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Titre : Bulletin de la Société archéologique, scientifique et littéraire de Béziers...

Auteur : Société archéologique, scientifique et littéraire (Béziers, Hérault). Auteur du texte

Éditeur : Mme Vve Millet (Béziers)

Date d'édition : 1941

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34410837c

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34410837c/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 13452

Description : 1941

Description : 1941 (SER4,VOL7).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Languedoc-Roussillon

Description : Collection numérique : Collections de Montpellier Méditerranée Métropole

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6453925d

Source : Société archéologique de Béziers

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 27/02/2013

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BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ ARCHEOLOGIQUE SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE

DE BÉZIERS (HÉRAULT) FONDÉE EN 1834, AUTORISEE EN 183 5 ET RECONNUE COMME ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE PAR DÉCRET DU 14 OCTOBRE 1874

QUATRIÈME SÉRIE

Volume VII

BEZIERS

IMPRIMERIE GÉNÉRALE, BOURDOU & RUL 9, AVENUE DE PÉZENAS ET AVENUE DE BÉDAItlEUX, 10

1941



BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ AKC HÉOLOC.IQDK SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE

DE nJZIEHS



BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ A nCHEOLOGIQUE SCIENTIFIQUE ET LITTÉHAIHE

DE BÉZIERS (HÉRAULT) FONDER HN 1834, AUTORISÉH EN 183 5 ET HECONNUE COMMK ÉTABLISSEMENT D'UTILITE PfJBLIQUH PAR DÉCRET DU 14 OCTOBRE 1874

QUATRIÈME SERIE-

Volume VII

BEZIERS IMPRIMERIE GÉNÉRALE, BOURDOU & RUL 9, VENUE DE rÜEN AS KT AVENUE DE IÎÉDAIUEUX, 10

1941


EXTRAIT DU RÈGLEMENT ARTICLE V. — La cotisation annuelle MINIMUM est de Quarinre fr. pour tes Membres résidants ; de i-ujt francs pour les Membres correspondants.

Les Membres correspondants ieçoiveut outre le Bulletin toutes les publications de la Société.

En raison des charges toujours croissai tes de la Société, les cotisations supérieures seiont toujours acceptées.

Recommandation très importante : Afin d'éviter les frais supplémentaires d'encaissement aujourd'hui très élevés, l'aiie parvenir les cotisations annuelles avant le .lf> Mars à M. BERGK, rue Docteur Vernhes, 7, Béziels - C.C. Montpellier 23.295.

Passé cette date, le Trésorier se considérera autjnsé à faire présenter par la poste une quittance majorée des frais de recouvrement, à ceux qui auront négligé la recommandation ci-dessus.

- AVIS —

Le Bibliothécaire a la garde des livies, plans, estampe-, etc., appartenant à la Société Archéologique.

Les salles de la Bibliothèque, des collections, des archives sont à loi disposition des Membres de la Société.

Prévenir quelques jours à 1 avance M. GONDAUD Joseph. Bibliothécaire, Colombier, pour ie vendredi de 14 à 16 heures.

ou M. Ftos Raymond, Secrétaire, 37. aven, de Bel fort, Béziers, pour le jeudi de 14 à 1G heuies.

Un registre destiné à recevoir l'inscription des volumes ou auties objets prêtés est déposé sur 1 J bureau.

La Société ne prend pas la responsabilité des assertions émises par les auteurs des articles insérés au Bulletin.


Séance Privée du 31 Janvier 1941

Au cours de cette première séance de l'année 1941, M. Jules Latreille, élu Président lors de la séance du 20 Décembre defrnier, prononce devant les nombreux Membres de la Société Archéologique l'allocution suivante :

MES CHERS COLLÈGUES,

En prenant possession de ce fauteuil où votre bienveillance m'a appelé, je me sens obligé de mêler aux sincères remerciements que je vous dois, quelques amiraux reproches.

Vous m'avez élu, à cette présidence, à mon insu pour ainsi dire, et presque malgré moi.

Notre très distingué Vice-Président et doyen à qui cette place revenait de toute équité, m'avait bien pressenti déjà, trop aimablement ; de même, notre dévoué Secrétaire. A leur flatteuse insistance, j'opposais aussitôt, en toute sincérité, les raisons diverses que j'avais de décliner cet honneur, et dont la principale était que n'importe lequel d'entre vous, Messieurs, en serait aussi digne que moi. Profitant de mon absence, une sorte d'amicale conjuration est venue à bout de mon refus. Sollicité d'urgence, par télégramme, à la veille d'une réunion à laquelle il m'était impossible d'assister, je me suis vu contraint, en quelque sorte, d'accepter, sous peine de mettre la Société dans l'embarras, et vous m'avez ainsi condamné, sans m'entendre J par défaut, à une charge dont si je ressens, avec reconnaissance, tout l'honneur, j'entrevois aussi, non sans crainte, le redoutable poids.

Mon regretté prédécesseur, le Commandant Baret


avait, en effet, marqué d'une telle empreinle cette présidence qu'il est périlleux de l'occuper après lui, et qu'il serait vain, de ma part, de prétendre l'y remplacer.

En rendant hommage à son inoubliable mémoire au sein de notre Société, je n'essaierai pas, ce soir, d'improviser de lui, un éloge hâtif. Le Docteur Cavalié l'a fait dignement au lendemain de sa mort, avec une délicate finesse et une égale autorité. En même temps, notre Secrétaire lui a apporté le témoignage qu'il aurait sans doute préféré, en dressant, avec un soin minutieux, la longue liste de ses travaux (de ceux qu'il aura publiés) ; car il aura emporté avec lui, et nous devons à jamais le déplorer, toute une partie du fruit de ses incessantes recherches dans les archives, toute celte connaissance directe du passé bilerrois puisée aux sources, ces notions éparses patiemment recueillies qu'il rapprochait dans sa surprenante mémoire, et d'où sérait née cette étude sur les domaines ruraux du Bilerrois qui aurait fait date dans notre histoire locale, et qu'il n'aura pas eu le temps de mettre au jour.

Mais ce n'est pas l'érudit aux multiples curiosités, ni le sagace historien que je veux louer en ce moment où je lui succède, avec un si mince bagage, à celte place.

Je voudrais évoquer, seulement, entre nous, l'incomparable Président qui l'occupa, vous vous souvenez avec quelle autorité, quel dévouement, avec quelle originale et forte personnalité.

Aucun des familiers de nos séances n'a oublié, sans doute, l'ardeur, l'entrain, la verve drue et joyeuse, la rondeur toute militaire dont le Commandant Ba-ret les animait.

Nous le reverrons toujours, dans cette petite salle,l 'oeil étincelant et railleur au-dessus de son long fume-cigarettes et de sa moustache de mousquetaire, lancer de sa sonore voix de commandement tempérée d'une narquoise bonne humeur, quelques traits mordants à la science


officielle, aux bureaux, aux « pontifes », à ces « messieurs de Paris », au conformisme académique, à tout ce à quoi son esprit indépendant, intransigeant, ne céda jamais. Et ses éludes imprimées ne sauraient rendre à ceux qui ne les ont pas entendues, cet accent vigoureux, cette plaisante et ironique verve, cette flamme de vie que sa chaude voix savait leur donner en les lisant.

Gens de loi et de chicane, ou bons chanoines prébendés tt processifs, il ressuscitait vraiment, certains soirs, avec une joviale familiarité, quelques-unes des figures de l'ancien Béziers où il semblait avoir vécu. Vous rappelez-vous le début de son discours du Centenaire où il évoquait les conciliabules, les chuchotements, sur les Allées, des premiers fondateurs de la Société ? Du ton dont il rapportait leurs propos, on eut dit qu'il s'était mêlé à eux, sous les mûriers de 1834.

Dans ces fêtes du Centenaire, qui lui tenaient à cœur et qui furent vraiment son œuvre, il trouva le juste couronnement de ses efforts et le terrain où manifester -

pleinement sa personnalité. Débordant d'une activité infatigable, il se montra, pendant ces journées, sur la colline d'Ensérune, à la Vernière ou à Cassan, aussi bien qu'aux harangues des banquets et des réunions, l'animateur, l'entraîneur, le Commandant, en un mot, qu'il avait été aussi dignement dans de moins pacifiques circonstances.

Ne soyez pas surpris, Messieurs, que moi, qui admirais en notre Président, de telles qualités, si loin de mon propre naturel, je me sente quelque peu effrayé maintenant, du hasard qui me fait lui succéder. Le contraste sera trop criant, la comparaison trop ingrate, et je n'assumerais pas, même provisoirement, cette charge si je n'étais sûr de votre indulgente sympathie.

Ni historien, ni archéologue, pas même occasionnel, je n'ai jamais cessé, pourtant, de m'intéresser avec une;


profonde et native passion, à l'histoire et à l'archéologie.

Mais plus encore à leurs résultats acquis, à leurs évocations du passé, qu'à leurs minutieux, ingrats et cependant indispensables travaux. Non pas que je sois tout à fait étranger à leurs disciplines ri à leurs méthodes : je fus initié quelque peu jadis, à la paléographie, et m'essayais, sous la direction d'un chartiste, à la lecture et à la critique des textes : austères jeux qui ne me retinrent pqs. Je connais les secrètes joies que recèlent un inventaire de pièces d'archives, une bibliographie , copieuse et exhaustive, et j'ai dépouillé ainsi, pour mon plaisir, de nombreuses listes d'ouvrages sur des suje's divers que je ne lirai sans doute, jamais.

Sur bien des matières, averti des travaux et de la « littérature » qui s'y rapportent, je crois pouvoir suivre utilement une discussion, mais non pas prétendre à la diriger.

En archéologie, je ferais sourire aussi nos collègues militants, si je prétendais à quelque compétence, sans avoir mis, comme eux, la main à la pâte, je veux dire à la pelle et à la pioche, ni avoir procédé sur le terrain, à une fouille ou à un déblaiement. Mais, si je n'ai pas connu comme eux la joie de la prospection et de la découverte dans la terre remuée, du tesson et de la pièce inédite, je puis bien me flatter cependant, d'avoir participé, autrement qu'en profane, à leurs émotions.

Depuis longtemps, les récits, les journaux circonstanciés de fouilles, depuis celles de Schliemann à Troie, et d'Evans, en Crète, de tant d'autres, dans la Revue Archéologique, jusqu'à celles de notre collègue M.

Mouret, m'ont paru sous leur sécheresse documentaire, la plus passionnante des lectures En suivant ces laborieuses analyses, l'archéologue amateur peut bien se donner le droit parfois, d'une aventureuse synthèse, même si la stricte discipline scientifique en interdit les dangers.


Et je sais aussi, — pour l'avoir ressenti, au Palatin, sur le sol récemment remué de la « Domus Augustea », à Orvieto, dans une tombe étrusque nouvellement mise au jour, aussi bien qu'à notre Ensérunë, sur le terrain si heureusement fouillé par la jeune ardeur de notre collègue Gondard, émule de glorieux devanciers je sais bien quelles fièvres et quels vertiges de l'esprit montent de ces antiques fosses fraîchement ouvertes d où s'exhale, comme une grisante essence, l'àme libérée des siècles anciens.

-Si dans l'archéologie antique, je ne puis apporter que le faible concours de curiosités et de clartés d'amateur, peut-être, pourrais-je vous offiir dans l'étude de l'archéologie et de l'architeciure du Moyen-Age, et plus généralement, dans l'histoire de l'Art des temps plus proches, quelques connaissances plus approfondies.

J'ai été formé, en Sorbonne et à l'Ecole du Louvre, aux leçons d'Emile Mâle et d'André Michel, bons maîtres s'il en fût, qui nous ont appris, par leur exemple, à né jamais séparer, clans l'Histoire de l'Art, la science et l'esprit critique le. plus scrupuleux, de l'enthousiasme vivifiant, du sentiment esthétique, et de la foi dans les hautes vertus du Beau.

Muni d'un tel viatique, les églises et les musées de France, de Belgique, de Suisse, d'Angleterre et d'Italie (d'Italie surtout), les pierres sculptées, les toiles et les fresques, m'ont vu longtemps en fervent pèlerin, recueillir leurs leçons et solliciter leurs grâces. Mais les musées peuvent être la forêt légendaire où le rêveur s'égare à la suite.de l'oiseau qui l'entraîne et ne ressort plus de ce lieu d'enchantement. On revient parfois, de ces pèlerinages d'art, le cœur et l'esprit remplis pour la vie d'un monde d'images et d'émotions, mais les mains vides.

De tant d'heures passées au contact des œuvres d'art, je ne saurais guère vous offrir, comme contribution


personnelle à vos travaux, aucune étude écrite, mais simplement la connaissance directe de la vie des formes, de leurs filiations et de leur histoire, le sens concret assez aiguisé des valeurs esthétiques.

Sans doute, est-ce là un assez inutile bagage dans l'étude de notre passé local (peu riche en artistes et en œuvres d'art), et dans le cours ordinaire de la vie de notre Société.

Se représentera-t-il jamais, circonstance semblable à cette occasion unique que le destin offrit aux premières années de la Société Archéologique, et dont, elle ne sut pas, hélas, profiter?

Permettez-moi le regret rétrospectif de ne pas m'être trouvé, pour leur souffler un conseil, auprès de nos dignes prédécesseurs, plus riches de science que de perspicacité artistique (disons-le, sans offenser leur mémoire), le jour où on leur présenta, dans un salon piscénois, deux œuvres italiennes à vendre : une toile et un petit panneau de bois, de très inégale grandeur.

Ménagers des deniers de leur Compagnie, et estimant peut-être, les œuvres peintes à leurs dimensions, ils choisirent la grande toile qui était aussi la moins chère (1.900 fr.), et laissèrent échapper le petit panneau dont ils jugèrent le prix demandé de 3.000 francs excessif.

La toile était le portrait en pied du pape Grégoire XV et de son neveu, le Cardinal Ludovisi, l'œuvre, intéressante certes, mais froide et inerte du Dominiquin, qui orne toujours le Musée Mais le panneau qui aurait pu nous appartenir et valoir au cabinet où, depuis cent ans, Béziers l'aurait jalousement montré, une renommée mondiale, le « Quadro » dédaigné, n'était rien de moins que cette œuvre exquise dans sa tendre et sensuelle candt u r, du jeune Raphaël, les « Trois Grâces », cette merveille que le Duc d'Aumale retrouva en Angleterre; qu'il couvrit d'or, et qui brille depuis comme une perle


unique, dans sa laiteuse clarté, au « Santuario » de Chantilly.

Laissez-moi rêver que le sort nous fait une seconde fois pareille faveur insigne, que les arrérages accumulés du legs Capdeville nous permettent une folie, et que son Président peut, à ce coup, rendre à la Société Archéologique le service de ne pas laisser échapper un autre Raphaël.

Vous attendez sans doute de lui de moins chimériques et de plus immédiats offices. Si mes insuffisances que je viens de vous confesser, et une indolence naturelle que je ne saurais non plus dissimuler, m'empêchent de vous apporter une large contribution de travaux et de communications à ces séances, je m'efforcerai du moins de susciter, de seconder le zèle de ceux d'entre vous qui, plus laborieux et plus érudits voudront bien nous communiquer le fruit de leurs recherches. J'en serai toujours le plus assidu, le plus intéressé des auditeurs.

Assidu et attentif, je le fus dès longtemps, à nos réunions. Ancien déjà par rang d'admission dans la Société (il y à plus de vingt ans que le Docteur Vinas et M.

Dardé qui en incarnait la tradition, et dont vous me permettrez de saluer la mémoire m'accueillaient ici).

C'est à ce titre d'ancienneté et par attachement à notre Compagnie que j'ai cru devoir accepter de tenir un instant, même d'une main malhabile, le flambeau qui m'était tendu.

Pendant de longues heures de travail solitaire dans ces salles, au cours de mon office de bibliothécaire, sous le regard sévère des Azaïs et de Fabregat, je me suis imprégné malgré moi, des pensées, des efforts, des désirs accumulés depuis un siècle, sinon entre ces murs, au moins parmi ces livres et ces meubles, et qui forment une âme véiitable à notre Société. Certains instants, tandis que je classais et rangeais à mon tour,


les fascicules sur les rayons, il me semblait participer obscurément à une œuvre collective, patiente et considérable, dont la valeur et la durée dépassaient amplement tout effort individuel.

Archéologues et historiens savants et féconds, comme les Azaïs, les Boudard, les Noguier, les Soucaille ou simples collègues plus modestes qui ont soutenu cependant, de leur présence silencieuse et de leur amicale attention, le travail des autres, nos devanciers ont accompli tous ensemble, en corps, par delà leurs travaux particuliers et à travers les générations successives, une œuvre commune ininterrompue qui déborde même la masse imposante du Bulletin, une œuvre non écrite qui a laissé son empreinte non seulement dans les musées et les rues, mais encore dans la vie intellectuelle et morale de la cité.

Par sa seule peimanence, par sa durée séculaire, la Société Archéologique a manifesté au milieu des entreprises individuelles viagères, sa vertu propre d'institution Ayons, Messieurs, la juste fierté, ou mieux, la satisfaction profonde d'y participer, chacun dans notre mesure, et de rattacher nos activités éphémères à ce commun labeur qui nous survivra !

Dès l'origine, la Société ne voulut pas se borner, à ce qui était sa tâche principale, publier des textes et rassembler des inscriptions. Ne séparant pas l'amour des belles-lettres, de l'érudition et de la science historique, nos fondateurs instituèrent un concours de poésie française et de poésie occitane qui, s'ils n'ont pas eu la vertu de découvrir et consacrer un grand poète, comme il advint aux Jeux floraux de Toulouse, ont maintenu du moins, par l'attention et la publicité qu'ils ont données aux essais qui leur étaient soumis, ont maintenu, dans bien des esprits délicats, en dépit des courants matérialistes et utilitaires, l'amour de la Poésie et le culte désintéressé du Beau.


Même si les résultais en ont été modestes, vous serez d'accord, sans doute, Messieurs, avec votre Président qui y est enclin par-goût, pour ne pas négliger, pour développer même si possible, ce rôle de prospecteurs de poètes et de mainteneurs de la poésie.

De mainteneurs, notre langue méridionale n'en a jamais manqué ici. Nos fondateurs, précurseurs des félibres, voulurent lui restituer ses titres.de noblesse en la mettant dans ses luttes poétiques sur le même rang que le français. Et si nous déplorons la perte récente d'un de ses savants mainteneurs, notre collègue le félibre majorai Fournier, la langue ancestrale conserve heureusement parmi nous des félibres à qui ne font pas défaut ni la compétence grammaticale, ni la flamme poétique, ni le chaleureux « estrambord ».

Avec la langue, ils se plaisent à rajeunir et vivifier les coutumes, les jeux, les formes traditionnelles de la vie, tout ce qui est issu, comme un fruit naturel du terroir natal, et mérite de ne pas subir l'inexorable loi du temps.

« Umble escoulan daù gran Mistral », lèùr Président écoutera toujours avec joie leurs propos, même s'il ne peut s'y mêler avec l'aisance qu'il souhaiterait Cette tâche que notre Société a dignement remplie durant un siècle, cette collaboration, dans une suite d'efforts désintéressés, en apparence inutiles, à une même œuvre patiente dont le temps seul fait apparaître l'ampleur et l'efficacité, ces services permanents redevenus d'une actuelle utilité, on n'en saurait produire un plus décisif témoignage que celui que notre Secrétaire a constitué dans ses « Pages d'Histoire Biterroise ».

Avec un zèle incomparable, il a recueilli dans le « Corpus » de notre Bulletin, il a mis en ordre et en valeur tout l'essentiel de la vie de Béziers à travers les âges Bien qu'il s'en défende modestement, sa part est considérable dans cette mise en œuvre, ne fut-ce que par


l'initiative et le choix. Mais il reste vrai qu'avec lui on collaboré tous ceux qui publièrent quelques pages sur la vie de notre cité Grâce à lui, ses érudits devanciers vont trouver une plus vaste audience auprès d'un public accru Dans les écoles et les lycées d'abord à qui ce livre fut dès l'origine destiné, mais aussi, parmi tous ceux qui s'intéressent à notre passé, et qui en trouveront là d'authentiques tableaux.

Un Maître tel que M. le Professeur Fliche a reconnu le haut mérite de ce recueil, en lui consacrant une chaleureuse préface.

Les « Pages d'Histoire Biterroise » viennent à leur heure, au moment où l'enseignement de l'histoire locale à l'école fait partie du plan de reconstruction nationale, ou mieux, elles l'ont devancée, puisqu'elles servaient déjà, en manuscrit, il y a plusieurs années. Remercions et félicitons M. Ros.

Il a bien rempli son rôle de professeur et servi utilement l'école française. Il a servi, non moins dignement la Société Archéologique qui doit tant déjà à fon dévouement. il lui permet de travailler elle aussi, par la plume de ses morts à l'œuvre essentielle d'enseignement, de vivante transmission de notre passé et, par là, à la construction sur de plus solides bases de la France neuve de demain A son exemple, mes chers collègues — (et j'arrêterai sur ce vœu, cette trop longue allocution inaugurale)dans un même esprit d'effacement individuel et de généreuse volonté de servir, nous travaillerons ensemble, si vous le voulez, à faire valoir l'héritage insigne qui nous a été transmis, et nous contribuerons ainsi, à notre rang, et pour une part qui ne saurait être négligeable, en même temps qu'au service de notre terre méridionale, à la grande tâche de restauration de notre Patrie. J. L.

Ce discours inaugural montre, bien qu'il veuille s'en détendre, que le choix fait par la Société Archéologique est fort heureux. Les nombreux applaudissements qui en couvrent la péroraison en sont un vivant témoignage.


& Une trouvaille Archéologique -

cr APHRODITE » de Poilhes

Le site d'Ensérune et ses abords immédiats sont loin, sans doute, d'avoir encore livré toutes leurs richesses.

Nous devons à l'aimable générosité de notre collègue, M. l'Abbé Giry la joie de pouvoir illustrer notre Bulletin, et l'honneur d'enrichir l'histoire de l'art antique d'un des derniers trésors exhumés de ce sol fécond.

M. l'Abbé Giry a eu l'heureuse fortune, digne de son zèle savant, de découvrir au début de l'année 1941, sur le territoire de sa paroisse de Poilhes, non loin des pentes d'Ensérune qui viennent y finir, une petite ° tête de marbre qu'il a bien voulu laisser à la Société Archéologique le soin de publier. Tous nos lecteurs voudront, sans doute, l'en féliciter et l'en remercier avec nous.

Prémices de sa jeune carrière d'archéologue, cette précieuse trouvaille s'est offerte, pour ainsi dire spontanément à lui Dans un terrain défoncé il y a quelques années et replanté depuis, où il avait déjà recueilli de nombreux fragments de poterie à relief de la Graufesenque, à fleur de sol, au creux d'un sillon, et enrobé seulement d'une gangue de terre, M. Giry n'a eu qu'à dégager le rare petit morceau présenté à notre admiration. Le marbre que son séjour dans le sol n'a pas érodé est intact ; il n'a subi qu'une éraflure à l'extrémité du nez, et il ne porte que quelques taches qui se fondent assez heureusement à sa patine.

Il figure une petite tête de femme, de 0,08 centimètres seulement de hauteur que termine une cassure nette au bas du cou assez raccourci ; deux trous non symétriques de goujons ou tenons se voient au-dessous. Le fragment avait donc été anciennement rajusté, après mutilation, sur un corps ou sur un socle,


La tête est ronde et l'ovale du visage très atténué. La chevelure, divisée par une raie médiane, se dispose en un bourrelet d'ondes régulières recouvrant à demi l'oreille et se termine par un chignon qu'un profond sillon creusé brutalement au trépan, sépare de la tète.

Les cheveux ne sont pas, comme dans la plupart des têtes semblables, ceints d'un bandeau liguré dans le marbre : une mince rainure l'ait seulement le tour de la tête ; elle semble destinée à recevoir un fil de métal, de même que la fruste incision à peine dégrossie qui isole le chignon est faite, selon toute apparence pour être garnie et sertie d'un cercle plus épais, d'un ornement métallique étroitement uni au marbre.

Les yeux sont délicatement allongés ; leur regard languide s'enyeloppe d'une ombre légère, les paupières inférieures, selon le type praxitélien, sont atténuées et se fondent doucement avec la joue.

La bouche à la courbe harmonieuse arrêtée par un léger pli aux commissures, ébauche, sous de belles lèvres (le feston de celle du bas ponctué d'une agréable fossette), une sorte de malicieux mais pudique sourire.

L'ensemble du visage, tout animé dans sa petitesse, et comme frémissant, de subtiles modulations et de « passages » moëllcux, offre une impression d'une immédiate et irrésistible séduction Une grâce mesurée, sans fadeur, ni mièvrerie, mais non pas sans insinuantes douceurs, un charme sensuel indéniable, mais tempéré d'une exquise retenue, fleurissent ces traits menus où les plus délicats émois de la pensée semblent vivifier les souveraines beautés de la chair.

Le mot d'atticisme est fait de toute évidence pour un tel heureux alliage, mais d'un atticisme a l'extrême limite de son domaine et sur le point de s'amollir d'une ionienne langueur.

C'est assez dire que notre petit fragment ne nous parait pas une œuvre de basse époque, une copie


romaine, mais nous semble, plus notre admiration spontanée s'étaye de réflexion critique, une œuvre grecque qui pourrait remonter, tout au moins dans son prototype, au IVe siècle avant notre ère.

Pourquoi le dissimuler ? le grand nom de Praxitèle - vient naturellement à l'esprit, en face de cette minuscule tête : c'est le reflet de son art et son proche contact que l'on croit y percevoir.

L'esprit à peine familier avec l'art grec pense aussitôt ingénument à la "« Vénus de Milo », Et c'est déjà une manière de situer notre œuvre et d'en indiquer le « climat », si comme le croit S. Reinach, « l'Aphrodite de Mélos a été sculptée avant le milieu du IVe siècle et .marque la transition entre l'art des élèves de Phidias et celui de Praxitèle » (1).

Il est certain qu'une sorte de parrnté dans la coiffure, dans la vénusté du type et sa fière grâce explique cette sommaire impression, même si elle ne suffit pas à la justifier.

Nous sommes en présence ici, d'une de ces « praxitelia capila » dont parle Cicéron, de ces têtes praxitéliennes dont les anciens reconnaissaient aisément la manière.

- Si l'on veut serrer de plus près l'analyse et chercher dans l'œuvre de Praxitèle quelque figure à rapprocher de la nôtre c'est à l'Aphrodite de Cnide, la plus illustre de ces statues, que l'on est amené à penser tout d'abord.

Le rapprochement s'impose, mais conduit à conclure assez vile qu'on ne saurait trouver dans la triomphante Cnidienne le modèle direct de notre charmante beauté.

Ce regard humide et langoureux qu'admiraient les anciens, cette* bouche bien ondulée, la lèvre inférieure • assez forte, les cheveux arrangés simplement en bandeaux ondulés, et ce même court chignon détaché, on

(1) Reinach. — Rec. de Têtes Antiques. I. p. 109-110.


retrouve assurément tous ces traits dans la tête Giry, unis à la même grâce élégante. Mais celle-ci n'a pas le double tour de bandelette qui ceint la tête de Cnidé, ni sa bouche entrouverte comme soupirant mollement de langueur, ni cette inclinaison de droite à gauche, ni ce bourrelet de chair au cou, dit « collier de Vénus », que montre, mieux que la réplique classique du Vatican, l'excellente copie du Musée de Toulouse, trouvée à Martres-Tolosanes. La tête de Poilhes s'incline de gauche à droite, ses lèvres fermées retiennent non pas un soupir, mais on ne sait quelle spirituelle pensée, et surtout, son visage entier dégage une gracieuse et pudique coquetterie, bien différente de cette rêveuse indolence, d'une sensualité épanouie, que laisse errer, avec une indifféienle nonchalance, l'Aphrodite de Cnide ( 1).

L'inclinaison dans le même sens, l'ovale du visage plus arrondi, la moëlleuse douceur de la bouche, le travail des cheveux analogue, tous ces traits extérieurs rapprocheraient plutôt la tête de Poilhes de la charmants tête Leconfield (au British Muséum), ou encore de l'Aphrodite du Musée de Boston. Mais l'excès de « sfumato », la morbidesse que ces œuvres, d'ailleurs exquises, ajoutent au type praxilélien obligent à les distinguer de la tendre mais ferme gracilité de notre fragment.

A cause de cette sorte de retenue dans le charme, devons-nous, pour rester dans le sillage de Praxitèle, rapprocher notre petite tête de cette Vénus de Thespies que le sculpteur aurait dressée à demi drapée et dont la plupart des critiques croient retrouver une réplique dans la Vénus d'Arles, « avec son expression de coquetterie qui semble s'ignorer » comme le dit l'un

(i) Telle qu'on peut l'admirer dans la meilleure copie qui nous en soit parvenue, celle de la collection Kaufmann à Berlin.


TÊTE DÉCOUVERTE A POILHES (Hérault) m -

TÊTE DÉCOUVERTE A POILHES Hérault)

(Colhctwn GIRY) Cliché L. DURAND



TÊTE DÉCOUVERTE A POILHES (Hérault)

(ColltcH,,, GIRY) Cliché L. DURAND

TÊTE DÉCOUVERTE A POILHES (Hérault)

(Collection GIRY) Dessin de M. Félix CAMBON



d'eux ? (1) M. S. Reinach qui conteste (2) ce nom d'Aphrodite, en insinuant que celui d'Artémis conviendi-ait mieux à cette prétendue « Vénus d'Arles », nous dirige vers semblable désignation d'Artémis pour notre tête de Poilhes. Reconnaissons tout d'abord qu'aucun attribut ne la confirme Mais la souriante réserve, l'air de jeunesse répandu sur les traits, (nous n'osons dire la virginale sévérité), pourraient à la rigueur permettre cette fragile hypothèse.

Praxitèle avait sculpté, on le sait, plusieurs Artémis : , l'Artémis d'Anticyre qui ne nous est plus connue que par des monnaies, l'Artémis Brauronia de l'Acropole dont certains veulent voir sans preuve, une copie dans la Diane de Gabies.

Une tête d'Artémis du Musée de Constantinople, découverte dans l'île de Mételin, reproduite par S. Reinach dans son « Recueil de têtes antiques » (3), rappellerait, en plus virginal, avouons-le, notre tête -de Poilhes. « Le profil est attique et présente les caractères -de l'atticisme antérieur à Praxitèle » ; en'particulier, une très légère saillie frontale suivie et précédée d'une dépression qui se retrouve dans les profils de femmes sur les lécythe-s blancs athéniens. La tête Giry offre cette même caractéristique saillie.

Une autre statuette d'Artémis du Musée de Vienne, provenant de Kittion, dans l'île de Chypre, inclinée comme la nôtre, montrerait, autant que les reproductions permettent d'en juger, les mêmes traits praxitéliens de grâce allies à la même réserve.

Qu'il s'agisse de la triomphante Cypris ou de la chaste chasseresse ou plus simplement d'une radieuse mortelle, la tête de Poilhes tire un particulier intérêt de cet ensemble de caractères dans le type et l'expression

(l) Coilignon. - Praxitèle. p. 87.

12) Rçiuach. — Têtes antiques. p. 105."

(3) H. id. p. 161-164.


qui font irrésistiblement songer à l'art et à l'esprit de Praxitèle et empêchent à la fois de l'y rattacher sans hésitation.

Le traitement régulier de la chevelure sans le « pittoresque » désordre praxitélien, cette absence de la petite boucle de cheveux au-dessus de l'oreille, détail qui ne se trouve guère avant la deuxième moitié du ive siècle, cette légère saillie frontale. et plus encore, celte tendre grâce sans voluptueuse langueur, tout cela peut incliner à attribuer ce morceau ou son modèle direct à un artiste de transition, « postphidiesque » qui précéderait Praxitèle tout en ayant ressenti son influence, ou bien encore à la jeunesse de Praxitèle lui-même.

Dans ces rapprochements intéressants nous n'oublions pas les minuscules. dimensions de I'oeuvre. qui nous occupe. Ce qui lui donne, nous semble-t-il, toute sa valeur esthétique c'est justement de pouvoir, dans des proportions aussi réduites évoquer de grandes statues et servir de base à de minutieuses comparaisons.

La tète de Poilhes ne paraît certainement pas une.

réplique industrielle tardive, la copie plus ou moins habile d'un adroit praticien, mais l'œuvre amoureusement caressée d'un ciseau d'artiste condensant la grande création d'un maître contemporain.

C'est sous cette forme réduite de statuettes que fut en grande partie diffusé le style de Praxitèle.

« Par leur nature, en effet, les statues praxitélien« nés supportent aisément la réduction : ramenées à la « dimension de statuettes, elles gardent encore quelque « chose de cet attrait qu'elles doivent à l'harmonie des « lignes et à la grâce des mouvements On comprend « que la sculpture d'appartement, si l'on peut ainsi « parler, ait volontiers cherché dans le style praxitélien « les éléments de son répertoire ». (Collignon. - Scopas et Praxitèle - p. 104).

Les fouilles de Priène, en Asie Mineure en ont fourni

*


de nombreuses preuves (1), que vient confirmer, à l'autre extrémitéde la Méditerranée, notre beau fragment trouvé à Poilhes L'action persistante de ce style, on peut même en

suivre la trace sous un format encore plus réduit, dans x les figurines en terre cuite de Tanagre ou de Myrina.

« Je puis penser, en contemplant une Tanagréenne, qu'elle garde dans ses yeux, dans le sourire de sa bouèhe, quelque chose de l'âme d'un Praxitèle », nous dit M. Pottier (Diphilos - p. 123).

Il est donc permis de croire, sans trop de complaisance, que la statuette de marbre que surmontait la délicieuse tête miraculeùsement conservée dans notre sol languedocien faisait partie de quelqu'une de ces cargaisons de luxe que les marchands grecs, dès le IVe siècle au moins, et bien avant sans doute, apportaient sur nos rives pour de riches amateurs des cités ibériques.

« Objet d'art » de grand prix, cette petite statue, haute

de 65 à 70 centimètres, et, enchassant dans le doux rayonnement de son marbre au palpitant modelé l'étincelant rehaut d'ornements en métal précieux ou en bronze .doré, pouvait figurer dignement dans quelqu'une des demeures d'Ensérune à côté de ces céramiques attiques dont la coupe de Meidias, joyau de la collection Mourèt, n'est que le plus magnifique, mais non l'unique spécimen.

Elle fournit, avec l'éclatante évidence de la beauté, une preuve nouvelle de l'idée chère à M. Mouret et qu'appuyait l'ensemble du résultat de ses fouilles. Il existait sur nos bords méditerranéens, en dehors des

(i) « Parmi les statuettes de marbre qui ornaient les demeures les plus riches, il en est qui paraissent être des adaptations libres des motifs qui lui sont familiers, des attitudes et des rythmes qu'il a créés ; tels sont les petits marbres montrant un jeune homme accoudé à une colonne, une Aphrodite apparentée de très près à la Vénus d'Arles, un Dionysos dont la coiffure éveille le souvenir du Saurcclone » (Collignon - id. - p. 104).


comptoirs et des colonies phocéennes, une « Gaule grecque ». où une population autochtone, — ibère si l'on veut — bien des siècles avant l'arrivée des légions de Rome, participait déjà à la culture hellénique la plus raffinée.

La trouvaille de Poilhes en même temps qu'elle accroît d'un nouveau type féminin une riche série de l'art grec, apporte encore une contribution à l'histoire des origines de la civilisation dans notre Gaule Méditerranéenne.

JULES LATREILLE.

Les photographies qu'illustrent cette note, malgré toute l'habileté de leurs auteurs, MM. L. Durand et A Clareton que nous nous plaisons à remercier de leurs effort, ne rendent qu'imparfaitement l'insaisissable beauté de notre marbre Le crayon magistral du remarquable dessinateur qu'est M.

Félix Cambon s'y est essayé également. Nous lui en exprimons notre vive gratitude. Mais sa science et son sens élevé de l'Art ont reconnu la difficulté de la tâche. Nous avons été heureux d'avoir de la bouche d'un tel savant artiste qui a dû scruter de près les détails de notre fragment, la confirmation autorisée de notre propre opinion : cette petite tète est une grande chose !

J L.


SÉANCE PUBLIQUE

POUR LA

DISTRIBUTION DES PRIX Des Concours de l'Année 1941

Présidence de M. Jules LATREILLE

1941 a vu la reprise des Concours annuels de la Société Archéologique. La séance traditionnelle de Distribution des Prix a eu lieu le Jeudi de l'Ascension 22 Mai, dans le Hall du Palais Consulaire.

M. Jules Latreille y préside entouré de M. Granaud, Président de la Chambre de Commerce ; de M. le Dr Cavalié, Vice-Président ; de M. le Dr Bergé, Trésorier; de M. Gondard, Bibliothécaire Archiviste ; de M. G. de Vulliod, Conservateur des Collections Numismatiques et de M. Ros, Secrétaire de la Société Archéologique.

M le Commandant Combescure, Président d'Arrondissement de la Légion Française des Combattants ; M. le Lieutenant Meunier, représentant M. le Lieutenant-Colonel Lanchon, commandant l'Ecole des Andelys repliée à Béziers ; M. Baradat, Vice-Président du Tribunal Civil ; M Hue, Président du Tribunal de Commerce ; Mgr Blaquiére, Archiprêtre de la Cathédrale St-Nazaire ; M. Vignon, représentant M. Albertini, Sénateur, Maire ; M. Arnaud, Inspecteur Primaire, avaient tenu à rehausser de leur présence l'éclat de cette solennité.

Une assistance d'élite garnissait la salle entière et les dames y figuraient plus nombreuses, cette année encore que lors des précédentes années.


M. Jules Latreille ouvre la séance à 20 h. 45 par le discours suivant :

MESDAMES ET MESDEMOISELLES, MESSIEURS,

En vous invitant à sa Séance solennelle du jour de l'Ascension, — dans cette magnifique salle où la Chambre de Commerce veut bien lui offrir une si généreuse hospitalité — la Société Archéologique de Béziers n'a pas crû vous convier, ce soir, à une simple fête académique, un peu vaine. Il lui plaît de penser au contraire que les circonsances exceptionnelles où nous vivons confèrent, cette année, à cette paisible réunion, à ses prix et à ses pacifiques discours, une portée plus vaste, et, oserons-nous dire, un sens civique qui déborde le : cadre municipal. Cette traditionnelle assemblée, transposant sur le plan de l'esprit, les lointaines réjouissances populaires de « Caritats », a pris, depuis plus de cent ans. une place qui fut grande dans la vie de Béziers.

Interrompue l'an dernier, par la mort de notre Président et les angoisses déjà poignantes de l'heure, cette coutume revit aujourd'hui, non pas certes dans la joie d'une fête, mais bien plutôt avec le caractère grave d'un rite et d'une tradition perpétués.

Au milieu de l'atroce déchaînement des forces matérielles, au-dessus des préoccupations d'ordre pratique et alimentaires les plus pressantes, une réunion telle que la nôtre, les travaux désintéressés qui l'occupent, votre présence et l'attention que vous voulez bien leur prêter manifestent clairement le souci de réserver comme un refuge, la volonté de préserver, en dépit de tout, ces biens suprêmes : les droits de la pensée et la primauté de l'esprit.

Notre Compagnie ne s'est jamais enfermée dans une tour d'ivoire, dans un cénacle d'érudits hors du temps.


Par ses concours, par ses séances publiques, par de multiples initiatives : (l'érection de la statue de Paul Riquet, la création du Musée lapidaire, les souscriptions pour la restauration de St-Nazaire, de son bourdon n'en sont que les plus remarquables), elle s'est toujours efforcée de prendre une part agissante à la vie de la Cité.

