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Title : Charles Garnier et l'Opéra : [exposition, Paris, Bibliothèque de l'Opéra, 1961] / Bibliothèque de l'Opéra ; avec le concours de l'Académie d'architecture pour commémorer le centenaire de l'Opéra ; [préf. de Julien Cain ; Charles Garnier par Albert Laprade]

Author : Laprade, Albert (1883-1978). Auteur du texte

Author : Bibliothèque-musée de l'Opéra (Paris). Auteur du texte

Publisher : [Bibliothèque nationale] (Paris)

Publication date : 1961

Contributor : Cain, Julien (1887-1974). Préfacier

Contributor : Laprade, Albert (1883-1978). Préfacier

Contributor : Académie d'architecture (France). Collaborateur

Subject : Garnier, Charles (1825-1898)

Subject : Paris (France) -- Palais Garnier

Subject : Opéra national de Paris

Relationship : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb372041138

Type : text

Type : printed monograph

Language : french

Format : 40 p. : portrait et plan sur la couv. ; 21 cm

Format : Nombre total de vues : 56

Format : application/epub+zip 3.0 accessible

Format : Format adaptable de type XML DTBook, 2005-3

Description : [Exposition. Paris, Bibliothèque de l'Opéra. 1961]

Description : Comprend : Charles Garnier

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Description : Catalogues d'exposition

Rights : Consultable en ligne

Rights : Public domain

Identifier : ark:/12148/bpt6k6459371f

Source : Bibliothèque nationale de France, département Recherche bibliographique, 2002-68249

Provenance : Bibliothèque nationale de France

Online date : 21/02/2013

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BIBLIOTHÈQUE DE L'OPÉRA

CHARLES GARNIER

ET

L'OPÉRA

Exposition

organisé avec le concours de

L'ACADÉMIE D'ARCHICTECTURE

pour commémorer le centaire

de l'Opéra

PARIS

1961

BIBLIOTHÈQUE NATIONALE

SERVICES de VERSAILLES


LISTE DES PRÊTEURS

ACADÉMIE D'ARCHITECTURE (Président : M.H.-M. DELAAGE).

ARCHIVES NATIONALES (Directeur général : M. A. CHAMSON).

BIBLIOTHÈQUE DE L'ARSENAL (Conservateur en chef : M. J. GUIGNARD).

BIBLIOTHÈQUE DE L'ECOLE NATIONALE SUPÉRIEURE DES BEAUX-ARTS (Directeur : M. UNTERSTELLER ; Conservateur : Mme BOULEAU-RABAUD).

SERVICE D'ARCHITECTURE DU THÉATRE DE L'OPÉRA (Architecte en chef : M. BOURDON).

Mme J. TROUVELOT.

MM. R. BODECHER, F. CARPENTIER, P. SONREL.


PRÉFACE

Il y a cette année un siècle, un concours fut ordonné pour la construction d'un nouvel Opéra. Ce fut un jeune architecte de trente-six ans, revenu depuis peu de la Villa Médicis, Charles Garnier, qui l'emporta dans cette compétition à laquelle l'illustre Viollet-le-Duc avait participé. Ce centenaire a été déjà commémoré par l'Académie d'Architecture le 25 juin 1961 à l'Opéra même, où son président, M. Delaage, prit la parole ; il est évoqué de nouveau dans l'exposition qui s'ouvre à la Bibliothèque de l'Opéra.

Mon confrère et ami M. Albert Laprade souligne dans les pages qui suivent les effets de l'événement considérable que fut ce concours. Charles Garnier, tout en tenant compte, dans le décor, du goût et de l'esthétique de son temps, qui était celui du faste et de l'élégance, sut créer un monument qui a pris place parmi les plus significatifs de l'histoire de l'architecture française. Par l'ampleur de la composition, par la maîtrise avec laquelle les diverses parties sont distribuées dans le plan général, l'Opéra de Garnier est une oeuvre grandiose. Les documents que


l'on a rassemblés permettent de mieux comprendre comment il fut édifié.

Avec le concours de l'Académie d'architecture, de son président, M. Delaage, de son vice-président, M. Vois, avec la collaboration constante de Mlle Nicole Bourdel, archiviste paléographe, conservateur aux Archives de la Seine, qui a reçu les précieux conseils de M. Laprade, Mme Lebeau, conservateur du département de la Musique, assistée de M. Ménétrat, a préparé cette exposition. Nul cadre ne pouvait mieux lui convenir que la galerie qui longe la rue Auber dans l'Opéra de Charles Garnier.

Julien CAIN,

Membre de l'Institut,

Administrateur général de la Bibliothèque nationale.


CHARLES GARNIER 1825 -1898

Il y a juste cent ans, naissait « une idée de génie » : le plan de l'Opéra.

Avant d'exposer brièvement les faits de l'année 1861, rappelons que la reconstruction de l'Opéra de la rue Le Peletier, en un lieu plus digne et plus vaste, était déjà à l'ordre du jour depuis 1840. Les Archives Nationales conservent en effet divers projets (versés récemment par la Direction de l'Architecture) antérieurs à 1860. tel celui de Horeau (1845). La tentative d'attentat contre Napoléon III, en 1852, précipita les événements. En même temps que Rohault de Fleury, l'architecte officiel de l'ancien Opéra, préparait des devis (le dernier est du 12 décembre 1860) et des plans pour une reconstruction du théâtre sur le même emplacement, il semble que d'autres architectes, dont Garnier et Viollet-le-Duc, se soient mis au travail. En effet, Garnier dit dans une lettre conservée à la Bibliothèque de l'Institut d'Art et d'Archéologie : « J'avais (déjà) étudié les théâtres ». et il évoque les dessins qu'il a « faits pour l'Opéra de la Butte des Moulins ».

Trois emplacements avaient été envisagés dans Paris : « la place Vendôme, la butte des Moulins, et la place de la Concorde ».

Quant à Viollet-le-Duc, M. Cordey, dans un article extrêmement nourri (Bulletin de la Société de l'Histoire de l'Art français, 1941-1944), rappelle que le jeune architecte avait travaillé chez le célèbre décorateur de théâtre Ciceri en 1831-1832, qu'il avait souvent collaboré à des décors ou même à des constructions légères pour des représentations en plein air, destinées à l'amusement de la Cour à Compiègne. Parmi ses projets conservés à la Bibliothèque des Monuments français, certains sont très poussés et le plus ancien porte la date de 1852.

Cependant, en 1860, Napoléon III, qui avait vu et revu le projet de l'architecte officiellement chargé des travaux, semblait décidé à l'adopter, quand brusquement, tout fut remis en question. Un concours fut décidé, à la grande amertume de Rohault de Fleury qui devait recevoir plus tard, en dédommagement, des avantages financiers et la rosette (1). On pense que le concours fut une idée de l'impératrice, sûre de voir réussir son favori, Viollet-le-Duc.

(1) Par la suite Rohault de Fleury fut beau joueur. Le 30 juillet 1861 il félicitera le gagnant : « Je n'ai rien à pardonner à un artiste de talent dont le succès loyalement obtenu ne peut qu'avoir toute mon approbation ». Le vieil homme ne devait donner sa démission d'architecte de l'ancien Opéra, que le 15 novembre 1862. Le même jour Garnier lui succédait dans l'entretien de l'ancien Opéra jusqu'à la terminaison du nouveau.


Au milieu d'une prospérité générale, S.E. le Ministre d'Etat, Comte Walewski, par arrêtés du 20 et du 29 décembre 1860, avait décidé la mise au concours du futur grand Opéra. Ouvert à tous, architectes, directeurs de théâtre, décorateurs, c'était un concours d'idées, avec délais sévères : un mois.

Dans Le Figaro du 5 janvier 1861, M. de Villemessant annonçait la nouvelle et commentait le programme avec sa malice coutumière.

171 projets furent déposés le 31 janvier 1861 au Palais de l'Industrie et présentés en une exposition publique. Avant le jugement, dans son numéro du 14 février, Le Figaro, sous la plume de son collaborateur G. Bourdin, donnait comme gagnant probable du tournoi un homme remuant, Duponchel, ancien directeur de l'Opéra, secondé par les architectes Crépinet et Botrel, ou bien Viollet-le-Duc, architecte très en faveur aux Tuileries. Mais, notait le critique, les façades de ce dernier, d'esprit gothique, faisaient plutôt songer à un hôtel de ville qu'à un théâtre. L'envoi de Charles Garnier n'avait pas retenu l'attention des critiques.

Malgré l'anonymat, les auteurs furent vite identifiés. Un rapport sans date conservé aux Archives Nationales dit :

« La grande masse des projets est d'une médiocrité incontestable. seuls une vingtaine de plans révèlent chez leurs auteurs des qualités estimables. (1) ». « Le plan de M. Garnier mérite des éloges. »

L'auteur d'une Critique sur le concours ouvert pour l'édification du nouveau théâtre de l'Opéra parue en février 1861, blâme fortement le plan de Viollet-le-Duc. Et ce pamphlétaire termine en souhaitant un second concours, car dit-il, le principal défaut est que « peu de concurrents sont habiles en architecture théâtrale et le jury même n'en sait rien »(2).

Un nouvel arrêté du Ministre d'Etat, du 12 février, avait nommé le jury composé des huit membres de la Section d'Architecture de l'Académie des Beaux-Arts et de quatre membres du Conseil des Bâtiments Civils. Le Ministre d'Etat présidait le jury qui ne donna pas de premier prix et par élimination accorda cinq primes. Charles Garnier eut la cinquième (3).

(1) Ce devait être un ami de Duponchel, le spécialiste ès-théâtres ! Le rapport sur l'épreuve définitive, rédigé par Hittorf, membre de l'Institut, a paru dans le « Moniteurr » du 2 juin mais le jugement fut prononcé le 29 mai. Le 16 juillet le Conseil des Bâtiments civils avait réclamé une petite modification de la façade. Et le 20 août 1861 le même Conseil donnait un complet accord quant à l'ensemble après un rapport de Duban. Ce qui n'empêche que les fouilles avaient été entreprises dès juillet.

(2) Quelques jours plus tard, un rédacteur de la « Libertéé » écrivait : « L'Empereur et l'Impératrice auraient aimé que le vainqueur fût Viollet-le-Duc qui avait toute leur faveur, mais il présenta au concours un projet si médiocre, que son nom ne figure même pas parmi les projets retenus. »

(3) Mille cinq cents francs ! Quel rayon de soleil ! Le montant de 15 millions pour les dépenses, annoncé avec quelque légèreté par le Ministre de l'Assemblée, lors du vote de principe, était déjà chiffré à 23 millions le 2 mars 1862. On verra plus loin le chiffre exact de la dépense.


Le jury décida ensuite d'instituer un deuxième concours entre les cinq « primés ». Deux mois leur furent accordés pour cette nouvelle épreuve, mais deux concurrents : Duc, l'architecte du Palais de Justice, et le directeur de théâtre Duponchel, représenté par ses deux architectes, avaient renoncé à courir leur chance. Seuls restaient donc en ligne : Ginain, Garnaud (1) et Garnier.

A l'issue de la deuxième épreuve, fin mai 1861, Charles Garnier l'emporta sans conteste. L'idée de génie avait été apportée par ce jeune Prix de Rome de 36 ans, financièrement aux abois.

