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Title : Géographie universelle de Malte-Brun : revue, rectifiée et complètement mise au niveau de l'état actuel des connaissances géographiques. Tome 7 / par E. Cortambert
Author : Malte-Brun, Conrad (1775-1826). Auteur du texte
Publisher : Boulanger et Legrand (Paris)
Publication date : 1863-1864
Contributor : Cortambert, Eugène (1805-1881). Éditeur scientifique
Set notice : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30869121d
Type : text
Type : printed monograph
Language : french
Format : 8 vol. : pl. ; gr. in-8
Format : Nombre total de vues : 560
Description : Contient une table des matières
Description : Avec mode texte
Rights : Consultable en ligne
Rights : Public domain
Identifier : ark:/12148/bpt6k6524215b
Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, G-3338
Provenance : Bibliothèque nationale de France
Online date : 20/05/2013
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- GEOGRAPHIE UNIVERSELLE
DE
MALTE-BRUN
REVUE, RECTIFIÉE ET COMPLÈTEMENT N'SE AU NIVEAU DE L'ÉTAT ACTUEL CES CONNAISSANCES GÉOGRAI'H QFFS
PAR
E. CORTAMBERT BtttLrt el ancien wrréuire général de la Commission centrale de la Société de Géographie, attaché aD cabinet Géographique do la Bibliothèque impériale, etc., etc., etc.
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PARIS DUFOUR, BOULANGER ET LEGRAND, ÉDITEURS (II réservent le droit de reproduction et 4e traduction à l'étranger) O, rue de Beaune, près le Pont-Royal (Ancien hrttel de Nele)
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GÉOGRAPHIE UNIVERSELLE
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SEPTIÈME PARTIE
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LIVRE SIXIÈME.
Italie.
mmtlRG SECTION. — DESCRIPTION PHYSIQUE GENERALE DE L'ITALIE.
L'Italie va maintenant nous offrir son ciel azuré, ses sites enchanteurs, ses souvenirs classiques et ses chefs-d'œuvre des arts. En sortant de l'Allemagne ou de la Suisse, à peine arrivé sur le versant méridional des Alpes, on voit changer tout à coup la végétation, les hommes et les usages : il semble qu'un climat favorable au laurier, au myrte et à l'olivier porte l'homme à l'amour de la gloire et aux bienfaits de la civilisation: L'Italie n'a-t-elle point produit le peuple qui fut le maître du monde? Les poëtes et les écrivains qui l'ont éclairée ; les arts qui y furent portés par les Grecs, n'en ont-ils point fait jadis le pays le plus civilisé de l'Europe? Et lorsque la barbarie eut étendu son sceptre de fer sur cette partie du monde, ne vit-on point l'Italie, du temps même des Croisades, redevenir l'asile des lumières qui se répandirent ensuite sur nos contrées? L'Italie est encore la plus belle portion de l'Europe (1).
(1) « Quiconque aimé la nature et en sent les beautés, s'il a vu l'Italie, désire la revoir, dit Lamennais; et combien d'autres charmes attirent encore dans cette séduisante contrée!
Partout quelque monument de l'art, partout quelque souvenir illustre ou attachant ; mais partout aussi, en ces jours mauvais, quelque spectacle douloureux, quelque stigmate de servitude. La misère publique, s'y révélant sous mille aspects hideux, y forme un contraste général avec la richesse native du sol. Quel motif de travailler plus que' ne l'exige l'impérieuse et stricte nécessité, quand rien ne garantit à chacun le fruit de son travail? Paresse,
Considérée dans ses limites naturelles, la partie septentrionale de l'Italie embrasse tout le versant méridional des Alpes, depuis les Alpes Juliennes, Carniques et Rhétiques jusqu'aux Alpes Maritimes; mais les lignes de démarcations politiques ont modifié ces limites. Ainsi, le sud du Tyrol, le canton du Tésinl une partie de l'illyrie, qui devraient être de l'Italie, ne sont plus considérés comme en faisant partie ; et, d'un autre côté, la Savoie, qui est physiquement française, est devenue, par la politique, une annexe de l'Italie.
.L'Adriatique et la Méditerranée, qui prend au sud-est le nom de mer Ionienne et à l'ouest celui de mer Tyrrhénienne, baignent les côtes de cette contrée jusqu'aux pentes des A Ipes Maritimes) près des frontières de la France. La longueur de la presqu'île est de 1 330 kilomètres; sa largeur moyenne,de 220 kilomètres. Sa superficie, en y comprenant les îles, est de 300000 kilomètres carrés, un peu plus de, la moitié de l'étendue de la France. La population s'élève à 25 millions d'habitants, ou aux deux tiers environ de celle de la France. Ainsi, l'Italie est, proportionnellement, un peu plus peuplée que notre pays.
Allongée entre deux mers, l'Italie jouit d'une magnifique position : « Aucune partie de l'Europe, a dit Napoléon Ier, n'est située d'une manière plus avantageuse que l'Italie pour devenir une grande puissance maritime. » La péninsule Italique comprend, en effet, 3 900 kilomètres de côtes; la plupart de ses rives offrent aux navigateurs des ports sûrs ou des rades superbes. — Il est à peine nécessaire de
apathie, langueur, ignorance, insouciance, voilà ce qui frappe d'abord. Ce peuple qui naît, vit et meurt sous le bâton de l'étranger, ou à l'ombre de la potence paternelle des souverainetés nationales, ainsi qu'il leur plaît de se nommer, n'ayant de patrie que dans le passé, ou dans un avenir qui fuit toujours, se fait du ciel, de l'air, de la jouissance présente et du sommeil comme une autre patrie semblable à la dernière, celle du tombeau. Timi les âges rassemblés, entassés, se pressent sur cette terre de ruines, l'époque étrusque, dont il subsiste de remarquables pionuments, lie l'époque plus ancienne des premiers habitants connus de l'Italie, à celle des Romains. Puis, sur les débris amoncelés par les barbares vainqueurs de l'empire, apparaissent d'autres débris : ici, et à demi caché sous les ronces et des herbes sèches, le squelette de quelque village, semblable à un mort que ses compagnons, dans leur fuite, n'auraient pas achevé d'ensevelir ; sur une pointe de rocher, au milieu de ces austères paysages des Apennins, une vieille tour croulante, de larges pans de mur couverts de lierre, séjour autrefois de quelque seigneur féodal, où maintenant, sur Je soir, l'orfraie pousse son cri lugubre. Ailleurs, à. Lucques, Pise, Florence, SierçnCj dan s «toutes les cités que vivifièrent des institutions populaires, des traces d'une autre grandeur tombée rappellent le temps où, seules libres au sein de la servitude générale, et riches, puissantes par la liberté, elles rallumèrent le flambeau éteint des- arts, des sciences, des lettres. Médailles d'un siècle plus récent, de puperbes palais abandonnés, déserts, principalement près de Rome, se dégradent d'année en année, montrant encore, à travers leurs élégantes fenêtres ouvertes à la pluie et à tous les vents, les vestiges d'un faste que rien ne rappelle dans nos chétives constructions modernes, d'un luxe grandiose et délicat, dont les arts divers avaient à l'envi réalisé les merveilles. La nature, qui ne vieillit jamais, s'empare peu à peu de ces somptueuses villes, œuvres altières de l'homme, et fragiles comme lui. Nous avons vu les oiseaux nicher sur les corniches d'une salle peinte par Raphaël, le caprier sauVage enfoncer ses racines entre les marbres disjoints, et le liclien les couvrii de ses larges plaques vertes et blanches. La religion, elle-même, dont les magnificences passées ravissent d'étonnement, semble n'avoir travaillé pendant des siècles qu'à se bâtir un vaste sépulcre.
Douze ou quinze franciscains errent aujourd'hui dans l'immense solitude de ce couvent d'Assise, jadis peuplé de six mille moines. »
rappeler ici cette notion vulgaire, que la péninsule ressemble grossièrement à une botte. Examinons rapidement les contours assez irréguliers de cette forme générale : au bout du pied, qui constitue la presqu'île de Calabre, se présentent les caps delïArmi et Spartivento; à l'extrémité du talon, qui est la presqu'île ÏÏOtrante, se trouve lé cap de Leuca. A l'ouest de ce talon, s'ouvre le grand golfe de Tarente. Sur la côte orientale de la presqu'île, on remarque le vaste promontoire du mont Gargano, qui est comme l'éperon de la botte, et qui ferme au nord le golfe de jfanfredonia. L'Adriatique produit vers son extrémité nord-ouest le golfe de Venise, dont on étend quelquefois le nom à toute cette mer. Près de ce golfe, sont les marécages maritimes qu'on appelle lagunes de Venise et lagunes de Comacchio. Du côté opposé de la péninsule, la Méditerranée propre forme le golfe de Gènes, large, mais peu profond, et remarquable par l'aspect magnifique de ses rivages. On donne à sa partie orientale le nom de Rivière du Levant, et à sa partie occidentale celui de Rivière du Ponent (du couchant). A l'entrée de la mer Tyrrhénienne, la côte devient moins belle, et présente le territoire malsain de la lJtlaremme. Un peu plus au midi, elle montre la région plus funeste encore des Marais Pontinsy au sud desquels s'avance le cap Circello, promontoire fameux dans la mythologie, qui en avait fait le séjour de la magicienne Circé.
L'aspect du pays redevient superbe autour des golfes de Naples et de Salerne, entre lesquels s'avance la pointe della Campanella. Plus loin, on distingue les golfes de Policastro et de Santa-Eufemia. Le détroit fort resserré du Phare de Messine sépare la presqu'île d'Italie de la Sicile, et fait communiquer la mer Tyrrhénienne à la mer Ionienne. On trouve à son entrée septentrionale le rocher de Scylla (en italien Seilla), écueil si redouté dans l'antiquité ; dans l'intérieur même du canal, est le gouffre de Charybde, fameux aussi par les dangers qu'il offrait à la navigation.
Les principales montagnes de l'Italie sont les A Ipes Lépontiennes occidentalest depuis le Saint-Gothard jusqu'au mont Rosa; les Alpes Pennines, c'est-à-dire la chaîne qui s'étend du mont Rosa au mont Blanc; les A Ipes Grées, Gràîes ou Grecques, comprises entre le mont Blanc (le plus haut point de toutes les Alpes) et le mont Certis; les Alpes Cottiennesf entre le mont Cenis et le mont Viso; enfin, les A Ipes Maritimes, qui, du mont Viso, se prolongent jusqu'au col dJ At.
tare ou de Cadibone. Ces différentes chaînes se dirigent, en serpentant, d'abord de l'est à l'ouest, puis du nord au sud, enfin de l'ouest à l'est. A partir de ce col, jusqu'à l'extrémité de l'Italie, s'étend la longue chaîne des Apennins. Toutes ces montagnes dépendent d'un même système : celui des Alpes. La chaîne des Apennins offre une longueur de 1200 kilomètres. Elle longe d'abord le golfe de Gènes, s'en écarte ensuite, se ramifie dans la partie moyenne de l'Italie, se rapproche de l'Adriatique, projette à droite et à gauche quelques rameaux, puis s'élargit, s'étend en approchant de l'Italie méridionale, et se bifurque enfin : la branche la moins considérable sépare la terre de Bari de celle d'Otrante ; l'autre, composée de montagnes élevées, traverse les deux Calabres, et se termine par l'A spromonte.
Du côté de l'Italie, la chaîne des Alpes est beaucoup pius escarpée que du côté de la lrance, delà Suisse et de l'Allemagne; celle des Apennins, moins élevée, projette plusieurs rameaux, nommés Sub-Apennins, dont les plus impor.
tants vont former des caps dans la mer Adriatique et dans la mer Tyrrhèûienne.
Piombino, sur celle-ci, est bâtie sur l'un de ces caps. Le promontoire ou plutôt la presqu'ile du Monte A rgentaro est une autre extrémité de rameau ; mais le plus important de la côte occidentale est celui qui forme la pointe de la Campanella, à l'entrée du golfe de Naples. Sur les bords de l'Adriatique, ces pointes ou ces extrémités de chaînes présentent, à l'entrée du golfe de Tarente, le cap de Leuca, formé par les dernières pentes d'un de ces rameaux; et, un peu plus haut, le promontoire Gargano. La branche principale, qui continue jusqu'à l'extrémité la plus méridionale du continent, ne fait que s'enfoncer dans la mer pour reparaître en Sicile, dont elle forme pour ainsi dire la charpente. Dans l'étendue que parcourt la chaîne Apennine, elle se range plus près de la côte occidentale de l'Italie que de la côte opposée.
Cette contrée, si remarquable par ses montagnes, ne l'est pas moins par ses plaines. L'une des plus belles et des plus riches de l'Europe, et peut-être du monde, est celle de la Lombardie, dont celle du Piémont est la continuation. Celle qui s'étend entre le golfe de Naples, le Vésuve et les Apennins, moins étendue, est admirable par sa richesse et sa fertilité. Sur le versant opposé de cette chaîne, d'autres plaines moins étendues encore, mais non moins fertiles, se prolongent sur les bords de l'Adriatique, aux environs du golfe de Manfredonia et sur la Terre de Bari.
Les cours d'eau qui sillonnent l'Italie diffèrent d'importance, suivant qu'ils descendent des Alpes ou des Apennins. Le Pô, le plus grand de ses fleuves, prend sa source au mont Viso. Grossi des eaux du Tanaro, de la Trebbia, du Taro et du Panaro, qui s'y réunissent sur sa rive droite ; augmenté sur sa gauche par les deux Doires, l'Orca, la Sesia, YAgogna, le Tessin ou Tésin, J'Olona, l'Adda, l'Oglio et le Mincio, il se jette, après un trajet de 600 kilomètres, dans l'Adriatique. Cette dernière reçoit des Alpes le Tagliamento, la Piave, la Brenta et l'Adige. La chaîne des Apennins fournit à la Méditerranée YArno, qui s'y jette au sud-est du golfe de Gènes, et le Tibre ou Tevere, qui se plonge dans la mer Tyrrhénienne près (YOstie. Voilà les plus grands cours d'eau ; mais d'autres, quoique petits, méritent d'être cités : ainsi, à l'ouest, sont le Var, sur la frontière de la France; le Serchio, YOmbrone, dont l'embouchure est voisine de la lagune de Castiglione; le Garigliano, sur un pont duquel Bayard soutint le choc des Espagnols ; le Volturno ou Vulturne, la Sele. A l'est, que de rivières fameuses dans l'histoire s'écoulent dans l'Adriatique ! C'est le Rubicone ou Uso, le Rubicon mémorable des Romains; c'est le Metauro, si célèbre par la défaite d'Asdrubal ; POfanto, près de la rive droite duquel s'étend le champ de la bataille de Cannes, etc. D'autres rivières, moins fameuses, doivent cependant être mentionnées : ce sont la Pescara et le Sangro, tributaires de l'Adriatique ; le Bradano, le Basente, le Crati, tributaires de la mer Ionienne.
Les plus grands lacs italiens s'étendent sur le versant des Alpes : à l'ouest, c'est le lac Majeur, et, dans la direction de l'est, on voit successivement ceux de Lu- gano, de-Côme, d'Iseo et celui de Garde, le plus important de tous. Les lacs de Pérouse, de Bolsena et de Fucino, qui se succèdent du nord-ouest au sud-est, sur les pentes ou sur des plateaux des Apennins, sont aussi fort dignes de remarque.
La beauté du climat de l'Italie a contribué à rendre plusieurs de ses sources minérales aussi célèbres que celles de l'Allemagne. Aux environs de Pise, les sources gazeuses de Saint-Julien, les bains de Montecatini, les sources de Saint-Cassian et les célèbres bains de Lucques attirent une foule d'étrangers dans la Toscane, fameuse par ses lacs d'acide borique. Dans le royaume de Naples, on trouve à chaque pas des sources gazeuses, comme si elles étaient la conséquence des phénomènes volcaniques : les eaux de Santa-Lucia, celles de Pisciarelli, de Pouzzoles, et les quatre sources d'Ischia; dans le royaume Lombard-Vénitien, les bains d'A bano, près de Padoue; les sources thermales d'A cqui, celles , de Vinadio et d'Oleggio, dans le royaume de Sardaigne ; les sources minérales des environs de Parme, etc., prouvent que l'Italie est, sous le rapport des moyens curatifs, favorisée d'Hygie.
Du nord au sud de l'Italie, on compte quatre zones et quatre climats différents.
La zone septentrionale, qui règne depuis les Alpes jusqu'aux Apennins, est souvent exposée à des froids rigoureux : quelquefois le thermomètre y descend jusqu'à 10 degrés. Dans la seconde, qui s'étend jusqu'au cours du Sangro, l'hiver est sans âpreté : l'olivier et l'oranger sauvages lui résistent, mais l'arbre qui porte l'orange douce n'y prospère point en pleine terre. Dans la région suivante, qui se termine vers les bords du Crati, l'oranger réussit presque sans culture, à côté du cédratier et du bigaradier. La dernière zone, enfin, a un climat brûlant : le palmier, l'aloès et le figuier d'Inde y croissent, surtout dans les plaines et sur le bord de la mer (car les cimes les plus élevées se couvrent de neige en hiver).
Rien n'égale la fertilité de la région qui occupe toute la vallée du Pô, et qui comprend le Piémont, la Lombardie, les duchés de Parme, de Modène, et une partie des États Pontificaux ; elle produit une grande quantité de riz, diverses espèces de grains, et surtout celle qui sert à faire les pâtes et les macaronis dont les Italiens sont si friands. C'est aussi dans cette vallée et dans celles qui y aboutissent que l'on voit les plus belles prairies de l'Italie et les bestiaux les plus gras.
Ses fromages sont un objet considérable de commerce; ses vins sont estimés, principalement ceux du Frioul, du Vicentin, du Bolonais et du Montferrat. La région moyenne a pour caractère principal des terres cultivées s'élevant, sur les pentes des montagnes, en terrasses, soutenues par des murs de gazon, dont la verdure, sur laquelle se détachent des arbres couverts de fruits et le pâle olivier, donne aux coteaux l'aspectleplus riant et le plus riche. La troisième région, que plusieurs parties malsaines ont fait appeler pays de mauvais air, est couverte de vastes pâturages, de coteaux et de vergers. Dans la dernière, on cultive le figuier, l'amandier, le cotonnier, la canne à sucre et la vigne qui donne les vins brûlants de la Calabre. La végétation y rappelle celle des plus belles contrées de l'Afrique. Le bombyx qu'on y élève produit une soie moins fine et moins brillante que dans les autres parties de l'Italie : on en attribue la cause à sa nourriture, qui consiste principalement en feuilles de mûrier noir. C'est dans cette région que l'œil se promène avec plaisir sur ces pampres dont les rameaux flexibles s'enlacent aux peu-
pliers. Qn a remarqué que les vins que l'on obtient des vignes basses sont d'une qualité supérieure à ceux que produisent les vignes qui forment d'élégantes guirlandes à la cime des arbres. Souvent le raisin des premières est mûr avant que
celui des secondes se soit coloré. Le mélange de ces deux raisins ne donne qu un vin aigre doux, en dépit du climat.
L'Italie produit tous les arbres fruitiers des contrées tempérées de l'Europe, et de plus quelques végétaux qui ne peuvent croître qu'à la faveur d'une haute température. Tels sont : le plaqueminier (diospyros lotus), dont les fruits jaunes, acides et de la grosseur d'une cerise, ne sont mangés que par les enfants et par les pauvres; l'azédarach bipinné (milia azedarach), arbre dont les fleurs, d'un bleu tendre et d'une odeur suave, tombent en grappes élégantes; le grenadier, apporté de Carthage en Italie par les Romains; l'azérolier (cratœgus azarolus), espèce de néflier dont le fruit plaît par sa belle couleur rouge, et dont le suc rafraîchissant le fait rechercher dans l'Italie méridionale ; le caroubier (ceratonia siliqua), dont la gousse est aimée des Napolitains ; le pistachier lentisque, qui fournit une huile bonne à brûler et à manger ; enfin le frêne à feuilles rondes [fraxinus rotondifolia), arbre précieux de la Calabre, dont l'écorce entaillée laisse exsuder la manne.
L'agriculture, fort soignée dans les magnifiques plaines du Pô, est moins brillante, et même quelquefois négligée, dans le reste de l'Italie. Les céréales sont la principale culture : le froment, le maïs, l'orge, le seigle, l'avoine, le millet, le riz, y viennent avec un égal succès. Les rizières du bassin du Pô sont d'une haute importance et peuvent être considérées comme les premières d'Europe.
Plusieurs animaux de l'Italie sont communs à différentes parties de l'Europe; d'autres sont particuliers à son climat et à ses montagnes : celles-ci servent de retraite au lynx, au chamois, à la chèvre sauvage, au furet, au loir et au lemmmg ou rat de Norvège, célèbre par ses migrations. Dans les Apennins, on trouve communément le porc-épic. Lin bœuf auquel on donne le nom de buffle vit apprivoisé dans le midi de la contrée. Les chevaux napolitains sont estimés pour leurs formes et leur vigueur ; l'âne et le mulet y sont d'une très-bonne race) et les moutons rivalisent avec ceux d'Espagne. Les oiseaux y sont très-nombreux : dans les seules Alpes Maritimes on en compte 306 espèces ; quelques reptiles du midi appartiennent à la partie septentrionale de l'Afrique ; deux grandes couleuvres, l'aspic et la vipère, y distillent leurs poisons.
Les poissons et les mollusques sont extrêmement nombreux dans la Méditerranée. Les profondeurs de cette mer sont habitées par les alépocéphales, les pomatomes, les chimères et les lépidolèpres. Dans la région supérieure, se trouvent les molves, les merlans, les castagnolles, etc.; à 300 mètres au-dessous de la surface des eaux, les raies, les lophies, les pleuronectes et tous les poissons à chair molle. A 150 mètres plus haut, s'étend la région des coraux et des madrépores ; au milieu d'eux, vivent les balistes, les labres, les trigles et autres poissons. Au-dessus, végètent des algues et des caulinies ; cette région est fréquentée par les murènes, les vives, tes stromatées, etc. Au-dessus encore, s'élèvent les rochers couverts de varecs et de fucus, qui servent de retraite aux blennies, aux clineSj aux centrisques et à tous les poissons de rivages. Enfin les plages couvertes de galets et de sables sont la résidence ordinaire des spares, des anchois, des muges et de divers mollusques. C'est au sein de la Méditerranée qu'habite la sèche commune, qui recette, lorsqu'on la poursuit, une liqueur noirâtre dont on fait une
couleur appelée sépia, et ce mollusque de la famille des poulpes, décrit par Aristote et par Pline, et connu sous le nom argonaute papyracé, singulier animal, dont la coquille transparente et fragile, en forme de nacelle élégante, semble avoir donné à l'homme l'idée des premiers navires, comme il paraît lui avoir donné les premières leçons de navigation. Doué de la prudence nécessaire à sa conservation, qualité indispensable au navigateur, dès que la tempête commence à agiter les flots, il se renferme dans sa coquille et se laisse descendre au fond des eaux; mais lorsque le calme a reparu, il étend ses bras hors de sa barque légère et reparaît à la surface de l'onde. Il introduit ou rejette à volonté l'eau qui lui est nécessaire pour son lest ; le mouvement donné à ses bras, qui lui servent de rames, le fait voguer, et, si la brise qui agite les flots n'est point trop forte, il élève deux de ses bras, présente au vent la membrane qui les unit, et s'en sert comme d'une voile propre à accélérer sa course, tandis qu'un autre bras, plongeant dans l'eau derrière la coquille, agit comme gouvernail.
Les vents du midi sont très-incommodes dans le royaume de Naples et dans la Sicile; mais celui du sud-est, ou le scirocco, est le vent dont le souffle est le plus accablant. Lorsqu'il règne, la lueur du jour est obscurcie, les feuilles des végétaux se roulent comme si elles étaient piquées par un insecte destructeur, et l'homme est accablé d'un malaise et d'une nonchalance qui lui font perdre ses forces. Heureusement ce vent règne plus fréquemment l'hiver que l'été.
L'Italie offre aux méditations du géologue une foule de localités intéressantes pour qui saitles explorer. Le calcaire alpin commence au nord de Bellune : il est recouvert de calcaires oolithiqnes en couches horizontales d'où l'on voit sortir le grès rouge. Dans la vallée de Cadore, les calcaires donnent issue àdes sources imprégnées d'hydrogène; on y trouve du plomb argentifère, de l'oxyde de fer, du plomb sulfuré, etc. On connaît dix-neuf mines dans cette vallée. Sur le territoire de Vicence, on voit des calcaires analogues à la craie, des dépôts de sédiment supérieur et des roches volcaniques anciennes : ces derniers produits offrent aux recherches du minéralogiste des globules de chalcédoine remplis d'air et d'eau. Dans le Monte-Bolca, on voit la lave alterner avec le calcaire schisteux rempli de poissons fossiles. Des grès verts forment le noyau de toutes les collines calcaires qui s'étendent dans le Fi-ioul, et les collines basses d'Oltre-Piane. Le Véronais présente la même disposition : ses calaires sont remplis de corps organisés fossiles. Au pied des Apennins, s'étendent, dans le duché de Parme, des montagnes coquillières dont les couches sont inclinées au nord de 10 à 20 degrés ; elles dominent le cours du Pô. Ce fleuve, qui traverse une grande étendue de terrains analogues à ceux des environs de Paris, charrie, comme tout les grands fleuves, les débris des montagnes qui l'entourent et du sol qu'il sillonne. L'action journalière de ses eaux accumule à son embouchure des dépôts qui, chaque jour, reculent les limites de la mer. Des recherches savantes ont servi à constater que depuis 1604, époque à laquelle on a cherché à le contenir par des digues, ce fleuve a tellement amoncelé les débris qu'il entraîne, que, dans sa partie la plus basse, la surface de ses eaux est maintenant plus élevée que les toits des maisons de Fer-rare. A partir de la même époque, ses atterrissements ont reculé la mer de 15 kilomètres. L'antique Uadria, aujourd'hui Adria, était dans les temps anciens un port célèbre, puis*
qu'elle donna son nom à la mer Adriatique : elle est aujourd'hui à plus de 35 kilomètres du rivage. On a sans doute exagéré en évaluant à 120 mètres les envahissements annuels de ces atterrissements; mais ce qu'il y a de certain, c'est que les travaux des hommes n'ont pas peu contribué à les augmenter. On peut mesurer leur marche avec assez de précision : au XIIe siècle, la mer étajl éloignée d'Adria de 9 à 10 kilomètres ; à la fin du xvie, lorsqu'on eut ouvert une nouvelle route au fleuve, les promontoires de ces atterrissements les plus avancés dans la mer se trouvaient à 18 500 mètres d'Adria; leurs envahissements, plus forts encore depuis, peuvent être évalués à 70 mètres par. an. Jadis le Pô était sujet à des crues qui se renouvelaient tous les 40 ou 50 ans. Elles sont devenues plus fréquentes.
La marche des atterrissements de la Brenta menace Venise du même' sort qu'Adria.
Au milieu de ces vastes plaines d'alluvions, à l'orient de l'Adige, entre la ville d'Este' et Padoue, s'élève un groupe de montagnes volcaniques : ce sont les monts Euganéens.
Le sol de la Lombardie et celui du Piémont abondent en coquillages fossiles, mais les terrains meubles qui recouvrent les dépôts marins sont remplis d'ossements d'élans, de mastodontes, d'éléphants, de rhinocéros et d'autres grands quadrupèdes; dans les collines des environs de Plaisance, on a trouvé des os de cétacés. Des animaux aujourd'hui perdus habitaient donc les versants des Alpes et des Apennins avant que l'homme y eût établi son empire.
La chaîne des Apennins présente deux massifs : l'un se compose de granité, de gabbro (roche que les minéralogistes français appellent euphotide) et de serpentine, qui constituent le noyau de ces montagnes ; l'autre est formé de calcaires saccharoïdes et de calcaires compactes, auxquels succèdent des couches siliceuses, et la roche sablonneuse appelée macigno. Ces calcaires saccharoïdes, que l'on regarde comme primitifs, offrent au ciseau du statuaire de très-beaux marbres blancs, dont le principal est celui de Carrare, sur le versant occidental de l'Apennin septentrional. En remontant vers le nord, ces calcaires anciens et d'autres de l'époque intermédiaire supportent des terrains de la dernière formation, auxquels appartiennent des argiles remplies de coquilles et d'autres dépôts de sédiment contenant des fragments de bois et des fruits de divers arbres conifères. A la base de VApennin central, s'étendent les mêmes terrains tertiaires : ils forment des collines composées en grande partie de marne argileuse, de sable calcaire et siliceux, dans lesquels on trouve du soufre, de la poix minérale et du sel. Le nombre de dépouilles organiques y est si considérable, qu'il surpasse peut-être celui des animaux qui peuplent la mer. Les roches granitiques de l'Apennin méridional, depuis les montagnes de Conegliano jusqu'à l'extrémité de l'Italie, sont plus visibles que dans le reste de la chaîne : leur couleur est jaune, et leur texture grenue et demi-cristalline ; ils paraissent faire partie de la formation intermédiaire. Près du bord de la mer, les collines calcaires qui s'élèvent çà et là appartiennent au dépôt de sédiment supérieur. Dans la Calabre orientale, au bas des pentes de Y Aspromonte, on trouve de grands dépôts salifères : l'exploitation de Lungro est la plus considérable.
Sur le versant occidental de l'Apennin central, le séjour des mers, auxquelles
ont succédé des lacs d'eau douce, est attesté par la nature du sol, et les produits volcaniques s'y sont amoncelés à une époque antérieure aux temps historiques.
Là sont des rnacignos, ici les plus modernes des roches calcaires appelées travertins, dont la formation paraît être due à des sources minérales contenant de l'acide carbonique; ils ont servi à la construction de la plupart des monuments de l'ancienne Rome; ils se présentent en bancs puissants dans les environs de cette ville. D'autres calcaires, qui se forment encore, indiquent la marche qu'a suivie la nature aux époques les plus reculées ; on doit les distinguer sous le nom de calcaires incrustants. Les eaux qui descendent de la chaîne du mont Velino tientent en suspension du carbonate de chaux, qui se dépose dans le lac Velino, aux cascades de Terni et à celles de Tivoli. « Les chutes d'eau ou cascades de Tivoli, dit Brongniart, ne sont pas dues à des escarpements du calcaire compacte qui - forme la masse de ces montagnes (celles qui dominent Rome), mais à un barrage de la vallée produit par les dépôts des eaux qui en sortent, et qui étaient , dans les derniers temps, beaucoup plus chargées de calcaires qu'elles n'en contiennent actuellement. Cette agitation des eaux donne à ce dépôt des ondulations qu'on ne lui voit pas dans la plaine, et sa précipitation, moins abondante, permet au calcaire de prendre une texture et un aspect cristallin qui l'éloignent du travertin pour le rapprocher des albâtres. Cette même disposition, due aux mêmes causes, s'observe dans tous ses détails aux belles cascades de Terni. On trouve d'abord, dans les environs et dans les parties basses du travertin, un calcaire d'eau douce compacte, et après Rieti, au continent du Velino et de la Nera, cette petite rivière se précipite en cascade d'un barrage de calcaire concrétionné cristallin, formé par la même voie et sur le même sol fondamental de calcaire compacte qu'à Tivoli. »
Ce calcaire est fortement coloré, sa teinte est d'un brun rougeâtre ; quelquefois on y trouve des coquilles d'eau douce; mais, dans d'autres localités, il est de la plus grande blancheur. Sur une colline évidemment moderne, au nord-ouest de Radicofani, près des frontières de la Toscane, les eaux de Saint-Philippe, utilisées comme moyen curatif, le sont encore par la propriété dont elles jouissent de déposer un sédiment très-fin et du plus beau blanc. On les fait tomber en pluie sur des moules en creux, et l'on obtient ainsi, par voie d'incrustation, de très-jolis bas-reliefs.
Les lacs dans lesquels se sont déposés les travertins antiques des environs de Rome ont formé le Quirinal, XAventin et les monts Marius et Cœlius; mais le Janicule et la roche du Vatican attestent par leurs mollusques la présence des eaux marines. D'autres roches, et des déjections volcaniques, agglomérées par un ciment calcaire, constituent le sol de la ville antique. Quelques-uns des sédiments de ses environs renferment des ossements d'animaux terrestres dont les espèces sont perdues.
Des bords du Pô jusqu'aux extrémités de l'Italie, on a reconnu des traînées de matières volcaniques sur les versants des Apennins. Aux extrémités de ces produits des feux souterrains, se développe le phénomène des salses, dans lequel le gaz hydrogène est le principal agent. Celle de Sassuolo, aux environs de ftfodène, est connue de tous les curieux. : un bâton, plongé dans cette espèce de volcan
boueux, détermine l'eau à s'élever en forme de jet. Nous parlerons des autres en décrivant la Sicile. Au bas du versant des Apennins qui se dirige vers le golfe de Naples, des cratères de diverses dates se sont accumulés sur le sol même que l'homme foule aujourd'hui, et la décomposition des laves a contribué à fertiliser ses champs. Toute la plaine de la Campanie est couverte de déjections volcaniques; Naples est bâtie sur des courants de lave. Les lacs Averne et d'Agnano sont sans doute d'anciens cratères. La Solfatare, reste d'un volcan de forme elliptique, ne produit plus que des vapeurs sulfureuses; le sol, caverneux, y retentit sous les pas-du voyageur ; le soufre et l'alun que l'on en retire semblent être une inépuisable richesse pour l'industrie. Les curieux ne manquent point d'aller visiter la grotte du Chien ; mais elle a beaucoup perdu de sa réputation depuis que l'on connaît, dans plusieurs contrées volcaniques, d'autres cavernes d'où s'exhale l'acide carbonique. Le lac Lucrin offre un autre intérêt; il était jadis plus considérable, et communiquait avec la mer. L'éruption du mois de septembre 1558 forma dans son sein un petit volcan qui, pendant sept jours, rejeta des matières enflammées, et dont la lave forme aujourd'hui une colline de 2 600 mètres de circonférence à sa base et de 130 de hauteur : il est connu sous le nom de MonteNuovo. Depuis l'éruption de cette hauteur, le lac Lucriri n'est plus qu'un étang de peu d'étendue. Toute cette partie du territoire napolitain qui est comprise entre Naples, le promontoire Misène (à l'extrémité occidentale de la baie de Pouzzoles) et le cours du Sebato et du Sarno, a été désignée par les anciens sous le nom de Champs Phlégréens (champs enflammés), à cause des ravages des feux souterrains,dont les traces sont partout évidentes.
Le Vésuve est le chef de tous les petits volcans modernes du territoire de Naples. Aussi actif qu'il y a dix-huit siècles, il est le seul en Europe qui rejette des roches de différentes natures sans les altérer. Dans l'éruption qu'il éprouva en 1822, sa hauteur diminua d'environ 30 mètres ; le point le plus septentrional de sa cime a 1 270 mètres d'élévation absolue ; les parois de son cratère offrent la succession d'un grand nombre de couches de lave, qui pourraient presque servir à calculer le nombre de ses éruptions. Dans cette cavité conique, on a plusieurs fois observé des laves prismatiques presque aussi régulières que les plus beaux prismes de basalte. Le mont Somma, qui était le sommet du Vésuve au temps de Strabon., l'entoure aujourd'hui en partie, et n'en est séparé que par la colline volcanique de Cantaroni. Près du sommet, la lave retentit sous les pas : il semble qu'elle soit prête à s'engloutir dans le gouffre qu'elle recouvre; des vapeurs brûlantes sortent d'un grand nombre de petites crèvasses tapissées de soufre en efflorescence, et dans lesquelles la flamme se manifeste lorsqu'on y présente une matière combustible. Cette montagne volcanique est isolée au milieu d'une plaine; die n'est formée que de matières vomies du sein de la terre, en sorte que sa masse donne la mesure exacte de la cavité d'où elles sont sorties. Sa base est divisée en propriétés de peu d'étendue, mais très-fertiles : on peut juger de la richesse du sol que forme la lave en se décomposant, par la quantité d'habitants comparée à sa superficie : chaque kilomètre carré nourrit plus de 1 200 individus. On est d'abord étonné de la sécurité de cette population, qui semble être à chaque instant menacée d'une destruction complète ; mais on est bientôt tranquillisé par
l'idée que chaque éruption est annoncée à l'avance par des indices certains : la terre est ébranlée, un bruit sourd fait retentir ses entrailles, les puits tarissent, et les animaux errent épouvantés. Averti du danger, l'homme a le temps de s'échapper et de mettre à l'abri ce qu'il a de plus précieux. Dans les intervalles de ses éruption.s, ce volcan rejette sans cesse des tourbillons de fumée.
La richesse minérale de l'Italie consiste plutôt en substances pierreuses qu'en substances métalliques ; toutefois, elle n'est pas sans importance : n'a-t-elle point la serpentine du revers méridional des Alpes, le porphyre des Apennins, le marbre de Carrare, l'albâtre de Volterra, le marbre brèche de Stazzema, composé d'une réunion de fragments de diverses couleurs; le marbre noir de Pistoie, le vert de Prato, les brocatelles de Piombino, la pierre calcaire de Florence, dont les plaques polies représentent des ruines ou d'élégantes herborisations, formées de molécules de manganèse; la baryte sulfatée du mont Paderno, dont on fait, parla calcination, la pâte appelée phosphore de Bologne; les jaspes de Barga, les chalcédoines de la Toscane, Je lapis-lazuli des environs de Sienne, le jargon du Vicentin, le grenat du Piémont, l'hyacinthe du Vésuve, les mines d'argent, de plomb et de fer de la Sicile et de la Sardaigne; le soufre de ses terrains volcaniques ?Pour nous résumer sur la géologie générale de la péninsule Italique, nous dirons que la ceinture des Alpes qui l'enveloppe offre des masses où dominent le Eranite, le gneiss, le micaschiste, le terrain carbonifère supérieur et le terrain jurassique; que les terrains éocène et jurassique forment la plus grande partie des Apennins; que les terrains alluviens et diluviens composent les vastes plaines du bassin du Pô; qu'une longue bande de terrain pliocène, appelé aussi subapennin, règne le long de la mer Adriatique et de la mer Ionienne; qu'une étendue considérable de ce même terrain occupe presque toute la Toscane ; que le terrain crétacé forme des1 bandes assez vastes sur les flancs de l'Apennin central et sur la -côte occidentale ; qu'enfin le terrain volcanique présente son massif le plus étendu au nord de Rome, depuis le Tibre jusqu'au delà du lac de Bolsena ; son massif ensuite le plus considérable autour de Naples ; un troisième très-remarquable, enfin, autour du lac d'Albano, sans compter de petits groupes épars, comme les monts Euganéens, au nord.
De nombreuses îles forment une partie intéressante du territoire de l'Italie ; les plus importantes sont la Sicile, la Sardaigne, et nous .pourrions même dire Ja Corse, puisque, considérée physiquement, celle-ci n'est qu'un démembrement de l'autre. Celles qui viennent ensuite sont : au sud de la Sicile, Malte, Gozzo et Pantellaria; puis, entre la Sicile et le continent italique, les îles d'Éole ou de Lipari; à l'entrée du golfe de Naples, Ischia et Capri ; un peu plus loin, les îles de Ponce; enfin l'île d'Elhe, entre la Toscane et la Corse.
La Sicile (l'ancienne Trinacria), située entre l'Europe et l'Afrique, est la plus grande des îles de la Médilçrranée. Sa longueur est d'environ 250 kilomètres, et sa largeur moyenne, de 100 kilom. ; elle a 1020 kilom. de tour, et 24 475 kilomètres carrés de superficie. Une chaîne de montagnes qui fait suite aux Apennins s'y divise en trois branches, dont les extrémités se terminent par trois caps principaux : le cap Boco (Lilybœum), à l'ouest ; le cap Passaro (Pachy-
num), au sud-est, et le cap Faro ou Peloro (Pelorum), au nord-est. Ces trois branches partagent la masse triangulaire de l'île en trois versants : celui du nord, celui de l'est et celui du sud-ouest. Ils donnent naissance à un grand nombre de cours d'eau ; les plus importants sont, au midi, le Belici, le Platani et le Salso; à l'est, la Giaretta; le versant septentrional, étroit et rapide, n'est sillonné que par des ruisseaux.
La roche principale qui sert de charpente aux montagnes de la Sicile est, suivant Spallanzani, un granite qui se décompose facilement; mais les caractères qu'il lui donne nous portent à croire que cette roche est du nombre de celles qui sont postérieures aux êtres organisés, c'est-à-dire qui rentrent dans la catégorie des syénites, des diorites et des protogynes. Sur ce noyau granitoïde, s'appuie un calcaire rempli de madrépores et de mollusques marins. On y remarque aussi des schistes argileux et des poissons fossiles. On observe, sur les bords de la mer, des poudingues et des grès, dont les cailloux et les grains de sable sont réunis par un ciment calcaire qui se forme tous les jours sous les eaux ; ils sont visibles surtout aux environs de Messine. On a souvent trouvé, dans les sables qui leur donnent naissance, des fers de flèches, des médailles et des ossements humains; ainsi la nature peut encore être prise sur le fait dans la formation de certaines roches.
C'est sur le versant oriental de la Sicile que s'élève le mont Gibello ou l'Etna, volcan si considérable, que le Vésuve ne serait qu'une colline auprès. Il est divisé en trois régions végétales : la première est celle de la canne à sucre et du blé, la seconde celle des vignes et de l'olivier, la troisième celle des plantes boréales et des neiges.
La végétation est magnifique au pied de l'Etna ; les arbres y atteignent des dimensions prodigieuses : plusieurs châtaigniers ont jusqu'à 5 mètres de diamètre; le célèbre châtaignier dei cento cavalli, ainsi nommé parce que cent chevaux peuvent s'abriter sous ses rameaux, est un des plus beaux arbres que l'on connaisse : sa circonférence est de 40 mètres. Sur la pente méridionale, on remarque, dans la seconde région, la grotte des Chèvres, et, à peu de distance, le monte Nero et le monte Capreolo, deux montagnes enfantées par l'Etna. Dans une région plus élevée, se dressent les débris de la tour du Philosophe, qui rappelle vaguement le souvenir d'Empédocle.
- Une des plus importantes des dernières éruptions est celle de 1812, qui dura.
six mois ; celle de 1819 fut considérable. Un voyageur qui en fut témoin vit sortir la lave sous ses pieds : elle formait un courant de 20 mètres de largeur sur la montagne, et de 400 à sa base. Elle ravagea une étendue de 9 kilomètres, embrasant les arbres qu'elle touchait. Au-dessus de la bouche qui la vomissait, un cratère lançait des pierres à 300 mètres de hauteur (1).
(1) La dernière éruption eut lieu en 1853. Depuis l'époque historique, le nombre des éruptions s'élève à 96 :
Avant l'ère chrétienne. 10 Au premier siècle de celte ère 1 Au troisième 1 An neuvième. 1 Au douzième. 3 Au treizième l A reporter. 16
Report. te Au quatorzième. 3 Au quinzième k Au seizième. 9 Au dix-septième. 22 Au llix-huitième. 32 Depuis le commencement du dix-neuvième. 11 TOTAL. 97
On connaît dans l'île plusieurs salses semblables à celles de Modène : l'une est celle de Valanghe délia Lallornba, l'autre celle de Terra Pilata, et la troisième celle de Macaluba. La première est la moins importante; elle cesse d'êtrts en mouvement pendant les grandes chaleurs. La seconde consiste en une éminence divisée par plusieurs fentes ; un grand nombre de petits cônes y lancent à 2 ou 3 mètres de hauteur de la fange et du gaz, d'autres du gaz hydrogène seul ; plusieurs cônes, profonds de 1 à 2 mètres, rejettent constamment de l'hydrogène, qui s'enflamme dès qu'on en approche une substance incandescente. La salse de Macaluba, formant un monticule de 100 mètres de hauteur, produit des phénomènes un peu différents : Dolomieu lui donne le nom de volcan d'air. De ses petits cratères s'exhalent des bulles de gaz qui, rompant l'argile qui les recouvre, produisent un bruit semblable à celui d'une bouteille que l'on débouche. Ce monticule renferme une source d'eau salée ; sur le sol calcaire de ses environs, s'élèvent d'autres monticules d'argile grisâtre, qui contiennent du gypse. Le terrain de Terra Pilata doit le nom qu'il porte à sa stérilité : il n'y croît aucun végétal.
Les terres de la Sicile sont douées de la plus grande fertilité : l'olivier y est plus grand et plus robuste que dans les autres parties de l'Italie; le pistachier y est abondant, et le [cotonnier cultivé avec beaucoup de soin ; mais les forêts y sont depuis longtemps épuisées, au point que le bois y est extrêmement rare. La culture des fèves y remplace l'usage des jachères; l'abeille est une des principales richesses du pays : le miel de Sicile est justement estimé. Les animaux n'y diffèrent point de ceux de la Calabre, et, parmi les oiseaux, le plus fidèle au sol, et le plus recherché pour son chant plein d'harmonie, est le merle solitaire (turdus cyaneus).
Ne quittons pas la Sicile sans examiner une question sur laquelle plusieurs savants ont été divisés : la Sicile a-t-elle fait partie jadis du continent ? Dans cette question, ceux qui nient la possibilité de cette séparation ont peut-être passé trop légèrement sur les traditions rapportées par les anciens. Pline et Pomponius Méla l'ont admise comme un fait incontestable. Les poëtes décrivirent cette catastrophe : Virgile et Silius Italiens en fournissent la preuve. Une tradition populaire peut n'être point d'un grand poids aux yeux des savants, lorsqu'elle est opposée au témoignage de la raison et aux faits qui forment la base d'une science; mais lorsqu'elle s'accorde avec ces témoignages et ces faits, elle doit être considérée comme une preuve de quelque importance. Il est vrai qu'au premier abord l'autorité de l'histoire a droit à plus de confiance qu'une simple tradition qui se perd dans la nuit des temps; mais, en y réfléchissant, on sent que, pour peu que l'on remonte à une certaine antiquité, l'histoire même se confond avec les fables; et l'imagination peut facilement se transporter à une époque où les peuples ignoraient l'art de fixer les idées par le moyen de l'écriture, où l'histoire ne reposait que sur des traditions. Une objection importante en apparence a été faite par Clavier coutre la possibilité de la catastrophe dont nous nous occupons : il dit que le cours des rivières sur les dernières pentes de l'Italie, du côté de Messine, indique une inclinaison générale et ancienne du terrain vers la mer; mais, en admettant que la chaîne Apennine, minée par les feux souterrains, s'est rompue à l'endroit même où une dépression séparait les deux sommets; en admettant sur-
tout qu'au moment de cette rupture les eaux de la mer se seront précipitées avec violence dans le détroit de Messine, elles auront dû contribuer à adoucir les pentes qui terminent l'Italie d'un côté, et les caps de Messine et de Faro de l'autre. Voilà ce qu'on peut répondre aux objections relatives à la configuration actuelle du terrain : mais que répondra-t-on aux observations géologiques qui prouvent que les montagnes de la Sicile sont formées des mêmes roches que celles de l'Apennin? Regardera-t-on comme une rêverie l'idée qu'un violent tremblement de terre ait pu faire écrouler une partie de cette chaîne sur une largeur de moins d'une lieue, sous prétexte qu'il n'est point vraisemblable que l'Apennin méridional soit miné, et pour ainsi dire placé sur d'immenses cavités, lorsqu'on sait avec quelle intensité les feux souterrains ébranlent la Calabre, lorsque ceux-ci ont formé une montagne aussi importante que l'Etna, lorsqu'ils ont soulevé au milieu des flots les sommités volcaniques auxquelles on donne le nom d'îles Lipari?
A environ 6 kilomètres au sud-est du cap de Faro, s'élève un rocher, fameux dans l'antiquité comme le plus redoutable écueil. Coupée à pic, la base de Scylla est percée de plusieurs cavernes ; les flots qui s'y précipitent se replient, se brisent et se confondent en produisant un bruit effrayant, qui explique pourquoi Homère et Virgile ont peint Scylla poussant d'horribles hurlements dans sa profonde retraite, entouré de chiens et de loups menaçants. Charybde, aujourd'hui Calofaro, à 272 mètres du rivage de Messine, ne ressemble point à la description qu'Homère en a faite; ce n'est pas un gouffre, c'est un espace ayant à peine 32 mètres de circonférence, qui éprouve le remous que l'on remarque en mer dans tous les passages étroits.
Entre la Sicile et l'Afrique, Malte, Gozzo et Comino forment une superficie de 440 kilomètres carrés. La première, longue de 22 kilomètres et large de 12, est un rocher calcaire couvert d'une légère couche de terre végétale que la chaleur de son climat rend fertile. Plus de 80 sources l'arrosent. Ses oranges célèbres et d'autres fruits exquis, la beauté de ses roses, les douces exhalaisons de mille fleurs diverses, son miel délicieux, le fécondité de ses brebis et de ses bestiaux, s'accordent peu avec l'idée qu'on doit se faire d'un sol sur lequel on est obligé d'apporter de la Sicile la terre végétale, lorsqu'on veut y créer des jardins. La petite île de Comino est une pointe de rocher d'environ 500 pas de circonférence, qui doit son nom à la grande quantité de cumin qu'on y cultive. Gozzo, hérissée de montagnes, a 18 kilomètres de long sur 9 de large ; elle est fertile en coton, en grains et en plantes potagères. Plus près de l'Afrique que de la Sicile, l'île volcanique de Pantellaria (l'antique Cossyra) n'offre de tous côtés que des pentes abruptes et des cavernes. Au centre, un lac de 800 pas de circuit et d'une immense profondeur occupe la cavité d'un ancien cratère; ses eaux sont tièdes et pe nourrissent point de poissons. Du pied de la plupart des montagnes arides et brûlées, sortent des sources bouillantes. Les parties du sol les moins rebelles à la culture produisent du raisin, des figues et des olives. Lampedouse (peut-être rOgygie ou île de Calyp&o de l'antiquiité), plus près de l'Afrique que de Malte, a un peu plus de 40 kilomètres carrés. Elle appartient au royaume des Deux-Siciles. Les petites îles de Lampiona et binosa en dépendent aussi.
Au mois de juillet 1831, apparut, à 55 kilomètres au sud-ouest de la Sicile, une île volcanique qui reçut des Français le nom de Julia, des Anglais celui de Graham, et des Siciliens celui de Ferdinanda. Quelques mois après son apparition, les flots la recouvrirent.
Près des côtes occidentales de la Sicile, les trois îles Ègades ( Favignana, Marettimo et Levanzo) sont peu dignes de fixer l'attention. On y élève des abeilles. — Au nord, toutes les îles ne sont que d'anciens cratères. A 47 kilomètres du cap Gallo, Ustica est dominée par trois petits sommets volcaniques qui, sous la domination phénicienne, étaient depuis longtemps éteints. Son sol noirâtre et fertile produit du raisin, des olives et du coton. A l'est de cette île, s'étendent celles d'Éole ou de Lipari; elles sont au nombre de 16. Basilluzzo et les trois Pinarelli ne sont que des écueils composés de laves granitiques et de laves poreuses, recouvertes de sulfate d'alumine. Cependant Basilluzzo renferme quelques habitations. On prétend qu'autour de ces îlots le gaz hydrogène s'élève à la surface des eaux. Le sol d'A licudi ou Alicuri est couvert de laves globuliformes.
Spallanzani y a remarqué une masse de porphyre qui ne paraît point avoir subi l'action du feu. Filicuri ou Felicndi est intéressante par les couches de laves et de tufa ou péperin , qui alternent, et par une vaste cavité que l'on appelle la grotte du Bœuf Marin, longue de 65 mètres, large de 40, et haute de 25. Le même savant y observa un bloc de roche granitique, analogue à celle que l'on remarque près de bfilazzo, en Sicile. Ce bloc, qui paraît avoir été transporté par les eaux, ne prouverait-il point qu'une éruption marine a contribué, avec l'action des feux souterrains, à séparer la Sicile de l'Italie ? Salina, d'une circonférence de 16 kilomètres, a un cratère. Fertile en vins très-recherchés, elle doit son nom à l'abondance du sel que l'on retire d'un lac séparé de la mer par une petite digue de laves amoncelées par les flots. La chaleur du soleil fait les principaux frais de cette exploitation : l'eau, en s'évaporant des fosses que l'on y pratique après avoir mis le lac à sec, laisse une épaisse couche de sel. Lipari, la plus grande de ces îles, a près de 30 kilomètres de tour; elle est couverte de laves feldspathiques, d'obsidienne et de pierre ponce, dont elle approvisionne toute l'Europe. La montagne de Campo-Bianco, d'où on la retire, est composée de conglomérats ponceux, renfermant des restes de végétaux, et formant des couches parallèles qui alternent avec les ponces. Vulcano, un peu moins étendue, offre deux cratères, dont l'un paraît être épuisé, et dont l'autre, d'une vaste dimension, envoie dans les airs des tourbillons de fumée. On évalue sa profondeur à 1400 mètres, et son diamètre à 770. On peut descendre dans le cratère éteint; on y voit une grotte revêtue de stalactites de soufre. L'île renferme une autre grotte, dont les murs sont recouverts de soufre, de sulfate d'alumine et de muriate d'ammoniaque, ainsi qu'un petit lac dont les eaux chaudes dégagent de l'acide carbonique. Les produits volcaniques de Panaria n'ont rien de particulier : il y croît, comme à Lipari, du blé, des olives, des figues et d'excellents raisins. Stromboli, la plus septentrionale de ces îles, n'est qu'un volcan escarpé, dont le cratère, ouvert sur l'un de ses flancs, est toujours en feu. Dans ses moments de calme, les éruptions se renouvellent deux fois dans un quart d'heure. Sa lave contient de beaux cristaux de fer oligiste.
L'entrée du golfe de Naples est défendue par trois îles : à droite, celle de Capri ou Caprée; à gauche, celles d'Ischia et de Procida. La première, large de 4 kilomètres, et longue de 7, n'offre aucune trace de volcanisation; un rocher calcaire, qui s'élève à pic, sépare l'île en deux parties. On y monte par un escalier de 500 marches, qui sert à faire communiquer les habitants de l'une à l'autre.
Le pavé d'un palais construit par Tibère est maintenant couvert par les flots. On prétend que dans certaines saisons les cailles se rassemblent en si grand nombre sur les terres les plus fertiles de l'île, qu'on en prend pour plus de 100 ducats par jour. Ischia, autrefois Ænaria, compte 32 kilomètres de circonférence; son sol est entièrement volcanique; la lave y a recouvert les derniers dépôts marins.
Strabon dit que ses anciens habitants tiraient de grands avantages de sa fertilité et de ses mines d'or ; mais il est probable que le géographe grec a commis une erreur, car on ne trouve dans ses laves aucune trace de ce métal. Ses anciens volcans, le Monte di Vico et l'Epopeo, rivalisent de hauteur avec le Vésuve.
L'éruption qui se manifesta en 1302 dura deux mois, et fit déserter l'île; mais aujourd'hui elle est très-peuplée. On y récolte d'excellents vins; ses sources minérales et ses étuves attirent un grand nombre d'étrangers. Procida (ancienne Prochyta), placée entre le continent et la précédente, n'a que 13 kilomètres de circonférence; c'est un des points du globe les plus peuplés : elle nourrit 15000 habitants. Son sol volcanique, formé de plusieurs dépôts successifs de laves, abonde en orangers, en figuiers et en vignes.
A l'ouest d'Ischia, s'étendent les îles de Ponce ou Ponza; elles sont au nombre de cinq : San-Stephano, Vandotena (Pandataria), Zannone, Ponza et Palmarola. Plusieurs îlots s'élèvent entre ces îles, dont la plus considérable est Ponza, longue de 9 kilomètres, et large de 2. Elle est formée, comme celles qui l'entourent, de roches trachytiques, restes d'antiques embrasements, qui ont coulé au milieu de dépôts volcaniques pulvérulents. L'un des points les plus élevés de l'île est la montagne della Guardia. Dans l'île de Zannone, la roche repose sur des calcaires appartenant à la formation intermédiaire. Vers le nord, entre la Corse et la Toscane, on voit plusieurs autres îles; les plus méridionales sont Gianuti, autrefois Artemisia; Monte-Cristo, l'ancienne Oglosa, habitées par quelques pêcheurs, et Giglio, connue des Romains sous le nom iïMgilium.
Celle-ci est hérissée de collines couvertes de bois ; on y exploite des granités et des marbres estimés; son territoire produit beaucoup de vins. Pictnosa, l'antique Plànasia, île boisée, mais peu habitée, est peu éloignée de l'île d'Elbe. Au nord de celle-ci, à la hauteur du cap Corse, est Capraja (l'ancienne Capraria ou Ægilon), petite île volcanique et bien peuplée ; et, vis-à-vis de Livourne, Gorgona, plus petite encore, est couverte de bois, et sert de rendez-vous aux pêcheurs de sardines. L'île d'Elbe, si renommée pour ses mines de fer, dont l'exploitation remonte à la plus haute antiquité, était appelée Æthalia par les Grecs, et Ilva par les Romains; elle a environ 120 kilomètres de circonférence. Le granité, le schiste micacé et le calcaire-marbre sont les principales roches qui composent les montagnes qui la traversent de l'est à l'ouest. La plus haute de leurs cimes est la Capanna. Malgré quelques marais infects, le climat y est salubre.
On n'y voit point de rivières; le ruisseau du Rio est son seul cours d'eau, mais les
sources y sont abondantes et ne tarissent jamais. On y connaît quelques eaux minérales; on y fait de très-bons vins. Ses pâturages occupent peu d'étendue, mais ils sont excellents.
L'île de Sardaigne, dont la longueur du nord au sud est de 270 kilomètres, et la plus grande largeur de 135, offre une superficie de 24000 kilomètres carrés. Sa charpente, formée de granite qui contient des couches et des filons de quartz, de syénite et de grunstein, ou de diorite, est recouverte de schiste micacé, surtout aux deux extrémités. Ces roches constituent, entre autres, le mont Gennargentu, le point le plus élevé du pays. Les mêmes roches se montrent à l'extrémité nord-ouest, dans les monts délia Nurra. Les branches méridionales et septentrionales, composées de terrains intermédiaires et de calcaire secondaire, sont souvent recouvertes de trachytes, qui supportent des terrains tertiaires, sur lesquels reposent des basaltes, ainsi qu'on le remarque dans les monts del lJlarglzine, au centre occidental de l'île. Ces masses volcaniques semblent avoir été démantelées, dégradées et sillonnées par des courants aqueux agissant dans la direction du nord au sud. Les eaux douces n'ont point été étrangères à ces grandes catastrophes, puisqu'il existe auprès de Cagliari un terrain formé de brèches osseuses contenant des débris de petits animaux rongeurs, des dents de ruminants et des coquilles terrestres. Les cratères qui ont vomi les produits ignés n'ont point laissé de traces. Près de Giave, on voit un petit volcan moderne que caractérisent des pouzzolanes et des scories. Dans les montagnes de la Sardaigne, l'existence de l'or est fort incertaine, mais on y connaît plusieurs mines de plomb, de mercure et de fer. L'argent et le cuivre y sont rares.
Les principales rivières sont : sur le versant occidental de la grande chaîne, YOzieri, au nord, l'Oristano ou Tirso, au centre, et le Samassi, au sud ; sur le versant opposé, nous ne citerons que la Flumendosa. UOristatio a 90 kilomètres de cours ; les plus considérables après celui-ci n'en ont pas plus de 60. La Sardaigne a de nombreux étangs dont les eaux sont plus ou moins salées; qualité qu'elles doivent au voisinage de la mer ou aux terrains de formation salifère qu'elles traversent.
Le climat de cette île est tempéré; elle est souvent exposée aux funestes effets d'un vent de sud-est, le levante, qui est le scirocco des Napolitains. Strabon, Tacite, Cicéron et Cornélius Nepos parlent de l'insalubrité de la Sardaigne. Les mêmes effets sont encore aujourd'hui produits par les mêmes causes ; les miasmes qui s'exhalent des marais, surtout après les premières pluies, font naître des fièvres intermittentes fort dangereuses. Le climat est très-sain l'hiver.
La cinquième partie du sol de la Sardaigne est couverte d'antiques forêts de chênes, dont les principales espèces sont le chêne commun (quetcus robur), l'yeuse (quercus ilex), et le chêne-liége (quercus suber). L'île offre trois zones végétales différentes : celle des montagnes ou la plus élevée est tout à fait analogue au climat de la Corse; celle des plaines et des côtes septentrionales ressemble à celui de la Provence et d'une partie de l'Italie; enfin celle des plaines et des côtes méridionales rappelle la nudité de l'Afrique. L'agriculture est encore peu avancée dans cette contrée.
L'île ne renferme aucune bête féroce. Cependant la faune est très-variée : parmi les animaux sauvages, les plus importants par leur taille sont le cerf, le daim, la
chèvre et le sanglier. Ils sont cependant plus petits que sur le continent. Le mouflon se distingue de celui de la Corse par la forme de ses cornes, qui se rapb
prochent de celles du bélier. La Sardaigne nourrit aussi la plupart de nos petits quadrupèdes, comme le renard, le lapin, le lièvre, la belette, etc. Les animaux domestiques s'y distinguent par des caractères particuliers : le cheval est petit, sobre, vigoureux, et peut se rendre utile jusqu'à 20 ou 30 ans ; l'âne est petit et couvert de longs poils ; le bœuf, comme celui de Hongrie, est vif, agile, fougueux et muni de cornes d'une grandeur extraordinaire; la chèvre est le seul anjpial qui n'offre point cette dégradation de taille que l'on remarque cbez les quadrupèdes de la Sardaigne.
Le roi des oiseaux plane au-dessus des montagnes ; le lâche vautour dévore dans la plaine les cadavres putréfiés; la fauvette, le merle et la grive habitent les bocages et les guérets ; la perdrix de roche se tient dans les broussailles et sur les sommets arides ; les flammants arrivent d'Afrique vers le milieu d'août t deux mois plus tard, les cygnes, les canards et les oies, sortis des régions septentrionales, les joignent, et sont suivis des hérons, des foulques et des cormorans. La marche tardive de la végétation, le dessèchement subit de la plupart des plantes, rendent les insectes plus rares en Sardaigne que daps les autres contrées méridionales de l'Europe. On y trouve cependant la tarentule, une espèce de scorpion peu dangereuse, les sauterelles, et une grande quantité de cousins. L'abeille fournit un miel excellent, qui, dans quelques contrées, prend une amertume qui n'est point désagréable et que l'on attribue aux fleurs de l'arbougier. L'île pe nourrit d'autres reptiles que plusieurs espèces de lézards et une très-petite couleuvre. La plupart de nos poissons peuplent ses eaux douces et marines : on pêche sur ses côtes une grande quantité de ces petits poissons si vantés sous le nom de sardines.
Les seuls amphibies remarquables que l'on trouve sur ses rivages sont deux é £ > pèces de phoques.
La Sardaigne est environnée de petites iles, dont les plus importantes sont : au sud-ouest, San-Antioco et San-Pietro; au nord-ouest, Asinara; au nord-est, la Madalena, Caprera et Tavolara. San-Antioco, l'Enosis des Romains, a 36 kilomètres de tour, des terres fertiles et des salines. San-Pietro, divisée du nord au sud par une colline, est l'ancienne Eieracum ; sa circonférence est d'environ 35 kilomètres. Ses habitants pèchent le corail, exploitent des salines, et cultivent un sol fertile. Asinara, YInsula Herculis des anciens, longue de 18 kilomètres, large de 9, est montagneuse, couverte de pâturages, et cependant ne renferme que quelques cabanes de bergers et de pêcheurs. Tavolara, rocher calcaire habité par des chèvres sauvages, était fréquentée par les anciens, qui allaient pêcher sur ses côtes le mollusque dont ils tiraient la pourpre.
Pour terminer la description des îles italiennes, nous devons ajouter les petites îles Tremiti (îles de Diomède dans l'antiquité), situées dans l'Adriatique, au nord du promontoire Gargano ; elles manquent de sources, mais produisent de l'huile excellente et de bons fruits. La plus considérable est San-Dominico,
- DEUXIEME 8EVT..S. - DESCRIPTION POUtipE.
État. Sarde. et Lombard*.
SAVOIE, PIÉMONT, TERRIT. DE NICE ET DE GÈNES, ÎLE DE SARDAIGNE.
Les États Sardes sont au premier rang parmi les États italiens. Sœur de la France par le voisinage et par de longues alliances, la Sardaigne est parvenue à un haut degré de splendeur et d'éclat sous le règne de plusieurs souverains courageux et libéraux (1). Elle s'est assuré, par sa politique éclairée et par ses fermes institutions, la place qu'elle devait occuper en Europe.
La partie continentale est renfermée entre la France, la Suisse, le golfe de Gènes et le Tésin. Elle comprend quatre contrées : l'une,. la Savoie, berceau de h monarchie, est séparée du reste des États Sardes par la chaîne des Alpes Grec-
ques ; la seconde, le Piémont, qui s'étend au pied des montagnes, dans le bassin du Pô, est composée de plaines fertiles et parsemée d'une quantité considérable de villes et de villages; les deux autres parties du continent sarde sont des régions maritimes : l'une est le territoire de Nice, qui a eu longtemps le titre de comté ; l'autre est le territoire de Gènes, auquel on a donné le titre de duché de Gènes, La Savoie, hérissée de montagnes, a un climat âpre, un sol'en général pierreux et peu favorable à l'agriculture. Dans la région méridionale des États Sardes, la surface est aussi couverte de montagnes, dont les cimes sont généralement nues ; mais les pentes en sont boisées ou couvertes de pâturages, et leurs bases, plantées de citronniers, d'oliviers et de vignes, offrent le plus riant aspect. Le sol du Piémont est fort riche : une multitude de canaux, de ruisseaux, de rivières, l'arrosent et y entretiennent une fécondante humidité. L'hiver y est court et rarement rigoureux; les vents qui y soufflent le plus fréquemment sont ceux de l'ouest, du nord et de l'est ; sur le littoral, celui du nord est arrêté par la chaîne de l'Apennin et y exerce peu d'influence, tandis que dans le Piémont, et surtout dans la Savoie, il se fait plus vivement sentir.
Les principales productions sont le riz, le maïs, le blé et autres céréales, le lin, le chanvre, le tabac, le vin. Les vins les plus estimés sont ceux du Mon.tferrat.
Les champs et les prairies sont entourés de mûriers, d'ormeaux et de peupliers.
Les grandes forêts de la Savoie tendent de jour en jour à devenir moins considérables.
La minéralogie, qui, dans les montagnes de la Savoie, du Piémont, de la Ligurie et de la Sardaigne, est aujourd'hui l'objet d'études et de recherches importantes, brille dans les collections de minéraux de la Chambre de Chambéry et de l'Institut technique de Turin. Le fer de la vallée d'Aoste est-d'excellente qualité; à l'exposition universelle de 1855, les échantillons de marbre et d'ardoise étaient très-remarquables.
L'industrie sarde a fait de sensibles progrès dans ces dernières années : il y a de nombreuses usines et des fonderies où l'on travaille les métaux; on exploite avec succès le marbre dans plusieurs carrières; la fabrication des étoffes de soie
(t) fi suffit de citer les deux derniers, Charles-Albert et Victor-Emmanuel Il.
et de velours forment une branche importante de 1 industrie : on expédie de Gènes, chaque année, plus de dix mille douzaines de fez en laine rouge pour le Levant.
La Savoie fournit des étoffes grossières, mais excellentes, pour les besoins des montagnards. On compte plusieurs verreries, parchemineries, papeteries, etc.
Les principaux articles d'exportation sont l'huile, le riz et la soie; les autres, d'une importance moins grande, consistent en quelques étoffes de soie et de velours, en papiers, parfumeries, essences, chanvre, lin, etc. L'état industriel et commercial est très-florissant, si on le compare surtout à celui de la plupart des autres contrées italiennes.
La Sardaigne est donc au premier rang de la civilisation de la péninsule (1).
Les chemins de fer, dont aucun n'était tracé en 1848, parcourent aujourd'hui une étendue de plus de 750 kilomètres. Lorsque le réseau sera complet, les voies ferrées parcourront environ 1 300 kilomètres. Le chemin de fer Victor-Emmanuel, qui traverse la Savoie et qui se rend de Culoz (frontière de France) au pied du mont Cénis, est un des plus remarquables travaux qui aient été faits dans ces derniers temps. Un tunnel immense franchira la chaîne et reliera à jamais la France à l'Italie. De Suse, située au pied du mont Cenis, la ligne de fer se rend à Turin, qui est joint à Gènes par une autre voie passant à Alexandrie, et, dans d'autres directions, à Novare, à Coni, à Pignerol.
L'armée sarde, dont la vaillance s'est signalée en de si fréquentes occasions, compte 48 000 hommes sur le pied de paix. La marine militaire, dont le personnel se compose de 2 900 hommes, possède 6 frégates à vapeur et 4 à voiles, 3 corvettes à vapeur et 4 à voiles, 3 avisos ou brigantines à vapeur et 4 à voiles, 3 transports à vapeur, etc.
Les premières places fortes sont Gènes, Alexandrie, puis les citadelles de Turin et de Casale, défendant le Pô ; les forts de l'Esseillon, de Fénestrelles, d'Exilles, de Bard, de Vinadio, de Coni, destinés à garder les Alpes ; enfin Villafranca, Montalban, San-Remo, Vintimiglia, Vado, Savone, La Spezia, sur les bords de la mer, protègent le littoral.
, La population des États Sardes s'élève à 5167 540 habitants, d'après le recensement de 1857. La langue n'est pas partout l'italien pur. Les Savoisiens et les Vaudois emploient un dialecte roman ; à Nice, et dans le voisinage des frontières françaises, le provençal est en usage; en Sardaigne, l'italien est mêlé de locutions latines, catalanes, françaises, grecques et même allemandes. La religion catholique est celle de l'État ; les autres cultes y sont tous tolérés. L'éducation y est répandue : la statistique de l'instruction élémentaire, en 1857, constate que le nombre des écoles de garçons s'est élevé de 5 338 à 5 922; celui des écoles de filles, de 2 201 à 2 901. Il ne reste plus qu'une centaine de communes qui en
(1) Voici un tableau indiquant la situation progressive du commerce sarde (spécial) ;
Valeur commerciale.
i Moyenne de 1851 à 1854 168 560 795 fr.
En 1854 201 118 584 En 1835 0 210467 875 En 1856 267 LUô"336 Moyenne de 1851 à 1854 100 399 2-25 ! iSîSS: : : : x : : : ; : : : : : : iSSSÎ Exportation. Lu 1855 1JI JJ;) 435 En 1856. 193 017 767
soient privées. Il y a quatre universités : celles de Turin, de Gènes, de Cagliari et de Sassari.
Le gouvernement sarde est une monarchie constitutionnelle; le souverain est assisté de huit ministres, d'un conseil d'Etat, ordinairement composé de 14 membres, et d'une cour des comptes. Le corps législatif est composé d'un sénat, dont les membres sont nommés à vie par le roi, et d'une chambre de députés élus par les citoyens.
Longtemps avant notre ère, les bords méridionaux du lac Léman étaient habités par les Nantuates; ceux de l'Isère supérieure et de l'Arc l'étaient par les Centrones (ou, peut-être mieux, Ceutrones) ; ceux de la Doire Baltée étaient occupés par les .Salassi, peuplecelte sur lequel Strabon donne quelques renseignements : il dit que la plus grande partie de leur territoire est dans une profonde vallée : c'est celle d'Aoste. Il ajoute qu'ils possèdent des mines d'or ; on peut croire qu'ils exploitaient ce métal par le lavage dans des terrains d'alluvion; car, selon lui, la Duria, aujourd'hui la Doire, leur fournissait l'eau nécessaire pour cette opération; souvent ils la tarissaient, ce qui faisait naître des querelles sanglantes entre eux et leurs voisins, qu'ils privaient de cette rivière utile à leurs travaux agricoles.
Ils eurent fréquemment avec les Romains des combats et des trêves : leurs défilés et leurs montagnes doublaient leurs forces. Ils eurent la hardiesse de taxer à 'une drachme par tête les soldats de l'armée de Décius Brutus, qui fuyaient de Modène, et de faire payer à Messala le bois de chauffage et les arbres nécessaires à ses soldats campés dans leur voisinage. Ils pillèrent même une fois le trésor impérial; et, sous prétexte de travailler aux ponts et aux chaussées, ils firent rouler sur des légions d'énormes masses de pierres. La conduite de ce peuple irrita les Romains. Auguste le détruisit : 40 000 prisonniers furent vendus comme esclaves, 4 000 furent incorporés dans la garde prétorienne, et 3 000 Romains, envoyés par Auguste, fondèrent la ville d_'Augusta, dans le lieu même où Varron, vainqueur, avait fait camper son armée. C'est cette ville qui a donné son nom à la vallée d'iloste. Les Taurini habitaient entre les Alpes, le Pô et la Doire: Ils étaient d'origine celtique, comme les prédédents. Les Statielli, sur lesquels on a très-peu de détails, occupaient la rive droite du Tanaro ; à l'ouest de ces peuples, et au pied des Alpes, était placé celui auquel les anciens donnent indistinctement les noms de Vagienni, de Vageni ou de Bageni. Au sud de ceux-ci, sur le versant méridional des Alpes, la petite nation des Intemelii s'étendait jusqu'à la mer. Enfin, sur le versant méridional des Apennins, dans l'espace compris entre Gènes et La Spezia, le petit peuple des Apuani portait le nom de la ville d'Apua, aujourd'hui Pontremoli. Le territoire de ces quatre derniers peuples constituait la province romaine de Ligurie. Les autres étaient compris dans la Gaule Narbonnaise et dans la Gaule Cisalpine.
C'est vers le v° siècle que le pays voisin du lac Léman prit le nom de Savoie (Sapaudia, Sabaudia). Il appartint successivement aux souverains bourguignons, français et provençaux, et l'empereur Conrad le Salique l'érigea en comté en faveur d'un Humbert aux blanches mains. Ce ne fut qu'au xve siècle que cette principauté, augmentée de divers domaines, reçut, de l'empereur Sigismond, le titre de duché.
Là maison de Savoie est considérée, à juste titre, comme l'une des plus anciennes de l'Europe; les généalogistes la font descendre de Witikind. Ce chef saxon est en quelque sorte le Japhet des princes de l'Europe moderne ; tous prétendent l'avoir pour aïeul. La maison de Savoie, descendant seulement de Humbert, qui régnait au xi* siècle, peut prouver une antiquité de 800 ans ; c'est une durée assez respectable. Le fondateur du royattmè sarde est Victor-Amédée 11, qui reçut le titre de roi de Sardaigne en 1720. Dégoûté des affaires, il abdiqua, en 1730, en faveur de Charles-Emmanuel; son fils. Le règne de ce dernier prince fut glorieux, mais ses successeurs perdirent, par suite de l'influence qu'eurent, sur la politique européenne, les conquêtes de la France, toutes leurs provinces continentales; et le royaume de Sardaigne, réduit au territoire de cette île, ne reprit son rang que par les traités de 1814 et de 1815, qui le remirent en possession de ses anciens Etats.
Ces traités rendirent donc à Victor-Emmanuel lep la Savoie, le Piémont, Nice ; on y joignit l'ancienne république de Gènes. Le roi Victor-Emmanuel abdiqua à la suite d'un mouvement révolutionnaire, et laissa la couronne au prince de Cafignan, qui monta sur le trône sous le nom de Charles-Albert. Ce prince, élevé en France, y puisa de bonne heure des idées libérales et se passionna pour l'indépen» dance de l'Italie. Charles-Albert inaugura son règne par d'utiles réformes, recona stitua les conseils provinciaux, fit rédiger un code complet de lois civiles et criminelles, réorganisa l'armée, encouragea l'industrie, le commerce et l'agricullure.
En 1848, Il embrassa avec enthousiasme la cause de l'indépendance et de l'unité italiennes; il appuya et secourut les peuples de la Lombardie, du duché de Modènd, etc., qui se soulevaient contre une oppression étrangère; il battit les Autrichiens et eut de brillants succès; mais, défait à Novare, il abdiqua en faveur de son fils Victor^Emmanuel II. Charles-Albert mourut quelque temps après à Opotto, en Portugal. Ce prince joignait à un courage à toute épreuve les sentiments de la plus haute piété : aussi a-t-il mérité cette phrase, triste et sublime épitapbe : « Il s'est battu en héros, a vécu en moine, est mort en martyr. » VictorEmmanuel est entré dans les traditions de son père. En prenant les rênes du gouvernement, il s'entoura de ministres distingués, tels que MM. de Cavour et d'Azeglio. Malgré la difficulté de sa position, Victor-Emmanuel a su reprendre la prépondérance perdue un moment parle désastre de Novare. Depuis longtemps allié de la France, il a pris part à la guerre d'Orient, en envoyant le général de La Marmora en Crimée; depuis, l'alliance des couronnes française et sarde a été plus étroitement cimentée par le mariage de la princesse Clotilde avec le prince Napoléon. La guerre qui a éclaté au printemps de 1859 est un témoignage de plus de l'union intime des deux nations française et sarde.
Passons à la topographie de chacune des régions du royaume. Commençons par étudier la Savoie, pays montagneux et pittoresque, où les sites grandioses se déroulent à chaque instant. Par sa position physique, la Savoie n'appartient pas à la péninsule Italique; elle est inclinée vers la France, dont le Rhône et le Guiers la séparent, et à laquelle elle envoie la principale des rivières qui la parcourent : l'Isère. L'Arve, affluent du Rhône, et l'Arc, affluent de l'Isère, l'arrosent aussi.
Les charmants lacs d'Annecy et du Bourget baignent l'intérieur du pays, tandis
que le grand lac de Genève s'étend sur la limite septentrionale, du côté de la Suisse. Les Alpes Grecques et une portion des Alpes Cottiennes et Pennines élèvent entre la Savoie et le Piémont leur majestueuse barrière ; elles y offrent le mont Blanc, avec sa vaste Mer de glace et ses autres merviIles; le mont fseran, le Petit-Saint-Bernard, le mont Cenis, avec sa célèbre route; le mont Tabor, etc, La Savoie renferme deux divisions (1) : celles de Chambéry et Annecy.
Chambéry (15 000 hab.), ancienne capitale de la Savoie, est située dans une riante vallée, presque entièrement ceinte de hautes montagnes. Parmi ses monuments, la cathédrale, qui remonte au xve siècle, le bel hospice de Saint-Benoît, figurent au premier rang, quoique leur architecture n'ait rien de bien remarquable. La tristesse de Chambéry est presque proverbiale ; néanmoins, la société y est polie, la culture des lettres y est florissante. C'est la patrie de l'historien Saint-Réal et des écrivains Joseph'et Xavier de Maistre. L'habitation des Charmettes, qui s'élève dans le voisinage, rappelle le souvenir de Jean-Jacques, Parmi les autres lieux remarquables de la division de Chambéry, qui renferme les provinces de Maurienne, de Tarantaise, de Savoie propre et de HauteSavoie, citons Montmélian, arrosée par l'Isère, et qui eut jadis un important château fort; -Pont-de-Beauvoisin, ville de 5 000 habitants, qui est située sur la frontièrede France ;—Les Échelles de Savoie, village placé dans un défilé fameux, aujourd'hui très-fréquenté, qui est traversé par une magnifique route, entourée des plus beaux paysages ; -A ix-les-Bains, l'antique Aquœ Gratianœ, si célèbre par ses eaux minérales; — Albertville, remarquable par sa fonderie royale et par ses mines; — Moutiers-de-Tarantaise (l'ancienne Darantasia), qui possède des sources thermales et dont les abords sont d'un accès difficile ; — Saint-Jean-deMaurienne, qui vit mourir Charles le Chauve. Les environs, marécageux, humides et insalubres, renferment malheureusement beaucoup de ces infortunés idiots nommés crétins. C'est aussi dans la province de Maurienne que l'on remarque Lans-le-Bourg, qui s'élève en face du mont Cenis, sur les bords de l'Arc. Dans cet endroit, passe la fameuse route qui serpente, à partir de là, sur le versant septentrional de la montagne. Autrefois, on faisait la descente du col du mont Cenis en traîneau; on parcourait un espace de 8 kilomètres en 7 minutes, en s'abandonnant à l'adresse d'un conducteur dont le pied, faisant fonction de gouvernail, et dirigeant sur la neige une légère embarcation, pouvait, par un mouvement faux, précipiter hommes et traîneau dans les abîmes; la pente, moins rapide aujourd'hui, permet d'effectuer cette descente avec une entière sécurité.
La division d'Annecy comprend les trois provinces de Genevois, de Chablais, de Faucigny ou Faussigny. Annecy, arrosée par le Fier, se dresse dans un agréable site; sa cathédrale possède les reliques de saint François de S81es, natif de ce lieu. Son industrie est entretenue par des fabriques, des usines.
des filatures et une verrerie (2), Son château fort fut autrefois le séjour des comtes du Genevois. Sa population s'élève à 6 000 âmes. Le lac d'Annecy, qui baigne la ville, a 12 kilomètres de longueur sur 4 de largeur. — Le bpurg de
(4) On peut comparer les divisions sardes à nos départements.
_(2) L'industrie a pénétré en Savoie : l'ensemble de la production annuelle de l'horlogerie "ulej dans ce paysj peut être évalué approximativement à t 800 000 fr*
Talloires, dans le voisinage, a donné naissance au célèbre chimiste BertholleL C'est dans la province de Chablais, située sur les bords du lac de Genève, que l'on trouve, près de Thonon, le fameux château de Ripaille, qui fut converti en chartreuse par Amédée V, premier duc de Savoie, plus tard élu pape par le concile de Baie, sous le nom de Félix V. La petite ville d'Évian, célèbre par ses eaux minérales, fait un commerce lucratif de châtaignes et d'huile de noix. Elle se trouve près du lac aussi ; de même que Meillerie, dont les rochers pittoresques sont une des merveilles de ce pays intéressant.
Bonneville, dans la pittoresque province de Faucigny, compte environ 1 200 habitants. — Cluse, animée par des fabriques d'horlogerie, s'élève dans un pays magnifique, riche en curieux points de vue. La cascade du Nant d'Arpenaz est surtout d'un fort bel aspect lors des grandes pluies. - Sallanc!, es, sur la rive gauche de l'Arve, fut dévastée par un incendie en 1840, mais présente aujourd'hui un coup d'œil agréable. — En remontant l'Arve, puis le Bon-Nant, on arrive à Saint-Gervais, si connu par ses beaux paysages et ses eaux minérales.
Chamouny ou Chamonix est un village traversé par un grand nombre de touristes qui viennent visiter la vallée du mont Blanc. Cette vallée, la plus célèbre des Alpes par ses beautés sauvages et ses immenses glaciers, attire de tous les points du monde les voyageurs avides de contempler le magnifique spectacle de la Mer de glace et des massifs imposants des Alpes. Les habitations forment un grand nombre de villages épars dans toute la vallée. Au bas du glacier des Bois, sort, sous la forme d'un torrent, l'Arveiron, qui tombe dans l'Arve.
Franchissons les Alpes au moni Cenis, en passant à côté du lac qui est près de son sommet, et entrons dans le Piémont par l'importante division de Turin, qui comprend les provinces de Turin, de Pignerol et de Suse; c'est un pays riche et industrieux.
Turin (Torino), la capitale des États Sardes, s'élève à peu de distance du confluent de la Doire Ripaire et du Pô; c'est une des plus belles cités italiennes. L'origine de cette ville est fort ancienne ; elle était la principale cité des Taurini, comme l'indique son nom. Elle est formée de deux villes : le.vieux Turin, qui ressemble à toutes les villes anciennes et gothiques, et le nouveau Turin, qui a toute l'élégance des villes modernes. La nouvelle ville peut passer pour la plus propre de toutes celles d'Italie ; elle doit cet avantage à l'abondance des fontaines, dont les eaux, pendant l'été, coulent dans toutes les rues, les nettoient, les rafraîchissent, et, pendant l'hiver, les débarrassent de la neige. Turin a environ 10 kilomètres de circuit; ses fortifications ont été converties en promenades agréables. La citadelle, dont l'érection remonte au xvie siècle, est un pentagone régulier, qui a été construit sur les dessins d'Urbino. La ville compte un très-grand nombre de beaux édifices, de magnifiques maisons ; des rues droites, des places spacieuses, concourent à lui donner un aspect grandiose, mais y répandent malheureusement un peu de tristesse. Il y a treize grandes places : la principale est celle du Château, entourée des édifices les plus remarquables : le palais du Roi, le palais Madame et le théâtre royal. La demeure royale présente d'un côté une façade gothique, et de l'autre l'élégance de l'architecture grecque. Cet édifice, bizarre dans son ordonnance, est cependant imposant et digne de sa destination ; on monte dans l'intérieur
par un escalier magnifique. Le palais Madame est aujourd'hui le siège du sénat; le palais Carignan, autrefois résidence des princes royaux, est affecté aux délibérations des députés. Il y a à Turin plus de 100 églises ou chapelles; la plus vantée est celle de Saint-Laurent : elle est entièrement revêtue de marbre noir. Une autre chapelle, attenant à Ja cathédrale, possède le saint Suaire , objet d'une grande vénération. Parmi les autres monuments religieux, citons les églises Sainte-Christine, Saint-Charles-Borromée, Saint-Philippe-de-Néri, la plus vaste de toutes; l'église Corpus Domini, dont intérieur est rempli d'ornements, et celle de la Mère-de-Dieu, dont la forme rappelle le Panthéon de Paris.
Si la religion est honorée par de magnifiques monuments, les sciences, les arts et les lettres sont cultivés dans des édifices qui, bien qu'au second rang, n'en sont pas moins remarquables. L'université compte au moins 2 000 étudiants. L'entrée des bâtiments consacrés aux quatre facultés est d'une architecture sévère et élégante ; des bas-reliefs antiques sont incrustés sur les murs. Le gouvernement n'a rien négligé pour que la jeunesse reçût une instruction profonde et variée : des cabinets d'histoire naturelle, de précieuses collections d'antiquités, un magnifique musée égyptien, sont bien faits pour donner le goût de l'étude et propager la science elle-même. Les malades, les invalides, les jeunes aveugles, les sourds-muets, trouvent des hôpitaux, des hospices et des écoles ou leur sont donnés les soins que réclame leur état. L'édifice hydraulique, précieux laboratoire d'expérience, rend d'immenses services dans un pays où les systèmes d'irrigation sont employés avec tant de succès. Le grand théâtre de Turin est l'un des plus beaux de l'Italie ; le théâtre de Carignan est peut-être le plus fréquenté. De belles promenades, telles que le Jardin du Roi, les allées ombreuses de la Strada del Re, le Valentin, sont assaillies, aux jours de fête, par une foule compacte.
L'industrie est assez active à Turin : on y voit une manufacture de tabac, des fabriques de tissus de soie, de lainages, d'étoffes en coton, de coutellerie; on y forge aussi des armes. La population s'élève à 179 000, d'après le recensement de 1857.
Dans les environs, le rendez-vous de chasse du roi, le palais Stupinigi, est une délicieuse demeure de plaisance.
Moncalieri ( 8 000 hab. ), à quelques kilomètres au sud-est de Turin, possède un fort beau château. - Carmagnole (Carmagnola), autrefois place très-forte, est le centre d'un commerce important de soie, de toiles, de grains et de bestiaux; c'est la patrie du condottiere François Bussone, plus connu sous le nom de comte de Carmagnole. Elle fut prise par Catinat, en 1691, et par l'armée française au commencement de la Révolution ; cette dernière victoire donna lieu à une chanson - et à un costume célèbres. La ville peut compter 12 000 habitants. —
Entre Turin et Carmagnole, est située Carignano (Carignan), qui a donné son nom à la branche de la maison de Savoie qui règne aujourd'hui. - A une dizain& de kilomètres à l'est de la capitale des Etats Sardes, remarquons Chieri (souvent appelée en français Quiers), petite ville de 12 000 habitants, entourée de murs, patrie du poëte Robbio di Santo-Saffacio. — Rivoli (6 000 hab.) est environnée d'une riante ceinture de villas; c'est dans son château que fut enfermé Yictor-Amédée, après son abdication.
Les environs de Turin, dont nous venons de passer rapidement en revue les
endroits principaux, sont animés par l'industrie manufacturière et par l'activité agricole.
Suse (la Segusio des anciens), ville de 3000 hab., chef-lieu de province, arrosée par la Doire Ripaire, à l'embranchement des routes du mont Cenis et du mont Genèvre, commande l'important défilé des Alpes appelé Pas de Suse. Autrefois place forte, elle a été démantelée ; l'étendue de ses fortifications était telle, que les frais de démolition ont excédé 600 000 francs. C'est à Suse que régnait le roi Cottius, et il v éleva un arc de triomphe en l'honneur de l'empereur Auguste. Le marbre vert des environs est assez estimé.
Le mont Cenis, qui est traversé par une belle route, est, avec le Simplon, un des passages principaux des Alpes. Les gigantesques travaux qui ont été exécutés par Napoléon 1er sur cette montagne rendent à jamais l'Italie ouverte aux Français.
A vigliana, sur la Doire Ripaire, se livre à l'industrie. — Exilles, dans la vallée d'Oulx, est une forteresse importante par sa situation. A peu de distance d'Avigliana, les voyageurs vont visiter le célèbre couvent de Saint-Ambroise, dans les caveaux duquel les cadavres se transforment en momies.
Pignerol (Pinel'olo), chef-lieu de la province du même nom, s'élève sur les bords du Clusone. Cette position a appartenu à la France depuis 1632 jusqu'à 1696. Le surintendaut Fouquet et l'homme au masque de fer furent quelque temps renfermés dans sa citadelle. Les habitants, au nombre de 15 000, s'adonnent à la fabrication des lainages, des soieries et au commerce de vins et de grains.
C'est le siège d'un évêché. — Fénestrelles, place fortifiée, occupe une position des plus importantes. — C'est dans le voisinage de Pignerol que l'on trouve les vallées habitées par la secte des Vaudois.
Au nord, s'étend la division d'Ivrée, comprenant les deux provinces d'Ivrée et d'Aoste, dont les chef-lieux sont l'un et l'autre sur la Doire BaItée. Ivrée (Ivrea), l'ancienne Eporedia, fut occupée par une division romaine, sous le consulat de Marius. Au moyen âge, les seigneurs de cette ville jouèrent un rôle important dans l'histoire d'Italie. On fabrique à Ivrée des fromages assez estimés. La population s'élève à 9 000 habitants. — Aoste (Aosta) ou la CitédJ Aoste, YAugusta Prœtoria des anciens, possède quelques antiquités et un arc de triomphe érigé sous Auguste. Elle a 7000 habitants.
Bard, petit bourg fortifié, est dans une position favorable, sur la Doire Baltée, entre Ivrée et Aoste.
Dans le nord de cette division, au nord-est du mont Rosa, l'admiration se concentre sur un des plus beaux monuments de l'industrie et de la patience humaines : la route du -Simplon surpasse tout ce que les Romains ont fait de plus beau en ce genre : ce n'était point assez d'avoir fait sauter, à l'aide de la poudre, une portion de la chaîne des Alpes ; il a fallu percer les montagnes pour construire un chemin praticable à toutes les voitures. Napoléon avait franchi les Alpes comme Annibal : cette action glorieuse pouvait être imitée plus tard ; mais il a fait exécuter un travail inimitable qui unit à jamais la Suisse et l'Italie. La première ville qu'on trouve dans cette dernière, sur la route du Simplon, est Domo-d'Ossola, au bord de la Toce.
La division de Novare, composée des provinces de Novare, de Lomelline,
d'Ossola, de Pallanza et de Valsesia, s'étend dans la région la plus orientale des États Sardes ; à l'est, le lac Majeur et le Tésin séparent cette division de la Lombardie. Le Tésin, un des principaux affluents du Pô, prend sa source au pied du mont Saint-Gothard, arrose Bellinzone, forme le lac Majeur, et coule ensuite rapidement vers Je sud. Le lac Majeur (Lago Maggiore) est situé en grande partie dans la division de Novare : ses bords accidentés et irréguliers présentent, au nord, de magnifiques et imposants panoramas alpestres ; au sud, les plus gracieux paysages de l'Italie. Ses eaux sont d'une extrême limpidité; la navigation y est facile et animée ; presque tous les bourgs que baigne le lac se livrent à la fois au commerce, à la navigation et à la pêche; un service de bateaux à vapeur est organisé depuis 1826. Les charmantes îles Borromées s'élèvent à peu de distance du rivage occidental, dans un enfoncement assez large appelé golfe de la Toce. L'Isola Madre, la plus étendue des îles Borromées, est couverte d'une riante végétation : les voyageurs qui la côtoient reposent agréablement leurs yeux sur ses bosquets d'orangers, de citronniers et sur ses beaux vergers ; l'Isola Superiore possède une église paroissiale et quelques maisons de pêcheurs; enfin VIsola Bella est digne du nom qu'elle porte, depuis que, par les prodigalités de Vitaliano Borromeo, de rocher aride elle est devenue un séjour délicieux, un véritable parc orné de terrasses, de magnifiques jardins et d'un élégant palais.
Novare (Novara), vieille ville placée sur une hauteur entre la Mora et l'Agogna, est entourée d'une muraille bastionnée et défendue par un château. La place d'armes est fort belle : les casernes sont très-vastes; les promenades agréables. Plusieurs palais ornent la ville, principalement celui de la famille Bellini. Les rues, quoique fort étroites, sont généralement bien construites. La cathédrale et l'église de San-Gaudenzio, dont le clocher excite l'admiration des étrangers, sont les principaux édifices. Novare et Turin sont unis par un chemin de fer qui passe par Verceil. La statue de Charles Emmanuel III s'élève sur la place du théâtre. —
En 1513, les Suisses remportèrent, à Novare, une victoire sur les Français, et en 4849 les Autrichiens y furent vainqueurs des Sardes.
Les territoires voisins de Novare sont presque tous plats : les habitants cultivent surtout le riz : quoique le climat soit généralement salubre, il est quelques mandements rendus moins sains par les exhalaisons paludéennes; les principales productions sont, avec le riz, le froment, les fruits, les légumes, du vin assez estimé, de la soie, du chanvre et du lin. Le pays est coupé d'un très-grand nombre de canaux dérivés de petites rivières : aussi la végétation est-elle belle et abondante; quelques forêts longent les bords du Tésin. On élève peu de bestiaux dans le territoire de Novare : les habitants préfèrent s'adonner à la culture et à l'industrie.
Remarquons, sur les rives du lac Majeur, Cannobbio, Intra, Pallanza, Belgirate, Lesa et Arona. Le bourg de Cannobbio, qui compte environ 2 000 habitants, n'est remarquable que par ses tanneries. — Intra possède, deux églises ; son commerce est assez actif; des teintureries, des blanchisseries et plusieurs fabriques contribuent à donner beaucoup d'animation à la petite ville, qui compte environ 4 500 habitants. - Pallanza, qui s'étend sur une langue de terre du lac
Majeur, à peu de distance des îles Borromees, est le chef-lieu de la province du même nom, territoire assez pauvre sur certains points, dont les habitants émigrent chaque année pour prendre, la plupart du temps, la truelle dans les grandes villes. En suivant les beaux rivages du lac Majeur, on arrive au village de Baveno, intéressant par ses carrières de granité et de marbre. Plusaumidi, la ville d? Arona, qui s'élève à l'extrémité sud du lac, est une place de guerre ; son port, ses chantiers de construction, son commerce de transit, concourent à lui donner de l'importance.
Sur une éminence qui domine le lac et d'où l'on jouit d'un magnifique coup d'oeil, se dresse, sur un piédestal de granité, la statue colossale de saint Charles Borromée, qui naquit à Arona. Le monument date de 1697. Un chemin de fer joint aujourd'hui Arona à Novare. — La petite ville de Borgo-Manero compte 6 000 habit.
— La ville d'Oleggio, à 18 kilomètres au nord de Novare, possède un hôpital et contient 2 000 habitants. - Entre Novare et le Tésin, à quelques kilomètres de cette rivière, le bourg de Trelate s'étend dans une belle plaine; très-près de là, au sud, le village de Cerano, sur les rives de la Mora, possède quelques filatures et compte environ 3 400 habitants.— Vigevano (16 000 habitants), chef-lieu de la Lomelline, sur la Mora, est entourée de murailles ; son vieux château et sa cathédrale sont dignes d'une mention particulière : les étrangers les ont souvent cités dans leurs relations de voyage. Un traité de paix fut signé à Vigevano en 1696. C'est la patrie de François Sforce II. — Une voie ferrée unit Vigevano à Mortara, ville de 4 500 habitants , place de garnison ceinte de murailles, et chef-lieu de la province de Valsesia.
La division de Verceil (Vercelli), au sud de la division de Novare, est riche en cultures diverses; on y fabrique de la toile, des chapeaux de paille, etc. Elle comprend les provinces de Verceil, de Casale et de Biella. — Verceil (18000 habitants), siège d'un archevêché, est intéressante par ses monuments. La ville s'élève dans une position agréable, sur la rive droite de la Sesia. C'est dans les plaines voisines, aux champs Raudiens, que les Cimbres furent taillés en pièces par Marins. Verceil a souvent été citée dans la guerre que les Français, alliés aux Sardes, ont soutenue en 1859 contre les Autrichiens. Le village de Palestro, tout près de là, fut le théâtre d'un brillant fait d'armes des Sardes et d'un corps de zouaves, le 31 mai de cette année.— Santhia, sur le chemin de fer de Novare à Turin, ancienne résidence de quelques ducs de Savoie, a joué un rôle assez important dans l'histoire d'Italie. - Biella, sur les bords du Cervo, siège d'un évêché, compte 8 000 habitants.-Casal ou Casale, avec 20 000 habitants, autrefois capitale du Montferrat et siège d'un évêché, est située au point de jonction des routes de Milan et de Plaisance. C'est une importante position militaire; elle possède quelques beaux édifices, entre autres le palais della Valle et la cathédrale de San-Evasio.
En 1640, le duc d'Harcourt y remporta un brillant avantage sur les Espagnols.
La division d'A lexandrie, située à la droite du Pô, compte cinq provinces : A lexandrie, Asti, Tortone, Voghera et Bobbio. — Alexandrie [A lessandria) est une des places les plus fortes de l'Europe : elle fut fondée en 1168 par la ligue lombardej qui s'opposait de tout son pouvoir aux tentatives ambitieuses de Frédéric Barberousse. Le pape Alexandre 111 eut l'honneur de donner son nom
à la nouvelle ville de guerre. On se souvient que l'empereur Frédéric la nomma par dérision Alexandrie de la pqille, parce que, dans les premiers temps, les fortifications furent construites en paille et en terre; l'épithète dénigrante a survécu. La ville est ornée de promenades agréables, du beau palais de Ghilini, d'un hôLel de ville assez élégant et de quelques églises dont l'architecture est régulière. La position d'Alexandrie, qui commande tout le sud-ouest de l'Italie septentrionale, avait fixé l'attention de l'empereur Napoléon 1er, qui fit exécuter autour de la ville, et sous les ordres du général du génie de ChasseloupLaubat, des fortifications qui coûtèrent plus de 25 millions de francs : « Je considère cette place comme toute l'Italie, disait-il : le reste est affaire de guerre ; cette place est affaire de politique. » Comme pour justifier ces paroles, les Autrichiens, en 1814, firent démolir les fortifications qui entouraient la ville et ne laissèrent subsister que la citadelle ; mais les princes de la maison de Savoie, fidèles à la politique de leurs ancêtres, relevèrent les défenses de cette place, et, dans ces derniers temps, les ingénieurs piémontais y ont exécuté des travaux importants.
Alexandrie compte 45 000 habitants.
A 5 kilomètres est d'Alexandrie, est situé le fameux village de Marengo, où Napoléon 1er vainquit les Autrichiens en 1800. — Bassignano (4000 habitants), autrefois fortifiée, est dans une position remarquable, au confluent du Pô et du Tanaro; plusieurs batailles y furent livrées. — Valenza (7 500 habitants) , ville autrefois - très-fortifiée, sur le Pô, a été le théâtre de quelques combats entre les Piémontais et les Autrichiens en 1859.
Asti, l'antique Asta Pompeia, siège d'un évêché, fut jadis la capitale d'un im-
portant duché du même nom. Ses fortifications, quoique anciennes, sont encore aujourd'hui redoutables. On y remarque une école de droit, un collége royal et plusieurs monuments d'une belle architecture. Les habitants s'adonnent à la fabrication de la soie et à un commerce assez actif de vins. C'est la patrie du poëte Alfieri. La population s'élève à 22000 habitants. — Tortone (Tortona), avec 12 000 habitants, sur la Scrivia, fut fondée, dit-on, par les Gaulois qui passèrent en Italie sous Brennus, fut prise par les Français en 1734 et de nouveau en 1796.
C'est le siège d'un évêché.
Voghera, ville industrieuse et commerçante, a souvent été citée dans la guerre que les Français et les Piémontais alliés ont soutenue, en 1859, contre les Autrichiens.- A quelques kilomètres, à l'est, le village de Montebello est fameux par deux batailles : en 1800, les Autrichiens y furent vaincus par Lannes, qui reçut plus tard le titre de duc de Montebello. Le 20 mai 1859, les Français, sous la conduite du général Forey, y remportèrent encore un brillant avantage sur les Autrichiens. — Le bourg de Casteggio, à quelques kilomètres à l'est, est célèbre par le combat qui y fut livré le 9 juin 1800 et par un autre en 1859. — Bobbio, qui compte 4 000 habitants, possède une bibliothèque, est le siège d'un évêché et a un célèbre monastère.
La division de Coni comprend quatre provinces : Coni, Mondovi, Saluces Alba. - Coni (l'antique Coneum), en italien Guneo, peuplée de 20000 habitants, s'élève au confluent de la Stura et du Gezzo, à 74 kilomètres sud de Turin.
C'est une place de guerre d'une certaine importance ; on y trouve un arsenal et
des ateliers de construction. Les Français l'ont assiégée et prise plusieurs fois. —
Dans le voisinage, citons Fossano (20 000 habitants), ville fortifiée, qui fut la résidence habituelle d'Emmanuel Philibert, duc de Savoie. Les Français s'en emparèrent en 1796, mais y furent battus en 1799. — Demonte et Vinadio, arrosées par la Stura, ainsi que Fossano, sont assez bien fortifiées. — Mondovi, ville forte, peuplée de 22 000 habitants, s'élève sur une colline. C'est le siège d'un évêché. On y remarque des filatures de soie, des tanneries, des usines, etc. Les Français y vainquirent les Piémontais en 1796, et y dispersèrent 40 000 paysans insurgés, en 1799.
A l'est, l'ancienne ville de Ceva, autrefois place forte importante, renferme 4000 habitants. Au sud du bourg de Bagnasco, arrosé par le Tanaro, remarquons Garessio, dont les environs possèdent de belles carrières de marbre, et le bourg d'Ormea, peuplé de 5 000 habitants, qui s'occupent, pour la plupart, de la fabrication de la toile et du drap : il est défendu par quelques fortifications.
Au nord, Cherasco (12 000 habitants), au confluent de la Stura et du Tanaro, est régulièrement construite, Ses fortifications, autrefois redoutables, ont été démolies après l'armistice de 1796, qui fut signé à Cherasco même.
Saluces (Saluzzo), au pied d'une colline, entre le Pô et la Vraita, est une place de garnison. On y trouve des fabriques de soieries, de cuirs, de chapeaux, de coutellerie, etc. C'est le siège d'un évêché. La ville compte 15 000 habitants. Elle a étélongtemps la capitale de l'important marquisat du même nom, que la France a possédé et qu'Henri IV échangea contre la Bresse, le Bugey et le Valromey. —
Savigliano (19 000 habitants), dont les rues sont bien bâties, possède un arc de triomphe, des églises et plusieurs casernes. Les Français y essuyèrent une défaite en 1799.— Alba, autrefois surnommée Pompeia, rappelle le père de Pompée, qui la restaura, et l'empereur PerLiuax, qui y reçut le jour. Elle compte 8000 habitants. — Le village de Canale, qui possède 3 500 habitants, est remarquable par ses sources salines. — Bra, sur la Stura, fait un commerce assez lucratif de bestiaux.
Franchissons le col de Tende, dans les Alpes Maritimes, à l'extrémité méridionale de la division de Coni, et entrons dans la division de Nice, dont le climat si vanté attire de tous les points de l'Europe de riches étrangers ou des malades qui cherchent à puiser une vie nouvelle dans sa douce atmosphère. — Nice ou Nizza, sur les bords de la Méditerranée, est dans une délicieuse situation; elle s'étend, à l'extrémité d'une petite plaine, au pied des Alpes, qui la protègent contre les vents du nord et de l'est. Le ciel, qui a passé et passe encore généralement pour le plus agréable de toutes les côtes de la Méditerranée, n'est pas. toujours exempt de vicissitudes climatériques. Le climat est magnifique pendant les mois de novembre, décembre et janvier, à cause de la douceur de la température à cette époque ; mais, suivant plusieurs médecins compétents, cette résidence n'offre, en tout autre temps, aucun avantage, et le vent de bise qui commence à souffler à la fin de février peut même rendre son séjour dangereux pour certaines constitutions. Il y a plus de 35 000 habitants. Les étrangers, qui forment une grande partie de la population, trouvent dans Nice, non-seulement une ville agréable par sa position et par ses environs parés de citronniers et d'orangers, mais une élégante cité où les plaisirs
les plus variés leur sont offerts. La cathédrale, l'hôtel du gouverneur, la bibliothèque, l'arc de triomphe, élevé en l'honneur de Victor Amédée 111, sont les édifices les plus saillants. « Il y a deux villes dans Nice : la vieille cité et la ville neuve. L'ancienne Nice se reconnaît de loin à son aspect misérable et à l'odeur marseillaise qu'elle exhale. Elle rappelle les ghetto de l'ancienne juiverie. Les rues y sont étroites, noires et froides. Le soleil s'y montre peu; la ville neuve l'accapare. Nice est séparée en deux parties par le Paglione, véritable Manzanarès italien, qui promène l'été son maigre filet d'eau sur une grève de sable, et dont le lit, presque toujours à sec, sert aux blanchisseuses à sécher leur linge. Deux belles rues, celle du Pont-Neuf, garnie de riches magasins, et le Corso, promenade assez élégante, complètent, avec la promenade des Anglais et le jardin public, la Nice moderne qui, du reste, tend chaque jour à s'accroître et à s'embellir (1). » Les Anglais ont fixé principalement leur séjour àla Croix-de-Marbre, où, à certaines époques, on se croirait transporté dans la terre d'Albion.
L'industrie et le commerce ne manquent pas d'une certaine animation. Nice fut fondée, dit-on, par les Marseillais. C'est la patrie de Carie Vanloo, de Dominique Cassini, de Masséna, de l'économiste Adolphe Blanqui. — Les terres qui avoisinent Nice étant stériles en céréales, elle importe beaucoup de blé, et les grains de Sicile et d'Odessa ont été et sont encore en concurrence sur son marché. Villafranca ou Villefranche (3 000 habitants), à l'est de Nice, possède une superbe rade, où stationnent de nombreux vaisseaux sardes; c'est une ville forte.
— Sospello (3 200 habitants) est située dans une vallée fertile, et Tende occupe une position importante au pied de la route de Coni à Nice.
La principauté de Monaco, placée sous le protectorat militaire de la Sardaigne, est un petit territoire montagneux, baigné par la mer et arrosé par des torrents de peu d'étendue; le climat en est aussi délicieux que celui de Nice. On y cultive l'olivier, la vigne, les châtaigniers, les caroubiers, les citronniers, etc. La navigation ne manque pas d'une certaine activité. — Monaco (l'ancien Hercnlis Monœci Portus), capitale de la principauté, est ornée d'un assez beau palais jadis fortifié.
Le port, à demi envahi par les sables, n'est fréquenté que par quelques pêcheurs.
Cette capitale a 1 200 habitants. — Menton (Mentone), autrefois dans la même principauté, est un petit port assez commerçant admirablement situé. — Roquebrune, qui appartenait également à la principauté, a été aussi annexée aux États Sardes. — La route de la Corniche, qui unit ces divers endroits, et qui se prolonge bien plus loin en longeant la mer, est un des plus beaux travaux dus au génie de Napoléon Ier.
Ventimille ( Vintimiglia) (anciennement Albium Intemelium), qui s'élève dans une charmante situation, est une place forte.
San-Remo, qui compte 10000 habitants, est entourée d'une riante ceinture de verdure. Ses marins exercés passent pour les meilleurs du littoral du golfe de Gènes; ils se livrent principalement au commerce avec la France.
Oneglia ou Oneille, chef-lieu de province, place forte, entourée de riches territoires, est aussi un port de iror commerçant. C'est la patrie d'André Doria. Dans
(i) M. Charles Brainne.
la même province, Port-Maurice ou Porto-Morizio (6500 habitants) a un port sûr et profond.
La division de Savone comprend les provinces de Savone, A Ibenga et Acqui.
Savone (13 000 habitants), dont le port peut contenir des bâtiments de guerre, est assez bien fortifiée. Sa cathédrale et son église des Dominicains sont surtout dignes d'être citées; les habitants font le commerce d'exportation, et expédient à l'étranger une partie des fruits que l'on récolte en si grande abondance dans le voisinage. Elle a donné son nom au savon, qu'on y a inventé. —A l'ouest de Savone, A lbenga (anciennement A Ibium Ingaunum), qui s'élève sur les bords de la mer, à l'embouchure de la Centa, est une vieille petite cité, qui compte environ 4000 habitants. Au nord-ouest de cette ville, on franchit les Alpes Maritimes par un de leurs passages les plus célèbres, le col de San-Bernardo; celui de Nava les coupe un peu plus à l'ouest. — Le port de Loano rappelle une défaite des Autrichiens, en 1795. — Acqui, au nord de Savone, sur la Bormida, était connue des Romains sous le nom iïAquœ Statiellæ. On y trouve des eaux sulfureuses. Les restes d'un aqueduc romain et d'autres ruines attestent qu'elle jouissait d'une certaine importance dans l'antiquité. Les Français y vainquirent, en 1794, les Autrichiens et les Sardes. - Dego, aussi sur la Bormida, fut le théâtre d'une autre victoire des Français en 1796. Mentionnons encore plusieurs fameux champs de bataille dans la division de Savone : lJlillesimo, sur la Bormida, et Montenotte ont été les théâtres de deux victoires françaises sur les Autrichiens, en 1796, et Cairo fut aussi témoin d'une victoire des Français en 1794.
La division de Gènes se divise en quatre provinces : Gènes, Novi, Chiavari et Levante. Cette contrée est entièrement couverte des ramifications des Apennins. Le sol est généralement peu fertile. Le blé y est peu abondant. Les bords de la mer ont un délicieux aspect (1).
Gènes (Genova), l'ancienne Genua, se présente au pied des montagnes. Le voyageur qui la découvre de loin jouit d'un magnifique coup d'oeil : la ville qui se développe en amphithéâtre au pied d'une montagne aride et brûlée, les nombreux monuments qui la dominent, les palais éparpillés en tous sens et couronnés de jardins, les deux môles imposants par leur masse qui défendent l'entrée du port, tout cet ensemble forme un splendide panorama. Fondée par les Liguriens vers l'an 707 avant Jésus-Christ; prise par les Romains et incorporée à la Gaule Cisalpine en 222, détruite en 205 par Magon, frère d'Annibal, rebâtie quelques années après, tour à tour au pouvoir des Hérules, des Ostrogoths, de l'empire Grec, des Lombards et des Français, Gènes se rendit indépendante sous les princes carlovingiens, et se fraya une route de prospérité et d'honneur en s'adonnant au commerce et à l'industrie. Dans un circuit de plus de 16 kilomètres, la ville est entourée d'une double enceinte de fortifications, devenues célèbres par le siège qu'y soutint Masséna contre les Autrichiens en 1800, et par la
( 1 ) « D'Antibes à Gènes, dit Lamennais, la route côtoie presque toujours la mer, au sein de laquelle ses bords charmants découpent leurs formes sinueuses et variées, comme nos vies d'un instant dessinent leurs fragiles contours dans la durée immense, éternelle. Aucunes paroles ne sauraient peindre la ravissante beauté de ces rivages toujours attiédis pa./ une molle baleine de printemps. »
courageuse résistance des habitants, qui souffrirent pendant 59 jours toutes les horreurs de la famine. Gènes, dont l'ensemble a mérité à juste titre le surnom de la Superbe, n'est pourtant pas une ville irréprochable : peu de faubourgs de grandes cités possèdent des voies aussi misérables, aussi laides que celles des Bas portiques et de la Sibérie. En général, les rues, pavées de dalles, sont étroites, tortueuses et mal bâties ; mais il en est plusieurs qui forment un contraste par leur magnificence et la régularité de leur architecture ; le marbre est la pierre de construction ; comme chacun désire jouir du coup d'œil de la mer, dont la surface, semblable à un miroir, brille, étincelb et prend la teinte azurée du ciel, les palais qui ne sont pas bâtis sur le quai s'élèvent à une hauteur de dix étages, et permettent ainsi aux habitants d'admirer de loin le beau golfe de Gènes. La Strada Nuova, les rues Balbi, Nuovissima, Carlo-Felice, sont des voies bordées de palais ou de constructions régulières ; les palais Carega, Philippe Durazzo, Maximilien Spinola, André Doria, Balbi, Brignole, Lercaro-Imperiale, sont les principaux ; le palais ducal, qui fut la résidence des doges, est un des édifices les plus vastes de Gènes. — Le palais royal ou palais Marcel Durazzo est le seul où les voitures puissent entrer.—Les églises, nombreuses à Gènes, sont moins remarquables par leur majesté que par la profusion des ornements qu'on y a prodigués; c'est dans la célèbre église cathédrale Saint-Laurent que l'on voit le sacro catino, espèce de cuvette taillée dans une émeraude et qui fut, dit-on, le présent de Salomon à la reine de Saba. — L'église Santa-Maria-Lavignano est d'une élégante architecture; celle de l'A nnonziada fait regretter que sa façade ne soit pas terminée : dans son intérieur, l'œil est fatigué de la profusion des dorures ; celle de San-Siro, l'ancienne cathédrale, est ornée de fresques et de marbres de diverses couleurs. La Loggia dei Banchi, ou la Bourse, est un édifice d'une noble hardiesse, dont la voûte est formée de mâts de navires. Dans le bâtiment de la douane, on remarque la grande et belle salle de Saint-George. Gènes possède plusieurs hôpitaux d'un beau style : l'un d'entre eux, consacré aux pauvres, se fait remarquer par sa magnifique façade, et surtout par l'asile qu'y trouvent 2000 individus. Il y a trois lazarets dans ses environs.
Les promenades les plus agréables sont les murailles du port, les quais; le beau pont de Carignano, de 35 mètres de hauteur, jeté par-dessus des maisons de six étages, réunit deux quartiers élevés de la ville. Les théâtres sont au nombre de six. Celui de Carlo-Felice contient 2 000 spectateurs. Les principaux établissements scientifiques ou d'instruction publique sont l'université, l'académie des beaux-arts, l'école royale de marine, l'école de navigation, le muséum d'histoire naturelle, le jardin botanique, deux riches bibliothèques et diverses collections, dont quelques-unes sont magnifiques.
Gènes est une des villes les plus fortes de l'Italie, et sa situation militaire est des plus favorables. Son enceinte, qui contient 60 bastions, forme un triangle isocèle.
L'emplacement de l'ancien arsenal, la Darsena, doit être, suivant un projet, converti en dopk commercial; la ville, en' perdant ses chantiers de construction militaire, pourrait donner plus d'extension à son commerce. La Spezia, où le port militaire serait transféré, et dont la situation est admirable pour un grand établissement maritime, deviendrait par là le premier arsenal du royallme.
Le port de Gènes est l'un des plus animés de la Méditerranée; son mouvement maritime annuel est au moins de 8 000 navires. Le commerce s'élève chaque année à plus de 400 millions de fr. Le phare, établi depuis 1856, est un des plus lumineux; par un temps clair, il est visible à la distance de 20 milles marins.
Placée au premier rang des villes industrielles des États Sardes, Gènes a des manufactures de soieries, de velours et d'étoffes d'or; l'orfèvrerie y est portée à un haut degré de perfection; ses parfumeries et ses fleurs artificielles sont recherchées. Parmi les productions de son sol, ses huiles sont fort estimées. On est frappé, à Gènes, de l'extérieur d'aisance et de propreté du peuple, de l'obligeance et de la politesse de la classe supérieure, et des manières simples de la noblesse.
Les femmes mettent beaucoup de recherche et d'élégance dans leur toilette; elles portent avec une grâce particulière, quand elles vont à pied, un ample voile blanc appelé mezzaro, dont elles couvrent, plutôt qu'elles ne cachent, une partie de leur visage, les épaules et les bras. Cet ajustement, qui descend jusqu'aux pieds, ajoute à l'élégance d'un bas de soie bien tiré et d'une chaussure légère.
L'amour des arts, la culture de l'esprit, une certaine liberté dans les idées, distinguent particulièrement les Génois, On ne peut prononcer le nom de Gènes, sans penser à l'illustre Génois qui découvrit le Nouveau-Monde : Christophe Colomb n'est cependant pas né dans la ville même, mais dans le voisinage, probablement à Cogoleto. Gènes élève, en son honneur, un monument, encore inachevé.
Au moyen âge, cette grande cité fut la première qui fonda une banque, célèbre encore dans ces derniers temps sous le nom de banque de Saint-George. Rivale de Venise au XIIIe, au xiv* et au xv8 siècle, elle était maîtresse des faubourgs de Péra et de Galata, à Constantinople, de plusieurs points des côtes de la mer Noire, de l'Archipel, et étendait au loin son autorité sur les mers. Sa splendeur dura longtemps encore après que les Turcs lui eurent enlevé ces positions.
La perte de la Corse, en 1768, fut un des coups les plus funestes portés à la puissance de cette république. Les Français changèrent son organisation et en firent la république Ligurienne, en 1796; ils y soutinrent un siège célèbre contre les Anglais et les Austro-Russes, en 1800; en 1805, elle fut incorporée à l'empire Français, et devint le chef-lieu du département de Gènes; en 1814, elle fut donnée au roi de Sardaigne.
A l'ouest de Gènes, la jolie ville de Voltri (8 000 habitants) se livre à l'industrie, et la petite ville de Recco fait un commerce lucratif d'huiles et de fruits.
ifovi (12000 habitants) est au nord de Gèues, dont elle est séparée par les.
Apennins ; à travers ces monts conduisent le fameux col de Giovi et celui de la Bo.
chetta, d'où la vue est magnifique, et qui fut forcé par les Français en 4796; mais cette ville rappelle une bataille où les Français furent vaincuspar les Russes en 1799.
A l'est de Gènes, est la ville de Chiavari, autrefois C laverium, chef-lieu d'une province montagneuse du même nom : c'est une cité très-industrieuse, qui fait un commerce important de soie, d'huile et de vins. La population est de 10 000 habitants. C'est la patrie du pape Innocent IV. — Porto-Fino, peu peuplée, possède un port sûr et profond. - Rapallon (2 500 habitants), qui s'occupe de la pêche du thon, s'élève au pied d'un petit golfe du même
nom. — A Sestri a Levante, les habitants s'adonnent à l'extraction du marbre.
La Spezia, dans la province de Levante, est un port militaire et de commerce.
Napoléon Ier y fit construire des batteries et plusieurs forts. Cet endroit est destiné à devenir le premier arsenal des Etats Sardes. On a fait partir de La Spezia un fil électrique sous-marin qui unit le continent à la Corse, et qui, de celle-ci, s'élance dans l'île de Sardaigne. On remarque, dans la même province, le petit port de Levanto, et la ville de Sarzane (Sarzana), de 9 000 âmes.
L'île de Sardaigne, appelée par les Grecs Sardon, et par les Romains Sardinia, appartint aux Carthaginois jusqu'à l'époque de leur première guerre avec les Romains, qui les en chassèrent, et dont elle devint un des greniers. Peu de temps après, elle ne fit avec la Corse qu'une seule province. Les Vandales, devenus possesseurs de l'Espagne et des côtes de l'Afrique, s'emparèrent de la Sardaigne dans le Vile siècle. Au XIe, les Pisans et les Génois leur succédèrent ; 200 ans plus tard, les papes cherchèrent à la réunir aux domaines de l'Église, et deux fois les Pisans se virent contraints de la leur céder. Au XIVe siècle, Jacques II, roi d'Aragon, s'en empara; elle resta soumise à l'Espagne jusqu'en 1708, que les Anglais s'en rendirent maîtres au nom de l'empereur d'Allemagne, qui la céda au duc de Savoie en échange de la Sicile. Depuis le moyen âge, les Sardes étaient regardés comme des espèces de sauvages, peu susceptibles de civilisation; mais, à force de soins, la maison de Savoie améliora leur sort. Elle fit fleurir chez eux les arts et les sciences, et put dès lors reconnaître l'avantage que les gouvernements retirent d'une marche légale et de la propagation des lumières. Peutêtre même les malheurs de cette maison n'ont-ils pas peu contribué à ces améliorations : lorsque les conquêtes de la France eurent réduit la monarchie sarde à la seule possession de cette île, la présence du souverain dut y faire plus que les gouvernements les mieux intentionnés.
L'habitant doit à son long isolement les traits qui le distinguent des autres peuples de l'Italie, et, pour le peindre en deux mots, le Sarde est d'une constitution robuste, d'un caractère gai, d'un courage qui va jusqu'à la témérité. Exalté dans ses passions, il aime avec constance, il hait avec fureur; doué d'une imagination vive, enthousiaste dans ses goûts, ami du merveilleux, il se livre avec ardeur à la poésie et aux beaux-arts.
Nous avons précédemment parlé du système orographique, du climat et des productions diverses de la Sardaigne ; nous avons vu que la flore compte un grand nombre d'espèces, que les côtes fourmillent de poissons, et que la terre elle-même renferme dans son sein des minéraux précieux. Il y croît l'herbe sardoine, qui retire les nerfs et les muscles, et produit un rire forcé, d'où vient le risus sardonicus, le rire sardonique, qui est passé en proverbe.
L'industrie, quoique progressive, est encore négligée dans quelques mandements de Sardaigne; mais il n'est pas douteux que, sous l'administration éclairée qui la dirige auj ourd'hui, elle ne voie son industrie se développer et son commerce prospérer.
Son territoire est partagé en 3 divisions, celles de Cagliari, de Sassari et de Nuoro. La première comprend les provinces de Cagliari, d'Ol'istano, d * Iglesias et d'Isili.