Aujourd'hui, au terme de l'année la plus douloureusement tragique de l'histoire de notre Patrie, au cours de ces heures incertaines et si lourdes où s'élabore confusément son avenir, la Société Archéologique de Béziers, en renouant, par cette Assemblée une tradition séculaire, en poursuivant, en toute simplicité, ses habituels travaux, croit s'associer à son rang et de son mieux, à l'esprit qui anime et veut rénover notre pays.

Dans la connaissance familière de l'histoire de notre sol, et de ses plus lointaines vertus, elle veut puiser, , même au cœur des ;plus dures épreuves, 'une confiance angoissée, mais ferme, dans son destin. Ce double sens de son activité : (mémoire pieuse du Passé, inébranlable foi dans l'avenir), notre grand Mistral (l'immense honneur de l'avoir compté, depuis 1861, comme membre,, illustre à jamais notre vieille Compagnie), notre sage Mistral, promu poète civique, nous en a légué, en deux vers dorés, la chantante et magistrale formule : « Ùoù passai la remembranço, E la fé dins l'an que ven ! »

Cette fidélité du souvenir, notre Compagnie la manifeste d'abord,. par l'hommage qu'elle rend en cette Assemblée annuelle à ses membres disparus au.cours des mois précédents.

Son deuil est pai ticulièrement grand cette année, et singulièrement lourde la tâche de le commémorer dignement.


.11 y a un peu plus d'un an (le 16 février 1940), la Société Archéologique perdait son Président M. le Commandant Baret. En me confiant, malgré moi, la charge de lui succéder à cette place, la trop flatteuse, l'aveugle bienveillance de mes confrères m'a fait un honneur immérité dont je ne sens que trop en ce moment, tout le redoutable poids M. Baret était un incomparable Président qu'on ne remplace pas ; et le grand vide qu'il laisse dans notre Société n'est pas près d'être comblé.

Pour retracer, comme ils le méritent, son rôle éminent et son œuvre, pendant ces dix-sept années, il faudrait posséder ce don de vie qu'il prodiguait, vous vous souvenez avec quelle généreuse flamme, dans ses éloges funèbres.

Ce digne hommage lui a d'ailleurs été rendu avec une éloquente autorité, au lendemain de sa mort, en une séance privée, par celui qui devrait, en toute justice, occuper ce fauteuil, notre très distingué Vice-Président M. le D' Cavalié. Mais il convient néanmoins que la mémoire du Commandant Baret soit honorée encore une foie, en cette séance annuelle qu'il anima si longtemps, de la verve de sa 1 arole, de la vigueur de son esprit, de la rayonnante chaleur de sa présence.

La forte, l'originale personnalité du Commandant Baret s'imposait, partout et aussitôt, avec une incontestable évidence.

Je l'avais précédé de quelques années dans notre Compagnie. Je me souviens encore de l'impression que lit (c'était en 1924), dans nos tranquilles et partois un peu somnolentes réunions d'hiver, l'entrée, en la personne de ce jeune capitaine de vaisseau en retraite, d'une aussi débordante activité. Il y apportait, une rondeur et une fougue toutes militaires qu'il venait de montrer brillamment, pendant des années de guerre, à son poste de commandement de sous-marin.


Ce vaillant et savant officier, dont la fière indépendance de caractère s'alliait à une intransigaante concep-, tion de la vérité et du devoir, n'entendait pas, dans sa

retraite, «e vouer à de stériles loisirs. Sa vive intelligence, sa capacité étonnante de travail, son enthousiaste ardeur apportaient à l'histoire -et à l'archéologie un capital de forces qui ne demandaient, sur ce terrain encore, qu'à servir utilement.

Il prit d'emblée, et par une sorte d'unanime consentement, dans notre Compagnie, une place dé premier plan.

.Choisi aussitôt comme Bibliothécaire-Archiviste, il ne tarda pas à se révéler très habile paléographe, et à faire dans nos propres archives, d'intéressantes découvertes. Il mit au jour, il publia, tout d'abord, des parchemins du xive et du xve siècles demeurés inutilisés sur nos rayons. Il préludait ainsi à cette carrière d'érudit et d'historien à laquelle il allait, avec une sorte de passion, consacrer le reste de sa vie, et où il devait, grâce à l'ampleur de ses connaissances aussi bien que par une sorte de bonheur dans les trouvailles de textes, - faire surgir de l'ombre, tant de pièces inédites et, en éclairer par de nombreux rapprochements, en ressusciter (comme il aimait à dire), tant d'épisodes et de figures de notre passé régional.

Notre Bulletin où ces travaux ont paru pour la plupart (quelques-uns ont été publiés par les « Cahiers d'Histoire et d'Archéologie), s'est enrichi, durant ces années, d'une masse d'études et de textes originaux qui.

y rappellent les temps féconds des Azaïs, des Sabatier, des Noguier et des Soucaille. Même après la riche, moisson de tels prédécesseurs, M. Baret sut glaner encore de rares épis dans le champ de notre histoire.

Grâce à lui, notre Bulletin, a continué de constituer le recueil tenu à jour de nos annales biterroises, et mieux que le vénérable manuscrit de Jacques Mascaro, du


XIVe siècle, de mériter le nom de « Libre de Memorias » de notre ville.

La longue liste des travaux du Commandant Baret a été dressée et publiée d'une façon exhaustive par les soins diligents de notre Secrétaire général. Cette simple énumération serait peut-être la forme d'hommage qu'aurait préférée son caractère ennemi de tout apparat.

Elle dit plus éloquemment que nos phrases l'ampleur, la variété, la continuité de son labeur.

Délibérations consulaires et nombreux épisodes curieux et divers de la vie municipale depuis le XIVe siècle, remis à jour sur pièces inédites — Notes sur St-Nazaire, son chapitre, ses orgues et ses cloches riches de neuves précisions — Importantes études sur la « Vente des biens d'églises, dans le diocèse de Béziers, à la fin du xvie siècle», sur le Trafic maritime de Béziers au Moyen-Age », nourries de textes originaux et de thèses nouvelles, lues et remarquées dans le Congrès de la Fédération Histoiique. Amusantes histoires de « l'Affaire de la Dime des olives et des lins, en 1485 », d'un « Procès de sorcellerie à Béziers au XVIIIe siècle » — où l'ironie la plus savoureuse assaisonne plaisamment la plus solide érudition.

Vivantes et pittoresques biographies alliant la sympathie à l'humour, du Père Bonaventure, aumônier militaire du Duc de Montmorency, mort héroïquement; du dernier grand archidiacre de Béziers, François de Barrés, mort non moins noblement sur l'échafaud, d'autres encore. et enfin, et surtout, cette histoire d'un officier biterrois, Antoine de Pradines d'Aureilhan, au Canada, sous les ordres de Montcalm, ce dernier et considérable travail où l'àme de soldat de l'auteur est venue teinter d'une prenante émotion sa science évocatrice pour composer à la gloire de ces Languedociens héroïques et aventureux un chef-d'œuvre digne de figurer dans


l'histoire générale de notre expansion française à travers le monde.

Mais la curiosité et le savoir de notre historien ne se bornaient pas à la seule ville : terrien, il les étendait avec une égale ardeur à tout le terroir biterrois. Agde, Vendres, Sérignan, Villeneuve, Thézan, Boujan, SaintGeniès-le-Bas, d'aulres villages encoré, les domaines de Coussergues, de Preignes, pour commencer avaient été tour à tour, cu-rieusemenl éclairés par ses recherches, C'était là le terrain vraiment neuf qu'il réservait à ses efforts futurs.

-. Dès 1930, dans son premier discours présidentiel, il se traçait à lui-même autant qu'à ses successeurs, un vaste programme capable de remplir plusieurs vies.

j( Que de questions du plus haut intérêt laissées .dans l'ombre 1 -.disait-il — « Notre pays biterrois a été de «_tout temps essentiellement agricole ; personne n'a « encore entrepris l'étude historique de notre terroir à ce point de vue particulier. Et cependant que de « questions à élucider !

« Comment est née la propriété ? Comment se sont formés les beaux domaines, orgueil de la plaine et des côteaux biterrois ? VoMà encore des sujets tout neufs.

Comment a évolué l'agriculture sur le vieux sol jadis remué par les charrues gauloises et romaines ? »

Ne croit-on pas entendre dans ces questions, étroitement uni à l'ardente passion du savant comme un écho de l'atavique amour du sol fécondé par le labeur paysan?

Hélas, toutes les pages qu'il a laissées sur ce sujet ne sont que glanes parmi tout ce qu'avait amassé, beaucoup plus que ses notes, son infaillible et avide mémoire !

Elles ne constituaient dans l'esprit du Commandant que les pierres d'attente du grand travail d'ensemble qu'il iêvait, mais qu'avec son scrupule d'exactitude et sa sévérité critique, il n'édifiait que lentement dans sa pensée.


Cette ample étude sur le Pays (le « Pagus ») biterrois et ses domaines ruraux, qui manquait, disait-il, et qUi aurait fait date dans l'histoire languedocienne a été emportée avec lui, dans la tombe, en même temps que d'innombrables détails de notre passé, de nt il possédait dans son esprit la vivante tradition.

Le passé, ce passé local surtout, vécu Mir ce m ê me sol, par des hommes de notre sang, n'était pas, en effet, pour lui, chose inerte dans la poudre des archives. 11 vivait familièrement, jovial et railleur, entre Monlibel et Cannau, parmi ces bons bourgeois biterrois ou ruraux, hommes de robe ou de petite noblesse, dont il savait les habitudes, la fortune, la demeure, la parenté, les amitiés et tes querelles ; chanoines prébendés et processifs, gens de loi et de chicane, qu'il daubait un peu, apothicaires et médecins pour qui il avait des traits moliéresques. Ses études imprimées ne rendent qu'à demi la plaisante et gaillarde verve qu'il leur donnait en les lisant Sa narquoise bonne humeur ressuscitait vraiment, certains soirs, quelques-unes des figures de l'ancien Béziers où il semblait avoir vécu. Vous vous rappelez peut-être, ici même, le début de son discours à l'occasion du Centenaire de la Société : il évoquait, d'une intense manière, d'après un rapport de police, les conciliabules, les chuchotements mystérieux sur les Allées de nos fondateurs. Du ton dont il rapportait leurs propos on eut dit qu'il s'était joint à leur groupe sous les maigres mûriers de 18IU.

Ces qualités d'animateur qu'il apportait dans son œuvre d'historien, le Commandant Baret les avait mises avec un dévouement et une autorité sans égales au service de notre Compagnie.

Rapporteur-né en quelque sorte, dès son admission, du concours des mémoires historiques, il y prodiguait chaque année, l'érudition la plus variée, le sens critique le plus aiguisé unis à un savoureux humour. Ne twu-,


vait-il pas, à propos d'un travail sur Castelnaudary, le moyen dé rappeler sans disparate, « les perdreaux parfumés, les cailles dodues et le délectable et divin cassoulet » : toutes choses qui n'étaient pas encore devenues souvenirs archéologiques !

De la préhistoire à la vie de la deuxième Duchesse d'Otrante, rien n'était étranger à sa science critique Il recréait vraiment les sujets dont il entreprenait l'examen. Par l'agrément du tour, par l'aisance et la variété s du savoir, il a taissé dans ces prestigieux rapports les modèles sans conteste du genre.

Acclamé Président en 1929, à la retraite du Dr Vinas, il dépensa les mêmes trésors d'originale verve et d'alerte intelligence dans ce discours présidentiel, périlleuse épreuve qu'il faut avoir l'ingrate tâche de subir, et d'imposer en même temps à un auditoire, pour en apercevoir toutes les difficultés. Il savait vivifier ce tour d'horizon, cette monotone histoire de la vie delà Société, et s'évader de la contrainte du discours académique par quelque chaleureuse évocation du Béziers d'autrefois.

Rappelez-vous seulement, ou mieux relisez, car elle le mérite, cette page débordante d'émotion sur la cloche < de St-Nazaire restaurée, notre vieux Bourdon à qui il avait contribué au premier rang et de tous ses efforts, à redonner en même temps que ses titres de noblesse, la vie et la voix. C'est sur ce chant de la cloche, âme de la cathédrale et retentissant écho de la cité, où il s'abandonnait à une sorte de lyiisme inaccoutumé, que s'est arrêtée ici pour toujours sa propre voix. Quelques mois après, la cloche rendait à juste titre, un funèbre salut à celui qui l'avait si noblement célébrée Pendant dix années, son '« enthousiasme juvénile » (ainsi qu'il le qualifiait lui-même un jour), renouvelant le miracle, de cette chaude et sonore voix de commandement que vous entendez encore, M. Baret a réussi à


donner à ce contact annuel de la Société Archéologique avec son fidèle public, à cette périodique affirmation de sa vitalité, un éclat et un prestige inoubliés.

Cette même autorité, cette même impulsion marquèrent, au profit de la Société, tous les actes de sa présidence.

Il la représenta brillamment, par des communications écoutées, aux Congrès de la Fédération Histoi ique du Languedoc et du Houssillon, et M. le Doyen Fliche voulait bien m'écrire, ces jours derniers encore, tout le prix qu'il avait attaché à sa collaboration.

Par lui, notre Compagnie, fidèle à son programme, s'est associée activement à toutes les manifestations de la vie intellectuelle de Béziers, au cours de ces dernières années.

Sur le plateau d'Ensérune, le Commandant Baret mué avec le même bonheur en archéologue, aida M Mouret dans ses ultimes travaux et recueillit ses leçons.

Par eux, par d'autres de ses membres qui les continueront, notre Société aura maintenu ses droits et ceux de sa ville sur ce haut lieu où soufïle le plus antique esprit de notre sol.

Le Musée du Vieux Biterrois, l'heureuse réalisation de M. Marcel Biscaye qu'avait d'ailleurs appelé plu- sieurs fois de ses vœux, le Dr Vinas, dans cette assemblée annuelle, le Musée du Vieux Biterrois intéressa dès ses débuts, notre Président, et il y associa pour une large part notre Société. C'est sur son avis qu'elle confia à ce musée, complémentaire de son propre rôle, quelques unes de ses plus belles pièces juque-Ià jalousement gardées dans ses collections.

La réfection de la cathédrale de St-Nazaire, la restauration de son admirable sacristie, la refonte de son Bourdon, telles sont encore, énumérées en courant, quelques-unes des œuvres biterroises essentielles auxquelles le Commandant Baret apporta un concours


important par une inlassable action qu'appuyèrent les souscriptions ouvertes par notre Société.

Nos fêtes du Centenaire enfin, en 1934, forment l'apogée et. le couronnement magnifique de sa présidence. Cette célébration de la fondation de notre Compagnie, cette juste glorification de son rôle dans la vie biterroise d'un siècle, lui tenait à cœur et fut vraiment son œuvre Il déploya dans son organisation toute son infatigable activité. Pendant trois mémorables journées, il se multiplia et se montra, auprès de la foule charmée de nos invités, l'animateur, l'entraîneur, le Commandant en un mot qu'il avait été dans de moins pacifiques occasions. Le succès de ces fêtes accrut le renom de la Société Archéologique et rejaillit même un peu sur Béziers. C'est à son Président qui en fut l'àme qu'elle doit en reporter l'honneur et le bienfait.

Pardonnez-moi si je m'attarde à vous entretenir, aussi longtemps de lui. Quelles que soient les insuffisances de celui qui parle en son nom, notre Compagnie ne dira jamais trop l'étendue de sa perte et de son regret. Le nom du Commandant Haret et son vivant souvenir seront conservés parmi nous avec une durable gratitude. Il mériterait de survivre aussi dans la mémoire, et, peut-être sur les murs de ce Béziers qu'il a, d'une si généreuse passion, servi et aimé.

Notre Société avait encore perdu, au cours de l'année 1939-40, M. Pierre Coste, de vieille famille biterroise ; M. Miquel, de Barroubio, archéologue et préhistorien connu, et M. René Fournier, poète majorai du Félibrige. Leur éloge a été dignement fait par notre VicePrésident, dans nos séances privées, et l'on a pu en apprécier la délicate pertinence dans notre dernier Bulletin. Est décédé aussi un de nos plus anciens membres correspondants, M. l'abbé Rivez, numismate lodévois. Plus loin encore remonte la perte mémorable


d'un de nos confrères, M. Félix Mouret, dont l'œuvre universellement connue a ajouté du prestige à notre Société aussi bien qu'à notre ville. De lui aussi, nos Bulletins contiennent une ample commémoration sous la forme des discours prononcés à ses obsèques par le Président Baret qu'on n'aurait pas cru appelé aussitôt à le suivre, par M. l'abbé Sigal, son continuateur, et de la biographie, riche de science et de regret que lui a dédiée des armées, son jeune disciple notre confrère M.

Gondard.

Je n'y reviendrai pas, sinon pour faire entendre encore une fois, en séance publique ces noms estimés et pour tirer de leur rapprochement une leçon à la gloire de notre Compagnie.

Un officier, un marin, « grand déchifft-eur de chartes et de textes »; un propriétaire terrien, une sorte de gentilhomme campagnard humaniste, se découvrant une vocation d'archéologue et y faisant une retentissante carrière; un autre rural, obstinément attaché à sa terre, de Barroubio, à son coin perdu du Minervois et du StPonais, et consacrant toute sa vie à l'explorer et à le faire connaître; un prêtre érudit; un professeur enfin de hautes qualités morales, membre distingué de l'enseignement primaire, directeur d'Ecoles, proète délicat du « Cor en flour », savant connaisseur en langue occitane et consacré comme tel, par ses pairs, félibre majorai,— telle est la diversité des origines et des travaux de nos membres qu'en un raccourci significatif nous offre cette nécrologie. Telle est l'image, une et diverse, que présente et que voudrait conserver notre Compagnie : une réunion d'hommes différents par la nature de leurs occupations, mais rassemblés par un goût commun de la recherche désintéressée, par un amour semblable de leur terre et de son histoire, par un même désir de se faire les serviteuis et les mainteneurs de sa tradition.


De bons mainteneurs, notre langue méridionale n'en a jamais manqué parmi nous.

Dès l'origine, nos fondateurs voulurent lui restituer ses titres de noblesse en la mettant dans nos concours sur le même rang que le français. Si nous déplorons en la personne de M. Fournier la perte d'uri bon majorai du félibrige, nous pouvons en même temps nous réjouir d'en acquérir deux autres. Notre confrère M. le professeur Jean Ladoux, poète et savant philologue dans tous les dialectes d'oc, vient d'être élevé à ce titre, et j'ai le plaisir de l'en saluer cordialement. Cette même dignité de félibre majorai appartenait déjà à notre nouveau et sympathique confrère M. Teissier qui, en toute compétence aussi bien qu'avec le goût le fplus jsûr d'un poète, va nous donner le rapport du concours de poésie en langue occitane.

La langue « mairalo » conservé heureusement parmi nous tout un groupe de fervents à qui ne font défaut ni Ja flamme poétique ni le généreux « estrambord ». Avec la langue, ils se plaisent à faire revivre, à rajeunir les coutumes, les jeux, les formés traditionnelles de la vie, tout ce qui est issu, comme un fruit naturel du terroir natal, et mérite de ne pas subir l'inexorable loi du temps. Par une telle action, la Société Archéologique proclame, redisons-le, sa volonté de ne pas s'enfermer jalousement dans l'étude du passé, mais d'y puiser des exemples et des ferments de vie.

En plus de M. Tèissier que je viens de nommer, la liste de nos nouveaux membres élus, depuis 1939, à titre de résidants ou de correspondants comprend de nombreux noms de confrères que j'ai le très agréable devoir de saluer et d'accueillir amicalement parmi nous.

Ce sont : M. le chanoine Thomas, le distingué curé de notre vénérable basilique de St-Aphrodise, déjà connu par de savantes recherches à Bessan. - M.

Pierre du Lac, dont le nom a toujours été honorable-


ment représenté dans cette Société. — M. l'abbé Maurin, versé dans les travaux de littérature mariale et l'étude du moyen-àge religieux allemand. — M. Tel, érudit en topographie biterroise. — M. Lucien Jamet, M. Louis Blanc, professeurs au Collège d'Agde ; M. Georges Clauustres, archéologue, de Cuxac-d'Aude; M. le Dr Raphaël Gayraud, dont nous saluons en même temps la récente promotion dans la Légion d'Honneur; et qui va faire ses débuts par l'épreuve classique du rapport sur le Concours de Poésie française.M. le Dr Marc. Madame et M.

le Dr Gleizes, rare exemple de double et conjugale admission; MM. Roger Vérriès et Justin Pons, qui servent avec un dévouement éclairé, dans d'autres milieux, la viticulture et qui auront donc toute compétence, pour en étudier, chez nous, l'histoire; M. Léon Grégoire; M. Jules Baudou enfin, venant compléter ce groupe agathois qui finit par former une sorte de section au sein de la Société Archéologique.

Par ses recherches d'archéologie, par la création et la mise en valeur d'un intéressant Musée, ce groupe actif de travailleurs a déjà fait beaucoup pour sa vieille cité maritime. Nous serons heureux d'aider leurs efforts et d'en bénéficier à notre tour. L'ibère Betarraet la grecque Agathé ont dû voisiner et se compléter dès l'aube si reculée de leur histoire.

Un de ces distingués confrères d'Agde, nous apporte déjà un précieux concours. M. le Dr Picheire a publié cette année, une parfaite monographie, d'une très sùre et très élégante érudition, sur l'Eglise romane de Formiguères, en Capir. Il appliquera, dans un instant sa science: et son esprit critique à juger les travaux, pas très nombreux, malheureusement, présentés à notre Concours de Mémoires historiques.

Se féliciter des honneurs rendus à ses membres est une traditionnelle joie de notre Société Elle en a cette année encore une sérieuse raison. Un de nos confrères


les plus éminents, et qui lui a donné plus d'une fois, l'occasion de le complimenter, Monsieur — ou plutôt non — Monseigneur l'Archiprê're Biaquière a été élevé à la dignité de protonotaire apostolique. Qu'il soit permis à la Société Archéologique de le saluer avec une respectueuse cordialité de ce nouveau titre. Si l'Eglise reconnaît ainsi les hauts mérites du prêtre, ses confrères, et tous ses concitoyens apprécient chaque jour les magnifiques services que le savant et éloquent archiprêtre, par ses écrits, par sa parole, par ses actes, rend à son illustre cathédrale et à la cité biterroise toute entière.

Autant que les disparus et les nouveaux, une autre catégorie de nos confrères doit, cette année, recevoir de nous une mention particulière et une affectueuse pensée ; ce sont les prisonniers. MM. Caussade, Camproux, Jean Bernard et Claustres sont retenus loin de leur terre languedocienne. Qu'ils sachent, et puisse ce vœu, s'il leur parvient, adoucir leur nostalgique peine, qu'ils sachent que leurs confrères de la Société Archéologique y attendent impatiemment le jour où ils pourront les recevoir avec honneur et les associer, dans la paix revenue et la patrie retrouvée, à leurs consolants travaux !

Ces travaux, notre Compagnie a crû faire simplement son devoir, en les reprenant tout naturellement, dès cet hiver, avec une tranquille application. Quelques modestes qu'ils paraissent, elle ne les croit ni inutiles ni vains.

Dans la France d'aujourd'hui, si humble que soit le champ, il n'y a pas d'inutiles sillons. Les membres d'une Compagnie telle que la nôtre savent rehausser le prix de leurs éphémères efforts par la conscience qu'ils gardent de collaborer à une œuvre collective qui les dépasse ét qui leur survivra.

Une sorte d'émulation a multiplié les communications et les causeries de nos réunions bi-mensuelles.


Notre Secrétaire, M. Ros, en plus des soins nombreux qu'il prodigue à la bonne marche de la Société, a apporté encore sa contribution personnelle à nos études.

Il a publié sur le « Ban des vendanges à Béziers, en 1746 », des documents, devenus l'automne dernier d'une particulière actualité, et qui ont leur place au Musée du Vin. Archéologue militant, il nous a donné aussi un compte-rendu d'une scientifique précision sur ses fouilles, en compagnie de M Rouanet, au Pioch du Télégraphe, non loin de Montagnac (refuge important du néolithique à la période wisigothe).

M. Gondard qui possède son petit fief sur le domaine sacré d'Ensérune, nous a exposé l'antique système de captation des eaux qu'il y a découvert. Il en connaît aussi parfaitement les abords. Il nous a entretenu, en s'appuyant sur la Charte même qui en remonte au XIIIe siècle, du plus vieux syndicat de France, toujours bien vivant puisqu'il en est l'actuel secrétaire, et qui, régi par ses anciens statuts, assure depuis le Moyen-Age, l'assèchement de l'ancien étang de Montady, dont les eaux venaient baigner le pied de la colline ibère Remarquable exemple d'une institution privée qui a traversé les siècles répondant aux mêmes nécessités terriennes qui l'avaient fait naître : modèle-type de permanence d'une fonction.

M. Coulouma lui, a fait sienne depuis des années, de toute son activité inlassable d'archéologue, la colline de Monfau, près de Magalas. il nous a développé les résultats de ses dernières fouilles sur un site où il a déjà fait de remarquables trouvailles et qui ne lui a pas encore livré tous ses secrets. De même nous a-t-il parlé (car il ne borne pas, vous le savez, ses recherches sur un point), de ses travaux à la Monédière.

Il a décrit enfin, devant nous, après l'avoir suivi minutieusement sur le terrain, avec un grand luxe de relevés topographiques et de photographies, le tracé de


la voie Domitienne, depuis l'Hérault jusqu'à TOrb, sous les murs de Béziers. Cette étude si diligemment fouillée, (que quelques-uns de nos confrères compléteront peutêtre, en suivant la même voie un peu plus loin), présente un intérêt archéologique d'ordre général indis cutable. Elle apporte, sur une grande voie romaine classique, des précisions de faits inédites et quelques neuves hypothèses. Elle semble bien démontrer, enparticulier, que notre Pont-Vieux, plus vieux que ce que l'on croit communément, garde sous un revêtement extérieur du Moyen-Age, une structure et une origine romaines. Un maître aussi autorisé, ?n ces matières que M. le Professeur Albert Grenier, au cours de sa récente visite de Béziers, voulait bien nous assurer que telle était son opinion.

M. le Dr Coste nous racontait un autre soir, avec beaucoup d'esprit, et une parfaite élégance dans le récit, d'après un document en sa possession, le passage d'un

envoyé du Sultan au xvn9 siècle, dans le Languedoc.

M. Niel qui ajoute une aimable plume à son habile archet, faisait revivre, dans une évocation pleine de charme attendri, son vieux quartier St-J acques, cet ilôt si foncièrement biterrois entre la Tible et les Arènes.

Cette causerie, documentée,mais nourrie encore plus de souvenirs, de traditions orales, sera aussi précieuse aux historiens futurs de Béziers qu'elle fut agréable pour nous.

Nos félibres eurent également leur place à côté de nos archéologues. M. Ladoux disserta savamment sur quelques étymologies languedociennes curieuses.

M. Beaumadier nous produisit le contrat d'apprentis: sage d'un hautboïste en Agde, au XVIIIe siècle, et il fit revivre, il fit danser, dirais-je, avec une entraînante verve d'ordonnateur et de meneur de jeu, nos anciens ménétriers de Languedoc.

M. Jouves étudia la mort de Napoléon, et esquissa


l'histoire de la commune de Grenade-sur-Garonne avec une filiale précision.

Notre aimable confrère, Madame Tiffy qui voulut bien égayer de sa présence toutes nos réunions, enrichit la dernière d'un substantiel exposé synthétique sur le Folk-lore, son but et ses méthodes, savant sujet dont les détails et la pratique lui sont familiers.

Mentionnerais-je, pour ne rien oublier, les comptesrendus bibliographiques par M. Ros de la remarquable monographie de M. le Dr Picheire sur l'Eglise romane de Formiguères en Capir, et, par le Président qui fut bien obligé de marquer autrement que par un discours son entrée en fonction,un autre compte-rendu: celui de la savante étude juridique et historique de notre distingué confrère, le Professeur à la Faculté de Droit de Montpellier, M. Pierre Tisset, sur une charte auvergnate du XIVe siècle.

La publication dans les Mémoires de iAcadémie des Inscriptions de Toulouse du journal de voyage inéd i d'un capitaine des gardes de Louis XIII en Languedoc, en 1622, me fournit aussi l'occasion d'esquisser un tableau de Béziers vers cette époque. Il était important surtout de recueillir dans notre Bulletin les amusants fragments de ces Mémoires relatifs à Béziers, et de ne pas laisser perdre pour la petite histoire de notre ville la rare aubaine d'un tel document.

Mais quels qu'aient pù être l'importance et l'intérêt de tous ces travaux, ils ont été singulièrement dépassés par la simple présentation, un soir de cet hiver, d'une petite figure antique de marbre. M. l'Abbé Giry, notre aimable confrère, de spéléologue transformé par son habitat, en non moins actif archéologue, nous montrait la magnifique trouvaille que le hasard bienveillant avait offert sur les terres de sa paroisse de Poilhes, non loin d'Ensérune, en prémice à sa jeune ardeur. Notre admiration fut unanime à s'exalter devant cette radieuse,


cette souveraine présence de la beauté. Le Président qui ne se connaît d'autres titres qu'un amour profond et quelques clartés des choses de l'Art, voulut voir une sorte d'heureux augure dans la remise au jour par notre Société de ce précieux morceau de la sculpture grecque dont il se plût à souligner le rare mérite. Sa reproduction illuminera notre prochain Bulletin auquel une telle publication donnerait, en des jours moins sombres et dans un monde moins bouleversé, un intélêt et une valeur certaine auprès des connaisseurs de l'art antique en tous pays.

Il s'agit d'une petite tête, fragment à peu près intact, ayant miraculeusement gardé dans le sol où elle a dormi si longtemps, la fleur délicate à peine éraflée de son marbre, d'une tète d'Aphrodite, réplique exquise en sa grâce mesurée, grecque, certainement, à notre avis, et du ive ou du début du IIIC siècle avant notre ère, d'un type de Praxitèle. Gracieux reflet presque chaste de ses illustres sœurs de Cnide et de Milo, notre Aphrodite (nommons-là de Poilhes), n'en est pas moins de la même famille de séductrices, et dégage de toute la moelleuse langueur de ses traits, le même irrésistible charme.

Apportée, sans doute, pour quelque amateur éclairé, des rivages de l'Attique aux pentes d'Ensérune, ainsi que la coupe célèbre de Meidias et tant d'autres richesses céramiques, notre statuette offre un nouvel et éclatant témoignage de la haute antiquité de la culture et du goût le plus raffiné sur le sol de notre pays. Notre « Gaule grecque » comme aimait à dire M. Mouret, connaissait, plusieurs siècles avant l'arrivée des légions de Rome, les gràces et les bienfaits de la civilisation.

Dans la résurrection à la lumière de notre ciel méditerranéen, de cet immortel sourire de la déesse, il vous plaira peut-être, Mesdames et Messieurs, de voir avec nous, au milieu des tristesses et des incertitudes de ces


heures, comme un fragment retrouvé d'un antique héritage, comme un symbole des forces secrètes toujours prêtes à resurgir de notre terre, comme un gage et une radieuse promesse de renaissance.

Toutes proportions gardées, une autre agréable surprise nous est advenue cette année au Concours de la fondation Capdeville. Le Devoir, sujet imposé à nos candidats ne nous vaut trop souvent, je ne vous le cacherai pas, que d'honorables mais austères poèmes, pensums moraux pour le jury comme pour les concurrents, d'où la poésie est bien des fois absente. Ce concours-ci nous a donné au contraire la joie rare de lire une pièce importante d'un de nos compatriotes, M.

Alban Viziers où l'idée morale exposée sans didactisme, a fait sourdre un flot ruisselant de poésie. Je ne voudrais pas empiéter sur le rôle de notre rapporteur, mais qu'il me permette de dire d'un mot, mon sentiment personnel sur cette « Ode au Devoir » que son auteur vous lira lui-même tout à l'heure. A travers quelques apparentes obscurités d'un lyrisme qui se souvient de Paul Valéry plus que de Malherbe, elle chante, avec une variété musicale de rythme, et sous une profusion de fraiches images, elle exalte symboliquement avec une émouvante sincérité, une conception très vaste et très actuelle du Devoir. Base et moteur des nations, des cités, des foyers, loi sainte du monde, qu'offusquent les horreurs de la guerre, et qui consiste, dans notre Patrie blessée à garder, avec le rêve du retour de la paix, le goût du travail, l'amour des hommes et de la joie humaine, l'indéfectible espérance. Marquons d'une pierre blanche le concours qui a fait éclore dans nos murs, ce poème d'une très haute et très harmonieuse inspiration.

Il est grand temps que je m'arrête : mais je ne saurais le faire encore, Mesdames et Messieurs, sans vous signa.

ler l'œuvre la plus mémorable à laquelle notre Société a


la satisfaction et l'honneur d'avoir, presque à son insu, collaboré.

Dans peu de semaines va paraître, sous le nom "de « Pages d'Histoire biterroise » un petit livre dû aux soins de notre Secrétaire M. Ros, à l'intelligent dévouement de qui nous devons rendre un public témoignage de reconnaissance.

Notre confrère, M. André Clareton, continuant la tradition des éditeurs éclairés de Béziers, les Pech et les Martel, a très libéralement voulu attacher son nom à cette édition Son généreux empressement, sa compétence technique, ont fait merveille, et, réunissant les concours dévoués de dessinateurs et de photographes, il aura réussi ce tour de force en ce moment de faire imprimer, d'illustrer et de mettre au jour, dans quelques mois, le précieux petit volume que vous verrez bientôt.

Il ne s'agit pas d'une entreprise de librairie, mais d'une œuvre d'une très actuelle utilité, d'un effort qui répond à un désir et à un besoin nationaux. Les « Pages d'Histoire biterroise », viennent à leur heure, ainsi que le dit dans son éloquente préface M. le Professeur Fliche, au moment où l'enseignement de l'histoire locale à l'école fait partie du plan de reconstruction intellectuelle et morale de la France. Grâce à l'un de leurs maîtres — (qui prouve par là, ce dont nous avons d'autres témoignages dans chacun de nos concours : le rôle éminemment utile et bienfaisant que peut jouer le corps mieux dirigé des instituteurs) — gràce à l'un de leurs maîtres, les écoles du Biterrois seront des premières à posséder l'indispensable manuel de l'histoire de leur pays : et avec elles, tous ceux qui s'intéressent à ce passé, en trouveront là d'authentiques tableaux.

Pour composer ce volume, — qu'on me permette de répéter ce que j'ai dit ailleurs — l'auteur a recueilli dans l'imposante collection de notre Bulletin cent pages


éparses, il a mis en ordre et en valeur tout l'essentiel de la vie et de la figure de Béziers à travers les âges ; non pas une Histoire suivie, mais un Tableau évocateur des monuments et des coutumes aussi bien que des hommes. Bien qu'il s'en défende modestement, sa part est prépondérante dans cette mise en œuvre, ne fut-ce que par l'initiative et le choix. Mais il n'en reste pas moins vrai qu'avec lui ont collaboré tous ceux de notre Société qui, au cours de sa longue existence, ont consacré quelques études à l'histoire de notre cité. Par ce livre, nos érudits et laborieux devanciers, artisans modestes et désintéressés d'une œuvre commune considérable, vont trouver une plus vaste audience auprès d'un public élargi.

Remercions et félicitons M. Ros. Il permet à notre vieille Société, en ce moment de révision des valeurs nationales, de produire, les preuves toujours valables de ses services et de la féconde continuité de sa tâche.

Cette tâche que notre Compagnie a dignement remplie durant un siècle : recueillir les plus lointaines traces de l'histoire de notre terre biterroise non pas dans un dessein de stérile curiosité, mais dans une atavique sympathie pour les ancêtres qui y vécurent et nous en ont transmis les secrètes vertus, — promouvoir « per la glori doù terraïré », les souvenirs de notre passé languedocien — honorer également nos deux langues dans ce qu'elles ont de plus pur : la poésie -, renouer les liens rompus des générations, — constituer, pièce à pièce, le trésor matériel et moral de nos traditions, — donner sans presque y prétendre, à sa province et à sa ville, une mémoire, un visage et une âme distincts dans la grande communauté française ; cette mission qu'en toute modestie, à son rang, sans ambition et sans bruit, mais non pas sans honneur, la Société Archéologique n'a cessé de poursuivre à Béziers, ne répondait-elle pas d'avance, aux préoccupations les


plus hautes de notre heure, à la volonté d'asseoir sur la restauration provinciale et la vivante transmission du passé la grande œuvre de relèvement et de reconstruction de notre Patrie.

Ce beau discours est vivement applaudi.

Notre confrère, M Niel, violoniste amateur tant estimé, accompagné au piano par M. Fouquet, Professeur à l'Ecole de Musique, membre de la Société Archéologique, fait vibrer sous son archet les notes de la « Sonate en la Mineur » d'Arcangelo Corelli (16531713) et s'attire des applaudissements unanimes.

Monsieur le Président invite ensuite M. le Docteur Picheire à lire son Rapport sur le Concours des Mémoires Historiques.


RAPPORT

SUR LE

Concours des Mémoires Historiques Par M. le Dr PICHEIRE

, MESDAMES, MESDEMOISELLES, MESSIEURS,

Vous ne serez point surpris si, dans cette assemblée où le culle de nos ainés devrait, même s'il était banni du reste de la terre, trouver un refuge, vous ne serez point surpris, dis-je, si j'évoque la mémoire de ceux qui nous ont précédé à cette place, qui s'acquittèrent de la lourde tâche dont j'ai la charge aujourd'hui avec une cons-, cience, une érudition, une élégance dignes de servir de modèles.

Vous vous souvenez, entr'autres, et sans remonter bien loin, des Soucaille, du Dr Vinas, du Commandant Baret. C'est au Commandant Baret surtout que je pense personnellement ; j'eus l'honneur et le bonheur de le connaître, quelques années avant ce départ dont nous portons le deuil.

Son érudition, sa compétence étendue dans les sujets traités, la finesse de son esprit et jusqu'à cette brusquerie tempérée de bonté, dont il était coutumier dès qu'il s'agissait d'archéologie, m'avaient bien vite attiré vers lui.

C'est à son obligeance que je dois d'avoir été admis dans cette savante Compagnie, honneur que je n'avais encore rien fait pour mériter,


Après avoir satisfait à ce tribut dont la reconnaissance et l'amitié me faisaient une douce obligation, et pour lequel vous ne m'en voudrez pas de m'être attardé, je dois vous rendre compte des décisions qui ont été prises, par la Commission de la Société Archéologique sur les Mémoires historiques présentés au Concours de 1941. - Le nombre n'en est pas très grand. Cependant c'est, dans les temps troublés, une étude digne des esprits vigoureux, que de rechercher dans le passé des exemples de.la ténacité, de l'endurance de nos pères, c'est un motif d'espoir que de constater la manière dont ils ont vaincu les difficultés.

Dans l'histoire de notre petite patrie, dans les monographies locales nous pouvons ranimer notre amour du clocher, principe de notre amour de la France.

C'est de plus remplir le vœu du Chef de l'Etat Fran- çais, du Maréchal Pétain., Sauvfur et Père de la Patrie, que de comprendre ainsi les études historiques. Les auteurs des deux Mémoires couronnés par notre Société d'Archéologie n'y ont pas manqué, et nous les en félicitons.

