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Titre : Vie de Charles-Henry comte de Hoym, ambassadeur de Saxe-Pologne en France et célèbre amateur de livres, 1694-1736. Tome 1 / publiée par la Société des bibliophiles françois

Auteur : Pichon, Jérôme (1812-1896). Auteur du texte

Éditeur : (Paris)

Date d'édition : 1880

Contributeur : Société des bibliophiles français. Éditeur scientifique

Sujet : Hoym, Karl Heinrich von (1694-1736)

Notice d'ensemble : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31105338d

Type : monographie imprimée

Langue : français

Format : 2 vol. (XXXIX-247, VIII-359 p.) ; in-8

Format : Nombre total de vues : 318

Description : Collection numérique : Originaux conservés à l'INHA

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Description : Biographie

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6524668v

Source : Bibliothèque de l'INHA / coll. J. Doucet, 2013-75468

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 05/07/2013

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MULLER RELIBUR - NANCY








; VIE

DE CHARLES-HENRY

COMTE DE HOYM

AMBASSADEUR DE SAXE-POLOGNE EN FRANCE

ET CÉLÈBRE AMATEUR DE LIVRES

1694 - 1736 PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ DES BIBLIOPHILES FRANÇOIS

TOME I

A PARIS CHEZ TECHENER, LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES BIBLIOPHILES RUE DE L'ARBRE-SEC, 52

M DCCC LXXX



VIE

DE CHARLES-HENRY

COMTE DE HOYM

TOME 1


PARIS. - IMPRIMERIE A. LAHURE Rue de Fleurus, 9


LA

'VIE DE

'CHARLES HENRY

lOMTE DE HOYMIl.

PARIS MD-CCCLXXX-



VIE DE CHARLES-HENRY l COMTE DE HOYM AMBASSADEUR DE SAXE-POLOGNE EN FRANCE

ET CÉLÈBRE AMATEUR DE LIVRES 1694 — 1736 PUBLIÉE PAR LA SOCIÉTÉ DES BIBLIOPHILES FRANÇOIS

TOME I

A PARIS CHEZ TECHENER, LIBRAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES BIBLIOPHILES RUE DE L'ARBRE-SEC, 52

M DCCC LXXX



Cette Vie du Comte cPHoym a été publiée par les foins, avec les caractères & aux frais de la Société des Bibliophiles françois, & quand ce présent livre fut achevé d'imprimer, le 28 décembre 1880, étoient membres de ladite Société :

S. A. R. Monseigneur le Duc D'AUMALE, Préjîdent cPHonneur.

I. — 1820. — M. le Comte EDOUARD DE CHABROL, ancien Maître des requêtes au Conseil d'État, Doyen.

II. — 1843, 5 avril. — M. le Baron JÉRÔME PICHON, Préjîdent.

III. — 1845, 2.6 mars. — M. le Baron DU NOYER DE NOIRMONT, ancien Maître des requêtes au Conseil d'État.

IV. — 1846, 20 mai. — M. ERNEST DE SERMIZELLES.

V. - 1851, 28 mai. — M. DE LIGNEROLLES.

VI. — 1852, 14 janvier. — M. DURIEZ DE VERNINAC, Secrétaire d'ambassade.

VII. — 1852, 14 janvier. — M. le Comte GEORGES DE SOULTRAIT, Membre non résidant du Comité historique des Arts & Monumens, Trésorier payeur général des finances, à Besançon.

VIII. — 1852, 15 décembre. — M. le Vicomte FRÉDÉRIC DE JANZÉ.


IX. — 1856, 12 mars. — M. PAULIN PARIS, Membre de l'Académie des Inscriptions.

X. — 1858, 24 mars. — M. CHARLES SCHEFER, de l'Académie des Inscriptions, Premier secrétaire interprète du Gouvernement.

XI. — 1860, 11 janvier. — M. le Comte DE FRESNE, Secrétaire.

XII. — 1861, 24 décembre. — M. le Comte CLÉMENT DE RIS, Conservateur du Musée de Versailles.

XIII. — 1863, 28 janvier. — Madame la Comtesse FERNAND DE LA FERRONNAYS.

XIV. — 1864, 13 janvier. — M. DE BRAY, Trésorier payeur général à Chartres.

XV. — 1865, 22 février. — M. le Duc DE FITZJAMES.

XVI. — 1867, 24 avril. — M. le Marquis DE BIENCOURT.

XVII. — 1868, 27 mai. — M. GUSTAVE DE VILLENEUVE, ancien préfet.

XVIII. — 1870, II mai. — Madame la Marquise DE NADAILLAC.

XIX. — 1872, 24 janvier. — S. A. R. Monseigneur le Duc D'AUMALE, Président d'Honneur.

XX. — 1872, 24 janvier. — M. l'Abbé BOSSUET, curé de Saint-Louis-en-l'Ile.

XXI. — 1872, 24 avril. — M. le Comte LANJUINAIS, TréJorier.

XXII. — 1875, 27 janvier. — M. le Comte DE LA BÉRAUDIÈRE.


XXIII. — 1876, 8 mars. — M. le Duc DE LA TRÉMOILLE.

XXIV. — 1876, 8 mars. -M. le Duc DE CHAULNES.

MEMBRES ADJOINTS ET ASSOCIÉS ÉTRANGERS.

I. — 1874, 28 janvier. — M. le Comte ALEXANDRE APPONYI. A. E.

II. - 1876,12 avril. — M. EMMANUEL BOCHER. M. A.

III. - 1878,22 mai. — M. le Comte DE LONGPÉRIER GRIMOARD. M. A.

IV. — 1879,9 avril. — M. le Baron MARC DE LASSUS.

M. A.

V. — 1880, 11 février. — M. le Baron ROGER PORTALIS. M. A.

MEMBRE HONORAIRE.

M. GRANGIER DE LA MARINIÈRE.

MEMBRES CORRESPONDANS.

LA SOCIÉTÉ DES BIBLIOPHILES BELGES.

LA SOCIÉTÉ PHILOBIBLON DE LONDRES.


TABLE DES CHAPITRES

DU TOME PREMIER

LISTE DES MEMBRES DE LA SoCIÉTÉ. , v TABLE DES CHAPITRES du tome ler VIII PRÉFACE. IX

TABLE ALPHABÉTIQUE DES MATIÈRES contenues dans les tomes 1 & II. XVII CHAPITRE I. — Depuis la naissance d'Hoym jusqu'à sa nomination au poste de représentant de Pologne à Paris (1694-1720). 1 CHAPITRE II. — Depuis l'arrivée d'Hoym à Paris en qualité de ministre de Pologne jusqu'à sa nomination au ministére de Saxe en 1729. 29 CHAPITRE III. - Depuis le retour d'Hoym en Saxe julqu'à sa mort. 71 CHAPITRE IV. - De la bibliothèque du comte d'Hoym & de son goût pour les livres. 148 CHAPITRE V. — Tableaux, bronzes & objets d'art. 181 ApPENDICE. 199 I. Encore deux cartons du comte d'Hoym par M. de Sahr.. 199 II. Notice sur la présidente Ferrand & lettres d'elle 208 III. Le chevalier Schaub. 230 IV. La pupille d'Hoym. 242


PRÉFACE

ÉRITIERS d'une partie des richesses des amateurs qui nous ont précédés, nous sommes animés d'une forte de piété filiale pour leur mémoire. Nous 1 leur savons gré d'avoir eu ce que nous

avons, d'avoir aimé ce que nous aimons. Nous sommes heureux de recueillir quelques détails sur leur existence & nous formons pour eux une postérité éclairée & bienveillante, restreinte, mais fûre, qui trouvera peut-être à son tour dans l'avenir la même attention, j'allois dire la même affeétion qu'elle a donnée au paffé.

Ce sentiment, je l'ai éprouvé bien jeune. Les exemplaires du comte d'Hoym portant avec eux leur certi-


ficat d'origine me plurent dès que je les connus. Je me rappelle toujours quel plaisir j'éprouvai lorsqu'en 1831 (je n'avois pas encore dix-neuf ans) j'achetai le premier ouvrage provenant d'Hoym que j'eusse vu. C'étoient les Mémoires & Ambassades de BaÍfompierre, quatre volumes reliés en veau fauve. Cette bibliothèque, dont j'avois un catalogue dès 1830, continua à attirer mon attention, & en 1838 je publiois dans le Bulletin de Techener (année 1838, pages 151 à 155), fous le nom de Claude Gauchet, un article à propos du centième anniversaire de la vente d'Hoym. Je ne savois rien alors de la vie du célèbre amateur, mais la leéfcure attentive du catalogue m'avoit dès lors suggéré quelques remarques assez justes sur sa bibliothèque. M. Lamoureux, juge à Nancy, me donna la réplique & fournit dans un des numéros suivans du Bulletin (page 313) quelques détails supplémentaires.

Ce ne fut que beaucoup plus tard, fous l'Empire, que j'eus l'idée de faire sur Hoym des recherches aux Archives des Affaires étrangères. Dans ces Archives, qu'on représente aujourd'hui comme ayant été fermées aux chercheurs, jusqu'à ces beaux jours de république, par un mauvais vouloir systématique (1), j'éprouvai ce que j'ai éprouvé au début de ma carrière dans tous les dé-

(1) On me permettra de nommer ici le savant M. Faugére, qui a été si injustement attaqué dans ces derniers temps par quelques journaux.

J'ai toujours trouvé chez lui & chez les personnes placées fous ses ordres une obligeance parfaite, & je lui en exprime ici ma très-vive reconnoilrance. Si on avoit montré aux personnes qui l'ont attaqué certain volume de la correspondance de Saint-Simon en Espagne, dont la moitié a été arrachée (il y a plusieurs années, je me hâte de le dire) , ils auroient compris qu'on usàt de réserve, même envers les personnes les plus incapables de pareils méfaits.


pots où j'ai travaillé. D'abord un peu de froideur, assez justifiée par l'embarras & l'ennui que donne un étranger survenant dans un intérieur administratif, puis, ensuite, un intérêt & une bienveillance croissant à mesure que se manifeste chez le chercheur un véritable désir de trouver, tempéré par la patience & la modération. Là un horizon nouveau s'ouvrit à moi; mais par un motif facile à comprendre, si j'appris beaucoup de choses sur la vie d'Hoym en Allemagne, j'en trouvai bien peu sur sa vie en France, & c'étoit là ce qui intérefloit le plus un amateur françois.

Par des circonstances qu'il feroit trop long de raconter, un gentilhomme saxon, fort instruit & s'étant, lui aussi, occupé d'Hoym, apprit en 1868 qu'il y avoit en France quelqu'un faisant les mêmes recherches. Une annonce inférée par ses foins dans les journaux nous mit en rapport, & le 18 août 1868, après quelques lettres échangées, M. CHARLES SAHRER DE SAHR arrivoit chez moi en Normandie, m'apportant comme cadeau de bienvenue une très-belle photographie coloriée du portrait d'Hoym par Rigaud.

L'année suivante, je me rendois en Saxe, & j'étois reçu à Dresde au mois de juin 1869 par mon nouvel & excellent ami. Nous visitions ensemble Lichtewalde, Skaska, Konigftein, Moritzbourg, tous ces lieux pleins des souvenirs d'Hoym. M. de Sahr me présenta en outre à l'aimable & savant M. de Weber(i), direéteur des Archives de Dresde, & toute la correspondance d'Hoym avec sa cour me fut communiquée. Je fis des extraits de quelques pièces, j'en marquai d'autres pour être co-

(1) Décédé depuis.


piées in extenso, & ces pièces, comme le leéteur pourra en juger, ne font pas les élémens les moins intéressans de la vie d'Hoym.

Peu de temps après mon retour, le 27 août 1869, M. de Sahr me faisoit savoir que M. le comte Albert de Vitzthum avoit bien voulu faire des recherches attentives dans ses archives de Lichtewalde & qu'il y avoit trouvé quantité de pièces intéressantes pour le séjour d'Hoym à Paris. Il me donnoit sur ces pièces (1) des détails qui m'enchantoient.

M. de Sahr avoit conçu le désir que notre travail sur Hoym fût publié par la Société des Bibliophiles françois.

Aucune nation, on peut bien le dire, n'a fourni un aussi grand nombre d'amateurs distingués que la nôtre. C'est en France que la bibliothèque d'Hoym a été formée, c'est en France qu'elle s'est dispersée. Rien n'étoit donc plus naturel que la publication d'une vie du grand amateur par une société éminente dont les plus grands bibliophiles ayant existé depuis soixante ans ont fait partie.

M. de Sahr s'étant présenté aux suffrages de la Société, fut admis le 12 janvier 1870. Il fut alors convenu que la Société publieroit notre travail. M. de Sahr se chargea d'écrire la vie d'Hoym en Allemagne, son procès & sa mort, & me laissa le foin de raconter la vie d'Hoym à Paris. Je lui remis les notes assez volumineuses que

(i) Bien antérieurement mon collègue bibliophile & ami, Grangier de la Marinière, m'avoit cédé, je pourrois dire donné, un certain nombre de lettres bien curieuses adressées par Hoym à M. de Brais & à Milfonneau, & d'autres pièces intéressantes provenant aussi de ce dernier. Il les avoit acquises à la vente de M. Villenave, qui avoit réuni une si précieuse collection historique.


j'avois recueillies sur les correspondances de Saxe & de Pologne aux affaires étrangères, ainsi Jque les extraits de la correspondance de Schaub, que mon ami M. Robert S. Turner avoit bien voulu faire copier pour moi au Foreign Office, à Londres. M. de Sahr devoit me communiquer les documens de Lichtewalde après que M. de Vitzthum l'auroit autorisé à le faire.

Mais la guerre éclata, & quoique j'aie toujours pu correspondre avec M. de Sahr par l'Angleterre, puisque j'habitois à cette lamentable époque ma propriété près de Honfleur, le travail fut interrompu. Il ne pouvoit plus être question d'envoi de pièces d'Allemagne en France.

Bon & généreux comme il étoit, mon excellent & noble ami trouva l'occasion de secourir des prisonniers françois & il ne la laissa pas échapper. A la paix, il revint me voir à Paris. M. le comte Albert de Vitzthum avoit péri pendant la guerre (i). La Commune étoit survenue. Nos travaux ne reprirent que plus tard.

M. de Vitzthum, frère du comte Albert, avoit hérité de Lichtewalde, de ses archives & aussi de l'obligeance de son frère aîné. Il maintint les communications que le comte Albert avoit faites à M. de Sahr & lui en fit même, je crois, de nouvelles. J'en ai profité pour mon travail, & je lui en fais ici tous mes remercîmens.

Il est difficile de travailler ensemble sur un même sujet quand l'un des auteurs habite la Saxe & l'autre la France. Le travail marchoit donc lentement. Hélas!

nous ne devions pas terminer ensemble cet ouvrage

CI) A Étrcpagny, où un détachement saxon fut surpris par des mobiles normands.


entrepris avec tant de plaisir & pour lequel, grâce à MM. de Vitzthum, nous avions trouvé des documens d'une quantité & d'une importance inespérées !

Dans la nuit du 14 au 15 août 1874, une attaque d'apoplexie, ou plutôt de goutte remontée, enlevoit mon excellent ami à l'âge de cinquante-deux ans !

M. de Sahr, d'un extérieur agréable & qui prévenoit d'abord en sa faveur, étoit un homme du monde plein de cœur (i), des meilleures manières & du plus aimable caraétère. Fort instruit de l'histoire de son pays & de celle du nôtre, sa conversation allioit à la solidité de son inftruétion les faillies d'un esprit fin & vif & une gaieté charmante. Plus on le connaissait, plus on s'atta-

choit à lui. J'en parle, hélas! en connoissance de cause.

Un des fils de son frère, M. Léon de Sahr, voulut bien conjurer les effets désastreux que cette mort si regrettable & si regrettée auroit pu avoir pour l'histoire d'Hoym. Il m'envoya le travail commencé par son oncle & les pièces que MM. de Vitzthum lui avoient communiquées.

M. de Sahr avoit commencé le récit de la première jeunesse d'Hoym, puis il avoit écrit (presque entièrement en allemand) une histoire très-circonstanciée de la disgrâce & des emprisonnemens d'Hoym, & surtout de sa fin. Mme de Sahr, sa belle-fœur, née baronne de Koenneritz, mère de MM. Georges & Léon de Sahr, a bien voulu traduire pour moi les passages les plus importans du travail de son beau-frère. C'est surtout à

(1) n Malheureux! disoit-il à un domestique qui le voloit. Vois dans quelle position tu me places! Je ne puis même pas te renvoyer! car si tu fortois de chez moi je ne pourrois pas, en conscience, te donner de certificat, & personne ne te prenant, tu mourrois de faim ! >1


l'aide de ce travail & des documens originaux des Archives de Lichtewalde que j'ai pu rédiger la vie d'Hoym. ,

Si ce volume a quelque succès, que l'honneur en revienne donc surtout à la mémoire de mon ami.

Grâce aux documens que nous devons à son initiative nous connoissons parfaitement Hoym, non-seulement comme amateur de livres (i), mais encore comme amateur de tableaux, de porcelaines & de bronzes; nous entrons aussi dans sa vie d'homme du monde très-apprécié de cette charmante société de la Régence qui s'étoit fait un art à son image, & quel art! Peu d'amateurs auront été aussi connus & paroîtront plus dignes de l'être.

Le lesteur fera peut-être choqué de quelques lettres ou passages un peu lestes qui se trouvent dans cet ou vrage, mais nous sommes tous des curieux, c'est-à-dire des gens avides de voir, de connoître, de savoir : cherchant les détails, car l'Histoire est comme la Nature, maximè miranda in minimis. C'est à mon inftincl de curieux que j'ai obéi en laissant subsister ces gaietés. Comme j'ai écrit aussi pour les curieux, j'espère leur indulgence (2).

Il m'a toujours semblé qu'il étoit difficile de bien connoître un homme sans connoître un peu son entourage.

Aussi ai-je parlé longuement dans un appendice placé à

(1) Il est bien regrettable qu'on n'ait pas retrouvé le catalogue, probablement détaillé, de la Bibliothèque d'Hoym, qu'en avoit dressé Gabriel Martin. A-t-il péri ?

(2) J'espère encore que les lettres & têtes de pages de ce volume, prises par ordre de la Société des Bibliophiles dans des gravures du dixhuitième siècle, c'est-à-dire de ce siècle qui, après le seizième, a le mieux compris l'ornementation des livres, auront l'approbation des leéteurs.

D'autres planches relatives à la Bibliothèque d'Hoym présen.teront un intérêt d'un autre genre, mais non moindre.


la fin du premier volume du chevalier Schaub & de la présidente Ferrand. Le premier a été intimement lié avec Hoym, & on ne s'explique pas la rupture évidente de leurs relations. Quant à la présidente Ferrand, elle a été une des femmes les plus spirituelles du dix-huitième siècle, de ce siècle qui fut le triomphe de refprit. C'étoit, je crois, rendre service à l'histoire littéraire & romanesque de cette époque que de dire quelques mots exaéts sur sa vie & de donner celles de ses lettres qui ont paffé fous mes yeux.

Je devrois peut-être m'excuser d'avoir été si long à terminer cet ouvrage. Mais tous ceux qui me connoissent savent quelles cruelles épreuves Dieu m'a infligées, & je pourrois dire, comme la présidente Ferrand (i), que « je fuis presque honteux de vivre «. Au reste, si le livre intéresse le public pour lequel il a été écrit, il auroit toujours paru trop tard. Dans le cas contraire, il aura toujours paru trop tôt.

Paris, le 15 août 1880.

Le Baron JÉRÔME PICHON.

CI) Page 227 de ce volume.


TABLE ALPHABÉTIQUE

DES

NOMS D'HOMMES, DE LIEUX ET DE CHOSES CITÉS DANS LA VIE D'HOYM (1)

A

Abreuvoir, (T) II, 66.

Académie des sciences, II, 159.

ACHUNA (d'), I, 151.

Acis & Galatée, II, 60.

ADOLPHUS MAGNUS (comte d'Hoym), II, 353.

Adonis (Mort d') , (T) II, 62.

Adoration des mages, (T) II, 158.

AGUESSEAU (Chancelier d'), I, 46; II, 281, 282.

Aigle-Blanc (Ordre de F), II, 164, 168.

Aiguière, II, 122.

Alambic, II, 124.

ALBANE : Jeux d'enfans, II, 57; — Toilette de Vénus, II, 57, 83 ; - la Samaritaine, II, 57, 87; — Sainte Catherine, II, 57, 86; — (gravures d'après F), II, 160); — (copies de F), II, 76.

ALBERONI, I, 214.

ALBRET (Duchesse d') , II, 243.

ALBRET (Mlle dt), I 12; II, 224.

Alençon (Point d'), II, 139.

Alexandre entrant dans la tente de Darius, II, 74.

ALLEURS (Comte des), II, 355.

AMELOT, I, 141, 147; II, 78.

Amour (1') tenant un are (T), II, 83.

AMPHITRITE, II, 114.

ANDREZEL. (Voy. BASSOMPIERRE [Thérèfe de] & PICON.) Andrefel II, 2I9 224.

ANNE, comtesse Orfelska. (Voy.

HOLSTEIN [Princeffe de].) Angleterre (Bureau d') , II, 32; (cristal d1) , II, 118; — (cuir doré d'), II, 26 ; — (dentelles d'), II, 140; — (drap rayé d'), II, 146;—(flanelle d'), II, 147; — (gants d'), II, 151 ; — (point d'), II, 10; — (ratine d') , IL 12; — (foie d'), II, 151; — (taffetas d') , 11, 148; -(verres d'), II, 119.

Angloises (Dames) , (T) II, 78.

ANGUIER, II, 114.

1. Cette table est de M. Rouzé fils.


ANSON (Lord), I, 236.

Antal, mesure de liquide, I, 34 ; II, 322* ANTIN (DUC d'), II, 61.

ANTINOUS, II, 113, 114.

ANTONINI (Abbé), I, 197.

ARGENLIEU (d'), I, 186; II, 5.

ARGENSON (d'), I, 150.

ARLAND, II, 221, 329.

ARMENONVILLE (d'), II, 281, 282.

Armoire en coin, II, 33; — pour le linge, II, 33; — bois de chêne, II, 34; — pour les habits, II, 34; — garde-meuble, II, 37;—pour le gros linge, 11,57.

Armoires (Bas d') , II, 38.

ARNIM (Georges-Christophe d'), II, 353; — (Charles-Sigismond d') , II, 358.

AROUET (Voltaire), II, 244.

ARRANGER (Abbé), II, 102.

ASHBURNHAM, I, 236.

Assiettes d'étain fin, II, 46; — d'étain commun, II, 47 ; — d'argent rondes, II, 120; — contournées, II, 121.

ASTRUC, I, 31, 144 & passim; II, 245, 34I.

Ateliers plians (fer), II, 46.

AUDRAN, I, 183; II, 160, 162.

AUGUSTE Deutsch, domestique, I, 122; II, 337.

AUGUSTE II, le Fort, I, 2 & passim; II, 149 & passim.

AUGUSTE III, I, 2, & passim.

Aune d'Allemagne, II, 137 ; —de Brabant, II, 14°; - de Paris, II, 153; — de Saxe, II, 153.

AVERNE (Mme d') , I, 38; II, 261, 262.

Avoine, II, 201.

B

Bacchus (Éducation de), II, 58.

BADE (Prince de), II, 266.

Bagues, II, 170.

BAÏF (Ant. de) , II, 211.

Baigneuses, (T) II, 75, 81.

BAILLY, I, 163.

Balances, II, 47.

BALUZE, I, 158, 174.

BAMBOCHE, II, 326; - Belle foire, 11,169.

Banquette, II, 33.

Baptême de N.-S., Il, 72.

BAR (de), II, 242, 244.

BARBIN (François) , II, 319.

BARTHOLOMÉ : Paysage, II, 67.

Bas, II, I42 151.

Basin des Indes, II, 147.

BASSAN : Bœufs, II, 58 ; - l'Enfant perdu, II, 71, 85.

Bassin, II, 122; - à barbe, II, 125.

Bassinoire, II, 47.

BASSOMPIERRE (Fr.-Ch., marquis de) , I, 14; - (Fr.-Thérère de), dame d'Andrezel, I, 14; — (Marquise de), I, 14.

Batailles d'Alexandre, II, 160, 162.

Batailles de Constantin, II, 162.

BAU. (Voy. Bos [Abbé du].) BAZINIÈRE (Bertrand de la). (Voy.

NANCRÉ (Marquise de).

BEAUBOUR, II, 238, 240.

BEAUDOUIN (le père) , I, 121.

BEAUME (Mme de), I, 12; II, 244.

BECAILLE, II, 6.

BEHR (Mme de), I, 4, 5, 7 ; II, 22.

BEHREN. (Voy. BEHR.) BEICHLINGEN (Charlotte-Sophie de) , II 357.

BELESTRE, I, 154.

BELISLE (Comte de), I, 240 ; II, 264.

BELLINZANI (Anne). (Voy. FERRAND).

BEMBO, I, 175.

BEQUEREL, II, 345.

BERAIN, I, 183.

Bergame, II, 9.

BÉRIN (Mlle de), II, 161.

BÉRIN (Œuvre de) , II, 161.


BERINGHEN (de), I, 185 ; II, 62, 64, 65, 67.

Berlin, I, 4, 5.

Berline, II, 133, 135; — (demi-), II 135.

BERNARD (S.-J., comte de Coubert) , I, 246.

BERNARD (Samuel) , I, 112.

BERRY (Duchesse de), I, 214, 217; II, 243.

BEZENVAL (Mme de), I, 254.

BIBERON de Cormery, II, 55, 66.

Bible de Mayence (1462), I, 157.

Bible polyglotte, I, 154.

Bibliothèque, I, 148, 155; II, 34, 38.

Bidets, II, 36.

Biens & effets d'Hoym, II, 174.

Biens-fonds d'Hoym, II, 174.

BINEAU (de). Voy. BUNAU (de).

BLANC (Le), II, 252, 261, 262.

BLÉGNY (C.-G. de), I, 212.

BLINIÈRE(de la), I, 50; II, 263,264.

BLOCK, I, 122.

BLŒMART, II, 159, 160.

BLOND (Le), II, III, 112.

BOCK (Wilhelmine-Frederica de) , II 355.

Bohême (Cristal de) , II, 118.

Bois doré sculpté, II, 29 & passim ; — des Indes, II 35; — de rapport, II, 33 ; — de noyer, II, 33 ; — de chêne, II, 34; — de fapin, II, 34; — de bibliothèque, II, 34; - de violette, II, 35 ; - de gaïac, II, 47, 48.

Bois & charbon, II, 200.

BOIS-JOURDAIN (Mélanges de) , II, 276.

Boîte plate de laque noir, II, 110.

— en long, laque rouge, II, 110.

— de laque rouge, II, 110.

1 pour la canelle, II, 48.

BONNEMET, I, 179.

Bonnets, II, 143.

BONNIER DE LA MOSSON, I, 192; II,

Bordures de tableaux, II, 72.

Bos (Abbé du), I, 218.

BOTHMAR (de), 1, 6, 78; II, 214, 354.

BOTHMAR (ComteiTe de), I, 133, 142; II, 354.

BOUCHU (de Lelfart) , II, 247.

Boucle de diamans, II, 167.

BOUILLON (Duc de) , I, 196; II, 266.

BOUILLON (Mme de) , II, 98.

BOUKOM (Ursule-Catherinc de), II, 355.

BOULE, I, 193; II, 38, 39, 40.

BOULOGNE. (Voy. VÉRONÈSE.) BOULOGNE : Jeux d'enfans, II, 75, 83; — (d'après) , Zéphyre & Flore, II, 76; — (d'après) , Galatée, II, 82, 84.

BOUQUOY (Abbé de), II, 213.

Bourbon-r Archalllbau¡t I, 64.

BOURBON (Duc de) , I, 16, 58; II, 270, 283.

BOURBON (Cardinal de) , I, 174.

Bourdon (fer) , II, 46.

BOURLEMONT (Abbé de) , II, 62.

Boute-en-train, II, 208.

Bouteilles à 8 pans, II, 90 ; — à 4 pans, II, 91; — à broderie à dentelles, II, 98; — à broderie avec bonnets, 11,99; — à compartimens, II, 104; — à broderies, II, 105 ; — porcelaine blanche & bleue, II, 106; — porcelaine bleue, II, 106.

BOYET, I, 153,154, 163, 170,178.

Brabant (Aune de), II, 140.

BRAIS (de), I, 69, II5 194; II, 13, 20, 31, 38, 80, 81, 106.

Braisier, II, 45.

BRAND (M.), I, 236.

BRANLARD, II, 92, 103.

Bras de cheminée, II, 41, 42.

BREDA (Van), II, 78.

BRENTLEY, I, 158.

BRETEUIL (de), I, 34, 208 & passim.

BRETON (H.), I, 235.

15.

C 2


BRETTINGHAM, I, 236.

BREUGLE. (Voy. BRUGLE.) Bréviaire des Frères mineurs, I, 158, 169.

BRICE, II, 6.

BRILL, I, 85, 88; II, 63. (Voyez BRUHL. )

Brillans, II, 167.

BRINON DE CALIGNY, I, 170.

BROCARD (Mlle), II, 4, 10, 15, 28, 95, 97, 105, 106, 166.

BROCHARD (Michel), I, 154.

BROCKDORFF (Anne-Constance de), I, 75; II, 354.

Bronzes, II, III & passim Bronze doré à la feuille, 11,41.

BROSSE (de), I, 32, 15°BROSSE (delà), II, 227.

BROSSES (des) , I, 141.

BRUGLE (de Velours) : Une rivière, II, 67; — Une marine, II, 67; — Un paysage, II, 69; - Grand chemin, II, 70.

BRUHL, I, 83, 89, 123; 11, 304.

(Voy. BRILL.) BRUHL (Marie-Anne-Cliriftine de), II, 358.

Bruxelles, II, 7.

BUCKINGHAM (Portrait du duc de), II, 64.

BUCZINSKY, I, 62.

Buffet, II, 33.

BUISSON (M. de Ligonier du) , I, 235* Bulles de savon (les) , II, 70.

BUNAU (de), 1,88; II, 305 356 357.

Bureau à 3 tiroirs, II, 30; — à 2 tiroirs, II, 30 ; — d'Angleterre à 2 battans, II, 32; — bois de noyer, II, 32; — de Boule, II, 39 ; — d'écaillé & marqueterie, II, 39c

Cabaret garni de laque noir, II, 93;— de laque rouge, II, 93;

— rond, de vieux laque, II, 94.

Cabinet de laque noir, II, 109.

Cafetière, II, 47, 124.

Caille (argent comptant) , II, 174.

Caisses, II, 126.

Calèche dorée, II, 133.

Callemande, II, 4, 9.

CALLEY (Mlle), I, 187; II, 40, 119.

CALLIÈRES (de), I, 183; II, 74, 77.

Callot, II, 160.

Cambray (Archevêque de). (Voy.

DUBOIS. )

Camelot de foie, II, 146.

Camisoles, II, 142.

CAMPBELL, 236.

CAMUS DES TOUCHES, I, 64, 189; II, 22, 76, 280.

Canapés, II, 15 & passim.

Canne, II, 152, 170.

Canne, garniture de fauteuil, II, 19.

CANON. (Voy. CAMUS.) Cantines, II, 122.

Capucine (Fauteuil à la), II, 21.

CARBOGNANO (Princesse), II, 320.

Cardinale (la), source de Forges, II, 263.

CARIGNAN (Prince de), I, 190; II, 60, 247.

CARNOT, 1,21 I.

CARPÈGNE (Princesse de), I, 217.

CARRACHE (Annibal), I, 185; II, 325; — Femme, enfant & Satyre, II, 56; — Bain de Diane, II, 5 7, 85 — Vierge aux Anges, II, 160; - (d'après) , NotreSeigneur & la Chananéenne, II, 79, 84.

CARRACHE (Louis) , II, 29, 57.

Casseroles, II, 127; — à queue, II, 45; - ronde, II, 45.

Cassolettes. (Voy. Feux.) CATHERINE (Sainte), de l'Albane, If, 57.


CATHERINE (Martyre de fainte) , par Pietro di Cortone, II, 58.

CATULLE d'Alde, I, 165, 170.

CAUMONT (Mme de) , I, 11, 147; H, 227, 236, 237.

Caux (Damas de) , II, 13.

Cave, II, 166, 184, 186. (Voy.

GAUTIER. )

CAYLUS. (Voy. QUÉLUS.) CAZE : Leda, II, 82, 84; — Zéphyre & Flore, II, 82, 84.

Cent Nouvelles de 1574, I, 158.

cérès, II, 81.

Chaises de commodité, II, 36; — de bois doré, II, 53 ; —de poftc, 133,11.

CHALMAZEL (Marquis de), II, 122.

CHAMBERY, I, 122; II, 337, 342.

CHAMILLART (Mme de) , I, 149.

CHAMPIA, notaire, II, 331.

Chandeliers, II, 47, 123.

CHANGUION, I, 177.

Chantilly, 1, 105; II, 319.

Chapeaux, bonnets, &c., II, 150.

CHAPELLE (de la), II, 38.

Chariot, II, 135.

CHAROST, II, 264.

CHARPENTIER, I, 172; II, 164,166.

Chasses, II, 81.

Chàssîs pour fenêtres, II, 37.

CHATILLON (P.-S. de MontmorencyLuxembourg, duc de) , II, 247.

Chaudrons (cuivre jaune), II, 45.

Chauffage & lumière, II, 186.

Chauffons, II, 143.

CHAUVELIN (de), 1, 37,64, 72, 73, 205 ; II, 284.

CHAVIGNY (de), I, 100.

Cheminée. (Voy. Garniture & Feu de.) Chemises, II, 14I 142.

Chenets à crans, II, 46.

Cheval dévoré par des loups, (T) II, 81.

Cheval échappé, II, 81.

Chevaux & équipages, II, 131 & pafllm.

Chevaux, II, 131, 132, 186, 201.

Chevrettes (fer), II, 46, 48.

Chien (Niche à), II, 34.

Chine. (Voy. Porcelaine & Laque.) — (Laques de la), II, 109 & passim.

CHLADAI, I, 94, 100.

Chocolatière, II, 124.

CHRISTIAN, I, 115 & passim i o, 327, 347 & passim. (Voy. plus spécialement l'inventaire.) CICÉRON (Épîtres) , I, 158.

CLAUDE. (Voy. LORRAIN.) CLÉMENT, I, 67.

CLERMONT (Mlle de), II, 275.

CLÈVES II, 167.

Cloche à cuire pommes, II, 48.

— de verre, II, 48.

CLYTIE, II, 114.

COBHAM (Lord), 1,241.

Coffre-fort, II, 35; — à vaisselle, 11,36;—carré de laque, II, 109.

COGNY. (Voy. TITON.) Coins de marqueterie, II, 38.

- — de Boule, II, 39.

COLBERT, I, 154, I74.

— (Bibliothèque de), II, 156.

COLIGNY (Mme de), I, 31, 58, 244, 246; II, 264.

COLINES (Simon de), I, 169.

COLOMBEL (Le) : Madeleine, II, 75, 85; - Saint Jean, II, 75, 85.

COLOMNA (Guy de) , I, 175.

Cols de mousseline, II, 142.

Commode à 3 tiroirs, II, 33; — 2 grands & petits tiroirs, II, 33; — à bois de noyer, II, 33.

Commodité. (Voy. Fauteuils de.) Compotiers à dragons, II, 92; — cannelés, II, 92; — contournés, II, 92; — II, 93, 121 ; - à 12 pans, II, 93.

Condé (Hôtel de), II, 54, 57CONDÉ (Prince de), II, 54.

Conquête de la Franche-Comté, II, 163.


Consoles sculptées & dorées, II, 37.

CONSTANTIN (Princene) (Czartoryska) II 254.

Conflantinople, II, 26, 51, 52.

CONTI (Princefre de) , I, 46, 62, 214, 217.

CONTI (Prince & Princesse de) , II, 274, 276.

Conversation (la), de Rubens, (T) II, 61.

COOPER (Lord), I, 236.

Copies d'après l'Albane, II, 76.

Coquemar, II, 45.

CORMERY (BIBERON de) , II, 55.

Cornets blancs à feuillages en relief, II, 89; — à branchages, II, 103; — à panse, II, 103; — à modèles, II, 103 ; — à bocages & oiseaux, II, 106; - à dentelles, II, 106.

CORRÈGE (le), I, 236; - (d'après le): Io, II, 76, 81, 84, 161; (d'après le) : Danaé, II, 76, 81, 84, 161 ; — (d'après le) : Cupidon, II, 77; — (d'après le): Leda, II, 161.

CORTONE (Pietro de) , II, 29.

— Martyre de fainte Catherine, II, 58, 88.

CosEL(Mme de) , I, 32; II, 213.

Coton brodé aux Indes, II, 49.

COUDRAY (Mme veuve) , II, 329.

COURTANVAUX (de), II, 266.

Courtepointe, II, 26.

Couteaux de table, II, 124.

COUTINHO (Azevedo) , I, 151 ; II, 7.

COUVAY (Pierre-Nolasque), I, 151.

Couvercles (fer-blanc) , II, 46.

Couverts de vermeil doré, II, 125.

— de voyage, II, 126.

Couvertures de toilette, II, 51.

COUVET, II, 71.

COYPEL : Femme, II, 81, 84.

— Baigneuse, II, 81, 84.

CRAFFORT, II, 95.

CRAON (Mme de) , I, 6, 14 ; 11,223.

Crasseuse (la), (T) II, 80.

Cravates, II, 140.

— de mouueline, II, 142.

Cristal de roche, II, 117.

Cristaux & glaces, II, 117; - fins, II, 117; — communs & verres, II 118; - divers II, 118.

CRUCHET, I, 172.

Cuillers à café, II, 125; - à confitures, II, 47; — à dégraisser, II, 45; — demi-potagère, II, 126; — à olives, II, 124; — à pot, 11,45; - à potage, II, 124, 125; — à ragoût, II, 124, 126.

Cuir doré d'Angleterre, II, 26.

Cuivre argenté, II, 44.

— rouge, II, 45, 47.

— jaune, II, 45, 47.

Cupidon, II, 77.

Cuvettes (fer-blanc) , II, 48.

Cuvettes de bronze, II, 113.

CZARTORYSKA (Princesse), II, 254.

D

DACIER (Mme), I, 220 & suivantes.

Dais, II, 22.

Damas de Gênes, II, 1, 2, 11.

— des Indes, II, 148.

Danaë, II, 76.

DANNEVILLE, I, 119; II, 327.

DANOIS (le), II, 60.

Dauphin (Cabinet de M. le) , 1,188, II, 98, 100.

DEBURE, I, 153.

DEFFAND (Mme du) , II, 261.

DELAUNAY, I, 184.

DELLING, II, 259 260.

DÉMAR (la), II, 238, 240.

DENHOFF (Mme de), I, 32.

Dentelle d'Angleterre, II, 140; de Malines, II, 140; — de Valenciennes, II, 140.

Dépenses d'Hoym, II, 178, 179; — diverses, II, 88; — de bouche, II, 182.

DEROME (J.-A.), I, 169.


Descente de croix, II, 157.

DESHAYES, II, 115.

DESJARDINS, I, 183; II, 114, 115.

DESMARAIS (Mlle), II, 330.

DESMARES. (Voy. DÉMAR.) Dessins, II, 163.

DESTOUCHES-CANON. (Voy. CAMUS.) Dettes aétives d'Hoym, II, 174; — passives d'Hoym, II, 174.

DEUTSCH, II, 337, 342. (Voy.

AUGUSTE.) Diamans, II, 166, 167, 170; du duc de Bouillon, I, 196.

Diamant du cardinal Mazarin, (T) H, 55.

Diane (Bains de) , II, 5, 57.

Dictionnaire d'Henri Estienne, I,

154.

DIEU (Antoine) , II, 238.

DIODORE DE SICILE de 1585,1,173DOHNA (Amélie-Catherine de), II, 154, 354.

DOMAGEON, II, I33 I34 135.

DORAT (Président), II. 98.

DORMOIS (Mme). (Voy. ORMOY.) Dorure de Juif. (Voy. Bronze doré à la feuille.) Dou (Gérard). (Voy. Dow.) Dow (Gérard), I, 188, 191; — la Liseuse, II, 65; — Vieillards, II, 65, 88; — Philémon & Baucis, II, 68, 88; — (d'après), II, 77.

Draps, II, 137.

Dresde, I, 5; II, 59, 253, 320.

— (Archives de), I, XI; II, 270 & paffii-n.

DROYSIG (Louis Gebhard), II, 354, 357; -(Jules Gebliard),11, 358; —(Charlotte-Henriette), II, 358; — (Chrétienne - Caroline) , II, 358; — (Gotthelf-Adolphe), II, 358; -(Héltne-Rénée) 1I, 358; -(Amélie-Louise-Marie-An ne), 11, 358; — (Louise-Henriette), 11, 358.

Du BARRY (Mme), 1, 173.

DUBOIS (Cardinal), 1, 30 34 51, 185; II, 89.

DUBOIS (Inventaire du cardinal), II, 90.

DUBOIS (les frères) , II, 319' DUCHESNE (André), I, 150.

Du FAY. (Voy. FAY.) DUPORT (Mme), I, 10.

DUPUIS, II, 111.

DUPUYS, II, 115.

DUSEUIL, I, 162-167.

Du TILLFT (Chroniques de), 1, 15 8.

DYCK (Van). (Voy. VANDYCK.)

E

Écrans, II, 27 & Paffim- Écritoire de laque rouge, II, 110.

Écuelles (étain commun) , II, 47.

— porcelaine, à relief, II, 97.

(Voy. vaisselle.) Écumoir, II, 45, 46, 47.

EDELINK, II, 157, 158, 159.

Eime (mesure) , I, 34.

ÉLYOT (Portrait de Mme) , II, 159.

EMBRY (Mme), II, 329.

Encoignures, II, 32.

Enfans, (T) II, 50, 57, 64.

Enfant perdu [prodigue] (F), II, 71.

Engageantes, II, 209.

Enlèvement de Proserpine, il, 111.

Entrée d'Alexandre à Babylone, II, 160.

Entretien de meubles, &c., II, 178.

Épées & cannes, II, 152.

Épiceries, II, 197.

ÉPINOY (Princesse d'), I, 41.

Équipages, II, 1 33 202.

ERMANDORF (Jean-Frédéric d'), II, 357.

ERPACH (Comtesse d'), II, 333 354.

ERPACH REICHEMBERG ( G. - G.

comte d') , II, 354.

Estampes, II, 157.

Estampes des tableaux du Roy, II, 162.


ESTIENtiF, (H.), 1, 154.

ESTRÉES (Maréchal d'), 1, 149.

Étain fin, II, 46.

— commun, II, 47.

Éteignoir, II, 123.

Étoffes en pièces, galous, &c., II, 49, 153.

Étoffes de Turquie, II, 50.

Étuis à couverts, II, 124.

EUGÈNE (Prince) , I, 76, 77, 78, 97, 193, 229; 11,240.

ÉZÉCHIEL (Vision d'),(T)II, 79, 84.

F

FALCONNETI 149, FALENS (Van), I, 195; II, 81, 83.

FALENTZ. (Voy. FALENS.) Falots de cristal, II, 48.

Famille de Darius, II, 157.

FARRE (de la), II, 221.

Faune antique, II, 113.

Fauteuils, II, 2 & passim; — de commodité, II, 3, 4; — de ta-

pisserie, fruits des Indes, II, 16; — allongés, II, 16, 17; — à pavots, II, 17; — de commodité allongé, II, 18; — fauteuils de commodité à joues, II, 18, 19; — en confessionnal, II, 19; — de canne, II, 20; — à la Verrue, I, 167; II, 21, 22; — bois doré, II, 53.

FAY (du), I, 34, 149, 151, 152, 153,158, 159.

FAYE (de la), I, 197; II, 38, 39, 56, 60, 62, 71, 79, 92, 112, 113-

Femme avec manchon, (T) II, 81.

— enfant & satyre, II, 56.

- jouant de la guitare, II, 69.

Femme qui se peigne, II, 74.

Femmes (Habillemens des), II, 207.

Fer, II, 46, 43.

Fer-blanc, II, 46, 47.

— bronzé, II, 42.

— poli, II, 44.

FÉRIOL (Mme de), 1,12, 190,232; II, 26, 229.

FERRAND (Président), I, 15 & 208.

FERRAND (Présidente), I, i5,2o8& passim.

FERRAND (Antoine), I, 209.

— (Anne-Élisabeth), I, 209.

— (Marie-Louise) , I, 209.

FERRIOL (Mme de).(Voy. FÉRIOL.) Feu de cheminée (chenets, &c.) corn plet, II 43; — à cassolettes, II, 44; — à pommes argentées, Il, 44.

Figures de bronze : Nymphe à la colombe, II, 112; —Gladiateur mourant, II, 112; - Apollon antique, II, 112; — Faune & enfant, II, 112; - Vénus deMédicis, II, 112; — Antinous, II, 112, 113, 114; — Gladiateur, II, 112; - Faune II, Il 3; le Nil, II, 114; - la Clytie, II, 114; — Amphitrite, II, 114; — Pluton, II, 114; — Mars, II, 114.

Flacon, II, 166, 171.

FLAMAND (François), II, m.

Flamands (Peintres), II, 64.

Flambeaux de bronze doré, II, 42.

- - - girandoles, II, 42.

Flambeaux godronnés, girandoles, II, 123.

Flandre, II, 6, 60.

Flanelle d'Angleterre, II, 147.

FLEMING (de), I, 27, 204; II, 248, 261,265, 298, 300, 355; - son portrait, II, 78. (Voy. WIESNOWIESKA.) FLEURIAU, I, 64.

Fleurs, (T) II, 68.

FLEURY (Cardinal de), I, 71, 140, 233; II, 282, 284, 285, 286, 288,347.


FLEURY (de Wftardel, marquis de), 1, 78; II, 297, 298, 304.

Flore, II, 80, 81.

Foin pour les chevaux (consommation du) , II, 202.

Foire, (T) II, 69.

FOLLENE (de la), I, 217.

FONCINE, II, 113.

Fonds à vie, II, 174.

FONSÉCA (de), II, 51.

FONSPERTUIS (de), II, 80.

Fontaine sablée, II, 45, 47.

— buffet, II, 47.

FONTAINE (Mme de), II, 244.

Fonte, II, 44.

FONTENAY (Baron de), II, 253.

FONTENELLE, I, 12, 31; II, 240, 244, 245, 264; - sa vie de Corneille, II, 158.

Forces de fer, II, 44.

FOREST (de la). (Voy. Pierre TITON.) Forges, I, 50; II, 263.

Fortune (la), (T), II, 55.

FOUQUET, II, 329.

FOUQUIÈRES : Paysage, II, 74.

Fourneaux de fonte, II, 46, 48.

— de fer, II, 48.

FOURNIER, I, 190; II, 60.

FRANCESQUE, le jeune : Paysages, II 75.

FRANCEY (Jean) , I, 116, 119.

FRANCISQUE, II, 345.

François (Peintres) , II, 54.

FRANÇOIS I", I, 174.

FRANÇOSE (Nicolas), II, 254.

Fréjus (Évêque de), II, 264, 266, 270. (Voy. FLEURY.) FRENAYE (la), II, 165.

KRIESE (Comte de) , 1, 123; 11,258, 354.

FRIESE (Comtesse de) , II, 333.

Friquet de cuivre jaune, II, 46.

Fruits II, 68.

FUCHS (Comtesse de) I 67 205.

Fuite en Égypte, II, 60, 358.

Fl'LMAN, II, 260.

Futaine peinte, II, 9.

G Gaïac. (Voy. Bois.) Gaînes, II, 38.

Galatée, II, 82.

GALLAND (Ant.) , I, 158.

Galon de livrée, II, 52.

Garde-robe (État de la), II, 145.

GARGE D'ORMOY (Mlle de). (Voy.

ORMOY.) Garniture de cheminée, II, 99,104.

— de dentelles, II, 139,140.

— de franges, II, 134.

GASPRE (Le) : Paysage, II, 63.

GAUDRON (Antoine & Pierre), 1I, 40.

Gaufrier en fer, II, 48.

GAUTIER (Baron de) , I, 62, 78; II, 277, 279. (Vins.) GELÉE (Claude), dit le Lorrain : Paysage, II, 59; — Marine, II, 59, 6I 68.

Gênes. (Voy. Damas & Velours de.) Genève, I, 10; II, 215.

GEORGES II, I, 7, 76, 233.

GEORGION (D'après le) : Pastorale,

II, 76.

GÉRARD, marchand, II, 169.

GERMAIN, 1,194; II, 120,121,170.

GERNSTORFF(Baron de),1,123,127.

GESVRES (M. de), II, 222.

GILBERT (Président), II, 65.

Girandoles, II, 123.

— de cristal de roche, II, 117.

GIRANGY (de), II, 63.

GIRARDON, II, III, 113, 114,115, 326.

GIROU (Jacques) , 163, 171.

Glace dormante, II, 39.

Gladiateur, II, 112.

— mourant, II, 112.

Glands de perles, II, 164.

GOBBE DES CARRACHES : 2 Paysages, II, 63.

Gobelets d'argent, II, 128; -


blancs, il, 96; — à côtes & reliefs, II, 96; - à dragons en broderie, II, 95; — à fleurs en relief, II, 95.

Gobelins, II, 5, 6.

GOFFREDY : 2 Paysages, II, 71, 86.

Gondoles de lapis, II, 116.

GÔTZE, I, 133.

GOURDON. (Voy. GAUDRON.) Gourgandine, II, 209.

GOWEN (M.), I, 237.

GRADEAU, I, 119; II, 327.

GRAMONT (Maréchal de), I, 187; II, 6o.

GRAMONT (Inventaire du maréchal de), II, 147.

Gramont (Inventaire de l'hôtel de), II, 11, 25, 30, 49, 50, 51, 76, 90, 92, 94, 109, 147.

Grand chemin, (T) II, 70.

Grand dégoûté (surnom d'Hoym) , II, 229.

Grande générale. (Voy. Mme PoCIEY.) Grille, II, 43.

Grils (fer), II, 46.

Grisette de foie, II, 146.

GROLIER, I, 174.

GROMKOW (Général), I, 84, 120; II, 297, 309.

Gros de Naples, II, 148.

Gros de Tours, II, 24, 146, 170.

GROSVENOR (le révérend), I, 236.

GROUIN. (V. GRUYN.) Groupes de bronze : Enlèvement de Proserpine, II, III; — Orithye, II, Ill; - Laocoon, II, 111 ; — Bouc & enfans, II, 111 ; - de marbre, II, Ill.

GRUMBKOW. (Voy. GROMKOW.) GRUYN (Mme),1,189, ioo;II, 246.

GRUYN (Pierre) , I, 184.

GRUYN (le sieur), II, 54, 55, 57, 58,98, m, 112.

Guéridon de bois doré sculpté, II, 36.

Guespes, II, 209.

GUIDE (GUIDO Reni) , I, 236, 237; II, 325 : la Chaste Suzanne, II, 54, 88; — Vierge avec son Enfant, I, 55; — la Fortune, II, 55, 86; — Vénus & l'Amour, II, 56; — Notre Seigneur & saint Jean, II, 71, 87; — (d'après) : Saintes Familles, II, 77, 83; — Vierge, II, 55.

GUILLEMARQ (le sieur) , II, 10.

GUNTHER, I, 90, 108; II, 290, 294.

GUTEBORN (Ch.-Siegfried d'Hoym), II, 354, 356; - (Charles-Gotthes), II, 35 ; - (Anne-Sophie), II, 357; — (Erdmuth-Friderica), II, 357; — (Charlotte-Dorothée), 357; — (Adolphe-MagnusGotthelf), II, 7, 357; - 1, 39.

H Habits, II, 145, 146, 205.

Halte (une), (T) II, 66, 81.

HAMAL (Mlle d') , I, 7 & passim; II, 217, 223, 227;-(Charlotte d') , I, 7 & passim; - (MarieMagdeleine d') , I, 14.

Ilambourg I, 4, 5.

HAMMAN, I, 95.

Hanovre, I, 4, 5.

HARCOURT (M. d') , II, 243.

HARCOURT (Portrait du comte d'), II, 161.

IIARD (André Van) : Assemblée d'oiseaux, II, 81; — Chasse à l'ours, II, 81.

HARDOIN (le père), I, 225.

Harnois, II, 134, HARRINGTON (Lord), I, 75, 237.

HAUGWITZ (Anne-Christine de) , I, 1; II, 356; -(Pierre-Ferdinand de) , II, 356; — (Jean-Adolphe de), I, 356.

IIAXTLAUSEN (G.-L. de) , I, 3.

HÉBERT, I, 195; II, 36, 93, 99,


100, IOI, 102, 105, m, lia, n3, xi4, 115.

HEINECKE, I, 126.

HELVÉTIUS II, 275.

HÉLYOT. (Voy. Portrait de Mme Élyot), II, 159.

IIEMS (Comte de), c'est Hoym, I, 229.

HENRI II, I, 174.

HENRI III, I, 174.

HÉRAULT: Dessus de portes, II, 81.

HÉRAUT, I, 195.

HERBAULT, II, 95.

HERMAN d'Italie : Baigtieufes, II, 75.

HESSE (Princesse de) , II, 266.

HESSELMANN (d'après Carrache), II, 158.

HEYNAU, II, 15.

HOHENDORFF (Baron de), I, 152.

HOHENLOHE - INGELSINGEN (Louis Frédéric, prince de), II, 358.

Hollande (Florins de), II, 140; (toile de), II, 141 ; - (drap de), II, 146.

HOLSTEIN (Princesse de), Anne, fille naturelle d'Auguste le Fort & d'Henriette Renard, I, 121; II, 299.

Hongrie (Point de) , II, 20.

Hôpital général. (Voy. PARIS.) HORACE, I, 157, 158,174, 175.

HOYM (Gebhard le jeune) , II, 351 ; — (Siegfried), II, 351; — (Henri) , II, 352; — (Christophe), II, 352; — (Chr.-Adam), II, 353; — (L.-Gebhard,II, 353, 354, 355; — (Ad.-Magnus, comte de), II, 353; — (RachelCharlotte de) , II, 355; -(points contre le comte d') , II, 293; - (portrait du comte d') , par Rigault, II, 163 ; — (vente des livres d'), 1,179 & passim.

HUBERT, II, 62.

IIUET, I, 100, 106; II, 318.

Huilier, II, 123.

1 IBRAHIM BACHA, I, 229.

Imitation de J.-C. de 1719, 1,159.

— Elzevier, I, 170.

Indes (Basin des), 1, 47 ; — (bois des) , II, 33; — (broderie des), II, 49; — (coton brodé aux), II, 49; — (damas des) , II, 148; — (satin des) , II, 12 ; —(toile peinte des), II, 26.

Infante d'Espagne, I, 58.

Innocente (habillement), II, 208.

Io, II. 76.

IRMENTRAUT (Anne-Sybille d') , I, 2; II, 356.

Italiens (Peintres), II, 54.

J Jabach (Hôtel), II, 43.

JANET, I, 236.

Janissaire (Jeune) , (T) II, 71.

Japon, II, 90, 107.

Jardinier de la Reine. (Voy. HELVÉTIUS. )

Jardinière, II, 208.

JARRY (Richard), orfèvre, II, 127.

Jatte de porcelaine blanche, II, 9°; - à feuilles d'artichaut, II, 91 ; - à 8 pans, II, 91 ; — à 10 pans, II, 91, 92; —ronde, II, 92; - basses de couleur, II, 92; — cannelées, II, 92; — contournées, II, 121.

JEAN (Saint) , (T) II, 75, 76.

Jésuites, II, 282.

JÉSUS-CHRIST. (V. Notre Seigneur.) Jeu de quilles, (T) II, 65.

Jeune homme & une servante, (T) II, 73.

Jeux d'enfans, (T) II, 75, 114.

JOSEPH de 1534 1, I58.

JOSEPH Ier, I, 2.

JOSEPIN (Cavalier), II, 63.


Joueur de dés, II, 65.

— de musique, II, 69.

JULLIOT, I, 184, 195; II, 29, 81, 89 93 96, 99 100 101, I02 103, 104, 109.

K KANITZKI, I, 92.

KELCRET, I, 194.

KESSEL (Mlle de), II, 356.

KETTERLIN (Barbe), I, 230.

Kœnigflein, I, 127.

KÔNIG (de), I, 75.

KÔNIGSMARK (Mme de), I, 4, 240.

KULBEL (J.-A.) , 1, 129.

L LABHARDT, II, 242, 328.

LAER (Pierre de) : Foire, II, 69, 87.

LAFAYE, I, 184; II, 60.

LAGNASC, I, 32.

La Haye, I, 6.

Laisse-tout-faire, II, 209.

LALEU (Mlle), II, 140.

LALLEMAND, II, 67.

Lambourdant, I, 218.

LAMOIGNON (Président), II, 74.

LAMOTE, I, 225; II, 245, 264.

LAMOTHE (Fables de), II, 243.

LA MOTTE ROULAND, I, 158.

Laniperons, II, 45.

Lampourdarty I, 218.

Landier, II, 46.

LANGLOIS (Abbé), I, 100, 213; II,

300.

Lanterne de fer-blanc II, 42.

Laocoon & ses enfans, II, III.

Laques de la Chine, II, 109 & passim.

LARDOT de Beaune (M.), II, 327.

LARIBEAU, 1, 122; II, 337 342.

LA SALLE, I, 42.

LASSAY (Marquis de), II, 60, 244.

LASSE. (Voy. LAW.) LATTIER (M.), II, 22.

Lauenbruck, II, 214.

LAUNAY (Marguerite de), I, 116.

LAUNAY (N. de) , I, 191 ; II, 42, 60, 71, 72, 76, 79.

LAUNAY (Inventaire du sieur de), II, 113, 115.

LAUSUN (Duc de), I, 12; II, 237.

LAW, I, 217; II, 248.

LAYMOND (Mlle), II, 18.

LÉAULTÉ D'OISILLY, I, 30.

LEBER (M.), II, 173.

LE BRUN, marchand bijoutier, II, 321.

LEBRUN, I, 102, 236; II, 5, 74, 163.

Lèchefrites, II, 45, 46.

LE CLERC, II, 159, 160.

LECOQ, I, 67 & paiiim.

LECOUTEUX, I, 153.

LECZINSKA (Marie), I, 50, 60; II, 275.

LECZINSKI (Stanislas), I, 59; II, 265.

Leda, II, 81.

Leipzig (Foire de), II, 252.

LEIPZIGER, I, 94; — (CatherineFrédéric de) , II, 352.

LEMAIRE (Rodolphe), marchand françois, I, 100 & passim ; II, 317 313.

LEMAURE (Mlle), I, 114; II, 228, 288.

LEMERCIER (Geneviève) , II, 6.

LEMPEREUR (Jean-Denis), II, 165, 168,170.

LENGLET-DUFRESNOY, I, 16, 17, 150, 154, 177, 213.

LÉOPOLD (Duc de Lorraine), I, 6, 14.

LEROY (P.), I, 149, LESSART (Marquis de). (Voy. BouCHU [E.-J.]. )

LESUEUR, I, 236.

LE SUEUR : Miracle de l'aveuglené, 11, 59.


Levant. (Voy. Maroquins.) LHABARD, II, 242, 245.

Lichtewalde, I, 120.

Lichtewalde (Archives de), Préface, I, 3 & passim; II, 259 & passim.

LIESCHE (Aug.), I, 127.

LIGONIER (C.-L. de), I, 235.

Linge de maison, II, 137.

— de la garde-robe, II, 139.

— de deuil, II, 143.

LIRÉ (de la Bourdonnaye, marquis de) , II, 355.

Lisbet, II, 104.

Liseuse (la), II, 65.

Lits, II, 11; — à la duchesse, II, 3 II 12. 13 14; - complet II, 4, 11; — à la Romaine, II, I, 11 ; — à tombeau, II, 12; — de camp (petit) , II, 13; — à tombeau (petit), II, 13; — d'officier, II, 14; — de tapisserie, II, 14.

Livrées, II, 207.

Livres (État des), II, 155.

LIVRY (de), I, 65.

LOBEN (Dorothée-Sophie de), II, 357.

LOCKE (W.), I, 236.

Londres, 1, 6.

LONGEPIERRE, I, 149.

LORGES (Duchesse de), I, 149.

LORRAIN (Claude), 1,183,186,190, 236 ; II, 325 ; — Fuite en Egypte, II, 60; — Acis& Galatée, II, 60; Matinée, II, 61; —Marine, II, 61, 68; — Paysages, II, 61, 62; — Mort d'Adonis, II, 62; — (d'après), II, 78.

LORRY, I, 145.

Loss (Mme de) , I, 75.

Louis XIV, II, 5, 160, 161.

Louis XV, I, 68.

LOUISIA, II, 274.

Louvois (M. de) , II, 6.

LUBOMIRSKA (Princesse), I, 90,314, 339.

LUBOMIRSKY (Prince), I, 123; II, 327>355.

Loyers, II, 182.

LUCAIN, I, 174.

LUDE (Duchesse du), I, 189; II, 112.

Lunéville, I, 6; II, 214.

Lustre de BOULEN (Boule) , II, 40; - de cristal de roche, II, 117; - de cristal d'Angleterre, II, II 8; - de cristal de Bohême, II, 118.

LUTTICHAU (Louis Gottlob de) , II, 358.

LUTZELBOURG (Comte de), I, 43 ; II, 259.

Luxembourg (Galerie du), II, 160.

Lyon, II, 222.

M

MAC CARTHY (Mlle), II, 223.

MACHAULT (de), I, 17, 212, 238.

MACHIAVEL, I, 175.

Madeleine (la), (T) II, 75, 158.

Magasin général, II, 43.

MAILLY(Françoise de). (Voy. VRILLIÈRE [Mme de la]) ; — (Mme de), 1,215.

MAINTENON (Mme de) , I, 215.

Maisons (Réparation des), II, 204.

Maître d'hôtel (Inftruétion pour un) , II, 193.

Malines. (Voy. Dentelles de.) Manchettes à campanes, II, 140; — à réseaux, II, 141 ; - de paffe-pied, II, 141.

Manchons, gants, ceinturons, &c., II, 150.

MANN, I, 142; II, 339, 34°, 343,

345.

Manteau, II, 145.

MANTEUFFEL, I, 94; II, 302 & paillm.

Marbres, II, 114; portor, II, 29; — vert de mer, II, 29; — de


Sicile, II, 29; — vert, II, 115.

Marché aux chevaux, (T) II, 67.

Marchepied, II, 35.

MARCILLAC (Mlle de), I, 184; II, 39, 90, 91, 92, 93, 94 109, 110.

MARGUERITE de France (Poésies de) , I, 158.

Marines, II, 59, 61, 67, 68.

Marmite, II, 45, 127.

Maroquins, I, 161 ; II, 51 ; - bleu du Levant, II, 51; — citron du Levant, II, 52; — jaune commun, II, 52; — jaune du Levant, II, 51; — rouge du Levant, II, 52; — violet du Levant, II, 51.

MAROT, I, 154, i55> 177.

MARRON, II, 300.

Marronnier en selj II, 48.

Mars, II, 114.

MARTIGNY (Mme de) , II, 237.

MARTIN, 1,122, 142; II, 336,342.

MARTIN (Gabriel), I, 150, 153, 154, 155; II, 328, 349, MASSON, II, 157, 159, 161.

Matinée, (T) II, 61.

MAURISSANT, I, 182, 192, 195.

MAXWELL, I, 236.

MAZARIN, II, 56, 60.

MAZARIN (Duc de), I, 233; II, 246.

Mazarin (Hôtel), II, 55.

Mazarin (Palais), II, 64.

MAZARIN. (Voy. Diamant du Cardinal.) Mazarines, II, 45.

Médaillons de bronze, II, 113; — de marbre, II, 115.

MÉDAVY (Maréchal de) , II, 133.

Médicis (Vases de) , II, III; — (Vénus de) , II, 112.

Meiffen (Manufacture de) , I, 99; II, 3 17.

MEISSONNIER, I, 103.

MÉNAGE, I, 153.

MENDOCE, II, 244.

Merisier (Bois de), II, 20.

MESSAGER, II, 95.

MÉTRAL (G.-H. de) , I, 235.

MÉTZRADT, I, 124.

Meubles, II, 207; —meublans, II, 1 ; — de damas bleu, II, 1 ; — de damas cramoisi, II, 2; de foie grise, II, 2; — de moire verte, II, 3; — de satin des Indes paille, II, 4; — de moire de laine verte; II, 4; — de calemande, II, 4; — en Saxe, II, 52, Meubles & bijoux, II, 174.

Meute. (Voy. Muette.) MICHEL (Saint) , II, 79.

MIÉRIS, II, 326; — les Bulles de savon, II 70, 87; — Rôtisseur, II, 70, 87.

MIGNON : Fruits, II, 68, 87.

MILKAU (de), I, 123.

MILSONNEAU, I, 69, m, 112, 113, 114 115, 116, II7 , 119; 11, 82 & paiiim.

MILTITZ, I, 127.

MIMEURE (Mme de) , I, 12, 18,31, 186, 215; II, 235, 242, 245.

Miracle de l'aveugle-né, II, 59.

MIREPOIX (de), II, 246.

MOGINSKA (Comtesse) , I, 97.

MOGINSKI (Comte) , II, 75.

Moire de foie grise, II, 49 ; — verte, II, 49.

MOLE (Attribué au) : Paysage, 11, 74.

MONASTROL (de), II, 55.

MONRIVAL (la), II, 276.

MONTARGON, I, 25 & passim; II, 49, 66, 115, 230, 249MONTI (de), I, 37, 72, 80.

MONTPENSIER (Mlle de), I, 159.

Montres, II, 164, 165.

MORILLOS (D'après) : le Bon Parteur, II, 76.

MORILLOS (D'après) : Saint Jean, II, 76.

Moritzbourg, I, 89.

MORSTEIN (Mme de), II, 74.


Mortier de cuivre jaune, II, 46; de bois de gaïac, II, 47, 48 ; pour le sucre, Il 94; — blanc à relief, II, 96, MORVILLE (de), I, 34,193 ; II, 80, 81, 97, 106,281, 282, 283, 284.

Moscovie (Renard de), II, 150.

MOSSON. (Voy. BONNIER de la.) MOTTE (de la). (Voy. LA MOTTE.) Mouchettes, II, 47, 123.

Mouchoirs, II, 142; - pour fauteuils, II, 50 ; — d'indienne, II, 138.

Moules à confitures, II, 48; — à fromages, II, 48.

Mousseline brodée des Indes, II, 49,50.

Moutardier, II, 123.

Muette (la), II, 243.

Muhlberg I, 79.

MURILLO. (Voy. MORILLOS.) MYNUEL, II, 40.

N

NANCRÉ (Marquise de), 1,193, 232, 240; II, 73, 101, 103, 167.

Naples (Gros de) , II, 148.

Nappes & serviettes, II, 138.

NASCHOLTEL, II, 328.

NASSAU - SAARBRUCK. ( Guillaume Henri, comte de) , II, 354.

NATALLES (Pierre des) , I, 158.

Nativité, II, 158.

NATZMER (de), I, 124.

Nécessaire, II, 166; — de laque noire, II, 109.

Nef des fols, 1497, I, 157.

NETSCHER, I, 186 : Vieillard & sa servante, II, 65 ; —Vertumne & Pomone, II, 65; — son portrait, II, 6p5 85.

NEYTER, I, 149.

Niche à chien, II, 36.

Nil (le) (bronze) , II, 114.

NOAILLES (Bailli de) , II, 61.

NOAILLES (Duchesse de) , I, 215.

NocÉ (de), I, 38 & passim ; II, 7, 17 29, 38 40 43, 58, 60, 61, 63s 64, 65, 66, 67, 71, 73, 95, 98, 99, 100, 101, 103, 106, no, in, 114.

NOEL, II, 59, 61, 64.

NOHR. (Voy. NOHREN.) NOHREN, I, 116, 142; II, 9 &paffim.

NOIR (Le), II, 52.

NOLLET (Dominique), I, 190.

Notre Seigneur & laChananéenne, (T) II, 79.

Notre Seigneur & saint Jean, II, 70.

Nova medicina de Péreire, I, 154.

Noyer (Bois de), II, 16, 17, 18,19.

Nymphe à la colombe, II, 112.

0

OBENHEIM (d'), I, 118, I42 197; II, 2 9, 14, 19, 20, 33, 44, 82, 335.

Ober-Lauba (Terre d') , I, 73.

OCHS, II, 165.

OFFENBERG (Deliane d') , II, 356.

Officiers (Table des), II, 196.

OGNON. (Voy. L.-M. TITON).

Oiseaux (Assemblée d'), (T)II, 81.

OLET (Mme d'), II, 224.

Ordre de Pologne, II, 153, 154.

Orithye, II, 111.

ORLÉANS (Duc d') , I, 191; II, 54, 68, 69, 70, 262, 264.

Or moulu, II, 41, 42.

ORMOY (Mlle d'), I, 14, 200 & passim.

ORRY, II, 319.

ORRY DE FULVY, I, 105.

ORSELSKA. (Voy. HOLSTEIN.) ORTE (Baron d') , I, 40.

OTTO, II, 241.

Oudenarde, II, 7.

OUDRY, I, 195.


P PADELOUP, I, 153, 163, 164, 165, 166.

PAFFE, I, 189, 193; II, 41, 42, 101, 103.

Paille, II, 202.

Pain, II, 194, 198.

Pan & Syrinx, II, 67.

Papillons, II, 208.

Paravens, II, 26.

Paris. (Voy. Aune de.) PARIS, I, 34.

Paris (Hôpital général de) , I, 143.

PARIS (Jugement de), II, 56.

PARIS DE MONTMARTEL, I, 113.

PARMESAN (le) : Vierge avec Notre Seigneur & saint Jean, II, 71, 86.

PASSART (Abbé), II, 61.

PASSERY, I, 153.

Passoires, II, 45, 46.

Pasteur (le Bon), II, 76.

Pastorale, II, 76.

PAUTRE (Le), II, 43.

Paysages, II, 59, 62, 63, 66, 67, 68, 69, 70, 74 75Peau divine, I, 202 & Errata.

Pêche du saumon, I, 233.

PECQUET, I, 60, 109, 233, 240; II, 250.

Peintres flamands, II, 64.

Peintres italiens & françois, II, 54.

