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Notice complète:

Titre : La Grande guerre, La Vie en Lorraine / [publié par René Mercier]

Éditeur : Édition de "l'Est républicain" (Nancy)

Date d'édition : 1914-12-01

Contributeur : Mercier, René (1867-1945). Éditeur scientifique

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32783666t

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32783666t/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 2390

Description : 01 décembre 1914

Description : 1914/12/01-1914/12/31.

Description : Collection numérique : Documents consacrés à la Première Guerre mondiale

Description : Collection numérique : Fonds régional : Lorraine

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6244910h

Source : L'Argonnaute (La Contemporaine), 2012-111469

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 30/07/2012

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M Grande Guerre

LA VIE

EN

JDRRAINE

DÉCEMBRE 1914

L Est Républicain NANCY

x : 60 centimes





La Grande Guerre & &

LA VIE

EN

LORRAINE

DÉCEMBRE 1914

L'Est Républicain NANCY



L'Allemand est toujours en Lorraine en' cette fin d'année. Les ruines fument encore, et déjà, — merveilleux signe d'énergie d'une race indomptable, — on songe à la reconstruction des villages bombardés, incendiés, détruits.

De toutes parts on demande la reprise du travail dans la mesure où le permettent l' absence des hommes valides et l'invasion.

Pendant ce temps les Taubes lancent des bombes un peu partout. Le lendemain de Noël, un Zeppelin jette dix-huit obus sur Nancy, tue un homme et une femme, et détruit les vitraux de l'église Saint-Epvre.

Le gouvernement, revenu à Paris, lit, le 22 décembre, devant les Chambres une déclaration dans laquelle il proclame la nécessité d'une politique de combat sans merci jusqu'à la libération définitive de l'Europe, et affirme la certitude de la victoire.

La France est plus que jamais résolue à mourir ou à vaincre.

René MERCIER.



LA SITUATION

DU

21 au 27 Novembre /*

UN RÉCONFORTANT TABLEAU,

La situation du front ne s'est pas modifiée sensiblement, entre le 21 et le 27 novembre inclus. 'p v L'ennemi s'est usé en vaines attaques partielles. Nous l'avons contre-attaqué, lui infligeant de grosses pertes, et obtenant quelques gains.

De la mer à la Lys, notre situation matérielle et morale est excellente.

Les gros efforts allemands ont porté sur la destruction d'Ypres, pour laquelle, outre leurs batteries, ils ont employé un train blindé sous la direction d'un ballon captif.

De rares attaques de l'infanterie allemande ont été menées par des unités très réduites, fortement encadrées d'officiers.

Au contraire de la leur, notre infanterie est très ardente, mutiplie les exploits, accomplis soit en détachement, soit individuellement.

La guerre de tranchées comporte, d'ailleurs; une audace, un courage et un sangfroid qu'on ne soupçonne pas.

Nos hommes ont transformé, du reste, leurs positions en véritables forteresses.

Ils ont manifestement le goût du travail de défense.

Dans le secteur de l'Oise aux Vosges,


contrairement à leur communiqués, les Al- lemands n'ont montré guère plus d'activi-

té et ils n'ont obtenu aucun résultat. Ils ne peuvent revendiquer légitimement que les destructions systématiques de monuments sans importance militaire, tandis que notre artillerie a obtenu des succès subs- tantiels en détruisant aux Allemands des avions et des batteries, en fauchant leurs attaques.

Pareillement, notre infanterie a montré dans cette région les mêmes qualités que dans le nord.

En Haute-Alsace, dans les Vosges, l'ennemi ne quitte plus ses tranchées devant nos Alpins, qui leur ont pris toutes cellesqui nous gênaient.

Là, comme dans la région de Saint-Mihiel, notre artillerie lourde rend le ravitaillement ennemi presque impossible.

L'USURE MORALE APRÈS L'USURE PHYSIQUE-

Notre canon s'en charge e pendant les accalmies e

Bordeaux, 1er décembre, 15 h. 25.

En Belgique, canonnade assez vive pendant la journée du 30 novembre. Aucune attaque de l'infanterie allemande.

L'ennemi a continué à montrer une assez grande activité au nord d'Arras.

Dans la région de l'Aisne, canonnade intermittente sur tout le front.

En Argonne, les combats continuent

sans modifier la situation.

En Woëvre et dans. les. Vosges, rien à i signaler.


LE GÉNÉRALISSIME A THANN i lOI V

Je vous apporte, dit-il, le baiser de la France

a Paris, lpr décembre, 18 h. 7.

Le « Bulletin des armées » raconte une récente visite du général Joffre dans la région de Thann, où il fut reçu par les notables alsaciens, qui assurent l'administration municipale.

Le général leur dit : « Notre retour est définitif. Vous êtes Français pour toujours.

« La France vous apporte, avec les libertés qu'elle représenta toujours, le respect de vos libertés alsaciennes, de vos traditions, de vos convictions, de vos mœurs.

(1 Je suis la France. Vous êtes l'Alsace.

Je vous apporte le baiser de la France. »

Ce fut alors une minute d'émotion poignante.

Les Alsaciens remercient d'une voix émue, disant : « Vous pouvez compter sur nous. »

Le départ du général Joffre fut salué par les cris des vieilles gens et des enfants accourus, cris de « Vive la France ! Vive l'Alsace française ! »

1 t.


LA GUERRE EN LORRAINE

Sur la Moselle et sur la Seille ■?* <oi UNE CONFÉRENCE MILITAIRE, ..,

801

i A Sainte-Geneviève

Afin d'instruire le public de tout ce qui s'est fait sur le front depuis l'ouverture des hostilités, le gouvernement a résolu de former une sorte de caravane, composée de journalistes qui a successivement parcouru les régions où les forces alliées sont aux prises avec l'armée allemande.

Après avoir visité les champs de bataille entre la Somme et la Marne, cette mission guidée par plusieurs officiers d'étatmajor, est arrivée dimanche soir à Nancy.

Le programme de la journée comprenait, hier, une excursion dans les ouvrages fortifiés qui soutinrent victorieusement les assauts, les attaques et le bombardement de l'ennemi.

A midi, huit automobiles quittaient Nancy, sous les ordres du commandant T., juste au moment où l'on signalait le vol de « Tauben », dont nos batteries oevaient bientôt harceler la retraite sur Metz.

Le cortège s'éloignait dans la direction de Sainte-Geneviève où une conférence sur le terrain permit de noter les phases de la lutte ardente dont la région mussipon-


taine fut le théâtre pendant la deuxième quinzaine d'août.

M. le capitaine R., qui représente au Palais-Bourbon un département de l'Ouest, prit la parole et retraça lumineusement les diverses phases de la bataille livrée autour de Sainte-Geneviève.

Deux batteries d'artillerie étaient solidement établies près du cimetière. Les Allemands débouchèrent de la forêt de Facq en masses compactes. Pas un coup de feu ne contraria ni d'abord ne retint leur démonstration appuyée à l'aile droite sur la Moselle et sur la gauche vers le bois de Flamechamp. Leur artillerie soutint deux attaques très violentes ayant pour but de conquérir les crètes de la cote 390 et de prendre à revers nos positions.

Nous eûmes à déplorer dans cette double action huit morts et six blessés.

Jar contre, les Boches perdirent environ un millier d'hommes et furent obligés d'évacuer en outre 800 blessés. La preuve que ar échec coûta cher aux Boches réside dans cette constatation qu'au cimetière d'Atton 603 sépultures allemandes voisinent avec d'autres tombes conservant les restes de 206 Allemands.

L'ennemi recourt à l'intervention de ses canons abrités sur la rive gauche de la Moselle dans les profondeurs du bois de Cuite ; mais cette artillerie se trouve ellemême en présence d'un parti assez puissamment installé pour lui opposer une résistance efficace, de telle sorte que l'attaque des hauteurs de Sainte-Geneviève se transforme en retraite par suite de l'occupation du bois de Cuite, où les Boches étaient exposés aux feux meurtriers de nos troupes qui les prenaient de flanc et à revers.

La situation s'aggrave. Il faut céder le terrain. Les Allemands s'y résignent. Ils se replient alors sur les positions de seconde ligne qui dominent l'étroite vallée de la Natagne et qui s'étendent de la statue de la Vierge jusqu'au mont Toulon.

Ces mouvements durent une journée.

Ici l'officier d'état-major se livre à un rapprochement entre les péripéties de ce f; combat et l'une des phases importantes


des batailles engagées entre l'Oise et la Marne, dans la région de Nanteuil-le-Hau- douin.

— Les armées en présence, dit-il, eurent toutes deux l'impression qu'elles se Tieur- taient à des forces supérieures et qu'il valait mieux pour elles attendre sur des emplacements nouveaux une occasion plus favorable de reprendre énergiquement l'offensive. Cette double erreur provoqua une retraite simultanée en sens inverse des troupes françaises et allemandes.» L"ennemi renonce à son projet d'enlever par une attaque de front les crêtes dont il espère se rendre maître par une prudente conversion — et l'on vit ses hommes s'égailler sur des pentes où ils ne tardèrent point à se trouver aux prises avec des renforts sérieux qui arrêtèrent l'action et infligèrent aux Boches une terrible leçon.

On a vu précédemment quels furent les résultats de ce combat : deux mille hommes tués ou blessés — tandis que, de notre côté des pertes insignifiantes nous valaient un sérieux avantage et le gain de positions que nous n'avons cessé de fortifier.

Il convient de noter que nos troupes remportaient un succès d'autant plus significatif qu'elles opposaient simplement une partie du e d'infanterie aux efforts opiniâtres d'une brigade fournie par la garnison de Metz.

Au plateau d'Amance C'est sur la plateau d'Amance que fut ensuite faite une conférence sur la défense de Nancy et sur le rôle exact joué du 26 août au 13 septembre par les ouvrages du Grand-Couronné.

On a déjà écrit maintes études sur cette période émouvante ; des témoignages ont été publiés ; des récits plus ou moins précis ont accrédité dans l'opinion des versions inexactes ou incomplètes ; des correspondances étrangères ont présenté sous un aspect brillant une page d'héroïsme dont l'imagination pourrait s'abstenir d'accentuer le relief.

Résumons la version officielle fournie-


hier aux représentants de la presse, en nous fiant simplement à la fidélité de notre mémoire et aux notes hâtives prises au cours de la conférence.

Pour protéger notre frontière, au nordest de Nancy, il y avait trois divisions de réserve : la droite s'appuyait sur Réméréville ; le centre allait de Laneuvelotte à Erbéviller par Champenoux (village et forêt) ; la gauchie s'infléchissait vers la Seille en amont de Brin, passait par le Rond-des-Dames, la ferme de Quercigny, pour tinir à La Rochette.

— Tout le plateau d'Amance est mis rapidement en état de défense. Des batteries d'artillerie lourde garnissent les tranchées. On attend de pied ferme les attaques boches. Dès le 21 août, tout est prêt pour soutenir le choc et pour endiguer une retraite qui amène sur la Meurthe nos troupes éprouvées devant Morhange. a) Des alternatives d'avance et de recul marquent l'offensive de nos troupes qui se heurtent constamment à l'offensive allemande sur la lisière de la forêt de Champenoux, notamment aux abords de La Bouzule.

Pendant huit jours, du 26 août au 3 septembre, des masses énormes d'infanterie sont incessamment précipitées contre nous.

Il ne s'agit plus d'attaques d'avant-postes.

Nous cédons légèrement vers Champenoux; nous abandonnons la route de ChâteauSalins ; nous nous réfugions sous la protection des canons cTAmance qui couvre les fermes de la Fourrasse, de Fleure-Fontaine et de Quercigny.

Les troupes qui ont pris une part superbe à toute cette action étaient épuisées par tant d'efforts. Elles avaient besoin de repos. On les transporte à Seichamp et elles sont remplacées sur la ligne de feu par des effectifs venus de Toul et qui, ayant pris à leur tour position à l'orée des bois, se proposent comme objectif la reprise du village de Champenoux.

Les fermes de la Fourrasse et de FleureFontaine sont enlevées par les forces allemandes ; mais celles-ci jouissent peu d'une victoire qu'elles ont pourtant payée


chèrement. Leurs attaques s'affaiblissent de jour en jour ; elles deviennent rares ; un assaut plus violent ordonné par le kaiser lui-même échoue lamentablement et, le 12 septembre, les Français parviennent enfin à réoccuper la première ligne sur laquelle s'était dessinée notre offensive, après avoir essuyé des pertes sensibles, mais qui sont hors de proportions avec les pertes subies par l'adversaire.

Le conférencier fait observer que, contrairement à ce qui a été dit, le plateau d'Amance n'a jamais été un seul instant au pouvoir de l'ennemi et nos pertes sont dues uniquement à la pluie incessante des obus de 210 que les batteries boches n'ont cessé de nous envoyer pendant cinq longs jours, des points où elles s'étaient solidement établies, depuis le Romont et les fours à chaux de Brin jusqu'au Bois-Morel.

En ce qui concerne l'action de notre artillerie lourde, aussi bien sur le plateau d'Amance qu'à La Rochette, elle a été à peu près insignifiante, car nous n'avons jamais pu exactement repérer les positions des pièces ennemies qui, par contre, imposaient silence aux nôtres, dès que notre artillerie lourde avait seulement tiré deux ou trois fois, au début de cette période.

L'officier d'état-major qui retrace ainsi les combats devant le Grand-Couronné, résume en ces termes l'enseignement qui se dégage des mouvements exécutés sur cette partie de la frontière : — L'action comprend deux phases très distinctes, dit-il, quoique simultanées et qui paraissent avoir été sans liaison entre e'ies : 1° L'effort allemand tenté sur les deux rives de la Moselle, avec l'appui des éléments débouchant à droite des bois de Facq et de la Fourrasse, à gauche des bois de Cuite, en vue de s'emparer des crêtes de Sainte-Geneviève ; 2° La prise du secteur du plateau d'Amance qui se caractérise par les combats livrés sur le front Réméréville-Velaine, le Bois-Morel, Champenoux, le Ronddes-Dames, l'étang de Brin et Quercigny.

Il n'y a eu, dans ces engagements, que des formations de réserve où s'est mani-


lestée avec un remarquable éclat, l'énergiedes chefs qui ont ramené au combat des troupes dont l'éloge n'est plus à faire.

Nous ne sommes pas autorisé à citer les régiments dont l'héroïsme s'est particulièrement distingué et qui ont souffert dan»., ces rudes journées ; mais nous pouvons affirmer qu'en regard des hécatombes boches nos rangs ont été relativement peu éprouvés.

On remarque en outre que, dans ces trois semaines de luttes, nos positions n'ont jamais été l'objet d'une attaque très vive de l'ennemi ; il y a eu toujours offensive de part et d'autre.

Telles sont les conclusions auxquelles s'est arrêté le conférencier militaire — ce pendant qu'au-dessus du groupe attentif qui l'écoutait deux « TaUiben » évoluaient dans la limpidité d'un ciel exceptionnellement pur.

ACHILLE LIEGEOIS.

..a

AVIS A LA POPULATION DE NANCY

Le général commandant le 2e G. D. prévient qu'une séance d'Instruction pour l'emploi des explosifs aura lieu jeudi, 3 décembre, à 13 heures, au plateau de Malzéville.

•+«


SORTIRAIENT-ILS

DE

LEURS REPAIRES?

Leurs tentatives leur valent la destruction de quelques batteries et la perta de quelques tranchées.

Paris, 2 décembre, 15 h. 30.

Dans la région au sud d'Ypres, à SaintEloi, une attaque ennemie dirigée contre une tranchée conquise par nos troupes, dans la journée, a été repoussée.

Notre artillerie a endommagé un groupe de trois batteries de gros calibre.

A Vermelles, nous avons enlevé brillamment le château et son parc ainsi que deux maisons du village et des tranchées.

Canonnade assez vive aux abords de Fay, au sud-ouest de Péronne.

Dans la région de Vandresse-Craonne, bombardement violent auquel notre artillerie a riposté avec succès, détruisant une batterie ennemie.

En Argonne, une attaque allemande, dirigée contre Fontaine-Madame,' a été refoulée et nous avons réalisé quelques progrès. Nous avons enlevé une tranchée dans le bois de Courtes-Chausses et un petit ouvrage à Saint-Hubert.

Sur les Hauts-de-Meuse et en Woëvre, dans les Vosges, rien à signaler.


le Président de la République

EN

MEURTHE-ET-MOSELLE

e

Nancy, 2 décembre 1914.

M. le Président de la République, accompagné de M. A. Dubost, président du -Sénat, de M. P. Deschanel, président de la Chambre, de M. R. Viviani, président du Conseil, et de plusieurs officiers d'étatmajor, a visité, dans la soirée de samedi ef toute la journée du dimanche, le département de Meurthe-et-Moselle.

Cette visite présidentielle étant destinée spécialement aux armées, il avait été expressément recommandé qu'elle ne fût pas annoncée et qu'elle devrait se poursuivre sans aucune réception officielle.

Le samedi soir, M. le Président de la République arriva à Nancy, vers 6 heures, venant de Bar-le-Duc, après avoir consacré l'après-midi à visiter divers champs de bataille sous la conduite de M. le général commandant l'armée. M. Raymond Poincaré descendit à l'hôtel de la Préfecture ; il voulut bien convier à dîner avec les personnages éminents qui l'accompagnaient, M. le Préfet, sa famille et ses collaborateurs. M. le Général commandant les troupes du front, M. le Général commandant d'armes, M. Simon, maire de Nancy, M. le recteur Adam, M. le procureur général Célice, M. le conseiller général Jambois, président du Comité de secours. M. le Président de la République félicita tout particulièrement M. le maire de Nancy pour l'esprit d'initiative, l'effort d'organisation, le calme et la confiance dont la municipalité de Nancy avait donné tant de preuves aux heures les plus difficiles.


Dimanche matin, le cortège présidentiel quitta la Préfecture, à 8 heures et demie, et se rendit à Crévic, où M. le Président de la République félicita M. le maire Hoyer de son attitude si courageuse pendant les dures épreuves subies par la com.

mune ; le cortège traversa ensuite Maixe, Rémérévillë, Champenoux et put se rendre compte des pertes matérielles que ces diverses communes eurent à supporter du fait de la guerre ; le cortège visita en détail le champ de bataille de Champenoux, il poussa plus loin jusqu'aux avant-postes.

M. le Président de la République visita les tranchées et put constater que, dans cet art nouveau pour eux, nos soldats français étaient passés maîtres ; il admira la belle tenue, l'endurance, la vaillance, la bonne humeur de nos troupes et s'entretint longuement avec les officiers.

Non loin d'une de ces lignes d'avantpostes se passa une scène profondément, émouvante. Une section présentait les armes, commandée par un sergent ayant le bras en écharpe. M. le Général commandant l'armée fit connaître à M. le Présidents de la République l'action d'éclat pour laquelle le sergent Lavedan avait mérité la médaille militaire : il y a quelques jours, dans un engagement fort vif, le sergent reçut au bras une blessure douloureuse ;.

il continua l'attaque, attendit la première accalmie pour venir se faire panser et, dès.

que son bras fut - sommairement bandé, tint à rejoindre immédiatement sa section dont ce bel exemple de courage doubla la force offensive. M. (le Président de la République attacha lui-même la médaille des braves sur la capote du jeune sergent.

M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle ayant demandé au sergent Lavedan l'adresse de sa famille, apprit que le nouveau médaillé était instituteur public à Antin (HautesPyrénées), où sa femme était également institutrice ; de retour à Nancy, il télégraphia à "Mme Lavedan un sommaire récit de cette cérémonie et, en lui donnant de bonnes nouvelles de son mari, lui dit combien elle pouvait concevoir de la conduite de celui-ci une légitime fierté.

Immédiatement après le déjeuner offert


par lui à la Préfecture, M. le Président de la République se rendit à Lunéville ; dans la salle d'honneur de la mairie, M. le Préfet lui présenta M. le sous-préfet Minier, M. le maire Keller, M. l'adjoint Brault.

M. Keller dit au Président combien il était touché de sa visite et lui fit un rapide récit des épreuves subies par Lunéville pendant l'occupation allemande. M. Raymond Poincaré adressa à chacun de justes éloges. En sortant de la mairie de Lunéville, comme une heure auparavant en quittant la Préfecture de Nancy, M. le Président de la République fut chaleureusement acclamé par la foule accourue pour le saluer dès que la nouvelle de sa présence se fût répandue dans la ville.

Le cortège se dirigea alors vers Gerbévil- ler où M. le Président et ses illustres compagnons de voyage éprouvèrent une profonde émotion à contempler les ruines accumulées par la rage des barbares. Après avoir traversé à pied la malheureuse commune, M. le Président se rendit à l'hôpital. M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle avait fait la veille au. premier magistrat de la République et au chef du gouvernement le récit de la magnifique conduite, durant de longues et tragiques semaines, de la Sœur Julie et de ses compagnes ; il leur avait dit combien l'unanimité de l'opinion publique et des élus du département serait reconnaissante au Gouvernement de la République d'accorder à cette vaillante femme une haute distinction ; il n'eut point de peine à obtenir une décision favorable.

Aussi, dans la petite salle à manger de l'hôpital, M. le président de la République, après quelques paroles charmantes adressées à la Supérieure et à ses courageuses collaboratrices, pria M. Richard, directeur de la Sûreté générale, de lui prêter sa croix et l'épingla sur la guimpe de Sœur Julie, à qui chacun voulut avoir l'honneur de serrer la main. Sœur Julie était bien embarrassée ; elle était certes plus courageuse devant les Allemands, lorsque, les manches retroussées et la cornette en bataille, elle défendit contre eux son ambulance et ses blessés ; elle était toute confuse et ne fit point de longs discours ; je crois bien


même qu'elle perdit un bon moment l'u- sage de la parole ; elle esquissa une série de petits sruluts qui eurent pour effet de mettre sa cornette de travers, mouvement opportun dont profita M. le préfet pour embrasser avec une respectueuse affection la nouvelle « Chevalier de la Légion d'honneur » au nom de toutes les familles de Meurthe-et-Moselle si patriotiquement unies en ces heures douloureuses et magnifiques d'épreuves et d'espérances nationales.

M. le Président de la République se rendit ensuite à Toul, où il convia à dîner à la Sous-Préfecture, M. le Gouverneur et M. le Sous-Préfet de Toul, MM. Chapuis et Langenhagen, sénateurs, et M. Fringant, député de Toul, tous trois mobilisés et actuellement en résidence à Toul.

A 19 heures et demie, un train spécial ramenait à Nancy M. le Président de la République, MM. les Présidents du Sénat et de la Chambre et M. le Président du Conseil ainsi que les hauts fonctionnaires et les officiers qui l'accompagnaient.

M. le Président de la République, avant que le train s'ébranlât, voulut bien charger M. le préfet de Meurthe-et-Moselle de pré'- senter aux diverses organisations hospitalières les très vifs regrets qu'il ressentait de n'avoir pu visiter les blessés et les malades militaires ; il comptait faire cette visite le samedi après midi, mais la visite des champs de bataille et des troupes sur le front s'étant prolongée au delà des prévisions, il n'arriva à Nancy qu'à la fin du jour, trop tard pour entreprendre une visite dans les hôpitaux, à l'heure où blessés et malades commencent à se reposer ; et le programme du dimanche était trop chargé pour qu'il fût matériellement possible d'y faire quelques adjonctions.

M. le Président confia aussi à M. L. Mirman le soin de faire connaître aux populations de ce département éprouvé l'impression à la fois douloureuse et forte qu'il emportait de son rapide voyage, douloureuse par le spectacle de tant de ruines matérielles, forte par le spectacle de tant de fermeté, d'inébranlable et juste confiance, par le spectacle d'un si bel élan na-


tional que lui offrirent à la fois et nos admirables troupes sur le front de combat et nos vaillantes populations lorraines.

(Communtque de la Préfecture).

Au sujet de la visite du président, on nous raconte l'anecdote que voici : Une section de territoriaux a eu hier, 28 novembre, le grand honneur de saluer sur les tranchées M. le Président de la République, escorté d'une vingtaine de personnes, — généraux et civils.

Arrivé avec sa suite au centre des ouvrages, il a demandé de faire occuper les tranchées et abris. La manœuvre a été rapide et très bien exécutée. Le fonctionnement des abris casquettes a été parfait et a semblé fort l'intéresser. Plusieurs fois, la manœuvre et les feux ont été commandés.

Il a demandé à M. Gautherot : — Quel est l'esprit de ces hommes, capitaine ?

— Monsieur le Président, ce sont tous des Lorrains, arrondissements de Lunéville, de Raon, de Rambervillers, qui ont foi dans la destinée de la France ; presque tous ont leur famille dispersée, leur foyer détruit. C'est vous dire l'esprit qui les anime.

— Les braves gens ! Vous les féliciterez.

A ce moment, on entend des coups de canon dans la direction de Pont-à-Mousson.

— Capitaine et maire de Pont-à-Mousson. on bombarde encore votre ville si In- dustrielle !

— Oui, peut-être bien. Nous en avons l'habitude. C'est alors le vingt-cinquième bombardement que Pont-à-Mousson éprouve.

La nuit arrive. Le cortège se dirige vers les autos.

En repassant devant le front de la section qui rend les honneurs, M. le Président de la République se découvre très bas et dit à très haute voix : — Braves gens, je vous félicite. Courage, mes amis.


L'ACTIVITÉ S'ACCENTUE

EN ALSACE nous avons enlevé Aspach

Paris, 3 décembre, 0 h. 45.

Communiqué officiel du 2 décembre, 23 heures : En Belgique, violent bombardement de Lampermisse, à l'ouest de Dixmude.

En Argonne, l'ennemi a fait sauter à la mine le saillant nord-ouest du bois do La Grurie.

Dans l'ensemble, nous affirmons et développons nos progrès sur cette partie du front.

En Alsace, nos troupes ont enlevé Aspach-le-Haut et Aspach, au sud-est de Thann.

Sur le reste du front, rien à signaler, Aspach-le-Haut est une commune du canton de Thann, 710 habitants.

Aspach-le-Bas, canton de Cernay, 617 habitants, possédant des forges.

»+*


LE CHASSEUR

ET

LES CUISINIERS

Nancy, 3 décembre.

Il est toujours agréable de constater qu'un ennemi, tout d'abord hautain et méprisant, devient, par un retour subit, respectueux. Et nous avons le droit au., jourd'hui d'être aussi fiers en écoutant le kronprinz qu'en regardant la Colonne.

Les sentiments que vient de confier le fils du kaiser à un journaliste lui sontils imposés par le seul aspect de notre résistance ? Ou bien ce faux jeune homme qui a déjà par cette guerre saboté la meilleure partie de son héritage, dé/sire-t-il sauver ce qui reste, et préparer l'opinion française à l'indulgence ? Ou bien encore, conformément aux principes de la fourberie allemande, croit-il qu'en nous passant la main dans le dos il nous fera oublier ce que nous devons à nos alliés et ce que nous devons aux Allemands ?

Non, non, le compte est bien établi.

: Là l'honneur, la loyauté. Ici l'improbité, : le vol, le pillage, l'incendie, le massacre, la destruction. Nous ne changerons pas de créanciers, ni de débiteurs, de quelque miel que soit poissée la langue du kronprinz.


Aurions-nôus une tendance à oublier ce qu'a fait en France et en Belgique l'armée allemande que les grands penseurs allemands se chargeraient de nousrappeler violemment à la réalité en nous exposant leurs desseins.

M. Wilhelm Ostwald, l'illustre professeur de chimie de Leipzig, et l'un desmaîtres de la philosophie allemande, explique que la victoire allemande n'est, pas douteuse, qu'elle résulte de la supériorité et de la technique allemandes, qu'elle se produira pour les mêmes motifs que celle des hommes sur les animaux, quels que puissent être le nombre, la vigueur et la férocité de ces derniers.

M. Ostwald veut faire de nous quand nous serons abattus des peuples qui travaillent en Confédération allemande sous l'hégémonie allemande, protégés, — et menacés, — par la seule armée qui reste, ,l'armée allemande- Voici d'ailleurs l'organisation que rêve le célèbre chimiste :

Quand nous aurons obtenu la victoire, écrit M. Ostwald, dans le « Momstiche Jahrhundert », quand nous aurons clairement prouvé à nos adversaires, tant à Paris, à Pétersbourg qu'à Londres, l'inutilité d'une plus longue résistance, que restera-t-il à faire ? Le but de toute guerre est la paix. Le nouvel établissement de l'Europe sous l'hégémonie allemande devra être basé essentiellement et sans réserve sur lei travail, sur un travail organisé, c'est-à-dire qu'à chacun devra échoir la part de travail qu'il est le mieux à même d'accomplir. Mais il faut que le travail puisse être exécuté en sécurité, sans que des catastrophes comme celle que nous vivons en ce moment viennent le mettre à néant. Tout comme les branches de la


famille allemande qui, en 1866, étaient dressées les unes contre les autres en une lutte fratricide, ont su réaliser quatre ans plus tard une unité (une unité qui aujourd'hui s'affirme plus puissante que les autres groupements politiques de l'Europe), il faut que la lutte actuelle, où se trouve engagée l'Europe presque entière, aboutisse à un état de choses dans lequel les différentes parties de la population européenne aujourd'hui ennemies travaillent ensemble avec la certitude que de telles luttes ne pourront plus renaître. Si les divers pays de l'Europe ne pouvaient être amenés à cette conception de la paix par la voie du consentement volontaire, l'Allemagne, après cette guerre victorieuse, sera de taille à les y contraindre par la force.

En premier lieu, il s'agira d'empêcher l'Angleterre, le plus grand ennemi de la paix en Europe, de nuire, et cela de façon durable, en mettant fin une bonne fois à sa suprématie jusqu'ici incontestée sur les mers. Le fondement de sa puissance, savoir sa flotte militaire, devra être supprimée ou réduite à un minimum qui écarte tout danger futur. Quant aux armées de terre, nous lui serons alors, à elle et à tous nos autres voisins, tellement supérieurs que, pour longtemps, tous iénonce- ront vraisemblablement tout à fait à entretenir une armée pour leur compte, et s'en remettront à nous du soin de les protéger du côté de l'Orient.

Evidemment on peut être un grand savant et raisonner comme un fou furieux sur certaines choses.

Mais M. Ostwald n'est pas seul. M.

Ernest Hœckel, dont la réputation égale celle de M. Ostwald, numérote les fruits de la victoire, et nous félicite déjà d'être sur le point de devenir Allemands.

D'après ma conviction personnelle, écritil, les fruits de la victoire les plus désirables pour l'avenir de l'Allemagne et en


même temps pour l'Europe continentale fé- dérée sont : 1. Ecrasement de la tyrannie anglaise.

2. Pour cela l'invasion de l'Etat britannique des écumeurs de mer est nécessaire.

Occupation de Londres.

3. Partage de la Belgique : la plus grande partie, occidentale, jusqu'à OstendeAnvers, Etat confédéré .'allemand, k— la ; partie nord-est à attribuer à la Hollande ; — lai partie sud^est, au Luxembourg, agrandi, légalement Etatj confédéré alletruand, 4. L'Allemagne reçoit une grande partie ,des colonies britanniques, ainsi que l'Etat ► du Congo.

5. La France cède à l'Allemagne une par"tie des provinces frontière du nord-est.

6. La Russie est rendue impuissante par la reconstitution d'un royaume de Pologne soudé à l'Autriche-Hongrie.

7. Les provinces allemandes de la mer Baltique font retour à l'empire allemand.

8. La Finlande devient un royaume indépendant, uni à la Suède.

M. Emile Fedden, de Brème, le Dr H.

Kœrber, le professeur Peust, de Dossau, tous préparent à peu près la même cui- sine. Et pendant que ces braves gens remuent scientifiquement la sauce à laquelle ils ont l'intention de nous manger, le kronprinz, voyant que le gibier ne se laisse pas faire, lui tend des pièges en douceur.

Mais le gibier décidément ne veut pas sauter dans la casserole.

Quelle malechance pour le chasseur I Quel amer désappointement pour les savants cuisiniers d'Allemagne !

RENÉ MERCIER.


SIMPLES COUPS DE SONDE

LEUR ARTILLERIE

semble chercher un point faible

Paris, 3 décembre, 15 h. 23.

En Belgique, canonnade assez vive con-

tre Nieuport et au sud d'Ypres. L'inondation s'étend au sud de Dixmude..

De la Lys à la Somme, violent bombardement d'Aix-Noulette, à l'ouest de Lens.

Calme sur tout le front, de la Somme à l'Aisne et en Champagne.

Dans l'Argonne, plusieurs attaques ennemies ont été repoussées. Nous avons progressé légèrement.

En Woëvre, l'artillerie allemande a montré une certaine activité, mais les résultats ont été insignifiants.

En Lorraine et en Vosges, rien d'important.

f

>♦«


L'HONNEUR APRÈS LE DANGER

M. Mirman, M. Grillon la sœur Marie Rosnet

Paris, 4 décembre 1 h. 40.

L'Officiel publie les citations suivantes : M. Mirman, préfet de Meurthe-et-Mosel- le, n'a pas cessé de prêter à l'armée son concours le plus éclairé. Il a organisé, souvent au péril de sa vie, l'assistance et le ravitaillement des populations ruinées par la guerre.

Son ascendant et la hauteur de son caractère préservèrent Nancy et le département des exodes qui, ailleurs, s'ajoutèrent aux désastres de la guerre.

M. Grillon, sous-préfet de Verdun, a pris les mesures les plus énergiques, les plus utiles pour rassurer les populations de son arrondissement et venir en aide aux habitants des villages ruinés par le feu ennemi et le pillage.

Mme Marie Rosnet, sœur de l'ordre de Saint-Vincent de Paul, supérieure de l'hospice de Clermont-en-Argonne, demeurée seule dans la commune, a fait preuve pendant l'occupation d'une énergie, d'un sangfroid au-dessus de tout éloge.

Ayant reçu de l'ennemi la promesse qu'il respecterait la ville en échange des soins donnés par les sœurs à ses blessés, a protesté auprès du commandant allemand contre l'incendie de la ville, faisant observer que la parole d'un officier allemand ne vaut pas celle d'un officier français.

Elle obtint ainsi l'envoi d'une compagnie- de sapeurs qui combattit le feu.

Elle a prodigué aux blessés, tant allemands que français, les soins les "plus dévoués.


NOS PROGRÈS

EN

LORRAINE et en ALSACE

Paris, 4 décembre, 1 h. 50.

Communiqué officiel du 3 décembre, 23 heures : Les seules nouvelles intéressantes se rapportent à notre aile droite et à la journée du 2 décembre.

Sur la rive droite de la Moselle nous avons occupé Isménil et le signal de Xon.

Dans les Vosges, nos troupes ont enlevé la Tête-de-Faux, au sud du village de Bonhomme, qui domine la crête frontière, et qui servait d'observatoire aux Allemands.

En Alsace, la station de Burnhaupt a été occupée par nos troupes, et nous nous installons sur la ligne Aspach-Pont d'AspachBurnhaupt.

(Isménil doit être le nom mal orthographié par le télégraphe, de Lesménil, à côté duquel se trouve le signal de Xon, au nordest de Pont-à-Mousson, vers la frontière.

Burnhaupt et Aspach appartiennent au -canton de Cernay, en Alsace.)


QUATRE rdOIS DE GUERRE

UN RÉCIT du U Bulletin des Armées

Paris, 4 décembre, 17 h. 40.

BORDEAUX. — Sous ce titre : « Quatre mois de guerre », le Bulletin des Armées publie un rapport sur l'ensemble des opérations de guerre, du 2 août au 2 décembre : Le rêve allemand déçu Après avoir constaté que l'Allemagne fut déçue dans son espoir de nous terrasser en trois semaines, le rapport constate que les forces mobilisées à la frontière Ouest de l'empire représentent 52 corps d'armée, auxquels il faut ajouter 10 divisions de cavalerie.

Nancy inviolable Tout en gardant l'espoir d'un coup heureux sur Nancy, l'Allemagne n'ose pas le risquer, en présence de la solidité de notre couverture, renforcée à la fin de 1913.

Le théâtre de la grande partie Notre concentration s'achève librement.

Elle devait être assez souple pour nous permettre de porter notre principal effort sur le terrain où l'ennemi montrerait le plus d'activité.

La violation de la neutralité belge dé-


montre que c'est au Nord que se jouera la, giande partie.

Nous ne pouvons l'engager avant l'entrée en ligne de l'armée anglaise.

Nous cherchons donc à retenir, en Alsa-- ~re-Lorrainie, le plus possible de corps allemands.

De la retraite de Belgique à la victoire de la Marne Le rapport résume ici les opérations en Alsace-Lorraine.

Des événements malheureux en Lorraine et en Belgique nous obligent à restreindre l'intensité de notre effort en Alsace.

Liège s'étant rendue, les Allemands cherchaient à s'avancer entre Givet et Bruxelles, et à ,prolonlgelf leur mouvement à l'Ouest.

Les Anglais n'étant pas prêts, nous prîmes l'offensive dans le Luxembourg telge. Elle fut enrayée avec de grosses pertes pour nous.

Le 26 août, notre situation est la suivante : ou combattre sur place, dans des conditions périlleuses, ou reculer sur tout le front, jusqu'à la possibilité d'une reprise de l'offensive.

Le généralissime s'arrête au second1 parti.

Nous reculons donc, en ordre, attaquant l'ennemi pour l'affaiblir et le retarder.

Nos attaques de Saint-Germain et de Guise, le 29 août ; celles du 27 et du 28 août devant Nancy et dans les Vosges vont rendre possible l'offensive que nous prépare ns, en constituant une nouvelle armé,', se us le commandement du général Mauncury.

Mais l'ennemi progresse si rapidement que le général Joffre prescrit de reculer jî squ'à l'Aube, au besoin jusqu'à la Seine.

L'heure est venue de se faire tuer plutôt que de reculer Le 5 septembre, les conditions recherchées par le généralissime sont remplies.

Il ordonne une offensive générale, disant *


que l'heure est venue d'avancer, « coûte « que coûte, et de se faire tuer plutôt que « de reculer ».

Dès le 8 septembre, l'attaque Maunoury contre la droite de l'ennemi produit son effet.

L'ennemi exécute une conversion face à l'ouest, présentant son point faible à l'armée anglaise qui passe la Marne le 9 septembre, prend de flanc l'armée allemande, aux prises, depuis le 6 septembre, avec l'armée Maunoury.

De son côté, l'armée d'Espérey passe également la rivière et repousse les forces allemandes. Elle appuie, à gauche, l'armée anglaise, à droite l'armée Foch.

C'est sur cette armée que les Allemands vont chercher la. revanche de l'échec de leur droite, du 6 au 9 au soir.

Sa gauche prend, vers La Fère-Champencise, de flanc la garde prussienne et les corps saxons.

Cette manœuvre audacieuse décide du succès.

Les Allemands se retirent précipitamment. Le 11 septembre le général Foch entre à Châlons-sur-Marne.

A droite, l'armée de Langle de Cary avance, tandis que celle du général Ruffey se redresse vers le nord, précipitant la retraite des Allemands qu'accèlèrent les opérations d'offensives des armées de Cas telnau et Dubail vers l'Est.

Nous avions repris l'avantage, nous le conservâmes depuis.

Dès le 18 septembre, la résistance alle- mande entravant notre poursuite, une nou- velle bataille commençait.

La course à la mer

L'état-major allemand garde l'esroir de tourner notre gauche. Comme nous formons celui de déborder sa droite, il en résulte une lotte de vitesse, une véritable course à la mer.

Les Allemands ont sur nous l'avantage de former un concentrique, leur front abrégeant leurs transports.

Cependant, le mouvement de leur droite


échoue. La victoire de la Marne est con~f'iijaée vers le 20 septembre.

De Castelnau forme une nouvelle armée, à gauche de celle de Maunoury. Il s'établit fortement dans la région de LassignyRoye-Péronne, appuyé, à droite, par les divisions territoriales du général Brugère.

Ce n'est pas encore assez pour atteindre notre but.

Le 30 septembre, l'armée de Maud'huy entre en ligne. Elle occupe la région ArrasLens, prolongeant vers le nord, pour donner la main aux divisions sorties de Dunkerque.

Mais en présence de l'effort ennemi, ce n'est encore là qu'un cordon de troupes trop mince, trop tendu. Sur la demande du général French, on 'décide le transport de l'armée anglaise de la région de l'Aisne à la région de la Lys.

L'armée belge, sortie d'Anvers, couverte par les marins anglais et français, vient renforcer dans la région de l'Yser la barrière qu'il faut créer et maintenir.

La bataille des Flandres Les Anglais ne pouvant entrer en action que le 20 octobre, l'armée belge, manquant de munitions, le généralissime prescrit un nouvel effort.

Le 14 octobre, il charge le général Foch d'aller coordonner les opérations des armées du Nord.

Le 18 octobre, il met à sa disposition de nouveaux renforts, lesquels s'accroissent jusqu'au 12 novembre et constituent l'armée française de Belgique, sous le commandement du général Durbar, et opèrent de concert avec les Belges et les corps anglais, entre la mer et la Lys, contre douze corps d'armée allemands, plus quatre corps de cavalerie.

Le kaiser est là. - Ses excitations sont vaines. - On ne passe pas L'empereur est présent. Ses proclamations rappellent aux troupes allemandes qu'il s'agit de frapper le coup décisif, soit passer, en longeant la mer pour atteindre


Dunkerque, Calais ou Boulogne, soit percer vers Ypres et proclamer l'annexion de la Belgique.

Pour réussir, l'état-major allemand procède, durant trois semaines, à des attaques répétées et furieuses, en masses profondes.

Dès le 12 novembre, on peut établir lfr bilan de ces assauts. C'est pour nous la victoire.

En trois semaines, nous n'avons pas cédé un pouce de terrain et nous sommes installés d'une façon inexpugnable.

120,000 Allemands paient leur défaite d'Ypres Dans la seconde quinzaine de novembre, l'action allemande est brisée. Elle se ralentit. Son artillerie même montre de moins en moins d'activité.

La bataille d'Ypres coûte 120.000 hommes à l'ennemi.

Jamais offensive plus soigneusement préparée, plus furieusement menée, ne subit un échec plus complet.

Guerre de siège sur le reste du frontPendant cette grande bataille, la guerre continue sur tout le front, prenant le caractère d'une guerre de siège, de tranchée à tranchée.

En liaison directe avec celles du Nord, les armées de Maud'huy et de Castelnau tiennent, sans aucun fléchissement, de la mi-octobre à la fin novembre, sur le front de la Lys à Noyon. Depuis la fin octobre, elles progressent continuellement entre l'Oise et l'Argonne.

Les armées Maunoury, Franchet d'Espérey et de Langle de Cary trouvent devant elles des positions très fortes.

Le 26 septembre, elles repoussent, à l'est de Reims, une attaque générale rudement conduite.

L'empereur assiste à cet échec, comme il


assista, huit jours plus tard, à celui d'Ypres.

De notre côté, à une offensive violente, nous substituâmes des opérations de moindre envergure, nous permettant souvent de gagner du terrain.

De l'Argonne aux Vosges, même situation.

Gardons une foi absolue dans la victoire

Le rapport conclut, précisant la situation de nos armées au début de décembre : Nos forces sont égales à ce qu'elles étaient au début. La qualité de nos troupes s'est améliorée infiniment.

Tous nos soldats sont profondément imbus de leur supériorité. Ils ont une foi ab- solue dans la victoire.

Le commandement, renouvelé par des sanctions nécessaires, n'a commis, durant les trois derniers mois, aucune des erreurs constatées, et frappées, en août.

L'approvisionnement en munitions d'artillerie a largement augmenté. L'artillerie lourde, qui nous manquait, a été constituée et jugée à l'œuvre.

L'armée anglaise a reçu, en décembre, de très nombreux renforts. Les divisions des Indes ont achevé leur apprentissage de la guerre européenne. L'armée belge, reconstituée, comprend dix divisions.

Les gros échecs allemands Le plan allemand a enregistré des échecs d'une haute portée. Ce sont les suivants : Attaques brusquées par Nancy Marche rapide sur Paris ; Enveloppement de notre gauche en août ; même enveloppement en novembre ; Percée de notre centre en septembre ; Attaque par la côte Dunkerque-Calais ; Attaque d'Ypres.


Leur retraite est fatale et prochaine Dans des efforts stériles, l'Allemagne a épuisé ses réserves.

Les troupes qu'elle forme aujourd'hui sont mal encadrées, mal instruites.

De plus en plus, la Russie affirme sa supériorité.

