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Titre : Allocution prononcée sur la tombe de M. Henri Cohen, à Bry-sur-Marne (Seine), le mercredi 19 mai 1880 ; par M. Chabouillet

Auteur : Chabouillet, Anatole (1814-1899). Auteur du texte

Éditeur : Impr. de Dupont (Paris)

Date d'édition : 1880

Sujet : Cohen, Henri

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb30215128s

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : In-8° , 8 p.

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Description : Collection numérique : Fonds régional : Île-de-France

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k65141520

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-LN27-32256

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 26/03/2013

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ALLOCUTION

PRONONCÉE SUR 11 TOMBE DE

_- -. z.'.ENR Y C OHE N

à Bry-sur-Marne (Seine), le Mercredi 19 mai 1880

PAR M. CHABOUILLET.

La mort ne se lasse pas de frapper la Bibliothèque Nationale. Ï1 n'y a pas un mois, nous conduisions à sa dernière demeure l'un des conservateurs du département des Imprimés si cruellement éprouvé depuis quelques années, et, pour ne parler que de celui des Médailles, le 13 mars 1878, j'adressais à Saint-Mandé un éiernel adieu à lun de mes collaborateurs, à mon jeune et savant ami Camille de la Berge, et voici qu'après deux ans à peine, je me retrouve au bord d'une tombe qui s'ouvre pour un des soldats de la phalange, pourtant si peu nombreuse, dont j'ai l'honneur d'être le chef.

Hélas! c'est ainsi. La destinée n'épargne pas la douleur renaissante de voir tomber les rneilleursompagnons de route à ceux qu'elle n'arrête pas dès le commencement du voyage.

M. Henry Cohen, bibliothécaire au département des Médailles et Antiques, qui vient de succomber ici, le lundi 17 mai 1880, élait né à Amsterdam le 21 avril 1806. Il ne nous quitte donc pas aussi prématurément que Camille de la Berge, mais l'ardente activité de M. Cohen empêchait de compter les années qui s'accumulaient sur sa tête, et nous donnait l'espoir de le conserver encore longtemps parmi nous.


Cependant, tout à coup, de funestes symptômes se révélèrent et nous apprirent que cette santé, en apparence si vigoureuse, était ébranlée. Au mois de novembre dernier, M. Cohen fut atteint d'une paralysie de la main droite. Quelques heures après cette attaque, M. Cohen se rendait seul, à pied, au Cabinet des médailles.

Avec la plus philosophique simplicité, il nous faisait part de cet a accident », et, montrant sa main presque inerte, nous disait que son médecin espérait lui rendre le mouvement et l'élasticité, mais qu'en attendant, il s'étudierait à écrire de la main gauche !

Puis, il trouvait un sourire pour se plaindre d'avoir éprouvé en chemin un autre accident, — il avait été renversé par une voiture, — et, sans plus de discours, allait stoïquement s'asseoir à son bureau, où, à l'instant même, il adressait à un ami une lettre péniblement écrite de la main gauche !

Depuis cette journée fatale, malgré les soins dont il fut entouré par Madame Morin, son excellente fille, ainsi que par M. Morin, son gendre, qui fut pour lui un fils, M. Cohen n'a jamais retrouvé la santé.

Le 6 du mois de janvier de cette année, il faillit succombera une première attaque d'une autre terrible maladie (1); à peine se rétablissait-il, que des crises nouvelles venaient l'abattre de nouveau.

La robuste constitution de M. Cohen était minée ; mais, avec un courage qui ne se démentit pas un instant, dès qu'il parvenait à dominer des souffrances qui ne le terrassèrent qu'après des assauts répétés, il revenait au Cabinet des Médailles, où il étonnait collègues et visiteurs par sa résignation à un dénouement qu'il savait prochain, ainsi que par la présence de son esprit et la persistance de sa mémoire numismatique.

Samedi dernier, M. Cohen paraissait encore au Cabinet des Médailles : il venait nous dire adieu au moment de partir pour Bry, où les médecins l'envoyaient chercher, sinon laguérison, au moins le repos auprès de ses enfants. Hélas ! il ne devait pas en revenir!

M. Cohen a succpmbé le 17 mai 1880.

Je ne sais presque rien de M. Cohen avant l'époque où il commença à fréquenter le Cabinet des Médailles, comme amateur, c'est-à-dire plusieurs années avant la publication de son livre sur

(1) Le catarrhe suffocant.


los monnaies consulaires, lequel date de 1857. Je sais seulement qu'il tenait de sa famille une fortune qui lui assura d'abord l'indépendance.