Pèlerins d'Emmaus (les), II, 157.

Pelles, II, 43, 46, 48.

PENAYE (de la) , I, 182.

Pendule ronde, II, 39; - de Gourdon (Gaudron) à répétition, II, 40; — de Myniiel, II, 40, 41.

PERCEFOREST, I, 157.

Perpétuelle (étoffe), II, 145.

PERRICAUD, II, 204.

Perruques, II, 149.

Perruque carrée, II, 149 nouée,

II, 149 ; — à refpagnolette II, 149; à l'espagnole, II, 149.

Perruques (Têtes à), II, 36.

Perse (Tapis en foie de) , II, 26; — (toile de) , II, 11, 24, 148.

PERTEVILLE(de), 1,79, 80, 84, 109, 121 ; II, 301.

PESME (F.-L. de), I, 234, 235.

PÉTRARQUE de 1473, I, 158.

PHELIPEAUX. (Louis, marquis de la Vrillière), II, 246.

PHILELFE, 1, 174.

Philémon & Baucis, II, 68.

PHILIPPE V, I, 36.

PIAT (Le), II, 77.

PICARD, II, 66, 74, 75.

PICON(J.-L., marquis d'Andrefel), II, 223.

Pièces d'étoffes de Turquie, fond glacé, II, 50; — d'étoffes de Turquie, coton satiné, II, 50; — d'étoffes de Turquie, unies, II, 50; - d'étoffes de Turquie, fatin rouge & or, II, 50 ; — d'étoffes de Turquie, coton à fond vert & or, II, 50; — d'étoffes de Turquie, coton à fond petit gris, II, 50; — d'étoffes de Turquie, coton à fond violet, II, 50; — d'étoffes de Turquie, coton à fond petit gris, II, 51; — d'étoffes de Turquie, coton à fond blanc, II, 51; — d'étoffes de Turquie,

coton, dépareillé, II, 51 ; — d'étoffes de Turquie, de gaze, 11,51.

Piédestaux. (Voy. Gaines.) Pierreries & bijoux, II, 164.

PILE (du), II, 113.

PILES (de), II, 80.

Pincettes, II, 43.

Pinchinat. (Voy. Pinchinay.) Pinchinay (Habit de) , II, 206.

Pistole, I, 178.

PLAIGNE (La). (Voy. LA PLAINE.) PLAINE (La), II, 63, 67.

PLANER (Gustave), I, 183.

PLANTA (Baron de), I, 238.


Plateaux vernis, II, 36; - carré, de laque, II, 1°9; - rond, de laque noir, II, Ilo; carré long, de laque noir, II, 1I0; - plateaux carrés, de laques noir & rouge, II, 110.

PLATEN (Comte de) , II, 214.

PLATEN (Mme de) , I, 58, 232.

PLATRIER, I, 184, 188; II, 91, 93, 95 96 98, 103, 104, 105.

Plats, II, 46, 47, 97, I20, 121 * PLENEUF (Mme de), II, 261.

PLESSIS CHOISEUL (le sieur du).

(Voy. J.-Jacques TITON.) PLUTARQUE de 1567-74, I, 170.

PLUTON, II, 114.

POCIEY, I, 19, 201, 243; 11,258, 261.

Poële de fonte, II, 44; - de tôle, H5 44; — de cuivre rouge, II, 47; — à confiture, II, 127.

POELEMBOURG (Corneille) : Pan & Syrinx, II, 67, 86.

Poëlon pour le lait, II, 127.

— à queue, II, 46.

POGNIATOSKA (Mme), II, 254.

Poignée à vis, II, 125.

POILLY, II, 158, 159.

Poissonnière (cuivre rouge) , II, 45.

POLIGNAC (Mme de), I, 50; II, 265.

Pologne (Ordre de), II, 153, 154.

Pologne (Roi de) , II, 271, 272, 281, &c.

PONTCHARTRAIN (Chancelier de), II, 64.

POPPELMANN, I, 94.

Porcelaines, II, 89; - anciennes II, 89, 98; - de Chine, II, 89; - du Japon, II, 90, 107; — plates II, 91; - bleues communes, II, 107.

Porcelaines de couleur des Indes, Il, 1°7.

Porcelaines de Saxe, II, 07, 108.

PORT (Mme du) , H, 222.

PORTE (Mme de la), II, 228.

Portefeuille, écritoire de voyage, Il, 36.

Portières (Demi-), II, 2, 3, 22.

PORTLAND (Ducheue de) , I, 236, 237.

Portugal, II, 7.

/,or/«g-ûr/(Ambassadeur de), II, 117.

Portraits, II, 69, 78..

Pot à fleurs. (Voy. Lisbet.) Pot pourri de porcelaine verte, II, 96.

Pots à fleurs de porcelaine verte, II, 97; — à oille, porcelaine bleue, II, 105.

Pots à thé de porcelaine blanche, 11, 94; — à thé, blanc, II, 95.

Pouptonnière (cuivre rouge), II, 45.

POUSSIN, I, 236; — Baptême de N.-S., II, 72, 86; — Éducation de Bacchus, II, 58, 85; — (d'après) : Ravissement de saint Paul, II, 79, 84.

PRIE (Mme de), 1,59; n, 259, 262, 275.

PRONDRE (Paulin), I, 188; II, 101.

PRONTT. (Voy. PRONDRE.) Provisions, II, 174.

Psautier de 1653, I, 157, 169.

PUCELLE (Abbé), I, 17.

Pupitre de bois de noyer, II, 35.

Putzkau (Terre de), I, 73.

PuY (du), II, 113.

Q QUARRE, II, 165.

QUÉLUS (Mme de), I, 215.

Quos Ego, de Rubens, (T) II, 82.

R

RABELAIS, I, 175.

Radebourg, I, 133.

T. I.

di


RADZIVIL (Princesse). (Voy. WIESNOWIESKA [Princefie].) RADZKY, I, 128.

RAMSEY (de), I, 153.

Ramflein (Château de) , I, 233.

Râpe à sucre (fer-blanc), II, 47.

— d'agate, II, 167.

RAPHAËL, I, 237; II, 7; —Saintes Familles, II, 77, 78, 79, 84; — Saint Michel II, 79; — Vision d'Ézéchiel II, 79, 84; —Adoration des mages, II, 158.

Ras de Saint-Maur, II, 147.

Ravissement de saint Paul, II, 79.

RAVOIRE (Mme de la), I, 189; II, 99, 103.

RAVOYE. (Voy. de la RAVOIRE.) Réchauds à pierres, II, 125.

REDER (II.-A., comte) , II, 258.

REDON, I, 173.

RÉGNIER, I, 195.

REINHARD, I, 94.

Reliure (Art de la) , I, I49 160; - à compartimens I, 169.

REMBRANDT : Un vieillard, II, 64, 87; — Tête d'enfant, II, 64; — Tête de femme, II, 71, 85; — Jeune janissaire, II, 71, 85; — Flore, II, 80.

RÉMOND, II, 216, 218.

RENI (Guido). (Voy. GUIDE.) Répétition (Pendules à), 11,40,41.

Restes à recouvrer, II, 174.

Retour de chasse II, 67.

RETZ (Cardinal de) , II, 221.

RETZ (Mme de) , II, 247.

REUSS D'OBER - GRAITZ (Henri, comte de), II, 354.

Revenus d'Hoym, II, 176.

RHINDERS, II, 63.

RICHARD (Mlle), II, 327.

RICHELIEU (Duc de), I, 50; II, 263.

RICHELIEU (Duchesse de) , I, 197.

RICHELIEU (Bible de), I, 175.

RICHTER, II, 328.

Rideaux, II, 1, 2 & passim.

Rideaux & demi-rideaux, II, 24& passim.

Rideaux de fenêtre, II, 138.

RIEDESEL, I, 128, 143.

RIEUX (J .-Bernard de) , II, 226.

RIGAUD, I, 181 236; II, 55, 63, 78, 277, mRivière, (T) II, 67.

Robes de chambre, manteaux de lit, &c., II, 148.

ROCHAU (de), II, 294.

ROCHEFOUCAULD (Henriette de la).

(Voy. MARCILLAC.)

ROCHOW, II, 1, 90, 108; II, 290.

RODOLFF, II, 323.

ROHAN (Cardinal de), I, 34, 41, I49 232. 240.

ROLAND, II, 149, 212.

ROMANELLE, II, 55, 56.

RONDÉ, II, 169.

Roquelaure (vêtement) , II, 145.

ROSE (Salvator) : Paysage, II, 63.

ROSE (de), I, 13.

ROTHELIN (Abbé de), I, I49 150.

Rôtiffieur, II, 194.

Rôtisserie, II, 190.

Rôtisseur (Un), par Miéris, II, 70.

ROTTEMBOURG (Comte de) , I, 238.

ROUDOLFF, II, 49, 52.

ROUILLÉ (Élisabeth de Meslay), II, 5. (Voy. BOUCHU.) Rouleaux à branchages, II, 103.

— à dragons, II, 103.

- à modèles, II, 103,104, 105.

ROUSSEAU (J.-B.), I, 14 & passim; II, 244.

ROUSSEL, II, 337, 342.

ROYE (Mme la comtesse de),II,i64.

RUBEN (de), I, 33.

RUBENS, 1,193; II, 6 1 la Coii verfation, II, 61; — les Quatre vertus, II, 64,85,86; -Suzanne & les deux vieillards, II, 73, 87; — QuosEgo, II, 82,88 ; -Satyre & femme, II, 74, 85; — (d'après) : Galerie du Luxembourg, II, 161.


S

SABRAN (Mme de) , II, 262.

SAHR (de), II, 263 & Préface.

Saint-Cloud, I, 105; II, 320.

Saintes Familles, (T) II, 77, 78, 158.

SAINT-FLORENTIN (Comte de), I, 232.

SAINT-GERMAIN (Abbé de) , I, 121.

Saint Joseph aux lunettes, II, 159.

Saint-Maur, II, 147. (Voy. Ras).

SAINT-PIERRE (Abbé de), II, 238, 240.

Saint-Saphorin, I, 233.

SAINT-SAPHORIN (de), I, 42, 234.

Saint-Sébaflien, I, 217, 218.

SAINT-SIMON (Duc de) , I, 43.

Saladiers contournés, II, 121.

Salières, II, 47, 125.

SALLE (la), II, 149.

Samaritaine (la), II, 57.

Sapin. (Voy. Bois de.) Sardaigne (Roi de) , II, 266.

Satin des Indes, II, 4.

Satyre & femme, II, 74.

Saucières, II, 123.

SAXE (Comte de) , I, 39, 140; II, 25I 269.

Saxe II 9, 49.

— (Aune de), II, 153.

— (Meubles en), II, 52.

— (Porcelaine de) , I, 99; II, 107, 108.

Saxe (Verres de), II, 119.

SCABRIGHT (T.), I, 236.

SCALQUEN : Joueur de musique, II, 69* 87 ; — Jeune homme & fervante, II, 73, 87.

SCARCELLIN DE FERRARE, II, 72.

SCIIACK (de), I, 9.

SCHALLER (Christian-Frédéric), II 335.

SCHAUB, I 18, 29 30, 3I 34 35, 75,39,230; II, 74; - (Émilie), Ji, 235; — (Frederica-Augusta),

1, 236; - (vente de), I, 231, 236.

SCHLITTERIN (la), II, 52.

SCHOMBERG (Baron de) , I, 83.

SCHÔN,BF.R G (Pi erre- Ait gu lle de), II, 357.

SCHÔNFELD (Catherine-Sophie de) , II, 354, 356.

SCHUBERT, II, 343.

SCOTTI (Marquis de), I, 230.

Seaux à glace, II, 47; — à broderie, à dentelle, II, 100; féaux à branchages, II, 104; de porcelaine bleue, II, 1054 — à dragons, II, 105; — à anses, II, 122.

SECKENDORFF, I, 72 & paiïim ; II, 298 & passim.

Sedan (Bible de) , I, 175.

Ségovie (Laine de), II, 150.

Selle de cuir de Ruine, II, 135.

SENOSAN (Fr.-Olivier de), II, 246.

SENOSAN (Anne-Sabine, demoiselle de), II, 246.

Seringue d'étain, II, 48.

SERVET,I, 159.

Service de porcelaine du Japon, II, 108.

SEUIL (du), I, 153, 162, 167.

SEZ (de), II, 99, 103.

Sicile. (Voy. Marbre de.) Silence (le), II, 159.

SKALCKEN. (Voy. SCALQUEN.) Skaska (Terre de), I, 73, 89; II, 290.

Skaske. (Voy. Skaska.) SLINGELAND : Enfant, II, 70, 87.

Sofa, II, 2; — à pavots, II, 17; — a la turque, II, 19.

Sonnenflein I, 122.

SOUBISE (Prince de), I, 218.

Soucoupes (Grandes), II, 93, 95; — de laque rouge, II, 110; — contournées, II, 122; - rondes, II, 122.

Soufflet à l'angloise II, 43.

Souliers (Boucles de), II, 171.


SOUSELGEN (Mme de), I, 4.

SPARRE (de), I, 39; II, 251, 252.

STAIRS (Lord), II, 221, 232.

STANHOPE, I, 36, 230.

STANIAN, I, 230, 237.

STAREMBERG (Guido de) , I, 66.

Strasbourg, I, 6.

STEINEN (Justine), II, 336, 341STERS. (Voy. STAIRS.) STEWARD, I, 236.

STOBZEL, I, 105.

STOCKMANN, I, 133.

STOLBERG (Sophie-Augufie de) , II, 358.

Sucriers, II, 123, 126.

SUEUR (Le) : Miracle de l'aveuglené , II, 59, 88. (Voy. LESUEUR.) SUHM (de), I, 27; II, 256.

SULKOWSKI, I, 127.

Surtout fameux d'Hoym en velours, 1,66.

Surtouts. (Voy. Habits, &c.); — de voyage de perpétuelle, II, 145; — de drap rayé d'Angleterre, II, 146.

SUTTON (Robert) , I, 150.

Suzanne (la Chatte), II, 54, 73.

SVANEFELD : Paysages, II, 67, 68.

SYLVESTRE : Portrait du roy de Pologne, II, 77; — Portrait du comte de Flemming, II, 78.

T Tabatières d'or, II, 165, 169; — de nacre, II, 165; — d'écaillé, II, 165, 169.

Tableaux divers, II, 54»66,74, 75, 77. 78.

Table du maître, II, 194.

Tables, II, 29, 30 31, 32, 37 38, 39Tablettes de noyer, II, 36.

Tablettes de sapin, II, 34; — de chêne, II, 34, 35; — pour livres,

II, 35; - de meriûer, II, 35 36; — à jour de bois de violette, II, 35.

Tabourets de bois doré, II, 53.

Taffetas d'Angleterre, II, 148.

TAILLEFER, I, 43.

TALARU. (Voy. CHALMAZEL.) TANCIN (Mme). (Voy. TENCIN.) Tapis, II, 26, 51.

Tapisseries II, 5; — Bains de Diane, II, 5; — Fruits, fleurs, animaux, II, 5; — d'après des

dessins de Téniers II, 7; - d'après les grotesques de Raphaël, II, 7 ; - verdure de Bruxelles, II, 7; - verdure d'Oudenarde, 11,7; — de damas bleu de Gênes, II, 7; — de damas cramoisi de Gênes, II, 8; — de moire de foie grise, II, 8 ; - de moire de foie verte, II, 8 ; - de moire de laine verte, II, 8; — de callemande, II, 9; — de futaine peinte, II, 9; — de Turquie, II, 9; — de Bergame, II, 9; vieille de brocatelle, II, 9; de toile imprimée, II, 9, 10; — de cuir argenté, II, 10; — de point d'Angleterre, II.

Tasses, II, 94, 96, 97, 1 xo.

Tàtez-y, II, 208.

TAUBE (Élisabeth-Sybille de) , II, 353.

TAUBE (Ernest-Dietrich de), II, 354.

TAUNAY, II, 167.

TEICHMANN, 1,127, 143; II, 337.

Tenailles, II, 43.

TENCIN (Mme de) , I, 12, 18, 20, 21, 23, 28, 31, 33, I89 190; II, 229, 237, 239, 245, 264.

TENIERS, I, 188, 236; II, 7; — Joueurs de dés, II, 65; — Jeu de quilles, II, 66; — Pêche, II, 66; — Paysage, II, 66; — - Tableaux, II 66, 75, 77;Femme jouant de la guitare, II 69. (Voy. Tapisseries.)


Tentation de saint Antoine, II, 160.

TÉRENCE, I, II, I58, 176; II, 211.

TERRAS, I, 17, 27; — II, 259.

Terrine. (Voy. Pot àoille.) TESCHEN (Princesse de). (Voy. BouKOM.) TESSÉ (Marquis de), I, 12; II, 224.

Testament d'Hoym, I, 142.

Tête de femme par Rembrandt, II, 71.

Tête de marbre : Vénus de Médicis, II, 115.

Tête dç marbre : Enfans, II, 115.

Tête du Guide, II, 159.

Têtes à perruques, II, 36.

TESTARD, II, 73.

Théières, II, 123, 124.

— godronnée, II, 124.

THEVENARD, II, 243.

THIOLY, 1, 78, 81, 120, 151; II, 302, 303.

THOMPSON, I, 236.

Tibre (le), II, 114.

TIBULLE de 1567, I, 170.

TINGRY (Ch.-Fr.Christian deMontmorency-Luxembourg, prince de), II, 246.

Tire-moelle, II, 125.

TITE LIVE de 1555, I, 170.

TITIEN (le) (d'après) : Descente de croix, II, 157.

TITON(Angélique-Élisabeth), II, 5; — (Jean-B.-M.), II, 6; — (Claude), II, 6; - (J.-Jacques, fieurdu Plessis-Choiseul), 11,6; - (L.-M. Titon, seigneur d'Ognon, Villegenou, Cogny, &c.), 11, 5; — (Pierre, sieur de la Forefl & de Cogny), II, 6, 55; — DU TILLET (Évrard), II, 5.

Tobie & sa femme. (Voy. Philémon & Baucis.) Toile de Hollande, H, I41.

Toile imprimée de Saxe, II, 49; peinte de S~p peinte de Saxe, Il, 5°; - peinte

de Perse, JI, 50 ; — de Perse, II, 50, 148.

Toilette (la). (Voy. WATTEAU.) ToucHEs(Camus des), 1,189; II, 22.

Tourne-broche (fer), II, 46.

Tourtière, II, 45.

Tours (Gros de), II, 24, 146,147.

Travaux d'Hercule (les Quatre), II, 163.

TRAVERS (Baronne de), I, 30; II, 342.

TREMBLIN, I, 184; II, 58, 6o, 62, 63, 64, 67, 68, 70, 75, 76, us, 115.

TRÉSORIER (Dominique - Antoine Le), II, 242.

TRÉVOUX (Dictionnaire de), II, 4.

TRÉVOUX (Mme de), II, 5.

TROY (de) : Flore, II, 81, 84.

— Cérès, II, 81, 84.

Trumeau de trois glaces, II, 119.

TRUYE (de la), II, 90.

Turin, II, 56.

Turquie, II, 9.

Turquie. (Voy. Étoffes de.)

u

Urnes à branchages, II, 101, 102; — à branchages & oiseaux, II, 102; — à broderie (petite), II, 99; - à broderie à dragons, II, 98; - à côtes, II, 90; — à dentelles, II, 106; — à dragons, II, iox, 102; — à fleurs, II, 101, 102; - garnies de vermeil doré, II, 100; —à modèles, II, 105; — à modèles à cartouche, II, 100; — à modèles en forme d'olive, II, 100; - à 6 pans (porcelaine Japon), II, 90; — à pagodes, 11,90; — de porcelaine bleue & blanche, II, 106.

Ustensiles de cuisine & d'office, 11, 45.

Ustensiles d'écurie, II, 134»


v

VAILLANT (Médailles de), II, 581.

VAINE (de), II, 149.

Vaisselle plate, II, 120; — montée, II, 122; — pour cui fine & office, II, 127.

Vaîenciennes (Dentelle de), II, 140.

VALLIÈRE (Mme de la), I, 186; II, 5.

VALLON (J.-L. de), II, 242.

VANDEUIL (de), I, 43.

VANDICK. (Voy. VANDYCK.) VANDYCK, I, 186, 236; II, 64.

VANHEIM : Fleurs, II, 68, 87.

VARENNES (Inventaire du fieurde), II, 104.

Vases de Chine, II, 89; - coupé de broderie, II, 99 ; - à broderie à dentelle, II, 98; — à fleurs, II, 106; — de bronze, forme de Médicis, II, 111,113; - doré, d'or moulu, II, 114; d'albàtre, II, 115; - de inarbre, II, 115.

VATOT. (Voy. WATTEAU.) Velours de Gênes à peluche, I, 67; — ciselé, I, 67; II, 153, 154.

V ch tcs & trocs, II, 176.

Vénus (Toilette de), II, 57; & l'Amour, II, 56; — de Médicis, II, 112, 115.

Vergier d'honneur (le), I, 158.

VÉRONÈSE (Paul) : Tête, II, 58.

Verres d'Angleterre, II, 119.

— de Saxe, II, 119.

VERRUE. (Voy. Fauteuil à la.) VERRUE (Comte de), I, 185; II, 56.

VERRUE (Mme de), I, 149, 186, 187, 197, 198; II, 22, 61, 64, 66.

VERTUMNE ET POMONE, 1, 65, 83.

Vertus (les Quatre), II, 64.

Vestes, &c., II, 147.

Viande, II, 194, 198.

VICEDOM (Voy. VITZTHUM & WATZDORFF [Comtefle de].) VICK, II, 164, 165.

Vierge, II, 55, 71, 73, 159, 160.

Vieillard, II, 64, 65.

VIGNIER (Roch.), II, 5.

VIGNY (Mlle de), I, 212.

VILARS (de), II, 264.

VILLARS (Maréchal de), II, 272, 275.

Villegenou. (Voy. L.-M. Tir ON.) ViLLEGENOu (Mlle de), II, 6.

VILLELUME BARMONTET (Mme de), I, 14; II, 228.

VILLEROI (Maréchal de). (Voy. VILLEROY.) VILLEROY (de), I, 49; 11,230, 247.

VILLON, I, 158.

Vin, II, 199.

VINCI (Léonard de) : la Vierge & l'Enfant Jésus, 11,73.

Violette. (Voy. Bois de.) VIRGILE, I, 157, 174.

VITZTHUM (Préface), I, 2, 8, 73, 120, 123; II, 2, 52, 355,358.

VIVIER (du), I, 188; II, 62,80, 101.

VOCE (Pierre de) : Chasse au tigre, II, 181; — Cheval échappé, II, 81; — Chaire à l'ours, II, 81; — Cheval dévoré par des loups, II, 81; — Chasse au sanglier, II, 81.

VOCKEL, 1, 126.

VOGUÉ, II, 108.

Voitures de voyage, II, 134, 136.

Vol d'oiseaux, (T) II, 67.

VOLFRING (de), II, 254.

VOSSIGNY (J.-B.-J. Gon de), II, 5.

VRILLIÈRE (de la), I, 73.

VRILLIÈRE (Marqis de la), 1, 246.

VRILLIÈRE (Mme de la), I, 232 & pafflm; II, 246.


w WATTEAU : Une femme & sa fervante, II, 59.

WATZDORFF (de), I, 27 & passim; II, 140, 304, 327; - (FrédèricCharles, comte de), II, 355; — (Chrifiophe - Henri, comte de), II, 355; - (Comtesse de), 1,90, 120, 124, 126, 127, 129, 142, 181; II, 332, 333, 344.

WERTHERN (Rachel-Louise de), II, 357.

WETSTEIN (Mme), 1,233, 237.

WIESNOVIESKA (Princesse), I, 142; II, 339.

VVlRMUTH, I, 128.

WISTZCHEL (de), II, 77.

WOODWORD, I, 97.

WOUWERMANS : Abreuvoir, II, 66; — Halte, II, 66, 81 ; — Retour de chasle, II, 67; — Marché aux chevaux, II, 67; — ChatTe, I, 187, 197; II, 81, 326.

z

Zeitz, I, 4,5, 95, 96, 98, 123.

Zéphyre & Flore, II, 76, 81.

ZINZENDORFF (de), I, 9.

AVIS AU RELIEUR

POUR LE PLACEMENT DES GRAVURES.

1° Le titre gravé en tête du premier volume entre le faux titre & le titre.

20 Le portrait du comte d'Hoym en regard de la page 1 du tome I, chapitre 1.

3° Les deux planches de la reliure du Catulle de 1502 en regard l'une de l'autre, un papier de foie entre deux, entre les pages 164 & 165 du tome I.

4° La grande planche de la reliure du Bréviaiçe en regard de la page 170. La plier en deux plis d'abord dans sa hauteur, puis en largeur au niveau du dessous de l'entre-nerf portant le titre Breviarium.

5° La planche des armoiries en face de la page 173 du tome 1 : les deux planches se regardant.


ERRATA

Tome I, p. 202. — Peau divine. Cette peau étoit vendue par le sieur Cordier. On lit dans la Gazette de Hollande du 27 ou 29 oétobre 1737, que le sieur Cordier, possédant seul le secret des peaux divines connues depuis plusieurs années, avoit obtenu le 5 février 1727 un brevet du Roi, confirmé en 1728; les peaux divines étoient bonnes pour les maux de tête. (Gazette de Hollande, 29 oétobre 1737.) Tome II, p. 317, 1. 9. — Supprimer le prénom François. Lemaire s'appeloit Rodolphe.




HISTOIRE

DE CHARLES-HENRY

COMTE DE HOYM

CHAPITRE 1 DEPUIS LA NAISSANCE D'HOYM JUSQU'A SA NOMINATION AU POSTE DE REPRÉSENTANT DE POLOGNE A PARIS (1694— 1726).

1

HARLES-HENRY DE HOYM, quatrième fils de Louis Gue-

bhard, baron d'Hoym, seigneur de Droyfig & ministre des finances de l'éleéteur de Saxe, & dAnne-Christine de Haugwitz, sa troisième

temme, naquit à Dresde le 18 juin 1694, & fut baptisé


le 19 dans la maison de son père. Dix ans après, le 23 juin 1704 (1), sa mère mouroit à l'àge de quarantedeux ans, & en 1708 son père se remarioit en quatrièmes noces à Anne Sybille d'Irmentraut, dont il n'eut pas d'enfans. Hoym perdit son père le 2. janvier 1711; sa belle-mère étoit morte l'avant-veille, le 31 décembre 1710 (2). En mourant le baron d'Hoyrii recommanda son jeune fils à sa feconde fille, Rachel-Charlotte d'Hoym, comtesse de Vitzthum (née en 1676), & cette dame qui rappeloit dans les termes les plus touchans cette circonstance dans une supplique qu'elle adressoit au roi de Pologne, Auguste III, en 1733, en faveur de Charles d'Hoym (3), paroît avoir pleinement rempli les intentions de son père (4) & avoir toujours tendrement aimé le frère dont nous donnons aujourd'hui la vie.

L'année même que Guebhard d'Hoym mouroit, le 18 juillet 1711, Auguste II le Fort, éleéteur de Saxe & roi de Pologne, exerçant l'intérim de l'empire après la mort de Joseph Ier, conférôit aux fils du baron d'Hoym le titre de comtes de l'empire (5).

(1) Les annuaires généalogiques disent 1702. M. de Sahr a substitué 1704 à 1702, & sans aucun doute après recherches.

(2) Annuaires généalogiques.

(3) Copie faite par M. de Sahr sur l'original à Dresde.

(4) Il n'est pas douteux pour moi que M. de Vitzthum, favori d'Auguste le Fort & beau-frère d'Iloym, n'ait eu une très-grande part à sa fortune & à Faccueil qu'il reçut dans le monde dès sa plus tendre jeunesse. C'est la fortune qui fait les.grands hommes, la nature ne fait que les ébaucher, a dit un auteur facétieux, mais assez profond, le jour qu'il eut cette pensée. Mme de Vitzthum, suivant l'auteur des CaraStères de la cour de Saxe, fuppléoit par son esprit au défaut de celui de son époux.

En faisant la part de l'envie qui veut toujours que le succès foit immérité, il est permis de croire que cette dame, fort difiinguée, dut contribuer à faire ou à conserver la fortune de son mari.

(5) Pièce originale au château de Lichtewaldc.


Cette année encore Charles d'Hoym paroît avoir été attaché, malgré son jeune âge (il n'avoit alors que dixsept ans), à la légation de Saxe à Francfort pendant le couronnement de l'empereur Charles VI (i).

En 1712. (a), ayant obtenu le venia ætatis, il eut l'administration des terres que son père lui avoit laissées en Saxe & en Lusace & la gestion d'une assez belle fortune.

On a publié, en 1854, le journal de M. Georges-Louis de Haxtlaufen, conseiller de la chambre & des mines de l'élecreur de Saxe, né vers 1680 & mort en 1750, qui avoit connu Hoym pendant un séjour que celui-ci fit à Dresde peu après l'époque dont nous venons de parler.

« Beau, bien fait, ayant de l'esprit & de la politesse & beaucoup d'acquis, il me paroissoit avoir des sentimens d'honneur. Il avoit les manières nobles & polies & s'exprimoit bien : il avoit quelque teinture d'étude, de la lecture, & son beau-frère (3) l'avoit fait entrer dans la diplomatie. Il écrivoit parfaitement bien & étant fort riche faisoit belle figure. m C'est en ces termes qu'en parle M. de Haxtlaufen, & il ajoute, ce que nous aurons occasion de vérifier, que le jeune Hoym étoit même recherché par des seigneurs plus âgés que lui qui sembloient pressentir sa prochaine & rapide élévation.

Hoym paroît avoir employé une notable partie de l'année 1713 à parcourir les différentes cours de l'Allemagne. Les archives du château de Lichtewalde contien-

(1) M. de Sahr.

(2) je prends tout ceci dans un commencement de travail fait par M. de Sahr.

(3) Le comte de Vitzthum. Ce fut évidemment lui qui le fit envoyer à Francfort.


nent plusieurs lettres à lui adressées par Mme de Behr ou Behren, sa cousine, & qui donnent son itinéraire pour plusieurs mois de cette année. Il avoit visité la cour de Hanovre, où étoit Mme de Behr, & c'est de là que cette dame lui écrivoit des lettres d'une orthographe d'autant plus fantaisiste qu'elle écrivoit comme elle prononçoit avec beaucoup d'accent ; mais ces lettres font originales & piquantes, & dénotent, chez celle qui les écrivoit, outre de l'esprit & du bon sens, une connoissance trèsapprofondie de la langue françoise familière.

En mars 1713, elle écrivoit à Hoym étant alors à Hambourg & le félicitoit d'avoir eu le suffrage de Mme de Konigsmarck. — En avril Hoym est à Berlin. u Je crois, lui écrit le 7 avril 1713 Mme de Behren, les fredaines de Berlin fort lugubres, & je vous plaindrois si je ne savois que vous en partirez bientôt. « Hoym n'avoit pas encore dix-neuf ans & il étoit déjà très-remarqué par les femmes. u Outre le nom que vos parrains & marraines vous ont donné, lui écrit Mme de Behr, le 7 avril 1713, Mme de Soufelgen, qui est éternellement coiffée de travers, a eu la bonté de vous en donner un, & ce nom est r Incomparable. n Toute la correspondance de cette dame avec Hoym, dont nous n'avons malheureusement pas les réponses, est montée sur un ton fort galant. Tout en affeétant un grand besoin de tranquillité & un grand éloignement pour les intrigues, Mme de Behr parle à peu près constamment d'amour. « Qui vous a dit, de grâce, écrivoitelle à Hoym le 15 avril 1713, que les dames ne fuivoient pas l'ordre naturel sur le sujet de leurs amans ? —

Je n'en fais rien; ainsi, je ne veux pas vous contredire, mais je crois qu'elles ont quelque raison pour en user


ainsi : Apparemment que les anciens n'ont pas cPauffi bonnes qualités que les nouveaux. n Je ne crois pas que cette correspondance ait été suivie d'effet. Mme de Behr étoit, à ce qu'il semble, feulement coquette, mais elle l'étoit bien. Est-il en effet une manière plus habile d'attirer, d'enflammer & de retenir un homme que de lui donner force louanges, de lui faire voir clairement qu'on le trouve charmant, accompli, incomparable & en même temps d'afficher un désintéressement complet, de dire hautement qu'on n'aimera jamais, de se fàcher presque quand r Incomparable devient entreprenant? D'un côté on lui laisse deviner un cœur épris, de l'autre on lui oppose des obstacles de vertu & de répugnance pour l'intrigue, de forte que l'amoureux a toujours devant les yeux de grandes chances de succès & en même temps assez de difficultés pour irriter ses désirs & piquer sa vanité. C'est ce manège, d'une coquetterie charmante pour l'homme qui aimeroit peu, désespérante pour celui qui aimeroit beaucoup, que Mme de Behr me paroît avoir adopté à l'égard de son jeune coufin (1).

Outre Hanovre, Hoym visita cette année Hambourg, Berlin & Zeitz, petite ville voisine de Droyfig, terre de sa famille où il fut très-brillamment reçu.

Il passa un certain temps à Dresde & dans ses terres.

De là il devoit retourner à Hanovre où sa cousine l'invitoit fort à revenir; mais la dernière lettre de Mme de Behr est du 20 juillet 1713, & nous ne savons pas s'il obéit aux vœux de sa spirituelle parente.

(1) Je donne une lettre complète d'elle au numéro IX des pièces juftilicatives.


D'après les termes de la dédicace à Hoym des Mémoires de l'Académie des Inscriptions, de l'édition de Changuion, 1731, nous étions disposés à croire, M. de Sahr & moi, qu'Hoym avoit paffé une grande partie de sa première jeunesse à la cour de Lorraine, mais les correspondances retrouvées à Lichtewalde démontrent le contraire, & il ne paroît pas qu'il ait paffé à Lunéville, à la cour du duc Léopold, plus de quelques mois (1). En tout cas il y avoit alors auprès de la cour de Lorraine, j'ignore depuis quelle époque, mais elle existoit encore plus tard au dix-huitième siècle, une académie, c'efl-àdire une école d'équitation & probablement aussi d'autres exercices, qui jouissoit d'une grande réputation en Allemagne & qui étoit suivie par nombre de jeunes seigneurs allemands. Il est très probable qu'Hoym, alors âgé seulement de dix-neuf à vingt ans, fréquentoit cette académie. Il étoit naturellement reçu aussi à la cour du duc de Lorraine dont Mme de Craon faisoit le plus bel ornement.

C'est là qu'Hoym commença à se former à l'élégance des manières & à étudier plus à fond la langue françoise. Un petit cahier qui s'est trouvé dans ses papiers (n° VII des pièces), & qui a été évidemment écrit à cette époque, contient les observations qu'il avoit faites sur les habillemens des deux sexes, sur la convenance &

(1) Il étoit en Saxe en juillet 1713 & avoit quitté Lunéville en août 1714. (Son beau-frère M. de Bothmar s'étonne, dans une lettre du 31 juillet 1714 que nous donnons aux pièces justificatives, n° X, qu'il y foit ressé si longtemps.) Après avoir antérieurement fait un petit voyage de Lunéville à Paris, il alla à Strasbourg, à la Haye, & étoit à Londres en septembre ou oétobre 1714. Il quitta l'Angleterre le 11 décembre. Il ne passa donc tout au plus qu'une année à Lunéville.


Tharmonie des couleurs entre elles & les noms bizarres que la mode donnoit à certains ajustemens. M. de Craon & plusieurs Allemands, probablement de ses amis, y font cités comme exemple.

Mais il est difficile à l'âge qu'avoit alors Hoym (& peutêtre à d'autres âges encore) d'étudier si bien les vêtemens des femmes sans les regarder aussi beaucoup. Doué d'un tempérament ardent, Hoym ne put voir sans l'aimer Mlle Charlotte d'Hamal (i), qui paroît avoir été fille d'honneur de la duchesse de Lorraine (mais je n'ai pu en trouver la preuve), & cet amour fut partagé par celle qui l'avoit inspiré. Cette jeune fille étoit d'une grande beauté, & ses lettres conservées dans les archives de Lichtewalde semblent indiquer une âme franche & noble & un cœur tendre sans coquetterie. (Voyez pièce XI.) Ce n'est plus Mme de Behr, pesant, calculant tout. « Je vous ai aimé malgré moi, écrit Mlle d'Hamal à Hoym, & pour obéir à ma dessinée. n Hoym, sérieusement épris de cette charmante femme, vouloit l'époufer. Il s'en ouvrit au baron de Bothmar, son beau-frère, envoyé extraordinaire du roi de Pologne qu'il devoit représenter au couronnement de Georges II, roi d'Angleterre. M. de Bothmar, qui, comme le reste de la famille d'Hoym, auroit vu ce mariage avec regret à cause de la très-grande jeunesse de son beau-frère, du peu de biens de la jeune fille,& de la différence de religion, dans une lettre trèsspirituelle & d'un très-grand bon sens, demandoit seulement à Hoym de ne pas prendre d'engagement pendant les deux ans qu'il avoit destinés à ses études & à ses

(1) Hoym a écrit une fois de Maie, mais je crois que c'est d'Hamal, nom de Mme de Raflbmpierre (voyez p. 14), qu'il faut lire.


voyages ; mais, ajoutoit-il, si vous êtes déterminé sans w retour pour ce mariage, je souhaite que l'amour qui « vous le persuade dure toute votre vie & qu'il foit touu jours partagé. « (Pièce X.) M. de Bothmar ne se bornoit pas à écrire lui-même ou à faire écrire par Mme de Vitzthum, il fit venir Hoym à Londres en faisant un détour considérable par Strasbourg & les Pays-Bas. La pauvre Mlle d'Hamal sentoit bien tout le danger. et Non, n écrivoit-elle à Hoym le 27 septembre 1714, non, rien ne m'a fait tant de et peine dans la vie que ce voyage d'Angleterre. Vous et jugez bien que dès que M. votre beau-frère vous aura et auprès de lui, il mettra tout en usage pour vous déet tourner de revenir en Lorraine, & de la façon dont on et m'a parlé de lui, c'est un homme à venir à bout de et choses même plus difficiles. Il flattera peut-être vos et sentimens au commencement pour vous ramener après et dans le fien. — Il vous gagnera par votre ambition, et étant la chose du monde où vous êtes le plus sensible.

et Je ne vous la reproche point. Au contraire, si vous ee n'en aviez pas, je voudrois vous en inspirer : c'est une et passion très-digne de vous & qui vous convient de et toute façon ; je ne crains même pas que vous vous ee en laissiez aveugler. Je ne puis me consoler de ce ee voyage, & j'ai des pressentimens affreux.

et Votre famille a raison : je ne puis vous être bonne à et rien qu'à servir d'obstacle à votre fortune, — je pars et la semaine qui vient pour aller à la prise d'habit d'une et fœur unique que j'ay, qui se fait religieuse : que j'enet vie son état ! «

Cependant Hoym lui répondoit par des protestations d'un amour éternel, & la lettre de M. de Bothmar doit


faire croire qu'il étoit sincère, mais il étoit jaloux & exprimoit des soupçons (i) qui blelîoient l'âme fière de Mlle d'Hamal & ajoutoient à sa perplexité & à ses angoisses. Sa famille, ses amis, lui reprochoient de s'entêter d'un étranger qui ne reviendroit pas & de négliger les établissemens solides qui s'offroient à elle; les malveillans, les envieux, les rivaux d'Hoym parmi lesquels étoit M. de Zinzendorff, railloient sa confiance. Les lettres de Mlle d'Hamal arrivoient très-inexaétement à Hoym, à cause des précautions qu'on avoit à prendre. Le fardeau fut trop lourd pour cette âme si tendre & si éprise. Elle y succomba. Atteinte en septembre 1714 d'une fièvre qui fit craindre la petite vérole (z), Mlle d'Hamal parut guérie & écrivit encore à Hoym, mais elle retomba en novembre.

Un M. de Schack, qui étoit l'intermédiaire de la correspondance (3), annonça le 6 novembre à Hoym que tout alloit finir. Hoym, ne perdant pas tout espoir, écrivit encore (4) à celle qu'il aimoit & partit aussitôt; mais, hélas ! la pauvre Charlotte n'étoit plus !

(1) 4, Le hasard (écrivoit-elle déjà le 2 septembre) s'accorde malheureusement avec votre famille. Je ne ferai pas auprès de vous pour me défendre. Vous en êtes déjà aux soupçons ! »

(2) La pauvre enfant écrivoit à Hoym : Je n'aurois pas été bien aise que vous retrouviez votre Lotte (diminutif de Charlotte) gdiéel

(3) Les lettres d'Hoym étoient fous des enveloppes portant des noms de ses amis. L'une de ces enveloppes porte le nom du baron de Riedefel, à Paris, dont nous parlerons aux années 1736 & 1738. Cette lettre est cachetée d'un amour conduisant une barque & regardant une étoile : Si je la perds je fuis perdu. --

vu Voici le passage le plus faillant de cette lettre ; plus tard Hoym écrivoit bien mieux : Je sens aussi vivement que je puisse tout le regret que j'aurai à per-


Que fit Hoym en arrivant en France? Ici les renfeignemens nous font défaut.

On voit dans sa correspondance qu'il devoit aller à Genève, & il est probable qu'il y alla en effet, car il résulte d'une lettre (pièce n° XIII) qu'il écrivoit de Paris en décembre 1715 à Mme Duport, de Lyon, qu'il avoit été peu auparavant à Lyon, qui est sur la route & peu éloigné de Genève. Il étoit revenu à Paris au moins en septembre 1715, au moment de la mort de Louis XIV.

C'est ce que prouve une lettre de lui adressée à un lord que je crois lord Stairs (pièce n° XII), où il parle de la gangrène du Roi & de l'espérance qu'on avoit de le voir se rétablir.

Il ne resta donc que peu de temps à Genève & revint à Paris assez promptement.

Je pense qu'à son retour il demanda d'abord à l'étude les consolations dont il devoit avoir tant besoin.

D'après le caractère de l'écriture, ce feroit à ces dernières années du règne de Louis XIV ou à l'année 1716 qu'il faut rattacher un très-important & très-savant tra-

dre ce qu'il y a dans le monde de meilleur, de plus aimable, de plus parfait, ne croyez pas que je vous survivrai un moment.

« Quand M. de Lamberty me montra l'endroit de la lettre où M. de Craon lui écrit, Mlle de Maie est à l'extrémité, & on craint qu'elle ne paffe pas la nuit; je ne fus plus maître de moi-même & je pensai éclater devant tout le monde. Dieu ! quand je fonge que j'écris peut-être cette lettre à une personne morte, & que cette personne est la feule que je mets au-dessus de toutes les autres choses du monde., je m'étonne que cette feule pensée ne me fait pas mourir d'effroi. Je dois croire que le coup qui m'accable est un coup de la main de Dieu, qui me punit de m'être trop attaché à une chose de ce monde & qui m'arrache pour cela l'objet que j'idolàtrois. - Je pars ce foir pour trouver des lettres à Paris.

Je fuis arrivé à Douvres, & je compte passer la mer demain matin.

Ce 30 novembre (nouveau style) 1714.


vail qu'il fit sur Térence. J'ai trouvé en juin 1874, chez M. Claudin, un exemplaire de ce poëte de l'édition in usum Delphini de 1675, relié en veau fauve aux armes d'Hoym, qui est chargé de notes parfaitement écrites de sa main & de son écriture de cette époque, & qui est un véritable commentaire sur ce charmant auteur. Il connoissoit déjà notre langue à fond, & c'est à elle qu'il emprunte les mots nécessaires pour exprimer les idiotismes de la langue de Térence. Nos vieux poëtes lui font déjà familiers & il cite Baïf plus d'une fois.

(Pièce VIII. - Voyez le chapitre de la Bibliothèque.) On verra aux pièces justificatives une lettre à lord Stairs (n" XII) concernant les livres, & dans laquelle Hoym parle des Mémoires du cardinal de Retz, qui alors n'existoient qu'en manuscrit (1).

Mais ce ne fut pas feulement à l'étude qu'il eut recours pour supporter le coup qui l'avoit frappé & auquel il croyoit ne pas pouvoir survivre. J'ai fous les yeux plusieurs minutes de lettres par lui écrites à cette époque, dont plusieurs ont dû rester à l'état de projet, car quelques-unes, très-proprement écrites & pliées comme pour être mises fous enveloppe ou avec l'adressè, font restées entre ses mains. (N° XIV.) Ces lettres font remplies d'expressions passionnées, plus passionnées même que celles de ses lettres à Mlle d'Hamal.

Dans l'une d'elles, que je crois adressée à Mme de Caumont (n° XIV, D), il lui dit qu'il l'avoit remarquée autrefois, quoiqu'il eût alors une passion. Pourquoi cette lettre ne s'est-elle pas perdue !

(1) Dans une lettre écrite vers cette époque, il envoie encore ces mémoires à un inconnu qui les lui avoit demandés, & avec qui il aimoit beaucoup à caiifer (ce pourroit bien être Lenglet-Dufresnoy).


Après avoir fait la part du blâme que mérite cette inconstance ou plutôt cette disposition à une trop prompte consolation, il faut reconnoître qu'il est difficile d'employer plus utilement son temps que ne le fit Hoym à Paris, de la fin de 1714 ou du commencement de 1715 jusqu'à la fin de 1717 (1). Lorsqu'il quitta Paris pour aller en Allemagne, il avoit vu la société la meilleure & la plus distinguée à tous les points de vue. Il étoit lié avec M. de Caumont, duc de la Force après la mort de son père, &, grâce à lui, il avoit été très-gracieusement accueilli par le vieux duc de Lauzun (2) & par la duchesse (belle-fœur de Saint-Simon). Il connoissoit Mlle de la Force, Mlle d'Albret, cette charmante fille du duc de Bouillon, le marquis de Tessé (3), capitaine des gardes du Régent, qui, comme Lauzun, a possédé la maison où j'écris ces lignes, Mme de Mimeure dont a parlé Voltaire, Mme de Beaune. Il s'étoit lié avec Fontenelle, Mme de Tencin, Mme de Fériol sa fœur. Malgré son jeune âge, il alloit assidûment chez la spirituelle présidente Ferrand, alors âgée de soixante ans, & préféroit, comme il le dit dans une lettre à elle adressée, une place au coin de son feu à tous les endroits du monde.

Ce font ces deux années qui formèrent le goût d'Hoym & firent de lui, grâce évidemment aux germes qu'ils y trouvèrent, un des amateurs les plus éclairés, les plus délicats & les plus judicieux qui aient jamais existé. Les

(1) Il demeuroit alors rue Jacob, hôtel de Modène. Cet hôtel a exiftd jusqu'aux premières années de ce siècle. Je n'ai pu trouver précisément ion emplacement.

(2) Lettre à M. de Caumont, pièces justificatives, nO XV.

(3) Lettre à une dame de la cour de Lorraine, pièces justificatives, no XIV.


lettres qu'il écrit à cette époque font très-supérieures à celles qui font antérieures ; je n'ai, il est vrai, pour juger de celles-ci, que celles écrites à Mlle d'Hamal. On en a vu, page 9, un échantillon ; mais on peut dire qu'il avoit puisé dans l'excellente compagnie qu'il fréquenta, & dans ses leétures, une connoiilance profonde de notre langue; & comme il avoit d'ailleurs beaucoup d'esprit, une grande élévation de sentimens, & beaucoup d'inftruéHon, certaines de ses lettres peuvent aller de pair avec celles des meilleurs épistolaires de cette époque (i).

Nous avons un certain nombre de pièces pour l'époque de cet important séjour à Paris, mais ce font : Iodes lettres d'amour écrites par lui & à lui adressées. Les femmes avec qui il correspond ne donnent pas leur nom & cachètent leurs lettres foit avec des devises amoureuses, foit avec de simples chiffres qui ne permettent pas de les déligner (a); a0 des lettres que j'appellerai de coquetterie littéraire & amoureuse qui ne nous donnent aucun fait. Je ne puis donc rien dire de sa vie à cette époque de plus que ce que j'en ai dit ci-dessus en termes généraux. J'imprime quelques-unes de ces lettres aux pièces justificatives; le teneur pourra juger de la

(1) M. de Haxtlaufen a dit qu'il écrivoit bien parce qu'il avoit acquis des héritiers du président Portail plusieurs volumes de la correspondance de Rose, son beau-père, secrétaire du cabinet du Roi.

Hoym écrivoit bien sur tous les sujets & n'auroit pu trouver dans aucun manuscrit des lettres faites pour toutes les situations. Il est clair, au reste, que la meilleure manière d'écrire dans une langue est de la posséder à fond, & les bonnes leftures y aident flngulièrement; mais en dehors de cela il y a le génie particulier d'écrire, & Hoym avoit le fien.

(2) M. de Sahr croyoit que plusieurs de ces lettres étoient adressées à Mme de Craon.


manière d'écrire d'Hoym, & voir quelles étoient alors ses habitudes.

C'est au milieu de cette heureuse vie qu'il eut, en 1716, l'idée de faire faire son portrait par Rigaud. J'en parlerai plus au long au chapitre de son goût pour les arts.

Hoym quitta Paris à la fin de 1717. Il repassa par Lunéville (1), où il avoit gardé des relations dont quelques-unes durèrent toujours. Il correfpondoit avec le duc Léopold (2) & avec M. de Craon, son favori. Il étoit lié avec Mme de Villelume-Barmontet, Mlle d'Ormoy & probablement avec Marie-Magdeleine d'Hamal (parente de l'infortunée Charlotte), femme de François-Charles, marquis de Bassompierre, & belle-fœur de FrançoifeThérèse de Bassompierre (3), dame d'Andrezel, chez qui il alloit à Andrezel : toutes ces dames, habituées ou dignitaires de la cour de Lorraine.

De Lunéville il semble s'être rendu à Vienne. Il y étoit au moins au printemps de 1718 (4). De là il entretenoit une correspondance aftive avec les amis qu'il avoit laissés à Paris, &, probablement sur leurs indications & d'après leurs conseils, il s'étoit mis en rapport avec J.-B. Rousseau, que la calomnie, résultat de son imprudence & de l'envie de ses ennemis, avoit forcé à se retirer dans cette capitale, fous la protection du prince Eugène. ce Je compte, écrivoit Rousseau à la présidente

(1) Il y étoit le 4 janvier 1718, qu'il prêta 500 écus au baron de Schack. Journal du grand-livre B.

(2) Le 8 novembre 1719, le Duc s'excuse de ne pas avoir répondu à ses lettres & le prie de continuer à lui donner des nouvelles.

(3) Voyez le nO XIV des pièces jufiificatives.

(4) Lettre à M. de Caumont, pièces jufiificatives, no XV.


Ferrand le 31 mai 1718, que vous me ferez l'honneur de me donner de vos nouvelles par le comte cP Hems, dont la société fait ici un de mes plus agréables amusemens, & qui joint à la polîtesse qu'il a puisée dans votre commerce & dans celui de Mme de Beaune un fond d'honneur & de probité qui le rend aujjt solide qu'aimable (1). n

La présidente Ferrand, liée avec RouÍfeau & Hoym, étoit avec lui en correspondance suivie, mais cette correspondance fut interrompue par une circonstance assez extraordinaire, & qu'il n'est pas facile d'éclaircir.

(i) Voici une lettre que J.-B. Rousseau adreiroit à Hoym le 7 juillet 1718, & la réponse d'Hoym. On regrette de ne pas savoir ce qu'il avoit demandé à Rousseau.

ROUSSEAU A HOYM.

7 juillet 1718 & réponse à Vienne le 7 septembre 1718.

« Je connois trop le prix de vos lettres, Monsieur, pour délirer autre chose en les recevant, & les marques de votre souvenir me consolent de l'oubli de nos amies. Je pardonne à ceux qui font occupez des objets présens leur négligence pour les objets éloignés. Il faut de l'équité partout, & en amitié encore plus qu'en toute autre chose : mais je me garderai bien d'avoir pour moi-même l'indulgence que j'ai pour (les) autres, & je ne me pardonnerois jamais si j'avois esté capable de manquer de souvenir pour une personne que j'honore autant que vous & dont l'amitié m'honore autant que la vostre. Je n'aurois jamais osé exiger de vous la même chose, & mon inutilité dans le monde est le principe de la justice que je m'estois rendue à cet égard. Mais les cœurs généreux font au-dessus des règles communes, & la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire m'apprendra déformais à juger des hommes qui vous ressemblent, non sur la connoissance que j'ai de moi, mais sur la connoissance que j'ai d'eux. Aprez cela, n'est-ce pas une marque d'ingratitude à moi de différer à vous écrire les bagatelles que vous me demandez? Non, Monsieur, mais c'est un défaut d'exactitude dont mes occupations du matin & mes dissïpations du foir m'obligent à vous demander très-humblement pardon. Je reétifierai cette faute par le premier ordinaire, & M. de Vakerbart m'a promis de vous les faire tenir. Promettez-moi de votre part celle que vous avez bien


Lenglet-Duftefnoy, auteur & éditeur de tant d'ouvrages, & qui est certainement connu de tous nos lecteurs, avoit, dès 1716, rencontré Hoym cherchant des livres chez des libraires, & avoit lié connoissance avec lui. Il paroît que, vers le 15 août 1718, il avoit reçu d'Hoym une lettre d'introduction pour la présidente Ferrand (i), & ayant été arrêté & mis à la Bastille le 15 septembre, il prétendit que cette dame lui avoit demandé de présenter au duc de Bourbon un mémoire composé par elle & dont le but étoit de porter ce prince à se créer

voulu me donner dans votre estime, & de me regarder toujours comme l'homme du monde qui fait profession d'estre le plus fidèlement, « Monsieur, Votre très-humble & très-obéissant serviteur, « ROUSSEAU. »

Voici maintenant la réponse d'Hoym :

A Dresde, ce 2 novembre 1718.

u Un voyage que j'ay fait à Leipzig & un autre que j'ay fait à la campagne ont été cause, Monsieur, que je n'ay pas répondu plutôt à la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire du 7 septembre, que je n'ai reçue qu'à mon retour à Dresde. Je fuis très-sensible aux expressions obligeantes dont vous accompagnez les marques que vous me donnez de l'honneur de votre souvenir. Mais, Monsieur, permettez-moi de vous reprocher de vous en être tenu là, & de ne m'avoir pas envoyé ensuite ce que vous m'aviez promis de voir suivre par le premier ordinaire. Tout autre se contenteroit peut-être d'un refus aussi honnête que le vôtre, mais, pour moy qui ne crains point de pouffer mes amis à bout par mes importunitez, je ne saurois être content qu'ils ne m'aient satisfait sur les choses que je désire d'eux, ou qu'au moins je ne me fois attiré un refus plus positif de leur part. J'attens donc de vous, Monsieur, l'un ou l'autre, espérant pourtant que vous ne balancerez pas sur le choix du party que vous avez à prendre, & que vous vous ferez un plaisir d'obliger l'homme du monde qui est le plus touché de votre mérite, & qui a l'honneur d'être, avec la plus parfaite estime & l'attachement le plus flncère, &c. »

(1) Delort, tOmc II, p. 52.


dans le Parlement, avec l'aide de l'abbé Pucelle & de quelques autres, un parti pour lutter contre le Régent.

Lenglet, n'ayant trouvé personne qui voulût remettre au duc de Bourbon son mémoire, le' lui présenta luimême en septembre 1718. Le Duc, après avoir mis en marge de ce mémoire des réponses très-énergiques aux diverses allégations de son auteur, le remit au Régent, & Lenglet fut arrêté le 15 septembre 1718.

Dans ses interrogatoires, il soutint que le mémoire qu'il avoit remis à M. le duc de Bourbon étoit à la vérité écrit de sa main, mais qu'il avoit été fait par la présidente Ferrand, qu'il ne connoiiroit que depuis peu de temps, pour avoir été lui porter des lettres du comte d'Hoym, avec qui il étoit en relation pour le renseigner sur des livres & lui en fournir.

La présidente Ferrand (i), interrogée comme Lenglet par M. de Machault, nia énergiquement & ne fut pas arrêtée. Lenglet resta à la Bastille jusqu'au il décembre 1719 (2). La présidente, effrayée par cet incident, resta quelque temps sans oser écrire à Hoym pour ne

(1) Je donne en appendice une notice sur la présidente Ferrand & quelques lettres d'elle. Je recommande ces lettres au lcéteur. Mme Ferrand a certainement été une des femmes les plus spirituelles & les plus distinguées du siêcle dernier, & elle jouiroit aujourd'hui de la réputation que sembloit lui promettre l'approbation de ses contemporains si l'appel adresse à ses correspondans par l'auteur du Mercure au moment de sa mort, en 1740, avoit été entendu.

(2) Ce qui résulte de cette affaire, c'est que Lenglet-Dufresnoy, fort instruit d'ailleurs & homme d'esprit, étoit très-intrigant. C'est du reste ainsi que le jugeoit un diplomate fui (Te au service de Saxe-Pologne, M. Terras, qui représentoit cette puissance à Vienne en 1722, lorsque Lenglet y étoit dans le but de demander à l'empereur Charles VI & au prince Eugène (tous deux grands amis de la France comme on fait!) de mettre à couvert la personne du roi Louis XV, menacée par le Régent (Delort, II, 72). Terras donc écrivoit à Hoym le 18 avril 1722 :


pas le compromettre, dit-elle dans sa lettre du 20 avril 1719, car la fœur de Lenglet avoit, à ce qu'il semble, essayé de rejeter aussi sur Hoym la faute de son frère (1).

Mme de Tencin, qui n'avoit pas encore pris le vol qu'on lui vit soutenir depuis, & cela grâce en partie à Hoym, & surtout à son ami Schaub (2), étoit aussi de ses correspondantes. Je donne aux pièces justificatives (n° XVI) une fort jolie lettre qu'elle lui écrivit à Vienne en 1718, peu après l'incendie du Petit-Pont, & je donne aussi la réponse d'Hoym.

J'en donne encore deux fort intéressantes de Mme de Mimeure (3), femme d'esprit, en relation avec Voltaire, dont elle parle très-judicieusement dans cette lettre.

ii L'abbé Lenglet, qui a été ici pendant quelques mois, a disparu depuis quelques jours. Cet homme est afiez universellement soupçonné de ne rien valoir. Je m'en rapporte" (ftc) (suppléez à ce qui en est ou à ceux qui en sauront parler; locutions fort usitées au seizième siècle). Les idées que d'après cette aventure Lenglet-Dufresnoy avoit à l'égard du Régent, & surtout la durée de sa détention, rendent bien invraisemblable, pour ne pas dire impossible, ce que raconte Michault de Dijon au sujet de la conspiration de Cellamare. Cet auteur si savant, & en général si exaét, allure que Lenglet-Dufresnoy avoit été employé par le gouvernement pour découvrir toutes les circonstances de cette conspiration , & Lémontey a dit la même chose, probablement d'après lui.

Delort a dit avec raison qu'il devoit y avoir là une erreur (ou plutôt un mensonge de Lenglet-Dufresnoy), car il étoit à la Bartille longtemps après la découverte de la conspiration & après la punition de ceux des coupables contre lesquels le Régent sévit. Michault de Dijon dit que Lenglet faisoit un peu le commerce des livres, & que M. Maillard, avocat, auteur d'un commentaire sur la coutume d'Orléans, le lui reprocha dans un factum. Il m'a été impollible de trouver cette pièce.

(1) Voyez le détail de cette affaire dans Delort, Hifloire de la détention des gens de lettres, Paris, 1829, 3 vol. in-8°, tome II, p. 45. Les pièces originales de toute cette affaire font partie de ma collection.

(2) Delort dit qu'elle avoit gagné 25 000 francs de rente dans le système. Dubois, qu'elle connoissoit beaucoup, peut-être par Schaub & Hoym avoit dû l'aider à faire cette fortune.

(3) Pièces justificatives, n° XVII, A & n.


Je ne puis m'empêcher de parler ici d'une dame polonoise très-coquette & probablement fort jolie, Mme Pociey (i), femme du comte Pociey, grand général de Lithuanie, dont Hoym fit la connoissance à Dresde, je pense, en 1718 (z).

A cette heureuse époque où le françois étoit, on peut le dire, la langue universelle des esprits cultivés en Europe, & surtout en Allemagne, Mme Pociey s'étoit passionnée pour Fontenelle. Un quatrain de cet aimable

auteur, allez leste pour n'avoir pas été imprimé dans ses œuvres, & qui finit par On ne fait ou mettre son cœur, avoit

(1) Emerentia Warfzycka étoit fille d'Alexandre Warfzycki, porteglaive de la couronne & palatin de Sandomir. Son mari, Louis Pociey, étoit un homme ordinaire, amateur surtout de la bonne chère. Le comte de Watzdorff, qui fut depuis l'époux de Mlle Henriette de Vitzthum, écrivoit de Varsovie à Hoym, le II août 1722, que cette dame, qui avoit à elle feule plus (Tefprit, de mérite & cTagrémens que toutes, étoit de ses amies (à Hoym) autant qu'on pouvoit l'être. A la fin de cette lettre, Mme Pociey avoit ajouté quelques lignes affeétueufes pour Hoym & pour le comte (depuis maréchal) de Saxe, qui faisoit toute sa joie en Saxe. Il résulte d'une lettre du comte de Lutzelbourg qu'elle étoit à Paris en juin 1723, réalisant ainsi un de ses plus vifs désirs. En 1729, elle étoit devenue palatine de Wilna. En 1730, elle devint veuve & épousa le 24 septembre, à Varsovie, Joseph-Alexandre, comte de Montmorency (de la branche des seigneurs de Bours, cadets de ceux de Croifilles), alors lieutenant de la compagnie des chevaliers-gardes du roi de Pologne; il devint plus tard lieutenant général & mourut en mars 1759. Sa femme lui avoit apporté 15000 écus de rente & une pension qu'avoit son premier mari. (Lettres de Watzdorff du 16 décembre 1729 & de Monti du 23 septembre 1730.)

(2) Il semble, par une lettre du comte de Friese du 17 décembre 1719, qu'Hoym lui avoit succédé dans la faveur de Mme Pociey. Il dit, dans cette lettre, se consoler d'une perte fort chère (si elle l'eût réellement été, auroit-il pris la chose si philosophiquement?) en la voyant, sans flatterie, dans de meilleures mains. Mme Pociey avoit voulu rejeter sur M. de Friese l'initiative de la rupture, mais celui-ci s'en défendoit.

Fontenay écrivit quelque part à Hoym que le grec (M. de Friese) ennuyoit Mme Pociey. Il étoit singulier, on le voit dans ses lettres.


piqué d'honneur cette beauté du Nord, &, à sa requête sans doute, Hoym écrivit à Fontenelle la lettre fuivante : » A Dresde, ce 30 novembre 1718.

« Je crois que vous connoissez trop, Monsieur, le plaisir que me doivent faire vos lettres pour chercher à leur donner, comme vous le dites, des compagnes qui puissent les rendre plus agréables, quoique ce qui vient de la part de Mme de Tencin ne sauroit jamais rien gâter. J'ay pensé donner une compagne à la mienne qui assurément ne vous auroit pas déplu, ne feroit-ce que par la singularité du sujet qui vous l'auroit attirée. Ce font les vers qui finissent par On ne fait ob mettre [on cœur, que j'ay dits ici à une dame très-aimable, qui en a été charmée, & si touchée des lentimens qu'ils renferment, qu'elle ne se peut consoler que 300 lieues la séparent d'un homme qui pense de cette façon. Elle me charge de vous dire, Monsieur, que pour peu que vous fussiez d'humeur à faire la moitié du chemin, elle feroit toute prête à faire l'autre pour vous faire voir qu'on trouve encore à mettre son cœur aussi bien que le reste. C'est à vous, Monsieur, à voir de quelle façon vous avez à répondre à ces avances-là, & tout ce que je puis vous dire, c'est qu'elles viennent de la part d'une personne qui ne le cède pas à vos Iris les plus aimables, fût-ce même la Clarice que vous avez tant chantée. Au moins est-ce là mon sentiment. Si jamais vous vous rapprochez davantage l'un de l'autre, vous me direz le vôtre. En attendant, je vous prie que le mien ne vous foit pas fufpeét :

Brachia & vultum teretefque furas Integer lando (j'lige suspicari


Cujus oflavum trepidavit œtas Claudere lustrum) (1).

t, J'en reviens à votre lettre pour vous marquer, Monsieur, ma vive reconnoiirance des sentimens que vous me faites l'honneur de me témoigner, auxquels je vous prie de me croire sensible autant que le peut être un homme qui connoît le prix des choses & qui fait combien on doit avoir de l'obligation à quelqu'un en qui on trouve dans un pays étranger ce que j'ay trouvé en vous.

Je vous affure, Monsieur, que le plaisir de vous revoir est la feule chose qui pourroit me faire envisager un autre voyage en France comme une chose agréable, car, d'ailleurs, j'ai tout sujet d'être content de ce pays-ci.

Cependant je ne saurois renoncer à l'espérance de retourner encore dans le vôtre, & c'est même une espérance que je ne crois pas trop éloignée. C'efi: alors que je me flatterois que vous voudriez bien que nous paffassions encore ensemble quelques-unes de ces heures que vous m'avez données pendant mon séjour à Paris & dont vous avez la politesse de vous souvenir d'une manière si obligeante pour moy. Je vous prie d'être bien persuadé que j'en ay toute la reconnoissance possible, & que je fuis certainement plus que personne au monde, &c.

a w Je n'oserois faire des reproches à Mme Tencin de ce qu'elle ne m'a point écrit. Vous me mandez, Monsieur, qu'elle a eu l'intention de le faire, & il me doit suffire qu'elle ait bien voulu simplement se souvenir de moy. C'est même bien tout ce qu'on peut attendre des dames, car ce feroit la première fois que l'absence au-

(1) Horace, livre II, ode 3 (Ad Xanthiam Phocœum de amore anci llæ). Hoym a effacé tout ce qui est ici entre parenthéses.


roit fait ce que la présence n'a pu faire. Je voudrois bien pourtant, Monsieur, que vous voulussiez lui dire quelquefois aussi bien qu'à Mme de Ferriole que si elles me font l'honneur de se souvenir de moy quelquefois, elles peuvent être affurées que je le mérite plus que personne par l'attachement inviolable que j'aurai toujours pour elles, indépendamment même de leur oubli ou de leur souvenir. Voici maintenant la réponse de Fontenelle : u Je fuis bien persuadé, Monsieur, que la dame qui a approuvé le petit quatrain le feroit mentir, & si je n'étois pas voüé à une éternelle immobilité, je ne plaindrois point mes pas pour avoir le plaisir d'être confondu par elle, mais je ne fuis pas persuadé de même que vous soyés si désintéressé, integer (i), quand vous loüés ses bras, son visage & la rondeur de ses jambes.

Brachia & vultum, teretefque Juras.

« Il est vrai que vous le dites en latin, ce qui seul fait une preuve auprès de la plus part des gens, mais vous savés que je ne fuis pas trop de ce nombre-là, & vous

Ci) Je crois qu'Hoym étoit absolument aussi sincère dans ses protestations de désintéressement à l'égard de Mme Pociey que l'aimable auteur qu'il cite. Horace, qui se trouvoit alors trop vieux à son huitième lustre pour aimer la belle esclave de Xanthias le Phocéen, adressoit dix ans après à cette même personne, à la blonde Phylis, alors affranchie de Xanthias & fort éprise du beau Télèphe, l'ode 28 du livre IV où il lui promet son dernier amour :

Age jàrn meorum Finis amorum.

Non enim poflhac alia calebo FœmÏiia.

Voyez Walckenaer, IIifloire d'Horace, tomc I, p. 557, & tome II, p. 308 & 309.


me l'auriés dit en grec, que je ne l'en croirois pas davantage. Cependant si integer peut signifier que vous êtes bien entier en louant, que vous loués de toute votre personne, le latin & vous aurés raison, & non autrement.

Mais il ne faut point tant de doftrine ni de critique pour cette affaire-là. Qu'auriez-vous de mieux à faire que de vous attacher à une dame faite comme celle dont vous me parlés? Vous en auriés donc une autre qui la vaudroit? Cela ne se peut pas. Voilà un raisonnement qui n'est qu'en françois, & qui ne laide pas de conclure, & je parie que votre cœur aura raisonné comme moi.

« Pour Mme de Tencin, dont on se souvient fort naturellement quand il est question de personnes aimables, je ne puis que condamner sa paresse, en vous garantissant pourtant ses sentimens, & même je vous avouerai que je ne la condamne pas tout à fait tant qu'elle le mériteroit, non-seulement parce que je n'ai pas beaucoup d'inclination à la condamner, mais parce que je me sens un peu sujet au même vice; puisque je ne m'en fuis pas entièrement corrigé pour vous, je me reconnois incurable. Mais revenés, Monsieur, & vous verrés que vous n'aurés plus rien à nous reprocher, & que ceux qui n'auront pas trop bien rempli les devoirs extérieurs & cérémoniels de l'absence, en auront bien rempli le devoir enentiel. Sur ce que vous me dites, j'efpérois un retour peu éloigné, mais cette dame qui a ces bras, ce visage & ces jambes, me fait peur. Malgré votre intégrité, elle pourra bien vous retenir; en ce cas il faudra que je fois bien intègre moimême si je n'ai pas l'injustice de lui vouloir bien du mal.

"Je fuis avec refpeét & avec d'autres sentimens qui valent encore mieux, &c., « FONTENELLE.


