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Titre : Elevage du cheval au pays d'Argentan : le haras du pin / SIPA

Éditeur : (Argentan)

Date d'édition : 1933

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb43553656s

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 109 p. ; in-8

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Format : application/epub+zip

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k65300571

Source : Institut français du cheval et de l'équitation, 2013-93827

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 30/12/2013

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L'ELEVAGE DU CHEVAL AU PAYS D'ARGENTAN

LE HARAS DU PIN


Publié par les soins du PAYS D'ARGENTAN

Revue trimestrielle illustrée

ORGANE DU

Syndicat d'Initiative du Pays d'Argentan

SECRÉTARIAT : 16, Place Saint-Germain. — ARGENTAN

Tous droits réservés

Il a été tiré :

En format in-8° Raisin : i5o Exemplaires numérotés, non mis dans le commerce.

En format in-8° Raisin : 250 Exemplaires En format in-8° Carré: 1.100 Exemplaires


L' ELEVAGE DU CHEVAL AU PAYS D'ARGENTAN

LE HARAS

DU PIN



Essai sur les Haras Le Pin. — Un peu d'histoire

Qu'est-ce que c'est que les Haras? et à quoi çà sert?

Il était une fois des gens qui visitaient Le Pin ; ils étaient plusieurs, dont un Parisien jeunet. Dans la cour que vous connaissez, si harmonieuse et si simple, où l'effet est obtenu par la ligne et non par le décor, le Parisien jeunet interroge le palefrenier qui guide la visite : « Ce grand château-là, qu'est-ce qui habite dedans?

Et l'homme de répondre : — « C'est Monsieur le Directeur ».

— « Tout seul? fait l'autre habitué aux logis parisiens ».

— « Oui, tout seul ».

— « Ben, y s'embête pas vot'patron!. »

Voilà ce que plusieurs ont vu des Haras et du Haras du Pin en particulier. D'autres, assez nombreux, de dire : « Les gens des Haras. oui, ils galopent quelquefois, avec assez de verve, derrière les chiens, en tenue. Mou Dieu ! ils sont à leur place ! » — ou bien — « Ah ! oui, ce sont ces gens qu'on voit dans les concours, pendant des heures, piqués sur leurs pieds, avec un papier à la main, et qui, sans se lasser, considèrent des quadrupèdes. Ils parlent d'un air mystérieux, une espèce de sacerdoce hippique, auquel personne ne comprend goutte. »

Quel est en somme, de façon claire, le but des haras?

Le voici : aider l'élevage national, le guider, l'améliorer dans sa généralité, en tenant compte des modifications économiques, en veillant, avant tout, aux besoins de l'armée.

Idée simple, réalisation compliquée. Depuis le temps que les Haras existent, et qu'ils travaillent, cette amélioration doit être atteinte et dépassée. — Sans doute, si les conditions économiques étaient immuables, le pro-


blême serait simple : mais Dieu sait si elles changent ces conditions-là !

C'est donc la difficulté et l'intérêt aussi du métier des Haras. — Il faut adapter les races aux besoins changeants d'une époque, en état d'évolution continue. Or, comme il faut au moins quatre ans pour faire un cheval, vous voyez que les effectifs d'étalons doivent changer.

Vous jugez aussi des difficultés qu'un directeur d'Etablissement important a souvent à résoudre.

Le but défini, quels sont les moyens? — De deux sortes.

Ceux que j'appellerai « l'action directe », l'aide immédiate à l'élevage, ce sont les dépôts d'étalons qui mettent le bon cheval à la portée de la petite bourse. Le petit éleveur, celui qui en France fait le nombre, n'a pas les moyens de posséder un étalon de haute valeur : souvent même, il l'ignore. C'est l'Etat par les Haras, qui le lui fournit. Ce sont les Haras qui guident son choix et qui mettent à sa portée le reproducteur de mérite, celui qui convient à sa poulinière, pour un très petit prix. Vous voyez que cette vieille maison des Haras, si fortement attaquée, parce qu'elle n'a pas de méthode, ou parce qu'elle en a trop, parce qu'elle est trop fermée ou trop ouverte, constitue réellement une entreprise profondément nationale, profondément démocratique, dans le sens le plus élevé du mot, le plus noble, le plus traditionnel : le gouvernement d'un grand pays pour le peuple, et non point par le peuple, ce qui, à mon sens, est funeste ; d'ailleurs contraire au bien du peuple lui-même.

Le deuxième groupe de moyens mis en œuvre pour aider l'élevage peut être appelé : l'aide indirecte. Ce sont les concours de toutes sortes ; les primes aux poulinières, aux pouliches, aux poulains, les concours d'étalons, de chevaux de selle, tout un arsenal compliqué d'encouragements monnayés qu'il faut adapter aux différents terroirs, aux différentes races.

Décrire l'organisation de ces concours, de quelquesuns d'entre eux, nous entraînerait beaucoup trop loin.

Je passe, et pourtant, voici un point qui m'est cher et que je voudrais tant faire comprendre. Pour faire mieux : il faut durer ; pour réussir dans toute entreprise humaine, la continuité est nécessaire. Les concours sont


des facteurs de continuité, parce qu'ils attachent la poulinière au sol, parce qu'ils neutralisent quelque peu les effets pernicieux du Code Civil en matière d'héritage.

Les écuries qui ont cent ans d'existence sont très rares en France : je les compterais sur mes doigts. C'est l'inverse en Angleterre.

Nos races n'ont rien du tout à envier aujourd'hui aux races anglaises, ni les races de sang, ni les races de trait, parce que nous avons travaillé davantage, parce que la pâte française, l'éleveur moyen, est supérieur à son voisin de l'autre côté de la mer ; mais le système successoral anglais est infiniment supérieur au nôtre, en matière d'élevage hippique. Les jumenteries en Angleterre, ne risquent pas d'être dispersées à chaque décès ; la terre n'est pas morcelée à l'infini, le domaine reste, le cheptel aussi.

Je me défends de faire l'apologie d'un grand pays que tout le monde sait en difficulté grave ; je me défends davantage de tresser des couronnes aux chevaux anglais que les nôtres dépassent un peu partout. Surtout je ne voudrais pas que vous pensiez que, un peu fossile, un peu portrait de famille, j'en suis encore au rigide droit d'aînesse. Je voudrais seulement que vous compreniez mieux une grande et belle vérité ; les idées qui mènent le monde sont peu nombreuses, toutes les grandes questions se rejoignent par les sommets. Sociologie, économie rurale, hippiatrique ont plusieurs points communs.

Je passe, et reviens à ces moyens indirects d'aide à l'élevage, dont je voudrais vous dire encore un mot qui me permettra d'éclaircir un point important : ce sont les approbations d'étalons particuliers.

L'Etat donne des primes en argent, aux meilleurs étalons, dans des conditions déterminées. L'Etat encoulage, soutient par de l'argent, l'étalon privé. Quand l'élevage n'a plus besoin de lui, quand il fait aussi bien que lui, l'Etat s'en va. Il s'abstient de concurrencer le particulier.

Voilà bien, je pense, la meilleure réponse au reproche de monopole qu'on fait si souvent aux Haras. L'Etat n'intervient dans l'élevage que pour l'aider. Il ne se substitue pas à lui ; liberté subsidiée et non pas monopole ; aide puissante quand la Défense Nationale est en jeu, quand il s'agit d'une nécessité française, mais jamais


suppression ou main-mise sur l'élevage privé que nous aidons, que nous ne remplaçons pas.

Vous savez de Molière ce mot admirable :

« Vous êtes orfèvre, Monsieur Josse ».

Dans l'espèce je suis orfèvre, étant officier des Haras, et je m'en voudrais d'emboucher l'olifant. C'est à d'autres, aux Etrangers en particulier, que je voudrais donner la parole et leur faire dire, ici, ce qu'il faut savoir, avec une juste fierté, de l'hippisme français.

Il y a environ 3 millions de chevaux en France qui représentent une douzaine de milliards. Cette population hippique est profondément différenciée, suivant le sol, le climat, le terroir. A chaque pays, il faut sa race, et surtout ne point les mélanger. La bouillabaisse n'est bonne qu'à Marseille, et avec des poissons — la « rascasse », spécialement — qui habite le Vieux Port, au bas de la Cannebière. Mais, dans chaque grande région d'élevage, dans chaque berceau de race, nous avons en France, des familles homogènes adaptées aux conditions économiques qui font l'admiration des étrangers.

Au Pin, c'est une fonction de ma charge, — ou bien à votre choix, une charge de ma fonction, — de recevoir les missions des pays lointains. Il n'en est guère qui n'aient à nous envier quelque chose. Et l'exportation hippique, qui est aujourd'hui une réalité heureuse, devra prochainement se développer beaucoup, quand l'effort nécessaire sera fait pour nous faire connaître mieux en dehors de nos frontières.

Résultats de notre élevage : voyez les concours hippiques internationaux, et les succès des officiers de France qui sont nos meilleurs ambassadeurs. Avec des moyens souvent limités, avec des effectifs réduits, nous tenons toujours les places de choix dans les compétitions étrangères. Je voudrais vous citer des noms, et vous dire que la plupart des lauréats de concours à Londres, à New-York, à Bruxelles, à Rome, à Varsovie ou ailleurs, sont souvent des chevaux de troupe achetés par l'Armée, au bout de la longe, à leur sortie de l'herbage.

J'ai voyagé quelque peu, surtout dans des buts hippiques. Je vous le dis dans la sincérité de mon âme, sans rodomontade patriotique, et parce que je crois parler vérité : les races de chevaux françaises, en l'an de grâce 1933, sont supérieures, dans leur ensemble, et chacune



prise dans son adaptation, à la généralité des races de tous les pays étrangers.

Travaillons à les faire connaître mieux, et ce sera bien servir l'économie française.

Voilà ce que c'est que les Haras. But, moyens, résultats, impliquent une armature. Et j'espère vous avoir convaincus que ce métier, étroit peut-être, qui est administratif, agricole, hippique, sportif même par quelque endroit, vaut la peine d'occuper une cervelle d'ordre moyen.

Et je m'évade bien vite de cette première partie, technique et ennuyeuse à souhait, pour vous parler du Haras du Pin.

Aussi bien Le Pin, c'est la maison mère des Haras en France, et vous ayant dit ce que sont les Haras, il est raisonnable, il est naturel, de vous parler de l'organisation du Pin et de l'histoire de ce lieu enchanteur. Pour le faire, je voudrais vous parler avec mon cœur; car, depuis douze ans bientôt, j'y dépense le meilleur de moi-même.

Quelques mots, d'abord, sur son organisation actuelle.

Au Pin, il y a trois services distincts : Ecole, Domaine, Dépôt d'étalons.

L'Ecole, elle est unique dans son genre, en France, et, du reste, d'ailleurs dans le monde. Les missions étrangères s'en étonnent, s'en préoccupent, la critiquent ou l'admirent : jamais l'Ecole des Haras ne leur est indiffé rente.

Apprendre l'élevage à des jeunes gens, les instruire de ce qu'on a tenté depuis toujours dans cette branche de l'industrie agricole, leur donner une forte instruction technique, voire même sportive, leur ouvrir les yeux sur les idées françaises ou étrangères en matière hippique, c'est une conception française tout à fait dont la réalisation, d'ailleurs médiocre, j'en conviens et je le déplore, constitue l'Ecole des Haras du Pin.

Pour y entrer, il faut passer par l'Institut Agronomique, la condition est nécessaire. Pour y réussir, il faut bien autre chose : un peu d'esprit d'observation, beaucoup de bonne humeur, le goût du travail chez soi, dans son particulier, quand rien ne vous y oblige expressément, l'aptitude à voir les choses dans leur sens général et à les comprendre, le contraire de l'esprit primaire, quelque philosophie, et beaucoup d'esprit cavalier.


Après l'Agronomique, ces jeunes gens qui ont fait la Préparation Militaire Supérieure, vont à Saumur six mois, puis dans un régiment, comme sous-lieutenant, six mois. Et enfin, ils viennent au Pin où ils sont de nouveau élèves; élèves-officiers, il est vrai, mais élèves tout de même, où ils retrouvent la selle française, le trot sans étriers et tous les charmes partagés d'une instruction spécialisée.

Avouez qu'il faut à ces jeunes gens quelque bonne humeur. On arrive tard dans les Haras. Et voilà un des trois services du Haras du Pin : l'Ecole, dont mon excellent camarade et ami, M. de Castelbajac, assume la plus grande part.

Billet — Trait percheron

Je passe au deuxième service du Pin : le Domaine. Il a 1.112 hectares; dont 252 de forêts, environ 690 d'herbages et le reste en bâtiments, cours, jardins, bois, taillis, etc. Il est d'un seul tenant, et comporte aussi quelques étangs.


La forêt est gérée par l'Administration des Forêts et non par la Direction du Pin, qui ne possède, en propre, que des boqueteaux de peu d'importance. Entre les Forêts et les Haras, qui ont d'ailleurs une origine commune, l'Institut Agronomique, a toujours régné une parfaite entente, avec des rapports tout à fait agréables. Et, dût en rougir mon très vieil ami, Maurice de la Serre, Conservateur actuel à Alençon, dussent en rougir aussi tous ses officiers, je dois dire ici l'agrément de cette collaboration.

Ces messieurs des Forêts, pour qui la durée est l'essentiel, pour qui un chêne de cent ans n'est qu'un arbre jeune, ont le sens des belles choses, de l'ouvrage mûri, étudié, conçu pour de lointaines réalisations. Un jour, M. Thiollier, ancien Conservateur à Alençon, était venu au Pin.

Nous avions parcouru dans tous les sens l'admirable futaie du Pin et ses avenues somptueuses. Lui-même avait donné des ordres, préparé un plan d'aménagement, etc.

Et en rentrant déjeuner à la maison, comme un solide ouvrier, heureux d'un travail bien fait, il me dit cette phrase que j'ai retenue et souvent répétée : « Voyez-vous, mon cher Directeur, dans cent cinquante ans, nous demanderons au Père Eternel une permission de vingt-quatre heures, et, ensemble, nous viendrons juger de l'effet, ici, au Pin. » Et il ajoutait avec un fin sourire : « Je vous assure, ce sera très bien. » Au Pin, le service domaine est relativement simple, parce que l'Etat formaliste étant un médiocre agriculteur, les herbages sont loués à des tiers, et non pas exploités directement. Le Haras ne se réserve que les améliorations foncières, la question engrais, la question drainage; il surveille l'exécution des baux qu'il a préparés, il ne cultive pas directement. C'est mieux ainsi, d'un revenu net très supérieur à tout autre pour l'Etat.

Ce vaste domaine du Pin a passé par bien des crises : c'est une propriété magnifique, d'une valeur élevée, et cette valeur a tenté bien des argentiers à court de numéraire. La dernière fois, c'était vers 1926, et ce fut le moment le plus dur peut-être de mon commandement au Pin.

Le gouvernement voulait vendre Le Pin, par morceaux, pour faire de l'argent, alors qu'il était rare dans les caisses de l'Etat. « Après tout, ces herbages, ça ne sert à rien pour un dépôt d'étalons. Il y a des établissements de la même Administration, installés en pleine ville : Angers, par exemple. Un domaine ne se justifierait que s'il y avait une


jumenterie. Il n'y a plus de jumenterie, vendons le Pin et voilà quelques millions pour boucher quelques trous. » L'affaire alla très loin. A cette attaque criminelle de lèse-beauté, la réponse était assez facile, réponse que je ne vous imposerai pas. Le Pin fut sauvé. Il était temps, l'alerte avait été rude. Ce qui réconforte après cette période dangereuse, c'est non seulement le sentiment unanime des Normands, qui ont le goût des belles choses, mais aussi la sensation profonde que cette espèce de victoire durera longtemps. Les services des Finances ont été convaincus qu'il ne fallait pas vendre Le Pin, et, d'ailleurs, s'il se produisait des attaques de même ordre, dans un avenir proche ou éloigné, il existe, dans des cartons, au Pin, tout un arsenal de munitions préparées avec soin, et même des lignes de repli qui assureraient une nouvelle victoire.

J'en arrive au troisième service fonctionnant au Pin : le Dépôt d'Etalons. Ce n'est pas le plus nombreux de France; au point de vue numérique, Lamballe, Saint-Lô le dépassent, mais, avec ses 292 pensionnaires, c'est certainement le plus remarquable par la qualité, et la diversité des races qui y sont représentées.

Quand viennent des missions étrangères, le plus difficile est de savoir ce qu'elles désirent, ce qu'elles cherchent, le genre, ou les genres de chevaux qui les intéressent. C'est comme dans une maison de gros : « Voulezvous des petits pois, des haricots, des nouilles ou des lentilles? » Quand le visiteur a répondu clairement, la moitié du travail est fait, et on peut montrer, presque à coup sûr, le genre de cheval, répondant aux desiderata qui sont exprimés.

La circonscription du Pin est vaste, elle s'étend sur cinq départements et demi : l'Orne, la moitié du Calvados, l'Eure, la Seine-et-Oise, la Seine-Inférieure et la Seine.

Les centres de l'élevage, les berceaux de race, sont bien en terre normande, dans l'Orne, dans le Perche, dans le Calvados, dans la vallée d'Auge. C'est d'ailleurs une caractéristique singulière de l'élevage de ces dernières années; l'élevage de qualité, surtout se concentre dans les lieux où les chevaux poussent tout seuls. Les grandes écuries françaises ou étrangères se rapprochent et se fixent aux pays d'élection. Dans un rayon de 50 kilomètres autour du Pin se trouvent aujourd'hui la moitié ou davan-


tage, de l'élevage du pur-sang anglais en France, et les deux tiers de l'élevage trotteur.

Les chevaux, c'est comme le « pinard ». Autrefois, on faisait du pinard partout, et même à Suresnes, où il était médiocre. Aujourd'hui, on ne fait plus de vin que là où la vigne pousse bien et mûrit tous les ans. Mieux vaut faire venir du vin de l'Aude ou de l'Hérault que de s'entêter à le produire là où il ne vient pas. Pour les chevaux, c'est pareil. De plus en plus, certaines régions abandonnent l'élevage, venant s'approvisionner en chevaux là où ils s'élèvent le mieux, et d'autres régions, malgré la crise, malgré l'auto, malgré toutes les circonstances générales défavorables à l'élevage hippique, voient leur cheptel se maintenir : c'est le cas de la Normandie. La carte hippique de la France est en état de mutation rapide et continuelle.

La préoccupation des gouvernements, quels qu'ils soient, d'assurer une production chevaline adéquate à leurs besoins est aussi ancienne que le monde.

Les vieux cartulaires disent que Charlemagne passait des revues de cavales. Le grand empereur, à la barbe fleurie, descendant du Ciel très Haut pour présider ou critiquer la présentation moderne du concours du Pin : voilà un sujet de revue tout trouvé pour l'Ecole des Haras 1933.

Au moyen-âge, la fortune des seigneurs était, en partie, leur établissement hippique Le cheval était roi, et le gouvernement central avait moins à s'en préoccuper, puisque comtes et barons avaient tous leurs haras particuliers.

Le plus ancien haras royal en Normandie, le plus ancien dont nous ayons trace, est de 1338. Il était établi dans la chatellenie de Domfront, et, M. Hunger, érudit éminent et secrétaire général de la Société du Demi-Sang, en a conté l'histoire. Ce haras-là était la propriété personnelle du roi Philippe VI. Situé non loin de Domfront, sur la commune actuelle de St-Roch-sur-Egrenne, il comprenait cinquante-six têtes. Il était composé, évidemment, d'animaux de race affinée, sans quoi le roi n'aurait pas fait la dépense d'entretenir un établissement de ce genre si loin de Paris.

Les renseignements sur les étalons, les juments, les poulains, sont curieux, très précis, d'un intérêt certain



pour les gens de l'élevage qui constatent que les soins à donner aux chevaux varient peu en sept siècles. Je veux citer les qualités que les gens du moyen-âge exigeaient d'un bon cheval. Je copie : « Et sont icelles conditions du bon cheval. savoir est : trois du renart : c'est courtes oreilles et droictes, bon poil et fort et roide, queue bien pelue. Du lièvre quatre : c'est maigre teste, bien esveillée, de légier mouvant et tost allant. Du bœuf quatre savoir est : la harpe large, grosse et ouverte, gros bouel, gros yeux et saillant hors de teste et bas enjointé. De l'âne trois : bon pié, forte eschine et soit débonnaire. De la pucelle quatre : savoir est : beaux crins, belle poitrine, beaux reins et grosses fesses. » Ces gens moyen-âgeux étaient justes et sages, assez cocasses d'ailleurs.

Je passe quelques siècles, et j'arrive aux temps modernes pour vous dire le titre d'un Mémoire de 1639, cité par Lafont-Poulotti. Ce titre, le voici, il est significatif : « Mémoire pour l'établissement de Haras en France afin d'empêcher le transport d'or et d'argent qu'on sort du Royaume pour les chevaux en France. » Le premier édit organisant des Haras aux frais de l'Etat, est de cette date : 1639. La tentative de Louis XIII échoua. Colbert, le grand Colbert, ce génie d'organisation, de méthode, de prévoyance, celui qui ignorait la loi de huit heures mais qui savait « servir », institua les haras publics. C'était en 1665, le 16 décembre. L'arrêt du Conseil portant cette création, est signé de Louis XIV. A cette création, il fallait un cadre, et, c'est à cette époque que le gouvernement royal acquit le Domaine du Pin. Voilà pourquoi la Cour d'Honneur de l'établissement porte le nom de Cour Colbert, et l'avenue somptueuse, en face de l'entrée, le nom de l'avenue Louis XIV.

L'origine de cette propriété du Pin est amusante : le domaine du Pin était « en la main de Mgr le duc de Vendôme, à cause de son apanage du duché d'Alençon ».

Vendôme le louait à un sieur Jean Mahet de la Pocties, suivant un bail du 1er janvier 1660 par l'entremise de son écuyer, le sieur Nicolas des Brosses, et ce, moyennant le prix et somme de 2.500 livres. Un autre bail, de la même date, a trait à la ferme de la forge du Pin et se monte à 11.000 livres, au bénéfice du même locataire. Ces baux, passés pour neuf ans, ne devaient pas durer deux ans et demi.


Cour Colbert et avenue Louis XIV

Le marquis de Nointel, sieur de Béchameil, d'où la sauce, secrétaire ordinaire des conseils du Roy, ambassadeur extraordinaire de sa majesté Très Chrétienne auprès du grand Turc, est en difficultés, ou du moins en affaire, avec le duc de Vendôme, au sujet des « bois d'Argentan ».

Le sieur Marotin, qui est devenu le secrétaire du duc de Vendôme, échange les 10 et 20 août 1661 des lettres avec Nointel. Finalement, Nointel achète le domaine du Pin le 23 mai 1662 pour la somme de 119.000 livres. Et c'est à Nointel que le gouvernement de Louis XIV achète le Domaine du Pin, pour y installer un vaste établissement d'Etat. Le nom de Nointel est resté au Pin, aujourd'hui encore, puisqu'une des cours de l'établissement en porte le nom. Elle est bordée de logements du personnel. A mon arrivée, il y a douze ans, j'ai dû, un jour, intervenir au sujet de cette appellation : Cour Nointel. Les hommes s'entêtaient à dire, à me dire quand je les interrogeais : « J'habite à la Cour lointaine; j'ai mon logement Cour lointaine ». C'est tout juste si je ne me suis pas fâché. Je suis allé à l'appel, et j'ai déclaré qu'il fallait dire Cou Nointel et pourquoi.