Au fond d'un golfe, vers l'extrémité méridionale de l'île, Cagliari (30000 habitants), la capitale de ce pays, occupe la pente d'une colline rapide que domine un château fort, bâti par les Pisaus. Ses maisons sont en général mal construites, el ses rues sont étroites et tortueuses. Outre sa cathédrale, elle a une quarantaine d'églises, une vingtaine de couvents, un séminaire, une université, un collège de nobles, des écoles de médecine et de mathématiques, des musées d'antiquités et d'histoire naturelle, une bibliothèque, un théâtre, un hôtel des monnaies et un hôpital. Cette ville, qui fut fondée par les Carthaginois, sous le nom de Calaris, fait un grand commerce. Les produits de son sol consistent en blé, en huile, en vin, en coton et en indigo. Cagliari a un port militaire, un des meilleurs de la Méditerranée.
Dans la même division, citons Iglesias (5 000 habitants), l'ancienne Ecclesiœ, qui fait un commerce assez important de vin et de produits agricoles. — Oristagni ou Oristano (12 000 habitants) est un port presque exclusivement militaire; cependant on y fait le commerce de thon, poisson qui abonde dans ces parages.
On remarque encore dans la division de Cagliari le petit pays de Barbargia, dont le nom vient des Berbères, qui s'y réfugièrent lors de l'invasion du nord de l'Afrique par les Vandales.
Dans la division de Sassari, qui comprend les provinces de Sassari, Alghero, d'Ozieri et de Tempio, la ville, autrefois fortifiée, de Sassari (25 000 habitants), qui s'élève dans une belle vallée, vers le nord-ouest de l'île, est assez bien bâtie.
Elle possède une cathédrale élégante et plusieurs autres édifices. La promenade Rosello, qui est ornée d'une délicieuse fontaine, est fort agréable. — Torres (l'ancienne Turris LilJissonis), à l'embouchure du Rio San-Gavino, peut passer pour le port de Sassari. — A peu de distance, Castel Sardo, ville maritime, située sur un rocher escarpé, est protégée par quelques petits forts. - Ozieri (8 000 habitants) est fort mal bâtie. -A Ighero (7 000 âmes), dont les habitants se livrent à la pêche du corail, est un port assez commerçant, surtout en blé. Son port ne peut recevoir que de petits bâtiments; mais, à 4 kilomètres à l'est, celui de PortoConte, vaste et bien défendu, peut donner asile à des navires du plus fort tonnage.
- Tempio, place de guerre, compte environ 8000 habitants.
Nuoro (4 000 habitants), chef-lieu d'une division, qui comprend les provinces de Nuoro, de Lanusei et de Macomer ou Cuglieri, est dans la partie orientale de la région moyenne de l'île. — Bosa, dans une situation insalubre, a une population d'environ 6 000 habitants; son petit port est commerçant.
Nous ne quitterons pas l'île de Sardaigne, sans mentionner les curieux monuments, très-antiques, nommés nuraghes, qu'on y trouve au nombre de plus de six cents : ce sont des constructions de caractère cyclopéen, en forme de tours, quelquefois hautes de 16 à 18 mètres, et de 30 mètres de circonférence; on croit que les nuraghes ont servi de sépulture, et on les a attribués aux Pélasges.
Nous avons déjà fait un peu connaître l'ile de Capraja, située à l'est du cap Corse, et qui appartient à la Sardaigne : c'est l'ancienne JEgilon ou Capraria.
Elle est montagneuse et de difficile accès, excepté à l'est, où se trouve la petite ville de Capraja, avec un port sûr. On récolte du vin dans cette petite île, qui compte 2500 habitants. Les chèvres sauvages y abondent.
TABLEAUX DE LA SARDAIGNE.
-=- -- --- - --, (RJXDES RÉGIONS SUPERFICIE DIVISIONS. PROVINCES. cn POPULATION GÉOGRAPIL. en 1857.
GÉOCIL\PII. Iii!. carrés. cn 1857.
Cn,Ulllt:llr (1) ou Savoie propre 1 611,59 155916 , ! Haute-Savoie (chef-lieu AIhertville) 974,28 49 276 ClJA:UB.RY. raLliielllle(clll'f-lieIlS;¡illt-Jt'an). 2067,07 61063 BAVOIC. Tarantaise (chef-lieu Mouliers) 1 807,27 44636 j ANNF.CV OU Genevois 1 605.73 103763 ( ANNECY ! Faucigny (chef-lieu Ronneville). 2 035,25 10,!9S6 ( Clialilais (chef-lieu Tlionou) 922.83 60193 ( 1 t ville 179 6:15 TURIN I'rov. 281OGS T U R r'!-''>erol 1 535 21 134 13".
1 TURIN. P 1 15')" '>1' l'" 1,,Susc 1395 70 86 030 IVRÉE 1 Ivn*:E 1 453,94 173423 I V R Ë E. I Aoste 3 194,04 84 084 INOVAKE 1 381,00 190 719 Lomelliiic (chef-lieu )lol'l:ll'a). 1242.35 155624 NOV ARF. p.)thu!za. 809.00 64 016 Ossola (chef-lieu Doino d'Ossola) 1 348.00 37879 Valsesia (chef-lieu Varallo) 755.00 32598 XECEIL 1247.00 1:'2019 VVLFRKPCLFIIT L i Bielmla 971,44 132 589 ( Cas;ll. 866,12 136965 [ ALF:UNDIIIE 888.73 136515 S" 9091:18 1480:19 ALEXANDRIE. Xuhera 797,35 110471 Tortona. 665.00 62 450 I Bubbjo. 696.96 39471 1 ( COSI 2597.75 184 434 CONI Mondlovi 1758 45 151673 C O Al ha 1056 05 122 098 , ) 1 Valûtes 1 606,94 160608 COMTÉ { ( ^ICE.: 3 054.53 125220 de ( NltjL 9neille 451,24 61 525 (le { ( J l Sati-Remo 685,64 69858 NICE. 806.29 79 65 | SwovE 806.29 79 645 I SqAavVOmNE p Acgui 1 151.22 106819 Ducliô J v Alhenga 6S1,78 58 485 DE (iKXKS. ) (GÈNES 926.95 ville 119610 EI'i ES - .> piov. 192 73, ppvwÏ.ç S ] Cr»i liiavari 915,66 109212 ovi. 747,49 G9296 f Levante (clief-lieu La Spezi;t) 672.21 79479
1 Terre ferme, jusqu'au ll'Ji;é de Vil- a.l .2..15. ,1,1 4 590260 la fiança..
CAGLIARI 3381,58 117038 CAGLIARI 1 I»l«slas 2 195.S0 48G70 CAGLIARI. V11' 2 006,44 51 380 ) V Onsiano 2523,40 83 01C .1. ( N™™ 3 586,88 60 273 de NUORO Cuh'lieri 1 081,31 38005 aAttMA<c.xf:. l Lanusei 2 270,32 29 0Ô0 ( S;\?!!AR1 1 915,16 66 389 SASSARI Algheio 1 131,55 33776 i (îZIL'n. 1 86.ï,30 24 843 \Tentf)io. 2138.32 24 812 lIe de Sarùaigne (¡¡vec les îles de ses côies) et Ile de Capraja 24096.06 577282 ..Oun.U\DIE. Annexée aux Elals Sardes par le Ilaité do Villafianca 21 930,00 3000000 TOTAUX. 97241,17 8167542
(1) Les noms en petites capitales désignent les chefs-licui de division.
VISAICE«.-BVB6BV »«5 «8|«,
: dCftrD. ORDINAIRES. EXTRAOIDDIAIRES. TOT.. v Fr. Cent. Fr. Cent. Fr. Cent.
Direction général* ta 4MMM et Mires * coniribalions indirectes 54790660 - - - 54790660 Direeiiun genértie des coniribalions directes. enregistrement et domaines » 08 tll 763 M 400000 — 49611708 M Direction générale (la trésor (produits divers). S 790 MO SB 699666 53 43B3606 7S Admtuistr. pour la fabrication des Dlollllales, , f droits de marque des oMets d'or el d'argent. _tOO - - - 996900 — Direction générale des caewins de fer. 14490000 - - - 44490000 Direction geueraie des poMes. 4000U00 - - - 4000000 Produits des consulats, des téiégr., îles manu.
facL, des pri-ous et de l'école véicrinaire. 1580 MO 10 — - 1 Mo 960 M Total des recettes » 1439598&4 51 1092666 53 m983521 a DÉPENAE8. d/Dot»'ions 4860190 ti - - 4866996 et j I)Dette publique 40986897 96 — — 40<89897 96 , Dette viagère 9647916 98 — — 9617210 M Frais d'amiiiist. de perrept. et diters. 93436543 14 mm - 94818216 14 S Grèce. justice et celle 6979898 49 aHO - 117.
< jCMneHf 1333117 76 6900 - 1 :1.1 s In.Nirurtion publique 9136h9Q 63 U tll 40 21 i Intérieur 7647858 96 139940 ., ,.,. - 98 -.
m Travaux publics 11398656 76 6509898 97 14831557 03 : Guerre 39657475 99 961466 — 33618941 96 lIariDe. 49600 - tan.,. i ——- ---- —— « ———- — ■' Tolai des d.- ua tU:teI 89 8 464165 07. U8 h., sss 49 , 1
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Perpetuelle. ; fr. a. If. fr. a. Ir., f 94 dèceralire 1819 9416039 31 9416039 31 48390646 90 0 .'• t 13 février 1841 94746 86 94746 56 494831 i».
iMketiUes : 124 décembre 1819 9 389439 31 1306477 13 1 069969 i8 91656943 66 SOtttinmi. U50000 » 374 957 55 876049 48 17500849 ib 21 août 1838 5U860 86 UOUt 15 404 719 71 8093394 80 SOlo iijanvicriMt. 900 0 0 • 88900 > 111100 > 9989000 >1 7 septembre 1818. 9536696 se 9536696 86 50733937 96 12 à Il juin 1849. 13894609 81 109000 » 13785699 81 975713696 96», 26 juin 1851 4 500000 » 4500000 • 90006060 m a 13 février 1853 9011870 » 78880 ■ 1938980 • 64609333 88 Obligations de Ilitat: 4% f 97 mai 1831 1080000 • 667 640 > 572 M a 14 394000 M - pri- { 96 mars 1849 796080 • 83590 • 712500 » 17814 000 * 1 au. ( 9juillet 1850. 7200C0 MMO 157080. 16427 000 Emprunt du trésor anglais 4 3 °/ 1500000 • se 818 87 1 473181 13 49106 087 66 !
4 TOTAUX..,.. 33 864418 71 9773 364 70 31091054 01 677020328 59
ARMÉE D'APRÈS LE BUDGET DE LA GUERRE POUR 1859.
CHEVAl'X DE DENOMINATIONS OFFICIERS OFFICIERS CIiEVAl'X DE DES CORPS DE l'armée. jrnérani. snp. ri infér. TROUPES. TOTAL., OFFICIERS. TROUPE.
Inspecteurs de l'armée 3 D ■ 3 10 » Corps loyal d'etat-major i 39 » 40 Si » Eut-major dis divisions militaires. 5 20 » 23 41 » Etat-major des places fortes et des provlOces 1 155 50 206 » » Infanterie : • 10 brigades (20 régiments. 80 bataillons). 10 l:iSO 24 8S0 23 470 160 * Bersaglieri (tirailleurs, 10 bataillons.). » Soi 3.'iU 36;i7 14 » Chasseurs francs (corps de discipline) » 18 374 302 2 ■ Cavalerie : 9 régiments (4 de ligne, 5 légers). » 315 4 896 5211 662 3708 Artillerie Coiiiité ceiiti-al de dii-ect. État-niijor. 3 ta » 140-3 221 1°'61 3 régiments 171 3 825 4Uno..J , 221
Génie Conseil 2 6 Directions » 51 949 37 » 1 régiment de sapeurs » 44 843 Train des équipages » 2i 445 1 469 45 210 En terre el nie 1 7 2 !J 3 049 1S3 620 En Sardaigne • 32 823 855 75 4S0 E Maison militaire du roi et des princes : 4SO Aides de camp et officiers d:ordonnancc.. & 15 » 20 78 > Gardes du corps de S. M. (I coinp.).» 67 18 85 » » Gardes du palais royal (1 cmnp.) » 3 105 K8 » » Vétérans et invalides de l'aimec » 44 1436 1480 » » Service sanitaire. — Médecins.
Conseil 1 4 •
Aux différents corps » 105 » 1 182 » » Aux liôpiiaux » 72 » Vétérinaires » 22 » 22 22 » Ouvriers d'administration (1 bataillon) 29 630 6:9 1 » TOTACX I 32 3 152 44 731 47915 1 635 16064
..ra.
Un commandant général a Gènes. Un établissement maritime à La Sppzia.
Le personnel de la flotte se compose de 2292 hommes, dont 1 vice-amiral, 2 contre-amiraux, 7 capitaines de vaisseau, 8 capitaines de frégate, 8 capitaines de corvette.
Matériel : 6 frégates à vapeur et 4 à voiles ; 3 corvettes à vapeur et 4 à voiles; 3 avisos on brigantines à vapeur et 4 i voiles; 3 transports à vapeur; 1 remorqueur à vapeur : ensemble 29 navires et 436 canons.
Le personnel de la marine marchande se compose de 31987 hommes, capitaines, matelots et ouvriers. Le matériel comprend 2 934 blhJjellLs, jaugeant 197 924 tonneaux.
(Ces deux pages sont extraites de VAlmanach de Gotha, 1859.)
COMMERCE EN <855
PAYS. IMPORTATION. EXPORTATION. TOTAL.
FRANCE 67 910 371 82 351 049 150 201 420 fr.
UNION DOUANIÈRE 871 649 529 892 1 404511 GRANDE-BR.ETAG.NE 44 742 171 7 550 024 52 292195 ESPAGNE 14 347 000 757 856 15 104 8*6 AUTRICHE 47 452 601 41 530 106 88 982707 PARME, MODÈNE, TOSCANE ET MONACO 26 746 813 18520875 45 267 6i8.
SUISSE 37147 862 35 8& 110 72 970972 ÉTATS-UNIS DE L'AMÉRIQUE 10 894 156 2 539 859 13 434 015 1 RUSSIE 1 102 887 453 636 1 536 523 VILLES HANSÉATIQUES 595319 200671 795990 NON SPÉCIFIÉS 63 291 670 38 279 273 101570 943 TOTAUX 315 105 459 228 536 321 543 641820 fr.
Commerce générai (valeur déclarée en lires).
Commerciale. Officielle.
Moyenne de 1851-1854 485 317 663 550 387114 En 1M*. 499171363 527313522 Eli 1855 543 641 820 577 377511 En 1856 709 396 888 680 682 802
Commerça apieffl.
Moyenne de I851-1S54 268 960 020 882 896 33# En 1854 315684653 309 622 800 En 1855. 344823310 338939098 En 1856 460 333103 401095 VU
ARCHEVÊCHÉS ET ÉVÈCHÉS DU ROTA unE DE SARDAIGNE (Sans la Lombardie.)
PARTIE CONTINENTALE. PARTIE INSULAIRE.
Arclicvôclic de Turin. --- Évéclié de Vigcvano. Arrhevcelic de Cagliari.
- - Verccil. — Ivrée. - Oristano.
- Gènes. — Aoste. - Sassari.
- Chambéry. — Casalc. - Évèclie (rigtesias.
Évèclie de Pignerol. — Biella. - Aighero.
- Suse. — Saint-Jean de Maurienne. - Ozieri.
- Alexandrie. — Annecy. - Villacidro.
- Asti. — Sarzana. - Tempio.
- Bobbio. — Savone. - Nuoro.
- Coni. Acqui. - Lanusei.
- Mondovi. Albenga. - Bosa.
- Alba. Nice.
- Novare. - VinLimilIe.
Anciens dcpni-içiucuts fraudais formes de lu Savoie (avec une partie de la fuisse), da Piémont, et des territoires de Xieo et do Gcues.
repart. du Léman chcf-Iieu Genève.
— du Monl-Blanc. — Chamhéry.
— de la Loire , — Ivrée.
— du PÓ. — Turin.
— de Marengo. — Alexandrie.
— de la Scsia — Verceil.
Départ, de la Stura clieMicn Goni.
— des Âlpcs Mnrithî. — Nice.
— de Monlenolle. — Savone.
— de Gènes. — Gènes.
— des Apennins — Chiavari.
— de l'Agogna* — Novare.
* Ce département était compris dans le royaume d'Italie.
LOMBARDIE.
Les plus anciens peuples connus qui habitèrent le versant des Alpes et la rive gauche du Pô, depuis le cours du Tésin jusque près des bords de l'Isonzo, ou la Gaule Cispadane, étaient les Orobii, au nord, les Insubres et les Cenomani, audessus des lacs de Côme et d'Iseo; les Lœvi, à l'ouest, près du confluent du Tésin et du Pô, et les Euganei, à l'est.
Les Orobii étaient probablement originaires des Alpes ; leur nom signifie vivant dans les montagnes. Cependant Pline, d'après Cornélius Alexandre, lés fait descendre de quelques montagnards grecs; mais le nom de leur capitale, Bergomum, prouve une origine germanique, ou plutôt germano-celtique. Les InSllbres paraissent être venus également du nord ; ils faisaient partie de fe nation des Ombri, dont le nom, dans leur langue, avait la signification de vaillants. Mediolanum, leur capitale, est aujourd'hui Milan. Les Cenomani étaient une colonie d'un peuple celte qui habitait le territoire du Mans. Ils vinrent s'établir sur les pentes méridionales des Alpes, six siècles avant notre ère. Les Lœvi passaient aussi pour être Gaulois. Les Euganei, longtemps possesseurs du territoire actuel du gouvernement de Venise, furent envahis par les Veneti, peut-être une colonie des Veneti qui habitaient les environs de Vannes, dans l'Armorique, et qui étaient puissants par leur marine et leur commerce; mais, suivant une autre hypothèse, ce seraient des Venedi de la race slave.
Tels sont les peuples que l'on distingua dans le nord de l'Italie jusqu'à la chute de l'empire d'Occident, vers la fin du ve siècle, lorsque les Jleruli, sous la conduite d'Odoacre, quittèrent les bords du Danube, vinrent s'établir sur los deux rives du Pô, et choisirent Ravenne pour la capitale de leurs possessions.
Six ans après leur conquête, ces peuples furent soumis par les Ostrogoths, dont la puissance s'ébranla sous les glorieux efforts de Bélisaire, et s'écroula, en 553, sous ceux de l'eunuque Narsès.
L'Italie, rentrée sous la puissance des empereurs d'Orient, ne fut pas longtemps à l'abri des attaques étrangères. Les Longobardi quittèrent les forêts de la Germanie, et vinrent fonder, en 567, un puissant royaume dans la grande vallée du Pô, qui prit le nom de Lombardie. Mais alors les évêques de Rome préludaient à leur puissance, et voyaient avec crainte et jalousie l'agrandissement que prenaient ces peuples barbares, qui menaçaient de s'emparer de l'ancienne métropole du monde. Etienne 11 appela la France à son secours : Pépin enleva aux Longobardi l'exarchat de Ravenne, et en donna la souveraineté au pape. Charlemagne, favorisé par la victoire, détruisit leur royaume, et relégua dans une abbaye Didier, leur dernier roi. La Lombardie, sans souverain, conserva ses lois : après la mort de Charlemagne, elle se divisa en plusieurs principautés soumises à l'empire d'Occident. Mais l'esprit d'indépendance gagna cette partie de l'Italie, les empe- reurs d'Allemagne accordèrent à quelques villes le droit de choisir leurs magistrats. La coutume qu'avaient conservée les citoyens, selon l'esprit du christia-
nisme, d'élire leurs évêques, prépara le peuple à l'idée que tout pouvoir émane de la nation ; les formes républicaines se perpétuèrent, et déterminèrent plus tard les -villes les plus importantes à demander de plus précieux privilèges et des chartes. Au XIIe siècle, toutes les cités lombardes, non-seulement choisissaient leurs magistrats, mais délibéraient sur la paix et la guerre, et sur leurs intérêts ocaux. Frédéric Barberousse fut le premier empereur qui, au mépris des chartes et ires traités de ses prédécesseurs, essaya de rétablir en Italie le pouvoir absolu.
Milan était la plus importante ville de la Lombardie. Assiégée par ce prince, et pressée par la famine, elle capitula, mais à des conditions que le vainqueur méprisa : quelques jours après sa reddition, Milan n'était plus qu'un monceau de ruines. Si l'empereur protégea les rivales de cette vaste cité, il détruisit jusqu'à l'ombre de tonte liberté, et remplaça par des podestats de son choix les magistrats-élu s par les citoyens. Cependant la paix, qui succéda au fracas des armes, n'était que le silence de la crainte. La liberté avait été vaincue, mais elle n'avait pas perdu ses droits; une ligue secrète s'organisait dans l'ombre. Les villes formèrent une confédération dans le but de recouvrer leurs privilèges. Les succès de Barberousse l'avaient enhardi : soit qu'il voulût réduire les papes aux seuls droits spirituels, soit qu'il eût le dessein de réunir leurs possessions à l'empire, il marcha contre Rome. Mais cette fois les foudres du Vatican furent favorables à l'indépendance des peuples. Les Romains, animés par le juste ressentiment de leur évêque, résistent avec courage, et le ciel semble seconder leurs efforts : la peste détruit l'armée impériale. L'empereur fait de nouvelles tentatives contre la Lombardie; mais, frappé d'excommunication, il est devenu un objet de haine et de mépris; les villes confédérées lui livrent bataille; ses troupes sont taillées en pièces, et lui-même ne sauve ses jours qu'à l'aide d'un déguisement; enfin, abandonné de la fortune, il reconnaît l'indépendance des républiques lombardes.
L'un des plus grands fléaux des révolutions politiques est la division des opinions, transformant en ennemis irréconciliables les citoyens d'une même nation.
Les premiers succès de Barberousse lui avaient attiré cette foule d'ambitieux toujours amis du pouvoir. Après la mort de ce prince, son successeur conserva les mêmes partisans; et comme, dans la lutte qui venait de se terminer, les excommunications de Rome avaient puissamment soutenu la cause du peuple contre l'empire, deux factions dominantes partagèrent la Lombardie : les partisans du - pape prirent la dénomination de Guelfes, et ceux de l'empereur se firent appeler Gibelins (1). Les deux partis obtinrent des avantages réciproques, mais celui du pape l'emporta le plus souvent.
L'amour de i'indépendance, dont les villes lombardes donnèrent tant de preu..
ves, développa la civilisation, les arts, le commerce et les richesses. Milan devint florissante : elle comptait, parmi ses 200000 habitants, 600 notaires, 200 médecins, 80 instituteurs et 50 copistes de manuscrits. Des rues pavées en dalles, des ponts de pierre, des maisons bien bâties, des palais, des monuments publics, lui donnaient un aspect tout différent de celui des villes du nord et de l'occident de
(t) Les Guelfes tiraient leur nom d'une famille illustre (Welf) de la Bavière qui s'allia à la maison d'Esté. Les Gibelins prenaient leur dénomination d'un village (Wiblingen), où naquit Conrad le Salique, dont descendait la maison de Souabe. -
l'Europe. Son territoire, qui comprenait Lodi, Pavie, Bergame et Côme, 150 villages et autant de châteaux, entretenait un corps de 8 000 cavaliers ou gentilshommes, et pouvait mettre 240000 hommes sous les armes. Mais les dissensions intestines firent naître l'ambition et la corruption, ennemies de L'amour de la patrie et de l'indépendance. Ces villes, si jalouses de défendre leurs prérogatives contre les empereurs, choisirent des magistrats dont le pouvoir devint héréditaire et dégénéra bientôt en tyrannie. Vers le XIVe siècle, la Lombardie centrale était l'héritage de la famille des Visconti; celle de La Scala gouvernait Vérone; celle de Carrare, Padoue; et celle de Gonzague, Mantoue. En 1395, l'empereur Wenceslas érigea Milan et son territoire en duché, en faveur d'un Visconti; cette principauté échut par alliance à un fils naturel du célèbre Jacques Sforce, qui, de laboureur, parvint, par son courage et ses talents, à la dignité de connétable. A l'extinction de cette famille, Charles-Quint s'empara du Milanais, qui passa à Philippe Il et qui appartint à l'Espagne jusqu'en 1700; alors le duché échut en partage à la maison d'Autriche, sauf quelques portions qui furent cédées à la Savoie.
; Les descendants des Veneti, pour échapper aux hordes d'Alaric, qui pénétra en Italie au commencement du ve siècle, cherchèrent un refuge dans les petites lies de l'embouchure de la Brenta. Ils y fondèrent deux petites villes : Rivoalto et Malamocco; mais, en 697, les magistrats de ces îles populeuses, convaincus de la nécessité de former un corps de nation, obtinrent de l'empereur Léonce l'autorisation d'élire un chef auquel ils donnèrent le titre de duc ou doge. Pépin, roi d'Kalie, accorda à cet Etat naissant des terres sur le littoral de chaque côté de J'Adige; Rivoalto, réunie aux îles voisines, devint une ville nouvelle, qui prit le nom de Venetiœ, de celui que portait le pays dont ces îles faisaient partie. Au ixe siècle, cette république commerçante se faisait respecter par ses forces marilimes ; au XIie, elle équipait les flottes destinées aux croisades ; en 1202, elle contribua puissamment à la prise de Constantinople; une partie de cette ville et de son territoire lui échut en partage, et son doge, qui prenait, par suite des conquêtes de la république, le titre de duc de Dalmatie, y ajouta celui de duc du quart et demi de l'empire Romain. Candie, les îles Ioniennes, la plupart de celles de l'Archipel et d'autres stations importantes, des comptoirs à Acre et à Alexandrie, contribuaient à assurer sa puissance et la prospérité de son commerce.
Dans l'origine, le gouvernement vénitien se composait de conseillers nommés par le peuple, qui partageaient avec le doge le pouvoir législatif. Ce magistrat jouit d'abord d'une puissance imposante : les bornes en furent rétrécies, dans la crainte qu'elle ne dégénérât en une dignité héréditaire. Un conseil représentatif et nombreux, élu tous les ans par douze électeurs choisis par le peuple, fut institué ; mais, par la suite, les membres qui en faisaient partie s'arrogèrent le droit de nomïnjr les douze électeurs et d'approuver ou de rejeter leurs successeurs. Le TéscHat de cette confusion de pouvoirs amena nécessairement la fréquente élection des mêmes membres; enfin une dignité qui devait être la récompense des vertus civiques, devint lç partage exclusif de certaines familles. Lorsque ces changements contraires à la forme primitive du gouvernement furent consommés, on institua un sénat auquel on accorda le droit de paix et de guerre; mais il était renouvelé tous les ans, ainsi que les conseillers du doge, par le grand conseil Le
mécontentement, les révoltes mêmes que fit naître au xiv* siècle un système qui anéantissait les bases fondamentales du gouvernement républicain, nécessitèrent la nomination du célèbre Conseil des Dix, qui organisa l'espionnage, l'assassinat et tout l'attirail du règne de la terreur.
Telle était la situation du duché de Milan et de la république Vénitienne, lorsqu'en 1797, après le traité de Campo-Formio, le territoire de Milan forma la république Cisalpine, et la Vénétie fut livrée à l'Autriche ; puis, après la bataille de Marengo, la Vénétie et la Lombardie réunies formèrent la république Italienne, jusqu'en 1805, époque où elles devinrent le royaume d'Italie, dans lequel se trouvaient, en outre, compris le duché de Modène et une partie des États de l'Église. L'ancienne dénomination de Lombardie était depuis longtemps inusitée; mais, par les négociations du congrès de Vienne, l'Autriche, devenue maîtresse de Milan, de Mantoue, de Venise et de la Valteline, réunit leurs dépendances et en forma le royaume Lombard-Vénitien.
A plusieurs époques, les Italiens cherchèrent à reconquérir leur indépendance ; l'Autriche fit peser sur eux un joug de fer; le général Radetzky, dont le caractère implacable est devenu célèbre, fit abhorrer le nom autrichien par ses cruautés et ses dures représailles. Au lieu de chercher à pacifier le royaume par une politique douce, l'Autriche n'a fait qu'irriter les Lombards-Vénitiens, qui, trouvant dans le reste de la Péninsule et dans la France des cœurs qui sympathisaient avec leurs souffrances, ont accueilli avec reconnaissance et enthousiasme les armées franco-sardes en 1859. Enfin la paix de Villafranca, conclue le 11 juillet de cette année, a fait passer la Lombardie sous la souveraineté du roi de Sardaigne, en laissant la Vénétie à l'Autriche. Le royaume Lombard-Vénitien a donc cessé d'exister.
La Lombardie est bornée au nord par le Tyrol et la Suisse; à l'ouest et au sud-ouest par le Piémont; au sud, par le duché de Parme, celui de Modène et les États de l'Église; à l'est, par la Vénétie, dont le Mincio et le lac de Garde la séparent. La longueur de ce pays, de l'est à l'ouest, est de 155 kilomètres; sa largeur moyenne, du nord au sud, de 130 kilomètres. Sa superficie est de 21 960 kilomètres carrés. Le lac Majeur, le Tésin, une grande partie du cours du Pô et les Alpes Rhétiques lui servent de limites naturelles avec le Mincio et le lac de Garde.
Les Alpes Rhétiques touchent quelque temps les frontières du nord du pays, et envoient dans ses parties septentrionales plusieurs rameaux, entre lesquels s'ouvrent les plus pittoresques vallées. Le sud est composé d'immenses plaines, les plus belles d'Europe. De nombreuses rivières, descendant des montagnes du nord, parcourent ces plaines, après avoir formé, la plupart, des lacs délicieusement encaissés entre des hauteurs alpestres. Voici les plus remarquables de ces lacs et de ces rivières, en s'avançant de l'ouest à l'est : à côté du lac Majeur, qui étend sa belle nappe sur la frontière occidentale, est le lac de Varese, qui s'écoule dans celui-là; bientôt on voit le lac de Lugano, sur la frontière de Suisse ; puis le lac de Côme, long et admirable bassin, qui se bifurque vers le sud en deux bras étendus, et dont celui du sud-est laisse échapper l'Adda, un des plus grands affluents du Pô; déjà, avant cette rivière, le fleuve a reçu VOlona, grossie du Lambro, et unie au Tésin par d'importants canaux, le Na-
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viglio Grande, le Naviglio di Pavia. — L'Adda reçoit le Serio; tout près de là, coule l'Oglio, qui forme le lac d'Iseo, et qui s'augmente de la Mella et de la Chiese, dans le cours de laquelle est le lac d'Idro. — Le lac de Garde, le plus grand de l'Italie, s'écoule au sud par le Mincio, dernier affluent important du Pô.
Dans la Lombardie, l'hiver ne dure ordinairement que deux mois : en février, la" terre se couvre d'une nouvelle verdure, le mois de mai voit revenir la chaleur; la récolte des céréales et de la plupart des fruits se fait en juin et en juillet, et les vendanges en octobre. L'air est sain dans la plus grande partie du pays; cependant les rizières établies sur plusieurs points produisent des miasmes putrides (1).
Cette vallée du Pô, qui, du temps de Polybe, était ombragée par d'antiques forêts marécageuses, peuplées de sangliers, peut à peine aujourd'hui fournir assez de bois pour ses habitants; mais les trésors de Cérès et de Pomone ont remplacé les paisibles retraites des Hamadryades. De magnifiques prairies, arrosées par des ruisseaux qui descendent des Alpes, fournissent jusqu'à six récoltes dans
(1) « Le climat des provinces lombardo-vénitiennes appartient à la zone tempérée. Sauf dans quelques lieux abrités, on n'y rencontre point l'olivier ni l'oranger, ces deux indices certains du climat méridional. L'été y est chaud; mais, l'hiver, le thermomètre y descend jusqu'à 10 degrés. L'irrigation des terres y est d'autant plus facile, que la majeure partie du sol y a été conquise par le labeur humain sur des fonds marécageux. Il a suffi d'y aménager les eaux, d'y profiter de la pente des montagnes, d'y utiliser les déversoirs naturels du Pô et des lacs pour y obtenir de vastes espaces régulièrement arrosés et que l'on n'évalue pas à moins de 320 000 hectares. On y a par conséquent les deux éléments nécessaires de la culture : le soleil et l'eau. Ajoutez à cela que la population, où se trouve mêlé le sang de la race italienne et de la race gauloise, unit à la vivacité de l'intelligence, la constance dans lu travail et la rectitude du jugement. Placée dans des conditions de bien-être que l'on rencontrerait difficilement ailleurs, elle est saine, robuste et nombreuse. On compte dans les provinces lombardo-vénitiennes 120 habitants par kilomètre carré, tandis que la France n'en compte que 67. # « Par un heureux privilège, du re3te, l'agriculture lombarde est dans une grande prospérité depuis une époque très-reculée. En dépit des guerres, des invasions, des commotions révolutionnaires, sous les Romains, sous les rois lombards, sous les Francs, sous les souverains nationaux, et pendant la domination française ou allemande, elles n'ont cessé d'être cultivées avec soin. De plus, comme pour ennoblir dans ce pays les origines de l'activité agricole, de grands artistes ont consacré les efforts de leur génie à résoudre les problèmes de ce genre. Léonard de Vinci opère la jonction de la Martesana et du Tésin, que l'on avait jugée longtemps impossible. Jules Romain assainit et fortifie cette ville de Mantoue, qui renferme ses chefs-d'œuvre.
« Aussi l'agriculture lombarde fait-elle l'admiration de tous ceux qui l'ont étudiée de près. Bien que ce soit un pays de grande propriété, la petite et la moyenne culture y sont en honneur, et en général le système du métayage y a prévalu. Outre la culture des céréales, du mûrier et d'une foule d'autres plantes industrielles, les prairies artificielles ou naturelles et les prés marcittes, ou prés d'hiver, créés dans le voisinage des villes, y permettent l'élève du bétail en grand. Les bêtes à laine et à cornes y sont les plus belles de toute l'Italie. Le Milanais et la Vénétie produisent annuellement environ 125 millions de francs de cocons. Le revenu net que fournit la filature est, d'après M. Escourrou-Milliago, de H millions de francs, et la soie filée représente une valeur de 115 millions de francs. Beaucoup de soie s'exporte à l'état grége. Cependant le produit du moulinage n'est pas moins d'une douzaine de millions. L'industrie s'est emparée de cette matière première. Elle fa-
la même année. La race des bêtes à cornes y est belle ; elles sont l'objet des soins des paysans, qui depuis longtemps se livrent à la fabrication d'excellents fromages. L'abeille et le ver à soie reçoivent des soins assidus.
Quelques souvenirs de l'antiquité sont conservés dans les campagnes du Milanais : ces chars pesants à roues basses et massives, traînés par plusieurs paires de bœufs dont les longues cornes sont ornées de boules de fer poli, et dont la queue est assujettie de côté par des rubans ou des guirlandes; ces paysannes dont les cheveux relevés en tresses sont attachés avec une flèche d'argent; ces bergers portant, au lieu de houlette, un bâton en forme de crosse, et dont l'épaule gauche est élégamment drapée d'un manteau; ces moutons dont le nez arqué, les oreilles pendantes et les jambes minces et élancées rappellent certains bas-reliefs antiques, annoncent l'Italie et ses riches souvenirs. Mais ces caractères qui frappent au premier abord forment un contraste pénible avec la misère des paysans. Il faut nous habituer à des contrastes plus pénibles encore ; l'Italie est le pays du luxe et de la pauvreté.
Les communications commerciales sont favorisées par de superbes routes, des rivières et des canaux. C'est le pays le plus peuplé d'Europe : on y compte 140 âmes par kilomètre carré. La Lombardo-Vénétie renferme, d'après le dernier recensement, 5 503 470 habitants, dont environ 3 000000 pour la Lombardie seule. La population appartient à la race latine; la religion catholique est professée par presque tous les habitants.
Le royaume Lombard-Vénitien avait été déclaré, par le traité de Vienne, partie intégrante de la monarchie Autrichienne. L'empereur d'Autriche était représenté par un gouvern-jur général siégeant à Milan, avant les événements qui viennent de changer la face de ce pays, et qui, au moment où nous écrivons, font passel toute la Lombardie aux mains du roi de Sardaigne. En attendant que la nouvelle souveraineté distribue à son gré l'administration de cette belle contrée, nous la décrirons avec sa division en 9 provinces, telles qu'elles étaient organisées sous la domination autrichienne.
Milan, en italien Mitano, en allemand Mailand, la capitale de la Lombardie, est située dans une vaste plaine, sur les bords de YOlona ; elle a 12 kilomètres de circonférence. On y compte 170000 habitants. Elle a une en-
brique dans les provinces lombardo-vénitiennes pour environ 30 millions de tissus de soie, Bien que déshéritée de son ancien monopole, Venise fait encore avec l'Orient un commerce actif d'étoffes de soie.
« A côté des produits du sol, il faut placer ceux que la main de l'homme va cherche] dans les entrailles de la terre. Les provinces lombardo-vénitiennes, comme le reste de l'Italie, manquent de houille, et elles payent, de ce chef, un large tribut à l'étranger. On exploit pourtant avec intelligence et activité les lignites de Seffe et du Vicentin, ainsi que les tourbières des districts de Crémone, d'Angera et d'iseo. Malgré cette pénurie de combustible de grandes usines se sont établies et prospèrent. Nous citerons notamment les forges qu traitent le minerai de cuivre dans les provinces de Côme, de Bergame et de Brescia, et qu consomment 230 000 quintaux métriques de matières premières. En somme, la productioi du fer en Lombardie s'élève, selon les évaluations du docteur Maestri, à 3 362 700 trancs Des usines qui traitent les minerais de cuivre sont florissantes dans la Vénétie. Elles produisent environ 2 000 quintaux métriques de cuivre raffiné. » (HENRY CAUVAIN-)
ceinte de circonvallation, percée de onze portes. Si cette ville avait plus de rues alignées et larges, elle mériterait le titre de magnifique : on a dit avec raison que les maisons de mauvaise apparence y sont aussi rares que le sont ailleurs lespalais. Les rues les plus spacieuses sont appelées corsi, parce qu'elles sont le rendez-vous des promeneurs, et qu'on les choisit pour y faire des courses de chevaux. Les places publiques sont presque toutes irrégulières et sans ornements : celle de la cathédrale est longue et étroite. Cet édifice, appelé généralement le Dôme (Duomo), est l'un des plus remarquables que l'on connaisse; il fqt, commencé en 1386 par le duc Jean-Galéas Visconti, et n'est point achevé. IL est peu de monuments gothiques dont les ornements soient plus multipliés : dans toutes les profondeurs, sur toutes les saillies, au-dessus de chaque tcur, sur toutes les flèches, s'élèvent des statues en marbre blanc, dont le nombre est évalué à plus de 4 000, mais dont la plupart sont tellement hors de la portée de la vue, que l'on regrette de ne pouvoir, comme les oiseaux qui y font leurs nids, se placer de manière à les regarder de près; 52 piliers de marbre de 28 mètres de hauteur et de 8 de circonférence supportent ce vaste édifice, dont la construction a dû coûter des sommes immenses. Une chapelle souterraine renferme les restes de saint Charles Borromée, dans une châsse d'argent, chargée de bas-reliefs et d'ornements en vermeil. La vieille église de Saint-Ambroise renferme le tombeau de saint Benoît et celui de Bernard, roi d'Italie, et de son épouse Berthe. C'est dans cet édifice que les empereurs d'Allemagne allaient jadis recevoir la couronne de fer.
L'ancien couvent des dominicains est célèbre par le beau tableau de Léonard de Vinci, représentant la Cène, et peint à l'huile sur les murs du réfectoire; le temps, la fumée et l'humidité l'ont tellement endommagé, qu'il est à craindre que bientôt il n'en reste plus de traces (1). L'église de Saint-Alexandre est ornée d'un beau portail, et celle de Sainte-Victoire est tellement surchargée d'or qu'elle ressemble plutôt à une salle de spectacle qu'à un temple, où tout doit inviter au recueillement.
Les autres principaux édifices publics de Milan sont : le palais archiépiscopal, orné de tableaux précieux; le palais royal, celui de la régence; le palais Marini, occupé parle ministère des finances; le palais de justice et l'hôtel de la monnaie, peu digne de Milan sous le rapport de l'architecture, mais curieux par sa belle collection de médailles et de monnaies d'Italie. Ces éditices ne sont cependant point à comparer à la magnifique caserne que fit bâtir le vice-roi Eugène, et que l'on -regarde comme la plus belle du monde. Une douzaine de palais, appartenant à des particuliers, attestent, par la beauté de leur architecture et la richesse de leurs ornements, l'opulence de quelques familles milanaises.
Des quatre ou cinq théâtres de Milan, les deux plus fréquentés sont l'Opéra et
H) On a peine à croire que l'autorité municipale de Milan ait jadis changé ce réfectoire en un corps-de-garde et même en une prison, en y faisant loger les prisonniers de guerre à la garde des Français. Qu'on juge par là s'il est étonnant que ce chef-d'œuvre, qui compte trois cents ans d'antiquité et auquel on semblait prendre si peu d'intérêt, n'ait paru à des soldats, généralement peu connaisseurs, qu'une misérable peinture, sur laquelle on pouvait s'exercer à la cible. Une vieille femme, qui habitait dans le voisinage, et qui fut témoin de cette sorte de profanation, racontait à un voyageur français, que Bonaparte, étant à Milan, vint voir ce beau tableau, et, le trouvant en si mauvaises mains, leva les épaules, frappa du Fierl: fit évacuer le local, murer une des portes et placer la balustrade que. l'on y voit encore.
le spectacle de Girolamo. Le premier, appelé Scala, parce qu'il occupe remplacement d'une ancienne église de ce nom, est vaste et décoré avec élégance. Ses six rangs de loges présentent un aspect imposant ; le second passe en Italie pour l'un des plus célèbres théâtres de marionnettes. Sur le théâtre de Girolamo, on représente des tragédies, des opéras, des comédies et des ballets; la meilleure société de Milan s'y réunit, et, depuis l'homme du peuple jusqu'au riche financier, chacun exprime, par de francs éclats de rire, le plaisir qu'il éprouve aux lazzis de Girolamo,, personnage burlesque, qui est à la fois le polichinelle napolitain, Y arlequin de Venise et le gianduja de Turin.
L'immense esplanade qui entoure les restes de l'ancien château de Milan était un terrain humide et malsain, qui, sous l'administration française, fut transformé en une agréable promenade ombragée, et qui reçut le nom de Foro-Bonaparte.
L'extrémité de la route du Simplon est occupée par un bel arc de triomphe, orné de magnifiques bas-reliefs en marbre blanc. Près de là, est une vaste place d'armes, près de laquelle on voit le Cirque, monument du règne de Napoléon Ier, et qui, par sa grandeur, rappelle ceux des Romains : les gradins peuvent contenir 30 OOC spectateurs, et l'arène est destinée à des courses et à des jeux publics. Il est à regretter que cet édifice ne soit point terminé. Près de la porte Orientale, le Cours, bordé de riches palais, et la rangée d'arbres qui s'étend entre cette porte et la porte Romaine, sont fréquentés par les promeneurs à équipages; c'est là que les élégants milanais vont étaler le luxe de leurs chevaux et montrer leur adresse à conduire de légers phaétons.
Les établissements d'instruction sont nombreux : on compte deux lycées, un séminaire, des collèges, une école polytechnique. L'état-major de Milan a produil de beaux travaux cartographiques.
Nous ne nous arrêtons point à décrire la bibliothèque Ambroisienne, fondé< par le cardinal Borromée, ni celle de Brera, dans le palais du même nom, bâtiment magnifique où se trouvent l'académie des beaux-arts, l'institut des sciences lettres et arts, et qui possède un superbe observatoire et un jardin botanique riche en plantes exotiques. Nous ne décrirons point non plus les nombreux hô pitaux, ni les nombreux établissements fondés par la bienfaisance.
Plusieurs auteurs ont épuisé les fécondes ressources de l'étymologie pour décou vrir celle de l'antique nom de Mediolanum, que portait celte ville. Ce n'est ni i deux guerriers toscuns, ni à sa position entre deux fleuves, ni à une truie à moitii couverte de laine (mediolana) que Bellovèse, son fondateur, aurait vue à la placi qu'elle occupe, qu'elle doit son nom, puisque plusieurs villes gauloises étaien appelées de même. Elle était magnifique à l'époque de la splendeur de l'empiri Romain : plusieurs antiquités l'attestent. Près de l'église de San-Lorenzo, on voi encore une rangée de seize colonnes de marbre, qui passent pour être les restei des bains de Maximien-Hercule, associé de Dioclétien à l'empire.
Milan a toujours tenu un rang distingué dans les lettres et dans les arts : Vir gile y fit ses études, et Valère-Maxime y prit naissance. Dans les, temps modernes elle vit naître l'antiquaire Octavio Ferrari, le mathématicien Cardan et les célèbre jurisconsultes. Alciat et Beccaria. Le commerce de cette ville est considérable, e ses fabriques sont en grand nombre.
Monta, à quelques kilom. au nord de Milan, possède un beau palais et une cathédrale, dont le trésor est l'un des plus riches de l'Italie; on y montre la célèbre couronne de fer, que Napoléon 1er plaça sur sa tête en disant, d'après l'inscription qui y est gravée : Dieu me la donne, gare à qui la touche. Cette ville, dont la population est à peine de 12 000 âmes, existait sous le nom de Moditia ou de Modoœtia, du temps des Romains. Sa position agréable sur les bords du Lambro la fit choisir par Théodoric, roi des Goths, pour l'une de ses résidences.
Entre Monza et Milan, le village de La Bicoque (Bicocca), à peu de distance de l'Olona, rappelle une défaite des Français en 1522. — Legnano, célèbre par une victoire des Milanais sur l'empereur Barberousse en 1176, est situé sur l'Olona.
— Gallarate, qui compte 6 000 habitants, possède des fabriques de coton. —
Sesto-Calende, à l'extrémité sud du lac Majeur, se livre à un commerce assez actif de transit avec la Suisse. — Marignan (en italien Melegnano), au sud de Milan, est fameux par la victoire que François 1er remporta sur les Suisses en 1515, et par celle des Français sur les Autrichiens en 1859. — Cassano, sur l'Adda, a été, en 1705, le champ de victoire des Français, qui y battirent les Impériaux.
— Vimercate, dans un délicieux pays appelé Brianza, a été illustré par plusieurs engagements militaires.Sur la frontière méridionale du royaume, Pavie s'élève au bord du Tésin.
Cette rivière lui fit donner le nom de Ticinum; son origine, suivant Pline, est antérieure à celle de Milan. Sous les empereurs, elle était considérable : Tacite en fait mention; sa situation est délicieuse. Les Longobardi la choisnent pour capitale; mais on ignore d'où lui vient le nom de Pavie (d'abord Papia). Elle fut ravagée par le maréchal de Lautrec, qui, par une conduite barbare, chercha à venger la célèbre défaite de François 1er. Elle est ceinte de murailles massives, de tours à moitié ruinées, de bastions, de fossés, et a 26 000 habitants. Ses rues sont larges, et sa grande place est entourée de portiques. Sa cathédrale est belle et bâtie dans un goût qui indique l'époque de la renaissance de l'art. On y conserve un vieux mât; que l'on prétend être la lance de Roland. Parmi ses monuments religieux, citons les églises del Carminé, et de Santa-Maria Coronata, qui se font remarquer par leur architecture élégante. Un théâtre et plusieurs autres édifices décorent cette ville, et son université célèbre remonte à l'époque de Charlemagne.
Les hommes les plus éminents y professèrent : le naturaliste Spallanzani et le physicien Volta y enseignèrent les sciences qu'ils enrichirent d'un si grand nombre de découvertes. Parmi les palais de Pavie, les plus beaux sont ceux de Brambilla et de Maino. L'ancien palais Castello, transformé en caserne, rappelle la fameuse résistance de 300 Français en 1796. La Chartreuse de Pavie, entre cette ville et Milan, est une des plus belles constructions d'Italie. — Entre le Tésin et Milan, Magenta, bourg de 6 000 habitants, près du Naviglio Grande, fut témoin d'une grande victoire des Français et des Sardes sur les Autrichiens le 4 juin 1859. Buffalora, très-près du Tésin, est située sur la route de Novare. — Turbigo, au nord-ouest, rappelle un autre brillant fait d'armes des Franco-Sardes en 1859.
Lodi (18000 habitants, l'ancienne Laus Pompeia, qui s'élève sur la rive gauche de l'Adda, rappelle une fameuse victoire des Français en 1796. Entourée de murailles élevées, ornée de quelques belles places, de plusieurs palais, d'un
théâtre, Lodi n'en est pas moins une ville assez triste. On y fait un commerce important de soieries, de faïenceries (majolica), et surtout de fromages, que l'on vend sous le nom de parmesans. La vieille citadelle a été transformée en caserne.
Crema, sur les bords du Serio, compte environ 9 000 habitants, dont beaucoup se livrent à la fabrication de la toile. Un château fort la défend. — A gna- del (2 000 hab.), qui a été le champ de deux victoires des Français, en 1509 et en 1705, est située à quelques kilomètres de la rive gauche de l'Adda.
A 38 kilomètres au nord de Milan, à l'extrémité méridionale de la branche sudouest du lac du même nom, Côme (20 000 hab.), la patrie de Pline le Jeune, de PaulJoye, deClémentXlll, d'Innocent XI et de Volta, est dans une délicieuse situation. Sa cathédrale, bâtie en marbre, est digne d'attention, quoiqu'elle soit un mélunge des architectures gothique et moderne. Prise et incendiée par les Milanais en 1127 et 1271, incorporée au duché de Milan en 1335, Côme a joué un rôle important dans la guerre de l'Indépendance, en 1859. Garibaldi, à la tête de quelques milliers de chasseurs des Alpes, s'en empara et chassa les Autrichiens desterritoires voisins. Une des premières villes du royaume Lombard-Vénitien, Côme déclara l'Autriche déchue de son autorité. Dans le voisinage, au milieu de riants paysages, citons la villa d'Este, longtemps résidence de la reine Caroline d'Angleterre. - Varese (8000 hab.), prise par Garibaldi sur les Autrichiens en 1859, occupe une position importante à peu de distance d'un lac du même nom. Les habitants se livrent à l'industrie de la soie et au commerce de bestiaux. Les environs possèdent beaucoup de riches villas; le Sacro Monte di Varese est un lieu de pèlerinage très-fréquenté. — Luino (4 000 hab.) est placée à l'entrée de la vallée de la Tresa, sur la rive orientale du lac Majeur. — Lecco, à l'extrémité méridionale de la branche sud-est du lac de Côme, qui est nommée lac de Lecco, près de la sortie de l'Adda , est le centre d'une industrie assez active. — Bellaggio, à la pointe de la presqu'île qui s'avance entre les deux bras du lac de Côme, est entourée de charmantes villas. — Bellano, près du bord oriental du même lac, à l'embouchure du torrent Pioverna, est à peu de distance de la magnifique cascade dite YOrrido di Bellano. — Gravedona, sur le bord nord-ouest du lac, possède un beau palais. — Tremezzo, sur la rive occidentale, est dans une délicieuse situation. — Le fort de Fuentès, à l'entrée de l'Adda dans le lac, construit au xvie siècle par les Espagnols, démantelé au XVIIIe, fut rétabli par les Autrichiens. Cette position est regardée comme la clef de la Valteline.
Le lac de Côme est le Larius des anciens ; ses bords sont enchanteurs : il faut en suivre les rives ou le traverser dans sa longueur pour arriver au bas des pentes des Alpes, dans cette pittoresque vallée de YAdda supérieure que l'on nomme Valteline ( Pal Tellina). Cette vallée, qui fit partie de la Suisse, puis de la France, avant d'être réunie, sous la monarchie Autrichienne, au royaume Lombard-Vénitieri, à pour chef-lieu la jolie ville de Sondrio, dont la population active et industrieuse est de 4 000 habitants.— A l'est de Sondrio, après le village de Ponte, remarquons Tîvano, sur l'Adda, dont les foires sont Irès-fréquentées et qui a une belle église; plus haut, au pied des Alpes Rhétiques, Bonnio, près du fameux col du.Sîelvïo, qui conduit dans le Tyrol.—A l'ouest de Sondrio, Morbegno (2 500 hab.) compte plusieurs moulinerics de soie. — Chiavenna, dans la pit-
toresque vallée de la Maira, fait un commerce assez actif, grâce à sa position au débouché des routes du Maloïa et du Splugen, conduisant dans les Grisons.
Après avoir traversé la chaîne méridionale de cette vallée, on voit, entre le Brembo et le Serio, petites rivières qui prennent naissance dans ces montagnes, la ville de Bergame ou Bergamo (30 000 hab.). Les Romains l'appelaient Bergomum. Elle Tut dévastée par Attila, rétablie par les Lombards, et devient ville libre sous les successeurs de Charlemagne. A l'époque de la splendeur de Venise, elle dépendait de son territoire. On y voit de belles églises, deux théâtres et des établissements d'instruction et de bienfaisance. Son commerce en soie et en fer est considérable. Ses foires sont renommées. — Dans la même province, Canonioa (2000 hab.), sur l'Adda, est une ville commerçante. — Treviglio (6000 hab.) se livre à l'industrie. — Clusone, Gandino, Lovere (4 000 hab.), possèdent des fabriques de drap. — Caravaggio, ville de-5 000 habitants, a vu naître MichelAnge d'Amerighi, surnommé le Caravage. --:Le grand Val Camonica, parcouru par l'Oglio supérieur, avant que cette rivière se jette dans le lac d'Iseo, appartient à la province de Bergame.
Entourée de fossés, de murailles et de bastions, dominée par la citadelle de Santa-Croce, arrosée par le Pô et par un canal qui communique de ce fleuve à l'Oglio, la ville antique de Crémone est située dans une plaine agréable. Fondée par les Cenomani, nation gauloise, elle doit à cette origine le nom celtique de Crémon. Fidèle au parti de Brutus, son territoire fut distribué aux soldats d'Au guste; Vespasien la fit saccager par les siens, et elle fut pillée par les Goths.
L'empereur Barberousse lui fit éprouver un sort semblable; le maréchal de Villeroy y fut fait prisonnier par les Autrichiens en 1702, et, en 1799, ces derniers remportèrent sous ses murs un avantage sur les Français, qui prirent néanmoins la ville en 1800, et la conservèrent jusqu'en 1814. Crémone jouit en Italie d'une grande réputation pour ses instruments de musique et surtout ses violons. Elle occupe une superficie considérable : sa circonférence est de 9 kilomètres, et sa population de 28 000 habitants. Ses rues sont larges, droites et bien bâties ; elle a de grands palais, mais tous construits dans le style gothique, et de nombreuses églises, dont la plus importante, le Dôme ou la cathédrale, est ornée d'une tour, l'une des plus élevées de l'Italie : elle a 125 mètres de hauteur. La forme allongée de Crémone l'a fait comparer a un navire dont cette tour serait le grand mât.
On y fait un commerce assez important de grains, de lin, de fromage, etc. Casal-Maggiore (15 000 hab.), sur la rive gauche du Pô, est un endroit fort industrieux. — Sur l'Adda, on remarque Pizzighettone (4 000 hab.), qui servit quelque temps de prison à François IeT, après le malheur de Pavie; c'est une place forte, qnj a subi plusieurs sièges.
A 45 kilom. au nord de Crémone, et près de la Mella, Brescia, entourée de remparts et de fossés, a des rues larges et belles, et 35 000 habitants. Son palais de justice se distingue, à l'extérieur, par un mélange d'architecture gothique et moderne, et, à l'intérieur, par des peintures à fresque et des tableaux précieux.
Son palais municipal est magnifique ; son grand théâtre se fait remarquer par son beau péristyle, et sa cathédrale par la hardiesse de sa voûte, ses tableaux, ses statues et ses riches autels. Signalons encore un temple antique et une riche biblio-
thèque. Cette ville, dont le commerce est étendu, est célèbre par ses armes à feu.
Brescia fut une république au temps de la ligue lombarde. Cédée aux Vénitiens en 1426, elle eut à soutenir plusieurs sièges. Sforce et les Milanais y remportèrent, en 1439, sur (os Vénitiens, une brillante victoire. Bayard s'y défendit brillamment en 1520. En 1796, les Français s'en emparèrent; Napoléon 111 vient d'y séjourner, dans la campagne de l'indépendance italienne. C'est la patrie d'Arnaud de Brescia et du poëte Gambara. — Calcio, sur l'Oglio, fait un important commerce de draps.
- Chiari (8000 hab.), autrefois fortifiée, a été témoin d'une victoire du prince Eugène sur le maréchal de Villeroy, en 1701. — Orci-Novi, sur la rive gauche de TOglio, a de vieilles forticications. - Ponte- Vico possède un fort beau pont sur l'Oglio. - Iseo, sur le lac du même nom, se livre à l'industrie. — Gardone, dans le ValTt ompia, possède des fabriques d'armes à feu, ainsi que Pieve, S.-Apollonio et Lumezzane, situés-dans le même territoire. — Idro, sur les bords du lac qui porte ce nom, possède plusieurs forges. Les habitants s'adonnent aussi à la pêche. — La Rocca d'Anfo est une excellente forteresse, placée à l'extrémité du défilé du Val Sabbia. — A Calcinato, bourg de 3 500 habitants, les Français furent vainqueurs en 1706 et 1796; à Montechiaro (6000 hab.), ils remportèrent une autre victoire sur les Autrichiens en 1796.-Gargnano, qui a un port sur le lac de Garde, à l'ouest, est entouré de cultures d'oliviers, d'orangers et de citronniers. — Salo (5 000 hab.), autrefois fortifiée, s'élève dans une belle situation, sur le même bord occiàental du même lac (1). — Peschiera, à l'extrémité sud du lac de Garde, est une des places les mieux fortifiées du
(t) Le lac de Garde, le plus grand de l'Italie, mérite une description particulière : il s'allonge du nord au sud, entre la Lombardie et la Vénétie, et s'avance, vers son extrémité septentrionale, jusque dans le Tyrol. Il a une longueur de 50 kilomètres; dans sa partie inférieure, il atteint la largeur de 46 kilomètres. Sa forme,' quoique en général régulière, présente quelques découpures. Sur la rive méridionale s'avance la petite presqu'île de Sermione, où Catulle, charmé des délicieux points de vue qui s'offraient à lui, voulut fixer sa résidence; on y trouve encore, dit-on, les ruines de sa demeure. Quelques îles importantes sont disséminées dans le voisinage des côtes. Le lac de Garde reçoit, au nord, laSarca, et s'écoule au sud par le Mincio. Sa profondeur est variable; sur un point, la sonde va jusqu'à 290 mètres. Quoique garanti des grands vents par les hauteurs qui l'entourent, le lac de Garde est exposé à des vents irréguliers dont les navigateurs combattent les rigueurs avec beaucoup de difficulté. Les pêcheurs y trouvent un nombre considérable de poissons recherchés : les sardines, les truites saumonées, les aloses, les anguilles y pullulent. Ses bords sont riches en sites agréables : les villes, les bourgs, les maisons de plaisance, appuyés sur le flanc de coteaux couverts d'orangers, de mûriers, de vignes, offrent des points de vue qui ont été, à juste titre, chantés par les poètes : Virgile et Catulle les ont décrits, et, depuis, plus d'un disciple d'Apollon s'est senti inspiré en contemplant les mêmes paysages. Nommé par les anciens Benacus lacus, le lac doit, dit-on, son nom à une grande ville que l'on s'est efforcé de retrouver sur l'emplacement de Garda ou de Toscolano. Le Mincio, dont les bords ont été illustrés par les vers de Virgile, est, en effet, dans son cours supérieur, une délicieuse rivière; mais, dans sa partie inférieure, ses eaux, tranquilles, deviennent' limoneuses et malsaines. Il est sujet à de fréquents débordements. Il passe à Mantoue, où il forme quatre lacs créés par l'art, et se jette dans le Pô, près de Governolo, à environ 17 kilomètres au sud-est de cette ville. Un canal, connu sous le nom de Fosso-Nuovo, qui s'en détache à Mantoue même, renferme avec le Pô un delta appelé il Seraglio, d'une fertilité extrême, qui contribue considérablement à l'approvisionnement de la place. -
nord de l'Italie (1). Assiégée en 1796, en 1799 et en 1848, Peschiera fui possédée par les Français de 1801 à 1811. Dans le voisinage, les touristes vont admirer les grottes de Catulle et quelques débris de pierres que l'on dit être les ruines de la maison du poëte. — En descendant le Mincio, citons Monzambano, où les Autrichiens furent défaits par les Français en 1800; — Borghetto, petite place fortifiée, devant laquelle les Français remportèrent un brillant avantage jsur les Autrichiens, en 1796 ; — Goito, qui fut témoin d'une victoire des Sardes sur les Autrichiens en 1848. — Asola, sur la Chiese, est d'une haute antiquité.
Le territoire au sud du lac de Garde, entre le Mincio et la Chiese, est un plateau célèbre dans lés fastes de la guerre (2) : les expéditions merveilleuses du général Bonaparte, en 1796, l'avaient déjà immortalisé, surtout par la victoire de Castiglione delle Stiviere, et par deux brillants engagements à Lonato; les Français -viennent de l'illustrer encore, en 1859, par la victoire de Solferino.
Arrivons à Mantoue (Mantova), une des plus fortes places de l'Italie.
Mantoue est située sur une île, dans une position insalubre, au milieu d'un lac artificiel et de marais formés par les eaux du Mincio. Les chaussées ou digues qui traversent ce lac le partagent en quatre parties : les lacs Supérieur, Moyen et Inférieur, du côté oriental et septentrional, et le lac Pajolo, qui entoure la ville du côté de l'ouest et au midi. Ce dernier lac mériterait plutôt le nom de marais, cal' ses eaux sont peu profondes et exhalent des miasmes pestilentiels , qui déciment la garnison, surtout en été. Un canal de navigation traverse la ville dans toute sa largeur, et reçoit les barques venant du Pô et entrant dans la darse par la Porta Catena.
« L'aspect de Mantoue réveille des idées diverses, dit Millin ; l'imagination se rappelle que ce lieu a vu naître Virgile; on aime à se souvenir de la gloire et des libéralités des Gonzague; et sa situation, au milieu d'un vaste marais formé par les débordements du Mincio, donne d'abord l'idée d'une ville imprenable; mais ces eaux malfaisantes y portent souvent la fièvre et en défendent mal l'approche ; car Mantoue, souvent assiégée, a été prise plusieurs fois (3). »
(4) « Peschiera est située sur une petite île formée par le Mincio, à sa sortie du lac de Garde.
Cette petite place est destinée à dominer le flanc droit de la ligne du fleuve, à maintenir libres les communications avec le lac et à garder le système d'écluses établi pour produire un fort et soudain courant dans le MLncio, capable d'entraîner tous les ponts de bateaux que l'ennemi pourrait y avoir établis j usqu'à Mantoue. Les ouvrages de la place, datant du temps de la république de Venise, ont été, plus tard, améliorés par les Français sans avoir jamais présenté une grande force de résistance. Les Piémontais, attaquant Peschiera en 1848 avec des moyens comparativement faibles, ont mis un peu plus de trois semaines à s'en emparer. Depuis, les Autrichiens ont établi plusieurs ouvrages détachés sur la rive gauche du fleuve pour protéger la place contre le feu dominant d'un ennemi qui aurait réussi à s'y établir. » (Demmler.) (2) « Ce territoire, dit M. Demmler, professeur à l'École d'état-major, est d'un accès trèsdifficile, du côté du Mincio surtout; il présente une suite de positions défensives d'une force extrêmement grande. »
(3) La force principale de Mantoue ne réside pas dans la solidité de ses ouvrages, mais dans la difficulté de s'approcher au milieu des eaux et des marais. Pourtant, dans un Mémoire justificatif, le général du génie Foissac-Latour, qui, en 1799, n'a pu défendre cette
La ville proprement dite est renfermée par de vieilles fortifications d'un profil fort irré^ulier et fort vicieux. Cinq portes y conduisent : ce sont les portes de Pradella (route de Crémone), de Molina (à la citadelle), de San-Giorgio (au fort de ce nom, à l'est), de Cerese et de Portello. Ces deux dernières portes donnent accès au camp retranché qui est établi au midi de la ville. Quatre forls détachés enteur rent le corps de la place; ce sont : au nord, la citadelle, avec une belle porta dont le dessin a été donné par Jules Romain; elle forme un pentagone régulier dont la gorge, fermée par un simple mur, est appuyée sur le lac Supérieur; le fort de la lunette de San-Giorgio (Saint-George), sur la rive gauche du Mincio, à l'est; ces deux forts sont réunis au corps de la place par des chaussées ou des digues fort étroites et très-longues; — le fort de Pietole, à l'extrémité sud-est du camp retranché; — enfin le fort de Pradella, défendant la route de Crémone.
On prétend que Mantoue fut fondée par les Étrusques plusieurs siècles arant Rome. Quoi qu'il en soit, les Romains en devinrent maîtres en 197 av. J,-C., après la bataille du Mincio. A la fin du xvue siècle, elle renfermait 50000 habitants; aujourd'hui, elle n'en compte que 30 000, Ses rues sont larges, et presque toutes tirées au cordeau; ses places sopt grandes et régulières; celle de Virgile est une des principales. Cettç ville s'enorgueillit avec raison d'être la patrie de Virgile, et l'on aime «a voir le soin qu'elle prend de le rappeler ; l'une de ses huit portes est surmontée de son byste, et l'une de ses places est ornée d'un monument à la gloire de ce poëte immortel. Cependant Virgile n'est pas positivement né à Man..
toue; mais il s'en considérait lui-même comme un de5 enfants; aussi voulut-il que son tombeau conservât ce distique, résumé de sa vie : Mantua me genuit : Calabri rapuere ; tenet nunc Parthenope : cecini pascua, rura, duces.
Le poëte Battista Spagnuoli et les Ghisi, artistes célèbres, y naquirent.
La cathédrale a été construite d'après les dessins de Jules Romain; un de aes plus beaux édifices est le palais du Te, ainsi appelé, diton, parce qu'il a la forme de la lettre T. C'est dans l'église de Saint-Égide que reposent les cendres du Tasse, le Virgile de la moderne Italie, et dans l'église Saint-Barnabé que l'on trouve le tombeau de Jules Romain.
L'industrie de cette ville est peu active; cependant elle offre quelques fabriques
de soieries et de draps, et des tanneries. MqntQue, selon les uns, fut bâtie au xve siècle avant J,-C.; selon les autres, aii Xie, par Ocnus et Bianor, et reçut son nom de la prophétesse Manto, mère d'Ocnus. Prise par les Gaulois quelque temps après, capitale des Cénomans, ville romaine, tour à tour au pouvoir des Germains, des Visigoths, des Hérples des Ostrogoths, des Grecs, des Lombards, des Francs; république lombarde au xne siècle, margraviat, ensuite duché, saccagée par les Autrichiens en 1630, occupée par les Français en 1701, de nouveau ville impériale en 1707, Mantoue, dont l'histoire était déjà si remplie, vit, en 1797, Napoléon Ier entrer en triom-
place contre un général autrichien que pendant trois semaines, dit que ses immenses inondations et les difficultés des premiers accès donnent à Mantoue une apparence formidable qu'elle est loin de mériter.
phateur dans ses murs, et les Autrichiens, naguère chassés, y reparaître en maîtres et en oppresseurs en 1814. ,
C'est près et au sud-est de Mantoue qu'est la patrie même de l'auteur de l'Enéide, le village de Pietole (l'Andès des Romains). L'église Sainte-Marie des Grâces attire dans cet endroit un grand nombre de pèlerins.
VÉNÉTIE.
La Vénétie, dépendance de l'Autriche, s'étend depuis le Mincio et le lac de Garde jusqu'à l'Adriatique. et depuis les Alpes Carniques et Cadoriques, au nord, jusqu'au Pô, au sud, entre le Tyrol et l'Illyrie, d'un côté, et les États de l'Église, de l'autre. L'Adige, fleuve impétueux et presque rival du Pô par la majesté de son cours, parcourt la Vénétie; il vient du Tyrol, coule d'abord du nord au sud, puis de l'ouest à l'est, et se jette dans l'Adriatique, près et au sud des lagunes de Venise. La BIJ'enta; grossie du Bacchiglione, touche déjà à ses lagunes, au milieu desquelles elle va se perdre en partie. La Piave est au nord-est des mêmes lagunes; le torrentueux Tagliamento, enfin, est près des frontières orientales de la Vénétie. - Le climat, les productions, les aspects de ce pays sont à peu près les mêmes que ceux de la Lombardie : nous n'y reviendrons pas. Dans l'une comme dans l'autre T contrée, le charrhe d'une douce température est souvent détruit par les miasmes des marais.
Au pied de ces montagnes qui forment les limites septentrionales, le villageois est souvent atteint de la pellagre, affection cutanée dont le caractère extérieur consiste en taches brunâtres ou noirâtres qui se développent sur toutes les parties du corps, excepté au visage ; elle fait naître chez quelques individus les symptômes-alarmants de la démence ou du délire. Cette maladie, qui est souvent mortelle et qui porte au suicide ses malheureuses victimes, paraît au printemps, augmente pendant les chaleurs de l'été, et disparaît aux approches de l'hiver : on ignore encore à quelle cause elle est due ; mais il y a tout lieu de croire qu'une nourriture malsaine la fait naître; elle est peu répandue dans les environs de Venise. S'il faut en croire des renseignements, peut-être exagérés, les environs de Ëeschiem, près du lac de Garde, sont tellement redoutablesl surtout pour les étrangers, que les régiments français, lors de leur pasage en 1796 et 1797, as-
sure M* Simond, tiraient au sort pour aller former la garnison de cette ville. Depuis cette époque, l'état sanitaire du pays s'est beaucoup amélioré.
Commençons notre excursion en Vénétie par le territoire renfermé entre le Mincio et l'Adige.
-P eschieraf Mantoue, Legnagb et Vérone forment ce qu'on àppelle le quatrildtère; Ces quatre places; situéeSj' les deux premières sur le Mincio, et les deux autres sur l'Adigë, occupent quatre angles stratégiques importants. Les troupes qui y stationnent peuvent, à un moment donné, concentrer toutes leurs forces sur un point et écraser uft ertnemi éparpillé.
Les vieilles murailles de Vérone (en italien Verorla) sont dominées au nord pat des collines couvertes de vignes et de maisons de campagne. L'Adige divise cette
ville en deux parties égales; on y compte 55 000 âmes. Les opinions sont incertaines sur l'époque de son origine. On sait seulement que, du temps de Strabon, elle était déjà importante, La beauté des cinq portes qui la décorent annonce une grande ville, mais son intérieur répond peu à cette apparence : ce sont de petites rues étroites. On en cite pourtant quelques-unes qui sont larges, bien pavées et garnies de trottoirs. Vérone possède de nombreux palais; les plus remarquables sont ceux de Gran-Guardia, de Canossa, de Guasta- Verza et de Pompei. Son hôtel de ville renferme de précieux tableaux de l'école vénitienne, et son musée une riche collection d'antiquités. A côté de ces richesses, subsistent encore de vénérables témoins de son antique splendeur, dont le plus remarquable est un amphithéâtre d'une belle conservation. A la vue de ces monuments, on se rappelle que l'on est dans la patrie de Pline l'ancien et de Cornélius Népos; en admirant les tableaux qui décorent la plupart de ses églises, on ne peut oublier que la moderne Vérone a donné le jour à un peintre célèbre : à Paul Véronèse. « Vérone, dit un officier de notre armée, est la dernière et la plus reculée des quatre places du quadrilatère.
Lors de nos guerres précédentes d'Italie, elle n'avait qu'une importance secondaire, n'étant entourée que d'un vieux mur bastionné, mais aujourd'hui c'est la plus importante de toutes les forteresses de l'Italie en général. En 1858 encore, elle n'était bien fortifiée que sur le côté oriental tourné vers l'Autriche, tandis que le côté occidental, tourné vers la Lombardie, c'est-à-dire le côté le plus important, était fort négligé. Depuis lors, les Autrichiens ont réparé cette faute. » Vérone, fondée par les Ellganécns, fut considérablement agrandie par les Romains. En 402, Stilicon délit les Goths dans le voisinage,, et en 489 Théodoric y fut vainqueur d'Odoacre.
Après avoir été la résidence des rois lombards, Vérone s'érigea en république.
Legnago (10 000 hab.), située sur l'Adige, est à peu près de la force de Peschiera. Cette place a pourtant l'avantage d'avoir une tête de pont sur chacune des deux rives du fleuve. Legnago est célèbre dans la campagne de 1796.
Si nous suivons le cours de l'Adige, nous remarquons, vers la partie supérieure de ce fleuve, La Corona, où Joubert remporta une brillante victoire en 1797 ; — Rivoli, dans le Montebaldo, illustre champ de bataille où Bonaparte défit les Au- trichiens le 14 janvier 1797. Le général Masséna, qui s'y distingua, reçut par suite le titre de duc de Rivoli. — Bussolengo (3 000 hab.) rappelle une victoire de Schérer sur les Autrichiens en 1799. — A l'est de Vérone, Caldiero, dans une position importante, fut le théâtre de plusieurs engagements militaires, et particulièrement, en 1805, d'une bataille entre les Français et les Autrichiens, dont l'issue demeura incertaine; - Arcole, sur l'Alpone, a été illustré par la victoire de Bonaparte en 1796; — Albaredo, à quelques kilomètres au-dessous du confluent de l'Alpone et de l'Adige, n'est qu'un village populeux, dépendant de Cologna, ville de 6000 habitants, entourée de fossés et de murailles ; — Carpi, à quelques kilomètres au sud-est de Legnago, fut témoin d'un combat où le prince Eugène battit Catinat en 1701. — Au sud-ouest de Vérone, Villafranca, ville commerçante de 6 000 habitants, est célèbre par la paix qui y fut conclue entre les empereurs des Français et d'Autriche, le 11 juillet 1859. — Près de là, sur le Mincio, est Valeggio, qui fut le quartier général de Napoléon III, en 1859. Garda (3 000 hab.) , sur le bord oriental du lac du même nom, voit croître,
dans ses environs, des oliviers et des orangers très-produtifs. — Arrivons maintenant à Padoue (Padova). Cette ville, située sur le Bacchiglione, et de forme triangulaire, présente une population de 50000 âmes. L'antiquité de sa fondation n'est pas douteuse; ce qu'en dit Tite-Live, qui naquit dans ses murs, et les beaux vers de Virgile, qui attribue sa fondation à Anténor, prouvent qu'elle existait douze siècles avant l'ère chrétienne; elle portait le nom de Pataviuin, et, s'il faut en croire Strabon, qui vante son commerce et ses richesses, elle pouvait, longtemps avant lui, armer jusqu'à 120 000 hommes. On soupçonnera peut-être le géographe grec de quelque exagération, et son texte de quelque erreur; mais les témoignages de plusieurs poëtes romains attestent du moins la prospérité de l'industrie de cette ville : ses étoffes étaient recherchées. Elle a plusieurs grandes places et de beaux édifices ; mais ses rues sont étroites, sales, mal pavées, et garnies d'arcades basses et sombres. Ici, comme dans toutes les villes d'Italie, il y a profusion de tableaux dans les églises, et les tableaux, comme les églises, sont toujours l'œuvre de quelque grand talent; on compte un grand nombre d'églises remarquables; celle de Saint-Antoine possède le corps de son patron. La cathédrale est d'une archileclure médiocre. L'église de Sainte-Justine est un élégant édifice. L'université de Padoue est depuis longtemps célèbre; elle s'honore d'avoir eu, parmi ses élèves, Dante, Pétrarque, le Tasse, et, parmi ses professeurs, Galilée, Guglielmini, Fallope. Parmi les palais qui décorent la ville, nommons le Ragione et le palais del Capitanio. Le Prato della Valle est une belle et vaste promenade, ornée de statues de grands hommes. Prise et ruinée par Alaric, Attila et les Lombards, Padoue fut restaurée par Charlemagne. Depuis 1405, elle fut unie au territoire de Venise. Son industrie et son commerce sont assez actifs. - A quelques lieues au sud-ouest de Padoue, le village d'A rqua est célèbre par sa position pittoresque, par la maison de Pétrarque, dont on conserve avec soin les meubles et la distribution, et par le tombeau de cet illustre auteur.
Dans la même province, Este, ville industrieuse de 9 000 habitants, au pied des monts Euganéens, est le berceau de la fameuse famille du même nom ; — Monselice compte environ 3 000 habitants; — Battaglia est connue par les eaux minérales de ses environs; — Montagnana possède plusieurs importantes fabriques.
La Polésine de Rovigo est une presqu'île qui s'étend au sud de la province de Padoue, entre l'Adige et le Pô inférieur. — Rovigo, le chef-lieu, avec 9 000 habitants, est entourée de murs et défendue par un vieux château. Le principal commerce est celui des grains. — Adria, qui a donné son nom à l'Adriatique, et qui était autrefois baignée par la mer, est aujourd'hui à 35 kilomètres du littoral, par suite des atterrissements du Pô. On y fait un commerce considérable de grains, de chevaux et de bestiaux. Les environs sont marécageux et par conséquent insalubres ; on y remarque quelques ruines intéressantes.
La province de Vicence, territoire très-fertile, a pour chef-lieu l'ancienne Vicentia, aujourd'hui Vicence ( Vicenza), sur le Bacchiglione., peuplée de 35000 âmes, et ceinte d'une double muraille. Ses rues sont irrégulières; mais, sous le rapport de la construction et de l'architecture de ses édifices, c'est une des villes les plus remarquables de la haute Italie. Sa cathédrale est d'un
très-beau gothique ; l'église de Santa-Corona est d'un style élégant. Ses murs renferment peu d'antiquités : quelques ruines d'un théâtre qu'on croit être du temps d'Auguste;' les restes d'un palais impérial, une statue d'Ipbigénie "conserYée chjBq les Dominicains, sont tout ce qui a échappé aux ravages dû temps et aux dévas" tations des barbares. Elle est la patrie du célèbre architecte Palladio, qui s'est plu à l'embellir. Son industrie consiste surtout dans la fabrication de la soie et de diverses poteries. Vicence, dont l'érection remonte, à une date très-ancienne, fut agrandie par les Gaulois Sénonais en l'an 392 avant J.-C. Elle permit de sa splendeur lors de la décadence de l'empire Romain, et fut souvent traversée par les Barbares. —Au nord, sur la Brenta, s'élève la ville de Bassano (12000 hab.), qui rappelle une victoire de Bonaparte sur les Autrichiens en 1796. Elle possède un ancien château fortifié. On y fait un commerce actif de soieries, de bois, de fers, etc. Le pont qui relie les deux rives de la Brenta a été construit sous la direction de l'ingénieur Ferracino, qui naquit à Bassano. —Aunprd, encore sur la Brenta, près de la frontière du Tyrol, Primolano et Carpanedo, villages situés au mi-r lieu des montagnes, ont été des champs de victoire des Français sur les Autrichiens en 1796 ; à l'ouest de Bassano, Marogtica, ville commerçante, fut, dit-on, construite par des habitants de Vicence qui, persécutés par Sylla, bâtirent en cet endroit une petite place forte qu'ils nommèrent Marostica, du nom de Marius. — Asiago, sur le sommet d'une montagne, compte plusieurs fabriques importantes. C'est le chef-lieu des Sept-Communes, territoire généralement boisé, dont les habitants, d'origine" teutone, parlent encore un allemand corrompu. Ils se donnent comme descendants des Cimbres que Marius vainquit. — Schio, centre d'une grande fabrication de draps, remonte à une très-haute antiquité.-Cittadella" sur la rive gauche de la Brentella, est entourée de murs flanqués de tours. — Tiene possède plusieurs fabriques de draps et des moulineries importantes. — Lonigo, mal fortifiée, compte plusieurs églises et une abbaye., Trévise (Treviso), chef-lieu de la province du même nom, sur la Sile, la Siletta et le Bottenigo, est animée par une industrie active. Ses rues ne sont pas beaucoup plus régulières que celles de Vicence; la plupart de ses places sont vastes et entourées d'arcades ; l'hôtel de ville est un bel édifice, la cathédrale est richement ornée. La population est de 20 000 âmes. Les Français s'en emparèrent en 1797. C'est dans le même territoire que l'on remarque, dans une magni-r fique position, Asolo (3 000 hab.), vieille ville ceinte de murailles elde fossés.— A peu de distance, le village de Bano, agréablement situé, fut la résidence de la reine de Chypre, détrônée par les Vénitiens en 1489. - A Ponzagno, est né Canova, cet illustre sculpteur qui a enrichi sa patrie d'un superbe monumenL réCitons encore Conegliano, située à peu de distance de la Piave, et dont le nom, avec le titre de duché, fut donné par Napoléon 1er au maréchal Moncey, Bellune (Belluno), chef-lieu d'une belle province, est placée sur les bords de la Piave. Les maisons en sont en général bien bâties. C'est une place de guerre, entourée d'une vieille muraille. Elle est peuplée de 10 000 habitants. Un aqueduc porte à la ville l'eau d'une source assez éloignée. Le Bosco di Cansiglio, qui s'étend dans la province de Bellune, est la plus vaste forêt de l'Italie ieptentrionale.
Les petite? villes de Perarolo et de Longarone font un grand commerce de bois,
de fruits et de vins, — Feltre, à peu de distance des rives de la Piave, sur une hauteur, possède quelques fortifications. Son industrie consiste surtout en quelques filatures de soie. Sa population est de 5000 habitants. En 1809, Napoléon donna le titre de duc de Feltre au général Clarke. — Parmi les autres endroits de cette province, citons Pieve di Cadore, située au pied des Alpes Cadoriques, sur la Piave, et où les Français furent vainqueurs des Autrichiens en 1797 l — Castello, où il se fait un commerce actif de fer, de cuivre et de soie ; — Auronzo, dans un pays boisé; — Àgrodo où l'on exploite une mine de cuivre sulfuré, qui passe pour la plus riche de l'Italie.
Le Frioul italien forme une province dont le chef-lieu est Udine, ville fortifiée, de 20000 habitants, située le long du canal de la Roja. L'édifice le plus remarquable est le château appelé GrandGarde, orné de sculptures et de statues.
Près du château, l'on entretient avec soin le Giardino, belle promenade plantée de grands arbres, établie par les Français. On fabrique à Udine des étoffes de •oie et de laine.
C'est dans le voisinage, au sud-ouest, qu'on remarque le village de Campo..
Formio (ou plutôt Campo-Formido), à jamais illustre par le traité qui y fut signé entre la France et l'Autriche, le 17 octobre 1797. — Passariano, plus loin au sud-ouest, est une élégante villa qui fut habitée par Bonaparte pendant les préliminaires du traité. — Palma-Nova, ou simplement Palma, petite place forte, est à peu de distance des frontières del'Illyrie. — F or no di Voltro, village insignifiant, possède uné mine d'argent. — Latisana, sur la rive gauche du Tagliainento, est un bourg commerçant. — Portogruaro, sur le Lemene,,,compte 6 000 habitants, qui se livrent principalement à l'industrie de la soie. — Sacile, près de laquelle on voit le village de Fontana-Fredela, tristement célèbre par une défaite des Français en 1809, est entourée de murailles. — Pordenone, sur le Noncello, est le lieu de naissance du peintre Jean Licinio, dit Pordenone. Le général français Sahuc, combattant contre les Autrichiens, y éprouva un échec en 1809. — Osopo, sur le Tagliamento, dans une position favorable pour la défense de la route d'Autriche en Italie, est protégée par une citadelle. -En approchant des côtes du golfe Adriatique, les lagunes s'étendent, et leurs eaux verdâdres et stagnantes répandent leur malfaisante influence sur les habitations dispersées qui les entourent ; partout on voit des visages pâles et des êtres languissants. Bientôt les lagunes et la mer paraissent se confondre, et l'on aperçoit Fenise (en italien Venezia, en allemand Venedig), sortant du sein de la mer, principal élément de sa richesse et de son antique puissance. Au milieu d'un vaste marais, en face d'une des bouches principales de la Brenta, environ 80 îles, qui, réunies par plus de 300 ponts, semblent n'en faire qu'une, forment le sol de Venise, de cette ville, l'une des plus anciennes et l'une des plus singulières de l'Europe. Sa circonférence est de près de 12 kilomètres, un grand canal la divise en deux parties égales, et d'autres canaux bordés de maisons forment ses rues dans lesquelles le bruit inonotone des rames remplace le fracas des voitures. Entre ces canaux, les groupes de maisons qui s'élèvent sont bien divisés par des- rues, mais celles-ci sont si étroites que ce ne sont que des ruelles ou plutôt des passages découverts à l'usage des piétons. Malgré sa position, Venise ne se ressent point de la maligne
influence des lagunes; ici, le mouvement continuel des flots divise l'air et l'assainit. Le sol sablonneux de cette cité ne renferme point de sources ; quelques citernes particulières eL 160 citernes publiques fournissent de l'eau à ses 124000 habitants.
Un immense pont, de 3 605 mètres de long, joint depuis peu Venise au continent Des ponts innombrables qui unissent les diverses parties de la ville, le plus célèbre et le plus beau est celui de Rialto, sur le canal Grande. Les lagunes et les canaux de Venise font sa principale sûreté : les vaisseaux de guerre ne peuvent l'attaquer : aussi, avant l'expédition française qui eut lieu en 1797, nulle armée ennemie n'y était entrée. Aujourd'hui, grâce aux perfectionnements de la marine, les chaloupes canonnières, qui n'ont besoin que d'un faible tirant d'eau, pourraient l'aborder. L'église de Saint-Marc, l'un de ses principaux édifices, n'est cependant ni la plus belle ni la plus grande de Venise, mais elle est la plus riche en ornements ; et l'on a dit avec raison qu'elle ne ressemble à rien au monde. Sa façade, longue et écrasée, présente cinq grandes arcades fermées par des portes de bronze ; au-dessus et tout autour, règne une tribune qui, sur la face principale, supporte les quatre fameux chevaux de bronze qu'on prétend avoir été fondus à Corinthe (d'où ils furent transportés à Athènes), qui servirent d'ornements aux arcs de triomphe élevés à Néron et à Trajan à Rome, qui accompagnèrent Constantin à Byzance, qui furent transportés de Constantinople à Venise au XlUe siècle, et qui, sous le règne de Napoléon 1er, ornèrent la place du Carrousel à Paris, d'où en 1815 ils retournèrent à celle qu'ils occupent. L'église de Saint-Marc est l'un des plus anciens monuments du moyen âge; sa fondation remonte au commencement du xe siècle.
Le faîte de l'édifice est hérissé de pyramides et de statues dont l'ensemble esl bizarre et de mauvais goût; l'intérieur est sombre et surchargé de colonnes, dE statues et de dorures ; le grand autel est celui de Sainte-Sophie, rapporté de Constantinople avec les chevaux de bronze.
La place de Saint-Marc, la plus belle de Venise, peut être mise en parallèle avec les principales places publiques des capitales de l'Europe. Vue de la mer, elle offre un coup d'œil magnifique. Près du quai, deux colonnes de granité, monolithes apportés de Constantinople, mais sans doute égyptiens, et dont l'ui supporte la statue de saint Théodore, l'autre le lion ailé de saint Marc, qu pendant plusieurs années fut à Paris l'ornement de l'esplanade des Invalides; i droite, le palais ducal, dont la lourde architecture a quelque chose du style mauresque ; à gauche, le palais royal, édifice moderne orné d'arcades et de colonnes; l'église de Saint-Marc, la monnaie, la bibliothèque et plusieurs beaux bâtiments, ouvrages de l'architecte Lansorino, forment l'enceinte de cette belle place, qui es à la fois le point de réunion des oisifs et des étrangers, et le théâtre des fêtes publiques de Venise. Sous quelques-unes de ces arcades se succèdent les boutiquei les plus brillantes et les cafés les plus fréquentés de la ville. La partie la plus rap prochée du quai porte le nom de Piazzetta, ou petite place. L'ancienne résidence du doge, le palais ducal ou de Saint-Marc, où siégeaient jadis les redoutables in quisiteurs d'État, édifice qui fut plus d'une fois, comme le sérail de Constanti nople, ensanglanté par les têtes que l'on y exposait à la balustrade extérieure atteste que l'aristocratie armée des lois républicaines peut être aussi sanguinairi que la monarchie armée du cimeterre ottoman. Il faut plus d'un jour pour voii
cet édifice ; nous n'essayerons pas d'en décrire l'intérieur : les statues colossales qui ornent l'escalier, les galeries que décorent les chefs-d'œuvre du Tintoret, du Titien, de Paul Véronèse, du Corrége, d'Alberti; la bibliothèque, composée de plus de 650 000 volumes et de 5 000 manuscrits, plusieurs belles statues antiques, donnent à cet édifice un grand intérêt aux yeux des curieux. On admire le beau portail de Sainte-Marie de Nazareth ; la façade de J'église de Saint-Jérémie, qui ressemble plutôt à un palais qu'à un temple ; le péristyle dé celle de Saint-Simon, et la noble architecture de l'école de Saint-Roch. Les théâtres portent presque tous, ici, le nom de quelque saint : l'un des plus grands est celui de Saint-Luc; celui de Saint-Benoit est consacré aux opéras ; celui de Saint-Ange, à divers genres.
de productions dramatiques; celui de la Fenice, incendié en 1836, mais rebâti, est aujourd'hui le plus beau ; il a coûté des sommes cOllsidérables. Parmi les nombreux palais dont Venise* s'enorgueillit, il en est peu qui ne puissent passer ailleurs pour de belles maisons de particuliers. Cependant, remarquons les palais Trevisani, Pisani, Giustiniani-Lolin, Manfrini, Grimani et Vendramini-Calergi.
Les chantiers et les arsenaux de la marine militaire occupent une enceinte de plus de 5 kilomètres de tour; mais ce n'est plus cet établissement où, du temps de la république, 16 000 personnes étaient constamment occupées. Les deux grands lions de marbre blanc placés à son entrée du côté de la ville sont encore une conquête de Venise ; ils ont été apportés d'Athènes.
Dans quelques siècles, les arrivages du port de Venise seront sans doute encombrés par les sables qui s'y amoncellent. En ce moment, six seulement des nombreux canaux qui sillonnent la lagune peuvent porter des bateaux chargés et mettent en communication avec la terre, et deux, aboutissant à la Giudecca, large canal qui borde Venise vers le sud-est, donnent accès aux navires venant de la haute mer ; 20 000 balises ou pieux en chêne tracent le chenal que doit suivre la navigation.
Nous n'entreprendrons pas d'esquisser le tableau moral de Venise, qui a été décrit mille fois par bien des écrivains, dont plusieurs d'une haute renommée.
C'est, comme on le sait, la ville des intrigues et du mystère. Les romanciers ne se sont pas fait faute de nous transporter dans le dédale de ces rues silencieuses où le calme n'est troublé que par les notes cadencées de la mandoline qu'accompagne une voix mâle et cuivrée, et par le clapotement des Ilots contre les maisons, ou par le bruit monotone de l'aviron frappant l'onde à intervalles rhythmés. On ne peut refuser aux gondoliers de Venise cet esprit naturel qui fait de cette classe d'habitants une population séparée, qui dut longtemps sa force à son esprit de corps : mais ce ne sont plus ces agiles bateliers toujours gais et chantants, entonTiant en chœur les versets du Tasse ; dans leur simplicité grossière, ils ont senti qu'il n'y avait plus de patrie, et leurs chants ont cessé! Ces hommes savent tous lire et écrire ; on peut en dire autant de presque tous les ouvriers de la ville : il est vrai, a ajouté un malin esprit, avec trop de sévérité sans doute, que c'est à peu près à ces seules connaissances que se borne l'instruction des classes plus élevées.
Les bibliothèques publiques sont peu fréquentées. Cette ville, qui a donné naissance aux Algarotti, aux Gaspard Gazzi, aux Goldoni, aux Paolo, aux Bembo et à tant d'autres hommes célèbres, et qui a possédé les imprimeries des Aides, si elle
compte encore aujourd'hui un grand nombre d'esprits éminents, n'est pourtant pas tournée du côté des lettres, comme autrefois. Les Vénitiens ont donc peu de littérature; la musique seule est leur délassement favori. Voici, suivant Siinond, comment les personnes aisées passent le temps à Venise, de leur propre aveu : «Elles se lèvent à onze heures ou midi, font quelques visites ou se promènént par la ville jusqu'à trois heures ; elles dînent, dorment une heure quand il fait chaud, s'habillent et vont au café jusqu'à neuf heures, puis à l'opéra, qui est un autre casino, puis encore au café une heure ou deux, et ne se retirent en été qu'au point du jour. Personne ne lit. Les nobles vivent obscurément et pauvrement dans un coin de leur palais. » Nous pourrions ajouter que ce far niente et cette insouciance ne sont malheureusement pas, dans la Vénétie, le partage exclusif des habitants de Venise. Quoi qu'il en soit, les Vénitiens ont montré en plus d'und occasion que, loin d'être insensibles aux grandes questions de l'Italie, ils pouvaient prêler le concours le plus généreux à la cause de l'indépendance.
Malgré la décadence dans laquelle le commerce de Venise est tombé, cette ville, déclarée port franc, est encore l'un des plus importants entrepôts de l'Italie, Lus entrées des lagunes au moyen desquelles les navires peuvent y arriver, en venant de la mer, sont, du nord au sud, celles qu'on appelle Porto dei Tre Porti, Porto di Lido, Porto di Malamocco, et Porto di Chioggia.
On remarque, près de Venise, des îles nombreuses, dont la plupart sont couvertes de jardins et de vergers. D'abord il faut distinguer celles qui composent la digue naturelle entre la lagune et la mer : ce sont les longues langues de terre (ou lidi), sur plusieurs points fortifiés, de San-Erasmo, au nord, de Malamocco (le Lido proprement), au milieu, de Pelestrina, au sud; puis, dans l'intérieur des lagunes, sont les îles de San-Servolo, avec un hôpital d'aliénés et de blessés, que dirigent des religieux hospitaliers; de San-Clemente, dans laquelle on trouve les ruines d'un ancien monastère; de Poveglia, où est établi le lazaret; de San-Lazaro qui possède un couvent d'Arméniens catholiques depuis 1715; de Mazzorbo, de Torce llo, de Burano, de Murano, de San-Michele di Murano, de San-Cristoforo, enfin l'île de Lazzeretto-Vecchio, où le premier établissement sanitaire (appelé de là lazaret) fut établi pour garantir Venise des maladies contagieuses que pouvaient transmettre les voyageurs venant du Levant. Presque toutes ces îles présentent un puissant intérêt aux archéologues, qui y rencontrent de curieuses ruines, ou des monuments d'une architecture remarquable ; ou bien elles intéressent par leur industrie : Murano offre sa belle église de Saint-Donat, et conserve des manufactures de ces glaces et de ces fausses perles pour lesquelles l'industrie vénitienne fut renommée de bonne heure; Pelestrina montre ses énormes murailles de marbre, construites pour s'opposer aux flots de l'Adriatique.
Venise doit son origine à l'invasion de l'Italie par les Huns, en 452. Les habitants, forcés de se retirer devant les hordes barbares, cherchèrent un refuge dans les îles de la lagune. En 697, une ville fut constituée; l'île de Rialtum (Rivoalto, Rialto) devint la résidence du doge, chef du nouveau gouvernement. Bientôt Venise étendit sa domination sur toute la lagune et sur une partie de la terre ferme. On sait le haut degré de prospérité qu'atteignit cette ville et le pouvoir qu'elle eut un mo-
ment sur les mers. Le pape Alexandre III, qui reçut un généreux asile des Vénitiens en 1177, établit, après la défaite de son ennemi Frédéric-Barberousse, qu'à l'avenir Venise aurait le droit de souveraineté sur l'Adriatique, et donna au doge cette mer pour épouse. C'est en commémoration de ce fait que le chef de l'État, le jour de l'Ascension, renouvelait la cérémonie de ce mariage et jetait solennellement un anneau dans les flots de l'AdriatJque. La république Vénitienne fut dissoute en 1797,
Mestre, à côté et au nord-ouest de Venise, est une petite ville entourée de gracieuses maisons de campagne. — Chioggia, placée au sud de Venise, dans la partie la plus méridionale, des lagunes et au nord de l'Adige, est assez bien bâtie.
Ses habitants, au nombre de 25 000, s'adonnent particulièrement à la pêche : ils ont une physionomie belle et caractéristique. Le Porto di Chioggia est la plus profonde, la plus méridionale et la plus fréquentée des entrées des lagunes de Ve, iiise; elle est défendue par les deux forts de Caroman et de San-Felice.
Au sud de Chioggia, sont les embouchures des deux fleuves principaux qui parcourent la Vénétie : la Brenta, d'abord, dont on a détourné avec intelligence les eaux, pour qu'elles n'encombrassent pas de leurs atterrissements les abords de Venise et dont l'embouchure proprement dite forme le Porto di Brondolo; ensuite l'Adige, dont l'entrée se nomme le Porto-Fossone ; enfin le Pô, que nous avons si souvent cité dans la description de la Lombardie et de la Vénétie et dont les bouches intéressantes vont encore nous occuper î ses embouchures proprement dites, sujettes à de nombreuses variations, sont toutes comprises entre le Porto di Caleri et le Porto di Vblano, dans la baie de Goro. Elles embrassent une étendue de 18 milles géographiques. La plage est, dans tout cet espace, formée par les matières que ce fleuve charrie dans son cours, et qu'il enlève aux terrains de la haute Italie. Ces matières, qui se sont déposées depuis des siècles, ont certaines ment changé la configuration de la côte ; il est presque évident qu'il y avait un grand golfe là où l'on trouve aujourd'hui une large pointe en saillie, de 8 milles environ, vers l'est. Cette terre, dont le point le plus oriental prend le nom de Punta della Maestra, est, en grande partie, marécageuse, couverte de roseaux et entrecoupée d'une infinité de canaux, qui la divisent en une quantité d'îles. Les navigateurs qui vont à Venise doivent s'en tenir à distance à cause des sables.
Le Porto di Caleri est à l'embouchure du Po di Tramontana; les autres branches et bouches du Pô, qu'on trouve successivement en s'avançant du nord au sud, sont le Po di Levante, avec le Porto di Levante ;le Po della Maestra, qui est la branche la plus considérable, mais sans port à son embouchure; le Po della Toile, le Po della Gnocca, le Po di Goro, qui forme, avec la Maestra, la grande île d'Ariano, et qui marque la limite entre la Vénétie et les États de l'Église.
Nous retrouverons quelques branches du Pô dans ces derniers États.
Un chemin de fer traverse toute la Lombardie et la Vénétie de l'ouest à l'est ; Milan, Bergame, Brescia, Peschiera, Vérone, Vicence, Padoue et Venise sont les principales stations de cette importante ligne, à laquelle se rattachent, au nprd, l'embranchement de Milan à Côme et celui de Vérone à.Botzen ; au sud, celui de Vérone à Mantoue. De Venise, part une autre grande ligne qui se porte sur Trévise, Udine et Trieste.
TABLEAU
DES
DIVISIOMS ADMINISTRATIVES DE H LOMBARUIE ET DE Lffl, VÉNÉTIE TELLES QU'ELLES ÉTAIENT DANS LE ROYAUSIE LOMDAnD-VÉNITIE.
PROVINCES. SUPERFICIE POPULATION DISTRTPTq' PROVINCES. en kil. car. en 1851. DISTRICTS.
Lom""Ie.
BERGAME (Bergamo) *196 378123 22 BRESCIA.. 3 393 356225 15 LUJIE ( CC»AO) 2843 423206 26 CRÉMONE (Cn-mono) 136* 204558 9 LODI ETCnEMA. 1 197 218 84 4 9 MANTOUE (Mantova) 2 355 270100 10 1 M il. AN (Htiut.o) 1944 C04 512 16 PIVIE (farta) 1 360 171622 8 SONDKIO OU YALTELINE ; 3278 98550 7 1 TOTAUX 21930 2725740 122 Vén.tU.
BELLUNE (Bêliuno) 3 217 157120 12 PADOUE (pQdo,;a). 2123 312 765 12 R.0V1C0 979 15:1783 5 TrÉVlSE (Trevito) H60 2^6199 10 UDiNv oti FRIOEL italim. 6710 429844 22 Vh-Nisf. (Trursiu) 2 856 298 425 8 VfRONE (Vr'l'Ona). 3040 302902 13 VICEIICE (KKCTUOJ 2 897 340 691 13 TOATOX 23 482 2281732 95
- - ----- .-. --- ------------
DIVISIOHS ECCLÉSIASTIQUES.
Ar.CRI.YÊCllÉ de
MIMN.
Évèclié de Berjîarne.
- llrescia.
- COme.
- Civma.
- Crémone.
- LOlli.
- ManLooe.
- Pavie.
ARCHEVÊCHÉ de
VENISE.
Évêclié de Adria.
- Bellunc et Feltre.
- Ccneda.
— Ciiioggia.
- Cuncordia.
— Padoue.
— Trcvise.
— Udine.
— Véroue.
— Yicence.
DÉPARTEMENTS D11 ROY AIT ME D'ITALIE (de 1805 à 1814) auxquels oorreapouilcnl la Lombard ie et la 'Yéaétle.
DÉPAUTEMENTS. CHEbS-LIEUX. DÉPARTEMENTS. CHEFS-LIEUX. 1 OLONA Milan. 1 ADIGt:. Vérone.
s LARIO Conie. BACCIUGLIONE Yici-nce.
FA ADDA. Sundrïo. - BnEXTA. Faiîoud* M SEKIO He)'g,))ue. AumAT~uE. Venise.
E! MELLA. Brçscia. J; }'!.\YE. lie.
M HAUT-PÔ CI't'IlIUIiC. ,. TAGI.IAMEKTO Tu-viïe.
Mi:.ciu M.II'.LUC. PASSAUIASO Ld.t)'-.
DUCHÉ DE PAUME.
La contrée dont nous allons nous occuper maintenant a fait, autrefois, partie de la Gaule Cispadane et de la Ligurie ; lorsque Charlemagne porta ses armes victorieuses en Italie, il s'empara de Parme et de Plaisance; il en fit, dit-on, donation au Saint-Siège. Plus tard, les deux villes se gouvernèrent en républiques; mais les divisions intestines et les querelles des Guelfes et des Gibelins les firent passer tour à tour au pouvoir des Corrége, des Scaîiger, des Visconti, des Sforce et des papes. Lorsque l'un des plus ambitieux de ces princes de l'Eglise, Jules II, eut organisé, en 1512, la grande ligue des rois contre la France, il se fit donner, par l'empereur Maximilien, les duchés de Parme et de Plaisance. En 1549, Paul 111 en disposa en faveur de son fils, Louis Farnèse, qui fut assassiné deux ans plus tard, et dont les descendants en jouirent jusqu'à l'époque où Élisabeth Farnèse, héritière de cette famille, porta en dot ces deux duchés dans la maison de Bourbon, en épousant Philippe V, roi d'Espagne. Les infants don Carlos, don Philippe, et le fils de ce dernier, en furent successivement possesseurs; mais, en 1805, les deux duchés furent réunis à l'empire Français, et formèrent le département du Taro ; en 1814, ils furent donnés en toute souveraineté, par le congrès de Vienne, à l'archiduchesse Marie-Louise, pour passer, après elle, aux princes de Lucques de la maison de Bourbon-Anjou ou à leurs successeurs.
Dans ces derniers temps, le duché de Parme a été gouverné par le prince Ferdinand-Charles Ill, qui, à sa mort, arrivée en 1854, laissa une épouse d'un haut mérite, la duchesse Louise-Marie-Thérèse de Bourbon, princesse française; la régence, entre ses mains, depuis cette époque, a été marquée par une paix profonde, jusqu'aux événements de 1859, qui, en soulevant tout le nord de l'Italie, ont nécessairement eu beaucoup de retentissement dans le duché.
Le duché de Parme est borné, au nord, par la Lombardie, dont il est séparé par le Pô, à l'ouest par le Piémont, à l'est et au sud-est par le duché de Modène ; sa forme est celle d'un triangle, dont la base est appuyée sur le Pô. Sa superficie est de 6 164 kilomètres carrés, et sa population de 509 000 habitants.
Le pays est plat au nord; mais les Apennins se ramifient dans le duché, en le traversant de l'ouest à l'est. Leurs parties principales y portent les noms de Ragola, Penna, Zuccone, Cento-Croci, Goltero, Corneviglio, Molinatico, Alpe di Succiso, etc. Le point culminant du duché est la Spaggia-Billa, qui est le plus haut sommet des Alpe di Succiso et dont l'altitude est de 2 020 mètres. Le Pô, qui marque la frontière au nord,, a pour tributaires la Bardonneggia, qui limite le duché à l'ouest sur un espace de quelques kilomètres ; le Tidone, sur les bords duquel une armée française et espagnole battit, en 1746, les troupes sardo-allemandes ; fa Trebbia, qui rappelle une fameuse victoire d'Annibal; la ChÍavenna, grossie du Riglio ; FOngina ; le Taro, qui reçoit le SLirone; la Parma, qui passe dans la capitale, et dont un des principaux affluents est la Baganza ; enfin l'Enza, qui sert de frontière à l'est.
Il y a quelques petits lacs dans les montagnes ; citons le Moo, le Bino, le lac de Varsi, le lac de Germio, etc.
Les productions minérales consistent principalement en cuivre, en fer, en marbre et en albâtre; on remarque quelques importantes salines, principalement celles de Salso-Maggiore ; on trouve aussi des serpentines, des agates, de l'huile de pétrole, du cristal de roche, des sources minérales à Lesignano. Le duché compte peu de fabriques : l'industrie est peu active. Il exporte surtout des grains et des bestiaux.
Le climat est salubre et tempéré; les montagnes rendent quelquefois la région méridionale assez froide. Plaisance, qui est dans une des parties les plus chaudes, jouit d'une température moyenne de 12°,2 (Réaumllr). Dans les plus grandes chaleurs de l'été, le thermomètre y dépasse rarement 32 degrés; le plus grand froid de l'hh er a été de — 11 degrés. Les vents qui dominent sont le maestro, le greco et le levante.
L'arête apennine est d'un aspect triste et sauvage; mais les vallées qui s'ouvrent dans ses environs sont riches et d'un coup d'œil agréable ; le sol des plaines est aussi fertile que celui des montagnes est aride et pierreux. Une belle et hâtive végétation étend, au printemps, son gai manteau de verdure dans la partie septentrionale du duché, où l'on cultive, avec succès, la plupart des céréales et des arbres à fruits. De magnifiques pâturages nourrissent de nombreux bestiaux, surtout des vaches, dont le lait est employé pour la fabrication de ces fromages si connus sous le nom de parmesans. On prétend que la race porcine du duché de Parme est la meilleure de toute l'Italie. On élève beaucoup de vers à soie. Le miel et la cire abondent dans les Apennins.
Parme, la Julia-A ugusta des Romains, capitale et la plus importante ville du duché, est située sur le bord de la Parma, rivière qui reste à sec tout l'été. S'il faut en croire quelques écrivains, un bouclier (parma) trouvé sur son emplacement aurait été la cause de son nom ; suivant d'autres, son étymologie viendrait du bouclier rond, appelé parma, dont se servaient les Anamani, anciens habitants du pays. Entourée de vieilles murailles,. Parme, malgré ses richesses, présente un aspect triste ; ses rues sont larges et belles, ses places spacieuses ; mais peu d'habitations se font remarquer par leur architecture. A l'exception de la cathédrale, bâtiment dans le style gothique et d'un aspect imposant, où reposent les cendres d'Augustin Carrache, les églises et les palais sont, en général, aussi simples dans leur construction, aussi modestes dans leurs ornements, qu'ils sont riches en tableaux précieux. Le Baptistère, qui remonte au XIIe siècle, offre un bizarre mélange de sacré et de profane : saint Jean y est placé non loin des statues de Diane et d'Apollon. La Steccata, chapelle souterraine, est destinée aux sépultures des anciens ducs de Parme; elle a de belles fresques du Parmesan (Mazzuoli), ce peintre-graveur, une des gloires de Parme. L'Annunziata., une des églises les plus belles, possède un magnifique tableau du Corrége. Le vieux palais Farnèse, construit en briques, ressemble plus à un couvent qu'à la demeure d'un prince; il renferme l'académie des beaux-arts, la bibliothèque (de plus de 80000 volumes) et le plus vaste théâtre de l'Italie, chef-d'œuvre de Vignole, qui frappe d'étonnement par sa majestueuse construction et par les belles propor-
tions de toutes ses parties : il contient 5 000 spectateurs, et sa coupe est si bien calculée, que de tous les points de la salle l'œil embrasse la scène., et que l'on peut entendre celui qui parle à voix basse sur le théâtre. On regrette qu'un si bel édifice ne soit point utilisé : on n'y joue plus depuis un siècle ; dans une autre partie de la ville, on a construit une salle moins grande, mais d'une belle dimension. Parme possède plusieurs établissements de bienfaisance, ainsi qu'un hospice de la maternité, fondé, en 1818, par l'archiduchesse Marie-Louise. La population est de 36 000 habitants. L'industrie, quoique peu active, compte quelques fabriques de draps et de soieries, et plusieurs typographies, dont une très-célèbre.
Dans la province de Parme, remarquons Calorno (2 000 hab.), résidence d'été de la cour ; — Tornoue ou Fornovo, fameux par la victoire que Charles Vlll remporta sur les Milanais et leurs alliés, en 1495 ; — Salso-Maggiore, si connu par ses salines et ses sources de pétrole. 1 Plaisance, en italien Piacenza, anciennement Placentia, au-dessous du confluent du Pô et de la Trebbia, est d'une forme oblongue, et entourée, comme Parme, de remparts et de fossés; elle est mieux bâtie, les palais y sont plus nombreux; le palais ducal, construit en briques, annonce la puissance des Farnèse et le talent de Vignole, qui en frt les dessins. Plusieurs autres édifices attirent les regards; mais, comme un autre Versailles, Plaisance n'a que des rues
peu animées, dont la principale ressemble plutôt à un chemin qu'à une rue. La place du palais est décorée de deux statues équestres, en bronze, représentant deux princes de la maison de Farnèse. La cathédrale est d'un style lourd et massif; le théâtre est petit, mais élégant. La bibliothèque est assez riche. L'indue trie consiste surtout en lainages et en soieries. Plusieurs palais sont destinés aux beaux-arts et à la culture des belles-lettres. La population est de 30000 habitants,, On croit que cette ville dut à sa situation agréable et à la salubrité de l'air qu'on y respire le nom de Placentia. Deux siècles avant notre ère, elle était au nombre des cités les plus importantes de l'empire Romain. Il n'y reste aucun vestige d'antiquité ; elle fut ravagée pendant les guerres d'Othon et de Vitellius. Le siège qu'elle soutint, en 545, contre Totila, est mémorable : les habitants souffrirent une disette si horrible, qu'ils furent réduits à manger de la chair humaine. Cette ville a donné naissance à Ferrante Pallavicini, ecclésiastique célèbre au xvue siècle, autant par ses écrits que par sa fin tragique ; à Laurent Valla, qui contribua, au xv esiècle, à faire renaître, dans toute sa pureté, la langue latine en Italie; à Grégoire X; enfin au cardinal A lberoni. Les Autrichiens tenaient une forte garnison à Plaisance, lorsque la guerre qu'ils avaient à soutenir contre les Franco-Sardes les obligea à la retirer, en 1859.
Au-dessus de Plaisance, le bourg de Campre-Moldo est le Campo-Morto près duquel Annibal défit les Romains à la bataille de la Trebbia; à 25 kilo.
mètres de la ville, on a découvert, dans le siècle dernier, les restes de Veleia, qui paraît avoir été détruite par un tremblement de terre, et qui est recouverte de plus- de 7 mètres de roches et de terre. Le grand nombre d'ossements, de médailles et d'objets précieux déterrés jusqu'à ce jour, prouvent que les habitants, comme ceux d'Herculanum, n'eurent pas le temps de fuir et furent en-
gloutis avec leurs richesses. On sait que cette cité était le chef-lieu de plus de trente villes ou bourgs, dont les noms, inscrits sur une table de bronze conservée à Parme, sont encore la plupart semblables à ceux d'un grand nombre de village des environs.
Parmi les villes du voisinage, citons Castel-San-Giovanni) situé sur la fameuse voie Émilienne, à peu de distance du Piémont, petit endroit mentionné souvent dans l'histoire et dont les anciennes fortifications ont été remplacées par d'agréables promenades; — Borgonuovo, ville bien bâtie, jadis fortifiée; — Pecorara, qui eut autrefois une assez grande importance.
Borgo-San-Donino (4 000 hab.), placée sur Je Stirone, est ceinte de murailles.
On a découvert, dans ses environs, des ruines que l'on croit être celles de JuliaChrysopolis ou Fidentia. — Borgo di Taro (1500 hab.) s'élève dans le pays montagneux de Val di Taro. — Ponfremoli (4 000 hab.), sur la Magra, est fortifiée et défendue par une citadelle ; elle possède des fabriques de poudre. Elle est dans la Lunigiana, province qui appartenait au duché de Lucques, mais qui est revenu partie à Parme, partie à Modène, par suite de l'ad jonction de Lucques à la Toscane, en 1847.
DUCHÉ DE IIODÈNB.
Le duché de Modène,- situé entre la Lombardie, la Vénétie, le duché de Parme, la Toscane et les Etals de l'Eglise, occupe une longueur de 98 kilomètres sur une largeur de 58. Il est baigné, au sud-ouest, par la mer Méditerranée. Cet État, après avoir appartenu aux empereurs, aux papes, aux Vénitiens, aux ducs de Milan, de Mantoue, de Ferrare, et à quelques petits princes particuliers, appartint, dès le xuie siècle, à la maison d'Este, qui régnait à Ferrare : voilà pourquoi on l'appelle. encore les États d Este (Stati Estense). En 1796, il fut réuni à la république Cisalpine, et fit ensuite partie du royaume d'Italie; mais l'archiduc François IV, de la maison d'Esté, en prit possession en 1814. François V le gouverna à partir de 1846. Les habitants préféraient se réunir à la Toscane; le prince fut forcé de recourir à l'intervention autrichienne. La révolution de Milan, en i 848, eut son contre-coup à Modène. Le duc, effrayé, promit une constitution; mais il dut bientôt prendre la fuite, et ses sujets, par un vote unanime, s'unirent librement au Piémont. Après le désastre de Novare, il rentra dans ses États, et sa conduite envers son peuple ne fut pas plus approuvée que par le passé. Le duc, jusqu'en 1859, a joui d'un pouvoir absolu et a fait peser sur les malheureux habitants un joug pénible. François V, qui s'intitulait archiduc d'Autriche, était complétement imbu de la politique despotique de l'Autriche en Italie ; aussi la population, d'un accord universel, s'est.elle rattachée à l'indépendance dès le début de la guerre de 1859. Le prince s'est prudemment retiré auprès des Autrichiens. Le duché de Modène est divisé, par l'Apennin, en deux parties inégales; le point le plus élevé est le mont Cimoue. Le versant septentrional, beaucoup plus vaste que le versant méridional, est arrosé par un grand nombre de cours d'eau :
le terrain, presque partout plat, ne favorise pas une saine irrigation ; aussi, sur quelques points, rencontre-t-on des marais. La partie méridionale du duché est montagneuse. Le climat est partout tempéré; la terre est fertile et bien cultivée; les principales productions sont le blé, le riz, le maïs, le chanvre, le bois, le vin, - etc. Il y a beaucoup d'abeilles, de gros bétail, de porcs et de volaille; on trouve du fer, du marbre, de l'albâtre, du plâtre, du soufre, du pétrole, surtout dans la région méridionale du duché. Il y a quelques sources minérales, qui furent très-fréquentées du temps des Romains : celle d'iquaria est la plus connue. On trouve, dans le voisinage de Modène, des salses remarquables. La salse de Sassuolo fait des éruptions boueuses, dont une des plus célèbres fut celle de 1835.
Quoique l'exploitation des marbres, la fabrication des soieries et d'autres produits occupent une assez grande quantité d'ouvriers, l'industrie ne peut pas être considérée comme florissante : la valeur des exportations et des importations ne dépasse pas 22 millions.
Parmi les affluents du Pô qui coulent dans le duché, remarquons le Crostolo, Ja Secchiaet le Panaro, qui prend sa source au mont Cimone. Le Serchio, au sud des Apennins, arrose d'étroites vallées et se dirige du côté de la Toscane, où il se jette dans la mer.
Suivant Pline, qui, entraîné par l'amour du merveilleux, tombe dans des naïvetés, on voyait, non loin de Mutina, aujourd'hui Modène, une longue traînée de flammes produite par un mélange d'eau bouillante, de bitume et d'huile bouillante. Ses récits font probablement allusion aux mines de pétrole que l'on y rencontre encore aujourd'hui. « Les forêts de cette contrée, nous dit Strabon, fournissent tant de glands, que les porcs qui s'y engraissent suffisent presque à la nourriture de Rome. » Les porcs modenais et parmesans sont encore fort estimés.
Modène, Modena en italien (l'ancienne Mutina), capitale du duché, s'élève entre la Secchia et le Panaro ; elle était une des plus importantes villes de l'Italie : Appius l'appelle la ville opulente; malgré son antiquité, elle est bien bâtie : ses rues sont ornées d'arcades; elle possède quelques beaux monuments : le palais ducal, dont les collections sont riches, est digne de figurer au premier rang; la cathédrale est surmontée d'une tour nommée Ghirlandina, une des plus hautes de l'Italie : on y garde le seau de bois qui a été le sujet du poëme héroï-comique de Tassoni, la Secchia rapita; les églises Saint-George et SaintVincent ne sont pas dépourvues d'élégance. Les remparts et la forteresse, qui remontent à une date ancienne, ne présentent pas line grande force de résistance.
Une des principales rues est celle qui fut autrefois la fameuse voie Émilienne et qui aboutit aujourd'hui à la place de la cathédrale. L'industrie manque complètement d'activité. Il y a plusieurs établissements d'instruction et de bienfaisance, une bibliothèque de 90000 volumes et des sociétés savantes qui jouissent d'une certaine réputation. Modène a donné naissance au poëte Tassoni et à Gabriel Fallope, l'un des anatomistes les plus célèbres du XVie siècle. L'église de Saint-Augustin renferme les restes mortuaires de Muratori et de Sigonio. La population de la ville est de 30000 habitants. — Vignola, au midi, est la patrie de l'architecte Vignole et de Muratori ; - et Scandiano, près de Modène, a vu naître le célèbre naturaliste Spallanzani. — Sassuolo, sur la Secchia, possède un agréable
château, qu'ont souvent habité les ducs. — Carpi, peuplée de 5 000 habitants, est une place de guerre, défendue par de vieilles murailles. — Mirandola est le lieu de naissance du fameux Pic de La Mirandole, dernier seigneur de la ville, prodige d'érudition et de savoir, qui, à l'âge de dix ans, défiait tous les savants de son temps, et mourait ordinaire à trente et un ans. Mirandola, jadis la capitale d'un duché, fut démantelée après 1746. Sa population est de 8000 habitants.
Guastalla (6000 hab.) est un des points fortifiés les plus importants qu'il y ait sur le Pô; elle a été la capitale d'un duché qui fut adjoint à Parme en t 746.
Donnée par Napoléon à sa sœur Pauline, puis annexée de nouveau au duché de Parme en 1814, Guastalla fut enfin donnée au duc de Modène en 1847. Plusieurs batailles eurent cette place pour témoin : rappelons, particulièrement, un combat sanglant qui eut lieu, en 1734, entre les Espagnols et les Français.
Reggio, l'ancienne Reyium (18 000 hab.), située entre le Crostolo et le Tessone, est une ville forte, qui compte plusieurs établissements d'instruction et de bienfaisance. La cathédrale est d'une belle architecture. La principale rue est celle de la Maestra. C'est la patrie de l'auteur de Roland furieux, l'Arioste. —
Dans les environs de Reggio, la campagne est belle, fertile, et les coteaux voisins sont couverts de maisons de plaisance et de vignes qui se marient agréablement avec des arbres couverts de fruits délicieux. On y remarque le château de Canossa, célèbre par la résidence du pape Grégoire Vil.
Correggio, qui a vu naître le grand peintre Antoine Allegri, connu sous le nom de Corrége, est une ville mal bâtie, et défendue par un château fort. Elle compte 5000 habitants. — Montecchio, bourg de 2000 âmes, est placé à peu de distance de l'Enza.
Pieve-Pelago, dans la province montagneuse de Frignano, s'élève dans une position pittoresque. ■— Castel-Nuovo (3 000 hab.), dans la province montagneuse de Garfagnana, possède d'importantes tanneries. C'est sur les territoires sauvages de ce pays que l'Arioste étendit son autorité de gouverneur, et dans les gorges de ces montagnes qu'il reçut des brigands une singulière ovation.
La province de Massa, qui, sous le nom de Massa-Carrara, formait autrefois un duché indépendant, fut réuni au duché de Modène en 1743. Ce petit coin de l'Italie est un des plus beaux pays que l'on puisse voir; il est difficile de trouver une vallée plus pittoresque que celle du Fiume Frigido, torrent qui descend des montagnes et qu'alimente la fonte des neiges. Dans sa partie la plus élevée, cette vallée est étroite et ombragée par de beaux arbres qui concourent à y entretenir la fraîcheur; à son extrémité, elle s'élargit et devient magnifique.
Alors que les chaleurs de l'été commencent à dessécher les plaines, on voit la neige et la verdure des pâturages former, par l'effet de la perspective, de longues bandes sur le flanc des montagnes. Massa-Carrara, après avoir dépendu de Modène, fit partie de la principauté de Lucques et de Piombino, que gouverna, sous le premier empire, la princesse Élisa Bacciocchi, sœur de Napoléon; en 1814, il reprit le titre de duché et fut restitué à P-archiducbesse Marie-Béatrix ; il retourna, en 1829, à son fils, le duc de Modène.
Massa, peuplée de 9 000 habitants, est petite, mais belle, et s'élève dans une
plaine agréable, à peu de distance de la mer. Elle a des rues larges et bien pavées, et les maisons en sont en général bien construites. Le palais, en marbre de Carrare, est un élégant édifice, entouré de délicieux jardins. On y fait principalement le commerce de marbre blanc, tiré des montagnes voisines.