Les lettres de Mme Pociey font pleines d'esprit, de cet esprit qu'on a appelé l'esprit françois, peut-être parce qu'il se trouve plus souvent dans notre pays qu'ailleurs; mais en lisant les lettres de Mme de Behren, de Mme Pociey & d'Hoym, il faut bien reconnoître qu'il se trouve, ou du moins se trouvoit aussi au delà du Rhin. D'ailleurs notre langue prête sans doute, sinon à cet esprit-là, au moins à son expression, & les personnes que je cite parlant habituellement françois, connoissoient à fond notre langue & avoient fous ce rapport à peu près les mêmes avantages que les François.

u Imaginez-vous, écrit la comtesse Pociey à Hoym (le 2 juillet 1720, de Varsovie), imaginez-vous une personne qui est accoutumée à parler avec vous tout haut & qui est obligée de vous écrire tout bas, & qui est forcée de se taire sur mille choses qu'elle meurt d'envie de vous dire ; il semble même que quelque démon s'en mêle pour exercer ma patience, car il s'est pasle ici mille choses depuis votre départ qui m'auroient charmé si je vous les avois pu dire, & qui font fort désagréables quand elles se moisissent dans une teste comme la mienne. v> Et ailleurs (le 20 décembre 1720) : u C'est la dernière lettre que je vous écris de Varsovie. Vous ne sauriés croire, mon cher Comte, comme je me sens défaite d'un pesant fardeau en quittant Varsovie. Je ne l'ai pas encore quitté, & j'ai le cœur tout foulagé. Que fera-ce donc quand j'en ferai éloignée de cent lieues? C'est en vain que je veux vous dépeindre l'état dans lequel je me trouve par rapport à mon départ. Je devrois n'en rien dire ; ces fortes de choses se sentent d'une manière qui n'a point de nom, & le plus court est de s'en taire. «


La réponse d'Hoym est charmante, & est une des plus jolies lettres que nous ayons de lui. La voici :

« Paris, ce 16 février 1721.

u Je ne doute point, Madame, que M. de Montargon ne vous ait rendu la lettre dont je Pavois chargé pour vous, dans laquelle je vous parlois assés à bride abattue sur tout ce qui m'étoit paffé par la tête. C'est dommage qu'on ne puisse pas toujours écrire de même, cela feroit de jolies lettres, au moins auroient-elles le mérite d'être fort naturelles & de n'être point fardées comme le font toutes celles où l'on s'assujettit à une fotte contrainte qu'on a bien voulu honorer du nom de prudence & de circonfpecrion. On feroit aussi bien, à mon avis, de se défaire une bonne fois pour toutes de toutes ces fotsises-là, qui la plupart du tems ne fervent à rien qu'à nous priver du plaisir de s'abandonner à son naturel, qui est le plus sensible que je connoisse pour des gens qui pensent d'une certaine façon. Vous auriés par exemple gagné beaucoup, & moy aussi, à me mettre un peu plus au net tous les sentimens que vous me mandiés que vous aviés à votre départ de Varsovie, & la joie à laquelle vous dites que vous vous abandonniés. J'ay bien peur cependant que vous ne vous soyés méprise à cette joye, & que vous n'ayés pris de l'agitation pour un sentiment de plaisir & de fatisfacrion. Vous parlés trop vivement du prétendu soulagement que vous ressentiés d'avoir secoué votre fardeau, pour que je puisse vous en croire, & je m'imagine toujours que vous n'en êtes pas où vous pensés là-dessus, & que ce font là de ces traits de votre façon que nous connoissons & qui, comme vous savés,


ne me font pas nouveaux. Dans quelque tems d'icy vous m'en dirés des nouvelles, & vous me manderés si Dresde n'est point Roche-Pauvre pour vous Ci)- Je vous promets de vous en croire alors sur ce que vous m'en dirés.

Pour moy, vous n'auriés point de peine à me persuader qu'on trouve comme vous le dites des plaisirs jusque dans sa patrie. Je n'en connois même point qui puissent me dédommager de ceux-là, qui font les seuls qui pourroient me toucher. Mais je fuis malheureusement dans une situation à être forcé d'y renoncer, & il ne me reste pas même l'espérance, qui est, comme vous savés, le seul bien qui foit resté dans la boëte dont font fortis tous nos maux. Je vous demande grâce, Madame, pour ce petit trait de fable qui se trouve au bout de ma plume; je ne fais comment il a pû se mêler à tant de vérités. Je vous prie, Madame, de croire qu'il n'en est point de plus parfaite & de plus pure que celle que je trouve dans les sentimens refpedueux avec lesquels j'ay l'honneur de vous être attaché.

Co, M. de Fontenelle se refroidit beaucoup pour vous par l'incertitude où il est sur l'exécution de votre projet.

Il dit qu'il veut connoître avant que d'aimer, & qu'il est trop vieux pour acheter chat en poche. Ainsi vous n'avés qu'à venir au plus vite le réchauffer, car sans cela je tiens votre affaire pour manquée. Mme Pociey m'a fait anticiper sur les événemens; je reviens maintenant à l'année 1719, époque à laquelle Hoym se rendit de Vienne à Dresde. Ce fut dans cette dernière ville, le 28 avril 1719, qu'il rédigea un mémoire sur la politique de la Saxe, qui me paroît fort

(1) Allufioti à Amadis de Gaule.


remarquable & qui étoit la réponse à des questions que lui avoit posées M. de Fleming. Pendant ce voyage il fit ses partages avec ses frères, ce qui ne paroît pas avoir été très-facile (1).

M. de Suhm, qui étoit chargé des affaires de SaxePologne à Paris, étant mort en 1719(2.), M. de Fleming jeta les yeux sur Hoym, alors feulement chambellan du Roi (3), pour le remplacer, & je crois que les questions dont j'ai parlé tout à l'heure, & auxquelles Hoym répondit si brillamment, lui avoient été posées dans le but de s'assurer si, malgré sa jeunesse (il avoit alors à peine 2.5 ans), il étoit capable de remplir un poste aussi important.

Hoym étoit à Paris en janvier, février & mars 1720(4), & ce fut là qu'une lettre de M. Terras, Suisse attaché à la diplomatie saxonne) dont il faisoit le plus grand cas, en date du 25 mars 172.0, lui apprit qu'il étoit appelé à succéder à M. de Suhm : que M. de Watzdorff avoit beaucoup contribué à sa nomination, & qu'on l'attendoit à Varsovie pour lui donner ses infiruéHons.

Ces infiruétions font datées de Leipzig, du 28 avril 1720 (5). Le 8 juin, Hoym étoit encore à Varsovie, où

(1) Lettre de son frère de Guteborn, du 3 janvier 1719.

(2) Le cercueil de plomb contenant ses relies fut volé par des soldats aux gardes, & la poursuite des voleurs fut la première affaire dont Hoym dut s'occuper.

(3) Archives de Bref Je, 646, tome I, p. 9 à 19.

(4) Hoym disoit avoir apporté alors en France de fortes sommes; peut-être exagéroit-il; en tout cas il reçut pour ces fonds une belle indemnité. Voyez plus loin.

(5) A cette époque, la cour de Saxe avoit grande crainte du Czar, qui vifoit déjà la Pologne & désiroit vivement que la France ne s'alliât pas à la Ru (lie, mais marchât d'accord avec l'Angleterre.


le roi de Pologne se trouvoit alors, & écrivoit de là à Mme de Tencin une lettre fort inquiète sur les mesures financières récemment prises en France : le 17 juillet, il lui en écrivoit de Dresde une autre plus rassurée, & il revenoit enfin à Paris le 8 septembre 1720.


CHAPITRE II

DEPUIS L'ARRIVÉE D'HOYM A PARIS JUSQU'A SA NOMINATION AU MINISTÈRE EN SAXE EN 1729.

ESCENDU, comme en 1717, à l'hôtel de Modène, rue Jacob, Hoym présenta bientôt ses lettres de créance. Il avoit trouvé à Paris le chevalier Schaub, qu'il avoit probablement connu antérieurement, & surtout

à Vienne, où Stanhope l'avoit très-utilement employé pour la conclusion de la quadruple alliance (i).

(1) C'est-à-dire de la France, l'Allemagne, l'Angleterre & la Hollande contre la politique & les projets d'Albéroni. Saint-Simon a remarqué (tome XVI, p. 2) que le ministère anglois attribuoit en grande partie à Schaub le succès des négociations, & il le qualifie ailleurs d'homme de confiance de Stanhope.


Schaub, étant l'homme de confiance de Stanhope, jouissoit d'un grand crédit auprès du cardinal Dubois(i).

Hoym semble en avoir profité pour obtenir divers avantages dans le système de Law.

Il paroît en avoir eu besoin au reste, si l'on en juge par ses plaintes & par une lettre de sa fœur, Mme de Vitzthum, en date du 16 mai 1721, où elle lui reproche son goût pour la dépense & lui déclare qu'elle ne peut plus l'aider (2.).

Peu après l'époque où Mme de Vitzthum écrivoit cette lettre, la position d'Hoym paroît avoir changé. Il prit rue Cassette cet hôtel, qui, suivant l'expression de Mme de Mimeure, devint entre ses mains un palais enchanté (3). Là, en dehors de la cour & du grand monde,

(1) Saint-Simon dit que la pension de 40000 livres sterling que Dubois recevoit de l'Angleterre passoit par les mains de Schaub. L'exificnce de cette pension est fort douteuse.

(2) N'achevez pas de vous abîmer par un assez mauvais ménage.

Plût à Dieu qu'on ne vous eût pas écouté lorsque vous sollicitiez l'emploi que vous avez présentement, cela achève de vous mettre en déroute. Commencez par régler vos domestiques, qui ne vous font pas aussi fidèles que vous le croyez, &c.

(3) Cet hôtel paroît avoir appartenu à l'hôpital de Sainte-Reine de Bourgogne, car, en 1725, le loyer en étoit payé à raison de 4000 francs par an à M. Léaulté d'Oifilly, administrateur de cet hôpital. Plus tard les termes cotés 800 (3200 francs par an), font payés au sieur Broussin, qui paroît être un homme d'affaires. Hoym avoit encore une petite maison attenant au jardin de la grande, qu'il louoit 1000 francs, de la baronne de Travers (dame suiffe). Ces deux locations cessërent en 1732, que Milfonneau fit porter tous les meubles d'Hoym dans une petite maison appartenant aux frères de la Doiflrine chrétienne, maison de Saint-Julien des Ménétriers, rue des Petits-Champs-Saint-Martin, aujourd'hui rue Brantôme (à quel propos?). C'efi celle qui porte maintenant le numéro 8 de cette rue.

M. de Sahr & moi n'avons pu déterminer avec précision quelle étoit cette maison de la rue Cassette. Nous avons cru que ce pourroit être l'hôtel d'Hinnifdal, faisant le coin des rues Cassette & Vaugirard. On


où sa polition l'appeloit toutefois souvent, il passoit sa vie avec Schaub, Mmes de Tencin, de Coligny & de Mimeure, Fontenelle, le médecin Astruc, quelques-unes des personnes qu'il avoit connues à la cour de Lorraine, & les Allemands & les Polonois que leurs affaires amenoient à Paris.

Dans cette société, Mme de Tencin étoit dite & s'appeloit elle-même la femme de Schaub. Celui-ci s'appeloit le Petit, à cause de sa petite taille probablement, & Hoym le Grand. Schaub lui écrivoit Mon cher grand. On y ajoutoit quelquefois l'épithète de dégoûté (1). La femme d'Hoym, mais je crois en tout bien tout honneur, ce que je n'affirmerois pas du tout de Schaub & de Mme de Tencin, étoit Mlle de Garge d'Ormoy, dont nous parlerons plus tard, à propos du testament d'Hoym.

C'est d'alors qu'il faut faire dater la vie la plus heureuse & la plus brillante d'Hoym : c'est alors que, sans négliger les affaires de sa cour, il s'occupa tout à fait aétivement de tableaux, de porcelaines, de bronzes, de livres surtout, tout en menant la vie d'un homme du

pense ce qu'Hoym avoit fait de cette maison. Remplie de beaux meubles, de porcelaines, de tableaux, elle avoit mérité la phrase citée plus haut de Mme de Mimeure. Il eut encore, j'ignore à quelle époque précise, mais au moins en 1724, une maison de campagne à Saint-Cloud, appartenant à un M. Deschamps. Hoym racheta, en 1724, 700 francs, 45 ormes que M. Deschamps avoit vendus aux lieurs Martin & Lahaie, charrons. Il vouloit probablement conserver ces arbres pour l'ornement de son jardin (grand-livre A).

(1) Notre grand dégoûté est sommé de comparoître le foir de ce jourd'huy, 28 octobre, devant ses juges assemblés chez M. de Nocé, où amples corrections luy font destinées préalablement au souper, pour toutes les affaires qu'il aura finies hier pendant que le Petit même, tout petit qu'il est, n'a pu être admis. Qu'il s'en tienne donc averti, & en tremble plus ou moins, felon qu'il se portera. (Lettre de Schaub à Hoym, sans date, mais de 1721.)


monde très-répandu. Outre ses nombreuses correspondances avec sa cour & avec divers agens de la Saxe dans les cours étrangères tels que M. Lecoq à Londres, M. de Lagnafc en Espagne, M. de Brosse à la Haye, il lisoit & écrivoit beaucoup. Un volumineux recueil de bons mots & de remarques littéraires que je publierai un jour si je trouve un éditeur, est un témoignage de son amour pour la levure & pour le travail. Il confacroit une partie de ses nuits à la levure (i). Montargon écrivoit le 2.5 oétobre 172-1 :

(1) Nous devons à Montargon une si curieuse lettre sur les relieurs & les maroquins, que mes collègues bibliophiles me sauront peut-être gré de le leur faire connoître. Suivant l'auteur de la Saxe galante (le baron de Polnitz ou Solignac Lapimpie, 1734, p. 378 à 381), Montargon étoit fils d'un notaire de Chaillot. Il étoit venu en Pologne avec l'abbé (depuis cardinal) de Polignac, & s'étant attaché à la maison Bielinski, il étoit parvenu à être gentilhomme de la chambre du roi Auguste II. C'est lui qui fut chargé, en 1713, de faire retourner Mme de Coses (d'abord comtesse de Hoym & belle-fœur de Charles-Henry) à Dresde, lorsqu'elle voulut aller trouver à Varsovie Auguste, devenu amoureux de Mme de Denhoff (née Bielinska, fœur de Mme de Besenval, & tante du fameux baron de Besenval).

Il se mêloit de toutes fortes de choses & faisoit de fréquens voyages de Paris en Allemagne & en Pologne. C'est lui que le prince électoral de Saxe, se trouvant à Paris en 1719, envoya à Dresde pour presser la nomination au cardinalat (qu'avoit Auguste II, comme roi de Pologne) de l'archevêque de Bourges (Léon Potier de Trefmes). Le cardinal fit avoir pour ce fait une pension de 2000 francs sur un bénéfice à Montargon, & cependant, dans une lettre de 1721 à Hoym, il dit que ce qu'il a dans le système confiitue à peu près toute sa fortune. Dans une lettre du 11 mars 1722, il dit à Hoym que le cardinal Dubois pourroit lui donner une pension sur un bénéfice, & il avoit pensé à entrer dans les ordres. Hoym obtint même du cardinal de Noailles des lettres dimissoriales adressées à l'évêque de Culm à cet effet (lettres des 12 avril & 28 mai 1721). (M. de Suhm, envoyé de Pologne à Paris, à qui le cardinal auroit promis 40 000 francs pour obtenir ses bons offices, moins heureux, mourut en 1719, sans avoir rien eu. Le cardinal s'étoit borné à donner 6000 francs à son fils après le décès du père.) Montargon avoit agioté aussi dans le système. Dans plusieurs lettres


J'ai appris votre fluxion sur les yeux. Je crains fort que vous ne l'ayez méritée à force de travail & de lecture. Je connois ce que vous êtes capable de faire làdeuus, & que quand vous vous y mettés il n'y a ni heure ni fanté qui tienne. v> J'éprouve pour cette époque le même embarras que pour les années 1716 & 1717. Il y a beaucoup de lettres, mais ces lettres étant échangées entre gens qui se voyoient constamment, font des invitations, des rendez-vous & des allusions, souvent à mots couverts, à ce qui s'étoit paffé la veille entre les correspondans ou à ce qui devoit s'y passer le lendemain. Elles donnent donc peu de lumières & de renfeignemens sur les actions d'Hoym.

Il résulte feulement de leur ensemble que Mme de Tencin, Mme de Coligny & d'autres encore se servoient assez utilement, la première surtout (i), du crédit de

de 1721 & 1722, il prie Hoym de faire pour lui comme pour lui-même.

C'est lui qui s'occupoit de procurer à Hoym & à d'autres personnes qu'il connoissoit, des étoffes turques, du vin de Hongrie & des maroquins (voyez l'article de la bibliothèque de Hoym), en un mot qui faisoit à titre gracieux la plupart de ses commissions. C'étoit déjà ainsi en 1718, puifqu'on voit, dans une lettre de la présidente Fcrrand, qu'Hoym l'avoit chargé d'aller la voir en son nom.

Je me demande s'il n'étoit pas le frère, ou au moins le parent d'une dame Suzanne de Montargon, veuve du sieur Decazes, directeur dans les fermes du Roi, qu'un M. de Ruben (Jean-Philippe), ancien gentilhomme d'ambassade de M. de Rottenbourg, & originaire de Brandebourg, mais naturalisé en 1735, fit sa légataire universelle par testament du 26 octobre *-743. M. de Ruben avoit été en pension chez les époux Decazes, & bien soigné par eux, & la veuve demeuroit avec lui au moment de sa mort. Cette personne avoit possédé à l'époque une grande mailon rue Blanche, sur l'emplacement de laquelle est aujourd'hui une partie de l'églirc de la Trinité, & qui a appartenu à mon père de 1822 à 1850.

C'est dans les titres de cette maison que j'ai vu cela.

(1) Il est vrai que si le Sr de la Haye n'a pas menti, elle étoit bien en position par elle-même d'obtenir directement beaucoup de choses de Dubois, malgré ses liaisons présumées avec Hoym, & indubitables avec


Schaub & de celui d'Hoym. Il semble même qu'ils purent aider à la fortune de l'abbé de Tencin (i).

Suivant ces mêmes correspondances, Hoym voyoit fréquemment, & anez intimement, les frères Paris, & leur donnoit ou leur procuroit des vins de Hongrie; il étoit aussi dans les meilleurs termes non-seulement avec l'abbé Dubois, mais avec MM. de Morville & de Breteuil; il connoissoit & voyoit fréquemment du Fay & le cardinal de Rohan, très-grands bibliophiles tous deux.

Peu après son arrivée à Paris, le 30 septembre 1 720, Hoym écrivoit à Fleming que ce feroit femer pour recueillir que d'envoyer à Dubois, qui n'efl pas, dit-on, insensible à l'intérét, quelques antals (2) de vin de Hongrie, en attendant quelque chose de plus considérable(s).

Malgré ces bonnes dispositions à l'égard de Dubois, Hoym remarquoit avec humeur, le 1 oétobre 1720, que ce premier ministre l'avoit reçu debout, ce qui ne s'étoit jamais fait à son égard quand il avoit été en France comme simple particulier, & infiftoit pour qu'on lui donnât le caraétère de ministre qu'il n'avoit pas encore.

Le 10 novembre, rassurant sa cour sur la crainte qui

Schaub. Voyez dans la vie privée (manuscrite) de Dubois le récit d'une rencontre de l'auteur avec Mme de Tencin sur l'escalier du Cardinal.

(1) Mme de Tencin écrit à Hoym, en 1721, je crois : » Si vous n'allez (ftc) à Versailles ce foir, je vous prie de vous souvenir de Besançon, de Nantes & de Marseille, qui peut être vacant par la démillion de l'archevêque d'Arles. « Il semble bien qu'elle parloit là pour son frère.

(2) L'antal est une mesure de Hongrie contenant 54 pintes 13 de Paris; il y a le grand antal ou eime, qui en contient 78.18. (Paucton, p. 803.)

(3) Archives de Dresde, 646, vol. I, aux dates citées. Fleming disoit d'abord qu'il falloit sans doute à Dubois de trop gros morceaux, & vous connoissez, ajoutoit-il, notre état. Cependant il envoya peu après du linge de Saxe par Montargon.


la poursuivoit toujours d'une alliance de la France avec le Czar, il écrivoit ces paroles pleines de sagacité : Il n'y aura aucune liaison avec le Czar tant que les conseils de l'abbé Dubois feront écoutés, lesquels auront toujours le dessus, malgré les petits écarts que le Régent lui fait quelquefois, puifqu'outre le grand crédit de ce ministre sur l'esprit du Régent, il a l'avantage d'avoir un plan, au lieu que le Régent n'en a pas, & ce plan étant celui de Stanhope ou en approchant, il ne sauroit être favorable au Czar. Il est vrai pourtant que l'abbé Dubois, par complailance pour le Régent, ne laisse pas quelquefois de s'en écarter, mais jusqu'ici il y est encore presque toujours revenu, & le Régent, qui fuit presque toujours les idées qui lui viennent sans s'arrêter trop à aucune, est ordinairement entraîné & fixé par celles de l'abbé Dubois, lesquelles, si elles ne font pas accompagnées d'autant de lumières que celles du Régent, font au moins soutenues par quelque chose de plus solide, & comme je viens de le dire, par un plan fixe & suivi dont le Régent est incapable aussi bien que Law, qui l'avoit quelquefois égaré (1). n En même temps il se plaignoit d'avoir perdu de l'argent dans le système, & demandoit une augmentation de ses appointemens (2). Il n'avoit alors que 4000 thalers.

Le 2.4 février 172.1, Hoym, annonçant à Fleming la mort de Stanhope, disoit que le Régent, sur qui il avoit une grande influence, avoit été touché de cette mort plus que d'aucune chose de sa vie (3). On attend, ajoutoit-il, le chevalier Schaub, chargé de donner de nou-

(1) Archives de Drefdc, 646, vol. 1.

(2) Lettre du Il novembre, ibid, — (3) /7vV., vol. de 1721.


velles assurances à la France, que le changement de ministère n'en apportera aucune aux relations des deux pays.

La mort de Stanhope ne changea rien en effet à la liaison qui unissoit alors la France & l'Angleterre, le Régent étant, comme l'a dit Saint-Simon, persuadé que si le Roi venoit à mourir, le roi d'Angleterre étoit le seul souverain qui pût & voulût le soutenir contre Philippe V, quelle que fût la valeur de sa renonciation. Malgré son attachement pour le Régent, Saint-Simon a flétri une politique telle que les gens qui avoient représenté la France à l'étranger fous le règne de Louis XIV ne pouvoient se résoudre à la servir & à recevoir leur direction des envoyés de l'Angleterre.

La Saxe, qui croyoit pouvoir compter sur l'appui de l'Angleterre contre la Ruffie, ne désiroit rien de plus que la continuation de cet état de choses. Au reste la France étoit animée à son égard des meilleures difposissons. -Suivant sa fage politique, elle s'appuyoit sur les petites puissances allemandes pour gêner & contenir les grandes.

Le ministère françois vifoit toujours à établir une alliance solide entre la Saxe & la Bavière. Hoym, ami de la France, & sentant que cette puissance pouvoit empêcher la maison d'Autriche d'abuser de la nécessité où étoit la Saxe de s'attacher à elle, pensoit que la Saxe pouvoit, à l'égard de la France, jouer le rôle qu'avoit si brillamment rempli la Suède (i) au siècle précédent.

Plus tard il avoit conçu un projet plus vaste : joindre, à l'aide de l'alliance françoise, la Silésie à la Saxe & à la

(i) Réponse d'Hoym à ses initructions. Archives de Dresde, 646, I, Leipzig, 29 avril 1720.


Pologne, & former par la réunion de ces trois États, fous le sceptre de la maison de Saxe, une troisième grande puissance allemande, placée comme un coin entre la Prusse & les États d'Autriche. Telle fut l'idée de toute sa vie. Elle lui attira la haine de la Prusse & amena probablement sa perte (voyez p. 72). Cette idée vraiment digne d'un homme d'État, M. de Chauvelin, égaré par les renfeignemens malveillans de M. de Monti & tenant toujours Hoym en suspicion, ne la comprit pas ou la repoussa. Quel service auroit rendu à la France & aux petites puissances allemandes le ministre françois qui auroit mis Hoym à même de la réaliser ! Quoi qu'il en foit, cette conception d'une si profonde politique fera la gloire d'Hoym.

Vis-à-vis d'une cour aussi bien intentionnée que celle de Versailles, le rôle d'Hoym étoit facile; aussi se bornoit-il à informer son gouvernement de ce qui se passoit à Paris & à saisir toutes les occasions d'augmenter la grandeur & l'influence du roi de Pologne. Le Roi désiroit beaucoup le titre de Majesté, qu'on n'accordoit pas alors aux rois éleétifs. Hoym en avoit fait une condition dans des négociations, qui n'aboutirent pas, pour la nomination de Dubois au cardinalat, sur la présentation du roi de Pologne.

Sa correspondance plaisoit beaucoup & paroissoit toujours trop courte (1) à Auguste le Fort, qui, ne faisant pas positivement profession de chasteté ni de tempérance, pouvoit reconnoître plusieurs de ses aventures dans celles que son ministre lui racontoit. Voici en quels

CO Fleming, 7 mai 1721.


termes plaisans Hoym annonçoit au Roi l'avénement de Mme d'Averne (1) : u La nouvelle sultane du Palais-Royal"" a conclu son marché avec de si grandes précautions & une telle prévoyance, qu'outre l'exil de la sultane disgraciée, qu'elle a exigé comme une condition fine qua non, elle a encore stipulé des sommes marquées, tant pour elle, tant pour son mary, tant pour ses domestiques, &c., de forte qu'il n'y a pas eu jusqu'au marmiton de la maison qui ayt été oublié; ce qui a fait que dans la somme totale il s'est trouvé des parties brifées comme 27 livres, 15 fols, &c.

u Cela a donné occasion à dire que son vainqueur étoit entré comme Enée dans le lac d'Averne, avec le rameau d'or. Il est permis de croire qu'Hoym, lié avec Nocé, parloit plutôt là suivant les récits malicieux des roués que suivant la vérité (a).

On verra aux pièces justificatives (nO XVIII) avec quel

(1) Archives de Dresde, année 1721, vol. II, f° 257. Lettre du 23 juin 1721.

(2) Moins de dix-huit mois après, il racontoit la disgrâce de cette même sultane en termes non moins plaisans : Le voyage de Rheims a été fatal à Mme d'Averne, qui est entièrement sur le côté. On dit que le duc d'Orléans l'a remerciée en termes dont on se fert quand on congédie quelque grand officier de la Cour. On ajoute qu'il luy a envoyé Coche, un de ses valets de chambre, pour luy dire qu'il étoit fàché de cette séparation, mais qu'elle étoit nécenaire, puisque leur commerce commençoit à faire trop de bruit dans le monde & que cela pourroit leur nuire à fun & à fautre & faire tort à leur réputation. Ce qu'il y a de sérieux dans cette plaisanterie, c'est qu'on a en effet insinué au duc d'Orléans qu'à l'approche de la majorité il ne feroit pas bienséant de donner au Roy un tel exemple, & qu'il a pris la résolution de n'avoir plus de maîtresse déclarée. »

(Lettre d'Hoym, du 9 novembre 1722, Archives de Dresde, vol. III, f° 309.)


foin Hoym instruisoit sa cour de l'état des esprits en France & de tout ce qui s'y passoit, & cependant, cette année 1721, il fut atteint d'un mal d'yeux qui lui interdit à peu près tout travail, depuis le commencement d'oétobre jusqu'en février 1 722 (1).

On crut pendant quelque temps qu'il perdroit un œil(z). Nous avons vu que Montargon attribuoit sa maladie à l'excès de leéture. Son frère aîné (de Guteborn), qui étoit alors à Londres, lui affignoit une tout autre caule : c'étoit, suivant lui, le fruit des guerres de F amour (3).

Hoym prêtoit aux deux interprétations.

Le comte de Saxe, qui servit depuis si brillamment la France, venoit d'acheter de M. de Sparre le régiment de Royal-allemand. Il eut à ce sujet des difficultés que son caraétère bouillant n'arrangeoit guère; dans deux lettres Hoym lui donna d'excellens conseils & il lui obtint un congé (4).

C'est surtout dans le cours de cette année qu'Hoym arrangea ses affaires d'argent. Dubois venoit d'être nommé cardinal (juillet 1721), & Hoym l'avoit félicité avec le

(I) Lettre de Mme de Vitzthum, du 15 mars.

(2) Lettre de Manteufel, du 3 janvier 1722.

(3) Lettre du 8 décembre. Dans cette lettre, il se plaignoit que M. de Bothmar, leur beau-frère, lui edt pris connoissance avec un fouttu direSieur qui lui avoit fait placer 32 ooo écus dans les aEiions (ïic), puis il proposoit à Hoym d'époufer une nièce du lieutenant général Schmettau. Ce frère étoit un original qui vivoit alors à Londres à sa guise, ne voyant, disoit M. de Bothmar, que des gens avec qui il ne se gênoit pas. Il avoit eu envie de venir prendre les eaux de Bourbon, mais Lecoq engageoit Hoym à l'en diffuadcr. « Il vous embarrafferoit à Paris, & les relations font meilleures de loin que de près. » (Lettre de Lecoq, 6 avril 1722.) Ce frère aîné est le mari de Mme de Coses. Son histoire est très-joliment racontée dans la Saxe galante.

(4) Pièce justificative nO XIX.


plus vif empressement de cette promotion si ardemment désirée. Une lettre sans date de Schaub, mais qui me paroît être de 1721, lui apprend que le Cardinal porte avec lui son papier, pour le faire signer au Régent. u II (Dubois) est très-impatient de voir avec nous, ajoute Schaub, l'ouvrage du G. P. (/?0(O- Est-il fait ou près de l'être & y auroit-il de la possibilité que nous puissions la porter ce foir à Versailles? Le papier dont il s'agit étoit une ordonnance de 350000 francs que le Régent donna à Hoym pour l'indemniser des pertes qu'il prétendoit avoir subies (2) dans le système de Law, mais cette somme ne fut pas intégralement payée, & je crois qu'elle fut changée en 25 000 de rentes viagères.

Je ne fais si c'est au mal d'yeux dont souffroit Hoym qu'il faut attribuer l'espèce de désenchantement qu'il affecroit à cette époque à l'égard de la France.

Je ne trouve plus ce pays-ci le même, écrivoit-il le 24 juillet au baron d'Orte. Je ne fais si c'est lui ou moi qui avons changé, mais il n'a plus pour moi le même attrait. Le commerce du monde n'est plus si animé qu'il étoit de notre tems. L'augmentation ou le dérangement des fortunes de presque tous les particuliers occupe prefqu'exclusivement tout le monde, & cela a fait perdre

(1) G. P. signifïe-t-il le grand président, & s'agit-il là des lettres persanes ou au contraire des Paris & du Visa? Ce passage est très embarrassant & difficile à expliquer.

(2) Hoym disoit & sembloit prouver qu'il avoit apporté en France, en 1720, 202873 florins de Hollande, faisant 936206 francs de France, mais cette somme est si considérable que j'ai peine à croire, surtout quand je lis la lettre de Mme de Vitzthum citée plus haut, p. 30, qu'Hoym ait alors pu la posseder. Sa fœur lui auroit certainement parlé de ce fait. Il devoit y avoir là-deilous une combinaison de Schaub.


beaucoup aux plaisirs, qui ne font faits que pour les fainéans. n Le même jour, 24 juillet 1721, il écrivoit presque les mêmes choses au comte de Kœnigfeg (copie de la main de M. de Sahr) : u Paris, le 24 janvier 1721.

w Tout est à présent dans une parfaite inaéHon; on fort de l'agitation d'une fièvre chaude & on est tombé en une langueur dont on pourroit bien ne point revenir de sitôt. Cela influe même beaucoup sur le commerce du monde, qui n'est plus si animé qu'il l'étoit autrefois.

De l'amour, du jeu & de la bonne chère qui font, comme vous savés, l'âme de la société, il ne reste plus que l'amour, qui ne perd jamais ses droits, encore ne fais-je point s'il n'en a pas perdu, & si les gens occupés de l'augmentation ou du dérangement de leur fortune ne lui doivent point un tribut qu'il n'appartient qu'aux gens défœuvrés de lui payer. Pour le jeu & la table, ils font fort négligés. Les spectacles ont été un peu ranimés par Baron, mais la perte de la Journet & deBobourg(i), de Guérin & de la De Brosse, qui font tous morts ou retirés, ont fait perdre d'un côté ce qu'on a regagné de l'autre. M. le cardinal de Rohan est fort occupé des affaires de la cour de Rome, & Mme la princesse d'Epinoy de son procès. Cela interrompt beaucoup la société qu'il y avoit chez eux. On parle toujours du voyage du Cardinal à Rome, cependant Ion départ paroît n'être pas aussi proche. Ce fera une perte pour Paris qui ne fera pas aisée à réparer. Je puis affurer à Votre Excellence qu'il y a des momens où je regrette fort les petits fou-

(1) Voyez pièce no XVI.


pers de Dresde, que le retour du Roi & des dames polonoises n'auront sans doute pas gâtés. Je trouve Mme de

Kœnigfeg bien heureuse d'avoir quitté Paris sur la bonne bouche, & il est heureux pour Paris qu'elle en foit partie à tems pour en emporter une idée qu'elle n'en emporteroit pas si elle le quittoit à présent. «

et Vous avez raison, écrivoit-il au baron de Lorme le 24 janvier. Paris n'est plus si beau, les vitres de papier Penlaidiffent. n Le 6 février, il mandoit à M. de Saint-Saphorin (sujet suiffe, ministre d'Angleterre à Vienne) :

u Vous me demandez ce qu'on pense à cette cour de la conduite de celle de Vienne. Il faut vous guérir de l'erreur où vous êtes de croire qu'on pense icy. On n'y pense point, ou si on y pense, ce n'est pas à nos affaires.

Cette cour, toute occupée des affaires intérieures du royaume, ne fonge guère à celles du dehors. Je pense qu'il en est à peu près de même chez vous, j'entends en Angleterre, & vous devez vous en apercevoir. « Ailleurs (15 juillet) il lui dit que les Suiffes l'ont dégoûté des François.

Ses correspondans de Saxe n'étoient pas, eux, si dégoûtés de la France, car dès cette année il étoit accablé de commissions. C'étoient des perruques de la Salle, fameux perruquier de Paris, qu'il falloit envoyer au Roi (M. de Vitzthum envoyoit la mesure & la couleur de cheveux désirée), à M. de Vitzthum, pour lui-même, au comte Tobianski; il expédioit de l'eau des Carmes au comte de Watzdorff.

Le comte Wackerbarth, dont nous aurons occasion de parler plus au long, lui demandoit, le 23 juillet, de la peau divine, qui étoit admirable pour les fluxions ; mais,


réfléchissant que la peste étoit en France (à Marseille), il se ravifoit & préféroit les fluxions à des accidens plus fàcheux. Cependant il reçut sa peau divine.

Le roi de Pologne ayant appris par Montargon que M. de Vandeuil (qui tenoit une académie à Paris, rue des Canettes) avoit une cavale barbe ou arabe si vite, qu'il se faisoit fort d'aller avec elle de Paris à Rome en six jours, manifestoit le 21 mai le désir d'acheter cette bête ou son poulain & en demandoit le prix.

Enfin, un peu plus tard, le a janvier 1722, M. de Lutzelbourg le prioit d'expédier au Prince royal le cuisinier Taillefer. On lui donnoit 300 thalers de gages, l'argent pour son vin, 4 livres de viande par jour & ses autres profits. S'il vouloit, ajoutoit M. de Lutzelbourg, amener un bon aide pour moi, cela me feroit bien plaisir. Plus tard, le même comte de Lutzelbourg lui demandoit un carroÍfe pour le Prince royal. J'ai imprimé sa lettre, qui m'a paru curieuse (n° XXI des pièces).

Le duc de Saint-Simon venoit d'être nommé ambassadeur en Espagne. Hoym, par ses relations avec Schaub, étoit bien à même de connoître, au moins d'après la manière de voir de Dubois, comment les choses s'étoient passées. Il ne fera donc pas sans intérêt de voir en quels termes il rendoit compte de cette nomination à son gouvernement, le 2.7 oétobre 1721.

"Le duc de Saint-Simon, qui va en Espagne de la part de cette cour, est parti d'ici le 2.3 de ce mois. On a été fort surpris ici de l'envoi de ce dernier, lequel, quoique dans le fond attaché à M. le Régent, n'est pas moins connu par son attachement au parti des jansénistes que par son inimitié contre le cardinal Dubois, deux qualités également propres à lui donner l'exclusion. D'ailleurs le


caraétère de son esprit naturellement inquiet & remuant, & la confiante opposition qu'il a fait paroître à toutes les mesures prises en conséquence du présent système contre lequel il s'est toujours ouvertement déclaré, pouvoient faire craindre, & avec raison, qu'il ne tienne en Espagne une conduite peu conforme aux vues du Cardinal ni fort adaptée au genre de liaison qu'on à présentement avec cette cour (d'Espagne). Toutes ces raisons n'ont pu arrêter le choix de M. le Régent, qui, à la vérité, n'a point été volontaire, mais en quelque manière déterminé par surprise & par la pressante importunité du duc de Saint-Simon, qui s'étoit par hasard trouvé présent à l'ouverture des lettres du roi d'Espagne. Il a été le premier à demander à M. le Régent une grâce, laquelle, quoique déjà destinée à une autre, ne pouvoit lui être refusée sur un prétexte qui ne s'accordoit point avec la surprise qu'on avoit fait paroître de la demande du Roi Catholique, qui devoit avoir l'air d'un in-promptu. «

Le cardinal Dubois, encore moins préparé à cet incident qu'à la nouvelle qui venoit d'arriver, & le regardant comme le contre-temps le plus fâcheux. après avoir fait convenir M. le Régent des inconvéniens qui pouvoient en résulter, feignit d'y acquiescer. Cependant il se servit d'une autre voie pour insinuer à M. le Régent que ce feroit une occasion favorable pour procurer au chevalier d'Orléans le rang de Grand d'Espagne & les honneurs du Louvre, déjà accordés à son cadet par rapport à son évêché. Cet expédient auroit pu plaire au Régent, mais il se trouva trop engagé (i).

(i) Le 27 avril 1722, Hoym racontoit en ces termes le retour du Duc : Le duc de Saint-Simon est de retour d'Espagne, où il s'efl: fort bien


J'ai peine à croire que le Régent ait jamais eu l'idée de se faire roi de Pologne. Cependant la cour de Saxe se défioit de quelque chose de semblable. Il résulte d'une longue & importante lettre de M. de Fleming à Hoym, de Dresde, 25 février 1722, que Dubois avoit fait pressentir la cour de Saxe sur l'importance que l'Ele&eur pouvoit attacher à la couronne de Pologne.

Fleming disoit nettement que si on laissoit au Roi le titre de roi héréditaire, en ajoutant à la Saxe un territoire suffisant pour la dédommager des dépenses causées par la nomination du Roi au trône de Pologne, on pourroit le porter à céder immédiatement cette couronne, & qu'il aideroit même plus effectivement que qui que ce foit la puissance avec laquelle il auroit traité à en prendre possession.

Le 22 juin de la même année, Hoym écrivoit à Fleming que le Cardinal, dînant chez lui quelques jours auparavant & se trouvant placé à table en face du portrait de M. de Fleming, avoit dit : u Voilà un homme qu'il faut que je gouverne quelques jours ou qu'il me gouverne. "Puis appelant le chevalier Schaub, qui efl fort dans sa confidence, il lui fit raconter plu fleurs particularités qui s"hoient passees entre lui (Schaub), Votre Excellence & Stanhope, qui efl toujours le héros du Cardinal.

Si cette idée se présenta au Régent, il est probable qu'elle ne resta pas dans son esprit. Il est vrai que la mort de Dubois & celle de ce prince n'arrivèrent pas bien longtemps après cette ouverture.

conduit, & môme mieux qu'on ne s'y étoit attendu, par rapport à de certains différends particuliers entre luy & le cardinal Dubois, mais.

il a eu plus d'attention à sa conduite à Madrid qu'il n'en avoit en ce pays, du moins on paroît en être fort content. (Archives de Drcfde.)


J'ai dit plus haut qu'obéissant au désir du roi de Pologne, Hoym le tenoit au courant de toutes les aventures plaisantes qui arrivoient ou étoient racontées à Paris comme vraies. Dans une de ses dépêches il raconte (i) que la princesse de Conti étoit très-mal avec son mari, & qu'un jour ce prince ayant entendu du bruit chez elle & prétendant y trouver le comte de Saxe, y étoit monté, furieux. Le Si vous aviez cru trouver ici quelqu'un, lui dit la princene, vous n'y feriez pas entré ! ii Le Régent ayant reproché cette scène au prince de Conti, il dit qu'il avoit bu & que vingt de ses valets l'attefteroient. Et moi, lui répondit le Régent, j'en ferai venir trente des miens qui vous diront que quand on est ivre il faut se coucher.

Hoym n'aimoit pas le chancelier d'Aguesseau. Nous verrons plus loin qu'il le cite comme un modèle du courtisan. Voici en attendant une histoire assez ridicule qu'il raconte à son sujet.

Le La dernière fonction du chancelier daguesseau a été d'aller, peu de jours avant sa retraite, conjointement avec le maréchal de Villeroy, représenter à M. le Régent l'indécence & le manque de refped qu'il y avoit dans l'habillement des femmes, & surtout dans la mode des robes détrouffées. Ils proposèrent là-dessus un règlement pour interdire aux femmes de paroître en public, & furtout aux fpeétacles, avec de pareils habillemens. M. le Régent, qui n'avoit pas été tout à fait entraîné par la gravité des personnages & se moquoit de celles de leurs belles remontrances, leur répondit : « Messieurs, tout ce

(1) 21 décembre 1721 (Archives de Dresde). Cette lettre amusa beaucoup le Roi. ,Vous ne sauriez mieux faire votre cour que d'en écrire de pareilles souvent, lui mandoit M. de Manteufel.


et que je puis vous dire, c'est que pendant ma régence « je troufferai tout autant de femmes que je pourrai, « mais je n'ordonnerai point qu'on en trouiïe (1). n Le 27 avril 1722, Hoym annonçoit la disgrâce de M. de Nocé, dont il semble avoir fort bien jugé le caractère.

11 II y a eu encore un autre événement à la cour de M. le Régent, qui a fait beaucoup de bruit, moins par son importance que parce qu'on ne s'y étoit point attendu. C'est la disgrâce, ou au moins l'exil du comte de Nocé, qui étant fils du feu marquis de Fontenay, gouverneur de M. le duc d'Orléans, & ayant ainsi été élevé avec ce prince, a toujours confervé avec luy beaucoup de familiarité & a toujours été regardé comme un de ses favoris.

u C'est un homme de génie, mais fort violent & souvent assés inconsidéré dans sa conduite & ses discours, qui ne font pas toujours renfermés dans les bornes d'une prudence fort exaéte. Il a été moins célèbre par ses fervices (étant naturellement peu porté, ny même fort propre aux affaires) que par ses illustres inimitiés. C'est luy qui de tout tems avoit osé se déclarer ouvertement contre Law, & qui a été même le principal moteur de son éloignement. Plusieurs autres favoris & ministres s'étoient souvent ressentis de sa bonne ou de sa mauvaise volonté. Sa haine pour le cardinal Dubois & les démarches imprudentes auxquelles elle l'a engagé l'ont enfin perdu.

« Il avoit eu autrefois des liaisons fort étroites avec le

(1) Lettre du 9 mars 1722 (Archives de Dresde). Voyez encore aux pièces justificatives, n° XXII, une lettre d'Hoym du 6 avril 1722, racontant une singuliére intrigue de Mme de Sabran & de Mme de Prie.


Cardinal, auquel il n'a même pas été inutile du tems de ses premières négociations. Depuis il a cru avoir sujet de s'en plaindre, & foit qu'il l'ait eu en effet, foit qu'il n'ait pu simplement pardonner au Cardinal sa fortune & son élévation, il n'a point donné de bornes à son animosité contre luy. Le Cardinal, de son côté, assure que ce n'a été qu'un simple caprice de sa part, & il dit à ce sujet, pour prouver la partialité qu'il a toujours eue pour luy, que c'est même un des bons contes de M. le duc d'Orléans, lorsqu'il dit que le Cardinal luy a proposé sérieusement de mettre Nocé dans ses conseils. Quoi qu'il en foit, les choses en étoient venues au point que M. le duc d'Orléans a cru l'éloignement du comte de Nocé nécessaire au bien des affaires, & pour faire connoître qu'il n'approuve point qu'on attaque ceux qu'il a rendus les dépositaires de son autorité.

u Les amis du Cardinal font fâchés que cela se foit fait à son occasion, la haine d'un homme aussi violent pouvant avoir de fâcheux retours. Mais il faut rendre la justice au Cardinal qu'il n'a point agi luy-même contre son ennemi, au moins n'y a-t-il point paru, & il est sûr que précédemment il s'est toujours expliqué sur son sujet avec beaucoup de retenue & de modération (1). n ,

(1) Dépêche du 27 avril 1722, Archives de Dresde, vol. III, fo 117 vo.

Hoym, comme nous le verrons plus tard, avoit fait beaucoup d'affaires de curiosités avec M. de Nocé. Aussi, lors de sa disgràce, lui écrivit-il la lettre fui vante : a Vous m'avez rendu justice, Monsieur, quand vous avez compté sur la part que je prenois à votre éloignement. J'y ay été en effet trèssensible, & j'ay trop connu, Monsieur, ce que vous valez pour ne point être extrêmement touché de la perte d'une société comme la vôtre. Je ne vous fais point de complimens sur votre disgràce; c'est, félon toute apparence, une cliofe trop passagère pour s'y arrêter. Je ne me plains,


Le 21 août suivant, dans une lettre dont l'enlèvement du maréchal de Villeroy est le sujet, il faisoit suivre son récit des réflexions luivantes sur le caractère du maréchal, qui indiquent qu'Hoym connoiiroit bien les hommes en général, & particulièrement ceux de notre pays.

m Le caraétère du maréchal de Villeroy (1) étoit celuy d'un bon homme qui aimoit assés le bien. Il affeétoit d'être bon patriote, & se piquoit surtout d'être ferme dans ses amitiés ou inimitiés. Mais comme il cherchoit plus l'éclat que la réalité dans toutes ces qualités & qu'elles étoient inondées par une foiblesse extrême contrastée par l'habitude de la cour, & par un attachement servile à la faveur, & même à l'intérêt dont il n'étoit pas exempt, tout cela conduit par des lumières extrêmement bornées & souvent fautives, faisoit qu'il y avoit une contradiétion perpétuelle dans sa conduite, que les étrangers attribuoient aux foiblesses de l'àge, mais ses nationaux affurent qu'elle luy étoit naturelle & qu'il radotoit à vingt ans. Quoi qu'il en foit, sa foiblesse & ses contrariétés l'ont à la fin si fort avili, que ce même homme, qui par sa situation & par les circonstances du tems se voyoit en état, il n'y a pas six mois, de faire nonseulement tête à M. le duc d'Orléans, mais de former même un party considérable dans l'Etat & de faire peutêtre à ce prince le même traitement qu'il en a receu

Monsieur, que de votre absence, & vous allure que de tous ceux qui peuvent s'y intéreITer, il n'y a personne qui le faiTe plus vivement que moy, & qu'on ne sauroit être plus fincèrcment, ny avec un plus parfait attachement que celuy avec lequel j'ay l'honneur d'être, &c.

« Paris, le 7 may 1722. »

(1) Archives de Dresde, 21 août 1722, vol. III, f° 182 vo.


aujourd'hui, s'est rendu, par ses grandes souplesses de cour & par ses hauts & bas à l'égard du gouvernement, si méprisable & si inutile, qu'on n'a point fait de façon de le renvoyer avec tout aussi peu d'éclat que si on avoit congédié le dernier officier de la cour.

u Tant il est vray que de tous les caraétères qui peuvent avilir un homme en place, celuy de courtisan est le chemin le plus sûr pour en venir à bout ; le maréchal de Villeroy & le chancelier d'Aguesseau font deux exemples éclatans pour prouver cette vérité. Je n'ai pas trouvé dans les papiers que j'ai eus à ma disposition une relation de cette remarquable opération du visa imaginée par les frères Paris, qu'Hoym avoit composée & envoyée à sa cour, ainsi qu'à quelques autres personnes. C'étoit, suivant M. Lecoq, résident de Pologne à Londres, une pièce qui lui faisoit honneur. Au reste, disons en passant que les effets appartenant aux ambassadeurs ne passèrent pas au visa, mais furent examinés directement par le contrôleur général & tous acceptés.

L'indisposition qu'Hoym avoit éprouvée sur les yeux ayant été remplacée par des douleurs d'estomac, il se rendit aux eaux de Forges vers la fin de juin 1723 ; il y resta tout juillet & n'en revint que le 12 août, à la nouvelle de la mort du cardinal Dubois.

Parmi les personnes qu'Hoym rencontra à Forges étoient le duc, depuis maréchal de Richelieu, qu'il connoissoit antérieurement, M. de la Blinière, ancien avocat, qui étoit secrétaire du Conseil royal des finances, & Mme de Polignac. Il paroît, par une lettre du duc de Richelieu à Hoym, que M. de Sahr a imprimée & que je reproduis aux pièces justificatives, n° XXIII, qu'Hoym


se trouva si bien de la source Cardinale (1), qu'il en étoit enthousiasmé & qu'il resta plus longtemps à Forges qu'on ne le faisoit & qu'on ne le fait d'ordinaire.

La mort du cardinal Dubois ne pouvoit pas être indifférente à Hoym, qui avoit eu avec lui de bons & fréquens rapports, & qui lui devoit certainement un notable accroissement de sa fortune. Il a laissé de ce ministre un portrait malheureusement inachevé qui me paroît tracé de main de maître. Je le donne ici. Il contraste singulièrement avec celui que Saint-Simon a écrit du même personnage, mais Hoym le dit avec autant de justesse que de profondeur : les hommes jugent bien, mais ils voient mal, & c'est la passion qui s'interpose entre celui qui voit & l'objet aperçu qui lui fait voir mal.

Lequel a mal vu Dubois? Est-ce Hoym ou Saint-Simon?

J'avoue qu'il me paroît impossible qu'un homme de nulle capacité ait pu arriver & se maintenir comme l'a fait Dubois, & le portrait d'Hoym n'est pas d'ailleurs assez favorable au cardinal pour ne pas paroître au moins vraisemblable ; en tout cas il est très-finement pensé & extrêmement bien écrit.

u Il est difficile de porter un jugement sur ceux sur qui le public a prononcé si diversement en bien & en mal, qu'il semble rPavoir point été d'accord avec lui-même (2).

Quelqu'étrange que foit cette contrariété dans les opinions des hommes, ce n'est pourtant point tant à leur jugement qu'il s'en faut prendre qu'à leurs passions. Ils jugent bien, mais ils voyent mal, & c'est la passion interposée entre celuy qui voit & l'objet aperçu qui fait

(1) Il y a à Forges la source Royale, la Reinette & la Cardinale.

(2) Les passages en italique font effacés dans la minute d'Hoym.


qu'il ne se présente que fous la forme étrangère & accidentelle dont il a plu au préjugé de le revêtir.

c<. Si quelqu'un a éprouvé plus qu'un autre la vicissitude des jugemens du public, ç'a été le cardinal Dubois. Jamais réputation n'a été plus diverse ny mérite plus contesté. Les uns luy accordoient trop & luy prêtoicnt des qualités qu'il n'avoit pas, les autres luy refufoient tout, même les talens les plus reconnus & les plus confirmez par l'expérience & les succès.

w Il est étonnant qu'un ministre qui a joué un rôle aussi considérable dans les affaires de l'Europe & qu'on avoit tant intérêt de connoître ait été si peu connu ou ne l'ait été que par ses défauts (i). C'est le fort ordinaire des gens de génie; ils ne sauroient plaire qu'à leurs semblables : il faut du génie & de l'élévation pour connoître & sentir le génie & l'élévation.

w Le cardinal Dubois avoit certainement l'esprit d'un ordre supérieur, quoique point du premier. Ce n'étoit pas pourtant qu'il eût une étendue de génie sans bornes ny qu'il n'y eût peut-être des têtes plus fortes que la sienne & plus capables de porter un grand nombre de différentes affaires ; mais personne ne suivoit mieux que luy l'affaire du jour, & si l'étendue & la force n'étoit pas ce qu'il y avoit de plus marqué en luy (quoiqu'il n'en fût pourtant pas destitué), il avoit la lumière si vive & si perçante, tant de dextérité, d'invention & de fécondité & une certaine pointe (acumen ingenii) si marquée, que, par cette sagacité & perspicacité d'esprit, il alloit fou-

(1) Ce n'cft pas que quelques perfoiwes d'un mérite supérieur, mylord Stanhope, le grand penftonnaire, & d'autres qui ayoient traité avec lui, ne lui aient rendu fuflice.


vent aussi loin qu'on auroit pu aller avec plus d'étendue, & aussi sûrement qu'il auroit pu faire avec des qualités plus solides. La perception luy donnoit de la précision, & souvent même de la sagesse & de la prévision. Il faut pourtant convenir que la justesse de les idées étoit plutôt un effet de sa pénétration que de sa solidité.

« Au reste, admirable pour connoître les hommes & s'en servir(i), l'esprit aigu & perçant, les diftinétions les plus fines & les choses les plus cachées dans une affaire ou dans un caraétère ne luy échappoient point quand il avoit intérêt à les démêler. Il avoit de l'acquis, des principes généraux de gouvernement, d'ailleurs peu instruit de tout ce qu'on appelle lois publiques & municipales, ny de toutes les notions & connoissances locales du pays qu'il gouvernoit.

u Son talent principal étoit celuy de la négociation, mais il se plaisoit un peu trop dans l'exercice de ce talent, ce qui faisoit que chez luy l'aéte se tournoit souvent en projet & qu'il s'amufoit à négocier lorsqu'il étoit question d'opérer. Comme il connoissoit plus les hommes que les choses, il auroit toujours voulu se tenir dans son fort & avoit de la peine à en sortir. Contredisant pour être éclairé, allant toujours à la fapc, arrivant par zig-zag, mettant en jeu les autres, toutes ces ruses luy étoient familières, & tout étoit employé : se confiant un peu trop à son génie, & haïssant si fort la méthode que cela alloit souvent jusqu'à haïr l'ordre. Ennemy de tout ce qui n'étoit que le fruit du travail, il avoit toujours à la bouche ce mot de Pindare : u Méprisons ceux qui ne « savent que ce qu'ils ont appris ! M

(1) Il disoit qu'il en le roi t sortir de terre en frappant du pied.


u Cette même confiance qu'il avoit en son génie le rendoit hardi à entreprendre, ce qui faisoit que souvent il étoit timide à exécuter. Il avoit pourtant naturellement de la hardiesse & de la ténacité dans l'esprit, & lorsqu'il étoit une fois embarqué il alloit en avant, & alors le courage & l'ardeur pour la réussite luy tenoient lieu de conItance & de fermeté.

« Quoique son caractère fût tout de feu & que la pétulance & l'impétuosité fussent très-grandes en luy, il n'étoit pourtant vif qu'en paroles & point en aétions, & plutôt véhément que violent. Son humeur ne le portoit à rien de précipité ny qui marquât un défaut de conseil. Sa colère étoit même souvent volontaire, & il savoit quelquefois se ménager si bien des ressources dans ses emportemens, qu'ils luy devenoient un rempart contre des raisons trop puissantes ou contre les importunitez. C'est ce qui a donné lieu au mot de M. (ftc) : w N'ayez pas « peur qu'il ait de l'humeur avec un prince ou avec un « jésuite! «

u Il en étoit de même de sa façon de parler. Il avoit les idées vives & précises, quoiqu'il y eût souvent un peu d'embarras dans le tour de ses expressions & plus de nerf & de singularité que de facilité & de netteté dans sa diétion, ce qui le faisoit taxer de peu d'aptitude à parler & à écrire par ceux qui ne s'y connoiflfoient pas.

u C'étoit pourtant là ce qu'il avoit de plus singulier, & lorf*qu'il avoit de la peine à trouver ses paroles, c'étoit parce qu'il en avoit trop à se satisfaire luy-même & que, haïssant tout ce qui sentoit le vague & le lieu commun, il vouloit toujours trouver des choses précises & particulières adaptées aux circonstances locales ou personnelles, à quoi il réuffiffoit admirablement. C'est aussi ce qui luy


rendoit tout autre style insupportable, & fufpendoit la régularité des expéditions.

« Il n'avoit d'ailleurs rien dans son esprit ou dans sa diétion qui marquât ce qu'on appelle « l'enfejgne ou l'accent de profession ii. De toutes ses différentes occupations & professions, il ne luy étoit resté que la fleur de chacune, ce qui rendoit son esprit & sa conversation extrêmement agréables. Il prenoit merveilleusement le ton de ceux à qui il parloit. Il savoit les langues de toutes les professions, sans parler celle d'aucune. Il n'avoit nullement celle de son état d'homme d'Eglise, & peutêtre pas assez celle d'homme d'Etat.

« Ce qu'on vient de dire peut fuffirc pour donner une idée de son génie & des qualités de son esprit ; pour ce qui est de celles du cœur & qui constituent le caraétère, les principes & les mœurs, comme celles-ci font plus cachées & plus susceptibles de déguisement, il est plus difficile aussi de fixer & de réduire à quelque forte de précision les notions qu'on en peut avoir.

« Le cardinal vouloit paffer pour un homme tout de sentiment. Il se méprenoit peut-être à la dénomination en prenant ses passions pour des sentimens. Ce qui est certain, c'est que tout étoit si vif en luy que ses complaisances reflfembloient à des désirs, & ses désirs à des passions qu'il avoit momentanées pour les autres, mais si fortes & si ardentes pour luy-même, voulant si pleinement & si fortement ce qu'il vouloit, qu'il étoit prefqu'impossible qu'elles ne se communiquaient pas & qu'il ne les fit passer dans ceux qu'il vouloit faire concourir à l'exécution de ses desseins. C'étoit peut-être là un de ses moyens, & ce n'est point celuy qui luy a été le moins utile dans le chemin qu'il a fait.


« Pour réduire à leur juste valeur ses démonstrations de sentiment, elles étoient fausses : il n'en avoit point, il n'en avoit que l'image : à la vérité si bien représentée que luy-même s'y méprenoit & l'éprouvoit même dans le moment, ce qui le rendoit plus propre à entraîner & à persuader. Dans le fond, il ne prenoit les hommes qu'en qualité d'instrumens; il ne haïssoit que les obstacles & n'aimoit que les moyens. Aussi se servoit-il de tout, & tout devenoit instrument apte & utile entre ses mains, mais il les ufoit trop vite & ne pouvoit pas comprendre qu'on pût avoir besoin plus d'une fois des mêmes moyens, semblable à ceux qui dans le moment de la digestion ne sauroient penser qu'on puiirc avoir faim.

u Il n'avoit, dans le fond, ny gratitude ny fidélité, mais il en connoissoit l'usage & étoit assez habile pour n'être ny ingrat ny infidèle, & pour ne le point méprendre dans le calcul du bien & du mal qui en pouvoit revenir.

« Il ne haïssoit pas allez les scélérats, mais il méprisoit les friponneaux, & de tout cela on peut conclure qu'il avoit réellement de l'élévation dans l'esprit, & quelquefois même dans le cœur, mais celle-ci ne luy étoit ny naturelle, ny ordinaire. Elle luy étoit étrangère, & on le reconnoissoit à l'effort. «

Tel est le portrait qu'Hoym nous a laissé du cardinal Dubois. Tel qu'il est il est excessivement remarquable.

Il l'eût été bien davantage si Hoym l'avoit complétement terminé.

Après son retour (i), Hoym ne vit le Régent qu'au com-

(1) Il écrivoit le 20 août que les eaux lui avoient affaibli la tête & les yeux. (Archives de Dresde.)


mencement de septembre. Ce prince, qui, dit Hoym (i), savoit bon gré à tous ceux qu'il savoit avoir été bien avec Dubois, Faillira que sa politique ne changeroit pas.

En 1723, la fortune d'Hoym s'augmenta encore par la mort de son frère aîné, celui que nous avons vu à Londres en 1721, qui paroît avoir disposé en sa faveur de la moitié de ses biens allodiaux (2), & par sa nomination de conseiller privé, qui avoit augmenté ses appointemens d'environ 12,000 francs. Sa fœur, Mme de Vitzthum, qui venoit de marier sa fille Henriette (3) au fils aîné du comte de Watzdorff, obtint du Roi un congé pour lui. Hoym quitta donc Paris pour se rendre en Saxe à la fin de novembre 1723 (4), apportant avec lui une lettre du Régent (mais de chancellerie) pour le roi de Pologne, où ce prince se louoit fort des rapports de son gouvernement avec Hoym.

Ce ne fut que le 10 août 1724 qu'Hoym revint à Paris (5).

Pendant son absence le Régent étoit mort, & le duc de Bourbon avoit été déclaré premier ministre. Hoym avoit écrit d'Allemagne à ce prince pour le complimenter.

A peine arrivé à Paris, Hoym retourna aux eaux de Forges; il y étoit le 9 septembre & étoit de retour à Paris le 27 octobre.

(1) Archives de Dresde, au 6 septembre.

(2) Lettre du comte Watzdorff, du 27 octobre 1723.

(3) Lettres du comte Watzdorff père à Iloym, du 23 mars, & de sa femme, du 28 février.

(4) Lettre à M. de Fleming, du 15 novembre.

(5) Lettre du 11 août 1724.


Au commencement de l'année suivante, 1725, le 2.8 février, mourut Mme de Coligny, fille du marquis de Lassay, dont nous avons parlé ci-dessus. Il paroît qu'Hoym s'étoit brouillé avec elle ou au moins qu'il avoit pris très-mauvaise opinion d'elle, car la comtesse de Platen, que je crois la même que l'ancienne maîtresse de Georges Ier, & la mère de Mme de Saint-Florentin, lui ayant écrit pour le complimenter sur sa mort, Hoym écrivit à Mme de Saint-Florentin une lettre où se trouvoient les paroles suivantes, dont il avoit feulement conservé la minute. « Je ne parlerai point de Mme de Coligny, parce qu'il faut refpeéter les morts & leurs erreurs.

J'en fais plus sur son compte que je ne voudrois en savoir, mais je me repose (du foin) de ma réputation sur la sienne, & tout ce que je puis faire est de tâcher de profiter pour l'avenir d'une leçon qui m'apprend qu'il y a de la témérité à ne pas avoir égard aux jugemens du public lorsqu'il a prononcé aussi unanimement sur le compte de quelqu'un qu'il l'avoit fait sur le fien. «

Mme de Platen lui répondoit le 25 mars qu'elle croyoit toujours à la sincérité de l'amitié de Mme de Coligny pour lui.

Cette même année vit arriver un événement qui fut l'occasion de très-graves préoccupations pour Hoym.

Le duc de Bourbon, désireux d'affurer le plus tôt possible un héritier direét au Roi, avoit fait reconduire en Espagne(i) l'Infante destinée à Louis XV. Le jeune âge

(1) Le maréchal de Tessé, chargé de fonder le roi d'Espagne sur le renvoi de l'Infante, a répondu d'un style auquel on ne pouvoit s'attendre que de sa part, disant qu'il étoit fait pour faire des mariages, & non pour les rompre, & qu'il avoit trop d'égards pour le roi d'Espagne pour lui faire une semblable déclaration. Il a en même temps demandé


de cette princesse renvoyoit à une époque trop éloignée la possibilité de la naissance d'un dauphin; on vouloit à tout prix & très-promptement marier le Roi. Après avoir vainement demandé une princesse d'Angleterre, que le roi Georges refusa à cause de l'abjuration qui étoit nécessaire & des éventualités de succession à la couronne d'Angleterre, & avoir refusé très mal à propos une princesse rufle (1) dont l'alliance eût été fort avantageuse à la France, & cela par des considérations trèsblàmables d'ambition personnelle, le duc de Bourbon jeta les yeux sur la fille de Stanislas Leczinski, qui avoit été régulièrement élu roi de Pologne, & qu'Auguste le Fort avoit dépossédé par le secours & la protection des Russes. C'est le 7 avril qu'Hoym apprit le projet de mariage, & le 9 il écrivoit à Fleming une longue lettre où il proposoit d'eslaver de substituer une princesse de Saxe à Marie Leczinska. Je donne cette lettre aux pièces justificatives, n° XXIV (a).

Hoym mit tout en usage pour empêcher le mariage.

Il demandoit à Dresde qu'on le mît à même de prouver qu'un Leczinski avoit été page de Louis XIII (3). Il avoit eu quatre ou cinq entrevues avec Mme de Prie &

son rappel, qui, comme de raison, lui a été accordé sur-le-champ. Lettre d'Hoym, du 23 mars 1725 (Dresde).

(1) Je prends ces faits dans YHiftoire de la Régence de Lémontey, faite sur des sources excellentes, mais sans détails suffisans & avec des prétentions littéraires là où il ne falloit que le goût de l'étude approfondie de YHifloire. Évidemment Hoym n'a pas connu les propositions si séduisantes faites par la Russie à la cour de France.

(2) Je donne encore au n° XXV une lettre curieuse du comte de Saxe, qui tâchoit aussi de rompre le mariage.

(3) On savoit bien que le trône de Pologne n'étoit pas héréditaire, & que Leczinski, comme tous les autres rois de ce pays, n'était qu'un gentilhomme, de forte que cela n'auroit pas prouvé grand'chose.


avoit essayé de l'amener à rompre le mariage du Roi(i), mais tout fut inutile.

Pour se consoler, il accueilloit & transmettois tous les bruits qui couroient sur le peu d'attraits de la future reine. Le Roi, écrit-il le 7 mai, a refusé le mariage & donné des chiquenaudes au portrait de sa femme (a).

Bref, il se remua tant que le 27 avril il en tomboit malade.

Cependant la cour de Saxe, plus raisonnable que lui, le blâma de l'excès de son opposition, & lui fit savoir que le Roi ne se brouilleroit pas pour cela avec la France, mais qu'il préféroit que le mariage ne lui fût pas notifié.

(Lettre du 15 juin.) Le refpecrable premier commis des affaires étrangères, M. Pecquet, vint voir Hoym & l'affura que cette union, contracrée pour rapprocher les espérances d'une succession direéte, ne changeroit rien aux rapports de la France avec Augufle II.

Cependant le mariage eut lieu le 5 septembre, & le 24, Hoym, qu'on ne peut certes pas taxer de partialité, traçoit de la nouvelle reine le portrait suivant : « Pour ce qui est de la personne de cette princesse, on ne sauroit dire du bien de sa beauté, & je crois même que les courtisans les plus déterminés ne s'aviseront pas de la flatter par cet endroit. Mais on peut avec justice en dire beaucoup de son maintien & de sa conduite. Sa personne même n'est point désagréable; je l'ay du moins trouvée beaucoup mieux qu'on ne l'avoit annoncée. Ce qui paroît de plus marqué dans sa physionomie, c'est un

(1) Lettre d'Hoym, du 2Y avril (Dresde).

(2) Archives de Dresde.


caraétère de douceur & de sagesse qui fc manifeste aussi dans ses discours & dans l'attention qu'elle a pour dire autant qu'elle peut des chofcs obligeantes à tous ceux qui l'approchent: ce qui, joint à sa dévotion & à la régularité de ses mœurs, la rend fort agréable au public, & surtout au peuple, par la facilité de son accès & par son affabilité. Il est certain aussi qu'elle a rëussi avec le Roy T. C. au-delà de ce qu'on pouvoit espérer, mais il n'est pas vray que cela aille au point où on l'a voulu publier. Il est même fort apparent que les marques sur lesquelles on fonde cette prétendue passion font plutôt un effet de l'âge & des forces de ce jeune prince, qu'un goût personnes pour la Reine, à laquelle il ne témoigne aucun empressement en public, & des personnes bien instruites affurent qu'il en est de même en particulier. , (Lettre du 24 septembre 1725. Dresde, vol. VII, 59e vo.) Hoym, qui avoit reçu depuis peu le titre d'ambassadeur, plus susceptible pour son maître que son maître lui-même, s'appliqua à obtenir pour lui, de la bouche même de la Reine, la qualification de roi de Pologne.

Auguste étant reconnu en cette qualité par la France, la chose alloit de foi, & il ne fcmbloit pas nécessaire de mettre aussi désagréablement les points sur les i. Mais le patriotisme jaloux d'Hoym avoit été irrité par un discours du duc d'Antin à Strasbourg, dans lequel il avoit donné le titre de roi de Pologne à Stanislas Leczinski.

Hoym a raconté avec une minutie cruelle & bien faite pour éloigner de lui la sympathie d'un lecteur françois, le supplice que l'étiquette & les rapports des deux cours infligèrent alors à Marie Leczinska, & on s'étonne que les ministres françois aient cédé à des exi-


gences qu'on peut dire si peu convenables (i). La Reine, pensant apparemment que cette conduite étoit imposée à Hoym par la cour de Saxe, ne paroît pas lui en avoir gardé rancune. Elle lui fit en effet demander par son confesseur d'obtenir la liberté d'un sieur Buczinsky, détenu à Konigftein, pour être venu de Pologne en Saxe sans permission, & il fut en effet mis en liberté (z).

La conduite d'Hoym lors du mariage de la Reine paroît avoir été remarquée, & je pense que le maréchal de Villars voulut le lui faire sentir dans une conversation qu'Hoym a rapportée dans une lettre du 24 décembre 172.5, & où il s'étendit longuement sur les devoirs que sa charge lui avoit imposés dans ces conjonctures. (Pièce justificative n° XXVII.) Malgré cette excuse, car c'en étoit une, tout fièrement qu'elle fût présentée & malgré les sentimens d'estime & de refpeét pour la Reine qui percent dans sa correspondance, on voit qu'Hoym saisissoit assez volontiers les occasions de tourner cette princesse en ridicule. C'est à cette disposition autant qu'au désir d'amuser le Roi qu'il faut attribuer sa lettre du aa janvier 1726, où il raconte une démarche de la princesse de Conti tellement impertinente pour la Reine, qu'on peut très-bien en révoquer l'existence en doute. (Pièce XXVIII.) Son ambition se tournoit alors vers l'administration intérieure de la Saxe. Il résulte d'une lettre adressée par lui le 30 mars 1726 au baron de Gaultier, qu'il auroit voulu qu'on lui offrît la survivance de l'office de grand maréchal de Saxe (3), alors possédé par M. de Fleming.

CO Lettre du 9 oétobre 1725, n° XXVI des pièces justificatives.

(2) Lettre du II février 1726.

(_3) Archives de Dresde.


Je ne vois pas que cette insinuation ait abouti. Plus tard, le 24 décembre 172.7, il demandoit subsidiairement pour lui la charge de son beau-frère, M. de Vitzthum.

Il avoit reçu l'ordre de l'Aigle-Blanc ; il voulut faire ajouter à son portrait, fait par Rigaud en 1716, les inlignes de cet ordre. Ce fut certainement Rigaud, avec qui il avoit confervé des relations, qui fit cette adjonction. Hoym imagina alors de faire faire une gracieuseté à ce grand artiste par le roi de Pologne, & il écrivit à cet effet deux lettres au baron de Gaultier pour demander une médaille du Roi & une du Prince royal pour Rigaud (1).