L'arrêt des armées allemandes est donc fatalement condamné à se changer en retraite.

Laissons à la presse européenne le soin de commenter et de juger l'œuvre des quatre derniers mois.

»♦«

SERVICE DES TRAINS de Nancy à Lunéville

Depuis le jeudi 3 décembre, le service des trains est assuré entre Nancy et Lunéville : Voyageurs et bagages, à la gare de Vil- 1er.

Marchandises à petite vitesse, à la gare de Chaufontaine.

Les tarifs seront appliqués de ou pour Lunéville.

Les billets seront délivrés et les bagages (30 kilos par voyageur) seront enregistrés au pont de Viller.

Un avis ultérieur indiquera la date de mise en service des deux gares de Viller et de Chaufontaine.

HORAIRE DES TRAINS

Nancy, départ. 4 h. 41 10 h. 41 16 h. 21 pt de Viller, arr. 5 h. 50 11 h. 50 17 h. 30 pt ne Viller, dép.. 7 h. 17 13 h. 17 18 h. 17 Nancy, arrivée. 8 h. 21 14 h. 21 19 h. 21


LE DEPART DE LA CLASSE 1915

Les opérations des conseils de revision pour la classe de 1915, qui se poursuivaient sur les différents points du territoire depuis le 7 octobre dernier sont terminées depuis le 1er décembre. Grâce à l'empressement mis partout par les jeunes gens à se faire inscrire, puis à se présenter, l'effectif se trouvera sensiblement égal à celui de la classe précédente.

Beaucoup des conscrits de la classe de 1915 s'étaient entraînés à la marche et à la gymnastique depuis le jour de la mobilisation. Aussi les membres des conseils de revision ont-ils eu l'agréable surprise de constater qu'au point de vue de l'aptitude physique ils ne le cédaient en rien à leurs camarades de 1914 qui, pourtant, comptaient un an de plus.

La mise en route du contingent sera, d'ailleurs, effectuée très rapidement, de façon à être terminée vers le 20 décembre.

--.l'tA n, *,«. km, +

FORMATION DE LA CLASSE 1916 'f ( Paris, 4 décembre, 14 h. 50.

BORDEAUX. — Le Journal officiel publie un décret prescrivant que les tableaux de recensement de la classe 1916 seront dressés et affichés dans chaque commune, au plus tard le troisième dimanche de décembre 1914.

Contrairement à l'habitude, il ne sera.

pas constitué de commissions de réforme, ni de commissions médicales militaires pour la revision de la classe 1916.


NOS PROGRÈS EN ALSACE

Paris, 5 décembre, 0 h. 30.

Communiqué officiel du 4 décembre, 23 heures : Sur l'ensemble du front, aucun incident notable.

Notre aile droite progresse dans la di-, rection d'Altkirch.

On rend compte que, le 2 décembre, nous avons fait 991 prisonniers dans la seule région du Nord.

*+«

Quelques oflensives de l'ennemi repoussées dans le Nord et dans l'Argoane

Bordeaux, 5 décembre, 15 h. 30.

En Belgique, canonnade intermittente, assez vive entre la voie ferrée, Ypres, Roulers et la route de Becelaere à Paschendaele, où l'infanterie ennemie a essayé, sans aucun succès, de gagner du terrain.

A Vermelles, nous continuons l'organisation des positions conquises.

De la Somme à l'Argonne, calme sûr tout le front.

En Argonne, plusieurs attaques de l'infanterie allemande ont étè repoussées par nos troupes, notamment à la corne nordouest du bois de la Grurie.

Quelques canonnades en Woëvre et en Lorraine.

,,:-;)('(>, rien à signaler.


Nous leur enlevons leurs tranchées DANS LE NORD ET EN ARGONNE

Ils s'acharnent sur Reims

Bordeaux, 5 décembre, 15 h. 46.

Au nord de la Lys, nous avons réalisé de sensibles progrès. Notre infanterie, attaquant au point du jour, a enlevé, d'un seul bond, deux lignes de tranchées ; le gain a été de 500 mètres.

En avant de Poësel, à mi-distance entre Dixmude et Ypres, nous avons pris, sur la rive droite du canal, une maison de passeur vivement disputée depuis un mois.

L'ennemi a tenté, sans succès, de nous obliger, par une attaque violentel d'artillerie lourde, à évacuer le terrain conquis.

Dans la région d'Arras et en Champagne, canonnades intermittenfes de part et d'autre.

Reims a été bombardée avec une intensité particulière. De notre côté, nous avons détruit, avec notre artillerie lourde, plusieurs ouvrages en terre.

En Argonne, la lutte est toujours très chaude. Nous avons enlevé plusieurs tranchées et repoussé toutes les contre-attaques.

En Lorraine et en Alsace, rien d'important à signaler.

Paris, 6 décembre, 0 h. 53.

Communiqué officiel du 5 décembre, 23 heures : En Belgique, même activité que la veille.

Nous avons consolidé notre situation dans le Nord. La maison du passeur a été enlevée dans la journée du 4 décembre.

Sur le reste du front, rien d'important signaler.


LA GUERRE

A LA

FRONTIÈRE DE L'EST

01

De Nancy aux Vosges-

*C

Paris, 5 décembre, 17 h. 08.

Un correspondant de l'agence Havas, qui a parcouru la Lorraine et les Vosges, raconte les opérations à la frontière de l'Est, depuis le début de la guerre.

Après Morhange et Sarrebourg Il montre comment l'offensive des armées de Castelnau, Dubail et Bonneau,.

heureuse au début, se heurte, sur le front Morhange-Sarrebourg, à une organisation défensive extrêmement puissante et à de très nombreuses colonnes ennemies.

Nos attaques échouent. Les Allemande prononcent une offensive violente, surtout sur la droite de l'armée de Castelnau, qui est obligée de reculer dans la direction de Lunéville.

Ce mouvement oblige la gauche de cette armée à se replier vers Nancy, pendant que l'armée Dubail, également inquiétée, revient sur Baccarat.

Toutefois, les deux armées conservent- leur liaison, et l'offensive allemande se brise contre la résistance de nos troupes.

La défense du Grand-Couronné L'armée de Castelnau, non seulement arrête, mais refoule des attaques répétées contre le Grand-Couronné de Nancy.


L'attaque allemande a deux objectifs :- le mont Sainte-Geneviève au nord ; le plateau d'Amance à l'est, deux positions défendues par (l'extrême gauche du 20e corps.

Au mont Sainte-Geneviève Les 21, 22 et 23 août, les Allemands bombardent ces positions, puis ils remontent, en colonnes profondes, les deux rives de la Moselle, bombardent Mousson et donnent l'assaut, inutilement.

L'ennemi est alors à quatre kilomètres des tranchées de Sainte-Geneviève. Il installe des pièces de grosse artillerie, tire deux mille obus dans les journées des 5 et 6 septembre.

Dans la soirée du 6 septembre, les Allemands débouchent au pied de Sainte-Geneviève lorsque, à cent cinquante mètres des tranchées, les batteries françaises tirent et crachent la mort dans leurs rangs.

L'ennemi surpris, oblique à gauche, sur les pentes de Sainte-Geneviève.

Le 314e régiment tient bon et force l'ennemi à abandonner la lutte, laissant un millier de morts sur le terrain.

Amance et Champenoux A l'est de Nancy, la partie est non moins décisive. Les batteries lourdes françaises garnissant les tranchées sont réduites au silence. Il faut s'en remettre aux troupes qui manœuvrent au bas du plateau.

Huit jours durant, la lutte se livre dans la forêt de Champenoux. Des renforts sont, envoyés à la 65e division, épuisée.

Nancy est sauvé Finalement, l'ennemi, fatigué, bat en retraite, le 12 septembre, Nancy est sauvé.

Il est inexact que l'empereur ait fait charger les cuirassiers blancs.


La bataille de la Chipote La gauche de l'armée du général Dubail, entraînée par la retraite de Morhange, se replia la première et fut rej ointe par sa droite.

Elle résiste trois semaines au col de la Chipote.

La division des chasseurs coloniaux remplace le 21e corps, appelé dans la Marne, et livre des combats légendaires, chassant enfin les Allemands dans les bois comme on chasse le sanglier.

Nos troupes croyaient à la victoire, quand, vers le 10 septembre, elles reçurent l'ordre d'abandonner le col. Elles ignoraient que, plus loin, dans la région de Nompatelize, le 14 e corps avait dû céder du terrain.

Le 12 septembre, le général Dubail ordonnait de reprendre l'offensive. Bénéficiant de la victoire de la Marne, nos attaques, cette fois, obligeaient les Allemands à la retraite, avec des pertes énormes.

Le résultat de tant de bravoure En résumé, les armées Dubail et de Castelnau, sans perdre un terrain appréciable, procurèrent au général Joffre le pivot pour effectuer : 1° La retraite ; 2° l'offensive.

Ces troupes ont soutenu la bataille la plus longue, la plus opiniâtre, sans connaître l'ivresse d'une victoire palpable.

Avec de telles troupes nous vaincrons Le général Dubail a déclaré au correspondant de Havas que les soldats ont fait preuve de qualités d'endurance et d'opiniâtreté que personne ne soupçonnait.

Grâce à ces qualités et à l'organisation du haut commandement, nous avons ob- tenu les premiers succès. Grâce à elles, nous vaincrons.


LA RECONSTRUCTION

DES

VILLAGES LORRAINS

Nancy, 6 décembre.

1

La victoire définitive des armées de la Triple-Entente est maintenant certaine et l'on peut escompter la rançon que devra payer l'agresseur pour la réparation des ruines qu'il a causées, notamment dans les villages lorrains.

Mais les milliers de réfugiés des campagnes ravagées ne peuvent attendre la liquidation de ces comptes pour se reconstituer un foyer et cultiver à temps le coin de terre, gagne pain de leur famille.

L'Allemand leur a tout détruit et fait subir les horreurs d'une guerre sauvage, espérant, par ces exemples de terreur, ébranler la confiance du pays dans la victoire ; nos troupes elles-mêmes ont dû bombarder ces villages pour en débusquer l'ennemi et protéger le reste du territoire.

Ces malheureux réfugiés ont donc en réalité subi des dommages d'intérêt commun, dont la charge incombe à la Nation qui, pour le moins, a l'obligation de gager les fonds d'indemnités.

Les départements éprouvés ont centralisé les évaluations de ces dégâts, mais, avant de procéder aux travaux de restau- ration, il semble utile de soumettre diverses questions à l'examen d'une Commission, groupant des compétences, des activités dévouées et désintéressées, dont la


collaboration serait précieuse pour renseigner et seconder l'action parlementaire et l'autorité supérieure ayant pouvoir de décision.

L'exemple nous est d'ailleurs montré par le groupe parlementaire des régions envahies, et récemment, à Verdun, par M. le sénateur Humbert, MM. les députés Noël et Lebrun, le dévoué président du Conseil général de Meurthe-et-Moselle, qui, réunis comme frères d'armes, en profitent pour inspirer sur place des initiatives on vue de la réalisation pratique et prompte de cette œuvre, nationale de reconstruction des villages détruits.

La question est complexe et comprend notamment : l'étude des moyens financiers permettant d'assurer au plus vite les disponibilités de fonds ou les crédits nécessaires ; la construction d'abris provisoires dans les communes, le choix judicieux des matériaux à employer, les conditions d'exécution des travaux, la réglementation des échanges ou redressements de parcelles, l'application de lois sociales relatives à la constitution du bien de famille et surtout à la santé publique, dont l'observation a été trop souvent méconnue.

Cette étude soulèvera nombre d'objections et de protestations de préjugés heurtés, d'habitudes contrariées. Il appartiendra à la presse de préparer l'opinion publique aux solutions de sage raison.

D'heureuses initiatives ont déjà réalisé partie de la restauration de villages partiellement détruits, tels que ceux d'Haraucourt et de Crévic, mais il faut une étude complète avant de procéder à la reconstitution d'un village entièrement détruit. Et ici se pose une question, toute de sentiment, mais qui a sa grande valeur pour ceux qui ont le culte de leur petite patrie.

Pendant neuf siècles, le pays de Lorraine, que le hasard des partages avait rendu presque indépendant, fut un éternel sujet de discorde entre ses voisins et périodiquement ravagé par les guerres ou les occupations militaires. Il venait de se donner à la France, quand la Convention découpa dans son territoire quatre départe-


ments français, dont une partie fut sacrifiée pour payer la rançon de notre défaite.

Apres chaque tourmente, le paysan lorrain, obstinément enraciné à son sol. rebâtit à la même place la maison familiale, trouvant bois, pierre et chaux à la châtai- gneraie, à la carrière et au four communaux, où l'on prévoyait des réserves pour les catastrophes futures. Il s'accommodait de moyens de fortune, mais respectait tou jours scrupuleusement la tradition d'orientation, de distribution et d'aménagement intérieurs de ces logis, dont l'ensemble donne un caractère bien particulier aux villages lorrains.

Maintenant que la Lorraine, dans son intégralité, va redevenir française « pour toujours » et qu'enfin le paysan lorrain pourra asseoir définitivement son foyer, il renoncera bien volontiers à de vieux errements de nature à porter atteinte au mieux-être ou à la santé des siens, mais ce serait, d'un geste brutal, lui effacer tout son passé de tradition que de supprimer l'ordonnance générale et le jeu des lignes de son village, si on lui substituait une monotone cité rurale.

M. le Préfet de Meurthe-et-Moselle, administrateur avisé et humain, sait trop l'attention qu'il faut accorder aux impondérables, pour ne point assurer le respect de ces sentiments, lors de la réédification des villages.

Il trouvera d'ailleurs, à son choix, parmi les architectes et les entrepreneurs lorrains, des hommes capables de concevoir et d'exécuter avec les moyens économiques et durables de la construction moderne, une renaissance du vieux village lorrain, emt elli, assaini.

MAURICE GRUHIER.


IMPRESSIONS DE LORRAINE

-0-

Paris, 6 décembre, 2 h. 20.

L'envoyé spécial de l'Agence Havas adresse ses impressions de voyage sur le front en Lorraine.

Visitant les hôpitaux de Nancy, les plus proches de la ligne de feu, il en rapporte la certitude, que, malgré le nombre des malades, supérieur à celui des blessés en raison du genre de guerre et des intempéries, nos troupes dans l'ensemble se portent mieux qu'en temps de paix.

Il relève le dévouement des nombreuses Françaises enrôlées pour soigner les typihi- ques, les tiévreux et les contagieux.

L'envoyé de l'Agence Havas a vu à l'hôpital de Nancy, des preuves irréfutables de la barbarie allemande, mutilant des blessés sans défense sur le champ de bataille.

Il a constaté également les progrès considérables réalisés depuis le début de la guerre dans l'organisation de notre service de santé et aussi le désir intense de nos troupes, malgré les précédentes pertes, d'aller enfin de l'avant, car elles font actuellement de l'ennemi ce qu'elles veulent.

L'envoyé de Havas a visité Gerbéviller, témoignage navrant de l'incompréhensible folie allemande de destruction, accomplie en riant.

Les Allemands fusillèrent, dans cette petite ville, 60 citoyens, violèrent et assassinèrent plusieurs femmes, et incendièrent tout après s'être enivrés de vin et d'alcool, notamment le château de Lambertye, renfermant des collections qui valaient plusieurs millions.

L'envoyé de Havas a fait, au retour, le pèlerinage de Domrémy, où un registre déposé à la porte de la maison de Jeanne d'Arc porte, de nombreuses prières à l'adresse de l'héroïne nationale, afin qu'elle boute les Allemands hors de France, le plus tôt possible.


LE DUEL D'ARTILLERIE

jt

Nos pièces lourdes veulent égaler notre 75

NOS PROGRÈS CONTINUENT EN ARGONNE

-.c

Bordeaux, 6 décembre, 15 h. 45.

En Belgique, non loin de la maison du passeur, dont la prise a été signalée hierr notre artillerie lourde a écrasé un fortin allemand. L'ennemi a vainement tenté de nous reprendre Weindreft. Sur le reste du front nord, calme absolu.

Il en a été de même dans la région de l'Aisne.

En Champagne, notre artillerie lourde, très active, a contrebattu avec succès les batteries de l'adversaire.

Dans l'Argonne, la guerre de sape se poursuit. Nous continuons à progresser lentement, repoussant toutes les attaques de l'ennemi.

Nous avons aussi progressé légèrement dans la région sud-est de Varennes ; l'artillerie allemande y a été réduite au silence.

Suc le reste du front, aucun fait notable à signaler.


LES

TAUBES DANS LA MEUSE

Bar-le-Duc, 6 décembre.

Un taube abattu Un Taube, qui venait de survoler Barle-Duc et avait dû rebrousser chemin vers l'Argonne, sous - les feux de salves, a été abattu par un obus de 75, près de Chau- mont-sur-Aire.

Appareil et aviateurs furent retrouvés carbonises. Les aviateurs allemands montant ce Taube étaient au nombre de trois.

Un autre survole Commercy Vendredi après-midi, un Taube a laissé tomber quatre bombes sur Commercy.

Trois sont tombées sur la voie ferrie sans faire beaucoup de mal, la quatrième s 'est perdue dans la rivière.


A REVIGNY

Pillage, Incendie, Atrocités

M. Jules Gaxotte, notaire, maire de Revigny, qui habitait rue de Vitry, dans la maison de M. Ficatier, grand-père de M.

Poincaré, aujourd'hui détruite par le feu, a fait le récit suivant à un envoyé spécial .du « Petit Parisien » : « Le 6 septembre, à 2 heures de l'aprèsmidi, les Allemands envahirent Revigny.

Le général von Eithel, commandant la 3e brigade de cavalerie, et son état-major s'installèrent dans une confortable maison.

chez M. Simaire, à l'extrémité ouest de la ville. Trois heures plus tard, le kronprinz arriva avec une suite nombreuse. Il mit pied à terre, visita la propriété et, ne la trouvant sans doute pas assez sûre pour sa précieuse personne, n y séjourna qu'une demi-heure. Dans ce laps de temps, il alla à la garde-robe, en se faisant garder par quatre de ses aides de camp en armes. On le vit remonter à cheval et s'éloigner au grand trot vers un château des environs.

Cependant un cordon de sentinelles avait été établi en avant de Revigny, dans la direction du sud. Toutes les troupes bivouaquèrent autour de la ville.

A la tombée de la nuit, entre chien et loup, à l'heure propice pour les mauvais coups, les soldats se livrèrent à un pillage en règle. Quand ce fut fini, les torches incendiaires furent allumées. Une partie de Revigny fut la proie des flammes. Toute la nuit, l'incendie projeta au loin ses lueurs sinistres.

Au matin, des coups de feu éclatèrent.


L'artillerie française, établie sur la voie romaine, près de Wassincourt, attaquait.

Le combat dura toute la journée, sans résultat décisif de part et d'autre. A 8 heures et demie du soir, comme la veille, le feu fut mis aux maisons par les Allemands.

Quand le jour se leva, on put contempler la besogne accomplie. L'hôtel de ville, un gracieux édifice Louis XIII ; l'église, un monument historique classé ; les deux études de notaire, les bureaux de l'enregistrement, un grand nombre d'habitations particulières — entre autres celle de M. Maginot — étaient anéanties. Toutes les archives municipales et les minutes d'actes notariés étaient consumées.

La destruction par le feu avait été orga-

nisée méthodiquement. Des autos avaient amené des fûts de pétrole et des sachets inflammables. En service commandé, des soldats disposèrent les matières le long des maisons, en s'appliquant à faire de l'ouvrage régulier. A un signal, des grenades furent lancées sur les foyers préparés. Une gerbe de feu monta vers le ciel.

Les maisons étaient, d'ailleurs, complètement mises à sec. Les caves avaient été vidées, des mobiliers précieux, des pianos, chargés sur des camions et envoyés en Allemagne.

Entre temps, les Allemands avaient pris des otages parmi les soixante habitants demeurés à Revigny. Trois d'entre eux ont été emmenés au loin et on ignore absolument le sort qui leur a été réservé. Ce sont M. Thomas, ancien employé de chemin de fer retraité, chef de district ; M. Grenier, ,' manouvrier, et M. Jacquemart, ferblantier. C'étaient des hommes d'environ 60 ans qui ne se livrèrent à aucun acte d'hostilité envers les envahisseurs.

Cependant, tous les habitants avaient été fouillés et dépouillés de leurs montres, de leurs bijoux et de leur argent par des soldats. Les actes de brigandage étaient accomplis sous l'œil indifférent des officiers.

La journée du 8 fut relativement calme.

Le lendemain, un aviateur français ayant repéré le quartier général, lança plusieurs bombes sur la maison. Onze Allemands fu-


rent tués, dix blessés et 35 chevaux furent mis en pièces. Les canons et les mitrailleuses firent rage contre le hardi pilote. Ce fut en vain. Il regagna nos lignes sain et sauf.

La grande bataille qui se livra le 10, entre Wassincourt et Magnéville', et tourna à notre avantage, sema la panique chez les Allemands. Le 11, au petit jour, ils s'enfuirent en toute hâte. Les Français apparurent bientôt. Revigny était délivrée.

Hélas ! avant de disparaître, les Barbares trouvèrent le temps de commettre une atrocité. Un garçon de quinze ans, le jeune Perrotin, accusé d'avoir communiqué avec les Français, fut mis contre un mur et fusillé sous les yeux de sa mère et de sa sœur. Enfin, plusieurs cadavres d'habitants furent trouvés dans les chambres la tête fracassée.

CIRCULAIRE

RELATIVE

au Retrait des Allocations ou Majorations dans certains cas d'indignité

Les femmes nécessiteuses dont le soutien de famille est sous les drapeaux et qui, pour cette raison, reçoivent l'assistance de la Nation ont droit à notre respect et à notre fraternité.

C'est encore un moyen de leur témoigner ce respect que d'écarter de leurs rangs quelques femmes sans dignité, qui risqueraient de jeter sur les autres une déconsidération regrettable.


J'ai pris, en conséquence, les deux décisions suivantes : 1° Toute femme dont la conduite sera scandaleuse, notamment toute femme dont on aura constaté l'état d'ivresse, sera con- sidérée comme n'ayant pas besoin, pour vivre, des secours de la Nation, et indépendamment bien entendu de poursuites judiciaires éventuelles, toute allocation devra lui être immédiatement supprimée (il sera pourvu, s'il y a lieu, aux besoins des enfants par des secours en nature qui leur seront remis directement) ; 2° Nos populations lorraines regardent avec raison comme un malheur public que, dans une commune, l'école ait été incendiée ou détruite, et qu'ainsi les enfants soient contraints de rester dans la rue. Bien coupables sont les mères qui, dans les communes plus heureuses où l'école est ouverte, négligent d'y envoyer leurs enfants.

Dans tous les cas de ce genre, si l'enfant ne va pas à l'école, sans que son absence soit justifiée par quelque raison sérieuse, il sera considéré comme n'étant pas à la charge de la mère ; il sera admis sans qu'il soit besoin d'autre enquête que, par quelque moyen illicite, la mère tire parti de son travail ; et par suite sera supprimée immédiatement à la mère la maj oration de 0 fr. 50 par jour qui lui avait été accordée, au nom de l'enfant.

Je compte sur MM. les maires et MM.

les instituteurs et institutrices pour m'aider à appliquer cette double disposition, et par avance je les remercie de leur concours.

L. MIRMAN Nancy, le 6 décembre 1914.

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NOTES DE CAMPAGNE

x., 6 décembre. - Eh ! bien, nous X., fêté, hier soir, la Saint-Nicolas au avons retour des tranchées. Nous avons, en effet, deux Nicolas à l'escouade. L'un est un rude mineur de Chaligny, l'autre un bon propriétaire de Sornéville. Ils offrirent royalement du vin dans les bidons.

Une lampe de faible puissance éclairait la vieille cuisine lorraine, à l'âtre immense, où nous étions rassemblés. Notre hôte, M. M., avait bien voulu se joindre à nous.

Et c'était une scène de « clair obscur » qui aurait ravi un Rembrandt.

Puis l'on chanta. C'est dans les chansons que passe l'âme de la race. Leur forme est loin d'être impeccable, mais que de sentiments français elles expriment ! Elles évcquent la grande épopée, qu'égalera peut-être celle que vivent nos camarades, le rire de Kléber, le sourire de Marceau.

Et le Parisien nous dit des choses sentimentales qu'en temps ordinaire on dédaignerait volontiers. Mais maintenant elles rappellent tant de choses absentes !

Et, dans notre écurie, nous nous couchâmes assez tard ce soir-là. Mon voisin le cheval « Mousse », avait, dans la pénombre, un vague aspect de bourrique épisico- pale.

* ** Un « Avis mortuaire » paru dans l' « Est » annonce le décès d'un adjudant du 169e, inhumé au cimetière militaire de Montauville. Je suis passé, il y a quelques semaines, devant ce cimetière, et un képi d'adjudant avait été placé sur l'une des tombes merveilleusement décorées. Le cimetière militaire de Montauville se trouve sur la grande route non loin de Maidières, et la pensée émue de tous les soldats qui pas-


sent sur cette route de bataille va vers les pauvres morts.

De plus en plus nous avons foi d'ailleurs en la victoire. Le haut commandement a su faire de nos camps retranchés d'incomparables forteresses.

Nous travaillons le dimanche comme les jours ordinaires et nous avons passé ce 6 décembre à porter de lourdes claies. Nous étions chargés comme le père Fouettard lui-même, mais de drôles de jouets.

Jamais nous n'avons mieux compris que, par cet hiver, tout ce que comportent les noms : travail, devoir et abnégation.

PIERRE LEONY.

CORRESPONDANCE AVEC L'ALSACE

-!

L'Administration des postes veut bien nous communiquer les listes des localités occupées en Alsace (à compléter ultérieurement) et avec lesquelles la correspondance postale est dès maintenant acceptée : Wildenstein, Kruth, Oderen, Felleringen, Urbeis, Storkensohn, Mollau, Huesseren, Wesserling, Mitzach, Ranspach, SaintAmarin, Malmerspach, Moosch, Geishausen, Altenbach, Goldbrech, Weiller, Bitschweiler, Thann, Vieux-Thann, Alt.Thann.

Affranchissement : service intérieur français, 0 fr. 10.

1.'


NOTRE OFFENSIVE HEUREUSE s'accentue

SUR LES BORDS DE L'YSER

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Paris, 7 décembre, 15 h. 18.

Dans la région de l'Yser, nous continuons à attaquer les quelques tranchées que l'ennemi a conservées sur la rive gauche du canal.

Dans la région d'Armentières et d'Arras, comme dans celles de l'Oise et de l'Aisne: et , en Argonne, rien à signaler, sinon, d'une façon générale, la supériorité de notre offensive.

En Champagne, notre artillerie lourde a pris, à diverses reprises, "rai avantage très marqué sur l'artillerie ennemie.

Rien de nouveau sur le front Est, où les positions des jours précédents ont été maintenues.

Paris, 8 décembre, 0 h. 43.

Voici le communiqué officiel du 7 décembre, 23 heures : En Belgique, les Allemands ont bombardé Œstdunkerque, à quatre kilomètres à l'ouest de Nieuport.

Entre Béthune et Lens, nous avons fini par enlever le village de Vermelles et la position du Rutoire, à l'est de laquelle nous bordons la voie ferrée.

Avance assez sensible de nos troupes dans la région de Rouvroye, Parvillers, Le Quesnoy-en-Santerre.

Rien d'autre à signaler.


DANS LA WOËVRE

Le concert interrompu Sous ce titre, notre confrère André Tudesq, qui visite en ce moment l'Argonne et la Woëvre, raconte un bien amusant et.

bien pittoresque épisode. La scène se passe à Woel, dans la Woëvre, près des étangs de la Grande-Parrois, où le commandant allemand von Strand a eu l'idée de faire donner un concert, chaque jeudi après midi.

« Le quatrième jeudi arriva, raconte M. Tudesq : il est récent, 26 novembre. Si, par aventure, il vous avait été donné, cette nuit-là, de cheminer aux approches de Ria- ville, à neuf kilomètres de Woel, vous auriez pu noter un grand mouvement d'hommes et de batteries.

On alignait, gueule au ciel, sous des abris de branches, 75 et rimailhos. Le commandant en chef était là. Le colonel Dandelot, un de nos plus jeunes grands maîtres de l'artillerie, tint lui même à mettre les hausses. Les artilleurs riaient, d'un rire secret, plein de malice. En vérité, une bonne farce s'apprêtait.

A trois heures, sur la place de Woel, selon les habitudes presque rituelles, lesvingt musiciens pénétrèrent au pas de parade. De sa blanche limousine sort l'Ex- cellence de haute graisse. Dans un fauteuil de velours rouge, elle cale ses fortes assises. Les hobereaux se rangent en demicercle. Et.

Et. comme le chef d'orchestre frappe sur son pupitre les trois coups de l'ouverture, voici qu'un premier obus tombe, un, second, puis d'autres encore. Le piston devait commencer : héroïque, il tente sa première note : un « couac » affreux s'évade de son cuivre. L'alto vient à la rescousse : on dirait une basse-cour en délire.

Les obus pleuvent. Les partitions volenet


au vent. Musiciens et hobereaux tombent ou fuient. La limousine est éventrée : on, doit hisser Son Excellence sur un convoi.

d'ambulance qui prend à toute allure la route de Chambley.

Vingt et un coups de canon ont été tirés ;- vingt et un exactement, le nombre réglementaire du salut aux grands chefs.

« Politesse pour politesse ! a déclaré le général commandant en chef qui présidait à ce nouveau concert (et de qui je tiens l'anecdote). nous voilà quittes. »

Les tranchées de Woel étaient à douze- cents mètres. »

Ils seraient à court de munitions Voici deux jours, lors d'une rencontre qui tourna à notre avantage, à Maizeray, nous avons pris deux mitrailleuses. Elles portaient sur leur affût ce cartouche démonstratif : « Festung Kaiserin » (fort de l'Impératrice), lequel est un des plus importants de la première enceinte de Metz.

Or, au dire des artilleurs, les mitrailleuses, dans un fort, sont des pièces qu'on ne risque qu'à la dernière extrémité.

Une autre preuve. Les Allemands bombardent ce lundi le petit village de Doncourt-aux-Templiers. Selon leur importance stratégique ou leur population, on sait, pour parler un langage américain, ce que « valent » tel ou tel bourg. Celui-ci, à coup sûr, valait cinquante obus. Aux premiers jours de guerre, les Allemands n'auraient pas manqué de s'en tenir à ce chiffre. Lors de l'attaque, dix marmites de 2F sont tombées sur Doncourt ; quatre n'ont pas éclaté. Les services de l'armée ont étudié avec soin l'état de ces projectiles. Deux déductions s'imposent : l'ennemi se fait économe, ses munitions, hâtivement faites,.

sont d'une qualité médiocre.

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L'APPEL DU CONTINGENT de la classe 1915

Le ministère de la guerre vient de publier l'arrêté relatif à la répartition entre les corps de troupe du contingent de la classe 1915 et des ajournés des classes 1913 et 1914.

Le total des appelés est de 220.000, dont 210.340 sont affectés à l'infanterie. L'artillerie ne reçoit que des ouvriers, principalement des bourreliers et des maréchaux-ferrants (2.500 en tout, à raison de 30 en moyenne par régiment). Le génie reçoit 4.000 hommes : colombophiles, employés des chemins de fer et des postes, électriciens, mariniers. Les troupes d'aéronautique, 500 hommes. Aucune affectation ne sera faite dans la cavalerie.

On voit donc que la presque totalité du contingent est affectée à l'infanterie. Chaque régiment reçoit 1.010 hommes ; chaque bataillon de chasseurs, 600; chaque groupe cycliste, 100.

Les jeunes soldats seront mis en route au dates ci-après : Le 15 décembre, ceux des l re, 4e, 11e et 14e régions ; le 16, ceux des 2e, 7e, 13e et 18e régions ; le 17, ceux des 6e, 9e, 12e et 15e régions ; le 18, ceux des 3e, 10e, 16e et 20e régions ; le 19, ceux des 5e, 8e, 17e, 21e régions et du gouvernement militaire de Paris.


LA LORRAINE A PARIS

A Longuyon et à Metz

Paris, 8 décembre.

Les Lorrains à Paris, nous les rencon trons surtout sous la forme de réfugiés.

Leur conversation est parfois d'un terrible intérêt. Voici par exemple une dame de Longuyon qui nous parle des souffrances de sa ville natale. Nous donnons son récit sans l'arranger, dans le désordre des phrases hachées, trouvant plus tragique encore ce pêle-mêle de renseignements qui tombent comme des pelletées de terre sur un cercueil.

« M. et Mme Jolas étaient à l'ambulance (maison Parence) ; M. Delorme, le pharmacien de la Grand'Rue, et sa femme ont été trouvés morts dans leur cave ; M.

le curé Braux et M. l'abbé Persyn, vicaire, accusés d'avoir transmis des dépêches aux Français, ont été jugés sommairement et fusillés fin août, du côté de Beaulieu ; c'est un jeune Italien, Libera Jeannot, qui a dû les enterrer sur place — sans cercueil. Il y eut 44 civils fusillés, plus 21 jeunes gens de 15 à 17 ans. Mme Pellerin (côte de Froidcul) a été fusillée ; Mme Meyer, du même pays, est devenue folle. Ayant vu des bras et des jambes amputés à l'ambulance, elle s'empara d'un bras, le pressa sur sa poitrine et courut se jeter à la rivière où elle se noya. La petite MarieLouise Causier, de 12 ans, fut collée au mur, avec sa tante, Mme Biguet, et on les mit en joue, sans les exécuter cependant.


Elles furent enfermées dans une cave, avec M. Elysée Michel, qui avait courageuse- ment offert sa vie pour racheter la leur.

L'ancien pensionnat des Frères fut le théâ- tre d'orgies et d'atrocités. La fille de M.

Florentin (quartier de la Côte) fut fusillée; la maison Naudin pillée. Les dames Marie furent également conduites à la fontaine où elles devaient être fusillées aveec M.

Tainel. Une attaque des Français les sauva. La ville a été incendiée le 24 août et les murs branlants abattus. Mme Vernier,.

dont la maison était en flammes, se sauva chez Mme Mafféi ; un soldat braqua son fusil sur elle et l'aurait tuée sans l'intervention de Mme Mafféi, qui vit elle-même sa maison flamber quelques heures plus tard. L'étude de Me Julliac, notaire, a été pillée, mais sa maison est restée debout, la seule dans cette rue, avec celle de M.

Morin père. Les quartiers de Froidcul et la Gaillette sont détruits. Les maisons de MM. Bedel, percepteur, Jenyen, Fordoxel furent pillées ; Mme Musquin, rentière rue Carnot, avait caché 30.000 francs de valeurs, la cachette fut découverte et les titres volés. M. Valentin, les deux messieurs Martinet, M. Delcourt Emile, M. Bosseler, le fils Pierson (quartier de la Gaillette) ont été fusillés. M. Rollin (quartier des Frères) a été obligé d'enterrer lui-même son fils, fusillé. M. Valentin a été enterré dans le jardin Mauchamp. M. Emile Chollet et sa femme, avec la famille Schmitt, ont été enfermés dans leur cave pour y être brûlés, mais ils ont pu s'échapper par une porte de derrière. M. Feuillade est maire ; MM. Naudin et Veydert sont adjoints.

Mme Pourel, mère, a été trouvée morte dans son jardin et enterrée sur place. »

Voici, d'autre part, des nouvelles concernant Metz : Dès le début de la guerre, les Messeins à.

tendances françaises étaient depuis longtemps notés par la police ; ils furent expédiés au fin-fond de la Prusse ou emprisonnés à Erenbreistein, — cependant quelques Français étaient restés. On vient de les évacuer et ils ont regagné la France par


la Suisse. L'un d'eux, qui a quitté Metz le 30 novembre, nous dit que leur personne ne fut pas molestée pendant leur séjour dans la place, mais qu'on les injuriait fréquemment et qu'il leur était interdit de parler français. Ils devaient se présenter à un bureau spécial deux fois par jour et dans le besoin de justifier cette mesure rigoureuse, on leur affirmait qu'en Angleterre, en Russie et en France, les Allemands étaient obligés de se présenter toutes les deux heures — on agrémentait cette visite de toutes les fausses nouvelles sorties de l'imagination déréglée de l'agence Wolff. Pour le voyage, les évacués durent se munir de passeports avec photographie, qui furent repris à la frontière, à Siguen.

Le passage en Suisse fut excellent et l'accueii fut des plus cordiaux ; le transport et la nourriture étaient accordés gratuitement.

On entendait beaucoup le canon dans les derniers jours.

Enfin, il résulte de renseignements récents concernant Longwy que l'existence y est devenue à peu près tolérable, à la condition de se mettre, comme disaient les Grecs, un bœuf sur la langue. Les Longoviciens préféreraient se le mettre d'une façon plus comestible. Cependant la population trouve à s'alimenter, à un marché quotidien, et à des prix raisonnables.

Gustave VERNON.--

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LA BATAILLE

DE

LOISY & SAINTE-GENEVIÈVE

Franc-Mohain, de l' « Echo de Paris » : « Pendant les journées du 5 septembre et du 6, et se prolongeant toute la nuit, une canonnade ininterrompue avait « arrosé » de plus de deux mille obus les alentcurs du cimetière de Loisy et les pentes de Sainte-Geneviève.

Le 6, vers la fin du jour, les premières troupes allemandes commencèrent à déboucher du bois de Facq ; elles marchaient fifres en tête ; pour leur donner du courage, la plupart des soldats avaient été enivrés : tous leurs bidons, que l'on ramassa, avaient été remplis d'eau-de-vie.

Ce fut un rude combat, combat de nuit, combat confus.

Les Bavarois s'avançaient bravement ; les cadavres de nombre d'entre eux furent retrouvés parmi l'enchevêtrement des travaux de défense ; ils serraient encore dans leurs mains les cisailles pour couper les fils de fer.

D'autres, il est vrai, étaient tombés, frappés d'une balle à la nuque : le revolver de leurs officiers n'avait-il pas dû arrêter les fuyards ?

Une nuit d'enfer : ces champs à flanc de coteau, où nous voyons paître maintenant quelques vaches pacifiques, sont encore labourés d'obus.

Ce que purent être la fougue, la vaillance entêtée de nos troupes contre les assauts sans cesse renouvelés des troupes allemandes, ces tombes le prouvent.

A un moment, l'une des batteries qui dé-


fendaient Sainte-Geneviève dut cesser le feu, ayant épuisé toutes ses munitions.

Alors tous les servants et leurs officiers coururent au village, auprès du commandant de Montlebert, pour lui réclamer des fusils, des baïonnettes ; et ils repartirent à la défense des tranchées, avec l'infanterie.

Cependant, de la rive gauche de la Moselle les batteries françaises, qui devaient soutenir notre défense, ont été délogées et remplacées par des batteries allemandes.

La position que nous occupons à SainteGeneviève se trouve prise entre les deux feux de ces nouvelles batteries ennemies, et de celles qui sont installées déjà sur les hauteurs de Mousson.

On téléphone au commandant de Montlebert l'ordre de se replier sur sa ligne de retraite : le commandant n'entend pas ; une heure se passe, — sous la mitraille ; on téléphone encore, le commandant ne veut toujours rien entendre.

Il déclare enfin qu'il ne se retirera que sur un ordre écrit ; un officier le lui apporte ; au même instant, un obus fait s'effondrer la petite maison où le commandant de Montlebert se tenait, et il roule à terre, lui et tous ceux qui l'en- tourent.

Il se relève, à peine blessé ; mais je crois bien que, dans son cœur, à cette minute, il regrette de n'avoir pas été tué sur le coup, plutôt que d'être contraint, mainte- nant, à faire sonner la retraite.

Retraite de quelques heures : l'ennemi, trompé sur l'importance des forces qu'on lui opposait, par la furieuse énergie de la résistance, démoralisé par les pertes considérables qui lui avaient été infligées, se repliait en même temps, et, lui, pour de bon.

Le 7 au soir deux compagnies d'infanterie française réoccupaient Sainte-Geneviève : et les Allemands ne se sont plus risqués à s'en approcher. »

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RENOUVEAU IDfAcrnvRTIÊ

Nous continuons à progresser

Bordeaux, 8 décembre, 16 h. 10.

Pendant la journée du 7, l'ennemi s'est montré plus actif que la veille, dans la région de l'Yser et aux environs d'Ypres.

Notre artillerie a riposté avec succès.

Dans la région d'Arras, une très brillante attaque nous a, comme nous l'avons annoncé, rendus maîtres de Vermelles et du Rutoir.

Vermelles était depuis près de deux mois le théâtre d'une lutte acharnée. L'ennemi y avait pris pied le 16 octobre et, du 21 au 25 octobre, il avait réussi à nous rejeter hors de cette localité. Depuis le 25 octobre, des opérations de sape et de mine nous avaient ramenés pied à pied jusqu'aux lisières et le 1er décembre, nous avions enlevé le parc et le château.

Dans la région de l'Aisne et en Champagne, quelques combats d'artillerie. Notre artillerie lourde a dispersé plusieurs rassemblements ennemis.

En Argonne (bois de la Grurie) et au nord-ouest de Pont-à-Mousson (bois Le Prêtre) nous avons gagné un peu de terrain.

Sur le reste du front, rien à signaler.

Paris, 8 décembre, 23 heures.

En Belgique, une violente attaque allemande sur Saint-Eloi, au sud d'Ypres, a été repoussée.

La lutte est toujours très vive dans les forêts et à l'est de l'Argonne.

Aucun autre incident notable.


AUTOUR DE MONTMÉDY

Du « Bulletin meusien » : Un officier aviateur de Verdun, qui a survolé ~Montmédy rapporte que la ville a peu souffert et qu'on n'y voit pas trace de dégâts.

Une famille de cette ville a pu, par une lettre datée du milieu d'octobre et passée par la Suisse, faire savoir que la ville était calme et ses habitants pas trop malheureux.

On annonce d'autre part qu'un certain nombre d'habitants de tout âge et des deux sexes ont été emmenés en captivité en Allemagne, sans motif, contrairement au droit des gens ; une lettre de l'un d'eux, M. Bautquin, maire de Réville, âgé de 72 ans. datée de son lieu d'internement, confirme le fait.

A Damvillers, les Allemands ont installé dans la maison de M. Goujon, pharmacien, uno imprimerie, et ont mis les horloges à l'heure allemande.

Un sous-officier de l'armée de Verdun qui a effectué des reconnaissances dans le canton de Spincourt, nous a informé que les villages de la région, Billy, Muzeray, Mangiennes, ne paraissent pas avoir trop souffert et qu'on aperçoit au loin les toits rouges des maisons, ce qui fait supposer que la plupart des habitations sont encore debout et pas trop dégradées.

On nous communique la carte suivante adressée par une Damvilloise, réfugiée à Verdun, à un de nos amis : « Voici ce que j'ai pu savoir de Damvillers : 45 hommes prisonniers : Lefèvre, juge de paix ; Lehuraux, le curé-doyen, Rouyer, Renel, Barnier, Haumont, Prudhomme, Ygrec, Jules Dutertre, Toussaint, Trouslard, Périn Génin, Pillot Charles, etc., ils sont tous ensemble, les femmes et enfants d'Azannes et


Flabas sur les frontières de l'Autriche, en Bavière. »

Une autre personne de Romagne-sous-lesCôtes écrit : « Romagne a été bombardée par des pièces de marine française ; 80 per-

sonnes ont été prises à Ornes, 18 à Maucourt et enfermées dans l'église de Romagne ou de Mangiennes. Mes parents d'Azannes sont pris aussi.

« Louis Gaude a reçu une lettre de sa femme, prisonnière en Saxe ou en Bavière; avec sa mère, sa belle-mère, ses deux enfants, Mme Poupard (fresquaine), Justine Gilles, sa mère et M. Henrion.

« Les Français ont tiré plus de 600 obus sur Romagne, où les Allemands ont cons- truit un fort, ainsi qu'un Decauville de Romagne à Spincourt ». (20 novembre.) Les Allemands occupent Grémilly, près Damvillers, et y auraient fusillé Alexandre Massard, Jean-Baptiste Collignon, Joseph Cochenet, René Antoine, Gillet (sabotier) et d'autres, ils auraient emmené en captivité en Allemagne 70 habitants du pays, dont Léon Jacquart, de Grémilly, et un boulanger d'Ormes, Léon Lajouc.

A Dannevoux, dont presque toute la population s'était sauvée, les Barbares ont saisi les 30 habitants restés ; ils ont fusillé les 10 premiers et emmené comme otages les 20 autres.

