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Titre : Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers...

Auteur : Société archéologique, scientifique et littéraire (Béziers, Hérault). Auteur du texte

Éditeur : Mme Vve Millet (Béziers)

Date d'édition : 1942

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34410837c

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34410837c/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 13452

Description : 1942

Description : 1942 (SER4,VOL8).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Languedoc-Roussillon

Description : Collection numérique : Collections de Montpellier Méditerranée Métropole

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6453926t

Source : Société archéologique de Béziers

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 21/02/2013

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BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIHE

DE BÉZIERS (HÉRAULT) FONDÉE EN 1834, AUTORISEE EN 183 5 ET RECONNUE COMME ETABLISSEMENT D'UTILITE PUBLIQUE PAR DECHET DU 14.OCTOBRE ^874

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I/"--'O n. c/.). ; , t,. - s./ r e t' QUATRIÈtRIE

Volume VIII

BEZIERS IMPRIMERIE GÉNÉRALE, BOURDOU & RUL 9, AVENUE DE PÉZENAS ET AVENUE DE UÉDAHIEUX, 10

1942


EXTRAIT DU RÈGLEMENT

Le Bibliothécaire a la garde des livres, plans, estampes, etc., appartenant à la Société archéologique.

Les salles de la bibliothèque, des collections, des archives, sont ouvertes tous les lundis de 10 heures à midi.

Un registre destiné à recevoir l'inscription des volumes ou autres objets prêtés est déposé sur le bureau.

AVIS

La Société ne prend pas la responsabilité des opinions et des assertions émises par les auteurs des articles insérés au Bulletin.


SÉANCE PUBLIQUE POUR LA

DISTRIBUTION DES PRIX Des Concours de l'Année 1942

Présidence de M. Jules LATREILLE

Le Jeudi de l'Ascension, 14 Mai, la Société Archéologique a tenu, dans le hall du Palais Consulaire, sa séance traditionnelle de Distribution des Prix.

M. Latreille y préside entouré de M. Daudin, Sous-Préfet de l'arrondissement de Béziers; de M. Granaud, Président de la Chambre de Commerce ; de M. Rica!eau, Adjoint au Maire ; de M. le Docteur Bergé, Trésorier ; de M. Ros, Secrétaire ; de M. Gabriel de Vulliod, Conservateur des collections numismatiques ; de M. Gondard, Bibliothécaire Notons parmi les nombreuses personnalités civiles et militaires qui ont tenu à rehausser de leur présence cette séance M. le Capitaine Meunier, représentant M le Lieutenant-Colonel Lanchon, Commandant l'Ecole des Andelys ; M. Hue, Président du Tribunal de Commerce ; M. Boyer, Subdélégué du Secours National ; M. le Pasteur Besson ; M Arnaud, Inspecteur Primaire, etc.

L'assistance où figurent nombre de membres de la Société accompagnés de leurs familles et de leurs amis et aussi quelques lauréats venus tout exprès de loin recueillir leurs récompenses est particulièrement choisie. Les dames qui, cette année plus que jamais, ont voulu prouver que les choses de l'art, de l'histoire et de la littérature ne leur sont point indifférentes, dominent d'une façon aussi agréable que saisissante, l'assemblée.

M. Jules Latreille ouvre la séance à 21 heures.

Dès le début, et avant de prononcer son discours, il fait part à l'assistance des fâcheuses nouvelles qui vont provoquer sa déception et d'unanimes regrets.

Par une singulière fatalité, les deux rapporteurs des Concours de Poésie (française et occitane), Mlle Barthez et M. Jean Magrou ont été empêchés, au dernier moment, de se trouver à cette Assemblée.

M. Magrou en particulier a dû être transporté d'office, la veille, dans une clinique.

Les deux rapporteurs seront heureusement suppléés par deux confrères dévoués qui voudront bien lire, à leur place, leurs rapports.


Mlle Barthez, par son confrère en gai savoir, M. Domergue qui lui prêtera le concours d'une chaleureuse voix et d'une généreuse flamme poétique.

M. Magrou, par M. le Dr Coste, qui fera valoir avec infiniment de goût et de sens des choses de la poésie, les aperçus critiques de son collègue.

L'écho des applaudissements qui accompagneront toul-à-l'heure, les paroles prononcées en leur nom aura apporté à nos confrères malades le réconfort de la sympathie de l'auditoire.

Enfin, M. le Président dit encore le vide certain que fait dans cette réunion l'absence de notre vénéré doyen et cher Vice-Président M. le Dr Jean Cavalié. La maladie l'oblige à manquer pour la première fois depuis longtemps à cette Assemblée. Connaissant sa fidélité et son dévouement à la Société Archéologique, dont il garde la plus ancienne tradition, tous ses confrères seront unanimes à partager les regrets de leur Président et à adresser à M. le Dr Cavalié leurs vœux les plus cordiaux de rétablissement.

M. Latreille prononce ensuite le discours suivant : MONSIEUR LE SOUS-PRÉFET, MESDAMES ET MESDEMOISELLES, MESSIEURS,

Le sens que la Société Archéologique entendait donner l'an dernier à sa séance solennelle, elle peut aussi bien, elle doit pareillement, le lui maintenir cette année encore, dans toute sa simple et grave signification. Mieux qu'un divertissement, notre séculaire coutume, voudrait être plus que jamais un acte utile accordé à l'effort de labeur et de recueillement de toute la nation.

Les circonstances n'ont pas hélas changé ; les épreuves qui accablent notre patrie ont la même douloureuse amertume ; les mêmes nécessités matérielles nous étreignent durement, les mêmes angoisses morales nous oppressent ; et sur le sort de notre pays, sur le tragique destin du monde, sur l'avenir possible de l'esprit et de la liberté des hommes pèsent encore les fulgurantes lueurs et l'opaque mystère du même écrasant horizon.

En telle occurence, tenir une séance académique paraîtrait une dérisoire gageure, et nous y aurions peut-être renoncé si, répétons-le, nous ne savions reconnaître dans notre assemblée annuelle un caractère significatif qui la dépasse, une haute portée de tradition dans la vie municipale biterroise, et une continuité intellectuelle qui nous en défendent l'interruption.

Malgré les insuffisances de ceux qui le célèbrent, cette réunion çst devenue, après plus de cent années, une sorte de rite où la cité se


recueille un instant dans la mémoire de son passé, et rattache l'austère di vertissement de ces concours et de leurs poèmes, aux lointaines mais inoubliées réjouissances de Caritats.

Anticipant un peu sur le jour qui leur était jadis réservé, Béziers a ressuscité en partie, en cette année 42, ses anciennes fêtes consacrées à la charité. Au milieu des journées du Secours National, ce fut la plus symbolique manifestation de l'âme généreuse de notre ville que ce déroulement, à travers nos rues, de l'antique cortège où les autorités religieuses et civiles tenaient comme jadis la place d'honneur ; et, si les corps de métiers y manquaient encore, notre légendaire chameau y figurait à son rang, entouré d'une dansante escorte. Victime de trois révolutions, notre immortel totem en trouvait enfin une pour comprendre sa valeur de symbole municipal. Il n'est pas jusqu'à la distribution de pain ou de galette qui n'ait heureusement renouvelé le geste des anciens Caritadiers.

C'est à une plus frugale distribution que nous vous convions ce soir, au jour traditionnel de l'Ascension. Nous ne vous ferons largesse que de discours, de poésie et de musique. Maigre chère et piètre liesse, murmureront certains ! Ce n'est pas, je veux le croire, l'opinion de la plupart d'entre vous.

Par votre seule présence, dont nous sommes profondément touchés, vous manifestez le salutaire désir de vous libérer, au moins pendant quelques heures, de ces obsédantes préoccupations alimentaires qui composent, depuis des mois, la triste trame de nos jours.

Voici enfin, par miracle, un groupe de personnes réunies où l'on ne s'entretiendra pas, durant un long instant privilégié, de restrictions ni de ravitaillement. Vous voulez bien vous associer à nous pour témoigner qu'au dessus de ces inéluctables soins de nourritures terrestres, n'en demeure pas moins vivant et impérieux le besoin de ces aliments de l'esprit dont les stocks sont inépuisables et que ne saurait taxer aucune mesure de rationnement. Avec notre vieille Société dont c'est la raison d'être, vons affirmez ouvertement, et en dépit des apparences, la souveraine primauté des exigences de l'Esprit.

Cette tâche qui, même en ces temps hostiles, n'a rien d'anachronique ni de superflu, la Société Archéologique s'est efforcée, dans le cadre de son activité, de la continuer de son mieux pendant l'année écoulée.

Mais avant de vous exposer le résultat de ses travaux, il me faut en son nom, remplir le double devoir accoutumé : saluer la mémoire de ses membres disparus, et accueillir ceux qui viennent prendre place parmi nous.

Les deux confrères que la mort nous a enlevés, cette année, vivaient éloignés de Béziers, mais ils n'en avaient pas moins honoré


de leurs travaux érudits notre Société ; ce sont : MM. Paul Cassan et Emile Bonnet.M. Cassan qui avait été notaire dans notre ville, habitait depuis nombre d'années Marseille tù il est décédé. Mais, dès son entrée dans la Société Archéologique, en 1902, jusqu'à son départ de Béziers, il y avait brillamment marqué sa présence. Plusieurs rapports sur Les concours de poésie françàise et même de poésie néo-romane avaient montré en M. Cassan un esprit averti des choses de la littérature et de l'art et qui savait allier pour en parler, le goût et le tour le plus spirituel. Et par un rare contraste, à côté de ces agréables pages, on peut lire dans notre Bulletin, de la même plume, trois études de la plus stricte science, sur de lointaines époques.

« A propos d'un Evêque de Béziers », M. Cassan, en 1910, corrigeait savamment une erreur commise par un de ses prédécesseurs au Bulletin. Il s'agissait d'un évêque du IXe siècle, un prétendu Macaire, indûment introduit dans la liste des évêques, sur la foi d'une mauvaise lecture de textes. Notre confrère publiait la bulle du Pape Jean VIII, de 878, cause de l'erreur, déjà publiée dans le Recueil des Historiens des Gaules, mais que pour plus de sûreté, il avait collationnée sur le manuscrit conservé à la Bibliothèque Nationale, et il la commentait longuement de remarques critiques extrêmement érudites.

Deux ans après, notre regretté confrère enrichissait encore notre ■recueil d'une copieuse étude sur « la Commanderie et la paroisse de Campagnoles », près Cazouls-les-Béziers L'abondance des documents utilisés et mis au jour depuis 1109 jusqu'en 1793, pour la plupart inédits, autant que leur commentaire, donnent à ce travail une importante valeur.

Une autre étude de M. Cassan éclaire de quelques lueurs neuves, Bernard Dorna, archidiacre et viguier de Béziers, professeur de droit à Montpellier au XIIIe siècle, figure peu connue sur laquelle notre confrère avait réuni une documentation « laborieuse » ainsi qu'il la qualifiait lui-même, qu'il accompagnait de savantes notes. Ce travail est d'autant plus précieux qu'il a suscité l'année suivante, l'émulation d'un autre de nos confrères, M. Despetis, qui la compléta d'un surabondant ensemble de notes et documents sur ce même personnage de Bernard Dourna ou Dourgne et à son occasion, sur l'école de droit de Montpellier au Moyen-Age. Si bien que par ce concours, ce coin obscur de notre histoire universitaire médiévale s'est trouvé éclairé d'un relief imprévu.

Excusez-moi de m'arrêter sur ces siècles lointains, et ces travaux de haute érudition. Je ne puis me défendre, en rendant cet hommage à notre confrère d'un sentiment d'envie. Heureuse époque où notre


Compagnie possédait (M. Soucaille travaillait encore), des esprits assez riches de science et de loisirs pour mener à bien d'aussi minutieuses et savantes recherches !

En quittant Béziers, M Cassan a causé un vide certain dans la Société Archéologique. Ses quelques études suffisent à y garder son nom de l'oubli.

Le nom de M. Emile Bonnet n'a nul besoin de notre témoignage pour n'être pas oublié. On sait quelle place éminente il tenait, par la continuité et l'ampleur de ses travaux, dans la science archéologique de notre département. Il présidait la Société Archéologique de Montpellier, et nous nous souvenons avec quelle courtoise autorité, il nous faisait, l'an dernier, les honneurs de son splendide hôtel. C'est à nos confrères montpelliérains qu'il appartient de rendre à leur savant Président un hommage plus large et plus autorisé. Mais la nôtre dont M. Bonnet avait bien voulu faire partie depuis nombre d'années, comme membre correspondant, d.it au moins dire d'un mot, le regret qu'elle éprouve de sa perte.

Archéologue extiêmement averti, au courant de tous les travaux publiés sur notre région, il en avait rassemblé et condensé magistralement les résultats dans un ouvrage fondamental, indispensable guide pour qui veut s'occuper de semblables recherches ; cet important volume des « Antiquités et Monuments de l'Hérault », qui fait à juste titre autorité.

Personnellement, il avait étudié entr'autres : les a Vestiges d'architecture carolingienne dans l'Hérault », et à l'autre extrémité de l'histoire de l'art, avec M. Joubin, les « Vieux hôtels de Montpellier ».

Numismate, il laisse des travaux remarqués sur les « Jetons des Etats Généraux de Languedoc », sur les « Variations de la valeur de la monnaie melgorienne », sur le riche médaillier de la Société de Montpellier.

Dans notre Bulletin, M. Bonnet avait donné, il y a longtemps déjà, un travail tout à fait neuf et fouillé sur « l'Imprimerie à Béziers au 17e et 18e siècles» (les dynasties des Pech et des Martel, les ouvrages sortis de leurs presses en sont définitivement éclairées). Il avait encore jeté d'inestimables lumières sur ces vénérables vestiges biterrois : le sarcophage de St-Aphrodise et la statue de Pépézuc. — M.

Bonnet, on le voit, parmi son activité multiple de grand érudit, avait fait une part non négligeable à Béziers. Il mérite que son nom et sa science y soient proclamés avec honneur, et son deuil sincèrement ressenti.

Appauvrie de telles pertes, notre Compagnie a reçu son accroissement annuel de vitalité par l'admission de nouveaux membres. Elle a accueilli depuis un an :


MI1 Jane Bartliez, M. Pierre Azéma, aux noms et aux talents hautement réputés dans les milieux du félibrige, dont ils sont tous deux majoraux. M. Cellier, avocat et infatigable fouilleur d'archives ; Mme Martinez, M. Roger Albernhe, jeune membre distingué du barreau biterrois ; M. Emile Merlet, au dévouement bien connu dans nombre de sociétés de notre ville ; M. Decompoix, M. Ottonello, M. Jean Cauquil, qui vient de publier sous le titre de «Source Vive », un roman délicat ; M. Jean Magrou et M. le Dr Taillefer.

A tous nos nouveaux confrères, nous sommes heureux de souhaiter la bienvenue, persuadés qu'ils nous apporteront l'utile concours de leur activité et de leurs connaissances.

De cette collaboration, nous avons ce soir, déjà, une triple et heureuse preuve.

M. le Dr Taillefer vient grossir le nombre de nos musiciens émérites. Grâce à lui, notre excellent duo de violon et piano devient un trio non moins remarquable. Pourquoi pas, avec le temps, un quatuor -ou m quintette ? Ainsi la Société Archéologique peut tempérer l'austérité de cette séance, par les harmonies de la musique et de la poésie.

Mlle Barthez avait bien voulu se charger, d'enthousiasme, du concours de poésie néo-romane. Mais comme ce terme de rapport a d'administrative froideur pour désigner ce qui sous la plume d'un tel poète, et sous les prestigieux accents de sa langue, ne saurait être que harangue inspirée et lyrique message de foi !

Hélas ! elle est retenue ce soir, par la maladie, dans son agreste et lointaine retraite de Cazedarnes ! Mais. par la chaude voix d'un de ses frères en félibrige, animé d'une semblable ardeur, notre confrère, M. Domergue, elle pourra donner encore, de toute son autorité de poétesse entourée de l'admiration de ses pairs, d'apôtre passionnée de la cause occitane, elle pourra donner à nos lauréats mieux que des jugements et des critiques ; elle peut leur oflrir l'exhortation et l'exemple de la foi agissante, la vivante flamme du génie de la terre d'oc.

Il y a longtemps déjà que le Président d'aujourd'hui, faisant ses débuts comme rapporteur du concours de poésie française, avait la joie rare de découvrir parmi les envois quelques petites pièces d'où s'exhalait une exquise sensibilité, et où s'affirmait, avec les dons les plus évidents, une âme authentique de poète. Pas autant qu'il ne l'eut voulu, mais de son mieux, il les encouragea. La jeune „ lauréate (c'était M1Ie Barthez), nous adressa, les années suivantes, d'autres poèmes où son précoce talent donnait d'admirables preuves de sa maturité. Malgré mes efforts, la Société Archéologique, ménagère avare de ses récompenses, tarda à décerner à cette œuvre le


rameau suprême qu'elle méritait hautement, dans l'une et l'autre langue. Avec le même éclat en effet, et sans doute déjà une secrète prédilection et une vocation irrésistible, notre poète écrivait en sa langue ancestrale. Elle abandonna la poésie française, ou du moins nos concours, et sous le pseudonyme charmant, devenu célèbre depuis, de Clar-de-Luno, par une ample production, toute rayonnante de lumière et parfumée de rustiques arômes de la terre mère (« Escriveto », » L'Imagiè », en sont les titres les plus célèbres), aussi bien que par un enthousiaste apostolat félibréen, elle ne tarda pas à conquérir sa maîtrise et sa renommée. A cette œuvre et à cette foi la Sto Estello de l'an dernier est venu donner une éclatante consécration.

Que notre aimable confrère, même si nous sommes privés, ce soir de la joie de la voir prendre place, avec une gracieuse autorité parmi ses anciens juges, veuille bien agréer de loin, l'hommage de bienvenue que je suis heureux de lui adresser au nom de la Société Archéologique, comme une tardive et suprême récompense.

De M. Magrou lui aussi, la place était depuis longtemps désignée parmi nous. Mais il n'a fallu rien de moins que les évènements qui l'ont obligé à replier depuis deux ans, dans Béziers, son activité d'artiste pour lui fournir l'occasion d'entrer dans notre Société.

Je ne pense pas qu'il soit besoin de rappeler à un auditoire biterrois les titres éminents du maître-sculpteur dont le magnifique talent honore sa ville nalale. De son œuvre abondante (qu'il ne tient qu'à Béziers de voir s'accroître à son profit d'une statue nouvelle digne d'une égale admiration), de son œuvre, répandue avec honneur à travers la France et au-delà de l'Océan et dont l'admirable statue symbolisant le « Génie Latin » dans les jardins du Palais-Royal, résume et exalte la pure et haute inspiration, de cette œuvre de statuaire, je ne veux évoquer, en ce moment, que trois morceaux qui montrent, sur le coin de terre qui l'a vu naître, le génie plastique de M. Magrou.

D'abord, cette figure agenouillée du Cardinal de Cabrières, dans la cathédrale de Montpellier où revivent, avec une telle intensité spirituelle jointe à une telle dignité de style, l'âme et les traits du grand prélat, cette œuvre accordée à toute la tradition de la sculpture funéraire française, qui unit la sobriété pathétique des tombiers du Moyen-Age, à l'ampleur décorative et à l'acuité psychologique des Girardon et des Coyzevox.

Ensuite, ce monument aux morts de St-Nazaire, cette altière et douloureuse figure où le sculpteur semble avoir retrouvé la gravité et les denses volumes d'un tailleur de pierre roman pour ranimer, sans disparate, sous ces voûtes, le cœur farouche et meurtri du Béziers de Trencavel.


Et, enfin, ici-même, au-dessus de nos têtes, cette parure dont le Mécénat de la Chambre de Commerce a su couronner cette belle salle, ce bas-relief où se déroule dans le rythme le plus heureusement mesuré, le cortège de Dionysos : la joueuse de flûte, les canéphores sœurs de celles des Panathénées, le geste de nos treilleuses nuancé de grâce attique, le jeune Dieu dompteur de ses fauves pacifiés et qui, soulevé pourtant et inspiré des forces ardentes du vin se garde du désordre et du délire apparent de l'ivresse, toutes ces lignes équilibrées, ce calme statique, cette mélodique eurythmie, tout proclame ici le goût et le sens le plus vif de la beauté et de l'art grec, dans ce qu'ils ont d'éternel.

Que notre confrère me pardonne de m'arrêter avec une indiscrète et peut-être inexperte admiration sur ces quelques aspects de son œuvre. S'il nous offrait de doctes volumes d'archéologie ou d'histoire, il m'eut fallu les examiner avec une semblable attention, sinon avec une pareille complaisance.

Il nous a d'ailleurs fourni déjà la preuve dans nos réunions, de sa culture humaniste, de son amour pour les valeurs spirituelles, de son goût éclairé de lettré délicat. Mais les productions de son ciseau sont des titres assez manifestes pour justifier l'honneur et la joie que ressent la Société Archéologique à compter désormais un tel biterrois parmi ses membres.

Un autre honneur dont notre Compagnie doit aussi se féliciter puisqu'elle en reçoit de très loin quelque reflet, est l'élection à l'Institut de M. le Professeur Fliche. Le savant historien de l'Histoire du Moyen-Age et de l'Histoire de l'Eglise au Moyen-Age, a les titres éminents les plus certains à la haute distinction qu'il a reçue de ses pairs. La Société Archéologique ne saurait oublier que M. Fliche figure comme membie d'honneur dans ses listes, et qu'il n'a cessé de lui donner des signes de son amical intérêt. Comme Président de la Fédération historique du Languedoc méditerranéen et du Roussillon, il lui a toujours témoigné une extrême bienveillance. Qu'il veuille bien accepter l'hommage public qu'elle est heureuse de lui renouveler de sa joie et de ses félicitations Adresser des remerciements est encore un des devoirs de notre tâche qu'il nous est agréable d'avoir à remplir cette année. Madame Prunac, sur les conseils de notre dévoué confrère Me Rouzaud, qui voudra bien accepter sa part de notre gratitude, a eu la généreuse pensée d'offrir à notre Société une partie de la bibliothèque et du médaillier de M. Biscaye dont elle recueillait l'héritage. Des ouvrages rares de numismatique, une riche collection de monnaies antiques et du Moyen-Age, sont venues accroître les richesses dont nous avons


la garde et la gestion. La Société associera dans sa reconnaissance, le nom de la donatrice et le vieux nom biterrois des Biscaye qui figure depuis longtemps dans ses Bulletins Pour justifier de telles faveurs, la Société Archéologique peut, sans honte, présenter encore le cours de ses travaux, durant cet hiver. Malgré les rigueurs du temps, et non pas seulement matérielles et climatériques, mais morales aussi, elle a persisté à travailler avec une modeste, mais patiente continuité ; elle a même formé, témérairement, des projets et des plans de travaux futurs.

Au cours de ses réunions, elle a entendu une série variée de communications de ses membres.

M. Jouve, que n'effraient pas les sujets les plus vastes, no-is entretint, en exégète de la Création d'après les textes bibliques.

M. Niel, une fois de plus, n'eut qu'à s'abandonner à ses souvenirs pour nous intéresser à l'évocation de la simple vie artisane et familiale de Béziers il y a cinquante ans.

Plus spécialement archéologiques furent les communications de M. Ros, de M. Tel et de M. Coulouma.

M. Ros nous parla des « Habitats gallo-romains du littoral de l'étang de Thau », d'après ses fouilles personnelles dans une partie de notre région qu'il connait bien. Jalons de plus amples recherches cette communication de notre Secrétaire était appuyée de toute une probante documentation méthodiquement recueillie et classée par lui (de poteries de la Graufesenque, de marques de potiers, de verres, de pavés de schiste et de marbre). Souhaitons que les moyens lui soient donnés pour mettre à jour, sur ce point, l'étude d'ensemble que méritent ses connaissances et son labeur.

M. Tel, dans une étude précise, établie avec une minutie de topographe, traite du passage de la Voie Domitienne à travers Béziers et de l'emplacement du gué dit français. De nombreux plans, dressés par lui, nous permirent de suivre et de discuter le tracé dans la ville et à sa sortie vers Narbonne, sa convergence vers le pont vieux, de la célèbre voie romaine, artère bien antérieure sans doute aux légions qui la foulèrent. Le travail neuf de M. Tel apporte une base acquise pour des recherches toujours ouvertes.

Notre savant et infatigable confrère, M. Coulouma, nous exposa, à deux reprises, les résultats originaux de ses travaux sur le terrain.

A Cessero d'abord, l'actuel St-Thibéry, M. Coulouma, en collaboration avec M. Claustres, aujourd'hui prisonnier, avait commencé avant la guerre, à sonder l'oppidum Il nous en montre, sur de nombreuses photographies, les indiscutables traces. Blocs cyclopéens, pu appareil plus récent formant rempart, fragments grecs et ibériques :


déjà recueillis, autorisent à situer en cet endroit, près d'un passage de l'Hérault, un habitat fortifié bien antérieur à l'époque romaine. Il n'est pas besoin de faire ressortir l'intérêt de ces constatations pour l'histoire générale. Les cultures, l'état de guerre n'ont malheureusepas permis de poursuivre, comme il serait souhaitable, ces fouilles, qui librement poussées devraient donner d'intéressants résultats.

Non loin de là, M. Coulouma a suivi une nouvelle piste. Il a relevé, les traces d'une voie romaine ignorée, de Béziers à Pézenas, distincte de la classique voie Domitienne, et assurément postérieure à elle, sensiblement parallèle à l'actuelle route nationale. Là encore, une grande abondance de photos et de plans nous aida à suivre notre confrère pas à pas, depuis le Libron où il croit avoir retrouvé le pont romain qui le franchissait jusqu'aux abords de Valros, de Tourbes et de Pézenas, où par des fragments d'arcs, de voûtes, d'aqueducs, d'appareillage antique, à demi enfouis, il jalonne, en gros, le tracé de cette voie insoupçonnée de l'histoire.

L'apport de nos trois collègues, vous le voyez, ne saurait laisser indifférente, la science archéologique la plus exigeante.

Revenant à de bien plus proches époques, notre aimable confrère, Me Rouzaud nous fit profiler un soir, de quelques-unes de ses trouvailles dans ses propres archives. Il y a de tout, dans les archives de notaire : une étude parisienne ne conservait-elle pas, ignoré jusqu'à ces dernières années, un manuscrit des « Mémoires d'OutreTombe ? » Celles de Me Rouzaud fouillées avec sagacité nous permirent de connaître le voyage par le canal et le séjour à Béziers, au début du XVIIIe siècle, d'un Père Dominicain, le P. Labat, grand voyageur, célèbre par les relations de ses courses missionnaires aux Antilles et en Amérique, et qui nous a laissé, sur son passage ici, de plaisantes remarques.

A la fin du même siècle, Me Rouzaud nous fit suivre depuis Montpellier jusqu'à notre ville où elle la quitta pour le coche d'eau, la chaise de poste d'une Anglaise dont il connait les bagnges, la suite, l'hôtel où elle descendit, les dépenses et les promenades durant son séjour.

La spirituelle et charmante causerie de M. Rouzaud ressuscita sur pièces, de piquants détails de la vie biterroise du XVIIIe siècle. Alléché par cet aperçu, nous ne pouvons qu'encourager notre confrère à continuer ses sondages pour nous en donner avec autant d'art et d'agrément, les amusants résultats.

M. Magrou, prit contact avec notre Compagnie et la séduisit aussitôt par une causerie pleine de charme où il se livrait à des réflexions sur l'Art et la Beauté, fruits d'une vie d'artiste qui leur a été consacrée. Sur sa conception du Beau, sur la mission et le but de


l'Art, et aussi sur maints détails techniques ignorés de qui n'a pas manié la glaise ou l'ébauchoir, notre confrère nous prodigua de pertinentes remarques dans le plus élégant des styles ; il nous prouva que sa plume vaut son ciseau.

Enfin, pour sa part contributive aux travaux de la Société, son Président qui ne sait pratiquer de fouilles que dans les livres, lut un soir une étude publiée autrefois par lui dans l' « Opinion », et à qui le hasard d'une commémoration littéraire avait redonné soudain quelque actualité. La célébration à Aiguesmortes, du cinquantenaire du « Jardin de Bérénice », le juvénile et célèbre essai de Maurice Barrés, lui rappela qu'il avait eu jadis la surprise de découvrir dans le lyrique tissu de ces pages du plus somptueux des styles, quelques fragments curieusement arrachés à un honnête ouvrage documentaire de M. Charles Lenthéric « les Villes Mortes du Golfe du Lyon ». M.

Barrés, avec l'audacieuse gaminerie du génie, a emprunté à cet estimable ingénieur hydrographe quelques traits mémorables du « Jardin », et de plus, l'a transformé en déguisant à peine son nom, en personnage-plastron, un tantinet ridicule, « l'Adversaire » de son roman idéologique. En guise de contribution à ce cinquantenaire, il nous a paru amusant de rappeler cette petite découverte d'histoire littéraire et de faire une sorte de réparation à « l'Adversaire ». Ceci, bien entendu, dans le plus pur esprit de vénération barrésienne et de déférente ironie, en nous défendant du moindre soupçon d'impiété envers la mémoire du grand écrivain, en qui nous avons toujours salué notre maître.

Notre Société, vous disais-je, a voulu, en outre, se tracer un plan de travaux futurs. Trop ambitieusement peut-être, mais excitée par l'ardeur de quelques-uns de ses jeunes membres, elle a envisagé quelques projets de fouilles au cœur même de notre ville. Elle ne pense à rien de moins qu'a sonder l'emplacement de ce qu'on nomme abusivement les anciennes arènes, et qui était sans doute le théâtre romain adossé, comme celui d'Orange ou de Vaison, à la colline qui porte aujourd'hui, le quartier de St-Jacques. L'entreprise, vous vous en doutez, rencontre bien des difficultés, et ce serait déjà un résultat appréciable que de réussir seulement à la mettre en train.

De même, songeons-nous, à remettre au jour, l'ancien cimetière wisigothique, entrevu, il y a quelques années, lors de la construction du bâtiment central des téléphones.

Dans l'élaboration de ces aventureux projets, nous avons été heureux de trouver auprès de M. le Maire de Béziers (qu'il veuille bien accepter le témoignage public de notre reconnaissance), la plus intelligente compréhension et un généreux appui. Il sait que la Société


Archéologique, sur des terrains différents, ne demande qu'à travailler, d'un même effort désintéressé avec la Municipalité, au service et pour le renom de notre antique et toujours jeune Cité.

Les autres marques de l'activité de notre Compagnie on peut les apercevoir enfin dans deux volumes imprimés parus, au cours de cette année.

Les « Pages d'Histoire Biterroise » de M. Ros sont sorties à leur heure, avec une exactitude et une perfection de forme qui font doublement honneur à l'intelligent dévouement de leur éditeur, M. André Clareton. Elles ont obtenu aussitôt, le large succès qu'elles méritaient. Puisque c'est pour une part, l'œuvre collective de notre Société, elle peut, se réjouir, avec l'auteur et l'éditeur de cette heureuse éclosion. L'histoire de Béziers s'offre désormais sous un aspect agréable et commode à tout esprit simplement curieux de quelques clartés sur notre passé. Autant qu'une chronique, ce livre est une sorte d'album et de guide à travers les rues et les siècles de Béziers. Dans l'histoire de la Société Archéologique, sa parution mérite de compter avec honneur à l'égal de celle du Brèviari d'Amor ou du Théâtre de Béziers.

Notre Bulletin a eu une gestation plus longue, et nous déplorons vivement un tel retard. Les difficultés matérielles des temps et l'ampleur de ce fascicule en sont l'explication et l'excuse. A l'heure où l'édition est restreinte par tant d'obstacles, nous pouvons, tout de même, nous flatter d'avoir pu mettre en forme un semblable volume, non indigne de tous ses devanciers.

On aura, en l'ouvrant, une des raisons de son importance. Il comporte toute une partie consacrée à notre visite en corps à Agde.

De cette intéressante visite, de la cordiale réception qui nous fut faite au Musée, dans ce charmant foyer, ce « fougau » de vie agathoise, de la véritable séance académique qui nous y fut offerte, des savantes causeries que nous y entendîmes, on trouve le durable souvenir dans notre Bulletin qui en a été grossi d'une sorte d'annexe. La Société Archéologique se réjouit d'avoir pu procurer à ces remarquables communications une diffusion semblable et manifester ainsi les liens d'amitié intellectuelle qui unissent nos très antiques cités.

Ce résumé de la vie annuelle de notre Compagnie serait terminé s'il ne me restait à vous parler d'une de nos préoccupations, sinon de nos occupations principales, au cours des mois écoulés. Mais cet exposé qu'il me reste à faire, a pris, par la nature même du sujet, un tel développement indépendant que je craindrais de lasser votre attention, en vous le donnant aussitôt.

Vous me permettrez donc de couper ce discours d'une interrup-


tion et d'un repos, avant d'aborder ce que je crois la partie essentielle de ma tâche.

Après une pause que remplit agréablement l'exécution au piano, violon et violoncelle du « Largo » de la sonate en sol mineur de Masciti par M. le Dr Tailhefer, violoncelliste réputé, M. Niel, le violoniste amateur si connu, et M Fouquet, Professeur à l'Ecole de Musique, diplômé de l'Ecole Niedermeyer, tous trois membres de la Société Archéologique, Monsieur le Président reprend la seconde partie de son discours, consacrée à « la Défense et Illustration de la statue de Paul-Riquet, par David-d'Angers" MESDAMES, MESSIEURS,

Cet exposé serait incomplet, si je ne vous entretenais d'une question qui a préoccupé, au cours de cette année, l'esprit de tout bon biterrois aimant sa ville, mais qui devait bien davantage inquiéter la Société Archéologique et la forcer à rompre aujourd'hui le silence. Je veux parler de la statue de Paul-Riquet et de l'incroyable menace de son enlèvement et de sa fonte.

« Di, consulesque avertant ! » — L'émotion profonde, la stupeur causées par cette menace, les soins diligents de la municipalité, joints à l'action spontanée de quelques-uns de nos concitoyens avertis (1), semblent pour l'instant avoir détourné le danger, et nous connaissons les méritoires efforts de nos édiles pour l'écarter définitivement.

Mais il n'est pas inutile peut-être, et il est hautement convenable d'apporter le concours de la Société Archéologique, à la défense de cet insigne joyau de notre patrimoine municipal. C'est un peu son propre bien qu'elle défend dans cette magnifique statue ; davantage, c'est son héritage moral, un de ses plus beaux titres à la reconnaissance de ses concitoyens, c'est le legs, la volonté et l'esprit même de ses fondateurs, et avec eux de tout ce Béziers d'il y a cent ans qui, sous leur impulsion, peuple et bourgeois, d'un seul cœur, voulut et dressa ce témoignage de mugnificente fierté et de piété civique.

D'autres statues, ailleurs, peuvent n'être qu'images inertes issues d'administratives commémorations, et n'avoir pour les défendre d'une mesure d'utilité publique ni beauté propre, ni racines profondes dans le sol où elles se dressent. Leur sacrifice ne fait qu'un médiocre vide. Notre Paul-Riquet, lui, suscité par l'âme de toute une ville, notre fier bronze davidien, est protégé et ennobli par tous les titres de

(f) Au premier rang desquels le Conservateur de notre Musée, M. Félix Cambon.


l'histoire et du sentiment populaire, par tous les droits indiscutables de la beauté. Sa disparition serait une mutilation cruelle sur le visage séculaire de notre cité et dans l'invisible trésor de sa mémoire tt de ses sentiments. Elle mutilerait, elle appauvrirait par surcroit d'un chef-d'œuvre le patrimoine de l'art français tout entier.

Ce faisceau de raisons morales, historiques et esthétiques qui doit garder à jamais à Béziers, sa statue, il nous appartient comme un devoir de notre charge, d'en rassembler devant vous quelques traits décisifs.

Nous ne referons pas l'histoire de ce monument. Elle a été faite au lendemain de son érection, par les soins de notre Compagnie, avec une pieuse précision, dans une rare brochure. Mais il ne sera peut-être pas inutile d'en raviver les grandes lignes significatives, celles qui montrent de quel unanime désir naquit cette statue.

A peine fondée, dès 1835, la Société Archéologique en forma le projet. Une souscription publique fut ouverte par elle, qui devait associer à cette initiative toute la population biterroise, et faire appel au dehors à tous les hommes que leur célébrité indiquait. Parmi ceux qui y répondirent de loin, citons M. de Villèle, MM. Dupin, Guizot, Flourens, Arago, Viennet, Soumet et Chateaubriand.

On nous permettra de lire le billet, d'une orgueilleuse modestie, par lequel ce dernier venait nous offrir le « denier du poète ».

« M. le Président, écrivait-il, mon nom n'a pas grande valeur, et a ma bourse encore moins. Quoi qu'il en soit, l'un et l'autre sont bien « à votre service. Je me reconnais donc votre débiteur pour une 1 « somme de vingt francs. Je vous remercie, Monsieur, d'avoir bien « voulu songer à moi ». — Chateaubriand.

Mais plus que ces illustres adhésions, il est touchant de parcourir la longue liste locale où voisinent les noms. dont beaucoup sont encore vivants, de nobles, de bourgeois et d'artisans, de relever, à côté de la souscription des riches et des nobles, de l'offrande généreuse des prêtres, des magistrats, des médecins, des avocats, des notaires, des négociants, la touchante obole, les cinquante centimes précieux, du menuisier, du tonnelier, du vannier, du maréchal, du cordonnier, du plâtrier ou de l'éclusier.

La Société Archéologique souscrivit pour une somme de mille francs. Le Conseil Municipal vota six mille francs, et le Conseil Général cinq mille.

Ce concours unanime de tout un pays en un geste de vénération animera jusqu'au bout l'histoire de cette statue. Il fait à son airain un incomparable alliage et le scelle d'un indestructible ciment dans le sol biterrois. Il n'est pas dans mon dessein, je le répète, de rappeler toutes les


péripéties de cette érection. Mais le choix du sculpteur mérite de nous arrêter.

La Société Archéologique sagement renonça à un concours pour choisir directement un grand artiste. « Le nom de M. David..d'Angers, dit un chroniqueur, sortit de toutes les bouches ». Au fond de notre lointaine province où les nouvelles des arts ne parvenaient alors que lentement, une telle décision honore nos prédécesseurs.

Le sculpteur, en pleine mâtuiité, voyait en effet, monter rapidement sa renommée. Mais il commençait seulement la mission que lui assignait superbement son ami Hugo : « Va ! que nos villes soient remplies « De tes colosses radieux 1 »

Il était l'auteur de la statue du roi René, à Aix, de Fénelon, à Cambrai, de Racine, à la Ferté-Milon, du monument d'un héros vendéen, Bonchamp, et de celui d'un illustre libéral, le Général Foy, au Père-Lachaise. Il venait de modeler. à Weimar le visage olympien et le buste colossal de Goethe ; il venait de livrer enfin à Rouen, la statue en bronze de Corneille.

Par l'intermédiaire d'un ancien magistrat à la Cour de Montpellier, notre Société obtint de la Société d'Emulation de Rouen les renseignements les plus complets et les plus précis (1). Celle-ci la fit profiter de son expérience. Elle n'avait traité, à tort, écrivait-elle, avec M. David que pour le modèle, dont le prix avait été réduit volontairement par J'artisté de trois mille francs, sur le prix ordinaire ; il avait voulu, disait-il, contribuer pour sa part, à la souscription.

Ce désintéressement magnanime, le sculpteur le manifestera avec une égale générosité à l'égard de notre ville. Il traita non seulement eur le modèle, mais pour la fonte, et accepta de livrer la statue de Paul-Riquet prête à être posée. Je crois devoir vous lire, dans leur naïve grandeur,,, les deux lettres échangées entre le Président de la Société Archéologique et lui. Ce sont deux documents qui donnent la qualité morale des esprits de ce temps : ils ajoutent à tout ce qu'on sait du noble caractère de David.

Le 11 Avril 1836, M. Jacques Azaïs, après avoir fait connaître à M. David, les propositions de la Scciété et les médiocres ressources de la souscription, ajoutait :

« Ce qui nous importerait bien, ce serait que votre patriotisme et « votre amour pour le arts vous déterminassent à vous contenter « pour la contection de la statue, tout compris, de trente-deux, et au

(r) Séances de la Société Archéologique du 10 Avril et du Zer Mai 1836.


« plus de trente-trois mille francs. Nous aurons à faire charrier la « statue à Béziers, plus à faire un piédestaL.

« Je sais bien, d'après ce qu'a coûté la statue de Pierre Corneille, « qu'en vous chargeant de faire celle de Riquet à si bas prix, vous « travaillerez plus pour la gloire que pour le gain, mais nous ne som« mes pas riches et vous ferez à la fois, une belle et bonne action ».

Le 22 du même mois, David répondait : t « M. le Président. — Toutes les croyances de ma vie d'artiste on « été vouées à la représentation des hommes dont le génie a été utile « à leur pays. Jugez si j'accepte de grand cœur l'honorable mission « dont la Société Archéologique de Béziers veut bien me charger.

« Vous avez bien raison de penser que mon patriotisme et mon « amour des arts me feraient mettre de côté toute idée d'intérêt pécu(( niaire. D'après l'exposé que vous avez bien voulu me faire du mon« tant de la souscription, j'accepte l'offre que vous me faites de la « somme de trente-deux mille francs pour l'érection en bronze de la « statue de Paul-Riquet, dont la proportion sera de douze pieds, y « compris sa plinthe ; les frais d'encaissage et de transport n'étant « point à ma charge.

« J'ai l'honneur d'être. ». DAVID.

Dans la séance du 1er Mai 1836, le Président donne lecture à la Société de ces deux lettres, et celle-ci prend à l'unanimité la résolution dont vous me permettrez de vous lire encore quelques attendus : « Attendu que le désintéressement de M. David est au niveau de son talent, et que la confection de la statue de Paul-Riquet ne peut être confiée à de plus dignes mains, Attendu que la ville de Béziers ne possédant encore aucun monument, il importe que celui qui va y être élevé soit l'ouvrage d'un grand artiste. etc.

A accepté la proposition faite par le Président à M. David, et l'acceptation généreuse que M. David en a faite ».

Dès l'origine, on peut en juger, ce ne fut pas une commande officielle banalement passée à un artiste indifférent. Une sorte de confiance, un lien de sympatbie s'établit entre les représentants de Béziers et l'homme de génie à qui ils confiaient d'enthousiasme, le soin de glorifier son plus illustre fils.

Avec un dévouement actif, David s'occupa de son œuvre. La première pierre en était posée le 20 Septembre 1836.

Le 4 Novembre, il nous écrivait pour demander un plan de la place sur laquelle devait s'élever le monument et promettait l'envo


d'une esquisse de la statue et du piédestal. Celui-ci, sur sa demande, fut dessiné par Achille Leclerc, architecte, membre de l'Institut, élève de Percier, qui avait été déjà son collaborateur au tombeau de Bonchamp. Dans la séance du 24 Mai, on pouvait admirer le modèle en plâtre envoyé par David. Une maladie du sculpteur dont il nous fit part en s'excusant retarda de quelques mois l'inauguration.

Il avait traité de la fonte avec MM. Soyer et Hinger pour un prix de vingt-neuf mille francs. Excusez ces chiffres, ils ont leur signification. Ecoutez ceux-ci relevés dans nos comptes :

A M. David, statuaire, pour la statue. 32.000 fr.

A M. Jean Bart, voiturier, pour le port. 1.500 fr.

le reste du produit de la souscription s'élevant au total de cinquante mille francs couvrit les autres frais (socle, grille, travaux et cérémonies).

Ainsi donc, le maître statuaire, l'artiste glorieux, se contente pour sa part, de la somme plus que modique de trois mille francs ! Ne vous semble-t-il pas qu'une telle générosité augmente d'une inestimable valeur de sentiment le prix de sa statue et lui confère, par dessus .< sa beauté artistique, une sorte de noblesse morale, qui devrait nous la rendre sacrée ?

L'opération de la fonte s'accomplit avec un entier succès. David en écrivit à notre Président et lui indiqua en même temps, obligeamment les moyens d'assurer le transport.

La statue partit de Paris le 15 Septembre. MM. Flourens et Arago de l'Institut, et M. le. Duc de Caraman, présidaient à son départ; assez beau parrainage qui témoigne du cas que l'on fait déjà de notre œuvre. Elle arriva à Béziers le 8 Octobre ; mise en place aussitôt, elle fut enfin inaugurée le 21 Octobre 1838.

Quelque attrayante qu'elle soit, je ne referai pas l'histoire des fêtes qui accompagnèrent cette inauguration, pas davantage de celles qui deux ans auparavant avaient entouré d'une semblable atmosphère la pose de la première pierre.Le Béziers de 1830, revit intensément, avec, des grâces naïves et flères, dans le récit circonstancié de ces journées, dont une lithogra- phie nous conserve encore le souvenir.

Nous n'en retiendrons que ce qui convient à notre propos. Notre statue de Paul-Riquet fut saluée, portée, dressée, par un élan spontané, l'enthousiasme joyeux de toute une population. Ellê répondait véritablement au désir populaire que l'élite intellectuelle avait su traduire et réaliser. Rare conjonction !

Ainsi que l'écrit le chroniqueur en terminant son récit : « la joie


« brillait sur toutes les physionomies, on aurait dit que chaque habi« tant de Béziers, en fêtant la mémoire du plus illustre de ses compa« triotes, célébrait sa propre fête ».