La petite ville de Carrare (Carrara), qui compte 6 000 habitants, ne doit son importance qu'à ses inépuisables carrières de marbre, exploitées depuis près de 2 000 ans. La plus grande partie des montagnes de ses environs ne sont composées que de marbre. Carrare et les villages de son district renferment 19 000 habitants. Toute la population s'occupe du marbre : les uns comme sculpteurs, les autres comme simples ouvriers; les enfants, les jeunes filles elles-mêmes, gagnent leur journée au milieu des carrières. Il y a, à Carrare, plus de trente ateliers de haute sculpture. L'exploitation du marbre est l'unique cause de l'animation de la ville (1). Les richesses minérales de Carrare sont une source de grand revenu pour le duché de Modène. Des sculpteurs célèbres sont sortis de cette ville : parmi eux, citons les deux Tecca, Danese Cattaneo et Ghirlanda. L'église de Carrare, dit M. de Lavernière, est un monument qui mérite d'être étudié, même après le dôme de Pise, dont elle est une gracieuse réminiscence. — A venza, autrefois Aventia, sur le littoral, fut bâtie, au xue siècle, à l'embouchure de l'Avenza, dont elle est actuellement éloignée de 2 kilomètres; ce fut pendant longtemps le port d'embarcation des marbres de Carrare. Le port est aujourd'hui le village de Marina cTAvenza ou Spaggia d'A venza.
Une portion de l'ancienne Lunigiana, pays dont nous avons déjà parlé dans le duché de Parme, est enclavée dans le duché de Modène. On y voit Fivizzano, place forte, entourée de hauts sommets.
(1) Les carrières de marbre ouvertes à Carrare et à Massa se distribuent ainsi :
Marbres de Carrare. 583 Marbres de Massa. 80 663
Sur ce nombre, on compte 51 carrières de marbres de première qualité, dont 45 à Carrare.
On ne compte en activité que 317 carrières de Carrare et 51 de Massa, soit, en total, 368.
On peut évaluer, en moyenne, l'extraction annuelle à 563 800 quintaux 6 métriques, savoir :
Garrare « « 610 000 quint, mélr.
Massa 53 800 563 800
Ou plus de 56 000 tonnes de 1 000 kilogrammes.
TABLEAUX DES DUCHÉS DE PARME ET DE MODÉ1B,
PARME.
PROVINCES. SUPERFICIE PMUMON - en bectlres. ea iNHt. :
Parme 150716,36 ¥' StJ" ,.,;0{ rtaisance. 161567,31 143 4» Borgo S:m-Donino. 151642,33 134 613: , , , Val di Taro. 107693,03 MOM L' Lunigiana. 41834,76 31636 t TOTAUX 616443,69
Recettes ordinaires (budget de 1859). 8669000 1 981'1000 Jires.
- extraordinaire? 1028 000 j 9 617 M lires. .', Dépenses ordinaires 8 366 000 j „ „q» <ww» - extraordinaires. 10380001 9 »4 oo-o Force atroce, temps de guerre S 673 bonnes.
— temps de paix. 3663 —
4 diocèses : Parme, Plaisance, Borgo San-Donino cl PoDUremoii.
MODÈNE.
SUPERFICIE - rOÏOUtlOTwî#^' I 1 «.Mto.anb. — I en Litom. j , .1. 0. aar
Modcne i 1585,36 313818 193 Ileggio 1898,43 167547 87 Guaslalla. 317,41 Matl «T'*.
Fripn.ino 1052.33 38418 Il
Gatfagnana Mt,M MM IV 1[3sa.,as Il''U ,. 'ta-
Lunfgia'na*..* .* .* .* .* *. ! *. *. *. *. I j «M» «W ** •• TOTAIM. 6031,40 1. allt - m En 1856, la population se divisait en : catholiques, 596 135; protestants, 303 ; Israélites, i M*.
VIhmm - INI.
8413 lit lires de revenus. 8738133 liras de dépenses.
hm iiiéi.
1300 hommes, et, y compris 3 régiments de milice de réserve, 14 - hommes.
CwamrM.
Talear totale des importations et des exportations réunies, environ 32 000 000 de lires.
1 diocèses : Modène (archevêché), Guaslàlla, Carpi, Reggio et Massa.
GRAND-DUCHÉ DE TOSCANE.
Le grand-duché de Toscane occupe une partie considérable de la région moyenne de l'Italie : il se trouve au sud-est du duché de Modène, à l'ouest des États de l'Église, et s'étend, sur un assez grand espace, le long de la Méditerranée proprement dite et de la mer Tyrrhénienne.
La Toscane est renommée par la fécondité de son sol et par la beauté de ses sites ; ses vins sont recherchés : le rouge rappelle celui de Bordeaux, le blanc est plus fin et plus délicat que celui de Sauterne. L'huile est abondante et excellente ; le beau pin pinier, pignon ou parasol (pmuspinea Q\\ piniferà), est un des arbres les plus communs du pays, et ses fruits (en italien pinoli) sont l'objet d'un commerce important ; dans les hautes vallées, la châtaigne est la nourriture habituelle des habitants. L'agriculture est très-florissante; la noblesse donne le bon exemple, en s'occupant, avec beaucoup de zèle et de profit, de l'exploitation du sol. La houille, si rare en Italie généralement, ne manque pas à la Toscane, et se trouve particulièrement à Montebamboli. Le grand-duché a aussi de beaux marbres, des albâtre renommés, du fer, du cuivre, du zinc, du plomb, du mercure, du manganèse, de l'antimoine, du soufre, de l'alun.
Malheureusement, dans cette intéressante contrée, les vents et les inondations détruisent quelquefois les espérances du cultivateur. L'insalubrité de l'air règne dans la partie qui avoisine la mer; le brûlant scirocco y exerce trop souvent sa
funeste influencé. La région la plus malsaine de la Toscane, que l'on appelle la Maremme ou les Maremmes (en italien la Maremma, ou, au pluriel, le Ma remme), parce qu'elle est près de la mer, se fait remarquer par son humidité pestilentielle, autant que d'autres portions du duché le sont par leur richesse et leur beauté. La Maremme s'étend aux environs de Sienne, de Pise et de Livourne, sur une longueur de 43 lieues; sa superficie est de 1 610 kilomètres carrés; sa population est à peine de 15 habitants par kilomètre carré; et cependant c'était, avant la domination romaine, la partie la plus peuplée de l'Italie : c'est là que florissaient les villes étrusques de Rosella, de Saturnia, de Populonia, de Cossa, d'Ancedonia, de Vetulonia, dont il reste encore des murailles, des bains, des amphithéâtres et d'autres antiques vestiges (1). Les déprédations des Romains et les envahissements successifs des barbares l'ont dépeuplée. Dépourvue d'habitants, elle s'est couverte de bois; les eaux, qu'une population industrieuse retenait dans des canaux, ont formé de nombreux marais, dont les exhalaisons produisent les maladies épidémiques qui désolent cette contrée. Avant que les Etrusci, Tusci ou Rhasenœ s'y fussent établis, elle était probablement dans le même état qu'aujourd'hui. Ces peuples ont vaincu les obstacles qu'offrait l'in-
salubrité du sol, et le pays devint florissant. Les Grecs, peut-être même les
(1) Voyez le Mémoire de M. Thaon, sur les moyens propres à encourager la culture dans la Maremma, 1826, et celui de M. Noël des Vergers sur les Maremmes (Lu à la Société de Géographie, en 1858.)
Égyptiens, y établirent des colonies ; l'empereur Claude y avait des maisons de plaisance et des jardins délicieux ; la vigne et les arbres fruitiers s'y propageaient sous l'influence d'un climat brûlant. Ses richesses agricoles ont disparu, et maintenant l'œil n'aperçoit plus que de misérables cabanes de pâtres dans ces lieux mêmes où une population nombreuse s'agitait et se livrait au travail. Les ducs de Toscane ont fait de vains efforts pour repeupler ces terrains marécageux : Côme III fit venir du Péloponnèse une colonie de Maïnotes : en peu de temps elle fut détruite par les maladies ; une colonie de Lorrains y fut appelée, elle eut bientôt le même sort. Ce ne sont point seulement des bras qu'il faut pour rendre ces terres à la culture ; il faut le secours d'hommes instruits dans l'art d'arrêter les funestes effets des exhalaisons pestilentielles sur la santé des habitants; il faut encore la coopération du gouvernement pour dessécher le sol, et les conseils d'habiles agriculteurs sur le choix des plantes qui peuvent y prospérer, et qui, avec de la persévérance, doivent dédommager le cultivateur de ses peines et de ses travaux. Ces moyens ont été mis en œuvre, on doit le reconnaître, et, depuis 1828 surtout, le dessèchement des Maremmes a fait de grands progrès. La plus considérable des lagunes qui bordent les Maremmes, le lac de Castiglione, a été en grande partie desséché. La manière dont la culture se fait dans les parties les moins inondées de ces tristes lieux offre un spectacle remarquable : une foule de travailleurs se hâ* tent de les labourer et de les ensemencer, avec des charrues traînées par des buffles; puis ils les abandonnent, jusqu'au temps de la moisson, où des maissonneurs, en grand nombre, font la récolte avec le plus de rapidité possible et s'enfuient ensuite devant la mal'aria.
Au vie siècle, la Toscane totnba au pouvoir des Goths, qui en furent les maîtres pendant 60 ans. Alboin, roi des Lombards, la leur enleva et l'érigea en duché et fief relevant de sa couronne. Charlemagne, après la conquête de la Lombardie, So imit ce duché-à des comtes qui prirent ensuite le titre de marquis : ils étaient vassaux de l'Empire. Les villes de la Toscane étaient florissantes; elles étaient régies par des magistrats de leur choix. Rome, dans la vue d'affaiblir la puissance impériale, engagea ces cités à former une ligue semblable à celle des villes de la Lombardie : Innocent 111 parvint à ce but. Leur mot de ralliement était r honneur et l'agrandissement du siège apostolique ; elles restèrent longtemps fidèles à leurs engagements. Pise, Sienne et Florence furent les plus importantes de ces républiques ; leurs chefs portaient le titre de gonfalonier. Au XIVe siècle, elles avaient acquis, par le commerce, des richesses considérables; mais la république de Florence s'empara de celle de Pise, et, comme si les États usurpateurs devaient toujours finir par être asservis, bientôt elle perdit elle-même sa liberté, en devenant le domaine de la maison de fédicis, que d'heureuses spéculations avaient rendue l'une des plus riches de la ville. Alexandre de Médicis, avec l'appui de Charles-Quint, fut fait duc de Florence en 1531; son fils obtint du pape et de l'empereur le titre de grand-duc. Après l'extinction de cette famille en 1737, le grand-duché passa au duc de Lorraine, qui céda sa province à la France. Ce duc, parvenu au trône impérial, eut son fils pour successeur; mais la maison de Lorraine fut dépossédée de ce duché par Napoléon 1er, qui en fit le royaume d Étrurie, donné en 1801 aux infants d'Espagne de la maison de Parme; en 1808,
il l'absorba dans l'empire Français, où l'on en forma les départements de l'Arno, de l'Ombrone et du Trasimène ; en 1809, l'empereur créa sa sœur Élisa Bacciocchi grande-duchesse de Toscane; enfin en 1814, l'ancien archiduc rentra en possession de ce pays, e.t l'année suivante l'île dtElbe fut réunie au grand-duché, En 1849, une république remplaça le grand-duc, qui rentra peu après, à l'aidè de l'intervention des troupes autrichiennes; en 1859, par suite de la guerre entre les Franco-Sardes et l'Autriche, la Toscane a forcé son souverain à se retirer et s'est mise provisoirement sous le gouvernement du roi de Sardaigne.
Les monts Apennins couvrent ce pays au nord et à l'est, et y offrent, comme points principaux, le mont de Vernio, le mont Falterona, et les A lpi del Formicone, di Razzuolo, di MüschietO, délia Luna. Le sol est volcanique sur une étendue considérable du grand-duché ; les phénomènes des salses et des lagoni se montrent dans le Volterrois et le Siennois. On trouve de l'acide borique dans ces lagoni, et le volcan du Monte Cerbôli (mont Cerbère), au milieu de ces terrains, rappelle que l'on y a placé l'une des entrées des enfers. Des tremblements fie terre se sont fait sentir assez souvent en Toscane ; celui de 1846 fut un des plus redoutables.
Les principaux cours d'eau de la Toscane sont l'Arno, qui se jette dans la mer Méditerranée proprement dite; YOmbrone, qui Se jette dans la mer Tyrrhénienne près du "lac de Castiglione; le Serdhio, qui Coule dans le nord; le Tibre, qui prend sa source dans ce pays. L'Arno, alimenté par plusieurs petites rivières, peut être considéré comme la grande artère de la Toscane ; il faisait autrefois un long circuit, mais son cours a été raccourci, retenu par des digues, et les terrains qu'il inondait ont été livrés à la culture. Le Val d'Arno, dans les Apennins, où le fleuve prend sa source, était, au temps des républiques de Florence et de Pise, embelli par les maisons de campagne des riches négociants ; aujourd'hui cette jolie vallée est peuplée par un grand nombre de manufacturiers : c'est là que l'on fabrique les toiles qui forment une partie du commerce de la Toscane, et surtout ces chapeaux de paille, si recherchés et si fins.
Le Chiana est une des plus remarquables rivières de l'Italie ; elle coule dans une vallée inclinéej d'un côté, vers l'Arno, de l'autre, vers le Tibre, et qui, dans Sa partie, la plus élevée, c'est-à-dire vers son milieu, offre les lacs de Montepulciano et de Chiusi; ces lacs sont comme le bief de partage de ce canal naturel entre les deux bassins de fleuvés, canal que les hommes ont d'ailleurs amélioré, rendu propre à la navigation, et accompagné surtout de travaux d'assainissement, dont le Val de Chiana, un des plus marécageux de la péninsule, avait grand besoin. Outre la Chiana canalisée, on petit remarquer lé canal de Pise à Livourne, et celui de Pise au Serchio.
Le grand-duché est divisé en 6 préfecturés (êtJmpartimentî), dont nous donnerons plus loin le tableau. Si l'on entre en Toscane par le nord-ouest, en sortant, où duché de Modène, on trouve d'abord l'ancien duché de Lutques, qui a été réuni à la Toscane en 1847. Lucques adopta le gouvernement républicain après la mort de la comtesse Mathilde en 1115 ; cependant ce petit État ne s'était point soustrait à l'obéissance des empereurs, et Louis de Bavière l'érigea de nouveau en duché vers Fan 1316. Son gouvernement changea plusieurs fois de forme ;
mais depuis le xv" siècle, il resta libre jusqu'à l'époque de sa réunion aux États de la princesse Élisa Bacciocchi. En 1815, il fut donné comme indemnité à la famille du duc de Parme, pour être un jour annexé au grand-duché de Toscane.
Les Lucquois sont l'un des peuples les plus industrieux de l'Italie ; c'est ce qu'attestent l'état de leur agriculture, leurs fabriques d'huile d'olive, et leurs manufactures de velours et de soieries. La probité est toujours la compagne du travail ; les montagnards de ce duché jouissent d'une réputation de fidélité, qu'attestent plusieurs voyageurs. La ville de Lucques, en italien Lucca (l'antique Luca), est arrosée par le Serchio. Elle a des remparts et des palais, mais ses remparts ne sont que de faibles fortifications, ses palais ne sont que des édificès à murailles épaisses et à fenêtres grillées comme des prisons. Ses boulevards, garnis de magnifiques arbres, lui servent de promenades; ses maisons à toits pointus et ses rues irrégulières et tortueuses, mais bien pavées, offrent plutôt l'aspect d'une ville du Nord que d'une cité italienne; le bon goût ne s'est même pas réfugié dans ses églises, qui sont ornées d'une manière bizarre et chamarrées de marbres de diverses couleurs; mais leur caractère est curieux : la cathédrale est très-antique, et a de beaux morceaux de sculpture ; l'église de Saint-Jean a un baptistère remarquable ; celle de Saint-Christophe offre une façade intéressante pour l'histoire du style gothique; celle de Saint-Frédian est une anciennebasiliqile des Lombards. Le palais ducal est très-vaste, et orné avec beaucoup de goût. Lucques possède de riches collections historiques, un remarquable aqueduc, l'ancienne académie des Oscuri, et quelques monuments romains. A 10 milles de la ville, ses célèbres bains d'eaux minérales sont très-fréquentés; leur température est de 450 (Réaumur) : elles sont ordonnées contre les rhumatismes et les obstructions.
— Nous signalerons avec intérêt le château de plaisance de Marlia, et la villa Ladarisi, habitée, en 1825, par notre Lamartine, qui a fait du territoire de Lucques les plus séduisantes descriptions.
Pietra-Santa, comprise aussi dans la préfecture de Lucques, est une ville de 8 000 habitants, dans un territoire aussi remarquable au point de vue pittoresque que sous le rapport agricole, aussi intéressant par ses beaux oliviers que par ses trésors minéralogiques : il y a des mines de plomb à Val di Castello, des mines de fer à Terrinca, des mines de mercure à Lerignani, des carrières de marbres statuaires à Stazzema, à San-Giovanni, à la Corchia, à l'A Itissimo, à Sera* vezza; des mines de cinabre à Ripa, dont les collines charmantes ont mérité lE surnom de Petite-Suisse. — Le Pietra-Santino est l'ancienne province de Versilia, dont la capitale, Petra-Apuana, est devenue la moderne Pietra-Santa, - Viareggio, au sud de cette ville, sert de port à Lucques.
L'Arno traverse Pise (Pisa), à un peu plus d'une lieue de son embouchure; cette ville est l'une des plus anciennes de l'Italie ; elle est grande et bien bâtie; ses rues sont; larges et garnies de trottoirs; sa cathédrale-en marbre est dans le style gothique. On admire les trois portes en bronze de son portail, et les 74 colonnes qui soutiennent la nef, dont 62 sont en granite oriental. L'intérieur est un peu sombre; on y voit encore suspendu le chandelier de métal qui, mis en mouvement par le choc d'une échelle que transportaient quelques ouvriers, donna à Galilée (le plus illustre des enfants de cette ville) l'idée du pendule, dont l'inven-
tion est un de ses titres de gloire. Le Baptistère est une église destinée aux baptêmes; sa voûte gothique est si sonore qu'il s'y produit plusieurs effets d'acoustique qu'on ne manque point de faire remarquer aux étrangers : pour peu que l'on frappe le pavé, il retentit presque aussi longtemps, que le tintement d'une cloche; si l'on parle haut, un écho répète plusieurs syllabes de suite; en parlant bas dans l'un des coins de l'église, on se fait entendre distinctement à l'extrémité opposée. Le plus singulier édifice de Pise est le Campanile Torto, ou la Tour Penchée : sa base, ornée de colonnes, supporte six rangs d'arcades surmontés d'une tour d'un diamètre moins considérable que la base; sa hauteur est de 62 mètres; son inclinaison, depuis le pavé de la place sur laquelle elle s'élève, est de 3 mètres jusqu'au sommet. A la vue de ce monument, il est difficile de décider si l'intention de l'architecte, comme on le croit communément dans le pays, a été de le construire avec cette étonnante inclinaison, ou si, comme le pensent quelques personnes de l'art, cet effet n'est que le résultat de l'affaissement du sol. Non loin de cet édifice, les ciceroni vous montrent avec vénération le Campo-Santo, vaste courrectangulaire environnée d'un portique dont les murs sont ornés de fresques. Cet enclos, qui depuis le XIIIe siècle sert de cimetière, renferme, dit-on, sur une superficie de 1 000 mètres carrés, une épaisseur de 3 mètres de terre apportée de Jérusalem à l'époque de la troisième croisade : on a calculé que ce transport a dû employer 50 navires de 300 tonneaux chacun. On prétend que cette terre a la propriété de consumer les corps très-promptement. Pise a une célèbre université, fondée en 1343, avec une bibliothèque de 50 000 volumes, un jardin botanique, etc. —N'oublions pas les bains d'eaux thermales renommés qu'on nomme Bagni di Pisa ; ni Olivetto,. qui possède une importante manufacture de bougie stéarique; ni la chartreuse de Certosa di Pisa, une des plus belles de l'Italie. — On remarque encore, dans la préfecture de Pise, Ponte dera, connue par ses manufactures de toiles, au confluent de l'Arno et de l'Era.
En remontant l'Arno, Florence (en italien, Firenze), l'ancienne Florentia, se présente, dans une vallée délicieuse, avec ses 4 quartiers, de 9 kilomètres de tour, et sa population de 115 000 habitants. Que d'objets d'art dans. cette ville, qui fut pour ainsi dire leur berceau à l'époque de leur renaissance! L'architecture de la cathédrale (Santa-Maria del Fiore) faisait dire à Michel-Ange qu'il ne croyait pas qu'il fût possible d'en - faire une plus belle ; la tour isolée (Campanile) qui s'élève auprès et qui lui sert de clocher, est si riche d'ornements, que CharlesQuint disait qu'on devrait la mettre dans un étui; les trois portes en bronze de l'église du Baptistère sont travaillées avec tant de goût, que Michel-Ange prétendait qu'elles étaient dignes de fermer l'entrée du paradis; la chapelle royale (ou tombeau des Médicis), commencée il y a trois siècles, et qui ne sera probablement jamais achevée, est l'un des monuments les plus remarquables de l'Italie : le jaspe, le lapis, le granité, le porphyre, l'albâtre et les marbres les plus rares y sont rassemblés avec tant de profusion, que c'est moins un monument sépulcral qu'une magnifique mosaïque. L'église de Santa-Croce, dont la brique attend depuis longtemps le marbre destiné à la revêtir, renferme les dépouilles Je plusieurs hommes illustres. Combien de pensées différentes s'emparent de l'âme à la vue des tombeaux de Galilée, d'Arétin, de jlichel-Ange, d'Alfiéri, sculptés par
Canova, et de Machiavel, représenté balançant le poids d'une épée avec celui d'un rouleau de papier! De ces hommes célèbres, deux seulement, Michel-Ange et Machiavel, sont nés dans cette ville : mais combien d'autres personnages illustres elle a produits! Dante, Cimabué, Giotto, Améric Vespuce, Benvenuto Cellini, Guichardin, Villani, André del Sarto, Lulli, Léon X, les Médicis.
On dirait qu'un souffle de génie est venu animer cette belle vallée de l'Arno. Les palais Ricardi, Strozzi, Corsini, Pandolfini, Borghese, Peruzzi, et plusieurs autres appartenant à de riches familles, mériteraient d'être décrits, mais ces détails nou3 entraîneraient trop loin. Le palais ducal, appelé Palazzo Pitti, du nom du gentilhomme florentin qui le fit construire en 1460, porte un caractère de solidité qui lui promet encore des siècles de durée. Il se compose de trois étages élevés ; on y compte 900 appartements; l'intérieur est chargé de dorures et de marbres les plus précieux; il renferme une belle collection de tableaux, ainsi qu'un grand nombre de tables en mosaïques de Florence, qui diffèrent des autres mosaïques d'Italie par les larges plaques ou les tnorceaux en relief dont elles sont formées : quelques-unes ont coûlé à plusieurs artistes réunis 25 ans de travail. C'est dans \me des salles de ce palais que l'on admire la voluptueuse Vénus de Canova. Au lord de cet édifice, se trouve la fameuse galerie de Florence, à laquelle on communique par un corridor de 600 pas de longueur ; c'est là que l'on peut juger de la magnificence des Médicis ! c'est là qu'on admire la célèbre Vénus qui porte leur nom, le groupe de Niobé, et d'autres statues antiques qui furent pendant longtemps les principales richesses du Louvre; c'est là enfin que sont réunis quelques-uns des chefs-d'œuvre des plus grands peintres de l'Italie. Derrière le palais, les jardins appelés Boboli sont admirés des Florentins, qui n'ont point encore perdu le. goût des arbres et des charmilles que les ciseaux ont transformés en murailles de verdure. La place du Grand-Duc est ornée du Vieux Palais (Palazzo Vecc/do), monument gigantesque, ancienne demeure des Médicis, et de la Loggia dei Lanzi, magnifique portique, que décorent de célèbres statues.
Beaucoup d'autres places publiques sont belles, et l'on y compte plus de 150 statues : celle de Sainte-Marie-Nouvelle est ornée de deux obélisques autour desquels on fait tous les ans des courses de chars à la manière des anciens; le Cours (Corso), qui a près de deux milles italiens de longueur, est destiné aux courses de chevaux; les quais de cette ville sont plus beaux que ceux de Paris.
La plus fameuse académie de Florence est celle de la Crusca; on distingue aussi l'académie des Géorgophiles, la société des Scolie Pie, etc. ; plusieurs bibliothèques célèbres offrent, dans cette ville, leur ressource précieuse aux lettres et aux sciences : c'est celle du Palais Pitti, de 80 000 volumes; c'est la Laurentienne (.Lorenziana), renfermant les plus importants manuscrits; c'est la Bicardiana, la Magliabecchiana, la bibliothèque de Maracelli. Il y a un observatoire, un riche musée de physique et d'histoire naturelle; 8 théâtres, dont celui de Pergola est un des plus vastes. Des ponts de Florence, le plus beau est celui Santa-Trinita. - Des châteaux et des maisons de plaisance se groupent, autour de cette capitale, dans les plus délicieuses situations : on peut citer la villa grandducale, nommée le Poggio Imperiale; le Poggio a Cajano, autre villa grandducale, avec on vaste parc ; les Cascine) sorte de ferme grand-ducale, accompa-
gnee de magnifiques allées, rendez-vous des promeneurs florentins; les villas charmantes du joli village de Careggi.
Près et au nord-est de Florence, est Fiesole, l'ancienne Fœsulœ. — Plus loin, en s'élevant sur-les cimes boisées des Apennins, on visite le couvent pittoresque de Vallombreuse ( Vallombrosa).
Si de Florence on se dirige vers le nord en remontant les Apennins, on voit, sur les bords du Bisenzio, Campi, centre d'une grande fabrication de chapeaux de paille; - Prato, ville industrieuse, de 15 000 habitants, où l'on fabrique plusieurs ustensiles en cuivre, des chapeaux de paille, des draps, et dont le marché est l'un des plus fréquentés de la Toscane. On y admire une cathédrale gothique et l'élégante église de la Madonna delle Carceri. — Pistoie (Pistoja) se présente ensuite au pied de l'Apennin, sur la Brana, près de l'Ombrone du nord ; peu de villes en Italie ont les rues aussi larges et aussi droites. Elle formait autrefois une république; elle est connue par ses canons de fusil, son commerce de soie et ses chapeaux de paille. Elle a donné son nom aux pistolets. On y remarque le beau palais de l'évêché, la cathédrale, très-antique, et la coupole de l'église de Sainte-Marie de l'Humilité. -A l'ouest de Pistoie, est Pescia, siège d'une très-active industrie.
— Au sud-est de Florence, en remontant l'Arno, on trouve Figline, célèbre par son vin, son huile, sa soie, ses fossiles. — Empoli est avantageusement placée, sur le chemin de fer de Livourne à Pise, près de l'embranchement de celui qui se rend à Sienne ; ses plaines fertiles sont le grenier de la Toscane, et l'on y fabrique des chapeaux de paille renommés. — San-Miniato, non loin de là, est le berceau des Borromée et des Bonaparte.
A une lieue à l'est de la Chiana, et non loin de son confluent avec l'Arno, on voit Arezzo, ville antique dont le nom latin A rretium dérive, selon quelques auteurs, de celui d'Arretia, surnom de Vesta, et, selon d'autres, du nom oriental Arets, qui peint parfaitement sa situation et qui signifie lieu agréable sur les eaux ; cette ville était célèbre, chez les Etrusques, par ses poteries, son vin et sa fontaine qui rendait des oracles. Son plus bel édifice, les Loggie, comprend la douane, le théâtre, et un portique de 130 mètres de longueur. Que d'hommes célèbres sont nés dans cette ville! C'est la patrie de Mécène, du martyr saint Laurent, de Pétrarque, de Gui ou Guido, qui inventa les notes de musique, de Pierre Arétin, du pape Jules II, de Concini, maréchal d'Ancre. On y compte 10 000 habitants. C'est à huit lieues au nord, dans les Apennins, que l'on voit le fameux cou..
vent de l'ordre des Camaldules, fondé au commencement du Xl" siècle. — Au sud-est d'Arezzo, eortona est bâtie sur le penchant d'une montagne qui domine une belle plaine, bordée par les agréables rivages du lac de Pérouse (Trasimène).
Elle est, dit-on, bâtie sur les ruines de Corythum dont parle Virgile, et qui n'existait plus de son temps. On y voit encore des murailles composées d'énormes pierres qui ne sont liées par aucun ciment, et qui furent élevées par les plus anciens peuples de i'Etrurie. Quoique très-petite, elle possède, depuis - 1726, une académie étrusque qui s'est rendue utile par ses travaux et par ses riches collections. — Montepulciano, au sud-ouest de Cortona, est à l'ouest du lac auquel elle donne son nom; on y remarque une belle cathédrale, l'église de la Madonna di San-Biagio et le palais Buccelli. Les environs ont d'excellents vins. Au
sud de cette ville, sur la route de Florence à Rome, on rencontre les bains de Saint-Philippe (San-Filippo), avec des eaux incrustantes célèbres. — Chiusi, près de la Chiana, est l'ancienne Clusium, une des douze principales villes étrusques, cette capitale de Porsenna, cette place dont le siège par les Gaulois amena la prise de Rome par ce peuple, ce séjour jadis malsain, dont les marais furent funestes à Annibal. Des antiquités étrusques et romaines s'y trouvent.San-Sepulcro est près des sources du Tibre.
Déchue de l'ancien rang qu'elle occupait comme ville républicaine de 150 000 habitants, à celui d'une petite ville de province qui n'en a pas plus de 15 à 20 000, Sienne (Siena), décorée de la triste dignité de capitale du pays de Maremme, ne présente pourtant, comme le fait remarquer M. Simond, aucun.
des symptômes de la décadence, mais au contraire ceux d'une active industrie.
Les rues sont bien pavées et fort propres, les boutiques en grand nombre et bien fournies, les habitants proprement vêtus ; les femmes surtout y sont d'une beauté remarquable et d'une tournure très-gracieuse, même à califourchon sur un cheval on un âne, manière ridicule de monter commune aux dames et aux campagnardes par toute l'Italie. La cathédrale, édifice qui n'appartient à aucun genre, date du XIIIC siècle, oépoque à laquelle le style gothique, dominant au delà des Alpes, ne pénétrait qu'avec difficulté en Italie. Ce morceau d'architecture offre, en conséquence, les piliers grêles du gothique, surmontés de chapiteaux corinthiens avec des voûtes à plein cintre ; mais ce qu'il y a de plus bizarre dans cet édifice, c'est l'aspect de ses rayures extérieures provenant de marbres de deux couleurs en assises alternatives brunes et blanches comme la peau du zèbre. En revanche, le pavé de l'église, fait en 1460, est fort beau et du meilleur goût. 11 n'y a, à Sienne, qu'une seule place, la Piazza del Campo; elle est creusée en forme de bassin, ornée d'une belle fontaine et bordée de palais dans le goût gothique. La ville a pour patronne sainte Catherine de Sienne, qui, née au XIVC siècle et fille d'un simple teinturier, a joué un rôle important dans les affaires ecclésiastiques de l'Italie : elle fut choisie pour engager Grégoire XI à quitter Avignon, et à rétablir le trône pontifical à Rome. Sienne, cité étrusque, reçut d'Auguste, avec une colonie romaine , le nom de Colonia Senensis. C'est la ville de la Toscane où l'on parle l'italien le plus pur, où la prononciation est le plus facile et le plus agréable. Elle a plusieurs académies et une université; ses habitants sont gais, instruits et spirituels ; elle a produit plusieurs personnages célèbres, parmi lesquels on compte sept papes, et Socin, le chef de la secte des Unitaires.
Sienne a donné son nom à une sorte de marbre jaune que l'on tire de ses environs, et à une espèce d'ocre, colorée par un oxyde de fer, qui est très-employée en peinture.
Buen-Convento, au confluent de l'Arbia et de l'Ombrone, a un vieux château où mourut l'empereur Henri Vil. — Colle, dans le Val d'Elsa, est célèbre par ses fabriques de papiers et ses verreries.
En allant de Sienne à Livourne, on traverse la petite ville étrusque de Volterra (ancienne Volaterrœ), dont la population, jadis de 100 000 âmes, est aujourd'hui réduite à 5 000. C'était une des douze principales cités de l'Etrurie. Ses antiquités sont très-remarquables : on cite ses énormes murailles cyciopéennes, ses
portes, entre autres YArco, ses thermes. Parmi les autres monuments, on distingue la cathédrale, le Pubblico, palais du XIUe siècle, qui possède un riche musée d'antiquités. Le voisinage de V olterra est fort intéressant sous le rapport minéralogique: on y trouve les salines des Moje Volterrane, dans le Val Cecina, les mines de cuivre du mont Cattini, les lagoni à borax du mont Cerboli.-De cette ville, presque déserte, on arrive à la populeuse Livourne (en italien Livorno, en anglais Leghorn), qui n'était qu'une bourgade en 1120, et dont la population, aujourd'hui est de 90 000 âmes, en y comprenant celle de ses trois faubourgs. Ses rues sont droites et bien bâties; port franc très-fréquente et ville commerçante, ses principaux édifices sont des magasins, l'arsenal, trois lazarets, dont l'un est surtout important par son étendue et sa bonne tenue, la synagogue (il y a 7 000 Juifs à Livourne); un aqueduc amène les eaux des hauteurs de Colognola. Les monuments les plus dignes d'attention sont la cathédrale, la statue en marbre du duc Ferdinand 1er, représenté en vainqueur, avec quatre esclaves, en bronze, à ses pieds.
Le port, long de 600 mètres et profond de 36 brasses, serait encombré par les atterrissements ou les galets qu'y apporte la mer, sans les soins que l'on prend de les enlever au moyen de pontons destinés à cet usage. Le commerce de Livourne est considérable; un grand nombre de négociants juifs et grecs y sont établis; ses savons sont estimés; on y travaille avec art l'albâtre et le corail. La construction des navires occupe un grand nombre d'ouvriers. Une maladie particulière à son climat est l'ophthalmie : on l'attribue, à tort, à la poussière sablonneuse enlevée par les vents et à l'humidité du quartier appelé Nouvel le-Venise, à cause de ses nombreux canaux; elle paraît être due à la fraîcheur des nuits pendant la saison de l'été. — Grosseto, chef-lieu de préfecture, est sur l'Ombrone, an milieu des Maremmes. — Massa-Afaritima est sur une hauteur d'où la vue est très-belle.
— Orbetello, chef-lieu des Présides, c'est-à-dire de l'ancienne partie es pagnole du littoral toscan, est intéressante par les tombeaux étrusques qu'on y a découverts, et se trouve au milieu d'un lac qui occupe une partie de l'isthme de la presqu'île du Monte Argentaro; sur cette presqu'île même, s'offrent le Porto di Smi-Stefano et le Porf Ercole (Portus Herculis). — Sovana ou Soana, et Saturnia, qui a des eaux thermales, sont deux vieilles cités étrusques. — Piomiino, port franc au sud de Livourne, est situé à peu de distance de l'ancienne ville étrusque de Populonia, qui fut détruite au IXe siècle par le patrice Nicée, et dont on voit encore quelques restes de murailles sans ciment. A quelque distance de ces murailles, on aperçoit des ruines considérables que l'on croit être les restes d'un vaste temple, ouïes ruines de l'antique Vetulonia. Piombino est bâtie sur un rocher ; elle donne son nom à un golfe voisin. L'air y est malsain, et sa population, que la paix et le commerce n'ont point augmentée, est d'environ 2 000 habitants.
De Piombino on découvre distinctement l'île d'Elbe (Elha), qui n'est qu'à trois lieues du continent, dont elle est séparée par le canal de Piombino. Nous en avons fait connaître déjà les caractères physiques. Au xme siècle, elle était soumise aux Pisans ; les Génois la leur enlevèrent. Elle fut tour à tour un objet d'envie pour les ducs de Milan et le souverain des Deux-Siciles, qui la céda à la France en 1801. Sa population est de 18000 âmes, Elle est devenue à jamais célèbre dans
l'histoire par le séjour qu'y fit Napoléon 1er, à qui elle fut donnée en souveraineté par le traité de 1814, et qui la quitta le 25 février 1815, pour revenir en France. Les bois, le sel, le vin, le poisson salé, le fer, sont les principaux objets d'exportation de cette île, dont la capitale est Porto-Ferrajo, ville fortifiée, avec un excellent port sur la côte septentrionale, et peuplée de 4 500 habitants.—Sur la côte orientale, Porto-Longone, petite ville de 1600 âmes, est défendue par une forteresse bâtie sur un rocher : son port est appelé La Marina. — Rio est un autre port, siège principal du commerce de fer de ce pays. — Elbe n'est pas la seule île qui dépende de la Toscane : des îles répandues au sud et au sud-est forment, avec elle, ce qu'on appelle l'archipel Toscan: ce sont Pianosa, Formica, Montecristo, Giglio (avec une petite ville du même nom), Giannutri. Beaucoup plus au nord, en face de Livourne, est Gorgona, habitée par une centaine de pêcheurs.
La Toscane doit aux lumières du duc Léopold Ier la prospérité dont elle jouît encore. En 1772, il avait déjà fait cesser bien des abus : les couvents y étaient beaucoup moins nombreux que dans le reste de l'Italie : on n'y avait conservé que les ordres les plus utiles; l'inquisition n'y était que de nom; la peine de mort y était presque abolie; elle ne fut infligée qu'une fois sous son règne; les impôts furent régularisés; l'industrie et le commerce furent dégagés de toutes leurs entraves ; enfin l'éducation fut encouragée chez la classe populaire. Ces réformes, qui font honneur à l'un des plus grands princes qu'ait eus la Toscane, avaient préparé les esprits à adopter, sans répugnance, les lois françaises ; mais, à la restauration, une partie de la vieille législation a été amalgamée à notre code ; de nouveaux abus se sont introduits, et le peuple toscan, dont la douceur est passée en proverbe, ce peuple, peut-être plus facile à contenter qu'un autre, a élevé des plaintes. Quelles qu'aient été ces plaintes, l'industrie et les travaux de l'intelligence n'offrent pas moins, en Toscane, un tableau bien remarquable. Nulle part, peut-être, en Italie, l'instruction élémentaire n'est plus répandue et l'éducation des hautes classes plus perfectionnée. En outre, les Toscans sont laborieux. Ils fournissent des ouvriers aux contrées limitrophes. C'est par des Lucquois que la Corse est, en grande partie, cultivée. La potasse de Toscane est célèbre; cependant la fabrication tend à en diminuer de plus en plus, par suite de la destruction des bois qui la fournissent. La production, qui s'élevait encore au commencement du siècle à un million de barils, du poids de 640 kilogrammes chacun, n'est plus actuellement que de 700 à 800 barils (448000 à 512 000 kilogrammes) par an.
La meilleure potasse, de la force de 60 degrés, provient des cendres du chêneliége et de celui que l'on appelle cerro; les environs de Sienne contribuent pour la plus forte part à cette production. Les exportations se dirigent surtout vers la Hollande et la France.
La confection des chapeaux de paille d'Italie, spéciale à la Toscane, forme l'une de ses principales industries. Les fabricants, très-nombreux et très-répandus sur toute l'étendue du grand-duché, se trouvent plus particulièrement fixés dans certaines' localités de l'intérieur, telles que les environs de Sienne, de Florence, de Prato, de Pistoja, de Brozzi et de Signa. Ce travail, même dans ce qu'il a de plus délicat et de plus fin, s'exécute avec une étonnante facilité, soit sur le seuil d'une porte, soit durant la marche, sans que l'ouvrière qui s'en occupe paraisse y prêter
grande attention; et sans qu'il la détourne de ses autres soins. La paille à chapeaux et les industries qui en dérivent font vivre, à peu près, un quart de la population de la Toscane; et l'exportation de cette paille, tant brute qu'ouvrée, s'élève à un chiffre très-important, bien qu'elle ait diminué depuis l'invention des chapeaux de Panama La paille à chapeaux provient du blé ou du seigle qui ne donne qu'un épi bas et grêle (1).
La pêche et le travail du corail font partie des principaux objets de l'industrie de la Toscane ; Livourne en est le centre. C'est aussi un entrepôt très-important de plumes d'autruche. La même ville a des fabriques de bouteilles et de fiaschi (flncons garnis de paille tressée). Il y a, à Colle, une fabrique de verre et de cristaux. Les albâtres toscans sont fameux et exportés. avec avantage. Les principales carrières sont celles de Castellina-Maritima. L'industrie de la soie, en Toscane, est très-importante : les fabriques de soieries de Florence passent pour les plus anciennes de l'Europe ; on connaît les étoffes de soie légère qui portent le nom de cette ville.
La production annuelle de la soie peut s'élever, en moyenne, à 700000 livres (la livre toscane = 0 kiloor. 340), représentant 18 millions de lires (13 120 000 fr.).
Signalons. encore, parmi les industries delà Toscane, les savons, dont il y a plusieurs fabriques à Livourne; les cordages, qui sortent de la même ville; la préparation des fruits confits ; le ouvrages en mosaïque, de Florence; les tanneries ; des poteries, des porcelaines estimées ; la sçulpture sur bois ; les bronzes ; les pâtes alimentaires ; les étoffes de coton (hordati), dont les principales fabriques sont à Pise et à Ponte d'Era ; les draps, dont il y a des manufactures à Prato, à Pistoja et à Arezzo. Le commerce est favorisé par de belles routes et par un développement déjà considérable de chemins de fer : une double ligne unit Florence à Pise, l'une par Lucques, l'autre par Empoli. Pise est jointe à Livourne, et, près d'Empoli, un embranchement de la grande ligne méridionale se rend à Sienne.
L'administration du culte compte, en Toscane, 4 archevêchés : Florence, Lucques, Pise et Sienne; et 18 évêchés. L'instruction publique offre l'université de Pise, l'université théologique de Florence, les facultés de théologie et de droit de Sienne, l'école de médecine de Pistoja. Il y a des observatoires à Florence, à Pise et à Sienne; de nombreuses sociétés académiques. Nous avons signalé quelques-unes des belles collections scientifiques, d'antiquités, etc., de cet ingénieux pays.
(1) Les prix des chapeaux yajieïit de 3 fr. à 350 francs, et s'élèvent parfois, lorsque le travail et la finesse sont exceptionnels, jusqu'à, 4 300 et 1 700 francs.
TABLEAUX DE LA TOSCANE
ORIS IOlWS ADllIIIISTnAÏIVES.
PRÉFECTURES (GOMrARlIMENTI ) POPULATION SOUS-PRÉFECTURES ET GOUVERNEMENTS. EN 1858. Préfecture de Florence 112 AQA ( Pistoic 'Pismjii) : 98 092 Sous-préfect. de j San-Mini:ilo 103 575 Roci a SJII Caici.1110 40 693 Préfecture de Lurques 259723 Préfecture de Pise. 182306 Sous-pi éfect. de Voltrrra 4919«> rréfeclure rie Sienne 125 750 Stius-prcfccl. de Montepulciano 64977 Frefcrturc d'Arezzo 219 537 Préfecture de Grosselo 83 859 Gouvernement de Lhoarne. 91741 Gouvernement de l'Ile d'Elbe 22 026 TOUL. 1793967
FINANCES.
BUDGET POUR 1858.
Recettes.
Lins (1 lire = 8i centim.) Impôts directs 7 900 000
Impôts indirects 27 43713° 38870100 Revenu patrimonial 2 997 620 rL<»8°°„77nui,Muu Divers 535 350 ) Vépeiueit Lires.
)Iinisière de l'iiitérieur 2.690985 ] - de la justice 3 475 458 - de la guerre 8 251 G79 IJ - de l'extérieur -228 481 [ — de l'instruction publique 871 644 ( «>» - du culte. 831192 I - des finances, du commerce et des tra- 1 vaux publics 22 518 926 Excédant 1735
FORCK ARMÉE DK TEBRE ET DI MER (en 1858).
17 205 hommes.
IHARIVi: DE COMMERCE (en 1858).
PEPARTl'MENTS BlTlM8MS DlTlHE5TS TOTAL TOTAL.
MARITIMES à voiles TONNEAUX. à voiles TONNEAUX. des des cances. Jallllcs. DillilEMS. TONNEAUX.
LlVODRNE 103 26124 245 6721 348 32845 ILE D'ELBE. 74 11692 155 2786 229 14 478 YI,\I\EGGIO. 7 681 183 9701 190 10382 IPRES ES » » 196 1 :ÎI5 196 1315 TOTAUX 184 38497 779 20 324 963 59020 1
IMPORTATIONS ET ESPORTATIOSS IlU GnAND-DIJCIIÉ.
ANNÉES. IMPORTATION. EXPORTATION. j Lires. Lires.
1851 79 042 453 40 935 640 1852. 79162165 44613437 1S53 111 403 940 57 870 832 1854 *■ 111595351 52036609 1853 90 196 948 69 697149
PERCEPTION DES DROITS DE DOt AIÏE (en 1857).
Le produit des droits de toute espèce s'est élevé, en 1857, à 19159628 lires (16 094 000 fr.), somme qui se décompose ainsi: -
Lires.
Droits de douane 12 331407 Droits de gabelle. 4155.721 Ferme des tabacs 2 672 500
Les dépenses totales d'administration et de perception ont été de 2 592 898 lires. Il est donc resté un produit net de 6 566 730 lires (13 926 000 fr.).
J. ADMINISTRATION RELIGIEUSE*
( Pistoja.
k Fie-ole.
Colle.
(FLORENCE, ayant pour suffragants les évêchés de. < f San-Miniato.
1 f\:m-Miniato.
) V San-Sepulcro.
Quatrc BiximYLxues < LcefUEs.
) PISE, ayant ponr suffragant l'évêché de. Livourne.
I y Chiusi.
Sovana.
f SIENNE, ayant pour suffragants les évècliés de f lœsseto V Massa-Maritima.
f Arezzo.
1 Goriona.
Six évècliés relevant di ectement de Roire. < Vnltena.
Moritalclno.
( Montepulciano.
Pescia.
ÉTATS DE L'ÉGLISE ET RÉPUBLIQUE DE SAINT-MA RI-ft.
Nous entrons dans les Etats de l'Eglise, au milieu desquels est enclavée la république de Saint-Marin : nous commencerons par ce petit État, le plus ancien de l'Europe.
Pendant le ve siècle, un tailleur de pierres dalmate, que sa piété portait à prêcher le christianisme, bâtit un ermitage sur les côtes de l'Adriatique, au sommet du mont Titan : on l'appelait Marino. Son zèle religieux lui fit donner le titre de saint, et, après sa mort, il eut les honneurs de la canonisation. Une ville s'éleva, l'an 600, sur l'emplacement qu'occupait la retraite de san Marino, dont elle prit le nom. Elle se forma en république, se fortifia et acquit deux ou trois petites forteresses dans ses environs. En 1739, les papes la subjuguèrent : c'était une bien faibleconquête; mais peu de temps après, on lui rendit la liberté. Enclavée dans les États du saint-siége, elle est aujourd'hui sous sa protection. Cette petite république, qui avait adopté le protocole suivant en écrivant à celle de Venise : « Alla nostra carissima sorella, la Serenissima repubblica di Venezia, » a vu les plus grands États entretenir avec elle des rapports diplomatiques.! L'empereur Napoléon 1er lui envoya Monge pour l'assurer de son amitié et de ses bons offices ; Louis XVIII, Charles X, Louis-Philippe et Napoléon III ont, à* diverses reprises, renouvelé les mêmes témoignages d'une bienveillance dont la tradition remonte à plusieurs siècles. Elle occupe un territoire de 5 lieues carrées (18 milles italiens, ou 5400 hectares); elle se compose de la ville de Saint-Marin (SanMarino), et de deux villages. Ses produits consistent en vins, principal aliment de son commerce. La souveraineté réside dans un conseil général souverain de 60 anciens (un tiers nobles, un tiers bourgeoisie, un tiers simples propriétaires) ; dans un conseil des douze, choisis parmi ces 60; et dans deux capitaines régents (capitani reggenti), choisis parmi les membres nobles du conseil général souverain, et restant chacun six mois en fonctions. L'administration de la justice est entre les mains d'un jurisconsulte étranger, nommé pour trois ans par le conseil souverain.
La population est de 7 800 âmes. Les revenus de l'État sont de 6000 scudi; les dépenses, de 4 000 scudi. La force armée compte 40 hommes pour la garde du conseil, 50 hommes pour la garde de la forteresse, et 1 300 fusiliers.
Nous devons une place importante, dans cette description de l'Italie, aux États de r Église (Stato Ecclesiastico, Stati della Chiem), cette possession temporelle des papes, qu'on appelle aussi État Pontifical (Stato Pontificio, Stati Pontifcj), États Romains (Stati Romani).
L'influence d'un gouvernement théocratique est si grande sur l'esprit d'un peuple, que, malgré les traits de ressemblance que l'on remarque chez les différentes rl'ations..,de l'Italie, celle des États de l'Église se présente sous un aspect tout particulier ; cet État, sous le point de vue politique, diffère de tous les autres Etats de l'Europe. En effet, une monarchie élective, une puissance qui a pour doV
maine la Terre, où elle n'occupe qu'un point, et pour empire le Ciel, d'où elle regarde les rois comme ses inférieurs, n'offre-t-elle point un tableau digne d'intérêt? Et si l'on considère que le trône de Rome, au moins sous le rapport spirituel, est le plus ancien trône de l'Europe ; que la tiare papale est ornée d'une triple couronne ; que celui qui occupe ce trône, qui ceint cet antique diadème, se fait appeler le successeurode saint Pierre; que, par son grand âge autant que par son rang de prince de l'Église, il a droit aux hommages et à la vénération de ses sujets, et qu'il aspire à ceux du monde entier ; on ne sait comment caractériser cette puissance. Est-ce comme successeur d'un apôtre qu'il revêt la pourpre, qu'il porte les insignes de la royauté, qu'il a des soldats, et que la justice rendue en son nom punit le crime par le sang du coupable? Les deux pouvoirs dont il est revêtu ne paraissent-ils point en contradiction l'un avec l'autre? Ainsi, la pompe royale devrait-elle être accompagnée de l'humble titre de serviteur des serviteurs de Dieu? et pour être au-dessus des rois comme vicaire de JésusChrist, est-il nécessaire d'être un des plus faibles princes de la Terre? Telles sont les réflexions qu'on est tenté de faire en considérant le pape comme réunissant à la fois la dignité de chef de l'Etat et la puissance souveraine. Mais, en remontant vers les premiers temps du christianisme, ce qui nous paraît contradictoire dans un siècle où tous les pouvoirs sont en quelque sorte définis, nous semble avoir été la conséquence de certains faits, le résultat de la force des choses.
La suprématie du siège apostolique de Rome sur les autres Églises remonte à une époque très-reculée : saint Irénée, évêque de Lyon au ne siècle, et saint Cyprien, hêque de Carthage au siècle suivant, l'admirent comme un point incontestable, sans cependant en déduire toutes les conséquences qui en furent la suite. Jusqu'à l'invasion de l'Italie par Pépin, les papes n'eurent aucune puis"" sance politique, aucune possession temporelle : la prétendue donation faite par Constantin à Silvestre 1er est reconnue fabuleuse par les plus habiles critiques et par les ultramontains eux-mêmes. Pépin, maire du palais de Childéric III, voulant appuyer son usurpation du trône de France sur le consentement de la nation et sur celui du chef de l'Église, consulta solennellement le pape Zacharie, qui répondit, comme les anciens oracles, que la couronne appartenait à celui qui exerçait la puissance royale. C'était détruire jusqu'aux scrupules du ministre; celui-ci relégua son maître dans tin couvent et se fit proclamer roi par les Français. Mais lorsque Pépin eut chassé les Lombards de l'exarchat de Ravenne, il en fit don, par reconnaissance, au pape Étienne II. Cette donation fut confirmée et même augmentée du Pérugin et du duché deSpolète, par Charlemagne. Les évêques de Rome, devenus princes temporels, en eurent bientôt l'ambition. Cependant ce ne fut que lorsque leur puissance spirituelle fut parvenue à son comble qu'ils accrurent leurs États : au xi" siècle, l'empereur Henri 111 leur donna le duché de Bénévent au xne, Mathilde, comtesse de Toscane, fit don, au saint-siége, de ses biens composés du territoire de Bolsena, de Bagnarea, de Monte-Fiascone, de Vi.
terbe, de Civita-Castellana, tle Corneto, de Civita-Vecchia et de Bracciano, possessions connues sous le nom de Patrimoine de Saint Pierre. Rome n'était encore que la résidence des pontifes, elle appartenait à eempire; des factions républicaines la déchirèrent : quelques hommes, au-dessus de leur sièclej
essayèrent, vainement, d'y établir un gouvernement libre; enfin ce ne fut que vers la fin du xive siècle qu'elle put être considérée, avec la Sabine, province contiguë à son territoire, comme faisant partie des domaines du saint-siége. En 1532, Louis de Gonzague, général de Clément VII, réunit la Marche d'Ancône aux États de l'Église ; en 1626, le duché d'Urbin, qui avait appartenu à la famille de Jules 11, devint la possession des papes; les dernières conquêtes qu'ils firent furent celles de l'Orviétan, du duché de Castro et du comté de Ronciglione. Ces deux dernières principautés appartenaient au pape Paul 111 ; il les donna à son fils Farnèse, qui devint duc de Parme et de Plaisance; mais, l'un de ses descendants les ayant engagés au mont-de-piété de Rome contre une somme d'argent qu'il ne put rembourser, Innocent XI s'en empara.
La part que le pape, comme prince temporel de l'Église, prit aux coalitions de l'Europe contre la république Française, lui fut plus d'une fois funeste; il est même probable que, si Napoléon 1er eût conservé le pouvoir, les papes se seraient retrouvés dans la position où ils étaient sous l'empire d'Orient. L'invasion des Français en Lombardie et dans les États de l'Eglise força Pie VI à entrer en accommodement le i9 juin 1796. Il fut stipulé qu'il céderait à la France des tableaux, des vases, des statues et 500 manuscrits au choix des commissaires de la république, et qu'il payerait une contribution de 21 millions de francs; qu'il livrerait passage aux troupes françaises ; qu'il ouvrirait ses ports à nos vaisseaux, et qu'il les fermerait aux bâtiments des puissances en guerre avec nous. Ce traité fut bientôt rompu par le pape lui-même. Le 31 janvier de l'année suivante, les Français paraissant affaiblis, Pie VI reprit possession de Ferrare; une lettre interceptée par Bonaparte prouva que Sa Sainteté traitait avec l'empereur d'Allemagne; mais, à l'approche du vainqueur, de nouvelles conditions furent proposées par le saint-siége. Le généralissime français fixa à 36 millions de francs la contribution exigée, et le traité fut de nouveau conclu. Cependant, à la fin de la même année, l'assassinat du général français Duphot, à Rome, fournit au Directoire l'occasion de renverser le gouvernement papal. Le général Berthier reçut l'ordre de marcher sur Rome, et le territoire du saint-siége fut érigé en république; mais cette république éphémère tomba d'elle-même, lorsque les Français évacuèrent l'Italie. En 1808, de nouvelles combinaisons politiques firent réunir les parties septentrionales et orientales des États Romains au royaume d'Italie. Un sénatus-consulte du 17 février 1810 comprit le reste dans les limites de l'empire Français, et déclara que le pape aurait pour résidence Rome et Paris. Mais les événements de 1814 renversèrent ces combinaisons, et le pape Pie VII recouvra toutes les anciennes possessions de l'Église. Depuis lors, l'État Pontifical a été souvent agité par des conspirations et des mouvements révolutionnaires, auxquels des abus trop nombreux et une administration trop attachée aux idées rétrogrades donnaient malheureusement de nombreux prétextes. En vain, Pie IX, dans les iutentions les plus généreuses, essaya des réformes vers 1847 : son ministre Rossi fut assassiné; une révolution renversa le souverain pontife et l'obligea à fuir ; la république fut proclamée; le président de la république Française envoya une armée pour soutenir le saint-père. Rome fut assiégée par les Français, rendue au pape, et a toujours conservé, depuis, une garnison française.
Les États Romains, bornés à l'est par la nier Adriatique, au nord par le royaume Lombard-Vénitien, à l'ouest par les duchés de Modène et de Toscane, au sud-ouest par la mer Tyrrhénienne et au sud par le royaume de Naples, s'étendent de 380 kilomètres dans un sens et de 100 dans l'autre; leur superficie est d'environ 41 660 kilomètres carrés. Les anciennes dénominations de comtés, de duchés et autres, que nous avons rappelées plus haut, par lesquelles on distinguait les différentes provinces, ont été abolies : le pays est divisé maintenant en légations, subdivisées en délégations.
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Vers l'extrémité septentrionale des Etats de l'Eglise, se trouvent les lagunes de Gomacchio et les bouches du Pô; les marais Pontins sont à leur extrémité méridionale. Le nord est un pays riche et très-peuplé; le sud offre un mélange de situations agréables et de campagnas tristes, où règne un air malsain. La population n'est pas, à beaucoup près, aussi dense qu'au nord du Pô : quoique ces États soient aussi étendus que la Lombardie et la Vépétie réunies, ils ne renferment que 3 millions d'habitants, tandis que ces deux pays en ont 5 millions.
Les Apennins divisent la contrée en deux parties distinctes, que nous appellerons la région Transapennine, comprenant la Romagne et les Marches, au nord, entre cette chaîne et l'Adriatique ; et la région Cisapennine, au sud, entre les Apennins et la mer Tyrrhénienne.
Si les Apennins occupent le milieu des Etats de l'Eglise et le couvrent de nombreux rameaux, en y présentant quelques-uns de leurs plus hauts sommets, comme le mont Vettore (2475 mètres) et le mont de la Sibyle (1 965 mètres), .d'un autre côté, il y a des plaines considérables dans les parties voisines des deux mers, surtout aux deux extrémités (septentrionale et méridionale) du pays.
Les cours d'eau principaux qui parcourent les Etats de l'Eglise, sur le versant de l'Adriatique, sont : le Panaro, affluent du Pô ; le Po di Volano, le Po di Primaro, les deux branches les plus méridionales du Pô, qui enveloppent les lagunes de Comacchio, le premier au nord, le second au sud ; le Reno, le Sillaro, le Senio, qui vont se mêler au Po di Primaro ; le Lamone, qui se rend directement dans la mer; puis, en s'avançant au sud, le Montone, qui s'unit au Ronco ; le Favio, le Fiumicino, l'Uso ou Rubicone, la Marecchia, la Foglia, le Metauro, le Cesano, l'Esino, le Musone, la Potenza, le Chienti, le Tenno, l'Aso, le Tronto. Le versant de la mer Tyrrhénienne est sillonné par le Tibre (Tevere), auquel se joignent le Topino, la Nera, grossie du Velino, le Teverone (ancien Anio), le Néstore, la Chiana (unie à la Paglia). Sur le même versant, on voit le Garigliano, formé du Liri et du Sacco, et qui termine son cours dans le royaume de Naples. La mer Tyrrhénienne reçoit encore la Fiora, la Marta, le Mignone. Les lacs de Pérouse, de Bolsena, de Bracciano, d'Albano, se trouvent aussi dans la région Cisapennine.
Le sol est volcanique dans une grande partie de la région Cisapennine. Les principales richesses minérales sont le lignite de Sagliano, l'alun de Tolfa, le vitriol de Viterbe, le soufre, abondant sur plusieurs points ; de la pouzzolane, des marbres, de l'albâtre ; le travertin, le péperin, qui sont employés dans la construction des édifices; le sel, fourni surtout par les salines de Cervia et de Corneto.
Cette contrée est essentiellement agricole, et cependant l'agriculture pourrait
encore y être plus florissante : la région Transapennine est plus particulièrement riche en charivreet en céréales, et la région Cisapennine, en huile ; cependant, les plaines monotones qui entourent Rome se couvrent aussi d'abondantes moissons. Dans cette dernière région, prédomine le système des grandes propriétés, concentrées dans un petit nombre de mains, ou ecclésiastiques, ou laïques ; dans la première, c'est le système des petites fermes qui prévaut. Dans l'une et dans l'autre, du reste, la classe qui accomplit les travaux des champs est plongée dans un triste état : elle est mal nourrie et mal vêtue. Un tiers seulement du territoire pontifical est en culture : sur 4166 297 hectares dont se compose ce territoire, il y a 1 003 000 hectares de terres arables (en blé d'une excellente quantité, maïs,
chanvre, etc.) ; les oliviers et la vigne occupent ensuite une assez grande place : les soins qu'on donne aux premiers sont bien entendus; mais la seconde est négligée, quoiqu'on vante les vins d'Orvieto, de Montefiascone et de Velletri. Les châtaigniers, les pins piniers, donnent d'importants produits ; les mûriers destinés aux vers à soie sont cultivés surtout dans la Romagne et les Marches. Il y a 1 046 800 hectares de pâturages.
Les forêts renferment en abondance des chênes (parmi lesquels le chêne vert et le chêne liège), les frênes, les érables.
L'exemple de l'administration française a provoqué d'heureuses réformes dans les lois, la justice et les finances; mais il y a encore beaucoup à faire sous ce rapport. Pour juger les mœurs et le gouvernement des Etats Romains, visitons surtout la capitale : on peut y prendre une idée d'une grande partie de l'état.moral du pays.
A Rome, la vie habituelle est une espèce de long carême, tant on s'acquitte avec ponctualité des devoirs extérieurs de la religion. Cette grande cité, qui pourrait contenir, facilement, trois fois plus d'habitants qu'elle n'en renferme, est d'un aspect triste, que rendent encore plus frappant ses places spacieuses, ses rues larges et sans mouvement, les religieux et les ecclésiastiques de toute espèce qu'on y rencontre, et les ruines majestueuses que l'on y aperçoit à chaque pas. Il n'est point jusqu'aux marchés qui ne présentent le même calme. Mais ce silence se change tout à coup en une joie bruyante à l'époque du carnaval ; Rome n'est plus la même ville, tant elle acquiert d'activité : tous les rangs sont alors confondus, tous les temples deviennent déserts, et les rues peuvent à peine contenir une population qui s'empresse de quitter ses habitations pour courir après la joie et le plaisir. On voit, pendant ces jours de folie, de jeunes abbés, de graves magistrats, des prélats même, se couvrir d'un costume et d'un masque, et courir les aventures, qui ne manquent point de se présenter; car chez les deux sexes chacun les cherche. Le Cours devient le rendez-vous d'une foule tumultueuse, les équipages s'y succèdent sur deux files, les balcons sont couverts de tentures, une pluie de dragées couvre les piétons et les équipages, aux acclamations d'un peuple de masques de toutes couleurs. A un signal donné, le milieu du Cours devient libre; une foule dev chevaux en liberté, mais aiguillonnés par des plaques garnies de pointes et par une mèche allumée que l'on a la barbarie de leur introduire entre cuir et chair, s'élancent de la place du Peuple et parcourent l'espace, moins pour remporter le prix de la course que pour fuir les instruments de douleur qui les pressent. Aux folies du carnaval, qui rappellent les lupercalés de l'antique
Rome, succèdent, le soir du mardi gras, les moccoletti, petites bougies allumées dont chacun porte un faisceau, et avec lesquelles on se poursuit pour les faire éteindre ou les rallumer. Cette coutume est un reste de la fête que l'on célébrait en l'honneur de Cérès cherchant sa fille Proserpine.
Dans un pays infesté de brigands, avec lesquels le gouvernement a souvent transigé, au lieu de les soumettre, on doit croire que la police est aveugle ou sans vigilance : cependant il en est peu où elle soit mieux faite qu'à Rome : point de rixes, point de vols, point de ces petits brigandages si communs dans les villes populeuses, et qui, au sein de la foule, font disparaître les mouchoirs et les montres. Il y est bien quelquefois question de quelques coups de stylet, mais ils sont toujours provoqués par la jalousie et non.par la cupidité. Les rues de Rome ne sont point souillées par ces êtres dégradés, tolérés partout comme une lèpre nécessaire, et dont la vue est un sujet de tentations pour le vice et de scandale pour la vertu : les filles publiques en sont impitoyablement proscrites, ou du moins elles ne peuvent point y étaler leur honteuse effronterie ; et l'on doit dire, à la louange du gouvernement papal, que, pour extirper autant qu'il est en son pouvoir la licence et la débauche, il a tout fait pour favoriser les unions légitimes.
Les mariages -secrets n'y éprouvent aucune entrave. A Rome, celui qui abuse de la crédulité d'une jeune fille, est condamné à l'épouser ou à passer cinq ans aux galères. Dans la plupart des contrées de l'Europe, on a senti tout ce que le jeu de la loterie a d'immoral : à Rome, ce funeste impôt, levé sur l'ignorance et la misère du peuple, est sanctionné par le gouvernement.
Le gouvernement des États Romains est une monarchie théocratique élective : le pape est élu par les cardinaux de toute l'Église catholique réunis en conclave ; il doit être Italien, cardinal, âgé d'au moins cinquante-cinq ans, et n'être attaché par aucun lien à un souverain étranger. Il a un pouvoir absolu. Son ministère et son administration se composent de cardinaux ayant chacun un département, et de laïques auxquels on confie différents emplois dans la magistrature et le commandement militaire. Les principales fonctions remplies par des cardinaux sont celles de camerlingue, ou de ministre des finances : il préside la chambre apostolique, chargée de l'administration des revenus de l'Etat, exerce l'intérim du pouvoir pontifical pendant les vacances du saint-siége ; celles de secrétaire d'État, dont les attributions consistent à correspondre avec les nonces et les légats : c'est en quelque sorte le ministre des affaires étrangères ; celles de dataire, chargé de la nomination aux bénéfices, des dispenses et des annates ; celles de vicaire, qui, outre les fonctions épiscopales qu'il exerce dans Rome, remplit celles de ministre de la police : il est chargé de tout ce qui regarde les mœurs et les affaires relatives aux Juifs ; celles de chancelier, dont le titre indique suffisamment les fonctions ; celles de pénitencier, chargé des absolutions ; celles d'auditeur, qui a dans son département la justice, les affaires contentieuses - et l'examen le ceux que l'on propose pour l'épiscopat ; enfin celles de secrétaire des brefs, càargé de l'expédition de toutes les dispenses. La consulta d'État rappelle lotre conseil d'Etat. La consulta des finances est chargée de préparer le budget, de réviser les comptes de dépenses et de recettes; elle est composée de 10 membres laïques (un par délégation), et de 6 ecclésiastiques. Différentes
assemblées de cardinaux portent le nom de consistoires et de congrégations ; dans les premiers, on traite de la nomination des nonces, des légats et des évêques; dans les secondes, on examine les procès des assassins sans préméditation, qui réclament le droit d'asile ou d'impunité, après s'être réfugiés dans une église ; les plaintes du peuple contre les gouverneurs ; les qualités de ceux qui sollicitent la noblesse, et autres questions analogues. La congrégation des rites fixe les cérémonies de l'Eglise, et confère, après un examen d'usage, l'honneur de la canonisation. La principale de ces congrégations est celle de l'Inquisition ou du Saint-Office, qu'assiste celle de V Index, établie pour examiner les livres réputés dangereux. Une réunion de cardinaux forme encore le tribunal appelé la Segnatura di Giustizia ; ses fonctions consistent à prononcer sur les récusations et sur les appellations : c'est une sorte de cour de cassation.
Enfin le dernier tribunal, composé de prélats et de cardinaux, est la Segnatura di Grazia, prononçant sur les recours en grâce adressés au pape, qui le préside.
Le tribunal civil de la Rote (liota) est une cour d'appel très-célèbre et très-ancienne, composée de 12 membres, établie à Rome et dirigeant la justice de la partie cisapennine des États de l'Église : elle est consultée sur l'interprétation à donner aux décrets pontificaux, et relativement aux affaires qui concernent les pays étrangers : alors elle devient tribunal extraordinaire. Deux autres cours d'appel, ou consulta, siègent à Bologne et à Macerata. Il y a un tribunal de paix dans chaque district, et un tribunal de première instance'dans chaque délégation. —Les Etats de l'Eglise comprennent quatre grandes légations, et, de plus, la comarca de Rome, qui se subdivisent en 20 délégatiolls. Un cardinal légat, assisté d'un conseil de 4 membres, administre les premières; un cardinal déléyat, avec un conseil de 4 membres , dirige les secondes. Les délégations se subdivisent en districts, cercles et communes. Celles-ci sont administrées par un gonfalonier et un conseil d'anciens, nommés par le pape, et par un conseil municipal élu par certaines classes de citoyens. A Rome et à Bologne, les gonfaloniers se nomment sénateurs* et les anciens, conservateurs. Il y a 8 archevêchés et 61 évêchés, sans compter Rome, dont le siège épiscopal est à Saint-Jean de Latran : des sièges épiscopaux sont établis jusque dans de simples villages.
L'instruction publique offre un tableau peu satisfaisant ; les établissements sont nombreux, mais l'enseignement très-limité ou peu suivi. On doit cependant nommer 4 universités : celle de Bologne, si ancienne et si renommée; et celles de Rome, de Ravenne et de Macereta. Depuis Léon XII, les plaidoyers ne se font plus en latin, mais dans la langue nationale. La torture, ce moyen ignoble qu'a trop longtemps employé la justice, est abolie.
Les Romains, et en général tous les sujets du pape, offrent Je type de la superstition. Ils remplissent scrupuleusement les devoirs extérieurs de la religion ; mais autant le gouvernement papal se montre rigoureux à l'égard de ses sujets sur les pratiques du culte, autant il professe la tolérance la plus illimitée à l'égard des étrangers. Enfin, quels que soient ses principes, tout homme peut mourir avec sécurité : son corps, transporté à l'église, n'y occasionnera aucun scandale ; pourvu qu'il paye, il y sera reçu avec les honneurs que la religion réserve après leur mort à tous les chrétiens. 1
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On a beaucoup parlé des sigisbées ou des cavaliers servants du beau sexe, qui avaient autant de crédit à Rome que dans toute autre grande ville de l'Italie. La ridicule et ignoble tolérance des maris à cet égard paraît s'être lassée, et les mœurs, sous ce rapport, se sont améliorées.
Un gouvernement tout à fait pacifique comme celui de Rome pourrait se consoler de sa nullité politique, par la protection et l'encouragement accordé aux lettres, aux sciences et aux arts; mais malheureusement tout sommeille à Rome.
Les sciences y sont moins cultivées que dans tout le reste de l'Italie ; cependant, cette ville, qui renferme tant de trésors d'archéologie, a produit de savants antiquaires. Ses académies littéraires ne jouissent pas d'une grande réputation. La littérature théâtrale ne peut être encouragée dans une ville où il n'est pas pprmis de représenter les tragédies d'Alfiéri ; où les théâtres (dans lesquels les princes de rÉglise peuvent paraître sans scandale) ne sont généralement ouverts que pendant quelques jours qui précèdent et qui suivent le carnaval. L'école romaine de peinture ne compte plus un seul nom digne des beaux jours de FUaiie, et, sans les anciens chefs-d'œuvre dont la ville est remplie, l'Académie française des beaux-arts serait tout aussi bien établie ailleurs; le seul art dans lequel Rome excelle est celui des mosaïques. Dans les hautes classes de la société, l'ignorance et le désœuvrement sont trop communs ; les jeunes personnes et les femmes, pour se dédommager du temps qu'elles ont passé dans les couvents, ne s'occupent que de JectÜrcs aussi frivoles que dangereuses. Le peuple de la ville sait lire et écrire, mais ces connaissances sont. rares dans les campagnes..
Outre les mosaïques de Rome., l'industrie des Etats de l'Eglise nous offre, sur une échelle bien restreinte, les tissus communs de -laine' de la même ville, de Spolète, de Matelica; les chapeaux de feutré et les. soieries communes de Rome encore, de Bologne, d& Camermo, de Pérouse; les tanneries, la gantel'ie, les cordes à boyau, les bougies, la colle-forte, les parchemins, les cordages, les papiers, les savons, la crème de tartre, quelques raffineries de sucre, quelques fabriques de produits chimiques, un petit nombre de forges.
Le commerce n'est pas plus brillant que l'industrie : les routes sont dans un état généralement déplorable; les chemins de fer projetés de Rome à Ancône, d'Ancône à Bologne n'avancent pas ; il n'y a d'exécutés que- ce'ui de Rome à Frascati et à Albano,'et celui-de Rome à Civita-Vecchia..-II se tient, à Sinigaglia, des foires très-importantes. Les principaux ports de commerce sont Ancône et Sinigaglia, sur la mer Adriatique; et Chita-Vcccia, sur la m or Tyrrhénienne. On exporte .principalement deschanvres, des céréales, - des laines, du bois, du soufre, de la potasse, des soies gréges, des peintures, des sculptures, des mosaïques. Les exportations ne s'élèvent qu'à 52.000 000 de fr.; les importations présentent à peu près la même valeur.
Ancône et Civita-Vecchia sont les ports militaires de l'État Pontifical : la marine militaire ne consiste qu'en une goélette et treize chaloupes armées pour le service de la douane. On verra plus loin, dans les tableaux, la composition de l'armée papale. Nous dirons seulement ici qu'il y a trois divisions militaires, dont les chefs-lieux sont Rome, Ancône et Bologne; que les places fortes des États
de l'glise sont Ferrare, Ancône, le château Saint-Ange, Civita-Vecchia, Comacchio, Civita-Castellana et San-Leo.
Rome est située au milieu d'une vaste plaine, qui s'étend depuis la mer jusqu'aux Apennins. Elle est sur les deux rives du Tibre, et a un circuit de plus de 22 kilomètre, marqués par un mur d'enceinte ; mais les deux tiers de cet espace, à l'est et au sud, sont occupés par des vignobles, des champs de blé, des maisons de campagne et leurs jardins. Le Tibre la parcourt du nord au sud, en y dessinant de grands circuits et en y formant l'île de Saint-Barthélemy ; la partie située à l'est du fleuve est la plus considérable : on y remarque les sept fameuses collines sur lesquelles était bâtie l'ancienne Rome, c'est-à-dire les monts Capitolin, Quirinal, Viminal, Esquilin, Palatin, Aventin et Cœlius (aujourd'hui Celio).
Il faut y ajouter le mont Pincio, l'ancienne montagne des Jardins, au nord-est.
La partie placée sur la rive occidentale ou droite du Tibre est appuyée sur deux collines, le Jank nie (Gianicolo) et le Vatican. Vers l'extrémité nord de la partie orientale de la v. !le, est la belle place du Peuple; c'est de là que partent les trois rues principales de Rome : le Cours ou Corso, qui va au sud, et qui est la promenade favorite de) Romains; lastrada di Ripetta, qui se dirige au sud-ouest; et la strada del Babiiino, qui va au sud-est. Non loin de la place du Peuple, au sudest, est la place (l'Espagne, bordée d'hôtels habités par des étrangers de distinction ; la place Navona, vers l'extrémité de la Ripetta, est très-grande et ornée d'une très-belle fontaine. Dans le nord de la partie occidentale de la ville, c'est-àdire dans le riche quartier appelé Il Borgo ou la cité Léonine, on admire la place de Saint-Pierre, la plus magnifique de Rome.
En entrant dans cette ville, on a d'abord de la peine à se croire dans l'orgueilleuse capitale de l'ancien empire Romain (i); la Rome des papes recouvre en quelque sorte la ville des empereurs, dont quelques monuments restés debout, malgré les ravages du temps, des barbares et des chrétiens, attestent çà et là son antique existence. Le sol moderne est tellement élevé au-dessus de l'ancien, que la roche Tarpéienne n'a plus que 8 ou 9 mètres de hauteur, et que le pavé d'une petite église bâtie au pied du mont Palatin est juste au niveau du faîte du temple antique élevé à la place où l'on prétendait que Rémus et Romulus avaient été allaités par une louve. 11 a fallu creuser une vingtaine de pieds pour mettre à découvert la base de la colonne Trajane; il a fallu déterrer plus de la moitié du piédestal de l'arc de Constantin pour pouvoir juger dans son entier ce monument si peu dégradé, et qui, bien qu'il appartienne à l'époque de la décadence de l'art,
(i) « 0 Rome! s'écrie lord Byron, ma contrée de prédilection, cité de l'âme, que les orphelins du cœur viennent te contempler, mère délaissée des empires qui ne sont plus, et qu'ils renferment dans leur sein leurs chétives misères ! Que sont nos infortunes et nos angoisses ! Venez voir ces cyprès et fouler sous vos pas des trônes brisés, des débris de temples, vous dont les agonies sont des douleurs d'un jour! Un monde est à nos piedg, aussi fragile que nous-mêmes ! Rome, cette Niobé des nations, la voilà debout, sans enfants, sans couronnes, sans voix. Une urne est dans ses mains flétries, mais la cendre sacrée en est depuis longtemps dispersée." Les sépulcres eux-mêmes ont perdu leurs héroïques habitants, et la tombe des Scipions ne renferme plus leur poussière. Peux-tu couler, vieux Tibre, à travers ce désert de marbre! Soulève tes flots jaunes pour cacher sous ce manteau la misère de Rome. »
n'en est pas moins d'un grand intérêt aux yeux de l'antiquaire. Un bel obélisque égyptien chargé d'hiéroglyphes était recouvert de 5 mètres de terre au milieu des ruines du Grand Cirque, lorsque Sixte-Quint le fit déterrer et en orna la place de Saint-Jean de Latran. L'arc de Septime Sévère était enterré jusqu'à la moitié de la hauteur de la porte principale. Depuis la Renaissance, on a rendu au jour environ 1500 statues, enfoncées dans ce sol de décombres, et l'on en a formé les admirables collections du Vatican et du Capitole.
L'un des plus beaux monuments de la grandeur romaine, le mieux conservé surtout, c'est le Panthéon, élevé par Agrippa en l'honneur de tous les dieux. Sa voûte, parfaitement ronde, est égale en hauteur à son diamètre, comme si l'on avait voulu imiter la sphéricité que présente le ciel. L'intérieur de l'édifice a 45 mètres de diamètre; il est éclairé par une ouverture ronde, de 26 mètres de circonférence. Précédé d'un beau portique de 16 colonnes de granité, et couronné d'un fronton porté sur 8 colonnes, on a pu facilement le transformer en une église. Aujourd'hui, à la place des dieux de l'antiquité, on y voit les tombeaux de Raphaël et d'Annibal Carrache, et les bustes de Palladio, de Winckelmann et de Nicolas Poussin. On monte sur la Rotonde (c'est le nom moderne de cet édifice) par des degrés, jusqu'au cercle de l'ouverture. Au temps de la puissance romaine, ce dôme était revêtu de bronze : Constance Il est le premier qui en ait fait enlever une partie pour l'envoyer à Syracuse ; le reste a été employé dans le fameux dais de l'église de Saint-Pierre, et à faire les canons qui défendent le château Saint-Ange.
L'amphithéâtre Flavien, que ses proportions gigantesques ont fait appeler Colosseum, le Colisée, est moins bien conservé que le Panthéon; le pape Pie VI a fait élever au milieu de l'arène une croix et 15 autels à la mémoire des martyrs que l'on croit avoir péri dans son enceinte. 12000 Juifs, emmenés captifs par Vespasien après la prise de Jérusalem, ont commencé cet édifice, qui coûta d'abord une somme égale à 50000000 de francs, et qui fut achevé par Titus. Sa circonférence extérieure est de. 325 mètres; l'intérieur en a 187 de longueur et 156 de largeur; il pouvait contenir 80000 spectateurs. Lorsque Titus ouvrit pour la première fois cet amphithéâtre, on y vit paraître un nombre incroyable d'animaux de toute espèce : des renards, des lions, des tigres, des éléphants, des cerfs et des gazelles ; en un seul jour il en périt plus de 5 000 dans les combats.
L'arène fut quelquefois transformée en une petite mer d'une vingtaine de pieds de profondeur, dont l'eau arrivait par 80 ouvertures, et sur laquelle on donnait au peuple romain le spectacle d'un combat naval.
On visite avec un intérêt particulier le Colisée au clair de lune. Rien ne produit un effet plus magique que la clarté de l'astre des nuits sur ce bel amphithéâtre : il semble que l'on va voir sortir de ses sombres vomitoires les ombres des malheureux gladiateurs qui venaient combattre à la vue d'un peuple habitué à de sanglants spectables.
Le plus ancien monument de Rome, un monument del'époque des rois, est la Grande Cloaque (Cloaca Maxima) , égout immense construitparTarquin l'Ancien.
Le Vatican, qui tient à l'église Saint-Pierre, est une réunion de plusieurs édifices qui occupent une superficie plus considérable que les Tuileries et le
Louvre réunis. Son intérieur renferme 20 cours avec leurs portiques, 8 grands escaliers, 200 petits, et 1200 appartements; l'escalier qui conduit à la galerie des Antiques a servi de modèle à celui du musée du Louvre, mais on s'accorde à donner la préférence à ce dernier. La chapelle du Vatican est cette fameuse chapelle Sixtine, si richement décorée, et dont l'un des plus beaux ornements est le célèbre tableau du jugement dernier, peint à fresque par Michei-Ange. La bibliothèque renferme 100 000 volumes imprimés et 25 000 manuscrits, la plupart extrêmement précieux. C'est encore dans ce palais que l'on admire les célèbres Stanze et Loggie ornées des peintures à fresque de Raphaël. Un petit bâtiment qui communique au palais par deux longues galeries domine Rome et ses environs jusqu'aux Apennins; la belle vue dont on y jouit lui a fait donner le nom de Belvédère : c'est là que l'on a replacé, sous un jour beaucoup plus favorable qu'au Louvre, cette statue d'Apollon, chef-d'œuvre du ciseau antique, et, dans d'autres chambres, le Laocoon, le Torse et l'Antinous. Le Vatican est la résidence du pape pendant l'hiver; le palais Quirinal a été longtemps sa résidence d'été. La forme de ce dernier est irrégulière, mais la beauté de son intérieur, ses magnifiques points de vue et ses jardins en fout une demeure qui joint l'agrément à la magnificence. C'est là que se tiennent les conclaves. Sous le gouvernement de Napoléon Ier, il avait été destiné au jeune prince qui reçut le titre de roi de Rome. Ce palais porte le nom du mont Quirinal, sur le sommet duquel il est bâti. On lui donne aussi celui de Monte-Cavallo, parce que devant sa façade on voit deux groupes en marbre représentant chacun un cheval de proportion colossale, conduit par un jeune homme qui semble le dompter. Entre ces deux groupes, qui sont antiques, s'élève un obélisque égyptien de porphyre rouge. Une belle fontaine, dont les eaux retombent dans un bassin de granite oriental de 25 mètres de circonférence, et taillé dans un seul bloc, occupe le centre de la place.
La moderne Rome a aussi son Capitole (Campidoglio); mais ce n'est plus cette montagne où les maîtres du monde allaient rendre grâces à Jupiter Tonnant, dont le temple dominait la ville, et près duquel s'élevait le Tabularium, édifice sacré renfermant les décrets du sénat, gravés sur des tables de bronze. Ce n'est qu'une petite colline dont les bâtiments sont la résidence des magistrats municipaux. On y monte par un escalier construit par Michel-Ange, et bordé de deux balustrades au bas desquelles deux lions de basalte jettent de l'eau par la gueule. Le sommet de ses rampes est garni de deux groupes, dont l'un représente Castor, et l'autre Pollux, tenant chacun un cheval par la bride. On est choqué à la vue de ces deux hommes d'une si haute stature, retenant'deux chevaux de si petite taille. Près de ces groupes, on voit deux trophées, puis deux statues des fils de Constantin, et enfin deux petites colonnes. Les deux côtés de la balustrade sont terminés par deux bornes miliaires : celle de gauche était la première sur la voie Appienne. L'escalier conduit à une place. En y arrivant, on voit le palais du sénateur en face; à droite, celui des conservateurs, et à gauche le musée des antiques. Ces bâtiments sont aussi l'ouvrage de Michel-Ange, qui fit mettre au milieu de la p!ace la statue en bronze de Marc-Aurèle, la plus belle statue équestre antique. Le Capitole renferme aussi de précieuses collections de ta-
bleaux. Dans une de ses salles se réunit l'académie des Nuovi Lincei. Beaucoup d'obélisques ont été apportés d'Egypte par les empereurs : plusieurs ont été redressés par les papes, et particulièrement par Sixte V. Du haut de la tour du palais sénatorial, on voit, à l'opposé de l'escalier qui conduit au Capitole, le Campo Vaccino. Cette vaste place, couverte de ruines, - est maintenant le marché aux vaches : c'était jadis le Forum Romanum. A l'endroit où l'on rassemble les bestiaux, le peuple romain venait prendre part aux affaires publiques; ici la voix éloquente de Cicéron révélait à ses compatriotes la conspiration de Catilina; plus loin, le gouffre dé Curtius rappelait le dévouement patriotique d'un Romain généreux : ce gouffre n'est plus qu'une petite mare. Non loin du Monte Citorio, se voit la colonne Antonine, surmontée d'une statue de saint Paul. Au milieu du Foro Trajano, s'élève la colonne Trajane, plus belle que la précédente et élevée de 44 mètres; elle est surmontée de la statue de saint Pierre. Plus loin, sur la rive droite du Tibre, le tombeau ou Môle d'Adrien est devenu le - château Saint-Ange; le pont qui y conduit et qui porte le même nom, est l'antique pont Elius, bâti par Adrien; les deux statues qui se trouvent à l'entrée sont celles de saint Pierre et de saint Paul ; les autres représentent des anges. Parmi les anciens monuments, signalons encore les Thermes de Néron, de Titus, de Caracalla, de Dioclétien, d'Antonin, qui n'offrent, la plupart, que des ruines informes; le portique d'Octavie; le Grand Cirque, qu'il est difficile de reconnaître; l'arc de Drusus; le théâtre de Marcellus; le cirque de Caracalla.
Sur le flanc du mont Capitolin, on admire les colonnes du portique des dieux Consenti; le mont Aventin abonde en ruines intéressantes, dont quelques-unes des plus curieuses ont été récemment découvertes à Santa-Balbina.
Mais dirigeons nos pas vers le chef-d'œuvre de Rome moderne, vers le plus magnifique temple de la chrétienté. Le principal défaut que l'on trouve à l'église de Saint-Pierre, est d'avoir plutôt la façade d'un palais que celle d'une église, et ie manquer d'unité. Les dimensions gigantesques de ce bâtiment sont telles, que, vue de l'extérieur, sa magnifique coupole ne paraît point en faire partie : il semble que ce soit le dôme d'un autre édifice. La place de Saint-Pierre est tout à fait digne de cette basilique; elle est environnée de deux portiques demi-cii culaires, ouvrage de Bernin, qui se terminent par une place carrée, prolongée jusqu'à la façade de l'église, de manière à former deux places dont la longueur totale est de 325- mètres. Le portique est surmonté de 92 statues de saints, hautes de 3 mètres; le portail est si bien en proportion avec ce qui l'entoure, que l'œil n'est d'abord point étonné du développement qu'il présente, ni de la grosseur des colonnes, qui ont cependant près de 3 mètres de diamètre. La façade est de 124 mètres de longueur; on entre par 5 portes sous un portique ie 145 mètres de longueur, sur 13 de largeur; les deux extrémités de ce portique sont occupées par deux vestibules : dans l'un, on voit la statue équestre de Constantin, et dans l'autre, celle de Charlemagne, que Rome regarde comme ses bienfaiteurs. En entrant dans ce temple, dont la forme est celle d'une croix latine, on est plus frappé de la profusion des marbres et des mosaïques que de sa grandeur : il a cependant 190 mètres de long et 48 de haut. Les ornements en
sontissants même, et distribués avec plus d'ostenlation que de goût.
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On pourrait aussi reprocher à cet édifice une trop grande clarté : une lumière moins vive inviterait au recueillement, et ferait mieux remarquer l'effet magique que produit une Gloire, ou vitrage de couleur aurore, entourée d'anges, qui éclaire l'extrémité de l'église. Les principales chapelles sont ornées de mosaïques d'après les chefs-d'œuvre des grands maîtres. Au bout de la nef à droite, la statue colossale de saint Pierre, qui n'a point été faite, comme on l'a dit, avec le bronze de celle de Jupiter-Capitolin, est l'objet de la vénération générale; l'orteil de ce saint est usé de plus de deux centimètres par les baisers des fidèles. Ce qui peut donner une idée des dimensions de l'édifice, c'est le baldaquin en bronze qui surmonte le maître-autel ; il paraît être dans les proportions ordinaires, et cependant il a 40 mètres de hauteur, ce qui surpasse la colonnade du Louvre.
Le bronze employé à sa construction pèse 93 196 kilogr., et la dorure a coûté 210000 fr. Il est placé au-dessous de la coupole, qui est sans contredit ce que cette église offre de pins étonnant : elle a 146 mètres d'élévation, et 42 de diamètre à l'intérieur; les 12 apôtres y sont représentés en mosaïque dans des médaillons séparés par des groupes d'anges qui portent les instruments de la passion.
Dans les deux parties les plus apparentes de cette église, on a eu soin de rappeler le souvenir du saint auquel elle est consacrée : la balustrade dorée placée devant le maître-autel recouvre le tombeau et le corps de saint Pierre, placés au-dessous, dans une église souterraine plus ancienne que la basilique. L'extrémité de l'église est occupée par un superbe monument composé d'une tribune soutenue par quatre figures colossales de saint Ambroise et de saint Augustin, de saint Athanase et de saint Chrysostome. Au milieu de cette tribune, on voit un fauteuil en bois orné d'or et d'ivoire, que l'on appelle la chaire de saint Pierre, parce qu'on prétend que c'est celle dont il se servait. On dit qu'il y a certaines fêtes dans l'année où l'on brûle dans Saint-Pierre pour 60 000 francs de bougies dans un seul jour. Cette église fut commencée en 1503 et terminée en 16®6 ; on estime qu'elle a coûté plus de 247 millions.
Après cette magnifique basilique, comment s'arrêter à décrire les autres églises de Rome? La plupart cependant offrent un intérêt particulier par leur richesse ou leur antiquité. La basilique de San-Giovanni in Laterano (Saint-Jean de Latran), dans la partie la plus méridionale et la plus déserte de la ville, est une des plus anciennes églises de Rome. Elle fut fondée par Constantin. On lit, sur sa façade, qu'elle est la mère et la tête de toutes les églises de la ville et du monde : en effet, elle est le siège de l'évêché de Rome; c'est là que le pape, après son exaltation, reçoit le possesso. Citons encore les trois autres basiliques patriarcales de Sainte-Marie Majeure (ou basilique Libérienne), de Saint-Paul hors de murs, de Sainte-Croix de Jérusalem, et les églises d'Ara-Cœli, de Gesù,tdO Sainte-Marie des Anges, de Saint-Onuphre, qui renferme le tombeau du Tasse; t» Sainte-Marie sur Minerve, ainsi appelée de ce qu'elle est bâtie sur l'emplacement d'un temple de Minerve, élevé dans le Champ de Mars par Pompée; Saint-Sébastien (hors des murs, au sud), célèbre par l'entrée des catacombes ; Saint-Laurent (aussi hors des murs); Santd-Maria délia Navicella; San-Clemente, très-an-, cienne; San-Stefano Rotondo ; Saint-Louis des Français. On nous pardonnera du ne point entrer dans plus de détails au sujet des églises de la capitale du mond,.
chrétien, lorsqu'on saura combien le choix en serait long et fastidieux, puisque leur nombre s'élève à plus de 360. Celui des palais est encore plus considérable. Outre les palais pontificaux du Vatican et du Quirinal, dont nous avons parlé, et celui de Latran, où les papes ont longtemps habité et où se sont tenus plusieurs conciles, une foule de palais particuliers se voient de tous côtés. Leur architecture a plutôt le caractère de la solidité que de l'élégance; on en compte au delà de 60 qui méritent d'être vus; il en est peu qui n'offrent, à côté des livrées de l'orgueil, les dehors de la gêne et même de la misère. On va souvent admirer les chefs-d'œuvre de l'école italienne dans une somptueuse habitation dont les vitres sont cassées.
Le noble possesseur d'un palais romain, dit M. Simond, occupe un recoin de sa vaste étendue; il y vit simplement, familièrement, avec sa famiglia, c'est-à-dire ses affidés, protégés et serviteurs. Les grands appartements ne sont point habités; il n'y reçoit pas ses amis, mais il les laisse voir à tout le monde; c'est le seul usage qu'il en fasse. Son palais est un lieu public; l'admiration qu'il excite rejaillit sur lui; voilà sa jouissance. Les plus beaux de ces palais particuliers sont le palais Farnèse, dû en partie à Vignole et à Michel-Ange; le palais Colonna, célèbre par sa magnifique galerie; les palais Barberini, Ruspoli, Ghisi, Sciarra, Doria Corsini, Massini, Borghese. On tire la loterie dans le vaste palais du Monte Citorio.
Rome est célèbre pour l'abondance et la bonté de son eau, qui ne vient pas du Tibre, toujours boueux et jaunâtre, mais est fournie par des sources éloignées.
Cependant, trois seulement des quatorze aqueducs qui alimentaient les Thermes et les magnifiques fontaines de la ville ancienne, pourvoient aux besoins des habitants de la ville moderne. On vient de décider d'améliorer encore cette excellente condition par le rétablissement de rAqua Marcia, qui (d'après l'opuscule de FlOntin, de Aquæductibus iwbis Romæ) jaillissait d'une colline à la 34e pierre miliaire de la via Valeria. Cette eau était regardée par des anciens Romains comme la plus saine et la plus fraîche, et passait pour être encore meilleure que l'Aqua Virgo (Acqua Virgine), qui alimente aujourd'hui la fontana Trevi et pourvoit aux besoins de la partie la plus considérable de la ville. Des ruines de l'aqueduc de l'Aqua Marcia se trouvent encore au delà de la Porta Maggiore et près de l'église Santa-Bibbiana, ainsi que sur plusieurs points de la Campagne.
Rome a beaucoup d'établissements d'instruction : à leur tête, sont la Sapienza, université qui compte environ 1000 étudiants; le collége Romain (ou université Grégorienne), dirigé par les Jésuites ; le collège de la Propagande, où se forment les jeunes ecclésiastiques qui veulent se livrer à la propagation de la foi dans les pays lointains. Après la bibliothèque du Vatican, les plus importantes sont celle de la Minerva, qui a 120 000 volumes; la Barberina ; l'Angelica. Il y a un bel observatoire au Vatican. — Les établissements de charité sont nombreux et riches : il y a 45 hôpitaux, 25 instituts pour les enfants trouvés, les orphelins, etc.
Les principales académies de Rome sont celles des Arcades, des Nuovi Lincei, de San-Luca, l'Institut de correspondance archéologique.
VAcadémie de France, pour les jeunes artistes lauréats, occupe la villa Medici, sur le flanc du mont Pincio. La villa Borqhese est la promenade favorite
des Romains, et possède un riche musée, ainsi que la villa A Ibani. Il y a à Rome plusieurs théâtres : le plus fréquenté est celui della Valle.
La population de Rome s'est élevée, d'après un dénombrement en 1858, à 480 339 hab., non compris les Israélites, au nombre d'environ 5 000. Le clergé est compris pour 6 495 dans cette population. Les Juifs habitent un quartier particulier appelé le Ghetto, situé sur la rive gauche du Tibre; ce quartier, remarquable par son extrême saleté et sa pauvreté, était autrefois séparé du reste de la ville par des portes qui se fermaient à des heures fixes : depuis 1847, ces barrières ont été abolies, et les Juifs logeraient où il leur plaît, si l'usage ne les retenait au Ghetto. — Le Trastevere, qui s'étend sur la rive droite du Tibre, au pied du Janicule, est un quartier habité par la plèbe la plus rude et la plus grossière de la capitale.
Parcourons maintenant la Campagne de Rome (1).
(1) « La Campagne de Rome, dit M. Fulchiron, forme à la capitale des États de l'Église une assez triste ceinture; toutefois, pas aussi avide, aussi désolée qu'on veut bien le dire; car, n'en déplaise aux poètes, aux voyageurs écrivains et aux artistes, il m'a paru que ces messieurs avaient considéré cet antique Latium au travers du prisme de leur imagination, et singulièrement exagéré la tristesse de l'inculture actuelle de YAger Romanus. Sans doute, au premier aspect, à la fin de l'été et pendant l'automne, ces vastes plaines semblent stériles : leur nudité apparente, leur dépopulation, néanmoins pas aussi complète qu'on le prétend; ces longues lignes d'aqueducs sombres, d'une forme si majestueusement monotone ; un palais des Césars entièrement ruiné, des tombeaux, de vieilles tours féodales placées à distance, quelques débris du moyen âge, et surtout une couleur de chaume également répandue sur tous les champs, leur donnent un aspect sauvage. Mais si l'on veut bien prendre la peine d'examiner et de voir quels sont les réels produits de cette terre tant calomniée, peut-être les premières impressions seront-elles rectifiées.
« Le mauvais air qui règne sur les terrains bas compris entre le lac de Bolsena et les marais Pontins, et qui engendre, depuis le commencement de mai jusqu'à la fin d'octobre, de dangereuses fièvres intermittentes, oblige les habitants à adopter un genre particulier de culture; il se borne aux céréales et aux fourrages naturels, car tout autre produit exigerait des soins constants que le climat ne permettrait pas de lui donner. La trop grande étendue des biens, soit nobles, soit ecclésiastiques et inaliénables, contribue aussi, dans quelques lieux moins malsains, à l'obligation de ne les couvrir alternativement que de blés et de prairies. Tant que le prince Borghèse possédera 22 000 hectares; le duc Sforza Cesarini, 1 1000; les princes Pamphili et Chigi, chacun plus de 5 000; le chapitre de Saint-Pierre et l'hôpital du Saint-Esprit, encore de plus vastes surfaces; tant que 64 corporations s'en réfarliront 75 000, et 113 familles romaines, 126 000, le genre de culture actuelle subsistera.
« Mais néanmoins, l'obstacle le plus réel est l'aria catliva, puisque les tenanciers de la plupart de ces fermes, ne pouvant habiter leurs champs qu'à rares intervalles de temps, ont pris le parti de se retirer sur les lieux élevés, et d'en descendre trois fois seulement : pour labourer, couper les foins et moissonner. Passé ce travail, qui s'accomplit promptement à l'aide d'émigrants venus des vallées de l'Anio, du Velino, de la Marche d'Ancône et du royaume de Naples, les fermiers retournent chez eux respirer un air plus pur. Mais s'ils résistent à l'insalubrité du climat pendant une quinzaine de jours, grâce à des précautions hygiéniques et à une bonne nourriture, il n'en est pas de même des ouvriers étrangers exposés à l'ardeur du soleil et à la fraîcheur meurtrière des nuits; car ils couchent sous de simples appentis en paille. Les bâtiments ne sont pas et ne peuvent être assez vastes pour les contenir, puisque souvent deux à trois cents sont occupés sur la même propriété. Leur nombre total, dans la Campagne de Rome, est de 20 000 pour le labourage et la fauchaison, et de 30 000 pour la moisson. Soumis à de rudes travaux, passant en peu de jours et sans
On ne peut sortir de la ville sans qu'une foule d'objets vous retracent les souvenirs de l'antiquité, ou sans rencontrer des villas célèbres. Près de la porte de Saint-Paul, la pyramide ou le tombeau de Cestius annonce, par sa masse, par les peintures et le stuc qui ornent son intérieur, l'opulence de ce Romain. On voit, à peu de distance des catacombes, dans lesquelles tant de cadavres ont reçu la sépulture, la grotte et la fontaine où Numa s'entretenait avec la nymphe Égérie. Des fouilles pratiquées sur l'ancienne voie Appienne ont fait découvrir beaucoup d'antiquités, particulièrement autour du mausolée de Cecilia Metella et de celui de Cotta (car la voie était bordée de tombeaux), où l'on a trouvé des blocs de
travertin et de marbre en bas-reliefs, représentant des candélabres, des boucliers, des griffons, etc. — C'est à Tusculum que Cicéron, César et Crassus fuyaient le bruit et les intrigues de Rome : Frascati s'élève auprès de ses ruines. De nombreuses villas, dont la plus célèbre est la villa Aldobrandini, décorent cet endroit, qui se trouve au milieu d'une oasis de petites montagnes, contrastant avec les tristes plaines de la Campagne de Rome. — Palazzuola est sur l'emplacement d'Albe-la-Longue. — Castel-Gandolfo a un château papal, que le saintpère habite souvent dans la belle saison. — Albano [A Ibanum), près du charmant lac du même nom, est renommée par ses villas, son palais Doria (où sont les ruines de la villa de Pompée), par ses antiquités, par ses vins. — Genzano s'élève au bord du lac de Nemi, plus petit que le précédent, mais non moins agréable. — Palestrina est l'ancienne Proeneste, célèbre autrefois pour le culte qu'elle rendait à la Fortune; des fouilles récentes y ont fait découvrir de curieuses antiquités. —Les rues sales de Tivoli, sur le Teverone, inspireraient à Horace (1)
transition du climat tempéré et de l'air pur de leurs montagnes à celui d'une plaine brûlante et laissant échapper des miasmes pestilentiels, ces malheureux sont fréquemment saisis de fièvres terribles. Le temps de la moisson est le plus dangereux; alors la mortalité est quelquefois effrayante, et il n'est pas rare de voir chaque soir transporter en charrette, aux hôpitaux, presque toujours éloignés de la ferme, dix à douze victimes de la journée. Le froid nocturne et la dureté du véhicule redoublent leur mal. Il ne reste donc toute l'année, dans l'exploitation, que les hommes indispensables au service journalier et à la garde des récoltes mises dans les greniers.
« On conçoit que la moyenne et petite culture, cette culture assujettissante et de tous les moments, n'est pas possible au milieu de si meurtrières émanations; mais, la preuve que la terre est cultivée autant que le climat le permet, c'est que la Campagne de Rome exporte une grande quantité de fourrages, notamment pour Alger; quelquefois du blé, quand la récolte est abondante, dé la laine, des chevaux, des moutons, et une quantité considérable de l'espèce bovine. Les génisses et les veaux sont surtout exportés en Toscane. Leur race est celle d'Apulie, grande, de belles formes, de couleur grise, parée de vastes cornes. La somme de ces exportations varie entre 5 et 7 millions, et cette différence provient de la plus ou moins grande sortie des céréales et autres grains. En outre, cette Campagne fournit annuellement cinq à six mille bœufs à la consommation de Rome et des petites villes voisines; elle n'est donc pas stérile; seulement ses productions sont peu variées, et c'est le climat qui en est cause. »
(1) La maison de campagne qu'habita Horace, près de Tibur, maison qu'il appelle M aniela, et qui était vers la Digentia, a été, ainsi que cette rivière, l'objet de recherches intéressantes. Holstenius, au commencement du xvne siècle, retrouva la Digentia dans la Li- ccnza actuelle, et, plus tard, quelques ruines déterminèrent les antiquaires à placer la célèbre villa sur la rive droite de la rivière, à un kilomètre du village appelé aussi Licenza.
plutôt une juste satire que des chants à sa louange : il n'y reconnaîtrait point ce Tibur qui fit ses délices; mais il retrouverait les restes des deux petits temples de la Sibylle et de Vesta; il admirerait encore la situation de la ville et ses belfei tascades, toujours dignes des chants du poëte; les anciens bains des eaux  ltulées ; — il chercherait à Velletri (ville de 12000 hab.), l'ancienne Velitrœ J bâtie par les Volsques, la maison de plaisanc que possédait Auguste ; - jl reverrait les restes de cette voie Appienne qui traversait les marais Pontips [Pomptir^a palus), et dQrjt la construction, due à Appius Claudius, fut le premier bienfait qu'éprouva cette contrée. César et Auguste firent desspcher upe partie de ces marais Trajan y fit construire des ponts et des habitations, et l'on y vit s'éleyer des maisons de plaisance appartenant à de riches familles que la bpauté du site attirait. Les causes qui contribuèrent à l'insalubrité de la Maremxne eurent la même influence sur les marais Pontins : l'invasion des barbares les dépeupla; les eaux, sans écouler ment, répandirent dans l'air leurs miasmes dangereux. Malheur à celu4 que il nuit surprendrait endormi sur leurs bords pendant les chaleurs de l'été : il ne se réveillerait plus. Plusieurs papes ont tenté de les dessécher t les derniers essais n'ont pojpt été infructueux (i) ; mais combjen de persévérance et de travaux il faut
Mnis M. Noël des Vergers croit et parait avoir prouvé que Mandela est un lieu nommé aujourd'hui Cantalupa in Bar4ella, sur le bord d'une eau vive appelée Fonte dell'Oratini, qui va se pesdrs dans la Digentia.
L'antique Villa 4driana, au sud pe flyoli, offre des ruines trèremarquablet:
(I) M. Fulchiron a décrit ainsi les travaux entrepris par divers papes pour améliorer les marais Pontins : « Boniface UT fut le premier qui, au commencement du xive siècle, s'occupa de nouveau des marais Pontins, et, par un grand canal, assainit la partie supérieure; mais les eaux, cpntinuant à s'accumuler dans Je bas, refluèrent enfin vers J'amprçt, et l'inondation reprit le dessus. Martin V fit ouvrir une large et profonde saignée sans plus de succès. Sixte-Quint voulut, dans un troisième canal nommé Fiyme Sisto, rassembler les sources dispersées et les faire écouler près du mont Circellq, il cput ponsolider son puvrage par des digues laté- raies; mais ces digues s'étant rompes, tout le trayaij devant inqtile. Depuis, et pendant deux siècles, on ne s'occupa que de yins projets, qui n'eurent même pas pu commencenient d'exécution, aussi le ipal augmentait saiis çesse.
« A Pie VI était donc réservé la gloire de rendre à ces marais, suiQn la splendeur dont ils jouirent dans la plus grande antiquité, du rpqijis un état satisfaisait, gui permit de cultiver en prairies, en froment, en fèves, en maïs, les quatre cinquièmes de leur surface, et le revenu en fut augmenté de 800 000 francs. C'était une magnifique valeur agricole créée avec un faible capital comparatif de § 323 QQP francs.
« Mais, avant de faire connaîtra succinctement par quels mQyeqs les marais Pontins furent restitués à la culture, il faut donner une idpe des obstacles à yaincrp sur un sol sans pente et sans solidité, en évaluant la masse des eaux stagnantes dans un récipient de 130 000 hectares, et qu'il fallait npn-aulemeut entraîner à la mer, mais empêcher encore, par un écoulement permanent, de s'accrqître de nouveau.
« Un grand nombre de petites rivières convergent des montagnes vers ces marais; ce sont la Pedicata, TAmazono, la Cavata et la Cav&tellq, l'USënt&, la ifa" la Tepia, et plusieurs torrents sans noms connus dans la géographie, mais qui grossissent énQriuéipent aux grandes pluies de la fin de l'autorpnc et à la ffiutg des neiges, ces eaux des pluies, tombant sur la surface des marais, égalent SI centimètres de hauteur, et donnent 1 P4li 601 aU mètres cubes à faire évacuer, indépendamment de* equx fluvialesi de plus, d'abondantes sources souterraines surgissent du fond et proviennent des lacs supérieurs Fucino, etc., et des hautes vallées du Sacco et de l'Anio. M. de Prony a prouvé que leur masse est de
encore pour arriver à des résultats satisfaisants! Les chétifs habitants de ce pays ont le Ceint verdâtre et les jambes enflées; on peut dire sans exagération qu'ils sentent la fièvre : ils en sont atteints pendant plusieurs mois de l'année. Les animaux seuls ne paraissent point souffrir de l'insalubrité de l'air : les cerfs, les sangliers et les buffles y sont vigoureux et en très-grand nombre.
A l'exemple des voyageurs qui les traversent, hâtons-nous de quitter ces marais pernicieux; suivons les bords de la Méditerranée, traversons Ostie, ville fondée par Ancus Martius, quatrième roi de Rome, célèbre sous l'empire par son port à l'embouchure du Tibre, et qui ne possède plus aujourd'hui que des salines peu importantes; on s'y ressent encore du voisinage des marais Pontins. La ville moderne est à quelque distance de l'emplacement de l'ancienne. Des fouilles pratiquées sur cet emplacement ont fait découvrir une grande quantité d'objets d'art et
222 505 899 mètres. C'était donc, sans compter les courants que l'on espérait conduire directement à la mer, plusieurs milliards de mètres cilbes qu'il fallait faire écouler, en disposant d'une pente si faible, qu'elle ne pouvait, naturellement, que laisser échapper le trop-plein par un débouché, un goulet unique, appelé Portatore, ouvert, moitié par l'effort des eaux, et moitié, dans les temps anciens, par la main des hommes; outre ce défaut de déclivité, les eaux étaient encore soutenues par un amas, un enchevêtrement inextricable de mousses, de roseaux, de plantes et d'arbrisseaux aquatiques qui s'opposaient à l'évaporation. A toutes ces difficultés, ajoutez l'obligation d'opérer au milieu de vapeurs pestilentielles, et, pour diminuer le danger, de réduire le travail à la saison d'hiver.
« Tels étaient les ennemis que Pie VI avait à surmonter, et qui, depuis la chute de l'empire Romain et de la puissance des Goths, avaient résisté à toutes les attaques. Ce pape commença par s'éclairer des avis de Manfredi, de Boscovich et de Ximénés, mathématiciens célèbres, et donna, pour l'exécution, sa confiance à l'ingénieur bolonais Gaetano Rapini.
Celui-ci proposa de réunir toutes les eaux dans un seul canal, tracé suivant l'axe principal d'écoulement; ce plan, sagement conçu, avait l'avantage de profiter des travaux anciens, et de favoriser le rétablissement de la voie Appienne.
« Aussitôt son adoption, le pape acheta, par prévoyance, le droit des co-propriétaires des marais, et leur constitua une rente perpétuelle. On procéda alors à un arpentage exact, qui montra, que la portion submersible était de 30 329 hectares. Cet espace se divisait en trois parts, suivant son niveau : la première, de 17 321 hectares, constamment envahie par les eaux; la seconde, de o 704, où la submersion ne s'opérait entièrement que dans la saison des pluies; et la troisième, de 7 251, formant une zone extérieure que les grandes inondations pouvaient seules atteindre.
« Alors Rapini commença les travaux, en 1778, par curer le canal appelé Portatore di Badino, et suivit cette opération jusqu'à la rencontre de l'ancienne voie Appienne; dès qu'il l'eut trouvée, ensevelie sous la vase et les herbes aquatiques, il changea de direction et ouvrit une large tranchée parallèlement à cette chaussée, dont un des talus lui sert de berge et de mur de soutènement; l'opération eut un plein succès. Les eaux, en s'écoulant rapidement, laissèrent apparaître, dans toute leur étendue, les débris de cette voie romaine. On redoubla d'efforts. Huit mille hommes furent attachés à ces travaux, et, malgré les obstacles provenant de la liquidité du terrain, si l'on peut s'exprimer ainsi, des sources jaillissantes et des maladies qui attaquaient les ouvriers, on arriva, en 1781, à l'extrémité supérieure des marais. Le canal était achevé sur une longueur de 21 139 mètres, et reçut, par un juste hommage, le nom de Linea Pia ; avec ses diverses flexions, son entier développement se composait de.26 789 mètres; il a 12 mètres de largeur au fond, de 16 à 18 fntre les deux arêtes des digues. Sa profondeur moyenne est de 2 mètres au-dessous du niveau de l'étiage.
Les digues ont 6 mètres d'épaisseur à leur base, et 2 à leur sommet, avec 1 mètre 39 millièmes de hauteur réduite au-dessus des basses eaux, et 1 d'élévation sur le plan de la Campagne. Le plan de ce grand canal se divise eu trois sections. Dans la première, qui a
d'inscriptions. On a entrepris, dans ces derniers temps, ayec un commencement de très-heureux succès, le dessèchement des marais d'Ostie. —Le seul port commerçant que possède le pape sur la mer Tyrrhénienne, est le port franc de CivitaVecchia (Centum Celloe) : la ville, défendue par une citadelle et peuplée de 10 000 habitants,*est bien bâtie, et l'air y est moins malsain qu'à Ostie (1). — Un autre port, qu'on a le projet d'augmenter et qui serait susceptible d'importance, est Porto d'Anzio, où les bâtiments d'un très-faible tonnage peuvent seuls aborder aujourd'hui. Nettuno, à côté, est l'ancienne Antium, dont ce port rappelle le nom. — En remontant vers le nord, on voit la jolie ville de Viterbe (13 000 hab.), dont la cathédrale a servi de sépulture à plusieurs papes. Elle est renommée par ses belles fontaines et la beauté de ses femmes, par la collection d'antiquités étrusques et romaines que renferme son hôtel de ville, par les beaux tableaux de sa cathédrale, par son palais épiscopal, où se tint le long conclave qui élut le pape Martin IV, par le couvent de Sainte-Rose, où se conserve momifié le corps de la jeune fille dont il porte le nom ; enfin par le palais de San-Martino, où un escalier en spirale permet aux voitures de monter. Aux environs de Viterbe, on voit le château de Caprarola, un des chefs-d'œuvre de Vignole. - 01-vieto, au bord de la Paglia, est sur un rocher escarpé, dans un territoire fertile en vin blanc renommé. On y voit un puits dans lequel les mulets descendent par un esca-
17 677 mètres, elle est de 4 mètres 811 millièmes; et sur la deuxième, qui n'a que 9 112 mètres, y compris le Portatore, de 619 millièmes. Mais cette faible déclivité suffit pour faire écouler les eaux, à cause de leur aftluence et de la pression qui résulte de leur volume; ce canal est la clef du système de dessèchement.
« Cependant il fut bientôt encombré par les dépôts limoneux. Rapini, pour obvier à cet inconvénient, fit établir et curer le canal de ceinture creusé par Sixte-Quint, et y introduisit la Ninfa après son passage sous le pont Tor tre Ponti ; ce second débouché décrit, à partir du lac Ninfa, une courbe irrégulière de 46 854 mètres, et sert de limite occidentale aux marais. Sa largeur variable est de 6 à 12 mètres, et sa pente totale de 42 mètres 191 centimètres à l'étiage; mais dans les hautes eaux elle devient de 21). On éloigna aussi de la Ligne Pie la rivière bourbeuse de la Tepia, et on la fit également entrer dans le Fiume Sisto.
« Après avoir établi le système de la partie occidentale, il fallut s'occuper de celle placée à l'orient. Un nouveau lit fut ouvert pour recevoir les eaux pures de rUffente; ce petit fleuve, endigué jusqu'à sa réunion à l'Amazono, alla se confondre avec lui près de PonteMaggiore. Le terrain vaseux, jusqu'à la profondeur de 21 mètres, rendit très-difficile l'exécution des travaux. Ce canal, qui sert en même temps a la navigation, a 21 556 mètres, sur 10 de largeur ordinairement, et quelquefois sur 40 et 50 en plusieurs endroits. »
(1) Le chemin de fer entre Rome et Civita-Vecchia suit la direction de Maccarese, Palo, S. Severa, S. Marinella et Torre-Chiaruccia, qui, d'après YItinéraire d'Antonin et la Table de Peutinger, correspondent aux anciennes localités romaines Fregenee, Alsium, Pyrgis, Castrum Novum et Punicum. Il passe à peu de distance de l'ancienne Agylla ou Caere (dont la nécropole a offert des restes précieux d'antiquités). A Pyrgis se trouvait un riche temple consacré à la déesse Lucine. Punicum était une station de la Via Aurélia. On y a découvert divers monuments et objets d'art antiques : la statue de Claudius Albinus, sans tête; celle de Lucius Verus, un fragment d'une statue d'homme plus grande que nature, avec des sandales grecques, travail remarquable que l'on admire au musée Pio Clementino, proviennent de ces fouilles. La Didon abandonnée du même musée a été trouvée sur le territoire de Centum Cellae (Civita-Vecchia); la Domitia, sous la forme de Diane, vient de Lorium (Castel di Guido), qui était une autre station de la Via Aurelia, à douze milles de Rome.
lier éclairé par 100 petits fenêtres, et remontent par un autre. La cathédrale est un magnifique édifice, orné de célèbres peintures à fresque. Les environs sont volcaniques et couverts de belles masses de prismes de basalte. — Canino a un beau palais, donné à Lucien Bonaparte par Pie VII, avec le titre de prince de Canino. — Toscanella, sur la Marta, est l'ancienne ville étrusque de Tziscana. Plusieurs autres anciennes cités étrusques, Véies, Vulci, Faléries, etc., offrent.
leurs ruines autour des villes qu'on vient de nommer. -Civita-Castellana est encore, certainement, sur l'emplacement d'une cité étrusque. - A cquapendente se trouve près des belles cascades qui lui ont fait donner sou nom. — Bolsena, sur le lac du même nom, rappelle l'antique cité étrusque de Vulsinii. — Montefiascone, près du même lac, a un séminaire célèbre, et produit des vins renommés.
—r Corneto (l'ancienne Tarquinii), sur la Marta, a offert aux antiquaires les plus curieuses antiquités étrusques. — Vicarello, au nord du lac Bracciano (Laeus Sabatinus), est sur l'emplacement de YAquœ Apollinares des anciens. On y a découvert de curieuses antiquités, entre autres, en 1852, des vases cylindriques sur lesquels sont gravés les noms de toutes les stations du chemin de Cadix à Rome. — Anguillara (7 000 hab.), sur le même lac, a aussi des antiquités. —
En s'avançant à l'est, on traverse Spolète (Spoleto), petite ville (7 000 hab.), où l'on trouve les ruines d'un théâtre et de plusieurs temples antiques; ses vieilles tours et ses murailles sont peut-être l'ouvrage de Narsès, qui en chassa les Goths.
Près de la ville, un bel aqueduc de 160 mètres de hauteur et d'architecture gothique est probablement celui de Théodoric. — Terni (Interamna), sur une île de la Nera, est près de la belle cascade du Velino, de 330 mètres de hauteur; on y remarque l'antique pont d'Auguste.-Narni (Narnia, auparavant Nequinum) - est près de la Nera, dans une situation très-pittoresque. — Rieli (Reate), sur le Velino, est une ville de 10 000 habitants, entourée de ruines intéressantes. — Subiaco (iSublacum), sur le Teverone, a un château papal. — Norcia (Nursia) est la patrie de saint Benoît. — Foligno est industrieuse : on y fait du papier, des bougies et des confitures. Un tremblement de terre la bouleversa en 1832.
Près du Tibre, et un peu à l'est du lac auquel elle donne son nom, Pérouse (Perugia) est une ancienne ville étrusque qu'on nommait Perusia; elle était célèbre longtemps avant Rome; Annibal en fit vainement le siège. Placée au sommet d'une montagne, l'eau y est amenée du mont Pacciano, par des tuyaux qui descendent dans la vallée et remontent à la hauteur de 130 mètres; c'est dans ses murs que naquit Vanucci, dit le Pérugin, peintre qui eut là gloire de former Raphaël. Elle a une université, avec un célèbre jardin botanique, un musée archéologique remarquable et une bibliothèque de 30 000 volumes ; plusieurs académies, dont l'une est consacrée aux beaux-arts; un beau palais public, des restes d'antiquités étrusques, une porte remarquable appelée Arc d'Auguste, etc. Celte ville, peuplée de 18 000 habitants, a été le théâtre de bien des événements politiques et militaires, depuis deux grandes batailles de la guerre des Samnites contre les Romains, et depuis la guerre dite de Pérouse et le siège d'Octave, ainsi que les massacres des prisonniers par ce triumvir sur les autels de Pérouse, jusqu'à 1859, où, le 14 juin, une rébellion eut lieu contre l'autorité papale; mais, quelques jours après, les troupes suisses du pape reprirent possession de la place.
Du haut des remparts, la vue est magnifique. On aperçoit à trois lieues de là, sur le revers d'une montagne, des aqueducs, des temples et des murailles crénelées: c'est Assisi ou Assise (Assisium), patrie de saint François, dont les reliques attirent une foule de pèlerins, et lieu de naissance, aussi, de Métastase ; on y remarque plusieurs antiquités. — Gubbio (Iguvium) a quelques monuments antiques intéressants, entre autres des tubes de bronze, un théâtre.
Transportons-nous à l'extrémité opposée de la région Cisapennine, au sud, vers les frontières du royaume de Naples, et nommons Terracine (l'Anxur des Volsques), sur la mer, à l'extrémité méridionale des marais Pontins, sur la route de Rome à Naples; — Frosinone (6 000 hab.), où Se tiennent des foires renommées;— Alatri (A latrium), avec 9000 habitants et des ruines pélasgiques; — Anagni (l'ancienne Anagnia), capitale des Herniques, et patrie de Boniface VIII, qui s'y réfugia pendant sa lutte avec Philippe le Bel, et qui y fut maltraité par les envoyés de ce roi ; — Sezza, qui est l'ancienne Setla; - Pi perno, l'ancienne Privernum.
Passons dans la région Transapetmine. Au pied de la partie la plus septentrionale des Apennins, est Bologne (ancienne Bononia), la seconde ville des États de l'Église, dans le nord desquels elle est placée, au sein de la Romagne. Elle a 80 000 habitants. C'est, après Rome, la plus riche en tablemIx. Dahs fees murs fut convenu, en 1515, le concordat en vertu duquel François lêr se réserva là nomination des grands bénéfices, en accordant au pape la première année de leur revenu. Cette ville renferme un nombre considérable d'églises, et deux vieilles tours, dont l'une, la Garisendti, est encore plus penchée que celle de Pise, et semble menacer de destruction les maisons voisines; l'autre, celle des Asinelli, est la plus haute d'Italie. Son université, son musée d'histoire naturelle et d'antiquités, qui occupe 26 salles; sa bibliothèque, qui renferme 200 000 volumes et un grand nombre de manuscrits; son observatoire, où l'on a tracé une belle méridienne; son jardin botanique, où l'on a rassemblé un grand nombre de plantes exotiques; ses deux académies (celle des beaux-arts et des jurisconsultes), mettent cette ville au rang des plus célèbres de l'Italie. On remarque Un grand nombre de belles églises: celle de Saint-Pétrone, la cathédrale, etc. ; plusieurs palais, tels que le Pubblico, l'ancien palais du podestat; l'opéra; les bâtiments des écoles. L'industrie et le commerce y ont plus d'activité que dans aucune autre ville des États de l'Église; ses chapeaux de paille, ses fleurs artificielles, ses bijoux, ses toiles, ses cordages, ses bougies, sa charcuterie, sont renommés. Elle a vu naître un grand nombre d'hommes célèbres : Benoît XIV, Je Guide, le Dominiquin, l'Albane, les trois Carrache, Galvani, etc. Les progrès des lumières et l'amour de la liberté distinguent Bologne parmi toutes les villes de l'Italie centrale. Elle a plusieurs fois cherché à secouer les abus d'une administration surannée : elle prit une part active.à l'insurrection de 1848; les Autrichiens l'occupèrent après une lutte violente : ils y ont conservé depuis Une forte garnison, jusqu'en 1859; la guerre que leur ont faite les Franco-Sardes les ont forcés alors à l'abandonner, et cette ville s'est déclarée unie aux États Sardes; mais quel sera son sort définitif?