Je reviens à l'achat, par Louis XTV, de la propriété du Pin, à laquelle le gouvernement du grand roi, et ceux qui le suivirent, Louis XV surtout, en 1757, adjoignit diverses pièces, notamment de la paroisse de la Cochère. Le plan général des constructions est de Mansart,


le plan général des avenues et des jardins est de Le Nôtre.

Il n'y a guère de doute possible à cc sujet. La tradition verbale concorde avec une longue tradition écrite. Pour les spécialistes de l'architecture du grand siècle, la chose est certaine.

Mais j'aurais voulu retrouver la pièce essentielle du dessin de Mansart, fixant les corps de bâtiments, leurs dépendances, les terrasses, les jardins. Je n'ai jamais pu la découvrir, ni à la Bibliothèque Nationale, ni au Cabinet des Estampes, ni à Carnavalet, ni aux Archives d'Alençon. encore moins dans celles du Pin.

L'argent manquait sous Louis XIV, comme souvent depuis, et les travaux conçus par Mansart, approuvés par le roi, ne commencèrent effectivement qu'après la mort de celui-ci, vers 1715-1716. Ils durèrent une quinzaine d'années. Et c'est en 1730 que les premiers chevaux entrèrent au Pin, avec le premier directeur : Messire FrançoisGédéon de Garsault, écuyer du roy. Les armes et le chiffre du chevalier de Garsault figurent encore sur les tapisseries qui ornent le grand salon du château, très beaux Gobelins d'ailleurs, qui racontent l'histoire, si à la mode au XVIIIe siècle, de Renaud et d'Armide.

De Garsault, nous savons peu de choses. Les gens l'appelaient : « M. de Guères Sot », ce qui est un joli compliment. Et le haras qu'il dirigeait « était dans le plus bel état possible », ce qui est un autre compliment. Enfin « il n'avait d'autres voitures que celles où l'on entrait par derrière », il prétendait ainsi « parer aux accidents qui peuvent arriver si les chevaux prennent le mors aux dents, parce qu'il pouvait descendre sans danger, quelque fût leur train ». Ceci est douteux tout à fait. Nous savons ces détails par les mémoires du comte Dufort de Cheverny qui, du château du Bourg, proche du Pin, alla dîner au Haras d'Hièmes, chez M. de Garsault.

Une grande plaque de marbre, d'aspect un peu funèbre, peut-être, est placée dans le vestibule du château.

Elle porte les noms de tous ceux qui, depuis Garsault, en 1730, commandèrent le Haras du Pin. Après Garsault, il y eut M. de Butler, puis le marquis de Briges, pour arriver au prince de Lambesc Ce fut en 1765 que Charles-Eugène de Lorraine, duc d'Elbeuf et prince de Lambesc, fut chargé comme Grand Ecuyer, de ce que nous appelons aujourd'hui la Direction Générale des Haras. Il était en même temps Directeur du Pin qu'il habita, je pense assez


peu, ses fonctions l'obligeant à de nombreux voyages.

Ne croyons pas, d'ailleurs, qu'à cette époque-là tout n'était que fleurs et que roses. Les archives de l'Orne, qui, de 1736 à 1755 sont précieuses à consulter, malgré quelles soient à peu près muettes sur les débuts de la période révolutionnaire, marquent les difficultés du commandement qui toujours existent. Il y a rivalité entre les uns et les autres, entre les palefreniers et domestiques du haras, et les garde-étalons, lesquels moyennant une commission, entretiennent à leurs frais des étalons approuvés par le gouvernement. Les règlements de 1717 et de 1726 contredisent les plus récents, et aussi les plus anciens. Il y a eu des épidémies, dont celle de morve en 1757 et 1758.

Chose plus grave, les Haras du Royaume, qui se jalousaient, appartenaient les uns à l'Etat, les autres aux provinces, d'autres encore au Roi. Heureusement, un arrêt du Conseil d'Etat, du 28 janvier 1764, remit de l'ordre et centralisa, aux mains du grand Ecuyer, le prince de Lambesc, directeur du Pin, l'Administration générale des Haras.

Lambesc, 1765, juste le centenaire de la fondation des haras par Louis XIV, marque l'apogée de l'organisation d'élevage de l'Ancien Régime, marque aussi la période la plus brillante du Pin. Cette période dura 10 ans, et voici les abus qui commencent, clamés à tue-tête par ceux-là mêmes qui bénéficient de l'organisation qu'ils veulent supprimer. Le budget des haras était passé de 450.750 livres en 1777 à 1.066.500 livres en 1778. Les privilèges accordés aux gardes des haras, et aux garde-étalons sont considérés comme une injustice, la réglementation des haras comme une entrave à la liberté des éleveurs. Un rapport de l'Assemblée Provinciale de la Moyenne-Normandie et du Perche demande l'abolition de l'Administration qui est, à la Nation, une charge non en rapport avec les succès obtenus. Alors Lambesc, inquiet, écœuré, découragé, quitte Le Pin en juillet 1789, et émigré.

La catastrophe approche, elle arrive en coup de tonnerre le 29 janvier 1790 sous la forme d'un décret de l'Assemblée Nationale, qui abolit purement et simplement « le régime prohibitif des Haras ». Il ne s'agit pas de remplacer ce régime-là, prohibitif ou non, par quoi que


ce soit d'autre; on détruit d'abord; de reconstruire point n'est question. Pourtant, l'Administration demeure, en attendant que les Assemblées départementales agissent. La vente des étalons est bien ordonnée par la loi du 19 novembre 1790, mais le Conseil Général de l'Orne demande la conservation du Haras du Pin, de même qu'une pétition de « propriétaires, marchands et fermiers de l'Orne ».

On ne fait rien jusqu'au 2 août 1791, date fixée pour la vente des étalons, quelques jours avant la foire de la Guibray qui devait, pensait-on, amener des amateurs.

Nouvelles protestations des intéressés qui, cette fois, ne réclament plus « contre le régime prohibitif des haras », mais demandent, exigent au besoin, le maintien de l'Etablissement. On perd du temps, personne ne commande, les Assemblées délibèrent et le Directoire de l'Orne charge le sieur Larmande de continuer la régie du haras d'Hièmes : c'était le 25 septembre 1791. Ce malheureux Larmande, tout fier de son état, arrive au Pin, sans préparation, sans autorité, sans prestige, et ne réussit à rien du tout.

.Lambesc était parti, il est vrai, et, de l'exil, se contentait de réclamer son mobilier personnel, en grand péril de mort dans le château abandonné. Mais « l'Etat-Major » subsisté, rechigné, et non résigné, restant en place, parce qu'il n'avait pas de place ailleurs, et sans aucune sorte de bienveillance pour l'intrus qui arrivait. Il y avait d'abord le chapelain — et qui plus est, réfractaire : l'abbé Jacques de Marres; l'architecte : François Gautier du Parc; le chirurgien Pierre de Saint-Latine; un premier piqueur, dans un habit somptueux; un maître-sellier; un pourvoyeur de fourrages; un écrivain sous-régisseur; les maréchaux, palefreniers, concierges, garde-chasse, jardiniers, etc. Tout déconfit, voilà le sieur Larmande qui perd la face et qui rend compte, par lettres, de son impuissance à se faire obéir. Est-ce qu'un chef avoue jamais une chose pareille !

D'autre part, les municipalités du Pin et de la Cochère protestent auprès des mêmes administrateurs du département auxquels ce pauvre Larmande avait écrit et l'accusent, lui, Larmande, de régir le domaine « avec de la fantaisie et peu de scrupules ». Alors on envoie une commission d'enquête des Administrateurs de l'Orne : c'est le moyen indiqué en période de troubles. Nous voyons ça aujourd'hui encore, et même en Chine, en l'an de grâces 1933.


Halbran, étalon percheron

Elle eut lieu cette enquête, en décembre 1791 : il n'y avait pas trois mois que Larmande était en fonctions.

L'enquête conclut « à la bonne administration » du sieur Larmande. Mais la municipalité hostile, ne dépose pas les armes ni sa rancune. Le dimanche 8 avril 1792, les officiers municipaux du Pin apposent de leur autorité, les scellés sur la porte de la chapelle des Haras, avec cette inscription : « De par la Municipalité, défense de tenter l'ouverture de cette porte, sous quelque prétexte que ce soit. »

Voilà le grand succès : fermer une chapelle !

Nouvel avatar de cette période troublée : l'Administration de la guerre proteste « contre les mesures évidemment contraires à la Loi ». Pour faire quelque chose, on établit un dépôt de remontes au Pin, en réservant seulement les écuries et le logement nécessaires au personnel du dépôt d'étalons, et aux 40 étalons conservés pour le département de l'Orne ainsi que 8 chevaux de service. Ce dépôt de remontes fut tout à fait éphémère; il fut supprimé avant même d'avoir été réalisé entièrement. Entre temps, on avait vendu ou loué plusieurs herbages, les bâtiments étaient passés à l'Administration de la guerre, sur le papier tout au moins. Un nouvel examen de la comptabi-


lité montre que Larmande n'avait pas été des plus scrupuleux.

Alors on nomme un nouveau Directeur, avec le titre de « Chef du Haras du Pin ». C'est le citoyen Théobald Wagner, ancien officier, un homme certainement d'un caractère ferme et d'une intelligence claire. Les circonstances dans lesquelles il se trouvait étaient terribles : il les envisagea avec énergie, s'occupa de l'effectif et du personnel, ce malheureux personnel, qui est le plus à plaindre dans ces périodes tragiques, parce qu'on se sert de lui sans l'aimer, parce qu'on le flatte pour s'en servir. Wagner réclame du mobilier pour le Dépôt; il avait donc disparu?

et 4 matelas et couvertures pour les garde-écuries; il ne les obtint jamais. Les palefreniers réclament les indemnités auxquelles ils ont droit, les gratifications qui s'ajoutent à leur traitement. Tout le monde est mécontent, et l'élevage souffre de la façon la plus grave. Finalement, le 31 janvier 1793, le Conseil de l'Orne, pour appliquer la loi du 19 novembre 1790, décide que les étalons du Pin « seront vendus et distribués à des cultivateurs du département s'engageant à les conserver pour la reproduction ».

La vente eut lieu au Pin les 3 et 4 mars 1793. Le citoyen Blanchet, commissaire du district d'Argentan, demeura au Pin pour surveiller les ventes et les livraisons, non seulement des chevaux, mais de tous les meubles et ustensiles de l'Etablissement. Wagner est battu. Pas tout à fait cependant, puisque les chevaux n'ont pas été dispersés bien loin, ils sont restés dans le département; puisque lui, Wagner, reste au Pin avec la plus magnifique énergie, et que voici la loi du 2 germinal, an III, qui rétablit en France sept dépôts d'étalons. Les étalons, quelques-uns d'entre eux, sont de nouveau réunis au Pin, mais dans une affreuse misère, rien n'est prêt pour les recevoir à nouveau, il n'y a pas de fourrage, les réquisitions ne donnent rien. Et Wagner meurt, le 22 floréal, an V, après avoir lutté jusqu'au bout contre d'effroyables difficultés.

Sa mémoire mérite d'être saluée avec respect et reconnaissance.

Wagner mort, il fallait songer à son remplaçant, ce ne fut pas le candidat proposé par l'Administration municipale du canton d'Exmes, un citoyen du nom de Nicolas


Loucelles, qui fut nommé par Paris, mais M. de Grimoult (1), qui resta en fonctions de 1797 à 1807.

Les tribulations de M. de Grimoult au début de son commandement furent extrêmes, et, à distance, cocasses.

D'abord, ce malheureux et sa femme, suivant les termes de l'époque, ne sont pas « dans les principes de la Révolution » ; figurez-vous qu'ils reçoivent des « suspects», lesquels, ajoute un rapport ténébreux, « entrent chez le concierge, et gagnent le château par les souterrains. » Or, le concierge c'était l'ancien architecte, le sieur Gautier du Parc, celui d'avant la Révolution, dont le Directeur, M.

de Grimoult avait le plus pressant besoin pour restaurer l'établissement.

Après une lutte digne d'Homère, et malgré le commissaire du Directoire Exécutif près l'Administration d'Exmes, M. de Grimoult avait réussi à conserver un logement, celui de la loge d'entrée, à ce malheureux architecte.

Alors, le Directeur se fâche; il est plus ou moins surveillé par le citoyen Bouchet, chargé par le Ministère de faire un rapport, — un de plus — sur l'état actuel du haras du Pin. Et il faut que ce pauvre M. de Grimoult réponde lui-même à des racontars absurdes.

Enfin, rien n'était sûr à cette époque troublée. Des mécontents parcouraient le pays, en même temps que des troupes casernaient au Haras, causant le plus grand dommage aux bâtiments.

Pour mieux se garder, en l'an VIII, le citoyen Loucelles, contrôleur au Haras, s'adresse à la municipalité d'Exmes pour obtenir la protection du Haras par une troupe prise dans la garde nationale. L'administration municipale du canton, qui n'aimait décidément pas Le Pin, répondit qu'elle ne jugeait pas prudent d'exposer au com-

(1) La famille Grimoult, sur l'origine de laquelle Louis Duval a jeté quelque confusion (C.f. Ephémérides de l'an VIII, p. 177), avait son flef au diocèse de Bayeux, au Plessis-Grimoult, avec ramification dans notre région même.

Geoffroy Grimoult, licencié en droit, était en 1579 lieutenant général, civil et criminel, au baillage d'Alençon. Les Grimoult contractèrent alliance avec les Gautier, seigneurs de Chiffreville, paroisse de Sévigny. Le Directeur du Haras dont il s'agit était le bisaïeul maternel du maréchal Lyau- tey, ancien colonel du 14e hussards d'Alençon. Le glorieux soldat voulut bien se souvenir de son ascendance, flatteuse pour nous, lorsqu'il visita notre département les 21 et 22 juillet 1929 : il tint à visiter, à Chiffreville, le manoir de ses aïeux. (N. D. L. R.)


bat une garde qui « même nombreuse, serait de beaucoup insuffisante, tant par le nombre que par la qualité des armes, comparativement avec celles que portent les mécontents. » Jugez si on avait le temps et les moyens de s'occuper du but à atteindre, de l'élevage, des besoins du peuple qu'on proclamait souverain, et du bien général de la France.

Je n'en finirais pas sur les vicissitudes de cette époque révolutionnaire. M. Jacques Gendry en a fait un précis historique, exact, documenté; c'est lui que je cite à peu près tout le temps; c'est son travail que me sert de base et que je reproduis. Je veux seulement, pour finir cette époque, citer ici la conclusion lapidaire du beau travail de mon ami Gendry : « La Révolution, dit-il, avait ruiné l'élevage, saccagé l'Etablissement du Pin et troublé l'ordre. »

M. de Grimoult vécut assez longtemps, comme Directeur du Pin, pour voir le décret du 4 juillet 1806 qui rétablit les Haras d'après les plans présentés par le citoyen Eschasseriaux. Cette organisation nouvelle, sauf la suppression des privilèges des garde-étalons, diffère fort peu de l'ancienne Administration.

Nous voici au XIXe siècle, si mobile, si divers, que c'est un travail d'en suivre les changeantes péripéties. Les haras qui ont tant et tant besoin de calme, de continuité, subissent fâcheusement les contre-coups des bouleversements du Régime. En 1806, ils relevaient du Ministère de l'Intérieur; en 1815, du Ministère de l'Agriculture; en 1816, ils reviennent à l'Intérieur, pour retourner, en 1820, à l'Agriculture, sous les ordres de M. de Castel- bajac, conseiller d'Etat, qui les conserva jusqu'en 1824.

Ils changent de mains plusieurs fois encore, en 1863 ils se voient annexés au Ministère de la Maison de l'Empereur et des Beaux-Arts. Aujourd'hui, et depuis plus de soixante ans, ils relèvent du Ministère de l'Agriculture.

Sans doute, ils ont trop changé de Ministères et de maîtres, mais, soutenus par une armature solide, ayant à leur tête un Directeur Général qui demeure quand les ministres changent, ils ont pu rester à leur tâche et travailler, malgré les vicissitudes des régimes politiques. C'est l'avantage, peut-être, des corps spécialisés. On leur laisse la paix, parce qu'on ne sait pas par quoi les remplacer.


Saumur au Pin — 23 Janvier 1932

Pour finir, et ce sera la dernière histoire de cet article trop long, voici la visite de l'Empereur Napoléon III, au Pin, les samedi 8 et dimanche 9 août 1863.

Ce fut, ce jour-là, une fête de très grand style, « formidable » diraient les gens d'aujourd'hui, à tel point que j'en ai eu l'écho, moi-même, d'un vieillard, qui, alerte, malgré ses quatre-vingts ans, m'en parlait avec émotion, au Pin, il y a dix ans. C'était un solide Normand, de vieille roche, fort et droit comme un chêne, dont les fêtes de 1863 avaient ébloui la jeunesse : « D'abord, que je vous dise, M. le Directeur, que c'était pas croyable, que les arcs eu d'triomphe, et les pétards et les feux d'artifice. Et puis, v'là la vérité vraie, que j'vous dise : n'y avait du gros bère qu'était gratis à tous les arcs eu d'triomphe. » On célèbre la rapidité des trains, songez donc que l'Empereur n'avait mis que 6 à 7 heures pour venir de Paris à Argentan. Et, que venait-il faire, l'Empereur, au Pin?

Présider une cérémonie importante.

Dans le Domaine du Pin une enclave était dessinée, au lieu dit « Les Fanfares », pour être remise à la commune, en échange d'une autre, qui constitue le vieux Pin, et on posait la première pierre de l'église. Le général Fleury, ministre de la Maison de l'Empereur, qui avait les haras dans ses attributions, était présent, avec tous les dignitaires du département. C'est même pour cette raison que les maisons qui entourent l'église, portent le nom,


aujourd'hui encore, de Pin-Fleury — Fleury avec un y et non avec un i — ce que plusieurs des habitants du lieu ignorent. Il y a des fleurs dans les jardins, aux fenêtres de ces maisons. et la mémoire des peuples est si brève, celle des individus aussi d'ailleurs.

Je reviens à cette journée du dimanche 9 août 1863 qui fut un triomphe. Il y eut des courses à l'hippodrome, une présentation d'étalons dans l'avenue Louis XIV, des bals et des fêtes, partout une allégresse incroyable. Il faut en lire le récit dans les journaux du temps, dans l'Almanach de l'Orne en particulier, dont l'enthousiasme se maintient au plus haut diapason, pendant des pages et des pages.

L'Empereur, arrivé à Argentan le samedi 8 août, à la fin de la journée, avait fait le trajet du Pin « dans un char à bancs, conduit en poste, à quatre ». « Sa Majesté avait à sa gauche, le prince Murât, et M. Fould ; derrière elle, M. de Morny, le duc d'Albuféra et le marquis de Lagrange. Le général Fleury et d'autres personnes de la Maison de l'Empereur suivaient dans un vis-à-vis, en poste ; enfin deux omnibus portaient cinq cavaliers des Cent-Gardes, et des hommes de la Livrée ». Napoléon devait passer deux nuits au Pin, du 8 au 11 août. Les chambres qu'il occupait, dans la partie ouest du château, portent encore le nom de « Pavillon de l'Empereur ».

Rien ne manqua à la fête, par même un soleil éclatant, qui trop souvent fait défaut, à l'équinoxe de septembre, quand ont lieu, ces années dernières, les courses du Pin.

L'Almanach du temps célèbre la bonne humeur de sa Majesté, son application à recevoir les rapports des hauts fonctionnaires de la région. Elle donne des ordres pour hâter l'achèvement du chemin de fer de St-Cyr à Surdon ; complimente M. Forcinal de ses succès dans l'élevage des chevaux, reçoit en audience particulière M. de Magnitot, préfet de l'Orne, et M. Desoubzlebieu, maire du Pin. Elle félicite le Directeur du haras, qui était M. de la Houssaye, et les Officiers qui l'entourent ; donne sur sa cassette particulière 10.000 francs pour la construction de l'église, etc.

Que l'Empire était beau, en Normandie à cette époque ! 1863, une des plus brillantes années de la France au XIXe siècle. 7 ans après. c'était Sedan. Les uhlans, venus du sud, arrivés par la route de la Cochère, cantonnaient au Pin et s'installaient dans la Cour d'Honneur. « Sunt


lacrymœ rerum ». et les catastrophes succèdent aux triomphes.

L'effort français, dans les années qui suivirent la défaite de 70, fut admirable. Ce n'est pas le lieu d'en parler.

Au point de vue haras, et haras du Pin, en particulier, les années qui s'étendent de 1870 à 1900 et au-de-là furent spécialement laborieuses et fécondes.

D'abord, le Parlement vota une loi excellente, celle de 1874, sur laquelle les haras vivent encore. Et puis, on eut le bon sens, pendant cette période, et jusqu'à nos jours, de laisser les gens en place, longtemps, ce qui est la principale condition pour faire œuvre utile. Depuis 1870, il n'y eut que sept directeurs au Pin. Les plus belles années de cette époque gravitent autour de 1900, le triomphe du carrossier normand, l'Exposition Internationale de Paris. Depuis, voici l'auto ; il a fallu changer, se tourner vers d'autres buts que le cheval d'attelage, et on a pu craindre le pire pour l'élevage normand, dans la région qui s'était fait une spécialité incontestée de ce cheval de luxe qui disparaissait.

Pas du tout. La Normandie s'orientant vers le cheval d'Hippodrome, le cheval de selle, ou le cheval de trait, et « pareille au saule renaissant », cherche d'abord sa voie, écoute les gens qui lui donnent conseil, subit la grande guerre, et ses contre-coups terribles, et affirme à nouveau sa supériorité.

Demandez à l'élevage normand ce que vous voudrez.

Donnez-lui le temps nécessaire, et il vous fournira le type, le genre, que vous réclamez. C'est une pure merveille.

La grande guerre fut pour la Normandie, comme pour la France entière l'épreuve que vous savez, et le triomphe que nous ne réalisons pas suffisamment.

La France de 1914 à 1918 perd le tiers de son effectif en chevaux. De 1918 à 1930, elle refait ses pertes, oriente sa production, qu'elle ne veut pas plus nombreuse que ses besoins actuels, mais adaptés à ces besoins-là, lesquels ne sont pas ceux d'hier, lesquels, demain peut-être, seront autres encore.

Je me souviens de l'inauguration du monument aux


Morts du Pin. Ce jour-là, je devais parler, et j'étais très ému. Les gens qui ont fait la guerre sont plus émus que les autres quand ils en parlent. Je pensais à l'allégresse d'avant 1870, quand l'Empereur vint au Pin, à l'humiliation de Sedan, à l'effort magnifique d'après la défaite, à la grande guerre, quand les étalons du Pin, en toute hâte, au mois d'août 1914, furent embarqués pour Pau et Tarbes ; et puis, après le triomphe, la France sur le Rhin, maîtresse de ses destinées, Foch, vainqueur.

Dans ce petit village du Pin, perdu dans la verdure, cette symphonie des verts normands émaillés du rose des pommiers, la guerre avait creusé des vides terribles, l'éle- vage avait grandement souffert. De nouveau, il fallait se remettre au travail, le cœur gonflé par la victoire qui ouvrait à notre race des perspectives nouvelles, à notre activité à tous, des chemins joyeux. Et puis, un monument, surtout aux Morts, a un signification magnifique.

Monument, ça vient d'un mot latin, plein de sens et d'esprit : monere, avertir, se souvenir, mettre en garde.

Que l'élevage français soit toujours vigilant. Rien au monde ne se repose dans une quiétude olympienne. La nature et les hommes, les choses et les chevaux, sont toujours en état de recommencement, en état de mutation.