Quant au village, qui avait déjà souffert du bombardement, ils l'ont complètement détruit par l'incendie méthodique.

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i


CE QUE LES ALLEMANDS occupent encore en France

Pour se rendre compte des progrès réalisés par nos troupes, il convient de se reporter au début de septembre avant la bataille de la Marne.

A cette époque, les Allemands occupaient une partie du pays, dans la proportion suivante : Nord, 80 de sa superficie ; Pas-de-Ca- lais, 35 ; Somme, 50 ; Oise, 55 ; Seine-et-Marne, 20 ; Aisne, 100 ; Marne, 90 ; Aube, 7 ; Ardennes, 100 ; Meuse, 55 ; Meurthe-et-Moselle, 70 ; Vosges, 20

Aujourd'hui, les Allemands occupent : Nord, 60 ; Pas-de-Calais, 30 ; Somme, 16 ; Oise, 8 ; Aisne, 55 ; Marne, 12 ; Ardennes, 100 ; Meuse, 30 ; Meurthe-et-Moselle. 25 ; Vosges, 2

En Seine-et-Marne et dans l'Aube, il n'y a plus d'Allemands.

En deux mois, nos troupes ont libéré la moitié du territoire. C'était à souligner.

)

»♦'


A PONT-A-MOUSSON

Nancy, 8 décembre.

M. le préfet de Meurthe-et-Moselle s'est rendu hier à Pont-à-Mousson. Dans la salle de la Mairie, il a salué les membres du Conseil des notables, leur a dit avec quelle ardente sympathie la population de Nancy et de toute la partie non occupée du département suivait les épreuves des habitants de Pont-à-Mousson et quelle admiration elle ressentait pour leur vaillance.

Plus de trente bombardements successifs, commençant en général de façon inopinée, tantôt le jour, tantôt la nuit, tous contraires aux lois de la guerre, sont une dure épreuve pour les nerfs d'une population qui a dû, entre temps, subir la charge matérielle et morale de l'occupation ennemie, et les habitants de Pont-à-Mousson l'ont supportée et la supportent encore avec une superbe crânerie.

M. L. Mirman a félicité le Conseil des notables et de son esprit d'initiative grâce auquel le ravitaillement était depuis un temps notable déjà assuré de façon normale, et de son esprit de solidarité qui s'est notamment manifesté dans l'organisation des soupes populaires.

Les Allemands envoyant en ce moment, pour ne pas en perdre l'habitude, quelques shrapnells sur la rive droite, M. le Préfet, accompagné de divers membres du Conseil s'est rendu dans cette partie de la ville et a visité les grandes caves où femmes et enfants ont dû chercher refuge ; il a constaté avec autant d'émotion que de fierté que nulle part et dans aucune âme ne régnaient l'abattement et la lassitude ; il a promis à tous de revenir très prochainement les voir ; il a annoncé aux enfants, dont les yeux du coup se sont écarquillés, que, des Etats-Unis, un navire était arrivé à Marseille chargé de jouets pour les en-


fants des régions victimes de la guerre, que de Marseille étaient parties les caisses destinées aux enfants de Meurthe-et-Mo- selle et qu'il considérait que les petits Mussipontains avaient été si longtemps sous la botte et sous les bombes allemandes, avaient un droit privilégié sur ces cadeaux des petits frères et sœurs d'Amérique, et qu'il viendrait lui-même leur en faire la distribution.

SUR LE RÉSEAU DE L'EST

Une certaine activité a commencé sur la partie du réseau de l'Est non envahie par l'ennemi. Cette compagnie, qui avait la plus grande partie de son matériel garé sur le réseau P.-L.-M., se fait expédier chaque jour une grande quantité de wa- gons de marchandises pour lui permettre le trafic commercial.

1.1


LES

ALPINS DANS LES VOSGES

Un de nos confrères qui vient de visiter les champs de bataille des Vosges, nous retrace en ces termes l'héroïaue défense du col de Mandray, par le 13e et le 22e chasseurs alpins, appuyés par deux régiments de cavalerie, faisant du combat à pied : i « Les Alpins avaient poussé une pointe sensible en Haute-Alsace, occupé les crêtes des Vosges, tenu le col du Bonhomme sans subir trop de pertes. Mais bientôt pour eux sonna l'heure de la plus sanglante des épreuves, en même temps que de la plus impérissable gloire. Ils reçurent l'ordre d'aller défendre le col du Mandray, entre Saulcy-sur-Meurthe et Fraize.

Ils partirent pour la bataille en chantant la Marseillaise !

Avec leurs mulets, leurs batteries de montagne, leurs mitrailleuses, ils s'installèrent au Mandray, qu'ils mirent rapidement en état de résistance.

Ce fut une défense épique, une page belle et sanglante à écrire au Livre d'or de l'armée française. Sous le feu de leurs canons, sous celui de leurs mitrailleuses, sous leurs fusillades, cinq jours durant, à eux seuls — 1.700 hommes ! — ils arrêtèrent trois brigades allemandes, plus une brigade d'artillerie envoyée pour appuyer les premières.

Le soir du cinquième jour, fous de colère, n'ayant pas dormi une heure sur cent vingt, ils trouvèrent encore la force de charger à la baïonnette et de mettre en fuite un régiment de tirailleurs poméraniens qui s'avançait, soutenu par un terrible feu d'artillerie, pour forcer le passage.


C'est une chose folle, incroyable que cette défense du col de Mandray, et c'est une chose admirable.

— Sur dix-sept cents hommes, me disait l'un de leurs officiers, nous en avions perdu près d'un millier. Le commandant Verlet-Hanus avait été tué, vingt officiers avaient, à ses côtés, trouvé la mort. Une de nos compagnies, qui avait évacué Sauzy par ordre formel, était réduite à cinquante hommes, sous-officiers et gradés, un officier blessé et deux officiers mourants.

Nous nous retirâmes en rendant les honneurs à nos morts !

Et nos « diables noirs » les avaient si bien étrillés que les Allemands renoncèrent à la poursuite.

Nous autres, officiers alpins, nous vivons avec nos hommes d'un bout de l'année à l'autre. Nous partageons les mêmes dangers, nous traversons les mêmes épreuves.

La montagne nous fait solidaires les uns des autres ; la guerre a fait de nous des frères.

Au soir de cette retraite, nous essayions de ranimer la confiance de nos hommes et nous y parvenions presque à force de nous raidir. — Mais quand nous nous retrouvâmes entre nous, à la popote, à l'abri, sauvés, nous nous entre-regardâmes et nous nous jetâmes, étreints par la douleur et l'angoisse, dans les bras les uns des autres. — Nous pleurions, comme des enfants, ceux que nous avions laissés làbas, sur les pentes de Mandray. Ah ! mes chasseurs, mes pauvres chasseurs !

Et l'héroïque officier — il a été plusieurs fois cité à l'ordre du jour — laisse rouler, sans chercher à les dissimuler, deux grosses larmes sur ses joues amaigries et hâ- lées. Belles larmes, nobles larmes, que celles-là ! et le plus splendide des hommages qui vous aient été rendus, ô chasseurs alpins du 13e et du 22e, tombés au - col du Mandray, en défendant le sol de la Patrie souillé par les barbares ! »


A SAINT-BENOIT (Vosges)

Un envoyé spécial du Times, qui a visité les champs de bataille de Lorraine et des Vosges, écrit à propos de Saint-Benoît : « Quand nous quittâmes Epinal, de sept heures du matin, il avait gelé dur et le froid était très vif, bien que le soleil resplendit dans le ciel pur, faisant briller lessommets neigeux des Vosges. Nous allâmes jusqu'à Rambervillers, qui fut légèrement bombardée avant le départ de l'ennemi et où tout est maintenant tranquille et normal. Tournant légèrement au nord-est vers la frontière, nous atteignîmes le petit village de Saint-Benoît, à moitié chemin de Raon-l'Etape. Il a été brûlé par les Al- lemands- De l'église, il ne reste que les quatre murs. L'ennemi avait installé ses mitrailleuses dans la tour qui commande la grand'route. Un corps français, qui marchait sur cette route pour entourer le village souffrit du feu de ces mitrailleuses sans pouvoir deviner d'où il était dirigé.

Un second détachement fut plus heureux et avisa l'artillerie. Les « 75 » firent feu sur la tour.

« Peu après, les Français se retiraient sur Rambervillers et quand les Allemands revinrent à Saint-Benoît, ils l'incendièrent pour venger leurs camarades morts. Ils ne tuèrent cependant pas les habitants et, nous dit le maire, sur 250, il ne manque que douze personnes.

« Dans la petite ecole, il n'y a plus de portes, les pupitres noirs sont fendus par les obus et il n'y a plus un carreau aux fenêtres. Et, pourtant, dans ce squelette de maisons, le maître d'école fait sa classe à douze petits enfants, qui ont jeté sur leurs épaules, pour se préserver du froid entrant par toutes les ouvertures, les manteaux de leurs papas. Et quand nous entrons, ils se lèvent tous comme un seul homme et d'une voix unanime chantent la Marseillaise. »


L'OFFENSIVE FRANÇAISE partout couronnée de succès

Paris, 9 décembre, 15 h. 21.

De la mer à la Lys, dans la journée du 8, combats d'artillerie.

Dans la région d'Arras et plus au sud, rien à signaler. Toutes les positions que nous avons gagnées dans les deux dernières journées ont été organisées et consolidées.

Dans la région de l'Aisne, combats d'artillerie. Nous avons eu l'avantage.

Dans l'Argonne, l'activité de notre artillerie et de notre infanterie nous a valu des gains appréciables. Plusieurs tranchées allemandes ont été enlevées. Nous avons progressé sur tout le front, sauf sur un point unique, où l'ennemi a fait sauter à la mine une de nos tranchées.

Sur les Hauts-de-Meuse, notre artillerie a maîtrisé nettement l'artillerie ennemie.

Dans cette région, de même qu'en Argonne, nous avons progressé sur tout le front et enlevé plusieurs tranchées ennemies.

Il en a été de même dans le bois Le Prêtre.

Dans les Vosges, nous avons repoussé plusieurs attaques, au nord-est de Senones. Dans le reste du secteur des Vosges, l'ennemi n'a pas essayé d'attaquer sérieusement les positions que nous avons enlevées la semaine dernière.

Paris, 10 décembre, 0 h. 40.

Communiqué officiel du 9 décembre, 23 heures : Pas d'autre incident à signaler que l'avance de nos troupes devant Parvillers et qu'une attaque des Allemands sur Tracyle-Val repoussée.


LEURS EFFORTS ONT CHANGÉ DE FRONT

-0- -

C'est en vain, car partout ils ont le même insuccès

Bordeaux, 10 décembre, 15 h. 40.

La journée du 9 a été calme en Belgique ainsi que dans la région d'Arras, où l'ennemi n'a tenté aucun retour offensif.

Plus au sud, dans la région du Quesnoy et d'Andrechy, nous avons réalisé des progrès variant de 200 à 600 mètres : notre gain a été maintenu et consolidé.

Dans la région de l'Aisne et en Champagne, pas de changement ; l'artillerie allemande sur laquelle nous avions pris l'avantage les jours précédents s'est montrée, hier, plus active, mais elle a été de nouveau maîtrisée par notre artillerie lourde ; celle-ci, aux environs de Reims, a obligé les Allemands à évacuer plusieurs tranchées ; cette évacuation s'est faite sous le feu de notre infanterie.

Dans la région de Perthes, l'ennemi, par deux contre-attaques, a essayé de repren- J dre les tranchées qu'il avait perdues le 8 ; J i1 a été repoussé. Le terrain conquis par i nous est solidement organisé.

Dans toute l'Argonne notre progression s'est continuée ; nous avons enlevé de nouvelles tranchées, repoussé avec un plein succès six contre-attaques ; complété et consolidé le terrain gagné sur l'ennemi.

Sur les Hauts-de-Meuse, combats d'artillerie dans lesquels nous avons gardé, malgré l'activité plus grande des batteries ennemies, un avantage marqué.

Dans le bois Le Prêtre, nous avons pris de nouvelles tranchées.

Rien à signaler sur le reste du front, jusqu'à la frontière suisse.


LE 59LAH RÉCONFORTANT D'UNE SEMAINE

Notre artillerie ne connut que le succès Notre infanterie ne connut pas le recul

Paris, 10 décembre, 18 h. 29.

Une note officielle expose les principaux faits de guerre entre le 27 novembre et le 5 décembre.

Bien que cette période ne soit pas marqué par de grandes opérations, elle a permis de constater partout l'ascendant de notre artillerie et de notre infanterie.

Notre artillerie, sans souffrir beaucoup, a fait taire, en de nombreux points, les batteries ennemies, dont elle a démoli plusieurs.

Notre infanterie a progressé partout et n'a jamais reculé.

De la mer à l'Oise De la mer à l'Oise, le 1er décembre, notre artillerie lourde a endommagé, à Bixschoote et à Merken, les batteries allemandes. Nous avons détruit, à Wydrendreft, une section de mitrailleuses ennemies.

Le 4 décembre, notre grosse artillerie a imposé silence à l'artillerie allemande.

Elle a détruit, le 29 novembre, dans la région de Knocke, et le 2 décembre, à Bixschoote, des passerelles et des approvisionnements de l'ennemi.

Le 27 novembre, nous avons bombardé, près de Lens, des trains de ravitaillement.

Le 5 décembre, nous avons démoli les


travaux de l'ennemi dans la région de Roclincourt.

Voici les principales attaques qui ont été repoussées par notre infanterie : Le 27 novembre à Paschendaele, le 30 novembre à Bixschoote, le 3 décembre à Pasohendaele, le 5 décembre à Wydren- dreft, le 29 novembre, à Brodseinde, à l'est d'Ypres.

Nous avons progressé dans toute la section nord de 60 à 500 mètres.

Trois beaux faits d'armes

La Maison du Passeur

Les opérations à la suite desquelles nous nous sommes emparés de la maison du passeur constituent un brillant et pénible fait d'armes.

Il s'agissait de déblayer des Allemands la rive gauche de l'Yser, où ils étaient installés.

Sur 1.800 mètres, le canal est bordé là par un marais infranchissable. Une attaque n'est possible qu'en longeant la berge et sur un front très étroit.

En outre, la rive droite domine et nous place sous le feu des mitrailleuses.

Cent volontaires des bataillons d'Afrique combattirent, dans l'eau jusqu'à mi-jambe et sous une pluie intense.

De leur côté, les Allemands se montrèrent extrêmement courageux, et nous dû- mes tuer un officier et quinze hommes qui refusaient de se rendre.

Le châteuu de Vermelles L'attaque du parc et du château de Vermelles est également remarquable.

Le 1er décembre au matin, les Allemands, assaillis de toutes parts par deux pelotons, de spahis à pied et trois compagnies d'infanterie, s'enfuirent en essayant vainement de se retrancher dans les bâtiments du château.

Les jours suivants, nous repoussâmes toutes les contre-attaques.


L'attaque de Fay L'attaque de Fay, le 28 novembre, est également remarquable.

Malgré une fusillade ininterrompue de l'ennemi, nos tirailleurs et sapeurs détruisirent le réseau de fils de fer. Ils trouvèrent, le 30 novembre, un second réseau.

Malgré une fusillade qui leur causait des pertes sensibles, ils achevèrent l'organisation du terrain conquis représentant 400 mètres.

De l'Oise à l'Argonne De l'Oise à l'Argonne, notre artillerie a dispersé des colonnes d'infanterie, au nord du fort de Condé, et a obtenu des résultats appréciables.

En Champagne En Champagne, une batterie de 75 a démoli, le 27 novembre, à l'ouest de Presles, une pièce allemande de 105, tandis que notre artillerie lourde éteignait le feu de l'ennemi dans la région de Rouge-Maison, L'activité de notre artillerie, dans cette partie du front, a réduit nos pertes quotidiennes à une moyenne de 100 à 20 hommes.

Nous avons détruit, le 28 novembre, six mitrailleuses et une batterie de 21. Nous avons éteint le feu de l'ennemi, le 29 et le 30 novembre. Nous avons détruit, le 1er décembre, une batterie de 88. Sur le plateau de Craonne, nous avons fait exploser, le 2 et le 3 décembre plusieurs dépôts de munitions et nous avons réduit au silence, le 4 et le 5 décembre, les canons qui bombardaient Reims.

Nous avons bombardé des trains.

Les répliques de l'artillerie allemande sont généralement assez molles.

Ses seuls succès consistent en deux ou trois bombardements de Reims.


Dans l'Argonne et sur les Hauts=de=Meuse Dans le secteur de l'Argonne, aux Hautsde-Meuse, l'ennemi a montré son maximum d'activité. Il a dirigé quinze attaques, notamment au nord du Four-de-Paris, sur Fontaine-Madame et le Bois-de-Grurie.

Toutes ont été repoussées avec une extrê- me vigueur.

Nous avons attaqué et progressé chaque jour dans tout ce secteur.

Nous avons enlevé, le 4 décembre, près de Saint-Hubert, plusieurs tranchées.

Le prétendu succès des Allemands dans le Bois de Grurie, le 1er décembre, consiste en l'explosion d'une tranchée française minée et où une compagnie fut presque anéantie. Mais les compagnies voisines résistèrent dans leurs tranchées, et, grâce à un furieux corps à corps, rétablirent leurs lignes dans une tranchée nouvelle, à 26 mètres en arrière, de la tranchée détruite.

Sur les Hauts-de-Meuse, un épais brouillard et la pluie ont arrêté pendant plusieurs jours les opérations, puis, le 3 et le 5 décembre, notre artillerie a détruit une section de mitrailleuses et bombardé des trains.

Elle a réduit au silence une batterie de 21.

Nous avons toujours repoussé les rares attaques de l'infanterie et progressé de 150 à 325 mètres dans les régions de Saint-Mi- hiel, Varennes, Vauquois.

Sur la Moselle

Nous avons progressé sur la rive gauche de la Moselle, dans le Bois-le-Prêtre.

Dans les Vosges Notre offensive nous a conquis des positions importantes dans les Vosges.


En Haute=Alsace En Haute-Alsace, la prise d'Aspach-leHaut a déjà été signalée. Nous avons pris, le 2 décembre, au sud du col du Bonhomme, la crète de la Tête-de-Faux. où l'ennemi avait un observatoire d'artillerie qui dominait la haute vallée de la Meurthe.

A l'assaut au chant de la Marseillaise Nos chasseurs ont enlevé cette crête, à 2 heures, animés d'un magnifique entrain, en chantant la « Marseillaise ». Ils ont subi des pertes assez sensibles.

Nous avons progressé sur la côte de Grimaude.

Nous avons repoussé toutes les contreattaques au Nord-Ouest de Senones.

L'ardeur de nos troupes dans les Vosges est admirable.

A l'ordre du jour La Note termine en signalant quelques actes de bravoure, notamment le suivant : Deux sapeurs télégraphistes, Carles Antoine et Louis Demoizet, ont rétabli, le 28 novembre, sous un bombardement violent, les fils téléphoniques coupés entre le moulin de Zuvdschoote et l'écluse de Hetsas.

Ils ont été cités à l'ordre du jour.

*

)


NOS AVIATEURS font de bon ouvrage

Paris, 11 décembre.

La situation générale est sans modification.

Hier, nos aviateurs ont lancé de nouveau avec succès seize bombes sur la gare et les hangars d'aviation de Fribourg-en- Brisgau.

Malgré une vive canonnade, ils sont rentrés sans accident.

LEURS VAINS SURSAUTS en Belgique et en Argonne

Bordeaux, 11 décembre, 15 h. 35. f L'ennemi a montré hier quelque activité dans la région d'ypres.

Il a dirigé contre nos lignes plusieurs attaques, dont trois ont été complètement repoussées. Sur un point unique du front, les Allemands ont réussi à atteindre une de nos tranchées de première ligne. De notre côté, nous avons continué à progresser dans la direction des lignes ennemies.

Dans la région d'Arras et dans celle de Juvincourt, combats d'artillerie.

Dans l'Argonne, nous avons poussé en


avant de plusieurs de nos tranchées et refoulé deux attaques allemandes.

Dans la région de Varennes, nous avons consolidé nos gains des jours précédents.

L'artillerie allemande s'est montrée très active, mais ne nous a infligé aucune perte.

Il en a été de même sur les Hauts-de Meuse.

Dans le Bois-le-Prêtre, notre progression s'est poursuivie et accentuée.

Au sud de Thann, nous avons enlevé la gare d'Aspach.

Sur le reste du front des Vosges, combats d'artillerie.

NOTRE SUCCÈS S'ACCENTUE dans la région d'Y pres

Voici le communiqué du 11 décembre, 23 heures : Dans la région d'Ypres, une très violente attaque allemande a été repoussée.

Dans la même région, celle de nos tranchées signalée dans le communiqué de 15 heures comme atteinte par les Allemands a été reprise par nous.

Sur le reste du front, rien à signaler.

»+.


CRÉER c'est combattre

Nancy, 11 décembre.

Qui porte tort aux marchands ferme la porte du bien-être sur la cité et l'armée.

(Proverbe hindou.)

Je mets ce proverbe en exergue d'abord parce qu'il me paraît exact, ensuite parce qu'étant oriental il a une saveur particulière, puis parce qu'il est d'actualité, enfin parce que le souvenir des Hindous, — maintenant Indiens,- combattant avec nous et pour nous adoucira les observations que timidement je désire présenter.

La population civile de Nancy, pourtant durement éprouvée par cette guerre, n'a jamais cessé d'observer une discipline stricte. A quelques très rares exceptions près, elle a conservé même le sourire. Elle a supporté avec allégresse tous les sacrifices que la défense nationale exigeait de donner. Elle s'est pliée sans un murmure à toutes les nécessités.

Elle a reçu les visites des Taubes, et n'a montré qu'une curiosité discrète.

Elle a reçu des obus, et n'en a été nullement émue.

Elle salue les blessés avec émotion.

Elle respecte les prisonniers.

Quoi qu'on lui ordonne dans l'intérêt


de la patrie, elle le fait sans une ombre d'hésitation. Elle comprend qu'elle doit donner l'exemple.

On lui a supprimé les lumières dans les rues et aux fenêtres des façades, les bicyclettes, les automobiles. On a fermé les cafés à six heures, puis on lui a permis d'y rester jusqu'à sept heures. On lui a enlevé la gare, et on l'a rétablie.

On a successivement indiqué que les laissez-passer étaient délivrés, tantôt à la préfecture, tantôt à la mairie, tantôt au commissariat.

Elle a trouvé que tout cela était bien puisqu'on était obligé de l'édicter. Et elle a tout exécuté ponctuellement.

Cette attitude vaut bien une récompense. Je demande, comme récompense, qu'il y ait un peu plus d'aise pour les relations commerciales.

Oui, je sais. La gare est rétablie. La Compagnie de l'Est a fait tout ce qu'elle pouvait, et mieux encore qu'on n'aurait pu l'imaginer. Elle a réalisé et réalise chaque jour des améliorations considérables. C'est exact et j'applaudis des deux mains.

Les banques locales donnent plus de facilités aux commerçants. La caisse d'épargne permet des retraits plus fréquents et plus larges. Il est maintenant possible de réaliser en partie les Bons de la défense nationale que l'on avait souscrits. Les services d'alimentation sont admirablement assurés.

C'est exact, c'est exact. Mais ne pourrait-on, par exemple, abréger les formalités d'expédition pour les télégrammes, donner un peu plus de rapidité aux communications postales, adoucir le régime des papiers de réquisition, améliorer et activer les transports et surtout faire du moratorium quelque chose de plus souple et de plus vivant ?


On a fait beaucoup. On serait heureux d'avoir davantage.

Il faut songer que la guerre sera longue sans doute. On ne cesse de le répéter, et cela n'est pas invraisemblable.

Nous ne pouvons pas vivre éternellement sur les provisions accumulées par l'agriculture, le commerce et l'industrie. Il faut créer si l'on veut vivre.

Chaque jour on mange, on boit. Chaque saison ou chaque année on s'habille. Il est nécessaire de donner non seulement des armes à nos soldats mais aussi de quoi les nourrir, et des vêtements et des chaussures.

Pour produire tout cela il est indispensable que le travail reprenne. Non pas d'une façon normale certes, personne ne demande une telle impossibilité, mais dans la mesure de nos moyens présents.

Il y a dans les coffres de l'argent qui ne fait rien, dans les usines des machines qui ne fonctionnent plus, dans les maisons des hommes et des femmes qui volontiers occuperaient leurs bras à de fructueuses besognes, et dans les pays voisins ou dans nos ports ou dans nos gares des matières premières qui seraient vite transformées en objets utiles.

Nous souffrons d'un mal nécessaire, la guerre. Pourquoi ne vivons-nous pas normalement, en nous accommodant de ce mal, comme on s'est déjà accommodé de tant d'autres ?

Il est bien entendu qu'avant tout ce sont les services militaires qui doivent passer. Qui le contesterait serait odieux.

Avec raison on le considérerait comme un fou dangereux.

Mais n'est-ce point aussi un service militaire en ce temps-ci que le travail national, une sorte de service d'arrière


qui est en contact avec les services de l'intendance ? N'est-ce pas un service militaire que de confectionner des vêtetements, que de moudre le blé, de le transformer en pain, de nourrir, de vêtir les troupes et aussi les enfants et les hommes qui demain rejoindront leurs aînés et leurs cadets dans les tranchées ? N'est-ce pas un service militaire que les femmes accomplissent en tricotant des chandails, des passemontagne, en cousant des tricots, en soignant les blessés, et même plus simplement en gardant ce sourire un peu mélancolique qui donne du cœur aux hommes et fait surgir les héros ?

Tout actuellement est service militaire. Tout se fait pour et par la nation.

Les chefs commandent. Les soldats se battent.

Ce que peuvent faire les civils, c'est travailler. Si peu qu'on les aide, ils se mettront joyeusement à la besogne.

Mais il leur faut du crédit, des moyens de transport, et certaine liberté.

Oui, on ne demande plus qu'une chose, travailler. Celui qui travaille apporte un concours efficace au triomphe final.

Et peut-être abrège-t-il pour une grande part la durée de la guerre.

Ce n'est pas la bonne volonté qui manque. Ce sont les aises.

• RENÉ MERCIER.


LA RECONSTRUCTION

DES

VILLAGES LORRAINS

Nancy, 12 décembre.

II

Le groupe parlementaire des régions envahies, adoptant la proposition de M. le député Marin, vient de demander au gouvernement de faire supporter par la Nation entière le remboursement des dégâts de la guerre, et d'ouvrir aux sinistrés un droit à la répartition intégrale de leurs pertes.

Il n'est point douteux que le gouvernement proposera au Parlement la discussion du budget des voies et moyens permettant d'appliquer le plus vite cette mesure dans les régions débarrassées de l'Allemand.

Etant ainsi admis que ces dommages ont bien été supportés dans l'intérêt commun, leur réparation doit s'inspirer du même principe, et l'Etat ne saurait intervenir seulement comme une compagnie d'assurances dont l'unique obligation serait d'indemniser des clients bien assurés, il doit encore agir au mieux des intérêts généraux.

Très judicieusement, M. Marin a fait une distinction entre le mobilier et l'immobilier des sinistrés. L'indemnité relative aux meubles, linge, animaux, récoltes, etc., détruits, ne peut être accordée, à dire d'experts, qu'en espèces, dont le bénéficiaire sera seul juge du réemploi. Mais des restrictions s'imposent pour l'affectation des


indemnités nécessaires à la reconstruction des immeubles, car l'Etat doit veiller à leur emploi efficace, et exiger l'application des mesures sanitaires indispensables pour sauvegarder la santé publique.

L'observation des règles d'hygiène ne comporte point de demi-mesures.

Or, on ne peut oublier l'état d'insalubrité de la plupart de nos villages, et l'impuissance des commissions cantonales pour y porter remède, parce qu'il eût fallu imposer trop de sacrifices à la propriété privée.

La guerre de destruction systématique des barbares incendiaires nous obligeant à reconstruire dans leur intégralité nos villages, va-t-on laisser échapper cette occasion d'appliquer ces mesures sanitaires ?

D'autre part, les subventions à accorder, juste réparation des dommages causés, doivent surtout, pour produire tout leur effet utile, assurer le retour à la terre de milliers de réfugiés, et ne point susciter chez eux la tentation d'abandonner leur village après avoir simplement encaissé le montant de leur indemnité, ou de n'en consacrer qu'une insuffisante partie à la reconstitution de leur foyer. On laisserait ainsi subsister, ou l'on préparerait, pour l'avenir, des ruines, odieuses par leur souvenir, dangereuses et malsaines pour les voisins plus fidèles à la petite patrie.

D'où la nécessité de ne point laisser le soin de reconstruire à la libre initiative des intéressés.

La plupart, en effet, ne voudront point se plier aux exigences d'utilité publique : alignements, élargissements de voies ou passages, aménagement de plates-formes pour les fumiers, caniveaux, etc. D'autres, par économie mal entendue, conserveront des murs fissurés, pendants ou corrompus, remettront en œuvre des matériaux calcinés, et se soucieront beaucoup plus des rabais à obtenir que de l'application rationnelle des locaux et, sans le vouloir peutêtre, ils dénatureront par avance l'harmonie d'ensemble du village.

Après avoir songé à installer tout d'abord des abris provisoires, permettant le rapatriement des réfugiés, il conviendra donc de procéder dans chaque commune à


une étude spéciale, et de veiller à ce que toute restauration partielle n'entrave point l'aménagement d'ensemble du village et son assainissement.

La commission chargée de cette étude aurait le souci d'accorder la plus grande attention aux besoins et aux désirs des intéressés. Loin de faire table rase de tout ce qui a résisté au bombardement ou à.

l'incendie, elle songerait à utiliser tous les éléments susceptibles d'être conservés ou réemployés d'une façon judicieuse, pittoresque et artistique : pierre de taille des chambranles et couvertes, manteaux de vieilles cheminées, poutrages apparents, etc.

Elle prescrirait l'emploi, par préférence, des matériaux éprouvés dans chaque pays : les moellons avec crépis en Meurtheet-Moselle ; le grès dans les Vosges ; les pierres appareillées et leurs jointoiements apparents dans la Meuse.

Elle s'opposerait aux errements condamnables et respecterait la tradition du passé.

La réalisation de ce programme implique l'unité de direction, mais son élaboration nécessite le concours de collaborateursnombreux et dévoués.

MAURICE GRUHIER.

PAUL CHARBONNIER.


A LA CASERNE MOLITOR

CHEZ LES RÉFUGIÉS

L'OCCUPATION

DE

BRIN-SUR-SEILLE

Nancy, 12 décembre.

— On n'a rien, Monsieur. plus rien ! »> Telle est la phrase lamentable qui retentit comme un leit motiv de regret, de morne désespoir chez les réfugiés au milieu de qui nous avons passé hier matin quelques heures à la caserne Molitor.

— Plus rien ! »

Ces pauvres gens échoués dans les chambrées vides, couchés sur des paillasses plates, vivaient modestement dans leurs villages aujourd'hui évacués. De vieilles habitudes réglaient leur vie. Ils s'enorgueillissaient du volumineux fumier, proclamant l'importance du bas de laine et la rondeur d'une dot ; ils travaillaient hiver comme été, de l'aube au soir, sans ménager leurs efforts.

Maintenant, ils souffrent d'un incurable ennui ; ils errent dans la cour immense, âmes en peine, bras inutiles, attendant l'heure des repas qu'ils ont presque honte d'avoir gagné, non à la sueur de leur front, mais par l'abandon de ce qui leur assurait jusqu'alors le bien-être et la sécurité.

Des sabcts dégringolent les escaliers sonores ; les enfants courent et jouent, pri-


vés de l'école, d'où les a chassés une épidémie récente d'oreillons. Un fracas de portes qui battent sous la poussée de cette marmaille emplit encore les bâtiments rendus à leur animation de jadis.

Aux murs sont suspendus des tableaux où figurent les uniformes de l'armée allemande en campagne, des croquis ; puis, çà et là, les recommandations, les défenses de boire l'eau « dangereuse » de Moselle.

Plusieurs centaines de réfugiés sont là.

Les noms des villages sont inscrits à l'entrée des chambres : Champenoux, Brin, Val-et-Châtillon, etc. Les hommes logent dans le pavillon de droite ; les femmes occupent le pavillon de gauche. Des ménagères s'empressent au lavoir Une appétissante odeur s'exhale des cuisines, mais il paraît que le repas est surtout satisfaisant aux jours de visites officielles. Toujours comme à la caserne, quoi !

— Le peu d'argent qui nous restait en poche a servi pour la nourriture, déclare un vieux cultivateur. On se procurait à manger dans un restaurant du voisinage ; mais il y a des jours où le quartier était consigné. Ça rendait la gamelle obligatoire et c'est loin de valoir, hélas ! ce que nous avions au pays.

* *

En poursuivant à travers les corridors nos visites, le hasard nous amène chez des fermiers de Brin. La femme fabrique des fleurs en perles de Venise ; les fillettes tricotent des gants. Salaire insignifiant. Il faut vivre.

Tout d'une traite, un de ceux qui attendent à Molitor l'heure du retour possible au foyer communal raconte avec volubilité les événements dont son village a été le théâtre et nous les notons en quelque sorte sous sa dictée : « Les Allemands, dit-il, se massaient depuis quelques jours sur la rive annexée de la Seille. Ils n'attendaient qu'une occasion de violer notre territoire, ils convoitaient nos hameaux comme une proie. Vers fin juillet, avant la déclaration de guerre, une patrouille ennemie tira sur des hussards


qui se promenaient le plus tranquillement du monde. Un cavalier fut tué.

« Les uhlans sont entrés les premiers dans Brin. Ils ont franchi le pont de Bioncourt, précédant des fantassins bavarois.

Les soldats parlaient difficilement et très mal notre langue. C'est même à grand'peine que nous réussîmes à lier conversation avec les officiers qui cherchaient auprès de nous des renseignements.

« Dès leur installation dans la commune, ils se sont emparés de quatre otages qu'ils ont constamment gardés auprès d'eux. Les habitants étaient tenus de rester dans leurs maisons, sous peine des plus sévères sanctions.

« Pendant ce temps, les Prussiens faisaient eux-mêmes la moisson, récoltaient nos pommes de terre qu'ils ont expédiées en Allemagne. Pour se distraire, ils pillaient. L'incendie suivait parfois les vols.

La propriété de M. Racadot, l'ancien maire, fut livrée au feu une des premières.

Bientôt le haut du village ne fut plus que ruines. Seul, le côté gauche de la rue principale fut à peu près épargné.

« Un beau jour, j'entends quelque bruit du côté de ma cave ; je descends. Au pied de l'escalier, un grand diable me barre le passage et me braque sous le nez son revolver. J'ai tout juste le temps d'apercevoir ses camarades en train de vider mon tonneau et de boire goulûment mes vieilles bouteilles. Un autre pillard brandit son sabre et décrit dans l'espace de furieux moulinets. Vous pensez que je n'en menais pas large.

— C'est bien, leur dis-je. Continuez.

Que je ne vous dérange pas ! »

« Ils continuèrent d'ailleurs jusqu'à ce qu'il n'y eût plus rien à emporter ni à boire.

« Les Boches avaient-ils l'intention de nous rôtir ? C'est possible. On nous avait déjà détruit devant nous les pauvres fermes, les humbles bicoques où nous avions réuni au bout de tant de travaux et de privations, les meubles, les hardes, toutes ces choses qui crépitaient dans les gerbes d'étincelles et qui s'évanouissaient en tourbillons de fumée.


« On nous tint enfermés dans l'église pleine de paille pendant des heures que je n'oublierai jamais. La paille était imbibée de pétrole. Nous avions la crainte, la terreur de rôtir tout vifs. Quelle nuit épouvantable nous avons passée ! Au matin, un commandant prussien vint donner un ordre aux sentinelles qui nous gardaient à vue ; les Prussiens prirent aussitôt leurs sacs et, à cinq heures du matin, ils évacuèrent Brin.

« Nous avons quitté très vite le pays.

Nous avions des parents à Bioncourt. On alla chez eux d'abord. On jeta en passant un regard sur le désastre. La maison d'é- cole de garçons était brûlée ; celle des filles restait intacte, ainsi que le presbytère et l'église. La moitié de Brin était détruite.

« Mais on ne séjourna pas plus de deux jours à Bioncourt. Les Français bombardaient et les Boches, de leur côté, s'ils avaient découvert notre retraite, auraient pu nous traiter en espions. Des amis nous avertirent discrètement du danger, et ils nous conseillèrent de retourner en France.

« On traversa sans trop de peine les lignes françaises. Les jambes nous refusaient le service. On tombait de fatigue, de faim, d'émotion. Un colonel mit à notre disposition une voiture de subsistances qui nous conduisit à Laître-sous-Amance, d'où, après quatre ou cinq jours de repos, nous avons enfin rejoint Nancy.

« Ah ! mon Dieu, qu'il faut donc passer dans ce monde par de rudes épreuves ! »

~* *

La population de Brin, logée à Molitor, se compose d'environ cent personnes.

Nous apprenons par elles que M. Mailly, directeur des fours à chaux, n'a pu supporter les horreurs de la guerre. Le chagrin a ruiné promptement sa santé. Le malheureux est mort et sa mère l'a, peu de temps après, suivi dans la tombe.

Pendant toute l'occupation allemande, M. Bréjard a rempli ses fonctions de maire avec une remarquable fermeté.

La question des indemnités préoccupe


légitimement les braves gens dont l'espoir adoucit les souffrances et qui se demandent sur quelles bases s'établira l'évaluation des dommages, des préjudices qu'ils ont subis : — Les Allemands nous ont défendu de prendre quoi que ce soit avant de partir.

Les papiers de famille, les titres de propriété, nos livrets militaires, tout a disparu, tout est réduit en cendres. »

Nous expliquons le rôle des commissions désignées par le Gouvernement ; nous leur promettons la réparation complète de ce qu'ils ont perdu. Mais ils secouent doucement la tête avec résignation ; un indulgent scepticisme attriste leur sourire : — Pensez-vous que nous retrouverons ce qu'on nous a volé, ce qu'on a détruit. On nous en remboursera le quart. et encore !

Est-ce que nous aurons les obj ets, les petites choses auxquelles on tenait tant ? Je sacrifierais bien mes armoires et mon lit pour avoir les portraits que les Boches ont jetés au feu. Le Gouvernement, voyezvous, ne rendra jamais ça. »

Et, cette fois, le scepticisme du sourire s'efface sous la coulée lente, silencieuse, des larmes.

Longtemps, j'entendrai résonner l'accent douloureux des réfugiés de la caserne Molitor, l'adieu à tout ce qu'ils avaient de cher, le gémissement qui répétait : — On n'a rien, Monsieur. plus rien ! »

LUDOVIC CHAVE.

•+«


UNE BONNE JOURNÉE DE PLUS

Tandis que les Allemands doivent évacuer les rives de l'Yser, notre artillerie leur démolit plusieurs batteries et notre infanterie leur enlève des tranchées.

Bordeaux, 12 décembre, 15 h. 35.

L'ennemi a achevé d'évacuer la rive ouest du canal de l'Yser au nord de la maison du passeur. Nous occupons cette rive.

Dans la région d'Arras, combats d'artillerie.

Dans la région de Nampcel, nos batteries ont réduit au silence les batteries en- nemies.

Dans la région de l'Aisne, notre artillerie lourde a fait taire les batteries de campagne des Allemands ; une de leurs batteries d'obusiers a été complètement détruite, au nord-est de Vailly.

Dans la région de Perthes et dans celle du bois de la Grurie,. combats d'artillerie et quelques engagements d'infanterie, qui ont tourné à notre avantage.

Sur les Hauts-de-Meuse, l'artillerie ennemie a été peu active. Au contraire, la nôtre a démoli, à Deuxnouds (ouest de Vigneulles-les-Hattonchatel) deux batteries ennemies, l'une de gros calibre, l'autre destinée au tir contre les avions.

Dans la même région nous avons fait sauter un blockhaus et détruit plusieurs tranchées.

Entre Meuse et Moselle, rien à signaler.

Dans les Vosges, combat d'artillerie.

Dans la région de Senones, nous avons consolidé les positions occupées la veille.


DANS

L'ARRONDISSEMENT DE TOUL

Nancy, le 12 décembre.

M. le Préfet s'est rendu hier, accompagné de M. Mage, sous-préfet de Toul, dans un certain nombre de communes de cet arrondissement qui se sont trouvées récemment ou se trouvent encore dans la zone des opérations militaires ; il à visité successivement Ménil-la-Tour, où un dépôt de farine a été organisé sous la surveillance du dévoué maire, M. Demange, Ansauville et Hamonville dont plus d'une maison est détruite et où il est resté fort peu d'habi- tants ; à Bernécourt, qui est encore chaque jour l'objet d'une vive canonnade, M.

L. Mirman a été serrer la main des quelques cultivateurs tenaces qui ne veulent pas abandonner leur village en dépit du danger ; il a salué ces robustes Vieillards avec un profond respect, leur a donné de bonnes nouvelles du pays et a fortifié leur espérance de voir bientôt la fin de leurs épreuves.

M. lip Préfet a terminé ses visites par Minorville et Manonville, hors de danger depuis un temps notable déjà, l'ennemi ayant été repoussé méthodiquement sur tout le front ; il a remercié les municipalités de leur concours ; à Minorville, M. le Préfet, après avoir félicité M. Lucard, maire et conseiller d'arrondissement, de son activité, s'est rendu avec M. le SousPréfet de Toul et lui chez Mlle Paturlanne, institutrice, dont le dévouement, l'initiative et le courage ont été signalés naguère dans une lettre très touchante par M. le vicaire général d'Albi, aumônier des armées en campagne.

Mlle Paturlanne est une femme jeune encore, robuste, originaire du pays basque et depuis de longues années devenue-


Lorraine. Comme les Lorrains, les Basques sont une race vaillante. En voyant Mlle Paturlanne, son visage aux traits fermes éclairé d'un bon sourire, ses yeux profonds, on comprend l'action de confiance, de réconfort, qu'elle a exercée d'abord sur ses anciennes élèves, devenues ses collaboratrices et à qui elle a insufflé sa foi, puis sur tous les blessés qu'elle a soignés et soigne encore aujourd'hui, action dont M. le vicaire général Birot a fait un Si magnifique éloge.

M. le Préfet a été très fier d'embrasser cette vaillante femme au cœur à la fois intrépide et charitable ; il lui a renouvelé ses bien vives félicitations, ainsi qu'à sa vieille maman, fière de sa fille et qui l'aide de toutes ses forcés dans sa tâche bienfaisante.

MARCHÉ DE NANCY

Nancy, 13 décembre.

Malgré le mauvais temps, le marché était approvisisionné de façon satisfaisante - en légumes. Les prix étaient relativement peu élevés. Sous les halles, la volaille, le beurre étaient en grande quantité. tr': Voici les prix fixés par la mercuriale : I Bœuf, 1 fr. 80 à 2 fr. 30 le kilo ; veau, 2 fr. 80 à 3 fr. 20 le kilo ; mouton, 2 fr.

à 2 fr. 60 le kilo ; lard frais, 2 fr. à 2 fr. 20 le kilo ; lard sec, 2 fr. 80 à 3 fr. le kilo ; grilade, 1 fr. 60 à 2 fr. 40 le kilo ; beurre, 2 fr. 60 à 4 fr. le kilo ; œufs, 1 fr. 60 à 2 fr. 40 la douzaine ; pommes de terre, 9 fr. à 25 fr.

•+«


UN

TÉMOIGNAGE ALLEMAND

io-

On écrit au « Journal de Genève » : Une accusation terrible entre toutes a été portée contre certains détachements allemands, celle de s'abriter parfois derrière des civils pour faire hésiter l'adversaire et obtenir ainsi un avantage déloyal dans le combat. Nombreux sont les témoignages belges et français relatant des faits de ce genre. Du côté allemand, on a répondu avec le plus grand calme qu'il s'agissait simplement de fuyards qui s'étaient mis entre les troupes ennemies.

Et cependant la terrible accusation est fondée. En voici une preuve irréfutable portant sur deux cas semblables, survenus le même jour au même endroit mais imputables à des officiers différents, agissant séparément, ce qui tendrait à démontrer qu'il s'agit d'un procédé couramment employé.

Rien ne peut excuser cette façon de faire la guerre, car même dans le cas où des prisonniers civils avaient eu des torts aux yeux des Allemands, ceux-ci auraient eu tout au plus le droit de les fusiller, mais n'auraient pas dû s'abriter lâchement derrière eux.