Cependant le duc de Bourbon avoit été disgracié, & le jeune roi avoit montré en cette circonstance une dissimulation & une indifférence qui avoient, dit Hoym, fait plus d'honneur à son esprit qu'à son cœur (2). Hoym écrivoit à ce sujet le 17 juin 1726 à sa cour : u La nation, au milieu de la joie du changement d'une administration généralement improuvée, ne laisse pas de faire paroître un sentiment qui vise plutôt à la douleur qu'à l'applaudissement, témoignant quelque inquiétude de voir développer de si bonne heure, dans son prince, des

(1) Pièces justificatives, nos XXIX & XXX. Hoym avoit toujours conservé des relations avec ce grand peintre. Mme de Coligny (née de Lassay) lui écrivoit, en 1723 je crois : Mandez-moi, mon cher Comte, s'il n'y a point de changement à ce que nous devions faire aujourd'huy, qui étoit que la Palatine & vous deviez me prendre ce matin pour aller chez Rigaud & de là dîner chez le petit (Schaub). n

(2) Louis XV étoit cependant un fort bon prince. Mais il étoit afiez naturel que contrecarré par le Régent dans son goût pour le maréchal de Villeroy, marié par le duc de Bourbon suivant les convenances de ce prince sans qu'on eût consulté les fiennes; il étoit assez naturel, dis-je, qu'il fût fort indifférent pour le Régent & M. le Duc & pour tout ce qui pouvoit leur advenir.


dispositions dont les fuites pourroient être à craindre si la jeunesse & le manque de connoissance des choses ne rendoient en quelque manière excusable cette dissimulation, estimée vicieuse, & cette insensibilité à faire des malheureux. m Cette insensibilité du Roi se démentit toutefois, car lorfquc la personne chargée de conduire le duc de Bourbon à Chantilly vint rendre compte de sa mission, le Roi pleura; Hoym, mandant ce fait à sa cour le 24 juin, ajoutoit que la nation lui « en avoit su gré, la première insensibilité du jeune prince ayant eu besoin de corrcCtif. m J'ai trouvé dans les papiers de Lichtewaldc, & je donne aux pièces justificatives, n° XXXI, une lettre très-joliment écrite, dont j'ignore l'auteur, sur la mort de Deflouches-Canon, père de Dalembert, qui eut, comme chacun fait, Mme de Tencin pour mère. DeftouchesCanon, dont j'ai vu une lettre à Hoym, mourut cette année 17126.

Hoym, toujours mal portant, se décida à aller aux eaux de Bourbon-l'Archambault. Il y étoit le 12 septembre 1726, & étoit de retour à Paris le 28 octobre, après s'être arrêté à Fontainebleau.

Il eut l'année suivante, 1727, le déplaisir de voir MM. de Fleuriau père & fils quitter le ministère. Il étoit très-bien avec M. de Morville, & avoit même fait des affaires de tableaux avec lui. Dans sa lettre du 24 août 1727, & dans celle du Ier septembre, que je donne aux pièces justificatives, nos XXXII & XXXIII, il raconte ces faits & leurs motifs, & la manière flatteuse dont le cardinal de Fleury lui avoit présenté le nouveau ministre, M. de Chauvelin. Quelque temps auparavant, le 2 juin,


il avoit reçu chez lui à dîner le cardinal de Fleury, tous les ministres, & les ambassadeurs & ministres étrangers (lettre du 2 juin 1727), pour fêter le rétablissement de la fanté du roi de Pologne.

Le maréchal de Fleming, qui conduisoit habilement les affaires de Saxe, étant mort à Vienne au commencement de mai (i), M. de Chauvelin pensoit qu'Hoym pourroit être appelé à lui succéder; & quoiqu'il le soupçonnât, à tort, d'être prévenu en faveur de la cour impériale, il écrivoit à l'abbé de Livry (2), ministre de France en Saxe, qu'il l'aimeroit fort pour successeur de Fleming. u Il est homme d'esprit, ajoutoit-il, avec qui l'on traite volontiers, & d'ailleurs, à ce qu'il a paru, anez fage dans ses vues. ,

Hoym avoit en effet été mandé à Dresde par son souverain, & il arrivoit dans cette ville le 19 mars 1728. Il vit le Roi à Moritzbourg & en fut bien reçu, mais il n'afpiroit, dit l'abbé de Livry, qu'au moment de retourner à Paris (3). Ce n'étoit pas la succession du feld-maréchal de Fleming que le Roi lui destinoit. Le vieux comte de Watzdorff, chancelier de l'Intérieur & des Finances de la Saxe, qui avoit fait nommer Hoym à Paris, & dont le fils aîné avoit épousé Mlle de Vitzthum, nièce d'Hoym, désiroit se retirer depuis deux ans sans que le Roi y voulût consentir. Il avoit insinué au Roi de le remplacer

(1) Le 21 avril, il écrivoit de Vienne à Hoym qu'il avoit parlé de ses affaires à la cour impériale (Hoym avoit un procès pendant à la chancellerie de Bohême, probablement pour ses terres de Silésie), mais qu'on y étoit mal disposé pour lui, surtout M. de Kinski.

(2) Le 31 may 1728. (Archives des Affaires étrangères. Pologne. Livry rellitué.)

(3) L'abbé de Livry, Moritzbourg, 27 mars 1728.


par Hoym, & avoit tâché d'obtenir l'assentiment de celui-ci à cet arrangement. M. de Livry désiroit voir réussir cette combinaison, qui pouvoit avoir pour conséquence de faire d'Hoym le premier ministre de Saxe. u Il aime & prise la France, disoit-il; il a des talens & des idées justes', & je n'en vois aucun autre à cette cour qui puisse lui être comparé à cet égard (i). «

Pendant son séjour à Dresde, Hoym avoit porté un surtout de velours noir à double poil, long en dedans & court en dehors, qui fit fureur. Ce fut d'abord le feld-maréchal Guido de Staremberg qui lui en fit demander un semblable par le comte de Wackerbarth, ambassadeur de Pologne à Vienne, pour mettre ses blessures à couvert des injures de la faison (lettre de Wackerbarth, du 6 novembre 1728). En même temps, Wackerbarth en demandoit un pareil pour lui-même. Enfin la réputation du surtout d'Hoym faisant son chemin, l'impératrice d'Allemagne lui fit demander 30 aunes de velours semblable pour en faire présent à l'Empereur, mais elle le demandoit marron ou café au lieu de noir, & exprimoit le désir qu'on n'en parlât pas au comte de Zinzendorf, ambairadeur d'Allemagne à Paris, afin que l'Empereur en eût la surprise (plus probablement pour ménager la jalousie qu'auroit pu lui causer la confiance de l'Impératrice dans le bon goût d'Hoym).

u Si Votre Excellence, ajoutoit M. de Wackerbarth, trouvoit encore quelqu'autre mode de velours de bon goût, l'Impératrice en fouhaiteroit une pièce entière.

Elle vous laisse le choix de la couleur, pourvu qu'ellc

(0 Lettre du 7 mai.


convienne à une beauté blonde & que ce ne foit ni du rouge, ni du verd. ii La comteire de Fuchs, gouvernante des jeunes archiducheues, qui avoit donné cette idée à l'Impératrice, demandoit aussi une pièce de velours gaufré noir.

Hoym s'acquitta de ces commissions à merveille, & l'Impératrice lui fit dire qu'elle en étoit très-contente.

C'étoient les sieurs Gaultier & Dupré qui vendoient ce velours (velours de Gênes à peluche) à raison de 48 francs l'aune. Le velours ciselé agate, envoyé à l'Impératrice pour elle, coûtoit 33 francs l'aune chez les mêmes marchands, & le velours noir de Gênes ciselé pour la comtesse de Fuchs 35 francs. (Livres d'Hoym.) Hoym quitta Dresde le 28 mai 1728 pour revenir en France, avec le titre de ministre du Cabinet & une augmentation de traitement de 8000 écus. Il arriva à Paris le II juin(i); mais presque aussitôt après son retour il tomba malade, & la petite vérole se déclara. Elle fut longue & violente, & fut suivie de clous & même d'une tumeur au bras droit. La cour de Saxe avoit désigné pour le suppléer pendant sa maladie M. Lecoq (2), an-

(1) Voici ce que lui coûta ce voyage : de Paris à Strasbourg (26 février au 9 mars), 1775 livres, 17 fols, 6 deniers; de Strasbourg à Dresde (du 9 au 19 mars), 1441 livres, 9 fols, 8 deniers; séjour à Dresde (du 19 mars au 28 mai), 8123 livres, 5 fols, 7 deniers 1/2; de Dresde à Strasbourg (28 mai au 8 juin), 1326 livres, 1 fol, 10 deniers; de Strasbourg à Paris (du 8 au II juin), 1365 livres, 19 fols; voyage de la femme de charge & du laquais Roussel, 367 livres, 7 fols.

(2) C'étoit un calviniste de Metz retiré en Allemagne, homme d'esprit & instruit de la politique générale. M. de Fleming l'avoit connu précepteur des enfans du grand trésorier de Pologne, & l'avoit employé & avancé (Archives des Affaires étrangères). Les archives de Lichtewalde contiennent beaucoup de lettres adressées par lui à Hoym; elles font en général intéreilantes.


cien envoyé extraordinaire de Pologne à Londres. Mais lorsqu'il arriva, à la fin de juillet, Hoym étoit déjà convalescent.

Cependant, le 20 juillet, Hoym avoit reçu sa nomination en date du 1 3, comme ministre-adjoint au comte de Watzdorff, mais on laissoit indéterminée l'époque de son retour en Saxe. Il recommença à voir le monde en oétobrc. Le 16, il écrivoit au Roi que le cardinal de Fleury Favoit laissé seul une heure dans son cabinet, où il y avoit plusieurs lettres de la Reine & de sa famille.

Hoym n'abusa pas de cette confiance, dont il fut grand gré au Cardinal.

Louis XV avoit eu aussi la petite vérole & en avoit été peu marqué. Hoym n'avoit pas eu le même bonheur.

« Le contraste de l'impression que cette maladie a faite sur mon visage avec celui du Roy, a donné matière aux courtisans de faire leur cour, ce qui m'a mis fort à la mode, & peu s'en faut qu'on ne m'ait fait compliment sur le bonheur d'être défiguré. Je ne m'attendois pas qu'on pût tirer parti d'une si pénible circonstance, mais aussi ne pouvois-je choisir un tems plus favorable pour reparoître dans le monde, & c'est ce qui m'a fait anticiper sur le terme que je m'étois prescrit pour me montrer à la cour (1). «

M. de Watzdorff mourut le 3 janvier 1729, étouffé de graijje & de mangeaille, écrivoit le 8 janvier au ministère françois le chanoine Langlois (2), qui remplaçoit M. de

Q) Lettre du 25 novembre 1728 (Archives de Dresde).

(2) Voyez sur l'abbé de Livry, d abord ambassadeur en Portugal & en Espagne, un passage plaisant (tome I, p. 54) des Mémoires inflruBifs pour un voyageur. Amfierdam, 1738, in-12.

P. 58 : » La maison de cet ambassadeur étoit composée d'un chanoine


Livry malade (1). u C'étoit, dit-il, un terrible mangeur, qui au reste a bien servi son maître. Les sujets de ce prince espèrent du soulagement de M. le comte d'Hoym. Hoym avoit déjà été invité à quitter la France & à se rendre en Saxe. Cette mort le fit presser davantage. Il avoit peine à se résoudre à quitter cette France où il avoit mené une vie si brillante & si heureuse. Étoit-ce un pressentiment des malheurs qui alloient l'accabler?

Quoi qu'il en foit, son hésitation, exploitée par ses envieux, faisoit une mauvaise impression sur un roi naturellement absolu & violent. Enfin, il se décida à obéir, quitta Paris le 3 mars 1729 & arriva à Dresde le 19.

Sa maison de Paris restoit toute montée. Outre M. de Brais, son secrétaire d'ambassade, dont il se servoit allez volontiers pour des acquisitions de tableaux, &c., il avoit pour suivre ses affaires M. Milfonneau, avocat au Parlement, plutôt homme d'affaires, très-capable & très-estimé des Pâris & de Samuel Bernard. Hoym avoit une trèsgrande confiance en Milfonneau, & celui-ci lui rendit, comme nous le verrons, de très-grands services pendant ses malheurs.

nommé Langlois, son secrétaire, mais qui ne vouloit pas paroître en cette qualité, se disant ami de M. de Livry, &c. n

(1) Il mourut le 15 février suivant felon le Mercure, & le 25 felon la Chesnaye des Bois.



CHAPITRE III

DEPUIS LE RETOUR D'HOYM EN SAXE JUSQU'A SA MORT.

1 Hoym avoit désiré avoir une position élevée dans l'administration intérieure de la Saxe, il ne persévéra pas longtemps dans ce désir. Il nourrissoit certainement l'espoir de retourner prochainement en France & affedoit de se croire

une forte de ministre provisoire, destiné à organiser seulement le service confié pour quelque temps à ses foins.

C'est ce qui résulte d'une longue lettre qu'il écrivoit le 7 mai au cardinal de Fleury (i).

(i) Affaires étrangères.


A peine arrivé en Saxe, il eut à lutter contre l'influence prussienne & celle de la cour impériale. Seckendorff, envoyé de l'Empereur, avoit pris quelque empire sur Auguste II. Hoym combattit si vivement ses efforts

que la cour de Vienne s'en émut (i). Mais malgré tout ce qu'il pouvoit faire, malgré tout ce qu'attestoit en faveur de ses intentions & de ses aétes l'abbé de Livry, ministre de France en Saxe, M. de Chauvelin s'obftinoit à le croire partisan de la cour de Vienne.

Il partit le 8 mai 1729 pour Varsovie ; le Roi avoit quitté Dresde le 26 avril pour s'y rendre également. La France y étoit représentée par le marquis de Monti, diplomate distingué, mais très-mal disposé pour Hoym (2).

La France s'occupoit alors, comme c'étoit son intérêt & celui du corps germanique, de réunir dans une alliancc commune les princes allemands pour les opposer à FEmpire, & probablement à la Prusse, qui commençoit dès lors à devenir menaçante. La Saxe ayant cru que la France traitoit avec la Bavière, s'en étoit émue, & Auguste le Fort disoit à Hoym, qui le répétoit à M. de Monti, qu'il avoit, en refusant les propositions de Seckendorff, indisposé la cour de Vienne contre lui : qu'il falloit prendre des mesures & fondre la cloche avec la France (3) ; mais M. de Chauvelin, craignant de mécontenter les Polonois attachés au roi Stanislas, ne se foucioit pas de prendre des engagemens bien intimes avec

(i) Voyez à l'année suivante, 1730.

(2) Celui-ci, qui avoit pénétré ses dispositions, les attribuoit à son attachement pour le roi Stanislas, qu'Hoym, lors du mariage du Roi, avoit attaqué, il faut en convenir, encore plus vivement que ne le demandoit sa position.

(3) Lettre de Monti à Chauvelin, du 13 août 1729.


la Saxe & écrivoit à M. de Monti de gagner du temps (i).

Plus tard M. de Chauvelin, évidemment mal disposé, écrivoit (de Rambouillet le 26 odtobre 1730) à M. de Monti qu'Hoym lui avoit fait parler ajJèz indiscrètement par les ministres d'Angleterre & d'Espagne, que l'Empereur en avoit été informé & que la première condition eût été le secret (Archives des Affaires étrangères).

Pendant son séjour à Varsovie, Hoym avoit fait en Saxe trois importantes acquisitions. L'une (en date du 20 juillet 1729) étoit la terre de Putzkau, près de Bifchofwerda; la deuxième l'hôtel de son beau-frère, le comte de Vitzthum, l'un des plus beaux de Dresde, & que le maréchal Fleming avoit acheté depuis à bon marché. La troisième acquisition étoit la terre de Skaska, si tuée à 3 lieues de Dresde. Le tout lui coûta environ 200000 écus d'Allemagne, ou 750000 francs. On prétendoit que ces propriétés n'avoient été achetées que 120000 thalers, ou 450000 francs (2). Il quitta Varsovie vers le 14 août pour retourner à Dresde (3).

S'étoit-il dans ce voyage ouvert avec franchise sur ses inclinations françoises avec M. de Monti, & celui-ci par

(1) Lettre de M. de Chauvelin, du 11 septembre 1729. Auguste, probablement fous l'inspiration d'Hoym, regardoit comme poffiblc l'abandon de la Pologne & l'annexion à la Saxe, comme compensation de la Silésie ou de la Bohême après la mort de l'Empereur. (Monti, de Grodno, le 10 septembre 1729.) Le ministère saxon pensoit aussi que le prince élecroral de Saxe pourroit parvenir à l'empire.

(2) Autre lettre que je crois aussi de Monti, de Varsovie, du 13 août 1729. Cela ne se pouvoit pas, puisque Putzkau coûta 80 000 thalers, & Skaska 78 500. Cela fait déjà 158 500 écus. Il acheta encore, le 14 avril 1729, la terre d'Ober-Lauba, contiguë à Nieder-Lauba, qu'il possédoit déjà.

(3) Il écrivoit de Dresde au cardinal de Fleury, le 24 septembre 1729.


légèreté (i) ou par antipathie contre Hoym (a) auroit-il mal gardé le secret ? Toujours est-il que le prince Eugène, cet implacable, ennemi de la France, chargea Wackerbarth de faire savoir directement au roi de Pologne qu'un de ses plus intimes & confidens ministres communiquoit tout à la cour de France, à tel point qu'il avoit airuré le marquis de Monti (3) que nonobstant toutes les négociations, le roi de Pologne ne concluroit jamais aucun traité avec l'Empereur.

Ce prince ayant reçu la lettre du 14 décembre 1729, où Wackerbarth lui rendoit compte de cette affaire, lui répondit le 25 que c'étoit par son ordre qu'on avoit informé la France, inquiétée par les négociations du

(i) M. de Monti, quoique habile diplomate, étoit certainement un peu léger. Voyez dans la lettre du roi Stanislas sur sa fuite le choix détestable qu'il avoit fait de l'escorte du Roi, & son exclamation publique: Le Roi cft donc pris! quand il entendit une décharge générale des Russes contre la ville de Dantzig.

(2) Il détestoit Hoym (voyez p. 72, note 2) par fuite de son attachement pour le roi Stanislas, puis Hoym avoit eu plusieurs abordages avec lui. Monti affeéloit de se regarder comme accrédité plutôt auprès de la république de Pologne qu'auprès du Roi, & avoit peine à se réfoudre à suivre le Roi à Dresde. Il étoit même allé jusqu'à dire que le Roi ne troubleroit pas le repos de la Pologne, pourvu que le roi Augujle n'attentât en rien contre ses libertés, à quoi Hoym répondoit très-judicieusement qu'il ne comprenoit pas quelle utilité pouvoit retirer la France d'avoir un roi de Pologne dépendant d'elle : qu'il étoit au contraire de son intérêt d'agrandir la maison de Saxe en rendant le royaume héréditaire, parce que c'étoit élever une puissance qui ne pourroit jamais lui donner d'ombrage. (Lettre de Monti, 10 février 1730.) Le roi Auguftc disoit, en parlant du roi Stanislas, Stanislas tout court. Monti pria Hoym de le prévenir que s'il s'exprimoit ainsi devant lui, il feroit la révérence & se retirerait. (Lettre du 4 mars, Archives des Affaires étrangères.) Malgré sa fierté & sa violence, Hoym, espérant & recherchant toujours l'alliance françoise, supportoit patiemment ces attaques.

(3) C'étoit peut-être pour dérouter ou pour mettre Iloym en défiance de M. de Monti, que prince Eugène citoit ce diplomate.


comte de Seckendorff, qu'il n'y avoit eu jusque-Ià aucun traité de conclu avec l'Empereur (i).

Hoym avoit pu parer ce coup, & le chevalier Schaub, dans sa lettre si remarquable à lord Harrington (voir p. 299 des pièces), a judicieusement remarqué que ces attaques, venant de l'étranger, n'avoient fait que fortifier la faveur Hoym; mais la haine des cours de Vienne & de Berlin n en devint que plus vive. Nous avons pu reconnoître les grandes qualités d'Hoym, mais il manquoit de retenue & de mesure, & avoit dans l'âme une indépendance telle, qu'elle finissoit par devenir un véritable esprit de domination. A force de ne pas vouloir être courtisan, il en venoit à vouloir imposer ses volontés au Roi, & on Peut même dire à manquer d'égards pour lui.

Le roi Auguste maria, en février 1730, la comtesse de Coses, fillc de Mme de Coses (d'abord belle-fœur d'Hoym), avec le comte Moginski. Il y eut des fêtes brillantes à cette occasion. Le roi de Prusse arriva masqué, le samedi 18, au milieu du bal. On but à l'étranger inconnu les rois s'embrassèrent masqués. Hoym étoit entré à ce bal déguisé en pêcheur & donnant le bras à Mme de 0 très-belle personne (z) revêtue d'un costume appa-

(1) Mémoires de Seckendorff, 1794, 4 vol. in-12. Tome IV, p. 293 & 297-

(2) M. de Kônig, poëte de la cour d'Auguste le Fort, a chanté cette e d'Hoym dans l'Almanach de PÉtat & de la Cour pour 1731. « Ce n en: pas un mauvais pêcheur, dit-il, qui entre ainsi costumé ; il peut me être un bon navigateur. il observe son temps & connoît son nipas politique. & ne touche pas les écueils parce qu'il est. pruaujT* Il prend encore des poissons pour son amusement & fait la chasse aux perles de la bouche & aux coraux du fein féminin. Je ne pense pas U 1 s'en cache à sa compagne, mais elle, qui est très-belle, ne laitre aucun poisson étranger entrer dans son réservoir. » (M. de Sahr, article sur Skaska.)


reillé au fien. Il espéroit détacher le roi de Prusse de l'alliance de l'Empereur, & l'abordant masqué, il le pria de s'écarter de la foule. u Qui êtes-vous? demanda le Roi. — Ma conversation vous apprendra mon nom & mes sentimens. « Alors Hoym dit au roi de Prusse qu'aucun ministre du Roi son maître n'étoit plus heureux que lui de voir l'harmonie régner entre eux, & qu'il prenoit la liberté de le supplier de ne pas allumer la guerre en suivant les inspirations de sa haine pour le roi d'Angleterre (i) (le roi Georges lui avoit refusé sa fille). Suivant le roi de Pruire, Hoym auroit ajouté que l'Empereur étoit trop gueux (Hoym nioit avoir prononcé ces mots) pour pouvoir rien donner à personne (2), & que son alliance n'offroit aucun avantage.

Peu de temps après cette fête, & le 27 février 1730, Hoym adressa au prince Eugène une lettre dont la fierté acheva d'exaspérer les cours de Vienne & de Berlin.

Dans cette lettre (imprimée tome IV, p. 300 & suivantes des Mémoires de Seckendorff), il parle ironiquement du malheur qu'il a eu de déplaire à M. le comte de Seckendorff. Il proteste de sa sympathie pour la cour impériale & du désir qu'il a de voir la cour de Saxe unie avec elle.

« Qu'on nous mette sur cela à l'épreuve, continue Hoym, & qu'on nous fane faire par un homme fage des propositions solides & qui présentent quelque réalité, V. A. S. verra alors quels font nos principes.; mais que M. le comte de Seckendorff s'imagine pouvoir

(1) Lettres de Monti, des 25 février & 4 mars 1730 (Archives des Affaires étrangères).

(2) Lettre de Monti à Chauvelin, du 4 mars 1730 (ibid.)'.


gouverner cette cour & traiter icy les affaires sur le pied qu'il les traite à Berlin, qu'il croie qu'on le laissera s'ingérer dans des intrigues. jusqu'à vouloirbouleverfer tout l'intérieur d'une cour, qu'il se rende le promoteur des affaires les plus odieuses & les plus étrangères aux intérêts de S. M. I., qu'il cherche à entraîner le Roy dans des démarches capables d'allumer le feu dans l'Empire & de nous mettre hors de toutes mesures avec des puissances que nous avons à craindre & à ménager. c'est ce qui ne sauroit jamais être dans l'intention de l'Empereur, & c'est aussi en quoy M. le comte de Seckendorff ne réussira jamais avec un prince aussi éclairé que le Roy & dans une cour où il trouvera toujours sur son chemin des gens ajJèz fermes pour soutenir les intérêts de leur maître au péril de tout ce qui en peut arriver.

u Si s'opposer à de pareilles menées & être inaccessible à de certaines choses qui peuvent avoir leur commodité pour un négociateur de son espèce, mais qui ne sauroient se concilier avec les intérêts du maître & les principes d'un homme qui aime son honneur & son devoir, Ji tout cela, Monseigneur, s'appelle être François, j'en adopte le titre, & je me fais gloire de l'erre. Hoym terminoit en disant que c'étoit être bon serviteur de l'Empereur que d'être fidèle à son maître lorsque ce maître avoit tous les sentimens que l'Empereur pouvoit désirer, & qu'il s'expliquoit avec autant de liberté parce qu'il savoit que la candeur & la vérité étoit ce qui réufMbit le plus auprès du Prince.

Le prince Eugène ne répondit pas à Hoym ; mais dans une lettre au roi de Pologne, qui fut lue en conseil des minillres (Monti, 6 mai 1730), il demandoit au Roi de se défier du penchant d'Hoym pour la France & de le


renvoyer de son ministère. Ses premières impressions s'étoient, paroît-il, adoucies, car, suivant Seckendorff (tome IV, p. 308 de ses Mémoires), le roi de Prusse auroit dit que le prince Eugène devoit demander à Auguste II si la lettre qu'il avoit reçue d'Hoym avoit été écrite par son ordre. Sinon, devoit-il ajouter, vous pouvez voir quel est le traître qui veut rendre son maître aussi françois qu'anglois au milieu de l'Allemagne. Le roi de Pologne envoya à Vienne le baron de Gaultier, qui étoit avec Thioly (ancien secrétaire du baron de Besenval) son plus intime secrétaire, pour justifier Hoym auprès du prince Eugène (i).

Le prince Eugène ne tint pas, à ce qu'il paroît, la lettre d'Hoym secrète, car le roi de Prusse écrivoit à ce sujet au comte de Seckendorff, en mars & mai 1730, & prenoit chaudement son parti, s'offrant, si l'occasion s'en présentoit, de dire au roi de Pologne les discours extraordinaires qu'Hoym lui avoit tenus sur le sujet de S. M. Impériale, & au désavantage de la bonne cause. Les choses allèrent si loin qu'il fut question de duel entre Hoym & Seckendorff, mais le marquis de Fleury, ministre des affaires étrangères de Pologne, intervint & l'empêcha.

Le roi de Pologne ayant le désir de voir & de faire

(1) Lettre de Monti, du 24 mai 1730. — Hoym, écrivant à M. de Brais le 10 décembre 1730, lui envoyoit un mémoire sur cette affaire, le priant de le communiquer à M. Milfonneau pour lui faire connoître, disoit-il, sur quels principes & sur quel ton nous traitons ici les affaires.

u Cet écrit prouve au moins que je ne fuis point de ceux qui cherchent à s'insinuer en flattant la paillon du jour, mais que rien ne m'arrête, pas même la crainte de déplaire, lorsqu'il s'agit de dire la vérité. Ceux qui ne se sentent point ce courage ne devroient point se mêler de faire le métier de ministre, incompatible, félon moy, avec celui de vil & lâche courtisan. v


voir son armée, établit un camp de manœuvres près de Muhlberg (i). C'étoit une grande dépense, & ce prince fut grand gré à Hoym de lui avoir procuré les moyens de la faire.

Le Roi partit le 26 mai pour le camp (2), & le roi de Prusse y arriva le 31. La table où dînoient les deux rois étoit de quarante couverts, & il y avoit douze autres tables de vingt-quatre couverts chacune, les trois premières servies en vaisselle d'or & les autres en argenterie d'une grande magnificence (3). Les manœuvres & revues paroissent s'être très-bien passées, comme aussi les fêtes qui eurent lieu à cette occasion.

Le roi de Prusse partit le 26 juin, & alla coucher le même jour au château d'Annebourg, où le roi de Pologne lui donna le lendemain le plaisir d'une grande chasle aux toiles.

Toutes ces entrevues ne nuifoient pas à l'influence

(1) M. de Monti, prévoyant qu'il y auroit à ce camp un grand luxe, & craignant apparemment la dépense, demanda à revenir en France, où il devoit antérieurement faire un voyage. Il mit en avant, vis-à-vis de M. de Chauvelin, la crainte des difficultés de l'étiquette (lettre du 22 mars 1730), & en Saxe il se plaignoit que le quartier qu'on lui destinoit au camp n'avoit été ni meublé, ni garni de chevaux. Hoym offroit de réparer ce prétendu tort, mais Monti partit le 29 mars, après avoir vu les troupes du Roi.

(2) On publia, en 1730, un journal de tout ce qui se pa(Ta à ce camp, & il y avoit, en tête, outre une gravure qui représentoit le quartier royal & six autres vues, un plan du camp avec l'indication des demeures des principaux personnages. Hoym étoit logé à Naundôrffgen, près de Môrfchwitz, où étoit, près de l'Elbe, son ami le comte de Frise (& tout près aussi, à ce qu'il semble, de sa nouvelle terre de Skaska).

Je possède un exemplaire de cette brochure de 20 feuillets, non compris les planches doubles, intitulée Das Konigl.-Polnifche und Churfurftl.

Sachftche Feld-Lager, &c. 1730. Petit in-40.

(3) Lettre de M. de perteville, du 3 juin 1730.


prussienne, & Hoym se plaignoit à M. de Perteville, chargé d'affaires de France & presque son ami, que M. de Monti fût parti sans même l'informer de son départ, au lieu de l'aider, en reliant au camp, à combattre l'influence du Cabinet de Berlin.

Monti connoissoit bien cette influence. Il savoit & il écrivoit en France que le roi de Pologne entretenoit avec le roi de Prusse une correspondance secrète pour laquelle Briihl, qui de page du Roi étoit devenu grand maître de la garde-robe, lui servoit de secrétaire (i).

Toutefois sa haine contre Hoym lui faisoit non-seulement négliger, mais encore attaquer le ministre le plus favorable à l'influence françoise & le plus opposé aux influences de la Prusse & de l'Empire. Ainsi Hoym étant brouillé avec le marquis de Fleury, il écrit en France qu'il est bon qu'Hoym ait un concurrent; il confidère le marquis de Fleury comme un homme fage & fort secret. (Lettre du 23 septembre 1730.) A M. de Chauvelin, qui lui dit que Fleury devient chaque jour plus suspect, qu'il a réconcilié le roi de Pologne avec la cour de Vienne, qu'il n'est personne en Saxe sur qui on puisse plus compter que sur Hoym, quoiqu'on ne le puijJè que médiocrement (10 décembre 1730), il répond le 6 janvier 1731 que c'est Hoym qui a répandu ce bruit-là, & que lui, Hoym, désiroit cette réconciliation des deux rois pour ne pas se battre avec Seckendorff.

Il parle sans cesse de la hauteur & de la jalousie qu'Hoym avoit pour tous ceux dont il craignoit l'ascendant (quant à la hauteur, s'il exagère, au moins il n'invente pas). Puis connoissant la puissance du ridicule en France (& je

(0 Lettre de Monti, du 25 oétobre 1730, de Grodno.


crois un peu partout), il représente cet Hoym si apprécié à Paris par Fontenelle, par Richelieu, par Schaub, & par tant de femmes spirituelles, cet Hoym dont nous connoissons tant de charmantes lettres (il prétend, il est vrai, que Thioly lui en fait de temps en temps, ce qui est absurde pour ceux qui, comme les leaeurs de ce Mémoire, ont vu tant de lettres d'Hoym sur tous les iujets & son portrait de Dubois), comme un intolérable bavard.

Quand Hoym entre chez le Roi, dit-il, il se rend si importun par un torrent de paroles, que bien des fois ce prince lui accorde ce qu'il demande pour s'en débarrasser (25 octobre 1730). Puis il dit que le Roi est accablé par la longueur de ses raisonnemens (II novembre 173o), enfin (le 29 novembre) que lui, Monti, n'est pas le seul à craindre son arrivée à Varsovie, ses conversations, qui durent cinq ou six heures, accablant les gens.

Au commencement du printemps de 1731, Hoym ayant joué avec ses deux charmantes nièces, & d'autres personnes de sa société, VAndromaque de Racine, dans laquelle il remplilToit le rôle de Pyrrhus, Monti dit, dans sa lettre du 4 avril 1731, qu'il s'est couvert de ridicule aux yeux du Roi & des courtisans qui lui en ont parlé dans ce sens; puis, représentant tout à coup ce bavard, ce ridicule comme un homme dangereux, il prétend ailleurs que si le Roi venoit à mourir & que lui, Monti, fût en Saxe, Hoym l'empêcheroit d'en sortir & d'aller en Pologne. N'a-t-il pas dit souvent qu'il falloit frapper de grands coups, qu'un compliment & une fatisfaftion réparoient tout? (Lettre du 22 mars 1730.) Ainsi le ministre de France représente sans cesse à sa cour Hoym comme un lâche, comme un partisan secret de l'alliance impériale, comme un homme violent, incapable, ridicule,


& dangereux, ce qui ne s'accorde guère, & la France est la feule puissance dont Hoym puilTe elpérer l'appui!

Se sentant si mal soutenu par la France, Hoym obtient que son ami, le chevalier Schaub, vienne avec une mission du gouvernement anglois à Dresde. Alors c'eil: un nouveau déchaînement. Il y a apparence, écrit Monti le 16 octobre 1730, que le comte d'Hoym, ancien ami de Schaub, fait insînuer à la cour d'Angleterre que ce miniflre feroit agréable au roi de Pologne, pour tacher de le faire employer, en reconnoissance des avantages qu'il lui a procurés pendant la régence. Le 31 juillet 1731, il raconte que le Roi lui a dit (ne faudroit-il pas croire plutôt que Monti a dit au Roi?) qu'Hoym ayant lié en France une grande amitié avec Schaub, a cherché à le faire venir ici, mais depuis qu'il est arrivé, il ne m'a parlé d'aucune affaire.

Au fond, le Roi craignoit que Schaub ne fût venu pour intriguer contre lui avec les protestans à la requête de la France (lettre de Perteville, du 31 janvier 1731).

Schaub fit un traité d'amitié entre le Hanovre & la Saxe (corresp. de Pologne, entre le 25 & le 28 juillet 1731) ; il n'étoit donc pas venu en Saxe sans mission & sans but.

Dans la position où se trouvoit Hoym, & sur laquelle il ne pouvoit se faire aucune illusion, qu'auroit-il dû faire? Évidemment abandonner à eux-mêmes un roi & une cour qui lui préféroient les Fleury, les Brühl & les Sulkowski, retourner en France s'il le pouvoit, ou vivre tranquillement chez lui dans ses terres, jouissant de ses livres & de ses tableaux.

Mais son caraétère altier & violent ne lui permit pas de prendre ce parti. Il se préfentaen face & sans crainte à ceux qui l'attaquoient. Voulant découvrir les manœuvres de ses ennemis, il faisoit ouvrir les lettres écrites en


Saxe par les gens qui entouroient le Roi : ceux-ci le savoient, en étoient fort mécontens (1), & le faisoient savoir au Roi. Méprisant l'incapacité de ses collègues & la foiblesse du Roi, il vouloit tout faire & tout décider.

Il se faisoit adreirer directement les dépêches de certains ministres à l'étranger (2). Il ne ménageoit pas plus le Roi sur les petites choses que sur les grandes; il blâmoit (probablement avec toute raison) les formes des porcelaines commandées par le Roi, & faisoit ajourner les commandes de ce prince pour en faire paffer d'autres avant.

Enfin le mécontentement du roi de Pologne, attifé soigneusement & habilement par Briihl (3), fut exaspéré par le manque d'argent où Hoym l'avoit laissé à Varsovie afin de lui en faire trouver davantage à son arrivée en Saxe (4), & sa perte fut résolue.

Peu de jours avant l'arrivée du Roi à Dresde, Hoym, prévoyant qu'il alloit avoir à soutenir une lutte fort vive, disoit à M. de Perteville qu'il ne souffriroit jamais que son maître se rendît esclave de la cour de Vienne & qu'il entretînt des liaisons avec un voisin aussi dangereux que l'étoit le roi de Pruire, & que si Fleury étoit soutenu, lui, Hoym, retourneroit en France & ne se mêleroit plus des affaires. Certes, c'est là le langage du patriotisme.

(1) Monti, de Varsovie, le 31 janvier 1731.

(2) Le baron de Schomberg, qui négociait avec M. de Chavigny.

Monti, 6 décembre 1730.

(3) Monti prétend, dans sa lettre du 7 mars 1731, que Brühl n'étoit pas mal disposé pour Hoym, & s'étoit même jeté aux genoux du roi de Pologne pour l'empêcher de l'exiler avant son départ de Varsovie, mais ce n'était pas l'opinion de M. de Perteville, & rien n'cft moins probable.

(4) Monti, lettre du 7 mars 1731.


Cependant le roi de Pologne arriva à Dresde le 10 mars.

Voici en quels termes M. de Perteville, chargé d'affaires de France, homme de cœur & d'honneur (1), qui rendoit pleine justice à Hoym & l'aimoit beaucoup, racontoit, le 14 mars 1731, à M. de Chauvelin ce qui se passa alors : « Le roy de Pologne arriva icy le 10 de ce mois. Cette arrivée a pensé estre précédée d'un événement bien funeste pour M. le comte d'Hoym, & auquel il ne s'attendoit nullement. Vous avés esté informé, Monseigneur, que les ennemis de ce ministre avoient fait naître des soupçons dans l'esprit du roy de Pologne (2). Ce prince en a conçu tant de craintes, & il a esté d'ailleurs tellement séduit par le général Grumkaw (3) dans l'en-

(1) M. de Chauvelin lui écrivoit, le 10 décembre 1730 : « En général je ne puis qu'approuver votre conduite & la manière dont vous avez parlé, mais je crains que vous ne mettiez dans les affaires un peu trop d'anedion personnelle. Pour les bien traiter, il ne faut point se laisser séduire par les mouvemens du cœur, il ne les faut écouter que pour être droit & de bonne foy. « On fent bien là cette injuste prévention de M. de Chauvelin contre Hoym, qui réfiftoit à tout.

(2) Sur le parti pris d'Hoym de le dominer.

(3) Ministre d'État & général prussien, dont le nom s'écrivoit Grumbkow. C'est à lui qu'est dédié le livre intitulé Observations sur Part de faire la guerre. Berlin, Tôlier, 1719, in-12. C'étoit un terrible buveur; aussi c'étoit le plus souvent lui que Frédéric Ier, roi de Prusse, envoyoit à Auguste le Fort, lequel étoit aussi très-ami des plaisirs de la table. Ce fut dans un dîner donné à ce prince à Grossen par M. de Grumbkow au nom du roi de Prusse, qu'Auguste II fut pris d'un érésipèle à la jambe, qui l'enleva le ier février 1733. Au reste, tous les convives avoient noblement fécondé le Roi. En sortant de ce dîner, Brühl, tout à fait malade, avoit été obligé de s'aliter, & Grumbkow étoit tombé de carrosse & s'était caffé deux côtes. (Lettre de Perteville, Dresde, 6 février 1733.) Il faut voir dans les Mémoires de Seckendorff le récit adressé, le 30 août 1731, par Manteufel, précisément à M. de Grumbkow, d'un repas que lui donna le roi de Prusse à Schartau. Ce font de profonds


trevue qu'il a eue avec luy à son passage, qu'il y prit la résolution de faire arrêter M. le comte d'Hoym & de le reléguer. M. Brill, favori du roy de Pologne, & qui a esté gagné par le parti prussien, pressa l'expédition de ces ordres, qui furent signés le même jour. Ils estoient adressés au Prince royal, à qui l'exécution en estoit remise. Comme le courrier estoit prest à partir, le Roy le fit retarder, & dit qu'il vouloit encore avoir une explication avec le comte d'Hoym. Dès que ce prince fut arrivé, M. le comte d'Hoym, qui n'estoit point informé de ce qui s'estoit paffé, mais feulement que son maître paroissoit très-mécontent, se présenta devant luy. Il en fut receu avec beaucoup de froideur. Ce jour-là il ne put luy parler. Le lendemain, il retourna à la cour. Il fit demander audience. Le roy de Pologne luy fit dire qu'il le feroit appeler lorsqu'il feroit nécenaire. Ce fut dans ce moment que le comte d'Hoym apprit le dessein qu'on avoit de l'arrêter. J'estois présent, & il m'en fit confidence. Je l'engageai à montrer de la fermeté, défaire en forte d'avoir une explication avec son maître, & surtout de prendre garde de ne luy point aigrir l'esprit.

w Le même jour (le II mars) on vint avertir M. le comte d'Hoym que le Roy le demandoit. Il se rendit aussitôt chez luy. Ce prince luy dit d'abord d'un ton dur qu'il vouloit connoître l'état de ses affaires. Le comte d'Hoym

plats d'argent remplis de pois & de petit falé, deux pièces tremblantes de bœuf, des carpes à fauce de cerises, puis une très-bonne fricassée, je ne fais plus de quoi, dit Manteufel, car dès l'époque (le moment) des pois, Bodenbruck m'adressa par ordre un tônnchen (petit tonneau, barillet, grand verre), de la valeur d'une bouteille, &c. Là le Roi se répandit sur la cour de Saxe, sur les Blitz-Franzôsen, Canaillen pek (tonnerres de François, tas de canailles), & en autres aménités. C'étoient Fleury, Gaultier, Thioly, &c., que cet aimable monarque désignoit ainsi.


luy répondit qu'il espéroit que S. M. feroit contente du compte qu'il estoit prest de luy en rendre. u Cela me furprendroit, m repliqua le Roy. Il luy demanda ensuite pourquoy il n'avoit pas fait payer une certaine somme comme il l'avoit ordonné. Il se trouva que l'argent avoit esté donné. Le comte d'Hoym se justifia pareillement sur tous les articles dont il fut question. Il ajouta qu'il s'estoit acquitté de son administration avec droiture, & qu'il demandoit pour toute gràce que S. M. lui rendît justice.

u Il ne s'agit pas de probité ; je fais que vous estes honte nête homme, dit le Roy, & je ne me plains pas de votre u travail, mais je veux estre obéi. n M. le comte d'Hoym entra en matière. Il fit voir qu'il n'avoit prétendu à aucune autorité qu'à celle que S. M. vouloit luy laiflfer & qu'il luy convenoit d'avoir, qu'il avoit refusé d'envoyer de certains détails qu'on luy avoit demandés parce qu'il y avoit de certaines choses dont le maître seul devoit estre instruit ; qu'il n'avoit attendu que son arrivée pour l'entretenir. Il le pria de ne point ajouter foy, sans s'estre éclairci, aux accusations de les ennemis, dont il savoit la résolution qu'ils avoient inspirée contre luy à S. M. Le roy de Pologne parut avoir honte de ce reproche, sur lequel le comte d'Hoym paflfa légèrement & quitta le Roy, que cette première explication rendit plus tranquille.

u Le comte d'Hoym alla tout de fuite chez le Prince royal, à qui il fit le détail de la conspiration. Le Prince, qui d'ailleurs se communique peu, s'emporta vivement contre cette conduite. Il rafleura le comte d'Hoym, dont il promit de prendre la défense. Cette fermeté du Prince, la manière haute avec laquelle il a receu le favori & la bonne contenance de M. le comte d'Hoym,


ont étonné les conjurés, en forte que je ne crois pas qu'il foit présentement question d'exil. Le comte d'Hoym est persuadé que le marquis de Fleury n'a point de part au complot, & que même il n'en sçavoit rien lorsqu'il est party de Varsovie, mais qu'il a feulement entretenu l'indisposition qu'il a remarquée dans l'esprit de son maître. Le plan du favory étoit de chasser tous les ministres & de rapporter luy-même les affaires au Roy & de placer feulement des commis dans chaque département, en forte que le roy de Pologne auroit cru tout gouverner par luy-mesme, ce qui le flatte sensiblement.

Comme M. Brill est un jeune homme encore sans expérience & incapable même de soutenir un pareil ouvrage, on croit l'auteur le sieur Pauly, son premier commis de la guerre, qui s'est déjà soustrait à l'autorité du ministre, & qui fait seul ses rapports au Roy. Comme il a veu que M. le comte d'Hoym songeoit à faire rentrer cette partie dans son département, il a jugé qu'il pouvoit le perdre.

Il s'est ligué avec le favory, & ils ont profité du long séjour à Varsovie pour préparer le roy de Pologne à ce changement, qui feroit fort de son goût.

M. Brill paroît très-inquiet. Il vint hier au foir chez M. le comte d'Hoym. Ils eurent ensemble une longue conférence, dans laquelle le comte d'Hoym fit sentir à l'autre qu'il se perdoit le premier & qu'il devoit mieux penser à l'avenir. Il lui offrit d'oublier le paffé & d'estre son amy, pourveu qu'il se contentât d'estre favori sans se mêler du ministère, parce que luy, comte d'Hoym, ne le souffriroit pas tant qu'il feroit en place, même malgré le Roy. Il exigea absolument l'éloignement du sieur Pauly, à qui il faciliteroit le moyen de se retirer. Il promit à M. Brill de le biffer jouir de tout l'agrément de son


poste. qu'une bonne intelligence paroissoit leur convenir à l'un & à l'autre, d'autant que tout disgraciè qu'il fer oit, luy, comte dhoym, il feroit toujours en état de faire trembler quiconque feroit contre luy. M. Brill s'est défendu d'avoir pensé à former aucune diviûon. Il a prié le comte d'Hoym de luy rendre son amitié & de luy conserver les bonnes grâces du Prince royal, auprès duquel il voyoit qu'il estoit fort mal. « Comment voulez-vous u qu'il vous regarde de bon œil, reprit M. le comte d'Hoym, « en voyant votre mauvaise besogne? Vous vous en rapporte tez à un Pauly, qui verroit le gibet préparé sans en estre « étonné, mais je vous crois plus sensé, & il ne tiendra «.t qu'à vous de bien vivre avec moy. 'i Après cette conversation, dont j'ay entendu une partie, & à laquelle M. de Binau (Bunau) & M. Thioly estoient présens, on le mit à table, & M. Brill parut très-cmbarrairé. M. le comte d'Hoym doit avoir aujourd'hui une deuxième audience, qui décidera de son fort. ,

En lisant ce récit d'un témoin oculaire, & dont la véracité ne peut pas faire de doute, on se demande comment Hoym pouvoit parler ainsi à un homme qu'il savoit être son ennemi. Faire montre de sa faveur auprès du Prince royal, c'était exciter la jalousie du Roi, se donner comme redoutable même en cas de disgrâce; c'étoit braver sa puissance & irriter son orgueil, & il ne pouvoit pas douter que ses paroles ne feroient rapportées au Roi, plutôt avec exagération : mais, hélas ! un récit exaét & véridique suffisoit bien pour le perdre !

Le calme parut cependant se rétablir. Hoym, soutenu par le Prince royal, ne ménageoit pas le marquis de Fleury, & achevoit de s'en faire un ennemi. Ce dernier ayant dit à Schaub : Le comte d'Hoym ne veut pas tout ce


que le Roifon maitre veut, & moipobéis en tout. — C'est, lui répondit brusquement Schaub, que le comte d'Hoym fait son métier de ministre, & vous celui de courtisan (1).

Le Roi étoit à Moritzbourg. Le 2,1 mars 1731, Hoym s'y rendoit pour travailler avec lui, lorsqu'il reçut en chemin l'ordre de retourner sur ses pas, & celui de revenir le lendemain 23. Il obéit; mais en arrivant, il trouva devant lui le feld-maréchal de Wackerbarth, qui lui déclara que le Roi le déchargeoit du foin de ses affaires domestiques, & lui commandoit de se retirer dans une de ses terres. Le comte d'Hoym, obéissant aussitôt, monta dans un des carrosses du Roi, accompagné de deux adjudans, & prit le chemin de Lusace & de sa terre de Skaska(V), récemment achetée par lui, & située dans cette province. Le Roi envoya aussitôt Briihl à Dresde pour faire mettre les scellés sur les papiers d'Hoym & les faire transporter au château. Briihl ayant rendu compte de sa commission au Prince royal, ce prince se rendit aussitôt à Moritzbourg & en revint le même jour, sans qu'on fût le sujet ni le résultat de son voyage (3).

(1) Lettre de Perteville, du 21 mars 1731.

(2) Skaska est une terre en Lusace, au delà de Kamentz, près de la frontière de Prusse, qu'Hoym avoit achetée 78 200 thalers & 100 ducats pour épingles d'une dame de Seyffertitz, le 30 avril 1730. M. de Salir a publié, dans une Revue saxonne, un article intéressant sur cette terre, que nous allàmes voir ensemble le vendredi 21 mai 1869. Le Pays est plat & humide & la végétation médiocre. La maison a dû être Codifiée depuis Hoym, mais il y a devant la maison un parterre qui paroît bien de son époque ; c'est un demi-cercle formé par des palmettes concentriques comme on en voit sur des tabatières, forme de coquille, du temps de la régence. J'ai pu acheter la jolie garniture en fer découpé de la porte, qui est certainement celle par laquelle paisoit Hoym, & je ai fait placer à la porte de ma chambre au quai d'Anjou.

C3J Plus tard, suivant M. de Perteville (lettre du 4 avril 1731), ce prince auroit rcpréfenté au Conseil que la conduite d'Hoym avoit été


Le Roi fit affurer la princesse Lubomirska & la comtesse de Watzdorff, nièces d'Hoym, que leur oncle n'avoit rien à craindre, qu'il le considéroit comme un très-honnête homme, & qu'il ne l'avoit éloigné que parce que leurs humeurs étoient incompatibles.

Le marquis de Fleury lut aux ministres de France & d'Angleterre un écrit diété, disoit-il, par le Roi, dans lequel étoient répétées les mêmes anurances, mais on ajoutoit que S. M. vouloit éclaircir quelques accusations graves portées contre ce ministre, afin de punir sévèrement les calomniateurs dès que la vérité feroit reconnue (i).

C'étoit là laisser une porte ouverte à la persécution, & elle ne tarda pas en effet à s'ouvrir. D'abord il ne fut permis à Hoym de voir aucun de ses parens ou amis.

Ensuite on nomma une commission composée de deux membres, le colonel de Rochow & le conseiller Gunther, qui fut depuis un agent très-accrédité de Brühl,

fage & qu'il n'auroit pas cru qu'il eût mérité cette disgràce. Le Roi répondit qu'Hoym étoit honnête homme, mais n'exécutoit pas ses ordres; que d'ailleurs il étoit le maître & vouloit être obéi. Le Prince royal ne répliqua pas.

(i) Je prends ces faits dans la lettre de M. de Perteville, du 31 mars 1731. Il ajoutoit, avec toute raison, que la cour de Berlin avoit eu beaucoup de part à cette disgràce, & que l'accommodement de l'Angleterre avec l'Empereur y avoit aussi contribué ; comme aum la confiance qu'accordoit le Prince élcctoral à Hoym, ce qui avoit excité la jalousie du Roi. Il terminoit ainsi sa lettre (malgré l'espéce d'avertissement que lui avoit donné M. de Chauvelin le 10 décembre 1731 : voyez p. 84) : u La disgràce de M. le comte d'Hoym m'a sensiblement touché, non-seulement par la confiance particulière qu'il me témoignoit, mais encore parce que je crois que le service du Roy souffrira par son éloignement.

Il cherchoit de bonne foi à concilier les intérêts de son maître avec ceux de S. M., & la cour de Vienne auroit toujours trouvé en luy un ennemi irréconciliable. » M. de Perteville jugeoit bien.


& qui l'étoit peut-être déjà, pour examiner sa conduite.

Ces commissaires se transportèrent à Skaska le 23 juin 1731 & lui remirent une lifte de 18 points ou chefs d'accusation, en lui laissant le choix ou de se reconnoître coupable de tous ces crimes, & de s'en remettre à la clémence du Roi, ou alors de comparoître devant une commission particulière, pour être jugé par elle, & voir exécuter contre lui, à la rigueur, les peines qu'elle prononceroit contre lui.

Le pauvre Hoym savoit bien que cette commission particulière prononceroit contre lui le jugement qui feroit dissé par Brühl & ses autres ennemis, & il préféra, pensant apparemment qu'un jour l'avénement du Prince électoral à la couronne lui permettroit de revenir sur ce qu'il alloit signer, il préféra, dis-je, plier devant l'orage & se reconnoître coupable pour conserver sa tête (i), ses biens & sa liberté.

On trouvera aux pièces justificatives ce procès-verbal.

En le lisant on est stupéfait de voir un prince qui si peu de jours avant faisoit dire aux nièces d'Hoym que leur oncle n'avoit rien à craindre, qu'il le déclaroit honnête homme & annonçoit qu'il ne lui retiroit pas sa proteétion, de voir ce prince, dis-je, donner à cet homme qui l'avoit si dignement représenté à Paris pendant neuf ans, qui le servoit depuis deux ans comme ministre, dont le père

(1) Cette crainte n'était pas sans fondement. Le roi de Pologne a dit, écrivoit Monti le 30 juin 1731, que s'il lui avoit nommé des commissaires, il auroit perdu son bien & sa tête, suivant les lois de ce pays-ci, qui font très-iëvères (en effet, c'eût été sévère). On voit, dans la remarquable lettre de Schaub à lord Harrington, qu'tloym ne pouvoit agir autrement.


& le frère aîné avoient été ses ministres, le choix ou de se déshonorer par un aveu de culpabilité, ou d'exposer sa tête aux arrêts capricieux d'une commission nommée par ses ennemis. Nous en verrons bien d'autres en 1736.

Quels font au relie ces crimes?

Les accusations étoient au nombre de dix-huit : A la première, intitulée : Lavertiffement pour qu'il se corrige, Hoym répondoit : Il n'y a point de réponse à faire à un chef d'accusation si nouveau & si singulier. Je crois que le teneur fera de son avis.

La deuxième avoit pour titre : La désobéissànce.

C'étoit de ne pas avoir envoyé à la Chambre des Comptes un règlement arrêté par le Roi. Hoym répondoit que ce règlement n'avoit pas pu être achevé à cause de la mort du Kammcr-Mcifter (maître de la Chambre), Kanitzki.

La troisième : Le despotisme (voyez aux articles 6, 7, 8 & 15). Hoym répondoit qu'il avoit toujours obéi au Roi & fait exécuter ses volontés, mais qu'à l'égard de ses inférieurs il avoit exigé une subordination complète, nécessaire, suivant lui (& le bon sens), à la réussite des affaires, & n'avoit pas cru mal faire en l'exigeant.

La quatrième : L'intérêt particulier. On reprochoit à Hoym d'avoir sollicité & obtenu, étant encore à Paris, en 1729, une pension viagère de 12000 écus pour indemnité des prétendues pertes faites au service du Roi; d'avoir fait augmenter ses appointemens après avoir dit d'abord qu'il se contenteroit de 12.000 thalers; de s'être fait donner une créance du Trésor de 18000 thalers sur la terre de Putzkau, achetée par lui de la succession du maréchal Fleming, plus une somme de 50000 écus


comme restitution d'une somme égale payée par son père pour l'abandon des recherches dirigées contre lui.

Hoym répondoit à cela : Que le don de l'hypothèque de 18000 thalers sur Putzkau avoit été fait non pas à lui, mais au maréchal Fleming, & qu'achetant cette terre de la succession du maréchal, elle lui étoit parvenue dans l'état où elle étoit, c'est-à-dire libre de l'hypothèque levée au profit du maréchal; 2.° Qu'avant d'être ministre, il jouiiroit, fous les ministères de MM. de Fleming & de Watzdorff, de 26000 écus d'appointement, & qu'on ne pouvoit lui reprocher des grâces que le Roi lui avoit accordées régulièrement & publiquement.

La cinquième, intitulée : Maltraitement des autres, étoit relative à des menaces & des violences d'Hoym envers des subordonnés qu'il croyoit (& cela paroît vrai) en rapports secrets avec son ennemi Manteufel.

Il est certain qu'Hoym étoit violent & hautain, mais ces violences, si répréhensibles qu'elles fuirent, se bornoient à des menaces, des prises au collet, &c. : ce ne font pas là des crimes.

La sixième : Tenir tout caché au Roi. Hoym répondoit que le Roi avoit vu & figné toutes les mesures qu'il avoit prises.

La septième : Agir contre les ordonnances. C'étoit au contraire revenir aux anciens règlemens que d'avoir fait décider par le Conseil, le 3 avril 1729 (& puisque le Conseil l'avoit décidé, la responsabilité d'Hoym n'étoit plus engagée), qu'aucun ordre de payement ne fût exécuté sans avoir été scellé du sceau des affaires militaires ou de celui des affaires domefiiques, & qu'on avoit ob-


tenu par le livre du sceau le même résultat que celui auquel tendoit l'inventaire des expéditions prescrit par le règlement de 1728, celui de conserver la trace & la substance de toutes les décisions prises.

La huitième : S'arrogeant tout. On lui reprochoit d'avoir destitué le contre-maître Chladai & l'infpcéteur Reinhardt de la manufadure de porcelaines, d'avoir calomnié Manteufel & Leipziger, enfin d'avoir mis en place ses parens & ses créatures.

Depuis quand un ministre est-il coupable de renvoyer les employés qui lui semblent mal faire & de les remplacer par d'autres qu'il croit meilleurs? de dire à son maître ce qu'il pense des ministres ses collègues ? (M. de Manteufel étoit tout à fait inféodé à la cour de Prusse : voyez une lettre de lui dans les Mémoires de Seckendorff, tome IV, ci-deirus, p. 84, & la lettre si intéressante de Schaub à lord Harrington, pièce XXXV, p. 298.) Quant à la neuvième, on disoit, fous le titre : Donnant le démenti & se dèdifant, que le Roi, ayant assigné sur les revenus de l'année 1730, aoo 000 écus pour un juif nommé Lehmann, & 30 000 écus pour l'intendance des bâtimens, Hoym avoit demandé au Roi de lui permettre d'affecter ces fonds à d'autres dépenses, promettant de pourvoir à celles-là avant la fin de l'année, mais que loin de tenir cette promette il avoit nié l'avoir faite.

Hoym répondoit que ce fait avoit été éclairci & qu'il avoit montré au Roi un ordre des payemens à faire en 1730, figné du Roi lui-même, sur lequel n'étoient portés ni Lehmann ni la caille des bâtimens.

La dixième : Crime de la poste. Il paroît établi qu'Hoym avoit contraint Poppelmann, le maître de la poste, à lui livrer certaines lettres écrites, foit par un journaliste


nommé Hamman ou à lui adressées, foit de la Chancellerie de Vienne, de Manteufel & de Briihl. Mais Hoym disoit avoir agi par l'autorisation du Roi (pour Brühl c'est peu probable). On prétendit ensuite, & Monti dans sa lettre du 20 juin s'emprefloit de transmettre à Paris ce bruit malveillant, qu'il avoit de plus ouvert des lettres que le Roi envoyoit aux cours étrangères, & aussi des lettres particulières du Prince & de la Princesse électorale; mais dans le rapport de Poppelmann du 3 avril 1731, rapport demandé à ce fonftionnaire après une audience qu'il avoit eue du Roi & pendant laquelle on avoit pensé que l'augufle présence avoit pu le décontenancer, Poppelmann dit feulement qu'une fois il remit à Hoym une lettre venue de Vienne pour la Princesse électorale, & qu'Hoym la garda pour la remettre luimême. Il ne dit pas qu'Hoym l'eût ouverte. Il ne vit ouvrir qu'un paquet adressé de Vienne à Brühl; pour tout le reste, il a oui dire, il est convaincu, &c., rien de positif. Zecht, l'un des commissaires & ennemi mortel d'Hoym, chez le père duquel le fien avoit été précepteur & chassé, prétendoit que cette conduite, en discréditant la poste, avoit dû diminuer ses recettes, & qu'Hoym avoit ainsi nui au Roi. Il ne disoit pas comment les gens qui craignoient les indiscrétions de la poste s'y prenoient pour écrire à Vienne, en France ou en Angleterre sans avoir recours à elle.

La onzième : Faux comptes & fausses dettes. Peut-on appeler ainsi, disoit Hoym dans un mémoire trop fuccind qui est plutôt une forte de canevas de sa défense(i)

(1) Je n'ai fous les yeux qu'une copie ou traduction faite par M. de Sahr, sans indication d'origine.


que cette défense elle-même, de fages épargnes faites pour ne pas grossir inutilement la masse des dettes? Les.

50000 écus(i) empruntés en 1730 de la ville de Leipzig n'avoient point été employés parce qu'on avoit trouvé moyen de les remplacer par les épargnes faites dans la caisse de l'accise (contributions indirectes), comme cela étoit prouvé par les livres de Baffius.

Zecht prétendoit qu'Hoym avoit dit au Roi qu'il devoit 50 000 écus au Sénat de Leipzig, & qu'on avoit retrouvé les reçus dans ses papiers. Il auroit agi ainsi pour utiliser ses capitaux & fait perdre 5000 écus d'intérêt à la caisse de guerre (on remarquera que Zecht ne l'accuse pas d'avoir voulu s'appliquer cette somme de 50000 écus). C'est évidemment à cette affaire que Monti faisoit allusion dans sa lettre du 7 mars 1731. Le roi de Pologne, disoit-il, qui passe des journées entières à son bureau à examiner les états de ses finances, a travaillé plusieurs jours à chercher une erreur dans un compte général que le comte d'Hoym lui a envoyé sans pouvoir la trouver. Je fais de bonne part que c'est une somme de 200 000 écus (ftc) que le comte d'Hoym a mise à part pour surprendre agréablement ce prince quand il arrivera à Dresden.

On ne comprendroit guère un badinage aussi puéril & aussi dangereux, & Monti a pu se tromper sur la fécondé partie de sa nouvelle comme sur les chiffres de la somme dont il s'agissoit.

La douzième : Les discours & la conduite indécente pendant le [ejour du roi de Prusse tant à Dresde qu'au camp &

(1) J'ai vu ailleurs le chiffre de 500 000 écus, qui me paroit plus probable.


ailleurs. Cet article avoit rapport au bal du mariage de la comtesse Moginska & aux discours tenus (peut-être exagérés) par Hoym au roi de Prusse. J'ai raconté cette affaire en détail à la page 76. On reprochoit à Hoym d'avoir risqué de brouiller les rois de Prusse & de Pologne & de n'avoir pas parlé du projet qu'avoit dès lors formé le Prince royal de quitter la cour de son père.

Hoym, dans le mémoire cité, se bornoit à dire que le refpeét dû aux têtes couronnées ne lui permettoit pas de répondre à cet article.

Ajoutons que cette conduite & ces discours, dont on lui faisoit un crime en 1731, avoient été tenus pour ainsi dire fous les yeux du roi de Pologne, qui avoit énergiquement alors soutenu son ministre contre Seckendorff & le prince Eugène. Si le roi de Pologne les trouvoit répréhennbles, comment laissoit-il au pouvoir le ministre qui s'en étoit rendu coupable, pourquoi laissoit-il écouler plus d'une année avant de le punir ?

La treizième : Vouloir traiter sans la volonté du maître avec les cours étrangères. Hoym auroit écrit en Angleterre pour demander l'envoi du chevalier Schaub afin de faire un traité avec le roi d'Angleterre comme éledeur de Hanovre, comme si le roi de Pologne avoit eu absolument besoin de son amitié (fic). Or il y avoit déjà à Dresde un ministre anglois, M. Woodword, & il avoit retenu Schaub à Dresde quand la cour étoit à Varsovie afin de traiter seul avec lui.

Hoym répondoit que si cette négociation eût été inutile ou contraire à l'honneur du roi de Pologne, on n'auroit pas, depuis sa disgrâce, conclu un traité avec Schaub.

Il auroit pu ajouter qu'il n'auroit pu traiter avec Schaub sans l'autorisation du Roi, & que la signature de ce prince


donnant feule de la valeur au traité, le Roi pouvoit fort bien ne pas signer, & par conséquent ne pas faire de traité s'il Favoit jugé préjudiciable à ses intérêts.

La quatorzième : Agir contre la réputation du maître & ses prérogatives. Un rescrit du 29 septembre 1729 portoit entre autres dispositions que les emplois feraient donnés aux enfans du pays. Zecht prétendoit que cette disposition avoit été inférée dans le décret à l'insu du Roi.

Hoym ne daignoit pas répondre à cette supposition inepte & se bornoit à dire qu'il n'y avoit qu'à voir ce rescrit pour décider s'il méritoit blâme ou approbation.

J'ajouterai qu'en supposant que le Roi eût figné ce rescrit sans le lire, il n'étoit pas poffiblc qu'il lui restàt inconnu pendant deux ans. A qui fera-t-on croire qu'un prince aussi jaloux de son autorité n'eût pas révoqué avec indignation un décret ainsi arraché par une surprise aussi grossière, & n'eût pas chassé immédiatement le minifire qui s'en feroit rendu coupable?

La quinzièmc : S'emparant des choses qui n'étoient pas de fOll emploi. Un décret du II février 1730 avoit décidé que les conseillers intimes ne devroient plus travailler directement avec le Roi, mais recourir à l'intermédiaire du ministre chargé des affaires domestiques. Ce décret étoit embarrassant pour les conseillers privés & leur étoit nuisible, & Hoym accaparoit ainsi l'oreille du Roi.

Du moment que le Roi l'avoit trouvé bon & ordonné ainsi, quel reproche avoit-on à faire à Hoym ? N'étoit-il pas complètement; couvert par la volonté & la signature du Roi? Hoym s'écrioit à ce sujet : « Il feroit à souhaiter que d'autres ne se fussent pas plus emparés de ce qui n'étoit pas du leur ! *>


La seizième : L'affaire de la porcelaine, fera traitée la dernière.

La dix-septième : Faire rayer ou changer quelque chose dans les ordres du Roi & en retenir sans les faire expédier.

On fera fort étonné, disoit Hoym sur cet article, quand on faura que ces prétendues falsifications de deux rescrits qu'on a produits font des fautes de copiste, & quant au troisième, c'étoit une correétion nécessaire d'un titre qui ne devoit pas être publié. Les ordres retenus font ceux qui n'avoient encore pu être scellés, ou d'autres arrêtés par des contre-ordres de S. M.

La dix-huitième : Augmentation des dépenses qu'on ne peut paslpécifier. On a eu raison, disoit Hoym, de ne pas les spécifier. Il s'agit de quelques légères augmentations dans les dépenses de la maison du Prince élèverai & celle du prince Frédéric.

Je reviens maintenant à l'article relatif à la porcelaine, & je le traiterai un peu longuement à cause du sujet qui intéresse plus que ce qui précède les amateurs françois.

La porcelaine de Saxe a joué & joue encore un rôle assez important dans la curiosité pour que tout ce qui s'y rattache ait de la valeur pour nous.

On peut voir dans VHiftoire def poteries de M. J. Marryat le précis de l'histoire de la Manufacture de Meiffen, & le véritable esclavage dans lequel fut maintenu l'inventeur par Auguste II; mais ce qu'on n'y voit pas & ce que l'étude de la vie d'Hoym a permis de préciièr, c'est comment des formes & décors de mauvais goût dont on peut voir le spécimen dans la figure 330, page 110 du tome II de Marryat, cette manufacture arriva aux jolies formes & aux charmans décors qui la distinguèrent de-


puis. C'est au comte d'Hoym & à la France que cette transformation est due.

Dès 1728, Rodolphe Lemaire (frère d'un secrétaire de M. de Chavigny), marchand & bourgeois de Paris & grand connoisseur en porcelaines, qui fut depuis l'associé du sieur Huet, autre grand marchand de porcelaines très-connu & très-efiimé, étoit venu en Saxe recommandé par M. de Chavigny. L'abbé Langlois, chargé d'affaires de France par intérim en l'absence de l'abbé de Livry, dont il étoit le secrétaire & l'ami (1), écrivoit le 2.0 novembre 1728 (2) qu'Augufie II, allant à Moritzbourg, s'étoit arrêté à une maison pleine d'une prodigieuse quantité de porcelaines qu'il avoit dans les faubourgs de Dresde (probablement le Palais chinois) & y avoit entretenu Lemaire pendant trois quarts d'heure. C'étoit l'abbé Langlois qui avoit proposé au Roi de le voir, & c'étoit à cet abbé que M. de Chavigny l'avoit recommandé; mais plus tard (3), en 1731, on accusa hautement Hoym d'avoir fait venir ce François pour lui donner la diredion de la Manufacture.

Il est dit formellement dans le haineux faétum de Zecht, auquel je réponds, que Hoym, parvenu au ministère, avoit donné la place du contre-maître Chladai à Lemaire (& celle de l'infpeéteur Reinhard au frère de son secrétaire Nohr), & M. de Perteville, dans sa lettre déjà citée du II avril 1731, raconte que Lemaire avoit mis la fabrique sur un très-bon pied & avoit tellement dépensé d'argent qu'il n'avoit pas de quoi retourner en France.

Ci) Voyez page 68.

(2) Archives des Affaires étrangères.

(3) Lettre de M. de Perteville, du 11 avril 1731.


On ne conçoit guère qu'un employé tel qu'un contremaître ait à dépenser de l'argent dans la fabrique à laquelle il est attaché. J'aime donc mieux croire que si, comme cela me paroît certain, Lemaire contribua à la direction de Meinen, cela ne fut jamais officiellement, mais par fuite du marché qu'il fit avec elle, le 11 juillet 1729, & dont je dois la copie à M. Léon de Sahr, le digne neveu de mon ami M. Charles de Sahr, à qui j'avois demandé s'il n'y avoit pas aux Archives de Dresde des pièces relatives à Lemaire & à Huet. Ce traité, fait, comme je l'ai dit, le 11 juillet 1729, fous le ministère d'Hoym, porte à l'article premier qu'on procurera au marchand Lemaire toutes les fortes de porcelaines qu'il commandera, D'APRÈS SES MODÈLES ET SES DESSINS, à la Manufacture de Meiffen ou au dépôt de Dresde.

Lemaire donnoit donc des modèles & des dessins.

