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LA
VtE.-BE ~AÏNT ALEXÏS ~OÈMJE DU XP SIÈCLE
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'< TEXTE ClUTtQUE
PUBLt!PAR
GASTox PARIS ¡
PARIS
F. V!E\VËG, LIBRAIRE-ËDtTEUR
67, ME DE MCBELtEU, 67
1885
EN VENTE A LA MÊME LIBRAIRIE
BIBLIOTHÈQUE DE L'ÉCOLE PRATIQUE DES HAUTES 'ÉTUDES publiée sous tes auspices du Ministère de l'instruction publique. Format in-8" raisin. ~fascicule: La Stratification du langage, par Max Müller, traduit par L. Havet. –.La.Chrono.togie dans la formation des langues indo-germaniques, par G. Cnrtius, traduit par A. Bergaigne. 4 fr. 2" fajcicute Etudes sur les Pagi de la Gaule, par A. Langnon. ire partie t'As~tenois, le Boulonnais et le Ternois, avec 2 cartes. Épuisé. ~e fascicute Notes critiques sur Colluthus, par Ed. Tournier, fr. ;o. 4'' fascicule Nouvel Essai sur la formation du pluriel brisé en arabe, par Stanislas Guyard. 2 fr. j" fascicule Anciens glossaires romans, corrigés et expliqués par F. Diez. Traduit par A. Bauer. 4 fr. 75 6° fascicule: Des formes de.la conjugaison en égyptien antique, en démotique et en copte, par G. Maspero, membre de t'Institut. 10 ft. 7° fascicule La vie de Saint Alexis, textes des xie, xn', xme et xiv~ siècles, puMiés par G. Paris, membre de t'Institut et L.Pannier. Épuisé. 8e fascicule Etudes critiques sur les sources de l'histoire mérovingienne, par Gabrie) Monod, E: par les membres de la Conférence d'histoire. 6 fr. 9" fascicule Le Bhamini-Vuasa, texte sanscrit, publié avec une traduction et des notes par Abei Bergaigne. 8 fr. to° fascicule: Exercices critiques de la Conférence de oftitoiogie grecque, recueillis et rédigés par E. Tournier. ;o fr. ne fascicule Etudes sur les .Pagi de la Gaule, par A. Longnon. 2e partie les Pagi du diocèse de Reims, avec 4 cartes. 7 fr. ;o <2~ fascicule: Du genre épistolaire chez les anciens Egyptiens de l'époque pharaonique, par G. Maspero, membre de l'tnstitut. ;o fr. 13e fascicufe: La Procédure de la Lex Salica. Etude sur le droit Frank (la fide-jussio dans la tègistaticn Franke les Sacebarons la glosse malbergique), travaux de M. R. Sohm, professeur à l'Université de Strasbourg. Traduit par M. Thevenin. 7fr.
f4~ fascicule Itinéraire des Dix Mille. Etude topographique par F. Robiou, professeur à la facutté des lettres de Rennes, avec cartes, 6 fr. !;s tascicute Etudè sur Ptfne le jeune, par Th. ~ommsen. Traduit par C. More). 4 fr. t6" fascicu)&: du C dans les langues romanes; par Ch. Joret. !2 fr. i7<! fascicule Cicéron, Epistoix ad Familiares. Notice sur un manuscrit du xn< siècle par Charles Thurot, membre de l'Institut. fr~ )8e fascictfte Etude sur tes Comtes et Vicomtes de Limoges antérieurs à l'an )ooo, par R.. de Lasteyrie.. S tr)~ fascicule De Ja formation des, mots composés en français, par A. Darmesteter. “ Épuisé. ~i 20~ fascicule Quintilien, institution oratoire, collation d'un manuscrit du xe siécle, parEmiteEhatetainetJùtesLeÇouttte. ;fr. 2t* fasciçule: HytnneàAmnion-Ra dès papyrus égyptiens du musée de Boufaq, traduit et commenté par'Eugène'Grébaut, avocat à la Cour d'appet de Paris: 22 fr.. ~M.e.fasctcuJe: P)eurs;d& Phitippeie Sblitaire, poème en vers politiques publié dans ·
le texte pour la première fois d'après six ms. de la bibliothèque nationale par j'abbé Emmanuel Auvray, iicencié ès lettre' professeur au petit séminaire du mont- aux- Malades. ?~-7i ,;B fascicule: Haurvatàt et Ameret~r. Essai sur la mythologie de l'Avesta, par James Darmesteter. 4~. fascicule Précis de la Déciinaison latine, par M. F. Bucheier, traduit de l'aliemand par L. Havet, enrichi d'additions communiquées par fauteur, avec une préface du traducteur. 8 fr. :;e fascicule Anis e)-'0chchaq, traité des te 'mes figurés relatifs à la description de la beauté, par Cheref-eddm-Râmi, traduit du persan et annoté par CI. Huart. )fr.;o 0
:6' fascicule Les Tables Engubines. Texte, traduction et commentaire, avec une grammaire et une introduction historicue, par M. Bréai, membre de l'institut, professeur au Collège de France, accoopagné d'un atburn de planches photogravées. ~o~. 2~' fascicule Questions homériques par F. Robiou. 6 fr. :S' hscicuie Matériaux pour servir à l'histoire de la philosophie de l'Inde, par P. Regnaud, f~ partie. 9 fr. 2a' fascicute Ormazd et Ahriman, leurs hrigines et leur histoire, parJ. Darmesteter. t2fr.