Ferrare (Ferrara), moins considérable que Bologne, mais cependant peuplée d'au moins 31 000 habitants (dont un tiers de la race juive), est la cité la plus
septentrionale des États du pape ; elle s'élève sur le Po di Primaro, qui, malheureusement, n'est pas navigable pour les navires, à cause des envahissements sablonneux qui onf encombré son lit ; mais on s'occupe de l'en débarrasser. Elle se trouve dans une plaine marécageuse, sur l'emplacement de l'ancien Forum A lieni; ses rues sont larges et droites : celle de Saint-Benoît a 2 kilomètres de longueur. L'édifice le plus curieux est le palais gothique des ducs de Ferrare : tout y rappelle l'illustre maison d'Esté et les beaux vers de FArioste et du Tasse.
Les cendres du premier de ces poëtes reposent au Lycée ; et dans l'hôpital SaintAnne, on montre encore la place où le second, sous prétexte de folie? fut enfermé pendant sept ans par Alphonse, duc de Ferrare. Il faut encore remarquer à Ferrare le palais del Magistrato, où Rassemble l'académie degli A riostei; la cathédrale, une bibliothèque de 80 000 volumes. — Cento, près du Reno, est la patrie de narbieri, dit le Guerchin. — Ponte-Lagoscuro, sur le Pô, est un port franc, très-commerçant. — Comacchio, au milieu des lagunes du même nom, a des marais salants très-productifs, de grandes pêcheries et d'importantes fortifications, mais est exposée à des miasmes très-insalubres. - Bagnacavallo, près du Senio, est une ville de 9 000 habitants, qui fait commerce de soie et de chanvre. Les atterrissements ont comblé le port que l'empereur Auguste a fait construire à Ravenne; cette ville, arrosée parle Montone, est aujourd'hui à 9 kilomètres de la mer. Selon Strabon, elle fut fondée par les Thessaliens. L'édifice le plus remarquable est la Rotonda, église qui fut construite pour recevoir le sarcophage de Théodoric. Ce tombean fut détruit en 1512 par les Français, lorsqu'ils furent vainqueurs des Espagnols dans une bataille où Gaston de Foix fut tué ; mais celui de Dante, que l'on voit près du cloître des Franciscains, a été décoré par le cardinal Gonzague. On remarque encore à Ravenne la cathédrale, la basilique de Saint-Vital, l'église de Saint-François, qui date du ve siècle, une université, une bibliothèque de 40000 volumes. La population est de 18000 habitants.
Faenza (18 000 bab.), sur le Lamone et sur le canal Zanelli, qui la fait communiquer avec le Po di Primaro, passe pour avoir donné son nom aux poteries que l'on appelle faïences ; elle est la patrie du célèbre physicien Torricelli. -Forli (Forum Livii ou Forolivium) offre, comme objets remarquables, sa cathédrale, une salle de son hôtel de ville entièrement peinte par Raphaël, les palais d'Albizzi et delà Piazza, et ses rues larges tirées au cordeau. Elle compte 6000 habitants.
C'est la patrie du célèbre médecin Morgagni. - Imola, sur un des bras du Santerno, et sur l'antique voie Emilienne, a 10 000 habitants. — Cervia, port sur l'Adriatique, a d'importants marais salants. — Cesena, ville de 14000 âmes, est agréablement située sur le Savio; c'est la patrie des papes Pie VI et Pie VU; il s'y tient des foires importantes. - Rimini (A riMinzum), ville de 17 000 habitants, bâtie avec élégance sur le bord de la Mer, à l'embouchure de la Marecchia, était le lieu où se terminaient la voie Flaminienne et la voie Émiïienne. On y voit plusieurs antiquités, entre autres un arc de triomphe d'une belle conservation érigé à Auguste, et le pont commencé par cet empereur et terminé par Tibère. L'église de San-Francesco, œuyre du célèbre Léon-Baptiste Alberti, est l'un des premiers édifices dans lequel l'architecture romaine rem-
plaça le style gothique. Une des principales richesses de cette ville est la bibliothèque Malatestiana, de 30000 volumes. On exploite d'importantes mines de soufre-aux environs. — Non loin de là est Cesenatico, où les Autrichiens vainquirent les troupes napolitaines de Murat en 1815.
Pénétrons désormais dans les Marches. La petite ville d'Urbin (Urbino) est célèbre pour avoir donné naissance à Raphaël, et par la protection que les anciens ducs accordèrent aux sciences et aux lettres. — Castel-Durante, près de là, a produit Bramante — Pesaro (15 000 hab.), port à l'embouchure de la FogJia, fut, comme Urbin, à l'époque de la Renaissance, un des foyers littéraires de l'Italie ; elle a vu naître Rossini. — Fano (Fanum Fortunæ), autre port, à l'embouchure du Metauro, possède un arc de triomphe élevé en l'honneur d'Auguste. —
Sinigaglia (l'ancienne Senagallica, fondée par les Gaulois Sénonais), à l'embouchure de la Misa, est fameuse par la foire qui s'y tient du 20 juillet au 20 août.
- Fossombrone (Forum Sempronii), sur le Metauro, fait un grand commerce de soie. — Ancône, vue du côté de la mer, offre un beau coup d'œil; elle est bâtie sur le penchant d'une montagne. Sur deux mamelons, aux deux extrémités de la ville, s'élèvent, d'un côté, la citadelle, et, de l'autre, la cathédrale; le port a la forme d'un demi-cercle; le môle qui le ferme au nord a 22 mètres de hauteur et 650 de longueur ; il y a, en outre, un petit môle au sud. Les rues de la ville sont étroites et tortueuses. On y remarque la bourse, le théâtre, l'arsenal, un bel arc de triomphe élevé à Trajan, et un autre érigé en l'honneur de Benoît XIV, qui fit construire le grand môle et le lazaret. C'est la place de commerce principale de la côte des États de l'Eglise ; elle renferme 45 000 habitants.
Des garnisons françaises et autrichiennes ont tour à tour occupé, depuis plus d'un demi-siècle, ce point important.
On ne peut voir Ancône sans être tenté d'aller visiter Lorette (Loreto), bâtie sur une montagne qui domine la mer, et devenue célèbre par la statue de la Vierge, objet d'une si grande vénération et aux pieds de laquelle tant de pèlerins viennent déposer leurs prières et leurs offrandes. Suivant la tradition, les anges enlevèrent à Nazareth, en 1291, la maison de la sainte Vierge, et la déposèrent à l'ersato, en Dalmatie ; trois ans après, les mêmes anges la transportèrent sur les côtes de l'Italie à 1000 pas de la mer, aux environs de Recanati. Huit mois après, la maison, qui était solide, fit encore 1 000 pas vers cette ville, et quelques mois plus tard elle vint se placer sur le terrain d'une dame de qualité appelée Lauretta, à l'endroit même où, depuis, la ville s'est élevée. Cette maison, exposée aux adorations du peuple, a. 10 mètres de longueur, 4 de largeur et 6 de hauteur. Jadis c'était un simple bâtiment en briques; aujourd'hui brillante et somptueuse, elle est incrustée de marbre de Carrare, et le plancher est revêtu de marbre rouge et blanc. Dans la muraille, du côté de l'orient, on voit la cheminée : au-dessus, on a placé une statue de la Vierge que l'on dit être en bois de cèdre. Tout auprès, une armoire renferme les robes dont on habille cette image; l'un de ces vêtements, qui est en camelot rouge, est, dit-on, la robe que portait la sainte Vierge. Un peu plus loin, une autre armoire contient les vases de terre dont se servait la sainte famille ; enfin, vis-à-vis de la cheminée, est la fenêtre par laquelle entra l'ange Gabriel. Cette maison, qu'on appelle la Santa Casa, est
placée au milieu d'une église magnifique, dont le trésor a été longtemps le plus riche du monde.
De Lorette aux frontières du royaume de Naples, on ne compte que 4 villes importantes : Macerata (8000 hab.), située sur une colline qui domine une plaine fertile en céréales, et intéressante par son université, sa bibliothèque de 20000 volumes, et son beau théâtre. — Fermo, non loin de la côte, où elle a un petit port assez fréquenté ; — Camerino (12000 hab.), avec un beau palais archiépiscopal, une université et des fabriques de soieries ; -Ascoli (l'ancienne Asculum) avec une population égale, des foires importantes et un commerce assez actif, qui se fait surtout par Porto d'Ascoli, à l'embouchure du Tronto. — Jesi a des fabriques de soieries et une belle église, celle de Saint-Marc. — Osimo (A uximum) possède une belle collection d'antiquités dans son palais public. — Près de là est Majolati, lieu de naissance de l'illustre musicien Spontini. — Tolentino, au sud-ouest de Macerata, est un village connu par le traité conclu en 1797, entre Bonaparte et le pape, et par la bataille qu'y perdit Murat le 2 mai 1815.
Les Marches d'Ancône, de Fermo, etc., que nous venons de parcourir, forment une région riche, fertile, où brille surtout la culture des oliviers, des mûriers et de la vigne ; la population, moins éclairée que celle de la Romagne, mais plus que celle de la région Cisapennine, est tout agricole.
Les papes possèdent encore deux petits territoires dans le royaume de Naples : celui de Ponte-Corvo, ville de 5000 habitants, sur le Garigliano, avec un évêché et un château; celui de Bénévent, ville de 16000 habitants, siège d'un archevêché, avec quelques beaux édifices, entre autres la cathédrale, et une belle porte appelée Porta Aurea, arc de triomphe en marbre, élevé en l'honneur de Trajan. La première de ces villes est enclavée dans la Terre de Labour, et la seconde dans la Principauté Ultérieure.
Ici se termine notre voyage à travers une des régions les plus intéressantes du monde, et dont nous n'avons pu donner qu'une imparfaite esquisse. Là furent jadis ce Latium, berceau de la puissance romaine, et où habitaient les Latins, les Èques, les Herniques, les Rutules, les Volsques, les À ui-unces ; - cette Etrurie méridionale, où vécurent les Véiens, les Falisques, et tant d'autres populations rivales de Rome et d'une très-antique civilisation; — la Sabine, séjour îles vieux Sabins; - l'Ombrie ou Umhrie) où les Gaulois Sénonais vinrent de bonne heure s'établir; —le Picenum, que peuplaient les Picènes ou Picentes et les Prœtutiens ; — une partie du Sainnium, dont les habitants, les Samnites, furent longtemps les plus redoutables ennemis des Romains; — la Gaule Cispadane orientale, où les Lingons, sortis du fond de de la Gaule, fixèrent leur demeure.
Que de noms célèbres! Que de souvenirs à développer! Mais l'espace nous oblige à un sec laconisme.
TABLEAUX DES ÉTATS Dp L'ÉGLISE.
DIVISIONS ADHUIISTRAT1TES.
-
N SUPERFICIE PQPUL TION PORKAAiNSTJJViFib S Tm1T"VvTi&STi0uTivJS fe, DIVISIONS SECONDAIRES. en milles canes liai. en 1853 d'âpre l'édit du 22 nuv. 1850. de 60 au degré. (publié en 1857).
Rome et banlieue 1319,2 326509 — l>élégaliou de Viterbe 872,2 128 32* COIIAIICA DE RtthOhHr E Civiia-Yeccbia 286,1 20701 - f'tvict" 238,3 29 047 — lllliogne. 1023, 375631 ift LÉGATION - Ferrnrc 823,4 2-44524 1 ite LEGATION Forli. 541) 218433 - Ravenne 528, 175994 - Ul'hiuo el Pearo. 1064,7 257751 l — Wafiiaui et Lorelle. 673,6 243104 "c - Arnône 332,5 176519 ai « Llftoc«at(ioUk H. FeruJQ 232 7 1103-21 ( - Aroli. 358,7 91916 - Caineiiuo 240,9 42991 { - Terugi;! (Pcrouse) 1170,7 234533 9' LÛAIION. ( a •••••* • - Spo'cte 885, I3i9:t9 - Rlltl. 400,2 73 683 i - Yelleiri 430, 62013 4e LÉÇATIOty - Krosinone 555,4 154559 - Be))ewt. 46,2 18176 1 TOTADX 12 041,6 3124668 (1)
(1) Non compris Î68 protestants et 9 137 Israélites. A la fin de 1867, la population des États Romains s'clorail à 3 126 263 hab.
Les 20 divisions secondaires de ce tableau se subdivisent, en 40 dishicts, t7 cercles ou gODvernements, ei 832 communes.
Le nombre des maisons s'élève à 468 457, et celui des familles & 608 280.
FWAKCES. — Badge* des recettes et dépenses poir 18S8,
• RECETTES DÉPENSES DESIGNATIT ON, ordinaires onl inaires et extraordinaires. et extraordinaires.
Sci^di. Ba4. Scudi. Pqj.
Impôts directs (dazi) et propriélés de la chambre. 3551617 94 540 04 6 40 Douanes. ?&3067§ 32 ! 385 99 97 Timbre el enregiSlren:ellt. 10(;0 Il.\ 97 113 930 24 Postes 361654 t 3*6806 51 Loteries. 1181 OO » 788 987 78 Loteries J J J. ISOSt 34206 M Monnaies, etc 19 081 » 34 206 64 Dette publique 315 385 51 4 533 093 73 Patentes sur les métiers et professions. 1745-25 74 » » Intérieur «••••. 44 334 • 1552 069 49 Commerce beaux-arts, agi icnliurc et travaux publics. 111206 87 793138 9 Armes. U190 » 2 025 237 50 Cens !!!..! * » 88154 » Assignations de fonds pour dépenses spéciales et géné- rales du m inistère de s finances » m 1415 401 69 TOTAUX 14 662 088 35 14 520 022 11 _1 Excédant 142 066 scurti 24 baj.
Fonds de réserve 100000 - »
Reste. 42066 scudi 24 baj.
Dffie dé l-Jétal au 1er Janvier 18S8.
Sudi.
Enipnitils étrangers à 5 pour °/0.. 28375000 Detie permanente intérieure à 5 pour °/o 34012240 Dette flottante an Icr janvier 4858.
Scudi.
Capital des raulioris à 4 pour 1316054 Crédils déposés et reconnus, à 3 nour °/5 2000 000 Billets de clwngeë île crédit à 5 pour -1, 437980 Dû à la banque de Rome à 2 1/2 pour , 330 000 TOTAL 66 471274
i scudo = 5 francs 45 ccntime. — 1 scúdo == 10 paoli. = Ido bajocchi.
ARMÉE au 80 juin 1858.
15 255 hommes, dont 3432 de deux régiments étrangers, 4326 de gendarmerie, etc.
(Le papç a pour garde particulière la garde noble, composée flé 80 hommes, appartenant à la noblesse.)
EFFECTIF ET MOUVEMENT MARITIMES en 18BO.
EFFECTIF.
Ports de l'Adriatique 1563 navires. 36894 tonneaux. 9945 hommes d'équip.
Ports de la Méditerranée 279 - 4466 - 831 - TOTAUX. 1842 navires. 41360 tonneaux. 10776 hommes d'équip HOiJVEÍlIEÑf MARITIME.
Adriatique- 4178 entrées. 3167 sorties.
Méditerranée 3 419 — 3 419 — TOTAUX. ; 7 597 entrées. 6586 sorties.
Navires entrés, jaugeant. 596 988 tonneaux et portant 77 851 hommes d'équip.
Navires sortis. 596624 — — 77784 —
Bâtiments pontificaux expédiés en 1850 aux divers port. étrangers.
-.- DESTINATION. NAVIRES. TONNEAUX. DESTINATION. NAVIRES. TONNEAUX.
Autriche 1241 74072 G.-ece. 20 2340 J'€H\-S'cUes. 126 7471 Fardaigne 74 5295 3107 RtISsie - : : : : : «. : 74 5295 France 93 3107 Russie. 8 1720 Malte. 25 3157 Toscaue. 129 9427
Importations, en 1856, d'après les relevés de la douane. 9 797 822 scudi (52712000 fr.) Exportations, - — 9 685283 - (52 108 000 fr.) Eu 1857, importations, — 12627 432 — — exportations, — 11625355 -
CHEMINS DE FEU ROMAINS.
Distribution de la ligne principale appelée Plo-Centràle (uoù construite encore, généralement, en 1859),
SDe Civila-Vccchia- à Rome 80 kilomètres.
De Home à Ancône. ■ 280 — wuall'c IVAncône à Bologne 206 De Bologne à Ferrare. 53 — TOTAL. 619 kilomètres.
ROUTES DES ÉTATS ItOIIS.
AUTÈRE LONGITUDINALE, qui, partant de Terracii e à la frontière napolitaine, vient aboutir à Vcrrarc. à la frontière vénitienne, en reliant les principaux ceulrcs de population, tels que Rome, Foligno, Maceiata, Siniurglia, Pesaro , Rimini, Forli et Bologne. 416 milles romains.
ESIBRANCHEJIEKTS qui viennent y aboutir. 414 TOTAL 830 milles romains.
(Ou 1236 kilomètres de grandes routes.) L'entretien annuel s'élève à la somme dè. 805000 francs.
NOTA. - Le territoire romain est également traversé dans son entier par une ligne de télégraphie électrique qui, depuis Teiracine, oit elle correspond avec les télégraphes napolitains, suit l'artère longitudinale jusqu'à Foligno. Delà, elle se dirige sur Ancône, qu'elle relie avec Bologne, et se termine à la frontière du duché de Modène, où elle se rattache aux lignes de tout le continent.
STATISTIQUE 1E LIMPISCOPAV CATHOLIQVB .---.
6 Évêchés snburbicaires, c'est--dire voisins de la ville de ROine, mais ayant une juridiction indépendante.
r. 78 Evêcliés soumis à la juridiction immédiate du saint-siége.
.t.UROI'I. 104 Archevêchés.
413 Évêchés sulrrasauLs.
sa Délégations et préfectures apostoliques.
1 6 Patriarcats.
6 Archevêchés. *
As. 41 Évèchés.
48 Préfectures apostoliques.
& 1 1 ÉVêchéi.
AFRIOUI ! 14 Vicariats et préfectoral.
16 Archevêchés.
AxitMBt. 85 Évêchés.
* ( 10 Vicariats.
t 5 Patriarcats.
65 Arcliavêcilés.
ï)' MMtM' { t ail Évêchés..
STATISTIQUE BE MOME - l' 54 Paroisses. — 38 Évucs. - 1350 Prêtres. - U81 Religieux. - 1930 Nonnes. — 936 SéMteoristc* et élèves. — 873 A catholiques, sans compter les Juifs. — 38926 Familles. — En tout : 179 953 habitants.
■inai«i» ECCLÉSIASTIQUE*.
BqH ivtktvlirrffl, • • • • <
Bénévent.
Bologne.
Cameriuo.
Feraio.
Ferrare.
Rave ii ne.
polèle.
Urbino.
Acquapendente.
Alaui.
Alliano.
Amelia.
Anagni.
Ancône et UOlana.
San-Ahliolo iu Yado et Urhallia.
Ascoli.
Assise.
liagnarea.
Berlinoro et Sarsina.
Cagli et PerGola.
Cet via.
Cesciia.
Cilla del Castello.
Citta del Piete.
Civita-Castellana.
Givita-Vcccliia.
Gouiarcho.
Fabrlano et Malelia.
Kaenza.
Fano.
Farentino.
Foligno.
Forli.
Fossombrone.
Fraswi.
Gubllio.
Imola.
Jesi.
Lorette et Recaaatl.
Hacerata et Tolentiao.
Moutallo.
Jfontefehre.
MonteUascone et Corncto.
Narni.
Nepe et Satrf.
Noeera.
Norcia.
Orte et Gallesi.
Orsimo et SiIIOII.
Orvieto.
Sahina.
Ripatransoue.
PatesLriDl.
Pérou se.
Pesaro.
Pipem Ott OMO. Ptmiecorvo.
rorto et S.-Itala».-.
Rkql. ,- "; Rinilul.
Sflui.
San-Severioe.
Sinigaglia. ~>r TerlU. : Tivoli.
Todi.
Titerbe in Tomaiha.
Vellelrl et OAku Yerali.
Et, de plus, Rome, considérée comme siége épiscopal. oeconé par le pape (le siège de cet évècké est Saint-Jean de Latran).
aÉC."T. SES moins en
750 magnaneries ont produit 713 358 livra de cocon.
4103 onces ^343 kilogr.) de graines, employées par de petits propriétaires, ont fourni 3 899144 Produit total - 4 612 503 livres ou 1563 638 kilogrammes.
STATISTIQUE DU BÉTAIL BES ÉTATS KSMAIMS.
425746) têtes, savoir:
Taureaux, bœufs, vaches et bullles. 663 315 Glu-vaux 59163 Mulets et ânes. 15000
Moulons. 2500000 Chèvres 320 000 Porcs 700000
ROYAUME DES DEll X - s. () E S.
ROYAUME DE NAPLES.
Le royaume des Deux-Siciles, qui comprend 108000 kilomètres carrés et environ 9 000 000 d'habitants, est, avec les États Sardes, le principal des États italiens; il est composé de deux parties distinctes : la partie continentale ou le royaume de Naples, qu'on désigne souvent sous le nom de domaines en deçà du Phare ; et la partie insulaire, ou l'île de Sicile, appelée aussi domaines au delà du Phare.
Seize siècles avant notre ère, des peuples sortis des montagnes de l'Illyrie établirent des colonies entre les Alpes et l'Adige. Bientôt, abandonnant un sol marécageux, funeste à l'homme et rebelle à la culture, ils suivirent le littoral du golfe Adriatique, et se retirèrent depuis l'embouchure du Chienti jusqu'à l'extrémité de la Calabre. Ces peuples étaient les Liburni, nation dont les Pœdiculi, les Apuli et les Calabri formaient les trois principales souches. Quelques-unes de leurs peuplades portaient des noms qui ont excité les recherches des étymologistes : Court de Gebelin prétend que celui des Marrucini, établis sur la rive droite de la Pestara, dérive des mots mar, haut, et ru, ruisseau. Les Peligni habitaient dans les Apennins : le mot pal signifie en èffet lieu élevé. La dénomination de Frentani dériverait du mot ren, couler, parce que leur pays était traversé par plusieurs rivières qui descendent à l'Adriatique ; mais ce nom ne viendrait-il pas aussi de l'une de ces rivières que l'on appelait le Fronto, aujourd'hui le Termoli, de même que, dans l'Amérique septentrionale, on a donné à quelques peuplades des noms de rivières et de montagnes? On a prétendu aussi que celui de Calabri venait du mot oriental calab, résine, parce que les pins sont communs dans cette contrée. A l'ouest de ces peuples, le versant qui se dirige vers le golfe de Tarente s'appelait Messapia ou Iapygia. Mazocchi a fait une remarque assez singulière : c'est que le mot oriental massap signifie vent, et que le mot hébreu japah veut dire il a soufflé; ainsi la racine de ces deux noms d'un même pays annonce une terre ravagée par les vents : ce que l'on.remarque encore de nos jours. Dans les Apennins, aux environs du lac Fucino, qui occupe une partie d'un bassin élevé, habitait un peuple appelé Marsi, dont le nom vient, suivant Court de Gebelin, de mar, élévation, et ci, eau ; il était limitrophe avec les Peligni. Les Marsi, les Peligni, les Marrucini et les Frentani étaient, dit Strabon, peu nombreux, mais pleins de courage : ils opposèrent une longue résistancé au joug des Romains. Les Marsi faisaient partie du Samnium, pays des Samnites; le géographe grec leur donne pour ancêtres les Sabini, qu'on a aussi appelés Sabelli. La cause de leur séparation des Sabini n'est point sans quelque vraisemblance : Strabon nous en a conservé la tradition. Selon l'usage de l'antiquité la plus reculée, les Sabini, engagés dans une guerre sanglante contre les Ombri leurs voisins, consacrèrent aux dieux tout ce qui naîtrait chez eux dans l'année courante. La victoire ayant couronné leur entreprise, les animaux et les produits de l'agricul-
ture furent offerts en sacrifice : la disette en fut le résultat. Quelqu'un fit alors remarquer que, pour accomplir rigoureusement le vœu, il aurait fallu l'étendre sur les enfants : ceux-ci furent donc voués au dieu Mars. Devenus adultes, ils durent s'expatrier : ils suivirent la chaîne des Apennins, et ce fut à une vingtaine de lieues de leur patrie qu'ils s'établirent. Ce peuple guerrier devint puissant et nombreux, puisqu'il pouvait mettre sous les armes 80 000 fantassins et 8 000 car valiers. Longtemps rival des Romains, il ne leur fut tout à fait soumis que lorsque le dictateur Sylla, après l'avoir vaincu, eut la barbarie de faire égorger au milieu du champ de Mars les prisonniers qui s'étaient rendus à lui en se confiant à sa bonne foi. « On cite, ajoute Strabon, une fort belle loi reçue chez les Samnites, et bien faite pour exciter les hommes à la vertu. Parmi eux, les pères n'ont point la faculté de choisir à leur gré les maris de leurs Hiles; _mais, tous les ans, on élit, au nombre de dix, dans chacun des deux sexes, les jeunes filles et les jeunes garçons en qui l'on reconnaît le plus de vertu ; puis la jeune fille la plus estimée est accordée au plus estimé des jeunes garçons, et ainsi des autres, suivant le degré de mérite. Quelqu'un de ces maris, après avoir remporté le prix, ViIlt-ii à changer de mœurs, à se corrompre, on le note d'infamie, et on lui ôte l'épouse qui lui avait été donnée. »
A l'est du Samnium, la Campanie (Campania) était célèbre par ses beaux sites et sa fertilité. Là se trouvait Capoite, délicieuse cité, dont les plaisirs furent aussi funestes aux troupes d'Annibal que les plaines de Cannes Pavaient été aux Romains. Plus loin, les coteaux de Falerne et du Massique étaient chéris du dieu des vendanges. Les environs de Baïes et de Puteoli, renommés par leurs bains, étaient couverts de maisons de plaisance, où les Romains venaient étaler leur luxe et leur mollesse. « Au-dessus de ces lieux, dit Strabon, domine le Vésuve, offrant sur toute sa surface, excepté vers sa cime, un sol très-agréable. Cette cime, plane dans sa plus grande partie, mais totalement stérile, semble n'être qu'un monceau de cendres; et l'on y rencontre de longues cavités formées de pierres, toutes de couleur ferrugineuse, comme si elles avaient été calcinées par le feu. De là nous pouvons inférer que ce mont fut jadis un volcan, et renferma des fournaises de feux qui se seront éteints lorsque l'aliment leur aura manqué. » Ainsi, cet auteur parle du Vésuve comme on parle des volcans éteints de l'Auvergne. La fertilité de la Campanie y attira tour à tour différents peuples, qui s'en rendirent maîtres.
Après avoir été habitée par les Opici et les Ausones, elle fut conquise par les Osci, qui furent chassés par les Cymœi, peuplade grecque venue de l'Éolie plus de douze siècles avant notre ère; ceux-ci, après y avoir fondé douze villes, dont la capitale était Capoue, se soumirent aux Samnites, qu'asservirent les Romains.
Au sud-est de la Campanie, la Lucanie (Lucania) se prolongeait depuis le golfe de Salerne jusqu'à celui de Tarente; les Lucani, qui l'habitaient, étaient une colonie de Samnites. Justin, d'après Trogue-Pompée, les peint dans les termes suivants : « Chez les Llcani, dès que les jeunes gens ont atteint l'âge de puberté, ils sont mis hors des villes et envoyés dans les bois parmi les bergers. Là, sans secours, sans vêtements, sans lits, ils s'accoutument de bonne heure à une vie dure et sans besoins. Ils n'ont de nourriture que leur chasse, de boissons qua l'eau des fontaines ou que le lait. C'est ainsi qu'ils se familiarisent dès la jeunesse
à ce que les travaux guerriers ont de plus pénible et de plus fatigant. » A l'époque de leur établissement, les côtes de l'Italie méridionale étaient, comme la Sicile, peuplées de colonies grecques, qui leur valurent la dénomination de Grande-Grèce.
Les plus voisines de la Lucanie luttèrent contre ces nouveaux habitants; leur politique eut toujours pour but de s'opposer à leurs envahissements sur les cantons maritimes. C'est probablement dans cette politique qu'il faut chercher la cause de la destruction de Sybaris, ville située à l'embouchure du Sybaris, aujourd'hui le Coscile. Son origine paraît être orientale, si l'on admet avec Mentelle que son nom vient d'un mot analogue à cheber, qui, en hébreu, signifie abondance.
Il est assez remarquable que, lorsque les Sybarites eurent rebâti leur ville, son nom grec, qui fut d'abord T/wurion, dont les Latins firent Thurium, et qui reçut ensuite des Romains celui de Copia, conserva toujours la même signification.
Thor, en chaldéen, signifie bœuf, emblème de l'agriculture, et Copia présente aussi la même idée d'abondance. Le pays des Sybarites était tellement riche et peuplé, qu'on y comptait 25 villes, et qu'il pouvait mettre 30 000 hommes sous les armes. Mais leurs richesses, leur luxe et leur mollesse furent les principales causes de leur perte : leur nom était devenu synonyme d'efféminés.
Le territoire de la Calabre était appelé Bretium ou Brutium par les anciens : selon Strabon, les Bretii ou Brutii, qui l'habitaient, étaient venus de la Lucanie; mais Court de Gebelin a fait remarquer que cette tradition était difficile à admettre, parce que le nom de Bretium paraît venir du mot celtique Bret, qui signifie forêt. Les Syriens désignent par bruta un arbre résineux : le nom de Brutium indique donc un pays couvert de pins. Nous avons vu que la racine du mot Calabre signifie résine. Nous ne rappelons ces étymologies que parce qu'elles s'accordent assez exactement avec la nature des productions ou du sol des diverses parties de l'Italie méridionale.
La Sicile fut d'abord habitée par les Sicani, peuple d'origine ibérienne ou basque, qui l'appela Sicania. Asservie par les Siculi ou Sicili, nation dalmate, établie dans le Latium, l'île reçut ensuite le nom de Sicilia. Ses princes, connus sous la dénomination de tyrans, se rendirent célèbres par leur despotisme et par leurs excursions sur les côtes de l'Italie. Après la mort de Denys, l'un deux, la Sicile fut tour à tour soumise par les Grecs, les Carthaginois, les Malmertini (qui faisaient partie des Brutii) et les Romains.
Après la chute de l'empire, les quatre provinces qui composaient ce qu'on appelle aujourd'hui le royaume des Deux-Siciles furent dévastées par les Ostrogoths. Narsès les fit rentrer sous l'obéissance de Constantinople en 553. Trente ans plus tard, Autharis, roi de la Lombardie, s'en empara, et fonda le duché de Bénévent, dont les princes possédèrent Naples, Salerne, Capone et Tarente.
La Pouille et la Calabre étaient restées soumises aux empereurs grecs. Au Xie siècle, quelques gentilshommes normands, revenant d'un pèlerinage à la Terre Sainte, s'arrêtèrent à Salerne. Pendant le séjour qu'ils firent à la cour du prince lombard Guimar, les Sarrasins, maîtres de la Sicile, firent une descente dans le port et mirent à contribution le prince et les habitants. Les Normands, peu disposés à voir tranquillement ces infidèles se livrer au pillage, coururent aux armes, et, quoique leur suite fût peu nombreuse, leur courage doublant leurs
forces, il n'y eut qu'un petit nombre de Sarrasins qui purent échapper à leur fureur. Les habitants, pénétrés de reconnaissance, comblèrent de présents leurs libérateurs. A leur retour en Normandie, les succès de cette poignée de braves engagèrent leurs compatriotes à aller chercher fortune en Italie : une expédition s'organisa sous les ordres de Rainolphe. Ce chef, après avoir rendu plusieurs ser vices aux princes grecs et lombards, en obtint la permission de fortifier Aversa, entre Naples et Capoue, et de s'y établir. Les exploits des successeurs de Rainolphe furent encore dépassés par ceux des fils de Tancrède. Leur alliance était recherchée par les petits princes de la Grande-Grèce, mais la cupidité de ceux-ci amena bientôt une rupture. Manassès, général des troupes grecques, dirigea une expédition contre la Sicile : on ne pouvait vaincre sans les Français; les Français y signalèrent leur courage. Mais pendant qu'ils poursuivaient les Sarrasins dans leurs montagnes, les Grecs se partagèrent le butin enlevé sur l'ennemi. Les Normands leur députèrent Ardoin, l'un de leurs chefs, pour leur reprocher leur injustice : celui-ci fut frappé de verges, promené dans le camp et renvoyé tout couvert de sang au milieu des siens. Les soldats, furieux, brûlaient d'assouvir leur vengeance sur les Grecs, lorsque Ardoin, voulant qu'elle fût éclatante, conçut le projet hardi d'aller s'emparer de la Pouille. Ses compagnons le secondèrent si bien, que ce fut une conquête facile. Guillaume, surnommé Bras de Fer, fils aîné de Tancrède, et, après lui, Dreux et Onfroy, ses frères, fondèrent plusieurs principautés; enfin Robert, que sa grande finesse fit surnommer Guiscard, quatrième des douze fils- de Tancrède, étendit ses conquêtes. Maître de la Pouille, de la Calabre, des principautés de Salerne et de Bénévent, il se fit donner par le pape le titre de duc. Roger, son frère, conquit la Sicile avec une poignée de Normands, et prit celui de comte. Son fils Roger, héritier du fils de Robert Guiscard, força l'empereur Lothaire et le pape Innocent lLà le reconnaître pour roi-: ses possessions comprenaient à peu près tout ce qui forme aujourd'hui le royaume des Deux-Siciles.
C'est ainsi que s'établit la maison normande de Sicile ; le dernier de ses princes fut Guillaume 111, fils de Tancrède, surnommé le Bâtard. Comme il était trop jeune pour régner, la régence fut confiée à Sibylle, sa mère. L'empereur Henri VI, allié à cette famille qui l'avait choisi pour protecteur, fit enfermer Sibylle, et condamna le fils à une captivité perpétuelle, après l'avoir privé de la vue et de la virilité. Possesseur de la couronne de Naples, son ambition pouvait être satisfaite, mais sa cruauté soupçonneuse avait besoin de sang et de forfaits. Il fit périr tous les partisans des princes normands, et fit exhumer le corps de Tancrède pour le laisser exposé aux oiseaux de proie. Sa cupidité le porta à d'autres attentats. Richard Cœur de Lion traversait ses États : il le fit jeter dans une prison, afin de lui faire payer sa rançon. Il avait des sicaires à récompenser : il s'empara des biens de l'Église et les distribua à ses favoris. Cette usurpation attira sur lui les foudres du Vatican. Il composa avec le pape, et recommença ses cruautés en Italie avec tant de violence, que sa femme se mit à la tête des mécontents et le fit enfermer dans un château. Le repentir parut alors s'emparer de son cœur; il se réconcilia avec son épouse, et se préparait même à racheter ses forfaits par un pèlerinage à la Terre Sainte, lorsqu'il mourut empoisonné en 1197, emportantle i surnom de Cruel, qu'il n'avait que trop mérité. Ses descendants occupèrent le11
"trône de Naples jusque vers l'an 1265; alors le pape en donna l'investiture à celui qui chasserait Mainfroy, qui venait de l'usurper.
Charles d'Anjou, frère de saint Louis, s'offrit pour accomplir les intentions de Rome, quoique l'héritier direct, qu'on avait fait passer pour mort, existât. C'était une nouvelle usurpation : Charles ne crut pouvoir se soutenir qu'en gouvernant avec un sceptre de fer. Conradin, petit-fils de Henri VI, fit enfin valoir ses droits; mais il fut battu par Charles et décapité. Cet événement contribua à augmenter la haine des Siciliens pour leur nouveau maître : la sévérité du gouvernement, des garnisons françaises dans toutes les places, leur rappelaient trop le droit de la conquête. Ils ne voyaient dans les Français que des rivaux dangereux auprès de leurs femmes. Un proscrit, appelé Procida, conçut le projet de délivrer son pays ; il était soutenu par le pape, l'empereur de Constantinople et le roi d'Aragon. A l'aide d'un déguisement, il parcourait l'île et entretenait des intelligences avec les mécontents. La cour d'Aragon, attendant le moment d'agir, faisait croiser une flotte sur les côtes d'Afrique, sous prétexte de surveiller les Maures, lorsque, la veille de Pâques de l'année 1282, pendant une procession, une dame de Palerme fut insultée par un Français : ce fut le signal de la révolte, à laquelle on a donné le nom de Vêpres siciliennes. Elle n'aurait peut-être pas eu des résultats aussi importants sans la conspiration de Procida : le peuple, enhardi, massacra les Français. Les conjurés appelèrent le roi d'Aragon et sa flotte à leur secours, et le proclamèrent souverain. La conséquence de cet événement fut la séparation de Naples et de la Sicile. Naples continua à être gouvernée par des princes de la maison d'Anjou jusqu'en 1382. Au siècle suivant, ces deux couronnes furent réunies. La possession de Naples et de la Sicile fut un long sujet de guerres pour la France, l'Espagne et l'Empire. La branche espagnole des Bourbons possédait ces deux couronnes, lorsqu'en 1805 le dernier roi fut obligé de se retirer en Sicile. Naples alors fut donnée à Joseph Bonaparte, par son frère, puis à Joachim Murât, en 1808. En 4815, tout fut rétabli sur l'ancien pied. La famille de Bourbon reprit possession du royaume.
Avant de parcourir cette intéressante contrée, jetons un coup d'œil d'ensemble sur ses côtes, sur son système orographique et hydrographique; des découpures saillantes, en donnant au royaume de Naples une éxcessive variété dans l'aspect de ses rivages, contribuent, sur quelques points, à rendre son approche difficile - aux navigateurs. Le littoral est généralement haut et escarpé : à l'est, le promontoire Gargano s'avance dans l'Adriatique et ferme, au nord, le golfe de Manfredonia; au sud-est, se projette dans la mer la presqu'île d'Otrante, terminée par le cap Santa-Maria di Leuca ; le profond golfe de Tarente, qui s'ouvre au sud-ouest de cette presqu'île, est resserré, au sud, par un avancement de la Calabre, presqu'île irrégulière qui, se rétrécissant considérablement dans sa partie moyenne, dessine, à l'est et à l'ouest, deux vastes courbes qui prennent les noms de golfes de Squillace et de Santa-Eufemia. Les deux caps Spartivento et dell' Armi terminent, au sud, cette même Calabre, séparée de la Sicile par le Phare de Messine, où le gouffre de Charybde et le rocher de Scylla ont été longtemps l'effroi des navigateurs. Les golfes de Policastro, de Salerne et de Naples présentent des panoramasjariés et des points de vue que les poëtes ont souvent célé-
brés. Non loin des rivages de l'occident, sont disséminées plusieurs îles, telles que les îles de Ponza, d'Ischia, de Procida et de Capri (la Capreae des Romains), qui rappelle le séjour de Tibère; les îles Ttemiti, à peu de distance du promontoire Gargano, offrent de loin, aux navigateurs, leur pittoresque silhouette de montagnes.
Les Apennins, qui serpentent dans le royaume de Naples et envoient leurs ramifications à l'est et à l'ouest, présentent, au nord, leur point le plus élevé dans le Monte-Corno ou le Grau-Sasso d'Italia ; leur chaîne se dirige d'abord au snd-est puis au sud, et sépare le bassin de Ja mer Tyrrbénienne de ceux de l'Adriatique et de la mer Ionienne. Près du lac de Pesole, il envoie,, à l'est-spdest, le subapenjiin Tarentin, branche importante qui partage les eaux de l'Adriatique et de la mer Ionienne ; une soixantaine d& kilomètres plus au nord ; il projeté, à l'ouest, le subapennin Yésuvien, tfrminé par le çap della Campanella. s cours d'eau les plus considérables du royaume se rendent dans la mer Tyrrhénienne t ce sont le Yolturno et le Garigliano; le Crati, le Sinno, le Busente et le Bradano sopt des tributaires de la mer Ionienne; l'Ofanto, la Carapella, le Cervaro, le Candelaro, le Biferno, le Trigno, le Saqgro, la Pescara, le Yomano et le Tr-oqto tqmbeqt dans la mer Adriatique. Le plus grand lac est le lac Fucino ou de Celano, dans le nord, an milieu des Apennins, et sans écoulement naturel; mai s on lui a creusé, dans l'antiquité, un déversoir qui, obstrué ensuite, yient d'être l'objet de nouveaux et utiles trayall. On remarque quelques lagunes sur les côtes.
Les sites les plus merveilleux 5e déroulent dans le rqyaume de. tapies. Malheureusement, cette riche contrée est souyent troubjée par des trerçiblerpents de terre et des éruptions vQIFqniqnei, J-i'ancîenue PQUIIIÊ renferme qeq plaines sèches et quelquefois sj-érilps J c'est un contraste avec les contrées voiginps, qui produisent en abondance toutes les cpltur.es, to sol est le plus souvent calcaire, argileux dans quelques endroits et sablonneux Je long des côtes. Il y a trois régions distinctes : celle des montagnes, où le froid est d'une certaine intensité pendant l'hiver; celle des vallées et des plaines, exposées au nord, dont la température est quelquefois assez basse à cause du voisinage des montagnes; enQp celle des côtes et du reste du royaume, région délicieuse qui jouit d'un climat dont la chaleur est souvent tempérée par'de douces brises ; en hiver, le froid n'est jamajs persistant et les feuilles recouvrent toujours les arbres. Les pluies sont, malheureusement, fréquenter et abondantes pendant l'hiver, du côté de la mer fyrrhénieqne, et plus d'un voyageur qui croyait, en débarquant à Naples, avoir à admirer im ciel d'azur, a été cruellement (Jésillpsionné en ne voyait qu'un horizon chargé 'de nuages; mais le mauvais temps dure peu, et le pluie paraît souvent moins Pénible à supporter que la chaleur étouffante et desséchante de l'été; lorsque les vents du sud et du sud-est, le terrible sçiroçcç et le libecchio, se font septir, on se croirait transporté sous le ciel brûlant de l'Afrique; quelquefois, alors, de fortes ondées viennent rafraîchir l'atmosphère. A l'exception de quelques marais, d'où se dégagent des miasmes malfaisants, le climat est salubre, et les vieillards y atteignent un âge très-avancé.
Quoique l'agriculture laisse encore beaucoup à désirer, les productions du royaume sont très-variées : la culture qui se fait avec le plus de sqin est celle dp la vigne ; le plus souvent on la marie aux ormeaux, aux peupliers et aux mû-
riers; et les espaces qui s'étendent entre ces arbres sont semés de blé et d'autres grains. La Terre de Labour et les plaines de la Terre de Bari sont renommées pour leur étonnante fécondifé en céréales. Le blé, le maïs, l'orge, et, dans les parties frdides, le seigle, sont les principales cultures. Les vins les plus estimés sont ceux du voisinage du Vésuve, dits de Idcryma Christi, et ceux de l'île d'Ischia.
Les fruits, les légumes et les plantes potagères sont presque partout abondants et d'une exquise saveur, principalement dans la province de Naples, la Terre de. Labour et les provincés de l'est, où il y a des forêts d'amandiers et d'oliviers ; c'est la partie ,de toute l'Italie où l'olivier est le plus répandu. Dans les provinces du sud et du sud-est, on cultive beaucoup de caton, dé tabac d'excellente qualité et encore des oliviers. Le murièr se rencontre dans la plupart des territoires ; la canne à sucre, les figues, les limons, les grenades, les dattes et l'aldès croissent surtout en Calabre. Des forêts couvrent les parties montagneuses. Le riz viênt dans les territoires humides. De magnifiques pâturages nourrissent une quantité de bœufs, de vaches, de mulets et de moutons; il y a de grands troupeaux de buffles dans les terrains marécageux du nord-ouest. Quoique la race des chevaux de Naples, jadis très-renommée, paraisse avoir dégénéré, elle n'en forme pas moins une des meilleures de l'Italie. On élève des vers à soie, des abeilles, des volailles, dans la plupart des provinces. Les forêts de l'Apennin renferment urt grand nombre d'animaux sauvages, entre autres beaucoup de loups, de lynx, de porcs-épics à crête que l'on prétend être particuliers à la partie sud de l'Italie.
Les produits minéraux abondent : il y a des carrières de marbre, du gypse, des pierres à bâtir, de l'argile. Le fer de la Calabre et de la Basilicate est réputé comme excellent. On trouve, en abondance, du soufre et du sel.
Depuis quelques années, on remarque un grand développement dans l'industrie napolitaine. Bon nombre de fabriques et d'usines se sont établies, soit aux environs de la capitale, soit dans l'intérieur des provinces. Les principales sont des fabriques de draps, d'indiennes et de mouchoirs peints, de rubans, de soieries et de toiles de lin, de boutons de métal, de tapis de laine, de bonneterie, des papeteries, des fonderies de fer, des filatures, des fabriques de cuir, de faïence, de papiers peints, etc. La plupart des ouvriers employés dans ces établissements viennent de l'étranger. Les directeurs ou contre-maîtres sont Anglais, Allemands ou Français.
Le commerce de la partie continentale du royaume avec les pays étrangers s'est élevé, en 1857, à 145 930 000 francs, dont 79 615 000 appartenant à l'importation, et 66315000 à l'exportation, Les principaux articles d'importation sont le coton, le sucre, les tissus, le café, etc. ; ceux d'exportation sont l'huile, la soie, la garance, les lâirtes, les amandes, les fruits secs, les pâtes, le soufre, etc.
Le royaume de Naples ou les Domaines en deçà du Phare, c'est-à-dire la partie continentale du royaume des Deux-Siciles, comprend quinze provinces, qtii sont, en commençant par la côte occidentale, puis en remontant par les côtes sud-est et orientale : la Terre de Labour; Naples; la Principauté Citérieure; la Principauté Ultérieure; la Basilicate; la Calabre Citérieure; la Calabre Ultérieure deuxième; la Calabre Ultérieure première; la Terre d'Otrante; la Terre de Bari; la Capitanate; le Sannio" ou MÕlise; l'Abruzze Citérieure; l'Abruzze Ultérieure première ; l'Abruzze Ultérieure deuxième.
La Terre de Labour [Terra di Lavoro) renferme beaucoup de pâturages et de plaines riches. Les Apennins envoient quelques branches dans l'intérieur. Pendant longtemps ce pays eut la triste réputation d'être le refuge de terribles bandes de brigands; aujourd'hui les attaques sont devenues très-rares, grâce à une surveillance plus active. Le nom de Terre de Labour a été appliqué à un territoire 1 beaucoup plus vaste que celui qu'il désigne aujourd'hui. Naples était autrefois comprise dans ce pays. La province actuelle est encore considérable cependant, et correspond à la plus grande partie de l'ancienne et délicieuse Campanie.
Caserte (Caser ta), chef-lieu de cette province, fut fondée par les Lombards ; elle contient 20 000 habitants, et. se trouve magnifiquement placée dans un territoire fertile en fruits excellents et en vins très-estimés ; elle possède un magnifique château royal, qui fut commencé en 1752. Son parc est orné de bassins dont l'eau est amenée par un superbe aqueduc de 35 kilomètres de long. — Noie (Nola), peuplée de 10000 habitants, est une ville très-ancienne, qui fut autrefois une des cités les plus importantes de la Campanie. C'est la patrie de Giordano Bruno, qui futbrûlé comme hérétique en 1600. Auguste y mourut. On dit que l'usage des cloches dans les églises fut introduit par saint Paulin, évêque de Noie, au IVe siècle : de là le nom de nolœ ou de campanœ que reçurent ces instruments. - Madaloni, à 5 kilomètres sud-esl de Caserte, a un bon collége et compte une population de 11 000 habi.
lants. — Capoue n'a de commun avec la fameuse Capua des anciens que le nom; elle est à 4 kilomètres de l'emplacement de celle-ci, mais elle occupe la place de Casilinum. Les Lombards la fondèrent en 856. C'est une des places fortes les plus importantes du royaume. Elle fut prise par les Français en 1799 et 1806.
On y a dernièrement exécuté des travaux considérables destinés à donner une grande force aux ouvrages de défense. — Santa-Maria Maggiore possède une grande maison de détention. — Acerra (8000 hab.) est dans une situation insalubre. — Sessa (Suessa Aurunca), avec 4 000 habitants, placée sur une montagne volcanique, est la patrie du poëte satirique Caius Lucilius. - Aversa, la première ville que les Normands français occupèrent en Italie, a un hospice d'enfants trouvés et une maison d'aliénés. — Mola di Gaeta (Formiæ) rappelle de grands souvenirs : c'est près de ce bourg que Cicéron avait sa maison de plai-
sance ; c'est sur le chemin même qui y mène que l'atteignirent les assassins apostés par Antoine. — Non loin de là, quelques ruines indiquent la position de Minturnes, dont les marais sont si connus. On se souvient que Marius y fut atteint par des cavaliers de Sylla. — Gaëte (Caeta), avec 14000 hab., s'élève en amphithéâtre au bord de la mer : c'est la Gajeta dont parle Virgile, et dont le port fut réparé par Antonin le Pieux. Ses murailles ont été construites par Charles-Quint, et l'on y voit le tombeau du connétable de Bourbon, dont le corps resta, depuis l'année 1528 jusqu'en 1757, privé de sépulture, parce que ce prince avait été excommunié. Gaëte est entourée d'une délicieuse ceinture de vergers, de citronniers et d'orangers. — Fondi occupe une charmante vallée.
C'est sur la voie Appiennc qu'est bâtie sa principale rue. A la sortie de Fondi, l'air est parfumé de l'odeur des champs de fèves et des fleurs de l'oranger ; on aperçoit cet arbre à chaque pas, à côté des cyprès, des citronniers et de belles haies d'aloès. On récolte, dans le voisinage de Fondi, le célèbre vin de Cécube.-
Aquino (Aquinurn) présente de belles ruines à l'admiration des archéologues.
C'est la patrie de Junéval et de saint Thomas d'Aquin. - Arpino (Arpinurn), aujourd'hui commerçante, a vu naître Marius et Cicéron. - Sora, qui compte environ 8000 habitants, possède plusieurs fabriques de papiers et de draps. —
Isola est adonnée à l'industrie. — Piedimonte di Alife (7 000 hab.) est le siège principal de l'industrie du coton dans le royaume de Naples.
Sur les pentes des Apennins, San-Germano, bâti près des ruines de Cadnum, dont on voit encore quelques restes, rappelle des souvenirs historiques : le 16 mars 1815, Murat y fut défait par les Autrichiens. La ville est défendue par un fort. Elle est la résidence de l'abbé du Mont-Cassin (Mon te- Cassino). Cette superbe abbaye occupe la cime d'une montagne escarpée; sa -façade présente un large développement; son intérieur, richement orné, renferme une belle bibliothèque et-une collection d'antiquités. L'église possède. le corps de saint Benoît, son fondateur, et celui de sainte Scholastique. Jadis les bénédictins du Mont-Cassin étaient propriétaires et seigneurs de toutes les terres environnantes ; aujourd'hui ces terres appartiennent à la couronne. Les environs de l'abbaye furent pendant longtemps infestés de brigands. Les cadavres, suspendus de distance en distance - aux branches des arbres, annonçaient le châtiment qu'on leur réservait, mais ne les effrayaient point. Cette partie des Apennins a une physionomie particulière : quelquefois, au mois de juin, le sommet des montagnes est couvert de longues bandes de neige, auxquelles les rayons du soleil prêtent des reflets argentés, tandis que, dans les vallées, des paysans, qui ne les habitent point parce qu'elles sont fiévreuses, récoltent les cerises et s'occupent des autres travaux champêtres. —
Valvi) située dans une position insalubre, fut, sous le nom de Cales, importante sous les Romains, et renommée par ses bains; ses vignobles, suivant certains auteurs, produisaient le fameux falerne. Les Français y remportèrent une victoire en 1798. — Teano est l'ancienne Teanum Sidicinum.
Les îles de Ponce (Ponza), que nous avons déjà décrites, appartiennent à la Terre de Labour. Leur ville principale est Ponza, dans l'île du même nom.
Nous voici à Naples (en italien Napoli), cette Neapolis des Romains, cette Parihénope des Grecs, qui, dans leurs brillantes fictions, attribuaient sa fondation à la sirène Parthénope, sans doute pour exprimer la sùreté de son port et son importance maritime. Naples est située au fond d'un golfe qui a 25 kilomètres de tour. La ville avec ses faubourgs en occupe 15 seulement de circonférence. La largeur et la beauté de ses quais; le château de l'OEuf (Castel dell Uovo), isolé sur le haut d'un rocher escarpé; celui de Saint-Elme, qui s'élève sur une colline de l'intérieur; l'île de Capri, qui sort de l'onde comme un rocher stérile ; la couleur noirâtre du Vésuve, qui menace la ville de ses feux destructeurs, et dont les flancs, couverts de la plus belle verdure, sont tachetés de points blancs qui sont autant de maisons de campagne; les montagnes bleuâtres dont l'extrémité forme le promontoire de Massa; à leurs pieds, Castel-a-Mare, bâtie sur les ruines de Stabiœ, près de laquelle Pline l'Ancien trouva la mort en contemplant l'éruption qui détruisit Pompéia ; au bord la mer, Soi*rento. patrie du Tasse, forment un point de vue dont la magnificence surpasse les plus belles descriptions. En voyant se dérouler ce riche
panorama, on peut se dire avec le Napolitain : Vedi Napoli e poi muoril Voir Naples et mourir! Ces quais, animés par la foule qui se presse, annoncent une ville populeuse; mais c'est dans la rue de Tolède qu'on peut s'en faire une idée juste. Aucune rue dans Paris ne présente autant de confusion, ne retentit d'autant de fracas. Cette rue présente, le dimanche, l'image de ces parterres de théâtres de province où s'opère le flux et le reflux, tant on s'y presse, tant on se fatigue pour faire un pas. Trois cents chars, aux essieux dorés, la traversent aussi prompts que l'éclair, et s'y croisent en tous sens, sans s'inquiéter s'ils trouveront un passage. Il semble voirie soc d'une charrue qui creuse un sillon, et jette dou cement la glèbe de chaque côté, car personne ne bouge et jamais aucun accident n'arrive : le Napolitain pressent l'arrivée du char, détourne légèrement l'épaule et prend ensuite sa première position. La rue de Todèle, a-t-on dit, est de toutes les rues du monde celle où se passent les scènes les plus bizarres et les plus variées : c'est une foire perpétuelle. L'acquajolo y distribue sa boisson rafraîchissante et glacée ; le lazzarone y vend ses figues ; le bateleur y dresse ses tréteaux f ses auditeurs mangent du macaroni. Quelquefois, au milieu de la foule, un convoi s'avance processionnellement avec tout l'appareil d'un triomphe, car le - coffre qui renferme la bière dépositaire du cadavre est éblouissant -d'or et de sculpture, et repose sur une estrade revêtue d'un riche tapis de velours cramoisi.
Le mouvement et l'activité qui caractérisent Naples ne sont nullement les indices de l'industrie et du travail. Les Napolitains se remuent et se tourmentent sans rien faire, comme ils se querellent et se menacent avec fureur sans jamais en venir aux mains. On comprend que nous ne parlons que du peuple : c'est toujours dans ses rangs qu'il faut observer le caractère national. Dans la dernière classe de Naples, il règne un sentiment de haine très-prononcé contre ceux qui tiennent la balance de Thémis. Rouez de coups de canne un filou qui vous met la main dans la poche, le peuple approuvera la correction; conduisez-le au corps de garde, il murmurera. Un crime est-il commis, on plaint la victime; l'assassin est il arrêté, c'est lui qui excite la pitié.
L'existence des lazzaroni s'est améliorée : cette portion du peuple, désœuvrée par goût et soumise par paresse, ne trouble point la tranquillité delà ville.
Ce n'est que dans quelques grandes occasions qu'on l'a vue manifester contre le gouvernement des intentions hostiles. Ces hommes, qui pour la valeur de 15 centimes de notre monnaie se procurent autant de macaroni qu'ils peuvent en manger, qui pour 2 centimes s'abreuvent d'eau glacée, ont bientôt gagné de quoi satisfaire les besoins les plus impérieux. La glace est de première nécessité à Naples, comme le pain l'est dans les régions tempérées : le gouvernement met tous ses soins à la tenir à bas prix. La mendicité prend dans cette ville toutes les formes pour tromper les étrangers, ou pour émouvoir les passants; le vol n'y est pas rare, et dans les endroits populeux on est souvent exposé à se voir enlever samontre ou son mouchoir avec une habileté que ne désavouerait pas le pick-pocket anglais.
Naples, malgré le grand nombre de ses monuments, ne peut pas être considérée comme une ville privilégiée sous le rapport architectural; ses places sont en gé-
néral petites; ses rues, étroites, obscures, montueuses à quelques exceptions près, rachètent ce défaut par l'état de propreté dans lequel les maintient leur dallage en lave noire. Cette ville possède un grand nombre d'établissements philanthropiques, artistiques, scientifiques et littéraires. Ses monuments, pour la plupart, se recommandent moins par les dimensions et l'architecture que par la décoration intérieure. Le principal palais de Naples est le palais Royal, résidence actuelle de la cour, remarquable par ses vastes proportions, la beauté de son frontispice, la magnificence de son escalier, la somptueuse élégance de ses appartements. Ce palais a vue d'un côté sur la mer, de l'autre sur une grande place irrégulière, que décorent les deux statues équestres en bronze de Charles III et de Ferdinand 1er..
On remarque ensuite : 1 e palais des princes de Salerne, dont les jardins sont immenses; le palais des Étrangers, où le roi reçoit les hôtes illustres qui viennent le visiter; le palais de Capo di Monte, qui domine la ville, et auquel aboutit le.
nouveau chemin de Capo di Monte, par un superbe pont hardiment jeté pardessus les maisons du. faubourg Satina; tout près est une Casina, où l'on forme une flore très-riche. Enfin, on remarque encore le petit palais Chiatomone, dans une délicieuse situation.
Les églises sont nombreuses à Naples : la cathédrale porte les noms de Ves* covado et de San-Gennaro (Saint-Janvier), saint en grande vénération parmi le peuple., et dont le sang, conservé dans deux petites fioles, excite la joie ou le désespoir de la populace, selon qu'il se liquéfie ou qu'il reste coagulé le 19 septembre, jour de la fête patronale, et le 6 mai, anniversaire du jour où il fut reconnu comme patron du royaume. L'église, d'une architecture gothique, est bâtie sur les ruines d'un temple d'Apollon. L'église de Gesu-Nuovo est aussi fort riche. Les autres monuments religieux, dont le nombre s'élève à 257, sont tous remarquables, si" non par leur architecture, du,moins, par la dévotion que montrent les habitants. Il y a, à Naples, 52 couvents d'hommes et 24 couvents de femmes. Le couvent de Sainte-Claire, presque exclusivement réservé à la noblesse, a compté un moment plus de trois cent cinquante religieuses.
L'université napolitaine fut fondée en 1224. Citons, parmi les édifices qui sont consacrés à la culture des arts, des sciences et des lettres, le palais des Études (Studj), où se trouve la belle bibliothèque Borbonica, et où le musée d'antiquités renferme un grand nombre de curiosités. Naples possède 10 théâtres; le premier est celui de Saint-Charles, qui est en magnificence le rival du fameux théâtre de la Scala, à-Milan. Les trois plus belles places sont celles du palais Royal, de gli Studj et de Spiritu-Santo. Les plus vastes sont celles du Castello, de Fontana Medina, de Monte Calvario,- de San-Lorenzo, de la Carita, du Mercato et du Mercate llo.
Nous avons déjà parlé de la rue de Tolède et de son animation; la Chiaja, qui peut être considérée comme un des faubourgs de Naples, s'étend à l'ouest et est décorée de superbes hôtels; La Chiaja est terminée par un long qdai ou plutôt par une promenade plantée d'orangers et de citronniers, ornée de fontaines et de gazons. Les élégants de Naples y viennent respirer les douces senteurs balsamiques qui s'exhalent de la végétation du voisinage. C'est très-près de ces
Champs-Elysées napolitains qu'est située la Villa Reale, promenade charmante, où l'on voyait autrefois le fameux taureau Farnèse.
Si la Chiaja est fréquentée par l'aristocratie, le Môle, à côté du Porto Grande, l'est presque exclusivement par le peuple.
Les fortifications de Naples ne présentent pas une grande force de résistance : elles consistent principalement en 5 forts, dont les principaux sont : le château Saint-Elme (Castello S. Ermo), qui fut construit par Charles le Boiteux et agrandi par Charles-Quint ; le château de VOEuf, dont nous avons déjà parlé, et le Château-Neuf (Castel Nuovo), placé aussi au bord de la mer.
Naples n'avait point, avant le siècle dernier, un nombre d'institutions de bienfaisance proportionné à sa population. On y compte aujourd'hui une douzaine d'hôpitaux, parmi lesquels on distingue les Invalides, les Enfants-Trouvés, le Reclusor.io, l'hôpital des Incurables, le plus vaste et le mieux tenu : on y soigne près de mille malades, et il peut en contenir le double. Quatre cliniques, dépendant de l'université, y sont établies ; l'une concerne la médecine, l'autre la chirurgie, une troisième est pour les accouchements, et la quatrième pour les maladies des yeux.
L'industrie napolitaine consiste en fabriques d'étoffes, de rubans, de bas de soie, et principalement en macaronis et en diverses pâtes. Ses savons parfumés et ses cordes d'instruments jouissent d'une grande réputation. La population de la ville était de 413 000 habitants en 1856. Elle est aujourd'hui de près de 450000.
Nous avons parlé des catacombes de Rome ; celles de Naples leur sont bien supérieures par leur étendue : on dit qu'elles ont 3 kilomètres de longueur. Elles occupent les cavités d'une montagne située au nord de la ville. Ces galeries servaient de sépulture vers les premiers siècles de l'ère chrétienne.
Le Vésuve, dont les éruptions si souvent décrites, paraissent venir à des périodes que la science peut approximativement indiquer, se compose de deux parties : l'une, conique et assez aiguë, occupe le centre : c'est le Vésuve proprement dit; l'autre forme une enceinte demi-circulaire, qui entoure la moitié du volcan, au nord : c'est la Somma. Cette espèce de cône, dont la base est recouverte d'un tuf calcaire coquillier, paraît être due à un soulèvement antérieur aux premières éruptions du Vésuve (1).
(i) Chateaubriand descendit dans l'enceinte même du cratère. Voici la description qu'il en fait : - « Qu'on se figure un bassin d'un mille de tour et de trois cents pieds d'élévation, qui va s'élargissant en forme d'entonnoir. Ses bords ou ses parois intérieures sont sillonnés par le fluide de feu que ce bassin a contenu et qu'il a versé au dehors. Les parties saillantes de ces sillons ressemblent aux jambages de briques dont les Romains appuyaient leurs énormes maçonneries. Des rochers sont suspendus dans quelques parties du contour, et leurs débris, mêlés à une pâte de cendre, recouvrent l'abîme.
« Des fumées transpirent à travers les pores du gouffre, surtout du côté de Torre del Greco. Dans le flanc opposé, vers Caserte, s'aperçoit une flamme. Quand vous enfoncez la main dans les cendres, vous les trouvez brûlantes à quelques pouces de profondeur.
« La couleur générale du gouffre est celle d'un charbon éteint; mais la nature sait ré-
Le meilleur cours d'antiquité que l'on puisse faire, c'est d'aller visiter Pompeia (ou plutôt, suivant la forme ancienne, Pompeii, et, suivant la forme moderne, Pompei), engloutie l'an 79 de notre ère par une éruption au Vésuve, dont les feux ont, jusqu'à ce jour, épargné Naples, quoiqu'il n'en soit éloigné que de la distance qui le sépare de Pompeia. On croit généralement que l'éruption boueuse et la pluie de cendres qui ont couvert cette ville ne l'engloutirent point d'abord ; que ses habitants n'y furent point ensevelis; qu'ils eurent le temps de sauver les objets précieux qu'ils possédaient,' ou qu'ils revinrent après la catastrophe pour enlever leurs richesses. La plus basse des couches qui la recouvre et qui paraît avoir été remuée, le petit nombre de squelettes et le peu. d'argent monnayé qu'on y a retrouvés serviraient de preuves à cette assertion. Huit couches de déjections volcaniques se succèdent : diverses éruptions ont donc, à plusieurs reprises, suivi la même-direction. On ne voit point de laves parmi ces produits du feu, mais seulement des scories et des pierres ponces. On peut se promener dans les rues de Pompeia et pénétrer dans ses maisons ; on suit encore la route garnie de larges trottoirs et bordée de tombeaux. La trace antique des chars sur la chaussée, pavée de larges dalles en lave, conduit à la porte de la ville. Ses murailles sont debout ; quelques caractères gravés sur les pierres ont fait reconnaître qu'elles ont été bâties par les Osques, longtemps avant la fondation de Rome. Les casernes, parfaitement conservées, portent sur leurs murs des dessins incorrects, fruits du désœuvrement des soldats romains. Deux théâtres, un amphithéâtre et la plupart des maisons de cette ville sont maintenant à découvert.
La ville de Torre dell' Annunziata, avec des sources minérales et une manufacture d'armes blanches, se trouve un peu à l'ouest de l'emplacement de Pom-
peia. — Torre del-Greco (17000 hab.), aussi au pied du Vésuve et sur le golfe de Naples, récolte d'excellents vins, et fait des macaronis renommés.
Herculanum, ou mieux Herculaneum, ensevelie sous des décombres volcaniques de la même éruption, au-dessus desquels est bâti Portici, à l'ouest du Vésuve, au bord de la mer, n'a été explorée que pour en retirer les objets précieux qui donnent tant d'intérêt au musée des Studj. L'existence de cette antique cité n'a été constatée que par une circonstance accidentelle : en creusant un puits, en 1713, on arriva juste au théâtre (1). — Resina, près de là, est le lieu où se récolte le fameux vin de lacryma Christi.
pandre des grâces jusque sur les objets les plus horribles : la lave, en quelques endroits, est peinte d'azur, d'outremer, de jaune et d'orangé. Des blocs de granité, tourmentés et tordus par l'action du feu, se sont recourbés à leur extrémité comme des plumes et des feuilles d'acanthe. La matière volcanique, refroidie sur les rocs vifs autour desquels elle a coulé, forme, çà et là, des rosaces, des girandoles, des rubans; elle affecte aussi des figures de plantes et d'animaux, et imite les dessins variés que l'on découvre dans les agates.
(1) Nous extrayons de l'Athenœum français la note suivante, sous le titre de: La vérité sur l'enfouissement d'Herculanum : « Si tout le monde est d'accord pour attribuer la destruction de Pompeia, d'Herculanum et de sept autres petites villes et bourgades * de la Campanie à une éruption du Vésuve et aux circonstances qui l'accompagnèrent, la question de savoir à laquelle de ces circonstances il faut attribuer l'enfouissement de ces malheureuses cités est loin d'être résolue.
Pendant longtemps on a cru que ces villes disparurent sous une énorme masse de cendres
Après avoir vu Naples, du château de Portici ; après l'avoir contemplée du haut du Capo di Monte, d'où l'on peut compter sesjDalais et ses églises, apprécier son imposante étendue, et voir se perdre à l'horizon la mer et les îles qui s'élèvent à l'entrée de son golfe, il faut l'admirer encore du jardin du couvent des Camaldoli, situé au sommet d'une colline volcanique de 400 mètres de hauteur.
Au nord, l'œil se perd dans les vastes plaines de la Campanie, bornées par les montagnes des Abrnzzes. D'un côté, Naples s'étend entre Pouzzoles et le Vésuve; on voit le lac Averne (aujourd'hui Canneto), dont les eaux n'exhalent plus ces vapeurs empoisonnées dont parle Virgile, et qui ne suffoquent plus les oiseaux qui volent au-dessus (1); cette Solfatare, connue jadis sous le nom de Phlegra., ou de Forum Vulcani; le lac d'Agnano, d'où l'eau, sans chaleur, soulevée par le gaz hydrogène, bouillonne à sa surface; le Fusaro, l'Achéron ou Acherusia des poëtes, que l'on peut traverser impunément depuis que Caron n'en est plus le batelier; le lac Lucrin (Maricetto), si célèbre autrefois par la bonté de ses huîtres, et qui n'est plus aussi qu'un misérable étang, comblé en partie par la formation du Monte-Nuovo, en 1538; la Fosse de Néron (aujourd'hui lac Licola) ; le
et de rochers vomie par un volcan. Mais les investigations de la science sont venues déranger ces croyances, et donner naissance à une hypothèse qui seule permet d'expliquer naturellement des faits inexplicables en n'admettant que la chute des cendres et des rochers.
« C'est un savant français, M. Dufrénoy, qui, en étudiant les lieux, a le premier reconnu que, si la pluie de cendres, dont l'abondance était telle qu'elles changèrent le jour en une nuit profonde, dut faire périr, par asphyxie, un nombre considérable de personnes, elle ne concourut que pour une faible part à l'enfouissement d'Herculanum et des villes qui partagèrent son sort. En supposant, en effet, ces villes recouvertes par des nuages de cendres s'abattant sur elles, ces cendres, en tombant, n'auraient pénétré que dans les cavités ouvertes, et ne se seraient déposées que sur les surfaces. Or, dans toutes les fouilles exécutées à Herculanum et à Pompeia, on a trouvé des caves profondes et fermées, dont les voûtes étaient restées intactes, complètement remplies de tuf. Enfin le comblement est si parfait, que ce tuf forme une masse compacte, et qu'il se moule partout et exactement sur les objets qu'il enveloppe. Une pluie de cendres ne pourrait jamais avoir produit ce résultat, et la preuve, ainsi que.le remarque très-judicieusement M. Dufrénoy, c'est qu'il ne se présente en aucun cas dans les localités envahies et couvertes par le sable des dunes. Toujours il reste de grands vides dans les maisons englouties, à moins que leurs toits et leurs plafonds ne s'effondrent sous le poids de la couche qui pèse sur elles.
« Il faut donc admettre, forcément, que les eaux ont joué le principal rôle dans l'enfouissement d'Herculanum et de Pompeia, puisqu'une eau boueuse a pu seule s'infiltrer dans des caves fermées, et les remplir en prenant son niveau.
« La nature de la couche sous laquelle gisent Pompeia et Herculanum vient donner une nouvelle valeur à l'hypothèse précédente. La masse de débris que forme cette couche se compose presque exclusivement de matières qui ne peuvent être sorties de la bouche du volcan. De plus, ces matières, par leur disposition, paraissent avoir été déposées par un courant d'eau. Il est donc rationnel de conclure de tout ceci : que la pluie de cendres a commencé l'enfouissement, asphyxié ou mis en fuite les habitants; mais que, l'ébranlement causé par l'incalculable violence de l'éruption ayant fait écrouler les contre-forts entourant le cratère du Vésuve, ce sont les débris de ces contre-forts qui, délayés dans des torrents d'eau, ont enseveli, sous une masse boueuse, Herculanum et Pompeia. Quant aux coulées de laves, on n'en trouve pas la moindre trace dans le grand désastre de l'an 79. »
(i) Depuis peu de temps, le gouvernement napolitain a créé un établissement maritime, un intéressant port de guerre, au lac Averne. L'idée première de cette création remonte à Napoléon Iep, qui la fit étudier en 1806,
port de Misène (maintenant Mare Morto)\ enfin Baja (l'ancienne Baïes), dont l'aspect inspire encore les prêtes, et dont les sites enchanteurs étaient surtout célèbres alors que César et Néron faisaient construire, des palais près des temples de Diane, de Vénus et d'Hercule.
Descendons des Camaldoli et dirigeons-nous vers la colline que l'on appelle le mont Pausilippe (ou plutôt, suivant l'ancienne forme, Pausilyppe, et, suivant la forme italienne actuelle, Posilipo); c'est un promontoire qui sépare la ville de Naples des Champs Phlégréerts. La colline est percée d'outre en outre par une route souterraine, que l'on peut regarder comme l'un des plus anciens ouvrages-de ce genre. « Cette route, dit Strabon, traverse dans l'espace de plusieurs stades la.
montagne située entre Neapolis (Naples) et Dicœarchia (Pouzzoles). Sa 1ar geur est telle que les voitures qui s'y rencontrent n'éprouvent aucun embarras, et le jour y pénètre en beaucoup d'endroits par des ouvertures percées intérieurement depuis la surface de la montagne, dans une grande épaisseur. » Cette description convient encore parfaitement à la grotte de Pausilippe, On lui donne 700 mètres de longueur, 16 de hauteur et 10 de largeur. Elle a été d'autant plus facilfe à creuser, que la montagne est entièrement composée de tufa volcanique ou de péperin. Quoique pavée, elle est toujours remplie de poussière ; le jour y pénètre par les deux extrémités et par deux trous percés vers le milieu. Les personnes richés la traversent en faisant porter des torches devant elles. A deux époques de l'année, en octobre et en février, les derniers rayons du soleil s'y prolongent dans toute sa longueur. De cette route au cap Misène, la côte est parsemée de temples, d'amphithéâtres et. d'autres restes. antiques ; à Pouzzoles (en italien Pozzuoli, anc. Puteoli), ville de 9 000 âmes, qui, après avoir éprouvé les ravagea des barbares depuis le ve jusqu'au VIlle siècle, fut renversée en 1538 par un tremblement de terre, la cathédrale est bâtie sur les débris d'un temple dédié à Auguste (1). Il reste encore des ruiner de son amphithéâtre ; à quelque distance de la ville, le temple de Sirapis est un monument digne de fixer l'attention de l'antiquaire et du géologue (2). Les Étuves de Néron, les Étuves de San..Gel'mallo, la Grotte du Chien,.la Grotte d'Ammoniaque, sont, autour de Pouzzoles, des lieux célèbres dans lq géographie physique.
<0 À Pouzzoles, dit Chateaubriand, j'ai examiné le temple des nymphes, la maison de Cicéron, celle qu'il appelait la Puteolane, d'où il écrivit souvent à Atticus et où il composa, peut-être, sa seconde Philippique. Cette villa était bâtie sur le plan de l'Académie d'Athènes : embellie depuis par Vétus, elle devint un palais sous l'empereur AdJien, qui y mourut.
(2) Lorsqu'on le déblaya, il y a un siècle, son pavé était. encore jonché de divers in..
struments de sacrifices et de statues brisées ; mais ce qui parut fort extraordinaire, c'est que, les colonnes restées debout étaient percées à leur base, jusqu'à la hauteur de cinq à six pieds, par des pholades. Ces mollusques marins, très-communs dans les mers d'Europe, sont des animaux à coquilles bivalves armées de plusieurs parties accessoires, qui parviennent, par un mouvement de rotation et à l'aide des dents dont leurs coquilles sont garnies, à percer les pierres calcaires les plus-dures. L'espèce de marbre dont les colonnes du temple sont forcées, ne renferme aucune autre trace de ces animaux ; il faut donc que les trous dont elles sont percées aient été faits depuis la catastrophe qui a couvert le temple de cendres volcaniques. Pour expliquer ce phénomène, on a. supposé que la mer s'était élevée au moins jusqu'àla hauteur des trous de ces pholades : on n'a pas remarqué qu'un pareil événement, arrivé nécessairement depuis le commencement de notre ère, aurait détruit plusieurs villes
Sur le revers du mont Pausilippe, un monument composé d'une large base 1 carrée, en pierres et en briques, sur laquelle s'élève une espèce de tour circulaire, j attire les regards et commande le respect et le recueillement : c'est le tombeau de Virgile. L'intérieur consiste en une chambre carrée et voûtée ; le tombeau est couvert de terre où croissent mille arbrisseaux : il est ombragé par des chênes verts, mais on n'y voit plus le laurier planté par Pétrarque. On dit que ses racines existent encore, et que, comme s'il était devenu immortel près des cendres du poëte divin, il reverdit dès qu'il a été humecté par les eaux pluviales, mais que les voyageurs s'emparent de ses feuilles à mesure qu'elles poussent.- Casimir Delavigne a renouvelé, de nos jours, le célèbre laurier du Pausilippe.
Castel-a-Mare ou Castellammare (18 000 habitants), port militaire, est dans une magnifique -situation, près de l'antique Stabiae, au pied de la montagne de Quisisana; il s'y trouve le principal chantier de la marine du royaume. Sorrento, cette délicieuse patrie du Tasse, sur la rive sud-est du golfe de Naples, était autrefois une importante cité romaine sous le nom de Sorrentum. Les femmes y sont fort belles. — Cumes (Cumm), fondée, croit-on, 1400 avant Jésus-Christ, et célèbre par son temple d'Apollon et par l'antre de la sibylle, offre des ruines très-curieuses, sur la côte occidentale de la province de Naples. Nous avons décrit ailleurs les îles qui dépendent de la province de Naples : nous ajouterons seulement qu'Ischia, peuplée de 2 OOO-hab., a une ville du même nom, sur la côte orientale, et celle de Forio, à l'ouest ; — que Procida, si petite et cependant si peuplée (15 000 âmes), a aussi une ville du même nom, avec un palais où le roi habite quelquefois ; — enfin que Capri, habitée par 3 500 individus, a pour villes Capri et Anacapri.
Cette petite province deNaples renferme tant de lieux célèbres qu'on a delà peine à la quitter; il faut cependant l'abandonner pour la Principauté Citérieure, province montagneuse, qui renferme de belles forêts. Remarquons d'abord l'antique Salerne, que les Romains fortifièrent pour retenir dans l'obéissance les Picentes, qui avaient embrassé le parti d'Annibal. Une portion de la ville s'étend sur le bord de la mer, et Fautre s'élève en amphithéâtre jusqu'au château qui la domine. Sa cathédrale, environnée d'un portique dont les colonnes antiques sont en porphyre, renferme le tombeau du pape Grégoire Vil et les reliques de saint Matthieu l'Évangéliste. Le port, placé au fond d'un golfe, était le plus fréquenté de cette côte, avant que celui de Naples eût acquis de l'importance. Robert Guiscard s'en empara en 1075, et en fit le siège principal de la domination normande en Italie. Salerne était surtout célèbre au xLe siècle par son école de philosophie et de médecine, dont plusieurs préceptes ont été longtemps considérés comme des oracles. C'est la patrie de Jean de Procida. Sa population est de 12 000 habitants.
fort anciennes, situées sur les côtes de la Méditerranée, et que Naples même en aurait été victime. L'histoire, d'ailleurs, en aurait parlé. Aux xve et xvie siècles, la côte de Baies fut exposée à plusieurs bouleversements volcaniques, et des ruines, qui sortent du sein des eaux, prouvent que la terre s'est affaissée en plusieurs endroits. On peut supposer qu'après leur affaissement les terres se sont relevées, puisque le pavé du temple est encore au-dessus du niveau de la mer.
Parmi les endroits qui doivent attirer notre attention, citons encore, dans la même province : Cava (13 000 habitants), au nord-ouest de Salerne, ville bien bâtie, située à peu de distance d'un fameux couvent de bénédictins; — Nocera (8 000 hab.), l'ancienne Nuceria, qui fut un heureux champ de bataille pour Narsès, en 554, et devint le séjour de plusieurs milliers d'Arabes, en 915 fit en 1220; — Amalfi, autrefois importante et très-commerçante, patrie de FlavioGioja, à qui l'on a attribué à tort l'invention de la boussole; - Campagna, peuplée de 8000 habitants, et entourée de montagnes; — CapaccioNuovo et Capaccio- Vecchio, situés à peu de distance de la côte, et qui ont eu à souffrir des guerres du XIIIe siècle; — Pesto, qui s'élève au bord de la mer, sur l'emplacement de la Pœstum des Romains, avec de célèbres ruines de temples; — La Sala (8 500 habitants), bâtie sur les ruines de Marcelliana, qui fut détruite par Totila, vers 543 ; — Castellammare della Bruca, qu'on trouve sur celles de la ville de Velia ou Elea, lieu de naissance de Zénon et de Parménide, et qui n'est plus qu'un bourg insignifiant; — Vallo (7000 habitants), ville ancienne, dans une plaine fertile; — Policastro, autrefois Buxentum, puis Palæocastrum, située à l'extrémité d'un golfe, et qui fut jadis florissante; - Polla, qui a beaucoup souffert du dernier tremblement de terre (1857-1858), tremblement qui a été des plus funestes pour toute la province.
La Principauté Ultérieure, province intérieure et bien cultivée, renferme une partie des Apennins; sa capitale est Avellino (15 000 habitants), que les Romains appelaient Abellinuvn Hirpinorum. Ses rues sont larges, mais irrégulières ; on vante ses promenades. La grosse noisette appelée aveline doit son nom à cette ville : elle est, avec les châtaignes, un des produits de son territoire. Dans ses environs, le Val di Gargano occupe l'emplacement des Fourches Caudines, où les Romains passèrent sous le joug des Samnites. — San-Anyelo de Lombardi (7 000 habitants) fut presque détruite par un tremblement de terre, en 1664. —
Bisaccia compte plusieurs églises et un hôpital. Sa population est de 5 000 habitants. — Solofra (7 000 habitants) est animée par une industrie assez active, qui consiste principalement dans la fabrication du papier et du drap et dans la préparation du cuir. — Ariano, peuplée de 12 000 habitants, est située à une assez grande hauteur dans les Apennins. — Mirabella est près d'un lac d'où s'échappent des exhalaisons dangereuses.
Les Abruzzes, qui vont maintenant nous occuper, sont traversées par les Apennins, dont les monts Majella, Gran-Sasso ditalia, etc., sont presque en tout temps couverts de neige; la température y est assez généralement fraîche, ce qui n'empêche pas le sol d'être fertile. Ce pays, trop fameux par ses brigands et les mœurs rudes de ses habitants, correspond en partie à l'ancien Samnium. Il y a trois Abruzzes : YAbruzze Ultérieure première, YAbruzze Ultérieure seconde, et YAbruzze Citéneure.
Aquila, chef-lieu de la province de YAbruzze Ultérieure seconde, fait un grand commerce de safran, et tous les ans il s'y tient quatre foires considérables.
Cette ville, que plusieurs tremblements de terre ont endommagée, n'a conservé de ses anciennes fortifications qu'un petit fort. Elle possède quelques antiquités, découvertes dans ses environs sur l'emplacement d'A miternuni, patrie de l'his-
torien Salluste. La population est de 7 000 habitants. — Civiia-Ducale doit son origine au roi Robert, alors duc de Calabre ; elle a 3 000 habitants. —
Avezzano (4 000 habitants), à un kilomètre du lac Fucino, possède un beau palais. — Celano est près du même lac Fucino, qui porte aussi le nom de Celano. Dans ces derniers temps, on s'est occupé de l'écoulement et même du desséchement de ce lac. — Sulmona (8 000 habitants), l'ancienne Sulmo, passe pour la patrie d'Ovide. — Castel di Sangro (3 000 habitants) est entourée de hautes montagnes. — Tagliacozzo est célèbre par la défaite de Conradin par Charles d'Anjou.
Au nord-est, dans l'Abruzze Ultérieure première, Teramo (9000 habitants), au milieu d'une plaine, entre les Apennins et la mer Adriatique, a des manufactures de tissus de laine, et commerce en grains; sa cathédrale n'est pas dépourvue de beauté. — Civita di Penne (9 000 habitants) est ensuite l'endroit le plus important de la province. — Dirigeons-nous vers le sud, nous arriverons sur les bords de la Pescara, rivière qui, des Apennins, descend vers l'Adriatique. Près de la rive droite, on voit Chieti, ulle de 14000 âmes, chef-lieu de Y Abruzze Citérieure; elle est agréablement située, bien bâtie et remplie de beaux édifices, au nombre desquels il faut citer un vaste séminaire et la cathédrale. C'était la capitale des Marrucini, la Teate des Romains, et c'est de ce nom antique qu'un célèbre ordre religieux a pris celui de Téatins, fondé en 1524 par Caraffa, son archevêque, qui fut plus tard le pape Paul IV. — Lanciano (12 OOOhab.) fait un grand commerce de vin muscat. Défendue par un château fort, cette ville est heureusement située sur le Feltrino. — Pescara (4000 habitants), à l'embouchure du cours d'eau du même nom, est une petite place forte. — Vasto, près de l'Adriatique, a des poteries et des sources minérales. Sa population est de 9 000 habitants.
La province de Molise ou Sannio (dont le nom rappelle l'ancien Samniitmy quoique la province n'en soit qu'une faible partie) est un territoire montagneux au nord et à l'ouest, et, dans d'autres parties, une plaine ondulée inclinée vers l'Adriatique. Le flanc des montagnes du Sannio est couvert de vastes forêts. —
Campobasso, ville de 9 000 habitants, est une place commerçante. Sa coutellerie est fort estimée. — Isernia (6 000 habitants) possède des ruines de nombreux monuments romains. Un tremblement de terre, en 1805, en a détruit une partie. — Larino, l'antique Larinum, est située à 24 kilomètres sud de Termoli, petit port assez animé.
La province de la Capitanate, limitrophe de la précédente, est formée d'une grande partie de la Pouille; elle est divisée du sud-ouest au nord-est par une chaîne de montagnes calcaires, qui se termine au mont Gargano (Garganus Mons), promontoire qui s'avance d'ans l'Adriatique. Les sommets de ces hauteurs sont couverts de forêts où l'on recueille, comme dans l'antiquité, de la manne, de la térébenthine et de la poix. Une grande plaine, desséchée en été, couverte de pâturages en hiver, et connue sous le nom de Tavoliere, occupe une portion considérable de cette province et de celle de Bari ; de nombreux bestiaux des provinces voisines viennent y pâturer en hiver. — Manfredonia est le port le plus important de la province, quoiqu'il ne puisse pas recevoir de grands bâtiments; la
ville fut bâtie en 1256 par Manfredi, qui lui donna son nom. - Foggia, le cheflieu, fut ruinée en 1731 par un tremblement de terre, mais elle a été rebâtie avec élégance et régularité. Elle est entourée de murailles. Quelques rues sont ornées de beaux magasins. Le Celone, qui coule près de ses murs, favorise son commerce de céréales; depuis longtemps cette ville a l'habitude de conserver les grains dans des magasins voûtés et souterrains qui rappellent la construction des silos. Sa population est de 27 000 habitants. Charles d'Anjou y mourut en 1286.
- Lucera (10000 hab.) possède un château et un collége royal; selon Strabon, Diomède, roi des Étoliens en serait le fondateur; elle fut prise par Papirius Cursor l'an 316 avant J.-C. — Troja (5 000 hab.), dont la cathédrale est d'une belle construction gothique, est la patrie du célèbre théologien Scripando. - Bovino (6000 hab.) fut en 1734 un champ de bataille entre les Impériaux et les Espagnols. - Cerignola (10 000 hab.) fut témoin d'une victoire des Espagnols sur les Français en 1503. — San-Severo (19 000 hab.) fait un grand commerce de grains.
Entrons dans la Terre de Bari, province dépourvue de bois, mais abondante en sel tt-en blé, et dans laquelle une partie de l'ancienne Pouille est comprise.
— Le chef-lieu est Bari) trois fois détruite et trois fois rebâtie ; c'est une place de guerre de quatrième rang; les maisons sont en général assez mal construites. Le commerce y est assez actif; il consiste surtout dans l'exportation des huiles. Le port, quoiqye petit, est sûr et commode. C'est la patrie d'Andrea de Bari. La population est de 20 000 habitants. — Mola (8 000 hab.) est une ville mal bâtie ; les rues sont irréguuères, étroites et obscures. - Mortopoli (19000 hab.), sur l'Adriatique, compte plusieurs églises remarquables et de nombreuses fabriques de tissus. Très-près de cette ville, on rencontre une grande quantité d'habitations taillées dans le roc. — Cassano (4 000 hab.) est une petite ville industrieuse. — A ltamura (16000 hab.) est fière de sa cathédrale. — Bitonto (15 000 hab.), non loin de la mer, est entourée de riches vignobles. C'est dans son voisinage que les Espagnols, commandés par le comte de Montemar, remportèrent, en 1736, une victoire décisive sur les Impériaux.— Molfetta^12000 hab.), sur la mer, se livre au commerce. — Trani (14000 hab.), aussi sur l'Adriatique, a quelques beaux édifices. C'est l'antique Trajanopolis; ses maisons forment une enceinte autour du port, qui contient à peine assez d'eau pour les bateaux ordinaires. On raconte que, sous les murs de cette ville, en 1502, époque où l'amour-propre national était si chatouilleux, il se livra un combat entre onze Français et autant d'Espagnols, qui soutenaient la prééminence de leur nation.
Six Espagnols restaient contre quatre Français; ceux-ci mirent pied à terre et se défendirent derrière leurs chevaux, jusqu'à ce que la nuit mît fin à un combat dont l'issue laissa la question indécise. - Barletta (18000 hab.), sur la côte, est à 9 kilomètres au nord-ouest de Trani ; elle a été fondée par un des chefs normands qui conquirent la Pouille. Son port est commode, défendu contre les flots par plusieurs môles, et contre une attaque étrangère par une vieille citadelle. — Non loin de l'Ofanto, on traverse une plaine qui porte le nom de Campa ii Sangue (Champ de sang) : c'est là que se donna la célèbre bataille de Cannes; et sur la droite de la rivière, le village de Canne occupe l'emplacement de l'an-
tique Canllæ. Un bourg, Canosa, l'ancienne Canusium, fondée par Diomèdé, fut une ville que détruisit le tremblement de terre de 1694. On a trouvé, en 1852, près de cet endroit, une nécropole souterraine en parfait état de conservation. L'entrée principale est décorée de quatre colonnes doriques, avec des niches pour mettre des statues. Au second plan, s'offre une ligne de colonnes ioniennes, légères, élégantes et d'un travail qui rappelle le plus beau temps de l'art. — Bisceglie (Vigiliæ), située vers la mer, a 15 000 habitants. — Giovenazzo est un petit port de l'Adriatique.
La Terre d'Otrante, pays bien cultivé, forme ce que l'on peut appeler le talon de la botte de l'Italie. C'est l'ancienne Messapie ou Iapygie. Le chef-lieu, Lecce, à 12 kilomètres de la mer, est la plus jolie et la plus considérable ville de la province. On y compte 20000 habitants.
Près du cap Cavallo, Brindisi, autrefois Brundusium, avec 7000 habitants, est le port où mourut Virgile, et dans lequel Jules César alla bloquer son antagoniste Pompée ; qui se fraya un passage au milieu des assiégeants et se réfugia en Grèce. La ville a beaucoup souffert par les tremblements de terre; mais le port, parfaitement placé au fond d'un golfe, a été détruit, au xve siècle, par le système de défense qu'adopta le prince de Tarente, qui voulait en fermer l'entrée à la flotte vénitienne. Il fit couler bas quelques vaisseaux dans le milieu du chenal; les sables arrêtés par cet obstacle se sont accumulés, et le port, transformé en un marais fétide, engendre, tous les étés, des vapeurs fiévreuses qui ont réduit la population au tiers de ce qu'elle était jadis : aujourd'hui elle n'est plus que de 6 000 habitants. — Avant d'arriver à Ott'ante, on traverse une petite vallée qui est le paradis terrestre de la contrée. La petite ville et le port qui donnent leur nom à la province occupent l'emplacement d'Hydruntum, qui reçut, avec les lumières de la civilisation, les premières leçons de philosophie que donna Pythagore. Aujourd'hui Otrante est assez bien fortifiée, mais mal bâtie et délabrée. Elle fut prise par Mahomet 11, en 1480. Le titre de duc d'Otrante fut donné par Napoléon 1er, en 1810, à Fouché, son ministre de la police. La ville n'est peuplée que de 1 500 habitants. Les environs sont insalubres.—En doublant le cap de Leuca et en suivant la côte, le premier port que l'on trouve dans le golfe de Tarente est celui de Gallipoli (Callipolis) (10 000h.), qui doit son activité à la pêche du thon, et dont les principales branches d'industrie sont la fabrication des bas de coton et celle de la mousseline ; on dit que ce qui fait aussi rechercher ses huiles pour les manufactures de drap, c'est la qualité qu'elles acquièrent en séjournant dans ses caves. - A l'extrémité septentrionale du golfe, Tarente (en italien Taranto, anciennement, en latin, Tarentum), peuplée de 15000 habitants, n'est plus cette iille dont Strabon vante la grandeur et la beauté du port; elle n'occupe plus que l'espace sur lequel s'élevait la citadelle d'où les Romains résistèrent à Annibal. Elle est placée entre deux baies profondes appelées la Petite Mer, à l'est, et la Grande Mer, à l'ouest. Ce fut une des pluè importantes villes de la Grande-Grèce. Archytas y est né. Fondée par les Spartiates, l'an 707 avant J.-C., Tarente fut pendant longtemps regardée comme la capitale de la Messapie. Elle fut prise par les Romains en 272 avant J.-C., affranchie par Annibal en 215, et reprise par les Romains en 209. Au XIe siècle, les Normands y
lormèrent une principauté. C'était principalement dans le golfe de Tarente que les anciens pêchaient le mollusque dont ils tiraient la pourpre. Tarente a donné son nom à la tarentule (lycosa tarentula), si connue par le récit populaire des effets de sa piqûre (1). -Cette province renferme encore Francavilla (11 000 h.), connue par ses lainages et ses cotonnades ; — Nardo (7 000 hab.), dont le territoire produit du coton ; — Ostuni (10 000 hab.).
La Basilicate, qui paraît avoir pris son nom de Basile II, empereur d'Orient, est un pays pauvre, presque partout montagneux, dont les habitants s'occupent de l'élevage des bestiaux. Des tremblements de terre fréquents ont ravagé la Basilicate. Ceux de 1857 et 1858 l'ont fait beaucoup souffrir.
Au pied des Apennins, Potenza est la capitale de cette province. Cette malheureuse ville a été en partie ruinée par le dernier tremblement de terre. La population était de 9000 habitants avant cet événement. Des murailles l'entourent. Ses environs sont couverts de montagnes, surtoutà l'ouest.—Parmi les autres villes, citons Muro, qui a peut-être remplacé Numistro, où se livra une bataille entre Marcellus et Annibal ; — Venosa, autrefois Venusia, patrie d' Horace, et qui possède le tombeau de Robert Guiscard; —Montepoloso, "petite ville ceinte de murailles, qui compte 4 000 habitants ; — Matera (12 000 hab.), dont la population, en général pauvre, vit fort éloignée du progrès de la civilisation; — Avigliano., célèbre par ses beaux bestiaux; — Melfi (8000 hab.), dont la cathédrale, détruite par le tremblement de terre de 1851, écrasa plus de 1 200 personnes; — Laurici (8000 hab.), fameuse dans la guerre de 1806.
Non loin de Tursi, à l'embouchure de l'Agri, on a retrouvé les ruines de la fameuse Héraclée, et près de Torre-a-Mare, l'emplacement de l'antique Métaponte.
Le mont Pollino sépare la Basilicate de la Calabre, contrée montagneuse, pauvre et sans villes importantes, mais dont la côte, cependant, est bordée de délicieux bocages d'orangers, de cédratiers, etc. Baignée à l'est, à l'ouest et au sud parla mer; traversée par l'Apennin, elle forme une contrée découpée par de larges golfes, rafraîchie par des brises maritimes, et humectée par des rosées abondantes, par des sources et des rivières. Dans la Calabre Citérieure, qui se termine au mont Sita, remarquons d'abord Cosenza, le chef-lieu, au confluent du Crati et du Bussento; cette ville a beaucoup de rues tortueuses ; la plus grande est bordée d'assez belles demeures; la ville renferme plusieurs beaux établissements, des hôpitaux, un collége, des académies, une cathédrale remarquable et in magnifique palais de justice ; on y fabrique de la faïence et de la coutellerie.
Sa population est de 10000 habitants. On se souvient qu'en 410 Alaric mourut sous ses murs et qu'il fut enterré par ses soldats au milieu du lit du Bussento. —
Citons ensuite Cassano, vers l'emplacement de Sybaris; — Paola, patrie de
(1) On a cru longtemps que ceux qui étaient blessés par cet aranéide éprouvaient les symptômes les plus opposés : les uns riaient, les autres pleuraient, ceux-ci ne cessaient de chanter, ceux-là étaient mornes et silencieux, ceux-ci restaient assoupis, ceux-là dansaient sans relâche, tous avaient besoin des secours de la musique pour obtenir leur guérison. Ces récits ne sont que des contes. Le venin de la tarentule n'est point, à la vérité, sans danger; mais l'art du médecin en arrête facilement les effets.
saint François de Paule; — Rossano (7 à 8 000 habitants), dont presque toute l'industrie est la fabrication et le commerce d'huile d'olive; — Bisignano (4 000 habit.), où l'on élève beaucoup de vers à soie; — Cariati (2 000 hab.), dont les environs produisent la meilleure manne de la Calabre. — La Calabre Ultérieure II est couverte, au nord-est, des contre-forts de la Sila. On y rencontre des vallées fertiles et de riches vignobles. — Catanzaro, le chef-lieu, situé à 8 kilomètres de la côte du golfe de Squillace, est animée par une industrie assez active.
On y fabrique des étoffes de soie et de velours. Il y a plusieurs établissements d'instruction. Les femmes en sont célèbres par leur beauté. La population est de 15 000 habitants. — Cotrone est entourée des ruines de la fameuse Crotone La ville antique, riche et populeuse, pouvait, dans ses murs et sur son territoire, recruter une armée de 100 000 combattants : Cotrone renferme à peine 5 000 âmes. Sans parler du robuste Milon, on sait que les habitants de Crotone étaient renommés, les hommes par leur taille et par leur force, et les femmes par leur beauté : leurs descendants sont bien dégénérés. La magnificence des édifices deCrotone avait fait passer en proverbe que les autres villes étaient peu de chose en comparaison; ses jeux gymnastiques et ses écoles de philosophie fondées par Pythagore la plaçaient à la tête de toutes les colonies grecques.
« Strongoli est considérée comme l'antique Petilia, que Philoctète fonda^ — Nicastro, qui compte 6000 habitants, fait un important commerce d'huiles.
Sur le revers occidental des Apennins, au fond du golfe de Santa-Eufemia, on voit Pizzo, petit port où Joachim Murat débarqua le 8 octobre 1815, lorsqu'il tenta de reconquérir son trône. Pris et maltraité par ceux qui l'avaient longtemps salué du titre de roi, condamné et mis à mort, il fut enterré dans l'église même qu'il avait fait restaurer. — Monteleone (10000 hab.), sur le même golfe, paraît être l'ancienne Vibo Valentia.
La Calabre Ultérieure Ire forme l'extrémité méridionale de la péninsule Italienne. Le chef-lieu est Reggio (10000 hab.), dont les environs sont renommés pour les figues et les ananas. Ses habitants font un grand commerce d'essences de citrons, d'oranges et de bergamotes. La ville ne renferme rien de remarquable; son nom rappelle qu'elle occupe l'emplacement de Rhegium ou Regium, dont Strabon parle comme d'une cité puissante, qui fut détruite de fond en comble par Denys l'Ancien. Le tyran de Syracuse était redouté sur les côtes de l'Italie ; les habitants de Rhegium formèrent une ligue contre lui; mais lorsqu'un traité de paix eut terminé leurs querelles, Denys fit annoncer aux magistrats de cette ville qu'il avait le désir de choisir une femme parmi les jeunes filles des familles distinguées àe Rhegium; ceux-ci, ne voulant point d'alliance avec leur ennemi, répondirent qu'ils ne pouvaient lui offrir que la fille du bourreau. Furieux de cette réponse, Denys mit le siège devant Rhegium; et, après des combats et des cruautés dont Diodore rapporte des détails qui font horreur, la vengeance de ce prince fut si complète, que, malgré les soins de Denys le Jeune, cette ville ne put jamais recouvrer sa splendeur. Celle qui s'éleva sur ses ruines tomba plus tard au pouvoir des Romains. Un tremblement de terre la détruisit, et César la rebâtit, ce qui lui fit donner le nom de Rhegium Julii. En 1543, Barberousse la réduisit en cendres ; depuis cette époque, elle fut plusieurs fois saccagée par les
Turcs et les tremblements de terre ; mais ce fut celui de 1783 qui y causa le plus de désastres : le temps et Ferdinand IV les ont réparés; en 1841, un tremblement de terre lui a fait éprouver de nouveaux malheurs.
Palmi (8000 hab.) s'élève sur une hauteur qui domine le golfe de Gioja. Seminara (4 000 hab.), qui a été plusieurs fois bouleversée per des tremblements de terre, a été le théâtre de deux combats entre les Français et les Espagnols. —
Scilla ou Sciglio (4000 hab.), l'ancienne Scylla, est placée sur la pente du célèbre rocher du même nom. Un fort la défend. Lors du grand tremblement de terre de 1783, les matériaux de la ville écrasèrent 2 700 personnes rassemblées sur la côte. — Après le petit port de Melito, remarquons Bova (3 000 hab.), - qui fut détruite par ce tremblement de terre. — Gerace (5 000 hab.) a été construite sur les ruines de l'antique Loctes. — Casalnuovo et Oppido, qui paraît être l'ancienne Mamertum, ont été presque entièrement ruinées par le tremblement de terre de 1783.
Lors de cette terrible catastrophe, dans les deux Calabres, plus de 300 villes ou villages furent renversés, et toutes les villes dont nous venons de parler furent cruellement ravagées; 40000 individus périrent, et 20000 furent victimes des maladies contagieuses que causèrent les exhalaisons des cadavres dispersés dans les eaux ou sous les décombres ; pour comble de malheur, le feu resté dans les maisons détruites, communiquant aux matières combustibles, se manifesta subitement, et la flamme acheva de détruire ce que le tremblement de terre avait épargné. Enfin ce qui échappa à ces deux fléaux devint la proie des brigands qui, au milieu de l'effroi général, égorgeaient les habitants et pillaient tous les lieux où ils pouvaient pénétrer. L'inhumanité et l'intrépidité de ces hommes qui se dirigeaient de divers points du royaume sur la Calabre pour y assouvir leur cupidité, n'ont rien qui étonne lorsqu'on connaît les brigands napolitains; mais plusieurs traits de courage et de désintéressement ont, dans cette triste circonstance, honoré les Calabrois et le reste de la nation. Des populations éloignées du théâtre de ces infortunes rivalisèrent de zèle, de soins et de sacrifices pour contribuer au soulagement d'un peuple décimé; les douaniers. de Naples et les lazzaroni employés au chargement des denrées que le gouvernement envoya en Calabre, refusèrent de recevoir le salaire de leurs peines.
Les tremblements de terre ne sont pas les seuls maux auxquels les Calabres soient exposées : il en est de périodiques, comme le souffle du scirocco, qui, pendant les quatre mois qu'il règne, produit dès maladies, flétrit la végétation; et les miasmes des eaux stagnantes, qui, pendant l'été, font déserter les plaines basses pour le séjour des montagnes.
La végétation des trois Calabres varie selon l'exposition des terrains. La vigne donnerait un vin excellent si les habitants la cultivaient avec plus de soin ; la réglisse hérissée (glycyrrhiza echinata), qui sert aux mêmes usages que la réglisse officinale, y croît naturellement; le mûrier y nourrit un nombre considérable de vers à soie; l'olivier, cultivé partout, est si fécond et l'huile si abondante, qu'on la conserve dans de vastes citernes; le frêne à manne (fraxinus rotundifolia), indigène de ces provinces, se multiplie sans culture dans tous les bois et sur le penchant des collines - c'est pendant les plus fortes chaleurs de l'été qu'il donne le
suc concret si utile en médecine; le palmier, le cotonnier, la canne à sucre y l'éus- sissent parfaitement; les fruits de l'oranger et du citronnier rendent plus considérables les exportations, tandis que des céréales de toute espèce suffisent à la nourriture des habitants. Des mélèzes et d'autres arbres résineux qui produisent une poix célèbre dès la plus haute antiquité sous le nom de brutiane, occupent encore sur la crête des A pennins l'emplacement de cette forêt de Sila à laquelle Strabon donne 700 stades ou 23 lieues de longueur. L'aloès aux feuilles épaisses et dentelées, aux racines grêles et rares, couronne les rochers arides; le laurierrose ombrage les rivières et mêle ses fleurs d'une nuance tendre, son feuillage d'un vert mat, aux longues feuilles de Yarundinaria, utile graminée dont on tresse des cordages, des nattes, des filets et des paniers. Des chevaux pleins d'ardeur, des mulets d'une belle race, d'immenses troupeaux de gros et de menu bétail, une grande quantité de porcs, des bois remplis de gibier et de buffles sauvages : voilà les avantages qu'offrent les deux Calabres. Les anciens disaient que la rosée de la nuit y faisait renaître l'herbe que les troupeaux avaient broutée pendant le jour : la métaphore n'est point aussi outrée qu'on serait disposé à le croire lorsqu'on ignore que la nature y fait plus que la main de l'homme. Ce qui ajoute encore aux richesses naturelles de la Calabre, ce sont ses côtes poissonneuses, peuplées de thons qui rendent la pêche si lucrative, et d'espadons (xiphias gladius) qui servent de nourriture aux Calabrois. Les Calabrois ne négligent point les coraux qui tapissent les baies et que leur belle couleur fait rechercher pour la parure des dames; ni la pinna nobilis ou la pin ne marine, le plus grand de tous les mollusques bivalves, qui porte cette longue soie rougeâtre, si douce, si fine, avec laquelle on tisse à Reggio des étoffes d'une légèreté r.ri mirable.
Le Calabrois se plaît dans une oisiveté complète : son œil vif, son teint brun, le large manteau dont il s'enveloppe, lui donnent beaucoup de ressemblance avec l'Espagnol. Soupçonneux et vindicatif, il ne marche jamais sans être armé. On voit rarement chez ce peuple des hommes d'une belle taille et des femmes d'un physique agréable. Celles-ci, mariées de bonne heure, ont bientôt perdu leur fraîcheur : elles sont d'ailleurs très-fécondes. Cependant la Calabre est peu peuplée, ce qu'il faut probablement attribuera l'usage répandu chez les Calabrois de ne se marier que dans un petit rayon autour d'un village ou d'une ville : tous les paysans d'un village sont proches parents. Mais cette consanguinité perpétue dans les familles les maladies et affaiblit les générations, tandis que le croisement des races leur donnerait de la vigueur. La dot d'une paysanne consiste en une pièce de terre, en un quartier de vigne, et quelquefois même en un seul mûrier.
Le peuple d'origine incertaine dont nous avons parlé en traitant de la Turquie, les Zigueunes ou Tsiganes, se retrouve en Calabre, où il est connu sous celui de Zingari. Au milieu d'une population pauvre, on le reconnaît encore à ses haillons, à sa misère et à sa malpropreté. Les hommes coupent leur barbe, mais ils laissent croître leur cheveux, sans jamais les peigner; les femmes suivent à peu près leur exemple. Les hommes vivent de leur industrie, qui consiste à trafiquer sur les ânes et les chevaux qu'ils achètent ou qu'on les charge de vendre.; à façonner la ferraille à divers usages ; à jouer des gobelets et à faire des tours d'a-
dresse sur les places publiques; mais le plus souvent à s'adonner au vol, dont ils s'acquittent avec beaucoup de dextérité. Les femmes parcourent le pays en disant la bonne aventure. Sans demeures fixes, habitant sous des tentes où ilô s'entassent pêle-mêle, hommes, femmes, enfants et animaux, ils ne contractent, jamais d'alliance avec les Calabrois et se marient toujours entre eux. Il est difficile de se faire une idée de leur ignorance et de la dissolution de leurs mœurs.
Leur idiome particulier indique par certains mots une origine orientale, mais ils parlent aussi l'italien; leur religion est un mélange de pratiques superstitieuses et de croyances chrétiennes : ils admettent la divinité de Jésus-Christ, mais n'ont aucune vénération pour la Vierge. Ils se conforment volontiers aux cérémonies catholiques pour Jes mariages, les enterrements, les baptêmes ; mais lorsqu'ils ont quelques difficultés avec les ministres du culte, ils ne se font point scrupule de se passer de leur ministère, et alors ils y suppléent par des cérémonies qui rappellent celles du paganisme.
SICILE.
Traversons maintenant ce détroit si fameux qui sépare l'Italie de la Sicile (1), et parcourons cette antique contrée, si riche jadis, si misérable aujourd'hui, et qui, nous l'espérons, est destinée à jouir encore de son ancienne opulence.
La Sicile, que les anciens appelaient souvent Trinacrie à cause de sa forme triangulaire, fut habitée d'abord par les Cyclopes et les Lestrygons, ensuite par les Sicaniens, qui lui donnèrent le nom de Sicania. Les Sicules, peuples sortis de la Dalmatie, leur enlevèrent une partie de l'île, qui fut depuis appelée Sicilia.
Des colonies phéniciennes et grecques s'établirent sur les côtes. Pendant plusieurs siècles, les Carthaginois furent en lutte contre les peuples de la Sicile et les Grecs, pour leur arracher la domination de l'île. Les Romains les en chassèrent en 210 avant J.-C. A la chute de l'Empire, les barbares envahirent la Sicile, qui fut occupée tour à tour par les Hérules, les Ostrogoths et les Vandales; reconquise par les généraux de Justinien, au milieu du vie siècle; enlevée par les Sarrasins aux Grecs en 828; possession normande à partir de 1058, cette mal-
(1) Les deux côtes du détroit qui sépare Reggio de Messine sont le théâtre d'un phénomène analogue à celui du mirage dans les plaines de l'Afrique, et qui ne peut être attribué qu'à l'effet de la réfraction. Au cœur de l'été, quelques instants avant que le soleil sorte du sein des flots, si des rivages de Messine on jette un coup d'œil du côté de Reggio, on aperçoit, dans les airs, des forêts, des tours et des palais, dont l'ensemble représente Messine, -ses montagnes et ses habitations. Sur la eôte opposée, l'observateur qui regarde du côté de Messine voit aussi, dans les nues, l'image d'une cité semblable à Reggio. Cette illusion, encore mal expliquée, serait moins surprenante si le spectateur apercevait, en l'air, la ville qui borde l'horizon, au lieu de voir celle près de laquelle il est placé. Les peuples de laCalabre et de la Sicile, qui ont conservé des Grecs l'amour du merveilleux et des brillantes fictions, ont bâti sur cet effet physique la fable suivante : une puissante fée (la Fata Morgana) étend son empire sur le détroit de Messine; elle fait apercevoir aux jeunes navigateurs ses palais aériens, afin que, trompés par l'illusion, ils aillent, en croyant s'approcher de Messine et de Reggio, échouer sur la côte où, nouvelle Circé, la fée s'apprête à les enlever.
heureuse terre passa aux mains des princes aragonais, après le massacre des Vêpres Siciliennes. De nouveau unie au royaume de Naples dans le xv8 siècle, elle fut soumise à la maison de Savoie par le traité d'Utrecht, puis, en 1735, elle passa à la branche des Bourbons d'Espagne, qui règne encore aujourd'hui sur les Deux-Siciles. Lors de la présence des Français dans le royaume de Naples, le roi Ferdinand IV se retira en Sicile et s'y maintint avec l'assistance des Anglais.
C'était alors le seul coin de l'Europe qui restât sous le gouvernement d'un prince de la famille de Bourbon.
Elle avait conservé son ancienne organisation féodale et son parlement des trois bras (tre hracci), lorsque le commissaire britannique sir William Bentinck déterminale roi, en 1812, à fonder une constitution sur le modèle de celle de l'Angleterre. L'époque des Cent Jours, le traité de Paris, le renversement de Murât par les armes autrichiennes, remirent le roi Ferdinand sur le trône de Naples.
Croyant voir revenir le temps de l'ancien parlement des trois bracci, et avec lui les droits de la féodalité, les barons siciliens contribuèrent à faire renverser le nouveau système, sans se douter qu'ils n'y gagneraient rien : la constitution fut annulée.
Chère aux arts dans les temps anciens, et puissante au point que la population de la seule ville de Syracuse était presque égale à celle que renferme aujourd'hui l'île tout entière, la Sicile, si elle n'est plus cette terre productive quidécidaitde l'abondance ou de la disette du reste de l'Italie, n'en est pas moins restée, au point de vue pittoresque, une des contrées les plus curieuses que le voyageur puisse visiter : « Des bois immenses, dit Peyssonnel, la vue de la mer qu'on découvre de toutes parts, la fraîcheur des vallées, tout, jusqu'au mont Etna, donne aux sites de l'île un caractère qui rappelle à la fois les natures variées des différentes régions ilu royaume de Naples ; cette heureuse union de la fertilité des plaines et de l'aspect abrupt et sauvage des montagnes donne à tout ce paysage une physionomie qu'on chercherait vainement ailleurs. » De tout temps, les poëtes ont chanté les sites enchanteurs de l'ancienne Trinacria. Théocrite, Mogçjius les ont célébrés ilans leurs idylles; Homère et Virgile, dans leurs poëmes; Empédocle, dans ses poésies philosophiques. Platon a voulu plusieurs fois en fouler le 6ol; Archimède, armé de son génie, l'a défendue contre un peuple armé d'invincibles soldats.
Quoique l'industrie de là Sicile ne soit pas ce qu'elle devrait être, elle fournit des soies écrues, des vins, parmi lesquels les plus estimés sont ceux de Syracuse et de Marsala, qu'on exporte même pour l'Amérique. Elle fait aussi le commerce de céréales, dont la quantité est cependant bien moins considérable que dans l'antiquité, alors qu'on appelait la Sardaigne et la Sicile Jes greniers du peuple romain; elle exporte des citrons et des oranges, de l'huile d'olive, du thon mariné et de U.
soude, dont on fait de grands envois à Marseille. La Sicile livre encore au com-
merce du mercure, du soufre, de l'alun, du nitre, du sel, du sumac, 4les pierres ponces, de la graine de lin, de la réglisse, de la manne. Quoiqu'elle ne passe pas pour une contrée riche en métaux, elle renferme dans son sein des mines d'or, d'argent, de fer, de cuivre et de plomb, qui ne sont pas suffisamment exploitées. Le gypse dont elle abonde, et qui, converti en plâtre, pourrait être sij facilement employé dans les constructions, utilisé comme engrais; ou devenir urletl
branche d'exportation, y reste presque inapprécié. L'exportation du soufre n'est pas de moins de 125 000 tonnes.
La culture, l'industrie, si les Siciliens savaient les comprendre, pourraient y pourrir, comme au temps des Romains, une population triple de la population actuelle ; mais que de difficultés à surmonter pour porter ce pays au degré de prospérité dont il est susceptible ! Cependant, reconnaissons-le, depuis quelques années, l'industrie manufacturière commence à naître, et, si le gouvernement y prête son concours, le Sicilien sortira de sa misère et de son apathique indolence.
La situation de la Sicile, entre l'Europe et l'Afrique, en ferait facilement l'île la plus commerçante de la Méditerranée ; mais, avant d'en venir là, il serait indispen", sable de remplacer par de bonnes routes des sentiers incommodes. La route principale est celle qui fait le tour de l'île, en reliant entre elles toutes les villes du littoral.
Le climat est sain, sauf dans quelques parties marécageuses. La tempéature des vallées, arrosées par des cours d'eau et à l'abri des vents brûlants du midi, est délicieuse. Tandis qu'un hiver éternel règne au sommet de l'Etna, le reste de la Sicile jouit d'un printemps perpétuel. En avril, le thermomètre de Réaumur marque à l'ombre, au milieu du jour, 17 degrés ; mais lorsque le scirocco souffle, le même thermomètre indique 35 à 36 degrés. Les autres vents méridionaux, le libecchio, qui vient du sud-ouest, et l'austral, qui vient du midi, participent plus ou moins des qualités malfaisantes du scirocco. Les mois de novembre et de décembre sont doux; en janvier, on cherche l'ombre avec plaisir; mais en mars les vents refroidis obligent souvent le Sicilien à se réchauffer près d'un brasier.
Les blés de la Sicile acquièrent une hauteur extraordinaire; leurs épis ne renferment pas moins de 60 grains; leur couleur dorée en dedans et en dehors est un des caractères qui les distinguent des nôtres; enfin nos plus belles moissons n'offriraient aux yeux d'un Sicilien que l'image de la stérilité, tant ses champs présentent celle de l'abondance. L'aloès s'y élève jusqu'à 10 mètres ; le cactier-raquette (cactus opuntia), dont le fruit, en forme de figue et d'une couleur purpurine, est l'aliment de la classe indigente, borde tous les sentiers; le melon d'eau ou la pastèque, au jus rafraîchissant, y acquiert une saveur exquise; le dattier y voit arriver à maturité ses fruits, dont le suc mielleux est employé dans l'assaisonnement de certains mets, ou, séchps au soleil, se servent sur toutes les tables; le grenadier, apporté de Carthage en Italie par les Romains, qui lui donnèrent le nom de punica, distille dans ses baies rougeâtres le suc acide et vineux dont la saveur plaît aux peuples méridionaux.
La canne à sucre est indigène sur la côte en regard de l'Afrique; on a reconnu le cafier à l'état sauvage dans les bois de cette partie de l'île. Le papyrus se trouve près de Syracuse. Une si grande variété de végétaux, qui n'exclut point ceux de nos çlimats, prouve le parti que pourrait tirer de son sol l'indolent Sicilien. L'élevage des bestiaux est négligé. L'apiculture est la seule branche d'agronomie qui soit bien comprise.
La Sicile est terminée par les trois caps Boeo, Passaro et Faro ou Peloro. Une chaîne de montagnes, que les anciens nommaient Neî-oei ou iVebg,od-es, la traverse dans sa plus grande longueur, de l'est à l'ouest. D'autres montagnes se détachent de cette arête. Le point culminant de l'île est l'Etna (3313 m.). Le point
le plus haut de la chaîne dont nous venons de parler est le Pizzo di Case (1 984 m.). Les cours d'eau sont de peu de longueur et en général torrentueux : la Giaretta ou Simcto, le Salso, le Platani et le Belice sont les rivières principales. Aucune n'est navigable. Les roches des montagnes sont principalement de granité, dans le nord-ouest de l'île ; des terrains volcaniques dans le nord-est, et du calcaire ailleurs.
La Sicile, longtemps divisée en trois parties : le Val de Noto, le Val Demone et le Val de Mazara, l'est aujourd'hui en 7 provinces ou valle, qui portent le nom de leur chef-lieu, et qui se subdivisent en distretti, circondarii et comune.
Commençons la topographie par la capitale, chef-lieu d'une des 7 provinces.
Si nous arrivons à Palerme (Palel'mo), en venant de Monréal, un chemin en zigzag, bordé de maisons de campagne, nous y conduit; nous suivons une vallée magnifique, présentant, avec des rochers arides entassés les uns sur les autres, etqui semblent sortir du sein de la mer, des bouquets d'aloès et de cactus. Des palmiers, des bambous, balancent dans les airs leurs cimes verdoyantes, pendant que la brise qui se promène sur les champs de blé agite doucement leur surface ondulée; le brillant feuillage des orangers et des citronniers, les rameaux polis et mats de l'olivier, la large feuille de la vigne et le feuillage gracieux du laurierrose forment un rideau de verdure de la plus agréable variété. L'antique Panormus ou Panormos, que fondèrent les Phéniciens, est entourée de murs et disposée circulairement au fond d'un golfe; son port est petit, mais animé par un commerce considérable. La ville, peuplée de 200000 âmes, ne paraît point aussi grande qu'elle l'est. Deux rues qui se coupent transversalement la divisent en 4 parties à peu près égales. Elles sont larges de 12 à 15 mètres, longues de 1200 à 1400 pas, et garnies de belles maisons et de boutiques. La plus belle s'appelle la rue del Cassaro, du mot arabe cassar (palais) ; l'autre porte le nom de Macqueda ou de Strada lVuova. L'endroit où ces deux -rues se croisent forme une petite place octogone ; un peu plus loin, on en voit une plus considérable appelée la place Prétorienne, au milieu de laquelle s'élève une fontaine d'une somptuosité qui fatigue l'œil, et d'une dimension qui ne permet point d'en saisir l'ensemble de l'extrémité de la place, qu'elle obstrue : elle est formée de plusieurs bassins placés au-dessus les uns des autres, séparés par des galeries, et surchargés de statues et d'animaux qui jettent de l'eau dans différents sens. La place de Bologni est ornée d'une statue en bronze de l'empereur Charles-Quint, roi-de Sicile, chefd'œuvre du Sicilien Volsi. La ville a plusieurs portes : les deux plus belles sont la porta Felice, qui forme un arc de triomphe, et sous laquelle on passe en venant du port, et la porta Nuova, placée à l'extrémité de la rue del Cassaro, et contiguë au palais royal. Celui-ci, malgré son importance, ne donne point une haute idée du bon goût des Palermitains en fait d'architecture ; c'est une énorme masse dont les parties, construites à différentes époques, ne sont nullement en harmonie. Deux bastions s'élèvent aux deux côtés. Ce qu'il y a de plus remarquable dans cet édifice, c'est la chapelle bâtie par le roi Roger en 1129; toutefois elle n'est curieuse que par la profusion de ses arabesques et de ses mosaïques grossières, et.par son architecture, où le style gothique est mêlé an style grec du
moyen âge. La partie la plus élevée du palais est l'observatoire, qui fut construit en 4791, et d'où le célèbre abbé Piazzi découvrit, en 1801, la planète qu'il nomma Cérès. Dans le grand hôpital on va voir une des plus curieuses peintures à fresque ; elle représente le triomphe de la mort. La Vicaria, ou le palais de justice, est à la fois le tribunal et la prison. )
L'université de Palerme est un établissement important. La galerie de tableaux, le musée des antiquités et le cabinet des médailles en sont remarquables. La bibliothèque a 40000 volumes.
On voit dans les faubourgs de Palerme deux édifices d'architecture mauresque qui rappellent la domination arabe : l'un est le palais Ziza, propriété particulière, et l'autre le palais Cuba, changé en caserne de cavalerie ; ils ont été construits par un émir, qui leur donna le nom de ses deux filles. Outre lés "édifices que nous venons de citer, la ville renferme de nombreuses églises et des couvents des deux sexes, 2 grands hôpitaux, un hospice pour les enfants trouvés, diverses maisons d'éducation, un séminaire, 3 bibliothèques publiques," etc. Le dôme ou la cathédrale est l'un des plus beaux monuments gothiques de la Sicile. Sa fondation date de l'an 1166 ; on le compare aux plus beaux édifices 'de Cordoue et de Grenade ; l'intérieur, malgré sa richesse, ne répond pas à l'extérieur : le marbre, le granité, le porphyre, le jaspe, l'albâtre et le lapis y sont prodigués comme dans la plupart des églises de l'Italie. Après la cathédrale, l'église de Jésus est aussi remarquable par son", architecture et les substances précieuses qui la décorent que par les bas-reliefs et les tableaux. Citons encore l'église San-Giuseppe.
