Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 212 sur 212

Nombre de pages: 212

Notice complète:

Titre : Etudes ethnographiques / Dr E. Verrier I.,...

Éditeur : E. Leroux (Paris)

Date d'édition : 1906

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb435905407

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : IV-198 p. ; in-16

Format : Nombre total de vues : 212

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6541396r

Source : Médiathèque du musée du quai Branly - Jacques Chirac, 2013-160431

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/09/2014

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 100%.


: o y-riî f i , << <\ h H'. ■) >•'a^V.ino ;i>Mo 1 - J l'A' i >" J v*1 ly ■> m i v1' J

,. l À i i ? iJ ',,1- '■> 1

l ] v 'V r K r J, r'B i l G UX i i f M.i d.' î v * S- > ! '- i' 4 ; ;^; :: ;.&ÇV$: ■. -ïÙ Ç ,V;; g :-; l llVfvt




Do CTEUJR EUGÈNE T:KR R (K R (en 1896)


D* E. VER RIE R I. ii Secrétaire Général honoraire ce la Société d'Ethnographie Délégué de l'Alliance Scientifique Universelle

ÉTUDES ETHNOGRAPHIQUES

ERXEST LEROUX Editeur de la Société d'Ethnographie 28, Rue Bonaparte — PARIS 1906



ETUDES ETHNOGRAPHIQUES

SOP|VIflIÏ?E

Chapitres Pages Le Féminisme chez les Anciens 1 L'union libre et la polygamie i II Comment la femme est-elle sortie de la promiscuité primitive ?

ses aptitudes, son avenir. , 6 III La condition de la femme dans l'Orient et dans l'Egypte antiques 13

Centre et Sud de l'Afrique ! Nouvelle-Calédonie.

IV D'où viennent les populations du Centre de l'Afrique 35

hes populations au Sud du Zambèse V Cafres et Zoulous. 46 Boschemens et Hottentots 51


Chapitres Pages --' flu Pays da Nickel VI Les Canaques. 55

Orient moyen et extrême Orient VII Comment les Sémites pasteurs s'ininiti-ent au commerce. Le trafic de l'Ambre. 65

VIII Les origines de la philosophie Japonaise. 75

IX Japonais et Japonaises. 81

X Le sol Japonais. Traces du préhistorique au Japon. 89 XI Le Japon et l'Angleterre,. 95 XII Coréens et Mandchous. 99

Amérique Pré-Colombienne XIII Les Indiens ci' Amérique. 104 XIV Répartition générale des premiers Indiens el' Amérique. 110

XV Les Indiens dits Peaux-Rouges. 118 XVI Les populations indiennes de l'Ancien Mexique. 125


XVII La fin de l'Empire des Aztèques.. 134 XVIII Les Indiens du Centre Américain. 143

Amérique du Sud XIX Coup d'œil général sur l'ensemble des anciennes populations américaines 150 XX Les Indiens de l'Amérique méridicnale 155 XXI Les Caraïbes, Guaranis, Amazoniens, Andins et autres peuples sauvages de l'Amérique centrale du Sud. 162 XXII La civilisation- des Incas au Pérou et Fin du Royaume des Incas. 169 Araucans. 182 Botocudos. 186 XXIII Les populations de l'extrême sud du Continent américain. Patagons. Pampas, Fuégiens. 189


NOMENCLATURE DES FIGURES

1 Le D1' EUGÈNE VERRIER (en 1896) 2 Portrait de M. E. RKVILLOUT p. 11 3 Chanteuses Egyptiennes. 26 4 Femmes Egyptiennes allant puiser de l'eau au Nil 29 5 Portrait de feu G. DE MORTILLET. 33 6 Nègre tatoué et coiffé ; 37 7 Négresse du Tchad. 43 8 Femme Massaï en costume de fête 44 9 Nègre du Mozambique. 48 10 Canaque de la Nouvelle-Calédonie. 57 11 Portrait de M. G. DE DUBoR. 63 12 Carte du trafic de l'ambre. 72-73 13 Trois Types Aztèques du Yucatan. 129 14 M. L. DE ROSNY étudiant la sculpture et l'écriture du Yucatan. 131 15 Crâne déformé de quelques tribus Caraïbes 164 16 Portrait du Dr PHILIPPE REV. 177 17 Crâne déformé des Aymaras. 179 18 Femme Botocudo avec sa botoquc. 186


ÉTUDES ETHNOGRAPHIQUES

Le féminisme chez les Anciens

i

L'Union libre et la Polygamie.

On parle beaucoup dans certains milieux, et notamment chez des féministes, des avantages de l'Union libre.

Cette union a dû être la première forme du rapprochement des sexes dès l'origine de l'humanité.

Strabon (t. xvi, ch. iv, p. 25) nous dit en effet que dans la Troglodite les populations possédaient en commun les femmes et les enfants, sauf les chefs qui avaient des femmes et des enfants à eux. Le même auteur, p. 17, nous indique comme union libre la polyandrie qui existe dans quelques tribus de l'Arabie Heureuse. Il y a là une différence sensible, nous y reviendrons plus loin. Mais Hérodote nous affirme (t. 1, p. 21) que les Scythes possédaient leurs femmes en commun et il en donne comme raison que les Scythes devaient être tous frères et qu'étant si


proches ils n'éprouvent les uns contre les autres ni haine, ni envie.

Ce n'était pas là encore de la promiscuité puisqu'il y avait une raison d'être à cette union.

Chez les Anses, au contraire, la promiscuité était si complète que lorsqu'une femme mettait au monde un enfant vigoureux, tous les hommes de la tribu allaient le voir vers le troisième mois et celui d'entre eux auquel l'enfant ressemblait le plus le reconnaissait pour sien (t. iv, pag. 180)En Chine, jusqu'au règne de Fouhi, la tradition veut que les femmes aient été en commun (Goguet, Orig. des lois, t. HT, p. 35.) Dans les îles Andaman, toute femme qui résiste au désir d'un homme s'expose à une sévère pùnition (Trangaetions ethnographie Society, t, Il p. 35). Ce n'est pas ainsi je pense que nos féministes, partisans de l'Union libre, entendent y procéder.

Les Kourombas, sur le continent Indien, vivent en promiscuité dans chacune de leurs castes respectives (Roos-King, cité par Wake, in Evolution of morality, 1.1, p. 110).

D'après Campenhausen, quelques tribus de Cosaques auraient également vécu dans la promiscuité des sexes. Wake nous dit aussi (t. J, p. 205) que les Boschimen de l'Afrique du Sud offraient volontiers leurs femmes aux étrangers.

Il en est de même pour certaines tribus australiennes. Mai? la saleté souvent repoussante de


celles-ci n'était pas un encouragement à l'union sexuelle.

La -même coutume existait chez les Tasmaniens, et on la retrouve encore dans plusieurs îles de la Mélanésie.

A l'autre extrémité des continents, vers le pôle nord, chez les Samoyèdes et les Esquimaux, le laisser aller des mœurs sexuelles est extrême. Chez les Peaux-Rouges du Canada, les femmes tirent vanité du nombre d'hommes qu'ëlles ont hébergés (Cawer,* Traveler in North America, p. 245).

Tous les voyageurs savent combien les mœurs des Taïtiennes sont libres, et il suffit de lire les livres de Pierre Loti pour s'en assurer. Aussi M.

de Varigny constate-t-il la peine qu'ont les missionnaires pour enseigner aux femmes la chasteté dont le nom n'a pas de correspondant dans leur langue (Quatorze ans aux SCtndwich, p. 159).

Et cependant lorsque ces femmes sont devenues mères, elles se rattachent à un de leurs maris par les liens de l'enfant (Poster, Hist. universelle des Voyages, t. XV;, p. 132).

Je ne parlerai pas de la prostitution sacrée qui n'était pas la promiscuité et n'était d'ailleurs que temporaire; mais je dois dire un mot de la polyandrie.

C'est le premier échelon de l'Union conjugale.

Elle existe encore au Tibet et chez les Naïrs, L'infanticide chez les Chinois, constaté par


le Docteur Matignon, n'est pas une invention cléricale.

La vente des filles dans d'autres centres asiatiques et surtout la perturbation dans la proportion des sexes causée par la guerre des races ont été les causes principales qui ont fait persister si longtemps cette forme inférieure du mariage libre. Elle tend pourtant à disparaître pour faire place à un état qui choque moins nos sentiments et notre moralité.

La possession légitime d'une femme par plusieurs hommes est cependant, dans certaines contrées, la seule condition de la survivance de l'espèce.

C'est souvent entre frères, du reste, que se fait le partage, et l'enfant est à coup sûr, de la famille.

Ce qui n'existe pas avec l'union sexuelle absolument libre ; car alors les enfants sont élevés par la tribu et le clan, et nul ne peut se réclamer du titre de père.

D'ailleurs plus près de nous, à Rome, dans le peuple, les unions sexuelles étaient réputées animales, par opposition au mariage légal des classes supérieures qui date du moment où a commencé à se constituer la propriété et à se condenser les articles du droit romain qui servent encore de base à notre législation.

On avait dit de la plèbe : connubiapromiscua httbent more ferarum. Du reste le peuple de-


meura longtemps sans famille reconnue et la propriété lui était interdite.

Est-ce à ce joli état que les réclamants de l'union libre voudraient nous faire revenir? Pour ceux que le mariage légal (civil ou religieux, peu importe !) gêne, ils peuvent ne pas se marier, comme dit St-Paul : « Mariez-vous, vous faites bien, mais si vous craignez les charges de famille, ne vous mariez pas, vous ferez mieux ».

Ceux dont les passions ne sont pas contenues par la monoganie ont encore l'hétaïrisme qui dans nos sociétés modernes n'est pas trop mal porté.

Enfin, pour ceux qui sont malheureux en ménage, la loi du divorce est aussi une ressource, sans qu'il soit besoin d'aspirer au retour des mœurs barbares.

Il y a encore d'autres formes de mariage que je ne fais que citer, comme le rapt, l'achat de la femme, l'esclavage, si favorables à la natalité.

Mais, sous ce dernier rapport, aucune forme de l'union sexuelle n'est plus favorable que la polygamie, témoins les nombreux enfants du sultan, Outre que la polygamie répugnerait, en apparence, à nos mœurs civilisées, les enfants qui en résulteraient apporteraient un trouble si profond dans nos habitudes économiques qu'on peut affirmer que personne ne la réclamera. Car, pour le coup, la loi de Malthus aurait cent fois raison.


II

Comment la femme est-elle sortie de la promiscuité primitive ? — Ses aptitudes. — Son avenir.

De tous temps, même au début des âges quaternaires, quand la femme appartenait encore à la collectivité du clan ou de la tribu, c'était à elle qu'incombait le soin des enfants, et par cela même, elle eut dès le début de l'humanité une grande influence sur la famille.

Elle préparait aussi les repas pendant l'absence du maître retenu au dehors par la chasse, la pêche ou la guerre, confectionnait ses vêtements, réparait ses engins de chasse ou de pêche et pansait ses blessures au retour, de sorte qu'elle se rendait indispensable dans le clan.

D'un autre côté, l'attachement des fils devenus grands et faisant partie des guerriers de la tribu, les services que la femme rendait à tous lui-valurent la reconnaissance générale et ses avis, adroitement répétés dans le conseil par ses enfants mâles, lui assurèrent l'estime et le respect, non seulement de sa famille, mais du clan tout entier.Dès lors la femme était sortie de la promiscuité primitive.

J'en appelle aux voyageurs, explorateurs, anthropologistes et ethnographes qui ont pu


retrouver soit en Afrique, en Asie, dans les îles de l'Océanie,surtout en Australie,des peuplades sauvages en étant encore à la période néolithique, c'est-à-dire à la période correspondante de la pierre polie, s'ils n'ont pas apprécié le rôle de la femme dans la famille et dans le clan et si partout ils ne l'ont pas vue honorée et respectée.

IL n'y a absolument que les races sauvages les plus inférieures qui en soient encore à la promiscuité des femmes, et ces races tendent à disparaître de jour en jour.

Quant aux filles, elles restaient encore avec la mère quelques années avant d'entrer dans le gynécée primitif de la tribu d'où venaient les tirer ceux des mâles qui les avaient distinguées, et la maternité ne tardait pas à en faire des êtres réservés désormais pour l'éducation de la famille.Il n'est pas absolument prouvé, d'ailleurs, que la promiscuité ait existé partout,car nous retrouvons dans plusieurs espèces animales des couples isolés vivant à l'état sauvage.Ce qui existait, ce n'était pas sans doute: le mariage, mais ce n'était pas non plus cette union libre telle que l'entendent certains partisans des réformes sociales.

Quoi qu'il en soit, le rôle de la femme éducatrice qui convient si bien à ses instincts, développa singulièrement son cerveau et ses aptitudes.


Aussi n'est-il pas étonnant de retrouver dans les institutions de quelques peuples des survivances ethniques rappelant l'époque du matriarcat où la femme était le véritable chef de la famille, l'homme n'en étant que le pourvoyeur 1 et le défenseur. Et encore ce dernier rôle échut- il parfois à la femme, comme le prouvent les découvertes faites par Broca,dans la caverne de l'homme mort, en Lozère.

A cette époque reculée, le travail de l'homme était plus grossier que celui de la femme ; ce qu'il gagnait en fibres musculaires, il le perdait en finesse, au détriment de ses cellules cérébrales; aussi la femme jouait-elle un rôle important dans la préhistoire, et son indice céphalique l'emportait alors sur celui des hommes de la même époque.

Sur 21 crânes trouvés par Broca, dans la caverne dont je parlais ci-dessus, il y avait sept hommes et six femmes, plus des enfants et des individus douteux.

Or, les six femmes ont offert un indice céphalique moyen de 73,13, tandis que celui des hommes n'était que de 71,45.

Ces sujets appartenaient aux races intermédiaires entre l'époque de la pierre taillée et celle de la pierre polie.

En outre, les squelettes de femmes portaient des traces de blessures de guerre qui prouvaient qu'elles avaient dû défendre chèrement leur vie.

Depuis lors, la femme, par le fait du mariage,.


de la religion, et de ses occupations sédentaires, pendant la longue nuit du moyen-âge a reperdu plus que l'homme de sa capacité crânienne sur ses congénères préhistoriques. Elle est, sous ce dernier rapport,aujourd'hui inférieure à l'homme de 143 grammes.

Mais il faut tenir compte de la moindre taille de la femme, de son moindre poids total, de sorte que la différence serait peu ou pas sensible.

Nous pouvons donc conclure de ce simple aperçu que plus on remonte vers les premiers âges de l'humanité, plus l'égalité apparaît entre les sexes.

Ce qui semble donner raison aux traditions Brahmaniques de l'égalité parfaite des sexes au commencement du monde.

A dater de la Révolution de 1789, les femmes de France ont commencé à acquérir des droits à l'égalité civile, le régime dotal leur a donné aussi une certaine indépendance, et le divorce est venu compléter la liberté qui manquait à quelques-unes.

Qu'est-ce donc alors que réclament les féministes ?

N'y a-t-il pas chez les femmes des écrivains, des orateurs, des penseurs de talent, qui prouvent la mentalité à laquelle les femmes peuvent atteindre par la culture de leur esprit ? N'y a-t-il pas des femmes employées aux postes, d'autres dans l'enseignement, qui rendent les mêmes services que les hommes ?


Pour ce qui m'est persbnnel, je déclare que pendant vingt-cinq ans que j'ai été attaché à l'enseignement supérienr, j'ai remarqué qu'aussitôt que l'usage s'est introduit parmi nous d'ouvrir aux femmes l'accès de nos Facultés de Droit ou de Médecine, celles qui s'y sont fait inscrire ont obtenu un rang au moins égal à celui des étudiants masculins.

S'en suit-il qu'elles doivent toutes embrasser des carrières libérales ?

Personne de sensé ne répondra par l'affirmative parce qu'il faut que les charges d'un ménage soient réparties entre les époux, et que les-aptitudes de la femme que nous venons d'envisager, sont plutôt celles qui conviennent pour l'intérieur d'une maison, tandis que la force matérielle de l'homme L dégrgne immédiatement pour les occupations du dehors et le service militaire.

Celles d'entre les femmes qui pourront se suffire à elles-mêmes dans les carrières libérales feront bien de renoncer au mariage et aux joies de la maternité. Les autres, par leur instruction même, seront tout à la fois une compagne agréable pour leur mari et une éducatrice excellente pour leurs enfants.

Voilà l'avenir de la femme moderne, il me semble qu'elles seraient bien difficiles de ne pas s'en contenter.


Mo EUGÈNE Rewili^OUT Pfofesseup et Ccnsei<vateuP au Itouvire Diveeteuf de la evae Eçjyptologique Président de la Société d'Ethnographie



III

La condition des femmes dans l'Orient et dans l'Egypte antiques.

Parmi les merveilles que le siècle qui vient de finir a enfanté ou a vu se réaliser un mouvement d'émancipation extraordinaire en faveur de la femme.

Mon intention n'est pas d'en sui\ re l'évolution, je veux seulement rappeler ce qu'était la condition des femmes dans l'antiquité connue, le lecteur la comparera à celles de nos compagnes modernes.

Je diviserai cette étude en deux parties ; la première sera consacrée aux femmes d'Orient, la deuxième sera réservée aux femmes Egyptiennes.

1° L'histoire des migrations aryennes en ce qui touche aux nations Indo-Européennes, est une des plus belles découvertes de la science moderne.

Nos savants, pour la reconstituer, n'avaient aucun vestige figuré, pas d'armes, pas de monuments, d'écritures, ni de légendes, il ne restait pas plus de documents sur cet âge lointain que sur les habitants de cette Atlantide mystérieuse, évanouie subitement sous l'Océan, d'après Platon, et dont la mer seule a conservé le nom.

C'est en se basant sur la similitude des lan-


gues de l'Inde et des grammaires diverses de l'Europe que les savants sont arrivés à reconstituer le langage, la religion, les lois et les coutumes des Aryas.

Or, nous ne voulons de toutes ces découvertes si précieuses pour la science en général que retenir ce qui a trait à la femme. Nous trouverons à glaner, dans la religion et les lois, qui ont toujours marché de pair dans l'antiquité, et aussi dans les mœurs et les coutumes ethniques des Aryas primitifs et de leurs principaux rameaux.

Avant la codification des lois par Manou, onze siècles avant notre ère, la religion jouait déjà un grand rôle et l'inspiration divine fut pour les Indiens comme pour les Egyptiens la base, la source prétendue de toute civilisation.

Il est difficile toutefois de démêler avant la promulgation du droit indien les conditions qui régissaient le mode d'existence de la femme.Mais on peut sans crainte d'erreur affirmer qu'elle était sous l'influença de la théocratie des Brahmaoes.

Après la promulgation du Mânava Dharmasastra qui est le livre de la loi, il devint plus facile de démêler dans l'ensemble de ces lois les préceptes qui déterminaient la condition des femmes dans les diversss périodes de leur existence.

C'est ainsi qu'il existe d'après les lois de Manou, quatre castes principales: Brahmanes,


Kchatriga, Vaisya et Soudra. Dans ces castes, les femmes sont les égales de l'homme, mais, chaque fois qu'un mélange se produit entre une femme d'une autre caste que la sienne propre,

soit supérieure, soit inférieure, il y a production d'une autre classe et le nombre de ces nouvelles classes n'ont pas de limites. De sorte que les castes ou classes primitives pures de tout mélange et à la condition que la femme soit vierge au moment du mariage, sont réputées parfaites, tandis que les enfants des classes mélangées, réputées inférieures, sont vouées d'après la loi de Manou à l'éternelle damnation.

L'adultere qui, dans cet ordre, est une cause puissante de confusion des classes est très sévèrement puni.

L'égalité religieuse de la temme dans les classes pures de tout métissage ou mariage disqualifié, n'empêche pas qu'individuellement les organes féminins ne soient considérés comme impars et tout enfant venant au monde par cette porte, pourtant naturelle, est lui, un enfant souillé.

Mais comme dans le christianisme, ces enfants peuvent être purifiés de la tache originelle par certains sacrements régénérateurs, et surtout par des offrandes au feu qui effacent toutes les souillures que le contact des organes féminins comme du germe mâle a pu imprimer aux Dwidjas (classe mêlée).

On sait que l'homme ne peut atteindre le but


suprême, la fusion, l'absorption dans le sein de Brahma que par de grands sacrifices, de minutieuses privations. Les femmes remplacent ces observances par le mariage d'abord qui leur tient lieu d'initiation et ensuite par le zèle. auprès de leur époux, le soin de leur maison et l'entretien du feu sacré.

Ceci qui pourrait paraître un avantage, est, au contraire, une marque d'infériorité, -alors que le mari a un gourou ou directeur pris parmi les brahmanes, la femme, dont la destinée est de faire des enfants, n'a d'autre gourou que son mari, son initiateur. Il est le prêtre, le créateur, elle n'est que sa servante.

Alors même que la conduite de l'époux serait blâmable, une femme vertueuse doit toujours le révérer comme représentant de Dieu. C'est à ce titre qu'elle sera honorée dans le Ciel. Cette soumission au mari vivant est encore prescrite après sa mort.

Après cette mort,outre le jeûne et l'abstinence la femme n'a pas le droit de prononcer le nom d'un autre homme.

Bien que le nombre des enfants facilite l'accès près de Dieu, la femme qui aura pratiqué l'austérité et se sera conservée chaste ira droit au ciel à sa mort, quoique sans enfants. Mais celle qui par le désir d'avoir des enfants sera infidèle à son mari, encourt le mépris ici-bas et sera exclue après sa mort du séjour céleste où est admis son mari.


Celle qui abandonne son mari pour aller avec un autre homme d'une classe supérieure est méprisée dans C3 monde et désignée sous le nom de Parâpourvà. Celle qui au contraire trompe son mari avec un homme d'une classe inférieure à la sienne commet un crime énorme et après sa mort renaît dans le ventre d'un chaèal où elle est affligée d'éléphantiasis ou de phtisie pulraonaira. Enfin, une femme qui aura vécu convenablement suivant les lois de Manou, méritera d'ha- biter la même.demeura céleste que son mari et elle sera appelée bienheureuse par tous les gens de bien.

C'est donc grâce à l'homme et par lui seul que la femme peut arriver au Céleste séjour et son saliit serait impossible sans l'assistance de son mari.

II est une autre distinction qui porte sur le berceau. Lorsqu'un garçon naît dans un ménage, ce sont des fêtes, des réjouissances, des prières, adressées à Dieu. Si c'est une fille, au contraire, elle entre dans ce monde inapperçue, un silence de mort règne autour de son berceau.

Aucun sacrement accompagné de prières n'est accompli pour elle.

De même que l'homme a des devoirs à remplir envers Dieu, la femme en a à remplir envers son mari. Elle se prosternera, abdiquera toute dignité et n'obtiendra son salut qu'en sacrifiant sa personnalité et malgré sa ressemblance phy-


sique avec son seigneur elle ne doit so souvenir que de sa petitesse et de sa sujétion. Que son mari soit fidèle ou volage, qu'il soit doux, bon ou qu'il la maltraite, cela est indifférent et la moindre rebellion dans ses humbles fonctions compromettrait sa vie future.

Si la femme jSjuryit à son mari, malheur à elle.

Nous l'avons déjà vue, vivre de privation et mourir chaste et désignée sans l'espoir d'un nojuvefyu naqfige. ( Plus tard la loi de Manou sera plus exigeante encore. En effet dans les âges suivants le mal envahissant le monde et l'esprit d'impiété se répandant de plus en plus sur la tsi re, la veuve ne pourra plus être considérée comme vertueuse que par le sacrifico de sa propre existence.

C'est alors qu'elle monte sur le bûcher et désormais sa fidélité post conjugale ne peut être mise en doute.

Le lent suicide amené par l'abstinence progressive laissant le scepticisme envagir l'esprit des hommes, les sièles postérieurs à Manou verront s'accomplir cette monstruosité au nom de la religion, l'incinération de la femme vivante sur le tombeau de son mari mort !

Quant à celles dont le péché est public, elles sont impitoyablement condamnées devant Bralima, sans espoir de pardon, parccque la femme privée de la connaissance des lois et des prières expiatoires, ne peut racheter son péché. Son fils même doit réciter le texte sacré qui expie, non


la faute de la mère, mais celle qui pourrait retomber sur lui du fait de l'adultère. « Ce sang que ma mère infidèle à son époux a souillé en alJant dans la maison d'un autre, que mon père le purifie 1 » -' L'avilissement de la femme coupable, va jusqu'à son assimilation avec le Soudra qui est la dernière des classes primitives. Et ni la femme ni le Soudra n'ont permission d'ouvrir les livres sacrés, par conséquent ils ne sont admis ni l'un ni l'autre au bienfait de la purification.

Voilà pour le côté religieux et si la religion fait de la femme une esclave, le droit renchérit encore sur cet avilissement.

Si nous voulons retrouver la source de l'infériorité traditionnelle de la femme,il faut la chercher dans la religion Brahmanique et le droit Hindou. Du reste toutes les civilisations de cette époque étaient unitaires, les lois et la religion formant les mœurs d'une nation et constituant son homogénité. La pensée était pauvre et la science était l'apanage des seuls prêtres qui faisaient eux-mêmes les lois.

Voyons, à cet égard ce qui se passait en Assyrie et en Chaldée : On sait qu3 rien n'est resté de l'ancienne gloire Chaldéo-Assyrienne. Les monticules que l'on rencontre ça et là dans la vallée du Tigre et de l'Euphrate recouvrent les débris de villes jadis puissantes et aujourd'hui ensevelies sous les sables du désert, laissant moins de traces de


leur antique splendeur qu'on en trouve en Egypte et dans l'Inde.

Ici nous n'avons plus affaire avec les Aryas.

Ceux-ci, d'après la tradition biblique, seraient des Japhétistes comme la plupart des Européens. Les Chaldéens au contraire auraient {t;S des Chamitcs et les Assyriens des Sémites comme les Juifs et les Arabes.

Aussi allons-nous trouver des différences sensibles dans la condition des femmes, et si le climat est pour quelque chose dans ces conditions, nous devrons trouver des différences entre les mœurs féminin s s de la Chaldée et celles de l'Assyrie.

Cette dernière s'adossant aux contreforts du Taurus, de l'Arménie et du Kurdistan offre un sol incliné,un climat moins sec et moins brûlant que celui de la Chaldée. La flore du reste n'est pas la même et on y retrouve nos essences d'Europe et les mœurs primitives durent y être plus sévères que dans la Babylonie qui se rapproche au contraire du climat de l'Inde ; c'est pourtant là, sur les bords de l'Euphrate que s'amassèrent les trésors du monde antique et qu'une civilisation brillante entre toutes l'emporta en gloire et en magnificence sur la partie supérieure des fleuves fameux dans l'histoire.

L'écriture cunéiforme, déchiffrée, en partie par J. Oppert, comme l'avaient été les hiérogliphes Egyptiens par Champollion, semble indiquer que si les Chaldéens sont bien des Chami-


tes, les Assyriens seraient des Sémites, car l'assyrien parlé à Ninive était absolument différent du suméro-accadien de Babylone.

Les stèles font foi de cette différence et nous pouvons encore au point de vue de la condition des femmes, constater ces deux origines.

En effet, on sent dès les premières traditions historiques, après les gigantesques expéditions de Ninus qui soumit la moitié de l'Asie et fonda Ninive, que la femme, malgré ce que pouvait avoir de dur le caractère assyrien, y était respectée et libre. C'est Sémiramis, la première d'entre-elles, dont les exploits furent plus extraordinaires encore que ceux de Ninus et qui, devenue reine par sa beauté autant que par son génie, rendait les hommes fous d'amour, domptait les -peuples, élevait de splendides cités, construisait des ponts et des chaussées à travers les fleuves et les montagnes et dont la légende merveilleuse exerça sur l'imagination des hommes un prestige venu jusqu'à nous.

C'est elle qui, suivant dans ses conquêtes le cours de l'Euphrate, fonda Babylone et c'est ainsi que les Assyriens se mêlèrent aux Chaldéens pour créer cette civilisation ChaldéoAssyrienne, fusion du génie de deux races, dont les lois, les arts et le langage avaient fini par se confondre.

La religion n'avait pas l'influence qu'elle eût dans le pays des Brahmanes, et l'ont voit as-


semblés sur les bas-reliefs de Ninive des démons et des Dieux.

Le prêtre, proprement dit, cédait le pas aux mages et aux présages pour lesquels l'astrologie tenait lieu de science.

Le droit eut donc ici plus d'influence sur la condition des femmes chaldéo-assyriennes que sur celles de l'Inde, dominées par l'idée Brahmanique de Manou.

Mais les guerres intestines entre Ninive et Babylone, la cruauté épouvantable dont les monarques faisaient preuve de part et d'autre ne laissait guère de loisir de s'occuper de droit et les lois étaient conformes aux caprices des Rois qui entretenaient dans leur palais des armées de concubines.

Le souvenir légendaire de Sémiramis et Ja faveur royale préservaient les femmes d'une plus abjecte condition.