En Mai 1836, comme au mois d'Octobre 1838. qu'un même soleil printanier éclairait, ce furent des cérémonies, des cortèges, des réjouissances dans lesquels, aux plus hautes autorités religieuses, civiles et militaires (évêque, préfet, général), aux notabilités de la ville se mêlait activement tout un peuple d'artisans et de paysans.

Ne relevons qu'un trait mais hautement symbolique, de cette étroite collaboration populaire.

Le jour de la première pierre, M. Gurriet, « ouvrier en plâtre », au nom des artisans et ouvriers de la ville, et M. Bauton, cultivateur, entourés d'une délégation, prononçaient de brefs discours émouvants de sincérité. Et ils étaient, le même soir, conviés au banquet officiel.

Pour la joie de nos confrères félibres, je vais -essayer de faire entendre une des savoureuses phrases languedociennes qui donnèrent à notre statue le baptême sonore du terroir et firent, dès le premier jour, de Paul-Riquet, un héros populaire, une sorte de tutélaire bienfaiteur de nos vignes : « Naoutrés païsans s'en pas fors per blaga, mé aben l'aïnat. Sentissen for pla qué sé Moussu Riquet (daban Diou siagué !) abio pas traouquat Malpas et fax dabala las aïgos per las éclusos de Founserannos, à qui ount y a de souèados dé ta rrex, d'aramouns é dé calignanas qué faoù baba dé béiré, y aurio pas qué de mouixés, de caoussidos é dé rabusclés. N'aurian pas, pla ségu, tant de bignos a Mountimas é gastarian pla mens de ferré qu'oun né gastan.. »

Notre dialecte ne cessa pas d'être à l'honneur au cours de ces fêtes. Dans le concours de poésie, de nombreux poètes,patois, comme on disait encore, célébrèrent Riquet dans l'idiome qu'il avait parlé.

Peyrottes, le bon potier de Clermont, disait : « Se mescli à bostrès cants ma lengo maternelle, « La faguès pas rougi ; car a bressat Riquet ».

Mais si séduisante qu'en soit l'évocation nous ne saurions nous attarder à ces séances académiques, à ces harangues, à ces cortèges (on avait remonté avec le plus grand éclat celui de Caritach où à la suite du chameau reviviscent, tous les corps de métier rivalisaient d'originalité dans leurs chars), à ces combats de dragées (1), à ces banquets (2), à ces illuminations et à ces bals.

(i) « On évalue à ISO quintaux la quantité qui en fut jetée » (!)

(2) Dans la grande salle de l'Evêché, notre Société en offrit un aux descendants de Riquet, à David, à M. le Préfet. -

1


N'en retenons que le visage de fête de toute une ville, l'atmosphère il'attégresse, le climat de concorde, d'enthousiasme municipal où notre statue commença dans Béziers, son règne populaire de genius loci.

Contemplons-là seulement, un instant, au moment où le voile enlevé, elle dressa pour la première fois, son altière stature dans le ciel biterrois de ce matin radieux d'Octobre.

Au bas de la Promenade qui devait, dès ce jour, prendre le nom de Paul-Riquet, une foule immense que le cortège vient de traverser ; « les croisées, et même les toits (nous citons le chroniqueur et son « naïf enthousiasme) étaient couverts de spectateurs ; la vue du talus « de la Citadelle étaient surtout magique ; on aurait dit un amphi« théâtre romain dans un jour de grande fête o. Les corps de métiers élèvent leurs vives bannières et leurs attributs pittoresques ; et sur le Fer-à-Cheval, étincelle le quatrième régiment de dragons rangé en bataille. Les sonneries des cloches, et les salves d'artillerie, les musiques militaires, les fifres et les tambourins des treilleurs, les acclamations et les chansons agitent l'air, quand sous la voûte fleurie des treilleuses, le cortège pénètre dans l'enceinte. On enlève le voile.

Citons encore notre témoin : « un immense cri d'enthousiasme salue l'image de Riquet ». Plus éloquent que tous les discours, ce cri était une consécration.

Que les paroles prononcées en ce moment, par notre Président, M. Jacques Azaïs, retentissent encore ce soir, comme un rappel nécessaire : « Ce chef-d'œuvre qui suffirait pour immortaliser le ciseau de « David, ce monument n'appartient plus à la Société Archéologique ; « elle en abandonne, à l'instant même la propriété à ses concitoyens ; « elle souhaite qu'ils se donnent pour le conserver autant de soins « qu'elle s'en est donné pour l'ériger ».

Jamais ce solennel avertissement ne parut plus qu'aujourd'hui opportun.

De ces jours de fête, nous possédons un inestimable écho dans une lettre de David lui-même qu'il écrivait quelques jours après de Montpellier à un de ses amis d'Angers : Victor Pavie.

« J'ai quitté Béziers le 23 Octobre et fait mes adieux à mon cher « Riquet qui est là sous un beau ciel, au milieu d'une population « pleine d'enthousiasme pour les grands et nobles souvenirs. Ces « bons habitants ont fêté le sculpteur du grand homme d'une manière « presque impossible à décrire. Le peuple, qui partout a seul une « âme impressionnable, s'est chargé d'exprimer ses sentiments à ton « ami. Toutes les nuits, ils venaient sous mes croisées, chanter des


« hymnes qu'il avait composés pour moi. Et souvent, quand je pas« sais dans les rues, il tombait à mes pieds des couronnes de lauriers.

« Tous les hommes se découvraient devant moi. Ordinairement, dans « les fêtes publiques, le peuple est spectateur, là, il s'est fait acteur « Cette fête a eu un caractère original. Ce beau pays méridional est « comme une préface de l'Italie ». De la bouche d'un homme qui avait assisté à bien des inaugurations de monuments, n'avons-nous pas là une confirmation concluante de ce que nous ne devons cesser de redire : celle-ci ne fut pas une froide célébration officielle, mais l'adoption enthousiaste par tout un peuple de l'image de son héros (1).

Excusez-moi si je me complais à rassembler ainsi les titres que possède notre statue. Ce n'est pas son histoire que je raconte, mais un dossier irréfutable que je voudrais établir pour elle.

Les circonstances historiques de son érection la parent d'un tel prestige qu'il devrait à lui seul, même si elle était imparfaite, suffire à la préserver. Or, c'est ce qu'il nous reste à dire, sa haute valeur d'art, sa place éminente dans la féconde et glorieuse production d'un grand sculpteur, tels sont les droits suprêmes qui doivent rendie intangible notre image de Paul-Riquet.

Mieux que dans une froide salle de musée d'où on n'aurait jamais songé à l'arracher, sous ces vertes voûtes et au milieu de ces galeries de feuillage que sont nos Allées, dans la mouvante lumière et au cœur vivant de la cité, elle poursuit son existence de chef-d'œuvre, elle remplit pour tous, même à leur insu, et à tout instant, son office bienfaisant de beauté. Inestimable don que cette familière et incessante présence du beau, parmi nous ! on n'en saurait tout le prix que le jour où elle nous manquerait.

Quand David conçut son Paul-Riquet, il portait en même temps dans son esprit et il amenait à la vie d'un même jet, son Gütemberg, à Strasbourg, son Cuvier de Montbéliard, et son colossal fronton du Panthéon. Et après lui que d'autres effigies illustres, issues de la même main créatrice, devaient jalonner le sol des villes de France d'un peuple de demi-dieux 1 N'en citons qu'une, ce Jean-Bart que des images nous ont montré subsistant seul, à Dunkerque parmi les décombres, et dominant encore les ruines de son geste impétueux. Songera-t-on aussi à récupérer ce qui de ce bronze aura été épargné par les bombes ennemies ?

Dans ces innombrables médaillons, dans ses bustes colossaux autant que dans ses statues, morts célèbres ou renommées contempo-

(i) CC. Note in fine.


raines, que de grands visages David a marqués de son pouce dominateur 1

Sculpture romantique, dit-on parfois dédaigneusement, sans raison. Romantique, David le fut certes par tout ce qu'il partagea, dans son esprit, de bouillonnant, de pathétique, d'illusoire ou d'utopique avec ses frères de la littérature et de la poésie. Mais, dans son art, il ne suivit d'une pensée lucide et d'une volonté sévère, que les » lois immuablesde la statuaire. Echappé de l'atelier de Thorvaldsen à Rome, il s'en va à Londres étudier avidement les fragments du Parthénon. récemment rapportés par lord Elgin, et c'est en Grèce, au pied du Parthéjion, qu'il devait à la fin de sa vie, chercher un adoucissement à son exil. Il aima l'art grec, dans sa pureté, et y puisa non pas une inerte imitation à l'exemple des classiques dégénérés de son époque, mais des leçons éternelles de style pour discipliner et conte-nir sa fougueuse inspiration.

1 Il eut la volonté d'un art national ; il voulut, comme LouisPhilippe à Versailles, célébrer de son ciseau « toutes les gloires de la France» ; et cet effort du sculpteur se rattache à tout ce mouvement historique de son époque où à la suite de Thierry, de Michelet, de Guizot, de la grande publication des Mémoires inédits de l'Histoire de France, les écrivains et les peintres furent pris d'une touchante ferveur pour notre passé national. Mais dans ce dessein patriotique, David ne s'abandonna pas au pittoresque de la reconstitution, ni aux faciles amusements du costume. Il demeura sculpteur. 'On lui reconnaissait la fidélité avec laquelle il traitait cette partie de son art ; on aurait dû plutôt admirer la souveraine maîtrise avec laquelle il savait soumettre tous ces détails obligés à l'ordre et au style plastique. Taxé de froideur à une époque proche de la nôtre où le brio de l'exécution et l'agitation anti-sculpturale des lignes étaient appréciés, l'art de .David devrait être goûté aujourdhui pour tout ce qu'il contient de ramassé, de dépouillé, d'immobile et de statique, pour son sens des - plans larges et des volumes, qualités proprement plastiques, faites

pour revêtir la gràndeur de l'idée sinon la véhémence de la passion, et que l'on met de nos jours, à leur rang.

TeHes. sont les hautes beautés sculpturales que possède notre Paul-Riquet à qui nous revenons enfin..

Nous coudoyons trop fréquemment, trop familièrement, cette statue pour nous apercevoir qu'elle est grande. Regardons-la avec des yeux neufs, dans l'irrécusable évidence de ses formes, pour nous convaincre de sa souveraine majesté. Je puis appuyer ici mon admiration réfléchie de l'autorité du maître qu'est notre confrère M.

Magrou ; il partage pleinement mon opinion et sa compétence techr- -


nique vous en dirait mieux que je ne saurais le faire, les profondes raisons.

De quelque côté que l'œil l'examine, soit dans l'encadrement et la perspective des portiques de verdures qui y conduisent, soit de face, se dessinant sur le vide du ciel, soit de dos, au sommet de ravenue qu'elle domine, elle présente, sur son socle harmonieux, un équilibre aisé de lignes et de masses, un ensemble de tranquilles inflexions, de larges plans fermes d'ombre et de clartés qui proposent irrésistiblement à l'esprit, dans un haut langage plastique, l'idée de la méditation sereine et de la grandeur.

Le héros d'une époque atteint au type ; l'ingénieur du XVIIe siécle plongé dans ses calculs est devenu une sorte de souverain grave et superbe de la pensée.

Pourpoint à crevés, chausses bouffantes, bottes à entonnoir, et manteau à la cavalière, tout ce fringant équipement d'un siècle subsiste bien, mais ne distrait pas l'œil, transposé et grandi par la dignité du style, et maintenu dans les strictes lois de la statuaire.

Que l'on monte ou descende les Allées, c'est de profil que l'on considère, le plus souvent, le monument. David, spécialiste du médaillon disait : « Le profil du visage donne la réalité de la vie ».

Le visage incliné de Riquet se découpe avec une égale plénitude de vie dans les deux sens. Mais le mouvement de son manteau, prend, de tous les côtés, une surprenante variété d'expression.

Ce manteau et ses plis, son enveloppement et ses retombées fourniraient seuls une inépuisable matière à la réflexion admirative.

Ce ne sont pas les cassures et les envols tumutueux à la Bernin ; les longs plis calmes, vus de dos surtout, semblent les cannelures profondes de colonnes grandioses, la molle coulée toute unie d'une nappe liquide s'épanchant d'une écluse, et l'évasement du grand col, l'ample courbe du revers paraissent la corolle immense d'où jaillissent le buste incliné et la tête lourde de pensée.

A toutes ces lignes, la matière ajoute sa particulière beauté. Ce bronze, mieux que la pierre, garde à la pensée du sculpteur une fluidité, une ductilité, qui n'en diminuent pas la mâle vigueur. De la morsure de notre soleil, de la rude caresse de nos vents, depuis tant de saisons, ce sombre et vert métal a reçu une patine, des nuances qui lui impriment les marques mêmes de la vie. Aux verdures mouvantes des platanes aussi bien qu'aux ors des feuillages d'automne, il accorde sa tache forte et grave ; il oppose à tout ce bruissant désordre végétal la stable masse d'une noble pensée ordonnée.

Pardonnez à l'intempérance de mon admiration. En soulignant

,


les beautés de notre statue, même si je parais lui tresser un poëme, c'est un plaidoyer que je lui compose que j'espère victorieux.

L'avocat antique, plaidant pour Phryné, imagina pour achever de convaincre ses juges de leur dévoiler les formes de sa cliente. Je ne crois pas pouvoir mieux faire, en faveur de l'œuvre de David-d'Angers que de mettre au jour, débarrassé de tous les voiles de l'habitude, la splendeur convaincante de sa virile beauté.

Pour sa gloirè et sa sauvegarde, tendons-lui comme une palme une strophe des deux gerbes (des deux poèmes) dont Victor-Hugo combla, avec une prodigue magnificence, son ami, le statuaire David.

« Tu es (lui disait-il), « G pètrisseur de bronze, ô mouleur de pensée ! »

« De ces hommes dont les statues, Du flot du temps toujours battues, D'un tel signe sont revêtues Que si le hasard les abat, S'il les détrône de leur sphère, Du bronze auguste, il ne peut faire Que des cloches pour la prière « Ou des canons pour le combat ».

Cloche ou canon, aurait-on, pour abattre notre statue un destin aussi noble à lui offrir ! Car, el,le est, sans conteste, sacrée du signe auguste dont parle le poète..

Plus que bien de vieux édifices vénérables et croulants, elle est, dans sa jeunesse séculaire, un « monument historique » et comme tel, mérite d'être à jamais classée.

Autant que n'importe quelle œuvreabritée dans la pénombre d'un musée, elle resplendit, en pleine lumière, de la dignité infrangible du beau.

Issue de la volonté généreuse de toute une population, enveloppée pendant un siècle, des regards complaisants, de l'amour déférent et familier de toute une ville, animée de la palpitation et du rythme quotidien de sa vie, témoin et participant de ses réjouissances et de ses fastes, notre Paul-Riquet (confondons volontiers le héros et son image), est mieux qu'un monument, c'est une partie intégrante, inséparable du visage et de l'âme de Béziers.

Ce bronze est plus vivant, il mène parmi nous, une existence plus efficace que nombre des éphémères passants qui frôlent son piédestal.

Qu'il poursuive donc, pendant des siècles encore, son règne héroïque, son rôle tutélaire, à ce carrefour magnifique, au cœur feuillu de nos Allées ! Génie de la cité, qu'il en incarne superbement


la mémoire pour le passant distrait ! Qu'il continue à regarder immuable sur son socle, le flot successif des générations mortelles à ses pieds, et qu'il leur donne, comme un jeune prince magnanime et pensif, une permanente leçon de dignité et de grandeur !

La Société Archéologique n'a fait qu'obéir au vœu de ses fondateurs en défendant la « chose de beauté et de vénération » qu'ils avaient léguée à leur ville. Béziers, tout entier, en connaissant mieux le prix, voudra la garder jalousement, non comme un vain décor, mais ainsi qu'une vivante et inestimable relique de son historique héritage.

L'assistance toute entière prouve par ses applaudissements les plus ardents qu'elle est de tout cœur avec la Société Archéologique quand il s'agit de sauvegarder le Bronze magistral que David d'Angers a consacré au génial P.-P.-Riquet.

M. le DrTailhefer, M. Niel et M. Fouquet terminent la Sonate de Masciti par l'Allégro, l'Allemande et la Gigue.

M. R. Ros, Secrétaire, présente alors son Rapport sur les Concours de Mémoires historiques.

a) Le sculpteur acclamé durant ces jours à Béziers devait garder de notre ville un durable souvenir.

Par modestie, Il n'avait pas assisté à la séance de la Société Archéolllgique où l'on CI uronnait les pièces du concours qui célébrait son œuvre, mais il acceptait la proposition qui lui fut faite à cette occasion de sculpter le buste du P. Vauière, l'auteur, alors moins oublié qu'aujourd'hui du « Prœdium Rusticum ».

11 nous envoyait aimablement la lithographie de son fronton du Panthéou, contemporain de notre Riquet.

Il modelait, quelques années après, les délicats bas-reliefs et les médaillons qui ornent la façade de notre Théâtre, et dont on ne parait pas assez sentir ici, la très originale valeur. L'artiste devait les estimer particulièrement puisqu'il en a donné les plâtres au Musée d'Angers sa ville natale, et en parle avec prédilection dans. sa correspondance.

Enfin, nous avons découvert, dans notre Bibliothèque municipale, un tardif témoignage de la place que Béziers avait conservée auprès de Davidd'Angers. Ce sont les lettres à son ami Louis Dup é, publiées par son fils Robert David, en 1891, longtemps après la mort du sculpteur, et qu'il avait envoyées à M. Alphonse Mas, Maire de Béziers, et dédicacées en mémoire des liens qui unissaient son père à notre ville.

Jetons ces notules, comme un bouquet de fleurettes, au pied de la grande statue.


RAPPORT

SUR LE -

Concours des Mémoires - Historiques BIOGRAPHIQUES, ARCHÉOLOGIQUESPar M. Raymond ROS, Secrétaire

MONSIEUR LE SOUS-PRÉFET, MESDAMES, - MESDEMOISELLES, MESSIEURS,

La Société Archéologique ouvrit voici bientôt cent ans, le premier de ses Concours sur les Mémoires historiques Le 16 Mai 1844 au cours de la Séance publique de Distribution des Prix, Boudard, son Secrétaire Général, pouvait définir le rôle de notre Compagnie en ces termes : (1)

« Sans doute, disait-il, il n'appartient qu'aux hommes supérieurs * de se placer sur les hauteurs de la science, d'embrasser d'un vaste -coup d'œil les phases diverses de l'histoire de l'Humanité ou par une œuvre qui excite notre admiration de recomposer entièrement un peuple, une race, un des empires engloutis par un autre empire et frappés de mort par la conquête. Cependant au-dessous de ces travaux qui sont la gloire de leur auteur et qui contribuent à celle d'une nation, il en est de plus obscurs dont l'utilité ne saurait être contestée ; ce sont les recherches de l'érudition patiente et qui ne se lasse point ; ce sont les publications des vieilles chroniques, l'exhumation des documens ignorés ; ce sont les études consciencieuses sur la langue, les mœurs, les coutumes, la religion des ancêtres, sur les traditions nationales.

Ces matériaux serviront un jour, n'en doutons point, à l'écrivain qui saura les réunir en faisceau, en faire jaillir des rayons lumineux et jeter un éclat inattendu sur l'histoire de ceux qui nous ont précédés sur le sol natal ».

Tel est le but modeste, mais patriotique que nous nous sommes proposé.

(i) Concours de 1844. Premier des Concours historiques. Séance publique du 16 Mai 1844, page 18.


Tel est le but que de génération, en génération, les membres de la Société Archéologique se sont imposé, en maintenant le Concours des Mémoires historiques. C'est donc avec la plus vive satisfaction que nous avons reçu cette année de nombreux Mémoires.

M. le Lieutenant Michel Martinez, nous a adressé de Toulon :

1° Un Mémoire sur une pétition des Négociants d'Agde (d'après les archives de la IIIe Région Marilime) (Port de Toulon).

Par cette pétition, lesdits négociants réclament contre l'exception faite en faveur du port de La Nouvelle, de l'obligation de ne point naviguer sans escorte (Mai-Juin 1806).

Cette supplique traduit déjà le trouble, le marasme déclinant du port d'Agde. Des ports voisins : Sète, La Nouvelle, deviennent, dès la fin du XVIIIe siècle,, non seulement des concurrents mais des rivaux fort redoutables.

Le texte de la pétition, modèle de précision, de sobriété, de clarté prouve que si les négociants d'Agde réclament avec insistance, ils ne manquent point de noblesse et de dignité.

2° Etude d'un Plan d'Application des Compois sur toutes les maisons de Nissan.

Avec un soin tout particulier l'auteur étudie minutieusement ce plan du XVIIIe siècle.

Il en profite pour faire une rapide étude des principaux monuments de Nissan, des noms de famille subsistants ou disparus, des diverses professions du moment, des termes locaux, etc.

Cette solide étude est enrichie de relevés du plan et de plans annexes, précieux pour l'histoire locale.

La date de ce plan d'application est incertaine, celle de la transcription du compois (coté C.C. 4) est 1758.

Notons en passant que nous avons pu sauver d'une destruction certaine un plan parcellaire semblable, dans l'une des communes du département. Ce plan portait la date de 1768. Celui de Béziers fut exécuté en 1780, un travail similaire a très bien pu être établi vers la même époque pour les plans parcellaires comme il en sera établi un pour les plans cadastraux sous le premier Empire, en vertu de l'article 52 de la loi du 16 Septembre 1807.

3° Une étude historique sur les limites du territoire de la commune de Nissan.


Ce travail est relatif aux limites établies en 1809 et autorisées en 1810 par le Préfet Nougaret, Préfet dont nous retrouvons la signature sur bon nombre de cadastres des communes de l'Hérault.

Le document essentiel est le procès-verbal de délimitation de la commune de Nissan établi en accord avec les communes de Colombiers, Poilhes, Montels, Coursan, Salles, Lespignan.

Il est suivi de la division de la commune en dix sections, travail dressé par le sieur Boudon de Laroquette, géomètre de lre classe chargé du parcellaire de ladite commune le 30 Mars 1809.

4° Un Mémoire historique concernant le - Service de la Chaloupe destinée à la relève de la garde placée dans les tours défendant l'entrée de la petite rade de Toulon, suivi des documents inédits tirés des archives communales de la ville de Toulon (1719-1760).

En 1722, Monsieur le Marquis Louis de Brancas (de Forcalquier, Marquis de Céreste), Lieutenant pour le Roy en Provence jugea à propos de placer à la Chaîne vieille, une garde composée de soldats de la garnison : ce poste qui ne tient au continent de la place que par le Quai de l'Arsenal ne permettant pas qu'on y parvienne d'ailleurs, si ce n'est par la voie de la mer, exigeait l'établissement d'un bateau.

Les administrateurs de la Communauté de Toulon traitèrent avec un aide-major et parvinrent à lui faire agréer de se charger de cette fourniture moyennant 150 livres « que la Communauté a payée depuis lors et que la Provence luy a remboursée annuellement », Le 18 Avril 1760 un Concordat fut passé entre la Communauté de Toulon et MMri les Majors de la Place pour la fourniture du bateau qui sert à la garde de la Chaîne vieille du port moyennant la redevance annuelle de 300 livres.

5. Les Gardes-Côtes de Provence.

Ce Mémoire est de beaucoup le plus important. M. Martinez nous avait, l'an dernier, adressé un travail sur les Gardes-Côtes du Rous- sillon. Un long séjour à Perpignan lui avait permis de recueillir des documents précieux pour l'histoire des Gardes-Côtes sur cette partie du littoral méditerranéen.

En garnison à Toulon, au service de la Grande Patrie, Monsieur le Lieutenant Martinez n'a pas oublié sa Petite Patrie et il a pu recueillir à Toulon les documents si nombreux et si intéressants qu'il a groupés dans le Mémoire qui nous occupe.

Ce Mémoire comprend trois parties d'intérêt inégal. Dès le début l'auteur nous prévient

« Qu'il ne s'agit point, pour lui, de présenter une étude complète


et définitive sur la défense des côtes de la Provence aux XVIIe et XVIIIe siècles. Son but a été d'assembler et d'analyser des documents inédits présentant un grand intérêt pour l'histoire maritime et militaire de la Provence.

Le chapitre 1 de la lre partie traite de la protection des Côtes de Provence au Moyen-Age et au début des Temps modernes, depuis l'ordonnance du Sénéchal Richard Gambatezza (1302) fixant les emplacements des feux, la forme des signaux et leur attribuant des significations précises et constantes.

Le roi René désigna des caravelles qui participaient avec leurs équipages à la surveillance du littoral méditerranéen ; le port d'attache de ces navires était à Marseille mais cette organisation cessa à la mort du roi René.

Seul le service de guet subsista Au cours du chapitre II nous constatons que sous le Roi Soleil l'organisation garde-côte devient permanente et cohérente.

Dans le chapitre III l'auteur nous montre comment le grand Colbert sut établir cette organisation permanente du service. L'ordonnance d'août 1681 fixe les devoirs des officiers garde-côtes et constitue les Capitaineries garde-côtes. Les paroisses riveraines ou voisines de la mer devaient être groupées sous le commandement et l'inspection des Capitaines garde-côtes.

Tous les habitants devaient recevoir des armes.

En Provence les règlements du 23 Novembre 1701 et du 28 Juin 1716 complétèrent cette organisation.

Le chapitre IV est consacré à l'étude des Capitaineries gardecôtes de Provence sous Louis XV. Elles fonctionnèrent régulièrement à partir de 1723.

Les 13 et 23 Avril, par ordonnances, les côtes provençales furent divisées en 9 capitaineries, Arles, les Martigues, Marseille, la Ciotat, Toulon, Hyères, St-Tropez, Fréjus, Antibes.

L'ordonnance du 27 Avril 1746 réorganisa les garde-côtes de Provence : l'effectif fut fixé à 2000 hommes, 3 bataillons de 600 hommes à Marseille, Toulon, Antibes et un détachement de 200 hommes aux Martigues.

Les bataillons ont 12 compagnies de 50 hommes, le détachement en a 4.

Chaque compagnie avait à sa tête un Commandant, un Major, un Aide-Major.

Le détachement était commandé par un Major.

Chaque année il y avait deux revues générales et dix revues particulières par compagnie.

Cette organisation dura pendant 32 ans.


Dans le chapitre V nous voyons comment elle fut complètement transformée par l'ordonnance du 13 Décembre 1778 portant création des canonniers garde-côtes tirés au sort parmi les hommes valides de 18 à 45 ans groupés en compagnies de 50 hommes et servant pendant 5 ans.

Les hommes valides non enrôlés formaient les compagnies postiches ou compagnies de guet.

L'ordonnance de 1778 supprima les bataillons et les remplaça par des divisions de 4 ôu 5 compagnies de canonniers, commandées par le capitaine de l'une des compagnies qui prenait le titre de Chef de Division. Il y en avait 5 : les Martigues, Marseille, la Ciotat, Hyères, Antibes. - v Le Languedoc et la Provence formaient l'Inspection générale garde-côtes dont le chef lieu était Montpellier.

Les dépenses étaient supportées par les Communautés de la zone côlière (7 à 10 livres par canonnier fourni).

Le chapitre VI est réservé à l'historique des signaux, vigies, redoutes et batteries de la côte de Provence.

Il est suivi à titre dé comparaison du détail de la ligne sémaphorique des côtes françaises de la Méditerranée à partir de 1806.

Des cartes sur lesquelles l'auteur a noté les capitaineries, postes de guet, vigies, signaux, complètent cette première partie.

Dans la deuxième partie, que l'auteur a eu l'idée de composer avec des documents provenant -des archives de Toulon : commissions, nominations, emplois, ordres divers-concernant les officiers garde-côtes de Provence, règlements pour le service, nous pouvons relever des noms cèlèbres comme celui du Vice-Amiral Cointe Jean d'Estrées, ou celui du Comte de Grignan (ce même François de Castellane Adhémar de Monteil, lieutenant général en Provence, qui sauva Toulon menacé par le Duc de Savoie

et le Prince Eugène en 1707 et qui avait épousé en 1669, la fille de Mme de Sévigné.

De tels noms auraient peut-être mérité que l'auteur s'y arrêtât pour préciser et leur rôle et leurs actions d'éclat.

La troisième partie (que nous ne séparerions pas de la seconde), contient avec une scrupuleuse précision le relevé des sources consultées.

L'auteur a réuni, après bien des recherches, une documentation abondante. Il faut le féliciter de sa patience et de sa ténacité d'archiyiste. Les matériaux accumulés sont précieux.


Suivant les conseils de l'un de nos premiers rapporteurs, il a su se contenter du « rôle d'ouvrier ; sa tâche a consisté à rassembler des matériaux ; il l'a faite sans bruit, sans éclat comme il convient à des travaux modestes », mais nous trouvons en lui la certitude qu'il parviendra bientôt à produire le pur « chef-d'œuvre » qui lui conférera la maîtrise.

Aussi le Jury des Concours des Mémoires historiques lui a-t-il décerné, avec le plus grand plaisir, un Diplôme de Médaille de Vermeil.

Monsieur le Lieutenant Martinez qui nous avait déjà donné des documents précieux sur l'histoire des gardes-côtes du Roussillon vient d'y ajouter les documents sur l'histoire dés gardes-côtes de Provence, il ne lui restera plus, dirigeant ses recherches vers le Languedoc, qu'à grouper l'ensemble de ses travaux pour en faire une étude générale des gardes-côtes de la Méditerranée et briguer la Couronne, suprême récompense de la Société Archéologique.

Un Cournalin d'adoption nous a fait parvenir une Monographie de la commune de Cournonterral (Hérault).

Cournonterral est ce coquet village construit non loin du Coula- zou, juste au point où cette rivière pénètre dans la riche plaine de Launac, au croisement des routes qui vont de Montpellier à Montagnac et de Vic-Ia-Gardiole à Gignac.

Le plan de cette étude est parfaitement établi : la Géographie physique, la Géologie (d'après le savant de Rouville, doyen de la Faculté des Sciences de Montpellier, auteur de la Carte géologique du département de l'Hérault).

Notons ici que les travaux récents de M. Dreyfus sur le pli de Montpellier auraient permis à l'auteur des précisions utiles et plus modernes dans cette étude.

l'Hydrographie, ,- la Flore, la Faune, * la Géographie économique y ont leur place.

L'auteur y fait une étude sommaire des voies anciennes et en particulier de la Grande Voie romaine : il aurait pu insister sur ce point et situer les découvertes de sépultures faites en face de la gare de l'Intérêt local.

Cournonterral avait trois foires qui furent établies par François Ier (Lettres patentes de Juillet 1521); elles avaient lieu le 1er Mai, le 14 Septembre, le 21 Décembre.

(i) M. Granal. Séance publique du i" Mai 1845, p. 16;


Un marché s'y tenait le mardi de chaque semaine.

Ces foires et ce marché furent confirmés par lettres patentes de Charles IX en Janvier 1560.Le texte de ces lettres existe dans les archives de Cournonterral et nous aurions voulu en trouver copie au cours du travail.

Mais ces foires et marché se sont perdus et la fête locale a lieu le 14 Novembre.

L'auteur en arrive enfin à la partie purement historique de - ses recherches et relate la légende des origines de Cournonterral. Annibal allant d'Espagne en Italie et se trouvant à proximité du village fut invité à s'arrêter. Il aurait répondue Curnon ». Pourquoi pas !

De cette réponse seraiènt venus les noms des deux centres de populations sur l'emplacement desquels aurait campé le grand Africain. - -

Qu'il nous soit permis de signaler ici les beaux vers que le grand poète languedocien Bastide de Clausel, félibre de l'Oulieu, écrivit en 1887 sur ce thème et que nous avons pu retrouver dans les archives de la Société : Quand sus lou soù de ma Patria Lou Cartaginès Annibal -

Anant d'Espagna en Italia, Campèt sas troupas dins lou val Lou viel decan de moun vilage l'offriguèt l'aiga dau Teroun.

Lou general, en ome sage Dabant la Font diguet : Cur non ?

General i respond lou viel � Cournon vieura tant que lou ciel ! (1) La tradition ne rapporte-t-elle pas aussi que le Général ayant demandé au plus vieil habitant de laisser boire à la fontaine du Théron, toutes les troupes, le vieillard aurait répondu en languedocien : Cour ? Non 1 c'est-à-dire de l'eau sérions-nous courts ? Non.

D'où le mot Cournou - Cournon ! - - , *Germain, doyen de la Faculté de Lettres de Montpellier montre dans son ouvrage sur le « Consulat de Cournonterral » qu'il ne faut pas être bien fort en histoire pour réduire à néant cette légende : Annibal, ce noble fils de Carthage parlait-il latin ?

D'autres pensent avec beaucoup plus de vraisemblance que le nom provient tout simplement du Castrum gallo-romain « Curnoné Terralius ». -

-

Bastide de Clausel : Poète de l'Oulieu.

Lou Terouu I. - - -


Cependant la vie continue à Cournonterral après le passage d'Annibal et l'auteur va la faire défiler devant nous au cours des siècles.

L'un des seigneurs Olhon de Cornon ira en terre sainte au cours de la lre Croisade (1) En reviendra-t-il ? Non sans doute.

L'Histoire du Languedoc, où l'auteur aurait pu trouver d'utiles renseignements si, par avance, il ne s'était fixé comme but de ses recherches les archives même du village qui lui est si cher, nous signale un Guillaume de Cornon en 1099.

Rien d'étonnant alors à ce que la veuve d'Othon de Cornon se fasse religieuse au monastère de Saint Félix de Montsau, près de Gigean en 1098.

Cournonterral possédait une enceinte ou Fort Viel qui avec ses deux tours l'une dite de la Vabre et l'autre de la Passadella paraît remonter en l'an 800 (Il est également parlé du Fort Viel dans un document des Kalendes de Décembre 1238 contenant les instructions de Vassadella seigneuresse de Cournonterral et de Vassadel son fils.

L'enceinte du vieux fort ne contenait que 22 petites maisons La nouvelle enceinte pourrait dater de 1344 (date de la clé de voûte d'une porte démolie en 1870. Cependant nous lisons sur des letlres patentes de Charles VI concernant leur construction, la mention de la date 1393.

Les seigneurs de Cournonterral avaient beaucoup promis à leurs vassaux, mais ils ne durent pas tenir toutes leurs promesses, car les bourgeois réclamèrent et en Avril 1334 Philippe VI de Valois par lettres patentes établit le Consulat de Cournonterral.

Cournonterral compta sans nul doute de nombreux adhérents aux idées et principes de la Réforme.

L'un des co-seigneurs, le sire de St Martin embrassa la foi nouvelle. En 1561 les réformés étaient assez nombreux pour avoir un consul sur les trois élus.

Sous Henri IV, protestants et catholiques vivaient en bonne harmonie. Sous Louis XIII le Connétable de Montmorency y envoya le Duc de Joyeuse et Cournonterral fut pris en 1621.

Le 18 Novembre 1670 un édit de Louis XIV interdit le culte protestant à Cournonterral.

Le 16 Octobre 1685 les protestants furent contraints d'abjurer.

Tous ne durent point obéir puisqu'on trouve trace d'abjurations les 11, 13 et 14 Octobre 1685, et même les 1er Janvier, 1er Mars et 19 Avril 1686.

Cependant quelques protestants continuent à se réunir dans la Baume de la Bioche. Des dragonnades ont lieu avec le Colonel de

(i) Histoire du Languedoc p. 48.3. T. III. E. Privat 1872.


Garlauben commandant d'un régiment étranger, les capitaines de TiJieux de Montesquieu, de Rouville et l'Enseigne Rançon du même régiment. , -

Plus tard. la convocation des Etats Généraux fut accueillie avec enthousiasme ainsi que la proclamation de la Constitution. Mais l'auteur ne cite-t-il pas en passant qu'en Mai 1793 quelques habitants lurent arrêtés pour avoir accaparé du blé !

Les Volontaires de Cournonterral étaient à Toulon avec Bonaparte, aussi firent-ils bon accueil au Consulat et à l'Empire.

Le retour des Bourbons fut marqué par la Terreur blanche et le Mas St Jean du Conventionnel Cambon fut pillé 4

La Révolution de 1830 a laissé fort peu de souvenirs ; en 1848 eut lieu le partage des terres dans les garrigues. L'Empire fut accueilli sans grand enthousiasme tandis que la troisième République le fut avec joie par le parti libéral.

Une partie importante de l'ouvrage et ce n'est pas la moins intéressante est consacrée aux usages locaux : les Cournalins s'adonnent aux jeux des Palliasses, divertissement fort curieux du Mercredi des Cendres. La coutume du jeu de mails, est complètement perdue ; les boules ont supplanté ce jeu favori. Mais c'est surtout ici que le tam-

bourin est roi et le nom de Cournonterral est fort connu grâce à lui, dans les milieux sportifs.

Fort attaché à Cournon et à ses coutumes notre Cournalin d'adoption dépeint-avec'une grande finesse d'observation le vrai Cournalin, ses us et sa langue.

L'ouvrage est rehaussé de fort bonnes photographies et de plans précis.

Dans l'ensemble ce travail constitue une bonne monographie de village. On a vite l'impression que l'auteur a tenu à l'établir à l'usage des gens du terroir, des enfants des écoles et cela avec des documents qu'il a voulu puiser à des sources presque exclusivement locales, que les curieux pourraient, s'il leur en prenait envie, consulter sur place.

La Société Archéologique a décerné à un Cournalin d'adoption un Diplôme de Médaille d'Argent.

Qu'il nous soit permis d'exprimer ici un vœu : nous voudrions que les municipalités puissent, lorsqu'elles se trouvent-en présence d'un travail intéressant leur commune, et distingué par une Société say imte,' faciliter son édition, assurer sa diffusion, afin que tous leurs administrés et surtout les enfants des écoles, connaissant mieux le passé de leur petite Patrie, apprennent à la chérir chaque jour davantage pour mieux servir la Grande.

Un Mémoire nous est parvenu de Provence sur « Monaco et la


Tête d'Hercule». L'auteur en une longue dissertation a voulu «exposer toutes les manières devoir, même les plus contraires à La logique et à notre rationnel entendement, laissant à chacun le soin de se faire une opinion et de décider si cette saillie naturelle surplombant le Cap d'Ail, Beausoleil et Monaco — et que le commun désigne sous le nom de Testa-di-Carne — représente bien le Dieu Cynocéphale Abubis ou la Canicule (Sirius) qui on le sait est d'un rouge plus vif que Mars ».

Sous le beau soleil de la Côte d'Azur l'auteur a butiné dans bien des domaines : philologie, toponymie, préhistoire, philosophie, mythologie, théologie, voire sciences occultes ; rien n'a échappé à ses investigations.

Aussi et bien que ce sérieux travail sorte du cadre habituel des communications sollicitées par la Société Archéologique, le Jury a décidé d'accorder à M. Fortuné Tressens, de Lascours, une Mention Honorable.

M. Parés François, de Perpignan, a bien voulu nous confier le secret des trouvailles qu'il a faites au cours de promenades spéléologiques dans les grottes de Maury et de Corbères-les-Cabanes, sous le titre bien général de : « l'Habitat préhistorique en Roussillon ».

«Dépourvue de remarques sur la stratigraphie, cette communication contient une description bien trop vague des trouvailles. Nous pourrions y relever quelques inexactitudes : les poteries nous y est-il dit sont faites avec de l'humus, du sable et de la terre argileuse. L'humus est-il jamais entré dans la fabrication de la poterie ?

Les remarques générales sur les mouvements de peuples aux époques néolithiques ne s'appuient sur aucun argument local, la céramique n'étant pas une preuve suffisante du passage de certaines races sur notre territoire. Invoquer le Sébilien à propos d'une grotte des Corbièjes c'est peut-être aller chercher un peu loin (sur les bords du Nil) une explication que l'on trouverait sans doute près de nous.

Cette courte étude montré cependant un esprit curieux et observateur. Nous encourageons bien volontiers son auteur dans ses recherches en lui recommandant de soumettre ses découvertes principalement ostéologiques à des savants qualifiés qui sauront le guider et l'aider (1). »

Le Concours des Mémoires historiques, nous a donc permis cette année une rapide incursion dans le Roussillon, le Languedoc et la Provence.

S'il a connu en 1942 un réel succès c'est que beaucoup pensent

(i) Abbé Giry.


avec le grand historien Augustin Thierry (1) que « l'Histoire est pour tous les hommes d'un même pays une sorte de patrimoine moral que chaque génération qui disparaît lègue à celle qui la remplace; aucune ne doit la tiansmeltre telle qu'elle l'a reçue mais toutes ont pour devoir d'y ajouter quelque chose en certitude et en clarté (1).

La Société Archéologique poursuivra elle aussi son rôle historique car plus que jamais l'histoire doit être « le philtre à travers lequel s'épurent les misères sociales ; elle ennobli t la pensée, éclaire la raison, alimente l'esprit, élève l'âme en la soumettant au noble feu de l'émulation ! » (2) R. Ros.

Ce substantiel rapport est longuement applaudi et nos talentueux musiciens peuvent exécuter le Menuet de J.-M. Leclair.

M. le Docteur Coste donne lecture du rapport du Maître Jean Magrou, sur le Concours de Poésie française.

(i A. Thierry. Considérations sur l'Histoire de France : page 15 (1840).

(2) Faures, avocat. Séance publique du 13 Mai 1847, page 17.


RAPPORT

SUR LE

Concours de Poésie Française Par M. Jean MAGROU

FONDATION A. CAPDEVILLE SUJET IMPOSÉ : « Le Devoir »

MESDAMES, MESSIEURS,

La Société Archéologique a le grand plaisir, tous les ans, de récompenser, dans un concours de poésie française, les nobles efforts des poètes et d'encourager les jeunes talents. Elle y trouve en même temps une occasion de mêler à l'austérité de ses recherches savantes et à la difficulté des problèmes parfois ardus dont elle poursuit la solution, un oasis de fantaisie reposante et l'illusion d'un court voyage dans les zones élevéès de l'art.

Son Président m'a fait le redoutable honneur de me désigner comme rapporteur de ce concours. J'aurais eu mauvaise grâce à ne pas accepter une invitation aussi flatteuse, et je doute trop de ma compétence pour ne pas croire sincèrement que je dois cet honneur à sa bienveillance peut-être trop amicale Heureusement, et c'est ce qui me donne quelque assurance, je ne suis pas seul juge, et ma voix, ce soir, n'est que l'écho du jugement de l'Assemblée.

Puisqu'il s'agit de poésie, cherchons les raisons qui donnent à la poésie ce caractère indéfinissable qui est son essence même, et la distingue de la beauté propre, et faisons ensuite la différence entre le vrai poète et le versificateur. La vraie poésie est celle qui sait exprimer les grands enthousiasmes, les grands élans vers l'inconnu, les aspirations et les émotions des plus grandes âmes et des plus grands cœurs, aussi bien que les sentiments délicats inspirés par la nature ou tout état d'âme digne d'être chanté. Lorsque, dans l'Odyssée d'Homère, Ulysse, en évoquant les ombres, reconnait parmi elles sa mère


dont il ignorait la mort, il s'établit entre elle et lui un dialogue inconlparable que seul pouvait rendre la poésie. « Quand fa mère, dit Anatole France, parle à son fils, — et je regrette de ne pouvoir ce soir vous relire les beaux vers d'Homère, -— nous sommes saisis d'une , émotion large et profonde, et pénétrés d'un tel sentiment de beauté qu'il nous faut.reconnaître que le génie hellénique eut, dès l'enfance, l'instinct de l'harmonie et connut cette sorte de vérité qui passe la vérité scientifique et dont, seuls au monde, les poètes et les artistes sont les révélateurs. Et il ajoute : « parôtes infiniment douces et tou« tes trempées du lait de la tendresse humaine. ». Telle est la vraie poésie, celle qui ne ment pas, magicienne divine qui sait communiquer à autrui la ferveur et la vibration de l'état lyrique 1 Elle aspire à un idéal de plus en plus inaccessible « Vous savez bien » -- dit Hugo — « Que j'irai jusqu'aux bleus pilastres, « Et que mon pas,

« Sur l'échelle quijnonte aux astres, « Ne tremble pas ».

Elle pare, cette poésie, d'un voile d'une exquise transparence la réalité souvent banale et la montre transfigurée, ennoblie, enveloppée d'un nuage d'immatérialité qui la laisse deviner plutôt que de la montrer , dans toute sa crudité. Elle se complaît dans le mystère, elle ajoute aux choses un parfum indéfinissable qui les rend suggestives, évocatrices de pensées et d'images auparavant captives dans la réalité.

Entre cette poésie et la beauté, il convient d'établir quelques nuances : peu de choses, du moins en apparence,, les différencient, une simple question d'ambiance, ou d'état d'âme, ou d'aspect varié d'objets observés dans des circonstances particulières. La beauté se montre en pleine lumière ; lumière à la fois splendide et violente qui découpe en traits précis les silhouettes et les taches d'ombre. La lumière de la lune éclaire plus intimément les régions où la brume règne : on en distingue à peine la source, mais elle pénètre partout ;

iL semble qu'elle soit émise par chacune des gouttes légères de la buée. Ainsi la lumière de l'amour peut pénétrer/de joie toute une vie humaine, en y laissant partout'le mystère et nulle part l'obscurité.