Dans le cercle étroit qui est le mien, pour ce qui est de l'élevage du cheval en Normandie, je souhaite que tous, avertis par un long passé, instruits par les révolutions, les guerres, les défaites et les victoires, continuent à travailler, à peiner peut-être, à réussir, je l'espère, pour atteindre le but le plus noble : une France vivante et laborieuse, au rang qui est le sien, le premier de tous. »

JEAN DE CHEVIGNY.

Directeur du Haras du Pin


Avenue de l'Hippodrome


Directeurs du Haras du Pin depuis sa création

CHEVALIER F. DE GARSAULT 1730-1750 DE BUTLER 1750-1758 MARQUIS DE BRIGES 1758-1765 PRINCE DE LAMBESC 1765-1790 WAGNER 1791-179 7 DE GRIMOULT 1797-1807 D'AVAUGOUR 1807-1811 CHEVALIER D'ABZAC 1811-1818 BARON DE BONNEVAL 1818-1832 COMTE DE BONY 1832-1833 BARON DE COETDIHUEL 1833-1835 PERROT DE THAMBERG 1835-1839 STRUBBERG 1839-1840 GAYOT 1840-1843 DE LESPINATS 1843-1847 HOUEL 1847-1850 DE CORMETTE 1850-1861 COMTE DE LA HOUSSAYE 1861-1870 COMTE DE PARDIEU 1870-1879 COMTE DE GANAY 1879 DE LA FARGUE-TANZIA 1879-1885 DE LANNEZ 1885-1887 OLLIVIER 1887-1893 VICOMTE DU PONTAVICE DE HEUSSEY 1893-1911 VICOMTE DE TONNAC-VILLENEUVE 1911-1921 DE BOISSONNEAUX DE CHEVIGNY 1921-


Le Haras

Dans la grande symphonie de la France au travail, si noble de mesure et d'harmonie, la verte Normandie joue sa partie de choix : la « Pastorale » des plus beaux herbages du monde, d'un bétail sans cesse amélioré et de ce cheval, « la plus belle conquête de l'homme », qui survit avec une paradoxale vitalité à l'invasion de son formidable succédané mécanique.

De cette souveraineté professionnelle, le Pin apparait, et à l'œil et à l'esprit, comme une sorte de Palais Royal.

Il en a l'ancienneté, la grandeur des approches, la noblesse d'aspect, l'allure traditionnelle, la richesse des souvenirs. Il en a aussi le modernisme nécessaire et cette plasticité et ce dynamisme sans lesquels un royaume de cette période cataclysmale a bien peu de chances de tenir debout.

Un état major jeune et actif, une haute direction, aussi expérimentée qu'allante, ouverte au progrès, tendue vers le bien faire, et dans ce cadre bâti pour eux il y a plus de deux cents ans et demeuré intact, les plus belles bêtes dont puisse s'enorgueillir ce vieux pays. Voilà, en vérité, un rare spectacle aussi propre à satisfaire les yeux qu'à nourrir notre foi commune dans les forces vivantes de notre terre de France.

HENRI DE PEYERIMHOFF DE FONTENELLE, Président du Comité des Houillères de France.


La Forêt du Haras du Pin

Le domaine du Pin ne se conçoit pas sans un massif boisé. Aux terrasses étagées vers le sud, d'où l'horizon s'ouvre jusqu'au delà de Sées, devait s'opposer, de l'autre côté de la Cour d'Honneur, un écran d'arbres fermant la vue et offrant le fond de sa masse sombre à l'harmonieux ensemble que forment le château, les écuries, les pavillons d'entrée et la grande grille.

Mais, au XVIIe siècle, les jardiniers étaient aussi des architectes et savaient tirer un parti décoratif d'un bois qui par sa présence seule jouait déjà un rôle dans un paysage : ils savaient l'ajourer de percées convergentes qui créaient des perspectives nouvelles, des carrefours majestueux, des points de vue insoupçonnés. Bâtiments et avenues formaient ainsi un tout inséparable et concouraient simultanément à faire valoir l'ordonnance générale arrêtée par le maître de l'œuvre.

C'est de cette conception dont les contemporains de Louis XIV avaient le secret, qu'est sortie cette symphonie de pierre, de brique et de verdure qui constitue le Haras du Pin et le réseau d'avenues qui rayonne autour de lui.

Mais on pouvait faire mieux encore. C'était de pré voir, en bordure de ces percées qui guident le regard et favorisent la promenade, le maintien sur pied d'arbres mis en dehors de toute exploitation pour les laisser croître jusqu'aux limites de la vieillesse. La beauté naturelle, la majesté de chaque vieux chêne s'ajouterait ainsi à la beauté et à la majesté de l'ensemble..

C'est ce qui a encore été fait au Haras du Pin et qui lui confère un surcroît de magnificence, maintenant que ces cordons boisés ont acquis tout leur développement.

Ces avenues entre lesquelles se trouve un taillis sans caractère particulier, auxquelles s'ajoutent plusieurs autres massifs isolés situés en dehors des perspectives principales et également traités en taillis forment au total une petite forêt d'une contenance de 273 hectares. Son histoire a fait l'objet d'une étude aussi littéraire que solidement documentée, due à M. Aubert, inspecteur des


Eaux et Forêts à Alençon. Nous ne pouvons que nous' y référer.

Cette forêt portait le nom de Buisson d'Exmes quand le haras royal y fut bâti. Elle fut gérée avec l'ensemble du domaine, sans que nous ayons des renseignements précis à ce sujet, jusqu'en 1818, date à laquelle le gouvernement de la Restauration fit établir un plan général du Haras du Pin par Vallée, géomètre forestier.

Ce plan divisait la forêt en vingt coupes de taillis et mettait en réserve seize hectares de parquets de futaie aux abords de la Cour d'Honneur, ainsi que vingt-cinq hectares comprenant les avenues, et de part et d'autre de chacune d'elles, une bordure de haute futaie de vingt mètres de large dans laquelle on ne devait faire aucun abatage d'arbres.

Le règlement fixant l'âge des coupes dressé par Vallée indiquait que tous les bois mis en réserve étaient âgés de plus de cent ans à cette époque, ce qui marque bien qu'ils avaient été soustraits à toute exploitation depuis que le plan du domaine avait été dessiné et tracé sur le terrain. C'est donc bien à Mansard et à ses collaborateurs que revient l'idée de ces cordons boisés encadrant les avenues.

Le règlement de 1818 fut appliqué jusqu'en 1855, date à laquelle la forêt fut remise à l'Administration des Forêts. Mais le procès-verbal de remise spécifie bien que « seront maintenues hors exploitation les parties de futaie « pleine et les cordons de futaie en bordure des allées et « des grandes avenues réservées à l'établissement public « au point de vue de l'hygiène et dans l'intérêt de l'éle« vage des chevaux ».

Depuis lors, un décret d'aménagement du 18 mars 1887 a modifié le traitement de la partie jusque là traitée en taillis, mais il a maintenu le régime de la futaie pour le canton « devant le château », c'est son nom officiel, et pour les cordons boisés des avenues. C'est au total une surface de 40 hectares 40 ares qui ne doit être soumise qu'à l'exploitabilité physique, c'est-à-dire que seuls sont exploités, après autorisation spéciale, les arbres morts ou dépérissants : c'est leur mauvais état de santé seul qui motive leur abatage.

La mise en dehors des exploitations normales d'une surface de 40 hectares était à cette époque une déroga-


tion aux règles forestières habituelles, une hardiesse administrative, que l'auteur de l'aménagement a cru nécessaire de justifier. On voit dans l'article 38 de son rapport (produits immatériels ou indirects de la forêt) que cette réserve « sert heureusement de brise vent et semble in« fluer favorablement sur l'hygiène de la race chevaline, « puisque c'est là le motif qui lors de la remise de cette « forêt au Service forestier, a été mis en avant pour en « faire réserver une notable partie à l'état de futaie ».

Il est piquant, ainsi que le fait remarquer M. Aubert dans son étude, de constater que par deux fois, au cours du XIXe siècle, c'est l'hygiène de la race chevaline qui a été invoquée pour justifier la conservation des cordons de futaie qui donnent aux avenues du Pin leurs harmonieuses proportions.

La phrase du procès-verbal d'aménagement est d'ailleurs bien plus qu'un témoignage de la sollicitude du Service forestier pour la santé des étalons, une preuve du complet accord qui régnait entre lui et l'Administration du Haras. Cet accord n'a pas cessé et il y a tout lieu de penser qu'il se maintiendra pour la plus grande beauté du Domaine du Pin.

Celui-ci est d'ailleurs en bonnes mains. M. de Chevigny, son Directeur actuel, l'entretient avec un goût très averti et un respect profond du passé. Il a recherché sur d'anciens plans et a pu retrouver sur le terrain la direction de quelques avenues reliant les succursales et les annexes du château, qui avaient été négligées et peu à peu envahies par la végétation. Il les a fait rouvrir, ce qui nous vaut plusieurs points de vue nouveaux sur les vallons environnants, et la satisfaction d'admirer l'œuvre de Mansard dans son intégrité. Le Service forestier ne peut qu'applaudir à de si heureuses initiatives.

Si après avoir parlé du passé nous envisageons l'avenir, nous nous trouvons devant un problème assez difficile. Une réunion de chênes de près de 250 ans présente forcément, à côté d'arbres encore en pleine santé, des sujets décrépits, découronnés, arrivés au terme de leur existence. Ce dépérissement est d'autant plus marqué que certains d'entre eux ont été conservés parce qu'ils étaient à l'alignement du bord de l'avenue, mais ils avaient quelque tare au pied, quelque plaie provenant d'une branche morte; ils n'étaient donc pas préparés à


vivre très vieux; pendant deux siècles ils ont fait bonne figure et gardé leur rang, c'est honorable et on ne peut leur demander davantage : ils doivent céder la place aux jeunes.

Il y a donc un remplacement prochain de certains arbres que le Service forestier ne doit pas négliger. Son rôle est en effet de travailler pour l'avenir, de même que les fondateurs du Haras du Pin l'ont fait en 1716 : des générations d'arbres doivent s'y succéder, de même que des générations d'étalons.

C'est ce à quoi il s'emploiera de son mieux tout en gardant aussi longtemps qu'il sera possible de le faire les chênes vénérables et majestueux qui sont comme des sentinelles avancées à l'entrée de l'avenue Louis XIV, ainsi que tel et tel chêne de cette avenue qui aurait sans doute pour l'élan de son tronc et l'ampleur de sa cîme une renommée régionale, s'il n'était entouré de plusieurs centaines d'autres presque aussi beaux.

M. DE LA SERRE, Conservateur des Eaux et Forêts.


La Selle de M. d'Abzac

Le chevalier d'Abzac a été Directeur du Haras du Pin de 1811 à 1818 et une cour de l'Etablissement porte son nom. — Ce fut un des écuyers les plus célèbres de son temps. — Sa selle, précieusement conservée, figure aujourd'hui encore dans la sellerie d'honneur avec le texte ci-dessous : « Voici la relation d'une aventure arrivée à M. d'Abzac, tendant à démontrer son habileté. Il émigra et alla rejoindre les Princes en Allemagne, et, après la dissolution de l'armée de Condé, il vint à Hambourg.

Il entendit parler d'un cheval très dangereux et presqu'indompté, appartenant au manège. Il s'y rendit, et, sans dire son nom et sa qualité, il demanda à le monter L'écuyer, homme loyal, lui signala les vices de la bête, mais d'Abzac alors dans la vigueur de l'âge, ajouta : « Permettez-moi de tenter l'essai ».

L'écuyer, ses élèves et quelques spectateurs, s'attendaient à une lutte dont le téméraire Français devait être victime, mais, O miracle ! l'animal contenu par une main savante et une assiette moelleuse et ferme tout à la fois, fut reconduit à l'écurie, blanc d'écume, après une demiheure de travail, mais sans avoir fait aucune sottise.

« Ma foi, Monsieur l'écuyer, dit le comte, je n'ai jamais monté son pareil ».

A ces paroles, l'écuyer, saluant, s'écria, « Je croyais Monsieur d' Abzac seul capable d'un pareil tour de force ».

Le comte lui rendant son salut lui dit « Je vous remercie de l'éloge, je suis d'Abzac ».


Tradition

Le Maréchal Lyautey au Pin

On me fait l'honneur de me demander quelques lignes pour ce numéro consacré au Haras du Pin.

Bien des souvenirs m'y rattachent. J'évoque la charmante journée que j'y ai passée en juillet 1929.

On m'y montra sur la plaque du vestibule le nom de M. de Grimoult qui fut à la tête de cette maison de 1797 à 1807. Il était mon bisaïeul maternel. Tout jeune au moment où la Révolution éclata, il était Ecuyer en second au Manège Royal des Tuileries dont son père, mon trisaïeul, était Écuyer en chef. Il était d'ailleurs normand — son père était né à Esson, fief héréditaire des Grimoult, près d'Harcourt-Thury, dont ils relevaient, et qui échut à son frère aîné. Sa mère née Beaurepaire-Louvagny était normande également. Son fils, mon grand-père, de Grimoult de Villemotte, officier de cavalerie sous la Restauration, était héréditaire-


ment homme de cheval. Fixé par son mariage en Lorraine il y habitait tout proche du Haras de Rozières, avec lequel j'ai passé mon enfance et ma jeunesse à voisiner.

Ces liens ont encore été resserrés par mon mariage, puisque mon beau-père, le baron de Bourgoing, avant d'être Écuyer de l'Empereur Napoléon III, était Inspecteur Général des Haras après avoir reçu sa première formation au Pin où l'on me montra même la chambre qu'il avait occupée.

J'ai donc été élevé dans le respect de ce qui fait l'honneur et le caractère des Haras : la correction, la tenue, l'élégance, le souci des traditions de la vieille France auxquels ils ont le privilège et la fierté de rester si attachés.

J'apprécie hautement l'occasion qui m'est offerte de leur apporter mon témoignage, avec mon salut à cette noble maison du Pin, gardienne entre toutes de ces traditions.

de l'Académie Française.


Au Domaine du Pin

Modèle harmonieux de noble architecture, Clair chef-d'œuvre construit au siècle du Soleil, Où Mansart et Le Nôtre ont mis leur signature, Où Colbert se montra l'homme du bon conseil; Le temps, qui se complaît aux besognes malignes, A pu de tes destins modifier le cours, Il n'a pas altéré la splendeur de tes lignes : Tu serais digne encor de recevoir des cours.

Tu n'as plus ce souci. Dans le siècle où nous sommes, Ceux qui passent le seuil de ta grille d'honneur N'ont pas le haut relief des anciens gentilshommes.

Mais pour les accueillir tu restes grand seigneur !

Dans tes bois opulents, sous tes vastes ramures, Le moindre défilé prend soudain plus d'ampleur, Ton cadre fait valoir les formes des montures Et de leurs cavaliers rehausse la valeur.

Et puis, chez toi, le sport baigné de poésie Dépouille sa rudesse et sa brutalité ; Il se meut dans la grâce et dans la fantaisie, Sûr d'échapper toujours à la banalité.

Que tes bosquets ont vu de fières chevauchées : Raids et galops savants, steeples audacieux !

Que de têtes aussi pour les suivre penchées, Et quelle sourde angoisse au fond de certains yeux !

Mais dès que, tout fumant, les flancs couverts d'écume, Le favori vainqueur a touché le poteau, Quelle soudaine flamme en ces yeux il allume : Sa couleur prend pour eux tout l'éclat d'un drapeau !

Tous ces triomphateurs sont tes fils et tes filles ; N'es-tu pas le berceau des plus cotés d'entre eux?

Car chez nous le cheval a ses belles familles, Sa généalogie et ses lointains aïeux.

Tu conserves, jaloux, leurs lettres de noblesse, Leurs prouesses d'antan chargent ton livre d'or Et de grands noms, portés jusqu'au bout sans faiblesse, Aux frontons de tes box resplendissent encor.


Aux jours de haute liesse où le Pin se dépense, Tu mets ton juste orgueil à nous les présenter; De ton œuvre féconde ils sont la récompense, Qui donc en les voyant pourrait la discuter?

Qu'ils sont beaux !. Leur fierté dans leur allure éclate, Et lorsque, de leur pas élégant et princier, Ils suivent l'écuyer au dolman écarlate, L'étincelle jaillit de leurs sabots d'acier !

Pourtant, à ce tableau bruyant et populaire, Que je préfère encor ta sereine beauté, Quand le Pin, devenu muet et solitaire, S'endort dans la splendeur d'un calme soir d'été !

Une vapeur légère estompe le domaine Et des rameaux penchants argente le contour; Dans les sentiers déserts le rêve se promène, Un souvenir se dresse à chaque carrefour.

Et des couples charmants passent, passent dans l'ombre, Le rire aux lèvres, fiers, ardents, insoucieux, Et lorsque leur chemin se fait un peu plus sombre, Un chaud rayon d'amour illumine leurs yeux !

Ah ! c'est qu'ils ont connu l'allégresse de vivre !

Ayant de tous leurs jours fait un roman exquis, Ils voudraient, mais en vain, rouvrir ce soir le livre : Baronne, il est fermé!. trop bien fermé, marquis!

Dans la brume déjà leur idylle s'achève.

Mais un nouveau mirage entretient notre erreur, Et nos yeux, aux rayons de Phébé qui se lève, Voient, pensive, apparaître, une ombre d'empereur.

Par les grands souvenirs qu'évoque ton histoire, Tu resteras toujours cher à nos cœurs ornais : Le Pin, c'est pour nous tous une page de gloire Où l'Art et la Beauté sont inscrits à jamais !

EMILE LANGLOIS.

Mars 1933.


Les chevaux de Marie-Antoinette

La Reine Marie-Antoinette possédait deux chevaux précieux qu'elle affectionnait entre tous et qu'elle aimait particulièrement à monter.

Tous deux lui avaient été offerts par le prince de Lambesc, son parent, et l'un d'eux était si beau, avec sa robe alezane, que la reine l'avait appelé l'Aleyrion, l'aleyrion, la pièce la plus noble des armes de la maison de Lorraine.

Le second, qui était bai, ne se montrait, sans nul doute, aucunement inférieur au premier, puisqu'il avait reçu le nom de Le Parfait. Lorsque la Révolution éclata, ces chevaux furent jetés hors des écuries royales et tombèrent aux mains de M. Vincent, marchand de chevaux. Soit crainte de passer pour suspect, soit espoir d'en pouvoir plus tard tirer un bon parti, M. Vincent les cacha chez son ami M. Marchand, de Chenay (Sarthe). Nul lieu du reste n'était plus propre à ce recel. Une ferme isolée, au fond d'une grande presqu'île formée par la Sarthe, qu'on ne pouvait, du côté de la Normandie, franchir faute de gués ni de ponts; du côté du Maine, des chemins impraticables où l'on ne passait qu'à cheval; plus de deux lieues à la ville d'Alençon ; le voisinage d'une grande forêt qui n'avait d'autre population que de pauvres bûcherons, toujours ignorants de ce qui se passe en dehors de leurs futaies.

Ces deux étalons, c'était une fortune dans un temps où ceux de l'Etat avaient disparu ; les deux fugitifs saillirent les juments de M. Marchand, et un jour une fille du Parfait, saillie par L'Aleyrion, donna naissance à l'immortel Matador, le père de tout ce que la France possède de noble en races de demi-sang.

Tel est le récit que publiait en 1860 l'Inspecteur général des Haras du Hays, dans son livre intitulé Le Merlerault.

Et de qui tenait-il tous ces détails si précis ? A n'en pas douter, des fils de ce Jacques Marchand qui, né en 1778, et mort en 1836, avait été dans sa jeunesse le palefrenier diligent de ses précieux pensionnaires.

M. du Hays fut lui-même contemporain des fils Marchand, Charles et Jacques et sans vouloir romancer 'histoire des chevaux de Marie-Antoinette, c'est à n'en


pas douter de la bouche même des intéressés qu'il tenait les détails qu'il donne dans son livre. Que représentait alors, sous la Révolution, par rapport à notre temps la personnalité de Jacques Marchand, de Chenay ?

C'était le grand éleveur de ce temps-là, éleveur de chevaux et herbager. J'ai trouvé dans de vieux papiers de famille des baux de cette époque, il faisait valoir « Le Parc Longues Haies », « La Gassinière », « Le Parc au Seigneur », de grandes Pièces qui peuvent engraisser une centaine de bœufs. Ces animaux, Jacques Marchand les conduisait aux environs de Paris pour ravitailler la capitale, il était en relation d'affaires avec un certain M. Vincent, marchand de chevaux à Paris, le Gaston Roy de ce temps là. (1) Il est naturel que le Parfait et l'Aleyrion soient venus passer les années de la tourmente révolutionnaire sur les bords de la Sarthe, car si la Révolution n'avait besoin ni de savants ni d'étalons, les éleveurs de ce temps-là que les grands événements de la capitale ne troublaient pas autrement, continuaient l'élevage comme ils avaient coutume de le faire.

Comme le dit M. du Hays, et comme me l'a confirmé maintes fois ma belle-mère, Mme Drouin née Marchand, Le Coudray possédait à cette époque un lot de poulinières qui naturellement utilisèrent la présence de ces fameux étalons et lorsqu'en 1806, Napoléon Ier rétablit les Haras, l'écurie Marchand avait une avance sur les concurrents.

A la mort de leur père vers 1840, les deux fils partagèrent les poulinières. Jacques Marchand se transporta à La Haye-de-Poëley, commune de Saint-Léger-sur-Sarthe, tandis que son frère Charles s'installait à La Blosserie (commune de Montigny, Sarthe). Après un séjour d'une douzaine d'années dans cette ferme il prit sa retraite et fut remplacé par le père de M. Théophile, M. Louis Lallouet, ce dernier acheta les poulinières de son prédécesseur. De là l'écurie fameuse qui pendant plus d'un demi-siècle fut dans les concours et les courses à la tête de l'élevage normand.

Il serait curieux de rechercher le nombre d'étalons que fournit à l'Administration des Haras l'élevage Lallouet et démontrer ainsi l'influence prépondérante de la

(1) Gaston Roy, l'un des principaux marchands de chevaux de Paris actuellement.


race du Parfait et de l'Aleyrion. Ce travail n'a-t-il pas été en partie réalisé par M. Cauchois quand il a publié en 1908 : « Les familles de Trotteurs ». Le distingué directeur de La France Chevaline a classé les familles maternelles trotteuses d'après le nombre de sujets ayant fourni une vitesse au moins de 1' 40" le kilomètre. Voici ce qu'il écrit à ce sujet : « La famille la plus célèbre de toutes, qui se rapporte à notre histoire de France ne pouvait manquer de figurer au premier rang (Famille n° 1 ) autant par le nombre des trotteurs qui en sont issus que par la noblesse de leur origine. C'est à elle qu'appartiennent les meilleures poulinières de M. Th. Lallouet et Ov. Moulinet.

Actuellement l'un des étalons du Haras du Pin « Bel Ami » 1' 29" (Omar et Patrie), cheval de haute qualité ef d'une distinction parfaite, est un descendant des chevaux de Marie-Antoinette ».