Les divinités assyriennes la plupart au corps d'animal et à tête humaine ne garantirent pas Ninive de la ruine et Babylone resta seule la capitale incontestée de l'Empire Chaldéo-Assyrien.

Les guerres entre l'Egypte et la Chaldée avaient eu leur contre-coup sur la Pliénicie et la Judée placées toutes deux sur le passage des armées belligérantes et les Juifs de race Sémitique furent emmenés prisonniers à Babylone.

Ils surent que la déesse Istar, la Vénus babylonienne, passa pour être descendue aux enfers


à la recherche de son fils, mort prématurément.

Mais arrivée dans le sombre séjour, la déesse de ce lieu, plus puissants qu'elle, la retint prisonnière et la frappa de plusieurs maladies.

Mais les Dieux puissants ordonnèrent à la grande déesse des enfers de relacher Istar, parce que la désolation était sur la terre et que l'amour n'entretenait plus les générations humaines qui menaçaient de s'éteindre. Cette légende appelle l'attention sur la condition des femmes puisqu'on en faisait des déesses auxquelles on attribuait un certain pouvoir.

Mais l'Assyrien, contrairement à ce que nous verrons en Egypte, ne peint que très exceptionnellement la femme ou il n'en fait que la caricature. La femme n'a point posé devant les sculpteurs chaldéens qui ne représentaient que des Dieux, des Rois ou des guerriers. On voit néanmoins les femmes figurer dans des contrats de vente, mais les tombes ne nous ont pas livré leurs secrets comme en Egypte et un Manou ne nous a pas révélé leurs devoirs.

Ce qu'on peut dire c'est que l'absorption des anciens Chaldéens s'est faite peu à peu et que, surtout après le transport des Juifs à Babylone, les Sémites ont fini par absorber complètement les Chamites.

Sur quelques bas-reliefs on peut à peine présumer que les femmes assyriennes, semblables à toutes leurs sœurs, se préoccupaient fort de ce qui pouvait ajouter à leur grâce naturelle et que


parmi les mille bijoux, parfums ou étoffes que la guerre mettait à la merci de leurs maris, elles trouvaient de nombreux éléments à leur passion d'élégance et de coquetterie.

Nous les savons généralement de race sémitique, on pourrait donc sans métaphore les comparer aux filles de Sion dont parle le prophète Isaïe dans l'ancien Testament.

Si l'on a supposé la monogamie chez les Ninivites, peuples rudes et austères, la polygamie était largement pratiquée à Babylone, au moins chez les Rois qui s'amollissaient dans le séjour des harems, d'après ce que nous raconte le prophète Daniel. Nous y voyons aussi que l'usage n'était pas de tenir les femmes enfermées, dans cette voluptueuse capitale.

Toutefois la polygamie des rois n'empêchait pas quiil y eût une femme qui seule entre toutes les autres eût réellement le titre d'épouse et partageât les honneurs royaux. Sa dignité ne lui permettait même pas de se mêler aux autres femmes dont le Roi, son époux, s'entourait dans ses orgies. Ces dernières atteignaient dans ces fêtes nocturnes les extrêmes limites de la débauche.

Nous devons à Hérodote de très curieux détails sur certaines coutumes relatives au mariage et à la prostitution sacrée.

Ces détails, qu'on retrouvera dans l'historien grec, ne sont pas à l'avantage de la femme et la mémoire de Sémiramis n'a pas préservé même


les plus riches ou les plus belles de la prostitution sacrée au moins une fois dans leur vie.

Nous avons rappelé la transportation des Juifs à Babylone. La femme juive était très dépendante, on la considérait comme une propriété que l'on achetait à son père en l'épousant et dont on devenait le maître presque absolu.

Mais elle n'était pas enfermée et lorsqu'elle était douée de qualités exceptionnelles, elle pouvait être appelée à jouer un certain rôle dans la Société juive. Cela n'empêcha pas que la stérilité dans le mariage fut un opprobe et lorsqu'un homme mourrait sans enfant, son frère puîné était obligé d'épouser sa veuve. Si le frère ou un autre parent refusait d'épouser la veuve, celle-ci était obligée de se rendre à la porte de la ville ou sur les hauts lieux pour s'y prostituer.

Dans l'ancienne loi, la polygamie existait en Israël. 'Jacob avait épousé les deux sœurs et le sage Roi Salomon avait plusieurs centaines de femmes ; on se les procurait par voie d'achat La virginité était très estimée chez les Juifs.

La foi conjugale respectée surtout par La femme et l'adultère de celle-ci puni de mort.

Quant à l'homme cette peine n'existait pour lui que s'il s'était fourvoyé près d'une jeune fiancée* ou près d'une femme mariée.

Les autres Sémites de la Palestine étaient encore plus voluptueux que les Israélites et le chapitre VIIJ du Lévitique menace ceux-ci de


peines sévères qui auraient pris les pécliés les plus habituels des Philistins ou des Tyriens chez lesquels l'inceste et les vices contre nature étaient fréquents. Mais, à côté de ces écarts possibles, les femmes juives étaient aptes à hériter et la mère de famille avait droit au respect de ses enfants tout comme le père (Exode).Il ne me reste plus, après les renseignements touchant la condition des femmes dans l'antique Orient qu'à rappeler ce qu'elle pouvait être en Egypte.

r* ■. Chanteuses égyptiennes

Déjà nos lecteurs savent que les femmes égyptiennes n'étaient pas exclues du trône et


que plusieurs d'entre elles ont honoré la royauté.

D'autre part elles figuraient dans les cérémonies religieuses, celles de haut rang officiaient aux côté du roi ; quant aux femmes du peuple, elles composaient le rôle des pleureuses, des danseuses et dès chanteuses sacrées.

Diodore de Sicile attribuait ces honneurs au souvenir laissé en Egypte par le rôle glorieux de la déesse Isis..

Quoiqu'il en soit ces deux constatations suffisent pour nous prouver que la femme en Egypte était honorée et heureuse, par conséqnent que la civilisation égyptienne différait profondément de celle de l'Inde autant que l'origine de ces deux peuples.

Les Instructions de Plilciho 'ep retrouvées dans son tombau, donnent la i\ cette du bonheur en ménage : « Si tu es sage, munis bien ta maison, aime ta femme sans querelles, nourris-la, parela, c'est le luxe de ses membres. Parfume-la, réjouis-la le temps que tu vis; c'est un bien qui doit être digne de son possesseur. Ne sois pas brutal. »

En Egypte, les Sémites avaient envahi la vallée du Nil dès les temps préhistoriques. D'autres migrations composées de Chamites avaient traversé la mer rouge au détroit de Bab-el-Mandel et de là, après avoir envahi la haute Egypte et la Nubie, par suite de commerce ou de conquêtes ces Chamites descendant le cours du Nil s'étaient mêlés dans la vallée du fleuve avec


les premiers sémites envaltisseurs. Le mélange se fit, mais Thèbes conserva toujours la prééminence pour les descendants de Cham, tandis que ceux de Sem, renforcés encore par l'invasion des Hyksos (arabes sémites) et l'immigration des Juifs a l'époque de Joseph peuplèrent la Basse-Egypte.

• On a vu le rôle malheureux de la femme dans l'Inde, le rôle effacé qu'elle avait dans la Chaldéo-Assyrie, celui de la femme Juive en Palestine, on va voir, au contraire, en Egypte, la condition de la femme s'élever dans la loi et la considération et ouvrir par là même, aux législateurs grecs, venus étudier l?s lois égyptiennes à Memphis et à Thèbes, l'ère de l'affranchissement féminin dont l'évolution nous amènera à la femme européenne au XX" siècle.En Egypte pourtant un temps vint où de bel les esclaves blanches amenées par des marchands étrangers ou des noires, capturées pendant la guerre vers le haut Nil, amenèrent peu à peu la transformation des mœurs presque rigides de la vieille Egypte.

Des harems turent construits à grands frais et la polygamie des riches particuliers naquit en Egypte au contact de la voluptueuse Asie.

Le peuple, l:s fellahs continuèrent leurs coutumes séculaires et l'on vit, comme on l'avait toujours vu, la femme du peuple qui, la cruche sur la tête, allait avec ses compagnes puiser de l'eau au fleuve sacré.


Femmes égyptiennes allant puiser de l'eau {J j au Nil.

Hérodote et tous les tombeaux sont d'accord pour affirmer le mariage monogamique en Egypte. Mais 400 ans plus tard, Diodore avait constaté l'existence de la polygamie.

Malgré cette coutume venue de l'étranger, les femmes de race égyptienne pure, et mariées suivant leurs rites, jouirent toujours de droits particuliers que n'avaient pas les concubines. Pourtant les enfants des unes et des autres étaient reconnus légitimes, élevés ensemble et héritant également.

L'éducation de l'enfant n'était d'ailleurs pas coûteuse dans la vallée du Nil et le père pouvait se payer à bon compte le luxe d'une nombreuse lignée.


Dans l'ancienne Egypte, avons-nous dit, la femme occupait une situation très élevée et dans les bas-reliefs inscrits sur les tombeaux et les monuments de cette époque, on voit la grand'mère maternelle prendre le - pas sur tous les autres membres de la famille. Un homme se dit le fils de sa mère et non le fils de son père.

Les filles sont chargées des soins de leurs parents âgés. Ce qui semble bien une survivance ethnique du matriarcat.

Quoi qu'il en soit, le Scribe Ani adressait à son fils ces conseils : « Garde-toi de la femme du dehors, ne la fréquente pas, elle est semblable à toutes ses pareilles..,. C'est une eau profonde et tous les détours en sont inconnus.» Il lui recommande surtout de se méfier de la femme mariée.

« L'homme commet toutes sortes de crimes pour cela seul. »

Plus récemment la dot que la femme recevait de son mari lui était garantie par une sorte d'hypothèque reposant sur les biens de celui-ci, et s'il était ou devenait insolvable les droits de la femme primaient ceux de l'Etat.

Il va sans dire que dans ces conditions la femme fut maîtresse absolue de sa maison jusqu'au temps de la décadenc?, comme en témoigne Diodore, de Sicile, qui put constater le fait : « Chez ls particuliers, dit-il, l'homme appartient à la femme et il est généralement stipulé au contrat que l'homme lui doit obéissance. »


En tous cas, Hérodote avait dit, quatre siècles auparavant que, «c'était aux femmes qu'incombait le soin de s'occuper du commerce, tandis que les hommes, renfermés dans leurs maisons, travaillaient à la toile. » Il est certain que pendant la durée des différents empires en Egypte, la condition des femmes a du varier souvent, mais que plus on remonte dans l'antiquité, plus cette condition a du se rapprocher de la communauté primitive.

Il y eut même une époque où les Egyptiens, comme la plupart des peuples primitifs,n'avaient pas un grand souci de la vertu de leurs femmes et les anciennes mœurs n'ont-elles pas du être bien sévères pour la femme. C'est ainsi que, d'après Hérodote, le roi de Khéops, I3 fondateur de la grande pyramide, manquant de fonds pour terminer son ouvrage, envoya sa propre fille dans une maison de tolérance pour y amasser l'argent dont il avait besoin, en vendant ses faveurs. Une femme n'ayant pas trompé son mari était une chose fort rare et l'on raconte que la fille d'un prêtre d'Ammon, qui avait accepté les propositions d'un père de famille, ne lui accorda ce qu'il demandait qu'après s'être fait donner un testament en bonne et due forme de toute sa fortune, et, dans la crainte que ce testament de fut contesté par les enfants du père de famille, d'avoir fait tuer ceux-ci du consentement du père.

Si cela est vrai, ce ne sont plus des vices de


conduite, mais des crimes affreux qui n'étaient le partage que de quelques familles exceptionnellement corrompues, bien qu'appartenant à l'aristocratie religieuse.

Voilà pourquoi sans doute le papyrus Prisse, composé il y a cinq mille ans, définissant la femme égyptienne « un faisceau de toutes les méchancetés, un sac plein de toutes sortes de malices. »

Le climat du pays-permettait aux Egyptiens de vivre en plein air, et en raison de Ja .liberté laissée aux femmes, on les voyait cheminer portant une chemise collante, allant du col aux chevilles. Les dames de qualité passaient sur cette chemise une robe d'une étoffe fine et transparente, et les danseuses, parmi lesquelles se trouvaient des femmes de mœurs légères, ne mettaient que la robe transparente qui laissait voir à travers ses plis vaporeux les formes de leurs corps et les mouvements de leurs membres. Les esclaves et les servantes restaient nues avec une étroite ceinture.

Le goût des bijoux était très répandu dans les deux sexes, de même que l'usage de perruques, et les femmes employaient déjà des fards et autres produits de l'art du parfumeur.

Dans les festins, la présence des femmes était un attrait que ne connaissaient ni la Chaldée, ni l'Inde. A table, on ne séparait pas les époux l'un de l'autre et l'intimité conjugale se trouvait jusque dans les tombeaux.


FEU GAB'jRIS 1j DE MOJRTIILILIET aneien Ppoîesseu? à l'Seole d'anthitopologie pondateur du Jvîusée de Si Cefimeiitx auteur du Ppéhistofieue.



Centre et Sud de l'Afrique. Nouvelle Calédonie

IV

D'où viennent les populations du Centre de l'Afrique ?

J'ai, dans une conférence, faite à la Société Africaine de France, en 1890, expliqué, d'après la Science Sociale, comment s'étaient peuplées les différentes zones des déserts du Nord de l'Afrique et comment on pouvait diviser ces immigrants d'après les espèces appropriées d'animaux qu'ils avaient dans leur pays d'origine et qui leur imposaient un mode spécial d'existence.

Etant donné que le point de départ de ces migrations était le steppe asiatique, où florissait et florit encore l'art pastoral et la famille patriarcale, nous aurons successivement la zone des pasteurs cavaliers, celle des pasteurs chameliers, puis des pasteurs chevriers et, enfin, la zone des avants-déserts (Reclus, t. 11, p. 786-89), peuplée par les pasteurs bouviers.

C'est là, c'est sur la limite des forêts profondes de l'Afrique Equatoriale que se sont arrêtées ces migrations pastorales, empêchées de s'avancer davantage par les circonstances du lieu et la présence de la mouche têtzé, dont la


piqûre est mortelle pour les animaux domestiques.

Or, cette région des forêts recélait déjà dans son sein une population surabondante vivant de chasse, de pêche et des produits de la cueillette des fruits naturels avec un rudiment d'agriculture.

D'où venaient ces populations ? Voilà ce que nous allons tenter d'établir auj ourd'hui.

Disons d'abord qu'il s'agit ici de races nègres, et qu'on trouve en Afrique presqu'autant de races nègres qu'il y a de races blanches dans le reste du monde.

Mais, pour la facilité de l'étude, nous diviserons ces nègres en deux grands types, admis, du reste, par tous les sociologues : les Bantous et les Chilouks, ces derniers occupant le degré le plus infime de l'échelle sociale.

Chilouks, les Niam-Niams antropophages ; Chilouks, les Accas de taille exiguë ; Chilouks aussi les populations chassées de la région montagneuse de l'Est par la venue de races supérieures.

On trouve çà et là, parmi ces populations, des femmes stéatopiges, comme la Vénus Hottentote du Muséum d'Histoire Naturelle de Paris. D'où l'on conclut, hypothétiquement, que les Hottentots du Sud de l'Afrique habitaient primitivement la région des forêts d'où ils auraient été repoussés par de nouveaux venus.

Que l'on interroge les Chilouks comme les


Bantous, sur leur pays d'origine, tous vous montreront le Nord-Est comme étant le point de leur arrivée sur le continent africain, c'est-àdire l'isthme de Suez ou le détroit de Bab-ElMandeb. Mais ils n'ont pas d'histoire et ne peuvent donner aucune preuve à l'appui de leur assertion.

D'ailleurs la différence profonde qui existe anatomiquement et physiologiquement entre le nègre vrai et le blanc, même fortement pigmenté, laisse supposer que les nègres ne peuvent être des descendants d'un des enfants de Noé.

Cham était blanc comme ses frères, et l'on a vu dans la Babylonie, les Chamites et les Sémites vivre ensemble, les uns près des autres, sans

Nègre tatoué et coi fie (Côte Occidentale d'Afrique) Bantou.

qu'on puisse les distinguer autrement que par leurs tribus d'origine. (J. Baissac, Les Origines de la Religion, t. i, p. 15, Paris, 1877).D'autre part, les modifications que le lieu


habité pouvait imposer à de nouveaux venus étaient insuffisantes pour transformer un blanc en nègre et des cheveux fins, bouclés ou droits, en véritable laine comme se trouvent les cheveux lanugineux du nègre.

Il faudrait donc admettre une création spéciale pour l'Afrique, comme il faudrait er admettre une autre pour les peuples de l'ExtrêmeOrient : Chinois, Japonais, etc.. et tous les Touraniens en général.

C'est là ce qu'on appelle la polygénie, par opposition à la monogénie,c'est-à-dire à la création adamique, d'après la Genèse.

On peut encore supposer, ce qui n'est pas inadmissible, que le déluge n'a été universel que pour les peuples connus du temps de Noé, et que les noirs comme les jaunes,, ont échappé à la destruction.

Enfin, il nous faut mentionner l'hypothèse Darwiniste, qui voudrait faire descendre l'homme du singe anthropoïde. Or, il y a bien; en Afrique centrale, le chimpazé et le gorille.

A ce sujet je ne puis m'empêcher de protester contre une supposition de M. Metchnikoff qui, pour combler l'énorme hiatus existant entre l'anthropoïde et l'homme rappelle le fait d'Inaudi, né de parents piémontais sans culture intellectuelle, qui était de force, à l'âge où les autres enfants balbutient à peine les éléments de la grammaire et du calcul, de résoudre les problè-


mes les plus ardus des mathématiques, sans même se servir de la plume.

Ces enfants prodiges, comme était aussi Pic de la Mirandole, sont des exceptions, je dirai presque des monstruosités, et en cas de paternité ils ne produisent que des sujets ordinaires.

M. Metchnikoff (Etude sur la Nature Humaine, lre part., ch. III, p. 74) suppose qu'une femelle d'anthropoïde, chimpazé ou autre,aurait donné le jour à un homme-singe possédant les attributs intellectuels de l'humanité.

Il n'ignore pourtant pas que le cerveau des plus grands anthropoïdes pèse à peine 500 grammes, tandis que celui des nègres les plus inférieurs, Boschimen ou Botocudos, dépasse 900 grammes.

Et la forme du crâne ? pense-t-il que pour loger un pareil cerveau les dimensions du petit bassin et le rapprochement de l'arcade pubienne chez la femelle anthropoïde en eût permis l'expulsion ?

Or, je ne sache pas que la gent simienne ait jamais employé d'accoucheur?

Enfin, dernier argument, pour que cet hommesinge pût se reproduire et donner naissance à la série, n'eût-il pas fallu que la susdite femelle d'anthropoïde mit aussi au jour une fille-singe pour l'usage que l'on sait ?

Laissons donc de côté ces élucubrations fantaisistes et tenons-nous-en, même en admettant l'origine animale de l'humanité, au pithécantrope


de Java ou à l'anthropopitèque de Gabriel de Mortillet.

Mais rien n'est moins démontré et les transformistes, auxquels beaucoup de formes animales donnent raison, sont obligés de s'arrêter dans leurs conjectures au seuil de la création.

Aussi, dans l'état actuel de la science et jusqu'à preuve contraire, le sociologue est obligé de s'en référer à la Bible, dont l'admirable récit sur la création en six époques géologiques (les six jours de la Genèse) donne la meilleure solution actuelle sur les origines de l'humanité.

Nous examinerons maintenant comment et par où se sont introduits les nègres dans le continent africain.

Pour cela je suivrai ces peuples migrateurs l'histoire à la main et, pour ne pas être taxé d'avoir compté sur mon imagination, j'indiquerai avant de continuer les sources où j'ai puisé.

D'abord la Revue La Science Sociale, t. iv, v, vi, vii et vin ; ensuite le docteur Livingston: Explorations de l'Afrique australe; F. Lenormand : Histoire ancienne de VOrient ; Champolion-Figeac: L'Egypte ancienne (Univers Pittoresque, t. m) ; Hovelacque : Les Nègres de VAfrique Equatoriale; Vivien Saint-Martin: Dictionnaire Géographique, art. Abyssinie-Galla Reclus - t. x et xiii ; La Genèse, ch. vin et ix, etc.

Ce n'est pas pour faire un vain étalage d'érudition que je cite ces auteurs, mais pour don-


ner à mon travail toute l'autorité possible étant donnés les nombreux opposants à la tradition biblique.

F. Lenormant a démontré (loc. cil., t. i, p. 171) d'une façon indiscutable, que les sociétés, qu'elles soient composées de blancs ou de noirs, obéissent absolument et de la même façon aux règles générales déterminées par la science sociale. Mais, de même qu'il existe entre le blanc et le noir des différences physiques et psychiques, de même il existe aussi des différences sociales. C'est ainsi que M. de Préville a prouvé que nulle part le nègre ne s'établissait sous le régime patriarcal.

Tous les explorateurs du centre africain savent que le nègre, s'il n'y est pas amené par la contrainte, ne pénètre pas dans les déserts où l'organisation patriarcale est rendue nécessaire par les circonstances du lieu.

Les Buschmen, les Hottentots et les Cafres, au Sud de l'Afrique, ne sont pas des nègres.

Partout le nègre est cultivateur imprévoyant, ne mettant en valeur que le sol strictement nécessaire à ses besoins du moment, c'est la culture rudimentaire. D'ailleurs, privé d'animaux domestiques il ne saurait en être autrement pour lui.

Si on consulte les peuples les plus voisins, ils vous diront tous que le nègre est un inconnu, un étranger, qu'ils l'ont trouvé occupant déjà les


lieux où la vie est difficile et repose sur le travail pénible de la culture du sol.

M. de Pré ville a démontré (Scienoe Sociale, tome 8, p. 145 et 146) que le point initial à {pqrtir duquel s'est, opérée la diffusion de la race noire dans le centre africain, .c'est la haute contrée d'oit découlent à la fois le Nil bleu et le Nil blanc.

C'est précisément en cet endroit qu'aboutissent les deux grandes voies de communication de l'Asie à l'Afrique ; l'isthme de Suez avec la vallée du Nil d'u,ne part et le détroit de Bab-elMandeb d'autre part.

La première route donne accès aux migrations des peuples de la Palestine, du L:pan, du voisinage de la mer Egée et des plaines cultivables d'Antioche et d'Alep.

La seconde ouvre la voie aux populations de la vallée de l'Euphrate qui, suivant le Golfe Persique, cotoyant l'Arabie, rencontrent sur leur passage les terres cultivables de ce qui sera un jour le royaume de Saba et aboutissent au détroit de Bab-el-Mandeb.

Dans cet exode, ces .é migrants n'ont rencontré partout que terres en culture ou en état d'être cultivées, mais poussées par des causes inconnues ils ont continué leur double exode, traversant des cantres urbains et en adoptant le régime (Lenormand, t. m, p. 268), avec l'agriculture complémentaire.

Il ne faut pas voir le noir sous le fouet du planteur américain, car là il n'est plus libre et •


doit faire fructifier par la culture, sous un ciel meurtrier, une terre dont il n'aura pas la récolte!

Seul, en effet, de toutes les races humaines, le nègre peut se livrer au travail sous les rayons perpendiculaires du soleil et dans des conditions d'insalubrité telles, que le blanc ne pourrait même pas vivre à rien faire.

Négresse du Tchad (Chilouk) Avec la double perforation labiale et nasale.

Etant donc donné que la culture est pour le nègre une passion (Livingstone, p. 532), sa caractéristique sociale sera de se réunir en gros villages, mais par quel chemin est-il arrivé pour constituer ces villages dans les clairières de la grande forêt équatoriale?

Or, le régime urbain amène des dégradations dans l'ordre moral, social et familial. Nous constatons ce fait tous les jours dans nos villes de l'Occident. Il fournit une quantité d'individus isolés, expulsés par la misère ou la police des villes, et incapables de reconstituer une société sérieuse.


Tels sont les nègres de l'Afrique centrale, les Chilouks surtout, qui sont incapables de défricher des territoires occupés par des forêts, mais suffisants pour une culture rudimentaire qui n'exige pas une organisation stable, ni même la constitution d'une famille.

Incapables de défendre le sol où ils se sont implantés, ils ont été repoussés de proche eu proche et sont, plus tard, devenus la proie facile des marchands d'esclaves.

Femme Massaï en costume de fêle (Région montagneuse de l'Est Africain.) Race supérieure.

- Si l'on trouve encore chez les nègres africains quelques tendances à la vie patriarcale, on peut assurer que ces nègres sont des Bantous et qu'ils descendent de Sémites vivant côte à côte avec les Chamites et s'étant glissés avec eux jusqu'au point de réunion des immigrants en Afrique.

Pour rester fidèle à la tradition et ne pas prendre la tangente par des hypothèses plus ou moins fondées, j'admettrai, avec M. Lenormand


(t. ii, p. 236 et suiv.), que les terres de Chus, de Merraim, de Shut et de Canaan a\ aient conservé les noms des quatre fils de Cham, qui les avaient mises en culture, tandis que les fils de Sem et de Japhet avaient adopté, les uns l'art pastoral et les autres la grande culture.

En outre, les Chamites, désorganisés par le régime urbain, joignaient à la culture rudimentaire le commerce, qui était déjà florissant en Palestine et dans les villes de l'Euphrate.

Ils ont envahi peu à peu les terres cultivables de l'Arabie en laissant à celles qu'ils avaient défrichées les noms des fils de Cham.

Repoussés jusqu'en Afrique des terrains qu'ils occupaient en Palestine et en Arabie, de longs siècles avant notre ère (Lenormand, page 260), les Adites (Ad était un des petits-fils de Cham), se réunirent avec les autres Chamites, sur les plateaux Ethiopiens, quoique ayant suivi deux voies différentes, et, longtemps après la concentration opérée, ils durent, pour des raisons de force majeure dont je n'ai pas à m'occuper ici, se diffuser à l'intérieur de l'Afrique et s'éparpiller dans la grande forêt équatoriale.

Telle est l'origine des populations du Centre de l'Afrique.


Les Populaîions au sud du Zambèze

v

Cafres et Zoulous

Le Zambèze, on le sait, est un fleuve africain large et rapide qui court de l'ouest à l'est et va se jeter par plusieurs embouchures dans l'Océan Indien, non sans avoir donné lieu à des chûtes célèbres appelées les chûtes ou cataractes Victoria.

Ce fleuve divise donc l'Afrique en deux parties inégales. Toutes les races nègres dont nous avons parlé dans nos 3e et 4e études, sont au nord du fleuve; nous allons maintenant envisager les populations qui sont au sud du Zambèze.

La plus importante par le nombre et son degré de civilisation et aussi une des plus anciennes est sans contredit la population cafre, qui comprend plusieurs groupes ou sousgroupes dont les principaux sont les Bechuamts, les Bassouto, les JIu tébélés, les Makolos qui ont une histoire et ont joué un rôle important dans


les démêlés de l'Angleterre avec le Portugal, les Kaflirs et les Zoulous, non moins célèbres que les Makolos.

C'est dans un combat de Zoulous contre les Anglais que le fils de Napoléon III a perdu la vie.

Chacun de ces groupes a son roi et ses lois propres, mais ils forment comme une grande fédération.

Le temps et l'espace me manquent pour entrer dans le détail de chaque groupement. Ce qui suit se rapporte donc aux Cafres, en général.

Les Cafres sont grands et robustes, leur taille moyenne atteint 1 m. 70. Leur peau varie du brun noirâtre au noir foncé suivant les tribus.

Leurs cheveux sont noirs, épais, fortement crépus.

Ce sont ces caractères qui les ont fait prendre pour des nègres.

Sans nier que près du fleuve il ne se soit fait des métissases avec les nègres (ce que démontre la coloration plus foncée de certaines tribus), leur intelligence, leur hardiesse, leur vaillance et la lutte homérique que les Cafres ont soutenue contre les Boërs, ne cédant le terrain que peu à peu les placent bien au-dessus même des nègres Bantous.

Leur capacité crânienne permet de supposer une race intelligente et on trouve chez les Cafres des orateurs, des artistes, des sculpteurs, qui ne manquent pas de talent.


D'ailleurs ceux qui avoisinent la côte Mozambique ont eu de fréquentes relations avec les Sakalaves de Madagascar, et les Zoulous se sont fortement métissés avec les Arabes, qui avaient fondé des colonies sur la côte orientale d'Afrique en même temps qu'à Madagascar. Aussi sont-ils les moins foncés des Cafres ; leurs traits sont plus fins, leurs lèvres moins lippues et leur nez a pris des proportions aquilines, tandis que dans les autres tribus, il est resté négroïde.Tous sont sous-dolicocéphales, mais non prognates comme la plupart des nègres.

Bref,ce sont des noirs et non des nègres dans le sens propre du mot.

Nègre du Mozambique métissé de Cafre et de Sakalaves.