Le 6 juin 1861, le comte Walewski annonçait officiellement à Garnier la bonne nouvelle par la lettre suivante :

« Monsieur, le jury du concours d'Opéra ayant fait choix à l'unanimité du projet que vous avez rédigé, je vous annonce que, par arrêté de ce jour, je vous ai nommé architecte de la nouvelle salle d'Opéra, chargé de l'étude du projet définitif, et de la direction des travaux de chargé de construction. Je suis heureux, Monsieur, de vous exprimer mes félicitations. »

Les dessins d'exécution commencèrent aussitôt et dès 1863 Le Monde illustré puis Le Figaro (7 mai 1863) reproduisaient plans, façades, maquette, avec analyse détaillée de ce projet qui fut immédiatement l'objet d'une vive curiosité. Le Figaro mentionne que Le Monde illustré dut augmenter son tirage de 5.000 numéros pour satisfaire les demandes des abonnés et acheteurs.

Du fait de la complexité du programme, des difficultés financières consécutives à l'ampleur des travaux entrepris de tous côtés dans Paris (2), les échafaudages ne furent enlevés qu'en 1869. La guerre et le changement de régime avaient fermé longtemps le chantier, de sorte que l'édifice fut terminé en 1875 seulement, au milieu de récriminations innombrables quant aux dépenses (3), mais aussi des manifestations d'une fierté collective bien compréhensible : Charles Garnier venait d'ajouter à la renommée mondiale de Paris.

Sur l'oeuvre, nous sommes abondamment renseignés. Il nous paraît inutile de vanter l'Opéra. Le fameux plan, les volumes, l'esprit général sont connus et appréciés par tous, en dépit de l'évolution du goût.

Mais nous voudrions parler ici du créateur qui fut vraiment un être d'exception. Si chacun a dans les yeux son buste par Carpeaux, bien peu connaissent sa vie. Heureusement nous sommes renseignés par plusieurs notices biographiques, dont deux sont particulièrement

(1) Garnaud en mourut de chagrin le 19 décembre suivant. Quant à Ginain, il ne pardonna jamais à Garnier son échec, comme on le verra plus loin.

(2) Les crédits manquaient. Le gouvernement poussait, aux dépens de l'Opéra, la construction de l'Hôtel-Dieu, et, soucieux avant tout de popularité, tenait à ouvrir « l'asile de la souffrance avant le temple du plaisir ».

(3) Les articles de journaux et les comptes rendus de l'Assemblée Nationale nous renseignent abondamment sur ce point.


précises. La plus claire se trouve dans le discours de réception du successeur de Garnier à l'Institut, Moyaux. D'autre part, son collaborateur J.-L. Pascal a rédigé pour la Société Centrale des Architectes, une notice plus détaillée par endroits, mais un peu désordonnée. Nous citerons en plus quelques lignes de Frantz Jourdain, très vivantes, des fragments d'articles des journaux de l'époque et enfin des témoignages de Mme Charles Garnier elle-même (1). Ces divers documents étant devenus rares, nous croyons utile d'en donner de larges extraits qui intéresseront sûrement la génération présente.

Voici d'abord (en partie) la notice de Moyaux, lue devant l'Académie des Beaux-Arts à la séance du 22 avril 1899 :

« Ceux qui passaient rue Mazarine, il y a soixante ans, pouvaient voir, au 32, dans l'atmosphère enfumée d'une petite forge, tirant le soufflet, le visage éclairé par la lueur du foyer, un tout jeune apprenti dont la nature délicate, la physionomie originale et intelligente devaient attirer l'attention : cet apprenti était Jean-Louis-Charles Garnier (2).

« Charles Garnier eut en effet l'origine la plus humble. Il vint au monde, le 6 novembre 1825, dans une vieille maison de la populaire rue Mouffetard (3), où son père, André Garnier, ouvrier forgeron, à Saint-Calais (Sarthe), était venu demeurer après le traditionnel tour de France et son mariage avec Félicité Colle, dentellière, née à Paris, fille d'un Lorrain, ancien capitaine de l'Empire, sorti du rang.

« Peu après la naissance de son fils, M. André Garnier quitta la rue Mouffetard pour s'établir rue Monsieur-le-Prince et mit le petit Charles, dès qu'il sut lire, à l'école primaire du quartier. L'enfant y resta jusqu'à sa première communion et fut ensuite mis en pension, pendant deux ans, à Bellême, dans l'Orne.

« Entre temps, le forgeron de la rue Monsieur-le-Prince avait ajouté à son métier celui de carrossier et s'était installé rue Mazarine, pour y confectionner les petites voitures, dites coucous, qui faisaient le service de transport de la place Saint-Michel, aujourd'hui place Médicis, à Sceaux. C'est donc rue Mazarine que Charles Garnier, au retour de Bellême, alors âgé de treize ans, retrouva son père et se mit en apprentissage.

« Ses parents devaient bientôt s'apercevoir, non sans regret, qu'il n'aurait jamais la robuste complexion qu'exige le dur métier qu'ils voulaient lui apprendre. Mme Garnier avait entendu dire que celui

(1) Notes pour la biographie de Charles Garnier (1903). Ce recueil de souvenirs reproduit par un procédé de polycopie, a être tiré en très peu d'exemplaires et uniquement pour quelques élèves et intimes. Il ne figure dans aucune bibliothèque parisienne.

(2) Une rectification a été faite depuis sur l'exemplaire de l'Ecole des Beaux-Arts : « Charles ne fut jamais apprenti, bien qu'il tirât souvent le soufflet de la forge paternelle. »

(3) Exactement à l'ancien 264, rue Mouffetard. Sa maison natale est encore décrite dans le cadastre de la ville de Paris de 1862. En 1868 le propriétaire reçut son congé à cause du percement de l'avenue des Gobelins et le cadastre de 1876 indique que le 264, rue Mouffetard est devenu le 46, de l'avenue des Gobelins. Une construction nouvelle y fut érigée en 1875.


d'architecte-vérificateur était beaucoup moins dur, qu'on y pouvait gagner jusqu'à six francs par jour. Gagner six francs par jour fut désormais l'idéal qu'elle rêva pour son fils. Elle trouva le patron désiré, mais il entendait à sa façon les premiers éléments de l'architecture : il s'agissait de faire les commissions, de fendre le bois à brûler, de mettre le vin en bouteille. Le futur architecte de l'Opéra se demanda si c'était là tout le secret pour devenir architecte : il en eut vite assez.

Confidents de ses doutes et de sa désillusion, M. et Mme Garnier le placèrent alors dans la bonne institution Demoyencourt, rue de l'Ouest. Il y allait l'après-midi et travaillait le matin et le soir à l'école de dessin de la rue de l'Ecole-de-Médecine. Chez M. Demoyencourt, il eut pour camarade le sculpteur M. Jules Thomas. Ils devaient remporter le Grand Prix de Rome la même année, partir ensemble pour l'Italie et se retrouver à l'Institut, fidèles et inséparables amis.

A quinze ans, Charles Garnier se lance résolument, le goût lui en étant venu avec ses nouveaux maîtres, dans la carrière qu'il devait parcourir avec tant d'éclat. Il entre à l'atelier Léveil. Il n'y reste que trois mois, l'atelier ayant été fermé, et se présente chez Hippolyte Lebas, membre de l'Institut, où il rencontre André, Louvet et Ginain, dont il allait être bientôt l'émule à l'Ecole des Beaux-Arts.

Un même succès devait, quelques années plus tard, les réunir à la Villa Médicis.

André, de six ans plus âgé que Garnier, s'intéresse à son jeune camarade qui se rappela toujours volontiers les services que lui rendit cet excellent homme, à ses débuts son vrai professeur, car M. Lebas s'occupait plutôt de ses anciens élèves et laissait à ceux-ci le soin de diriger les nouveaux.

M. Lebas n'en avait pas moins reconnu en Charles Garnier les caractères d'une nature d'élite : « Ce sera un Grand Prix », disait-il à Mme Garnier.

Deux ans après son entrée à l'atelier Lebas, à dix-sept ans, il est reçu à l'Ecole des Beaux-Arts le onzième sur quatre-vingt-neuf admis.

Jusque-là ses parents ont pu faire les sacrifices que nécessitaient ses études ; mais un nouvel enfant vient augmenter les charges de la famille, Charles Garnier a le devoir de se suffire dans la mesure de ses moyens. Il trouve du travail et gagne soixante-quinze centimes l'heure, chez l'incomparable dessinateur de l'architecture du Moyen Age, Viollet-le-Duc. Tout en s'occupant d'art gothique, Garnier continue ses études classiques à l'Ecole des Beaux-Arts. En 1846, il se fait recevoir en première classe.

Chose curieuse à constater, il ne se distingua ni en mathématiques, ni en construction, ni même en architecture, sauf la seule fois où il remporta le Grand Prix. A Rome seulement, dans cette Rome où les grands maîtres du XVe et du XVIe siècle avaient donné l'exemple d'une si admirable universalité du génie, leur jeune disciple sentit s'éveiller en lui la noble passion de savoir et le besoin de développer en tous sens une intelligence à laquelle rien d'humain ne demeurerait étranger.

En 1846, il est admis en loge. Moins heureux l'année suivante, il est


reçu pour la seconde fois en 1848. Ce ne fut pas sans de graves préoccupations qu'il entreprit le concours : son père venait d'être ruiné par le chemin de fer de Seaux qui avait supprimé les coucous. Charles Garnier, laissé à lui-même, allait être obligé de gagner sa vie et d'abandonner ses études s'il n'obtenait pas le Grand Prix.

Le sujet du concours était un Conservatoire des Arts et Métiers.

Le jour du jugement dans la cour de l'Ecole des Beaux-Arts, Garnier accompagné de son ami Thomas, qui venait d'obtenir le Grand Prix de sculpture, restait agité, la figure décomposée, les yeux fixés sur une fenêtre du Palais. Tout à coup, au signal convenu qu'un gardien lui faisait du premier étage, Garnier s'élança les bras ouverts sur son ami, qui, n'ayant rien vu, ne comprenait pas et le croyait fou : « J'ai eu le prix, lui cria-t-il, nous partirons ensemble pour Rome ! » Il n'avait pas encore atteint sa vingt-troisième année. Dès lors, l'esprit tranquille et confiant dans l'avenir, il fait ses préparatifs de départ et se met en route pour l'Italie.

Ici Moyaux rappelle les envois de Rome de Garnier au cours de ses quatre années de séjour en Italie, et ses relevés complémentaires faits en Sicile à la demande du duc de Luynes, son fidèle protecteur.

« … A tant de travaux, Garnier trouvait un délassement dans les saillies d'une gaieté spirituelle admirablement servie par une plume alerte et toujours prête. Ses comédies-pochades égayaient les fêtes de l'Académie ; ses chansons, où ne manquait jamais le couplet perfide qui visait quelque amélioration souhaitée dans le mobilier des pensionnaires, faisaient merveille aux dîners présidés par M. et Mme Alaux.

En carnaval, pour le bal du directeur, sa fantaisie triomphait dans l'invention de costumes coûtant, nécessairement, plus d'imagination que d'argent. Chacun s'y ingéniait : Garnier, qui avait le goût du chatoyant, excellait dans le genre oriental et son habileté à fabriquer des joyaux avec des marrons d'Inde dorés et des verroteries défiait toute concurrence. On en peut juger par les souvenirs conservés dans l'album des pensionnaires, aquarelles de Gustave Boullanger et de Jules Lenepveu, qui sont de véritables petits chefs-d'oeuvre d'exécution.

« D'autres magnificences moins illusoires captivaient l'ancien petit forgeron. Il recherchait les grandes réceptions romaines dont sa fine et brillante sensibilité, cultivée par l'art, était prête à goûter les élégances. Uniformes éclatants, toilettes princières, éclat de l'or et des diamants rehaussant les beautés les plus nobles et le prestige des plus grands noms, tout cela dans le cadre somptueux des palais, excitaient son admiration jusqu'à l'extase. Entrevoyait-il que, pour une société non moins aristocratique, il aurait à créer un cadre non moins grandiose ? Il est permis de croire que, dans la mémoire de l'Architecte de l'Opéra, de tels spectacles porteraient leur fruit.