Et c'est ainsi que la collaboration des Officiers des Haras et des éleveurs a maintenu dans l'Orne cette race précieuse et tant réputée. Je dis collaboration, car l'Administration des Haras n'est pas une institution rigide, elle sait prendre le vent et se plier aux circonstances, elle évolue suivant les desiderata de l'Armée, du Commerce et de l'Agriculture. Elle est d'ailleurs secondée par un personnel qui mérite tous les éloges. Quand vient chaque année, la saison de monte, au commencement du printemps, les étalons essaiment dans les différentes stations. La veste rouge des palefreniers vient égayer le paysage; pendant cinq mois ils sont presques autonomes, à peine surveillés, ils ont la responsabilité d'animaux de grande valeur. Eh bien, allez visiter les stations à n'importe quelle heure du jour, vous les trouverez toujours d'une tenue irréprochable, chevaux bien pansés, la cour propre. Le chef de station est fier de ses pensionnaires dont il connaît l'origine et vante les qualités. Bref, vous le quittez, avec l'impression que l'Administration des Haras a des employés pleins de zèle et dont la conduite et le savoir-faire est une leçon de choses pour les Eleveurs qui les fréquentent.

OVIDE MOULINET.


L'Ecole des Haras

Au Dépôt d'étalons du Pin est annexée l'Ecole Nationale des Haras, destinée à assurer le recrutement des cadres supérieurs de l'Administration et où les futurs Officiers reçoivent la formation technique indispensable à l'exercice de leur profession.

Cette école est placée sous l'autorité directe du Directeur du Dépôt d'étalons.

Sa fondation remonte aux environs de 1820 et doit être vraisemblablement attribuée à mon arrière-grandoncle Barthélémy, vicomte de Castelbajac, Pair de France, Conseiller d'Etat, à qui le Roi Louis XVIII avait confié en 1822 la réorganisation et la direction générale de l'Administration des Haras.

Depuis, l'Ecole a suivi le sort de cette dernière, connaissant, comme elle, des périodes de prospérité et des éclipses plus ou moins prolongées.

Supprimée en 1852 pour raison d'économie, l'Ecole fut rétablie en 1874, en même temps que l'Administration était réorganisée suivant le statut qui la régit, encore actuellement.

Nouvelle suppression de courte durée entre 1889 et 1892.

A partir de cette époque, l'Ecole des Haras se recrute exclusivement parmi les Elèves diplômés de l'Institut National Agronomique, à la suite d'un concours. Le nombre des admissions est de 3 chaque année.

Les Elèves-Officiers des Haras entrent donc au Pin, pourvus d'une solide formation scientifique et aptes à recevoir l'instruction spéciale, théorique et pratique, de l'Ecole.

Au cours de la dernière guerre, l'Ecole a fermé ses portes et a payé un lourd tribut à la défense du pays.

Réouverte en 1919, elle fonctionne, depuis, sans interruption.

L'enseignement que l'on y donne est très spécial et ne ressemble en rien à celui que les Elèves ont déjà reçu à l'Institut Agronomique.


Peu de cours théoriques. Les futurs Officiers apprennent surtout leur métier par la vue, en regardant autour d'eux et en suivant les manifestations hippiques fréquentes dans cette région de Normandie, où sont représentés les élevages les plus divers. Il leur est demandé beaucoup de travail personnel sous forme de rapports, thèses hippiques, etc. Enfin, les Elèves sont rompus à la pratique du cheval par des exercices quotidiens d'équitation, d'attelage et de dressage.

L'Ecole des Haras, son mode d'enseignement si particulier, ont toujours suscité la curiosité et l'intérêt des étrangers spécialistes des questions hippiques, qui ont été appelés à visiter le Pin. Dans aucun autre pays n'existe un organisme semblable et ceux qui, tels l'Allemagne, la Pologne, l'Italie, etc., possèdent une Administration d'Etat chargée de diriger l'élevage, recrutent les cadres de celle-ci dans les milieux les plus divers.

Si le fonctionnement de l'Ecole du Pin a donné lieu de la part des visiteurs étrangers à des critiques parfois justifiées, si, trop souvent, le manque de crédits s'oppose à ce que l'enseignement y soit donné avec toute l'ampleur et la perfection désirables, par contre, il lui est généralement reconnu un avantage primordial : celui d'assurer, à la fois, au corps des officiers des Haras, une communauté d'origine et une unité de doctrine paraissant indispensables à l'œuvre de longue haleine que représente la direction d'un Elevage National.

L'Ecole des Haras ouvre, d'ailleurs, largement ses portes aux élèves libres de nationalité étrangère qui, envoyés par leur gouvernement, viennent y étudier notre organisation hippique et nos méthodes d'élevage Depuis 1919, les pays suivants ont été représentés à l'Ecole du Pin : Angleterre, Etats-Unis, Tchéco-Slovaquie, Siam, Suède, Perse, Lithuanie, Belgique.

Jusqu'en 1914 l'Ecole comportait, outre les ElèvesOfficiers, une section d'Elèves-Brigadiers, destinée au recrutement des cadres subalternes de l'Administration.

Il y existe encore une section d'Elèves-Palefreniers.

BARON PIERRE DE CASTELBAJAC, Directeur Ecuyer, à l'Ecole des Haras.


Le terroir du Merlerault

On désigne sous le nom du Merlerault un groupe de vallées herbagères dont le centre est occupé par le gros bourg de ce nom. Ces vallées, au nombre de douze principales, servent de bassins à autant de cours d'eau : le Don et ses grands affluents (la Senelle, le Mussoret et les Authieux), la Dieuze, le ruisseau du Mesnil (son affluent), l'Ure (son affluent), la Touques et ses affluents (le Maure et le Bouillonney), la Dives et la Barge. Cette agglomération de bassins affecte à peu près la forme d'une ovale mesurant 28 et 18 kilomètres d'axes. Une série de coteaux élevés, aux pentes onduleuses, et presque tous couverts de bocages, entourent complètement cet espace et le protègent contre les vents brulants du midi et contre la bise pénétrante du nord. Il y règne une température douce et égale à laquelle concourent et l'abondante végétation des arbres de haute taille qui ombragent les vallées, et les grandes et puissantes haies servant à clore et protéger les nombreux herbages qui se divisent sa surface. Les plus grands de ceux-ci sont appelés parcs.

Le sol offre dans toute son étendue une constante uniformité et présente partout un calcaire argileux, légèrement mélangé de cailloux dans la partie nord-ouest.

Seule une petite plaine située entre Le Merlerault et Nonant, et complètement enchassée dans les herbages, réunit le sable à l'argile et au calcaire et doit à cette composition une fertilité remarquable.

Les eaux sont belles et contiennent de notables quantités de chaux et de fer, circonstance à laquelle il faut attribuer la densité des os et des muscles des animaux élevés dans le Merlerault, la netteté de leurs membres, la vigueur, la longévité et la distinction dont ils sont toujours doués.

Les affections qui désolent certaines autres contrées d'élevage, le cornage, la fluxion périodique, les engorgements des jambes, etc., y sont complètement inconnues ; les seules maladies qu'on y rencontre se bornent presque toutes à quelques affections du larynx. Certains pays, renommés par l'ampleur séduisante de leurs races chevalines, ont des herbes molles et abondantes, des


pâturages plantureux, qui portent à la lymphe et entretiennent le cheval dans un état de somnolence voisin de l'inertie. Il n'y a besoin que de simples fossés, que de clôtures légères pour retenir les animaux dans les enclos qui leur sont assignés. Il n'en est pas de même dans le Merlerault. Le cheval constamment excité par les herbes et l'action des eaux qui composent son alimentation, est porté aux courses échevelées au milieu des prairies, et souvent les meilleures clôtures sont impuissantes contre ses désirs de l'inconnu, contre ses besoins de visiter d'un herbage à l'autre.

Ces herbages du Merlerault n'ont pas, il faut l'avouer, toute la spontanéité de la primeur qu'on admire en certaines vallées, ils ne brillent pas dès le premier printemps par leur exubérance, mais que vienne l'été, ils ont le privilège de ne pas brûler, et à l'arrière-saison, quand tout manque ailleurs, ils présentent une rare abondance et donnent aux animaux les forces nécessaires pour aborder l'hiver.

CHARLES DU HAYS.


Souvenirs d'un ancien Directeur du Pin

Le Haras du Pin ! Quelle gloire hippique ! Quelle œuvre admirable, artistique ! Quelle haute évocation de la belle époque de notre Histoire !

Avoir été pendant vingt années l'humble dirigeant de toutes ces belles choses, de tout cet intérêt captivant, -de tout ce travail passionnant! Quel souvenir complet, adorable. Vingt années passées dans ce splendide décor, en luttant sans répit pour le maintien et la conservation de ces espèces de demi-sang qui faisaient l'admiration du monde !

Cette lutte me rapelle un incident arrivé à l'Exposition Hippique universelle de 1900.

Je fus, comme Directeur du Pin, désigné par les éleveurs, comme membre du jury afin de choisir la jument poulinière de demi-sang qui devait être déclarée championne de toutes les races étrangères ou françaises représenté es au Concours.

Le comte de Lehndorff, Directeur général des Haras d'Allemagne, présidait ce jury. Il nous réunit et nous dit que d'entente avec le Directeur Général des Haras Français et l'Inspecteur Général des Concours, il avait été convenu que, si le jury désignait une jument française comme le plus bel animal présenté et que la seconde fût une jument étrangère, par courtoisie, la jument étrangère serait déclarée championne et la médaille d'or serait réservée à la poulinière française. Je protestais et n'acceptais pas cet arrangement qui ne donnerait pas, dans ce cas, le titre de championne à celle qui serait désignée la première, si celle-ci était française. Le comte Lehndorff porta alors ma protestation en haut lieu. Le Commissaire général du Concours me fit appeler et me demanda si je maintenais mon opposition à un arrangement accepté par mes chefs. Je le suppliais de comprendre tout l'intérêt de cette opposition. Nous avions été battus pour les étalons, nous allions sans doute encore l'être pour les poulinières et l'on pourrait dire que la France n'avait remporté aucun championnat sur l'ensemble de toutes les races de demi-sang du monde. Mon chef, malgré mon


plaidoyer, insista. Je lui exprimais mon profond regret de maintenir mon opposition. « Le ministre, me dit-il, sera mis au courant de votre attitude ». Le jury fonctionna. L'admirable jument Nubienne, à M. Lallouet, fut classée première et déclarée championne. Une ravissante jument de Lipitza fut classée seconde avec une médaille d'or supplémentaire. C'était à cette dernière que les intrigues allemandes et autrichiennes voulaient faire décerner le titre de championne de toutes les races de demi-sang.

M. Jean Dupuy, ministre de l'agriculture, vint au concours dans la journée; en passant près de moi, il voulut bien me tendre la main sans me dire un mot. Le lendemain, il en fut de même. Quelques jours après, il distribua au Ministère quelques distinctions. Il me nomma chevalier de la Légion d'Honneur, et en m'épinglant la croix, il me serra la main en me disant : « Bravo pour Lehndorff ».

Un des souvenirs qui m'est le plus cher est celui qui me permit de pouvoir doter le Pin de l'eau et de la lumière électrique, premier échelon de toutes les améliorations qui furent faites dans le splendide établissement.

J'étais lié d'amitié avec le grand peintre Roll et l'invitais à venir au Pin qu'il ne connaissait pas. Il me demanda d'amener avec lui un ami, M. Roujon, alors Directeur des Beaux-Arts. Ces messieurs me firent le grand plaisir de rester deux jours au château. Après avoir admiré, en vrais artistes, toute cette magnificence, je dis à M. Roujon : « Et songer que tout cela est à la merci d'une étincelle et pourrait être dévoré par le feu en quelques heures sans qu'on puisse combattre le fléau. » « Comment, me dit-il, vous n'avez pas un service d'eau avec bouches à incendie? » Je le menais à un endroit retiré où je lui montrais un vieux cheval retraité qui faisait tourner un manège actionnant une pompe pour remplir un réservoir de quelques hectolitres. « Barbarie, me dit-il, heureusement, j'ai dans mes services les Bâtiments civils et je ferai le nécessaire pour sauver d'un incendie possible de si belles choses, si précieuses et si nécessaires. » Quelques jours après la visite de mes deux amis, car je suis resté lié avec les deux de longues années, je recevais un mot de M. Goujon me prévenant qu'il avait envoyé à la Direction des Haras un premier crédit


de cinquante mille francs pour doter le Haras du Pin d'un service d'eau complet. Alors, captation de sources dans la région, machines à vapeur, électricité, tout cela fut le commencement des travaux qui modernisent, sans toucher à son. admirable style, le beau domaine du grand roi.

VICOMTE DU PONTAVICE DE HEUSSEY.

Inspecteur Général des Haras en retraite.


Le cheval du Merlerault

Messieurs, chaque pays excelle en quelque chose ; Strasbourg fait ses pâtés, Grasse produit la rose ; Le Merlerault a mieux que cela ; ses chevaux Ont fait bien des jaloux, mais n'ont pas de rivaux Nos amis les Anglais, pleins de recherches folles, Leur dressent des autels ainsi qu'à des idoles.

Dans leurs appartements quand ils rentrent le soir, Au lieu d'une écurie ils trouvent un boudoir ; On leur mâche l'avoine et, pour garnir leur crèche, On épluche avec soin des brins de paille fraîche ; Leur litière est plus nette et mieux faite qu'un lit Et l'on change les draps du dieu s'il les salit.

Ces Anglais ont vraiement une race superbe, Il ne leur manquerait rien, s'ils avaient notre herbe.

La sève qui nourrit les plantes et les fleurs Aux prés du Merlerault est plus riche qu'ailleurs.

Elle fermente encore dans le lait de la mère Et bout avec le sang dans les veines du père ; Nous n'avons pas besoin de luxe à la maison Et la litière est faite où pousse le gazon ; Nos élèves font fi du foin de l'écurie, Ils aiment mieux brouter les fleurs de la prairie.

Chevaux du Merlerault, si justement vantés En la langue des dieux, je porte à vos santés.

A votre vieux renom ! A votre jeune gloire !

A ceux qu'a moissonnés la guerre, à leur mémoire !

A vous qui, frémissants et rougissant vos mors, Galopiez dans le sang des mourants et des morts, Qui dans l'affolement des charges éperdues, Sauviez l'honneur après les batailles perdues !

A vous, héros obscurs, à vous martyrs civils !


La guerre vous a mis en d'étranges périls ; Vous n'avez conjuré le destin des batailles Que pour être mangés derrière les murailles Et vous avez nourri les bourgeois de Paris Avec la noble chair de vos flancs amaigris.

A vous, dignes enfants des martyrs de la guerre, Dieu vous garde de mort héroïque ou vulgaire !

Tondez l'herbe à l'abri des coups de l'étranger Et surtout, puissions-nous ne jamais vous manger !

GUSTAVE LE VAVASSEUR (Toast au Comice Agricole du Merlerault, 11 septembre 1875).



Les Courses du Pin

Je réclame tout d'abord l'indulgence de tous ceux qui me liront ; — si un oubli, ou si une lacune quelconque me faisait rendre imparfaitement l'éloge des Courses du Pin que j'essaierai de traduire en ces quelques lignes : j'avoue simplement, et très humblement que je n'ai pas dû me faire violence pour les écrire !

Fidèle chaque année à y assister et plein d'enthousiasme pour cette réunion si sportive, je voudrais en rappeler les origines et y inviter pour les années futures tous ceux qui s'intéressent au cheval et à l'équitation à travers pays.

Les premières courses données dans le département de l'Orne eurent lieu en 1819, dans un herbage de la commune du Mesnil-Broux près du Mesle-sur-Sarthe.

Pendant plusieurs années, l'Hippodrome du Pin fut le seul en Normandie. Il existe une vieille daguerréotypie représentant Napoléon III serrant la main à M. Céneri Forcinal, l'aïeul des Forcinal, et le félicitant du succès de ses chevaux aux Courses du Pin, le 9 juillet 1863.

La première réunion des Steeple-Chases daterait de 1848 ou 49, dans les prairies à gauche, en descendant au vieux Pin, le fossé sec qui existe encore faisait partie du parcours. Le Steeple fut gagné par un cheval venu spécialement d'Angleterre qui s'appelait « Multum-in-parvo ».

Il était arrivé au Pin un soir monté par un jockey qui ne savait pas un mot de français : on le conduisit aussitôt à son boxe, près de l'hippodrome actuel : la barrière d'entrée de l'écurie était fermée, elle avait environ o m. 80 de hauteur, le cheval, sur l'invitation de son jockey, la franchissait au clair de lune, avec 5 ou 6 m. de champ, bagages sur le dos. Les courses du Pin n'existèrent à cet endroit que très peu d'années.

En 1850, le baron de la Motte, venant du dépôt d'Etalons d'Angers, où il était sous-directeur, était nommé au Pin, avec le grade de sous-directeur et le titre d'Inspecteur particulier dont les fonctions consistaient à suppléer le Directeur dans les Concours, etc. Homme de cheval accompli, il se préoccupait aussitôt de doter ce



merveilleux coin de la belle Normandie d'un parcours de steeple, digne de sa réputation et de son élevage.

En 1851, le célèbre « Franc-Picard » (Ex Babouino), par Royal Oak et Niobé, né en 1846, au Haras du Pin, gagnait le Steeple-Chase, monté par M. de Coëtlodon, élève à l'Ecole. Si je ne craignais d'être trop loquace, je narrerais ici l'histoire extraordinaire de « Franc-Picard », contée par le très regretté général Blaque-Belair, d'après le récit à lui fait par un de nos plus brillants gentlemenriders, le baron Gaston de la Motte, fils du baron de la Motte, alors sous-directeur du Haras et propriétaire de « Franc-Picard » qu'il avait acheté 800 francs au marquis de Saint-Cloud. Ce récit a paru dans la « Revue du Cheval de selle » de mai 1923, il fourmille d'anecdotes piquantes et retrace la carrière d'un de nos meilleurs steeple-chasers qui remporta, entr'autres succès, sept fois le Grand Steeple-Chase de Dieppe, la dernière fois en 1861, à l'âge de 15 ans, sous 75 kilos, rendant 30 livres, à Odiam, un des cracks anglais de la spécialité.

Je viens de citer un nom sympathique entre tous celui, du baron Gaston de la Motte, le doyen des Officiers des Haras et le doyen des gentlemen riders ! Sa documentation sur les origines des Courses du Pin m'a été très précieuse et mon premier devoir est de l'en remercier et de lui renouveler l'assurance de ma respectueuse et très sincère amitié ! Qu'il me soit permis d'ouvrir à son sujet, une parenthèse : en parlant des Courses du Pin, je devais forcément évoquer notre doyen, né au Pin en 1851! Il restera toujours pour nous le vrai type du gentleman rider : d'un tempérament ardent, d'une vigueur physique remarquable, il était infatigable dans ses déplacements en France, en Belgique, en Angleterre., il s'est mis en selle 478 fois pour remporter 139 victoires. L'âge semble ne point le toucher, et sa verte vieillesse fait l'admiration de ceux qui ont la grande joie d'être ses amis ! Un des regrets de sa longue carrière est qu'au Steeple du Pin, qu'il courut deux fois, en 1872 et en 1884, il fut second les deux fois, il désirait tant gagner cette épreuve sur ce parcours tracé par son père.

L'hippodrome actuel est, en France, l'un de ceux qui donnent vraiment l'impression d'un terrain naturellement fait pour le parcours d'obstacles ! Il rappelle aux fervents d'extérieur ces champs de courses anglais, dans la cam-


pagne, meublés d'obstacles variés qui semblent avoir toujours existé, tant ils en sont l'ornement indispensable.

Ces parcours de Steeple de 3.500 mètres, 4.000 et 5.000 mètres, ne sont-ils pas du genre « point to point » d'outre-Manche, avec ses haies, ses fossés, ses banquettes, ses talus, ses barres, ses rivières., ses genêts ! sans oublier la haie triple devant les tribunes !

Avec ses vallonnements, ses belles fougères rousses, ses boqueteaux d'arbres variés, ses bouleaux blancs et ses chênes encore verts que jalousent les hêtres aux feuilles dorées, cette grande lande qu'est le Pin, me rappelle Spa, ville de la nation amie, la Belgique, dont les hippodromes avant guerre présentaient le même aspect, la même physionomie.

Chez nous, elle fait penser à ces deux hippodromes qui méritent aussi les éloges de tout homme de cheval : Verrie-Saumur et Craon.

Les Cross ne peuvent être mieux tracés : avec ses trente obstacles, ses tournants, ses grimpettes, son échappé en terrain varié, celui de 4.500 mètres est particulièrement bien conçu.

Aussi, chaque année, la réunion des Courses du Pin, est-elle le great event de la Normandie !

Au lendemain de la guerre, en 1922, la Société d'Encouragement pour l'Amélioration du Cheval Français de demi-sang n'hésitait pas à engager sur cet hippodrome de grosses dépenses : elle inaugurait de nouvelles et vastes tribunes en ciment armé dans l'enceinte du Pavillon, tandis qu'au Pesage, les tribunes anciennes étaient largement agrandies, et tout ce qui formait le Pavillon devenait le Pesage. Tout fut alors remanié : balances, tribunes des commissaires, ambulances, services divers.

Je suis heureux de l'occasion qui m'est offerte de rendre hommage à l'activité et à la compétence hors pair de son président, le marquis de Cornulier, je le prie d'accepter l'expression de ma profonde et très respectueuse sympathie. Président parfait, homme de cheval accompli, d'un jugement rare, grand éleveur, connaissant admirablement le cheval de selle, il considéra toujours l'hippodrome du Pin comme son hippodrome de prédilection. Citer le nom de « M. le Marquis », comme tous l'appellent en Normandie, c'est aussi évoquer celui


de son vice-président, M. de la Moissonnière, le plus affable des présidents, aussi grand veneur qu'éleveur remarquable; il me faut également nommer le comte Rœderer, le comte Le Godinec, M. Palyart, les commissaires très dévoués de la société, qui, assistés du secré taire-général, M. Hunger, le modèle des secrétaires des Sociétés de Courses, s'appliquent à établir un programme de choix pour cette réunion annuelle.

Qu'il me soit permis d'en rappeler l'ordonnance : Quatre steeple-chases dont deux de 3.500 mètres, dotés respectivement par la Société des Steeple-Chases de France de 7.000 francs : l'un réservé aux chevaux de selle, poids moyen et lourd, l'autre pour Hacks, Hunters et tous chevaux.

Un steeple-chase cross country interrégional (chevaux de selle première, deuxième, troisième, sixième régions) avec 10.000 francs de prix offerts par la Société Sportive d'Encouragement. Distance 4.000 mètres.

Enfin, un steeple-chase doté de 20.000 francs par la Société d'Encouragement, pour l'amélioration du Cheval Français de demi-sang. Chevaux de selle, poids moyen et lourd. Distance 4.500 mètres.

Ce programme est complété par deux courses au trot, avec 8.000 francs chacune : l'une au trot monté, l'autre au trot attelé. Distance 2.400 mètres.

Les écuries de chevaux de selle les plus réputées s'y donnent rendez-vous, je citerai celles du comte Jacques de Vienne, de M. de la Moissonnière, du baron de Castelbajac, du marquis de Bejarry, de M. Léon Tacquet, du baron de Vazelhes, de M. René Philippe, de Mme OlryRœderer, de M. Céran-Maillard, etc., etc. Les gentlemen affectionnent particulièrement ces parcours, et je commettrais un oubli impardonnable si je ne nommais pas l'un d'eux qui vient chaque année y cueillir les plus beaux lauriers : Georges du Breil. Ancien élève de l'Ecole, aussi modeste qu'aimable, il doit avoir choisi pour parrain, comme gentleman, le doyen, le baron Gaston de la Motte, et toute son ambition est certainement de l'imiter dans ses succès et dans sa longue carrière de Courses. J'avoue que j'éprouve pour la monte de Georges du Breil une admiration sans réserve, et que je suis toujours très heureux, au Pin en particulier, de lui exprimer


mes plus vives félicitations ! J'espère et souhaite, que, pendant moult années, l'hippodrome du Pin continue à lui sourire !