Dans le n° 513 des « Münchner neueste Nachrien » du 7 octobre (« Vorabend Blatt » page 2) un officier allemand, le premier lieutenant A. Eberlein, raconte l'occupation de Saint-Dié, fin août. Cet officier était entré dans la ville à la tête d'une colonne et fut obligé de se barricader dans une maison en attendant des renforts.

Voici la traduction absolument fidèle de ce passage intéressant : Mais nous avons arrêté trois autres


civils et alors me vient une bonne idée. Ilssont installés sur des chaises et on leur signifie d'avoir à aller s'asseoir au milieu de la rue. Supplications d'une part, quelques crosses de fusil d'autre part. On devient peu à peu terriblement dur. Enfin, ils sont assis dehors dans la rue. Combien des prières angoissées ont-ils dites, je l'ignore, mais leurs mains sont continuellement jointes comme dans une crampe.

Je les plains, mais le moyen est d'uneefficacité immédiate.

Le tir dirigé des maisons sur nos flancs diminue aussitôt, et nous pouvons maintenant occuper la maison en face et sommes ainsi les maîtres de la rue principale. Toutce qui se montre encore dans la rue est fusillé. L'artillerie elle aussi a travaillé vigoureusement pendant ce temps et lors- que vers 7 heures du soir, la brigade s'avance à l'assaut pour nous délivrer, je puis faire le rapport : « Saint-Dié est vide d'ennemis ».

Comme je l'ai appris plus tard, le régiment de réserve.. qui est entré à Saint-Dié plus au nord a fait des expériences tout à fait semblables aux nôtres. Les quatre civils qu'ils avaient également fait asseoirdans la rue ont été tués par les balles françaises. Je les ai vus moi-même étendus au milieu de la rue près de l'hôpital. »

Comment un grand journal allemand peut-il imprimer un pareil récit sans protester et sans demander que ces officiers passent en conseil de guerre ?

Quinconque porte dans un combat un coup déloyal n'est-il pas disqualifié ?

Les témoins de cette guerre peuvent-ils; différer d'opinion ?

»♦'


MATÉS PARTOUT

Leurs attaques vers Ypres et dans les Vosges sont repoussées

Paris, 13 décembre, 15 h. 16.

La jounrée d'hier, 12 décembre, a été particulièrement calme.

L'activité de l'ennemi s'est manifestée surtout par une canonnade intermittente sur différents points du front.

Les Allemands ont tenté, toutefois, dans la région au sud-est d'Ypres, trois violentes attaques d'infanterie qui ont été repoussées.

Dans le Bois-le-Prêtre, nous avons fait des progrès sérieux.

Dans les Vosges, l'ennemi a attaqué à diverses reprises, le signal de lu Mère-Henry, au nord-ouest de Senones, mais il a été repoussé.

NOUVELLES ATTAQUES NOUVEAUX INSUCCÈS

Paris, 14 décembre, 0 h. 13.

Le communiqué officiel du 13 décembre, 23 heures, signale, aux deux extrémités du front, l'échec de deux attaques allemandes, l'une prononcée au nord-est d'Ypres, l'autre, en Alsace, dirigée contre Aspach.


LES DERNIERS JOURS

DE

GERBÉVILLER

SUR LE PLATEAU

Septembre 1914.

Quand ce ne sera plus la guerre ni l'hiver, Ma mère, vous viendrez où le gazon plus vert Commande au voyageur une halte pensive.

C'est là que les bergers commencent leur détour.

Et que le laboureur, dans le sillon plus court, Redresse plus souvent sa charrue attentive.

Au hasard du chemin un enfant rencontré Aura compris vos yeux, et, de la main, montré Vers le coteau des croix le long sentier qui monte.

La victoire naguère avec moi l'a gravi.

Ma mère, et c' est pourquoi votre fils aujourd'hui Dort sous la terre libre et douce aux fronts sans honte.

George VILLE.

Nancy, 14 décembre.

On attend le Président de la République.

Quelqu'un est venu, le matin, annoncer que M. Poincaré visite les troupes sur la ligne de feu, que son automobile a été aperçue la veille du côté de Nancy, qu'il a dû passer alors la nuit à la préfecture, qu'il emploiera son dimanche à une tournée probable dans les villages plus ou moins saccagés, incendiés, détruits par la sauvagerie implacable des Barbares.

La nouvelle ne cause apparemment dans Gerbéviller que peu d'émotion. A vrai dire,


personne n'y croit. Les sentinelles s'abritent. dans leur guérite contre les rafales humides et froides, sans consignes spéciales ; les officiers, en petite tenue, se promenent dans les rues désertes ; les équipas goûtent au cantonnement le repos dominical et, d'une porte à l'autre, s'échangent les invitations pour une manille au café de la Gare, miraculeusement épargné.

— L'état-major prussien logeait ici, nous déclare la jeune patronne du café. Les officiers ont déguerpi si vite qu'ils n'ont pas eu le temps de brûler la maison ; on a jeté pêle-mêle, à côté du billard, quelques chaises, des débris du mobilier, copieusement arrosés de pétrole. Par une chance inouie, le feu n'a pas pris. Une ruelle nous sépare d'immeubles entièrement dévorés par le brasier. Un miracle, vous dis-je. »

Par contre, les vitres, les glaces, les tableaux-réclames des distilleries ont volé en éclats sous une grêle de balles.

Dès femmes en toilettes aux couleurs sans éclat se tiennent sur le seuil de l'hospice, car depuis la destruction de l'église, un prêtre de la paroisse voisine célèbre la messe dans la chapelle de l'hospice.

Les ouailles s'impatientent. Elles forment un groupe où apparaît par instant la cornette de sœur Julie, qui palpite comme une grande aile blanche. Elle s'étonne que M. le curé soit en retard, lui d'habitude si exact, si empressé pour ses chers habitants de Gerbéviller.

L'envie nous pousse secrètement d'interroger sœur Julie. Peut-être un avis de l'administration ou une note de l'autorité militaire lui auront-ils officiellement appris la visite du chef de l'Etat. A quoi bon ! La curiosité des personnes qui l'entourent d'une affectueuse gratitude nous accablerait de questions auxquelles nous serions incapables de répondre et nous procurerions à ces braves gens peut-être une fausse joie.

Dix heures.

Si, comme on le présumait, M. Poincaré, pourtant, doit se rendre à Lunéville, où il s'entretiendra avec le sous-préfet, M. Minier, avec le maire, M. Keller, avec les ci-


toyens dont l'héroïsme a vaillamment tenu tête à l'invasion, aura-t-il le temps de venir ici ?

Nous passons la revue des ruines. Spectacle lugubre ! Le volcan a tout ravagé.

Des 650 maisons, occupées par une population de 1.600 âmes une vingtaine seulement restent debout pour 350 à 400 personnes : — Ils l'ont proprement arrangé, n'est-ce pas, notre malheureux pays ? »

Une ménagère interrompt ainsi notre méditation devant l'œuvre abominable, devant ce crime qui tient du prodige, tant il fut accompli avec une sorte de fureur systématique, une hâte qui n'oublie rien, un sadisme assouvi jusque sur les plus minces objets, avec la folie du sacrilège, qui se rue vers les tabernacles.

- Vous êtes restée à Gerbéviller, madame ?

— Oui. nous étions une dizaine de réfugiés dans cette cave, tenez, à votre droite, monsieur. Les Prussiens tiraient sur nous par le soupirail. Une voisine eut la cuisse traversée ; une fillette reçut aux pieds une balle qui lui brisa les deux chevilles. On entendait au dehors le crépitement sans fin des fusillades, les vociférations. Tout le monde croyait bien, allez ! que notre dernière heure avait sonné : on priait ; on se recommandait à Dieu. »

La brave femme n'a pas voulu ensuite quitter Gerbéviller. Sa bicoque reste in- tacte. Quelques éraflures dans le plâtre de la façade, les volets percés à plusieurs en- droits, rien de sérieux en somme : — Par exemple, je garde des Prussiens un souvenir utile, ajoute-t-elle en soulevant un coin de la robe. Mon homme a rapporté un manteau où je me suis taillé un jupon. c'est solide, monsieur. et ça tient chaud. Autant de pris sur l'ennemi, comme on dit ! »

Elle relate les incidents de l'occupation, les galanteries des Boches offrant aux dames, et de préférence aux demoiselles les confiseries, les gâteaux qu'ils avaient volés dans les pâtisseries, le champagne, les


'liqueurs qu'ils avaient pillés dans les ca- ves : — Vous devinez le but de ces gentillesses. Les scélérats. Ce qu'ils ont osé faire.. Leurs chefs encourageaient les pires horreurs. On m'a raconté qu'à Fraimbois les monstres s'étaient conduits d'une manière plus ignoble encore, qu'ils ont odieusement. brutalisé les femmes.

Nous suivons la rue Saint-Pierre, une de celles où s'organisa la résistance des chasseurs à pied : — Les Alpins ? interrogeons-nous.

— Non, monsieur, nos chasseurs. Ils ont fait merveille. A soixante-dix hommes, iis ont lutté contre au moins deux ou trois régiments, depuis 2 heures du matin jusqu'à 5 heures du soir. C'était dimanche 23 août. Ils se cachaient dans les maisons et. par les fenêtres qui regardent la Mortagne, ils canardaient les Boches. Fallait voir ! Presque tous les coups portaient jusle. Il y en avait à peu près une dizaine, pas davantage, pour défendre le pont.

Ah ! ce qu'ils ont démoli. Mais avec si peu de monde on ne pouvait tenir bien longtemps. Je suppose que nos chasseurs ont perdu sept ou huit des leurs. Comme les Allemands ont laissé sur le carreau un tas de cadavres et qu'ils n'apercevaient nulle .part d'uniformes, ils ont déclaré que les civils avaient tiré sur eux et ils ont inauguré l'occupation du village par l'incendie du faubourg de la rive droite, entre les deux routes de Lunéville à Rambervillers.» C'est de ce témoin que nous tenons le récit des atrocités si souvent racontées : soixante otages saisis au hasard et exécutes sans jugement dans le bois de la Presles, le lundi matin : quarante-neuf citoyens de tout âge, de toutes conditions, emmenés par la route de Sérouville et qui durent leur salut à l'intervention d'un commandant bavarois : — Ils allaient être fusillés. Vainement .notre adjoint protestait, jurait ses grands dieux que personne n'avait tiré et que les Allemands se souillaient de sang innocent.

Le chef de peloton ne voulait rien enten-


dre. Il attendait un ordre. Le commandant bavarois accourut à cheval ; il avait ouvert une enquête et il reconnaissait que les chasseurs avaient seuls défendu le pays : — « C'est bien, dit-il. vous êtes libres- On vous fait grâce. mais à la condition que vous aiderez mes soldats à enterrer les morts. Et je vous prie de croire qu'il y avait de la besogne ! Ils ont travaillé (sic) trois jours sans boire ni manger. »

En contre-bas du faubourg Saint-Pierre, une étroite ruelle se faufile entre les clôtures des jardins. Partout les traces de la bataille y sont fraîches encore : les projectiles ont percé les chambranles faits d'une poutre et les lattes des portes à claire-voie : une volée de mitraille a cassé les branches qui pendent tristement, retenues par un lambeau d'écorce. Sur l'autre berge de la Mortagne. la brasserie dresse ses bâ- timents à peu près intacts. Un boulet a démoli en partie la corniche d'une des cheminées de briques atteinte en outre à mihauteur par un deuxième obus qui la perce d'une lucarne ronde.

Le canon a légèrement endommagé un pignon ; le feu a détruit le garage des camions automobiles ; on aperçoit parmi des ferrailles un coffre-fort ouvert par des pinces expertes de cambrioleurs :: — Comme le directeur de la brasserie s'appelle Schmidt, indique notre interlocutrice, les Boches ont supposé qu'il était leur compatriote. M. Schmidt sert dans l'armée française avec les galons de lieutenant. Seulement un des pavillons était occupé par quelques ouvriers allemands qui ont gagné la frontière avant la mobilisation. C'est là ce qui a sauvé sans doutela brasserie. »

Quand ils ont quitté les caves où ils se préservaient de nos obus, les Allemands fuyaient en désordre : — Je logeais un capitaine, nous dit Mme X. Il se disposait à déjeuner : « Faitesmoi cuire seulement deux œufs à la coque. Vite, le temps presse. » Une minute après il rentra affolé dans la cuisine : « Je ne puis attendre. Les Français tom.-


bent sur nous. J'emporterai les œufs tels qu'ils sont. » Et, d'un saut il fut dehors sans même boutonner son dolman. »

Les Allemands ont occupé Gerbéviller pendant le reste de la semaine. C'est le dimanche 30 août qu'eut lieu ce duel dont tant de sépultures attestent l'implacable acharnement.

Entre Gerbéviller et Moyen, l'ancienne route soulève et laisse retomber mollement son ruban grisâtre. Des talus, ici, la surplombent, non loin de la brasserie Noël ; là deux pépinières de bouleaux la bordent de chaque côté ; plus loin, à gauche, un hagis précède les bois du Haut de la Paxe dont la lisière s'étend parallèlement sur une distance d'environ un kilomètre.

Vers la droite, les souples ondulations du terrain s'arrondissent en trois croupes successives qui descendent vers la Mortagne et sont sillonnées par les caprices de la nouvelle route.Le paysage annonce déjà les Vosges toutes proches. A l'ouest, les crêtes couronnées de forêts découpent leurs lignes sè- ches sur l'horizon. Une buée estompe la vallée, adoucit les reliefs, lave d'une teinte d'aquarelle le décor empli maintenant de clameurs et de râles, de triomphe et d'agonies, d'un immense tumulte d'uniformes où frémit le vol des drapeaux.

Là-bas, Gerbéviller apparaît dans la lumière dorée à travers l'exaltation des enthousiasmes comme le but de tant de sacrifices. Le clocher déchiquette sa dentelle de granit rougeâtre ; la chapelle rapproche davantage ses deux tours trapues ; la note écarlate des toits s'est effacée. Une fumée âcre monte vers le ciel sans nuages.

Le village achève de se consumer — et c'est pour venger l'exécrable attentat que tant de héros gravissent le plateau fatal.

L'aspect de cette partie du champ de bataille dispenserait presque des explications d'un guide ; on reconstitue aisément les phases de la terrible lutte ; on distingue l'acheminement par bonds des masses d'infanterie qui escaladent ce plateau, les officiers à vingt pas en avant, A mesure qu'ils surgissent, les mitrail-


leuses boches moissonnent les képis, en couvrent le sol comme d'une jonchée de coquelicots. Derrière les rangs abattus, d'autres débouchent, auxquels, sans répit, un tragique coup de faulx réserve le même destin. Nos fantassins s'écroulent la face centre terre, gardant leur alignement dans la mort tombés sur leurs flingots dont l'inutile baïonnette étincelle dans l'herbe.

Un radieux soleil illumine le carnage.

La bataille précipite l'un après l'autre le 30e, le 222° et le 299e de ligne, plusieurs compagnies d'infanterie coloniale, livrées en pâture à l'insatiable fringale des canons. Mais personne ne dépasse la suprême limite tracée par la route, malgré l'appui de notre artillerie qui fracasse, à cinquante mètres en avant, les tranchées ennemies.

Le souvenir des manœuvres d'automne en septembre 1909 hante notre esprit. Les partis se heurtèrent dans le même cadre.

On avait quitté au jour Domèvre-sur- Vezouze et d'une traite on avait poursuivi, traqué l'adversaire sur la Meurthe traversée à Ménil-Flin, puis sur la Mortagne, malgré la rage d'une incessante canonnade.

Aujourd'hui, une progression de 60 à 200 mètres en une semaine, c'est la victoire !

Que d'officiers depuis lors disparus ! Le divisionnaire Houdaille, le colonel Sibille, le colonel Duchêne, d'autres encore qui groupaient une élite autour de leur chef le général Pau.

Trois semaines après l'entrée en campagne, nous devions faire sur ce point le cruel apprentissage de la guerre telle qu'elle se déroule aujourd'hui en favorisant notre activité prudente : nos charges, notre audace impétueuse se brisaient comme les flots sur un roc à l'assaut des terriers dont la construction et l'aménagement ont de quoi stupéfier.

La trahison des feuillages épais, des remblais où s'appuyaient solidement la stabi- lité des mitrailleuses, guettait et frappait avec une précision mathématique l'élan de nos troupes : la machine à tuer imposait lâchement sa supériorité, la honte


sournoise de sa victoire sur les vaillances de notre race.

En face de ces admirables travaux de fortifications. je reverrai toujours la toute petite place où un lignard, à plat ventre dans le gazon de l'accotement, avait arrangé ses cartouches pour tirailler à l'aise, posément, comme dans un stand.

Les cartouches sont restées ; mais où donc repose maintenant le brave gars ?

Dans un de ces tombeaux, peut-être, qui hérissent de croix le vaste espace où des compagnies entières garderaient un glorieux anonymat, sans l'hommage de leurs frères d'armes, sans les couronnes apportées là, sans les débris d'uniformes, vestes et képis où apparaît le numéro des régiments !

Tandis que Gerbéviller attendait la visite présidentielle, des soldats recherchaient le corps d'un capitaine. Lugubre cérémonie. Un vieux essayait de fixer ses souvenirs : — Il me semble que nous l'avons mis au bout de la fosse. Mais il y en avait tant.

Pensez donc ! Nous ensevelissions à part les officiers. Comment se rappeler l'endroit exact où se confondent pour ainsi dire leurs grades ?. »

La bataille du 30 août fut aussi farouche dans le ravin où coule le ruisseau de Falenzey, dominé par les bois des Rappes, du Four et du Fey, où serpente la route de Fraimbois. Les tranchées étaient littéralement jonchées de bidons creves, de lambeaux d'uniformes, de boîtes vides de conserves, d'ustensiles de campement ; les cadavres calcinés des chevaux montrent encore deux jambes roides parmi les cendres.

Les territoriaux ont fait en quelque sorte la toilette de ce lieu sinistre. La pluie a rempli les abris. De rares vestiges attestent chez Les lignards du 81e une longue opiniâtreté ; des tombes, là encore, jalonnent la prairie. Les défenseurs de la Mortagne tinrent bon ; ils ont empêché définitivement le retour des barbares.

Tel est le tableau qu'évoquent les témoi-


gnages des personnes avec qui nous lions conversation.

Un gaillard robuste, de haute taille, aux yeux luisants de claire énergie et de franchise, s'est joint à nous. La moustache à la gauloise, semée de poils gris, accentue les traits profondément creusés du visage, l'expression de la physionomie qu'animent les codères soudain ressuscitées par nos questions : — Ah ! je les ai vus de près ; j'ai senti pour ainsi dire leur haleine de bêtes fauves dans le cimetière où je m'étais blotti au milieu des orties, sous un tas de couronnes. Si les bandits m'avaient découvert, ils me massacraient comme un lapin. »

L'homme remplit les fonctions de maire.

Il ignore la présence en Lorraine de M.

Poincaré. On ne l'a point prévenu, contrairement à ce qui se passait lors des premiers voyages du préfet de Meurthe-et-Moselle. Il en éprouve une déception pleine de mélancolie : toute sa confiance se tourne vers Maurice Barrès dont la sympathie, la superbe éloquence, le patriotisme, la promesse de faire au plus tôt réparer l'église, les appels dans la presse réchauffent son âme : — Nous avons touché pour tout potage un secours officiel de 500 francs. Que faire avec si peu d'argent ? L'achat et la pose des vitres aux fenêtres des écoles commu-

nales nous a coûté déjà 600 francs. Tout -, est ici hors de prix. Mais M. Barrés s'oc- - cupe de nous. Il ne nous abandonnera j point. Ah ! Monsieur, quel beau discours il a prononcé sur les victimes de la guerre!

Nous pleurions et nous renaissions quand même à l'espoir que tant de malheurs seraient vite réparés. »

Les habitants sont revenus en assez grand nombre ; mais ils ont fui de nouveau quand le désastre eut frappé d'épouvante ces commerçants, ces petits bourgeois, ces fermiers chassés par l'affreux cauchemar de l'incendie, du bombardement, des assassinats et de la dévastation.

Quelqu'un cite le cas d'une vieille parente n'ayant pour logis qu'une espèce de « gloriette » au fond de son jardin.

— Elle est tellement attachée à ce coin


de terre où s'est écoulée sa vie entière que, malgré la pluie, le froid, elle refuse de s'en aller. Est-ce que les indemnités la consoleront jamais ! Elle mourra avant la fin de cette guerre atroce. Les plus à plaindre, Monsieur, ne sont pas ceux qui partiront comme elle. Dans les premiers temps, on venait nous voir ; on vient chez nous en touristes ; on ne parle plus guère de secours ; on oublie nos misères, sans que nous ayons mérité cette ingratitude. »

Comme elles rendent, en effet, un son creux, quand on y ette une pièce d'argent, les boîtes accrochées dans les carrefours en ruines pour recevoir une obole !

-' Une image très douce resplendit à Gerbéviller comme celle des missels. La sœur Julie met une sorte de grâce auguste dans le désastre. L'unanime reconnaissance du pays monte vers elle : — C'est elle, voyez-vous, qui a sauvé l'hospice et les maisons d'en face. Sa pieuse intervention a arrêté les incendiaires. »

Discrètement, avec des réticences, car la nouvelle n'est pas sûre, nous annonçons l'arrivée du Président de la République : — Il apportera aujourd'hui à sœur Julie la croix qu'elle a si noblement gagnée.

— Ah ! que nous serons heureux de voir le ruban rouge sur sa robe noire. Si l'on nous oublie un peu, que la France au moins récompense les services rendus par la vénérable religieuse ! Nous aurons plus de courage pour atteindre des jours meilleurs ! »

Deux heures après, M. Poincaré payait la dette sacrée.

ACHILLE LIEGEOIS.

«» 1


LA MAITRISE

DE

NOTRE ARTILLERIE

Encore quelques tranchées gagnées dans l'Aisne, en Argonne, sur les Hautsde-Meuse et en Alsace.

Bordeaux, 14 décembre, 15 h. 55.

Rien d'important à signaler entre la mer et l'Oise.

Dans la région de l'Aisne, au nord-ouest de Soupir, l'ennemi a bombardé violemment nos tranchées. Nous avons riposté et bouleversé les siennes.

Il n'y a pas eu d'attaques d'infanterie ni d'une part, ni de l'autre. Notre artillerie a détruit un ouvrage important aux abords d'Ailles.

En Argonne, dans le bois de la Grurie, nous avons progressé légèrement à la mine ; aucune attaque ennemie.

Sur les Hauts-de-Meuse, canonnade violente. Les batteries ennemies semblent avoir dû se déplacer vers le nord.

En Woëvre, après avoir enlevé une ligne de tranchées sur un front de 500 mètres (bois de Mortmare), nos troupes ont repoussé deux violentes contre-attaques.

En Alsace, nos progrès ont amené notre front jusqu'à la ligne de la cote 425, au nord de Steinbach, Pont d'Aspach, Pont de Brininghoffen (1.500 mètres à l'est d'Eglingen).


NOUVEAUX PROGRÈS

VERS

YPRES ET EN ALSACE:

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Ils ont bombardé .r

la gare de Commercy

Paris, 15 décembre, 0 h. 53.

Le communiqué officiel du 14 décembre, 23 heures, dit :

En Belgique, quelques attaques françaises nous ont permis de progresser le long du canal d'Ypres et à l'ouest d'Hollebecke.

Plusieurs violentes contre-attaques ont été toutes repoussées par nos troupes.

En Alsace, une offensive de l'ennemi, au nord-ouest de Cernay, a été repoussée.

La gare de Commercy a été bombardée, hier, par des batteries tirant d'une très grande distance. Les dégâts sont insignifiants.

Sur le reste du front, rien à signaler.


TRAIN ALLEMAND incendié

EN GARE DE PAGNY-SUR-MOSELLE

Paris, 15 décembre, 1 h. 10.

BORDEAUX. — Un aviateur français a incendié un train allemand en gare de Pagny-sur-Moselle.

LES ESSAIS

A LA

GARE DE LUNÉVILLE

Une machine d'essai a circulé toute la journée du mardi 15 décembre sur les ponts rétablis en constructions provisoires : un poids de 120 tonnes a pu stationner sur les ponts. Les aiguillages ont été de nouveau éprouvés. Le personnel a fait une véritable répétition avant de livrer la gare et la voie au public. Nous sommes donc assurés que toutes les précautions sont prises en vue du rétablissement de la circulation entre la gare de Lunéville et Nancy.

Nous en félicitons la Compagnie et le personnel, qui a eu seulement depuis quelques jours l'autorisation de rétablir le service.


LE BOMBARDEMENT DE VARENNES

RÉCIT D'UNE HABITANTE

d'après le Bulletin Meusien

Bar-le-Duc, le 6 décembre 1914.

Si vous saviez quel désastre à Varennes et partout quelle ruine ! Tout ce que je puis vous dire, c'est que nous sommes bien malheureux. Vous êtes parties le mercredi et les Prussiens sont arrivés le jeudi, à huit heures du soir. Quelle journée déjà !

Ils ont bombardé Varennes ce même jour, de midi à 7 heures du soir, sans arrêt.

Dans les maisons où il y avait quelqu'un, ils venaient deux par deux, avec une bougie à la main, demander du pain, du vin, du tabac ; ils étaient bien polis Pendant cinq ou six jours il est passé nuit et jour des Prussiens.

Ce même jour, ils ont bombardé, le feu a détruit votre rue jusqu'à notre maison ; ce sont eux qui l'ont éteint à notre toiture ; le feu a pris chez Mme Chanzy à 3 heures de l'après-midi, par un obus incendiaire des Prussiens. Ils étaient contents de voir le feu, ils sont arrivés en chantant, hurlant dans les rues au son du tambour et du clairon. Ce que c'était triste !

Votre maison a brûlé après celle de Mme Chanzy. Jusque chez nous il ne reste rien ; ensuite ils ont logé huit jours à Varennes.

Dans les maisons où il n'y a personne, avec une hache, couteau ou autre outil à la main, ils brisaient les carreaux et les


portes fermées. Nous étions mortes defrayeur.

A minuit, il a fallu déménager chez nous Marteaux sur un brancard porté par deux soldats français qui étaient à l'ambulance.

Toute la nuit, maman a déménagé notre mobilier, on aurait cru qu'elle allait mourir ; si vous aviez vu dans quel état étaient tous ceux qui étaient restés dans les caves ! Ça flambait avec une telle violence qu'il n'y avait rien à faire. Chez n'importe qui, on n'a rien pu sauver. D'abord il valait mieux que notre rue soit brûlée la première, au moins les Prussiens ne se sont pas emparés et enrichis de vos belles affaires. Ils n'ont rien emporté, tandis que partout ailleurs ils ont mis tout à sac sans laisser un clou à la maison et y ont mis le feu.

Les Prussiens avaient à leur dos de belles chemises à empiècement en dentelles. Il ne restait absolument rien dans les maisons, chez le pauvre comme chez le riche ; ce qu'ils ne pouvaient pas emporter, ils le brisaient pour le plaisir de faire du mal.

Ils se nourrissaient de poules, canards, pintades et de veaux, tout cela volé, bien entendu. Ils faisaient enterrer les bêtes mortes dans les champs de pommes de terre ; ils ont cassé les pompes et les concessions d'eau, mais nous n'avons pas eu à nous en plaindre, ils étaient polis avec nous. Ils ont dévalisé toutes les caves des maisons pillées.

Chez Mme Chanzy, ils ont trouvé un sac rempli de pièces d'or et de valeurs au nom de Marthe Misset, la mère de Mme Chanzy.

C'est un officier qui a trouvé cela et il a promis de le rapporter après la guerre, moyennant récompense, mais j'en doute.

Le prince (kronprinz) a logé chez Mme Faillette tout le temps ; la maison Larcher a été également pillée. Tous les jours on avait de la musique sur la place de l'Eglise, et quand les soldats rentraient le soir de la bataille, ils chantaient. C'était triste à mourir d'entendre cela ! Pendant que nous étions chez nous, le père Marteaux a été blessé par un éclat d'obus sur sa porte


où il était assis ; il est resté chez lui et a succombé quelques heures après.

Puis il n'y eut plus de Prussiens au pays ; ils avaient été repoussés jusqu'à Apremont, Baulny et Montfaucon, où ils sont restés depuis un mois. Ils ont bombardé Varennes pendant trois semaines ; nous sommes restées dix jours sous le bombardement nuit et jour sans arrêt. Si vous saviez quel supplice, surtout quand on ne peut bouger.

L'obus qui a tué M. Marteaux a démoli les fenêtres et plafonds chez lui, chez Mme Georges Brandebourg, Mlle Mauchauffé, les portes et les fenêtres de la mairie, tandis que les soldats français me transportaient dans la cave et nous y gardaient jusqu'à six heures du soir.

Pour la nuit, maman et d'autres personnes se trouvaient toujours sur le haut de Varennes dans la salle à manger ; nous avions deux soldats du génie afin de pouvoir me transporter si le feu prenait. Comme les obus tombaient toujours sur le haut de Varennes, dans la nuit on m'a descendue dans le bas de Varennes, vers trois heures. A cinq heures, les soldats français brancardiers me remontaient chez M. Mar- teaux, parce que la maison où j'étais se

trouvait ébranlée. Enfin, je ne peux pas tout vous raconter.

M. Soumillard, dans la Grand Rue, a été blessé dans son lit par un éclat d'obus, sa toiture défoncée et la devanture arrachée, enfin c'est terrible. La maison de Mme Faillette est effondrée par un obus ainsi que celle de Mme Potron. Ceux-ci sont depuis trois semaines dans les caves des maisons brûlées, la leur l'étant aussi par une bombe. Depuis chez M. Dannequin jusque chez M. Denis (ancien facteur), la BasseCour, juqu'avant la maison de Mlle Mauchauffé (là le feu a été encore arrêté par les Prussiens), depuis chez Mme Oudet jusqu'à chez M. René Person, il ne reste plus rien du tout. C'était d'abord décapité par les obus, ensuite par le feu. Il n'y a plus d'hôpital, d'église, de presbytère ; la rue de M. Biot jusqu'à l'hôtel Lecœur (à côté de l'hôpital) tout est rasé complètement, la


rue de Tabur et la Grand'Rue. Depuis quinze jours, nous avons quitté Varennes, il y a encore du nouveau. Beaucoup d'émigrés de Varennes sont à Bar-le-Duc et aux environs, mais le doyen et M. Evrard sont aussi à Bar. M. le doyen qui vient me voir m'a encore bien assuré aujourd'hui qu'il y avait eu un combat à la baïonnette dans la Grand'Rue. Nous sommes arrivés à Bar il y a douze jours ; comme il y avait dix jours que nous étions sous le bombardement, nous étions folles de terreur ; à n'importe quel prix j'ai voulu partir. Mes enfants poussaient des cris terribles. M. Denis est allé à Neuvilly et y a trouvé Paul, mon beau-frère. Il est venu aussitôt me chercher au risque de sa vie sous les obus et les balles. Nous sommes arrivés à Aubréville, de là à Verdun et Bar, après bien des heures dans les gares. J'étais toujours étendue sur un brancard prêté par les soldats, il me fallait toujours deux hommes pour me monter et me descendre.

Nous n'étions pas coiffées, à moitié habillées. Mme Denis était comme nous, nous sommes parties sans rien, nous avons dû acheter une chemise à Bar. Nous sommes installées, maman, moi, et les enfants dans une chambre qui nous coûte un franc par jour. Maman avec Madeleine couchent par terre, moi dans un lit avec les trois petits.

Quand je suis arrivée à Bar on aurait dit que j'allais mourir, mais aujourd'hui je vais beaucoup mieux. Nous avons toujours peur que les Prussiens viennent à Bar. La municipalité de cette ville ne veut plus d'émigrés, le maire a dit deux fois à maman qu'il fallait partir bien loin vers l'Italie avec les autres émigrés. C'est tout de même malheureux,mais tant qu'il n'y aura pas de danger à Bar nous ne partirons pas. Maman est inconsolable de la perte de la maison et pleure tout le temps.

Recevez, Madame, etc.

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AUX PAYS OCCUPÉS

MONT-SAINT- MARTIN - LONGWY LONGLAVILLE - JARNY REHON - BLAMONT

Le « Bulletin de Meurthe-et-Moselle » publie les renseignements très intéressants que voici : MONT-SAINT-MARTIN

A Mont-Saint-Martin, LonglavilLe, Longwy-Bas, les violences des Allemands se sont traduites par des incendies, mais peu d'habitants ont été molestés.

Les aciéries de Mont-Saint-Martin, les usines de la Chiers et de Senelle, les hautsfourneaux de Longwy-Bas sont intacts.

L'usine de Mont-Saint-Martin est fermée.

Quelques ouvriers seulement y travaillent, à des travaux d'entretien. Les Allemands ont puisé largement dans les stocks, notamment dans les stocks de ronds pour ciment armé, de tôles, de combustibles et de minerais.

La station électrique est en marche. Les Allemands ont exigé, en effet, que MontSaint-Martin continue à être éclairé à l'électricité.

A aucun moment, M. Dreux, administrateur-directeur des aciéries de Longwy, n'a été ni otage, ni prisonnier. Il continue à habiter son château avec Mme Dreux, mais il n'a à sa disposition qu'un très petit nombre de pièces, car l'état-major allemand s'est installé dans son château.


Les Allemands ont brûlé une centaine de maisons du plateau derrière le groupe scolaire, la cité Mille-Briques, et quelques autres immeubles dans le centre.

Pendant le bombardement, ils ont tiré des coups de fusil dans les fenêtres des maisons qui se trouvent dans le quartier du cimetière.

Une fillette de M. Schneider, l'ancien adjoint, a été tuée d'une baille dans son lit.

Le pays est bien alimente, grâce aux provisions qu'on amène de Luxembourg.

Trois dames ont pu quitter Mont-SaintMartin grâce à des passeports qu'elles ont pu obtenir dans le Luxembourg.

Seuls les hommes ayant notoirement plus de 60 ans pourraient risquer le voyage.

Il est interdit aux autres de quitter le pays.

Tout le personnel des aciéries, demeuré à Mont-Saint-Martin, est en bonne santé, ainsi que leurs familles: M. et Mme Dreux, M. et Mme Reuter, M. et Mme Frilley, M.

Deligny, M. Maire, M. et Mme Sabas, Mme Voisin, etc. M. Friche a été fait prisonnier à la reddition de Longwy.

On peut parfaitement correspondre avec Mont-Saint-Martin par la Suisse, en faisant mettre les lettres à la poste restante, à Rodange (Grand-Duché de Luxembourg).

On croit même que, prochainement, les lettres pourront être adressées à MontSaint-Martin.

A Mont-Saint-Martin et dans le GrandDuché, on est complètement ignorant de la situation générale, et les nouvelles que l'on reçoit sont les nouvelles communiquées par les communiqués allemands.

Le pays est calme ; il n'y a pas eu de pillage.

Le pays est maintenant occupé par de la landsturm, c'est-à-dire par des gens paisibles, qui ne molestent personne.

Puisse-t-il en être de même jusqu'au bout, et la seule crainte que l'on éprouve dans le pays, c'est de savoir ce qui se passera lorsque les troupes allemandes seront refoulées, et contraintes d'évacuer la région.


M. Marc Raty est à Saulnes.

M. et Mme Emile Thomas sont en bonne santé à Gorcy, ainsi que Mme Paul Labbé.

Une autre dame complète comme suit, à la date du 27 novembre, les renseignements publiés ci-dessus : Un certain nombre de personnes ont été mises à mort par les Allemands à MontSaint-Martin.

Il y aurait 21 victimes. Les seuls noms 'que nous possédions sont les suivants : Lambert, cafetier près de la gare.

Surbac, propriétaire du café de l'Aérorplane.

Une famille de la route d'Aubange dont on n'a pu nous citer le nom.

Un Espagnol, auquel les Allemands ont ouvert le ventre et qu'ils ont laissé exposé, dans cet état, pendant trois jours, dans une brouette.

Une fils du pharmacien Beckrich, tué à Longwy.

William Pug, d'Halanzy, fusillé sous les yeux de sa mère et de sa sœur, ainsi que le beau-père de sa sœur. Ils s'étaient offerts comme otages ; les Allemands les ont fusillés et n'ont pas, pour cela, épargné le village.

On nous dit qu'un certain nombre de membres de la Société des Vétérans, et le président de cette société, le commandant Lefèvre, avaient été fusillés. C'est inexact.

On affirme qu'il y a seulement une cinquantaine de maisons brûlées à Mont- Saint-Martin. On nous a cité quelques-uns des immeubles incendiés : La cité Mille-Briques, la ferme de Bellevue, sur le plateau, démolie par les obus français lorsqu'elle abritait les assaillants., La maison de direction de la Société des Aciéries de Longwy a été un peu détériorée par quelques obus. L'un a détruit la véranda ; un autre est tombé dans une chambre à coucher.

Toutes les maisons de Mont-Saint-Mar- tin, depuis le square situé près du groupe scolaire jusqu'à la porte de Bourgogne ont été complètement détruites. Il en est de


même, sur la route d'Aubange des fermes Dorion, Fournel et d'un certain nombre d'autres maisons.

Un groupe de maisons descendant sur les nouveaux laminoirs de la Société des Aciéries ont été également incendiées.

M. Deligny, maire de Mont-Saint-Martin, a été pris comme otage à plusieurs reprises. Il a beaucoup de peine pour pouvoir donner satisfaction aux exigences des chefs de cantonnements dans leurs demandes de réquisitions concernant : couvertures, fourrage, pétrole, peaux de bœufs pouvant être exportées en Allemagne pour la confection du cuir pour chaussures.

M. Reuter, secrétaire général des Aciéries de Longwy, adjoint au maire de MontSaint-Martin, a été mis en joue place de l'Eglise et menacé d'être exécuté, alors qu'il se rendait à la mairie pour organiser des distributions de pain aux habitants.

Il a été néanmoins épargne.

LONGWY

Le docteur Sypiorski. médecin en chef de l'Hôtel-Dieu des Aciéries de Longwy, a conduit merveilleusement son hôpital.

A eu un très beau rôle ; ayant vu un entant de six mois tué d'une balle, est allé le porter au commandant allemand et lui en a reproché la mort, en s'offrant, poitrine découverte, comme victime s'il en fallait une à la fureur teutonne.

M. Friche, chef du service des HautsFourneaux de la Société des Aciéries de Longwy, a été fait prisonnier à la reddi- tion de Longwy et se trouve actuellement à Kœnigsbrük (Saxe).

M. de Saintignon n'habite pas sa maison qui, étant dans la ligne de tir, a reçu quelques obus et qui, à l'heure actuelle, est en assez mauvais état : elle est, du reste, occupée par les Allemands.

Les Allemands occupent également le château de M. Emile Thomas, où ils ont installé la kommandatur de Longwy.

L'habitation de M. Henri Thomas est aussi occupée par les Allemands pour des bureaux. Les Allemands y ont planté, k


l'entrée, une allée de sapins, ornée de guirlandes et de drapeaux allemands.

M. Maire, gérant de l'hôtel Saint-Mar tin, a été également menacé par les Allemands qui lui ont déclaré qu'ils le feraient sauter avec l'hôtel. Heureusement, ces menaces ont été vaines jusqu'alors.

* # «

Enfin, une personne qui a pu quitter Longwy le 13 novembre nous communique à son tour les renseignements suivants : Longwy-Haut est entièrement rasé, y compris les portes des fortifications, les remparts, etc.

A LONGWY-BAS

Parmi les maisons détruites, on signale : l'immeuble de la Société Nancéienne, le Parc des Récollets, la scierie Imbert.

A la liste déjà publiée des victimes, il y a lieu d'ajouter les noms suivants : M.

Bray et M. Ponsard, attaché à la Société des Produits réfractaires.

La vie à Longwy est maintenant à peu.

près normale. Le pillage est interdit aux soldats allemands et il est infligé une punition aux délinquants.

Il y a marché tous les jours et la population est bien alimentée. Les cours des denrées ordinaires sont normaux. Le sucre coûte 0 fr. 70 le kilo ; le beurre 1 fr. 25 la livre ; les pâtes alimentaires, les mêmes prix qu'avant la guerre.

Les Longoviciens peuvent aller et venir et même se rendre à la gare, au passage des convois de prisonniers, auxquels ils portent quelques douceurs.

Il y a 500 soldats à Longwy ; ils sont tous de la landsturm.

Le maire allemand est installé à l'école de Longwy-Bas.

Les cafés et magasins sont ouverts.

Tous les lainages ont été réquisitionnés par les autorités allemandes.

Il est formellement interdit à la population de parler de Verdun, de Toul et de Nancy. Toute personne contrevenant à


cette défense est punie de 10 ans de forteresse.

Après la prise de Longwy, un grand nombre de Luxembourgeois sont venus visiter les ruines de la ville. On se serait cru à un jour de foire de Pâques.

Le kaiser est venu deux fois à Longwy et s'est fait photographier sur les ruines de la ville. Il a du reste annoncé la prise de Longwy comme s'il s'agissait de la prise d'une place forte de l'importance de Verdun, protégée par des forts bien équipés.

Dans une de ses proclamations, il dit : « Nous avons pris les forts Romain, Cosne, Gorcy, Maragole, Piedmont, Bois-de-Chat, et fait 85.000 prisonniers. »

M LONGLAVILLE

A Longlaville, les dégâts sont moindres; quelques maisons seulement ont souffert.

Le village de Romain est entièrement détruit.

M. Frilley a eu, comme maire de Longlaville, une alerte.

On avait brûlé un convoi de fourrage appartenant aux Allemands, et ceux-ci ont imposé à la commune de Longlaville une contribution de guerre de 40.000 francs, indépendante d'une autre contribution, beaucoup plus importante, dont les usines du Bassin auraient été frappées dès le début de l'occupation.

M. Frilley a pu réunir la somme et éviter d'être fusillé comme on l'en avait me-

nacé.

JARNY t Quelques renseignements tirés d'une lettre d'un habitant de Jarny : « Le feu a été mis chez M. Bérard, jusqu'aux Magasins Réunis, tout fut brûlé, sauf la boucherie Bilote et la maison Bèche ; de l'église à la place, tout a été brûlé, la boulangerie Genot, le cordonnier, le café du Commerce, tout est brûlé.

« Ont été tués : M. le maire Genot, le curé, M. Collignon, rentier ; M. Pérignon,


charron, sa femme, son fils et sa fille, qui a le bras droit coupé. D'autres encore, plus une vingtaine d'Italiens. »

REHON

A l'occasion de la fête de la Toussaint, une cérémonie a eu lieu à Rehon.

Un lieutenant-colonel allemand a prononcé un discours dans lequel il adresse un souvenir ému aux soldats qui ont succombé : « A vous, héros français, morts pour votre Patrie ; à vous, héros alle- mands. »

Les Longoviciens ont déposé sur les tombes des soldats français des bouquets tricolores.

BLAMONT

Une personne revenue de Blâmont depuis Le 1er décembre, affirme que cette ville fut brûlée en partie et entièrement pillée, même au milieu de la nuit. La chocolaterie Burrus est détruite ; les uhlans ont fusillé une jeune fille de 17 ans, Mlle Marguerite Cuny ; un vieillard de 70 ans, M.

Barthélémy ; M. Fouel, qui tenait le café du Commerce.

Des patrouilles allemandes ont été signalées aux environs de la ville avant la déclaration de guerre.


NOS AVANTAGES partout consolidés

Bordeaux, 15 décembre, 15 h. 50.

De la mer à la Lys, les Anglais ont enlevé un petit bois à l'ouest de Wytschaete.

Le terrain gagné hier par nos troupes le long du canal d'Ypres et à l'ouest d'Hollebecke a été conservé, malgré une contre attaque vigoureuse de l'ennemi.

De la frontière belge à la Somme, rien à signaler.

De la Somme à l'Argonne, canonnade intermittente et peu intense, sauf dans la région de Crouy.

En Argonne, nous avons fait quelques progrès et consolidé notre avance des jours précédents.

Dans les Vosges, la gare de Saint-Léonard (sud de Saint-Dié) a été violemment bombardée à grande distance par les Allemands.

En Alsace, grande activité de l'artillerie ennemie.

Sauf à Steinbach, où une attaque d'infanterie allemande, partie d'Uffholtz, a pu prendre pied, nous avons partout maintenu nos progrès antérieurs.

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OFFENSIVE HEUREUSE EN BELGIQUE

Communiqué officiel du 15 décembre, 23 heures : En Belgique, les troupes franco-belges ont débouché de Nieuport et occupé la ligne lisière, à l'ouest de Lombaertzyde, et la ferme Saint-Georges.