Deux autres Mémoires ont été écartés; l'un,, pour délit de poésie, ce qui n'est point grave et procurera*à notre excellent confrère le Dr Gayraud le plaisir de vous en parler ; l'autre, tout en possédant des mérites réels, n'a pas fait preuve d'une méthode historique suffisante;, digne d'être recommandé aux Syndicats d'Initiative, il n'a pu cependant retenir nos suffrages.

A la série de Mémoires sur la commune de Nissan nous donnons la palme, c'est-à-dire, plus simplement,

la Médaille d'argent, M. Michel Martinez en est l'auteur; il se défend d'écrire une histoire continue ; il a rassembléj avec talent et conscience, une série de monographies dont on peut dire qu'elles ne sont pas assez liées entr' -


elles, sur la ville de Nissan au cours des XYlle et XVIIIe siècles.

Cette contribution à l'histoire d'une communauté paysanne est d'un vif intérêt et pourra servir à ceux qui s'occupent d'ensembles plus vastes. Conscience dans la recherche, sûreté suffisante dans la lecture des textes et dans leur interprétation, bibliographie bien établie, ce sont là des qualités très sérieuses qui font honneur à un historien local.

Elles expliquent le plaisir et le profit que nous avons trouvé à le lire. Si nous croyons devoir faire, ça et là, quelques remarques (à quoi serviraient les rapporteurs, s'ils ne faisaient de critiques ?) elles ne visent que des détails et ne diminuent pas la valeur de l'ensemble.

Puisque l'introduction remonte aux origines de la seigneurie de Nissan-Périès, nous aurions aimé qu'il fut dit un mot de la manière dont le terroir et le château de Nissan furent attribués à l'Archevêque de Narbonne. A la suite de quels faits? La Croisade contre les Albigeois sans doute. En effet Louis Noguier, dans son ouvrage définitif sur les vicomtes de Béziers, relate que Simon de Montfort donna, en 1211, au couvent de Citeaux et à son abbé, le chàteau de Nissan ; en 1212, l'abbé de Citeaux, Arnaud Almaric, fut élu archevêque de Narbonne ; c'est donc très probablement de cette manière que les archevêques de Narbonne entrèrent en possession de la seigneurie de Nissan ; le roi de France ne fit, plus tard, que confirmer une situation de fait.

Suivant l'ordre chronologique, nous ferons quelques réserves sur l'expression, employée par l'auteur, au sujet du « Syndicat de l'Etang de Montady », le plus vieux de France peut-être, ajoute-t-il.

Dans la charte de 1247, reproduite dans l'étude de l'abbé Géniéis, que Pierre Bédocius, vicaire de l'archevêque de Narbonne, octroie à Guillaume Raiinond et aux co-propriélaires de l'Etang de Montady, le mot de


« syndicatus », syndicat n'est pas prononcé. A cette époque, d'ailleurs ce terme était pris dans d'autres acceptions : ainsi dans une charte des archives d'Agde, côtée sous le n° 280, liasse 10, qui est datée du 23 Juin 1277, il est dit expressément que les habitants se réunissent « ad faciendum syndicatum », pour former un syndicat en vue d'intenter un procès à dame Jehanne de Lévis, seigneur d'Avias ; le mot est ici employé dans son sens étymologique (sun avec, duche procès), c'est une association faite pour soutenir un plaid.

Plus tard, comme nous le voyons dans l'étude si fortement documentée de Coulouma et J. Miquel sur le Bassin de la Cesse, le « syndicatus de Acqua Viva », est une réunion en vue de l'élection de nouveaux syndics, comme le « consulatus de Bizarro » sera, en 1494, une assemblée pour le renouvellement des consuls.

Donc, du XIIIe au xv, siècle, si l'association de co-propriétaires rappelant beaucoup nos modernes syndicats existe, !e terme, avec sa signification actuelle, doit être réservé à notre époque.

Dans le petit chapitre consacré à la vie religieuse, pourquoi avoir oublié, en énumérant les églises consacrées à Saint-Saturnin, la plus célèbre, cette magnifique production de l'art roman de notre Midi, la basilique de Saint-Sernin ?

Les notations sur les institutions municipales de Nissan sont intéressantes, elles manquent cependant un peu de clarté et il faut faire quelque effort pour en comprendre le mécanisme : Il existait, d'une part des officiers seigneuriaux, représentant l'archevêque de Narbonne, viguier et baïle ayant une situation prééminente, procureur juridictionnel, qui assistait aux conseils et détenait l'autorité judiciaire, d'autre part les 3 consuls qui représentaient la commune et avaient la charge de ses intérêts ; ils étaient nommés pour 4 ans par le seigneur, sur une


liste proposée par les consuls sortants et ce mode d'élection était assez commun.

Le conseil politique ordinaire, dont faisaient partie les consuls, s'occupait des affaires courantes ; dans les cas graves, un conseil politique plus nombreux, dit conseil renforcé, parfois même le conseil général des habitants était réuni.

Détail curieux ce conseil politique avait le pouvoir de se réformer lui-même et, en février 1777, il réduisit de sa propre autorité, le nombre de ses membres.

Tous ces renseignements sont pris sur des pièces originales. Il en est de même pour ce qui a trait à l'instruction publique, à la vie rurale, à la culture du salicor, à la misère qui suivit le rigoureux hiver de 1708 1709, sans huile, presque sans blé et que les privations de notre époque nous font mieux comprendre, à la préparation des Etats Généraux, au Folk-lore : j'ai pris un plaisir extrême à lire la légende de N.-D. de la Miséricorde, à entendre conter les péripéties de la Ramade.

La relation des événements de la vie militaire à Nissan mérite de nous arrêter, bien que les habitants ne fissent pas preuve d'un grand enthousiasme pour entrer dans les milices garde-côtes ; il s'agissait de fournir deux recrues de plus de 5 pieds, non mariées, de 22 à 40 ans ; les consuls avaient bien envie d'envoyer « deux

personnes oisives, fainéantes, de nulle utilité à la culture de la terre, bonnes abattre le pavé et à causer du désordre ». Mgr l'Intendant ne l'entendit pas de cette oreille; les consuls durent se mettre en campagne, suer sang et eau, et, en désespoir de cause, procéder à un tirage au sort général, avec menace de galères pour les contrevenants. Cependant Nissan était le siège d'une capitainerie de garde-côtes, dont le chevalier Devic de Ste-Colombe (avait-il quelque parenté avec l'historien ?), était le chef respecté, sous les ordres de Louis-Armand du Plessis,


duc de Richelieu, lieutenant-général de la province de Languedoc.

Les recherches de M. Martinez ne se sont pas bornées au village de Nissan ; elles se sont étendues à la maison du Temple de Périès, dont l'étude forme un tout homogène, aussi complet que le permettent les documents, et même jusqu'au Roussillon où les milices garde-côtes, déjà signalées à Nissan, lui ont fourni un nouveau sujet de travail.

Cette dernière monographie est également bien documentée, elle fait état de pièces d'archives inédites, mais me paraît trop bornée dans son objet et quelque peu aride dans son exposition.

Lauteur aurait pu montrer, à travers les âges, la nécessité de cette surveillance des côtes, qui ne fut point particulière au XVIIe siècle ; au moyen-àge la solution avait été trouvée dans les tours de guet, dont les restes subsistent encore en Roussillon à Castel-Roussillon, Bellegarde, Tautavel. ainsi que l'ont établi lés travaux d'Henri Aragon. Plus tard, des éléments plus mobiles, les garde-côtes, furent utilisés et ces milices se servirent encore parfois des tours, comme poste de garde ; c'est ainsi que la tour de Baignolles (ou de Banyuls) abritait une compagnie.

Enfin le travail n'aurait rien perdu à être agrémenté de quelque récit, comme celui relaté dans la lettre adressée de Port-Vendres, le 6 juin 1780, à l'intendant de Bos : « Dans l'alerte survenue à l'occasion d'un corsaire mahonnais qu'on vit au large, les 18 bâtiments sortis] de Port-Vendres, gagnèrent la terre dès qu'ils l'aperçurent. Cependant on sonnait le tocsin à Bagnols, tous les habitants prirent les armes. Je ne saurais vous exprimer, Monseigneur, combien les Bagnolencs étaient transportés d'ardeur pour la conservation des bâtiments réfugiés sur leurs côtes ; toute la population était en mouvement, même les femmes, les canonniers aux


batteries, les garde-côtes à leur poste, tous animés et prêts au combat. ».

Nous ne ferons pas un crime à l'auteur de quelques étourderies ; ainsi lorsque, à propos de la nomination des consuls au 18e siècle, il nous parle de la délibération de 1877 qu'il relate en commençant : l'an mil neuf cent quatre-vingt-sept.

De même quand il emploie l'adjectif « usageable » ; ce mot n'a pas encore le droit de se ranger à côté de solutionner et de nécessiter, nous continuerons donc à lui préférer utilisable.

Enfin si les langues les plus déliées s'embrouillent, parfois avec carapaçon et badalquin, pour caparaçon et baldaquin, ils ne devraient point faire trébucher la plume.

Quoiqu'il en soit, l'auteur qui a pris pour devise « Le travail comme loi, l'honneur pour guide », a fait un travail sérieux qui lui fait honneur. Nous lui sommes surtout reconnaissants des recherches d'archivé qu'iL a faites et qui nous font connaître beaucoup de documents inédits.

Il y aurait peu de chose à ajouter ou à retrancher pour atteindre, autant qu'il est possible aux entreprises humaines, la perfection.

Le Mémoire sur la commune de Cessenon se présente joliment à nous derrière ses armoiries : « D'azur aux 3 fleurs de lys d'or, à la bordure de gueules, au bàton péri en bande de même », qui sont des princes de Conti.

L'auteur en est M. Lucien Baunaure, de Cessenon, et il a paru digne de la Médaille de bronze.

Ce travail est estimable, le plan en est bien conçu ; c'est bien faire connaître un village que de réunir dans une seule étude la description de la surface du sol et des eaux, la constitution des terrains, la nature des cultures et d'y ajouter le récit des événements impor-


tants qui s'y sont déroulés dans la suite des âges. Si la conception est juste, la réalisation cependant laisse parfois à désirer.

Au point de vue de la géographie et de la géologie en particulier ; la compétence du rapporteur est mince en ces matières, certains membres de notre Société, particulièrement qualifiés, ont relevé des lacunes et même des erreurs : l'auteur parait ignorer complètement des travaux récents qui montrent, sans discussion possible, comment la Montagne-Noire se continue, par la chaîne des Avants-Monts, jusqu'à Clermont-l'Hérault, et comment cet ensemble est séparé du massif de l'Espinouze par la grande dépression des trois cours d'eau « Jaur-Thoré-Orb » ; beaucoup de côtes d'altitude importantes ne sont pas mentionnées ; l'exposé orogragraphique est un peu confus, je doute que des lecteurs n'ayant point parcouru le pays puissent s'y reconnaître, une carte de l'ensemble de la région, même schématique, aurait bien fait notre affaire et c'est le cas de répéter le mot de Napoléon : « Un simple croquis, est préférable à un long rapport ».

Une erreur fort regrettable place la naissance de l'Orb au signal basaltique de Bouyiala, alors que la source se trouve réellement non loin du village de Rives, à la Font d'Orb, ainsi que ce nom l'indique suffisamment et comme l'a établi, d'une manière fort précise, dans la savante étude de M. Coulouma publiée en 1925. dans le Bulletin de Géographie de Languedoc. Mince ruisseau à l'origine, l'Orb marque la limite entre le Causse du Larzac et le début de cette chaîne volcanique au nom sonore, l'Escandorgue !

Le chapitre consacré à la géologie est un peu trop succinct, car, selon Jean Miquel, notre regretté et savant confrère de Barroubio : « Nous doutons qu'il y ait peut-être dans la:France entière, de commune réunis sant pour les terrains primaires, pour les terrains


secondaires et pour les terrains tertiaires, un ensemble de formations géologiques aussi remarquable, et de gisements fossilifères aussi riches dans leur diversité, que la commune de Cessenon » Il fallait donc s'étendre davantage, étudier en particulier le dévonien, le trémadocien et ses nodules, les grès à lingules, le carbonifère et notre auteur aurait mérité l'éloge des compétences, sans compter le respect de ceux qui ne comprennent pas la signification de ces noms prestigieux et barbares. Il ne nous en voudra pas de lui chercher une petite querelle à propos de la houille qu'il prétend trouver dans le sous-sol : « Quel lapsus, Monsieur 1 Ce n'est pas de la houille, c'est du lignite », et avec ce lignite, si nous ne pouvons guère allumer notre chauffage central et chauffer nos locomotives, il nous serait loisible, en nous organisant, de fabriquer des couleurs, des parfums, et, beau rêve ! de distiller du benzol qui nous permettrait de faire rouler nos automobiles inertes ; Jean Miquel, toujours lui, l'avait déjà démontré en 1922, dans son étude sur le Carburant National et les lignites éocènes Nous avons dans notre Société des géographes et des géologues, et ils vous l'ont fait bien voir; nos historiens n'auront pas lieu de se montrer si sévères.

Cependant ils auraient aimé vous voir pratiquer le culte de la référence précise, en remontant à la source, notant la page et le tome. Les vérifications auraient été plus faciles et vous auriez évité au rapporteur des recherches parfois un peu longues.

Ainsi nous aurions vu très vite que vous aviez raison, en attribuant à Guillaume de Minerve, partisan de Raimond VII, la prise de Cessenon en 1242 ; de même qu'un de ses soldats, son neveu à ce qu'il semble, Guillaume-Pierre de Vintron, dit aussi de Vintrous, prit le châtelain Ansellus et sa suite sous sa protection et les conduisit en lieu sûr, ainsi qu'il résulte, avec


d'autres détails curieux, de la déposition faite par Pierrè Foravilla, de Cessenon, au cours de l'enquête sur les Albigeois ; cette enquête est relatée tout au long dans l'Histoire du Languedoc, édition Privât, tome 7, colonnes 365 et 366 des Notes. 11 est un point cependant, sur lequel la sûreté de vos informations est en défaut, lorsque vous faites d'Amalric un vicomte de Toulouse. Narbonne vous le pardonnera peut-être, elle qui vit, en 1244 l'humiliation de son vicomte : avec le comte de Toulouse ils renouvelèrent le geste d Canossa, en simple tunique et à pied, ils conduisirent par la bride le cheval de l'archevêque Pierre Amélius.

< Vous nous parlez plus loin d'un autre vicomte de Narbonne, Guillaume II, auquel Cessenon appartenait, il avait vaincu les Anglais à Baugé, près de Tours, et à Bernay en Normandie, et mourut glorieusement à la

bataille de Verneuil le 17 août 14-24. Savez-vous que, d'après la Chronique d'Enguerrand de Monstrelet, le corps du pauvre vicomte, trouvé sur le champ de bataille, fut écartelé ? Les Bourguignons pendirent ses restes à un gibet, parce qu'il avait consenti, se souvenaient-ils, à la mort du duc Jean de Bourgogne.

L'histoire de Cessenon se poursuit sans mériter d'autres critiques ; écrite avec assez d'agrément, mais avec quelques manquements à la règle d'accord des temps et de gros paragraphes bastionnés, où l'on serait heureux d'aller moins rarement à la ligne. Mais tout cela est connu, tiré d'auteurs de seconde main pour la plupart, et l'on est obligé de regretter l'absence de recherches d'archivé, sauf peut-être pour les derniers siècles où nous trouvons des extraits intéressants de délibérations municipales. Pour quelles raisons l'auteur a-t-il arrêté son exposé historique avant la guerre de 1870 ? Sans faire de personnalités, et en gardant l'impartialité de l'historien, il aurait pu nous


donner quelques indications sur la manière dont les habitants de Cessenon ont évolué, réagi, à l'occasion des grands événements de notre époque.

Ne devons-nous pas regretter également l'insuffisance des renseignements d'ordre archéologique sur les restes des fortifications, les portes, la tour. ? De l'Eglise, on nous dit simplement qu'elle date des XIIe et XIVe siècles, qu'elle est remarquable par les dimensions de la nef, la portée de ses voûtes. c'est bien peu pour s'en faire une idée précise ; cela nous eut cependant plus intéressé que la liste complète des maires de Cessenon.

Reconnaissons cependant que M. Baunaure a atteint, à peu de chose près le but modeste qu'il a fixé à son travail : Donner une preuve de son amour du terroir et de l'histoire locale.

Si ce travail n'attire point l'attention des savants, il est digne d'être recommandé comme type de monographie de village, à l'usage des enfants des écoles.

Et ce n'est point si mal ! et cela nous a paru mériter l'encouragement de la Société Archéologique.

En terminant ce rapport un peu trop long pour son objet, nous sera-t-il permis de recommander un peu plus d'ambition à ceux qui solliciteront à l'avenir nos suffrages.

Avant de se livrer à l'étude d'un sujet particulier, il leur appartient de s'initier à la bonne méthode historique, dont le Professeur Joseph Calmette vient de donner une esquisse magistrale dans l'introduction de son ouvrage sur le Monde Féodal : nécessité d'une forte culture générale, étude des sciences annexes de l'histoire, recherche du document original, recherches bibliographiques avec notation précise des références, page, volume, édition.

Et c'est seulement après cette longue préparation que l'œuvre d'érudition, « celle qui a pour objet de pousser


nos connaissances au-delà du point déjà acquis », deviendra possible.

C'est à des œuvres de ce genre que notre Société réserve la haute récompense de la couronne de laurier: elle fut décernée, en 1931, à M. Séguy, historien de Faugères ; en 1936, le Mémoire de M. le Chanoine Granier sur l'abbaye de St-Pons, l'obtint ; et M. l'Abbé Ségondy la mérita en 1938, pour son important travail sur l'abbaye de Vignogoul.

A côté d'autres, ces œuvres sont dignes d'être proposées pour modèle, car elles serviront toujours à l'illustration de cette « France, mère des arts, des armes et des lois », que nous aimons tous et que nous voulons tous servir.

Ce rapport particulièrement fouillé recueille les applaudissements chaleureux de l'Assemblée.

M. Fouquet exécute avec un rare brio la « Pastorale » de Scarlatti (1685-1757).

M. le Docteur Raphaël Gayraud présente son rapport sur le Concours de Poésie Française.


RAPPORT

SUR LE

Concours de Poésie Française Par M. le Docteur Raphaël GAYRAUD

MESDAMES, MESDEMOISELLES, MESSIEURS.

C'est à moi nouveau venu au sein de notre vieille Société Archéologique et Littéraire, fière, à juste titre, de ses illustres fondateurs et de son passé déjà séculaire qu'échoit, cette année, le grand honneur mais aussi la charge bien lourde de vous présenter les résultats de notre Concours de Poésie française.

Les exigences de ma profession m'ont bien souvent, trop souvent à mon gré, distrait des études littéraires qui ont formé ma jeunesse, et j'eusse volontiers cédé, ce soir, ma place à plus qualifié que moi.

L'usage de notre Société s'y oppose, immuable comme nos vieilles coutumes méridionales, inflexible comme une règle de Chevalerie.

« Dura lex sed lex » serais-je tenté de dire si la rigueur de cette loi n'était ici tempérée, après l'amicale insistance de mes collègues, par le plaisir d'entretenir pendant quelques instants un aussi sympathique auditoire et la satisfaction de me retremper moi-même dans l'atmosphère qui m'a toujours enchanté.

Homère invoquait la Muse au seuil de son œuvre immortelle et peut-être l'ont-ils fait aussi, ceux qui ont bien voulu soumettre leurs œuvres à notre appréciation.


Pour moi je me suis contenté de prendre l'avis éclairé du Jury que la Société a bien voulu m'adjoindre selon la tradition, et de puiser à même l'exemple de mes devanciers, les moyens les plus propres à retenir votre attention.

Notre Concours nous a valu, cette année, vingt-six manuscrits de valeur très inégale, mais quelques pièces d'assez belle venue dénotant de réelles dispositions littéraires et de sérieuses qualités de travail.

Les poésies soumises à notre appréciation sont, natu- rellement, de genre très divers, c'est peut-être pourquoi leur examen et leur classement ont donné lieu parmi les membres de notre Compagnie désireux de se prononcer en toute impartialité, en dehors des artificielles distinctions d'écoles, à quelques discussions et controverses d'ailleurs tout éclairées de gai-savoir et emprein- .tes d'humaniste courtoisie.

Nous n'avons pas eu, cette année, la satisfaction de pouvoir décerner à nos candidats nos grandes récompenses: rameau de chêne, médailles d'or ou de vermeil.

Cinq médailles d'argent, deux de bronze et deuxmentions honorables composent néanmoins notre tableau, et si nous n'avons pu, à notre grand regret, capturer pour vous le rarissime oiseau de paradis, notre modeste butin vaudrait de vous être plus largement exposé si les circonstances actuelles et le prix élevé des travaux d'édition ne m'obligeait à réduire mon rapport, et surtout mes citations, à des proportions trop raisonnables.

La « Douleur d'Orphée » de M. Louis Granié, de Boujan-sur-Libron, obtient un rappel de Médaille d'argent.

Faisant allusion à l'œuvre de notre illustre compatriote, le sculpteur Injalbert, M. Granié nous dit d'abord


sa louable ambition de nous laisser, comme lui, une saisissante image de cette douleur : Et je voudrais, si doux, si bon Dire l'immortel vagabond Qui va sans but. sans espérance Sa voix, ses pleurs sous le ciel bleu Et buriner en traits de feu Le visage de sa souffrance.

La tragique destinée du jeune et légendaire musicien grec que la mort a, par deux fois séparé d'une épouse adorée et qui la pleure sans repos au cours d'une existence follement vagabonde, sa douleur sans cesse ravivée par la cruelle indifférence de ses semblables alors qu'elle émeut jusques aux pierres du chemin,

nous sont ensuite contées au cours d'un poëme que sa clarté et d'opportuns changements de rythme rendent agréable jusqu'à la fin.

L'oeuvre est prenante, tout imprégnée d'un lyrisme poignant, et si la plume du poète n'a pas toujours égalé en puissance le ciseau du sculpteur, si quelques imperfections de forme, quelques fautes de versification ne nous ont pas permis de classer la « Douleur d'Orphée » sur un plan nettement supérieur, les passages que je vous demande la permission de lire ici seront, sans doute, en sa faveur, le meilleur plaidoyer.

Les oiseaux attendris, rouges-gorges, fauvettes Ecoutent. Le grillon écoute. Et les avettes S'immobilisent sur les fleurs.

Et la ronce épargnant sa chair, la rose écoute Le voyageur plaintif, odore sur sa route Et les rochers versent des pleurs.

,,,,,,.,,.,,..,,,,,,,,,,,,..,,.,,.,,,,,,..,,

Pourquoi me lamenter encore ?

En tous lieux en toute saison Que se désendeuiile l'aurore Qu: le soir saigne à l'horizon


Pourquoi sur la lyre qui pleure Qui sanglote quand je l'effleure Lamenter sans fin mes malheurs Pourquoi me plaindre, si ma bouche N'émeut que les pierres, ne touche Que tes animaux et les fleurs

Et plus loin Morte au sein des èpithalames J'osais, jusqu'au séjour des âmes La rechercher parmi les morts J'ai reperdu mon Euridyce Et j'exhale en vain (ô supplice Et mes regrets et mes remords.

Enfin :

Et le vent fugitif, le vent léger s'arrête Pour entendre la voix pitoyable, et la crête Des roseaux se courbe sans bruit Des roseaux frissonnants, lesquels comme l'yeuse Ecoutent la voix d'or, la voix mélodieuse Qui se lamente dans la nuit.

« Amitié», de M. Alban Véziers, de Béziers, à qui échoit aussi une Médaille d'argent est une jolie pièce, d'un lyrisme discrètement mélancolique. C'est la douleur d'une âme sensible et cultivée, plus que celle d'une créature de chair, qui s'exhale au cours de ces quelques lignes, au prix peut-être de certaines obscurités.

Cette fine poésie, très courte, vaut d'être lue en entier:

Nous allions tous les deux en nous donnant la main Tels oiseaux qu'en pliant une branche effarouche Tu me cachais ta peur et les cris des humains Et mon rêve chantait dans les mots de ta bouche.

Et voilà que ma main est vide ! et que mes yeux Te cherchent vainement. Triste est le paysage Où jadis nous menions la ronde de nos dieux Mais, avec toi, les dieux ont changé de rivage ! v


Et je voudrais pleurer tant mon isolement M'accable et tant je sens ta présence lointaine 0 toi qui sus jadis apaiser mon tourment Toi dont le rêve altier était mon sûr domaine

Et je suis seul et je suis triste, et c'est l'été Et le pâtre chantonne aux sentes des collines Je ne l'écoute pas, l'avons-nous écouté Quand nous pleurions d'amour sur un vers de Racine. (1) Encore une Médaille d'argent à Mlle A. Daguet, de Douzens (Aude), pour quatre pcèmes dont deux ont retenu l'attention du Jury.

« Le Printemps douloureux) nous apporte une suite de dix quatrains composés alternativement et exclusivement de rimes masculines et féminines, d'où une monotonie nettement voulue, qui s'associe logiquement au caractère de la pièce, tout assombrie de deuil, d'incertitude et d'un peu de désespérance. Je transcris ici, à votre intention, 4 strophes : Violettes de février, Dont le sombre azur m'a souri Je voudrais pouvoir vous crier Que mon cœur est enfin guéri.

Le nuage, au ciel, est une île Etincelante et voyageuse Pourquoi m'est-il si difficile D'être, ô ma vie, enfin heureuse.

Si vive et lustrée et vermeille Jeune saison où tout commence Que n'ai-je cette âme pareille Qui croit, qui chante et qui s'élance.

Droite, je reste sur ton seuil Car je sais bien que cette fois Printemps de tant d'ombre et de deuil Printemps tu ne viens pas pour moi (2)

(i) Cette pièce est lue par l'auteur lui-même avec une diction parfaite qui en fait ressortir le réel mérite.

(2) Mlle Daguet vient lire avec U,le finesse exquise son poème sur le Printemps et sait communiquer toute son émotion à l'assistance,


Œuvre originale, vous le voyez, mais dont il est regrettable que la pensée profonde ne s'exprime pas plus clairement.

« Le Tombeau de Prosper Ramel » aurait pu, comme le fait remarquer une note liminaire de l'auteur, être placé dans la section Biographique. Sa jolie facture, son aimable force d'évocation nous ont décidés à l'intégrer dans notre section de Poésie française. Mlle Daguet a voulu nous montrer qu'elle était capable d'aborder des genres très différents et pouvait au besoin affronter les difficultés de la poésie descriptive, je dirai presque didactique.

C'est faire œuvre ingrate que d'écrire en vers une histoire, ne serait-ce que celle. d'une vie : disons tout de suite que notre correspondante a subi fort honorablement l'épreuve.

Et c'est d'abord la hantise et la préparation du voyage lointaine:

Vous êtes encore là, Ramel aux yeux ardents Plein de courage et de folie Mais votre mère a-t-elle appris qu'avant longtemps Vous fuiriez jusqu'en Australie Ici point n'est besoin ces roseaux de Nidas Regardez-là comme elle est pâle En déplaçant dans votre chambre cet atlas Ces livres, cette étroite malle !

Puis, l'emprise des sites exotiques, l'interminable absence.

Le temps passe. Est-ce vous qui toujours voyagez Ou la Mappemonde qui tourne ?

Sous vos yeux, c'est Rio, c'est Aden, c'est Alger Liverpool, l'Espagne, Melbourne Ah ! toujours arriver, mais toujours repartir Vers quelqu'étonnante chimère !

Léger, hâtif, à peine avez-vous le loisir Parfois d'écrire à votre mère !


Le retour, enfin vers la« doulce France » natale. Mais quel retour 1 La Patrie meurtrie par la défaite et Paris assiégé.

Un jour vient capendant où vous êtes repris Par la dnuce France natale Mais il vous faut la fièvre et les bruits de Paris Capitale des Capitales.

Mais la paix n'est jamais pour de pareils destins Voici l'hiver avec la neige Et Paris affamé qui s'éveille un matin C'est la défaite, c'est le siège !

Et l'infatigable voyageur s'est remis au service de son pays, a même donné un canon à l'armée, puis est enfin destendu vers le repos si ardemment, si durement mérité. Mais de telles âmes ne s'envolent pas sans transmettre à d'autres, dans leur famille ou leur pays le magnifique essor qui les a vivifiés tout au long de leur vie terrestre.

Dormez puisque je vis et que je sais en moi Cette même ardeur contenue Tout est vrai quand on aime et qu'on souffre et qu'on croit Au passé que l'on continue.

Telle est la conclusion de cette poésie, qui méritait d'être plus largement appréciée qu'une notice biographique dans la forme ordinaire.

L'envoi de M. Hervé Quinté, de Graulbet (Tarn), nous permet d'apprécier, dans « Il est trop tard », une grande fraîcheur de souvenirs d'enfance, le regret mélancolique de l'aveu trop longtemps différé, enfin la résignation stoïque devant l'irréparable.

Le destin un jour nous avait assis Sur le même banc, pour apprendre à lire Vous étiez, depuis, celle qu'on admire La petite fée des anciens récits.

Et plus tard :


Ce fut un moment de troublant délire Comme dans ma main votre main tremblait Je sentis venir les mots qu'il fallait On nous sépara quand j'allai les dire !

Et plus tard encore : Près de vous jouait un petit enfant Fragile témoin, suprême barrière

.,.,.,.

Vous avez toujours le même sourire Les mêmes reflets dans vos cheveux d'or Et du même amour je vous aime encor Mais il est trop tard, trop tard pour le dire.

« Ruines Féodales » et « le Troubadour », deux sonnets du même auteur ont, avant tout autre mérite, celui de la clarté ; et s'il est vrai qu' « un sonnet sans défaut vaut seul un long poème » ceux de M. Quinte, s'ils ne sont, pas plus que bien d'autres, exempts de défauts, valent bien des peintures.

C'est une jolie fresque que « Ruines féodales » Pourtant quand le soleil sur les rouges Corbières Crible de flèches d'or vos étroites meurtrières Vos murs démantelés, rompus, frappés à mort.

Sur le roc qu'auréole une flamme nouvelle Pour garder à nos fils votre image éternelle Semblent se redresser dans un suprême effort.

C'est une délicate et fraîche enluminure bien voulue et comprise par l'auteur que le « Troubadour ».

Puis le bon Troubadour s'en vient dans la grande salle Sa voix qui retentit sous la voûte ogivale Célèbre les exploits des héros et des saints.

Et près des dames aux grands yeux les petits pages Croient voir se dérouler les fantastiques pages D'un livre enluminé de mystiques dessins.


Ces trois pièces ont valu à l'auteur une Médaille d'argent.

Et c'est la cinquième et dernière qui est enfin attribuée à M. Emile Ségui, de Montpellier, pour sa suite de poèmes « Le Parfum des Amandiers en fleurs » qui nous apporte dans d'assez jolies ciselures l'attachement du poète. pour sa petite patrie, d'où l'existence l'a exilé. Elle lui apparaît de loin tout éclairée de blanches corolles, tout embaumée du parfum des amandiers fleuris, chers arbres qu'il a connus, aimés, quelquefois cultivés de ses mains.

C'est à travers leur ombre diaphane qu'il contemple ses souvenirs gais ou tristes. C'est vers eux qu'il souhaite revenir un jour, c'est entouré de leurs fleurs qu'il désire commencer son dernier sommeil. Le destin des fleurs de la première à la dernière lui a inspirés de jolis vers et la mort du vieil amandier qui n'a pu survivre au trépas d'une enfant qui, jadis jouait dans ses branches nous émeut en dépit de l'invraisemblance de la fiction.

On pourrait faire ample cueillette dans un aussi vaste jardin — choisissons, au cours de la route, les plus agréables corolles.

Jadis la terre Fougerole Etait couverte d'amandiers Qu'il faisait bon dans les sentiers Quand mars ouvrait chaque corolle.

Je retournerai cheveux blancs Vers les amandiers de Faugères Et je poursuivrai ma chimère Revivre mes premiers printemps Las pour retrouver l'allégresse De jadis, mon enchantement Qui me rendra mes yeux d'enfant Et les émois de ma jeunesse ?


Le rayon qui voit La fleurette éclose Devine la cause De son doux émoi Le plus doux des vents Un soir qui s'endeuille Un cœur qui s'effeuille La terre recueille Cinq papillons blancs.

Un jour de mars, quatre ans après la mort d'Odette Il exhala son âme en un dernier parfum Et je vis s'envoler sur la bise aigrelette L'ultime papillon de l'amandier défunt.

Ornez de ces fraîches corolles Ma froide couche, car je veux, Que sur les splendeurs faugerolles Pour toujours se ferment mes yeux Et puis prenez-les au cortège Vous les mettrez sur mon tombeau Et sous les noirs cyprès, leur neige Me parlera de renouveau.

J'ai encore à vous présenter quatre pièces qui non dénuées de qualité n'ont cependant pas été jugées dignes de la Médaille d'argent. Ce sont d'abord « Captivité » de M. Marcel Atgier, de Montpellier et « Au temps des Moulins de FontvieIHeo de M. Henri Causse, de Campagnan, honorées chacune dé la Médaille de bronze.

« Captivité » évoque, en trois scènes, la vie des prisonniers français de 1914 à 1918.

C'est la vision du lointain village natal ravivée dans l'àme de tous par la chanson, cependant étrangère, qu'un Russe accompagne sur sa balalaïka.

L'esprit n'est plus ici. Chacun vers son village S'évade dans un rêve au gré de son mirage Et puis le chœur se tait dans un déchirement.


Tant il est vrai que c'est l'amour de notre terre natale, le respect des générations passées qui l'ont fécondée, ennoblie de leur labeur qui nous rattache à la grande Patrie et nous incite invinciblement à l'aimer et à la servir.

C'est ensuite la nuit au camp, le silence dans la barraque obscure, qui entoure, qui isole du monde, la ronde des chiens de garde et le réseau des fils barbelés festonnés de givre. C'est enfin la mort du prisonnier, à la veille de sa libération, au terme d'un calvaire de quatre ans au long duquel l'avait soutenu t'espoir de revoir sa femme etjson enfant: pièces infiniment tristes.

« Au Temps des Moulins de Fontvieille » d'un tout autre genre, infiniment plus reposant nous montre des vieux moulins de France au sommet de leurs légères collines plantées d'oliviers.

C'étaient des papillons diaprés de lumière Dont le continuel essor Déchirait des éclairs de leurs écailles d'or Les fins nuages de poussière.

Papillons bien capables d'attirer et de retenir dans leur calme et poétique ambiance notre grand Alphonse Daudet à l'époque où se levait dans leur ciel l'étoile de Mistral, « lyre des langues occitanes ».

Enfin la Mention honorable a été accordée à (IFumées» de M. Georges Vergnes, de Graulhet (Tarn) et CI Yeux-tu» de M. Auguste Gibert, de la Grand' Combe (Gard).

De « Fumées » je dirai seulement que c'est une jolie et alerte poésie dont le caractère un peu particulier ne diminue pas les qualités littéraires.

« Veux-tu » également jolie et finement amoureuse dont la fin vous dira le genre.


Veux-tu que je m'assieds près de toi sous le chêne Je resterai discret, sage, silencieux Pareil au troubadour rêvant près de sa reine Je t'offrirai des vers plus clairs que des aveux.

Et maintenant, au nom de tous mes collègues, je dis « merci » à ceux qui ont bien voulu écrire en vue de notre Concours.

Beaucoup d'œuvres, quoique n'ayant pas été récompensées par notre Jury, ne sont pas dénuées de valeur.

La semence est bonne et nous permet d'espérer pour l'avenir, au prix d'un travail soutenu, une moisson plus féconde pour eux, plus profitable pour nous.

La péroraison de ce discours est soulignée d'applaudissements unanimes.

M. Niel interprète sur son violon merveilleux « l'Aria Mistica », de José Irrando (1680-1760), toujours accompagné de M. Fouquet, il est vivement apprécié de tous.

M. Teissier, Majorai du Félibrige, nous expose en langue d'Oc son Rapport sur le Concours de poési néo-romane.


RAPORT

SUL

Councours de Pouesio Neo-Roumano per Leoun TEISSIER Majoural del Felibrige

MIDAMO, MESSIES, Permetes me d'abord, mi Bèu Counfraire, de vous

gramacia de l'ounour que m'aves fa en me counvidant à sèire dinsvosto anciano soucieta. Se quaucun d'entre vous pamens avié de regret d'avé tant facilamen dubert l'oustau à-n-un paure aucèu de passage, i' aprendrai que siéu pulèu un anceu revengu pèr uno sesoun au nis famihau. Siéu di vostre d'abord pèr un de mi grand que vaqui cent an davalè dòu Saumail pèr se faire medecin à Mount-Pelié e d'aqui s'establi dins li pendis cevenòu e louzerot ounte siéu nascu. Se me dounave la peno de quàuqui recerco genealougico n'arrivarieu facilamen à cousineja em' un chascun de vàutri touti.

Ai miés encaro : un jour, per de recerco d'archiéu, m'èro arriva d'escriéure à-n-aquéll canounge Remize de Mende qu'arqueoulogo, lenguisto, istourian e felibre regretaren toujour. E l'abat Remize, avans de me respondre, m'aprenguè qu'èro, coumo iéu, lou pichot fieu d'uno donc Teissier de la Bilherie, e qu'em' elo coumtavian coumo aujòu tout ço que i 'a de noum glourious en terro miejournalo, di Guerin d'Apchier, i Bertrand di Baus e d'aquéli i comte de Toulouso em' i glourious Trencavel. -


Lou vRSès bèn, Messies e beu counfraire que siéu en famiho emé vous e quand li vieii pèiro e li viei papié nous menarien qu'à cousineja emé de gènt abourgali e courtes, coume l'èro lou canounge Remize e coumo lou sias tòuti, cantariéu in oeternum la lausenjo de l'archeouloùgîo.

Abelan fin qu'au bout, m'avès encaro grandamen ounoura, Messies e bèu Counfraire, en me fisantaqueu raport sus lou councours de pouësîo neo-roumano. Car neo-roumano es lou noum que dounas dempièi mai de cent an à la lengo que li saberu di dous mounde dison prouvencalo, e que, lou mai souvent, Mistral éu-meme disié tout simplamen lengo miejournalo. Moun Dieu, pèr lis archeoulogo que sian, es pas grand mau, un pau archaicamen de parla de lengo neo-roumano, coume i 'a mai de cent an, avans l'espelido de Mistral. Es pas grand mau meme, lis archeoulogo estent un pau d'arquemisto de dire : lengo occitano. Mistral a ben declara que fau èstre rat de bibliouteco pèr coumprendre aquéu pretencious barbarisme ; mai justamen eici sian li rei-di rat de bibliouteco, e quau nous entendra pas, que cerque sus Ii tableto de-Glozel ! (Mistral, cita pèr Marie Gasquet in Gai-Savoir, pajo 175).

Malurousamen, noumas nosti pouèto coume voudrés: lengadoucian, miejournau, prouvencau, neo-rouman, occitan o lemousin, aquéli pouèto prendran pas plaço

entre aquéli que desfison li siècle e Ii milenàri e que soun la joio entimo dis archeoulogo. Se davans li canoun, li Muso an fugi lou Parnasse es pas vers la Venus de Vendres que soun vengudo cerca sa retirado.

O beleu i 'espèron encaro sa carto de matieres grasses.

Vosto coumessioun a pensa ben faire d'escusa li pouèto e de ié semoundre, maugrat li dificulta di tèms, quàuqui pres d'encourajamen.