j0' fascicule Les métaux dans les inscriptions égyptiennes, par C. R. Lepsius, traduit par Berend, avec des additions de l'auteur et 2 p). 12 fr. )t" fascicule: Histoire de la ville de Saint-Omer et de ses institutions jusqu'au x[v*'siéc)e,parA.Giry. 20 fr. j2* fascicu)e Essai sur le règne de Tr.tjan, par C. de la Berge. 12 fr. fascicule Etudes sur l'industrie et la classe industrielle à Paris au xm' et au x[v°siéc)e,parG.Fagntez. f~fr. )~ fascicu'e Matériaux pour servir i l'histoire de la philosophie de l'Inde, par P. Regnaud, seconde partie. 10 fr. ))~ fascicute: Mélanges publiés par la section historique et phiiotogique. Avec to o planches gravées. tjfr. )6* fascicule La religion védique d'après les hymnes du Rig-Veda, par A. Bergaigne. Tome ler. t2fr. )7~ fascicule Histoire critique des régi.es de Childerich et de Chlodovech, par M. Junghans, traduit par G. Monod, et augmenté d'une introduction et de notes nouvelles. 6 fr. )~ fascicule les Monuments égyptiens de la Bibliothèque nationale (cabinet des medaijfes et antiques), par E. Led'ain, t" partie. t2 fr. !9' fascicule l'Inscription de Bavian, texte, traduction et commentaire philologique avec trois appendices et un glossaire par H. Pognon, ire partie. 6 fr. 40* fascicule Patois de la commune de Vionnaz (Bas-Va)ais~, par J. Giitiéron, accompagné d'une carte. yfr.~o o 4' fascicuie Le Querotus, comédie latine anonyme, par L. Havet. )2 fr. 4~* fascicule L'Inscription de Bavian, texte, traduction et commentaire philologique avec trois appendices et un glossaire par A. Pognon, 2" partie. 6 fr. 4;' fascicule De Saturnio latinorum versu scripsit L. Havet. ) fr. ~4* fasctcuie Etudes d'archéologie ohentaie, par Ch. Oermont-Ganneau, tome premier,livraison. iofr. ~4!* fascicule Histoire des institutions municipales de Senlis, par J. Ffammennont. fascicule Essai sur tes origines du fonds grec de l'Escurial, par Ch. Graux. 8 fr. 'ifr.
2'et}°ltv. qfr; 48° fascicule Etude sur le texte de la vie latine* de Ste Geneviève de Fans, pareS Kohler. <;fr~ ~c)' fascicule Deux versions hébraïques du Livre de Kalilâh et Dimnah, par J. r~. renbourg. M.~;o* fascicule: Recherches sur les relations potitiqugs de la France avec l'A~emagM de ;2c)2â;~78,parA[fred Leroux. 7~~ fascicule Principaux monuments du Musée égyptien de Florence, par W.&. Berend. partie. Stèles, bas-reliefs et fresques. Avec !o planches photogravées; iofr:'
i2'' fascicule: Les lapidaires français du moyen âge des xu' xfh'' et xn" siée): réunis, classés et publiés, accompagnés de p.éfaces, de tables et d'un glossaire par L. Pannier, avec une notice préliminaire par G. Paris. tofr. et fascicules: La religion védique d'après tes hymnes du ~ig-Veda, par A.Bergaigne.TomesfIetm. 27 fr.;;<' fascicule Les Établissements de Rouen, par A. Grry, 'tome ter. fr. j6'' fascicule Métrique naturelle du langage, par P. Pierson, avec une notice pr~liminaire par G. Paris. !0fr.j7'' fascicule Vocabulaire Vieux-Breton, avec commentaire contenant toutes les gloses en vieux-breton, gallois, comique, armoricain connues, par J. Loth. !ofr.
jS* fascicule Hincmar, de ordine palatii epistola. Texte latin, traduit et annoté par Prou. -1
COLLEC'l'ION PHILOLOGIQUE. Recueil de travaux originaux ou traduits, relatifs à la philologie et à l'histoire littéraire. Format in-8".
lerfascicute: La théorie de Darwin; de l'importance du langage pour FhisMire naturelle de l'homme, par A. Schleicher. 2fr. 2*' fascicute Dictionnaire des doublets ou doubles formes de la langue française par A. Brachet. 2fr.jo fascicuje De l'ordre des mots dans les langues anciennes comparées aux langues modernes, par H. Weil. Nouvelle édition. ~fr. 4e fascicule Dictionnaire des doubtets ou doubles formes de la langue française, par A. Brachet. Supplément. (oc. c. i° fascicule: Les noms de famille, par E. Ritter. fr. (c.. 6o fascicute Etudes philologiques d'onomatologie normande, par H. Moisy. 8 fr. 7e fascicule Essai sur la langue basque, par F. Ribary, professeur à )'Unh'ersite de Pesth.Traduitdu hongrois par J.Vinson; ;fr. se fascicute De conjugatione latini verbi a Dare D a James Darmesteter. fr. )'o 9* fascicute De Floovante vetustiore gallico poemate scripsit A. Darmesteter. fr. [0° fascicute Histoire des participes français, par Amédee Mercier. fr. «"fascicule: Etude sur Denys d'Halicarnasse et le traité de la disposition des 'motsparEmiteBaudat. 3 fr. t. fascicufe De neutrali genere quid factum sit in gallica tingua scripsit A p.tercier.. 2fr.