Il paroît en effet que les formes imaginées par les sculpteurs allemands laissoient fort à désirer. Suivant le faétum de Zecht, Hoym auroit dit qu'un modèle de plat donné par le Roi pour en faire 25o semblables étoit d'une forme horrible, de mauvais émail, & qu'il ne falloit pas exécuter l'ordre avant qu'il en eût parlé au Roi. Il auroit même tenu publiquement à la cour d'Auerbach des propos analogues. La même pièce énumère complaisamment toutes les faveurs accordées par Hoym à Lemaire.

On prétendoit qu'il avoit baissé les prix pour Lemaire (1) & pour lui-même, tandis qu'il les hauffoit pour les marchands étrangers ; qu'il avoit fait paffer les commandes

(0 Voyez l'article 40 du traité avec Lemaire, qui autorisoit cette baisse en cas de non-rduffite des pièces. Pièces jufiifictaivcs, n° XXXVII.


de Lemaire avant celles du Roi (i); qu'il avoit fait enlever du palais les plus belles pièces de la colleétion du Roi pour que Lemaire les pût copier ; qu'il avoit permis que Lemaire entrât dans la chambre des tourneurs & même dans le four, de manière à se mettre au courant des procédés de fabrication (2). 1 Un article fort curieux du Mercure de France, de février 1731, vient confirmer pleinement l'intervention de la France dans la confection des porcelaines de Mciffen.

Dans cet article, que je donne aux pièces justificatives, XXXVII D, & qui paroît émaner d'un marchand nommé Lebrun, prenant la qualité de bijoutier & ïïintèrejfè à la Manufacture royale de Dresde (ce devoit être un associé de Lemaire & de Huet, les seuls marchands françois qui paroissent dans nos pièces officielles), dans cet article, dis-je, il est affirmé que depuis deux ou trois ans (3) qu'on avoit envoyé de France des modèles, des dessins & des personnes intelligentes, la Manufacture avoit fait de si grands progrès qu'il en venoit alors quantité de pièces comparables à ce qui vient de plus beau de la Chine & du Japon, & communément de plus belles formes : les figures, les animaux, les arbres, les plantes & les fleurs mieux dessinées & plus de variété & d'union dans les couleurs, &c., de telle forte que les plus habiles connoisseurs font souvent en défaut (4).

(1) Voyez l'article 2° du traité avec Lemaire.

(2) Ceci exclut l'idée que Lemaire ait jamais été direéteur ou contrôleur de la Manufacture.

(3) Cette date est aussi précise que possible; elle concorde parfaitement avec le voyage de Lemaire en 1728. Voyez cet article in extenso aux pièces justificatives, n, XXXVII.

(4) D'après cette dernière phrase, on faisoit donc encore à Meiflen le décor chinois & japonois. Mais s'il en est ainsi, comment pouvoit-on


Il résulte de tout ce qui précède qu'Hoym, homme de goût par excellence, trouvoit horribles les formes allemandes, & qu'il a sinon envoyé Lemaire, au moins favorisé son œuvre autant qu'il l'a pu. En donnant, comme on l'a vu mentionné officiellement ci-dessus, des modèles & des dessins, suivant moi de Meissonnier (1), Lemaire, inspiré peut-être & en tout cas vigoureusement soutenu par Hoym, donna à la Manufaéture de Meiflen une supériorité que Sèvres seul put lui ravir vingt ans plus tard, &, comme on l'a vu par l'article du Mercure, une augmentation considérable de l'exportation des porcelaines de Saxe. Voilà un des crimes d'Hoym !

Ce qu'on ne peut contester, par exemple, & ce que Schaub, dans son intéressante lettre à lord Harrington, a reconnu & blâmé avec raison, c'est qu'Hoym faisoit pairer ses commandes avant celles du Roi. On a peine à comprendre un pareil procédé.

Une autre imputation fàcheuse est celle qui reproche à Hoym d'avoir voulu que la porcelaine livrée à Lemaire

dire que les personnages, les animaux, les arbres étoient mieux dessinés?

C'eût été leur ôter l'afpeét chinois. Jean-Grégoire Hérold, que M. Marryat dit avoir succédé en 1720 à Bôtcher, l'inventeur de la porcelaine faxonnc, comme direéteur de MeiiTen, & qui n'est qualifié dans le récit de M. de Sahr, fait sur les pièces, que de peintre de la cour, dépofoit qu'Hoym avoit fait changer l'émail pour qu'il reiTemblàt plus au vieux japon. Seroit-ce donc feulement Huet qui plus tard auroit introduit les pastorales & les paysages, & Hoym avec Lemaire n'auroient-ils changé que les formes?

Ci) On voit dans l'œuvre de cet orfèvre, devenu architecte, puis dessinateur du cabinet du Roi, des écritoires, des flambeaux de porcelaine.

On n'a jamais vu des pièces de ce genre rocaille en Chantilly ni en Saint-Cloud, feules porcelaines fines qu'on fit alors en France. C'étoit donc, felon toute apparence, pour Lemaire & pour Meiflen que Meissonnier avoit fait ces modèles, dont certains (les candélabres) font encore aujourd'hui reproduits en porcelaine par cette manufacture.


ne portât pas les épées (il acceptoit encore le caducée), ou du moins les portât sur Pémail, & non pas dessous, de manière à pouvoir être effacée.

Dans l'article du Mercure, que j'ai cité plus haut, il est dit que les plus habiles connoisseurs étoient souvent en défaut. Les marchands de Paris auroient-ils essayé quelquefois de faire paffer des porcelaines de Saxe qui le vendoient le tiers de celles de Chine pour celles-ci, & Hoym auroit-il eu la foiblesse de se prêter à leurs désirs?

Cela ne paroît pas bien probable en présence de l'annonce du Mercure de 1731, & Lemaire proteftoit qu'il ne vendoit cette porcelaine que comme porcelaine de Saxe & ne se foucioit nullement de la vendre autrement.

Peut-être Hoym trouvoit-il feulement que cette marque étoit laide & qu'on pouvoit s'en paffer,. En tout cas, il répondoit assez dédaigneusement à cet article qu'il ne méritoit pas de réponse sérieuse & qu'on fuppofoit qu'ilétoit assez indifférent au Roi de quelle manière on mettoit les épées sur les porcelaines & si le garçon de magasin avoit été grondé ou non. Pour la direâion financière, c'étoit la Chambre du Roi (les chambellans), & non pas lui qui s'en mêloit, & il avoit payé au prix marchand non-seulement les porcelaines qu'il avoit achetées, mais même d'autres qui avoient été portées de chez lui chez le Roi.

Dans une lettre ou projet de lettre adressée au Roi à cette époque, Hoym nioit avoir jamais parlé d'une manière irrefpeétueufe des goûts du Roi. u Votre Majesté, ajoutoit-il, fait que le secret de la porcelaine ne consiste que dans la qualité de la terre même qui ne se trouve que dans le pays, & pour la composition elle est connue à Vienne, en France, en Hollande & ailleurs. Les infor-


mations ont été faites par des gens fufpecfcs de passion, & les dépositions par d'autres qui ont été convaincus de friponneries & que je me fuis attiré à dos pour avoir voulu mettre ordre aux abus absorbant tout le profit de la Man ufaéture. ,

Ajoutons encore que Zecht savoit, sans aucun doute, que depuis 1720 un ouvrier ou contre-maître, que Marryat appelle Stobzel (i), avoit porté à Vienne la connoissance des procédés de fabrication & y avoit établi une manufacture. D'ailleurs tous les gens un peu comPétens, tant en France qu'en Saxe, savoient de reste, comme le disoit Hoym, que la porcelaine de Saxe étoit faite avec du kaolin qui se trouvoit en Saxe, & qu'on ne savoit pas exister en France. M. de Perteville le disoit dans sa lettre du II avril 1731. M. Orry de Fulvy, dans une lettre fort curieuse que je donne aux pièces justificatives (nO XXXVII), quoiqu'elle n'ait qu'un rapport lointain avec mon sujet, écrivoit au Garde des sceaux, M. de Chauvelin, le 4 juillet 1735 : « On ne connoît en France que deux fortes de terre (il auroit dû dire pâte) qui puissent servir à la fabrication de la porcelaine, celle de la Manufaéture de Saint-Cloud & celle de Chantilly.

On ne connoît pas la matière avec laquelle on fabrique la porcelaine de Chantilly. Puis, prévoyant en quelque forte prophétiquement le succès de la porcelaine franoise, que les progrès de Chantilly lui faisoient pressentir, Il terminoit sa lettre en disant : 11 y a tout lieu d'espérer que la fabrique de porcelaine de Chantilly aura la préférence

(1). Je vois ici un Stobzel à qui on prétend qu'lIuym avoit fait des questions sur la fabrication. Il y en avoit-il deux? Si c'est le même, il se [croit enfui plus tard que ne le dit Marryat à Vienne.


sur la porcelaine de Saxe. Depuis Louis XIV on connoissoit la manière de décorer & d'émailler la porcelaine : c'étoit la terre qui manquoit, & on cherchoit à faire une terre ou pâte artificielle. On y réussit admirablement, à Chantilly d'abord, & ensuite & surtout à Vincennes, vers 1740, puis à Sèvres. Mais pour ces recherches on ne pouvoit rien demander à la Saxe, qui, elle, avoit le kaolin.

Disons pour terminer que ce Lemaire, qui avoit, au fait, rendu de grands services à la Manufacture de Meiffen, arrêté & emprisonné après la disgrâce d'Hoym, fut relâché, sur les réclamations de M. de Perteville, au commencement de mai 1731, & reçut l'ordre de quitter la Saxe dans les cinq jours (1). Le sieur Huet (2), son associé., apprenant ce qui se passoit, étoit arrivé à Dresde, & M. de Perteville annonçoit qu'on lui continueroit le bail (ou traité) que Lemaire avoit avec la fabrique.

Ce reproche insensé d'avoir livré le secret de la porcelaine resta dans la tradition. Dans les mémoires du marquis de S.-A., l'auteur raconte qu'il passa près de Konigfiein, où étoit renfermé un ministre saxon, pour avoir donné ce prétendu secret (3).

(1) Lettre de Perteville, du 21 mai.

(2) Le 7 mars 1730, Monti écrivoit à M. de Chauvelin : u Le sieur Huet, qui est un très-honnête commerçant de Paris, aura l'honneur de vous présenter ces dépêches. Il est ressé ici (à Dresde) quelque temps pour son commerce; il s'y est fait aimer & efiimer. Permettez-moi, Monseigneur, de vous demander votre proteftion pour luy. » Et plus loin : « Le sieur Huet l'a retenu pour luy donner des dépêches pour M. de Brais, qui a ordre de les communiquer à Votre Excellence. i.,

(3) Ensuite font venus les commentateurs. Un auteur, d'ailleurs fachant beaucoup, a eu la légèreté d'écrire : « Notre Manufacture de Sèvres (dont les premiers essais eurent lieu à Vincennes en 1740, quatre ans après la mort d'Hoym!) ne pouvoit lutter avec celle de la Saxe pour des porcelaines d'une certaine pâte. Vainement on s'ingénioit pour découvrir


Je prie le leéteur de bien tenir compte d'une chose en Hiant cette justification du malheureux Hoym, qui est une des choses qui nous tenoient le plus au cœur, à M. de Sahr & à moi. Pour répondre aux accusations portées contre Hoym, les documens n'ont pas été nombreux.

Nous avons eu surtout les témoignages de ses ennemis, les procès-verbaux des commissaires, le faétum de Zecht & la correspondance de M. de Monti. Je n'ai trouvé dans les papiers de M. de Sahr qu'une réponse très-fuccinéte d'Hoym & qui paroît plutôt, comme je l'ai dit, le Plan d'une réfutation qu'une réfutation même. Quelquefois aussi il parle des choses comme à des gens qui les connoissoient aussi bien que lui, & trop fuccinftement pour se faire comprendre de nous. Le leéteur a pu en juger. Dans tous les cas, mon ami si regretté connoissoit & proclamoit l'innocence d'Hoym, & il a consigné sa conviction dans sa Visite à Skaska (1).

le procédé des Saxons. Le Comte le donna. Cétoit une trahison, mais qui le mettoit bien en cour, & dont il espéroit tirer profit. Il se trompa. Son mattre, l'éleéteur de Saxe, se fâcha. M. d'Hoym fut disgracié & dut s'en aller mourir à Nancy, près de Stanislas, &c. » Ainsi voilà un procès en règle fait à Hoym sur des données complétement fausses & dans lesquelles la chronologie des faits allégués, ces faits eux-mêmes, la composition de la porcelaine de Sèvres & l'hifioire de cette manufacture font également ignorés ou dénaturés. Pour rendre l'hifioire plus gaillarde, d'autres écrivains ont raconté que c'était à Mme de Pompadour qu'Hoym avoit révélé le fameux secret de la porcelaine. Or, Mme Lenormand Etioles a fait la connoissance du Roi en 1745, neuf ans après qu'IIoym étoit mort.

(1) Une des personnalités les plus intéressantes qu'on rencontre dans hilloire de Saxe est celle du comte Charles Hoym, ministre du Cabinet, sur lequel nous pouvons attendre de la part de la France des renfeignemens précieux qui, joints à ce que je publierai moi-même en sa faveur dans la biographie du comte Bunau, pourront rétablir rhonneur de ce minifire, si fàcheusement méconnu. (Article de M. de Sahr, dans une revue saxonne, sur la terre de Skaska.)


Cette justification d'Hoym, que je crois avoir faite suivant toutes les règles de la justice & du bon sens, & sans rien dissimuler des reproches qui avoient été faits à l'illustre bibliophile dont j'écris la vie, cette justification, dis-je, étoit la préoccupation confiante du malheureux Hoym. Toujours fous le coup des arrestations & des visites domiciliaires, il ne pouvoit la rédiger lui-même (un simple plan trouvé chez lui, lui fut imputé à crime : voyez p. 13a). Nous verrons plus tard quelles précautions minutieuses il avoit prises pour qu'elle fût faite & publiée après lui.

Je reviens maintenant au récit de ce qui se passa après l'interrogatoire d'Hoym par MM. de Rochow & Gunther & son aveu de culpabilité.

Le 15 juin même, les commissaires envoyèrent au Roi la déclaration d'Hoym & y joignirent une lettre qu'il écrivoit au Roi pour implorer sa grâce ; mais comme il disoit dans cette lettre qu'il avoit fait cette déclaration telle qu'elle lui avoit été prescrite par les ordres de S. M., le Roi ne voulut pas recevoir sa lettre & la lui fit rendre le jour même.

Le 16, le Roi ordonna aux commissaires de déclarer en son nom au comte d'Hoym : 1° Que modérant le châtiment mérité, il se contentoit de le priver de toutes ses charges ; 20 Qu'il lui défendoit de jamais venir à Dresde ni là où la cour pourroit se trouver; 3" Qu'il lui ordonnoit de rester sur ses terres, de n'en point bouger sans sa permission expresse, & de n'entretenir aucune correspondance, si ce n'étoit pour ses affaires domefiiques; 40 Qu'il lui enjoignoit de réparer promptement les


dommages causés par son ministère, & de l'argent dont il s'étoit saisi d'une manière illicite, au détriment de l'intérêt du Roi.

Pour satisfaire à cette exigence Hoym offrit 100 000 écus, & quoiqu'il s'en fallût de beaucoup que cette somme fût équivalente au dommage (!), S. M. voulut bien l'accepter, a condition que moitié en feroit payée à la Saint-Michel 1731, & l'autre au nouvel an de 1732.

5° Le Roi lui défendoit de vendre ses terres de Saxe & de les grever de dettes sans sa permission; 6° Il le prévenoit que s'il contrevenoit à une feule de ces conditions, il feroit confidéré comme déchu de la grâce que lui faisoit le Roi & poursuivi suivant la rigueur des lois.

Le malheureux Hoym ayant figné un engagement conforme à ces prescriptions, les commissaires lui délivrèrent les lettres d'abolition & lui dirent que le Roi étoit porté à lui permettre, comme il le souhaitoit, de vendre Skaska Ou Putzkau, pourvu qu'il remit un mémoire à ce sujet, comme aussi de s'établir chez une de ses fœurs, & d'aller ultérieurement aux eaux.

Les commissaires revinrent ensuite à Dresde le 29 juin & on put croire l'affaire terminée.

Dans ces trisses circonstances, Hoym ne s'étoit pas fait d'illusions & avoit tâché de mettre à couvert au moins ses biens de France. Il avoit fait remettre à M. de Perteville une note ainsi conçue : u M. de Perteville est prié d'écrire à M. Pecquet, en chiffre, de dire à M. Milfonneau de faire démeubler la niaifon & de mettre tout dans la maison voisine, dans laquelle on peut entrer sans paffer par la rue ; qu'on renvoye tous les domestiques, excepté le suisse & sa


femme; qu'on faffe mettre un écriteau pour louer la maison, & qu'au contraire on renouvelle le bail & qu'on la garde. Que pour tout cecy on s'en tienne à ce que M. Pecquet aura dit, quoi qu'on écrive tout autrement par la voie du marquis de Fleury, qui ne signifiera rien, & qu'on mande en chiffre ce qu'on aura fait, à M. l'ambassadeur.

M. de Perteville remit cette note à M. de Monti, qui l'envoya le 30 juin à M. Pecquet, premier commis des Affaires étrangères.

Hoym avoit fait prier Monti d'habiter son hôtel & de lui faire un achat simulé de ses meubles & de sa vaisselle, mais celui-ci ne crut pas, & avec raison il faut le dire, devoir le faire, non plus que recevoir en dépôt de la vaisselle ou autres choses précieuses (1). Je crois qu'il fut d'ailleurs fort aise d'avoir à mettre en avant les devoirs que lui imposoit son caradère d'ambassadeur pour dissimuler le plaisir qu'il avoit à voir & à laisser Hoym dans ces angoisses. Le 7 juillet, il écrivoit encore en France que le roi de Pologne étoit entré avec lui dans un long détail sur la conduite du comte d'Hoym, qu'on ne pouvoit assez blâmer. C'est ainsi qu'il s'efforçoit d'enlever au ministère françois tout intérêt (V) pour un ministre vérita-

(1) Le 19 juillet, M. de Chauvelin écrivoit à Monti : » Vous avez sagement fait de ne vous point prêter aux instances du comte d'Hoym.

En vérité, rien n'est si déshonorant que l'aveu qu'il a fait des crimes & prévarications qu'on lui impute. C'est se déshonorer deux fois; il est à plaindre. n M. de Chauvelin en parloit à son aise.

(2) M. de Monti ne pouvoit pas être de bonne foi quand il disoit que les cours de Berlin & de Vienne n'avoient pas contribué à la disgràce d'Hoym. Le roi de Prusse, dans le fameux dîner des carpes aux cerises, disoit à Manteufel que le roi de Pologne étoit mal conseillé, mais que cela alloit changer (Seckendorff, tome IV). Il ne l'étoit pas davantage


blement ami de la France, qui avoit vécu à Paris pendant douze ou treize ans, estimé & aimé de la meilleure compagnie, & il y réuffiffoit.

Je n'ai pas voulu interrompre le cours des affaires de Saxe dans lesquelles Hoym fut si cruellement frappé ; nous allons maintenant revenir en arrière sur celles de France & voir quels rapports il avoit continué à entretenir avec ses amis & connoissances de Paris.

J'ignore au juste à quelle époque Hoym avoit fait la connoissance de M. Milfonneau, qui posséda sa confiance au plus haut degré, & dont on pourroit dire qu'il la mérita pleinement, s'il n'avoit pas laissé faire & même approuvé, comme nous le verrons page 144, l'abominable conduite d'Astruc en 1738.

Isaac Milfonneau, issu d'une famille protestante, puis convertie, étoit avocat au Parlement, mais plutôt comptable & agent d'affaires. Il étoit connu des frères Paris & de Samuel Bernard, & employé par eux. A l'époque où nous sommes, il étoit attaché pour Samuel Bernard à une affaire de relèvement de vaisseaux à Bordeaux. Hoym apprécioit beaucoup sa probité & sa science dans la comptabilité, & il avoit un vif désir de l'emmener avec lui à Dresde pour l'aider à établir cette comptabilité méticuleuse dans les finances très-peu réglées du royaume de Pologne.

quand il représentoit Briilil comme plein de bonnes intentions pour Hoym.

C'est à lui, iuivant Monti, qu'Hoym auroit dû de ne pas être dégradé de l'ordre de l'Aigle-Blanc & mis à Kônigftein. Or c'est précisément ce que Brühl fit subir à Hoym en 1735, & certes depuis son exil il n avoit rien fait pour irriter Briilil. Si M. Amelot avoit, comme M. de Chauvelin, subi l'influence de Monti, on auroit peut-être laissé le roi de Pologne disposer des biens d'Hoym en France.


Milfonneau ayant à Paris une position toute faite & au moins de l'aisance (car on lui voit faire des avances de fonds à Hoym), ne se foucioit nullement de courir les hasards d'un établissement à l'étranger ; mais touché de la vive amitié que lui témoignoit Hoym, il craignoit de l'affliger & peut-être aussi de perdre des relations d'affaires avantageufcs en lui avouant sa répugnance. Il disoit donc à Hoym qu'il désiroit le suivre en Saxe & s'y établir; mais qu'étant d'une famille protestante convertie, il ne pouvoit quitter la France sans autorisation; puis en fous-main il affirmoit aux Paris & à Bernard qu'il vouloit rester à Paris, & les prioit de faire tous leurs efforts pour que l'autorisation nécessaire lui fût refusée (i), mais sans qu'Hoym pût connoître sa façon de penser & l'accuser de ne pas reconnoître ses bonnes intentions.

Hoym lui ofïroit en effet au nom du roi de Pologne (2) a.000 thalers par an, dont moitié à titre de rente viagère, & le laissoit maître de déterminer le titre de ses fonctions. Tout cela ne tenta pas Milfonneau, & ce fut heureux pour lui, car nul doute que lors de la disgrâce d'Hoym il n'eût été maltraité, emprisonné, & finalement expulsé sans aucune indemnité.

On ne peut imaginer au reste à quel point Hoym défi-

(1) Samuel Bernard écrivoit le 5 août 1730 au ministre : « Je vous supplie, Monseigneur, que M. le comte d'Hoym ne fache point que vous ayiez (fic) eu la bonté de me faire la confidence de la personne en question. Il a un beau prétexte pour refuser. Il est directeur général de l'affaire du relèvement des vaisseaux. Il y est fort entendu. Si il s'en désiste, je compte une très-grosse somme que j'y ai, comme perdue. n (Affaires étrangères.) - Hoym disoit que Milfonneau n'étoit que caissier de cette entreprise, qui devoit d'ailleurs être terminée à la fin de l'année. (Lettre du 27 août, ib.)

(2) Lettre d'Hoym à Milfonneau, 20 août 1730. (Mes archives.)


roit l'avoir avec lui à Dresde & à quelles violences de langage il se porta quand le ministère françois, pouffé par Samuel Bernard & Paris de Montmartel, refusa de laisser partir Milfonneau. Peu s'en faut qu'il ne menace la France de la guerre si elle persiste à garder son cher Milfonneau.

loI. On connoît mal le Roy & son Ministère (écrivoit-il le 18 octobre 1730 à M. de Brais, le chargé d'affaires de Pologne), si l'on croit que nous sommes ici gens insensibles au mépris, & c'en feroit un des plus signalés que de préférer des banqueroutiers CI) & des maltôtiers (a), & d'être plus occupé à se prêter à leurs fantaisies qu'aux désirs d'une tête couronnée & d'un ministre qui ne croit pas avoir mérité un pareil traitement. On me croit peut-être hors de toutes mesures avec la cour de Vienne, & cela est vray pour le présent, mais. j'ai en main des moyens tout prêts pour ramener toujours les choses au point où il nous conviendra qu'elles soient (3). v» Milfonneau n'étoit pas, au reste, le seul habitant de Paris qu'il eût voulu emmener avec lui. Il semble qu'il auroit voulu transporter à Dresde tout ce qui faisoit le charme de sa vie à Paris, & cela se conçoit. Il étoit parvenu à avoir à Dresde son ami Schaub(4). Il vouloit encore un secrétaire françois, & fouillant dans ses souvenirs, il demandoit à Milfonneau de lui en chercher un jusque

(1) politesse à l'adresse de Samuel Bernard.

(2) Id. à celle de Montmartel.

(3) Lettre à M. de Brais, du 18 oftobre 1730 (chez moi). M. de Brais ne communiqua certainement pas cette lettre au ministère françois.

(4) Après le bonheur que j'ay de posséder ici mon amy le chevalier Schaub, si je pouvois encore vous y attirer, rien ne manqueroit à ma félicité. — Lettre du 22 novembre 1730 à Milfonneau (chez moi).


chez le Maître du Chagrin de Turquie (i), dont le teneur de livres lui avoit semblé un joli sujet.

Il a consigné dans une très-jolie lettre à Milfonneau du 23 juillet 1730, que je possède, la pensée qu'il eut aussi de faire venir à Dresde Mlle Lemaure, alors brouillée avec l'Opéra. Il parle de 100 pifioles(z) & d'un présent pour la faire venir à Dresde (nos virtuoses ne se déplacent plus pour si peu). Il ajoute, il est vrai, qu'il se trouveroit peut-être des agrémens qui pourroient rendre son séjour plus gracieux; puis, qu'il lui prépare (probablement fous la surveillance de Lemaire) le plus beau cabaret du monde (3). « D'ailleurs, dit-il encore, elle ne verra ici que des François, n'entendra parler que sa langue, & dans la société où elle tombera, elle fera à peu près comme au milieu de Paris. «

Cette affaire n'eut pas de fuite, & Mlle Lemaure, comme M. Milfonneau, resta à Paris.

Ce dernier continuoit à y être très-employé par Hoym & très-utile à ses intérêts. Il y touchoit ses revenus & plaçoit à courte échéance les fonds qui n'étoient pas employés; mais c'étoit souvent peu de chose. Ainsi, du 10 mars 1729 au 7 janvier 1730, il reçut pour Hoym

(1) C'étoit un joaillier. Voyez Angola, 1751, tome II, p. 82.

(2) Voyez page 178, où il semble entendre par 100 pistoles 2000 fr., & non 1000, comme cela étoit effeétivement.

(3) J'ai reçu les deux cabarets en question. La jatte que le fleur Huet dit avoir été cassée l'est effedivement. Ce qu'il dit d'un grand coup de feu n'est qu'une bagatelle, & ce dernier cabaret est venu icy en très-bon état, au lieu qu'à l'autre, il manque encore, outre la jatte, une talse & une soucoupe qui ne se font point trouvées. Je tàcherai de compléter cela. J'ai déjà reçu un plateau que Juliot a fait accommoder avec des pieds dorés, le tout coûtant 48 livres. Cela me paroît bien joly, & je compte aujourd'hui de remettre cela à Mlle Lemaure. (Lettre de de Brais à Hoym du 27 mars 1731.)


54 5ï6 livres & en paya 51200. C'est Christian, le maître d'hôtel & l'homme de confiance d'Hoym, qui en

reçut la plus grande partie (40 à 41 000), chargé qu'il étoit par son maître de payer diverses acquisitions & ce qui restoit dû sur les dépenses courantes.

Ce Christian (1) étoit devenu pour Hoym un véritable homme d'affaires & on pourroit dire un ami, si l'on ne considéroit que la confiance du maître & le dévouement du serviteur. Il faut aussi observer que Milfonneau & même M. de Brais correfpondoient avec lui presque dans les termes de l'égalité.

Il resta en France depuis le départ d'Hoym, en mars 172.9, jusqu'en oétobre 1730 qu'il arriva à Dresde.

La disgrâce d'Hoym ayant eu lieu à la fin de mars 17 31, il s'empressa de prendre des mesures pour payer différens objets dont il devoit le montant. Il de voit à Astruc 4000 thalers (2) que celui-ci devoit foi-disant faire payer à Milfonneau pour une croix de diamans destinée à M. de Livry(3). Cet argent avoit été employé & la croix ref-

(i) Christophe Cassianus, né en 1685 à Copenhague, avoit été élevé & avoit reçu une certaine éducation dans la maison du comte de Chamilly (1699-1714), où on lui donna le nom de Christian. En 1714, il étoit entré au service du marquis de Caumont, qui l'avoit cédé, non sans regret, à Hoym, en novembre 1717, au moment où celui-ci alloit retourner en Allemagne. Quand Hoym fut nommé à Paris en 1720, Christian devint son maître d'hôtel, & c'est lui qui menoit la maison.

Christian semble avoir épousé une femme de chambre favorite de Mme de Mimeure, car cette dame écrivoit à Hoym le 12 juillet 1719 : « Que dites-vous du mariage de Christian & de Debar? Je ne l'ai su qu'à Bourbon l'année passee, que sa taille changea indiscrètement. Êtes vous content du mari? Elle est bien en peine de le savoir. »

(2) Je ne vois pas cette somme aux recettes de Milfonneau. La reconnoissance d'Hoym est de Dresde, 3 septembre 1729.

3) Je vois sur les comptes de Milfonneau pour 1731, a la date du 5 mars, au sieur Desgranges, pour portrait de S. M. (le roi de Pologne)


toit due ou non achetée. Il voulut d'abord vendre des livres ou des tableaux, puis, se ravivant, il fit écrire à Milfonneau par son secrétaire Nohren, le 8 mai, de tirer pour 8000 écus furfes banquiers de Leipzig. Milfonneau, qui avoit déjà tiré pour 5000 écus le 29 janvier, avoit déjà payé le portrait enrichi de diamans (14 800 livres); il paya encore à Astruc, le 6 juin 1731, 15 540 livres.

Le 30 mai, Hoym pensoit qu'on avoit vendu les tableaux qu'il avoit eus du duc d'Orléans (voir l'Inventaire) & ses porcelaines, & engageoit encore Milfonneau à tirer sur ses banquiers de Leipzig. Il donnoit ordre de ne laisser entrer personne chez lui ni voir les appartemens à qui que ce fût, jusqu'à ce qu'il eût pu se défaire d'une charge inutile. En conséquence de cette lettre & de celle du 8 mai, Milfonneau tira le 4 juin sur Leipzig pour 8000 écus ou 31 080 francs.

Au mois de novembre 1731, Hoym renvoya Christian à Paris (1) & lui remit le 17 la plus grande partie de ses bijoux, qu'il avoit emportés en quittant Paris. C'est alors, en 1732, que Christian & Milfonneau purent débarrasser Hoym de ses loyers de la rue Cassette, & louèrent près de Milfonneau, demeurant alors rue Michel-le-Comte, la petite maison dont j'ai parlé plus haut, où restèrent emballés, fous la garde de Jean Francey, suiffe d'Hoym, & de Marguerite de Launay, sa femme (2), laquelle signa l'inventaire assez sommaire qui fut dreflfé le 5 juin, les livres, les tableaux & la plus grande partie des choses

enrichi de diamans, 14 800 livres. Ce portrait me fait l'effet d'avoir remplacé la croix de diamans de M. de Livry. Mais je n'ai pas trouvé d'éclairciflemens à ce sujet.

(i) pièce citée & analysée dans l'Inventaire de 1737.

(2) Ils avoient 60 livres de gages par mois, plus du bois à brûler.


précieuses qu'Hoym possédoit. On fit lors du déménagement une vente apparemment de débarras, qui produisit 1350 livres 17 fols 6 deniers, remis à Christian.

Christian partit au commencement de juin pour retourner en Allemagne, mais il ne resta pas à demeure à Lichtewalde, où se tenoit Hoym. Il habitoit l'hôtel de Dresde, s'y occupoit des affaires de son maître, gardoit la maison & faisoit ses commissions : il avoit un domestique pour le servir (1). Il étoit cependant à Lichtewalde le 16 août de cette année qu'il demandoit à Milfonneau d'envoyer à Hoym quatre feuillettes de vin de Nuits & une demi-barrique de vin de Pontac (2).

A cette époque Hoym paroît avoir été fort sobre de correspondance ; il se sentoit surveillé avec tant de haine que cette conduite réservée étoit une nécessité pour lui.

Le Ier septembre 1732, à Lichtewalde, il approuvoit le compte de Milfonneau & l'emploi d'une partie de ses fonds; il avoit déclaré approuver d'avance tous les autres emplois qu'en feroit à l'avenir M. Milionneau. Hélas !

ce fut à sa succession que les comptes subséquens furent rendus !

On voit que Milfonneau payoit à cette époque sur les

(1) Notes de M. de Sahr.

(2) C'est du vin de Confiance Pontac. Déjà, le 26 mars 1731, de Brais écrivoit à Christian : « J'aurai foin de faire pour S. E. la provision qu'elle demande par vous d'une'?) panier de 400 bouteilles de Pontac pour les lui envoyer ou les garder ici, felon les ordres que je recevrai. »

C'étoit un abbé Toréno, sans doute Portugais, qui envoyoit ce vin. Les vins de Nuits & de la Chairagne que buvoit Hoym lui étoient fournis par M. Lardot de Beaune. Je donne aux pièces justificatives, n° XL, une lettre relative au vin de Tokai, qui fait voir à quel point Hoym étoit connoisseur & amateur de vin.


demandes de Christian, quelquefois deM. d'Obenheim (i), qui a demeuré aussi avec Hoym à Lichtewalde. Hoym paroît avoir eu beaucoup d'affeétion pour lui.

En 1733, Hoym se sentant plus menacé, put faire envoyer à Paris par Francfort neuf cailles contenant son argenterie, de nombreux & riches habits, des tapisseries, &c. Ces ballots arrivèrent à Paris au mois d'oétobre 1733 & furent reçus à la petite maison de la rue des Petits-Champs-Saint-Martin. L'envoi de ces caisses avoit fait penser à M. de Sahr qu'Hoym projetoit alors de se retirer en France (a), mais la crainte de perdre ses biens d'Allemagne & celle de paffer pour un coupable dans le pays où il se réfugieroit le retinrent sans doute.

Le 9 février 1734, on reçut encore à la petite maison huit ballots venant aussi de Francfort, contenant beaucoup de linge de corps & de maison, des étoffes & des porcelaines. Ces ballots coûtèrent pour port, entrées & frais, 1187 livres 15 fols; deux autres ballots arrivés le 1 mars, coûtant 108 livres 17 fols, renfermoient des papiers & des livres (3).

A partir de cette époque nous n'avons plus de renfeignemens sur les rapports d'Hoym avec la France que par une très-curieuse lettre de Christian(4) adressée, à ce qu'il me semble, à M. Becquerel, que je crois avoir été un négociant en vins, demeurant rue du Bac, & qui faisoit aussi. des commissions pour Hoym. Dans cette

(1) 1734, 2 janvifer, à M. d'Obenheim, par contrat de constitution, 8000 livres. Comptes de Milfonneau. Voyez p. 142.

(2) Dans les interrogatoires de 1736, on lui reproche l'acquisition d'une voiture de voyage. Voyez p. 133.

(3) Comptes de Milfünneau.

(4) Papiers Milfonneau-Villenave à moi appartenant. Pièce n° XL.


lettre, empreinte, & non sans cause, d'une grande inquiétude, Christian le prie de prendre des mesures avec Milfonneau (qu'il appelle Gradeau) pour sauver Hoym (il le désigne fous le nom de Danneville) d'une ruine totale, car il a affaire à des gens bien malintentionnés & bien affames, dit-il. Christian rappelle à son correspondant qu'il lui a envoyé par Martin, pour M. Milfonneau, une décharge de toutes les affaires qui lui ont paffé par les mains, afin que s'il étoit interrogé il pût prouver par cette pièce qu'il n'avoit plus rien, ayant tout envoyé par lettres de change sur la Hollande & sur Hambourg.

Il joignoit à cette lettre une quittance générale pour les Francisque (Franceye), gardiens de la maison rue des Petits-Champs. u Ils n'ont qu'à dire, ajoutoit-il, qu'en septembre 1733 il est venu une personne inconnue pour leur demander tout ce dont ils étoient chargés par l'inventaire, la crainte de la guerre ayant obligé Danneville de retirer ses affaires de France, & que le tout remis par eux à cette personne a été vendu à Paris ou envoyé à l'étranger. ii Ce qui donnoit tant de crainte à Christian, c'est que lors de la première détention d'Hoym, on lui avoit rendu tous ses papiers, à l'exception des inventaires, qu'on avoit gardés.

Christian recommandoit qu'on ne lui écrivît jamais directement, mais à une personne qu'il désignoit, en la priant de remettre l'inclus au neveu Thomas.

Ces précautions n'étoient pas superflues; moins d'un mois après avoir écrit cette lettre, le 2.7 mai 1735, il étoit arrêté. Il resta captif pendant II mois & sortit de prison à la fin de février 1737. Peu de mois après il arrivoit à Paris, & écrivoit le 2.8 juillet au cardinal de Fleury une lettre très-noble & très-touchante que je


donne aux pièces justificatives (n° XLII). Disons pour terminer que son dévouement fut récompensé. Il recevoit un an après, non-seulement fâ rente viagère affurée par un contrat, de 80000 livres, mais encore 67537 livres en argent. Je ne fais ce qu'il devint ensuite. Quel dommage que ce fidèle & intelligent serviteur ne nous ait pas laissé une vie de son maître !

Revenons maintenant en Saxe, où nous avons laissé Hoym en exil à Skaska.

Il paroît avoir quitté cette terre dans les six derniers mois de 1731 & s'être établi à Lichtewalde, chez sa fœur, Mme de Vitzthum, avec M. & Mme de Watzdorff, & avoir mené là une vie assez tranquille, espérant toujours qu'à la mort d'Augufle II le nouveau roi le rappelleroit aux affaires. Il s'occupoit de fleurs & de jardinage, & dans son habitude de recourir à la France pour la fatisfaétion de les goûts, il y faisoit acheter des arbres (i). On voit par quelques rares lettres de cette époque que tous ses amis lui confeilloient de patienter & de se faire oublier. On espéroit que la cour lui permettroit d'abord d'aller aux eaux de Pfeffcrs & peut-être même plus tard à Paris.

Cependant Auguste le Fort mourut à Varsovie, le ier février 1733, à quatre heures du matin, sans agonie, à la fuite d'un dîner que lui avoit donné à Grossen le général de Grumbkow, & où il avoit bu plus de vin que sa fanté ne le lui permettoit. L'inflammation qu'il avoit à un pied s'augmenta au point de causer la mort (2). C'est Thioli, François, secrétaire du Cabinet & ami d'Hoym,

(1) Mémoire de 828 livres pour un envoi d'arbres le 15 janvier 1733.

(2) Lettre de M. de Perteville, du 6 février 1733.


qui proposa au Roi de se confesser : ce prince y consentit. Thioli alla chercher l'abbé de Saint-Germain, prédicateur de la cour, aussi François, qui le confessa, & un troisième François, le P. Baudouin, de l'ordre de Saint-Lazare, lui donna le viatique (1), qu'il reçut avec beaucoup de piété.

Ce prince fut vivement regretté. On ne sauroit, écrivoit M. de Perteville, exprimer l'affiiétion des habitans.

On ne voit partout qu'un morne silence. Chez la princesse de Holstein, fille du Roi, la désolation est incroyable.

C'est qu'en effet ce prince avoit de grandes qualités, & son règne est un de ceux qui ont le plus marqué dans l'histoire de Saxe. Encore aujourd'hui son nom y est resté très-populaire. S'il eut des foiblesses, c'étoient de ces foiblesses que dans ce temps-là les peuples excufoient volontiers chez les princes; ils font devenus aujourd'hui plus sévères (pour les princes bien entendu) (2).

Hoym écrivit au nouvel électeur dans les termes les plus mesurés & les plus convenables; mais ce prince avoit, comme son père, subi l'influence de Briihl, & il se faisoit d'ailleurs un point d'honneur de suivre pas à pas les intentions & la conduite politique de son père (3).

La position d'Hoym ne changea donc pas.

Une circonstance ridicule, & qui à Paris n'auroit eu

(1) Lettres de Monti. Varsovie, 31 janvier & Ier février (Affaires étrangères).

(2) Il faut convenir que l'exemple d'une cour si gaie avoit pu être assez généralement suivi. Je donne aux pièces justificatives (n° XX) une lettre fort spirituelle du baron de Fontenay, un de ces nombreux François attachés à la cour de Saxe, qui raconte une fête donnée à Varsovie au carnaval de 1721. Son récit n'est pas précisément édifiant, mais il est fort plaisant.

(.3) Voyez une lettre de Manteufel. Secketidorff, tome IV.


de fuites fàcheuses que pour ceux qui l'auroient ébruitée, vint mettre le comble aux malheurs d'Hoym.

Une des filles de la comtesse de Bothmar, sa fœur, avoit épousé M. de Bunau, conseiller intime du roi de Pologne, qui pendant le ministère d'Hoym avoit été fort employé par lui. Cette dame, étant devenue grosse, avoua à son mari qu'il lui étoit impossible de savoir qui étoit l'auteur de sa grossesse, mais elle lui donna, écrivoit le Ier juillet 1733 le marquis de Chalmazel (Talaru), ministre de France à Dresde, une longue lifte affirmée & signée par elle, de tous ceux qui pouvoient y avoir pris part. Le comte d'Hoym y étoit, dit M. de Chalmazel, nommé comme le premier qui l'avoit instruite de toute façon & manière.

L'Éleâeur prétendit que la Constitution exigeoit l'emprisonnement des coupables, & le malheureux Hoym, arrêté en vertu d'un rescrit daté de Moritzbourg, du 28 juin 1733, fut conduit par le colonel Block à Sonnenftein(i), le 29 juin 1733.

Hoym comptoit rester longtemps détenu, car il avoit demandé des livres. Il en avoit reçu, & aussi 50 bouteilles de vin de Bourgogne, & 50 de Moselle; il avoit avec lui Laribeau, Auguste, Chambéry, Martin son lecteur.

Christian paroît y avoir été aussi quelque temps. Il écrivit le 25 juillet à l'Éleéteur (Auguste III n'avoit pas encore été réélu roi de Pologne, on fait comment il le fut) pour demander sa liberté. Le 28, un rescrit adressé aux membres delaCommiffion chargée de le juger déclara qu'Hoym étoit absous & qu'il devoit être reconduit où il avoit été

(1) Château ancien qui fait pendant au Kônigftein, de l'autre côté de l'Elbe.


arrêté après qu'il auroit figné un engagement confirmatif de celui pris par lui en 1731 (1). Le prince Lubomirski, porte-glaive de la couronne & neveu d'Hoym, avoit évidemment obtenu sa délivrance, car l'ordre de mise en liberté lui fut remis, & c'est lui qui fut chargé de reconduire Hoym à Lichtewalde.

Hoym quitta la forteresse de Sonnenftein le 29 juillet 1733 & revint à Lichtewalde, mais cette arrestation lui avoit fait voir qu'il devoit renoncer à l'espoir de reconquérir jamais la faveur du nouveau roi. Il pensa qu'il étoit opportun de mettre ordre à ses affaires, & le 15 avril 1733, probablement fous l'empire de tristes pressentimens, il fit son testament.

Brühl sentoit apparemment que l'Életteur, une fois affuré de la couronne de Pologne, ne tiendroit plus autant à obliger le prince Lubomirski, & son empire sur le Roi étant bien établi, il se décida, en 1734, à reprendre la campagne commencée l'année précédente, & cette fois sa haine obtint le plus complet & le plus odieux succès.

En novembre 1734, la cour avoit quitté Dresde pour se rendre à Varsovie. Elle y arriva le ZI. Dès le 4 décembre trois rescrits furent adressés au comte de Wackerbarth, ministre du Cabinet, & à MM. le baron de Gernftorff & de Zecht, ministre de confiance, au comte de Friese, gouverneur de Dresde, & au général de Milkau, les engageant à surveiller les intrigues du comte d'Hoym, qui ne se tenoit pas dans la tranquillité qui lui avoit été prescrite; puis plus tard, le II du même mois, Briihl obtint du Roi un rescrit adressé au général de

(1) Interrogatoire du 17 avril 1736 à Konigfiein.


Milkau & lui ordonnant de saisir les papiers d'Hoym & de le conduire à Konigfiein(I).

Le rescrit arriva le 17 au foir à Dresde, & le même jour, à onze heures, sur l'ordre du général de Milkau, le colonel de Natzmer, dont le régiment (ae des gardes) étoit à Chemnitz, partit pour Lichtewalde & y arriva le 18. Il avoit avec lui deux capitaines, deux lieutenans & douze simples soldats & étoit censé aller au fourrage.

Après avoir envoyé, devant, son aide de camp Cftc) le lieutenant de Métzradt pour savoir si Hoym étoit là & la situation de ses appartemens, il se fit annoncer par cet officier & fit demander à Hoym la permission de lui faire une visite.

Hoym répondit qu'il le verroit avec plaisir; & quand Natzmer entra dans le château, la belle comtesse de Watzdorff & son jeune frère, M. de Vitzthum, le reçurent au haut de l'escalier & firent entrer les officiers au salon.

Après une conversation de quelques instans, Natzmer, voyant qu'Hoym ne paroissoit pas, dit au comte de Vitzthum qu'il avoit à parler à son oncle. M. de Vitz-

0) Comme explication de ce rescrit, Brühl écrivoit le 18 à Wackerbarth qu'Hoym avoit offert ses services au prince royal de Prusse après la mort de son père. <■<■ Votre Excellence, disoit-il, en comprendra les coivséquences, & je la conjure que ceci reste entre nous. » Jamais imputation ne fut moins vraisemblable. Hoym étoit particulièrement mal avec la Prusse. Pour le public, Brühl auroit voulu qu'on attribuât son arrestation à des intrigues avec la France. Hoym avoit à son service, mais à Dresde, plusieurs François, que comme beaucoup de seigneurs faxons il avoit confervés malgré l'ordre de l'empire du 13 mars 1734. On arrêta son lecteur & bibliothécaire Martin, qu'il avoit demandé à Konigfiein, & après quelques jours de détention on le relâcha, en février 1737, & on le bannit de Saxe avec Torviliers de Chàlons en Champagne, ancien secrétaire du comte de Saxe & depuis d'Hoym, pour qui il copioit, avec Martin, des extraits d'ouvrage, Laribeau, valet de chambre & chirurgien, & Roussel, laquais.


thum amena alors Hoym, & Natzmer, le tirant à part, lui dit qu'il étoit son prisonnier par ordre du Roi.

Hoym reçut cette communication avec un grand calme & s'efforça de consoler sa nièce, en proie à un violent désespoir : il l'engagea à avoir confiance dans la justice de Dieu & dans l'équité du Roi, ajoutant que pour lui il se fioit en Dieu & en sa conscience.

Natzmer demanda alors à être conduit dans la chambre du Comte pour saisir ses papiers. Hoym lui remit la clef de son secrétaire & quitta le salon, avec lui & ses officiers. Puis rencontrant un domestique dans le vestibule, il lui dit de faire mettre les chevaux à la grande voiture & de tout préparer pour le départ. Tout en parlant il entra dans la salle de billard & la traversa pour entrer dans sa chambre, dont la porte étoit à droite & ouverte.

Natzmer, ayant remarqué une autre porte à gauche, s'arrêta un instant pour dire à ses officiers de s'affurer de cette porte & laissa ainsi cinq ou six pas d'avance à Hoym.

Le malheureux entra alors dans sa chambre & en ferma la porte sur lui. Natzmer se précipita aussitôt sur la porte, s'efforçant vainement de l'ouvrir. Alors on entendit l'explosion d'une arme à feu.

La porte ayant cédé aux efforts de Natzmer & des 'domestiques, on trouva le Comte étendu sur son lit, la figure & la perruque couvertes de fang ; le pistolet dont on avoit entendu l'explosion étoit jeté à terre. Hoym avoit toute sa connoissance. w Grand Dieu, dit-il, que m'est-il donc arrivé? Il demanda à voir un prêtre, qui n'arriva qu'une heure & demie après. Pendant ce temps tout le monde étoit accouru; les deux comtesses (sa fœur & sa nièce) & le jeune Vitzthum étoient à genoux & prioient avec le blessé. Le pasteur luthérien du village


d'Eberfdorff étant venu, Hoym se confessa & communia avec beaucoup de ferveur, édifiant tous les assistans par ses discours. Il persista à dire qu'il ne comprenoit rien à ce qui lui étoit arrivé : que le jour étant déjà bas, il avoit, en cherchant ses clefs sur la table de nuit, fait partir le pistolet qui y étoit également placé (i).

Natzmer l'engagea à se faire panser. Hoym, après s'y être refusé d'abord, consentit à l'être par son valet de chambre, probablement le fidèle Christian, dont nous avons eu occasion de parler. Il paroît que ni le crâne ni le périoste n'avoient été lésés, & que la balle n'avoit fait que labourer les chairs.

Le général de Milkau ayant été prévenu de ce qui se passoit par Natzmer le 10 au matin, envoya à Lichtewalde l'auditeur général Vockel avec de nouvelles inftrudions concertées avec Wackerbarth & le conseiller intime Heinecke, un des plus odieux ministres de la haine de Brühl.

Vockel avoit ordre de saisir aussi les papiers de la jeune comtesse Watzdorff (Henriette de Vitzthum), & avoit été spécialement chargé de surveiller Christian & une femme qu'on ne nomme pas, qu'on fuppofoit avoir des lettres adressées à Hoym.

Le chirurgien ayant trouvé qu'Hoym pouvoit être transporté sans danger, Vockel le fit partir pour Konig-

(1) Cette version paroît bien peu vraisemblable, & la tentative de suicide que Brühl fit proclamer bien haut parce qu'elle annonçoit, suivant lui, une mauvaise conscience, paroît bien plus probable, il faut en convenir. C'étoit aussi l'opinion de la famille dans le premier moment, car la supplique que Mme de Vitzthum, le prince & la princesse Lubomirski & M. de Watzdorff adresserent le 20 de Dresde au Roi contient ces mots : Les trisses effets du désespoir où il ayoit été jeté pour le malheur d'avoir déplu à Votre Majeflé nous laissent encore incertains sur sa vie.


stein, en compagnie de Natzmer, de deux officiers supérieurs & d'un chirurgien-major, le 20, vers cinq heures du foir.

Quant aux papiers de Mme de Watzdorff, les recherches les plus minutieuses n'y firent rien découvrir. Vockel ajoutoit que la consternation de cette dame ne pouvoit se décrire.

Après un voyage de deux jours que son état de fanté dut rendre extrêmement pénible au malheureux Hoym, il arriva à Konigftein vers minuit dans la nuit du ZI au -22 décembre 1734. Aussitôt après avoir remis son prisonnier à Konigftein, Natzmer porta les papiers d'Hoym au général de Milkau, qui les remit, sur l'ordre de Brühl, à Wackerbarth & à Heinecke.

Dès le lendemain de son arrivée à Konigftein, Hoym écrivit au Roi une lettre très-soumise & très-touchante dans laquelle il demandoit à être entendu, non pas par ses ennemis déclarés, mais par Sulkowski, ou si son absence de Dresde rendoit la chose impossible, par les conseillers de Gerfdorff & de Miltitz. Plus tard, le 13 janvier 1735, la fœur d'Hoym, Mme de Vitzthum, prête, disoit-elle, à descendre dans la tombe, & soutenue par le souvenir des recommandations de son père, qui, au lit de la mort, l'avoit chargée de servir de mère à son frère encore enfant, écrivoit au Roi la lettre la plus forte & la plus émouvante pour lui demander la liberté de ce frère chéri. Mais ses efforts furent sans effet.

Hoym avoit avec lui à Konigftein un cuisinier & deux domestiques attachés à sa personne : Jean Teichmann, depuis cinq ans chez lui, & Auguste Liesche, depuis trois ans. Ces deux derniers furent enfermés dans une chambre attenante à celle du prisonnier. A huit heures, on appor-


toit de l'eau à Hoym pour faire son thé. Il dînoit à midi & foupoit à huit heures du foir. Les soldats de garde posoient les mets devant l'appartement du Comte. Un capitaine (Wirmuth) les foumettoit encore à un examen minutieux, coupant le pain & les pâtisseries pour voir si elles ne contenoient aucune lettre. Ensuite le sergent remettoit les plats aux gens du Comte enfermés avec lui.

Une sentinelle étoit placée devant la porte d'Hoym, à qui personne ne parloit. Sa porte n'étoit ouverte qu'à huit heures : alors on lui apportoit de l'eau & on remportoit les plats d'étain où son souper de la veille avoit été servi; on entroit encore à midi pour son dîner & à trois heures pour enlever les plats ; enfin à huit heures du foir pour lui servir son souper.

Au commencement de sa détention, le chirurgien-major panfoit sa blessure en présence du sergent, chaque matin & chaque foir; mais Hoym étant guéri avant la fin de janvier, le chirurgien ne revint plus.

Hoym demanda en vain la permission de se promener autour de la forteresse en présence d'un officier & de voir le commandant de la forteresse Riedefel & le lieutenant-colonel Radtzky, qui étoit fous lui. — En vain il demanda son teneur Martin & son valet de chambre barbier (Laribeau?) pour lui faire la barbe. Le 9 février, le major général de Riedefel, commandant à Konigftein, demanda à la Commission la première édition in-8° de la Théodicée de Leibnitz, qui, étant imprimée en gros caractères, pouvoit être lue par les yeux délicats d'Hoym.

Ce vœu paroît avoir été exaucé.

Dès le 28 décembre, le major de Riedefel avoit redemandé au Comte les insignes de l'ordre de l'Aigle-Blanc.

Hoym les remit en difant- qu'ils feraient mieux entre les


mains du Roi que dans les fiennes, puifqu'il ne sortoit pas & ne pouvoit s'en servir(i). On lui redemanda également une bourse contenant 100 ducats & 1 louis, que Natzmer avoit déposé avoir été donnée à Hoym par Mme de Watzdorff. On s'inquiéta fort de ce qu'il manquoit un louis. Hoym dit l'avoir donné à l'infpecreur des vivres pour acheter du bois. Il fut ordonné que sa nourriture, qui jusque-là avoit été envoyée de Dresde, de Lichtewalde & de Putskau, ne feroit plus reçue, mais feroit achetée par Riedefel, provisoirement, sur la bourse des 100 ducats.

En septembre 1735, Riedefel, qu'un jeune comte de Watzdorff, frère du neveu d'Hoym, fort mal avec toute sa famille & prisonnier à Kônigftein, avoit dénoncé comme allant voir Hoym, fut remplacé par le lieutenantcolonel Romer.

Hoym affirmoit que le manque d:air, l'humidité de sa chambre, l'odeur du charbon, qu'il étoit obligé d'allumer pour faire son thé & chauffer son dîner, lui faisoient le plus grand mal. — Le médecin de la forteresse chargé d'examiner les choses (J. A. Külbel) déclara qu'Hoym se plaignoit de vertiges continuels, de la foiblesse de ses yeux, de douleurs rhumatismales dans le bras, le pied & tout le côté gauche, assertion que sembloient confirmer le dépérissement du bras gauche (a), l'enflure des pieds & Pexténuation de tout son corps.

Le médecin avoit également reconnu l'humidité de la

(0 Brühl prétendit que plusieurs seigneurs polonois avoient réclamé & dit qu'Hoym ayant tenté de se suicider, étoit indigne de figurer parmi les chevaliers de l'Ordre.

(2) Le doéteur Douckwitz dit l'avoir mesuré & trouvé pareil à l'autre.


chambre, sur les murs de laquelle on voyoit des champignons.

La commission chargée de l'affaire d'Hoym fit contrôler ce rapport par un autre médecin, le doéteur Douckwitz. On voit par son rapport que les deux pièces occupées par Hoym étoient au troisième étage, de côté à l'ouest & de face au midi, hautes de II pieds, larges de 3 pas géométriques & longues de 10. La chambre à coucher avoit deux fenêtres, l'une à l'ouest & l'autre au fud & à doubles croisées. Le petit salon avoit une fenêtre au fud; les fenêtres avoient 5 pieds de hauteur sur 3 pieds I/Z de largeur. La chambre à coucher étoit tapissée de calemande, & le salon de toile imprimée. Il déclara qu'Hoym n'étoit pas malade & prit la peine de citer son menu dans son rapport (1). Il conclut que l'appartement d'Hoym n'étoit pas malsain & que son indisposition ne provenoit pas de sa détention, mais de son tempérament & de l'état de son esprit.

Après avoir rédigé son rapport, il demanda que Romer & Külbel le fignaffent avec lui, mais ils s'y refusèrent.

Cela fait, il réclama 16 écus, mais la Commission ne lui en alloua que 14 (sur l'argent d'Hoym). Ceci se passoit, à ce qu'il semble, en novembre 1735. En recevant ce rapport, le Roi (ou Bruhl), par un rescrit du 7 décembre, ordonna à la Commission de réprimander le médecin de la forteresse (Külbel) pour avoir rendu un avis plus con-

(1) A midi, soupe au macaroni, bœuf, choux, pieds de veau grillés, rognon de veau. — Le foir, un ragoût, un chapon, des choux-fleurs, cimiers de gibier (cerf), pain blanc &.pain bis. La question est de savoir ce qu'Hoym mangeoit de tout cela, & d'ailleurs les rhumatismes n'empêchent pas de manger.


forme aux désirs d'Hoym, dont il paroissoit rechercher la faveur (ftc!), qu'à la vérité.

Ce fut feulement le ier mars 1736 que le malheureux Hoym fut interrogé par une commission composée du comte de Stoubenberg, de Gunther, tous deux conseillers de cour & de justice, & du grand bailli Effenius.

Hoym protesta contre la présence dans la Commission de Zecht & de Gunther, qui étoient ses ennemis, pour avoir été l'un destitué fous son ministère, & l'autre (Gunther) pour avoir reçu un adjoint, & demanda que le comte de Lutzélbourg, grand maréchal de la cour, & les conseillers de Gerfdorff & de Miltitz fussent adjoins à ses juges, priant qu'on lui donnât de quoi écrire au Roi & qu'on lui fit quitter Konigftein, où sa fanté se détruifoit. Il offroit sa terre de Putzkau & son hôtel à Dresde comme caution.

Ces demandes ayant été transmises au Roi, un rescrit royal du 24 mars 1736 fit connoître aux commissaires que le Roi les trouvoit inconvenantes & qu'on ne devoit pas y avoir égard.

Les commissaires revinrent à Kônigftein le 16 avril 1736, & dès le lendemain 17, ils interrogèrent Hoym de huit heures du matin jusqu'à deux heures, & recommencèrent dans Paprès-diné.

Dans cette séance Hoym excipa d'un rescrit royal de 1697 ou 1698 adressé à son père, dans lequel il étoit dit que si lui ou l'un des fiens étoit jamais accusé, il ne feroit pris contre eux aucune mesure inquisitoriale, encore bien moins exécutive, mais que l'affaire feroit examinée par des commissaires impartiaux ayant prêté un ferment spécial, Ç52 que la CommiJlion s'affembleroit en pays neutre (disposition bien étrange, il faut en convenir). Il ajouta qu'il


proposoit cette exception en droit, mais qu'en fait, par refpeét pour le Roi, il étoit prêt à répondre.

Les commissaires voulant revenir sur les faits antérieurs à 1731, Hoym répondit avec raison que ces faits étoient réglés par son abolition, & que depuis cette époque il avoit vécu dans la retraite sans entretenir d'autres correspondances que celles qui lui étoient permises pour ses affaires personnelles. — Interrogé s'il n'avoit pas voulu se tuer à Lichtewalde, il répondit négativement, ajoutant que si cela avoit été, il auroit été plus à plaindre qu'à punir d'une aétion résultant de l'excès de sa douleur. Hoym nia avoir écrit à l'Empereur pour se justifier d'avoir été opposé à la politique impériale. Craignant, d'après ce qu'on lui avoit dit, que l'Empereur ne fit saisir ses terres en Silésie, il avoit prié le Roi, depuis son avènement, d'écrire en sa faveur à l'Empereur. Il nia avoir connoissance d'une pièce écrite en françois contenant sa justification à l'égard des dix-huit points(i). Dans la séance du lendemain 18 avril, Hoym nia toute demande de proteftion à Vienne, toute idée de mariage à cette cour, tout projet de changement de religion. Je le nie, disoit-il, parce que cela n'est pas, car étant vassal de l'Empereur, je pouvois agir ainsi, & rien de tout cela n'eût été contraire aux engagemens souscrits par moi. Il est vrai qu'on m'avoit conseillé de prendre cette voie, mais je ne veux pas me rappeler le nom de la personne qui me donna ce conseil. «

Il est dit que trois ou quatre semaines avant son arref-

Ci) Peut-être est-ce cette pièce qui se trouve dans les papiers de M. de Sahr, & dont je me fuis servi (voyez page 95); elle est fort fuccinctc. Quel crime que de vouloir se juftificr!


tation, allant à une de les terres, il s'arrêta à Radebourg, chez la comtesse de Bothmar, sa fœur, & qu'il y vit un Sr Stockmann, qu'il ne connoissoit pas, mais il ne lui parla qu'à table, en présence des domestiques, & n'accepta pas les offres de services que Stockmann lui fit pour Vienne. Plus tard cet homme lui ayant écrit pour lui réitérer ses offres & lui dire qu'il croyoit pouvoir lui rendre dans cette capitale des services agréables, Hoym ne lui répondit pas & lui fit dire par Christian qu'il s'abfiint de lui écrire. Il nia avoir jamais connu le P. Tonnemann, confesseur de l'Empereur, & ajouta que s'il avoit écrit à Christian & approuvé sa conduite, c'est que Christian, par son ordre, s'étoit abstenu de rien dire ni rien faire avec Stockmann, qui le poursuivoit sans celle de ses offres & de ses chimères.

On lui reprochoit d'avoir acheté une voiture de voyage en 1734, & de l'avoir fait envoyer de Leipzig à Gera; il répondoit qu'il avoit eu l'espoir d'obtenir la permission d'aller aux eaux ; que s'il l'eût voulu, il auroit pu partir, mais qu'il le feroit bien gardé de donner cette fatisfaélion à ses ennemis.

Il parla d'un prêtre catholique nommé Gotze, qui, étant venu à Lichtewalde, lui avoit affuré que Brühl étoit bien difpoÍe pour lui & lui avoit offert ses bons offices auprès de lui & de M. de Sulkowski. Il ajouta qu'on n'avoit nullement caché la présence à Lichtewalde, mais que c'étoit Gotze qui avoit tenu à dissimuler sa qualité de prêtre.

L'interrogatoire étant terminé, Hoym dit qu'il croyoit avoir répondu d'une manière satisfaisante aux accusations portées contre lui, mais que, s'il devoit être interrogé encore, il demandoit à prendre un défenfcur, & il désigna


le conseiller Führmann; il demanda ensuite qu'on lui fît connoître toutes les accusations portées contre lui devant le Roi, & qu'on n'en dissimulàt aucune, comme il croyoit que cela avoit été fait précédemment.

Le 21 avril 1736, la Commission reçut une lettre du colonel Romer, annonçant qu'Hoym étoit très-malade & demandoit un médecin.

Wackerbarth, seul présent à Dresde, renvoya la lettre, parce qu'elle n'étoit pas signée de Romer, & lui fit dire qu'il recevroit ultérieurement d'autres ordres. Mais le 22, à sept heures du foir, Wackerbarth reçut un courrier qui lui apportoit d'autres nouvelles.

Voici ce qui s'étoit paffé.

Samedi foir, ZI avril 1736, le sergent ayant apporté les plats destinés au souper du prisonnier, Hoym, qui gardoit le lit depuis quelques jours, refusa d'abord de manger, mais ensuite il dit qu'il prendroit quelque chose pendant qu'on referoit son lit, & il fit mettre la table dans la chambre à coucher. A peine eut-il pris deux bouchées qu'il cessa de manger, fit remporter la table & dit qu'il vouloit se coucher. Tandis que Teichmann & Liesche foupoient dans leur chambre, Hoym y entra & leur dit : u Mes enfans, ne troublez pas mon sommeil! « Il rentra. Ils ne l'entendirent plus & se couchèrent après avoir fait leur prière.

Dimanche matin le sergent ayant apporté l'eau chaude, Teichmann frappa à la porte & dit : u Plaît-il à Son Excellence de prendre le thé? Il parla ainsi à trois reprises & ne reçut aucune réponse. Il étoit alors dix heures moins 1/4 du matin. Teichmann retourna dans sa chambre & y chanta plusieurs cantiques. A dix heures, Liesche alla frapper à son tour à la porte, & ne recevant pas plus


de réponse : u Que signifie ceci? dit-il à Teichmann; il est arrivé quelque malheur au Comte ! — Le Comte est malade, répondit Teichmann, peut-être va-t-il plus mal.

Ils avertirent alors la sentinelle de ce qui se passoit.

Le capitaine & le sergent, appelés par la sentinelle, arrivèrent, & alors Teichmann ayant ouvert la porte, qui n'étoit fermée qu'au loquet, ils entrèrent tous dans la chambre. Le lit étoit vide. Teichmann tira les rideaux de la fenêtre & aussitôt on vit le corps de l'infortuné comte d'Hoym suspendu à un crochet destiné à porter une glace qu'il avoit fait mettre à cet effet, dès son arrivée, dans le mur qui féparoit la chambre à coucher du salon. Pour atteindre à ce crochet, Hoym avoit placé une chaise (recouverte de drap verd) sur le marbre de la commode (elle étoit couleur de noyer, peinte?); il étoit monté sur la commode, puis sur la chaise, & avoit paffé dans le crochet un mouchoir de poche dont l'autre bout étoit noué autour de son cou. Une table de nuit sur laquelle étoit un flambeau, dans lequel la bougie avoit été entièrement consumée, avoit été placée près de la commode, sans doute pour éclairer les funestes préparatifs. Les pieds d'Hoym, passés à côté de la chaise, touchoient au marbre de la commode. Sa tête étoit couverte d'un bonnet de nuit en toile blanche noué d'un ruban noir. Il avoit une chemise à manchettes & pardessus une camisole en basin, puis une courte jaquette en foie blanche & une culotte de velours noir. Le lit n'étoit pas défait; il s'étoit donc tué dès le 11 au foir.

Une vingtaine de volumes étoient épars çà & là. Par terre, à côté de la commode, étoit un petit papier qu'Efsensus ramassa. Il contenoit ces mots écrits de la main d'Hoym à cet instant suprême :


Soyez bien prudens & ne faites pas de bruit, mais détachez-moi de fuite, mettez-moi au lit, tirez par dehors le verrou de la porte à raide de la ficelle qui y efl attachée; personne ne faura que vous avez été dans la chambre & on croira que je fuis mort d'une attaque d'apoplexie. Si vous faites tout cela prudemment & sagement, vous aurez pour récompense mille ducats que ma famille vous paiera sur la présentation de ce papier.

Hoym avoit au doigt une bague de prix (fie). Dans la poche de sa culotte on trouva un long rasoir fermé, des tablettes à écrire en ivoire dans un étui de chagrin noir, un canif dans son étui, un cachet en argent à ses armes, une petite boîte contenant un cure-dent & un cure-oreille en acier, un crayon, des ciseaux dans un étui, un billet sans enveloppe contenant sa confession, un petit bonnet d'enfant (1) & deux papiers sur lesquels étoit noté le jour de sa nainance. A la colonne du chevet du lit étoit accrochée une montre d'or. Outre une étagère dont cinq rayons étoient remplis de livres, il y avoit une petite table chargée d'autres volumes, parmi lesquels une Imitation de JéfusChrist, de la traduétion du Sr de Bueil (Le Maistre de Sacy), de l'édition de Paris, 1719 (catalogue d'Hoym, n° 4.36) (2).

Quelques-uns de ces volumes apparemment en maroquin étoient recouverts de papier pour conserver la

(i) Il est bien probable que ce bonnet étoit celui d'un enfant dont Hoym étoit le père. Dans la galerie, fort remarquable, du château de Lichtewalde, il y a deux fois le portrait d'une jeune fille que la tradition dit avoir été trouvée dans le beau parc de Lichtewalde & élevée par M. & Mme de Watzdorff. Peut-être étoit-ce une fille d'Hoym.

(2) Ce volume manquoit naturellement & étoit relié à Dresde en Pologne, comme l'écrit à propos d'autres livres l'annotateur du catalogue du baron Portalis.


reliure, ce qui étonna fort les commissaires. (Voyez appendice I.) Il paroît qu'Hoym auroit trouvé moyen de correspondre pendant sa captivité. Quatre soldats & deux fergens furent arrêtés en février 1737, passes par les baguettes de 300 hommes & condamnés aux travaux forcés pour lui avoir donné de l'encre, lui avoir laisse de l'argent & fait parvenir des lettres de lui à Dresde. Le capitaine Wirmuth avoit accepté de la table d'Hoym des pâtés, des faisans, des chapons & du vin. Un officier commandant avoit reçu 100 ducats d'un chancelier (Watzdorff?) & d'un prince polonois (Lubomirski?).

On eut beaucoup de peine à trouver quelqu'un qui voulût détacher le corps & le mettre dans le cercueil. Il fallut donner 100 florins d'empire (environ 115 francs) à un homme & à une femme pour l'ensevelir & l'emporter. Il fut enterré hors du cimetière de la forteresse & sans aucune cérémonie, comme ayant cherché à fefouftraire à la peine temporelle bien MÉRITÉE par les divers délits (1).

(1) Tout ce qui précède depuis la captivité d'Hoym à Sonnenftein est tiré du travail fait par M. de Sahr sur les pièces originales du procès d'Hoym & de l'enquête faite après son décès, lefquellesfont aux Archives de Dresde. Mme de Sahr, née de Kônneritz, sa belle-soeur, a bien voulu me traduire cet excellent travail.

Voici une forte de nouvelle à la main que M. de Clialmazel (Talaru), alors ministre à Dresde, envoya au ministère françois : » Nous venons de recevoir la nouvelle extraordinaire de la mort tragique du comte d'Hoym à Kônigftein, où il s'est pendu dans toutes les formes, dimanche dernier aa" au matin, au moyen d'un mouchoir découpé dont il avoit fait une corde qu'il avoit attaché au cloud à crochet du miroir de son appartement. Les particularités de cette scène funeste ne font pas bien connues, mais il est sûr que les commissaires du Roy, qui y avoient esté la veille, luy avoient présenté jusqu'à cent points d'interrogation en forme d'inquisition. La comtesse de Watzdorff, sa


C'est ainsi que s'exprimèrent les véritables assassins d'Hoym, ces misérables qui pour un peu de faveur & d'or persécutèrent un innocent jusqu'à le réduire au désespoir & le forcer à attenter à ses jours, ou plutôt ce font les paroles que leur diéta ce ministre, aussi incapable que détefié, qui laissa son pays sans défense pour avoir plus d'argent à offrir à la fatisfaétion des caprices de son digne maître & des fiens, & dont l'administration finit enfin par une honteuse banqueroute & par l'invasion.