La tradicioun, e lou reglamen qu'es counforme, nous


permeton d'encouraja li poueto ; mai se fai rèn pèr li pàuri prousatour. Lou regrete. Tau que, pèr aco, s'es vist elimina qu'aurié belèu agu sa medaio s'avie mes quàuqui marrîdi rimo un pau à l'asard de sa bono proso. E regrete encaro mai l'eliminacioun de lal autre pèr un ritme trop dissounant is auriho Bezeirenco.

Aves d'abord touto uno colo de versi ficaire loucau lis un que soun recoumpensa. lis autre noun, que sabon, parla sa lengo, que sabon gaire Peserieure, que poudran leu faire de proso goustouso e beleu, quauque jour

escriéure quàuqui bon vers. M'an Per subre-tout entrepacha pèr l'ourtougràfi. I' an di, e sabe la tirannio di gènt que prèchon aqueste evangèli, que la grafio dèu èstre savènto e que, pèr èstre savènto, fau escriéure, coumo lis espagnòu, o per oil e i per s. Alors se vèi, dins li manuscri di pouèto qu'an vougu jouga de Per à modo, coumo li malurous an susa entre lis o em'accènt e lis o senso accent. La proumiere pajo es pas à sa fin qu'aquélis accènt soun mes en pur asard, pièi soun en plen supremi. A la segoundo pajo, n'an proun e revenon à l'escrituro anciano e tradiciounalo emplegado dempie noste grand Azaïs dins sas Vesprados de Clairac fin qu'à nosti darrié parti : li Vinas, Barthe e Fournier. Que me creson, nostis escrivan : sis einat sabien sa lengo e soun mestie.

Vaqui d'abord, en coumençant pèr la fin dòu palmarès, un pouèto plen de fantasié. Moussu Roux saup, coume PEscoutaire, coume se ris dòu Vidourle à l'Erau.

Amo nostre Lez coume l'amavo la tant douço Lidio de Ricard. Coume soun einat Jòusé Loubet, Moussu Roux es mita Setôri, mita Clapassié. E coume pèr Loubet, coume pèr iéu, uno amenistracioun de mascara-timbres l'an noumat au diable. Lèu n'en revenguen tòuti tres, car :


Couma lou Lez, lous que partissoun An de-Ionga Iou souveni S'hou disoun pas, toutes languissoun E pensoun pas qu'å reveni.

Encaro un eisila I eisila, de Vendres à Lignan ! Es Ramoun Ithier, ome de devé. Sabe que se la Patrio es toujour grando, lou Devé tambèn es toujour grand.

Mai, n'en demande eici perdoun à la memori d'Aguste Capdeville, soun de biais de faire soun devé qu'es pas besoun de i 'apoundre de rimo. Lou bon Ithier nous di coume faguè soun devé entre sourti dòu caulet, senoun avans, à soun certilicat, à soun maridage, pèr gagna si brisco de 1914, pèr Iou carnaval e per dansa lou Roumani. V òu faire soun devé meme au-dela de la mort, e per acò fara escriéure sus sa lauso : Aicis lai jai aquel Ramoun Que parlabo iengadoucian.

e que cantavo la Canota, uno especialita fouclourico vendroio, per parla coume Joanne Bœdeker.

Un autre vendroi, lou jouine Maurise Buchaca canto, noun sènso flamo, la Galera vendroia ; se noun es eu qu'a pres pèr prougramo : « Escrivi coumo savi e parli coumo pensi » tant poudrié l'èstre. Mai la sciènci se gagno e la pensado s'afino per lou travai, e, sènso enregimenta Ii roussignòu, senso li manda perdre si qualita naturalo pèr gagna que croio pedantesco dins lis escolo, ié dirai : Prenès simplamen un libre de vers bèn ritma de quauque ancian o même de l'amigo Clardeluno, legisses lou à-z-auto voues un centenau de cop ; alor, vous l'afourtisse, la Soucieta Arclieonlogico mancara de riban per vous n' en guierdouna.

Aqueste, Moussu Reinié Gibert, es à Chateauroux, pèraqui dins l'Uba-liuen, que de Maraussan es eisila.


Nous a fa vèire coume de tant liuen sabié prendre un ban depcii's. Aurie besoun qu'aquéu ban siegue pas un simple pantai ; veirié qu'emplego de mot que soun pas de nosto lengo, qu'a besoun de travaia, qu'escriéure trop facilamen es souvent mau escriéure. Li ritme de Mistral an l'er facile, e proun se ié soun engana, que cantarias si vers sus d'acoumpagnamen de mandoulino.

Enfin quouro Mistral emplegavo de diminitiéu, èro bèn raramen e n'avié si resoun, e noun èro pèr trouva de rimo facilo. Car sarié la coundannacioun de la rimo s'avias lou dre de faire rima : baraco, flour, poulo, brico, man e bouco en escrivent : baraqueto, floureto, pouleto, briqueto, maneto e bouqueto !

Empacho pas que la peco : Au pied del fioc d'èstre d'uno pouesio simplo e famihero meritant la medaio de brounze L'argentaren un autre an, s en imitant Mistral, Moussu Gibert s'ensouvèn, coume nous disie l'autr'ièr Cliarle Maurras, que Mistral èro un gros travaiaire.

Moussu Amiéi Prouverelle d'Oulargue a gagna l'autro medaio de brounze emé soun pouèmo Ions Nostres escri pèr ounoura soun fìéti presounie de guerro. Lou malur a douna l'emoucioun, i 'a cent an auriéu di l'ispiracioun, que de cop desfauto à-n-aqueste abitua de nosti councours. Ansin se verifico, un cop de mai, ailas ! la paraulo de Musset sus l'ome escoulan de la doulour.

Souvete à Moussu Prouverelle de garda l'ispiracioun un cop qu'aura viscu, lou mai leu poussible, la belle journée. Me venes pas que deja la T. S. F. n'en a fa 'no cansoun e me permetres de trouva mai de tengudo emai de digneta simplo dins li vers de noste pouèto :

Franco per t'aparar, cent milo sount toumbats, Cent vint milo blassats, e toutis plens de gari ; Més d'un milhoun e mièch prisouniès, eisilats, Per aquestes ei-las, countunho Iou calvari.


A la voufes del Déber, abioù cridat : Venèm 1 Sus la frounti<Yiro en lai la canounado trouno ; Anem plens d'estrambord, ardit ! Toutis i sèm 1 Aital èroun partits un vèspre frech d'autoumno.

Depèj se defatan, parels å des damnats.

Es d'umans enfuscats e que cap d'èime arresto ; -.

Per la roujo meissoun, d'omes enferounats, La segairo es aquis, e tèn sa dalho prfesto !

De souldats, de valents, - s'en vóu afalenats La Mourtalho es pertout, e la lucho es marrido ; Seps un rai de razou, cors å cors agafats, Lous uelhs foro lou cap, l'on s'arranco la vido !

0 visiti de doulour, destracos l'esperit, Per que nous abourri sèm, vesest toutis fraires ; E deuriam nous aimar, acos es tant aizit, , ,Digus a pas lou drech, de fa plourar las maires !

Perqufe nous destruissi, sens pietat assaval La Mort a pas besoun, es plan segur, d'ajudo ; Et lou mèstre del Cèl, a dich à tout mourtal, Se servi de l'espazo es causo defendudo ! -

Mès de qu'es qu'a tindat, es un clas aquel soun, Es l'ouro del malastre, es lou de VArmistissi !..

Nostre païs vincit, dèu vuei dinar lou frount, E lous nostres per rés 6u fach lou sacrifissi !.

.Aro as disparescuts, per lous que soun coulcats Dins la pax de lour clot, ajem la remembranso ; A lous que dins lour earn, sount per sempre macats, Assoustem-lous, ajem paraulos d'amistanso !

E n'es d'autres pamens, lous paures prisountes, Lous que soufrissou' n lai sus de terro estranjèiro ; , Soun a plagne tahé, luènc de nostres clouquiès, Qu'un malcor es lou séu, l'esprovo es sens parièiro 1 Ah ! quourodiolraróu cadun. dins soun oustal, A n'eles que voulès, souscant l'amo esmougudo ; Asperant en silenso, al cantou del fougaI, E tout en pregant DÜis d'ajudar sa vengudo !

, (


Coumo lous feslarem, nostres braves efants Quand tournarou passar, loa selhet de la porto ; E lou sourelh sul cop luzira triountlant !

Tout, anas, reviùra, la Franco n'es pas rnorto !

Car un ome es vengut, un orne a pelses blancs, A l'agach drech e clar, es el que nous coumando ; Es à nosires coustats dins lous jours amargants, Fisem-nous à n'el soul, Nostre Senhe lou mando !

La Patrio, vesfes, dèu se reverlegar, Lou Païs al traval, sera grand, fort e libre !

A l'entour de Petain, dehèm nous afougar, Es la Franco qu'hou dis e tabe Ion Felibre I!! (1)

E pèr aquelo bello journado Moussu Prouverelle alestira quauque pouèmo perfet dins sa formo, pèr lou noumbre, pèr la rimo e pèr lou ritme.

Maugrat de fauto dins l'atternanço di rimo, uno medaio d'argentes dounado à Moussu Marcèu Lignères.

Vous ai di lou biais de faire rima brico e poulo. Moussu Lignères m'apren que mans rimo emé pas (en prounounciant mas), sentor emé cantòn, etc. M'apren qu'un vers di trege silabo deven un eisametro se prounouncias esperit : esprit. Sabe que, dins l'evoulucioun de nosto lengo, acò vendra, coume en anglés memory deven memry e Margaret : Margret, mai crese pas qu'acò siegue au nostre encaro vengu ; siéu segur qu'au mens la lengo escricho l'aceto pancaro.

Siéu mai en discussioun emé voste laureat sus Iou sujet de soun obro. La menina e la fourmiga es l'istori d'uno pauro mameto que pèr tua soun tèms s'amuso de visa dòu bout de sa cano e de metre à mort uno fourmigo. D'aqui touto uno tiero de counsideracioun filousoufico e de queto filousoufio ? Sarié pas aquelo sensiblarié, aquéu pacifisme bèlant que coundugue nosto

(I) Ce poème est lu avec une profonde émotion par le laureat M. Prouverelle,


Franco aqui mounle n'erian au darrie mes de mai ?

Sarié pas aquelo mouralo minimisado sènso Dieu, sènso famiho, sènso patrîo qu'es la grando coupablo ?

Prouteicioun di fournigo alor que la guerre finissié d'èstre drole, quauqui noucioun d'igieno, e souto la resoun d'antialcououlisme, la guerre au vin de Beziés èro touto la mouialo que s'aprenié dins lis escolo.

Noutas lou bèn, Messies, l'essenciau d'aquelo mouralo vengudo pèr uno part d'Angloterro e desveloupado au - nostre per la massounarié ero la guerre i causo miejoitrnalo : guerro au vin, guerro à nòsti courre biou. Es de crèire; Messies, que dempièi lou masèu de la Mada- leno la Crousado a pas desarma e que toujour sanguino Iou sang di Trencavel. Noun, li. felibre plourinejan pas sus la mort d'uno fournigo alors qu'es li pàuri menino nostro que moron de fam. Un de mi prédecessour coume felibre majourau, IQU grand Enri Fabre nous a prouva coumo pau interessanto soun li fournigo, e d'uno autro part Iou grand baile Fnlcò de Baroncelli nous ensigno que li biou soun la darriero cieuiadello noun entamenado de nôsti liberta miejournalo. Car es pas eme de lamentacioun que se rebastira la Patrîo.

Gramacie Moussu Lignères de l'ôucasioun que m'a dounado de sourti de nosto tourre archeoulougico. Que me perdoune, es pas eu que critique, es de causo que soun proclio d'eu mai en deforo d'éu e dòu pouèto qu'es.

Au pouèto reven uno medaio d'argent qu'aura d'autant mai gagnado que me sarai amusa de ié la faire paga.

Pièi de critico soun, mies que de coumplimen banau, la provo dòu bon moumen que Moussu Lignères nous a fa passa.

Lou bon felibre Jan dôu Vidourle davèro tambèn uno medaio d'argent. Perqué diriéu pas que souto aquéu noum s'escound un ome de la terro qu'a passa de longuis annado, e n'en passara encaro, à l'enauramen de


sa terro galarguenco. Quant soulio, Pau Vezian enauro sa terro en la faturant ; pièi, i jour de plueio, la canto, o n'en marco li richesso lenguistico en de precious diciounàri. Vuei es sieis sounet que nous a manda.

beleu en oublidant que rèn n'es dificile coume lou sounet. Certo vaqui bèu tèms. senoun de siècle, que li meiour pouèto soun ana dòu sounet pas trop regulié, fin qu'au quatourzen. Basto, voudriéu pas degaia voste plesi davans sa Danso bÒllmiano, qu'es un pichot tabléu plen de vido e de coulour, pèr uno malurouso assounanço.

Se vèi aqui ço que desseparo lou foucloro di libre e di museon, causo morto dins si toumbèu, dòu Felibrige qu'es vido, creacioun, tradicioun em' eyoulucioun.

Etimoulougicamen, tradicioun es trasmessioun, trasmessioun de la lampo d'un courrèire à I'autre. Lou Felibrige a l'ambicioun, partènt de ço que dòu passat resto vivent, de viéure lou present e de faire l'aveni meiour en ligant li causo bello d'aier que saran mai que bello deman. Vaqui perqué voulèn èstre li proumie d'llno raco que regreio.

Mai escoutas noste pouèto : DANSO BOUMIANO Dins l'ennas, Ii boumiaii venon de s'acampa A coustat rli veituro escrancado e brandanto ; L'un d'eli, quatecant, jouvènt beu estampa Pren sa quitaro e jogo uno danso atrinanto.

Li ped nus sus la gèrbo ounte es 16sto à trepa Unu jouino bôumiano indoucilù vaganto Balo en vira-vôutant e pemhio retipa Li geste eme Teste dis antico bacanto.

Lis ome e li barbeu la belon, pivela, Car dins si mouvemen subran s'es desvela Lou pouderous atra d'un cors souple de drolo.

Quand s'arresto, alassado e la caro en susour, Tôuti picon di man, car vèn de faire ounour A la Raço, en dansant segound l'us dis aujolo.


N'en finirai en vous disent quàuqui mot de l'odo au Marescau Petain de Mèstre Antounin Joannon, de Marsiho. Avoucat ounourari, president de la mai pouderouse dis assouciacioun felibrenco, Mèstre Joannon a manca de gaire de se vèire elegi majourau. Sachènt sa lengo e - soun mestie coume li saup, auriéu à ié reproucha que de fàussi rimo richo ,coume soucit e sourgi, coumbat e bounta, s'avie pas cresegu, pèr lausa un ome simple coume lou Marescau, que falie de longo souna de la troumpeto triounfalo. Crese que, pèr canla lou travai, li mot de la terro sufison ; que, pèr canta la famiho, baston li mot famihe ; pèr canta la patrio, es — proun di mot que sabon Ii gènt que moron pèr la Patrio o que vivon pèr elo Ansin fasié Clouvis Hugues, qTIéu felibre que pas.savo à Paris per un manjo-crestian e un coumunard descabestra e qu'ero en Prouvenco lou mai requist di pantaiaire e di póuèio. Rouge et même ecarlate, n'en dis Mario Gasquet, le candide et si cher Clovis Hugues. à qui Mistral disait : Ah vaï ! iu as beau baptiser les enfants au pétrole et crier à tue-tête que Dieu n'existe pas, tu crois à Saint-Gens et aux Saintes Maries. lis arrangeront tes affaires. Or Clouvis Hugues cresie encaro au souleu, à la bèuta, i causo simplo de la vido vidanto e, pèr canta soun grand ami Mistral, prengue li mot Ii mai famihie, e d'un admirable sounet lou darrié vers fugue : As pourta la patrîo et l'oustau dins ti bras.

M'es yejaire qu'aquéu vers sufis tambèn pèr lausa lou Marescau Petain. Dou prougramo de la Revoulucioun Naciounalo, dins aquéu vers, mancarie que lou travai.

Acò 's pas pèr nous estouna qu'un omé que fugue deputa gaire ague sachu ço qu'es lou travai ! Adounc jiogo de vous legi l'odo de Mèstre Joannon, là resumirai dins lou soulet vers de Clouvis Hu g ues pèr dire au


noum de la Soucieta Archeoulougico de Beziés au glourious sauvaire de la Franco : As pourta la patrìo e l'oustau dins ti bras.

Vous avez porté, vous portez dans vos bras et la Patrie et Ie foyer.

LEOUN TEISSIER.

Ce Rapport est particuliereinent goÙté par l'auditoire pour qui notre chère Langue d'Oc est toujours un regal-

M. Fouquet termine l'intermede musical par « La Victoire », de Rameau (1683-1764). II obtient le succès le plus vif et le plus flatteur pour un talent que nul ne saurait lui contester.

M. le Docteur Gayraud reprend la parole pour clore la série des Rapports.


RAPPORT

SUR LE

Concours de Poésie Française Par M. le Dr R. GAYRAUD

FONDATION A. CAPDEVILLE SUJET DIPOSÉ : « Le Devoir »

MESDAMES, MESDEMOISELLES, MESSIEURS,

Beaucoup parmi vous ont connu M. Auguste Capdedeville. Ceux qui l'ont approché ont pu apprécier son esprit cultivé, très épris d'intellectualité. Tous vous devez connaître son dernier geste de Mécène envers notre Compagnie : C'est à sa générosité qu'elle doit de pouvoir récompenser chaque année par des prix en espèces un certain nombre de poésies composées, selon la volonté expresse du testateur, sur un sujet qui lui était cher : « Le Devoir ».

Ecrire sur un thème imposé, et toujours le même, est une épreuve à laquelle bien des poètes hésiteraient à se soumettre. Pégase devient souvent rétif à l'orée de sentiers trop bien tracés, on sent qu'il a des ailes.

Tous les ans, depuis l'institution de ce Concours, certains de nos correspondants tentent néanmoins la périlleuse chevauchée.

Ils ont aussi la faculté de joindre à leur envoi un poëme sur un sujet libre, qui, s'il ne joue pas pour


l'attribution des prix, permet, du moins, au Jury, de juger leurs capacités d'inspiration sur un plan plus large; disons aussi que ces concurrents sont, en général, des habitués de nos joutes annuelles.

Dix-sept manuscrits nous sont parvenus cette année, cinq ont été dotés de prix.

Le premier revient à M. Alban Véziers, pour son Ode au Devoir. « De la musique avant toute chose » a dit Verlaine, M. Véziers s'en est souvenu. Tout est musical dans ce poëme élégant, aux vers harmonieusement rythmés. On peut lui reprocher d'être parfois obscur : mais la musique n'exprime-t-elle pas avant tout des sentiments quelquefois complexes, difficilement analysables et les écharpes de brumes n'est-elle pas leur charme comme le clair soleil de juillet ? Notre Jury s'en est opportunément souvenu.

Permettez au lauréat lui-même de vous en lire quelques strophes : ODE AU DEVOIR 0 DEVOIR ! Sainte loi du Monde, Dieu pense en toi sa création Et de l'Etoile vagabonde Jusqu'à l'humble germination, A l'herbe simple et dédaignée, — Toile que tisse l'araignée — Tout prend en toi son sens divin.

Tout obéit et tend, immense.

Mû par la joie ou la souffrance, Confusément vers une fin.

0 Fin plus haute que soi-même, Par qui régne l'ordre des Cieux ; De l'Homme insigne diadème : Vient-il au jour d'ouvrir les yeux, A s'acquitter du don de vie Ton nom auguste le convie Devoir que je chante à gtnoux !

Et l'Esprit qui le transfigure, Rend adorable sa figure : Son destin lui parait plus doux.


Car, maintenant, une Antigone Marche, éternelle, à son côté.

Elle engendre, puis elle donne !

Loi Morale à l'Humanité.

Saint Devoir, ô plus sainte encore L'œuvre conçue à ton aurore, Chaque siècle en accroit le fruit.

Est-ce un chant ? Est-ce des prières ?

C'est le bruit des premièrres pierres : Une Cité sort de la Nuit.

Et c'est l'entr'aide lumineuse Rapprochant les fronts des humains, Le tien se penche, ô femme heureuse, Sur le berceau fait de tes mains.

L'Enfant sourit, le père tremble D'amour, de crainte tout ensemble — Trop grande joie est un danger — Foyer, foyer ! sais-tu ta place !

Ecartez, mon Dieu, la menace Un Ange y dort, veille au manger.

Ruche harmonieuse des êtres !

Terre, bruissant gâteau de miel, Où le labeur, élu pour maître, Comble un souhait essentiel ; Ton espérance n'est pas vaine, Entends grandir la race humaine !

— Moins vite à Psyché vole Eros — Long courage. effort anonyme Eblouissement de la cime Calme des saints et des héros.

Fier bâtisseur de Cathédrales — Mystiques flêches dans l'azur — Compatissant des derniers râles — Savant qui cherche au geste sûr.

Obéissance à la loi sainte, Noble pudeur voilant la plainte, Claires raisons : aimer, servir.

Le sang versé, le sang du juste

- Comme la racine à l'arbuste — Scelle à sa race l'avenir.


Infini ! Secrète harmonie Réglant l'astre la nuit, le jour De toi naîtra la poésie, Fille immortelle de l'Amour.

La Pensée et la Connaissance, Sur le fleuve des renaissances, Portent l'Homme au divin ravoir.

Créature élue, il achève L'œuvre à la forme de son Rêve !

CIVILISATION et DEVOIR !

Plus de clarté dans Us feuillages !

De quel froid sont morts les oiseaux ?

Le ciel muet, stupeur des eaux !

Ai-je vécu plus que mon âge ?

Je vous cherche à tatons : visages : Mon pied ne heurte que tombeaux.

En mon âme quelle déroute !

Un glas sonne. Est-ce vous encor Troupe hagarde, tristes corps Que je devine sur la route ?

Je suis poignardé par le doute, J'implore la pitié des morts !

Par deux fois commis, crime horrible !

Cela fut donc. fut donc possible !

J'en appelle à tous les vivants !

Il n'était pas séché le sang ; C'était hier. Juste viugt ans !

Temps voulu pour créer un homme, Le temps d'aimer, de croire, en somme, De vivre : Tout bas je te nomme GUERRE !

Pardonne, éclat du jour Sombre défaite de l'Amour !

Je n'ose plus ouvrir un livre, Il n'est pour nous plus de beauté, Il n'est plus de douceur de vivre : Aux morts, il en est moins resté.


En vain peut se nouer la ronde Harmonieuse des saisons.

Sonne félé:le cœur du monde -Pommiers en fleurs, amandiers ronds-

Que m'importent l'Art, la Science, Sont cassés les fils du bonheur, Chaque minute une espérance Retourne au néant sa lueur.

Que me fait le printemps, ses roses, Je songe à des p .ignets glacés, A des bouches à jamais closes Qui voudraient nous crier Assez !

Je ne désire pour ma tête

Qu'un appui," fraternel cyprès, Apaisant comme, d'une fête, Le silence qui vient après.

S'éteigne la dernière flamme, On ne danse pas sur un seuil !

Que je me cloître dans mon âme Pour mesurer l'ampleur du deuil !

Dieu sait, pourtant, quelle allégresse Me soulevait au jour naissant ; J'en charriais le flot sans cesse, Dans les battements de mon sang.

Ciel nuancé de tourterelle, Ciel d'argent sur les oliviers, Ciel subtil, brise sensuelle, Ciel, transparence des viviers.

Matins lisses comme ma joie, — Vase des heures au col pur, Vous étiez l'échelle de soie D'où je m'élançais dans l'azur.

Universelle symphonie !

Qu'orchestraient les monts et la mer Meilleure part de mon génie Voluptueusement amer. —


Ma ferveur, roulait, complaisante, En venant mourir à vos bords Elle fut la royale amante Qui s'exaltait à vos accords

Tapis de gloire de mes rêves I J'y veux m'étendre et que l'un d'eux Saisissant ma lyre, l'élève Et dise, dénombrant mes vœux Que j'ai langui de ne pas être, Thèocrite, un de tes bergers.

Hymette, où les troupeaux vont paître !

Joueurs de flûte aux doigts légers !

L'Illysus et son laurier-rose, Son platane et Socrate avec, Pour moi faisaient — métamorphose !— D'une cabane, un temple grec.

Cœur modelable, tendre argile !

J'ai brûlé sur tous les bûchers Me lamentant avec Virgile Sur la perte de ses rûchers !

Sort douloureux de Baudelaire !

Dieu Pan qu'un remords fait chrétien, Verlaine, ami du solitaire Rimbaud,- leur drame fut le mien Echo lointain, écho céleste D'un paradis dont j'eus ma part, Paradis perdu qui nous reste Dans un andante de Mozart.

Montant précieux de ma richesse !

Amas d'étoiles dans mes mains !

Je succombais sous la tendresse !

Pouvoir tout donner aux humains !

La fleur à l'abeille gourmande Sert le festin qui sera miel : Je vous portais, naïve offrande, Les chants qui composaient mon ciel,


0 ! Vivants ! Pourrions-nous ensemble Les redire comme autrefois !

Rebâtir le RÊVE qui tremble: J'y veux m'essayer à mi-voix.

Nous rêvons d'une vie harmonieuse et belle Où, parmi nous, l'Amour, en chantant, sera roi Quant l'âme secouant son maître, ange rebelle, La Paix, son souci d'or, sans glaive, fera loi.

Nous te voulons, ô Vie ! Indulgente et très bonne.

Nous te voulons, semant des fleurs sur les tombeaux, Il faut cacher la Mort ! Mort émouvante, donne Aux humains accablés, répit de jours plus beaux.

Gestes magnifiés de la Femme et de l'Homme !

Gestes où l'avenir lève son front clément !

Enfin dans notre exil, mêlons comme nn arôme : Que nos cœurs s'unissant fassent un seul amant !

Restitue à l'Enfant ta splendeur, ô Nature !

Et ton enfant, c'est nous, toi, notre unique bien.

Trop longtemps notre haine, au jour, a fait inj ure Terre, déesse aimée, enserre nos liens.

Plus près de toi ! entends, tes bienheureux esclaves !

Nostalgique est l'attrait de ton sein maternel !

En te perdant, ils ont noué leur cœur d'entraves : Sois pour eux, et le pain, et le vin et le sel Avec l'oiseau, la fleur, la plante, avec la bête, Jeux vermeils renouez notre antique amitié ; L'aube monte aux genoux de la Femme, — elfe allaite Son petit Jupiter, rayonnante moitié.

Le matin s'est ému des tendresses du père !

Il élève en ses bras, perfection du jour, Son enfant dont la bouche a des rires d'eau claire Et la vie, autour d'eux, les sacre dans son cours.

k Sur le monde sauvé, la joie, en vague, roule Et — se laissant hunier comme un bouquet des cieux Elle tombe en chacun et chacun devient foule : Se courbant sous le poids, pacifiante houle.

La Terre croit, soudain, réentendre ses Dieux.


Nous te tenions, — oui, par une aile !

Et tu t'es cru dans des bras forts Qui conjuraient les mauvais sorts Paix, colombe ! innocence frêle 1 Pour te garder, oiseau fidèle, T'ensanglantèrent nos efforts.

Je tiens encor, toutes froissées Tes plumes. L'on ne tuera plus !

J'en témoigne ! Ils n'ont pas voulu Cela, les morts ! haines passées Allez au feu, branches cassées ; Les mensonges, bois vermoulu.

0 ! Conscience de ma race L'élément régénérateur, Devoir, sa force etsa ferveur !

Redressons-nous Implante vivace, L'espoir fleurit dans le labeur.

Je viens vers vous, hommes, mes frères J'ai mis mes pas sur vos chemins Mon âmé a l'odeur de la terre Et le goût des travaux humains.

Je vous apporte en abondance Des demains riches de moissons, La complaisance des saisons Jeux alternés — noble opulence — Où les[honneurs tournent en rond.

La soupe fume, parfuméé, C'est — comme avant — l'heure du soir Un pas aimé, le vif bonsoir.

Maison dans la nuit refermée : - Partage-nous le pain, devoir !

Comment désespérer de viv,re, Pays où la raison sourit ; Banquet fraternel de l'Esprit ; Demeurè où Montaigne^ouvre un livre, Où la grâce s'épanouit.


Nous te referons une robe Qui n'ait coutures ni revers : Lumineuse comme un beau vers, Elle aura les couleurs de l'aube

Annonçant aux confins du globe FRANCE, ta Paix à l'Univers.

Notre deuxième prix revient à M. Hervé Quinté, pour « Bérangère », série de jolies enluminures médiévales célébrant le devoir sous un de ses aspects les plus attachants : La fidélité d'une jeune châtelaine de vingt ans à l'époux parti guerroyer en Terre-Sainte alors que l'amour d'un charmant troubadour chante à sa porte : Tout serait à citer : je ne le puis à mon grand regret.

Voici du moins de quoi vous satisfaire.

C'est la nostalgie de l'attente.

Or, Bèrengère s'en revient, toute pensive, Dans sa chambre. Un soupir enfle son jeune sein Et, frôlant le rebec qui git sur un coussin, Sa main lui tire alors quelques notes plaintives.

Est-ce un lointain écho des heureux jours défunts Qui lui répond, là-bas, dans l'ombre, et qui pénètre A travers les barreaux de l'étroite fenêtre Avec le vent marin lourd de grisants parfums ?

La tentation.

Est-ce le doux refrain de quelque hymne d'amour ?

Que lance au vent du soir sa chaude voix troublante?

Et voici que déjà, Bèrengère, tremblante, Reconnalt la chanson du jeune troubadour.

Aymar de Quéribus la composa pour elle L'an dernier quand après les fêtes et les jeux, Au balcon de la Cour d'Amour il vint, joyeux, Lui dédier un soir son hymne à la plus belle.

La fuite et la prière.

Alors, elle s'enfuit bien loin de la fenêtre.

Elle sera fidèle à l'austère devoir Et n'écoutera plus, dans la douceur du soir, L'ardent appel qui fit tressaillir tout son être.


Dans le calme oratoire, au pied du lourd pilier, Devant le crucifix joignant ses deux mains pâles.

Elle incline son front fiévreux contre les dalles, Priant le doux Jésus de garder Olivier.

La résignation enfin.

Et, même s'il ne doit plus jamais revenir, Si le Seigneur lui veut réserver cette épreuve, Elle saura garder, inconsolable veuve, Le vieux château désert, plein de son souvenir.

Comme poésie ajoutée : «Les derniers Troubadours» où la clarté chère à M. Quinté vient encore une fois exhumer des brouillards de l'histoire les poètes-paladins quittant le rebec pour l'épée et défendant pied à pied contre Simon de Montfort la vieille patrie romane.

M. Auguste Gibert obtient le 3e prix avec une assez courte pièce où « Le Devoir » nous est représenté sous les aspects les plus divers qu'il peut revêtir au cours de notre existence el sous lesquels nous devons le découvrir si nous voulons accomplir loyalement notre mission ici-bas.

Tantôt appel au sacrifice, tantôt lutte quotidienne Le Devoir c'est l'effort, c'est la lutte sans trêve, Le combat quotidien où notre ami le rêve N'a pas même le droit d'étendre ses fils bleus.

C'est un fardeau trop lourd que les plus vigoureux Désirent uu instant déposer sur la route.

Il peut être la voix que jamais l'on n'écoute, Le reproche constant que murmure l'honneur, Ou l'ombre qu'il faut suivre et qui verse la peur.

tantôt patience, indispensable armure contre la monotomie de l'existence ;

Le Devoir c'est parfois la route monotone, Sans parfum et sans chant, triste comme l'automne, Quand les arbres n'ont plus leurs brillantes couleurs Et quand les prés jaunis n'étalent plus leurs fleurs.


jusqu'à l'extase finale de la suprême récompense vers laquelle prend sa course l'homme enfin spiritualisé Le Devoir c'est alors une course divine, Où les fleurs du fossé font oublier l'épine ; C'est l'appel merveilleux d'un éternel amour Et le prisme montrant la beauté de ce jour.

Citons accessoirement une jolie poésie (Invitation) où M. Gibert nous confirme de précieuses qualités de Troubadour.

Et c'est encore « Le Devoir » (toujours le Devoir) qui vaut à M. Célestin Nicolas, de Montpellier, notre quatrième prix. La pièce ne comporte pas moins de cent cinquante vers classiques et paraîtrait facilement longue si quelques strophes plus alertes, quelques petits vers isolés ne venaient rompre la monotone série des alexandrins. C'est une prosopopée très classique dans laquelle le devoir apprend à l'homme qu'il accompagne de l'enfance au tombeau comment et jusqu'ou il entend être suivi. Sentiments élevés certes et dont quelques exemples valent d'être cités. ,

Enfant, regarde-moi. Mets tes yeux dans mes yeux.

Tu m'aimeras bientôt, si tu me connais mieux.

Je m'appelle Devoir, siège en ta conscience, Et suis la voix divine enseignant l'innocence.

Ah ! mon visage est grave ; il te paraît austère.

Et l'on croit aisément que je ne saurais plaire, Mais regarde-moi bien, tu verras ma beauté Faite de clarté pure et de sérénité.

Aime le Beau partout : fleurs, musique, poètes, Aux chants harmonieux. Aime les pauvres bêtes, Humbles frères noyés dans plus d'obscurité ; L'ivresse du printemps, la gloire de l'été.

La Mort frappe à la porte ? Ouvre-lui. Qui veut-elle ?

Qu'il s'en aille, celui que le Destin appelle, Qu'il s'en aille ! Tais-toi. Paix autour de son lit.


Nous regrettons néanmoins que le « tryptique de sonnets » que M. Nicolas nous présente ensuite ne puisse entrer en ligne de compte pour l'attribution du prix : de jolies qualités peut-être plus évocatrices que réellement descriptives s'y manifestent, dans le premier et le troisième. Quant au second, composé, nous dit l'auteur « non sans un grain de malice » il s'essaye au genre symboliste avec assez de bonheur mais sans trop d'obscurité, après quoi M. Nicolas veut bien selon sa promesse nous donner « la Clef du Coffret ».

Agréable taquinerie littéraire qui nous fait apprécier la verve satyrique de M. Nicolas en même temps que sa facilité d'adaptation.

Le cinquième prix enfin, à M. Louis Granié. Sa contribution à la fondation Capdeville « Paroles dans le Soir » est le commentaire, en vers quelquefois grandiloquents, mais bien frappés de la parole du Maréchal Pétain « L'année 1940 a pris fin tournons-nous vers l'avenir ». C'est le Conseil du Chef au soldat valeureux mais désarmé par l'adversité, non d'oublier sa défaite mais d'y puiser le courage et l'abnégation plus que jamais nécessaires pour reprendre la lutte, sous une autre forme : l'esprit de discipline et de sacrifice doit rester pendant la paix ce qu'il a été pendant la guerre.

Le mot « Devoir » n'y figure qu'une fois, à la fin, comme une signature, l'idée est présente partout.

Ne désespère pas, mon fils, de ton destin : Dans un nimbe de sang, le soleil s'est éteint, Le soir a déployé la noirceur de ses voiles, Le ciel s'est refermé comme sur un cercueil, Mais là-bas, émergeant de l'horizon en deuil, Vois, déjà se rallume une gerbe d'étoiles.

Tu soupirais : « L'hiver traverse mon manteau, Me glace jusqu'au sang, m'étreint dans un étau, Mais si la mort m'épargne, ô ciel qui t'effiloches,


Je reverrai demain, quand nous serons vainqueurs, Le bon feu qui pétille et réjouit les cœurs, Demain, quand la Victoire éveillera les cloches » Et voici qu'à présent tu désespères, — las, Au lieu du carillon des jours de fête, un glas Se lamente dans l'ombre et martèle ton âme, Ta femme, tes enfants t'entourent, et pourtant Tu te sens malheureux, tu pleures, écoutant Le glas de la Patrie, aux râles de la flamme.

Ne désespère pas de ta force, ô mon fils !

Souviens-toi du martyr qui sur le crucifix, En proie à la souffrance et les yeux pleins d'aurore, Elève vers le ciel son regard douloureux, Et qui semble sourire à tous les malheureux, Et dire à tous de croire et d'espérer encore.

MESDAMES, MESDEMOISELLES, MESSIEURS,

Mon rapport est terminé. Je ne veux pas vous quitter sans vous exprimer ce que je pense de tout mon cœur de Français, ce que vous pensez certainement vousmêmes : la signification particulière que prend aujourd'hui notre Concours annuel.

Mémoire historique — Poésie française — Poésie néo-Romane — rappel de notre impérissable génie littéraire et intellectuel — symbole de notre civilisation latine que nous avons à défendre. « Devoir », austère mais sublime nation, torche étincelante aux mains du Chef, astre magnifique éclairant notre route comme autrefois celui de Bethléem.

Dès que les applaudissements ont cessé, M. Ros, Secrétaire, donne lecture du palmarès suivant ;


LAURÉATS DES CONCOURS De l'Année 1941

MÉMOIRES HISTORIQUES, BIOGRAPHIQUES, ARCHÉOLOGIQUES (Prix réservé) Médaille d'Argent Recueil des textes d'histoire locale (Nissan).

La Me Militaire à Nissan.

Notice sur les milices garde-cotes du Roussillon.

La Commanderie de Périès, par M. Michel Martinez, de Nissan (Hérault).

Médaille de bronze La commune de Cessenon, par M. Lucien Baunaure, de Cessenon (Hérault).

POÉSIE FRANÇAISE (Prix réservé)

Médailles d'Argent La Douleur d'Orphée, par M. Louis Granié, de Boujansur-Libron (Hérault). (Rappel).

Amitié, par M. Alban Véziers, de Béziers.

Le Printemps douloureux. Le Tombeau de Prosper Ramel, par Mlle A. Daguet, de Douzens (Aude).

Il est trop tard. Ruines Féodales. Le Troubadour, par M. Hervé Quinté, de Graulhet (Tarn). (Rappel).

Le Parfum des Amandiers en Fleurs, par M. Emile Ségui, de Montpellier.

Médailles de Bronze Captivité, par M. Marcel Atgier, de Montpellier.

Au temps des moulins de Fontvieille, par M. Henri Causse, de Campagnan (Hérault).

Mentions honorables Fumées, par M. Georges Vergnes, de Graulhet (Tarn).

Veux-tu ? par M. Auguste Gibert, de la Grand' Combe (Gard).


POÉSIE OCCITANE (Prix réservé) Médailles d'Argent Danso bôumiano, par Jan dou Vidourle, de Gallargues (Gard).

La Menina e la Formiga, par M. Marcel Lignières, de St-Cbinian (Hérault). (Rappel).

Odo au Maresca.u Petain, par M. Antonin Joannon de Marseille. (Rappel).

Médailles de Bronze Lous Nostres, par M. Emile Prouverelle, d'Olargues (Hérault). (Rappel).Ban de Pais, par M. René Gibert, de Maraussan (Hérault).

Mentions honorables La Canoto, par M. Raymond Ithier, de Lignan-surOrb (Hérault).

La Galèra Vendrôia, par M. Maurice Buchaca, de

Vendres (Hérault).Ueiritaje de Batistoa. Nostre Lez, par M. J. Roux, de Sète (Hérault).FONDATION AUGUSTE CAPDEVILLE Sujet imposé par le Testateur: « LE DEVOIR» Premier Prix M. Alban Véziers, de Béziers.

Deuxième Prix M. Hervé Quinté, de Graulhet (Tarn).

Troisième Prix M. Auguste Gibert, de La Grand' Combe (Gard).

Quatrième Prix M. Célestin Nicolas, de Montpellier.

Cinquième Prix M. Louis Granié, de Boujan-sur-Libron (Hérault).