Quoiqu'il en soit, les Cafres sont pour les blancs des adversaires autrement redoutables que les nègres de cet acabit.

En paix, ils sont pasteurs et agriculteurs. Ils se livrent aussi au plaisir de la chasse.

En guerre, ils ont pour arme la lance, la sa


gaie, la flèche, et ils se protègent par un grand bouclier fait de peau.

Le roi punit de mort celui de ses sujets convaincu de lâcheté ou de désobéissance et jamais les Boërs n'auraient réussi à prendre leur territoire si les Cafres eussent été armés à l'Européenne.

Leurs mœurs laissent encore à désirer, c'est ainsi qu'ils vont nus jusqu'à 18 ans, âge de la majorité, époque à laquelle le jeune Cafre entre dans la classe des guerriers.

Dès lors, en paix, il porte une ceinture d'écorce, à laquelle il suspend deux morceaux de peau, un par devant, l'autre par derrière. Mais en temps de guerre et en costume de fête il suspend en outre des queues d'animaux à sa cein- ture et sur d'autres parties du corps. Sa tête est ornée d'un superbe panache et un collier de peau, qu'il garnit de griffes de fauves,décore son cou. Le voyageur Delegorgue dit avoir assisté à une fête où 25.000 Zoulous en costume de guerre dansaient devant leur roi entouré de ses plus belles femmes. On peut juger de l'effet de toutes ces queues voltigeant autour des pirouetteurs.

Pour les bras, les jambes," les oreilles/ils se font gloire de les orner d'anneaux de métal ou d'ivoire. Ils se peignent le; visage oa se tatouent d'une façon bizarre. Ces [derniers caractères les rapprochent plus des habitants des Iles Mar-


quises que des nègres. Leurs cicatrices ne sont pas exhubérantes comme chez ces derniers.

Après tout, qui nous dit qu'aux époques géologiques antérieures, un vaste continent ne réunissait pas Madagascar à Ceylan et à la péninsule indienne, englobant dans son ensemble les îles de la Sonde, et que les populations primitives de ce continent, dont le Pithécanthropus erectus de Java ne serait qu'une épave, n'ont pas été ou englouties par le cataclysme ou rejetées, partie dans l'Inde, où existent des populions sans lien anthropologique avec les races caucasiques ou mongoles, partie à Madagascar et sur la côte est du Mozambique au sud du Zambèzc ?

Aux deux extrémités de cette terre disparue, comme l'a rappelé mon savant ami X. Gaultier de Claubry, on trouve des ressemblances dans la géologie, dans la flore et dans la faune, sans qu'on puisse pourtant assigner l'époque à laquelle aurait eu lieu l'affaissement graduel de ce continent, moins hypothétique que le fameux Atlantide d'Aristote.

Quant à l'homme actuel (homo sapiens), tout démontre qu'il n'a paru qu'à l'époque quaternaire, ce qui donne déjà un fameux accroc au récit de la Genèse, sans compter l'histoire de l'Egypte et de la Chaldée.

Mais rien n'empêche qu'il n'aie pu y avoir des hommes avant l'époque assignée par ,1a Bible à la création du monde; ce sont ces hommes, les


Troglodytes,que j'ai appelés,avec le savant abbé Moigno, des pré-Adamiques, c'est-à-dire des précurseurs.

Quoiqu'il en soit, les Cafres sont pour les Blancs des adversaires autrement redoutables que les Nègres de cet acabit.

En paix, ils sont pasteurs et agriculteurs. Ils se livrent aussi au plaisir de la chasse.

Leurs femmes sont agréables, proprettes, travailleuses, et accueillent facilement tous les étrangers.

Les Cafres étant polygames, les femmes d'un Cafre ne sont pas jalouses les unes des autres.

Ils habitent dans des villages palissadés qu'ils appellent Krals.

Boschimen et HsJjtcntots.

A l'ouest de la grande Cafrerie existent des déserts parcourus par de vrais sauvages, plus inférieurs peut-être que les inférieurs Chilouks.

Ce ne sont pourtant pas des nègres, car ceux-ci vivent en sociétés, tandis que le Hottentot et surtout le Boschiman, vit strictement isolé avec sa famille, errant de buisson en buisson, comme son nom l'indique ( Buscheman), et pourvoyant à son existence par la chasse seulement.

Pas d'agriculture, pas même de troupeaux, si ce n'est quelquefois une maigre chèvre qui lui donne son lait, mais dont il n'en mange pas la chair.


On suppose les Buschemen autochtones de l'Afrique australe où ils s'étendaient jusqu'à l'Océan; mais, à l'arrivée des Hollandais, ils ont quitté les rivages de la mer, renoncé à la pêche et se sont éparpillés dans le désert jusqu'au lac Nagmi où quelques-uns ont repris leurs filets.

Ce qui les distingue du nègre vrai, ce sont les cheveux qui présentent cette singulière disposition d'îlots frisés séparés les uns des autres par des parties glabres ou plus ou moins garnies de poils follets et cette masse graisseuse superposée aux muscles fessiers que nous avons appelé stéatopygie.

Cette particularité est commune aux deux sexes. Tandis que chez leurs voisins les Hottentots, elle paraît n'exister que chez les femmes.

Nous avons rapporté dans une de nos études précédentes l'opinion du docteur Hamy, qui suppose que les Hottentots avaient habité le centre de l'Afrique d'où ils avaient été repoussés vers le Sud.

Nous croyons plutôt que ce sont leurs métissages avec les Buschemen, leurs voisins immédiats, qui leur ont valu cet appendice graisseux que, chose singulière, on ne rencontre que chez les femmes des Hottentots.

Ces métissages ont aussi amené la chevelure à des dispositions semblables, mais tous les Hottentots n'ont pas cette chevelure que les anthropologistes ont appelée g retins de poivre.

Plus grands, mieux découplés, plus guerriers


que les Buschemen ils ont tenté de défendre leur territoire contre les Boers,mais avec moins de succès que les Cafres. Ils sont pasteurs nomades, ont de nombreux troupeaux, savent travailler le fer et le cuivre, ils ont de la poterie ornementée, empoisonnent leurs flèches et pratiquent volontiers des razzias sur les tribus voisines.

Leurs femmes sont très sales et présentent outre la stéatopygie une particularité ethnique qu'on a retrouvé chez quelques femmes Hovas de Madagascar. C'est le tablier des Ilottentotes, causes de fréquentes maladies spéciales.

Voilà les peuples qui habitaient depuis la rive droite du Zambèze jusqu'à l'Océan avant l'arrivée des Hollandais en 1652. En 1685, ceux-ci étaient déjà plus de 1000 lorsque Louis XIV révoqua l'édit de Nantes et alors ce fut par milliers que Français et Hollandais se rendirent au Cap de Bonne-Espérance, appelé jusque là Cap des Tempêtes, ils se fondirent en un seul peuple, sous le nom de Boërs, adoptant la langue et les mœurs de ceux qui étaient les plus nombreux et les premiers arrivés comme ils en avaient adopté la religion.

Les nouveaux venus achetèrent d'abord aux Hottentots et aux Cafres des terrains qu'ils mirent en valeur ; plus tard, leur nombre augmentant, ils voulurent en acheter encore, mais les habitants primitifs ne voulant plus en vendre, on saisit alors les récalcitrants et on en fit des


esclaves, en s'emparant de leurs terrains de gré ou de force.

Une guerre sans merci s'alluma dès lors, dans laquelle les Boërs n'eurent pas toujours le dessus.

Les cruautés que les Boërs reprochèrent si vivement aux Anglais pendant la dernière guerre, ils ne se firent pas faute de les exercer alors contre les Cafres et les Hottentots qui, en définitive, ne faisaient que défendre leurs territoires injustement envahis.

Les Boërs n'avaient pour excuse que les progrès de la civilisation qu'ils apportaient aux naturels, mais c'est là précisément l'excuse que les Anglais ont invoquée en faisant ressortir la civilisation plus avancée de l'Angleterre sur celle des pauvres Boërs restés paysans et préiérant la culture du sol à l'exploitation des mines que leur territoire possédait.

Juste retour, après tout, des choses d'ici-bas, soit dit, non à titre d'excuse,mais comme simple constatation. L'histoire, quoi qu'on prétende, n'est pas toujours un enseignement de morale.


: Au pays du Nickel

VI

Les Canaques

La Nouvelle Calédonie, car c'est de cette colonie qu'il s'agit, ne serait d'après certains géologues qu'un bloc de nickel.

Mettons de côté l'exagération, il n'en est pas moins vrai de dire que le nickel s'y trouve abondamment et à fleur de terre sans qu'il soit besoin de mines souterraines pour l'exploiter.

Ajoutons à' cela une terre productive, vierge pour ainsi dire, un climat tempéré, une salubrité excellente, notamment l'absence de fièvres paludéennes malgré la présence de marais. Ce qui prouve — pour le dire en passant, — que ce ne sont pas les miasmes des marais qui donnent la fièvre, mais certains moustiques (Dr R. Blanchard) qui n'existent pas dans le pays.

Malgré tous ces avantages cependant la colonisation y est languissante, et ceux de nos compatriotes qui se décident à aller aux colonies, dédaignent ce vrai pays de cocagne.

Pourquoi ?

Deux raisons principales s'opposent à l'immigration.'¡ La première, c'est la présence de notre péni-


tencier et celle de nos condamnés libérés auxquels on distribue des terres qui les aident à-se réhabiliter par le travail. A la rigueur, ces derniers n'effrayeraient pas trop nos colons volontaires, mais on ne leur fera pas admettre le voisinage des forçats.

Il s'agit donc pour le Gouvernement de changer le lieu de notre déportation pénale, s'il veut voir prospérer la colonisation à la NouvelleCalédonie.

La seconde raison c'est le voisinage des Canaques ou indigènes dont la révolte,il y a quelques années, avait fait 200 victimes.

Il est vrai de dire que le colon en était la cause directe, en laissant ses troupeaux ravager les champs et les plantations des Canaques, qui, lassée de réclamer inutilement auprès des autorités, avaient fini par se fâcher.

Les indigènes de la Nouvelle — comme les appellent MM. les récidivistes — sont doux et hospitaliers. Dernièrement encore ils en ont donné la preuve : Ils avaient fait des plantations de caféiers depuis 5 ans sur le bord de l'océan.

La plantation commençait à rapporter. L'autorité se saisit de leur plantation, paya il est vrai, mais un prix dérisoire, chaque pied de caféier et leur donna la même quantité de terre à l'intérieur de l'île.

Ainsi donc voilà des gens auxquels on prend leur pays et qu'on traite ensuite comme des parias. Une interpellation s'est bien produite à -


la Chambré, mais comme toujours elle n'a pas eu de suites.

Examinons donc ce que sont ces Canaques, habitants primitifs du pays du Nickel.Les Canaques sont du type mélanésien métissé de 'Nègres océaniens et de Papous avec prédominance de ce dernier type surtout dans 1 île des Pins.

La race, du reste, manque d'homogénéité. La taille moyenne est de 1 m. 67 (Bourgarel) » La capacité crânienne est de 1435 c.c. pour les hommes et de 1315 pour les femmes. L'indice céphalique moyen est de 70,4 pour les hommes et de 73,4 pour les femmes. Ils sont donc dolicocéphales, les hommes un peu plus que les femmes.

Canaque de la Nouvelle Calédonie

Ils sont aussi platyrhiniens (nez large), moins toutefois que le Nègre. Leur indice nasal varie de 51 à 53; l'indice orbitaire de 84 à 80 ; la vue est bonne.

La couleur de la peau des Canaques ou NéoCalédoniens est chocolat foncé ; leur système


pileux est développé ; leurs cheveux sont noirs, crépus, ondulés, mais non laineux comme ceux du nègre, et l'albinisme chez eux est fréquent.

Les Néo-Calédoniens ont le menton arrondi, la barbe fournie, ce que n'a pas le Nègre, la bouche énorme, les mâchoires projetées en avant, les dents blanches, ce qui, joint à une coloration rougeâtrJ des conjonctives,au milieu desquelles flamboie un œil noir, à l'écartement fies oreilles, à la saillie des pommettes et à leur réputation d'anthropophages leur donne un air effrayant.

Cependant, chez eux, Cette anthropophagie n'est qu'accidentelb et ce sont, au fond, les meilleurs enfants du monde.

Leur alimentation, du reste, est plutôt végétale et l'on sait la réputation de douceur des végétariens.

Ils ont le ventre proéminent et le thorax bombé.

Leurs femmes, appelées popinées, sont généralement laides, elles ont les seins développés, la menstruation précoce, les accouchements faciles, par suite de l'agrandissement du diamètre antéro-postérieur du bassin (Docteur Verrier.

Leçons faites à V Ecole pratique de la Faculté sur Vaccouchement comparé dans les races (1883).

Après ces données antropologiques nous abordons les coutumes ethniques.

D'abord le costume. Il est un peu primitif et les tailleurs chez eux ne feraient pas fortune,


Les hommes portent un pagne en étoffe retenu par une ceinture.

A Nouméa, dans la capitale, les élégants font des frais de toilette ; ils revêtent le pantalon, le gilet et le chapeau, mais dans les tribus ils se - débarrassent du pantalon qui les gêne et se promènent gravement en simple gilet avec un haut-de-forme pour toute parure. Toutefois ils portent des jarretières garnies de petites coquilles ou de petites touffes de poil qui ne figurent là que de simples ornements, car ils ne font pas usage de bas. Ils portent aussi des colliers et des bracelets de même acabit, Le canaque ne fait pas usaga de rasoir, seulement il se rase dans les grandes occasions, avec un tesson de bouteille cassée; il se perce les oreilles pour y suspendre divers ornements.

Les femmes ne portent pas non plus de bas, mais elles sont plus logiques en ce sens qu'elles n3 portent pas de jarretières.

En revanche, elles portent le bracelet tout en coquilles et le collier en pierres polies ou en poils de roussette (grande chauve-souris indigène).

Dans les tribus elles ont une ceinture frangée en fibres de cocotier qui leur tient lieu de pagne et à laquelle pend un couteau ; quelquefoisi en avant, un petit tablier en paillis léger ; mais à Nouméa, comme dans les plus grands centres de population, elles revêtent un long peignoir sans taille.


Parmi les hommes, dans les centres populeux les plus pudiques renferment leur sixième sens dans un sachet d'étoffe beaucoup plus long et beaucoup plus large que l'objet qu'il doit contenir.

Shoking, diront les Anglaises qui me liront, mais, après tout, mieux vaut rire que pleurer, a dit Maître Rabelais, pour ce que rire est le propre de l'homme.

J'ai dit plus haut que la nourriture était principalement végétale ; en effet, elle se compose de patates, de bananes, de cocos, de canne à sucre, de papayes, de poissons et de coquillages (Ch. Lemire).

Ils se servent de l'eau de mer pour saler leurs aliments, car la Nouvelle-Calédonie manque de sel. En cas de disette, ils s'attaquent aux fruits et aux raisins et ils vont même jusqu'à manger des sauterelles. Le pays présentant par place de la terre glaise, ils trompent leur faim avec des boulettes de cette terre qu'ils pétrissent, (géophagie).

Le gibier fait défaut dans l'île, mais ils élèvent des porcs et de la volaille qu'ils préfèrent vendre que de les manger.

A part le cas de guerre entre tribus, ils ne mangent jamais de chair humaine.

Usages. — L'homme fait durement sentir sa supériorité à la femme. Ce sont les femmes qui exécutent tous les plus durs travaux. Aussi, usées avant l'âge sont-elles méprisées et ne doi-


vent-elles s'approcher des hommes qu'en rampant.

Il est impoli de demander à un Canaque des nouvelles de sa mère, de sa femme ou de sa sœur.

Ils n'ont ni histoire, ni livres, mais leurs légendes se transmettent dans les veillées, de génération en génération. Quelquefois elles se perpétuent par une gravure grossière sur un bambou.

lIClbitations, Armes, Ustensiles. — Le Canaque habite sous une case, soit de bois, soit d'ccorce, toujours en forme de ruche. Celle des chefs est un peu plus grande que les autres, Les femmes ont une case à part.

Quarante à cinquante de ces cases forment village.

Les armes des Canaques sont la :sagaie, le casse-tête et la fronde. Ils ont aussi la hache de fer, mais ils ne s'en servent que pour les usages domestiques.

Leurs pirogues sont simples ou doubles, ces dernières sont pourvues d'une plateforme et d'une voile triangulaire.

Ils tuent le poisson à la sagaie ou à l'aide de flèches.

Depuis l'arrivée des Européens, ils ont remplacé leurs anciennes poteries par des marmites en fer et des bouteilles en verre.

Leur musique se compose d'une flûte en ro-


seau avec deux trous qu'ils jouent avec la bouche ou avec le nez.

J'aurais pu compléter ce chapitre en décrivant le langage, la numération, le système monétaire, mais je ne veux pas abuser de la patience du lecteur et je termine en disant que cette population décroit rapidement, comme toutes celles qui sont en contact avec les Européens et que ceux-ci n'ont rien à craindre du voisinage des Nco-Calédoniens.


MO GEORGES .!).!•; IJJÏIJBOR.

de la Bibliothèque fiationale Président du Comité d'Extrême-Orient de la Soeiété d'Ethnographie



Orient-Moyen et Extrême-Orient

vu

Comment les Sémites pasteurs s'initièrent au commerce

Le Trafic de l'Ambre

Mille ans avant l'ère chrétienne, les Assyriens connaissaient l'ambre jaune et les Phéniciens en faisaient le commerce en Asie (Jules Oppert).

Les Milésiens qui navaguaient sur la mer Noire (Pont-Euxin) avaient trouvé des voies de pénétration vers la Baltique et en rapportaient l'ambre qu'ils répandaient dans toute la Grèce et l'Asie Mineure d'où il avait pénétré jusqu'à Babylone.

, La Baltique, en effet, est la mer sur les bords de laquelle on trouve ce précieux produit, mais les premiers trafiquants gardaient le silence sur le pays de l'ambre et s'en réservaient ainsi le monopole.

Le Dniéper (Borysthène), ainsi -que :le*. Dniester, étaient sillonnés par les embarcations des Milésiens qui avaient même fondé la ville d'Olleia à l'embouchure du Borysthène, 700 ans avaht Jésus-Christ.

C'est en remontant le cours de ces fleuves


qu'ils gagnaient les bassins du Niémen et de la Vistule qui se jettent dans la Baltique à peu de distance l'un de l'autre.

A l'embouchure de la Vistule, à Bromberg, on a trouvé une quantité considérable de monnaies grecques, associées avec 'de l'ambre déjà' travaillé, ce qui prouve que les Milésiens avaient étabirdes fabriques àBromberg et qu'en rapportant en Grèce des objets manufacturés, ils en déguisaient mieux l'origine.

Après la chûte de Milet, Carthage attira tout le commerce de l'Asie Mineure vers l'Occident et Rome absorba pour son luxe le trafic de l'ambre et des étoffes de l'Orient.

Cette révolution dans le] commerce de l'ambre modifia la voie d'arrivée sur la Baltique. Des rives du Pô à travers la Germanie, la routestait plus courte et les marchands grecs, au lieu d'aller à Milet, vinrent acheter l'ambre dans la mer Adriatique.

Et de même qu'on- ayai(trouv(de(monnaie::; grecques le long des trois fleuves fréquentés par les^Milésiéns7de~même Ja route du ala Baltique fut "sillonnée de monnaies romaines, jusqu'à la chûte de l'Empire.

Mais l'invasion desl Barbares et surtout la poussée des Finnois alliés avec les Turcs sous le nom de Huns et sous la direction [ d'Attila vinrent interrompre violemlnenttoute communication entre la Baltique et l'Italie.

Mais comme le luxe réclamait à grands cris


l'ambre par tout l'Orient, et que les Sémites, pasteurs nomades, notamment ceux qui sous le nom d'Arabes parcouraient avec leurs troupeaux les steppes pauvres de l'Arabie pétrée, ne pouvaient tous vivre de l'art pastoral ; les uns remontaient vers la Syrie, mieux pourvue de pâturages, d'autres restaient en Arabie, sous le nom de Bédouins et se faisaient pillards ; d'autres enfin, attirés par le commerce des villes riveraines de l'Euphrate, et ayant ouï dire qu'on ne savait plus où se procurer de l'ambre, résolurent de se livrer à cette recherche, mais les Arabes n'étaient pas navigateurs ; seulement, habitués à la vie nomade et pouvant facilement se passer d'auberges et de villes d'étapes pour eux et leurs marchandises, composées surtout de laina de leurs troupeaux qu'ils échangeaient contre du grain ou d'autres objets qui leur étaient nécessaires, ils avaient pris, goût au commerce et s'organisèrent pour remplacer le commerce de Milet et de Carthage et monopoliser entre leurs mains le commerce de l'ambre par le moyen des caravanes.

Ils espéraient aussi ajouter à leur trafic les pelleteries du Nord et fournir de ces objets les peuples de l'Asie et des Indes.

Aussi, malgré la longueur du trajet pour gagner la Baltique à travers l'immense étendue des steppes russes, il leur suffisait de diriger leurs caravanes du Sud au Nord-Ouest et de profiter s'il était possible de la batellerie fluviale


des riverains des cours d'eau pour s'affranchir de la partie la plus pénible de leurs expéditions.

Ils avaient appris, d'ailleurs, qu'avant eux on tirait l'ambre de la Baltique, et il leurs était plus facile de traverser les plaines basses de la Russie que de traverser les déserts de l'Arabie brûlée par les rayons du soleil.

C'est ainsi que dès les derniers siècles qui ont précédé l'hégire de Mahomet, les Sémites arabisés, mais non encore mahométans, s'initièrent au commerce par caravanes, à travers un pays qui, bien que donnant passage aux émigrations asiatiques, était relativement tranquille dans ce choc de la Barbarie contre l'opulente Italie.

Ces premiers Arabes n'ont pas laissé, comme les Milésiens et les Romains, des monnaies dans les pays qu'ils ont traversés, par la simple raison que leur commerce se faisait par échange avec les produits de l'Orient.

Ce commerce a été jusqu'ici complètement ignoré des chroniqueurs occidentaux, absorbés par les événements qui se passaient dans leurpropre pays et dont les connaissances géographiques étaient d'ailleurs très bornées. Le peuple arabe, avant l'avènement de Mahomet, leur était même presque inconnu.

Mais, par contre, les chroniques orientales et les traditions des Arabes accusent nettement la marche de ce commerce que les fouilles archéologiques et les recherches da la numismatique modernes sont venues confirmer,


Avant l'Hégire, les premières caravanes partaient de l'Arménie,au Sud-Est de la Caspienne, traversaient le Caucase par Tiflis, mais des difficultés étant survenues par le fait des montagnards sauvages, les Arabes modifièrent leur itinéraire et comme le commerce de Damas, de Bagdad et de Téhéran, celui de la Boukharie et du Korassan et celui non moins important de la ville de Samarkande se faisait par la Mer Caspienne dont tous les marchands se donnaient rendez-vous à Derbend, à l'embouchure du Volga, les Arabes décidèrent de s'entendre avec des marins qui les transporteraient eux aussi à De-end d'où ils rayonneraient par leurs caravanes à travers la Russie jusqu'à la Mer Baltique, but de leur entreprise.

On trouve, en effet, à Derbend, située sur la Mer Caspienne à 33' de latitude Nord, au-dessus du Cap Bachu, un nombre considérable de monnaies arabes des premiers siècles et de ceux qui suivirent l'Hégire, qui prouvent qu'en même temps que C3S arabes avaient modifié leur itinéraire, ils avaient cessé le commerce par échange et avaient adopté la monnaie comme étant plus commode pour le trafic, Si on remonte les deux principaux affluents du Volga, la Kama et l'Oka, on trouve des preuves non équivoques du passage des Arabes et de leur campement plus ou moins prolongé sur le bord de ces cours d'eaux, par l'abondance des


monnaies musulmanes et d'autres objets orientaux.

On arrive ainsi au pied du plateau de Valdaï où l'on quitte le bassin du Volga pour descendre dans celui de la mer Baltique et aborder au Golfe 'de Finlande.

Après que les Arabes, devenus musulmans, eurent conquis le Turkestan, ceux d'entre eux qui faisaient le commerce de l'ambre se trouvant de ce pays, plus éloignés des convulsions sociales et politiques de l'Europe, tentèrent une nouvelle voie de caravanes allant de la mer d'Aral aux monts Ourals qu'ils franchissaient au niveau de Perm où ils trouvaient la Kama qui les ramenaient dans le Volga supérieur, ou vers Kasan d'où il leur était tacile de gagner la Baltique à l'aide de la batellerie des Finnois.

Les monnaies des Bulgares et des Kasares prouvent par leur forme identique avec celle des Arabes, que ces peuples étaient en relations avec eux. Non seulement les Arabes rapportaient du Nord l'ambre et les pelleteries, mais I. Fovszlen nous apprend dans le Tariki qu'ils en ramenaient aussi de belles filles esclaves pour les harems d'Orient (Desbend-Nâmah, én 120 de l'Hégire, p. 445).

Cette dernière voie est encore celle que suivent aujourd'hui les populations du Nord du Turkestan pour entrer en Russie.

C'est surtout depuis le début du XIXe siècle


que des recherches ont été faites sur le territoires de la Russie d'Europe.

Perm fut un centre important de découvertes archéologiques. Les monnaies trouvées appartiennent surtout aux Samanides dont le centre géographique était le Turkestan et par conséquent la voie suivie par les arabes de la mer d'Aral aux monts Ourals.

Pour nous résumer, trois courants commerciaux bien distincts prouvent la marche des arabes sémites et juifs vers la Baltique ; ce sont: 1-le courant de l'Asie-mineure par le Caucase, le moins important et de peu de durée; commerce par échanges.

2- Le courant par Derbend sur la mer Caspienne, attesté par les monnaies des Abassides qui régnaient à Koufa, 3' Enfin le courant du Turkestan par les ver- sants orientaux de l'Oural attesté par les monnaies des Samanides accumulées à Perm.

Les Iles de la Baltique ont été l'entrepôt principal de ce commerce et servaient à ces commerçants à mettre leur marchandise d'échange à l'abri d'un coup de main.

On a également signalé de nombreuses trouvailles en Suède.

En 1840, on découvrit dans l'île d'Oland des bijoux en argent accompagnés de 1.222 pièces de monnaie de "même" métal et d'un nombre considérable de' pièces coupées et même une balance.


Carte pour aider à suivre les Mij


Dns des Trafiquants de l'Ambre.


C'était à n'en pas douter pour faire l'appoint des marchés que ces pièces avaient été ainsi fragmentées.

Les plus anciennes étaient des Omniades, elles avaient été frappées en 80 de l'hégire, soit 699 ans de notre ère. Avant cette époque, le commerce se faisait par échange comme nous l'avons déjà dit.

Dans l'île de Gotland plus de 60 cachettes ont aussi été déterrées. Sur tout le littoral de la Baltique jusqu'en Danemark on constate des découvertes analogues.

La Pologne est fertile en trouvailles de ce genre, notamment dans les marais de Pinsk.

Mais a l'Ouest de Dantzig les monnaies cessent d'être musulmanes, pour être anglo-saxonnes et suédoises.

Enfin le commerce des Sémites arabes et juifs se faisait aussi avec l'Inde par la Perse et le Cachemire. On dit même qu'ils allaient jusqu'en Chine par la province du Chenzi (Reinaud et Defrémy).


VIII

Les origines de la Philosophie Japonaise.

S'il est un peuple de l'Orient qui a fait parler de lui dans ces darnières années, c'est bien le p3uple japonais, autant pour ses progrès dans l'art militaire que dans la marine et dans l'ordre économique.

Aujourd'hui le Japonais moderne n'a plus rien du Japonais du moyen-âg3 et pourtant c'est - à cette époque qu'il faut rechercher les origines de la. philosophie japonaise.

C'est à la fin du III" siècle de l'ère vulgaire que s'est introduite la philosophie au Japon avec les signes idéographiques chinois.

Le pouvoir temporel ne se trouvait alors que de nom dans les mains du Mikado, descendant du conquérant Zin-mu. Depuis la fin du XIIe siècle avant l'ère vulgaire, ce prince était pour ainsi dire relégué parmi les Dieux, continuant ainsi la légende plus ou moins apocryphe de génies célestes et terrestres que les historiens japonais placent avant l'arrivée de Zin-mu. Ceci, pour le dire en passant, donnait au Mikado une très grande force morale et religieuse et un pouvoir spirituel absolu. Mais la puissance temporelle était pendant ce temps aux mains d'un Syau


goun littéralement « général » véritable chef militaire choisi parmi les Taï-koun, ou grands princes japonais.

Au-dessous de ce Syau-goun se réunissaient en conseil les dix-huit Taï-koun, ou feudataires du pays, appelés plus communément grands Daïmios, au dessous desquels 344 petits Daïmios gouvernaient le pays en leur nom.

Ces derniers, par leur cohésion avaient fini par avoir une influence prépondérante dans les conseils du gouvernement.