Au sud d'Ypres, nous avons attaqué, dans la direction de Klainzilldeke et nous avons gagné 500 mètres.

En Alsace, nous continuons à tenir les hauteurs de Steinbach.

Sur le reste du front, rien à signaler.

LE SIGNAL DE LA MÈRE-HENRY

Le communiqué officiel du 13 décembre nous a dit que quelques attaques de l'ennemi dirigées contre le signal de la MèreHenry, au nord-ouest de Senomes, ont été repoussées. Ce signal est un sommet boisé qui fait partie d'une crête montagneuse courant du nord-est au sud-ouest et formant le versant droit de la vallée du Rabodeau affluent de la Meurthe qui passe à Senones. C'est un point qui, par de fortes pentes et des escarpements, domine Senones de 300 mètres, à courte distance.

La crête est étroite, et du côté opposé elle commande le vallon des Ravines, où coule également un ruisseau. Il est probable que le signal en question nous est acquis depuis le combat dont nous avons connu le résultat il y a quelques jours.


LA DESTRUCTION DE ROUVRES

Ses habitants sont massacrés

M. Emile Julien, instituteur à Rouvres (Meuse), réfugié à Bossey (Haute-Savoie), vient de publier le rapport qui lui avait été demandé sur l'agonie de la commune où il enseignait. Nous lui cédons la parole, et résumons les pages les plus palpitantes de son travail.

Rappelons toutefois, en commençant, que Rouvres était un joli village meusien comptant 493 habitants, répartis en 141 ménages, situé au nord d'Etain, sur la route de Verdun à Briey, à vingt-cinq kilomètres de Metz : Des coups de feu tirés des bois voisins par quelques chasseurs français ayant tué plusieurs uhlans, le colonel allemand qui occupait le village donna l'ordre d'incendier, après avoir pillé, et de massacrer les habitants. Des grenades furent aussitôt lancées sur les extrémités du village qui prirent feu.

LE PILLAGE

Guidés par des bergers naguère em- ployés au village, quelques uhlans fouillent tout et se ruent sur les maisons des familles les plus aisées. Vingt automobiles, aménagées spécialement dans ce but, recueillent les objets pillés, argenterie, objets d'art, lingerie, victuailles, vins fins et eaude-vie. Au presbytère, laissé vide par lecuré, parti pour remplir son devoir mili-


taire, après avoir profané les vases sacrés, ils remplissent le calice de viande de porc.

Les automobiles chargées filent ensuite à toute vitesse sur Metz.

L'INCENDIE

Après le pillage, une grêle de grenades et d'obus est lancée sur le village, incendiant les maisons, dont des toits volent en éclats. Les premières maisons de chaque rue sont brûlées à l'aide de torches que les soldats lancent dans les granges et les fenils. Voyant que le désastre ne se propage pas assez vite, les soldats, munis de bidons de pétrole, en arrosent les récoltes dans les granges et y mettent le feu. Deux heures plus tard, le village n'est plus qu'un monceau de ruines fumantes.

HORRIBLE CARNAGE

Tandis que le feu dévore les récoltes, les uhlans pénètrent dans les habitations et en font sortir les personnes à coups de crosse de fusil. Ceux qui résistent sont abattus à coups de revolver ; ceux qui sortent, femmes, enfants et vieillards, sont accueillis dans la rue par la fusillade. Cinquante-sept personnes du village, sans compter trente étrangers de la commune d'Affléville (Meurthe-et-Moselle),incendiée quatre jours auparavant et qui avaient cherché un refuge à Rouvres, trouvent la mort dans ce massacre ; quarante autres ont disparu.

Devant la maison de M Leloup, située à l'extrémité d'une rue, quatorze cadavres étaient rangés près de la grille. L'une des victimes, M. Nicolas Périe, adjoint, eut la tête tranchée d'un coup de sabre, la tête roula sur la route, le corps fut jeté dans un jardin. Les cadavres jonchaient le sol Nombreux encore sont ceux qui périrent dans les champs en se sauvant.

Mme M.-A. Mangeot, 79 ans, fut la première victime. Une balle tirée du dehors la tua près de son foyer. Son mari, V.

Mangeot, la prit dans ses bras et la porta dans la cave ; il resta près d'elle environ une heure. Forcé de s'enfuir pour ne pas


rester enseveli sous les décombres de sa maison en feu, il courut, à travers la fusillade, se réfugier dans la cave voûtée d'un voisin. Un tas de bois qui brûlait et menaçait d'obstruer la sortie l'obligea à quitter cette nouvelle retraite. Dans la rue, il trouva une vieille infirme, Mme M. Petitier, abandonnée sur sa chaise. Aidé de deux autres vieillards, MM. A. Giland et Th. Simon, il la transporta, au prix de mille difficultés, au village de Lanhères, distant de deux kilomètres. Ce trajet péniMe et émouvant dura plus de deux heures.

Mme Brouet-Morin vit tomber près d'elle son père âgé de 62 ans ; sa fille Alice, âgée de 17 ans, et son fils René, 14 ans. Sa dernière fille, Colombe, 12 ans, eut le bras fracassé par une balle. Quant à elle, elle reçut deux balles dans ses habits.

Mme Bertin-Nicot s'enfuyait avec son mari et ses trois enfants, âgés de quatre, trois et un ans. Elle donnait île bras à son mari. Un Allemand la saisit, la dégagea de vive force et la jeta à terre. Puis il tira un coup de revolver sur M. Bertin, qui tomba. Celui-ci voulut se relever, une deuxième balle l'abattit de nouveau ; une se- conde tentative qu'il fit pour se relever lui valut une troisième balle qui l'étendit raide mort. La pauvre femme resta plus d'une heure à genoux, auprès du cadavre de son mari.

M. A. Bourgaux, 60 ans, épicier, s'enfuyait, tenant par la main ses deux petits- enfants, Léonce et André, âgés de six et quatre ans, quand une balle l'abattit dans la rue. Les deux pauvres petits, affolés, rô- dèrent longtemps autour de la maison embrasée et finirent par se coucher près du cadavre de leur grand-père. C'est dans cette navrante position que nos soldats les retrouvèrent vingt-quatre heures après.

Leur mère, partie s'approvisionner à Etain, dut à cette heureuse circonstance d'échapper à la mort. La petite Léontine, 10 ans, sœur aînée de Léonce et d'André, sortait du magasin de sa grand'mère, quand elle reçut une balle qui l'atteignit au nez et tua près d'elle une fillette de douze ans, originaire d'Affléville.

M. Bouché, infirme, père de sept enfants


en bas âge, fut massacré sur le seuil de sa porte.

M. A. Gérard, paralytique, fut brûlé vif dans son lit, sa femme n'ayant pu l'emporter.

M. Simon Touchot, père de trois garçons, dont deux sont soldats, eut le ventre horriblement ouvert d'un coup de lance. Sa femme eut la cuisse traversée d'un coup de lance. Leur dernier fils, 18 ans, a disparu.

Pendant l'incendie, douze ou quinze femmes et jeunes filles furent saisies par les uhlans et emmenées dans un parc au milieu des bois, sur la route de Briey. On n'a jamais su ce qu'elles étaient devenues.

Parmi ce malheureux groupe se trouvaient la femme et la fille de l'instituteur.

Ce dernier échappa, comme par miracle, à dix coups de feu tirés sur lui. Arrêté et sur le point d'être fusillé, il fut sauvé par un soldat qui intercéda pour lui. Mais il dut faire trois kilomètres à pied, sous les coups de crosse et de poing, jusqu'à l'ambulance allemande, où il fut contraint de soigner les blessés, M. Wuillaume, maire, sur le point d'être fusillé, fut sauvé par un colonel qui avait bu du Champagne chez lui, et qui cependant eut le cynisme de lui dire : « Je vous donne la vie pour que vous puissiez avoir touj ours l'horreur du crime qu'on vient de commettre. Vous êtes seul responsable. »

ORGIE

Deux maisons, à dessein préservées de l'incendie, celles de MM. E. Léonard et C. Robinet, furent ensuite le théâtre d'une orgie de pourceaux. Tout le bétail, moutons et porcs, abattu à coups de fusil, plusieurs tonneaux de vin et des centaines de litres d'eau-de-vie, abreuvèrent et remplirent ces brutes. L'orgie terminée, au matin, ces deux maisons furent incendiées. Le reste des viandes et du liquide fut expédié à Metz.

LE CHATIMENT

Réfugié à Buzy, au milieu de l'armée française, avec d'autres malheureux habitants de Rouvres, l'instituteur reconnut,


parmi des prisonniers allemands, le colonel qui avait ordonné le pillage, l'incendie et le massacre. C'était un homme de haute stature, aux traits caractéristiques bien marqués, à l'air féroce et au regard méchant. Il le signala au colonel français, qui en prit bonne note et promit de le traduire en conseil de guerre. Ce soudard a dû recevoir sans tarder la juste récompense de ses exploits.

Et maintenant les ruines accumulées le long des rues donnent à ce village l'aspect d'un vaste cimetière. L'église, encore debout et intacte, ressemble, dans cette solitude, à un mausolée érigé en souvenir d'un désastre national. Le clocher, qui domine la plaine, verra des maisons se reconstruire et se grouper à son ombre protectrice.

Rouvres renaîtra de ses cendres C'est le désir des survivants et le vœu qu'espèrent voir réaliser tous ceux qui comptaient des amis dans ce charmant village, tous les Meusiens et tous les Français.

La paix qui vient, la victoire qui accourt opéreront des résurrections, à Rouvres comme dans tous les villages de l'Est et du Nord.

*+•


VERDUN PLUS FORT QUE JAMAIS

Londres, 15 décembre.

L'envoyé spécial du « Times » à Verdun dit que la défense de Verdun a été pour l'Allemagne l'un des plus grands désappointements. Car à l'heure actuelle, cette place est plus forte qu'elle n'a jamais été, d'autant que l'armée qui combat devant elle est intacte, aguerrie, entraînée et enthousiasmée par la cruelle expérience que l'Allemagne a faite depuis ces quatre mois de campagne.

Son artillerie, qui peut avantageusement subir la comparaison avec toutes celles du monde, n'a rien à craindre des plus grosses pièces ennemies.

En dépit de ses efforts réitérés, l'armée du kronprinz n'a jamais pu en approcher plus près que la ligne Montfaucon, Forges, Ornes, Etain, Fresnes-en-Woëvre, Combres et un point sur la Meuse un peu au nord de Saint-Mihiel, soit à moins de 15 kilomètres du centre de la forteresse.

Les chances de l'ennemi de s'en venir plus près de Verdun ne font que diminuer.

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A LA GARE

A partir du 16 décembre 1914 les trains Nancy-Frouard et retour auront leur parcours prolongé jusqu'à Liverdun et suivront les horaires ci-après :

Nancy, départ. 5 h. 54 18 h. 54 Liverdun, arrivée. 6 h. 27 18 h. 47 Liverdun, départ. 6 h. 32 18 h. 52 Nancy, arrivée. 7 h. 08 19 :1. 28


NOTRE PROGRESSION continue

DEPUIS LA BELGIQUE JUSQU'A L'ALSACE

Bordeaux, 16 décembre, 15 h 45.

En Belgique, Westende (nord-est de Lombaertzyde) a été violemment bombardé par l'escadre anglaise.

L'armée belge a repoussé une contre-attaque sur Saint-Georges, et occupé les fermes de la rive gauche de l'Yser.

Nos troupes, qui avaient déjà gagné du terrain vers Kleinzillébêhe, ont aussi progressé, mais moins sensiblement, dans la région de Saint-Eloi.

Dans la région d'Arras, dans celle de l'Aisne et en Champagne, combats d'artillerie où nous avons, sur divers points, pris nettement l'avantage.

En Argonne, rien à signaler.

En Woëvre, nous avons repoussé toutes les attaques allemandes dans le bois de Mortmare et conservé toutes les tranchées enlevées par nous le 13 décembre.

En Alsace, nous avons repoussé une attaque à l'ouest de Cernay.

Paris, 17 décembre, 10 h. 05.

Communiqué officiel du 16 décembre,

23 heures : Légère progression jusqu'à la mer, au nord-est de Nieuport, au sud-est d'Ypres, le long de la voie ferrée, dans la direction de la Bassée.

Aucun incident notable sur le reste du front.


LES SPORTIFS LORRAINS

Ceux qui font la campagne

Une information parue dans nos colonnes a eu pour résultat une volumineuse correspondance de tous les sportifs qui s'empressent d'envoyer à « l'Est Républicain » un souvenir ou un souhait amical.

Nos sportifs en campagne sont tous remplis d'enthousiasme et d'entrain, depuis le vétéran jusqu'au comingman, soit qu'il ait en main le volant d'une 60 HP, soit qu'il monte une marque obscure ou célèbre de cycle, soit qu'il se soit illustré dans le rugby, soit que les épreuves pédestres l'aient jadis couronné de lauriers.

M. Eugène Beaudouin, chef délégué sportif de l'U. V. F., complète nos renseiments personnels. ,

Les sociétés nous ont fait, d'autre part, tenir la liste de leurs membres actuellement sous les drapeaux.

C'est ainsi que nous sommes en mesure d'annoncer à leurs amis que la plupart de nos sportifs ont été généralement épargnés par les Boches. Un seul, Charles Belliéni, motocycliste, a été ravi en pleine jeunesse à l'affection des siens, au lendemain de Morhange.

Stoquert a été blessé dans la Somme, ainsi que Georges Beaudouin ; le premier est en traitement dans un hôpital normand ; le second est retourné à sa batterie, sur le front.

Le cycliste Grandgeorges a été blessé devant Morhange.

Lucien Barthélémy, de la J. C. N. a été atteint à la poitrine par un éclat d'obus.

Comme il sautait en selle pour traverser


ensuite le champ de bataille, un obus, cette fois, brisa la roue avant de sa bicyclette : — Jamais de ma vie, raconte Barthélé- my, je n'ai fait sur ma machine un aussi beau soleil ! »

Pertusdt et Serrière sont cyclistes d'une division, où sert lui-même M. Maigret, en qualité de motocycliste, et M. Bechmann, directeur de la succursale Chenard-Wal- cker, comme automobiliste.

Excellentes nouvelles d'Ernest Peugeot sympathique automobiliste, qui a vu souvent de près le feu des Boches, en Argonne.

A l'autre division du même corps d'armée, figure .Paul Voisset, de Toul, motocycliste. A l'état-major d'un corps d'armée, nous notons la présence des motocyclistes Alphonse Ferry et Georges Henry, des automobilistes Louis Bertrand, sergent, et Abel Beugnot, du sergent - secrétaire Knecht.

Les régiments de la garnison de Nancy comptent dans leurs effectifs Longa, cycliste du colonel, Victor Ferry et Hanrion, Laprévotte, maréchal-des-logis de liaison avec le colonel ; Cuny, cycliste des trains régimentaires : Ernest Roussel, Charles Kippert, Krempf, tous trois cyclistes d'escorte à la armée.

Noirtin et Vincent ont les galons d'adjudants d'artillerie : Chairygnes, le redoutable champion de rugby est dans la même arme, comme Fernand Jacquiau et Leloup, de la J. C. N., et comme Gastiger, de Levallois.

Les frères Simon, Eugène et Paul, sont dans la ligne ; Lhermitte, Robert Beyler, Louis Thiverny, également. Le sergent Viriot est un excellent « vitrier » ; Pierre Weiss a le grade de lieutenant aux chasseurs à cheval.

André Renaud, complètement rétabli, a repris le volant d'une foudroyante torpedo ; les chauffeurs de Peugeot justifient la confiance des officiers qu'ils pilotent et, quoique privés de leurs nouvelles, nous avons lieu de penser que Chèvre, Perron, Coffre


et leurs camarades sont toujours en aussi bonne santé qu'aux débuts de la campagne.

La J. C. N. est encore représentée par son trésorier. Charles Heywang et Georges Muel, parmi les vaillants qu'iront rejoindre incessamment leurs camarades Esohbach et Lacroix, réunis par le dernier appel des classes à Albert Renaud et Georges Caquant.

René Altmeyer, rédacteur à la « Lorraine Sportive », s'est engagé volontaire dans le génie ; un autre confrère, Bardin, rédacteur à « Nancy-Sport », arbore modestement le képi de garde civique dans nos rues M. Charmoille, directeur de l'Institut d'éducation physique, est automobiliste en Champagne.

Tels sont les « tuyaux » que nous avons pu obtenir sur nos sportifs mobilisés ; un seul d'entre eux, le sergent Schurrer, est disparu, sans qu'on sache encore s'il a été fait prisonnier et dirigé sur l'Allemagne.

Nous souhaitons sincèrement à ces braves qui ont si heureusement défendu leur chance — comme ils disent — de revenir sains et saufs pour les épreuves en vue lesquelles la guerre aura si parfaitement entraîné nos athlètes lorrains.


LES OTAGES

GENÈVE. — Passage d'internés. — Samedi soir, à 9 heures 15, sont arrivés une quarantaine de Français, parmi lesquels se trouvait le comte de Guichen, qui avait été amené comme otage à Saverne, et y fut interné jusqu'à ces jours derniers.

LES OTAGES D'ARRACOURT

Mme Adry, réfugiée à Lons-le-Saunier (Jura), rue des Roohettes, nous donne le nom des otages emmenés d'Arracourt. Les voici : MM. Pernet, conseiller d'arrondissement; Adry, juge de paix ; Gauçon, greffier ; Pastel, horloger : Eve, rentier ; Lacour, curé ; Jespirier, instituteur ; Simonin, aubergiste ; Jacquot, boulanger ; S. Simonin, Gougelin, Louis, cultivateurs ; Becker.

Ces otages ont été emmenés depuis le 11 septembre, et sont actuellement au fort von der Tann, à Ingolstadt (Bavière).

Mme Adry reçoit quelques cartes de son mari, mais lui n'a pas encore reçu uneseule lettre de France.

ses


NOUVEAUX PROGRÈS en Belgique et dans le Nord

ACCALMIE PARTOUT AILLEURS

Bordeaux, 17 décembre, 15 h. 15.

De la mer à la Lys, nous avons enlevé plusieurs tranchées à la baïonnette.

Nous avons consolidé nos positions à Lombaertzyde et Saint-Georges et organisé le terrain conquis à l'ouest de Gheluvelt.

Nous avons progressé sur quelques points dans la région de Vermelles.

Pas d'action d'infanterie sur le reste du front, mais tir très efficace de notre artillerie lourde.

Aux environs de Tracy-le-Val, sur l'Aisne et en Champagne, ainsi que dans l'Argonne et dans la région de Verdun, en Lorraine et en Alsace, rien à signaler.

Paris, 18 décembre, 0 h. 55.

Communiqué officiel du 17 décembre, 23 heures : En Belgique, nos troupes ont gagné du terrain au nord de la route d'Ypres à Menin, ainsi qu'au sud et au sud-est de Bixschoote. Nous avons débouché au nord-est d'Arras et nous sommes arrivés aux premières maisons de Saint-Laurent-Blanzy.

Sensibles progrès à Ovillers-LaboisselleMametz et Maricourt, dans la région de Bapaume-Péronne.

De la Somme aux Vosges, rien à signaler..


NOS RAIDS

SUR

FRIBOURG-EN-BRISGAU

Paris, 18 décembre, 1 heure.

BELFORT. — Le 4 décembre, les aviateurs de Belfort ont lancé six bombes efficaces sur Fribourg-en-Brisgau.

Les aviateurs avaient fait une grande boucle sur la Forêt-Noire pour gagner Fribourg, afin de dépister les Allemands.

Le 9 décembre, l'escadrille, malgré une canonnade furieuse, lança quatorze bombes, qui furent efficaces et causèrent d'énormes dégâts.

Dans ce raid, le chef de l'escadrille reçut un éclat d'obus dans l'aile. Plusieurs balles frôlèrent le réservoir et brisèrent les tendeurs.

Cependant, l'appareil resta stable et, après une dernière canonnade, près d'Altkirch, les avions rentrèrent à Belfort, sans autre incident.


NOS MORTS GLORIEUSES

M. NOEL

Nancy, 18 décembre.

C'est avec le plus grand regret que nous apprenons la mort de M. Noël, directeur des Usines de Marchéville-Daguin, décédé à l'hôpital militaire de Nancy, à la suite de ses blessures.

Le défunt était le fils de l'ancien directeur du service des eaux de la ville de Nancy. Il fut un des premiers élèves de l'Institut chimique, où il acquit de grandes connaissances.

Il entrait bientôt aux soudières de la Madeleine où, grâce à son travail, son activité incessante et ses grandes qualités d'administrateur, il fut nommé directeur des établissements Daguin et Cie, qui comprennent les Soudières et les Salines de Varangéville.

Appelé par la mobilisation, il se rendit à son poste avec le modeste grade de caporal et sut se faire aimer de tous.

L'autorité militaire fit appel à sa science de chimiste pour connaître la composition d'un explosif contenu dans un obus ennemi. Hélas ! malgré toute la prudence avec laquelle il manipulait le terrible engin. celui-ci fit explosion, le blessant cruellement.

M. Noël fut transporté à l'hôpital militaire, où bientôt la médaille militaire lui était décernée pour son dévouement. Malgré la science des docteurs et le dévouement de son épouse, le blessé succombait.

Nous adressons à sa veuve et à toute la famille l'expression de notre douloureuse sympathie.


UN

HÉROS DE SEIZE ANS

D'une correspondance adressée à sa famille par un de nos concitoyens, soldat dans un régiment de l'Est, nous détachons ce passage qui relate un épisode émouvant et inédit de la guerre en Lorraine : « Je suis encore sous le coup de l'émotion que vient de nous causer, à mes camarades et à moi, l'apparition au milieu de notre bivouac d'un gamin de seize ans, tout frêle encore, mais qui est animé d'une extraordinaire énergie, ainsi que l'a prouvé le touchant récit que voici : « Je suis né, m'a-t-il dit — sur mes questions — à Spincourt, au-dessus d'Etain.

J'ai 16 ans depuis le 15 juillet. Je m'appelle Robert Lorette ; j'étais garçon boucher à Etain, chez M. Beuvrier. Lorque la guerre fut déclarée, mon patron ferma sa boutique et je suis retourné chez mes parents.

Trois jours après, les Boches s'emparaient d'Etain et marchaient sur Spincourt, mais ils se heurtèrent aux e et 0 d'infanterie qui les repoussèrent.

« Ah ! si vous aviez vu ça ! Les Boches s'avançaient en levant la crosse jusqu'aux tranchées du e, comme pour se rendre, et, lorsqu'ils arrivaient à cent mètres, les nôtres sortirent pour les faire prisonniers.

Hélas ! leurs rangs s'ouvrirent et leurs mitrailleuses, dissimulées derrière les premiers rangs, se mirent à cracher, fauchant les nôtres.

« C'est là que j'ai vu le drapeau pris par les Boches, mais pas pour longtemps !

Cinquante Français — pas davantage !

de ceux qui n'étaient pas blessés, s'élancèrent à la baïonnette et reprirent leur drapeau ; mais, devant le nombre toujours


croissant des ennemis, ils durent se replier.

« Comme j'aurais voulu être avec eux !

Mon père ne voulut pas les suivre ; il eut tort. Une pluie d'obus arrivant sur le village mit le feu à la plupart des fermes et < ma petite sœur fut tuée par un éclat. Mon père et ma mère étaient affolés et les Prussiens arrivaient toujours. Lorqu'ils entrèrent dans le pays, j'étais caché dans une écurie ayant une porte sur les jardins.

« C'est là que je vis fusiller mon pè- re et ma mère. Alors, je me suis sauvé en jurant de les venger.

« C'est fait, allez, depuis longtemps ! J'ai rejoint les soldats et je leur ai dit tout ce que j'avais vu. Ils m'adoptèrent avec eux, m'ayant habillé avec des effets de rechange et m'ayant donné un fusil chargé, pris à un blessé. Le soir, nous rentrions en vainqueurs à Spincourt. Tout était brûlé.

Depuis je sais charger mon fusil tout seul et je suis sûr d'avoir tué plus d'un Boche ! »

En terminant ce récit le soldat s'adressant à son fils, qui a justement l'âge de notre jeune héros lorrain, ajoute : « Comme tu vois, nombre de ces enfants, aujourd'hui sans biens et sans famille, errent à la suite des combattants avec la haine au cœur.

« Tu dois l'avoir aussi, toi cette haine du Germain, de ce barbare qui ne respecte même pas les femmes et les enfants. »

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EN TIRAILLEUR

En Haute-Alsace J" w Le bon vin de France Une carte postale émouvante

Nous recevons de temps en temps des nouvelles des « nôtres », combattant sur différentes parties du vaste front qui, peu à peu, repousse l'envahisseur du sol français et qui reconquiert, pied à pied, notre chère Alsace. Publions, avec la prudence qui convient, les « notes » que nous recevons de quelques concitoyens.

L'un d'eux tient, depuis le mois de septembre, garnison à Dannemarie, la jolie petite ville d'Alsace, d'où, en montant en haut du clocher de l'église, on peut apercevoir Mulhouse.

— Je suis ici, nous écrit-il, depuis bientôt trois mois : c'est vous dire que je con- nais maintenant tout le monde, depuis les éclusiers du canal jusqu'au brave curé du patelin. Au début, les habitants étaient très hésitants. Songez donc : c'était la troisième fois qu'on y venait, et ils craignaient de nous voir repartir encore et de renouer connaissance avec les Boches. Mais maintenant, c'est bien changé. Ils nous savent ici pour toujours. Toute méfiance, toute crainte a disparu. Si vous .savï,ez l'impression de calme et de sécurité qui règne.

Aussi nos soldats sont gâtés ; autant du moins que cela est possible à une population qui manquait de bien des choses, mais qui, grâce à nous, commence à revi- vre la vie normale. Réorganisation des


transports, ravitaillement de la population, travail pour les malheureux, réouverture des écoles, nous avons tout organisé. Mais une des choses qui a fait le plus pour nous, c'est le vin. Notre bon vin rouge du Midi, si vous saviez l'effet qu'il fait. La population se paye avec délices des litres à huit sous. Et les lettres que les gens du pays reçoivent !. Car il faut vous dire qu'on a évacué d'ici, sur le Midi et sur l'Algérie, tous les suspects et tous les hommes qui étaient encore soumis à la loi militaire allemande. Tous écrivent qu'ils sont dans un pays merveilleux. L'autre jour, une femme, recevant une lettre de son mari, qui est en Algérie, s'est mise à pleurer parce qu'il lui racontait que, là-bas, il payait le vin trois sous le litre. « Il ne reviendra jamais, larmoyait-elle, je le connais. Jamais il ne voudra quitter un tel pays ! » Et c'est vrai : il y en a beaucoup qui resteront. Hier, nous avons eu un déserteur allemand pas banal. Figurez-vous que ce type ressemble comme deux gouttes d'eau à Napoléon III. Aussi ses supérieurs passaient leur temps à lui reprocher son air français : on le brimait. A tel point qu'il a fichu le camp en disant à ses camarades : « Eh bien ! puisque j'ai l'air français et que ça vous embête, je vais rejoindre ceux à qui je ressemble !. » Mais assez bavardé ! Je vous envoie, pour la salle de dépêches de l'Est un souvenir du pays.

Ce souvenir est charmant. C'est une carte postale illustrée. Elle représente la place de Dannemarie. Aux fenêtres des maisons flotte le drapeau tricolore. Devant la fontaine, un soldat français, beau gars, l'air martial, tient par la main deux délicieuses fillettes, en costume alsacien, avec le joli tablier brodé, le corselet de velours et le grand nœud de faille abritant les longues boucles blondes. Le cliché a été pris par un de nos officiers et la carte postale a eu immédiatement un succès fou dans le pays.

Le fait est qu'on ne peut se défendre d'une douce émotion, à voir, sur cette place re- conquise, joyeuse de nos couleurs nationa- les, un troupier français qu'encadrent deux mignonnes alsaciennes.


UN BEAU SUCCÈS

DANS LA

RÉGION D'ARRAS

Nous leur enlevons plus d'un kilomètre de tranchées de première ligne

Bordeaux, 18 décembre, 16 h, 30.

La journée du 17 décembre a été marquée, comme nous l'avons annoncé hier, par une progression de notre part, en Belgique, où toutes les contre-attaques de l'ennemi ont échoué.

Dans la région d'Arras, une offensive vigoureuse nous a rendus maîtres de plusieurs tranchées devant Auchy-les-Labas- sée, Loos, Saint-Laurent et Blangy. Sur ce dernier point, nous avons enlevé, sur un front de plus d'un kilomètre, presque tou- tes les tranchées de première ligne de l'ennemi.

Dans la région de Tracy-le-Val, sur l'Aisne et en Champagne, notre artillerie lourde a pris nettement l'avantage.

Dans l'Argonne, les Allemands ont fait sauter une de nos tranchées, au nord de Four-de-Paris, et ont essayé d'en déboucher avec trois bataillons. Cette attaque d'infanterie et celle qu'ils ont prononcée à SaintHubert, ont été repoussées.

A l'est de la Meuse et dans les Vosges, rien à signaler.


DE LA CONTEMPLATION A L'ACTION

Nancy, 18 décembre.

J'adore recevoir des lettres de mauvaise humeur. Plus j'en recois, plus je me réjouis. Il n'est rien qui actuellement me soit plus agréable.

Ce n'est d'ailleurs pas une perversion. Cette joie est le résultat d'un raisonnement simple Pour l'instant mon plaisir est sans limites. Je ne reçois guère que des lettres délicieusement grognonnes. Un lecteur assidu se plaint de l'adininistra- tion, — de toutes les administrations.

Un vieil abonné est suffoqué à l'idée qu'on pourrait bien organiser des soirées, et même des concerts au bénéfice des blessés. Des anonymes protestent avec indignation contre la façon dont on distribue les soupes, les indemnités, les jouets, les vêtements chauds, et généralement tout ce qui est distribué.

La poste a sa part d'invectives. Et je n'ose pas dire que bien d'autres personnes, et des plus haut placées, sont également sur la sellette.

On demande pourquoi ceci et comment cela.

J'ai même cru remarquer que les petites animosités de quartier ne sont pas toujours étrangères à ces récriminations.

On ne peut pas imaginer à quel point je suis satisfait d'un courrier aussi désagréable pour mes contemporains.


Voilà déjà longtemps que je n'étais plus habitué à cela. Au mois d'août, vers la fin surtout, je n'avais pas une seule lettre de protestataire.

C'est peut-être parce que la direction des postes avait changé de séjour. Mais en septembre, alors que le service des lettres avait repris anormalement, j'avais à lire peu d'épîtres sans indulgence.

On était sans doute préoccupé d'autres soucis. On écoutait le canon, on plaignait les réfugiés avec la crainte d'être soi-même un réfugié le lendemain, on s'apitoyait sur les blessés le long des rues.

Bref la journée était remplie de telles angoisses qu'il n'y avait plus de place pour d'autres sentiments.

Mais peu à peu on s'est habitué au bruit de la canonnade lointaine, à l'aspect des réfugiés dont la situation est réglée administrativement, à tout ce qui constitue le présent et le futur de la guerre. Et on s'est aperçu qu'au-dessus de tout cela, au-dessus des batailles et des craintes et de tous ces épouvanta- bles chocs, il y avait quelque chose qui dominait tout : le sentiment de la vie.

On a vu des paysans, qui avaient fui devant l'invasion prochaine, retourner à leurs champs pendant le combat, et ramasser les pommes de terre dans le sifflement et l'explosion des obus, et on a trouvé cela très bien.

On s'habitue au danger comme à toutes choses. Ainsi que le disait le président de la Chambre après la bombe de Vaillant, la séance continue.

Oui, toujours la séance continue.

On s'est aperçu que l'héroïsme guerrier pour les non-combattants, ce n'était que paroles vaines, et qu'il valait mieux, au lieu de discourir en l'air, dé-


ployer ces belles vertus civiques qui s'appellent l'ordre, la méthode le travail.

Avec la réalité de ces vertus la partie de la nation qui n'a pas les aimes à la main nourrit la partie de la nation qui lutte pour la défense de la patrie.

Et on s'est décidé à regarder autre chose que les incendies, les pillages, les carnages, les épouvantes de la guerre où les yeux s'étaient d'abord hypnotisés.

On s'est tourné vers l'atelier, vers le magasin, vers le foyer, et on a enfin recommencé à travailler. D'abord d'une façon un peu inquiète, puis avec l'étonnement de retrouver quelque chose de cher, puis avec la certitude qu'on défendait mieux soi-même ce que nos soldats aimés s'efforcent de sauver.

Dès lors la vie a repris. La vie a repris avec ce qu'elle a de bon et de mauvais, avec ses douceurs, avec ses récrimina- tions.

Comme il y a, par ces temps, des gènes supplémentaires. il y a aussi des récriminations supplémentaires.

Mais plus je reçois d'amères protestations, et plus je me réjouis, car je vois dans ces plaintes le désir mal exprimé de travailler à nouveau, et le tourment de ne point accomplir de toute une ardeur régénérée l'œuvre de création et de reconstitution qu'on avait un peu délaissée aux premières heures de la formidable tragédie qui bouleverse le monde.

De la contemplation à l'action, il paraît qu'il est indispensable de passer par la critique.

Amis, ne protestez pas davantage.

Allez tout de suite à l'action. Travaillez.

Vivez.

RENE MERCIER.


DEUX

Batteries lourdes allemandes DÉTRUITES

Paris, 19 décembre, 0 h. 25.

Voici le communiqué officiel du 18 décembre, 23 heures : Nous avons gagné un peu de terrain le long des dunes, au nord-est de Nieuport.

Deux fortes contre-attaques ennemies, au nord de la route d'Ypres à Menin ont été repoussées.

Légère avance des troupes britanniques dans la région d'Armentières.

Notre artillerie a détruit deux batteries lourdes ennemies dans la région de Verdun.

Sur le reste du front, rien à signaler.

(.


LA VIE A METZ

Nancy, 19 décembre.

Une Nancéienne, rentrée cette semaine en notre ville après une absence de quatre mois qu'elle a passés à Metz, nous a relaté hier ce qu'elle a pu observer chez nos voisins pendant cette intéressante période.

Mme X. avait l'habitude de se reposer chaque été chez ses parents messins. Ceuxci durent, naturellement, faire à la police la « déclaration » que la loi exige de tout Allemand dont le domicile abrite un étranger.

— « Très régulièrement, dit Mme X., un agent venait chaque semaine s'infor- mer, prendre bonne note de ma présence.

Cela aura jusqu'au jour où l'on m'annonça que, pour des raisons très graves, m.'!) évacuation sur Wiesbaden était ordonnée.

Je pris alors le parti de tomber malade.

Un médecin fort complaisant, délivra l'attestation nécessaire, reconnut que mes soixante-douze ans, mes crises cardiaques, ma faiblesse générale, l'impossibilité où je suis de supporter une fatigue ni une émotion rendraient pour moi très dangereux le voyage de Metz à Wiesbaden. J'eus la chance que cette consultation ne fût suivie d'aucune contre-visite. Je réussis ainsi à prolonger mon séjour au milieu de ma famille.»

La guerre est déclarée A la veille même de la mobilisation, Metz ne présentait aucun signe d'agitation.

Personne ne prononçait le mot de guerre.

On voyait à peine quelques rares mouvements de troupes. Des manœuvres n'auraient pas produit dans les casernes plus de préparatifs.

Mais les événements se précipitèrent.

Soudain, on apprit l'arrestation des frères Samain, du chanoine Colin et de M. Hou-


pert, directeur du « Lorrain » ; l'interdiction de paraître aux journaux de langue française, la dissolution des sociétés de Vétérans, l'incarcération de leurs chefs, les exécutions qui ont été si fréquemment rappelées : — Une sorte de terreur, ajoute Mme X., régna sur Metz. Les relations entre immigrés et indigènes revêtirent une forme plus agressive ; on sentait partout la délation ; on échangeait alors des regards de méfiance et de colère. Les officiers allemands méprisaient les civils qu'ils toisaient du haut de leur morgue insolente et je vous certifie qu'il ne faisait pas bon se trouver par hasard sur leur chemin. »

Mme X. cite plusieurs exemples d'arrogance de méchanceté iniques.

Tel est le cas d'un honorable commerçant jeté en prison parce qn'en livrant plusieurs barriques de vin, il avait posé à l'oct si cette simple question : « Est-ce que vos bureaux seront fermés à mon retour en ville, vers six heures ? »

Crime abominable ! On avait essayé de surprendre l'établissement et l'organisation des postes destinés à la protection de Metz !

L'innocence du malheureux négociant ne fut reconnue devant les juges du conseil de guerre qu'au bout de huit jours.

Un officier galant Tel est encore le cas d'une jeune fille qui répond par un « bonsoir, madame ! » au salut d'une voisine sur l'Esplanade.

Un officier s'approche de la jeune fille et, à toute volée, lui applique sur la joue un formidable soufflet. Puis il explique son geste : — Sachez, mademoiselle, qu'en Allemagne tout le monde aujourd'hui est tenu de parler allemand.,.

— Et moi, répond crânement la délin- quante, je parlerai français avec mes amis.

L'officier bondit sous l'injurieux défi. Il empoigne rudement cette réfractaire, cette sœur de Colette Baudoche insensible aux


galanteries de la kulture germanique et il la conduit vers la caserne toute proche.

Mais, tandis qu'il parlemente à l'intérieur du poste, sa prisonnière ramasse vivement ses jupes et gagne à toutes jambes un endroit où elle pourra impunément raconter en français l'excellent tour qu'elle vient de jouer au lieutenant déconfit.

Les Messins restaient d'abord plongés dans une totale ignorance. On leur apprit avec force ménagements que l'Allemagne avait déclaré la guerre à la France, en inventant des prétextes plus ou moins puérils.

Pas de nouvelles

La privation de nos journaux fut particulièrement pénible. Metz manquait de nouvelles. On eut bientôt soif de vérité. Le population devinait que les agences officielles trompaient l'opinion. Dans les brasseries où fréquente ordinairement la clientèle indigène, on tâchait de se communiquer rapidement, à voix basse, ce qu'on avait pu connaître par la lecture d'un bout de journal parisien, par l'indiscrétion d'une lettre échappée aux « caviars » de la censure, par l'interrogatoire d'un blessé ou d'un prisonnier amenés à la gare : — Nous avons vécu des journées bien tristes, dit Mme X. L'annonce des plus extravagantes victoires remplissait d'enthousiasme les Boches et surtout les femmes des fonctionnaires qui nous insultaient au passage et nous bravaient. »

C'était la Mutte, le bourdon de la cathédrale, qui retentissait gravement, solennellement, pour appeler la foule sur la place de l'Hôtel-de-Ville où une proclamation des autorités célébrait les succès allemands en Belgique ou en Pologne.

Les prêtres devaient publier en chaire les mêmes informations, mais le sort infligé aux curés lorrains, incarcérés ou fusillés sans pitié par les bandits d'outreRhin, provoqua dans toutes les églises une stupeur, une réprobation, une fureur qui prenaient rarement la précaution de se dissimuler.


Plusieurs prêtres se contentèrent de cette formule inaugurée par le curé de SaintMartin : — Je suis obligé, mes chers paroissiensde vous apprendre la prise de Liège. »

La Mutte se tait La Mutte garda le silence durant de longues semaines, après la chute d'Anvers.

Que se passait-il donc ? Les officiers cessaient de colporter orgueilleusement que leurs troupes campaient sous les murs de Paris, que Verdun était à deux doigts de la capitulation.

— Enfin, le 26 ou le 28 novembre, déclare Mme X., sa grande voix se fit entendre.

On courait, on se bousculait dans les rues.

Le cœur me battait plus fort que jamais.

Quelle nouvelle, joyeuse ou lugubre, allions-nous connaître ? Dans quelle bataille décisive le sort de la France s'était-il joué?

On lisait sur tous les visages la même anxiété ; mais les sentiments qui animaient les femmes des fonctionnaires ne ressemblaient pas aux nôtres. Une victoire des Boches allait-elle violemment exalter leurs passions contre nous, les malheureuses exposées sans défense à leurs sarcasmes, à leurs menaces ?. La proclamation annonça que l'armée allemande avait fait à Lodz 80.000 prisonniers. Je poussai un soupir de soulagement ; mais il était visible que les immigrés éprouvaient une cruelle déception. Eh non ! ce n'était pas encore l'entrée triomphale à Paris, ni mê- me le bombardement de Verdun. »

Paris, surtout, obsédait les officiers d'une perpétuelle hantise. Ah ! quand ils iraient à Paris. Quand ils feraient la fête à Paris. Quand ils assisteraient aux réceptions de Paris.

C'était chez eux une idée fixe — à telle enseigne qu'un lieutenant, ne pouvant ob- tenir r' chez un cordonnier en renom les lacets qu'il désirait pour ses chaussures, s'écria : — Bah ! j'attendrai quelques jours. Le


temps d'aller à Paris. J'achèterai là-bas tout ce qui manque dans les magasins de Metz. »

Prisonniers et blessés

Quand défilait un convoi de prisonniers, on tâchait d'éviter la surveillance étroite des sentinelles ; on glissait quelques mark dans les doigts des troupiers dont l'attitude avait je ne sais quoi de crâne, malgré la tristesse du sourire qui remerciait.

Pour montrer mieux les prisonniers, on prolongeait leur promenade en ville et bien des larmes coulèrent devant le spectacle de cette humiliation.

Mais un mot, parfois, s'échappait de leurs lèvres : « Ça va bien. chuchotaientils. Ayez confiance. »

Quant aux blessés, on a le droit, maintenant, de les visiter dans les hôpitaux, à Jp condition que l'on répartisse sans distinction les friandises entre les Boches et les Français.

Ah ! point n'est besoin de recommander aux annexés la confiance. Depuis le premier jour, ils gardent une inébranlable conviction. Rien n'a pu les détourner de cet espoir que les couleurs françaises flotteront tôt ou tard sur l'Alsace-Lorraine, que les vieilles casernes de Metz s'éveilleront au chant de la Marseillaise, que le maréchal Ney passera encore la revue des Pantalons rouges au beau milieu de l'Esplanade.

— Aussi, comme nous prêtions l'oreille au canon, ajoute Mme X., on se demandait si, de la frontière, nos forts recevraient les obus français. Le passage des aéroplanes nous comblait de joie. »

La bataille de Morhange coûta cher aux Allemands. Elle laissa chez les soldats l'impression d'un épouvantable charnier : — J'ai rencontré un des médecins que l'on vint en hâte chercher à Metz pour donner leurs soins dans les ambulances.

L'un d'eux, pénétré d'horreur, disait qu'il n'avait jamais vu d'hécatombes pareilles. »


Visites d'avions

Quand les avions français lancèrent des bombes sur les hangars de Frescati, on ordonna le silence sur les résultats de cette expédition. Un autre jour, l'apparition d'un Farman fut saluée, au-dessus des forts, par une fusillade intense et par l'envoi d'une volée de shrapnells : — L'appareil volait très bas, raconte Mme X. Nous admirions son audace.

Tout le monde suivait ses évolutions avec une ardente curiosité. Tout à coup, il sembla qu'une flamme jaillissait de l'aéroplane et qu'une fumée épaisse l'enveloppait. Autour de nous, on battait des mains, on hurlait : « Capout ! Capout !. » J'avais l'angoisse dans l'âme. Mais voici que, sans perdre sa grâce légère, l'oiseau sort du nuage de feu et qu'il continue sa route vers Pont-à-Mousson. Les applaudissements se changèrent aussitôt en vociférations ; les Boches étaient congestionnés de fureur. »

En prévision d'un siège, l'autorité militaire a prescrit certaines mesures, telles que l'approvisionnement en conserves, vin, légumes secs, etc., pour un laps de plusieurs semaines.

— Les instructions du gouverneur de la place sont rigoureusement appliquées. On exerce un contrôle permanent sur les marchandises que tout ménage est tenu de remplacer au fur et à mesure qu'on distrait une quantité, si faible qu'elle soit, de ces subsistances. »

La perfide Albion Tant de prévoyance contraste singulièrement avec le peu d'empressement dont témoigne le recrutement des jeunes classes : — A quel mobile obéit-on ? Veut-on cacher dans certaines provinces l'épuisement des effectifs ? demande Mme X. Nous avons présumé qu'en maintenant dans leurs foyers les hommes de vingt ans, on essayait de retarder les mouvements d'opinion, les protestations, les troubles inévi-


tables qui éclateront quand on sera fixé sur l'effroyable consommation de vies humaines faite depuis le mois de juillet. »

On sait en effet que, dans le Brandebourg et plus spécialement à Berlin, on s'est jusqu'à présent abstenu de convoquer les éléments valides du landsturm pour les raisons dont Mme X. nous a précisément apporté l'écho des pays annexés.