De nombreux lauréats viennent retirer leurs prix et le public ne leur ménage pas ses encouragements,


M. Jules Latreille, Président, déclare ensuite :

Il est nécessaire d'ajouter un complément au Palmarès que vous venez d'entendre afin d'attribuer un Prix hors-série à un lauréat exceptionnel.

Nos Concours n'ayant pas eu lieu, l'an dernier, les arrérages du legs Auguste Capdeville sont demeurés de ce fait inutilisés.

D'accord avec l'exécuteur testamentaire, notre Bureau ne croit pas pouvoir faire un meilleur usage de ces fonds, ni mieux interpréter l'esprit, sinon la lettre des intentions du testateur qu'en les attribuant, à titre de Prix pour 1940, à l'œuvre du « Secours National ». Nous , devons récompenser, par ce prix, des poèmes sur le « Devoir ». Le « Secours National » ne compose-t-il pas quotidiennement, par ses œuvres des sortes de poèmes en actions qui exaltent et magnifient le Devoir mieux que ne le sauraient faire les plus beaux vers ?

Dans ces jours malheureux, la solidarité, la compassion et le soulagement de l'humaine misère ainsi élargis au cadre de la Patrie, comportent en plus de leur directe bienfaisance, un degré de poésie uni à une exemplaire signification morale qui dépasse toute louange et toute récompense.

La Société Archéologique est heureuse de pouvoir décerner, exceptionnellement, son unique Prix Auguste Capdeville, pour 1940 d'un montant de quatre mille fr.

à l'œuvre du « Secours National » Monsieur le Président précise enfin.

La Société Archéologique ne peut pas clôturer cette réunion sans adresser ses plus vifs remerciements, tout d'abord et en premier lieu à la Chambre de Commerce et à son très distingué Président, qui ont bien voulu continuer de lui offrir généreusement la magnifique hospitalité de cette salle. Cette générosité est devenue vyne tradition, et la Chambre de Commerce manifeste


ainsi une fois de pins, combien elle sait unir au sens des intérêts économiques, le souci éclairé des intérêts intellectuels de Béziers. Nous ne saurions la féliciter ni la remercier trop de son intelligent Mécénat.

Que M. le Maire de Béziers, que Messieurs les représentants des autorités militaires, juridiques, académiques, que Messieurs les membres de la Légion dont plusieurs sont nos sympathiques confrères, veuillent bien accepter aussi, nos respectueux et chaleureux remerciements pour avoir répondu à notre invitation.

Ils ont donné par leur présence, à cette cérémonie biterroise un éclat et une signification dont notre Société se sent honorée et encouragée.

Et il nous faut remercier encore le fidèle, le charmant et intelligent auditoire qui est venu parer de sa grâce attentive une fête que nous voudrions moins austère pour lui. Rien ne saurait nous être plus précieux que l'attachement du public biterrois à sa vieille Société.

La sévérité de nos discours est d'ailleurs très agréablement tempérée par le charme des intermèdes musicaux, do*nt nos deux aimables confrères, M. Niel et M.

Fouquet savent avec un art si consommé les entourer.

Leur science de l'histoire de la musique s'unit à leur remarquable talent d'artiste pour composer et exécuter des programmes d'une haute et rare tenue. Une fois de plus leurs confrères sont heureux de leur offrir leurs reconnaissantes et bien vives félicitations.

A vous tous, Mesdames et Messieurs, la Société Archéologique dit bien sincèrément merci et à l'année prochaine.


Les Voies dites Domitiennes DE L'HÉRAULT A L'ORB Par le Docteur J. COULOUMA

La Voie Domitienne porte le nom de Domitius Ahenobarbus, consul romain et vainqueur du roi Bituit. Ce général heureux devint gouverneur de la Narbonnaise en l'an de Rome 634, soit en 119 ans avant .1. C.

Il construisit une route tout le long de la côte languedocienne en utilisant certaines portions d'un chemin plus ancien appelé Voie Héracléenne. Après lui, cette voie fut souvent réparée ou modifiée, de sorte que nous constatons aujourd'hui plusieurs tracés de routes Domitiennes ou attribuées à Domitius.

Ces voies partaient, soit du Pont sur l'Hérault, soit de Cessero (1) qui était une «MansiQ», un lieu de gîte, comme Bœter rae (2).

Leur longueur était de 12 milles romains, soit trois lieues. Le trajet suivi par ces vieux chemins a été déjà étudié par plusieurs auteurs.

En 1820, Thomas a publié une notice sur la voie romaine dans l'Annuaire du Département D'après lui, au delà du Pont sur l'Hérault, la voie Domitienne se dirigeait parallèlement à la rivière, la remontant en ligne droite jusqu'à Saint-Thibéry. A la sortie de ce village, elle obliquait à l'Ouest pour se rendre à Béziers également en ligne droite par le territoire de Montblanc et le domaine de Clairac.

Cet itinéraire a été reproduit par le savant auteur des "Antiquités et Monuments de l'Hérault", chapi-

(i) St-Thibéry. — (2) Béziers.


tre important de la Géographie générale de notre département. Nous avons relevé dans cet ouvrage, particulièrement bien documenté, la mention de deux bornes milliaires trouvées sur le parcours qui nous intéresse.

La première a été découverte en 1867 au tènement des Castans, à 3 kilomètres à l'Ouest de SaintThibéry, non loin d'un vieux pont sur le ruisseau de Laval. C'est un pilier carré d'une hauteur de 1 m. 50 qui porte le chiffre de XXVI milles, comptés à partir de Narbonne. La deuxième borne a été trouvée dans Béziers à l'intersection de la route de Bessan et du boulevard de la Liberté. Elle témoigne d'une réparation de la voie sous l'empereur Tétricus en l'an 269.

Dans son Histoire de la ville et des évêques de Béziers, notre érudit confrère Sabatier a indiqué le même tracé de la Voie.

De multiples trouvailles ont été faites le long de cette route d'après MPaître Bonnet. Dès 1723, François de Bon, rendait compte à l'Académie de Montpellier de la découverte d'une belle urne cinéraire au tènement de la Garrigue dans le territoire de Saint-Thibéry.

A 5 kilomètres de Béziers et au terroir de Montimas, il a été trouvé une statue en fragments représentant un personnage à genoux vêtu d'une tunique serrée à la taille à la mode romaine. (Bull. de la société Archéologique de Béziers, 2e série XI p. 286.).

Deux coffres cinéraires en pierre ont été découverts en 1880, l'un à la sortie de Béziers, l'autre à 1 k. 500 de la ville au point de jonction de la route de Bessan et du chemin de Valras.

Huit ans auparavant, des ouvriers avaient mis au jour une épitaphe à revêtement de plomb, sur la même voie, et à proximité des trouvailles précédentes.


Enfin, un petit autel votif portant le nom de Mercure i; été trouvé sur les bords de l'Orb près du Pont Neuf.

(Corpus XII, n° 4224. Histoire du Languedoc XV, P.

444, n° 1545).

Sur le trajet de cette voie on ne connaissait pas l'emplacement exact de Cessero, tout en le situant près du village de Saint-Thibéry.

Nous avons fait, M. Claustres et moi, la découverte très importante de l'Oppidum de Cessero. Cette mansio de la voie Domitienne se confondait presque avec le village actuel. Il existe tout près de l'agglomération un cube de roches basaltiques qui forme une sorte d'ilot rocheux, un "Fort naturel", haut de 10 à 15 mètres.

Sur ce plateau de 1000 mètres carrés nous avons procédé à des fouilles qui nous ont permis de mettre au jour des murs de cases primitives, des tessons de Page du bronze et de l'âge du fer, un peu de céramique attique et de multiples fragments de vases ioniens.

Dès le vme siècle, avant notre ère, "le Fort" a été entouré de fortifications qui ont été refaites à différentes époques.

Cette Acropole surveillait le passage de l'Hérault qui pouvait se faire, d'après M. Ros, notre savant confrère, soit par le Pont Romain en aval, soit par bac ou par barques à la hauteur de Cessero. Il existe en effet, un vieux chemin sur la rive gauche de l'Hérault.

L'érudit Secrétaire de la Société Archéologique l'a suivi jusqu'à la ferme de Saint-Appolis. Dans le territoire de Florensac ce chemin porte le nom de la Reine Juliette.

Plus en aval et sur la même rive une autre voie (lou Cami Roumiou vieux) aboutissait au Pont Romain.

D'après Charvet qui a étudié les voies anciennes de la région, dans une longue note parue dans "les


Cahiers d'Histoire et d'Archéologie", il faut distinguer deux chemins : 1°. - La voie Domitienne de Saint-Thibéry à Béziers par Clairac ; c'est la continuation du chemin de la Reine Juliette.

2°. — Un chemin plus ancien partait du pont de Saint-Thibéry, passait entre les deux volcans,' dits Monts Ramus, et allait rejoindre à Clairac le tracé de la voie Domitienne. Entre ces deux voies il existait des raccordements surtout au voisinage de l'Hérault, à cause de l'importance de Cessero.

Aux pieds des remparts du "Fort" passait un vieux chemin dont il reste un témoin irrécusable: c'est un ponceau à la voûte surbaissée ; la route de SaintTlhibéry à Agde le franchit. Partiellement démoli lors de la construction de la voie ferrée du côté Nord, il constitue actuellement une galerie longue de six mètres et large d'un mètre 30, construite en blocage.

Comme certains ponts de la voie impériale de Béziers à Pézenas il ne sert plus à l'écoulement de l'eau.

Le chemin qui franchissait ce ponceau continuait en ligne droite au-dessus de la tranchée du chemin de fer dans la direction du pont de l'Hérault. Sur le cadastre de 1827 il est désigné sous le nom de Chemin de Sainte-Colombe. Il a pu desservir le camp situé au Sud du "Fort" derrière le cimetière de Saint-Thibéry au tènement dit Camp de la bataille".

Un autre chemin, dit chemin du Moulin, part des dernières maisons de Saint-Thibéry, au Sud-Est du village, et se dirige en ligne droite vers le Pont Romain situé à 1 kilomètre. Cette voie, large de 3 à 4 mètres, a été réparée en certains points avec des fragments de briques ou de doliums.

Nous avons aussi remarqué le long de son parcours un petit arceau surbaissé dont la voûte est faite


en briques, placées perpendiculairement, construction assez rare aujourd'hui. Est-ce là un vieux chemin de raccordement des deux voies ou l'amorce de la vieille route qui du pont de l'Hérault se dirigeait sur Lodève et Rodez ? Nous ne pouvons l'affirmer.

Les recherches de M. Ros ont démontré que la grande voie Domitienne, passait à la ferme St-Apolis.

PONT ROMAIN DE SAINT-THIBÉRY

VIEUX CHEMIN DU PONT cc CAMI ROMIOU VIEUX"

De l'Hérault à l'Orb, nous avons suivi et repéré deux routes primitives. La plus ancienne partait, disions-nous, du Pont Romain.

D'après de nombreux archéologues, le pont romain de Saint-Thibéry aurait été construit par Domitien Ahenobarbus vers l'année 634 de Rome (120 av. J. C.), au moment où il établit la grande voie qui portait son nom sur l'emplacement de la Voie Héracléenne.

Le passage de l'Hérault à Cessero est mentionné dans l'Itinéraire d'Antonin, les Vases Apollinaires, la Table Théodosienne, l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem, documents qui sont de date différente, du IIe au Ve Siècle de notre ère.

Au moyen-âge le pont sur l'Hérault est cité dans un "déguerpissement" ou abandon que fait en 990 le Vicomte de Béziers, Guillaume, en faveur de l'abbaye de Saint-Thibéry.

Dans les temps modernes, le pont romain a servi au passage des troupes jusqu'à sa destruction qui daterait, d'après la Géographie de l'Hérault, du début du XVI0 siècle et, d'après les Fabre, de l'année 1683.

Ces derniers auteurs indiquent que le passage des


troupes a même eontinué par cette voie après cette date, la traversée de l'Hérault se faisant alors par des barques. En 1666 les Etats du Languedoc accordèrent à la communauté de Saint-Thibéry 1400 livres pour la réparation "du chemin royal qui passait sur le pont". En 1728" les consuls du pays, en se plaignant à l'intendant de l'état du chemin, indiquent que la communauté fournit huit hommes par bataillon "pour aider - à passer les deux barques, depuis que le

pont est rompu".

A l'époque romaine et au Moyen-Age, l'Hérault était réuni dans son lit de droite, -sous le pont.Au cours de la très forte crue de 16-83, l'Hérault s'est divisé en deux, bras et il a. formé ainsi l'île des Bènédicfins, à la hauteur du village de Saint-Thibéry.

La longueur du pont, écrivaient les Fabre, en 1877, est de 30 mètres pour les cinq arches qui sont encore debout. On aperçoit, aj outaient les auteurs de "l'Hérault Historique", dans les terrains de l'île, ancien domaine des Bénédictins, une des "piles¡, la dernière probablement, qui permet de fixer à neuf le nombre des ouvertures principales de l'ancien pont.

Depuis cette date l'inondation de 1907 a fait disparaître la cinquième arche dont il subsiste seulement les vestiges de la pile.

Dans l'île nous n'avons pas retrouvé la dernière pile dont parlent les Fabre ; par contre, de nombreuses pierres provenant du pont sont disséminées sur le talus de la rive gauche, ou réemployées dans un mur légèrement en amont. Les arches, d'inégale grandeur, sont en plein cintre, séparées par un fort massif de maçonnerie dans lequel sont percées des petites ouvertures également en plein cintre, que rappellent singulièrement les dégorgeoirs du Pont-Vieux de Béziers.

La première de ces arches de décharge, établies


dans les piles, se trouve entre la seconde et la troisième grande arche; sur sa face amont elle n'a pas été restaurée ; elle forme un cintre de 1 m. 95 de hauteur et de 2 mètres de largeur à sa base. Ses claveaux, très réguliers, sont en bon état ; ils présentent des dimensions voisines de celles des grandes arches. Le deuxième et dernier dégorgeoir a été presque entièrement rebâti. Il se trouve entre la troisième et la qua- trième arche.

La superstructure du pont a été enlevée; il ne reste aucune saillie, ni décorations, qui permettent d'en réconstituer l'état primitif. L'empierrement est moderne. Seuls les cintres ont résisté à l'érosion des eaux.

Ils sont formés pour les troisième et quatrième arches par 40 claveaux qui ont 60 cm. de longueur au départ de l'arc, et 72 cm. à 75 cm à la flèche du cintre, selon un procédé classique que nous retrouverons au PontVieux de Béziers.

Sous la voûte, les voussoirs ont tantôt 37 cm., tantôt 52 cm. de longueur ; leur largeur moyenne est de 28 cm. Les dimensions des arches augmentent légèrement de la première, partiellement enterrée dans les alluvions, à la quatrième, située au milieu du lit de l'Hérault. La troisième à 4 m. 80 de hauteur et 10 m. d'ouverture au niveau du sable. La quatrième à 5 m. de hauteur et 12 m. de largeur. Tous ces arcs sont surbaissés.

Le pont a une largeur moyenne de 4 m. 40 ; il ne présente pas d'avant-bec, se poursuivant en hauteur pour former des refuges, mais de simples coupe-courant à la hauteur des basses eaux.

Ces éperons ne sont pas bien adhérents aux massifs de maçonnerie sur lesquels se font la retombée des voûtes, comme s'ils étaient postérieurs à la construction du pont. Contre ce dernier ils ont 4 m. 25 à




4 m. 80 de largeur et ils forment en avant un triangle couché de 3 m. 15 de longueur et de 6 m. 50 de côté.

Fait curieux, le pont romain de l'Hérault a été bâti en calcaire coquillier très dur, alors que la pierre volcanique abonde sur ses bords, de même que le très vieux rempart grec de Cessero a été construit à sa base avec la même pierre blanche. Ne serait-ce pas un argument en faveur d'un pont antérieur à Domitius.

Du pont, d'après de vieux paysans, le chemin romain montait directement sur le plateau formé par une coulée de laves des Monts Ramus. Il en reste bien peu de vestiges jusqu'à la route de Saint-Thibéry à Florensac. On le retrouve seulement à côté de la distillerie et à l'ouest de cette route. Il a à cet endroit 4 m. 80 de largeur. - De gros blocs de basalte le limitent à droite.

Nous l'avons suivi à travers les cultures où il est presque partout marqué, soit par une murette, soit par un pavage, soit par un délaissé de terrain. Il tourne très légèrement sur le plateau dans la direction du S. E. ; il montre de loin en loin un empierrement en pierres basaltiques. Parfois, nous constatons la présence d'une muraille de soutènement qui à sa base montre de gros éléments placés à une date très ancienne. Tel est le cas d'un mur construit à peu de distance de la route de St-Thibéry à Agde, qui coupe l'ancienne voie.

Près du croisement se dresse une borne de grande dimension en pierre calcaire ; elle ne porte pas d'inscription, mais un sillon en forme de V. a été creusé dans la pierre. Son ouverture est dirigée vers le village de St-Thibéry. Cette borne présente quatre faces


plates ; elle indique peut-être les limites de l'ancienne abbaye.

A l'Ouest de la route d'Agde commence un nouveau chemin qui est la continuation de la voie.

"Lou Cami Romiou" vieux passe près de la campagne des Monts "das Pérès", franchit le col entre les deux Monts Ramus et redescend lentement sur une autre coulée de lave. Sur ce parcours, nous trouvons deux autres bornes semblables à la précédente. Leurs sillons supérieurs en forme de V. est ouvert dans la direction de Bessan.

La voie tourne lentement vers le N 0 et la descente s'accentue au voisinage du domaine de la Vière, au nom bien évocateur. En ce point, l'érosion à mis à jour un pavage en petites pierres arrondies des Monts, tandis que le bord Sud de la vieille route est indiqué par un alignement de gros blocs.

L'exploitation d'une carrière a coupé cette voie à peu de distance de là. Un embranchement semble se diriger vers la route de Montblanc à Bessan et vers les vestiges d'une villa romaine au tènemeïit de Sainte-Béziane.

La présence d'un vieux ponceau abandonné, à proximité des constructions de la Vière, nous incline à penser que la voie passait par ce domaine. Un chemin venant de Saint-Thibéry l'y rejoignait. Le ponceau a 4 m. 90 de largeur totale. Sa longueur face à l'Amont est de 3 m. 60. Il est construit légèrement en biais par rapport au ruisseau. Les clavaux qui forment le bord de l'arche ont 33 cm. dans les sens largeur et hauteur ; en profondeur ils atteignent 65 et 68 cm. Lps voussoirs sont aussi importants.

Au voisinage de ce ponceau comme à gauche de la route, les tessons de poterie sigillée sont assez nombreux.


Au-delà de la Vière et à l'Ouest "Lou Cami Romieu vieux'' se confond avec le chemin actuel de cette propriété. La route de Montblanc à Bessan le croise. Il continue en ligne droite à l'Ouest de cette route. Sa largeur varie de 3 à 4 mètres. Il passe entre les domaines de la Valmale et de la Guinardète et traverse le ruisseau de Laval à gué. De chaque côté de cette voie on trouve des tessons de poterie, surtout en approchant du ruisseau que nous venons de citer, et sur sa rive gauche. Cent mètres au Sud et près des bâtiments de la Guinardète, nous avons ramassé des fragments de vases de la Graufesenque et des briques à rebord.

Le chemin d'accès de cette campagne traverse le ruisseau de Laval sur un pont à deux arches qui a été très remanié, mais est certainement ancien. Au-delà du ruisseau de Laval "Lou Cami Romiou" vieux devient plus étroit. Il remonte le versant et va rejoindre la route de Bessan à Béziers à la ligne de faîte et de partage des eaux entre Laval et Libron, juste au point de croisement avec le chemin Salinier.

Il se confond là avec "l'ancien chemin des troupes passe près des bâtiments de Coussergues et rejoint la grande voie Domitienne près de Clairac.

VOIE DQMITIENNE. - CHEMIN DE LA REINE JULIETTE.

CAMI ROMIOU NOUVEAU

Du carrefour de la Croix, dans Saint-Thibéry, part une belle route allant en ligne droite vers l'Ouest et vers Béziers.

Cette direction, rectiligne sur près de 3 kilomètres, est assez surprenante pour une route de nos pays.

C'est la voie romaine que notre service vicinal a


mise en état; elle est classée sous le nom de "chemin de Béziers".

Sur un plan du domaine de Cousserguess daté de 1636, elle porte le nom de chemin de Renedolce affluent que le Libron reçoit entre Clairac et Coussergues.

Cette route, dès la sortie du village, franchit un ponceau long de 5 m. 50 dont la construction parait très ancienne. Il donne l'impression d'avoir été surélevé, lors de l'établissement de la route ; il comporte en effet deux rangées d'assises plates dont l'inférieure est un ancien parapet. Ses trois arceaux, marquetés par des pierres en bel appareil, font penser à une construction du Moyen-Age. Ils ont été construits à une époque où le niveau de la vallée devait être plus bas, car ils sont presque entièrement noyés, même en temps normal. Les apports d'alluvions ont surélevé la plaine et le lit de l'Hérault.

Sur le pont la route a six mètres de largeur.

Plus loin, dans la partie rectiligne, elle atteint 10 et même 12 mètres.

Dans le talus Sud, à gauche de la route, nous remarquons des pierres de soutènement, taillées à peu près toutes de la même façon ; nous les retrouverons au-delà dans la partie abandonnée de la voie. De loin en loin de petits ponceaux, faits de grandes dalles, franchissent le fossé et dénotent l'antiquité de ce chemin.

Sur ce parcours, et à 1 km. 500 de Saint-Thibéry, nous avons découvert dans une vigne, située au tènement du Grés,, entre la Tongue et la route, les vestiges d'une villa romaine et une piscine en béton. Les recherches ont fourni de la poterie sigillée, de la poterie grise du 1er siècle et un fragment d'épée.

Après le carrefour de cette route avec celle de M'ontblanc à Bessan, la voie, inutilisée à partir de ce


point, continue en ligne droite. Elle a 8 mètres de largeur et parfois 10, fossés compris.

Bientôt après elle passe dans une tranchée et nous remarquons dans le talus les mêmes alignements de pierres que nous avons notés depuis Saint-Thibéry.

A 300 mètres environ du carrefour,, la Toute atteint la ligne de partage des eaux entre l'Hérault et le ruisseau de Laval. A ce moment, elle est encaissée entre des talus qui ont 2 à 3 mètres de hauteur.

Au sommet du talus de droite s'élève une croix en pierre dont le piédestal a été creusé probablement dans une borne milliaire. C'est un bloc de 2 m. 10 de hauteur dans la partie visible. Sa largeur est de 42 cm.

sur les quatre faces. Ce petit monument porte le nom de Croix de la demi lieue. (1).

L'ancien chemin redescend ensuite ; il atteint alors 10 mètres de large ; il semble même que de petites vignes ont été plantées aux dépens de la route, surtout à droite. Cette première vallée, origine du ruisseau des Castans, est à peine creusée. En amont, il n'y a pas l'emplacement d'un cours d'eau, et cependant les Romains avaient construit un pont en ce point. C'est une fort belle construction dont l'étude nous a enthousiasmé.

En amont et au Nord, le pont et les murs de soutènement qui le prolongent, de part et d'autre, ont une longueur totale de 14 mètres. De la clef à la limite du mur romain vers Béziers, il y a 5 m. 50 de distance ; du côté opposé, vers l'Est, la longueur est de 8 m. 50.

Les claveaux qui forment l'arceau ont sur les deux faces du pont 27 cm. de largeur, sur 40 cm. de hauteur, tandis que la clef de voûte a seulement 21 cm. de largeur.

(i) La lieue valait 4 kilomètres.


La hauteur maxima de l'arche au-dessus du gravier est de 1 m. 30 tandis que son ouverture est de 3 m. 60. La largeur totale du pont et par conséquent de la voie est de 4 m. 98.

La particularité de cette construction est sa superstructure encore intacte sur les bords. Elle est faite de 3 dalles, longues de lm 42, lm 45 et lm 49, placées juste audessus de l'arceau; elles sont engagées l'une dans l'autre par d'es avancements, dits pierres d'attente, qui correspondent à des retraits du bloc opposé. Des dalles moins longues leur font suite toujours en bordure du pont ; elles présentent les mêmes retraits profonds de 8 à 10 centimètres et larges de 15. Ce dispositif en mortaise est très rare.

Sous le pont nous observons que l'arche a été faite sans mortier, avec des pierres qui ont 70 X 27 cm., à l'exception des clefs de voûte, longues de 60 à 90 cm. et larges vers la périphérie de 15 cm. et de 19 cm. au centre.

Au-delà de ce ponceau, situé à 4 kms de SaintThibéry, la voie continue en ligne droite et en côte jusqu'à une nouvelle crête formant la ligne de partage des eaux entre le ruisseau des Castans et celui de Laval. Sur le sommet la vieille voie fuit une courbe très arrondie, qui ramène la route dans la direction 0 N O. Au début du tournant, deux grandes pierres, placées à l'entrée d'un chemin et utilisées pour fermer l'entrée d'une propriété, sont probablement J d'anciennes bornes de la route. Rongées par les intempéries, elles ne portent plus d'inscriptions.

Ln voie descend dans le petit vallonnement formé por le ruisseau de Laval, appelé à Montblanc ruisseau de la Garrigue. Elle tourne de nouveau vers l'Ouest ; sa largeur est alors de six mètres. La voie Domitienne traversait autrefois le ruisseau sur un


pont indiqué sur les cartes sous le nom de "pont de la Roussille". Cet ouvrage a disparu; il en reste à peine quelques pierres dont la nature géologique rappelle celle du ponceau du ruisseau des Castans. Comme au pont précédent, une stèle est dressée sur la route juste au-dessus de l'arceau que nous supposons sous nos pas.

A sa place, la commune de Montblanc a fait construire un passage à gué, soutenu par un grand mur moderne.

Immédiatement après le ruisseau de la Garrigue un chemin très large, désigné sous le nom de "chemin de Prat Laoussou", et venant de Montblanc, aboutit à la Voie romaine, Ne serait-ce pas un raccordement ancien avec le chemin de Béziers à Pézenas ou avec la voie de Cessero à Lugdunum ? Au-delà là route remonte un peu, passe dans un vallonnement de peu d'importance et a,près une nouvelle côte, rencon- tre sur le plateau du "Crès" un autre vieux chemin qui suit la ligne du partage des eaux entre le ruisseau de Laval et le Libron. C'est le "chemin poissonnier" et le carrefour marqué par de belles bornes s'appelle "le croisement des quatre seigneurs".

Nous sommes aux confins du grand domaine de Coussergues dont les aimables propriétaires, M. et Mme de Sarret m'ont montré un vieux plan du début du XVIF siècle.

Sur ce relevé cadastral, "le Chemin Romieu" est indiqué plus au Nord, aux limites de Castelfort, dépendance de Coussergues, et du domaine de Bourgade. Ce tracé semble correspondre à la continuation de l'ancien chemin de Béziers à Montpellier" qui se confond à 6 kilomètres de notre ville avec la route actuelle de Bessan. Cet ancien chemin se dirigeait vers Montblanc sous le nom. de chemin de Villeneu-


ve, et au-delà, vers Valros, où il retrouvait la Voie impériale de Béziers à Pézenas. Il formait un raccordement de ces voies. En réalité, au-delà du carrefour "des quatre seigneurs", la Voie Domitienne se poursuit en ligne droite. Il faut faire quelques mètres seulement sur le "Chemin Salinier" ou Poissonnier" pour rencontrer un embranchement qui le prolonge à travers la garrigue, tout en n'ayant plus les mêmes dimensions.

Ce chemin, désigné sur le cadastre de Montblanc, sous le nom de "chemin de Portiragnes" sert de limite aux domaines de Castelfort au Nord et de Coussergues au Sud, durant trois kilomètres. Le fossé de l'ancienne voie à droite est devenu un ruisseau qui lui est parallèle. De loin en loin des bornes, datées de 1627, rappellent la division du grand domaine de Coussergues en plusieurs propriétés. La largeur primitive de la voie était de 8 mètres ; elle n'en a plus que trois en cette portion.

"Lou Cami Romiou" aboutit bientôt à la route

de Béziers à Bessan, non loin du confluent du ruisseau du Rouyre, appelé aussi Renedolce, avec le Libron.

A ce nouveau carrefour, deux bornes, utilisées comme clôture par le domaine de Coussergues, semblent provenir d'un ancien aqueduc. Elles ont une hauteur de 68 cm. au-dessus du sol et elles présentent sur une face une encoche circulaire large de 28 cm.

et profonde de 16 cm.. Leurs côtés ont 44 et 31 cm.

Sur la route, large à peine de 3 m. 80, on trouve des traces de pavage ou d'empierrement en gros matériaux.

Une cinquantaine de mètres séparent ce carrefour du passage à gué du Libron et du Rouyre. Au confluent il n'y a pas de vestiges de pont ni de construc-


tion quelconque.

La Voie Domitienne ne traversait du reste pas le Libron, comme la route moderne. Elle remontait le long de la rive gauche et passait près du domaine de Clairac. Il est probable qu'un pont franchissait autrefois le torrent à la hauteur de ce domaine. Il n'en reste nulles traces. Les crues très violentes du Libron ont pu avoir raison de la belle construction romaine.

Le vieux château de Clairac, démoli depuis 1910, était construit en gros blocs de pierre noire provenant peut être des ruines d'un vieux pont.

La Voie Domitienne se retrouve nettement sur la rive droite ; elle forme une route, droite sur près d'un kilomètre et large de 8 à 10 mètres. La route actuelle de Bessan à Béziers, ancien chemin privé de Saint-Bauzille, la rejoint après la traversée de la basse plaine du Libron.

La voie tourne et remonte alors sur le flanc du plateau de Montimas en se dirigeant vers l'O. N. O.

Un petit chemin s'embranche sur la droite. Le carrefour est marqué d'une croix, placée sur un piédestal en mollasse, fortement érodée. La hauteur de la pierre est de 1 m. 40 ; elle a 40 cm. sur 30 cm. de côté.

Cette croix, dite la "La Peyre plantada", marque, d'après le cadastre de la commune de Béziers, levé en 1829, le départ de "l'ancien chemin de Montpellier" qui se raccordait avec la route de Péfenas aux environs de Valros.

Nous avons suivi cette voie qui sert de limite aux terres de Saint-Jean de Libron et de Clairac.elle s'arrête au Libron et le chemin de la Bourgade qui la continuait, d'après le cadastre, sur la rive -- gauche, a totalement disparu. La Voie Domitienne croise un autre vieux "chemin des Poissonniers", près de "la Croix de la Lieue"


qui marque aussi le sommet de la côte et la ligne de partage des eaux (Notons que ces routes de Poissonniers suivent souvent les crêtes).

A 5 kilomètres de Béziers la voie descend dans un ravin et traverse le ruisseau de Cabrials sur un pont très ancien. Ce ponceau construit en grand appareil et à joints vifs (sans mortier) paraît remonter à l'établissement de la voie malgré son état de conservation. La superstructure est moderne. Les deux faces de l'arc sont faites de 20 claveaux presque identiques, larges de 25 cm et hauts de 44 cm. La clef de voûte plus étroite, large de 22 cm. et longue de 46 cm., fait une saillie de 10 cm.

La voûte est bâtie en assises alternées de 6 voussoirs très longs (0,90 cm. à 100) et de 7 voussoirs plus petits (50 à 60 cm.). La largeur actuelle de cette voûte surbaissée est de 3 m. 79 au ras de terre. Sa hauteur sous la clef est de 1 m. 75. La route sur le pont a 6 m. 72 de largeur, parapets compris. Les dimensions rappellent celles du pont préromain du ruisseau des Castans.

Le ponceau est de part et d'autre protégé d'un contrefort formé d'un arc de tête, en saillie de 0,08 sur la maçonnerie, et de chevaux de tête eux-mêmes en saillie de 0,10 sur cet arc. La hauteur des assises des contreforts est de 26 à 28. Cette construction rappelle par cette particularité les ponceaux de la voie de Béziers à Pézenas, déjà étudiés par nous. (1) - Cent mètres plus loin, près de "la maison des Cantonniers": la route franchit le ruisseau des Acacias sur un pont ancien qui a été fortement restauré.

Ses dix claveaux, liés par du mortier, ont 26 cm.

à 32 cm. de largeur. Une clef de voûte étroite de 13 cm. ferme l'arceau qui a 1 m. 97 d'ouverture. Cet (i) Cahiers d'Histoire et d'Archéologie, Nimes.


arc de voûte repose lui-même sur un blocage haut de 1 m. 20. La hauteur totale sous la clef est de 1 m. 97.

Un contrefort protège le pont de part et d'autre et fait une saillie maxima de 18 cm. La largeur de la route sur cette construction est de 6 m. 75. A partir de ce pont et à 500 m. au Nord, la voie est doublée d'un chemin qui lui est parallèle. Cette petite route de Béziers à Badonne aboutit à un ponceau surbaissé et bien appareillé sur le ruisseau des Acacias et se perd au-delà ; c'est probablement un tronçon de l'ancien chemin de Béziers à Montpellier que nous avons déjà signalé près du Libron.

Au-delà de "la maison des cantonniers", la voie continue en ligne droite. Elle franchit en tranchée une crête dite "butte de Pomarède", passe le ruisseau de Saint-Oeniès à gué, remonte légèrement et tourne, pour redescendre vers le ruisseau de Valras, dont la voie ferrée de Béziers à Bédarieux occupe aujourd'hui le lit. Sur ce parcours les terres qui surmontent la route sont soutenues de loin en loin par des murs en gros appareil en marnes jaunes. Ces blocs se retrouvent aussi en bordure de la voie romaine de Béziers à Pézenas A l'approche de notre ville, le long de la voie Domitienne, de multiples découvertes funéraires ont été faites paî* la Société Archéologique de Béziers.

Dernièrement, dans une vigne attenante à la tuilerie MaJhec, nous avons trouvé nous-même des tombes à rite d'incinération, protégées par des briques à rebords juxtaposées. A côté de vases de la Graufesenque et de bijoux en bronze, nous avons trouvé une monnaie de Nîmes, dite "au crocodile".

Lors des travaux faits pour percer une rue dans le lotissement Goure, en face de l'Hôpital, un petit monument funéraire en arc roman a été mis à jour.


Au milieu des cendres nous avons trouvé un bronze de Fausti'ie.

300 mètres plus loin et en ville, à côté des Arènes, modernes, d'autres tombes,marquées par des stèles funéraires,ont été découvertes lors de la construction du garage Garuz. Nous avons ramassé là une monnaie de Nîmes.

La Voie Domitienne se confond dans Béliers avec l'avenue Saint-Saëns, comme le prouve la découverte d'une borne milliaire déjà citée, au croisement du boulevard de la Liberté.

Notre érudit confrère Dardé, dont nous sommes heureux d'évoquer la mémoire, croyait que la Voie passait sous Béziers, en contournant la colline Saint-Jacques. Après examen du cadastre, nous pensons, au contraire, que cette ancienne route traversait la place de la Citadelle sous laquelle nous avons retrouvé quelques poteries romaines. Elle continuait ensuite par la descente de la Citadelle et la rue du Puits des Arènes jusqu'à la place Saint-Cyr, autrefois Sen Syre, plus anciennement Vicus Syriacus, du nom du gouverneur et proconsul Siryus ; sur cette place s'ouvraient les portiques des Arènes romaines et l'hôtel du gouverneur (1). Au-delà la voie descendait brusquement par la rue Canterelles pour atteindre l'Orb qu'elle franchissait probablement sur un vieux pont, ancêtre de notre Pont-Vieux. Lor-s des travaux de substruction d'une maison à l'angle de la rue Mas et de la rue du Puits des Arènes, les ouvriers ont mis à jour 4 à 5 silos creusés dans le rocher. Un de nos collègues, M. TEL doit vous présenter une note sur la voie romaine à travers Béziers et son parcours audelà de l'Orb. Je ne veux pas empiéter sur son travail qui adopte le trajet que j'ai indiqué après une étude minutieuse du plan de notre ville, daté de 1829.

(i) Abbé A. Coste: Saint Aphrodise et son église.


LE PONT VIEUX DE BÉZIERS

Dans son étude sur les Antiquités et Monuments de

l'Hérault, M. Bonnet a écrit que le « pont de Béziers est « une œuvre considérable qui a subi de nombreuses « restaurations et sur l'origine de laquelle on n'est pas « documenté. Il est possible, conclue-t-il, que certaines « parties soient antérieures au XIIIe siècle.

Notre savant collègue Sabatier, dans son Histoire de la ville et des Evêques de Béziers" dit que le Vieux pont est une construction du Moyen-Age à laquelle le style de son architecture et des faits historiques assignent la date du XIIme siècle.

"On croit, ajoute-t-il, qu'il a été bâti sur le roc.

'• Les Romains jetèrent peut-être sur des rochers un pont de bois à la ligne qu'occupe le Pont-Vieux. La découverte d'un autel de Mercure, au cours de la il construction de la culée du nouveau pont sur la rive .H gauche, appuie cette présomption, car les voies étaient ornées d'autels consacrés à ce dieu protecteur des chemins".

Dans les notes et additions du même ouvrage, Sabatier reproduit le début de lettres patentes du 13 Mars 1471 par lesquelles le roi Louis XI autorisait la ville à percevoir des droits sur des marchandises pour subvenir à l'entretien du pont. Il y est dit que Béziers a un pont, de grande ancienneté, somptueux et de grand édifice, assis sur la rivière d'Orb et a cousté autrefois à faire ledict pont plus que deux villes de Béziers ne pourraient à présent païer s'il estait en ruyne".

M. Sabatier nous donne les premières chartes concernant ce pont. Par acte du 9 M'ai 1134 Pierre de Pailhès vendait au chapitre Saint-Nazaire de Béziers


un jardin situé au dessous du pont de Béziers. Un autre parchemin daté du 10 octobre 1139 mentionne le prieuré de St.-Julien près du Pont "ad caput pontis".

On travaillait à réparer cet édifice en l'an 1391 et c'est probablement après l'acte de Louis XI, en 1471, que notre Pont Vieux fut doublé sur ces deux faces d'un parement constituant un double pont accolé à l'ancien.

Au siècle suivant, la chronique de Mercier et Régis fait mention d'une réparation des piles en 1526.

Dans l'histoire du Canal du Midi, M. Andéossy indique que le cours de l'Orb était au Moyen-Age très différent de ce qu'il est aujourd'hui. En aval de Tabarka et à 1 kilomètre 500 du pont du chemin de fer, notre petit fleuve fait actuellement un grand méandre et se dirige de l'Ouest à l'Est pendant 400 mètres ; puis il tourne brusquement vers le Sud sous l'usine de Carlet.

L'examen de la berge et du talus rive droite indique très nettement que notre cours d'eau se dirigeait autrefois à peu près en ligne droite vers le Sud-Est dans la direction du domaine de Lirette, non loin duquel il recevait le Lirou. On peut suivre cet ancien cours au milieu des vignes, au tènement du Rebaut.

Mais Andréossy place une île plus en aval. L'Orb bifurquait, d'après cet auteur, à 600 mètres au Nord de Bagnols au point appelé encore "l'Ilette". Le bras droit recevait le Lirou.

L'île entre les deux bras, d'une superficie de 50 hectares, existait au XIe siècle, car Andoque, dans son Catalogue des évêques en parle à la date de l'an 1096, et elle s'est maintenue jusqu'au XVIme siècle. Le même auteur raconte que sous le règne de Charles IX, les religionnaires de la ville s'assemblaient dans


l'île, que la rivière d'Orb forme en se divisant.