« Ces fêtes n'étaient que les intermèdes du travail. Charles Garnier ne perdait jamais de vue l'art pour lequel il était venu à Rome, pour lequel il allait visiter la Grèce. Il arrive en vue d'Athènes au commencement de 1852.

Suit un long compte rendu des études de Charles Garnier à Athènes,


à Egine, Constantinople, etc… parfois en compagnie d'Edmond About, ou de Théophile Gautier, amis de choix.

Moyaux glisse sur les débuts de Garnier à Paris et sur les besognes insipides qui altérèrent sa santé en ces années d'attente :

« ... Ses nerfs malades ressemblent aux cordes détendues d'un Stradivarius, qu'il suffit de retendre pour que l'instrument retrouve son harmonie. Le concours de l'Opéra fut le coup de fortune qui, en lui rendant la santé, lui apporta l'espoir et le désir ardent d'illustrer son nom. »

Laissons ici la parole à Mme Charles Garnier (1) :

« Peu de temps après le Concours d'Opéra, Charles Garnier fut appelé aux Tuileries pour montrer ses plans à l'Empereur et à l'Impératrice. Il était accompagné de M. de Cardaillac, l'excellent Directeur des bâtiments civils.

Charles n'avait pas les manières du monde, encore moins « l'habitude des Cours ». Il était timide parce qu'il se rendait compte de ce qui lui manquait. Enfin il parlait si vite en ce temps-là, d'une façon si nerveuse, les idées se précipitant dans sa tête sans qu'il prît le temps de les exprimer, qu'il bredouillait un peu… Il arrivait donc aux Tuileries très ému, très mal à son aise, bourré des recommandations de M. de Cardaillac.

L'Impératrice, de son côté, était mécontente que l'Opéra ne fut pas construit par Viollet-Leduc, le commensal des Tuileries et de Compiègne, l'ami qui devait trahir l'amitié de l'Empereur et celle de l'Impératrice en 1871 : mais qui était alors l'âme de l'intimité impériale, et l'Impératrice était d'avance décidée à critiquer et à blâmer le lauréat du Concours.

Aussi arriva-t-elle d'un air raide et peu satisfait et d'un ton bref, tandis que l'Empereur, discrètement, disait : « C'est bien, c'est beau, c'est très beau ! » elle dit amèrement : « Qu'est-ce que c'est que ce style-là ?. Ce n'est pas un style !. Ce n'est ni du grec, ni du Louis XVI, pas même du Louis XV… ! » – « Non, dit Charles, ces styles-là ont fait leur temps… C'est du Napoléon III ! et vous vous plaignez ! »(2) – « La scène est trop grande, la salle trop petitee ! » – « Il faut de la place pour les décors et la figuration… la voix humaine a des

(1) Op. cit. Dans cette biographie de Charles Garnier et de sa famille, l'opposition est dramatique entre la griserie de la gloire et une suite sans fin de souffrances implacables. Le Destin, comme dans la tragédie antique, devait s'acharner sur cette famille si unie et si croyante. Voir sur ce dernier point le vitrail offert à l'église Saint-Séverin par Garnier.

(2) J.-L. Pascal de son côté rapporte ce mot : « Les Anciens ne redoublaient pas leurs points d'appui, disait l'Impératrice en tournant autour du petit modèle qu'on soumettait à l'approbation des augustes visiteurs. Tenait-elle de Viollet-le-Duc ou de Constant-Dufeux cette appréciation archéologique ? – « Ah bien ! ils n'allaient pas non plus en chemin de fer », riposte sans bredouiller l'architecte, qui ne se souciait pas de sacrifier l'élément de composition dont il lui avait plu d'ordonner sa façade. Un silence suivit… »


limites… dit Charles ; si la salle était plus grande, qui pourrait s'y faire entendre, et quelles foules la rempliraient… ? »

Le ton de Charles était devenu acerbe, celui de l'Impératrice l'était resté… Le Comte de Cardaillac tirait Charles par la manche, lui disant sotto-voce : « calmezvous ! ». L'Empereur souriait silencieusement dans sa moustache… Enfin, s'approchant de Charles, il lui dit tout bas : « Ne vous tourmentez pas… elle n'y entend rien du tout ! »

M. de Cardaillac était sur les épines… Il n'avait qu'une idée : c'était d'emmener Charles, pour éviter une incartade ou une parole irréparable de sa part, et, roulant les feuilles grand-aigle, il salua, tirant Charles après lui…

Dehors, Cardaillac gronda paternellement Charles : « Est-ce qu'on parle de ce ton-là à une Souveraine ? Vous étiez grincheux !… vous avez parlé trop vite… vous avez retiré tout de suite ce gant unique que vous m'aviez fait la concession de mettre, pour entrer. vous avez été cassant avec l'Impératrice… »

« Pourquoi dit-elle des bêtises et me reproche-t-elle de ne pas faire du Louis XV ! »

Je dois à la vérité de dire que plus tard, quand Charles fut invité à Compiègne, en 1867, l'Impératrice lui dit gentiment : « Avouez que j'ai été désagréable pour vous, M. Garnier, quand vous êtes venu me montrer vos plans, je le regrette maintenant » – « Madame, vous avez été odieusee ! » lui répondit Charles franchement et spontanément ; car même en 1867, il n'avait pas pris l'habitude des Cours pas plus qu'en 1861… ».

Heureusement si une carrière d'architecte comporte beaucoup d'épreuves, celles-ci sont compensées par des joies profondes. En avait-il eu des émotions et des désespérances le pauvre architecte de l'Opéra !

Des critiques incessantes des diminutions progressives de crédits de 1867 à 1870, une guerre, la Commune, son chantier totalement arrêté, transformé en entrepôt et en arsenal, une paix humiliante et ruineuse, un changement de régime, des incertitudes sur l'avenir, et toujours pas d'argent. Néanmoins Paris reprenait vie. Cette énorme construction inachevée au coeur de la capitale faisait la plus triste impression et la Presse harcelait les Pouvoirs publics qui sollicitèrent de l'Assemblée Nationale un crédit de six millions pour terminer les travaux.

Le rapporteur Caillaux était favorable mais un député d'extrême droite, le vicomte de Lorgeril, qui avait sans doute la phobie de la Danse et de la Musique, intervint dans le débat avec des arguments d'une telle violence et d'un tel ridicule, que Le Figaro le brocarda d'un de ces articles spirituels et mordants qui tuent un homme. Le Gaulois publia également également un article plus nuancé mais très défavorable au Vicomte. Et le crédit fut voté le 28 mars 1874 par 528 voix contre 47. Entre temps Garnier avait poussé ses projets et étudié de nouveaux détails (1).

(1) Ce fait est attesté par l'énorme quantité de « détails grandeur d'exécution » qui ont été récemment versés aux réserves de la Bibliothèque de l'Opéra.


Aussi les travaux purent-ils reprendre aussitôt dans la fièvre. Au milieu de centaines d'ouvriers, maçons, plombiers, bronziers, marbriers, avec tous les artistes sculpteurs, peintres, mosaïstes, Garnier conduisit ce chantier avec une véritable maîtrise, soutenu par la foi unanime de son agence, de ses entrepreneurs, et des ouvriers (1). A la date promise, le 6 janvier 1875, rien n'était totalement terminé mais l'ensemble s'avérait déjà très beau.

Après tant de tristesses, l'événement eut une importance psychologique considérable. Avant le triomphe de l'Exposition de 1878, la France donnait déjà l'impression de renaître, et Paris allait retrouver en une soirée son rayonnement traditionnel. La Presse d'alors donne une nette impression de surprise et de griserie. Garnier est « l'homme du jour » et dès le 2 janvier L'Univers illustré, Le Monde illustré (sous la signature de Charles Monselet), L'Illustration (sous la signature de Charles Nuitter) lui avaient consacré les articles les plus enthousiastes, les plus flatteurs et même les plus affectueux, car Charles Garnier, très bon, très obligeant, était aimé des journalistes et des écrivains qui, l'ayant vu à la peine, le louaient maintenant à juste titre (2).

La soirée d'inauguration fut imposante, haute en couleur et pittoresque à souhait. Dans son numéro du 6 janvier, Le Figaro nous décrit l'ambiance dans laquelle vit depuis quarante-huit heures le Directeur, surmené, à bout de forces, ne disposant sur les deux mille cent places du théâtre que de trois ou quatre cents billets pour quatre ou cinq mille solliciteurs, car tout le monde voulait dire : « J'y étais. ». La question de prix importait peu. « Un étranger avait offert quinze mille francs pour une loge. Au marché noir on vendait des billets de fauteuil d'orchestre à cinq louis. » Mais dans l'affolement général… on avait oublié d'inviter l'architecte. Celui-ci « dut payer cent vingt francs sa loge du deuxième étage (3) ». Evidemment, malgré huit mois d'un travail acharné, il restait encore beaucoup à faire. L'éclairage public de la Place, notamment, faisait défaut de par la faute des Services préfectoraux ! Mais peu importait. On était ce soir-là très fier d'être français. Et voici un aperçu de la fameuse soirée :

« Le Président est arrivé le premier avec la Maréchale de Mac-Mahon à huit heures moins un quart » par la rue Auber à travers des installations provisoires garnies de belles tapisseries. Peu après c'est le tour du lord Maire de Londres précédé de ses massiers, suivi de ses shérifs en robes rouges, de son porte-glaive et d'une foule de dignitaires. notamment du « grand maître de la volaille », etc. Cette délégation imposante, et dans sa tenue d'apparat, a monté lentement le grand escalier jusqu'au foyer.

« Autre entrée à effet, celle de Charles Garnier, au bras de Madame

(1) En fin de travaux tous se cotisèrent pour lui offrir une médaille du souvenir en or de 850 frs.

(2) Garnier fut membre de la Société des Gens de Lettres.

(3) Tous ces prix étaient à la valeur or. Le Ministère des Beaux-Arts n'avait pas indemnisé Garnier. Ce fut le Ministre des Travaux publics qui le pria de se faire rembourser sur mémoire !


Garnier. Immédiatement reconnu, l'architecte a été acclamé, et c'est entre deux haies de curieux sympathiques qu'il est arrivé à sa place. »

Le grand escalier joua tout son rôle, et sous les regards d'une brillante assistance, le gravirent : S.M. le roi Alphonse XII d'Espagne et sa mère Isabelle, la princesse de Bourbon infante d'Espagne, S.M. le roi du Hanovre, le bourgmestre d'Amsterdam, etc.

Le Gaulois du 7 janvier débute par ces mots :

« L'homme qui a remporté ce soir la plus grande victoire est certainement M. Garnier… »

Et le rédacteur conclut :

« Terminons ces quelques lignes consacrées à la salle en disant que M. Garnier, reconnu à la sortie, a été l'objet d'une sorte d'ovation qui aura le dédommager amplement des ennuis et des critiques outrées que son oeuvre lui a souvent valus. »

Dans son numéro du 10 janvier, le même Gaulois écrit :

« C'est la véritable inauguration de l'Opéra qui a eu lieu hier soir…

M. Garnier promet que, dans huit jours, tout le monde sera content et lui le premier ; il compte bien à cette époque avoir fini son oeuvre. Il s'enfuira alors bien loin de Paris et prendra un congé qu'il attend depuis douze ans. »

Le 10 janvier, Le Figaro consacre un nouvel article à l'Opéra, en taquinant le correspondant parisien du Weekly Philadelphian penny-paper, qui, écrivant son article par avance, a donné de l'inauguration de l'Opéra un compte rendu quelque peu fantaisiste. Mais heureusement la vérité fut plus belle que cette fiction. Et puis les comptes rendus un peu inexacts ne sont jamais péchés graves dans le journalisme !