t~* fascicule Du génitif latin et de ta proposition DE. Etude de syntaxe historique sur1a.décomposition du latin et la formation du français, par P-. Clairin. 7 fr. ;a
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LA
SAINT ALEXIS
OUVRAGES DE M. G. PARIS EN VENTE A LA MÊME LIBRAIRIE
Les contes orientaux dans la littérature française du moyen âge (extrait de la Revue politique et littéraire). In-8, br. 1 Dissertation critique sur le poème latin du Ligurinus, attribué à Günther. In-8, br. 2 » Étude sur le rôle de l'accent latin dans la langue française. ïn-8,br. 4 x Grammaire historique de la langue française, cours professé à la Sorbonne, leçon d'ouverture, In-8, br. t » Histoire poétique de Charlemagne. Gr. in-8, br. (Epuisé.) 30 »
Lettre à M. Léon Gautier sur la versification latine rhythmique Gr. in-8, br. 1 x De Pseudo-Turpino. In-8, br. 2 » Le petit Poucet et la grande Ourse. tn-16, br. 2 50
LA
VtE DE SAINT ALEXIS ,ME DU XI~ SIÈCLE
x~ DU XIe SIÈCLE
-ir~r i
"T~EXTE CRITIQUE
.`- PUBMEPAR
GASTON PARIS
PARIS
F. VIEWEG, LIBRAIRE-ÉDITEUR 67, RUE DE RICHELIEU, 67
1885
Depuis que j'ai donné, en 1872, la cinquième édition de la ~ze de saint Alexis, les ressources dont dispose la critique du texte ont été augmentées, en ce qui concerne les leçons, par de soigneuses collations des manuscrits, notamment par celle du manuscrit de Tours (aujourd'hui dans la possession de lord Ashburnham), communiquée par M. Fœrster. En outre, divers philologues, soit à l'occasion de mon édition, soit depuis; ont proposé des restitutions nouvelles pour plus d'un passage citons M. Tohier, M. Paul Meyer et surtout M. Stengel. Le texte entier a été imprimé trois fois (par MM. Lidforss, Stengel et Fœrster ~); des fragments ont été insérés dans diverses chrestoma-
1. Je renvoie à la pnbtication de M. Fœrster, -fat!0?~<Nc~~ Ce. 6«K~&MC~ (Heilbronn, 1884), p. tOt et suiv., pour tes renseignements bibliographiques que comporte le Saint .~afi~. Les lecteurs studieux y trouveront également le meilleur dépouiUement des manuscrits sur tesquels s'appuie le texte critique du poème.- La publication de M. Stenget(~M~<6eM«M~~M<tK~!<K~eM,t-H, Matburg, )88t-82) est surtout importante par le glossaire qui y est joint, et qui comprend, outre tous tes mots de t'~&r~, ceux des plus anciens textes français.
thies, parfois avec certaines modifications. Ces raisons auraient suSî pour que, voulant expliquer ce précieux monument de notre ancienne langue à mon cours du Collège de France, j'eusse éprouve le besoin de réimprimer le poème en profitant de ces nouveaux secours et des quelques réflexions que j'ai faites de mon côté.
Toutefois ce n'est pas par la constitution critique du texte que ma seconde édition d'e~M diffère surtout de la première cette constitution ne pourrait subir de changements vraiment graves que si on découvrait un nouveau manuscrit, indépendant des deux familles auxquelles appartiennent les quatre que nous avons. Mais la connaissance de la phonétique et de îà morphologie du plus ancien français a fait depuis 1872 de tels progrès qu'il n'est presque plus un vers de mon texte qui, au point de vue des formes qui y ont été adoptées, me satisfasse aujourd'hui, comme il n'est pas une page de mon introduction grammaticale qui ait gardé, je ne dis pas sa nouveauté, mais sa valeur. La révision à laquelle j'ai soumis le texte du Saint Alexis a surtout eu pour but de le faire profiter de tout ce que la science a acquis dans cette période si courte, mais, surtout en Allemagne, si féconde pour. la philologie française. Je ne doute pas
que sur plus d'un point mes confrères en philologie ne trouvent encore bien à redire, et moi-même je suis loin d'être assuré de tout ce que la lecture de mon texte pourrait faire regarder comme établi pour moi. Il aurait fallu à cette nouvelle édition un commentaire semblable à celui de l'ancienne, où j'aurais expliqué sur chaque point pourquoi j'ai changé d'avis ou maintenu mon opinion.
Je ne donne pas ce commentaire il doit précisément faire l'objet du cours que je vais ouvrir. L'idée de prendre, cette année et sans doute plus d'une fois, l'Alexis pour texte dans ma leçon d'exégèse m'est venue fort tard, et j'ai préparé et imprimé cette édition en très peu de jours; j'espère qu'on ne s'en apercevra pas trop. Mais c'est oralement que je l'accompagnerai de toutes les explications qui me semblent utiles. Une grande partie de ces explications sera naturellement consacrée à faire connaître et parfois à discuter les opinions des savants qui ont écrit dans ces derniers temps sur l'ancien français, et qui reconnaîtront bien vite, en lisant mon texte, combien j'ai profité de leurs travaux. Je ne pouvais indiquer ici ces travaux, qui souvent ne touchent qu'indirectement la question des formes à adopter pour mon texte; je prie mes savants collaborateurs de ne pas voir dans cette
omission une négligence ou une ingratitude qui sont loin de ma pensée.
Peut-être quelque jour reprendrai-je ce beau poème pour en donner une édition accompagnée d'un ample commentaire où je traiterai de nouveau toutes les questions qu'il soulève. Je n'ai voulu présentement qu'imprimer pour mes auditeurs un texte à mes explications je demande qu'on ne voie pas ici autre chose. Je serai très reconnaissant des remarques auxquelles pourraient donner lieu les leçons et les formes adoptées dans ce texte; j'en profiterais pour une autre édition, comme j'ai si largement profité de celles auxquelles a donné lieu la premi'
X~
.'¿' 1/0.
LA
V~~x SAINT ALEXtS
I. Bons fut li siècles al tens ancienor,
Quer feit i ert e justise et amor,
Si ert credance, dont or n'i at nul prot;
Toz est mudez, perd'jde at sa color
Ja mais n'iert tels corn fut aïs ancessors. 5 II. AI tens Nôe et al tens Abraam
Et al David, cui Deus par amat tant,
Bons fut Ii siecles: ja mais n'iert si vaillanz; Vielz est e frailes, tot s'en vait déclinant,
Si'st empeiriez toz biens vait remanant. 10 111. Puis icel tens que Deus nos vint salver, Nostre ancessor ourent crestientet,
Si fut uns sire de Rome la citet;
Riches om fut, de grant nobilitet:
Por col vos di d'un suen 61 vueil parler. i5
IV. Eufemiiens, ensi out nom li pedre,
Cons fut de Rome del mielz qui donc i eret;
Sour toz ses pers l'amat 11 emperedre.
Donc prist moillier vaillant et onorede,
Des mielz gentilz de tote la contrede. 20 V. Puis converserent ensemble longement.
Qued enfant n'ourent peiset lor en fortment;
Deu en apelent andoi parfitement
« E reis celestes, par ton comandement
Enfant nos done qui seit a ton talent » 25 VI. Tant Ii preierent par grant umilitet
Que la moillier donat feconditet
Un fil lor donet, si l'en sourent bon gret.