Que dire encore de cette ambiance hippique, de ce caractère tout spécial qui donne aux courses du Pin un cachet unique ! Il me semble que tout s'harmonise pour créer cette atmosphère ! Le voisinage du plus célèbre de nos Haras n'est-il pas à l'origine de la renommée des Courses du Pin? Et comment pourrais-je laisser dans l'ombre, le rôle incomparable de son Administration et ne pas rappeler ceux qui à sa Direction ont été de vrais animateurs : M. Ollivier, le vicomte du Pontavice du Heussey, le vicomte de Tonnac-Villeneuve, et depuis 1921, M. de Boissonneaux de Chevigny. Sa modestie dûtelle en souffrir, je le félicite chaleureusement de parfaire la tâche de ses prédécesseurs avec le plus grand dévouement. Sa passion du cheval, son activité inlassable ont animé les manifestations hippiques du Pin : Concours de pouliches, concours de poulinières, présentations. Il ne cherche qu'à intéresser et à aider les éleveurs et les propriétaires : ceux-ci lui en sont profondément reconnaissants. On peut dire, sans aucune hésitation, que l'Administration du Haras du Pin a contribué au premier chef à donner et à maintenir aux Courses du Pin cette couleur locale intense !

Qui n'a pas assisté au défilé traditionnel d'attelages?

Quel spectacle que celui de ces six attelages de quatre étalons, remarquablement choisis et appareillés, sériés par race et par robe, au poil soyeux, à l'œil énergique !

En tête, précédé d'un Brigadier, dont on admire la prestance, sur un étalon bai qui semble fier de son rôle de vedette. Le team du Directeur avec ses quatre magnifiques rouans, puis le team mené par le Sous-Directeur, M. de Castelbajac, ensuite les autres attelages — tous accompagnés du personnel impeccable et stylé des Haras, avec leur veste écarlate et leur pantalon blanc, qui tranchent joliment de la tenue noire et sévère des officiers.

Sur toute la route du Haras à l'hippodrome, à l'aller comme au retour, c'est une affluence sans pareille, personne ne veut manquer le défilé ! Les courses terminées, les attelages viennent se ranger dans un ordre parfait dans la cour d'honneur, la foule s'y presse pour assister à la présentation des étalons des différentes races stationnées au Haras !


Puis dans cette magnifique résidence, qui est vraiment une bien belle et bien noble chose, un goûter très accueillant auquel nous convient, avec la plus exquise amabilité, Madame de Chevigny et ses charmantes filles, termine cette journée inoubliable, tandis que, dans le lointain, les sonneries de trompes, avec la mélancolie d'un adieu, nous invitent. à ne pas oublier. l'Hippodrome du Pin !

M. POLLET-TERNYNCK.

Président du Club des Habits Rouges.


Le Haras du Pin

A quelques kilomètres du gros bourg de Nonant, au sommet d'un plateau magnifiquement boisé, se dresse l'opulente ordonnance d'un château de haut style, admirablement bâti sur la crête d'un côteau d'où la vue s'étend à des dizaines de lieues sur la plantureuse campagne normande.

De part et d'autre de la spacieuse cour d'honneur dont ce bel édifice forme le fond, de vastes bâtiments allongent l'élégance de leurs faîtes racés. A ceux qui aiment une ample réalisation architecturale, la majesté sans afféterie du grand siècle, la sobriété de la ligne et la juste proportion des bâtiments harmonieusement conçus pour parer une nature indisciplinée, non au cordeau strict, mais selon les lois de l'équilibre, de la mesure, le domaine du Pin parle éloquemment de beauté.

Il faut avoir vu par une belle journée d'automne, se détachant sur les frondaisons de bronze de l'avenue Louis XIV, les breacks des haras en grand équipage, les hommes en rouge, les quatre chevaux de chaque attelage bien appareillés de couleur et d'allure entrer dans la cour en décrivant de gracieuses et précises évolutions. La foule contient avec peine son admiration à ce spectacle classique, auquel elle donne ses bravos comme elle les donnera tout à l'heure au brillant passage d'un trotteur qu'un palefrenier, aussi prodigieux de détente que l'animal qu'il guide, laisse aller, à toute allure, entre la double haie d'un public composé de fins connaisseurs.

Dans le décor de cette immense cour d'honneur, au reflet rougi des bâtiments de briques, c'est une vision digne de la noblesse du cadre, une apothéose qui ne laisse pas d'émouvoir profondément les spectateurs ; c'est une bonne tradition maintenue ; c'est un joli coin de France à voir ce jour-là.

Duc D'AUDIFFRET-PASQUIER, Député de l'Orne.


L'Ordonnance architecturale du Domaine du Pin

Mes passages au Haras-du-Pin, déjà lointains et beaucoup trop rapides, ne m'ont hélas ! pas permis d'étudier ce beau domaine comme il le mérite. Une visite, même très brève, laisse cependant une impression profonde; et les plans de ce bel ensemble, conçu à la fin du grand siècle par Colbert, furent, d'après la tradition, élaborés par Mansard et Le Nôtre. Ils ne furent exécutés qu'au commencement du XVIIIe siècle. La noblesse et l'ordonnance des bâtiments, des avenues et des plantations évoquent immédiatement les lignes caractéristiques d'autres compositions, dont ces grands artistes ont doté, non seulement l'Ile de France, mais certaines de nos provinces.

Je voudrais, par de simples tracés schématiques, montrer que les axes sur lesquels est établi le Pin portent la même empreinte que ceux d'autres conceptions architecturales, telles, toute proportion gardée, que Versailles, Sceaux, Marly, Dampierre, Maisons-Laffitte, etc. Ces grandes lignes sont, en quelque sorte, les clefs de composition du décor suivant lequel s'équilibrent les constructions, les plantations et les parterres conçus par les artistes du XVIIe siècle dans ce beau site normand.

La grande avenue Louis XIV, qui s'étend à travers bois dans l'axe longitudinal du Domaine du Pin, correspond à l'avenue de Paris, à Versailles ; à l'avenue jadis plantée d'ormes séculaires qui, après Bourg-la-Reine, partant de la route de Paris à Orléans, accède à la DemiLune et à la cour d'honneur du Domaine de Sceaux ; aux percées qui, tant à Marly qu'à Saint-Cloud ou à Maisons-Laffitte, annonçaient de loin les abords de ces demeures royales ou seigneuriales. Il est même remarquable de constater que la symétrie de l'allée de la Forge, de la route nationale et de l'avenue Louis XIV du Pin, se retrouve à Versailles entre les avenues de Sceaux, de Saint-Cloud et de Paris.

Si, au Pin, nous suivons l'axe longitudinal en péné-



trant dans la cour d'honneur, nous sommes frappés par la grande allure et le parfait équilibre des constructions, les dispositions symétriques des services, le château commandant l'ensemble.

L'architecture brique et pierre, que Mansard appliqua au château de Dampierre, reparaît ici ; elle avait déjà été très en faveur sous les règnes précédents ; on la retrouve notamment dans certaines parties du château de Fontainebleau et dans l'ensemble si impressionnant de l'ancienne place Royale à Paris.

Une sobre architecture de pierre a été réservée pour le château, dont la distribution intérieure, grand escalier, jolies pièces de réception, révèlent la belle époque.

Les cours de service ont elles-mêmes l'ampleur nécessitée par leur destination. L'échelle des passages de cochère est monumentale, le tout est conçu pour la facilité d'évolution des cavaliers, de leurs montures et des beaux attelages à quatre. Dans cet ensemble le château atteint l'extrémité du plateau.

Cette dernière particularité est remarquable et elle mérite d'autant plus d'être soulignée que c'est une des dispositions qui fut le plus recherchée par Le Nôtre. Il en a particulièrement montré le souci à Versailles et à Sceaux dont les terrasses dominent les beaux aspects.

Le secret des belles perspectives et des beaux jardins est, en effet, dans les différences de niveaux, pour qui sait les mettre à profit.

De la terrasse du Pin située au Midi, la vue s'étend sur un délicieux paysage normand. Le dessin classique des parterres à la Française qui ornent cette terrasse, le grand escalier qui la relie à une première dépression de terrain, la suite de trois autres terrasses parallèles dont la dernière est terminée au sud, par un mur de belle maçonnerie encore existant et haut d'environ quatre mètres, indiquent, avec une certitude absolue, que les jardins de Le Nôtre s'étendaient vers le midi à environ trois cents mètres du château.

Les points d'eau, qui se trouvent dans cette déclivité et qui n'ont plus aujourd'hui qu'une destination utilitaire, restent cependant placés, par rapport à la composition, comme les bassins de Latone et d'Apollon à Versailles.

comme l'Abreuvoir de Marly, comme le bassin qui se trouve au rond-point dit des quatre statues à Sceaux. Au-




delà des parterres, le pré s'étendait, encadré de belles frondaisons achevant le décor.

Un autre rapprochement, assez curieux, peut être fait entre Sceaux, le Domaine de Colbert, de son fils, le marquis de Seignelay et plus tard de la duchesse du Maine, la petite-fille du grand Condé. A Sceaux, sur l'un des axes transversaux de la composition, faisant 90° avec l'axe principal et du côté gauche, nous trouvons l'allée de la duchesse, les grandes cascades et l'octogone : ce site fut le cadre où évolua la petite cour de la duchesse du Maine et notamment celui de la célèbre fête nautique après laquelle le grand Roi, regagnant le château en suivant la pente illuminée des cascades de Le Nôtre et de Coysevox, était escorté par des joueurs de flûte, au son des airs de Lulli.

Au Pin, du côté gauche de l'axe principal, nous trouvons également en axe transversal une des plus belles avenues kilométriques aménagée en piste et conduisant à l'hippodrome. Il y manque le sourire marmoréen de toute l'aimable mythologie du XVIIe siècle. Mais c'est dans l'ensemble du domaine, sous des frondaisons aux lignes pareilles d'ormes et de chênes centenaires, que chevauchent nos modernes centaures, les officiers des Haras et leurs jeunes élèves.

FÉLIX OLLIVIER, Architecte de la Ville de Paris


Le Maréchal Foch au Haras du Pin OCTOBRE 1926

Napoléon, pensif, regarde l'Angleterre.

Hindenburg, épuisé, croise ses fortes mains.

Foch, d'un Haras royal, foule les beaux chemins, Sourit au château blanc et là met pied à terre.

Il a des purs Latins le masque héréditaire.

Il parle et ne fait pas de gestes surhumains.

Vainqueur, s'il fut un jour l'homme des lendemains, Il sait que de Dieu même il reste tributaire.

Et Foch vient visiter, amical et charmants Chevigny, qu'un décret du Ciel a fait Normand.

Le grand Chef ne veut pas qu'on parle de victoire.

Mais, s'il obtient l'oubli de ses puissants travaux, Du moins, ne peut-il pas empêcher les chevaux, Sonores et têtus, de hennir à sa gloire !

PAUL HAREL.


La bonne affaire

Lorsqu'elle eût fait poser sur la tombe de son bonhomme une pierre assez pesante pour être bien assurée qu'il ne s'échapperait jamais de sa couche de calcaire, la mère Baudru songea à réaliser tout ce qui ne pouvait plus lui servir maintenant qu'elle avait décidé d'aller finir ses jours à la ville. Quelques instruments aratoires, un établi, la carriole, deux vieux fusils du défunt trouvèrent, de ci, de là, preneurs, de qui la vieille, futée et matoise comme renarde, sut bien exiger un bon prix.

Mais la carriole partie, restait encore Mignonne désormais sans emploi. Mignonne, la vieille jument qui, depuis tantôt quatre lustres, moyennant qu'elle le conduisît aux marchés d'Argentan et d'Ecouché vendre ses volailles, mangeait le foin et l'avoine très parcimonieusement octroyés du vieux couple avaricieux. Et Mignonne n'était pas d'un placement facile. Tous ceux, voisins ou même gens de plus loin, à qui la vieille femme l'avait offerte s'étaient unanimement récusés. Les uns, polis, avaient allégué qu'ils n'avaient pas besoin d'un nouveau cheval, d'autres, cruels, s'étaient répandus en quolibets sur les tares sans nombre qui en plus de son âge disgraciaient la pauvre bête. Et de fait, il eût été difficile de découvrir bien loin à la ronde plus laide carne que « La Mignonne-ès-Baudru » comme on la désignait dans tout le canton. Coiffée « en oreilles de cochon », chanfrein busqué, lippes pendantes et molles, yeux chassieux où, l'été, s'affairaient les mouches, flancs cordés, queue de rat, jambes antérieures couronnées, suros en chapelet aux postérieures, la pauvre bête posait à terre en une démarche inégale et précautionneuse, des pieds que bleimes ou crapauds faisaient douloureusement sensibles et cela lui donnait une allure singulière que scandait un souffle rauque et court. Et quand le soleil oblique projetait sur la blancheur de la route l'ombre de la haridelle, c'était une vision apocalyptique qui s'offrait aux regards un moment effrayés.

La mère Baudru ne se dissimulait en rien les disgrâces de Mignonne, mais les refus qu'elle venait d'essuyer l'agaçaient et l'inquiétaient fort. Quelle qu'elle fût, la bête valait tout de même quelque chose et il s'agis-


sait d'en tirer de l'argent et le plus possible bien entendu.

« Ma foi, pensa un jour la vieille, il faut que j'en parle à Léparvin ; lui seul pourra me la prendre car il saura bien la repasser à quelque naïf. Mais dame il faudra jouer serré car il ne voudra m'en donner, autant dire, sou, le vieux croc ! »

Puis ayant réfléchi quelques jours, griffonné des chiffres, ricané silencieusement, la bonne femme coiffa un matin son « bonnet monté », passa le bras dans l'anse de son cabas et se mit en devoir de faire à pied les trois quarts de lieue qui la séparaient du bourg où habitait Léparvin.

Sosthène Léparvin, maquignon de son état, était bien la plus signalée fripouille d'une corporation qui ne compte guère d'honnêtes gens. Il l'était avec délices, au delà même de ce qu'il était nécessaire pour bien réussir dans son commerce ; et entre deux moyens de traiter une affaire, l'un pas trop malhonnête, l'autre nettement canaille, mais pas moins avantageux, pas plus difficiles l'un que l'autre, il n'hésitait jamais à choisir le second.

Mais aussi quel artiste en son métier ! Quel dilettante en l'art de mettre les gens dedans ! Nul mieux que lui ne connaissait le secret de parer pour la vente, en lui donnant les apparences les plus acceptables, telle rosse invendable dont le propriétaire désespérait de jamais se débarrasser. Toilette savante de la robe, queue troussée s'il fallait allonger l'arrière train trop court, application d'une queue postiche s'il était nécessaire de dissimuler une queue de rat, taille du poil entre genou et sabot pour donner l'illusion de la finesse du paturon, tels étaient les moins coupables des trucs employés. Mais s'il était besoin de donner à un animal lymphatique ou fatigué les apparences de l'ardeur, des piqûres opportunément pratiquées sous le ventre et frottées de térébenthine le rendaient fringant à souhait. La morve même cessait de se manifester pendant quelques heures, grâce à certaine poudre sternutatoire, à certaine potion judicieusement administrée sans que l'acheteur pût même supposer le vice du cheval. Les poches dominant l'arcade sourcillière sont un signe de vieillesse que Lépar- vin savait corriger en les remplissant d'air qu'il y insuf-


flait à l'aide d'une paille. Quant aux dents si révélatrices de l'âge, elles n'échappaient pas à de savantes manipulations, à d'habiles maquillages. Et il n'y avait pas d'exemple qu'un animal ainsi « travaillé » par Léparvin ne finît par trouver preneur.

Tout de même, quand la mère Baudru lui eût fait connaître l'objet de sa visite, Léparvin ne put réprimer un rire énorme. Comme tout le monde du canton il connaissait bien « la-Mignonne-ès-Baudru » et l'idée qu'on pût un jour songer à la vendre ne lui était jamais venue, tant la rosse totalisait de tares. Et la bouche grande ouverte, les yeux larmoyants, le bedon sautillant sous la chaîne de montre qui cliquetait, le maquignon, sans pouvoir dire un mot, s'administrait sur les cuisses de bruyantes taloches. La bonne femme pourtant ne parut pas décontenancée par cet accueil : « Ah ! dame, fit-elle, je sais bien qu'elle n'est pas trop belle, ma pauvre Mignonne, mais vous êtes un si habile homme, Monsieur Léparvin, que vous trouverez bien moyen de la placer.

Surtout que je n'en demande pas cher, car ce que je veux avant tout c'est m'en débarrasser, à présent que mon pauvre bonhomme n'est plus là pour s'en occuper. »

Léparvin se sentit flatté. Il aimait qu'on rendît hommage à son savoir-faire professionnel. En le traitant d'habile homme, la mère Baudru avait trouvé les paroles propitiatoires. Aussi s'arrêtant de rire : « Voyons, la mère, qu'est-ce que vous en voulez de votre carne qui ne vaut même pas le prix de ses quatre fers? On pourrait peut-être bien s'arranger si vous étiez raisonnable ».

« Ah parguié, Monsieur Léparvin, comme je vous l'ai dit, je veux surtout m'en défaire de ma pauvre Mignonne et je sais bien que je ne peux pas en demander gros, mais je ne peux tout de même pas la donner pour rien, pas vrai? Vous dites qu'elle ne vaut même pas le prix de ses quatre fers, eh bien ! je vous la vends pour ses clous. »

« Comment cela, pour ses clous? »

« Bé oui, si vous voulez, vous me la paierez un sou du premier clou, deux du second, quatre du troisième, en doublant pour chaque clou. Ça ne peut pas


monter bien haut et vous en tirerez sûrement, vous, plus cher que ça. »

A cette proposition, Léparvin fut repris de son rire.

Il avait fait bien des marchés dans sa vie et de toutes sortes, et à tous prix ; et pas seulement des ventes mais des échanges parfois bien singuliers. Mais acheter une bête à tant du clou, cela ne lui était jamais arrivé.

« Sacrée bonne femme, gloussa-t-il quand il put parler, vous êtes un aussi drôle de corps que votre jument, avec le respect que je vous dois. Mais foi de Léparvin, j'accepte le marché, quand ce ne serait que pour sa rareté, et demain j'irai chercher la bête. »

« C'est cela, Monsieur Léparvin, c'est cela ; mais si vous le voulez bien, on va faire un mot d'écrit sur un bout de papier marqué ; et puis comme je tiens surtout à me débarrasser de Mignonne, on va mettre pour la forme que, si vous ne la prenez pas, vous me payerez cinq mille francs de dédit. Pour la forme seulement, Monsieur Léparvin, car bien sûr vous aimerez mieux me la prendre pour le prix des clous comme cela vient d'être convenu. »

« J'te crois ! pensa Léparvin, vieille toquée qui s'imagine que je pourrais m'exposer à payer cinq mille francs pour sa rosse plutôt que de la lui prendre pour les quelques francs qu'elle vaut tout de même bien ». Ce qu'il traduisit en cette formule brève et condescendante : « Ce sera à votre idée, Madame Baudru. » Et la vieille tirant de son cabas une feuille de papier timbré qu'un bout de ficelle tenait roulée, s'approcha de la table où parmi une litière de papier poudreux elle avisa un porte-plume plongeant dans une bouteille d'encre et griffonna cette convention : « Mme Vve Baudru vend à M. Léparvin sa jument Mignonne moyennant le nombre des clous qui seront comptés à ses fers au prix d'un sou le premier clou, deux sous le second, quatre sous le troisième et ainsi de suite.

M. Léparvin s'engage à se livrer de la jument demain matin et s'il ne le fait, à payer cinq mille francs à Mme Baudru.

Fait d'accord et de bonne foi à Ecouché le 22 mai 1872. »

Et ayant prié Léparvin d'apposer sa signature à


côté de la sienne, elle roula de nouveau la feuille timbrée, la replaça dans son cabas et partit.

Le lendemain matin, dès huit heures, Léparvin arriva chez la mère Baudru.

« Eh bien, Madame Baudru où est-elle, votre Mignonne ? »

La bonne femme le conduisit dans le petit clos où la bête frottait contre un échalas, une épaule décharnée et galeuse.

« La voilà, Monsieur Léparvin, la voilà, et vous savez, il ne lui manque pas un clou, voyez par vous même ».

Et le maquignon soulevant l'un après l'autre les quatre pieds tarés et dolents put constater la présence de trente-six clous, neuf par fer. La bête était ferrée de frais.

« Alors, conclut-il, ça fait combien pour les trente-six clous? »

« Ah, Monsieur Léparvin, je ne sais pas du tout comment cela. se fait, mais ça représente bien de l'argent, bien plus que vous ne pensez sans doute et que je ne le croyais moi-même. Mais vous pouvez toujours, si vous trouvez que c'est trop cher, me donner les cinq mille francs de dédit ; je m'en contenterai bien, marchez !

Vous êtes un homme si aimable de me prendre ma pauvre Mignonne. » « Comment ! Qu'est-ce que vous me chantez là avec vos cinq mille francs, explosa Léparvin ; allons, dites moi le prix que représentent les clous et je vais vous le payer, mais les cinq mille francs. vous n'y pensez pas, ma bonne femme ! »

« Oh ! ce sera comme vous voudrez, Monsieur Léparvin, mais ça fait un bien gros prix comme je vous le disais ; voyez plutôt! »

Et tirant de son caraco une feuille de papier couverte de chiffres, la mère Baudru mit sous le nez du compère un nombre invraisemblable qu'elle avait écrit en caractères hauts de deux centimètres au moins : 3.435.973.836 francs 80 : « Trois milliards quatre cent trente-cinq millions neuf cent soixante-treize mille huit cent trente-six francs


et quatre-vingts centimes, lut-elle tout d'une haleine, mais je vous fais grâce des seize sous. »

Léparvin arracha la feuille des mains de la bonne femme, jeta les yeux sur la progression qui y était établie par le doublement de chaque nombre depuis le premier jusqu'au trente-sixième. Il comprit qu'il était joué.

« Ah la sacrée gueunon, hurla-t-il, elle m'a dupé, moi Léparvin ; elle m'a roulé comme un petit sous-lieutenant de la commission d'achat ! « Puis se tournant vers la vieille qui tortillait son tablier d'un air modeste : « Eh bien, ma bonne femme, vous êtes peut-être une foutue maligne, mais vous n'êtes pas près de voir la couleur de mes cinq mille francs ! »

« A votre aise, Monsieur Léparvin, à votre aise, répondit la voix doucereuse, mais ce qui est écrit est écrit, ce qui est signé est signé ; on verra bien ce qu'ils en penseront à Argentan ! »

Le tribunal de commerce saisi de l'affaire Vve Baudru contre Léparvin en paiement de la somme de cinq mille francs stipulée comme dédit du marché, avait, en une précédente audience, ordonné que les parties comparaîtraient en personne devant lui. Et en présence d'une foule que l'originalité de la cause avait attirée dans le prétoire, demanderesse et défendeur firent l'un après l'autre une narration pittoresque des faits. La mère Baudru, toujours mielleuse, soutenait que du moment que Léparvin avait signé un marché qui s'était révélé irréalisable par l'énormité de son prix, il devait verser la somme qui avait été stipulée pour le cas d'inexécution.