Nous avons là en tout cas une infinité de détails précisant le faste, les personnalités présentes : M. le marquis de Chennevières, directeur des Beaux-Arts, M. Viollet-le-Duc, « chef du bureau des Monuments historiques », Ambroise Thomas, directeur du Conservatoire, M. Cardaillac, directeur des Bâtiments civils, Léo Delibes, et tous les artistes en vogue.

Citons encore ces deux passages :

« Le Maréchal-Président cherche des yeux M. Garnier. Il exprime sa surprise de ne pas le voir parmi ceux qui viennent lui faire les honneurs du Nouvel Opéra. On cherche de tous les côtés le héros de la fête qui s'est modestement réfugié dans une 3e loge. On le trouve. On l'amène.

« Venez, Monsieur, lui dit-il en souriant. J'ai, comme vous, l'horreur des ovations. A deux, nous aurons peut-être plus de courage. »

« Nous avons voulu vous réserver le plaisir de nous présenter vos collaborateurs. Monsieur, ajoute gracieusement Mme la Maréchale de Mac-Mahon. Nos félicitations auront pour eux plus de prix, s'ils les reçoivent devant vous. »

« C'est à la droite du Chef de l'Etat que M. Garnier rentre dans la salle. »

« En présence de tout ce que Paris contient en ce moment de plus éminent, le Maréchal-Président invite M. le Ministre de l'Instruction


publique et des Beaux-Arts, M. Charles Garnier et M. Halanzier, à lui présenter ceux qui ont pris la plus grande part à l'heureuse édification du Nouvel Opéra.

« Carpeaux souffrant encore, et qui plus qu'un autre, à cause des attaques dont il a été l'objet, devrait être présent au jour du succès », hélas s'est excusé.

« Le Maréchal donna alors avis de quelques nominations et promotions dans l'ordre de la Légion d'honneur, qui paraîtront le lendemain au Journal Officiel. Les nominations suivantes sont particulièrement acclamées : Garnier, officier ; Baudry, commandeur ; Carpeaux, officier ; MM. Jourdain et Louvet, inspecteurs principaux des Bâtiments civils dont les services ont été récompensés par la croix de chevalier, reçoivent les félicitations de leurs collègues.

« Donnée sur le champ de bataille après la victoire, la croix a double valeur, a dit le Maréchal, c'est pourquoi j'ai tenu à vous la remettre ici. »

En dépit des mille inquiétudes qui hantent l'esprit de l'architecte au contact de son oeuvre encore imparfaite, on peut deviner quels moments grisants vécut Charles Garnier en ces premières soirées de janvier 1875, courts instants glorieux faisant oublier d'un seul coup quatorze années épuisantes. La partie était gagnée, la gloire acquise pour toujours.

Moyaux a magnifié cette apothéose du 6 janvier 1875, puis il ajoute :

« … Dès ce jour, toutes les Académies des Beaux-Arts, tous les Instituts, toutes les sociétés d'architectes de l'étranger, tinrent à l'honneur de se l'attacher. Ce qui le toucha surtout fut le titre de membre honoraire de l'Institut royal des architectes britanniques et la grande médaille d'or de la Reine Victoria, distinction la plus enviée des architectes du monde entier.

« Tant de travaux ne suffisaient pas à la prodigieuse activité de votre illustre confrère. A son oeuvre d'architecte, il faut ajouter de grandes publications sur l'île d'Egine, le nouvel Opéra, l'Observatoire de Nice, l'Histoire de l'habitation humaine (en collaboration avec M. Ammann), les deux charmants volumes intitulés Le Théâtre et A travers les Arts, quantité d'articles de journaux, de revues, d'encyclopédies.

Si l'on songe de plus aux innombrables rapports qui lui incombaient comme inspecteur général des Bâtiments civils et des Palais nationaux, et à son énorme correspondance avec toutes les sociétés dont il faisait partie en France et à l'étranger ; si l'on se rappelle qu'il fut de la commission du dictionnaire de l'Académie, vice-président du Conseil général des Bâtiments civils, président de la Société Centrale des architectes français, président de la défense mutuelle de la même société, membre du Conseil supérieur des Beaux-Arts et du Conseil supérieur de l'enseignement de l'Ecole des Beaux-Arts, membre du Conseil d'architecture de la ville de Paris, du Comité de la Société des Artistes français ; si l'on réfléchit qu'il n'y avait pas de réunions, de banquets, où il ne fût recherché et où il ne prît la parole, on se demande comment un seul


homme put résister au poids d'occupations capables de fournir matière à plusieurs vies… »

Au cours de cet éloge de son prédécesseur, Moyaux met l'accent sur un point qui lui tient à coeur : la possibilité des grandes revanches pour les studieux qu'une enfance malheureuse a éloignés des études (1) :

« Vous vous rappelez quel charme avait le commerce de cet homme d'esprit qui donnait constamment l'impression de la plus haute originalité. L'insuffisance de l'instruction première, écueil des natures communes, avait été pour Garnier un véritable bienfait. Livrée à elle-même et libre d'entraves, sa vive intelligence s'était jetée de bonne heure, avec enivrement, dans les directions les plus diverses, et, dans tous les domaines, avait conquis le meilleur avec une rapide aisance. De là, cette variété d'érudition qui le mettait à même de discuter avec compétence les questions les plus étrangères à son art ; de là cette causerie, nourrie de savoir, échauffée de passion, qui, au besoin, s'élevait sans effort à l'éloquence… »

Toujours en guerre contre « les officiels » et l'Académie, incroyablement « passionné », l'architecte Frantz Jourdain, ancien président du Syndicat de la Presse Artistique a laissé un portrait de Garnier (2) qui honore le modèle et l'observateur :

« Ceux qui n'ont pas approché Charles Garnier ne comprendront jamais le charme presque ensorceleur émanant de cet être simple, accueillant, fin, bon, inattendu, original, primesautier et suprêmement intelligent. Sa verve communicative et pétillante aurait dégelé le Pôle Nord, et sa bonhomie était telle qu'on finissait, inconsciemment, et presque malgré soi, par le traiter en camarade, après dix minutes de conversation.

Quoique nous n'eussions guère les mêmes idées, je l'aimais tendrement, et je n'oublierai jamais la façon gentille dont il « blaguait » mes convictions révolutionnaires.

Pas poncif pour deux liards, il ne mit jamais en avant dans nos polémiques parfois ardentes, son grand nom, sa haute situation, la suprématie de son talent et l'éclat de ses oeuvres.

Son chapeau qu'il s'entêtait à brosser à l'envers, sa cravate flottante, nouée à la diable, son col rabattu qui avait une vague ressemblance avec une chemise de nuit, ses bottines poussiéreuses, sa vareuse d'atelier

(1) Dans le passé plusieurs autres architectes, nés pauvres et obligés de gagner leur vie très jeunes, ont acquis dans la solitude des connaissances bien autrement solides et élevées que celles « bachotéess » dans nos lycées d'aujourd'hui par tant de cancres aux cervelles-passoires. Moyaux aurait pu citer d'ailleurs son propre exemple. Fils d'un petit menuisier d'Anzin et grandi sur le carreau des mines, il n'avait reçu qu'une formation élémentaire. Or il a légué à sa ville natale une bibliothèque (qui garnit aujourd'hui le cabinet du Maire) dont il faut admirer la haute qualité, notamment en matière de littérature, d'histoire et de philosophie.

(2) Publié dans la Revue Musica, octobre 1904.


boutonnée sous le cou, ses longs cheveux touffus et rageurs, son mépris du chic et des prétentions mondaines, donnaient à Charles Garnier une physionomie à part. Avec son teint de boucanier, ses yeux de braise et son long nez qui le faisait ressembler d'une façon frappante au buste de Condé par Coysevox, il était devenu une des physionomies vraiment populaires de ce Paris qu'il avait doté du monument le plus caractéristique du XIXe siècle, et qui se montrait très fier du fils de l'humble ouvrier charron, poussé en pleine rue Mouffetard.

Car, personne ne l'ignore, les origines et les commencements de ce superbe artiste, possesseur au suprême degré du sens de la somptuosité et du faste, furent des plus humbles. Ils ne pouvaient certes pas laisser prévoir la brillante carrière du Maître qui a créé un type d'architecture et sut comprendre le caractère de son époque avec une lumineuse justesse. Comme le Temple dans l'antiquité, la Cathédrale du Moyen Age et le Palais au XVIIe siècle, l'Opéra, en effet, synthétise l'état d'âme d'une génération entière.

Maintenant surtout que nous avons assez de recul pour juger avec sans-froid et équité cette oeuvre si personnelle que tant d'architectes ont cyniquement pillée, sans jamais arriver d'ailleurs à la copier proprement, nous pouvons nous rendre compte avec quelle sincérité l'Académie de Musique traduit la grosse gaîté, l'insouciance, l'amour du luxe, la prospérité jouisseuse, l'élégance un peu voyante et la joie bruyante de l'Empire. Avec ses ors, ses bronzes, ses mosaïques, ses marbres, ses statues lascives qui livrent au passant l'ivresse de leurs chairs nues, ses riches colonnes rostrales trône l'aigle de la décadence romaine, c'est bien le théâtre d'un Morny, d'un Walewsky, d'un Nieuwerkerke, d'un Gramont Caderousse, d'une princesse de Metternich, d'une marquise de Galliffet, d'une Marguerite Bellanger, d'une duchesse de Pourtalès, de toute cette société aimable et folle qui considérait l'existence comme une fête sans fin, et que le canon de Reichshoffen réveilla brutalement du plus délicieux rêve.

« Et pourtant cette architecture si adéquate à son milieu fut tout d'abord aigrement critiquée (1). Quand on enleva les échafaudages qui masquaient la façade principale et qu'on contempla cet ensemble d'une magnificence pleine de jeunesse et de puissance, quelques grincheux classiques protestèrent contre une formule nouvelle qui blessait la routine et menaçait de révolutionner la morne symétrie de nos rues. Cette polychromie que le temps a trop assourdie, éclatait alors au soleil comme une fanfare de délivrance. L'Ecole des Beaux-Arts se divisa à ce sujet en deux camps très distincts, et à l'atelier, je dus rompre de vigoureuses lances pour défendre une manifestation artistique, dont l'audace, l'imagination, l'originalité et la logique me ravissaient.

« L'Opéra, en effet, n'est pas seulement une admirable oeuvre décorative, c'est aussi – et surtout dirai-je – une conception éminemment rationnelle merveilleusement comprise, sagement pondérée et minutieusement étudiée.

(1) La hauteur de l'édifice dépassant de beaucoup tous les gabarits autorisés de la ville de Paris rendait fous les amoureux du cher Paris de Louis-Philippe.


« Sans ennuyer personne d'explications techniques fastidieuses et sans chercher à rendre compréhensible le grimoire d'un plan dont la souveraine beauté demeure cachée au public, comme les secrets des Mystères d'Isis, je tiens à montrer en quoi Charles Garnier s'est affirmé novateur et presque révolutionnaire.