De saint batesme l'ont fait regenerer
Bel nom li mistrent sotonc crestientet. 30 VII. Batisiez fut, si out nom Alexis
Qui l'out portet volentiers le nodrit
Puis li bons pedre ad escole le mist:
Tant aprist letres que bien en fut guarniz;
Puis vait Ii enfes l'emperedor servir. 35 VIII. Quant veit li pedre que mais n'avrat enfant, Mais que cel sol cui il par amat tant,
Donc se porpenset del siecle ad en avant
Or vuelt que prenget moillier a son vivant
Donc U achatet filie ad un noble franc. 40
IX. Fut la pulcele de molt halt parentet,
Filie ad un conte de Rome la citet
N'at plus enfant, lei vuelt molt onorer.
Ensemble en vont ii doi pedre parler
Lor dous enfanz vuelent faire assembler. 45
X. Noment le terme de lor assemblement;
Quant vint al faire, donc le font lentement
Danz Alexis l'esposat belement;
Mais de cel plait ne volsist il neient
De tot en tot a Deu at son talent. 50
XI. Quant !i jorz passet et il fut anoitiet,
Ço dist Ii pedre « Filz, quer te val colchier
Avuec ta spose, al cornant Deu del ciel. »
Ne volst !i enfes son pedre corrocier:
Vait en la chambre ou eret sa moillier. 55
XII. Com vit le lit, esguardat la pulcele,
Donc lui remembret de son seignor celeste.
Que plus at chier que tote rien terrestre
« E! Deus, » dist il, « si forz pechiez m'apresset!
S'or ne m'en fui, molt criem que ne t'en perde. » 60
XIII. Quant en la chambre furent tot sol remes,
Danz Alexis la prist ad apeler
La mortel vide U prist molt a blasmer,
De la celeste !i mostret veritet
Mais lui ert tart qued il s'en fust tornez. 65
XIV. « Oz tu, pulcele ? Celui tien ad espos
Qui nos redenst de son sanc precios.
En icest siecle nen at parfite amor
La vide est fraile, n'i at durable onor,
Ceste ledice revert a grant tristor. » 70 XV. Quant sa raison M at tote mostrede,
Donc Ii comandet les renges de sa spede
Et un anel dont il l'out esposede.
Donc en ist fors de la chambre son pedre
En mie nuit s'en fuit de la contrede. 75
XVI. Donc vint edrant dreitement a la mer
La nef est prest ou il deveit entrer;
Donet son pris et enz est aloez;
Drecent lor sigle, laissent corre par mer
La pristrent terre ou Deus lor volst douer. 80
XVII. Dreit a Lalice, ço fut citet molt bele,
Iluec arrivet sainement la nacele.
Donc en eissit danz Alexis a terre,
Mais ço ne sai com longes i converset
Ou qued il seit de Deu servir ne cesset. 85
XVIII. Puis s'en alat en Aisis la citet
Por une imagene dont il odit parler,
Qued angele firent par comandement Deu
El nom la virgene qui portat salvetet,
Sainte Marie, !a medre Damnedeu. 90
XIX. Tot son aveir qu'ot sei en at portet,
Tot le depart, que giens ne l'en remest
Larges almosnes par Aisis la citet
Donat aïs povres ou qu'il les pout trover;
Por nul aveir ne volst estre encombrez. 95 XX. Quant son aveir lor at tot departit,
Entre les povres s'assist danz Alexis,
Reçut l'almosne quant Deus la Ii tramist
Tant en retient dont son cors puet guarir
Se lui'n remaint, sil rent aïs poverins. 100 XXI. Or revendrai al pedre et a la medre
Et a la sposc qui sole fut remese.
Quant il co sourent qued il fuiz s'en eret,
Ço fut granz duels qued il en demenerent
E granz deplainz par tote la contrede. 105 XXII. Ço dist Ii pedre « Chiers filz, com t'ai perdut! » Respont t la medre « Lasse! qu'est devenuz? »
Ço dist la spose « Pechiez le m'at tolut.
Amis, bels sire, si pou vos ai out
Or soi si graime que ne puis estre plus. » 110 XXIII. Donc prent !i pedre de ses meittors serjanz Par mottes terres fait querre son enfant.
Jusque en Alsis en vindrent doi edrant
Iluec troverent dam Alexis sedant
Mais ne conurent son vis ne son semblant. 115
XXIV. Si out M entes sa tendre charn mudede
Nel reconurent li doi serjant son pedre
A lui medisme ont l'almosne donede
Il la reçut corne li altre fredre.
Nel reconurent, sempres s'en retornerent. 120
XXV. Nel reconurent ne ne l'ont enterciet.
Danz Alexis en lodet Deu del ciel
D'icez suens sers cul il est almosniers
Il fut lor sire, or est lor provendiers
Ne vos sai dire com il s'en firet liez. 125
XXVI. Cil s'en repaidrent a Rome la citet,
Noncent al pedre que nel pourent trover.
Sed il fut grains ne l'estuet demander.
La bone medre s'en prist a dementer,
E son chier fil sovent a regreter. 130
XXVII. « Filz Alexis, por queit portat ta medre ? Tu m'ies fuiz, dolente en soi remese.
Ne sai le lieu ne ne sai la contrede
Ou t'aige querre tote en soi esguarede. 134
Ja mais n'ier liede, chiers filz, ne n'iert tes pedre. »
XXVIII. Vint en la chambre, pleine de marrement, Si la desperet que n'i remest neient
N'i remest palie ne neul ornement.
A tel tristor atornat son talent
Onc puis cel di nés contint liedement. 140
XXIX. « Chambre, » dist ele, « ja mais n'estrasparede, Ne ja ledice n'iert en tei demenede »
Si l'at destruite com s'ost l'oust predede
Sas i fait pendre e cinces deramedes
Sa grant onor a grant duel at tornede. 145
XXX. Del duel s'assis., la medre jus a terre,
Si fist la spose dam Alexis a certes
« Dame, » dist ele, « jo ai fait si grant perte
Des or vivrai en guise de tortrele
Quant n'ai ton fil, ensembleot tei vueil estre. 150
XXXI. Respont la medre « S'ot met te vuels tenir, Sit guarderai por amor Alexis
Ja n'avras mal dont te puisse guarir.