Que font aujourd'hui tous ces hommes & qui pense à eux? Tandis que le nom, les mérites & les souffrances

nièce, partit après cette nouvelle en hâte pour Welk, afin de l'annoncer à la comtesse de Vicedom (Vitzthum), sa mère, &c. Cftc).

Du 27. — Le malheureux comte d'Hoym est toujours pendu à son cloud à crochet, ayant sa culotte de velours noir, sa telle & ses pieds nus, une bague de prix au doigt & une chemise de fort belles dentelles sur le corps. Il reliera dans cette posture jusqu'au retour du courrier envoyé à Warfovie pour sçavoir les ordres du Roy. L'appartement de cet infortuné comte efl en attendant scellé par deux jurididlions différentes, sçavoir par la juflice de guerre & la commission royale établie à la poursuite de cet ancien premier miniflre qui faisoit tant de bruit.

La bêtise du lieutenant-colonel de Rôtner, qui pendant l'absence du gouverneur de Kônigftein, général baron Riedefel, y commande par intérim, a causé en cette occasion une infinité de tracasseries touchant le corps mort pendu. Ce ne fera qu'au premier ordinaire que je feray en état de vous faire un récit circonflancié & fidèle de cette affaire funefle. (Archives des Affaires étrangères. — La fuite n'exifle pas.) Le frontispice du livre intitulé Merkvürdige ftaats assemblée in dem reiche derer Todtem (Mémorable assemblée des États du royaume des morts), Amsterdam, 1738, in-40, représente Ripperda & le juif Oppenheim au premier plan, & au fécond, Hoym pendu. C'est un dialogue entre ces trois personnages. M. de Sahr ne faisoit aucun cas de ce livre. L'auteur raconte au commencement qu'il a vu un gentilhomme weflphalien soutenir l'innocence d'Hoym, mais qu'Hoym ne pouvoit être innocent puifqu'il avoit été disgracié par un prince aussi juste qu'Augufle le Fort. Un prince très-juste peut être irrité par des procédés inconvenans, puis prévenu & trompé, & ce fut ici le cas.


de leur vidime relieront éternellement gravés dans la mémoire des bibliophiles & des hommes de goût. Heureux si par ce récit j'ai pu ajouter un rayon à la gloire de la viftime & un stigmate de plus à la face des bourreaux !

Après la mort du malheureux Hoym les commissaires le livrèrent à un examen minutieux des livres & papiers qu'il laissoit à Kônigftein & à son hôtel de Dresde. Ils ne paroissent pas avoir rien trouvé dans ses papiers, mais plusieurs passages de certains ouvrages soulignés par Hoym & quelques notes de lui leur donnèrent lieu de penser, non sans raison, qu'il préféroit la mort à la captivité, & que son suicide étoit résolu d'avance & ainsi prouvé (1). Leur conscience troublée leur faisoit supposer que bien des gens penferoient que la mort d'Hoym n'étoit ni volontaire ni naturelle. Ces gens-là se feroient trompés, car Hoym se tua bien lui-même & ses bourreaux ne l'affaffinèrent que moralement.

Le testament d'Hoym, ouvert judiciairement à Lichtewalde, le 6 juillet 1736, fut déclaré nul par le roi de Pologne le 23 février 1737, & les biens d'Hoym confisqués. Mais ce n'étoit pas tout. Hoym laissoit en France une fortune considérable, & le Roi, par lettres patentes d'oétobre 1727, enregistrées le 15 décembre au Parlement, puis à la Chambre des Comptes & à celle du Domaine, lui avoit permis de polTéder en France, & déclaré renoncer, en cas de mort de l'impétrant, à exercer sur ses biens le droit d'aubaine. C'étoient ces biens, montant à environ 1 700000 livres, que le roi de Pologne, ou plutôt Briihl, auroit voulu s'approprier.

Le comte (depuis maréchal) de Saxe, retournant en

(1) Voyez lettre de M. de Sahr, appendice I.


France en mai 1737, fut chargé de pressentir sur ce point les intentions du ministère françois. Dans une note qui existe aux Archives des Affaires étrangères, & qui semble bien avoir été remise au cardinal de Fleury par le comte de Saxe, il est dit qu'il avoit paru d'une dangereuse conséquence au roi de Pologne qu'un de ses miniflres eût osé prendre sans sa permijjion des lettres patentes, pendant qu'il étoit accrédité, pour mettre ses biens à couvert du recours que le souverain doit naturellement avoir sur ses minilfres, ce qui les fouflrairoit à rendre compte des sommes qui peuvent paffer par leurs mains.

L'intention du roi de Pologne, ajoutoit cette note, n'efl pas de priver le comte de Watzdorff des biens que le comte d'Hoym a laissés en France (1), mais il lui a paru nécessaire que ce foit à titre de grâce qu'il reçoive ces biens, & non à titre de succession ni de teflament, lequel a été caffè juridiquement en Saxe avec les précautions les plus scrupuleuses.

Il faut convenir d'ailleurs que tout étoit bien combiné pour poursuivre jusque dans la tombe le malheureux Hoym. Il étoit assurément impossible d'avoir un intermédiaire plus justement & plus complétement apprécié que le comte de Saxe, & on comptoit sur son zèle, car on avoit fait signer à Watzdorff un engagement par lequel il se déclaroit comptable envers le comte de Saxe des trois quarts de ces biens(2). J'aime à croire que ce héros

(1) Voyez, un peu plus bas, la sincérité de cette intention. On remarquera qu'il n'efl; fait aucune mention, dans cette note, des legs particuliers faits par Hoym & dont plusieurs s'adreffoient à des François. Le teflament ayant été annulé en Saxe, ces François auroientété dépouillés par des juges étrangers (& on a pu voir quels juges!) de ce qu'Hoym leur avoit laissë. Mais le Cabinet de Dresde ne s'émouvoit pas pour si peu.

(2) M. de Weber, directeur des Archives de Saxe. Aus vier Jalzrhundcrjlen. Leipzig, tome II, p. 232, note. On en voit en outre la preuve


n'eut pas la foiblesse de solliciter bien aétivement cette odieuse revendication, & qu'il étoit toujours le même homme qui écrivoit en 1727 au Roi son père : « J'occupe un emploi distingué dans les armées du Roi TrèsChrétien, où je dois m'appliquer à en mériter de plus éminens : dans une armée, dis-je, où la lâcheté & les trahisons ne souffrent aucune interprétation ni déguisement(i). n Toujours est-il que je n'ai vu, dans les nombreuses pièces qui me font passées par les mains, aucune demande ni aucune lettre de lui, & il faut dire qu'il n'en avoit pas besoin. Watzdorff, tout à fait dans la dépendance de son gouvernement, accepta sans résistance la confiscation des trois quarts de ces biens, donnés au comte de Saxe par le roi de Pologne.

M. Amelot, alors ministre des affaires étrangères, étoit bien convaincu de l'inanité des réclamations de la cour de Dresde, mais pour plus de régularité il consulta M. Lefebvre, conseiller d'honneur au bureau des finances.

Celui-ci répondit que la demande se fondoit sur un attentat imaginaire, car les lettres patentes ne contenoient rien d'irrégulier, & leur objet n'avoit rien que d'innocent; que d'ailleurs si Hoym ne les avoit pas obtenues, le roi de Pologne n'auroit pas eu plus de chances d'avoir ces biens, puifqu'en vertu du droit d'aubaine, Hoym n'étant plus ministre de Pologne en France, ils auroient

dans les comptes rendus par Milfonneau à Watzdorff. Dans son testament le maréchal de Saxe légua 400 000 livres au comte de WatzdorfF en forme de restitution de la portion que le roi de Pologne lui avoit donnée de la confiscation des biens de son oncle. Mais ce bon maréchal, qui ne se connoifoit pas de dettes (dit-il dans son testament), en avoit tant que M. de Watzdorff ne toucha qu'une foible partie de cette restitution.

(1) Archives des Affaires étrangères. Pologne (Marron), à l'année 1727.

Auguste vouloit empêcher le comte de Saxe d'aller en Courlande.


été dévolus au Roi(i); qu'au reste on ne pouvoit reconnoître le don fait à Watzdorff par le roi de Pologne ni rien lui remettre, s'il n'étoit autorisé par sa femme, héritière testamentaire.

Ce testament d'Hoym, dont il est ici question, avoit été écrit par lui en allemand à Lichtewalde, le 15 août 1733, & trois codicilles en françois, faits également à Lichtewalde les 2.8 & 30 septembre & ier novembre 1734, y étoient joints. Par ces aétes, que je donne aux pièces jufiificatives, n° XLI, Hoym laissoit à ses frères les biens substitués, & à sa nièce, Mme de Watzdorff (Henriette de Vitzthum), tous ses biens allodiaux, fauf un assez grand nombre de legs qu'on peut lire dans le testament, & parmi lesquels je remarque les suivans : i° Sa vaisselle & une tenture des Gobelins de neuf pièces (les bains de Diane : voyez n° 8 de l'Inventaire de 1727) à Mme de Bothmar pour sa fille, la comtesse d'Erpach ;

20 A la princesse Wiefnovieska, auparavant veuve du comte de Fleming, sa maison de Dresde qu'il avoit achetée d'elle; 3° A M. d'Obenheim, dont nous avons parlé page 118, & depuis lieutenant-colonel de Royal-allemand, 3000 livres de rente ; 4° A M. Milfonneau, son exécuteur testamentaire en France, un diamant de 40 000 livres ou des livres pour pareille somme à son choix ; 5° A son lecteur Martin, 10000 livres; 6° A Mann & Nohr, ses secrétaires, 300 rixdallers de

(1) Lettres de M. Amelot & de M. Lefebvre, des 6, 7, 9 & 11 juin 1737 (Affaires étrangères).


rente viagère & 2000 florins d'empire pour chacun d'eux. Mann eut de plus une petite maison à Dresde attenante à l'hôtel d'Hoym ; 7° A son maître d'hôtel Christian, 1500 livres de pension & la moitié de sa garde-robe, & 2000 florins d'empire, plus 60 000 livres par codicille ; 8° A Teichmann, que nous avons vu si dévoué à Konigftein, 1000 florins; 9° A l'hôpital général de Paris, 50 000 livres ; 10° A un ami non désigné, mais connu de Christian, 20000 livres (en deux dispositions, pages 342 & 346).

Cet ami étoit le colonel de Riedefel, commandant de Konigftein. Il est évident que Riedefel, ancienne connoissance d'Hoym, puisque celui-ci mettoit son nom sur l'enveloppe de lettres adressées à Mlle d'Hamal en 1714 (voyez page 9, note 3), eut le courage de se prêter à la correspondance d'Hoym avec sa famille, & que la dénonciation du jeune Watzdorff étoit fondée. Les 20000 livres mystérieusement léguées à un ami connu de Christian étoient un souvenir de reconnoissance du malheureux Hoym.

Mais le legs qui nous intéresse le plus est celui qu'Hoym fit à Astruc, à la condition d'écrire sa jufiification.

Dans l'inftruétion pour le sieur Christian, son maître d'hôtel&fidèle serviteur, qui est annexée au testament(I), il est dit que sur 200 000 livres que Christian recevroit de M. Milfonneau, 10000 livres feroient remises à M. Astruc (2), après qu'il auroit achevé le travail dont il étoit

(1) Pièces jiiftificatives, iio XLI.

(2) Astruc est un de ces médecins érudits & amis des lettres, comme


chargé. Ce travail consistoit à mettre en ordre tous les écrits & pièces concernant la justification d'Hoym, à en faire un bon mémoire historique avec le secours d'un avocat & à le faire imprimer à Paris ou en Hollande.

M. Milfonneau & Christian devoient fournir tous les documens nécenaires. Le travail des avocats & l'impression du mémoire devoient être payés par Christian en dehors des 10000 livres léguées à M. Astruc.

M. de Watzdorff, craignant que ce mémoire ne mécontentât la cour de Saxe & ne lui attirât quelque affaire désagréable, requit Astruc, en lui payant les 10 ooo livres, de ne point exécuter la clause & condition fous laquelle cette somme lui avoit été léguée, à quoi ledit fleur Aflruc consentit en se soumettant formellement, dit la pièce (i), au désir du comte de Watzdorff, pour ne point écrire ni faire le travail dont est fait mention pour ledit legs.

Cet acre abominable, en date du 18 mars 1738, est figné

le siècle dernier en a produit plusieurs (Falconet, Baron, &c.). Il est fortement maltraité dans la Politique du médecin de Machiavel, fous le nom de Chryfologue (1746, page 29) : Grammaticus, Rhetor, Geometra, Pictor, Aleptes, Attgur, Scenobates, Medicus, lJfagus, omnia tlOvit.

Il est aussi question de lui dans les Lettres (XII) sur les disputes des médecins*& des chirurgiens, 1737, in-4°. Enfin, il y a un éloge de lui par Lorry, en tête de ses Mémoires sur le Languedoc, où il est qualifié d'ami fidèle & dévoué ! Astruc a fait un assez grand nombre d'ouvrages.

Après avoir envoyé, en 1727, au roi de Pologne le chirurgien Petit, qui réussit parfaitement auprès de ce prince & partit de Dresde, disoit M. de Livry, le 27 mars 1727, avec l'estime générale, Hoym efraya, en 1728 & 1729, de faire venir Astruc à la cour de Saxe. Mais ce projet n'eut pas de fuite à cause du peu de goût d'Auguste II pour ce médecin. Malgré les reproches qui lui ont été adressés sur le superficiel de ses connoissances, il est certain qu'il étoit homme d'esprit & d'érudition. Hoym l'aimoit beaucoup.

(i) Délivrance des legs.


Watzdorff, Astruc & Milfonneau. MILSONNEAU, L'EXÉCUTEUR TESTAMENTAIRE d'Hoym, autorise par sa fignaturc cette indigne trahison, ce VOL d'Astruc; Milfonneau, qui s'étoit si loyalement conduit avec Hoym pendant sa disgrâce, ne rougit pas de se déshonorer par cette honteuse connivence !

La baflefTe d'Astruc & celle de Milfonneau font d'autant plus inconcevables & d'autant plus gratuites, que le testament d'Hoym avoit été déclaré exécutoire en France malgré les efforts de la cour de Saxe, fecondés mollement, j'aime à l'espérer, par le comte de Saxe. Astruc n'avoit qu'à requérir le payement de son legs; M. de Watzdorff étoit bien obligé de le laisser payer par Milfonneau, à qui son autorisation n'étoit, pour cela, nullement nécessaire.

Lorry, célèbre médecin de Montpellier, nous apprend qu'Astruc, dont il a fait l'éloge en 1767, avoit laissé dans ses papiers une apologie du comte d'Hoym. Il eut donc du regret de sa conduite, & c'est pour lui une circonfiance atténuante; mais en ne publiant pas son travail, il laissa son repentir sans réparation & sans effet. D'ailleurs, après ce qu'il avoit figné, pouvoit-il vraiment publier cette apologie? J'ai vainement demandé ce travail aux facultés de médecine de Montpellier & de Paris (1).

Ce n'est qu'aujourd'hui que le vœu d'Hoym est exaucé par un de ses compatriotes & par un bibliophile françois, fous les auspices & par la volonté de l'éminente société à laquelle ils appartiennent tous deux. Il l'auroit sans doute été beaucoup mieux par Astruc, bien plus au cou-

(1) Si quelque lesteur avoit connoissance de ce travail d'Astruc, je lui demande inflainment de m'en donner avis. — B. J. P.


rant des affaires d'Hoym que nous n'avons pu l'être cent quarante ans après là mort. Tel qu'il est, ce travail suffira pour établir son innocence & faire connoître son mérite.

Ce mérite, le lecreur a pu l'apprécier dans les lettres d'Hoym, dans son portrait de Dubois, & surtout dans ce que dit de lui en si bons termes le chevalier Schaub dans sa lettre à lord Harrington (notamment pages 299, 30a, 309). Et à ce sujet je me demande comment Hoym n'a pas plutôt chargé Schaub d'écrire sa justification. Il étoit plus que personne à même de le faire en connoissance de cause, & nul doute qu'il n'eût fidèlement & brillamment exécuté le vœu de son ami. Mais depuis 1731 on ne voit plus trace de Schaub dans les nombreux & intéressans papiers que M. de Sahr avoit reçus de Lichtewalde, & Hoym ne lui laissa rien dans son testament. Je me demande s'il ne s'étoit pas brouillé avec Schaub à raison de la lettre du 11 mai 1731, que j'ai donnée aux pièces justificatives, n° XXXVI. Cela feroit regrettable pour la mémoire d'Hoym, & à plusieurs points de vue.

Tous les legs faits par Hoym furent payés sur les fonds qu'il avoit en France. Ceux qu'il avoit en Angleterre, dans la Compagnie de la mer du Sud (environ 45 000 livres), restant en dehors.

D'après le compte de l'exécution testamentaire, les fonds de France s'élevoient à environ 1 700 000 livres.

Dans ce chiffre figuroit le produit de la vente des meubles & livres, pour près de 2.30 000 livres.

Ils étoient estimés, sur l'état de 1727, à 325 413 livres d'acquisition, & à 247 534 de valeur réelle; en 1729, à 441 501 livres, 14 fols, 7 deniers; & en déduisant un quart, comme Hoym faisoit en 1727 pour arriver à la


valeur réelle, à 331 125 livres. Il faut ajouter au chiffre de la vente : la vaisselle, de 35 000 livres; le linge & la garde-robe, de 5000 livres; une tapisserie des Gobelins, de 6000 livres : toutes choses léguées; de forte que l'estimation réelle d'Hoym fut encore au-dessous de la réalisation effeétive d'environ 55 ooo livres.

Sur le compte d'exécution testamentaire, on voit figurer Mlle d'Ormoy. C'étoit une vieille fille d'esprit, généralement aimée & eflimée, amie ou un peu dame de compagnie de Mme de Caumont, & qu'Hoym, en badinant, appeloit sa femme, tandis qu'elle l'appeloit son mari. Il y a des lettres d'elle assez bien tournées sur cette donnée (i).

Elle ne figuroit ni sur le testament, ni sur les codicilles d'Hoym ; mais M. Amelot ayant mandé à WatzdorfF(a) qu'il avoit entre les mains la preuve qu'Hoym (pour qui M. Amelot disoit avoir toujours eu autant d'amitié que de confiance) avoit eu l'intention de lui laisser une rente viagère de 500 livres, & qu'il ne doutoit pas que M. de Watzdorff ne fût porté à remplir cette intention, ce dernier donna à Mlle d'Ormoy une somme de 5000 livres, qu'elle préféra à la rente viagère de 500 livres.

J'ai raconté de mon mieux, dans les pages qui précèdent, la vie de Charles-Henri comte d'Hoym, grâce furtout aux documens si importans & si nombreux des archives de Lichtewalde, que nous devons à M. de Sahr & aux travaux qu'il avoit commencés. Je vais maintenant parler de son goût pour les livres, les tableaux & les arts en général.

(1) Voyez ci-après, p. 200 & 201.

(2) Archives des Affaires étrangères. Pièces justificatives, p. 349.


CHAPITRE IV DE LA BIBLIOTHÈQUE DU COMTE D'HOYM ET DE SON GOUT POUR LES LIVRES CI).

IEN qu'Hoym ait été un homme de beaucoup de mérite & ait joué un rôle important dans l'histoire de son pays, il est probable que sa mémoire feroit aujourd'hui oubliée, au moins en France, s'il n'avoit pas été bibliophile.C'étoit donc

juitice, apres avoir raconté sa vie, de nous étendre un peu sur sa bibliothèque & de parler de son goût si remarquable pour les livres & la curiosité.

(1) Ce chapitre tout fait technique * écrit feulement pour les


Lorsqu'il vint à Paris, l'amour des livres y étoit fort répandu. Outre qu'il étoit alors, je ne dirai pas de mode, mais d'usage, pour tout homme riche ou occupant, foit , dans l'État, foit dans le monde, une certaine position, d'avoir une grande & nombreuse bibliothèque, un nombre allez considérable d'amateurs pleins de zèle & de goût & même d'érudition s'y faisoient remarquer. Le cardinal de Rohan, du Fay, l'abbé de Rothelin, le maréchal d'Estrées, la comtesse de Verrue, Falconnet, & avec un moindre nombre de livres, bien d'autres, que nous ne connoissons que peu ou point, avoient réuni les uns des biblio-, thèques célèbres dans l'Europe entière, les autres de remarquables cabinets (1). Stimulé par le nombre des amateurs & peut-être guidé par eux, encouragé au moins par leurs suffrages, l'art de la reliure étoit parvenu à une perfecrion qu'il n'avoit jamais atteint(2). Quoi de plus na-

(1) Je place dans cette clasie Longepierre, Mme de Chamillart, sa fille la duchesse de Lorges, M. Neyret, le P. Leroy.

(2) Assurément les ornemens des belles reliures du seizième siècle font supérieurs à ceux des reliures du temps de la Régence, mais la dorure n'est que l'accessoire de la reliure, & l'ornement que j'admire sur un livre feroit souvent aussi bien placé sur un autre objet.

Quant à la reliure proprement dite, c'est-à-dire à cet art surprenant dont le but est de donner à cette réunion de feuilles de papier qui n'efi encore qu'une brochure, un vêtement, ou plutôt une forme nouvelle qui la consolide & l'orne en même temps, à unir si habilement, par un bon corps d'ouvrage, ce vêtement à la brochure, que les deux ne font plus qu'un : à donner à cet objet devenu LIVRE, grâce au travail du relieur, par une jufle proportion des chasses, par un dos dont la courbe modérée répond exaélement à la gouttière, par un maroquin parfaitement poli & bien paré, donner, dis-je, à ce livre cet afpeft de régularité, de justesse, d'élégance & de solidité qui satisfait pleinement un œil & une main exercés, c'est là ce que les relieurs de la Régence ont merveilleusement connu, & mieux connu que les relieurs de toute autre époque. Pour moi, une reliure qui n'a de remarquable que la dorure n'cft qu'un cartonnage décoré.


turel qu'un jeune homme studieux, instruit & ayant du goût, prît dans un pareil milieu l'idée de faire une bi- , bliothèque?

Ce feroit, suivant Gabriel Martin, en 1717 qu'Hoym auroit commencé la sienne (1), mais il faut reculer cette date d'au moins deux ans, car on le voit, dès 1715, occupé des Mémoires du cardinal de Retz (pièces justificatives, n° XII), & cette même année Lenglet-Dufresnoy avoit fait sa connoissance chez des libraires où tous deux cherchoient des livres. Il avoit dès lors lié avec lui un commerce littéraire & bibliographique qui avoit dû développer & éclairer chez Hoym ce goût des livres que d'Argenson, dans ses Mémoires, attribue au désir d'imiter l'abbé de Rothelin, je ne fais pourquoi, car nous ne trouvons pas trace, dans les papiers d'Hoym, d'une liaison avec ce célèbre amateur.

De 1720 à 1725, nous avons peu de renfeignemens sur les acquisitions de livres faites par Hoym. Je vois feulement qu'en juillet 1722, M. de Brosse, envoyé de Pologne à la Haye, lui cherchoit une édition de Catulle qu'il auroit voulu avoir. M. Lecoq, ministre à Londres, lui annonçoit en 1721 un Paflor sido, & lui assuroit que M. Robert Sutton(2) avoit trouvé une partie des livres qu'il désiroit.

Hoym faisoit dresser soigneusement chaque année l'état de ses biens meubles & immeubles, mais nous n'avons

(I) Préface du catalogue d'Hovm.

(2) Ce bibliophile anglois étant à Paris, écrivoit à Hoym, le 21 novembre 1721 : Faites-moi la grâce de me mander ce que peut valoir un Montaigne de l'impression de l'Angelier, in-4°, bien conditionné & relié proprement en maroquin. Je viendrai aujourd'hui ou demain recevoir l'honneur de vos ordres pour l'Angleterre. »


ces états que pour les années 1725 à 1728, & il se peut que ceux-là seuls aient été faits. Par l'état de 172.5, nous voyons qu'au ier janvier de cette année sa bibliothèque avoit atteint une valeur de 2.5 000 livres, somme déjà considérable eu égard aux prix du temps. Le ier janvier 1726, ce chiffre avoit plus que doublé & s'élevoit à 55944 livres 7 fols. Cette augmentation considérable résultoit de nombreuses & importantes acquisitions faites par Hoym à la vente de du Fay cette même année 1725.

Cependant, si la vente des livres de du Fay avoit eu lieu, ce n'avoit pas été la faute d'Hoym, car il avoit fait tous ses efforts pour faire acheter en bloc cette collection par le roi de Pologne. Le 18 juin 1723, il écrivoit de Paris à M. Thioly, secrétaire très-capable & très-accrédité de ce prince (1), qu'il venoit d'apprendre que ce cabinet pourroit être à vendre, qu'on étoit aétuellement en marché avec l'envoyé de Portugal (2), lequel en offrait 40000 écus; — qu'on avoit refusé cette offre,

(1) Voyez, page 120, la conduite si recommandable de Thioly au moment de la mort du Roi. Il en fut mal récompensé, mourut pauvre, dépouillé de la direftion des posses. Avoir été ami d'Hoym étoit un crime que Bruhl ne pardonnoit pas.

(2) En 1725, il y avoit à Paris le comte d'Achuna, qui étoit ministre plénipotentiaire du roi de Portugal, & M. Coutinho Azevedo, envoyé extraordinah-e du même prince. Mais je me demande si Hoym n'auroit pas désigné plutôt fous ce titre, comme au numéro II de son Inventaire, Pierre Nolasque Couvay, François d'origine, & qui avoit été ministre de Portugal à Paris. Il étoit bibliophile & amateur de curiosités, & on a de sa bibliothèque un très-rare catalogue in-fb de 1728 pour son usage & un catalogue de vente, Paris, 1755, in-8°. Il y a de lui un trèsbeau portrait de Drevet, d'après Tournière. Voyez aussi sur lui tome III, p. 383 des Mélanges dits de Boisjourdain, un article très-amusant pour les bibliophiles, tiré d'un mémoire fort méchant de l'abbé de Vayrac.

Il faudroit voir la réponse de Couvay, si elle a été imprimée.


mais qu'on pourroit probablement l'avoir pour cinquante mille écus, ce qui ne feroit pas cher. u Cette petite bibliothèque, disoit-il, qui est inférieure en nombre de volumes à celle du feu baron de HohendorfF, que l'Empereur a achetée, je crois, 150000 florins & que le Roi a tant regrettée, est infiniment supérieure pour le choix & la rareté des livres (1), & l'on peut assurer hardiment que c'est une colleétion unique en Europe, & il feroit impossible d'en faire à présent une pareille à aucun prix.

« Il ne l'auroit pas donnée autrefois pour 200 000 livres monnoie forte ; mais à présent qu'il est infirme par l'accident de la paralysie, dont il a été frappé il y a quelques mois, & que d'ailleurs il fonge à établir ses enfans, je crois qu'on en pourroit avoir bonne composition. Je crois que c'est une chose qu'il ne faudroit pas manquer, car c'est une collecrion unique, & le prix est pour ainsi dire au-dessous du modique. Si S. M. jugeoit à propos de faire conclure le marché, je l'arrêterois à mon retour des eaux, &c. «

Thioly répondoit le 31 août que le Roi ayant beaucoup de livres voudroit avoir le catalogue de ceux de M. du Fay avant d'entrer en marché, ainsi que celui d'une collégien d'estampes dont Hoym avoit parlé dans une lettre que nous n'avons pas.

Cependant du Fay mourut, & sa bibliothèque fut vendue en 1725 aux enchères, comme tout le monde le

CI) En effet, fauf des exceptions je le veux bien assez nombreuses, les livres du baron de Hohendortr ne gagnent pas à être vus. Les elzeviers notamment, reliés en maroquin bleu doublé de maroquin rouge, par Boyet fils, à Vienne, font courts, & les reliures très-médiocres. Mais il y a de belles reliures du seizième fièclc.


fait. Hoym fit acheter à cette vente pour 25 339 livres 4 fols de livres par Gabriel Martin; ce grand libraire, sur le catalogue duquel j'ai pu copier les noms des acquéreurs de la vente du Fay, marquoit d'une H ou quelquefois d'une croix feulement les livres qu'il achetoit pour Hoym. Hoym paya par acomptes du 11 juin au 20 décembre. Le 29 janvier 1726, il racheta à Mme du Fay pour 551 livres 10 fols de livres omis ou retirés, & pour 250 livres d'autres livres & manuscrits sur la magie, cabale, &c., à M. de Ramfey, qui les avoit achetés à la vente. Certes, c'est là, pour cette époque surtout, un chiffre considérable ; mais il y a loin de là à ce que j'ai entendu dire à feu M. Brunet & à plusieurs autres perfonries, que la bibliothèque & les reliures d'Hoym étoient la bibliothèque & les reliures de du Fay, sur lesquelles Hoym n'avoit fait qu'ajouter son fer armorié. Les livres provenant de chez du Fay représentoient, comme valeur, moins du quart de la bibliothèque d'Hoym, & probablement beaucoup moins comme nombre. Ces livres, extrêmement bien reliés par du Seuil, Padeloup & Boyet, ont en général des dos à la grotesque ; beaucoup aussi ont le beau fleuron à palmes attribué à du Seuil, ou celui pointillé & à jour de Boyet.

Le journal du grand-livre d'Hoym pour 1725 & 1726 porte encore d'autres dépenses relatives à la bibliothèque pour 1725. Le libraire Debure vendoit pour 60 francs de livres : les fleurs Paflery & Lecouteux (1) recevoient l'un 50 & l'autre 16 livres pour manuscrits, c'est-à-dire

(0 Ce Lecouteux étoit un calligraphe médiocre. Il se dit employé à la bibliothèque du président Bernard de Rieux dans un livre manuferit de prières fait pour la Présidente, en janvier 1723 (chez moi\


pour copies. Le 21 décembre Hoym payoit 840 livres de reliures à Boyet. Un diétionnaire d'Henri Estienne, en 2 vol. in-f° (qui relié en maroquin bleu devoit être vendu 131 livres à sa vente, n° 1423), étoit payé par Hoym 253 livres au sieur Beleftre, médecin, le 30 août : le 7 septembre, Gabriel Martin lui vendoit une Bible polyglotte 325 livres, & une Nova medicina de Pereire 150 livres, le 14 novembre. Ce livre ne se vendroit pas cela aujourd'hui, & ce feroit justice.

Nous avons vu que la valeur de la bibliothèque d'Hoym avoit pasTé, de 25 000 livres au ier janvier 1725, à près de 56000 au ier janvier 1726. Cette année elle ne s'accrut que de peu (i), puisque sa valeur, au ier janvier 1727, étoit de 57 340 livres. Au ier janvier 1728, elle s'élevoit à 60824 livres; mais cette année 1728 on fit la vente des livres de Colbert. Hoym y acheta pour 30 948 livres, plus encore qu'à la vente de du Fay; puis il acheta d'autres livres pour 3022 francs, & dépensa en dorures & gravures 575 livres. Du icr janvier au 3 mars 1729, il dépensa encore 908 livres. De forte qu'au moment de son départ pour Dresde, sa bibliothèque lui coûtoit 96278 livres.

L'année même de son départ, en 1729, avoit eu lieu la vente des livres de Michel Brochard, professeur au collége des Quatre-Nations. A cette vente, les poëtes françois se vendirent très-cher pour l'époque. Il y avoit notamment (n° 1699) une Vraie disant advocate des dames, attribuée à Marot, que Lenglet-Dufresnoy acheta

(1) Je vois feulement 125 francs de livres achetés à la vente du sieur de Camilly, payés à G. Martin le 24 oétobre 172(1, & au 31 décembre 250 francs de reliures à divers.


75 livres contre Hoym. Dans la dédicace du Marot de 1731, il s'excuse d'avoir empêché Hoym d'acheter ce livre, & dit que grâce à lui il le paya trente ou quarante fois sa valeur. Il faut noter qu'il y avoit en outre dans le même volume : Le grand Blason des faulses amours, le Passe-temps de tout homme & de toute femme, & le Livre de Facet, de 1535. — Un Marot de 1596, in-16, en maroquin, fut vendu 50 livres à Hoym.

En 1730, il avoit acheté pour 1917 florins & 3 fols de livres à la vente de la bibliothèque Hulfienne (Lettre d'Hoym à Milfonneau, du 3 décembre 1730). Enfin sur les comptes de Milfonneau on trouve encore, de 1729 jusqu'à la fin, pour acquisition de livres, 15865 livres.

— Pour reliures, 3040 livres. — Pour frais divers, 90 livres. — Pour confection du catalogue en 1732, 6000 livres. Plus tard ce catalogue servit pour la vente, & Martin fils en fit la table, qui lui fut payée 240 livres le 18 janvier 1737. En somme sa bibliothèque lui revenoit, à la fin de sa vie, à 115 273 livres (1), & avec le catalogue à 121 273 livres.

A l'hôtel de la rue Cassette, cette bibliothèque étoit rangée dans deux pièces portant le nom de grande & petite bibliothèque. Les livres étoient placés sur des

(1) Le 30 avril 1735, dans une lettre importante de Dresde que je donne aux pièces justificatives (n° XLII), Christian disoit : « On a demandé, il y a environ deux ans, plusieurs livres à M. Martin, libraire, rue Saint-Jacques, qu'il devoit fournir & faire relier. S'il ne les a pas tous fournis, il ne faut pas en faire acheter davantage ; mais ceux qui font achetez, on achèvera de les faire relier s'ils ne le font pas, & M. Martin en envoiera la lifte à M. Mortier, marchand libraire à Amsterdam, lequel lui fera savoir où & quand il faudra les envoyer. nAinfi le pauvre Hoym s'occupa de livres jusqu'à sa dernière heure. (Voyez le récit de sa mort, page 136, & encore page 206.)


tablettes soutenues par des montans sculptés & vernis.

Les tablettes étoient garnies de soixante-dix petites bandes de moire de foie verte bordées de galon de foie verte aussi. Une grande bande de même étoffe faisoit le tour de la bibliothèque (du haut du meuble). Il y avoit aussi une (& probablement plusieurs) grande armoire à deux battans fermant à clef, les battans garnis de fil de laiton. Ajoutons qu'il est possible qu'Hoym ait encore placé des livres dans ses armoires de marqueterie. Dans l'Inventaire de 1732, on mentionne une toile verte servant à la bibliothèque. Elle étoit sans doute employée à couvrir les livres pendant les abiences du maître.

Quand, après sa disgrâce, Hoym cessa de louer l'hôtel de la rue Cassette & fit porter tout son mobilier dans la rue des Petits-Champs-Saint-Martin (1), ses livres étoient renfermés dans 61 caisses numérotées de 4 à 64. Quatre autres caisses contenoient, savoir: deux, les livres qu'Hoym avoit demandés, puis renvoyés en 1733, & deux autres les livres doubles; enfin un carton contenoit plusieurs livres dépareillés & autres, dont un Térence in-40, qui pourroit bien être celui dont j'ai parlé pages 11 & 158 (2).

La bibliothèque d'Hoym, comme toutes les grandes collections de l'époque, embraffoit l'universalité des connoissances humaines, mais il est facile de voir que la partie des belles-lettres étoit celle qui avoit les préférences du propriétaire. C'est surtout dans celle-là qu'on voit ces doubles, triples, quadruples & quintuples exemplaires d'un même livre, diversement & magnifiquement habillés. On trouve sur son catalogue quatre-vingt-qua-

(1) Aujourd'hui rue Brantôme, nO 8. Voyez page 30.

(2) Inventaire de 1732, pages 15, 18, 19, 21, 34.


torze exemplaires de soixante-dix éditions d'Horace, & cette abondance rappelle ce que lui écrivoit Astruc, consulté par lui sur l'usage du tabac en poudre. Après lui en avoir conseillé l'usage modéré, Astruc ajoutoit : et Je supplie Monsieur le Comte de se souvenir qu'après avoir commencé par avoir un ou deux canaries pour son amusement, il avoit fini par remplir toute sa maison de volières (1). Hoym aimoit les elzeviers, & surtout les latins. Il avoit trois exemplaires du Virgile de 1636, deux en maroquin bleu & un en vélin; quatre de l'Horace de 162.9, dont un exemplaire annoté par lui (2), deux en maroquin bleu, un en vélin & le quatrième en chagrin; quatre exemplaires du Psautier de 1653, dont un en chagrin & l'autre en maroquin citron à compartimens (3).

Il avoit un assez grand nombre de livres imprimés sur vélin. La Bible de Mayence, 1462. (n° 65). La Nef des fols de 1497, maintenant à prefde (4) (n° 1193). Perceforest, provenant probablement de la vente d'Anet en

(I) Note de M. de Salir.

(2) Voyez ci-après, p. 159.

(3) Un de ces exemplaires, relié en maroquin bleu, a péri dans l'incendie de la bibliothèque du Louvre. Ont péri également dans ce sac de Paris par les bandits de la Commune, un Ovide elzevier aux armes d'Hoym, en maroquin rouge, un adorable Virgile de 1636 en maroquin bleu doublé de maroquin citron, que Motteley m'avoit vingt fois promis de me céder. Un Horace de 1629, maroquin bleu très-beau, mais le volume des notes étoit plus grand. Et combien d'autres superbes livres d'Hoym! Le Tite Live & les Iliftoriœ Augufiæ scriptores variorum, maroquin bleu de Padeloup, excmplairede Longepierre à la grande Toifpn,&:c.

Le tout provenant de la superbe bibliothèque que Motteley s'étoit ingéré de léguer à l'Empereur au lieu de laisser ces beaux livres aller aux amateurs héritiers naturels les uns des autres. Je vois encore tous ces beaux livres, mais hélas! ce n'est plus qu'en souvenir!

(4) Voyez page 175.


1725, & aujourd'hui à Monseigneur le duc d'Aumale (n° 274a). Les Vies des Saints, de Pierre de Natalles, 1524 (n° 3377). Le joseph de 1534 (n° 3423). Le Vergier d'honneur, sans date (n° 3768).

En manuscrits, le Bréviaire des Frères mineurs (n°278), qui passa depuis chez MM. de Selle, Gaignat, de la Vallière, Mac Carthy, de Labédoyère, & est aujourd'hui très-dignement placé dans la superbe bibliothèque de M. Dutuit. Un recueil des poésies de Marguerite de France, fœur de François Ier, une Vie de Corneille par Fontenelle.

Un certain nombre d'ouvrages annotés par des gens connus. C'est d'abord un Horace annoté par Brentley (n° 1941). Un Villon avec notes de Ménage (n° 2254).

Un Pétrarque de 1473, annoté bibliographiquement par du Fay (n° 2463). Les Cent Nouvelles, édition de 1574, arrangée par La Motte Roulland, annotée par La Monnoye (nO 2586). Les Épîtres de Cicéron à Atticus, Ratiafti Lemovicum (Limoges). Barbou, 1580, avec notes probablement intéressantes pour les Barbou de Limoges, par Baluze (n° 3114). Chronique de du Tillet, annotée par André Duchesne (n° 3722). Les Médailles de Vaillant, avec les prix de la main d'Ant. Galland (n° 4460).

En livres annotés par Hoym lui-même. 1787 ter, un Térence de l'Imprimerie royale, 1642, relié en maroquin bleu, que le catalogue de M. le baron Portalis décrit ainsi : avec du papier à chaque feuillet ou il y a des interprétations manuscrites très-bien écrites(i). Un Horace elzevier de 1629 (n° 1931), dont la première partie feule paroît

(1) Il me paroît bien probable que ces annotations étoient les mêmes que celles qui font sur un Térence de 1675 in usum Delphini que je possède, & dont Tai parlé ci-dessus, pages 11 & 156.


avoir été conservée, & qui, reliée en maroquin bleu doublé de maroquin citron, large dentelle, m'a été généreusement donnée en 1879 par mon honorable ami M. Turner, l'un des plus grands connoisseurs de notre époque (1).

La princesse Aurélie & la princesse de Paphlagonie, de Mademoiselle de Montpensier, avec des clefs manuscrites de sa main (nos 2.814 & 2815) (2).

Comme tous ses contemporains, Hoym avoit fait large part à cette insipide & odieuse théologie hétérodoxe.

Parmi les sociniens particulièrement recherchés à cette époque, citons un manuscrit autographe de Servet, forte d'esquisse de son ouvrage imprimé, qu'il avoit acheté chez du Fay 176 livres, & qui fut revendu 116 livres feulement à sa vente.

Il faut remarquer la présence, dans la bibliothèque d'un luthérien, de dix-sept éditions de l'Imitation de Jésus-Christ. On y voit l'exemplaire de l'édition de Paris, Desprez, 1719, de la tradudion de Le Maistre de Sacy, qu'il avoit auprès de lui à Konigftein lorsqu'il se tua.

Naturellement ce livre manquoit à la vente; il est plus

(1) Les annotations de cet Horace, qui devoit être une forte de vade-mecum d'Hoym dans sa jeunesse (il y aura fait mettre son fer en 1725), ont beaucoup de rapport avec celles du Térence. Il me semble probable qu'Hoym, pour étudier le génie & les finesses de la langue françoise, s'attachoit à traduire le plus élégamment, & surtout le plus techniquement possible, les grands auteurs latins. Au commencement de son Horace il traduit Jfricus par Soud ouest. Il devoit être jeune quand il faisoit cette faute, dont je n'ai pas trouvé une feule analogie dans les nombreuses lettres & pièces que j'ai vues de lui.

(2) Je vois encore au numéro 919 les Maximes de la Rochefoucauld & de Mme de Sablé, de l'édition de 1714, annoncées sur le catalogue de M. le baron Portalis avec du papier blanc entre les feuillets, lavé & réglé, & sur le même catalogue, au numéro 1833, un Catulle de 1723, aussi interfolié, mais il ne paroît pas qu'Hoym ait réalisé son intention d'imnoter ces auteurs. Pour le premier ouvrage surtout, c'efl: fâcheux.


que probable qu'il avoit été porté à Dresde ou à Lichtewalde, & qu'il est toujours resté en Allemagne. Heureux celui qui le trouvera un jour, s'il n'a pas été détruit !

Mais ce dont les amateurs présens & futurs doivent & devront toujours savoir le plus de gré au comte d'Hoym, c'est du goût & du foin qu'il apportoit à la reliure de ses livres (i). u Jusqu'à la reliure en est distinguée, « disoit l'abbé Antonini dans l'édition de 1734 de son Mémorial de Paris; u peut-être me dira-t-on que c'est peu de chose que la reliure ? Les personnes qui ont vu cette bibliothèque n'en parlent pas ainsi. « Le bon abbé ne connoissoit évidemment ni les livres ni les amateurs d'alors, car si la reliure eût été regardée par tout le monde comme si peu de chose, les du Seuil, les Boyet, les Padeloup n'auroient pas été employés, & leurs talens ne se feroient pas développés.

La magnificence de cette bibliothèque a été aussi cé-

(1) J'ai vu sur un exemplaire de son catalogue la note suivante, qui indique l'effet que les reliures d'Hoym produifircnt dès l'origine. Notons que la plupart de ces livres ont été estimés au-dessus de leur vraie valeur à cause qu'ils étoient des mieux conditionnés & de la reliure la plus riche & la plus belle. Signé Le Chartier, curé de Notre-Dame de C.ille, près Rouen. - Mon collègue, M. le baron Roger Portalis, possède un exemplaire curieusement annoté, où j'ai pris quelques renfeignemens que je ne vois pas ailleurs, & il contient, sur les reliures & sur les prix des exclamations vraiment comiques. Au numéro 430, Imitation de 1662, in-12, vendue 12 livres, il s'écrie : Folie ! Au numéro 431, Éd. de 1663, in-i2, maroquin citron, vendu 15 livres 5 fols, plus grande folie! Au numéro 432, Imitation de 1663, in-8, maroquin rouge, vendue 36 livres 12 fols, encore plus grande folie! Au numéro 93, Psautier de Simon de Colines, 1541, in-16, maroquin rouge à compartimens, vendu 16 livres, il dit : Par rapport à son habit, qui est superbe! Pauvres bibliophiles du dix-neuvième siècle, où trouverions-nous de superbes habits de livres à 16 francs!


lébrée par Lenglet-Dufresnoy, qui étoit un juge compétent. Il regardoit cette bibliothèque si nombreuse & si bien choisie comme un des prodiges de la littérature (i).

A cette époque, où Part de préparer les maroquins étoit encore nouveau en France (2) & où les communications étoient beaucoup moins faciles qu'aujourd'hui, une des difficultés pour obtenir de bonnes reliures étoit d'avoir de bon maroquin, & les amateurs faisoient d'actives démarches pour se procurer des peaux du Levant.

Le plus difficile à avoir étoit le bleu ; mais que le comte d'Hoym y a bien réussi, & quels beaux livres en maroquin bleu nous voyons encore de lui! Certainement la robe couleur du temps de Peau-d'âne devoit être de ce bleu-là (3) !

La position d'Hoym lui donnoit d'assez grandes facilités pour obtenir de ces précieuses peaux. La Pologne étoit alors l'entrepôt du commerce de la Turquie avec le nord de l'Europe. Montargon, dont j'ai parlé ci-deuus, page 32, lui en achetoit quelquefois à Varsovie. En juillet 1721, il avoit prié Hoym de recevoir quelques peaux

(1) Dans sa dédicace du Marot de 1731. Voyez aussi aux pièces justificatives (n° XLIII) un article remarquable de l'abbé Desfontaines sur la bibliothèque d'Hoym.

(2) C'est vers 1692 qu'on commença à faire des maroquins en France, & il semble qu'ils étoient surtout destinés aux chaussures (voyez le Livre commode, édition Fournier). Le maroquin du Levant est souvent sec & s'écrase mal. On en voit de tels dans les anciennes reliures aussi, & je me demanderois si les plus beaux maroquins anciens qui n'ont pas cette sécheresse ne feroient pas françois. Mais il paroît difficile qu'un art encore si nouveau en France ait pu être dès lors en état de dépasser celui des ouvriers du Levant.

(3) Voyez surtout le superbe Pétrone de 1677, aujourd'hui chez mon collègue & ami M. de Lignerolles, possesseur d'une des plus admirables bibliothèques de Paris, & très-grand connoisseur.


de maroquin destinées à des personnes qu'il ne nomme pas.

u Je vous affure, lui répondoit Hoym, dans une lettre dont j'ai le brouillon fous les yeux, que je n'en auray pas moins (d'attention) pour ce que vous avez bien voulu m'adresser, dont on aura grand foing, surtout des peaux de maroquin, qui feront gardées fort, fort soigneusement : chez moi s'entend, car vous jugez bien qu'il est difficile qu'elles arrivent jusqu'à ceux à qui vous les destinez, & que si c'était là votre intention, ce n'étoit pas à moi qu'il les falloit adresser. Vous pouvez donc, Monsieur, mander à ceux que cela regarde, de s'en détacher. J'espère que vous voudrez bien n'en être point fâché, sinon ce fera une querelle que vous aurez avec les sieurs Boyer (fie) & du Seuil, qui font gens que vous ne voudriez point vous mettre sur les bras si légèrement! «

Montargon lui répondoit de Drcfde le 16 août 1721 qu'il avoit promis & annoncé ces peaux, mais que pour ne point encourir la disgrâce de MM. Boyer & du Seuil il lui en feroit venir de Varsovie la quantité qui lui plairoit, pourvu qu'il ne voulût que du jaune & du rouge, car pour des bleues il ne s'en trouve point (1).

Il résulte de ces deux lettres que du Seuil (2) relioit

(1) Hoym avoit, au mois de janvier 1727, 468 peaux de maroquin.

On en peut voir le détail page 31 du volume de Preuves, noS 219 à 274 de l'Inventaire.

(2) Les Anglois ont imagine de lui donner la qualité d'abbé, & il est désigné ainsi à chaque page du très-curieux catalogue de Louis-Henri de Brienne, Londres, 1724, in-8° de vu & 143 pages. Remarquons que Louis-Henri de Brienne n'a guère pu faire relier de livres par du Seuil, car il mourut en 1698, alors que du Seuil, né en 1673, avoit vingtcinq ans. Inutile de dire que sur les comptes d'Iloym, pas plus que


pour Hoym. Je l'ai vu au reste aussi sur Ion Livre-Journal, où il est porté (page 115, au 31 décembre), comme ayant reçu un à-compte de 96 livres pour reliures, le 24 août 1725. Quant à Boyet, il a relié jusq n'à la fin pour Hoym (encore en 1732). Boyet, du Seuil & Padeloup faisoient ses belles reliures ; ses reliures communes étoient faites par Jacques Girou qui fut syndic des relieurs en 1718; il étoit mort en 1750.

Après le départ d'Hoym & ses malheurs, peu de livres furent reliés par ses trois grands relieurs. Ainsi, du 21 juin 1729 jusqu'à la fin du compte d'exécution testamentaire, Padeloup ne figure sur les comptes de Milfonneau que pour 914 livres, savoir : le 9 mai 1732, pour 76 livres; le 19 oétobre 1735, pour 670 livres, & pour 168 livres le 16 juillet 1738; Boyet (1) pour 183 livres feulement le 14 avril 1732, tandis que Girou reçut dans le même laps de temps 2007 livres 10 fols, & Bailly (2), doreur de livres, 103 livres. Je suppose que ce dernier étoit chargé d'appliquer le fer armorié d'Hoym sur les livres. Malheureusement il ne nous est resté aucune facture de tous ces relieurs, ni au reste d'aucun autre ouvrier ou marchand.

Tout le monde a vu de ces reliures aux armes d'Hoym,

dans la lettre d'Hoym à Montargon, il n'a le titre d'abbé. M. Thoinan, à qui nous devrons bientôt un livre sérieux sur la reliure, a trouvé que du Seuil avoit épousé une Padeloup, & en réparant ce qui n'est pas trèsabbatial.

(i) Luc-Antoine Boyer (ftc), relieur privilégié, suivant la cour, en 1718. État de la France, 1718, tome I, p. 627, (avec Louis Dubois) en 1726 & 1736. P. F. Sureau, relieur du Roi, en 1749. Ant.-Michel Padeloup, relieur du Roi, & Pierre Anguerran Cftc), 100 livres de gages.

(2) Probablement Martin Bailly, vivant en 1700, qui fut garde en 1711. (M. Thoinan.)


portant, imprimé en taille-douce, sur un petit papier collé habituellement sur le premier feuillet du volume : Padeloup le jeune, relieur, place Sorbonne, à Paris (1). Plus tard on voit sur de semblables étiquettes le nom de Padeloup, relieur du Roy. Il n'est pas douteux que le Padeloup le jeune de 1732. est le même qu'Antoine-Michel Padeloup, depuis relieur du Roi (État de la France de 1749), & que ces deux étiquettes désignent le même relieur à deux époques différentes.

Il semble que ce Padeloup le jeune, d'un esprit inventif, aimoit à faire des reliures personnelles & spéciales au grand amateur qui l'employoit. C'est ainsi que quelquefois la dentelle intérieure à petits fers des volumes doublés est formée par des aigles couronnés de l'ordre de l'Aigle-Blanc. J'ai eu ainsi le Psalterium Davidicum de Van den Campe, imprimé pour le maréchal de Montmorency, par Gomer Étienne, en 1555, & il y a à la Bibliothèque une Missa latina de 1557, à cette même reliure.

(1) Son adresse est donnée d'une manière plus précise à la fin d'un article très-curieux du Mercure de novembre 1753 (page 159) sur la galerie de Versailles, par Masse. Les personnes, efl-il dit dans cet article, qui voudroient avoir la Galerie de Versailles reliée, peuvent s'adresser au S. Padeloup, relieur du Roi, au coin de la place de Sorbonne. C'est, dit l'article, le seul qui en ait relié jusqu'à présent. La rue de Cluny faisant le coin N. 0. de la place Sorbonne, cette adresse concilie les actes cités par Jal où Padeloup est dit demeurant rue de Cluny & son étiquette qui dit place Sorbonne.

Claude Perrot, veuve de ce Padeloup, garda quelque temps le titre de relieur du Roi. Son étiquette, que j'ai sur la Science dit Gouvernement, de M. de Réal, 1761, in-40, est ainsi conçue : Relié chez la veuve Padeloup, relieur ordinaire du Roi, place de Sorbonne, à Paris. Plus tard, en 1782, elle ne prend plus le titre de relieur du Roi sur une étiquette beaucoup plus grande que les anciennes que j'ai vue sur un exemplaire du Théàtre de Bordeaux, 1782, in-f" mar. rouge. Elle demeuroit toujours place Sorbonne & nvoit alors cinquante-quatre ans. (V. Jal.)


M. le baron James de Rothschild,. qui est à la fois un bibliophile de très-bon goût & un savant littérateur, ponede un volume tout à fait remarquable fous ce rapport, c'est le Catulle d'Alde, 1502. (n° 1819). Le livre, figné sur le titre de Padeloup le jeune, est orné sur les plats d'une forte de quadrille qui n'est pas toujours trèsrégulier. Sur le dos il y a, dans trois entrenerfs, l'H d'Hoym sur des petites pièces de maroquin rouge; le livre est doublé de maroquin citron, bordé de maroquin vert, sur lequel est une large dentelle à petits fers : aux quatre coins, dans des cercles, l'H d'Hoym, placée avec une grâce extrême; sur les plats intérieurs, ses armes.

Grâce à l'amabilité de M. le baron de Rothschild nous avons pu donner à nos ledteurs la représentation de ce beau livre.

Mais ces reliures, signées de Padeloup le jeune, quoique assurément fort belles, font à mon gré inférieures à d'autres dont je vais parler. Ces reliures font souvent en veau fauve avec des dos à la grotesque (i); les plus belles font habituellement faites de cet admirable maroquin bleu dont j'ai parlé & doublées de maroquin citron (j'en ai aussi une doublée de rouge). Celles que je crois faites pour Hoym portent souvent une petite rosace faite d'après un dessin retrouvé avec d'autres dans les cartons de Lichtewalde, que M. de Sahr avoit fait copier pour moi (voyez n" 8 de la planche des fers exécutés ou projetés d'Hoym). D'autres volumes de cet admirable relieur font

(1) Les relieurs appeloient ainsi dans ma jellnerre, évidemment par tradition (& je vois avec étonnemeiit que beaucoup d'entre eux ne connoissent plus ce nom), ces dos formés par un ornement courbe superposé & répété. Ce fer a été employé aussi par Padeloup & il Y en a plu- sieurs variétés.


reliés à compartimens de couleur avec une perfeétion qui n'a jamais été égalée.

Le maroquin a une consistance & un poli qui le font ressembler à du métal, qualité que je n'ai jamais vue, au moins à un point aussi frappant, dans les maroquins des reliures signées Padeloup le jeune. Le battage est excellent : le corps d'ouvrage a un moelleux, une élasticité, une souplesse & en même temps une solidité que la main d'un vrai bibliophile fent & goûte avec un plaisir infini.

Quand le livre s'ouvre, le dos se prête à ce mouvement sans effort, on peut dire avec grâce, & les feuillets changent de position & d'afped sans cesser de faire un tout, sans perdre leur douce cohésion. La coiffe est baffe & modeste, par opposition aux coiffes vigoureuses de Boyet.

La dentelle intérieure, toujours à petits fers, est large, & le volume est protégé contre le maroquin de la doublure par une feuille double de papier à aiguilles ou par une double feuille de papier doré. Les chasses de quelquesuns de ces beaux livres font remarquablement & audacieusement baffes; un peu plus ce feroit un défaut, mais, telles qu'elles font, elles donnent beaucoup de grâce au volume, dont elles dépassent à peine la tranche (i).

Quant aux reliures à compartimens, elles font souvent à quadrilles. Plusieurs exemplaires du Daphnis & Chloé de 1718 font ainsi reliés. M. de Rothschild a un Office de la Toussaint de 1720, relié de cette façon, & dans la perfeétion. Il existe de ces reliures où le dessin n'est plus un ornement répété, mais un bouquet d'une exécution

(1) S'il faut citer quelques-uns de ces beaux volumes, je nommerai le Roman de la Rore, du comte d'Hoym, & une Bible de Legros, qui étoient à ma vente & m'appartiennent encore aujourd'hui.


beaucoup plus difficile. Je citerai dans ce genre des Heures de cour de Senault, que possedoit M. Leber (n° 165), & des Heures de Noailles, 1712, en deux volumes, qui m'appartiennent (1).

Pendant longtemps j'ai attribué ces admirables reliures à Philippe Padeloup, frère aîné d'Antoine-Michel, & syndic des relieurs en 1726. Ce qui me les faisoit croire de lui, c'étoit : io ces larges dentelles qu'on appeloit jadis à la Padeloup, quoique Boyet & d'autres relieurs en aient fait aussi; 20 l'identité de corps d'ouvrage reconnue par Bauzonnet entre ces reliures & ces belles reliures à compartimens qu'on attribuoit généralement aussi à Padeloup. Mais je me. fuis demandé comment un tel relieur, si supérieur à Padeloup le jeune, n'auroit pas été relieur du Roi à une époque où tous les fournisseurs du Roi étoient, il faut le reconnoître, les meilleurs en tout genre; comment surtout, si Hoym a employé deux Padeloup exerçant simultanément, on ne trouveroit pas deux Padeloup cités dans ses comptes.

Cette dernière circonstance m'a semblé prouver d'une manière décisive qu'il n'y a pas eu deux Padeloup ayant été d'habiles relieurs, mais qu'il n'y en a eu qu'un seul, lequel est Antoine-Michel.

Maintenant nous savons qu'Augustin du Seuil, né en 1673 & mort en 1746 ( z), a été un excellent relieur.

(1) Voyez aux pièces justificatives, Inventaire de 1727, numéro 80, page 21, un fauteuil à la Verrue, couvert de maroquin citron à compartimens de maroquin bleu. Qui avoit pu faire un pareil travail? pour qu'il fût solide, n'étoit-il pas nécessaire que les compartimens bleus fussent fixés autrement qu'avec de la colle? Peut-être étoient-ils cousus avec des fils de foie disposés pour contribuer à l'ornementation & faire, par leur couleur, un dessin jaune & doré sur le maroquin bleu.

(2) Un (avant bibliographe a publié, dans les Miscellanées bibliogra-


Il a été relieur du Roi, il a relié pour Hoym, il est cité dans ses comptes, dans les catalogues de l'abbé de Rothelin & de M. de Selle. Quelles font ses reliures? Si l'on s'en rapporte à la tradition, ce feroient celles à double encadrement sur les plats bien connues des amateurs, mais ces reliures font presque constamment sur des livres de 1680 à 1690 dont elles paroissent tout à fait contemporaines. Or du Seuil, né en 1673, n'a pu relier ni en 1680 ni même en 1690, & la tradition est fausse. Où donc reconnoître les reliures de du Seuil si ce n'est dans ces superbes reliures dont je viens de parler & dont on trouve plusieurs avec les armes d'Hoym pour qui du Seuil a relié? Un autre argument que je pourrois peut-être qualisier de preuve vient encore confirmer ma pensée. Du Seuil est qualifié de relieur de la duchesse de Berry dans l'acle de décès de sa femme du 19 février 1714. Or je ponede un volume de prières aux armes de la duchesse de Berry entourées d'une cordelière, c'est-à-dire relié lorsqu'elle étoit veuve (1714 a 1719). Ce volume, en maroquin citron doublé de maroquin rouge à large den-

phiques de M. Rouveyre, un mémoire de du Seuil, qui est bien Augustin, le relieur du Roi, ce dont il a tort de douter, aucun des fils de du Seuil n'ayant été relieur. Sur ce mémoire (page 196), je vois un exemplaire du deuxième volume du Catalogue des manuscrits du Roi, relié en maroquin, avec les armes & la grande dentelle à feuilles de chêne. Cette large dentelle, copiée sur un ornement très-employé vers 1660, est bien connue : une guirlande de feuilles de chêne s'enroule autour d'une branche de laurier. Plusieurs exemplaires de Y Armoriai de Paris, de Beaumont (1741), font ainsi reliés. J'ai vu jadis chez Crozet un superbe exemplaire du Boileau de 1718, relié en maroquin rouge avec cette dentelle & doublé de maroquin citron, que j'eus la sottise de ne pas prendre pour 80 francs. Crozet prétendoit que les livres de Samuel Bernard portoient cette dentelle (elle a été encore employée ultérieurement, mais rarement). C'est à M. Thoinan que je dois toutes ces dates précises que je donne ici.


telle, a des chasles très-baffes & semble tout à fait de la même main que les reliures dont j'ai parlé ci-dessus.

Quant aux reliures à compartimens, il faut compter avec Jacques-Antoine Derome, né vers 1696, reçu maître le 15 juin 1718, garde en 1737, demeurant en 1759 rue Saint-Jacques, mort en 1762. Ce Derome, que je m'étonne de ne pas voir citer dans les catalogues où il est parlé des autres grands relieurs, a fait des reliures à compartimens qui ont tout à fait l'afpecr de celles de du Seuil & que j'aurois attribuées à ce dernier si elles ne portoient sur le titre une étiquette au nom de J.-A. Derome, rue Saint-Jacques (1).

Padeloup le jeune a fait aussi de ces reliures à compartimens, mais elles ne semblent pas avoir la perfection de celles de du Seuil. Le grand écueil, que n'ont évité ni Padeloup le jeune ni plus tard Derome jeune, c'est de laisser du vide entre l'ornement de couleur & le maroquin du fond (habituellement citron); le vide le plus léger ôte à l'ornementation sa régularité & en détruit l'harmonie.

Hoym avoit plusieurs ouvrages ainsi reliés à compartimens de couleurs. J'en ai relevé sur son catalogue six à fond de couleur citron : ce font letpfautier elzevier de 1653 (le quatrième exemplaire du n° 107) ; lesLibri Salomonis de Colines, 154a (110); le Bréviaire des Frères mineurs (278), que j'ai vu paffer en 1837 à la vente de notre regretté collègue M. le comte de Labédoyère, personne ne se doutant qu'il avoit appartenu à Hoym

(1) Il fut le père de Nicolas Derome, dit le jeune, reçu maître en 1748, demeurant rue des Chiens en 1759, où il relioit suivant moi bien mieux (reliures à la toile d'araignée) que lorsqu'il se transporta rue Saint-Jacques, près le collége du Pledis.


(voyez page 158) (1); une Imitation elzevier sans date (427); le Catulle d'Alde, 1502 (n° 1819); celui de 1543 (182.2).

Je vois encore relié à compartimens un Tibulle de 1567, en maroquin rouge. Cette couleur me fait penser que c'étoit une vieille reliure comme celle du numéro 93, Psalmorum liber, 1541, in-16, &c., & encore comme ces six volumes des Vies de Plutarque de 1567-74, triple du numéro 4587, qu'un de mes catalogues porte comme étant en maroquin de différentes couleurs, doré à compartimens, lavé, réglé, première reliure (les œuvres morales en vélin). Je rangerai encore dans la même catégorie le n° 3490, Tite Live in-fo d'Alde, 1555, en veau doré antiqué sur tranche, & peut-être aussi le n° 3489.

C'est Boyet qui avoit relié la collecrion des Variorum & celle des auteurs in usum Delphini. Ces collections doivent exister intacres quelque part, car on n'en trouve pas de volumes séparés , si ce n'est des doubles. Les Variorum se trouvoient chez M. Brinon de Caligny, syndic de la Compagnie des Indes, en 1739. Si, comme cela est probable, cette collecrion étoit reliée de la même façon qu'un superbe Panégyrique de Pline, qui fut acheté par M. Bocher à ma vente en 1869, chaque volume portoit sur le dos l'H à l'aigle d'Hoym & étoit doublé de maroquin avec une roulette en dedans.

Boyet s'est en général borné à orner ses doublures d'une simple roulette. Il a de préférence mis ses larges

(1) Nous donnons ici la reproduction de l'admirable reliure de ce beau livre. M. Dutuit, qui le possède avec tant d'autres livres magnifiques & tant d'autres objets précieux recueillis avec un rare discernement, a bien voulu nous permettre de reproduire cette reliure (que j'attribue à du Seuil).


dentelles à petits fers à l'extérieur des volumes, & quelquefois il a orné ses doublures de dessins d'un goût exquis, rappelant ceux des reliures de Louis XIV jeune & d'Anne d'Autriche. Outre la différence des époques, on ne peut attribuer les reliures dont je parle ici au relieur de Louis XIV jeune. Ces dernières reliures n'ont pas la fermeté de corps d'ouvrage des reliures de Boyet, & les châties font moins régulières & moins ferrées au volume.

Je crois que Boyet' a parfois mêlé les maroquins verts & rouges sur le dos, & quelquefois sur le plat de ses reliures. Ses reliures font bien désignées & caracrérisées par ce fait qu'il a relié les Variorum d'Hoym & les livres de Bellanger. Or, j'ai eu un Rabelais de 1711 en maroquin orangé (mal indiqué comme rouge sur mon catalogue, 1869, n° 71a), couleur très-rare, & j'ai encore deux volumes très-rares sur les Songes, reliés ensemble (Anselme Julian, 1598, & Artemidore, 1581,11° 1746 du catalogue Bellanger, 1740), qu'on peut à coup sûr affirmer être bien les exemplaires de Bellanger, lesquels m'ont permis de reconnoître le caracrère des reliures de Boyet & ses fers. Il a souvent employé sur le dos de ses volumes le fleuron à jour à contours pointillés. Les reliures de Ponchartrain font encore de lui(i).

C'est à Girou qu'on doit, comme nous l'avons dit, attribuer les reliures ordinaires en veau fauve ou brun de la bibliothèque d'Hoym. Ses reliures en veau fauve

(1) La publication remarquable dont j'ai parlé ci-dessus, pages 169 & 170, a éclairci un fait que je ne pouvois pas admettre. On attribuoit toujours à Boyet les médiocres reliures du prince Eugène ; il ressort d'une quittance de Boyet fils, datée de Vienne, 15 septembre 1735, que ce relieur, fils du grand relieur dont nous parlons, étoit établi à Vienne. C'efl: lui & non ion père qui a relié pour le prince Eugène.


font sans filets, & les gardes de papier à aiguilles, de qualité inférieure, font collées assez négligemment pour laisser un intervalle entre elles & la roulette ou pour monter sur celle-ci. Les dos font cependant d'un afpecr bon & régulier, & ce font encore des livres agréables à posséder.

Il est bien à regretter qu'on n'ait pas confervé les factures des relieurs d'Hoym. Nous y aurions trouvé pour cette époque les documens les plus précieux sur l'histoire de la reliure, car nous aurions certainement retrouvé la désignation de livres connus, & nous aurions pu nommer à coup sûr le relieur qui les avoit faits, tandis que fauf pour les reliures de Padeloup le jeune, nous en sommes réduits aux con jectures. Peut-être, & je le crois ainsi, nos neveux feront-ils plus heureux que nous.

Il faut bien savoir que si, ce dont je ne doute pas, Hoym a fait relier des livres dès 1720 ou environ, il n'a pu faire mettre sur ces livres les fers que nous connoissons qu'en 1725, car c'est feulement cette année que, après avoir reçu l'ordre de l'Aigle-Blanc, il fit graver ses fers armoriés par le sieur Cruchet (1), & qu'il acheta des croix au joaillier Charpentier. Les insignes de cet ordre ornent son écusson d'une manière élégante & ont été mariés avec beaucoup de goût à l'initiale de son nom sur le dos de beaucoup de ses livres. Il ne paroît pas qu'il ait fait graver de fers avant cette époque, car sur ses livres je n'ai jamais vu ses armes qu'avec l'Aigle-Blanc.

Outre le fer dont nous connoissons quatre grandeurs, il en a employé encore un autre moins élégant que je n'ai

(1) 10 may 1725. Au sieur Cruchet, pour un fer à dorer des livres, 60 livres. Hoym avoit des fers armoriés de quatre tailles différentes; il est probable que les trois autres furent payés par Gabriel Martin ou par Christian.






vu que sur un registre de ses comptes, & il y a aux quatre coins de ce registre un chiffre C H entrelacé qui est du meilleur goût. Nous les avons fait graver (n08 1 & 9 de la planche des fers). M. de Sahr avoit eu dans ses papiers un dessin de ses armes, très-joli aussi, dont il a joint une photographie à la lettre tirée à 30 exemplaires qu'il m'adressa en 1870 (1). L'entourage des armoiries n'est plus cette guirlande à feuilles de chêne souvent répétée, qui entoure le fer employé par Hoym. Ce font des serpens entrelacés, des palmes, &c., & l'effet est supérieur, felon moi, à celui du fer connu. J'ignore quelles furent

les raisons qui empêchèrent Hoym de donner la préférence à ce beau dessin, qu'on trouvera dans la planche des fers (n° 3). (Je l'ai fait exécuter pour moi.) Au dix-huitième siècle il étoit d'un certain ton, pour les gens dans une grande position, de n'avoir des livres qu'à leurs armes. On en voit la preuve dans ce qu'écrivoit, en 1771, l'entrepreneur de la bibliothèque de Mme du Barry (a). Hoym aimoit certainement, & avec raison, à voir figurer sur ses livres les armes qui devoient les illustrer un jour & faire paffer son nom & son souvenir à la postérité. J'en ai la preuve par l'apposition de son fer sur un Diodore de Sicile de 1585, ayant appartenu au car-

(i) M. de Sahr m'a aussi fait copier des dessins de rosaces qui ont été exécutés en petit (ce font ceux dont il parle dans la lettre à moi adressée en 1870; ils ont été aussi reproduits). J'ignore qui faisoit ces dessins pour Hoym, mais leur exifience prouveroit au besoin quel foin il apportoit à ses reliures & la part qu'il prenoit personnellement à leur exécution ou au moins à leur conception.

(2) Il dit que la reliure des livres achetés en vente devenoit inutile, parce qu'ils étoient tous portés chez Redon, relieur (& quel relieur!), qui les relioit aux armes de la comtesse. Cette habitude-là a dû faire casser bien des belles reliures anciennes (voyez Paul Lacroix, catalogue des livres de Mme du Rarry, 1874, in-12).


dinal de Bourbon (depuis Charles X) (n° 209 de mon catalogue). M. Cigongne possedoit également un très-bel exemplaire de la Rhétorique de Pierre Fabry, Paris, 1537, in-8°, portant sur le plat les armes d'Hoym & sur le dos les double W des Sully (j'ignore à quelle époque ces jolis livres font fortis de cette maison), mais je ne me figure pas qu'il ait fait cafTer des reliures anciennes remarquables pour y faire substituer la sienne (1).