- Ainsi fait la poésie : elle se voile d'imprécision : elle rend mystérieux et suggestif un édifice dont le plein jour fait ressortir avec netteté toute la beauté. Le plein midi est beau, l'aurore et le crépuscule sont poétiques. « La lune, dit Chateaubriand, répandit dans les bois « ce grand secret de mélancolie qu'elle aime à raconter aux vieux « chênes et aux rivages antiques des mers ». Les oiseaux de passage, au vol lointain et au but inconnu, sont poétiques, un paon, un coq,


sont simplement beaux, et la violette se réserve la poésie, tandis que le dahlia et la rose ont la beauté. Et les ruines ont été revêtues par l'âge et par les souvenirs d'une poésie qu'elles n'ont pas connue avant le ravage du temps.

Mais pour exprimer des sentiments si éloignés de la réalité, pour communiquer à autrui cette émanation de la pensée et du cœur, pour faire vibrer les enthousiasmes à ,l'unisson du poète, un instrument harmonieux, sonore, varié, était nécessaire, une forme littéraire spéciale s'imposait, une forme musicale, souple, multiforme, capable de se modeler sur le rythme de l'émotion, et le vers est apparu, chargé de cette mission surnaturelle. Dès la plus haute antiquité, Homère a confié au grand alexandrin la mission d'apporter aux siècles futurs, dans une langue splendide, toutes les richesses de son âme et de son cœur. Combien dès lors le vrai poète est loin du versificateur ! Le vers n'est rien, s'il n'est rempli de l'émotion que lui communique le don divin d'une âme exceptionnellement délicate et douée. La prosodie n'est que l'armature du vers.

D'aucuns se demandent pourquoi on s'est créé pour le vers des obligations gênantes, l'obligation de rimer, la mesure, la césure, la règle de l'hiatus, qui peuvent empêcher de se produire des beautés innombrables, contraintes par ces chaînes de demeurer dans l'esprit.

Ceci est le langage des versificateurs. Il est facile de constater que ces règles prétendues gênantes ne l'ont jamais été pour les grands inspirés qu'elles ont toujours aidés de leurs sonorités mesurées et ordonnancées, et qui en ont tiré tout au contraire, comme d'une lyre, des sons variés, inattendus, parfois sublimes, instrument divin, aux mille strophes étincelantes ou émues, aux rythmes magnifiquement harmonisés, aux rimes entrelacées comme par enchantement selon l'art le plus consommé.

« Poésie ! s'écrie Alfred de Vigny, « Poésie ! ô trésor ! perle de la pensée !

« Les tumultes du cœur, centime ceux de la mer, « Ne sauraient empêcher ta robe nuancée «. D'amasser les couleurs qui doivent te former

1

v « Comment se garderaient les profondes pensées « Sans rassembler leurs feux dans t( n diamant pur, « Qui conserve si bien leurs splendeurs condensées ?

Mais, dit-on, la liberté est si séduisanta ! On peut répondre qu'elle favorise la négligence. On ne saurait trop se méfier de ce goût pour la facilité, qui a tendance à donner de la valeur à l'inachevé, et risque de corrompre, par les charmes du premier jet, l'antique disci-


ptine du métier des vers. A tout il faut une discipline qui impose la tenue, la mesure, et interdit le désordre et la dispersion. « Où il y a « liberté, dit Léonard de Vinci, il ne saurait y avoir de règle ». Les exigences d'une stricte poésie sont l'artifice qui confère au langage naturel les qualités d'une matière résistante, étrangère à notre âme et comme sourde à nos désirs : elle ne doit ni nous écouter, ni nous entendre ; c'est à nous à nous conformer à ses lois. Nous, il faut peiner, poursuivre des mots qui n'existent pas toujours, et des coïncidences chimériques pour- joindre des sons et des significations capables de s'accorder. Le rythme, l'harmonie des syllabes accentuée suivant une mesure musicale, les sonorités justement et savamment distribuées nous conduisent, si j'ose dire, en musique, et ce pas assurequi nous emmène en est la conséquence, comme les musiques militaires sont pour la marche l'aide la plus puissante. La forme du bloc de marbre a souvent imposé à Michel Ange l'attitude d'une statue que l'immortel statuaire a su contraindre à s'y conformer, et de cette contrainte est né cet aspect d'éternité et de mystère que gardent les roches millénaires.

Mais pour arriver, avec de pareilles disciplines, à donner l'impression d'aisance, de facilité, de spontanéité, combien d'efforts sont nécessaires, en même temps que les dons naturels, combien d'études soutenues et tenaces, quelle persévérance ! « Je soutiens, dit encoreLéonard de Vinci, qu'une chose circonscrite dans des limites présente plus de difficultés qu'une autre en liberté ». Quelle erreur de croire que les plus parfaites réussites d'art-sont nées sans effort de la simple fantaisie d'un auteur ! Les ratures de La Fontaine sont célèbres, et les variantes des belles œuvres sont la preuve des efforts qui les ont engendrées — « Ce ne fut jamais un jeu d'oisif, dit notre éminent « compatriote Paul Valéry, que de soustraire un peu de grâce, un « peu de clarté, un pen de durée, à la mobilité des choses de l'esprit, « et que de changer ce qui passe en ce qui subsiste. Et plus la proie * « que l'on convoite est-elle inquiète et fugitive, plus faut-il de pré« sènce et de vol&nté pour la rendre éternellement présente, dans son « attitude éternellement fuyante 1),

Ces difficultés n'ont pas rebuté la persévérance et le courage.

J'espère que la connaissance profonde de ces lois et le respect qu'elles méritent n'ont pas été une gêne pour les bonnes volontés qui nous ont si sympathiquement envoyé le résultat de leur effort et de leur , rê ve. Nous leur savons gré de leurs envois et sommesiieureux de leur décerner des récompenses que nous aurions voulu plus nombreuses.

J'ai vu, en compulsant les bulletins de la Société de quelques années précédentes, des œuvres du plus haut intérêt, quelques-une.


même, malgré des inexpériences excusables, dignes de figurer dans une anthologie. Le concours cette année, malgré des qualités indéniables, s'est révélé moins élevé. Notre Compagnie a dû, à regret, réserver certains prix qui ne pouvaient, en toute sincérité, être attribués qu'à des œuvres supérieures.

Les récompenses portent sur deux groupes de poésies. D'abord un eoncours de poésie française proprement dite, avec des sujets laissés au libre choix des auteurs, en second lieu des poésies, avec un sujet imposé « le Devoir » par le fondateur du prix, M Auguste Capdeville.

Pour la poésie française, le prix a dû être réservé. Nous avons été heureux de décerner sans hésiter le diplôme de Médaille de Vermeil à Mlle M.-A. Daguet, de Douzens (Aude) pour sa charmante pièce « la petite Servante ».

« Elle a quinze ans, elle est servante « A l'Aubergè du Coche d'Eau, « Et dans la grand' salle bruyante « Elle vole sur ses sabots.

« O petite servante vive, « Tourne et vire et fais mille pas, « Sachant à peine qu'on arrive « O toi qui ne t'en iras pas.

c, Toi qui ne connais du voyage « Que claquements et que grelots, « Qu'appels, que hâte et que bagages, « Que départs par route et par eau.

« Au soir, enfin, ta chambre basse, « Aux murs blancs le recueillera « Petite fille soudain lasse « A qui le miroir sourira..,..

M. Jean-Dominique Guelfi, d'Aix-en-Provence (Bouches-du-R.), a mérité le diplôme de Médaille d'Argent pour ses poèmes « Soir Corse » et « la Frileuse ». Je me plais à vous citer un passage du « Soir Corse » qui malgré quelques faiblesses au début, révèle un sens très net de la poésie bucolique et la sensibilité d'un poète devant la nature : une jeune mère attend son mari qui revient du travail : « Son regard à travers le ciel mourant poursuit « Le rêve maternel, tandis que dans la-nuit « Qui déjà dans les bois assoupis se condense


« Monte un bruit de sabots qui sonnent en cadence ; « Le pas s'approche : un homme apparait, vigoureux « Et svelle, balançant au fond du chemin creux « Son torse, où pend sa veste accrochée à l'épaule ; « D'un geste bucolique il porte en main la gaule « Dont le houx encore vert s'achève en aiguillon ; « Il dégage en marchant une odeur de sillon « L'âpre et saine senteur de la terre éventrée,

« La femme, à son aspect, dans la ferme est entrée.

« Une lampe, soudain, comme un signal d'amour, « Brille. L'homme franchit le pailler de la cour.

« Derrière lui, le col tendu, la croupe haute, « Ses bœufs « pomonlicais » obliquent côte à côte « Vers l'étable où le foin s'émèche aux râteliers.

« Quand, repus, ils ont clos leurs yeux ensommeillés, « On peut voir, comme aux temps divins de l'Evangile, « Par un carreau de vitre, enchâssé dans l'argile, « Une étoile poser son rayon caressant

« Sur les grands mufles roux qu'aima Jésus enfant »

Et cette dernière strophe de la Frileuse n'est-elle pas d'un poète ?

« S'évadant longuement loin du seuil domestique, « Le regard éperdu dans le charme du ciel, « Elle semble, animant la graude paix rustique, « Filer on ne sait quoi dé triste et d'éternel. ,

Signalons encore l'heureux entrelacement des répétitions- des « Cloches de mon Village » Je ne puis tout citer, mais veuillez écouter une strophe du petit poëme « Bienvenue », si touchant d'émotion - sincère et bien exprimée. :

« Entre dans ma maison, passant, et prends le pain « Que tiède encor du four j'ai posé sur la huche ; « Ote le linge frais, bois à la même cruche, «. Car je veux apaiser ta soif comme ta faim.

« Oui, viens à moi sans crainte, ami : je suis le pâtre - « Qui retrouve un mouton séparé du troupeau ; « Prends la laine de mon unique et vieux manteau, « Et ranime tes doigts transis au feu de l'âtre.

M. Jean-Dominique Guelfi nous permet d'espérer, pour le prochain concours, de nouvelles œuvres qui lui feront honneur.

La même récompense, diplôme de Médaille d'Argent a été attribuée à M. Louis Viennet, de Béziers, dont l'ancêtre a fait partie de


notre Société qu'il a, ainsi que la ville de Béziers, honorée de son nom. M. Louis Viennet, manifestement, et nous l'en félicitons, tout imprégné de culture latine, doit beaucoup à Horace ; on ne saurait l'en blâmer, il est toujours bon de puiser aux bonnes sources. Ecou- tez le sonnet « l'Epave ».

« Les jours ont fui nombreux, et la trirème agile « Qui t'emporta bien loin par une sombre nuit, - « N'a point revu le port, et le phare qui luit « Ne brillera donc plus pour est esquif fragile.

« Au pied du Lare, en vain, un lampadum d'argile * « Scintille pour l'absent et l'ami qui le suit.

« Car les flots courroucés dans un sinistre bruit ■ « Ont écrasé sa nef centre une Lointaine île.

« Pleure, épouse, l'amant qui ne reviendra pas 1 « Les cieux seuls connaîtront le lieu de son trépas ; « Ils ont tous disparu dans la tourmente obscure.

« La vaguera roulé dans un mouvant linceuil, -

« Et son corps ballotté, privé- de sépulture, « A-trouvé le repos, enfin, sur un ècueil.

Certains -de ces sonnets évoquent agréablement le souvenir de Hérédia, tels le « Dieu tonne » et la « course desquadriges »- Cette atmosphère de classicisme érudit donne à ces poèmes un charme et une distinction à signaler, et nous souhaitons à M. Louis Viennet d'en dégager à l'avenir sa propre originalité. A citer également, comme exemple de poésie champêtre, la pièce « Tibur ». '-- « Avançons-nous, veux-tu, jusqu'à_ce bois de pins, « Nous pourrons voir la mer et les monts cisalpins,

« J'ai fait dresser la table au seuil d'une caverne « Je t'offrirai dès fruits, du fromage, un agneau, « Repas de campagnard, arrosé de Palerme, « Plus un lever de lune au son d'un doux pipeau 1

Un autre diplôme de Médaillé d'Argent à M. René Rouquier, d'Andouque-Valdériès (Tarn), pour son a Rêve de Pureté » et « Troupeau en marche » dont je parlerai tout à l'heure, et à M. Louis Granié, de Bdujan-sur-Libron. pour son diptique « la Moisson » qui, malgré quelques belles strophes, telles que celles-ci : « C'est l'heure du repos. Levés avant l'aurore, - • « Les rudes moissonneurs au pas ferme, sonore, .- ;"- - « Aux outils sans défauts,


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« Les moissonneurs partaient quand s'éveillait Teficiume « Et les épis vermeils, au matin qui s'allume, F « S'écroulaient sous leurs faux.

gagnerait à être moins long et plus concentré — el, du même poète « les Vendanges ,).

M. François Richard, de Sète, a obtenu un diplôme de Médaille de bronze pour son ensemble de poëmes « la Flûte d'Or », dont je me plais à citer ces vers, dans le poëme « Nihil » : « Je n'ai rien que la voix d'un arbre solitaire Ci Dont le vaste cœur bat sous mon front anxieux ; « Je n'ai rien pour prier qu'un froid carré de terre « Où je viens quelquefois retrouver mes aïeuxT* « Mes rêves ne sont rien,que poussière et que cendre « Que le vent du malheur dissipe sans retour ; « Seule, reste la marche où je devrai descendre, « Lorsque je fermerai les yeux, un pâle jour.

cr Ainsi j'aurai vécu sans rien donner au monde, « Mais sans rien recevoir, humble, triste, ignoré, « Et qurnd j'aurai rendu mon âme moribonde, « On n'aura pas connu ce que j'aurai pleuré.

et le tout petit" poëme « la vieille Chapelle» dont je vo-udrai s vous donner une idée :

« C'est une très vieille chapelle « Dont la cloche ne sonne plus.

« Ses offices sont révolus ; « Seul, un grillon timide appelle.

« Et personne ne se rappelle « L'accent clair de ses angélus. - e « C'est une très vieille chapelle « Dont la cloche ne sonne plus.

« Là, parfois, un tronpeau qui bêle « Pait l'herbe rare des talus.

« Jadis un cortège fidèle

« Venait le dimanche aux Saluts.

« C'est une très vieille chapelle.,.

Même récompense à M. Marcel Atgier, de Montpellier, pour spn


poëme « Maguelonne » et enfin une Mention Honorable à M. Georges Saint-Jours, Stalag VII A pour son poëme « Rêverie captive » et son « Noël captif ». M. Georges Saint-Jours est prisonnier de guerre. Il a mis, dans sa « Rêverie captive » l'émouvant souvenir du pays lointain, du clocher de sa ville, du cimetière. Ecoutez plutôt : « Parfois, quand du pays les souvenirs fidèles « Nous viennent à l'esprit dans les nuits sans sommeil, « Ville que j'aime tant ! je te revois plus belle « Pavoisèe de lumière au pays du soleil.

« Je revois ton clocher avec ta flêche altière, « S'élançant fièrement vers le ciel azuré, « Et tout là-bas aussi le calme cimetière « Ou dorment mes aïeux à l'ombre des cyprès.

Que cette modeste récompense lui apporte dans l'exil l'expression de notre sympathie émue, avec le souhait bien sincère de notre Compagnie et du public qui écoute ce palmarès, de le voir revenir bientôt dans son cher pays de Mimizan.

Je tiens maintenant, avant de terminer, à dire aux futurs concurrents que la Société Archéologique, quoique centenaire, n'est pas l'ennemie des manifestations modernes, bien au contraire, elle les désire et leur tend les bras: elle regrette de ne voir, dans ce concours, aucune forme d'art nouveau, apparaître dans toute sa fraîcheur, dans toute sa conviction, dans sa foi dans un avenir différent : un art comme a été celui de Verlaine. Elle récompenserait bien volontiers ces innovations, ne serait-ce que pour leur mérite et leur audace, sans trop tenir compte des erreurs ou des faiblesses inhérentes à toute tentative nouvelle. C'est pourquoi elle a attribué un diplôme de médaille d'argent à M. René Rouquier, d'Andouque-Valdériès, malgré la contusion évidente de la pensée et une certaine obscurité, parce que, peut-être sous l'influence de Paul Valéry, il a cherché une forme nouvelle, et a su lui donner un air de puissance et de vigueur qui mérite d'êlre encouragé ; par exemple dans « Troupeaux-en marche» « Et les troupeaux blanchis de la main du berger « Boivent leur jeune sang à de neuves fontaines 1 « Les galets noirs, éparpillés comme des peines « Dans le creux des ravins s'en vont se reposer.


Reste maintenant à vous signaler les récompenses attribuées à la seconde partie de ce concours sur le sujet imposé parle testateur : « le Devoir ».

Si les poëmes sur ce thème difficile, tous les ans répété, n'ont pas atteint le résultat que nous aurions espéré, ils sont, avouons-le quelque peu excusables. Outre que le sujet, plutôt philosophique, d'une beauté et d'une élévation incontestables, ne prête pas toujours au développement poétique, il devient plus ardu et plus. froid par sa répétition annuelle faite pour lasser les enthousiasmes. Peut-être quelques concurrents fidèles ont-ils succombé à la lassitude, et notie Compagnie a dû, bien à regret, réserver les 1er, 2e et 6e prix.

M. François Richard, de Sète, qui a obtenu ce soir, dans le concours de poésie, un diplôme de médaille de bronze, a mérité le troisième prix dans le sujet « le Devoir ». Il passe en revue les différentes formes du Devoir chez le savant, chez le roldat, chez les héros - obscurs, chez le moissouneur, chez le poète, et régulièrement, comme une mélopée, s'exhale le regret du poète de n'avoir pas accompli le devoir sous ses multiples aspects. Ce long poëme est traité avec dignité èt conviction, dans une langue correcte et facile: par exemple: « Je ne suis jamais battu pour une cause, « J'ai chanté seulement, la nature, la rose, « Le brin d'herbe, le ciel, la lande, la forêt, « Les étoiles, la mer, le grillon, le guèret et, plus loin : - « Je n'ai pas élevé le commun édifice - « J'ai tenté seulement de comprendre un oiseau.

« Je me suis cru le chêne, et j'étais le roseau. < et aussi : « Chanter, prier, aimer j je n'eus pas d'autre espoir « Poète, j'ai vécu !

« C'était là ton devoir »

Ces différents exemples perdent beaucoup à être lus séparément: il faut Les lire encadrés dans les vers qui en donnent le vrai sens.

Mais nous devons savoir gré à M. Richard de l'heureux parti qu'il a su tirer d'un programme aussi ingrat.

M; Albert Bizet, de Béziers, se voit attribuer, pour le même sujet, le quatrième prix. Son poëme se présente sous forme d'ode, en strophes octosyllabiques, à la Hugo, alternées d'alexandrins. Malgré quelques banalités et quelques considérations parfois étranges, M.

Bizet n'est pas dépourvu de sens lyrique et connait l'enthousiasme :


« 0 devoir 1 En ces temps de crise, "\( Que l'humain se tourne vers toi !

« Si trop souvent l'homme se grise « C'est qu'il est malheureux parfois !

« S'il est lassé, rends-lui courage ; « Attiré par de vains mirages, « Il souffre de son esclavage ; « Au fond, son cœur n'est pas heureux !

« Fais-lui donc redresser la tète !

« Son âme à s'élancer est prête.

« Pour être faible, il est honnête, « Son cœur toujours est généreux !

Un peu moins de longueur donnerait à ce bel ensemble une force et une vigueur plus grandes.

Madame Didier-Delorme, de Lyon, a obtenu le cinquième prix pour la noblesse et l'élévation de ses sentiments. Ses vers sont larges et pleins, d'un rythme bien senti, et coulant avec facilité : « Le Devoir, entends-tu sa voix monter dans l'ombre ?

« L'Univers se réveille à ses vives clameurs, « Entends-tu le beau chant de ces hommes sans nombre ?

« Ecoute leurs soupirs, entends battre leurs cœurs.

« Regarde cette foule' immense qui se presse, v « Regarde, admire et vois, dans la splendeur du soir « Tous ces êtres donnant leur vie, ou leur jeunesse « Ou leur peine, ou leur sang au nom du saint devoir.

Tel est le palmarès des lauréats du prix de poésie de l'année.

Nous aurions désiré, dans la série des poèmes présentés à notre Compagnie, vous soumettre quelque œuvre de premier plan, révélatrice d'un talent sùr de lui, comme il s'en est présenté parfois dans des concours antérieurs. Les quetques beaux vers dont je vous ai donné lecture ont été choisis parmi beaucoup d'autres de classe plus obscure, trop souvent gâtés ou amoindris par des vulgarités et par une méconnaissance parfois excessive des lois de la prosodie. Ces règles obligatoires, les rimes, les formes fixes, tout cet arbitrage une fois pour toutes adopté et opposé à nous-mêmes, ont une sorte de beauté propre et philosophique. Des chaînes se raidissent à chaque mouvement du génie et nous rappellent, sur le moment, tout le mépris que mérite ce familier chaos que le vulgaire appelle pensée et qui n'est qu'impression, impuissance et désordre. Ces règles, nos voluptés ni nos émotions ne périssent ni ne pâtissent de s'y soumettre : au contraire, elles se multiplient, elles s'engendrent aussi par des disciplines conventionnelles. Elles ont le droit, ces lois dont je vous ai parlé tout-


à-l'heure: de gouverner parce qu'elles ne sont pas l'effet du hasard, mais qu'elles ont été établies par les grands génies qui les ont jugées nécessaires, qui les ont créées pour les besoins d'un idéal supérieur, et parce que, telle une lentille de cristal deyant le soleil elles en ont concentré la lumière sur un seul point qui devient éblouissant. Ce besoin est universel : tous les. peuples l'ont admis.

Les vers d'Homère, comme ceux de Sophocle, comme ceux de Lucrèce et de Virgile, de Dante, de Ronsard, de Corneille, comme ptus lard ceux du romantisme avec Hugo, ont leurs règles nécessaires que tous ces poètes sacrés ont aimées, renforcées souvent, et toujours respectées. Poètes de l'avenir, modérez votre ardeur juvénile trop désireuse-de briser ces chaînes, et sachez incliner vos têtes pour faciliter la tâche de la main qui sera heureuse de les couronner.

JEAN MAGROU.

Ce rapport d'une finesse exquise a vivement intéressé l'assistance - qui ne peut cacher sa vive satisfaction.

* - Et déjà reteiitissent les notes claires du Cher Jardin, de R. Schuman que notre brillant trio exécute avec brio.

M. Domergue, de l'Escolo Trencavel, de sa voix chaude et claire a la. lourde tâche de remplacer Mlle Jeanne Barthès, Félibrige majorai dans la lecture du Rapport sur le Concours de Poésie occitane.


RAPORT

SUL

Councours de Pouesio d'Oc Per M10 Jano BARTHÉS, Majoural del Felibrige

GENTOS DAMOS E DOUMAISELETOS, Moussus,

Es.un grand ounour que m'òu fach mous sapients counfraires en m'oufriguent tant courtesoment un sèti dins lour Soucietat. Quand, i a unes quinze ou vingt ans d'acò, se courounèt aici moun prumier ensaj, soulide me doutabi gaire qu'un jour i prendrio la paraulo à moun tour per jujar lous autres. AI moument d'hou faire, quitas-me revirar amistadousoment cap à lous qu'amé tant d'indulgenço e de bountat coundesiguèroun nous prumiers passes sus aqueles camins de la pouesio, fantasieirouses e flourits coumo nostros dralhos al mes de mai : nostre care President Julo Latreille, Iou professour Tisset, Jan SoulayroI, qu'en amount à Paris, s'es souvengut qu'èro des nostres e que dins un libre claufit de pouesio e d'emouciu, ven de jitar tout soun cor d'ome e de pouèto al pèd de Mistral. E mai que mai permetès-me de saludar aici la memorio de dous que soun partits : lou Majoural Jan-Mario Vinas e Iou Majoural Albarel.

Gar m'aqui dounc des vostres, Moussus e sapients counfraires.

Abès abut lèu vist qu'èri qu'un arqueoulogo passat sus la raco e vous siès pensats : « Coumptem pas sus elo per nous faire un raport sus uno peiro eserieho, ou per nous dessoutar quauquo terralho d'autre temps.

Sabatier eal que fague soun mestier : fisem-z-i lOll raport de pouesio en lengo d'Oc.

— M'es estat dieh. tabé, que se passo dins vostro Soucietat coumo dins la cansoun del Pichot Naviri : Le sort tomba sur le plus jeune Et ce fut lui, lui, lui, qui fut mange E gar' t'aqui perqué, gentos Damos e Doumaiseletos, e gar' t'aqui perqué, Moussus, al luògo d'uno charro saberudo del Majoural Ladoux, d'un judicious raport de l'amic Teissier, ou d'un goustous


boucin de proso de Peire Azema, sies coundamnats à auzir anèit mas pietros elucubracius.

Coumencem per la fin se Toulès, voli dire per lous qu'òu pas res abut. Aqui n'i a un que demando « à las gragnottaz lo secretz. de son cant » e « a son papeto loz secretz de I'amor » dins uno grafio espetaclouso, taloment mirgalliado d's e de z que caldrio estre serp per la prounounçar courrectoment Mes enfin la grafio a pas res à veire amé la pouesio, que que n'en pensoun aToulousoie lou pus orre pecat es pas d'escriure de bèles versses dins uno marrido grafio, mes si ben de versses bufècs dins uno gratio castigado. Aici, malurousoment, Iou founs val gaire mai que la formo.

Un autre nous conto sa visito a Nostro Damo deis Ange de Touloun. Arribo qu'ajent escarrat cap à la glèiso antico trapo aqui, l'esperant, « la santo ddu pais apielado a la peiro ». Se la Vierges es davalado de soun pedestal, es per demandar à soun pouèto de cantar toujours en lengo d'Oc. Bcucin d'inspiraciu graciuso, malurousoment piejat sus une prousoudio taloment garrèlo qu'es pas estat poussible d' i balhar souloment uno menciu.

Entin, gar' n'aqui un que canto tout simploment soun amigo. —

Cal dire qu'a un noum croucarel : s'apelo Poutouneto. Poutouneto !

es qu'abès jamai ren vist de pus poulit ? Poudès créire que fa mal de cor de dounar pas souloment un floc de medalheto an un boucin que s'apèlo aital.. Mes en fèt de prousoudio Iou galant de Madoumaiselo Poutouneto a tout à apréner.

Qu'aqueles dous derniers councurents se souvengoun que se l'inspiraciu es dounado, Iou mestier, el, s'aprend.

Ame Moussu Reiniè Gibbert, de Maraussan, nous trapam davant uno obro counsequento. Soun poueme es entitulat: Per las Vendemias. Aici se sentis que Iou pouèto es del pais, de la raço d'aqueles travalhadours qu'òu la vigno dins Iou sang : nous fa graço ni d'un cop de gourbèlo ni d'un gran esclafat. E, soulide, acos èro plan fach per i grjgnar l'amislanço d'uno jurado coumpousado quasiment en entier de Bezieirencs. Malurousome"nt, la divenco liquour de l'inspiraciu a pas trapat aici un flascou dinne d'elo. Sabi ben qu'un pouèto lYancimand a dich :

« Qu'importe le flacon, pourvu. qu'on ait Vivresse ? »

Mès se loujas un boun muscat dins uno damo-jano trop grando, bercado e mal tapado, ai pla pòu que perde bravoment de soun - bouquet.

Lou grand tort de Moussu Gibbert es estat de causir l'estrofo mistralenco, aquelo estrofo mistralenco que fa cigalejar lous èlhs des


aprendrisses e qu'es un terrible tracanard. Per manejar aisidoment aquel outis, e per lou manejar cinquante vuèit cops d'arreu, cal estre Mistr-al. Fauto d'estre Mistral, on embesso dins quatre ou cinq pajos - tout soun tresor de rimos, e lèu on s'arresto, desesnerafs davant aquelo' estrofo toujours badanto, toujours affamado, e que semblo toujours cridar : « Couacarn ! » coumo lou gorp de Jan de 1'Ours. -.

Aladounc, fauto de la poudre apitancar on se copo pas un boucin de queisso, coumo dins lou conte, mes. on fa coumo ma tanto Miquèlo. - -

N Disi ma tanio, èro pas ma tantôt sounco la tanto d'uno amigoméuno. Aquelo.santo filho abio 'n pichot defaus ; couci vous dire ?

- Ero pas sarrado, nòun. mès enfin dounabo pas Iou lard as cos.

M'abes coumpreso. Ame aco aimabo de couvidar e de servir à sous ostes de plats recercats. Arribèt qu'un amic, qu'ero^grand cassaire, i oufriguet un jour uno testo de singlar. Ma tanto he seguèt desvariado: just esperabo "de mounde. Sul cop, grand branlo-bas à la cousino : « FrOsou 1 Fa nn i 1- Anem, al traval, magnagos ! Aquelo testo l'ariam farcir..

— E amé de que ? diguèt Frosou, la cousinreiro.

— Ame de façlln, pardi : un pauc de pan, un - pauc de lard, un boucin de saucisse, las beatilhos de la pincardo, e quaucos truibs negros per i dounar boun goust. t — Mes, Madoumaiselo, diguèt Frosou, -voulès rire ! Per farcir aquelo testo vous cal au mens-dous kilos de earn. - Dous kilos ! te trufos de ieu.?' 7 — Diu m'en garde ! Mès vous cal la pincardo touto entieiro emai un braveJros de poucel.

- Se discutet de temps. Ma tanto asartabo sas troupos, voli dire soun porto mounedo qu'a beles paquetouns, e la cousinieiro tenio fort e mort per sous dous kilos de carn. Enfin, ma tanto faguèt l'abàndoun de la pincardo e.s'en tournet al saloun lou cor nafrat.

Pecaire ! en coumptant dous kilos, Frosou aQiò encaro coumptat trop just. Aquelo testo, un eop desoussado, aparesquefc prigoundo - coumo l'infern doubert ! E d'aquelo ouro en là, Fanni la chambrieirp - faguent Öufici de courrier, coumencèt de la cousino al saloun un vai e vén de ratapleno destimbourlado : « Madoumaisèlo, i a pas proun. de earn.

— S'en manco fosso ?

— Oh ! oui !.., au mens un kilo.

— Calotte, sans èime ! Balho-me lou porto'mounedo. E ma tanto courissio al bouchier. A belos miejos, à beles quarts, raflabo sul taulier lous rausils de touto meno: vudèl, poucèl, vaco ou moutoun. Mès la testo èro jamai pleno. E Fannf de gemir :


« Encaro i a de placo 1 » E ma tanto de courre al bodchier ! Enfin, la testo segaèt plena. La tastèri pas, en trop piehoto. è.s.

mles esiat dich que ges de couvidat demandet -pas à ma tanto la receiD d'aquel curious facun.

Disiem dounc que davont l'estrofo mistralenco lous paures pouetos se Irapaboiln tant entrepréses que la tanto.Miquèlo. I a urou- somentper i faire ranfort, dos troupos que soun toujours lestos. Per tapar lous traucs. per remetre d'aploumb lous versses garèls, lou batalhoun des qualificatius s'avanco en faguent petar lou taloun. ço pendent que per fournir las rimos que fautoun la courdilhado des

diminitius i fa riseto. E coumo à las jouventos de nostros escolos, pichoios ou belos, brunos oubloundos, grassos ou magros, l'uniforme baUio loujours-un pichot èr de familho, 1'Amour, la soupo, la porto, la man e lou cagarau devenguts I'Amoureto, lasoupeto, la porteto, la jnaneto e la cagarauleto s'oufrissoun al pouèto que n'a qu'à las culir. ,

Moussu Gibbert a malurousoment trop cedat à la tentaciu, e i a

bravoment trop -de sas estrofos que SIe soustenoun qu'ame aquelos troupos de ranfort. Mes ço qu'es pus grèu, a besoun de retroubar à founs sa lengo; emplego trop de mots à l'asart en lous desvirant de lour sinnificaciu verladièiro. Aquelos dècos e d'autros encaro ou pas permés à la juràdo de ié decernir mai qu'uno medalho de brounze, Hou regretam. La poulido pèço d'intimitat que nous mandèt l'an passat : At pèd del fioc nous fasio esperar milhour. Abem fisanco que se

tournara metre al traval ; e sans escampilhat soun inspiraciu dins de loungs pouèmes que nous sembloun pas faches per el, ciselara amourousoment quaucos pèços causidos ount sa sensibilitat e soun amour deL terradoun faròu marmandò.

Moussu Viennet, -un bezièirenc qu'escriu dins la lengo de Mistral, nous mando uno cansoun, un pouème, e dous sounets camarguencs.

Direm pas res del pouème. La Camargo a trapat soun pouèto amé Jousèp d"Arbaud ; e soun biais de la cantar, al cop simple e esmouvent, souvent entristoulit, toujours un pauc amar, a marcat tant fortoment nostro generaciu que couneissi pas de poueto qu'après el l'aje canlado d'un biais ouriginal. Es toujours un pauc al travers de d'Arbaud qu'on l'aimo, qu'on la sentis ou qu'on "la vei. Moussu Viennet a pamens ma-cat d'un sagèl plan persounal soun sounet : Marinado Camarguenco. Aici, se sentis que lou pouèto delibrat de - tout aflat estrange a sounco vist e pintrat. Escouta-lou e perdounas-i la pauretat de quaucos rimos en favour del dernier tercet : -


Marinado Camarguenco Li nivo amoulouna sus lOll Gou dou Lioun Se tuerton en furour, barrulant ras d:s aigo.

Lou cèu negréjo, es bas, la calour es de ploumh Fai d'uiau, trono, plóu per touto laCamargo.

Li grand batèu parti pesca dins Ii grand founs I Sattto, i Grau, gimbla, s'en venon de la Largo.

Lou marin Prouvençau coutieis ben sa leigoun Mai lou tems a manca per pousque faire cargo.

*

Au Vacarès se pauso un grand vou de gabian.

S'ausis alin lis erso au fio de Faraman ; Li tamarisso en Hour plégon de p6u si ramo.

Li gardian au galop assecuton li tau, Et Iou Rose que gounfle au long de nostre. oustau S'ellfourno dins la mar, l'estrasso tant que bramo !

- Sa cansoun es poulido e i souetam uno mùsico dinno d'elo. Ia pas aqui res de pla nòu, ni la cansoun ni la mouralo, mès l'Amour es toujours nouvèl. e la cansoun es tant graciuso ! E per ço qu'es de la mouralo, à veire lou cas que ne fou lous amourouses; cal creire que s'i repetara pas jamai proun. v( La jurado, à l'unanimitat, balho à Moussu Viennet uno medalho d'argent.

e

E gar' m'aqui arribado davant lou boucin majoural d'aqueste councours. Moussu Geno Martin, de Mountsegur sus Lauzoun, nous a mandat 7 pouemes en prouvençal. Aici clinem-nous davant un vertadier pouèto ; nostre councours ne courounario-ti qu'un d'aquel trempe cado cinq ou sieis ans, serio proun per soun ounour e per l'oonour de nostros letros d'Oc. Uno inspiraciu aboundouso, variado ; uno pouesio tout cop oudaciouso, pleno de chuc, pesugo de sens, soun aici servidos per uno piousoudio excelento, un vers armounious e aisit. Dos e mêmes tres lecturos d'arréu atarissoun pas l'inlerès d'aqueles pouèmes, à qual se pot reprouchar de sus en la que quauques images incouherenls, resulto d'uno trop richo imaginiciu et tout cop un pauc de neblo dins la pensado.

La Jurado lous a recoumpensats de soun ramel d'argent. Avoui qu'hou ai regretat : me semblo que d'un pouèto d'aquelo valour on se deu d'exijar en sus de la ricliesso del founs e de la formo, l'armounio des images e la clartat de la pensado. Es cap an aquelo unioun destrecho de toutos las beutats que nous permetem d'adralhar nostre pouèto, que pod estre grand, s'hou vol.


Sioi urouso qu'el mêmes siegue vengut aneit per vous legir sas - obros,—mous pots de Bezieirenco auridu beleu marcatdetrop desounouritat lou melicous parlar Prouvençal. — Escoutas soun pouème entitulat: Proumieiri Fueio. Pouesio estradjo, coumo:androgino, tout al cop couflo d'ideios e fernissento d'uno talo sensibilitat qu'abiem cregut, en primier, i recouneisser la marco d'uno de nostras pus belos pouetessos prouvencalos.

Proumieiri Fueio

Es coume un rire clar que bo.ulego li broundo !.

Es l'amo d'un jouglar que se pausu k la roundo !. Uno founfóni monto-en pantai eSIDouvènt I E li darriè bourroun s'espeton dins lou vènt !.

Un cantico d'amoar ß'elsalo de la terro

E trais, vers Fiflå9.i, soun pleh grasau d'espèro.

Qualleårèn de doulfent, de dous, nais dins la lus En mirage oudourous que s'escampo a noun-plus. E li fueio, delièuro e facho'pèr l'autouno, Soun lesto à renouva'lis umàni eourouno.

Djns la naturo eterno, ount tout es immourtau,

Derrabon la vert-u.di piano e di coutau.

E sabo de la terro, au-rjour-d'uei triounflanto, Cridon soun emoucioun dins l'ouro bateganto !.

Pièi, "mè la voulupla de soun jouine clarin, - Escampon de secrfct au cor di pimparrin !.

Fuian 1 lougife fuian, dins la lumiero bl.oundo Fas regoula lou ilus d'uno sorgo prefoando !.

E portes Iou regrèu di jour av.mgouli, Portes la grand leiçoun di tènlS ensepeli. Fuian, respir di troundo i lau d'apouteósi, Engardes flouresoun emai metamourfosi !.

E toun oumbrino, å ras dis alo dóu moumen, Dins la naturo en fió tendra si sarramen.

Gråci à tu, l'ourizount, l'insèite et l'auceliho, Gardaran soun bonur emai soun alegrio !.

.E nåutri, au din-delin dis esquerlo de mai Aurèn vosto frescour pèr lava noste esrrlai.

E gar' t'aqui per finir un pouème d'jher, que semblo estat escrich quand lou vént jalat de la desfacho gimblabo tout, amos e cors :


Lou cèu es gris

Lou cèu es gris, lis aubre nus, la terro morto.

E passo un vóu espaventa D'estournfeu, que fan espeta Lou silenci que s'estransino à ras di porto.

Sian desavia. car soulitàri, vesèn plus Ço que s'encalo e co que toumbo.

Lou verbouisset sauno di coumbo.

Anan fantaumeja dins li ttarriè belu.

Tout se jai, tout trampello e tout crido, es l'istori Fenissènto dóu b61 amour Que la naturo en reflamour t Culigué, liuen dóu mounde e de si tantalori.

N'en resto rèn, plus rèn ! Lou bonur alassa Es un paure vièi que tremolo Au fouus de quauqui calancolo, , Que vai, se rebalant, dius si vièsti estrassa.

Oh ! rnisèri, drapeu de la pauriho umano, Te veici 16st à venteja !.

Lou diéu ivèr a mourreja, Fidèu, veil de carga sa roupo de semano.

'i Nous a leissa soun fais e nous fau Ion pourta Coume de bèsti despichouso, Mourga la vido segrenouso E sfempre faire avails, e jamai s'arresta.

Lou cèu es gris, lis aubre nus, la terro morto : Que de chiroun dins nosto car !

O bareati6 di moumen car, T'apelan, ouute sies ? Desèmbre nous emporto.

Silènci !. La nèu touinbo. Oh I coumo se fai tard !.

Nous fau farga nosto alegrio Sus li record de la Patrio ; Te vesen plus passa, vido ctóu bèu regard !.

Es sus aquéles versses que clavarai inoun raport.

Cal refarga noste alegrio Sus li record de la patrio.

E s'hou diguent Patrio es mai que mai .de la Terro-d'Oc que voli parlar. « Ah ! Qui, la petite Patrie ? » d'unes me dirou. La Patrio, e aqui n'i a proun. Sem de la grando Franco, segur, e lou souvenir de sous jours glouriouses nous déu faire aussar Iou cap, maugrat las


desfachos e maugrat lous dols. Mès aquelo Franco demest lous que - l'òu fjacho grando e belo i abio proun de nostres aujols, per qu'apelem Patrio ço prumier noslre brès. Es sus rfecords 'd'aquelo Patrio qugp refe^garem un avenir pus urous ; sus records de las ouros trop cour- tos ount nostro civilisaciu e nostro lengo mountaboun à soun pounti- * ficat, mès tabé sus records de misero, de souffrenco e de fam. Se lous prumiers nous palaficoun en ourgul cado cop queseTrem tentats d'acatar lou pap, lous autres nous ajudarou a tèner coumo lous aujols. E nostro Raço que regrelho un jour pourtara flour e frucho,..se sas racinos saboun s'ancrar cado jour un pauc mai dins nostro terro maire, e i pousar, coumo un filtre (Teteino jouventut,\touto la savo del terradoun. - -

; CLARDELUNO.

De nombreux laureats viennent retirer leurs recompenses, M. Eugène Martin qui a,obtenu le Rameau dans le Concours de Poesie occitane declame avec urie rare finesse ses poèmes les plus remarqués. s -

M. Viennet, lauréat du Concours de Poesie occitane, Mh* M.- A.

Daguet, laureate du Concours de Poésie française charment rassis- tance par la lecture de plusieurs de leurs poésies primées en 1942.

- -

M. Jules Latreille, President, avant de lever la seance repiercje l'assistance en ces termes :

Nous ne saurions clôturer cette reunion, sans' exprimer notre reconnaissance à tous ceux qui ont contribué à en rehausser la portée et l'éclat. - L Monsieur le Président de 1a Chambre de Commerce, tout d'abord notre hôte généreux qui, avec sa bonne grâce accoutumee, offre à nos discours le cadre fastueux de cette salle. Bien que devenue traditionnelle, la générosité de cet accueil n'en est pas moins vivement appréCiee chaque année, par notre Société, et n'en merite pas moins une egale gratitude. -

Et nous devons aussitôt remercier Monsieur le Sous-Préfet de l'honneur profondément ressenti qu'il a bien voulu faire à notre Compagnie en assistant à notre séance — qu'il sache qu'H a renoué ainsi, une très ancienne tradition — Nombre de ses prédécesseurs, au cours - du siècle passé avaient ainsi à coeur, tous les ans, de prendre contact, au sein de cette Assemblée de la Société Archéologique, avec une notable partie de l'élite biterroise intellectuelle. Gardien et pro-


tecteur des interets matériels et moraux de notre région, nous désirerions qu'il ait pu se convaincre du serieux et du soin avec lesquels .t;lotre Société, modestement, mais honorablement, s'occupe de ceux dont elle a depuis plus de cent années, la charge. Qu'il veuille bien accepter l'hommage respectueux de notre reconnaissance.

Remercions encore Monsieur le représentant de la Municipalité de Béziers. Elle n'oublie pas tous les liens de collaboration dévouée, oui, depuis son origine, unissent notre Compagnie au corps municipal.

Et aussi, Messieurs les représentants des autorités religieuses, juridiques, militaires, académiqnes, sans oublier Messieurs les membres de la Légion, qui nous ont fait l'honneur de se rendre à notre invitation, avec un empressement dont nous sommes profondément touchés.

Mieux que de nos discours, c'est de leur présence, de ce concours de tout ce que Béziers compte de distingué dans tous les domaines que cette assemblee emprunte et conserve ce qui doit continuer à en faire une date dans la vie de notre ville.

A cette fête, notre fidèle, notre charmant auditoire achève de donner une parure inappréciable de grace et d'intelligence. Nous n'osons plus nous excuser de la severite de nos propos, en face de I'attentive et souriante bonne grace qui veut bien les subir. Elle réussit a nous donner l'illusion que nous ne l'avons pas ennuyée.

Redisons à tous nos auditeurs, à toutes nos auditrices, combien leur fidelite à notre vieille Société nous touche et nous réconforte dans une tache parfois ingrate.

L'austérité, l'aridité de notre prose, nous avons heureusement plus que nos vers pour les dissimuler. Je veux dire cette partie musicale de notre séance dont le charme et l'intérêt s'accroit d'année en année. Véritable concert où le talent éminent de nos musiciens s'accorde à la haute valeur de la musique choisie. Avec tout leur auditoire, offrons à notre remarquable trio : M. Niel, M. Fouquet et M. le Dr Taillefer, nos plus chaleureuses félicitations.

Et à vous tous, Mesdames et Messieurs, donnons rendez-vous à , l'an prochain.

M. Fouquet fait admirer toute la virtuosité de son talent de pianiste, dans « Impromptu et Variations », de F. Schubert. Il recueille les applaudissements les plus nourris.

M. Ros, Secrétaire, donne lecture du Palmarès des Concours.


LAUREATS DES CONCOURS de l'Année 1942

MÉMOIRES HISTORIQUES, BIOGRAPHIQUES, ARCHÉOLOGIQUES - (PRIX RÉSERVÉ) , Diplôme de Médaille de Vermeil Les Gardes-côtes de Provence.

Le Service de la Chaloupe destinée à la relève de la garde placée dans les Tours de l'entrée de la petite rade de Toulon (1719-1760).

1 Une pétition des-Négociants d'Agdè (1806).

Etude d'un Plan d'application -du Compois sur toutes les maisons de Nissan;

Etude historique sur les limites du -territoire de la commune de Nissan, par M. le_Lieutenant Michel Martinez, Rivesaltes (Pyr.-Or.).

Diplôme de Médaille d'Argent Monographie de la commune de Cournonterral, par Un Cournalin d'adoption.

Mention honorable Monaco et la Tète d'Hercule, par M. Fortuné Tressens à Lascours (Bouclies-du-Rhône).