Plaignons ensemble le duel de nostre ami,
Tu por seignor, jol ferai por mon fil. » 155
XXXII. Ne puet altre estre, metent l'el considrer
Mais la dolor ne puedent oblider.
Danz Alexis en Alsis la citet
Sert son seignor par bone volentet
Ses enemis net puet onc enganer. 160
XXXIII. Dis e set anz, n'en fut neient a dire,
Penat son cors el Damnedeu servise
Por amistiet ne d'ami ne d'amie
Ne por onors qui lui fussent tramises
N'en vuelt torner tant com il at a vivre. 165
XXXIV. Quant tot son cuer en at si atornet
Que ja son vueil n'eistrat de la citet,
Deus fist l'imagene por soe amor parler
Al servitor qui serveit a l'alter;
Ço ti comandet « Apele l'ome Deu. » 170
XXXV. Ço dist l'imagene « Fai Forne Deu venir
Enz el mostier, quer il l'at deservit,
Et il est dignes d'entrer en paradis. »
Cil vait, si! quiert, mais il nel set choisir,
Icel saint ome de oui l'imagene dist. 175
XXXVI. Revint Ii costre a l'imagene el mostter
« Certes, » dist il, « ne sai cui entercier. »
Respont l'imagene « Ço'st cil qui tres l'uis siet.
Pres est de Deu e del regne del ciel
& w
Par nule guise ne s'en vuelt esloignier. » 180
XXXVIII. Cil vait, sil quiert, fait i'el mostier venir.
Es vos l'essemple par trestot le pais
Que cele imagene parlat por Alexis
Trestoit l'onorent, H grant e li petit,
E toit M prient que d'els aiet mercit. 185
XXXVIII. Quant il ço veit quel vuelent onorer
« Certes, » dist il, « n'i ai mais ad ester;
D'iceste onor nem revueil encombrer. ? »
En mie nuit s'en fuit de la citet
Dreit a Lalice rejoint li suens edrers. 190
XXXIX. Danz Alexis entrat en une nef
Drecent lor sigle, laissent corre par mer;
Dreit a Tarson éspeiret arriver,
Mais ne puet estre aillors l'estuet aler
Tot dreit a Rome les portet ii orez. 195 Il~
XL. Ad un des porz qui plus est pres de Rome,
Iluec arrivet la nef a ce! saint orne.
Quant veit son regne, molt fortment s'en redotet
De ses parenz, qued il nel reconoissent
E de l'onor del siecle ne l'encombrent. 200
XLI. « E! Deus, » dist il, « bels reis qui tot governes, Se tei ploust, ici ne volsisse estre.
S'or me conoissent mi parent d'este terre,
Il me prendront par pri o par podeste
Se jos en creit, il me trairont a perdre. 205
XLII. « Mais neporuec mes pedre me desidret,
Si fait ma medre plus que feme qui vivet,
Avuec ma spose que jo lor ai guerpide.
Or ne lairai nem mete en lor baiHe 209
Nem conoistront, tanz jorz at que nem vidrent. »
XLIII. Ist de la nef e vait edrant a Rome
Vait par les rues dont il ja bien fut cointes,
Altre puis altre, mais son pedre i encontret,
Ensemble ot lui grant masse de ses omes
Sil reconut, par son dreit nom le nomet 215
XLIV. « Eufemiiens, bels sire, riches om,
Quer me herberge por Deu en ta maison
Soz ton degret me fai un ~o'~a~?/yM
Empor ton fit dont tu as tel dolor.
Tot soi enfers, sim pais por soe amor. » 220
XLV. Quant ot !i pedre la clamor de son fil,
Plorent si ueil, ne s'en puet astenir
« Por amor Deu e por mon chier ami
Tot te donrai, bons om, quant que m'as quis,
Lit et ostel e pain e charn e vin. » 225
XLVI. « E Deus, » dist il, « quer ousse un serjant Quil me guardast Jo l'en fereie franc. »
Un en i out qui sempres vint avant
« Es me, » dist il, « quil guart par ton comant
Por toe amor en soferrai t'ahan. » 230
XLVII. Cil te menat endreit soz le degret
Fait li son lit ou il puet reposer;
Tot ti amanvet quant que bosoinz 11 ert
Vers son seignor ne se vuelt mesaler;
Par nule guise ne l'en puet om btas~er. 235
XLVIII. Sovent le vidrent e M pedre e la medre
E là pulcele qued il out esposede
Par.nule guise onques ne l'aviserent,
N'H ne lordist, ned il nel demanderent,
Quels omesteit ne de quel terre iteret. 240
XItIX. Soventes feiz tes veit graut duel mener,
E de lor uelz. molt tendrement plorer,
E tot por lui, onques neient por el
Il les esguardet, sil met el considrer
N'at soing que veiet, si est a Deu tornez. 245 L. Soz le degret ou gist sour une nate,
Iluec paist l'om del relief de la table.
A grant poverte deduit son. grant parage;
Ço ne vuett il que sa medre le sachet
Plus aimet Deu que trestot son lignage. 250 LI. De la viande qui del berbère iti vient
Tant en retient dont son cors en sostient
Se lui'n remaint, sil rent ais almosniers
N'en fait musjode por son cors engraissier,
Mais aïs plus povres le donet a mangier. 255 MI. En sainte eglise converset volentiers
Cbascune feste se fait acomungier
Sainte escriture ço ert ses conseilliers:
Del Deu servise le ruevet esforcier
Par nule guise ne s'en vuelt esloignier. 260 LIII. Soz le degret ou il gist e converset,
Iluec deduit liedement sa poverte.