Quant à Léparvin, tour à tour narquois et violent, il brandissait un certificat de vétérinaire et plusieurs attestations de cultivateurs et de marchands de chevaux dévoilant sans pitié les tares de Mignonne et fixant à soixante francs sa valeur marchande. « Pensez-vous, Messieurs, concluait-il, que si j'avais pu deviner la sacrée manigance de Madame Baudru avec son histoire de clous dont le prix doublait tout le temps jusqu'à monter à une somme impossible à supposer, et qui m'a pris, autant dire, au piège, j'aurais consenti à signer son fichu papier et pris l'engagement de payer cinq mille francs pour le cas où


je ne me livrerais pas d'une carne qui en vaut à peine soixante ! » Le tribunal se retira pour délibérer et au bout d'une petite heure pendant laquelle la salle ne cessa de retentir des quolibets et des paris des paysans qui l'emplissaient de leur foule bruyante, l'audience fut reprise et le jugement rendu. Celui-ci qui était fort long contenait, entre autres attendus, ceux-ci : « Attendu que le marché, tel qu'il a été établi, n'apparaît pas comme sérieux en raison même de la façon dont le prix a été fixé et de l'énormité du chiffre auquel ce prix ressort, qu'il doit donc être considéré comme inexistant ; « Attendu que le dédit stipulé pour le cas où le marché ne serait pas exécuté et qui d'ailleurs ne répond nullement lui-même à la valeur exacte de l'animal, doit suivre le sort du marché dont ce dédit était censé assurer l'exécution et que pas plus que le marché luimême il ne doit être considéré comme sérieux ni pris en considération par le Tribunal ; « Attendu toutefois que, s'il est évident que la Veuve Baudru n'a eu d'autre objet que de mettre en défaut les prévisions de Léparvin afin de s'assurer le versement de la somme stipulée au cas d'inexécution, Léparvin, de son côté, escomptait acheter pour un prix encore très inférieur à sa valeur pourtant peu élevée la jument de la Veuve Baudru ; qu'il a eu d'autre part le tort de contracter à la légère et sans calculer le montant du prix demandé ; « Que dans ces conditions le Tribunal estime qu'il est d'une bonne administration de la justice, en rejetant la demande de la Veuve Baudru, de faire supporter les dépens, par part égale, à chacune des parties ».

Et le Tribunal renvoyait en effet la mère Baudru et Léparvin chacun avec la moitié des dépens.

La vieille accueillit le jugement la tête baissée et sans mot dire. Mais tandis qu'elle descendait l'escalier dont ses sabots et le bout de son parapluie frappaient les marches d'un pan. pan, pan inégal, on eût pu l'enten-


dre qui grommelait : « Pas sérieux mon prix qu'ils ont dit, pas sérieux mon prix pour c'te pauvre Mignonne ! !

Eh bé, qu'est-ce qu'il leur faut donc à ces Messieurs? On voit bien qu'ils sont tous des marchands habitués aux grosses sommes ! Mais mon pauvre défunt avait bien raison de le dire : Y a pus d'justice sous leur saprée gueuse de République ! ! »

G. MEHEUDIN, (Contes bas-normands d'avant-hier).

L'écrivain américain WASHINGTON IRVING, voyageant à travers la France, était arrivé à Argentan le vendredi 18 novembre 1820, à la nuit tombante; il coucha à l'Hôtel des Trois Marie et, le lendemain, après avoir visité la ville, prit la diligence de Laigle. Son carnet de route donne ces détails :

« On descend [au Pin] pour voir le haras royal qui « s'y tient. Elégants étalons, jolies voitures, excellents « chevaux de selle, jeunes poulains fougueux, éxubé « rantes cabrioles des chevaux quand ils entendent le son « de la cloche annonçant la distribution de nourriture. »


Quelques étalons célèbres du Pin

Le Haras du Pin peut, à juste titre, s'enorgueillir d'avoir joué un rôle prépondérant dans la formation de la race de Pur-sang en France et par voie de conséquence, d'avoir puissamment contribué à la création, puis à l'amé- lioration de la race trotteuse normande, issue de cette dernière.

Dès avant la Révolution, alors que la race du Pursang, déjà très florissante en Angleterre, était encore inconnue sur le continent, un certain nombre d'étalons, remarquables par leurs succès sur les hippodromes d'outre-Manche, traversèrent le détroit et vinrent enrichir l'effectif du Pin. Le Prince de Lambesc, directeur de 1765 à 1790, prit une part très active à ces importations, dont les plus heureuses furent celles de « Volontaire », un fils du célèbre « Eclipse », et de « King Pépin ».

En ce qui concerne ce dernier, détail amusant et, tout au moins paradoxal, c'est une défaillance sur le turf qui fut la cause déterminante de sa longue et belle carrière d'étalon. « King Pépin », en effet, avait été amené d'Angleterre par le Comte d'Artois, qui l'avait payé 1.700 guinées, somme énorme pour l'époque. Il fut battu dans une course importante au Champ de Mars, et son propriétaire, qui avait risqué sur sa chance un très gros pari, l'envoya, de dépit, au Haras du Pin, où il fut longtemps tenu en médiocre estime, au point que 7 pouliches issues de lui, ne furent pas conservées à l'Etablissement et furent dispersées aux environs. Par la suite, sa descendance lui assura une réputation amplement justifiée, dans la formation de la race pure en France.

Parmi les étalons qu'il avait ramenés d'Angleterre, le Prince de Lambesc en choisit deux remarquables par leur beauté, dont il fit don à la reine Marie-Antoinette. Ces deux chevaux, « L'Alérion » et « Le Parfait », furent envoyés en Normandie au moment de la Révolution, qui dispersa les écuries de Versailles. Acquis par un éleveur du Merlerault, M. Marchand, ils firent par la suite, une excellente carrière de reproducteurs et leurs noms se retrouvent dans l'ascendance d'un grand nombre de chevaux normands.


Mon Petiot, pur sang anglais, par Mon Général et Revanche

En 1820, l'œuvre entreprise par le Prince de Lambesc était bien compromise, sinon anéantie. La Révolution et les guerres de l'Empire avaient arrêté toute importation et décimé nos races chevalines. Tout était à refaire sur de nouvelles bases ; il fallut de nouveau faire appel à l'élevage de nos voisins. La mode était alors aux choses d'Angleterre et la Société d'Encouragement, fondée en 1833, se donnait pour mission de diffuser sur notre territoire l'élevage du cheval de Pur-sang, élément améliorateur par excellence.

De cette époque date l'acquisition par le Haras du Pin de nombreux étalons dont plusieurs sont devenus des chefs de famille, soit dans la race pure, soit dans la race trotteuse.

« Young Rattler » (1811) par « Rattler » et « Snap Mare », envoyé au Pin en 1820, y fit la monte jusqu'en 1836. De cet étalon sont issues les familles normandes : « Conquérant », « Normand », « Cherbourg ».

« Sylvio » (1826) par « Trance » et « Hébé », gagnant de 4 courses sur les 5 qu'il disputa en Angleterre ; il fit une longue carrière au Pin, où il ne mourut qu'en 1854.

« Napoléon » (1824) par « Bob Booty » et « Pope Mare », né en Irlande, fit preuve d'une résistance excep-


Fakir V, trotteur français, par Kœnigsberg et Rahale

tionnelle, car il courut jusqu'à 9 ans, gagnant 30 courses importantes. Son meilleur produit fut : « Eylau » né en 1835 à la Jumenterie du Pin, d'une jument arabe et qui gagna les 4 courses qu'il courut, dont le Grand Prix Royal.

« Royal Oak » (1823) par « Catton » et « Smolensko Mare » gagna pour son propriétaire Lord Seymour (le célèbre « Mylord l'Arsouille ») les prix les plus importants de l'époque. Il fut le grand-père maternel de « Monarque », père du fameux « Gladiateur » au Comte de Lagrange, gagnant en 1865 du Derby d'Epsom. Acheté par l'Administration à l'âge de 22 ans, et placé au Pin, « Royal Oak » y donna encore de remarquables produits.

« Fitz Gadiator » (1850) par « Gladiator » et « Zarah » fut également l'un des meilleurs chevaux de sa génération gagnant de nombreuses et importantes épreuves.

Plus près de nous, les écuries du Pin ont abrité


quelques reproducteurs de grand ordre, dont nous devons nous borner à citer les plus célèbres.

Parmi les Pur-sang : « Zut » (1876) par « Flageolet » et « Régalia » gagnant du Jockey-Club.

« Bruce » (1879) par « Sea Saw » et « Carine », qui était construit en hercule et ressemblait à un gros poney.

« Border Minstrel » (1880) par « Tynedale » et « Glee ». Son fils « Vaucouleurs », né en 1893 « de Sarigue » et qui fit également la monte au Pin, a laissé une remarquable descendance de chevaux d'obstacles.

« Fourire » (1896) par « Palais-Royal » et « Fourchette », père de l'excellent « Moulins-la-Marche ».

« Ramrod » (1903) par « Carbine » et « Esk », importé d'Angleterre en 1909, s'est fait remarquer par la qualité qu'il a léguée à ses filles, soit sur l'hippodrome soit comme poulinières.

« Melbourne » (1906) par « Lauzun » et « Mirabelle », a laissé une importante lignée de chevaux de steeple et s'est montré un excellent étalon de croisement.

Dans la race trotteuse : « The Norfolk Phœnoménon », demi-sang anglais né en 1845 et importé au Pin, a laissé parmi une très nombreuse descendance : « Niger », né en 1869 de « Miss Bell », jument trotteuse américaine. Il est également le grand-père de « Lavater », lui-même grand-père maternel du célèbre « Fuschia ».

Plus tard : « Phaéton » (1871) par « The Heir of Linne » et f. de « Crocus ».

« Cherbourg » (1880) par « Normand » et f. d' « Extase ».

« Fuschia » (1883) par « Reynolds » et f. de « Lavater ».

« Juvigny » (1887) par « Cherbourg » et f. de « Niger ».

Puis, pendant la période qui précède immédiatement la guerre, « Azur » (1889) par « Juvigny » et f. de « Fuschia ».

« Beaumanoir » (1900) par « Narquois » et f. de « James Watt » jalonnent, dans les écuries du Pin, les


étapes qui ont amené progressivement la race trotteuse à son état de perfection actuel.

Parmi ces étalons plus ou moins célèbres, « Fuschia » mérite une place à part, par le rôle exceptionnel qu'il a joué au cours de sa longue carrière de 25 années, dans la formation et le développement de la race. Il est le père de 389 trotteurs qualifiés et l'on retrouve son sang, à des degrés divers, dans toutes les familles actuelles.

Les deux chefs de race « Intermède » et « Kœnigsberg », qui ont placé le Pin en tête de la production trotteuse et qui, sans défaillance, maintiennent leur rang depuis la guerre, sont tous les deux, petits-fils de « Fuschia ».

« Intermède » par son père « Bémécourt », le grand étalon de l'excellent élevage des Rouges-Terres à M.

Olry-Rœderer, « Kœnigsberg » par sa mère « Byzance ».

Ce dernier, après une longue et glorieuse carrière a dû être sacrifié cette année, mais il laisse de nombreux et remarquables produits, très capables de transmettre, parmi la race trotteuse actuelle, la haute qualité de leur père.

BARON DE CASTELBAJAC, Directeur-écuyer à l'Ecole des Haras.


Un joyau de l'Orne

Le département de l'Orne est, sans doute, riche avant tout de son sol fertile, de ses grasses et vertes prairies, des produits qu'une culture de plus en plus rationnelle fournit aux exploitants. Il doit également — et peut-être l'oublie-t-on parfois — une partie de sa prospérité à ses usines métallurgiques des environs de Laigle, à ses tissages de Flers et de la Ferté-Macé, à ses minerais de la région domfrontaise, à ses imprimeries et à ses écoles dentellières d'Alençon et d'Argentan.

Mais l'Orne est, aussi, riche. de son histoire, que racontent avec éloquence ses monuments, depuis la vieille cathédrale de Sées et l'église Notre-Dame d'Alençon, depuis le château d'O — si inattendu — jusqu'à celui qui constitue le Haras du Pin si remarquable, édifié dans un site imposant et pittoresque de bois et de praries.

Ecrire l'histoire du Haras du Pin serait écrire l'his- toire de l'élevage du cheval de France depuis ses origines. Le Haras a été fondé par Colbert, et ses plans ont été dessinés par Mansard, « architecte du Roy ». Acheté en 1665 par Louis XIV, le domaine ne fut toutefois transformé en haras qu'en 1730, l'exécution des travaux prévus par Mansard ayant duré de 1716 à 1728. Le Haras fut supprimé pendant la Révolution (1790) et rétabli par le Premier Empire (1806). Mais il déchoit de sa splendeur pendant 55 ans, de la chute de Napoléon Ier, à celle de Napoléon III. C'est la Troisième République qui lui redonne sa prospérité grâce au vote de la loi organique sur les Haras du 20 mai 1874.

Les agitations politiques des révolutionnaires sont venues mourir à sa grille. Alors que tant de monuments ou tant de domaines ont été détruits ou ont souffert des colères populaires, le domaine du Pin est toujours demeuré intact. Il forme un tout à la fois utilitaire et somptueux, avec sa superficie totale de 1.129 hectares, dont 833 en herbages ou terres labourables, 251 hectares en forêts, 12 hectares en bâtiments, cours et jardins,


6 hectares en pièces d'eau, 27 hectares en avenues ou servitudes. La majesté de l'ensemble du « domaine d'apparat » a été souvent décrite, avec la cour d'honneur, limitée par les grandes écuries, au fond de laquelle se trouve le château et d'où partent les trois avenues que borde la forêt.

Le Haras répond à toutes les exigences de l'élevage Normand, qui comprend les races les plus diverses, du pur-sang au cheval de trait, qui s'énorgueillit du demisang trotteur et du percheron, ce dernier particulièrement répandu dans l'arrondissement de Mortagne.

L'Orne, l'Eure, la Seine-Inférieure, la Seine, la Seineet-Oise, une partie du Calvados et de la Sarthe sont tributaires de l'établissement, qui envoie des étalons à cinquante-neuf stations de monte. Plus de trois cents reproducteurs aux noms illustres ou très connus, dont les prouesses ont passionné les turfistes de Longchamp ou de Vincennes, de Saint-Cloud, de Maisons-Laffite ou du Tremblay, parcourent au Pin ou dans les stations de monte une nouvelle carrière plus discrète, mais qui assure la pérennité des qualités de notre race chevaline.

Ils sont mis à la disposition du petit élevage et du moyen élevage à des conditions très modérées. Tandis que la monte d'un pur-sang réputé, appartenant à un établissement privé, entraîne — même dans la période de crise actuelle — une dépense de plusieurs milliers de francs, celle d'excellents étalons des Haras Nationaux, héros de performances également remarquables, n'est tarifiée que quelques centaines de francs. Et certaines attributions de cartes permettent même à des éleveurs désignés par le sort de ramener parfois leurs débours à une somme insignifiante. Si l'on tient compte des primes distribuées ultérieurement aux chevaux vainqueurs — primes au naisseur, primes à l'éleveur — des épreuves de courses, on arrive à cette conclusion que les haras nationaux sont une institution vraiment démocratique, qui soutient, qui défend le petit et le moyen éleveur et leur permet tous les espoirs.

Ce n'est d'ailleurs que par une étude constante qu'on est arrivé à une sélection et à la production de types qui font l'admiration des connaisseurs. Le Haras du Pin reçoit chaque année la visite de nombreuses missions officielles et de nombreux acheteurs étrangers, Polonais, Japonais, Sud-Américains notamment ; les visites se


traduisent en définitive par des achats dont bénéficie notre élevage.

S'il n'est pas le plus important de France par le nombre des animaux qu'il abrite, le Haras du Pin se classe et de fort loin au premier rang par la beauté et la splendeur de ses installations. Il constitue à tous égards, l'une des curiosités les plus attrayantes du département. Beaucoup de touristes, d'automobilistes, font halte pour l'admirer et le parcourir. Ils prennent ainsi contact avec l'Orne, qu'ils éprouvent le désir, charmés de ce premier aperçu, de connaître mieux. Ainsi le Haras du Pin est digne, à un double titre, de notre attention et de notre intérêt, et au point de vue national et parce qu'il contribue à la prospérité de notre petite patrie ornaise.

ADRIEN DARIAC, Député de l'Orne, Ancien Ministre.

Le Maréchal Lyautey félicitant les chefs d'attelage à quatre 22 Juillet 1929


Souvenirs

Je suis en cordiale sympathie avec l'hommage que vous voulez rendre à notre région et au Haras du Pin.

Sympathie d'ancien ministre de l'Agriculture, qui a trouvé dans ce Haras en 1932 un exemple excellent d'établissement bien mené.

Sympathie de Français qui est attaché à l'élevage national par beaucoup de précieuses traditions.

Trois fois seulement je suis allé au Haras du Pin.

Mais ma pensée se plait à évoquer le souvenir de ces trop rares visites. C'est que la beauté du site, l'ordre des édifices, l'harmonie et la clarté du paysage, la qualité de celui qui préside à en maintenir intacts l'âme et l'ordonnance, fait de cet endroit un des lieux les plus purement français qui soient en France.

De l'Académie Française.


Le Cheval dans l'Art

Une œuvre difficile

Proclamé, par Buffon, la plus noble conquête de l'homme, le cheval a toujours eu des admirateurs passionnés, qui réclament de lui des qualités essentielles, dont la nomenclature serait longue, mais que connaissent à merveille les spécialistes de l'hippologie.

Il en résulte, parfois, des exigences inattendues, comme on le verra par l'anecdote suivante, qui fit bien rire en son temps.

Voici vingt-cinq ans, alors que l'industrie chevaline battait son plein en Normandie, tout un monde d'éleveurs pratiquait la sélection de la race et envoyait dans les concours hippiques les plus beaux spécimens de ses écuries réputées.

Nombreuses étaient les récompenses honorifiques décernées aux personnalités marquantes de l'élevage et la remise d'une décoration à son titulaire, Mérite Agricole ou Légion d'honneur, s'accompagnait de celle d'un objet d'art devant rappeler, au nouveau promu, cette phase glorieuse de sa carrière.

Ces cérémonies fréquentes incitèrent un bijoutier, habitant une de nos principales villes normandes, a toujours avoir chez lui quelque sujet hippique en bronze, qui ne manquerait pas, croyait-il, de plaire aux amateurs.

Ceux-ci vinrent, en effet, mais, hélas ! loin de se montrer satisfaits, ils se livraient à de multiples critiques que n'arrivait pas à comprendre le malheureux vendeur, peu au courant de leur vocabulaire professionnel.

Ou bien le cheval était trop maigre, trop efflanqué, avec des pattes trop grêles, ou bien il accusait des formes trop lourdes et manquait de distinction. Ce n'était, suivant le cas et l'expression consacrée qu'un suçon, une ficelle, une claquette ou un bourdon.

Notre bijoutier ignorait que, pour l'œil exercé des connaisseurs, un cheval, même s'il est de bronze, doit avoir des caractères harmoniques sur l'absence desquels on ne


saurait transiger et qu'il faut, notamment, pouvoir inscrire son corps et ses membres dans un carré parfait.

Désespérant de contenter ses difficiles clients, le commerçant y renonça et l'article ingrat fut abandonné.

Quelques mois s'écoulèrent. Une sommité de l'élevage ayant reçu la croix de la Légion d'honneur, on résolut de commémorer cet évènement et une délégation fut chargée d'acheter, à son intention, une statuette de cheval d'un type irréprochable, qui lui serait offerte, selon l'usage, au cours d'un banquet.

On se rendit chez le bijoutier dont nous avons parlé.

Instruit par l'expérience, il proposa de faire venir plusieurs modèles, œuvres de sculpteurs animaliers renommés.

Cette solution plut à tout le monde et l'on prit rendezvous pour la semaine suivante.

Au jour dit, les délégués se présentèrent et furent immédiatement conduits devant une longue table, où se voyait un escadron d'équidés de toutes tailles, depuis le fougueux trotteur et le distingué pur sang jusqu'au robuste percheron.

Très fier de lui, ne doutant pas du succès, le marchand exhiba sa cavalerie, bien persuadé que ses visiteurs manifesteraient, cette fois, une entière satisfaction.

L'examen commença. Dès le premier cheval, les sentiments individuels se traduisirent par des épithètes imagées du genre de celle-ci : « Hum ! pas mal, mais il est plutôt enlevé, il passe trop d'air dessous. A un autre. »

L'animal était trop haut sur pattes.

Un second est présenté et provoque l'indignation générale : « Vous fichez-vous du monde? Mais, ce n'est pas une tête de cheval, ça ! C'est une boîte à violon. Un corps léger, comme celui-ci, veut une tête fine, une tête à boire dans un verre. Oust ! enlevez. »

Suffoqué, le bijoutier avance timidement une troisième statuette, la plus belle du lot.

L'accueil est meilleur. A part quelques légères imperfections l'ensemble est bon : les aplombs sont réguliers, l'épaule est suffisamment oblique, le port de tête ne semble pas critiquable.

Soudain, un délégué se livre à des gestes cabalistiques.

A l'aide de ses doigts écartés, il prend des mesures sur le corps de la bête, il établit des proportions. Ses collègues


ont saisi sa pensée et suivent ses mouvements avec attention.

Disons, pour les non initiés, que la tête d'un cheval bien conformé doit être comprise deux fois et demie dans la longueur du corps, mesurée de la pointe de l'épaule à celle de la croupe et deux fois et demie dans sa hauteur, prise du sommet du garrot jusqu'à terre. De même, on estime que si la tête est trop courte ou trop longue suivant qu'elle est comprise plus ou moins que deux fois et demie dans la hauteur et la longueur du corps.

Le cheval ne résista pas à cette épreuve. Ses proportions se révélèrent en désaccord avec les principes posés.

Ne doutant plus du sort réservé aux autres statuettes, l'industriel consterné attendait, sans mot dire, le verdict de ce jury impitoyable. Ce fut désastreux !

Chacun des pauvres chevaux fut apprécié, ou plutôt déprécié, en termes non moins expressifs que d'usage au pays normand : — Voyez celui-ci, disait l'un, avec ses oreilles de bourrique et ses yeux de cochon.

— Je le préfère, néanmoins, à cet autre, répliquait un second; j'ai rarement vu de pareils jarrets de veau.

— Eh bien ! et celui-là? s'exclamait un troisième.

Ses boulets promettent pour l'avenir. Il a de belles pattes à jus!

Tous les vices de conformation y passèrent : Tel cheval était long jointé, ou péchait par son encolure qu'il avait renversée. Tel autre était serré dans son devant et avait un mauvais passage de sangle, il n'était pas suffisamment éclaté dans ses hanches, etc, etc.

« Faites-moi le plaisir de regarder celui que voilà », dit un éleveur, interpellant l'infortuné bijoutier : « il n'a pas de boyaux, votre cheval, il est levretté! Et puis, il marche sous lui. Et les pattes? Est-ce là un canon? Et ce genou? Appelez-vous ça un genou descendu? Quelles actions demander à une bête pareille? » Ce disant, notre éleveur projetait ses bras en avant, leur imprimant la cadence des pattes d'un cheval marchant au trot allongé, pendant que tous les autres clamaient en chœur : « Ah ! ils sont réussis vos canassons! Tous nos compli-


ments. Vite, cachez ces horribles bêtes, qu'on ne les voie pas davantage. »

Il y a des connaisseurs en Normandie, et l'on n'y pardonne pas, en pareille matière, la médiocrité dans l'art plastique. Tous les chevaux restèrent en magasin.

Comme il fallait, néanmoins, offrir un bronze et prendre une décision, la délégation se rabattit sur les personnages de l'Olympe et fit choix d'un superbe Mercure brandissant dans l'air son traditionnel caducée.

Quant au bijoutier, l'histoire ne le dit pas, mais il est probable que ses rêves furent longtemps peuplés de chevaux apocalyptiques, caracolant et hennissant autour de sa couche.