POÉSIE FRANÇAISE (Prix réservé) Diplôme de Médaille de Vermeil La petite Servante,. Plainte, par Mlle M.-A. Daguët, Douzens (Aude).

Diplôme de Médaille d'Argent La Fileuse, Soir Corse, Cloches de mon Village, Bienvenue, par M. Jean-Dominique Guelfi, Aix-en-Provence, (Bouches-du-Rhône).

Et in arcadia ego: A. Tibur, par M. Louis Viennet Béziers (Hérault). Rêve de Pureté, Troupeau en marche, par M. René Roùquier, Andouque-Valdériès (Tarn) (Rappel).

Diptyque : La Moisson, les Yendanges, par M. Louis Granié, Boujan-sur-Libron (Hérault) (Rappel).


Diplôme de Médaille de Bronze y, v

La Flûte d'Or: Le plus beau vers, par M. François Richard, Sète (Hérault).

Maguelonne, par M. Marcel Atgier, Montpellier (Hér.) (Rappel). Mention honorable

Rêverie Captive, par M. Georges Saint-Jours, Stalag VII A.

POÉSIE OCCITANE

Diplôme de Rameau en Argent (Prix du genre) Proumiéri fueio. Davans un ouratÓri.

S'es enfugi lou tèms. Recaliéu.

La joio danso. Darrié rescontre.

Lou cèu es gris, par M. Eugène Martin, de Mônségursur-Lauzon (Drôme).

Diplôme de Médaille d'Argent Lou Piloto. Marinado camarguenco.

Aubo primo.

Cansoun, par M. Louis Viennet, de Béziers (Hér.).

Diplôme de Médaille de Bronze

Cal partir. Lou Nostre. Païs Bas. SuTtalli. A la lino.

La prensado.,0 vin nostre, par M. René Gibert, Maraussan (Hérault) (Rappel).


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».

FONDATION AUGUSTE CAPDEVILLE

Sujet imposé par le Testateur « LE DEVOIR » 1er, 2e, 6e prix, réservés

Troisième Prix

Le Devoir: M. François Richard, Sète (Hérault)

Quatrième Prix

M. Albert Bizet, Béziers (Hérault).

Cinquième Prix

Mme Didier-Delorme, Lyon (Rhône).


L'Oppidum de Cessero

PRÈS SAINT-THIBÉRY

Par le Docteur COULOUMA et M. CLAUSTRES

Son emplacement et son histoire Le village de Saint-Thibéry (Hérault), bàti au point le plus bas de la plaine, au confluent de la Tongue et de l'Hérault, présente un territoire très accidenté par suite d'une éruption volcanique des temps quaternaires qui s'est produite, d'après les savants MM. de Serres et Cazalis de Fondouce, entre la première et la seconde période glaciaire.

Cette éruption serait contemporaine des dépôts graveleux et caillouteux (1). Les manifestations tectoniques ont produit deux collines jumelles de 70 à 80 mètres de hauteur ; elles ont répandu sur leurs pentes, et même dans la plaine d'alluvions de l'Hérault, des laves qui constituent des plateaux incultes dominant le tallweg du fleuve de 10 à 20 mètres.

La pierre qui abonde partout, a peut-être attiré de très bonne heure les hommes désireux de se retrancher dans des enceintes primitives ou de loger dans des cabanes de pierre.

Les deux volcans, désignés dans le pays sous le nom de Monts Ramus, ont servi de signal, de postes d'observation, et peut-être les constructeurs de la voie Heracléenne et plus tard de la voie Domitienne ont-ils visé ces hauteurs pour s'orienter, lors de l'établissement de la route, faite sur une piste tracée dans les temps préhistoriques.

Il est certain que la première voie de Domitius Ahenobarbus passait entre les deux Monts et continuait en ligne droite pendant 15 kilomètres vers l'étang de Thau et Mèze. Le passage de l'Hérault s'est donc fait très anciennement au voisinage de Saint-Thibéry. La traversée du fleuve a été l'origine de l'habitat. Nous en avons encore un précieux témoin par le pont romain auquel accédait le chemin de la reine Juliette. Un gué existait en face du village en continuation de la voie Domitienne, identifiée par M. Ros sur un très long parcours.

Dans le passé, Saint-Thibéry s'appelait « Cessero » et plus anciennement Kessero ou Keppero. Cette localité est souvent citée dans les auteurs latins ou grecs.

(i) Bulletin de la Société Géologique de France (1861).


Pline range cette localité dans les « Oppida latina » (Histoire Naturelle Hist. N.-II). Ptolémée (Géographie II) dit que Cessero était une station de la voie domitienne, de laquelle partait la voie de Rodez. Au point de vue militaire, il y avait là une « mansio », une hôtellerie des troupes de passage. Les tentes des légions étaient établies à proximité de l'Hérault, sur la rive droite de ce fleuve, sur un des plateaux formés d'épanchement de lave dont nous avons déjà parlé. Cet endroit est connu dans le pays sous le nom de « Camp de la Bataille ». Cessero est encore mentionnée dans la Table de Peutin-" ger, les Vases Appollinaires, l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem.

Nous avons relevé dans la Géographie générale de notre département (tome III 2e fascic)', les indications suivantes : « le passage « de l'Hérault, non loin de Saint-Tlïibéry, à quelques centaines de « mètres au S W de cette localité, explique pourquoi la station qui se « trouvait à cet endroit est désignée sur l'itinéraire d'Antonin par un « double nom, celui de la r ivière et celui de la ..-localité voisine « Araura, sive Cesserone ».

N'oublions pas aussi que les villes, situées près de l'embouchure ou au début du delta d'un cours d'eau, portaient presque toujours le nom du fleuve qui les baignait. Notre savant confrère, M. Mouret, a émis l'hypothèse que Vendr-es, bâtie à l'entrée de l'estuaire de l'Aude, s'appelait Atax. M.-Miquel de Barroubioét l'un de nous identifiaient au contraire Sallèles et Atax.

Saint-Thibéry se serait donc appelé Cessero, Keppero et Araura.

Dans l' « Histoire du Languedoc » Dom Vaissette affirme que, dans le pays des Volques Tectosages les Grecs fondèrent Cessero Tectosagum, aujourd'hui Saint-Thibéry. Cette ville, écrit-il, était dans le continent à deux lieues de la Méditerranée. Le même auteur rapporte une légende curieuse, mais fort discutée.

Il cité Menestrier qui, dans une dissertation sur l'origine de Lyon, prétend que les Rhodiens, fondateurs de la colonie de Rhodes ou Rliodanusia sur le'Rhône, établirent la colonie de Cessero d'ans le même temps que les Phocéens ou Marseillais fondèrent celle d'Agde.

Dans la suite, vers l'an 360 de Rome, les Rhodiens et les Marseillais se firent la guerre. Les Phocéens vainqueurs chassèrent deux chefs, Momorus et Atepomarus, de la cité de Cessero où ils régnaient. D'après Plularque Momorus et Atepomarus, après avoir été expulsés du royaume de Cessero, bâtirent auprès du Rhône et sur une colline, une ville à qui les corbeaux qui parurent dans le temps de sa fondation, firent donner le nom de Lugdunum. D'après Justin, les Marseillais apprirent aux Volques l'art de cultiver les terres, de fortifier les villes, de tailler la, vigne et de planter les oliviers.


Plus tard, au deuxième siècle avant notre ère, sous la domination romaine, Cessero jouit du droit latin, c'est-à-dire qu'elle se gouverna elle-même par ses lois et ses magistrats.

Dom Vaissette rapporte qu'au début du IVe siècle de notre ère le fils d'un gouverneur, Tiberi, converti au christianisme et fervent adepte de la nouvelle religion, fut exécuté à Cessero avec deux de ses compagnons, Modeste et Florentie. Cette exécution remonterait aux premières années du règne de Dioclétien. Le martyre eut lieu, paraît-il, devant l'église actuelle de Saint-Thibéry et la sépulture se fit à l'endroit même.

Pour honorer le saint, les chrétiens construisirent au YlIIe siècle une chapelle souterraine. Ce fut le noyau autour duquel s'élevèrent les premiers bâtiments du monastère.

D'après l'auteur anonyme d'une plaquette portant le titre de « Baïso Barrouls » les habitants abandonnèrent alors l'oppidum primitif du Fort et vinrent se fixer autour de l'Abbaye.

Vers le neuvième siècle, l'abbaye et la ville de Cessero adoptèrent le nom actuel de Saint-Thibéry.

Description de l'Oppidum Le village est entièrement bàti dans la plaine, entre un pointement volcanique, la Tongue et l'Hérault. Il est limité à l'ouest par la voie ferrée et au sud-est par une butte aux pentes abruptes que l'on nomme « le Fort ».

Depuis longtemps notre attention avait été attirée par cette hauteur de roches noires que la ligne ferrée coupe à son angle sud-ouest.

Quand nous passions, soit sur la route, soit sur la voie ferrée, nous étions surpris de voir cette butte, formée presque entièrement de basalte, sauf à l'angle du sud-est où des parois verticales nous montraient les couches successives de gravier et d'argile d'une terrasse alluviale classique, surmontée des vestiges de murs.

Le « Fort » est une sorte de récif élevé de 10 à 15 mètres au-dessus de la plaine. Il a 100 mètres de côté et forme un carré à peu près parfait. Du côté du Sud la hauteur est inaccessible. Sur le flanc est-sudest, les parois sont moins verticales ; elles sont même plantées d'amandiers et d'alaternes qui soutiennent un peu les terres. Au pied de l'angle sud-est, du côté de la voie ferrée, se trouve un gros bloc de maçonnerie, présentant l'amorce de deux murailles. Il est incontestable que ce mur éboulé provient des remparts Nous avons trouvé des fragments de dolium engagés dans sa construction. Ce mur est relativement récent. Il peut remonter à l'époque romaine ou au


Moyen-Age, mais d'après un travail de M. Bonnet « Antiquités et Monuments de l'Hérault », paru en 1905, les travaux effectués lors de la construction du chemin de fer ont fait disparaître des fragments de muraille d'un aspect tout primitif qui s'élevaient encore en 1835.

Cette muraille était formée de larges blocs prismatiques superposés sans ciment et qui ne constituaient pas d'assises régulières.

MM. de Saint-Paul et Creuzé de Lesser dans « La Statistique du Département de l'Hérault) paru en 1820, parlent des murs qui suiven les sinuosités des rochers ; ils ont tantôt 5 pieds, tantô.t 20 à 22 pouces; leur hauteur, ajoutent-ils, varie.suivant l'escarpement.

Avançons vers le Nord et vers le village en suivant les parois du « Fort ». La déclivité devient de moins en moins abrupte. Le niveau de la vigne située sous le « Fort » se relève peu à peu, de sorte que la -butte est accessible par de petits sentiers vers son angle Nord-Est (cette terre a été .aplanie par le grand-père du maire actuel).

, En ce point, le rocher est nu ; il forme des étagements successifs.

Un mur. de 60 à 80 centimètres de large l'unit aux premières maisons du village. Cette construction représente certainement le rempart du moyen-âge. -

La limite Nord du Fort est formée d'une paroi verticale de rochers basaltiques. Ces roches présentent desx aspects assez variés. En certains points il/y a de véritables, orgues de basalte. En d'autres, la roche est noirâtre, comme si nous nous trouvions devant la cheminée d'un petit volcan, ou dyke,. ayant créé la butte (photographie nu 3).

Plus loin des fissures apparaissent et font craindre des éboulements sur les maisons du village toutes voisines. Creuzé de Lesser croit que cet énorme rocher a été taillé à pic par la Jnain des hommes pour en faire une forteresse. A l'angle nord-ouest la hauteur est de plus de 15 mètres.

A cet endroit commence un mur qui limite exactement le Fort, car il est bâti tout à fait au bord du précipice (photo n° 1). Un peu plus loin, sur la face ouest, il est à peine marqué par quelques assises.

Il cesse même quelques mètres pour reparaître derrière des maisons très proches du « Fort » Ce rempart, de 60 à 80 c/m de largeur, n'est pas exactement dans la prolongation du premier. Il présente une hauteur de 1 m. à 1 m. 50. Cette construction repose sur le rocher ; elle se termine au point où le basalle s'abaisse (photo n° 2).

Si nous avançons encore vers le Sud, en suivant le côté ouest du « Fort », nous atteignons un point où l'oppidum est beaucoup plus accessible. Une rue monte du village ; elle continue sous forme de chemin dans le Fort. C'est l'emplacement de la porte charretière. De part et d'autre, des jardins potagers utilisent la mince couche Je terre arable qui couvre le rocher,


Au-delà de ce chemin, le rempart commence ; il montre même la base d'un escarpement ou d'une tour. Sa hauteur est d'un mètre à 1 m. 80. La muraille s'arrête à l'angle sud-ouest du Fort, au point où la voie ferrée de Lodève à Béziers par Vias coupe légèrement le rocher et sépare une mince épaisseur de pierres du reste de la butte.

Ces divers murs sont construits en pierres basaltiques, parfois mélangés à la base de blocs calcaires isolés ou assisés, qui appartiennent à un appareil moyen plus ancien. Dans le talus qui entoure le Fort, tout près de son angle sud-ouest, deux et même trois assises blanches superposées épousent la forme du rocher en le surmontant ; elles présentent le mode de construction, dit à entailles ou mieux à crochets, qui permet d'utiliser des pierres de moindre épaisseur, tout en maintenant les assises au même niveau.

Cette manière de bâtir est grecque, d'après MM. Benoit et Rolland, qui ont découvert en Provence une cité grecque entourée de remparts, pareillement construits (photos n° 2 et 3).

Montons sur le « Fort » par le chemin dont nous venons de parler.

Au-dessus des jardins, logés sous les étagements de rochers, nous trouvons à droite une maison isolée, récemment construite, et à gauche le bassin-réservoir du pays.

Au-delà tout le terrain est plat. Il est divisé en jardins et en vignes. (Plan de l'Oppidum n° 1).

- Sa surface totale représente 900 à 1000 mètres carrés ; c'est à peu près celle des Oppida du pays.

Du haut de ce cube de rochers, de 25 mètres d'altitude, la vue s'étend au loin et le panorama est vraiment très varié. Au Nord et à l'Est commence le village dont les maisons sont dominées par l'immense abbaye, l'église attenante, le clocher et la tour dite du verrOll.

Au-delà on entrevoit la vaste plaine de l'Hérault, dominée par des hauteurs qui portent deux villages : Nézignan-l'Evèque sur la rive droite, et Castelnau-de-Guers sur la rive gauche. A l'horizon, la petite ville de Pézenas apparaît au milieu de ses jardins et de ses allées d'arbres. Enfin, par temps clair, les montagnes du Larzac et du Lodévois limitent le regard.

A l'Est, les belles constructions du groupe scolaire de SaintThibéry s'élèvent au pied du Fort. Au-delà on aperçoit les arbres de l'ancienne île formée par l'Hérault, et plus loin la montagne d'Agde.

Au Sud, la ligne ferrée et là route longent l'Oppidum. Après elles le terrain s'élève très tourmenté. Ce sont des plateaux incultes, constitués d'anciennes coulées de lave, rejetées par les deux monts Ramus.

L'un d'eux, élvé de 80 mètres d'altitude, nous cache l'horizon par son cône de roches noires, couvert aujourd'hui de luzernières aux teintes vertes du plus heureux effet.


LE FORT CESSERO Remp.iris du côté N.-O. vers le village

1 E M)R r Rempnns .niult: N -C) ;>-O.

-


Appareil S rec ';1' S e 'CIl, wt wnibre ¡'Lnc

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Tout à côté, derrière le cimetière du pays, s'étend le plateau inculte du « Camp de la Bataille ».

Vers l'Ouest, le Fort ne domine pas entièrement les maisons de Saint-Thibéry. Cependant nous apercevons au-dessus d'elles la ligne bleutée de la Montagne Ndire et, entre quelques constructions, la route de Montblanc et même le village de ce nom.

Origine de nos recherches L'un de nous ayant eu l'occasion de séjourner à Saint-Thibéry a visité le « Fort ». Il n'a pas ramassé de tessons caractéristiques en surface des vignes et des jardins du plateau, mais il en a trouvé dans la terre située sous le Fort et à l'Est. Un Saint-Thibérien, M.

Cougnenc, l'a aidé dans ses recherches. A eux deux ils ont pu réunir quelques petits fragments attiques et ioniens du ve siècle avant notre ère. -D'autre part, nous avons gratté la terre du talus du « Fort » toujours sur la pente Est. Nous avons recueilli de la poterie primitive de l'âge du Fer, des fragments hallstattiens, de la poterie indigène et d'assez nombreux tessons ioniens, en particulier un fragment de coupe grecque avec une anse presque complète et un bord important de grand vase.

Ces trouvailles ont été faites surtout à un mètre cinquante au-dessous du niveau supérieur du plateau et jusqu'à trois mètres en contrebas, à proximité de l'angle de l'Oppidum et même sur le début l du talus de l'Ouest.

Sur cette partie très déclive, nous avons trouvé en place, à 1 ni 50, les fragments d'un col d'amphore grecque. Un niveau de pierres volcaniques, interrompu de loin en loin, marque dans la coupe de la falaise et à la profondeur de 1 m. 70 l'emplacement probable de l'ancien mur d'enceinte.

Nos fouilles Nous n'avons pas pu entreprendre, comme à Ensérune et à Montfo, de vastes travaux de déblaiemént, toujours plus sérieux et plus scientifiques que de modestes sondages. La terre de Cessero est entièrement cultivée par de petits propriétaires jaloux de leurs terres.

Nous avons dû aller vite et combler rapidement les trous que nous avions creusés.

Divers sondages, entrepris dans le jardin Coscola et dans le jardin Fernandez, ont prouvé que la roche basaltique se trouvait à peu de profondeur et limitait nos recherches à une couche archéologique I


très mince. Nous avons trouvé là quelques tessons campaniens, pseudoibériques et beaucoup plus rarement hallstattiens.

Nos recherches ont eu plus de succès au jardin Marignosa, dans - lequel nous avons pratiqué un sondage sur 16 mètres carrés près du talus est. Dès 30 centimètres, nous avons mis au jour un mur, large dé 60 centimètres, se dirigeant vers la périphérie de l'oppidum, formé d'une seule assise de blocs sans mortier. Au cours de cette fouille, nous avons trouvé des témoins d'un habitat, ininterrompu depuis le cinquième siècle avant notre ère jusqu'au moyen-âge, mais les couches - supérieures avaient été bouleversées, surtout au Nord du mur, pour procéder à des sépultures. Au Sud et dès 50 c/m de profondeur, nous avons trouvé une Olla indigène en terre grise du vue ou vme siècle de notre ère. Le basalte nous a arrêté à 2 mètres (photo n° 4).

Abandonnant le centre de l'oppidum, nous avons ouvert une tranchée à l'angle Sud-Est du Fort, près du précipice de 10 mètres qui le limite. Dès 65 centimètres, nous avons mis au jour un squelette de femme, à la dentition parfaite. Entre les deux mains, il y avait un tesson attique. (Plan-dépliant n° 2).

D'autres corps ont été découverts, toujours tournés vers le SudEst. A 80 centimètres commence un niveau de cendres blanches ; 10 centimètres plus bas, nous trouvons deux alignements de pierres qui reposent'sur des cendres riches en poterie ionienne, surtout à partir de 1 m. 30. Les tessons sont accumulés comme si les vases avaient été écrasés en ce point. La poterie indigène est assez abondante.

Par contre les tessons hellénistiques sont rares. Nous avons agrandi la tranchée à ce niveau, travaillant sous la couche superficielle ét créant ainsi une sorte de grotte. Les recherches y ont été très fructueuses. Un guerrier reposait là, - avec ses armes. Autour de lui nous avons trouvé de la poterie ionienne en abondance. En dessous de cette couche de cendres de 30 c/m. nous avons extrait 50 centimètres d'épaisseur d'argile sans tessons. A 1 m. 60 de profondeur -nous avons trouvé une deuxième couche de cendres, épaisse de 15 à 20 c/m., et fort riche en céramique ionienne. : - -

- A 1 m. 80 nous avons rencontré un véritable sol formé par de l'argile à moitié cuite, reposant en certains points sur des fragments de dolium et riche en charbon. Sous ce sol, il y avait encore une couche d'argile. De 2 m. à 2 m. 30 la terre renfermait un peu de charbon et de la poterie primitive grossière.

Entre 2 m. 60 et 2 m. 70 nous avons encore trouvé un peu de bronze sans forme, dans une terre noirâtre. Enfin de 2 m. 70 à 3 m., nous avons mis au jour delà poterie primitive indigène, accompagnée de tessons haHstattiens de première époque. Tout à fait à la ba&e



gisaient de gros blocs de basalte formant un nouvel alignement. Nos recherches se sont poursuivies jusqu'à la profondeur de 3 m. 20, niveau du sol géologique.

En continuant nos fouilles vers l'Ouest, nous avons toujours rencontré les mêmes couches archéologiques.

Signalons la présence de nouveaux murs dirigés du N. O. au S. E. Sous le 3e, situé à 7 m. 70 du départ de la tranchée et à la profondeur de 60 c/m. nous - avons découvert une véritable cachette renfermant une centaine de jetons, découpés surtout dans la poterie indigène. Il y avait aussi des rondelles de céramique ionienns et atlique.

De loin en loin, gisaient des squelettes A 2 mètres de profondeur un crâne d'enfant était entouré de céramique ionienne et de quelques morceaux d'une coupe en pâte jaune, décorée de lignes rougeàtres et de curieuses fleurs roses.

Nous avons rencontré le cinquième mur à 6 m. 20 du départ de la tranchée et à 1 m. 40 de profondeur ; il est formé de trois assises superposées. Dans ses interstices des tessons ioniens sont très souvent écrasés. Un sixième, découvert à 8 m 50 de nos premiers coups de pioches et sous une mince couche de cendres, à la profondeur de 1 m. 30, a été dégagé sur une longueur de 3 mètres. Il semble rejoindre les vestiges de fortifications en se relevant légèrement vers la limite du Fort. Il a 40 c m. à 55 e/m de largeur.

Origine des alignements de pierres Que signifient ces murs ou ces alignements de pierres qui se trouvent à des profondeurs différentes et à des distances variables, quoique très courtes, les unes des autres ? Plusieurs hypothèses se présentent à notre esprit : ils marquent peut-être des limites de cases ou de fonds de cabanes ; ils peuvent aussi limiter des concessions pour sépultures. On peut y voir encore des contreforts servant à protéger les remparts.

La présence d'un petit nombre d'ossements de sangliers, de bœufs, de moulons et de cerfs, écarte la dernière interprétation.

En général, ces murs recouvrent des cendres ou sont établis au milieu d'un niveau de cendres. Deux des premiers murs rencontrés à l'Est, étaient à 90 c/m. sous un niveau archéologique, tandis que le troisième et le cinquième recouvraient le même niveau qui est à peu près continu le long des 10 mètres de tranchée. Le quatrième mur est établi au milieu d'une couche archéologique à la profondeur de 1 m. 40. Par contre, le sixième alignement de pierres surmonte ce même niveau de cendres, épais parfois de 15 à 20 c/m.


Quel que soit le point où nous fouillons, nous trouvons des couches de cendres superposées séparées par des niveaux d'argile sans tesson. Ainsi, à 9 mètres du départ de la tranchée, la coupe du ter- rain montre, sous 50 c/m. de terre arable, 60 c/m. de cendres riches en céramique ; en dessous 15 c/m. d'argile ; plus bas 10 c/m. de cendres. A 1 m. 35 de profondeur, nous retrouvons la terre jaune. A 1 m. 55 la couche archéologique réparait.

- Deux mètres plus loin, la terre arable renferme des tessons modernes ou moyennageux, Sur une épaisseur de 90 c/m à-l m. 20.

Nous rencontrons ensuite 30 c/m. de cendres. En dessous, il y a 20 c/m. d'argile. A partir de 1 m. 60 nous trouvons une deuxième zone de cendres,, toujours très riche en tessons.ioniens ; elle -repose ellemême sur une 1 couéhe de terre noire qui renferme de la poterie du - premier âge du fer sur une épaisseur de 40 c/ m., comprise entre 1 m. 90 et 2 m. 30 de profondeur. On rencontre ensuite le basatte.

Suivant les points, les couches archéologiques ne sont pas toujours aussi épaisses ; elles paraissent diminuer d'importance de l'Est à l'Ouest. Elles correspondent à trois étages (60 c/m. à 90 c/m.) (1 m. 40 à 1 m. 70) (2.m 60 à 2 m. 80) qui l\ous ont tous fourni de la

céramique ionienne en grande abondance. La persistance en profondeur de la céramique des Iles dans trois niveaux plus ou moins épais, séparés par une notable épaisseur de terre, semble prouver un très long habitat des Ioniens.

La tranchée principale a été creusée en moyenne à la profondeur de 3 m. et sur 1 m 50 de largeur. Elle a été poursuivie sur une longueur de 12 mètres.

Des difficultés avec le propriétaire de la vigne nous ont arrêtés -. provisoirement, mais nous espérons bien reprendre nos recherches après la guerre.

- Résultat de nos Fouilles : la Céramique Poterie préhistoriqueNos plus anciens documents céramiques de Cessero ne remontent pas au-delà de l'âge du bronze.

Nous n'avons pas trouvé de silex taillés, ni d'instruments de pierre, si ce n'est_une sorte de scie ou de peigne découpé dans du basalte, trouvée à 80 c/m. dans le jardin Marignosa. Cette curieuse pièce préhistorique a 10 c/m. de longueur. Sa largeur varie de 2 c/m. c à 3 c/m. et demi. Elle ne présente des dents que-sur une seule face.

Une de ses extrémités, aujourd'hui coupée, devait terminer par une pointe.


Les plus vieux fragments de vase que nous possédons appartiennent à l'âge du fer et à la première période hallstattienne, correspondant à la première migration celtique.

Ces tessons, très anciens, n'ont jamais été rencontrés d-ans des habitats en plein air de notre Languedoc. On les trouve généralement dans les grottes, d'après le distingué spécialiste, Bosch Gimpera, qui a établi une chronologie des tessons de Hallstatt (1)..Le Commandant Octobon les fait remonter même à l'époque du bronze.

Ils appartiennent à des coupes profondes du vne. siècle ayant notre ère ; ils sont décorés de méandres, tracés au stylet en creux dans la pâte fraîche. Ces méandres, en form de quadrilatères sont placés généralement en bordure du col du vase ou de la ccupe. Ils se répètent géométriquement tout autour du bord, la fin d'un rectangle correspondant au milieu d'un autre rang de quadrilatères placé en dessous et communiquant avec lui. (Planche n° 1 - Tesson n° 1).

Parfois, les traits incisés forment des angles droits et constituent trois lignes parallèles, de plus en plus grandes, aboutissant à un autre trait tracé autour du vase.

Ces derniers fragments provenaient d Olla assez pansues. Tous ces fragments présentent des surfaces lustrées de couleur gris som-

bre, parfois à pâte vacuolaire, comme si un dégraissant calcaire s'était décomposé durant la cuisson. -.

'Certains tessons plus épais présentent des protubérances de pâte qui ont pu servir d'anse de préhension. Chez ces derniers, les grains de dégraissant se montrent rarement à la surface ; nous les observons en très petit nombre à la cassure ; ils sont souvent micacés.

Dans le même genre, nous ferons une mention spéciale des fragments à bandes en relief, ornées d'une série continue de dépressions, elles-mêmes obtenues par la pression des doigts. Leur pâte est grise, parsemée de vacuoles, et présente à la cassure quelques petits - grains de dégraissant en calcaire. Ils rappellent la poterie de Chassey. Nous

les avons trouvés mêlés aux tessons ioniens, vers 2 m. de profondeur (Planche n° 1 - Tesson n° 2). Mentionnons encore un tesson orné d'un dessin en forme de flèche ou d'X, trouvé au niveau d'un tesson grec à décor (Planche 1 - Tesson n° 3). A côté d'eux nous placerons les fragments décorés de champs pointillés de trous, dans des triangles limités par deux traits parallèles, reproduits régulièrement autour du vase. Le Commandant Octobon a reconnu dans cette technique la poterie spéciale aux dolmens de Bretagne (Planche 1 - Tesson n° 4).

Ces deux derniers genres de poterie sont classés;dans le Néolitique

V (i) P. Héléna, Les Origines de Narbonne.


en Allemagne, en Grèce et durant la période des villes primitives (Dechelette p. 562. T. I).

Nous les avons découverts à la base de la tranchée creusée dans les terrains du chemin de fera la profondeur de trois mètres, tandis que les tessons, décorés en méandres, tout en n'étant pas totalement absents dans nos divers sondages, proviennent surtout du flanc du Fort d'où nous les avons extraits à 3 mètres en contrebas des vignes.

Bosch Gimpera fait remonter cette deuxième technique à l'âge de pierre ; elle se serait prolongée plus tardivement chez les Celtes en Europe Centrale, pour regagner les bords méditerranéens à la faveur des invasions.

Signalons encore une fusaïole tronc-conique trouvée à 2 m. de profondeur, qui est absolument caractéristique de l'âge du Fer.

Poterie indigène La poterie indigène, contemporaine de la céramique ionienne, est très variée. Ce sont tantôt des Olla faites à la corde à peine lustrées.

A la cassure, des grains de dégraissants apparaissent nombreux et parfois très gros dans une pâte de couleur gris fer. Cette céramique n'est pas très épaisse.

Plus rarement nos fouilles des premiers niveaux nous ont donné des vases culinaires à décoration incisée, dents de loup, grillages au peigne qui datent de la Tène II. Leurs formes rappellent les vases reproduits dans le Corpus et trouvés à Ensérune par M. Mouret.

D'autres tessons appartenant à des vases à fond plat sont très épais et ont un dégraissant plus apparent. Ils proviennent de la tranchée et gisaient sous un alignement de pierre, rencontré à 1 m. 50 de profondeur.

Quelques fragments assez minces, trouvés à 1 m. 80, sont d'une technique différente. Ils sout de couleur bois de noyer passant par places au rouge ; à l'intérieur, leur teinte est noire. Le dégraissant, souvent micacé, apparaît raiement sur une surface lustrée ; la cassure est noirâtre. Nous les avons rencontrés sur le plateau de Montfo à Magalas, dans un fond de cabane, que nous croyons remonter au ive siècle avant J.-C.

Signalons encore des tessons noirs, lustrés ou enduits de plombagine à cassure noire et à petits grains micacés à peine visibles. Ces fragments épais proviennent de la tranchée de 1 m. 70. Ce sont les débris de vases carénés. Nous en avons trouvé de semblables à Montfo ; ils datent du ne et du me siècle avant notre ère.

Les formes, dites gallo-grecques, à bords plats sont très rares, ainsi que les vases à tetons.


Nous avons un seul tesson indigène pseudophocéen présentant le début d'un trait ondulé en creux. Les fragments décorés au pouce sont rares.

Quelques pierres à aiguiser. probablement utilisées par les indigènes, proviennent des mêmes niveaux, ainsi que des jetons en poterie.

Nous mentionnerons encore un vase indigène à fond légèrement airondi, sorte de marmite de forme carénée, ornée à moitié hauteur d'une couronne de traits courts, incisés dans la pâte. Ce vase a été découvert intact à peu de profondeur, dans le jardin Marignosa. Il date d'une période plus récente : Vile ou Ville siècle de notre ère.

Céramique ionienne ou pseudoibérique Elle est de beaucoup la plus abondante à Cessero. Nous-l'avons rencontrée plus ou moins dans tous nos sondages, mais c'est surtout dans la tranchée creusée dans les terrains du chemin de fer qu'elle domine. Il y a là des cases ou des sépultures qui en sont remplies de 90 cjm. à 2 m. 90 de profondeur. Comme à Bessan. cette céramique en pâte rose clair parfois gris rosé, est décorée de deux teintes différentes. Tantôt l'artiste a employé une teinte rouge ou rose, tantôt une couche grenat passant au noir.

1° La plupart des tessons faisaient partie de grands vases ovoïdes et pansus, se terminant au col par des bords épais, arrondis et légèrement retournés vers la panse. Sous la partie évasée l'artiste avait tracé un trait large de peinture grenat. Des traits colorés, groupés par deux à la partie supérieure sous le col, formaient trois séries de cercles décoratifs autour du vase. Au plus grand renflement de la panse, correspondaient des lignes circulaires, groupées également par deux, encadrant une bande de couleur grenat plus large (Planche II - Tesson n° 1). Un autre trait large complétait la décoration au-dessus d'un pied de faible diamètre. Ces grandes jarres se trouvent en grand nombre à Montlaurès, Mailhac et Ensérune ; elles peuvent être datées de la Tène 1 (ve et IVe siècle avant J.-C.).

D'après M. Héléna, le savant auteur des Origines de Narbonne, elles seraient du type andalous de Castellar de Santisteban. C'est également l'opinion du Professeur Puig, de Barcelone. Les Professeurs Dugas et Grenier ne les croient pourtant pas ibériques. Nous les avons considérées comme ioniennes par analogie avec les poteries de Bessan déjà identifiées par des spécialistes officiels ; elles y ressemblent parfaitement.

2° Dans des vases décorés de traits rouges, la panse était moins marquée et le dessin variait quelque peu. De distance en distance, sous les lignes circulaires peintes, l'artiste traçait des séries de lar-


mes ocres, perpendiculaires, formant grilles intercalées un peu plus bas avec un autre groupe de larmes également perpendiculaires.

Cette succession de lignes rouges et de grilles était du plus heureux effet (Planche II - Tesso 2).

Ces débris rappellent exactement les tessons trouvés à Magalas à 4 m. de profondeur. Nous les avions appelés ioniens, lors de la publication de notre deuxième note sur cet Oppidum. Nous adopterons la même détermination à Cessero.

3° Parfois les vases ioniens étaient à peine incurvés, se rapprochant un peu des formes droites ibériques genre <( gibus renversé » cependant plus récentes. Leur col était aussi largement évasé; ils présentaient une peinture grenat sur l'évasement. Des traits grenats formaient à peu de distance du col une décoration assez jolie. Ils encadraient la partie la plus pansue, sur laquelle étaient peints quatre cercles concentriques de plus en plus petits. Ce décor géométrique se répétait tout le tour du vase. Parfois une bande circulaire grenat barrait la moitié des cercles à leur centre (Planche II fragment n° 3).

Cette décoration curieuse fait penser aux vases dits ibériques - d'Ensérune, d'Emporium et d'Yécla en Espagne. Nous l'avons retrouvée également à iVlontfo, près de Magalas, à la profondeur de 3 m. 50 à 4 mètres en même temps que quelques tessons attiques.

Comme cette céramique est placée à Saint-Thibéry à côté d'une multitude de tessons, nettement ioniens, peints de la même manière, et déjà bien identifiés à Ensérune et à Bessan, nous n'hésiterons pas à lui attribuer la même origine, avec d'autant plus de raison qu'on n'a pas découvert les fabriques ibériques de cette poterie. Du reste, les mêmes décorations se retrouvent chez différents peuples et à différents âges (1). Les poteries de la Tène à décoration géométrique que l'on trouve dans presque toute la Gaule le prouvent largement(2).

Les Ibères peuvent avoir imité les Ioniens.

Sur les pentes du Fort, l'un de nous a découvert un beau fragment de cratère ou de coupe profonde, présentant à l'intérieur et à l'extérieur des bandes de couleur grenat sur le fond ocre rosé de la pâte. Le bord de ce cratère, très évasé, est également peint à l'intérieur d'une large bande de même teinte quoique plus foncée.

Enfin, au même point gisait une anse très fine de coupe ionienne présentant deux courbures, presque à angle droit et légèrement relevées sur le haut de la coupe ; l'anse était peinte à son extrémité, comme sur le bord du fragment de coupe auquel elle adhérait encore.

L'extrême abondance de cette céramique des îles grecques semble

(ij Revue Arcliéol. 1895, p. 196. Déchelette.

(2) Le Hradischt de Stradovic et les fouilles du Mont Beuvray (Congrès de Macon 1899),


Planche 1

POTERIE

PREHISTORIQUE


Planche 2

CÉRAMIQUE IONIENNE OU PSEUDOIBERIQUE

DE CESSERO


confirmer la légende rapportée par Dom Vaissette, de la fondation de

Cessero par des Rhodiens venus de Rhoda sur le Hbône et non pas par Massilia, fondatrice d'Agde et origine de Bessan. Les vases ioniens sont plus rares à Bessan où nous avons surtout trouvé des coupes de forme inconnue à Cessero.

De toutes nos recherches, nous n'avons rapporté qu'un seul tesson phocéen, alors que cette céramique abonde à 5 kilomètres dans notre station de la Monédière près Bessan. La céramique étrusque est: également inconnue à Cessero. Nous n'avons jamais rencontré dans nos .sondages les fragments ibériques de la fabrique de Fontcaldes qui sont si nombreux à Ensérune et à Montlaurés, pas plus que la poterie celtique. « Vases de la Marne » abondante à Ensérune. ':,

Céramique Attique

Cette céramique est assez rare. Nous l'avons rencontrée seulement

-dans la tranchée, par places. Suivant la profondeur, les fragments peuvent être rangés, soit dans la poterie hellénistique à figures mal définies rouge sur fond noir du ive, soit dans la céramique attique assez belle. Nous citerons une coupe du ve siècle sur laquelle sont figurés une femme et-un éphèbe et deux fragments dont l'un présente une belle palmette noire sur fond rouge (Planche III, fragment n° 1).

Nous ferons une mention toute particulière d'une coupe en pâte légèrement rosée, très fine. Sur une. de ces faces restent quelques plaques d'un beau vernis noir qui devait recouvrir tout un côté ; sur l'autre, des lignes de couleur rouge encadraient sans doute un sujet central. De loin en loin, quelques tâches de couleur rose devaient figurer des fleurs. Nous n'avons trouvé nutte part des teintes pareilles. -.

Cette céramique, inconnue dans le Biterrois et le Narbonnais, se rapprocherait seulement des vases polichromes provenant du Mont Lassois près de Chàtillon-sur-Seine (Côte d'Or), extraits d'un habitat hallsttatien et grec.

Les fragments grecs les plus nombreux appartiennent à des coupes sans figures, sans personnages, mais d'un beau vernis (Planche III, fragment n° 3).Signalons encore des tessons hellénistiques décorés, soit de palmeltes, soit de côtes et ne présentant pas de peinture à la face interne (Planche III, fragment n° 2).

Cette technique du ive siècle a été trouvée avec les fragments d'nn cratère peint qui rappelle le cratère d'Ensérune aux trois hommes drapés. ;


Poterie Campanienne et Sigillée Elle est rare et elle se trouve superficiellement ou à peu de profondeur.

Nous possédons quelques fragments à palmettes, une partie d'une Pyxide et d'assez nombreux débris de plats.

Signalons encore deux ou trois morceaux de céramique arretine et quelques tessons provenant de la Graufesenque qui ont été trouvés surtout en surface du Fort, dans la vigne sous le Fort et sur le talus de la butte faisant face aux écoles. --

Nous n'avons jamais ramassé de marques de potiers.

Dans le gros matériel, nous signalerons une jarre éerasée dans le talus du levant, de nombreux fragments de jarres du ive dans les sondages, des morceaux d'amphores grecques, italiques et romaines.

Indiquons que les amphores italiques se rencontrent seulement à la partie supérieure des aires de foyers, légèrement bouleversés et séparés par des cercles d'argile jaune. Cette particularité a été observée dans de nombreux Oppidums.

CONCLUSIONS A la série des oppidums primitifs ou des stations grecques déjà découvertes (Ensérune, Mailhac, Magalas, Agde et Bessan), nous ajouterons un autre, non moins important, à cause de sa situation au bord de l'Hérault.

Ce cours d'eau a dù être pour les navigateurs une voie de pénétration importante à différentes époques, car les importateurs d'Agde et de Bessan ne paraissent pas ressembler à ceux de Cessero.

Il y a en eflet une différence très grande dans la technique et dans le matériel.

Les coupes attiques, nombreuses à la Monédière, fréquentes à Ensérune, sont rares à Cessero. Nous n'avons pas ramassé au Fort de céramique étrusque ni de céramique phocéenne abondante cinq kilomètres plus loin ; par contre la poterie pseudoibérique y domine.

Nos trouvailles confirment l'importance de Cessero dans l'histoire.

Elles donnent aussi quelque crédit à la légende rapportée par Dom Vaissette, de la fondation de Cessero par des Rhodiens, et non par des Phocéens, auxquels appartenaient au contraire Bessan et Agde.

La persistance en profondeur de la céramique des Iles Grecques dans trois niveaux plus ou moins épais, séparés par plus de deux mètres de terre, semble prouver un très long habitat des Ioniens.


En marge du Cinquantenaire du « JARDIN DE BÉRÉNICE »

Réparation à « l'Adversaire

Ce n'est pas d'archéologie que je veux vous entretenir ce soir, et cependant la trouvaille qu'il m'a paru intéressant de vous exposer ressemble assez à celles qu'un heureux coup - de pioche fait surgir parfois pour l'archéologue d'un gisement insoupçonné. Ln fortune récompense de temps en temps,. de telles faveurs l'instinct de la recherche dans tous les domaines.

C'est dans celui de la littérature, qui m'est un terrain plus familier que les champs de fouilles, que le hasard d'une lecture me fournit, il y a quelques vingt ans, la surprise amusée de découvrir une petite « source », un emprunt inattendu, dans l'œuvre la plus personnelle qui soit.

Je veux parler du « Jardin de Bérénice », le fameux essai idéologique de Maurice Barrés, cher à tous les lettrés, dont on vient, dans le cadre qui l'inspira, de commémorer dignement, l'autre mois, la parution en 1891, et, à son propos, du très estimable ouvrage de géographie historique « les Mlles mortes du. Golfe du Lyon » de M. Charles Lenthéric que M. Barrés ne dédaigna pas d'utiliser capricieusement. Je publiais jadis Les résultats de cette petite découverte d'histoire littéraire dans la Revue, alors bien vivante, a tOpinion » (Octobre 1920). — Je les y aurais laissés dormir à jamais, si la célébration récente du Cinquantenaire du « Jardin de Bérénice » à Aiguesmortes n'avait donné une sorte d'actualité à ma minuscule trouvaille, et si elle n'avait reçu par surcroît, quelque piquante saveur- de la personne d'un des orateurs de cette cérémonie.

Mais j'ai hâte de me défendre, avant tout, du moindre soupçon d'impiété, ou d'irrespect envers la mémoire et l'œuvre du grand écrivain, du Prince de l'esprit, en qui j'ai salué, admiré et aimé avec une génération, et dans toute l'acception du terme, un Maître.

Nos jeunes gens imaginent mal, sans doute, aujourd'hui, la haute joie de l'esprit qu'il y avait à se dire, à se sentir, alors barrésiens.

Comme nos aînés de 1890-95, nous étions nombreux encore vers 1905-1910, à exalter nos vingt ans, aux fièvres idéologiques et aux


analyses raffinées du Culte du Moi, aux nostalgiques et déchirantes cadences jaillies de Venise ou de Tolède, mais à les tremper dès lors, aussi bien, aux souflles venus de la Colline Inspirée, aux appels profonds de la Terre et des Morts et aux consignes de l'Energie Nationale.

Nous sommes nombreux, j'espère, encore aujourd'hui, à n'avoir rien oublié, ni renié de ces enthousiasmes de notre jeunesse.

Excusez cette confession, celle profession de barrésisme. Elle m'a semblée nécessaire pour me faire pardonner, pour me pardonner moi-même, la note, d'une ironie toute déférente, certes, que je me risquais à faire paraître, en 1920, et que j'ai pouvoir exhumer ce soir, en lui redonnant, à la faveur des circonstances, quelque lustre.

Maurice Barrés la connut à l'époque, je le sais, et ne s'en offusqua pas. Peut-être en a-t-il souri, se rappelant l'allègre façon dont il « bàtonnait lyriquement » lui-même, son maître Henan, dans ses « Huit Jours » imaginaires chez lui.

Que notre article ancien, que son rappel en cet anniversaire ne soient donc pas (les dieux nous en gardent !) une pierre, un injurieux caillou, jetés dans le symbolique jardin, l'enclos d'enchantement d'Aiguesmortes ; mais qu'ils figurent seulement, dans cet « étroit jardin d'où l'on ne voit pas la mer», au pied des fauves remparts, au bord des étangs de mélancolie, ainsi qu'une modeste et familière plaque votive, dédiée aux cinquante ans d'un délicieux petit livre qui garde toujours pour nous, les grâces, les audaces, les impertinences et les ivresses idéologiques de la jeunesse du génie.

Ce sera, si vous le voulez bien, la contribution de notre Société Archéologique, qui se souvient qu'elle est aussi « littéraire » à la célébration si heureusement organisée par nos confrères nimois.

Voici donc, dans sa teneur primitive, le texte de mon article.

Jusque chez les plus rares écrivains, retrouver d'imprévues collaborations, et, par exemple, dans la mosaïque de Stendhal, faire le tri des morceaux si brillamment enchâssés ; le jeu est en vogue, ces dernières saisons. Cédons à la mode, et découvrons une « source ». —

L'amusante surprise que d'en voir une jaillir soudain d'un sol aride et venir apporter son mince filet aux somptueux et mélancoliques étangs, lyrique domaine de Bérénice d'Aiguesinortes et de M. Barrés 1 Sans défiance, on parcourt, intéressé, un volume où la géologie et l'histoire, la description précise et l'évocation pittoresque se combinent agréablement, en toute simplicité. — « Les Villes mortes du Golfe du Lyon », par Charles Lenthéric. On se laisse conduire à travers les


dunes et les étangs, d'Illiberris à Maguelone, à Aiguesmortes. Et, brusquement, un bout de phrase, quelques mots, une épithète dono - nent une impression de déjà lu, obligent à se souvenir « La solitude et le-désert environnent Aiguesmortes,.. le pays est « plat. les blanches mouettes et les flamants roses La campagne à'Aiguesmortes est d'une incomparable trzstesse.» (Lenthéric — Villes Mortes, pp. 331-382).