Li serf son pedre qui la maisniede servent
Lor lavedures li gietent sout' la teste
Ne s'en corocet ned il nes en apelet. 265
LIV. Toit l'escharnissent, sil tienent por hricon
L'aive !I gietent, si moillent son liçon
Ne s'en corrocet giens cil saintismes om,
Ainz priet Deu qued il le lor pardoinst
Par sa mercit, quer ne sevent que font. 270
LV. Iluec converset ensi dis e set anz
Nei reconut nuls suens apartenanz
Ne neuls om ne sont les suens ahanz,
Fors sol le lit ou il at geut tant:
Ne puet muder ne seit aparissant. 275 5
LVI. Trente quatre anz at si son cors penet
Deus son servise M vuelt guedredoner
Moit !t engrieget la soe enfermetet
Or set il bien qued il s'en deit aler
Cel suen serjant at a sel apelet. 280
LVII. « Quier mei, bels fredre, et enquc e parchamin Et une pene, ço pri toe mercit. »
Cil H aportet, receit les Alexis
De sei medisme tote la chartre escrist,
Com s'en alat e com il s'en revint. 285 -a
LVIII. Tres sel la tint, ne la volst demostrer,
Nel reconoissent usque il s'en seit alez.
Parfitement s'at a Deu comandet.
Sa fin apruismet, ses cors est agravez,
De tot en tot recesset del parler. 290
LIX. En la semaine qued il s'en dut aler
Vint une voiz treis feiz en la citet
Hors del sacrarie par comandement Deu,
Qui ses fedelz ti at toz envidez
Prest est la glorie qued il h vuelt doner. 295
LX. A l'altre voiz lor fait altre somonse,
Que l'orne Deu quiergent qui est en Rome,
Si li deprient que la citet ne fondet
Ne ne perissent la gent qui enz fregondent
Qui l'ont odit remainent en grant dote. 300
LXI. Sainz Innocenz ert idonc apostolies.
A lui en vindrent e h riche e h povre,
Si Ii requierent conseil d'icele chose
Qu'il ont odide, qui molt les desconfortet
Ne guardent l'ore'que terre les enclodet. 305
LXII. Li apostolies e li emperedor,
Li uns Arcadie, li altre Onorie out nom,
E toz M pueples par comune oreison
Deprient Deu que conseil lor en doinst
D'icel saint orne par cul il guariront. 310
LXIII. Ço li deprient, la soe pietet,
Que lor enseint oui puissent recovrer.
Vint une voiz qui lor ad enditet
« En la maison Eufemiien querez,
Quer iluec est, iluec le troverez. » 315
LXIV. Toit s'en retornent sour dam Eufemiien Alquant le prenent fortment a biastengier
K Iceste chose nos dousses noncier,
A tot le pueple qui ert desconseilliez.
Tant l'as celet molt i as grant pechiet. )) 320 LXV. II s'escondit com li om qui nel set,
Mais ne l'en creident al herberc sont alet.
Il vait avant la maison aprester;
Fortment l'enquiert a toz ses ménestrels
Icil respondent que neuls d'els nel set. 325 IjXVI. Li apostolies e li emperedor
Siedent es bans pensif e corrocos.
Il les esguardent toit cil altre seignor
Deprient Deu que conseil lor en doinst
D'icel saint ome par cui il guariront. 330 LXVII. En tant dementres com il iluec ont sis Deseivret l'aneme del cors saint Alexis
Tot dreitement en vait en paradis
A son seignor qu'il aveit tant servit.
E reis célestes, tu nos i fai venir 335 LXVIII: Li bons serjanz quil serveit volentiers Il le nonçat son pedre Eufemiien
Soef l'apelet, si !i at conseilliet
« Sire, dist il, « morz est tes provendiers,
Ecosai dire qu'il fut bons crestiieos. 340
LXIX. <: Molt longement ai ot lui converset
De nule chose certes nel sai blasmer,
E ço m'est vis que co est li om Deu. »
Toz sols s'en est Eufemiiens tornex,
Vint a son fil ou gist soz son degret. 345
LXX. Les dras sozlievet dont il esteit coverz
Vit del saint orne le vis e cler e bel
En son poing tient sa chartre li Deu sers,
Ou at escrit trestot le suen convers
Eufemiiens vuelt saveir qued espelt. 350
LXXI. Il la vuelt prendre, cil ne li vuelt guerpir.
A i'apostolie revient toz esbadiz
« Ore ai trovet ço que tant avons quis
Soz mon degret gist uns morz pèlerins
Tient une chartre, mais ne Ii puis tolir. » 355
LXXII. Li apostolies e Ii emperedor
Vienent devant, gietent s'ad oreisons,
Metent lor cors en granz aiBicticns
« Mercit, mercit, mercit, saintismes om °
Net coneumes n'encor net conoissons. 360
LXXIII. « Ci devant tei estont doi pechedor,
Par la Deu grace vochiet emperedor
Ço'st sa mercit qu'il nos consent i'onor.
De tot cest mont somes nos jugedor
Del tuen conseil somes tot Losoigaos. 365
LXXIV. « Cist apostolies deit les anemes baillir
Ço'st ses mestiers dont il at a servir;
Done Ii la par la toe mercit
Ço nos dirat qu'enz troverat escrit,
EçodoinstDeusqu'ore en poissons guarir!w 370
LXXV. Li apostolies tent sa main a la chartre
Sainz Alexis la soe h alaschet
Lui la consent qui de Rome esteit pape.
Il ne !a list ned il dedenz n'esguardet
Avant la tent ad un bon clerc e savie. 375
LXXVI. Li chanceliers cui Ii mestiers en eret
Cil list la chartre, Ii altre l'escolterent.
D'icele geme qued iluec ont trovede
Le nom lor dist, del pedre e de la medre,
E ço lor dist de quels parenz il eret; 380
LXXVII. E ço lor dist com s'en fuit par mer,
Com en alat en Alsis la citet,
E com l'imagene Deus fist por lui parler,
E por l'onor dont nes volst encombrer
S'en refuit en Rome la citet. 385
LXXVIII. Quant ot Ii pedre ço que dit at la chartre, Ad ambes mains deront sa blanche barbe
« E filz, » dist il, « com doloros message
Vis atendeiequed a mei repaidrasses,
Par Beu mercit que tum reconfortasses. » 390
LXXIX. A halte voiz prist !i pedre a crider
« Filz Alexis, quels duels m'est présentez
Malvaise guarde t'ai fait soz mon degret.