La longueur de notre Pont-Vieux s'explique dans ce cas fort bien, l'ancien bras de l'Orb correspondant au Lirou actuel. Sabatier ajoute que le pont a été prolongé à partir du confluent et il en trouve une preuve dans l'appareil et dans le changement de direction du pont.

Nous avons étudié avec soin les pierres qui forment les deux constructions et, si nous avons observé des différences venant des réparations, nous affirmons que la partie de pont, enterrée dans les terres et accessible de la propriété Boyer présente, comme la portion du pont qui franchit le lit mineur de l'Orb, des arches à voûte surbaissée au centre, formant un arc doubleau de trois mètres de largeur, accolé de deux arcs plus ouverts de part et d'autre.

Le Pont Vieux a 241 mètres de longueur visible.

Sa largeur primitive était de 2 m. 80. Il fut agrandi au Moyen-Age et actuellement le pont a une largeur moyenne de 4 m. 70 et d'e 5 mètres avec les parapets.

Ces dimensions varient de 4 m. 60 à l'entrée rive gauche à 4 m. 80 à l'entrée rive droite. Au centre, audessus de la grande arche qui correspond à la courbe légère que fait le Pont au-dessus du Lirou, la largeur n'est plus que de 4 m. 34.

Le Pont Vieux, construit en pierres des Brégines est un pont légèrement à dos d'âne dont le centre est plus élevé de 2 m. 50 par rapport à l'entrée rive gauche et de 4 m. 10 par rapport à l'entrée rive droite.

Il est bien droit dans la partie qui est enlisée dans les terres, mais il tourne ensuite légèrement en son milieu et forme aux arches suivantes, situées au-dessus de l'Orb, une ligne légèrement brisée cette fois, tournée vers le Nord, de sorte que, vu de la place Canterelles, il donne l'impression de former une pointe,


ou un bec, vers l'aval, au lieu de faire face au courant vers l'amont. Il présente de plus une légère courbe à la hauteur de la troisième arche comptée du Faubourg et une autre à la hauteur de la quatrième.

Le pont de Béziers a 16 arches principales. De plus, primitivement il comptait huit petites ouvertures, comprises dans l'intervalle des grandes arches; cinq ont été murées à tort pour des raisons de solidité.

Malheureusement le pont constitue, ainsi diminué, un barrage dangereux en période de <crue, les eaux arrivant à aveugler certaines arches. Lors de la construction du Pont Neuf en 1841, les architectes n'ont pas donné à ce pont la longueur de notre Pont Vieux, il a fallu surélever la rive droite pour constituer des rampes d'accès. Il s'est constitué un Faubourg tout autour de ces rampes et le lit mineur de l'Orb a été diminué notablement. De ce fait la moitié du Pont vieux a été rendue inutilisable et l'enlisement de la partie Ouest du pont a augmenté considérablement ; elle est presque complète aujourd'hui.

De plus les travaux, faits lors de la construction du Canal du Midi en 1666, ont surélevé l'étiage de l'Orb d'un mètre trente par le barrage du Pont-Rouge et l'établissement d'un mur en aval du Port Vieux, pour canaliser notre rivière. Notre beau monument se trouve ainsi à moitié noyé dans sa partie Est et presque enlisé dans sa partie Ouest.

Les seize grandes arches aussi bien que les ouvertures de décharge, sont d'inégale grandeur et sans progression apparente des entrées au centre comme les principes d'architecture le voudraient. Seule l'arche centrale, nettement plus grande répond à cette loi de la construction.

En partant de l'entrée-ville la première arche


Pont de Cessero près Saint-Thibéry 2" arche vue de l'amont.

Voie Domitienne Ponceau du ruisseau c des Castans » situé à ) k 500 de St-Thibéry.



Pont Vieux côté amont Arche de décharge ou dégorgeoir. C'est la 8" des arches de décharge et la 3°, si l'on compte seulement celles qui sont restés ouvertes.

A remarquer l'aspect archaïque des claveaux de l'arc central.

Pont Vieux face amont 10e grande arche.

On aperçoit vers Béziers le ï" arc de décharge (2e parmi les arcs encore ouverts).

Plus loin la ge arche.



est presque entièrement aveuglée par les alluvions et les détritus de toutes sortes. La deuxième a 4 mètres de hauteur et 10 m. 62 d'ouverture, dimensions prises à un mètre au-dessus de l'eau. De part et d'autre de cette arche, les murs du pont dénotent une reprise de la construction à moins de 3 mètres de haut car on trouve sur cette face Sud des pierres entaillées, suivant le procédé dit à crochet.

La pile entre la deuxième et la troisième arche est munie d'un avant-bec, ou coupe courant, moderne au Nord et ancien en aval. L'avant-bec de la face Sud a été construit en assises en escalier comme tous ceux de ce pont.

La troisième arche, nettement surbaissée, a 6 m. 21 de hauteur et 16 mètres de largeur au niveau de l'eau. La voûte centrale a été presque entièrement restaurée à l'époque moderne ; il n'en est pas de même pour les arcs accolés, (surtout à l'aval), dont les claveaux sont certainement très anciens, si l'on considère leur longueur de 70 à 75 cm. et leur régularité.

La quatrième forme un arc surhaussé de 6 m. 45 de hauteur et de 14 m. 90 d'ouverture.

La cinquième marque le milieu du lit mineur de l'Orb ; elle se trouve à égales distances des deux rives. Or, c'est la plus petite, comme s'il y avait eu une île en ce point au moment de la construction.

Elle forme un plein cintre de 5 m. 34 de hauteur et de 11 m. 20 de largeur.

Les sixième et septième arches se ressemblent ; elles ont 6 m. 15 et 6 m. 13 de hauteur et 12 m. 10 et 12 m. 30 d'ouverture ; ce sont des pleins cintres qui rappellent l'art du Moyen-Age.

Nous arrivons à l'arche qui forme le milieu du pont. Ce huitième arc, surbaissé en anse de panier,


est impressionnant par sa hauteur de 6 m. 97, sa largeur de 18 m. 80 mesurée à 1 m. 20 au-dessus de l'eau.

Il réalise une prouesse architecturale car c'est sur. lui que se fait la courbe du pont. Il forme une charnière.

La neuvième voûte, haute de 4 m. 10 au-dessus de la terre, et large de 8, se rapproche du plein cintre.

Par contre la dixième, de même hauteur, mais large de 9 mètres, rappelle davantage l'arc surbaissé. La onzième a dix mètres d'ouverture pour 2 m. 96 visible. La douzième a 11 mètres de largeur pour 2 m. 90 de hauteur au-dessus des alluvions. Ces deux arches très surbaissées, comme le dégorgeoir qui les sépare, sont d'un style très archaïque, probablement romain.

Les quatre dernières sont presque totalement enterrées; elles sont plus petites que les autres.

Toutes présentent une voûte centrale surbaissée et par conséquent en saillie, accolée de deux voûtes d'une ouverture légèrement plus grande.

L'appareil de l'arc doubleau central est nettement plus ancien. On retrouve à la clef de voûte les blocs très longs de 1 m. et plus que nous avons observés dans les ponceaux de la Voie de Béziers à Pézenas ou le long de la Voie Domitienne.

.'!. Les claveaux constituant le cintre ont une dimension moyenne de 70 centimètres à l'extérieur. Les voussoirs ont tantôt 50 cm., tantôt 70 cm.

En dehors deS'- parties essentielles de la construction, la voûte est parfois en blocage. La douzième arche est remplie en certains points de l'arc primitif de briques en guise de voussoirs.

Par contre, les revêtements accolés lors de l'agrandissement du pont sont en petit appareil très soigné et


en bon état. Comme à Saint-Thibéry chaque pile est munie d'un avant-bec en escalier ou à redan qui, suivant un procédé ingénieux, dévie le courant plutôt que de le couper ; ces becs sont en effet dissymétriques et deversés ; les arches de décharge ont, tantôt 1 m. 90, tantôt 1 m. 95 et 2 mètres.

Par la présence et la forme des dégorgeoirs, le Pont Vieux rappelle le Pont Romain de Cessero. Les grandes arches reposent sur des bases puissantes en grand appareil, plus larges que les piles. Nbus les avons observées à basses eaux et en canot, et, d'accord avecle distingué Chanoi ne Hébl al d, Supél ienr ne la Trinité, nous les estimons antérieures au Moyen-Age.

Les professeurs Dugas et Perrier croient que l'ensemble du pont primitif, large de 3 m. 30, remonte à la période romaine.

Des travaux entrepris en 1933, pour permettre par un égoût l'écoulement rapide des eaux d'inondation sous l'avenue du Pont Vieux, ont confirmé cette manière de voir. 1 Le Pont actuel continue sous la route par un mur en bel appareil moyen" sans mortier, sur une longueur de plus de 10 mètres et une hauteur de 5 mètres. Ce mur est percé à sa base d'un ponceau très surbaissé. Nous avons constaté que cette construction continuait même au-delà du deuxième platane.

N'était-ce pas l'habitude des architectes romains de bâtir des rampes d'accès, percées d'arceaux surbaissés ?

De plus la route actuelle surmonte trois niveaux successifs d'empierrement. L'inférieur, situé à un mètre sous le macadam, était dallé, comme les voies romaines.

La grand-route continuait autrefois comme au-


jourd hui vers Narbonne par la Voie Domitienne et vers Carcassonne par le "chemin de l'Estrade". Le carrefour de toutes nos routes de l'Ouest a été toujours près du Pont-Vieux, dont nous pouvons être fiers, car il peut rivaliser avec les plus beaux monuments de Nîmes ou d'Arles.


La Société Archéologique à Agde

Répondant à l'invitation de M. Jules Baudou et de Mme Tifïy, Conservateurs du Musée, et des membres de VEscolo daù Sarrel, la Société Archéologique de Béziers s'est rendue à Agde le oimanche 29 juin 1941. Dirigé par M. Jules Latreille, Président, M. Bergé, Trésorier, M. Ros, Secrétaire général, un groupe très nombreux de membres de la Société Archéologique, auxquels s'étaient jointes quelques dames, était accueilli, dès l'arrivée en gare, par M. le Docteur Bédos, Vice-Président de VEscolo daù Sarret, et MM. Jamet et Aris, Conservateurs adjoints du Musée.

Visite à la Cathédrale St-Etienne d'Agde Le programme comportait en premier lieu la visite de la Cathédrale Saint-Etienne, église fortifiée des xie et XIIe siècles, dont le clocher, donjon massi f de pierre basaltique, veille encore sur les maisons étroitement serrées de la « ville noire ». En quelques phrases, M.

Jamet rappelle les dates capitales de l'histoire du monument: — Existence d'une église primitive, probablement fondée sous l'épiscopat du premier évêque d'Agde, St Vénuste (martyrisé par les Vandales en 408). En réparant l'église en 1847, on retrouva les fondations d'un mur d'abside circulaire, de diamètre égal à la largeur de la Ref: seul vestige du premier sanctuaire.

— Prise d'Agde en 727 ou 737 par Charles Martel qui, pour en chasser définitivement les Sarrazins, fait raser la ville et son église.

— Un siècle plus tard, construction d'un nouveau sanctuaire, qui n'est terminé qu'après 400 ans de vicissitudes diverses. Nous possédons les textes de nombreux legs et dons « ad reedificendam Ecclesiam Agathensem ».


— En 1187, Bernard-Aton, vicomte d'Agde, cède à l'Evêque Pierre-Raymond tous les droits seigneuriaux qu'il détenait sur la ville et le chapitre. Devenu ainsi comte d'Agde, le prélat songea tout naturellement à faire de sa cathédrale le centre de résistance contre les attaques venues du dehors, et c'est alors qu'il donna à St-Etienne cette allure de forteresse qui distingue, dans notre Midi, les cathédrales romanes des villes où les Evêques étaient seigneurs temporels.

- Achèvement de l'église vers la fin du XIIe siècle. Le monument traverse sans dommage la période de guerres civiles qu'on appelle Guerre des Albigeois, et il faut arriver aux Guerres de Religion pour voir commencer ses malheurs.

— En 1562, les religionnaires, au parti desquels la ville s'est rangée, avaient établi leur quartier général dans la cathédrale. Quand, après les Edits, l'Evêque et son clergé purent y rentrer, ils trouvèrent le sanctuaire saccagé et pillé. Aussi quand la guerre se ralluma, en 1567, Mgr Aimeri de Saint-Séverin résolut-il d'organiser lui-même la défense de la cité. Excitant le clergé et le peuple par son exemple, il repoussa l'assaut des religionnaires qui durent prendre la fuite: une inscription, au fond de l'Eglise, rappelle le souvenir de cette victoire, remportée le 1er Octobre 1567.

- lodificalion de toute la disposition intérieure de la cathédrale, au début du XVIIe siècle, par Mgr Ballhazar de Budos : autel transporté à l'ouest, ouverture de nouvelles portes, etc.

— Ecroulement de la flêche dominant la tour nord en 1661.

-suppression du Cliapitre,à la Révolution,et disparition de l'Evêché. Le dernier Evêque, Mgr de Saint-Simon, monta sur l'échafaud le 7 Thermidor an If (26 Juillet 1794). La cathédrale subit des profanations semblables ) i ii ses par les Calvinistes, mais le monu-


ment dans son ensemble, ne fut pas dégradé et survécut à la tourmente.

— Destruction en 1860 du magnifique cloître roman qui s'appuyait sur le flanc méridional de la cathédrale. Ce cloître, construit de la même lave que l'église, n'avait résisté aux injures du temps et de la guerre que pour tomber sous un vandalisme aveugle et brutal on l'a sacrifié pour percer à sa place une rue ! Certains chapiteaux et quelques colonnes, recueillis par la Fabrique de St-Etienne, ont servi à la construction d'une chapelle de la Vierge.

— Enfin, l'archiprêlre Beauguil, à la fin du siècle dernier, a rendu à l'Eglise son ordonnance primitive; M fait transporter à l'est l'autel déplacé par Mgr de Budos.

Malgré la suppression de son siège épiscopal et de son chapitre, la cathédrale de Saint-Etienne à l'architecture" si particulière, reste une des plus importantes églises de notre Languedoc, dont elle a partagé la glorieuse histoire.

Cet exposé est suivi d'une visite détaillée du monument. Puis les plus courageux gravissent l'escalier éltoit du donjon, et leur effort est récompensé par un spectacle inoubliable : au-delà des toits de tuiles roses s'éten- dent les vignobles, se soulève le mont Saint Loup, s'incurve l'Hérault dont l'embouchure est proche ; plus au loin scintille le golfe sur lequel se détaché, comme un navire à l'ancre, le rocher gris du fort Brescou.

Les visiteurs sont ensuite conduits à travers la ville.

Par des rues étroites et tortueuses, remarquant au passage portes romanes ou golhiquès, escaliers Renaissance ou loggias, nous gagnons l'Eglise Saint-Sever. Là, notre érudit confrère le Dr Picheire, nous retrace la vie du Saint patron de l'Eglise, un des premiers propagateurs du christianisme dans notre région. Puis nous admirons lé célèbre Christ en bois, le Saint-Christ de St-Sever, que les Agathois considèrent comme le palla-


dium de leur cité. M. le Dr Picheire nous montre une absidiole conservée dans la construction actuelle, et qui devait taire partie d'une église romane primitive. Il termine par un historique des recherches opérées dans l'Eglise pour retrouver le corps de Saint Se ver, et des résultats peu probants obtenus à ce jour.

Réception au Musée Agathois La réception la plus importante était prévue dans le cadre du Musée Agathois, Fongau de YEscolo dali Sarret M. le Dr Bédos, en une brillante improvisation, nous souhaite la bienvenue en ces termes :

MESSIEURS DE LA SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE, MESDAMES, MESDEMOISELLES.

En l'absence bien involontaire de notre PrésidentCapiscol Chauvet, c'est à moi qu'est dévolu l'honneur et l'agréable devoir de vous recevoir ici dans notre « fongau » et de vous présenter dans ses grandes lignes le « Musée Agathois ». Je vous souhaite donc une cordiale bienvenue tant en mon nom personnel qu'au nom de mes camarades félibres, membres du Comité de direction de ce Musée, ainsi que de YEscolo dciii Sarret tous enchantés de votre visite.

Ce n'est d'ailleurs pas la première fois que les félibres agathois entrent en relations amicales avec les membres de la Société Archéologique de Béziers. Au siècle dernier le plus illustre de nos représentants, notre patron, un « primadié », le. grand poète agathois lJallhazar Floret était membre de votre Société et par deux fois, en deux circonstances mémorables, il a laissé une trace écrite de son passage parmi vos prédécesseurs ainsi que des amitiés qu'il y avait nouées.

Balthazar Floret nous a laissé, en effet, un livre de poésies « paloiaes » écrites dans le plus pur dialecte


agathois, qu'il intitula « la Bourrido Agatenco », et nous y trouvons dès les premières pages le « Discour « adressai à la Soucielat archeologico de Beziès en l'an « 1845 sus la lengo roumano ». C'est un beau poëme inspiré à la gloire de la langue d'oc, d'une verve et d'un intérêt palpitant.

Plus tard, en 1864, B Floret assista « à la Soucietat « Archenlogico de Besiès, à la Sezilhopublico ounte Azaïs « lansabo per benvengudo as felibres de Prouvenho sa « prumieiro strofo :

« Befiès, quano bouno chabenso !

« Quand Viennel te ven de Paris « Mistral t'arribo de Prouvenso ».

Et nous trouvons la relation de cette « Solennité à jamais mémorable, dit B. Floret, dans l'Introduction de sa Bourrido Agatenco, à la page vin.

Aujourd'hui ce n'est plus un illustre félibre agathois qui vient assister à vos séances, mais c'est vous-mêmes, Mesdames et Messieurs, qui venez chez nous, dans le « fougau de l'Escolo daù Sarret » et nous sommes tous pleinement heureux de cette reprise de relations si cordiales.

Et maintenant laissez-moi vous présenter ce Musée que vous allez visiter en détail sous la conduite de nos dévoués collaborateurs ; laissez-moi vous en faire un bref historique et vous en expliquer la genèse ainsi que la récente et rapide création. Car ce qu'il faut surtout retenir, et je dirais volontiers « admirer », c'est le peu de temps qu'ont mis les fondateurs, les créateurs du fougau agathois pour le porter au point de perfectionnement et de présentation où vous le trouverez. Cette déclaration pourra paraître orgueilleuse ; mais j'aime mieux être orgueilleux qu'hypocrite par fausse modestie, et il y aurait hypocrisie 4e ma part à ne point


clamer notre satisfaction d'avoir doté d'une œuvre qui mérite des éloges notre chère ville d'Agde.

C'est en 1935, en effet, comme l'indique la plaque que vous pourrez voir dans l'escalier, dès l'entrée, que les membres du Comité de l'Escolo daù Sarret, adhérente. au Félibrige, décidèrent de grouper quelques souvenirs locaux, quelques œuvres d'art, rassemblés à l'occasion de la « Santo-Estelo de 1932 en Agte », de grouper ces souvenirs, dis-je, dans l'immeuble où nous nous trouvons en ce moment, ancienne maison dite « de la Charité », et ce fut le point de départ, l'embryon du Musée. 1935 1 — à peine six ans — et, depuis, quelle marche ascendante ! quels développements !

quels agrandissements ! il n'y eut, au début, qu'une, puis deux, puis trois salles occupées au seul premier étage ; et aujourd'hui du rez-de-chaussée au premier et du premier au second, il y a quelque vingt salles, toutes bien garnies, avec une présentation que tous les visiteurs s'accordent à qualifier de « parfaite ». Vous en jugerez vous-mêmes, Mesdames et Messieurs, et j'ose espérer que vous ne serez pas déçus J'ajoute seulement que le grand mérite de cette artistique présentation revient à notre ami Jules Baudou, baile de l'Escolo daù Sauret, étalagiste plein d'un goût très sûr et très averti, et que nous avons officiellement nommé Conservateur du Musée Agathois.

Il me faut vous dire aussi que nous avons été fortement aidés par de précieux concours, par de généreux donateurs, par des entrepreneurs et des ouvriers qui nous ont fait largement cadeau de leur travail et même de leurs matériaux. Je ne puis ici dire tous les noms de ceux qui sont gravés dans notre souvenir et qui ont droit à notre gratitude, mais je ne peux tout de même passer sous silence la générosité sans bornes de Madame Tifly, marraine du Musée, qui comble son filleul de si prévenantes attentions ; aussi l'avons-nous appelée à


siéger aux réunions de notre Comité et l'avons-nous nommée « Conservatrice ». Et si jamais titre fut bien mérité, certes, c'est bien celui-là !

La Municipalité, et plus particulièrement le Maire, M. Jean Félix, nous furent aussi très favorables et nous prodiguèrent les encouragements les plus substantiels.

Car, je dois le dire, en toute indépendance et sans flagornerie, parce que c'est la vérité. La meilleure preuve c'est que la Municipalité nous a octroyé la libre et - gratuite possession de l'immeuble municipal où sont logées les belles collections du Musée. Et cela vaut bien une reconnaissance publique.Mesdames et Messieurs, je termine ce discours de bienvenue. J'ai été peut-être un peu long. Vous voudrez bien m'en excuser. Je ne voulais pas vous Gffrir une sèche et brève allocution. J'ai désiré marquer d'un signe particulier votre passage ici, votre visite chez nous, en ce beau Dimanche de Juin 1941, pour cette date que nous retiendrons et que nous ajouterons à celles de 1845 et de 1864.

Après les applaudissements qui saluent la péroraison de ce discours, Monsieur le Président Latreille remercie nos hôtes, au nom de ses confrères, pour l'accueil chaleureux réservé à la Société.

Pour nous préparer à la visite du Musée nous écou- tons ensuite une communication du Dr Picheire sur les évêques d'Agde et la « Charité ». — Un rapport de M.

Aris sur les recherches archéologiques à Agde et une étude de M. J. Baudou sur le Costume Agathois.

Communication du Dr Picheire sur les Evêques d'Agde et la « Charité » MESDAMES, MESSIEURS,

Dans notre nfiTdeste Escola daù Sarret, les besognes


se sont réparties, pour les uns selon les compétences, pour les autres au gré des tendances. C'est, je pense, pour cette dernière raison que notre aimable vice-capiscol, en y mettant peut-être un rien de malice, me chargea de tout ce qui a trait aux anciens évêques d'Agde.

Vaste sujet que je n'aurai ni la témérité, ni la cruauté d'ébaucher devant vous.

Vous savez que, du ve au XVIIIe siècle, 76 évêques environ illustrèrent notre antique siège : « chaîne vraiment vénérable et sacrée qui compte deux martyrs au premier et au dernier de ses anneaux : « St Vénuste passsait sa palme à St-Simon », ainsi que l'a dit l'abbé Mariès, dans l'éloquente oraison funèbre prononcée pour le premier centenaire de la mort de l'illustre prélat.

Parmi ces évêques dont plusieurs furent princes de l'Eglise, dont un était de sang royal, vous nous excuserez de citer Sophrone, l'évêque du Concile de 506, Tliédise qui prit part à la lutte contre les Albigeois, les frères Fouquet, entraînés dans la disgrâce de leur frère le surintendant des Finances, Mgr. de Saint-Simon de Rouvroy-Sandricourt, le dernier et sans doute le plus distingué, dont la figure d'asthmatique souffreteux se pare d'une étrange séduction, lettré, savant, disert, bon.

Sa tête tomba sous le couperet de la guillotine le 26 Juillet 1794.

Tous furent des pères pour le peuple, tous sont dignes d'admiration, sauf l'un d'entr'eux, Regnault de Chartres, qui, déjà archevêque de Reims, tint notre diocèse en commende de 1436 à 1439, après avoir joué contre Jeanne d'Arc le rôle peu reluisant que l'on sait.

Après le souvenir de nos gloires episcopales, vous me pejmettrez d'aborder un sujet moins important, « paulo minora canamus » et, à propos d'une pièce inédite, je le crois du moins, d'esquisser l'histoire de l'immeuble


qui abrite notre Musée, de la fin du XVIIe siècle à la Révolution.

Vous avez remarqué sur le fronton de la porte d'entrée, au-dessus des armoiries de Mgr de Saint-Simon.

gravé dans la pierre, ce mot ; « Charité », dont la signification ne vous a peut-être pas paru très claire.

Il existait à Agde plusieurs sortes d'établissements destinés au soulagement des malheureux : L'hôpital des Pauvres dont fait mention un acte de 1212.

La ladrerie, objet de plusieurs donations à partir de 1318.

Enfin la Charité, dont une reconnaissance de Ramond Jehan nous fait connaître l'existence dès 1275. Il y eut même plusieurs Charités, dont les possessions sont mentionnées dans les compois du xve siècle et qui avaient leur siège dans des immeubles différents : La Charité de la Cité, la Charité de Claude Terrisse, enfin la Charité sans autre appellation, et que je crois être la nôtre.

Elles donnaient leurs secours aux malades à domicile, aux pauvres honteux qui répugnaient à entrer à l'hôpital, ou aux contagieux qui ne pouvaient être admis dans les salles communes : on donnait des soins et surtout des aliments prêts à être consommés, du pain, du bouillon, surtout du bouillon, car les médecins en recommandaient fort l'usage à celle époque.

La Charité participait donc du Dispensaire et du Fourneau économique gratuit.

Sous l'impulsion de Mgr Louis Fouquet, revenu de son exil, cette œuvre prit une extension nouvelle : en 1699, par acte passé devant Me Louis Couston, cet évêque l'installa dans la maison où nous sommes et les distributions se multiplièrent.

Au point que cette forme d'activité charitable prit le nom d'Œuvre du Bouillon, et les distributrices s'appe-


lèrent tout naturellement les Dames du Bouillon, sous la direction de Madame la Marquise de Belle-Isle, nièce du prélat, née Catherine de Lévi.

Cette œuvre poursuivit sa carrière bienfaisante, jusqu'au début de la Révolution, grâce à des dévouements et des donations multiples. La pièce suivante que j'ai retrouvée dans les papiers du Commandant Baret, et que je crois inédite, en est un exemple.

2 Mars 1786.

Délibération du Bureau de la Charité d'Agde qui constitua M. Rouquette, receveur du canal à Toulouse, pour procureur fondé. Expédié ledit jour.

L'an mille sept cent quatre vingt six et le second jour du mois de mars, le Bureau de la Charité des Dames du Bouillon de la ville d'Agde assemblé en la forme ordinaire dans le Palais Episcopal de la dite ville ; par devant Monseigneur l'Illustrissime et Reverendissime Charles François Siméon Vermandois, de St Simon Rouvroy Sandricourt, conseiller du Roi en tous ses conseils, Evêque comte d'Agde y assistant Mre Martin Jacques de Gohin abbé de St Polycarpe prêtre chanoine camérier de l'Eglise d'Agde, vicaire général et officiel dudit Diocèse trésorier dudit Bureau, Dame Marie Françoise Jeanne de Joubert épouse de Mre Jacques de Sicard, conseiller en la souveraine Cour des aides de Montpellier, dame Françoise Barescut épouse de M. Solier subdélégué de Monseigneur l'Intendant, et DUe Anne louise Bernard, composant ledit Bureau ; lequel bureau'sur la proposition de Mre Martin Jacques de Gohin Trésorier de ladite Charité, qu'il était instruit que M. Delort fils professeur du droit français à Toulouse en sa qualité d'exécuteur testamentaire de feu Mre l'abbé de Carrère archidiacre de l'Eglise d'Agde avait en main le prix du premier paiement de la moitié de la bibliothèque dudit Sieur abbé de Carrère et qu'il revient sur icelui audit Bureau de la Charité la somme de sept mille six cent soixante treize livres quatre sols a unanimément délibéré de nommer pour procureur fondé dudit Bureau M. Rouquette, Receveur du Canal à Toulouse auquel le Bureau donne plein pouvoir de retirer des mains de M Delort fils en la qualité d'exécuteur testamentaire susdit la susdite somme de sept mille six cent soixante treize


livres, comme aussi ledit Bureau donne pouvoir audit Sieur Procureuj fondé de retirer des mains dudit M. Delort l'année prochaine pareille somme que dessus pour le second paiement de l'autre moitié de la susdite Bibliothèque et des sommes reçues, fournir audit M. Delort Bonnes et valables quittances publiques ou privées. Promettant ledit Bureau de relever ledit procureur fondé de la charge de la présente, promettant et obligeant etc et detout ce dessus ledit Bureau a requis nous ledit notaire de lui retenir acte que nous lui avons concédé Fait et Récité dans le Palais Episcopal présens Sieur Jean Pierre Benoit Remeise fils praticien ez-cours d'Agde, et sieur Charles Pierre Janin négt dudit Agde, témoins requis.

Signés avec mondit Seigneur Evêque et déliberans et nous Joseph Sauret notaire Royal susdit requis soussigné.

dans la ville d'Agde avant midi (1) f Ch.Fr. S. Ev. C« d'Agde Joubert de Sicard Bernard Barescut de Solier l'Abbé de Gohin tresorié Jaain t Remeise P. Janin. Sauret, notaire eige- à Agde le trois mars 1786, - p. quinze sols Desoux -

Cette pièce dont on peut admirer l'écriture élégante et les ornements dus à la plume experte du notaire, porte les signatures de Mgr de Saint-Simon et de l'abbé de , Gohin.L'abbé de Gohin fut une figure remarquable de notre clergé avant la Révolution: venu d'Angers, il remplit les fonctions de vicaire général du diocèse pendant plus de 45 ans, d'abord auprès de Mgr de Charleval, puis de Mgr de Saint-Simon ; c'est à lui que nous devons les copies du Cartulaire du Chapitre d'Agde, que détient la ville de Montpellier.

L'immeuble où nous sommes est attribué, sur le cadastre de 1785 à M. le Trésorier de la Charité, et sur un plan à peu près de la même époque à M. l'abbé de

(i) Cette pièce est conservée au Musée Agathois.


Gohin : il s'agit d'une seule et même personne ; c'est dans cette maison que ledit abbé se calfeutra et vécut pendant la tourmente révolutionnaire, sauf entre 1794 et 1795 où il fut enfermé à la Réclusion de Montpellier; perclus et sourd, il y passa les dernières années de sa vie et mourut le 4 thermidor de l'an X, à 86 ans, dans une chambre du premier étage.

Il y a lieu de croire que ce digne vieillard fut respecté même par les révolutionnaires : le Conseil Général de la Commune, dans sa séance du 11 avril 1790 considérant combien l'œuvre de la Charité répand de soulagement et de secours parmi les pauvres de cette ville, donne à Monsieur l'abbé de Gohin une faible marque de sa reconnaissance pour tous les bientails journaliers dont il comble cet établissement.

L'immeuble ne dut subir aucun dommage puisque les armoiries de Mgr de Saint-Simon et celles de la porte d'entrée, que je crois être celles de l'abbé, ce point demandant toutefois vérification, ne furent point martelées, à l'inverse de toutes les autres qui ornaient les murs de notre ville et qui furent regardées comme des vestiges odieux de la féodalité.

Mais l'œuvre du Bouillon ne résista point à ces bouleversements, elle ne fut jamais reprise depuis ; on n'y vit plus des mains, aussi élégantes que charitables élaborer de succulents pots-au-feu; le parfum qui aurait pu allumer dans vos estomacs le feu des coupables convoitises s'en est depuis longtemps évaporé. Il ne nous reste plus que le souvenir, nourriture toute spirituelle, dont nous saurons nous contenter.

L'Assemblée, vivement intéressée, applaudit chaleuleureusement.

M. R. Aris, rend compte des résultats obtenus au cours de fouilles récentes entreprises au site d'Agde, et


donne une vue d'ensemble du travail accompli dans le domaine de l'archéologie gréco-romaine.

Rapport de M. Aris

sur les recherches archéologiques et les fouilles MESDAMES, MESSIEURS,

Nous avons fait connaître dans l'avant-dernier- Bulle- tin de votre Société les premiers résultats obtenus aux fouilles d'Agde. Nous avons annoncé à ce moment la découverte du site de l'antique colonie grecque Agathé Tyclié qui fut le berceau de la ville d'Agde, puis l'exploitation d'un' deuxième site, à Embounes, près du Cap d'Agde. Nos conclusions étaient que nous nous trouviorys en présence de deux sites contemporains dont l'un correspondait à la colonie grecque, l'autre à un habitat de type indigène.

Les travaux, interrompus par la guerre, n'ont plus été repris. Depuis, nous n'avons pu nous livrer qu'à des recherches, des prospections en surface, des observalions dont les résultats ont toujours confirmé nos conclusions premières. Je voudrais vous présenter aujourd'hui une vue d'ensemble du travail que nous avons fait à Agde dans le domaine de l'archéologie gréco-romaine et des résultats obtenus à ce jour.

Je ne ferai que vous rappeler ce qui a déjà fait l'objet d'un compte-rendu dans notre premier article pour vous donner plus de détails sur nos derniers travaux et les conclusions d'ensemble. Je TOUS rappelle que la fondation d'Agde remonte au v8 siècle avant notre ère. Des textes de Ptolémée, de Strabon, de Pline, de Pomponius Mêla ont fait mention de la colonie marseillaise « Agathé Tyché » « la Bonne Fortune » Les textes de Ptolémée et d'Avienus sont I


particulièrement intéressants par leur description précise du rivage à l'époque antique.

Ces textes nous apprennent - et d'illeurs un examen attentif du rivage permet de le vérifier aujourd'hui — que l'Hérault débouchait autrefois à la mer par un delta dont une des branches est aujourd'hui atterrie. Le même fait s'est produit pour l'embouchure de l'Aude dont le delta séparait autrefois du continent tout le Massif de la Clape. Ici le delta isolait l' « Ile d'Agde », l' « Agatlié Mésos » de Ptolémée, dominée par le Mont St Loup. Quant au texte de F. Avierus dans une de ces poétiques images chères aux anciens il nous apprend qu'il existait près d'Agde un bon mouillage bien abrité qui de bonne heure dùt arrêter les navigateurs antiques.

Quelles furent l'importance, la vie de cette colonie agathoise, l'Histoire nous le dit à peine. Nous savons que les colonies marseillaises étaient des places fortes et des marchés, des points de protection de l'Empire maritime marseillais, des places de commerce avec les indigènes. On pense que ces colonies comprenaient toujours une cité grecque soigneusement protégée et une ville indigène dans le voisinage. Ce fait semble se vérifier pour Agde.

D'après C Jullian la période de prospérité de l'Empire marseillais et de ses colonies se situe aux ive et Ille siècles avant notre ère. C'est encore un fait que vérifient nos premières fouilles, les couches archéologiques correspondant à cette époque sont les plus abondantes et les plus riches.

Toujours d'après C. Jullian, dès la domination romaine le déclin commence pour Marseille et ses colonies. « Le port d'Agde ne joue plus alors aucun rôle dans le trafic maritime de notre région ». Il n'y a plus à ce moment qu'un seul port dans la mer gauloise c'est Narbonne qui accapare à son profit la concurrence des ports secondaires voisins comme Agde. Le port d'Agde •


ne reprend son importance que plus tard, au Moyen Age.

Voilà à peu près tout ce que nous connaissons d'Agde aux temps antiques d'après les données de l'Histoire.

En possession de ces données depuis longtemps acquises, de ces preuves historiques de l'existence d'Agde, il est curieux de constater qu'on n'ait jamais pu trouver jusqu'à nos jours le moindre vestige archéologique qui aurait confirmé cette existence. La seule découverte signalée à Agde est celle d'un autel grec avec une inscription dédicatoire trouvé dans les fondations de

l'Hôtel de Ville- au XVIIe siècle. C'était tien peu. Et devant cette absence de vestiges archéologiques le problème du site de la colonie antique fut toujours posé aux chercheurs.Problème compliqué d'ailleurs du fait de l'existence d'une tradition populaire qui apportait jusqu'à nous le souvenir d'une ville disparue : Embounes, près du Cap d'Agde.

Tous les historiens locaux ont discuté longuement sur l'existence de celle problématique ville d'Euchomes.

Comme les documents historiques et archéologiques tyii toujoure fait défaut on a émis à ce sujet les hypothèses les plus diverses et celle-ci en particulier que les vestiges d'Embounes représentaient les restes de la colonie grecque Agatlié Tyché qui après sa destruction aux invasions barbares aurait été reconstruite sur son emplacement actuel. La tradition populaire disait vrai en partie. Il y avait à Embounes une ville, un habitat antique mais ce n'était pas la colonie grecque. Quelques mois à peine de recherches nous permettaient d'en retrouver les vestiges et de montrer qu'elle avait existé au site actuel de la ville d'Agde.

Vous verrez tout à l'heure nos trouvailles de poteries antiques, ioniennes, apuliennes et ibériques qui démontrent que le site actuel d'Agde est occupé depuis le ve


siècle environ avant notre ère. Nos fouilles, pratiquées en ville, nous ont livré le matériel que fournissent habituellement les sites de même époque et montré l'existence de murs en pierre sèches restes de maisons d'habitation, un mur plus épais d'une enceinte quelconque, quelques murs avec appareil à piliers verticaux comme on en trouve à Ensérune, quelques vestiges de constructions maçonnées : silos ou citernes.

La superficie explorée jusqu'à aujourd'hui est bien trop réduite pour nous donner des renseignements suffisants sur la topographie de la ville antique. Néanmoins, d'après la dispersion de tessons de poteries recueillis lors de travaux de terrassements étendus à toute la surface de la ville on peut présumer que la colonie grecque occupait une bulle de faible élévation près de la rivière et qu'elle couvrait approximativement une superficie carrée de près de 200 mètres de côté.

On peut remarquer près de restes de remparts du XIIe et du XIIIe siècles encore debout, et qui bordaient l'ancienne butte quelques mètres d'un rempart fait de gros blocs assemblés sans mortier qui remontent sûrement à l'époque grecque.

C'est la seule construction de cette époque actuellement visible à Agde Enfin quelques fouilles près de l'Eglise St André, la plus ancienne d'Agde, où se tint en 506 le Concile d'Agde, nous ont montré l'existence d'un cimetière d'époque chrétienne.

Les sépultures sont identiques à celles du cimetière de Régismont. Il existe des sépulcres en amphores, sous toils de tuiles à deux versants, des sarcophages à couvercles, à crotères et sculptures. Le mobilier funéraire est inexistant. La seule trouvaille est celle d'une sorte de ceinture tissée de fils de bronze. Enfin parmi ces sépultures de basse époque nous avons trouvé deux sépultures à incinération qui montrent que le cimetière fut utilisé à une époque plus reculée.


La cité grecque se trouvait au N. de l'île d'Agde près du point de séparation des branches du delta de l'Hérault. La ville indigène d'Embounes se trouvait tout à l'opposée six kilomètres plus au S. près du Cap d'Agde.

La plus ancienne mention que l'on connaisse d'Embounes est celle des cartes de Cassini qui en indique le site par cette désignation « Ruines d'Embounes ». Le nom de la métairie voisine « La Clape » indique bien qu'on a toujours connu en cet endroit l'existence des grands amas d'éclats de pierre qui sont des déchets de carrière ou des restes de murs écroulés. Pour des archéologues de notre région je ne puis mieux faire que comparer Embounes à l'oppidum de Murviel, près Montpellier. L'aspect est le même avec quelques variantes dans la construction des murs dont l'appareil est moins régulier — ce qui tient à la nature de la roche, ici du basalte. — Quelques variantes aussi dans le dessin très iriégulier des enceintes qui n'entourent pas ici le haut d'une eolline mais s'étendent sur un plsteau uni surprès.deun kilomètre-carré. Il existe des sortes de cabanes soit accolées à des murs d'enceinte soit comprises dans leur épaisseur. Quelques-unes à murs droits devaient être recouvertes de branchages ; d'autres présentent des restes de toits à voûte d'encorbellement.