Doué d'aptitudes très diverses, M. Cohen avait des goûts variés.

Bibliophile, il se fit une bibliothèque de bons et beaux livres ; minéralogiste, il rassemblait des pierres rares ; numismatiste, il collectionnait les monnaies romaines, surtout les consulaires ;.

musicien passionné, il n'était pas seulement remarquable exécutant, c'était un compositeur et un savant théoricien. Vers 1834", M. Cohen faisait jouer, à Naples, un opéra, L' Impegnatrice, à Paris et à Londres des scènes lyriques (1) et des romances qu'il chantait souvent lui-même dans les salons, et on lui doit un excellent recueil de fugues et de savants traités d'harmonie et de contrepoint (2), où les juges compétents s'accordent à reconnaître des qualités de premier ordre, celles que nous retrouvons chez le numismatiste: la clarté dans l'exposition des principes et) des règles, de la nouveauté et de la justesse dans les idées.

Je constate le succès, qui dure encore, des ouvrages de M. Cohen, sur la musique ; je ne songe pas à en donner la moindre idée a ceux qui m'écoutent. D'autres apprécieront M. Cohen musicien,.

M. Cohen bibliophile, M. Cohen auteur du Guide de Vamateur des livres à vignettes du XVIIIe siècle, dont la 4e édition paraissait la veille de sa mort; je dois me borner à parler de M. Cohen, numismatiste, de celui qui, pendant plus de vingt années, fut mon collaborateur au Cabinet des Médailles.

En numismatique, surtout au point de vue pratique, M. Cohen, était un maître; aussi, lorsqu'en 1859, des revers vinrent le contraindre à renoncer à ses collections et à demander à un travail, rétribué les ressources qui lui faisaient défaut, s'empressa-t-oii.

de lui ouvrir les portes du Cabinet des Médailles.

Malheureusement, par suite des prescriptions du règlement et, des nécessités budgétaires, M. Cohen, qui commença par l'emploi trop modeste de surnuméraire (3), ne franchit pas anssb

(1) Marguerite et Faust, exécutée à Paris ait Conservatoire, en 1847.La Mairie, jouée à Londres en 1851.

(2) to Traité d'harmonie : 2° Traité élémentaire de contrepoint et lu-aile; 3° Les principes de la musique; 4° Dix-huit solfèyes harmoniques..

(S) Arrêté du 11) décembre 1850.


rapidement que tout le monde l'aurait voulu, les degrés qui le séparaient du grade de bibliothécaire auquel il ne parvint qu'en 1875 (1). Dès les premiers mois de l'année 1859, qui le vit entrer au Cabinet national, M. Cohen avait fait paraître le premier volume du second de ses grands ouvrages, sa Description des ml" dailles impériales, dont le deuxième porte la même date. On le voit, ces publications suivirent de près son ouvrage sur les Médailles consulaires (2).

Deux pensées avaient engagé M. Cohen à composer ces grands ouvrages: s'il avait voulu être utile aux amateurs, ses confrères , il avait eu aussi l'ambition d'élever un monument à Rome antique. M. Cohen aurait pu prendre le surnom d'ami des Romains que nous lisons sur les monnaies de plusieurs rois grecs de l'Asie ; il avait presque un culte pour le Peuple-Roi, dont la littérature le charmait, dont il préconisait les lois et les mœurs, parfois avec une partialité dont nous lui faisions la guerre, mais.

qu'il défendait avec conviction ét non sans originalité.

On peut le dire, M. Cohen a atteint le double but qu'il avait poursuivi. D'ailleurs, sincèrement modeste, c'est lui-même qui, dans la préface de ses Médailles consulaires, déclare n'avoir pas songé à lutter de science avec les grands numismatistes du passé, Vaillant, Patin, Eckhel, et avoue simplement la prétention qu'il espérait justifier * de donner un ouvrage plus exact sous le « rapport de l'intégrité des inscriptions et de l'authenticité « des pièces, que tous ceux qui existent (3). » Cette prétention, M. Cohen l'a pleinement justifiée dans ses ouvrages; il l'a même dépassée, S'il ne fut pas supérieur à Eckhel, si le rédacteur de simples répertoires, si parfaits qu'ils soient, ne peut être comparé à

(1) Arrêté du, 24 décembre 1875.

(2; Voici les titres in extenso de ces deux excellents vade-mecum : 1° Descriotion générale des Monnaies de la République romaine, communément appelées Médailles consulaires, par Henry Cohen. (1 vol.

jn-4° avec planches. Paris, 1857.) 2° Description historique des Monnaies frappées sous l'Empire romain, communément appelées Médailles impériales, par Henry Cohen. (7 vol.

in-8° publiés t. 1 et Il en 1859, t. III et IV en 1860, t. V en 1861, t. VJ en 1862, enfin, en 1868, le t. VII ou supplément.)