A! las pechables, com par fui avoglez! ·
Tant l'ai vedut, si nel poi aviser 395
LXXX. « Filz Alexis, de ta dolente medre
Tantes dolors at por tei enduredes,
E tantes fains e tantes seiz passedes,
E tantes lairmes por le tuen cors ploredes
Cist duels l'avrat encui par acorede. 400
LXXXI. « 0 filz, cui ierent mes granz ereditez,
Mes larges terres dont jo aveie assez,
Mi grant palais en Rome la citet ?
Empor tei, filz, m'en esteie penez
Puis mon deces en fusses onorez. 405
LXXXII. « Blanc ai le chief e la barbe ai chanude
Ma grant onor aveie retenude
Empor tei, filz, mais n'en aveies cure.
Si grant dolor ui m'est apareude!
Filz, la toe aneme seit el ciel assolude 410
LXXXIII. « Tei covenist helme e bronie a porter,
Espede ceindre come toi altre per
Ta grant maisniede dousses governer,
Le gonfanon l'emperedor porter,
Com fist tesB~mj~r~jtens parentez. 415
LXXXIV. « A tel dolor et a si grant poverte,
Filz, t'ies deduiz par alienes ter res
E d'icel bien qui toz doust tuens estre
= Pou en perneies en ta povre herberge
Se Deu ploust, sire en dousses estre. » 420
LXXXV. De la dolor que demenat M pedre
Grant fut la noise, si l'entendit la medre
La vint corant com feme forsenede,
Bâtant ses palmes, cridant, eschavelede
Veit mort son fil, a terre chiet pasmede. 425
LXXXVI. Qui donc ti vit son grant duel demener,
Son piz debatre e son cors degeter,
Ses crins detraire e son vis maiseler,
E son mort fil baisier et acoler,
N'i out si dur ne l'estoust plorer. 430
LXXXVII. Trait ses chavels e debat sa peitrine,
A grant duel met la soe charn medisme
« E filz, » dist ele, « com m'ous enhadide
E jo, dolente, com par fui avoglide
Nel conoisseie plus qu'onques nel vedisse. )) 435
LXXXVIII. Plorent si ueil e si gietet granz criz;
Sempres regretet « Mar te portai, bels filz
E de ta medre que n'aveies mercit?
Por teim vedeies desidrer a morir
Ço'stgt'antmervei!!equepitietnet'enprist! 440
S~XXXIX. a A lasse mesdre, corn oi fort aventure
Ci vei jo morte tote ma portedure.
Ma longe atente a grant duel est venude.
Que podrai faire, dolente, malfadude? 444
Ço'st grant merveille que 11 miens cuers tant duret!
XC. « Filz Alexis, molt ous dur corage
Quant adossas tot.1on gentil lignage
Sed a mei sole vels une feiz parlasses,
Ta lasse medre si la reconfortasses
Qui si'st dolente, chiers filz, buer i alasses. 450
XCI. « Filz Alexis, de la toe charn tendre
A quel dolor deduit as ta jovente
Por queim fuis ? jat portai en mon ventre
E Deus le set que tote soi dolente
Ja mais n'ier liede por orne ne por feme. 455
XCII. « Ainz que t'ousse en fui molt desidrose;
Ainz que nez fusses si'n fui molt angoissose;
Quant jot vi net si'n fui liede e joiose;
Or te vei mort, tote en soi corroçose
Ço peiset mei que ma fin tant demoret. 460
XCIII « Seignor de Rome, por amor Deu, mercit
Aidiez m'a plaindre le duel de mon ami.
Granz est 11 duels qui sour mei est vertiz
Ne puis tant faire que mes cuers s'en sazit
Nen est merveille n'ai mais filie ne fil. » 465
XCIV Entre le duel del pedt'e e de la medre
Vint la pulcele qued il ont esposede
« Sire, » dist ele, « com longe demorede
Atendut t'ai en la maison ton pedre
Ou tum laissas dolente et esguarede. 470
XCV. « Sire Alexis, tanz jorz t'ai desidret,
E tantes lairmes por le tuen cors ploret,
E tantes feiz por tei en loinz guardet
Se revenisses ta spose conforter,
Por felonie nient ne por lastet 475
XCVI. » 0 chiers amis, de ta jovente bêle
Ço peiset mei que podrirat en terre.
E gentilz om, com dolente puis estre i
Jo atendeie de tei bones noveles,
Mais or les vei si dures e si pesmes 480
XCVII. « 0 bêle boche, bels vis, beie faiture,
Com vei mudede vostre bêle figure
Plus vos amai que nule creature.
Si grant dolor ui m'est aparcude
Mielz me venist, amis, que morte fusse. 485
XCVIII. « Se jot sousse la jus soz le degret,
Ou as geut de longe enfermetet,
Ja tote gent nem soussent torner
Qu'ensemble ot tel n'eusse converset
Se mei leust, si t'ousse guardet. 490
XCIX. « Or par soi vedve, sire, » dist la puiceïe
« Ja mais ledice n'avrai, quer ne puet estre,
Ne charnel orne n'avrai ja mais en terre.
Deu servirai, le rei qui tot governet
H nem faldrat, s'il veit que jo lui serve. N 495
C. Tant i plorerent e li pedre e la medre
E la pulcele que toit s'en a tassèrent.
En tant dementres le saint cors conrederent
Toit cil seignor e bel i'acostumerent
Com felix cil qui par feit l'onorerent 500
CI. « Seignor, que faites? » ço dist ii apostolies.
« Que valt cist criz, cist duels ne ceste noise ?
Cul que seit duels, a nostre ues est il joie,
Quer par cestui avrons bone adjutorie:
Si li preiuns que de toz mals nos toiget. ? » 505
CII. Trestoit le prenent qui pourent avenir
Chantant en portent le cors saint Alexis,
E co ti prient que d'els aiet mercit.