« Oui, révolutionnaire, le mot n'est pas trop fort, car si l'on compare l'Opéra aux monuments du Second Empire, aux productions d'un classique intransigeant et incolore d'un Lebas, aux secs décalques Renaissance d'un Lesueur, aux emphatiques redondances d'un Lefuel et aux ennuyeuses copies antiques d'un Ginain, il faut bien reconnaître qu'un abîme a été franchi et que nous avons devant nous un généreux mouvement vers un idéal nouveau.

« C'est le génie français qui se réveille, ce génie assoiffé de lumière et de vérité, souple, brillant, inventif et abondant, auquel nous devons des chefs-d'oeuvre, dont l'humanité a subi la féconde influence. »

Ici une analyse très pertinente de l'oeuvre dont chaque élément est nettement exprimé en coupe et en façade, puis :

« Je le répète, jamais monument ne fut plus parfaitement construit à l'image de l'époque où il s'édifie. Goethe dit qu'une condition primordiale d'éternité pour une oeuvre est d'être de son temps. Nul artiste ne fut jamais plus que Garnier convaincu de la véracité de cette parole ; nul plus que lui n'en inspira son labeur. L'Opéra est une des faces les plus caractéristiques et les plus durables du Paris changeant.

« L'admirable unité dont Charles Garnier témoigna si puissamment, nous ne la trouvons pas, hélas ! dans la sculpture. Le groupe de la Danse de Carpeaux, prodigieux chant de joie, enfanté par un maître incomparable, n'a ni pendant ni rival. Le sublime poème de pierre communie vraiment avec le sentiment général de l'Opéra, et Charles Garnier a rencontré seulement là un interprète clairvoyant de sa vision et de sa volonté. »

Peu d'écrivains ou de critiques d'Art ont parlé de Garnier en termes si justes, si dignes, et si prophétiques (1).

Voici maintenant quelques passages d'une communication faite par J.L. Pascal, collaborateur de Garnier, le 27 avril 1899, à la « Société Centrale des Architectes »(cinq jours après celle de Moyaux à l'Institut).

Dans un certain désordre on y trouve maints renseignements exacts sur l'homme, cette force de la nature, et sur l'agence de l'Opéra.

Le jour où J.L. Pascal faisait cette communication empreinte d'une respectueuse affection à la Société Centrale, toute l'agence de Garnier était dans la salle. C'est pourquoi il s'attarde volontiers sur l'équipe, cette

(1) Edmond About avait écrit bien avant (Le Progrès, Paris 1867, chap. XIII) : « ... Qui sait d'ailleurs si l'Opéra de Garnier, cette oeuvre de jeunesse et d'espérance, ne réalisera pas l'idéal que la France poursuit en vain depuis longtemps ! »


équipe qui devait donner toute sa mesure à l'Exposition universelle de 1900 :

« … Certes il fallait savoir l'écouter, et pourtant quelle lucidité, quel éclat il apportait toujours dans les débats où sa compétence était sollicitée ; dans tant de milieux où l'appelait son universelle compréhension, et où la popularité dont il jouissait l'envoyait sans trêve. La solution juste, le mot typique partaient tout seuls ! Ah ! la discussion n'était pas assez longue avec lui ! Impatient sur son siège, toujours prêt à se lever, parce qu'il avait vu clair et vite et que les débats oiseux ou solennels l'agaçaient... »

Il avait, comme dit le populaire, le diable au corps, avec l'esprit toujours en mouvement, fervent de poésies faciles, de complaintes, de « charges d'atelier », et ne détestant pas les « à peu près », les calembours et les jeux de mot les plus saugrenus (1).

Il n'était pas « commode » et même avec ses meilleurs amis il eut des brouilles qui désolaient son entourage.

Pascal, évoquant son enfance, donne ces détails charmants :

« … Qu'il les aimait et les respectait ces vieux parents que nous avons pu connaître, sa mère (2) autrefois raccommodeuse en dentelles, dont le métier délicat dans la pratique, devenue rare maintenant, créait alors avec les clientes distinguées des relations qui voisinaient à l'amitié.

Et pourtant, l'amour attentif de celle-ci n'avait en rien avivé son goût,

ni préparé l'artiste en germe, dans l'enfant qu'elle couvait de sa tendresse. Il se plaisait malicieusement, plus tard, à lui proposer le choix dans ses hésitations de créateur, pour la faire immanquablement tomber sur la mauvaise solution ; mais qu'il exprima de chagrin, le jour du triomphe, de ne l'avoir plus là pour partager la joie que lui apportait son vieil ami de Gisors avec la décision du jury de l'Opéra ! »

Pascal parle longuement du séjour enivrant de Garnier en Italie et en Grèce, de ses amis peintres et sculpteurs qui collaborèrent à son oeuvre et avec lesquels il eut souvent les pires difficultés, peintres et sculpteurs ne respectant pas le cadre, principale donnée du problème.

La plus grave fut sa dispute violente avec Baudry au sujet du Foyer de l'Opéra.

C'est l'occasion pour Pascal de dénoncer l'absurdité de la façon dont sont rémunérés les architectes pour la direction des travaux d'Art :

« Il ne touchait pas d'honoraires sur tout ce qui était décoration à l'Opéra, et il n'est pas besoin d'une compétence professionnelle bien

(1) Les revues corporatives, la presse de l'époque nous ont conservé de nombreuses pièces de cette veine, notamment une « Complainte de la Tour Eiffel »... Cette Tour Eiffel qui fut la bête noire de Garnier. Au contraire, ses deux livres, ses articles sérieux sont admirablement bien écrits, dans un style direct, rapide, et très incisif.

(2) Sans être grand clerc en matière de « génie », on a le sentiment que cette mère joua un rôle primordial dans la vive sensibilité et les ambitions de ce fils en l'orientant vers un métier différent de celui du père, métier dont elle dut sûrement souffrir, elle très fine et en contact avec une clientèle d'un niveau élevé.


renseignée pour se rendre compte à quelle somme énorme de talent, de savoir, d'invention, correspondait la vivante direction de tous ces ateliers où s'est élaborée la partie décorative de l'illustre théâtre. Il n'avait que 2 pour 100 sur le reste, et pas de faux frais. Ceci vous expliquera comment, après une vie bien modeste, l'auteur d'une des plus grandes oeuvres du siècle a laissé une maigre aisance à ses deux héritiers. »

A propos de l'église de La Capelle-en-Thiérache que Garnier acheva à ses frais, Pascal note le regret qu'avait l'artiste de n'avoir pu faire dans sa vie une grande église :

« … Pourtant on avait demandé son haut contrôle pour la basilique du Sacré-Coeur ; mais les demandes d'avis étaient trop rares. L'architecte-conseil écrit à Monseigneur l'Archevêque de Paris : « J'ai fait souvent des travaux pour rien ; mais je n'ai jamais été payé pour ne rien faire. Reprenez les 6.000 francs que vous voulez bien me donner par an, si vous avez besoin de conseils, je serai toujours prêt à vous en donner. »

J.L. Pascal nous renseigne largement sur les débuts de Garnier après son séjour à la Villa Médicis, architecte de la ville de Paris, consacrant consciencieusement son temps à toutes sortes de besognes ingrates, vivotant avec les revenus bien maigres d'auditeur au Conseil des Bâtiments civils, avec ceux d'architecte de la Tour Saint-Jacques, des bâtiments municipaux du 5e arrondissement (son arrondissement natal), des constructions pour « gabelous » aux portes de Paris, de Montrouge à Auteuil. Puis Baltard le gratifie d'une aubaine : faire deux aquarelles-vues de Paris pour l'album à offrir à la Reine d'Angleterre. Avec cela des tombeaux divers, notamment celui de Bizet au cimetière Montmartre, un immeuble à loyer boulevard Sébastopol que les occupants « éreintent » aussitôt avec leurs pancartes publicitaires (on aimerait le connaître), puis la chapelle des Luynes, à Dampierre.

Une grande partie de la notice de J.L. Pascal est consacrée aux travaux divers de Garnier, exécutés surtout dans la dernière partie de sa vie et qui ne furent guère respectés. Le Casino de Vittel a fait place à un autre plus « moderne ». Le panorama des Champs-Elysées est méconnaissable, celui de la rue Saint-Honoré a été démoli. En dehors du Cercle de la Librairie, du 195, boulevard Saint-Germain, et du Magasin de décors de l'Opéra, boulevard Berthier, oeuvre simple mais qui frappe par sa haute qualité, on pourrait croire que toute l'oeuvre de Garnier s'est volatilisée, si vite changent les goûts, si vite vient l'irrespect des générations suivantes. Sa principale oeuvre dans le Midi, le Casino de Monte-Carlo, à l'extérieur comme à l'intérieur a été défigurée presque dans l'indifférence. On s'intéresse peu aujourd'hui aux constructions pourtant extrêmement soignées telles que l'Observatoire de Nice et, à Bordighera, l'école, l'église, la villa Bischoffsheim et la sienne (1). Le goût est tellement capricieux qu'au bout de trente ans les travaux qui avaient suscité l'enthousiasme de milliers de contemporains ne trouvent plus dix admirateurs.

(1) Sans compter beaucoup de constructions pour des oeuvres, des amis tels que la villa de son très cher Sarcey, à Rosendaele, dans le Nord.


Si trop de ses ouvrages construits ont été mutilés ou démolis, les livres sortis de la plume de Charles Garnier subsistent. D'abord Le Nouvel Opéra de Paris (grand in-folio, avec deux volumes de cent planches, quatre albums de photographies et deux volumes de texte historique et descriptif). Ses idées sont d'autre part conservées avec Le Théâtre, publié en 1871. Ses théories générales sont réunies dans le livre A travers les Arts, publié en 1869, où l'on retrouve ce qui avait paru dans le Moniteur universel, le Temps, le Dictionnaire de l'Académie, la Gazette des Beaux-Arts, la Revue générale de l'Architecture et des Travaux publics, la Revue de César Daly, etc., sans compter son Histoire de l'Habitation humaine (1) déjà cités.

Notons un détail concernant les dépenses de l'Opéra :

« … On y a dépensé en tout 35.600.000 francs, après être parti de 8 au concours, après que des devis successifs furent descendus de 33 millions à 32 – pour qu'on en annoncât que 15 à la tribune, à la grande inquiétude du maître, qui pouvait être rendu responsable d'un déguisement de la vérité, auquel il n'avait eu aucune part. L'énormité de l'oeuvre justifie pleinement cette dépense, et les sommes qu'on y a affectées furent vite compensées… »

Enfin ce renseignement :

« … En vue de l'introduction de l'éclairage électrique, Garnier pressa de toute son initiative pour faire admettre la création d'une usine très curieuse dont le public ne soupçonnait pas l'existence sous le grand escalier. Peu d'années après, les inquiétudes résultant des vibrations lui firent désirer non moins ardemment de voir disparaître les machines, devenues superflues depuis l'installation des secteurs. Il eut littéralement des frayeurs, dont nous avons été témoin, quand l'aspiration du sable par leurs puissantes pompes d'alimentation dans les puits descendus à grande profondeur lui fit redouter des affouillements sous l'immense édifice, et quand les colonnes de Serravozza de l'escalier, sous la continuité de la trépidation, rejetaient les cires de bouchement de leurs marbres de brèche violette. »

Ah ! les dangers du Progrès !

Dans sa notice J.L. Pascal nous parle de la mort de Charles Garnier survenue le 3 août 1898, et incidemment de sa santé fort médiocre (2) qui réagit sur celle de son fils :

« Une congestion cérébrale avait raison de cette vitalité puissante qui réagissait si extraordinairement, après des atteintes incessantes, abattue par sa nervosité même, mais pouvant reprendre pied après cinq opéra(1)

opéra(1) livre avait été entrepris après l'Exposition de 1889 où Charles Garnier s'était amusé à construire, sur les berges de la Seine, une suite de maisons montrant l'habitat de nos ancêtres de siècles en siècles.