« Comme une note donnée par hasard nous jette dans la cavatine - « fameuse de quelque opéra italiens, ce dernier vocable aux larges réson« nances : incomparable », suscite aussitôt dans la memoire la phrase fameuse, le magique coup d'archet barrésien : « Sur ce plat désert de «, mélancolie où règnent les ibis roses et les fièvres paludéennes » « Aiguesmortes! — consonance d'une désola-tioll incomparable ! »— (Le Jardin de Bérénice. édit. Crès., p. 93).

Impossible de s'y méprendre : l'ensorceleuse et obsédante-mélodie, voilà d'où elle prit son élan ; ce modeste texte, et en voici les notes éparses ! Il n'importe qu'en dépit de l'histoire naturelle et de la - géographie, les ibis, devenus roses, remplacent les flamants sur les étangs de Camargue. Le rapprochement de termes d'accent si barré-sien « Uincomparable tristesse » est de M. Lenthéric.

Excités par la trouvaille, feuilletons à la fois, le « Jardin de Bérénice » et « les Villes mortes du Golfe du Lyon ».

M. Barrès avait, sans aucun doute, cet estimable ouvrage dans sa valise, pendant son imaginaire campagne électorale au pays d'A-rl es. Il n'aurait su trouver meilleur guide.

Le livre de M. Lenthéric, paru, je crois vers 1878-79, avait eu aussitôt plusieurs éditions (la septième que j'ai entre les mains est de 1910). Il n'a cessé d'être lu et utilement consulté.

Disons-le aussitôt: M. Barrès ne lui a fait que de discrets emprunts. Il n'a rien puisé dans les descriptions des Saintes-Maries, du Grau-du-RoigJe Ch. Lenthéric, si pleines pourtant de thèmes d'exaltalion et de mélancolie. Et pour Aiguesmortes, ce n'est que sur la flore et la formation des étangs qu'il a consulté de très près, l'érudit ingénieur hydrographe, de très près, puisqu'il a pu, sans disparate,

insérer cette honnête prose dans son lyrique tissu, et la faire sienne.

Voici les textes :

« Les lignes des dunes et des bas-fonds qui les séparent sont carac- — - « térisées par des flores tout à fait distincies. Les pins, les peupliers « blancs demandent que leurs raéines plongent dans un terrain imprégné « d'eau douce ; et l'eau de pluie. se retrouve, en effet, à très peu de pro« fondeur ..-L'eau des -bas-fonds est. quelquefois salée ; et la flore très


« pauvre de ces anciens lits desséchés. ne se compose que de joncs, de « soudes et de salicornes au feuillage terne et aux fleurs indécises ».

« L'imagination se reporte aux temps peu éloignés de nous où les « eaux mélangées du Rhône et de la mer couvraient cette vaste super« ficie ».

(Les Villes mortes du G. du Lyon. pp. 360-361).

« Dans la période antéhistorique toute la plaine était recouverte par « les eaux » (id. p. 358).

ainsi décrit M. Lenthéric, chap. xi, de son ouvrage.

Ouvrons maintenant, le Jardin de Bérénice, au deuxième paragraphe du sixième chapitre, «Vue distincte et analytique des parties».

« Toute cette plaine, nous dit-il (c'est à l'Adversaire, Charles « Martin que sont prêtés ces propos) aux époques préhistoriques, était « recouverte par les eaux mélangées du fleuve et de la mer. Elle ne l'a « pas oublié. La diversité de sa flore raconte les luttes de cette terre pour « surgir de l'Océan.. sur les bosses croissent des pins et des peupliers , « blancs qui trouvent ici l'eau de pluie nécessaire à leurs racines ; dans « les bas-fonds encore imprégnés d'eau salée, des sourdes (sic), des ternes « salicornes » (Jardin de Bérénice - pp. 93-94).

Malgré d'heureuses retouches, la transcription est évidente (a sourdes » pour « soudes » n'est sans doute qu'une coquille de mon édition du « Jardin »). Mais transcrire un texte documentaire et le faire sien de quelques arrangements ; le procédé n'est-il pas autorisé par un illustre exemple ? On ne copie pas, on « stendhalise ». L'emprunt est d'ailleurs ici, à demi reconnu, par M. Barrés.

« Parmi les notions toutes formelles qu'il me donna, son expérience « d'ingénieur du Rhône me fournit cependant certains détails qui confir« mèrent et éclairèrent la physionomie que d'instinct je m'étais faite du « pays d'Aiguesmortes » (p.93).

« Toute cette plaine, nous dit-il. »

à la rigueur, la citation est indiquée. Tout de même le lecteur, s'il remarque ces trois petits mots jetés dans la phrase, pensera qu'il s'agit de Charles Martin, « l'Adversaire », personnage symbolique issu, lui et ses propos de l'esprit de l'auteur. S'imaginerait-il jamais lire une note extraite d'un ouvrage couronné par l'Académie française, de M. Charles Lenthéric, inspecteur général des Ponts-et-Chaussées ?

Certes, que M. Barrès lui ait emprunté pour leur faire un magnifique sort, quelques phrases et quelques idées, ce n'est pas de cela que l'honorable auteur aurait à se plaindre.

« Vous leur fîtes, Seigneur! en les prenant, beaucoup d'honneur ».


Ce qui est plus inattendu c'est de se voir figurer, pour prix de cette involontaire collaboration, dans un roman idéologique sous les traits d'un sot personnage. Gràce à l'indiscrète naïveté d'un disciple, M.

René Jacquet, nous savions déjà que Bérénice et Bougie-Rose ellemême avaient eu leurs prototypes parmi les jeunes amies de M. Barrés. On ne saurait douter non plus que Charles Martin « ingénieur du Rhône », l'Adversaire type, ne soit le reflet de M. Charles Lenthéric, ingénieur hydrographe, vivant et écrivant, vers ce même temps, au Grau-du-Roi. Il lui emprunte ses propos, son pays, son titre et jusqu'à son prénom. Mais pourquoi lui prêter en retour, une prétentieuse et ridicule sottise ?

Pour « tous les petits renseignements » qu'il vous avait « donnés », disiez-vous, méritait-il d'être traité « d'esprit sec ? » Et pouvez-vous écrire, vous qui l'avez lu : « Charles Martin qui sait tout ce qu'on peut savoir de ses plaines « tourmentées du Rhône ne me parait guère les comprendre ; en lui tout « demeure à l'état de notion sans se fondre en amour ».

(Jardin de Bérénice. p. 96).

Toutes ces pages sur Aiguesmortes et ses étangs vous paraissaient « dans le cerveau de l'adversaire, collection de petits faits desséchés, vaste tableau dont il a perdu le don de s'émouvoir ». Mais « le don de s'émouvoir », sur ce pays où il avait vécu de longs jours, ne faut-il pas s'étonner plutôt qu'il l'ait conservé aussi intact, ce fonctionnaire des Ponts-et-Chaussées, lorsqu'on lit, parmi bien d'autres de son livre, la page qui termine le chapitre sur Aiguesmortes ? L'émotion y domine au contraire cette description où plus d'un trait se souvient de Chateaubriand et pressent M. Barrés.

« La campagne d'Aiguesmortes est d'une incomparable tristesse.

« les blanches mouettes et les flamants roses animent seuls la surface de « ces immenses flaques d'eau sur les rives desquelles on voit errer silen« cieusemeut des troupeaux nomades de taureaux noirs et de chevaux « camargues.

« Tout est mort autour de cette ville morte. on se croirait trans« porté dans ces lumineuses et tristes contrées de l'Afrique et de l'Orient « qui. ne vivent plus que de leur passé.

« Que de fois, à l'entrée de ces nuits sereines de l'été, lorsque les der« nières clartés du jour s'éteignaient, en face de cette mer paisible et de « cette plage abandonnée, n'avons-nous pas goûté le charme étrange. « de ces immenses solitudes. C'est un désert, mais de quels souvenirs n ç


« l'avons-nous pas peuplé !. A cause peut-être de cette tristesse et de « cet abandon, A iguesmortes ne peut pas, ne doit pas périr ».

Ces accents sont de M. Charles Lenthéric (pp. 382-383).

Qu'on lise encore sa préface : « Ce pays. c'est peut-être un rivage plein d'espérances ; pour moi, c'est une terre de souvenirs » et que l'on déclare s'il n'y a là que des « notions sans amour ? »

Et parce qu'il laisse échapper ce vœu : «.J'(ii cependant la confiance que la vie renaitra un jour sur ces rivages délaissés ». Parce qu'il souhaite, avec discrétion, le reboisement et la culture de ces stériles et malsains marécages dont il a ressenti autant que personne le charme de l'abandon, mais dont il sait qu'ils ne nourrissent que des fièvres, faut-il lui reprocher de vouloir, « dans sa suffisance de fonctionnaire et d'ingénieur », « plier cette région sur la formule d'un beau pays, telle que l'établissent les concours ? »

Ingratitude de poète ! — Aux temps lointains de Bérénice, « l'Adversaire » criblé de sarcasmes, était déjà, à son insu, un collaborateur. Il le serait encore aujourd'hui, M. Barrés. Dans cette œuvre de réorganisation de la France qui vous préoccupe, refuseriez-vous le concours de Charles Martin ingénieur hydrographe, même un tantinet pédant et compassé ? Veuillez donc nous excuser, ayant par hasard découvert la véritable personnalité de ce digne homme, d'avoir, au risque de nous faire traiter de « barbare ressayé de le réhabiliter.

- Ainsi disions-nous, déjà, en 1920 — ainsi aurions-nous pu oser parler à peu près, à Aiguesmortes, si la Société Archéologique y avait été conviée ; telle est la tardive et timide réparation à l'Adversaire, méconnu et utilisé, que nous aurions pu esquisser — Mais, peut-être, en aurions-nous été empêché, non par la crainte d'offusquer la mémoire du Maître à qui nous reconnaissons tous les droits et toutes les juvéniles fantaisies du génie, mais, par le légitime souci de ne pas gêner, de ce rappel discret d'emprunts et de démarquages un des personnages, et non des moindres qui célébraient ce jour-là, l'art de Maurice Barrés.

M. Louis Gillet, de l'Académie Française, n'a, certainement jamais lu notre petite note de jadis dans « l'Opinion ». Il n'en avait que faire dans le brillant et éloquent, discours qu'il a prononcé à Aiguesmortes. Mais, peut-être, se souvient-il encore d'un article du « Mercure de France », signé du même nom.

Rassurez-vous, il n'est pas dans mon dessein de le ressortir ce


soir. Me sera-t-il permis seulement, en toute candeur et sans nulle acrimonie, par un souci bien provincial de probité littéraire et scientifique, me sera-t-il permis de rappeler, à cette occasion, d'un mot, ce que j'ai établi jadis, avec tout un appareil de références et de juxtapositions de textes, dans le « Mercure » du 15 Mars 1925. Une partie de l'œuvre de M. Louis Gillet, élégant et savant historien de l'art (son Histoire des Arts, dans l'H. de la Nation Française, sa Peinture au XVIIe -et XVIIIe siècle, chez Laurens) est émaillée d'emprunts et de curieux larcins infiniment plus nombreux, plus poursuivis, moins excusables,, que les gamines transcriptions de Maurice Barrés.

Une Compagnie telle que la nôtre, vouée sans gloire à d'cbscurs et probes travaux serait peut-être encline à se montrer sévère pour un historien qùi emprunta et fit siennes, sans le dire, quoique- avec beaucoup d'art, les idées et les expressions de ses confrères morts et vivants : Michplet, Camille Jullian, MM. Bédier, Emile Mâle, Louis Hourticq. (je n'ai pas la prétention d'être complet).

Nos éminents confrères de l'Académie Française en ont jugé autrement. Ils ne lisent sans doute pas le «Mercure de Fiance», encore que mon célèbre ami M.. Pierre Benoit y ait jadis inauguré avec son « KœnigSmark », sa magnifique carrière de romancier. Celle de M. -Louis Gillet n'a reçu, heureusement, aucun préjudice de mon petit travail irréfuté. L'illustre Compagnie qui l'avait couronné du grand prix Gaubert pour un ouvrage - d'histoire quelque peu « maquillé », , n'a pas' tatdé à l'accueillir dans son sein. Il serait donc malséant d'insister davantage sur cette vieille histoire, à laquelle les circonstances m'ont amené à faire cette brève allusion. M. Louis Gillet, aimable et disert écrivain, a beaucoup de talent, de science, de savoirfaire et d'amis. Et la Société Archéologique ne siègé pas en Béotie.

Pour me faire pardonner ces trop longs propos un peu radoteurs, laissez-moi seulement vous faire sourire en terminant sur un rac- 1 courci, une synthèse d'anachronismes que je relevais jadis dans une - même phrase de l'Histoire des Arts, de M. Gillet. Il est trop joli pour ne pas lui faire un sort, au moins dans une docte et familière réunion.

-

« A Loches, c'est là que Charles VIII met sous clef Ludovic le More, tandis que lui-même s'établit avec la belle Agnès. sur l'autre bord du plateau.-.. » (Gillet. H. des Arts. p. 289). -" Chacun sait que « la belle Agnès » Agnès Sorel, morte en 1450, était l'amie de Charles VII et non de son petit-fils Charles VIII, et que Ludovic le More a été fait prisonnier et enfermé à Loches par Louis


XII successeur du même Charles VIII. M. Gillet donne libéralement à ce pauvre fils de Louis XI, les maîtresses de son grand-père, et les prisonniers de marque de son successeur et cousin.

Un candidat qui émaillerait de semblables fantaisies historiques, l'étude ou le mémoire présenté à nos concours aurait bien des chances d'être évincé. A l'Académie Française, il risque d'avoir un prix, et d'être appelé à siéger un peu plus tard, parmi ses débonnaires juges.

JULES LATREILLE.


LA GROTTE DES FÉES

BAOUMO DE LAS FADOS

Commune de LUNAS — (Hérault) Par le Docteur BRUNEL

La grotte est située sur la commune de Lunas, à 1 kilomètre 500 environ du village de Caunas, sur la rive gauche de l'Orb.

Elle est creusée dans le massif montagneux du Pioch qui domine à l'Est le village de Caunas, massif que nous avons déjà décrit dans des articles précédents : (Voir « la Grotte du Mas Colombier » in Cahiers d'Histoire et d'Archéologie — 31e cahier 1935 — et : le Cap Barré et la grotte de Montjaux : in bulletin de la Société Préhistorique Française n° 5 - 1936).

Cette montagne, véritable écrin archéologique, nous a donné soit sur le plàteau soit sur ses pentes, en outre du Cap Barré et des trois déjà décrites : une quatrième grotte, un parc à bestiaux, des fonds de cabannes, de grandés meules dormantes, encore non publiés. On y trouve d'autre part, de ci de là en surface, de nombreux fragments de briques à rebord, d'amphores et de poterie sigillée, romaines.

Ce massif montagneux du Pioch qui prolonge au Sud et à l'Ouest la chaîne du Larzac et de l'Escandorgue, constitue en réalité dans notre région le bord occidental et méridional des Cévennes. Il borde à l'Est la rive gauche de l'Orb qu'il domine de ses à-pics grandioses boisés de chênes verts dont la teinte sombre-tranche sur le fond blanc de la roche escarpée.

Le bord occidental de cette montagne du Pioch, qui. depuis sa pointe Sud délimitant la vallée du ruisseau de Nombringuières, s'allongeait d'une façon à peu près rectiligne sur les bords de l'Orb, se creuse peu après le village de Caunas pour former une sorte d'angle obtus ouvert à l'Ouest.

Au fond de cette échancrure coule le ruisseau des Baumes, sorte de torrent qui descend du sommet du plateau et- en hiver ou par temps de pluie, déverse ses eaux un peu plus bas dans le ruisseau de Longaniol affluent de la rive gauche de l'Orb C'est à deux cents mètres environ du lit de ce ruisseau et en pleine roche que l'on distingue une magnifique ouverture ogivale, visible de très loin, notamment de la route de Bédarieux à Lodève


qui passe à plusieurs kilomètres. C'est la Grotte des Fées : Baoumo de las fados, dans le pays.

Ici comme partout, des légendes, que les Grands'Mères racontaient au cours des longues soirées d'hiver à leurs petits enfants rassemblés autour du foyer, s'attachaient à la Grotte. L'une d'elles rapporte que autrefois au temps des Fées, cette grotte était habitée par quelques-unes d'entr'elles. A certains jours en plein midi elles étendaient leur lessive devant la grotte. Le linge était blanc, éblouissant, les yeux avaient de la peine à en soutenir l'éclat. Mais depuis que sonne l'Angélus au clocher du village, elles ont disparu.

Voies d'accès

Prendre au Bousquet-d'Orb la route de Bédarieux à Lodève G. C.

35 — traverser le pont sur l'Orb, laissant sur la gauche la route si accidentée et si pittoresque d'Avène, le château de Cazilhac et le hameau de Taillevent qui a fourni à notre grand romancier régional Ferdinand Fabre, le titre d'un de ses romans. Tout de suite après le pont, sur la droite (à la distillerie coopérative) prendre l'embranchement du chemin de Caunas (3 kl.).

Un deuxième chemin plus court, praticable également aux autos, part de la gare du Bousquet-d'Orb, franchit l'Orb sur un petit pont et rejoint la première roule 1 kilomètre environ avant le village de Caunas.

Arrives au village, laisser voitures et autres moyens de locomotion. Solidement chaussés, la main armée d'une bonne canne, emportant de quoi s'éclairer, prendre sur la gauche le chemin qui monte vers la montagne ; traverser le Mas du Py et le Mas Colombier. A la sortie de ce hameau, prendre le chemin de gauche et le continuer en se dirigeant toujours vers l'ouverture de la grotte que l'on a déjà aperçue en bas dès l'entrée du chemin. A un moment donné le sentier redescend pour franchir le lit du ruisseau des Baumes, presque toujours à sec, il remonte, et deux cents mètres plus loin on est en face de la grotte. Située au tènement des Baumes, à 420 mètres d'altitude, et à 200 mètres environ au-dessus du niveau actuel de la rivière, la grotte s'ouvre au midi par une large baie ogivale, sorte d'arc triomphal d'une hauteur de 6 mètres et de 4 m. 25 de large.

L'entrée est précédée d'un perron rocheux formant escalier de 1 m. 80 de hauteur.

On entre d"abord dans un vestibule formant trois nefs nettement dessinées avec une sorte de coupole ou lanterneau au sommet de chacune d'elles.

Les dimensions de ce vestibule sont : hauteur moyenne 4 m. 30,


largeur 7 m. 25, longueur 5 mètres. L'axe du vestibule est orienté vers le. Sud-Ouest. Sur ce vestibule s'ouvre une belle grotte de 27 m. 50 de long et d'une largeur moyenne de 3 mètres. La hauteur moyenne est de 3 mètres, mais par places la voûte s'élève et atteint plus de 6 mètres.

L'axe de la grotte est orienté Nord-Sud et lorme avec celui du vestibule un angle ouvert vers l'Ouest.

- Dans le vestibule, à droite et faisant corps avec la paroi, se trouvait une sorte de siège de cinquante centimètres de hauteur sur quarante de large qui était poli et lustré par le long frottement. Hélas !

des enfants (cet âge est sans pitié) allant visiter la grotte l'ont complètement abimé, ainsi qu'un certain nombre d'ossements d'animaux que nous y avions déposés jusqu'à la fin de nos fouilles pensant que là ils se conserveraient mieux.

Au 22e mètre de l'entrée, sur la paroi de droite et à 1 mètre 25 du sol s'ouvre la petite grotte sépulcrale.

L'entrée de cette grotte (que nous avons dégagée) mesure après fouille 1 mètre 50 de large sur 0 mètre 60 de hauteur.

Dès l'entrée on descend de 50 c/m environ et les dimensions de la petite grotte sont : longueur 9 m. 50, largeur 1 m. 75, hauteur 1 m. 75.

Son axe est à peu près parallèle à celui de la grande grotte. Au fond se trouve un orifice de 0 m. 40 de haut sur 0 m, 40 de large sur une longueur indéterminée, peut-être un petit couloir dont l'entrée est en grande partie obstruée par des concrétions stalagmitiques.

Cette grotte des Fées, tous les jeunes de la région y ont défilé depuis de longues années et y défilent encore, y inscrivant leurs noms. Dès le début de nos fouilles préhistoriques, il y a une dizaine d'années, nous y étions allés et avions fait quelques trous dans les petites poches de terre peu abondantes, mais n'y avions rien trouvé.

Nous avions été frappé par le peu de.cailloutis et d'éboulis qui se trouvait sur le-sol du moins dans la première partie, chose anormale à première vue, comparativement aux autres grottes de la région pré-

cédemment fouillées qui-en étaient encombrées.

Le dimanche 27 Octobre 1935, avec mon fidèle ami et incomparable compagnon de fouilles M. S. Clochard, de Caunas, à qui je ne saurais dire toute ma reconnaissance pour l'aide intelligente et dévouée qu'il m'a toujours apportée, nous décidâmes, car. le temps était pluvieux, de ne pas trop nous éloigner et d'aller une dernière fois voir si la grotte des Fées avait oui ou non «quelque chose dans le ventre ».

Nous étions cette fois-là par bonheur, munis non seulemenLde - nos outils, mais de nos lanternes à réflecteur.

Nous avions pendant plus de deux heures soulevé le cailloutis du fond, remué le peu de terre déposée sur le sol, nous étions persuadés


qu'il ne fallait plus perdre notre temps là, et qu'il valaiUmieux porter nos efforts ailleurs. Mais, dehors il pleuvait, là nous étions à l'abri, on pouvait bien tout de même avant de partir se reposer, et (heureux temps sans restrictions), griller une ou deux cigarettes.

Sitôt dit sitôt fait. Pendant que les volutes de fumée de nos cigarettes montaient tranquillemert-t vers la voûte, nos lampes éclairaient plus fortement la paroi de droite vers laquelle les réflecteurs étaient tournés.

Tout à coup l'un de nous s'écrie : « Dites donc j'ai la berlue ! Il me semble que là en face, je vois une sorte de mur qui a l'air de boucher un trou ».

De fait en regardant de plus près, nous vimes que la paroi à ce niveau paraissait être formée par un mur de gros blocs qu'une couche de stalagmite avait d'abord rejointés, et ensuite recouverts entièrement.

La deuxième cigarette ne fut pas tirée de l'étui, nous primes aussitôt nos pics, et en effet nous dégageâmes de gros blocs qui nous permirent de découvrir l'entrée d'une autre grotte à peu près complètement comblée.

Nous pûmes en rampant sur le ventre pénétrer à quelques mètres.

A la surface du sol étaient de nombreux ossements d'animaux apportés par les rapaces nocturnes et quelques fragments de poterie grossière à gros grains de dégraissant, fragments de poterie noire très cuite et plus fine, une anse de forme rectangulaire avec dépression imprimée dans la pâte fraîche par la pulpe du doigt.

La nuit arrivait, nous dûmes abandonner la fouille mais nous descendîmes la joie au cœur, et avec le vif désir de voir au plus tôt la semaine s'écouler, et de revenir le dimanche suivant poursuivre notre travail et ravir à cette nouvelle grotte son secret.

Le dimanche 3 Novembre dans la matinée, nous arrivions pour la deuxième fois à pied d'œuvre pleins d'entrain. Mais ce jour-là il ne s'agit plus pour nous de nous rendre compte, puisque nous savons que nous avons devant nous un gisement préhistorique. Nous dégageons complètement et soigneusement l'entrée afin de procéder à une fouille méthodique, en observant et notant soigneusement la stratigraphie. 1

Après avoir enlevé une couche assez épaisse d'éboulis, truffée d'ossements d'animaux, d'apport plus ou moins récent, nous devons crever au pic, et enlever feuille par feuille, un manteau stalagmitique assez important qui varie de 20 à 30 c/m d'épaisseur et qui recouvre tout. Aussitôt après avoir enlevé une large brèche de cette chappe nous trouvons au-dessous une couche de terre noire de 40 c/m environ


w ttépfckseur,.c'est la véritable-conche archéologique qui se poursuivra dans toute l'étendue de la grotte.

Dans cette couche de terre noire, dès cette première fouille, nous trouvons d'abord une mandibule d'ours avec une belle canine encore en place, à côté une petite lame en silex à belle patine blanche, deux perles en albâtre de forme olivaire, deux. fusaioles dont l'une cassée, un sabot de sanglier et en dessous une petite clavicule d'enfant et un radius d'enfant dont il manque le tiers inférieur.

Cette terre noire est truffée de nombreux fragments de poterie - plus ou moins bien cuite : poterie grossière rougeâtre, poterie noire et fine à engobe brillant, l'une et l'autre à pâte noire avec nombreux, grains de dégraissant calcaires ou quartzeux.

Nos fouilles se continuèrent tous les dimanches et jours fériés-de Novembre et Décembre 1935 et de Janvier, Février, Ma.s et Avril 1936.

Tous les jours ne furent pas aussi heureux comme résultats, mais à chaque fois nous descendions emportant avec nous quelque mobilier qui suffisait à entretenir en nous le feu sacré, s'il avait eu besoin de cet excitant.

Le 10 ga g eons deux belles brèches ossifèLe 10 Novembre 1935. nous dégageons deux belles brèches ossifères stalagmitiques contenant avec des ossements humains : deux radius, cubitus, deux humérus, deux côtes, sept ou huit perles très visibles enjjlbâtre en forme d'olives ou cylindriques (V. planche I), Le lundi 11 Novembre-, nous continuons à exploiter la couche stalagmitique et nous trouvons plusieurs perles dont une à trois trous (la première, nous en trouverons trois autres) en callais, plusieurs petits éléments de colliers en bronze et un magnifique poignard en' bronze pris dans la stalagrAite que nous avons beaucoup de peine à dégager, plusieurs fragments de poterie noire dont un portant une petite anse verticale.

Le dimanche 27 Novembre, M. Vernazobres, beau-père de M. Clochard, son jeune fils Denis et son cousin M. François Delmas, tous propriétaires à Caunas, nous accompagnent. Je suis heureux de redire

à tous mon meilleur merci pour l'aide aimable et dévouée qu'ils ont bien voulu m'apporter. Nous trouvons aujourd'hui plusieurs perles, une lame en silex, un bouton ou applique en cuivre, une fusaiole, mais la trouvaille sensationnelle du jour est faite par M. Vernazobres qui dégage une délicieuse pointe de flèche à ailerons et pédoncule en silex brun, d'un travail exquis.

, Les lPr, 3 et 4 Décembre, nous trouvons des perles diverses en - plus ou moins grande abondance. Le 3, la moitié d'une pendeloque en callais.

Le dimanche 8 Décembre, nous sommes 4 fouilleurs. Dans une excavation, sorte de crypte qui se prolonge asjsez profondément sous


la paroi gauche de la grotte, et où le dimanche avant nous avions trouvé plusieurs perles dont deux en callais, se trouve une dalle appuyée à la paroi. Nous soulevons cette dalle et dans l'épaisse couche de terre très noire qui se trouve au-dessous, nous trouvons un fragment de radius, puis une voûte de crâne prise dans la stalagmite et à côté apparaît quelque chose de sphérique, noirâtre. Nous pensons d'abord à un crâne et tâchons de le dégager le plus délicatement possible.

Bientôt avec d'infinies précautions nous extrayons un très beau vase piriforme à fond rond.

Ce vase est presque complètement intact, un petit fragment manque au fond. Sur le rebord quatre petites anses funiculaires et au-dessous trois cercles concentriques en relief, parallèles au rebord et à 2 c/m l'un de l'autre.

Le 22 Décembre au contact d'un fragment de maxillaire, de quelques métacarpiens et d'un métatarsien, nous trouvons onze perles dont trois en callais et la deuxième partie de la pendeloque en callais, mais celle-ci, trouvée dans la terre, est bien plus abimée que l'autre partie trouvée prise dans de la stalagmite. Le point où nous trouvons cette deuxième partie est situé à 1 m. 90 de l'endroit où fut trouvée la première.

Le 29 Décembre : aujourd'hui dans la couche de terre noirâtre, sept perles dont une vert pomme en callais. Sur le soir l'un de nous a une belle émotion, il découvre un deuxième poignard en bronze de même forme que le premier mais un peu moins large et un peu plus long. Celui-ci au lieu d'être posé à plat sur les ossements et emprisonné dans une gangue stalagmitique comme le premier, était enfoncé obliquement dans la terre pointe en bas et soie en haut.

Il serait trop long de décrire fouille par fouille, nous pratiquâmes la dernière en Avril 1936.

Stratigraphie Sous la couche archéologique de terre noire et au contact du sol rocheux de la grotte, nous fouillâmes tranche par tranche une couche plus ou moins épaisse de limon de remplissage dans lequel étaient contenus de nombreux ossements d'ursus arctos : mandibules, dents, tibias, côtes, cubitus, radius.

En somme, la stratigraphie de notre grotte était la suivante de haut en bas :

a) Couche de pierrailles provenant d'éboulis avec des ossements apportés là par des rapaces nocturnes.


b) Couche de carapace stalagmitique plus ou moins épaisse variant de 20 à 35 centimètres.

c) Couche de terre noire allant de 20 c/m. à 1 mètre en certaines poches.

d) Couche stérile d'argile jaunâtre contenant les ossements d'ours.

Mobilier

Le mobilier que nous a donné cette grotte est particulièrement riche et intéressant En voici l'inventaire détaillé : Industrie Lithique Le silex est fort rare et toujours d'importation étrangère dans notre pays. Les quelques pièces que nous avons trouvées sont toutes de petites dimensions et appartiennent à une industrie microlithique.

a) Une lame trapue à section triangulaire soigneusement retouchée à son extrémité, à patine blanche et mesurant 5 ç/m. de long sur 2 de largeur moyenne (Planche V).

by Une petite lamelle légèrement arquée en silex, à jolie patine blanche et lustrée, soigneusement retouchée sur une seùle face et sur tous.les bords, de 47 m/m de longueur sur 1 c/m de largeur (Planche V).

c) Deux pointes de flèche en calcaire.

L'une à pédoncule coniqure et barbelures droites type 4 de Temple (1) mesure 2 c/m. de long sur 1 1/2 de large au niveau des ailerons (Planche V). -

L'autre de forme plus allongée, type 5 de Temple (1), à pédoncule conique cassé et barbelures rectilignes, mesure 3 c/m. 1/2 de long sur 1 1/2 de large (Planche V).

d) Une magnifique pointe de, flèche de forme triangulaire, vrai bijou d'art, en silex ambré translucide, soigneusement ciselée de très fines retouches non seulement sur ses bords, mais sur ses deux faces Pointe à pédoncule conique et ailerons incurvés, type 12 de Temple, d'une très grande élégance, mesurant 37 m/m de long sur 20 de large.

Ses bords sont garnis de dentelures extrêmement fines dont chacune est le résultat de deux retouches égales et exactement symétriques pratiquées sur les deux faces. Ces retouches très légères n'atteignent pas en général 1 m/m, elles ont suffi cepen-

(i) P. Temple : La préhistoire du département de l'Aveyron. Larguier : Nimes 1936 - p. 6j,


dant à former de très petites dents très visibles et très sensibles au toucher et d'une régularité parfaite. C'est. une petite pointe de flèche votive, certainement trop belle et trop délicatement ouvrée pour avoir été destinée à servir d'arme.

Elle fait songer à l'extrême beauté des pièces égyptiennes, peut-être a-t-elle été importée de pays lointains plus civilisés, par la même voie que la callais et le bronze (Planche V)..

Céramique Nombreux fragments de poterie grossière, rouge à l'extérieur,

noire à l'intérieur, à pâte noire avec gros grains de dégraissant calcaire, anses diverses. < Fragments de poterie noire à l'intérieur et à l'extérieur, très cuite, avec comme décor plusieurs rangées de cercles concentriques de petites pastilles en. relief.' Fragments de poterie noire très cuite avec sur la panse deux arêtes concentriques donnant une forme légèrement carénée.

.,. Gros fragments de poterie à pâte très noire avec petits grains de dégraissant calcaire extrêmement fins, engob brillant, couleur fauve à l'extérieur, noire à l'intérieur.

Deux fragments de poterie à pâte brune, couleur brune à l'exté- < rieur, noire à l'intérieur, ornée de pastilles rondes en creux.

Un beau vase de forme piriforme à .fond rond, type de l'olla ou , de la marmite enionte actuelle, de 22 c/m. de hauteur et dont l'orifice a 12 c/m. de diamètre. Cette olla est ornée de trois cercles de bourrelets concentriques disposés autour du bord et parallèles à ce dernier.

Entre lé deuxième et le troisième cercle sont placées quatre petites anses funiculaires perforées horizontalement et disposées opposées , deux à deux aux quatre points cardinaux ; la base de-ces anses fait corps avec les cercles. Ce vase est d'une pâte noire à grains de dégraissant en calcaire ou en quartz, engobe noir à l'intérieur brunâtre à l'extérieur. Le fragment qui manque au fond a certainement été brisé intentionnellement (Planche 3).

Fusaioles. — Quatre fusaioles de tailles diverses : une, la plus grosse, de 4 c/m. de largeur sur 3 de hauteur à panse carénée et à faces supérieure et inférieure planes.

Une 2e cylindrique à face supérieure et inférieure concaves.

Une troisième cassée et une quatrième plus petite de forme cylindrique à faces supérieure et inférieure planes (Planche VII).


- Armes

Deux beaux poignards en bronze qui par leur forme rappelant parfaitement celle des poignards en silex qui ont précédé, permettent de dater le mobilier de cette grotte. Il appartient tout à fait à l'aurore du bronze. C'est d'ailleurs l'opinion du savant Conservateur des Musées Archéologiques d'Arles, M. Fernand Benoît et de l'éminent - Professeur de la chaire des Antiquités nationales au Collège de France, M. Albert Grenier, qui les ont vus.

Si j'appelle ces poignards bronze, puisqu'à l'analyse d'une parcelle, mon excellent ami, le savant archéologue et chimiste distingué M.

Coulouma, a trouvé des traces d'étain, par contre deux boutons d'applique et des perles et éléments de collier trouvés en même temps sont en cuivre pur. D'ailleurs ici comme dans la grotte néolithique de Castellet près d'Arles, avec les objets en cuivre ou en bronze se trouvaient de nombreuses perles en callais, ou d'autres de forme olivaire. Or pour Déchelette, ces grottes remontent à la période de transition du néolitiquc à l'âge du bronze : '« période synchronique dans le Midi de la France avec la fin du néolithique pur en Armorique. Les premiers métaux importés du Sud pénétrèrent dans la Gaule du Nord un peu plus tard que dans les Provinces méridionales. C'est pourquoi certains objets typiques -de la fin du néolithique pur en Armorique tels que la callais. sont associés aux premiers objets de cuivre ou de bronze dans les cryptes funéraires de la Provence ou du Portugal »(1).

J'avais signalé la découverte de ces poignards et d'une partie du mobilier de cette grotte dans le numéro de Février 1936 du Bulletin de la Société Préhistorique Française. A la suite de cette communication, M. le Dr Baudouin m'écrivit à deux reprises en Mars et Juin 1936, de bien voir si ces poignards n'étaient pas en cuivre, car pour lui ma grotte remontait à l'extrême début du métal. L'examen confié à ce moment-Là à M. Coulouma décéla des traces d'étain, mais évidemment pas de 10

Je crois tout de même qu'on peut les dire en bronze puisque contenant un peu d'étain. Quoiqu'il en soit il faut les placer tout àfait au début du métal. -

a) Un premier poignard de forme triangulaire à base large avec languette et sans rivets mesure 17 c/m. 1/2 de longueur sur 3 de large au niveau de la base. La languette qui a 3 c/m. 1/2 de longueur est large de 2 c/m. 1/2 à sa partie moyenne. Elle est ornée sur ses bords de fines échancrures régulières en dents de scie qui ont dû

(i) Dèchelette : Archéologie préhistorique II, page 407.


servir à l'emmanchement. Le poignard lui aussi est légèrement dentelé sur ses bords de fines échancrures très régulières qui devaient en faire une arme plus redoutable. Il a été martelé sur ses bords de façon à amincir ces derniers tout en laissant à la partie médiane une large bande d'une épaisseur plus grande qui en augmente la solidité et la résistance. , Ce martelage a déterminé la production de deux nervures parallèles aux bords, assez apparentes, encadrant à droite et à gauche la large bande médiane.

- Grâce à l'extrême obligeance de M. Balsan, le distingué et si actif Conservateur du Musée Fenaille, à Rodez, que je suis heureux de remercier ici de toutes ses bordés à mon égàrd, tout dernièrement il m'a été donné de comparer cette lame avec une lame semblable dépo- sée au Musée Fenailfe. 'Cette dernière provient de l'aven de Combe Albert dans la commune de Trêves (Gard), située à 600 mètres seulement de la limite de l'Aveyron. M. Balsan trouva cet objet au fond du premier puits vers 15 mètres de profondeur sur un squelette humain Ce sont les mêmes dimensions, la même robustesse et le même genre de travail. La même technique a présidé à la fabrication de ces deux lames, le martelage a été appliqué de façon identique (Planche 2).

P) Un deuxième poignard où la technique précédente est moins apparente. Quoique bien plus épais à la partie médfane que sur les bords, les faces en sont plus planes. Il est lui aussi de forme triangulaire avec languette et sans rivets rappelant celle des poignards en silex. Il est légèrement plus large et mesure lui aussi 17 ç/rri. 1/2 de longueur sur 3 1/2 de largeur au niyeau de la base.

La languette d'emmanchement mesure 4 c/m. de longueur sur 2 1/2 de largeur moyenne. Les bords de cette languette sont munis d'échancrures destinées à rendre plus solide l'emmanchement (Planche 2).

- La section de ces deux poignards est ellipsoide, elle représente à peu près la figure donnée -par deux triangles isocèles qui seraient accolés par leurs bases.

Objets de Parure - en Cuivre a) Un bouton à bélière en cuivre, à tête plate, orné d'un .semis d& - petites bossettes en relief, de 27 m/m de diamètre (Planche 7).

b) Une rondéîle plate, également en cuivre, de 25 m/m de diamètre,

perforée d'un trou en son milieu, probablement destinée à être


cousue sur une pièce quelconque de vêtement comme motif d'ornement (Planche 7).

c) Huit perles en cuivre de formes diverses : Six, constituées par de petits anneaux plus ou moins larges ; les deux autres paraissant formées de deux ou trois anneaux accolés (types 8 et 9 de Temple). Ces derniers paraissent aglutinés les uns aux autres non seulement par de l'oxyde de cuivre mais aussi par une substance résineuse noirâtre comme l'a déjà signalé M. Balsan (1) pour des perles en test de coquille (Planche 7).

d) Un anneau plat en cuivre de 17 m/m de diamètre et de 2 m/m d'épaisseur. Boucle d'oreille ? (Planche 7).

Perles et Pendeloques - Deux coquilles du genre cerithe, perforées d'un trou de suspension à leur pactie supérieure (Planche 4).

Cent cinquante perles dont sept ou huit très apparentes sont encore prises dans la gangue stalàgmitique des deux blocs de brèche ossifère (Planche 1).

La plupart de ces perles sont de dimensions assez grandes, puis-

que enfilées bout à bout elles font un cordon d'un peu plus de 3 m.

de long. La matière en est très variée : Huit en cuivre.

Onze en callais.

Deux en marbre noir très brillant et légèrement veiné.

Neuf en albâtre.

Dix en pierre ollaire.

Une en céramique. -

Les autres en calcaire pur.

Nous venons d'étudier ci-dessus les perles en cuivre.

Avant d'étudier les formes des perles en callais, nous croyons devoir donner en un bref résumé ce que nous avons pu recueillir dans divers auteurs compétents au sujet dé cette matière si rare dans notre région.

La callais est une pierre verte, d'un vert très varié, se rapprocliant-de la Turquoise. Sa nature exacte et son lieu - d'origine sont inconnus. Asez. commune dans les dolmens du Morbihan qui en ont livré plus de 450 perles et des pendeloques (2). --'

1 (I) L. Balsan : Le Dolmen de la Plainé, commune de St-André-de- Vézins (Aveyron) in Cahiers d'Histoire et d'Archéologie.

(2) Aveneau de la Grancière Les parures préhistoriques. Paris 1897, page 38.


Les parures de callais apparaissent dans trois autres régions : En Portugal dans les trois grottes sépulcrales artificielles de Palmella (214 perles) et dans l'anta du Monte Abrahao, près Lisbonne.

(30 perles) (1). En Provence sous l'allée couverte du Castellet, près d'Arles (114 perles) (2), à côté d'un poignard de bronze.

Dans les Hautes-Pyrénées (Allée couverte du Pouy de la Haillade, sur le plateau du Ger (3).

A ces trouvailles s'ajoutaient un petit nombre de découvertes sporadiques notamment celles signalées par M. Temple : une trouvée au dolmen de Caussanus, une au Musée Fenaille à Rodez, provenant d'un dolmen des environs de St-Affrique.

Trois trouvées par M. Temple lui-même au dolmen des Claparèdes (le Clapier) (4) ; une trouvée par M. Miquel dans un dolmen de Barroubio.

Quatorze trouvées par M. Ph. Héléna dans la grotte de la Falaise.

En toih cent grains dans les diverses grottes des environs de Narbonne (5).

La répartition de la callais paraît être en relation avec le com- merce maritime des côtes de l'Atlantique et de la Méditerranée. C'est certainement un produit du commerce antique.

Nos perles en callais ont-elles été importées d'Orient ?

C'est fort possible. Mais, ce qui est troublant et viendrait corroborer cette opinion, c'est que dans une autre grotte pas très éloignée de celle-ci, nous avons trouvé des cornes sacrées, objet certainement lui aussi importé d'Orient. Cela prouverait dans tous les cas que les peuplades qui habitaient notre région étaient en relations commerciales avec les peuples habitant la Méditerranée orientale.

D'où provenait la callais ? On n'est pas encore fixé à l'heure actuelle sur sa provenance, mais étant donné la variété de coloris et la très grande variété de formes et de dimensions des perles et pendloques, on ne peut admettre qu'une des deux hypothèses suivantes : Ou bien cette substance minérale provenait de gîtes multiples et était façonnée dans ces divers gites ; ou bien dans le cas contraire, elle était livrée à l'état brut aux ateliers des diverses régions où nous la recueillons actuellement, et était transformée par eux en perles ou pendeloques.

(r) Cazalis de Fondouce : De l'emploi de la callais dans l'Europe occidentale aux temps préhistoriques C. I. A. Lisbonne 1880, p. 320.

(2) Cazalis de Fondouce 560 p. 319.

(3) E. Piette : Note sur les tumhlus de Bartrès et d'Ossun. matériaux 1881, p. 522.

(4) P. Temple : Loc. cit. page 76.

(5) Ph. Héléna : Les Grottes des Monges à Narbonne. Toulouse : Privat 1925 — pages 79 et suivantes.


Appoint de vue chronologique ou est beaucoup plus fixé. Il est acquis qu'elle apparaît en Bretagne presque invariablement à la fin de la période néolithique ; dans la Péninsule Ibérique et dans la ..Gaule du Sud, à l'extrême début de l'âge du bronze (1). C'est le cas pour notre grotte. < , Le callais disparait aux époques postérieures, au moment où le verre est importé en Occident. x Pour M. G. Goury : « La callis apparait peut-être à la fin du néolithique, est en grand honneur pendant tout le calcholitique et au début du bronze, puis cesse de plaire et tombe dans l'oubli (2).

Ces perles et pendeloques possédaient-elles pour leurs possesseurs une vertu magique ? Les portaient-ils comme talismans et amulettes ? C'est fort probable.

D'ailleurs sans chercher très loin, l'ethnographie moderne nous en fournit des. exemples persistants, notamment dans les colliers talismans du Morbihan que les paysans bretons se transmettent de génération en génération..

Callais. — Nos onze perles en callais se décomposent au point de vue forme de la façon suivante : Nous nous réfèrerons en général pour la description de la forme de nos perles à l'excellente étude que M. P. Temple en a donnée dans sa remarquable thèse sur la préhistoire de l'A veyron, ouvrage déjà plusieurs fois cité. T Trois perles à trois trous ; étant donné leur forme exceptionnelle que nous n'avons ja-mais vue décrire nulle part, nous les étudierons à part.

Quatre appartiennent à la forme 4 de Temple. Elles varient de 12 m/m de diamètre sur 6 d'épaisseur, à 6 m/m de diamètre sur 3 d'épaisseur.

Trois en forme de cylindre aplati, sorte de galet perforé, ont respectivement 3 'c/m de longueur sur 12 m/m de largeur, 15 m/m de longueur sur 10 de largeur, 10 m/m de longueur sur 5 de largeur.

Deux en forme de rondelles aplaties,-genre perles en test de coquille de dimensions plus réduites (Planche 6). 1 Les deux perles en marbre en forme de barillet aplati ont respectivement 25 m/m de long sur 18 de large et 17 m/m de long sur 12 de large (Planche 4)..