V. GUILLOCHIM.

Conseiller Général de l' Orne.


Hommes de Cheval

Le dix-huitième siècle vit l'apogée de l'équitation que l'ancien régime avait mise en honneur en France. Cependant, ce fut le dix-neuvième qui raffina.

On n'admirait pas un cheval : — La jolie bête !

Mais.

— Quel noble animal !

D'Aure, qui a laissé son nom à une des cours du Haras du Pin, contait à propos des chevaux qu'il y avait montés : — Comme ils étaient pleins d'esprit !

C'est au manège de Versailles que d'Aure commença sa réputation d'écuyer : il montait Le Cerf, un beau limousin entier à la robe baie; ses prouesses comblaient d'étonnement les spectateurs éblouis. En 1830, le manège de Versailles supprimé, les chevaux furent vendus aux enchères. Quelques années plus tard, d'Aure, rencontrant dans une académie son vieux cheval d'école, voulut le monter une dernière fois. Le Cerf avait vieilli, mais il fit tels prodiges qu'on put dire que ce fut son chant du cygne et lord Seymour, tout à l'émotion de ce beau spectacle, pour éviter au noble animal la déchéance et la misère du louage, l'acheta et le fit abattre sur le champ. Geste de grand seigneur, noblesse d'homme de cheval !

Le Haras du Pin possède un tableau où d'Aure est représenté montant un étalon, L'Eclatant, devant la Dauphine. Il fut un cavalier parfait dans ce que cette vieille expression signifie au physique, au moral, au social. On a dit que chez lui « l'esprit l'emportait sur le caractère », tant tout, chez lui, semblait aisé et facile, non pas œuvre de réflexion et de travail, mais charme d'intuition et d'invention, non pas de méditation, mais de générosité d'homme de cheval doué physiquement pour l'équitation, d'une façon si merveilleuse qu'il paraissait la posséder au sentiment, et d'homme tout court, qui savait cacher sa naturelle impressionnabilité sous le sourire un peu railleur d'une bouche très fine.

« Et lorsqu'on voyait le comte d'Aure, avec sa grande aisance, n'ayant les jambes ni trop plaquées, ni tendues, passer au galop de chasse ou au trot enlevé qu'il pratiquait avec tant de liant et de grâce, l'étrier complètement chaus-


sé ainsi qu'il le portait alors volontiers, on avait devant les yeux le tableau du cavalier-homme du monde rêvé. » A vingt-deux ans, il fut nommé écuyer cavalcadour, charge qu'il conserva sous Louis XVIII et Charles X.

Un jour qu'il accompagnait à la chasse le comte d'Artois, celui-ci sauta un fossé assez large : — Eh bien ! Monsieur l'écuyer, voilà comme un prince saute.

D'Aure ne dit mot jusqu'à ce qu'ils longent un ruisseau aux rives escarpées qu'il ne fallait pas songer à franchir. D'Aure s'élance, enlève l'obstacle et saute encore pour revenir vers le prince : — Monseigneur, voilà comme saute un écuyer.

Mais telle fierté de langage semblait si naturelle que jamais on ne lui en tint rigueur.

Il eut pour maîtres les d'Abzac. Le vicomte qui montait à plus de quatre-vingts ans prétendait apprendre encore quelque chose chaque jour; c'est lui qui disait du chevalier, son cadet de quelques années et alors écuyer ordinaire à la Grande Ecurie : « Oui, il commence à monter à cheval ! ». Le chevalier d' Abzac devait être directeur du Haras du Pin, qui a conservé sa selle en velours rouge brodé d'or.

D'Aure était écuyer au manège de Versailles quand il se fit réputer dans toute la Normandie pour ses prouesses sur les champs de foire. Des courtiers attachés au service des écuries avaient la charge des achats de chevaux qui, au bout de deux ans de dressage et de mise au point, passaient au rang des chevaux du Roi sous le nom de Brides d'argent ou de Brides d'or, ce qui valait à l'éleveur une prime de 500 ou de 1.000 livres. D'Aure voulut choisir de sa personne les chevaux qu'il aurait à dresser et on le vit fréquenter les foires de Normandie. Mais où son audace aisée remplissait d'admiration les braves gens du pays, c'est quand il leur donnait le merveilleux spectacle de ce « Monsieur », centaure puissant, enfourchant et faisant marcher aux trois allures ces jeunes chevaux encore sauvages, qu'on sortait des herbages et qui n'avaient porté jusqu'alors que des mouches.

D'Aure monta dans les manèges et les carrières du Pin de 1818 à 1840. Les mémoires du temps, les livres d'équitation parlent des tours de force et d'adresse qu'il y improvisa sans préparation aucune, sur des étalons de pur sang, chevaux d'élite à grande puissance, à grands moyens,


dans toute la force de leur fougue. Parmi ces chevaux, on cite surtout Tigris, qui arrivait d'Angleterre et dont on a dit qu'il était le cheval le plus remarquable que d'Aure ait jamais monté. On cite encore le fameux étalon Eylau, né au Haras, sur lequel il osa une reprise de manège après cinq jours de dressage. Tel résultat fait qu'on ne sait ce qu'il faut le plus admirer, de la nature du chëval ou de la puissance du cavalier.

Il avait accoutumé de dire qu'un véritable homme de cheval ne saurait être un homme méchant et cependant quelques-uns prétendaient que la brutalité était dans sa manière. A quoi d'Aure répondait que s'il s'était jamais permis la moindre brutalité envers les jeunes chevaux des foires normandes et les étalons du Pin, c'est sa vie qu'il eût mis en danger. Grande vérité de cheval, elle rejoint cette remarque d'un de nos grands chefs militaires actuels qui disait qu'étant enfant violent, il avait reçu de son cheval cette humaine leçon qu'on ne peut rien obtenir que par la douceur.

D'Aure a été le cavalier le plus admiré et peut-être le plus parfait cavalier de son époque. Il eut cependant un rival, écuyer de génie, un Normand, le célèbre Baucher, et d'Auristes et Bauchéristes se partagèrent en France tout ce qui pensait cheval.

Ils étaient semblables dans la même fierté d'homme de cheval, qui va parfois jusqu'à la susceptibilité. Mais alors que d'Aure était cavalier spontanément, par don, Baucher l'était par raisonnement et comme le premier paraissait d'un caractère prime-sautier, le second semblait une manière de penseur à cheval, ne faisant rien qu'il ne l'eût profondément réfléchi après l'avoir longuement observé. Tout son système était là : chercher la valeur des pratiques que son tact équestre lui suggérait par une longue réflexion et en répéter maintes fois les essais avant de les accepter comme définitives : du Descartes.

A cette méthode, il perdit le sommeil et confina ses veilles en dédaigneux silences. Il disait d'ailleurs avec une sagesse qu'on ne peut qu'admirer : « Lorsque je savais peu, je parlais beaucoup et ma prolixité répondait au vague de mes idées, à ce qu'elles avaient de peu net et arrêté.

Et puis c'est le propre de ceux qui savent peu, de s'étendre, de se complaire dans les effets des effets. Mais lorsque remontant des effets aux causes, j'ai pu découvrir celles-ci, les formuler clairement, je suis passé du délaie-


ment des paroles à leur concision et je suis arrivé à cette conviction que, plus et mieux on sait, moins on dit. »

D'Aure et Baucher furent rivaux. Leur lutte les passionna et passionna avec eux la foule de leurs partisans.

Ils furent rivaux, mais pour l'honneur de l'un et de l'autre, pour leur honneur d'hommes de cheval, ils ne furent jamais ennemis.

C'est d'Aure qui mourut le premier, en 1863. Son corps fut ramené au cimetière de son village sur une voiture impériale conduite par des postillons de la Maison.

Sur le siège était un vieux piqueur de selle qui pleurait doucement en pensant à l'honneur qu'il avait eu, étant tout jeune sous-piqueur au manège de Versailles, de faire débuter le plus illustre écuyer de son temps. Ainsi, celui qui l'avait mis en selle, le menait en terre, maintenant.

Baucher lui survécut dix ans. L'Hotte, son élève préféré, qui l'assista dans son agonie, raconte que la voix du mourant était très faible : — Le bridon, soufflait-il, présente tant de ressources !

Résistance en haut, en bas, à droite, à gauche : partout, le bridon.

Et sous les draps, les mains, les bras, le corps travaillaient doucement pour rendre encore vivante cette ultime leçon.

Il murmura, très bas. déjà : — Le bridon !. c'est si beau!..

Et il rendit à Dieu sa fière âme d'homme de cheval.

LIEUTENANT P.-F. VANUXEM.


La perle de l'Hiesmois

C'est une bien heureuse pensée qu'a eue « le Pays d'Argentan », de consacrer l'un de ses bulletins au Haras du Pin. La Société historique et archéologique de l'Orne ne peut que s'y associer, elle, qui a rencontré maintes fois, en cette demeure, imposante et royale toujours par le cadre et les traditions hospitalières, l'accueil le plus charmant, elle, qui eut, l'an dernier, le privilège de compter, parmi ses Conférenciers, l'animateur aimé et compétent de ce domaine incomparable, Monsieur de Chevigny, et d'y faire étape à nouveau, en sa randonnée au pays de l'Hyémois.

Certes, la Normandie peut être fière que le Grand Roi l'ait dotée d'un pareil joyau, et se féliciter que les siècles, les révolutions ou même la main des hommes en ait respecté l'ordonnance, la majesté. Il semble que, dans ce coin de bocage où la beauté des sites le dispute aux souvenirs historiques, un peu des conceptions hardies, nobles et harmonieuses d'un Le Nôtre, ait été transporté et que le génie du metteur en œuvres se soit appliqué à rapprocher, dans un même décor puissant, ce qu'il y a de grand dans la nature et de force dans les races chevalines normandes ou percheronnes sélectionnées.

A l'étranger, d'où l'on vient souvent s'instruire à l'école du Haras du Pin, attiré par le lieu comme par l'enseignement supérieur qui y est professé, on aimera à trouver dans « Le Pays d'Argentan », sous des plumes autorisées, tout le passé, la vie et l'action féconde de cet établissement sans égal. En France on accueillera une telle publication avec la ferveur que rencontrent les initiatives inspirées par l'amour du pays.

TOURNOUER, Président de la Société Historique de l'Orne.


Les Hippodromes d'Hiesmes

L'origine des Haras dans la région du Pin ne remontet-elle qu'au Moyen-Age?

Au risque d'être taxée d'enfourcher sa monture favorite, geste de circonstance cependant puisqu'il s'agit d'une revue consacrée au cheval, l'archéologie hiesmoise se doit de rappeler que la protohistoire de la région pratiqua le culte de l'espèce chevaline.

Les Celtes de la conquête romaine dressèrent en face des légions, bien plus qu'une infanterie sans discipline ni cohésion, la fougue multicolore des escadrons de leur noblesse aux torques d'or et aux riches armures, qui ne devait céder que devant le heurt brutal des sauvages Germains, centaures alliés de César.

Pourquoi l'élite gauloise, osismienne ou oximienne n'eût-elle pas eu ces goûts?

Les siècles précédents avaient, en outre, selon toute vraisemblance, accumulé dans ce site, comme à Châlonsur-Saône, pour le transport de l'étain, une cavalerie nombreuse et de premier choix. En font foi, entr'autres monu- ments, les ferrures, analogues aux soleæ ferreatæ, trouvés vers le milieu du siècle dernier dans l'herbage des Saussayes, qui, par un singulier hasard, donne encore son nom au grand prix des courses du Merlerault.

Le cadre d'Hiesmes contient d'ailleurs d'autres appellations plus évocatrices encore. M. H. Lebailly attirait à son époque l'attention des chercheurs sur les hippodromes antiques de sa cité, à la Briquetière. A travers les herbages des vestiges de larges chaussées donnaient accès à deux arènes, l'une circulaire, l'autre au pourtour allongé, toutes deux jalonnées de fortes bornes. La première s'appelle encore La Chauvinière, mot où l'érudit archéologue retrouvait le covinarius, conducteur de chars latin : la seconde Les Rognons, du règnôn grec, les courses Un enclos commun les séparait, au vocable plus étrange encore, l'anachoron, nom de la remise des coursiers et des chars, des carceres des amphithéâtres romains.

Est-il besoin d'ajouter à ces souvenirs le rappel de


la médaille de la collection Lebailly au cavalier rieur et nu, évocation des frises de cavaliers encerclant de leur nudité joyeuse et galopante les vases de Trébénichté sur les bords du lac Okrida, à l'autre extrémité de la voie d'étain au-delà du pays des Venêtes du Sud-Est.

Ce quartier de noblesse insoupçonnée ne déparerait pas le blason des célèbres haras du pays d'Exmes.

J. LECOMPTE.


A la gloire du Pin

Parmi les monuments, les établissements qui constituent sa parure, ses joyaux, et dont l'Orne est fier, il n'en est peut-être pas de plus illustre, de plus réputé que le Haras du Pin. De quelque côté qu'on l'aborde, on est saisi par la beauté des routes qui y mènent et les belles futaies qui les escortent vous indiquent que quelque chose de grand vous attend. Il est rare qu'en présence d'une chose vantée dont on vous a dit merveille, le premier contact ne vous apporte pas quelque déception.

Au Pin, rien de pareil. A peine est-on arrivé au rondpoint que l'on est pris par l'ordonnance imposante de l'ensemble qui s'offre à vos regards. La belle grille d'entrée à peine a-t-elle fixé votre attention que la vue se porte sur le château fermant la Cour d'Honneur et se dressant là majestueux, comme dans une cathédrale l'autel principal.

Et pour mieux le faire ressortir, à droite et à gauche deux bâtiments formant avant-corps paraissent ses serviteurs fidèles; respectueux au point de ne vouloir pas s'arcbouter sur lui et s'en tiennent à distance. Ceux qui ont imaginé et construit cet ensemble ont vu grand. Mais ils ont compris la grandeur avec la simplicité et l'élégance. Ils avaient la belle mentalité française, celle qui a élevé sur l'ensemble de notre territoire tant de magnifiques demeures, objet de l'admiration des artistes et des amoureux des Beaux-Arts.

Mais l'intérêt du Pin n'est pas seulement dans son château.

Près de là naissent et vivent de nombreux chevaux.

Les uns seront célèbres. D'autres l'ont été. Tous ont une généalogie bien établie et comme celle des rois et des empereurs, elle remonte loin dans le passé. Ils ont leur nom propre rappelant quelquefois une célébrité d'antan. Et qui sait plus d'un de ces anciens illustres le sera-t-il plus par le cheval qui porte son nom que par ses mérites personnels. Là, on vous montrera des gagnants du Grand Prix.

Un beau jour d'été ils sont venus Dans ces prés fleuris qu'arrose la Seine.

Le temps était splendide; de tous côtés, de tous les


coins de l'horizon, la foule était accourue si dense qu'en portant les regards au loin ce n'était pas l'herbe verdoyante qu'on apercevait mais un océan de têtes remuant, ondulant comme les vagues de la mer et venant déferler autour d'une piste sur laquelle les espoirs vont s'élancer. Des cris retentissent. Ils sont partis. Des respirations s'arrêtent, d'autres s'accélèrent. Elles varient dans leur rythme suivant les imprévus de la course. Le but est atteint. Sous les acclamations, le vainqueur revient, il est calme, semblant insouciant des hommages. Les animaux seraient-ils plus sages, plus philosophes que les humains?

Le vainqueur viendra terminer son existence au Pin.

Bien soigné, bien nourri, n'ayant qu'un souci, qu'on aura d'ailleurs pour lui : produire de beaux rejetons qui maintiendront la grande réputation du Haras.

Xe rien faire, bien manger, bien dormir, mais c'est Thélème. Combien voudraient y fixer leur résidence.

L'été va finir et ses derniers jours sont d'une chaleur plus douce, l'atmosphère est plus lénifiante. L'automne va venir. Le Pin vous offrira alors un spectacle bien recherché. Sur son champ de courses, une foule s'est rassemblée.

La Société y tient son cercle en plein air : on s'y est donné rendez-vous. Y manquer serait un chagrin. Le spectacle est sur la piste, il est au pesage, il est aussi des deux côtés de la route qui mène des Courses au château. Partout une foule se masse, désireuse d'admirer au retour les voitures de l'établissement tirées par des attelages impeccables. C'est la tradition qui passe. Elle vous rappelle les grandeurs du passé continuant dans le présent et renfermant les espérances de l'avenir.

DOCTEUR DENTU, Sénateur, Président du Conseil Général de l'Orne.


Une réflexion Japonaise

Le Pin reçoit des missions Etrangères, très souvent, des pays les plus variés. Le Japon est parmi les visiteurs les plus fidèles Le 22 juin 1931, il y avait donc au Pin une mission japonaise, composée de deux hauts fonctionnaires des Haras : MM.

Eizo-Oïkawa et Kioyiski Shimizu ; techniciens sérieux, un peu étroits peut être, tout-à-fait au courant de leur spécialité, observateurs, capables, ils m'accablent de questions, auxquelles, de mon mieux, je réponds

par le truchement de l'interprète, Monsieur Sonoyi Shüna.

C'est un grand jeune homme, tout sec, tout noir, laid peut-être, mais avec du type, les bras trop longs, terminés par des mains si fines, si soignées qu'elles en sont spirituelles. Il ne dit pas grand'chose. Il s'applique à son métier d'interprète, rien d'autre.

Nous sortons sur le perron qui donne sur d'admirables terrasses, face au Sud. Au loin les clochers de Sées, au sud-ouest les hauteurs d'Ecouves, plus près vers l'Est, la colline de La Roche, ça et là, formant décor, des futaies harmonieusement disposées. Sur le tout, une lumière cendrée qui fait penser à Corot.

Les Japonais ne disent rien; — quelques onomatopées inintelligibles. Alors l'interprète se tourne vers moi : « Lumière, force, harmonie, dit-il, nous sommes dans le Grand Siècle. »

Il prononce ces mots d'un air pénétré, presque religieux : je le regarde abasourdi et il ajoute : « Je suis professeur de Littérature française au Lycée japonais de Tokio, j'aime beaucoup le XVIIe. » JEAN DE CHEVIGNY.


Au galop à travers l'histoire

L'historien complet du cheval de notre pays ne devra pas négliger les enseignements de l'archéologie. Il aura soin de noter la curieuse trouvaille faite en mai 1837, dans la cour du vieux château de Champobert, commune de Villebadin, d'une monnaie d'argent, romaine selon de Col- leville, sans légende. Cette monnaie, de conservation parfaite, représentait à l'avers une tête d'homme et au revers un cheval libre lancé au galop vers la droite. L'encolure, la croupe, le développement de la queue, l'attitude enfin, offraient un naturel remarquable, la crinière était figurée par une ligne courbe finement perlée et très gracieuse (').

Si c'est là une monnaie ou médaille locale, on peut assurer que les Hiesmois d'alors avaient un goût très sûr pour les beaux chevaux.

Sur l'hippisme, aussi bien que sur les sciences, les lettres et les arts, le haut moyen-âge étendit ses voiles.

Mais le régime féodal allait donner une puissante impulsion à l'industrie chevaline. Chevalerie, chevalier, écuyer.

ces termes disent l'importance du cheval dans la nouvelle organisation. Chasses, tournois, guerres sont les grandes passions des barons. Nul cadeau n'est plus précieux que celui d'une cavale rapide à courre, d'un palefroi de belle présentation à la parade ou d'un destrier ardent à la bataille. Les cartulaires l'affirment. Au XIIe siècle, Fouques de Mainbeville obtient des moines de Silly un superbe cheval en échange de la dîme de Brévaux; Fouques de Clopel, en remerciement d'une semblable donation, reçoit un palefroi estimé 6 sous tournois. Au début du XIIIe, Fouques de Saint-Lambert abandonne un champ au même monastère qui lui remet 14 sous angevins et aussi un palefroi. A Gautier de Nonant, les Norbertins marquent également leur gratitude pour ses présents par un autre palefroi.

Orderic Vital conte qu'Ernault, fils de Giroie, avait appris

(1) Au-dessus du cheval était une sorte d'aigle ou vautour dont la signification échappe. Sous le cheval se trouvait une composition énigmatique offrant trois branches inclinées l'une vers l'autre et pointées à leur sommet ; un point plus volumineux le surmontait, placé luimême au-dessous d'une sorte de couronne rayonnante. La tête d'homme.

à l'avers, était coiffée d'une espèce de chapeau déprimé et surmonté d'une pièce coudée terminée à l'arrière par une petite tête humaine


que le seigneur de Laigle, Engenulf, dans son affliction de la mort de son fils, Roger, offrait aux moines d'Ouche le cheval de ce dernier, un animal qu'on vantait partout.

Ernault qui convoitait ce cheval, le sollicita offrant en contre partie aux religieux « les hommes et la terre de Bocquencé », Tout un fief pour un cheval. Richard III proposait tout son royaume !

En 1316, en un tournoi, à Tours, Henri d'Avaugour, seigneur du Château d'Almenesches, était paru monté sur un si beau palefroi que le duc de Bretagne, cousin de notre sire, n'eut de répit qu'il ne possédât la splendide bête; il l'acheta 300 livres tournois — 75.000 francs environ — et, dit-on, s'endetta pour payer.

Museler un cheval, lui couper la queue, lui fendre l'oreille, c'est le plus grave affront qu'on puisse faire à son maître !

Il n'est guère de monastère où l'on ne se livre à la reproduction et à l'élevage du cheval : on tire de là bénéfice sûr et précieuse monnaie d'échange. Dès 1050 l'abbaye de Saint-Evroult possède son établissement hippique dans la forêt d'Ouche, par concession de Giroie, seigneur de Saint Cénéry.

Comment les riches seigneurs n'auraient-ils pas eu, également, leurs haras particuliers? Les comtes d'AlençonValois, et avant eux les Montgommery, en possédaient un au Merlerault. Et ces seigneurs, à cause de la qualité de leurs bêtes, avaient créé grand renom à ce bourg, à telles enseignes, nous apprend Siméon Luce, que les Anglais, l'an 1356, s'étaient jetés sur la forteresse du Merle Raoul; ils l'avaient prise et même incendiée, mais que leur importait? De ce canton, ils convoitaient seulement les fabuleux pâturages pour y recruter leur cavalerie. A quelque temps de là, Moreau de Fiennes et Duguesclin se donnaient rendez-vous au Merlerault, d'où les Anglais faisaient toujours leur repaire de prédilection. Aussi les Français tinrent-ils, au traité de Brétigny, à stipuler l'évacuation de cette riche contrée.