(2) Mlle Nicole Bourdel a trouvé par exemple la fiche du conseil de révision devant lequel passa Garnier. On voit là déjà à l'âge de vingt ans un diagnostic de sérieuses déficiences qui auraient découragé beaucoup d'autres.


tions de la pierre et témoigner de sa bonne humeur en narguant les souffrances. Nul plus que lui n'avait pourtant la sensibilité aiguisée ; nul n'a mené une existence plus soumise aux tourments d'un corps torturé. En 1861, quand ont commencé les études d'exécution du grand monument assises de sa gloire, aucun de nous ne pensait qu'il en verrait la fin, – et cependant il est mort dans sa soixante-treizième année (1), cet énergique combattant dont l'ardente activité ne s'est relâchée que sous une impérieuse et presque excessive sollicitude pour la santé de son fils. »

Aussitôt le décès connu, les élèves et les collaborateurs de Charles Garnier unirent leurs bonnes volontés pour obtenir l'hommage officiel qui s'imposait. De grands artistes avaient eu des obsèques nationales. Les enfants spirituels de Garnier, et J.L. Pascal le premier, croyaient, dans leur naïveté, que celui-ci avait rendu assez de services au pays pour avoir droit à des honneurs semblables.

« … Le ministre d'alors était son ami personnel, M. Bourgeois, c'est tout dire : nul n'a jamais donné de meilleurs gages de sa compétence dans les arts, de sa sollicitude pour cette gloire encore bien défendue de la France. Il était au conseil des Ministres le matin, à l'Elysée, quand plusieurs d'entre nous se partagèrent les démarches à la rue de Valois, où l'absence du Directeur, en voyage, et des fonctionnaires, dont ce n'était pas l'heure, ne permettait de rien obtenir. A la rue de Grenelle, où pour ma part, vers onze heures, ayant reçu l'avis, donné très courtoisement du reste, de repasser à cinq heures, je pris congé quelque peu brusquement en déclarant que j'irais tout droit à l'Elysée, un cadavre ne pouvant pas attendre.

« Cette riposte avança les choses ; mais le premier de nous qui était passé, rappelant les honneurs rendus à Meissonnier, à Gounod, et demandant qu'à un artiste de même ordre les mêmes hommages fussent décernés, entendit le représentant du ministre – très perplexe et ne pouvant logiquement engager son chef – dire : « Si c'était un peintre !

Mais pour un architecte, voyons » !…

« Le ministre répara, par une visite personnelle à la veuve du maître et par sa présence dans le cortège jusqu'à l'église, l'ironique maladresse du secrétaire. On se rattacha à un antécédent : la somme accordée pour les obsèques de Paul Baudry. Mais il fallut le bon sens, l'esprit judicieux, le sang-froid de Christian Garnier pour que le subside non réclamé ne fût pas refusé comme une aumône. J'aime mieux ne pas vous dire le chiffre qui fut la participation de l'Etat aux obsèques du vieux serviteur lui ayant donné gratis tant de preuves de son extraordinaire désintéressement ! (2).

« Cette participation fut cependant, par la logique immanente des

(1) A son retour de Rome Garnier habita 2, rue de l'Ecole de Médecine. S'étant marié avec Louise Bary, fille et soeur d'universitaires parisiens, le ménage s'installa à la fin de 1860 dans une maison neuve, 90, boulevard Saint-Germain (ancien 30), au 5e étage. Puis le ménage occupa le 1er étage du même immeuble à partir de 1880. moururent Charles Garnier en 1898 et sa femme en 1919.

(2) Cinq cents francs.


faits, rendue très digne par la présence réglementaire des troupes, de la musique, de la cavalerie et de l'artillerie dues au grand-officier de la Légion d'honneur. C'était le haut mérite de l'homme qui parlait de lui-même. »

Et quant au monument du souvenir plus tard, J.L. Pascal nous dit :

« Bien parcimonieuse fut la part accordée par la ville de Paris à son glorieux enfant, qui ne lui refusa jamais son temps et son expérience. Plus touchants furent les dons des ouvriers, ses collaborateurs qui ont apporté un franc péniblement gagné, et des jeunes gens (élèves de l'Ecole des Beaux-Arts). »

Après la cérémonie religieuse, Charles Garnier fut inhumé au cimetière Montparnasse dans la tombe de ses parents (1). Celle-ci, en pierre blanche, est fort simple. Il est très possible que cette tombe ait été commandée par le père de Garnier aussitôt après la mort de sa femme (1859). On sait combien l'amour-propre est vivace dans les milieux populaires en ce qui touche aux enterrements et aux tombes. Charles Garnier, débutant à Paris, n'était alors, même après le concours, guère « argenté ». Rien d'étonnant à ce que le père, un peu fruste, ait pris toutes les initiatives, sans attendre. Quant à Charles Garnier, peut-être a-t-il toute sa vie pensé à dessiner lui-même un tombeau à son goût ? Mais quand on mène la vie harassante de travaux difficiles et de corvées honorifiques, on n'a pas une minute pour penser à la mort. On remet le projet au lendemain, auquel succède un autre lendemain sans que rien ne soit fait. Et la mort survient à l'improviste. Peut-être Charles Garnier pensait-il reposer avec sa femme et son fils dans le cimetière de Bordighera, dans le coin qu'il aimait tant ? Peut-être également les amis et élèves de Garnier eurent-ils un moment l'idée d'ériger une tombe digne de leur idole ? Mais Pascal, heureusement, réalisa en 1903 l'imposant monument de la rue Auber.

La pauvre tombe du cimetière Montparnasse porte les noms suivants dominés par une petite croix :

Mme Garnier, Félicité Colle (2) :

2 août 1802 –

21 juillet 1859

Daniel Garnier (3) :

21 mars 1862 –

15 janv. 1864

Jean-André Garnier (4) :

2 août 1793 –

6 mars 1865

Arthur Bary (5), élève de l'Ecole Normale Supérieure, Agrégé des Lettres, Chevalier de la Légion d'honneur :

12 mai 1829 –

4 février 1887

(1) 11e Division. 3e ligne Ouest. 18e Nord.

(2) Mère de Charles Garnier.

(3) Premier enfant de Charles Garnier, mort en bas âge.

(4) Père de Charles Garnier.

(5) Frère de Mme Charles Garnier.


Charles Garnier, Architecte de l'Opéra, Membre de l'Institut, Grand-Officier de la Légion d'honneur :

6 nov. 1825 –

3 août 1898

Charles François-Paul Garnier (1), Géographe, Lauréat de l'Institut, mort à 25 ans :

24 juillet 1872 –

4 sept. 1898

Mme Veuve Charles Garnier, née Marie-Louise Bary (2) :

27 avril 1836 –

22 avril 1919

Inscriptions combien émouvantes ! Elles résument, en deux générations, la vie romanesque d'une famille où s'entremêlèrent les plus grandes joies et les plus grandes peines.

Que dire de la suite ? Dès 1890 les Goncourt et beaucoup d'auteurs, historiens d'Art, exaltaient le XVIIe et le XVIIIe siècles et un engouement se portait vers le pur « style français ». Ce qu'on appelait alors la « Haute Société » prenait en horreur « le Napoléon III », et toutes les influences italianisantes, si chères à Charles Garnier. L'oeuvre de celui-ci subit alors une éclipse, ce qui explique la mutilation de presque toute son oeuvre l'exception de l'Opéra). Aujourd'hui « les styles français » sont tombés eux-mêmes en défaveur, et l'architecture est nettement orientée vers le « fonctionnalisme » et l'« industrialisme », d'esprit international. Mais on sait bien qu'en architecture, comme en matière d'autos ou d'avions, l'idée qu'on soit parvenu à l'ultime perfection n'est qu'illusion passagère. On peut dès maintenant prévoir toutes sortes d'engouements nouveaux, y compris le retour à l'ornement et aux beaux matériaux naturels, avec une certaine tendance aux personnifications nationales. C'est pourquoi l'oeuvre de Garnier recommence à plaire, à forcer le respect. D'où cet intérêt nouveau, dans la ligne d'une évolution déjà en cours que nous devinons, aussi bien à travers les conversations de l'« intelligentia » de notre temps, qu'à travers les réactions spontanées de l'homme de la rue.

Quant à Garnier lui-même, il prendra de plus en plus figure d'un être légendaire, symbolisant au mieux ce que peut donner cette sève populaire de Paris, d'une inépuisable richesse (3).

Albert LAPRADE,

Membre de l'Institut.

(1) Deuxième fils de Charles Garnier, mort juste un mois après son père.

(2) Mme Charles Garnier veilla pieusement sur les archives de son mari. Elle confia la plupart de ses papiers ou dessins à la Bibliothèque de l'Ecole des Beaux-Arts, ou bien aux anciens collaborateurs ou élèves de son mari. On peut dire ainsi que, par une chance rare, de très nombreux documents nous sont restés, mais partagés entre plusieurs bibliothèques, musées et archives nationales ou départementales ou réinstallés chez des particuliers.

(3) Cette notice, plus développée, a paru en mai 1961 dans le Bulletin de la Société des Architectes diplômés par le Gouvernement.


I. ENFANCE, JEUNESSE

1 EXTRAIT DE L'ACTE DE NAISSANCE DE CHARLES GARNIER, 6 novembre 1825, à Paris.

Bibl. Opéra.

2 EXTRAIT DE L'ACTE DE BAPTÊME DE CHARLES GARNIER, 6 novembre 1825. Paris, Paroisse Saint-Médard.

Bibl. Opéra.

3 ALBUM AYANT APPARTENU A CHARLES GARNIER ENFANT : gravures découpées et collées.

Bibl. Ecole des Beaux-Arts.

4 CERTIFICAT D'EXEMPTION DE SERVICE MILITAIRE en faveur de Charles GARNIER, pour raison de santé, 8 septembre 1846.

Bibl. Opéra.

5 BREVET D'ADMISSION DE CHARLES GARNIER à l'Ecole royale des Beaux-Arts. Section d'architecture. 9 janvier 1842.

Bibl. Opéra.

6 DEMANDE D'EXEMPTION DE SERVICE DANS LA GARDE NATIONALE faite par le secrétaire perpétuel de l'Ecole des Beaux-Arts, en faveur de Charles GARNIER, en loge pour le prix de Rome. 15 juillet 1848.

Bibl. Opéra.

7 PROJET DU GRAND PRIX DE ROME DE CHARLES GARNIER. Un conservatoire des arts et métiers. 1848. 2 plans, coupe et élévation.

Bibl. Ecole des Beaux-Arts.


8 LETTRE DU SECRÉTAIRE PERPÉTUEL DE L'ACADÉMIE DES BEAUX-ARTS, 9 octobre 1848, invitant Charles GARNIER à la séance du 14 octobre pour y recevoir son Grand Prix d'Architecture.

Bibl. Opéra.

9 CHARLES GARNIER. Photographie du portrait peint par Gustave BOULANGER, Rome, 1848.

Bibl. Opéra.

10 PORTRAIT DE CHARLES GARNIER. Crayon de L. BENOUVILLE. Florence, 1849.

Bibl.-Musée Opéra.

11 LA VILLA MÉDICIS. Façade sur le jardin. Fotografia Cuccioni.

B.N Est. Vb 132 S.

12 LE TEMPLE DE JUPITER PANHELLÈNIEN A EGINE, restauration exécutée en 1852, par Charles GARNIER. Paris, Firmin-Didot, 1884.

B.N. Impr. Gr. fol. V.2.