De nos dix-sept perles en albâtre : Cinq ont la forme cylindrique numéro 3 de Temple et varient de 25 à 10 m/m de longueur.

Dix ont la forme en olive plus ou moins globuleuses, deux même

(i) Déchelette : loc, cit. Tome I, page 623.

- (2) G. Goury L'Honme des Cités Laéqstres: Tome II, page 666.


t'arénées formes 5 et 7 de Temple, et varient de 25 à 15 m/m de long sur 20 à 10 de diamètre.

Deux en forme d'anneaux renflés numéro 4 de Temple ont 12 m/m environ de diamètre sur 10 d'épaisseur.

Les dix perles en pierre ollaire gris noir mouchetées de blanc, très lustrées ressemblant à du marbre, appartiennent toutes à la forme cylindrique numéros 2 et 3 de Temple. Leur dimension varie de 22 à 5 m/in de longueur sur 10 de diamètre (Planche 4).

Les perles en calcaire dur varient de 3 c/m. à 4 m/m de long.

Elles revêtent la forme en barillet, la forme cylindrique, la forme olivaire plus ou moins renflées. La forme plate genre perle en test de coquillage. La plupart sont assez giosses, en particulier les formes olivaires dont certaines ont jusqu'à 25 m/m de diamètre.

Un certain nombre paraissent avoir été coloriées au moyen d'une substance brunâtre, qui touchée avec des doigts humides donne une sensation de colle.

Enfin une grosse perle ou pendeloque en céramique noire brillante, qui revêt la forme d'une sphère fortement aplatie aux deux pôles, ce qui lui donne un aspect caréné.. Elle mesure 28 m/m de diamètre sur 20 d'épaisseur (Planche 4)

- Perles à trois trous. — Quatre de nos perles ou pendeloques, dont trois en callais, une en calcaire, revêtent une forme inusitée (Planche 6).

Elles ont toutes les quatre la forme en olive à faces légèrement aplaties, perforées comme toutes les perles d'un trou à chaque extrémité dans le sens de leur longueur, elles présentent en outre un troisième trou très règulier sur une de leurs faces. A quoi servait ce troisième trou ?

Une explication qui nous semble vraisemblable est la suivante : Ces perles faisaient partie d'un collier auquel elles étaient reliées par le lien qui passait dans les deux trous de leur extrémité, et du trou perforé à leur centre sortait un lien portant une pendeloque.

Cela pouvait être une parure pectorale.

Les trois perles en callais ont respectivement 2 m/m de loug sur 15 de diamètre, 21 sur 13 et 14 sur 10.

La perle en calcaire a 21 sur 13.

Pendeloque. — Il nous reste enfin à décrire une fort belle pendeloque en callais que M. Blanchet, de l'Institut, et le savant conservateur du Musée des Antiquités Nationales M. Lantier qui l'ont vue, nous ont déclaré être un des plus gros morceaux de callais qu'ils connaissent.


Cette pendeloque revêt la forme d'un rectangle irrégulier à coins arrondis dont les longs côtés sont légèrement convexes. Elle a 45 m/m de long sur 25 de largeur moyenne et 10 d'épaisseur.

Elle pèse 27 grammes. D'un beau vert pomme, elle présente des particularités intéressantes à signaler. Perforée en son centre dans le sens de la longueur, elle fut partagée en deux dans le sens longitudinal probablement au moment de sa perforation. Elle fut tout dé même utilisée comme pendeloque et pour cela les deux moitiés furent solidement rattachées l'une à l'autre par un lien extérieur qui a laissé des traces profondes et très visibles. Ce lien devait être formé de deux fils unis et ayant laissé un sillon profond sur une des faces, se dédoublant sur les côtés pour laisser deux traces parallèles et moins profondes sur la face opposée (Planche 6).

Les deux moitiés qui se raccordent parfaitement furent trouvées respectivement dans deux sépultures éloignées l'une de l'autre de 1 m. 90.

La première moitié, trouvée dans un bloc stalagmitique est unie et très lustrée, d'un beau vert pomme ; la deuxième trouvée dans la couche de terre noire de l'autre sépulture est moins bien conservée, ses faces au lieu d'être lisses ont été corrodées par la terre.

Cette pendeloque unique dans le Midi de la France par son volume, ne peut être comparée qu'aux pendeloques bretonnes que l'on voit au Musée de Vannes.

Ossements

Très peu d'ossements humains La partie supérieure d'une voûte crânienne incomplèle ne permettant pas de mensurations. Cependant,

étant donné l'épaisseur, un cfm. entre la table interne et la table externe au niveau de la partie postérieure de la suture interpariétale, la solidité et la synosthose complète de cette suture, on peut dire que ce crâne était celui d'un adulte du sexe masculin de 40 à 50 ans environ. De plus, cet être humain appartenait à la race dolichocéphale, par conséquent descendait probablement des néolitiques autochtones de la race Cro-Magnon.

D'autres crânes provenant d'une grotte voisine et bien étudiés par M. Royer, ancien Président de la Société Préhistorique Française, nous avaient permis de conclure de la même façon.

Deux fragments d'humérus, deux cubitus, deux radius, deux côtes d'adultes, un fragment de radius d'enfant, pris dans la brèche ossiière (Planche 1).

Deux clavicules d'enfant dont l'une à l'état de fragment, sept métaearpiens et deux métatarsiens.


Tel est le bilan de tous les ossements contenus dans les quatre sépultures de l'ossuaire. Leur état de fragmentation n'a pas permis de mensurations exactes.

Faune

Dans la couche de terre noire recouvrant les sépultures et sous la chape stalagmitique, nous avons trouvé un certain nombre d'ossements d'animaux. Le classement et la détermination de ces divers ossements ont été faits par le savant M. Vidal, Professeur à la Faculté des Sciences de Montpellier, que nous ne saurions trop remercier de son extrême obligeance à notre égard.

Ces ossements appartiennent au renard, au mouton, à la chèvre, au chien. D'autres remontent plus loin et appartiennent au renne, au cervus élaphus, plusieurs molaires dont deux en place dans un fragment de maxilaire d'ursus speheus.

Ce sont là les restes de portions d'animaux offerts en olViande aux défunts.

Enfin dans la couche d'argile jaunâtre qui s'étendait sur le sol rocheux de la caverne, limon de remplissage, couche sur laquelle avaient été déposés des restes des défunts, nous avons trouvé un grand nombre d'ossements d'ursus arctos : Vertèbres, humérus, radius, canines et molaires, appartenant à des animaux de tout âge. Certaines canines ou molaires dont la pointe était usée devaient appartenir à des animaux déjà vieux, d'autres très pointues à des adultes, enfin un fragment de mandibule laisse apercevoir deux petites pointes de molaires qui commençaient à percer, donc animal très jeune.

Six mandibules plus ou moins bien conservées avec leurs dents en place. Avant que la peuplade qui habitait cette région y ait déposé les restes de ses morts, cette grotte servait de repaire à des ours qui sont venus y mourir.

CONCLUSIONS

L'ossuaire de la grotte des Fées que nous avons eu la chance de fouiller les premiers puisque inviolé, muré qu'il était par un mur de pierres sèches recouvert de stalagmite, est une grotte sépulcrale.

Sorte de grotte reliquaire contenant des sépultures au second degré.

Quelques ossements seulement prélevés sur le squelette de quatre individus.

Les squelettes sur lesquels ces ossements étaient prélevés, avaient subi ailleurs la décarnation. Comment ?

Toutes les hypothèses ont été admises. C'est en effet très fréquem-


ment que l'on trouve dans les grottes sépulcrales des ossements dont le petit nombre, ou la position sans aucune connexion anatomique, permettent d'affirmer qu'ils ont été transportés lorsque déjà ils éiaieot dépouillés de leur chair. Certains en ont conda que nos ancêtres de - ces âges reculés étaient antropophages. D'autres auteurs en plus grand nombre, admettent que les corps subissaient la décarnation soit par le fait de la décomposition à l'air, soit par le fait des bêtes sauvages.

Cette seconde hyppthèse semblé plus vraisemblable. C'est d'ailleurs ce qui se pratique encore .dans certains pays de l'Orient où les cadavres sont exposés à l'air dans des - tours ouvertes par le haut "où ils se décomposent et où les corbeaux, les vautours, et autres oiseaux de proie, viennent se repaitre de leur chair. ♦

- Cet ossuaire remonte à l'énéolitique qui parait d'ailleurs dans notre pays méditerranéen avoir été de longue durée, ou à l'aurore de l'âge du bronze c'est-à-dire environ 2000 ans avant l'ère chrétienne.

A ce stade de la civilisation, le silex, la pierre polie et l'os travaillé font à peu près complètement défaut. Il semble que désormais l'homme ayant à sa disposition un métal solide, résistant et facile à manufacturer l'ait utilisé sans restriction pour tous les* usages habituels et ait délaissé les matières premières des époques précédentes: silex, os et pierre polie. Les quelqus pièces de silex que l'on trouve daas ce niveau sont en général fort belles, ce sont des pierres de choix qui ont dû être conservées à cause de leur perfection. C'est le cas de notre belle pointe de flèche.

Le bronze aussi manque le plus souvent car le métal était précieux et d'ailleurs il pouvait être récupéré et fondu. Les pièces de ce - métal que l'on découvre sont aussi en général fort belles, car ce ne sont pas des objets de rebut, puisqu'on les refondait, mais des objets de belle facture. C'est le cas de nos deux très beaux poignards.

Cette grotte est surtout remarquable par la quantité relativement considérable de callais, fait exceptionnel dans notre région, et qui l'apparente aux riches mobiliers du Morbihan, de la Provence ou du Portugal. C'est à ma connaissance la grotte qui a donné jusqu'ici le plus de callais, non seulement de l'Hérault mais je crois du Languedoc avec la grotte de la Falaise fouillée par M. Ph. Héléna aux environs de Narbonne.

Cette profusion de éallais montre que les peuplades qui ont — déposé les restes de leurs morts étaient en relations commerciales avec l'Orient par la Méditerranée.

Nous étions arrivés aux mêmes conclusions en étudiant le mobilier d'une grotte voisine. Nous écrivions alors : « Ces hommes étaient


en relations avec les peuplades d'origine orientale habitant le littoral comme le prouve le mobilier » (1).

La richesse du mobilier de celte grotte ainsi que l'abondance des vestiges préhistoriques, photohistoriques ou gallo-romains que nous avons découverts ou explorés dans notre région de la haute vallée de l'Orb n'est-elle pas due en grande partie à ce que cette vallée a été dans la plus haute antiquité un des lieux de passage faisant communiquer les riches plaines du Biterrois à la montagne et au Rouergue ?

C'est par là, du moins en partie, que le littoral d'où venait le sel, le vin et l'huile faisait des échanges avec les pays de pâturage de l'Escandorgue, du Larzac et du Rouergue. D'où, habitation plus intense aux divers âges de l'humanité.

La fouille et l'étude de cette nouvelle grotte nous ont permis de soulever un coin toujours plus grand du Voile épais qui reeouvrait le passé de notre région. Elles nous ont permis de projeter une lueur nouvelle sur la mystérieuse histoire de notre petite Patrie.

Puisse un jour, le plus prochain possible, ramener la paix à notre France bien aimée, rendre à leur foyer nos malheureux compatriotes prisonniers, et nous permettre, dans l'ordre et le calme de reprendre nos fouilles qui contribueront nous l'espérons à éclairer de plus en plus l'histoire si attachante et si obscure jusqu'ici de nos plus lointains ancêtres.

- Nous sommes heureux en terminant cette étude de redire toute notre reconnaissance à tous ceux qui à un titre quelconque nous ont permis de la mener à bien. Une mention spéciale toutefois à MM.

Clochard et Vernazobres et à notre si aimable photographe M. Néollier qui nous a permis de donner les belles planches qui illustrent notre travail.

Merci également à M. Cros, Maire de Lunas, qui avait bien voulu nous donner toutes les autorisations dépendant de lui.

(i) Le Cap barré et la grotte de Montjjux in bulletin de la Société Préhistorique Française NI 5, 1956. -


1 Quelques Réflexions - sur l'Art et sur la Beauté

Les liens qui unissent l'Archéologie à l'Art sont mon excuse pour parler devant'vous ce soir, car je n'ai aucune découverte archéologique à vous présenter, aucune communication savante à vous faire.

Votre bienveillance veut bien tolérer une infraction à la coutume, et j'aurais mauvaise grâce à n'ell pas bénéficier.

-Mais si chacun ne peLtt raisonnablement traiter que les sujets qui lui sont familiers, de quoi pourrais-je vous entretenir, sinon d'art et" de beauté ? Et L'art, comment en préciser le caractère et la mission ?

Je ne connais rien de plus expressif que l'idée qu-fen a donnée, dans une de-ses conférences, notre éminent compatriote Paul Valéry : « Un matin, dit-il, un lendemain de pêche très fructueuse où des a centaines de.grands thons avaient été pris, j'allài à la mer pour me a baigner. Je m'avançai d'abord, pour jouir de la lumière admirable, « sur une petite jetée. Tout à coup, abaissant le regard, j'aperçus à a quelques pas de moi, sous l'eau mérvèilleusement plane et transpa« rente, un horrible et splendide chaos qui me fit frémir. Des choses « d'ub-e rougeur écœurante, des masses d'un rose délicat, ou d'une' « pourpré profonde et sinistre, gisaient là. Je reconnus avec horreur « l'affreux' amas des viscères et des entrailles de tout le troupeau de - « Neptune que les pêcheurs avaient rejeté à la mer. Je ne pouvais ni « : fuir ni supporter ce que je voyais, car le dégoût que ce charnier me « càusait le disputait en moi à la sensation de beauté réelle et singuu lièrp de ce désordre de couleurs' organiques sous le glacis de l'eau" « si claire, cependant que l'onde infiniment lente berçait dans l'épais- .« seur un frémissement d'or imperceptible sur toute cette boucherie.

«( L'œil aimait ce que l'àme abhorrait. Divisé entre la répugnance « et l'intérêt, entre la fuite et l'analyse, ma pensée se reporta vers ce « qu'il y a de brutal et de sanglant dans la poésie des Anciens. Les « Grecs ne répugnaient pas à évoquer les scènes, les plus atroces. Les ; « héros travaillaient comme des bouchers. La mythologie, la poésie « épique, la tragédie, sont pleines de sang. Mais l'art est comparable « à cette limpide et cristalline épaisseur à travers laquelle je voyais « ces choses atroces : il nous fait des regards qui peuvent tout consi« dérer ». Telle est la magie de l'Art ! Il peut également rendre éternelles les choses qui ne durent qu'un jour, et tandis que la femme qui a inspiré la Joconde à Léonard de Vinci est depuis longtemps réduite en poussière, son sourire immortel continue et continuera, grâce à


lui, à séduire les générations, et la jeunesse immatérielle de Jeanne d'Aragon exhalera toujours, grâce au pinceau de Raphaël, un charme renaissant que je ne saurais définir.

Et c'est la raison pour laquelle les hommes, si primitifs qu'ils aient été, ont eu besoin, dès le lointain des âges, de cette vivifiante illusion. Les plus anciens artistes - je ne parle pas de l'étonnante production des hommes de la préhistoire — ont tellement charmé leurs contemporains, que la fable s'en est mêlée et a bâti sur leur nom les légendes les plus naïves et les plus suggestives, qui font même douter de la réalité de leur existence.

L'homme a donc toujours eu besoin de Beauté. Les peuplades sauvages se sont de tout temps parées d'ornements et de bijoux. Les grandes œuvres qui, dans le cours de l'Histoire, sont devenues le patrimoine de l'humanité, continuent, à faire notre joie et notre orgueil, et tiennent en éveil notre sollicitude pour elles : dans les périodes où elles sont menacées, elles ont cette grandeur de n'avoir que leur beauté pour les défendre. Mais nous tenons tant à elles, elles nous sont si indispensables, qu'on voit alors cette chose touchante : les hommes si petits et si éphémères, à côté d'elles éternelles, se hâtent de les protéger avec amour contre l'envahisseur : nous avons vu descendre et mettre à l'abri les grandes verrières de nos cathédrales, et les sacs de sable s'accumuler devant les monuments qui ne se peuvent transporter.

La beauté ne saurait périr, et pourquoi? Quelle vertu mystérieuse la rend immortelle et indispensable à la vie des hommes ? Pourquoi l'ont-ils toujours associée à leur existence, quelles que soient les circonstances qu'ils ont traversées ? C'est que sa seule révélation peut octroyer une trêve mystérieuse à l'existence des multitudes lasses et offrir aux hommes le don de l'oubli, en leur permettant un moment de contempler le monde avec des yeux différents, de penser et de rêver avec une autre âme ; la Beauté, qui verse à l'âme humaine l'aspiration à dépasser l'étroitesse de l'existence commune pour vivre une vie plus ardente. Elle est le breuvage sacré de tous ceux qui éprouvent un obscur désir de s'élever, par le moyen de la fiction, hors de la prison quotidienne où ils sont esclaves.

* C'est la noble mission de l'art de conserver la Beauté, et de la transmettre intacte de génération en génération, comme les lampadophores antiques qui ont passé l'un à l'autre, sans arrêter leur course, le flambeau que leur avait transmis leurs ancêtres, sans jamais le laisser éteindre.

Le cadre de cette causerie ne me permet pas de montrer dans toute son ampleur cette évolution grandiose, et je me contenterai de causer des lois qui régissent spécialement l'art statuaire,


Ces lois éternelles, rigoureuses, capables en même temps de s'assouplir en raison du cadre qui entoure les œuvres, du climat et du caractère des peuples, nous les avons puisées dans l'étude des œuvres fondamentales qui ont mérité d'être les modèles éternels, et qui, dans la suite des temps, ont été le reflet concret et précis des mœurs et de la pensée des peuples dont elles sont l'honneur, notamment dans l'art égyptien, mais surtout dans l'art grec, plus près de nous, plus général et plus universel.

L'art égytien nous a enseigné la stylisation nécessaire aux œuvres de grandes dimensions, dont les formes doivent être voisines de celles de l'architecture, tels les colosses qui jalonnent la vallée du Nil. Mais la véritable source de notre art émane de la civilisation hellénique, dont l'art savant et mesuré nous a donné le secret des lois qu'il a établies et qui l'ont conduit lui-même à un degré de perfection telle, qu'on a pu l'ériger comme le modèle par excellence, comme le meilleur instrument d'éducation que le monde ait connu. Elle ne peut périr, s'éteindre et être rayée de la surface de la terre, cette culture qui plonge ses racines millénaires dans l'aurore même de la civilisation, cette culture que les siècles ont épurée et raffinée, que des générations sans nombre ont enrichie, que les arts ont embellie. Dans le domaine de l'art, elle a atteint d'un seul bond tous les sommets d'où, tel Moïse sur le Sinaï, elle nous a dicté ses lois.

On a assez dit l'influence du climat de la Grèce, de la clarté de son ciel, de la limpidité de son atmosphère, qui accentuait la netteté des profils de ces montagnes qui par cela même ont donné à ses habitants le sens des volumes précis et définis — les pays du Nord n'ont presque pas donné de sculpteurs — le sens de l'équilibre, en un mot de la statistique, et en a fait le peuple sculpteur par excellence, la sculpture étant au premier chef l'art des volumes nets et des plans précis, définis comme contours, l'art de la statique entre tous, avec, pour apanage, le trésor infini de la poésie des attitudes. La sculpture est l'art immuable qui fixe les caractères permanents des êtres au détriment des caractères éphémères ou anecdotiques ; qui transpose dans la matière éternelle et immobile la vie mouvante et les frissons des chairs vivantes, les émotions et les passions, et les revêt ue la sérénité tranquille et grave qui dure, qui repose et qui charme. Le sculpteur est celui (fui, loin de copier servilement la nature, a le sens de cette transposition, et, tout en donnant à la matière la vie et la

chaleur nécessaires pour émouvoir, donne en même temps à cette vie et à cette émotion une impression d'immobilité qui lui donne un aspect d'éternité. Il faut que la statue donne l'impression d'être de matière éternelle et non de chair périssable, impression de pérennité et non d'anecdocte. C'est pour cette raison que les beaux bustes anciens


-demeurent beaux en eux-mêmes et si attirants sans qu'on éprouve le besoin'-d'avoir connu les modèles qui les ont inspirés. C'est là la vraie ressemblance et la véritable éternité d'un homme. « Mes têtes, dit Léonard, ne ressemblent ni à moi ni à mes amis, elles sont les médailles de ma pensée et pour cela elles intéressent toujours ceux qui pensent ».

Mais immobile ne veut pas dire privé de mouvement. La sculpture doit au contraire fixer le mouvement dans l'immobilité. De grands exemples le prouvent : telle la victoire de Samothrace, au Musée du Louvre : avec ses draperies flottantes au vent et son élan magnifique, impétueux même, loin de paraître agitée, elle donne l'impression d'un grand mouvement, mais fixé dans une immobilité toute marmoréenne. Dans la procession d s Panathénées, qui entoure lacella du Parthénon, le cortège des cavaliers au galop, si les chevaux étaient l'image fidèlement copiée du galop, auraient donné une impression contraire au génie grec, épris d'harmonie et de statique : mais le sculpteur, par un artifice savant, a déplacé le centre de granité des chevaux en ramenant sous le ventie les pattes de derrière, de telle sorte que chaque cheval a l'attitude du galop, mais en réalité piétine sur place.

Le sculpteur, et ceci est une loi qui dépasse le domaine de la sculpture et que les grands écrivains ont observée, doit arriver à créer, non pas des individus particuliers, mais des types généraux, modèles de l'espèce, le type humain généralisé, exempt de toute particularité individuelle, ayant pour seule mission de mûrir et d'épanouir sa heauté humaine. Cette faculté d'élever l'individu à la hauteur de l'espèce doit être la préoccupation constante du statuaire. MichelAnge a dit que, dans la représentation de n'importe quel être créé, l'artiste devait lui dispenser le maximum de perfection dont il était susceptible. Il importe itonc de discerner en quoi consiste la perfection de chaque individu, c'est-à-dire ses caractères propres, à lui particuliers, pour les exalter au détriment des caractères communs aux autres indi vidus ; par exemple, pour un lion, la perfection est la force, la férocité, la souplesse. Plus il possédera ces qualités, plus il sera parfait comme lion : il ne sera plus un lion quelconque, mais le lion, type de l'espèce. *

Cette imitation dont parle Michel-Ange s'entend non d'une vue exacte et, d'un instant, mais de la superposition des vues qui s'ajoutent l'une à l'autre et se complètent jusqu'à saturation d'intensité : d'où synthèse. C'est pourquoi la sculpture est plus propre à exprimer un état qui dure qu'une action qui passe. Le Héros grec n'est pas autre chose que la réalisation de cet idéal. Le Hére-s est un type d'huïiianité supérieure dans lequel le Grec retrouve, exaltée à son plus


haut point de perfection, telle ou telle qualité de sa race dans laquelle il se reconnaît.

Cette interprétation des êtres représentés dans ce qu'ils ont de, plus élevé implique nécessairement une qualité indispensable, la noblesse : noblesse d'idéal, noblesse de cœur, noblesse dans l'exécution de l'œuvre. Sursum cordà! Je crois fermement que la loi suprême de l'art est la nécessité absolue de ne jamais créer de laideur ou de vulgarité et de demeurer noble irréductiblement partout et toujours.

Léonard enseignait qu'il faut faire beau à tout prix. Les sujets nobles et. spirituels seuls méritent de tenter les vrais artistes, ne serait-ce que par leur difficulté. La blancheur du marbre n'est pas seulement une qualité de matière, prenons-la plutôt comme un symbole de pureté et d'idéal sans tache. La noblesse ne réside pas spécialement dans le sujet traité ou représenté mais dans l'interprétation qu'en donne l'artiste ou dans le sens qu'il en dégage: il n'y a donc pas d'une façon générale, de sujets nobles ou d'ordinaires, — j'excepte les sujets religieux nobles par essence, — il y a seulemeut des artistes ordinaires ou nobles. Trop d'artistes modernes et même contemporains tristement célèbres ont perpétué dans des œuvres hélas approuvées d'un certain public et mises à la mode par une dépravation regrettable, les vices et les turpitudes de la société. Ils eussent mieux fait d'exalter la beauté et la vertu: plus tard leur succès d'un moment sera leur châtiment.

Les pêcheurs de la Thibériade, devenus les apôtres, sont autre chose que de simples pêcheurs. Leur noblesse, la hauteur de leurs sentiments, reflet de la parole du Maître, leur abnégation, leur courage, leur foi rrdente qui a enflammé le monde en ont fait des êtres qui dépassent l'échelle humaine. Ce que nous voyons en eux, c'es t leur apostolat et non leur métier primitif, et nous devons les représenter en pêcheurs d'hommes et non en pêcheurs de poissons : nous devons fixer ce qui les rend éternels et qui n'est pas commun aux autres hommes. C'est la leçon que nous donne Léonard dans la Cène: les apôtres tels qu'il les a représentés, tous beaux, tous patriciens, porteraient dignement la mître ou la couronne.Revenons à la sculpture. Quelle que soit l'imagination de l'artiste, elle demeure maîtrisée, enrégimentée, façcnnée par la matière, marbre ou bronze. Celui qui ignore cette loi ne peut rien produire de durable. Toute œuvre est fonction de la matière d'où elle tire sa qualité. Les plus belles œuvres sont de métier et étrangères à l'ambition de plaire. Lisez les lettres de Michel-Ange : vous croiriez entrer dans un chantier de maçon. Il est clair que cet homme merveilleux ne pensait jamais au beau. Il entreprenait une œuvre, et puis une autre.

Son grand souci était d'avoir des marbres et d'avoir de l'argent pour


payer les carriers, les bateliers, les charretiers. Il ne disait jamais : j'espère que je serai bien inspiré. Il dit : j'espère que j'aurai des matériaux et du temps. Ce maître sublime a dit qu'une statue de marbre devait pouvoir rouler du haut d'une montagne sans se casser. Parole profonde qui implique que la matière conditionne l'œuvre et que le marbre est le maître et interdit toute maigreur ou complication qui rend l'œuvre fragile. Le principe le plus délicat et le plus solide de tous les arts est l'accord intime et aussi profond que le permet la nature des choses entre la matière et la figure de l'ouvrage. Il faut, dès la première idée d'une œuvre, la concevoir pour la matière dans laquelle elle sera représentée. Il faut, si l'on me permet cette expression, penser en matériaux.

Je me plais à ouvrir une parenthèse pour dire que notre statue de Paul-Riquet réalise, avec une aisance et une ampleur peu communes, et d'ailleurs magnifique les lois de la statique dont je viens de parler.

Elle est sortie du cerveau de notre plus grand artiste du siècle dernier : David-d'Angers.

En résumé, toutes ces lois, qui sont les mêmes pour tous les arts, sont les fruits splendides de la civilisation hellénique. Cette civilisation s'est, depuis la Crète, répandue sur tout le territoire de l'Hell-ade.

Elle a civilisé l'Italie, Rome s'en est emparée, a fait fleurir sur elle d'autres branches, et a ajouté à tant de lumière, de distinction et de richesse sobre un élément de force digne de la ville éternelle : la France se l'est assimilée sans effort et en est sortie splendide et enchanteresse. C'est à la Méditerranée que nous devons de l'avoir reçue dans notre cœur : c'est bien elle, en effet, notre chère Méditerranée dont le chant a bercé notre enfance et dont le charme est persistant dans nos cœurs, qui a permis, pour ne pas dire causé, l'intelligente diffusion de la pensée hellénique. Entraînés surtout par les avantages exceptionnels que la Méditerranée orientale offre à ses riverains, les Grecs devinrent marins. Entreprenants, audacieux et commerçants, ils apportèrent dès la plus haute antiquité leurs produits et leur civilisation sur ces rivages hospitaliers et fertiles ; c'est cette mer illustre, cette mer étincelante et chargée de sel, qui a civilisé le monde.

C'est donc pflr notre Midi que cette tradition splendide a pénétré dans la France. C'est notre petite patrie locale qui l'a reçue dans ses mains pour la répandre dans la France entière, qui a été et sera toujours, par ses affinités incontestables, la dépositaire intangible et sacrée de la civilisation la plus belle, la plus noble, la plus lumineuse et la plus féconde dont s'honore l'humanité.

JEAN MAGROU.


HABITATS GALLO-ROMAINS En bordure de l'étang de Thau

Les abords de l'Etang de Thau paraissent avoir connu des habilais importants à des époques fort reculées. Nos recherches ont porté sur la région comprise entre les anciens marais-salants de Mèze, les marécages du domaine de la Bellonnette et des prés St-Jean (1) dans la commune de Marseillan, et le domaine de la Banale dans la commune de Pinet.

Des vestiges de toutes sortes se rencontrent un peu partout le long de ce littoral. Notons : une monnaie de César à Belle-Vue, par Marseillan (M. Dupuy) ; une monnaie de Constantin à Félines, par Mèze (M. Ros) ; des poteries et médailles le long des voies de communication signalées par Cazalis de Fondouce (2) et reliant la voie Domitienne ou le Cami-Roumieu aux divers habitats de la côte, ainsi que le long de la voie d'Agde à Mèze par Marseillan (3), particulière, ment à Villemarin (Grange Basse : le Cimetière).

Mais les découvertes les plus importantes ont été faites sur trois domaines voisins : Saint-Marlin, la Grand-Grange et les Yeuses (commune de Mèze J. Notons pour mémoire : de nombreux fragments de poteries, des objets de bronze, d'os, une statuette d'argent, une tête de femme, etc Ces découvertes, datant déjà d'une quarantaine d'années, ont été signalées en leur temps (4). D'autres trouvailles, dont nous parlerons plus loin, et dues à M le Chanoine Despetits et à son frère, n'ont jamais été signalées. Venant à la suite de ces pre- miers prospecteurs, nous avons étendu et complété leurs recherches, et abordé des tènements absolument vierges de fouilles. Ces divers travaux nous permettront peut-être, non d'aboutir à des conclusions définitives, mais d'éclairer de lueurs nouvelles le problème des habitats gallo-romains de l'Etang de Thau, surtout lorsque sera mis au

(i) En raison de la présence des biens de la Commanderie des Chevaliers de St- Jean, BelleVue se dénommait autrefois C les Saint-Jean ». Ce nom n'a subsisté que dans quelques tènements -

de ce domaine : on y rencontre encore des vestiges de constructions ayant appartenu aux Commandeurs de Grézan. Le nom de Saint-Jean réapparaît dans un domaine voisin dénommé autrefois le Blanquissage et aujourd'hui Saint- Jean-des-Sources.

(2) Cazalis de Fondouce : L'Hérault aux temps préhistoriques.

(3) Cazalis de Fondouce : op. cit.

(4) In « Mémoires de la Société Archéologique de Montpellier » - 2e série. Vol. V et VII


point le travail que l'un de nous prépare sur les voies romaines du littoral (1).

On sait que, parallèlement à la voie dite Dornitienne, une seconde voie, se détachant de la première aux environs de Saint-Apolis (commune de Saint-Thibéry), se dirige vers Mèze. Après s'être un instant confondue avec la voie « romaine », elle se continue, à partir de la font de Mingal, à travers les communes de Florensac, Pinet et Mèze, et vient couper la route d'Agde à Mèze (G. C. n° 5) au pont de Langaran, dit Pont des Mourgues.Or nous avons acquis la certitude que ce chemin, dit Cami Roumiou, n'est autre que la véritable voie romaine, et qu'il s'est certainement produit, depuis un siècle ou deux, une confusion entre les deux voies, avec interversion de leur dénomination (2).

Sur l'espace compris entre la voie ferrée d'Intérêt local et la route d'Agde (qui parait être la véritable voie romaine,, le chemin est pavé par endroits de vastes dalles. Quelques-unes de ces dalles, arrachées, gisent sur les bas-côtés dans des fossés creusés à même le roc. Elles disparaissent d'ailleurs peu à peu.

Après avoir traversé la route d'Agde, nous atteignons par le chemin d'I. C. n° 59 le- domaine de Saint-Martin. — Une chapelle s'y dresse sur un vaste tumuhis. Aux alentours, nous apercevons de nom-

breux ossements humains que les travaux récents de rechargement de la route ont mis à jour et disséminés. Nous sommes évidemment en présence d'un vieux cimetière.

Dans la cour du domaine se trouvait autrefois un couvercle de sarcophage (3) en basalte d'Agde. Ce couvercle est aujourd'hui perdu: nous n'avons pu retrouver sa trace.

Si nous empruntons le chemin qui contourne le tumulus et se dirige vers le Sud-Opest à travers champs et vignes, nous rencontrons, à 250 mètres environ, un vaste espace inculte : la Sablière, bosselée de quelques tumiili. Sur l'un d'eux, à découvert, nous avons trouvé un vase brisé, posé à plat, fond en dessus. Nous avons pu le reconstituer en partie. Il est en poterie rouge vernissée. Aucune trace de marque de potier. Son décor est fort simple.

La Sablière parait constituer l'emplacement d'un cimetière, occupé par des tombes creusées dans le tuf et recouvertes de tuiles à rebord, elles-mêmes cachées sous une couche de sabte que les prélè-

(i) R. Ros : « Le Chemin de la Reine Juliette et le Cami Roumiou, de Ccssero au Forum Domitii ». -

(2) R. Ros : op. cit.

(3) Ce couvercle a longtemps servi de faite Je muraille au-dessus du portail d'entrée du domaine de St-Martin.


vements faits parles domaines voisins ont amincie. Auprès d'une - --' tombe vide, nous avons recueilli un anneau de bronze et une demiperle de verre bleu.Plus loin, au-dessous de quelques maigres saules, on distingue un bassin creusé dans la roche tendre et séparé en deux par un passage étroit. Ce bassin était-il alimenté jadis par une source aujour-

d'hui tarie, ou bien sommes-nous en présence d'un silo ? Nous n'avons pu encore élucider la question. ,

Plus loin encore, vers la gauche, s'étend un vaste champ défoncé dénommé « le Piboulas ». Nous y avons rencontré de très nombreux débris : tuiles à rebord, pierres provenant d'habitations, éclats de verre, fonds ou goulots de vases de toutes formes, fragments d'os travaillé, cols d'amphores, morceaux de dolia. Mais notre plus riche récolte est constituée par d'innombrables tessons de poterie rouge sigillée aux magnifiques décors en relief: personnages sexués, guerriers, animaux, chiens chassant, oiseaux, poissons, plantes, feuilles et ornements géométriques. La plupart de ces fragments proviennent des ateliers de la Graufesenque. Le regretté abbé Hermet, à qui nous nous plaisons ici d'adresser le témoignage de notre reconnaissance, a bien voulu nous les dater: ils s'étagent sur 50 années, de l'an 40 à l'an 90(1). Quelques-uns ont subi des réparations au moyen d'atta- ches de plomb. Cette pratique, 1 peu courante pour ces poteries, nous a paru digne d'être signalée : elle témoigne de la richesse de l'ornementation et du prix que les possesseurs attachaient à ces vases. L'un de ces fragments porte en gros caractères (1 c/m. environ) l'inscription L. C. O. C'est une marque extérieure. M. l'abbé Hermet nous a signalé la rareté du fait.

Mais les ateliers de la Graufesenque n'ont pas été les seuls à fournir de poteries les habitants de notre station. Nous possédons un fragment de Lezoux (?) et de nombreuses marques de potiers inconnus. Ces marques ne figurent ni sur le savant répertoire de la Graufesenque (2), ni sur aucun répertoire des potiers du 1er et du 2e siècles.

Deux explications se présentent à l'esprit: ou bien ces noms de potiers n'ont pas encore été découverts au cours des fouilles snr l'emplacement des anciens fours connus — et ils le seront peut-être quelque jour — ; ou bien nous sommes en présence des produits d'un atelier inconnu dont il reste à découvrir l'emplacement. Evidemment, on

pourrait être séduit par une réponse facile au problème : trois domaines des environs portent le nom de « Félines ». Or, si nous en -'"

(i; Nous donnons in fine la liste des noms de potiers inscrits sur les tessons récueillis.

(2) Cf. Abbé Hermet. Les Graffites de th Graufesenque. Rodez 193 3.


croyons M. Emile Bonnet (1), le nom de Félines viendrait du latin figlinæ, ateliers de potier. D'autre part, la découverte par M. Despetits d'un immense « dépotoir de poteries sigillées (voir plus loin) semblerait confirmer cette opinion Théorie agréable, certes, et qui honorerait notre station. Cependant, tant que nous n'avons trouvé ni les ruines du four, ni celles de l'atelier, ni les matrices, nous sommes tenus de garder une prudente réserve.

Dans un autre champ situé bien en dehors de la zone de ces vestiges, nous avons rencontré, disséminées un peu partout, des dallas informes que la charrue a brisées. Ainsi ont été dispersés à la surface de nombreux ossements. Près de l'une de ces dalles, nous avons recueilli un tranchant de petite hache en pierre polie, un étui en os poli et travaillé, et une dent fossile d'équidé.

Au-dessus de ce cimetière, dans une jeune vigne, les traces d'habitat deviennent encore plus nombreuses et plus riches : fragments de corniches de marbre avec très fins motifs d'ornements, pavés de marbre vert et rouge, pavés sculptés de marbre blanc (rosaces et fleurs), débris de peintures murales bicolores (bleu et rouge), meules en basalte d'Agde. — Par endroits le sol romain apparaît intact, recouvert d'un pavage encore en place, Les pavés sont des losanges ou parfois des rectangles de schiste dont le cadre est souligné par des réglettes de marbre blanc. Le tout est fixé sur un lit de pierres par un mortier à la chaux (2).

Ici nous retrouvons encore de la poterie sigillée, réparée par des attaches de plomb. De nombreux tessons portent des marques de potiers, la plupart de la Graufesenque. L'un de ces débris, un fond de coupe, porte un graffitte extérieur gravé à la pointe après cuisson ; c'est un nom propre, NICIVS, qui se rapporte sans doute à l'un des habitants de ces lieux. Le tracé est malhabile et enchevêtré. En tout cas, ce n'est ni un compte de potier, ni une inscription votive (3).

Les vestiges disparaissent soudain aux limites de la vigne. Mais nous les retrouvons bientôt dans un champ situé sur la droite. Ce sont les mêmes fragments de poteries de toutes sortes, auxquels sont mêlés quelques débris de poterie indigène à vernis noir imitant la poterie campanienne. Au delà de ce champ, en suivant toujours le tracé de l'antique voie, nous parvenons à nouveau sur la même route de Mèze à Agde, au niveau de deux grands pins d'Alep.

(i) Emile Boanet : « Monuments et Antiquités de l'Hérault ». Montpellier 1905, page 400.

— Camille Jullian Notes Gallo-Romaines, in Annales de la Faculté des Lettres de Bordeaux — Revue des Etudes anciennes. T. I, 1899, page 158.

(2) Nous avons pu revoir exactement les mêmes pavés à Vaison-la-Romaine, dans la villa des Messii. — Le Musée Lapidaire de Béziers possède un pavage semblable, mais la forme des pavés est sensiblement différente, quoique la facture relève du même procédé.

(3) Abbé Hermet. Correspondance (1933;.


De l'autre côté de la route moderne, le chemin ancien se dirige vers Pinet et rejoint le Cami Roumiou et le chemin de la Reine Juliette.

L'importance du gisement ne fait aucun doute. Jusqu'ici nous n'avonstrouvé pour le dater que la monnaie de Constantin signaléeplus haut, mais des fouiltes suivies permettraient d'apporter des précisions intéressantes sur ce chapelet d'habitats occupant plusieurs centaines d'hectares.

En effet, ces habitats s'étendent, avec des solutions de continuité"

dans un vaste quadrilatère de 3 Km. de côté, borné par la voie ferrée, la route de Marseillan, les marais de Bellonnette et l'Etang de Thau.

Nos recherches actuellement limitées à l'éperon de cailloutis pliocènes qui porte les domaines de Saint-Martin, des Félines et de la Grand-Grange, n'ont guère dépassé le ruisseau du Valat, au-delà duquel se dresse un nouvel éperon pliocène, constitué par les sables dits de Montpellier, et qui porte les domaines de la Grange-Basse et des Yeuses.

C'est surtout aux environs de cette dernière propriété que furent mis-à jour, par hasard, les plus intéressants vestiges. M. le Chanoine Despetits, que nous avons plaisir à remercier ici, a bien voulu nous fournir la plupart des indications qui suivent.

Au cours d'un défoncement au treuil à vapeur, pratiqué dans la vigne qui s'étend entre la « campagne » des Yeuses et la voie ferrée de l'Intérêt local, le frère de M. Despetits rencontra une sorte de silo de quatre mètres carrés dont la terre, plus foncée qu'aux alentours, avait presque un aspect de cendres (nous soulignons le mot qui nous paraît très caractéristique). Au milieu de ces cendres apparurent des entassements si considérables de poteries que M. Despetits crut pouvoir conclure qu'il se trouvait en présence du « dépotoir » d'une villa romaine. Ces débris étaient accumulés en si grand nombre qu'il ne put reconstituer aucun objet complet. C'étaient surtout des poteries sigillées, décorées de feuillages et de personnages en relief, et des poteries « communes » à graffittes. Ces grafïittes, gravés à la pointe, étaient constitués par les noms des usagers inscrits en grec dans le vernis noir. L'un d'eux, celui d'un certain Gregorios, était parfaitement lisible. D'autres inscriptions étaient très incomplètes. — De nombreuses marques de potiers se lisaient sur le fond ou sur les anses de ces vsses à vernis rouge ou noir. - ", Outre les poteries, M. Despetits recueillit : de nombreuses épingles en os, des stylets, des bâtonnets à fard, un pied de statuette en alliage de plomb, des débris de lampes.

Dans le voisinage immédiat de ce silo, il trouva en grande quan-


tité des fragments de tuiles à rebord, de jarres, de dolia. Quelques-uns de ces derniers avaient été réparés avec des tenons à encoches en plomb.

Cette belle collection, qui n'avait pas épuisé le gisement, a été malheureusement dispersée. Mais le gisement existe toujours, et il n'est pas impossible qu'un jour les vestiges qu'il recèle soient rendus à la science.

En tout cas, l'opinion de M. Despetits au sujet de ce gisement est défendable. On peut fort bien se trouver en présence d'un «dépotoir.).

Mais ce ne sont sûrement pas les accidents survenus à la vaisselle d'une seule villa qui l'auraient rempli d'un pareil entassement de débris. Il faudrait alors penser au dépotoir commun à plusieurs villae ou à un quartier de ville. On peut aussi supposer que nous nous trouvons en présence du dépotoir d'un atelier de poterie, comme il en existe à la Graufesenque et à Lezoux, et où les potiers jetaient les pièces manquées ou brisées au cours de la cuisson. Il serait d'ailleurs très intéressant d'étudier de près les granittes, pour voir s'il ne s'agit pas de comptes de potiers (1). Mais si un atelier de poterie a fonctionné aux Yeuses, les mêmes questions se posent : où est l'atelier ? où est le four ? où sont les matrices ? (2) En résumé, nous nous trouvons en présence d'une station exceptionnellement riche et vaste, qui paraît avoir été occupée au moins depuis le néolithique jusqu'au bas-empire. Jusqu'à maintenant, nous n'avons trouvé aucun vestige spécifiquement ibérique ou grec. Mais une riche civilisation gallo-romaine a rayonné sur ces rivages (3). Il ne s'agit pas seulement de quelques villae, mais vraisemblablement d'une ville comprenant plusieurs quartiers isolés les uns des autres.

La présence des trois cimetières que nous avons notés paraît marquer l'importance de cette cité, qui a dû épanouir son opulence au temps de la paix romaine, car, jusqu'à maintenant du moins, nous n'avons rencontré aucune trace de remparts.

Ainsi, lorsque les fouilles futures auront éclairci l'énigme des

(i) On se souvient que de nombreux potiers de la Graufesenque inscrivaient en grec leurs noms sur leurs comptes.

(2) Au sujet des « cendres » observées par M. Despetits, deux explications se présentent à l'esprit : ou bien un incendie aurait détruit une villa et enterré sous les cendres toute la vaisselle de la maison — ou bien ce sont les cendres du bois ayant servi à chauffer le four et que les potiers auraient entassées dans le dépotoir pêle-mêle avec les poteries brisées (Nous écartons l'hypothèse d'un changement dans la nature du sol : outre l'invraisemblance d'une coïncidence entre cette modification et l'entassement des poteries brisées, on n'a jamais rencontré cet aspect cendré dans les sables de Montpellier).

(3) Voir Post-Scriptum.


potiers inconnus, lorsqu'on aura prospecté ce vaste quadrilatère de près de mille hectares compris entre la voie ferrée, la route n° 5, les marais de Bellonnette et l'Etang de Thau, peut-être alors verra-t-on surgir des sables pliocènes quelqu'une de ces « cités mortes du Golfe du Lion ». — Peut-être aussi, quand sera résolu le problème des deux, voies romaines parallèles, pourra-t-on redonner à cette ville ressuscitée le nom qu'elle portait sans doute sur les Tables de Peuttinger ou sur les Vases Appollinaires : ville immense que peut-être Strabon visita — nom perdu, nom oublié depuis des siècles, et que les historiens modernes ne sont pas encore parvenus à replacer sur le terrain.