Sur une grande partie du site s'étendent des carrières indiquées par des amas d'éclats de pierre parmi lesquels on trouve de nombreuses meules à main abandonnées à tous les états de fabrication. Il y avait là une fabrique de ces instruments qui a du exporter ces produits dans toute notre région. Vous en connaissez le type : c'est la meule ronde utilisée depuis les IVe ou Ille siècle environ jusqu'à la période gallo-romaine. On les retrouve encore à Agde sur l'emplacement de villas occupées assez tardivement. Quant à la poterie elle est peu abondante étant donné que le sol rocheux n'a pas conservé de


couche archéologique, elle est datée du ive avant notre ère jusqu'à la période gallo-romaine.

Que conclure pour Embounes ? Même en l'état actuel des travaux de fouille déjà avancés, pour l'instant il est bien difficile de se prononcer. Disons seulement qu'il existait' là une fabrique de meules à main en pierre basaltique et que l'habitat est de type indigène sans préjuger si ces indigènes eux-mêmes furent ibères.

celtes ou ligures.

Quels sont aujourd'hui les résultats de nos recherches au site d'Agde ? Mettons en premier lieu la découverte du site lui-même : de la cité grecque et de la ville indigène plus exactement d'un habitat de type indigène.

Puis la découverte de la fabrique de meules première indication sur l'activité industrielle du centre agathois.

Notons enfin que les centres d'habitation échelonnés au long de la vallée de l'Hérault et dont on a récemment découvert les restes à Bessan, St-Thibéry et Montagnac dépendaient sûrement commercialement tout au moins de la colonie grecque d'Agde. Et nous aurons un premier aperçu de l'activité de la colonie d'Agde comme centre d'importation maritime.

Autant d'indications qui meublent quelque peu un chapitre autrefois si vide de notre histoire locale et qui d'un point de vue plus général apportent une contribution, si minime soit-elle, à l'Histoire si attrayante et si peu connue de la « Gaule grecque ».

Des applaudissements nourris accueillent cet exposé.

Communication de M. Jules Baudou sur le Costume Agathois C'est enfin le tour du Conservateur Jules Baudou, qui, avant de nous montrer les riches collections de son Musée, a voulu en faire précéder la visite d'un savant historique :


MESDAMES, MESSIEURS,

La langue, les dogmes religieux, les traditions, le costume voilà ce qui fait l'individualité d'un peuple.

Nous allons avoir l'honneur de vous entretenir du costume.

Le costume agalhois, seul costume vivant de notre région, a été pour nous le départ et le premier but de l' « Escolo daù Sarret ». Le mettre à l'honneur, le sau-

ver d'une disparition probable, voilà ce que nous avons voulu faire, et ce que nous espérons avoir réussi.

Nous allons vous donner quelques détails sur son origine et son évolution.

D'après les plus vieux documents, on peut affirmer que la mode resta uniforme dans tout le Midi de la France jusqu'au XVIIIe siècle.

Lors du mariage de Douce, héritière de Provence, avec Raimond Bérenger, comte de Barcelone, les mœurs, les coutumes et les modes catalanes eurent une grande influence dans notre Midi. Les femmes adoptèrent la mode catalane ; elles portaient une tunique, un justaucorps à pièces tailladées et à languettes, une jupe, un manchon de cou et un voile. Les veuves étaient distinguées par le « plechum 1), voile semblable à celui des religieuses. C'est ce plechum qui a pris la forme du mouchoir de tête et qui a donné naissance à la «coquelle».

Ce n'est autre chose aussi que le « plecion » des Grecs dont parle l'historien Pollux. Au xne siècle le plechum

était aussi le nom de la coiffure des dames romaines.

Voilà donc l'origine de la coquette, coiffe qui se porta dans tout le Midi jusqu'au XVIII6 siècle.Nous retrouvons dans une fort jolie crèche de cire du XVIIe siècle, qui a été offerte au Musée Agathois par Mme Tiffy, le premier document sur les costumes populaires.

La Bergère,- qui vient offrir son agneau à l'EnfantDieu, est coiffée de la coquette et du grand chapeau de


feutre noir, appelé « à la Bérigoale » en Provence, et ombretto, dans notre région ; elle porte la jupe retroussée sur le cotillon, le casaquin à basques et le corsage orné des retroussis des manches de la chemise. La Vierge est habillée dans le même goût, avec un voile de religieuse. Le Berger porte l'habit à basques4ongues, les culottes courtes et le chapeau de feutre noir.

C'est dans les vieux Noëls languedociens que nous trouvons les noms des pièces essentielles du costume :

las braios, la camisolo, lou caban, la rouliëdo, la baretto et jacquello. Dans d'autres santons en cire ou en argile, nous voyons las garamachos et lous bounbets de nos terriens, les grands cabans de nos bergers, los maregos et los baretfos de nos pêcheurs. Nous arrivons ainsi à 1780, époque sur laquelle nous possédons deux très beaux documents : une miniature provenant des collections de Madame Tiffy, et un pastel, portrait de l'aïeule de M.Chauvet, notre cher Président de l'«Escolo daù Sarret ». Dans ces deux pièces, nous voyons une coquette des plus élégantes, au bord de tulle finement plissé, et relevé de précieuses dentelles. Un ruban de satin bleu, par sa note de couleur, la rend plus seyante encore.

Ce ruban bleu se retrouve d'ailleurs dans des portraits postérieurs, qui nous permettent d'étudier l'évolution de la coquette vers le sarret.

En 1790, les mentonnières de dentelles sont moins apprêtées ; traitées avec plus de flou, elles rappellent les portraits dss paysannes de Greuze.

C'est en 1800 seulement que, sous l'influence des modes de Paris, la femme, rejetant la contrainte de ces bandes de mousseline un peu monacales, adopte une coiffe rappelant en tous points le bonnet de Marie-Antoinette au Temple.

Cette coiffe appelée « beii » évoluera à son tour de façon particulière dans chaque village de la région, et


donnera naissance dans Béziers à la cpffo liso et dans Agde au sarret.

A Agde, en 1810, on voit sur l'avance de la coiffe, un premier pli appelé canon. Ce canon se multiplie bientôt par deux en 1830 et par quatre en 1830, pour arriver à former le véritable sarret vers 1840.

Le ruban bleu est devenu blanc, tout en diminuant de largeur.

De 1850 à 1900, le sarret s'allège peu à peu, dégage la nuque, remonte légèrement sur le front pour dégager les bandeaux qui ont précédé les festons.

Voilà donc tracée à grands traits l'évolution de la coquette au sarret en passant par le beu : transformation heureuse qui nous a donné une coiffe ravissante, faisant l'originalité de notre costume.

Quelles étaient les dentelles employées pour ces coiffes ?

Si, pour la coquette et le beu, on employait la mousseline unie et les dentelles de Malines ou de point d'Angleterre, on préférait p&ur le sarret les broderies suisses de Saint Gall et les jolis volants de Valenciennes.

L'entretien et le montage des sarrets demandaient un soin tout particulier et l'on déplore aujourd'hui la rareté des ouvrières. C'est ce qui représente à l'heure actuelle le plus grand péril pour notre costume. Le repassage des dentelles se faisait à l'épingle de cuivre, sur un tambour recouvert de drap vert, pour ne pas fatiguer la vue de la repasseuse. Jamais on ne posait un fer chaud sur la valencienne, aussi se conservait-elle pendant des années.

La mousseline unie était employée pour les coiffes de deuil, dites « de listre ».

Si monter un sarret est tout un art, il en va de même pour l'arrangement de la chevelure : les cheveux, préparés en deux tresses, forment une couronne fixée par un peigne d'argent.

Nous avons pu réunir, grâce à la générosité de notre


Marraine et de quelques aimables donateurs, une belle série de peignes d'argent dont certains sont de jolis travaux de ciselure ; ces modèles, malheureusement perdus, sont remplacés maintenant par un modèle unique, dit « à l'épi de blé ».

Les petits festons à l'eau sucrée qui intriguent tous les touristes, ne sont pas d origine très ancienne ; ils sont dus à la coquetterie particulière d'une certaine dame Barreau, qui, vers 1890, lança cette mode. Elle devait avoir une chevelure ondulée, qui se prétait mal à la sévérité des bandeaux « à la Vierge », alors en vogue.

Les petits chignons dits « pettes », retenus sur les oreilles par deux épingles d'or, datent de 1870 ; ils succédèrent à de petites « anglaises » ou « tire-bouchons » qui venaient des modes de l'Empire.

C'est en somme la forme et la disposition de la tresse en couronne qui donne au sarret cette allure de pur style grec, et son chic particulier.

Si la coiffe a évolué d'une façon toute originale, dans Agde il n'en est pas de même de la robe qui a toujours suivi la mode du jour.

Seule l'époque 1780-1790 nous donne un détail saillant : le corsage était orné sur le devant de deux pattes de même tissus, qui se croisaient pour retenir les pointes du fichu. Ces pattes se firent jusqu'en 1790, époque où l'on porta le pet-en-l'air, aux petites basques si amusantes.

Depuis 1800, la jupe et les manches seront dans le goût de la saison : tournures. crinolines, manchespagodes ou à gigot — toutes ces lois du Jardin des Modes furent en vigueur chez nos faiseuses agathoises.

Le tablier se portait en temps ordinaire : de drap ou de soierie, il variait suivant les époques, on ne le portait pas pour les cérémonies.

Au XVIIIe siècle, le tablier était remplacé par deux


grandes poches suspendues à une ceinture ; ces poches étaient ordinairement de tissus noir.

Quant au fichu, il ne varia jamais depuis la Révolution. De mousseline, de dentelle, de drap ou de velours, il se fit, vers la fin du XVIIIIe siècle, en tulle perlé ou pailleté. Les derniers fichus étaient d'un grand effet sous les rayons du soleil d'été. Il fut toujours drapé en trois plis harmonieux, fixé par trois épingles d'or, et croisé chastement sur la poitrine — ce qui faisait dire à un prélat très distingué, de passage à Agde, que les Agathoises avaient une poitrine beaucoup plus sincère que les Arlésiennes avec leur chapelle parfois un peu trompeuse !

L'hiver, les tartans, les flanelles de Reims, les châles français ou des Indes, les coup-d'air doublés donnaient à nos Agathoises une allure de Tanagras.

La « rouliero » ou cape dans le genre de celle d'Arles, se porta très peu de temps.

Si les toilettes étaient soignées, les « dessous » de nos grand'mères représentaient aussi beaucoup de travail et d'habileté. Notre collection de jupons piqués et de jupos ou matelottes vous donnera la preuve qu'elles savaient patiemment préparer leur trousseau, plus confortable, il est vrai, que nos modernes combinaisons en soie plus ou moins artificielle.

Leur bonnet de nuit même était si seyant qu'il devint bientôt la coiffe populaire de nos paysannes et de nos poissonnières, cette cagnotte qui, lorsqu'elle est fièrement campée sur une jolie tête, lui donne un petit air décidé, accentué souvent par les deux rubans de chevillére blanche qui flottent dans les mouvements agités d'une discussion parfois orageuse, surtout sur les quais de « la Marine ».

Vous comprenez donc pourquoi nous aimons par des-

sus tout ce costume si seyant, qui fait remporter tant


de premiers prix aux membres de notre Escolo dans les manifestations régionalistes.

Heureux serons-nous si nous arrivons à vous le faire aimer ; la visite et la vue de nos collections sera sûrement plus convaincante que notre prose inhabile. A votre tour, vous nous aiderez en faisant connaître l'œuvre que nous avons entreprise ; en bons voisins, vous pourrez nous envoyer vos amis de Béziers ; ce sera pour nous le meilleur des encouragements, ce qui nous permettra de continuer à enrichir ce Musée Agathois qui nous tient tant au cœur.

Dès que les applaudissements se sont tus, la curiosité des auditeurs reçoit enfin satisfaction, et la visite du Musée occupe le reste de l'après-midi. C'est d'abord une courte visite à la Salle de l'Archéologie, puis dans les salles du premier étage, on admire les remarquables collections de coiffes et de costumes. Nous pouvons enfin constater avec quel art Madame Tiffy et M. Baudou ont su conjuguer leurs efforts pour présenter ces riches ensembles et retracer l'évolution et la vie du costume et de la coiffure d'Agde. Sous tous ses aspects revit à nos yeux l'existence d'autrefois : chambre de jeune Agathoise, vieille cuisine, « toilette de la mariée » sont autant d'évocations saisissantes d'un passé malgré tout assez proche, puisque on peut encore rencontrer dans les rues d'Agde (et pas seulement pour la Fête du Vin Nouveau !), quelques sarrets et quelques cagnottes.

On voudrait s'attarder dans ces salles, mais il faut voir encore la Salle des Evêques, où M le Dr Picheire nous prodigue encore les trésors de son érudition, la Salle de la Marine où flotte le souvenir du glorieux corsaire Terrisse, les dioramas, etc.! On reste confondu devant ces réalisations si récentes et si parfaites, et l'on ne sait ce qu'il convient d'admirer le plus, de l'activité des organisateurs, de leur savoir ou de leur art.


Il faut partir.! Les visiteurs prennent congé de leurs hôtes en les remerciant de leur accueil cordial et sympathique, exprimant le vœu de revoir bientôt de Musée, dont l'intérêt ne peut être épuisé au cours d'une seule visite, et qui prouve la vitalité de l'Escolo daù Sarret autant que l'amour des félibres agathois pour le passé de leur Cité.

L JAMET. R. ARls.


Chronique Bibliographique

Une Charte Auvergnate de i322 Communiquée par M. Pierre TISSET

Notre savant collègue, M. Pierre Tisset, professeur à la Faculté de Droit de Montpellier - que nous déplorons de ne plus avoir comme jadis, en familier de nos séances — a bien voulu envoyer à notie Société le tirage à part d'une de ses publications, dans les « Annales du Midi (tome II. 1939).

Il s'agit d'une Charte auvergnate de 1322, de la région de Brioude, portant constitution de dot, que notre collègue, joignant les talents du paléographe à sa science juridique, a déchiffrée sur un parchemin mutilé, à lui communiqué, a publiée en suppléant par de sagaces restitutions aux lacunes du texte, et a entourée enfin du plus érudit des commentaires.

Il serait hasardeux de prétendre suivre le savant professeur d'Histoire du Droit sur ce difficile terrain de notre ancien droit privé qui lui est familier, mais qui n'en révèle pas moins de profondes arcanes. Ceux qui, comme nous, se rappellent s'y être aventurés jadis, admireront l'élégante et sûre subtilité avec laquelle, M.

Tisset, à propos de cette Charte (dans le texte aussi bien que dans un abondant appareil de notes brillant d'érudition), discute de la constitution de la dot, de son remploi, de l'étendue et de la nature des obligations (omnium bonorum), de chacune des parties, de la renonciation par les dits fidéjusseurs, au bénéfice de discussion et aux exceptions diverses par lesquelles ils


pourraient se soustraire aux obligations contractées par eux, de la clause exécutoire enfin, à caractère universel, du document.

Du point de vue général et un peu extérieur qui est le nôtre, bornons-nous à remarquer que ces pays d'Auvergne, tout comme nos régions plus méridionales, étaient en partie des pays de droit écrit, qu'ils suivaient, surtout en ces matières du droit des gens mariés, l'ancien droit romain, en principe, mais en écartarn par le jeu des coutumes et des clauses contractuelles, l'application des lois romaines (s. consulte Velléien, loi Julia ou disposition des Novelles ou du Code) qui leur déplaisaient.

L'histoire du droit de nos provinces méridionales est faite de cet incessant effort d'adaptation, de ces réactions, de ces compromis divers entre l'ancien corps de loi hérité de Justinien et de Rome, et les besoins locaux, les tendances juridiques différentes que traduisaient les coutumes, rédigées ou non.

Ce travail d'accommodation du droit, disons-le en passant, est un phénomène constant, qui se continue de nos jours.

M. Tisset se réfère, dans une note de son Etude, à deux articles de la coutume de Montpellier. Qu'il me soit permis à ce propos, d'évoquer un regret personnel.

Sur la foi d'un texte sérieux, j'avais cru, jadis, qu'il avait existé aussi, et antérieure à celle de Montpellier, une « Coutume », une Charte de Coutume de Béziers.

Avec peut-être un peu de présomption juvénile, j'avais caressé l'espoir de la publier et de la commenter, en guise de thèse. Il ne restait qu'à la découvrir.

Des recherches assez poussées m'ont permis de m'assurer, que contrairement au dire de mon auteur, il n'y avait sans doute, jamais eu, ni au XIIle siècle, ni plus tard, de « Coutume » de Béziers.

Ce qui est regrettable, car les Coutumes méridionales


sont rares. Ce résultat négatif pourrait peut-être faire l'objet d'une note succincte, ne fut-ce que pour épargner à un chercheur futur semblable déconvenue.

A défaut de « Coutume » la publication et l'étude de contrats privés ouvriraient des aperçus intéressants sur l'état du droit et partant, des mœurs, dans notre pays biterrois. Souhaitons qu'il se trouve parmi notre Société (nos collègues notaires seraient tout qualifiés), des chercheurs assez heureux pour mettre au jour une Charte languedocienne privée, à l'exemple de ce qu'a fait, avec tant de savoir, pour une Charte auvergnate, M. Pierre Tisset, que vous serez sans doute, unanimes pour remercier confraternellement avec moi, de sa communication.

J. L.


Béziers sous Louis XIII A propos de l'étude de M. Jean DONAT

A travers le Bas Languedoc sur les pas de Louis XIII

M. Jean Donat a publié récemment dans les «Mémoires de l'Académie des Scieuces, Inscriptions et Belles Lettres de Toulouse » (XIIe série, tome 11. 1940), une étude d'un vif intérêt dont il veut bien nous adresser le tirage à part. Il a justement pensé que la Société Archéologique ne pouvait qu'accueillir avec joie tout apport inédit à l'histoire de Béziers, et nous lui en devons de sincères remerciements.

Il s'agit des « Mémoires de Pierre de Bourdeaux », seigneur de la Sablonnière, capitaine-exempt des gardes du corps, des « choses vues et remarquées, en l'an 1622 » (1).

Signalé pour la première fois par M. Louis Batiffol, ce manuscrit a été analysé et commenté par M. Donat, à plusieurs reprises, avec une élégante sagacité, dans les Mémoires de l'Académie de Toulouse (2).

Pierre de Bordeaux était originaire de la Normandie, de Vernon ; comme capitaine exempt des gardes du corps, il appartenait au corps d'élîte qui suivait le roi dans ses déplacements. Il accompagnait à ce titre, Louis XIII dans cette expédition répressive contre les religionnaires révoltés qui aboutit au siège et à la prise de Montpellier, d'août à octobre 1622.

Ses Mémoires présentent de nombreux détails inédits,

(i) Biblioth. Nationale. F. R. Nouv. Acquisitions. N° 6163 - 6164. —

Deux volumès de plus de 600 pages.

(2) ( « Séditions et répressions en Haute-Guyenne ». 12' série. T. XV et XVI. 1937-38).


sinon importants, d'ordre militaire, sur cette campagne de Guyenne et de Languedoc, aux multiples épisodes, et intéressent, à ce titre, l'histoire générale aussi bien que celle de notre province. Mais ce qui les rend particulièrement attrayantes pour nous ce sont les observations, éparses au milieu de ces récits de coups de main, sur les mœurs, les habitudes de nos populations méridionales, du début du XVIIe siècle et sur les aspects du pays traversé. Ce récit constitue, dans le décousu de ses notes, selon l'expression de M. Donat, une sorte de « reportage vécu ».

« Esprit attentif, réfléchi, sachant observer », P. de Bordeaux possédait une culture variée et assez étendue.

Nous n'en relèverons incidemment qu'une preuve.

Traversant Narbonne, il sait voir et bien voir « dans une église dont le chœur subsiste seul, la nef n'étant pas achevée », (la cathédrale) « un fort beau tableau de la Résurrection de Lazare qui est, dit-il, une excellente pièce de la façon de Michel-Ange », La toile dont il veut parler est une œuvre de Sebastiano del Piombo, de sa manière romaine, toute soumise, en effet, dans ses musculatures et ses attitudes à l'influence de Michel-Ange. Cette peinture avait été exécutée en 1517, pour le Cardinal Jules de Médicis, en compétition avec Raphaël, qui devait peindl e la «Transfiguration », pour la même église. L'œuvre achevée le 1er mai 1519, exposée au Vatican jusqu'à la fin de l'année, fut envoyée par le Cardinal à Narbonne, son diocèse. Elle y était depuis un siècle quand P. de Bordeaux sut l'y découvrir et l'y admirer, ce qui n'était pas trop mal pour un capitaine des gardes en campagne.

Elle en disparut au cours du XVIIIe siècle, on ne sait comment, pour se retrouver aujourd'hui, à Londres, à la National Gallery.

Notre auteur s'arrêta plus longtemps à Béziers, et s'il n'y découvrit pas de tableaux, ses remarques concer-


nant notre ville ont paru assez significatives pour mériter d'être recueillies et publiées dans notre Bulletin.

Sans en exagérer l'importance, nous ne saurions négliger cette petite contribution à l'histoire locale. Elle lui apporte, à défaut de faits nouveaux, tout au moins quelques menus traits, de ces détails pittoresques et précis, « amusants » comme l'on dit aujourd'hui, qui colorent et ressuscitent, mieux que le récit des événements politiques, la vie d'une époque.

Pour cette époque, cedébutdu xvne siècle, l'histoire de Béziers nous'est assez connue dans ses grandes lignes, et en ce qui la rattache à l'histoire générale. Son nom reste lié à cet édit de 1632, l'édit de Béziers, qui marqua la fin des libertés provinciales de Languedoc.

Après les troubles des guerres religieuses dont elle avait eu sa part, la ville jouissait de l'apaisement général. La tolérance y régnait sans doute, puisque P. de Bordeaux estimait à quatre cents, en 1622, le nombre des maisons huguenotes, paisibles pendant que leurs coreligionnaires de [Montpellier étaient en révolte ouverte.:Mais elle n'en participait pas moins à ce mouvement de'rénovation religieuse, de fondations pieuses.

à ce courant mystique et réformateur qui, par le canal des Oratoriens et du cardinal de Bérulle aussi bien que par les Pères de la Compagnie de Jésus, traversèrent alors tout le royaume.

Le gouverneur de la province, Henri 1 de Montmorency, rude homme de guerre pourtant, venait de se faire recevoir du tiers-ordre de St-François. Sur sa demande, l'évêque Thomas de Bonsi appela les Capucins à Béziers ; ils s'établirent en 1584 près du rempart de la place de la Tible. C'est à l'ombre de ce couvent que se produisit une de ces vocations, un de ces appels de la grâce qui éclosent comme des rares fleurs au milieu des brutalités et des sanglantes violences de ce temps fécond en contrastes.


Une demoiselle noble, Jacquette de Bachelier distribue tout son bien aux pauvres, se retire dans un logis voisin du couvent des Capucins et revêt le costume de leur ordre. Elle édifie la ville entière par sa vie de mortification ; sa cellule devient une sorte de lieu de pélerinage pour des gens de toutes conditions. Un de ses plus illustres visiteurs fut, si l'on en croit la tradition, cet infortuné Henri II de Montmorency, qui au moment de se lancer dans la révolte ouverte, en 1632, serait venu consulter sœur Jacquette, et à qui la sainte fille aurait en deux mets, prophétisé ses malheurs.

Avant de mourir, en 1635, elle avait inspiré la fondation de la congrégation de pieuses dames sous l'invocation de Ste-Elisabeth établie au faubourg St-Jacques.

Le rayonnement moral émané d'elle devait être assez intense sous Henri IV et Louis XIII pour n'être pas encore éteint de nos jonrs.

Un tableau votif dans l'église de la Madeleine nous rappelle qu'en l'année 1630, la ville étant affligée de la peste, les consuls avaient fait vœu à Dieu et à St-Charles-Borromée d'ériger une confrérie en l'honneur du Saint, dans sa chapelle, en l'église des frères prêcheurs réformés.

La procession du vœu de la ville, attribuée traditionnellement à la date de 1632, est certainement antérieure puiqu'en 1552, le chapitre de St-Nazaire ayant voulu la faire supprimer à la suite d'un conflit avec les Dominicains, les consuls requirent les chanoines, en termes assez vifs, de faire exécuter la procession selon les coutumes traditionnelles. Mais sa rénovation au début du XVIIe siècle, aussi bien que la fondation municipale de cette confrér,e de St-Charles, le saint milanais réformateur, attestent ce renouveau religieux dont on pourrait relever bien d'autres traces dans cette ville.

L'ordre militant des Jésuites qui établissait si activement sur la France entière son réseau de maisons


enseignantes et de chapelles de style neuf, trouva la place toute prête à Béziers. Le collège fondé en 1594, par les Consuls, sur un édit d'Henri IV, connaissait bientôt de graves difficultés financières et était menacé de la ruine. En 1599, les Consuls l'offrirent aux Jésuites qui possédaient déjà plusieurs maisons en Languedoc.

Le collège devint vite sous l'habile direction des Pères, un foyer réputé et prospère de culture religieuse et d'humanisme dévot.

Sa chapelle reconstruite à partir de 1615, et si sottement détruite de nos jours, manifeste, avec élégance, le nouveau style classique, propagé par l'Ordre à travers le monde. Ces frontons rompus, ces ordrès étagés, cette logique et sobre ordonnance devaient être admirés des esprits cultivés et raisonnables comme les modèles d'une architecture nouvelle dont la ville était encore bien démunie.

L'établissement de l'imprimerie en 1612 par Jean Puech et 1 activité de ses presses apportent un autre témoignage de la vie intellectuelle biterroise en ce moment.

Ce n'est pas cet imprimeur cependant (mais un de ses confrères), qui nous a laissé (quelques quarante années plus tard), un aspect non moins significatif, à la fois de la culture et des mœurs de Béziers, au début du XVIIe siècle. Parmi les pièces rassembléas et publiées par Jean Martel, en 1657, sous le nom de « Théâtre de Béziers », plusieurs sont datées de 1616 et remontent donc à l'époque qui nous occupe. Sans valeur dramatique, ce sont, dirions-nous aujourd'hui, des scènes de Revues locales où, plus d'une allusion qui nous échappe devait être goûtée du public d'alors. Elles ne sont pas faites d'ailleurs pour la lecture, mais pour la représentation, en plein air le plus souvent, sur des scènes improvisées par des comédiens-amateurs. Elles continuent la tradition dramatique populaire qui ne s'est


pas éteinte avec les mystères et les soties du moyen-âge et survivait encore naguère dans notre région.

La verdeur gaillarde, la licence et la trivialité de leurs propos en langue d'Oc patoisante,"curieusement unies aux tirades en vers français d'une noblesse guindée, d'un style fleuri de souvenirs mythologiques, tout cela devait sans peine, sur les places publiques, déchainer les gros rires de la foule en liesse du jour.de Caritats.

Tableaux satiriques, mais où l'histoire des mœurs trouverait à glaner bien des traits sur la vie quotidienne du bon peuple bilerrois.

Cette « Histoire des Chambrières », [par', £ exemple, représentée en 1616, nous restitue, autour de la,Fontaine de la place, le groupe animé et bruyant des jeunes servantes, leur cruche, leur « arjol » sur la tête, les poings sur les hanches, la langue leste et la main preste; et leurs hardis et libres caquets, leurs médisances sur leurs maîtres et jusqu'au riche chapelet de leurs injures sont de précieux- documents sur les mœurs et la langue de Béziers de ce temps, pas si différentes après tout de celles d'aujourd'hui.

Notre capitaine des gardes, P. de Bordeaux (que nous ne perdons pas de vue dans cette évocation d'une ville qu'il parcourut en touriste), dut assister à quelques scènes analogues autour de la Fontaine de la place, dont il a noté comme une chose rare, la bonne eau; mais s'il les vit jouées sur les tréteaux à l'occasion du séjour du roi, il ne dut pas eh saisir grand chose, ce Normand observateur. Tandis que ce n'est pas trop nous avancer que d'imaginer, une quarantaine d'années après, un autre observateur, venu lui aussi du Nord de la France, assistant au jeu de ces faices locales, et en appréciant en connaisseur la libre verve assez pour en nourrir son génie naissant. Lorsque au temps des Etats, Molière donnait ici sa première du «Dépit Amoureux » il trouvait sans aucun doute, quelques-uns des éléments


de M. de Pourceaugnac, par exemple, et jusqu'à son dialogue mi-parti (patois et français), dans ces maladroites ébauches, issues sur le pavé de nos places d'un curieux mélange de la culture humaniste, de l'esprit populaire et du dialecte languedocien.

En fait de divertissements, Bordeaux remarque celui dit de la Galère. C'était un simulacre de combat rappelant que la Ville avait été délivrée jadis par des troupes venues par mer avec des galères et des barques ; partie intégrante de la fête de Caritats, ce jeu avait été renouvelé, cette année 1622, en l'honneur du roi. Cet amusement public n'était pas sans danger et quelques-uns en avaient demandé la suppression, en 1612. Vingt-deux hommes armés de gros bâtons, luttaient sérieusement entre eux et l'on voyait quelquefois le sang couler et des membres mutilés. Cette réjouissance coûtait tous les ans à la ville, 200 livres et était la cause de grands désordres.

Ce n'est qu'en 1661, que le Parlement de Toulouse, sur enquête, rendit un arrêt pour interdire de « faire le combat de la galère » à peine de 4.000 livres d'amende.

Nonobstant, les consuls et le conseil de ville décidèrent que l'amusement traditionnel continuerait, le roi cassa la décision du conseil et ordonna que l'arrêt du parlement serait exécuté.

Un incendie fort opportun, au mois de mai 1663, au corps de garde où la galère était enfermée et qui la consuma entièrement mit un terme définitif à cette querelle.

Moins heureuse que le chameau, la galère ne renaquit jamais de ses cendres.

Il serait surprenant que le chameau ne soit pas sorti pour présenter son hommage au roi Louis XIII, pendant son séjour dans sa bonne ville. Notre mémorialiste n'en dit rien, mais il semble avoir ici, commis une


confusion dans ses souvenirs, en plaçant notre chameau à Pézenas.

« Ils firent, dit-il des habitants de Pézenas, pendant que nous étions, marcher par la ville une forme de chameau pour donner plaisir. Il y a des hommes dedans qui le font cheminer et qui lui font avancer une longue tête, avec forces gimacrées » (p. 334) Il y a, sans aucun doute, superposition dans sa mémoire du poulain et du chameau.

Sur ce Béziers, dont nous venons d'essayer de ranimer quelques aspects divers, régnait (de loin, le plus souvent), et depuis bien des années, une suite d'évêques italiens. Parmi cette dynastie des Bonsi qui se transmirent pendant près d'un siècle, d'oncle à neveu, le siège épiscopal, l'évêque qui en prend possession, en 1621, peu de temps avant la venue du roi, le tout jeune évêque élevé chez les Pères de La Flèche, manifeste lui aussi l'esprit nouveau de renaissante piété. Succédant à vingt ans à des prélats militaires ou diplomates la plupart du temps, absents de leurs diocèses, Thomas II de Bonsi fut, chose assez singulière à cette époque, évêque uniquement et avant tout. « Distingué, disait son épigraphe, par sa charité, sa science théologique et son amour de l'oraison ». Il montra un zèle édifiant à restaurer matériellement et moralement son diocèse. La pose de la première pierre de la chapelle du Collège, la fondation des orgues de la cathédrale, l'érection d'un monument aux évêques de sa famille, dans l'église des Dominicains sont quelques-unes des marques de son bref passage. Il devait mourir en 1628.

Il était installé depuis peu de temps à Béziers, quand il dut y recevoir le jeune souverain. Un évêque de 20 ans, un roi de 21 ; les dignités ne reposaient pas alors sur des têtes chenues.

Ces entrées royales n'étaient pas choses inconnues dans notre cité, et l'on en gardait, dans les archives


municipales, le récit officiel aussi bien que le coût. Le souvenir ne devait pas être perdu en 1622 de l'entrée de François Ier, ni surtout de celle de Charles IX et de Catherine de Médicis. Mais Louis XIII y arrivait à la tête d'une armée, conduisant une expédition militaire contre une partie de la province révoltée ; il venait établir dans cette ville restée fidèle, une sorte de quartier général, pendant que se préparaient les sièges de Sommières, de Lunel et celui de Montpellier où il irait lui-même prendre part.

Par delà le récit pesant et compassé du notaire Guibal qui ne nous fait gràce d'aucune frange ou draperie, nous pouvons assez bien imaginer le magnifique spectacle que devait offrir dans l'éclatante lumière d'un matin de juillet (le 18), l'arrivée du jeune roi et de sa suite, à cheval, sous les murs de Béziers. — Il était parti de Narbonne où il n'avait couché qu'une nuit.

Les Trésoriers généraux de France, en apparat et à cheval, Messieurs du corps présidial, et nombre de bourgeois étaient allés à sa rencontre, vers le jardin de Foncerannes. Les consuls le reçurent seulement à la porte du pont.

Leurs robes rouges, le poëlle « grand et pesant » qu'ils devaient soutenir au-dessus de la tête du roi, rutilant dans ses flots de satin cramoisi, de satin bleu, de broderies et de franges d'or, de fleur de lys et d'armoiries, les clefs d'argent dans leur sac de velours cramoisi, auprès des armures, des armes et des pourpoints de l'escorte dont la poussière de la route de Narbonne avait sans doute un peu terni l'éclat, tout cela, sous la tente dressée pour les>|harangues que troue le soleil déjà haut, de neuf heures, devait composer un tableau d'une telle couleur qu'on l'entrevoit encore à travers l'honnête prose notariale de Me Guibal.

Ce jeune roi de vingt-un ans, grave, à la longue figure pâle que soulignent la mince moustache noire et la

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mouche (portait-il cette splendide armure damasquinée noire et or qu'on lui voit dans le portrait de Ph. de Champaigne, ou plutôt ce justaucorps de cuir fauve et ce grand eol de dentelle qui lui donne si fière allure sur d'autres portraits ?). Auprès de lui, ce turbulent prince de Condé sorti de sa prison de Vincennes pour commander aux armées et n'a que 34 ans, le cardinal de Retz qui va mourir dans quelques jours ici (les vieux généraux: Lesdiguières qui a adjuré et reçu le cordon du Sf-Esprit la veille, à Narbonne, Bassompierre qui emportera Lunel, n'étaient pas là). le Grand Prévôt, le garde-sceau, M. de Vie à la barbe grisonnante à la façon du feu roi Henri, et tous les officiers sous leur harnais de guerre, mêlés aux magistrats municipaux ou provinciaux suants et fiers sous leurs robes, tout ce cortège, (les harangues et jusqu'au quatrain par le jeune fils de M. de Cazillac récités), pénétra dans la ville, sous les acclamations du peuple juché sur la muraille et au bruit des canonnades tirées de Canterelles. Il fait chaud, mais du sable mouillé jonche le sol, et une tente couvre les rues sur tout le parcours de la porte du pont au plan de St-Nazaire ; les murs sont tapissés d'étoffes, d'armoiries et de buis ; des arcs triomphaux avec peintures et devises se dressent à la porte, à la croix de St-Cyr, à l'entrée de l'évêché et au passage de l'église St-Nazaire.

Sur cette place St-Nazaire, le roi s'arrête pour « voir battre la galère où il prit grand plaisir »; ainsi avaient fait Charles IX et sa mère, à la porte des Carmes, en janvier 1565.

Entré à la cathédrale, il y entend le Te Deum et il y « ouït dévotement la messe»; il est conduit enfin à l'évêché où il loge et demeure pendant 24 jours.

« L'assiette et ers de la dite ville, dit notre notaire municipal, lui ont grandement plu et agréé, et il y


aurait fait plus long séjour sans les grandes maladies qui y estaient ».

Voici, d'après notre mémorialiste, comment il y passait ses journées.

« Pendant tout le vèage du Roy, en 1622, estant levé, il desjeunoit, alloit à la messe, et au retour, conseil : et disnoit après. Depuis que nous fusmes dans le temps des grandes chaleurs, il se retirait après disner, ou il reposoit, ou il s'amusoit à peindre et faire des plans et cartes du pays. M. de Viq y estoit souvent avec sa majesté pendant ce temps-là, parce qu'il peint fort bien. Après il allait goller ou tirer en l'air jusques à la nuict qu'il venoit souper, et après il se retiroit ».

Pierre de Bordeaux n'assista pas à cette entrée. Il faisait partie de l'escorte d'arrière-garde, et n'arriva à Béziers que le jour suivant. Il eut aussitôt les yeux et l'esprit en éveil dans cette ville où, site et habitants, tout parut lui plaire. Suivons donc notre visiteur et transcrivons enfin ses remarques. Elles nous ont fourni prétexte à cette évocation à laquelle nous nous sommes peut-être trop complaisamment attardés. Nous avons fait comme lui le badaud sur les pas du roi.

« Le Roy n'avait pas séjourné dix jours dans Béziers, écrit Bordeaux, qu'il n'y avait presque logis où il n'y eust des malades ; des gens du Roy et même les bourgeois commençaient de prendre le mal de l'armée, qui estoit un mal d'estomac et de teste avec un échauffement de sang et de la fièvre » (p. 313).

On s'explique aisément ce « mal de l'armée », si l'on songe que les soldats pillaient les vignes et mangeaient les raisins verts à la mi-juillet. Aussi « à Béziers, continue Bordeaux, le roi commanda à M. le Grand Prévôt de faire jetter les raisins muscats qui se trouvaient dans la place, et faire deffense den vendre. Les médecins avaient


dit à Sa Majesté qu'il n'y avoit rien qui gastat tant de personnes ».

« Après que nous fusmes partis de Béziers, signale encore Bordeaux, la peste s'y meit et y mourut quantité de personnes ».

Il ne trouve à noter d'autre incident survenu pendant son séjour que celui-ci qui nous fournit une précision topographique sur le cimetière protestant.

« Le jeudi 4 d'aoust, je vis dans Béziers porter en terre un parpaillot, bourgeois de la dite ville, assiste de plusieurs habitants et lemmes. Un exempt du Grand Prevost et six archers y estoient, de peur qu'il ne se feist quelque rumeur. Leur cymetiére est derrière les Pères Jésuites, dans la ville, près des murailles » (p. 318).

Notre mémorialiste semble tout apprécier à Béziers, avec une indulgence complaisante à laquelle le charme des dames ne semble pas avoir été étranger.

« Il y a à Béziers, dit-il, quantité de belles maisons, et plus qu'en aucune autre ville de France de sa grandeur : elles sont par dehors toutes ou peu s'en faut, de pierre de taille.

« En entrant on franchit un pont de sept ou huit arches ». Il y a vingt et une églises dedans ». Mais il ne songe à en décrire aucune.

« La citadelle est bonne et forte. Le gouverneur de la dite ville se nomme Spondeilhan ».

« Les femmes sont presque toutes damoyselles, plus belles moyennement qu'en aucune autre ville de France.

mais non des beautés extrêmes ; elles sont fort blanches et d'humeur assez libre, et montrent toutes leur sein assez ouvertement » (p. 298).

Ce Normand eut même la chance de trouver des nuits fraîches à Béziers, au mois d'août, et de pouvoir noter cette étonnante observation sur le climat.

« Dans Béziers, si n'est-ce qu'aux rues où le soleil ne donne point, il y lait toujours frais, à cause d'un vent


qui y souffle. Et la nuict, quelque grande et excessive chaleur qu'il ayt faict le jour, il y faict Iroid. Ils craignent lort en ce pays un vent qui y souffla.pendant que nous estions, qu'ils appellent vent de marine, qui est celuy qu'en France nous appelons vent du midy (p. SOI).