Quant à la philosophie proprement dite, les trois plus anciens livres d'histoire du Japon datent de l'introduction au Japon de l'écriture chinoise.

Ces livres, le Ku-siki, le Ko-siki et le NiJwnSifoki, sont les seuls qui nous donnent quelques renseignements certains jusqu'à l'année 1614 où la persécution religieuse ferma aux étrangers les portes du Japon.

Jusque là les Portugais, les Hollandais, d'autres européens et des peuples orientaux avaient pu commercer au Japon. A partir de 1613, les Hollandais ssuls furent tolérés sur la petite île de Désima, en face de Nagasaki.

Un lettré japonais avait bien tenté de traiter les sources de la philosophie du Japon, dans une conférence faite à Yedo en 1872, mais il s'était borné au langage, à l'ethnographie, à l'écriture, aux mœurs et aux antiquités.

Nous emprunterons tour à tour aux lettrés


japonais et aux cours et leçons de M. Léon de Rosny, à l'Ecole des langues orientales et à l'Ecole des hautes études les détails qui vont suivre.

Les autochtones, Aïnos, avaient été successivement repoussés dans le Nord du Nippon et dans les îles voisines, tout en gardant leur indépendance, leur langage et pourvoyant à leur existence par la pêche et par la chasse.

Miss Isabella Bird qui a pénétré dans leurs retraites et vécu laur vie pour ainsi dire, pendant quelques temps, fait le plus grand éloge de leurs qualités morales et se loue beaucoup de leurs enfants.

Quant aux descendants des compagnons de Zin-mu, tout ce qu'on en peut dire; c'est qu'ils se laissèrent influencer par le grandiose de la nature orientale, la beauté des sites japonais, le ciel du pays, soit le jour, soit la nuit, la flore si merveilleuse dans ce climat enchanteur, et les ruisseaux limpides qui murmurent dans ces vallées verdoyanteg, dont la tranquillité était bien quelquefois troublée par des éruptions volcaniques ou des tremblements de terre, qui eurent aussi leur influence sur l'esprit des habitants.

Telles furent sans doute les causes principales de cette poésie primitive dont s'est forméç la philosophie japonaise.

Jusque là la religion du pays avait été le Sintauisme ; puis sous le règne des Soui, l'écriture


chinoise fixa les événements de l'histoire et introduisit le Confucéisme.

La guerre du Japon avec la Corée ouvrit véritablement la période historique qui remonte , guère qu'à quelques siècles en arrière.

De tous les documents recueillis, aucun n'est plus ancien que ceux du VIIIe siècle de notre ère.

Ils relatent l'arrivée au Japon du Bouddhisme, au VIe siècle, lequel changea la philosophie sintauïste ou naturelle des savants de l'époque et contribua pour une bonne part à la marche du progrès au Japon, sans toucher à la morale de Confucius.

Le peuple était heureux, la terre pourvoyait à la nourriture de ses habitants presque sans travail, aussi les japonais sont-ils devenus artistes presque sans s'en douter, et c'est ainsi que le goût des arts et de la poésie a développé dans le peuple le sentiment de l'amour.

Avant la persécution, quelques missionnaires s'étaient introduits dans le pays et le P. Furet a raconté avec quel empressement il avait été accueilli par le peuple, tandis qu'il était suspect aux représentants de l'autorité.

C'est que le peuple lui-même est bon et hospitalier, et si le prosélytisme outré et certaines intrigues politiques de missionnaires étrangers notaient venus donner au pouvoir un motif de crainte, il est probable que le catholicisme, avec ses pompes, ses cérémonies, ses saints, eût trou-

vé place dans le Panthéon Japonais.


Mais, après avoir été prêché en 1549, par François Xavier, dans l'île de Kiu-shi, le Catholicisme a fini par sombrer dans la persécution de 1614 et des années qui ont suivi.

Aujourd'hui, ou, du moins, en 1866, l'Olympe Japonais, outre les divinités du Sintauïsme et du Bouddhisme, dont les cultes se pratiquent quelquefois dans le même temple, ne comprend plus qu'une foule de dieux secondaires pris parmi les objets de la nature, utiles à l'humanité, lesquels sont personnifiés par des Réunis, sortes de dieux larres qu'on remercie de leur protection et qu'on prie d'agir encore en faveur des postulants.

Ce culte des- Kamis, dont l'autel se trouve dans chaque maison, n'est pas sans nuire un peu au culte public, bien que le Sintauïsme comme le Bouddhisme s'adaptent merveilleusement au caractère des habitants.

Intelligents, du reste, primesautiers, enthousiastes des choses dont l'esprit analyse rapidement les avantages ou les défauts, les Japonais sont simples et ne s'inquiètent guère des subtilités métaphysiques. Aussi Je peuple est-il plutôt philosophe que religieux.

Quant au Confucéisme, il n'est guère suivi que par quelques lettrés.

Aucune loi n'empêche à cette heure de prêcher l'Evangile, mais les missionnaires protestants, qui ne se font pas faute de propagande, n'obtiennent, en général, que peu de succès.


Pourtant, l'œuvre de la Propagation de la Foi est représentée au Japon par quelques prêtres catholiques, mais la philosophie moderne a maintenant des racines trop profondes pour qu'il reste beaucoup à faire aux missionnaires des diverses croyances.

Partout, dans les îles du Soleil-Levant, Pesprit mystique survit dans la populace, témoin les Nau, sortes de cérémonies théâtrales dont l'origine se perd dans la nuit des temps.

Un certain spiritualisme existe également puisqu'on ensevelit avec les morts les objets qu'ils ont aimé. Seulement ce spiritualisme n'est pas assez puissant pour susciter les savants à porter un jugement sur l'ensemble de l'univers.

Et cependant le Bouddhisme pose et résout tous les grands problèmes de la vie, mais le Japonais ne s'attache pas d'une manière sérieuse à une idée ; dès qu'une autre se présente il la suit, et il est probable qu'un temps viendra, s'il n'est déjà venu, où la libre pensée remplacera le Bouddhisme.dans l'espritsceptique et railleur du Japonais moderne.


IX

Japonais et Japonaises

Nous avons dit, dans notre précédente étude, que les Japonais étaient plus philosophes que religieux. Sous ce dernier rapport ils sont plutôt sceptiques; mais le Sintoïsmeje Bouddhisme et surtout le Confucéisme contiennent assez d'esprit philosopsique pour que les caractères moraux qui en découlent, séparent suffisamment les Japonais des Chinois et des Coréens.

Ainsi, l'extrême propreté des Japonais qui prennent un bain tous les jours, hommes et femmes ensemble dans le costume d'Adam et d'Eve dans l'éden paradisiaque, fait contraste avec la grande saleté des Chinois et différencie nettement les deux peuples.

Dans les arts les différences ne sont pas moins grandes. Chez les Japonais il y a un art réel, un grand sentiment du vrai, et ce vrai est bien rendu, « parfois même choisi avec un goût exquis » (G. de Mortillet).

Par contre le Chinois n'a qu'un savoir faire traditionnel, compliqué et faux.

Les collections de deux de nos plus regrettés collègues de la Société d'Ethnographie, Cernuschi et Philippe Burty, le prouvent surabondam-


ment, et il serait impossible, même sans être artiste, de confondre des objets- chinois avec des bibelots japonais. La Corée sous ce rapport serait encore intérieure à la Chine. Cependant notre autre collègue Varat attribuait à l'art coréen une valeur spéciale et relative. Au contraire l'art japonais est une manifestation nationale.

D'après Remy (Bulletin de la Société d'anthropologie, 1883, p. 919) les livres chinois ont été importés au Japon avec le Bouddhisme, et les deux peuples ont reçu le même enseignement C'est vrai, mais comme le Japon a été fermé aux étrangers pendant plusieurs siècles,il a bien pu se créer pendant ce temps, dans le pays, un art natiônal.

M. Girard de Rialle croit que d'autres éléments que l'art chinois ont contribué à former l'art japonais. Zin-Mu et ses compagnons d'une part, les anciens indonésiens déjà installés dans les îles du Midi, d'autre part, et surtout les missionnaires Bouddhiques qui ne venaient pas de , Chine, mais directement de l'Inde, expliquent pourquoi les monuments bouddhiques au Japon sont si profondément empreints de l'art indou.

Si de l'art nous passons aux caractères physiques, nous trouvons l'exiguité de la taille, la couleur de la peau, des cheveux et de l'iris, ainsi que la saillie des pommettes, l'obliquité des yeux et les variations du nez. J'ai étudié ces caractères* dans une communication faite au


Congrès des sciences ethnographiques au cours de l'Exposition universelle de 1889.

Je ne reviendrai ici que sur quelques mesures contrôlées la plupart par M. Deniker dans Races et Peuples de la terre (Paris 1900).

Ainsi la taille moyenne pour l'homme est de 1 m. 58 et pour la femme 1 m. 47; la teinte jaune de la peau,quoique générale,n'est pas uniforme.

Les femmes sont ordinairement moins foncées ; au contraire les campagnards, hàlés et brunis, pauvent être comparés à la terre de Sienne.

Quant à la teinte noire des cheveux et de l'iris, elle est la même pour tous. D'après le Dr Remy, le Japonais blond n'existe pas. Mais l'obliquité des yeux est un caractère très variable. Un certain nombre de Japonais les ont horizontaux, d'autres ont non seulement l'œil oblique,mais aussi bridé que celui des Mongols.

Nouvelle preuve des métissages nombreux qui se sont opérés au Japon. Le nez est aussi variable, on en rencontre de saillants et d'autres aplatis à la racine, ce qui fait paraître l'œil plus proéminent. Dans ce cas le conduit nasal est porté en avant et les os propres du nez sont étroits et comme atrophiés ainsi que la branche montante du maxillaire. Souvent ces nez écrasés coïncident avec la propulsion de la mâchoire et d:'s dents en avant ; mais ce n'est pas là un caractère de race.

La tête, vue d'ensemble, p?ut être classée dans la sous-dolicocéphalie ; ainsi sur 78 japo-


nais vivants et 64 crânes secs, M. Deniker a trouvé, comme indice. céphalique : 78.5 sur les vivants et 80.2 sur les crânes. Les sujets étaient pris dans toutes les classes de la Société.

Le même auteur distingue deux types principaux parmi les japonais, le type fin qui appartient aux classes supérieures, et le type grossier commun à la masse du peuple. Pour lui ces deux types sont le résultat du croisement de la race Mongole avec des éléments indonésiens.

M. Léon de 'Rosny, professeur de Japonais à l'école des langues orientales, en a décrit trois types qui tendent de plus en plus à se confondre.

Le système pileux est peu développé chez les Japonais, sauf quand il y a eu croisement avec les Aïnos, dans les îles du nord, et à la naissance, le petit Japonais porte des taches pigmentaires sur le ventre et les cuisses, qui disparaissent en grandissant..

Au Japon les maisons sont construites en bois, à cause des fréquents tremblements de terre. La ligne courbe relevée aux angles y est architecturale.

Le Japonais, à part quelques bahuts pour ranger ses hardes et ses nattes, n'a pas de mobilier proprement dit. Il couche sur des naties que l'on déroule le soir et que l'on replie le lendemain. Un billot en bois recouvert de quelque étoffe lui sert de traversin, ce qui a l'avantage de ne pas déranger la coiffure des femmes qui ne la refont que tous les 3 ou 4 jours.


Le Japonais ne fait pas usage de chaises; il s'assied sur ses talons en se mettant d'abord à genoux en tournant la .pointe des pieds en dedans.

La chambre, grande, spacieuse, aérée, est d'une minutieuse propreté ; un ou plusieurs paravents séparent les personnes qui désirent être séparées la nuit.

Le Japonais mange avec des bâtonnets comme le Chinois. Sa nourriture est plutôt végétale, le riz en forme la principale partie. Il mange aussi du poisson.

Les Japonais des classes supérieures préfèrent les choses de la guerre au commerce. Leur courage est proverbial et l'ouverture du ventre qui se pratiquait au moyen âge pour des choses souvent futiles prouve leur sang-froid.

Nombre de leurs officiers sont venus perfectionner leurs études en Europe, et si on les eût laissés faire, il y a quelques années, ils auraient, avec leur armée, parcouru la Chine en vainqueurs.

Dans la dernière guerre Européano-Chinoise, l'armée japonaise s'est montrée à la hauteur des armées Européennes.

Les Japonais soignent aussi leur marine. Outre les navires de commerce qui sillonnent aujourd'hui les mers, ils se sont créé une marine de guerre qui ne craindrait pas (à preuve leur audace dans le récent conflit russe) de se mesurer avec les flottes les plus puissantes.


Le tatouage jadis fréquemment employé au Japon, y est interdit aujourd'hui.

Il n'y a plus guère qne les pousse-pousses et les coureurs d'origine Aïno, qui se fassent tatouer.

Je possède dans ma collection la photographie d'un coureur tatoué qui m'a été donnée par M. Boissonade, habitant alors à To-Kyar, c'est une vraie merveille artistique. r Mais j'ai hâte d'arriver à la femme japonaise.

Les plus gracieuses appartiennent au type fin, elles ont la taille élancée, un certain degré de dolicocéphalie avec allongement relatif de la face, le nez fin convexe ou droit, et les yeux toujours plus ou moins obliques et mongoloïdes, mais l'ensemble est extrêmement aitravant.

Joignez-y un caractère gai, régulier et vous comprendrez les passions qu'elles ont suscité .parmi les voyageurs qui sont restés quelque temps au Japon. Chose singulière, les métis de Français et de Japonaises, sont vifs, intelligents et viennent en général très bien,tandis que ceux des Anglais ou des Allemands sont lourds et difficiles à élever.

Les Japonaises mariées font d'excellentes femmes d'intérieur, elles savent retenir leurs maris à la maison et leur sont en général très fidèles.

Le Japonais ne danse pas, mais la .danse dégénère chez la femme en une série de mouve-


ments rythmés des bras et du torse exécutés sur place. (Ne pas confondre avec la danse du ventre).

Nous avons dit en commençant que les hommes et les femmes au Japon prenaient leur bain en commun sans autre costume que celui donné par la nature.

• C'est qu'en effet le sentiment de la pudeur, qui n'est après tout que conventionne], se manifeste chez la Japonaise d'une façon toute différente que chez nous.

Ainsi, une jeune mousmé (nom donné aux jeunes filles japonaises) pour s'amasser une dot et attirer à elle un mari (remarquez cela) ira passer plusieurs années dans une maison de thé (sorte de maison publique) et n'en jouira pas moins de la considération générale.

Et pourtant ces jeunes femmes seront choquées de voir le nu dans les œuvres d'art (C. Davilson, Das lvaokte, etc. et Globus T. LXX 1896, n. 18) et si, comme chez nous, vous voulez donner à l'une d'elles un baiser, même respectueux, elle se reculera épouvantée, croyant que vous voulez la mordre. (Dr Rémy).

A propos de la pudeur nous devons ajouter qu'il y a des peuples chez lesquels ce sentiment fait absolument défaut. Quant à la façon d'envelopper les organes génitaux comme chez les Néo-Calédoniens — petit sachet plus large et plus long que l'objet qu'il doit contenir et extrême exiguité d'un petit et coquet tablier


chez la femme — je ferai observer que loin d'être une marque de pudeur, ces précautions sont plutôt de nature à attirer l'attention sur ces organes qu'à les cacher.

Tout est dans l'intention. Les religions qui presque toutes se sont inspirées d'un sentiment de honte à propos des parties secrètes de notre être, n'ont pas eu prise chez les Japonaises, parce que,comme je l'ai dit dans ma précédente étude, le peuple japonais est plus philosophe que religieux. Les femmes.comme disait l'amiral Rose, « sont des Eves avant le péché ».


X

Le Sol Japonais ; traces du préhistorique au Japon.

Après avoir parlé des japonais et des japonaises, il serait peut-être bon de dire quelques mots sur le Japon lui-même, car nul n'ignore l'influence que le sol d'un pays exerce sur l'état psychique de ses habitants.

Il ne faut pourtant pas s'attendre à une description géographique et topographique des îles qui forment le Japon actuel, mais je ne puis passer sous silence certains détails qui ressortissent à l'étude du sol et nous permettront d'apprécier l'influence du sol sur les Japonais.

On sait déjà que le Japon est formé par la réunion de quantité d'îles et d'îlots.

Les principales de ces îles sont situées entre le 30 et 45e degrés de latitude nord.

Elles sont à l'Asie et à la Chine ce que l' An gleterre est à l'Europe et à la France.

Ce parallélisme géographique entraîne un parallélisme de caractère entre les Japonais et les Anglais et l'alliance contractée naguère entre ces deux peuples en est une confirmation,


L'archipel japonais tel qu'il est constitué forme un ensemble géographique parfaitement limité. Hondo, l'île principale du Japon, décrit une courbe dont la convexité est tournée du côté du Pacifique, tandis que sa concavité regarde le continent asiatique et circonscrit un espace marin connu sous le nom de Mer du Japon.

Cette Mer du Japon est limitée au Nord par l'île Sakaline, partagée d'après le dernier traité, entre la Russie qui y conserve son pénitentier et le Japon, et au Sud par l'île Kiu-Siu qui se rapproche de la Corée et ferme ainsi la mer Japonais:.

Les îles Liéou-Kiéou qui font suite à KiouSiou se prolongent jusqu'à Formose et appartiennent au territoire japonais dont elles semblent la continuation sous-marine comme Formose semble en être la terminaison.

Géographiquement, les Japonais ont donc quelques droits sur cette dernière île, bien qu'elle soit à la Chine depuis 1683, deux années après l'annexion du Fouh-Kien dont le prince, d'après M. de Rosny, fut livré aux animaux carnassiers, après avoir été coupé en morceaux, pour cause de rébellion.

Quant aux Kouriles, cédées par la Russie au Japon, elles prolongent le Japon dans la direction de Kamtchatka dont elles ne sont, après tout, qu'une dépendance sous-marine, et elles ferment au Sud-Est, la mer d'Okhotsk.


- La plupart de ces îles sont de formation volcanique, plusieurs même sont encore des volcans en activité, correspondant avec celui du Kamtchatka.

Cette raison, au moins autant que leur latitude qui dépasse le 50' degré, fait qu'elles sont à peine habitées, si ce n'est par quelques pécheurs dans la saison d'été. Le Japon possède aussi au large dans l'Océan Pacifique et dans la direction du Sud-Est, l'archipel de Bonin-Sima, sur lequel Klaprotl¡ et Siebold ont donné des renseignements intéressants.

Mais le véritable centre des populations du Japon se trouve dans les quatre grandes îles principales : Hondo, Sikok, Kiu-Siu, et Yéso. L2s Japonais énumèrent encore parmi leurs îles principales : Sado, Tu-Sima, Oki, Iki et Avadi, ce qui ferait neuf îles, mais comme ils possèdent Yéso depuis moins longtemps, ils donnaient naguère encore à leur pays le nom d'Oho-Ya-Sima bu des huit grandes îles.

Du reste l'activité scientifique des Japonais leur a fait dresser des cartes de leur pays qui dépassent en précision nombre de cartes de l'Europe elle-même, et font que la contrée est aujourd'hui bien connue.

Nous ne citerons toutefois, en allant du Nord au Sud, comme plus intéressante, que l'île de Yéso.

Puis, la grande île de Hondo, appelée aussi


Nippon dont les villes principales sont Yédo, aujourd'hui To-Kyau, le siège du gouvernement dont Yokohama est comme un port avancé.

De ce port, ouvert au commerce étranger, part un service régulier de bâteaux à vapeur pour San-Francisco, qni font la traversée en 22 jours.

Il y a aussi là ville d'Ohosaka qui possède'une baie célèbre.

Plus au Sud, est l'île de Kiu-Siu dans laquelle se trouve la ville de Nangasaki.

Enfin, entre lés deux dernières et plus à l'Orient du côté du Pacifique, se trouve la quatrième des grandes îles, Sikok. Avadi, la plus grande des autres îles annexes est située dans la mer intérieure dont elle ferme l'accès du côté de l'Océan.

Si les Kouriles sont trop froides pour être habitées toute l'antiée, les îles de Liéou-Kiéou, au contraire, baignées par le Kouro-Sivo qui leur communique sa chaleur, sont entourées de récifs madréponiques qui en exhaussent constamment le rivage.

Dans son ensemble, le climat est tempéré, sauf les Kouriles qui restent froides. Mais l'archipel n'en est pas moins soumis aux loi météorologiques et, à latitude égale, le Japon est de 4 à 6 degrès plus froid que le point similaire de notre vieux continent.

Les pluies sont très abondantes au Japon, ce


qui, joint à la modération des hivers et à la chaleur humide des étés, donne à la flore locale une grande richesse et une grande variété. (Voir Siebold : Blora JCtponica.) Les forêts y sont aussi abondantes et ne le cèdent en rien pour la variété des espèces aux forêts américaines. -

Le vernis du Japon qui s'est acclimaté dans nos climats, contribue pour sa part à donner à la flwe des grands arbres un aspect bien différent de celui qu'il représente en Europe.

J'ajouterai qu'il persiste encore au Japon des végétaux de l'époque tertiaire qui n'ont pu se maintenir sur le Continent.

Ceci m'amène à terminer celte étude par les traces préhistoriques qu'on rencontre au Japon.

Dans le Nippon même on retrouve de nombreuses cavernes, où avaient dû vivre les premiers habitants du pays.

Etaient-ce les Aïnos ou une population encore antérieure à celle-là ? C'est ce qu'il est impossible de savoir.

Quoi qu'il en soit, ces troglodites ont laissé pour témoignage de leur présence des pierres de diverses formes taillées par leurs mains, des amas de débris de cuisine, parmi lesquels on rencontre des ossements, humains, ce qui a fait dire au voyageur Morpe que les premiers habitants du Japon n'étaient pas les Aïnos mais des sauvages antropophages.

Peu de sépultures régulières anciennes n'a-


vaient encore été découvertes lorsqu en 1888 le journal de la Société de Géographie de To-Kyau publié en anglais, décrivit dans son numéro 3, 10' année, des trouvailles assez nombreuses de ce genre, dont il donna les figures. Plusieurs de ces sépultures ont la forme de nos dolmens et leur ouverture est uniformément tournée vers le Sud.

Quant aux instruments de pierre taillée ils ne sont pas analogues à ceux que nous corftiaissons en Europe sous le nom de la taille de Solutré ou de St-Acheul.

On trouve, plantées en terre, dans quelquasunes des îles Lieou-Kieou, des pierres droites de 1 m. 70 de haut, sortes de Menhirs, prises' par les Anglais, qui avaient visité l'Inde, pour des phallus (Fr. Hawks).

On trouve aussi des bijoux de pierre de diverses formes et grandeurs que les japonais appellent Maga-Tctma, et qui sont l'objet d'une certaine superstition, même dans la classe éclairée.


XI

Le Japon et l'Angleterre

Nous avons vu dans nos précédentes Eludes Ethnographiques le rapprochement qu'on peut établir, vis-à-vis des continents voisins, entre le Japon et l'Angleterre. La nature du sol insulaire a, en outre, une grande influence sur l'état psychique et moral de ses habitants.

Restons, pour le démontrer, dans le paralléisme géographique que nous avons établi entre ces deux nations.

M. Hardy-Polday a rappelé dans un article du Rabelais- (1905) La Main cachée ", l'alliance que l'Angleterre a conclue avec le Japon, afin de s'assurer la prépondérance en ExtrêmeOrient.

Dans ce traité, le Japon lui-même, servirait les intérêts de l'Angleterre dans sa rivalité avec la Russie, et, surtout, en cas de conflit avec la Chine ou d'autres puissances européennes.

Cela a été une habile tactique de la part de la Grande-Bretagne pour relever son prestige fortement ébranlé par son inj uste guerre de l'Afrique du Sud.

Cela étant dit, comment expliquer le croc-enjambe donné aux droits des gens par l'acte de


brutale sauvagerie commis par le Japon à l'égard de la trop confiante Russie?

Le Japon, qui se modèle en tout sur l'Angleterre et compte peut-être sur elle en cas de conflagration générale, n'est arrivé que très récemment à entrer dans le concert des grandes nations. Il se ressent encore de sa barbarie primitive et n'a que les apparences de la civilisation.

Il ne faut donc pas trop s'étonner que ces anciens corsaires qui, à l'aide des nombreuses rades de leurs îles, étaient habitués sur leurs jonques à écumer la mer de Chine, ne se soient pas embarrassés des préjugés des peuples civilisés et aient, sans déclaration de guerre, attaqué traîtreusement dans la nuit des navires à l'ancre avec le mépris le plus complet des conventions même qui règlent les combats.

Ils se sont modelés en cela sur leur chef de file, l'Angleterre, qui, pendant la guerre de sept ans, tira, sans déclaration préalable les premiers coups de canon.

C'était déjà bien, mais c'était au grand jour.

Où l'on entrevoit la main cachée c'est lorsque, tout en nous assurant de ses bons sentiments par voie diplomatique, en 1761, elle faisait saisir par ses navires de guerre tous les vaisseaux de commerce français qui faisaient voile en mer ou qui se trouvaient ancrés dans leurs ports.

En 1812, sous Napoléon, elle agit de même, et lorsque le héros français, succombant sous le nombre,se rendit à ],Angleterre,confiant comme


jadis Thémistocle en la loyauté de son ennemi, celui-ci l'exila sur un rocher perdu dans l'Océan sous la garde d'un geôlier dont je ne ne veux; pas répéter le nom odieux - Dans la guerre de l'indépendance en Amérique, apprenant que la France avait traité avec les Etats-Unis, l'Angletèrre, toujours sans déclaration de guerre, saisit encore les navires fran-' çais qui séjournaient dans ses ports.

A son exemple, le Japon, en 1896, à propos de la Corée, n'avait pas plus tôt remis au minis.;, tre chinois ses passeports que, sans laisser à ce ministre le temps de regagner Pékin, il saisissait tout un convoi chinois passant au large de Takou, lequel ignorait le motif de cette brutale agression dont le résultat fut un transport coulé à pic et neuf cents hommes tués ou noyés !

Et l'affaire récente de Weï-Hai-Weï, n'est-ce pas encore un procédé du même genre ?

Anglais et Japonais = 1.

L'odieuse affaire du Transvaal et l'infâme conduite de Jameson sont encore trop présents à l'esprit pour que je les rappelle ici.

Mais où l'on peut voir encore la main cachée de l'Angleterre, c'est dans la persécution que valut au colonel Marchand sa prise de possession de Fachoda, à travers des obstacles que le Sirdar Kitchener n'aurait certainement pas surmontés.

N'y aurait-il pas aussi la main cachée d'Albion dans cette triste affaire Youlet-Chanoine qui a


coûté la vie au colonel Kolb, et tant d'autres aventures encore entourées de mystère et dont un jour peut-être on aura le secret.

Pour conclure, qu'on se méfie de la traîtrise japonaise qui n'est que la répétition des façons d'agir de sa digne alliée.

Il semble que le sol japonais et sa position insulaire ont eu sur l'état psychique et moral de ce peuple la même influence que le sol britannique et son isolement au milieu de la mer avaient eu sur les Anglais ?

L'avenir, plus encore que l'état présent, pourrait bien en donner des preuves concluantes.


XII

Coréens et Mandchous

Tous les journaux politiques ayant décrit la géographie et la topographie coréenne et mandchoue, je ne veux dans cette courte notice que rappeler les caractères principaux des Coréens et des Mandchous sur lesquels depuis les événements de l'Extrême-Orient sont fixés les regards de l'Europe.

Les Coréens jouissent d'une constitution physique remarquable. Ils sont de plus grande taille que les Chinois et les Japonais. Leur indice céphalique sur le vivant est de 82.6.

Agriculteurs laborieux, ils possèdent un pays fertile qui pourrait supporter une population infiniment plus grande que les douze millions d'âmes qui la constituent. C'est peut-être là même une des causes qui en ont fait un objet de convoitise pour le Japon.

Ch. Varat, le premier explorateur français de la Corée, a constaté que les Coréens ont les cheveux droits et les ramassent en chignons comme les Annamites. D'après M. Deniker, ils seraient issus d'un mélange des éléments tongouz, indonésiens et japonais.


Les femmes, qui d'ailleurs ne comptent pas dans la société coréenne, sont laides, elles ont le teint jaunâtre, les yeux petits, le front proéminent, les extrémités petites, mais elles ne se déforment pas les pieds comme les chinoises.

La chevelure est abondante et - les sourcils fins comme s'ils étaient tracés sur une seule ligne avec un pinceau.

La femme coréenne est reléguée à l'intérieur de la maison. Si elle sort pour une cause urgente, elle se cache le visage sous un voile.

La crovancs générale est que le Bouddhisme est la religion dominante dans le pays.

C'est une erreur.

Comme le japonais, le coréen est fort peu reli- gieux. On trouve bien dans le pays de nombreux monastères, dont les bonzes célèbrent les anciens rites, mais depuis le quinzième siècle, le bouddhisme n'est plus la religion officielle. Les classes supérieures suivent la philosophie de Confucius.