Des catacombes, taillées dans le roc au-dessous de l'église des Capucins, ont la singulière propriété de convertir en momies les corps que l'on y dépose. Ils sont placés dans des espèces de niches, debout, tout habillés, les bras pendant le long du corps ou croisés sur la poitrine; les seuls cadavres de femmes sont dans des coffres couverts. Les personnes de la noblesse tiennent beaucoup à ce genre de sépulture, et payent très-cher le droit d'y être admises, ce qui est une source de richesses pour les capucins. Le jour des Moris, ces corps à moitié désséchés sont revêtus de leurs plus beaux habits; les parents, les amis, quelquefois même les amants, vont alors, moyennant quelque offrande qu'ils portent au couvent, visiter ceux qui leur étaient chers. Mais qui peut considérer sans un sentiment pénible, - , sous des ajustements élégants, sous des habits somptueux, ces morts dont la peau, retirée par le dessèchement, découvre les dents, fait faire à leurs figures une grimace repoussante, ou donne à leurs physionomies l'expression d'un affreux sourire? Ne semble-t-il pas voir la Mort regardant en pitié les plaisirs passagers et les vaines grandeurs de ce monde?
Palerme, -glorieuse d'être la patrie de sainte Agathe, qui cueillit la palme du martyre au Ille siècle, eut, au xvic, Phonneur de fournir un nouveau personnage à la légende, sainte Rosalie (1).
(1) Pendant les ravages de la peste, en 1624, un homme d'une vie austère annonça qu'il avait eu une vision, et que Dieu lui avait révélé que l'on trouverait les os de sainte Rosalie (nièce de Guillaume le Bon) dans une caverne du mont Pelegrino, et que, portés en procession autour des murs de Palerme, leurs vertus sacrées délivreraient la ville dtf fléau qui la ravageait. Jamais on n'avait entendu parler de cette sainte. Les magistrats firent d'abord
La plus belle promenade de Palerme est celle de la Marina, sur le bord de la mer; elle se termine à la Flora, vaste jardin public planté avec goût et bien entretenu, qui s'étend jusqu'au jardin botanique, où l'on compte 4 000 plantes exotiques, .et qui renferme un bâtiment destiné aux cours d'histoire naturelle, construit par un architecte français, M. Dufourny.
Le golfe de Palerme, quoique beau, n'offre point un aussi magnifique coup d'œil que le golfe de Naples : les montagnes, brûlées par un soleil ardent, annon cent le voisinage de l'Afrique. Le mont Pelegrino, l'Eveta des Romains, est la plus haute de toutes celles qui se groupent en amphithéâtre autour de la ville.
Sur leurs flancs les plus rapprochés, se succèdent des jardins et des maisons de plaisance, au milieu desquels on remarque le beau parc royal de la Favorita^ peuplé d'une innombrable quantité de lièvres et de faisans.
A l'ouest de Palerme, s'élève Monréal ou Morreale, ville de 18000 âmes, située aussi sur une montagne. Les habitants sont cultivateurs et fabricants de macaroni. L'église et le couvent de bénédictins, qui ont, pour ainsi dire, servi de noyau à cette ville, parles habitations qui se sont successivement groupées autour, ont été fondés au XIIe siècle par le prince normand Guillaume II, surnommé le Bon. L'abbé de ce monastère a le titre et le rang d'archevêque; les moines du Mont-Cassin en forment le chapitre. L'église, dont on admire la porte en bronze ornée de bas-reliefs, est l'un des plus beaux monuments de la Sicile, Elle est ornée de colonnes de granité ; ses murailles sont incrustées de mosaïques, et le pavé formé de porphyre et de marbre de toutes couleurs. On y voit les mausolées de Guillaume le Bon et de son père Guillaume 1er ou le Méchant. On y conserve les entrailles du roi saint Louis. Le couvent renferme le chef-d'œuvre de Pietro Novelli, le Raphaël de la Sicile.
Carini (7 000 hab.) occupe l'emplacement de l'ancienne Hyccara.
A 28 kilomètres à l'est de Palerme, la misérable ville de Termini (14 000 hab.), célèbre en Sicile par son riche et beau couvent de bénédictins bâti par le pape saint Grégoire, ainsi que par son port, ses fortifications, son collége royal et son école de navigation, occupe, sur le bord de la mer, une partie de l'emplacement d'Rimera, fondée, 650 ans avant notre ère, par une colonie envoyée de Messine, Amilcar avait été défait sous ses murs par Gélon; Annibal vengea la défaite de son aïeul, en faisant raser la ville, après avoir fait égorger les habitants. - Çefalu (Cephaludium) est une autre ville maritime.
La ville la plus près des côtes de la Calabre est Messine, fondée, à ce que l'on croit, dix siècles avant notre ère. Elle .porta d'abord le nom de Zanclé, que, suivant Thucydide, la forme cintrée de son port lui fit donner par les Siculi, d'un
peu d'attention au récit de cet homme; mais le peuple y eut beaucoup de confianqe, et, pour l'apaiser, il fallut faire des recherches à la place indiquée. On trouva les ossements annoncés; la peste se dissipa; et, maintenant, renfermés dans une châsse magnifique, au fond de la caverne où ils ont été déterrés, ils attirent les visites et les offrandes des pèlerins.
Une église a été construite près de cette grotte vénérée. Tous les ans, au 15 juillet, la châsse, promenée en grande pompe dans les rues de Palerme, est le sujet d'une fête qui dure plusieurs jours, et qui surpasse peut-être la magnificence de celles de la semaine uinte à F^ome,
mot de leur langue qui signifie faux. Trois ou quatre siècles après sa fondation, Anaxilas, chef de la colonie messénienne établie à Reggio, chassa les Zanclœi de leur ville et s'y établit ; elle reçut alors le nom de Messcina ou de Messène. Plus tard, elle fut conquise par les Mamertini, peuple du Brutium. Cette ville, qui fut entièrement détruite par le trop fameux tremblement de terre de 1783, a été rebâtie sur un plan régulier; mais, malgré la franchise de son port, elle n'a pu recouvrer sa première importance : avant le désastre, elle renfermait plus de 100000 âmes; aujourd'hui elle en compte environ 90000. Elle s'élève en amphithéâtre au pied de ces montagnes qui étendent leurs rameaux sur toute la Sicile et que nous regardons comme la suite des Apennins. Leurs cimes bleuâtres se confondent avec l'azur du ciel. Mille espèces de plantes toujours vertes s'étendent en longs festons sur leurs flancs déchirés par des ravins et couronnent les palais de Messine. Sous les murs de la cité se pressent en bouillonnant les eaux du détroit, où jadis Charybde et Scylla glaçaient d'effroi les navigateurs. Elle est bâtie sur un terrain inégal. Un promontoire de rochers et de sables qui s'avance en demi-cercle sur sa droite, forme une rade spacieuse et sûre; une vaste citadelle, plusieurs forts et des batteries à fleur d'eau défendent l'entrée de son port, qui passe pour le plus beau de tous ceux de la Méditerranée. Ses rues sont belles, régulières et pavées de larges dalles en lave; son quai serait d'une grande beauté, si les maisons qui le bordent n'offraient point l'aspect d'édifices rasés à la hauteur du premier étage, où l'on voit des colonnes et des pilastres tronqués, comme si l'on avait voulu diminuer leur hauteur dans la crainte des tremblements de terre.
4 à 5 places assez grandes, mais irrégulières, se font remarquer par la profusion plutôt que par le bon goût et par le choix des ornements; toutes sont décorées de fontaines en marbre et de statues en bronze d'une médiocre exécution. Le palais Senatorio, occupé par l'intendance et par les tribunaux, est d'une architecture simple et imposante. Les églises sont riches, comme toutes celles d'Italie; les ornements y sont prodigués sans choix. La cathédrale, bâtie par le comte Roger, est décorée de 26 colonnes antiques en granité égyptien, qui, à côté des ornements gothiques du XIIe siècle, forment le plus bizarre assemblage. L'éducation est négligée à Messine : il y a cependant une université (Academia Carolina) et diverses maisons d'éducation gratuite ; il y a aussi un séminaire pour 400 élèves, et une cinquantaine de couvents de moines ou de religieuses. La bonne tenue de la banque municipale, du lazaret, du grand hôpital, de l'hôpital des Storpi, pour les paralytiques, et des trois monts-de-piété, annoncent une administration vigilante.
Milazzo ou Melazzo (l'ancienne Afylæ) est une ville très-forte de la côte nord de l'île ; la citadelle est construite sur une péninsule élevée. La baie sur laquelle est située la ville fut, à plusieurs époques, le théâtre de grands combats. On se souvient surtout de la grande bataille navale remportée par Duillius.
Au sud-ouest de Messine, Taormina est placée sur une colline au bord de la mer. C'est une petite ville d'environ 4000 âmes, remplie d'églises, de monastères et de confréries. La voie romaine que l'on gravit pour y arriver, et les vastes déblis d'un théâtre antique, annoncent les ruines de Tauromenium, ville jadis considérable, que les Arabes (après le siège le plus long de l'histoire, 80 ans!) et
jes tremblements de terre ont détruite. L'édifice que l'on y admire est ce théâtre, qui a 700 mètres de diamètre et donne une idée exacte de ce qu'étaient chez les anciens ces sortes d'édifices : malgré la grandeur de ses dimensions, la scène n'y occupe qu'un espace de quelques pieds de profondeur, à peu près égal à ce que nous appelons l'avant-scène. Les sculptures qui ornaient ce monument précieux ont servi à décorer les monastères de Taormina.
Entrons maintenant dans la province de Catane. La rivière de Cantara, qui conserve le nom d'Alcantara (le pont), que lui donnèrent les Arabes, sépare la plaine que domine Taormina des dernières pentes de l'Etna ou du Gibel (Gibello), mot également arabe (djebel), qui signifie montagne. Ce terrible volcan, dont le cratère, dominé par un rocher pyramidal, a plus de 5 kilom. de circuit, est souvent visité par les curieux; mais rarement on peut parvenir jusqu'à sa cime glacée, tant les dangers augmentent après avoir passé la première région des neiges (1). Nous avons déjà parlé de ce géant de la Sicile. Nous ajouterons
(1) Voici la description d'une des ascensions les plus récentes de l'Etna : (c Après bien des efforts et des chutes, nous atteignîmes, après minuit, le pied d'une montagne escarpée, et déjà les lueurs de l'éruption, dont nous avions senti l'approche par les rugissements et les tremblements de la montagne, éblouissaient nos yeux. Une heure de montée rapide et difficile à l'excès nous amena au sommet de la montagne, toute formée de rochers et de gros blocs de lave; nous n'étions arrivés qu'en nous aidant des pieds et des mains et en nous traînant les uns les autres à la remorque. Le sommet offrait à peine l'espace nécessaire à notre campement : mais déjà nous étions absorbés par la grandeur d'une scène que nul esprit ne peut concevoir, qu'aucune langue ne saurait rendre. A notre droite, à quelques centaines de mètres de distance, se dressait, bien au-dessus de nos têtes, une énorme colline de roches rouge-blanc et de lave à moitié fondue, d'où s'échappait un torrent de lave liquide, large de vingt mètres, et se précipitant dans un lac de feu à une grande profondeur sous nos pieds.
« Nous avions en face un rocher noir d'où s'élançait, à deux fois la hauteur de la montagne, un immense tourbillon de fumée et de vapeur d'une couleur rouge foncé, et qui s'illuminait de toutes les teintes de l'arc-en-ciel, éclairées par les jets de flammes qui se jouaient au-dessous de lui. Par intervalles, de gros blocs de pierre, du volume quelquefois d'un petit cottage et blancs de chaleur, étaient lancés dans les airs à une grande distance, précédés et suivis de coups de tonnerre et de roulements prolongés, et accompagnés de pluie de vapeur et de cendres. Je n'ai jamais vu rien dans ma vie de si imposant et de si redoutable. Il ne fallut que le tonnerre qui éclatait au-dessus de nos têtes, que les pierres qui pleuvaient partout autour de nous, pour nous avertir du danger que nous courions, tant notre émotion était grande. Il fallut, bon gré mal gré, quitter plus tard cette position par trop périlleuse. Vers notre gauche, à la distance de 900 mètres, près du fond d'un ravin trèscreux, étincelait une autre masse de feu d'où jaillissait un flot de lave : elle projetait aussi des quantités de pierres enflammées avec un bruit intense, des sifflements aigus, des craquements horribles. La profondeur du ravin, au-dessous du lieu que nous occupions, était de près de mille pieds. Pendant que nous regardions, nous vîmes trois jets de lave sortir brusquement des rochers suspendus au-dessus du large courant. Presque en même temps, trois autres jets s'élancèrent des flancs de la montagne en dehors du vieux cratère, et des nuages de poussière très-fine fondaient sur nous, nous agaçant à l'excès et nous aveuglant presque. Un a1 ître incident ajoutait encore à la terreur magique du drame qui se déroulait sous nos yeux : un vent, impétueux comme un ouragan, soufflait avec tant de rage que nous étions forcés de nous serrer, de nous attacher les uns aux autres, quelquefois même nous ne pouvions lui résister qu'en nous jetant Lous ensemble à terre.
« Mais ma tête a le vertige, je suis écrasé par tout ce que j'ai vu et entendu. Comparez le
seulement qu'une des parties du volcan les plus intéressantes pour le géologue est le Val del Bove, situé sur le flanc sud-est, et où des cratères nouveaux se sont formés en 1852 et 1853 ; du reste, un grand nombre de petits cratères se montrent de toutes parts sur les versants de l'Etna. La lave et les scories de ce volcan ne sont pas moins susceptibles d'être fécondées par la culture que celles du Vésuve. Les végétaux y acquièrent une vigueur prodigieuse : près du promontoire volcanique d'Aci, qui rappelle la fable d'Acys et Galatée, d'antiques châtaigniers, témoins muets des révolutions politiques et des convulsions de la nature qui depuis tant de siècles bouleversent la contrée, étendent au loin leurs gigantesques rameaux. Le plus extraordinaire, celui qui vaut la peine de se détourner pour aller l'admirer, est le castagno dei cento cavalli (châtaignier des cent chevaux), dénomination d'autant plus exacte, que, suivant un témoin, cent chevaux peuvent se mettre à l'abri sous son ombrage. Il a 40 mètres de circonférence.
Au pied de l'Etna, sur le bord de la mer, Catane ou Catania (l'ancienne Catana), ville de 00 000 habitants, fondée sept siècles avant notre ère, si souvent détruite par la lave et les tremblements de terre, n'occupe point le quart de la superficie qu'elle couvrait avant que Hiéron, tyran de Syracuse, lui eût donné d'autres habitants, avec le nom d'Etna. Elle est grande et bien bâtie. La beauté de ses constructions, qui lui donnent de la ressemblance avec Turin, n'est point une conséquence de sa prospérité, mais de ses malheurs : dans cette ville antique, les bâtiments ne vieillissent point, ils cèdent aux efforts de la lave ou des secousses volcaniques. C'est aux tremblements de terre de 1693 et de 1783 qu'elle doit sa magnificence : renversée presque de fond en comble, elle fut reconstruite sur un plan plus régulier. Les secousses de l'année 1819 et de 1855 ont malheureusement lézardé la plupart de ses édifices. L'un des plus beaux est la cathédrale : les murs de la sacristie sont couverts de peintures à fresque qui représentent les ravages de l'éruption de 1669, durant laquelle on vit un torrent de lave, large de plus de 4 kilomètres, franchir les murailles de la ville, hautes de 20 mètres, la traverser et former dans la mer un môle élevé qui ajoute à la sûreté de son port.
Le peuple de Catane est persuadé que cette ville doit sa conservation à sainte Agathe sa patronne, martyrisée dans leurs murs sous le règne de Décius. Le couvent ou plutôt le palais des bénédictins contraste par la richesse de son architecture avec la simplicité qui convient si bien à la modestie d'un pieux édifice. Ce monastère est un véritable musée des antiquités découvertes dans les environs; on y voit aussi de beaux tableaux, un cabinet d'histoire naturelle, une riche bibliothèque et des jardins construits à grands frais sur une coulée volcanique.
Le musée Biscari, fondé par un riche seigneur qui employa sa fortune à faire des fouilles sur le sol de Catane, est précieux par le nombre et le choix des objets antiques qu'il renferme : c'est au zèle de cet ami des arts que l'on doit de
tableau qui s'est déroulé sous mes yeux à tout ce que vous voudrez, au dernier jour du monde, à toutes les scènes les plus lugubres des mondes visibles et invisibles, vous ne vous en ferez qu'une très-faible idée. Pour moi, qui l'ai vu de mes yeux, je succombe sous un vague souvenir, sous une impression confuse de majesté et de terreur, mêlée de feu, de llammes, de ténèbres, de tonnerre et d'éclairs : c'était comme un monde détruit s'ouvrant sur cent points divers et lançant des jets de flots de feu liquide. »
pouvoir jouir de la vue du théâtre, dès murailles, des bains, des temples et de l'amphithéâtre que l'on trouva sous plusieurs couches de lave et de dépôts d'alluvions; c'est à ses soins que la ville doit plusieurs statues et un éléphant en basalte, portant sur son dos un obélisque égyptien. L'hôtel de ville, ou Palazzo delSenato, est aussi un très-bel édifice.
Si les maisons religieuses de Catane sont richement dotées, ce n'est point aux dépens de son université. Celle-ci est dirigée par de savants professeurs et fréquentée par de nombreux étudiants ; aussi, la classe aisée est-elle en général assez instruite. k Le territoire de Catane produit beaucoup de blé, de vin, de lin, d'olives et de soie; on y recueille, sur la côte, près de l'embouchure de la Giaretta, autrefois le Simèthe, célébré par les poëtes de l'antiquité, une grande quantité de succin ou d'ambre, dont quelques morceaux sont du plus beau rouge. Ces produits alimentent son industrie et son commerce; elle fabrique des toiles, de l'huile d'olive, des étoffes de soie, des croix et des chapelets en ambre.
Mascali, qui compte 14 000 habitants, fait un important commerce de vins.
— Giarre, port commerçant, est au pied de l'Etna.- A ci-Reale (15 000 hab.) est construite sur une couche de lave, à peu de distance de l'Etna. Son port fait un commerce actif de vins, de fruits et de tissus. — Leonforte (10000 hab.), possède une importante soufrière. — Nicosia (13000 hab.) est surtout connue par la mine de sel que l'on trouve dans son voisinage. — Caltagirone, dont les habitants passent pour les plus habiles de la Sicile dans les arts utiles, fait un grand commerce. Les environs sont bien cultivés. Cette ville est l'Hybla IJlinOl" ou Herœa des anciens. Elle s'appela aussi Calata Hieronis.-Ad-erno (10000 ha.
bit.) a des ruines romaines.
La province de Noto occupe le sud-est de la Sicile. Le chef-lieu, Noto, l'antique Nectum, est placée sur une hauteur, près de la rive gauche du Noto. Ses rues sont belles ; ses édifices sont d'une architecture assez brillante. La population est de 12 000 habitants. La ville eut beaucoup à souffrir du tremblement de terre de 1693.
La province a porté quelque temps le nom de Syracuse, car elle avait pour chef-lieu cette antique cité.
La route de Catane à Syracuse est loin d'être aussi agréable que celle de Messine à Catane ; il faut se frayer un chemin au milieu des sables qui bordent la mer. Cependant le bonnet phrygien dont se coiffent encore les paysans réveille une foule de souvenirs; on marche sur un sol embelli par les brillantes fictions des Grecs ! Les bords du Simèthe sont encore couverts de ces fleurs odorantes que Proserpine était occupée à cueillir, lorsque Pluton, le dieu des enfers et de l'Etna," vint l'enlever pour lui faire partager son trône. Au milieu des ruines de l'ancienne Syracuse, de cette ville aux cinq quartiers, que les Grecs appelaient Péritapolis, on voit jaillir du creux d'un rocher la fontaine Aréthuse, qui rappelle cette nymphe fuyant les amoureuses poursuites d'Alphée'etdont la métamorphose ne put la soustraire aux recherches de son amant, puisque les anciens prétendaient que ce fleuve parvint à réunir ses eaux aux siennes en passant sous la mer : idée poétique sans doute, mais contraire à la géographie physique, qui démontre
l'impossibilité d'une telle communication souterraine. Cette fontaine, que Cicéron représente comme si poissonneuse et d'une incroyable grandeur, n'est plus reconnaissable : c'est un des lavoirs de la moderne Syracuse. Celle-ci occupe à peine un faubourg de l'antique cité, qui survécut peu de temps à la décadence d'Athènes.
Elle est bâtie sur l'île qu'on appelait Nasosou Ortygie; sa circonférence, y compris le grand et le petit port, est à peine de 4 kilomètres. L'enceinte de l'ancienne - ville en avait près de 36.; on peut juger de son immense population par l'étendue 1 de ses catacombes : elles sont situées sous la plaine où se trouve la vieille égiise de Saint-Jean, et taillées dans une pierre calcaire sablonneuse. Leurs longues galeries régulières, mais dirigées dans tous les sens, sont de distance en distance interrompues par de grandes salles circulaires revêtues de stuc et percées au sommet pour laisser entrer l'air et la clarté. Sur les côtés, on a creusé des niches et des tombeaux pour y recevoir les corps. Dans quelques-unes des niches, on a trouvé jusqu'à vingt cercueils l'un devant l'autre, et plusieurs squelettes avaient encore dans la bouche la pièce de monnaie pour le salaire du nautonnier de l'Achéron. On peut encore suivre l'enceinte du mur extérieur que Denys fit construire autour de la ville, et reconnaître les restes d'un vaste théâtre et d'un amphithéâtre taiHés dans le roc. La fameuse prison appelée l'Oreille de Denys est une immense carrière de 18 mètres de hauteur, de forme irrégulière et contournée; par sa disposition, elle est naturellement si sonore, qu'il n'est point étonnant que Denys y ait fait pratiquer au-dessus l'ouverture que l'on y voit et par laquelle il entendait tout ce que les prisonniers se disaient en secret. Le déchirement d'un morceau de papier y produit autant de bruit que si l'on frappait avec un bâton sur une planche : qu'on juge de l'effet qui résulte de la délonatian d'une arme à feu, expérience dont les guides ne manquent point de satisfaire les curieux !
Fondée en 735 par le Corinthien Archias, Syracuse devint bientôt la première île toutes les villes de la Sicile. Elle eut à une certaine époque 500 006 habitants. Quelques écrivains prétendent même que sa population s'éleva jusqu'à 1 200000. L'histoire de Syracuse est associée tour à tour à celle des Grecs, des Carthaginois et des Romains. Elle vit naître, dans les temps anciens, Epicharme, Archimède, Théocrite et Moschus. Cette ville, si peuplée jadis, ne compte plus aujourd'hui que 15000 habitants.
La ville moderne (Siracusa en italien) a été dévastée par les tremblements de terre : celui de 1693 détruisit presque toutes les habitations et le quart des habitants. Celui de 1848 lui fut très-funesle aussi. Malgré son peu d'importance, elle possède un théâtre et un musée fort riche, dans lequel on montre une statue de la Vénus Callipyge, que l'on croit 'être celle qui fut décrite par Athénée et donnée aux Syracusains par Héliogabale. La cathédrale est l'ancien temple de Minerve, transformé en église vers la fin du 11e siècle. L'édifice a été défiguré par différentes constructions de mauvais goût. Ce qu'elle renferme de plus curieux, c'est une madone de grandeur naturelle en argent massif, que l'on revêt d'une ribe resplendissante de diamants et d'autres pierreries à certaines époques solennelles, telles que le jour de la visite annuelle qu'on lui fait faire, en procession et en grande cérémonie, à une autre madone du voisinage.
Modica (26 000 hab.), anciennement Motyca, au sud-ouest de Noto, s'étend
sur la rive droite du Scicli, dans une étroite vallée. Le couvent des franciscains a de beaux ouvrages en mosaïque. Les environs produisent d'excellents fruits. La vallée tflpsica a de nombreuses grottes, qui furent autrefois habitées; aussi l'appellc-t-on quelquefois vallée des Troglodytes. - Ragusa, qui est située sur la rive droite d'un cours d'eau du même nom, a 20 000 habitants, qui se livrent principalement à la fabrication des lainages et au commerce de chevaux.—A gosta ou Augusta (9000 hab.), au nord de Syracuse, est défendue par les forts Vittoriaet Garcia. Bouleversée par le tremblement de terre de 4693, la ville a été reconstruite très-régulièrement. Le port est plus vaste que sûr. On remarque, à peu de distance, de curieuses cavernes dans la vallée de Timpa. En 1676, les Français gagnèrent une bataille navale devant Agosta. - Scicli (10000 hab.) est sur la rivière du même nom.
Caltanissetta (17000 hab.), chef-lieu d'une province du même nom, est une place de guerre, défendue par un château fort.
Piazza, ville de 15000 habitants, est entourée de pins, d'amandiers et de châtaigniers. — Terranuova, qui compte 10 000 habitants, a un château fort et un bon port. Elle fut fondée par le roi Frédéric d'Aragon à la fin du Xllle siècle.
Castro-Giovanni (14 000 hab.), par sa position sur une colline et par quelques restes d'antiquités, paraît être l'ancienne Enna, dans laquelle, 150 ans avant notre ère, des esclaves révoltés soutinrent un long siège contre les Romains. Ses environs étaient et sont encore très-fertiles en blé. Elle passait pour avoir été la capitale des États de Cérès : le temple de cette déesse était magnifique, et près de ses murs on montrait la grotte par laquelle Pluton rentra dans les enfers en enlevant Proserpine. Cette ville a de riches mines de soufre et de sel.
Girgenti (17 000 hab.), chef-lieu d'une autre province, offre des maisons s'élevant en gradins sur une des plus hautes montagnes de la côte ; elle est sale, mal bâtie et peu industrieuse. Elle possède un hospice d'orphelins, un lycée où l'on voit une assez importante bibliothèque et un cabinet de médailles, un séminaire, un palais épiscopal, 46 églises, un grand nombre de monastères et de confréries. Elle s'élève sur la place même de la citadelle que Dédale bâtit à la demande du roi Cocalus pour défendre Agrigente. Les ruines de cette antique cité se voient à 2 kilom. au sud-est, à Girgenti- Vecchio; plusieurs couvents occupent son enceinte, composée de rochers naturels taillés en forme de murailles. Agrigente, que Strabon appelle Acragas, du nom d'une petite rivière qui la traversait, fut fondée 600 ans avant notre ère, détruite 200 ans plus tard par Amilcar,.
rebâtie ensuite et prise par les Romains. Sa population était de 200 000 habitants ; elle était encore considérable lorsque les Arabes ou Sarrasins la saccagèrent en 941. Ses habitants, qui ne surent jamais résister à leurs ennemis, passaient leur vie dans les plaisirs et la mollesse. Il a fallu la longue tyrannie de Phalaris, ses cruautés et l'affreux spectacle des malheureux qu'il faisait cuire dans un taureau d'airain, pour les porter à secouer son joug. Du temps .de la splendeur de Carthage, ils furent menacés d'une attaque par cette puissance maritime : les magistrats arrêtèrent que l'on veillerait la nuit sur les remparts, et que, pour que ce service ne causât pas trop d'encombrement, chaque citoyen en faction n'aurait avec soi qu'une tente, une couverture de laine et deux oreillers ;
cette discipline parut trop dure et excita un mécontentement général. Le philosophe Empédocle, qui, né à Agrigente, trouva la mort dans le -cratère de l'Etna, disait de ses compatriotes qu'ils se livraient à la bonne chère comme s'ils devaient mourir le lendemain, et qu'ils bâtissaient comme s'ils devaient toujours vivre. Rien n'était en effet plus somptueux que les édifices de cette ville. On y admire encore le temple de la - Concorde, dont il ne manque que la toiture et quelques portions de murailles; celui de Junon Lucine, et les restes de ceux de Jupiter Olympien, de Cérès et de Proserpine, d'Hercule, d'Apollon, de Diane, de Castor et Pollux, de Vulcain et d'Esculape.
Alicata, ville de 14000 âmes, bâtie sur le bord de la mer, est protégée par deux petits forts, et renommée en Sicile par ses pâtes et ses macaronis. Son port est peu étendu, mais très-fréquenté. Les ruines que l'on aperçoit sur le mont Serrato, dans ses environs, sont, suivant l'opinion de quelques archéologues, celles de Gela, patrie du poëte Apollodore, du philosophe Timagoras et du tyran Gélon, et près de laquelle se trouvait le tombeau d'Escale. -Pabna a un petit port commerçant, à l'embouchure de la rivière du même nom.—iVaro (10 000 habitants) est, selon quelques géographes, l'endroit que Diodore nomme Motywn.
Ses environs sont riches en soufre, ainsi que ceux de Regalmntto et de Canicatti, ville de 14000 habitants. — Cattolica, au nord-ouest de Girgenti, possède des mines de soufre et de sel. — Bivona est sur l'ancien Crimisus, qui rappelle une victoire de Timoléon sur les Carthaginois. — Sciacca (13 000 hab.) présente de loin un fort bel aspect. Elle est assise sur le penchant du mont volcanique de S.-Calogero, et domine la mer. Elle est ceinte de vieilles murailles.
Son port est petit, mais commerçant. C'est l'emplacement de l'ancienne Thermœ Selinuntiœ, patrie d'Agathocle, tyran de Syracuse.
Trapani (24 000 hab.), chef-lieu de la province la plus occidentale de l'île, est une assez jolie ville, qui s'élève au bord de la mer; elle occupe une presqu'île sur laquelle s'étendait jadis Drepanum ; on cite les femmes comme étant d'une beauté rare. La vcathédrale est un édifice remarquable. On distingue aussi un palais sénatorial et des ruines d'un temple de Vénus. La ville est défendue par une citadelle. Il y a beaucoup de salines dans le voisinage. Le commerce de Trapani est assez actif.
Castel-Vetrano a 14000 habitants; sur son territoire, vers la rive droite du Belice, d'énormes monceaux de ruines, dont quelques-unes ont appartenu à des temples et à des édifices si considérables que les gens du pays les appelient Piliers des Géants (Pilieri de' Gigantz) sont tout ce qui reste de l'antique Séliiionte. Souvent la tempête déblaye les sables qui ont envahi les ports de Sélinonte, et laisse voir encore, pour quelques instants, des quais, des colonnes, des anneaux, tristes vestiges que la fureur des vagues cache ensuite de nouveau sous un gravier mobile.
Au delà de ces ruines majestueuses, ornées de touffes d'aloès et peuplées de lézards et de serpents, la plaine déserte, mais fertile, s'étend jusqu'à Mazara, ville de 8000 habitants. On franchit une colline, et l'on arrive sur le bord de la mer à Marsala (25 000 hab.), dont les environs, plantés de vignes apportées de Madère, produisent un vin recherché. La beauté de son port lui fit donner par les
Sarrasins le nom qu'elle porte et qui signifie port de Dieu. Elle est bâtie sur les débris de Lilybœuw, ville carthaginoise qui soutint un siège de plus de 5 ans contre les Romains, et dans. laquelle, après la ruine de Carthage, ceux-ci entretenaient, au rapport de Tite-Live, une garnison de 10000 hommes. — Des remparts de Trapani, on aperçoit, à peu de distance de la côte, les îles de Favignana, de Levanzo et de Marettimo, qui portent le nom général d'îles Égades, et près desquelles le consul Claudius Pulcher perdit la bataille navale contre les Carthaginois. Mais ce fut ensuite dans les mêmes parages que Caïus Lutatius remporta sur Carthage la victoire qui mit la Sicile au pouvoir des Romains. La population de ce petit groupe est de 12000 âmes. — Entre Trapani et Alcamo, le pays devient encore stérile, comme pour préparer l'œil à la contemplation d'un des plus beaux monuments de l'antiquité, seul reste de la ville de Ségeste ou Égeste. Il est placé sur une hauteui* qui s'élève au pied du mont Êryx, célèbre par le temple dç Vénus Erycine, déjà désert et à moitié ruiné au temps de Strabon. Les voyageurs qui l'ont examiné s'accordent sur sa beauté. « L'élégant profil de ce tepple antique et son noble fronton se dessinent dans les vapeurs diaphanes de l'atmosphère, dit le comte Fédor de Karaczay; en s'approchant graduellement, on se familiarise avec le grandiose de sa structure. Telle est la magie de ses proportions, tel est le prestige de ses formes, que, de quelque côté qu'on l'envisage, à quelque distance qu'on le considère, il charme toujours les regards et enchante toujours l'imagination. a U a bravé l'influence du temps : il n'y manque que le sanctuaire et la toiture.
Les environs d'A Icaino sont fertiles et variés; le nom de cette ville indique son origine arabe : elk fut fondée en 828 par un prince sarrasin nommé Alkamah. Du bas de la montagne qu'elle couronne, l'architecture de ses tours et de ses murailles lui donne l'aspect d'une ville mauresque. Les femmes ont conservé une tournure orientale; elles ne sortent qu'enveloppées d'un large manteau noir,.
dont elles cachent une partie de leur visage. Alcamo renferme 45 000 habitants ; elle a une madone célèbre.
Il nous reste à parler de plusieurs petites îles qui entourent la Sicile, et dont nous avons fait précédemment la description physique. Ustica, au nord du golfe de Palerme, a la plus grande partie de sa population, de 700 âmes, réunie dans le bourg ou la ville de Sainte-Marie, que domine un fort. — Dans l'archipel Lipari, dépendant de la province de Messine, Felicuri (ancien Phœnicusa) a 800 habitants ; Alicudi ou A Henri (Ericusa), un peu plus petite, n'en a que'250; Salina (Didyme) renferme une population de 4 000 âmes ; celle de LiPari (Meligone ou Lipara) est évaluée à 18000 : la ville du même nom, peuplée de 10000 habitants, est fortifiée; l'île produit un excellent vin de malvoisie; Pana- , ria, l'ancienne Hycesia, nourrit 200 habitants; Volcano [Hiera), célèbre par ses éruptions volcaniques, est presque déserte; Stromboli, l'antique Strongyle, fa-
meuse aussi par son volcan, a 3000. habitants, réunis dans une seule ville. —
Pantellaria (iCossyra), au sud-ouest de la Sicile, renferme une ville de 3 500 âmes, que l'on appelle Oppidolo. De la Sicile dépendent encore, dans la même direction, Lampedouse (Lopadusa); qui est peut-être l'ancienne Ogygie ou l'île de Calypso; l'île de Lampion ou Lampione, toutes deux près de l'Afrique.
Au sud de la Sicile, les îles Maltaises, composées de Malte, de Gozzo et de Cornino, appartiennent aux Anglais, mais doiventêtre rangées physiquement avec la Sicile, dont elles sont séparées par le canal de Malte. L'île de Malte, la principale, est d'un sol crayeux et aride. La terre végétale y a été apportée de Sicile ou extraite de dessous les rochers- à force de travail et de patience. Ce pays est admirablement cultivé, coupé de bonnes routes en tous sens, et récolte surtout du coton, des figues, des oranges renommées. Il y a des carrières importantes. Les vents soufflent souvent avec une grande impétuosité. Aussi élève-t-on des murs pour garantir les champs de leur violence. Cette île renferme, sur sa très-petite surface (255 kilomètres carrés), 100 000 habitants ; mais ils s'étouffent sur ce sol, qui ne peut les nourrir, et beaucoup émigrent, surtout fen Algérie.
Gozzo a 28 000 âmes; Comino n'a qu'une garnison et quelques indigènes. Malte et Gozzo ne produisent que la moitié des grains indispensables pour la nourriture de leurs habitants. Suivant quelques versions, Malte serait YHypéria dont il est question dans l'Odyssée. Elle est la Melita des temps moins anciens. De 1630 à 1798, les chevaliers de Saint-Jean en furent les possesseurs. En 1564, ils y repoussèrent les assauts d'une grande armée turque. En 1800, un peu après que les Français l'eurent occupée, en mettant fin à l'ordre célèbre dont on vient de parler, les Anglais s'en emparèrent, et cette position, qui commande la fonction des deux grands bassins (oriental et occidental) de la Méditerranée, leur pnmit trop .importante pour qu'ils se décident de longtemps à l'abandonner. C'est la station ordinaire de leur flotte dans cette mer. Un grand tremblement de terre s'y est fait sentir en 1856.Le chef-lieu de l'île de Malte est La Valette, sur la côte orientale. C'est une des places les plus fortes de l'Europe, et elle a un port magnifique, partagé en deux par une presqu'île, sur laquelle elle est en grande partie bâtie. Elle fut fondée en 1566 par le grand maître dont elle porte le nom. Les principaux édifices sont le palais des Grands-Maîtres et l'église Saint-Jean; elle a 4 hôpitaux, de belles casernes, une riche bibliothèque publique et un jardin botanique. Sa population est de 60000 habitants. — Ciua- Vecchîa, ville épiscopale, plus ancienne que La Valette, est aussi fortifiée.
Gozzo (Gaulos) a pour lieu principal le bourg de Raballo. ttoimint) n'a qu'un fort.
La population maltaise est d'origine italienne et arabe, et son langage est moitié arabe, moitié italien; elle est catholique, brave et laborieuse.
Le soleil de la Sicile répand son active influence jusque sur le moral des habitants de cette île ; les têtes siciliennes sont volcafiisées comme le sol, brûlantes comme le climat. Le Sicilien est vif, gai, spirituel, dotié d'un génie actif, d'une imagination exaltée, de passions fougueuses et d'un ardent amour pour son pays.
Il est hospitalier, généreux, fidèle observateur de ses promesses. S'il commet un assassinat, ce n'est point par cupidité, mais par vengeance : 1t considère celle-ci comme un droit, et presque comme un devoir. Plus fier que sur le territoire napolitain, le bas peuple sieilien n'endurerait pas l'outrage d'un coup de cahrte : il s'en vengerait par un coup de couteau. Malgré son inertie physique, son activité morale offre tant de ressources, que l'éducation en ferait un peuple supérieur aux autres peuples européens ; mais l'ignorance est extrême, et l'on a le regret de dire
que les gouvernants l'ont souvent maintenue plutôt que combattue. Cependant l'instruction élémentaire, en répandant l'usage de l'écriture, inspire plus facilement l'amour de l'ordre et de l'économie, met le peuple à même de profiter de quelques lectures à sa portée, entretient en lui le sentiment de ses devoirs, et dispose l'agriculteur et l'artisan à s'instruire des meilleurs procédés employés dans leur état. Un changement si grand dans les mœurs populaires est-il donc si dangereux? Un peuple instruit dans le respect des lois n'est-il pas plus facile à diriger et à maintenir dans une sage obéissance, que celui qui ne connaît que l'empire de la force et la soumission de la crainte?
Nous avons vu le Sicilien ardent spectateur des fêtes religieuses : ce peuple a besoin d'un culte qui parle à ses sens ; il lui faut des fleurs, des parfums, une musique bruyante et des images. En embrassant le christianisme, il n'a fait que, transporter dans la religion du Christ le polythéisme de ses ancêtres. Il a conservé de ceux-ci cet amour-propre national qui le porte à se regarder comme su-
périeur aux autres peuples, et qui entretient entre les principales villes de la Sicile cette jalousie de prééminence qui fait naître mille rivalités.
Le peuple sicilien a presque la sobriété du Spartiate. : chez lui, l'ivrognerie est regardée comme un vice honteux. Dans les mœurs champêtres, on trouve encore quelques traces des usages grecs : les pâtres aiment à disputer le prix du chant, consistant en divers objets à leur usage, que distribue celui qu'ils choisissent pour juge; les paysannes ont conservé, de l'habillement grec, le long voile et la large ceinture.
Le principal but de réunion dans les villes est ce qu'on appelle en Italie les conversazioni : ce sont des assemblées chez des particuliers, ou dans des lieux ouverts à ceux qui, par une souscription, ont acquis le droit de s'y présenter; on y trouve des salons de jeu et d'autres réservés au plaisir de causer. Un usage qui paraîtrait fort singulier en France, c'est qu'une dame en couches ne manquepoint de tenir chez elle la conversazione : le lendemain même de sa délivrance, sa chambre devient le salon de réunion de tous ses amis. En Sicile, on connaît moins qu'ailleurs les douleurs par lesquelles les femmes achètent le plaisir d'être mères : cet avantage et la fécondité dont elles jouissent sont de ces bienfaits que la nature répand dans les climats brûlants.
La Sicile a des savants et des écrivains distingués : la littérature est le sujet principal de toutes les conversations; la poésie est le langage adopté par l'amour et la galanterie : il n'est pas un soupirant qui n'exprime en vers son douloureux martyre. Les intrigues amoureuses sont le passe-temps de toutes les dames : cellesci ne sortent jamais à pied, on ne les voit qu'aux spectacles, à la messe ou chez elles. Elles ont un goût prononcé pour la parure, et suivent les modes françaises avec beaucoup de recherche et d'élégance : elles savent avec art relever la beauté de
leurs traits et la vivacité de leurs yeux. Elles sont généralement mieux que les hommes, ce qui est le contraire de ce qui se voit sur le territoire napolitain.
Quelques villes sont en réputation pour la beauté du séxe : à Messine, les femmes sont plutôt agréables que belles ; à Palerme, elles sont plutôt belles que jolies; à Syracuse, on admire la fraîcheur de leur teint ; à Trapani, on retrouve la régularité des profils grecs.
Jusque dans ces derniers temps, quelques parties de l'île passaient pour de véritables coupe-gorge; le gouvernement est enfin parvenu à assurer la sécurité des voyageurs.
Le gouvernement des Deux-Siciles, après avoir reçu des constitutions libérales en 1820 et 1848, est redevenu une monarchie absolue. Chacune des deux grandes divisions de la monarchie est considérée comme un royaume à part, et a son administration distincte.
Le roi est représenté, en Sicile, par un lieutenant général.
Les tribunaux français ont servi de modèle aux tribunaux napolitains. Chaque canton possède un juge de paix ou conciliatore; il y a dans chaque district un tribunal de justice correctionnelle, et dans chaque province un tribunal de première instance et un tribunal criminel. Naples, Aquila, Catanzaro, Palerme, Messine et Catane ont des cours d'appel; Naples et Palerme ont des cours de cassation.
L'instruction publique compte 4 universités : celles de Naples, de Palerme, de Messine, de Catane; 10 lycées ou académies; des collèges dans chaque cheflieu de province, 52 écoles secondaires, et des écoles primaires dans la majorité des communes.
Les recettes du royaume se sont élevées à 27662000 ducats en 1856, et la dette se monte à i 22 000 000.
L'armée compte en totalité 143500 hommes : la conscription est en vigueur.
Les soldats qui appartiennent à l'infanterie restent 5 années sous les drapeaux; ceux qui font partie de la cavalerie y demeurent 8 années. Au commencement de 1858, la flotte se composait de 121 bâtiments, portant 746 canons; le personnel est de 2 vice-amiraux, 5 contre-amiraux, 9 brigadiers, 8 capitaines de vaisseau, 17 capitaines de frégate, 30 lieutenants de vaisseau et 26 enseignes.
Il y a 24 archevêchés et 77 évêchés. Toute la population est catholique, sauf 2000 Juifs, 70000 Albanais de la Pouille et de la Piana dei Greci (près de Palerme), qui suivent la religion grecque, et sauf peut-être aussi les Zingari de la Calabre, dont la religion tient plus de l'idolâtrie que du christianisme.
Nous venons de faire le portrait des Siciliens; les habitants du continent napolitain ont beaucoup de rapport avec eux : gais, spirituels, animés comme ceux-là, ils sont, comme eux aussi, superstitieux, ignorants, paresseux, sans souci du lendemain, sobres et sans besoins, pauvres, et cependant ne se trouvant pas malheureux.
L'amélioration et le progrès matériels qui entraînent tout le reste de l'Europe, Iliont pas laissé dans la stagnation cette extrémité de l'Italie, quoiqu'elle marche un peu en arrière de la plupart des pays de notre partie du monde. Les routes deviennent meilleures, plus sûres et plus nombreuses. De Naples, des chemins de fer conduisent déjà, au nord, à Caserte et à Capoue, avec embranchement sur Nola; au sud, à Salerne, par Castellammare et Nocera. Un télégraphe sous-marin franchit le Phare de Messine.
tfésuuions-nous sur la situation politique et morale de cette belle Italie que nous venons de parcourir.
L'Italie, berceau d'anciennes colonies florissantes, centre de la puissance la plus formidable de l'antiquité, théâtre des plus puissantes républiques du moyen âge, est-elle destinée à languir sans prospérité, sans influence réelle et sans gloire, au milieu des changements politiques auxquels l'Europe est encore exposée? Divisée en royaumes et principautés de deuxième et de troisième ordre, elle ne possède aucun point central : chaque partie est conséquemment vulnérable. Depuis quatorze siècles, elle est un objet d'envie pour les puissances situées au delà des Alpes, et les événements ont prouvé que ses différents États peuvent facilement devenir la proie d'un prince ambitieux.
Le pouvoir despotique que l'Autriche était parvenue à étendre sur l'Italie après la chute de Napoléon 1er, était une barrière non-seulement à son indépendance, mais à son libre essor vers la civilisation. Enfin, l'Italien a fait entendre le cri de sursum corda; la Sardaigne s'est mise à la tête de ce grand mouvement; l'aide puissante de la France l'a soutenue. Elle a vu ses frontières reculées vers l'orient, et, désormais devenue le principal État de la Péninsule, elle sera le lien de tous ces membres jusqu'ici disjoints; une confédération italienne est nécessaire à la dignité, à la force politique de cette noble contrée : elle a été établie, en principe, au traité de Villafranca. Attendons les difficiles épreuves de l'organisation déft.
nitive. •
L'Italie tend à redevenir puissante ; elle a une aspiration vers des destinées plus grandes, que lui promet l'influence de mœurs, d'une religion, d'un langage homogènes, d'une étonnante fécondité et d'un climat sans rival. La nation italienne, défendue au nord par les Alpes, au centre par les Apennins, et sur les autres points par la mer; pouvant ajouter à ces retranchements naturels des places fortes et des arsenaux, mettre sur pied une armée imposante, agrandir ses ports, se créer une marine, profiter de ses îles pour acquérir une supériorité maritime, prendra rang parmi les plus puissantes nations de l'Europe, si la confédération projetée parvient à se constituer fortement.
(La plus grande parité de la description de l'Italie est due à la collaboration de M. Richard Covlambtrl.)
TABLEAUX DES DEUX-SICILES
BIVISlOItS ADMIflikSTK ATI VES, Bejrnume de Naîdes.
lliLLES ITUJHS 1 HABITANTS PROVINCE S.. DISTRI_C_T_ ?. ARRiJXDISSUt. COMMUNES. IAnITA.NTS carres. en 1856.
Naples f ville, 288 4 44 69 1 441802 "-" ( province.
Terre de Labonr. 1 88.) 5 00 236 774523 Principauté Ciiéricurc 1710 4 44 165 583979 Principauté Ultérieure.. I CCI 3 tH 184 375313 Basilicate 3 m 4 44 124 517354 Calabre Citérienre 1 9.v0 4 43 152 456018 - Ultérieure II. 1500 4 37 153 39358 - — 1 1 G:,9 3 2S 108 338180 Abruzze Citérieure. , S'<0 3 25 - 121 323823 - Ultérieure II 1 90:¡ 4 32 125 335683 - — 1 g:15 2 18 75 238560 Molise ou Sannio. UH 3 33 112 381212 Capitanaie. 2 20"> 3 32 64 334878 Terre de BarÍ. 1783 3 -7 55 545252 — d'Otrante. - 171 1 a 44 180 431 949 TOTAUX. 24563 53 545 1853 6886030
lie de Sicile.
Païenne. » 1500 4 34 75 541326 Messine 4 -19 98 384 664 Catane 1 332 4 33 62 411832 Girgenti » 1 OiO 3 23 41 250795 NotO 1 ISO 3 22 31 254593 Trapani. 10"27 3 15 21 202279 GalUniseila sou 3 19 29 185 531 TOTAUX. 7967 24 175 357 2231020 TOTAUX GÉKËnAUX. 32530 77 720 2 210 9117 030 Ville de Palerme. 200000
Fil* ASCES Recettes effectuées eu 185#.
1:1 liCals.
Impôts directs. 5975948,78 Vingtième communal 141 686,48 14 015 878,15 Impôts indirect"S. 14 015 878,15 Licences de chasse 49 338,03 Timbre et enregistrement.. - 1394537,64 Postes 175 357,58 Monts-de-piété. 989753,20 Loterie 1952085,47 Chemins d6 fer. 238170,05 Amendes. 4 500 » Passe-ports. 6312,52 Contingent de l'Ile de Sicile 4045 578 » Divers s 2 637 223,43 Total 31626 369,33 DÉi,EmsLs duraiit la lilèllie aiinée. 31949 628,69
Cette en 1914.
ducats.
Terre ferme. 101734000 Ile de Sicile -20 118 000
Tolal 121 872 000 (Le ducat = k fr. M.)
MARINE EN 1959.
Flotte à voile.
Bouehet il feu.
! nts(':'IlIX rie ligne, t il 00,111 80 canons.-. 170 5 frégales, à 6'. t 11 48. 2 à U canllns. 24 2 corvettes, 1 à 2-2, 1 (corvette-bombarde) à U. 36 5 brigantines à 20 canons. loo 3 goëlettes à 14 canons.,. 28
Flotte i. ""peur.
Force de chevaux.
3 frégates à vapeur 450 — 900 -24 13 Idnn, — 300 — 3 600 72 4 COlTPlles - 240 — 960 24 "baliDlents - -0D — 80n 16 1 Idem, -. 120 - 120 4 9 llÙfII. — 50-40 — 270 24 3 navires de transport.
Astres pell18 bâllweaiai 10 bombardes à 1 morlier. 10 iOcha~oupescant'))))icrfsa2M))')ns. 20 30 ldm, armées à la Paixhaus. 40
98 bâtiments. 832
An commencement de 1858, la flotte se composait de 1*21 bâtiments, portant 746 canons.
Personnel : 2 vicc-amirani; 5 conlre-amiraox; 9 brigadiers i 8 capitaines de vaisseau; 17 capitaines de frégate; 30 lieutenants de vaisseau et 36 euseignes.
A miniv.
hommes.
1. Infanterie; Garde royale 9 508 - Ligne 65 306 - Ligne. (Dollt 3 808 Suisses.) 63306 II. Cavalerie : Garde royale 1 834 — de ligne 6 736 III. Artillerie 6 32-2 IV. Génie. 2880
Total de l'armée active.. 9-2 586 V. Réserve: Infanterie 48 000 - Artillerie des côtes 3 000
Total général.. 143 586
COMMERCE IE9 POIRVO PILINCRPAILTX •• la partie fntlMatah du royau-o en tous.
PAYS DE PROVENANCE 1 ET DE DESTINATION* IMPORTATION. EXPORTATION. TOTAL.
Valeur en francs. Valeur en francs. Valeur en franc*.
France 12 788 000 38742000 41530 000 Angleterre 18 876000 15043000 33 919 000 Pays-Bas 6614 000 > 6611000 Ellts-Unis de l'Amrriqae. 5333 000 538000 5 861800 Swdaigne 5053000 4 789000 9 844 000 Bals Romains 1660 000 » 1660000 Toscane 1676000 390000 1 966000 Espagne 1301000 ■ 1 soi 000 Suéde et Norvège 967 000 » 967 ooo "llriche. 562000 3 584000 3 M6000 lussie > 6000000 6000000 Grèce. 1805000 1 803000 Turquie ■ » » Belgique » 817 000 847000 Antres pays 369950 5 068 500 5 438 430 TOTAUX. 55301950 63696 500 120898450
Valeur des importations de l'Ile de Sicile en 1855 : 68562000 fr.
MOUVEMENT COMMERCIAL - r»y»»n - IMI.
148930060 fr., dont 79 615.000 pour l'importation et 66 315 000 pour l'exportation.
Sar la valear totale de l'importation de 1857, 39 433000 fr. ont été fournis par l'Angleterre; 19830000 par ia France; 14)00000 par l'Amérique; 6900000 par la Hollande; 3 200 000 par les Etats Sardes, et 1580000 par l'Espagne.
"DaflS les exportatiuns, l'Angleterre a figuré pour 18 400000 fr.; la France pour 16700 000 fr.; la Russie, pour 12023000 fr.; l'Autriche, pour 11945000 fr.; les Etats Sardes, pour itMOMfr; et laRomagne, pour 1200000 fr.
Les principaux articles d'échangé ont été A l'importation, In cotons et les fils de coton, près de 30 millions de fr. ; le sucre 7 830 MO fr ; les tissus de laine et fe coton, 7000000 fr.; le tabac, 6 000000 fr.; le café, 3 300000 fr.; la boaille, 1100000 fr.; les soieries (de France printiialcineiit), 850000 fr., etc. «
it I r«cport»tion, l'huile. 40700000 fr.; la soie, 4750000 fr.; la garance, 4750000 fr.; pais des laines, des amandes, de fruits secs ou frais et de la réglisse.
.- Le royaume de Naples est, de toutes les parties de l'Italie, celle où a culture de l'olivier est le pins répandue et son produit le plus abondant. La production de tout le royaume des Deux-Licites en huile d'olive a est élevée, en 1857 IfftlMO hectolitres, dont on estimait la valeur totale » 67 millions de fraucs.
r
»
noviamtim du peut de SiflM ISII.
Le mmemm total (y compris les opérations de cabotage) a offert 4 892 navires et 635075 tonneaux (entrée et sortie léanies).
Ces outres se sont ainsi répartis quant aux principaux ports ou pays de rinterconrsc :
Tonneaux.
'oris des Deux-Siciles (eabolaJe).. 1 S~ à voile. - 2M jugeant iM5<)0 Ports des Deux-Siciles (cabotage). ( 310 i" £ eanl 16"' I Navires à voile.. 18 — 2312 France 1 Navires à vapeur. 599 — 144 246 Anelelent. j Navires à voile. - 211 — 4i200 AAnn~~teett~errM w. 1 Navires à vapeur. 170 — 62122 État* IO. I Navires il voile.. 320 — 22S70 Étata S"a"r"de.': .--..-. j Navires à vapeur. 76 aoooo
81 Pou défalque le mouvement propre au cabotage (2 982 navires et 247 469 lonncaux) de l'inletcourse, on trouve, poor les relations avec l'étranger, 1910 Làtiments et 387 606 tonneaux.
Le pavillon des Deux-Siciles a été représenté, dans l'eiiseinlile du mouvement (commerce extérieur e! cabotage), par un chiffre de 407 768 tonneaux.
dit .-- en 4644.
riavircs. Tonneaux.
Napolitains 2 302 143 715 Étrangers 306 78888
Ka-. — Une grande partie de ces tableaux est extraite de lvimanacA de GaI/la, MM.
1
■ ITISlOXil EC€IiK81 A§TIÇUES.
Il archevêchés»
Accreiiza et Matera.
Aiuaiti.
Bari.
Béncveni.
Brindisi.
Capeiie.
Chrcti.
Conza.
Costnza.
Gaeta.
Lanciano.
Manfredonia.
Messine.
Morrculc.
N aptes.
Otraute.
ralcimclIegio.
Fiossano.
Sa'.cmc et Accrro.
S.-Severino.
Sortelitô.
Syracuse.
Tarente.
77 étêché»
POSITIONS Çt- OGUApiniQUC- IS PES PAYl T^HÇU-liîÇï.'a.EOXl^ïJKS ET IT,tLIEl\'S.
Turquie d'Europe) Grèce es lieu Ionienne..
LIEUX. LATITUDE NORD. LONGITUDE EST.
dBg. MIN. ec. deg. MIN. Bee.
ANDRINOPLE (VIEUX SÉRAIL) 41 41 26 24 15 19 ANDRO (ÎLE), SOMMET 37 50 8 2J 20 7 ARGOS (Larisse, angle nord-oucst). 289 m. 37 38 9 u 22 49 37 58 8 21 23 30 ATHÈNES (parthén.) 178 M. 37 58 8 21 23 30 BELGRADE (VRACLIA PRÈS DU FORT) 44 47 57 18 7 50 BRAÏLOV (MINAR. DE LAZ-JAMI) 45 16 11 25 37 49 BOUKHAREST (ÉGL. MCLRONOL.) 44 25 39 23 45 0 CANDIE (ville). prine. Diiii. 35 21 0 22 47 45 CANÉE (LA), le cliàleiu 35 28 40 21 40 10 CASTEL TORNF.SE (KLÉMOUSLI) 37 53 15 18 48 24 CÉÏIIGO (FORT SAINT-NICOLAS) 36 13 7 20 44 34 CÉRICOTTO (sommet). 35 50 5 20 56 55 CIIRJSTIANA (lies), la plus 1!allle. 36 14 41 22 52 30 37 as 5t 2L 4.1 24 COLONNE (CAP), LE TEMPLE, 82 M 37 38 51 2L 4.1 24 CONSTANTINOPLE (SAITILE-S.'PLIIE) 41 0 16 26 38 50 CORFOU (ile Vido). 39 38 20 17 35 45 CORINTHE (mi lIare! dans hl "¡lie). 37 54 15 20 32 45 CORON (MINAR. DE LA MOSQ.) 36 47 29 19 37 37 DELPHI (notU) 1745 lU. 38 37 26 21 30 22 LUIUTZO (MÔLE LE PLUS HAUT) 41 17 32 17 6 20 EGINE (MONT SAINT-ELIE) 534 NI.. 37 41 53 21 9 40 ËL)ED'OM(ST-),n<o)it,H04m. - 38 3 26 22 7 56 GALATZ (ÉGLISE USPENSKI). 45 26 12 25 42 34 GALLO (cap) 36 42 54 19 32 28 GEORGE (ST-J, mont Cochihl. 38 49 44 22 16 50 GEORGE D'AISBORA (ST-), SOMMET 37 28 0 21 35 31 GUIONA (MONT), 2511 M. 38 38 40 19 35 2 HÉLICON (mont). 1749 m. 38 17 47 20 32 46 HYDRA (SOMMET), 591 M. 37 19 31 21 7 27 HYJIETTE (111 ni), 1027 ni 37 56 37 21 28 45 JASSY (ST-CLIAIALAMPIA) 47 10 24 25 14 21 KAPRENA (Cliëronée). 38 29 36 20 30 29 KELMOS (MODI), 2355 ni 37 58 9 19 51 56 LÉPANTE (MINAR. AU MILIEU). 38 23 34 19 29 35 LIVAME (LOUR DU CHÂTEAU) 38 25 40 20 32 18 MAKftON!Sf[ite).so)i.))JCt,~81m. 37 44 17 21 48 15 MARATHON (cI'). 38 7 9 21 43 21 MAÏAPAN (cap) 36 22 58 20 8 53 MÉGARE (LOUR DANS LE LIAUT). 37 59 40 21 0 12 MVCONI (LIE), SOMMET 37 29 15 23 1 7 MILO (MONT ST-ÉLIE) 36 40 27 22 3 1 MODON (le mil!e)., 36 48 32 19 22 10 NAUPLIE.. 37 33 39 20 27 34 NAVARIN. 36 54 34 19 21 21 NÉGREVONT (FORT KARABABA) 38 27 45, 21 14 53 OLONOS (mont), 2 22-3 ui. 37 59 8 19 29 57 PAPA (cap), fort i-uiiié 38 12 42 19 3 4 PARNASSE(mon))2459m. 38 31 57 20 17 14 PARO (MONT ST-ELIE) 37 2 46 22 51 11 PATRAS 38 14 32 19 24 25 PIRÉE (ENTRÉE DU PORT).. 37 56 15$1 17 41 PLATtE (CLIAP. SUR LES RUINES DE) 38 13 10 20 56 20 POROS (LIE ST-NICOLAS). Õ 37 30 54 21 8 0 ROUSTCHOUK (LA TOUR) 43 50 37 23 36 17 SALAMINE (ruines de). 37 57 6 21 12 15 SALONIQUE (moulin a,u .nord). 40 38 47 20 36 58 SANTORIN (Mont SI-Élie) 36 22 1 23 8 18 SPARTE (ruines de), 244 ln. 37 4 47 20 5 20 SPETZIA (LIE), SOMMET, 247 M 37 15 16 20 48 22 STROPHADES (LA GRANDE) 37 14 38 18 40 6 SPETZIA (lie), somgrmane.dt, e). : : : : : : 40 42 2 22 22 30 TASSO (LIE), SOMMET 40 42 2 22 22 30 TAYGÈTE (pic St-Elie), 2409 m. 36 67 1 20 0 54 TtRAPIA., 41 8 31 26 43 20 THÈBES (la tOUl'). 38 19 16 20 58 58 TI NO (SOMMET) 37 35 1 22 54 1 TRIPOLITZA (ancienne HORLOGE), 663 M 37 30 31 20 2 18 YALONA (la doilaiie) 40 27 15 17 6 15 "VARNA (MOSQUÉE HASSAN BAÏRALULAR) 43 12 3 25 S7 10 VIDIN (MOSQUÉE DE LA CITADELLE) 4:1 59 35 20 32 27 ZANTE (la Ville) - 37 47 17 18 34 27 ZÉA (MONT ST-ÉLIE) 37 57 18 22 1 25 ZITOUN (la (ùrlrrese). i, 8 ti 5 20 5 58
Italie.
L'ilalie (sans les Iles) est comprise entre 37° 53' et 46° 42' de latitude nord, et entre 3u 20' et 16° 10' de longitude est.
LIEUX. LATITUDE NOHD. LONGITUDE EST.
d,g. win. Sf. dtg. min. see.
45 \1 27 8;) 24 ACOUA-NECRA 45 9 27 9 5 24 AlItI!. 45 3 6 10 17 Io A lO"I'O. 41 43 50 5 17 57 AI.GHEBO (CALLIÉDIALE 10 33 Ï6 5 10 57 A!\cô:>-t, (FANAL) 43 37 42 8 10 N AI:œlt:., 45 21 9 8 56 30 AISONA (SI-CLIAILES) 57 6 12 43 ASINAKA (I.) (PIE SROMUNICA) •*! 5 49 5 57 47 A';I-t:. 43 4 22 10 1J 24 LÏ VGNA—C "V,% L LO 44 24 38 9 38 4 BIss,\!,o (L'HORLOGE) 45 45 45 9 23 46 UEI.LAVISTA (Cil», la tour 3') 55 50 7 23 7 I!KLL)~t:,(;[ucht-rprincn'~). 5 7 59 9 52 43 IJt:IIGIMI. 44 IL 55 7 20 53 IÎOLOCNE (OBSERVATOIRE) 44 29 54 9 0 36 lIuzzol.O. -45 6 6 G 9 56 BIIKSCIA (ie 45 32 19 7 53 8 OACLIARI (LOUR S.-FAIICR;IZIO) 39 13 U 6 47 24 CALntKpo. 45 24 18 7 50 40 CAPRAJA (moule Casl!'II,,)., M 2 58 7 28 42 CAPRKRA (LLE) (POINIE TT J.ILONE) 41 12 52 7 8 33 CAIIAVAGGIO ÎLE DÔME) 29 31 7 IG IG CASAL-MAGCIORE 44 59 11 9 5 19 oitE. 45 40 1 9 25 19 CVSTEL-FIIAM'.O (LOUR) 45 40 1 9 35 19 CASTICLIONE (FORT) 42 45 46 8 33 36 CAVOLI ITOUR DE) 5 18 7 52 2t 1 5 25 8 52 21 ceftk.à 44 11 20 10 5I AI CERVIA (TOUR DE LA VILLE) 44 7 80 JO 0 35 CK-ttA. 44 7 56 9 34 24 CHAMBÉIIY (CAL LIED RAIE) 45 34 G 2 34 47 , CHIAVENNA (LE DILINE) 46 18 59 7 3 58 ; CHIOI.CIA (LE DORNE) 45 12 45 9 56 17 ; CITAPELU (TOUR) 45 38 40 9 26 43 CIVITA-YKCLHIA (PLIARI) 42 à 35 9 96 57 COLOGSOLA 45 35 43 8 52 57 COHACCHIO (ST-AUGUSTIN) ., 44 41 16 9 51 7 COMO (DÔME) 45 *8 26 9 44 il ! CONECLIANO (CHÂTEAU) *5 53 5 9 57 6 CBEMA ((t()t).cj. 45 21 47 7 21 6 CIU MOM: (fidille) 45 8 1 7 4t 22 DOMO D'OOlA., 46 C 43 5 57 0 LLOLO 46 1:1 36 7 59 51 EsTt: 45 13 30 9 40 45 ETNA (iliolit) 37 16 31 9 40 45 FAENZA (LE DÔME) 44 57 47 9 32 48 FAl.COH (CAP;, (LA TOUR) 40 57 17 5 51 56 FANO (fiiiil) 43 51 16 10 40 56 FELTRE (LE DÔME) *6 0 58 9 34 19 FEKMO (l'Iorhl'f). *3 9 53 11 33 29 FEIIIIARE (ST-UEIIOLL) 44 5O 41 9 16 29 FJ.OIIENCF. :oh,cnaroil'C du COIlC¡;I'). 43 46 41 8 55 0 FOHl.I (:,.-Jal'liallo)., 44 13 4 9 42 53 FUENTES (FORT) 46 8 36 7 3 53 G.lRO" 45 34 6 8 93 14 GENES, f allaI. 44 24 57 6 34 0 GKNNARGENTU (MONT) 37 0 57 6 58 24 (ILRCENTI (FANAL), 37 25 39 7 12 25 GOI¡GOI'£ (lie) (sommet). 43 25 39 7 18 29 GUASTALLA 44 54 56 9 2 43 IMOlI (S;111 CaliZiiDO) ., 44 20 55 9 22 19 IsoI.A-Ut:J.I.A. 45 53 16 G N 32 LAMI-EDOUSE (He). 35 11 15 10 Io 16 l'EGNAGO 39 26 23 8 17 13 LINAS (11111111). 39 26 49 7 17 36 L)vo[))iKt(j)hare). 43 32 36 7 57 40 t.om (tour) 45 18 34 7 16 47 LORETO 43 26 40 11 IG 47 LUCQIJES (TOUR DE L'HORLOGE) Ú 50 49 8 10 26 ALlCER.IT\ 43 18 36 11 6 57 IAUIIOCCO ',' 45 53 19 9 59 57 MALTE (OBSERVAIOIRE) 35 53 50 12 27 6 MANTOUE (LA gailbia) 45 9 34 8 27 37 MARLTTIMO (Ic chameau) 38 1 10 9 44 10 MAZARA 37 39 50 10 14 44 MEOICINA. 44 28 17 9 18 7 MESSINE IFAIIAL) 38 11 3 13 14 30 MKSTRE 45 2!» 17 9 54 t
LIEUX. LATITUDE NORD. LONGITUDE EST.
dcg. min. sec. deg. min. sec.
MILAN (observatoire). 45 28 1 fi 50 56
MlRANDOLA (tour) 44 ^2 52 8 43 38 MODÈNE (i. Gbirland.) 44 M 50 8 35 18 5I0ND0VI (tour) 44 23 8 5 29 15 MONOPOLI (télégraphe) 40 57 19 14 58 34 MOKTALTO. - « 59 44 11 14 25 MONTALTO : 45 49 59 4 31 45 MONT BLANC *5 ?? 59 4 31 45 MONT CEKJS (hospice) 45 14 8 4 35 47 MONTEBELLO de la Vénctie (château) 45 27 28 9 2 31 MOME-CRISTO. 20 15 7 58 26 MONT ROSA. 4 56 * 5 32 8 )foNT VISO. 44 40 2 4 45 10 EAv,s? •• •. ■. : : : : : : : : : : : : 45 3i 45 6 56 6 NAPLKS (observatoire) 40 51 47 il 54 57 NICE (Sl-François) 43 41 58 4 56 32 NOCERA 43 6 40 10 25 13 NOVARE (S.-Gaudenz.) 4a 26 56 6 17 2 Novi 44 53 7 8 33 50 ORISTANO (torre grande) 33 54 19 6 11 16 OSTBÏO* #«•••••••••••••■ OTRANTE (le télégraphe) 40 8 46 16 10 5 PADOUE (Observatoire 45 24 3 9 31 U.
PALERME (observatoire) 38 6 ** il 1 0 PALM A-NOVA.. 45 54 5 10 5J 8 17JJ 44 48 lo 7 59 44?armr (St-J,tC!aNii r)-. : M : : : •• : : : ■: ••: •: • 45 SE 39 10 « » PASSARIANO 56 39 10 40 22 PÉROUSE. 43 6 46 10 1 58 PESARO. 43 55 1 10 32 32 PESCHJERA ., 43 26 6 8 21 11 PlOMBINO (cllât. fort) ., 42 55 17 8 11 36 PISE (10111' penchée). 43 43 28 8 3 32
PLAISANCE. 45 2 44 7 21 2t FORDENONE (le dôme) 45 57 0 10 19 30 TOKTO. ■•«••«•••••••••• 41 46 44 9 53 21 POIITO-FERRAJO (phare). 42 48 57 7 59 52 RAYENNE (tour de la ville) 44 24 JiO 9 51 39 RECANATI (tour de la ville). 43 24 26 il 13 3 REGGIO (la madone) 44 41 39 8 17 10 RIMINI, (fanal) 44 4 39 10 14 5 RIEATRANSONE (St-François) 42 59 33 11 25 15 RIVOLI. 45 34 2 8 28 24 RIVOLI. 4. 34 2 8 28 24 RollE (St-Pierre) 41 5i 6 10 6 50 ROVEREDO 45 55 36 8 40 20 45 4 5 9 27 17 HOVIGO (M. del Soccorso) 43 43 9 27 17 S.\BIO';ETTA., 14 59 47 8 9 1 SACILE (le dôme). 45 56 55 10 9 51 SASSARI (chàleau) 40 43 33 6 13 56 SIENNE (caLhédrale). 43 19 16 8 59 56 8UHGAGI.IA (cathedrale)., 43 43 2 10 52 56 SoNDRio (le dôme) 46 10 0 7 31 56 SPEZIA (LA) (phare de Tino) oU 1 35 7 30 49 SPILIMBERGO (le dôme) 46 6 19 10 33 59 SPOLÈTE. 42 44 50 10 15 31 SDPERGA (coupole) ., 45 4 34 5 23 35 SUZZARA (le dôme) 44 57 23 8 20 48 SYRACUSE, (le fanal) 37 2 58 12 57 35 TAVOLARA (tour) 40 54 46 7 23 42 TERRACINA. 41 18 14 10 52 18 TESTA (cap della) il 14 12 6 48 48 TEULADA (cap) 38 51 53 6 18 54 TUOHON (église). 46 22 23 4 8 37 TORO (rocher^ 38 51 34 6 4 58 TORTONE (château) - 44 53 20 6 31 59 TREMITI (Iles) (télégraphe sur St-Nicolas) 42 7 30 13 10 49 TRÉVI3E «our (le la ville) 45 39 41 9 54 24 TURIN (observatoire nouveau) 45 4 8 5 21 12 UDIE 46 3 36 10 M 55 URBINO. 43 43 12 10 17 50 VARÈSE. 45 48 50 6 29 11 VENISE (St-Marc) 45 25 55 9 59 54 VRONE (observatoire). 45 26 8 8 38 50 VÉSUVE 40 49 14 12 5 20 LICENCE (tour de la ville) 45 32 46 9 13 9 VIGEVANO (tour de la ville) 45 19 1 6 31 17 VILLEFRANCHE (fanal) 43 40 30 4 09 26 VOOBERA. 44 59 23 6 41 41
LIVRE SEPTIÈME.
Description physique de la péninsule Hispanique. — Coup d'œil historique sur les anciens peuples de PEspagne et du Portugal, jusqu'à la fin de la domination musulmane.
Aucune contrée de l'Europe ne fut plus favorisée de la nature que la péninsule Hispanique. Des montagnes inaccessibles, favorables à la guerre de partisans, protègent son indépendance contre d'audacieuses tentatives ; la variété de son climat permet aux productions des tropiques de s'unir, sur son fertile sol, à celles delà zone tempérée. Des plateaux élevés qui n'attendent que des soins pour se couvrir d'une utile végétation ; des collines garnies de ceps vigoureux qui produisent des vins recherchés; des vallées dont la terre est fécondée par de limpides ruisseaux et par les rayons d'un astre bienfaisant; des fleuves qui, partant de divers points rapprochés, peuvent, à l'aide de quelques canaux, entretenir des communications faciles, sont les éléments d'une richesse agricole que d'autres pays lui envient, et qui, utilisés par l'industrie, produiraient des trésors plus précieux que la possession des plus vastes colonies. Une énorme étendue de côtes, des ports vastes, commodes et sûrs, ouverts à la navigation des deux mers, y pourraient concentrer le commerce des deux hémisphères. Quel génie malfaisant a pu paralyser ou corrompre tant de causes de prospérité, et réduire à une population qui est inférieure à celle de la France de plus de 16 000 000 d'individus, la population de la Péninsule, qui surpasse de plus de 28 000 kilomètres carrés la France en superficie ?
Cette vaste péninsule, comprise entre le 36e et le 44e degré de latitude nord, et entre le 1er degré de longitude est et le 12e de longitude ouest, est située à l'extrémité sud-ouest de l'Europe; elle est séparée de la France, au nord-est, par une grande partie des Pyrénées, et baignée dans la moitié de son circuit par l'océan Atlantique, et dans l'autre par la Méditerranée. Le détroit de Gibraltar, qui unit ces deux mers, sépare la pointe méridionale de cette presqu'île de l'extrémité nord-ouest de l'Afrique. La forme de l'Hispanie est régulière et presque carrée : les côtes en sont uniformes et sans aucune de ces échancrures et de ces golfes en grand nombre que nous avons rencontrés dans les autres péninsules de l'Europe méridionale ; mais des caps remarquables s'y présentent sur plusieurs points : à l'extrémité nord-ouest, le cap Finisterre ; à l'extrémité sud-ouest, le cap Saint-Vincent; à l'extrémité nord-est, le cap de Creuz; à l'extrémité sud-est, le cap de Palos. Vers l'extrémité sud, le promontoire de Gibraltar, terminé pat ia
pointe d'Europe, n'est pas, comme on le croit communément, le point le plus austral de la Péninsule : la pointe de Tarifa est plus avancée dans cette direction. Enfin, le cap da Roca est le point le plus occidental de l'Hispanie; le cap Ortegal en est le point le plus septentrional. Son étendue, de l'est à l'ouest, est de 700 kilomètres, et, du nord au sud, de 820 kilomètres; elle a 1 200 kilomètres du nord-est au sud-ouest. Sa superficie est de 556 495 kilomètres carrés, dont 91 000 appartiennent au Portugal, 465 000 à l'Espagne, et 495 à la république d'Andorre.
Il est peu de' pays dont la géographie physique soit plus difficile à étudier ; longtemps on a cru que les chaînes de montagnes qui le divisent partaient d'un centre commun et se ramifiaient à peu près comme les nervures d'une feuille de pampre. C'est à un savant français, Bory de Saint-Vincent, que l'on doit les premières notions exactes sur les montagnes, les cours d'eau et les bassins de la Péninsule. Les Espagnols eux-mêmes sont allés puiser des lumières dans ses descriptions de leur propre pays. Nous ne pouvons donc mieux faire que d'adopter sous ce rapport la division qu'il en a donnée.
Il partage les montagnes de cette contrée en sept systèmes distincts que nous appellerons groupes.
Le groupe Pyrénaïque, qui comprend la chaîne des Pyrénées et sa continuation, se divise. en cinq masses principales : f la Méditerranéenne ou orientale : ses pentesdonnent naissance au Ter et au Llobregat, qui se jettent dans la Méditerranée, et à la Segre, affluent de l'Ebre. 2° l'A quitanique, dont les glaciers fournissent à la France les eaux de la Garonne et de l'Adour, tandis qu'ils ne donnent à l'Espagne que de petites rivières; 3° la Cantabrique ou centrale, séparée de la suivante par les sources de lèbre; 4° l'Asturienne, presque aussi haute que l'Aquitanique, et coupée à pic du côté du sud; 5° la Galicienne ou occidentale, dont les ramifications s'étendent jusqu'à l'embouchure du Douro. Ces trois dernières masses sont ordinairement désignées sous le nom général de monts Cantabres.
La constitution géognostique de la chaîne Pyrénaïque est intéressante sous plusieurs rapports : un naturaliste (1) a reconnu que, bien qu'elle appartienne à la formation granitique, le granité y est moins ancien que dans plusieurs autres parties de l'Europe. Dans toute l'étendue de la chaîne, s'élèvent des masses granitiques qui semblent encore porter les traces d'un antique soulèvement. Sur leurs flancs, s'appuient des schistes micacés, et sur ceux-ci, les plus anciens dépôts à débris organiques; des grès rouges surmontent ces derniers, et des calcaires analogues à ceux des Alpes et du Jura s'étendent jusqu'aux dernières pentes. On voit çà et là des marbres blancs ou calcaires lamellaires, placés audessus du granité, et sur le calcaire alpin reposent en quelques endroits des roches chargées d'amphibole. C'est dans l'Espagne, et non en France, que les Pyrénées ont leurs plus hauts sommets : la Maladetta (3 482 mètres), le pic Posets ou de Lardana (3 437 mètres), le mont Perdu (3 404 mètres). Les plus remarquables sommets des monts Cantabres sont la Pena de Penaranda (3 362 mètres), la
(i) De Charpentier : Essai sur la constitution géognostique des Pyrénées.
Pena Trevinca (2924 mètres), et la Pena de Penamarilla (2885 mètres.) Le groupe Ibérique est formé de différentes chaînes dont les pentes vont se joindre au nord-ouest à celles des Pyrénées, et se terminer au sud-est près des rives du Guadalaviar. Ces différentes chaînes unies entre elles portent les noms de Sierra de Oca, de Sierra Cebollera, de Sierra Madera, de Sierra de Afoncayo, de Sierra de Gudar, et de Sierra de Espadan. La Sierra de Molina, qui se confond avec celle d'A Ibarracin, et les montagnes de Cuenca, s'y rattachent.
Dans ces montagnes, le calcaire ancien se montre partout, et les plaines basses sont couvertes de terrains d'alluvions qui renferment une si grande quantité d'ossements fossiles (dont plusieurs appartiennent à des animaux perdus), que les habitants ont appelé les terrains qui les recèlent las calaveras (les squelettes). Depuis les sources du Guadalaviar jusqu'à son embouchure, les vallées sont traversées par des torrents furieux, environnés d'escarpements perpendiculaires. Elles sont si profondes, que le soleil n'y pénètre que lorsque ses rayons y donnent d'aplomb. La Sierra de Espadan ressemble à une longue muraille. Ces vallées sombres et silencieuses, d'où l'on aperçoit des pics menaçants couronnés par les nuages, ces monts dont la base est déchirée par des ravins tortueux arrosés par des milliers de ruisseaux, forment un inextricable et gigantesque labyrinthe. Le calcaire ancien, fécond en métaux divers, y domine, comme on a dit; mais, en descendant vers l'occident, le pays change d'aspect : les montagnes s'arrondissent, et leurs roches noires et poreuses indiquent une origine ignée.
Le groupe appelé Carpétano- Vettonique, parce que ses pentes étaient habitées par les Carpetani et les Vettones, se rattache vers l'est au système Ibérique, et vers l'ouest se termine par le mont Junto, qui domine le Tage, non loin de son embouchure. Sa principale chaîne est étroite; elle offre presque partout de vastes escarpements ; elle sépare la Vieille Castille de la Nouvelle, et la province de Salamanque de l'Estrémadure. Pendant l'hiver, elle assemble les orages et les tempêtes qui vont fondre sur Madrid, et dans l'été elle augmente la chaleur de l'atmosphère en réfléchissant les vents brûlants qui, venus de l'Afrique, traversent les plaines arides de la Manche. Quelques sommets sont assez élevés pour conserver la neige pendant certains étés. On peut diviser ce groupe en trois sousgroupes : l'oriental est formé de la Sorlw-Sierra et de la Sierra Guadarrama; le central, composé de la Sierra de Gredos, est le plus élevé de toute la chaîne (3 216 mètres) : on y voit un petit glacier au lieu nommé Palacio del Moro Almanzor, et des lacs d'où s'échappent plusieurs rivières qui vont grossir le Tormès, affluent du Douro; enfin l'occidental comprend la Pena de Francia, la Sierra de Gata ou de Jatama, la Serra da Estrella, et les dernières chaînes qui vont se terminer près de Lisbonne : cette partie est la plus boisée de toutes les montagnes de la Péninsule. La charpente de ces montagnes est formée d'un granite grisâtre à gros grains, qui, par la facilité avec laquelle il se décompose, et, par les masses plus ou moins grosses d'un granité plus dur qu'il renferme, paraît être l'une des roches les moins anciennes de la formation granitique. Les environs de Madrid sont calcaires : la craie supérieure avec ses silex noirâtres y supporte des dépôts récents.
Le groupe Lusitanique est moins élevé que les trois précédents; aucune som.
mité n'y conserve la neige pendant les chaleurs de l'été. Il s'étend entre le" Tage et la Guadiana, et comprend les monts de Tolède, à l'est, la Sierra de Guadalupe, au centre, et les monts Mochales, la Serra de Estremoz et la Serra de Ossa, à l'ouest.
Le groupe Marianique est formé de la chaîne du mont Marianus des anciens; la plus grande partie de sa masse sépare le cours de la Guadiana de celui du Guadalquivir; ses sommets ne conservent la neige que pendant neuf mois; ils surpassent en hauteur ceux de la chaîne précédente : quelques-uns atteignent 1600 à 1 800 mètres d'élévation. Son extrémité orientale est formée de deux branches, dont l'une porte le nom de Sierra de Alcaraz, et l'autre celui de Sierra Segura. Le centre est célèbre sous le nom de Sierra Morena, nom qui signifie montagnes noires, et qui offre une sorte d'analogie avec l'antique nom Mons Marianus. Trop souvent des brigands y ont établi leurs repaires. La Serra Abeloeira, qui se termine près de la Guadiana, forme son extrémité oc-.
cidentale. Les collines qui entourent Alcaraz sont composées de psammites ou de grès argileux. Les sommets situés près des sources du fleuve voient s'étendre à leur base une chaîne de volcans éteints parfaitement reconnaissables.
Le groupe Cunêique (au coin de la Péninsule) ne se compose que de la petite chaîne appelée dans l'antiquité Mons Cuneus. Il s'étend depuis l'embouchure de la Guadiana jusqu'au cap Saint-Vincent, et sépare l'Algarve de la province de l'Alemtejo, dans le sud du Portugal. On le divise en trois chaînes : l'orientale, ou Serra de Malhao (ou Serra Caldeirao); la centrale, ou la Serra de MesqufÂa, et l'occidentale, ou la Serra Fiqueira, qui se termine au cap Saiat-Vincent.
Ce groupe ne renferme point de hautes sommités ; il diffère même de tous les autres par sa constitution physique : on ne voit partout que des roches arénacées, que d'anciennes coulées de lave, surtout vers la partie orientale, dont le nom, Serra Caldeirào, qui signifie chaîne à chaudrons, convient parfaitement à une réunion de mamelons volcaniques dont les cratères ont conservé leurs formes et les caractères qui retracent leur origine.
Le groupe Bétique, dont les pentes septentrionales formaient la province romaine de Betica, s'étend depuis le Rio Almanzora jusqu'aux dernières pentes qui se terminent vers lfembouchure du Guadalquivir. Le centre est occupé par la Sierra Nevada. Ce n'est pas le plus vaste groupe de la Péninsule, mais c'est sans contredit le plus élevé. Quelques-unes de ses cimes surpassent en hauteur celles des Pyrénées : elles sont couvertes de glaces éternelles. On y remarque les profils heurtés des monts d'Ubrique, d'A Igodonales et del Gastor, entre lesquels domine le pic de San-Cristoval : la neige n'y fond que dans les étés d'une chaleur extraordinaire ; elle se conserve plus habituellement sur le point culminant de la Sierra de Monda, où l'on voit le petit ermitage appelé Nuestra-Senora de las Nieves (Notre-Dame des Neiges). A mesure que l'on avance vers l'orient, en suivant la crête de ces monts, plusieurs masses rivales en hauteur se succèdent : ce sont celles de la Sierra Prieta, de la Sierra de A lhama et de la Sierra Tejada.
La plus pittoresque est celle du Torqual, dont les rochers, de formes et de dimensions variées, sont si confusément et si singulièrement entassés, que leurs
longues avenues ressemblent à une ville ruinée, construite par les Titans; mais l'effet imposant de ces montagnes n'est point à comparer à celui que produisent les cimes de la Sierra Nevada, immense dominatrice de l'horizon, dit Bory de Saint-Vincent, revêtue de frimas resplendissants dont la permanence commence à 3 050 mètres de hauteur au-dessus dn niveau de la Méditerranée, qui baigne ses racines méridionales. De ces cimes, on aperçoit en même temps la Sierra Morena, distante de plus de 30 lieues vers le nord, et les côtes africaines, qui sont au moins à 45 lieues du côté du sud. Le Mulahacen est le point le plus élevé de cette série de pics fièrement couronnés de glaces éternelles. Sa forme imposante est tronquée vers le ciel, où il atteint à peu près à la même hauteur que le fameux pic de Ténérife, c'est-à-dire à 3554 mètres.
Les vallées du groupe Bétique sont profondes et se croisent dans toutes les directions ; des eaux limpides les sillonnent et les fertilisent.
Toute la chaîne appartient à la série des terrains primordiaux : la Sierra Nevada est schisteuse ; sur le gneiss s'appuient des calcaires saccharoïdes et des marbres veinés des plus brillantes couleurs, ainsi que des brèches calcaires susceptibles d'être employées comme ornements dans les constructions. Près du cap de Gata, on trouve de ces belles agates onyx que les lapidaires appellent niccolo; à l'autre extrémité de la chaîne, le rocher de Gibraltar s'élève à 450 mètres au-dessus de la Méditerranée. Il à depuis longtemps fixé l'attention des géologues. Le calcaire gris dont il est formé est divisé par des fentes perpendiculaires remplies de concrétions calcaires et ferrugineuses du plus beau rouge, pétries d'une immense quantité d'ossements et de coquilles terrestres. Ces restes de mammifères, dont quelques-uns ont appartenu à de petits rongeurs, et d'autres à des cerfs, qui tous diffèrent des espèces qui vivent en Europe, attestent l'un de ces cataclysmes partiels dont la violence a détruit et entraîné les animaux qui habitaient les plateaux de nos continents.
Nous ne quitterons point les hauteurs de la Péninsule sans parler de ces parameras ou plateaux intérieurs toujours fort élevés, souvent d'une étendue considérable, qui se prolongent entre plusieurs parties des divers systèmes de montagnes que nous venons de parcourir, ou vers leur faîte, de manière à tromper l'œil sur leur élévation. Les plus remarquables de ces plateaux solitaires et nus sont ceux d'Avila et de la province de Soria. Les Pyrénées, les montagnes de Molina,.
d'Albarracin et de Cnenca, celles de Tolède et de Gredos offrent de nombreux exemples de ces parameras, qui, à part leur étendue, pourraient être comparés aux plateaux déserts de l'Asie.
La péninsule Hispanique est encore imparfaitement connue sous le rapport géologique. La Catalogne offre un grand dépôt de grès vert, c'est-à-dire appartenant à la partie inférieure du terrain crétacé : le mont Serrat en est entièrement composé. Les environs d'Olot offrent plusieurs volcans éteints.
De grands bassins d'eau douce ont laissé leurs dépô's sur les plateaux granitiques et schisteux du centre de la Péninsule : tels que les environs de Madrid, de Burgos, "de Tolède, de Valladolid, etc. D'autres grands bassins, marins et lacustres, appartenant aux dépôts supercrétacés les plus supérieurs, se trouvent aux environs" de Barcelone, de Tortose, d'Alicante, de Malaga et de Murcie.
Les montagnes de la Galice sont formées de granité, de gneiss et de schiste.
DansTEstrémadure et l'Andalousie, ce sont des roches quartzeuses qui constituent le sommet des montagnes; leurs pentes sont formées de roches schisteuses recouvertes d'une prodigieuse quantité de blocs provenant de la destruction des sommets de la chaîne.
La vallée du Guadalquivir est creusée au milieu de terrains snpercrétacés supérieur et moyen. L'Espagne méridionale renferme des calcaires blancs ou lias.
Dans le royaume de Grenade, la Sierra Filabres est formée de schistes cristallins, et les contre-forts sont de calcaire jurassique. Des dépôts de sel gemme se trouvent au-dessous de ces roches. L'Andalousie a aussi des sources et des lacs salés.
La côte aux environs de Tarifa présente d'autres brèches osseuses que celles de Gibraltar.
En Portugal, Porto s'élève sur un sol ancien; Lisbonne est environnée de dépôts supercrétacés supérieurs, de craie et de coulées basaltiques. On retrouve les mêmes formations près du cap Saint-Vincent.
Considérée physiquement, la Péninsule peut se diviser en cinq grands bassins considérables, et en cinq moins importants. Ces bassins, désignés par les principaux cours d'eau qui les traversent, sont, dans la première classe, ceux de l'Ebre, du Douro, du Tage, de la Guadiana et du Guadalquivir. Dans la seconde classe, on voit ceux du Guadalaviar, du Jucar, de la Segura, du Mondego et du Minho.
Le moins considérable de ceux de la première classe est celui de l'Èbre; mais aussi c'est le plus important de ceux qui versent leurs eaux dans la Méditerranée; les autres, au nombre de trois inclinés dans le même sens, appartiennent à la seconde classe; tandis que quatre grands bassins et deux de moindre importance portent à l'océan les eaux de la Péninsule. Il semblerait, d'après cette disposition, qu'avant la formation du détroit de Gibraltar, qui permit aux eaux de la Méditerranée de s'unir à celles de l'océan, toutes les pentes orientales et méridionales de la Péninsule devaient être sous les eaux, tandis que depuis longtemps les pente's qui se dirigent vers l'océan étaient à nu.
Le bassin du Tage est le plus vaste de toute la Péninsule ; son fleuve était célèbre dans l'antiquité : il n'a pas changé de nom, les Romains l'appelait Tagus.
L'orthographe espagnole est Tajo ; l'orthographe portugaise, Tejo. Les poëtes ont chanté ses bords heureux et ses rives fleuries ; mais en parcourant ses détours sinueux, on voit peu de sites capables de justifier la réputation que Silius Italicus, d'autres écrivains et quelques romanciers lui ont faite. Ses bords arides sont presque partout coupés à pic ; dans les trois quarts de son cours, il a la rapidité d'un torrent, et la vase rougeâtre qu'il entraîne ne renferme plus les parcelles d'or qui lui avaient valu chez les anciens le surnom RAuratus. Ce fleuve, qui prend sa source dans les monts d'Albarracin, et dont le cours est de *720 kilomètres, a pour @ affluents, sur sa rive droite, la Jarama, qui se grossit de la Tajuna et du Manzanarès, lequel passe à Madrid ; la Guadarrama, qui descend des montagnes du même nom ; PA Iberche, qui prend sa source entre les monts de Gredos et d'Avila; le Tietar, qui descend d'une des branches des monts de Gredos; VA lagon, qui a sa source dans la Sierra de Francia, et le Zezere, qui prend naissance au pied de la Serra da Estrella. Sur sa rive gauche, le Rio del Monte,
le Salor, en Espagne, et le Zatas ou Ervedal, en Porlugal, sont les principales rivières qui l'alimentent. On nomme Mer de la Paille une vaste baie qu'il forme vers son embouchure.
L'antique nom du fleuve Anas se conserve encore dans celui de Guadiana, sorte de périphrase arabe qui signifie fleuve de l'A na. Ce fleuve, dont le cours est d'environ 630 kilomètres, prend, sous le nom de Rio Gijuela, sa source dans les montagnes de Cuenca. Cependant, comme il est formé de plusieurs cours d'eau réunis, son origine paraît encore être incertaine. On croit communément qu'il sort des lagunes de Ruidera, d'où s'échappe un ruisseau qui disparaît après un cours de 10 lieues, pour reparaître ensuite près d'un endroit appelé Ojos de Guadiana.
Ces Ojos ou ces yeux sont de gros jets d'eau qui sortent de terre en bouillonnant, et qui forment, par leur réunion, un canal auquel on donne dans le pays le nom de Guadiana. On connaît des rivières qui se perdent et reparaissent; mais si les lagunes de Ruidera sont bien les sources du fleuve, il disparaît deux fois avant de parcourir son vaste bassin. Au-dessous du Rio Gijuela, le cours est encore de peu d'importance; ce n'est que lorsqu'il a reçu sur sa rive droite le Bullague, qui descend des monts de Tolède, et sur sa gauche le Jabalon, qu'il commence à en acquérir. Plus bas, la Guadalima et la Zuja, qui prennent leurs sources dans la Sierra Morena; le Martachel, sorti de la Sierra Constantina; YArdilla et la Ghanza, descendues de la Sierra de Aracena, complètent les principales rivières qui se jettent dans la Guadiana ; ce fleuve forme, au-dessous de Martola, une cataracte fameuse appelée Salto del lobo (le saut du loup.) Le Duero (en espagnol), Douro en portugais, appelé Durius chez les anciens, coule dans un bassin plus considérable en largeur que ceux du Tage et de la Guadiana; il prend sa source au pic d'Urbion, qu'il sépare de la Sierra de Oca : son cours est d'environ 700 kilomètres. La largeur de son bassin donne à la plupart de ses affluents une grande importance. L'un des plus considérables, sur sa rive droite, est la Pisuerga, formée de la réunion de plusieurs rivières qui descendent de la Sierra de Oca et des Pyrénées; plus loin, s'offre YBsla, qui prend naissance dans cette chaîne, et le Tarnego. Sur sa rive gauche, on voit l'El'esma, qui vient des parameras d'Avila; le Tormès, qui sort des cimes de Gredos, et le Rio Coa, qui descend de la Serra Gardunha. Le sol de ce bassin n'est point sans fertilité; mais dans quelques endroits c'est une terre très-lourde, que la pluie transforme en une boue épaisse et tenace, et dans d'autres ce sont des sables mobiles sur lesquels on ne voit que des arbres résineux. A sa sortie des montagnes, le fleuve traverse de vastes et monotones parameras, de 7 ou 800 mètres d'élévation : la pauvreté de la végétation fait paraître plus triste leur immense étendue.
Les Arabes, en se rendant maîtres de la Péninsule, furent frappés de la grandeur du Bœtis, et lui imposèrent le nom de Ouad-el-Kebir, qui signifie le grand fleuve, et que les Espagnols ont altéré en disant Guadalquivir. Il a sa source sur le versant oecidental de la Sierra Sagra. Il reçoit, à droite, le Guadalimar, qui descend de la Sierra de Alcaraz et prend naissance dans le bassin même de la Guadiana, puis traverse le groupe Bétique. La Jandula, qui coule à travers la Sierra Morena; le Biar, qui se fraye un chemin au milieu de la Sierra constantina, sont ses autres affluents à droite. Sur la rive gauche, le Genil (l'ancien Singilis)
est la plus considérable des rivières qu'il reçoit de la Sierra Nevada. Une partie du terrain que traverse le Genil est imprégnée de sel à une grande profondeur, et se couvre, pendant l'été, d'efflorescences qui nuisent à la végétation. Après sa jonction avec ce cours d'eau, le fleuve traverse un pays plat dont on remarque la richesse jusqu'à peu de distance de Séville; mais depuis le Tablado jusqu'aux salines de San-Lucar, s'étend sur une largeur de 6 à 8 kilomètres une bande de terrain qui, sous le nom de Marisma, rappelle l'insalubrité des Maremmes de l'Italie.
Cette petite région inhabitée est arrosée par quelques ruisseaux d'eau salée qui, descendant des pentes de Moron et de Montelliano, la transforment en une espèce de marais dont la vase ne nourrit que quelques plantes grêles et propres seulement à fournir de la soude, tandis que le fleuve, partagé en plusieurs bras, laisse au milieu de son cours les îles Menor et Mayor, dont les magnifiques prairies nourrissent une grande quantité de bêtes à cornes. Si l'on remonte son cours depuis son embouchure, ce fleuve cesse d'être navigable au delà de Cordoue; sa longueur est de 450 kilomètres. ,
C'est à Fontibre (c'est-à-dire source de l'Ebre), dans la vallée de Reinosa, que rÈbre prend naissance. Les anciens le connaissaient sous le nom d'Iberus. Dans la plus grande partie de son cours, il est resserré par des montagnes dont la plupart forment des vallées transversales qui servent de route à ses nombreux affluents.
Sur sa rive gauche, YAgra et Y Aragon se réunissent un peu avant de devenir ses tributaires; plus bas, le Gallego et la Segre, grossie de la Cinca, s'y jettent : toutes ces rivières descendent des Pyrénées. Les monts d'Oca, la Sierra de Moncayo et la Pena Gotoca lui fournissent des affluents importants : ce sont le Jalon, dont on a comparé le volume à celui de la Marne, et le Guadalupe, qui avait été utilisé par les Arabes pour la canalisation du bassin de l'Ebre. Ce fleuve, dont les sinuosités forment une longueur d'environ 560 kilomètres, est, par le volume de ses eaux, comparable à la Seine; il est moins sinueux et plus rapide.
Des rochers descendus des montagnes entravent souvent sa navigation ; aussi le gouvernement espagnol a-t-il dépensé des sommes considérables pour la construction du canal Impérial, qui règne parallèlement au fleuve, depuis Tudela jusqu'à Sastaga. Il n'eût pas été moins utile de faire communiquer l'Ebre avec le Douro par un canal commencé depuis longtemps. Le terrain qui sépare leur cours n'offrait point d'obstacles, mais l'argent a manqué. La canalisation du bassin de l'Ebre a répandu l'abondance dans cette partie de l'Espagne; cependant ces canaux n'ont point suffi. Les atterrissements que le fleuve porte à la Méditerranée ont formé à son embouchure un delta considérable : il a fallu creuser ainsi un canal pour que les navires pussent remonter jusqu'à la petite ville d'Amposta, au-dessous de Tortose.
Les autres bassins de la Péninsule, malgré leur peu d'importance, méritent cependant d'être décrits : au sud de celui de l'Ebre, s'étend celui du Guadalaviar, qui prend sa source entre la Sierra de Molina et la Sierra de A Ibarracin.
Le cours de ce petit fleuve est de plus de 225 kilomètres ; le bassin qu'il arrose ( est circonscrit au nord par la Pena Goloca, et par d'autres branches p,e./montagnes qui s'étendent jusque vers l'Ebre; à l'ouest, par la chaîne que prolongent les monts d'Albarracin A ce bassin succède au sud celui du Jucar (ancien Sucro),
fleuve augmenté du Cabriel, et qui, dans sa conformation irrégulière, est environné de montagnes élevées et de collines. Le Jucar prend naissance sur les pentes occidenlales des monts d'Albarracin, et compte plus de 315 kilomètres de longueur. Le bassin que traverse la Segura est plus large que les deux précédents; au nord et à l'est, il n'est formé que par des collines. La Segura, dont les détours forment une longueur de plus de 300 kilomètres, reçoit les eaux du Rio Mundo, du Quipar et de la Sangonera ; ses bords sont déserts et sauvages jusqu'à la moitié de son cours ; ruais depuis la vallée de Ricote jusqu'à la Méditerranée, ils offrent la plus riche végétation.
Des deux bassins secondaires qui envoient leurs eaux à l'océan, le plus considérable est celui du Minho (en portugais), Miho (en espagnol) : ce fleuve descend de la Sierra de Mondonedo; il n'a pas plus de 250 kilomètres de cours, mais sa largeur est considérable. Il coule dans la direction du nord au sud jusqu'à sa réunion avec le Sifo puis il suit celle de l'ouest, dominé d'un côté par le mont Testeiro, de l'autre par la Sierra San-Mamed et la Serra do Lehoreiro, Au sud du Douro, coule dans la direction de l'est à l'ouest, au milieu d'un bassin formé parla Serra de Acoba et par celle d'Estrella, le Mondego, petit fleuve de 225 kilomètres de cours, augmenté par la Ceira et par la Soure.
Les lacs sont très-rares dans la péninsule Hispanique : ceux qu'on y signale ne sont guère que des lagunes : tels sont le lac d'A lhufera, sur la côte orientale; la lrlar Menor ou la Içtguna de Murcia, sur la côte sud-est. Le plus remarquable des lacs proprement dits est peut-être le petit lac d'Urbion, situé dans la province de Soria et qui est probablement le cratère d'un ancien volcan.
La division de la Péninsule en bassins ne peut point satisfaire le géographe qui cherche dans la description d'une contrée d'autres limites que celles que l'œil peut saisir, d'autres divisions physiques que le cours des fleuves. Bory de SaintVincent, dont les lumières ont toujours éclairci les questions qu'il a voulu approfondir, a partagé la Péninsule en quatre grands yersants : le Caniabriquel formé des pentes septentrionales des Pyrénées et des monts Cantabres, depuis les sources de l'Adonr jusqu'au cap Ortegal; le Lusitanique, composé des pentes méridionales de ces derniers monts et de celles d'où descendent le Douro, le Tage et la Guadiana : versant qui comprend un vaste demi-cercle dont les deux extrémités sont les bouches de la Guadiana et le cap Ortegal ; le versant Bétique, formé des pentes méridionales de la Sierra Morena, et de tontes les montagnes qui, se rattachant à cette chaîne, vont se terminer au cap de Gata : dans cette enceinte se trouve comprise la Sierra Nevada, et l'on y voit circuler le Guadalquivir et ses affluents ; enfin le versant Ibérique, comprenant les pentes orientales de toutes
les montagnes qui, depuis le cap de Gata jusqu'aux Pyrénées, forment la Sierra de Algamilla, la Sierra Segura, la Sierra de Albarracin, la Sierra de Molina, la Sierra de Moncayo et celle d'Oca. Depuis leur embranchement avec •relles-ci, toutes les pentes méridionales des Pyrénées en font partie. Cette division, qui paraît propre à expliquer la route que les mers durent prendre en abandonnant le terrain de la Péninsule, ne nous paraît pas répondre rigoureusement aux questions relatives aux phénomènes que présente la végétation de cette contrée ; nous croyons donc devoir en adopter une qui, partageant cette belle por-
tion de l'Europe en six régions, nous semble propre à classer d'une manière plus exacte les principaux faits relatifs à la température.
La région centrale ou Celtibérique doit comprendre les deux plateaux de la Vieille et de la Nouvelle-Castille, c'est-à-dire la Sierra de Gata, celle de Gredos, celle d'A vila, et les montagnes de Somo-Sierra, au nord du Tage ; au sud de ce fleuve, la Sierra de Gnadalupe et les monts de Tolède, jusqu'aux défilés de la Sierra de Molina, ainsi que toutes les pentes septentrionales de la Sierra Morena, les pentes occidentales de la Sierra de A lùarracin. Ce vaste noyau de la Péninsule, quoique renfermant des sommets isolés et des forêts, comprend des plaines immenses, nues et monotones : c'est une réunion de plateaux qui offre beaucoup d'analogie avec le plateau central de l'Asie Mineure. On n'y voit point de pommiers, l'olivier commence à s'y montrer vers le sud, et la vigne y réussit presque partout. C'est dans cette région que croît le chêne à glands doux, dont le fruit, connu sous le nom de bellotte, a la saveur de l'amande douce, et l'on con çoit la possibilité que les premiers peuples en aient fait leur nourriture.
La région méridionale ou Bétique s'étend, de l'est à l'ouest, depuis le cap Palos jusqu'au cap Saint-Vinceiit, et du nord au sud, depuis les pentes méridionales de la Sierra Morena, en y comprenant les montagnes d'Algarve, jusqu'à l'océan et la Méditerranée. Le climat y est plus ardent qu'en Sicile. Les parties que borde la mer forment une zone que l'on peut appeler africaine, caractérisée par le bananier, le palmier nain et le cactus. Les lieux pierreux sont couverts de câpriers, dont les nombreuses et longues tiges, dont la large fleur aux étamines pourprées, couvrent de leurs touffes gracieuses les terrains incultes et les rochers.
Une seconde zone toujours verdoyante s'élève au-dessus de la précédente ; elle se compose des végétaux de l'Italie et de la Sicile : des cistes, des thyms, des myrtes, des orangers et des citronniers, le laurier-rose et l'agnus-castus, le tamaris et le nérion, y recherchent les bords des torrents. A cette zone succède celle des cultures européennes caractérisées par la vigne; les forêts de pins forment une autre zone, au-dessus de laquelle s'élèvent celle qui donne naissance aux plantes alpines, et enfin la zone des neiges éternelles.
La région orientale ou Ibérique occupe, du nord au sud, l'espace compris entre le cap Palos et le cap de Crcuz, et, de l'est à l'ouest, comprend le bassin de l'Èbre et les terrains qui s'étendent entre les cimes de la Sierra de Molina, de la Sierra de Albarracin, de la Sierra Martes, les montagnes de Palomera, celles d'Orihuela et la Méditerranée. Cette magnifique portion de la Péninsule, que l'on peut comparer aux rivages de l'Ionie et de la Doride, possède toutes les plantes de la Sicile, de l'Archipel et du Levant. L'olivier y prospère dans toute son étendue ; le caroubier y croît près du lentisque ; le myrte, le laurier, le figuier, le grenadier et le mûrier y étendent leurs feuillages variés ; la vigne y donne un vin fortement coloré et capiteux; mais elle offre, comme les précédentes, plusieurs zones qui présentent diverses nuances de végétation, depuis les basses vallées jusqu'aux sommets des Pyrénées.
La région du Tage inférieur, ou Lusitanique, s'étend, du sud au nord, depuis le cap Saint-Vincent jusqu'au cap da Roca. Sa largeur est déterminée par la branche méridionale de la Serra de Estremoz, à laquelle succède, en remon-
tant vers le nord, la Serra de Mamès. Cette région est abritée contre les vents froids par les montagnes qui s'étendent au nord du Tage. Ses parties basses sont couvertes de landes sablonneuses. On y distingue la zone des orangers et des oliviers. C'est vers les côtes, et surtout dans la partie méridionale, que la végétation a offert à Bory de Saint-Vincent des caractères qui la rapprochent de celle des îles africaines du nord-ouest. Depuis les monts de Cintra et d'Ourem jusqu'au cap Saint- Vincent, dit-il, on rencontre un grand nombre de plantes que les botanistes avaient jusqu'ici supposées.propres aux Açores, à Madère et même aux Canaries. Les végétaux américains s'y plaisent et s'y multiplient avec facilité ; quelques-uns pourraient même être comptés au nombre des plantes indigènes, au point qu'ils finissent souvent par envahir, aux dépens de ces dernières, des terrains d'une grande étendue, où ils prospèrent comme dans leur propre patrie.
La région du Douro, ou Gallécique, qui, du sud au nord, occupe l'espace compris entre le cap da Roca et le cap Finisterre, offre un aspect différent de celui des précédentes : on y voit la région des châtaigniers et des chênes, ainsi que celle des vignes ; l'olivier et l'oranger ne s'y montrent que dans les parties les plus basses, au sud du Douro.
La région septentrionale ou Cantabrique, qui comprend l'espace situé depuis les sources de l'Adour jusqu'au cap Finisterre, est coupée par des vallées qui se dirigent tantôt de l'est à l'ouest, tantôt du sud au nord. Les plaines y sont peu étendues : encore n'en remarque-t-on que près des côtes. Le caractère constant et uniforme de cette région est l'absence du ciste et du laurier-rose, la difficulté d'y élever l'oranger et l'olivier, et d'y cultiver avec succès la vigne. De belles forêts, d'abondants pâturages et de brillants tapis de fleurs couvrent les monts et les vallées de cette riche région. Un sol gras et fertile, la constante humidité de l'air, contribuent à entretenir cette agréable verdure ; le pommier, qui y croît partout, le cidre, qui remplace un vin sans chaleur, pourraient faire appeler cette contrée la Normandie de la Péninsule Si, comme tout porte à le croire, l'Afrique et l'Espagne ont été réunies, les îles Baléares ont dû faire partie de la Péninsule ; elles paraissent être un prolongement de la chaîne qui a formé le cap Saint-Martin : leur direction générale est du sud-ouest au nord-est ; elles se composent de quatre îles principales : Ivice et Formentera, à l'ouest; Majorque et M inorque, à l'est; plusieurs îlots avoisinent leurs côtes. Autour d'Ivice, on voit Conejera Grande (la grande île aux lapins), Esparto, Bebra, EspalmadfJr, Espardell et Tagam. Près des côtes de Majorque, s'élèvent Drayonera (l'île aux dragons), Conejera (l'île aux lapins), et Cabrera (l'île aux chèvres). L'île ftAyre est à peu de distance des côtes méridionales de M inorque.
L'île de Formentera compte 22 kilomètres dans sa plus grande longueur, et 18 dans sa plus grande largeur; c'était la Pityusa minor des anciens. Ivice ou Iviza, au nord de la précédente, a 100 kilomètres de tour; les Romains lui donnaient le nom d'Ebusus. Leur antique nom de Pityuses annonce que ces îles étaient couvertes de forêts de pins.
Majorque ouMallorca est l'île Balearis major des anciens ; elle a 225 kilomètres de tour. Strabon dit que les lapins que les premiers habitants y trans-
portèrent s'y multiplièrent tellement, que l'on fut obligé d'implorer le secours des Romains pour les détruire.
L'île Minorque ou Menorca est l'ancienne Balearis minor, située à l'est de la précédente ; elle a 170 kilomètres de circuit.
Le sol de ces îles est montueux, leur constitution géognostique est partout la même; les roches calcaires y dominent, ce qui paraît confirmer leur antique réunion sous-marine avec le cap Saint-Martin. L'île Majorque offre deux principales montagnes : le Puig de Torellas (1 464 mètres) et le Puig May or (1115 mètres).
Les deux groupes de montagnes qui la divisent sont formés de calcaires appartenant au terrain jurassique et de calcaires oolithiques. On y trouve aussi' des dolomies, des porphyres, et quelques roches qui semblent avoir une origine ignée.
Des sources minérales et divers échantillons de minerai de cuivre indiquent dans cette île des richesses dont on ne tire point parti. Majorque, comme les autres Baléares, offre des sommets arides et de vertes vallées ; le caroubier et l'olivier s'y montrent dans toute leur vigueur : le premier occupe le niveau le plus bas, et jusqu'à la hauteur de 500 mètres ; le second et le buis s'élèvent sur les montagnes. Ils se réunissent au pin d'Alep pour garnir leurs pentes ; mais ce dernier forme des forêts qui règnent jusqu'à 200 mètres plus haut. Il se mêle souvent au chêne vert, qui croît encore à 100 mètres au-dessus. Les cimes les plus élevées ne se couvrent que d'une espèce de seslère [sesleria sœrelna). Sur les coteaux maritimes, le-palmier nain protège de son large feuillage de jolies espèces de cyclames, des ononides à fleurs blanches ou purpurines, et quelques élégantes anthyllides.
On voit souvent sur les montagnes les paysans mettre le feu aux forêts de pins et de chênes pour favoriser la végétation d'une plante qu'ils appellent carregt (donax tenax). Cette plante, qui vit en société, se répand sur tout le terrain vacant, et produit, l'année suivante, une nourriture abondante aux mulets des campagnards. En vain les pins et les chênes poussent-ils quelques rejetons qui partout ailleurs serviraient à remplacer la forêt détruite, les carregts conservent l'emplacement qu'ils ont usurpé, et ce n'est qu'après de longues années qu'ils cèdent aux efforts de leurs gigantesques rivaux. Sur les coteaux pierreux quiavoisinent les montagnes de Majorque, le myrte, le pistachier lentisque, le câprier épineux, le ciste et le romarin indiquent aux botanistes la région méditerranéenne. Le cactier-raquette entoure les jardins ; sur les bords de la mer, le tamaris et la salicorne ligneuse croissent au milieu des marais salés; enfin la vigne s'élève en amphithéâtre sur les flancs de plusieurs collines, et le cotonnier se plaît dans les terrains bas et humides (1).
Le nom de Baléares (ou Balearid.es) fut donné par les Grecs aux habitants de ces îles parce qu'ils étaient d'une grande habileté à se servir de la fronde (2).
Suivant Pline, on les appelait aussi Gymnasii, parce qu'ils étaient nus lorsqu'ils marchaient au combat ; leurs armes consistaient en un petit bouclier, un javelot et trois frondes différentes, selon la distance où ils voulaient atteindre. Pour habituer de bonne heure leurs enfants à un coup d'œil sûr, on ne leur donnait que la
(1) Enumeratio plantarum quse reperiuntur in insulis Balear. Cambessède.
(2) Du mot grec fiUla (lancer).
nourriture qu'ils avaient abattue de loin avec la pierre lancée par leur fronde. Il faut croire que les Grecs et les Romains n'avaient point de relations d'amitié avec ces peuples, puisqu'ils leur donnaient le surnom de nus ; car il paraît certain que, dans la vie privée, ils portaient des robes longtemps avant les habitants de Italie. Diodore rapporte un singulier usage établi parmi eux s la cérémonie du mariage, dit-il, se termine par un festin ; mais le nouveau marié ne peut habiter avec sa femme qu'après qu'elle a accordé ses faveurs à chacun des convives.
Les Romains subjuguèrent les îles Baléares, moins pour faire cesser les pirateries de leurs habitants que pour enlever aux Carthaginois des stations importantes pour le commerce de la Méditerranée ; ils fondèrent dans l'île Majorque Palma et Pollensa, dont nous parlerons plus tard : ces îles firent partie de la province Tarraconaise.
On a fait beaucoup de conjectures sur l'origine des noms d'Hispania et d'Hesperia, que les anciens donnèrent à la Péninsule ; les plus probables sont que celui d Hispania vient du mot phénicien span, qui signifie caché, parce que ce pays était pour les Phéniciens une contrée éloignée et peu connue. On a dit aussi qu'ils l'appelèrent Spania, à cause de la quantité de lapins qu'ils y trouvèrent (1).
Les Grecs la nommèrent Hesperia, parce que, pour eux, elle était située au couchant (2). Le nom Liberia, qu'elle portait aussi, parait venir de celui de ses premiers habitants. Bory de Saint-Vincent croit qu'ils étaient une colonie venue de l'île ou du continent de l'Atlantide. Cette assertion est sujette à bien des controverses ; mais elle est au moins aussi raisonnable que la supposition admise par plusieurs auteurs espagnols, que ces premiers peuples descendaient de ce fils de Noé appelé Tubal, qui débarqua en Espagne vingt-deux siècles avant notre ère.
Les Iberi étaient, suivant Hérodote, divisés en six tribus : les Cynètes, les Glètes, les Tartesses ou Turdetani, les Eleusinii, les Martinii et les Celeianit Strabon dit, en parlant des Turdetani, que la civilisation était fort avancée chez eux, qu'ils s'appliquaient aux belles-lettres, qu'ils possédaient des pomes et des livres d'histoire très-anciens, et des lois qu'ils prétendaient être écrites en vers depuis 6000 ans.
Diodore de Sicile parle du passage des Celtes en Hispanie. Les Iberi leur firent longtemps la guerre; mais, après une longue résistance de leur part, les deux peuples conyinrent qu'ils posséderaient le pays en commun, qu'ils resteraient à jamais unis, et qu'ils ne porteraient plus-qu'un nom; telle est, suivant cet ancien historien, l'origine des Celtiberi. Ces peuples guerriers étaient aussi redoutables à pied qu'à cheval ; dès que leur cavalerie avait rompu les rangs ennemis, elle mettait pied à terre, se mêlait à l'infanterie et faisait des prodiges de valeur. Leur costume consistait en un sagum, ou manteau de laine grossière ; ils portaient un bouclier rond, des cuissards en crin, des espèces de bottes faites
(1) ta double signification du mot span (caché, lapin) prête à ces diverses interpréta..
tions. Les Romains adoptèrent la dernière, comme le prouve une médaille d'Adrien, sur laquelle l'Espagne est représentée sous la figure d'une femme ayant à ses côtés un lapin.
Voyez Florez, Medallas de Espana, tome Ier, pag. 103*
(2) En grec èanépa, (soir, occident)
de poil, un casque en fer orné d'un panache rouge, et leurs épées, larges et à deux tranchants, étaient d'une si bonne trempe, qu'aucune armure ne leur résistait. Malgré la propreté dont ils se piquaient dans leur nourriture et dans leurs vêtements, ils avaient la singulière coutume de se laver tous les jours les dents et le corps avec de l'urine, usage qu'ils croyaient favorable à la santé, neur boisson habituelle était une sorte d'hydromel ; le vin leur était apporté par des mar.cbands étrangers. Che eux, les terres étaient également réparties ; les récoltes se partageaient entre tous les citoyens : la loi punissait de mort quiconque en avait détourné une partie. Diodore ajoute qu'ils retiraient un gain considérable de la vente de leurs mulets. Ils poussaient le devoir de l'hospitalité jusqu'à se disputer le bonheur de loger les étrangers, persuadés que leur présence appelait la protection des dieux sur la famille qui les accueillait. Ils sacrifiaient aux diviinités des victimes humaines, et leurs prêtres prétendaient lire l'avenir dans leurs entrailles palpitantes, A chaque pleine lune, suivant Strabon, ils célébraient par des danses la fête d'un dieu sans nom. Ce qui semblerait prouver que leur qulte était un déisme dégénéré.
Le peuple phénicien fut le premier qui établit des colonies sur les côtes de l'Espagne j une des plus anciennes est celle de Tartessus ; plus tard, ils fondèrent Gades, aujourd'hui Cadix, dans une île. Ils y faisaient un irafic d'autant plus avantageux qu'il était ignoré des autres nations; mais, par la suite, les Rlwdiens, les Samiens, les Phocéens et d'autres Grecs vinrent sur différents points de la côte établir des comptoirs, Enfin les Carthaginois s'emparèrent des stations phéniciennes et demeurèrent les maîtres de tout le littoral de l'Espagne.
La domination de ces républicains ne fut pas aussi supportable que celle de leurs prédécesseurs ; ils s'attirèrent par leurs rapines et leurs cruautés la haine des Celtibères, et ne purent jamais pénétrer dans l'intérieur de la Péninsule que les armes à la main.
La ruine de Garthage liyra ce pays a. de nouveaux envahisseurs; il fut considéré comme province romaine dès le deuxième siècle avant notre ère : ceux qu'il avait eus pour alliés devinrent ses maîtres, et bientôt ils y introduisirent leurs lois, leurs usages, et jusqu'à leur idiome. Rome acheta cher cette conquête ; le nord, aujourd'hui la Vieille-Castille, l'Aragon et la Catalogne, fut constamment en révolte contre le vainqueur; les antres parties de la Péninsule résistèrent aussi; toute la population des montagnes combattait avec ardeur : il semble que de tout temps l'Espagnol ait sucé avec le lait l'amour de l'indépendance. La Péninsule ne fut soumise que sous le règne d'Auguste ; elle fut divisée en trois grandes provinces : la Lusitanie, la Bétique et la Tarraconaise.
La Lusitanie comprenait la région occidentale ; elle était séparée de la Tarraconaise, au nord, par le Douro, jusqu'à son confluent avec le Tormès ; Libora, sur le Tage, et Augustobriga, étaient les deux points les plus orientaux de ses limites. Le cours de la Guadiana la circonscrivait depuis les monts de Tolède jusqu'à la Méditerranée. Elle comprenait donc la plus grande partie du Portugal et toute l'Estrémadure; Emerita-A ugusta, aujourd'hui Merida, en était la capitale. s La Bétique était séparée de la Lusitanie par la Guadiana, et de la Tarraco-
naise par une ligne qui, depuis les environs de Cindad-Real, s'étendait jusqu'au Rio Almanzora; c'était la partie la plus méridionale de la Péninsule; la capitale était Corduba.
La Tarraconaise comprenait tout le reste de l'Espagne : la Gallæcia, au nordouest, aujourd'hui la Galice ; la Carthaginoise, aujourd'hui le royaume de Murcie, et les îles Baléares en faisaient partie.
La Tarraconaise portait encore le nom d'Espagne Citérieure, et les deux autres provinces formaient l'Espagne Ultérieure.
La Lusitanie renfermait les Cynètes, ou Cinesii, premiers habitants de l'Algarve ; les Celtici, ou Celtes-Gletas, entre la Guadiana et le Tage ; autour des monts de Gredos ; les Vettones, qui passaient tour à tour d'un repos absolu aux chances aventureuses des combats ; au sein de l'Estrémadure, les Lusitani, qui, célèbres par leurs rapines, ne se nourrissaient que de farine et de glands doux, ne buvaient que de la bière, se servaient de bateaux faits en cuir, de petits boucliers en cordes de boyau tressées, et, légers à la course, marchaient au combat en dansant.
La Bétique était habitée par les Bastuli, appelés aussi Pœni, riverains de la Méditerranée ; les Turduli, riverains de l'océan, près de l'embouchure du Bœtis ; les Bœturi, occupant les monts Mariani ; enfin les Turdetani, qui habitaient les pentes méridionales de la Sierra de Aracena. Plus éclairés qu'aucun des peuples de la Bétique, ils possédaient quelque industrie longtemps avant leurs voisins. Lorsque les Phéniciens arrivèrent sur la côte des Turdetani, l'argent y était si commun, que les ustensiles les plus ordinaires étaient faits de ce métal.
Ils échangèrent alors des objets de quincaillerie et de peu de valeur contre des meubles en argent, et même, s'il faut en croire les auteurs anciens,, non-seulement ils emplirent leurs vaisseaux de ce métal, mais ils en forgèrent des ancres pour remplacer celles qu'ils abandonnèrent.
La Tarraconaise comprenait, dans la subdivision appelée Gallæcia, les Artabri, qui tiraient leur nom du cap Artabrum, aujourd'hui Finisterre; les Bracari, dont le chef-lieu était Bracara, aujourd'hui Braga; les Lucences, dont Lugo indique encore la capitale. Ces peuples et quelques autres composaient la nation des Callaïci ou des Gallæci, que les anciens disaient être sans religion.