Il semble également qu'on s'évertue à créer de l'autre côté de la frontière le revirement en faveur de la France que les agences d'information ont signalé en ces derniers temps.

L'Angleterre est devenue la seule ennemie. Elle accapare les haines de l'Empire.

C'est elle qu'il faut abattre, c'est sa marine qu'il importe de couler ; c'est son commerce, son industrie qu'il s'agit de ruiner entièrement ; ce sont enfin ses colonies qui forment le butin, la proie guettée par les convoitises teutonnes.

Quant à la France, elle trouve grâce devant la politique de Guillaume II. On daigne nous pardonner. On nous excusera d'avoir eu des villages détruits, des otages, des enfants et des femmes massacrés en masse ; on oubliera le bombardement de Reims, à la condition de lâcher nos alliés pour tomber avec un sublime élan de gratitude dans l'étreinte d'une Allemagne qui nous a prouvé son immense amour !

Cette proposition honnête, ce vertueux marché est devenu dans les brasseries l'objet des conversations entre diplomates prompts à reviser la carte du monde en y logeant largement la civilisation enseignée par les baïonnettes à scie et les pastilles incendiaires !

Le couple impérial Le kaiser s'est rendu plusieurs fois à Metz ; il descendait presque toujours à l'hôtel de l'Europe.

Au cours d'une de ses visites, un incident se produisit dans les jardins mêmes de l'hôtel : Une dame de la haute société s'était reti- rée à l'écart. Elle venait de recevoir une dépêche lui annonçant la mort de son mari,


tué au feu. Son chagrin fuyait les salons encombrés d'uniformes, pleins d'un tumulte heureux.

Instruite de son deuil, l'impératrice alla droit à elle et versa sur cette douleur des consolations. à la prussienne : — Votre mari est mort. Vous vous lamentez pour si peu !. Mon mari est à la guerre ; mes cinq fils y sont avec lui. Me voyez-vous verser des larmes, madame ?.» Il serait superflu d'indiquer de quels commentaires les Messins accompagnent le récit de cette scène où la pitié de la souveraine donnait aux veuves une aussi étrange leçon de stoïcisme.

Une circonstance fortuite empêcha la capture de Guillaume II. Des témoins dignes de foi rapportent qu'il dut son salut à la vitesse — en quatrième — d'une ambulance automobile où les officiers le jetèrent précipitamment.

Nous sommes des barbares ," La vie économique est exempte de troubles. Le prix des denrées a peu varié. Nulle part à Metz on n'éprouve la sensation d'inquiétude qui fait songer aux événements dont le théâtre est si rapproché de la ville.

Pourtant, le 20 novembre, un suprême délai de dix jours fut accordé aux étrangers dans la même situation que Mme X.

— Je dus partir, nous dit-elle. En deux jours, j'ai parcouru sans incidents notables la distance qui me séparait de la Suisse, par Strasbourg, Fribourg-en-Brisgau et Schaffouse. A la gare frontière, un général allemand s'approcha du groupe que formaient avec moi, une dizaine de voyageuses et interrogea l'une d'elles : « On répand partout le bruit que nous agissons comme des Barbares, n'est-ce pas ? »

« Escomptait-il un démenti, une protestation ? Notre compagne se mit un bœuf sur la langue : « Oh ! c'est la guerre, général, fit-elle. En ce qui nous concerne, on n'a pas eu à se plaindre. » L'officier s'inclina ; il parut satisfait de la réponse.

L'impression que rapporte de Metz notre


concitoyenne se résume en une confiance sans bornes dans le succès final de la France, en un insatiable désir de connaître exactement la tournure des événements, en une joie profonde au souvenir des manifestations dont nos soldats prisonniers ou blessés sont l'objet, en un vœu que son pa- triotisme exprime avec force :' — Quand je retournerai là-bas, il n'y aura plus de Boches ! »

ACHILLE LIEGEOIS.

LE

SOUS-PRÉFET D'ALTKIRCH

M. Pailhé, procureur de la République à Besançon, est nommé sous-préfet d'Alt- kirch, avec résidence à Dannemarie.

1.1


LES RÉPARATIONS

AUX

MAISONS DE HARAUCOURT

Haraucourt, 19 décembre.

Les travaux de réparation des maisons de Haraucourt sont à peu près terminés et une grande partie des habitants du village ont pu réintégrer leur domicile. En leur nom, la commission municipale, composée de MM. Briat, Perroten, Colette et Gellenoncourt, exprime ses sentiments de profonde gratitude à M. le préfet de Meurtheet-Moselle et au comité des réfugiés qui ont entrepris cette œuvre de rapatriement.

Elle remercie spécialement M. Midavaine, qui, chargé de la direction des travaux, s'est acquitté de sa mission sans jamais se laisser rebuter par les réclamations et le mauvais vouloir de quelques-uns.

La commission a le devoir de rappeler les noms des généreux donateurs qui, durant ces derniers mois, sont venus en aide à cette commune éprouvée.

M. Payelle, administrateur des salines Rosières-Varangéville ; Bouivain, directeur de l'usine Solvay, de Dombasle; Mme Finance et M. Midavaine, de Nancy ; M.

Hutin, sous-chef de bureau de l'administration de l'octroi du 12e arrondissement de Paris, à l'occasion de son fils, mort au champ d'honneur sur le territoire de ladite commune.

Elle leur adresse à tous ses bien sincères remerciements.

Le maire, BRIAT.


LES ALLEMANDS A LONGWY

Le 15 novembre dernier, je me trouvais à la gare de Bourg (Ain), immobilisé dans la salle d'attente par un arrêt de huit heures. Tandis que la plupart des voyageurs sommeillaient sur des banquettes, dans un coin de la salle, deux dames causaient.

L'une, la plus âgée, montrait à l'autre des cartes postales de la guerre qu'elle allait vendre, le lendemain, dans un gros marché campagnard des environs. Tout à coup, la plus jeune des deux femmes poussa une exclamation en regardant une carte qui représentait, dans une pose théâtrale, le grand chef des Boches, le kaiser Guillaume. Et la jeune dame de s'écrier : « Le kaiser ?. Je l'ai vu autrement que sur du papier, je l'ai vu en chair et en os, il n'y a pas bien longtemps. — Où ça ? — A Longwy.

En entendant prononcer le nom de son pays, le vieux Longovicien que je suis quitta la banquette où il essayait en vain de s'assoupir quelque peu. Je me dirigeai vers les deux dames avec lesquelles j'engageai conversation.

Je me fis connaître, la jeune dame aussi ; c'était une employée du bureau de postes de Longwy-Bas, X., de Saône-et-Loire.

Elle avait quitté Longwy deux jours auparavant, en compagnie de trois autres dames, employées des postes comme elle.

Par quels moyens, par quels subterfuges avaient-elles réussi à quitter une ville en pleine domination allemande, pour se rendre à Metz et Strasbourg, traverser l'Allemagne et gagner ensuite la Suisse ? Je n'ai pas à le dire ici, pour ne pas entraver les tentatives faites par d'autres Longoviciennes qui devaient aussi, paraît-il, user du même procédé pour quitter Longwy.

J'ajouterai que le stratagème employé fut


bien près d'échouer et que les quatre Françaises, malgré leurs passeports bien en rè- gle, faillirent faire demi-tour, à la dernière gare allemande de la frontière suisse. Mais toutes les difficultés s'aplanirent, et l'officier prussien qui faisait tant de « rouspétance » en lisant les passeports de nos Longoviciennes, donna enfin le signal du départ du train qui se dirigeait vers la Suisse. Aussi, avec quel soupir de soulagement fut accueilli le coup de sifflet libérateur !

J'ai pu recueillir, de la bouche de mon interlocutrice,qui vécut avec les Allemands depuis le 26 août, date de la reddition de la place, jusqu'au 13 novembre, des renseignements intéressants sur la situation actuelle des habitants.

Je crois rendre service aux nombreuses personnes qui ont laissé à Longwy des amis et des parents en leur faisant savoir, par l' « Est républicain », que la population, du moins jusqu'à fin novembre, était en pleine tranquillité, qu'aucun otage n'avait été pris par les envahisseurs et que la vie avait repris quelque peu son cours normal.

Les ravages du bombardement Longwy-Haut eut à souffrir, pendant six jours et six nuits, un bombardement terrible ; les obusiers de 220 décimèrent tellement la vieille forteresse qu'il ne reste plus aujourd'hui de la coquette cité qu'un amas de ruines et des tas de pierres informes !

Nous avons pu voir, sur des cartes postales éditées par MM. les Boches, les ravages causés dans la ville haute par les obus et les boulets : pas une maison n'a été épargnée, pas une ne reste debout, et Longwy-Haut n'a plus rien à envier à Re- vigny ou à Sermaize-les-Bains, le spectacle est aussi terrible ici que là.

Du bel hôtel de ville dont les Longoviciens étaient si fiers, et dans lequel le maire, M Pérignon, avait installé une organisation municipale modèle, il ne reste plus que la façade. Toutes les murailles • sont effondrées. Quant à l'église, elle dres-


se encore vers le ciel un pan de sa haute tour. Les obus ont démoli le reste.

On se croirait au milieu des ruines de Pompéï. La ville est déserte, et les Allemands ne permettent pas aux habitants d'y rentrer. Toutefois, pendant les deux premiers jours qui suivirent la reddition, la kommandatur autorisa exceptionnellement les Longoviciens à contempler les ravages de leurs « marmites », et beaucoup d'entre eux, qui s'étaient réfugiés dans les environs, s'en vinrent avec tristesse voir ce qui restait de leurs maisons.

En gens qui n'aiment pas de « laisser traîner les restes », les Allemands firent charger sur des camions les meubles et autres objets qu'ils purent trouver dans les immeublles écroulés, et tous ces colis suivirent le chemin que prirent déjà nos pendules de 1870.

A Longwy-Bas, le bombardement ne fit pas beaucoup de dégâts ; un projectile éventra les bureaux de la Société Générale, et la partie de l'avenue Margaine, située entre la Société Nancéienne de Crédit et l'asile Margaine fut complètement détruite par les obus. On dut évacuer l'ambulance installée à l'asile Margaine, et la supérieure fut tuée d'un éclat d'obus en faisant effectuer le transfert des blessés.

Cinq autres personnes furent tuées à la ville basse ; elles s'étaient, je crois, réfugiées dans une cave qui s'effondra.

Les remparts de la place ont été sérieusement détériorés par les proj ectiles ennemis, et on nous a rapporté que l'effondrement des casemates causa la mort de plusieurs centaines de soldats.

L'administration allemande Un des premiers soins des envahisseurs fut d'imposer la ville d'une contribution de guerre d'un million qui fut, paraît-il, versée par les maîtres de forges restés au pays, notamment MM. de Saintignon et Dreux. De pillage, point ou presque pas. Quelques soudards avinés qui avaient dévalisé une cave à la ville basse, furent, paraît-il,


punis par le commandant de place, et depuis ce moment aucun autre acte de pillage ne fut commis.

Dernièrement, les officiers teutons réquisitionnèrent les lainages et couvertures qui se trouvaient encore dans les magasins de confection, et ils payèrent avec. des bons de réquisitions !

L'administration municipale continue à fonctionner ; tous nos édiles sont restés là, sauf ceux que la mobilisation appela à leur régiment. L'état civil fonctionne à l'école des garçons, un autre bureau à l'hôtel du Commerce, et le dévoué secrétaire, M.

Maîtrehut continue l'exercice de ses fonctions.

Les bureaux de la « kommandatur » sont installés dans les locaux de l'ancienne banque Thomas, Grande-Rue. Les officiers lo- gent en ville et les soldats de la landsturmqui, au nombre de cinq cents, attestent l'occupation germanique à Longwy, sont répartis seulement dans quelques maisons, particulièrement dans les alentours de la gare.

Dans les localités environnant la ville, les postes de surveillance ont été réduits à leur plus simple expression, et quelques soldats seulement font la police.

Au commencement de septembre, de nombreux trains de recrues passèrent à Longwy, venant de Luxembourg et se dirigeant vers Longuyon, mais il faut croire que les réserves allemandes sont épuisées, car ce trafic ne dura qu'une quinzaine de jours, et il ne passe plus dans la gare longovicienne que des trains de blessés et parfois de prisonniers français.

Un matin de novembre, les habitants furent quelque peu surpris de voir débarquer quatre cents personnes, hommes, femmes et enfants, que les Prussiens évacuaient de Consenvoye (Meuse). Pour quels motifs ?' Raisons stratégiques, sans doute.

Quoi qu'il en soit, les quatre cents Meusiens furent répartis chez les habitants, qui se montrèrent empressés à recueillir leurs compatriotes.


La vie à Longwy Au début de l'occupation, les mesures militaires furent assez sérieuses ; les portes des corridors devaient être ouvertes toutes les nuits, et la circulation était interdite à partir de sept heures du soir. Maintenant, la surveillance s'est un peu relâchée ; seuls, quelques jeunes gens noctambules furent arrêtés et transférés en Allemagne pour avoir désobéi aux règlements du commandant de place.

On permet même aux habitants d'aller à la gare voir les blessés français et de leur porter de l'argent ou des vivres, chose qui était rigoureusement interdite dans les premiers temps.

Aujourd'hui tous les magasins de la ville basse sont ouverts, tous les cafés « fonctionnent » comme en période normale, et les brasseries travaillent dur.

La vie, chose incroyable, est meilleur marché qu'en temps de paix ; au 15 novembre, le beurre se vendait 1 fr. 60 la livre, le sucre 0 fr. 70 le kilo, le café 2 fr. 10 la livre.

Les magasins regorgeaient de vivres (amenés d'Allemagne) et la plupart des pâ- tes alimentaires se vendaient le même prix qu'avant la guerre. Alors qu'il n'y avait autrefois qu'un marché par semaine, on a trouvé le moyen d'en faire un tous les jours.

La société coopérative l'Epargne, où se trouve municipalisé le service général de l'approvisionnement de la commune, a fort à faire pour assurer le ravitaillement de toute la population.

Tout le monde, même les personnes et les familles sans argent, trouve à se nour- rir, grâce à une intelligente initiative de la municipalité. Chaque famille est, en effet, munie d'un livret particulier, avec lequel elle peut se faire délivrer des vivres à l'Epargne ; tous les quinze jours, les comptes sont établis et relevés, ceux qui peuvent payer s'acquittent de ce qu'ils doivent ; ceux qui sont sans argent paieront après la guerre.

La ville fait donc, pour ainsi dire, une


avance d'argent aux familles nécessiteuses, avance qui sera réclamée et remboursée après la guerre.

Ajoutons que plusieurs familles pauvres trouvent auprès des soldats allemands la soupe dont elles ont besoin quotidiennement.

L'autorité militaire a chargé du service de ravitaillement de la population un homme que la police spéciale avait arrêté pendant la période de mobilisation, comme espion prussien, et qui put se sauver de son cachot pendant le bombardement de la place : M. Wiltberger, entrepreneur.

Installé dans les locaux de la grande vitesse, M. Wiltberger fournit aux épiciers de la ville les produits alimentaires dont ils ont besoin. Seul, le pétrole manque.

Aussi de nombreux Longoviciens ont-ils fait installer l'électricité dans leurs logements. Il est superflu d'ajouter que toute l'épicerie vient d'Allemagne, et que la guerre a, par conséquent, fourni un excellent débouché à la camelote des Boches.

Dans les premiers jours de novembre, le commandant fit afficher qu'il octroyait dix ans de forteresse à tous ceux qui seraient surpris, causant, dans les rues, de Metz ou de Verdun ; la même peine était également dévolue à ceux qui seraient trouvés porteurs des prédictions de Mme de Thèbes.

Quant aux soldats du kaiser, ils ne causaient, dans les premiers temps de l'occupation que de Pariss.; aujourd'hui, c'est de Verdunn qu'ils parlent, en ajoutant mélancoliquement : « Si nous aller à Verdunn, nous capout !. »

Dernièrement, le commandant - d'armes demanda à un vieux Longovicien, M. Beckerich, pharmacien, ce que les habitants pensaient de ses soldats ; M. Beckerich lui déclara que la population en était plus satisfaite que de ceux qui vinrent après la capitulation. De son côté, le commandant ne cacha pas qu'il était content de l'attitude de la population longovicienne.

Le jour de la Toussaint, une grande messe militaire fut dite à Rehon pour les soldats français et allemands tués dans la région. La garnison y assista et le commandant y alla d'un speech qu'il pronon-


ça en français, mais avec un accent spécial et en écorchant affreusement notre langue nationale.

Ce jour-là, le canon s'entendit d'une façon particulièrement nette à Longwy, et les habitants ne cachaient pas la joie que leur causait la musique de nos 75, du côté d'Etain ou de Thiaucourt. Elle leur signifiait en effet que nos troupes étaient encore dans les alentours et cette pensée certainement devait quelque peu atténuer l'amertume de l'occupation allemande, en leur faisant entrevoir une prochaine libération.

Avec leur vantardise habituelle, les Allemands firent grand bruit, chez eux, de la prise de Longwy, et la stupéfaction des Longoviciens fut grande en lisant dans les journaux boches que les « troupes du kronprinz s'étaient emparées de la forteresse de Longwy, après avoir au préalable pris les forts de Piedmont, des Maragolles, de Romain, etc. » A la lecture de cet article, les bonnes poires des boulevards de la Sprée s'imaginèrent que leur vaillante armée s'était em- parée d'une place forte aussi redoutable que Verdun ou Metz, alors qu'en vérité 85.000 Allemands mirent plusieurs semaines pour s'emparer d'une bicoque construite par Vauban et défendue seulement par 3 ou 4.000 hommes.

Les Longoviciens, eux, haussaient les épaules ; mais la façon d'opérer des Boches leur ouvrit les yeux sur le peu de foi qu'ils devaient accorder désormais aux autres cancans répandus par les soldats du kaiser, sur leurs prétendues victoires.

L'autorité militaire a fait le recensement de tous les hommes valides de 18 à 45 ans, restés dans la ville. La liste, certainement, doit comprendre plusieurs milliers de noms, car personne ne put fuir l'envahisseur, l'investissement ayant commencé dans les premiers jours du mois d'août.

Pourquoi les Allemands ont-ils fait ce recensement ? Sans doute pour envoyer en captivité les infortunés auxquels il ne fut pas possible de mettre quelques kilomètres entre eux et les troupes ennemies.


Quoi qu'il en soit, pour le 13 novembre, -aucun Longovieien n'avait été emmené en Prusse ; il n'en était pas de même, paraîtil, dans les villages environnants, où de nombreux vides existent auj ourd'hui dans la population masculine envoyée dans des camps de concentration de prisonniers civils.

Les dégâts commis dans toute la région longovicienine sont incalculables : Hussigny a plus de cinquante maisons incendiées ; Villers-la-Montagne, vingt-six ; Morfontaine et les communes voisines sont presque complètement détruites. A Morfontaine les propagateurs de la kultur germanique fusillèrent onze paysans inofffensifs qui venaient de porter leurs armes à la mairie; deux femmes furent brûlées dans leur maison et deux jeunes gens de ce village également fusillés.

Quand la victoire aura enfin permis à nos soldats de l'Est de déblayer le territoire et qu'on pourra dresser le bilan des méfaits et des atrocités commis dans l'arrondissement de Briey par les Bavarois de Guillaume, on verra qu'en général, dans nos campagnes, les Boches se sont montrés ce qu'ils furent ailleurs : féroces, barbares et criminels.

Nous avons été heureux de constater qu'à Longwy du moins la population n'était pas malmenée et que pour le moment elle ne souffre pas trop matériellement.

Pourvu qu'à l'heure de la débâcle les soldats du kaiser ne changent pas de conduite ! C'est la seule chose que redoute la population.

«♦«


LE COMBAT D'ÉTAIN

On nous communique une lettre d'un soldat du pays stainois racontant sans prétention les engagements auxquels il prit part à Etain. Nous résumons ces renseignements (8 novembre).

Le premier combat a eu lieu à Joppécourt, près d'Arrancy, le deuxième à Nouillonpont, après à Deuxnouds et la forêt d'Argonne ; nous avons eu ensuite un terrible combat à Montfaucon où nous avons perdu bien des hommes. De là nous sommes allés à Ornes, dans les bois, où nous avons séjourné six jours et nous sommes passés deux fois à Beaumont. Ensuite nous avons pris part au combat de Lamorville qui dura trois jours et depuis nous sommes dans les tranchées, où il ne fait pas chaud, sur les Hauts-de-Meuse.

Je vous raconte la bataille d'Etain. Les Boches sont arrivés un soir, à 5 heures et demie à Etain. Nous avons occupé la ferme de l'Hôpital, d'où nous avons gagné le bois Fabry ; à 2 heures du matin, nous avons déniché les Boches de dedans les casernes où il y en a des percés parce que pendant la nuit on avait enlevé Etain à la baïonnette. Mon escouade a établi un petit poste derrière le mur des sapins de la Fontaine-au-Rupt ; à mesure que les Boches passaient le mur pour se sauver sur War- cy, on les descendait ; notre escouade en a tué 32 et blessé 11. Au moment où je voulais relever de terre un des blessés, il y en a un qui me flanqua un coup de pied au genou. Vous savez, je n'ai pas perdu de temps, je l'ai tué à bout portant ; si le sergent m'avait laissé faire je les gousillais tous comme des lapins l'un après l'autre.

De là nous avons gagné le quai de la gare où ils étaient réfugiés et dans l'usine à gaz; c'était un vrai massacre et nous avons fait 18 prisonniers dans la cour de chez Humbert, vétérinaire ; à 8 heures du matin, il n'y avait plus un Boche à Etain.


Nouvelles du pays meusien

Extraits du « Bulletin Meusier », organe du groupement fraternel des réfugiés et évacués meusiens : Kœur-la~Grande. — Le village a été très éprouvé par le bomoardement. Trois maisons sont, incendiées. Une multitude d'autres sont à moitié démolies par les obus.

Trois victimes parmi la population civile : M. Jean Berteloni, tué par la commotion causée par l'explosion d'une bombe; — M.

Albert Berthier, adjoint au maire, atteint en pleine poitrine par un éclat d'obus et tue sur le coup ; — M. Ernest Aubriot, atteint de plusieurs blessures, en particulier à la jambe. Transporté à l'hôpital de Commercy avec plusieurs officiers gravement blessés, M. Aubriot a subi l'amputation de la jambe.

Bannoncourt, Woimbey, Bouquemont.

Bannoncourt a quatre ou cinq maisons détruites, et la gare a été fortement bombardée.

Woimbey a reçu des bombes aussi à plusieurs reprises ; mais les dégâts se bornent.

à quelques vitres cassées. Une des bombes est tombée dans le cimetière A Bouquemont, une maison détruite, celle de M. Heddebaut Laviron, dont le beau-fils, Henri Lallement, capitaine aux chasseurs à pied, était blessé exactement un mois auparavant, le 13 octobre, et mourait quelques jours plus tard à l'hôpital de Doullens.

Rouvrois-sur-Meuse, Lacroix et Dompcevrin. — Le village n'a pas souffert du bombardement depuis le jour de la Toussaint.

Mais c'est surtout du 23 au 27 septembre, le 4 octobre et la dernière semaine d'octo- bre, qu'il a eu le plus à souffrir. On compte 14 maisons incendiées ; environ 50 ont été plus ou moins démolies. L'église


est fortement endommagée, surtout le chœur et le clocher.

L'église de Lacroix et son clocher restent debout, non sans brèches et sérieux dommages.

Par contre, il ne reste guère de celle de Dompcevrin que le clocher.

Hannonville. — Le 22 septembre, Les Al-

lemands avaient emmené 47 habitants prisonniers en Prusse. Quelques jours après, en effet, ils ont pris tout ce qui restait d'hommes valides à Hannonville et les ont envoyés sur les frontières de la Bohême.

Ornes. — Ornes se trouve entre le fort très important de Douaumont et les crètes très élevées qui se trouvent derrière le village de Romagne-sous-les-Côtes. Les Allemands occupent ces côtes depuis environ trcis mods. Ne pouvant arriver à démolir le fort susindiqué, ils bombardent « systématiquement » tous Les villages qui se trouvent entre eux et les Français, mais c'est surtout le village d'Ornes qui paraît être leur point de mire. Dès le début, ils ont visé la maison du docteur Simonin.

Avec leurs bombes incendiaires, ils ont mis le feu à plusieurs endroits du village, sans compter l'église qui a déjà terriblement souffert. Ils sont même venus de nuit mettre en certains endroits le feu à la main.

Dans la nuit du 10 au 11 octobre, ils sont venus nuitamment au village et, au mépris de tout droit international, ont emmené 74 prisonniers civils, hommes, femmes, enfants, vieillards ; on en cite un de 91 ans.

Ils ont été conduits, ces pauvres gens, du côté de Mangiennes,' dans les régions évacuées, et là, pendant un certain temps, les ont occupés à rentrer les pommes de terre et autres légumes ; ils les ont ensuite conduits en Allemagne.

Mouilly. — En ces derniers jours, Mouilly, déjà bien accablé, a subi un nouveau, bombardement.


RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

PRÉFECTURE

DE

MEURTHE-ET-MOSELLE

Nous soussigné, L. Mirman, préfet de Meurthe-et-Moselle, Vu la loi du 5 avril 1884 ; Vu la loi du 3 juillet 1877 sur les réquisitions militaires et celle du 5 août 1914 relative à l'état de siège ; Vu le décret du 2 août 1914 établissant l'état de siège sur le territoire français ; Considérant que, d'une part, la mobilisation d'une grande partie des cultivateurs o et, d'autre part, la réquisition d'un nombre considérable de chevaux rendent particulièrement difficiles les travaux agricoles, notamment les labours et semailles d'automne ; Considérant que, dans les circonstances actuelles, toutes les forces d'action encore présentes dans la commune doivent être mises en jeu pour assurer la préparation des futures récoltes indispensables au salut de la Nation ; Considérant que, dans le département de Meurthe-et-Moselle, s'est produit dès le premier jour, dans l'immense majorité des communes un double et magnifique mouvement de solidarité ; chaque agriculteur vaJide regardant comme un devoir impérieux de prêter la main pour la mise en valeur des terres appartenant à un voisin mobilisé, et chaque agriculteur auquel il reste des chevaux non réquisitionnés re- gardant aussi comme un devoir impérieux


de mettre ceux-ci à la disposition des voisins plus malheureux que lui ; Mais, considérant que ce ne sera pas di- minuer le mérite de si louables initiatives que de les généraliser et de les étendre, et que d'imposer une telle participation aux quelques cultivateurs égoïstes qui n'ont pas compris en cette circonstance leur devoir de solidarité et de patriotisme.

ARRÊTONS : Article premier. — Les travaux de labourage et les semailles d'automne seront effectués dans chaque commune sous la direction et la surveillance du maire, assisté de deux cultivateurs de la commune choisis par lui, de telle façon que, si la commune était, avant la guerre, politiquement divisée, ces deux cultivateurs représentent respectivement l'un et l'autre partis Sauf cas de force majeure, l'un des deux cultivateurs susvisés devra être conseiller municipal, l'autre pourra toujours ne point l'être.

Article 2. — Le maire et ses deux assistants examineront avec soin la situation des champs où les travaux de labourage et les semailles d'automne risquent de ne pouvoir être effectués sans l'assistance communale, pour l'une ou l'autre des raisons suivantes : 1e Soit parce que la mobilisation a appelé sous les drapeaux l'exploitant lui-même, ou ses fils qui l'aidaient dans son labeur, et que la femme ou les parents des mobilisés, en dépit de toute leur bonne volonté, n'ont ni les forces nécessaires pour effectuer seuls ces travaux, ni la possibilité de trouver ou les moyens de rémunérer actuellement des ouvriers ; 2° Soit parce que l'exploitant a vu ses chevaux réquisitionnés et qu'il lui a manqué ou l'occasion ou les moyens de s'en procurer d'autres.

Le maire et ses deux assistants, à la suite de cet examen, dressent la liste des exploitations où, pour assurer l'exécution des travaux envisagés, l'assistance communale prévue aux articles suivants dudit arrêté est nécessaire ; ils déterminent l'or-


dre dans lequel cette assistance devra se prcduire en faveur des divers intéressés.

Article 3. — Tout agriculteur ayant effectué les deux tiers de ses travaux personnels, ainsi que tout autre citoyen valide ne travaillant pas à une tâche indispensable à l'intérêt général, peut être requis par le maire de participer, aux jours et heures qui lui seront indiqués, aux travaux d'automne incombant aux agriculteurs définis au 1° de l'article ci-dessus.

îout agriculteur ayant effectué les deux tiers de ses travaux personnels et propriétaire d'attelages non réquisitionnés, peut être requis de mettre tout ou partie de ceux-ci, aux jours et heures qui lui seront indiqués, à la disposition du maire pour venir en aide aux agriculteurs définis au 20 de l'article ci-dessus. La même réquisition peut être adressée à tout propriétaire d'attelages non agriculteur lorsque l'emploi fait par lui desdits attelages n'est pas indispensable à l'intérêt général.

Article 4. — Les réquisitions susvisées ne peuvent être prises par le maire que sur avis conforme de ses deux assistants.

Article 5. — Les personnes ci-dessus visées et qui refuseraient d'obéir aux réquisitions formulées en vertu du présent arrêté seront traduites devant les tribunaux compétents conformément à la loi.

Article 6. — Les travaux effectués sur réquisition dans les conditions ci-dessus indiquées seront payés aux ayants-droit par les bénéficiaires d'après un * tarif et à une date fixée par la commission à l'article 2 Nancy, le 18 décembre 1914.

Le Préfet : L. MIRMAN.

Approuvé : Pour le Général commandant en chef, l'Aide-Major général, Signé : (Illisible).


REGAIN D'ACTIVITÉ

IL NOUS VAUT UNE AVANCE PRESQUE GÉNÉRALE

ici

Bordeaux, 19 décembre, 16 heures.

En Belgique, nous avons, dans la journée du 18, organisé le terrain gagné la veille au sud de Dixmude et poussé notre front au sud du Cabaret Korteker.

Notre avance au sud d'Ypres s'est poursuivie dans un terrain marécageux et très difficile.

De la Lys à l'Oise, nous avons progressé dans la région de Notre-Dame-de-Consolation (sud de La Bassée) de plus d'un kilomètre. Au cours des deux dernières journées, nous avons fait également des progrès dans la direction de Garancy, à Saint- Laurent et Blangy. Malgré des très vives contre-attaques, les positions conquises le 17 ont été maintenues.

Dans la région d'Albert, nous avons, dans la nuit du 17 au 18 et dans la journée du 18, avancé sous un feu très violent et atteint les réseaux de fil de fer de la seconde ligne de tranchées ennemies.

Au nord de Maricourt, nous avons dû abandonner une tranchée prise la veille et incendiée par l'ennemi au moyen de grenades à main.

Plusieurs tranchées allemandes ont été enlevées dans la région de Mametz et dans celle de Lihons.

Trois violentes contre-attaques allemandes ont été repoussées dans la région de l'Aisne.

Combats d'artillerie en Champagne.


L'artillerie ennemie a montré plus d'activité que le jour précédent.

En Argonne, dans le bois de la Grurie, nous avons fait sauter une sape allemande près de Saint-Hubert. L'ennemi, par une attaque très vive, a réussi à progresser légèrement.

Il est confirmé que sur les Hauts-deMeuse notre tir réglé par avions a démoli.

deux batteries lourdes ennemies et endommagé une troisième batterie.

De la Meuse aux Vosges, rien à signaler.

Dans les Vosges, vives fusillades allemandes, mais pas d'attaques.

—————

UNE TROUPE ENNEMIE SURPRISE & FAUCHÉE

- Communiqué officiel du 19 .décembre, 21 heures : En Belgique, dans la région de Stfenstasceste, une attaque ennemie a été refoulée, et nous avons fait de sensibles progrès aux abords du Cabaret Korteker.

Les troupes britanniques ont perdu, à la côte de Neuvechâtel, quelques-unes des tranchées conquises hier, tandis que le corps indien progressait de quelques centaines de mètres vers Richebourg-Lavoye.

L'ennemi a montré de l'activité vers Thiepval et Lihons. Sur ce dernier point, une troupe ennemie a été surprise en colonne et littéralement fauchée.

De l'Oise aux Vosges, aucun incident à.

noter.

»-**


MOGEVILLE dans la Meuse

A ÉTÉ DÉTRUIT

M. Fabry, instituteur à Mogeville, écrit au « Bulletin meusien » : « Le 13 octobre dernier, vers 11 heures du matin, quelques cyclistes allemands arrosèrent les maisons de matières inflammables, y mirent le feu et en un rien de temps tout y fut consumé. Ils restèrent là jusqu'à 4 heures du soir et de temps en temps jetaient des grenades sur certaines habitations pour en activer les flammes.

La mairie, l'école, le clocher de l'église, rien ne fut épargné. (Il y a quelques jours j'ai pu constater de visu tous ces dégâts.) Une douzaine de personnes du village qui étaient encore là à 11 heures, se sauvè- rent éperdues, M. Trisson et sa femme, seuls, restèrent au pays et dans l'aprèsmidi furent enlevés par les vandales et dirigés d'abord sur la ferme de l'Epine.

Depuis on ne sait ce qu'est devenu M. Trisson. Quant à sa femme, elle est venue nous rejoindre à Vaux-devant-Damloup, car elle a été mise en liberté après avoir fait quelques centaines de mètres, nos ennemis tiouvant qu'elle ne marchait pas assez vite.

Le même jour, la majeure partie du village de Maucourt subit le même sort que Mogeville. Tout est brûlé aussi à l'exception d'une dizaine de maisons. Une huitaineavant, entre 10 et 11 heures du soir, les Allemands avaient enlevé toutes les personnes qui y restaient et les ont emmenées en Saxe. Voici les noms : Mme et Mlle Willemain, Mme Couquaux Emile, Mme Marchai et ses trois enfants, Mme Bertrand,.


âgée de plus de 80 ans, Mlles Marie et Mathilde Bertrand, M. et Mme Delavaux, Mme Prot et ses enfants, Mme Trouslard, MM. Lelorrain, Chenet, Colin, Févrot (ces deux derniers vieillards de plus de 75 ans).

Quelques jours après, ils ont aussi enlevé, la nuit, 83 personnes d'Ornes.

Ils ont fait de même à Foameix. Mlle Gambette, institutrice à Verdun et qui se - trouvait chez ses parents à Foameix, a été prise par les Allemands. Elle nous écrivait dernièrement de Saxe que les jours s'écoulaient lentement et bien tristement pour les prisonniers comme elle.

Voici quelques renseignements sur des militaires de Mogeville : 1° Paul Adam, capitaine d'artillerie, a été tué en septembre ; 2° Henri Simon, sergent d'infanterie, a été blessé mortellement devant Maucourt, le 11 octobre et il est mort à Verdun le 1 octobre ; 3° Gallois René, adjudant, a eu l'épaule fracassée et se trouve actuellement à l'hôpital de Périgueux. Huvet Georges, ingénieur chimiste, a été blessé le 29 septembre au camp des Romains. Il est actuellement prisonnier à Ulm. Son frère Pol est toujours sur la ligne de feu.

FABRY, Employé auxiliaire aux bureaux de l'état civil de Verdun. »


RÉGLEMENTATION

DE LA

CIRCULATION

Nancy, 20 décembre.

Communiqué de la Préfecture : Le territoire est divisé, en ce qui concerne la circulation, en plusieurs zones.

Les lignes de démarcation de ces zones diffèrent selon qu'il s'agit de circuler par chemin de fer ou de circuler en voiture ou à pied. La zone interdite en chemin de fer sans laissez-passer spécial s'appelle la zone Z. La zone interdite en voiture ou à pied sans laissez-passer spécial s'appelle la zone A. Ces zones sont délimitées comme il est indiqué ci-après :

Circulation en chemin de fer Tout voyageur doit être muni, quelle que soit la longueur du trajet qu'il a à effectuer, d'un laissez-passer délivré par lie maire ou le commissaire de police. En principe, ce laissez-passer n'est jamais dé- livré par l'autorité militaire, qui n'appose que son visa pour autorisation.

La zone de l'intérieur est séparée de la zone Z par une ligne allant de Delle à Calais, en passant par Montbéliard, Lure, Faymont, Plombières, Bains, Lorrain, Dcmpaire, Charmes, Nancy, Pont-SaintVincent, Bariisey, Vaucouleurs, Gondrecourt, Bar-le-Duc, Vitry-le-François, Châlüns, Epernay, Château-Thierry, Crépy-enValois, Senlis, Creil, Saint-Just-en-Chaus- sée, Amiens, Abbeville et Boulogne.

A) La zone qui se trouve au Sud et à


.l'Ouest de cette ligne est libre, c'est-à-dire- que l'on peut y circuler avec le seul saufconduit délivré par le maire ou le commissaire de police. Les gares sus-indiquées font partie de cette zone. On peut donc venir sans laissez-passer spécial de l'intérieur du pays à Nancy ou vice-versa.

Toutefois, pour utiliser la ligne de Paris par Pagny-sur-Meuse, Gondrecourt et Barle-Duc, il faut le visa pour autorisation de l'autorité militaire (du général commandant d'armesl de Nancy pour lies personnes habitant Nancy ou s'y trouvant de passage) apposé sur le laissez-passer délivré par le maire ou le commissaire central.

Le poste de Nancy laisse passer avec le seul sauf-conduit délivré par Le maire ou le commissaire de police tous les voyageurs porteurs de billets directs pour Barisey et au delà. Il laisse passer avec le même saufconduit tous les voyageurs circulant entre Nancy et Blainville ou entre Nancy et Pont-Saint-Vincent.

Le poste de Bains laisse passer avec ce même sauf-conduit les voyageurs porteurs de billets directs pour Remiremont B) La zone qui se trouve au Nord ou à l'Est de cette ligne (ou zone Z) n'est acces- sible que dans quelques cas bien détermines : 1° Si l'on réside dans la zone Z. - Dans ce cas, le commissaire spécial de la préfecture, dont le bureau est installé à la gare de Nancy, peut donner l'autorisation d'entrer dans cette zone.

2° Si l'on va y voir un blessé ou un malade — Le laissez-passer est, dans ce cas, délivré par le maire ou le commissaire central pour celle des gares sus-indiquées où l'on devra franchir la ligne de démarcation. (Exemplels : Blainville pour aller à Lunéville ; Charmes pour Rambervillers ; Nancy pour Frouard ; Vaucouleurs pour Pagny-sur-Meuse, etc.).

Sur présentation de pièces établissant que l'on va voir un blessé ou un malade, le gendarme de service à cette gare pourra délivrer l'autorisation d'entrer dans la zone Z, sauf cependant dans les places de Toul,


Epinal et Belfort, qui ne restent accessibles qu'aux personnes munies d'autorisations délivrées par les gouverneurs de ces places.

Le gendarme de service peut également autoriser à entrer dans la zone Z ou à en sortir les personnes munies de pièces établissant leur identité et fournissant la preuve qu'elles habitent dans cette zone.

Toutefois, le fait d'être domicilié, dans la zone Z n'est pas considéré comme un motif suffisant pour être autorisé à en sortir.

Dans tous les autres cas, et tout à fait exceptionnellement, l'autorisation d'entrer dans la zone Z ne peut être accordée que par les généraux de la lre armée. (Toute personne qui s'adressera au général commandant d'armes à Nancy devra, au préalable, se munir d'un laissez-passer délivré par le maire ou le commissaire de police.

Ce laissez-passer ne sera valable qu'après visa pour autorisation de l'autorité militaire. )

Circulation en voiture ou à pied Les règles pour la circulation en voiture ou à pied restent les mêmes.

La zone interdite, ou zone A, est séparée des zones autorisées (zones B et C) par une ligne allant du Thillot à Dagonville, en passant par Cornimont, Gérardmer, Fraize, Saulcy, Saint-Benoît, Deneuvre, Vathiménil, Lunéville, Haraucourt, Saulxures, Agincourt, Faulx, Custines, Di-eulouard, Villers-en-Have, Avrainville, Andilly, Ménil-la-Tour, Boucq, Corniéville, Vignot,.

Commercy, Lérouville, Cousanges-auxBois.

Il est défendu d'entrer dans la zone A sans être porteur d'un permis délivré soit par les généraux de la lIe armée, soit par le commandant d'armes de la localité la plus voisine de l'endroit où l'on veut aller.

(Toute personne qui s'adressera au général commandant d'armes de Nancy, devra, au préalable, se munir d'un laissez-passer délivré par le maire ou le commissaire de police. Ce laissez-passer ne sera vadable qu'après visa pour autorisation de l'autorité militaire.)


, Pour circuler en arrière de la ligne susindiquée (zone B et zone C) les permis sont délivrés par les maires, par les commissaires de police ou par les commandants locaux de gendarmerie, sans être soumis au visa de l'autorité militaire.

La zone C est séparée de la zone B par une ligne longeant la Moselle, du Thillot à Toul, puis la route de Toul à Ligny-enBarrois par Void.

Pour passer de la zone C dans la zone B en voiture ou à pied. les permis délivrés par les maires ou les commissaires de police doivent être soumis au visa de l'autorité militaire.

De cette réglementation, il résulte que des localités comme Champigneulles, Frouard, Liverdun, etc., d'un accès facile aux personnes circulant à pied ou en voiture (puisque ces localités appartiennent à la zone B) ne sont accessibles par chemin de fer que dans les conditions indiquées au § b (1° ou 2°) de la « Circulation en chemin de fer ».

Les personnes habitant dans ces localités et venant travailler à Nancy, pourront obtenir des laissez-passer spéciaux : temporaires, délivrés par le commissaire spécial de la préfecture, ou permanents, délivrés par le cabinet de M. le préfet (sans visa de l'autorité militaire).

La durée de validité des laissez-passer pour la circulation en chemin de fer, à pied ou en voiture, est en principe limitée à trois jours. Exceptionnellement, des permis de quinze jours, non soumis au visa de l'autorité militaire, pourront être accordés par les maires ou le commissaire central aux employés ou ouvriers de l'agglomération nancéienne.

L'agglomération nancéienne comprend : Nancy, Jarville. Tomblaine, Essey, SaintMax, Malzéville, Maxéville, Champigneulles, Villers et Laxou.


ftotre offepçive réussit , Iseiirj attaques éef)otiei)t

Bordeaux, 20 décembre, 16 heures.

De la mer à la Lys, nous avons gagné un peu de terrain en avant de Nieuport et de Saint-Georges.

A l'est et au sud d'Ypres, oÙ l'ennemi renforce ses organisations défensives, combats d'artillerie et progression légère de notre part.

De la Lys à l'Oise, les forces alliées se sont emparées d'une partie des tranchées de première ligne allemandes, sur le front Richebou rg-l' A voué-Gi vonchy -les-la- Basslée.

Au sud-est d'Albert, la tranchée enlevée par nous le 17, près de Maricourt, et perdue le 18, a été reprise hier.

Dans la région de Lihons, les Allemands ont attaqué deux fois, et très violemment, pour nous reprendre les tranchées conquises par nous le 18. Ils ont été repoussés.

De l'Oise à l'Argonne, supériorité de notre artillerie se manifestant par l'interruption du tir de l'adversaire, la destruction d'abris de mitrailleuses et d'observatoires et la dispersion d'un rassemblement.

En Argonne, dans le bois de la Grurie, nous avons repoussé trois attaques : deux sur Fontaine-Madame, une à Saint-Hubert.

Entre Argonne et Vosges, aucun incident saillant.

Paris, 21 décembre, 0 h. 19.

Communiquié officiel du 20 décembre, 23 heures : Sur l'ensemble du front, aucune modification n'est signalée.

«t*


PRISONNIERS CIVILS

DE

LA MEUSE

Nous extrayons du « Bulletin Meusien » les renseignements que voici sur les prisonniers civils de la Meuse : Prisonniers de Combres à Ulm (Wurtemberg), Gauserviese, Bar. 4 : MM. Georges Rouyer ; Henri Colvard ; Léonce Rouyer ; Louis Lacaille ; René Mettavant ; Georges Dessoy ; Marcel Dessoy, Onésime Wariot ; Louis Sirantoine ; Adrien Warlot ; Camille Humbert ; Humbert-Lesire ; Ernest Sirantoine ; Henri Mangin ; Georges Lacaille ; Gaston Finot ; Henri Ko- disch. — Camille Minot est interné à Zvickaut (Saxe), 3e compagnie. Avec nombre de ses concitoyens, il a d'abord été enfermé pendant quatre jours, 22-26 septembre, avant d'être emmené prisonnier.