Toutefois, le paysan est resté grossier et superstitieux et des monstres en bois peints de diverses couleurs se dressent à l'entrée des villages pour en éloigner les esprits malfaisants.

Aussi, est-ce le pays de cocagne des sorciers.

Anciennement les Coréens se servaient de grains de riz en guise de paiement.

L'esclavage pour dettes, crimes, etc., existe encore régulièrement dans le pays (W. Carier, Life in Coréa, London 1888).


La civilisation coréenne a été empruntée à la Chine du Ve au VIe siècles, et plus que dans ce dernier pays le respect de la forme et de l'étiquette est mis en pratique.

Quant à la langue, elle appartient à la famille ouralo-altaïque et se rapproche des dialectes tongouz du midi.

L'écriture diffère de l'écriture chinoise et M.

Maurice Courant, l'un de nos collègues à la Société d'Ethnographie, a publié une bibliographie coréenne qui fait voir que les Coréens possèdent une écriture alphabétique, tandis que les Chinois et les Japonais en sont encore à l'écriture idéographique et syllabique, ': Il est aujourd'hui démontré et reconnu que les lettres de l'alphabet coréen sont de provenance indienne. Ce fait ouvre la voie aux recherches des savants sur la marche de la civilisation indienne dans le cœur du continent asiatique.

Les Mandchous nous représentent une racé en décadence où ne se manifestent ni le goût du commerce, ni celui de l'industrie manufacturière. • Cependant comme les Turcs, auxquels ils sont apparentés, ils ont donné souvent des preuves de leur énergie militaire et de leur intelligence politique ; c'est ainsi [qu'ils ont conquis la Chine et bien que relativement peu nombreux ils sont arrivés à détrôner le fils du Ciel et à prendre en mains les rênes de l'empire chinois, malgré la supériorité des mandarins de


ce pays dans les sciences, les lettres et l'agriculture.

C'est actuellement une dynastie Mandchoue qui règne à Pékin.

Les Mandchous qui habitent le Nord de la Chine, ou le Sud de la Mandchourie ont adopté la langue et l'écriture chinoise.

Le Rev. Jhone Edkins, qui a été longtemps missionnaire en Mandchourie sur les bords de la rivière Leace au Nord-Est de Moukden, dit que dans ce pays, les Mandchous ne parlent pas le chinois, mais un dialecte qui s'appelle le Sibo.

Toute cette région vit de la vie pastorale. Le Sibo, comme les dialectes des autres tribus Mandchoues qui ne parlent pas le chinois, ont des rapports étroits avec le latin, non seulement par le vocabulaire, mais aussi par le système grammatical, On est surpris également de rencontrer de très curieuses affinités ethniques dans les institutions sociales des Mandchous et dans celles de la Grèce et de la Rome antiques.

Les Mandchous occupent la côte orientale de l'Asie, depuis la Corée jusqu'au Kamtchatka.

Ils ont une excellente cavalerie avec laquelle ils ont opéré des conquêtes, comme les Turcs et les Mongols.

Les Mandchous ont le teint plus clair que celui des Chinois. Ils ont l'air très intelligent. Cependant la paix les a amollis et, hors les exercices militaires, ils sont mous et indolents. Leur


infanterie est encore armée de l'arc, dont on tire la corde par le pouce fléchi, maintenu dans cette position par l'indicateur; la flèche prise dans le creux, à la base de ces deux doigts, est posée à droite de l'arc.

Bien que très habiles archers, leur armée ne résisterait pas à une armée moderne moitié moins nombreuse, mais leur cavalerie fournirait de bons éclaireurs et un appoint important dans une armée européenne.

La plupart des Mandchous ont les cheveux noirs et les yeux noirs et bridés. On en trouve pourtant quelques-uns qui ont les yeux bleus et et les cheveux moins foncés.

Ils ont un goût prononcé pour la chasse et pour la pêche, et s'ils ont perdu leur qualité de conquérants, leurs chefs n'en conservent pas moins certaines qualités d'administration qui en feraient de précieux auxiliaires pour la nation qui les aurait sous son protectorat. La Chine l'avait compris et actuellement on rencontre un certain nombre de Mandchous de la classe supérieure parmi les vice-rois et les hauts mandarins de la Chine.


Amérique pré-Colombienne

- ',,' xiu -" ,

Les Indièns d'Amérique

A ce titre, 'le lecteur de s'écrier : mais les Indiens sont dans l'Inde et l'Inde est en Asie: C'est vrai, mais pourquoi, lui dirai-je;les' Indiens d'Asie sont-ils appelés les Hindous et l'Inde l'Hindoustan ? Je ne résouds la question que pour mes Indiens qui sont, après tout, des Américains. A l'époque des grandes Compagnies, une charte'avaitété octroyée à la Compagnie dite des Indes Orientales pour faire le commerce des épices et, par contre, lorsqu'une autre Compagnie'voulut à son tour exploiter l'Amérique, plus récemment découverte, elle- obtint sa charte sous le nom de Compagnie des Indes Occidentales. Aussi, lorsque Raynal fit paraître son ouvrage si intéressant sur le commerce, l'intitula-t il : Ilistoh*^ de 'VétgpU.sïci.'icjit des Euro--

péens dans les deux Indës.

D'où le nom d'Indien est resté à nos Américains, alias Peaux-Rouges.


A l'examen des crânes des Peaux-Rouges, car il faut toujours en venir là .quand on veut étudier les origines .d'une race, on reconnaît de suite des mésaticéphales. ,

Les hommes priEiitifs étant, suivant leur provenance, ou dolicocéphales (tête allongée) ou brachicéphales (tête ronde), il est résulté, du mélange de oes deti x races, d'hoiii mes, des têtes tenant le milieu entre la dolicocéphalie et la brachicéphalie ; ce sont les mésaticéphales, comme sont nos indiens d'Amérique. J'ajoute que, les métissages s'étant multipliés à l'infini,les formes de la tête se sont elles-mêmes très compliquées. -

Je renvoie le curieux qui voudrait s'initier à des recherches de ce genre au Traité d'Anthropologie de Hovelacque et Hervé ou aux travaux si remarquables de M. Topinard.

Si on fouille quelques tombeaux antérieurs à l'époque du Moud-Builders (sortes de monuments très anciens dont on ignore l'origine), on ne tarde pas à rencontrer des crânes fossiles dolicocéphales et, si l'on réfléchit que depuis la conquête espagnole et même avant cette conquête, les immigrés venus en Amérique, soit par l'Atlantique, soit par le. Pacifique, étaient à peu près tous bra chicéphles,on a vite la raison de la mésaticéphalie actuelle. ', - Du côté de l'Atlantique, en effet, sans compter les Ganariens et peut-être les Guanches, nous trouvons les Nègres d'Afrique, qui ont fQnn.éu


Brésil les Chimas ; à l'île Saint-Vincent, les Caraïbes noirs,et, dans la Floride, les Tamassés.

Il faut tenir compte aussi des Scandinaves et des Islandais, dont les voyages fréquents et les séjours prolongés dans l'Amérique du Nord avaient eu lieu plusieurs siècles avant l'arrivée de Christophe Colomb.

Du côté de l'Océan Pacifique, nous trouvons des Asiatiques du Nord venus par le détroit de Behring (voir mon travail sur les Phénomènes océanographiques, publié dans la Revue Internationale de Sociologie, 1903) ; des Malais portés par le Kouro-Sivo (grand courant d'eau chaude venant de l'Equateur, analogue au Gulfstream que tout le monde connaît), et, jusqu'à des Japonais, peut-être même des missionnaires bouddhiques du Fou-Sang.

Tout cela joint à la docilité des femmes indiennes, explique comment toutes ces races mélangées ont formé les nationalités actuelles de l'Amérique, aussi n'y a-t-il plus que quelques rares représentants des races primitives qui tendent à disparaître de jour en jour. Avant peu, comme en Europe,il n'y aura plus de races pures en Amérique.

Quant à l'Amérique du Sud, il est probable qu'elle a été peuplée par les poussées successives venant du Nord.

Quoiqu'il en soit, les Peaux-Rouges de l'Amérique du Nord, dont les rameaux Toltèque, Aztèque et Chichimèque ont représenté les


degrés les plus avancés de civilisation, sont actuellement réduits à 380.000 environ, dont 188.000 à l'Est des Montagnes Rocheuses.

Ceux d'entre eux qui ne se sont pas mélangés avec la race anglo-saxonne sont encore dolicocéphales et mésorrhyniens (nez moyen). Ceux, au contraire, qui sont à l'Ouest des mêmes montagnes, au nombre de 192.000 sont brachycéphales et également mésorrhyniens. (Indice nasal, 50 52).

Les démographes constatent la disparition successive de ces races, ainsi que celles de l'Amérique du Sud, au contact de la civilisation et des vices qu'elle engendre, notamment la syphilis et l'alcoolisme.

Il faut aussi mettre en ligne de compte la variole qui a fait et qui fait encore, malgré l'importation de la vaccine, un nombre considérable de victimes.

Du côté des Indiens, il y a encore, comme cause de disparition ou d'extinction de race, la non reproduction, volontaire ou non, et la pratique de l'avortement ou de lînfanticide.

Le rameau Péruvien a donné le jour dans l'Amérique du Sud à deux peuples, les Quichas et les Aymaras, tous deux sous-dolicocéphales du type malayo-polynésien (indice céph.78). Ils pratiquaient la déformation du crâne sur laquelle nous reviendrons dans ces études ethnographiques.

La cornée, chez eux, est teinte en jaune et ils sont aussi mésorrhyniens (50, 52). L'os Inca est


fréquent et caractéristique de ce rameau, bien qu'on le rencontre quelquefois chez d'autres Indiens d'Amérique.

(L'os Inca ou des Incas est un de ces os woriii-iens,comme on en rencontre souvent au niveau des sutures crâniennes, qui se trouve entre les pariétaux et l'occipital).

Quant aux autres populations de la contrée, antérieures à l'arrivée des Européens, elles sont dolicocéphales mais moins mésorrhyniennes que les précédentes (48). Les plus sauvages et aussi les plus cruelles, visitées par mon confrère et ami, le docteur Rey, sont les Botocudos ou porteurs de botoques.

(La botoque est un instrument de bois que ces peuplades s'insinuent dans la bouche et qui dépasse de bsaucoup celle-ci. Souvent aussi ces peuplades S3 passent dans les oreilles de rondelles de bois qui développent le lobule au point qu'il se met presque en contact avec l'épaule du même côté.) - L'indice céphalique des Botocudos est de 73, comme celui des Esquimaux. Ils sont leptoriniens (nez long) comme eux.

Au Pérou, la population vraiment indienne, de 15.000 âmes est tombée en quelques années à 4.000.

Les caractères communs à toutes ces races sont des cheveux noirs, droits et gros ; des pommettes saillantes; la peau jaunâtre plutôt que rouge,quand on la débarrasse des peintures


qui la dénaturent, et une certaine tendance à l'obésité.

Nous aurons l'occasion, dans le cours de ces études, de revenir sur plusieurs de ces rameaux indiens les plus policés. N'oublions pas, d'ailleurs, que l'industrie européenne leur doit beaucoup de- ses succès. Le tabac qui vient des Antilles et du Mexique, le coton, le chocolat, le bois de campèche, la cochenille du nopal, le rocoux, le manioc, la tomate, la pomme de terre et les magnifiques fourrures du Nord. ,La teinture et la dorure étaient portés chez eux à un haut degré de perfection. Enfin nous leur devons l'arbre à quinquina, ce qui mérite une étude spéciale. Jusqu'à l'arrivée des Européens, les naturels étaient heureux, mais les Caraïbes et surtout les Espagnols sont venus hâter la disparition de ces bonnes peuplades.


XIV

Répartition Générale Des premiers Indiens d'Amérique.

Dans mon article déjà cité, de la Revue internationale de Sociologie, j'ai indiqué le mouvement de migration qui poussait les peuples de l'Asie, de l'Ouest à l'Est par le détroit de Behring et avait été cause, bien des siècles avant la découverte de Christophe Colomb, du peuplement de la région circumpolaire, des forêts du Canada et des prairies qui avoisinent les montagnes rocheuses.

Les objections que l'on pourrait faire à cette origine ont été réfutées victorieusement par M.

P. de Bousiers, dans les tomes VII et VIII de la Revue La Science Sociale (1889).

Quoi qu'il en soit, la région circumpolaire n'a pu être le vagina gentium qui a peuplé toute l'Amérique.

Les chasseurs de bisons, les trappeurs dont l'état social a été parfaitement étudié par M. de Rousiers, occupaienrincipalement, pendant la saison des chasses surtout, les prairies à l'Est des montagnes rocheuses et s'étendaient jusqu'au Kansas et au Mexique, nous les retrou-


verons dans toute cette étendue, sous le nom générique de Peaux-Rouges.

Mais il est d'autres sources de peuplement qu'un ethnographe ne peut manquer de citer.

Ainsi le Fou-Sang, indiqué par les livres chinois et pris d'abord pour le Japon, est reconnu aujourd'hui,malgré l'opposition de Klaproth, n'être autre chose que l'Amérique (d'Hervey de SaintDenis). Deguignes avait démontré que des communications existaient déjà au Ve siècle de notre ère entre la Chine et l'Amérique par le Tahan d'Orient qui n'est autre chose que la presqu'île de l'Alaska. M. H. Beuchat a étudié ces peuples du Nord-Ouest de l'Amérique qu'il considère comme aborigènes (Contité d'archéologie américaine, t. 11,1902). Nous pensons'que les asiatiques se sont répartis surtout à l'ouest des montagnes rocheuses et métissés plus ou moins avec les Peaux-Rouges.

M. Madier de Montjau qui a voyagé dans ces pays, déclare que les Chinois, les Coréens et les Japonais ont beaucoùp des caractères des Peaux-Rouges(Actes de la Société d'Ethnographie, t. VII, pag. 241 et 247).

M. le professeur Haeckel, d'Iéna, a constaté la similitude du cheveu entre les races mongoliques et américaines; il fait venir les premiers habitants de l'Amérique du Vieux Continent par le détroit de Behring.

En effet, les Scandinaves venus beaucoup plus tard, n'auraient pu fournir par le Groën-


land (où ils avaient aussi fondé des établissements 400 ans avant la découverte de l'Amérique), un nombre si considérable d'immigrants.

Parmi ceux qui se sont répandus à l'ouest des Monts Rocheux, je citerai plus particulièrement les peuples du Nord-Ouest, ceux disséminés entre les montagnes et l'Océan Pacifique qu'on pourrait â bon droit appeler les vaincus de la région montagneuse et les Californiens.

Ces populations réparties dans le Sud de l'Alaska jusqu'à la pointe de lajCalifornie et contenues entre les. montagnes et l'Océan, occupent au Nord la partie de l'Amérique où sont arrivés, d'après Deguignes, les premiers chinois au - V' siècle (le Tahan oriental), au centre le bassin de l'Orégon et au Sud toute la région aurifère du Sacramento.

Elles occupent aussi les nombreuses îles voisines qui, comme celle de Vaucouver, jouissent d'un climat relativement doux, par suite du grand courant d'eau chaude qui en baigne les côtes, et humide, en raison des forêts qui y abondent et des pluies fréquentes.

C'est dans la faune de ces forêts, dont les eonifères forment les essences principales, dans celles des cours d'eau descendant des Monts Rocheux et dans les fiords marins que les habitants trouvent leurs principaux éléments d'existence.

- Il les complètent par la cueillette des fruits


sauvages dans les étroites prairies qui séparent les Andes de l'Océan Pacifique.

D'après M. Beuchat (loc. cit.) ces populations se divisent en cinq groupes linguistiques distincts.

Ces groupes n'offrent pas, d'ailleurs, de caractères homogènes, prouve certaine de leurs diverses origines.

Un de ces groupes, les Salish, se rapproche plus que les autres, du type des Peaux-Rouges.

La culture, même rudimentaire, leur est inconnue. Tous sont chasseurs ou pêcheurs; ils affectionnant plus particulièrement ks viandes avancées et les œufs de'saumon pourris, comme les chinois affectionnent les œufs de poules couvés ou décomposés.

Ce n'est pas qu'ils soient intellectuellement inférieurs aux autres indiens du versant atlantique, C3 sont les conditions géologiques'et climatériques du pays qu'ils occupent qui les ont tenus dans un état d'infériorité sur leurs congénères, de même que ceux-ci et pour les mêmes raisons, ne se sont pas élevés à l'état social des Aztèques. On signale chez eux le tatouage et la déformation intentionnelle du crâne, et enfin, chose asssz singulière, plusieurs/le leurs tribus portent la Botoque, que nous avons dit être caractéristique des Botocudos du Brésil, visités par le docteur Rey.

De plus, les deux sexes se percent le nez et les


oreilles pour y suspendre des ornements variés.

Les femmes portent aussi des colliers de coquillages, des bracelets et des bagues en argent plus ou moins travaillé.

Lorsque les premiers Européens arrivèrent dans la contrée, ils trouvèrent les indigènes couverts de fourrures de grand prix qu'ils leur échangèrent pour des objets de mince valeur, Plus tard, ces fourrures devinrent l'objet d'un commerce très actit. Aujourd'hui ces indigènes ont remplacé les fourrures par des étoffes d'Europe, et les hommes se sont affublés de chapeaux de même provenance.

Quant aux femmes, elles s'entourent 14 tête d'une sorte de marmotte noire, alors qqe jusque là, elles allaient tête nue et les cheveux flottant sur le dos.

Mais les deux sexes ont conservé de l'antipathie pour les chaussures. Leurs pieds, comme ceux des Peaux-Rouges, ressemblent aux pieds des Chinois, Coréens et Japonais, qui sont d'une adresse étonnante pour grimper, saisir, etc.

(Madier de Montjau). On comprend dès lors leur horreur pour le soulier.

Outre leurs armes offensives qui leur servent aussi pour la chasse, ils ont des armes défensives en bois ou en peaux, recouvertes de pièces de cuivre ou de monnaies chinoises pour leur donner plus d'invulnérabilité.

Ils complètent *eur accoutrement guerrier par un casque de bois très épais, quelquefois sculp-


té en forme de tête d'homme ou d'animal. Leurs habitations sont généralement d'un type : uniforme, rectangulaire ou carré; elles sont construites soit au niveau du sol, soit le surmontant d'environ un mètre ; dans ce cas, on y accède par un escalier extérieur en bois.

Jadis, un trou pratiqué au sommet servait de passage à la fumée, mais depuis ce sont 'des plaques du toit qui glissent les unes sur les autres et servent aussi à la ventilation. On les ferme pendant la nuit.

Dans les centres un peu importants d'habitations, on trouve une maison plus grande et plus vaste que .les autres, ou plusieurs familles peuvent loger. Ces maisons sont percées à l'entour d'ouvertures étroites, sortes de meurtrières qui permettent aux habitants d'en surveilÍer, les abords. Les Espagnols ont donné le nom de Pueblos à des maisons semblables qui sont nombreuses au Mexique et ce nom en est resté à certains Indiens qui en font usage.

Si nous descendons le long de la Côte, au dela du 48J de latitude Nord, nous trouvons les Indiens de l'Orégon ainsi que d'autres peuples plus sauvages encore, repoussés des plateaux herbus des Monts Rocheux, par les Têtes plates, les Sioux et autres chasseurs de bisons.

A ces vaincus, se sont joints les Asiatiques naufragés ou portés par les courants marins.

Tels furent les premiers habitants de la Californie.


Ils ne se doutaient guère, à leur arrivée dans le pays, de la richesse métallurgique de la terre et se contentaient pour leur nourriture-, de racines, de glands, de noisettes et de baies sauvages auxquels ils ajoutaient le gibier et le poisson, comme les populations du Sud de l'Alaska, dont nous.avons parlé. Ceux qui habitaient la zone maritime joignaient à ces aliments une grande quantité de mollusques, de crustacés et d'oursins qui abondent dans ces parages.

Leur industrie était des plus primitives; elle consistait dans des ouvrages de vannerie, dans la fabrication de leurs armes et d'ornements en os.

Il existe une grande analogie entre eux et les populations de l'Ouest Américain plutôt qu'entre les Indiens des prairies, ce qui donne à penser que les premiers forment le gros des Californiens.

Ce sont les métis de toutes ces races qui ont fait des Californiens des hommes si différents à la fois des Blancs et des Peaux-Rouges et qu'on ne trouve que sur le littoral américain du Pacifique.

Il sont de taille moyenne, leur peau est de la couleur du café au lait, plus claire que celle des Nègres et plus foncée que celle des Chinois.

Ils ont le front bas, les sourcils noirs et épais les yeux noirs, l'orbite profond, le nez court et les narines ouvertes, les pommettes saillantes


et la bouche très grande avec des lèvres épaissès et une belle dentition.

Sous le rapport de la chevelure, ils sont ce que M. le professeur Hœckel appelle Lissotriques, c'est-à-dire d'un noir de jais, rudes, forts et épais. Leur section est cylindrique. Ils vont nu-tête, leur barbe est peu fournie et, avant l'arrivée des missionnaires européens, ils vivaient nus, hommes et femmes, et à l'état totalement sauvage.

Ils ont été assez rapidement amenés au christianisme et à une demi-civilisation par les R. P.

Jésuites (F. Gillet, de Nevada-City).

Après un certain relèvement moral et bien que l'arrivée des Espagnols, n'ait pas été aussi fatal pour eux que pour les Mexicains, les Colombiens et les Péruviens, ils n'en sont pas moins tombés dans une complète décadence et leur nombre diminue de jour en jour depuis la découverte des placers d'or en 1847 et la construction de San-Francisco.La civilisation qui s'est développée dans ce pays d'une manière si soudaine et si remarquable a été pour les malheureux Californiens le signal du plus complet anéantissement, sans qu'on puisse reprocher aux Anglo-Saxons ce qu'on leur rèproche vis-à-vis des Peaux-Rouges.


XV

Les Indiens dits Peaux-Rouges

> A l'aspect de ce nom, bien des lecteurs pourraient s'imaginer une race d'hommes différente des. trois races admises jusqu'ici : les blancs, les noirsjet les jaunes.

Eh bien, non ; on peut admettre une race américaine, mais on ne doit pas faire des Indiens. d'Amérique une race rouge.

Si, à.l'arrivée des Européens, ces Indiens leur ont, paru de couleur rouge, c'est qu'il se teignaient. ainsi et se maquillaient, soit par coutyme. ethnique, soit pour en imposer à leurs ennemis.

Le savant anthropologiste Deniker dit positivement dans son livre sur Les Races et Peuples de la. Terre, p. 593, que « Si l'on débarbouillait à.fond quelque Peau-Rouge que ce soit, on trouverait sous les couches successives de couleur une,peau tirant sur le jaune ».

Ce qui est assez naturel, d'après l'origine asiatique que nous avons reconnue à ces populations.

Les Esquimaux, qui ont une même origine, sont considérés comme des jaunes, de même que les Samoyèdes d'Asie.


Quelques tribus, par suite de métissages, ont pu varier assez pour qu'une teinte noirâtre se montrât, mais jamais les anthropologistes, qui sont la plupart polygénistes, n'ont constaté de races réellement rouges, c'est pourquoi nous leur conserverons le nom d'Indiens d'Amérique.

J'ai dit dans une précédente étude, que M. P.

de Rousiers avait étudié les Peaux-Rouges sous le rapport de leur organisation sociale, je ne m'occuperai donc ici que de leur répartition sur le sol américain et de leurs caractères anthropologiques.

Les Indiens dont l'habitat usuel et économi que est sur les plateaux herbus des monts rocheux et les prairies à l'est de ces montagnes occupent ou occupaient, avant l'invasion anglosaxonne, un territoire tellement vaste que, malgré un certain air de famille commun à tous, ils offrent des différences notables suivant les régions dont le climat, l'orographie, et les animaux diffèrent également. :

J'ai parlé dans ma précédente étude des Indiens du Nord-Ouest américain qui comprennent aussi les Aléoutes et les Koloches, ainsi que les Indiens de l'Orégon, les Pueblos et les Californiens (Indiens des côtes du Pacifique).

Quant aux Indiens du versant atlantique, bien plus nombreux, ils comprennent au nord les Allonquins et les Iroquois qui s'étendent sur le Canada et le Nord-Est américain, entre le Mississipi et le 36° de L. N.


Jadis les Allonquins étaient établis au pourtour de la baie d'Hudson où ils sont encore représentés par la tribu Kri. Aujourd'hui ils occupent toute la rive gauche du Mississipi et ont refoulé les Dacotas. Parmi les autres tribus de la rive droite, dont les prairies se confondent avec celles des Monts-Rocheux, je ne citerai que les plus importantes : les Micmacks, les LeniLenaps, les Motiveaux, les Chawnis, les Chip- , pawas,les Ottawas, les Pieds Noirs, les Cheyennes, célèbres par l'héroïque résistance qu'ils ont opposée à l'invasion européenne.

La taille de ces Indiens varie de 1 m. 68 à 1 m. 75, leur face est ovalaire et leur indice céphalique est de 79.3 (Iroquois) et de 80.5 (Cheyennes). Ces. derniers sont les plus grands.

Ce sont des tribus allonquincs qui, suivant toutes les probabilités, ont construit le plus grand nombre de ces fameux Monds-Builderscar il y en a de plusieurs types et de plusieurs époques -- dont les fouilles ont démontré l'existence relativement récente ; ce qui n'empêche pas que des traces de l'homme tertiaire ou tout au moins quartenaire n'aient été trouvées en Californie par Withney. Des pas, photographiés par le conservateur du musée américain Peabody, ont été découverts au Nicaragua sous des couches de laves et de sable d'une épaisseur totale de 5 m. 50 : Preuve d'une haute antiquité.

- Il existerait d'ailleurs, d'après les assertions de l'abbé Brasseur de Bourbourg, des docu-.


ments mexicains qui feraient remonter l'origine de l'Amérique à plus ds dix mille ans avant notre ère. (?) Sur les Monts Rocheux qui ont servi de canal pour déverser en Amtrique des flots toujours pressés d'émigrants asiatiques et de pré-arrivants de la région circumpolaire, on trouve encore les Sioux, alternativement chasseurs et bandits, les Hurons et l:s Iroquois dont une partie était restée du côté des Allonquins, les Têtes-Plates, possesseurs des plateaux herbus de la montagne, les Pieds-Noirs, les Nez-Percés, les Cœurs d'Aleine et les Bagusts, s'étendant jusqu'au Mexique.

On comptait encore au Sud-Est, sur le versant atlantique, les Apaches, les Cricks, les Natchez, les Sensinades, et les Finucus, aujourd'hui éteints ; ils occupaient la Floride. Je n'apprendrai rien à personne en disant que la majorité de ces pauvres tribus a dû disparaître devant la féroce invasion des Anglo-Saxons.

Actuellement,les tribus existantes encore sont réduites à un petit nombre d'individus décroissant tous les jours et parqués dans un territoire dit de réservation que les traités leur ont concédés, mais que la bonne foi yankee, en présence des immigrations européennes toujours croissantes, ne leur garantit pas.

Quelques mensurations prises sur des sujets de la tribu des Omahaz, venus en France en 1883 de la rive droite du Missouri, suffiront pour


démontrer les différences anthropologiques des principaux groupes Indiens de l'Amérique. On a aussi au Muséum et au Musée Broca des crânes secs recueillis soit dans les Monds-Builders (Topinard), soit dans les sépultures isolées, qui nous aideront dans notre travail.

Ainsi, si nous prenons les Indiens du versant occidental des Monts Rocheux, jusqu'aux Califorriens,, déjà notés, nous les trouvons d'une taille supérieure (de 1 m. 66 à 1 m. 69.) Ils sont brachycéphales (Ind. céph. 87 à 84,7) leur face est arrondie ou allongée, ils ont les yeux droits et le système pileux développé.

Entre les Indiens du Nord-Ouest américain et les Californiens on rencontre des Indiens Pueblos, c'est-à-dire habitant ces vastes maisons communes qu'il ne faut pas confondre avec les Monds-Builders en ce qu'elles ne servent qu'à des êtres vivants.

Enfin, il y a les Indiens de l'Orégon parmi lesquels les missionnaires catholiques ont fait, plus tard, de nombreux adeptes, ce qui prouve la douceur de leur caractère.

Toutes ces tribus et leurs sous-tribus s'habillent avec des vêtements de laine tressée, mais près de leurs casas se dressent encore des colonnes en ardoise ornées de sculptures grotesques ou horribles représentant les totems de chaque tribu.

Le totem est une marque de parenté. On peut le comparer aux blasons de la noblesse en ce


sens qu'ils servent aux familles à se reconnaître - entre elles.

Les Indiens des Pueblos sont petits (1 m. 62 avec indice céphalique 83,3, 8t,9). Ceux de l'Orégon ont 87 à 84,7. La tribu des Utes, où se sont établis depuis les Mormons, n'ont comme indice, céphalique que 79,5.

Ceux du Nord-Ouest, du côt3 de Vancouver, ont des vêtements en peaux hruLes. I,Js pratiquent la déformation du crâne, mais non le tatouage comme les précédents.