Les Asturi habitaient à l'orient des montagnes de la Gallæcia, sur les bords de YAsturis ; leur capitale était Asturica-Augusta. A l'orient de ceux-ci, s'étendaient les Vaccei, les plus policés des Celtiberi; les féroces Cantabri, qui, pour combattre, avaient coutume de monter deux sur un même cheval, occupaient le nord de la Vieille-Castille. Sur les mêmes pentes des Pyrénées, les Carites ou Caristi habitaient une portion de la Biscaye. Sur le versant méridional, les Turmodiges et les Murbogii occupaient la province de Burgos ; leurs voisins, à l'est, étaient les Autrigones de l'Alava, les Berones de la Rioja, et les Varduli du Guipuzcoa. Au nord de l'Èbre, se trouvaient les Vascones, ancêtres de nos Gascons; les Jaccetani, répandus sur les pentes pyrénaïques de l'Aragon; les courageux llergetes, des environs de Lérida, et les Vescitani, entre les Vascones et les Ilergetes.
A l'orient de ces peuplades, les Cerretani, les Indigetes, les Castellani, les
! Ausetani, les Saletani et les Cosetani, au sud des précédents, occupaient toute la Catalogne. Au midi de l'Ebre, les Arevaci, qui devaient leur nom à la rivière l, d'Areva, occupaient les environs d'Arevalo et la province de Ségovie ; ïes Pelèn dones les hauts plateaux de Soria et de Moncayo. L'espace compris entre les r monts d'Albarracin et le fleuve était habité par les Edetani, l'un des peuples les plus puissants de la contrée. Les Ilercaones, nation non moins considérable, oc- cupaient un grand espace entre le haut Jucar et le bas Ebre. Entre l'Ebre et le 1 Guadalaviar, les Suessetani s'étendaient sur le rivage de la Méditerranée; les Càrpetani étaient fixés depuis la Guadiana jusqu'à Somo-Sierra, espace qui comprend aujourd'hui l'archevêché de Tolède. Au sud, on voyait les Oretani, l, entre la Guadiana et les monts Marianiques ; la petite peuplade des Olcades était l, cantonnée dans les environs du confluent du Cabriel et du Jucar, La subdivision de la Tarraconaise, appelée la Carthaginoise, était occupée par deux peuples : tm Bastitaniy qui faisaient souvent des incursions dans la Bétique, mais qui occupaient le centre du royaume de Murcie, et les Contestai, qui habitaient, vers r Ira bords de la Méditerranée, les deux rives de la Segura, depuis le cap Palos L jusqu'au Jucar.
; En temps de paix, dit Diodore de Sicile, les Iberi et les Lusitani s'exercent à | une danse vive et légère qui exige une grande souplesse dans le jarret. Aurait-il [ voulu désigner le fandango, danse dont on ne connaît point l'origine? Chez les iÙeltiberi, il se tenait tous les ans une assemblée de vieillards dans laquelle lés < femmes apportaient leur travail de l'année, et celle qui était reconnue pour la Jmiilleure ouvrière recevait une récompense. Un auteur ancien (Nicolas de DaÉmmJ, qui parle dé cet usage, ajoute que, pour entretenir chez les hommes le goûl i$e se tenir le corps léger et dispos, on les mesurait tous les ans avec une ceinture ; dont l'ampleur était déterminée, et que c'était une sorte de déshonneur que d'avoir le ventre trop gros. Chez ces peuples, on fixait une époque pour les mariages. Les filles choisissaient parmi les jeunes guerriers; mais le meilleur moyen d'obtenir la préférence, c'était de présenter à sa belle la main coupée de ennemi qu'on avait tué.
Strabon nous fournit des détails sur l'habillement des anciens Espagnols : les i Lusitani s'enveloppaient de manteaux noirs, parce que la plupart de leurs mou- lofts étaient de cette couleur; leurs femmes avaient des vêtements brodés. Les femmes celtibères portaient des colliers de fer surmontés de branches recourbées, qui s'élevaient au-dessus de la tête en s'abaissant vers le front ; c'est sur ces branches qu'elles plaçaient l'ornement auquel elles tenaient le plus, le voile dont elles s'ombrageaient le visage. D'autres portaient une espèce de turban qui s'étargissait en s'élevant un peu; quelques-unes tortillaient leurs cheveux autour d\me petite baguette haute d'un pied au-dessus de leur tête, et qui servait à attacher un voile noir. Enfin, il y en avait qui s'épilaient le devant de la tête de itfanière à le rendre plus luisant que le front.
Ces peuples s'étaient confondus sous l'oppression romaine. Lorsqu'au commencement du v* siècle, les Suèves, les Vandales et les Visigoths se précipitèrent tour à tour dans la Péninsu!e, et formèrent, par leur mélange avec les deux races celtique d iln'i i pie, les autres races que le physiologiste remarque encore sur le sol
de l'Espagne. Les premiers, sous la conduite d'Erméric, descendirent le Douro, et choisirent Braga pour la capitale de leur royaume; Genséric conduisit ses Vandales au centre de la Péninsule, et prit Tolède pour résidence; mais quinze ans s'étaient à peine écoulés depuis l'établissement de cette horde barbare, que Théodoric, vaincu par Clovis, abandonna Toulouse, pénétra en Espagne, et, s'emparant de Tolède, força les Vandales à passer en Afrique. Pendant cette émigration, l'ancienne province romaine de Bétique, que les Vandales occupèrent un instant, reçut de ceux-ci le nom de Vandalonsie, aujourd'hui encore Andalousie; mais les Visigoths ne tardèrent point à étendre leur domination, et depuis l'Ebre jusqu'au détroit de Gibraltar, tout leur fut bientôt soumis. Ces antiques Celtibères, qui avaient résisté si longtemps aux Romains, mais chez lesquels ceux-ci avaient étouffé tout sentiment d'indépendance et de liberté, reçurent sans résistance leurs nouveaux maîtres ; ils formèrent la race abjecte des prolétaires.
Le pouvoir et les priviléges, ou, si l'on veut, la noblesse, furent réservés à la race gothique, et le titre de hijo-del-godo, ou fils de Goth, dont les Espagnols ont fait hidalgo, devint le signe distinctif d'un homme libre et puissant au milieu d'un peuple d'esclaves. Chacun des chefs conquérants appartenant aux hordes venues du nord forma au sein de la Péninsule un État à peu près indépendant.
Ces barons ou hommes libres reconnaissaient un chef. Le Portugal et l'Espagne étaient ainsi divisés : c'était le régime féodal, avec des rois et des vassaux. Mais chez les Visigoths la couronne n'était point héréditaire, ou du moins la succession régulière des rois était souvent interrompue par les crimes et les usurpations.
L'autorité souveraine y était limitée par les conseils composés des grands vassaux; et quelques-uns de ceux-ci devinrent si puissants, que l'un d'eux, le comte Julien, pour se venger du roi Rodéric, qui avait outragé sa fille, eut assez de pouvoir pour livrer l'Espagne aux mahométans.
Après être restée trois siècles soumise aux Visigoths, l'Espagne tomba, en 712, sous le joug des Arabes. Une seule bataille, celle de Xerez, livrée sur la rive gauche du Guadalète, suffit pour leur en assurer la conquête. L'établissement et la longue domination des Maures dans la Péninsule est un de ces événements qui prouvent la supériorité d'un peuple instruit et policé sur une population divisée par les factions et abrutie par le régime féodal. Ils choisirent Cordoue pour capitale de leur empire; et tandis qu'aveuglés par les succès, ils s'adonnaient aux sciences, cultivaient les lettres et les beaux-arts, embellissaient de leurs élégantes mosquées Cordoue, Grenade et d'autres villes; tandis que, gouvernant les vaincus avec douceur, avec justice, et respectant partout le principe d'une sage tolérance, ils croyaient affermir leur empire, un peuple pauvre, mais intrépide, relégué dans les montagnes des Asturies, préparait en silence la délivrance de la patrie. Pélage ou Pelayo, simple pâtre, d'autres disent prince ou roi, parce qu'il se montra digne de l'être, fonda, au sein de ces montagnes, le royaume d'Oviedo, qui s'étendit par les conquêtes jusqu'au Douro et même jusqu'à la chaîne de Guadarrama, et se subdivisa en deux : celui de Léon et celui des Asturies. Cet exemple encouragea les chrétiens. Tandis que l'intérêt de leur conservation les obligeait à concentrer leurs forces, les lieutenants des khalifes, divisés par l'ambition, affaiblis par des rivalités intestines, prenant les titres pompeux de rois de
Cordoue, de Séville, de Valence et de Grenade, se défendaient séparément et ne pouvaient opposer qu'une faible digue au torrent. Depuis l'an 1085, les Maures se - voient enlever successivement toutes leurs provinces; et enfin* M 2 janvier 149b, Ferdinand d'Aragon et Isabelle de Castille font leur entrée dans Grenade, dernier rempart des musulmans.
Le royaume de Grenade perdit avec ses anciens maîtres sa richesse et sa splendeur : c'était la plus belle conquête des Espagnols; le fanatisme n'en fit qu'une province misérable et désolée. La population mahométane était la plus éclairée, la plus industrieuse et la plus riche ; on la soumit au plus honteux esclavage. On oublia qu'au temps de leur puissance, les Maures avaient respecté les lois et la religion des vaincus : l'inquisition, en prêchant l'amour et l'union de tous, alluma ses bûchers. La capitulation conclue avec le dernier roi de Grenade, portait que nul ne serait inquiété pour ses croyances religieuses : la violation des traités signés avec des infidèles fut regardée par le Saint-Office comme un acte de piété. Les vaincus, poussés par le désespoir, n'eurent d'autres ressources que la révolte. Hors d'état de résister, un grand nombre reçut le baptême, et les plus riches obtinrent la permission de passer en Afrique, après avoir payé une contribution personnelle. Cette mesure fit verser des sommes considérables dans le trésor royal, mais fit perdre à l'Espagne de grands capitaux, qui n'y rentrèrent plus. Loin d'être satisfaite de son triomphe, l'inquisition prétendit que la conversion des Maures n'était pas sincère : de nouvelles persécutions les forcèrent à tenter plutôt de mourir par le fer que sur des bûchers. Réfugiés dans les montagnes, ils appelèrent à leur secours leurs frères de l'Afrique ; mais avant que ceux-ci pussent leur envoyer des renforts, un nouveau souverain maure fut proclamé, vaincu et décapité. Le gouvernement espagnol, enhardi par la faiblesse des révoltés, ne se contenta point de leur nouvelle soumission; un arrêt de Philippe 111 les chassa tous du royaume.
Leur expulsion fut un coup d'Etat dont les suites ont été longtemps funestes aux arts, à l'agriculture et au commerce de l'Espagne. Il n'est pas sans intérêt pour la géographie de voir le tableau que fait, du royaume de Grenade, un écrivain espagnol du XVIe siècle. Peu de temps après la conquête de Ferdinand, cette riche province renfermait 70 villes fortifiées : Grenade comptait 200000 habitants (1); les impôts et les produits des mines de cette partie de la Péninsule étaient énormes en comparaison de ce qu'ils sont aujourd'hui : le seul droit sur le commerce de soieries formait un revenu de 181 500 ducats d'or (2). C'est une circonstance assez humiliante pour l'honneur espagnole ajoute un auteur anglais (Henri Hallam), que ce pays n'offre rien de plus intéressant au voyageur que les monuments qu'une race odieuse de conquérants a laissés derrière elle.
(1) Zurita: Annales de l'Aragon.
(2) Voyage pittoresque et historique de l'Espagne, par Al. de Laborde.
LIVRE HUITIEME.
Portngal.
Si l'on s'étonnait de nous voir commencer la description politique de la Péninsule par un royaume aussi peu important que le Portugal, il nous suffirait de rappeler que ce n'est point une innovation en géographie (1), et que sous le rapport historique il mériterait la priorité, puisque le royaume de Portugal était délivré des Sarrasins et possédait ses limites actuelles longtemps avant que l'Espagne eût affranchi son sol du joug mahométan. N'est-ce point au commencement du XIIe siècle qu'Alphonse Ilenriquez, fils de ce Henri de Bourgogne qui, pour avoir secouru de son épée le roi de Castille contre les Maures, avait été fait comte de Portocale, reçut de ses soldats le titre de roi, après avoir tué cinq princes musulmans, dont les têtes figurent encore sur les armoiries du Portugal (2) ? N'est-ce point vers le milieu du siècle suivant qu'Alphonse 111 conquit l'Algarve sur les Sarrasins ? Libre sur un territoire que son courage avait délivré de la domination étrangère, ne vit-on point, dans ces temps héroïques, la nation portugaise sortir des ténèbres de la barbarie, se livrer aux sciences, à la navigation, au commerce, à l'agriculture, et se préparer, par des routes inconnues, à ces mémorables découvertes qui étendirent le cercle des relations de l'Europe avec l'Afrique et l'Asie, et plus tard avec un vaste continent dont le génie de Colomb avait deviné l'existence? Quel peuple occupe un-rang plus glorieux dans les fastes du moyen âge que celui qui, pendant plus de deux siècles, conquit une multitude d'iles, dicta des lois sur les bords du Gange, fonda dans l'Inde des villes et des comptoirs, couvrit de ses vaisseaux toutes les mers, et partagea avec la nation espagnole d'immenses contrées, dont un pape assignait les limites? Si, à Textinction de la dynastie d'Avis, le Portugal est envahi par Philippe 11, les pertes qu'il fait de plusieurs de ses colonies, pendant 60 ans qu'il reste au pou-
(4) Bory de Saint-Vincent a procédé de même.
(2) Ce nom de Portugal vient de celui de Portus-Calle (aujourd'hui Oporto ou Porto), appelé ensuite Portocale ou Portucale. C'est de ce nom de Portucale que celui de Portucalia fut donné d'abord aux provinces actuelles de Minho et de Tras-os-lolltès, et dans la suite à tout le royaume. Le plus ancien titre où le nom de Portugal ait été employé est de l'an 1069. On le conserve soigneusement dans le monastère d'Arouca.
voir de l'Espagne, n'exaspèrent-elles point l'orgueil portugais, et ne déterminentelles point la conjuration de 1640, qui, en délivrant le pays/mit la couronne sur la tête du duc de Bragance, chef de la dynastie régnante? Enfin, la faible population de ce royaume n'a-t-elle point, dans plusieurs circonstances, prouvé qu'elle est animée de cet esprit public qui double les forces d'une nation ? n'a-t-elle point résisté avec courage aux redoutables armées de Napoléon? En rappelant sa gloire passée, nous entrevoyons l'époque où, secondée par un gouvernement sage et par les calculs d'une politique nouvelle, elle occupera dans la balance de l'Europe une place plus importante.
Le royaume de Portugal s'étend, du nord au sud, entre le 37e et le 42e degré de latitude; et de l'est à l'ouest, entre le 9e et le 1 Ie de longitude ouest. Au nord, il a pour limites politiques la province espagnole de Galice; à l'est, le royaume de Léon, d'Estrémadure et l'Andalousie.
Ses limites naturelles sont, au nord, une partie du cours du Minho et des montagnes de Penagache et de Segondera; à l'est, une partie du Douro, le cours du Turon, celui de l'Elga, une partie du Tage, le Sever, une portion de la Guadiana, de la Chanza et la basse Guadiana, depuis sa réunion avec cette rivière jusqu'à son embouchure ; l'océan forme les confins méridionaux et occidentaux de ce royaume. Sa plus grande longueur, du nord au sud, est de 550 kilomètres, et sa plus grande largeur, de l'est à l'ouest, est d'environ 220. Sa superficie est de 91 000 kilomètres carrés, et sa population de 3 500 000 individus.
L'espace peu étendu que comprend le Portugal, du nord au sud, devrait faire supposer partout une température assez uniforme ; mais l'inégalité du sol, la direction des vallées, la proximité plus ou moins grande de l'océan, modifient considérablement son climat. Un intervalle de quelques lieues suffit pour passer de la température de l'Allemagne à la température élevée de Lisbonne. Depuis le littoral jusqu'aux plus hautes cimes, la chaleur, d'abord très-forte, diminue par degrés; cependant plusieurs causes locales modifient les règles connues d'élévation ou d'abaissement de la température. Ainsi, dans la province de Tras-os-M ontes, où le sol est assez élevé, on éprouve pendant l'été des chaleurs excessives, surtout aux environs de Lamego ; mais on a remarqué que les collines d'ardoises qui environnent le territoire de cette ville s'abaissent vers le sud, tandis que le Marao s'élève en offrant une barrière au souffle des vents du nord. L'éloignement de la mer, qui permet difficilement à la brise qu'elle produit de parvenir jusque sur ce territoire; le calorique rayonnant qui se développe dans cette étroite vallée, celui qui s'exhale des collines d'ardoises brûlées par le soleil, sont les causes qui contribuent à déterminer le climat qui y règne, et qui en font une des régions les plus chaudes du Portugal dans la belle saison.
Les parties basses de ce royaume jouissent d'un double printemps et d'un hiver très-court. Le premier commence en février; les autres mois sont tantôt froids et pluvieux, tantôt chauds et secs. La moisson se fait en juin ; dès la fin de juillet les chaleurs dessèchent les plaines, l'herbe jaunit, les arbres languissent, et les plantes potagères ne doivent leur conservation qu'aux soins actifs des jardiniers. Cependant les soirées et les nuits sont rafraîchies par la brise de mer.
Tandis que le littoral est exposé à une chaleur qui dépasse souvent celle de la
zone torride, les régions plus élevées ressentent la plus douce température (1).
Vers la fin de septembre ou le commencement d'octobre, les régions basses se parent d'une seconde végétation; aux fleurs de l'automne succèdent tout à coup des fleurs printanières; les prairies se garnissent d'une herbe jeune et fraîche; les arbres semblent reprendre un nouveau feuillage; et les orangers, qui refleurissent, donnent au mois d'octobre tous les charmes du plus beau printemps.
L'hiver commence en novembre et règne jusqu'au mois de février : c'est la saison des grandes pluies et des violents ouragans; c'est alors que les torrents se frayent un chemin jusqu'aux rivières dont les débordements interceptent les communications ; mais le froid n'est jamais rigoureux, il gèle même rarement la nuit.
Cependant, au delà du Douro, dans les montagnes de la province de Tras-osMontes, et sur les sommets de la Serra (2) da Estrella, de la Serra de Mamès et de celle d'Estremoz, le froid est assez vif. La neige s'y amoncelle, mais rarement les cours d'eau sont gelés. Le sommet du Gaviarra, dans la province de Minho, quelques cavités du Marao et des cimes de l'Estrella recèlent de la neige même pendant les plus fortes chaleurs de l'été. Hors de ces montagnes, les parties les plus froides ne la conservent qu'un mois, et dans le royaume d'Algarve elle est tout à fait inconnue. Dans la province d'Entre-Douro-et-Minho, et dans celle de Tras-os-Montes, le vent du nord règne pendant l'hiver; dans celles de Beira, d'Estrémadure et d'Alem-Tejo, c'est le vent du sud-ouest qui domine pendant cette saison ; et les grands froids sont produits par le vent d'est, que refroidissent les sommets neigeux de la Castille. Dans les autres saisons, et particulièrement pendant l'été, le nord-ouest souffle le matin, et le sud-ouest l'après-midi.
A Lisbonne, et dans le bassin de l'embouchure du Tage, l'hiver dure pendant les mois de décembre, janvier, février et mars ; le printemps, pendant les mois d'avril et de mai; l'été, depuis le 1er juin jusqu'à la fin de septembre ; et l'automne comprend octobre et novembre. Le bassin du Mondego, aux environs de Coïmbre, est plus tempéré que celui de Lisbonne, mais il est plus humide et moins salubre; celui de Porto et de Penafiel, non moins humide, est plus nébuleux et plus froid en hiver, mais très-chaud en été. Dans l'Algarve, au contraire, l'hiver offre une douce température; les prairies sont toujours émaillées de lfeurs; pendant les mois de juillet, août et septembre, la pluie est peu abondante; lorsque le mois d'octobre est pluvieux, il n'est pas rare de voir fleurir de nouveau les arbres fruitiers en norcmbre, Les mois les plus humides sont ceux de décembre et de janvier. L'abondance des pluies, en avril, est un signe de la richesse des moissons. Un fait assez intéressant dans l'histoire des phénomènes atmosphériques, c'est que pendant le mois de mai le vent tourne ordinairement "avec le soleil, c'est-à-dire qu'il souffle de l'est au lever de cet astre, du sud à midi, du llord-ollesl le soir, et du nord pendant la nuit. De là le nom de vento rodeiro que lui donnent les Algarviens.
Malgré les montagnes qui couvrent le Portugal, ce pays est rarement exposé
(1) La différence de température entre le littoral et la région élevée est de 4 degrés et demi (Réaumur).
(2) Les Espagnols disenl Sierra, et les Portugais Serra.
aux désastres causes par la grêle et les orages : le tonnerre n'y gronde que pendant l'automne et l'hiver.
Les détails que nous venons de donner sur la température nous engagent à dire un mot sur la salubrité du climat. Le Portugal jouit, à cet égard, d'une .grande réputation en Angleterre. Plusieurs exemples de longévité suffisent peutêtre pour attester que cette opinion n'est point un préjugé; quelques localités jouissent même d'une certaine prédilection sous ce rapport. On cite parmi les lieux salubres : Braga, Ponte-de-Lima et presque toute la province de Minho; Mirandela, Montalegre et plusieurs autres villes du Tras-os-Montes ; au centre, toute la vallée supérieure du Mondego, depuis Guarda jusqu'à Ponte-di-Marcella; dans l'Estrémadure, Ourem, Loures et Lisbonne; dans l'A lem-Tejo) Beja, Evora, Ourique ; dans l'A Igarve, Monchique, au nord, et, sur le littoral, Faro et Tavira. Cependant quelques lieux, et principalement ceux qui sont humides et marécageux, ont une influence dangereuse sur la santé : tels sont, dans cette dernière province, Quarteira, Lagos et les salines de Silvès et de San° Marcos d'Asserra; dans l'Alem- Tejo, Silveiras et Monte-Moro-Novo; dans l'Estrémadure, Almeirim, et presque toute la rive méridionale du Tage, depuis le Rio Almanzor jusqu'auprès de Lisbonne ; dans la province de Beira, les pentes méridionales de l'Estrella, et les bords du Mondego, depuis Coïmbre jusqu'à Figueira; enfin, dans le Tras-os-Montes, Peso-de-Bagoa, Chaves, Bragance et Miranda.
Quelques maladies affectent particulièrement certaines localités : à Lisbonne, l'apoplexie, la paralysie, les affections de foie et de poitrine exercent leurs ravages, et les variations de température font naître diverses espèces de fièvres, et d'autres maladies causées par la suppression de la transpiration ; la fièvre jaune y a fait des ravages en 1857; les provinces septentrionales voient se développer les rhumatismes et les pleurésies ; sur le littoral, les marais salants produisent les obstructions et les hydropisies ; dans la Beira, une sorte de lèpre attaque les classes inférieures; dans l'Alem-Tejo, la fièvre intermittente, l'hydropisie et le charbon sont les maladies dominantes; dans l'Algarve, enfin, la population est exposée à des fièvres gastriques, et souvent à une inflammation particulière connue sous le nom de mal de Bariga, que les médecins attribuent à la grande quantité de figues à moitié mûres dont les gens du peuple font presque leur unique nourriture pendant trois ou quatre mois de l'année.
L'un des fléaux auxquels la partie méridionale du Portugal est exposée, c'est la fréquence des tremblements de terre : il n'y a point d'année qu'on n'en ressente, et, depuis 800 ans, quinze secousses ont ravagé Lisbonne. On a observé que les tremblements de terre se manifestent ordinairement entre le mois d'octobre et le mois d'avril, et surtout après les premières pluies qui succèdent à une grande sécheresse et à une chaleur étouffante : ces circonstances sont fort curieuses, et prouvent une relation invisible entre les phénomènes atmosphériques et ceux qui se passent au sein de la terre. On n'a encore que des données bien vagues sur les volcans et les secousses qu'ils produisent, mais il n'est pas permis de*douter que les galeries souterraines dans lesquelles les phénomènes volcaniques se développent, ne se prolongent à une grande distance, puisque le fa-
meux tremblement de terre qui bouleversa Lisbonne en 1755, se fit ressentir presque instantanément en Afrique, en Irlande et en Amérique.
Si l'on en jugeait par le peu d'avantages que le pays en retire, on aurait une fausse idée des ressources territoriales du Portugal ; les renseignements publiés par Balbi ont heureusement fourni les moyens d'en apprécier l'importance. Il est peu de contrées en Europe qui possèdent une plus grande quantité de sources minérales : on en compte 10 dans la province de Minho, 6 dans le Tras-os-Montès, 17 dans la Beira, 12 dans l'Estrédamure, 9 dans l'Aie m-Tejo, et 2 dans l'Algarve. Ces eaux sont gazeuses, salines, sulfureuses, ferrugineuses ou simplement chaudes ; toutes sont d'une température plus ou moins élevée. Ce pays, où les Carthaginois allaient chercher leurs métaux, qui possède des mines d'or, d'argent, de fer, de plomb, d'étain, et d'autres minéraux moins utiles, est cependant tributaire de l'étranger pour ces mêmes richesses, qui, exploitées avec intelligence, pourraient devenir une branche importante d'exportation. Ses mines de houille sont généralement négligées; les marais salants sont seuls exploités avec avantage.
L'agriculture est loin d'être aussi avancée en Portugal que dans la plupart des pays agricoles de l'Europe ; ce royaume ne produit point de quoi satisfaire à sa consommation. Il importe annuellement 150000muids de céréales, dont la valeur représente plus de 36 000000 de francs, et dont un sixième seulement vient de ses colonies. Balbi a cependant calculé que le royaume fournit, année commune, de quoi nourrir sa population. Il faut donc attribuer ces importations aux besoins de la consommation de Lisbonne, qui, faute de routes, ne peut recevoir de l'intérieur les approvisionnements nécessaires. Cette cause n'est pas sans influence sur l'agriculture. La franchise du port de Lisbonne ne fait qu'aggraver le mal eu y attirant les blés de l'étranger ; d'autres causes nuisent encore au développement de l'industrie agricole : les principales sont les impôts considérables qui frappent les terres et les paysans; la grande quantité de terres privilégiées appartenant à la couronne, à la noblesse, au clergé et aux communes; le manque de bras causé par le service de la milice, qui pèse principalement sur l'habitant des campagnes; l'habitude qu'ont les nobles de ne point vivre dans leurs terres et de les affermer à longs termes à des fermiers qui les sous-louent aux laboureurs; enfin le défaut de communications causé par le mauvais état des grandes routes.
Le gouvernement a cherché, il est vrai, à mettre fin à tous ces abus ; mais les divisions intestines et la pénurie dans les finances n'ont pas peu contribué à empêcher l'exécution de la plupart des améliorations projetées.
Le mauvais état de l'agriculture a nécessairement de l'influence sur la quantité et la qualité du bétail que nourrit le Portugal ; cette influence réagit ensuite sur la culture elle-même. Le nombre de jours où l'on s'abstient de manger de la viande, et qui forme près du tiers de l'année, force à recevoir annuellement de l'étranger 280000 quintaux de morue, valant 10000000 de francs. La mauvaise qualité des pâturages que l'agriculteur ne cherche point à améliorer; le peu de parti que le paysan tire du lait de ses vaches, et qui est tel qu'il ne sait point en l'aire du fromage et du beurre, tandis que la Hollande et l'Angleterre approvisionnent le Portugal de ces denrées : que faut-il de plus pour expliquer la dé-
pendance de ce pays à l'égard du Téirauger? L'huile qu'il retire de ses oliviers négligés est loin d'être une véritale richesse pour son sol, tant elle est mal fabriquée. En déduisant, année commune, la valeur des importations de celle des exportations, on voit qu'il reste à la charge du pays une valeur de 60000 francs sur ce seul produit, tandis qu'il paraîtrait naturel que le Portugal en approvisionnât non-seulement ses colonies, mais plusieurs pays étrangers.
Les provinces de Minho, de Tras-os-Montes et de Beira sont riches en produits, mais principalement en céréales. Dans le Minho et la Beira, on cultive particutiè-
rement le maïs, et dans le Tras-os-Montes le seigle. La plus grande partie de l'Estrémadure et de l'Algarve est inculte; cependant le maïs réussit dans la première. Les principaux produits de la seconde consistent en froment, en figues et en amandes. Dans les autres parties du royaume, on recueille des poires et des pommes excellentes; on cite celles de Colares et de Portalegre, comme les figues d'Almada. L'Estrémadure s'enrichit par ses oranges et ses citrons, rénomjmés dans tout l'univers, et l'Alem-Tejo produit beaucoup d'olives. Le châtaignier abonde dans tout le Portugal.
Les vins de ce royaume sont fort estimés ; on connaît celui du haut Douro, vendu sous le nom de vin de Porto, si recherché par les Anglais; le muscat de Carcavelos et de Setubal, et les vins blancs de l'Algarve, principalement ceux de Faro et de Sines. Parmi les vins rouges, on doit citer, dans la province d'Estrémadure, ceux de Torres-Vedras, plus légers que ceux de Porto; dans le Trasos-Montes, ceux de Galafura et de Covelinhos, ainsi que ceux de Rancao, de Barca et de Romaneiras.
Des produits de son sol, le Portugal exporte annuellement pour 500 000 fr.
d'amandes et de figues sèches, pour 2 000000 d'oranges, et 47 000 pipes de vin, produisant une valeur de 44 000 000 de francs.
On est étonné que, dans un pays soumis à une température aussi favorable, le soin des vers à soie et des abeilles soit pour ainsi dire dans l'enfance ; le Portugal pourrait en tirer un grand avantage. Les autres produits du règne animal sont tout aussi négligés. Ses brebis devraient être une source de richesses : leurs troupeaux sont nombreux, surtout dans la province de Beira, d'où ils émigrent l'hiver pour celle de l'Alem-Tejo; leur laine, moins fine que celle des brebis espagnoles, est cependant recherchée par les étrangers ; l'exportation des laines ne dépasse pas une valeur annuelle de 400 000 fr. Les chevaux sont inférieurs à ceux de la Castille et de l'Andalousie : ils sont petits, mais légers et bien fails.
L'élevage et la culture pourraient facilement améliorer leur race et augmenter leur nombre, trop peu considérable. Plus nombreux, les mulets, grands, forts et dociles, pourraient ajouter à la richesse du pays.
La faune portugaise se compose d'un petit nombre d'animaux. Les loups peuplent les forêts et les montagnes; le chat sauvage habite les contrées désertes; la chèvre sauvage n'est plus en aussi grand nombre qu'autrefois; cependant on la rencontre encore dans la Serra de Geres ; le cerf, le daim et le sanglier se montrent quelquefois dans les bois; les lièvres y sont rares, et les lapins moins nombreux qu'en Espagne. Suivant Balbi, on trouve, dans les bruyères, des insectes du nord de l'Afrique; sur le revers de l'Estrella, des papillons du midi de la France,
et, dans les montagnes de Tras-os-Montes, des scarabées du nord. Toutes ces montagnes recèlent des vipères et d'autres reptiles venimeux. Dans les champs et jusque dans les maisons, on rencontre souvent le gecko de Mauritanie, saurien de la famille des lézards, objet d'horreur et de dégoût pour les Portugais, qui lui supposent des qualités malfaisantes, et qui n'apprécient pas les services qu'il rend en détruisant mille insectes nuisibles.
Les fleuves et les côtes du Portugal abondent en poissons de toute espèce ; on y pêche des aloses et des anguilles d'eau douce et de mer, une immense quantité de sardines, des soles, des carrelets, des trigles, la murène tachetée (murmna ophis), le scombre bonite (scomber pelamis) et l'espadon. Cette abondance de poissons, qui devrait être une des principales richesses du Portugal, fait regretter que le gouvernement ait laissé tomber d'importantes pêcheries. Loin de pouvoir, comme il y a trois siècles, aller rivaliser avec les pêcheurs hollandais sur le banc de Terre-Neuve, les pêcheurs portugais ont à peine les moyens d'explorer avec avantage les côtes de leur propre pays.
Des écrivains superficiels, ou portés à adopter trop facilement certains préj ugés, ont représenté la nation portugaise comme abrutie par l'ignorance et le fanatisme. Quelques mots sur la religion, les mœurs et la littérature de ce peuple serviront à rectifier les erreurs qu'on s'est plu à répéter. La tolérance a fait des progrès en Portugal, comme dans la plupart des États soumis à la civilisation européenne. Le catholicisme est la croyance de toute la nation, mais les autres religions sont tolérées. Les principes publiés par les cortès en 1821 ont amené cet heureux résultat en faisant abolir le tribunal de l'inquisition, qui depuis longtemps n'avait plus d'appui dans l'opinion publique. Le nombre des ecclésiastiques a été considérablement exagéré par les géographes du siècle dernier, et des écrivains du premier mérite ont accrédité les erreurs en les répétant. Des renseignements précis fixent le nombre des religieux des deux sexes et des membres du clergé séculier à 29000 ou 30000. Le haut clergé se compose de 13 évêques et de 3 archevêques, dont celui de Braga porte le titre de primat, dignité qui fut créée en 1716. Le gouvernement constitutionnel de dona Maria a aboli les couvents ; leurs biens ont été déclarés propriétés de l'État, et tous les religieux en sont devenus les pensionnaires.
S'il faut en croire quelques observateurs, les mœurs du clergé ne seraient point irréprochables. Toutefois, dans ce siècle, les mœurs nationales se sont améliorées, et le Portugais a même perdu quelque chose de son caractère original par ses fréquents rapports avec les étrangers. Ce n'est plus ce peuple superstitieux, outrageant sans crainte les saintes lois de la morale, et portant au pied des autels un cœur fermé au repentir. Ses soldats ne ressemblent plus à ceux qui, pendant la guerre de la Succession, ne consentirent à marcher que lorsque le roi dom Pedro leur eut donné pour général saint Antoine, patron de Lisbonne.
Le Portugais est encore superstitieux, mais il ne fut jamais fanatique. Docile à la voix de ses prêtres, il supporta l'inquisition, mais jamais il n'approuva les excès de cette horrible et révoltante institution. Ce qui caractérise encore cette nation, c'est une douceur qui ne se dément point, même pendant les commotions j/olitiques ; c'est une politesse qui se fait remarquer depuis les rangs les plus élevés
jusqu'à la plus basse classe du peuple; c'est envers les étrangers une prévenance qui le distingue de l'Espagnol et le rapproche du peuple français, dont il a presque la vivacité. On lui reproche de l'indolence et de la présomption : les paysans de l'Estrémadure et de l'Alem-Tejo sont en effet indolents et paresseux. Tous les Portugais se plaisent à vanter leur nation, mais c'est une conséquence du rôle important qu'ils ont joué sur le théâtre du monde, et du peu de lumières qu'on a laissé pénétrer dans leur pays. On a répété souvent depuis Link que les Portugais sont dissimulés, vindicatifs et perfides. Il y a plus que de l'exagération dans cette assertion, ou ils sont bien changés. D'ailleurs, en se montrant sévère sur leurs défauts, il faut rendre justice à leurs qualités; ils sont en général fort attachés à leur patrie, amis généreux et fidèles à remplir leurs promesses. Balbi, qui a observé ce peuple d'un œil impartial, dit que l'habitant de la province de Minho est plein de feu, d'esprit et d'industrie ; que celui du Tras-os-Montes rachète des dehors grossiers par des mœurs pures et simples, par sa bravoure et son activité; que celui de la province de Beira est le plus laborieux; que celui de l'Estrémadure est le plus policé, et que l'AIgarvien surpasse tous les autres par sa vivacité.
On a dit à tort que les Portugais sont basanés et qu'ils ont le nez retroussé et les lèvres épaisses : ils ont le teint des peuples méridionaux; ils sont d'une taille peu élevée, mais généralement bien prise : rien n'est plus rare parmi eux que des individus estropiés ou contrefaits. La province de Minho, le Tras-os-Montes et les montagnes d'Estrella renferment les hommes les plus beaux et les plus robustes du royaume; leur peau est assez blanche, et leurs cheveux sont blonds ou châtains. Dans les autres provinces, le noir est la couleur dominante de la chevelure. La belle carnation des Portugaises, leurs grands yeux noirs, leurs dents blanches et bien rangées, leurs longs cheveux d'ébène, leur aimable vivacité, les mettraient au rang des Européennes les plus séduisantes, si à la grâce des Françaises elles joignaient la petitesse du pied espagnol.
La vivacité, la brillante imagination qui distinguent le Portugais, le rendent en quelque sorte affamé de dissipation : la musique, la danse, le spectacle; les processions et les combats de taureaux, en un mot, tout ce qui peut retracer les plaisirs des sens, a sur lui un empire irrésistible. Sa musique, vive et légère, n'est point sans attraits pour l'étranger; les chants populaires, accompagnés du son de la guitare, seraient agréables et gracieux si les paroles n'en étaient point parfois trop licencieuses. La danse nationale, appelée la foffa, est tellement lascive, qu'on ne peut s'empêcher de déplorer de la voir exécuter, non-seulement dans la campagne, mais au sein des villes et même sur les théâtres.
La langue portugaise, formée de l'idiome des anciens Turdetani et du latin, ne fut d'abord qu'un jargon barbare qui se mêla de mots arabes sous la domination des Maures, et même de mots français, lorsque le comte Henri de Bourgogne et ses compagnons d'armes se fixèrent en Portugal. Au xme et au XIVe siècle, elle acquit plus de régularité, et dans le XVIe, elle atteignit cette douceur suave et cette mâle énergie si justement admirées dans les vers de Camoens.
Depuis cette époque, elle n'a fait que dégénérer. L'usurpation du trône de Portugal par Philippe II fut le signal de sa décadence : le despotisme, en arrêtant l'essor du génie, en réprimant l'élan des pensées généreuses; la bassesse, en sub-
stituant le langage de la flatterie à celui de la vérité, abrutissent les peuples et corrompent leur langage. Le portugais n'a point les sons gutturaux de l'espagnol : il est riche et sonore, mais la fréquence des hiatus et des terminaisons nasales, la propension qu'il a au néologisme, la facilité avec laquelle il s'empare des mots des autres langues, nuisent à son harmonie et feraient croire à sa pauvreté, si plusieurs écrivains modernes n'avaient prouvé tout le parti qu'on peut tirer de cette langue.
Ce serait une grande erreur de croire que, parce que la littérature portugaise est peu connue en Europe, elle ne mérite point de l'être : le Portugal a produit, jusqu'à l'époque actuelle, des savants et des écrivains d'un grand mérite. Depuis Camoens, quelques-uns de ses poëtes ont su se faire une réputation parmi leurs compatriotes ; s'ils ne se sont point élevés jusqu'au sublime dans le genre héroïpie; si ceux qui se sont consacrés à la muse dramatique n'ont pu tirer le théâtre portugais de son obscurité, la poésie didactique, et surtout la poésie lyrique, ont fait surgir de la foule des versificateurs des noms honorablement connus. Enfin, disons-le franchement, les événements politiques de ce siècle, en donnant plus d'énergie à la pensée, ont fait sortir des rangs delà bourgeoisie des législateurs et des savants qui ont prouvé que, si la masse de la nation n'est point encore digne de jouir des institutions fondées par la sagesse de dom Pedro, les lumières répandues dans les classes supérieures auront un jour une heureuse inlluence sur les destinées de ce pays. La poésie, l'éloquence, les sciences physiques et naturelles y sont cultivées, et nous croyons pouvoir estimer à plus de 100 le nombre d'ouvrages relatifs aux différentes branches des connaissances humaines qui sortent annuellement de ses imprimeries. Ce nombre est certainement plus considérable que ne pourrait le faire supposer l'état intellectuel du peuple portugais.
Les beaux-arts y sont dans un état peu satisfaisant, faute d'encouragements donnés par les riches et le gouvernement. La musique est, pour ainsi dire, le seul dans lequel plusieurs Portugais se soient rendus célèbres. Si de la littérature et des beaux-arts nous passons à l'éducation des masses, nous dirons qu'il est inutile d'accumuler les raisonnements pour prouver un fait que l'on n'est que trop porté à croire d'après une foule d'indices : c'est que l'instruction publique élémentaire est très-négligée en Portugal, et qu'à l'exception de l'Espagne, qui lui est fort inférieure sous ce rapport, il est peu de pays où le nombre relatif d'écoliers soit moins considérable. Cependant les établissements d'instruction destinés aux enfants des classes riches ou privilégiées peuvent supporter la comparaison avec ceux des autres Etats de l'Europe; l'enseignement des sciences est confié à des professeurs habiles, et de bons ouvrages nationaux en facilitent l'étude, Depuis les changements arrivés en 1821 dans la forme de son gouvernement, le Portugal a plus d'une fois attiré l'attention de l'Europe. La constitution qui confia le pouvoir législatif au roi et aux coriès, fera longtemps époque dans les annales de ce pays; cependant une véritable représentation nationale n'était point une innovation pour les Portugais, puisque l'établissement des cortès remonte à la fondation du royaume de Léon et de Castille, au vmc siècie, et se retrouve dans les premiers temps de la monarchie portugaise. Dès l'origine de ces assemblées,
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qui se formeront autour du trône électif des princes germains ou goths, et qui se composèrent des grands propriétaires ou barons auxquels le droit do conquête donnait celui de constituer à eux seuls le corps de la nation, on les vit investies de la prérogative de contrôler le pouvoir des rois et de le retenir dans de justes limites par le refus des subsides. A cette noblesse militaire se joignit, dans la suite, le clergé, d'autant plus puissant que la bannière de la croix était, pendant la lutte contre les Maures, le drapeau de l'indépendance. L'envahissement des Suèves et des Visigoths n'avait point détruit, dans la péninsule Hispanique, 1rs fonctions de ces agents institués par les Romains dans les villes notables, et qui subsistent encore sous le nom de procuradores. Ils formèrent la troisième classe des membres dont se composaient les cortès espagnoles et portugaises. Ces assemblées délibéraient sur les lois et votaient les impôts. Elles restreignaient même, plus que nos assemblées modernes, les prérogatives de la couronne, puisque, dans les cortès de Coïmbre, en 1387, sous le règne de Jean 1er, les députés des villes s'opposant à la guerre avec la Castille, le roi répondit que la paix ou la guerre serait toujours faite selon l'avis de ses peuples. Enfin elles étaient investies d'un pouvoir que l'on regarderait aujourd'hui comme révolutionnaire, puisque, dans l'espace de 525 ans, les cortès portugaises ont élu cinq rois : Alphonse 1er, comte de Portugal: Alphonse 111, après la déposition de son frère Sanche il par le pape; Jean 1er, après l'extinction de la branche légitime de la dvnastie bourguignonne ; Jean IV, chef de la dynastie de Braganco, après l'expulsion des Espagnols; et Pierre 11, en lùù], après ia destitution d'Alphonse VI, tombé dans une sorte de délire. Si la petite propriété eut pu être représentée dans les cortès, cette antique constitution aurait eu peu de chose à envier à celle de l'Angleterre ou de la Suède ; mais il aurait fallu que le souverain n'eût jamais pu, sous aucun prétexte, se dispenser de les assembler régulièrement, tandis que depuis 1697 elles céssèrent d'être convoquées.
Les successeurs'd'Alphonse VI furent Pierre 11, qui, en 1668, lit reconnaître l'indépendance du Portugal par l' Espagne ; Jean V, qni monta sur le trône en 1706; Joseph, qui régna depuis 1750 jusqu'en 1777, et laissa la couronne à sa fille Marie, qu'il avait mariée à Pierre, son frère cadet. Sous le règne de cette princesse, le Portugal entre dans la première coalition contre la république Française en 1793. Attaquée, en 1799, par une maladie qui l'empochait de vaquer aux all'aires, elle voit son fils, le prince du Brésil, nommé régent, du royaume, titre qu'il garde jusqu'en 1816, époque de la mort de la reine. En 1799, le Portugal s'était uni aux différentes puissances coalisées contre !a France; la guerre dura jusqu'au traité d'Amiens, en 1802. Cependant la rupture qui eut lieu en 1807 amena de nouveaux événements. Une armée hispano-française envahit le territoire portugais le 29 novembre. La famille royale se réfugie au Brésil, et le général Junot est nommé gouverneur général du Portugal. Eu 1808, une insurrection, fomentée par l'Angleterre, éclate; les Anglais débarquent au mois de juillet, et, le 30 août, les Français évacuenl Lisbonne. En 1809, une armée f ran';¡ise,suus les ordres du maréchal Sou 11, entre en Portugal, mais ne peut s'y maintenir; l'année suhante, le maréchal Masséna fait une non\elle invasion et s'établit dans l' pa\ s jusquYn LSI l, que l' armée: nglo-p - rlugaise l'oblige a ia i ei rai te.
Pendant cette longue série d'invasions et de guerres, les Portugais s'étaient éclairés sur leurs droits et leurs intérêts : les Français avaient été repoussés, mais les Anglais n'avaient vendu leurs secours qu'en ruinant l'industrie, le commerce et la marine du Portugal. Ce fut dans ces conjonctures que, le 24 août 1820, une révolution éclata à 0 Porto, dans le but de donner au royaume une constitution. Un gouvernement provisoire est installé, le 15 septembre, à Lisbonne; un congrès national est convoqué; une nouvelle constitution, rédigée par de nouvelles cortès, composées de députés nommés par des électeurs élus eux-mêmes par tous les citoyens jouissant de leurs droits civils, établit en Portugal une véritable représentation nationale, beaucoup plus puissante que dans les autres gouvernements représentatifs de l'Europe, puisque l'initiative des lois apparte- nait à l'assemblée législative. Le prince du Brésil, roi sous le nom de Jean VI, depuis la mort de sa mère, arrive à Lisbonne le 3 juillet suivant, accepte et jure la constitution, dont les heureux effets se firent bientôt sentir. Mais le clergé, les moines, la noblesse et la magistrature, soutenus par la reine, qui avait refusé de prêter serment à la constitution, en complotaient sourdement la ruine. Cette princesse, aidée par son fils dom Miguel, parvint à fomenter des troubles sérieux, à ébranler la fidélité de l'armée, et bientôt une insurrection générale éclata au mois de mai 1823. Afin de prévenir les horreurs de la guerre civile, les cortès se séparèrent, après avoir protesté solennellement contre la violence qu'elles subissaient.
Le Brésil s'était, en 1822, déclaré indépendant du Portugal, et avait proclamé empereur dom Pedro, fils de Jean VI. Ce dernier mourut en 1820, laissant à sa fille Isabelle-Marie la régence du royaume, en attendant que l'héritier légitime eût donné ses ordres à cet égard. Dom Pedro ne fit usage de ses droits d'hérédité que pour rétablir en Portugal le gouvernement représentatif, mais sur des bases plus monarchiques, et qui parurent satisfaire la partie éclairée de la nation plus que ne l'avait fait la constitution des cortès. Après avoir ainsi fixé, selon ses vœux, la position politique des Portugais, il abdiqua le 2 mai 1826 en faveur de sa fille dona Maria da Gloria. Mais cette princesse, encore enfant, ne put jouir de la possession de son royaume, que son oncle dom Miguel usurpa en 1827. Une junte établie à Terceira, l'une des Açores, représenta le gouvernement légitime, tandis que l'usurpateur jouissait de la souveraineté de fait. Cependant dom Pedro, qui avait abdiqué la couronne du Brésil en faveur de son fils, entreprit, en 1831, de placer sa fille sur le trône : à l'aide d'une armée de volontaires levée en Angleterre et en France, il accomplit cet acte de dévouement à sa patrie, et lorsqu'il eut consolidé la nouvelle constitution, la mort vint l'enlever, comme si sa tâche était complètement terminée. Dona Maria épousa Ferdinand de Saxe-Cobourg-Gotha; leur fils, dom Pedro V, a succédé à sa mère en 1853, et a régné d'abord sous la tutelle de son père, puis a pris les rênes du gouvernement en 1855; ses nobles efforts pour rendre son royaume florissant ont déjà porté d'heureux fruits; on a surtout admiré son courage et son dévouement au milieu des calamités où la fièvre jaune avait plongé sa capitale en 1857.
Nous commencerons notre topographie du Portugal, par cette belle capitale.
Il est difficile de se faire une idée du magnifique spectacle qu'offre le port de
Lisbonne (en portugais Lisboa, anciennement Olisippo), que tous les marins s'accordent à regarder comme un des plus beaux mouillages du monde. Il est défendu par Je fort Bugio, situé sur une île à l'embouchure du Tage, et par celui de San-Julia-o, celui d'Arca et la tour de Belem, placés sur sa rive droite.
La ville s'élève en amphithéâtre sur cette'même rive. Elle occupe un espace d'environ trois lieues de longueur, sur une largeur de plus d'une lieue. Le Tage, malgré la vaste baie qu'il remplit, n'offre aux navires qu'un passage étroit et dangereux; la barre que forment ses eaux, qui luttent contre les flots de l'océan, oblige le navigateur prudent à ne tenter d'entrer dans le port que lorsqu'il est guidé par un pilote côtier. La vue de cette vaste capitale ferait croire qu'elle renferme une immense population, si l'on ne savait, par des renseignements exacts, qu'elle ne s'élève pas à plus de 280000 âmes. Elle est divisée en deux villes : l'ancienne, qui, échappée au terrible désastre de 1755, n'est qu'une réunion de rues tortueuses, étroites et sales; et la nouvelle, qui, formée de rues larges, presque toutes bien alignées et garnies de trottoirs, s'augmente de jour en jour. La plupart des maisons, composées de trois à cinq étages, présentent des façades régulières et s'adossent à des jardins. On compte, dans les deux quartiers, 351 rues ilroites et 215 rues de traverse, Q0 places, dont 12 seulement méritent ce nom.
Les deux plus importantes sont : la place du Commerce (praça do Commercio), dite aussi place du Palais (Terreiro de Paco), bornée d'un côté par le Tage, et ornée de beaux édifices, qui comprennent la bourse, la douane, la maison des Indes, l'intendance de la marine, la bibliothèque royale et d'autres bâtiments du gouvernement : au centre, s'élève la statue équestre, en bronze, de Joseph Ier; la place du Rocio, moins grande que la précédente, et que borde le vaste palais de l'Inquisition, renfermant aujourd'hui les bureaux des différents ministères; plus bas, sont les prisons du Saint-Office. Les seuls édifices que l'on puisse citer à Lisbonne sont : le palais Royal, construit dans le faubourg d'Ajuda et l'un des plus rastes de l'Europe ; deux autres palais du souverain : celui de Bemposta, dans leluel il donne audience, et celui de Necessidades, destiné à loger les princes étrangers ; l'arsenal de la marine, où l'on voit une salle d'une grandeur extraordinaire ; e collège des nobles, remarquable par son beau manège; le palais de Calhariz, idifice réservé à l'académie des sciences et à celle de fortification ; le théâtre de an-Carlos, qui, par ses dimensions, peut être comparé aux théâtres de second irdre de l'Italie; la cathédrale, connue sous le nom de Basilica de Santa-Maria, ieil édifice restauré dans le goût moderne depuis le célèbre tremblement de erre ; l'église du couvent de Jésus, bâtiment remarquable par la hardiesse de son lôme, et le plus magnifique qui ait été construit à Lisbonne depuis cette affreuse atastrophe ; enfin l'église des Martyrs, élevée sur l'emplacement où Alphonse 1er éfit les Maures, édifice antique que les révolutions physiques ont épargné, omme pour rappeler aux Portugais l'énergie avec laquelle ils conquirent leur îdépendance. *
Lisbonne renferme plusieurs établissements dont les noms seuls suffisent pour ttester leur utilité : nous placerons au premier rang l'observatoire de la marine, ont plusieurs travaux ont servi à l'avancement de la physique céleste ; l'acadénie royale de marine, qui a fourni plusieurs marins distingués; différentes écoles
pour la marine et l'art militairc, qui seront nommées dans notre coup d'cril sur l'instruction du Portugal; les écoles royales du monastère de Saint-Vincent de Fora, où l'on enseigne les langues anciennes et le français, la physique, la géo- métrie et la philosophie; l'école royale de dessin et d'architecture civile; l'institut de musique (seminario musical), où l'on enseigne le chant, la musique instrumentale et la composition; le collège royal de Saint-Patrice, créé, en 1590, pour l'instruction des prêtres missionnaires irlandais; le collège royal des caté- chumènes, fondé, en '1579, pour instruire dans la religion les infidèles convertis; le collège de Saint-Antoine et de Saint-Pierre, destiné aux orphelins et aux enfants vagabonds; les écoles royales de la congrégation de l'Oratoire, où l'on enseigne principalement le latin ; enfin les écoles de grammaire, de rhétorique et de philosophie, établies à l'hospice royal de Notre-Dame de Necessidades.
L'académie royale des sciences de Lisbonne est le premier corps savant du royaume; cette ville a encore une société d'encouragement pour l'industrie nationale; des bibliothèques, un musée d'histoire naturelle, un jardin botanique et d'autres collections scientifiques.
Il y a une cinquantaine d'années, on n'était point en sûreté dans les rues de Lisbonne : les meurtres s'y commettaient en plein jour; l'assassin trouvait l'impunité dans le sanctuaire des temples; les soldats arrêtaient la nuit les passants en leur demandant l'aumône, et s'emparaient de force de ce qu'ils leur refusaient. Il n'y avait ni garde ni police pour arrêter ces désordres. Aujourd'hui, qu'on emploie tous les moyens propres à assurer la tranquillité publique, les vols et les homicides sont devenus très-rares.
On a craint, en 1858, qu'un grand tremblement de terre survenu le 11 novembre de cette année ne renouvelât les désastres de 1755.
La grandeur imposante de quelques-uns des édifices de Lisbonne n'est rien en comparaison de l'aqueduc de Bemfica (Agoas livres), qui porte à cette capitale la plus grande partie des eaux qu'elle consomme. C'est l'un des plus magnifiques ouvrages de l'Europe moderne. Il peut supporter la comparaison avec ce que les anciens ont fait de plus beau dans ce genre. Sa longueur totale est de 18 700 mètres : la plus grande de ses arches a 68 mètres de hauteur et 33 d'ouverture. Les environs de la ville offrent de beaux sites et quelques lieux intéressants par les souvenirs. — Qeiras, maison de plaisance donnée par le roi Joseph au marquis de Ponibal, fut, en 1775, habitée par le monarque pendant qu'il prenait les eaux d'Estoril, et le ministre profita du séjour de ce prince pour transformer une simple foire de village en une exposition des produits de l'industrie portugaise : idée ingénieuse qu'on n'a fait que modifier depuis dans d'autres pays.
- Cintra est célèbre par la capitulation en vertu de laquelle l'armée française, épuisée, évacua le Portugal en 1808. - Mafra, sur le Revers occidental delà chaîne à laquelle appartient le Monte Junto, est remarquable par le couvent, le palais et l'église qu'y fit bâtir Jean V, afin d'accomplir le vœu qu'il avait fait pour la naissance d'un fils. Ces trois constructions, dues au talent d'un architecte étranger (Ludovici), et embellies par des peintres et des sculpteurs de différentes nations, forment le plus magnifique édifice du royaume. — Loures, à 13 kilomètres de Lisbonne, est connue par ses plantations d'orangers, qui fournissent les plus
belles oranges du Portugal. — Campo-Grande est le rendez-vous de la noblesse portugaise : c'est dans sa longue plaine, entourée d'arbres et de jardins, que la cour et la ville vont étaler le luxe de leurs chevaux et de leurs équipages.
ISEstrémadure portugaise renferme encore : Torres- Vedras, où Wellington, en 1810, arrêta les Français à l'aide des lignes célèbres qu'il éleva entre la mer et les montagnes, et où Saldanha, à la tête des troupes royales, vainquit les révoltés en 1846; — Peniclze, petit port fortifié; — Leiria (5 000 hab.), petite ville épiscopale, où l'on voit encore le palais ruiné du roi Denis ; — le bourg de Batalha, dont le superbe couveut, bâti par Jean 1er, est l'un des plus beaux morceaux d'architecture normano-gothique, et qui renferme le mausolée de son fondateur, et les chapelles mal entretenues destinées à la sépulture des rois. Santarem, ville de 8000 âmes, bâtie sur une haute montagne, à côté du Tage, et défendue par une vieille forteresse, fut pendant longtemps la résidence des souverains; — Abrantès, sur le même fleuve, est dans une situation délicieuse; - enfln Setubal ou Setuval (que les Anglais appellent Saint-Ubes), l'ancienne Cœtobris ou Cœtobriga, est un port important, peuplé de 15 000 âmes. Ses nombreuses salines, ses vins et ses oranges alimentent son commerce. Sur une langue de terre appelée encore Troja, qui s'étend à peu de distance de l'embouchure du Sadao, on a trouvé plusieurs restes d'antiquités. Cette ville a été dévastée par un tremblement de terre en 1858.
Coïmbre (Conimbriga de l'antiquité), dans la province de Beira, sur les flancs d'une colline qui domine le Mondego, est agréablement située ; l'importance de cette ville sous les Romains, les Alains et les Maures, et plus encore sa population (15000 hab.), la beauté de quelques-uns de ses édifices (tels que la cathédrale et l'église de Santa-Cruz), le nombre de ses établissements publics, la réputation attachée à son université et à son observatoire, l'avantage dont elle jouit comme siège de la direction générale de l'instruction publique du royaume, lui ont mérité le rang de chef-lieu de la Beira. Cette province est aujourd'hui divisée en deux parties, la Basse-Beira et la Eaute-Beira.
Castello-Branco, sur la Liria, est une ville de 6000 hab., fortifiée et industrieuse.
L'antique cité de Viseu (9000 hab.), résidence d'un évêque, dans les montagnes où le Mondego prend sa source, s'enrichit par son commerce de bijouterie, d'orfèvrerie et de draperie. Il s'y tient des foires célèbres. — A l'extrémité septentrionale de la province, Lamego, dans une campagne fertile, entre le mont Penude et le cours du Douro, est célèbre par la réunion des cortès de 1143, qui fondèrent une constitution par laquelle l'autorité royale était retenue dans de justes limites, et qu'Alphonse Ier jura de maintenir au nom de ses successeurs.
La petite ville épiscopale d'A veiro (7 000 hab.), à l'embouchure de la Vouga, recouvre l'importance maritime et la salubrité qu'elle semblait avoir à jamais perdues. — llharo est peuplée aussi de 7 000 âmes. — Ovar (10000 habitants), sur l'estuaire de la rivière du même nom, fait une pêche active.
Almeida (6000 hah.), sur la Coa, est une place très-forte, qui a été le théâtre de plusieurs sièges et combats importants, entre autres une victoire des Français en 1810. — Sabugal, vers la source de la même rivière, fut, au contraire, té-
moin d'une bataille funeste aux Français en 1811. — On remarque encore, dans la Beira, Pinhel, sur une rivière du même nom; Guarda, près de la source du Mondego ; Covilhao, avec une iudustrie et des eaux minérales.
Plus petite que les précédentes, la province de Minho ou à: Entre-Douro-etMinho a pour ville la plus importante Porto (0 Porto, le port), la seconde du royaume par sa population de 80 000 âmes, et qui occupe une position magnifique sur la rive droite et près de l'embouchure du Douro, sur deux collines nommées la Sé et la Victoria. Elle est divisée en ville basse et ville haute, et partagée en 5 quartiers, dont 2 sont entourés d'une muraille de 10 mètres de hauteur, et les 3 autres, ouverts, sont des faubourgs et comme des villes à part, c'est-à-dire San-Joao de Foz, à droite du fleuve, et Villa-Nova et Gaya, à gauche. Douze places principales, de belles églises, plusieurs établissements d'instruction et de bienfaisance, une école de marine et de commerce, une de chirurgie et d'anatomie, le palais de la cour d'appel, l'hôtel de ville, l'évêché, l'hôpital royal, la cathédrale, l'église des Clerigos, de vastes magasins pour ses excellents vins (qui viennent non du voisinage immédiat, mais du haut Douro), sont dignes de l'importance de cette cité commerçante. Malheureusement l'entrée du Douro est d'une navigation dangereuse. - L'industrieuse et jolie Guimaraens ou Guimaraes, sur l'Ave, fut anciennement la capitale du royaume. Villa de Coude, à l'embouchure de l'Ave, a un bon port pour le cabotage.
L'antique chef-lieu de la province est Braga [Augusla Bràcarum), bâtie sur une hauteur, entre le Cavado et la Deste. Les plus beaux édifices sont le palais de l'archevêque, le séminaire et la cathédrale, antique église, dont une des chapelles est consacrée au rite ftiosarabique. Cette ville renferme encore plusieurs restes imposants de la domination romaine, tels qu'un aqueduc, un temple et un amphithéâtre. Elle a 30 000 habitants.
Vianna ou Viana, à l'embouchure de la Lima, a un port assez fréquenté. Ponte-de-Lima) sur la même rivière, a des antiquités romaines. — Monçao, Valellça, Villanova-de-Cerveira, Canin/la, sont des places fortes de la rive gauche du Minho, sur la frontière de la Galice.
Miranda, petite cité épiscopale, que l'on surnomme Miranda de Douro pour la distinguer d'une autre Miranda de la province de Beira, a été la capitale de la province de Tras-os-Montes (ce qui signilie au delà des montagnes, c'est-à-dire de la Serra da Estrella), qui occupe la plus grande partie de la région portugaise située au nord du Douro; cette ville n'a que i 500 habitants. — Bragance ou Bragança, l'ancienne Brigantinum, la capitale du Tras-os-Montes, peuplée de 5 000 habitants, s'élève au milieu d'une fertile plaine; c'est dans ses murs que dom Pedro le Justicier épousa secrètement l'infortunée Inès de Castro. Cette ville a donné son nom à la famille qui règne aujourd'hui sur le Portugal et le Brésil.
- Moncorvo ou Torre de Moncorvo, l'antique Forum Narbasofum, est mal bâtie et peu peuplée. — Chaves) sur un plateau, près de la Tamega, qui coule encore sous le pont de 18 arches bâti par Trajan, était célèbre chez les Romains par ses eaux minérales, qu'ils appelaient Aquæ-Plaviœ Turodorum. — VillaReal (5 000 hab.), près du Douro, est connue par ses huiles et ses vins; — Peso da Bagoa, par sa grande foire de v ins.
La province (TAletn-Tejo, c'est-à-dire au delà du Tage, non moins montagneuse que celle de Beira, mais plus étendue, trois fois moins peuplée, et la moins riche du royaume, ne renferme que des villes de peu d'importance. Evora, sa capitale, siège d'un archevêché, porte le titre pompeux de seconde ville du Portugal, quoiqu'elle n'ait pas plus de 12000 âmes. Elle doit ce titre à la faveur qu'elle eut de servir de résidence à plusieurs rois. Elle est située sur un plateau de la chaîne qui forme la prolongation de la Serra de Estremoz ; son ancien nom ftEbora annonçait l'abondance, comme celui de Cerealis que lui donne Pline.
La flatterie de ses municipaux lui valut l'honneur de porter le surnom de Liberalitas Julia ; on y voit encore des restes de cette libéralité des empereurs, qui employaient une partie de l'or des peuples asservis à la construction de quelques monuments. Le bel aqueduc attribué à Quintus Sertorius s'y fait remarquer par sa belle conservation. Vers son extrémité, un petit monument circulaire rappelle par son élégance celui qu'à Athènes on connaissait sous le nom de lanterne de Diogène. Un autre monument, où les sacrifices aux dieux ont été remplacés par des sacrifices aux hommes, est le temple de Diane, qui sert aujourd'hui de boucherie. On a rassemblé dans un musée les objets d'antiquité découverts à Beja.
— Estremoz est connue par ses poteries et ses vases de terre, dont la porosité favorise l'évaporation de l'eau en abaissant sa température. — Sur une colline escarpée, à 2 lieues de la rive droite de la Guadiana, s'élève la vieille ville épiscopale d'Elvas (12000 hab.), la plus forte place de guerre du Portugal : on y voit une vaste cathédrale, un aqueduc et un théâtre. — Beja, fondée par les Romains sous le nom de Pax Julia, renferme encore quelques monuments antiques. —
Serpa est importante par son commerce de contrebande ; — Portalegre, par sa grande manufacture de draps ; — Villavicosa, par son château royal et son pont immense ; — Jurumenha, par sa position frontière et par ses fortifications.
Dans la petite province d1 Algarve, à laquelle les souverains du Portugal ont conservé le titre de royaume, on ne compte que 6 villes dignes d'être nommées: -Fœro, la capitale, assez bien bâtie, avec un port à l'embouchure du Valformoso, fait de grandes exportations en oranges et en autres fruits ; — Tavira (9 000 hab.), sur la côte, à 8 lieues à l'est, est une jolie cité, presque entièrement peuplée de pêcheurs. — A 10 lieues à l'ouest de Faro, Villa-Nova de Portimao possède un petit port très-fréquenté ; — Lagos, située au milieu d'un terrain fertile et dont le port fut, dit-on, creusé par les Carthaginois, est peut-être l'ancienne Lacobriga ; — Sagres, petite place fortifiée, doit son nom au Sacrum promontoriurn, aujourd'hui le cap Saint-Vincent; — Castro-Marim (2000 hab.), place forte et très-commerçante, est à l'embouchure de la Guadiana ; — enfin, sur le revers de la Serra de Monchique, on trouve la jolie petite ville de Monchique, que sa situation pittoresque et ses sources chaudes ont mise à la mode parmi ceux qui vont chercher aux eaux la distraction autant que la santé.Les établissements portugais dans les autres parties du monde comprennent : en Afrique, les îles Açores et Madère, qui forment une province sous le titre d'Iles Adjacentes, et que nous avons décrites parmi les îles africaines occidentales; l'archipel du Cap-Vert, avec la colonie de Sénégambie, renfermant Cacheo, Gebas Bissao, etc. ; les royaumes à1 Angola et de Benguela, les îles Saint-
Thomas et du Prince, la capitainerie générale de Mozambiq-ite; - en Asie, la vice-royauté de l'Inde, qui a pour capitale Goa, et Macao, en Chine; — enfin, dans l'Océanie, le port de Dilli et autres points de l'île de Timor, et l'ile Solor.
Ces faibles restes de l'ancienne puissance du Portugal, et l'empire nouveau du Brésil, dont l'indépendance fut plutôt un bien qu'un mal pour la métropole, fournissent encore un aliment à son commerce. Les expéditions qu'il y fait s'élèvent annuellement à une valeur de plus de 90000000 de francs; les marchandises qu'il en retire surpassent celle de 85 000 000. Avec les pays étrangers, ses importations peuvent être estimées à 95 000 000, et ses exportations à 75 000 000.11 ne faut point établir de comparaison entre ses manufactures et celles des contrées les plus industrieuses de l'Europe; mais si, malgré les privilèges dont jouit l'Angleterre dans ce royaume (surtout depuis le traité de 1703, qui mit le Portugal presque au rang d'une colonie britannique), il a pu, dans plusieurs branches de fabrication, supporter une concurrence par trop désavantageuse, il faut en conclure que son industrie n'est point aussi arriérée qu'on l'a cru, et qu'une politique bien entendue pourra, avec de sages encouragements, la porter au degré d'activité dont elle est susceptible.
Le Portugal est régi par la charte de dom Pedro, donnée en 1826, supprimée par dom Miguel en 1828, et rétablie en 1836 et 1842. La couronne est héréditaire par ordre de primogéniture; les femmes sont appelées au trône, à défaut d'enfants mâles. Deux chambres, celle des pairs (nommés par le souverain) et celle des députés (nommés par la nation pour 4 ans, 1 pour 25 000 hab.), forment les cortès, qui limitent le pouvoir royal. 1 La religion catholique est celle de l'Etat ; les autres cultes sont tolérés. Il y a 3 archevêchés, dont celui de Lisbonne a le titre de patriarcat, et 14 évêchés.
Les provinces, telles que nous les avons données dans cette description, ne sont plus qu'une division nominale et historique, encore suivie néanmoins dans l'usage général, mais remplacées aujourd'hui réellement par une division en districtos administratives, répondant aux départements de France; la première autorité administrative du districto est le governador civil, qui répond à notre préfet; chaque dislricto tire son nom de son chef-lieu, et se divise en comarcas, répondant à nos arrondissements.
La justice est rendue par un tribunal de première instance dans chaque comarca, une cour d'appel dans chaque chef-lieu de districto, et une cour suprême siégeant à Lisbonne.
L'instruction publique offre une direction générale des études, une université, celle de Coïmbre, 27 écoles ecclésiastiques, 873 écoles inférieures ; une école royale de commerce et de marine marchande (à Porto) ; une école de marine militaire ; une école royale de génie maritime ; une école générale de navigation ; une école d'artillerie et de génie; une école de chirurgie; un collége militaire des nobles; une école de cadets pour l'armée de terre. — L'armée compte environ 25 000 hommes ; la flotte, 40 bâtiments et 2 200 hommes de troupes.
Il y a encore bien peu de chemins de fer en Portugal : on ne peut citer que ceux de Lisbonne à Cintra et à Santarem.
TABLEAUX DU PORTUGAL.
APERÇU STATISTIQUE DE LA MOSARCIIIE PORTUUU9E.
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C. 11 LIFS- ]DISTRICTS -; c.;¡ G 011 HABITANTS ; PROVINCES CHEFS- DISTRICTS C ?■ = G § ,J 1 PirulssHs ■*«"" en 1854.
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COLONIALES. 1/1 S W U A* — Contiueat portugais.
Vianna. 80 6 10 286 48481 188659 MLNBO Braga. Braga 91 8 13 515 76828 300607 ( Pono 91 13 19 383 101279 362000 Villa-Real 138 7 14 258 46 864 129686 TRAS-OS-MONTES Brag;,uce Br.lg.|nce> 199 7 12 :ug 34803 184 838 Aveillo 122 8 16 171 63 881 237 162 Coïmlne Hl 8 17 183 61757 261 850 BE)RA. Cu!n)brc.. Vi.-eil 108 12 26 365 78 157 303 730 Guanla. 178 8 H :'62 54720 212588 Castello Branco 207 5 12 149 35 383 139 933 ( Leiria 110 6 12 116 35 970 141401 ESTRÉMADURE. Lisbonne. San!..ifn). 194 6 17 118\3862 165'i0;i ( Lisbonne. 303 18 27 214 113 500 423 705 !
Portaiegre. 200 4 14 93 24 456 87 039 ALEM-TEJO Evora.. Evora. 219 4 il 105 24200 89 633 BL-ja. 419 5 13 103 32 146 121 390 ALGARVE. Faro. Faro 180 5 13 66 HOO 146305 2950 130 1 260 3803 j 919 947 3499121 B. - lies Adjuceule» (Açorct et Madère). ! Ponta Pclgada. 34 4 8 45 23 921 101 451 | AÇORES Angra Angia 34 3 5 37 16069 70 404 H~.tta. 28 3 5 37 15 022 66 053 ILES MADÈRE.. Funchal.. Funclial. 28 2 10 47 24579 107088 124 12 28 1G6 79591 341 998 C. — Afrique. I. Iles du Cap-Vert 138 2 9 29 18 029 85393 Côte de Sénégainbie (Tiissao, etc.) 3 000 — 1 5 270 1095 II. Iles de Saini-Tlionias el du lïinre 38 1 2 11 2651 122o3 III. Angola 1 2 12 97409 355917 Ambiiz f — - 1 - Benguela 17000 1 1 2 55430 221 020 Mossanicdes - 1 1 19580 78320 IV. Mozambique et dépendances 24 000 1 8 11 75000 .00 000 - - - 1 44176 j 6 24 72 268 419 8,8
t af ,..:.. FEUX « s 2 o GRANDES DIVISIONS COLONIALES. mOIs.s.. ou HABITANTS GRANDES DIVISIONS COLONIALES, g 2 3 S =S UH0BS|S. MÉNAGES en 185J.
Sis S ë --=-- - en 1854.
D. - Asie et Océanie.
Y. Inde (Gaa. Salcete, Bardez, et Nouvelles conqudte., c'est-à-dire, Damao au DamalLet Diu). 129 9 97 94 277 408696 VI. Timor (Ue de), partie portugaise, et Solor*. 1G55 1 3 114 789 918 300 YII. Macao (Chine). 1 l 3 3988 30587
* y compris les États indigène», considérés comme vassaux.
BÉSCHH.
j
DIVISIONS GÉNÉRALES. LIEUES CARRÉES POPULATION.
de 20 au dgre.
Continent européen „ 2950 3 499 121 Ilee Adjacentes 337 344998 Afrique *4 176 1 054 898 Asie" Océanie 1733 1356483 TOTAUX 49 248 6255500
FINANCES. — Budget pour .8".t8..
Recette..
Reit Impôts directs 3 C 36 829 033 — indirects 6 200 888 597 Impôts pour ramollissement des billets de la banque de Lisbonne.. 8:17128213 Domaines nationaux et receltes diverses. 786476913 Recettes avec applications spéciales (décret du 30 août 1852). 517 741534 Réduction dans les dépenses 648 938 240 Attires recettes 68 744 000
Total des recettes. 12206746530 SépUMB.
Reis.
Comité du crédit public pour la dette intérieure 1653 530 505 - - extérieure 1648 656 906 Ministère des finances. 2752827347 — de l'intérieur 1231598091 — de la justice et des affaires ecclésiastiques 453 406663 — de la guerre 2 976 514 812 — de la marine 840772163 — des affaires étrangères 147148 840 — des travaux publics 972 903 404 Amortissement des billeis de la banque de Lisbonne 187485 800 Dépenses extraordinaires 82 223 372 Total des dépenses. 12 947 061902
Budget des possessions d'outre-mcr, 1859-1859.
Recettes. Dépenses.
lies du Cap-Yert 98 971 000 127 736 720 Iles de Saint-Thomas et du Prince 29 507 250 36229169 Angola et Benguela 227 058 400 298 000 594 Mozambique 83 939 000 139140885 Inde 273 939 520 289 714 771 Timor 5 390 400 15 776 040 Macao 68 7SG250 68 496 075 TOTAL. 792 581820 975 095 454 DÉFICIT. 182 513 334
Dette au 80 juin 1859.
fielS.
Dette intérieure 49 538 846 5G0 — extérieure 50 827 472727
TOTAL. 100366319287
AKIIIEE au 1er mars 4 858.
CONTINENT EUROPÉEN ET ILES ADJACENTES.
i"-ligne : oiffciers. 3334 — soldats i 21 970 1 Tol.,L 5 -1-9& — chevaux. 1745
2e ligne ou réserve; oiffciers.. 278 i - soldats.. 4 718 ) ™ Tol, a1,' 4996 — chevaux. 34
COLONIES.
1 PREMIÈRE SECONDE 1 PREMIÈRE SECONDE LIGNE. HflNE. LIGNE. > LIGftE.
Gouv. dcslles duCap-Yert. 547 2481 Report. , , 3888 9011 Ufis de Saint-Thomas et du Inde 8 808 Prince 160 12692 Timor et Solor. » ii Angola etBenguela • 2109 3 838 Macao. 440 561 Mozambique. 1072 j ° 1 ToTAux. 8eb 9572 A reporter.. 3 888 9 011
IUARIIE.
Canons.
1 vaisseau de. 80 1 frégate de. 50 3 corvettes de 18. 54 2 bricks de 18. 36 3 bricks de 16. 48 1 brick de. 14
A reporter.. , 282
Canons.
Report.. 282 llschooncrs,etc. 45 9 tI'3115(101'l5. 9 6 vapeurs. 26
37 362
2 bâtiments en construction.
Bâtiments. Armés. Désarmés. En construc. Total. Canons. Hommes.
A voile 27 4 2 33 356 1941 A vapeur 5 1 — 6 6 240 - .-- -- - TOTAUX 33 5 2 39 362 2181
COMMERCE DES PORTS DE LISBOlVlVlE ET .0'0 PORTO en 1857.
(Valeur en francs.)
IMPORTATION. EXPORTATION. TOTAL.
Lisbonne 53 262 372 27 742 266 81004638 0 Porto 38197 812 44 648 504 82 046 316 il
NAVIGATION DE LISBONNE ET D'O PORTO en 1868-1857.
ENTRÉE. SORTIE. TOTAL.
Lisbonne 2 682 navires. 2 690 navires. 5 372 navires.
0 Porto.. 1 041 — 1 018 — 2 056 — il
NAWIGATIOlW DES PORTS DU PORTUGAL en 18U.
ENTRÉS. TONNEAUX ÎQ0IP1MS. SORTIS. TONNEAUX ÉQUIPA GU.
Bâtiments portugais 6 367 395 954 53 272 6 592 422 216 55 390 - étrangers 2 603 366 457 27 204 2 794 399 827 29 615 TOTAUX 1 8970 762391 80476 9386 822043 8ô 005 1
DIVISIONS ECCLÉSIASTIQUES.
PATRIARCAT (fondé en 1716).
ARCHEVÊCHÉ DE LJSBONE, fondé en 139t et aboli en 1741, pour être réuni au patriarcat.
Évèclié de Lamego. fondé dans le vi* siècle.
— Guarda, fondé sous Sanclie Jer.
— Leiria, fondé en 1545.
— Porialegre, fondé en 1550.
— Gaslello-Branco, fondé sous Joseph Ier.
ARCHEVÊCHÉ DE BRAGA (Primat).
Évèclié de Porto, fondé dans le Vie siècle.
Évèclié de COlmbre, fondé dans le vie siècle.
— Viseu, fondé dans le VIe siècle.
— Aveiro, fondé sous Joseph Ier.
— Pinhel, fondé sous Joseph Ier.
— Miranda, fondé en 1545, el Bragança.
ARCHEVÊCHÉ D'EVORA, fondé en 1540.
Évcclié d'Algarve, fondé sous Sanclie I".
— d'Elvas, fondé en 1570.
— de Beja, fondé sous Joseph I«w.
LIVRE NEUVIÈME.
Espagne.
Dès que Pelage, arborant l'étendard de la croix, eut franchi les montagnes des Asturies, dans le généreux dessein de reconquérir sur les Maures quelques portions de l'Espagne asservie, l'exemple de son dévouement patriotique, imité par d'autres chefs chrétiens, fit ériger en différents petits royaumes les terres rendues à la religion du Christ et à l'indépendance. Réunies sur les têtes de Ferdinand et d'Isabelle, ces diverses couronnes conservèrent leurs dénominations, leurs limites géographiques, et quelques privilèges qui rappellent les époques glorieuses de leur origine, et qui expliquent l'ancienne division de l'Espagne en quatorze provinces principales qui ont conservé leurs titres de royaumes et de principautés.
Nous avons évalué la superficie de l'Espagne ; nous avons indiqué les limites fixées entre ce royaume et le Portugal; donnons un aperçu de sa population, de ses mœurs, de son gouvernement, de son commerce, de tout ce qui constitue sa force et sa faiblesse.
Le plus récent recensement de l'Espagne (1857) porte sa population, avec celle des îles Baléares, à 15 300 000 individus.
Le gouvernement est une monarchie constitutionnelle. La couronne est héré-.
ditaire par ordre de primogéniture; les femmes sont appelées au trône, à défaut d'enfants mâles. Le pouvoir royal est limité par les cortès , composées de deux chambres : celle des députés, nommés, pour trois ans, à raison de 1 pour 50 000 habitants ; et celle des pairs (proceres), choisis par le souverain sur une triple liste formée par les électeurs, et se retirant par tiers (le plus ancien) à chaque renouvellement de la chambre des députés.
L'Espagne est partagée, principalement sous le rapport militaire, en 13 capitaineries générales (17 en y comprenant les îles Canaries, Cuba, Puerto-Rico et les Philippines), qui se subdivisent en 48 provinces, dirigées par des préfets (delegados delA fomento), assistés d'un conseil provincial électif; les provinces se subdivisent en partidos, administrés par des subdelegados del fomento; les partidos, enfin, se partagent en pueblos (communes), à la tête de chacun desquels sont un alcade (à la fois maire et juge de paix) et un ayuntamiento (conseil municipal).
Le culte catholique, le seul reconnu en Espagne, a pour chef l'archevêque de Tolède, qui prend le titre de primat des Espagnes ; il y a 8 archevêchés et 51 évêchés. Les décrets de 1835 et 1836 ont supprimé les couvents, autrefois fort nombreux et fort riches, les corporations religieuses, les ordres religieux militaires. Avant cette réforme, on comptait 200 000 personnes appartenant à l'Église ; aujourd'hui le nombre des membres du clergé est d'environ 70 000.
La justice est rendue, dans chaque partido, par un tribunal de première instance ou corregimiento; au-dessus, sont 15 cours d'appel ou audiencias territoriales, et enfin un tribunal suprême ou cour de cassation, siégeant à Madrid.
L'instruction publique compte 12 universités : celles de Barcelone, Cervera, Huesca, Madrid, Oviedo, Salamanque, Santiago, Saragosse, Séville, Tolède, Valence et Valladolid; 56 collèges et séminaires ; 10 écoles normales de lre classe; 10 académies de médecine; 2 écoles de pharmacie (à Madrid et à Barcelone); 2 écoles nationales de sourds-muets.
L'armée, soumise aujourd'hui à une très-bonne organisation, se compose, en Europe, de 200000 hommes; la marine, de 45 bâtiments à voiles (dont 2 vaisseaux de ligne et 4 frégates) et de 37 navires à vapeur. Une excellente gendarmerie, sous le nom de garde civile, veille à la sûreté des routes, etc. Les trois grands ports militaires sont : Cadix, Le Ferrol et Carthagène.
Il faut parcourir le royaume pour se faire une opinion exacte sur les caractères physiques et moraux de l'Espagnol. Chaque province offre des nuances beaucoup plus tranchées que dans les autres royaumes de l'Europe, parce que le défaut d'industrie, la difficulté des communications, les barrières naturelles qui séparent les peuples, sont autant d'obstacles à ces relations multipliées qui finissent par répandre sur la population d'un Etat une teinte uniforme. Il suffit de traverser l'Espagne en différents sens pour remarquer la taille légère et la beauté du Biscayen, la haute stature du Galicien et du Catalan, la vigueur du Castillan, le teint basané de l'habitant de l'Estrémadure, les formes sveltes de PAndalous et la pâleur du Murcien. Les femmes sont, en général, bien prises dans leur taille, et se font presque toutes remarquer par leur grâce et leur souplesse ; leur teint brun est relevé par des cheveux du plus beau noir, et leur physionomie expressive et animée contribue beaucoup à la réputation qu'elles ont d'être jolies. Les différences que l'on observe dans le physique des peuples des diverses provinces existent également pour le caractère moral : le Biscayen est fier, irascible, emporté ; le Galicien est triste, sérieux, peu sociable, mais laborieux et plein de courage; le Catalan est violent, indocile, infatigable; l'Aragonais est attaché à ses antiques coutumes et enthousiaste de son pays; le Castillan est grave, sévère, orgueilleux et insouciant; l'habitant de l'Estrémadure est pétri d'indolence et de - vanité; l'Andalous se distingue par son arrogance et sa jactance : on l'a appelé le Gascon de l'Espagne; le Murcien, lent et lourd, est le peuple le plus ignorant > et le plus soupçonneux de la Péninsule ; le Valencien est inconstant, léger, gai, affable et industrieux. Considéré en masse, on peut dire du peuple espagnol que le fond de son caractère est une grande circonspection, le noble orgueil de l'honneur et de la probité, une constante résolution dans ses entreprises et une sorte d'aversion pour les nouveautés dont l'utilité ne lui est pas démontrée. Il a beau-
coup d'affabilité et de politesse dans les manières. « C'est, dit M. Thiers, une nation forte, orgueilleuse, aussi fière du souvenir de sa grandeur passée que si cette grandeur existait encore ; ayant perdu l'habitude des combats, mais capable du plus courageux dévouement; ignorante, fanatique, haïssant les autres nations. » L'Espagnol tient à son ancien et pittoresque costume (1). Doué d'un esprit pénétrant, il aurait, depuis leur renaissance, excellé dans la culture des sciences, t'si l'inquisition n'eût comprimé l'impulsion dont il se sentait animé pour la philosophie naturelle. Sa brillante imagination chercha des compensations dans la culture des lettres : les plus anciens romans appartiennent à la littérature espagnole et composèrent longtemps, avec les chants nationaux qui .célébraient les glorieux exploits du Cid, sa principale richesse. Expressive et harmonieuse, malgré les sons gutturaux de l'arabe dont elle a conservé plusieurs mots, la langue espagnole proprement dite se divise en cinq dialectes dont le plus ancien est celui du royaume de Léon et des Asturies, et dont le plus pur et le plus usité depuis Charles-Quint est celui de Tolède. C'est cette langue qu'ont immortalisée les écrits de l'inimitable Cervantes ; du poëte Quevedo, tout à la fois léger et sublime; du romancier Guevara, à qui Lesage emprunta son Diable boiteux; du fécond Lopezde Vega, dont on a 1 800 pièces de théâtre, avec une foule de poésies fugitives; et du célèbre Calderon, dont les comédies ont fourni mille sujets à nos auteurs dramatiques. A côté de ces noms illustres viendraient se grouper, si notre sujet le comportait, d'autres noms brillants de célébrité.
Ce royaume, arriéré de la plupart des autres Etats de l'Europe de plus d'un demitiède dans toutes les sciences, ne peut citer, hors du domaine de la littérature, -que des jurisconsultes habiles, des médecins instruits, des botanistos distingués, quelques bons mathématiciens et des théologiens. Les arts du dessin ont été jadis cultivés avec succès en Espagne : la gravure y compte des noms presque aussi célèbres que ceux dont se vantent les Paye-Bas et l'Italie; lapêifiture, qu'honorent encore quelques artistes distingués, s'enorgueillit de son ancienne école, où l'on vit Murillo s'élever presque à la hauteur de Van-Dyck; Coello, visera
(1) t La mante, dit M. Germond de La Vigne, est la compagne inséparable de l'homme du peuple ; elle complète son costume de la façon la plus élégante: Nul spectacle n'est pittoresque, les jours de fête, les jours de réunions populaires et de courses de taureaux, comme celui que présentent ces hommes bien drapés dans ces amples vêtements aux couleurs les plus vives. Les plus recherchées sont d'un beau rouge écarlate, adouci par un grand nombre de bandes transversales de toutes couleurs formant des dessins variés. Elles sont en laine, Un peu mélangée de coton et faites de deux lés d'étoffe dé 2 mètres et demi environ de longueur, sur 70 centimètres de largeur, réunis sur l'un des côtés et à l'un des som- mets. Une frange, formée de gros pompons de laines, orne l'autre extrémité, Dans les beaux jours, la mante, pliée en deux, est négligemment jetée sur l'épaule j dans les temps froids, elle enveloppe le buste et retombe drapée par-dessus l'épaule gauche, la frange pendant en arrière. La nuit, sur le pavé de la posada, sur le sol de l'habitation ou sur le terrain du travail, l'homme se coiffe de l'extrémité supérieure de la mante, s'enveloppe dans les deux lés. A cheval, la mante, pliée en quatre, est jetée sur le dos de la monture, la frange pendant au côté montoir, et sert de siège au cavalier. La fnante sert à tout, elle était inventée bien avant le plaid et la couverture de voyage. Elle se fabrique surtout à Valence, où une rue porte le nom de calle de las Mantas. »
la manière large de Paul Véi onèse ; Coreno, par sa grâce, mériter d'être appelé le Titien espagnol ; et Moralès, ¿ont le pinceau ne s'exerça que sur des sujets de piété,, recevoir le surnom de divin. Parmi les architectes, Herrera, A rnal et Jean-Baptiste de Toledo tiennent le premier rang, comme Mena, Alvarès et Toledo, parmi les statuaires.
Jusqu'à l'avènement de Charles-Quint au trône d'Espagne, ce pays était soumis à une monarchie limitée par les cortès, assemblées provinciales dont nous avons esquissé l'origine, et qui ne représentaient que les classes privilégiées. Les princes de la maison d'Autriche et ceux de la maison de Bourbon détruisirent graôuellement les priviléges de ces assemblées. Leur pouvoir et leur influence étaient devenus tout a fait nuls, lorsqu'en 1808, Napoléon força le roi Charles IV et Ferdinand VII, son fils, qui venait de lui succéder, à renoncer, eux et leur famille, à la couronne, et proclama son frère Joseph roi d'Espagne et des Indes. La courageuse et longue résistance du peuple espagnol contre un pouvoir étranger inspira une nouvelle énergie à ceux qui composèrent les juntes provinciales chargées de diriger l'insurrection : la plus célèbre de ces assemblées, refoulée à Cadix, organisa un conseil de régence auquel elle céda ses pouvoirs, et bientôt les cortès extraordinaires, convoquées, rédigèrent une constitution, reconnue et approuvée en 1812, malgré ses défauts et ses imperfections, par les puissances coalisées contre la France. Pour prix des efforts héroïques des Espagnols à conserver l'indépendance nationale, cette constitution devait être maintenue et jurée par Ferdinand, qui reprit possession de son trône en 1814, trône dépouillé désormais des immenses territoires du continent américain, qui s'étaient rendus indépendants de la mère patrie pendant l'occupation française ; il pouvait modifier cette constitution : il l'abolit; elle avait supprimé l'inquisition : il rétablit ce tribunal-odieux; les membres des cortès étaient inviolables : ils furent exilés.
Le mécontentement remplaça l'enthousiasme qu'avait excité le retour du souverain ; les insurrections se multiplièrent, et, le 1er janvier 1820, l'armée, réunie dans l'île de Léon, proclama la constitution des cortès. Ferdinand se vit obligé de l'accepter : il aurait voulu la modifier, mais l'empressement qu'il avait mis à l'abolir excitait la méfiance; l'assemblée se refusa à toute révision. Ce fut alors que l'on vit les partisans du pouvoir absolu remuer le peuple et fomenter des troubles auxquels des ecclésiastiques et des moines n'eurent pas de honte de se livrer avec une ardeur qui dégradait leur caractère. Le gouvernement français comprit que l'Espagnol n'était point assez avancé pour jouir des avantages d'une représentation nationale. Il pensa qu'il était de son devoir de rétablir l'ancien ordre de choses, et le duc d'Angoulême, à la tête d'une armée qui ne rencontra nulle part ces bandes intrépides qui s'étaient montrées si redoutables quinze ans auparavant, lorsqu'elles combattaient pour une cause qu'elles comprenaient, mit fin, en entrant dans Cadix, à l'assemblée des cortès et à la captivité du roi. Le vainque ur,.--ivec une générosité toute française, rendit la mémorable ordonnance d'Andujar, qui, par de sages mesures, garantissait la paix, le repos et la protection à ceux qu'il était venu combattre : c'était le seul prix qu'il mettait au sang et à l'or que la France avait répandus sur le sol de l'Espagne : ses loyales intentions restèrent inexécutées. La couronne reprit une autorité sans bornes; Ferdi-
nand VII, en mourant, en 1830, a aboli la loi salique qui excluait les femmes du trône d'Espagne, et il a désigné pour son héritière sa fille Isabelle, à l'exclusion de son frère don Carlos. Depuis , la constitution a été rétablie, mais souvent modifiée et réformée, presque toujours à la suite d'insurrections ou de violents coups d'État, en 1837, en 1845, en 1854, en 1856.Les étrangers qui attribuent l'état arriéré de l'agriculture en Espagne à la paresse de l'habitant, n'ont point suivi les rudes travaux du paysan, tantôt au milieu des montagnes presque inaccessibles des Asturies, de la Galice et de la Catalogne, ou dans les détours arides du Guipuzcoa, de la Biscaye et de la Navarre; tantôt dans les marais de Valence ou dans les plaines brûlantes de l'Andalousie et de l'Estrémadure. Les hommes qui supportent tant de fatigues pour un modique salaire méritent-ils l'épithète de nonchalants ou de paresseux? D'ailleurs il est à considérer que, depuis le commencement du siècle, il y a eu progrès remarquable dans la production agricole de l'Espagne. En 1803, la récolte des céréales était inférieure de plus d'un cinquième à la quantité nécessaire pour la nourriture des habitants, bien que la frugalité et l'abstinence espagnoles soient passées en proverbe. Aujourd'hui les récoltes ont doublé. Dans presque toutes les provinces on cultive le blé, le seigle, l'orge, le maïs et le chanvre. Le royaume de Léon, l'Estrémadure, les deux Castilles, l'Aragon, l'Andalousie et le royaume de Murcie produisent principalement le froment, comme la Biscaye, la Navarre et la Catalogne, le seigle. L'avoine, presque dédaignée, est en général remplacée par l'orge pour la nourriture des bestiaux : les royaumes de Grenade et de Séville en fournissent le plus. Le lin, peu cultivé, se récolte principalement en Galice. Dans les provinces méridionales, dans celles qui s'étendent sur le littoral de la Méditerranée, l'huile et la soude forment les principaux produits, qu'il faut ajouter aux genêts, au sumac, et surtout aux plantes potagères renommées pour leur saveur; dans quelques-unes de ces provinces, les champs se couvrent de safran, le riz forme de vastes nappes ondoyantes, et l'arbuste qui porte le colon prospère comme sur son sol natal'. Au milieu de ces richesses végétales, le bombyx trouve dans la feuille du mûrier une nourriture succulente qui contribue à la beauté de la soie qu'il sécrète. C'est dans la Catalogne et le royaume de Valence que le riz est le plus abondant. Cette dernière province et l'Andalousie sont les plus belles de toute l'Espagne : des arbres de toute espèce y produisent des fruits délicieux ; la canne à sucre y croît à côté du cotonnier ; de nombreux oliviers fournissent une huile qui par sa qualité est devenue une branche importante de commerce; des végétaux propres à la teinture, le miel exquis que distille l'abeille,. ajoutent encore aux richesses qu'elles retirent d'un sol et d'un climat favorisés de la nature. Le miel de la province de Cuenca était, du temps des Romains, célèbre par sa blancheur et par son goût agréable, qui le fait appeler miel de romarin. L'anis, le maïs, le sel et le sparte [esparto), dont on fabrique fes tissus de sparterie, forment la richesse du royaume de Murcie; la barille, plante dont on tire la soude, est l'un des produits particuliers à celui de Valence, qui, par la richesse de sa culture, est appelé le jardin de l'Espagne.
L'Aragon, moins bien partagé, possède, sur les bords de l'Ebre, des terrains fertiles en grains, en safran, en chanvre, en oliviers et en fruits; les forêts y sont
bien entretenues; mais, loin des rives du fleuve, on ne trouve plus qu'un sol aride et presque inculte. De beaux vallons, peu riches en céréales et couverts d'excellents pâturages, caractérisent la Navarre; les provinces Vascongades ou Basques, et particulièrement la Biscaye, se font remarquer par leur fertilité et l'industrie de leurs habitants; en Galice, le maïs, la châtaigne et la pomme de terre, qui de cette province, où elle fut d'abord importée, se répandit dans toute l'Europe, forment la principale nourriture du paysan; le lin et le chanvre alimentent son industrie. Dans les Asturies, les forêts qui fournissent le bois de construction, les pâturages où l'on engraisse d'excellents bestiaux, constituent la richesse territoriale. Les Castilles présentent des landes sablonneuses, une végétation appauvrie et presque desséchée.
Les blés que l'Espagne récoltait du temps de Pline passaient pour les meilleurs que l'on connût; il est certain qu'ils n'ont pas dégénéré.
Presque toutes les terres de l'Espagne sont favorables à la vigne : l'excédant de la récolte du vin sur la consommation forme une branche considérable d'exportation, dont l'importance serait beaucoup plus grande si, pour la culture des vignobles et pour la fabrication du vin, on employait les méthodes que l'agriculture et la chimie ont fait perfectionner. Nous citerons, parmi les vins les plus estimés, ceux de Pei-alta, en Navarre; de Ribadavia et de Betanzos, en Galice; ceux de Manzunarès et de Val-de-Pefias, dans la Nouvelle-Castille; ceux de Xerez, de San-Lucar et de Rota, dans le royaume de Séville; ceux de Cabra, de Lucena et de presque tout le pays qu'on nbmme là Campine, dans le royaume de Cordoue ; ceux de Malaga, dans le royaume de Grenade; ceux des environs de Cartlzagène, dans le royaume de Murcie; enfin ceux tfAlicante, dans le royaume de Valence. Malgré la réputation dont quelques-uns de ces vins jouissent, la quantité qu'on en exporte n'est point en proportion avec celle de l'eau-de-vie qui sort des ports espagnols.
Les richesses considérables que, depuis les temps les plus reculés, l'Espagne retire de la vente de ses laines, ont diminué d'une manière considérable. Aujourd'hui que les rnoutons espagnols importés en France et dans plusieurs contrées industrieuses y perpétuent leur race, il est difficile que l'Espagne ressaisisse la prééminence commerciale qu'elle obtenait de leurs produits ; mais une administration sage et prévoyante peut arrêter l'effet des exportations frauduleuses de ces animaux et surtout encourager la fabrication des tissus de laine, qui, à mérité égal, devraient, en Espagne, rivaliser, pour la modicité du prix, avec les tissus étrangers, en même temps qu'elle s'attacherait à engager les propriétaires de troupeaux à perfectionner le lavage des laines, et que, par des règlements combinés avec prudence, elle tâcherait de concilier les intérêts de l'agriculture avec les priviléges de la Mesta, société de grands propriétaires de troupeaux voyageurs, qui tous les ans se réunit sous la présidence d'un conseil d'Etat.
Les troupeaux de mérinos se divisent en deux classes : les sédentaires, qui cumprenttent 8000 000 de têtes, et les voyayeurs, qui en comptent un nombre un peu plus considérable. Les moutons voyagent par bandes de 1000 à 1200, sous la conduite de deux bergers; quittent au mois d'octobre les montagnes de la VieilleCastille, et vont en quelque sorte ravager les plaines dé l'Estrémadure et de l'An-
dalousie, jusqu'au mois de mai, qu'ils retournent dans les montagnes. Ces bergers, aunombrede 16000 etpresque aussi brutes que leurs mérinos, exercent un véritable despotisme sur les terres qu'ils parcourent. Pendant leur marche, qui est d'autant plus lente qu'ils trouvent plus de nourriture, les ordonnances de la Mesta leur accordent une largeur de 240 pieds; arrivés à leur destination, on les distribue dans des pâturages qui leur sont réservés, et dont la location est payée aux propriétaires suivant le taux fixé arbitrairement par la Mesta elle-même. On attribue avec quelque raison la dépopulation de certaines provinces et la décadence de l'agriculture à ces migrations; et, en effet, la Biscaye, les Asturies, la Galice et la province de Burgos, qui ne sont point exposées à ce fléau, sont mieux cultivées et plus peuplées que celles qui supportent cette charge annuelle.
C'est lorsque les bergers sont revenus dans leurs cantonnements d'été que l'on fait la tonte, opération d'autant plus importante, qu'elle s'exécute en grand sous de vastes hangars disposés pour recevoir à la fois jusqu'à 40000 ou 60000 mérinos. On peut juger de la quantité de bras qu'elle emploie, puisque l'on compte 125 ouvriers par 1 000 moutons. Les uns sont occupés à tondre la laine, et d'autres à la diviser en quatre espèces suivant le degré de finesse. L'époque de cette opération est aussi joyeuse que celle des vendanges dans les riches vignobles. Les bêtes à cornes sont peu nombreuses, surtout dans la Catalogne, l'Aragon, - la Navarre et la Biscaye, provinces qui les tirent principalement de France. Le centre de la Galice, couvert de pâturages, nourrit une grande quantité de bœufs; ceux des Asturies sont excellents; les vaches de ce pays sont une véritable richesse : leur lait est employé à faire des fromages et d'excellent beurre, dont toute l'Espagne pourrait être approvisionnée, si l'habitant savait le saler et le coilser.
ver. D'innombrables troupes de bœufs, dont la beauté était en réputation chez les anciens, paissent encore dans les gras pâturages de l'Andalousie. Dans les montagnes de cette province, comme celles d'Aracena et de Constantina, on élève beaucoup de porcs; il en est de même dans celle de Salamanque; dans le royaume de Léon, leur chair doit son goût délicat aux glands doux qui leur servent de nourriture; enfin, les jambons de la Galice sont renommés dans toute l'Espagne. Les mulets et les chevaux ont un peu perdu de la réputation dont ils jouissaient autrefois : cependant on peut toujours citer les Asturies pour leurs petits chevaux vifs et légers, l'Andalousie pour ses superbes coursiers, qui ont conservé toute la vigueur des races arabes, et ces deux provinces et la Manche pour les robustes mulets qui doivent leurs qualités à celle de l'âne, lequel n'a point en Espagne subi la même dégénération qu'en France. Les haras de Cordoue et d'Aranjuez sont les plus renommés.
Nous ne nous étendrons pas sur ce qui concerne a faune espagnole : presque tous les animaux de la France méridionale se trouvent on Espagne. Les montagnes ei les plaines abondent en gibier ; on trouve des cerfs, des daims et des sangliers dans les montagnes de la Galice et dans les forêts des Asturies, qui recèlent de plus une grande quantité d'ours ; l'Andalousie fournit au chasseur des lièvres, des lapins, des perdrix rouges et des outardes ; les loups habitent presque toutes les contrées boisées et montagneuses; le chamois et le lynx, les Pyrénées et les
montagnes de Cuenca; dans le royaume de Murcie, on rencontre le mouflon, et dans les provinces plus méridionales, la genette, le porc-épic, le scorpion, le truxale [truxalis nasutus) et le caméléon. Un savant naturaliste, Bory de SaintVincent frappé de la ressemblance de la zoologie du midi de l'Espagne avec celle du nord de l'Afrique, a vu dans ce fait une preuve de l'antique réunion des deux continents que sépare le détroit de Gibraltar. Des essaims de sauterelles désolent quelquefois l'Estrémadure et l'Andalousie. Le paysan, qui pourrait facilement les détruire lorsqu'elles sont peu nombreuses et qu'elles se contentent de l'herbe des champs, ne fait attention à eus insectes sortis des plaines de l'Arabie et de l'Afrique que lorsqu'il ne peut plus en arrêteras ravages.
Les rivières de l'Espagne sont très-poissonneuses, ainsi que ses côtes : la pêche est la principale ressource de la Galice ; on y prépare la sardine de manière à en faire un objet d'exportation dont l'Espagne, la France et surtout le Levant font une grande consommation. Le thon rend encore très-lucrative la pêche de cette province. Les pêcheries des côtes méridionales et orientales doivent aussi leur importance à ce poisson et aux anchois.
Les richesses minérales sont nombreuses, mais non exploitées avec tout le succès désirable; les mines les plus importantes aujourd'hui sont celles de mercure d'Almaden, dans la Manche, et celles d'argent de Guadalcanal, dans la Sierra Morena. Le sel s'extrait abondamment des côtes des provinces méridionales et des mines intérieures de Cardona (Catalogne), de Cordoue, etc. On a exploité autrefois de riches mines d'or, aujourd'hui abandonnées. Du fer excellent, le cuivre, le plomb, le zinc, l'antimoine, le cobalt, l'arsenic, là houille sont exploité, sur différents points. Il y a des marbres, de beau jaspe, du porphyre, des pierres précieuses, telles que les cornalines, les agates, les turquoises, les émeraudes, les améthystes ; on a même trouvé des diamants (1).
(1) « Celles des mines d'Espagne qui sont le mieux exploitées en ce moment, dit M. Ma.
nès, sont les mines de sulfate de soude de la Navarre, les mines de cuivre de Huelva, les mines de calamine de Biscaye, les mines de houille des Asturies. Les mines de sulfate de soude de la Navarre et de la Vieille-Castille, dont l'exploitation vient d'être entreprise, sont situées sur les bords de l'Èbre, dans des conditions très-favorables pour les débouchés. Les couches, affleurant sur une grande étendue, atteignent souvent une assez forte épaisseur et contiennent des quantités de minerai, à la teneur de 25 pour 100 de sulfate pur, qui peuvent suffire pendant de longues années. L'exploitation de ces couches est des plus faciles et des plus économiques; enfin, le minerai qu'elles fournissent n'exige, pour être livré au commerce, d'autres manipulations qu'une simple dissolution et une cristallisation.
« Les minerais de cuivre sont extrêmement répandus en Espagne; mais le plus grand nombre des gilcs sont fort irréguliers et n'ont qu'une faible teneur. Il n'en est pas ainsi de ceux de la province de Huelva. Là s'élèvent, au milieu d'un terrain de transition, de petites chaînes formées de roches éruptives imprégnées de métaux et constituant des gisements cuprifères très-puissants. On connaît, dans cette localité, jusqu'à sept de ces gisements qui, nonobstant le peu de richesse, pourraient prendre une grande importance dans la production universelle, qui est de 50 à 60 000 tonnes. Celui de ces gisements dont l'exploitation remonte aux Romains, est composé d'une pyrite jaune cuivreuse contenue dans un filon de 50 mètres d'épaisseur, sur lequel furent pratiqués, en profondeur, des travaux très-étendus, qui, à en juger par les échantillons tirés des anciennes haldes, durent donner un minerai assez riche, tandis que l'exploitation reprise au commencement du xvme siècle et pratiquée sur les parties supérieures ne rendit qu'un minerai à la teneur de
Les progrès que l'agriculture a faits en Espagne depuis 1803 ont développé son industrie, son commerce, et amélioré ses finances. A l'époque que nous prenons pour point de départ, le revenu net de l'Espagne était d'environ 860 millions de francs; aujourd'hui il est plus du double; il entre par les impôts, dans les caisses de l'État, 500 millions.
L'Espagne manque de voies de communication. Elle est arrosée par un grand nombre de rivières et de fleuves; mais il y en a peu qui soient navigables ou dont la navigation soit sûre. De là vient qu'on y a senti depuis longtemps la nécessité des canaux. La plus importante de ces constructions est le canal Impérial, ainsi nommé parce qu'il à été commencé par l'empereur Charles-Quint : il a 26 à 27 lieues de longueur entre Tudela et au-dessous de Saragosse. Il traverse sur une longueur de 1600 mètres la montagne de Torrera, par une tranchée à ciel ouvert 2 à 4 pour 100 de cuivre, lequel n'acquit d'importance que lorsqu'on eut imaginé d'en extraire le cuivre par grillage, lixiviation et cémentation. Aujourd'hui, ce même gisement s'exploite pour le compte du gouvernement, et produit, annuellement, environ 400 000 quintaux de minerai rendant 8 000 quintaux de cuivre. En 1856, les mines de cuivre de l'Espagne ont produit 892 865 quintaux de minerai de ce métal.
« Le zinc étant un métal dont l'emploi s'est considérablement accru depuis quelques années, les minerais dont on le tire sont devenus de plus en plus recherchés, et notamment ia calamine, celui de tous qui est le plus facile à traiter. Jusque dans ces dernières années, c'était en Silésie, en Belgique et en Angleterre que se trouvaient les principaux gisements de cette substance; désormais il faudra à ces contrées/ajouter le nord de l'Espagne. Déjà ont été découverts à Santa-Lucia, près de Comillas, dans la province de Santander, des gîtes abondants. Cette découverte devait faire présumer qu'il existait d'autres gîtes semblables dans la suite des terrains crétacés qui se montrent dans la Biscaye et le Guipuzcoa; et, en effet, les recherches faites à ce sujet ont amené à reconnaître de nouveaux gîtes près de Mondragon, de Manaria et d'Elorio, dans la chaîne centrale des calcaires compactes et bleuâtres, ainsi que près de Marquina et d'Aulestia, dans la chaîne méridionale de même formation. Les premiers de ces gîtes se montrent au jour comme de véritables filons qui pourraient bien ne donner que de la blende en profondeur; les seconds apparaissent comme des stockwerks composés de filons étroits se ramifiant à travers une roche fort dure et trèsfissurée.
«En 1847, les mines de combustible fossile de l'Espagne fournissaient des quantités importantes à la consommation, soit des usines métallurgiques du nord de l'Espagne, soit de celles de l'Andalousie, où elles arrivaient par mer. En 1844, les houillères des Asturies, dont la production s'est élevée à 600 000 quintaux de 69 kilogrammes, soit 414 000 quintaux métriques,'ont livré aux usines d'Agra et de Malaga 410 000 quintaux, qui sont sortis par le port de Gijon et ont été transportés, savoir : 224 000 quintaux par navires espagnols, et 186 000 quintaux par navires français.
« Voici maintenant quelques chiffres qui font prévoir l'importance que pourra prendre, dans l'avenir, l'exportation des mines espagnoles.
«En 1850, la Biscaye exporte 32 052 quintaux métriques de minerai, dont 28 333 dans les Landes 4174 dans la Bretagne, et 545 quintaux en Angleterre. En 1851, cette exportation s'élève à 89 000 quintaux métriques, dont 38 000 pour les Landes, 50 000 pour la Bretagne, et 1 000 pour l'Angleterre. En 1852, cette exportation retombe à 62000 quintaux, et à 50 000 en 1853. Puis, elle se relève après l'abaissement du droit, et dépasse, en 1855, 1e chiffre de 100000 quintaux, auquel elle ne paraît pas devoir s'arrêter. On peut prévoir, au contraire, que bientôt cette exportation élèvera l'extraction des mines de la Biscaye au double de ce qu'elle était avant 1849. Quoi qu'il en soit, il est certain que, au point où elle est parvenue, elle procure déjà au pays de grands bénéfices, dont profitent à la fois le commerce, la navigation et l'industrie des mines. »
de 13 mètres de profondeur. Le canal de Castille, inachevé, doit unir l'Èbre au Douro. Le canal d'Olmedo ou de Ségovie et celui de Campos en sont des dérivations, Le canal de Huescar ou de Murcie, qui n'est point terminé, doit joindre Carthagène à la Guadiana. Le canal des A lfaques ou de San-Carlos a été ouvert pour donner un port à Tortosa. Le canal d'A lbacète va de cette ville au Jucar, Quant aux routes, les principales sont celles de Madrid à Saragosse, à Valence, à Cadix, et à toutes les demeures royales de la Castille; la route de Valence à Barcelone, celles de la tyavarre et des provinces Basques, celle de Saragosse à Valence, celles des Asturies en Castille, et celles de la province de Rioja, Les grandes routes se sont fort améliorées depuis une vingtaine d'années; elles comptent aujourd'hui plus de 10000 kilomètres. Mais d'ailleurs il n'existe que de mauvais chemins entre les villes de peu d'importance.
Il n'y "a encore, en Espagne, que peu de chemins de fer terminés : on remarque celui de Madrid à Aranjuez et d'Aranjuez à A lmanza, près de laquelle naissent deux embranchements, l'un sur Alicante, l'autre sur Valence (une branche se sépare de cette ligne, pour se rendre à Ciudad-Real) ; ceux de Barcelone à Mataro et à plusieurs petites villes voisines ; celui de Tarragone à Reus; celui de Langreo à Gijon; celui de Cadix à Puerto-Real, Port-Sainte-Marie, Xerez, Séville et Cordoue. il y a un chemin en construction de Madrid à Saragosse et de Saragosse à Barcelone; un autre de Madrid à-Bayonne, par Burgos et Vitoria. Au commencement de 1857, les concessions accordées présentaient une étendue de 14 616 kilomètres ; les voies exécutées, 4 300 kilomètres.
il y a plus de 5 000 kilomètres de télégraphes électriques.
L'Espagne n'a plus la brillante industrie qu'y firent jadis fleurir les Maures ; elle n'a plus ses célèbres manufactures de soieries, d'armes et de cuirs, cl'où sprtaient les plus magnifiques produits de l'Europe; ses fabriques, quoique arriérées, se relèvent cependant : elle livre encore de belles soieries, des cuirs et des peaux (surtout dans l'Andalousie et à Barcelone), de bons draps; des ustensiles estimés de fer et de cuivre en Biscaye, du savon, de la poterie, de la sparterie, des chapeaux ; elle prépare bien les tabacs, les huiles et les eaux-de-vie.
Le commerce présente un total de 663000000 de francs, dont 365000000 pour l'importation et 298 000000 pour l'exportation. Celle-ci consiste surtout en vins, eaux-de-vie, huiles, sel, laines et soies, métaux, fruits. Le commerce extérieur et le cabotage présentent seuls de l'activité; le commerce intérieur est presque nul, par suite de l'absence de faciles voies de communication. L'importation offre des produits qu'on est surpris de ne pas rencontrer parmi les exportations d'un pays si riche en ressources, par exemple, beaucoup de poisson salé.
L'Espagne est peut-être de tous les pays de l'Europe le moins susceptible d'être peint à grands traits avec ces couleurs générales qui mettent tant de différences entre l'Italie, la France et l'Angleterre. Plusieurs nuances plus ou moins tranchées distinguent ses provinces; les contrastes les plus frappants les séparent, et quelquefois même les isolent. Savoir apprécier ces nuances et ces contrastes, afin de mieux juger l'état moral du peuple espagnol, a été jusqu'à présent l'écueil que n'ont point su complétement éviter ceux qui ont voulu donner une idée de la ci-
vilisation de ce peuple et le comparer aux autres peuples de l'Europe. C'est donc en examinant chacune des divisions de l'Espagne que nous parviendrons à en esquisser un tableau d'autant plus fidèle que nous repousserons d'inexactes généralités.
Nous allons parcourir le royaume, en procédant du nord au centre et au midî.
Le royaume de Navarre (1) est séparé de la France par une partie des Pyrénées. Borné à l'est par l'Aragon, au sud par la Vieille-Castille, et à l'ouest par les provinces Basques, il a un territoire montagneux, mais. parsemé de riches et fertiles vallons, croisé en différents sens par de belles routes ( avantage dont jouissent peu de provinces espagnoles), et exposé à un climat froid, variable et sain. Ses habitants sont laborieux, pauvres, sobres, jaloux de leurs priviléges et de leur nationalité. Ce petit royaume, dont le pape Jules II dépouilla l'aïeul de Henri IV, fut, en 1518, réuni à la couronne d'Aragon et de Castille. A peine a-til franchi les Pyrénées, que le voyageur qui vient de France aperçoit la petite plaine de Roncevaux (Roncesvalles), qui rappelle le valeureux Roland, neveu de Charlemagne, tué dans cet endroit. Bientôt il découvre sur la montagne de Saint-Christophe, qui s'élève au bord de l'Arga, Pampelune (Pamplona), ville de 12 000 habitants, que l'on prétend avoir été bâtie par Pompée, qui lui donna le nom de Pompéiopolis. C'est la capitale de la province et le siège d'un évêché.
L'aspect imposant que présentent ses murailles, ses bastions et son château fort, se dément dès qu'on entre dans son enceinte : on n'est plus alors frappé que de là tristesse de ses rues larges et droites, et de ses maisons élevées et bâties en pierre.
Son .industrie-consiste en manufactures de faïence et de draps grossiers. — Tudela (8 000 hab.), au confluent du Queila et de l'Ebre, est une jolie résidence épiscopale, qui possède un collége où l'on enseigne la médecine, la chirurgie et la pharmacie; des fabriques de draps, de poterie et de savon, et qui fait un important commerce de bestiaux. Le maréchal Lannesy remporta une victoire en 1808.
Elle rappelle le fameux voyageur juif Benjamin, qui y prit naissance au douzième siècle et qui fit de grands voyages en Asie. — Estella (6 000 hab.), sur l'Ega, a un vieux château fort, qui a été la place d'armes des rois de Navarre. — Les autres villes principales de la province sont : Vianna, qui donnait son nom aux fils aînés des rois de Navarre ; — Ladosa, qui a des sources thernrîales et des antiquités romaines; - Cascante, autrefois importaate; -Corella, fameuse par son commerce de jus de réglisse; — Peralta, par ses vins; — Olete, Ta/alla, dont les anciens châteaux furent la résidence des rois de Navarre ; — Sanguesa, près de laquelle se trouve le château de Xavero (Xavier), lieu de naissance de saint François Xavier; — Elizondo, sur la Bidassoa, dans la vallée de Bastan, trèsriche en troupeaux.
Les trois provinces qui doivent leur nom de Basques ou Vascongades à leur antique population basque (2), forment un triangle dont le côté septentrional est
(4) Appelé aussi Haute-Navarre, par opposition à la Basse-Navarre, qui est en France.
(2) Parmi les idiomes qui se sont conservés en Europe, le basque est celui qui porte encore tous les caractères d'une langue primitive. Le nom du peuple qui le parle paraît venir du mot basque vaso, qui signifie montagne, et qui, pris adjectivement, s'augmenta de
baigné par le golfe de Gascogne, et les deux autres côtés sont bornés par la Navarre et la Vieille-Castille. Doués de cette infatigable activité et de cet amour de l'indépendance qui caractérisent les peuples montagnards, ces industrieux Basques ont trouvé dans un sol peu favorisé de la nature le palladium de leur liberté. Ils ont gardé leurs lois particulières nommées fueros. Soumis volontairement à la domination espagnole en vertu d'anciens traités, ils voient dans les rois d'Espagne plutôt des protecteurs que des souverains. Chacune des trois provinces a son gouvernement à part, ses assemblées générales où l'on discute les intérêts de tous et où l'on examine les ordres du souverain, qui ne peuvent recevoir leur exécution qu'après qu'ils ont été soumis à cette formalité. Elles se taxent elles-mêmes pour subvenir aux dépenses de l'administration locale, et les contributions qu'elles payent à la couronne ne sont considérées que comme un don gratuit.
La province de Guipuzcoa ou de Saint-Sébastien est séparée de la France par la Bidassoa. Fontarabie ou Fuenterrabia, dont le nom latin est Fons rapidus, est une ancienne place forte, à l'embouchure de cette rivière, un peu au-dessous de l'île des Faisans ou de la Conférence, où fut conclu, en 1659, le traité des Pyrénées. Elle a été souvent prise et reprise par les Français et les Espagnols; les premiers y soutinrent un siège mémorable contre les Anglais en 1813. — Tolosa, qui a été chef-lieu de la province de 1844 à 1854, jolie petite ville de 5 000 habitants, est arrosée par l'Orio et a des manufactures d'armes blanches et à feu. Saint-Sébastien (San-Sebastian), capitale de la province, est une ville forte, située sur une presqu'île baignée par les eaux du golfe de Gascogne, avec un petit port à l'embouchure de l'Urumea; elle est bien bâtie, commerçante industrieuse, et possède des tanneries, des forges; elle compte 10 000 habitants. - Entre Fontarabie et Saint-Sébastien, s'enfonce dans des montagnes une vaste baie, close en apparence de tous côtés : c'est le Port du Passage, l'un des plus sûrs et des plus beaux de l'Europe. La ville, appelée en espagnol Los Pasages, est bâtie sur le terrain resserré situé entre les montagnes et la baie : elle n'a que 2 000 habitants.
— Bergara possède une école patriotique, où l'on enseigne les sciences physiques et naturelles et le travail des mines. Les christinos et les carlistes y signé" rent une célèbre convention en 1839. — Ohate (4000 hab.) est remarquable par les mines et les forges de ses environs. Toute la côte est peuplée de pêcheurs et de marins, et les campagnes de cultivateurs laborieux et paisibles.
Ajoutons les petites villes d'Irun, sur la Bidassoa, en face du village français de Béhobie ; — Guetaria, bon port et patrie du navigateur Cano, compagnon de Magellan;— Deva, autre port, dans le voisinage de forges importantes; - P lasencia, qui fabrique des armes blanches;- Eybar, qui fabrique aussi des armes et qui a des forges, des eaux minérales; — Mondragon, connue par son acier, ses eaux minéràles et ses mines de fer;- Salinas, qui a des salines renommées; — Azpeytia, qui fait un grand commerce de clouterie et de quincaillerie, et près
la finale co, de manière que ce peuple s'est appelé dans l'origine Vasoco, et par contraction Vasco, comme on dit montagnard. De là les Romains nommèrent les Basques Vascones, et leur pays Vasconia, dont l'ctymologie se conserve dans le mot espagnol Vascongades. Ils s'appellent eux-mêmes Escualdunacs.
de laquelle est Loyola, lieu de naissance de saint Ignace, fondateur de l'ordre des jésuites; — A legria, où les carlistes furent défaits en 1834.
Rien de plus riant que les coteaux de la Biscaye, rien de plus riche que la culture de ses vallées. Cette province porte aussi le nom de Bilbao, sa capitale, peuplée de 11 000 âmes, et l'entrepôt des laines que l'Espagne exporte, et des marchandises expédiées de différents pays de l'Europe pour le nord du royaume.
La ville est située à deux lieues de là mer, sur la rive droite de la petite rivière d'Ansa, assez profonde pour recevoir de gros navires marçhands, et abondante en petits poissons très-délicats appelés angulas. Son port offre un mouvement continuel et forme une ville à part, sous le nom de Portugalete, à l'embouchure de l'Ansa, avec 1 200 habitants. ,
Somorostro, à l'ouest, a de célèbres mines de fer. - Durango travaille activement ce métal. — Bermeo a un port et 3000 habitants.' — Balmaseda, sur le Sacedon, possède une fonderie de canons et de boulets. -A Guernica, les députés de la Biscaye se rendent un jour indiqué sous un arbre et siègent sur un banc de pierre dans un ordre réglé d'avance, en prêtant serment après la vérification de leurs pouvoirs. — Orduna récolte des vins estimés, et se trouve vers les sources de l'Ansa, cette jolie rivière dont tout le cours est animé par les plus riches plantations et de nombreuses habitations.
Pour aller de la Biscaye dans la province dA lava ou de Vitoria, on traverse e grand défilé et la montagne de Salinas. On voit ensuite les monts s'abaisser nsensiblement jusqu'à la fertile plaine de Vitoria, parsemée de hameaux et de dllages et arrosée par la Zadorra. Cette capitale de la province fut fondée par Sanche le Grand, qui remporta sous ses murs une victoire sur les Sarrasins. La ieille ville est mal bâtie : mais la nouvelle, construite avec assez d'élégance, renerme quelques beaux édifices et une grande place destinée aux courses de taueaux. A certaines époques de l'année, on célèbre à Vitoria la fête des garçons, elle des jeunes filles et celle des époux, cérémonies qui prouvent la pureté des aœurs et garantissent leur conservation. Les Français éprouvèrent, sous les nurs de cette ville, une défaite en 1813. La population est de 10000 habimts.
Une autre ville principale de l'Alava est Salo Jtierra, qui livre au commerce e bons cuirs.