M. Fel Mailfer, son fils Emile, de Hannonville-sous-les-Côtes, sont prisonniers avec 4.J habitants du même pays à Ulm-surDanube Ganswüse, baraque 4 (Wurtemberg). On sait que tous les hommes de ce village ont été emmenés en Allemagne Il paraît qu'une douzaine y sont morts.

D'une lettre d'un prisonnier, il résulte que nos malheureux compatriotes sont soumis à un régime des plus rigoureux, obligés souvent de se contenter pour toute nourriture d'un brouet dans lequel le riz entre en majeure partie, et qui ressemble, à s'y méprendre, à de la colle de tapissier.

M. l'abbé Baur, curé de Warcq, est en captivité en Allemagne. Son frère, de Moulins, en a été informé.


MM. François, curé de Nubécourt ; Pé- rin, d'Hennemont ; Maurice, de Paxeid ; Ruiquin, de Pintheville ; Bastien, d'Apremont ; Lion, de Varnéville ; Juste, de Ri- checoUtrt ; Aubois, d'Hattonchâtei ; Peltier, vicaire de Stenay.

M. Briet, de Sassey, a été emmené en Allemagne, avec 25 habitants de la. commune et a donné des nouvelles à un die ses Wrent&. — Virginie Cayer, 6e -Cie, n° 834 Kiiegsgefangenen lager Reicherbackastrass à Zwi'ckau (Saxe) — Louis Thibert, ancien dinacteur de la .Société Générale de Lîgny, prisonnier à Munster (Westphalie).

— J. Bouvier, employé à la caisse d'épargne de Bar-le-Duc. — M. Réveillez, em- 'ployé de banque à Bar-le-Duc.

M. l'abbé Tridon, curé de Heudicourt, après être resté dans sa paroisse jusqu'au 13 octobre aux mains des Allemands, fut emmené, à cette date, et jnterné à la forteresse d'Ehrenbreitstëin, près de CoMentz, en compagnie de 118 autres Français, dont deux prêtres de la Meus!e : M. l'abbé AuDOIS, curé d'Hattonchâtel, et M. l'abbé Reneaux, d'Eton, aID.s¡j: que MM. Guet. Beau'-si"J de Saint-Maurioe ; Léon Deville, Cél.

Henry et Fern. Léridon, de Pillon.

Il fut libéré dernièrement avec le maire -d'Iloméemut (M.-et-M.). Il est actuellement aréfugié à Mornes (Haute-Savoie).


Nous enlevons ses tranchées UN PEU PARTOUT

Il bombarde les villes ouvertes et les hôpitaux

Bordeaux, 21 décembre, 16 heures.

Dans la journée du 20, rien d'important à signaler en Belgique. Nous avons fait toutefois quelques progrès dans les régions de Lombaertzyde, de Saint-Georges et au- sud-est du cabaret Korteker (sud-ouest de Bixschoote). Nous avons occupé quelques maisons de Zwartelem (sud de Zillekerke) et l'ennemi a bombardé l'hôpital d'Ypres.

De la Lys à l'Aisne, nous avons enlevé un bois près de la route Aix-Nouelette-Sou- chez et avons occupé ainsi toute la première ligne de tranchées allemandes entre cette route et les premières maisons de Notre-Dame-de-Lorette, au sud-ouest de Loos.

L'ennemi a bombardé Arras. Notre artillerie lourde a fait taire à diverses reprises l'artillerie ennemie. Au nord de Carnoy (est d'Albert), elle a bouleversé les tranchées allemandes et culbuté deux pièces d'une batterie établie près de Hem (sud-est de Carnoy). Elle a aussi pris nettement l'avantage sur l'Aisne et dans le secteur- de Reims.

En Champagne, dans les régions de Prosnes, de Perthes et de Beauséjour, ainsi qu'en Argonne, nous avons réalisé sur tout notre front des gains appréciables, en particulier au nord-est de Beauséjour, où nous avons conquis 1.200 mè- tres de tranchées ennemies.

Dans le bois de la Grurie, nous avons.


fait exploser quatre sapes minées et nous nous sommes établis dans les excavations.

Entre l'Argonne et la Meuse, progrès sur tout le front, notamment dans la région de Varennes, où le ruisseau de Cheppes a été dépassé de 500 mètres, et dans la région de Gercourt et de Béthincourt.

Sur la rive droite de la Meuse, nous avons gagné du terrain sur la Croupe à deux kilomètres au nord-ouest de Brabant et dans le bois de Consenvoye.

Enfmv sur les Hauts-de-Meuse, légers progrès dans le bois des Chevaliers, au, nord-est du fort de Troyon.

Les Anglais ont repris leurs tranchées perdues

NOUS EN AVONS PRIS DE NOUVELLES

Paris, 22 décembre, 5 h. 35.

Voici le communiqué officiel du 21 dé- cembre, 23 heures : Les troupes britanniques ont attaqué et, dans la matinée, elles avaient repris la plupart des tranchées qu'elles avaient perdues.

Devant Lihons, l'ennemi a prononcé, quatre attaques successives pour reprenr dre les tranchées que nous avions précément conquises dans cette région. Toutes ses attaques ont été repoussées.

Nous avons attaqué au nord-est de Puisa- leine, au sud de Roy on et nous avons pris pied dans les tranchées adverses de première ligne, et progressé dans le bois de Saint-Mard.

Aucun autre renseignement important, n'est encore parvenu sur les opérations de- la journée.


L'ENTRÉE DES ALLEMANDS A SAINT-DIÉ

Nous avons reproduit la déclaration du premier lieutenant Eberlein qui reconnaissait, dans les Mùnchner Nachrichten du 7 octobre dernier, que les troupes allemandes, à leur entrée à Saint-Dié, le 27 août, s'étaient abritées derrière des civils désarmés. La Gazette Vosgienne, de Saint-Dié, donne, sur cet épisode, les renseignements complémentaires qui suivent : « L'extrait des Mùnchner Neueste Na- chrichten n'apprendra rien sans doute à nos concitoyens, mais il nous permet de préciser dès maintenant les détails du tragique épisode auquel le lieutenant Eberlein a apporté son précieux témoignage.

« C'est à l'extrémité de la rue d'Alsace que les civils arrêtés par les Allemands furent obligés de s'asseoir au milieu de la voie.

« Quant aux civils arrêtés par le régiment de réserve « qui est entré à Saint-Dié plus au nord ». ils n'ont pas été obligés de s'asseoir, mais seulement de marcher à la tête du détachement ennemi.

« Ces civils étaient au nombre de quatre : M. Camille Chôtel, dit « le Blanc », charpentier, âgé de 34 ans ; Léon Georges, sans profession, âgé de 27 ans ; Henri Louzy et Georges Visser, comptable. Les deux premiers seuls furent tués. Les deux derniers n'ont été que blessés et sont aujourd'hui rétablis.

« Un autre habitant de notre ville fut tué le même jour, et c'est à lui sans doute que fait allusion le passage où le lieutenant Eberlein déclare : « Tout ce qui se montre encore dans la rue est fusillé » « Cette dernière victime, Camille Lafouorière, manœuvre, âgé de 18 ans, se trouvait à l'angle des rues du iOe-Bataillon et -de la Prairie, lorqu'un Allemand tira sur .lui un coup de fusil qui le tua net. »


LA LEÇON D'UNE SEMAINE

RÉSULTATS HEUREUX DE NOTRE OFFENSIVE

Paris, 22 décembre, 1 h. 07.

Le récit des principaux faits de guerre du 7 décembre au 15 dit qu'au cours de cette période, l'ascendant pris par notre infanterie nous a permis de réaliser, sur plusieurs parties du front, des progrès qui paraissent avoir inquiété l'ennemi.

L'infanterie allemande est partout peu attentive. Ses tirailleries continuelles décèlent chez elle une certaine nervosité.

L'emploi, de plus en plus fréquent, de projecteurs et de fusées éclairantes, révèle également ses craintes d'attaques.

Après leurs coûteuses et vaines expériences du mois dernier, nos adversaires paraissent presque partout réduits à la défensive.

C'est nous qui, sur tout le front, avons une attitude offensive.

Dans les duels d'artillerie, nos batteries affirment de plus en plus leur supériorité.

Paris, 22 décembre, 1 h. 08.

Le récit des faits de guerre du 7 au 15 décembre donne encore ces détails : Entre la mer et l'Oise, les attaques des Allemands ont été repoussées partout.

Elles étaient, d'ailleurs, mal soutenues par leur artillerie.

Au contraire, l'infanterie française, prenant l'offensive, réussit à progresser sur divers points, notamment à Vermelles, dont l'occupation par les troupes françaises


contraignit l'ennemi à reculer de trois ki- lomètres.

Sur la route de Lille également, nous avons progressé, après avoir fait sauter à la sape les tranchées allemandes.

Contrairement à l'artillerie allemande, qui ne réussit qu'à causer des dégâts matériels sans importance, les batteries françaises affirment leur supériorité en bouleversant les tranchées ennemies, en gênant les travailleurs allemands, en atteignant les rassemblements de troupes.

Malgré les intempéries, le moral des Français est parfait ; leur bonne humeur étonne les prisonniers allemands par son contraste avec la lassitude de leurs camarades.

Entre l'Oise et l'Argonne, tandis que l'ar- tillerie allemande s'acharne à bombarder les villes et les villages, l'artillerie française atteint les trains allemands, disperse les rassemblements, détruit mitrailleuses et canons lourds de l'ennemi.

En Argonne, l'ennemi marque toujours la plus grande activité.

La guerre de sape se mêle aux attaques de l'infanterie. Les troupes françaises ont réussi à repousser l'ennemi des divers points, notamment devant Saint-Hubert.

Elles gagnent du terrain à l'ouest de Perthes.

Les Allemands, dont les attaques d'infanterie sont vaines, ont réussi à faire sau- ter à la mine quelques tranchées françaises à Haute-Chevauchée, mais un barrage empêche la progression ennemie.

De l'Argonne à la frontière suisse, l'artillerie a montré surtout de l'activité, particulièrement dans la région de Varennes, mais les Allemands ont seulement réussi à causer des dégâts matériels, alors que les batteries françaises, repérant habilement les positions ennemies, ont détruit des convois et des colonnes de blockhaus ennemis.

Entre la Meuse et la Moselle, la progression française est continue. Une attaque française contre les bois de Remière et de Sonnard était parvenue à occuper la première ligne des tranchées ennemies, mais


la deuxième ligne allemande réussit à réoccuper la première ligne, où les fantassins français étaient dans une position très difficile, par suite d'un terrain détrempé Malgré l'extrême difficulté du terrain, nous reprenions, le même jour, 500 mètres du front momentanément abandonné.

Des avions français ont bombardé Fribourg-en-Brisgau, le 15 décembre.

Dans les Vosges, les positions conquises sont solidement maintenues, malgré les attaques allemandes, et nos progrès continuent et s'accentuent.

Les Allemands essaient vainement, au prix de lourds sacrifices, de reprendre Cernay.

Ils réussissent à occuper Steinbach, dont les hauteurs dominant Cernay restent entre nos mains.

En résumé, sur un grand nombre de points, nos attaques furent couronnées de succès.

Nous n'avons abandonné nulle part le terrain gagné.

Partout l'ennemi a dû garder une attitude défensive, qui a confirmé les troupes françaises dans la conscience de leur supériorité.

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ATTAQUES & CONTRE-ATTAQUES

Quelques positions conquises D'autres consolidées

Bordeaux, 22 décembre, 16 heures.

Entre la mer et la Lys, il n'y a eu dans la journée du 21 que des combats d'artillerie.

De la Lys à l'Aisne, nous avons refoulé une attaque allemande qui cherchait à déboucher de Carency et nous avons pris quelques maisons à Blangy.

Une attaque allemande sur Mametz et les tranchées voisines n'a pas permis à nos troupes de progresser sensiblement de ce côté Dans la région de Lihons, trois attaques ennemies ont été repoussées.

Léger gain à l'est et à l'ouest de Tracyle Val. Notre artillerie a tiré efficacement sur le plateau de Nouvrons.

Dans les secteurs de l'Aisne et de Reims, combats d'artillerie.

En Champagne et en Argonne, autour de Souain, violents combats à la baïonnette.

Nous n'avons pas progressé d'une façon sensible dans cette région. Nous avons enlevé aux abords de Perthes-Ies-Hurlus trois nouveaux ouvrages allemands représentant un front de tranchées de 1.500 mètres.

Au nord-est de Beauséjour, nous avons consolidé les positions conquises le 20 et occupé toutes les tranchées qui bordent la crète du Calvaire.

Dans le bois de la Grurie, notre progression a continué.


A Saint-Hubert, nous avons repoussé- une attaque.

Dans le bois de Bolante, où quelque terrain avait été perdu, nous en avons repris les deux tiers.

Entre Argonne et Meuse, légers progrès aux abords de Vauquois.

Au nord du bois de Malanoourt, nos troupes ont réussi à franchir un réseau de fils de fer et à s'emparer des tranchées ennemies, où elles se sont maintenues.

Sur la droite de la Meuse, dans le bois de Consenvoye, nous avons perdu, puis reconquis, après de vifs combats, le terrain gagné par nous le 20.

Des Hauts-de-Meuse aux Vosges, rien à signaler.

Paris, 23 décembre, 0 h. 50.

Communiqué officiel du 22 décembre, 23 heures : Au nord-ouest de Puisaleine, sud de Noyon, l'ennemi a exécuté, hier soir, de violentes contre-attaques, qui ont été toutes repoussées.

Au sud de Varennes, nous avons pris pied, hier soir, dans Boureuilles.

Nos attaques ont continué aujourd'hui.

Elles paraissent nous avoir fait progresser dans Boureulles et à l'ouest de Yauquois.

Rien n'est encore signalé du reste du front.

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PAROLES DE REVENANTS

Un jeune homme, arrivé récemment de Longuyon, nous donne, après avoir lu le récit que nous avons publié le 9 de ce mois, des renseignements complémentaires.

Il ne serait pas établi avec certitude que M. et Mme Delorme aient été trouvés morts dans leur cave, il est certain seulement qu'ils n'ont plus été revus. L'assassinat de M. le curé Braux et de M. l'abbé Persyn se serait accompli dans les circonstances suivantes : Les Allemands firent demander chez les sœurs M. le curé et le Père Oblat Thiriez. Ce dernier était absent. Le curé, ne sachant ce qu'on leur voulait, dit à l'abbé Persyn : « Venez avec moi ». Tous deux furent d'abord détenus, au pain et à l'eau, pendant trois jours, chez M. Colette, marchand de vins, puis fusillés. M. le curé avait planté le drapeau de la Croix-Rouge sur le clocher de l'église pour la préserver ; les Allemands ont prétendu que c'était un signal destiné aux Français.

Mme Pellerin reçut deux balles ; elle traversait la route de Froidcul pendant que les Allemands entraient. Elle tomba sur l'escalier de la maison vers laquelle elle se dirigeait, criant : « Achevez-moi ! » puis mourut presque aussitôt. Dans la rue Jeanne-d'Arc, au quartier de la Gaillette, il n'y a qu'une maison brûlée, celle qui est située dans le haut, près d'une maison en construction.

Les maisons habitées par MM. Clesse et Montagnon ont reçu chacune un obus qui fit de grands ravages. Elles n'ont pas été brûlées. Dans la rue de la Gaillette, audessous de la rue Jeanne-d'Arc, il reste encore deux maisons intactes : celles du bout, en montant vers le château-d'eau.

A Froidcul, la maison Thiébaut a été criblée de balles, mais non brûlée. Les

deux premières maisons, à gauche, en montant, ont reçu des obus, mais ne furent pas brûlées ; les autres sont détruites, sauf


la dernière, à gauche toujours en montant. M. Martin, le facteur, l'aîné des fils Reinalter, les enfants de Mme Chrétien ont été fusillés. Mme Barthélémy, de Spincourt, est chez Mme Goucet, à Longuyon, ainsi que la famille Fondeur et Mme Comon. M. Feuillade a été nommé non pas maire, mais adjoint par l'autorité allemande. Un changement de commandant lui a retiré cette peu enviable fonction.

Nous remarquons, par les récits des tueries que nous apportent les réfugiés, la préoccupation des bandits à trouver un motif justificateur. On a dit que l'hypocrisie était un hommage rendu à la vertu ; les Allemands reconnaissent ainsi combien il est criminel de massacrer sans raisons les populations civiles. Les motifs qu'ils donnent sont improvisés d'ailleurs avec une impudeur grossière, comme dans le cas du curé de Longuyon. Pour Mme Pellerin, ils ont prétendu qu'elle avait un revolver !

De même pour les otages. Ils ont em- mené le maire de Lexy, parce qu'on découvrit des soldats français réfugiés dans une cave du village ; à Herserange, où la population fut placée devant les batteries allemandes, MM. Haut, Hendart et le curé ont été emmenés parce qu'on trouva des pigeons chez eux (à Longwy, il fallait porter à l'autorité les têtes coupées des pigeons que l'on possédait) ; le maire de Remoncourt fut emmené aussi en captivité parce qu'un uhlan était mort. On accusa le maire de ne pas l'avoir assez bien soigné.

Ils ne spécifient pas la cause de la mort du baron de Klopstein, mais pensent s'excuser en racontant que c'est une balle égarée qui le frappa, à sa fenêtre, en plein front, par un malencontreux hasard. Seulement, le soir, un capitaine, ivre, annonçait triomphalement qu'il avait tué « le gentilhomme du pays ». Et cette brute rica- nait en voyant les larmes que ne pouvait retenir la femme devant qui son orgueil aviné éructait ses paroles. La sâoulerie fut digne de la soif allemande : 25.000 bouteilles de vin fin, provenant du pillage du château, coulèrent dans les ventres teutons, remplis, mais non rassasiés.' GUSTAVE VERNON.


RENTRÉE DES CHAMBRES

LA

Déduation ministérielle

Paris, 22 décembre, 15 h. 45.

La rentrée des Chambres a eu lieu cet après-midi.

Grande affluence à la Chambre. Les tribunes réservées au public sont pleines, notamment celles réservées au corps diplomatique.

Tous les députés assistent à la séance, qui s'ouvre à 2 h. 15.

M. Deschanel, président, prononce aus- sitôt son allocution.

Allocution de M. Deschanel « Les représentants de la France, dit-il, doivent élever leurs âmes vers les héros qui combattent pour elle depuis cinq mois.

« Jamais la France ne fut plus grande.

Jamais, en aucun temps, en aucun pays, on ne vit plus magnifique explosion de vertus.

« C'est que la France ne défend pas seulement, en cette heure décisive, sa vie, sa terre, ses souvenirs sacrés. Avec l'Angleterre, la Russie, la Belgique, la Serbie et le Japon elle défend encore le respect des traités, l'indépendance de l'Europe et la liberté humaine.

« Aujourd'hui, il s'agit de savoir si la


matière asservira l'esprit, si le monde sera la proie sanglante de la violence.

« L'Europe veut respirer. Les peuples entendent disposer librement d'eux-mêmes « Pour nous, nous ferons jusqu'au bout tout notre devoir, pour réaliser la pensée de notre race : Le droit prime la force. »

Les députés décédés M. Deschanel a fait ensuite l'éloge funèbre des députés décédés. Il a rendu surtout un éloquent hommage à l'héroïsme des membres du Parlement tués à l'ennemi.

M. Viviani a alors donné lecture de la Déclaration du gouvernement.

LA DÉCLARATION La Déclaration ministérielle débute ainsi : L'union nationale « Il n'y a, pour l'heure, qu'une politique.

C'est une politique de combat sans merci, jusqu'à la libération définitive de l'Europe, ayant pour gage une paix pleinement victorieuse.

« C'est le cri unanime du Parlement, du pays et de l'armée.

« Devant le surgissement, inattendu pour elle, du sentiment national, l'Allemagne a été troublée dans l'ivresse de son rêve de .victoire. »

L'Allemagne seule responsable La Déclaration constate ensuite qu'il est actuellement démontré que l'Allemagne est entièrement responsable de la guerre ; que depuis plus de 40 ans elle poursuivait inlassablement son but, l'écrasement de la France, pour arriver à l'asservissement du monde.


Nous irons jusqu'au bout « Puisque, malgré leur attachement à la paix, la France et ses allies ont dû subir la guerre, elles la feront jusqu'au bout.

« La France n'abaissera les armes qu'après avoir vengé le droit outragé, soudé pour toujours à la Patrie la Belgique dans la plénitude de sa vie matérielle et de son indépendance politique ; brisé le militarisme prussien, afin de pouvoir reconstruire sur la justice une Europe enfin régénérée.

La certitude de la victoire « Nous avons la certitude du succès. Nous avons pu montrer au monde qu'une démocratie organisée peut servir, par une action vigoureuse, l'idéal de liberté et d'égalité qui fait sa grandeur. »

La tâche peut être longue La Déclaration confirme que notre situation financière nous permet de continuer la guerre jusqu'au jour où les réparations nécessaires seront obtenues.

La Déclaration continue, en ces termes : « Le jour de la victoire définitive n'est pas encore venu. La tâche, jusque-là, sera rude. Elle peut être longue.

« Préparons-y nos volontés et nos courages.

« Héritière du plus formidable fardeau de gloire qu'un peuple puisse porter, la France souscrit d'avance à tous les sacrifices.

« Nos alliés le savent. Les nations neutres le savent.

« Une campagne effrénée de fausses nouvelles a essayé vainement de surprendre


en elles la sympathie qui nous est acquise.

« Si l'Allemagne, au début, a feint d'en douter, elle n'en doute plus à présent. »

L'union des alliés pour l'idéal du droit La Déclaration conclut : « Aujourd'hui comme hier, comme demain, n'ayons que le cri de la victoire, que la vision de la Patrie, que l'idéal du droit.

« C'est pour lui que nous luttons, que luttent encore la Belgique, qui a donné à cet idéal tout le sang de ses veines ; l'inébranlable Angleterre, la Russie fidèle, l'intrépide Serbie, l'audacieuse marine japonaise.

« Rien de plus grand n'apparut jamais aux regards des hommes contre la barbarie et le despotisme, contre le système de provocations et de menaces méthodiques que l'Allemagne appelait « la paix », contre le système des meurtres et des pillages collectifs que l'Allemagne appelle « la guerre » ; contre l'hégémonie insolente d'une caste militaire qui a déchaîné le fléau.

« Avec ses alliés, la France émancipatrice et vengeresse, d'un seul élan, s'est dressée. »

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DEUX BOMBES SUR NANCY

AUCUN MAL

Mardi, 22 décembre, un peu avant une heure de l'après-midi, un aréoplane allemand a mis à profit le temps particulièrement clair pour survoler Nancy à une grande hauteur.

En passant au-dessus du faubourg SaintGeorges, il a laissé tomber une bombe. Le projectile a atteint la toiture d'un bâtiment des Docks et Magasins généraux, en bordure sur la rue Lamothe. Après avoir brisé deux tuiles, il est allé tomber sur le plancher du grenier, où il est resté sans exploser.

Il a été ramassé peu après par les employés des Docks qui en ont fait la remise à l'officier commandant le poste de la gare Saint-Georges.

Cette bombe, tombée à une heure moins cinq, n'a causé aucun dégât.

* * *

Dix minutes après, un autre projectile, venait tomber rue Grandville, devant la maison portant le numéro 5. Cette bombe mal dirigée, s'écrasait par le culot sur le pavé de la rue. Elle se brisait en quatre parties, sans faire explosion. La charge, composée d'une poudre de couleur jaunâtre, se répandait sur la chaussée.

Un enfant, qui se trouvait dans la rue, a ramassé les morceaux de l'engin et les a remis quelques minutes après à un officier de la place.

Comme aux Docks, cette bombe n'a causé ni accident de personnes ni dégâts matériels.

Les avions français ont donné bientôt la


chasse au Taube qui s'est empressé de re- gagner les lignes allemandes afin de se mettre à l'abri.

Nos ennemis, qui ne devaient avoir d'au- tre but que de jeter la panique parmi la population nancéienne en sont pour leurs frais, et cette tentative infructueuse dé- montre, une fois de plus, la qualité de leur « camelote ». Mais n'allons pas nous en plairdre !.

*

RETOUR DE PRISONNIERS

Mardi, 22 décembre, à 5 heures du soir, MM. Auguste Maire, maire d'Arracourt ; Joseph Bourdon, de Laneuveville-aux-Bois; Jules Antoine, d'Arracourt ; Dime, adjoint, d'Emberménil ; Dumont, Camille Bontemps, de Bey ; Florentin, d'Arraye-et- Han ; Moitrier, de Pont-à-Mousson ; Hostier, maire d'Homécourt, qui depuis le dé- but de la guerre étaient prisonniers des Al- lemands et internés à la citadelle d'Ehrensbreisten, près de Coblentz, sont arrivés à Nancy, après un long et fatigant voyage.

Ces neuf Français furent ramenés de leur lieu d'internement à Dieuze, qu'ils quittèrent mardi matin, à 3 heures. Ils furent dirigés vers la Suisse, qu'ils durent traverser avant de rentrer en France.

Aux quelques personnes avec lesquelles ils se sont entretenus, ils ont déclaré que pendant quelque temps il y eut plus de trois cents Français civils internés à Ehrenbreisten. Parmi eux se trouvaient de nombreux Lorrains des pays annexés, dont les deux frères Samain.

Peu à peu les Allemands délivrèrent une partie des internés ; au moment du départ de nos compatriotes, à peine cent Français étaient encore dans la forteresse.


LA MINE ET LA BAÏONNETTE ont bien travaillé

ic

Section de mitrailleuses capturée

Bordeaux, 23 décembre, 16 heures.

En Belgique, nous avons, hier, légèrement progressé entre la mer et la route de Nieuport à Westende, ainsi que dans la région Steenstraete-Bixchoote, où nous avons enlevé un bois, des maisons et une redoute.

A l'est de Béthune, nous avons repris, en collaboration avec l'armée britannique, le village de Givenchy-les-La-Bassée qui avait été perdu.

Dans la région d'Arras, un épais brouillard a ralenti l'activité de l'ennemi et la nôtre.

A l'est d'Amiens, sur l'Aisne et en Champagne, combats d'artillerie.

Dans la région de Perthes-les-Hurlus, nous avons après une vive canonnade et deux assauts, enlevé le dernier tronçon de la ligne partiellement conquise le 21 (gain moyen 800 mètres).

Dans la dernière tranchée prise, nous avons capturé une section de mitrailleu- ses complète (personnel et matériel). Une violente contre-attaque a été repoussée.

Nous avons également progressé au nord-est de Beauséjour, où l'ennemi a de nouveau contre-attaqué sans succès.

Sensible avance de nos troupes dans le bois de la Grurie. Sur un front de tranchées de 400 mètres et une profondeur allant jusqu'à 250 mètres, nous avons fait


sauter à la mine deux lignes allemandes et occupé les excavations.

Les combats se poursuivent autour de Boureuilles, où les résultats assez sérieux acquis hier matin, paraissent n'avoir pu être entièrement maintenus. Aucun incident des Hauts-de-Meuse à la Haute-Alsace.

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NOS PROGRÈS

ENTRE

LA MEUSE ET L'ARGONNE

Paris, 24 décembre, 1 h, 12.

Voici le communiqué officiel du 23 décembre, 23 heures : Les progrès réalisés par nos attaques, entre la Meuse et l'Argonne, ont été presque entièrement maintenus.

Aux dernières nouvelles, notre front atteignait le réseau de fils de fer de l'ennemi, au saillant sud-ouest du bois de Forges, à l'est de Cuisy, et il bordait le chemin au bois de Boureuilles.

Aucun autre incident notable à signaler.


NOTRE POUSSÉE

Attaques et contre-attaques, surtout dans le Nord, dans l'Aisne, en Champagne, en Woëvre et en Vosges favo- risent nos armes.

Paris, 24 décembre, 1 h. 35.

De la mer à la Lys, nous avons progressé à la sape dans les dunes et repoussé une contre-attaque devant Lombaertzide.

A Zwartelen (sud-est d'Ypres), nous avons enlevé un groupe de maisons et refoulé jusqu'à la partie sud du village, malgré un feu très vif de l'artillerie allemande, une contre-attaque ennemie.

L'armée belge a poussé des détachements sur la rive droite dei l'Yser, au sud de Dixmude, et organisé une tête de pont.

Dans la région d'Arras le brouillard a continué à rendre toute opération Impossi- ble.

A l'est et au sud-est d'Amiens, notamment aux abords de Lassigny, combats d'artillerie.

Dans la région de l'Aisne, les zouaves pendant toute la journée, ont brillamment repoussé plusieurs attaques et sont demeurés maîtres, près du chemin de Puisaleine, des tranchées allemandes enlevées le 21.

En Champagne, nous avons consolidé nos progrès de la veille, dans la région de Craonne et de Reims. Près de Perthes, toutes les contre-attaques de l'ennemi sur les positions conquises par nous le 22, ont été repoussées.

Au nord-ouest de Mesnil-les-Hurlus, nous


avons enlevé 400 mètres de tranchées allemandes et repoussé une contre-attaque.

Les Allemands ont tenté de prendre l'offensive du côté de Ville-sur-Tourbe. Notre artillerie les a dispersés.

En Argonne, nous avons gagné un peu de terrain dans le bois de la Grurie et repoussé une attaque allemande vers Bagatelle.

Dans la région de Verdun, aucune opération importante à cause de la brume.

L'ennemi a contre-attaqué sans succès dans le bois de Consenvoye.

Dans la forêt d'Apremont notre artillerie a bouleversé et fait évacuer plusieurs tranchées par l'ennemi.

En Woëvre, elle a réduit au silence les batteries allemandes.

Dans la région du Ban-de-Sapt, au nordest de Saint-Dié, notre infanterie a fait un bond en avant et s'est établie sur le terraiin gagné.

Rien à signaler en Haute-Alsace.

Paris, 25 décembre, 0 h, 35.

Communiqué officiel du 24 décembre, 23 heures : Au nord de la Lys, l'ennemi a canonné assez violemment les abords de la route d'Ypres à Comines et ceux de Langemark, mais il n'a prononcé aucune attaque.

Devants La Boisselle, au nord-est d'Albert, légère progression de nos troupes.

La nuit dernière, une attaque allemande sur le bois de Saint-Mard, à l'est de Tracy-le-Val, a été repoussée.

Nous organisons les tranchées enlevées avant-hier, près de Puisaleine.

Le terrain conquis dans le Ban-de-Sapt, près de Launois, au nord de Saint-Dié, a été conservé et organisé.

Aucune autre nouvelle importante n'est parvenue du reste du front.

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LA RECONSTRUCTION

DES

VILLAGES LORRAINS

Nancy, 25 décembre.

III

Simultanément avec la commission des parlementaires des régions envahies, dont nous ignorions les conclusions, nous avons soutenu, dans l'Est Républicain, que la Nation devait supporter la dépense de reconstitution des villages détruits.

Le gouvernement en prit l'engagement solennel devant les Chambres, proposa une première ouverture de crédit de 300 millions, affirma « que la France redresserait ces ruines en escomptant certes le produit des indemnités qu'elle exigerait de l'ennemi .vaincu mais, en attendant, à l'aide d'une contribution que la Nation entière paie- rait, fière, dans la détresse d'une partie de ses enfants, de remplir le devoir de la solidarité nationale. »

A l'unanimité, les Chambres ratifièrent cette proposition, se reservant d'en préciser l'application par une loi spéciale.

Au lendemain de ce vote, l'un des membres les plus actifs de la commission parlementaire nous encourageait à poursuivre notre modeste collaboration à l'étude de cette œuvre nationale : « Continuez, nous écrivait-il, à pousser à la roue, car nous ne sommes pas au bout de nos difficultés, en cette matière. »

La besogne est complexe, en effet, car elle intéresse notre patrimoine d'art, celui des villes et des villages. Nous nous préoc-


cupons seulement de faciliter le retour à la terre et d'y maintenir ceux qui en tirent leurs moyens d'existence. En Lorraine, où de grandes industries se sont créées et développées au milieu des campagnes, nous songeons encore ainsi à assurer là une réserve de travailleurs industriels pouvant jouir de la vie familiale, au grand air.

Les avis que nous exprimons nous ont été suggérés au cours des visites dans les villages ravagés par l'Allemand.

Certains propriétaires de maisons détruites nous ont avoué que s'ils touchaient leur indemnité en espèces, ils n'hésiteraient pas à vendre ensuite leurs terres à n'importe quel prix, pour aller se fixer ailleurs.

* N'est-ce point les protéger contre leur propre imprévoyance que d'employer cette indemnité à la reconstruction de leur maison pour les maintenir là où ils sont assurés de pourvoir à leurs besoins ?

N'est-ce point défendre l'intérêt collectif du village que d'empêcher l'avilissement du prix des terres et d'assurer la disparition des maisons en ruines ?

C'est pour défendre ce même intérêt collectif que nous soutenons que l'étude de l'aménagement d'ensemble du village doit précéder celle de toute reconstruction particulière. A Crévic, par exemple, 92 maisons ont été totalement incendiées ; les rui- nes laissent encore apparaître le défaut total du tracé d'alignement, cause de gêne pour la circulation ou l'établissement de caniveaux, et la distribution défectueuse de bâtiments surajoutés sans souci de l'éclairage ou de l'aération. On ne doit point reconstruire ce village avant d'avoir établi préalablement un plan d'ensemble des voies à rectifier, des canalisations nécessaires, et une étude avec devis pour chaque maison nouvelle qui devra non seulement compenser celle détruite, mais répondre aux besoins réels de celui auquel elle sera destinée, et, à ce sujet, nous préciserons notre conception de la maison du cultivateur lorrain.

Il conviendra ensuite par raison d'économie de faire emploi de tous les matériaux utilisables provenant des maisons rava-


gées en les affectant, au besoin, à l'ensemble des travaux de reconstruction.

Des résistances - s'opposeront pour l'é- change des parcelles et l'attribution de ces matériaux ; la déclaration d'utilité publique en facilitera la réduction.

Il semble donc qu'il conviendrait de dresser un état comprenant le détail de chaque sinistre et résumant l'indemnité globale nécessaire à chaque village pour relever ses ruines ; de considérer ces travaux de reconstruction comme un ensemble de travaux communaux d'utilité publique ; de soumettre à une seule expropriation la totalité des parcelles occupées par les maisons à reconstruire, sous réserve de rétrocéder, à titre gratuit, à chaque propriétaire l'emplacement nécessaire pour sa nouvelle demeure, et de lui compenser les parcelles distraites de son patrimoine pour les alignements ou l'emplacement mieux approprié des nouveaux bâtiments communaux.

Les lois en vigueur, relatives aux expropriations, visant particulièrement les travaux communaux, ne paraissent point s'opposer à cette procédure d'expropriation globale mais au surplus la loi, toujours perfectible, doit s'inspirer des besoins nouveaux du pays, et, dans le cas particulier, la législation pourrait encore être simplifiée en donnant à des commissions d'arbitrage les pouvoirs nécessaires pour évaluer les dommages et préciser les compensations.

MAURICE GRUHIER.

PAUL CHARBONNIER..

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NOTRE OFFENSIVE

DES

FLANDRES aux VOSGES

Nous avons avancé partout

Paris, 25 décembre, 16 heures.

En Belgique, combats intermittents d'artillerie.

De la Lys à l'Oise, nous avons atteint, le 23 au soir, la bifurcation des chemins de Loos au Rutoire et de Loos à Vermelles.

Au nord-est d'Albert, nous nous sommes emparés de la partie du village de la Boisselle, située au sud-ouest de l'église, et d'une tranchée avancée au sud du village.

Au nord de Roye, à Lihu, près de Lihons, nous avons également fait quelques progrès. Ces diverses attaques, menées avec beaucoup d'entrain, ont partout conservé le terrain gagné.

Au sud de l'Oise, notre artillerie a bouleversé des organisations défensives de l'ennemi dans la région de Bailly et sur le plateau de Nouvron.

Sur l'Aisne et en Champagne, combats d'artillerie. Plusieurs attaques allemandes ont été repoussées. Au nord de Sapigneul (près de Berry-au-Bac) notamment, une légère avance de nos troupes a été suivie d'une forte contre-attaque ennemie qui a complètement échoué.

Dans la région de Perthes et de Mesnilles-Hurlus, nos progrès des jours précédents ont été poursuivis et consolidés.

Au nord de Mesnil, nous nous sommes emparés d'un bois, fortement organisé par


l'ennemi, à l'est des tranchées conquises par nous le 23 décembre.

Au nord-est de Mesnil, et à l'est de Perthes, nous avons chassé l'ennemi des tronçons de tranchées qu'il occupait encore et nous sommes maintenant maîtres de toute sa première ligne de défense.

En Argonne, dans le bois de la Grurie, à Bagatelle, Fontaine-Madame et Saint-Hubert, nous avons repoussé cinq attaques et conservé notre front.

Entre Argonne et Meuse, malgré la neige et le brouillard, nous avons progressé sur le front Boureuilles-Vauquois.

Dans la région de Cuisy-Bois-de-Forges, notre artillerie lourde, en maîtrisant les batteries et les mitrailleuses ennemies, a permis à notre infanterie de faire un bond en avant.

Sur la rive droite de la Meuse, les Allemands ont bombardé la corne sud du bois de. Consenvoye, où nous sommes établis.

Dans le bois d'Ailly et dans la forêt d'Apremont, notre artillerie a obligé l'ennemi à évacuer plusieurs tranchées.

Dans les Basses-Vosges, nous nous sommes avancés jusqu'à quinze cents mètres de Cirey-sur-Vesouze.

Paris, 26 décembre, 0 h. 18.

Voici le communiqué officiel du 25 dé- cembre, 23 heures : Légère progression en avant de Nieuport.

Vers Notre-Dame-de-Lorette, au nord de Lens, une attaque ennemie a été repoussée.

Dans la matinée, nous avons enlevé de nouvelles tranchées près de Puisaleine, et nous nous y sommes maintenus, malgré plusieurs contre-attaques.

La nuit dernière, l'ennemi a attaqué vigoureusement, mais sans succès, dans les Vosges, à Tête-de-Faux.

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LES OTAGES LORRAINS

SOUS la BOTTE des BARBARES

M. Florentin, adjoint au maire d'Arraye-el-Han, nous fait un douloureux tableau des trois mois de captivité qu'il a passés dans les geôles.

Nancy, 25 décembre.

Parmi les otages revenus à Nancy, mardi dernier, M. Florentin, adjoint au maire d'Arraye-et-Han, est un de ceux qui ont vécu les heures les plus tristes dans les prisons allemandes.

Allemandes ? Non. M. Florentin est resté pendant trois mois à proximité de la frontière, allant d'Arraye à Delme, puis à Dieuze, à Morhange et enfin à Phalsbourg.

Il nous a conté hier son odyssée en ces termes : « Les Allemands sont arrivés dans le village le 1er septembre. La municipalité s'était conformée scrupuleusement aux instructions administratives : on avait affiché un appel au calme ; on avait invité les habitants qui possédaient des armes à en effectuer immédiatement le dépôt.

« Il était environ 9 heures et demie du matin, quand, en sortant du débit Léon V., un client de l'établissement aperçut dans les jardins un dragon allemand qui semblait se tenir en embuscade.

« Presque aussitôt un coup de feu reten-


tit. L'alarme est donnée. Les Boches accourent ; ils prétendent que des civils ont tiré sur eux ; ils réclament la présence du maire, M. Joseph Rousselot, qui proteste énergiquement et affirme que ses recommandations ont été sagement écoutées par la population.

« Un capitaine dirige l'enquête. Il semble furieux. Sur son ordre, M. le curé Lambert attelle une charrette et se rend à la mairie pour y ramasser les fusils, pendant qu'une proclamation placardée sur les murs menace des pires châtiments quiconque s'opposera à l'occupation du pays. ,

« Quatre otages, d'ailleurs, répondront sur leur vie du respect de l'autorité qui vient ainsi de se substituer à la loi française : MM. Rousselot et Godefroy, M. le curé Lambert et moi sommes dès lors prisonniers.

« Le coup de fusil avait été certainement tiré par le dragon en embuscade ; mais il se garda bien d'en faire l'aveu. On frémit à la pensée des malheurs dont Arraye eût été le théâtre, si cette provocation avait entraîné les terribles conséquences, les exécutions, les incendies, les pillages dont on a enregistré ailleurs les excès criminels.

A Delme

«- Sans permettre aux otages de rentrer chez eux pour prévenir leur famille, pour se munir de linge ou d'argent, une escorte de uhlans nous pousse sur la route de Delme.

« Je vous laisse à penser les réflexions qui assiégeaient notre esprit. Qu'allait-on faire de nous ? Une consigne formelle nous empêchait de parler. Les uhlans se montraient farouches. Il n'était que trop visible qu'à la moindre incartade ils assouviraient sur nous leur brutalité, leur sauvagerie.

« En traversant la commune de Lémoncourt, une soldatesque en fureur se précipita vers nous. Le chef de notre escorte avait rapidement prononcé deux ou trois mots dont le sens m'échappait, mais qui eurent pour effet d'exciter la rage de nos insulteurs.


« Leurs menaces, leurs gestes indiquaient une telle haipe, une telle envie de nous écharper que mes compagnons et moi au- rions refusé la liberté, si on nous l'eût accordée à la condition de revenir chez nous par le même chemin.

« Personne, au surplus, n'était décidé à nous lâcher. En arrivant à Delme, les uhlans nous conduisent directement vers le presbytère auquel l'état-major avait donné l'affectation d'une sorte de prison civile.

« C'est là que j'ai vécu pendant deux semaines. Affront, privations ne nous ont pas été ménagés. Nous vivions à nos frais; ceux qui possédaient quelques ressources devaient naturellement payer la nourriture de ceux qui avaient été emmenés sans un maravédis.

« Il y avait là avec nous, trois habitants de Lanfroicourt et un de Ménil-Flin.

« L'ennui d'une longue oisiveté fit réclamer comme une faveur à plusieurs d'entre nous les fonctions de. cantonniers. Ils cassèrent des cailloux sur la route, comblèrent les ornières, moyennant un salaire quotidien de cinquante sous à trois francs ; mais, au bout de quelques jours, cette occupation fut supprimée.

« D'autres épreuves nous attendaient.

De Dieuze à Morhange « Le 15 ou 16 septembre, l'ordre vint de nous conduire à Dieuze. Deux étapes.

Voyage sans incidents sérieux. Défense de parler et de fumer.

« Nous fûmes logés dans les bâtiments de la caserne avec environ 300 autres prisonniers. On n'y devait rester que peu de jours.

« Un matin, nouvel ordre. Nouveau dé- part. Il faut aller à Morhange. Une route de 17 kilomètres ; peu de chose pour des jarrets solides, mais une promenade plutôt rude pour des hommes de notre âge, privés de sommeil, insuffisamment nourris, brisés de fatigue et d'émotion.

« En franchissant le seuil de la caserne, j'eus l'impression que le voyage réserverait à notre petite troupe des surprises désa-


gréables ; les gendarmes chargés de veiller sur nous étaient rogues et bourrus ; l'un d'eux engagea si maladroitement un de ses étriers dans la grille de la porte en passant qu'il le brisa et qu'une grande heure se passe à réparer le désastre.

« Tout alla bien pendant sept ou huit kilomètres. Mais, après le village de Conthil, un de nos camarades commença à se plaindre. Il fallut supplier le chef de l'escorte pour obtenir une halte ; il fallut supplier davantage pour obtenir l'autorisation de chercher dans les maisons de l'endroit une voiture qu'un propriétaire complaisant voudrait bien nous louer : « — Avez-vous de l'argent ? demanda le chef du détachement.

« — J'ai de quoi payer ce petit dérangement, répondit un des prisonniers. Cela coûtera quatre ou cinq mark. J'ai la som- me nécessaire. » « Une fermière de Conthil consentit à prêter sa voiture ; son fils offrit de conduire ; mais en apprenant qu'il s'agissait d'épargner à un malheureux otage une marche pénible, ni la femme ni l'homme n'acceptèrent notre argent : « — Gardez-le. Vous en aurez besoin.

Laissez-nous donc le plaisir de vous obliger gratuitement.