Leur arc est simple, en bois, tandis que chez les Indiens de l'Orégon, il est fait de bois et d'os. Enfin, ils n'ont pas de piliers à totem,mais ils ont des masques représentant des animaux qu'ils mettent pour marcher au combat.

C'est parmi ces populations que vivent les débris des Koloches repoussés des îles voisines par les Aléoutes venant de l'Asie.

Les Indiens du versant oriental habitent une contrée caractérisée par un climat tempéré, l'abondance des prairies, des voies fluviales, voire des lacs, qui leur donnent des facilités pour la chasse, la pêche et la cueillette du riz sauvage et du tabac, mais ils ne font pas de culture. Tous ont certains usages communs rapportés sans doute de leur habitat primitif comme le tatouage, le coloriage du corps, etc.

Quant à leurs mœurs, M. de Rousiers les a suffisamment étudiées pour que l'on n'ait pas à y revenir.


A côté des Monds-Builders, dont bon nombre n'ont pas encore été explorés, on trouve à l'Est des Monts Rocheux, des Kjokkenmoddings, sortes de dépotoirs dans lesquels on rencontre des débris d'animaux, des traces non équivoques de l'industrie humaine et même des ossements qui prouvent l'existence de l'homme américain aux temps paléolitiques.

Je renvoie du reste ceux de mes lecteurs que ces recherches intéresseraient au livre de M. de Nadaillac sur le préhistorique en Amérique.

, En rapportant ces quelques faits, j'ai voulu seulement démontrer que l'Amérique était habitée bien avant l'arrivée des Indiens, d'où qu'ils vinssent.

Quant aux nombreux dialectes parlés par les tribus indiennes, je n'en dirai rien, nos études de vulgarisation ne comportant pas la linguistique ; il me suffira de noter que certains dialectes n'offrent aucune analogie avec la majorité des langues américaines, ni avec un autre idiome.


XVI

Les Populations Indiennes de l'ancien Mexique.

M. le Marquis de Nadaillac a traité du Préhistorique en Amérique, j'ai déjà dit que mon intention n'était pas de le suivre sur ce terrain.

Je m'occuperai seulement de quelques fouilles faites sur les lieux, dont j'aurai à parler dans le cours de cas articles et pour commençer par l'Amérique Centrale, je donnerai un aperçu de celles entreprises par M. H. Bourgeois, au tumulus de Mixo (Guatémala) et dans la lagune d'Amalitlan.

Tous les objets trouvés, entre autres un vase assez curieux et des statuettes sont en pierre et en terre cuite.

On y a trouvé une chauve-souris en pierre verdâtre, dans laquelle l'auteur croit voir le dieu principal de l'endroit.

Il y avait aussi une jolie collection de flèches et d'armes en obsidienne et en pierre.

Quant aux statuettes, elles étaient de types variés ; il y avait un guerrier casqué, un roi mîtré, une femme en train d'accoucher, que j'ai


pu voir dans la collection de M. Damour, de l'Institut, à Paris.

Ce savant m'a dit que cette statuette devait représenter la déesse des accouchements (Mixtèque). J'en ai donné la figure dans mes travaux antérieurs (1). Enfin, il y avait une figurine avec une crête de plume semblable à celles des chefs Peaux-Rouges.

Tous ces objets étaient enterrés à plus de 3 mètres de profondeur, mais on n'a trouvé aucun squelette.

Cependant le nombre de couteaux et de flèches, enfouis pèle et mêle, dans une couche épaisse et étendue de cendres et de charbon, semblerait démontrer la destruction d'une ville à la suite d'une grande bataille, à moins, comme le dit M. Bourgeois, qu'il ne s'agisse de ces immenses foyers dans lesquels les indiens faisaient cuire leurs poteries.

Cependant les débris de villes détruites et d'autres recouvertes aujourd'hui par des forêts vierges, comme Palenqué, indiquent l'existence antérieure d'une population, et aussi un degré de civilisation avancé.

Non seulement l'Amérique Centrale et Isthmique, mais aussi la nouvelle Espagne, et le Mexique sont remplis de ces débris qui se rencontrent jusque dans le pays des Peaux-Rouges.

C'est ainsi que Joseph Smith, l'apôtre des

(1) Billetin (le la S;).;ié!, d'AnLliropolo^i"' (a:iruv 1S1J3, pagrï 370,).


Mormons, en cherchant dans la colline de Cumorah quelques annales échappées au massacres des Néphites par les Lamites (1), prétendit avoir trouvé les ruines de 44 cités puissantes, des temples, d'autres monuments et des statues couvertes de caractères glyptiques.

Cette découverte a été confirmée en 1835 par M. Stéphens, savant voyageur anglais (Incidents

of travel in central America).

La colline de Cumorah est situéa dans l'état de New-York, non loin de la petite ville de Manchester.

Il n'est pas impossible qu'une partie de ces Monds-Bùilders, que nous avons attribué aux Allonquins, aient été construits par ces anciennes populations car il y en a ae différentes formes et de plusieurs époques.

Il est d'ailleurs à peu près certain que les peuples les plus civilisés du Mexique pré-colombien Aztèques, Chichimèques et Toltèques, venaient de l'Amérique centrale et d'autres, non moins avancés en civilisation, étaient partis d'un point peu éloigné des précédents pour peupler le royaume si florissant des Incas, au Pérou.

Mais il serait difficile de dire, si primitivement ces peuples, si supérieurs à ceux que nous avons vu venir de l'Asie, par le détroit de Behring et.

les îles Aléoutiennes, sont venus par le Nord ou par le Sud.

(J) Sectes Hébraïques venues de Palestine après la prise de Jérusalem.


Toutes les probabilités seraient qu'ils auraient eu pour beresau l'ancien continent; certains usages et des noms analogues à ceux que l'on trouve dans l'ancienne Egypte confirmeraient cette manière de voir.

Quoi qu'il en soit, l'abbé Brasseur de Bourbourga découvert dans les documents mexicains, des textes qui lui ont permis de faire remonter à dix mille ans avant notre ère, une grande époque historique. Ces documents viennent par séries ou inductions de treize années chacune se terminer à l'époque de la conquête du Mexique par les Espagnols.

Deux de ces manuscrits en langue mexicaine, relatent l'histoire géologique du monde, intimement unie à celles des races et des nations.

L'un traite de l'histoire des Soleils, l'autre de l'histoire des Rois de Coyouacan et de Mexico, Leur principal objet est l'étude des cataclysmes qui amenèrent tour à tour la formation des terrains que l'Atlantique aurait depuis engloutis dans son sein et la destruction graduelle de ces mêmes terrains.

Ce savant américaniste ne doute pas de l'existence de l'Atlantide célébrée par Platon. (Voir : Actes de la Société d'Elh., T. 7, p. 78).

Pour en revenir aux Aztèques, qui eux-mêmes étaient déjà passablement métissés puisque M.

Léon de Rosny, ce savait dont la place était marquée à l'Institut, représente plusieurs types de ce peuple dont l'un très différent des autres,


a le nez busqué et rappèle assez bien le type assyrien ou celui de certaines tribus hébraïques.

( Voir : Document,s- écrits del'alltiquité américainc Mémoires delà Société d'Ethnographie, n° 3, 1 SS -'

Trois types Aztèques du Yuealan

C 's Aztèques étaient d'ailleurs très civilisés.

M. ttoban, de Mexico, dit qu'ils avaient le métier à tisser, qu'ils se servaient de soude pour fa i re cuire le maïs, de masques en pierre qu'ils mettaient parfois sur le visage de leurs dieux lorsque lns empereurs étaient malades.

On croit assez généralement que ces masques représentaient la ligure de quelqu'un. (Voir : Actes de la Société d'EthJlO[J}'((phic,T. (>, p. 277.)


La céramique était en grand honneur chez eux, et ils fabriquaient des sceaux en terre cuite.

M. Boban a montré à la Société d'Ethnographie une massue en obsidienne venant de Mexico.

Il est certain que le déchiffrement de l'écriture hiératique de l'Amérique Centrale par M. Léon, de Rosny conduisit les savants à comprendre les nombreuses inscriptions qui couvrent les monuments sculptés de la civilisation du Yucatan et des contrées voisines (J. Oppert).

Cette découverte, plus encore que celle de Champollion pour les hiéroglyphes égyptiens, suffirait pour immortaliser l'inventeur, car il n'avait à sa disposition aucun texte bi ou trilingue qui put lui servir de guide dans cet ingrat travail.

En tous cas, ce déchiffrement a témoigné dans ces régions un puissant développement des arts avant l'arrivée des Européens. Sous le nom d'Aztèques ou Aztecs, on confond plusieurs peuples et tribus qui avaient d'abord occupé le versant du Pacifique depuis le 26° de latitude Nord jusqu'au Guatemala" et au Salvador et du côté de l'Atlantique les environs de Mexico.

Trois siècLs avant la conquête par les Espagnols, ils avaient constitué trois Etats confédérés : Tezcuco, Tlacopan et TC/luchtitlan, qui comprenaient toutes les tribus éparses sur la côte,


MO ÎLÉON DE JROSNY Directeur à 1 Ecole des Hautes Etudes à la Sorbonne 1 un des fondateurs et des anciîns présidents de la Société d'Ethnographie (Etudiant la Sculpture et l'Ecriture du Yucalan) (Afôinoirçe bot. Eth.J Les documents éni's de Y Antiquité Américaine (planche iv, n- 6. 1882)


probablement de même origine, toltèques, chichimèques et autres, mais non toutes arrivées au même degré de civilisation.

Il m'est impossible, ici, de détailler les us et coutumes de ces tribus, je dirai seulement d'une manière générale qu'indépendamment de la culture du maïs, dont nous avons parlé plus haut, elles cultivaient aussi le tabac et le cacao.

Nous savons déjà que les Aztèques possédaient le métier à tisser, que la céramique était florissante chez eux. Ils y ajoutaient la fabrication du papier, la fonte et le martelage des métaux usuels et précieux. L'architecture et la sculpture avaient atteint chez eux une grande perfection.

On voit donc, parce simple aperçu, combien les populations de l'ancien Mexique étaient supérieures aux pauvres indiens des deux versants des Montagnes Rocheuses.

Nous avons vu les principales civilisations anté-colombiennes se développer du côté du Nord entre le 22° et le 12'! degré de latitude, comprenant le Yucatan et les petits Etats isthmiques.

Le peuple dominant définitivement fut le peuple Aztèque qui a fini par établir sa capitale à Mexico, à 19' 25' 45" de l'Equateur.

C'est là que Fernand Cortès a eu avec leur empereur Montézuma les relations qui ont abouti à la destruction de ll'!ll' empire sous prétexte de barbarie et de sacriiie.s humains.


Il est pourtant certain qu'avant l'arrivée des Espagnols le Yucatan possédait l'art de l'écriture,car,outre les rébus de l'Anahuac, on y avait composé des livres dès l'époque des Toltèques, premiers civilisateurs du Mexique.

Pour M. de Rosny, cette écriture serait due aux Mayas de l'Amérique Centrale, bien que M. de Humbold soit d'un avis contraire.

Il y avait aussi des peintures d'une interprétation plus facile que les hiéroglyphes égyptiens.

Tels étaient les Indiens les plus civilisés de l'Amérique du Nord.


XVII ,

La fin de l'empire des Aztèques

Nous avons énuméréles tribus indiennes dites Peaux-Rouges et la plupart des autres tribus américaines présentant quelqu'intérêt dont l'habitat ne dépassait pas le 10' de latitude Nord, comprenant ce que nous appelons aujourd'hui le Canada, les Etats-Unis, l'ancien et le nouveau Mexique jusqu'à l'Arizona,auxquels il faut ajouter le Yucatan, le San Salvador et le Guatemala y compris le Honduras et le Nicaragua, qui formaient une civilisation à part très voisine du reste de celle des Aztèques et connue sous le nom de civilisation Maya.

En un mot toute l'Amérique septentrionale depuis le pays des Esquimaux jusqu'à l'isthme de Panama sur la rive droite de la rivière Chagrc.

Avant de passer aux Indiens de l'Amérique méridionale je consacrerai la présente étude à la fin de l'empire des Aztèques, le plus civilisé des peuples de l'Amérique septentrionale à cette époque, bien qu'il n'eut pas d'écriture alphabétique comme les Mayas


D'ailleurs, à l'arrivée des Espagnols, le Mexique n'avait pas encore complété son évolution, mais il était en progrès sous le sceptre des Montézuma descendants de Acamapich le fondateur de la dynastie Mexicaine.

Les Toltèques venus, croit-on, de l'Asie (?) avaient d'abord leur capitale à Tula. Quelquesunes de leurs tribus prirent le nom de Chichimèqùes, se séparèrent et fondèrent la ville de Tézenco. Les Aztèques venus du Yucatan ayant conquis les Toltèques et leurs tribus dissidentes, ceux-ci se fondirent avec les Aztèques pour ne former qu'un seul peuple qui s'établit définitivement dans l'ancien Mexique où il fonda la ville de Mexico au milieu du lac de Ténochtitlan se mêlant ainsi avec les anciens Mexicains.

Mexico, appelé aussi Ténochtitlan, du nom du lac, devint la capitale du pays qui fut plutôt une confédération militaire qu'un empire proprement dit.

Néanmoins, sous le gouvernement de Montézuma II les fonctions publiques ainsi que les biens devinrent héréditaires, ce qui n'était pas auparavant.

Le chef ou général prit le titre de Roi,d'autres disent d'Empereur. Ce qui est certain, c'est que ce chef militaire jouissait du pouvoir législatif.

Il avait sous ses ordres des chefs civils et militaires nommés Caciques dont les uns étaient chargés de la justice, les autres de la perception des impôts en nature ; quelques-uns étaient in-


génieurs chargés comme tels des travaux publics ou de la direction de la culture, d'autres enilu étaient de vrais chefs militaires chargés de l'organisation et de la conduite des armées sous le sceptre de Montézuma.

Les armes des Aztèques étaient l'arc, la laoc, l'épée, la massue en pierre ou en obsidienne et des armes défensives, boucliers, casques et cuirasses en coton (?)Les lois étaient très sévères, mais la justice égale pour tous, aussi le peuple se trouvait il heureux. Il avait fini par élever des temples à Montézuma, même de son vivant. Après sa mort si tragique, cela devint, dans certaines provinces, comme un véritable culte au grand scandale des missionnaires espagnols.

C'est ainsi que le peuple, déjà évangélisé, confondait dans une même adoration le Soleil, Jésus et Montézuma.

Quant à Cortès ils le considéraient comme un brave homme poussé par les ordres reçus d'Espagne.

Cependant les Aztèques avaient une religion et leur Panthéon, comme celui des Romains, comprenait, outre leurs Dieux nationaux, tous les Dieux des peuples vaincus !

M. G. Raynaud, professeur à l'école des Hautes études à Paris, a traité dans ses cours des anciennes religions du Mexique. (Société d ethnographie. Section orientale et caméricaine, 2 série, T. IV, n i6).


Ce polythéisme faisait espérer aux Espagnols qu'ils convertiraient facilement les Aztèques au christianisme.

A cet effet,ils leur avaient envoyé, dès le début de la campagne de nombreux moines, malheureusement trop zélés qui firent quelques prosélytes mais ne réussirent pas à convertir la masse du peuple.

Un certain Franciscain, le P. Diégo de Landa, fort érudit, mais fanatique à l'excès, brida tous les livres Mayas et Aztèques religieux, politiques ou simplement historiques qui lui tombèrent sous la main.

Les seuls Aztèques n'eurent pas à souffrir de ces profanations, car, en Europe même, les hommes de science furent, par ces faits et d'autres semblables, privés d'une source précieuse de renseignements pour l'histoire de ces peuples.

Quelques gouverneurs pourtant, moins fanatiques que les moines, en mirent un certain nombre de côté qu'ils envoyèrent à Madrid où Charles-Quint en constitua un musée spécial.

C'est dans ce musée que M. Léon de Rosny put comparer et interpréter les anciens textes Mayas pour en reconstituer l'histoire du passé.

D'autres américanistes ont puisé sur les lieux mêmes, comme Botturini, en 1735, au musée de Mexico, quantité de matériaux qui lui ont permis de créer son Musée Indiano D'autres, comme Brasseur de Bourbourg, pourtant très érudit, se sont trop pressés d'interpréter des


des écritures figuratives ou des textes Maya,non vérifiés, et ont par cela même commis de grosses erreurs de traduction, soit à propos des révolutions du globe, soit des cataclysmes qui auraient entraîné la disparition de l'Atlantide.

Quant à notre collègue, M. Aubin, qui est resté plus de vingt ans au Mexique, il a ramassé la plus belle collection do manuscrits et de planches qui puisse exister en Europe et l'a rapportée à Paris pour pouvoir l'examiner à loisir.

Des Anglais ont aussi fait provision de documents, et le musée de lord Kingsboroug est très célèbre à cet égard.

Malgré cela, l'accord historique est encore loin d'être fait entre toutes les interprétations.

Ce qui est certain, c'est que l'agriculture était très avancée et très honorée chez les Aztèques; que des mines d'or, d'argent, de cuivre (à l'exception du fer), étaient exploitées, que la céramique y était en honneur et qu'on trouvait à Mexico d-3 bons tisserands, de bons teinturiers, des orfèvres et, s'il n'y avait pas de boutique, il y avait des marchés à dates fixes et que les rues étaient éclairées la nuit. Où en étions-nous en Europe à cet égard avant 1503 f Comme monnaie d'échange, les Aztèques se servaient de grains de cacao, avant l'arrivée des Espagnols. D'ailleurs le commerce se fait surtout par échange et il était des plus variés. Behmaner, de Dresde, nous apprend que 60.000 né-


gociants se rendaient à Mexico, les jours de marché pour trafiquer.

D'autre part les ruines imposantes que l'on rencontre dans tout le Mexique et en Amérique centrale indiquent combien l'architecture était avancée, mais cet art se ressentait encore de la barbarie.

Les astronomes avaient divisé l'année en 365 jours 1/4.

L'hospitalité était largement pratiquée (t les réceptions de Cortès par Montézuma prouvent que le luxe n'en était pas exclu.

Les transports seuls étaient en souffrance quoique les routes fussent larges et belles et surveillées par des sortes de cantonniers, mais ce qui manquait aux Aztèques, comme à tous les Américains, c'était des bêtes de trait ou de selle; le Pérou seul avait le lama, animal encore bien imparfait en comparaison de nos chevaux et même de nos ânes ; le buffle des Peaux-Rouges n'était pasdomesticable et on ne connaissait pas le chameau.

C'est ce manque d'animaux de trait, et aussi l'absence du fer dans la région, qui ont été cause de l'infériorité de tous les Américains pré-colombiens. ,

Sans l'arrivée des Espagnols, certainement les Aztèques n'auraient pas tardé à laisser leur écriture figurative pour s'approprier l'alphabet Maya.

Si les conquimdores n'eussent pas été poussés


par le démon de l'avarice et de la cupidité, il leur eût été facile de gouverner. Mais parmi les nombreux dieux des Aztèques, il y en avait de très féroces, buveurs de sang humain, auxquels on ne sacrifiait pas seulement les prisonniers de guerre, mais aussi des criminels ou d'autres nationaux atteints par la sévérité des lois.

Ce tut ce qui les perdit ou du moins ce fut le prétexte qui décida leur perte. Après tout, n'avons-nous pas commis un acte du même genre en détruisant le Dahomey où des coutumes analogues, qui n'avaient pas même la religion pour prétexte, faisaient de Béhanzin l'épouvantail de la contrée?

Lorsque F. Cortès partit pour l'Espagne, il remit ses pouvoirs à son lieutenant Alvarado, brave soldat, mais faux et cruel comme on le verra par la suite.

Parmi les manuscrits en écriture figuratixe conservés au musée de Mexico on trouve, planche l, le supplice des Caciques de San Pueblo et San Andres, auquel assistait Cortès en personne, tandis que ses lieutenants exposaient les principes de la religion de charité et jd'amour aux malheureux Caciques enchaînés.

Sur la même planche, on voit un Espagnol faire déchirer par un chien de forte taille un Cacique sans doute récalcitrant.

Ces abominations du reste étaient fréquentes de la part de la soldatesque espagnole dans tous les centres de population qu'ils découvraient.


Las Cazes, lui-même, les a confirmées et il dit : «tous ces hommes étaient ivres et fous de carnage, de luxure, d'or, de dangers et à la fois de courage presque toujours heureux. »

Mais ce qui dépasse tout ce qu'on peut imaginer en fait de barbarie, ce fut le massacre du grand temple de Mexico, figuré à la planche 111 du Musée, qui porta le coup fatal à l'empire des Aztèques. 1 1.,,tlteii~irit Pendant l'absence de Gortès, son lieutenant Alvarado, de funeste mémoire, profita d'une des fêtes mexicaines des plus solennelles, celle du Toxcail qui tombait le l(> mai, pour encourager les mexicains à se réunir dans le grand temple de Mexico afin de fêter dignement et religieusement cMtte fête fatale, promettant d'assister luimême avec son état-major à la cérémonie.

Plus de trois mille Indiens de la ville et de la province répondirent à son appel.

Et voilà, il n'est malheureusement pas permis d'en douter, qu'à un moment donné, des soldats espagnols se précipitent dans le temple l'épée nue a la main et font un carnage horrible de tous ces malheureux sans défense. Les prêtres euxmêmes, attaqués sur l'autel, portant encore leurs ornements, se précipitent dans l'escalier pour fuir, ils sont reçus au bas sur les piques de la soldatesque avinée et leur corps furent coupés en morceaux.

PifS iui Aztèque 11 échappa.

Ce crime horrible se passait le 16 mai 1528.


A son l'elour, Cortès désapprouva son lieutenant Alvarado, qui passa même en jugement, mais il fut acquillé. Le manuscrit, planche Il, interprété par Ramirez et déposé aujourd'hui à la bibliothèque nationale de Paris, nous apprend que quelques années plus tard une révolte de 10.000 Indiens eut lieu pour cause du baptême qu'on voulait leur conférer de force.

Alvarado fut envoyé pour réprimer la révolte, mais il fut vaincu et blessé grièvement eu essayant de franchir les retranchements des Indiens. Il mourut quelques jours après à Guadalaxara.

Deux mois après sa mort, sa femme mourut à bon tour ensevelie sous les ruines de la capitalo du Guatemala détruite par une éruption volcanique.

De ses deux fils, l'aîné périt dans un naufrage et l'autre fut tué dans un combat au Pérou.

Juste retour des choses d'ici-bas.

Quant à Montézuma, après tous ces tragiques événements, il se laissa mourir de faim !,..

Ainsi finit l'empire des Aztèques dans l'Amérique du Nord.


XVIII

Loo Indiens du Contre .Américain

Si les Aztèques et les Toltèqucs, car il est prouvé aujourd'hui que 1 s Chichimèques n'ont jamais existé, mais que ce nom était donné dans certaines circonstances à quelques tribus Aztèques ou Toltèques, si, dis-je, les Aztèques et les Toltèques étaient arrivés à un degré élevé de civilisation, les autres indiens de l'Amérique centrale en étaient encore presque à la barbarie et ne s'élaicnt même pas élevés au niveau des Peaux-Rouges.

Tels étaient les Indiens de l'isthme de Panama, visités par Lionnel Waffer en 1687 et dont M. Trubert a parlé à la Société d'Ethnographie sous le nom d'Indiens du Darien (voir Bulletin T. II, 1902.

Cette dénomination indique que le voyageur Waffer a plutôL vu les habitants de la côte du Pacifique que de l'Isthme en général.

Avant l'arrivée des Européens, ces Indiens allaient et venaient nus, mais le corps couvert de peinture ; ils étaient peu nombreux sur les rives mêmes de l'océan Pacifique, mais les bords des rivières étaient plus peuplés à mesure qu'on


avançait dans les terres, notamment le ion;.;' de la rivière Chaire qui permettait aux plus entreprenants de passer d'un océan à l'autre.

La tailla de ces indiens est é levée, ils sont droits, avec un? large poitrine et un squelette rubusle. Aussi comme agilité ne le cèdellt-ils qu'aux Indiens des Prairies.

Les femmes sont plus petites et se Ilélriss.nt vite.

Les deux sexes ont le visage rond, le nez court et écrasé, le front découvert, la bouche moyenne elles dents blanches et ce qui les distingue des Californiens c'est la teinte de l'iris qui est grise.

Avec cela l'œil est gros et brillant cl l'orlnt:* p u protond. Pourtant la chevelure est encore lissIJtrique et, sous ce rapport, ils se rapprochent des Peaux-Bouges. La peau est d'un jaune cuivre et le système pileux général est très noir, mais rare au menton, qu'ils épi lent du reste.

Liotmel Wal'fer a constaté parmi eux quelques Indiens blancs. D'où venaient-ils 1 il sera it impossible de le dire. Ils paraissaient plutôt des albinos car ils voyaient clair la nuit. Leurs blancs. (lit chevcux et tout le reste du système pileux étaient Le voyageur ne nous a pas donné la couleur de leur iris.

Quoique vivant de la vie des autres indiens,ils n'avaient pas beaucoup d'estime les uns pour les autres.

L"'s habitations des indiens isthmiques, tou-


jours sur le bord des fleuves, étaient isolées ou plutôt séparées entre elles, mais, ils avaient comme les indigènes du Nord-Ouest américain, des maisons plus grandes qui leur servaient de magasins communs, des pueblôs. Des billots de bois étaient leurs seuls sièges et ils en étaient encore, avant la conquête, au foyer au milieu du logis.

Ils ne cultivaient que le platane, dont ils tiraient une liqueur énivrante, leQ patates et un peu de maïs autour de leurs habitations ; à ces pauvres ressources, ils ajoutaient le produit de leur chasse et de leur pêche et les femmes engraissaient des volailles.

La polygamie existait parmi ces indiens, mais l'adultère était puni de mort. Les filles nubiles1 se couvraient le visage et restaient closes à la maison : la séduction n'était donc guère facile.

C'est le soleil qui leur donnait l'heure et leur servait de guide en voyage.

N'avais-je par raison de dire qu'ils étaient plus misérables que les indiens du nord.

Enfin à l'occasion des mariages ou des chasses fructueuses, hommes et femmes se livraient à des libations de Ohicka, leur boisson favorite, jusqu'à la plus complète ivresse.

Il se servaient comme les autres indiens d'arc et de flèches, soit pour la chasse, soit pour leur défense personnelle. Comme ils ne devaient pas être bien vus des autres indiens plus civilisés, ils se renfermaient en cas d'attaque, dans leur


pueblos, d'où ils tiraient leurs flèches par des trous,sortes de meurtrières, ouvertes tout autour de cette grande maison.

Un peu plus haut et toujours sur la côte du Pacifique, existaient les Wabis, visités par feu Brasseur de Bourbourg, qui a communiqué ses impressions à la Société Américaine de France (voir T. I", 1875, p. 131).

Le pays des Wabi était une dépendance de l'Etat Mexicain d'Oaxaca et resseré entre l'océan Pacifique et les Andes, il est dominé par des hauteurs gigantesques qui s'abaissent tout à coup et font de la vallée maritime un territoire fort malsain.

C'est sur ce territoire qu'est bâtie la ville de Tehuantépec, sur la partie méridionale de l'isthme, et traversée par le Rio de Santa-Maria qui se jette dans la mer au port de la Ventosa, jadis très important; comme la ville de Palenqué, elle a résisté à la destruction, mais ne comporte plus qu'une douzaine de mille âmes composée d'Indiens zapotèques et surtout de métis.

Ce sont les Espagnols,causes de tant de ruines ailleurs, qui ont sauvé celle-ci du désastre. Ils y ont construit un couvent de Dominicains et ont donné le nom de Santa-Maria au Rio qui traverse la ville et s'appelait précédemment le Rio de Nexapa-.

D'autres Rios, descendant des Cordillères et souvent débordés, transforment les prairies voi-


sines en marécages et entretiennent des lagunes qui augmentent l'insalubrité du pays.

Mais revenons à nos Indiens Wabi d'avant la conquête espagnole.

D'où venaient-ils ? Quelles étaient leurs mœurs, leurs occupations ?

Un père dominicain qui a écrit l'histoire de la province de GttaxCtca, a dit que les Mixi occupaient avant eux le pays, lorsque les Wabi, repoussés du Midi où ils habitaient, survinrent, les repoussèrent à leur tour dans les montagnes et s'établirent dans le pays.

On les croyait venus du Pérou, parce qu'ils pratiquaient une grande fête au solstice d'été, comme les Péruviens, mais nul ne peut l'affirmer ; on sait seulement qu'ils n'étaient pas des Peaux-Rouges.

C'est vers la fin de l'empire Toltèque, entre le XIe et le XIIe siècle, que se passait cette prise de possession du sol par les Wabi. C'étaient d'habiles navigateurs qui s'aventuraient sur le Pacifique dans de frêles esquifs. Ils vivaient d'abord de la pêche et de la chasse des oiseaux aquatiques, puis ils se livrèrent au commerce.