La principauté des Asturies ou la province ê/Qviedo, bornée au nord par océan, à l'est par la Biscaye, au sud par la crête des monts Cantabres, t à l'ouest par la Galice, est un pays coupé par une multitude de jolies vallées troites et sinueuses, arrosées par des torrents nombreux et des rivière poissoneuses. On y fait peu de vin, mais de très-bon cidre. On y élève des chevaux exllents. Le peuple de cette province se vante d'être resté pur de tout mélange vec des étrangers; il est patient, brave et laborieux. Beaucoup d'Asturiens émirent veis les provinces méridionales, où ils sont généralement domestiques et orteurs d'eau. On donne le nom de prince des Asturies à l'héritier présomptif e la couronne d'Espagne ; l'infant don Henriquez, fils de Jean Ier, roi de CasUe, fut le premier qui porta ce titre. Oviedo, là capitale, l'ancienne Ovetum, jt située au centre du pays, 'sur une colline, au milieu d'une plaine légèrement
ondulée, entre la Nora et le Nalon. Son plus bel édifice est la cathédrale, monument gothique dont la fondation remonte à près de onze siècles, et dont les antiques reliques sont en vénération dans la contrée. Cette ville a 20000 habitants, une université, une manufacture d'armes à feu. Son évêché relève immédiatement de Roine. - Caitqas de Onis, sur la Cella, est une jolie petite ville, près de laquelle est l'abbaye de Notre-Dame de Cavadonga, que l'on dit occuper l'emplacement même où Pélage arbora l'étendard de l'indépendance. La grotte de Cavadonga y forme la nef de l'église consacrée à la Vierge et où l'on voit le tombeau de Pélage. -Ce prince établit pendant longtemps sa résidence à Gifon, ville de 16 000 habitants, bâtie avec régularité au pied d'une montagne dont l'extrémité forme le cap Penas; son port est assez fréquenté. -Langreo est unie àGijon par un chemin de fer.-A viles, située au fond d'un golfe de l'autre côté du cap, alimente son port par le commerce de charbon de terre et d'ustensiles en cuivre et en fer fabriqués dans les environs. — Luarca et Llanes (15 000 hab.) sont d'autres ports de la province, dans laquelle on remarque encore les villes industrieuses de Tineo, Castropol, Cangas de Tineo, Poloha, Villaviciosa,. Siero, Salas, peuplées de 15 à 18 000 habitants.
Le royaume de Galice, limitrophe des Asturies et de celui de Léon, et situé à l'extrémité nord-ouest de l'Espagne, est borné au nord et à l'ouest par l'océan et au sud par le Portugal. Il est divisé par des vallées considérables, que forment différentes chaînes élevées appartenant au système Pyrénaïque. La Galice renferme deux des principaux caps de la Péninsule, le cap Ortegal et le cap Finisterre. Le Minho l'arrose au sud. Elle est habitée par un peuple laborieux, plein de courage et de probité, mais pauvre, et qui émigré, comme nos Auvergnats, pour aller exercer des métiers pénibles dans les villes de l'intérieur et du midi, où les Galegos sont porteurs d'eau, portefaix, domestiques, etc. Le langage de cette population est rude et peu compris des Castillans. On a formé de la Galice quatre provinces : La Corogne, au nord-ouest ; Lugo, au nord-est; Pontevedra, au sud-ouest, et Orense, au sud-est. Cette grande province compte plus de quarante ports et quelques villes importantes. Santiago, ou Saint-Jacques-de-Compostelle, qui est peut-être l'antique Flaviojiia, est considérée comme la capitale de la Galice.
Composée de rues tortueuses et mal pavées, elle est célèbre par sa vaste cathédrale gothique, dont la fondation remonte à plus de dix siècles, et dont la double construction forme une église souterraine consacrée à saint Jacques le Mineur, et une église supérieure où l'on révère le corps de saint Jacques le Majeur. Le trésor de cette cathédrale, alimenté par la piété, a une valeur considérable. La principale magnificence de cette église est dans la bizarrerie de sa sculpture et dans la beauté de ses vitraux. L'université de cette ville est l'une des plus fréquentées de l'Espagne. L'hospice a été fondé par Ferdinand et Isabelle, en 1504. Le commerce des images et des chapelets n'est pas sans importance à Santiago; mais sa véritable industrie consiste en fabriques de toiles et de bas de soie. Sa population est de 23 000 âmes.
A l'extrémité méridionale de la Galice, Orense, ville de 6 000 habitants, célèbre par ses fabriques de chocolat et ses jambons, s'élève au bord du Minho, que l'on y traverse sur un beau pont de dix arches, tellement élevé, qu'un vaisseau de'
guerre avec sa mâture pourrait passer dessous. Sa cathédrale gothique est construite avec autant de régularité que d'élégance. Les environs de cette ville, jadis )lus importante, sont agréables : on y fréquente encore les trois sources miné'ales chaudes qui lui firent donner par les anciens le nom d'Aquœ Calidœ 7ilinorum. — Lugo, fondée par les Romains 76 ans avant notre ère, reçut, n l'honneur d'Auguste, le nom de Lucus Augusti. Des sources thermales t un bois sacré déterminèrent l'emplacement de cette ville. Elle renferme pluieurs ruines intéressantes : l'hôtel de ville, dont la façade est majestueuse, est de onstruction antique. Les murailles qui entourent Lugo pourraient contenir dix )is plus d'habitants qu'elle n'en renferme : sa population est de 13000 âmes.
- Mondonedo, située à la base de la Sierra de Infestia, dont les pentes s'abaisînt jusqu'à l'océan, est l'ancienne Britonia. Elle fut longtemps célèbre par ?s foires de bestiaux, aujourd'hui peu fréquentées. Elle a une cathédrale relarquable.
Les autres villes remarquables de l'intérieur sont : Fuensagrada, avec 11 000 ib. ; - Carballo, célèbre par ses eaux minérales; —Monforte-de-Lemus, par ;s carrières de marbre blanc ; — Ribadavia, par ses excellents vins, au confluent ] Minho et de l'Avia; - Baîîde et Caldas-de-Reys, avec des bains d'eaux miorales; - Monterey, ville forte, sur la frontière du Portugal, avec des mines étain; - Tuy (7 000 hab.), autre place forte, sur la même frontière, au bord i Minho, avec une célèbre cathédrale; - Puenta-A reas, avec 11 000 hab.
Parmi les ports de la Galice, nous ne citerons que les plus importants : Le rrol (17 000 hab.) est une place forte et le premier arsenal maritime de l'Esigne; il y a une école et une académie de marine, et un chantier de construc)n. Son vaste port est formé d'un golfe, dont l'entrée étroite est défendue par de rmidables batteries. Sans l'importance de son mouillage, cette ville serait enre recommandable par son industrie, ses corderies surtout. Un combat naval t livré, près du Ferrol, en 1805, entre les Français et les Anglais. -Betanzos, sud du Ferrol, est connue par ses vins légers.-La Corogne (Coruna), Portus agnus ou Brigantium de l'antiquité, important port militaire, est divisée en ux villes : l'ancienne, entourée de fortifications, à l'extrémité d'une petite csqu'île, et la nouvelle, qui n'est fortifiée que du côté de la terre, et que l'on inme la Pescaderia, parce qu'il s'y tient un marché au poisson. La baie de La rogne a une lieue de large; son port, en forme le croissant, vaste et comide, défendu par les forts San-Antonio et San-Diego, est l'un des plus fréquence la Galice. La ville, peuplée de 20000 âmes, s'enrichit par le commerce, la che des sardines, ses fabriques de toile, sa chapellerie, ses corderies, et sa mafacture de cigares. Il est probable que le nom de Coronium ou de Coruha mt de celui de Columna, que les anciens donnaient à une tour qui servait de are, et qui, par son élévation, ressemblait à une colonne. Cette tour existe enre. On a dit qu'elle fut construite par les Phéniciens, qui la consacrèrent à renie, et que les Romains la réparèrent et la dédièrent à Mars.
De célèbres batailles navales furent livrées dans les eaux de La Corogne, en 48, entre les flottes française et anglaise, et, en 1805, entre les flottes franco)agnole et anglaise; le maréchal Soulty vainquit les Anglais en 1809.
Corcubionet Ribadeo sont de petits ports de commerce. — Pontevedra (8000 hab.), au fond d'une baie du même nom, à l'embouchure de la Vedra, est un port plus important, animé surtout par la pêche des anchois et des sardines. —
Vigo ( Vicus Spacorum) a un excellent port, au fond d'un golfe du même nom, et fait aussi un grand commerce de sardines. Une victoire navale y fut. remportée par les Anglais sur les Espagnols, en 1702. — Guardia n'est pas loin du Portugal.
L'importante province espagnole qui conserve l'ancien titre de royaume de Léon, confine dans toute sa patrie occidentale au Portugal et à la Galice, est bornée au sud par l'Estrémadure, à l'est par la Vieille-Castille, et au nord est séparée des Asturies par la chaîne de montagnes qui sert de limites à cette principauté. Le Douro la traverse de l'orient à l'occident. Le sol est assez fertile, mais mal cultivé; l'industrie est peu active, et le pays a un aspect dépeuplé et triste.
Les Léonais sont graves, silencieux, hautains et indolents. La capitainerie générale comprend trois provinces : Léon, Zamora et Salamanque. Elle doit son nom à la ville de Léon, sa capitale, fondée par l'empereur Galba sur l'emplacement qu'occupait la légion'romaine appelée Legio septima gemina. On remarque dans cette antique cité la cathédrale, commencée vers la fin du XIIe siècle et terminée pendant le XIVe. L'élégance et la légèreté de sa construction la font regarder comme la plus belle église de l'Espagne. Les rues sont sales, irrégulières el remplies d'édifices gothiques; mais la Grande place, qui forme un carré parfait, est citée pour la régularité de ses bâtiments. Cette ville, malgré son étendue, n'a que 7 000 habitants. Elle est sur le Torio, près du confluent de la Bernesga. —
Astorga (3000 hab.), l'ancienne Asturica Augusta, renferme encore des inscriptions et des antiquités romaines. Ses épaisses murailles, flanquées de tours, ont été augmentées de quelques travaux par les Français. La cathédrale gothique est remarquable. Dans le voisinage de cette ville, habitent, dans une quarantaine de villages, des Maragatos, espèce de tribu à part, dont les membres ne font alliance qu'entre eux. — La petite ville de Ponferrada, -que l'on croit avoir porté soui les Romains le nom de Pons Ferratus, et dont le vieux château ruiné appartenail aux templiers, occupe, au confluent du Sil et de laNoceda, le centre d'un fertile el vaste bassin formé de montagnes escarpées. — Zamora (Ocellodurum), détruite par les Maures au XIe siècle, rebâtie par Ferdinand Il et Alphonse VIII, s'élève sui la rive droite et escarpée du Douro; elle renferme 10000 habitants. Ce qu'elle offre de plus remarquable, c'est un beau pont sur le fleuve. Elle est entourée d'un< vieille enceinte fortifiée; c'est la patrie des historiens Ocamp et Morales. — Toro.
malgré son peu d'étendue, renferme 18 paroisses et 7 000 habitants. Ce fut dans ses murs que s'assemblèrent les cortès de 1505, qui rédigèrent les lois sages ei libérales connues sous le nom de lois de Toro. On y remarque le vieux château appelé l'A Icazar, un beau pont sur le Douro, une jolie promenade.
Salamanque (8 000 hab.), jadis Salamantica, est célèbre par son université, fondée en 1239, par ses 25 églises, et surtout par sa cathédrale, beau mq nument du XVie siècle ; enfin par une foule d'édifices de toutes les époques et d tous les styles, qui la firent surnommer la petite Rome, et qui pourraient fourn.
des renseignements précieux sur l'histoire de l'architeclure espagnole. L'univen
sité est établie dans un bâtiment assez vaste pour recevoir 12 000 étudiants qui la fréquentaient jadis. Aujourd'hui elle n'en a plus que 2 000. La Grande place (Plaza Mayor) forme un carré régulier entouré d'un portique de 90 arcades et de - maisons construites sur le même plan, couronnées d'une balustrade en pierres. Sur le Tormès, on voit un pont de 27 arches, dont la moitié est de construction romaine, et l'autre du temps de Philippe IV. Cette ville a beaucoup de tanneries. Au sud-est, se trouvent Les Arapiles, où les Français furent vaincus, en 1812, par Wellington. — Ciudad-Rodrigo, sur la frontière du Portugal, était, au xue siècle, une forteresse importante. Elle suppçrta plusieurs sièges qui la rendirent célèbre pendant la guerre de 1808 à 1813. On y trouve des inscriptions et d'autres antiquités qui attestent que c'est la Lancia Trans-cudana des Romains, ainsi appelée de sa position sur la rive droite de l'Agueda, que les anciens nommaient la Cuda.
Les autres lieux principaux du royaume de Léon sont : A Iba de Xormès, qui possède l'antique château des ducs d'Albe et qui fut le théâtre d'une bataille entre les Français et les Espagnols en 1809; — Bejar (5 000 hab.), au pied des montagnes du même nom, avec des fabriques de draps ; -Ledesma, célèbre par ses bams d'eaux thermales, sur le Tormès ; - Benavente, au confluent de l'Esla et de l'Orvigo.
Les provinces de Palencia et de Valladolid étaient considérées autrefois comme - comprises dans le royaume de Léon; elles sont aujourd'hui dans la capitainerie générale de la Vieille-Castille (Castilla la Vieja), ce berceau de la monarchie espagnole, cette grande province qui occupe une partie du cœur de la Péninsule et qui, s'avançant au nord jusqu'au golfe de Gascogne, est bornée, à l'ouest, par les Asturies et le royaume de Léon; au sud, par la Nouvelle-Castille; à l'est, par l'Aragon; au nord-est, par la Navarre et les provinces Vascongades.
Le Douro la traverse de l'orient à l'occident. Les monts Cantabres la couvrent au nord ; la Somo-Sierra et la Sierra de Guadarrama, au sud; la Sierra de Oca, à l'est. Ailleurs, il y a des plaines considérables; plusieurs grandes vallées forment des régions physiques distinctes : telles sont la Rioja, vers l'Ebre ; la vallée de la Paz, vers la rivière du même nom, avec une population remarquable par ses'lœurs à part, connue sous le nom de Paziegos, et exerçant, dans le reste de l'Espagne, le métier de colporteurs ; la Liehana vers la Deva. On croit que le nom de Castille lui vient du grand nombre de châteaux (castillos) qui la défendaient jadis des attaques des Maures, ou qui étaient la résidence des petits princes chrétiens que l'ambition armait les uns contre les autres. Le sol est assez fertile et produit surtout beaucoup de blé; mais les arbres sont rares, et l'aspect du pays offre une triste nudité. Les Vieux-Castilians sont, en général, apathiques, silencieux, réservés, pleins de noblesse dans leurs manières, et en même temps fiers, hautains, mais pourtant probes et obligeants. Ceux du nord ont plus d'activité, et offrent les habitudes des Basques, leurs voisins.
- Outre les deux provinces que nous venons de nommer, la Vieille-Castille renferme les provinces de Santander, de Burgos, de Logrorw, de Soria, de Ségovie et d'Avila. *
Palencia (11 000 hab.) n'offre point un aspect désagréable, malgré ses mai-
sons gothiques. Sa grande place, dont les deux côtés sont garnis de galeries couvertes, est assez spacieuse; la cathédrale, rebâtie par le roi don Sanche, est une des plus belles et des plus grandes de l'Espagne. L'hôpital de San-Lorenzo est l'ancien palais du Cid. -A Tordesillas, l'antique Turris Sillœ, on voit le vieux château dans lequel mourut, en 1555, Jeanne la Folle, mère de Charles-Quint.
<— Karrion de los Cotides est célèbre dans les chroniques espagnoles par les souvenirs du Cid et d'une mémorable bataille gagnée contre les Maures; on y célèbre encore tous les ans une fête en l'honneur de l'abolition d'un tribut annuel de cent jeunes vierges qu'elle payait à l'un de leurs princes avant cette victoire. Une autre bataille s'y livra, en 1037, entre Ferdinand Ier, roi de Castille, et Bermudelll, roi de Léon. Cette petite ville renferme 7 paroisses. Elle est industrieuse.
Valladolid (20 000 hab.), malgré son école des beaux-arts et son université, son école de cavalerie, son château royal, berceau de Philippe II et de plusieurs autres rois, sa cathédrale et ses 15 paroisses, ses 15 ponts, sa grande place, à laquelle aboutissent des rues larges, droites, ornées de portiques dont les colonnes sont en granité, offre l'aspect d'une ville déchue. Sa population était jadis de 100000 âmes. L'inquisition y conserva longtemps son plus triste caractère de férocité. C'est l'antique Pintia dont parle Ptolémée. Elle est située au confluent de l'Esgueva et de la Pisuerga. On y fabrique des rubans, de la faïence, de l'ébénisterie, de la parfumerie et des liqueurs. Christophe Colomb y mourut en 1506. — Medina de Rio-Seco, déchue aussi, a une très-belle église et fut le théâtre d'une bataille gagnée par Bessières sur les Espagnols, en 1808. — Penafiel est connue par sa garance et ses teintureries; — Olmedo, par les combats de 1445 et de 1447, sous Jean II et Henri IV. -Medina del Kampo, par l'église gothique, très-ancienne, de San-Antolin ; — Mota del Marques, par un beau palais où mourut Isabelle lre, et où César Borgia fut retenu captif.
Santander, que nous croyons être la Menosca des Varduli, mais qui, selon d'autres, est Portus Blandium, a un port, que son commerce de vins et le ca-
botage rendent très-actif; c'est la ville la plus considérable du nord de cette Castille : elle a 20000 habitants, fait un grand négoce de laines, et possède une école de commerce et de navigation. —Santillana del Mar, avec un bon port, a été la capitale de l'Asturie de Santillane, et renferme le château des ducs de l'infantado.
Burgos, la Bravum de Ptolémée, capitale de la Vieille-Castille, est remplie d'églises. La cathédrale, remarquable par la délicatesse de son architecture gothique et par l'élégance de ses nombreuses petites flèches, qui de toutes les parties de l'édifice s'élèvent les unes au-dessus des autres; les restes de la maison dit Cid, l'arc de Fernand Gonzalez, le palais épiscopal et l'arc de Sainte-Marie, porte triomphale par laquelle on entre dans la ville en traversant le Rio Arlanzon, sont ses principales curiosités. Elle est, d'ailleurs, bien déchue, et celte ancienne capitale de toute la Castille, longtemps résidence des rois de ce pays et de ceux de l'Espagne entière, ne compte plus que 16 000 habitants. Le maréchal Soult vainquit les Espagnols près de Burgos, en 1808. On voit sur une colline un vieux château d'où le général français Dubreton repoussa les attaques de l'armée de
lord Wellington, en 1812; non loin de là, sont le tombeau du Cid, les ruines du palais d'Alphonse le Sage, roi législateur et astronome, et les mines de sel de La Poza.
Soria (6 000 hab.), jolie ville, près de l'emplacement de l'antique Numance, sur le Douro, qu'on y passe par un très-beau pont, est importante par son commerce de laines. — Logrono) sur l'Ebre, est une ville de 7 000 âmes, entourée de fortifications; on y remarque les curieuses ruines d'un vieux château. — Calahorra, avec 6000 habitants, sur l'Ebre, est l'ancienne Calagurris, souvent nommée dans l'histoire des guerres des Romains, et patrie de Quintilien. —
Osma est aussi très-ancienne et a des antiquités romaines.
Ségovie, sur une petite colline au pied de laquelle coule l'Eresma, n'a pas changé de nom : c'est l'antique Segovia, cité celtibère, embellie par Trajan. A la vue de cette porte arabe, aujourd'hui murée, de cet Alcazar, vieux château flanqué de tourelles et construit par les rois maures sur l'escarpement d'un immense rocher, comment ne pas se rappeler la prospérité et l'industrie de cette ville sous leur domination? Mais avançons du côté de cet aqueduc à double rang d'arcades qui, depuis dix-huit siècles, ne cesse de transporter de l'eau à la ville, et ne craignons pas de dire que, pour que Trajan ait fait construire un monument aussi gigantesque, aussi solide, aussi dispendieux, qui se compose de 109 arches, dont la plus grande hauteur est de 30 mètres depuis le sol jusqu'au conduit, et qui occupent un espace de 840 mètres de longueur, il fallait que Ségovie, sous les Romains, fût beaucoup plus importante que de nos jours, où elle n'a que 7000 habitants. On trouve dans la ville d'autres restes antiques, qui. ûnnoncent que des temples somptueux ont cédé aux efforts du temps et surtout à ceux plus destructeurs encore de l'ignorance et de la barbarie. La cathédrale est le plus bel édifice moderne de cette cité. Son style, demi-gothique, annonce l'époque de la renaissance de l'art : elle fut, en effet, construite pendant le XVIe siècle. L'intérieur de l'Alcazar est digne d'intérêt : c'est un mélange de constructions de différentes époques; l'escalier principal est du meilleur goût; on y voit plusieurs appartements magnifiques, ornés de sculptures en bois et de dorures ; la salle la plus spacieuse renferme une collection de statues également en bois, représentant les rois d'Oviedo, de Léon et de Castille, depuis Fabila 1er, qui régnait au siue siècle, jusqu'à la reine Jeanne la Folle ; le Cid et son fameux cheval Babicio y sont aussi représentés; on y conserve r :' "1 Cj.lle de cet animal, qui, plus l'une fois, contribua aux succès de son maître. C'est dans cette antique demeure royale que Charles III a placé l'école royale d'artillerie pour les cadets. Ségovie îst célèbre par ses laines et ses draps, et a des manufactures d'armes et une fonlerie de canons.
A deux lieues de la ville, on voit le palais de '8aint-I'ldêphonse (San-Ildefonso) tude La Granja, qui n'était qu'une rtiétairie appartenant à une confrérie de noines, lorsque Philippe V en fit l'acqll'iEition:'Trarisf'otmée bientôt en une maion de plaisance délicieuse, elle servit'dé résidelrce d'été à ce wtônarque et à ses uccesseurs. Les habitations qui se sont élevées auprès forment une petite ville le 4 000 habitants. Dans ce palais, d'une architecture1 simpJe; furent réunis les résors de la galerie que possédait Christine, dë Suéde à'Rôrnô ; dans ces jardins,
où, comme à Versailles, l'art a vaincu la nature, on a rassemblé à grands frais les eaux qui descendent des montagnes environnantes, et mille canaux alimentent ces lacs, ces cascades et ces gerbes jaillissantes qui surpassent les arbres en hauteur et qui l'emportent surtout ce qu'on a fait en ce genre. Enfin, dans ce domaine royal, dont la superficie totale est de 501 274 mètres carrés, Philippe V, imitant la prodigalité de son aïeul, dépensa 45 millions de piastres, somme énorme dont le trésor ne put jamais réparer la perte.
La province la plus méridionale de la Vieille-Castille est celle d'A vila, dont le chef-lieu est une vieille et triste cité, de 4 000 habitants, entourée d'épaisses murailles bien conservées, avec une belle cathédrale gothique et un vieux château fort. C'est la patrie de sainte Thérèse et de l'historien Gilles Gonzalez d'Avila.
Les autres villes principales de la Vieille-Castille sont : Reynosa, sur la route de Santander à Burgos; théâtre d'une victoire des Français sur les Espagnols, en 1808; - Espinosa de los Monteros, témoin d'une autre victoire des Français, dans la même année; — iranda de Ebro (ancienne Deobriga), dans un pays riche en bons vins, sur l'Ebre, qu'on y traverse par un beau pont ; — Briviesca, sur l'Oca ; - Aranda de Duero, sur le Douro; - Baro, peuplée de 6000 habitants, et très-industrieuse;—Santo-Domingo de la Calzada, avec des fabriques de draps; — Nagera, autrefois importante, et près de laquelle se trouve le champ de bataille de Navàrette, où Henri de Transtamare et Du Guesclin furent vaincus par le prince Noir et Pierre le Cruel ; — Pancorbo, vers un défilé fameux du même nom, où passe la route de Burgos à Vitoria; — Caltafiasor, où l'émir Almanzor fut vaincu, en 998, par les Espagnols; - Medinaceli, où se voient les ruines du remarquable palais des comtes de ce nom; - Cuellar, où se trouve l'ancien château des Albuquerque; — El Barco de Avila, où sont de célèbres bains d'eaux thermales.
Entrons dans l'ancien royaume d'Aragon, que bordent au nord la France, à l'est la Catalogne et le royaume de Valence, et au sud la Vieille-Castille.
L'Ebre parcourt ce pays de l'oueslà l'est ; des plaines fertiles accompagnent ce fleuve; ailleurs, le sol est très-montagneux ; en général, l'agriculture y est peu florissante ; cependant on récolte une assez grande quantité de blé, devin, d'huile, de fruits, de safran, de lin, de chanvre.
Les Aragonais sont braves, persévérants, fiers, intelligents. On a compris longtemps, sous le titre Ú. ^uu/ oune d'Aragon, le vaste ensemble formé du royaume d'Aragon,..du royaume de Valence, de la Catalogne et des îles Baléares; l'Aragon proprement dit, qui nous. occupe seul en ce moment, comprend les provinces de Saragosse, de Huesca et de Teruel.
La premier yjlk sortant de la Vieille-Castille, est Tarazona (6 000 bas de la Sierra de Moncayo, et que l'on croit être A idb^rj en haute et basse. C'est la patrie du peintre F. XimulBJtjdèJWJY sënérer, dans l'ancien couvent des pères de la Merci, les cor^j^s^iofel^îyfaQQ^^gfsaint Eusèbe. — On voit ensuite Borja, ■ qui faitcommerce^^tpie^rôaâliiMllIi^iJfO11 trouve dans ses environs; —au bord' du Xalon, C~bQ~t~~bM~e sur les ruines de Bilbilis, patrie d
poëte Martial; -Daroca, qui paraît être l'antique Agiria, cité des Celtibères, et près de laquelle une vaste caverne creusée au bas de la chaîne de Moneayo reçoit les eaux des torrents qui en descendent pendant les temps de pluie, et garantit la ville de leurs ravages; — Albarracin (3000 hab.), ville forte, que traverse le Guadalaviar, dans une magnifique vallée formée par les montagnes d'Idubeda et la Sierra de Albarracin; ses laines sont renommées; — Teruel (7 000 hab.), à peu de distance du confluent du Guadalaviar et du Rio Alhambra, ville ancienne, sans édifices remarquables, si ce n'est son aqueduc, mais industrieuse. -.:. Alcaniz, cité arabe, dont le nom signifie trésorerie, est dominée par une vieille forteresse près du Guadalupe, d'où partait un canal creusé par les Arabes pour aller rejoindre l'Ebre; elle est ornée d'une superbe place sur laquelle donne la façade de son église. -Kaspe (7 000 hab.), aussi sur le Guadalupe, près de son confluent avec l'Èbre, est connue par le congrès de 1409, qui appela à la Couronne d'Aragon Ferdinand Ier, fils de Jean 1er, roi de Castille. — Barbastro (ancienne Bergiduna) est une ancienne ville entourée de murailles, sur les bords de la petite rivière Vero, qui la divise en deux parties réunies par des ponts de pierre. -Près de la petite ville de Benavarre, coule la source de la Mandragore, dont les eaux, à des époques indéterminées, sortent tout à coup du sein de la terre avec un bruit épouvantable, et vont dans les vallées voisines détruire l'espoir du laboureur.
— Jaca, place forte, située au pied des Pyrénées, à 27 kilomètres des frontières de la France, est dans une petite plaine fertile à laquelle viennent aboutir plusieurs jolies vallées. — Sos offre encore le vieux château dans lequel naquit Ferdinand le Catholique. — Huesca, l'antique Osca, avec un évêché qui fut institué au vr siècle, est une ville située dans une position délicieuse, au milieu d'une plaine terminée au nord par la Sierra Guara. Ses rues sont assez bien bâties : la -plus belle, celle del Coso, qui la traverse dans sa longueur, est ornée de maisons 1 uniformes et de quelques édifices remarquables : la cathédrale, l'université fondée en 1354, le palais du comte de Huaza, et les anciens couvents de Saint-François et de Santo-Domingo sont ceux qui méritent le plus d'attention. Il y a 10000 habitants.
Maria, sur la Huerba, est célèbre par la victoire des Français sur les Epagnols en 1809. — Ayerbe (Ehelinum), sur le Gallego, est une ville très-ancienne. —
Venasque est une petite place forte, sur un col du même nom, un des principaux passages ou ports des Pyrénées ; ses environs ont des mines de plomb, d'argent et de rer.-Monzon, sur la Cinca, est connue par le traité entre la France et l'Espagne en 1626. — Fraga, sur la même rivière, fut la capitale d'un royaume maure, et le théâtre d'une bataille entre Alphonse 1er et les Maures en 1134.
-Mequinenz.a (ancienne Octogesa), est une ville forte, vers le confluent de la Sègre et de l'Ebre.
Saragosse, l'antique Salduba, érigée par Auguste en colonie militaire, sous Je nom. de Cœsarea-A ugusta, appelée ensuite, par abréviation, Cœsar-A ugusta, et aujourd'hui par les Espagnols Zaragoza, est la capitale de l'A ragon, dont elle occupe presque le point central, au bord de l'Ebre, près de. la jonction de ce fleuve et de la Huerba ; elle est à jamais célèbre dans les fastes de l'Espagne par la résistance qu'elle fit en 1809 aux Français, qui la prirent d'assaut, et qui, maîtres
de ses murs, furent encore obligés de faire le siège de ses maisons. Ce qu'elle offre de plus curieux est son pont de sept arches, dont une a 60 mètres d'ouverture ; la longue et large rue Sainte, et l'église de Notre-Dame del Pilar, plusbelle que la cathédrale et plus célèbre par ses miracles. Saragosse, peuplée de 30000 âmes, possède une université, plusieurs collèges, une bibliothèque publique, un très-vaste hôpital, une académie des beaux-arts et une société économique. Elle est défendue par le fort Aljuferia et les ouvrages du mont Moreno. Les environs de la ville sont d'une uniformité monotone, mais d'une grande variété de culture.
On y voit un édifice du moyen âge dont l'architecture offre un heureux mélange de style italien et de style mauresque : c'est l'ancien couvent des hiéronymites de Sainte-Engracie.
La Catalogne (originairement Gothalania, pays des Goths et des Alains), limitrophe de la France, de l'Aragon et du royaume de Valence, est baignée à l'orient par la Méditerranée, et occupe l'extrémité nord-est de l'Espagne. Les Pyrénées la couvrent au nord. L'Elbe l'arrose au sud. La nature d'un sol montueux, une grande étendue de côtes, paraissent avoir eu quelque influence sur le caractère de ses habitants, sur leur industrie, leur patriotisme et leur penchant à l'indépendance. Dès le ix* siècle, cette province fut affranchie du joug des Maures. Elle fut comprise dans l'empire de Charlemagne sous le nom de Marche a Espagne. Ses comtes, d'abord vassaux de la France, se rendirent indépendants, et les Catalans, entraînés par leur esprit belliqueux, portèrent leurs armes et leur commerce dans toutes les contrées alors connues. Enfin la maison de Catalogne, devenue puissante par ses alliances, a fini par réunir sur une seule tête toutes les couronnes de l'Espagne. L'activité qui fait persévérer le Catalan dans les travaux les plus rudes ; la noble fierté qui lui fait préférer une vie remplie de privations à l'humiliation d'être domestique dans sa patrie ; son langage, dialecte provençal inintelligible pour un Espagnol, font différer la Catalogne de toutes les provinces du royaume. L'agriculture y a pris un plus grand essor, les arbres n'y sont point proscrits comme dans celle que nous venons de parcourir, et les environs des villes vont nous montrer ces bocages riants que l'on regrette de ne point apercevoir autour de celles de l'Aragon.
La Catalogne comprend quatre provinces : celles de Barcelone, de Girone, de Tarragone et de Lerida.
Vers l'extrémité orientale des Pyrénées, Junquera est la dernière place forte espagnole qui s'élève au pied deces montagnes. Sous la domination romaine, c'était la ville de Juncaria, ainsi nommée de la quantité de jonc ou de sparte (stipa tenuissima) qui croît dans ses environs, et dont on fait ces tapis qui imitent le gazon. L'industrie des habitants de cette ville tire un grand avantage de la fabrication des bouchons de liège. — Figuières (Figueras), ville très-forte, dont la citadelle de San-Fernando passe pour la plus grande fortification de l'Espagne, est bâtie régulièrement, et située dans une campagne délicieuse, à l'extrémité' d'une colline qui sépare le cours de la Muga de celui du Manol; elle a 8 000 habitants. — Girone (Gerona), que le poëte Prudence, écrivain du IVe siècle, appelle dans ses vers la petite et riche cité de Gerunda, est située sur le Ter, au pied d'une montagne dominée par le petit fort de Montjouy, seul reste de ses fortifi-
cations, détruites en 1808 par les Français ; elle n'a de remarquable que sa cathédrale, dont la façade est majestueuse, et que ses bains arabes dans l'enceinte de l'ancien couvent des Capucines. Elle possède des filatures de coton et des fabriques de savon, et a 14000 habitants.
Hostalrich, sur la Tordera, est une petite place forte. — Alycerda ou Puigcerda, sur la Sègre, vers le col de la Perche, qui coupe les Pyrénées, et Campredon, sur le Ter, vers le col d'Arrès, ont été fortes aussi. — Ripoll, sur le Ter, a une importante manufacture d'armes, et rappelle la prise sanglante qu'en .firent les carlistes sur les christinos en 1839. — Olot (10000 habitants) est une des villes les plus industrieuses de l'Espagne : elle fabrique des draps, des cuirs, du papier, etc.
En suivant les vallées des Pyrénées du côté de l'occident, on arrive au confluent de la Balira et de la Sègre, où s'élève Urgel, appelée aussi par les Espagnols Seo de Urgel, en français La Seu d Urgel, siège épiscopal, célèbre dans la révolution d'Espagne de 1822 pour avoir été le point de réunion de la junte apostolique.—Plus bas, encore sur la Sègre, on voit Balaguer, avec son château fort : c'est la ville de Bergusia, où, selon Tite-Live, Rome, deux siècles avant notre ère, envoya des députés chargés de détacher ses habitants de leur alliance avec Carthage.-La Sègre arrose aussi Lerida, que les Romains appelaient Ilerda, et que Tite-Live désigne par son nom grec A thanagia, qui signifie immortelle.
Sa situation sur une colline, au milieu d'une riche campagne, au bord d'une rivière ombragée par des plantations de peupliers, en rend l'aspect pittoresque et délicieux ; elle conserve encore quelques restes de sa splendeur antique, entre autres la porte de los Botes, de construction romaine, et elle compte 15000 habitants.
— Cervera est entourée de murailles, avec six portes et un vieux château ; elle est située sur la route de Lerida à Barcelone; le plus beau de ses édifices est le bâtiment de l'université, fondée en 1717. - Igualada, l'antique Aquœ Latœ, sur la même route, au bord du Rio Noya, est bien bâtie, riche, industrieuse et peuplée de 10000 âmes. Il y a une manufacture d'armes.
A 20 kilomètres au nord-est de cette ville, s'élève le mont Serrât, dont les pics élancés dans les airs lui ont valu son nom, qui signifie mont dentelé, et dont la masse schisteuse et calcaire offre plusieurs cavernes curieuses par l'albâtre jaunâtre qui s'y dépose en élégantes stalactites. Sa masse occupe 35 kilomètres de circonférence, et sa cime est presque toujours cachée par les nuages. Depuis sa base jusqu'à son sommet, on compte quatorze anciens ermitages; mais vers la moitié de sa hauteur, on voit l'ancien et magnifique monastère de bénédictins, où Ignace de Loyola préluda aux grandes destinées auxquelles il se croyait appelé en consacrant son épée à la Vierge. Après avoir quitté les dernières pentes du mont errat, on remonte le Cardener, qui se jette dans le Llobrégat; on voit, à l'embranchement du canal qui communique de l'une à l'autre de ces rivières, Manresa (13 000 hab.), connue par ses fabriques de soieries et de poudre à canon.
Sur la rive gauche du Cardener, une superbe église se déploie majestueusement : fille fut bâtie par les jésuites au-dessus d'une grotte que le fondateur de leur ordre avait choisie pour retraite lorsqu'il composa ses Exercices Spirituels.
A quelques lieues au nord de Manresa, en remontant le Cardener, la petite
ville fortifiée de Cardona, que l'on croit être l'ancienne Uduray est célèbre par l'exploitation de sel gemme au-dessus de laquelle elle est bâtie. Il est difficile de se représenter le spectacle magnifique de ces vastes carrières taillées à ciel ouvert dans un dépôt salin de 100 mètres d'élévation, qui, éclairé par les rayons solaires; réfléchit les brillantes couleurs de l'arc-en-ciel. Les bancs de sel limpide ont tout l'éclat du cristal de roche, tandis que d'autres parties, colorées en bleu, en rouge, ou mélangées d'argile grisâtre, donnent aux flancs abruptes, aux déchirures, aux pointes et aux crêtes saillantes de cette masse imposante et unique en Europe, l'aspect d'une montagne de pierres précieuses qui surpasse en éclat tout ce que, dans leur description, l'imagination des Orientaux se plaît à nous raconter sur les demeures célestes des fées et des génies. Les environs de Cardona produisent d'excellents vins.
La route de Cardona à Solsona est tracée au milieu de rochers affreux; à la sortie d'un bois, on découvre cette jolie ville, la Setelsis dont parle Ptolémée, située àl'extrémité d'un groupe de montagnes, et arrosée parleRioNegro. Elle est environnée de murailles flanquées de tours. Ses environs sont bien cultivés, et ses habitants se livrent à la fabrication de divers objets de coutellerie et de quincaillerie. - Il faut traverser une chaîne de montagnes qui dépend du système Pyrénaïque, et qui sépare le cours du Llobrégat de celui du Ter, pour aller de Solsona à Vick, ancienne ville construite sur les ruines d'A usa, qui, 185 ans avant notre ère, résista aux attaques des Romains. Ses rues sont spacieuses, mais toutes ne sont point pavées, et quelques-unes sont fatigantes par leur rapidité. Sa place, entourée d'arcades, est le rendez-vous des promeneurs. Les mines de cuivre et de charbon de terre que recèlent les montagnes qui l'entourent; ses champs fertiles et bien cultivés ; ses fabriques de toiles, ses filatures de coton, entretiennent l'activité dans ses murs. On y compte 11000 habitants.
A l'extrémité nord-ouest de la Catalogne, est la vallée d'Aran, arrosée par la Garonne, et sur la limite de laquelle s'élève la gigantesque Maladetta. Viella en est le lieu principal.
Si nous parcourons le littoral de la Catalogne, nous remarquerons d'abord Roses (Rosas), port de mer, dont la rade est vaste, mais peu sûre; — Castellon de Ampurias, vers l'embouchure de la Muga, aujourd'hui petit village, autrefois la ville importante d'Emporiæ, sous les Romains, et chef-lieu, au moyen âge, du pays d'Ampurdan; - Palamos, petite place forte; — A renys de Mar; Mataro, que Pline désigne sous le nom d'lluro : le cabotage et le commerce en animent le port; ses fabriques de blondes et ses distilleries jouissent de quelque réputation. La vieille ville, placée sur une hauteur, conserve encore ses murailles, ses portes et quelques restes d'antiquités ; ses rues étroites sont moins tortueuses que celles de la plupart des anciennes cités espagnoles. La nouvelle ville, qui n'était jadis qu'un faubourg, est beaucoup plus considérable, mieux bâtie et bien percée : ses maisons, construites avec simplicité, sont, pour la plupart, ornées de peintures à fresque. — On rencontre ensuite Badalona.
En quittant Badalona, soit qu'on suive la route qui conduit à Barcelone, soit qu'on arrive par mer à cette capitale de la Catalogne, la beauté de sa position, la régularité de quelques-uns de ses édifices, et le mouvement que le commerce
imprime à sa population, annoncent une des vi'les les plus importantes de l'Espagne. Elle a 122 000 habitants. On y remarque six hôpitaux, une université, quatre bibliothèques publiques, un séminaire, huit collèges, une école de sourdsmnets, des écoles d'artillerie, d'ingénieurs et de navigation, des académies de belles-lettres, de médecine, de jurisprudence et d'histoire, une faculté dé médecine et de pharmacie. Les édifices qui renferment ces établissements sont dignes de cette grande et belle cité; cependant il faut mettre en première ligne les monuments suivants : le palais de l'audience ou de la députation, dans lequel sont déposées les cé'èbres archives du royaume d'Aragon, dont les titres remontent au YlII- siècle; l'hôtel de ville, remarquable par l'élégance de son architecture; le palais du capitaine général de la douane, dont la façade est ornée de deux rangs de colonnes ; la Lonja ou la Bourse, construite avec une noble simplicité; le théâtre, un des plus beaux de l'Espagne; l'ancien couvent de SainteClaire, sedl reste du palais des comtes de Barcelone et des rois d'Aragon ; l'ancien couvent de la Merci, dont le cloître est vaste et d'une parfaite exécution; l'église 4e Saint-Michel, ancien temple de Neptune, où l'on voit un pavé antique eu mosaïque; la cathédrale, d'une construction gothique, hardie et majestueuse, et qui, dans une chapelle souterraine, renferme un mausolée d'albâtre où l'on conserve les reliques de sainte Eulalie, patronne de la ville; enfin l'église de SainteMarie de la Mer, la plus belle après la cathédrale. Les agrandissements successifs de Barcelone se reconnaissent facilement : les anciennes rues sont étroites et tortueuses; mais, dans les nouvelles, les maisons, bien alignées, élevées de quatre è cinq étages et ornées de balcons, sont presque toutes d'une élégante simplicité.
Ha nombreuses antiquités rappellent la domination romaine dans cette. ancienne eiié, qui porta d'abord le nom de Barcino, et dont on attribue la fondation au Carthaginois Amilcar Barca, aïeul d'Annibal. Le fort Monjuich ou Montjouy, qui twotége la ville au sud, comme la citadelle la défend au nord, occupe l'emplacement d'un temple dédié à Jupiter. Près du môle qui s'avance dans la mer, Barcelonette, petite cité moderne, n'est qu'un faubourg de Barcelone. Le port s'en, combre tous les jours de cailloux et de limon, malgré le soin que l'on prend de 1er nettoyer. Depuis longtemps les gros navires ne peuvent plus y entrer. Le tom.nerce de cette capitale n'en souffre point encore; son industrie, dont les produits sont des draps, des velours, des soieries, des dentelles et d'excellenles armes blanches, lui promet de longues années de prospérité. Les désastres de l'affreuse épidémie qui décima sa population en 1821 sont oubliés ; mais on n'oubliera jamais le dévouement des médecins français et des sœurs de SaintCamille dans cette grande calamité.
De nombreuses insurrections ont marqué l'histoire de Barcelone; après l'une d'elles, elle a éprouve un bombardement terrible par les ordres d'Espartero, en 1842.
Ne quittons point cette intéressante cité, sans rappeler les points de vue magnifiques qu'offrent les montagnes de ses environs, parmi lesquels les rochers de Saint-Michel, bizarrement découpés et déchirés par des torrents tombant en cascades écume uses, offrent un spectacle digne d'arrêter les regards de l'artiste qui cherche des sujets d'étude dans les beautés de la nature.
En revenant vers l'intérieur, on rencontre, dans la province de Barcelone, sur le Llobrégat l olins del Bey, où les Français remportèrent une victoire sur les Espagnols en 1808, et Martorell, où l'on remarque un pont très-ancien et un arc de triomphe d'origine romaine.
De la capitale de la Catalogne à la ville de Tarragone, l'antiquaire peut contempler de beaux débris de la puissance romaine : ici, près de Villafranca, les restes d'un aqueduc unissent encore deux montagnes escarpées ; près de VillaAfueva, les ruines d'une forteresse antique, de nombreuses sépultures creusécs dans les rochers et présentant comme autant d'empreintes de corps humains, indiquent l'emplacement de Carthago Vçtw, citée par Ptolémée; an delà du bourg de Vendreil, s'élève un arc triomphal ; plus loin, près de celui de Jorredem-Barra, uu tombeau majestueux renferme, suivant une tradition PQPuJairc, les cendres des Sapions. Du lieu où ce monument s'élève, on voit Tarragone s'avancer dans la mer, et l'on reconnaît l'antique Tarraco, qui donna eun nom a la plus grande province de l'flispanie. La ville est bâtie sur une montagne; des murs flanques de bastions la défendent, de beaux restes antiques la rendent intéressante aux yeux de l'archéologue, et quelques édifices modernes y fixent l'attention des connaisseurs. On y remarque un amphithéâtre, un cirque et un palais.
Son aqueduc romain, réparé et entretenu, joint encore au prestige des souvenirs historiques l'utilité d'une construction faite dans le but de fournir une eau saine et limpide à toute la population ; ia cathédrale, dont l'architecture est empreinte du goût mauresque, est le plus important de ses monuments, Tarragone, qui éprouva tant de désastres par suite de sa résistance aux armées français, s'est relevée plus industrieuse et .plus belle. Cependant sa population ne s'éleve pas à plus de 14000 âmes. Son port, commencé en 1800, offre une entrée facile et ua abri sûr aux vaisseaux ; le commerce des laines, la pêche, le cabotage et des relations lointaines sont les gages de sa prospérité. Tarragone est la patrie de Paul Orose, disciple de saint Augustin. Parmi les événements nombreux de l'histoire de cette ville, on doit signaler le siège qu'en firent les Français en 1811, et après lequel ils s'en emparèrent. .0 Reus, fondée en 1151 par le clergé de Tarragone, n'était encore qu'un bourg vers la fin du siècle dernier. Ses constructions la placent au rang des jolies villes ; son industrie et ses 30 000 habitants la rangent parmi les villes importantes. Elle possède une verrerie, des tanneries, des machines à carder le coton, des filatures, des blanchisseries, des fabriques de chapeaux, de savon, des teintureries. Un petit canal l'unit au port de Salon.
Vers l'extrémité méridionale de la province, Tortose, l'antique Dertosa, jadis l'une des plus importantes villes de la Tarraconaise, est située entre deux chaînes de montagnes, au bord de l'Èbre. On y voit encore plusieurs restes d'antiquités romaines et arabes. Elle fut enlevée auxMaures en 1149; ceux-ci rassemblèrent des forces considérables pour la reprendre ; épuisée par une longue résistance, elle allait succomber, faute de bras pour la défendre, lorsque les femmes prirent lus armes et repe-jssèrent les musulmans. Jusque dans ces derniers temps, une cérémonie dans laquelle les femmes avaient le pas sur les hommes consacra le souvenir de ce glorieux événement.
Aujourd'hui Toriosc compfe parmi les places fortes de l'Espagne, et Sôn port est animé. Ses plus beaux édifices sont la cathédrale et le palais épiscÕpal.
Elle a 26000 habitants. Des carrières de jaspe se trouvent dans le voÎginage.
Yalts (16 000 hab.), dans l'intérieur, rappelle un brillant fait d'armes des Français en 1809.
Le beau royaume de Valence, borné par la Catalogne, l'Aragon, la NouvelleCastille et le royaume de Murcie, offre des côtes encore plus étendues que celles de la Catalogne. Son territoire est riche en mines, en marbres estimés et en produits agricoles. Il est formé des plus admirables plaines de la Péninsule : la plus belle est la Huerta de Valence. En général, ce pays est le Jardin de tEspagne.
Le Jucar et le Guadalaviar ea sont les principaux cours d'eau.
L'habitant, vif, industrieux, doue d'une imagination ardente et d'une gaieté inaltérable, réunit, dit Fischer, les caractères opposés que l'on remarque chez les peuples du nord et chez ceux du midi : il joint la force physique du Norvégien à l'irritabilité fougueuse du Provençal. Il aime les cérémonies religieuses, les fêtes, les plaisirs et tous les exercices du corps. Il faut voir avec quelle ardeur 'il danse au son du tambourin et de la dulzayna, instrument arabe conservé dans cette seule province, et qui, confié au souffle d'une robuste poitrine, produit l'effet de la clarinette. L'idiome qu'il parle, dérivé du provençal, est doux, sonore et agréable, surtout dans la bouche d'une Valeacienne. La Fiera, l'une des plus anciennes chansons populaires que chante le laboureur au son de la guitare, peint l'amour et ses douleurs par des modulations harmonieuses et parles accords continus de l'accompagnement. Chez le Valencien, le goût de la parure est répandu dans toutes les classes : le costume ordinaire des paysans est tout à fait dans le style antique ; ils Se coiffent d'un bonnet dont la pointe sur le front rappelle le bonnet phrygien ; leur chemise, retenue par une ceinture, descend sur leurs membres nus en forme de tunique, ou de larges caleçons ouverts la retiennent sur leurs reins; des sandales, attachées avec des cordons, forment leur chaussure; enfin, une ample pièce de drap, gui retombe sur leurs êpanleSl complète leur vêtement. Dans les jours de fête, ils s'habillent de velours; un grand chapeau garni de nœuds de rubans ombrage leur front, et des ganses d'or et de soie ornent leurs cothurnes et leur manteau. Les paysannes, douées d'une légèreté et d'une grâce particulières, portent constamment un voile et de riches chaussures aux jours de fête, sans quitter le corset en usage chez leurs ancêtres.
Le royaume de Valence comprend les provinces de Va lence, de Castellon de la Plana et d'Alicante.
La première ville que l'on remarque dans le royaume, en y entrant par la route venant de Tortose, est Vinaroz (9 000 habitants) ; puis vient Benicarlo, petit port de mer; ensuite Peniscola, sur un rocher de 80 mètres de hauteur, baigné par la mer et joint au continent par un isthme de sable, large de 10 mètres daps sa partie la plus étroite. Cette place fortifiée a, par sa position, la réputation d'être imprenable : cependant le maréchal Suchet y entra au mois de novembre 1811. On cite, parmi ses curiosités, les restes de l'église des Templiers, asile de l'antipape Pierre de Luna, élll sous le nom de Benoît XIII, qui y mourut en 1423, et la grolle appelée, en mémoire de ce personnage célèbre, Bufador del
papa Lima, dans laquelle les vagues s'engouffrent, et d'où elles jaillissent en pluie abondante jusqu'à une assez grande distance. — Plus loin, en suivant la côte, Castellon de la Plana (15 000 hab.) est une jolie cité, située à 5 kilomètres de la mer, et à peu de distance du Rio Mijares, que l'on traverse sur un beau pont de 13 arches. C'est la patrie du célèbre peintre Francisco Ribafta ; son port est important par ses exportations à l'étranger; - Oropesa, aussi sur la mer, fut prise par les Français en 18t 1. - Jforella (5 000 hab.) est une ville fortifiée, dans le pays âpre et montueux qu'on nomme le Maestrazgo. Elle a un bel aqueduc, et rappelle les luttes sanglantes auxquel'es se sont livrés, en 1838, les carlistes et les partisans de la reine. — Segorbe (6 000 hab ), dans l'intérieur des terres, passe, selon les antiquaires, pour être la Segobriga de Ptine, quoique les dauphins représentés sur ses médailles annoncent que cette ville des Suessetani était peu éloignée de la mer. Ses rues sont larges, et arrosées par 13 fontaines publiques.
Valence (en espagnol Valencia, surnommée del Cid), qui donne son nom à la province, est l'une des plus belles et des plus importantes cités de l'Espagne. Sa population est de 67 000 âmes. Elle a conservé son nom latin de Valentia; mais les antiquités qu'elle renferme ne consistent qu'en inscriptions et en statues mutilées.
Le Guadalaviar, qui l'arrose, y est d'une faible largeur, quoique près de son embouchure, parce qu'une grande partie de ses eaux est absorbée par les irrigations pratiquées au milieu des fertiles campagnes qu'il parcourt. Cinq ponts d'une belle construction et qui remontent au xv. siècle, entretiennent les communications de la ville avec les faubourgs. La cathédrale, ancienne mosquée qui lut tout à fait changée en 1262, est principalement remarquable par son maître-autel en argent et les beaux tableaux qui ornent ses chapelles; les bains arabes, rendus à leur ancienne destination, montrent encore, malgré les constructions modernes qui les défigurent, la forme affectée à ces établissements mauresques ; la douane est un édifice élégant et spacieux qui orne la place San-Domingo; la Lonja, ou la Bourse, située sur la place du marché, est un vaste bâtiment gothique couronné par un rang de créneaux : elle renferme une salle longue de 40 mètres, large de 27, et de 20 d'élévation, dont les voûtes reposent sur 24 colonnes. L'élégance des habitations particulières annonce l'aisance des Valenciens et leur goût éclairé pour les arts. Leur ville est la première de l'Espagne où furent établis les serenos, espèce de gardes de police qui parcourent les rues pendant la nuit pour veiller à la sûreté publique et avertir des incendies. Depuis le siècle dernier, cette utile institution est en usage dans toutes les grandes cités espagnoles. Enfin, elle fut aussi la première qui participa aux bienfaits de l'instruction et de l'imprimerie : dès l'an 1474, el!e se distingua dans cet art, et même actuellement sa supériorité est reconnue par les autres villes du royaume. C'est probablement à l'antiquité de ses presses qu'elle doit le rang qu'elle occupe parmi les villes qui ont produit le plus d'hommes distingués dans les arts et la littérature, et qui possèdent le plus d'établissements d'instruction. On y compte 7 colléges, une université, une bibliothèque publique, un jardiu botani jue, un grand nombre d'écoles primaires pour les garçons et pour les filles, une école militaire de cavalerie, une académie royale des arts libéraux, et une société d'économie et d'agriculture.
Soit que l'on sorte de Valence par la porte de Serranos, dont l'architecture semi-gothique et les deux tours octogones et massives s'accordent parfaitement avec les murailles crénelées qui entourent la ville ; soit que l'on passe sous la porte triomphale appelée Puerta del Real, pour traverser la magnifique promenade de l'A lameda, on est étonné de la beauté des campagnes, de la richesse de la culture, et de la vigueur de la végétation dans toute l'étendue que l'œil peut parcourir. Cette ville a pour port le Grao, à l'embouchure du Gnadalaviar.
Près et au sud de Valence, est le lac dM Ibitfera, qui est plutôt un vaste marécage. Les bords en sont fertiles et bordés de rizières; plusieurs canaux d'irrigation y aboutissent. Ses eaux sont douces et bourbeuses. En hiver, pendant les temps orageux, la mer franchit souvent la langue de terre qui borde le littoral et la sépare du lac. Cela suffit pour donner la mort aux poissons qui habitent les lagunes. En général, ce sont les eaux du lac qui se déchargent dans la mer. Suchet vainquit les Anglais près de là en 1812, et en prit le nom de duc d'Albufera.
Murviedro (5 000 habitants), près des ruines de Sagonte, est entourée de murailles et défendue par plusieurs châteaux forts. On y trouve quelques beaux restes de monuments romains, et un château construit par les Maules. Les Français y remportèrent une victoire sur les Espagnols et 1810. — Près de là, est la célèbre Chartreuse de Porta Cœli.-Cullera (8000 habitants) est un petit port à l'embouchure du Jucar. — A lcira (11 000 habitants) s'élève sur une île du même fleuve.
Entre Valence et Alicante, on doiteiter Gandia, petite ville maritime, située dans un des pays les plus fertiles et les plus délicieux de la province, et Denia, port aujourd'hui peu important, mais célèbre chez les anciens sous le nom de Dianium, par son temple consacré à Diane, dont on voit encore quelques restes. —
Alicante (20000 habitants), bâtie près de l'emp'acement qu'occupait Lucentum, s'étend sur une belle plage au pied de plusieurs montagnes, dont la plus rapprochée, dominée par un château, menace d'engloutir un jour la ville sous ses débris.
Son port est sûr, mais pas assez profond pour de grands bâtiments; sa baie, large et profonde, peut servir de mouillage à de nombreuses escadres. Cette ville est très-commerçante, et exporte une grande quantité de vins renommés, d'amandes, de raisins, d'hui'e d'olive, de savon, de potasse ; elle a une grande manufacture de cigares. — Vers les confins du royaume de Murcie, Orihuela, l'ancienne Orcelis, dont on attribue la fondation aux Carthaginois, est bâtie dans une plaine fertile, qui est, comme le jardin du Jardin de l'Espagne, au bord de la Segura et à la base d'une haute montagne calcaire. Elle a des promenades magnifiques, une belle cathédrale, des raffineries de snlpêtre, et 16000 habitants. — A 18 kilomètres au nord d'Alicante, est Jijona, renommée par son nougat appelé turron, dont elle fait un grand commerce. — San-Felipe de Xativa (13 000 habitants), détruite pour avoir résisté aux armes de Philippe V, et relevée par ce prince sous le nom de San-Felipe (auparavant elle ne se nommait que Xativn), est bien bâtie, et située au pied d'une montagne sur laquelle on remarque un vieux château construit par les Romains et reconstruit par les Goths et les Maures. Près de ia ville nouvelle, florissaiL, dans l'antiquité, Soetabis, renoinmé'e par ses tissus de lin : San-Felipe fabrique aussi des toiles, et livre des soies au commerce. —
Alcoy (10 000 habitants) s'élève pittoresquement en amphithéâtre, et a une in-
dustrie active, surtout pour la laine et le papier. — Elche (16 000 habitants) a un climat délicieux, et s'élève près d'un bois de palmiers.
Sous la dénomination de Nouvelle-Castille (Castilla la Nueva), grande division bornée par le royaume de Valence, l'Aragon, la Vieille-Castille, l'Estrémadure, l'Andalousie et le royaume de Murcie, on comprend les provinces de Ctienca, de Guadalaxara, de Madrid, de Tolède et de l'ancienne fr/anche, aujourd'hui Ciudad-Real. C'est le cœur de l'Espagne, c'est le plateau central de la Péninsule. Les monts Ibériques bordent ce plateau à l'est, en y portant le nom particulier de Sierra de Cuenca. La Sierra de Guadarrama s'y montre au nord; les monts de Tolède, au milieu ; la Sierra Morena s'élève sur la limite méridionale. Le sol est fertile, mais pas assez bien cultivé, et surtout il est privé des irrigations dont il aurait besoin ; il est nu sur de grands espaces, et offre de véritables déserts, là même où un soin quelque peu actif obtiendrait de riches récoltes. Le Tage et la Guadiana parcourent le pays de l'est à l'ouest. Les principales productions de cette contrée sont les grains, Ithuile, les vins, le safran. On élève beaucoup d'abeilles, des bœufs, des moutons (la plupart transhumants). Il y a des mines de mercure très-riches à Almadcn.
Les Nouveaux-Castillans sont graves, sérieux, honnêtes, très-loyaux, mais fiers et indolents ; ils ont de la pénétration et sont propres aux sciences abstraites; ils parlent le pur castillan et ont la meilleure prononciation.
La province de Cuenca renferme peu de villes dignes d'attirer l'attention : San-Clemente, au sud, est l'une des plus considérables; elle possède un collège.
- Huete, au nord, est jolie, mais petite, et porte le nom du cours d'eau qui l'arrose.- Cuenca, au centre, est l'ancienne Valeria, près du confluent du Guecar et du Jucar, et sur une montagne dont les flancs escarpés forment d'affreux précipices au-dessus de ces rivières. Elle renferme 14 églises, 2 hôpitaux et 3 collèges; mais jadis elle était beaucoup plus peuplée qu'elle ne l'est aujourd'hui : on y compte 7 000 habitants. C'est la patrie de l'architecte Jean de Henera et du célèbre jésuite Louis de Molina. — Tarancon (5 000 habitants) possède un château remarquable, élevé récemment par la reine Christine. — Requena (11 000 habitants), près du Magro, est dans une plaine d'une extrême fertilité.
Dans la province de Guadalaxara, Siguenza (5 000 habitants), sur le Henarès, n'offre rien de remarquable que sa cathédrale gothique. C'est la cité celtibère de Sequntia. - Quoique chef-lieu, Guadalaxara ou Guadalajara est une petite et vieille ville arabe, entourée de murailles et mal bâtie, sur la rive orientale du Henarès. On y remarque un beau pont et les palais des ducs de l'Infantado. Elle possède encore quelques-unes des fabriques de drap qui faisaient autrefois sa richesse; la plus remarquable est la manufacture royale.
Somo-Sierra est près du défilé de ce nom, qui fut forcé en 1808 par Napoléon. — Molina-de-Aragon, sur le Gallo, est entourée de hautes murailles. Brihuega (5 000 habitants), sur la Tajuna, n'est pas éloignée du champ de bataille de Villa-Viciosa, où Vendôme, vainqueur en 1710, affermit Philippe V sur le trône d'Espagne. — Sacedon, près de la rive gauche du Tage, a de célèbres bains thermaux et un château royal. — Hiendelaencina est un village fameux par ses mines d'argent.
La capitale du royaume donne une grande importance à la province de Madrid; cette ville, au centre même de l'Espagne, passe pour être bâtie sur l'emplacemement de Mantua, cité des Carpetani. Sons la domination des Goths, ce n'était qu'un village appartenant aux archevêques de Tolède. Elle ne commença à compter parmi les vilies royales que vers la fin du xrv* siècle, et ne reçut le titre de capitale que par une ordonnance de Philippe il.
C'est la plus élevée de toutes les métropoles de PEurope; elle est à 672 mètres au-dessus du niveau de la mer, ce qui donne une raison de la basse température qu'on y éprouve. Son climat offre quelque ressemblance avec celui du nord : dans l'été, la chaleur y est étouffante, le thermomètre centigrade y marque souvent plus de 40 degrés ; dans l'hiver, le froid y est vif et piquant, le mercure y descend quelquefois à 8 ou 10 degrés au-dessous de zéro. Les habitations offrent peu de moyens de se garantir de Tâpreté et de l'humidité des vents du nord: elles se composent presque toutes dappartelnents élevés, mal clos, rarement chauffés par des poêles et des cheminées. Le nom de Madrid est d'origine arabe : il signifie maison du bon air; et cependant la variabilité du climat y pro- - duit la phthisie, les fièvres putrides et une sorte de colique dangereuse que les médecins du pays savent seuls traiter ayee iuCtèi. Elle nuferine encore quelques vieilles maisons construites en bois -et -décorées, euivant l'ancien usage, de peintures représentant des combats de taureaux et des personnages dans le costume du XVi" siècle ; mais les quartiers modernes offrent des habitations en brique, en calcaire ou en granité ; de grands hôtels, à la vérité sans luxe d'architecture, et des mes largea qui De le cèdet poioi à œll des pius belles capitales de r Europe. La plus remarquable Imr n <éteooue et -seg 4difioes est celle d'Alcala : dix -carrosses "peuvent y passer de front. De ses 42 places, il ne faut citer que celle du Valais-Roy al, embellie par ce vaste édifice, dont l'architecture imposante offre des lignes d'up bel effet; celle du Soleil, vers la porte du même nom (Pul'ta del Soi), espèce de carrefour où viennent aboutir les cinq pkis belles rues de Madrid, fit rendez-vous des oisifs et des gens d'affaires ; enfin la Grande Place, (Plaza Mwjor), au centre de laville, jadis célèbre parles courses de taureaux et les fêtes publiques, auquelles le roi venait assister sur le balcon d'un petit palais qui sert aujourd'hui de iocal à l'académie royale d'bistpire. LA place de la Cevada est ceUe où se font les exécutions criminelles ; la plus intéressante pour un férilablo Espagnol eM la Plaza de Tvroe, c'est-à-dire l'arène pour les combats de taureaux (1).
(4) Quiro:n.que n point assisté à ces spectacles où le sang -de l'homme se mêle à eelui d'un animai fuiletix, ne peut s'en faire une idée exacte. On peut encore moins se représenter l'ardeur avec laquelle le peuple, les riches, les hommes et les femmes du rang le plus élevé se pressent dans l'enceinte préparée pour ces luttes dangereuses : l'ouvrier, insensible aux Îîesoins de sa famille, quitte ses travaux et va porter au mont-de-piété (ses «Mubles on ses meilleurs vêtements, afin de se procurer de quoi payer sa place à la borrida (la cimrse). Près de l'amphithéâtre, un chirurgien £t un ecclésiastique attendent, avec indifférence, le moment où le toreador, blessé à mort, réclamera les secours de l'art ou les ceneolfttions de la religion. A peine les premiers rayons du soleil ont-ils éclairé l'horizon,
que le peuple se présente en foule à Ventrée du cirque, pour y voir gratis le taureau qu'on âche dans l'arène, où, harcelé par une multitude qui a passé la nuit à feoire dans les ça"
Madrid, qui fut bombardée en 1808 par Napoléon, pour forcer le peuple à reconnaître le titre de roi des Espagnes et des Indes dont il venait de décorer son frère, doit quelques embellissements aux soins de ce dernier : ce fut lui qui fit dégager les alentours du nouveau palais, ce qui rendit cet édifice digne d'être rangé au nombre des plus belles demeures royales de l'Europe. L'intérieur est décoré de tableaux précieux. On remarque, dans le salon des Royaumes, douze glaces coulées à Saint-lldcphonse, qui passent pour les plus grandes qui existent. En sortant du palais par la façade principale, on voit l'arsenal royal, dont l'extrémité orientale se termine par une arcade. Cet établissement possède beaucoup d'anciennes armures; on y montre celles de la reine Isabelle lre. La bibliothèque royale, riche en manuscrits précieux, en médailles et en objets d'antiquité, renferme 150000 volumes. Il y a trois autres bibliothèques publiques. Dans la grande rue d'Alcala, se trouvent le cabinet royal d'histoire naturelle et l'académie royale de San Fer-
harets pour s'emparer des places au lever de l'aurore, il blesse fréquemment les agresseurs pris de vin qui viennent le braver; lorsqu'enfin le matador (le tueur) termine la représentation par la mort de l'animal. Mais le spectacle payé se prépare, et déjà les premières places sont occupées par l'élite de la société, et les derniers gradins par la classe populeuse qui a le moyen d'acheter son plaisir. A Madrid, la loge du roi est placée vis-à-vis de la porte par laquelle le taureau doit s'élancer dans la carrière, et les autorités municipales occupent une autre loge en face. Avant de commencer la corrida, un ofticier de la ville vient saluer le prince ou la place qui lui est réservée, et va prendre les ordres du maître des cérémonies. Celui-ci donne le signal en lui jetant les clefs des cases qui renferment le* animaux : la fule attentive, impatiente, attend le moment désiré. Les picadorts (piqueurs), vêtus d'un gilet de drap d'or, d'une veste de soie ornée de paillettes et de rubans de toutes couleurs, d'un pantalon de peau de chamois doublé de tôle depuis la cheville jusqu'à la hanche, coiffés d'un grand chapeau blanc, armés d'une lance mince et légère garnie d'une petite pointe triangulaire, et montés sur des coursiers auxquels on a bandé les yeux, défilent en peloton au bruit des fanfares, vont saluer les deux principales loges et se ranger vis-à-vis des cases. Les chulos, ou harceleurs, en costume de Figaro, portant une longue écharpe d'une couleur éclatante, marchant par quadrille et passant entre les interstices que laissent entre eux les poteaux de la balustrade qui sépare l'arène des spectateurs, sont bientôt remplacés par les matador" tenant l'éiiée d'une main, et de l'autre la muleta, espèce de petit drapeau qui leur sert de bouclier. Après avoir été présentés par un oflicier municipal au prince et au maître des cérémonies, ils se retirent comme ils sont entrés, au bruit d'une musique militaire.
Mais bientôt les fanfares donnent le signal du combat; les picadores, la lance en arrêt, attendent le taureau; la case s'ouvre, et l'animal s'élance en bondissaut dans l'enceinte, qu'il parcourt en cherchant vainement une issue. L'aspect de 42 à 15 U00 spectateurs agitant leurs mouchoirs et leurs chapeaux, les cris de joie qui saluent son entrée, le troublent et l'etfnyent : il frappe la terre, il s'agite, et, de sa queue, il bat ses lianes poudreux. Il lui faut un ennemi; il s'élance sur l'un des picadores rangés en bataille. Celui ci le reçoit avec sa lance, qu'il doit appuyer de toute sa force sur l'omoplate de l'animal; mais comme la pointe de fer dont elle est armée ne produit qu'une forte piqûre, le taureau surpris, irrité, recule et s'élance successivement sur chacun des champions qui l'attendent. Pour peu que ceux-ci manquent d'adresse ou que leurs lances se rompent, ils tombent désarçonnés, et leurs chevaux, percés de coups de cornes, vont rouler à quelques p is plus loin. Le cavalier, malgré les plaques métalliques dont ses membres sont recouverts, serait lui-même déchiré, si les chulos ne détournaient l'attention du taureau en l'entourant et en lui lançant, de la distance d'une quinzaine de pieds, avec une adresse et une agilité, surprenantes, les pièces de soie qu'ils tiennent roulées dans la main. Lorsque l'animal a éventré un nombre
nando, fondée par Philippe V. Les établissements littéraires et d'instruction de la métropole de l'Espagne sont nombreux. Nommons particulièrement l'nniyersilé, 9 académies, le collège de Saint-Isidore, l'école de médecine de San-Carlos, l'école des ponts-et-chaussées, l'école d'état-major, l'école des sourds-muets, l'école vétérinaire, l'école des beaux-arts, le conservatoire de musique, le musée de peinture et de sclllplure, le jardin botanique, l'observatoire, deux grands théâtres. Les institutions de bienfaisance nous semblent encore plus dignes d'intérêt : elles sont vastes, riches et bien tenues; la plus importante est l'hôpital général, dans lequel une foule de malheureux trouvent des secours de toute espèce. Les églises sont moins renommées par leur architecture que par le nombre et le choix des tableaux. Les plus remarquables sont celles de Saint-Isidore, de Sainte-Isabelle, de Saint-Martin, de Saint-Pascal, et surtout celle de l'ancien couvent des Salesiennes, qui passe pour la plus vaste.
Madrid n'a pas plus de 12 kilomètres de circonférence, et compte 300000 ha-
plus ou moins considérable de chevaux, ce qui ferait craindre d'en manquer pour le reste de la journée, les picadores se retirent et laissent la place à l'un des chulos, chargé de la périlleuse mission d'enfoncer sur le garrot de la victime la banderilla, petit bâton de 2 pieds de long, armé d'un dard recourbé en forme d'hameçon, orné d'un petit drapeau et garni de pétards qu'un morceau d'amadou embrasé allume au moment où il pénètre dans la chair. L'agile banderillo doit placer la banderilla en se présentant en face de l'animal et en passant les bras entre ses deux cornes; mais s'il manque son coup, il est infailliblement blessé ou même lancé en l'air par son furieux adversaire, aux cris de vioa mille fois répété. par la foule. Tourmenté par le fer et par le feu, le taureau rugit, bondit, tourne, recule, et se prépare à combattre avec une fureur désespérée, quand les trompettes sonnent sa dernière heure. Assisté d'un quadrille de chulos, le matador, l'épée haute et la muleta déployée, se présente gravement à l'animal; le drapeau qu'il agite attire l'attention de ce dernier. Les deux adversaires se considèrent un instant, l'un pour assouvir sa fureur, J'autre pour éviter adroitement d'y succomber. Les spectateurs sont attentifs : enfin le taureau s'élance, et, croyant frapper son ennemi, n'atteint que le taffetas léger, et passe sous le bras gauche du matador, qui de l'autre lui plonge son épée dans le garrot, et, séparant les deux vertèbres, tranche d'un seul coup les jours de la victime. En ce moment, le vainqueur est salué par les applaudissements de l'assemblée entière, et, s'il a l'adresse de ne point abandonner l'épée dans la plaie et de la retirer en saluant le public, il est à l'instant couvert des bouquets des dames, des piastres et des pièces d'or des seigneurs, entin de dragées et d'autres sucreries. Mais si l'animal, atteint à une autre place que celle que prescrivent les règles de l'art, va mourir en se traînant loin de son adversaire, les huées et les injures sont la seule récompense des dangers qu'a courus celui-ci. Enfin, si le taureau triomphe du matador, il est salué du titre de bravo, jusqu'à ce qu'il succombe sous les coups d'un antre matador. Et comme ces fêtes sanglantes, qui ont traversé l'antiquité la plus reculée et les siècles de la chevalerie, ont conservé une teinte de la galanterie barbare du moyen âg.., le vainqueur n'oublie pas d'offrir, avec une grâce toute chevaleresque, à l'une des plus nobles dames de l'assemblée ou à celle de ses peusées, le nœud de rubans qui, placé sur le dos de la victime, indique la couleur de sa race. Dans ces représentations, qui, touies solennelles qu'elles sont, ne donnent point à l'étranger une haute idée de la civilisation espagnole, le public n'est complètement satisfait que lorsque 9 ou i2 taureaux et une vingtaine de chevaux ont succombé, et, comme le dit un savant qu'un long séjour en Espagne rendit sonvent témoin de ces combats, il n'y manque rien si quelque matador y a perdu la vie. Heureusement que ces accidents, qui glacent d'horreur le spectateur qui n'est pas familiarisé avec de telles scènes, et pour qui la mort d'un homme en public n'est pas le j. lus intéressant spectacle, ne sont point aussi fréquents qu'on pourrait le craindre.
bit.ants; elle n'avait que 188000 âmes en 1845, 259 000 en 1852. Lorsqu'on a parcouru le jardin du Buen-Retiro (devant le palais du même nom, où siègent les Proceres), la promenade de las Delicias, et surtout celle du Prado, magnifique plantation, dont l'avenue principale est le rendez-vous des promeneurs en équipage, et les autres ]e délassement de la bourgeoisie, le point central des intrigues amoureuses ; si l'on veut admirer deux monuments dignes d'une capitale, il faut sortir par la rue d'Alcala et voir la porte de ce nom, majestueux arc de triomphe qui, comme les portes d'Atocha et de Ségovie, aboutit à de charmantes promenades extérieures, et par la porte de Tolède, passer sur le magnifique pont de Tolède, qui traverse le Manzanarès. Dans l'été, cette rivière n'est qu'un ruisseau que l'on pourrait traverser à gué, ce qui semble justifier le mot de cet ambassadeur qui conseillait de vendre le pont pour avoir de l'eau ; mais, dans l'arrière-saison, l'abondance des pluies, au printemps, la fonte subite des neiges accumulées sur les montagnes, donnent à son cours une telle largeur et une telle impétuosité, que le pont du Manzanarès n'est ni trop long ni trop solide.
La métropole espagnole est à la fois industrielle et commerçante : on y fitbrique des tissus de laine de toutes couleurs, des tapis, des étoffes de soie, des toiles peintes et des mousselines ; le gouvernement y entretient à grands frais une manufacture de porcelaine et une de tapis. Il s'y tient une foire considérable depuis le 21 septembre jusqu'au 4 octobre.
Elle est bâtie au milieu d'une plaine sablonneuse et stérile; cependant quel.
qiles-uns de ses environs méritent d'être cités. En remontant le cours du Manzanarès, LePardo, sur sa rive gauche, est un charmant château royal de plaisance.
Après la capitale, les petites villes de la province offrent peu d'intérêt ; cependant, aux bords du Henarès, Aicala de Benarès, située sur la rive opposée à celle qu'occupait l'antique GomphUum, ruinée au xe siècle, est célèbre par son anGtortne université et par les grands hommes qui naquirent dans ses murs : l'historien Antonio Solis, le naturaliste Bustamehte de La Camara, et l'immortel Cervantes. Ce n'est plus qu'une ville de 5 000 âmes, où l'on remarque encore cependant quelques vestiges de sa grandeur passée, comme le palais des archevêques de Tolède et la cathédrale, dans laquelle est inhumé le cardinal Ximénès de Gisteros.
On trouve près d'Alcak une fontaine renommée par la pureté de ses eaux.
A 36 kilomètres au rtord-onest de Madrid, est VEscurial (El Escorial), bourg autrefois ecclésiastique, dont les terres appartenaient aux hiéronymites, pour lesquels le superstitieux Philippe Il fit bâtir l'immense édifice, à la fois monastère et résidence royale, qui rend ce lieu célèbre. Le nom espagnol Escorial signifie mine épuisée. Il est probable qu'il y avait eu jadis quelque exploitation minérale en ce lieu, ou que ce surnom fut donné à cette gigantesque construction, par allusion à l'énorme quantité de granité qui y fut employée, et dont l'exploitation a formé non point une carrière, mais un vallon qui, par son étendue, semble être l'ouvrage du la nature, Le bâtiment forme un carré de 245 mètres de longueur, sur 190 de largeur; sa hauteur, jusqu'à la corniche seulement, est de 20 mètres. Au moment de perdre la bataille de Saint-Quentin, en 1557, Philippe, tout tremblant, ne sachant à quel saint se vouer, promit, si la fortune
changeait de face, d'élever le plus magnifique couvent du monde en l'honneur du bienheureux dont le nom figurait ce jour-là dans le calendrier. Use trouva que c'était saint Laurent. Vainqueur avec le secours des Anglais, Il s'empressa d'exécuter sa promesse : il choisit l'emplacement d'un village qui portait le nom de San-Lorenzo (Saint-Laurent); et l'instrument de mort de ce martyr, un gril, décida de la forme de l'édifice, figura parmi les ornements d'architecture; et fat placé jusque sur les habits sacerdotaux. Cette idée bizarre a fait élever aux angles du bâtiment 4 tours hautes de 85 mètres, qui représentent les pieds du gril ; l'appartement destiné au roi en est le manche, et les i 1 cours carrées qui divisent l'intérieur sont les espaces compris entre les barreaux du gril. Cette merveille de l'Espagne, pour laquelle son fondateur dépensa plus de 60 millions de notre - monnaie, est le séjour le plus majestueusement triste que l'on puisse voir. Les tableaux qui décorent les appartements; la chapelle ou le panthéon, qui sert de sépulture à la famille royale ; les reliques et les jardins, ne nous arrêteront pas; la bibliothèque seule offre plus d'intérêt : elle contient plus de iOO 000 volumes (y compris beaucoup de manuscrits latins, grecs, hébreux et arabes).
M faut encore remarquer, dans la province de Madrid, les petites villes de Chlhchon, avec des bains d'eaux minérales, et de Torrelaguna, patrie du cardinal Ximénès.
La province de Madrid est une de celles de la Nouyelle-Castille où l'on reconnaître plus facilement l'orgueilleuse paresse des Castillans. Les habitants semblent dédaigner toute espèce d'industrie : le peu de fabriques, et plus encore la médiocrité de leurs produits, en fournissent la preuve. Les environs de la capitale ne ressemblent point â ceux des autres grandes cités de lEurope : ce n'est point ce mouvement, cette activité qui régnent autour de Paris et de Londres. A peine sorti de Madrid, on se voit tout à coup dans un pays nouveau : quelques Instants suffisent pour se transporter, du sein de l'opulence et du luxe, dans des campagnes où régnent la misère et la malpropreté. Les instruments dont se sert le paysan de la CasliHe, ses travaux, see vêtements, sa nourriture, portent l'empreinte de Fignorance et de la pauvreté. Une sorte de prédilection aveugle pour ce qui est ancien s'oppose à toute idée de perfectionnement da«s ce qui tient a l'agriculture et aux arts mécaniques ; et, pour mettre le comble au dégoût que fon éprouve à la vue de cette population misérable, la dierté du linge obligeant l'homme du peuple à n'en changer que tous les mois, H en résulte une malpropreté repoussante, qui produit, des maladies cutanées et la multiplication excessive de cette vermine dont on se débarrasse mutuellement en public <J,ag £ leg vilUpg et tas les quartiers populeux des grandes yiJks, Gepçfttot Ja malpropreté eM toite pouvoir ëire wprûçkée 4 tous Jço EspagjwJ#dgj# jj pravinces, les paysans fedistilaguait, sm contraire, par leur pcopueia.
LA chaleur du climat a fait adopter de temps immémorial, dans toutes les parties de l'Espagne; l'usage (je la sieste* A MadrM) depuis une bure après midi Jusp'À trois, les iparçjjawds ferment leurs bpyqusl ~s opyfj#rs .gJJittl)t l wiwm* ko r~~ ~nt ; tout je mwk 4^1 Le me, m COWaire. çkâ- eu r,'unprom de jouir de la Meheuf : slow qtw la popujatiaa$i«tve m porte dans les promenades, que les cortejos ou les galants accompagnent leurs
belles, et s'acquittent de ces soins assidus et minutieux dont les Espagnoles sont plus exigeantes que les autres Européennes. En Espagne, les femmes ont l'art de subjuguer les hommes et de les retenir dans des chaînes qui ne se rompent ordinairement que de vétusté. La constance dans les engagements finit presque par compenser la honte de l'immoralité. C'est peut-être même à la multiplicité de ces liens, aux devoirs nombreux qu'ils imposent à celui qui s'y soumet, plus qu'aux soins que prend la police de proscrire les lieux de débauche, que Madrid doit l'avantage d'être délivrée du scandaleux fléau de la prostitution.
Dans la province de Tolède, nous nous écarterons peu des bords du Tage. Audessous du confluent de ce fleuve et de l'Alberche, Talavera de la Reyna, petite ville aux vieilles murailles flanquées de tours, aux rues tortueuses et mal bâties, que plusieurs traces d'antiquités font présumer être l'ancienne Liorll, s'enorgueillit d'avoir donné le jour au jésuite Mariana, connu comme historien, et au savant auteur agronomique Alonso de Herrera. Elle acquit de la célébrité par la eauglante bataille qui se livra sous ses murs, les 27 et 28 juillet 1809, entre les Français et l'armée anglo-portugaise sous les ordres de Wellington, auquel, dit un témoin oculaire (t), une simple, mais savante manœuvre du maréchal Soult suffit pour faire prendre précipitamment la fuite, au moment où ses généraux lui décernaient le titre de vainqueur de Talavera. Ou remarque dans cette ville un pont de 35 arches, construit en 1400, une grande et belle église collégiale, les Torres A lbarranas ou tours mauresques, la promenade de l'A lameda, l'ancien couvent des hiéronymites, et, hors de ses murs, une église dédiée à Notre-Dame du Prado, dont l'image est regardée comme miraculeuse.
L'abus des recherches étymologiques a fait dire à l'historien espagnol Silva que Tolède avait é'é fondée 540 ans avant notre ère, par une colonie juive qui l'avait appelée Toledath, c'est-à-dire mère des peuples. Les Romains lui donnaient le nom de Toletum. Le Tage, qui roule à ses pieds au milieu de rochers arides et nus, le beau pont mauresque jeté sur le fleuve, l'élégante porte construite par les Arabes, la position de la ville sur une masse granitique, en donnent une idée que ne justifie point son intérieur (2), où l'on ne voit de remarquable que la cathédrale, ancienne mos juée, et l'Alcazar, bâti par les Maures, réparé par Alphonse X, embelli par Charles-Quint et par le cardinal Lorenzana ; ces deux édifices s'élèvent majestueusement au milieu do vieilles constructions et de rues
(t) Le colonel Bory de Saint-Vincent.
(2) « Tolède, l'antique cité arabe, l'illustre ville impériale, résidence de tant de rois et bien-aimée de cette grande figure historique qu'on nomme Charles-Quint, ce rival heureux de François Ier; Tolède dépouillée de sa gloire et de sa grandeur; Tolède découronnée; Tolède épuisée et mourante, mais grande encore par ses souvenirs et redemandant à la civilisation moderne, à l'industrie et au commerce la vie qui lui échappe, le mouvement qui l'a fuie, les richesses qu'elle a pllrdmls.
a A l'aspect de ces vieux créneaux dentelant l'azur du ciel, de ces tours puissantes en.
core, de ces clochers à la voix sonore qui fendent la n\ie ; à la vue de ces portes étroites et de leurs sombres voûtes donnant entrée sur des rues pius sombres et plus étroites encore, si c'est possible, il nous est difficile; d'exprimer le sentiment mêlé de tristesse et de respect qui s'empara de notre àme. Les souvenirs de tant de grandeurs passées, de tant de luttes sanglantes; l'évocation de tant de morts illustres gisant depuis des siècles dans le froie' sé-
sales et tortueuses. La population est de 19000 habitants. L'archevêque de Tolède est le primat de l'Espagne. Il y a une université et une manufactura roya'e d'armes blanches. -A 30 kilomètres au-dessus, la résidence royale dAranjaez, naguère dans la province de Toède, aujourd'hui dans celle de Madrid, étale la magnificence et la vaste étendue de ses jardins délicieux, l'élégantr architecture de son château, que baigne le Tage, en formant au pied de sa terrasse une cascade de toute la largeur de son cours. Une petite a ille, bâtie avec une régularité rigoureuse d'ap ès les plans de la cour, s'est élevée autour de ce séjour enchanteur.
11 y a un théâtre, une école de sous-officiers d'infanterie et un collège des cadets.
- Ocarta, au sud d'Aranj lez, est une vieille ville de 5000 habitants, célèbre par la victoire des Français sur les Espagnols en 1809 ; on y remarque un palais des ducs de Frias ; — Quintanar, vers les bords de la Gignela, est dans une plaine riche en grains, en vins et en safran. — Madridejos (7 00J hab.) offre les mêmes productions ; — Orgnz se distingue par l'industrie des draps et des étamines. Puente-del-Arzopispo, sur le Tage, rappelle une victoire des Français en 18C8.
La partie méridionale de la NomeLe-Castille forme la province de CiudadReal (autrefois de la Manche), qui renferme 2 cités principales : Almagro, et* Ciudad-Real, la cabale ; la première, avec 9 000 habitants, située sur le terrain Je plus fertile de la province, a tous les ans une foire considérable le jour de la Saint-Barthélémy. Elle a donné naissance et son nom au célèbre compagnon de Pizarre dans la conquête du Pérou. — Ciudad-Real, célèbre parle tribunal de la Santa-Bermandad que Ferdinand 111 y fonda en 1249, était ja is importante par sa population et le nombre de ses manufactures. Elle n'a plus que 8 000 habitants. Elle possède une belle église sous l'invocation de la Virgen del Prado, putronne de la ville. On élève dans les environs des mulets renommés.
Les autres villes intéressantes de la Manche sont : Alcazar de Sali-Juan (6000 hab.), avec des ruines romaines; — Mansanarès (8000 hab.), près de FAzuer, dans un pays fertile en vin et en blé ; — Villa-Nueva de los Infantes 15COO hab.), dans la plaine de Montiel, où Henri de Transtamare et Duguesclin vainquirent, en 1569, Pierre le Cruel ; -El Toboso, qui a été illustré par Cervantes, dans son immortel ouvrage de Don Quichotte; — Valdepenas (7000 hab.), piès du Jahalon, vil!e souvent citée dans la guerre de 1808, et renommée par ses vins ; — Almaden (7000 hab.), célèbre par ses mines de mercure, et qui correspond à la Cetobriga des Romains;—Duymiel, qui a 9 000 bab.- Calatrava la Vieja, ancien siège du fameux ordre de Calatrava.
Nous quitterons le sol fertile et mal cultivé de la Manche, ses vastes paines dépourvues d'arbres, ses pâturages couverts de troupeaux, et ses terrains marécageux, pour parcourir YEstrémadure (en espagnol Estremadura ou Extremadura), à laauelle elle confine dans sa partie occidentale. Le nom de cette pro-
pulcre ; cette comparaison inévitable d'un passé si plein de gloire avec l'inertie et la prostration du présent, toutes ces pensées, ces réflexions involontaires inspirées par ces lieux que remplit la grande voix de l'histoire, ne sont-elles point faites pour éveiller dans l'esprit du voyageur ces sentiments dont je viens de parler, sentiments que l'on éprouverait en présence d'un illustre agonisant couvert de lambeaux, mais qui porta jadis la pourpre et ceigllit la couronne? » (Extrait de l'Indépendance espagnole.)
vince est d'origine latine (Extrema ora, extrême frontière) et ne doit pas être défiguré par l'orthographe fautive ftEstramadure. Il rappelle qu'elle formait la limite des conquêtes d'Alphonse X au xm8 siècle. Le Tage et la Guadiana, coulant parallèlement de l'est à l'ouest, la divisent en trois parties, et les montagnes de Saint-Mamed et de Montanches, en deux portions égales. C'était, du temps de la puissance de Rome, la contrée la plus riche de l'Hispanie ; aujourd'hui elle en est la plus pauvre et la moins peuplée.
Uhabitant de l'Estrémadure (l'Estremenoï est peut-être de tous les Espagnols le plus taciturne et le plus sérieux; cette disposition morale tient à sa constitution physique autant qu'à celle du pays qu'il habite, où des montagnes escarpées, des cours d'eau rapides et le défaut de chemins s'opposent aux communications.
L'isolement dans lequel il végète lui ôte toute idée de songer à son bien-être ou d'améliorer sa situation. De là vient l'indolence dont on l'accuse. Mais si l'espoir d'un meilleur avenir ou tout autre aiguillon l'excite, il se montre actif, entreprenant, infatigable ; aussi nul autre peuple ne le surpasse en persévérance dans les entreprises industrielles ou commerciales, ni en bravoure dans les combats. C'est dans l'Estrémadure que l'Espagne recrute ses meilleurs cavaliers.
Deux provinces, celles de Caceres et de Badajoz composent aujourd'hui la capitainerie générale d' Estrémadure.
Si nous commençons notre excursion par le nord, Plasencia, sur le bord du Gerte, s'offrira de loin avec tous les accessoires d'une jolie ville. Ses vieilles murailles assez bien conservées, ses 6 grandes portes, ses 5 hôpitaux, ses 7 places publiques, sa cathédrale et ses 7 autres églises, son palais épiscopal, sa fonderie de canons, sa manufacture d'armes, et surtout son aqueduc, composé de 80 arcades, lui donnent de l'intérêt ; ses inscriptions romaines et ses autres antiquités prouvent son ancienneté, mais laissent dans l'incertitude si eZle portait le nom d'Ambracia ou celui de neubriga. — Entourée de remparts où l'on recori.
naît l'architecture des Romains, Coria est sans aucun doute la Caiirium dont parle Ptolémée. Sa situation sur une colline, l'église et le vieux donjon qui dépassent toutes les autres constructions, lui donnent un aspect imposant.
Alcantara reçut drs Arabes le nom qu'elle porte et qui signifie le pont, parce que, lorsqu'ils s'en emparèrent, ils furent frappés de la beauté du pont de construction romaine sur lequel on traverse le Tage pour y arriver. Ce magnifique monument, qui remonte au règne de Trajan, est un des mieux conservés de tous ceux qui ont résisté aux ravages du temps et aux commotions politiques. Il est entièrement en granité. Sa hauteur au-dessus du lit du fleuve est de 69 mètres, sa-largeur de 9 mètres, et sa longueur de 218 n:ètres. De ses 6 arches, les deux du milieu ont 35 mètres d'ouverture. Un arc de triomphe, portantune inscription en l'honneur de Trajan, s'élève à la moitié de sa longueur. Un petit oratoire, construit par l'architecte romain pour y faire déposer ses cendres, s'élève près de la ville et forme une espèce de tête de pont qui n'a dû sa conservation qu'aux pierres énormes dont il est bâti ; mais aujourd'hui, changé en petite chapelle consacrée à saint Julien, cet édifice est l'objet de la vénération des paysans. Cette ville fut célèbre dès le commencement du xme siècle, lorsqu'elle devint le chef-lieu de l'ordre militaire du même nom. On voit encore sur le point le 1
plus élevé de la ville l'édifice qu'occupaient les chevaliers. A la vue de cette cité, qui, a l'exception de ses antiquités, n'offre rien de remarquable, on se demande quelle devait être son importance sous les Romains, pour que ses habitants aient pu y faire construire le pont qu'on y admire, et vraisemblablement d'autres monuments considérables. On a quelques doutes sur le nom qu'elle portait; mais il est probable que c'est Norba Cœsarea, que Pline appelle Norbetisis Colonia.
- Valencia de A Icantara est une petite place forte, sur la frontière du Portugal.' Une chaîne de montagnes qui des bords du Tage va se rattacher à la Sierra de Montanches, porte sur ses flancs ou à sa base plusieurs petites villes, dont la plus importante est Caceres (12 000 hab.), l'antique Castra CæcîlÍà. Une statue élevée au génie d'Auguste orne encore la place du marché. — Plus loin, sur un plateau, Trujillo. (5 000 hab.) est la cité romaine de Turris Julla, et la patrie du fameux Pizarre. — A lmaraz, sur le Tage, a un pont remarquable, ët fut le théâtre d'un combat entre les Français et les Anglo-Espagnols, en 4810. — C'est encore dans la province de Caceres qu'on trouve l'ancien monastère de Yuste, célèbre retraite de Charles-Quint après son abdication. — A Logtosdn) on vient de découvrir une très-riche mine de phosphorite. — El Arroyô del Pxierco et Brozas ont plus de 7000 âmes.
Au milieu d'une contrée qui offre tant dé souvenirs historiques, on ne peut voir sans un sentiment d'étonnemënt cette ville de Merida, jadis la plus floris- sante des colonies romaines. Comme on ignore l'époque de son origine, les Espagnols attribuent sa fondation à Tiibàl, et prétendent qu'elle s'appela d'abord Morat, nom qui, de leur aveu, serait cependant d'origine grecque, et qui, selon l'étymologie que l'on est libre d'adopter, signifierait mûrier ou tribu; mais ce que l'on ne peut révoquer en doute, c'est qu'elle reçut dl Aúgoste le nom d'Ernerita Augusta, lorsqu'il la donna à ses soldats en récompense de leur bravoure.
Elle n'a que 4 000 habitants. A l'époque de sa splendeur, elle avait 6 lieues de tour, et l'on ne peut douter de son antique prospérité, à la vue des restes majestueux qu'elle possède encore, et qui seuls peuvent attirer l'étranger dans ses murs. Elle s'élève sur la pente d'une colline au bord de la Guadiana, que l'on traverse sur un pont attribué à Trajan et qui étonne par sa solidité et sa belle conservation j.comme celui d'Alcantara, mais qui en diffère par son développement : il se compose de 60 arches, qui s'étendent sur une longueur de Bag mètres, sur une largeur de 7. Un autre pont romain, aussi bien conservé, porte le nom de Puente de A Ibaregas. Hors de la ville, un théâtre, une nailmachie, un cirque, les restes de 3 aqueducs, 4 routes romaines ; dans l'intérieur, un bel arc de triomphe et les ruines de plusieurs temples, des fûts de colonnes, des chapiteaux, des inscriptions et d'autres débris employés dans la construction des maisons, la mettraient, aux yeux d'un antiquaire, au-dessus de là plupart des villes de l'Italie les plus riches en monuments romains.
En descendant la Guadiana, vers l'extrémité de l'Estrémadure, Badajoz, capitale de ce pays, porte un nom arabe (Beledaix) qui signifie pays salubre; c'est l'antique Pax Augusta. Bierl différente de Merida, elle ne renferme plus aucun monument de sa splendeur passée. Mais son pont moderne le dispute en beauté avec les ponts antiques d'Emerita Augusta; il a 28 arches, qui forment une lon-
gueurde 608 mètres et une largeur de 7 à 8. Il fut construit sous Philippe Il. La cathédrale est ornée de beaux tableaux de Mateo Cerezo et de plusieurs de Morales, qui naquit dans ses murs. Badajoz, peuplée de 12 000 habitants, est une place forte, et a .été souvent assiégée, principalement en 1661 par les Portugais; en 1811, par les Français, qui s'en emparèrent; dans la même année, par les Anlo-Portllguis; en 1812, par les Anglais, qui la reprirent aux Français. — Près de là, est La Albuera, célèbre par la victoire du maréchal Soult, en 1811. — Olivenza (6000 hab.), qui fut cédée, en 1801, à l'Espagne par le Portugal, est une ville fortifiée. — Zafra, que les Français et les Anglais se sont disputée en 1811, est une jolie petite ville, placée de la manière la plus pittoresque au lond du vallon, de Telares. — Albuquerque (6 000 hab.) est une petite place forte, sur la frontière du Portugal. — Llerena (5 000 hab.), à 45 kilomètres au sud-est de Badajoz, paraît être l'ancienne Regiana. Elle est située dans une plaine entourée de muruiilcs, plantée d'oliviers et dominée par les montagnes de San-Miguel et de San-Bernardo, prolongements de la Sierra Morena.-A peu de distance de la ville, sont les célèbres pâturages de Saint-Martin, dans lesquels paissent de nombreux troupeaux de brebis et quelques milliers de têtes de gros bétail, qui font la richesse de ce district. — Talavera la Vieja a des ruines romaines, et récolte des vins. — Xerez de los Caballeros (6000 hab.) tire son nom des chevaliers du Temple, à qui elle a appartenu ; elle a vu naître le célèbre Nunez de Balboa. —
Medellin, sur la Guadiana, est une petite ville qui fut le théâtre d'une victoire des Français sur les Espagnols, en 1809, et qui tire, dit-on, son nom de J. C. Metellm;, à qui la fondation en est attribuée. — Don Betiito, sur la Guadiana, a 15000 hab.
Avant de parcourir le beau pays de l'A ndalousie, formant le sud de l'Espagne et borné par l'Algarve, l'Estrémadure, laNouvelle-Castille, le royaume deMurcie, la Méditerranée, le détroit de Gibraltar et l'Atlantique, franchissons cette Sierra Morcna, jadis le repaire des plus intrépides brigands et l'effroi des voyageurs, avant qu'un ingénieur français eût tracé ia magnifique route de Madrid à Cadix.
Payons un tribut d'éloges au génie d'un sage et d'un philanthrope, et demandons-nous, en traversant ces plateaux et ces vallées qui renferment les nouvelles populations, par quelle fatalité l'homme de bien n'obtient si couvent, pour prix des conceptions les plus dignes des éloges et de la reconnaissance de ses semblables, que la disgrâce et la persécution. Les montagnes de la Sierra Morena, habitées et cultivées au temps des Maures, s'étaient, depuis l'expulsion de ceux-ci, couvertes de forets remplies de bêtes féroces et de voleurs. On conçut, sous le règne de Charles III, le projet de défricher et de peup'er les parties les plus riches en terrains fertiles ; don Pabîo Olavide, l'un des hommes d'Étut à qui l'on devait cette heureuse idée, fut chargé de son exécution : il s'en acquitta avec tant de zè!e et d'intelligence, que bientôt le succès dépassa les espérances : 58 villages ou bourgs s'élevèrent sur les hauteurs qui dominent la Manche et l'Andalousie, et formèrent, sous le nom de Nuevas Publaciones, une province dont le chef-lieu fut appelé la Carolina, et qui renferma bientôt 3 000 habitants.
Mais le vertueux Olavide eut le malheur de s'attirer la haine d'un capucin ; il fut dénoncé à l'Inquisition pour avoir tenu quelques propos indiscrets, et, après avoir
langui dans les prisons du Saint-Office, il fut condamné à être renfermé pendant huit ans dans un monastère, déclaré incapable d'occuper aucune charge, et privé de tous ses biens. Échappé à la surveillance de ses gardiens, il se réfugia en France; mais ce ne fut qu'après y avoir passé l'époque sanglante de la Terreur qu'il obtint l'autorisation de revoir sa patrie. La disgrâce d'Olavide et le peu de fixité dans les projets de la cour de Madrid n'ont pas peu contribué à laisser dans un état languissant ces colonies dont tout faisait entrevoir la prospérité future.
Les majestueuses montagnes de la Sierra Nevada, dont les parties les plus hautes s'appellent Sierras Alpujarras (1), couvrent une partie de l'Andalousie; à leurs pieds, s'étendent les plus magnifiques vallées et les plus riches plaines.
La plus vaste plaine est celle de Séville; la plus belle, la Vega de Granada. Le sol est fertile, mais mal cultivé dans la plus grande partie du pays; c'est dans le royaume de Grenade que l'agriculture est le plus florissante : c'est le grenier de lEspagne. Les grains et les pâturages sont les richesses principales dont on tire parti. On récolte aussi des vins excellents, des olives, dont on ne fait malheureusement qu'une mauvaise huile; des grenades, des oranges, des citrons, etc.
Le mûrier, le chêne vert, le chêne liège, le coton, la canne à sucre, sont encore des produits de cette contrée. Les mérinos et les chevaux de l'Andalousie sont renommés. On exploite des mines d'argent, de cuivre, de fer, de plomb, des carrières de marbre et de jaspe.
Le caractère de l'Andalous conserve encore des traces du mélange de l'Espagnol et de l'Arabe; à la vivacité naturelle aux peuples des climats méridionaux de l'Europe, il joint l'imagination des Orientaux et quelquefois leur insouciance; sobre et patient, l'homme du peuple vit plongé dans la plus profonde misère sans perdre son courage et sa gaieté. Mais la nécessité le rend actif, industrieux, intrigant même, et habile à trouver des ressources, La jactance qu'on lui reproche, et sa prononciation arabe, justifient jusqu'à un certain point les épithètes que lui donnent les naturels et les étrangers : ce sont les Gascons de l'Espagne.
L'Andalouste comprend les anciens royaumes de Séville, de Cordoue, de Jaen et de Grenade ; elle forme aujourd'hui les provinces de Séville, de Huelva, de Cadix, de Cordoue, de Jaen, de Grenade, de Malaga et d'Aimeria.
La province de Jaen est la plus septentrionale de toutes. Là se trouve, entre le GuadalquIvir et le Guadalimar, Ubeda (14000 hab.), jolie ville d'origine arabe, située au pied d'une colline fameuse par les montagnes et les gorges qui l'environneni ; elle a des manufactures de tissus de laine, et fait le commerce de ses chevaux estimés. — Baeza, l'antique Beatia, sur un plateau élevé, passe pour avoir des eaux aussi pures que l'air qu'on y respire. L'évêché et l'église de Sainte-Marie de l'Alcazar sont les principaux édifices que l'on remarque parmi ceux qui ornent ses places, ses rues larges et droites, auxquelles il ne manque qu'une population plus nombreuse : aujourd'hui, on n'y compte que 11 000 ha- 1 bitants. Il y a eu une célèbre université. — Sur la rive droite du Guadalquivir,
(1) Ou plutôt simplement Alpujorra ou Alpuxarra (de l'arabe Abuxarra, terre querelleuse et batailleuse) : ce nom s'explique par la belliqueuse attitude des chrétiens, qui se maintinrent les armes à la main dans l'Alpuxarra longtemps après que le reste de UEspagne fut tombé au pouvoir des Maures.
que l'on traverse sur un beau pont de 15 arches, Andujar, assez régulièrement bâtie, est importante par Son industrie, bien qu'elle n'ait que 10000 habitants.
On y compte 3 fabriques de faïence peinte, 30 de terre blanche, et 5 de savon; elle expédie annuellemertt 400 voitures de diverses poteries, et principalement de ces alcarrazas dont on 8e sert pour rafraîchir l'eau. L'ordonnance d' Andujar, ren- due en 1823, par le duc d'Angolllême, est un document célèbre dans l'histoire de l'Espagne. — Jaen, la capitale de la province, est, selon quelques auteurs, la Flavium Argitanum des anciens, selon d'autres, Mentessa, l'Oningi de Pline et l'Oringi de Tite-Live. Sa màgnifique cathédrale, bâtie en forme de croix latine sur l'emplacement d'une antique mosquée, 12 paroisses, 14 anciens couvents et plusieurs hôpitaux, lui donnent de loin l'apparence d'une ville considérable , et cependant sa population est à peine de 18 000 âmes. — Murtos (10 000 hab.), que l'on croit être Tucci Colonia, est dominée par un énorme ro- cher, d'où le roi Ferdinand IV fit précipiter les deux frères Carvajal, sur le simple soupçon qu'ils avaient tué un chevalier de la maison de feenavides. Les deux frères protestèrent en vain de leur innocence ; mais au moment où ils roulaient de roche en roche, on les entendit fixer le jour où ils citaient Ferdinand au tribu-
nal de Dieu, et le jour indiqué Ferdinand mourut à Jaen. — La province de Jaen renferme encore : La Carolina, petite ville moderne et propre, dont nous avons déjà faitconnaître la fondation ; — Baylen, située entre le ftumblar et le Guadiel, et célèbre par une défaite des Français, en 1808, et par une capitulation qu'ils y subirent.
Dans la province de Cordoue, Lucena (13 000 habitants), ville assez considérable, est connue par ses vignobles et possède un haras ; — Montilla est plus industrieuse, quoique moins peuplée (12 000 habitants) ; des fabriques de faïence, des métiers de toile de ménage, des moulins à huilé et un grand nombre de petits établissements enrichissent ses laborieux habitants. On y remarque un beau palais des ducs de Medina-Celi. C'est probablement l'ancienne Munda.
Sur la gauche de la route d'Andujar à Cordoue, Bujalance (8 000 habitants), que l'on croit être la cité romaine de Cal que l'on croit être la cité romaine de Calpurnium, est située dans une plaine vaste et fertile, et renferme plusieurs manufactures de draps et d'autres tissus de laine.
Quelques lieues avant d'arriver à Cordoue par la route que nous venons d'indiquer, on traverse, près de la Venta de A lcolea, le Guadalquivir sur un des plus beaux ponts de l'Europe. En entrant dans cette ville célèbre, que les Romains appelaient Corduha, dont lès Espagnols ont fait Cordova, son ensemble n'offre rien d'imposant ; c'est un amas de maisons construites sans goût et sans élégance, formant des rues étroites, tortueuses et malpropres, dans une enceinte immense occupée en grande partie par des jardins, et composée de vieilles murailles flanquées de grosses tours de construction romaine et arabe. Un seul monument attire rles regards, et ce monument est l'unique reste de la puissance des Maures : c'est la magnifique mosquée construite par Abdérarrte en 770, et qui fut le principal temple de l'islamisme après celui de La Mecque. Aujourd'hui l images sacrées du catholicisme s'y élèvent de toutes parts au milieu des versets du Coran. L'édifieg est un rectangle de 150 mètres de largeur sur 210 mètres de longueur, y compris une étendue de 70 mètres occupée par un jardin entouré de murs etd'ar-
cades. L'intérieur présente une forêt de colonnes disposées en quinconces : on en compte 850 de différentes espèces de roches, telles que le marbre, le granité et le porphyre. Ces colonnes, dépourvues de base ou placées sur une base trop peu élevée, sont ornées de chapiteaux élégants et supportent un doubla rang d'arcades.
Après avoir vu cette mosquée, la lJfezquita, ainsi que l'appellent encore les Espagnols, il faut sortir de la ville en traversant le Guadalquivir sur un pont de 16 arches, ouvrage des Romains et des Maures. Aux environs, on voit les ruines d'un édifice que le peuple appelle la maison de Sénèque ; nous ne savons si cette tradition est fondée, mais ce qu'il y a de certain, c'est que Cordoue est la patrie des deux Sénèque, de Lucain, d'Avicenne, d'Averrhoès et de Gonzalve Fernandez, plus connu sous le nom de Gonzalve de Cordoue. Cette ville, qui avait au temps des Maures 300 000 habitants, qui au xvne siècle ne comptait que 60 000 âmes, n'en renferme plus qu'environ 40 000. Commerçante et industrieuse sous les Romains et les Maures, elle n'a conservé de ces derniers que l'art de travailler les peaux en façon de maroquin (1); on n'y compte qu'un petit nombre de manufactures de rubans, de galons et de chapeaux. — Baena, Aguilar, Cabra, lJfontoro, sont des villes de plus delOOOO âmes, dans la province de Cordoue.
L'ancien royaume de Séville .est à lui seul aussi important que les deux royaumes de Cordoue et de Jaen, et renferme les provinces de Séville, de lIuelva et de Cadix. En venant de l'est, une des premières villes qu'on y rencontre est Ecija, l'une des plus considérables de l'Andalousie : c'est YAstigis des Romains; elle est placée entre deux collines élevées, au bord du Genil, qu'on traverse sur un beau pont en pierres ; sa situation dans une sorte d'entonnoir y produit presque en tout temps des chaleurs si violentes, que les Espagnols l'appellent la Sarten de Andalucia, c'est-à-dire la poêle à frire'de l'Andalousie.
Elle compte 25 000 habitants.— Carmona (15 000 hab.), ville riche et bien bâtie, est déjà mentionnée sous ce nom dans les auteurs anciens, et l'on y voit encore deux portes de construction romaine. L'Alcazar est un beau château en ruines.
Une des églises, de style gothique, a une tour remarquable. Ses établissements d'industrie consistent en fabriques de draps, de savon, de toiles, de faïence commune et de maroquin.
Séville, que son origine phénicienne place au rang des plus anciennes villes de l'Espagne; que l'histoire de l'antiquité et du moyen âge range parmi les plus célèbres; l'une des plus importantes par son étendue, des plus magnifiques par ses édifices, et des plus opulentes par son industrie, va nous occuper quelques instants. Elle dut le nom phénicien tfHispalisk la richesse et à la fertilité du bassin qu'elle occupe. En vain Jules César lui donna-t-il le nom de Julia Bomula; les Arabes, en la désignant sous celui de Sevilla, n'ont fait que lui en donner un analogue à sa situation, et conséquemment à celui qu'elle reçut dans l'origine. La position de Séville est réellement admirable ; son horizon est borné par des montagnes dont les plus rapprochées dépendent de la Sicrrania de Ronda, et terminent vers l'occident la longue chaîne à laquelle appartient lu Sierra
(0 Les cordotutits, ou cuirs de Cordoue, ont donné leur nom aux cordouanniers, plus xard cordonniers.
Nevada. Elle s'étend au milieu d'une plaine couverte de plantations d'oliviers, de fermes, de jolis villages, de riches couvents; et le Guadalquivir, auquel elle doit sa richesse, serpente au pied de ses murailles. Celles-ci, garnies de 166 tours, forment une circonférence de 10 kilomètres, et si l'on y comprend les faubourgs, cette étendue se trouve plus que doublée. Quelle que soit l'exagération des écrivains espagnols, qui, en donnant à Séville une population trop considérable à l'époque où saint Ferdinand la conquit sur les Maures, n'eurent en vue que de relever la gloire de cette conquête, il est certain que, depuis cette époque, sa population a considérablement diminué. Au commencement du xvme siècle, elle renfermait encore 130 000 habitants, et ses manufactures de draps et de soieries occupaient 16 000 ouvriers. A la fin du même siècle, sa population était de moins de 100 000 âmes, et ses fabriques employaient un millier d'ouvriers ; aujourd'hui, la population a repris de l'accroissement : elle s'élève à plus de 100 000 habitants.
Les Espagnols, habitués à vanter les beautés de leur pays, expriment leur admiration pour Sévill e par le dicton populaire :
Que no ha visto Se villa, No ha visto maravilla (i).
Mais les merveilles qu'elle renferme ne changent rien à l'ensemble triste et sale qu'elle offre : ses rues sont tellement étroites que l'on ne peut y circuler en voiture; la plupart montrent de chaque côté les traces des essieux, et l'on peut, dans quelques-unes, toucher à la fois les maisons opposées. On compte dans la ville et les faubourgs 564 rues, 12 000 maisons, 62 places et 32 églises. Parmi ses 15 portes, il en est quelques-unes dont l'architecture est assez belle, mais celle qui conduit à la Triana, le plus important de ses faubourgs, situé sur la rive droite du Guadalquivir, est un arc de triomphe orné de colonnes doriques.
C'est par ses édifices qu'il faut juger Séville : l'archevêché est un vaste et superbe bâtiment; l'Alcazar, ou l'ancien palais des rois maures, achevé par Pierre le.
Cruel et ses successeurs, mérite, par l'élégante bizarrerie de sa construction, par les marbres, les stucs, les ornements qui y sont prodigués, et par ses jardins, l'attention du voyageur. On peut encore citer l'hôtel de ville, la fonderie de canons, le collège de Saint-Elme, la manufacture de tabacs, et la Lonja ou la bourse, bâtiment carré d'ordre toscan, où l'on conserve les archives relatives à l'histoire des découvertes faites par les navigateurs espagnols. Mais le plus imposant de tous, et l'un'des plus considérables de l'Espagne, c'est l'église cathédrale, bâtie au commencement du xve siècle. Elle a 140 mètres de long, 87 de large : son intérieur se divise en neuf nefs, où les tableaux, les statues et les tombeaux attirent tour à tour les regards. Parmi ces derniers, on ne peut s'empêcher de remarquer celui de saint Ferdinand, le saint Louis d'Espagne, celui d'Alphonse le Sage ou
(4) Qui n'a point vu Séville n'a point vu de merveille.
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l'Astronome; on y voyait aussi celui de Christophe Colomb, avec cette inscription xappante par sa brièveté : Â Castilla y Aragon, Otro mundo diô Colon (1).
Mais il a été transféré à La Havane.La partie la plus curieuse de cette cathédrale est la célèbre tour de la Giralda, uvrage de l'architecte arabe Geber, qui lui donna d'abord 83 mètres d'élévation; nais en 1568, on l'exhaussa de 33 mètres. De cette tour carrée, là vue s'étend à , ,lus de 60 kilomètres ; on n'y monte point par un escalier, mais par une rampe i douce, que, depuis longtemps, on répète qu'un cheval pourrait la gravir au rot; mais nous doutons qu'on en ait jamais fait l'essai. La coupole qui la termine st surmontée d'une figure en bronze doré, représentant la Foi et faisant l'office o girouette ; elle pèse 34 quintaux, et cependant elle tourne au moindre vent.
Séville possède une université, l'une des plus fréquentées de l'Espagne, une ibliothèque publique de 20 000 volumes, 9 collèges, des écoles de pharmacie, 3 mathématiques, d'agriculture, des beaux-arts, de navigation et une de tauroachie. Elle a plusieurs sociétés savantes.
La Triana est comme une ville à part, peuplée de contrebandiers, de bohéliens et autres gens sans aveu. On y voyait le château où siégea l'Inquisition ms son origine.
L'amphithéâtre tfltalica est l'une des antiquités les. plus remarquables des ivirons de Séville; la cité dont il fut le principal ornement n'est.plus qu'un mirable village nommé Santi-Ponce ; on sait cependant qu'elle fut le siège d'un êché, et qu'elle a vu naître trois empereurs : Trajan, Adrien et Théodose.
Utrera (13000 hab.), qui paraît être l'ancienne Orippo, est une petite ville sez bien bâtie, dont les vieilles murailles sont détruites, et dont le territoire est rtile en. oliviers, en vignes et en pâturages, où l'on élève d'excellents chevaux beaucoup de mérinos et de taureaux. — Marchena (12 000 hab.), Osùna 5 000 hab. ) et Moron (10.000 hab.) sont encore des villes remarquables de la Dvince de Séville.
Dans la province de Huelva ou Huelba, on distingue : Mogiier, avec son trinal ecclésiastique, son hôpital, ses deux écoles latines, son château ruiné et son rt sur le Tinto, d'où s'exportent des vins et des eaux-de-vie; — Niebla (l'annne Ilipla), aussi sur le Tinto, dans un pays fertile ; — Palos, vers l'embouure de cette rivière, port aujourd'hui fort déchu, mais à jamais célèbre par le part de Christophe Colomb pour son grand voyage, le 3 août 1492; - Huelva icienne Onoba), ville de 8000 hab., chef-lieu de la province, au confluent l'Odiei et du Tinto, avec un port qui rivalise avec celui de Moguer ; — Ayante, ville fortifiée, à l'embouchure de la Guadiana, sur la limite de l'Andasie et du Portugal ; enrichie par le commerce et par la pêche des sardines.
n s'embarquant à Ayamonte pour faire voile vers le port le plus proche.de s ceux de la province de Cadix, on débarque à San-Lucar de Barrameda,
) « A la Castille, à l'Aragon, Colomb donna un autre monde. »
port assez fréquentéj situé à l'embouchure et sur la rive gauche du Guadalquivir; son ancien nom de Lucifer annonce l'emplacement d'une ville où le dieu de la lumière avait des autels. On y compte un grand nombre de- tanneries; on y fabrique diverses sortes de liqueurs, et des tonneaux pour les vins estimés que produit son territoire et qui forment sa principale branche de commerce. Sa population est d'environ 18 000 âmes. Ses environs sont d'une grande fertilité, tandis que, sur l'autre rive du fleuve, l'œil est attristé par de vastes plaines sablonneuses aussi arides que les déserts de l'Afrique.
Sur la côte, on voit Rota, célèbre par ses vins, et peuplée de 7 000 habitants; en remontant dans les terres, on trouve Xerez ou Jerez de la Frontera, l'antique Asta Regia, au pied d'une colline, dans une position délicieuse, sur le Guadalete; elle est importante encore par sa population de 35 000 habitants et par ses vins chauds et délicats, que les Anglais appellent vins de Sherry : le produit de ses vignes s'élève annuellement à 20 000 hectolitres, et les caves qui les recèlent sont, par leur étendue et la solidité de leur construction, au nombre des curiosités que renferme la ville. Celle-ci est traversée par une muraille antique, percée d'arcades et d'ouvertures, qui la sépare en deux quartiers. En dedans de cette muraille, les rues sont étroites et les maisons mal construites; tandis qu'en dehors les rues larges et régulières se çomposent d'habitations simples, mais élégantes. Le châ- teau royal, flanqué de grosses tours, paraît être d'upe construction fort ancienne.
Dans les environs, on admire l'église d'une célèbre chartreuse. Les plaines de Xerez furent le théâtre de la bataille de 712, dans laquelle les Sarrasins vainquirent Rodrigue, dernier roi des Goths. A 18 kilomètres de Xerez, sur les bords escarpés du Guadalete, Arcos de las Frontera (12 000 hab.), petite ville, aux rues longues et péniblement raides, est peut-être l'ancienne Arcohriga.
Traversons le Guadalete, et visitons cette importante ville de Cadix (en espagnol Cadiz), dont les habitants passent pour les plus civilisés de l'Espagne, et qui fut deux fois dans ce siècle le principal asile de la liberté. On ignore l'origine de cette cité, dont le nom antique Gaddir, qui signifie lieu entouré, a été changé en celui de Gadès par les Grecs et les Romains. Strabon en attribue la fondation aux Phéniciens; il la compare aux villes les plus puissantes de l'Italie, et dit, en parlant de ses habitants, que ce sont eux qui arment les plus grands et les plus nombreux vaisseaux destinés au commerce de la Méditerranée et de l'océan, quoiqu'ils n'habitent qu'une petite île et qu'ils possèdent peu de terrain sur le continent. L'avantage de sa position place encore Cadix au rang des villes les plus commerçantes de l'Europe. Depuis Strabon, cette partie de la côte d'Espagne a éprouvé bien des changements : il est probable que l'espèce de jetée qui unit Cadix à l'île de Léon n'existait point à cette é poque, et que Gadès étaill dans une île qui est devenue depuis une presqu'île. Ce qui confirmerait ce faitJ
c'est que Pline dit positivement que la ville est dans une île voisine de celle dj Junon, qui ne peut être que celle de Léon. Cadix, peuplée de 62 000 habitants, est une place forte du premier rang, et j - chef-lieu du premier département maritime de l'Espagne. Son port est peti mais sa baie, large de 4 kilomètres, forme une rade excellente pour des flotte
nombreuses. Elle est environnée de tous côtés par des remparts et des bastions, et la nature, autant que l'art, a contribué à sa sûreté. Au nord et à l'ouest, des bancs de sable et des écueils en défendent l'approche, et sur ces derniers s'élèvent encore les deux forts de Sainte-Catherine et de Saint-Sébastien ; la baie est de plus défendue par le fort Matagorda (près du village de Trocadero, fameux dans la guerre de 1823), le fort Louis et les batteries de Puntales ; enfin, pour compléter sa sécurité, la Vortadura, coupure faite dans la largeur de la langue de terre par laquelle elle tient à l'île de Léon, peut intercepter facilement toute communication avec celle-ci, et le fort Cortadura y offre une défense redoutable. Le blocus qu'elle éprouva de la part des Français, depuis 1809 jusqu'en 1812, n'eut d'autre résultat que de prouver aux habitants, qui faisaient venir à grands frais de l'eau le Port-Sainte-Marie, que celle qu'ils conservent dans des citernes est propre à tous les usages, car la ville ne possède pas de fontaines. Les maisons sont bien bâties et blanchies avec soin; leurs toits saillants ont l'inconvénient de rendre les ues étroites et sombres, mais ils ont l'avantage d'offrir un abri contre les rayons lu soleil. Belle dans son ensemble, cette ville n'a rien de remarquable dans ses létails; la cathédrale est petite et mesquine; l'hôtel de ville, malgré l'irrégularité le son architecture, ne laisse pas que d'offrir un aspect agréable; mais il est fà:heux d'être obligé d'avouer que la prison est un édifice de meilleur goût : la belle enue que l'on remarque dans son intérieur est le plus bel éloge que l'on puisse aire de cet utile établissement, et lorsque l'on considère que la maison des epants trouvés, que 7 hôpitaux, dont l'un est l'hôpital militaire de San-Fernando, t un autre renfermait plus de 800 pauvres, ne laissent rien à désirer sous le rapport de leur entretien, on peut dire que la manière dont la bienfaisance est exerée à Cadix justifie ce qu'on a dit sur les lumières de ses habitants. S'il fallait onfirmer cette assertion par un coup d'œil sur les établissements d'instruction, suffirait de dire que l'école des cadets pour la marine, les écoles des beaux-arts, e mathématiques, de chirurgie et de médecine, l'observatoire, jouissent en Ispagne d'une réputation méritée.
L'île de Léon renferme, vers son centre, une ville nommée San-Fernando u Isla-de-Leon (15000 hab.), où se trouve le nouvel observatoire de Cadix.
Cette île n'est séparée du continent que par un bras de mer de 200 mètres de trge, que les Espagnols appellent le Rio Santi-Petri ; on le traverse au moyen d'un ont qui nous conduira sur la route de Meclina Sidonia, petite ville de 9 000 hab., tuée sur la cime d'un rocher en pain de sucre, renommée par ses eaux saluires, par les terres qu'elle recueille sur son territoire, et qui sont tellement esmées pour la fabrication des briques et de la poterie propre à résister au feu, d'elle en approvisionne une grande partie de l'Andalousie. Son nom est d'oriine arabe, mais la multitude d'inscriptions romaines que l'on y trouve donnent m de croire que c'est l'antique Asido. - Chiclana, assez près aussi de l'île de éon, est un lieu de plaisance pour les habitants de Cadix, et a des eaux minérales inommées. — Port-Sainte-Marie (Puerto-de-Santa-Maria), sur la mer, en ce de Cadix, est une belle ville de 18000 habitants, défendue par quelques fornications, et animée par l'industrie des cuirs, des savons et des draps.- Puertoeal, sur la baie de Puntales, continuation de celle de Cadix, est remarquable
par son beau port, son bassin pour la construction des vaisseaux de guerre, ses chantiers et les arsenaux, situés sur la petite île de la Carraca, et ses carrières d'une pierre excellente, qui a servi à bâtir Cadix. — En descendant vers le détroit de Gibraltar, on voit, à 23 kilomètres au delà du lac de la Janda, à l'extrémité la plus méridionale de l'Espagne, la ville et le port de Tarifa, que les Romains appelaient Mellaria, cité qui, du temps de Strabon, était renommée par ses salines.