13 LA GRÈCE CONTEMPORAINE, par Edmond ABOUT. Paris, L. Hachette, 1854.

E. ABOUT et Ch. GARNIER avaient travaillé ensemble en Grèce.

B.N. Impr. J. 16433.

14 TROIS LETTRES DE CHARLES GARNIER AU DUC DE LUYNES. 25 juin 1855, 1er août 1855, 27 nov. 1858. Fac simile.

original à la Bibl. d'Art et d'Archéologie.

15 THÉOPHILE GAUTIER. Poésies complètes. Tome second. Paris, G. Charpentier, 1880. p. 252 A Charles Garnier. Ch. GARNIER et Th. GAUTIER étaient des amis de jeunesse.

B.N. Impr., Ye. 23150.

16 PORTRAIT DE CHARLES GARNIER JEUNE. Peinture anonyme (s. d.).

Bibl.-Musée Opéra.

17 LETTRE nommant Charles GARNIER inspecteur des travaux de l'Ecole des Mines. 9 octobre 1856.

Bibl. Opéra.

18 BREVET DE NOMINATION de Charles GARNIER à la Société centrale des architectes. 5 février 1860.

Bibl. Opéra.


II. L'OPERA AVANT GARNIER

19 PROJET DE SALLE D'OPÉRA AU MANÈGE. Plan indiquant le quartier situé entre la rue Saint-Honoré, la rue Saint-Nicaise, le Quai du Louvre et le Palais des Tuileries (XVIIIe s.).

A.N.N III. Seine. 409/3.

20 PROJET DE SALLE POUR L'OPÉRA rue de Richelieu, sur une partie du terrain du Palais Royal (après 1781).

A.N.N III Seine 889/8-9.

21 PROJET D'ÉTABLISSEMENT D'UNE ACADÉMIE DE MUSIQUE au Palais Royal par BALTARD, 1811.

A.N.N III Seine 1148.

22 OPÉRA, RUE DE RICHELIEU, plan et coupe de la salle. DEBRET, 1821.

A.N.N III Seine 1149/3-4.

23 OPÉRA, RUE LE PELETIER. Projets divers d'aménagements. DEBRET, 1825 à 1833.

A.N.N III Seine 1149/1, 2, 5-11.

24 OPÉRA, RUE LE PELETIER. Photographie (s. d.).

Bibl. Opéra.

25 PROJET DE HOREAU, 1843, pour reconstruire l'Opéra. Emplacement proposé : sur le Boulevard entre la rue de la Grange-Batelière et le prolongement de la rue Chauchat.

A.N. Vers. Dir. Arch. 1960, IX, 2.

26 PROJETS DE RECONSTRUCTION avant le concours. M. ROHAULT. 1859-1860.

A.N.F. 21830.

27 PROJET D'UN OPÉRA DANS LE JARDIN DU PALAIS ROYAL, par Charles ROHAULT DE FLEURY.

A.N. Vers. Dir. Arch. 1960 IX, 3-4.

28 LETTRE DE ROHAULT DE FLEURY, 14 septembre 1860.

A. N. AJ. 13 531.


29 PROJET D'UNE VOIE IMPÉRIALE ET D'UN EMPLACEMENT POUR L'OPÉRA, par H. BARNOUT, architecte. Imp. Michelet (1860).

Bibl. Opéra.

30 E. DUPONCHEL. Déplacement de l'Opéra. Contre-projet 1860.

Bibl. Arsenal, Coll. Rondel RO. 837.

31 A. JULLIEN. Réflexions sur la reconstruction de l'Opéra. Paris, août 1860.

Bibl. Arsenal Coll. Rondel RO. 838.

32 NOTES DE ROHAULT DE FLEURY remises au Vicomte de ROUGE le 29 mai 1861, avec l'annotation : « Projet de A. ROHAULT : 12-9-1860. »

A. N. AJ. 13 531.

33 PROJET D'UNE NOUVELLE SALLE D'OPÉRA. Avis de la Commission d'enquête (cahier de 33 pages, rappelant les anciens projets), daté du 14 avril 1860.

A. N. AJ. 13 531.

III. L'OPERA LES CONCOURS

34 PLAN DE L'EMPLACEMENT CHOISI POUR LE NOUVEL OPÉRA et de ses abords, élévation imposée pour les maisons avoisinantes, annexes au dossier d'enquête ouvert à la mairie du IXe arrondissement, contresigné par HAUSSMANN et le maire de l'arrondissement, 14 avril et 7 mai 1860.

A.N. Vers. Dir. Arch. 1960, IX, 7-8.

35 NOTES POUR LE PROGRAMME D'UNE SALLE D'OPÉRA.

A. N. AJ. 13 531.

36 A. LUSSON. Projet d'un théâtre d'Opéra définitif pour la Ville de Paris suivant le programme publié dans le Moniteur du 30 décembre 1860. Paris, 1861, avec plans annexes.

A. N. AJ. 13 531.


37 LISTE DES PROJETS envoyés au 1er Concours pour la construction d'une nouvelle salle d'Opéra, 1861, avec les devises et les noms d'auteurs.

Devise de Charles Garnier « Bramo assai poco spero ».

Bibl. Opéra. B. 110 (1).

38 NOUVEL OPÉRA. PROJET DE M. ANDRÉ. 1er Concours de décembre 1860. Plan et élévation (extrait de Concours pour la construction d'une nouvelle salle d'Opéra, 1861).

Bibl. Opéra B. 110 (2).

39 NOUVEL OPÉRA. PROJET DE ROHAULT DE FLEURY. 1er Concours de décembre 1860. Façade.

Photographie extraite de Concours pour la construction d'une nouvelle salle d'Opéra. 1861.

Bibl. Opéra B. 110 (2).

40 PROJET DE BOTREL ET CRÉPINET, classé second au concours pour la reconstruction de l'Opéra. Plans, élévations et coupes.

A.N. Vers. Dir. Arch. 1960, IX, 9-14.

41 CONCOURS D'OPÉRA. Mémoire à l'appui de l'avant-projet « Causa tangor ab omnii »[E. TRELAT].

Bibl. Opéra B. 691.

42 PROJETS DE VIOLLET LE Duc pour le concours de l'Opéra. 1852 à 1861.

Bibl. des Monuments français.

43 E.-E. VIOLLET LE Duc. Photographie Nadar (s. d.).

B.N. Est. Ne. 100.

44 MÉMOIRE POUR LE CONCOURS DE L'OPÉRA. Janvier 1861.

Bibl. Opéra C. 831 (4).

45 NAPOLÉON III. Photographie anonyme, v. 1855.

B.N. Est. N2 835.

46 S.M. L'IMPÉRATRICE [EUGÉNIE]. Photographie Georges Spingler (1862).

B.N. Est. N2 396.


47 CRITIQUE CONSCIENCIEUSE ET RAISONNÉE sur le concours ouvert pour l'édification du nouveau Théâtre de l'Opéra. Projets qu'il a fait naître et compte rendu des journaux. Paris, Dubuisson et Cie, 1861.

Bibl. Opéra C. 2978.

48 « DEMANDE D'INDEMNITÉ POUR UN PROJET NON SUIVI D'EXÉCUTION ». Lettre de ROHAULT DE FLEURY, 20-3-1861 et minute de la réponse du ministre, 30-3-1861.

A.N. F 21 830.

49 PROGRAMME pour l'étude du projet d'une nouvelle salle d'opéra, 18 avril 1861 (pour le second concours).

A.N. F 21 830.

50 NOUVEL OPÉRA de Charles GARNIER. Elévation de la façade.

Agence d'architecture de l'Opéra.

51 NOUVEL OPÉRA de Charles GARNIER. Coupe.

Agence d'architecture de l'Opéra.

52 DEUX ÉTUDES DE MOTIFS POUR L'OPÉRA, dessins à la plume de Charles GARNIER.

Académie d'architecture.

53 LETTRE DE WALEWSKI nommant Charles GARNIER architecte du nouvel Opéra. 6 juin 1861.

Bibl. Opéra.

54 LETTRE DE CHARLES GARNIER A M. MARTIN. 9 juin 1861. En tête : Service des travaux d'architecture des Ve et VIe arrondissements.

A. N. AJ. 13 531.

55 LETTRE DE CHARLES GARNIER. 10-8-1861.

A. N. AJ. 13 531.

56 EXTRAITS DES PROCÈS-VERBAUX du Conseil général des Bâtiments civils. Deux rapports de A. DUBAN, 16 juillet et 20 août 1861.

A.N.F. 21 830.


57 LETTRE DE ROHAULT DE FLEURY à Charles GARNIER. 30 juillet 1861. 1861.

Bibl. Opéra.

58 DEMANDE DE LA PRODUCTION DES PLANS AU CORPS LÉGISLATIF (1861) pour la construction de l'Opéra.

A.N.F.21 830.

59 LETTRE DE MADAME CHARLES GARNIER sur le concours de l'Opéra, 10 juin 1911.

Bibl. Opéra.

IV. L'OPERA : LA CONSTRUCTION. L'INAUGURATION. LA GLOIRE

60 L'AGENCE DE CHARLES GARNIER POUR L'OPÉRA. Trois photographies.

A.M. Carpentier.

61 L'AGENCE DE CHARLES GARNIER. Deux photographies.

Bibl. Opéra.

62 PREMIER DEVIS GÉNÉRAL DES TRAVAUX DE L'OPÉRA signé de Charles GARNIER. 2 mars 1862 (23 millions).

A.N. F 21 830.

63 LA MAQUETTE DE L'OPÉRA DE GARNIER. Photographie.

Bibl. Arsenal Coll. Rondel RO. 881.

64 PLAN ET FAÇADE DE L'OPÉRA. Trois photographies.

à M. BODECHER.

65 NOUVEL OPÉRA. Deux plans d'exécutionn : 1er étage. Partie milieu. Signé Charles GARNIER, 1863, et Grand escalier.

Bibl. Opéra.


66 NOUVEL OPÉRA. Trois élévations des façades.

Bibl. Opéra.

67 NOUVEL OPÉRA. Trois détails d'exécution pour l'intérieur.

Bibl. Opéra.

68 LETTRE DE CHARLES GARNIER relative aux dessins de l'Opéra (s. d.). Fac-simile.

original à la Bibl. d'Art et d'archéologie.

69 LETTRE DE CHARLES GARNIER relative aux dessins de l'Opéra (s. d.).

Bibl. Opéra.

70 PROCÈS-VERBAL (en minute) de la pose de la première pierre.

A.N. F 21 830.

71 LETTRE DE CHARLES GARNIER, 30 juin 1862, au sujet de la pose de la première pierre de l'Opéra.

A.N. F 21 830.

72 LA MACHINE A VAPEUR du chantier de l'Opéra. Photographie.

à M. Carpentier.

73 L'OPÉRA EN CONSTRUCTION. Six photographies.

à M. Bodecher.

74 L'OPÉRA EN CONSTRUCTION. Dix-neuf photographies.

Bibl. Opéra.

75 RAPPORTS AU COMTE WALEWSKI, 1861-1870, sur les travaux du nouvel Opéra.

A. N. AJ. 13 531.

76 LETTRE DE CHARLES GARNIER à « Mes chers directeurs en seconde main ». En-tête : Travaux du nouvel Opéra.

A. N. AJ. 13 531.

77 ETAT DES TRAVAUX DU NOUVEL OPÉRA (Pavillon des abonnés). Aquarelle de R. LEHOUX. Mai 1865.

Bibl.-Musée de l'Opéra.


78 PORTRAIT CHARGE DE CHARLES GARNIER. Aquarelle de E. GIRAUD, 1865.

Bibl.-Musée de l'Opéra.