(3) Médailles consulaires. Préface, pa¥8 première.


l'auteur de la Doctrina numorum veterum, à celui qu'il nommait lui-même le grand législateur de la numismatique ancienne (1), M. Cohen a laissé loin derrière lui la plupart des numismatistes du siècle dernier et s'est placé dans les premiers rangs parmi ceux du nôtre.

Ce n'est pas le moment d'analyser les ouvrages qui apprirent le nom d'Henry Cohen h l'Europe érudite. Je n'essayerai même pas de donner une idée des difficultés qu'il y avait à vaincre, des qualités, rares au degré où M. Cohen les possédait, qu'il fallait réunir pour composer d'aussi vastes répertoires, d'abord aussi complets que possible, puis aussi étonnamment exacts et aussi singulièrement utiles.

Malgré sa modestie, qui, je le répète, n'était pas feinte, M. Cohen n'ignorait pas l'importance des services qu'il avait rendus, et, après tout, les suffrages de l'Académie des Inscriptions et BellesLettres, qui le couronnait en 1862 (2), lui auraient révélé son mérite s'il s'était absolument ignoré lui-même. Non, il savait bien que tout le monde n'aurait pu faire comme lui ses deux grands ouvrages.

« Dût-on me taxer d'outrecuidance », écrivait-il dans cette préface de ses Médailles consulaires que je viens de citer, a je dirai que, « s'il est difficile d'écrire un livre de numismatique savant, il l'est « peut-être encore plus d'en faire un très-exact. »

Je dirai, moi, qu'il n'y a pas que l'exactitude à louer dans les ouvrages de M. Cohen. La simplicité du plan, la méthode, la clarté, en font des conseillers que l'on ne trouve, pour ainsi dire, jamais en défaut. Et lorsqu'on pense que le volume des Médailles consulaires comprend 360 pages in 4°; que les sept volumes des Médailles impériales cncomprenent 4,000, que dans ces innombrables

(1) Parlant du principal des livres d'Eckhel, M. Cohen s'exprimait ainsi : l'immortelle Doctrina numorum veterum du grand législateur de « la numismatique ancienne, ECKHEL. » (Voyez Description des médailles impériales. Préface, page Il de la l'e édition, et 21 édition, préface, p. v.)

(2) Dans sa séance du 3 août 1862, l'Académie des Inscriptions et BellesLettres a décerné le prix annuel de numismatique, fondé par Allier de Iauteroche. à M. Henry Cohen, pour son ouvrage intitulé : sc Description a historique des monnaies frappées sous l'Empire )'omain," (Voir Revue numismatique, année 1862, page 387.)


descriptions, où rien d'essentiel n'est omis il n'y a pas un mot inutile, que, comme il l'avait annoncé, les légendes sont repr(iduites avec la plus scrupuleuse exactitude, que la patience de l'auteur ne lui a jamais fait défaut, on reste confondu !

rables, c'est que, de l'aveu général, on peut s'en rapporter à lui à légard de l'authenticité des médailles admises dans ses ouvrages.

Grand admirateur de l'art antique, doué d'étonnantes facultés de travail, d'un tact des plus délicats, de ce tact qui ne s'acquiert pas, dont on ne peut même approcher si l'on conl- mence tard à s'occuper de numismatique, hl. Cohen avait perfectionné les dons qu'il devait à la nature par l'étude d es procédés de la fabrication monétaire et par une longue pratique des monn ments numismatiques. Mais ce n'était pas seulement le tactta sûreté et la rapidité du coup d'œil qui surprenaient chez M. Cohen ; sa mémoire numismatique était prodigieuse et c'était l'un des grands secrets de sa supériorité.

On ne dira pas, cependant, qu'il ne se glissa jamais une inexactitude dans ses descriptions, une erreur dans ses explicalions (1).