N'estuet somondre icels qui l'ont odit
Toit i acorent li grant e Ii petit. 510
CIII. Si s'en commurent tote la gent de Rome
Plus tost i vint qui plus tost i pout corre.
Par mi les rues en vienent si granz torbes
Ne reis ne cons n'i puet faire entrerote,
Ne le saint cors ne puedent passer oltre. 515
CIV. Entre e!s enprenent cil seignor a parler:
« Grant est la presse, nos n'i podrons passer,
Por cest saint cors que Deus nos at donet.
Liez est h pueples qui tant l'a desidret!
Toit i acorent, nuls ne s'en vuelt torner. M 520
CV. Cil en respondent qui l'empirie baillissent
« Mercit, seignor nos en querrons mecine
De noz aveirs ferons granz departides
La main menude qui l'almosne desidret
S'il nos tbnt presse, donc en iermes délivre. » 525
CVI. De lor trésor prenent l'or et l'argent,
Sil font geter devant la povre gent
Par iço coident aveir descombrement
Mais ne puet estre cil n'en ruevent neient
A cel saint cors ont tornet lor talent. 530
CVII. Ad'uae vôiz crident la gent menude:
De~est aveir certes nos n'avons cure.
Si grant ledice nos est apareude
D'iéëst'saint cors n'avons soing d'a!tre mune;
Quer par cestui avrons nos bon~ aiadë. -)) 535
CVIII. Onques en Rotheheh but sigrant ledice
eom'dutlejorn aIs povres et ais riches
Poricel saint cors qu'il ont en lor baillie
Ço tor est vis q~e tièngent- Deu medisme
Trës~z! it p'ueptës lodet Deu e graciet. 540
CIX. Sainz Alexis out bone volentet
Poruec en est ui cest jorn onorez.
Li cors en gist en Rome la citet,
E l'aneme en est enz el paradis Deu
Bien puet liez estre qui si est aloez. 545
CX. Qui at pechiet bien s'en puet recorder
Par pénitence s'en puet tres bien salver.
Bries est cist siecles: plus durable atendez.
Ço depreions la sainte trinitet
Qu'ot lui ensemble poissons el ciel regner. 550
CXI. Sorz ne avuegles ne contraiz ne lepros
Ne muz ne orbs ne nuls pa!a:.inos,
Ensourquetot ne neuls langoros,
Nul n'en 1 at qui'n alget malendos,
Cel n'en i at qui'n report sa d,olor. 555
CXIf. N'i vient enfers d~ nule enfermetet
Quant ii l'apelet sempres n'aiet santet.
Alquant i vont, alquant se font porter.
Si veirs miracles lor at Deus demostrez
Qui vint plorant chantant l'en fait raier. 560
CXHI. Cil doi seignor qui l'empirie governent,
Quant il i veident les vertuz si apertes,
Il le receivent, sil portent e sil servent:
Alques par pri e le plus par podeste
Vont en avant, si derompent la presse. 565
CXIV. Sainz Boneface, qued cm martir apelet,
Aveit en Rome une eglise molt bele
Iluec en portent saint Alexis a certes
Et atement le posent a la terre.
~<~M7 ii lieus ou ses sainz cors herberget 570
CXV. La gent de Rome, qui tant l'ont desidret,
Set jorz le tienent sour terre a podestet.
Grant est la presse, ne l'estuet demander
De totes parz l'ont si avironet
Que avisonques i puet om abiter. 575
CXVI. Al setme jorn fut faite la herberge
A cel saint cors, a la geme celeste
En sus se traient, si alaschet la presse
Vueillent o non, sil laissent metre en terre;
Ço peiset eis, mais altre ne puet estre. 580
CXVII. Ad encensiers, ad ories chandelabres
Clerc revestut en albes et en chapes
Metent le cors enz el sarcueu de marbre.
Alquant i chantent, ii pluisor gietent lairmes
Ja le lor vueil de lui ne desevrassent. 585
CXVIII. D'or e de gemes fut li sarcueus parez
Por cel saint cors qu'il i deivent poser;
En terre! metent par vive podestet.
Ploret H pueples de Rome la citet
Sozclet n'ai ome quis puisset conforter. 590
CXIX. Or n'estuet iire del pédre e de la medre
E de la spose com il le regreterent
Quer toit en ont lor voiz si atempredes
Que toit le plainstrent e toit le doloserent
Cel jorn i out cent mil lairmes ploredes. 595
CXX. Desoure terre nel pourent mais tenir
Vueillent o non, sil laissent enfodir
Prenent congiet al cors saint Alexis,
E si !i prient que d'els aiet mercit,
Al suen seignor il lor seit bons plaidis. 600
CXXI. Vait s'en Ii pueples. E ii pedre e la medre
E la pulcele onques ne desevrerent
Ensemble furent jusque a Deu s'en ralerent.
Lor compaignie fut bone et onorede
Par cel saint ome sont lor anemes salvedes. 605
CXXII. Sainz Alexis est el ciel senz dotance
Ensemble ot Deu, en la compaigne ais angeles,
Ot la pulcele dont se fist si estranges
Or Fat ot sei, ensemble sont lor anemes
Ne vos sai dire com lor ledice est grande. 610
CXXIII. Com bone peine, Deus, e com bon servise
Fist cil sainz om en ceste mortel vide
Quer or est s'aneme de glorie replenide
Ço at ques vuelt, n'en est neient a dire,
Ensourquetot e si veit Deu medisme. 615
CXXIV. Las malfadut com esmes encombret
Quer co vedons que tot somes desvet.
De noz pechiez somes si avogiet
La dreite veie nos font tresoblider
Par cest saint ome doussons ralumer. 620
CXXV. Aions, seignor, cest saint ome en memorie,
Si li preions que de toz mats nos toiget
En icest siecle nos achat pais e joie,
Et en cel altre la plus durable glp~~t~'t~\
En ipse verbe si'n dimes .P~Mi~. '~625
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