79 LETTRE DE FÉLIX DUBAN félicitant Garnier au moment du dégagement de la façade de l'Opéra. (17 août 1867.)

Bibl. Opéra.

80 LISTE DES NOMS à introduire dans la décoration du nouvel Opéra.

A. N. AJ. 13 531.

81 J.-B. CARPEAUX. Photographie.

B.N Est. Ne. 100.

82 CHARLES GARNIER. Caricature extraite du Diogène. gr. par H. MEYER, 1867.

Bibl. Opéra.

83 CHARLES GARNIER. Photographie Etienne Carjat, 1867.

Bibl. Opéra.

84 POT-POURRI CARICATURAL sur l'Opéra.

Bibl. Arsenal. Coll. Rondel RO. 881.

85 DEUX ARTICLES ILLUSTRÉS sur le nouvel Opéra (le Monde illustré et le Figaro).

à M. Carpentier.

86 LE NOUVEL OPÉRA. Jeu de construction. Lith. H. Jannin d'après B. COUDERT, 1866.

Bibl. Opéra.

87 ABAT-JOUR AVEC EFFETS DE LUMIÈRE. Le nouvel Opéra à Paris. Epinal, lith. Pellerin.

Bibl. Opéra.

88 HOMMAGE A CHARLES GARNIER. Janvier 1875. Le Nouvel Opéra. Quadrille pour piano par E. SCHMIDT. Paris, L. Gregh, au magasin du nouvel Opéra (1875).

B.N. Mus. Vm12e. 3995.

89 PORTRAIT DE CHARLES GARNIER. Peinture par Paul BAUDRY. Esquisse. 1869.

Bibl.-Musée de l'Opéra.


90 PORTRAIT CHARGE DE CHARLES GARNIER par H. MEYER, extrait du Sifflet, 13 décembre 1874.

A M. Carpentier.

91 QUATRE LETTRES DE CHARLES GARNIER à Charles NUITTER.

A. N. AJ. 13 531.

92 M. GARNIER, architecte de l'Opéra. Caricature, lith. en coul. signée Ch. GIRAUD.

Bibl. Opéra.

93 M. CHARLES GARNIER, caricature extraite du Nouveau Panthéon charivarique. Lith. Destouches d'après KADOL.

Bibl. Opéra.

94 CHARLES GARNIER. Caricature extraite de la Galerie charivarique gr. par BARRES d'après Alfred LE PETIT.

Bibl. Opéra.

95 BUSTE DE CHARLES GARNIER par CARPEAUX (1869). Copie en plâtre patiné.

Agence d'architecture de l'Opéra.

96 FOULARD DE SOIE imprimé représentant le nouvel Opéra.

Bibl. Opéra.

97 PANCARTE POUR LE LIVRE D'OR DE L'OPÉRA. Liste de tous les collaborateurs de 1860 à 1898. Dessin à la plume.

Bibl. Opéra.

98 MÉDAILLE OFFERTE A CHARLES GARNIER. Figure allégorique. Signé : A. Bovy.

A M. Charles Garnier, architecte. les ouvriers réunis du nouvel

Opéra, 1er janvier 1875.

B.N. Dt des Médailles.

99 PROCÈS-VERBAL de remise de la nouvelle salle de l'Opéra au Directeur M. HALAUZIER.

A.N.F. 21 2362.


100 PROGRAMMES DE LA SOIRÉE D'INAUGURATION DE L'OPÉRA. 5 janvier 1875.

Bibl. Opéra.

101 CANTATE pour la célébration de l'Opéra de Paris, inauguré en janvier 1875, dédiée à Monsieur GARNIER, illustre architecte, avec lettre d'accompagnement de l'auteur, Isaac DAUDET. Ms.

Bibl. Opéra.

102 OUVERTURE DU GRAND OPÉRA. Hymne lyrique dédié à M. Charles GARNIER, architecte, par Hippolyte BUFFENOIR. Paris, Typ. A. Parent (s. d.).

Bibl. Opéra.

103 MARÉCHAL MAC-MAHON. Portrait Lith. de LAFOSSE, imp. Becquet, Paris, Dusacq et Cie (1871).

B.N. Est. N3 34.

104 LE NOUVEL OPÉRA. Ode. Hommage à M. Charles GARNIER, par VIAL DE SUBLIGNY. Ms. (1875).

Bibl. Opéra.

105 PORTRAIT DE CHARLES GARNIER. Peinture de J.-L. GÉRÔME. 1877.

Bibl.-Musée de l'Opéra.

106 AVENUE DE L'OPÉRA. Vue prise de la place du Théâtre français. Lith. de Provost (vers 1885).

Bibl. Opéra.

107 LE NOUVEL OPÉRA. E.f. de J.A. MITCHELL, Impr. A. Salomon, 1878. Salon de 1878.

Bibl. Opéra.

108 LE NOUVEL OPÉRA DE PARIS, par M. Charles GARNIER. Paris, Ducher et Cie, 1878-1881.

Bibl. Opéra C 977 (1-2) – D. 202.

109 LE CANON ET LE SENTIMENT DES PROPORTIONS DANS L'ARCHITECTURE MODERNE, par P. FAURÉ, architecte. Paris, Ch. Schmidt (s. d.). (Les planches 33 à 44 sont consacrées à l'Opéra de Garnier.)

à M. Sonrel.


110 PORTRAIT DE CHARLES GARNIER EN MOINE, crayon par Gustave BOULANGER, 1879.

Bibl.-Musée Opéra.

111 AVENUE DE L'OPÉRA. Vue prise de la Place du Théâtre français. Lith. de PROVOST. Vers 1885.

Bibl. Opéra.

112 La PLACE DE L'OPÉRA. Photographie (1900).

Bibl. Opéra.

113 A. RIGAUD. Le Cinquantenaire du nouvel Opéra (extr. du Correspondant, 25 décembre 1924).

Bibl. Arsenal, Coll. Rondel. RO. 876.

114 ETUDE SUR LES THÉATRES. Rapport adressé au Comte WALEWSKI par Charles GARNIER (s. d.).

A. N. AJ. 13 531.

115 L'OPÉRA DE VIENNE, inspiré de celui de Paris. Photographie.

Bibl. Opéra.

V. GARNIER INTIME LES DERNIÈRES ANNÉES

116 TROIS CROQUIS D'ARCHITECTURE à la plume de Charles GARNIER.

Académie d'architecture.

117 CHARLES GARNIER. Photographie Pierre PETIT.

Bibl. Opéra.

118 ALBUM DE CROQUIS à la plume de Charles GARNIER. Voyage en Espagne. 1868.

Bibl. Opéra.


119 CHANSON dite au Dîner des Cinquante le 8 février 1869, par Charles GARNIER. Paris, Jouaust, 1869.

B.N. Impr. Rés. Ye 4048.

120 VINGT-DEUX CROQUIS à plume de Charles GARNIER.

à Madame Trouvelot.

121 A DELABORDE. Poésie burlesque signée Charles GARNIER. Dactylogr., corrections autogr.

Bibl. Opéra.

122 « JE PENSE A TOI. ». Poésie humoristique de Charles GARNIER. Ms. autogr.

B.N. Bibl. Conservatoire.

123 SOUVENIR ET REGRET (Poésie burlesque signée Charles GARNIER). Paris, Typ. J. Juteau (s. d.).

Bibl. Opéra.

124 LETTRE DE CHARLES GARNIER à GUSTAVE BOULANGER. 28 août 1872. Fac. sim.

original à la Bibl. d'Art et d'archéologie.

125 PATEMBOIS. Saynète en un acte, en vers libres, par Charles GARNIER. Paris, Librairie théâtrale, 1885.

Bibl. Opéra.

126 LA COURSE A LA SCHLUCHT. Complainte par Charles GARNIER. Epinal, Impr. H. Fricotel, 1884.

Bibl. Opéra.

127 BON POINT à l'effigie de Charles GARNIER. Lith. en coul.

Bibl. Opéra.

128 SOUVENIR AMICAL DU BANQUET DE L'INSTITUT (poésie burlesque signée C.G.), 25 octobre 1886. Paris, Typ. Firmin-Didot.

Bibl. Opéra.


129 MÉDAILLE de Charles GARNIER. Buste profil à droite signé J.-C. Chaplain. 1895.

(A Charles Garnier. ses confrères, ses admirateurs.)

B.N. Dt. des Médailles.

130. SÉANCE ANNUELLE DE L'INSTITUT du 25 octobre 1890. Couplets chantés au dîner (signé Charles GARNIER).

Bibl. Opéra.

131 PORTRAIT DE CHARLES GARNIER. Peinture par CAROLUS – DURAN. Esquisse. 1895.

Bibl.-Musée Opéra.

132 A TRAVERS LES ARTS, CAUSERIES ET MÉLANGES, par Charles GARNIER. Paris, L. Hachette, 1869.

B.N. Impr. V. 39889.

133 LE THÉATRE, par Charles GARNIER. Paris, Hachette, 1871.

B.N. Impr. V. 39891.

134 CHARLES GOUNOD. Portrait à la plume fait par GARNIER à l'Institut.

Bibl. Opéra.

135 CAMILLE SAINT SAENS, portrait à la plume par Garnier à l'Institut, décembre 1881.

Bibl. Opéra.

136 AMBROISE THOMAS, portrait à la plume par GARNIER à l'Institut. Oct. 1876.

Bibl. Opéra.

137 JULES MASSENET. Portrait à la plume fait par GARNIER à l'Institut. 1884.

Bibl. Opéra.

138 ERNEST REYER. Portrait à la plume fait par GARNIER à l'Institut. 1885.

Bibl. Opéra.


139 LETTRE DE CHARLES GARNIER à Léon BONNAT. (s. d.). Fac-simile. original à la Bibl. d'Art et d'archéologie.

140 TROIS VUES DE LA PROPRIÉTÉ DE CHARLES GARNIER A BORDIGHERA. Photographies.

A.M. Sonrel.

141 TROIS CROQUIS A LA PLUME DE G. CLAIRIN faits à Monte Carlo en 1878 et 1881. Travaux de l'Opéra Monte Carlo, caricature de Charles GARNIER.

à Madame Trouvelot.

142 L'OPÉRA DE MONTE CARLO de Charles GARNIER. Photographie.

Bibl. Opéra.

143 EXRAIT DE L'ACTE DE DÉCÈS DE CHARLES GARNIER, 4 août 1898, à Paris.

Bibl. Opéra.

144 LETTRE DU MINISTRE DE L'INSTRUCTION PUBLIQUE ET DES BEAUX-ARTS à Madame GARNIER, offrant 500 francs pour la participation de l'Etat aux obsèques de Charles GARNIER.

Bibl. Opéra.

145 NOTES POUR LA BIOGRAPHIE DE CHARLES GARNIER. par Mme Vve Charles GARNIER. Janvier 1903 (s. 1. n. d.).

à M. BODECHER.


TABLE DES MATIÈRES

PRÉFACE par M. Julien GAIN, Membre de l'Institut, Administrateur Général de la Bibliothèque Nationale 3

CHARLES GARNIER, par M. LAPRADE, Membre de l'Institut 5

I. ENFANCE, JEUNESSE 25

II. L'OPÉRA AVANT GARNIER 27

III. L'OPÉRA : LES CONCOURS 28

IV. L'OPÉRA : LA CONSTRUCTION, L'INAUGURATION, LA GLOIRE 31

V. GARNIER INTIME, LES DERNIÈRES ANNÉES. 36

LES PRESSES ARTISTIQUES PARIS – Dépôt légal n° 385