Les Wabi sont petits et trapus et d'un cuivré généralement plus foncé que celui des Indiens environnants. Ils sont courageux et industriels ; ainsi, ils teignent leurs étoffes de soie ou de coton avec la liqueur pourpre que leur fournissent certains coquillages. Ce sont les femmes qui vont dans la mer jusqu'à mi-jambes recueillir


ces précieux coquillages sous les rochers, et, les pressant doucement, leur font dégorger la liqueur qu'ils contiennent, dont elles imbibent leurs étoffes. Elles les replacent ensuite sous les roches où elles les avaient d'abord pris pour les retrouver plus tard et faire une deuxième récolte et ainsi de suite.

Cette industrie et une foulEf d'autres, ainsi que les produits du commerce avaient fait du Tehuantépec, une cité floriante. Mais amollis par les premiers bienftjKs d'une civilisation qu'ils ne devaient qwèÍ eux-mêmes, les Wabi succombèrent devant les conquérants Mexicains qui annexèrent leur pays au Mexique.

A dater de cette époque,les malheureux Wabi se réfugièrent dans leurs lagunes où les Mexicains, pas plus que les Espagnols après la conquête, ne les suivirent, en raison de l'insalubrité des lieux.

Les Aztèques sonoriens, les plus civilisés de ces Indiens, habitaient ce qu'on appelle le plateau de l'Anahuac ; les autres tribus du centre américain étaient réparties dans le reste du Mexique, jusqu'au versant Atlantique, et ils s'étendaient jusqu'aux territoires dits aujourd'hui de Costa-Rica, Honduras, Salvador et Guatemala.

Ce fut une de ces tribus, les lVicaraos, qui alla fonder la République de Nicaragua.

Les Aztèques sonoriens sotit grands (1 m. 71),.


sveltes, agiles, le nez proéminent,avec un indice céphalique sur le vivant de 73,6.

Ils habitaient dans des pueblos et cultivaient la vallée de Gila avant de s'emparer de Mexico qu'ils occupaient sous le sceptre de Montézuma, à l'arrivée de Fernand Cortès, en 1520.

Ils ont joué le rôle le plus important parmi les Indiens d'Amérique, dans l'histoire de la conquête que nous n'avons pas à retracer ici.

Tel est l'historique très abrégé des populations pré-colombiennes de l'Amérique centrale, y compris l'isthme de Panama.


Amérique du Sud

XIX

Coup d'œil général sur l'ensemble des anciennes populations américaines.

Nous avons vu rapidement comment les Indiens venus d'Asie avaient envahi successivement toute l'Amérique du Nord. Le plus grand nombre ayant pénétré par le détroit de Behring et les Iles Aléoutiennes, dans l'Alaska, à une époque probablement antérieure au Ve siècle.

D'un autre côté, des Scandinaves venus d'Europe 400 ans avant Colomb, avaient fondé ua établissement au Groënland et s'étaient de là répandus sur la côte Est, assez proche de l'emplacement actuel de New-York, d'où ils furent repoussés par les premiers occupants, mais non sans s'y être métissés avec les Asiatiques.

Ceux des Américains que l'on pourrait considérer comme autochtones étaient dolicocéphales, ils descendaient de ces anciens Américains qui ont laissé leurs crânes fossilifiés dans les couches les plus profondes du terrain quaternaire.

Quant au squelette trouvé par Withney dans le terrain tertiaire de la Californie, il peut sa


faire que l'enfouissement l'ait porté jusque dans les couches postplio.cènes les plus superficielles du tertiaire. L'histoire des soleils pourtant semble nous dire que l'homme vivait en Amérique au moment des grands cataclysmes qui ont précédé la période géologique actuelle. Mais cela n'est pas démontré.

La masse des immigrés venus d'Asie et ceux de Scandinavie étaient sous-dolicocéphales (I. G. 76 et 78). Leurs métis ont pu acquérir cette mésaticéphalie qui est la caractéristique générale des populations prë-colombiennes de l'Amérique du Nord.

Pour ce qui est de l'Amérique du Sud, la côte du Pacifique étant la plus peuplée et la plus civilisée à l'époque de la conquête, c'est par là qu'ont dû aborder les premiers immigrants japonais, Malais ou Polynésiens portés par les courants ou jetés à la côte par la tempête. Mais du côté de l'Atlantique sont aussi venus des noirs d'Afrique qui ont formé les Chiamas du Brésil, les Caraïbes noirs de St-Vincent, les Yamassis de la Floride et d'une partie des Antilles. Si réellement l'Atlantide poétisée par Platon a existé, la pénétration des Africains, celle des Phéniciens et des Egyptiens peut facilement s'expliquer.

En tous cas, les Phéniciens qui voyageaient partout et gardaient mystérieusement leurs voies ont pu apporter en Amérique les usages que l'on y retrouve de l'Assyrie et de l'Egypte.


Enfin, quelques populations indiennes soit de l'Amérique centrale, soit du Mexique ou de la Floride; ont pu à leur tour passer dans l'Amérique du Sud, tels, par exemple, les Nicaraos qui ont fondé l'état de Nicaragua, les Aymaras et les Quichuas qui dominaient au Pérou à l'époque de la conquête.

Bref, nous pouvons résumer ainsi l'évolutiou de la population dans les deux Amériques.

Pour le nord, le métissage entre les races primitives et immigrées, ont formé les Indiens dits Peaux-Rouges, qui diminuent de jour en Jour et finiront par disparaître ou se fondre dans les Anglo-Saxons venus plus tard de l'Est.

C'est ainsi qu'ont déjà disparu les races autochtones ou immigrées de l'Amérique du Sud depuis la conquête espagnole par la cruauté des envahisseurs.

Quant aux autres populations antérieures à la conquête, encore la plupart sauvages et par conséquent peu connues,elles sont presque toutes dolicocéphales, mais moins mésorrhyniennes que les précédentes (Ind. nas. 48). Les plus sauvages sont les Tobas du Brésil, parmi lesquels le docteur Crevaux a trouvé la mort et les Botocudos visités par le docteur Rey dont nous avons parlé dans nos études précédentes.

La botoque se retrouve chez les Indiens du Nord-Ouest américain, dans l'île de Vancouver, dans la Colombie Britannique et même dans-


les populations des environs du lac Tchad, en Afrique.

Leur indice céphalique est de 73, comme les Esquimaux. Ils sont leptorrhyniens comme eux (ind. nasal 42.) Enfin les Araucans, habitants des montagnes

entre le Chili et la République Argentine forment le seul des peuples indiens qui ait une littérature et une histoire, après, toutefois, les Péruviens. Enfin, dans l'extrême Sud du Continent Américain, les Indiens des Pampas, à l'Est, les Patagons et les Fuégiens à l'Ouest.

Ces derniers s'étendent jusqu'au détroit de Magellan et à la Terre-de-Feu.

Les Quichuas, fondateurs des Etats des Incas au Pérou, sont des tribus parlant la même langue jusqu'en Colombie au Nord-Est, et au Sud, jusqu'à la lisière des Pampas, du côté de l'ouest, depuis Quito jusqu'au 30° de latitude Sud.

Sur les bords de l'Océan Atlantique sont les Guaranis, à l'embouchure de l'Orénoque, les Caraïbes, dans le bassin de l'Amazone, d'où ils émigrèrent en Guyanne deux siècles avant la conquête. Enfin, dans la Guyanne française on trouve encore les Galibis et les Roucouyennes.

Le type physique de ces Indiens varie de ln,53 à 1m61 pour les hommes et de lm45 à ln,52 pour les femmes. Les plus petits sont mésaticéphales (81.3) et les plus grands sous-dolicocéphales(79.6).

On signale parmi eux des individus aux cheveux ondulés ou frisés, preuve de métissage cer-


tain. Sauf ces derniers, les caractères communs de toutes ces races sont : cheveux noirs, droits et gros, pommettes saillantes, peau jaunâtre, obésité.

Quelques tribus se sont données à la géophagie, et quant à la pathologie, nous dirons que le goître est endémique dans les Andes, que les maladies de la peau y sont fréquentes (gale des Illinois, vitiligo des Galibis, corrothe des Cordil- lières, pinta du Mexique) ; la lèpre est fréquente aussi aux Antilles, dans la Guyane, le Mexique et quelques provinces du Brésil.

Parmi les maladies du système nerveux, rataxie locomotrice compte pour un dixième dans la mortalité générale. La folie est aussi fréquente qu'en Chine. La fièvre jaune, d'après le docteur Batas, serait également fréquente chez les Indiens que chez les Blancs. La fièvre rémittente bilieuse et le typhus (matazahualt des Aztèques) font beaucoup de victimes. Mais la typhoïde est rare.

La phtisie existe au Brésil et au Pérou, mais ne sévit pas sur les Indiens. Ils sont aussi moins sujets aux fièvres palustres que les Blancs venus depuis, mais plus que les Noirs originaires d'Afrique.

Enfin, on a noté en Patagonie, près le détroit de Magellan, des épidémies furonculeuses, notamment chez les Fuégiens qui vivent dans une saleté repoussante.


XX

Les Indiens de l'Amérique Méridionale

Dans l'Amérique méridionale nous ne trouvons plus, ainsi que dans l'Amérique du Nord, des personnages de théâtre et de fantaisie, comme les romans de Fenimore Cooper et les poèmes de Longfellow ont représenté les Indiens. Nous voyons les vrais enfants de la nature et dans l'impossibilité de déterminer l'origine de la plupart: d'entre eux nous dirons, avec G.

Raynaud, que les Indiens de l'Amérique Méridionale sont des Américains.

Nous avons vu que quatre siècles avant la découverte de l'Amérique Méridionale par Christophe Colomb, les Scandinaves et les Islandais avaient déjà colonisé le Groëland, sous la conduite d'Erik le flouge et qu'ils s'étaient avancés sur la côte de l'Atlantique jusqu'au Viniland (pays de la vigne), d'où ils avaient été chassés plus tard par les Esquimaux en 1418.

Mais pour la découverte de l'Amérique Méridionale, l'honneur en revient entièrement à Christophe Colomb.

Pourtant l'illustre amiral génois qui naviguait pour le compte de l'Espagne croyait aller aux Indes et ne pensait pas rencontrer un continent


sur sa route, car il s'était inspiré de Ptolémée qui avait évalué à la moitié de la circonférence terrestre, la distance entre l'Europe et l'Inde.

Colomb n'est pas responsable de cette erreur.

Déjà, portés par des courants, des navigateurs avaient découvert les îles Madères en 1351 ; d'autres les Açores en. 1482. C'était presque la moitié du chemin lorsque Colomb, poursuivant la même route, aborda les Petites Antilles "et prit terre dans l'île de Guanahani, l'une des Bahama, le 12 octobre 1492.

Mais laissons-le lui-même raconter son voyage dans une lettre écrite au seigneur Raphaël Sanxis, trésorier du roi. Ferdinand d'Espagne, le 3e des Calendes de Mai 1493.

J'en extrais ce qui suit : « Trente-trois jours après avoir quitté Cadix je suis entré dans la mer des Indes où j'ai trouvé plusieurs îles remplies d'habitants. »

La première qu'il rencontra était appelée par les Indiens Giiauahatii. Auj ourd'hui cette île est déserte. Il lui donna le nom de San-Salvador et il donna aussi un nom nouveau à toutes celles qu'il rencontra par la suite.

Il débarqua et parcourut une partie de celle qu'il appela Johanna, qui est l'île de Cuba, découverte le 20 octobre.

« Après avoir débarqué dans cette île Johanna dit-il, je me suis avancé quelque peu sur sa côte occidentale et l'ai trouvée si grande qu'elle me


semblait n'avoir pas de limites; aussi je ne la considérai pas comme une île mais comme la province continentale de Chatai. » Colomb se croyait donc toujours comme arrivé en Asie, en Chine, en Tartarie ou au Japon et il se préparait à envoyer un Ambassadeur avec des présents au GrandKhan, qui était d'après ce qu'on lui avait assuré en Espagne, un seigneur fort puissant.

Après avoir visité les autres Antilles et s'être aperçu qu'il n'était pas sur le continent, il prit la résolution de ne pas continuer ses recherches et il rétrograda vers le midi afin de gagner un hâvre qu'il avait déjà remarqué en passant.

Dans cette traversée il découvrit encore une grande île qu'il baptisa Hespanuola. C'est auaujourd'hui l'île d'Haïti ou Saint-Domingue.

C'était le 5 décembre. Colomb trouva le pays si beau, qu'il appela une de ses parties Le Paradis.

Je n'ai pas à rapporter ici les merveilles naturelles qu'il décrivit à propos de la flore et même de la faune des Antilles, je rapporterai seulement quelques passages de sa lettre relatifs aux habitants.

« Les habitants des deux sexes de cette île et de celles des autres îles que j'ai visitées ou dont j'ai entendu parler, vont toujours nus et tels qu'ils sont venus au monde. Quelques femmes, cependant, couvrent leur nudité d'une feuille ou de quelque feuillage ou encore d'un


voile de coton qu'elles ont préparé pour cet usage.

« Ils n'ont point d'armes offensives ni défensives. Ils sont timides et craintifs. dès qu'ils voyaient les nôtres s'approcher d'eux ils prenaient promptement la fuite, au point que les pères abandonnaient leurs enfants et réciproquement sans qu'on leur fit aucun mal. »

Cette frayeur des Indiens était une sorte de superstition, car, comme le dit Colomb lui-même, ces braves gens, doux, bons et hospitaliers, croyaient l'amiral et les siens descendus du ciel.

Ils n'avaient jamais vu de costumes européens, ni des vaisseaux si grands et couverts de voiles.

Ces qualités des indigènes ne tardèrent pas à contraster avec la férocité des Espagnols comme l'a constaté Las Cases, qui prit plus tard inutilement leur défense.Ils avaient pourtant fini par bannir toute frayeur et par faire des échanges avec les Espagnols. Ils allaient même à la nage jusqu'aux embarcations des navires apporter leurs objets d'échange notamment de l'or, des produits du sol et des perroquets. Ils recevaient avec reconnaissance des objets de moindre valeur..

Colomb dit que parmi ces insulaires qui paraissaient de même race un idiome unique était répandu. Le docteur Martin de Moussy dit qu'à l'époque de la découverte la langue parlée était le guarani, c'est-à-dire la langue des Caraïbes


qui se parle encore sur le continent, des Guyanes au Brésil, Pourtant Charleroy qui a visité le pays avant la dispersion des indigènes affirme qu'en Haïti chaque province avait son dialecte particulier et que celui parlé dans l'intérieur de l'île était le plus parfait; mais tous les insulaires se comprenaient mutuellement.

Les Portugais qui découvrirent accidentellement le Brésil en 1500 turent tellement frappés de ce phénomène qu'ils le dénommèrent Lengoa - Gérai (langue générale) et, en effet, outre les Antilles,le guarani était parKavec ses différents dialectes, du Mexique à La Plata et de l'Océan aux Andes, sur une étendue de 50° en latitude et de 20 en longitude.

Au-delà des Cordillières et jusqu'au Pacifique la langue la plus répandue était le Quichua, langue sacrée des Incas, qui se parle encore sur tous les plateaux des Andes.

Avant de rentrer en Espagne, Colomb prit possession, au nom du Roi d'Espagne, des Antilles, et fit bâtir une ville, une église et un fort dans l'île d'Hespanuola (St-Dominique), où il laissa une garnison ; puis il partit pour Barcelone, le 14 mars 1483, avec six Indiens. Ce ne fut qu'à son deuxième voyage qu'il aborda la terre ferme. La partie où il prit terre prit le nom de Colombie. Americ Vespuce, qui plus tard fit un voyage au Continent, donna son nom à tout le continent « Amérique ». Mais la


gloire de la découverte n'en revient pas mois à Christophe Colomb.

Nous voici donc en Colombie. Je ne veux pas faire ici de description géographique ; je dirai seulement qu'à l'époque de la découverte le territoire auquel on donne le nom du célèbre amiral, s'étendait depuis la rive gauche de la rivière Chagre jusqu'environ aux bouches du fleuve Amazone, et de l'Est à l'Ouest depuis l'Océan Atlantique jusqu'aux Andes, comprenant aussi l'isthme de Panama, le lac Maracaïbo, appartenant aujourd'hui au Venezuela, tout le bassin de l'Orénoque et ce qui devait être un jour les trois Guyannes ; franchissant les Cordillères du Nord, la Colombie s'arrêtait à peu près à la ligne équatoriale. Dans cette vaste étendue de terrain coupé de fleuves nombreux, de forêts et de savanes, on ne connaissait guère que les peuples riverains de l'Atlantique. C'étaient les Caraïbes, dont une tribu occupait l'île de St-Vincent, dans les petites Antilles.

Cette tribu était noire, ce qui donne à penser aux conquérants qu'elle venait de l'Afrique.

Mais la langue, les mœurs sauvages et cruelles et l'antropophagie rattachaient les Caraïbes noirs de St-Vincent à ceux du continent dont la peau, sous le maquillage qui la recouvrait, avait le fond cuivré comme celle des Américains.

Ce sont l'antropophagie et la cruauté des Caraïbes qui atténuent les cruautés semblables commises par les conquérants dont malheureu-


sement les populations si douces et inoffensives des Antilles ont été elles-mêmes victimes.

Un problème se pose en terminant. Gomment les habitants des Antilles, si pacifiques, étaientils entourés par des sauvages antropophages, non seulement à Saint-Vincent, mais sur toute la côte de Colombie et au Nord, dans la Floride? D'où venaient donc ces malheureux ?


XXI

Les Caraïbes, Guaranis, Amazoniens, Andins et autres peuples sauvages de l'Amérique centrale du Sud.

De toutes ces populations, les plus connues sont les Caraïbes ^qui furent les premiers en contact avec les Européens et dont la langue était, avec le Guarani, généralement parlée dans toute cette partie de l'Amérique du Sud.

Les Caraïbes et les Amazoniens vivent du produit de la pêche et de la chasse. Avant l'arrivée des Espagnols, une partie des Caraïbes, voisins de l'Océan, y ajoutaient des razzias sur les pauvres habitants des Antilles et pratiquaient l'antropophugi.

Dans la partie de la Colombie, près des Cordillères, par conséquent éloignée de l'Océan Atlantique, se trouvent les Andins, relativement très civilisés et se ressentant du contact des populations du Pérou. Ils sont agriculteurs, connaissent le tissage des étoffes, travaillent les métaux, la poterie et habitent des maisons de pierre.

Les Andins parlent le Qlâchua, comme les Péruviens, dont ils se rapprochent comme type anthropologique.


Quant aux Caraïbes qui forment la grande majorité des peuples du haut de la Colombie avec les Arowaks ou Maïpoures, non seulement ils habitent les Guyanes et une partie des Antilles, mais ils s'étendent au delà de l'Equateur, dans la partie appartenant aujourd'hui au Brésil, jusqu'au 14, de latitude Sud.

Les tribus les plus méridionales des Caraïbes sont les Bakaïri et les Nahuqaa du haut Zingou. Les Aplans, du bas Tokantis forment le trait d'union entre les Caraïbes du Brésil et ceux des Guyanes de l'Orénoque.

Il existe bien quelques différences anthropologiques entre ces tribus, mais elles se rapprochent par les usages ethniques et la langue qui est parlée même par les Arowaks qui ont cependant un idiome à eux.

A part les Caraïbes noirs qui pourraient bien être le résultat d'anciens métissages avec des nègres, les Caraïbes ont en général le teint jaunâtre des Américains sous les couleurs factices qui distinguent les guerriers entre eux.

Ils sont mésorrhyniens comme les Guaranis et autres Américains du Sud. Ils ont les cheveux droits comme les Mongols et les Peaux-Rouges.

Les Caraïbes des Guyanes sont de petite taille, 1- m. 58 pour les hommes, 1. m. 45 pour les femmes. Leur indice céphalique est sur le vivant 81.3 donc mésocéphales, tandis que leurs frères du haut Zingou (Brésil) sont sous-dolicocéphales, 79,6 et ont une taille assez élevée, lm61


pour les hommes et 1 m. 52 pour les femmes.

C'est parmi ces Caraïbes méridionaux qu'on a trouvé des indi\idus aux cheveux ondulés et mêmes frisés et à nez court et un peu large.

Ceux des.Antilles avaient encore l'habitude à l'époque de la conquête de se déformer la tête en l'applatissant d'une région à l'autre.

Crâne des Caraïbes aplati entre deux planchettes

C'est aussiachez eux que s'cst réfugiée l'habitude de la couvade longtemps pratiquée par les


Basques franco-espagnols.Ils couchent dans des hamacs suspendus entre deux arbres.

Le mariage se pratique chez eux par rapt réel de la femme à ses parents. A la mort, leurs proches et leurs amis, marquent leurs regrets par des cris, des pleurs et des lamentations.

Dans les fêtes, au contraire, ils renouvellent l'ornement de leur lèvre inférieure, percée d'un trou dans l'enfance, qui n'était composé que d'épingles ou d'un cylindre en bois, par des cylindres en os, en cristal ou même en or. C'est l'analogue de nos boucles d'oreilles.

Enfin, leur numération qu'ils ont prise aux Andins, se comptent par les doigts, les mains et les pieds, ainsi pour exprimer 5 ils disent une main, pour 12 ils diront, 2 mains et 2 doigts, etc.

et pour se rémémorer les faits importants de leur vie, ils se servent dla. cordei tte à nœud des Andins et des Péruviens.

Les armes de prédilection des Caraïbes étaient outre l'arc et les flèches, le casse-tête, la hache de guerre en pierre polie,et le sabre fait d'un bois très dur qu'ils manient avec force et dextérité.

Il est impossible de décrire toutes les populations du centre de la Colombie et du Brésil, nous reviendrons un peu sur ces dernières, avant de passer à l'étude de la civilisation Péruvienne, la plus avancée de l'Amérique du Sud avant la conquête; je ne dirai plus que quelques mots sur les Arowaks ou Maïpoures qui


sont presque intimement mêlés avec les Caraïbes depuis la côte des Guyannes hollandaise et anglaise jusqu'aux hauts bassins del'Orénoque et des Amazones.

Divisés en plusieurs sous-tribus, les indiens de langue Arowak occupent le Yénézuéla, le bassin de Rio-Negro, la rive gauche du Solimoes, le bassin du Purus et les plus civilisés sont les chasseurs du bassin du Ucayali où ils se trouvent en contact avec les Péruviens.

Je fais grâce au lecteur des noms de toutes ces tribus de même langue et d'usages à peu près communs. Je note seulement en passant les Parecis résidant aux sources du Tapaj os, chez lesquels on constate les influences de la civilisation Quichua par la connaissance de 4a musique.

Enfin, dans le haut Paraguay jusqu'au 21° de latitude sud, on trouve des peuplades de langue Arowak.

Dans le centre de ces vastes espaces il n'y avait et il n'y a encore que des tribus sauvages restées au dernier rang de la civilisation, qui n'ont pas de noms dans la science ethnographique.

Les auteurs du XVIIIe siècle parlent des úwoneys et des Aravagues qui ressemblaient aux Caraïbes quoiqu'en guerre constante avec eux.

Ils ont été détruits par les Espagnols et déjà en 1854 il n'en existait plus que 4.000. Leurs débris


plus ou moins métissés avec les nouveaux venus se sont réfugiés dans la Serra Maestra de Cuba et au village de Boya au nord de SaintDomingue (Deniker).

De Brettes estime qu'il reste encore 30.000 in, dividus parlant la langue arowak.

Quant au physique, les Arowaks offrent plusieurs types. Ceux des Guyanes sont les plus petits (1 m. 55 à 1 m. 59), ils sont plus brachycéphales que les Caraïbes des mêmes régions (ind. cép. 88,4) ; leur face est large et leurs yeux souvent obliques comme ceux des Chinois.

Ils font usage de Ja sarbacane principalement dans les tribus du haut Amazone, mais ne connaissent pas le tissage du coton et en sont encore à l'usagé de la pierre et du bois dur comme certains Caraïbes. Ils se vêtissent de fibres de bois tressées et pour ornement ils se mettent des plumes d'oiseaux sur la tête et portent des dents ou des griffes d'animaux sauvages, en colliers ou en bracelets.

Dans le bassin de l'Orénoque, on rencontre encore les Otomacs qui sont géophages et monogames et dans celui du haut Amazone les missionnaires du Saint-Esprit ont trouvé des Indiens se couchant sur les arbres comme les grands singes de l'Afrique lorsqu'à la suite des pluies tropicales les nombreux affluents de l'Amazone sortent de leurs lits pour former de grands lacs temporaires durant toute une saison.


On note enfin les Quahibos qui sont de véritables Tziganes se transportant d'une région à l'autre dans ces vastes contrées.

On voit en définitive par ce rapide exposé qu'il n'y avait pas lieu, pour nos poètes et nos romanciers, de faire de ces Américains du Sud des héros à la façon des Peaux-Rouges ; si pourtant, un peuple du Sud a eu aussi sa part de chants homériques ce sont les Araucans que nous retrouvons plus tard.

En attendant nous allons consacrer l'étude suivante à la célèbre civilisation des Incas qui habitaient le Pérou au moment de la conquête par Pizarre.


XXII

La civilisation des Inoas au Pérou

En parlant des Andins, nous avons envisagé les Indiens du versant oriental de la Cordillère, des plaines de la Colombie et de la partie de l'Amérique du Sud appelée depuis le Brésil.

Mais les plus hauts sommets de la Cordillère des Andes habitables et toute la longue mais étroite vallée s'étendant jusqu'à l'Océan Pacifique était habitée de temps immémorial par trois tribus de civilisation et d'origines différentes, parlant des idiomes distincts, les Botocudos, les Araucans et les Aymaras.

A une époque impossible à déterminer mais pour des causes faciles à comprendre par la différence de civilisation et de langage,une scission volontaire ou non, se produisit et les Aymaras restèrent maîtres de tout le versant occidental de la Cordillère jusqu'à l'Océan, tandis que les Araucans restèrent dans les montagnes dont ils occupèrent,les gorges et les plateaux, poussant toujours vers le Sud et laissant à l'occident les pentes alpestres qui devinrent plus tard le Chili.

Quant aux Botocudos, ils s'enfoncèrent dans


les forêts du Brésil, restant rebelles à toute influence civilisatrice.

C'est là que nous les retrouverons.

La beauté et la fertilité du sol amena au Pérou un nouveau peuple, venant de l'Amérique Centrale,qui se fondit,soit insensiblement, soit par conquête, avec les Aymaras, leur apportant ce qu'on est convenu d'appeler la civilisation Quichua.

Ce sont ces deux peuples, les Aymaras et les Quichuas, qui formèrent le royaume des Incas, tel que l'ont trouvé les Espagnols au moment de la conquête.

Si l'écriture alphabétique ou simplement figurative est le cachet de la civilisation, les Incas seraient inférieurs à certains peuples de l'Amérique du Nord, car les Mayas avaient une écriture alphabétique (de Rosny) et les Aztèques avaient la leur ; mais au Pérou, du temps des Incas, on se servait exclusivement de Qquippos ou cordelettes à nœuds, que nous avons déjà vues employées par les Andins, à l'aide desquelles les nombres et quantités étaient ajoutés ou soustraits au moyen de marques qu'on faisait avec ces nœuds.

Les qquippos servaient aussi à conserver le souvenir des événementset répondaient à divers usages que l'invention de l'alphabet a complètement remplacés.

Mais la véritable civilisation des Incas résidait dans leurs lois. Notre connaissance eût été plus


parfaite à cet égard si les conquérants au lieu de détruire inconsidérément les qquippos les eussent au contraire conservés avec soin et recueilli par ce moyen l'histoire des peuples anté-colombiens de cette curieuse région.

Ces cordes à nœuds ne sont pas d'ailleurs la seule propriété des Péruviens et des Andins ; on en retrouve l'usage en Chine dans les Kottas et dans bien des contrées les cordes à nœuds ont précédé l'écriture.

On en retrouve la survivance en Europe dans les planches à crans de nos boulangères.

Il fie faudrait pas croire que ce fussent là les seuls-moyens d'écrire ou de fixer l'histoire chez les Péruviens, d'autres signes graphiques ont existé dans le royaume des Incas et V. Bollaert a rappelé que les anciens Péruviens se servaient d'hiéroglyphes gravés sur pierre et conservés dans les temples (A. Lesouef).

Quoi qu'il en soit, les archives de la ville de Cuzco, explorées par ceux des conquérants assez instruits pour les comprendre, nous apprennent que l'empire des Incas était divisé en quatre circonscriptions subdivisées elles-mêmes en provinces, le tout administré par le principe de la centralisation.

Le. peuple était divisé par dizains, chaque dizain était surveillé par un décurion.

Puis venait un surveillant pour cinq dizains, cent dizains faisaient mille individus.