« Ils n'ont de bonne eau dans la dite ville qu'en trois endroits : aux Capucins, une citerne ; un puits, aux Carmes ; et la fontaine de la place ».

On put lui dire même que cette fontaine principale en manquait parfois, et que six ans auparavant encore, on avait dù entreprendre de grands travaux à l'aqueduc pour ramener l'eau tarie.

Voici notre garde du corps au cœur de la ville, musant et recueillant d'un cicérone local, les traditions légendaires : « A Béziers, ils appellent carrière une rue. Dans la d.

ville, il y a la Carrière française où est un grand homme de pierre qu'ils appellent Pepesuc (pied pesant) ; c'est quelque statue du temps des payens, car la ville est très antique. Et disent ceux du pays que, du temps des Anglais, cette statue empescha que cette rue (où il est au coin d'une maison qui avance plus que les autres), et ensuite toute la ville, ne fut prise, parce que, du derrière de Pepesuc, il y avait des arbalétriers qui tiroient sur les ennemis. Ils croyoient que c'estoit luy qui tirast ; et crurent enfin que c'estoit un diable, parce qu'ils ne le tuoient point des coups de flesches qu'ils luy tiroient sans cesse (p. 304 et suiv.).

Il consigne de même ce qu'on lui dit sur la galère.

« A l'entrée du Roy, il y avoit dans un navire hnict personnes avec des rondaches de bois et des bastons qui se defendoient contre quatorze autres aussi avec des bastons qui les attaquoient. C'est une antique cérémonie qu'ils font tous les ans, et doivent laire le jour de l'Ascension, à cause que les chevaliers de Malte la délivrèrent d'entre les mains des Anglais. Il est ce navire un fiel qui appartient


aux chevaliers de Malle. Cela fut faict en la place qui est au dessoubs du logis du Roy où l'on vend le fruict (p.307).

P. de Bordeaux ne néglige point les aspects économiques des pays qu'il traverse : relevons quelques-unes de ses notes sur ce sujet « Les olives n'estoient pas encor plus grosses que cornouilles, lorsque nous arrivasmes à Béziers j). — Ils ont peu de bois en ce pays, mon hôte qui estoit potier chauffait son four avec de la paille pour faire cuire ses pots » — « Les melons valaient un quart d'escu ; les poulets, seize sols, et les pigeons ont valu jusqu'à douze ou treize sols pièce » (p. 307).

En Normand, il est sensible à la sécheresse du pays qui ne favorise pas les prairies. Aussi, dit-il, « ils battent leurs grains avec les pieds des chevaux, affin de rendre la paille plus molle et menue pour la faire manger à leurs chevaux n'ayant point d'herbes ni foins » (p. 308).

Voyons-le continuer cet ordre de remarques aux environs de Béziers. De Pézenas à Frontignan, il ne voit que fort peu de terres labourables, aussi les habitants n'ont pas de grain pour leur nourriture. Le samedi 13 août, le roi, parti de Mèze, était venu coucher à Frontignan. « Tout ce pays, note Bordeaux, n'est que de vignes noires et blanches, olliviers et peu, de grains. Et à deux quart de lieux de chemin, costes infructueuses, et ces terres-là sont toutes pierreuses, ce qui rend le vin si fort délicieux ».

Cet homme du Nord semble bien apprécier et le terroir et le crû.

Il y avait, dit-il encore, dans la cour du logis du Roy à Lunel un arbre qui porte fruict comme cornouilles, qu'ils appellent en ce pays-là un guindolié, et le fruict, des guindoles ; elles estoient encore verdes lorsque nous y estions. » (p. 364).

« Ils ont une sorte de figues en Languedoc qu'ils nomment gourrats, qui viennent environ le mois de juillet •>


et lesd. figues ne sont meures qu'au commencement de septembre ou sur la fin d'aoust (p. 370).

On voit que le dialecte languedocien, et les expressions locales l'intéressent.

« Au dit pays, au lieu de dire lundy, ils disent dylun ; el mardy, dymars (p. 282). Lorsqu'ils veulent en Languedoc dire qu'une ville est bien peuplée, ils disent qu'il y a bien du sang » (p. 284).

« Dans Tholoze, le menu peuple dit à midi : Bona dies, et à Béziers, le soir, lorsqu'on apporte de la chandelle dans la maison, ils se donnent le bonsoir les uns aux autres (p. 325).

P. de Bordeaux avait quitté Béziers avec Louis XIII, le 12 août. Le roi couche à Pézénas, au logis de la Grange que notre mémorialiste apprécie dédaigneusement « C'est un logis de plaisance, pour le Languedoc, dit-il, car en France, il n'y a de bourgeois qui n'en ayt de plus beau autour de la ville (p. 333).

Nous ne le suivront pas dans ses étapes. Il est avec l'armée, à la fin août devant Montpellier. Relevons seulement comme dernier trait l'arrêt au pont de Castelnau qui peint assez bien la vie hasardeuse de l'armée royale, sous la chaleur d'août, dans la campagne méridionale.

« Le rOl disna au pont de Castelnau. Arrivés que nous fusmes au dit pont, nous ne trouvasmes ni pain ni paste, et faisait une chaleur excessive. Un des siens nous alla quérir trois ou quatre fois, un plein chapeau de raisin, que nous mangeasmes de bon appétit (p 309).

Le siège terminé, la paix conclue, notre garde du corps reprend le chemin du retour par la vallée du Rhône, Lyon, Nevers. Il est rendu chez lui, à Vernon, le 17 novembre.

C'est là, qu'il dut distraire ses loisirs à relever les souvenirs de son voyage militaire dans le Midi. Il revit avec complaisance, parmi les humides herbages de son Vexin, quelques-unes des images de son séjour à


Béziers : la lumineuse sécheresse, les oliviers et les vignes, les nuits limpides et le temps frais, Pepésuc et le chameau, et peut-être aussi quelques-unes de ces beautés « non extrêmes, mais fort blanches et d'humeur assez libre. » Et pour s'être ainsi souvenu, la plume à la main, de son bref passage à Béziers, ce curieux et indulgent visiteur a mérité que son nom et son souvenir y fussent encore ranimés un soir, après trois siècles.

J. LATREILLE.


Monographie de l'Église Romane de Formiguères-en-Capcir (P.-O.) Par M. le Dr PICHEIRE

En novembre 1938, la Société Archéologique recevait à l'unanimité comme Membre correspondant, sur la proposition du regretté Commandant Baret, Président et de Monsieur Ros, Secrétaire, Monsieur Picheire, Docteur en Agde. Notre nouveau confrère utilisait une bonne partie de ses rares loisirs à de savantes études historiques.

Nous savons avec quelle attention scrupuleuse il

a su compulser les archives diverses. Il n'y a d'ailleurs qu'à jeter un rapide coup d'œil sur notre propre catalogue de prêts pour constater le travail intense de recherches auxquelles il a dû se livrer dans la monumentale Histoire du Languedoc et les ouvrages nombreux que possède la Société Archéologique.

Dès lors Monsieur le Docteur Picheire n'a pas tardé à mettre sur pied une "Monographie de l'église romane de Formiguères-fen-Capcir, son pays d'origine.

Les premières lignes nous montrent vite de quel amour, de quelle passion pourrions-nous dire, Monsieur le Docteur Picheire est animé vis à vis du sol natal et de son église.

Cette étude de l'église de Formiguères est écrite pour la "faire mieux comprendre aux visiteurs et donner au Capcinois plus d'attachement pour le passé".

La liste même des hautes personnalités du monde de la science historique qui ont bien voulu con-


seiller et aider l'auteur nous est le plus sûr garant de la valeur de l'ouvrage. Nous y notons en effet les noms si connus de Monsieur Oudot de Dainville, Archiviste départemental de l'Hérault, de Monsieur Robin, Archiviste départemental des Pyrénées-Orientales et de M. Helena de Narbonne, de Monsieur Puig y Cadaialch, l'éminent archéologue catalan, à côté de ceux des R. P. Audouard, prieur de Sorèze, Barthe, du Couvent des Carmes de Montpellier, jusqu'à celui de notre confrère Monsieur Clareton qui "a grandement facilité la publication de cette monographie" et en a accepté l'édition.

L'église de Formiguères a toujours été placée sous le patronnage de Sainte-Marie, ce qui paraît une preuve même de son ancienneté. La date de sa dédicace (820, date erronée qu'il faut lire 21 septem-

bre 873 d'après l'Histoire du Languedoc) est donnée par une charte curieuse et d'une rare précision mais dont il ne reste plus qu'une copie reproduite dans la Gallia Christiaua et l'Histoire du Languedoc. Elle fut consacrée par Sigebode, Archevêque de Nlarbonne depuis l'an 872.

Mais la population de Formiguères augmente, les moines sont plus nombreux et l'église doit être agrandie, "ampliavit" constate une deuxième consécration faite en 1019 par Guifred, Archevêque de Narbonne.

Au XIvrne siècle l'église fut témoin d'événements extraordinaires : le roi don Sanche de Majorque mourut à Formiguères, le 4 septembre 1324, d'une attaque d'apoplexie. Les honneurs funèbres lui furent rendus ;par le Sénéchal et par les religieuses du couvent adossé à l'église paroissiale. Le corps du roi dit la tradition fut provisoirement inhumé sous le seuil de l'église et transporté plus tard à Perpignan (Eglise Saint-Jean-le-Vieux).


De nombreuses modifications auront lieu par la suite : En 1707, la Chapelle du Rosaire s'ajoute à l'édifice, En 1727, c'est le tour de la Chapelle Saint-Antoine.

La Révolution de 1789 cause peu de dégâts : quelques statues accessibles, le reliquaire, divers ornements sont mis à mal.

Le 10 juin 1843 la Chapelle de N.-D. des Douleurs est construite et en 1878 la Chapelle du SacréCœur avec une sacristie nouvelle à la place de celle de 1843.

En 1880 trois fenêtres ornées s'ouvrent dans les chapelles latérales.

En 1870 avait eu lieu la pose d'un maître-autel de style roman (?) en marbre d'Italie tandis qu'en 1871 l'abside et le sanctuaire étaient réparés.

En 1892 une table de communion partiellement en onyx de Fontrabiouse vient enrichir le monument.

Ce fut ensuite le tour de la voûte et de la nef : de vieilles peintures furent recouvertes de plâtre et l'auteur regrette "qu'un contrôle artistique suffisant n'ait pas existé à cette époque, pour empêcher la disparition d'œuvres intéressantes".

Au cours du 2me chapitre Monsieur le Docteur Picheire nous brosse une description détaillée de sa chère église: L'extérieur a l'aspect sévère triste pourrait-on dire: l'édifice repose sur un plan rectangulaire orienté d'est en ouest; l'abside est à l'est; à l'ouest se dresse la façade surmontée d'un clocher-mur, à pignon en escalier, percé de 4 arcades, pour les cloches disposées sur 2 rangs. Le toit central à bâtière repose sur des murs-goutterots ; sur les côtés un toit à simple pente


est en contre-bas ; il est plus long que le toit central du côté de l'abside.

L'abside est en forme de demi-tour ronde (10 m. 50 de hauteur sur 6 m. 50 de diamètre). Elle présente des différences de teinte correspondant à 2 ou 3 constructions successives. L'ensemble est simple, sans trace de recherche artistique.

La façade a beaucoup de style ; elle est classée comme Monument historique depuis Juillet 1913. Elle est composée de deux parties : la partie romane est d'une belle venue : façade rectangulaire avec pignon arasé, percée d'un portail et d'une fenêtre. Le portail s'ouvre sous une archivolte à trois voussures en retrait les unes sous les autres. La fenêtre est surmontée d'un arc demi-circulaire en dents d'engrenage.

L'appareil de la façade est l'ait de pierres de granit du pays taillées au ciseau à joints peu visibles.

La partie surajoutée a eu pour but de masquer des constructions du XVIIIme siècle et de porter les cloches ; elle élargit la façade et s'appuie sur un mur ancien, reste de château-fort.

A l'intérieur : la nef est rectangulaire (17 m. 50 X 7 m.) ; au fond sous un arc en plein-cintre voici le chœur et l'abside.

La voûte est en berceau longitudinal brisé, plus élevée que le chœur ; pour combler la différence de niveau (4 m.) on a édifié un arc diaphragme.

Le chœur a une voûte en berceau à plein-cintre régulier.

L'abside possède une voûte en cul de four bordée en avant par un arc triophal.

La longueur totale intérieure est de 24 m. 70 comprenant 2 m. 70 pour l'abside et 3 m. 40 pour le chœur.


La largeur de l'abside est de 4 m. 10, celle du chœur 5 m. 20, celle de la nef 7 m.

L'abside mesure 5 m. 50 de hauteur, le chœur 6 nl., la voûte 6 m. 50.

Les murs ont une épaisseur de 1 m. 50 dans l'abside, 1 m. 85 dans la nef 2 m. 50 et 2 m. 95 dans les sacristies.

L'appareil est irrégulier dans les parties les plus anciennes et celles construites depuis le XVIIIme siècle. Sur les façades et les murs latéraux, l'appareil est régulier : 0 m. 52 X 0 m. 32 et 0 m. 35 X 0 m. 25.

Les fenêtres de l'abside et de trois chapelles méritent à peine une mention. Celle de la façade est plus intéressante : légèrement ébrasée en dedans dans sa partie verticale, elle dessine au niveau de l'arc un étranglement curieux dû à quelque, remaniement.

Le chœur est éclairé par une fenêtre prise en partie dans la voûte et semblable à celle de la nef de San-Quirse-de-Culera, avec un double ébrasement.

La sacristie sud en possède une semblable dans son escalier.

Le mobilier est riche en premier lieu d'un "Christ en Majesté" au centre de l'arc diaphragme : on s'accorde pour l'attribuer au XIvrne siècle.

Le rétable de la Chapelle du Rosaire terminé en 1707 est dans le goût espagnol :il est en bois sculpté peint et doré avec deux étages de colonnes torses limitant des niches, des frontons rompus, des fleurs, des angelots.

- Les bénitiers méritent une mention : celui qui se trouve à l'entrée de l'église peut être contemporain de la Chapelle du Rosaire ; le 2me est encastré dans un montant de l'ouverture de l'escalier de la tribune : c'est une vasque taillée dans un marbre grisbleu ; on pourrait le dater du (XHlrne XIvme) siècle.


Le modeste trésor comprend une croix caractéristique de l'orfèvrerie catalane : XVIme siècle ou XVIIme siècle.

Les cloches au nombre de quatre forment un modeste carillon : SI : 350 kgs de 1488 - SOL : 700 kgs de 1838 SOL : 60 kgs de 1810 - RE : 220 kgs de 1933.

Elles ne sonnent pas à toute volée : elles sont simplement frappées par le battant.

Dans le troisième et dernier chapitre Monsieur le Docteur Picheire essaye de dégager à la lumière des documents et suivant l'avis d'archéologues avertis, les divers états par lesquels est passée l'église de Formiguères au cours de son existence. Il revoit ainsi les divers aspects de cette église aux différentes époques : Eglises du Ixme siècle, du XIme siècle, du XIVrne. siècle et église actuelle.

Malgré toutes les transformations subies, SainteMarie de Formiguères n'en demeure pas moins vénérable et clière au cœur de tous ceux qui aiment le passé et surtout à ceux dont les ancêtres ont trouvé paix et refuge dans son enceinte.

Cette niono~ g ra, Cette monographie riche de ses soixante-quatre pages se termine par un ensemble de pièces justificatives fort remarquable et comprend quelques planches particulièrement heureuses.

Il serait à souhaiter que partout, dans chacun de nos villages, dans chacune de nos villes se trouve quelque: chercheur tenace qui tout épris du passé de sa petite patrie, plein d'ardeur comme notre confrère, s'attache à noter la vie même des lieux aimés pour les faire connaître à ses compatriotes, et leur communiquer et sa flamme et son amour du sol natal, de ce sol qui jamais ne mentit.

RAYMOND ROS.


PAGES D'HISTOIRE BITERROISE Par M. Raymond ROS Préface de M. A. FUGHE, Membre de l'Institut. — i volume de 250 pages Illustré de planches. — Librairie CLARETON, édit. Béziers.

Ce volume, annoncé au cours de ce Bulletin, a heureusement paru avant lui.

Au risque de gêner la modestie de son auteur, il nous faut redire encore d'un mot l'importance et le vif intérêt de cet ouvrage, et son immédiat et légitime succès.

M. Ros a, très intelligemment rassemblé et ordonné, les mettant ainsi à la portée de tous, les travaux de la Société Archéologique durant un siècle, sur l'histoire de Béziers. Tout ce qui intéresse la vie de la Cité (les mœurs, les traditions, les monuments, la vie des hommes célèbres aussi bien que les événements historiques) a trouvé place dans ces pages. C'est une sorte de panorama où défile et revit en un raccourci évocateur notre Cité biterroise au cours des âges.

Un tel ouvrage qui honore à la fois notre vieille Société et son érudit Secrétaire a sa place chez tout Biterrois cultivé et au-delà de Béziers chez tous ceux qu'intéresse notre passé languedocien.

Grâce aux soins éclairés de son éditeur, notre confrère M. A. Clareton, dont il faut louer l'intelligent dévouement, ce volume a reçu une très élégante présentation typographique. Sous une charmante couverture due au crayon du peintre biterrois M. Guiraud, il renferme de nombreuses planches qui en font un album agréable à feuilleter, une sorte de guide illustré à travers notre ville.

Les membres de la Société pourront se procurer cet ouvrage au prix spécial de 20 francs — en écrivant à M. le Secrétaire, 37, Avenue de Belfort.

J. LATREILLE.


BUREAU DE LA SOCIETE Pour l'Année 1941-1942

MM LATREILLE Jules Président.

Dr CAVALIÉ Jean rice-Président.

Ros Raymond Secrétaire.

Dr BERGÉ Lucien # Trésorier.

GONDARD Joseph Bibliothécaire-Archiviste.

DE VULLIOD Gabriel Conservateur des collections numismatiques.

MEMBRES NOUVEAUX

Membres résidants

1941 M. BEAUMADIER Pierre.

Mlle BARTHEZ Jane.

Membres correspondants MM.

Mme GLEISES SCHŒLLER (Doctoresse).

GLEISES, Docteur.

VERIÈS Roger.

GRÉGOIRE Léon.

BAUDOU Jules PONS Justin.

AZÉMA Pierre.

CELLIER André.

Mme MARTINEZ Michél.

CAUQUIL Jean.


NÉCROLOGIE 1940 Abbé RIVEZ Paul, Membre correspondant.

CONFÉRENCES L. BEAUMADIER. — Afénétriers en Languedoc.

Contrat d'apprentissage d'un hautboïste en Agde.

J. COULOUMA. — Montfo. La Monèdière : Résultat des fouilles.

J. LA DOUX. — Quelques étymologies curieuses de la iangue d'Oc.

R. Ros. — Etude de la Monographie de l'Eglise romane de Formiguéres-en-Capcir, par le Dr Picheire.Dr COSTE. — Voyage de Mehemet Effendi, Ambassadeur de la Porte: Son passage dans le Biterrois (1721).

NIEL. — Mon vieux St-Jacques.

J. GONDARD. — Le plus vieux Syndicat de France.

Un système de captation des eaux à Ensérune.

J. COULOUMA. — Les voies dites Domitiennes de l'Hérault à l'Orb.

J. LATREILLE. — Une Charte Auvergnate de 1322, par M. Pierre Tisset.

Béziers au temps de Louis XIII.

A. JOUVES. — Notice historique sur la mort de Napoléon I.

Grenade-sur-Garonne.

Mme P. TIFFY. — Folklore: ses rudiments.

DONS ET HOMMAGES

Ros Raymond. — Pages d'histoire biterroise.

Le Commandant Baret et la Société Archéologique.

■ Bans de Vendanges (17A6-Î940) à Béziers.

ROUANET Maurice et Ros Raymond. — Le Pioch du *Télégraphe prés de Montagnac.


Dr PICHEIRE. — Monographie de l'Eglise romane de Form ig uères-en- Capcir.

DONAT Jean. — A travers le bas Languedoc sur les pas de Louis XIII.

TISSET Pierre. — Une Charte Auvergnate de 1322 portant constitution de Dot.

GUERRET M. — Découverte de dessins préhistoriques dans la grotte d'Aldène.

GENSON Eugène. — Nouvelles découvertes dans l'horizon à lydiennes de la base du Carbonifère de la région de Con'cous.

Quatre nouvelles haches polies régionales.

VINAS J, et VALAIZE H. - Pour avoir de bons vins.


TABLEAU des MEMBRES de la SOCIÉTÉ '0

Membres honoraires

S. E. Mgr BRUNHES, évêque de Montpellier.

M. FLICHE, Professeur d'Histoire à l'Université de Montpellier.

Membres résidants MM.

1888 DU LAC (Gaston), rue du 4-Septembre, 27.

1889 BOYER (Germain), avenue Maréchal-Joffre, 33.

1897 DE THÉzAN-St-GENiEz (Marquis), château de l'Hermitage et rue St-Firmin, 8; Montpellier.

1899 Dr CAVALIÉ (Jean), rue du 4-Septembre, 31.

1900 D'ANDOQUE (André), château du Terrai, par Ouveilhan (Aude).

1902 MANDEVILLE (Léon), rue Argenterie, 22.

1903 COSTE D'ESPONDEILHAN (Joseph), Villa Mezzo Monte, chemin de l'Aiguelongue, Montpellier - Dr PASSARINI (Félix), rue Fourier, 2.

1909 DE VULLIOD (Gabriel), rue du Chapeau-Rouge, 4.

— BALDY (Robert), château de Montegut-Segla, par Muret (Haute-Garonne).

1910 SOURNIES (Jean), Descente de la Citadelle.

— VIDAL (Victor), rue Guibal, 4.1920 LATREILLE (Jules), rue des Bains, 3.

1921 BALDY (Alfred), St-André, par Mèze (Hérault).

— VERNETTE (Jean), avenue Président-Wilson, 49.

1922 VINAS (Jean), avenue Alphonse-Mas, 28.

- CASTEL (Pierre), rue du Docteur Vernhes, 5.

— COULOUMA (Joseph), place de la Mairie.

— TISSET (Pierre), place Chabaneau, 3, Montpellier.

(i) Prière de communiquer tous changements d'adresse au Secrétaire de laSociété Archéologique, 37, avenue de Belfort, Béziers.


1922 VILLEBRUN, avocat, rue Barbeyrac, 19.

— Monseigneur BLAQUlÈRE, archiprêtre de la Cathédrale Saint-Nazaire.

— Chanoine BRUN (Albert), Ecole de la Trinité.

1923 DE CROZALS (Alfred), allées Paul-Riquet, 67.

1924 VERDIER, pharmacien, av. Maréchal-Foch, 11.

1925 SOUCAILLE (Raymond), rue Diderot, 2.

— GAUJAL (Ludovic), rue Paul-Riquet, 36.

— Dr COSTE, rue Mairan, 6.

— LADOUX (Jean), Professeur honoraire. Félibre Majorai, rue A. Soucaille, Villa les Lilas,près la clinique Guibal.

— GIRY (Jean), rue Française, 26.

1926 Dr BARTHÈS (Joseph), rue du 4-Septembre, 16.

— Chanoine CRÉBASSOL, curé-doyen, r. Trencavel, 8.

1927 Dr CAZALIS neveu, place St-Aphrodise, 6.

1928 Dr ORSSAUD, avenue Alphonse-Mas, 29.

1929 COMBES, Professeur d'Histoire,.' Lycée de Montpellier.

1930 ANGLADE (Victor), Descente de la Citadelle, 18.

— Dr BERGÉ (Lucien), rue du Docteur Vernhes, 7.

1931 GONDARD (Joseph), Colombiers (Hérault).

1932 BISCAYE (Marcel), Domaine de Trompe-Pauvre, près Béziers.

1934 Dr MOURRUT, place Saint-Aphrodise, 10.

CDT COMBESCURE, place de la Madeleine, 44.

— GENSON (Eugène), Domaine de Fonceranes, près Béziers.

— NIEL (Joseph), rue Dujol, 7.

1935 ROUZAUD (Emile), av. G.-Clemenceau, 16 et rue Saint-Aphrodise, 1.

— BOUJOL (Henri), avenue Alphonse-Mas, 19.

— VIDAL, notaire, rue Guibal, 4.

- CAUPERT, rue Ancienne Comédie, 64.

- DE VULLIOD (Henri), rue Boudard, 7.

- COURONNE (Bernard), allées Paul-Riquet, 65.

1936 Ros (Raymond), avenue de Belfort, 37.


1936 Dr GUIBAL, avenue Président Wilson, 22.

— Dr BRUNEL, Le Bousquet-d'Orb (Hérault).

1938 DARDÉ (Louis), rue du 4-Septembre, 7.

— TIFFY (Mme P.), avenue G.-Clemenceau, 16.

1939 Abbé HÉBRARD (Jean), Chanoine honoraire, Collège de la Trinité.

1940 Chanoine THOMAS, Curé de Saint-Aphrodise, Béziers.

— TEISSIER, Conservateur des Hypothèques, Félibre MajoraI, 20, rue d'Alsace, Béziers.

1941 BEAUMADIER (Léonce), rue Boïeldieu, 33.

— BARTHEZ (Mlle Jane), Félibresse majorale, Cazedarnes (Hérault).

Membres correspondants MM.

J. FABRE, notaire honoraire, Villeneuve-les-Béziers.

BONNET (Emile), rue Faubourg St-Jaume, 11 biî, Montpellier.

P. CASSAN, notaire honoraire, boulevard Notre-Dame, 61, Marseille.

CELLIER (Jean), Cournonterral (Hérault).

Chanoine GRANIER, curé de St-Denis, Montpellier.

LUGAGNE (Charles), La Miquelle, par Sérignan (Hér.).

DE CASTELLANE, rue Pellisson, Béziers.

Abbé DESPETIS, rue Auguste-Comte, Montpellier.

BAUDOUI-SALZE, La Baume, Villa Eliane, Montpellier.

THOMAS (Louis), Maître de Conférences à la Faculté, 13, rue Delraas. Montpellier.

DE LAMBERT DES GRANGES (Marquis), rue des Balances.

Dr DABADlÉ, Cazouls-les-Béziers (Hérault).

VIALA MOULINS (Mil'), rue Thiers, Puisserguier (Hér.).

REY (Paul), Domaine de Clairac, p. Maureilhan (Hér.).

TEILLARD (Louis), avenue St-Saëns, 82, Béziers.

Chanoine PRUNIÈRES, curé à Villeneuve-les-Maguelone, (Hérault).


Dr AZÉMA, rue de la Citadelle, 14, Béziers.

Père BALARDY, Bon Pasteur, Béziers.

SEGUI (Emile), 33, Grand'Rue, Montpellier.

ROUANET, Directeur d'école, Montagnac.

GOURC (Joseph), Receveur de l'Enregistrement, Issoire (Puy-de-Dôme).

BARTHEZ (Louis), Cazedarnes (Hérault).

ARIS, Pharmacien, Agde.

RIGAUD, Notaire, Vias (Hérault).

RAYMOND (Jean), rue Nationale, 26; Béziers.

SALLÈLES (Antoine), place de la Révolution, Béziers.

DE GINESTET-PUIVERT (Marquise), château de Ginestet, près Béziers.

Dr GUY (Georges), avenue de la République, 47.

DE GORSSÉ (Pierre), avocat à la Cour, 25, rue de la Dalbade, Toulouse.

MARTINUS NYOFF, La Haye (Hollande).

FRAISSINET, château de St-Julien, pr. Pézenas (Hér.).

Colonel DE TRAVERSAY, Commandr de la Légion d'Honneur, Villa des Bruyères, Ste-Marguerite, par La Garde (Var).

CAMMAS, boulevard d'Angleterre, 44.

BOYER, Ingénieur du Canal du Midi. — Pont Rouge Béziers.

BOUSCARAS (André), avenue St-Saëns, 31, Béziers.

MARTINEZ, Instituteur, Nissan (Hérault).

Chanoine JORDAN-MEILLE, curé de St-Jacques, Béziers.

POURSINES, Aumônier, Collège de Sète.

MIQUEL (François), rue Hospice St-Joseph, 57, Béziers.

GÉRAUD (Paul), rue Auguste-Comte, 14, Béziers.

DURAND, rue de la Tour, Béziers.

DESTRESSE (Raoul), Directeur du Cours complémentaire, Marseillan (Hérault).

MARTIN (Mme Jules), Cessenon (Hérault).

DE MILHÉ (Mlle Rose), Cessenon (Hérault).

Dr LEMOSY D'OREL, rue Durrieu, St-Sever-sur-Adout (Landes).


Dr BARTHÈS (Joseph), 91, rue de la Croix-Nivert, Paris (xve).

BOUSQUET (Noël), place de la République, Bédarieux. Abbé GIRY (Joseph), curé de Poilhes.

BERNARD (Jean), 1, place du Capus, Béziers.

DOMERGUE, Félibre mainteneur, 63, allées Paul-Riquet, - Béziers.

CLARETON (André), 15, rue de la Coquille, Béziers.

BOURDIÉ (Emile), av. Maréchal-Foch, 12bis, Béziers.

FERRIER (Alphonse), Villa les Tilleuls, rue M.-Berthelot prolongée, Béziers.

Dr VIALLEFOND (Henri), Chef de Clinique à la Faculté de Médecine, passage Lonjon, 4, Montpellier.

CAMPROUS (Charles), Professeur au Lycée, Montpellier.

CAUSSADE (Jacques), Agent d'assurances, 3, rue du Touat, Béziers.

NOUGARET (Albin), 5, avenue Alphonse-Mas, Béziers.

JOUVES (Auguste), Commissaire de police, avenue Gambetta, 26, Béziers.

Abbé SEGONDY (Jean), Curé de Cessenon (Hérault).

OULIVET (Mlle). rue Gambetta, 4, Langres (H.-Marne).

VINAS (Pierre), Bassan (Hérault).

FOUQUET (Paul), Professeur de musique, 35BIS, avenue Gambetta, Béziers.

DE FLOTTE, 12, rue Bonnet, Alès (Gard).

BOUYS-MAISTRE (Mme), Ste-Marie, Maureilhan (Hér.).

PAGES (MLLE Emilie), 21, rue de la République, Béziers.

RENOUARD (MILE Dominique), 2, rue Octave Gréard, Paris (vue).

PICHEIRE (Joseph), Docteur, Agde (Hérault).

LUGAGNE-DELPON (Henri), 1, pl. de la Madeleine, Béziers Abbé MAUBON (Louis), vicaire de St-Jacques, 51, place St-Jacques, Béziers.

KLINCKSIECK, libraire, 11, rue de Lille, Paris.

DU LAC (Pierre), rue du 4-Septembre, 27.

Abbé C.-A. MAURIN, Curé de St-Geniès-le-Bas (Hér.).


TEL (Jacques), rue Frédéric Bérard.

JAMET (Lucien), Professeur au Collège d'Agde (Hér.).

BLANC (Louis), Professeur au Collège d'Agde (Hér.).

CLAUSTRES (Georges), Cuxac (Aude).

Dr GAYRAUD (Raphaël), 10, rue du 4-Septembre, Béziers, Dr MARC (Henri), 15, avenue Alphonse-Mas, Béziers.

GLEISES-SCHŒLLER (Mme la Doctoresse), rue BiaisePascal, 9.

GLEISES, Docteur, rue Blaise-Pascal, 9, Béziers.

VÉRIÈS (Roger), 2, place Camille-Pelletan, Béziers.

GRÉGOIRE (Léon), 2TER, rue Duchartre, Béziers.

BAUDOU (Jules), Conservateur du Musée Agathois, Agde (Hérault).

PONS (Justin), Secrétaire administratif de la C. G. V., avenue St-Saëns, 74, Béziers.

MARTINEZ Michel Mme) Le Presbytère, Nissan (Hér.), AZÉMA (Pierre), Félibre majoraI, 7 bis, rue Moquin-Tandon, Montpellier (Hérault) CELLIER (André), Avocat, rue Urbain V, Montpellier (Hérault).

CAUQUIL (Jean), Juge de Paix, 26 bis, avenue PrésidentWilson, Béziers (Hérault).


Liste des Ouvrages reçus

Envois du Ministre de l'Instruction Publique

Bulletin historique et philologique.

Bulletin A ichéologique.

Bulletin des Sciences économiques et sociales.

Bioliographie annuelle des travaux historiques et archéologiques Bulletin du Comité des travaux historiques et scientifiques.

Mémoires et Bulletins

envoyés par les Sociétés correspondantes

Académies et Sociétés françaises

ABBEVILLE. — Société d'émulation.

AIX-EN-PROVENCE. — Académie des Sciences. — Société d'études provençales. — Faculté de Droit.

ALBI. — Société des Sciences.

ALGER. - Société historique.

AMIENS. - Société des Antiquaires.

ANGERS. - Société d'Agriculture, Sciences et Arts.

ANGOULÊME. — Société Archéologique.

ARRAS. — Académie.

AUTUN. — Société Eduenne.

AVESNES. — Société Archéologique.

i)) La présente liste tient lieu d'accusé de réception


AVIGNON. — Société -de Vaucluse.

BAR LE Duc — Société des Lettres, Sciences et Ans.

BAYONNE. — Société des Sciences BEAUNE — Société d'tltstBESANÇON. — Académie.

BÉZIERS. — Société d' Etudes des Sciences naturelles. BLOIS. - Société des Sciences et Lettres du Loir-et Cher.

BONE. — Académie d'Hiponne.

BORDEAUX — Société Archéologique.

BouLOGNE-sur-MER. — Société Académique.

BOURG. — Société des Sciences naturelle. et Archéolugiques.

BOURGES. - Société des Antiquaires.

CAHORS. - Société d'Etudes.

CAMBRAI. — Société d'Emulation.

CARCASSONNE - Société d'Etudes scientifiques de l'Aude.

CHATEAUDUN. - Société Dunoise.

CHATEAU THIERRY. — Société Archéologique et historique.

CHERBOURG — Société académique.

CLERMONT FERRAND — Académie des Sciences, Belles Lettres et Arts.

CONSTANTINE. — Société Archéologique.

DIJON. — Académie — Commission des An iquités.

DRAGUIGNAN - Société d'Etudes.

DUNKERQUE. - Société Dunkerquoise.

EPINAL — Société d'Emulation.

GRENOBLE. — Académie Delphinale. — Société de statistique des Sciences Naturelles et Archéologiques.

GUÉRET. - Société des Sciences Naturelles et Archéologiques.

LE HAVRE — Société d'Etudes diverses LILLE. — Société des Sciences.

LIGUGE. — Société Mabillon pour le développement des Etudes d Histoire monastique en France.


LYON. — Société Littéraire, Historique et Archéologique Académie des Sciences, Arts et Belles Lettres.

MAÇON.—Acad.mie.

MARSEILLE. - Académie des Sciences, Beaux-Arts. Société de Statistique. — Société Archéologique de Provence.

MONTAUBAN. - Société Archéologique - Acadéniie MONTBÉLIARD. — Société d'Emulation.

MONTBRISON. - La Diana.

MONTPELLIER. - Société Languedocienne de Géographie.

— Académie des Sciences et Belles-Lettres. — Société des Langues Romane. — Société Archéologique. Archives départementales MOULINS. — Société d'Emulation.

NANCY — Académie Stanislas.

NARijONNE — Commission Archéologique.

NIMES. Société de l'Art Chrétien — Académie.

NIORT. - Société de Statistique ORI ÉANS — Société Archéologique et Historique. Société d'Agriculture, Belles- Lettres et Arts. r PARIS. — Société des Antiquaires de France. Biblioth. Nat.

POITIERS. — Société des Antiquaires.

REIMS. Acadéniie RODEZ. - Société des Lettres, Sciences et Arts.

ROUEN. — Société d'Emulation.

SAINTES — Société des Archives Historiques.

St- ETIENNE. - Société d'Agriculture, Sciences et Arts St-Lo —Société d'Agriculture et d'Archéologie.

SÎ-MALO. - Sjciété d'Histoire et d'Archéologie.

St OMER. — Société des Antiquaires de la Morinie. St-QUENTIN. — Société Académ'que.

SENS. - Société Archéologique.

STRASBOURG. — Société Académique dû Bas-Rhin.

TOULON. — Académie.

TOULOUSE. — AcaJémie des Inscriptions. — Académie des Jeux Floraux. — Société Archéologique du Midi de la France. — Université et Académie,


TOURS. — Société Archéo'ogique.

Tp.oyEs. — Société Archéologique.

VALENCE. — Société Départementale d'Archéologie et de Statistique.

VENDÔME. — Société Archéologique, Scientifique et Littéraire.

VERSAILLES. — Commission des Antiquités et des Arts.

Société des Sciences, Letttres et Arts de Seine-et Oise.

Académies et Sociétés étrangères ANVERS (Belgique). — Société Royale d'Archéologie.

BARCELONE (Espagne). — « Biblioteca Central de la Diputacion Provincial ».

BRUXELLES (Belgique). — Société des Bollandistes. Société Royale de Botanique.

MONTRÉAL (Canada). — Association Canadienne française pour l'avancement des Sciences.

NEUCHATEL (Suisse) — Société de Géographie.

PHILADELPHIE (Pensylvanie). — American Philosophical.

Society.

RIO DE JANEIRO. — Museo Nacional.

St-Louis (Missouri). - Botanical garden.

STOCKHOLM (Suède)., - Académie des Lettres, Histoire et Antiquité.

UPSAL.\SuèJe). — Bibliothèque de l'Université.

WASHINGTON. — Smithsonian Institution.


TABLE DES MATIÈRES

Pages Séance privée du 31 Janvier J9B.,. 5 La Véuus de Poilhe. par M. J. Latreille. 15 Séance publique. — Discours du Président. , o' 23 Rapport sur le Concours des Mémoires Historiques, par M. le Dr Picheire. 46 Rappoit sur le Concours de Poésie Française, par M. le Dr R. Gayraud. 58 Rapport sur le Concours de Poésie néo-romane, par M.

Léon Teissier. 70 Rapport sur le Concours de Poésie Française, par M. le Dr R. Gayraud (Fondation A. Capdeville).

Lauréats du Concours. 94 Les Voies dites Domitiennes, de l'Hérault à l'Orb, par M le Dr Coulouma 98 La Société Archéologique à Agde. 125 Chronique Bibliographique, Une Charte auvergnate, par M. J. Latreilte. 150 Béziers sous Louis XIII, par M. J. Latreille lo3 L'Eglise romane de Formiguères, par M. R. Ros 169 Pages d'Histoire Biterroise, par M. J. Latreille. 170 Bureau de la Société 176 Dons et Hommages. 177 Tableau des Membres de la Société 179 Liste des Ouvrages reçus. 185





BULLETIN *

DE LA

SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE

DE BÉZIERS (HÉRAULT) FONDÉE EN I 83 4, AUTORISEE EN 1835 ET RECONNUE COMME ÉTABLISSEMENT D'UTILITÉ PUBLIQUE PAR DÉCRET DU 14 OCTOBRE 1874

i Z- :':,.;. QU ATRrÈME'S.ÉÍttEY'

Volume VIII

BEZIERS IMPRIMERIE GÉNÉRALE, BOURDOU& RUL 9, AVENUE DE PÉZENAS ET AVENUE DE BlÉnARIEUX, 10

1942



BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ ARCHÉOLOGIQUE SCIENTIFIQUE ET LITTÉRAIRE DE BÉZIERS