C'est de là encore, au XVe siècle, que les ducs seigneurs d'Argentan tiraient leurs meilleurs chevaux et nous savons par Manoury que Jean II d'Alençon, le gentil compagnon d'armes de Jeanne d'Arc, tirait vanité de son écurie « remplie de vingt-quatre chevaux de prix, en « outre plusieurs autres roussins et courtauts pour son « service et pour celui de Madame la Duchesse, son épouse,


« avec vingt-quatre hacquenées blanches enharnachées et « parées comme la livrée de sa maison, fort superbement, « et de plusieurs chevaux de litière et charrettes. »

Mais ces haras, si vastes et si peuplés du XIIe au XVI siècle allaient disparaître au XVIIe. C'est que la noblesse avait perdu tout de sa puissance. Les montres, bans et arrière-bans, seules occasions qu'elle avait désormais de se manifester, n'étaient plus que des vestiges, sans utilité, sens, ni portée, de l'ancienne et formidable organisation féodale. Les haras seigneuriaux tombèrent. Seuls demeurèrent les haras royaux. Au Merlerault, sur l'emplacement de celui des Montgommery et des Valois-Alençon, Sully et Henri IV avaient fondé un haras royal dans les bâtiments affectés aujourd'hui à l'hôtel de Sainte Barbe (1). Il était « le plus avancé « et le plus réputé de France, puisque ce prince en tira « les trentes belles poulinières qu'il offrit à la reine Elisa« beth d'Angleterre et dont les descendants ont concouru « avec les Royal-Mares à fournir la race noble que les « Anglais ont monopolisée depuis cette époque ». Ce haras semble avoir périclité au milieu du XVIIe siècle; son domaine resserré au Merlerault, ne lui permettait plus de répondre aux besoins de l'armée. Chaque année des sommes énormes sortaient de France pour l'acquisition de chevaux allemands. Sous Louis XIII, l'Assemblée des Notables s'émut de cette situation, mais borna ses efforts à des doléances. Les incessantes guerres de Louis XIV aggravèrent la situation. Colbert étudia le problème et envoya le chevalier de Garsault rechercher dans la généralité d'Alençon un lieu propice pour la création d'un haras, indiquant comme particulièrement favorable la région du Merlerault. De Garsault choisit ce lieu même, mais le ministre mourut avant d'avoir réalisé son rêve.

Le haras du Merlerault avait subsisté jusqu'en 1730, époque à laquelle on le transféra à Saint-Loyer. Cependant l'installation du Buisson d'Exmes, lequel devait bientôt s'appeler le Haras d'Exmes et enfin le Haras du Pin, s'achevait et c'est là qu'on reçu l'effectif de 400 chevaux et juments.

On ignore généralement que Louis XV se proposait

(1) Voilà un siècle on découvrit dans une pièce retirée de cet hôtel, un lot de papiers poussiéreux qui nous eussent sans doute révélé le passé obscur de ce haras, mais un béotien se saisit de ces antiquailles et les détruisit.


de créer spécialement pour les mulets un établissement similaire aux environs de notre ville. Le 23 septembre 1757, le comte d'Eu, engagiste du domaine d'Argentan, avait fieffé à Marie-Félix Guerrier et à Jacques-Michel Guerrier, inspecteur des Haras du Roi dans la généralité d'Alençon, « 959 arpents de bruyères et terres vaines et vagues », sur le plateau de la Coudraye, au sud d'Argentan. « L'acquéreur s'engageait à défricher et cultiver le terrain et à payer les droits d'adjudication se montant à 740 livres, les droits de contrôle et de centième denier, la rente seigneuriale et solidaire, le cens fonciers et précis de 15 sols chaque arpent, les droits de treizième, relief et tous autres directs et de seigneurie portés par la coutume de Normandie. » L'acte était établi en bonne forme.

Pourtant on avait négligé ce détail : les bruyères de la Coudraye n'appartenaient pas au vendeur, mais bien aux habitants de Vrigny, Francheville, la Bellière et SaintChristophe; ceux-ci portèrent leurs plaintes au roi. Un arrêt rendu en 1776 maintint ces paroissiens en la possession et jouissance de leurs bruyères.

Le Merlerault, quoique dépossédé de son haras d'Etat, demeurait un centre merveilleux de reproduction et d'élevage. Envoyé par Napoléon, Eugène de Beauharnais y venait souvent faire d'importants achats de chevaux et l'on conte que le prince, descendu au Merlerault, à l'hôtel de l'Echiquier, se trouvait alors à Montrond, au manoir de la Moisière, quand une estafette se présenta portant un pli officiel : l'Empereur rappelait d'urgence son beau-fils pour la campagne de Russie.

Napoléon avait, d'autre manière encore, témoigné l'intérêt qu'il portait à notre élevage. Son cheval préféré Acacia, était né au Merlerault, en 1801, chez Dunoyer, d'une fille de King Pépin et d'un étalon oriental, Oiseau.

Il est de ces gloires incontestables, éclatantes que le plus habile ne saurait évoquer sans laisser percer une pointe d'amertume, ce sont les gloires évanouies. L'élevage du cheval du pays d'Argentan, riche de tant d'admirables succès au cours de tant de siècles, s'est maintenu florissant, il défie les crises, les révolutions, les évolutions.

XAVIER ROUSSEAU.


— 9 Octobre 1926 —

Simple, affable, précis dans ses questions, attentif aux réponses avec le regard net, droit, exceptionnel au point que les gens qui l'ont soutenu ne l'oublient pas de leur vie, le Maréchal est au Pin.

Il y passe la journée, sorte de repos dans sa vie ordonnée. On visite les écuries. Il y a une présentation d'étalons, une reprise d'attelages à quatre, un goûter assis au château.

Il faut bien que je remercie le Vainqueur de la Guerre. Je me lève, cette fois l'émotion me prend à la gorge, et j'accroche ma tasse de thé qui tombe par terre faisant escale sur les genoux de la Maréchale, assise à ma droite.

— Catastrophe ! —

J'entends encore le rire si simple, si bon enfant du Maréchal, que me remet d'aplomb : et je peux lui dire, mal peut-être, mais avec mon cœur, l'honneur qu'il fait à l'Etablissement et à moi-même, mes remerciements les plus profonds.

Ce jour-là au Pin « Bonbon » (1) se trouve réuni et c'est le Maréchal qui me le dit avec satisfaction : Desticker, Le Rond, — ceux dont l'Histoire apprendra les noms à nos enfants, — entourent leur Chef. Vers le soir, le Maréchal monte dans sa puissante voiture, au fanion tricolore, celui du Commandant en Chef des Armées Alliées. Le personnel, en tenue écarlate, forme la haie, tout le monde est ému, silence total. Au milieu de la cour, la voiture s'arrête. Le Maréchal, chargé d'ans et de gloire, descend. De cette voix rauque, qui porte loin et n'admet pas de réplique : « Appelez-moi l'Adjudant. » prononce-t-il.

L'Adjudant arrive, respectueux, découvert à cinq mètres. Foch s'avance vers lui : il lui serre la main et d'une voix nette : « Vous, mon petit, c'est très bien. Je vous remercie.

(1) Château en Seine-et-Marne. Quartier général du Maréchal en 1918.


Vous féliciterez et remercierez le personnel de ma part. » Geste noble qui allie la grandeur à la réalité, qui associe celui qui commande à celui qui exécute, qui cimente leur compréhension.

9 octobre 1926, le plus grand souvenir de ma vie au Pin.

JEAN DE CHEVIGNY.

Diplomatie et Equitation

Le Haras du Pin est une institution nationale dont les bienfaits pourraient s'étendre très au-delà de son objet propre.

Les hommes politiques et surtout les diplomates devraient y faire un stage pour y apprendre les principes de leur art. Par exemple les alliances des peuples, comme les croisements de races, ne sont féconds que si elles observent la double loi des affinités naturelles et des qualités complémentaires. D'autre part, l'équitation, très en honneur au Haras du Pin, est la meilleure école de la diplomatie qui requiert également sang-froid et patience, énergie et souplesse, l'emploi concordant des aides et, par dessus tout, le tact, « la main ». Le plus grand de nos diplomates, Richelieu, avait été un des plus brillants élèves de l'Académie d'équitation dirigée sous Louis XIII par Pluvinel. C'est là qu'il avait appris à n'être désarçonné par aucun obstacle, à manier comme il convient la cavale France, à dompter l'Europe et à ne jamais chevaucher la chimère.

COMTE DE SAINT-AULAIRE, Ambassadeur de France.


Le site du Pin

UNE LEÇON DE FRANCE A certains paysages l'esprit aime attacher une valeur de symbole, parce qu'ils réunissent de manière plus sensible et plus prenante certains traits essentiels d'un pays particulièrement cher.

Et quand aux beautés naturelles de la terre, aux richesses de la lumière et des ombres une pensée d'ordre et de beauté a su ajouter une exacte et noble discipline, alors le paysage aux grandeurs humanisées peut donner à celui qui l'interroge de grandes et belles leçons.

Rêvons à ce terroir du Pin, tel qu'il devait être avant que l'homme en civilise les bois et les coteaux : Royaume de l'arbre, hautes futaies que traversent d'étroites et sinueuses sentes mal frayées, pas toujours très sûres. quel noble manteau aux ombres veloutées couvre ce coin de pure terre normande : le peuple serré des grands arbres domine du haut d'un plateau étendu le couloir de l'Ure que remontent les molles brumes du vent de Bretagne ; du domaine de la forêt à la modeste rivière argentée le sol s'abaisse lentement en une pente d'une parfaite harmonie : du Bourg Saint Léonard à La Cochère, le terroir du Pin expose au soleil le plus adorable des côteaux un glacis lumineux qui monte doucement, régulièrement, du vallon aux gracieux vergers vers cette terrasse qui, telle une longue acropole boisée, tient sous son regard un des plus antiques passages de la terre normande. Là-haut, la sombre parure de la forêt, à mi-côte le sourire des pommiers et des clos fleuris, et en bas, tout au long de la rivière qui chantonne de village en village, le large ruban moiré des herbages au vert sombre. Et c'est là tout un résumé de la beauté normande, c'est une leçon de Normandie, belle en tout temps, gracieuse lorsque mai a fleuri les pommiers, éclatante de joie quand l'été dore les herbages, plus prenante encore quand les rafales occidentales de l'hiver remontent le vallon et sifflent en secouant le peuple puissant, tant de fois centenaire, de l'acropole.


La terrasse du château

Cette leçon de Normandie, une volonté française en a fait une admirable et durable leçon de France : Le XVIIe siècle a humanisé notre forêt. Les larges allées cavalières, les carrefours artistement taillés, les pelouses ordonnées et sages que le plus beau des siècles français sut ménager au cœur de l'antique buisson gardent leur grandeur, leur classique et magistrale beauté. Et comme à un diamant taillé la lumière accroche plus volontiers ses jeux et ses ris, dans la vieille haie d'Exmes les aurores et les crépuscules jouent au hasard savant des fourrés et des clairières leurs jeux d'or, de pourpre et de lilas.

Forêt enchantée quand les rouges soleils levants de février ensanglantent le givre de la longue allée Louis XIV ou lorsque, très lentement, l'ombre bleue des soirs de septembre monte du tapis des clairières aux faîtes poudrés d'or qu'abandonne à regret le magicien.

Là où le côteau penche le plus doucement, où son galbe est le plus pur, Mansart traça une noble terrasse : des savants parterres français où éclate l'écarlate des géraniums, tout près du château que le vent d'ouest et les jeunes soleils ont tout à tour caressé de gris et


d'or discret, on goûte l'équilibre, la grandeur mesurée de ce Vallon du Haras, coin de France de parfaite ordonnance où se fait impérieux et émouvant le sentiment de la pure beauté française.

Les souvenirs et les rêves du beau temps de France vous obsèdent : Voyez-vous sur les terrasses fleuries les grandes dames de jadis ; les robes immenses et les châles, les précieux éventails des îles ? Voyez-vous là-bas tout contre ce bosquet du Tendre, les bergers de l'Astrée et les pastourelles enrubannées de Trianon ?

Et qu'importe si la grande route de Paris a coupé la forêt de son strict ruban noir, si des fous passent bien vite, jetant à peine un regard pressé sur tant de grâce, tant de beauté, puisque ceux qui aiment de tout leur cœur cette beauté française, noble, gracieuse, polie et tendre savent qu'au Terroir du Pin, entre les chênes séculaires et le vallon au clair sourire, cette beauté a toujours un asile, une province bien à elle, où il est doux et réconfortant de rêver, et de se souvenir.

PIERRE VILLATTE.


Dictionnaire du Pays d'Argentan

LE PIN-AU-HARAS. — 522 hab. (169 en 1807), canton d'Exmes, 6 kil. ; arrond. d'Argentan, 14 kil. ; P.T.T. — Pays très boisé, coupé de vallées profondes.

NOM : Pinu en 1183. Ainsi nommé, selon Chrétien, à cause d'un pin remarquable qui y croissait.

GÉOLOGIE : Terrains secondaires : oxfordien, callovien, craie de Rouen, glauconie.

COMMUNICATIONS : Autobus d'Argentan. Route nationale n° 24 bis.

CHATEAU : XVIIIe siècle, dans un site splendide (M.H.) HARAS NATIONAL : (300 étalons, 1.129 hectares).

CURIOSITÉS NATURELLES : Fontaine tonique et apéritive de la Vignette, au-dessous du château.

FÊTE COMMUNALE annuelle, le 3e dimanche de juillet.

ANCIENNE ÉGLISE, située au vieux bourg. Elle était dédiée à la Vierge, à la présentation de l'Evêque de Sées. Le bâtiment subsiste et présentait une seule nef avec deux autels. En 1828, le Conseil demandait son agrandissement.

A présent désaffectée, elle appartient au domaine et sert de dépôt d'étalons, l'ancien cimetière est devenu cour. Le presbytère, tout proche, est un élégant édifice de style Louis XIII.

FÉODALITÉ : La seigneurerie du Pin était un plein fief de haubert, tenu du roi sous Exmes et s'étendant sur les paroisses de Chagny et de La Cochère. L'aveu de 1705 spécifie que ce fief devait 40 jours de garde à la porte Malzart, à Exmes, à condition toutefois que cette porte fût en état de défense. Le château seigneurial, aujourd'hui démoli était borné par le chemin du Bourg à La Cochère et l'Ure ; il était voisin de l'ancienne église paroissiale. Par un appointement conclu à Argentan en 1391, entre Guillaume de Briencourt, seigneur du Pin et les hommes du tènement de Loiel, ceux-ci se reconnaissent astreints au « réparage » de la motte du château, lequel comportait douves, fossés et pont-levis.

SEIGNEURS : En 1049, Fouques du Pin est témoin d'une donation du comte de Shresbury en faveur de l'abbaye de Saint-Evroult. — 1080, Morin du Pin, vassal du comte de Meulan. — 1089, Gilbert du Pin qui fut tué devant Brionne, à la tête de l'armée de Richard Courteheuse, dont il avait le commandement. — En 1122, Odard du Pin, aveuglé par ordre du roi Henri Ier qui l'accusait de trahison. — Hugue du Pin est témoin d'une donation faite par Froger, évêque de Sées (11581184) des églises de Saint-Léonard et Fougy à l'abbaye de Silly. — Une branche de cette famille s'était fixée en Angleterre où elle avait obtenu des domaines du chef de Fouques que l'on dit compagnon de Guillaume à la conquête, en 1066. — 1293, Robert de Briencourt ou Bruiencourt. — 1403, Jean Hue, écuyer, qui passa au parti anglais ; 1477, Jean Hue ; 1511, Jean Hue, qui


fonda une messe en l'église Saint-Germain d'Argentan ; en 1619, ses héritiers versaient encore la rente foncière de 9 livres que servit ensuite le Haras du Roi, comme possédant les biens et seigneurie du Pin. — 1580, Jean de Pierres ; 1648, Robert de Pierres qui vendit le fief à Louis de Béchamel, chevalier, marquis de Nointel. Le fils de ce dernier céda, par échange, le domaine au roi, 20 mai 1716.

ARMOIRIES des de Pierre : de gueules à l'aigle d'or.

HISTOIRE : Les faits marquants se groupent autour de la fondation et de l'existence du Haras. Parmi les visiteurs de marque, citons : Louis XV, les comtes de Provence et d'Artois, Louis XVI et Marie-Antoinette, Napoléon Ier et Marie-Louise, Madame la Dauphine, Charles X, la duchesse de Berry, le duc de Bordeaux, le duc et la duchesse de Nemours, Napoléon III., le roi d'Espagne, le roi de Roumanie, etc.

Le 18 octobre 1818, le Conseil émit le vœu que les communes de Chagny, Courgeron et Vieux-Urou fussent réunies au Pin. L'ordonnance du 23 janvier 1822 satisfit ce désir. En 1856, les églises de ces communes furent vendues. Le 10 mai 1857, le Conseil municipal demanda à l'Etat la concession d'un terrain, à proximité de l'Etablissement, pour la construction d'une église, d'une école et d'un presbytère. Le 8 août 1863, l'empereur Napoléon III, lors d'une visite au Haras, accorda une subvention pour ces constructions. Le général Fleury ministre de la maison de l'Empereur, avait favorisé cette subvention ; en son honneur, le nouveau village s'appela Le Pin-Fleury. Dans l'église, de style XIIIe siècle, on CHAGNY. — 166 hab. en 1807. — Cahegneium, au XIIe siècle.

EGLISE, était dédiée à la Vierge, à la présentation du seigneur temporel. — Au XIIe siècle, la dîme en fut contestée par le curé de Chambois à l'abbé de Silly qui prétendait la posséder du comte W. de Manneville ; une transaction intervint en faveur des moines. Raousset assure que le patronage, ainsi que le bénéfice et la cure, avait été aumôné à l'abbaye en 1485.

FÉODALITÉ Quart ou huitième de fief de haubert relevant du fief de Silly.

SEIGNEURS : Au XIIe Robert de Briencourt, seigneur du Pin. — Peu avant 1366, Jean Hays, qui donne le fief à l'abbaye de Silly. Ses héritiers contestèrent cette donation. Par édit royal, il fut retiré des mains des moines, et mis en adjudication, Jehan de Pierres, écuyer, seigneur du Pin, l'acquit, 1587. — 1633, Robert de Pierres, chevalier, seigneur du Pin. Une déclaration de 1702 permit aux moines de Silly de rentrer dans leurs biens aliénés. Marie de Pierres, veuve de Henry de Guillermin, fit remise de ce fief à l'abbaye de Silly.

MANOIR de la fin du XVIe siècle ; le colombier subsiste.

COURGERON. — 28 hab. en 1807. — Cortgerum et Corgyron en 1254.

EGLISE dédiée à Saint Pierre, à la présentation de l'abbaye de Silly.

CHATEAU sans intérêt, mais dans un site délicieux.


L'ancien, qui remontait sans doute au xve siècle, était lortifié.

FÉODALITÉ : Tiers ou quart de fief, tenu du roi sous Exmes.

SEIGNEURS : En 1246, Guillaume Recusson, écuyer. —

1504, Jeanne de Monfaulcon, veuve de Jean d'O, chevalier, qui lègue cette terre aux religieux de Silly. Ceux-ci, en exécution de l'édit royal de 1587, le vendirent à François Dufour, conseiller en l'élection. En vertu d'un autre édit, l'abbaye peut la racheter, 1623. En 1589, François Cochon, avocat, ancien député d'Exmes aux Etats-Généraux de Blois, avait reçu dans son château le Béarnais, auquel il était tout dévoué. Henri IV, en 1593, considérant que trois des fils de François Cochon avaient été tués a son service, anoblit le seigneur de Courgeron qui ajouta à son patronyme celui de Souvigny. Selon Raousset, les moines de Silly opérèrent le retrait du fief vers 1638.

ARMOIRIES de la famille Cochon de Souvigny : d'azur à trois hures de sanglier d'or. — Armoiries de l'abbaye de Silly : d'azur à 3 fleurs de lis d'or, 2 et 1, et une bordure cousue de gueules, chargée de 8 besants d'argent. — Armoiries des Dufour : d'argent à chevron de gueules accompagné de 3 roses de sinople.

VIEUX UROU : Urou signifie sur l'Ure ; Vetus Urium en 1247. 58 hab. en 1807.

EGLISE: était dédiée à la Vierge, à la présentation de l'abbé de Saint-Pierre-sur-Dives.

SEIGNEURS : En 1504, Michel Challopin, écuyer. — En 1628, Vincent Guilbert, maître des requêtes ordinaire de l'hôtel du duc d'Orléans, vicomte et maire d'Argentan. — 1785, Jean François de La Pallu, chevalier.

ARMOIRIES des La Pallu d'argent à 3 fasces de sable bordées dentelées d'azur.

SOBRIQUET : Les Hourins du Pin-au-Haras.

CÉLÉBRITÉS : Blanche-Duparc, Antoine, médecin (1753- 1816).

Lebailly, archéologue, étymologiste, (1835-1874).

Malo (Charles), journaliste (1851-1912).

Harel (Gustave), professeur, poète, romancier, né en 1856.

BIBLIOGRAPHIE : Remarquables notices de A. Chollet, sur Le Pin-au-Haras, Chagny, Courgeron et Vieux Urou : « Bull. de la Société Historique de l'Orne », t. XXI, XXII, XXIII. — De la Sicotière, « Orne Archéol. et Pitt. » — Du Motey, « Robert de Bellême », p. 251. — « Almanachs de l'Orne », 1852. 1862, 1864, 1867. — « Notice sur Le Pin », (Manuscrit possédé en 1836 par Louis Dubois).


Table des Matières

Pagéa

3 Essai sur les Haras - Le Pin - JEAN DE CHEVlGNY, Un peu d'Histoire. Directeur du Haras du Pin.

28 Les Directeurs du Pin depuis sa création.

29 Le Haras. Henri de PEYERIMHOFF de FONTENELLE.

Président du Comité des Houillères de France.

30 La Forêt du Haras du Pin. MAURICE DE LA SERRE, Conservateur des Eaux et Forêts.

34 La Selle de M. d'Abzac.

35 Tradition. LE MARÉCHAL LYAUTEY, de l'Académie Française.

37 Au Domaine du Pin. EMILE LANGLOIS.

39 Les Chevaux OVIDE MOULINET.

de Marie-Antoinette.

42 L'Ecole des Haras. B on PIERRE DE CASTELBAJAC, Directeur Ecuyer à l'Ecole du Haras.

44 Le Terroir du Merlerault. CHARLES DU HAYS.

46 Souvenirs d'un ancien Vicomte du PONTA VICE du BEOSSEr.

Directeur du Pin. : Inspecteur général des Haras en retraite.

49 Le Cheval du Merlerault. GUSTAVE LE VAVASSEUR.

52 Les Courses du Pin. M. POLLET TERNYNCK, Président du Club des Habits Rouges.

59 Le Haras du Pin. Duc D'AuDIFFRET-PASQUIER, Député de l'Orne.

60 L'Ordonnance architecturale FÉLIX OLLIVIER, du Pin. Architecte de la Ville de Paris.


66 Le Maréchal Foch PAUL HAREL.

au Haras du Pin.

67 La bonne affaire. G. MEHEUDIN.

75 Quelques étalons célèbres Bon PIERRE DE CASTELBAJAC, du Pin. Directeur Ecuyer à l'Ecole du Haras.

80 Un joyau de l'Orne. ADRIEN DARIAC, Député de l'Orne.

83 Souvenirs. ANDRÉ TARDIEU, Ancien Président du Conseil.

— id. — LE GÉNÉRAL WEYGAND, de l'Académie Française.

84 Le Cheval dans l'Art. V. GUILLOCHIM, Conseiller général de l'Orne.

88 Hommes de Cheval. LIEUTENANT P.-F. VANUXEM.

92 La Perle de l'Hiesmois. TOURNOUER, - Président de la Société archéologique de l'Orne.

93 Les Hippodromes d'Hiesmes. J. LKCOMPTK.

95 A la gloire du Pin. DOCTEUR DENTU, Sénateur, Président du Conseil Général de l'Orne.

97 Une réflexion Japonaise. JEAN DE CHEVIGNY.

98 Au galop à travers l'Histoire. XAVIER ROUSSEAU.

102 9 octobre 1926. JEAN DE CHEVIGNY.

103 Diplomatie et Equitation. COMTE DE St-AULAIRE, Ambassadeur de France.

104 Le Site du Pin PIERRE VILLATTE.

107 Dictionnaire du Pays d'Argentan.

Illustrations de : MM. O'NEILl" FÉLIX OLLIVIER et PELLUARD.




Imprimerie LANGLOIS 6, Rue du Collège ARGENTAN (Orne) 1933