L'administrateur supérieur de ces cent dizains


avait pour fonctions de certifier les besoins des individus placés sous sa surveillance et de faire connaître ces besoins à l'autorité immédiatement en rapport avec l'Inca pour en obtenir les provisions de bouche, les matières premières utiles au travail, et jusqu'à une assistance manuelle pour réparer et construire leurs demeures que le feu, l'ancienneté ou les tremblements de terre, si fréquents par le voisinage des volcans,

avaient détruits.

C'est ainsi qu'en creusant une tranchée pour le chemin de fer de Moliendo à Aréquipa, en 1868, les ouvriers mirent au jour, à 35 ou 40 mètres de profondeur, une caravane tout entière dans un très bon état de conservation. Elle venait du côté d'Aréquipa et se dirigeait vers la côte.

En tête marchait un gamin de 15 ans environ dont le type indien était reconnaissable, il portait un chapeau de paille et un puncho avec de mauvaises sandales en cuir. Il tenait à la main un morceau de bois d'environ 0,D80 centimètres au bout duquel se trouvait une lanière de cuir en forme de fouet.

Les lamas venaient ensuite à la file indienne, porteurs de leurs charges. Ces pauvres animaux avaient sans doute prévu le danger car ils s'étaient couchés et n'avaient plus voulu marcher malgré les efforts d'un homme d'environ 40 ans qui paraissait être le chef de la caravane.

Cet homme, très trapu, était fortement consti-


tué, il était vêtu d'une espèce de culotte comme en portent les Chinois, chaussé de sandales comme l'enfant et portait son puncho sur le bras, soit à cause de la chaleur, soit par l'incommodité qu'il lui procurait pour exciter ses bêtes à se relever.

Enfin sa tête était couverte également d'un vaste chapeau de paille.

Cette caravane avait été ensevelie sous 37 couches de laves et de cendres représentant autant d'irruptions du volcan Llimara, situé à 40 kilomètres de là.

Or, dans le pays, depuis 1810 on ne comptait qua 7 éruptions, et on savait que de la destruction d'Aréquipa par le volcan en 1810, il y avait eu 11 grandes éruptions,il était donc assez facile de compter que la destruction de la caravane qui gisait sous la 37' couche devait remonter entre 3 ou 400 ans.

On ne put en conserver que des débris insignifiants, car dès qu'on remuait les couches de cendres les hommes cou me hs animaux tombaient en poussier) (Ed. Long, iti de la S>c. d'Ethn., T. VIII, p. 129).

Pour en revenir à nos populations péruviennes, le millenier appelé C'i a n ca - cam a y u, remplissait aussi les fonctions de maire, il devait prévenir les crimes, d'ailleurs si rares, avec une administration si sage, les dénoncer et en poursuivre la réparation.

Il était responsable et sa justice était admi-


nistrée avec célérité, sans distinction de fortune, ni de rang.

C'est ainsi que sous le règne de Huayna Gopac, onzième Inca, le chef d'un district subit la peine de mort pour avoir fait labourer la terre d'un de ses parents, qui était cacique, avant celle d'une veuve dont, d'après la loi, le labourage devait précéder celui du cacique.

C'est ainsi que les Incas étaient arrivés à mo-

raliser le peuple et il est impossible de dire qae cette civilisation ne soit pas supérieure à celle des Aztèques, malgré l'absence d'écriture.

Le bonheur du peuple était en somme la grande préoccupation des Incas.

Au reste nul sacrifice humain ne déshonorait leur culte adressé au soleil - et les solstices étaient pour le peuple l'occasion de grandes réj ouissanees. S'ils entreprenaient la guerre, ce n'était qu'un moyen de porter partout leur civilisation qui en effet s'est peu à peu étendue aux peuples voisins.

Après chaque annexion le pays conquis était mesuré et divisé d'après les lois de l'empire en trois portions,une pour le Soleil, une pour l'Inca et la troisième pour le Peuple.

Si le sol annexé était aride,on y amenait l'eau, parfois éloignée, par des canaux et un réseau d'irrigation qui donnait la vie dans la contrée, et la joie dans le cœur des vaincus.

En définitive ces Incas étaient des rois tout


puissants, mais aimés et respectés du peuple dont ils faisaient le bonheur.

Pendant la vie de l'Inca régnant, l'héritier présomptif voyageait dans toute l'étendue de l'empire afin d'en connaître les besoins et de pouvoir les satisfaire dès que son tour serait arrivé de régner.

Si la population venait à trop augmenter dans une province et que les produits du sol fussent insuffisants pour nourrir les habitants, ce qui manquait était pris sur la part du Soleil et sur celle de l'Inca, de sorte que le peuple n'eût pas à souffrir de la famine.

Dans quelques cas, on répartissait la population d'un district, bien pourvu et bien cultivé, dans ceux où la population avait été réduite par une épidémie ou une guerre, de façon à rendre toutes les parties de l'empire solidaires et égales en bien-être.

Enfin, le peuple se partageait avec empressement les travaux publics et les travaux des champs.

Pour ceux-ci,il labourait la première, la partie réservée au soleil ; puis venaient celles de la veuve, de l'orphelin, des vieillards et des infirmes. Celle de la masse du peuple leur succédait.

Enfin les terres de la noblesse et en dernier lieu la part de l'Inca et de sa famille.

Tous ces travaux s'exécutaient avec joie, les chants de reconnaissance montaient vers le ciel,


et chaque journée de travail en commun se terminait par des réjouissances en l'honneur de l'agriculture.

Tel était le degré de civilisation de ce pays, dont les conquérants ont détruit le bonheur et remplacé les lois si justes et si équitables par le plus affreux despotisme dont on trouvera la description dans les histoires modernes.

Je n'ai pour mission que de décrire l'état de la population avant la conquête et j'ai puisé une partie de mes renseignements dans uu travail de feu Charles de Labarthe, paru en 1875 dans les Archives de la Société Américaine de Francc.


M. LE DOCTEUR FHIILIPPE RJEY fJIédeeih eh Chef de l'Asile des Aliénés de Marseille Explorateur des forêts du Brésil



XXII

Fin du Royaume des Incas, Les Araucans, Les Botocudos.

Les Aymaras et les Quichuas fusionnés adoptèrent la même langue.

Les Incas qui dominèrent étaient une tribu quichua et naturellement ce fut le dialecte Quichua qui fut choisi sauf par un groupe d'Aymaras, habitant les plus hauts plateaux de la Bolivie, qui.étaient de sang pur. Malgré cette diversité de langage, les deux peuples offraient une remarquable uniformité de type.

Cràne des Aymaras, aplati par compression antérieure.

Ils sont petits ; d'Orbigny leur accorde de 1 m. 40 à 1 m. 60 de taille, mais ils sont trapus


et très forts. Leur poitrine est large, leurs poumons développés leur permettent de vivre à de très hautes altitudes sans craindre le mal des montagnes, Leur nez est aquilin, et leur tête massive.

L'habitude de la déformation du crâne, qui se pratique encore au Pérou, leur aplatit le front et cette difformité se tranbmet héréditairement sans que leur intelligence paraisse en pâtir.

Le langage quichua s'était répandu dans la chaîne des Andes depuis Quito jusqu'au 30° de latitude sud, et l'arrivée des Européens ne l'a pas aboli, car plusieurs de cbux-ci l'apprennent encore aujourd'hui..

Quant à l'influence delà civilisation des Incas elle s'étendait jusqu'à la lisière des Pamp3.s.

On sait comment les Espagnols, après avoir chargé les populations d'impôts, s'être appropriés l'or et l'argent de leurs temples, finirent par les envoyer travailler aux mines pour le compte des conquérants.

Ce système, moins épouvantable en apparence que le massacre du temple de Mexico, fit néanmoins périr un bien plus grand nombre d'Indiens.

On se demande comment un peuple de huitmillions d'âmes a pu se laisser opprimer à ce point par les quelques centaines d'Espagnols que Pizarre avait amenés avec lui.

Bien plus, ce dernier s'était emparé de l'Inca.


régnant et fait décréter par lui des peines sévères contre ceux de ses sujets qui n'obéiraient pas aux vainqueurs.

A la fin pourtant, une révolte eut lieu, mais trop tard. Les Espagnols mirent le siège devant Cuzco et s'emparèrent de la ville.

Sayritapac, un des descendants de l'Inca Huascar, pour échapper aux cruautés des Espagnols, s'enfonça avec ses fidèles Péruviens dans les replis les plus inaccessibles des montagnes, emportant tous les trésors et les archives du Royaume et ils se réfugièrent dans la ville sacrée et mystérieuse de Choquequerao où il mourut, d'après les uns après y avoir enfoui ses trésors, et où, d'après d'autres, la noblesse et une grande fortune lui furent offertes s'il voulait quitter sa retraite et recevoir le baptême.

L'Inca Manco-Capac, qui avait précédé Sayritapac dans cette retraite, étant mort, celui-ci accepta les propositions des Espagnols et revint à Cuzco avec ses compagnons et leurs objets précieux, de sorte que la ville fut abandonnée, ainsi que les autres places fortifiées de la rive droite de l'Apurimac.

Sayritapac, baptisé, fait marquis d'Oropésa, avec une pension considérable, fut tué quelque temps après par un espagnol à la suite d'une discussion au jeu.

C'est ainsi que finit ce Gouvernement com-


muniste-autoritaire, qui pourrait servir de modèle à bien des Gouvernements de l'Europe.

M. de Sartigue qui a visité la cité aujourd'hui en ruine de Choquequerao, en a donné une description très intéressante à la Société d'Ethnographie dans la séance du 11 février 1878.

Araucans

Nous savons déjà que les Araucans avaient habité les montagnes du Pérou avant l'arrivée des Quichuas. Lorsque ceux-ci eurent, avec les Aymaras, fondé le royaume des Incas, ils tentèrent plusieurs fois de soumettre les Araucans à leurs lois, comme ils avaient fait pour les autres populations voisines.

Mais ils se butèrent à une population fière et indépendante, qui repoussa non seulement la fusion qui lui était proposée, mais encore prit les armes pour défendre son indépendance.

Plusieurs rencontres eurent lieu dans lesquelles les Araucans eurent presque constamment le dessus et, à la dernière, sur les rives du Maulji, dans la première partie du XVe siècle, le combat se prolongea trois jours consécutifs.

A la fin, 24.000 Péruviens cédèrent la place à 18.000 Araucans après avoir perdu de chaque côté presque la moitié de leur armée et le plus grand nombre des survivants étant blessés.

Les Incas renoncèrent dès lors à soumettre


les Araucans et le fleuve Mauly resta, au Nord, la démarcation des deux peuples.

Plus tard, les Araucans continuèrent la lutte avec les Espagnols et, malgré leurs armes à feu, ces derniers n'avaient pas toujours le dessus.

Un de leurs ennemis, Don Alonzo de Ercilla, composa un poème à la louange des Araucans, « ce peuple héroïque qui, avec des moyens primitifs, a bravé les Espagnols et les Chiliens pendant trois siècles et existe encore aujourd'hui dans les mêmes régions ».

Anthropologiquement les Araucans sont plutôt petits 1 m. 71, leur indice céphalique est de 81, sur le crâne sec et de 82 sur le vivant, donc, sous-brachycéphales ; face allongée, pommettes peu saillantes, nez droit ou convexe, assez semblables, du reste, à leurs anciens ennemis les Quichuas ; mais ils ne pratiquent pas la déformation du crâne.

Une circonstance extraordiniare nl.a mêlé personnellement à l'histoire de ces braves gens, à la fin du siècle dernier.

Un aventurier français qui, bien qu'issu de famille noble, avait été avoué à Périgueux, Orélie Antoine, se disant prince de Tonneins, fatigué de la chicane, vendit son étude, et partit pour l'Amérique du Sud. Il y vécut 10 ans avec les Indiens, se nourrissant comme eux, partageant leurs chasses, leurs dangers, et s'étant trouvé en Araucanie au moment d'une guerre entre les Araucans et les Chiliens, les caciques


ou chefs Araucans, jaloux les uns des autres, lui offrirent le commandement de leur armée.

Orélie la disposa de telle sorte que non seulement l'infanterie ennemie ne put l'entamer mais encore, aidé de sa cavalerie et de deux pièces de canons prises aux Chiliens dans des affaires précédentes, il battit complètement ceux-ci qui furent forcés de demander la paix.

A la suite de ce succès, les caciques assemblés offrirent la couronne à notre compatriote qui fut promu roi d'Araucanie et de Patagonie.

Prenant sonrôle au sérieux, Orélie-Antoine Ier, après avoir consulté ses caciques, décida qu'il y avait lieu d'ouvrir des routes et de creuser un port pour faciliter le commerce du nouveau royaume et il partit pour la France afin de solliciter, de l'Empereur Napoléon III, les moyens nécessaires à ces diverses entreprises ; et désirant placer son pays sous le protectorat français, il avait ajouté à son titre de roi d'Araucanie et de Patagonie, ou Nouvelle-France.

Mais l'Empereur occupé alors des préparatifs de la guerre Franco-Allemande, ne put le recevoir. Il dut attendre la fin des hostilités à Marseille.

L'issue de la guerre n'ayant pas été favorable à ses projets, il vint à Paris, mais M. Thiers, Président de la République, ne pouvait rien faire pour la fondation d'une monarchie.

Orélie songea alors à retourner dans son


- royaume, mais il ne put trouver d'armateur en France qui consentit à le rapatrier.

C'est alors qu'il partit pour l'Angleterre. Entre temps il avait été reçu par plusieurs familles parisiennes, c'est dans une de ces familles que je fis sa connaissance.

Un jour il tomba malade et me fit demander a l'hôtel du Périgord, où il habitait. Je m'y rendis et après avoir constaté la présence d'un ténia, j'eus la chance de le lui faire rendre en entier.

Pour solder mes honoraires, il me fit remettre à quelques jours de là, un superbe diplôme de Baron, sur parchemin avec armoiries, devise et sceau du royaume. Rien n'y manquait.

Je n'eus pas l'impolitesse de refuser et comme j'allais chez lui pour lui dire qu'il avait estimé le service rendu bien plus que sa valeur, il me dit que si je voulais venir le retrouver en Araucanie, il me donnerait une place de Ministre 'dans ses Etats.

Quelque temps après, j'appris qu'il était parti d'Angleterre où il avait trouvé un armateur qui consentait à le transporter avec sa suite en Araucanie. Mais la croisière Argentine qui veillait au large, arrêta le navire et retint prisonniers Orélie et ses compagnons.

Ce ne fut que sur les représentations de notre consul à Buenos-Ayres, qu'après huit mois de captivité Orélie et les Français de son escorte furent rapatriés à Bordeaux.


Notre pauvre roi, fatigué et malade entra à l'hôpital et mourut.

Sic transit gloria mundi.

Botocudos

Nous avons vu que les Botocudos avaient habité le Pérou avec les Araucans et les Aymaras avant la fondation de l'empire des Incas, aussi les auteurs allemands, entre autres Von Wied Newied, leur ont-ils conservé le nom d'Aymoro.

Femme Botocudo avec sa botoque d'après une photographie du professeur Hartt.

Notre savant confrère Le docteur Philippe Rey, qui a eu l'occasion de les visiter dans leurs forêts du Rio-Docé, province de Minas Geraes, -


au Brésil, leur donne une taille de lu59 et un indice céphalique moyen sur le crâne, se rapprochant de celui des Fuégiens dont ils ont en outre les lignes du visage, les arcades sourcillières proéminentes, quelquefois l'obliquité des yeux, -ils sont leptoriniens comme eux ; ils ont le nez enfoncé et étroit à la racine, mais ce qu'ils ont de plus caractéristique c'est le port de la Botoque qui leur a fait donner leur nom.

Il ne faut pas croire pourtant que les Botocudos soient les seules peuplades sauvages faisant usage de ce disgracieux ornement, nous l'avons constaté chez des populations de l'Ouest américain Nord et jusqu'en Afrique. Pour plus de renseignements consulter la thèse du docteur Ph. Rey. — Etude anthropologique sur les Botocudos (Paris 1880).

Plus heureux que notre autre confrère le docteur Crevaux, qui périt assassiné par les Tobas du grand Chaco qu'il était aussi allé visiter en mission, Ph. Rey revint en France et est auj ourd'hui médecin en chef de l'Asile des aliénés de Marseille.

La science doit en outre au docteur Ph. Rey la confirmation d'un fait matériel important pour les questions philosophiques. Il a présenté à la Société d'Anthropologie au mois d'octobre 1883 le crâne d'un aliéné, mort à Ville-Evrard, qui pesait 1,700 grammes et avait les circonvo* lutions cérébrales très compliquées; deux carac-


tères qui n'appartiennent qu'aux intelligences supérieures. N'est-ce pas le cas de répéter que la folie et le génie se touchent ?

Enfin M. Ph. Rey a aussi visité les Indiens Purys, aujourd'hui civilisés.. On trouvera les détails de cette visite, avec quelques notes complémentaires sur les Botocudos, dans les Bulletins de la Société d'Anthropologie, T. VII, 1884.

L'étude prochaine, qui terminera nos recherches sur l'Amérique pré-colombienne, comprendra les trois peuples principaux de l'extrême Sud du continent américain : Patagons,Pampas et Fuégiens. -


XXIII

Les Populations de l'Extrême Sud du Continent Américain

Patagons, Pampas et Fuégiens

Après la mort d'Orélie Antoine, quelques tentatives d'indépendance marquèrent encore l'existence des Araucans, mais leur dernier prétendant s'étant noyé en traversant le Bio-Bio, son armée se débanda, une partie passa avec les Chiliens, une autre avec les Argentins.

Les Araucans restés fidèles à leurs vieilles coutumes se confinèrent dans leurs montagnes : au nord du Bio-Bio, ceux qui avaient reçu plus ou moins l'influence Incasique et au sud, plus ou moins mêlés avec les Patagons, ceux restés encore à l'état de chasseurs quasi-sauvages et pasteurs.

Quant aux Patagons eux-mêmes, sans limites géographiques bien précises, ils habitent en général depuis la hauteur de l'îlot de philoé jusqu'au détroit de Magellan où on les retrouve mélangés avec les Fuégiens et parcourant ainsi en nomades les deux pentes des Andes d'ailleurs fort abaissées mais toujours incultes, et s'éten-


dant aussi sur le versant oriental avec les Puelches qui ne sont qu'un de leurs rameaux et les Argueles dans le sud en face les îles Malouines. A partir du sud de la Plata jusqu'aux Puelclies et même mêlés à ceux-ci, sont les Pampas ou Pampéens qui parcouraient et parcourent encore les plaines arides et désolées des Pampas et du pays du Diable, sur leurs chevaux quasisauvages, et lançant le lasso aux animaux qu'ils voulaient capturer, aussi redoutables, pour l'homme qui s'aventurait dans ces plaines incultivables que l'étaient à la même époque les Peaux-Rouges de l'Amérique septentrionale.

Des fables ridicules ont circulé sur les Patagons dont les premiers voyageurs avaient fait des espèces de géants.

Ces voyageurs, après avoir visité les habitants de la Terre de Feu qui sont de petite taille, en voyant de leurs bateaux passer sur la terre les Patagons à cheval revêtus de leurs grands manteaux, ont pu se faire illusion sur leur taille, grande en effet, mais ne dépassant pas celle des grenadiers de Frédéric ou des anciens carabiniers français.

"Lesavant naturaliste d'Orbigny qui parcourut le pays de 1827 à 1832, plus récemment les capitaines anglais King et Fitz-Roy, remirent les choses au point et l'on sait aujourd'hui que les Patagons survivants aux métissages des populations antarctiques ont de 1 m. 73 à 1 m. 83, qu'ils


sont très brachycéphales (indice céph. sur le vivant 85), face allongée, nez fin, yeux légèrement obliques, pommettes saillantes à ce point que quelques auteurs ont cru leur voir une origine mongoloïde, mais rien n'est moins démontré, A l'ouest des Andes, au contraire, dès l'époque pré-colombienne, on voyait poindre un commencement de civilisation.

Les Patagons de cette région ont des habitations fixes dans des huttes bien aménagées et abritées dans les gorges inférieures des montagnes. Ils se livrent à la culture avec des instruments encore rudimentaires ; les échanges sont facilités chez eux dans la partie avoisinant le Chili par la présence d'animaux domestiques.

Mais ni le guanaco,ni le cheval ne peuvent vivre au-delà du 45° de latitude sud.

A partir de ce point, le genre de vie et les mœurs assez douces du reste, de ces Patagons, se confondent avec les mœurs des Fuégiens, toujours par l'influence du milieu ambiant.

Ce sont ces Patagons qu'Orélie avait rêvé d'annexer à son royaume. Les femmes présentent les mêmes caractères que les hommes ; jeunes, elles ont les traits plus fins, la taille plus mince, la peau plus blanche, mais dès Qu'elles ont conçu, elles perdent leurs charmes et après l'allaitement, on les distingue à peine des hommes.

Le sol de la Patagonie à l'est est stérile et


pierreux, c'est une véritable mer de galets qui se déroule à perte de vue et ne peut être parcourue qu'à cheval ; il est impropre dès lors à toute culture.

Les hommes qui habitent ce pays dépendent donc des influences du milieu et du climatt et, d'ores et déjà, le lecteur pourrait décrire leur genre de vie et leurs mœurs.

A l'ouest des Andes, au contraire, le terrain change d'aspect, la pente couverte de pins et coupée de vallées descend jusqu'au Pacifique en ne laissant qu'une étroite bande de terrain plat.

Si le froid est insupportable sur les hauteurs, les vallées sont tempérées, le sol fertile et la végétation active. On voit de suite que le genre de vie et les mœurs des habitants doivent être différents. D'ailleurs la présence des guanacos (espèce de lamas) facilite l'exploitation du pays et est aussi une attraction pour la chasse.

Donc, pour nous résumer, on trouve en Patagonie, à l'est des Andes, des chasseurs quasisauvages et rebelles à la civilisation, ils habitent sous la tente et constituent d'excellents cavaliers comme leurs voisins du nord, les Gauchos, mêlés d'Araucans et de Pampéens ; à l'ouest, une population qu'il serait facile de civiliser.

Les Pampas ou Pampéens sont des populations très mêlées, par conséquent sans homogénéité.

Les Ancas et les Téhuelches en forment la majorité, mais une foule de tribus indépen-


pendantes du centre du Brésil, du Chaco et des Andes, repoussées de leur habitat primitif par les guerres entre tribus, par l'extension même du proslytisme des Incas, se sont réfugiées dans les plaines comprises entre le Rio-Negro et le Colorado, se métissant à l'infini, avec les Ancas et les Téhuelches et même avec les Puelches que nous savons être d'origine araucanienne.

Ces plaines immenses sans autre végétation qu'une herbe courte et dure, laissant à peine pousser un buisson çà et là, est ce qu'on appelle Les Pampas, d'où le nom s'est appliqué aux populations mêlées qui l'habitent et que l'on appelle aussi Pampéens.

Avant la conquête espagnole et l'introduction du cheval dans le pays, les Pampéens parcouraient la plaine à pied pour y chasser les animaux sauvages, soit au lasso, soit avec le bollo, sorte de fronde qu'ils maniaient avec une grande dextérité.

Depuis l'arrivée des Européens et surtout depuis l'introduction du cheval, cette chasse a pris une plus grande extension et comme les Pampéens sont devenus rapidement devons cavaliers, les plaines ont été épuisées d'animaux de chasse et alors les Pampéens sont devenus pillards et voleurs.

Quelques rebuts des Européens se sont joints à eux et les ont guidés dans le pillage des hasciendas isolées et même dans la surprise des villes et l'égorgement de leurs habitants. Ils se


dérobaient par une fuite rapide à toute répression et étaient devenus par les circonstances plus redoutables aux blancs que ne l'avaient été les Peaux-Rouges dans le nord.

Plus tard ils ont été sévèrement châtiés par le général Rosas, mais cela n'est plus de l'histoire ancienne.

Parmi ces bandits, les An cas se distinguaient pourtant des tribus nomades du rameau pampéen.

Descendus du plateau des Andes, ils avaient subi l'influence des Incas. Des métissages avec les Puelches et les Patagons avaient bien modifié leur type original, mais ils restaient encore reconnaissables par leur aspect montagnard. Ils sont petits (1 m. 63), ont la face moins large, les pommettes moins saillantes, le teint plus clair, le nez plus long et plus busqué que les Pampéens, mais par suite d'un long contact et d'une vie analogue à celle des tribus au milieu desquelles ils se sont fixés,ils ont fini par en contracter les habitudes, les goûts, les idées, comme aussi les défauts.

Il ne reste plus à parler que des Fuégiens.

Ils habitent le sud de la Patagonie à l'ouest et la Terre de Feu. On en trouve aussi sur les archipels voisins de cette terre, de sorte qu'en traversant le détroit de Magellan on passe au milieu des Fuégiens, et la nuit on peut distinguer sur les deux côtes, coli Li nentale et insulaire,-


les feux allumés par les habitants de ces tristes régions. Les Fuégiens forment deux grandes tribus, les Yahgans au sud de la chaîne des Andes, là où les derniers pitons de cette chaîne se perdent dans l'Océan, et les Alakalouf ; ils sont en contact par le nord avec les derniers Patagons sur le continent.

La taille moyenne des Fuégiens est de 1 m. 59 et leur indice céphalique de 81,6. Les femmes sont un peu plus petites que les hommes. La seconde tribu, moins nombreuse, est celle des Alakalouf, qui habitent le nord de la Terre de Feu et les archipels voisins. On en trouve aussi quelques-uns sur la terre ferme.

C'est une population pauvre et sauvage. On l'a comparée au point de vue intellectuel aux Buschmen de l'Afrique du Sud. Mais je crois ceux-ci,par les specimens que nous avons vus au jardin d'acclimatation de Paris,plus susceptibles de culture, tandis que les Fuégiens présentés au public au même jardin, nous ont paru appartenir au dernier degré de l'espèce humaine.

Un fait remarquable chez les Fuégiens, c'est la présence du troisième trochanter (64 fois sur 100, on ne trouve cette proportion chez aucun peuple de la terre).' Il est à peu près impossible de savoir quelles étaient les mœurs des Fuégiens 'et des. autres habitants de ces régions avant la conquête espagnole, tout ce que l'on en sait est par induc-


tion. Cependant, quelques-uns de leurs usages ont persisté jusqu'à nos jours.

Ainsi, il y a peu de temps encore, les Fuégiens faisaient du feu en frottant deux morceaux de pyrite de fer l'un contre l'autre. Depuis l'introduction du fer, ils ont adopté le briquet.

Ils ne connaissaient pas la poterie et faisaient cuire les aliments dans l'eau dans laquelle ils mettaient des pierres chaudes.

Tous ces usages ont fait place à des procédés plus en harmonie avec les mœurs actuelles.

Leurs huttes affectent la forme conique de préférence d'après les branches qui les composent. Ils se servent pour la pêche de piques à plusieurs dents ou de harpons pour les gros poissons. Leurs canots sont en écorces réunies avec des liens faits avec des nerfs de phoques.

Pour la chasse, outre l'arc et les flèches, ils se servaient de la fronde et ils ont des chiens dressés pour leur rapporter le gibier blessé.

Une de leurs chasses favorites était celle du cormoran. Ils la font la nuit de préférence et sans chiens.

A cet effet, ils se suspendent du haut des falaises à l'aide de peaux de phoques et se laissent glisser sans bruit jusqu'aux trous où gîtent ces oiseaux. Là ils se saisissent de leur proie et l'étouffent sans bruit, quelquefois en lui croquant la tête, car au moindre bruit tous les cormorans s'envoleraient, puis ils passent à un autre.


Quant à leurs croyances, ils n'avaient aucune idée nette des esprits avant la venue des missionnaires. Mais lorsque les tribus voisines venaient la nuit les attaquer, ils croyaient avoir affaire à des revenants qu'ils appelaient Oualapatou.

Leur numération n'allait pas au-delà de 3, qu'ils répétaient autant de fois qu'il le fallait.

Les mariages étaient individuels, la polygamie très rare, jamais de promiscuité.

En somme, les Fuégiens étaient sauvages mais moraux et,sous ce rapport, supérieurs aux Buschmen. Terminons par quelques réflexions de M. Lucy-Fossarieu (Soc. d'Ethnog. 1884) qui nous serviront de conclusion : « Dans nos sociétés actuelles, il est bien difficile de démêler parmi les innombrables intluences secondaires que multiplient autour de nous les nécessités et les conventions sociales et dans le milieu factice créé par la civilisation, le rôle que jouent en réalité les influences du climat et du milieu physique.

« Mais chez les races les plus rapprochées de l'état sauvage, ces influences dont rien ne vient entraver ni contrarier l'action, s'exerçant librement et se manifestant dans toute la plénitude de leurs effets, il suffit d'avoir étudié le climat et la nature d'un pays, pour connaître le génie du peuple qui l'habite et pour pouvoir déterminer a priori, et presqu'à coup sûr quels doivent


être, d'une manière générale, les caractères et les mœurs de ce peuple. »

Ce sont ces considérations qui nous ont déterminé à être sobre de détails sur les populations du centre et de l'extrême sud du continent américain, laissant ainsi au lecteur le soin de conclure lui-même.

FIN