Il est certain que les Capitulaires de Baluze en G. P.

étoient l'exemplaire de Colbert (n 731 & préf. A, v°).

On voit un Virgile de Venise, 1539, 2 vol., aux armes de François Ier (n° 1847) & à la Salamandre ; un Psautier de 1587 aux armes de Henri III (142); Robortellus sur Aristote, Florence, 1548, exemplaire de Henri II (1579) ; une Bible de Cratander (n° 88), maroquin bleu, est indiquée exemplaire de Henri III sur le catalogue d'Hoym du baron Portalis (2.). Huit (3) exemplaires de Grolier aux nos 815, Jamblicus, 1516, in-f; (1893) Horace de Strasbourg, 1498; (2027) Lucain d'Alde, 1502; (2462) Pétrarque manuscrit; (3136) Philelfe de 1502; (3140)

(1) Il n'auroit pas non plus fait casser sans une espèce d'ingratitude ce livre que lui donna le duc d'Antin le 27 juin 1723, dans les termes fuivans : « Je fuis trop ait'e, MonGeur, de trouver une petite occasion de vous faire plaisir pour la manquer. J'ai remis au porteur de la lettre que vous m'avez fait l'honneur de m'écrire le livre que vous souhaitez, &c. Le duc d'Antin avoit hérité des livres de Mme de Montespan, sa mère, & il avoit outre cela des livres très-bien reliés à ses armes. Son fer est beau. J'ai vu de ses livres portant sur le titre : Bibliothèque de Petitbourg. Il avoit donc une bibliothèque à ce beau château.

(2) L'annotateur pourroit bien s'être trompé, & cette bible être celle de Henri II, revêtue d'une superbe reliure où le bleu domine & qui appartient aujourd'hui à M. Dutuit.

(3) M. de Lincy n'en indique que cinq, page 309, mais il cite encore, page 250, les lettres de Philelfe, 1502, qu'il a omis de porter à la récapitulation. Columna & Jamblicus lui ont échappé.


Bembo de 1538; (3432) Guy de Columna, 1494, & (3682)le Machiavel de 1540.—Tous ces beaux & curieux livres ne portoient certainement pas les armes d'Hoym & font néanmoins ses exemplaires. J'en dirai autant du Rabelais de 1533, relié en velours noir, & de ses reliures en chagrin [N. Testamentum Groecum, 1633 (37)] ; la Bible de Richelieu, 1656 (80) ; le quatrième exemplaire de l'Horace de 1629 (1931), & peut-être de la Bible de Sedan Jannon, 1633, annoncée en maroquin rouge vieux. Si à ces volumes on ajoute ceux reliés à compartimens, il en ressort qu'un certain nombre de livres ayant appartenu à Hoym ne porte pas la trace de cette illustre provenance.

Disons encore que quelques-uns de ses livres ont été cafrés, plusieurs probablement pour recevoir la reliure spéciale de quelque grande bibliothèque, d'autres parce qu'ils étoient en veau & qu'on les jugeoit dignes d'une plus riche reliure; c'est ainsi que je vis chez Bauzonnet, il y a bien des années, un Chevalier délibéré, je crois, qu'on avoit retiré d'une reliure en veau fauve d'Hoym. Bauzonnet me donna les cartons, & je les ai confervés. J'ai vu aussi à Dresde, à la Bibliothèque publique, la Nef des Fols, de 1497, imprimée sur vélin, qui étoit en velours chez Hoym, & que Brühl, qui l'acheta à la vente d'Hoym, fit recouvrir d'une reliure sans nom par un bourrelier ou corroyeur de Dresde, car un pareil massacreur de livres ne peut pas s'appeler un relieur. Ce magnifique volume porte en dedans les armes d'Albret, écartelées de celles de France, avec la devise : Espoir me nuyt. Les miniatures font fort belles, contre l'ordinaire des livres imprimés sur vélin.

Si plusieurs des livres portés au catalogue d'Hoym ne


portent pas ses armes, il en est d'autres qui portent ses armes & qui ne font pas au catalogue.

D'abord il y avoit, comme je l'ai dit plus haut, quantité de doubles, & le catalogue imprimé n'annonce jamais qu'un exemplaire ; aussi est-il essentiel d'avoir un exemplaire qui donne bien tous les doubles, ou au moins qui en donne beaucoup (1). Ensuite, certains livres ne furent pas mis au catalogue, peut-être par des scrupules politiques résultant de la position qu'avoit eue Hoym à la cour de France. La Bibliothèque de l'Arsenal possède un exemplaire de VHiftoire amoureuse des Gaules, édition à la renommée, en maroquin rouge, large dentelle de du Seuil, que je n'ai vu figurer à aucun endroit du catalogue d'Hoym.

Enfin il est certain, & il résulte même des correspondances, qu'Hoym fit venir des livres en Allemagne, & il ne paroît pas qu'ils aient tous été renvoyés pour être vendus à Paris. J'ai vu en 1869, au château de Lichtewalde, un Tite Live de l'édition in usum Delphini, en veau fauve, & depuis deux ou trois ans j'ai vu encore d'autres volumes qui ne figurent sur aucun des catalogues d'Hoym, très-soigneusement annotés, que je possède ou que j'ai vus : tels font le curieux Térence de 1675 in usum Delphini dont j'ai parlé ci-dessus, page 11, & qui a été si remarquablement commenté par Hoym, & le Discours sur l'Histoire universelle, de Bossuet, 1681, in-40, en veau fauve, &c. Par l'afped de ces livres, il est impossible de douter qu'ils ne soient bien réellement les exemplaires du comte d'Hoym.

(1) Je ne vois figurer sur aucun de mes catalogues le Diodore de Sicile, dont j'ai parlé ci-dessus, page 173.


Je crois que c'est ici le lieu de parler d'un hommage que reçut le goût d'Hoym pour les livres. Ce fut en 1731, l'année même où il devoit être disgracié, que deux ouvrages lui furent dédiés : l'édition allez remarquable du Marot de 1731, par Lenglet-Dufresnoy, & l'édition donnée en Hollande des Mémoires de l'Académie des Inscriptions, par le libraire Changuion, d'Amsterdam. Il y a, dans les archives de Lichtewalde, la lettre en date du 3 avril 1731, par laquelle Changuion demandoit à Hoym la permission de lui dédier ce livre. Tandis que la dédicace imprimée est raisonnable & contient pour Hoym des éloges très-mérités, la lettre est d'une exagération ridicule. « CVy?, dit-il, à défaut des divinités des Grecs & des Romains, à qui les anciens confacroient les ouvrages qui devoient augmenter les trésors littéraires de la postérité, que les peuples ont cherché la protection de ces personnes illustres, à qui la naissance & la vertu donnent le titre & la foncrion de protecreurs des autres hommes; c'est ce qui m'a donné la hardiesse de demander à Votre Excellence la permission de mettre son nom à un ouvrage que les anciens eussent assurément consacrè à quelque divinité. « Puis, tombant brusquement de l'Olympe sur la terre, il dit que M. de la Pimpie lui a assuré qu'il agréeroit cette dédicace, & qu'il lui envoie un exemplaire non relié, parce qu'il a appris que S. E. faisoit relier tous ses livres d'une même manière.

Je ne fais ce que devinrent l'exemplaire des premiers volumes de cette édition, & celui du Marot de 1731, que poflféda certainement Hoym. Ils feront sans doute restés en Allemagne, car ni l'un ni l'autre ne figurent sur le catalogue imprimé.

Hoym avoit chargé M. de Brais de pressentir Lenglet-


Dufresnoy sur la nature du cadeau qu'il conviendroit de lui faire, u Je ne fuis point d'avis, lui avoit-il écrit, de pouffer la galanterie à faire à l'abbé Langloit (fie) au delà d'une centaine de pistoles, c'est-à-dire 2,000 fr. (Jtc) (1). n M. de Brais lui répondoit, le 26 mars 1731, que ledit abbé Lenglet, tâté plusieurs fois par lui, lui avoit toujours paru fort délicat sur le chapitre (a), mais qu'il lui avoit semblé três-amoureux des porcelaines de Saxe, & qu'il étoit persuadé que l'abbé feroit content s'il entroit quelque chose de bon en ce genre dans la gratification que S. E. lui destinoit.

J'ai signalé, pages 6 & 161, des passages de ces dédicaces, qui, étant dans des livres assez faciles à voir ou à se procurer, ne feront pas réimprimées ici.

A l'époque où eut lieu la vente de la bibliothèque d'Hoym, l'ordre des vacations n'étoit pas, comme depuis, imprimé à la fuite du catalogue. On diftribuoit chaque semaine, aux personnes suivant la vente, des feuilles indicatives qui ont été rarement conservées. Je dois à l'amitié généreuse de feu M. Potey de Fontainebleau, qui avoit réuni une importante collégien de catalogues (3), la réunion complète des feuilles de la vente de la bibliothèque d'Hoym. C'est dans la feuille 11 & dernière qu'est consigné ce fait que les Variorum & les auteurs in usum Delpbini étoient reliés par Boyet, les premiers en maroquin rouge, dessus & dedans. Il y a une

CO Cependant le mot piflole a toujours signifié 10 livres en France.

(2) Cela paroît si étonnant de la part de Lenglet-Dufresnoy, que je me fuis demandé si cet abbé Langloit ne feroit pas l'abbé Langlois, le secrétaire de M. de Livry. Mais, s'il s'étoit agi de lui, je ne pense pas que M. de Brais eût employé le mot de gratification, & on ne voit d'ailleurs pas pourquoi Hoym lui auroit fait un cadeau.

(3) Réunie aujourd'hui à la mienne.


petite feuille supplémentaire, destinée à être distribuée aux marchands & amateurs d'estampes. Elle ne contient que dix lignes. « Vente d'eflampes & livres de figures. La vente des collections d'estampes & livres de figures de la bibliothèque de feu M. le comte d'Hoym se fera mardi 29 juillet 1738 & jours suivans de relevée. Il y a un ancien cabinet du Roi & un atlas curieux recueilli par M. Sauveur, en quatre grands volumes. m Cette feuille est un extrait de la dernière feuille. Il y en a en tout onze, sans la compter.

La vente d'Hoym commença le 12 mai 1738, & finit le 2 août suivant. Elle eut lieu rue Saint-Thomas-duLouvre, à l'hôtel de Longueville, que j'ai vu fous la Restauration & au commencement du règne de Louis-Philippe affecré aux écuries du Roi. Elle produisit 85 ooo livres en 59 vacations, foit 30 000 livres de moins qu'elle n'avoit coûté, & moins encore si l'on tient compte des frais. Elle paroît avoir été fort suivie. On voit dans la préface du catalogue de M. de Cotte, 1804, qu'il avoit été conduit à cette vente étant fort jeune par son précepteur. Horace Walpole paroît y avoir assisté aussi, & le 29 août 1738, un de ses amis, Sir Richard Ellis, lui donna un Suétone de 1644 en maroquin bleu, acheté à cette vente. Walpole consigna ce fait sur une des gardes de ce volume, qui m'appartient aujourd'hui.

Je n'ai malheureusement jamais trouvé d'exemplaire du catalogue d'Hoym avec les noms des acquéreurs. Si l'on peut juger du public de la vente par celui de la vente du Fay, on peut croire qu'il y eut bien des personnes notables parmi les assistans. Il est probable qu'on y trouveroit le nom de Bonnemet, car il affiftoit déjà à la vente de Mme de Verrue en 1737.



CHAPITRE V

TABLEAUX, BRONZES ET OBJETS D'ART.

ES premières acquisitions d'Hoym en fait de tableaux & de curiosités ne remontent qu'à 1716.

Je crois devoir mentionner d'abord ici son portrait, qu'il fit faire cette année par Rigaud, car ce tableau étoit auu-

rément un des bons de sa collecrion. Placé à Paris dans la chambre à coucher d'Hoym, à l'hôtel de la rue Cassette, ce beau portrait fut, après sa mort, & peut-être même avant, car je ne le vois pas mentionné comme existant à Paris en 1737, transporté à Lichtewalde, apparemment suivant le désir de Mme de Watzdorff, dont


on a pu voir, dans cet ouvrage, le tendre & confiant attachement pour son malheureux oncle. A une époque que j'ignore, il avoit été mis dans un grenier à cause du suicide d'Hoym. C'est à la demande de M. de Sahr que ce beau portrait fut remis dans le salon du château (i). Il avoit été payé 800 livres à Rigaud, & la belle bordure de Mauriflant qui l'entoure encore aujourd'hui coûta, en 1719, 300 livres. Je ne fais si dans ce prix de 800 livres l'Inventaire de 1727 comprend le raccommodage pour Phabillement qui y fut fait en 1726. Je crois que ce raccommodage se borna à ajouter le cordon &la croix de l'AigleBlanc (2) qu'Hoym venoit de recevoir.

Il en fut fait deux copies : l'une en 1726, & l'autre en * 1727. Chacune fut ou devoit être payée 200 livres à un élève de Rigaud qui n'est pas nommé dans l'Inventairc, mais dont le nomfe trouve dans le Livre-Journal de 1725 & 1726. M. de la Penaye, c'est le nom de cet artiste, reçut, le 7 décembre 1726, 200 livres pour une de ces copies ; l'autre copie fut donnée à Hoym le 31 décembre 1727. On ne dit pas par qui, mais il est probable que ce fut par Rigaud, après qu'il eut reçu du roi de Pologne la médaille (d'or?) qu'Hoym avoit demandée pour lui. De ces deux copies, l'une étoit dans la chambre de la femme de charge & l'autre dans celle de Christian.

(1) J'ai fait dessiner le portrait & son cadre par M. Muller, depuis conservateur, pour les estampes & dessins, de la Galerie royale de Dresde & dessinateur de talent & plein d'exaétitude. La première fois que j'eus l'honneur de voir M. de Sahr, il m'apporta une photographie très-bien coloriée de la partie supérieure de ce portrait.

(2) Ce cordon est bleu comme celui du Saint-Esprit, mais le porte ou se portoit de gauche à droite, & non de droite à gauche, comme le Saint-Esprit, & sur la croix l'aigle a la tête en l'air. Ces deux remarques peuvent faire diltinguer les deux ordres.


M. de Sahr a fait graver ce portrait par un pauvre artiste saxon, Gustave Planer, qui n'étoit certes pas dépourvu de talent, & que la difficulté de percer découragea au point de le déterminer plus tard au suicide. Il n'a gravé que la tête; l'entourage pris du portrait de Magalotti, par Vermeulen, d'après Largillière, a été arrangé sur mes conseils & gravé par M. Adolphe Varin avec allez de succès(i).

Ces deux portraits s'arrêtent au buste, mais dans l'original Hoym est représenté jusqu'aux genoux.

Cette même année Hoym, alors âgé de 22 ans, acheta 72 livres de Mlle Bérain l'œuvre de Bérain (vendue 21 livres à sa vente, n° 1314). D'Audran, la galerie du Luxembourg, 70 livres; la reliure, en maroquin, fut payée 30 livres. Cet ouvrage se vendit à sa vente le double de ce qu'il lui avoit coûté, foit 200 livres.

En 1717, il acheta 390 livres deux petits tableaux de Claude Lorrain, dont il refusa plus d'une fois 1000 livres (nos 302-303) ; deux autres tableaux à la vente de M. de Callières (2), dont nous avons divers ouvrages, & qui étoit mort le 5 mai de cette année (nos 363 & 394), & une tête de la Vénus de Médicis en marbre, par Desjardins.

En 1718 & 1719, il n'étoit pas à Paris & n'acheta pour ainsi dire rien (quatre copies de l'Albane & une de Boulogne), non plus qu'en 1720, où il fut absorbé par

(1) Le portrait qui cft en tête de ce volume a été fait par M. Morse, d'après G. Planer.

(2) Il paroit qu'elle eut lieu en juin 1717. Au numéro 394 de nn- ventaire de 1727, Iloym parle de la vente de M. de Callières, mais au numéro 363 il dit avoir acheté refquiile de Le Brun (Alexandre visitant Darius) des domestiques de M. de Callières.


ses affaires & son installation. Cette année & l'année iuivante, il s'occupoit surtout de ses affaires & n'acheta que des chevaux, des meubles, &c.; mais, en 1722, grâce à Schaub & à la position qu'il avoit su prendre à Paris, les affaires s'étant brillamment arrangées, il se livra avec ardeur à ses goûts. Outre les tableaux qu'il acquit des marchands Tremblin(i) & Delaunay, de Juliot, chef d'une dynaflie qui a duré jusqu'aux premières années de ce siècle, & Platrier (2), Hoym acheta beaucoup de porcelaines & de laques à la vente de Mlle de Marcillac (Henriette de la Rochefoucauld : voyez pages 89 & fuivantes du tome II). C'étoit une de ces filles de François de la Rochefoucauld, l'auteur des Maximes, dont Mme de Sévigné a raconté le tendre attachement pour leur père. Née le 15 juillet 1638, elle testa le 10 mars 1720 & mourut le 3 novembre 1721. Saint-Simon, qui l'appelle Mlle de la Rochefoucauld (tome XVIII, p. 208), dit qu'elle avoit paffé toute sa vie, fille, dans l'hôtel de la Rochefoucauld, considérée dans le monde & dans sa famille, toujours très-vertueuse & avec peu de bien. Elle légua à ses domestiques le peu qu'elle avoit. Du côté de l'esprit, dit Saint-Simon, elle tenoit tout de son père.

Ajoutons qu'elle avoit un goût remarquable, si l'on en juge par les belles choses qu'Hoym acheta à sa vente.

L'année 1723 fut encore plus féconde. La vente de Pierre Gruyn, garde du Trésor royal, dont la maison, mais non la collecrion de tableaux, font cités dans Brice, & qui étoit mort le 26 février 1722, eut lieu en avril &.

(1) Probablement le père de celui dont Diderot prononce si souvent le nom dans ses lettres sur les filions.

(2) Je vois encore le nom de Lafaye.


mai 1723. Elle fournit à Hoym l'occasion de faire une ample moisson de beaux objets. Il acheta aussi cette année un tableau d'Annibal Carrache (n° 281 de l'Inventaire) venant du comte de Verrue (le mari de la célèbre bibliophile), qui l'avoit apporté de Turin. Ce qu'il y a de curieux, c'est que ce tableau lui fut vendu par M. de la Faye, que je crois le même que l'ami de Mme de Verrue, Hoym ayant fait précéder son nom d'une M (Monsieur) sur l'Inventaire. Il étoit secrétaire du duc de Bourbon, sur lequel il avoit une grande influence. Le Régent en profitoit, & suivant son expression lui graifloit la patte (1).

Ce fut un des grands ennemis de J.-B. Rousseau, qu'il bâtonnà (il étoit cruellement cité dans les couplets attribués injustement, felon toute apparence & suivant Boin- din, à cet infortuné poëte).

Hoym en parle beaucoup dans son curieux Inventaire de 172.7, comme on peut le voir aux numéros 281, 296, 35z, 353, &c. (voyez la table)(2).

En oétobre 1723 eut lieu la vente des meubles du cardinal Dubois, & Hoym y acheta de très-belles porcelaines (voyez nos 439 & 445 de l'Inventaire).

Cette même année, deux MM. de Beringhem étoient morts : le père le ier mai, le fils le ier novembre. Je ne fais lequel des deux avoit des estampes & des curiosités, mais il y a un catalogue d'estampes imprimé in-40 en 1723 (S) je crois, & en 1724 il y eut une vente de ta-

(1) Il me paroit qu'il y avoit aussi un marchand du même nom.

(2) Quand Hoym dit le fleur, cela peut être un marchand du même nom; mais quand il dit M. de la Faye, ce doit être le personnage dont j'ai parlé plus haut.

(3) Les Beringhem dtoient connoilleurs & gens de goût. Le dernier, Henri, en qui s'éteignit cette maison, avoit dessiné, en 1728, pour le


bleaux où Hoym acheta 400 livres un portrait du duc de Buckingham par Vandick, qui avoit toujours été dans cette famille; un Verthumne & Pomone de Netfcher représentant, disoit-on, Louis XIV & Mme de Montespan, ou la dame qui apporta au Roi les clefs d'Amsterdam (le 27 juillet); la mort d'Adonis de Claude Lorrain (le même jour), & deux autres tableaux le 11 août.

Au ier janvier 1725, les tableaux achetés par Hoym étoient évalués par lui à 55454 livres; les bronzes & marbres à 8115 livres; les porcelaines à 19536 livres.

Le a avril 1725, il acheta de M. de Nocé, pour 7000 livres, deux tableaux de Claude Lorrain : l'un, peint en 1661 (la Fuite en Égypte), venant du duc de Mazarin; l'autre, Acis & Galatée, venant du maréchal de Gramont. M. de Nocé les avoit eus de Mme de Verrue en échange de la Conversation de Rubens.

Ce fut cette année qu'Hoym ajouta à son mobilier la tenture de tapisserie dite des Bains de Diane, en neuf pièces, qu'il devoit léguer plus tard à sa fœur de Bothmar, acquise de M. d'Argenlieu (1), plus une autre fuite de six pièces, faite, dit-il, par ordre de Louis XIV pour Mme de la Vallière (nos 8 & 9 de l'Inventaire); une pendule de Minuel(z) dans une boîte de bronze doré, posée

Roi, la boîte d'un cartel fait par Julien Leroy pour le lit de Louis XV.

L'horloger avoit disposé les pièces de manière que le mouvement de la répétition, placé sur la platine du nom, pouvoit être vu & compris par le jeune monarque. La boîte fut exécutée par un sculpteur ou fondeur, nommé Lesueur. Conférez la Règle artificielle du temps, par Sully & J. Le Roy. Paris, 1737, in-3°, p. 371, & le catalogue Bonnier de la Mosson, p. 229, nO 938. — Personne n'a remarqué jusqu'ici ces curieuses indications.

CI) Voyez la note de la page 5 du tome II.

(2) J'ai parlé de Minuel, tome II, p. 40. J'ai de lui une belle pendule dans une boite de bronze, sur un pied en console, qui pourrait


sur un pied en console. Elle lui fut vendue par une demoiselle Calley, qui me paroît désignée comme marchande sur l'Inventaire de 1725.

L'année 1726 fut tellement féconde en acquisitions, que je ne pourrai citer que les principales & les plus intéressantes, surtout par leur provenance. La vente qu'Hoym appelle l'inventaire de l'hôtel de Gramont, & qui est celle faite après le décès d'Antoine IV, duc de Gramont, maréchal de France en 172.4, mort le 16 septembre 1725, eut lieu à la fin de 1725 & au commencement de 1726, car je vois des acquisitions faites par lui à cet inventaire, en décembre 1725 & au commencement de 1726; Hoym dépensa à cette vente 16002 livres 3 fois, qu'il paya le 27 mars 1726. C'est là qu'il eut six jattes de porcelaine du prix de 1659 livres, un coffre & des plateaux de laque, des peaux de maroquin & des étoffes brodées des Indes.

Mais ce fut avec M. de Nocé qu'Hoym fit cette année les plus grandes affaires, & d'après ses notes, M. de Nocé perdoit beaucoup sur ces marchés, ce qui m'étonne de la part d'un roué, & surtout d'un Normand.

Le 8 avril, Hoym lui achetoit pour 16000 livres d'objets. C'est d'abord l'Abreuvoir de Vouwermans & une Halte du même, tableaux provenant de Mme de Verrue, qui avoit offert 3000 livres pour les ravoir. Hoym les

être celle d'Hoym, mais la description efl: trop sommaire pour la reconnoître sùrement. Hoym en avoit une autre de Minuel à répétition, surmontée d'une renommée. On en voit encore une de marqueterie posée sur un bureau, id., avec son pied à gradins (cartonnier), & supportée par des bronzes, des ligures d'homme & de femme, puis une petite pendule à répétition du célèbre Caudron. Sur l'état de 1727, il n'y a que la première pendule de Minuel & celle de Gaudron.


avoit payés 2500 livres. Je crois que ce font ceux-là que la comtesse racheta à Hoym pendant sa captivité, & qui furent payés, le 3 août 1735, 3000 livres. Elle n'en jouit pas longtemps, puifqu'elle mourut un an après; deux Gérard Dow (317-318); un Teniers, & bien d'autres tableaux; deux urnes de porcelaine, &c.; une table de marbre (de brèche) de Sicile sur un pied de bois sculpté & doré, &c. Dans ses autres marchés figurent une garniture de porcelaine (n° 503), annoncée comme venant du Sr Pronnt, que je crois Paulin Prondre, président en la chambre des Comptes, mort en 1723, père de cette belle marquise de la Rochefoucauld (1) qui, ferrée de trop près par le Régent, lui auroit assené un si vigoureux coup de poing sur son bon œil, qu'on auroit craint que le prince trop entreprenant ne devînt aveugle ; puis une urne & deux grands cornets à panse fort garnis de trèsbeaux modèles dont je parlerai à l'année 1728; un vase de porcelaine (n° 489) ancienne à broderie, venant du Grand Dauphin, & une bouteille du même genre, qui étoit le plus beau morceau du cabinet de ce prince (n° 491).

Il acheta 700 livres ces deux morceaux, qui avoient coûté 4500 livres (z), & pour 1000 livres quatre urnes dites à modèles, dont 2 garnies de vermeil, venant aussi du Grand Dauphin, plus une urne à fleurs provenant de M. du Vivier, à qui elle avoit été substituée, 500 livres

(i) Marguerite-Pauline Prondre. Si la Chesnaye-Desbois donne bien la date de son mariage (novembre 1724), cette hiltoire, racontée par Soulavie, ne peut être vraie, puisque le Régent mourut en 1723.

(2) Il acheta aussi 700 livres d'un marchand nommé Platrier une urne à broderie à dragons, garnie de bronze doré, que le Grand Dauphin avoit achetée 7000 livres. Ce prince avoit vainement offert 10000 livres de la pareille à la duchesse de Bouillon (Marie-Anne Mancini).


(n° 506). Il acheta aussi trois urnes de porcelaine de Mme Gruyn, veuve du Garde du Trésor royal (voyez nos 498 & 501).

La vente de Camus des Touches (i) (amant de Mme de Tencin & père de D'Alembert) lui fournit 4 tableaux d'un prix ordinaire. Il acheta de Mme de la Ravoire(z), en mai, deux grands cornets & deux grandes bouteilles.

La monture de ces dernières fut payée 100 livres à Paffe (3).

A la vente de la duchesse du Lude (anciennement dame

(i) Voyez aux pièces justificatives (no XXXI) une curieuse lettre sur sa mort.

(2) Anne Varix de Vallières, alors veuve de M. de la Ravoye, (quelques personnes prononçoient la Ravoire), grand audiencier de France.

Ç'avoit été une très-belle personne & très à la mode. Je ne fais si c'est la même qui figure dans les clefs des caractères de la Bruyère. Dans une enquête sur la mort de M. Roland-Pierre Gruyn, maître de la chambre aux deniers, elle déposa, le 19 mars 1729, qu'à la fin de juillet 1721 elle fut conviée d'un soupé (avec sa fœur ou cousine, Charlotte Varix, dame de Longpré), chez M. Doublet de Crouy, & qu'à ce repas ledit ficur Gruyn avoit mangé comme un homme qui se portoit trèsbien ; qu'après le soupé elle fit deux quadrilles, & que ledit sieur Gruyn la ramena à sa porte deux heures après minuit (Mém. pour RolandPierre Gruyn, garde du Trésor royal, contre M. & Mme Fraguier, in-f^).

(3) Il s'agit certainement ici de Jean-Antoine Paffe, juré des maîtres fondeurs de Paris, en 1713-1715, & encore en 1718-1720. Sa nomination fut attaquée, puis confirmée par sentence du 30 juillet 1715.

D'autres maîtres fondeurs reprochoient aux jurés, dans un faéhim fait après 1718 pour soutenir l'appel contre cette sentence, d'avoir reçu pour de l'argent des maîtres ne remplissant pas les conditions voulues (entre autres des fils de maître âgés de 2 & 6 ans); ils ajoutoient qu'ils faisoient arrêter leurs comptes après avoir été examinés feulement au cabaret, &c. (Faétum pour Séb. Bafchoud, &c., 8 pages in-fo. Borderel, avocat; Ferrand, rapporteur). — J'ai aussi une adresse imprimée en 12 lignes de Paffe, maître fondeur & ciseleur, demeurant rue Princefifc, faubourg Saint-Germain, proche la foire, & datée de 1737. On voit qu'Hoym & Nocé l'employoient beaucoup, & on a donné les prix qu'il prenoit à quelques-uns des endroits cités. Voyez nos 198 (où est une note insuffisante sur Passe), 492, 507, 509, 514.


d'honneur de la duchesse de Bourgogne, morte en janvier 1726), un gladiateur en bronze; de Mme de Feriol, fœur de Mme de Tencin, veuve de l'ambassadeur à Constantinople (tous deux si connus par Mlle Aissé), un tapis de Perse en foie, cramoisi & vert, donné à son mari par le Grand Seigneur; enfin du prince de Carignan, dont nous avons un catalogue si riche & si curieux (1741 & 1742 avec différences) par l'intermédiaire du Sr Fournier son commimonnaire, deux superbes tableaux de Claude Lorrain : l'un représentant Moyse montant au buisson ardent, & l'autre une Marine avec un soleil couchant. Ces deux beaux tableaux font aujourd'hui à la Galerie royale de Dresde. Hoym raconte longuement dans son curieux Inventaire de 1727 l'histoire de ces tableaux depuis 1718; il les paya 5500 livres après en avoir offert inutilement 8000. M. de Lassay lui en avoit offert 6500 depuis.

Déjà, depuis 1722, la réputation d'Hoym comme amateur éclairé des beaux-arts s'étoit répandue jusqu'en Allemagne. Le comte de Wackerbarth lui adressoit, le 26 novembre 1726, Dominique Nollet(i), peintre & con-

(1) Voici le passage de la lettre de Wackerbarth relative à Nollet : M. Nollet, fameux peintre & connoisseur de tableaux, étant sur son départ de Munich pour se rendre à Paris, m'a prié de le recommander à Votre Excellence. Amateur comme je vous connois des beaux-arts, & surtout de la peinture, je n'ai pas héiité de vous écrire ces deux mots en sa faveur, puisque j'ai été témoin oculaire de son habileté & de son mérite. Il est un peu hâbleur & fantasque, mais quel est le peintre qui n'a pas sa marotte? ii Mon exemplaire de Harms (Brunswick, 1742, in-f), annoté par Huquier, porte les indications manuferites fui vantes sur ce peintre; je crois celle de sa naissance fautive, car s'il eût eu 86 ans quand Wackerbarth écrivoit, celui-ci l'eût noté & dit à Hoym.

u Dominique Nollet, né à Bruges en 1640, a peint l'histoire, paylages & batailles, a vécu à Bruges, Munich & Paris, & est mort en 1736. «

Dès 1722, le 17 août, M. Lecoq avoit recommandé à Hoym un


noifleur en tableaux, qui quittoit Munich pour aller à Paris. Il paroît qu'Hoym le reçut fort bien, car, le 17 janvier 17.27, Wackerbarth le remercioit de toutes les politesses dont il avoit prévenu cet artiste.

En résumé, les acquisitions de 1726 montèrent à 21 809 livres pour les tableaux, & à 212042. livres pour les bronzes & les porcelaines (1).

L'année 1727 fut signalée par un très-important achat de tableaux fait du duc d'Orléans & par plusieurs acquisissons à la vente du célèbre Nicolas de Launay, orfèvre éminent qui avoit travaillé pour Hoym en cette qualité, & étoit devenu depuis diredeur de la monnoie des médailles. A sa vente, qui eut lieu en décembre 1727, Hoym acheta trois tableaux (356 à 358), dont un surtout paroît avoir été important (une Vierge, l'Enfant Jésus & saint Jean, du Parmesan ou du Scarcellin de Ferrare), car de Launay en avoit refusé 4000 livres ; deux paires de flambeaux de bronze dorés avec leurs girandoles (n° 206 de l'Inventaire), & deux vases de marbre vert en forme de bateaux, d'après l'antique. Je croyois que cette forme n'a voit été adoptée que fous le règne de Louis XVI.

Voici un exemple du contraire.

La description des tableaux achetés du duc d'Orléans (340 à 350) donne un détail bien intéreÍfant sur un tableau de Gérard Dow mentionné dans la description des

nommé Mercier, peintre, établi à Londres, joli homme, qui ne manquoit point d'habileté dans fan art & qui alloit à Paris pour y acheter des tableaux. C'étoit le fils d'un homme au service de la Saxe. Ailleurs, Lecoq dit qu'il avoit été, avec un peintre que je crois Mercier, voir les tableaux de Schaub (voyez la notice sur Schaub à l'Appendice).

CI) Citons dans ce chiffre deux glands de perle achetés en 1726 1000 livres de la comtesse de Roye. Dans l'inventaire après décès de 1737, ces glands font estimés 1200 livres.


tableaux du Palais-Royal (Tobie & sa femme). Hoym dit que le Régent faisoit un cas extrême de ce tableau, & qu'il le tenoit enfermé dans une boîte peinte par lui-même & dont il portoit la clef sur lui.

Cette année Hoym fit faire, par l'habile sculpteur Mauriffant, seize bordures qui furent payées 2500 livres.

On voit au n° 359 de l'Inventaire de 1727 les tableaux auxquels s'adaptoient ces bordures. Si j'en juge par celle du portrait d'Hoym, qui coûta 300 livres, elles étoient fort belles, & Mauriffant étoit un excellent sculpteur sur bois.

Les acquisitions de 1727 montèrent, en tableaux, à 23458 livres 10 fols; en bronzes & marbres, à 2762 livres; en porcelaines, à 1457 livres; en bijoux, à 4720 livres.

Parmi les acquisitions de 1728 on remarque une garniture de lit en tapisserie fond jaune, richement brodée en or, argent & foi, achetée en novembre de Bonnier de la Mosson (i), le célèbre amateur (& payée à Hénaut, son

(i) Voyez sur cet amateur d'abord le catalogue de ses curiosités par Gersaint, 1744, in-12, puis celui de ses livres, & enfin le Roman de Turlubleu, Amsterdam (Paris), 1745, &, fous le titre du Riche malheureux, la Haye, 1746, in-12. Je dois à l'amitié de mon cher collègue & ami Paulin Paris un exemplaire de ce livre, annoté par l'auteur avec une vanité tout à fait plaisante. Il se compare sans façon à Athénée.

Pour que la postérité ne perde pas le sel de ce chef-d'œuvre de Menin (auteur du Sacre des rois de France) en voici la clef. Ctésiphon, Bonnier; Anaxagoras, l'abbé Nollet; Satipe, Mlle Petitpas; Teligot, Jelyotte; Trabon, Tribou, autre chanteur ; l'autre riche curieux, d'Ons-enBray; Rhodes, Rouen; Emire, Mme Bonnier; le Polémarqué, le duc de Piquigny; l'Archonte, le président Portail. J'ai vu aux armes de Bonnier des tapisseries, une glace, & j'ai de ses jetons. Il avoit une bibliothèque dont les reliures, assez ordinaires, font presque toutes en veau fauve (ses armes font d'un côté & son nom de l'autre). Le conventionnel Bonnier, tué à Raftadt, dont il y a un catalogue, se croyoit ou au moins se


valet de chambre). C'est aussi à cette année 1728 qu'il faut placer l'acquisition faite de M. de Nocé d'un lustre fait par Boule, qu'Hoym appelle Boulen & qu'il dit être l'ancien (c'était donc le père d'André-Charles), pour le prince Eugène, & de deux paires de bras de cheminée à trois branches, faites par Paffe.

Au mois de février 1728 eut lieu la vente d'une femme très-connue que Saint-Simon appelle une vieille beauté, riche & fort du grand monde de Paris, de la marquise de Nancré, née Bertrand de la Bazinière(i). Hoym acheta chez elle, ou venant d'elle, un tableau de Rubens, représentant Suzanne & les vieillards (n° 360), & une boucle garnie de sept diamans (n° 870). Dès 1726 il avoit eu de M. de Nocé deux grands cornets de porcelaine ayant appartenu à cette dame (n° 516).

Au moment de quitter Paris (le 3 mars 1729) pour n'y plus revenir, Hoym acheta encore, l'avant-veille de son départ, le 28 février, de M. de Nocé, & le ier mars, de M. de Morville, des porcelaines, des bronzes, & deux meubles de Boule.

disoit Ton parent, & achetoit de ses livres le plus qu'il pouvoit (MM. Debure me l'ont dit).

(i) On peut voir dans Saint-Simon, tome V, p. 252, comment, en 1706, le duc d'Orléans, revenant blesse d'Italie, Mme de Nancré & Mme d'Argenton allèrent fort secrètement au-devant de lui à Grenoble.

Elle étoit belle-mère de M. de Nancré, capitaine des cent Suiffes du Régent, ambassadeur en Espagne fous la Régence & dévoué à Dubois, dont Saint-Simon fait un affreux portrait, & demeuroit avec lui. Hoym & Schaub la connoissoient. Ce dernier écrivoit de Stowe, où il étoit chez lord Cobham, à Hoym, le 9 décembre 1726 : « Et Mme de Nancré!

la voyez-vous encore quelquefois? En ce cas, afrurez-Ia bien de la continuation de mon tendre & respectueux attachement. La ChefnayeDesbois ne cite pas cette dame dans la généalogie de Nancré. Elle étoit fœur de la mère du président de Mesme & très-liée avec lui.


On lui voit aussi acheter, la veille de ce départ, quelques tabatières : l'une d'or, en coquille, d'une façon de 230 livres; l'autre d'occasion & émaillée(i), de 75 livres de façon feulement, &c. Il emporta avec lui une partie de ces bijoux. Peu après son arrivée à Varsovie, écrivant le 18 juin 1729 à M. Milfonneau pour lui annoncer des fonds, il lui témoignoit le désir qu'on pût différer la vente d'un tableau de Netfcher qu'on lui avoit apparemment offert, jufqiPà son retour en France (2.).

Les acquisitions de tableaux & objets d'art continuèrent aétivement de 1729 à 1731, époque de la disgrâce d'Hoym. Je vois sur le compte de Milfonneau pour 1729, à la date du 21 juin, 2100 livres payées à M. Kelcret pour cinq tableaux. Le 13 oélobre 1730, à Germain, orfèvre, à compte, 10000 livres; puis le 10 mars 1731, 9587 livres 1 fol pour solder ce grand orfèvre. Nous n'avons malheureusement pas le détail des pièces qu'il fournit à Hoym, mais il est probable que celles qui se trouvent en plus sur l'Inventaire de 1737 représentoient, à peu de chose près, ce que Germain avoit fourni en 1729 & 1730 (3).

Au commencement de 1731, M. de Brais avoit acheté, par fuite d'une lettre d'Hoym en date du 17 mars, quatre

(1) Je n'ai pas encore vu de tabatière émaillée de cette époque.

(2) Mais dès le 22 novembre 1729, il disoit que ce voyage étoit remis au printemps ou plus loin & pourroit devenir incertain.

(3) Hoym avoit une argenterie relativement moins importante que le reste de son mobilier, mais faite par Nicolas Delaunay (voyez n° 655 de l'Inventaire de 1727), & par Germain elle devoit être fort belle. J'ai reporté sur l'Inventaire de 1727 toutes les pièces d'orfèvrerie parisienne qui se trouvent en plus sur celui de 1737 (voyez Inventaire de 1727, P- 123). Cette argenterie fut léguée à sa nièce de Bothmar, alors comtesse d'Erpach, & depuis princesse d'Anhalt.


figures de marbre du marchand Hébert, & avoit fait nettoyer & ajuster par Falens (i) sept grands tableaux de chasse (n° 111 de l'Inventaire de 1737), achetés à Julliot 1550 livres en mars 1731 (2-). Précédemment, on lui voit faire payer par Milfonneau un tableau de 275 livres ; deux copies du Retour de chasse & de la Halte, par Vouwermans, dont il avoit les originaux, 400 livres; 417 livres 10 fols pour deux réchauds d'argent; 600 livres à la fœur Girardin du bon Pasteur pour la tapitterie d'un canapé, & 420 livres pour 4 fauteuils; 1910 livres à Mauriffant pour ses sculptures. — Milfonneau paya encore le 3 mars, à Julliot, huit bustes de marbre & des porcelaines, 2400 livres; deux cabarets de la Chine, 96 livres; à Régnier, pour deux fusils à deux coups garnis d'argent, 1000 livres (3); le 2 mars, à Hébert, 3000 livres pour des ouvrages de marqueterie. Ce font certainement ce superbe bureau avec pendule & ces gaines, dont j'ai donné le détail d'après l'Inventaire de 1737 à la fuite des meubles (nOS 190 & 193); à Oudry, pour 3 tableaux, 300 livres ; à Héraut, peintre, pour un dessus de porte, 275 livres.

Comme il connoissoit bien le goût d'Hoym pour tout

(1) Ou plutôt Van Falens. Voyez sur ce peintre, Ilarms ou plutôt le catalogue de M. (Heinecken). Paris, 1757, in-i2, p. 59.

(2) On les avoit rendus de hauteur égale, sans doute pour les employer à la décoration de l'hôtel de Dresde. Falens reçut pour ce travail 400 livres (Comptes de Milfonneau). On reprochoit à Iloym de ne pas recevoir à Dresde. Il est probable qu'il vouloit attendre, afin de le faire plus convenablement, que son hôtel fùt arrangé & meublé comme il savoit le faire; mais on comprend que se trouvant en présence de tant de haines & d'intrigues il ait hésité, puis renoncé à faire orner & meubler son hôtel & à recevoir.

(3) Ils font portés sur l'Inventaire comme étant du Hollandais. Le lïollandois est donc le même que Régnier.


ce qui étoit beau, Milfonneau, lui écrivant pour les affaires de sa maison le Ier avril 1731 (il ignoroit probablement encore sa disgrâce), ajoutoit : u Le hasard m'a fait voir chez un joaillier le plus beau diamant que j'aie vu de ma vie & le plus parfait qu'il y ait en France, & peutêtre en Europe, tant pour sa belle forme que pour être du plus parfait cristallin. C'étoit la bague du feu duc de Bouillon (1), qui l'avoit achetée 20000 écus il y a 25 ou 30 ans. Il en avoit refusé 50000 livres il y a 3 ou 4 ans, mais il l'estimoit tant qu'il couchoit avec, & qu'il l'avoit substituée à ses enfans & petits-enfans par un aéte en forme. La nécessité de payer les dettes qu'il a laiiTées a fait casser cette substitution, & il a été vendu à son inventaire 31 100 livres. Ceux qui le tiennent le veulent vendre 40 000, mais je crois qu'en l'achetant comptant on l'auroit à 36 ou 37 000 livres. Comme j'ai vu Votre Excellence dans le goût d'une belle bague, j'ai cru devoir lui faire ce détail à cause de l'extrême perfection de cette pierre. Les circonstances détournèrent sans doute Hoym de faire cette dépense.

Il paroît que dans les premiers momens de sa disgrâce, il avoit donné ordre à Milfonneau de vendre ses livres & ses meubles. Nous n'avons pas cette lettre, mais bien une autre, datée de Skaska, le 18 avril 1731, dans laquelle, tout en révoquant l'ordre précédent, il indique cependant encore quelques objets très-importans comme devant être vendus à crédit, si on peut le faire sûrement, à défaut d'argent comptant. J'ignore qui étoit un voisin à qui il dit qu'on pourroit vendre la tapisserie à fleurs

(1) Emmanuel-Théodore, mort en 1730.


& animaux, ainli que quelques tableaux importans & les porcelaines bleues.

J'ai donné aux pièces justificatives & cette lettre & la lifte des objets qu'Hoym indiquoit comme pouvant être vendus, avec les renvois à l'Inventaire de 1727(1). Cette vente n'cut pas lieu, & ce ne fut même qu'en 1735 que l'Abreuvoir & la Halte de Vouwermans furent cédés à

Mme de Verrue.

Cette même année 1732., je vois à la date du 30 octobre une somme de 8500 livres payée à M. d'Obenheim pour le tableau de Rubens. Ce tableau me paroit être sûrement celui dit le Quos ego de Rubens, estimé 5000 livres sur l'Inventaire de 1737, où on n'estimoit assurément pas trop cher. On voit dans le Mémorial de Paris, de l'abbé Antonini (édition de 1749, tome I, p. 141), que ce tableau ayant appartenu autrefois à la duchesse de Richelieu, avoit paffé entre les mains de M. de la Faye, qui Favoit acheté 10000 livres d'un seigneur anglois. Il est probable que c'est par M. de la Faye qu'il parvint à Hoym, lequel n'eut pas, hélas! le plaisir de le voir chez lui.

En 1733,Hoym renvoya en France beaucoup des choses précieuses qu'il avoit emportées. Dix-neuf caisses ou ballots contenant des livres, des tapisseries (celle de Diane), arrivèrent à Paris en février & mars 1734; mais si le pauvre Hoym avoit le dessein de venir achever sa vie en France au milieu de tout ce qu'il aimoit, ce projet, qu'il auroit dû mettre à exécution plus tôt, si tant est qu'il l'eût pu, ne le réalisa pas, & il mourut sans revoir les livres & ses tableaux.

Il résulte de la lettre de Christian du 30 avril 1735,

( O Pièces juditientives, n° XXXIX,


dont, j'ai parlé page 118, que, en avril 1735, Hoym prisonnier pensoit encore à acheter les tableaux, ou au moins certains tableaux de Mme de Verrue (1).

(1) La sîtuation de Danneville ne change rien à la commission que vous avez eue d'acheter les tableaux de Mme de Verrue (voyez pièces justificatives, iil XL).


APPENDICE

1

ENCORE DEUX CARTONS DU COMTE DE HUYM.

LETTRE

A M. LE BARON JÉRÔME PICHON Président de la Société des Bibliophiles françois

PAR CHARLES SAIIRER DE SAHR

(Dresde, imprimerie de B. G. Teubner, 1870).

Dresde, ce 18 mars 1870.

Cher Président & ami, Vous me demandez ce que contiennent les deux cartons du comte de Hoym que le comte Albert Vitzthum a trouvés récemment à son château de Lichtewalde & gracieusement mis à ma disposition. Je vais satisfaire votre curiosité & vous adresser mon rapport tant bien que mal.

Le plus petit des deux cartons sur lequel le comte de Hoym a écrit au crayon : u Corresp. part., 172.3 r», ne contient à peu près que des lettres de cette époque, pour la plupart sans importance pour vous. Cependant il y en a quelques-unes dont je dois vous faire mention.

En voilà deux qui ne font pas signées, mais nous en connoissons récriture, nous en connoissons le cachet, nous


savons, sans demander des renfeignemens à M. G., que c'étoit Marie-Madeleine de Garge d'Ormoy qui disoit au comte de Hoym : « Mon cher mari. « Écrites de Livry, où Mlle d'Ormoy se trouvoit avec M. & Mme de Caumont, la première de ces lettres est adressée à Forges (i), où le comte de Hoym prenoit les eaux en compagnie du duc de Richelieu; la féconde a été envoyée à Paris.

Le 10 juillet, Mlle d'Ormoy se plaint de n'avoir pas de nouvelles de Hoym, malgré la promesse qu'il lui avoit faite de lui écrire ou de lui faire écrire. u J'avois prié Christian, dit-elle, de me donner de vos nouvelles, mais tel maître, tel valet. Il n'en a rien fait, & c'est un fichu valet de chambre que celui-là. Il tombera quelque jour fous ma coupe, peut-être non, mon cher mari, vous ne vous loueriez brin de votre femme. , Mlle d'Ormoy craint que le temps froid ne foit contraire à Hoym ; elle a dans l'imagination que les eaux de Forges ne font pas tout à fait ce qu'il faut; que de bons consommés feroient bien meilleurs pour son estomac, dont il se plaignoit souvent, & elle demande s'il ne viendroit pas faire un tour à Livry, où l'air étoit si bon. Après cela on trouve dans cette lettre le passage suivant : u Il y a ici deux perlonnes qui disputent sur certaines phrases françoises ; en voici une entre autres : J'étois prié hier à souper à tel endroit; je m'envoyai excuser, disant que je ne pouvois.

L'autre personne soutient qu'il faut dire : J'envoyai m'excuser, & je fuis persuadée que ce dernier a raison.

Le premier est têtu & ne veut s'en rapporter qu'à la

(1) On envoyoit aussi l'eau de Forges à Paris. Le prince Alexandre Kourakin écrivoit à M. de Hoym en date de Paris, 20 juillet 1723 : Mon père est intentionné de prendre les eaux de Forges, & afin de les avoir ici fidèlement, il a fait tenir au fontainier à Forges un cachet suivant l'empreinte du billet ci-joint. Je vous supplie, Monsieur, de vouloir bien ordonner à quelqu'un de vos gens d'aller avec le billet ci-joint chez le fontainier & lui demander à voir le cachet que son correspondant lui doit avoir envoyé d'ici, & de lui recommander qu'il nous serve fidèlement. 11 (S.)


décision de M. le duc de Richelieu, qui paffe pour être très corred dans la langue françoise; demandez-lui, s'il vous plaît, son sentiment là-dessus, puifqu'il est aux eaux avec vous; il mettra d'accord deux hommes qui font prêts à se manger l'âme pour cette phrase. Après avoir reçu de Christian la nouvelle que Hoym se trouvoit à merveille des eaux & du régime de Forges, Mlle d'Ormoy lui écrit en date du 29 juillet : u Je vous exhorte fort, mon cher mari, à ne vous pas déranger à Paris & de conserver avec foin la fanté que vous avez recouvrée; surtout point de femmes. Vous savez pour être trop aimable combien vous avez été maltraité, & puis cela me fâche & met noise en ménage, mais je ne le ferai peut-être pas toujours; je vous prie, ne nous brouillons jamais pour vos fredaines. « — te Quand vous verrez notre fille (1), écrit-elle encore, dites-lui quelque chose pour moy; de si heureux fruits de nos amours méritent bien qu'on leur foit attaché. Nous parlions beaucoup de vous ensemble la dernière fois que je la vis ; c'est le meilleur cœur de fille du monde, & celle qui oublie le plus facilement les gens dès qu'elle ne les voit plus. C'est votre vraie fille en ce point, mais je ne fuis pas sa mère de ce côté-là. Hélas! la pauvre enfant n'aura-t-elle pas été très dévergondée en notre absence? «

Quand le contenu d'une autre lettre ne nous indiqueroit pas son auteur, ce feroient les caraétères de l'écriture qui nous dévoileraient son anonyme, car je ne doute pas un instant que les cinq pages que j'ai devant moi ne soient écrites en entier de la main du maréchal de Richelieu. N'auroit-on pas eu tort à Livry d'en appeler à sa décision ? Je vous donne in extenso cette lettre (a).

(I) Cette fille doit être la filleule d'Hoym, Mme Pociey. Voyez ciaprès, § IV de l'Appendice. (P.)

(2) Cette lettre a été imprimée (n° XXIII des pièces justificatives : voyez deuxième partie, p. 263). M. de Salir donne encore ensuite la lettre d'Hoym à Thioly sur la bibliothèque de du Fay. Je l'ai donnée page 152. (P.)


« Permettez-moi, Monsieur, de vous témoigner ma reconnoissance de la part que vous avez paru prendre à ma disgrâce en venant chez moi pendant le peu de séjour que j'ai fait à Paris dans ma maison. v> Ainsi commence une lettre que M. de Nocé écrivit à Hoym, de Tours, 30 avril 1722 (1).

Vous vous souviendrez de quelques réponses du comte de Hoym à M. de Wackerbarth à propos de la peau divine. Les lettres que celui-ci avoit adressées à ce sujet à Hoym se trouvent dans mon carton, & je ne puis me refuser de vous offrir un échantillon de la prose du Feld-maréchal. Il écrivoit au comte de Hoym en date du 10 septembre 172,1 : u Étant fort incommodé d'un bourdonnement d'oreilles, & ayant la tête fort pesante & chargée, effeét, quoiqu'il pourroit bien provenir de la foiblesse de l'estomac, on veut pourtant que des fluxions y aient beaucoup de part, & Son Excellence M. le comte de Kœnigfegg m'a affuré qu'à Paris on préparait une certaine peau qu'on appeloit peau divine, dont on faisoit des calottes pour porter fous la perruque, &c., qui étoient admirables pour ces fortes d'incommodités.

Comme vous êtes sur les lieux, je vous prie, Monsieur, de vous informer où on vend de pareille peau, & découvrant l'endroit, vous me ferez plaisir de m'envoyer par la poste le plus tôt qu'il fera possible, & d'y ajouter en même tems une information comment on s'en doit servir. •>-> Le comte de Wackerbarth fut très-satisfait de l'envoi; il pria M. de Hoym, en date du 22 oétobre, de lui envoyer par la voie de la Hollande u une peau entière de ladite peau pour en pouvoir faire ce qu'il voudroit. T' Je me plais donc à croire que le digne homme n'aura pas manqué d'ajouter à sa calotte une culotte.

Au milieu des papiers que renferme ce carton, je distingue avec un vif plaisir. les traits coquets de Mlle Henriette de Vicedom (comtesse Charles Watzdorff). Vous

(1) Lettre signée non autographe & en termes généraux. (P.)


vous fouviendrcz de son joli portrait dans la galerie de Lichtewalde, & je ne doute pas que vous ne trouviez de l'intérêt à lire la lettre qu'à l'âge de dix-sept ans cette nièce favorite du comte de Hoym lui écrivoit, en date du 20 avril 1721 (1) : u Monsieur!

« De peur que les excuses que je vous pourrois faire sur mon silence ne vous parussent toujours mauvaises, quelque valables qu'elles pourroient être, je ne vous en ferai point du tout, connoissant d'ailleurs votre opiniâtre incrédulité. En récompence je vous promets, foi de bonne & docile nièce, de me corriger si bien que j'espère par là de pouvoir rétablir dans peu la bonne intelligence qui a été du moins quelquefois entre nous. Je vous avoue pourtant, mon cher oncle, que j'aimerois presque mieux une petite guerre, & comme je fais que vous êtes assez dans ce goût, nous ferons en forte, s'il vous plaît, que notre correspondance n'ait rien de fade ni d'insipide. Pour aujourd'hui pourtant, je me sens d'humeur paisible, à laquelle je veux bien laisser prendre le dessus pour le commencement de notre commerce, afin de nous réconcilier une fois pour toutes, & pour pouvoir sur ce bon fondement mieux nous harceler; enfin je recule pour mieux fauter, & je me fais une idée très agréable de toutes les querelles d'Allemand que nous nous ferons sans paix & sans trêve. Gardez-vous bien de devenir bon enfant, car tout feroit fini alors. Il n'y a pourtant qu'une chose que je vous prie d'observer : ne faites pas que je goûte cette correspondance plus que votre conversation, car autrement je ne vous fouhaiterois jamais de retour. Car j'ai la mémoire bonne, & je fais par où vous m'avez plu ou déplu; il ne faut pas que

(1) Quinze ans plus tard, les commissaires du Roi exprimèrent à Mme de WatzdorfF le mécontentement de S. M. de ce qu'elle n'avoit cessé de s'interener au fort de son malheureux oncle. (S.)


votre éloignement me paroisse plus agréable que votre présence.

u Adieu, cher oncle, j'espère bien que la douceur que ma fœur vous marque dans sa lettre ne l'emportera pas sur l'agrément du manque de refpeét que je vous fais voir qui a son mérite, car enfin je vous déclare, & dussiez-vous vous en fâcher, qu'il me feroit impossible d'écrire sur ce ton à aucun de mes autres oncles. Voilà de quelle façon je fais vous distinguer & vous rendre justice; ne vous donnez pourtant point des airs pour cela, je vous en prie, & promettez-moi qu'une autre fois vous ne ferez plus retentir à mes oreilles votre caraétère de ministre lorsque vous vous croyez obligé de me mettre à la raison, car enfin, quand même vous feriez ambassadeur de l'Empereur du Monomotapa, M. de Flemming, avec toute sa politesse & toute son éloquence acquise à Paris, ne m'en impoferoit pas.

u Adieu encore une fois; je finis en vous assurant que je fuis avec bien de la considération, &c. n Voilà pour les lettres. Il relie dans ce carton des poésies éparses qui pourraient être connues, des noëls (i), des épîtres, dont une est adressee de Villars à M. de Fontenelle, des chansons, &c.

Voilà, cher Baron, le premier carton. L'autre porte l'inscription : « Dessins de broderies, adresses d'ouvriers à Paris, échantillons d'étoffes, &c. « Le temps a paffé par là, il n'en reste rien qu'un morceau de drap & un échantillon de velours provenant du sieur Perricaud, à

(i) Par exemple : Avec mainte duchesse Parut madame Law.

Villars léchoit ses fesses, Guise baisoit ses pas, La Roquelaure enfin, Ce rfefl: pas un mensonge, Décrottoit ses petons, don don, Brissac avec Brancas, la la, Ncttovoicnt Ion tfponge. (S.)


la Reine de France. « Mais quel velours1. Si vous en trouvez encore de cette qualité dans tout Paris, je fuis chargé par une belle dame de vous demander une robe de cette étoffe splendide. Du reste elle se remet à votre bon goût, mandoit un jour, chargé de pareille commission par Mme de Fuchs, grande maîtresse de l'Impératrice, le comte Wackerbarth-Salmour à M. de Hoym.

Outre cela j'y ai trouvé un morceau de cuir collé sur du carton, sur lequel un relieur a essayé plusieurs petits fers, un catalogue des cartes de blason des sieurs Chevillard père & fils, plusieurs dessins des armoiries du comte de Hoym, des empreintes de ses cachets, & deux empreintes d'estampilles d'armoiries en noir, dont l'une m'est inconnue, l'autre doit venir de M. de Montmartel.

Ce carton contenoit encore les cinq pièces en parchemin citées dans l'inventaire du 30 septembre 1737, savoir les originaux des lettres patentes de S. M. données à Fontainebleau au mois d'oétobre 172-7, accordées au comte de Hoym pour jouir des mêmes droits que les sujets de S. M., de disposer des biens qu'il pourra acquérir & à ses héritiers de les recueillir, lesdites lettres scellées du grand sceau de cire verte en lacs de foie rouge & verte, signées sur le repli : Par le Roi, Chauvelin : les premières adressantes au Parlement, sur le repli desquelles font le visa de M. Chauvelin & l'enregistrement au Parlement suivant l'arrêt de la cour, du 15 décembre 1727 : les fecondes lettres adressantes à la Chambre des Comptes, sur le repli desquelles est aussi le visa de M. Chauvelin & l'enregistrement à la Chambre des Comptes du 15 décembre 1727, & l'enregitfrement à la Chambre du Domaine, suivant la sentence du 30 décembre de la même année.

Les trois autres pièces font les deux arrêts des susdits enregiftremens au Parlement, à la Chambre des Comptes & à la Chambre du Domaine.

Mon rapport est terminé, mais, comme je fuis en train, j'y ajouterai une notice que vous ne lirez pas sans intérêt.


Après la mort du comte de Hoym, on donna ordre d'examiner avec foin les livres & papiers qu'il avoit laissés au Kœnigftein & dans son hôtel de Dresde, pour voir s'il ne s'y trouvoit rien d'écrit de sa main qui pût expliquer sa fin tragique. Le comte de Stubenberg, MM. Gunther & Effenius se mirent donc à l'œuvre, firent une lifte des nombreux extraits que le Comte avoit faits de ses levures, &, ceci achevé, ils commencèrent par parcourir page à page les cinq in-folio de Moréri. Au bout d'un travail assidu de deux jours, ils durent se convaincre qu'ils n'avançoient guère, qu'il leur faudrait des mois pour achever leur tâche & que, la plupart des passages soulignés par Hoym n'ayant aucune importance, leurs efforts étoient peine perdue. Ils firent en conséquence leur rapport en date du 23 juillet 1736, & demandèrent à être dispensés de la continuation de ce travail. Dans les deux journées pendant lesquelles ils avoient procédé à cet examen, voici ce qu'ils avoient trouvé (1) : 1. Cléopâtre (tome VIII, page 199). Passage sur le suicide souligné.

1. Cassandre (tome III, page 244). Passage sur la moralité du suicide, trois fois souligné.

3. Gautier, Bibliothèque des philosophes (tome II, page 261). Note du comte de Hoym. u C'est une chose étrange que ces philosophes admettoient les récompenses dans une autre vie, & traitoient de fables les peines. Ce système est fort commode, c'est dommage qu'il n'ait pas plus de solidité. Tome I, page 571, le passage où Hégéfilaus recommande le suicide est souligné.

4. Poiret, économie divine. Le comte de Hoym y avoit inscrit un jugement très-favorable sur l'auteur & sur ses principes.

(1) Je n'ai pas pu chercher les passages marqués dans les différens ouvrages; en premier lieu, il s'agira des romans de de Code de la Calprenéde. (S.)


5. Histoire de la guerre des juifs, par Jolephe (tome I, page 330). Le comte de Hoym a souligné le passage contre le suicide & écrit en marge : « Discours de Josèphe sur la mort volontaire. «

Tome I, page 319, le comte de Hoym a écrit en marge d'un passage où il est dit qu'il vaudrait mieux mourir que de vivre en esclave les mots : « Beau discours sur la mort & l'immortalité. «

Page 457, il a souligné les mots : u La loi ne nous permet pas de nous donner la mort pour nous exempter des plus grands tourmens. Tome I, page 55, il a marqué tout le passage : u Mais lui remirent entre les mains Hircane & Phazael enchaînés ''l, jusqu'à : u Et non pas un lâche comme Hircane ,.,.

6. Leibnitz, Essais de Théodicée, sur la bonté de Dieu, &c. Les passages de Origine mali, de Neceflitate mali, font marqués.

7. Traité de l'opinion (pages 540 & 588 du dernier volume), les passages sur le suicide font marqués.

Ces trois commissaires du Roi attablés recherchant avec avidité dans les volumes du comte de Hoym chaque marque au crayon, retirant de leurs études dans Moréri, après mainte heure de travail, la conviction qu'il ne s'étoit presque point servi du Diétionnaire, s'étonnant de la manie de faire relier avec luxe des livres & de les envelopper dans du papier pour que les reliures ne soient pas abîmées, — il me semble que cela fait tableau.

Adieu, cher Président; recevez l'expression de tous mes hommages.


II

NOTICE SUR LA PRÉSIDENTE FERRAND LETTRES D'ELLE, LETTRES D'HOYM ET J.-B. ROUSSEAU A ELLE ADRESSÉES

1

ANNE BELLINZANI, fille de François Bellinzani, d'abord envoyé du duc de Mantoue en France, puis intendant du commerce de France (i), & de Louise Chéreau, étoit née en 1658. En 1676, étant âgée de 18 ans, elle épousa Michel Ferrand, qui de lieutenant particulier au Chàtelet en 1675, étoit devenu, en 1676, président en la première chambre des requêtes du parlement de Paris.

Guyot de Pitaval a dit dans ses Califes célèbres (t. XIII, p. 357), que ce mariage avoit été heureux pendant dix ans; mais si l'on s'en rapporte, & je crois qu'il y a lieu de le faire (non pour les détails, mais pour le fond des choses), à l'histoire des amours de Cléante & Bélife(2), Mlle Bellinzani n'épaula le président Ferrand qu'avec une répugnance extrême & après y avoir été forcée par son père. Dès sa plus tendre jeunesse elle aimoit le baron de Breteuil, qui, fort épris lui-même d'une personne accomplie, ne faisoit aucune attention à l'amour de cette jeune fille, d'ailleurs sans beauté. On peut voir dans

(O Je me demande si cette haute position donnée au ministre d'un prince étranger n'indique pas un grand service rendu, & si F. Bellinzani n'auroit pas coopéré à l'enlèvement de Matthioly, autre ministre du duc de Mantoue, qui paroît bien être le véritable Manque de fer. Voyez Delort, Hiss. du Masque de fer, Paris, 1825, in-8°.

(2) Je vois une édition de 1691 mentionnée. Je n'ai que celle de 1696, & c'est elle que je cite.


l'histoire des amours de Cléante & Bélife les efforts désespérés que fit cette malheureuse femme pour se faire aimer du baron de Breteuil, & comment, après avoir triomphé de son indifférence, après la mort de sa maîtresse, elle vint à bout de tromper la surveillance de son mari & de ses parens pour le voir chez elle. Elle eut néanmoins de son mari, dans les premières années de son mariage, un fils(i), né en 1678, & deux filles(2). Mais il résulte clairement de ses lettres au baron de Breteuil qu'à une époque que je n'ai pu précisément définir, mais qui semble devoir être voisine de 1682, elle n'avoit plus aucun rapport avec son mari (3), & que sa liaison avec M. de Breteuil étoit sinon connue, au moins très soupçonnée & combattue par sa famille & par le Président(4).

M. de Breteuil ayant été envoyé en Italie par le Roi (5), cette absence paroît avoir singulièrement refroidi la présidente Ferrand. Suivant l'auteur des Amours de Cléante, elle s'amouracha d'un petit colet, d'une espèce de pédant qui n'avoit ni agrément dans sa figure, ni politesse dans

Ci) Antoine Ferrand, conseiller à la cour des Aides, mort à 41 ans, en 1719, & enterré à Saint-Séverin (Quérard & la Chesnaye-Desbois).

On lui attribue un recueil de pièces libres, dont vingt pages feulement font de lui.

(2) 10 Anne-Élisabeth, mariée en 1693 à Michel de Combes, lieutenant général en la sénéchaussée de Riom, morte le 16 novembre 1699, en couches, à 21 ans; 2° Marie-Louise, religieuse aux filles SainteMarie de la rue du Bac, morte avant août 1735.

(3) « Croyez-vous que je puisse souffrir un autre que vous & profaner par un indigne devoir ce qui ne doit être accordé qu'à votre amour? »

Et page 17 : u Vous m'accusez d'accorder à mon mari ce qui doit être consacré à l'amour! >1 Page 22 : Mon mari renouvelle ses persécutions à peine en fuis-je hier échappée; je ferai bientôt contrainte à céder ou à pouffer les choses dans une dernière extrémité.

(4) « La jalousie & la fureur de ma famille font montées à tel point.

Le peu de certitude que les jaloux avoient de ma passion dans son commencement étoit un frein à leurs duretés, mais présentement qu'ils n'en peuvent douter, leur fureur agira dans toute son étendue. » Ceci semble s'appliquer à sa famille; mais comment sa famille auroit-elle pu la furveiller & contraindre sans l'appui & le concours de son mari?

(5) Page 63.


ses mœurs, ni goût, ni connoissance, que de [es livres qui Vavoient rendu presque folQi). Ce fut alors au tour de M. de Breteuil, que l'esprit & l'amour de la Présidente avoient singulièrement attaché, à subir les rebuts & les humiliations.

Si l'on en croit l'auteur de l'ouvrage que j'ai déjà cité, Mme Ferrand auroit répondu à ses reproches & à ses menaces en femme forte, trop forte, & très au-deuus du qu'en-dira-t-on, qu'elle ne le foucioit pas d'être estimée ni d'aimer un homme estimable, que le parti contraire coûtoit moins cher, & que ce que lui & le reste du monde pourroit jamais dire contre elle étoit la chose du monde qui lui étoit la plus indifférente (a).

M. & Mme Ferrand continuèrent cependant à habiter ensemble jusqu'en 1686; mais cette année M. de Bellinzani ayant perdu sa position & ayant été disgracié, M. Ferrand, privé apparemment des ressources qu'il tiroit de la générosité de son beau-père, renonça à tenir maison. Les époux, qui demeuroient dans l'enclos des Filles-Saint-Thomas, passèrent une tranfaétion qui a été imprimée (3), dans laquelle, à raison de Pantipathie de leur humeur & des rixes qui arrivoient tous les jours & qui pouvant augmenter dans la disposîtion où se trouvoient leurs esprits, obligeraient ladite dame de demander la sèparation, & ledit Président de la consentir, ils déclarèrent se séparer à l'amiable. Le Président aflfura à sa femme une pension de 4000 livres & se retira dans sa famille, en se chargeant des enfans. Tels font les termes authentiques de la séparation à l'amiable, & on a droit de s'étonner que Gayot de Pitaval y ait vu que le Président reconnoissoit que les torts étoient de son côté.

A cette époque, Mme Ferrand étoit grosse. Elle accoucha le 2,7 odobre 1686, rue du Bac, d'une fille, qui

(1) Pages 7 & 79. Voilà un bibliophile bien mal mené!

(2) Page 89. J ai peine à croire qu une femme d un eiprit aussi délicat ait pu s'exprimer ainli, ou pour mieux dire, je ne le crois pas.

(3) A la fuite du Mémoire de Mlle Vigny Ferrand. Cabinet généalogique, pièces originales, au mot Ferrand.


fut portée le 28 au matin à Saint-Sulpice par une vieille femme chargée d'un billet portant que cet enfant étoit la fille du président & de la présidente Ferrand, & accompagnée d'un mendiant & d'une mendiante qui devoient être les parrain & marraine.

Le curé, très-étonné à la vue de ce cortège, baptisa l'enfant, & trouvant avec raison que son origine n'étoit pas suffisamment établie, l'inscrivit fous le seul nom de Michelle.

Le même jour, vers midi, le président Ferrand se présensa à Saint-Sulpice, accompagné de deux notaires, & exposa au curé qu'il avoit appris depuis deux jours qu'on vouloit lui supposer un enfant, & qu'il le prioit de n'en baptiser aucun fous son nom sans l'en avertir. Le curé ayant raconté ce qui s'étoit paffé le matin, M. Ferrand en fit dresser procès-verbal qu'il déposa chez Carnot, l'un des deux notaires.

Il semble bien résulter de tout ce mystère, & de la démarche de M. Ferrand, que le Président n'étoit pas le père de cette enfant. Mais comment expliquer que Mme Ferrand envoyant sa fille au curé de Saint-Sulpice & la disant issue de son mari & d'elle, l'ait fait si singulièrement, on pourroit dire si dédaigneusement accompagner? On ne peut l'expliquer que par une bizarrerie & une violence de caractère que son histoire avec le baron de Breteuil permettroit peut-être de lui attribuer.