Ses fortifications sont importantes ; on a vainement projeté de la réunir à la petite île qui porte son nom, et dont elle n'est séparée que par un canal de quelques centaines de pieds de largeur. Les Français l'assiégèrent inutilement en 1811, mais la prirent en 1823.
Algeciras (11 000 hab.), sur la côte occidentale de la baie de Gibraltar, est une place forte qu'on a souvent nommée dans l'histoire des guerres de l'Espagne ; ainsi, elle soutint, en 1344, un long siège contre les Maures, qui s'en emparèrenl enfin; en 1811, les Français y remportèrent une victoire navale sur les Anglais.
Mais le cap Trafalgar, entre cette ville et Cadix, rappelle un souvenir moins glorieux pour la France : l'amiral Nelson y défit une flotte franco-espagnole, en 1805.
En suivant la route qui doit nous conduire dans la province de Grenade, nous passons par San-Roque, à 10 kilomètres de Gibraltar, rocher formidable qui appartient aux Anglais depuis l'époque de la guerre de la Succession (1704), et qui est devenu entre leurs mains une forteresse imprenable. La ville de Gibraltar (l'ancienne Calpe) renferme environ 15 000 âmes (sans la garnison). Elle se trouve sur la côte occidentale du promontoire qui lui a donné son nom et qui doit le sien (originairement Djebel-Tarik) à Tarik, général maure qui s'en empara au commencement de la conquête des musulmans. Ce promontoire, ou plutôt cette petite presqu'île rocheuse et escarpée, a 4 kilomètres de longueur, du nord au sud, et 1 kilomètre de largeur, et se termine au sud, dans la partie la plus orientale du détroit de Gibraltar, par la pointe d'Europe, vis-à-vis de la pointe d'Afrique, extrémité du promontoire de Ceuta, dans le Maroc. Ces deux promontoires sont les fameuses Colonnes d'Hercule des anciens, et le détroit qui les sépare s'appelait détroit cTHercule ou de Gadès. Gibraltar est un port militaire et commerçant à la fois. Des ouvrages considérables contribuent, avec la nature, à défendre cette place, clef de la Méditerranée : partout des batteries hérissent le promontoire, et des galeries souterraines, creusées dans l'intérieur du rocher, peuvent contenir de nombreux soldats. Les Espagnols, seuls ou aidés des Français, ont vainement essayé plusieurs fois de reprendre une si précieuse position.
L'ancien royaume de Grenade est une riche contrée, dans laquelle les villes rivalisent d'industrie, où l'on peut s'élever depuis les plaines basses et brûlantes qui bordent la Méditerranée jusqu'aux froides régions qui ont valu le nom de Sierra Nevada à la principale chaîne qui la divise dans sa longueur; ce pays, entrecoupé de vallées délicieuses et le mieux arrosé de la Péninsule, est tellement favorisé de la nature', que ce fut le dernier que les Maures persécutés se décidèrent à abandonner. On est charmé à la vue de ces campagnes, où des ruisseaux limpides et des prairies émaillées de fleurs tempèrent l'excessive chaleur du climat. Ce royaume est aujourd'hui divisé en 3 provinces : Malaga, Grenade et Almeria. La première ville importante et bien bâtie que nous trouvons sur la route
de Gibraltar à Madrid , dans la province de Malaga, est Ronda ( 14 000 hab.), partagée en deux par un affreux précipice qui divise dans toute sa hauteur la montagne calcaire sur laquelle elle est construite. Au fond de cette déchirure, de 150 à 200 mètres de profondeur, coule un torrent dont le nom arabe Guadalvin signifie ruisseau creux, et qui, sous celui de Guadiaro, va se jeter dans la mer, entre 4 Estepona et Gibraltar. Dans la ville, on traverse cette énorme cassure par le moyen de deux beaux ponts, dont le plus large et le plbâ récent, nommé le Pont-Neuf, est tellement élevé au-dessus du torrent, qu'à peine si l'on peut y entendre le bruit des eaux. On descend par un escalier de 400 marches jusqu'à la cascade nommée El Tqjo. Ronda, comme l'indique son nom, est la cité tfArunda, ôfint Pline et Ptolémée font mention. A 2 lieues au nord-ouest de la ville, existent les ruines de l'antique Acinipo, que l'on nomme aujourd'hui Ronda la Vieille (Ronda la Vieja). Orry voit encore un théâtre, et l'on y découvre, en fouillant le sol, des inscriptions, des médailles et des débris de statues.
Estepona (9 000 hab.), jolie ville maritime, est située au pied de la Sierra Vermeja (montagne vermeille), où l'on trouve des mines de plombagine dont on fait d'excellents crayons. — Marbella, dans un district riche en minéraux, serait une ville plus importante, si, dans ce territoire, les chemins étaient mieux entretenus; on remarque particulièrement les mines de fer de Meredia; la population est de 4 000 âmes. Elle a des fabriques en différents genres, et des pêcheries abondantes donnent quelque - activité à son port. On .y voit plusieurs fontaines et une belle promenade d'où la vue s'étend jusqu'à la Méditerranée.
Suivant une tradition, le point de vue dont on y jouit fut tellement admiré par Ferdinand et Isabelle, que la reine, frappée de la beauté de cette mer, s'écria : Que mar tan bella l ce qui, disent les chroniqueurs, fut l'origine du nom de Marbella. Quoi qu'il en soit, elle est d'une époque fort ancienne; on croit qu'elle portait le nom de Barbesola; mais nous pensons qu'elle est plutôt sur l'emplacement de Cilniana, mentionnée dans l'Itinéraire d'Antonin.
Sous un ciel magnifique qui n'est obscurci que par les pluies de l'arrière-saison ; au fond d'un golfe bordé par des montagnes dont la base est couverte d'oliviers, d'orangers et de vignes célèbres ; entourée par des champs couverts de cotonniers et de cannes à sucre, Malaga jouit des richesses que lui procurent un heureux climat et un port avantageusement situé. Ses habitants passent pour être polis et spirituels, et les femmes y jouissent d'une réputation de beauté que leur disputeraient vainement celles de plusieurs autres villes de l'Andalousie. Malaga est environnée d'une double muraille, défendue par des bastions et par un château que les Maures ont construit sur la pointe d'un rocher qui la domine. Son port, abrité par deux belles jetées dont la plus avancée dans la mer porte un [anal, peut contenir 500 bâtiments de commerce ; il est extrêmement animé et commerçant. Près du port, la promenade de l'Alameda, entourée de beaux édifices, est ornée de statues et d'une fontaine dont les eaux jaillissantes ajoutent à l'agrément de ce lieu fréquenté. La ville est approvisionnée d'eau par un bel aqueduc qu'un de ses plus riches citoyens, Molina, fit élever à ses frais. La plupart des anciennes maisons, d'architecture mauresque,, ont été remplacées par les constructions modernes : le palais épiscopal est un vaste édifice construit
dans le meilleur goût, et la cathédrale est un monument magnifique dont la tour a 88 mètres d'élévation. Il y a un chantier de construction et une école de navigation.
La ville actuelle" occupe à peu près l'emplacement de la cité commerçante de Malaca, dont Strabon attribue la fondation aux Phéniciens. On porte sa population à 75 000 âmes.
Les riches vignobles de Malaga produisent annuellement au delà de 160 000 hectolitres de vin (1).
Un chemin qui côtoie la mer conduit de Malaga à Velez-Malaga, ville industrieuse et commerçante de 16000 habitants, dont les vignobles égalent ceux de la précédante, et qui occupe l'emplacement de l'antique Menoha. — Coin, à l'ouest de Malaga, a 10000 hab. Près de là est Monda, que la plupart des historiens ont considérée comme la Munda où César vainquit le fils de Pompée ; mais il est plus probable que c'est Montilla (prov. de Cordoue) qui correspond à cette ancienne ville.
Nous terminerons notre excursion dans la province de Malaga par la ville Antequera, VAnteçariades anciens, située entre les montagnes qui portent son nom et le cours du Guadalhorce. Cette ville, importante par sa population, évaluée à plus de 20 000 âmes, ne l'est nullement par ses édifices; mais on remarque dans ses environs la montagne des Amants [pena de los Enamorados), célèbre par un trait d'héroïsme et de sentiment dont l'Espagne du moyen âge et l'Espagne moderne offrent plus d'un exemple. Un chevaKer chrétien, prisonnier d'un prince maure, était devenu amoureux de la fiïïe de ce dernier : résolus d'aller dans un État chrétien faire bénir leur union au pied des autels, déjà ils étaient sur la frontière, lorsque les deux amants furent atteints par le prince et ses soldats ; ils cherchaient une retraite dans les anfractuosités de la montagne; mais ao moment où le père irrité ordonnait qu'on s'emparât des fugitifs : « Je suis chrétienne, s'écria la jeune fille, mon époux m'accompagne, et si vous approchez, nous périrons tous deux! v A ces mots, qui n'arrêtèrent point la colère de l'Arabe, les deux infortunés, serrés dans les bras l'un de l'autre, se précipitèrent du haut du rocher. Une croix indique encore la place de cet événement.
Dans la province d' Almeria, les villes de quelque importance sont de petits ports ou des villes à peu de distance de la mer. A lmeria, cité qui fut plus riche et plus industrieuse autrefois qu'aujourd'hui, est l'antique Mur gis, dont l'origine se
(1) Les propriétaires vignerons divisent les raisins en trente espèces différentes; mais on les classe aussi suivant les époques de leur maturité : les hâtifs se récoltent vers- le mois de juin; ils produisent un vin épais et mielleux qui compte im grand nombre d'amateurs; ils fournissent les meilleurs raisins secs, qui forment une des principales branches du commerce de Malaga. On les coupe alors vers le milieu de la tige, on les expose pendant 15 jours au soleil pour les sécher et les cuire; puis on les encaisse. Les raisins de saison se cueillent au commencement-de septembre, et donnent ces vins chauds et secs si généralement estimés. Enfin fes raisins tardifs sont ceux dont on fait les meilleurs vins de Malaga ; il en est un surtout, appelé vin de guindas, fort recherché, qui doit son nom à une espèce de bigal" reaulier dont on y laisse infuser les bourgeons. Les produits du sol de Malaga sont exportés par les différentes nations qui les consomment : ce n'est point exagérer que de dire que, sur la quantité de navires qui entrent dans ce port, il n'y en a pas un septième qui soient - espagnols.
perd dans la nuit des temps, et dont le port, que les anciens appelaient Magnus Portus, est encore assez bon. Almeria s'élève au fond d'un golfe, dans la plus délicieuse situation. Elle exploite du sel et du salpêtre, commerce en fruits excellents de son territoire, et renferme 20000 habitants. — Velez-Rubio (12000 hab.) est aussi dans une position pittoresque. — Berja a d'importantes mines de plomb. — Adra (8000 hab.), à l'embouchure de la rivière du même nom, a * également des mines de plomb extrêmement riches. — Cuevas de Vera est une ville de plus de 10000 hab. — Dans la partie méridionale de la province de l'Almeria, se trouve la Sierra de Almagrera, où de riches filons argentifères se montrent de tous côtés, et où l'on vient de découvrir des galeries d'exploitation parfaitement conservées et des antiquités carthaginoises.
Si nous parcourons la province de Grenade, nous trouverons, au pied d'une chaîne qui porte son nom, Loja ou Loxa (14 000 hab.), sur la rive gauche du Genil, avec une abondante saline et une fonderie de cuivre. — A lhama, dont le nom arabe signifie eaux thermales, est une des villes d'Europe les plus élevées au-dessus du niveau de la mer : elle est à 780 mètres d'altitude. Ses maisons dans le style mauresque, les vieilles murailles qui l'entourent, l'aridité de ses environs, lui donnent un aspect difficile à décrire. Pendant près de six mois elle est dominée par la neige, et le reste de l'année elle est brûlée par le soleil. Les bains qu'elle possède à un kilomètre de son enceinte sont célèbres et très-fréquentés (1).
Les montagnes d'Alhama sont coupées par la route qui conduit à Velez-Malaga; on y remarque un passage curieux appelé la Puerta de Zaflaraya : c'est, en effet, une espèce de porte taillée par la nature au milieu des rochers élevés, d'où le voyageur ravi aperçoit tout à coup une immense étendue de pays ; son œil plane sur les pentes méridionales des montagnes du groupe Bétique, sur les côtes du royaume de Grenade, sur la Méditerranée et sur les rivages africains.
Déjà nous approchons de cette importante cité qui fut le tombeau de la puissance mauresque en Espagne. Voici, sur la rive gauche du Genil, au milieu d'une campagne délicieuse, cette intéressante ville de Santa-Fe, si maltraitée en 1807 par un tremblement de terre, et si singulièrement fondée par l'héroïne castillane, épouse de Ferdinand le Catholique. Pendant le siège de Grenade, la reine avait fait vœu de ne changer de chemise que lorsque cette capitale aurait ouvert ses portes. Afin d'intimider les ennemi, son camp fut transformé en une ville qu'elle entoura de murailles, et cette ville est Santa-Fe. Les Maures combattaient avec outrance, et le siège fut si long, que le vêtement que la reine avait juré de conserver prit sur son corps une teinte jaunâtre, qui fut l'origine de la couleur isabelle; c'est aussi dans l'enceinte de cette ville que Ferdinand et Isabelle approuvèrent et protégèrent la première expédition de Christophe Colomb allant à la découverte d'un nouveau monde.
(1) L'eau en est lourde, sulfureuse, limpide et légèrement colorée. L'endroit o' l'on voit naître la source est aride, sauvage et entouré de rochers décharnés. Dans l'établissement où l'eau est réunie, elle offre une singulière particularité : lorsqu'elle est éclairée par les rayons du soleil, elle semble couverte d'une couche de graisse dont les cheveux des bai.
gneurs sont bientôt enduits; dans les temps froids, l'eau se couvre de vapeurs, et les canaux dans lesquels elle coule paraissent être tapissés d'un savon blanchâtre.
De belles promenades, tracées sur les bords enchanteurs du Genil, annoncent l'approche de Grenade (en espagnol Granada), traversée par le Darro, entourée par de riants bocages rafraîchis par des ruisseaux limpides, et parfumée par les délicieuses odeurs que répandent les jardins et les bosquets disséminés sur les coteaux voisins. Tandis que le printemps règne à ses pieds, la Sierra Nevada, qui paraît être tout près de ses murs, élance dans les cieux ses sommets blanchis par d'éternels hivers. En entrant dans Grenade, on ne peut s'empêcher de comparer son état actuel avec ce qu'elle était sous les Maures qui la fondèrent, et l'on est tenté de se dire : Voilà donc cette ville qui, lorsque le croissant brillait sur ses mosquées, comptait 400 000 habitants, était défendue par plus de 1 000 tours dont il ne reste que des ruines, occupait trois lieues de circonférence, et qui se distinguait par une industrie, une magnificence, une richesse sans rivales en Europe. Aujourd'hui, sa population est de 100 000 âmes. Elle possède encore de beaux édifices; elle a 2 grandes places et 16 petites, un grand nombre de fontaines publiques, plusieurs collèges, plusieurs hôpitaux, un beau théâtre bâti par les Français, et 63 églises, dont les principales sont celles de San-Jeronimo (où est le tombeau de Gonzalve de Cordoue), de Santa-Cruz, de San-Juan de Dios, et la cathédrale, temple imposant, qui renferme le tombeau de Ferdinand et d'Isabelle, ainsi que celui de Philippe 1er et de la reine Jeanne la Folle; mais ces édifices perdent un peu de leur intérêt près de ceux qu'elle doit au génie et au luxe des Arabes. En vain Charles-Quint, dans tout l'éclat de sa puissance, fit-il élever au milieu de l'Alhambra, palais et forteresse des rois maures, unejmbitation qui devait surpasser en magnificence tout ce que ceux-ci avaient construit de plus somptueux : à la vue de ce beau monument de la renaissance de l'art, on regrette moins de ne pas le voir achevé que l'on ne regrette le sacrifice qu'il fallut faire de plusieurs portions de l'Alhambra pour lui réserver un emplacement convenable. Malgré la grandeur de cet édifice orné de portiques et décoré des plus précieux marbres, la richesse du palais arabe, ses galeries formées de colonnades légères, ses salles chargées d'ornements encore si frais, l'élégance de la cour des bains, les arcades qui entourent celle des lions, à laquelle on ne reproche que sa mesquine étendue, annoncent assez combien il dut être supérieur aux modernes constructions de Grenade. Près de l'Alhambra,, on remarque le Generalife, magnifique ville où habitait la cour pendant l'été, et la Silla del Moro (chaise du maure), édifice mauresque en ruine.
Cette ville est la patrie du célèbre poëte Hurtado de Mendoza et du jésuite Suarez. A peu de distance de ses murs, on voit l'emplacement de la cité romaine d'Eliberis, où des fouilles ont fait retrouver les antiquités les plus précieuses.
Ce fut en 1492 que Grenade fut prise par Ferdinand et Isabelle, après un siège d'un an.
Guadix, dans une vallée au bord du Rio Guadix, est une ville de 10000 âmes; ses vieilles murailles ont vu la longue résistance que firent les Maures après la conquête de leur capitale. Elle s'élève probablement non loin de l'emplacement qu'occupait la. cité bétique d'Acci. — Baîa (10500 hab.), qui s'enrichit par ses récoltes de lin et de chanvre, est dans une riche vallée, au pied d'une chaîne qui porte son nom ; c'était la ville de Basti, capitale des Bastitani. — Huescar, sur
le bord de la Barbata, fabrique des tissus de laine de diverses couleurs : près de ses murs, un village qui porte le nom de Huescar la - Vieja, est tout ce qui reste d'Osca, fondée par les Carthaginois.
Almüriecar, dont le port est abrité des vents d'est et d'ouest, est au pied d'une colline où l'on voit encore les restes d'une citadelle dans laquelle les rois maures déposaient leurs trésors et faisaient enfermer les princes de leur famille dont ils craignaient les tentatives d'usurpation. — Motril (Firmium Julium), à l'embouchure du Guadalfeo, a des cultures de coton, de cannes à sucre, des fabriques de rhum, et n'est pas éloigné de célèbres mines de plomb et de salines importantes. On y compte 12 000 habitants.
Il nous reste encore à parcourir une région continentale : c'est le royaume de Murcie, qui se trouve dans le sud-est de l'Espagne, et qui confine à l'Andalousie, à la Nouvelle-Castille et au royaume de Valence. Il comprend principalement le bassin de la Segura, et se divise en deux provinces : celles de Murcie et d'A /bacète.
Ce pays offre un mélange de montagnes nues, de plateaux secs, et de vallées et de plaines délicieuses qu'on nomme des Huertas (jardins) ; le climat y est si pur et si beau qu'on l'a surnommé le sérénissime royaume ; mais la sécheresse du sol est un des malheurs de cette contrée ; l'apathie et l'indolence des habitants en est un bien plus grand encore; les Murciens joignent à ce défaut l'amour de la dispute et la superstition. Ils récoltent assez de blé pour la consommation ; on fait aussi du vin, généralement médiocre; on cultive des mûriers; on recueille du sparte, de la soude et du safran; Murcie, ville riche et bien peuplée (73 000 hab.), est située au milieu de la belle Huerta de Murcia, et baignée par la Segura, dont les eaux sont retenues par un superbe quai; sa cathédrale est aussi riche d'ornements à l'intérieur qu'à l'extérieur : c'est son pins bel édifice ;. cependant on doit encore citer l'hôtel de ville et le bâtiment où l'on apprête la soie, principale richesse de ce canton.
Murcie portait jadis le nom de Murgia. On remarque, à 35 kilomètres de là, des souterrains curieux, appelés Alcazares (c'est-à-dire les Palais), où des bas-reliefs, de précieuses mosaïques, des escaliers du plus beau marbre et beaucoup d'autres objets curieux, offrent à l'archéologie le plus grand intérêt. — L'une des villes les plus peuplées de la province de Murcie est Lorca (40 000 âmes), l'antique Eliocroca ; elle est sur le penchant septentrional de la Sierra del Cano.
Cette situation a contribué à rendre plus terrible l'événement qu'elle éprouva en 1802. Un bassin dans lequel se réunissent les eaux des torrents voisins, et qui sert à l'arrosement des champs, se rompit tout à coup, inonda toute la partie basse de la ville, et fit périr plus de 600 personnes et un grand nombre d'animaux.
La ville qui donne le plus d'importance à la province par son commerce et par son port excellent, destiné à contenir 40 vaisseaux de ligne et un grand nombre de navires marchands, c'est Carthagène (Cartago Nova), fondée par le Carthaginois Asdruhal. Des montagnes importantes séparent son territoire de celui de Murcie, et les richesses minérales qu'elle renfermait ont été longtemps pour les Romains ce que le Mexique fut depuis pour les Espagnols. Ils exploitaient l'argent et plusieurs métaux utiles : à 3 lieues de la ville, une vaste caverne, qui porte le nom
de Saint-Jean, n'est autre chose qu'une de ces anciennes mines abandonnées. Dans les montagnes vpisines, il existe des eaux thermales et des exploitations d'alun.
Carthagène est l'une des plus belles villes de l'Espagne; elle est défendue par plusieurs forts situés sur la côte, par celui d'Atalaya sur une des hauteurs qui la dominent, et par des batteries de l'îlot de l'Escombrera. Son arsenal est immense ; ses ateliers, ses chantiers, son bassin rectangulaire, occupent la moitié occidentale de la ville. Le plus remarquable de ses édifices est la cathédrale, formée de trois nefs, et renfermant plusieurs autels richement sculptés. Chef-lieu d'un département maritime, la profondeur et la beauté de son port ne sont point le seul avantage qu'elle offre à la marine espagnole et étrangère. Elle possède des écoles de pilotage et de mathématiques, un hôpital de marine, de grandes corderies, un observatoire et un jardin botanique. Sa population est de 34 000 âmes.
La province de Murcie renferme encore : Almazarron, petite ville fortifiée, avec une exploitation d'alun; — Totana (8 000 hab.), remarquable par un aqueduc et une belle fontaine; —Archena, qui a de célèbres bains d'eaux minérales ; — Caravaca et Moratalla, qui ont de 10 à 13 000 habitants.
La province d A lhacète est moins riche que la précédente. Elle n'a pour villes principales qu'A Ibacète (10 000 hab.), sur un canal d'irrigation auquel elle donne son nom, dans une plaine fertile, avec un commerce de coutellerie renommée; — Chinchilla (8 000 hab.), avec des fabriques de lainages et de poterie ; — A Imarisa (9 000 hab.), belle ville, célèbre par la victoire du maréchal de Berwick, en 1707. Villena (8000 hab.), au pied du mont San-Christobal. —
A Icaraz, sur le Guadalmena, avec les restes d'un aqueduc romain ; - Hellin, avec 10000 habitants.
Une légère embarcation conduit facilement de Carthagène, et plus promptement du port de Denia, à Ivice, en espagnol Iviza ou Ibiza (anciennement Eoosus}, l'une des Baléares, ces îles intéressantes dont nous avons déjà fait la description physique. — Iviza, la capitale de cette première île, est bâtie sur le penchant d'une colline escarpée qui s'élève au fond d'un golfe, et dont le sommet est couronné par l'évêché, la cathédrale et le château du gouverneur. La ville est entourée de murs. Les environs sont marécageux, mais fertiles en coton; le reste de l'île abonde en goudron que l'on retire du pin d'Alep (pinus alepensis), et qui constitue, avec les produits des riches salines d'Ivice, les deux principales branches de son commerce.
Ivice, peuplée de 17000 habitants, renferme quelques autres groupes d'habitations, auxquels on donne le nom de villages. Les mœurs de ses habitants ont la rudesse de celles des peuples abrutis par la misère et l'ignorance. Ils n'ont qu'un seul genre de modulation pour chanter leurs amours, et que le son monotone du flageolet et du tambourin accompagnés de lacastagnette, pour animer leurs danses bizarres et sans grâces. Le costume des paysans consiste en une veste courte et un pantalon étroit qui descend à mi-jambes ; leur coiffure est un bonnet de laine rouge, et leur chaussure consiste en spardilles, ou semelles de jonc, terminées en pointes recourbées comme des sabots, et attachées avec des cordes du même végétal. Celui des paysannes est plus élégant : un vaste chapeau rond un peu penché sur l'oreille recouvre une guimpe qui leur enveloppe le menton et des-
cend jusqu'à la ceinture. Cette guimpe, ouverte par derrière, laisse flotter une longue tresse de cheveux noirs; trois colliers de différentes grandeurs, dont deux supportent une croix, s'étagent sur leur poitrine; un tablier étroit, richement brodé, tranche sur la couleur noire de leur jupon, et la spardille recourbée est, comme chez les hommes, leur principale chaussure (1).
Formentera (anciennement Ophiusa) est si peu éloignée de la précédente, qu'il serait facile et même utile de les réunir; sa population est répartie dans plusieurs villages. On s'est plu à représenter cette île comme infestée de serpents, de loups et de renards; mais les seuls animaux que renferment ses bois et ses prairies sont des chèvres et des moutons devenus sauvages, et ses rivages sont garnis de ces grands oiseaux échassiers connus sous le nom de flammants. L'île renferme 2 000 habitants.
A peu de distance de Majorque, Cabrera est un rocher habité par quelques pâtres et de nombreux troupeaux de chèvres. Elle est couverte d'arbres, et renferme 3 sources d'une eau saine et limpide ; mais ce qui la rend affreuse aux yeux des amis de l'humanité, c'est le souvenir des souffrances qu'y éprouvèrent les prisonniers français qu'on y reléguait vers la fin de la guerre de 1808 à 1814. On leur , fournissait si peu de vivres, qu'en peu de temps beaucoup périrent.
L'île Majorque (en espagnol Mallorca), peuplée de 170000 habitants, renferme 16 villes de 3 à 6000 âmes; mais Palma, sa capitale, qui en compte plus de 40 000, est presque seule digne d'être décrite. Elle est entourée de murailles très-épaisses, avec 13 bastions; elle est dominée par un château bâti sur le coteau de Belver. De la promenade on jouit d'une vue délicieuse sur les champs et les jardins d'alentour. Ses maisons sont bien bâties en pierre ; mais l'excessive largeur des balcons rend les rues fort étroites. Le seul édifice qui rappelle son ancienne splendeur commerciale, est la Lonja, qui s'élève auprès du port. La cathédrale, bel édifice gothique, renferme le tombeau de don Jayme II, roi de Majorque, et fils de celui qui la conquit, en 1229, sur les Maures. Cette ville, qui fut pendant longtemps le principal entrepôt de commerce entre l'Europe et l'Orient, n'a plus qu'une industrie bornée aux besoins dès habitants de l'île. L'art de l'orfèvrerie est presque uniquement réservé à la population juive, objet des mépris des autres habitants, quoique depuis le xv* siècle elle ait embrassé la religion chrétienne. Palma a donné naissance à Raymond Lulle.
(1) Nous avons rapporté, au sujet des anciens peuples de l'Espagne, la singulière manière dont se faisaient les mariages dans les Iles Baléares au temps de Diodore; la coutume actuelle, qui parait avoir son origine dans l'antiquité, est moins immorale, mais non moins bizarre. Lorsqu'un villageois a obtenu la main d'une jeune fille, il est regardé, par les parents, comme faisant partie de la famille; mais la cérémonie du mariage ne se fait qu'au bout de deux ans au plus; jusque-là les jeunes gens du voisinage viennent visiter la fiancée en présence de son père. Le premier qui se présente le soir, dit M. Cambassède, jouit du droit de passer la nuit à causer avec elle. Il essaye, par tous les moyens possibles, de rompre le mariage projeté; il énumère les défauts du prétendu, et la fille est obligée de l'écouter jusqu'au bout sans se plaindre. Le jour venu, il se retire; mais il revient quelquefois dès la nuit suivante recommencer ses séductions : s'il arrive le premier, il est de nouveau reçu par le père, qui, ainsi que l'amant, souffre ses vexations, qu'ils ont euxmêmes fait supporter aux autres.
Il faut encore nommer, parmi les villes de Majorque, Pollenza (anc. Pollentza), ville forte, sur la côte nord-est, près d'une baie à laquelle elle donne son nom; — A lcudia, sur cette baie, avec une pêche active de corail ; — Soller, sur la côte nord-ouest, autrefois port commerçant et dont les marins étaient connus par leurs lointaines expéditions : un Guillaume de Soller a fait, au xve siècle, des cartes marines célèbres. — Malacor et Felanitx, à l'est, sont des villes de 10000 âmes.
Les Payés, ou habitants des campagnes de Majorque, ont un costume tout dif- férent de celui des Ivizains ; leurs sandales, leurs jambes nues, leurs larges culottes plissées, qui descendent jusqu'aux genoux, leur veste ronde et sans collet, leur donneraient beaucoup de ressemblance avec les paysans grecs, si leurs vi-
sages n'étaient pas ombragés par un large chapeau. Les femmes, chaussées de même, n'ont de particulier qu'une guimpe qui diffère de celle des paysannes d'Ivice ep ce qu'elle est ouverte par devant, qu'elle flotte sur les épaules, et que, • couvrant ainsi le haut de la tête, elle laisse voir sur le front deux mèches de cheveux partagées en bandeaux ; un chapeau d'homme recouvre aussi cette coiffure du xme siècle. Les riches habitants ont les mêmes vêtements et les mêmes mœurs qu'en Espagne; le peuple y est peut-être plus superstitieux que sur le continent, mais il est plus hospitalier; et, comme il n'y a point d'auberges dans l'intérieur de l'île, une simple recommandation suffit pour vous faire ouvrir la porte d'un paysan, qui s'empresse de vous offrir tout ce qu'il possède avec la plus franche cordialité.
A Minorque (Menorca), on retrouve les mêmes costumes et les mêmes mœurs que dans l'île que nous quittons, avec cette différence toutefois, que les Minorquains passent pour être moins superstitieux que les autres Espagnols. L'île renferme 5 villes : Ciudadela (autrefois Jamna), dont l'origine est probablement carthaginoise, a été capitale de l'île, et en est encore la ville la plus considérable après Mahon, la capitale actuelle. Elle a un petit port. La principale église n'est pas sans beauté. — De grandes rues tirées au cordeau, des maisons propres et régulières, font de Mahon ou Port-Mahon une résidence charmante; la cathédrale et l'hôtel du gouverneur sont peu dignes de l'aisance qui semble régner dans cette ville, qui, pendant la guerre de Napoléon Ier contre l'Espagne, dut la richesse dont elle jouit encore à la hardiesse de ses corsaires et à la sûreté de son port, l'un des plus beaux de la Méditerranée. Le célèbre André Doria disait proverbialement que dans cette mer il ne connaissait que 4 ports : Juin, Juillet, Août et Port-Mahon (i). Ce port a 5 kilomètres de long, sur 1000 à 1200 mètres de largeur ; il doit sa principale sûreté à deux coteaux escarpés qui forment ses côtés. Son entrée a 300 mètres de large, et les marins peuvent naviguer dans ses environs sans craindre les écueils. C'est le lieu ordinaire de relâche entre les côtes de France et d'Algérie.
Cette place, une des positions militaires les plus importantes de la Méditerranée, est défendue par les forts San-Carlos, San-Felipe, des batteries et d'autres
(t) Junio, Julio, Agosto y Puerto Mahon Los mejores puertos del Mediterraneo son.
travaux ; elle a été l'objet d'attaques nombreuses, et a été prise et reprie bien souvent par les Français, les Anglais, les Espagnols, particulièrement dans les guerres de la succession d'Espagne, de Sept Ans, de la république Française. Elle doit son nom à l'amiral carthaginois Magou, par qui elle fut, croit-on, fondée. Elle compte A 3 000 habitants.
Les îles Baléares sont une des parties les plus commerçantes de l'Espagne.
Elles exportent surtout de l'huile, des amandes, des olives, de l'eau-de-vie, du sucre, du savon, des oranges, du vin rouge (1) Sur les confins de la France et de l'Espagne, au milieu des Pyrénées, un petit pays neutre, protégé par ces deux grands Etats, _doit nous arrêter quelques instants encore dans la Péninsule. Oubliée dans la plupart des traités de géographie, la république d'Andorre est cependant deux fois plus considérable que celle de
Saint-Marin, en Italie, dont tous les géographes font mention. Elle occupe une vallée très-encaissée, qui porte le nom de sa capitale, Andorre ou Andorra.
Elle est bornée à l'est, au sud et à l'ouest par la province de Lérida, en Catalogne, et au nord par le département de l'Ariége. On ne peut y arriver, du côté de la France, que par des défilés très-difficiles et très-elevés. Son territoire, de 30 kilomètres de long sur 26 de large, et de 500 kilomètres carrés, renferme 10 000 habitants, 34 villages ou hameaux, et se divise en six communautés, qui sont : Andorre, la capitale, Canillo, Encarnp, La Massane, Ordino et SaintJulien. Elle a des eaux thermales près du hameau de Caldes, des mines de fer et 4 forges. Cette vallée, arrosée par plusieurs cours d'eau, dont les trois plus importants sont la Balira (affluent de la Sègre), Y Ordino et l'Os, est dominée par des montagnes inaccessibles, et riche en produits des trois règnes de la nature.
On y exploite de beaux marbres, des mines de fer abondantes, et les bois de ses importantes forêts de sapins se transportent par la Balira et la Sègre jusqu'à Tortose, et de là à la Méditerranée. Ses forêts et ses montagnes sont peuplées de gibier et de divers animaux, particulièrement de coqs de bruyère, de chèvres sauvages, de sangliers, d'ours et de loups. Ses terres sont fertiles et produisent
(1) Mouvement commercial de ces îles en 1857. — La navigation de ces Iles avec l'étranger et les colonies a présenté, en 1857, les chiffres suivants :
Entrée. 715 navires. 100 597 tonneaux.
, 1135 - 71744 -
- - — Totaux 1850 — 172 34 —
La France s'y trouvait comprise pour 32 321 tonneaux.
L'Afrique française 28 586 — Les États-Unis d'Amérique.. 27 074 — L'Angleterre 18 846 — Les colonies espagnoles. 17 871 — La Suède et la Norvège 13 784 — Le Portugal 12 654 La Russie 8 390 La Sardaigne 4 905, -
La part du pavillon espagnol, dans l'ensemble, a été de i 245 navires et de 94 546 tonneaux, chiffres auxquels le cabotage avec les autres ports d'Espagne, Barcelone en particulier, et les Canaries, ajoute 4 602 navires et 253 161 tonneaux (entrée et sortie réunies).
d'excellent tabac. La ville d'Andm're renferme 2 000 habitants, et se trouve au confluent de la Balira et de rOrriKop Louis le Débonnaire céda la souveraineté de la vallée d'Andorre aux évêques d'Urgel ; ceux-ci, au xïUe siècle, la possédèrent par indivis avec les princes de la maison de Foix, jusqu'à l'avènement de Henri IV au trône, époque à laquelle le comtéde Foix fut réuni à la France. Depuis ce temps, nos rois conservèrent leurs droits sur cette vallée; mais en 1790 ces droits furent abolis comme féodaux.
Le gouvernement se compose de deux viguiers ou syndics (lsun français, l'autre andorran), élus pour trois ans par un Conseil général de 12 consuls, nommés pour un an par les6 communautés, et auxquels s'adjoignent les 12 consuls de l'année précédente, qui ont voix délibérative. Les Andorrans parlent le dialecte catalan, et sont sous la direction spirituelle de l'évêque d"Urgel. Ils payent une redevance de 450 francs à l'évêque d'Urgel, et de 960 francs à la France, et s'exemptent de tous droits sur les marchandises tirées des deux États voisins. Leur force armée consiste en 6 compagnies (une par commune); tout Andorran propriétaire est soldat. Heureux dans leurs montagnes, les querelles ambitieuses des rois ne troublent point leurs paisibles travaux.
Ici se termine notre excursion choregraphique en Espagne. Nous ajouterons, en quittant ce beau pays, tous nos voeux et tout notre espoir pour sa régénérescence. Ses maux, que nous n'avons point cachés, ne sont pas sans remède; une telle contrée renferme dans son sein les elétnents de Sa prospérité. Il y circule de toutes parts un besoin et un désir d'amélioration, une aspiration vers le progrès, qui porteront leurs fruits. Le gouvernement, éclairé sur les vrais Intérêts du royaume, a déjà senti la nécessité de sages réformes et d'encouragements utiles, et nous osons prédire que l'Espagne redeviendra l'une des plus florissantes et des plus riches régions de l'Europe (4).
(1) te On peut prévoir avec certitude un immense accroissement des affaires, dit M. Silvestiv. de Sacy {Jowmt.1 des Débltts., 185?)., lorsque, la construction des chemins de fer étant plus avancée, les communications seront plus rapides et deviendront plus fréquentes. Les chemins de Ter espagnols, actuellement concédés à des compagnies espagnoles et à de puissantes compagnies françaises, forment plusieurs réseaux qui, dans leur ensemble^ auront un développement d'environ 3 000 kilomètres; tous ces chemins de fer sont en voie de construction; ils traverseront IIEspagne dans tous les sens; les grandes lignes partiront de Madrid et aboutiront aux ports de la Méditerranée et de l'océan, à la frontière du Portugal, et par trois points à la frontière de France.
« Le produit des contributions que les Espagnols appellent éventuelles (eventuales), parce qu'elles sont plus ou moins fecondes, selon les circonstances, ce produit a doublé depuis quinze ans, en suivant une progression toujours ascendante. Cette progression, qui ne s'est jamais ralentie, même au milieu des circonstances les plus défavorables, n'est certainement point arrivée à son dernier terme. Le mouvement général tiu commerce s'est accru dans une proportion plus rapide encore que les contributions éveïititeîte. Tandis que la somme des exportations et des importations s'élevait à pein-e, en 1849, à 266 millions de francs, elle dépassait 450vmillions de francs en 1854, et atteignait presque le chiffre de COO millions en 1$S5; ce chiffre a été beaucoup dépassé en 18S6.
« Les établissements métallurgiques se multiplient dans toutes les province; L'agriculture a fait de notables progrès : on s'est mis à cultiver pour la première fois de vastes et fertiles terrains; les propriétaires et les fermiers s'y emploient avec ardeur parce que, grâce aux routes nouvellement construites, ils peuvent transporter - sur les marchés et à peu de frais leurs denrées et leurs bestiaux. »
TABLEAUX DE L'ESPAGNE.
(En grande partie extraits de YMmanach de Gotha, 1859.)
SITUATION GÉOGRAPIIIQUE : entre 36° et 43° 45' de latitude nord; entre 2* 10' de longitude est (ile Minorque), et 11° 40' de longitude ouest. DIVISIONS A DH1II8TRATITË8.
ANCIENS ROYAUMES, SUPERFICIE ou PROVINCES. en lieues espagn. carr. POPULATION CAPITAINERIES GÉNÉRALES. de 20 au degré. cri niai 1857. Madrid. 257,06 483795 Tolède. 438,10 340635 NouVEDLE-CASTiLLE. Guadatajara. 444 242171 Cuenca. 728 243260 Ciudad-Real (ancienne Manda) 666 277788 Burgos 436,06 347693 I Logrono 152 183203 Santander. 162,18 232523 Soria. 258 178645 VIEILLf:-CASTILLE .1 Sq;olie. 224 162 082 1 Avili 275,14 187156 Palencia. , 217 205 666 Valladolid. 256,04 255116 Léon 593 354 295 , LÉON. < Zamora. 261 262451 Salamanque 385 280722 ASTBRIES I Oviedo. 398 555215 La Corogne. 257,09 573114 GALICE., Lugo. 258 H6801 Oren,e. , 194 406994 ( Por.tcvcdra 124,17 464 969 EST A.~E. Balbjoz. 593 427932 EsTRÉMADORE j ( Bada j oz 593 427 932 Caceres 607,08 313912 iSéville 378,02 501050 Cadix 236,18 397701 Hueha. 277 184110 ANDALOUSIE proprement dite, Cordone. 420,10 362538 et ROYAUME DE GRENADE.. Jacn.,. 436 361 190 Grcn~'e. 284 461240 Almeria. 275,08 326640 Malap. 255 471 554 Mur.ciE Murci. 423 387377
M u r. c i E I Alhacet. 529 211402 Vatence. 346 622677 VALENCE. { Alicante. 213 392990 ! Castellon de la Plana 241 312748 !Saragobse 556 397366 ARAGON. < Hucsca. , 538,08 270157 ( Teruel. 454 250616 Barcelone. 253 750 804 ! Tarragone 205 339012 CATALOGUE. Lenda. 386 316868 Girone 190 328736 À reporter 15 077,38 15 072 914 i 15072914
ANCIENS ROYAUMES, , SUPERFICIE ou PROVINCES, en lieues espag. carr. POPULATION CAPITAINERIES GÉNÉRALES. de 20 au degré. en raai 1857.
Repore. 15077,38 16072915 NAVARRE. Pampelune. 337,18 308 622 PROVINCES BASQUES ou VAS- Biscaye (Bitbao) 95,10 160470 VAS- < Guipuzcoa (Saint-Sébasiien) 51,10 164991 CONGADES )( Alava (Vitoria) 110 100756 TOTAL du continent. 15 670,76 15807753
lie. adjaceute».
Baléares 266 952 Canaries 227146 TOTAL des lies 494 098 TOTAL genéral de la population du royaume proprement dit. 16 301 51
Colonies.
AMÉRIQUE.
Capitainerie générale de Cuba 1449462 Capitainerie générale de Porto-Rico 380 000 Les Vierges espagnoles. 2600 ASIE ET OCÉANIE.
Capitainerie générale des Philippines.
Partie de l'lie de Luçon 1822 200 Bi:¡sayes. 803 000 Iles Bachi et Babuyancs 5000 Partie de Mindanao. 43 800 Iles Mariannes. 5 500 POSSESSIONS D'AFRIQUE.
Présides de la côte de Maroc 11481 Iles de Guinée. 5 590 -
TOTAL 4 528 633
FINANCES. — Budget pour Fannce iNM
Les dépenses ordinaires de l'État, pendant l'année 1859, sont fixées d'une mauiereapproximativeàiasommede. 1786662 787 réaux.
Les recettes ordinaires de l'État, pendant cette année, sont évaluées à la somme de 1794 731800 —
Iné-6 du budget des dépenses ordlaaire. pour 1959.
Rraux de vellon Obligations générales de l'État 531629477 Présidence du conseil des ministres 3670000 Ministère des affaires étrangères. 14 332940 — de grâce et de justice 202 410245 — de la guerre et des colonies 331017497
r'forter. 1003 060 t5
Reaux de Vellon.
Report. 1003060159 Ministère de la marine 94 612213 — de l'¡lIti'rieur. 87928367 — rlcfum. 80174420 — des finances 420 887628
TOTAI,, 1786662787
Résumé du budget des receUe. ordinaires peur 1959.
- Réaux.
Contributions directes 513 360 000 Impôts indirects et ressources éventuelles 410615000 Papier timbré et services exploités par l'administration 655608800 Propriétés et droits. 89948000 Excédant des colonies 125 200 000 TOTAL 1794731 800
Résumé du budget des recettes extraordinaires pour 18S9.
Réaux.
Produit de la vente des biens nationaux 128 568 000 Fonds du remplacement du service militaire. 30000000 Montant net des billets amortissables avec le produit successif des ventes des biens de l'État et des corporations civiles". 10669,0000 Droits de douanes pour matériel de travaux publics (mémoire).
- TOTAL. 265258000
Résumé des dépenses extraordinaires. Réaux
Dépenses affectées au produit des ventes Reaux.
de biens nationaux 18 208 780 Ministère de grâce et de justice. 6000000 — de la guerre 40 000 000 — de la marine 40 000 000 — de l'intérieur 6 000 000
A reporter 110208 870
ROPOrt - - - - 110208870 Ministère de fomento 135 580 9S0 — des' finances 6 000 000 Subventions de chemins de fer. 13468260 Indemnités des droits dédouané pour matériel des travaux publics (mémoire).
TOTAL 265 258000
Dette fondée, au 1er novembre 1851, en réaux de vellon.
A)il"novcmbrei857. 13388105794,42 Au 1er janvier 1858 14 644110 969,36
t Dette flottante9 au 1er avril 1858*
Réaux.
Assignations sur les colonies 85 314-180 Avances - 511 804 000 TOTAL. 597118180
ARMÉE, en 1858. ,
Capitaines généraux de l'armée. 6 Lieutenants généraux. 71 Maréchaux de camp. 182 Brigadiers.,. 359
État-major de l'armée : 3 brigadiers ; 9 colonels; 12 lieutenants-colonels; 25 commandants; 60 capitaines; 40 lieutenants.
TROUPES LE LA PÉNINSULE. OFFICIERS. SOLDATS. TOTAL. CHEVAUX.
Corps royal des hallebardiers. 43 240 283 40 régimenls de ligne de 2 bataillons.
S 1 régiment fixe de Genta de 3 bataillons 20 bataillons de chasseurs » .( 138250 143 742 ;¡ 80 - de réserve (provinciales) ] , A reporter 1 5535 13g 490 144 035 —
TROUPES DE LA PÉNINSULE. OFFICIERS. SOLDATS. TOTAL. | CHEVAUX.
REPORT 5 535 138490 144025 École générale de cavalerie (a?6 hommes).
4 régiments de carabiniers i. à 4 escadr., à 4 escadr., 1.2 .— d. e , lamaais. à 4 escadr., à 520 hommes ë 2 - ehassevs 11 927 9139 A 1 - IJssarl!,5. chacun. 859 11068 11927 9139 2 escadrons de chasseurs.
4 — pour le service des remontes. 1 t4 5 régiments d'artillerie à pied S 3 brigades montées.
j 2 - de montagne 661 10471 11132 2000 h 1 - à cheval I :;j 5 - fixes à pied.. T « ( 14 directions sous-inspectrices , '3 1 régiment de 3 bataillons de génie 210 2567 2777 Gendarmerie (guardia civil) 411 10500 10911 1500 Milice des Canaries : 6 bataillons de provinciales 3 sections de — 225 7104 7329 — 17 compagnies drtillerie,
Corps de carabiniers. 49e 11285 1J: 784 1200 — de la Catalogne ", 16 500 516 — TOTAL de l'armée en 1858. 8416 191985 200401 13839
- ———————— —— 11
MARINE ROYALE, en 18*8.
Navire* ecfeevçp.
BATIMENTS A VOILE. BATIMENTS A VAPEUR.
flanans. Bâtiments. Canons. Force de cheT, 2 vaisseaux de ligne de. 86 chacun. 3 frégates ùe. 37 à 50 360 4 frégates de., 32 à 42 » 5 goélettes de 1 80 à 130 4 corvettes de. 16 à 30. —— 9 bricks de 10 à 20 » 8 vapeurs à hélice.
1 brick goélelte de 6
10 goélettes à 1 » 3 frégates de 16 500 5 lougres, etc., à. 1 > 8 bricks de 6 350 10 transports de. 2 à 4 » 18 goélettes de 2 à 5 100 à 300 45 37 navires à Y%pegr.
------- - - <- - Ensemble 82 bâtiments, portant 887 canons, et ayant une force de 8160 cUgvayx.
]FM equà&«etioq.
Chevaux.
2 frégates à vapeur de 37 canons avec une force de. 360 2 goélettes 00. 200 4 foêlettea <] £ • •< « 8ft
Vaisseau* (nrdc-cilei.
24 felouques et 87 (estamparias) dragueurs armés à propwtLcuL à igtuc guetteur24 bâtiments de même genre se trouvent aux Philippines.
Le personnel actif comprend :
Officiers de tous grades 1150 Comptables 184 Mécaniciols. 85
Matelots 11750 Solùats de marine. 4565
NAVIGATION, en ISSO.
dans les ports de la terre terme et les tle. adjacentes.
ENTRÉE. SORTIE. TONNES PA VILLON. - - (entrée et sortie Chargés. Sur lest. Chargés. Sur lest. réunies.) Espagnol 4 072 1162 4239 178 500870 Étranger 3 501 1674 3261 930 1217488 7573 2836 7500 1108 1718358
1 8311 bâtiments chargés 435832 tonnes.
1 3J9 - sur lest 66,038 Paillon MtiMial. - snI' lest 6ÕG38TOTAI. (entrée etsortie réanies.) , 6762 - chargés 870909 1 Pa~.:!on étranger. , ~67~ 62 - c~har~eés s 88770 0990M 9 -~ t 2 595 — sur lest 346 579 Ensemble 19 017 bâtiments 1718358 tonnes.
IMPORTATION ET EXPORTATION, en 1956.
Valeur en réaux. Droits perçus.
Importation. 1304158076 186 711654 Exportation. 1063 627110 166223 940 Valeur de l'importation et de l'exportation réunies.. 2 367 785 186
Dont : Réaux.
Sous pavillon espagnol. 143V 979 512 — étranger. 809385018 Par tes frontières * 120420656
Réaux.
Europé et Afrique 1531223 7lo Amérique 790 053 751 Asie et Océanie. 4B 507725
• ■VISIONS ECCLÉSIASTIQUES.
L'Espagne est divisée en 59 diocèses, dont 8 archevêchés et 51 évêchés, pour le continent et les lies ad j«eftm
ARCHEVÊCHÉS. ÉYÊCHÉS SUFFKAGANÏS.
TOLÈDE (ar- ( Cordoue, Cuenca, Siguenza, Jaen, Ségocfcevèché l vie, Carthagcne, Osma, Valladulid, Zaprimetial). ( mora.
Salmanque, Tuy, A Vilflo, Coria. PlasenSAKTiA&o.. *. cia, Astorga, Xainora, Orense, Lugo, Mondonedo, Badajoz. Ciudad-Rodrigo.
( Huesca, Tarazona, Barbastro, Jaca, TeSARACOSSE ruel, Albarracin.
VALENCE. 1 Segorbe, Orihuela, Majorque, Minorque.
ARCHEVÊCHÉS. ÉVÊCHÉS SUFFRGlflfs.
SÉVILLE l Mataga, Cadix, Canarle, Ténérife, Ceuta.
GRENADE. 1 Guadix, Almeria.
B - 1 Pampelime, Calahorra, PaleneHI, SantanBURGOS "l der, Tudela.
J Barcelone, Lerida, Terlose, Gtttfre, tîïTARRAGONE. t gel, Vich., Soisona, hice.
Les deux évèchés d'OviEM et de LÉON relèvtnt directement du pape.
DIVISIONS JUDICIAIRES.
15 audiences territoriales : AUDIENCES TEtT. PROVINCES 4)0 RSORT.
MAT)RID. - Avilà, Guadalaxara, Madrid, Ségovie, ToJI.lADR ID., lè'de.
ALBVCÈTË 1 Albacète, Ciudad-Real, Onenca, Murcie.
BARCELONE.. 1 Barcelone, Girone, Lerida, Tanfflgonc.
B~GCS. i Alava, Burgos. Guijpuzcoa, Logreso, San-
BURGOS.Î ( tander, Sona, Biscaye.
LA COROGNE 1 La Corogne» Lugo, Orense. POfIteyedra.
GRENADE. 1 Almeria, Grenade, Jaen, Malaga.
SÉVILLE 1 Cadix, Cordoue, Huelva, Séville.
AUDIENCES TERRIT. PROVINCES DÛ RESSORT.
VALENCE. Alicante, Castellon de la Plana, Valeace.
V 1 LeOIl, Palencia, Salamanque, ValladoIÜJ., ALLADOLID. '1 Zamora. S AR ADOSSE.. 1 Huesca, Teruel, Saragosse.
CACEAES 1 Badajoz, Cateres.
CANARIES. | Les Ganaries (siégeà Las Calmas).
MAJOHQUE | Les lies Baléares.
OVIEDO. 1 Oviedo.
PAMPELUNE.. 1 Pampelune.
POSITIONS GÉOGKAPUIQUE§ DE LjESPAGKE Et DU PORTUGAL,
(Extrait de la Connaissance des Temps.)
LIEUX. LATITUDE NORD. LONGITUDE.
dej. min. sec. deg. min. sec.
ÂLGECIRAS. 36 8.0 7 46 27 o.
ALIC,\1(TE., 38 20 40 2 46 22 o.
ALIIERIA. 36 52 30 4 51 42 o.
ARANDA DE DUERO., 41 40 12 6 0 57 o.
ARANJUEZ. 40 2 30 5 56 15 o.
A VEIIIO (la ville). 40 38 24 10 58 9o.
BARCELONE (Mont-Jouy). 41 21 44 0 10 18 o.
Idem (raLhédl'ale). 41 22 59 0 9 43 o.
BERLINGUES (Ilharc). 39 25 0 11 51 15 o.
BURGOS (grande place) 42 20 28 6 2 49 o.
CADIX (observatoire). 36 32 , 0 8 38 1 o.
Idem (nouvel observatoire de 8:1n- Fernando). 36 27 45 8 32 39 o.
CAHINBA. 41 52 42 11 5 3 0.
CARLOTTA. 37 39 41 7 16 50 o.
CARMONA. 37 28 0 8 7 15 0.
CARPIO. 37 56 37 6 49 41 o.
GARTUAGÊNE ». 37 35 40 3 20 0 o.
Co!itB)Œ. 40 12 30 10 45 21 O.
GOLOMBRETTE (IIOL) 39 53 38 1 35 57 0.
CoRDOUE., 37 52 15 7 10 0 o.
CREUS (cap de) (phare) 42 19 9 0 58 43E.
ECIJA. 37 32 0 7 31 15 O. ERICRIRA. 38 57 24 11 45 21 o.
ESCDRIAL (L'). 40 35 50 6 28 5o.
EsPOZENDE. 41 31 24 11 0 33 o.
FARO (S.-Anloni. de Alto). 36 59 24 10 11 3o.
FELLS (eliàteau) 41 16 7 0 22 33 o.
FERROL (LE) (le môle) 43 29 30 10 33. 11 O.
F.GU.ERES. 42 16 1 0 37 24 E.
FINISTERRE (cap). 42 54 0 11 40 6 o.
FONTARABIE., 43 21 47 4 7 45 o.
FORIIENTERA. 38 39 56 0 48 10 o.
GATA (cap de) (château). 36 43 30 4 28 3o.
GIBRALTAR (pointe d'Europe) 36 6 42 7 41 2o.
GLJON 43 35 18 7 57 27 0.
GmoNE (ca!hédrale). 41 59 11 0 29 20 E.
IVICE (le C-hàLUU) 38 54 21 0 53 47 o.
LAGOS (église) 37 7 48 11 0 7o.
LISBONNE (observatoire). 38 42 24 11 28 45 o.
43 28 0 5 9 31 o.
MADRID (grande place) 635 lU. 40 24 57 6 2 15 o.
MAFRA. 38 55 24 11 40 33 0.
MAHON (cap de la Mola) 39 52 32 2 0 30 E.
MALAGA (cathédrale). 35 42 18 6 48 26 o.
MARIE (SAINTE-) (cap). 36 55 36 10 9 45 o.
MONCHIQOE (pic). 37 20 0 10 55 57 o.
j MONDEGO (cap)., 40 11 54 11 14 21 o.
1 MONTE-FIGO. 37 9 42 10 2 45 o.
LIEUX. LATITUDE NORD. LONGITUDE.
- deg. min. sec. - deg. min. sec.
M$KTE-LAURO. 42 43 17 il 25 27 0.
MONT-SEIN (pic le plus nord), ou Matagall, 1698 m. 41 48 28. o 2 41 E.
MONT-SERRAT (pic le plus liaut), 1237 m. • 41 36 16 0 31 36 o.
MOULINS (pointe des). 36 37 0 6 51 47 o.
NAO (cap de) 38 45 0 2 6 47 o.
OCANA. 39 56 33 5 51 6 O.
"ODEMIRA (la barre ) 37 39 50 11 9 59 o.
40 5 15 2 4 22 o.
ORTEGAL (cap) j ! 43 46 40 10 16 31 o.
PALMA 39 34 4 0 18 12 E.
FALOS (cap) I 37 37 30 3 2 15 o.
PALOS 42 49 57 4 1 30 o.
, I 42 49 57 4 1 30 O.
PASSAGE (entrée du port du) 43 20 16 4 16 So.
PENAS (cap de). , 43 42 0 8 8 13 o.
PENICHE (phare du tap), ou COl'yeiro. 39 21 48 11 45 9o.
.PENISCOLA. 40 23 0 1 52 37 O.
PERA (cap de) (Majorque) 39 42 50 1 6 42 E PIEDACE (pomtede). 37 6 12 10 59 57 o.
PORTO (fort Saint-Jean de Foz). 41 8 54 10 57 33 o.
PORTUGALETE. 43 20 10 5 23 3 o.
PRIOR (cap). 43 34 8 10 39 42 o.
PUIGCERDA (S.-Mar.),1243 ID. 42 25 59 0 24 42 o.
ROCA (phare du cap da) 38 46 30 11 50 39 o.
SANTANDER (lemÓle). 43 27 52 6 8 3o.
SÉBASTIEN (Sr-) (ancien phare). 43 19 17 4 20 52 o.
SÉTUVAL. 38 28 54 11 13 47 0.
SÉVILLE (la Giralda). 37 22 44 8 21 23 o.
SINES (fort).. ¡ 37 57 30 11 12 57 o.
SPICHEL (le pbre). i 38 24 54 11 33 39 o.
TAGO-MAGO (!vIce). 39 1 36 0 41 31 o.
TARIFA (île) 35 59 57 7 58 57 o.
TARRAGOE. 41 8 50 1 4 45 o.
TOLÈDE. 39 52 24 6 19 30 o.
TORTOSE (cathédrale) * 40 48 46 1 47 15 o.
TRAFALGAR (cap). 36 9 10 8 21 42 o.
VALENCE. 39 28 45 2 44 46 o.
VALLADOLID. 41 39 14 7 2 49 O.
VIANNA (fort St-Jacques) 41 42 36 11 3 45 o.
VIGO. 42 14 36 11 4 49 o.
VILLA DO CONDE. 41 21 18 10 56 9 o.
VINCENT (Cap ST-), COUVent 37 2 54 11 19 51 o.
LIVRE DIXIÈME.
France. LIMITES, ÉTENDU]?.
COUP D'OEIL HISTORIQUE, LIMITES, ÉTENDUE.
Noble dispensatrice des palmes de la gloire, asile du goût et des beaux-arts, la France exerce sur l'univers intellectuel une influence semblable à celle qu'avait jadis la Grèce sur le monde civilisé: sa langue, répandue dans toutes les contrées, est celle des cours et de la diplomatie ; sa littérature est, chez toutes les nations, l'aliment des esprits éclairés. Dansjes travaux scientifiques, elle a peu de rivales; et, couverte de lauriers toujours verts, elle a plus d'une fois dicté des lois à l'Europe, effrayée de sa suprématie militaire.
Celui qui, d'un œil philosophique, mesure la profondeur de certaines questions qui font de la géographie une science nouvelle, quelle cause assignera-t-il à ces grands caractères par lesquels une nation se distingue de tant d'autres nations voisines? Donuera-t-il à l'influence du climat une importance dominante? mais le climat de la France n'offre point ces limites extrêmes de froid et de chaleur qui peuvent agir sur la constitution physique et morale de l'habitant. Cherchera-t-il dans les inégalités du sol une causeuniystérieuse? mais il n'y verra ni ces vastes plaines, ni ces hautes chaînes de montagnes qui déterminent l'homme à devenir agriculteur ou pasteur, et qui influent si puissamment sur le degré de civilisation qui lui est propre. Contraint d'abandonner les conjectures tirées du climat et du sol, il aura recours aux connaissances physiques et ethnographiques dans cette question, qui doit jeter de l'intérêt sur la description d'une contrée dont les lumières ont contribué à éclairer l'Europe, à affranchir le Nouveau-Monde, et dont les commotions politiques ont ébranlé des empires.
La population de la France appartient, sous le rapport physique, à la race blanche et à cinq familles principales : la celtique, la pélasgique, la germanique, la sémitique et la basque.
La familie celtique se divise en deux grandes branches. D'après le savant historien des Gaulois, M. Amédée Thierry, nous partagerons la grande branche.
gauloise en deux rameaux: le rameau gallique, comprenant les anciens Galli ou les GaIs, et le rameau kymrique ou des Kymri, divisé lui-même en deux rameaux, les Kymri de la première invasion, mélangés en grande partie avec les Galli,.et qu'on pourrait appeler Gallo-Kymri, et les Kymri de la seconde in-
vasion ou Belges (Belgæ). La branche ibérienne se partage en deux rameaux, les Aquitani et les Ligures, qui habitent les pentes des Pyrénées, les bords de la Garonne et les rivages de la Méditerranée.
La famille pélasgique comprend aussi deux branches : la branche grecqueioiiienne, qui habite une partie de l'ancienne Provence, et la famille gréço-latinê, qui occupe la Corse.
La famille germanique ou tudesque comprend les habitants des anciennes provinces d'Alsace et de Lorraine.
La famille sémitique se compose de toute la population juive répandue dans les diverses parties de la France.
La famille peu nombreuse, mais très-intéressante des Banques ou Escualdunaos est fixée dans les Pyrénées occidentales. Cette dernière famille est restée presque sans mélange; mais les familles latine et germanique se sont partout, par les conquêtes des Romains, des Francs, des Bourguignon, des Visigoths, vigoureusement greffées sUr la famille celtique, qui forme le fond de la population de la plus grande partie du pays.
Les changements de mœurs, les progrès de la civilisatin, peuvent altérer le caractère du peuple, mais non le changer entièrement : qui ne reconnaîtrait les Français .de nos jours dans le portrait que César, Strabon et d'autres auteurs nous ont laissé des anciens Celtes? Malgré leur mélange avec les Francs, leurs vainqueurs, les traits qui les distinguaient ne se sont point effacés. Les CeltœGalli, ou les Gaulois, étaient gais, frivoles, spirituels et satiriques, prompts dans leurs résolutions, intrépides dans les combats, attachés à leur patrie et jaloux de leur liberté. Leur franchise et leur susceptibilité sont telles, dit Strabon, que chacun ressent les injustices qu'on fait à son voisin, et qu'ils éprouvent le besoin de manifester hautement leur indignation. Ils aiment à parler de leur gloire, ajoute César; mais leur inconstance fait qu'ils sont aussi présomptueux au moment de leurs succès que faciles à décourager à la moindre défaite. D'autres auteurs anciens nous les représentent remplis d'ostentation et de recherche dans leur parure ; préyenants envers les étrangers, et portant l'exercice de l'hospitalité jusqu'à punir de mort Fassassin d'un de ceux-ci, tandis que celui d'un citoyen n'était puni que par l'exil. Dès la plus haute antiquité, l'amour de la liberté avait fait établir chez eux l'usage de choisir leurs magistrats, de restreindre l'autorité du prince, et de n'accorder des subsides qu'après en avoir délibéré dans leurs assemblées populaires. La politesse qui les distinguait de tous les peuples que les anciens comprenaient sous le nom de barbares ; la facilité avec laquelle ils adoptèrent la civilisation et les arts des Romains, contribuèrent à cimenter l'estime que ceux-ci leur conservaient. Tels étaient les Celtes, tels sont encore les Français sous plusieurs rapports. Ainsi s'expliquent les différences que l'on remarque entre ee peuple et les autres Européens : la race celtique devait à sa constitution physique les qualités qui la rendaient susceptible d'un certain degré de perfectibilité; ces qualités se sont perpétuées d'âge en âge ; le sol qu'elle occupait jadis et qu'elle occupe encore s'est vivifié par ses soins ; et, tant que les cœurs français seront ouverts aux idées généreuses, la France sera la plus florissante contrée de l'Europe.
Les peuples de la race celtique que les anciens tiomrnaient Galli ou Valti,
s'étaient déjà rendus célèbres en Europe par leurs conquêtes, plus de sept siècles avant l'époque que l'on assigne à la fondation de Rome. Nous ne remonterons point jusqu'au temps incertain de leurs premières migrations : l'histoire n'en a conservé que des souvenirs confus. On sait qu'ils firent plusieurs invasions en Italie, et que Rome, au faîte de sa puissance, employa des forces considérables pour les subjuguer. Soixante ans de guerre et de carnage suffirent à peine pour réduire en provinces romaines leur contrée, qui occupait à peu près l'espace qui forme aujourd'hui l'empire de France. Ce fut César qui eut la gloire de terminer cette expédition ; c'est d'après les renseignements qu'il a laissés que les Romains apprirent à connaître les différents peuples de cette partie de la Gaule qu'ils appelaient Transalpine (Gallia Transalpina). Lorsque ce général y entra, elle était partagée entre trois nations principales : les Celtæ, les Aquitani, appartenant évidemment à la race celtique, quoiqu'ils se distinguassent par un langage différent, et les Belgœ ou Kimbri qui, bien que Celtes, parlaient un idiome germanique. Ces derniers occupaient le nord de la contrée. Sous Auguste, la Gaule fut divisée en quatre provinces (1); Probus la partagea en sept (2); Dioclétien en douze (3); Valentinien en quatorze (4J; et sous l'empire de Gratien, leur nombre s'éleva à dix-sept (5). Nous allons passer en revue les principaux peuples des quinze provinces qui comprenaient le territoire actuel de la France (6).
La première Narbonnaise (Narbonensis prima), formée du Roussillon, de la plus grande partie du comté de Foix et du Conserans, était habitée par les Sardones, qui tiraient peut-être leur origine d'une colonie illyrienne; et par les Volcæ, divisés en orientaux, surnommés Arecomici, dont les terres s'étendaient jusqu'aux rives du Rhône, et en occidentaux, appelés Tectosages, peuples guerriers qui portèrent leurs armes en Germanie et fondèrent en Asie Ancyre, dans un pays qui, de cette population gauloise ou gallique, reçut le nom de Galatie.
La deuxième Narbonnaise (Narbonensis secunda), qui comprenait la plus grande partie de la Provence, était peuplée par les Tricorii, dont Tite-Live fait mention en parlant de l'expédition d'Annibal; les Salluvii ou Salyes, redoutés par leurs voisins, et les Oxybii, qui se signalèrent contre les Romains.
Les Alpes Maritimes [Alpes Maritimœ) renfermaient une partie du Dauphiné, de la Provence et du Piémont. Dans ce qui dépend du sol de la France, on voyait les Caturiges, qui voulurent disputer le passage de leurs montagnes à César.
La Novernpopulanie (Novempopulania) occupait le territoire de la Gascogne,
(1) La Belgique, la Celtique, l'Aquitaine et la Narbonnaise.
(2) La Belgique, la pe et la 2e Germanie, la Lyonnaise (Lugdunaise), la Viennoise, la Narbonnaise et l'Aquitaine.
(3) La ire et la 2e Belgique, la 1 re et la 2e Germanie, la Grande-Séquancûse, la lre et la 2e Lyonnaise, la Narbonnaise, la Viennoise et l'Aquitaine, auxquelles on réunit les Alpes Grecques et Pennines, comprenant une partie de la Suisse et de la Savoie, et les Alpes Maritimes, renfermant une partie de la Provence et du comté de Nice.
(4) Par la subdivision de l'Aquitaine en trois : la 1re et la 2e Aquitaine, et la Novempopulanie.
(rI) Par le partage des deux Lyonnaises en quatre, et de la Narbonnaise en deux.
(6) Les Alpes Grecques et Pennines formaient une partie de la Savoie ; nous parlerons de la 2e Germanie dans la description de la Belgique et de la Hollande. 1
de l'Armagnac, du Béarn et de la Basse-Navarre. Elle était peuplée par les Boii, qu'Ausone surnomme Picci, parce qu'ils recueillaient la poix-résine dont les landes abondent; par les A usci, qui habitaient le pays d'Auch; par les Bigerrones, qui occupaient le Bigorre et le Béarn, et qui, l'hiver, se couvraient de peaux d'animaux ; par les Tarbellii et par. les Tarusates, qui imitèrent les précédents en résistant à César et à Crassus. La première Aquitaine (Aquitania p'l°ima), la plus importante province de la Gaule, et dans laquelle étaient compris le Quercy, le Rouergue, l'Auvergne, le Bourbonnais, la Marche, le Limousin, le Velay avec le Gévaudan et une autre partie du Languedoc, le Berri, ainsi qu'une partie du Poitou, renfermait les Cadurci, dont Cahors était la principale cité, les Arverni ou Auvergnats, l'une.
des nations les plus belliqueuses de la race celtique ; les Lemovices ou Limousins, qui mettaient sur pied une armée de 10000 hommes, et les Bituriges Cubi, qui, longtemps avant la conquête de César, possédaient un vaste territoire.
La seconde Aquitaine (Aquitania secunda) occupait une partie du Poitou, la Saintonge, l'Angoumois, le Périgord et l'Agenais, avec le reste de la Guienne.
Elle était peuplée par les Pictones ou Pictavi, nos Poitevins; les Santones, qui occupaient les territoires de Saintes, de Cognac et d'Angoulême ; les Petrocmoii, ancêtres des Périgourdins ; les Meduli, habitants du pays de Médoc, et les Bituriges Vivisci, maîtres du Bordelais.
La Viennoise ( Viennensis) comprenait une partie de la Provence avec le Comtat Venaissin, du Dauphiné avec la principauté d'Orange, du Languedoc et de la Savoie avec le territoire de Genève. Ses principaux peuples étaient les Anatilii, sur les deux rives du Rhône; les puissants Cavares et les Allobroges, sur la rive droite de ceUeuve ; les Vocontii, nation policée et guerrière que Rome compta au nombre de ses alliés, ainsi que celle des Helvii.
La Grande-Séquanaise (Maxima Sequanorum) réunissait une partie de la Bourgogne, de la Franche-Comté et du pays de Bassigny, à la Bresse et à une portion de l'Helvétie. Toute la partie aujourd'hui française de cette province romaine formait le territoire des Sequani, d'où les Romains tiraient le meilleur porc salé.
La première Lyonnaise (Lugdunensis prima), composée du Lyonnais, du Beaujolais, du Forez, et d'une partie de la Bourgogne, du Nivernais, de la Franche-Comté et de la Champagne, comptait cinq peuples importants : les A mbarri, qui, sous le règne de Tarquin l'Ancien, envoyèrent des colonies en Italie; les Ædui, l'un des peuples celtiques les plus puissants, allié des Romains avant que César entrât dans la Gaule, et gouverné par un président ou par un chef électif qui ne pouvait sortir du territoire de la république; les Mandubii, les Lingones, les Segusiani ou peut-être mieux Segusiavi.
-La seconde -Lyonnaise (Lugdunensis secunda), comprenant la Normandie, le Vexin français et- la plus grande partie du Perche, renfermait neuf peuples, dont les noms se rapportent encore à certains lieux. Les Caleti habitaient le pays de Caux; les Eburovices, le territoire d'Évreux; les Lexovii, celui de Lisieux; les Saii, celui de Séez; les Bajocasses, celui de Bayeux ; les Venelli, celui de Valognes; les A brincatui celui d'Avranches; les Viducasses, la cité de Vieux,
aujourd'hui petit village des environs de Caen; et les Velioçasses, le Vexin, Dans la troisième Lyonnaise (.Lugdunensis tertio), les Redones, sur le terri = toire de Rennes ; les Veneti, peuples puissants et navigateurs, sur celui de Vannesj les Namnetes ou Nannetes, sur celui de Nantes; les A rvii, habitant les bords de l'Arve, qui se jette dans la Sarthe; les Cenomani, aux environs du Mçins ; les vaillants Andecavi, sur le territoire d'Angers ; et les pacifiques Turones, ancêtres des Tourangeaux, indiquent que cette province comprenait la Bretagne, le Maine, l'Anjou et la. Touraine. Dans la quatrième Lyonnaise (Lugdunensis quarta), six peuples se partageaient la Beauce, l'Ile-de-France, la Brie, une partie de la Champagne, de la Bourgogne et du Nivernais, le Gâtinais et l'Orléanais : les Carnutes, dans le pays Chartrain; les Parisii, sur le territoire de Paris; les Meldi, sur celui de Meaux; les Tricasses, aux environs de Troyes; les Senones, qui occupaient le pays de Sens et d'Auxerre, et qui envoyèrent des colonies armées en Italie; enfin les Aureliani, le plateau d'Orléans.
La première Belgique (.Belgica prima) se composait du, duché de Luxembourg et d'une partie du territoire de Trèves et de la province de Gueldre, occupés par les Treveri et les Cœresi, dont nous parlerons plus tard. Sur le territoire français, elle renfermait les Mediomatrici, qui habitaient le pays Messin; les Verodunenses, dans celui de Verdun; et les Leuci, qui occupaient un territoire considérable, comprenant aujourd'hui Bar, Toul et une partie de la Lorraine.
Dans la seconde Belgique (Belgica secunda), on voyait les braves et fiers Nervii, qui dans les combats ne reculaient jamais, et qui habitaient une par-, tie du terroire belge, le Hainaut et le Cambrésis; les Morini, peuple industrieux, renommé par ses tissus de lin, et qui tenait une partie de la Picardie et notre Flandre ; les A trebates, dont le nom présente quelque analogie avec celui des Artésiens; les Ambiani, renommés par leur cavalerie, sur le territoire d'Amiens; les Bellovaci, dans le Beauvaisis; les Sylvanectes, dans le pays de Senlis ou le Valois ; les Suessiones, nation puissante qui habitait le Soissonnais et une partie de la Champagne ; les Remi, sur le territoire de Reims et de Laon ; et les Catalauni, qui possédaient celui de Châlons.
La première Germanie [Germania prima), qui s'étendait sur les deux rives du Rhin, comprenait, hors du territoire actuel de la France, les Nemetes, les Vangiones et les Tribocci, dont nous parlerons en décrivant les principautés allemandes ; dans notre province d'Alsace, une partie des Tribocci occupaient le pays de Strasbourg et de Saverne, et les Rauraci, alliés des Helvetii, étaient maîtres des environs de Neuf-Brisach.
Divers dialectes, particuliers à chacune des grandes nations qu'elle formait, divisaient les nations appartenant à la race celtique. Leurs classes lettrées parais-
sent avoir connu les caractères grecs;. cependant il est probable que les Veneti et d'autres peuples appelés Armoricains (1), c'est-à-dire maritimes, parce qu'ils habitaient les bords de la mer, avaient adopté l'écriture des Phéniciens,
(i) Du mot breton armorik, composé de la préposition ar, sur, et du substantif morik, diminutif de mor, mer.
par suite de leurs rapports commerciaux avec ces derniers. Quant aux Celtes de l'Irlande, on croit qu'ils se servaient de caractères particuliers. Il ne reste plus de ces idiomes que le gallique, que l'on parle encore dans plusieurs parties des îles Britanniques, et qui se divise en diverses branches; le kumbre (kymri) ou le celtobelgique, dont on voit des traces dans la Belgique et la Flandre ; enfin le breyzad ou le bas-breton, conservé chez nos paysans de la Bretagne. Ce dernier dialecte est diviséen quatre sous-dialectes répandus dans le Finisterre, le Morbihan et une partie des Côtes-du-Nord : le léonard ou léonnais, parlé sur le territoire de Saint-Pol-de-Léon ; le trécorien, en usage sur celui de Tréguier ; le cornouaillais, sur celui de Quimper-Corentin, et le vanneteux, sur celui de Vannes. Les sous-dialectes de Léon et de Tréguier ont beaucoup de rapports entre eux, mais ceux de Gornouaille et de Vannes en ont si peu, qu'un Léonnais ou un Trécorois ne se fait comprendre qu'avec peine dans la Cornouaille, et n'est pas du tout compris dans le Morbihan, La langue bretonne est pauvre; elle exprime difficilement des idées métaphysiques, et n'est abondante qu'en expressions d'agriculture. Sa littérature consiste surtout en diverses chansons; la plus populaire est celle qui commence par ces mots : an ini coz. Elle a souvent fait sur le soldat breton le même effet que le ranz des vaches sur le soldat suisse.
Le lampourdan, l'un des trois principaux dialectes qui restent fie l'antique langue basque, se conserve dans la Basse-Navarre et le Labourd, compris dans l'arrondissement de Mauléon, ainsi que le pays de Soûle, que renferme l'arrondissement de Bayonne.
La Gaule celtique formait un vaste État fédératif composé de petites républiques divisées en deux classes : les unes avaient des chefs dont l'élection était de courte durée; les autres avaient des magistrats à vie auxquels on donnait le nom de rois.
..Les intérêts les plus graves, les questions sur la paix ou la guerre, se traitaient dans l'assemblée générale des députés de ces républiques. L'époque de cette réunion était fixée au renouvellement du printemps : tout homme libre était tenu de s'y. rendre. C'était à la fois la plus importante et la plus solennelle des fêtes civiles et religieuses. « Dans leurs assemblées, dit Strabon, les Gaulois observent un usage qui leur est particulier : si quelqu'un trouble ou interrompt celui qui a" la parole, un huissier s'avance l'épée à la main, et lui ordonne avec menace de se taire ; s'il persiste à troubler l'assemblée, l'huissier répète ses menaces une seconde, puis une troisième fois ; et enfin, s'il n'est point obéi, il lui çoupe du manteau un assez grand morceau pour que le reste ne puisse plus servir. » Suivant Cymnus de Chios, une troupe de musiciens assistait à ces grandes réunions, et lorsque le tumulte interrompait les délibérations, elle jouait des symphonies propres à calmer les passions..
Les Galli, ou Gaulois proprement dits, ne furent d'abord qu'un aSiiemblage, de peuples nomùes vivant au milieu des forêts, comme l'indique le nom de Geltœ que- leur donnaient les anciens (1); plus tard ils devinrent, sédentaires; mais l'instinct de la liberté leur fit longtemps redouter l'enceinte des villes : leurs cités,
(1) M. Am, Thierry fait remarquer que ceiltach, dans l'idiome gallique actuel, signifie habitants des forêts, (Hit. <te§ Gçiulûis, tom. 1.)
toujours ouvertes, étaient composées de cabanes séparées par des jardins, et situées sur la lisière d'un bois ou sur le bord d'une rivière. Chez eux l'agriculture était réservée aux esclaves des deux sexes : les hommes libres se consacraient exclusivement à la profession des armes, et, semblables aux Helvétiens de nos jours, lorsqu'ils ne trouvaient pas à employer leurs bras au service de l'èur pays, ils s'enrôlaient à la solde de l'étranger. Ils élevaient une grande quantité de bétail, de chevaux et de brebis, et se nourrissaient de leur lait, de leur chair et du produit de la chasse.
S'il faut en croire Pline, ce peuple, si disposé à la civilisation, était anthropophage avant l'arrivée des Romains dans les Gaulés : les crânes de leurs ennemis tués dans les combats étaient garnis d'or ou d'argent et servaient de coupes dans les festins; le vin, l'hydromel ou la bière y pétillaient tour à tour; ces coupes passaient de main en main, mais on ne les présentait pas aux roturiers, c'est-à-dire à ceux qui ne s'étaient point encore distingués sur le champ de bataille : car de tout temps, et chez tous les peuples, le privilège de la noblesse fut accordé à celui qui avait répandu le sang humain. On a dit que l'usage des duels fut introduit chez nous par les Francs; mais, dès la plus haute antiquité, l'honneur que les Celtes attachaient à la profession des armes avait établi chez eux la jurisprudence de l'épée : jamais un Celte ne refusait un défi. Tout homme libre ne paraissait qu'armé en public : de là, sans doute, l'usage, que la révolution a modifié, de porter l'épée à la cour et dans les grandes cérémonies. Une longue chevelure était l'ornement auquel les deux sexes tenaient le plus. Ils s'étudiaient à rendre roux leurs cheveux blonds, au moyen d'une pommade colorée, comme on a vu longtemps leurs descendants blanchir les leurs en les couvrant de farine. Les hommes portaient autour du cou de longues chaînes d'or, et se chargeaient les bras et les poignets de bracelets du même métal. Ils se frottaient le visage avec du beurre pour le rendre brillant, et dans le même but les femmes se servaient de l'écume de la bière.
La polygamie n'était point en usage chez les Celtes. Lorsqu'une fille était en âge d'être mariée, ses parents rassemblaient dans un festin tous les prétendants, et le premier auquel elle présentait le vase pour se laver était celui qu'elle choisissait.
Dans la cérémonie du mariage, il était d'usage que la femme employât une formule qui signifiait : Vous êtes mon maître et mon époux, et je suis votre humble servante. Le mari avait droit de vie et de mort sur elle. Une femme convaincue d'avoir fait mourir son mari était condamnée à être brûlée vive; l'adultère était sévèrement puni, et le divorce était autorisé. Les assemblées publiques, les mariages et les enterrements étaient autant d'occasions de repas somptueux, qui se terminaient presque toujours par des ganses.
Les Celtes n'avaient point de temples; ils pensaient que la grandeur et la puissance divines ne s'accordent point avec la petitesse des constructions humaines : c'était dans les torêts qu'ils adressaient leurs prières au ciel. Ils y rassemblaient de grosses pierres brutes dont ils formaient des espèces de sanctuaires couverts, appelés dolmen, ou de cercles mystérieux nommés cromlech ; d'autres fois ils élevaient sur le sol une pierre isolée autour de laquelle ils se réunissaient; ce
monument sacré portait le nom àepeulven ou de menhir (1). Malgré ce qu'en a dit César, qui leur attribuait les mêmes dieux qu'aux Romains, ils regardaient comme une impiété l'usage de représenter la divinité sous une forme corporelle ; ces pierres isolées, un chêne dont la taille annonçait l'antiquité, étaient lés seuls symboles qu'ils choisissaient. Ils attachaient à l'arbre vénéré la tête et la main droite des ennemis qu'ils avaient tués dans les combats ; sanglants trophéesqui figuraient d'abord cloués à la porte de leurs demeures, comme on fixe encore à celles des châteaux, dans nos campagnes, les dépouilles des animaux nuisibles.
Ils y déposaient aussi une partie de leur butin ; c'était sous son épais feuillage qu'ils allaient consulter l'oracle, qui répondait par la voix du druide habitant des forêts ; enfin quand l'arbre sacré, dépouillé de ses feuilles, se desséchait de vé- tusté, il ne perdait point ses droits à la vénération publique ; on en arrachait les branches et l'écorce, on le transformait en obélisque, et, sous cette forme, il semblait avoir acquis de nouveaux droits aux respects des mortels. A la guerre, l'usage était de remplacer l'obélisque sacré ou le chêne antique par une épée ou par une hallebarde enfoncée en terre, autour de laquelle l'armée se rassemblait.
Ils admettaient une intelligence infinie, cause première de l'univers et de l'admirable harmonie qui y règne. Cette croyance formait sans doute le fond de la philosophie que les drâides enseignaient à leurs adeptes ; mais le peuple n'aurait point compris un être tout-puissant et cependant invisible : il lui fallait des dieux de différents ordres, dont la réunion lui représentait la hiérarchie sacerdotale, à laquelle il était aveuglément soumis. Les excursions des Celtes chez des peuples qui se prosternaient devant des images; les rapports qu'avaient entretenus avec les Phéniciens nos ancêtres des bords de l'océan ; ceux que les Celtes méridionaux conservaient avec les Grecs établis sur nos côtes de la Méditerranée, avaient probablement disposé les druides à modifier le culte par l'admission de quelques grossières figures de leurs divinités, ou peut-être même par l'introduction de quelques dieux étrangers, lorsque César parut dans les Gaules. Quoi qu'il en soit, Teut ou Teutates, leur Mercure, était adoré comme le créateur de l'univers et l'inventeur de tous les arts : ce dieu est évidemment le même que le Thent des
(t) Dolmen ou dolmin signifie, en breton, table de pierre; cromlech, lieu courbe, lieu voûté; peulven, pilier de pierre ; et menhir, pierre longue.
Le dolmen est composé d'une pierre plate ou de forme tabulaire élevée sur plusieurs autres enfoncées en terre. On croit qu'il servait d'autel sur lequel on sacrifiait les victimes.
Le même nom s'applique encore à une réunion de pierres larges, plates et hautes, disposées les unes à côté des autres, de manière à former une enceinte carrée, fermée de trois côtés et couverte de pierres plates; c'était une sorte de sanctuaire, dans lequel le pontife se plaçait pendant les cérémonies religieuses.
Le peulven ou menhir est un obélis que ou plutôt une pierre placée verticalement sur le sol.
Le cromlech est composé d'un nombre plus ou moins considérable de peulven ou d'obélisques disposés en cercle quelquefois sur deux ou trois rangs et dominés par un peulven plus élevé placé au centre. D'autres fois, cette dernière pierre manque : alors ce monument druidique n'est plus qu'une enceinte sacrée dont l'entrée était interdite aux profanes, et qui recevait le nom de mallus.
Nous aurons occasion de signaler, surtout en France et en Angleterre, l'existence de quelques-uns de ces monuments remarquables par leurs dimensions.
Phéniciens. Esus ou Hésus, dieu féroce qui protégeait leurs forêts, était leur Mars (1); Kernunos, divinité cornue que l'on a regardée comme leur Bacchus, parce que l'on sait que les Phéniciens introduisirent la culture de la vigne dans quelques parties de la Gaule, était peut-être une imitation du Jupiter Ammonj au lieu de cornes de bélier, sa tête était ornée de cornes de bœuf ou d'élan ^2); Ogmios, leur Hercule, ressemblait à celui des Grecs; c'était le dieu de la poésie : vieillard armé d'une massue, des chaînes sortaient de sa bouche pour indiquer le pouvoir qu'il tirait de l'éloquence ; le Soleil, divinité sous le nom de Beleh, et représenté sous la figure d'un homme au tront entouré de rayons, faisait croître les plantes salutaires et présidait à la médecine comme l'Apollon des Grecs ; Woden, qui paraît avoir quelque analogie avec l'Odin des Scandinaves, n'était qu'une divinité secondaire. Sous les noms de Drac, de Grvpi, de Fada, nos ancêtres désignaient des lutins, des démons, des génies inférieurs (3). Us rendaient encore un culte religieux aux quatre éléments, aux sources, aux fleuves, aux lacs, aux montagnes, aux forêts et aux différents phénomènes de la nature. Ainsi èes Vosges étaient déifiées dans le dieu Vogèse ; les Alpes, dans le dieu Pennm ; la forêt des Ardennes, dans la déesse Arduenne; les vents, dans le terrible Kirk ou Kircius; et le tonnerre, dans le dieu Tamnn (4).
C'était à la clarté de la Lune que les prêtres rassemblaient le peuple au milieu des antiques forêts qui leur servaient de demeure. Ces prêtres se divisaient en plusieurs classes : les eubages se livraient à l'étude de la nature; les bardes consacraient la poésie à rendre les lois plus faciles à retenir, chantaient lai exploits des héros, et transmettaient à la postérité les grands événements de l'histoire : leurs chants étaient la base de l'éducation de tous les Celtes les mtes étaient les sacrificateurs (5), et les druides ou saronides étaient les fio-eS qui prédisaient l'avenir par l'examen des entrailles des victimes humaines (6), -qui dirigeaient les consciences, et qui, instruits dans toutes les sciences, passaieol pour être habiles dans l'art de guérir les maladies. Ils rendaient la justice; ils présidaient les assemblées de la nation et les débats judiciaires appelés jugements de Dieu) dans lesquels les épreuves de l'eau, du feu et du fer décidaient de la cuL* pabilité ou de l'innocence d'un prévenu. Enfin ils jouissaient d'un tel crédit, que nulle affaire importante relative à i-a politique ou aux familles ne s'entreprenait sans qu'on les consultât. Ils entretenaient le peuple dans l'idée que les actions condamnables et les péchés offensent la Divinité, et que des sacrifices expiatoires
(1) Son nom paraît venir du mot celtique goez (forêt), qui fait es par contraction, ou du mot euz (terreur).
(2) Son nom vient du celtique korn (corne), qui au pluriel fait kern.
(3) Les fada ou fata sont ces fées qui jouent un si grand rôle dans nos contes antiques et populaires, que Perrault n'a fait que remettre en français, en leur conservant leur naïveté.
(4) M. Am. Thierry fait remarquer que torann en gaëlique, et tarann en cornouaillais, signifient tonnerre.
(5) Ce mot qui, en latin, signifie devin, paraît venir du celtique vat (bon).
(6) Le nom de druide est derwidd en langue kymrique; il dérive de celui par lequel les Gaulois désignaient le chêne; c'est-à-dire, derv en kymrique, deru en armorique et due-r en gaélique. Il est à remarquer aussi que Diodore de Sicile traduit druidu par };ClCpfA)'I/¿oQti, qui signifie hommes des chênes.
peuvent seuls délivrer l'âme du pécheur : de là le grand nombre de victimes que l'on immolait ; mais comme l'homme est la plus noble des créatures, ils pensaient que le sang humain était le plus agréable à la Divinité. C'était ordinairement parmi les prisonniers que l'on choisissait les victimes; cependant, lorsque les .calamités publiques affligeaient la nation, des fanatiques s'offraient volontairement au fer du sacrificateur, et mouraient satisfaits de laisser après eux le souvenir d'un dévouement admirable et d'une réputation de sainteté. Le clergé celte s'étavait de l'as.cendant de la religion pour développer la morale dans les, cœurs : il prétendait que le paradis était fermé à ceux qui périssaient de mort violente : aussi les suicidés étaient-ils regardés comme des lâches ou des impies. Celui qui avait outragé la morale publique pu religieuse, ou qui refusait de se soumettre aux décisions du clergé, encourait la peine d'une sorte d'excommunication, par laquelle il était exclu des assemblées civiles et religieuses. Personne ne voulait le voir ni lui parler; on le regardait comme un impie, un pestiféré que chacun évitait, dans la crainte de gagner son mal; il devenait alors un objet d'horreur pour ses concitoyens. Les druides, dans un but politique, avaient établi des temps d'abstinence ou de jeûne qui tombaient ordinairement dans les plus grandes chaleurs : ils avaient reconnu que, pendant l'été, la nourriture végétale est la plus saine.
Le chêne était en vénération chez les Celtes, et lç gui, si rare sur cet arbre, était par cela même, consacré à la Divinité : c'était le remèda à tous les maux, l'eau dans laquelle on le mettait infuser rendait féconds les animaux stériles.
Au renouvellement de l'année, qui se composait de mois lunaires, les druides, formant un imposait cortège, parcouraient les forêts, coupaient la plante parasite avec une serp ç d'or, la recueillaient dans une saye ou tunique blanche, et la distribuaient ensuite à la foule empressée. Cette cérémonie était annoncée à haute voix par des prêtres qui parcouraient la Gaule : telle est l'origine du cri : « Au gui Van neu f l » conservé dans quelques refrains de nos provinces.
Les druides reconnaissaient un chef auquel ils étaient Aveuglément soumis, et qui habitait; dans le pays Chartrain. Ils niaient admis aux fonctions sacerdotales qu'après un noviciat de vingt ans. Leurs femmes participaient à la vénération qu'ils inspiraient au peuple, mais sans partager ni les prérogatives, ni le rang élevé du sacerdoce,. C'étaient elles qui jugeaient, sans appel, les contestations entre particuliers pour fait d'injures ; elles avaient même acquis dans l'art de prédire l'avenir une plus grande réputation que leurs maris : voilà peutêtre l'origine de la croyance àu^ fée, si longtemps en crédit dans nos contrées.
« C'était, dit l'historien çles Gaulois, sur des écueils sauvages, au milieu des tempêtes de l'archipel Armoricain, que les plus renommées de ces magiciennes avaient place leur résidence. Ir,e_ n^\igatç'ur gaulois, n'abordait qu'avec respect et terreur îçuçs. îles. çed,çut^s ; çu. dUa^t, que, plus d'une fois, des étrangers, assez hardis pour y descendre, avaient été repoussés par les ouragans, par la. foudre et par d'effrayantes visions. ,
« L'oracle de Séna, plus que tous les autres, attirait les navigateurs de la Gaule. Cette île, située vis-à-vis du cap le plus occidental de l'Armorique, ren-
fermait un collége de neuf vierges qui, de son nom, étaient appelées Sènes (1).
Pour avoir le droit de les consulter, il fallait être marin, et encore avoir fait le trajet dans ce seul but. On croyait à ces femmes un pouvoir illimité sur la nature : elles connaissaient l'avenir; elles guérissaient les mnux incurables; la mer se soulevait ou s'apaisait, les vents s'éveillaient ou s'endormaient à leur parole; elles pouvaient revêtir toute forme, emprunter toute figure d'animaux.
« Un autre collège de prêtresses, soumises à une autre règle, habitait un des îlots qui se trouvent à l'embouchure de la Loire. Celles-ci appartenaient toutes à la nation des Nannètes. Quoiqu'elles fussent mariées, nul homme n'osait approcher de leur demeure ; c'étaient elles qui, à des époques prescrites, venaient visiter leurs maris sur le continent. Parties de l'île, à la nuit close, sur de légères barques qu'elles conduisaient elles-mêmes, elles passaient la nuit dans des cabanes préparées pour les recevoir; mais, dès que l'aube commençait à paraître, s'arrachant des bras de leurs époux, elles couraient à leurs nacelles, et regagnaient leur solitude à force de rames. » Lorsque la patrie était en danger, on voyait les prêtresses gauloises, par des exhortations, encourager les hommes à perdre plutôt la vie que la liberté : cet exemple était même imité par les femmes des autres classes de citoyens.
Dans l'Armorique, les prêtres portaient le surnom de belhec, parce qu'ils étaient vêtus de lin (2), et les prêtresses, celui de leanes, parce qu'elles étaient toujours habillées de laine blanche (3).
Cependant les Romains, qui sentaient l'avantage qu'ils pouvaient tirer de la bravoure des Celtes, respectèrent longtemps leur organisation municipale et cherchèrent à les policer, ce qui fut facile en leur faisant adopter et leurs arts et leurs lois. Ils accordèrent à leurs chefs le titre de citoyen et les emplois de gouverneurs de province : la langue celtique se latinisa, surtout dans la Gaule centrale, qui servait de communication avec la Germanie; mais il fallait les délivrer du joug des druides : César, Tibère, Claude, employèrent tour à tour la persuasion et la violence pour mettre fin à leur coutume barbare de verser le sang humain. Des forêts furent détruites; le peuple adopta l'usage des temples, et les dieux du Capitole obtinrent des autels. On vit alors des druides mêler leur ancien culte à celui de leurs vainqueurs; des druidesses demeurer dans les temples qu'elles desservaient, excepté le seul jour où, suivant leur antique usage, elles pouvaient habiter avec leurs époux ; d'autres, vouées au célibat, remplacer dans la Gaule les vestales romaines.
Le druidisme était encore loin d'être anéanti, lorsque le christianisme pénétra chez les vainqueurs et chez les vaincus. Il est même probable que les premiers chrétiens qui convertirent les Celtes les laissèrent conserver quelques pratiques dont la religion chrétienne pouvait tirer un parti salutaire dans la bienfaisante
(1) Galli Senas vocant. (MeTa, lib. III, cap. v.) -On trouve, dans les manuscrits, Gallizenas, Gallisenas, Galligenas, Barrigenas et d'autres variantes plus ou moins corrompues. —
Séna est aujourd'hui l'île de Sein.
(2) Belh en langue gallique signifie lin. — En Bretagne, on désigne encore, sous le nom de belhec, un prêtre.
(3) Gloan, -et par contraction leanj signifie laine en langue gallique,
influence qu'elle devait avoir sur un peuple superstitieux, puisque nous les trouvons établies chez ce peuple dès la plus haute antiquité, et que ces pratiques, approuvées par Rome, devinrent universelles. On représenta, sans peine, les druides comme des magiciens ou des hommes dévoués au démon : leurs-cérémonies nocturnes, pratiquées au fond des forêts, accréditèrent ces idées; et persécutés, ainsi que leurs partisans, ils ne purent résister au zèle des nouveaux convertis.
Un demi-siècle s'était à peine écoulé depuis que l'empire Romain avait été divisé en empires d'Orient et d'Occident, lorsqu'après de vains efforts pour contenir des peuples que les maîtres du monde avaient trop longtemps opprimés, on vit ces nations barbares démembrer les provinces. Les Burgundiones ou Bourguignons, chassés des bords de l'Oder et de la Vistule par les Gépides sortis de ,1a Scandinavie, et les Visigoths, originaires de la Suède méridionale, fondèrent, vers le commencement du Ve siècle, dans la Gaule, deux royaumes limitrophes.
Les premiers occupèrent une partie de la Suisse et de la Savoie, la FrancheComté, la Bresse, le Dauphiné, le Lyonnais, la majeure partie du Nivernais, et la contrée voisiAe qui, de ces peuples, a conservé le nom de Bourgogne. Les seconds, prenant pour limite septentrionale les rives de la Loire, occupèrent le centre et le midi delà France, en y comprenant la Provence et le comté de Nice, et même une partie de l'Espagne (1). Des peuples sortis de la Germanie, les Marvingi, établis sur les bords de la Saale, en Franconie, forment, avec d'autres nations, une ligue sous le nom de Francs, s'établissent dans la Gaule Belgique, et, eommandés par Pharamond, fondent un petit royaume dont la limite méridionale est représentée par une ligne qui, partant de l'embouchure de la Somme, passerait par Amiens et Rethel, et, comprenant Trèves avec une partie de son territoire, se terminerait sur la rive gauche du Rhin, un peu au-dessous de Mayetice. Soixante ans plus tard, ces Francs, sous la conduite de leur roi Chludwig, Chlodovech ou Clovis, détruisent les restes de la puissance romaine dans les Gaules, en s'emparant de tout l'espace compris entre la limite que nous venons de tracer et celle des royaumes Visigoth et Bourguignon.
Pendant vingt ans la Gaule fut ainsi divisée : le tiers de sa superficie actuelle était occupé par les Francs, plutôt protecteurs qu'oppresseurs des Gaulois, qu'ils confondaient avec les Romains, parce que les Kymri et les Galli avaient adopté les lois romaines. On distinguait les vainqueurs à leur langage, à leur vêtement et à leurs caractères physiques. Les Francs, chaussés d'une petite bottine, la jambe et les bras nus, le corps couvert d'une tunique étroite et courte retenue par un ceinturon, laissaient flotter sur leurs épaules de longs cheveux blonds, et se teignaient les moustaches. Leurs armes étaient une longue épée, une francisque ou hache à deux tranchants, des javelots dont le fer, divisé en trois branches, représentait ce que l'on a appelé plus tard la fleur de lis, et un bouclier dont ils se servaient avec une dextérité extraordinaire. Les nationaux avaient été forcés de partage*" leurs biens avec leurs nouveaux hôtes ; les chefs des Francs dédommagèrent les Gaulois en abolissant une partie des impôts, en respectant leurs cou-
(1) Le royaume des Visigoths fut fondé par Ataulphe, en 411, et celui des Bourguignons par Giindicar en 413,
tûmes, en conservant leurs magistrats, et en reconnaissant la noblesse gauloise ; ils se réservèrent seulement le droit de donner des ducs aux provinces, des comtes aux villes, des vice-comtes ou vicomtes aux bourgs et aux villages ; dans les conséils du prince, les Gaulois avaient le crédit et l'ascendant que donnent les lumières et l'instruction.
Les Bourguignons et les Goths, de mœurs plus rudes que les Francs, étaient vêtus de peaux d'animaux. Les premiers se faisaient reconnaître à leur tête ronde, à leurs yeux petits et enfoncés, à leurs larges épaules et à leurs poitrines bombées. On distinguait les seconds à leur teint brun, à leur nez aquilin, à leur œil vif, à leur barbe noire et touffue, et à leurs longs cheveux tressés. La rudesse de leurs mœurs était un des motifs qui faisaient supporter impatiemment aux Gaulois leur domination ; et ce fut sans doute une des causes qui contribuèrent à la destruction de leurs monarchies.
L'ambition de Clovis força bientôt les Visigoths eux-mêmes à se réfugier en Espagne. A la mort de ce prince, ses fils divisèrent la France en quatre royaumes, dont Paris, Orléans, Soissons et Metz furent les capitales. Les partages par successions, par conquêtes, par usurpations, ou par suite d'assassinats et d'autres forfaits, avaient réuni, au vn& siècle, les différentes parties de la France et le royaume de Bourgogne sur une seule tête, lorsqu'un siècle plus tard la France, gouvernée pendant quelques années par Charlemagne et Carloman, son frère, demeura seule au premier, qui la rendit puissante par ses conquêtes.
Sous ce prince, la France, plus étendue qu'elle ne le fut jamais, était divisée en occidentale et orientale. La première comprenait la Provence, la Gothie ou Septimanie, aujourd'hui le Languedoc, la Vasconie ou Gascogne, VAquitaine, la Burgundtia ou Bourgogne, la Neustrie, comprenant la Bretagne, la Normandie et la Flandre, enfin VOstrasie, formée de tout le territoire qui s'étend depuis les bouches du Rhin jusqu'au Jura. La France orientale comprenait les pays au sud et au nord des Alpes, et l'espace compris sur la rive droite du Rhin, depuis ce fleuve jusqu'aux montagnes de la Bohème et aux rives de l'Elbe; c'est-à-dire que Charlemagne régnait sur la plus grande partie de l'Italie, sur la Suisse, la Bavière, la Hesse, la Saxe et la Frise. Depuis les bords de la Drave et du Danube jusqu'à ceux de l'Elbe, il comptait encore plusieurs peuples tributaires.
Le poids ae cet empire colossal devint trop lourd pour son successeur. Louis le Débonnaire, père faible et prince inhabile, tour à tour perdant et recouvrant l'autorité sur ses fils révoltés, meurt après avoir fait entre eux le partage d'une couronne qu'il était incapable de porter. & Gouvernée pendant un siècle encore par les princes de cette race, la France voit le trône ébranlé par l'abus du système féodal; et lorsque Hugues-Capet s'empare du trône, en 987, il n'est que le premier seigneur dé son royaume, et ne règne réellement que sur la Picardie, YJle-de-Frahce et VOrléanais. La politique de ce prince et de ses successeurs a pour but unique l'honneur et réclat de la couronne, l'abaissement et la soumission des grands. En 1095, le Berriest acheté par Philippe Ier au vicomte Eudes Hirpin. Le roi Jean érige en duché cette province, qui devient l'apanage d'un fils de France. Louis le Gros ne fait aucune acquisition ou conquête ; mais il porte les premiers coups au régime féodal, en
affranchissant les communes. En 1203, Philippe-Auguste confisque la Tour aine sur Jean sans Terre, auquel elle était échue comme au descendant de ses comtes, bientôt après il se rend maître de la Normandie, qui, depuis Charles le Simple, avait été donnée en toute propriété à Rollon et à ses Norvégiens. Amaury de Montfort cède la plus grande partie du Languedoc à Louis VIII, et cette cession est confirmée par un traité fait en 1229 par saint Louis. Jeanne dg Navarre, par son mariage, en 1286, avec Philippe le Bel, réunit à la France le comté de Champagne, qu'elle avait eu pour dot; en 1312, les habitants du Lyonnais, s'étaiit affranchis de la servitude, contraignent leur archevêque à reconnaître la souveraineté de ce prince.
Le Dauphiné, qui avait pris ce nom de Guigues VIII, le plus brave de ses princes, surnommé le Dauphin parce qu'il portait sur son casque la figure de ce cétacé, est cédé à Jean, fils de Philippe de Valois, en 1343, sous la condition que les fils aînés de nos rois porteront le titre de dauphins, mais que ce pays formera une souveraineté particulière et ne sera point incorporé au royaume. Charles V enlève aux Anglais le Poitou, YAunis, la Saintonge et le Limousin. Les victoires de Charles Vit sur les armées anglaises valent, en 1453, à la France, la plus grande partie de la Guienne et de la Gascogne. Louis Xl, en abaissant le pouvoir des grands, a le bonheur d'acquérir, par héritage, le Maine et l'njou, que PhiÏÍppe-Augusle avait conquis, mais qui avaient été plusieurs - fois détachés de la èouronne en faveur de divers princes du sang. Il s'empare du duché de Bourgogne, qu'il prétend être réversible sur sa tête, quoiqu'il existât un duc de Bourgogne, de Nevers et de Rethel ; pour s'attirer l'attachement des habitants, il déclare, par lettres patentes, que, la réunion de ce pays à la France s'étant faite par la libre volonté des états, nul n'y pourra être distrait de ses juges naturels ; 'qull ne sera levé aucun subside que du consentement des trois ordres; et que les taxes perçues jusqu'alors sur les vins et les autres produits de cette province seront abolies; enfin il prend possession de la Provence, en prouvant, par plusieurs témoins, que Charles d'Anjou l'avait institué son héritier; il accorde à cette province les mêmes privilèges qu'a la Bourgogne. Depuis ce temps les rois de France prirent souvent, dans leurs lettres adressées à ce pays, la qualité de comtes de Provence.
François le profite des droits que lui donne la révolte du connétable de Bourbon, en 1523, pour s'emparer de VA uvergne, du Bourbonnais et de la Marche, qui appartenaient à ce prince, et réunit à la France, quelques années plus tard, la Bretagne, par son mariage avec la princesse Claude. Par suite de cette réunion, la Bretagne demeure, sous ses successeurs, exempte de la taille et des autres droits; elle est seulement soumise à un impôt volontaire voté par ses états.
Sous le règne de ce prince galant, poète, chevalier, ami des beaux-arts, mais que la flatterie a décoré du titre de protecteur des lettres, quoiqu'il ait organisé la censure ; qui ne passa point pour cruel, et qui, cependant, donna par sa présence de l'éclat aux supplices de l'inquisition, les assemblées des notables furent substituées aux états généraux; mais la France vit alors dans tous les rangs germer ces idées de liberté religieuse et civile qui ne s'introduisent pas au sein d'un État sans amener tôt ou tard des commotions politiques.
La corruption de la cour et des grands, sous Henri 11, François 11 et Charles IX, encourage les progrès du protestantisme en France ; les principes de la réforme, favorables aux lumières qui percent de toutes parts, font changer une question religieuse en question politique : la cour ne voit dans les réformateurs et dans eurs partisans que des ennemis du pouvoir absolu. Le massacre de la Saint-Barthélemy n'est, pour Catherine de Médicis et son fils, qu'un coup d'État favorable à l'autorité royale. Mais, sous Henri 111, les événements changent tellement de face, que les chefs de la ligue ne semblent plus agir que dans le dessein de faire passer le sceptre de la France aux mains d'un prince espagnol. Cependant Henri IV, objet de la haine des chefs catholiques, monte sur le trône et augmente le territoire français de tout ce qui lui reste du patrimoine de ses pères : c'est-àdire du Béarn, du comté de Foix et d'une partie de la Gascogne. Louis XIII voit deux fois la France déchirée par des guerres intestines ; mais la politique cruelle de Richelieu pacifie le royaume, et son maître se couronne de lauriers, par la conquête de l'Artois, en 1640, et celle du Roussillon, en 1642.
Le règne longtemps glorieux de Louis XIV est un des plus favorables à l'agrandissement de la France : ce prince acquiert le Nivernais, par l'extinction totale du régime féodal; en 1668, il fait la conquête de la Flandre; quelques années plus tard, il s'empare de la Franche-Comté; enfin le traité de 1697, avec l'empereur d'Allemagne, confirme l'entière soumission de Y Alsace, dont la possession avait été déjà, en grande partie, obtenue par la paix de Westphalie, en 1648. Sous Louis XV, la Lorraine, portion du royaume de Lothaire (1), dont elle porte le nom, est cédée par l'empereur d'Allemagne au roi de Pologne, Stanislas, sous la condition qu'à la mort de ce prince elle sera réunie à la couronne, ce qui a lieu en 1766. En 1768, la république de Gènes cède la Corse à la France, moyennant une somme d'argent.
Telles étaient, en résultat, l'étendue et l'importance du territoire français pendant les dernières années -du long règne de Louis XV, lorsque ce prince mourut, sans emporter les regrets de la nation, laissant à son successeur la tâche difficile de réaliser l'heureux espoir qu'elle fondait sur ses vertus. On semblait être arrivé à une époque où la masse éclairée saurait apprécier les institutions qu'elle désirait, et que le monarque consentait à lui accorder. Mais les réformes qu'il fallait faire pour rétablir les finances; la susceptibilité de la classe moyenne fatiguée des priviléges de la noblesse, et qui réclamait des changements dans l'organisation sociale, excitèrent les passions et firent naître deux partis, qui, dès la convocation des états généraux, divisèrent l'assemblée. Les députés du tiers état, pleins de confiance dans l'opinion publique, jurent de ne se séparer qu'après avoir rédigé une constitution. Louis XVI l'accepte; le royaume est divisé en 83 départements.
L'assemblée constituante est remplacée par l'assemblée législative, dont un des premiers décrets réunit à la France Avignon et le Comtat Venaissin, depuis longtemps soumis au pape. Composée d'hommes qui ne comprennent point encore les
(1) Petit-fils de Louis le Débonnaire. Cette contrée fut d'abord appelée Regnum Lotharii, puis Lotharingia, dont on a fait Loherrene, Lorrene, et enfin Lorraine (en allemand Lothringen).
avantages d'un gouvernement représentatif, cette seconde assemblée se laisse dominer par un parti. Le monarque flotte indécis entre la crainte de compromettre les imprudents amis dont les conseils l'avaient perdu, -et celle de donner trop d'influence au parti populaire en se plaçant franchement à sa tête ; ses intentions sont méconnues, calomniées; on rêve l'établissement d'une république. Bientôt.
commence une nouvelle ère caractérisée par un fanatisme politique dont l'histoire n'offre point d'exemple, et par des crimes dont le récit glace encore d'épouvante et d'horreur. Louis XVI succombe avec le calme et la résignation d'un homme de bien, et la France est gouvernée par une poignée d'hommes qui, au nom de l'égalité, partagent les habitants en catégories; au nom de la liberté, établissent le despotisme le plus sanguinaire ; au nom de la fraternité, cherchent des soutiens dans la lie du peuple ; et au nom de la raison, remplacent la religion par les cérémonies du culte mythologique.
Au milieu des excès de l'anarchie, la France repousse les attaques de l'étranger ; les membres du parti le plus exagéré de cette assemblée si célèbre sous le nom de Convention nationale se divisent, se proscrivent, s'égorgent; ce gouvernement est renversé, et remplacé par deux conseils et cinq directeurs qui doivent la considération dont ils jouissent, au dedans et au dehors, aux victoires de nos armées; ils stipulent; en 1796, la réunion de la principauté de Montbéliardk la France, et, en 1798, celle du territoire libre de Mulhouse.
Mais, après cinq années d'existence, cette nouvelle organisation cède en un jour aux efforts de quelques hommes à la tête desquels se place un jeune général déjà célèbre par les combats livrés en Italie et dans les plaines de l'Égypte. Bonaparte est nommé premier consul ; il réprime les factions, il se couvre * une seconde fois de gloire en Italie, et dicte les conditions de la paix à l'empereur d'Allemagne.
Le traité signé à Lunéville le 9 février 1801 assure à la France la possession de ses nouvelles conquêtes. Depuis Wissembourg, le cours du Rhin lui sert de limites jusqu'à l'endroit où il prend le nom de Whaal ; et depuis ce point, la frontière du nord comprend la Belgique, Anvert Flessingue. Ce riche territoire forme les douze départements du Mont-Tonnerre, delà Sarre, des Forêts, de Rhin-et-Moselle, de Sambre-et-Meuse, de l'Ourthe, de la Roer, de la MeuseInférieure, de Jemmapes, de la Dyle, des Deux-Nèthes et de l'Escaut. A l'est de nos anciennes frontières, Porentruy est réunie au département du Haut-Rhin.
Genève et Chambéry sont les chefs-lieux de ceux du Léman et du Mont-Blanc ; et le comté de Nice prend le titre de département des Alpes Maritimes. Le 27 mars de l'année suivante, le traité d'Amiens pacifie l'Europe, et restitue à la France les colonies dont l'Angleterre s'était emparée pendant les guerres précédentes. -
Transformant, en 1804, les lauriers de Montenotte, d'Arcole, de Rivoli et de Marengo, en un diadème impérial, Napoléon reçoit, au sein de Paris, et de la main du souverain pontife, l'onction qui consacre les rois ; et, comme pour rehausser l'éclat d'un titre qui n'ajoute rien à sa gloire et à sa puissance, l'anniversaire de son couronnement devient, l'année suivante, le signal d'une de ses plus mémorables batailles : il défait, dans les plaines d'Austerlitz, les armées au-
trichiennes et russes. Le résultat de cette campagne est le traité de Presbourg par lequel la Prusse cède à Napoléon ce qui lui reste du duché de Clèves, le pays de Neuchâtel et de Valengin, et celui d'Anspach, qu'il échange contre le duché de Berg avec la Bavière, à laquelle il accorde le titre de royaume. L'empereur d'Autriche lui abandonne les États Vénitiens et la Dalmatie, renonce en sa faveur au titre de roi d'Italie; et le territoire français se trouve augmenté de tout le Piémont et de la Ligurie, qui forment les départements de la Doire, de la Sesia, de Marengo, du Pô, de la Stura, de Montenotte, de Gènes et des Apennins.
L'empire Français acquiert d'autant plus d'importance, que son chef prend le titre de protecteur de la confédération du Rhin et de la Suisse. Une nouvelle rup ture, suivie de nouvelles victoires, change encore la face de l'Europe : les batailles d'Iéna et de Friedland amènent le traité de Tilsit, le 7 juillet 1807, qui, par ses conséquences, double l'importance de la confédération du Rhin, et cède à la France la possession des îles Ioniennes. Pendant les années suivantes, l'empire prend encore un accroissement considérable : Kehl, Cassel et Wesel, sur la rive droite du Rhin, sont réunis à nos départements de la rive gauche; la Toscane, les duchés de Parme et de Plaisance, les territoires de Spolète et de Rome, le Vallais, la Hollande, la Frise, le Hanovre, l'évêché de Münster, le comté d'Oldenbourg, et les possessions des villes libres de Brème, de Hambourg et de Lubeck, sont transformés en départements français.
Cependant Napoléon, qui n'avait cessé de dominer l'Europe ; qui, en moins de dix ans, avait, sous le consulat, érigé des royaumes en républiques, et, sous l'empire, transformé des républiques en royaumes; qui avait fondé des monarchies en Allemagne ; qui deux fois avait épargné la couronne de Prusse, et qui prodiguait le sang des hommes et les trésors de l'empire, pour faire passer celle d'Espagne sur la tête d'un de ses frères, perd la plus belle armée du monde dans les plaines glacées de la Russie ; se voit, sur les champs de bataille, abandonné, trahi par ses alliés ; résiste d'une manière glorieuse sur le sol de la France aux efforts de toute l'Europe armée; et voit, le 31 mars 1814, sa capitale occupée par des peuples qu'il avait tant de fois vaincus. Contraint d'abdiquer, il se retire à l'île d'Elbe, et laisse à l'antique famille des Bourbons un royaume que les traités- rétablissent dans ses anciennes limites, en conservant, des conquêtes républicaines, les territoires de Montbéliard, de Mulhouse, de Porentruy, et la plus grande partie de la Savoie, formant le département du Mont-Blanc.
Les institutions fondées par Louis XVIII font oublier aux Français humiliés la honte de l'occupation étrangère : on perdait les avantages pénibles attachés à la gloire ; mais on avait en perspective tous ceux que font naître la paix et la liberté. Cependant la restauration ne paraît pas décidée à tenir ses promesses; l'ancien régime relève la tête, la crainte plutôt que la malveillance accrédite des bruits contraires au repos public; l'inquiétude se répand sur tous les points, et Napoléon, profitant de la disposition des esprits, débarque près de Fréjus le 1er mars 1815, rentre dans Paris avec le cortège de toutes les troupes envoyées pour arrêter sa marche rapide, organise une armée pour s'opposer aux préparatifs des princes étrangers, remporte la victoire de Ligny, succombe le lendemain à Waterloo, abdique en faveur de son fils ; et, se confiant à la générosité du
gouvernement anglais, cet homme, si grand qu'il semblait que le mondé fût trop petit pour lui, est relégué sur un rocher volcanique, au milieu de l'océan.
La France se voit enlever Porentruy, le département du Mont-Blanc, et un territoire de vingt lieues carrées qu'avait fortifié Louis XIV ; elle paye aux étrangers, qu'elle nourrit pendant cinq ans, une indemnité de 700 000 000 de francs; et cependant elle parvient à cicatriser ses plaies, et, à l'aide de quelques-unes des institutions si longtemps l'objet de ses vœux, elle se prépare à reprendre le rang qu'elle est appelée à occuper dans la balance européenne. Mais les menées sourdes d'une faction antipathique aux progrès excitent les défiances de la nation; des fautes signalent la fin du règne de Louis XVIII, qui descend dans la. tombe en 1824. Son frère, en montant sur le trône, parait vouloir suivre la ligne que lui traçait la constitution ; mais les ennemis des libertés publiques engagent le prince dans une route périlleuse. Charles X rend, en 1830, les fameuses ordonnances qui amènent sa chute. Après une révolution aussi prompte que la. foudre, la branche aînée des Bourbons est déclarée déchue du trône : Louis-Philippe est appelé à régner; il a longtemps à lutter contre les conspi.
rations et les insurrections ; il voit s'accomplir la précieuse conquête de l'Al..
gérie, commencée dans les derniers jours du gouvernement précédent. 11 acquiert la possession des îles Marquises, et étend le protectorat de la France sur les îles Taïti; il maintient la paix avec toutes les puissances de l'Europe; mais les discussions et les dissensions parlementaires minent peu à peu son autorité.
La révolution de février 1848, fruit de ces discussions, le renverse et donne naissance à une république. Celle-ci, qui s'annonçait avec de brillants programmes de liberté, ne put tenir ce qu'elle promettait : l'insurrection terrible de juin lui porta un coup fatal ; la majorité de la nation appela au pouvoir le prince Louis Napoléon, nomme d'abord président dès 1848, puis empereur en 1852, tous le nom de Napoléon 111.11 a tenu d'une main ferme les rênes du gouvernemeDi, réprimé l'ambition de la Russie par la guerre de Crimée en 1854-1855, restreint les limites de l'Autriche par la guerre de 1859. Sous son règne, nous avons pris possession de l'archipel de la Nouvel le*Caiédonie, reculé nos frontières de VA Igérie, de la colonie du Sénégal, soumis la Kabylie, fait ouvrir à notre commerce les ports de la Chine et du Japon, ot vu nos marins victorieux entrer dans la baie de Tmirane et la ville de S,!fgOft, en Coohinhine.
La France proprement dite, cependant, est restée resserrée dans les limites fixées par l'étranger à la seconde restauration ; elle est bornée au nord par une portion de la Manche, le Pas de Calais et la mer du Nord, la Belgique, le grandduché de Luxembourg, la province prussienne du Rhin et le cercle bavarois du Rhin ; à l'est, par le grand-duché de Bade, la Suisse et les États Sardes; au sud, par la Méditerranée et le royaume d'Espagne; à l'ouest, par l'océan Atlantique et une seconde partie de la Manche. Elle s'étend entre le 7" degré 9 minutes à l'ouest du méridien de Paris, et le 5e degré 56 minutes à l'est du même méridien, et occupe l'espace compris entre le 42e degré 20 minutes et le 51e degré 5 minutes de latitude nord.
< La France n'a pas, vers la Belgique, le Luxembourg et la Prusge, de limite naturelle ; le cours de la petite rivière Lauter la sépare de la Bavière rhénane. A
l'est, elle a le Rhin, vers le grand-duché de Bade; le Doubs et le Jura, vers la Suisse, et le Rhône, le Guiers, les Alpes et le Var, du côté des États Sardes.
Elle présente à peu près la forme d'un hexagone, dont trois côtés, au nord-ouest, à l'ouest, au sud-est, sont baignés par la mer, et les trois autres sont bornés par la terre. Les sommets des angles de cet hexagone sont Dunkerque, au nord ; la pointe .Saint-Matthieu, au nord-ouest; l'embouchure de la Bidassoa, au sudouest; le cap Cerbère, au sud; l'embouchure du Var, au sud-est, et le confluent de la Lauter et du Rhin, à l'est.
« On compte 980 kilomètres du nord au sud, depuis lç. voisinage de Dunkerque jusqu'au cap Cerbère ; 935 kilomètres de l'ouest à l'est, de la pointe Saint-Matthieu au confluent de la Lauter et du Rhin ; 1 066 kilomètres du nord-ouest -au sud-est, de la pointe Saint-Matthieu à l'embouchure du Var, et 988 kilomètres du nord-est au sud-ouest, du confluent de la Lauter et du Rhin à l'embouchure de la Bidassoa. La superficie de la France est de 527 690 kilomètres carrés (1). »
Le développement de ses côtes est de 2 210 kilomètres (2). Sa population est, d'après le recensement de 1856, de 36000000 d'habitants, ce qui donne plus de 68 individus par kilomètre carré. Malgré l'accroissement que cette population a éprouvé depuis la révolution, puisqu'en 1790 la même superficie ne comprenait qu'environ 25 000 000 d'habitants, et, en 1814, époque de la restauration, 28500000, la France pourrait être beaucoup plus peuplée. Ainsi, en prenant pour base deux départements qui forment à peu près les deux extrêmes (3) : celui du Nord, qui renferme 214 habitants par kilomètre carré, et celui des Basses-Alpes, qui n'en compte que 19, on aurait une moyenne de 166 individus pour la même superficie, ce qui porterait la population de toute la France à 87 000 000 d'âmes. Cependant, si elle était peuplée en proportion du département du Nord, elle renfermerait plus de 112 000000 d'habitants. L'agriculture et les diverses branches d'industrie ont encore bien des progrès à faire, bien des développements à subir, avant de pouvoir nourrir, sur un sol dont tout annonce la fécondité, une masse aussi considérable d'individus.
Une île physiquement italienne, mais politiquement française, la Corse, forme une partie importante de la France proprement dite, et non une de ses colonies.
Jetons un coup d'œil historique sur cette région, d'autant plus intéressante qu'elle renferme des éléments de richesses qui lui assurent les plus brillants avantages.
La Corse est l'une des cinq plus grandes îles de la Méditerranée ; sa superficie est de 8 700 kilomètres carrés, et sa population de 240 000 hab. L'histoire de cette île, depuis les temps les plus reculés jusqu'à l'époque où elle fut définitivement réunie à la France, n'est qu'un tableau fatigant de guerres, de révoltes et de car-
(1) Géographie physique et politique de la France, par E. Cortambert.
12) Voici le détailde leur étendue, soit en ligne droite, soit en y comprenant les sinuosités-:
dr. ligne. développement.
Côtes de la Méditerranée. 385 kil. 540 kil.
— del'AttatTiique. 655 — 880 — de la Manche, du Pas de Calais et de la mer du Nord. 610 — 790 — 1 650 — 2 210 —
(3) Nous ne parlons pas du département de la Seine, qui, renfermant la capitale, est tout à fait exceptionnel.
nages. Hérodote prétend