Marques de Potiers figurant sur les tessons recueillis Potiers de la Graufesenque

1 - OF. GEN : OF/ficina CEN/sirini ou GEN/eri: ou GEN/ialis - (tous trois de la Graufesenque) 2 — E. SARIN. : E. SARIN/us, ou SABIN/us (tous deux de la Graufesenque) 3 — VIT : VIT/alis 4— V. : V/italis ou V/inovlvs (?) J 5 — .ECO. : Probablement S/ECO/ndvs 6 — .IM. : Probablement PrjIM/us, ou Pr/IM/igenius, ou Pr/IM/isco (tous trois de la Graufesenque) 7 — .IMV. : Probablement Pr/IMV/s 8.— CEN. : (Voir n° 1) 9 - OF. MAD. (?) : OF/ficina MAD/ulii (?) 10 — SG. (?) : SC/ota, ou Fu/SÇ/us ou Pri/SC/us 11 - L. CO. = L. COSI: L/ucius COSI/us ou peut-être COS/o/I/us (ces deux potiers travaillèrent à la Graufesenque à la fin du Ier siècle, entre 80 et 90).Il s'agit ici d'une marque intra-décorative extérieure. -' D'après l'abbé Hermet, les marques ainsi placées sont assez rares.


12 - OF. CALV. : OFjficina CALV/i ou CAL/i (1) 13 - OFIC. BILICAT. : OF/ficina BILICAT/i (2) Potiers de Lezoux

14 - AUREEI ou AURELI (?) Peut-être AURELI/us ou AUREL/us Potiers inconnus (potiers locaux) et Sigilles indéterminés 15 — LUTTIN.

16 — PVVIM (?) avec un beau grafïilte de NICIVS (?) 17 - IVLCIER (?) : IVL/ius CIER (?) 18 — ERIV. (?) (3) 19 — M Q : Marque encadrée sur col d'amphore En outre, nous avons trouvé plusieurs marques illisibles.

M. l'abbé Hermet, à la mémoire duquel nous tenons à rendre hommage, a bien voulu interpréter, avec sa profonde science des poteries et des potiers du Ier siècle, la plupart des marques ci-dessus.

R. Ros et M. RauAxET.

Post-Scriptum..- La présente étude était déjà sous presse lorsqu'il nous fut donné d'assister au creusement de tranchées destinées à la protection des enfants de Meze. Les travaux ont mis à jour un certain nombre de tombes à incinération, dallées et voûtées. Le mobilier, d'ailleurs assez fruste, a été malheureusement en partie brisé. Mais il reste de nombreuses tombes intactes, que nous espérons fouiller sous peu. Toutes sont situées à 20 centimètres au moins aumoins au-dessous du niveau romain. L'avenir nous dira peut-être si nous sommes en présence de la vieille cité grecque de Mesua. ou s'il s'agit d'une cité-sœur ibérique ou celtique. En somme, les problèmes sont vastes et nombreux : Où est la ville grecque ? Où est la ville ibérique? Quel est le nom de la cité gallo-romaine qui s'étend en bordure dé l'étang de Thau ?

(1) Abbé Violettes: Sigles figulins relevés sur les poteries trouvées dans l'Aveyron et à Barnassac (Lozère).

In Mémoires de la Société des Lettres, Sciences et Arts de l'Aveyron. Tome XV, Irolivraison. Planche 1, page 1 et page 8.

(2) — page 8.

(3) peut-être ER1IV page 11.


Le Séjour d'un Dominicain et d'une Anglaise à BÉZIERS (1706-1785)

Rendons gràces à ces nombreux voyageurs français et étrangers qui, visitant le Languedoc au temps jadis, ont laissé une relation de leurs randonnées. Ainsi, celui qui tient aujourd'hui à connaître dans ses moindres détails la vie quotidienne d'autrefois, trouve à sa disposition, à la lumière des souvenirs de ces touristes, une sûre documentation, en un mot, une mine précieuse de renseignements sur les traditions et les mœurs de notre province au cours des XVIIe et XVIII.

siècles.

L'on voyageait beaucoup sous l'ancien régime, pour son plaisir ou pour ses affaires, sans se soucier des dangers de la route, des bandes de brigands, postés la nuit venue au coin d'un bois. Maître Calvet, notaire à Béziers, ne partageait pas toutefois ce sentiment de sécurité.

Chargé par la Communauté des Notaires dont il était le Syndic, de se rendre à Paris à l'occasion d'une grave affaire portée devant le Conseil d'Etat du Roy, ce lointain confrère ne pouvait se résoudre à boucler son sac et à quitter les siens. En vain Maître Record, son avocat au Conseil, cherchait-il à le rassurer de son mieux. Le 28 Juin 1684, il lui écrivait notamment ceci : « Je receus hier votre lettre du 17 de ce mois ; monsieur et si elle « m'a donné de la joye comme faisant expérer de vous voir à Paris, « j'ai craint en même temps d'en estre privé par les obstacles de vos « parents et de votre femme ; je m'estonne qu'ils ne veulent point « consentir à votre voyage et à un choix que votre Compagnie a faict « avec beaucoup de raison, puisque votre qualité de Syndic vous doit « faire considérer en quelques manières, comme le député né de votre « corps et ce seroit sans doute vous faire tort de ne pas accepter cet « honneur, d'ailleurs, ce voyage n'est pas si à craindre qu'ils pour« roient bien croire et le chemin de Paris est à présent si familier et « si battu que c'est un voyage de plaisir. Je ne prétens pas cependant « vous y engager si vos affaires ne le permettent point et je suis un « peut trops votre ami pour ne pas vous dire qu'il ne faut pas l'entre« prendre à regret et à contre cœur, ce qui ne doit pas arriver dans « cette occasion ».

Maître Calvet ne tint aucun compte de ces apaisements, il demeura sagement dans son étude à l'abri des courants d'air et des mauvais coups des malandrins.


Parmi les nombreuses relations de voyages que nous avons eues sous les yeux, celles du R. P. Labat de l'ordre des Frères Prêcheurs et de la riche anglaise, Madame Cradock, ont plus spécialement fixé notre attention, car tous deux séjournèrent dans notre ville et la couvrirent de fleurs à leur départ.

Qui ne connait aujourd'hui le Père Labat, cet ardent missionnaire sans peur et sans reproche, dont les journaux, les revues de France et d'outre-mer ont célébré les mérites, il y a quelques années, à l'occasion du tri-centenaire des Antilles ? N'est-ce pas lui, en effet, qui à son retour en France a répandu chez nous l'usage du chocolat, cette manne exquise dont nous sommes bien privés aujourd'hui, à la suite du blocus anglais, de ces mêmes anglais auxquels notre Dominicain donna victorieusement la chasse dans les mers des Caraïbes ? A :J d'autres titres plus importants il a droit à notre gratitude. Dans ces J contrées lointaines, le Père Labat servit son pays en faisant aimer la France et son Roy.

Il naquit à Paris en 1663. Ses études et son noviciat terminés au couvent des Jacobins de la rue St-Honoré, il partit en 1693 pour les Isles, selon l'expression de l'époque et l'on peut dire qu'il y fit de la bonne et sainte besogne, sachant manier aussi bien le mousquet que le goupillon. Il regagna la France en 1705 et partit immédiatement pour Rome où l'on attendait avec impatience son rapport sur l'état des missions aux Antilles. C'est au cours de son passage dans le Midi, qu'il vint à Béziers, en mars 1706.

Il faut lire et relire ses récits de voyage écrits avec précision et bonhomie, pleins de couleur et de fantaisie. Suivant l'expression de son biographe, il dit tout ce qu'il pense et pense tout ce qu'il dit Nous aimons à parcourir souvent ses ouvrages, à goûter sa verve intarissable, excellent antidote, à proposer contre la neurasthénie ou les préoccupations de l'heure présente.

Venant de Toulouse et se dirigeant vers Marseille, il s'arrêta à son passage à Béziers et y séjourna du samedi 27 Mars au mardi suivant. Selon l'usage, il s'était embarqué à Toulouse au port St-Etienne à 6 heures du matin, sur le bateau de poste qui l'avait conduit en quatre journées sur les bords de l'Orb après avoir suivi cette route admirable du canal royal dont certaines parties si pittoresques provoquaient l'enthousiasme des nombreux voyageurs traversant le Languedoc au printemps. Le Père Labat et Mme Cradock en 1785, pour ne citer que deux d'entre eux, des plus connus, ne purent contenir leur admiration à la vue des paysages délicieux sans cesse renouvelés, se déroulant lentement depuis les plaines ombragées du Lauraguais jusqu'aux riches côteaux du Biterrois, aux couleurs vives et chatoyantes. C'est ainsi que nous leur devons plusieurs pages des plus flatteu-


ses sur les beautés de notre pays qu'ils eurent tout le loisir-de contempler et d'apprécier en parfaite tranqu illité-d'esprit. Le touriste d'antan savait voyager.

Si, comme nous l'avons dit, quatre journées étaient nécessaires pour franchir les trente-six lieues du parcours Toulouse Béziers, ne croyons pas cependant que le bateau des postes évoluait à travers les gracieux méandres du canal avec la sage lenteur qu'on pourrait supposer. Dans les conventions intervenues entre les directeurs et les fournisseurs des relais, il était stipulé notamment que deux bons chevaux ou mules tirant la barque « iraient toujours le trot ou le grand pas i), sous la conduite de deux postillons de l'âge de 18 à 20 L ans. Cette clause étant strictement observée, le voyageur s'apercevait bientôt que la longueur du trajet provenait uniquement des multiples arrêts aux hôtelleries, aux ponts et aux écluses, nécessités par rembarquement des passagers, les manœuvres de remplissage des bassins.

On comptait en effet une longue file de ponts, d'écluss et de logis où l'on. était assuré de trouver une table bien servie et. un gîte convenable, parfois même dans un cadre un peu trop champêtre (au Somail, Mme Cradock partagea sa chambre avec sa camériste et. la volaille).

-Sur l'organisation de ces transports par eau établie avec une parfaite minutie, puisqu'il s'agissait de maintenir la bonne marche d'un service public; nous avons retrouvé divers documents dont l'un a retenu spécialement notre attention. C'est un' modèle type d'un bail de fourniture de relais conclu le 10 Juin 1764 entre Pierre Clauzade, directeur du canal et Francois Barthez, voiturier de Béziers. Ce dernier prenait à bail, pour six ans, la fourniture de « deux relais qui faisaient chaque jour le service de la barque de poste depuis Béziers et l'écluse de Fonseranes jusque à « Capestang » avec retour au point de départ (2 chevaux et 2 postillons) et s'engageait en outre « à faire porter dans une chaise les voyageurs, ainsi que leurs hardes qui iraient ou qui viendraient de la dite barque, moyennant le versement annuel de la somme de treize cent cinquante livres. Bien entendu, des pénalités très rigoureuses étaient prévues au cas d'inexécution par le preneur de ces engagements ; cette fourniture devant avoir lieu même « pendant le temps quç la barque de poste cesserait d'aller par glace, brèche ou autrement Y).

-POUI se rendre à Béziers, le Père Labat prit place, à Toulouse, sur l'un de ces bateaux, où nous le retrouvons tel que nous le vimes dans les savanes de la Martinique et de la Guadeloupe, respirant la santé et la bonne humeur, malgré les maladies et les nombreuses tribulations qui marquèrent son séjour aux Isles. Observateur aUentif, il continue à se faire aimer du lecteur qu'il renseigne et divertit par ses récits extrêmement vivants et attrayants.


Ecoutons-le parler : « Je partis de Toulouse le mardi 23 Mars (1706) pour me rendre à Béziers par le canal. Hien n'est comparable à cette commodité. Je ne m'arrêterai pas à faire la description de ce magnifique ouvrage, assés d'autres gens l'on fait avant moi. C'est assurément ce qu'il y a de plus beau, de plus commode et de mieux exécuté qu'on puisse s'imaginer au monde. Les canaux qui coupent la Hollande et les PaysBas n'ont rien qui approchent de celui-ci, ou il ne s'agissait pas de creuser des fossés dans un terrain bas et uni, mais de faire monter les bàtiments par-dessus des montagnes, et les en faire descendre aussi tranquillement qu'on les y avait fait monter, de faire passer des bateaux et l'eau qui les porte par dessous, et par dessus des rivières qui les gàteroient par les sables qu'elles y apporteraient, si elles y entroient ; de passer au travers d'une montagne considérable que l'on a creusée, de manière que le canal occupe le milieu, et laisse une banquette de chaque côté pour la commodité des chevaux et des gens de pied, en un mot de vaincre la nature par la force de l'art.

« On trouve sur les bords de ce canal des hôtelleries bien bàties et bien fournies aux endroits ou l'on doit diner ou coucher, avec des chapelles où il se rencontre toujours un prêtre prêt à commencer la messe quand il y a obligation de l'entendre, aussitôt que le bateau arrive. Il y a pour l'ordinaire assés bonne compagnie dans ces bateaux.

Les filous n'y manquent pas, et si on n'est pas sur ses gardes, il est rare de n'y pas laisser quelque chose du sien.

« Une dame de qualité s'étant trouvée dans un de ces bateaux, s'acosta d'une femme qui pàroissoit une bonne bourgeoise, for proprement habillée, qui avait un petit panier auprès d'elle, couvert d'une serviette blanche. Cette dame, plus curieuse encore que ne le sont les animaux de son espèce, ne manqua pas de s'informer du voyage de celle qui étoit auprès d'elle et enfin de ce qu'elle portoit dans son petit panier. Cette femme répondit de son mieux à toutes les questions que la dame lui fil, mais elle éluda toujours adroitement de découvrir son panier. Cette résistance augmenta la curiosité de la Dame et elle pressa si vivement la femme au panier, qu'elle fut contrainte de lui promettre de lui faire voir à la dinée. On y arriva enfin, la femme voulut s'échapper parce que'lle quittait le canal et le bateau à cet endroit, mais il n'y eut pas moyen. La Dame la somma de lui tenir parole et découvrit elle-même le panier, mais quelle fut sa surprise, quand elle trouva qu'il étoit rempli de cordes toutes prêtes à mettre au cou de quelques voleurs, que le mari de la femme en question allait pendre en une ville voisine ».

Voici un personnage, l'exécuteur de la haute justice dont il était souvent question autrefois. Son rôle dans la répression des crimes et


dans l'exécution des arrêts était de la première importance, car non seulement celui-ci devait assurer les exécutions capitales, mais encore appliquer la marque, le fouet, et assister le- magistrat au cours de la procédure de la « question extraordinaire ».

Ses fonctions étaient-elles largement rétribuées? Une délibération du diocèse prise le 28 Mai 1728 va nous répondre. Elle se trouve inscrite sur un registre retrouvé dans nos archivés et portant la signature de Monseigneur Alris de Ronsset et de ses conseillers. Nous sommes en pleine inflation de la monnaie et les prix des marchandises et des denrées ont augmenté d'une façon inquiétante. Tout le monde s'agite et se plaint. L'exécuteur de Béziers est du nombre et réclame avec insistance une augmentation de ses émoluments.

Voici ce document textuellement : « Monsieur le Syndic a dit que Mr de Boussanelle sub-délégué lui a remis la lettre que Monseigneur l'intendant lui écrit avec le requête qu'il lui a été présentée par Monsieur de Tinardy procureur du Roi au Sénéchal de cette ville, dans laquelle il expose que l'exécuteur de la haute justice ne pouvant subsister au moyen de l'imposition modique qu'on fait en sa faveur dans le diocèse ou de la levée qu'on lui promet de faire sur les fruits et denrées trouvant de grands obstacles dans cette levée, il doit lui être pourvu d'une rétribution suffisante pour son entretien et de sa famille, à laquelle rétribution ne saurait être moindre que de la somme de trois cents livres et comme les diocèses de St Pons, Lodève et Agde sont du ressort du présidial, il demande qu'ils soient tenus de contribuer à cette imposition, le dit seigneur intendant ayant bien voulu faire communiquer cette requête pour savoir lesentieinent de l'assemblée et l'avis du dit sieur de Boussanelle. Comme cette demande parait juste et que le ressort du présidial est'des plus étendus de la province il est aussi raisonnable que ces diocèses contribuent à l'imposition qu'on demande avec d'autant plus de raison que ce diocèse n'a jamais été dans l'usage que d'imposèr soixante livres et que l'augmentation qui sera faite est trop considérable pour qu'il la supporte seul étant même à considérer que les criminels sont conduits dans les prisons de. cette ville et y sont secourus par les soins charitables de La Miséricorde ou des personnes pieuses, ce qui est encore une charge, qu'ainsi on doit prier Monsieur de Boussanelle de donner un avis conforme aux fins de cette requête afin que Monseigneur l'intendant permette cette imposition et ordonne qu'elle sera régalée sur les dits diocèses au proràta de leurs impositions comme aussi que le dit exécuteur ne prendra aucun droit sur —* les fruits et denrées « Il a été délibéré que Monsieur de Bo.ussarelle sera prié d'exposer dans son avis à Monseigneur l'intendant que la dite somme de


»

trois cents livres dont on demande l'imposition au profit de l'exécuteur de la haute justice doit être régalée sur les quatre diocèses de St Pons, Lodève et Agde et qu'il doit être ordonné au dit exécuteur de ne prendre aucun droits sur les fruits et denrées attendu que cette levée éloigne les étràngers et prive la ville de ce qu'ils ont coutume d'y porter, ainsi a été conclu ».

Abandonnons à sa triste besogne l'homme au sinistre attirail et poursuivons notre route en compagnie du Bon Père.

Tandis que celui-ci consignait fidèlement sur ses tablettes ce qu'il voyait et ce qu'il entendait, le bateau de poste, tiré par les deux bons chevaux du relais de Capestang, poursuivait tranquillement sa route, s'engageait dans la fameuse voûte de Malpas, passait sous les ponts de Colombiers et de la Gourgasse et se trouvait bientôt en vue de Béziers. Par quelques coups de cloche, le garde-écluses de Fonseranes avertissait alors les mariniers de préparer l'accostage et le débarquement des passagers, car tous ici, sans exception, devaient mettre pied à terre, les voyageurs à destination d'Agde étant invités à se trouver à deux heures de l'après-midi au lieu dit « Le Pont Rouge », où ils s'embarqueraient de nouveau. D'agréables surprises attendaient le touriste d'autrefois à la descente du bateau.

C'était d'abord merveilleusement étagée sur le flanc de la colline, cette remarquable suite d'écluses que nous admirons encore aujourd'hui, chef-d'œuvre de Riquet, dont notre bon Dominicain apprécia en parfait connaisseur la valeur incomparable (n'oublions pas que durant son séjour aux Isles, il remplit habilement les fonctions d'ingénieur militaire et d'architecte). Quel magniflque panorama ne découvrait-on pas ensuite sur Béziers et la campagne environnante qu'éclairaient déjà les premiers rayons d'un soleil printanier ? Un tel spectacle ne pouvait laisser indifférent notre religieux habitué dans ses randonnées aux belles perspectives ; aussi, résolut-il d'en prolonger le charme en franchissant à pied les six cents toises qui le séparaient de la porte de Canterelles, tandis que la chaise de poste emportait rapidement vers la ville les voyageurs affairés ou impatients. Il passa l'Orb sur le vieux pont, gravit péniblement la rude montée que nous connaissons tous et s'arrêta quelques instants sur la place Saint-Cyr pour reprendre haleine. A sa droite, régnait alors une vive animation. Des laquais, des valets d'écurie, des postillons s'agitaient fébrilement, allaient et venaient devant une grande porte cochère, donnant accès au vieux logis de la Croix Blanche, la première hôtellerie de Béziers, fréquenté0, comme le Grand Soleil à Toulouse et le Luxembourg à Nimes par les gens de qualité, prélats, officiers et bourgeois cossus. Du XVIe siècle à la veille de la Révolution, nous le verrons un jour, cette hôtellerie demeura dans le patrimoine de l'a


même famille qui la donnait régulièrement en « arrentement » aux meilleurs chefs de cuisine de la région. Elle devait disparaître au milieu du siècle dernier, après avoir donné asile à d'illustres voyageurs. Le Maréchal Soult avait l'habitude d'y descendre ; Stendhals s'y arrêta, dit-on, en septembre 1837. Le père Labat n'avait pas à se préoccuper de demander à Jacques Raynaud, hôte de ce logis, une chambre confortable, entr'autres celle dite « des Prélats », la maison de son ordre lui offrait, selon l'usage, une généreuse hospitalité qu'il se gardait bien de refuser. Il reprit donc sa route à travers les rues étroites ('aussi sales qu'à Marseille,), nous dira plus tard Mme Cradock; A midi, il franchissait le seuil de son monastère. Dans la bibliothèque, les RR. PP. Simon Ducros, prieur ; François Saint Marc, sous-prieur et syndic, et les religieux Hyacinthe Daignac, Jean Gauret, Jean Arnaud, Gilibert Gorgne, Pierre Amiel et Hyacinthe M^lebay, groupés autour de la table des délibérations l'accueillirent fraternellement.

Arrêtons-nous avec lui dans cette maison vénérée dont nous n'apercevons aujourd'hui, hélas ! que des vestiges peu importants. Seule l'ancienne chapelle demeure dans sa parure ogivale avec quelques peintures à la voûte. Sur l'emplacement des autres bâtiments, depuis longtemps disparus, ont été édifiés des hôtels particuliers et des maisons de rapport que nous voyons aujourd'hui. Durant longtemps cette ancienne chapelle. servit de salle d'études aux élèves de l'Ecole Arago (rue Massol) qui l'abandonnèrent récemment pour se transporter dans les locaux désaffectés de la caserne St-Jacques.

Voilà donc depuis plus d'un siècle que .dans la vieille nef les voies harmonieuses de nos religieux ont cessé de se faire entendre, après avoir demandé à Dieu une dernière fois, le 28 Mai 1789, de protéger la France à la veille de la convocation des Etats-Généraux.

Les cris joyeux d'enfants qui égayaient la petite cour attenante se sont évanouis à leur tour, plongeant ce vieux coin de Béziers, dans une compiète solitude. Il était urgent de raviver dans le cœur des Biterrois ces souvenirs du bon vieux temps, en préservant d'une destruction certaine les derniers vestiges de ce couvent. C'est aujourd'hui chose faite. Grâce à l'initiative de Biterrois dévoués, très attachés à notre histoire locale, l'ancienne chapelle des Dominicains ou Jacobins possède désormais une affectation digne de son glorieux passé. Nous : -savons en effet qu'après avoir été remise en état et aménagée avec soin elle abrite aujourd'hui les riches collections du Musée du Vieux Biterrois possédant ainsi le seul cadre qui lui convenait Réjouissons- -' nous donc de ce choix judicieux et souhaitons de retrouver un jour dans une vitrine de ce Musée le portrait si expressif et si sympathique du bon Père Labat qui ne craignit pas lors de son passage chez nous de dire tout le bien qu'il pensait de Béziers et de ses habitants.


Quel pouvait être le sujet de la délibération qui réunissait ce

jour-là les bons Pères ? « L'afferme » très probablement des biens de Mougères, annexe du couvent dn Béziers. Nous avons retrouvé dans les archives de notre confrère de Caux un bail datant de cette époque, dont certaines clauses méritent d'être citées. Apprenons d'abord que Mougères produisait de l'huile, d'excellents vins et des grains, qu'il existait encore des mûriers et un colombier dont les Pères se réservaient intégralement les produits. Comme aujourd'hui, le preneur devait constituer à ses frais un jardin potager d'une quarterée de terre. Notons qu'il devait assurer la nourriture de la monture des Pères et de leurs amis qui venaient à Mougères. Il était tenu de fàire la lessive et de faire blanchir leurs habits toutes les fois qu'ils en auraient bescin, mais on lui baillerait le savon nécessaire, soulignons, enfin, que le preneur devait faire apporter chaque année aux religieux du couvent de Béziers deux corbeilles,de fruits.

« J'arrivai à Béziers, le samedi 27, sur le midi. Nous y avons un couvent où je fus reçu assés civilement et logé dans une chambre dont la vue ne se pouvait payer ; j'avois qaelques affaires qui m'arrêtèrent trois jours en cette ville. Quoiqu'elle soit grande et assez peuplée, j'eux du tems de reste pour la voir. Elle est située sur une hauteur au pied de laquelle passe la rivière d'Orb, qui ne me parut pas fort considérable. La cathédrale est ancienne et fort grande et bien I1)oin belle que le Palais de l'Evêque qui a vue sur la plaine sur le canal et jusqu'à la mer.

« Je fus voir la mère.d'un de nos-missionnaires que j'avois laissé à la Martinique. J'étois cha.rgé de faire sa paix avec cette bonne femme, qui étoit très fâchée que son fils eut pris le parti d'aller en Mission au lieu de demeurer auprès d'elle, et de la consoler dans sa vieillesse, Elle me dit tous ses griefs apec une vivacité si grande et un torrent de paroles si extraordinaire que je n'avois jamais entendu de babil qui en approchât. Le malheur étoit que je n'y entendois rien, elle parloit une langue qui m'é'oit inconnue et elle parloit si vile - qu'on n'auroit pas pu placer une pointe d'aiguille entre la fin d'un de ses périodes et le commencement de la suivante. Je pris le parti - d'attendre qu'elle fut lasse et qu.'elle cessât de parler. Cela arriva après un discours presque aussi long qu'une passion. Alors je la priai de me faire expliquer par sa fille qui étoit présente, ce qu'elle m'avoit dit. — Quoi, me dit-ejle, vous n'entendes pas notre langue ? — Non, Madame, lui répondis-je. Eh t que diable, entendés-vous donc, me répliqua-t-elle en colère. Il fallut pourtant que sa fille parlat. Elle fit un abrégé du long discours de sa mère, j'y répondis de mon mieux et.

je présentai à cette bonne mère une lettre de son fils, elle pleura en la prenant et puis se mit à frire en la lisant, peu à peu je lui fis entendre *


raison et nous devinmes les meilleurs amis du monde après que je lui eux promis que j'allois écrire(à son fils et qu'assurément il partirait et reviendrait en France dès qu'il aurait reçu ma lettre.

« La ville de Béziers était autrefois fortifiée et on dit qu'on en pourroit faire une bonne place. Il y avoit une citadelle qui est à présent démolie. L'esplgnade est la promenade ordinaire de toute la ville. On. s'y asserpble le sbir pour prendre le frais et on entend chanter de tous côtés ; car les gens de Béziers ont tous communément la * , voix belle et se piquent de bien chanter, comme ceux de Carcassonne se piquent de danser. Le chemin qui conduit de la rivière à la ville est fort roide, je montai par cet endroit et j'étois fatigué quoiqu'il ne soit pas bien long. Il y a une autre route plus longue, mais bien plus commode (Porte de Tourventouse). L'air de cette ville est pur et semble donner de l'esprit et de la vivacité à ceux qui y naissent. Ils aiment tous le plaisir et la bonne chère et sont en lieu propre pour se satisfaire commodément à peu de frais. C'est le.plus beau marché de tout le Languedoc, il se tient tous les jours et se renouvelle plusieurs fois le jour. Les environs de la ville sont charmants et parfaitement bien' cultivés. Le sexe y est extrêmement enjoué et libre. On en juge peu avanlageusement quand on ne le connoit qu'à l'extérieur. Il est tout autre dans le fonds qu'il ne le paroit au dehors. On prétend que la fertilité du terroir lui a fait donner le nom de terre double, Bisterra, c'est-à-dire de terre qui porte deux fois, et un ancien a dit que si Dieu voulait demeurer sur la terre, ce seroit à Béziers qu'il établiroit son domicile.

L'Eglise de notre Couvent est aussi jolie. Elle a quelques chapelles incrustées de marbre avec des ornements de bronze doré. Le couvent est petit et propre, il en est sorti de savants hommes et de bons pré-' dicateurs. -

« Je partis de Béziers le 30 Mars 1906 ».

Prenons congé de notre bon Religieux sur le pont de la tartane amarrée au port d'Agde qui le conduira en trois jours à Marseille en compagnie d'un joyeux équipage et revenons à Béziers pour souhaiter la bienvenue à la jeune et riche anglaise venant'de Montpellier, Mme Cradock. Entre les passages chez nous de ces deux voyageurs, quatrevingts ans se sont écoulés, nous sommes en effet au 5 Mai 1785. Depuis le début du siècle notre ville, constatons-le, n'a guère changé d'aspect, conservant dans ses vieux murs son ancienne ordonnance. Seul le -' Palais Episcopal s'est enrichi récemment d'un nouveau joyau, une magnifique terrasse due aux libéralités du Seigneur Evêque. Dans les familles, les nobles traditions se maintiennent et se perpétuent. Les fils succèdent à leurs pères, à leurs grands-pères, comme médecins, notaires, magistrats. Les Bouillet, les Bourguet, de père en fils se


penchent au chevet de leurs compatriotes, tandis que les Martin et les Moureau consignent dans leurs études, leurs dernières volontés. Il en est de même au présidial où le nom des de Rey-Paillade par exemple, continue à figurer sur les listes des conseillers ou gens du Roy.

Voici Ambroise de Hey-Paillade, un esprit fort distingué nommé le Chevalier. Désigné comme chef des Jurés lors du fameux procès de Grachus Babeuf, il échappa par miracle à un attentat, devint premier président de la cour impériale de Montpellier, et sera décoré des , mains de l'Empereur.

Après avoir franchi la porte des Carmes, nouvellement restaurée, proche du présidial, nous nous engageons sur le grand chemin de Montpellier, traversant les jardins et les vergers du Sémyiaire dont la vaste et imposante façade que nous avons connue, se profile de l'est à l'ouest. Dans cette pieuse maison, les prêtres de la Congrégation de la Mission y font depuis longtemps de la sâinte besogne. Jean-Baptiste Chabrun, Supérieur et ses deux assistants, Charles Serre et Gabriel Juget qui président actuellement à ses destinées seraient tout disposés à nous faire les honneurs de leur établissement. Continuant notre route nous arrivons après un quart d'heure de marche à la fameuse montée du Rouat, dénomination évocatrice de lugubres souvenirs, prête à donner le frisson aux âmes sensibles et compatissantes. C'est là, en effet, qu'antérieurement à 1789 les condamnés à la peine capitale étaient exposés sur les roues après leur exécution sur la place de la Citadelle.

Grâce à l'heureuse découverte dans nos archives d'un dossier criminel très complet, il nous a été possible de préciser d'une façon certaine, on peut dire authentique, ce point d'histoire locale.

Voici d'ailleurs sur ce sujet les conclusions du procureur du Roy dans une affaire soumise à la Cour présidiale en Septembre 1730. Il s'agissait de mettre un terme aux exactions commises par trois malandrins, émules du fameux Cartouche, qui arrêtaient et dévalisaient les voyageurs entre Montagnac et Pézenas dans le chemin creux de Lavagnac. L'honorable M..de Tinardy s'exprime ainsi : « La Cour doit ordonner pour réparations de leurs crimes que le dit J. S cadet et D seront livrés ès-mains de l'exécuteur de la haute justice qui le hart au col, teste, pieds nus et en chemise leur fera faire le tour accoutumé de la ville et les conduira de suite à la place de la Citadelle où à une potence qui y sera dressé il les pendra et étranglera jusqu'à ce que mort naturelle s'ensuive et seront leurs corps morts portés sur le grand chemin de Pézenas et Montpellier pour y être exposés sur des roues et y rester jusques à entière consommation, avec défenses à toutes personnes de les en tirer à peine de la vie, comme aussi la dite cour doit ordonner quelle dit^S aînç


sera fustigé par l'exécuteur de la haute justice dans tous les coins et carrefours de la ville jusqu'à effusion de sang ».

Dieu merci, la montée du Rouat n'est plus aujourd'hui ce qu'elle était au temps de l'application des fameuses ordonnances de Louis XIV. Jalonner de cottages et de villas, elle devenue actuellement l'avenue de Belfort prolongée, promenade habituelle des Biterrois,

désireux de contempler du sommet de la côte, par temps clair, le magnifique panorama qui s'offre à leurs yeux, s'étalant de la montagne d'Agde aux Pyrénées, un des points de vue les plus beaux, nous dira Young, lors de son passage en notre ville en 1787.

Huit heures viennent de sonner; une confortable chaise de poste couverte de poussière et de boue apparaît venant de la direction de Pézenas. Le postillon qui la conduit n'a pas l'air très satisfait. Dame, il y a de quoi. A la sortie de Montpellier la veille au soir, un des chevaux de l'attelage s'est abattu, brisant ses traits, une réparation de fortune a été rendue nécessaire. Les voyageurs de leur côté paraissent fatigués et mécontents, malgré un arrêt de treis heures en pleine nuit au logis des « Trois Pigeons » de Pézenas. Voici une jeune femme Mme Cradock, mise à la dernière mode, ayant son mari à ses côtés, un vieux mari, et qui, comme tout vieux mari, laisse passer à sa femme tous ses caprices et toutes ses fantaisies. Une chambrière est aux petits soins de sa maîtresse, disparaissant sous d'innombrables colis indispensables à tout bon anglais qui se respecte. Mais il manque à l'appel un quatrième voyageur, c'est le docteur Fischer, un habile médecin allemand, qui durant tout l'hiver a surveillé à Montpellier la santé de Mme Cradock ; ses soins ne sont plus aujourd'hui nécessaires. Le climat de Montpellier qui lui avait été recommandé a eu raison des crises du spleen dont elle souffrait à son arrivée en France (épidémie essentiellement anglaise). Elle pourra donc, comme tout bon voyageur, continuer en bateau son voyage jusqu'à Toulouse et nous communiquer sur cette agréable traversée des impressions fort intéressantes. Montpellier ne fut pas la seule ville du Midi fréquentée l'hiver par les Anglais, des familles d'outre-Manche séjournèrent aussi à Béziers. En 1771 nous trouvons en effet sur le grand livre d'un commerçant biterrois la présence dans notre ville d'un seigneur Anglais nommé de Berton qui s'offrait des chapeaux en castor avec cocarde au prix de quinze livres.

La chaise de poste continue paisiblement sa route et par des rues étroites aussi sales qu'à Marseille, notre voyageuse, arrive place SaintCy r,à la Croix Blanche, Jean Garras est l'hôte affairé de ce logis, conservant les bonnes et vieilles traditions culinaires de la maison dans laquelle il a grandi et s'est perfectionné comme chef de cuisine. Tout le personnel, d'ailleurs, de l'hôtesse née Claudine Raffit, jusqu'au sim-


pIe apprenti marmiton met la main à la pâte, car il faut maintenir intacte la réputation de la Croix Blanche, la première hôtellerie de la région, recommandée à la clientèle riche et distinguée. Depuis que les Garras sont place Saint Cyr les affairesont marché bon train, puisqu'elles ont permis à Jean Marie Garras père, d'acquérir en 1758 des hoirs de Gineste l'immeuble où est exploité le fonds d'hôtellerie pour la coquette somme de neuf mille livres, soit deux cent mille francs de notre monnaie d'avant guerre.

La première remarque que fera Mme Cradock en descendant de voiture sera de constater que les servantes vont pieds nus et que seule l'hôtesse est chaussée. Ne nous étonnons pas de trouver mentionné ici cet usage singulier qui d'ailleurs n'était pas particulier à Béziers, mais répandu dans tout le Languedoc. Si les femmes allaient nu-pieds, ce n'était pas, certes, par sans-gêne ou laisser-aller, mais bien par esprit de sage économie, Young en 1787 fera à son tour la même remarque, lorsqu'il soupera à Pézenas servi par des jeunes filles qui n'avaient pas leurs pieds d'une blancheur immaculée.

Dans son journal notre voyageuse ne fait aucune mention des différents mets qui lui furent servis à la dinée de trois heures. Elle se contente de noter que les viandes étaient bien préparées, mais un peu dures. Nous aurions aimé savoir comment Garras traitait ses hôtes de qualité, ce qui nous aurait permis de rapprocher son menu de celui que confectionna quatre ans plus tard pour d'autres personnages le fameux traiteur Boyer, dont le fils Etienne, devait épouser le 4 floréal an 13, une des filles de Garras, Rose Agnès. Voici à titre de curiosité le menu du diner servi à nos confrères conseillers du Roy le 9 Mars 1789, à l'issu d'une délibération désignant l'un d'entre eux, Maître Passebosc, comme député aux Etats Généraux.

Livres Denier.

un potage à la purée de lentilles 1 0 un pâté chaud et garniture. 4 10 une friture de cervelles. 1 16 deux côtelettes d'agneaux. 1 16 trois vanneaux. 2 08 un plat de pommes à la Dauphine. 2 10 douze petits choux à la gelée de groseille. 1 16 deux douzaines d'huitres en écaille. 1 16 pain 0 18 vin. , 1 14 fruits 1 00 café, liqueurs. 1 22 TOTAL. , 22 06


Les Cradock visitèrent notre ville en compagnie de MM. Coste père et fils, propriétaires du bateau des postes, auxquels ils avaient remis une lettre d'introduction de la part d'un de leurs amis communs de Montpellier le consul hollandais Delamarche.

Le beau panorama de notre ville inspira à Mme Cradock la description suivante : -« De plusieurs points de la ville, la vue est magnifique, mais celle que l'on a de la colline sur laquelle est bâtie la cathédrale surpasse tout ce que j'ai vu jusqu'à présent. Des bois, des ponts, des moulins, des constructions et des habitations variées,-des vignes, des champs, des prés où paissent de beaux troupeaux, tout cela respire l'abondance, la paix -et la tranquillité et remplit l'âme d'admiration, d'amour et de reconnaissance envers le Créateur de tant de biens ».

MM. Coste se montrèrent très prévenants pour ces voyageurs de qualité et mirent à leur disposition une petite embarcation qui leur tpermit de se rendre compte, au cours d'une promenade sur le canal, du bon fonctionnement de l'exploitation, des mesures de propreté et de sécurité prises par les patrons et les éclusiers à l'arrivée et au départ dés barques. Ils prirent connaissance avec intérêt des divers règlements édictés à cet effet, des prix qui étaient pratiqués, depuis le fameux arrêt du Conseil d'Etat du Roi signé par Colbert le 26 septem'bre 1684 (le voyage de Béziers à Toulouse coûtait à cette époque cinq livres dix sols par personne). MM. Coste leur expliquèrent enfin dans ses moindres détails l'œuvre grandiose de Riquet.

De quelle famille Coste s'agit-il ? Grâce à un document découvert récemment dans nos archives et portant la date du 5 Janvier 1782, nous avons pu l'identifier. -" Cet acte nous indique que M. Bernard Coste, seigneur d'Espagnac, était propriétaire à cette date d'une barque dite « Le Saint Bernard », dont il vendit le quart à un nommé Simon Chauvet, patron du canal de communication des mers. Voici le texte de cet acte qui nous renseigne sur ce genre de transaction.

Il est au rapport de Me Martin, notaire : Monsieur Bernard Coste Seigneur d'Espagnac, demeurant à Béziers, lequel a reconnu avoir reçu de Simon Chauvet, demeurant à Cette la somme de quatorze cent soixante seize livres un sol, trois deniers, que le dit Chauvet lui a ci-devant et à plusieurs reprises payé et délivré réellement, et ce pour le quart de la barque « Le Saint Bernard », ,que le sieur Coste a fait construire qui est montée et conduite --: parle dit Chauvet qui pourra disposer du dit quart de barque et du quart de ses agrés et apparaux convenus en l'inventaire fait entre les parties étant convenu entre eux que le dit Chauvet sera tenu de tenir un livre en règle contenant la quantité des marchandises qu'il trans-


portera sur la dite barque, de rendre compte exactement et sans aucun délai, à chaque voyage des profits de la dite barque au dit sieur Coste à peine de tous dommages intérêts. Etant réservé au dit sieur Coste le droit de patronnage et de disposer de la dite barque pour le bien et l'avantage commun, de la faire monter et conduire par tel autre patron que bon lui semblera et l'hypothéquer sur le quart par lui cédé au dit Chauvet, au cas où il se présenterait quelque créancier de ce dernier ».

Les Cradock prirent le bateau poste pour Toulouse le dimanche 22 Mai 1785 où ils arrivèrent le mercredi suivant.

Après un séjour de six semaines dans la Cité d'Isaure, dans cette ville aux somptueuses églises, aux riches, couvents, toute parfumée d'encens, à l'occasion des solennités de la Fête Dieu, notre ménage regagna Paris par Bordeaux et Nantes, emportant de son séjour en Languedoc une impression bien particulière et toute favarable à notre pays.

Par un coup de baguette magique le Père Labat et Mme Cradock reviendraient-ils aujourd'hui parmi nous, descendant du rapide Bordeaux Marseille, ou d'une somptueuse huit cylindres ? Certes, ils ne reverraient plus à leur arrivée le vieux logis de la Croix Blanche et son nombreux personnel, l'église Saint Félix avec ses nombreuses chapelles votives, l'ancien col.lège des Jésuites, la porte des Carmes, le Séminaire, mais ils auraient du moins la satisfaction de retrouver à Béziers ce que le temps et le caprice des hommes ne pourront jamais lui ravir, la pureté de son ciel, la fertilité de son sol, la bonté de son climat et par dessus tout l'aménité de ses habitants.

E. ROUZAUD.


Un fragment de trajet de la Voie Domitienne à Béziers ET LE GUÉ FRANÇAIS

Nous sommes dans l'incertitude en ce qui concerne le trajet de la voie Domitienne : 1° à travers la ville.

2° son passage de l'Orb.

3° sa jonction avec l'ancien chemin de Colombiers.

Nous trouvons dans « l'Histoire des Evêques de Béziers », par Sabatier, ainsi que dans le Bulletin de la S. A. Vol. XLIX « Béziers, ses différents aspects à travers les àges », par Dardé, p. 78, quelques renseignements sur cette portion de trajet faisant l'objet de la présente étude.

Ces deux trajets décrits n'étant pas identiques, nous allons donc les examiner en détail et tâcher d'en tirer une conclusion.

Les seuls documents les plus anciens et les plus exacts que nous puissions consulter et auxquels nous puissions nous référer avec certitude sont : 1° Le plan de la section E de Baïssan, dressé avant 1789 ; 2° Le plan cadastral ; 3° Le plan de reconnaissance des chemins ruraux de la commune de Béziers ; 4° Un ancien plan donnant la portion de tènement du pont de Narbonne, dénommé : second plan de la Maladrerie ou Fonseranes.

Ceux-ci nous donnent un aspect totalement différent de la configuration actuelle de cette région, ces plans ayant été dressés à une époque où la dérivation du Canal, le Pont-Canal, le* Port Neuf ainsi que la ligne des Chemins de fer du Midi n'existaient pas. Ils nous donnent sûrement l'aspect de cette région telle qu'elle existait depuis fort longtemps, et qui ne fut modifiée légèrement qu'en 1680, lors de la construction du Canal du Midi.

Ce fait eut pour cause : 1° La création de la nouvelle route de Narbonne ainsi que celle du chemin dénommé sur le plan de la section E de Baïssan «Chemin du Canal et de Lespignan » et sur les autres plans « Chemin des Ecluses ». -

2° Une modification du trajet des anciens chemins de Baïssan, et de Narbonne et Lespignan, qui tous avaient leur origine à proximité du Pont Vieux, sur le grand chemin de Capestang.


Le chemin de Baïssan avait son point de départ à proximité du Pont Vieux. Par suite du sectionnement de ce chemin par le Canal, son point de départ fut reporté sur le grand chemin de Vendres, plus tard chemin de Sérignan, après le pont de l'écluse inférieure du Port Notre-Dame, et alla rejoindre l'ancien chemin en longeant les francs bords du canal sur une certaine longueur. Nous verrons par la suite, que son origine fut à nouveau déplacée par suite de la construction du remblai de la dérivation du canal en 1858. La portion de chemin se trouvant entre le chemin de Capestang et le canal prit d'abord le nom « Chemin grand pour aller au Canal », et de nos jours avenue du Port Notre-Dame.

Quant au chemin de Narbonne et Lespignan, que nous étudierons par la suite, il avait son point de départ sur l'ancien chemin de Capestang à peu de distance du chemin de Baïssan, Coupés dans leur partie haute par le canal, les fragments se trouvant entre Fonseranes et le canal furent abandonnés, et transformés en chemins d'exploitation par les riverains. Le nouveau chemin de Lespignan fut alors créé avec un trajet différent en partie, et le fragment de l'ancien chemin de Narbonne se trouvant entre le canal et la nouvelle route subsista ; il est encore dénommé de nos jours « Ancien Chemin de Narbonne ».

Ces faits étant posés, revenons à nos itinéraires, objet principal de cette étude.

Dardé nous donne sur ce trajet les renseignements suivants : « Arrivant à Béziers par l'avenue Saint-Saëns, la route descendait directement vers le gué (Pont-Canal) en passant là où se trouve aujourd'hui le Café de France ; un embranchement qui traversait la place de la Citadelle conduisait en ville. Après avoir traversé l'Orb à gué, elle remontait vers Fonseranes en suivant à peu près le tracé du canal qu'elle longe en partie. En 1134, le Pont Vieux est construit et le gué supprimé ; la route passant par le pont allait rejoindre la voie principale à hauteur de Fonseranes. La Voie Domitienne, de plus en plus abandonnée s'appelait Route des Etapes. En 1680, le canal la coupa en plusieurs endroits entre Narbonne et Béziers, et la route actuelle la remplaça dans cette direction ».

D'après Sabatier, cet itinéraire serait différent: « Arrivant au débouché du chemin de Saint-Thibéry, la voie antique devait traverser la place de la Citadelle,. suivait la descente de la Citadelle, la rue Puits-des-Arènes, la place de la Croix de St-Cyr. Il est très possible que du temps des Romains, le passage de l'Orb à Béziers s'effectuait sur la ligne qu'occupe le Pont-Vieux ou un peu au dessous ».