Par fuite de la disgràce de son père, à ce que dit Pitaval, mais plutôt à cause de tout ce scandale, Mme Ferrand fut enlevée & conduite à l'abbaye de Lo, au delà de Chartres, comme elle venoit d'accoucher, c'est-à-dire à la fin de 1686, ou tout au commencement de 1687; elle fut ensuite transférée aux Ursulines de Gisors, où elle passa deux ans & demi. Enfin, en 1690, les ordres furent révoqués, & elle revint à Paris à la fin de 1691 ou au commencement de 1692, étant restée volontairement au couvent après y avoir été d'abord enfermée malgré elle.

Toutes ces circonstances, qui devoient avoir par la


fuite encore plus de retentissement, & la publication qui eut lieu alors (en 1691) de l'histoire de Belife & des lettres de la Présidente, devoient naturellement atteindre gravement sa réputation. On comprend que lors de son affaire avec Lenglet-Dufresnoy, en 1718, M. de Machault ait pu dire que le crédit & la réputation de cette dame n'étoient pas d'une grande confédération dans le monde, & que dans ses notes conservées au cabinet généalogique, d'Hozier ait écrit que malgré tout son esprit, elle se signala par la conduite la plus dépravée. Mais tel étoit, au dixhuitième siècle, l'empire de l'esprit, que la présidente Ferrand resta malgré tout une femme célèbre & assez considérée. Lifter, venant à Paris en 1698, alla la voir, comme il alloit visiter aussi Mlle de Scudéri & la marquise de Vieux-Bourg; le comte d'Hoym arrivant à Paris s'empressa de faire sa connoissance. jean-Baptiste Roufseau entretenoit de Vienne une correspondance avec elle, &, ce qui est plus significatif encore, la savante & vertueuse Mme Dacier l'avoit admise dans sa société.

Le président Ferrand étant mort le 31 août 1723, Mme Ferrand réclama pour ses reprises 196000 livres.

Les revenus laissés par le Président étoient touchés par Charles-Gabriel de Blegny, fils d'Étienne-François, & secrétaire de M. Ferrand, qui les partageoit entre les héritiers & la veuve. Le procès duroit encore quand Mme'Ferrand mourut, à l'âge de 82 ans, dans le couvent du Cherche-Midi, le 13 novembre 1740.

Mais avant sa mort elle avoit eu à subir un procès bien autrement pénible. En 1734 ou 1735, une demoiselle de Vigny prétendit avec toute apparence être la fille dont Mme Ferrand étoit accouchée en 1686, & elle fut reconnue pour telle par un arrêt du Parlement, du 24 mars 1738, malgré tous les efforts de Mme Ferrand & des héritiers de son mari. Elle ne paroît pas s'être mariée. Dans le cours de ce procès Mme Ferrand publia un mémoire composé par elle, que je n'ai pu trouver.

S'il est facile de connoître Mme Ferrand fous le rapport de l'esprit, il l'est bien moins de juger le fond de


son caractère. Qu'elle ait eu des aventures, cela est certain ; mais jusqu'à quel point a-t-elle mérité l'épithète de dépravée que lui donne d"Hozier? On pourroit la lui donner si on accepte comme certain le passage de Cléante & Belife que j'ai cité plus haut; mais si cet ouvrage doit être au fond assez exaét, il est évident qu'il a été écrit avec une excessive malveillance pour Mme Ferrand, & quand on lit sa lettre si pleine de cœur sur Mme Dacier, il est impossible de regarder comme dépravée la femme qui a écrit ces pages si touchantes (voyez surtout page iif). Concluons du moins, si nous osons conclure, que si elle a été telle que la jugeoit d'Hozier, l'àge & les chagrins dont elle fut abreuvée rendirent son âme meilleure à mesure que les passions qui la troubloient s'apaisèrent & biffèrent prendre le dessus à ses réflexions & à son jugement. Voici maintenant quelques lettres d'elle.

Toutes, fauf celle sur Mme Dacier, font inédites.

LETTRE DE MADAME FERRAND A HOYM

A Paris, ce 20 avril 1719(1).

Vous avez eu raison, Monsieur, de penser que c'est l'affaire de L. L. (2) qui a interrompu nostre innocent commerce de lettres; mais ce n'a assurément esté que par prudence, & mesme une prudence qui vous regardoit. S'il ne s'estoit agi que de moy, comme nous donnons toujours la préférence à l'interet qui nous touche le plus, soiez persuadé que je ne me fusse point refusé le plaisir de vous escrire régulièrement, mais j'ay fçu que la fœur de cet honnête homme avoit livré celles de vos lettres que vous aviez adressées à son frère & qu'elle

(1) Mme de Maintenon mourut à Saint-Cyr, le 15 avril 1719. C'est là ce qui m'a donné l'année de cette lettre, qui n'a que la date du mois.

(2) L'abbé Len £ >let.


avoit fait ce qu'elle avoit pu pour rendre notre commerce fufpeét. Comme vostre intention n'a pas esté de quitter ce pays-cypour toujours, j'ai cru, Monsieur, vous devoir des ménagemens, & il m'a paru que je ferois très blafmable si, pour me satisfaire, j'expofois un homme qui m'a paru en toutes occasions prévenu si avantageusement pour le Régent. Voici, Monsieur, les causes de mon silence.

Depuis ma malheureuse affaire, je n'ay reçu que deux lettres de vous, l'une en réponse à celle par laquelle je vous l'aprenois, & la vostre du 29 du mois paffé que je reçus hier & qui me fit un véritable plaisir: elle m'affura de vostre fanté & de la continuation d'une amitié que j'ay méritée & que je ne puis perdre, si pour la conserver il ne faut qu'estre ferme & constante dans ses sentimens. S'il avoit plu à M. de Montargon de m'honorer d'une visite avant son départ, je vous aurois écrit amplement par lui & je vous aurois envoyé plusieurs petites nouveautés, mais il n'a pas fongé que je fusse au monde, & je n'ay su qu'il estoit parti que lorsqu'il n'y avoit plus de remède. Je ne vous manderai point de grandes nouvelles : rien n'est icy certain ; on paffe sa vie à entendre des choses opposées; toujours l'effet des différentes passions; le publique ne sçait ce qu'est devenue la flotte d'Espagne. Si nos maistres n'en sçavent pas davantage le dessein d'Alberoni est efchoué, car on aura eu le tems de se précautionner en Angleterre. La guerre de la France contre l'Espagne va aller son train. M. le prince de Conti part incessamment: son équipage est parti aujourd'huy. Mme la duchesse de Berry, qui a eu de violentes vapeurs, est à Meudon ; Paris est tel que vous l'avez laissé : les fpeétacles, la bonne chere, enfin l'amour des plaisirs mal entendu prend la place de sentimens plus sérieux; on joue gros jeu; les femmes font une dépense enragée & puis on crie misere !

Les plaintes feroient raisonnables si on entendoit par misère la privation du bon sens !

Vous sçavez sans doute la triste aventure du duc de Richelieu, qui est à la Bastille; on donne plus d'une


cause à sa détention, mais telle qu'elle foit on doit croire que cette détention estoit necessaire & par conséquent juste. M. Raimond a pensé estre introducteur des ambassadeurs; il a eu l'agrément, mais comme le plaisir de faire parler de lui dans le monde est son premier objet, il s'est vanté trop tost & il n'a pas réussi. Madame la Duchesse soutient une maladie extrême depuis plus de quatre mois. Sçavez-vous la mort de M. de Mimeure, arrivée dans ses terres? Sa veuve y est encore & ne doit revenir que cet esté. Voilà, Monsieur, à peu près ce que je puis vous mander; ma voisine fait sa vie ordinaire, & l'ancien amant est toujours avec Armide, dans son palais enchanté.

On dit pourtant que son accomodement est fait en Angleterre, mais aparament qu'il n'a pas cru devoir y retourner dans la conjonéture présente. En relisant ma lettre j'ay esté surprise d'avoir oublié la mort de Mme de Maintenon, âgée de 86 ans & demy. Voilà une vie singulière de toutes les façons. On ne lui a trouvé que 25 mille livres d'argent. Mme la duchesse de Noailles est son héritière. Mme de Mailly & Mme de Quelus ont sa vaisselle d'argent à moitié; il est tems de finir ma lettre par vous affurer, Monsieur, que je fuis toujours la mesme.

M. le comte de Hoyms, à Dresde.

II AU MÊME

A Paris, ce 23' aoust 1719 (1).

Je n'ay point vu M. de Montargon, & il ne m'a envoyé votre lettre, Monsieur, que le jour de son départ par un homme qu'il trouva par hazard & qu'il sçavoit estre de mes amis; ainsi je n'ai pû profiter de son départ comme j'aurois fait si je Pavois apris à tems.

(1) Saint-Sebastien fut pris le i" août 1719.


Je n'ai pu répondre plus tôt à vostre obligeante lettre; j'ai pris des eaux qui ont produit des effets qui m'ont mis hors d'estat d'escrire; les chaleurs font extremes cette année, & les foibles santéz font encore affoiblies par là.

Joignez à touttes ces raisons quelques jours d'une inquiétude cruelle : mon fils, qui languissoit depuis trois mois, a jetté un abcez qu'il avoit dans la poitrine; heureusement il ne lui reste que de la foiblesse, les autres accidens ont cessez. Je ne fuis pas faite pour estre tranquille, & j'ai toujours de nouvelles peines.

J'en ai eu une depuis vostre départ dont je ne vous ai point parlé, mais puisque vous voulez que je vous parle avec exactitude de ce qui me regarde, je dois vous apprendre que je ne vois plus Lab. Fr.(i) & qu'il m'a manqué dans l'affaire qui m'est arrivée d'une manière qui a blessé également l'estime & l'amitié. J'ai esté touchée au vif d'un procédé si peu mérité; j'ai regardé comme une perte de ne plus aller dans un lieu où je trouvois des conversations que l'on ne trouve point ailleurs, mais je n'ai pas balancé à tout envoyer promener.

Pour M. R.(2), comme je le conneffois bien, je n'ai pas esté surprise de son infâme procedé; ces deux hommes là font les seuls qui m'ont fait sentir ma disgrâce, & j'ai confervé jusqu'a mes amis du Palais Roial; tous le font mesme réchauffés pour moi. 0 que la science qui ne fert de rien à la morale est peu de chose. Au nom de Dieu, ne lisez que pour devenir meilleur !

Je fuis charmée de l'endroit de vostre lettre où vous me faites envisager vostre retour. Aurois-je cette consolation? Que j'y ferois sensible & que j'en connois bien le prix. J'ai une amie dont vous vous accommoderez fort & à qui je ne trouverais pas mauvais que vous donnassiez la preference, pourveu que vous ne fissiez point d'injustice à mon premier merite aupres de vous, qui est

(O Lenglet-Dufresnoy.

(2) Je pense que c'efl M. Rémond, dont Saint-Simon a parle tome XVII, p. 150.


de connetre mieux qu'un autre ce que vous valiez. Je vous parle de cette amie comme d'une connessance nouvelle, cependant elle est ancienne & très ancienne : il y avoit trente ans que nous ne nous etions vûs. C'est la princesse de Carpègne, revenue de Rome, où elle a paffé tout ce tems là. Elle a beaucoup d'esprit, un grand usage du monde, & elle a comme moy besoin d'aimer; ainsi elle est fort propre au commerce & à l'amitié. Je puis mefine vous affurer que son age ni le mien ne nous rendent pas plus tristes & d'humeur plus chagrine, & que nous faisons quelquefois de petits repas dont vous vous accomoderiez fort & où il ne nous manque que vous.

Elle vous conneit deja & fouhaiéte vostre retour, comme celui d'un de ses amis, tant elle est persuadée que vous feriez du nombre.

Je ne vous dirai point de nouvelles des affaires politiques, on ne peut en juger juste sans connêtre l'intrigue du cabinet; ce qui est clair & certain, c'est que M.Laffe(i) a tout l'argent du royaume, & que le Roy trouve par la Banque des secours qui lui épargnent d'emprunter à gros interest & de mettre des impofts.

La guerre avec l'Espagne est facheuse par la difficulté de la faire. On a perdu beaucoup de monde de maladie & dépencé beaucoup d'argent. Le siege du chateau de Saint-Sebastien a esté converti le 13 en blocus. M. le prince de Conti a esté très mal, à l'armée, de la dissenterie; on le disoit hier un peu mieux. Les nouvelles de Sicile font toujours incertaines à l'esgard de la situation des Impériaux, mais très efclaircie sur les désavantages qu'ils ont effuicz.

Mme la duchesse de Berri est donc morte d'une façon bien terrible! Le Roi a confervé à Mme de la Follene sa pension. Il s'est fait une entorse il y a dix jours qui ne lui permet pas encore de marcher.

Il n'y a rien de nouveau dans la république des lettres

(1) Law. On prononçoit LaiTe.


que d'assez mauvais ouvrages; l'abbé du Bau (i) nous a donné un traitté sur la peinture & la poésie, qui est un etrange livre : point de stile, point d'ordre, aussi peu de justesse & de goust. Il y a pourtant quelques endroits qui méritent d'estre lus. Son ouvrage est en deux oétavo, fort gros. C'est une ledure qui m'auroit fait fuer au milieu de l'hiver. On ne fait plus de chançons ni de ces petits ouvrages dont vous avez tant vu ; tout le monde est occupé de Iiffiffipi; on se tue pour vendre & pour achepter des aétions. M. R., qui en avoit pour cent dix mille livres, a acquitté sa charge, qui lui avoit couté 210 mille livres & auroit du surplus quatre cent mille livres. Les plus grands seigneurs ne bougent de chez les agens de change ; c'est une manie si générale & si outrée que tout ce que je pourois vous en dire ne vous feroit pas comprendre ce qui se paffe ici; il me paroiftroit aisé de se consoler de n'avoir pas de Mississipi, mais je fuis inconsolable de voir l'amour de l'argent éteindre tout autre goust, & je ne puis trouver les plus jolies femmes aimables en les voyant occupées du matin au foir de billets de banques & d'aétions sur le lVIiffiffipi; elles vendent leurs pierreries pour y mettre : Dieu sçay si elles n'iront point plus loin !

J'aprens dans le moment que M. le prince de Soubize est arrivé ce matin pour aporter la nouvelle de la rendition du chateau de Saint-Sebastien; cette nouvelle non attendue a fait grand plaisir; il s'est rendu parce qu'une bombe a écrasé la citerne; voila une affaire finie : il marche des trouppes du Languedoc & de la Guienne vers le Lambourdant; voici, Monsieur, une lettre bien longue; pardonnez la moy & ne me parlez jamais du prétendu tort que vous avez sur l'abbé Langlé.

En relisant ma lettre, j'ai craint que ce que je vous dis du désir qu'a mon amie de vous connêtre ne vous fit douter que j'eusse parlé de vostre dernière lettre, mais

(i) Du Bos.


ne foubçonné point ma fidélité, qui est exaéte; je ne lui ai parlé de vostre retour que felon mes desirs & les vostres, mais non comme prochain.

III

LETTRE DE LA PRÉSIDENTE FERRAND A HOYM

Vous conneffez allez vos forces & ma foiblesse, Monsieur, pour vous répondre davance que j'accepterois la proposition que vous me faites l'honneur de me faire; cependant je courus hier tout le jour; je me fuis couchée à deux heures, & il est jour dans ma chambre dès huit heures. Voila un détail qui vous prouve que l'on ne peut vous refuser, & que je vous fais pour excuser non des yeux batus, car il ne m'importe guere, mais un habit peu décent, la première fois que je vous rend mes devoirs chez vous. J'attendrai vostre carosse, puisque vous me l'ordonnez.

IV

LETTRE A HOYM

J'ay lhonneur de vous connêtre trop bien, Monsieur, & je conneis aussi trop bien l'amitié, pour ne vous faire pas un compliment sur la perte que vous avez faite d'une personne qui a merité & pendant sa vie, & par sa mort, des amis du premier ordre. J'aurois préferé la fatisfaétion de vous faire mon compliment chez vous à celle de vous escrire si je n'etois pas occupée à plaider contre un vieux conseiller de grand chambre qui en pelotteroit une douzaine comme moy. Mais malgré la conncffance que j'ay du péril, je fuis forcée de m'y jetter, puifqu'il faut vivre & que l'on ne vit pas de l'air. Je ne vous aurois rien dit de ce qui me regarde, Monsieur, si je ne m'etois crue


obligée de vous rendre raison de ce que je ne me prélente point à vostre porte. Vous connelfez, il y alongtems, quels font mes sentimens pour vous. J'ose vous affurer que personne ne vous conneit mieux que moy.

Ce mot suffit pour vous repondre de l'estime, de la vénération & de tout rattachement dont je fuis capable, & c'est, Monsieur, beaucoup dire. Je prendray dans quelques jours la liberté de vous faire une prière qui je pense ne vous paroitra pas indiscrete.

Ce ier mars.

Pardonné moy mes ratures ; j'arrive de chez mon avocat; j'ay la teste renversée; je n'etois point faite pour etre une comtesse de Pinbeche. Quoy que je foye dans le bel age pour plaider, je n'y sens aucun panchant, & nature patit au point que je fuis quelquefois tentéè de me mettre en repos en faisant vœu de pauvreté.

V

ÉLOGE DE MADAME DACIER AU POINT DE VUE DE SA VIE INTÉRIEURE

PAR MADAME LA PRÉSIDENTE FERRAND (i)

La voie par laquelle nous avons reçu l'Éloge de Madame Dacier nous autorise à croire qu'il est de Mme la présidente Ferrand, si connue par la délicatesse de son esprit & les charmes de sa conversation.

Les amis de cette femme célèbre doivent compte au public de mille morceaux pleins d'agrément qui lui font échappés, & dont ils font les dépositaires.

(1) Tiré du Mercure de France. Avril 1751, p. 84. Les quelques lignes d'avertissement qui précèdent la lettre de Mme Ferrand font du rédacteur du Mercure.


LETTRE DE MADAME LA P. F. A M. L'ABBÉ R.

DOCTEUR DE SORBONNE

A Paris, le 21 janvier 1721.

Je vous rends grâces, Monsieur, de m'avoir procuré la lecture d'un ouvrage qui a pour titre : Éloge de Madame Dacier. Personne ne prendra jamais plus de part que moi à la justice que l'on rendra à un mérite si rare & si digne des éloges des plus fameux écrivains, parce que personne n'a tant estimé ses vertus, & ne l'a examinée avec plus d'attention, pendant plusieurs années que j'ai été au nombre de ses amies, ce que j'ai toujours tenu à grand honneur. Mais je vous avouerai que l'écrit dont il est question m'a paru l'éloge des ouvrages de Mme Dacier, plutôt que celui de sa personne; cependant c'est retrancher une partie de sa gloire, que de ne pas entrer dans un détail qui lui est infiniment avantageux, & qui peut même être très utile. Il feroit voir aux hommes qu'ils doivent souhaiter, loin de le craindre, que les femmes ayent le goût des livres ; & les femmes apprendroient que la science est si peu opposée à leurs devoirs, qu'aucune ne s'en est acquittée aussi excellemment que Mme Dacier.

En me rappellant le souvenir de ce que j'ai vû d'elle dans son domestique, je sens naître une tentation à laquelle je vais succomber. C'est, Monsieur, d'entrer dans ce détail, où je fouhaiterois que quelqu'un plus capable que moi fût entré. Je n'ai besoin, après tout, que d'un récit simple & fidèle pour réussir.

Montagne dit que l'on est principalement obligé à Plutarque de nous avoir fait connoître les grands hommes à leur à tous les jours. On me fçaura donc gré d'avoir mis Mme Dacier dans un point de vûe également propre à faire aimer la science & la vertu.

La réputation de Mme Dacier, comme fçavante, m'a-


voit donné de l'admiration & de l'humilité, sans nulle envie de la connoître plus particulièrement; je reconnoiffois la distance infinie qui nous féparoit, & je ne me jugeois pas à portée de profiter de son commerce, jusqu'au moment que la fortune m'ayant liée d'amitié avec de ses amis intimes, ils me dirent des choses d'elle qui me firent désirer ardemment de la voir. Je la trouvai filant, d'une politesse judicieuse, éloignée de toute affectation, parlant aux femmes des choses dont on les entretient ordinairement. Je me souviens que je pensai m'en fâcher, & que me croyant plus habile qu'elle dans ce que je fuppofois qu'elle traitoit de bagatelle, j'aurois voulu qu'elle me parlât de ce que je ne fçavois pas, mais je connus bientôt que l'on pouvoit toujours s'instruire avec elle. Les ajustemens, les meubles, rien ne lui étoit inconnu : elle savoit les différentes fabriques des étoffes, & leurs differens degrés de bonté, aussi bien que leur juste prix, & j'aurois donné la préférence à Mme Dacier sur toutes les femmes de ma connoissance, pour des emplettes considérables.

Sa fille vivoit alors. Une fanté qui avoit toujours été délicate, n'avoit pas permis à Mme Dacier de l'engager dans la même carrière où elle avoit acquis tant de gloire, mais de fages ménagemens, & les heureuses dispositions de cette aimable fille lui avoient procuré tout ce qui peut perfectionner la raison & ouvrir l'esprit. Elle s'étoit d'abord amusée de l'étude de la musique; mais tenant de sa famille l'idée & l'amour de la perfeétion, elle étoit devenue si habile, que dans des concerts qu'elle faisoit avec les plus fameux musiciens, elle montroit une capacité presque miraculeuse. Sa figure donnoit un nouveau lustre à un talent si agréable, & semblable à Clio, elle en avoit les grâces & la modestie, aussi bien que la science. Elle étoit digne en toute manière de l'amour de M. & de Mme Dacier, & du tendre souvenir de ceux qui l'ont connue. Elle a eu le destin des roses, elle a vécu l'espace d'un matin !

Mme Dacier n'oubliait rien de sa part pour rendre


les concerts dont je parle d'agréables régals, foit par une compagnie choisie, foit par des collations qu'elle composoit de ce qu'elle faisoit elle-même. Sa pâtisserie, ses confitures, ses liqueurs, tout étoit d'un goût exquis. Elle sçavoit même faire du pain excellent. Quand je confidérois dans ces fortes d'occupations cette même personne, qui étoit si bien entrée dans le sublime d'Homère, je croyois voir ces mêmes héros paffer des emplois les plus sérieux au foin de recevoir leurs hôtes. Mme Dacier & ces héros m'en paroissoient plus aimables, & ce sentiment me confirmoit dans la pensée que nous avons une fausse idée de la véritable grandeur. J'admirois encore plus Mme Dacier dans ses talens domestiques que dans ses livres. J'avoue que ces différens mérites étoient ce qu'est le clair-obscur en peinture ; leur opposition les relevoit; mais elle faisoit sentir dans toutes ses aétions une convenance & une bonté qui feules leur auroient donné du prix. Le jugement que j'en portois étoit conforme à ses propres sentimens, car jamais personne n'a fait tant de cas des mœurs; nul ménagement de vanité ou d'intérêt ne lui a fait mettre au rang de ses amis des gens sans vertu; indulgente cependant ou du moins très reservée à blâmer ce qu'elle n'approuvoit pas, elle ne cherchoit pas à mettre son mérite au jour, en lui opposant les défauts d'autrui. On ne lui remarquoit nul retour sur ellemême : elle ne faisoit jamais sentir le moi; sa bonté naturelle l'éloignoit des opinions qui favorisent la dureté.

Elle se délaffoit en s'amusant de plusieurs fortes d'animaux qu'elle nourrilloit & dont elle prenoit foin ellemême. Qui l'auroit vûe au milieu de ses oiseaux l'auroit crue toute livrée à ce goût-là. Il faut avoir vu familièrement Mme Dacier pour comprendre le loisir que donne l'aversion de l'oisiveté & de ces vains amusemens qui consument le tems des autres femmes; elle trouvoit du tems pour tout, & tout se faisoit avec tant d'ordre, qu'elle n'avoit jamais l'air affairé. Je ne fais où j'ai lû que les aétions du fage forment l'harmonie la plus parfaite qui foit fous le ciel.


Après ce que je viens de dire, on ne peut douter des foins qu'elle avoit de ses domestiques (i). Elle sçavoit être libérale & économe, bonne sans se familiariser, ne connoissant rien de petit de tout ce qui lui paroissoit nécessaire au bon ordre de sa maison; bonne mère après avoir rempli ses devoirs de fille d'une manière digne du père que la Providence lui avoit donne ; amie fure & solide, sans humeur, supportant les torts de ses amis avec une -patience & une douceur également éloignées de l'insensibilité & de la délicatesse outrée qui ne pardonne rien ; enfin épouse si parfaite, que l'on peut affurer sans exagération qu'elle n'a pas eu sa pareille. C'est un assemblage que la nature & la fortune ne font peut-être qu'une fois que de joindre tant de vertu,- tant d'esprit & tant de science à mille qualités agréables & utiles.

Je n'entre point dans un détail qui me mèneroit trop loin ; mais vous sçavez, Monsieur, qu'on ne pouvoit souhaiter à Mme Dacier aucune forte de connoissances : elle les avoit toutes. Ayant lû en tout genre ce qu'il y a de plus excellent, elle en avoit profité d'une façon à ne laisser pas lieu de douter qu'elle n'eût eu principalement en vue sa propre perfeétion, & que son dessein en écrivant ne fût de procurer aux autres les mêmes avantages.

Je ne me fuis pas engagée à parler de la manière d'écrire de Mme Dacier, quoique j'aye eu la hardiesse d'en juger & que j'aye écrit quelque part que son style, formé de bonne heure sur celui, des meilleurs auteurs, avoit la force & l'exaétitude du style des hommes, jointes à une certaine douceur propre aux femmes, qui rendoit sa manière d'écrire supérieure à toute autre; mais je ne puis me taire de ses lettres, j'entends celles que l'on écrit dans le commerce ordinaire. Cette personne, si remplie des beaux traits des poëtes & des historiens, connoissoit si précisément en quoi confiftc principalement la beauté de chaque chose, que son érudition difparoiffoit dans ses

(i) De ses affaires domestiques?


lettres, & qu'elles pouvoient paffer pour avoir été écrites par une femme du grand monde qui a beaucoup d'esprit & dont l'éducation n'a pas été négligée.

Ceux qui l'ont vûe animée à un certain point dans les disputes qu'elle n'a pû éviter, l'ont bien mal connue.

Elle féparoit les auteurs, de leurs livres, avec une exactitude scrupuleuse, & comme on peut avoir de la probité & de la vertu & se tromper sur un point d'érudition, elle ne prétendoit pas attaquer leur personne dans cette forte de combat. J'avoue que cette forte de diftinétion n'est pas trop du goût d'un auteur dont ordinairement la partie la plus sensible est son ouvrage, mais comme cela ne devroit pas être, Mme Dacier a fait l'honneur à tous ceux avec qui elle a eu des différends, de les supposer tels qu'ils doivent être.

C'est une honte à un sçavant (le Père Hardoin, jésuite) du premier ordre d'avoir attaqué Mme Dacier comme il l'a fait. A la vérité le public l'a vengée, & la

postérité la vengera encore davantage. Quand j'ai vû des sçavans relever les prétendues fautes de Mme Dacier au lieu de la combler des louanges qu'elle a si bien méritées par ses excellens ouvrages, je n'ai pû m'empêcher de soupçonner les hommes de voir d'un œil d'envie la science dans les femmes & que ce ne foit à eux que nous devions nous prendre de la puérile éducation que l'on nous donne.

Ce que je viens de dire de la disposition de Mme Dacier s'est principalement fait remarquer par rapport à M. de la Motte. Je fuis témoin qu'elle n'a pas souffert en sa présence le moindre trait qui sortît du fait de la dispute. Les amis de cet auteur ont regardé le livre De la corruption du goût comme un outrage, & je crois qu'il est un effet de l'estime que Mme Dacier faisoit de M. de la Motte. Elle ne pouvoit, en façon du monde, être de son sentiment; mais elle avoit si bonne opinion de lui, qu'elle se flattoit de le ramener.au vrai, & elle le croyoit si propre à séduire, qu'elle n'a jamais voulu suivre le conseil que quelques-uns de ses amis lui donnoient, de laisser Homère avec sa vieille réputation de 3000 ans


vis-à-vis de M. de la Motte. Craindre pour Homère, c'est sembler mettre la main à l'arche, si j'ose me servir de cette expression. Après tout, il est juste de laisser le droit à ces Meilleurs les Anti-Homériftes de trouver Homère un rêveur; les autres ont droit aussi de peser l'autorité des Longins, des Quintiliens, des Cicérons, des Horaces & des Racines avec l'autorité de ces Messieurs : ce que je ne puis comprendre, c'est que M. de la Motte n'ait pu deviner de quel côté pencheroit la balance.

Après avoir parlé de la modération de Mme Dacier dans les disputes, je dois parler de celle que l'on remarquoit en elle par rapport à la fortune; cette femme si connue & si honorée dans l'Europe, recherchée avec empressement par les étrangers, s'est trouvée en d'étranges embarras.

Un présent pénible, un avenir incertain, rien n'altéroit sa modération. Dans les dernières années de sa vie, elle parloit de se retirer en Languedoc. Le seul intérêt de M. Dacier retardoit sa retraite; elle craignoit qu'il ne s'en accommodât pas; je fuis persuadée que pour elle elle s'y feroit trouvée contente ; mais quoiqu'elle ne parlât de son dessein qu'à ses amis, il ne lui échappoit pas la moindre plainte : elle n'appelloit point la fortune injuste ni aveugle, & toujours également éloignée de flatter ou de blâmer les puissances, elle surprenoit par une conduite si exactement fage qu'elle paroissoit plus qu'humaine.

Cette modération n'étoit rien moins qu'une certaine disposition de tempérament qui produit la foiblesse & la timidité. Les ouvrages de Mme Dacier prouvent que son esprit étoit plein de feu & de vigueur. Son courage n'étoit pas moindre; jamais personne n'a été plus sensible & n'a aimé plus tendrement ce qu'elle devoit aimer, & cependant jamais personne n'a réprimé avec tant de force les excès où peut jetter la sensibilité; ménageant les autres, renfermant en elle-même ses propres sentimens : exempte de la vanité, qui souvent nous fait montrer nos larmes & nous parer de nos malheurs; toujours vraie,


toujours fage, c'étoit par la connoissance que l'on avoit de son caraétère, plutôt que par ses plaintes, que Pan étoit instruit de ses afflictions. Elle avoit perdu un fils à qui on peut dire qu'elle avoit donné une double naissance en se chargeant de son éducation. Que ne promettoit point un enfant qui à l'âge de dix ans avoit porté sur Hérodote & sur Polybe un jugement que M. & Mme Dacier auroient pû avouer ! Quel coup pour Mme Dacier que la mort d'un tel fils! Mais à quelle épreuve ne fut pas mise sa vertu quand elle vit cette fille, l'objet de tant de foins & de tant d'amour, consumée par une longue maladie ! Quel fpeétacle pour une telle mère ! Mais persuadée que sa présence étoit nécessaire à sa fille, elle dévoroit sa douleur pour se conserver le droit d'en être la garde assidue jour & nuit, & de ne la quitter que dans le funeste moment où elle pourroit dire : je ne la verrai plus!

Cet endroit de ma lettre me rappelle le souvenir de mes propres pertes; quelle douleur de voir périr ceux ,. qu'on aime, quand l'estime publique s'accorde avec notre tendresse ! Mme Dacier mêloit ses larmes avec celles d'une autre elle-même, & ce qui sembloit augmenter son affiiétion servoit à l'adoucir; mais mes larmes avoient tant de différentes causes que je ne puis comprendre comment j'ai résisté à une situation si cruelle. Je fuis presque honteuse de vivre.

Vous sçavez mieux qu'un autre, Monsieur, par la confiance que j'ai en vous, d'où j'ai tiré ma force, & que c'est de cette même source où l'innocence de la vie de Mme Dacier lui donnoit droit de puiser abondamment.

C'est à vous qui la connoiffiez à fond à mettre la dernière main au portrait que j'ai entrepris de cette aimable femme, en vous parlant de sa solide piété & de ses réflexions également édifiantes & inftruftives sur l'Écriture fainte, dont la lefture commençoit tous les jours ses occupations. Vous n'oublierez point ses aumônes, souvent excessives, presque toujours ignorées de ceux mêmes qui les recevoient, & que nous ignorerions aussi, si vous ne vous étiez dispensé du secret qu'elle avoit exigé de vous.


Pour moi, je n'ai plus rien à dire, non que je croye avoir tout dit, mais par l'impossibilité qu'une personne plus habile que moi trouveroit à épuiser un sujet inépuisable.

(Mercure de France, d'avril 1751, p. 84-96.)

VI HOYM A LA PRÉSIDENTE FERRAND

Je crois avoir fort mal commencé l'année, Madame, puisque je l'ai commencée sans avoir l'honneur de vous faire ma cour. C'est trop à la fois que d'être enrhumé comme je le fuis & d'être encore privé, Madame, du plaisir de vous voir & de vous entendre. Je vous avoue que je ne me fuis point encore fait une philosophie capable de résister à de pareilles épreuves, & j'aurois grand besoin d'une répétition des leçons que vous m'avez fait l'honneur de me donner quelquefois sur la fermeté qu'il faut témoigner dans les grands maux. J'espère, pourtant, que l'impatience de vous aller souhaiter la bonne année me fera sortir aujourd'hui ou demain. En attendant je vous prie, Madame, de me donner des nouvelles de votre fanté. Je ne laisse pas d'être inquiet sur ce qu'on a dit chez vous à un de mes gens, que vous ne voyez point de monde. Jugez, Madame, si on s'intéresse à ce qui vous regarde, quand on vous honore autant que je le fais.

VII

LETTRE DE J.-B. ROUSSEAU A LA PRÉSIDENTE FERRAND

A Vienne, le 31 may 1718.

Je n'attendrois pas vos lettres, Madame, pour me donner l'honneur de vous écrire, si le païs où je fuis &


ma fortune particulière me pouvoient fournir une matière capable de vous intéresser. Mais tout est si uni dans l'un & dans l'autre, qu'excepté mes sentimens & ma reconnoissance, que je ne puis ni ne dois me lasser de vous renouveller, je ne fache rien dont je puisse m'aider pour remplir une lettre d'une étendue raisonnable. M. le prince Eugène, qui est parti cette nuit pour la Hongrie, me donne tous les jours des nouvelles marques de sa bonté, & comme sa présence devient de jour en jour plus nécessaire dans les Pays-Bas, il m'a de nouveau affuré qu'aussitôt la campagne finie, il m'y conduiroit avec lui & m'inftalleroit de sa main dans la place qui m'y est destinée.

De savoir si cette campagne fera courte ou longue, paisible ou non, c'est ce qui est encore caché dans les trésors de la Providence ; les Turcs semblent désirer la paix avec ardeur & même avec baffeffe. Ils ont déposé le nouveau Grand Visir, accusé d'avoir trop prêté l'oreille aux ministres d'Espagne, & ont nommé en sa place Ibrahim Bacha, Caïmacan de Constantinople & gendre du Grand Seigneur, qui a écrit au prince Eugène aussitôt après son exaltation; mais avec cette nation barbare, on ne doit compter que sur ses forces & sur sa bonne contenance.

L'armée fera de quelques mille hommes plus forte & en aussi bon état que l'année passée lorsque les troupes passèrent le Danube, avec quoi on espère confirmer les Otthomans dans leurs bonnes dispositions apparentes. Pour moi je compte de paffer le tems de la campagne hors de Vienne, où tout va devenir fort défert. J'ai commencé à prendre les bains, & je les continuerai; de là je pourrai faire un tour en Bohême & en Saxe pour me retrouver ici à la fin du mois d'aoust. Je compte avant ce temslà, Madame, que vous me ferez l'honneur de me donner de vos nouvelles par le comte de Hems, dont la société fait ici un de mes plus agréables amusemens, & qui joint à la politesse qu'il a puisée dans votre commerce & dans celui de Mme de Beaune, un fond d'honneur & de probité qui le rend aussi solide qu'aimable. C'est une des idées qui me flatte le plus dans mon établissement aux


Pays-Bas, que celle d'y voir Monsieur vostre fils & d'être plus à portée d'y apprendre de vos nouvelles. Je compte, dès que j'y ferai arrivé, d'y commencer mon édition qui est toute preste depuis plus d'un an & que je ferai en même tems en un volume in-40 & en trois in-m. Conservez-moi, Madame, vostre précieuse amitié. Vous me défendez le cérémonial de la fin de mes lettres. Je vous obéirai. Ce que l'on retranche en refpeét s'ajoute à l'attachement; le mien cependant ne peut ni croître ni diminuer, non plus que la reconnoissance que je dois à vos bontez.

LE CHEVALIER L. SCHAUB

Le chevalier Schaub a joué un rôle important dans la vie d'Hoym, dont il a été un bon, sincère & utile ami.

Il étoit en outre amateur de tableaux. J'ai cru devoir le faire connoître à mes lecteurs.

Il étoit né à Bâle, le Icr mars 1690, de Jean-Henri Schaub, notaire impérial, & de Barbe Ketterlin. Vers 1712, M. Stanian, ministre résidant d'Angleterre en Suiffc, à qui il avoit été indiqué comme un jeune homme capable, l'attacha à sa légation, & en 1714, à la mort de la reine Anne, étant retourné à Londres, il le présenta au Roi. Lord Cobham, ambassadeur d'Angleterre à Vienne, l'emmena avec lui. Ce fut sans doute là qu'il fit la connoissance d'Hoym. Employé en 1718 par lord Stanhope dans les négociations qui amenèrent la conclusion de la quadruple alliance, c'est-à-dire l'alliance de l'Allemagne, la France, l'Angleterre & la Hollande contre la politique & les projets d'Alberoni, Schaub assista, j'ignore en quelle qualité, au Congrès de Cambray, & à son retour à Londres, en 1720, il reçut le titre de chevalier baronnet.

Il étoit à Madrid le 10 avril 1720, qu'il remit au marquis Scotti une note du roi d'Angleterre, mais il revint peu après, en 1721, à Paris.

Le 13 mars de cette année, M. Lecoq, dont j'ai parlé


page 67, envoyé de Saxe-Pologne à Londres, annonçoit à Hoym son départ pour Paris. M. Lecoq ne me semble pas avoir beaucoup aimé Schaub.

« On dit qu'il fait beaucoup de dépense à Paris (écrivoit Lecoq à Hoym) (i). Je connois dans notre amy un peu de penchant pour le faste, &, si j'ose le dire, mal entendu. Il n'a pas tout à fait les connoissances nécessaires au luxus eruditus. Il a acheté quantité de tableaux à Madrid qui, au dire des connoisseurs, ne démontrent pas entièrement son bon goût dans la peinture, quoiqu'il y ait par ci par là quelques bons morceaux. Il m'a tout l'air d'avoir été la dupe des brocanteurs de ce pays-là (a). «

Une autre fois (3) il dit à Hoym que dans ces tableaux qu'il a vus avec un peintre, il y a quelques pièces passables, mais que le tout n'est pas un fort bon assemblage & que Schaub a très-mal employé son argent, tant par le peu de valeur de la marchandise que par rapport à l'ufagc qu'il en peut faire.

Lecoq devoit se tromper, car la vente de Schaub, dont je parlerai tout à l'heure plus au long, produisit en trois vacations & 178 numéros 7784 livres sterling & 5 fch., cleft-à-dire près de 195 000 francs.

En avril 1722, Schaub ayant été nommé résident d'Angleterre à Paris, Lecoq demandoit à Hoym s'il lui croyoit les qualités nécessaires pour remplir un poste de cette importance dans la situation présente des affaires. Il lui reconnoissoit cependant (4) un naturel très-heureux, la conception aisée, & disoit qu'étant livré tout entier aux affaires, il avoit ses matières toujours présentes à l'elprit, ce qui étoit fort utile : qu'il étoit un peu entreprenant, avec le cœur droit & les intentions bonnes, mais qu'on étoit peut-être à Paris trop rufé pour lui. Ailleurs il dit

(1) Lettres des 31 juillet & 27 décembre 1721 & des 12 & 15 janvier 1722.

(2) Lettres des 12 & 15 janvier 1722.

(3) 26 février 1722.

(4) Lettre du 5 février 1722.


qu'à Londres le bruit se répandoit dans le monde qu'il étoit entièrement dévoué au C[ardinal]. Mais, ajoutoit Lecoq, je connois trop sa droiture.

Quoi qu'il en foit, Schaub réussit fort bien à Paris, & il est évident, par mille indications diverses qu'on a pu noter dans la vie d'Hoym, qu'il fut très-utile à son ami & contribua beaucoup à sa fortune, s'il ne la fit pas tout entière.

Outre qu'il étoit bien avec le Cardinal, Schaub voyoit encore à Paris la société ordinaire d'Hoym, Mmes de Tencin, de Ferriol, &c. (Il appeloit Mme de Tencin sa femme, &, si je ne me trompe, avec quelque apparence de raison.) Il étoit aussi répandu, comme Hoym du reste, dans la société la plus brillante & la plus distinguée. Le crédit dont il jouissoit contribuoit naturellement au bon accueil qu'il y trouvoit. Le cardinal de Rohan, Mme de Nancré (1) & bien d'autres le recevoient avec empressement.

Mme de la Vrillière (Françoise de Mailly, dont SaintSimon a si bien raconté le désespoir lorsqu'elle épousa ce qu'elle appeloit un bourgeois) étoit possédée de l'idée de devenir duchesse. Elle n'étoit pas très-jeune, mais encore fort belle, très-coquette & peu cruelle, disoit-on.

Schaub la vit sans doute peu après son arrivée à Paris, & devint très-amoureux d'elle (2). Elle vit là une occasson d'obtenir pour son mari le duché-pairie qui étoit son rêve. Pour réaliser ce rêve, elle imagina avec Schaub de marier son fils, le comte de Saint-Florentin, avec Amélie-Ernestine de Platen, fille de l'ancienne maîtresse de Georges Ier, roi d'Angleterre. Schaub espéroit obtenir du gouvernement, en mettant en avant le nom du roi d'Angleterre, que l'on fît M. de la Vrillière duc & pair, en considération de ce mariage. La combinaison fut sur le point de réussir, mais elle échoua parce que le secret

(1) Lettre de Schaub à Hoym, du 9 décembre 1726.

(2) Peut-être est-ce à elle qu'est adressée une lettre amoureufc de Schaub corrigée par Hoym, que je donne ci-après, p. 241.


en transpira, ou plus probablement parce que le roi d'Angleterre ne se soucia pas d'entrer dans une négociation dont la fuite n'auroit eu que peu ou point d'utilité pour sa politique. Le cardinal Dubois & le Régent moururent; le crédit de Schaub avoit baissé. Il ne fut plus question de duché-pairie, mais le mariage ne s'en fit pas moins.

Il eut lieu le 15 mai 1724. Mme de la Vrillière devint néanmoins duchesse. Devenue veuve en 1725, elle se remaria en 1731 au duc de Mazarin, vieux, infirme & ruiné, & eut ainsi le titre & le rang qu'elle avoit tant désiré. Elle n'en jouit pas longtemps, étant morte en 1734.

Schaub, dans sa correspondance avec Hoym, appeloit Mme de Saint-Florentin sa fille, apparemment parce qu'il l'avoit mariée, & je crois que c'est Mme de la Vrillière qu'il appelle PElégance.

En 1725, Schaub fut nommé ministre de la GrandeBretagne à Vienne. Il s'y rendit après un voyage en Suiffe, d'où il écrivit de Saint-Saphorin à Hoym, le 27 septembre. J'ai cité un passage de sa lettre relatif à M. Pecquet.

Georges II étant mo-nté sur le trône en 172.7, Schaub continua à être chargé de diverses millions. Nous l'avons vu à Dresde en 1731, au moment de la disgrâce d'Hoym.

Depuis, & cette année même, 1731, il fut ministre de Brunswick à Paris jusqu'en 1737. En 1736, il utilisa au profit de sa patrie l'excellente position que lui avoient acquise auprès du cardinal de Fleury & des ministres françois son esprit conciliant & sa capacité, en aplanissant les difficultés qui s'étoient élevées au sujet de la pêche du saumon dans le Rhin, entre les pêcheurs d'Alsace & ceux de Bâle. Il fit révoquer alors les mesures coercitives (défense d'exporter des céréales, &c.) que la cour de France avoit prises contre les Bâlois. Aussi ses compatriotes lui donnèrent-ils, le 16 janvier 1737, le rang de conseiller intime & la jouissance du château de Ramftein.

Schaub, devenu presque complétement anglois, s'empressa de donner l'habitation de ce château à sa fœur, Mme J. H. Wetstein.


A cette époque, le cardinal de Fleury envoya, avec l'autorisation du roi d'Angleterre (i), Schaub en Suiffe, pour reconstituer l'alliance de la France avec la Suiffe, qui s'étoit à peu près restreinte aux seuls cantons catholiques, à la grande jalousie & au grand mécontentement des cantons protestans.

Ainsi Schaub étoit à Paris lors de la mort d'Hoym & de toutes les affaires auxquelles donnèrent lieu sa mort & sa succession, & on ne trouve pas trace de son nom dans les papiers de Milfonneau! J'ai déjà remarqué ailleurs, au reste, qu'on ne le voyoit mentionné dans aucun des papiers d'Hoym depuis 1731. Comment Hoym n'at-il rien laissé à un ami qui lui avoit rendu de si grands services? La lettre si raisonnable & si juste de Schaub que j'ai donnée aux pièces justificatives (n° XXXV) l'avoit-elle blessée? S'est-il paffé entre eux quelque scène que nous ignorons? On s'y perd.

En 1738, Schaub retourna en Suiffe pour terminer l'affaire de la pêche du Rhin & s'occuper de la mission qu'il avoit reçue du cardinal de Fleury. Durant ce voyage, il se rendit à Saint-Saphorin, terre de François-Louis de Pesme, seigneur de Saint-Saphorin (2), qui venoit de mourir (en juillet 1737).

(i) Ce fait, que je trouve consigné dans la Notice sur Schaub, qu'avoit recueillie M. de Salir & où je puise tous les faits dont je n'indique pas la source, me paroît bien extraordinaire, mais il est difficile de le croire inventé.

(2) Hoym faisoit le plus grand cas de M. de Saint-Saphorin. Il en parle dans ses lettres avec une forte de vénération, & dans ses extraits (ou Hoymiana) il enregistre quantité de ses paroles.

François-Louis de Pesme, seigneur de Saint-Saphorin (entre Lausanne & Vevey), étoit issu d'une noble & ancienne famille du canton de Genève. Aimé de Pesme étoit syndic de Genève en 1440 & 1460, Claude en 1447, Jean en 1479.

François-Louis de Saint-Saphorin étoit né en 1668. Après avoir été employé par Viétor-Amédée, duc de Savoie, à des levées de troupes & à contrecarrer la politique françoisè en SuiiTe, il entra au service de l'Empereur en 1696. Il fut nommé vice-amiral du Danube. Le 28 fep-


Là habitoit Marguerite de Ligonier du Buisson, veuve du fils de M. de Saint-Saphorin, nommé François-Louis comme lui. Schaub, appréciant ses qualités, eut sans doute dès lors l'idée d'associer son fort au fien. Mais il ne l'épousa qu'en 1740, après avoir paffé l'hiver de 1739 à Saint-Saphorin. Dans le contrat paffé à Lausanne le 25 avril 1740, la future est dite être née à Castres en Languedoc, de César-Louis de Ligonier (1), ex-capitaine de cavalerie dans l'armée françoise, demeurant à Lausanne, & apporter en dot 4003 livres sterling en fonds anglois, & 30000 livres placées sur hypothèque dans le canton de Berne. Il y avoit entre les âges des deux époux une assez grande disproportion. Aussi Schaub, en lui présentant ses amis, disoit-il qu'elle avoit absolument voulu ravoir pour mari (2).

Lady Schaub paroît avoir été fort appréciée en Angleterre. Elle eut de son mari un garçon, qui mourut très-jeune, & deux filles : l'une, Émilie, mariée à H. Bre-

tembre 1705, il devint général feld-wagmeifter. Les empereurs Joseph Ier & Charles VI lui confirmèrent ce grade.

Envoyé par le gouvernement de Berne pour conclure une alliance défensive avec la Hollande, il signa le traité à la Haye le 12 oétobre 1712.

Le 8 juillet 1714, les parties contractantes accordèrent à toutes les nations le droit d'accession à ce traité.

Plus tard il entra au service de Georges Ier, roi d'Angleterre, en qualité de lieutenant général, & fut pendant dix ans ministre d'Angleterre à Vienne. Enfin il se retira à sa terre de Saint-Saphorin, qu'il avoit fait rebâtir très-richement & ornée de superbes jardins. Il y mourut en juillet 1737, âgé de 74 ans, ne laissant qu'une fille vivante, JudithLouise de Pesme, mariée à Gabriel-Henri de Métrai (fire de Pampigny?

dans la Notice de Schaub elle est appelée Mme de Pampigny). (Extrait du Lexicon uniycrfel de Suisse de J. Leu, 1760, 26 vol. in-40, tome XIV, p. 441.)

(1) Elle étoit évidemment de la famille de Jean de Ligonier, qui, entré au service d'Angleterre, devint général, puis pair d'Irlande, & fut fait prisonnier en 1747 à la bataille de Laufeld. A cette époque où les Anglois puniffoient de mort les prisonniers du parti de Charles-Édouard, Louis XV reçut Ligonier, quoique transfuge, avec bonté, ne lui fit aucun reproche & le renvoya sur parole.

(2) Lettre de M. Turner, du 5 mars 1876.


reton, & l'autre, Frederica-Augusta, femme de W. Lock.

Je n'ai trouvé aucun renseignement intéressant sur les dernières années de Schaub. Il paroît avoir paffé tranquillement sa vie en Angleterre. Il mourut le 27 février 1758. Huit jours avant il avoit eu une attaque d'apoplexie. Dès le 26 avril suivant, on vendit ses tableaux.

La vente produisit, en 3 vacations & 178 numéros, 7784 livres 5 fchellings, foit environ 195 000 francs.

Je remarque au n° 14 de la première vacation un Paysage de Claude Lorrain, vendu 105 livres à la duchesse de Portland. — 48. Un Paysage du Poussin, 48 livres à lord Cooper, & le pendant 86 livres à M. Steward. — 51. Notre-Seigneur & saint Jean, du Guide, 157 livres à la duchesse de Portland. — 58. Paysage de Téniers avec figures & animaux, 120 livres à M. Maxwell. — 59. Sigismond & Tancrède, du Corrège, 404 livres 5 fols à sir T. Scabright. — Dans la deuxième vacation, n° 13, une Nativité de Rigaud, vendue 12. livres à lord Ashburnham. — 20. Portrait de Charlotte de France par Janet, 9 livres 9 fols à M. Brand. — 40. Un Enfant riant, de Vandick, 126 livres à la duchesse de Portland.

— 51. Notre-Seigneur assoupi & la fainte Vierge le gardant, du Guide, 328 livres 13 fchellings au Révérend Grofvenor. — 54. La Vierge & Jésus dormant, de Vandick, 211 livres à la duchesse de Portland. — 59. Une Vue d'Anvers, tableau capital, dans lequel la ville étoit de P. Brill, la Tête de Flandres de Rubens, PEfcaut & le pont, de Gillis, & les petits personnages de Breughel de Velours, 551 livres 5 fchellings à la duchesse de Portland. — Dans la troisième vacation, n° 30, la Salutation angélique, tableau rond, de Lesueur, 32 livres à M. Brettingham. — 43. Renaud quittant Armide, de Lebrun, 73 livres 10 fchellings à lord Anson. — 44. Le portrait du cardinal Dubois à mi-corps par Rigaud, 33 livres 12 fchellings à M. Thompson. - 45. La comtesse de Platen, par le même, faisant pendant, 15 livres 15 fchellings au général Campbell. — 53. La Vierge, Notre-Seigneur & saint Jean, du Corrège, 220 livres 10 fchellings à lord


Hartington. — 59. Le Repentir de saint Pierre, par le Guide, 288 livres 15 fchellings à M. Gowen, & enfin, n° 60, une Sainte Famille, grand tableau capital de Raphaël, vendu 703 livres 10 fchellings à la duchesse de Portland.

Schaub avoit été peint par Rigaud. Il avoit probablement donné ou légué ce portrait à Mme Wetstein(i), sa fœur, car une de ses nièces qu'on ne nomme pas vendit ce portrait, en 1771, 50 louis au magistrat (fie) de Bâle.

Il fut placé dans la Bibliothèque publique, à côté de celui de Rodolphe Wetstein l'aîné. Il est aujourd'hui au musée de cette ville (a).

On a de Schaub une Ode à la solitude & une traduction françoise imprimée à Londres en 1714 de l'État de la Suiffe, de son proteéteur, Abraham Stanian. Cet ouvrage a été le point de départ des Délices de la Suiffe, dont il y a plusieurs éditions.

Malgré les ressources qu'elle trouva nécessairement dans la vente des tableaux de son mari, lady Schaub paroît avoir fini ses jours dans un état de fortune tout à fait médiocre. Son revenu avoit fort diminué par les réductions d'intérêt des fonds anglois, & les pensions que ses deux filles recevoient du roi d'Angleterre étoient de peu de valeur & mal payées. On lui voit recevoir en 1781 soixante louis du grand Conseil de Bâle, ce qui indique qu'elle étoit loin d'être riche.

Elle mourut en 1793, après avoir tesié le 12 juin de cette année.

On peut juger du style de Schaub par sa dépêche à lord Harrington sur la disgrâce d'Hoym, & la lettre à Hoym que j'ai donnée ensuite (pièces justificatives, n03 XXXV & XXXIX). J'ai cependant cru devoir mettre

(1) Il efl: à croire que c'efl: la même famille que celle des imprimeurs hollandois.

(2) il a été gravé par Pfenninger. Il se trouve dans le tome III des Portraits des Suisses célèbres, Zurich, 1793, in-8°. J'en ai une photographie que M. de Sahr fit faire & me donna.


encore ici deux fragmens d'intéressantes lettres de lui à Hoym en 1726, & la lettre d'amour dont j'ai parlé cidessus, page 2-32, note 1.

1 EXTRAIT D'UNE LETTRE DE SCHAUB A HOYM

De Masevaux, le 25 février 1726.

Vous auriez raison, mon cher Grand, de me gronder de ce que je ne vous ay pas encore dûëment remercié de vos lettres du 25 décembre & 9 janvier. Après avoir réglé le moins mal qu'il m'a été possible ces désagréables affaires, je fuis venu icy prendre haleine dans une famille que je regarde comme la mienne depuis mon ensance. Elle est composée de la mère, d'une tante, & d'une fœur du comte de Rottembourg (1), toutes trois de très dignes personnes, & qui font tout ce qu'elles peuvent pour adoucir une affliction bien plus vive que toutes celles que mon indigne frère a pu me causer.

Mandez-moy comment ma chère fille de Saint-Florentin supporte la sienne. Je luy écris, & à Mme de la Vrillière, par le même amy à qui je donne cette lettre pour luy servir d'introduétion auprez de vous. C'est le baron de Planta, coufin germain du comte de Rottembourg; c'est un autre mien frère cadet que j'avoue volontiers, & qui seurement ne me fera pas déshonneur, ni à mes amis. Il va en qualité d'envoyé extraordinaire du Landgrave de Hesse-Darmstadt féliciter le roi & la reine de France sur leur mariage. Je vous le recommande comme mon plus ancien amy & camarade & comme ayant partagé sa mère avec luy. Nous sommes depuis plus de 25 ans accoutumez à nous aimer, & je compte que ce luy fera un assez grand merite auprez de vous pour qu'à

(1) Diplomate au service de France; voyez page 33, note.


son egard vous fortiez un peu de votre froid ordinaire pour gens que vous ne connoissez pas par vous-même.

Il vous parlera de moy tant que vous voudrez; & que n'effuyerois-je, mon cher Grand, pour être avec quelqu'un avec qui je puffe ainsy parler de vous? Adieu, mon très cher Grand; je vous embrasse du fond de mon cœur, avec tous les sentimens possibles de reconnoissance, de tendresse & d'attachement.

II

EXTRAIT D'UNE LETTRE DE SCHAUB A HOYM

A Stowe, le 9 décembre 1726.

.Je fuis ravi que vous soyez si bien avec le nouveau Cardinal, & que vous en ayez actuellement pardevers vous des effets que vous attendiez si inutilement de l'amitié de certaines gens, plus accoutumés à se servir de leurs amis qu'à les servir. Je fuis très sensible aussy à la bonté avec laquelle vous dites qu'il fait quelquefois mention de moy, d'autant plus que je ne l'ay guere mérité de luy. Il est pourtant vrai que je me fuis senti de l'inclination pour luy, surtout à cause de sa douceur, qui manquoit si fort à notre autre cardinal; & je n'ai cédé qu'avec peine aux préjugés qu'on n'a cessé de me donner sur son chapitre. J'y ay grand regret depuis que je fais qu'il en use si bien, non feulement avec mon maître & avec le royaume en général, mais aussi avec les personnes du monde à qui je m'intéresse le plus, vous, l'Élégance & ma fille. Peut-être viendra-t-il un temps où je pourrai luy en marquer ma reconnoissance.

Je fuis bien plus en peine de ma pauvre femme ; si vous reprenez meilleure espérance de sa fanté, ne tardez pas à me le communiquer. Faites luy mille tendres complimens & dites luy quelle part sincère je continue à prendre à tout ce qui la regarde.


Si mon envie de vous revoir, mon cher Grand, pouvoit être augmentée, vous le feriez, par l'idée magnifique que vous me donnez de l'état présent de votre cabinet, & par le désir que vous me témoignez d'en partager la jouissance avec moy. Plût à Dieu que je puffe y incorporer le mien, c'est-à-dire vous rejoindre sans plus me séparer de vous ! Quoique nous ne nous reverrons jamais sans renouveller nos douleurs par rapport aux pertes communes que nous avons faites. J'ignorois celle de notre digne Terras (1) jusqu'à ce que vous me l'ayez apprise. J'y fuis infiniment sensible, tant pour l'amour de vous que pour moi-même. Je ne l'ay donc connu que pour avoir à le regretter ! Heureusement j'auray de quoi me consoler contre la perte qui feroit la plus accablante pour moy tant que mon cher Grand me restera, & le droit d'aînesse me rassure. Dieu veuille vous conserver, mon cher Grand, avec toute l'amitié que vous me portez.

Je ne veux pas finir sans vous fournir quelques chefs pour une autre lettre. 1° Vos principales liaisons d'apréfent. 20 M. Pecquet, comment se soutient-il, & se fouvient-il encore quelquefois de moy (2.) ? 30 Mlle de Konigsmarck, où est-elle & que fait-elle? 40 Mme de Nancré, la voyez-vous encore quelquefois? En ce cas, assurez-la bien de la continuation de mon tendre & refpeétueux attachement. 50 Messieurs de Rohan ; comment êtes-vous avec eux, & comment font-ils en cour? Je ne saurois assez vous dire avec quel empressement M. le Cardinal m'a accueilli l'année passée, tant à Weiffembourg qu'à Saverne. 6° M. de B.le (Bellifle?) est-il entièrement re-

(1) Voyez pièces justificatives, no XXXVIII.

(2) Dans une autre lettre à Hoym datée de Saint-Saphorin, 24 septembre 1725, Schaub disoit : » Je fuis touché du bon témoignage que M. Pecquet continue à me rendre. Je n'en connois point qui puisse mieux consoler un homme à qui il ne reste qu'un bon nom & quelques bons amis. n Cette estime réciproque de Pecquet & de Schaub l'un pour l'alltrc fait grand honneur à Schaub & le réhabilite contre ce qu'a dit de lui Saint-Simon.


monté sur sa bête, & en est-on ensorcelé comme cydevant ?

Mais ma plus grande curiosité roulera toujours sur vous, & sur la famille de l'Elégance, pour qui je joins icy une lettre. Quant à moy, je fuis icy avec mon amy mylord Cobham, depuis près de cinq mois, & nous retournerons ensemble à Londres après Noël. Adieu, mon très cher Grand, je vous embrasse tendrement avec J.

& fuis éternellement à vous.

III

LETTRE D'AMOUR DE SCHAU13 CORRIGÉE PAR HOYM (1)

Réellement (j'avoue) Madame (qu'en (set) toute justification de ma part devroit vous paraître inutile. Aussy m'en ferois-je cru dispensé par mes sentimens si vous (même) ne m'aviez fait voir que vous vous y mépreniez. Ce qui cause votre méprise est justement ce qui ne de voit pas y laisser lieu. Si je voulois vous paroître autre que je ne fuis, j'y emploierois (&) peut-être (non sans , (uccès) toutes ces mêmes façons que vous me voyez négliger & qui ne fervent plus qu'à surprendre dès que l'adivité de la première jeunesse cesse de les rendre naturelles. Je ne pouvois (devois) pas craindre de vous déplaire en dédaignant ces assaisonnemens recherchés ( superflus). Mon cœur est assez touché pour qu'il vous plaise tel qu'il est. Je vous aime, Madame, & vous l'ay dit comme je le sens, uniment & de bonne foy, par choix, non par caprice, de fuite, non par boutade, avec une simplicité qui rehausse la tendreÍfe & avec une ingénuité incompatibles avec la fiétion (feinte). Voudriez-vous que

(O Les corrections d'Hoym font en italique & entre parentlièfes.


je vous aimaffe moins & que je (le) fisse (paroître) davantage? (Cela fer oit aisé à tout autre qu'à moy), mais (pour moy) j'aime mieux (m'en tenir à mes sentimens que Savoir recours à toutes ces vaines démonstrations) mériter vos faveurs par mes sentimens que de les gagner par des manières équivoques. Trouvez-le bon, je vous en supplie, & pour peu que vous l'éprouviez, j'ose dire que vous ne voudrez plus aimer autrement.

IV LA PUPILLE D'HOYM.

J'ai trouvé à l'année 1723 une correspondance ou plutôt quelques lettres assez singulières, échangées entre Hoym & une femme qu'il nommoit sa pupille & qui l'appeloit son père. Ne voyant pas bien qui pouvoit être cette dame, j'avois laissé ces lettres de côté.

Cette personne, qui paroît avoir été considérée comme fort sujette à caution (1), avoit été placée par le roi de Pologne fous la garde & la surveillance d'Hoym ; Thioly, secrétaire du cabinet du Roi, dont j'ai parlé plusieurs fois dans le cours de cet ouvrage, paroît l'avoir amenée à Paris en avril ou mai 1723 (a), & ce fut lui qui la

(1) Le public elt prévenu, cela suffit, à moins d'un grand écart (Thioly, 1er juin 1723). — Le Roi, qui craint toujours quelqu'altération dans la conduite de votre pupille. (id., 26 juin). Enfin dansfa lettre de Strasbourg, du 28 novembre de cette année, Thioly dit que M. de Lezno, souhaitant de finir Ion procès pour recouvrer ses biens, voudroit parler à la pupille & la prier de s'intéresser dans cette affaire. On m'a consulté sur l'entrevue (ajoute-t-il); j'ai dit que s'il se trouvoit sur la route on pourroit l'escouter. Comme le maçon fent toujours rail, j'auray avec beaucoup de confiance toute l'attention possible à ne point garder les manteaux, ne fachant si cette tentative ne feroit point une fuite de celle qui a été faite à Paris. -,

(2) Lettre de Thioly, du ier juin 1723.


ramena de Paris à Dresde en novembre & décembre de la même année.

Hoym, partant pour les eaux, écrivoit que son voyage alloit suspendre ses fondions de gouverneur; « mais ma pupille dit (mandoit-il à Thioly) que pendant votre absence & la mienne elle conservera nos préceptes comme on fait à la Chine de ceux de Confucius. On ne se feroit jamais douté que nous devinffions de si grands législateurs. il Je vois que cette même année 1723, Mme Pociey, grande générale de Lithuanie & palatine de Sandomir, dont j'ai beaucoup parlé dans cette vie d'Hoym (page 19), étoit à Paris. Thioly écrivoit à Hoym le 8 septembre que l'intention du Roi étoit qu'il allât chercher Madame la Palatine, mais qu'il ne pouvoit aller en France qu'au commencement d'oétobre, & qu'il lui conseilloit de ne pas différer son départ pour ne pas absorber des fonds qui étoient destinés à la faire revenir nippée. On voit que Thioly auroit surtout aimé à s'épargner ce voyage, mais il le fit néanmoins accompagné de sa femme ; & dans une lettre de Strasbourg du 28 novembre 172.3, il annonçoit à Hoym son arrivée dans cette ville avec la pupille dont les sanglots n avoient pas paffé la barrière. A la fin de la même lettre, Thioly ajoute : « Mme la Palatine vous fait mille complimens ; voicy une lettre datée de Paris qu'elle vous prie de faire paroître fraîche. Il me paroît impossible, d'après cette réunion d'indices, & aussi d'après la similitude des écritures, de douter que la pupille d'Hoym ne foit Mme Pociey. L'énigme étant donc ainsi éclaircie, je vais donner les lettres de la pupille & d'Hoym.


1

LETTRE DE LA PUPILLE A HOYM

Paris, ce 10 juillet 1723.

Que de sujets de vanitez, mon cher père ! Je reçois de vos nouvelles pendant que tout le monde se plaint de votre silence. Quel monde encore! Ce font les élus qui s'en plaignent. C'est Mmes de Coligny, Tencin & même le Petit! (1) Que je ferois vaine si je ne savois pas qu'il n'y a rien de stable dans ce bas monde & si je ne me reffouvenois pas qu'il y a eu un temps où j'étois au dernier degré de votre faveur. J'ai besoin de me ressouvenir de ce temps pour ne point abuser de ma faveur. Aussi en userai-je modestement, & je juge même en habile courtisan qu'il ne faut point s'en vanter, car cela m'attireroit l'envie, & ce feroit autant d'ennemis à la cour.

A propos de cour, on m'écrit de la nôtre qu'il faut que je parte d'ici. Mais de la manière gaie que je vous écris, vous pouvez bien croire que je fuis disposée à faire ce que bon me semblera.

Je ne vous dis rien de Paris, car les choses font trop intéressantes pour que jecroye qu'elles puissent être ignorées de vous; cependant je crois entrevoir comme au travers d'un brouillard que tout va le mieux du monde, en un mot il me semble que les choses font dans l'ordre qu'elles doivent être & que les divinitez l'emportent.

Pour moi je fuis comme ces bonnes gens qui prient Dieu pour la prospérité des armes impériales quand il est en guerre avec les Turcs, & qui croyent être exaucés quand les Turcs font battus. Quand reviendrez-vous, mon cher papa, pour nous réjouir de tout ceci? Si mon étoile m'attire encore un mot de votre part, dites-moi, de grâce, au quantième vous avez fixé votre départ : je crois que mon

(i) Schaub.


étoile fera que ce fera bientôt, & que j'aurai la joie de vous dire que je fuis toujours, mon cher papa, la plus fage & la plus tendre fille de tout Paris.

Ma société subsiste toujours. Je n'ai pas manqué de les affurer de votre souvenir. Ils en font charmés & vous font mille complimens, surtout la petite cousine. Le Petit & moi l'avons choisie pour la nourrice de cette race que vous savez, & ainsi il commencera par elle. — Dites-nous si votre médecin vous promet de la postérité, car s'il vous en promet, le Petit & moi sommes disposés à recevoir vos ordres. Si vous contremandez, nous ferons nos réflexions.

J'ai encore écrit une feconde lettre à l'homme que vous savez. J'en fuis très contente & je crois qu'il le fera aussi.

Je ne peux m'empêcher de vous envoyer un mirliton qui me paroît le plus plaisant de tous. Ils font des mirlitons à Forges, mais ils n'en font qu'en chansons.

Affurez votre Esculape que je fuis très sensible à l'honneur de son souvenir.

II

RÉPONSE D'HOYM (1)

Vous ferez bien étonnée, ma chère pupille, de voir M. de Richelieu revenir sans votre gouverneur, mais telle est ma destinée & l'ascendant fatal de mon étoile.

Une nymphe charmante (2) m'enchante dans ces lieux & m'y arrête encore pour quelque temps. Or de vous dire quelle est cette nymphe, c'est ce que vous ne saurez point de moy, & c'est le mot de l'énigme que je vous laisse à deviner. Je compte pourtant qu'avant la fin de

(1) Minute de sa main avec ratures. Cette lettre a été écrite entre le 12 juillet & le 12 août 1723, qu'Hoym revint à Paris.

(2) C'est sans doute la Nymphe des eaux de Forges, où il étoit en 1723, & où il a pu retourner en 1724. Voyez ci-dessus, p. 50 & 200.


ce mois-cy, mes liens pourront aussi prendre fin, car ceux qu'on contraéte icy ont leur temps limité, & les miens même ont été poussés plus loing que de coutume & au delà de la durée ordinaire de ces fortes d'engagemens.

J'espère, ma chère pupille, que de votre côté vous n'en aurez point pris de plus durables, & que je vous retrouveray encore telle que je vous ay laissée. Ce fera une grande consolation pour moy de voir prospérer ainsi ma nourriture & fructifier les fages préceptes que je vous ay donnés. Je ne fais pourtant si certain Petit ne se feroit pas mêlé de vous en donner d'autres qui(i) dérangeroient furieusement mon ouvrage, car ce goût de faire des expériences de progéniture m'alarme fort & n'entreroit point du tout dans mes arrangemens. A mon retour vous me rendrez raison de tout cela. En attendant, vous pouvez conter sur ma sincère & paternelle affeétion.

III DEUX BILLETS TRÈS-MAL ÉCRITS ET SANS AUCUNE ORTHOGRAPHE

J'ai été chez vous, mon cher papa, & puis j'ai attendu fort longtemps chez moi. Je fors à cette heure & je reviendrai le foir. Je passerai chez vous. Soyez assez bon, cher papa, & allez chez M. de Caumont, & ayez la bonté d'arranger la partie. Je tope à tout. Faites cette grâce à votre enfant, qui en mérite bien d'autres par l'attachement & la tendresse qu'elle a pour son cher papa.

Je fuis fort sensiblement touchée de la bonté de Madame Coligni. J'en profiterai assurément. Il me faut fa-

(i) Variante. Pourvoient bien avoir dérangé furieusement mon ouvrage, car ce goût déterminé où je vous ai vus l'un & l'autre.


voir si l'on peut aller à l'Opéra en robe de chambre. Mais je saurai tout cela de Madame Coligni. S'il faut mettre un mantaut (fie, manteau ou montant?) je retourneray chez moy. Vous pourriez bien aussi dire comment vous vous portez, car vous saviez que je fuis inquiète sur votre sujet. Bonjour.

FIN DU TOME PREMIER.




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