Ou est l'homme dont on pourrait dire : « Il ne s'est jamais trompé » ? Ce que l'on peut dire de M. Cohen, c'est qu'il fut de ceux qui se trompent très rarement, c'est que ses livres qui à bon droit, font autorité, c'est que ses articles trop peu nom-

(1) L abbé Cavedoni, qui a consacré une série d'articles approfondis aux Médailles consulaires, proposait à l'auteur des rectifications, d'ailleurs en très petit nombre et d'importance secondaire Sans nul doute, M. Cohen aurait tenu grand compte des observations du savant ecclésiastique, s'il lui avait été donné de publier la 2e édition promise par Cavedoni à ce beau livre comme il s'exprimait lui même; mais il les aurait pesées, car si plusieurs sont fondées, il en est qui ne le sont pas, ainsi qu'en est convenu, avec une parfaitú bonne foi, le savant critique italien dans son dernier article écrit après la lecture d'une lettre àluiadresséepar M. Cohen. VoyezBulletino Archeoloaicia Napolitano, année 1857, p. 121 à 128,129 à 131 et 152. Le dernier article, intitulé Rectifications numismatiques, se trouve même tome, p.181. Les articles de M. Cavedoni ont été traduits en français et publiés dans la Revue numismatique. Voyez, année 1857, p. 184 à 192, 34G à 362, et 18G3, p. 204 à 212 TI ne vois pas que le traducteur ait songé au dernier article, cdufgue l'abbé Cavedoni a intitulé : Rectificazione numismalica


breux de la Revue numismatique (1), ont largement contribué aux progrès de la numismatique romaine, et, par là, à ceux de l'histoire de Rome sous les consuls et sous les empereurs.

Le culte de M. Cohen pour Rome et la numismatique romaine, pour grand qu'il fut, n'était pas exclusif. S'il n'a pas fait pour la Grèce ce qu'il fit avec tant de succès pour Rome, ce n'est pas qu'il n'y eût jamais songé, et il est à regretter que le temps lui ait manqué pour accomplir certains projets dont il m'avait souvent entretenu. Il s'en serait certainement tiré à son honneur, car il connaissait et appréciait aussi bien les médailles de la Grèce que celles de Rome. Les médailles gauloises et les monnaies du moyen âge, sont peut-être les seules grandes séries de la numismatique qu'il ait négligées. Ces séries ne répondaient ni à Sil prédilection pour l'art classique, ni à ses études d'humaniste de la vieille roche ; mais il était trop avisé pour en nier l'importance historique.

A toutes les qualités que je viens d'énumérer, M. Cohen en joignait une autre, la première chez nous. Il n'aimait pas seulement la numismatique, il aimait notre cher Cabinetl C'est avec un patriotique orgueil qu'il y voyait s'accumuler les trésors dus à la munificence de l'Etat et aux dons d'amateurs, comme Prosper Dupré, le duc de Luynes, le vicomte de Janzé, le commandant Oppermann, le baron d'Ailly. Et ce qu'il ne faut pas oublier, malgré le nombre et la diversité des occupations qui remplirent sa vie, jamais M. Cohen n'oublia ses devoirs envers l'Etat, et notre Inventaire, dont plusieurs volumes sont écrits de sa main, témoigne du zèle avec lequel il s'acquittait de ses devoirs de fonctionnaire.

Hélas ! cet excellent collaborateur n'est plus ! Il n'assistera plus à nos intimes délibérations ; il ne terminera pas cette seconde édition de ses Médailles impériales dont le tome premier, à peine distribué, porte le millésime de l'année qui le vit mourir !

Les mortels vivent-ils jamais assez pour voir l'accomplissement

(1) 1° Essai sur la véritable prononciation du latin, d'après les médailles antiques. (Année 1854, p. 293 à 304.) 2° Notice sur sept médailles romaines. (Année 1860. p. 359 à 363.) De la numismatique de Pesrennius Nijer. (Année 1867, p. 43i à 445.)


de leurs projets ? Sera-t-elle même achevée par un autre cette seconde édition? Il y a tout lieu de l'espérer. On en trouvera les éléments dans ses papiers et sur les marges de son exemplaire ; mais il en serait autrement, on ne l'achèverait pas cette seconde édition, on ne publierait pas non plus celle de ses Médailles consulaires à laquelle il pensait et dont il parlait parfois, que ces deux ouvrages, tels qu'il les a laissés, suffiraient à faire vivre son nom aussi longtemps qu'il y aura des historiens et des archéologues.

Parmi nous, au Cabinet des Médailles, le souvenir de Henry Cohen sera toujours vivant. Nous n'ouvrirons jamais un de ses livres, nous ne reconnaîtrons jamais sa fine et nette écriture sur nos registres, sans une pensée de regret pour le précieux collaborateur, pour l'homme de bonne compagnie, l'homme au com-

merce facile et sûr, avec - - passé tant d'années 1 merce facile et SÛI', avec qui "Ól.\ i\v()Q passé tant d'années - (., -, Qu'il repose en paix, Tirç&tlg'Sblë travailleur

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