La voie antique devait donc continuer par la Descente de Cante-


relies, et arriver sur la rive gauche de l'Orb, à l'emplacement du Pont-Vieux ou à très peu de distance.

Ce dernier itinéraire est fort possible et est le plus normal, car on peut très bien admettre que la voie antique passait hors la ville en longeant les anciens remparts qui suivaient le même trajet. Le plan Revel ainsi que les descriptions des anciens murs de la ville nous donnent comme tracé de l'enceinte Gallo-Romaine dans ces parages : « de la rue Pellisson à la place Saint-Cyr en suivant la descente de la Citadelle, la rue Puits-des-Arènes, la place Saint-Cyr, d'où elle se dirigeait vers la place Canterelles en suivant l'impasse du Chien. La place de la Citadelle était laissée en dehors, et l'ancienne porte du

Gua se trouvait primitivement au bas de la rue de l'Argenterie avant d'être iransférée plus tard, par suite de l'agrandissement des remparts, au bas de la rue du Gua ou rue Gaveau.

C'était le trajet le plus court pour arriver sur la rive de l'Orb, et rien ne justifiait son passage en un autre endroit où le terrain était alors plus accidenté qu'il ne l'était par le trajet décrit par Sabatier.

Lors de la création du chàteau neuf des Vicomtes, sur l'emplacement de la place de la Citadelle, afin d'éviter la traversée de la ville, la voie antique dut emprunter un autre trajet passant en dehors des nouveaux remparts. Elle dut prendre la direction suivante: rue Bagatelle, rue Pentecôte et rue de l'Hortet (ancien chemin de dessous les Casernes, ou ancien chemin du jardin de Roumégas) au bas de laquelle elle se dirigeait vers le nord, en empruntant le chemin qui prit plus tard le nom de « Chemin de Villeneuve ».

Le chemin du jardin de Roumégas se prolongeait en droite ligne jusqu'à la rive de l'Orb et aboutissait à l'emplacement du Pont-Canal.

Cette portion de chemin, de création relativement récente, dénommée sur le plan voyer de 1850 rue Vide Bouteilles, du nom du tènement de ce nom ; a été supprimée par la suite, lors de la construction de la nouvelle usine à gaz.

Malgré cette modification, l'ancien trajet à travers la ville par Canterelles, subsista jusqu'en 1697, époque à laquelle fut améliorée la rampe Tourventouse et permit la traversée de la ville par la porte Tourventouse et la porte des Carmes.

Le lieu du passage de l'Orb par la voie antique est et demeurera toujours incertain en l'absence de documents désignant l'endroit d'une façon précise, et de toute trace de pont antique. Toutefois, à mon avis, le passage de l'Orb s'effectuait à l'endroit indiqué par Sabatier pour les raisons suivantes.

Deux grandes voies antiques existaient entre Béziers et Narbonne.

L'une se dirigeait sur Carcassonne par Montady et Capestang, dénommée sur les anciennes cartes géographiques « Chemin de l'Etape » et


avait une bifurcation sur Narbonne et Capestang ; l'autre passant par Colombiers, Nissan et Pont Serme.

L'assiette primitive de ces deux voies n'a jamais été modifiée et nous les retrouvons encore de nos jours avec apprcximativement le même trajet. La première est la route de Capestang actuelle, et la seconde le chemin rural n° 130 de Fonseranes.

Ces deux voies se réunissent à peu de distance du Pont-Vieux où elles aboutissaient. Nous ne retrouvons pas sur les plans déjà cités d'autres traces de voies antiques se dirigeant vers la même direction, ce qui permet de dire qu'elles n'ont jamais été déplacées pour une raison quelconque..

Nous avons déjà dit plus haut, que l'ancien chemin du jardin de Roumégas était coupé par le chemin de Villeneuve et se prolongeait en ligne droite jusqu'à la rivière et aboutissait à l'emplacement du Pont-Canal. C'est à cet endroit que se serait trouvé le « gué Français » et que la Voie Domitienne aurait passé l'Orb à gué, pour se diriger vers Fonseranes, en suivant la dérivation du Canal du Midi.

Si nous examinons les divers plans cités, nous constaterons qu'à cet endroit, sur la rive droite de l'Orb, nous ne trouvons aucune trace de chemin ou sentier se dirigeant d'une façon normale vers Fonseranes, chose qui ne devrait pas être, si réellement une voie quelconque avait passé par là, car malgré les modifications dans les parcelles de terrains et les usurpations de chemins anciens qui se sont produites dans bien des cas et dans toutes les régions, il est un fait certain que l'on aurait conservé une trace quelconque du passage de cette voie pour ne pas dire qu'elle existerait encore lors de l'établissement des plans précités.

Quant à la portion de chemin qui a son point de départ à la route de Sérignan, au Pont-Canal, et qui longe le remblai de la dérivation du canal, supposée être la continuation de la voie antique après son passage à gué, c'est un chemin de création récente dénommé « Nouveau chemin de Baïssan ». Il a été créé en 1858 lors de la construction de la dérivation du canal, pour permettre de joindre l'ancien chemin rural de Béziers à Baïssan, qui avait eu son point de départ reporté une première fois en 1680, lors de la création du canal, route de Sérignan au Port Notre-Dame, et coupé une deuxième fois par le passage de la dérivation du canal. Il permet de desservir les bâtiments de la Cartarié, dont le chemin de service, qui avait son point de départ au-dessus du Pont-Canal, sur la route de Sérignan, a été coupé lui aussi à la même époque pour le même motif.

Le seul chemin qui à la rigueur pourrait être considéré comme la continuation de la voie antique après son passage à gué, serait l'ancien chemin de Vendres, qui avait son point de départ sur la route




de Sérignan au Pont-Canal, et dont la bifurcation se trouvait à hauteur du « Gué Français ». Toutefois, la portion de chemin reliant la rive de l'Orb à la bifurcation a disparue complètement et on n'en retrouve aucune trace sur les plans. Je ferai remarquer que ce chemin lui aussi a été modifié en partie, le début du chemin a été supprimé et la bifurcation a été reportée une cinquantaine de mètres au-dessous.

Nous pouvons donc abandonner complètement l'hypothèse de la continuation de la voie antique par le gué français situé à l'emplacement du Pont-Canal en suivant le cours actuel de la dérivation du canal.

Sur le plan de reconnaissance des chemins ruraux de la section sud-est de la commune de Béziers, nous voyons tracé un chemin ayant son origine à proximité des casernes, se dirigeant en droite ligne vers l'Orb qu'il rejoint à quelques mètres du Pont-Rouge.

Il est coupé en deux tronçons par l'ancien Chemin du Faubourg à Villeneuve. Le premier tronçon se situant entre le « Chemin de dessous des Cazernes » plus tard Ancien Chemin du Jardin de Roumégas et le Chemin de Villeneuve Il est dénommé «Chemin du Gua».

Le deuxième, qui est la continuation du premier, est dénommé « Acqueduc de la Ville ».

Ce tracé représente une grande partie de l'ancien ruisseau de l'Embroucadou, dont le tracé exact conservé par les canalisations d'égouts existantes, se situe de la façon suivante : son point de départ se trouve entre la rue du 4-Septembre et la rue Vieille Citadelle, suit la rue des Anciens Combattants, anciennement rue de l'Embroucadou, plus tard rue de la Vache et de la Mairie, passe sous les immeubles situés entre la rue du Coq et la place Garibaldi, de là rejoint le début de la rue de l'Hirondelle et se dirige en ligne droite vers la rivière, en suivant le tracé de la rue du Midi. Il se jetait dans l'Orb à quelques mètres du Pont-Rouge.

La dénomination ancienne de ce chemin qui avait son origine aux murs de la ville, à la Porte du Gua, nous permet de supposer que le Gué Français devait donc normalement se trouver à l'extrémité Ju Chemin du Gua et de son prolongement, donc au Pont-Rouge, et non au Pont-Canal. De ce fait la situation des Moulins-Neufs proche le Gué Français, serait plus normale, la distance entre ces deux points étant de beaucoup plus rapprochée qu'entre les Moulins-Neufs et le Pont-Canal.

Mais l'absence sur la rive droite de l'Orb de toute trace de chemin allant rejoindre de façon à peu près normale l'ancien chemin de Colombiers, qui nous le savons est l'ancienne Voie Domitienne, doit nous faire rejeter l'hypothèse du passage de l'Orb par cette voie à l'endroit précité, c'est-à-dire au Pont-Rouge.


La seule voie qu'il nous reste donc à examiner est l'ancien chemin rural n° 130 de Fonseranes. Ce chemin est dénommé sur le plan n° 4 publié à la suite de l'étude de L. Noguier sur l'Enceinte Murale de Béziers (Bull, 2e, série VII). « Chemin de Narbonne Nisanet » et sur le plan de reconnaissance des chemins ruraux « Ancien Chemin de Narbonne aujourd'hui de Fonseranes ». Son point de départ se trouve à proximité du Pont-Vieux sur la gauche de l'avenue du même nom, ancien Grand Chemin de Capestang. C'est à cet endroit que se trouvait la Maladrerie ainsi que l'ancien Prieuré de Saint-Julien. Il a été coupé en deux endroits : 1° Par la route nationale n° 9 de Paris en Espagne.

2° Par la voie des chemins de fer du Midi.

Les trois tronçons existent toujours et sont parfaitement visibles sur les plans actuels. Les deux premiers forment la rue Perdue et le troisième le chemin rural de Fonseranes.

En suivant le tracé de ce chemin, nous trouvons avant d'arriver à Fonseranes, mie première bifurcation de création récente, longeant la façade principale de l'Etablissement des Frères, et rejoint les francs bords du canal à hauteur du chemin des Ecluses. Plus loin, une deuxième bifurcation le long de l'Etablissement des Frères se dirigeant directement au canal, un peu plus loin, une troisième bifurcation, qui, elle aussi va rejoindre directement le canal. Le chemin se dirige ensuite franchement vers le nord-ouest et va rejoindre la route de Narbonne qu'il occupe perpendiculairement à proximité de l'embranchement de l'ancien Chemin de Colombiers. Il se prolonge de l'autre côté de la route et est dénommé « Chemin du Lirou à Fonseranes ».

La deuxième bifurcation est le début de l'ancien embranchement du Chemin de Béziers à Lespignan. Il est décrit comme suit par Sabatier dans sa description des voies romaines secondaires : « Un embranchement devait exister de Béziers à Lespignan, qui a laissé des traces à Fonseranes dans un petit chemin creux qui, partant d'une croix de pierre aboutit au canal qui l'intercepte, mais il se retrouve au-delà du canal, derrière la maison de l'éclusier ». Le doute n'est plus possible, car nous voyons sur les plans cités le chemin décrit avec sa prolongation après le canal, et sur les plans de la section E de Baïssan ainsi que sur celui du plan cadastral, figurée, à l'angle de la bifurcation, la croix citée par Sabatier. C'est donc bien le début de l'ancien Chemin de Lespignan. De nos jours, le fragment se trouvant entre la croix de pierre et le canal est devenu un chemin d'exploitation, et le restant du chemin ayant son origine derrière la maison de l'éclusier est toujours dénommé Chemin de Lespignan.

Par suite du passage du canal, le début du chemin de Lespignan


se trouvant sans issue, on créa sûrement celui dénommé sur le plan de la section E de Baïssan « Chemin du Canal et de Lespignan », et de nos jours, chemin et rue des Ecluses. A son arrivée sur les francs bords du canal, il se prolonge le long des écluses, traverse le canal sur un petit pont à hauteur de la cinquième écluse, continue sur l'autre rive et rejoint le début de l'ancien chemin de Lespignan.

Quant à la troisième bifurcation, nous voyons qu'elle rejoint, elle aussi directement le canal, se prolonge sur l'autre rive, et aboutit à la route de Narbonne. C'est la continuation de l'ancien chemin de Narbonne, donc de l'ancienne voie romaine. A son sujet le doute n'est aussi plus possible, car Sabatier nous dit ceci : « Près de la croix dont je viens de parler, le chemin se bifurque vers un autre chemin, reste de la voie romaine de Béziers à Narbonne par le pont Septime»).

A cette bifurcation se trouve encore la base de l'ancienne fontaine de Fonseranes, construite en 1562 sur le Grand Chemin de Narbonne, ainsi que nous l'apprend Sabatier (Bull. IV, p. 45) et dont nous parle Charbonneau dans son journal lànnées 1583 et 1585). Nous voyons au même point, sur le plan de là section E, de Baïssan mentionné qu'à cet endroit se trouve une source et fontaine. De plus, le fragment se trouvant entre le canal et la route de Narbonne est dénommé sur les anciens plans ainsi que les modernes « Ancien Chemin de Narbonne ». Il rejoint la nouvelle route au premier tournant après le passage du pont dit « de Narbonne » sur le canal.

A partir de cet endroit, nous perdons complètement sa trace, et il nous est complètement impossible de déterminer le point de sa jonction avec l'ancien chemin de Colombiers, point qui ne devait pas se trouver au-delà. du pont de la Gourgasse, dans la direction de Colombiers.

Cette portion de chemin-disparue se trouvant sans issue à la suite du passage du canal et de la création de la nouvelle route de Narbonne a pu très bien être abandonnée et incorporée aux terrains se

trouvant entre la route, le canal et le chemin de Colombiers.

D'ailleurs, la portion de l'ancien chemin de Narbonne située entre la bifurcation de Fonseranes et le canal, se trouvant dans le même cas a été à peu près abandonnée, et est utilisée comme chemin d'exploitation, et ne figure sur les plans modernes que pour mémoire ou en a disparu.

Quant au fragment de chemin existant entre Fonseranes et la route de Narbonne, qu'elle rejoint à hauteur de l'ancien chemin de Colombiers, il ne fut sûrement utilisé que comme chemin de traverse servant à joindre Fonseranes à la nouvelle route, à la suite du sectionnement de l'ancienne par le canal, et sa jonction avec la nouvelle


route à peu de distance du début du chemin de Colombiers, la fit prendre pour les restes de l'ancienne routé de Béziers à Narbonne.Donc un gué ancien, dénommé le « Gué Français » a très bien pu exister non pas comme on l'a cru à l'emplacement du Pont-Canal, mais plus normalement à l'aboutissement de l'Ancien Chemin du Gua, c'est-à-dire au Pont-Rouge. Mais ce n'est sûrement pas à cet endroit que la voie antique passait l'Orb, et quoique on n'ait retrouvé dans les parages aucune trace de pont antique, il paraît étrange, lorsqu'on constate sur tout le parcours de la Voie Domitienne la présence de ponts construits par les Romains, permettant le passage de cours d'eau de moindre importance que l'Orb, que les Romains aient passé celui-ci à gué.

Je pense donc, comme Sabatier, que ce passage s'effectuait à l'endroit du Pont-Vieux ou un peu au-dessous.

La convergence de tous les chemins reliant Béziers aux localités et domaines environnants (et cela depuis des temps assez reculés), à peu de distance du Pont-Vieux pour ne former qu'une seule voie, ainsi que la présence sur ce point du pont constaté au XIIe siècle, vient encore renforcer cette hypothèse, car rien ne justifiait cette construction en un point autre que sur le trajet de la Voie Antique.

De plus, lors de la construction du Pont-Neuf en 1846, la découverte dans le lit de l'Orb à l'emplacement des piles du Pont-Neuf d'objets antiques, d'un autel de Mercure et d'une tête de femme en marbre blanc (Bull. IX, 2e série, p. 152) est un indice certain du passage d'une voie romaine, et de la présence en ces parages d'un gué ou pont.

Sans m'apesantir davantage sur cette question, je laisse le soin à mes confrères de déterminer si le Pont Vieux est de construction romaine ou a été véritablement construit au XIIe siècle par l'Association des Frères du Pont, ou simplement restauré et élargi, ce qui jetterait une lumière complète sur ce point.

Je pense que cette étude contribuera à éclaircir quelque peu ce point demeuré obscur de cette portion de trajet de la Voie Antique et à éliminer la légende erronée du passage à gué à l'endroit du PontCanal, par cette voie, et que le manque de documents tendrait à accréditer et à transformer en certitude.

JACQUES TEL.


Chronique Numismatique

Le Médaillier de la Société Archéologique vient de s'enrichir d'un don de Madame Prunac, composé de monnaies assez intéressantes. Elles avaient été réunies par M. Biscaye. De très beaux livres de numismatique très difficiles à trouver maintenant, sont joints à l'envoi. Nous devons remercier vivement Madame Prunac d'avoir pensé à notre Société ; depuis déjà bien longtemps notre collection n'avait connu pareil accroissement.

Monsieur le Chanoine Brun, notre érudit confrère, a identifié tout le lot et suivant ses vues, on a remis au Musée du Vieux Béziers les pièces plutôt régionales ; parmi elles notons une monnaie rare de Biterre. La Société Archéologique a eu surtout des Grecques et des Romaines. Presque toutes sont de bonne conservation.

Grecques

Corinthe Aphrodite casquée R/ Pégase volant B.C. AR.

Corinthe » » R/ » M.C. AR.

Nelia Tête à droite R/ Lion monnaie fourrée.

Athènes Athéna à droite R/ Chouette douteuse AR.

Grande Grèce Naples Profil à gauche R/ Taureau et Victoire ailée B.C AR.

Syrie Tétradrachme R/ Zeus à G. tenant une Victoire B.C AR.

Bronzes grecs aux aigles de conservation médiocre.

Bronzes de l'Empire Romain, d'Orient et de l'Egypte Romaine.

Consulaires

Les monnaies bien frappées rappellent par leurs revers les hauts faits de famille des Triumvirs. C'est un petit abrégé de l'histoire romaine vraie ou légendaire. Nous n'avons que des deniers d'argent.

Anonyme de la République Rome casquée R/ ROMA 2 cavaliers, chien.

Anonyme de la République » R/ ROMA quadrige. ACILIA Pallas à D. M.F.M. ACILIUS R/ Hercule dans un quadrige au pas.

.lEMILIA Le roi arabe Aretas à genoux tenant une branche d'olivier près d'un chameau dont il tient la longe R/ Jupiter dans un quadrige au pas à G., devant les chevaux un scorpion (Le


questeur iEmilius Scaurus vainqueur du roi Aretas avait eu les honneurs du triomphe, puis mis en jugement, défendu par Cicéron, mourut en exil).

ANTONIA La galère prétorienne R/ XIV Légion. Antoine frappa des pièces aux numéros des Légions placées sous ses ordres.

Le numéro ci-dessus est rare. La Société Archéologique possédait déjà les numéros VIII - XI - XIII.

ANTONIA Jupiter R/ Victoire. Denier dentelé. On a prétendu qu'on frappait ainsi des flans dentelés pour empêcher qu'on ne rogne les pièces. On aurait ainsi donné confiance car il aurait été difficile, pour ne pas dire impossible et de denteler , et de fourrer les flans Cette hypothèse ne doit pas être des plus exactes car le Médaillier de la Société possède un denier serrati et fourré de la famille ANTONIA.

CARISSIA Sibylle P: CARISIUS III - VIR (rare).

CASSIA Cérès à G R/ 2 bœufs.

CŒCILIA Neptune à D. R/ SCIPIO éléphant IMP.

CORNELIA Scipion l'Africain R/ Jupiter, à sa droite Junon à sa gauche Pallas qui le couronne (rare).

FURIA M. FOURI C.F. Janus R/PHILI. ROMA Pallas debout couronnant un trophée.

JULIA Eléphant à D. C/ESAR R/ instruments de pontife.

JUNIA Liberté LEIBERTAS R/ Bru tus l'Ancien marchant à G.

entre deux licteurs précédés d'un accensus.

LŒCINIA Apollon à G. lançant un faisceau de flèches R/ LICINIUS C.F. MACER. Pallas dans un quadrige à D. frappant de la haste (Licinius Macer accusé de concussion par Ciceron se donna la mort).

MEMMIA Saturne à G. EX. SC R/ Vénus dans un bige couronné par Cupidon L C. MEMMIL. F. GAL.

MINUTIA Rome casquée à D. le casque orné de plumes R/ deux soldats combattant, au milieu 3e soldat à genoux.

PL.ETORIA Cybèle à D. CESTINNUS R/ PLÆTORIA Buste de femme casquée à D. R/ M. PL.lETORIUS M.F. AED. CUR. aigle déployé à D.

QUINCTIA Hercule à D. R/ cavalier csnduisadt deux chevaux DUS. SC.

SERGIA Pallas à D. ROMA EX S.C. R/ cavalier casqué portant à la main une tête humaine. M. SERCI SILUS.

SICINIA Tête diadémée là fortune III VIR SICINIUS. R/ P.R. SC CLOPONISS M assue.

SULPICIA Dieux Pénatés à G. R/ Dieux Pénatés debout tenant la haste entre eux une laie allaitant ses petits.


TITIA Bacchante à D. R/ Pégase volant.

VOLTERA Pallas à D. R/ Cybèle conduite par les lions.

Impériales Romaines

Adrien Buste lauré à D R/ COSIII P. M. TA Liberté LIBPNB AR.

Marc Aurèle ANTONINUS Buste à D. R/ Guerrier casqué COS III AR Faustine son buste à D. FAUSTINA AUGUSTA AR.

Trajan son buste à D. AR.

enfin des moyens et petits bronzes de l'Empire Romain. Certains de bonne conservation et d'une jolie patineverte D'autres de conservation médiocre.

Divers

Nous avons aussi trois pièces d'or de bonne conservation. L'une byzantine de l'époque des Comnéme portant au droit l'Empereur revêtu d'un manteau brodé à côté son fils. R/ Le Christ de face assis sur un trône.

L'autre un Ducat d'or de Conrad, duc de Milan.

Enfin beaucoup plus intéressant pour nous, un Franc à cheval de Jean le Bon >350-1364 émis en 1360 pour la rançon du Roi prisonnier des Anglais.

IOhANNES : DEI : — GRACIA : — FRANCORU : REX Le roi vêtu d'une cuirasse fleurdelisée et l'épée haute, à cheval, au galop, le cheval couvert d'une housse fleurdelisée. R/ XPC. VINCIT etc , ponctuations par des roses. croix feuillues.

Le roi Jean le Bon vaincu, après avoir abandonné à Edouard III toutes ses provinces du Sud-Ouest, ne pouvant payer la rançon promise, dut reveniren Angleterre en 1363 où il mourut l'année suivante.

Son règne fut un des plus malheureux de notre histoire et nos monnaies affaiblies par des refontes incessantes sont un reflet de l'incertitude du moment. Le « Franc» à cheval fut frappé pour servir à payer la rançon du roi. Pour la première fois ce terme de « Franc » fait son apparition dans notre histoire. Certains l'expliquent en disant qu'à cette époque de grands malheurs notre numéraire avait perdu, pour notre vainqueur surtout, beaucoup de sa valeur : le terme « franc » équivaudrait à « loyal » à bonne monnaie en opposition à la monnaie de mauvais aloi du moment. D'autres prétendent que par la livraison de ces monnaies le Roi serait redevenu « franc », c'est-àdire « libre ». Enfin on a dit aussi que ce serait une traduction en notre langue du nom de la pièce anglaise « le noble ». Quoiqu'il en soit ce « Franc » a eu une belle carrière : du nom d'une pièce, après s'être substitué à la livre, il est devenu notre monnaie de compte.


Créé pour régler une situation difficile, il a financé bien des périodes de prospérité et de grandeur. Madame Prunac ne nous aurait-elle donné que cette dernière pièce qu'il faudrait lui en avoir une grande reconnaissance. A notre époue, hélas ! elle peut être conservée comme un symbole : elle nous donne une raison de plus de croire dans le relèvement de la Patrie.

GABRIEL DE VULLIOD.


BUREAU DE LA SOCIETE Pour l'Année 1942-1943

MM.

LATREILLE Jules Président.

Ros Raymond Secrétaire.

Dr BERGÉ Lucien * Trésorier.

GONDARD Joseph Bibliothécaire-Archiviste.

DE VULLIOD Gabriel Conservateur des collections numismatiques.

MEMBRES NOUVEAUX Membre résidant

MAGROU Jean.

Membres carrespondants MM.

MERLET Emile.

ALBERNHE Roger.

DECOMPOIX Paul.

Dr TAILLEFER.

NÉCROLOGIE

1942 BONNET Emile, membre correspondant.

CASSAN Paul, membre correspondant.

GAUJAL Ludovic, membre résidant.

Dr CAVALIÉ Jean, membre résidant.

Dr PASSARINI Félix, membre résidant.

D'ABBES D'ASSIGNAN, membre correspondant.


CONFÉRENCES A. JOUVES : La Création d'après les textes bibliques.

R. Ros : Habitats gallo-romains du littoral de l'Etang de Thau.

J. COULOUMA : L'Oppidum de Cessero (St-Thibéry).

J. LATREILLE : Le Cinquantenaire du Jardin de Bérénice ; Petite réparation à l'adversaire.

J. COULOUMA : Une voie romaine ignorée de Béziers à Pézenas.

L'aqueduc romain de Pézenas.

J. TEL : Un fragment de la voie Domitienne à Béziers et le Gué français.

Me ROUZAUD : Voyage d'un Père Dominicain et d'une Anglaise à Béziers (1706 et 1785).

M. MAGROU : Réflexions sur l'Art et la Beauté.

M. NIEL : Comment on vivait à Béziers il y a cinquante ans.

DONS ET HOMMAGES E. DUCLOS : Barthélémy Laffémas.

St-Vallier sous l'occupation allemande.

E. GENSON : Le dolmen de Pecli Menel.

» Ji-S. Albaille, Jean Maury — L'horizon à Lydiennes de la base du Carbonifère de la région de Cabrières.

Don de Madame Prunac : Pierre Frédéric Bonneville : Traité des monnaies — Ph. Van der Haeghen : Siège de Béziers (1209).

COHEN : Guide de l'amateur de livres à vignettes du XVIIIe siècle. —

Description des monnaies de la République romaine : Textes.

Atlas.

SABATIER : Pouésios biterouèsos. — ROUYER et HUCHER : Histoire du jeton au Moyen-Age.

GÉRARD Jacob K. : Traité élémentaire de Numismatique Ancienne.

Ch. LENTHÉRIC : Villes mortes du golfe de Lyon. — La Provence maritime. — L'Orient et la Grèce en Provence.

BARTHÉLÉMY : Nouveau Manuel de Numismatique ancienne. — PONSONAILHE Jean : Antonin Injalbert. — DONNADIEU : Les Précurseurs des Félibres. — Charles LAGARDE : Chronique de Maître Guillaume de Puylaurens. — LENORMANT : Monnaies et Médailles. — LETRONNE : Evaluation des monnaies grecques et romaines. — DUMERSAN : Description des monnaies antiques du cabinet de feu M. Allier de Hauteroche.

L'Hérault à Molière.

FABRE : La Partido de Casso.

J. VAILLANT : Numismata imperatorum romanorum.

J. OISELIER : Thesaurus selectorum Numismatum antiquorum.

Jean SOULAIROL : Humanité de Mistral.

Dr COULOUMA : Les Crues de nos fleuves côtiers en 1940.

LACROIX : Mon Grumet.


TABLEAU DES MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ «

Membres honoraires

S. E. Mgr BRUNHES, évêque de Montpellier.

M. FLICHE, Professeur d'Histoire à l'Université de - Montpellier.

Membres résidants MM.

1888 DU LAC (Gaston), rue du 4-Septembre, 27.

1897 DE THÉzAN-St-GENIEZ (Marquis), château de l'Hermitage et rue St-Firmin, 8, Montpellier.

1900 D'ANDOQUE (André), château du Terrai, par Ouveillian (Aude).

1902 MANDEVILLE (Léon), rue Argenterie, 22.

1903 COSTE D'ESPONDEILHAN (Joseph), Villa Mezzo Monte, chemin de l'Aiguelongue, Montpellier 1909 DE VULLIOD (Gabriel), rue du Chapeau-Rouge, 4.

— BALbY (Robert), château de Montegut-Segla, par Muret (Haute-Garonne).

1910 SOURNIES (Jean), Descente de la Citadelle.

— VIDAL (Victor), rue Guibal, 4.

1920 LATREILLE (Jules), rue des Bains, 3.

1921 BALDY (Alfred), St-André, par Mèze (Hérault).

— VERNETTE (Jean), avenue Président-Wilson, 49.

1922 VINAS (Jean), avenue Alphonse-Mas, 28.

— CASTEL (Pierre), rue du Docteur Vernhes, 5.

— COULOUMA (Joseph), place de la Mairie.

— TISSET (Pierre), place Chabaneau, 3, Montpellier. 1922 VILLEBRUN, avocat, rue Barbeyrac, 19.

— Monseigneur BLAQUIÈRE, archiprêtre de la Cathédrale Saint-Nazaire.

— Chanoine BRUN (Albert), Ecole de la Trinité.

1923 DE CROZALS (Alfred), allées Paul-Riquet, 67.

1924 VERDIER, pharmacien, av. Maréchal-Foch, 11.

1925 SOUCAILLE (Raymond), rue Diderot, 2.

(i) Prière de communiquer tous changements d'adresse au Secrétaire de la Société Archéologique, 13, rue Guibal, Béziers.


1925 Dr COSTE, rue Mairan, 6.

— LADOUX (Jean), Professeur honoraire. Félibre Majorai, rue A. Soucaille, Villa les Lilas,près la clinique Guibal.

— GIRY (Jean), rue Française, 26.

1926 Dr BARTHÈS (Joseph), rue du 4-Septembre, 16.

- Chanoine CRÉBASSOL, curé-doyen, r. Trencavel, 8.

1927 Dr CAZALIS neveu, place St-Aphrodise, 6.

1928 Dr ORSSAUD, avenue Alphonse-Mas, 29.

1929 COMBES, Professeur d'Histoire, Lycée de Montpellier.

1930 ANGLADE (Victor), Descente de la Citadelle, 18.

— Dr BERGÉ (Lucien), rue du Docteur Vernhes, 7.

1931 GONDARD (Joseph), Colombiers (Hérault).

1932 BISCAYE (Marcel), Domaine de Trompe-Pauvre, près Béziers.

1934 Dr MOURRUT, place Saint-Aphrodise, 10.

- Cdt COMBESCURE, place de la Madeleine, 44.

— GENSON (Eugène), Domaine de Fonceranes, près Béziers.

— NIEL (Joseph), rue Dujol, 7.

1935 ROUZAUD (Emile), av. G.-Clemenceau, 16 et rue Saint-Aphrodise, 1.

— BOUJOL (Henri), avenue Alphonse-Mas, 19.

- VIDAL, notaire, rue Guibal, 4.

- CAUPERT, rue Ancienne Comédie, 64.

- DE VULLIOD (Henri), rue Boudard, 7.

- COURONNE (Bernard), allées Paul-Riquet, 65.

1936 Ros (Raymond), 13, rue Guibal, Béziers (Hér.).

1936 Dr GUIBAL, avenue Président Wilson, 22.

— Dr BRUNEL, Le Bousquet-d'Orb (Hérault).

1938 DARDÉ (Louis), rue du 4-Septembre, 7.

— TIFFY (Mme P.), avenue G.-Clemenceau, 16.

1939 Abbé HÉBRARD (Jean), Chanoine honoraire, Collège de la Trinité. 1940 Chanoine THOMAS, Curé de Saint-Aphrodise, Béziers.

— TEISSIER, Conservateur des Hypothèques, Félibre Majorai, 20, rue d'Alsace, Béziers.

1941 BEAUMADIER (Léonce), rue Boïeldieu, 33.

— BARTHEZ (Mlle Jane), Félibresse majorale, Cazedarnés (Hérault).


1942 MAGROU (Jean), 14, rue Guibal, Béziers.

— Dr TAILLEFER (Georges), Nissan (Hérault).

Membres correspondants MM.

J. FABRE, notaire honoraire, Villeneuve-les-Béziers.

CELLIER (Jean), Cournonterral (Hérault).

Chanoine GRANIER, curé de St-Denis, Montpellier.

LUGAGNE (Charles), La Miquelle, par Sérignan (Hér.).

DE CASTELLANE, rue Pellisson, Béziers.

Abbé DESPETIS, rue Auguste-Comte, Montpellier.

BAUDOUI-SALZE, La Baume, Villa Eliane, Montpellier.

THOMAS (Louis), Maître de Conférences à la Faculté, 13, rue Delraas. Montpellier.

DE LAMBERT DES GRANGES (Marquis), rue des Balances.

Dr DABADIÉ, Cazouls-Ies-Béziers (Hérault).

VIALA MOULINS (Mlle). rue Thiers, Puisserguier (Hér.).

REY (Paul), Domaine de Clairac, p. Maureilhan (Hér.).

TEILLARD (Louis), avenue St-Saëns, 82, Béziers.

Chanoine PRUNIÈRES, curé à Villeneuve-les-Maguelone, (Hérault).

Dr AZÉMA, rue de la Citadelle, 14, Béziers.

Père BALARDY, Bon Pasteur, Béziers.

SEGUI (Emile), 33, Grand'Rue, Montpellier.

ROUANET, Directeur d'école, Montagnac.

GOURC (Joseph), Receveur de l'Enregistrement, Issoire (Puy-de-Dôme).

BARTHEZ (Louis), Cazedarnes (Hérault).

ARIs, Pharmacien, Agde.

RIGAUD, Notaire, Vias (Hérault).

RAYMOND (Jean), rue Nationale, 26, Béziers.

SALLÈLES (Antoine), place de la Révolution, Béziers. DE GINESTET-PUIVERT (Marquise), château de Ginestet, près Béziers.

Dr GUY (Georges), avenue de la République, 47.

DE GORSSE (Pierre), avocat à la Cour, 25, rue de la Dalbade, Toulouse.

MARTINUS NYOFF, La Haye (Hollande).

FRAISSINET, château de St-Julien, pr. Pézenas (Hér.).


Colonel DE TRAVERSAY, Commandr de la Légion d'Honneur, Villa des Bruyères, Ste-Marguerite, par La Garde (Var).

CAMMAS, boulevard d'Angleterre, 44.

BOYER, Ingénieur du Canal du Midi. — Pont Rouge - Béziers.

BOUSCARAS (André), avenue St-Saëns, 31, Béziers.

MARTINEZ, Instituteur, Nissan (Hérault).

Chanoine JORDAN-MEILLE, curé de St-Jacques, Béziers.

POURSINES, Aumônier, Collège de Sète.

MIQUEL (François),, rue Hospice St-Joseph, 57, Béziers.

GÉRAUD (Paul), rue Auguste-Comte, 14, Béziers.

DURAND, rue de la Tour, Béziers.

DESTRESSE (Raoul), Directeur du Cours complémentaire, Marseillan (Hérault).

MARTIN (Mme Jules), Cessenon (Hérault).

DE MILHÉ (Mlle Rose), Cessenon (Hérault).

Dr IÆMOSY-b'OREL, rue Durrieu, St-Sever-sur-Adour (Landes ). Dr BARTHÈS (Joseph), 91, rue de la Croix-Nivert, Paris (xve).

BOUSQUET (Noël), place de la République, Bédarieux.

- Abbé GIRY (Joseph), curé de Poilhes.

BERNARD (Jean), 1, place du Capus, Béziers.

DOMERGUE, Félibre mainteneur, 63, allées Paul-Riquet, Béziers.

CLARETON (André), 15, rue de la Coquille, Béziers.

BOURDIÉ (Emile), av. Maréchal-Foch, 12bis, Béziers.

FERRIER (Alphonse), Villa les Tilleuls,.rue M.-Berthelot prolongée, Béziers.

Dr VIALLEFOND (Henri), Chef de Clinique à la Faculté de Médecine, passage Lonjon, 4, Montpellier.

CAMPROUS (Charles), Professeur au Lycée, Montpellier.

CAUSSADE (Jacques), Agent d'assurances, 3, rue du Touat, Béziers.

NOUGARET (Albin), 5, avenue Alphonse-Mas, Béziers.

JOUVES (Auguste), Commissaire de police, avenue Gambetta, 26, Béziers.

Abbé SEGONDY (Jean), Curé de Cessenon (Hérault).

OULIVET (Mlle), rue Gambetta, 4, Langres (H.-Marne).

VINAS (Pierre), Bassan (Hérault).


FOUQUET (Paul), Professeur de musique, 35BLS, avenue Gambetta, Béziers. -.

DE FLOTTE, 12, rue Bonnet, Alès (Gard).

Bouys-MAISTRE (Mme), Ste-Marie, Maureilhan (Hér.).

PAGÈS Mlle (Emilie), 21, rue de la République, Béziers.

RENOUARD (Mlle) Dominique, 2, rue Octave Gréard, Paris (vne).

PICHEIRE (Joseph), Docteur, Agde (Hérault).

LUGAGNE-DELPON (Henri), 1, pl. de la Madeleine, Béziers Abbé MAUBON (Louis), vicaire de St-Jacques, 51, place St-Jacques, Béziers.

KLINCKSIECK, libraire, 11, rue de Lille, Paris.

DU LAC (Pierre), rue du 4-Septembre, 27.

Abbé C.-A. MAURIN, Curé de St-Geniès-le-Bas (Hér.).

TEL (Jacques), rue Frédéric Bérard.

JAMET (Lucien), Professeur au Collège d'Agde (Hér.).

BLANC (Louis), Professeur au Collège d'Agde (Hér.).

CLAUSTRES (Georges), Cuxac (Aude).

Dr GAYRAUD (Raphaël), 10, rue du 4-Septembre, Béziers, Dr MARC (Henri), 15, avenue Alphonse-Mas, Béziers.

GLEISES-SCHŒLLER (Mme la Doctoresse), rue BiaisePascal, 9.

GLEISES, Docteur, rue Biaise-Pascal, 9, Béziers.

VÉRiÈs (Roger), 2, place Camille-Pelletan, Béziers.

GRÉGOIRE (Léon), 2TER, rue Duchartre, Béziers.

BAUDOU (Jules), Conservateur du Musée Agathois, Agde (Hérault). PONS (Justin), Secrétaire administratif de la C. G. V., avenue St-Saëns, 74, Béziers.

MARTINEZ Michel Mme) Le Presbytère, Nissan (Hér.), AZÉMA (Pierre), Félibre majorai, 7bis, rue Moquin-Tandon, Montpellier (Hérault) CELLIER (André), Avocat, rue Urbain V, Montpellier (Hérault).

CAUQUIL (Jean), Juge de Paix, 26 bis, avenue PrésidentWilson, Béziers (Hérault).

MERLET (Emile), 77, boulev. de Stralbourg, Béziers.

Me ALBERNHE (Roger), avocat, 63, boulevard FrédéricMistral, Béziers.

DECOMPOIX (Paul),. professeur, 431 av. Maréchal-Foch, Béziers.


Liste des Ouvrages reçus

Envois du Ministre de l'Instruction Publique Bulletin historique et philologique.

Bulletin A ichéologique.

Bulletin des Sciences économiques et sociales.

Bibliographie annuelle des travaux historiques et archéologiques.

Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Mémoires et Bulletins

envoyés par les Sociétés correspondantes

Académies et Sociétés françaises

ABBEVILLE. — Société d'émulation.

AIX-EN-PROVENCE. — Académie des Sciences. - Société d'études provençales. — Faculté de Droit.

ALBI. — Société des Sciences.

ALGER. - Société historique.

AMIENS. - Société des Antiquaires.

ANGERS. - Société d'Agriculture, Sciences et Arts.

ANGOULÊME. — Société Archéologique.

ARRAS. — Académie.

AUTUN. — Société Eduenne.

AVESNES. — Société Archéologique.

AVIGNON. — Société de Vaucluse.

BAR-LE-Duc. — Société des Lettres, Sciences et Arts.

BAYONNE. — Société des Sciences.

BEAUNE — Société d'Histoire.

i)) La présente liste tient lieu d'accusé de réception


BESANÇON. — Académie.

BEZIERs. — Société d'Etudes des Sciences naturelles.

BLOIS. - Société des Sciences et Lettres du Loir-et Cher.

BONE. - Académie d'Hiponne. BORDEAUX — Société Archéologique.

BOULOGNE-SUr-MER. - Société Académique BOURG. — Société de* Sciences naturelles et Archéologiques.

BOURGES. - Société des Antiquaires.

CAHORS. - Société d'Etudes.

CAMBRAI. - Société d'Emulation.

CARCASSONNE — Société d'Etudes scientifiques de l'Aude.

CHATEAUDUN. - Société Dunoise.

CHATEAU THIERRY. — Société Archéologique et historique.

CHERBOURG. — Société académique.

CLERMONT FERRAND — Académie des Sciences,, Belles Lettres et Arts.

CONSTANTINE. — Société Archéologique.

DIJON. — Académie. — Commission des Antiquités.

DRAGUIGNAN. - Société d'Etudes.

DUNKERQUE. - Société Dunkerq uoise.

EPINAL. — Société d'Emulation.

GRENOBLE. - Académie Delphinal e. Société de statistique des Sciences Naturelles et Archéologiques.

GUÉRET. — Société des Sciences Naturelles et Archéologiques.

LE HAVRE. — Société d'Etudes diverses LILLE. — Société des Sciences.

LIGUGÉ. — Société Mabillon pour le développement des Etudes d Histoire monastique en France.

LYON. — Société Littéraire, Historique et Archéologique Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres.

MAÇON. — Académie.

MARSEILLE. — Académie des Sciences, Beaux-Arts. Société, de Statistique. — Société Archéologique de Provence.

MONTAUBAN. — Société Archéologique. — Académie MONTBELIARD. — Société d'Emulation.

MONTBRISON. — La Diana.


MONTPELLIER. — Société Languedocienne de Géographie.

- Académie des Sciences et Belles-Lettres. Société des Langues Romanes. — Société Archéologique. Archives départementales MOULIN. — Société d'Emulation.

NANCY. — Académie Stanislas.

NARBONNE — Commission Archéologique.

NIMES. — Société de l'Art Chrétien — Académie.

NIORT. — Société de Statistique ORLEANS. — Société Archéologique et Historique. Société d'Agriculture, Belles-Lettres et Arts.

- PARIS. — Société des Antiquaires de France. Biblioth. Nat.

POITIERS. — Société des Antiquaires.

REIMS. - Académie.

RODEZ. - Société des Lettres, Sciences et Arts.

ROUEN. — Société d'Emulation.

SAINTES. — Société des Archives Historiques.

St-ETIENNE. — Société d'Agriculture, Sciences et Arts St-Lo — Société d'Agriculture et d'Archéologie.

St-MALO. - Société d'Histoire et d'Archéologie.

SÎ-OMER. - Société des Antiquaires de la Morinie.

St-QuENTiN. — Société Académique.

SENS. - Société Archéologique.

STRASBOURG. — Société Académique du Bas-Rhin.

TOULON. — Académie.

TOULOUSE. — Académie des Inscriptions. - Académie des Jeux Floraux. — Société Archéologique du Midi de la France. — Université et Académie.

TOURS. —Société Archéo'ogique. v TROYES. — Société Archéologique.

VALENCE. — Société Départementale d'Archéologie et de Statistique.

VENDÔME. — Société Archéologique, Scientifique et Littéraire.

VERSAILLES. — Commission des Antiquités et des Arts.

Société des Sciences, Letttres et Arts de Seine-et-Oise.


Académies et Sociétés étrangères ,

ANVERS (Belgique). — Société Royale d'Archéologie.

BARCELONE (Espagne). — « Biblioteca Central de la Diputacion Provinciat a.

BRUXELLES (Belgique). — Société des Bollandistes. Société Royale de Botanique.

MONTRÉAL (Canada). — Association Canadienne française pour l'avancement des Sciences.

NEUCHATEL (Suisse). — Société de Géographie.

PHILADELPHIE (Pensylvanie). — American Philosophical.

Society.

RIO DE JANEIRO. — Museo Nacional.

St-Louis (Missouri). - Botanical garden.

STOCKHOLM (Suède). - Académie des Lettres, Histoire et Antiquité.

UPSAL (Suède). — Bibliothèque de l'Université.

WASHINGTON. - Smithsonian Institution.


TABLE DES MATIÈRES

Pages Séance publique. — Discours du Président 5 Défense et Illustration de la statue de Paul Riquet. 17 Rapport sur le Concours des Mémoires Historiques, par

M. Raymond Ros 29 Rapport sur le Concours de Poésie Française (Fondation A. Capdeville), par M. Jean Magrou 40 Rapport sur le Concours de Poésie Néo-Romane, par Mil" Jane Barthès 52 Lauréats du Concours 61 L'Oppidum de Cessero, par M. le Docteur Coulouma et M. Claustres. , 64 En marge du Cinquantenaire du Jardin de Bérénice, par M. Jules Latreilte.,.,. 79 La Grotte des Fées, par M. le Dr Brunel 87 Quelques réflexions sur l'Art et la Beauté, par M Jean Magrou 105 Habitats Gallo-Romains en bordure de l'Etang de Thau, par MM. Ros et Rouanet 1)1 Le séjour d'un Dominicain et d'une Anglaise à Béziers, par M. E Rouzaud 119 Un fragment du trajet de la voie Domitienne à Béziers et le Gué Français, par M. Jacques Tel 133 Chronique Numismatique, par M. Gabriel de Vulliod. 141 Bureau de la Société. 145 Dons et Hom mages. : 146 Tableau des Membres de la Société. 147 L. d .'0,.t'lf(.), 152 Liste des ouvrages reçus., .., .,' 152 - .,.&-,,", ,:"It






OPPIDUM D E OESSERO PROFILS EN TRAVERS DES FOUILLES