« Les Boches se fâchèrent. Insensibles au mouvement de générosité dont notre caravane était l'objet, ils se répandirent en invectives contre la fermière, lui reprochèrent sa faiblesse pour les sales Français qui ne méritaient aucune pitié : — <( Vous allez prendre leur argent tout de suite. Sinon, gare. »

« Le gendarme ayant exigé de nous une pièce de 5 mark, contraignit ensuite les.

braves paysans de Conthil à les empocher ; mais ceux-ci, d'un coup d'œil, nous montrèrent qu'à l'insu de nos gardiens, la fermiè- re avait glissé dans la musette d'avoine une miche énorme de pain avec un appétissant morceau de lard !

« Les dix derniers kilomètres de l'étape ne furent marqués d'aucun incident.


La prison de Morhange « A Morhange, je fus de nouveau reçu dans une caserne ou plutôt dans une sorte de prison militaire avec MM. Dumont, Godefroy et Bontemps, tandis que nos autres amis, M. Just Florentin, maire de Bey ; M. Rapp, maire de Lanfroicourt, étaient dirigés sur la prison civile, avec le curé de ce dernier village.

« Autour de nous les soldats ne cessaient leurs grossières plaisanteries que pour raconter les prouesses de leur armée, les victoires impériales moissonnant par douzaines des drapeaux russes et français, râfiant canons, mitrailleuses, régiments entiers sur tous les champs de bataitile.

« Jamais le pain ne m'a semblé aussi amer ; il me brûlait la gorge. Toujours les mêmes privations de tabac et de nourriture. Toujours la même interdiction d'échanger une parole avec un être humain.

Absolument comme les forçats au bagne.

« Quand nos souffrances exhalaient timidement des récriminations, nos bourreaux disaient que nous étions mieux traités que leurs soldats.

« Une nuit, les calorifères avaient transformé en étuve le cachot où je cherchais vainement un peu de repos. Je suffoquais.

La fièvre me battait la charge aux tempes.

J'avais l'impression de cuire dans la cabine torride d'un hammam et, pour réclamer l'ouverture d'un vasistas, j'étendis la main vers le bouton électrique mis à portée des détenus.

« Comme s'ils traînaient derrière eux un arsenal, les garde-chiourme pénétrèrent armés jusqu'aux dents, dans ma cellule : — « Ah ! vous crevez de chaleur. Eh bien, vous allez changer d'air. » Ils jetè- rent ma paillasse dans un local voisin, avec mes vêtements pêle-mêle, en pleines ténèbres, et c'est en grelottant que j'attendis le réveil.

« Les rares visites de l'archiprêtre de Morhange, des curés qui célébraient la messe à un autel dressé dans les' corridors mêmes de le prison, apportaient seules quelque adoucissement à nos peines.


« Nul moyen de recevoir les nouvelles du pays. M. Charles Dumont, jardinier chez Mme de Metz-Noblat, dont les deux filles sont également en service dans cette maison, ne put correspondre avec elles ; M.

Just Florentin avait à Morhange un parent qu'on refusa de laisser pénétrer jusqu'à lui.

« Je passai ainsi cinquante jours et cinquante nuits. Comment ne suis-je pas devenu fou ?

Dernière étape « Vers le 20 novembre, notre transfert à' Phalstbourg fut décidé.

« Le régime ne s'améliora point. Au contraire. On nous apportait à manger dans une espèce de vaste baquet où nous devions puiser avec un récipient ayant la contenance d'une gamelle.

« Nous fûmes cette fois, hébergés dans une colonie pénitentiaire ; 354 hommes partageaient ma captivité. et un pain plus noir, plus amer encore qu'à la caserne de Morhange. « Huit jours s'écoutèrent dans cet asile dénué d'agréments. Enfin, le 1er décembre, un avis de libération nous fit entrevoir le terme de tant de maux : les otages ayant moins de 18 ans et plus de 60 ans allaient être rendus à leur patrie.

« Par quels transports de joie fut saluée la nouvelle de notre délivrance, je renonce à vous le dire ! Avec quel enthousiasme on passa la frontière à Schaffouse pour pénétrer sur le territoire suisse, vous le devinez !

« Un accueil, par exemple, que je n'oublierai jamais, c'est la réception des comités suisses de la Croix-Rouge. Dans toutes les srares, de Schaffouse à Genève, on nous accablait de prévenances : ici du café ou du thé, là des gâteaux ; plus loin des cadeaux, etc.

« Les acclamations, les souhaits se mê- laient aux accents de la « Marseillaise » et c'est presque en triomphateurs que nous arrivâmes, le 4 décembre, dans la commune d'Annemasse, où la population savoisien-


ne, comme vous le disait hier M. Hottier, maire d'Homécourt, s'efforça de nous faire oublier les tristesses de la prison et de l'exil.

« Quand je pense que, depuis le 2 août, ma fille a revêtu le costume d'infirmière à l'hôpital auxiliaire de La Malgrange, qu'un de mes fils sert à Toul. dans la boucherie militaire, que mon autre fils se bat sous le drapeau français, que le pavillon des formations sanitaires flotte sur mes deux maisons d'Arraye-et-Han, que j'ai vécu trois longs mois et demi loin de ma femme, de mon foyer, de mes intérêts, j'ai bien le droit, n'est-ce pas, d'être fier que cette guerre m'ait permis d'accomplir mon devoir et de donner un patriotique exemple. »

ACHILLE LIEGEOIS.

«♦»

UN TAUBE SUR LUNÉVILLE

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En ce jour de Noël, un « taube » est venu nous visiter ; il a laissé tomber sur la ville une bombe qui n'a point fait plus de dégâts que si c'eût été un sac de dragées. Ne nous étonnons point qu'il y ait lune suite sans plus de dommages.

«♦»


EN ALSACE

STRASBOURG

Entrée en campagne Par le récit qu'une de nos concitoyennesa fait de son séjour à Metz depuis les débuts de l'occupation allemande, on a su, la semaine dernière, quelles répercussions, tantôt légères, tantôt profondes, la guerre eut aux pays annexés sur l'état général desesprits.

Il n'était pas d'un moindre intérêt de connaître l'impression ressentie à Strasbourg pendant le même temps.

Ce fut pour nous une précieuse rencontre que celle de Mme S., dont une décision du gouvernement de Strasbourg vint brusquement interrompre le séjour dans cette ville auprès de ses enfants qui exploitaient un fonds de commerce dans le voisinage de la gare.

— On m'accorda un délai de deux heures, juste le temps de préparer en hâte une malle. On m'indiqua la route que je devais emprunter par la Suisse. Cette mesure s'appliquait à tous les Français que leur âge, leur situation, leurs relations avaient jusqu'alors mis à l'abri des tracasseries administratives. Les Allemands n'avaient décidément plus confiance qu'en eux-mêmes ! »

Comme à Metz, la vie suit à peu de chose près son cours normal dans Strasbourg.

Les brasseries regorgent de consommateurs ; la guerre fait naturellement l'objet de toutes les conversations où la certitude d'une victoire éclatante et définitive cesse toutefois de retentir avec l'arrogance de naguère : — Au début de la campagne, déclare


Mme S., le sentiment général s'était accrédité qu'au bout de six semaines l'armée allemande entrerait triomphalement dans Paris, en raflant sur son passage les places- fortes. Quand nous voyions partir en masses énormes pour la frontière les régiments venus des garnisons de l'Empire, une pitié, une angoisse indicibles nous oppressaient, nous serraient douloureusement le cœur : « Pauvres Français ! » répétions-nous à voix basse comme une prière. Dans une partie des milieux universitaires, quelques- femmes de professeurs semblaient, par moments, s'associer à nos craintes et, songeant aussi aux formidables chocs des deux pays, elles disaient comme nous : « Pauvres Français !. »

Les chasseurs alpins Pendant les premiers jours d'août, une sublime espérance envahit l'àme alsacien- ne. On apprit la marche heureuse sur Mulhouse. Du coup, l'hypocrite attendrissement des immigrés s'évanouit Les professeurs et leurs sensibles épouses ne plaignaient plus les Français ; ils critiquaient leur manière de se battre, la qualité et la précision de leurs armes, ne reconnaissant de supériorité qu'au canon de 75 qui répandait chez eux une extraordinaire terreur : — Vos soldats tirent trop haut ; leurs fusils ne valent pas les nôtres. Oui, sans doute, vous avez en France des chasseurs: alpins dont l'intrépidité défie la mort.

mais vous seriez perdus sans votre artillerie de campagne. »

Parmi les premiers convois de prisonniers et de blessés, on remarquait principalement les chasseurs alpins. On se disputait comme des trophées leurs bérets, les boutons de leur uniforme, que l'on croyait en argent (sic). Plus d'un fut littéralement dépouillé. Mme S. cite certains cas où des hommes, au réveil, se trouvèrent privés de pantalon : — On leur offrait bien en échange des pantalons à jambes longues, d'une couleur se rapprochant du bleu de leur uniforme ; mais ils refusaient avec énergie ; ils pro-


testaient ; ils réclamaient leurs bandes molletières ; ils juraient de parcourir les rues « en bannière » ou en caleçon, plutôt que d'y renoncer. Il y eut des scènes inoubliables. »

Quand l'autorité militaire permit qu'on leur rendît visite aux hôpitaux, les mêmes hommes furent l'objet d'attentions, de soins, de cadeaux sans nombre que les dames de Strasbourg glissaient discrètement sous leur édredon ou sous leur oreiller.

Tant d'admiration pour les héros d'Altkirch et de Cernay stupéfiait les immigrés ; une honnête bourgeoise de Bitschwiller s'écria un jour devant Mme S., comme si elle rougissait d'un scandale : — Ah ! qu'est-ce qu'ils ont donc, vos soldats, pour être aimés comme ça ! »

Défense de parler français Bientôt l'emploi de la langue française fut rigoureusement proscrit. Mme S. conte à ce propos une savoureuse anecdote.

— J'étais seule dans la boutique ; je venais de servir un jeune officier. En se retirant il s'inclina correctement et, sans me souvenir des consignes, je répondis à son salut par ces mots : Au revoir ! L'officier se retourna et, avec une menace de l'index comme on ferait pour un enfant surpris en faute, il me gronda en souriant : « Vous savez, Madame, que c'est défendu. » La menace était si gentille, le rappel à l'ordre était si indulgent que je devinai sous l'uniforme un cœur d'Alsacien. J'eus recours cette fois à la langue allemande pour lui reprocher la même infraction, aimablement : « Ce que vous venez de me dire là, Monsieur, c'est aussi défendu. » Et nous partîmes tous deux d'un bel éclat de rire. »

Il semble, par instant, qu'une longue privation de sa langue maternelle, ait donné à notre interlocutrice une habitude dont elle n'est pas entièrement guérie.

Sans y prendre garde, elle accueille, en effet, nos questions par des « ya ! ya ! »


timides que j'ai envie à mon tour de réprimer sur le même ton : « imaginez-vous, Madame; que c'est détendu à Nancy ? »

Autour de la ville En ce qui concerne les travaux exécutés autour de Strasbourg, l'accumulation de paille dans certains édifices en vue de leur destruction par le feu, Mme S. ignore même ce qu'on a publié ici a ce sujet : — Personne n'a maintenant accès aux tours de la cathédrale, déclare-t-elle. On parlait rarement en ma présence des choses militaires. J'ai appris seulement que le grand-duché de Bade est rempli de troupes ; mais, par contre, l'Alsace était dégarnie à un tel point de soldats, il y a quelques semaines, qu'un officier avoua le danger en s'écriant : « Si les Français avaient su !. »

Sans être tenue au courant des préparatifs de défense, de l'organisation d'un vaste réseau de tranchées et de mines, Mme S.

a cependant saisi parmi les bribes de mainte conversation assez de renseignements qui ont laissé dans son cœur plus d'alarmes que de traces dans sa mémoire : — Ah ! Monsieur, je ne me rappelle plus ce que les Boches ont fait dans les environs de Strasbourg. Mais que nos soldats. ah ! mon Dieu. que nos pauvres soldats n'y aillent pas !. Ce serait trop épouvantable. »

Quelques précautions La plupart des Strasbourgeois ont accumulé dans leurs caves des provisions en grandes quantités sans que ces précautions aient été suggérées ou ordonnées par une décision administrative : — La population est en proie à une vague inquiétude, se borne à constater Mme S. Elle sait que nos troupes occupent Thann et plusieurs bourgades en HauteAlsace. On s'assure éventuellement contre les risques d'un siège. Pourtant, .le commerce marche à merveille ; les affaires se


traitent avec confiance. Le cours des denrées n'a pas varié ; la viande se vend bon marché ; le pain a subi à peine une faible augmentation ; mais les légumes secs deviennent rares et sont hors de prix.. Encore une fois, on ne supposerait jamais que la guerre existe en considérant l'animation des brasseries. Les salles de spectacle sont fermées ; on assiste à des représentations cinématographiques ; les films présentent le kaiser sous toutes ses faces et les événements sous un jour lavorable à ses armées. »

Le Journal d'Alsace-Lorraine a disparu. Les gazettes pangermanistes s'inspirent toutes de la méthode inaugurée par le Wolffbureau : le mensonge est élevé à la hauteur d'une institution d'Etat. Jamais les feuilles à la dévotion de Guillaume n'ont annoncé, même avec de prudentes réticences, U bataille de la Marne : — La nouvelle que les Français pénétraient en Alsace et s'y installaient, ajoute Mme S., est arrivée quand même jusqu'à Strasbourg. Les professeurs ne disaient plus que, nos soldats tiraient trop haut.

Des trains complets ramenaient les Boches qu'ils avaient étendus sur le champ de bataille. »

Les jeunes gens et les hommes ayant passé la quarantaine n'ont pas encore été appelés sous les drapeaux ; mais l'éloignement des derniers étrangers indique évidemment une mesure ayant pour but de cacher un suprême effort de mobilisation ou des dispositions sur l'importance desquelles l'Allemagne tient à éviter la plus légère. indiscrétion.

— Les Boches auront beau faire. L'Alsace attend sa délivrance, conclut Mme S., et tout le monde, là-bas, souhaite qu'on débarrasse bientôt le pays de tous les bourreaux qui ont si cruellement retourné le fer dans ses plaies vives. »

ACHILLE LIÉGEOIS.


AU CHEVET DE NOS BLESSÉS

UNE VISITE A L'HOPITAL

DU

CAMP DE SAINT-NICOLAS

SAINT-NICOLAS-DU-PORT, décembre.

L'austérité du devoir, la modestie des vrais dévouements n'ont fleuri nulle part mieux qu'au chevet des victimes de la guerre.

Nous avons éprouvé une vive satisfaction au cours des visites des hôpitaux de SaintNicolas et de la Malgrange, si différents dans leurs installations, si parfaitement semblables dans le fonctionnement de leurs services, si égaux devant l'éloge que l'on doit faire du personnel qui prodigue à la fois les ressources de la science et les trésors d'une inépuisable bonté à nos soldats malades et blessés.

Il n'y a plus de blessés à Saint-Nicolas.

Depuis que les horreurs du champ de bataille se sont transportées dans les Flandres, les formations sanitaires ont cessé d'évacuer en masse les héros dont le sang précieux coula abondamment devant le Grand-Couronné. Il y eut de terribles journées : Courbesseaux et Crévic emplirent les salles d'opérations. En hâte, chirurgiens et docteurs donnaient les soins urgents, et, suivant le cas, dirigeaient sur Nancy ou sur une ville plus éloignée ceux qui pouvaient supporter les fatigues d'un nouveau voyage.

C'est en allant porter aux malades les livres, les brochures, les illustrations, les jeux envoyés par la générosité des lecteurs de l' « Est républicain » que nous avons


longuement parcouru les chambrées où s'alignent les humbles couchettes auprès desquelles infirmiers et femmes de France rivalisent de zèle dans l'accomplissement de leur tâche..

* *

La caserne du Camp ne comportait guère que des baraquements séparés par un intervalle qui, doté d'un nom de bataille ou de général s'appelle orgueilleusement rue Chanzy ou avenue de Malakoff. Tout l'héroïsme de notre histoire se retrouve encore dans la désignation des chambres : ici pas de numéro d'ordre, mais un souvenir d'épopée : salle d'Extrême-Orient, salle de Madagascar, etc. Cela fait partie, sans doute, de la magnifique méthode d'éducation des chasseurs à pied dans l'Est.

Dès que le .e bataillon eut quitté le Camp, au deuxième jour de la mobilisation, la transformation des locaux, leur aménagement en vue de leur nouvelle destination, fut menée activement.

La déclaration de guerre interrompait en outre la construction des pavillons élevés d'un étage qui motivèrent l'an dernier les fréquentes interventions des commissions parlementaires d'hygiène.

L'organisation totale du Camp fut très vite terminée.

Mais, à aucun moment, les médecins-majors ne constatèrent la gêne ni l'encombrement ; ils payèrent, comme on dit, de leur personne ; ils passèrent sans repos les jours et les nuits ; ils opposèrent en quelque sorte la digue de leur énergie, de leur volonté, de leur patriotisme au flot douloureux qui montait vers eux — et l'obscurité d'un tel sacrifice mérite les hommages d'une affectueuse reconnaissance.

A quoi bon ouvrir une enquête pour savoir les résultats obtenus ? Est-ce que les malades ignorent certains chiffres et manquent de renseignements exacts sur une statistique où leur confiance puise des forces morales aussi utiles pour la guérison que les tisanes et les cataplasmes ?

Il y a peu de cas très graves. La plupart d'entre nous venaient du Midi ; les pre-


mières épreuves du climat nous ont été pé- nibles. Les malades amenés au Camp proviennent de régiments de toutes armes.

Beaucoup d'activé et de réserve ; peu de territoriale.

w + *

Nous allons d'une chambre à l'autre.

Partout le même ordre, la même propreté.

La lumière et l'air circulent. Les magasins de compagnie, vides d'uniformes et d'équipements, sont pour la plupart transformés en dépôts de provisions ; trois ou quatre chambres de sous-officiers sont devenues des laboratoires, des officines où les pharmaciens préparent les ordonnances ; les vastes réfectoires ont servi la semaine dernière à une véritable représentation de gala, où se firent entendre les artistes mobilisés des grandes scènes de Paris et de la Côte d'Azur.

Les cuisines ont reçu une affectation qui satisfait pleinement aux conditions susceptibles d'en assurer le service, aussi bien pour l'alimentation ordinaire que pour les « régimés » si délicats, dont le lait et les œufs composent le principail aliment.

Le sol est nettoyé à grande eau; les fourneaux, avec leurs robinets de cuivre, sont astiqués comme pour une revue ; le rata fume dans les marmites ; plusieurs hectolitres de lait tiède emplissent les vastes récipients de métal ; les cuisiniers eux-mêmes font plaisir à voir, avec leur face rubiconde, leur tablier irréprochable, leur jo- vialité de boute-en-train.

Nous les complimentons ; ils ont positivement l'allure de maîtres-d'hôtels chez quelque baron ou de « chefs » au bouillon Duval : — Pour sûr qu'on a des références, plaisante l'un d'eux. Vous ne croyez pas si bien dire. On servait dans les grandes maisons avant de faire ici la popote. On s'y connaît en frichti. »

Les lavabos sont admirablement entretenus. Balai et plumeau ne laissent nulle place où la main ne passe et repasse. Un souci. constant, méticuleux, préside à l'arrangement des tables, très nettes, des bancs, des ustensiles de toilette. Le méde-


cin-chef, M. R., a ordonné la confection paraît-il, de meubles « ad hoc » remplissant le triple rôle d'escabeaux, de bibliothèques et de tables de nuit ; c'est simple, de bon goût, commode et peu coûteux.

La planche à bagages se charge des pots de tisane ; le graphique de température a remplacé les « étiquettes » du paquetage absent ; les murs sont blanchis à la chaux; une odeur de coaltar imprègne l'atmosphère convenablement renouvelée par l'ouverture des vasistas et une ventilation soigneusement réglée des corridors.

Les infirmiers sont les dignes auxiliaires des médecins-majors qui multiplient leurs consultations et mettent sur ces visages d'abord pâlis par la fièvre, les couleurs vite épanouies de la jeunesse et de la santé.

Bon nombre de convalescents, au retour d'une promenade dans les cours, distraient leurs loisirs : les uns battent une manille, les autres poussent les jetons sur les cases d'un échiquier, d'autres s'élancent à la conquête d'une noble héritière parmi les aventures de cape et d'épée ; ceux-là ap- prennent par les illustrations de quelle gloire se couvrent leurs camarades et les héros des troupes alliées.

Toute cette joie est l'œuvre de nos lecteurs ; rien ne leur serait plus agréable que d'entendre les remerciements dont notre plume est impuissante à traduire pour eux le charme, la sincérité et la douceur.

* Avant de quitter l'hôtel du Camp, nous sommes entré dans le « bureau » où le médecin-chef veut bien nous présenter à ses collaborateurs.

Une aimable surprise nous est réservée ; nous tombons au milieu d'un groupe de Nancéiens : MM. K. et L. additionnent des colonnes de chiffres, préparent les courriers, sous les ordres de M. D., officier gestionnaire, chargé, comme son titre l'indique assez éloquemment, de fournir à ce vaste établissement, la nourriture, les médicaments, etc.

La besogne n'est pas mince, je vous prie de le croire : mais l'officier gestionnaire


est de taille à porter sans défaillance le poids des responsabilités qu'il assume d'ailleurs avec le sourire : — Eh oui ! j'ai un poste intéressant.

C'est moi qui fais le marché, nous dit-il.

Chaque matin, comme une attentive maî- tresse de maison, j'achète viande, légumes, boîtes de conserves ou de lait concentré, sans compter les œufs des « régimes », les desserts, les friandises qui améliorent le menu quotidien. »

Le bureau est installé dans une dépendance du mess des sous-officiers du bataillon. Aux murs, des photographies, remise de décorations, présentation du drapeau aux recrues, tableaux offerts par le commandant Desruelles et ornés d'une patriotique dédicace.

Dans un angle, la bibliothèque dont les rayons ploient sous les bouquins à couverture de toile noire : — Tenez ! voici un cadeau de la Manufacture des Tabacs, ajoute l'officier en montrant une vitrine pleine de paquets de cigarettes. Joli cadeau, n'est-ce pas ? Les fumeurs ont de quoi se régaler. L'administration nous promet 30.000 cigarettes par mois. J'en distribue aux convalescents, heureux de l'aubaine que l'Etat ajoute ainsi aux envois de la Croix-Rouge et des souscriptions en faveur des hôpitaux militaires. »

De son côté, le médecin-chef, M. R., ne tarit point en félicitations sur l'œuvre accomplie au milieu de difficultés sans nombre par les six médecins-majors qui dépensent un courage, une opiniâtreté, une sollicitude, une abnégation que n'ont jamais abattus ni troublés un seul instant les terribles épreuves de la guerre. Ils ont travaillé presque sous le feu de l'ennemi : — Les obus allemands tombaient en face de nous, en réponse aux tirs du Rembêtant, nous dit-il. »

Maintenant, c'est le repos ; c'est ce qu'on pourrait, par comparaison avec l'effroyable besogne du début, appeler la vie de château, une vie aimable et _@ tranquille, dont les malades apprécient mieux encore les bienfaits.

LUDOVIC CHAVE.


LE 45e BOMBARDEMENT DE PONT-A-MOUSSON

Un des collaborateurs du Temps a reçu d'une de ses parentes, qui réside à Pont-àMousson depuis l'ouverture des hostilités, et qui a refusé de le quitter, une lettre pleine d'héroïque simplicité. Nous en extrayons le passage suivant : Depuis le mois d'août, nous habitons rue Magot-de-Rogéville ; on y est plus à l'abri ; les rez-de-chaussées surtout y sont confortables. Il n'y a plus guère de monde en effet qui couche dans les étages, surtout au deuxième. Presque tous les quartiers de la ville ont reçu des obus ; le plus grand nombre est tombé à Saint-Martin et sur notre pauvre cimetière. Il est tellement ravagé, ce pauvre champ des morts, qu'on croirait à un vrai tremblement de terre.

Les obus allemands ont soulevé ici des cercueils, là des cadavres, ailleurs des ossements : c'est un spectacle affreux. La rue des Jardins a été souvent atteinte ; un obus est tombé sur la maison des Sœurs, place Saint-Antoine ; il s'est heureusement arrêté au premier étage, au coin d'une cheminée. Beaucoup d'autres maisons ont leurs toits crevés, ou leurs toitures percées à jour comme de la méchante dentelle. Le jour de la Toussaint, pendant les vêpres, des shrapnells ont été tirés sur l'église, les éclats ont détérioré tous les vitraux. Les Allemands savaient qu'il y avait beaucoup de monde ce jour-là dans l'église ; ils ont choisi exprès l'heure des vêpres pour exécuter leur tir ; heureusement leur but n'a été atteint qu'en partie ; il n'y a pas eu de victimes.

C'est le 5 septembre que le tocsin sonna pour avertir les habitants de l'approche des Allemands. Les Français firent sauter le pont sur la Moselle, mais cinq heures


après, les Allemands entraient dans la ville par les quartiers de Saint-Martin et de Saint-Laurent. A la vue des Prussiens, notre cœur se serra ; leurs bataillons compacts arrivaient en chantant, mais le lendemain nos soldats, qui s'etaient retirés par stratagème, leur tirent payer cher leur audace. Les Prussiens furent écrasés près de Jazainville et près de Sainte-Geneviève.

Ils eurent 5.000 tués et plus de 8.000 bles- sés. Ils ramenèrent ces derniers au galop dans des trains et des automobiles et brûlèrent leurs cadavres en les inondant de pétrole pendant trois jours. Le 9, ils reçurent du renfort et revinrent place Duroc- où ils organisèrent un concert. Ils chantèrent aussi dans les cafés. Nous étions enragés. Pour comble de malheur, nous fûmes obligés de loger neuf d'entre eux, un officier et huit soldats. L'officier parlait très bien le français ; il fut très convenable, défendit très sévèrement qu'on nous manquât de respect ou qu'on nous prît quoi que ce soit. Cet ordre fut exécuté à la lettre par les soldats. Dans la nuit du 10, ils eurent une grande alerte et s'enfuirent, en toute vitesse. Le lendemain matin, il n'en restait plus un ; nous étions folles de joie. Quelques jours après, il en revint quelques-uns en patrouille ; nos soldats les tuèrent tous jusqu'au dernier. Les Prussiens avaient compté, en entrant à Pont-àMousson, que la viile était à eux pour toujours ; c'est pourquoi ils ne commirent pas d'atrocités ; dans d'autres maisons que les nôtres, cependant, ils volèrent tout ce qu'ils purent. Il est certain que s'ils étaient restés longtemps, nous n'aurions plus rien eu à manger ; ils réquisitionnaient le pain, vidaient les magasins en payant, arrachaient dans les champs toutes les racines et toutes les cultures et chargeaient le tout sur des voitures qui prenaient toutes la route de Metz. Ils avaient mis un drapeau allemand à la mairie et à l'horloge, ils avaient marqué l'heure allemande.

On a trouvé dans plusieurs maisons des énormes caisses de pastilles incendiaires qui'ls avaient distribuées à tous les coins du village, et qui, aujourd'hui, sont à la mairie.


RETOUR D'OTAGES

Les Frères Samain sont vivants

M. Hottier, le maire d'Homécourt, nous apporte de leurs nouvelles.

Nancy, 25 décembre.

L'ARRESTATION

Ah ! certes, M. Jean-Pierre Hottier, le vénérable maire d'Homécourt, n'aurait jamais supposé qu'il retomberait un jour aux mains des Boches.

En 1870, il servait dans une batterie dont son brigadier et lui furent les derniers survivants entre Saint-Privat et Amanvillers.

Il y avait autour de sa pièce plus de biscaïens que de cailloux. Lutte terrible. Le souvenir de cette journée revivait sous la forme d'un ruban vert et noir dont M. Hottier ornait sans forfanterie sa boutonnière.

Quarante-cinq ans après, dans la nuit du 3 au 4 août, ce fut dans son lit cette fois et non plus sur le champ de bataille qu'un capitaine allemand le fit prisonnier.

Le maire d'Homécourt dormait tranquillement. Un choc brutal à sa porte, une sommation l'éveillèrent en sursaut. fi ouvrit. Un officier se dressait devant lui, re- volver au poing, lui ordonnait brutalement de se vêtir en toute hâte.

— Je crus d'abord qu'on allait me con- duire à la mairie pour une perquisition en


ma présence, raconte M. Hottier. J'avais dans mon portefeuille le courrier, quelques pièces administratives. Je jugeai inutile d'emporter die l'argent. De mon mieux, je rassurai ma femme inquiète. J'étais à cent lieues de deviner ce qu'on voulait faire de moi.

Le brave maire d'Homécourt devait effectivement être traîné devant un conseil de guerre, jeté sur la paille humide des geôles, enfermé dans une forteresse des bords du Rhin ; il ne devait revenir en Lorraine qu'hier, avec une dizaine d'otages dont l'odyssée est aussi douloureuse que la sienne.

MAIRE ET CURÉ Au moment même où il se rendait, hier, à la convocation de M. Mirman, nous avons eu la joie de causer avec lui quelques instants à la préfecture de Meurtheet Moselle : — Oui, j'ai beaucoup souffert, nous ditil. De telles épreuves pour un homme de mon âge sont très dures. Je croyais ne plus revoir la France. Et, pourtant, j'ai rencontré sur la terre étrangère, en prison, d'autres hommes qui gardent au cœur IIlle foi inébranlable et qui ont souvent raffermi mon espoir chancelant dans les destinées de notre chère patrie. »

M. Hottier ne quittait pas seul sa comlllU/ne. On emmenait avec lui le curé, M.

Varin. Ils avaient tous deux été dénoncés par un espion nommé Maguer, habitant chez ses parents, à la Petite-Fin, dont les rapports serviraient bientôt de base à l'ac- te d'accusation dressé contre eux par les autorités allemandes.

Maire et curé furent conduits d'abord à Malancourt où siégeait l'état-major : — Mon compagnon était plus malheur- reux que moi. On ne lui avait pas laissé le temps de prendre son chapeau ni de mettre ses bas ; il était vêtu uniquement die sa soutane ; il marchait avec de méchantes savates. Son confrère de Malancourt habilla le pauvre ecclésiastique.

L'interrogatoire de M. Hottier lui causa


une peine affreuse. Les inj ures, les brutalités accablèrent le vieillard : Ils me fouillèrent, saisirent mon portemonnaie contenant une somme de 27 fr., mes papiers. Mais la pire des souffrances me déchira le cœur, quand les mains de l'officier boche arrachértent mon pauvre ruban de 1870, mon humble décoration.

C'était comme si une dégradation me suppliciait. »

DEVANT LE CONSEIL DE GUERRE

Les infâmes rapports de l'espion Maguer devaient ailleurs porter leurs fruits : MM.

Hottier et Varin furent transférés à Metz et traduits en effet devant un conseil de guerre. on reprochait au premier d'avoir organisé une compagnie de francs-tireurs ; on articulait à l'égard du second un autre grief, celui d'avoir exhorté plusieurs jeunes gens des pays annexés à contracter un engagement dans la légion étrangère.

Un double acquittement termina les débats.

Mais M. Hottier ne fut point traité avec plus de ménagements. Cinq jours, il gémit entre les murs d'une cellule. Le régime comportait café sans sucre au matin ; soupe au lard — et quel lard ! — pour le déjeuner, puis, de nouveau, un pieu de café - et quel café ! — pour le repas du soir.

Quant au pailn, c'était une sorte de pâte immangeable que les prisonniers s'empressaient de jeter dans les poêles où, d'ailleurs, il ne brûlait pas : — Quand nos gardiens ont su que nous faisions de leur pitance un tel cas, ajoute M. Hottier, ils nous ont menacés d'un régime plus sévère encore.

Une généreuse intervention se produisit.

M. Winsbach, ancien pharmacien, réussit à faire fléchir la rigueur de certaines con- signes. Il jouissait à Metz d'une haute estime. Il employa ses relations, son influence, sa connaissance des langues allemande et française, tantôt à recommander les malades aux soins des médecins, tantôt à nous communiquer les nouvelles du de-


hors, tantôt à remplir les fonctions d'interprète pour exprimer nos désirs ou trans- mettre nos explications ; ce sont là des services que n'oublieront jamais les otages à qui M. Winsbach les rendit avec un infatigable dévouement.

Le médecin-major consultait les prisonniers trois fois pair semaine ; mais M.

Winsbach les visitait régulièrement tous les jours et leur apportait le réconfort, les témoignages de sympathie, les paroles d'encouragement nécessaires pour relever l'énergie morale que la tristesse d'une telle situation avait déjà ébranlée.

UNE CITADELLE PRUSSIENNE

Les otages quittèrent Metz au bout d'une semaine. L'ordre vint de les transférer dans la citadelle d'Ehrenbreistein, sur le Rhin, à trois kilomètres de Coblentz.

Là, du moins, le gouvernement impérial n'aurait rien à craindre de ses ennemis : - de hautes murailles défiaient l'escalade et rendaient vaines toutes tentatives d'évasion ; une escouade de vigilantes baïonnettes donnait à réfléchir : - Il y avait à Ehrenbreistein 232 prisonniers français, exactement, nous dit M.

Hottier. Entre eux, la glace fut vite rompue. Metz et Thionville étaient représentées par 117 personnes, parmi lesquelles deux femmes seulement, la sœur du curé de Lorry-devant-Metz, une excellente Française, dont quatre neveux servent sous les drapeaux (l'un a le grade de commandant), et Mme la baronne de Guentrange, arrêtée sous prétexte qu'elle élevait dans son colombier des pigeons voyageurs. »

M. Hottier parle avec attendrissement de ces femmes au cœur noble et charitable.

Mme de Guentrange est venue en aide aux gens de la campagne, aux ouvriers agricoles que les Boches avaient saisis dans leurs masures ou enlevés à leurs charrues en plein travail ; elle paya de ses propres deniers des costumes neufs, du linge, des ■ chaussures à tous les malheureux dont sa compagne séchait les larmes, consolait la


détresse, ranimait la confiance par l'exem-- ple d'une admirable fermeté.

— Il y avait là, continue le maire d'Homécourt, le député thionvillois, M. Zimmer ;, des Messins dont le nom a été souvent prononcé et que l'on crut longtemps fusillés, les frères Alexis et Jean Samain, entre autres, M. le docteur Urbain, un des collaborateurs de M. Jean au « Souvenir Français », M. l'abbé Riss, fondateur d'une revue et d'œuvres s'inspirant du même esprit, M. Prevel, directeur d'une banque d'escompte et de crédit commercial, M.

Lambert, rédacteur du « Lorrain ».

Alexis Samain, Je président de la « Lorraine Sportive », savait que le bruit de son exécution s'était répandu en France ; il avait essayé de le démentir ; sa correspondance ne pouvait échapper au réseau étroit de suf-veillance qui l'enveloppait. A la fin,, il avait pris son parti et acceptait volontiers son rôle de fusillé par persuasion.

— Quand vous arriverez à Nancy, recommanda-t-il à M. Hottier, n'oubliez pas- que l' « Est républicain » a montré pournotre cause et pour moi beaucoup de sympathie. Portez-y de mes nouvelles. Répétez, surtout que je suis vivant, que mon frèree.

est vivant et que nous comptons bien nous retrouver un jour ensemble. »

LES FRÈRES SAMAIN

Soit que nous ayons passé chez eux de.

trop courts instants au lendemain de la dissolution de leur société en janvier 1911,.

soit que nous ayons échangé quelques paroles avant leur comparution devant la Cour suprême de Leipzig ; soit que nous ayons eu le plaisir en mainte circonstance plus heureuse de nous rencontrer encore avec Alexis et Jean Samain dans des fêtes- patriotiques, il est impossible d'oublier de tels hommes.

— Ils n'ont pas changé, poursuit M. Hottier. L'aîné a maintenant le visage.

encadré d'une barbe épaisse ; l'autre a toujours les lèvres couvertes à peine d'une fine moustache. Mais la même flamme de volonté brille dans leurs yeux. Ah ! nous


n'avions pas besoin de grands mots pournous comprendre ; quelque chose de mystérieux avertissait les Messins réunis dans, la citadelle, qu'une pensée, un espoir commun rapprochaient leurs âmes. »

— Comme par hasard, déclare malicieusement M. Hottier, nous voyions monter des batteries sur les plateformes de la citadelle et les soldats racontaient avec naï- veté que l'on creusait chaque jour de nouvelles tranchées autour d'Ehrenbreistein.

Malgré les succès annoncés par leurs journaux, les Aillemands éprouvaient donc le besoin de consolider leur défense ; cela suffisait à nous renseigner sur la sincérité.

des gazettes. »

Pendant le séjour à Ehrenbreistein, la femme d'un otage messin apporta deux ou trois fois des nouvelles du pays de Briey.

La visite d'un instituteur permit également de savoir que M. Bastien, maire de Jœuf, avait été, lui aussi, emmené par les Boches, au mois de septembre.

En raison de son état de santé, M. Bastien ne dépassa pas Montois ; il fut reconduit à Jœuf, où il resta en prison.

EN ROUTE POUR LA FRANCE !

Le 20 novembre, M. Hottier et quelquesuns de ses compagnons apprirent que les otages âgés de plus de soixante ans allaient être rendus à leur pays : — J'ai voyagé pendant deux jours à travers le grand-duché de Bade, dit-il. Nous avons passé la frontière suisse à Shaffouse.

Un accueil enthousiaste nous attendait de l'autre côté ; mais notre arrivée sur le sol français à Annemasse fut saluée par une réception plus cordiale encore. Les comités de la Croix-Rouge, la population savoisienne, ont rendu agréable mon séjour dans la petite commune de Mornex. Quels braves gens que les Savoyards ! J'ai vécu parmi eux pendant trois semaines et je vous garantis que les réfugiés, là-bas, sont presque tentés d'oublier la perte de leurs biens, l'amertume de leur condition, toutes les horreurs, les atrocités de la guerre ! »

Parce qu'il justifiait de moyens d'exis-


tence, qu'il put fournir des références, établir qu'en Lorraine des intérêts réclamaient sa présence, on délivra au vétéran, non sans regret, un laissez-passer gratuit jusqu'à la gare d'Is-sur-Tille : — Le diable m'emporte ! on voulait me retenir prisonnier en Savoie. mais cette fois pour me choyer, m'entourer de soins, d'affection, de dévouement. J'ai fait à mes frais le reste du voyage. Ah ! j'avais hâte d'atteindre Nancy, de me rapprocher du foyer, de revoir ma pauvre commune dont j'attends anxieusement des nouvelles.

Revoir Homécourt, délivré des Prussiens, comme je serai heureux ce jour-là !. »

ACHILLE LIÉGEOIS.

e..

UN ZEPPELIN SUR NANCY

Paris, 26 décembre, 15 h. 18.

Un Zeppelin a survolé Nancy, ce matin, à 5 h. 20. Il a jeté quatorze bombes sur la ville.

Deux habitants ont été tués et deux autres blessés.

Quelques maisons particulières ont été endommagées. Aucun édifice public n'a été atteint.


AU PAYS DE BRIEY

Villerupt, Villers-la-Montagne, Roman, Tillaucourt, Herserange, Pierrepont, Longlaville, Briey, Jœuf, Crusnes.

Nous extrayons du « Bulletin de Meurthe-et-Moselle » les renseignements suivants qu'il donne dans son dernier numéro : VILLERUPT

Villerupt a son église et quelques maisons incendiées, mais il est inexact qu'on ait fusillé des habitants.— Saulnes n'a pas été touché. A Hussigny une trentaine de maisons sont brûlées. Entre autres celles de MM. Mirgaine, Pierson, Perroudon, Anglesson, Frantz, Berquin Alfred, J.-B.

Gilles, Fontaine, Aubrion, François, Gille, Veber, Phang, Morand, Mathon, Barthélemy, Hoison, V. Tarnus, Fordoxel, Félix Willens, veuve Gauche, Bodson, Boncourt, Lallemand, Willaume, l'atelier Toulemonde, les remises Marasse et Wilbern ; la poste, le bureau de police, la mairie, l'église, la gendarmerie, la moitié de la caserne.

VILLERS-LA-MONTAGNE

A Villers-la-Montagne, tout le haut du village est brûlé. Pendant le siège de Longwy, la population a été mise en avant des batteries allemandes. MM. Haut, Houdard et le curé ont été emmenés prisonniers en Allemagne, sous l'accusation d'avoir donné asile à des pigeons égarés.


TILLAUCOURT

A Tillaucourt, le maire a été fusillé parce qu'on a trouvé une arme dans le village.

ROMAN

Les femmes de Roman ont été emmenées à Esch. Là, les soldats leur jetaient des croûtes, des os, des chons de lard en guise de nourriture. Elles furent enfin délivrées par un officier allemand que, tout de mê- me, une pareille goujaterie écœura et renvoyées chez elles avec quelque argent. »

HERSERANGE

Une femme d'Herserange a quitté ce village il y a quelques jours. Nous l'avons interrogée sur ce qui s'est passé dans ce pays depuis le début des hostilités.

Elle nous affirme qu'aucune maison d'Herserange n'a été incendiée et qu'une seule personne a été mise à mort, une dame Lecoq, fusillée par les Allemands parce qu'elle avait été rencontrée dans la rue après 7 heures du soir, heure à partir de laquelle — aux termes des règlements mitaires — aucune personne n'est plus autorisée à quitter sa maison.

Le village n'a pas été pillé, mais' a été fortement pressuré par les réquisitions. On a réquisitionné toutes les couvertures, les machines à coudre, etc.

Pour être épargné, le village a dû verser 12.000 francs.

L'usine de Senelle est peu endommagée; elle n'a reçu que quelques obus pendant le bombardement de Longwy.

Les troupes d'infanterie allemande qui occupaient le pays ont été retirées il y a quelques jours et remplacées par des uh- lans.

Tous les jeunes gens de 15 à 20 ans et tous les hommes jusqu'à 45 ans ont été dirigés sur Audun-le-Tiche, où les Alle..

manda les font travailler et leur versent un salaire journalier de 50 pfennigs.

Dans le seul village d'Herserange, il y


a 95 prisonniers. La même mesure a été prise dans toutes les localités du bassin.

On nous avait dit, précédemment, que le quartier Saint-Louis, à Longwy, avait été sérieusement endommagé. On nous précise aujourd'hui que, parmi les principaux immeubles incendiés, se trouve la maison habitée par M. Perignon, maire de Longwy.

Plusieurs personnes ont été tuées par Les obus lors du bombardement, notamment les jeunes Laurent et Dillon, âgés de 14 et 15 ans.

PIERREPONT

D'après le Secolo, les Allemands sont entrés le 22 août à Pierrepont. Ils ont fusillé un Italien, nommé Severin Detona, et un Français nommé Zaanth, âgé de 62 ans.

Les deux cadavres ont été trouvés dans un bois à un kilomètre environ de Pierrepont, liés ensemble.

LONGLAVILLE

On nous signale la mort de M. Georges, qui tenait le Café du Midi. Les Allemands l'ont fusillé avec sa femme et ont brûlé sa maison.

BRIEY

Plusieurs de nos réfugiés de la région de Briey nous ont demandé s'il est vrai que le docteur Giry a été tué à l'ennemi.

Nous pouvons rassurer ses nombreux amis. Nous avons, en effet, reçu il y a quelque temps, du docteur Giry, une lettre nous rassurant complètement sur son sort.

Ce qui a donné naissance au bruit qui avait couru de la mort du docteur Giry, est probablement le fait suivant : La 1er novembre, une « grosse marmite » tombant sur la maison où se trouvait le docteur Giry, éclatait à ses pieds dans le vestibule, au moment où il allait monter à cheval.Englouti et asphyxie sous des matériaux de toute sorte, il fut amené à Dunkerque pour y être soigné.


Un de ses hommes, qui tenait le manteau qu'il allait endosser, avait eu le, crâne fracturé. Deux sœurs ont été blessées.

Le docteur Giry n'avait aucune blessure apparente, mais avait reçu une commotion intense.

- Grâce aux soins qui lui ont été prodigués, il est aujourd'hui complètement rétabli et a insisté pour reprendre son service.

Il est actuellement médecin-major, médecin-chef de l'hôpital Jean-Bart, à Dunkerque.

JŒUF

La situation est assez calme.

Les familles Bastien, Bosment, Mlles Wansdorff, Marcelle Grançois, Brunier, Pazin, Mme Baudouin sont en bonne santé.

M. l'abbé Schneider est prisonnier.

M. l'abbé Blin est mort à Consenvoye.

Dans beaucoup de villages environnants les femmes sont obligées de travailler pour l'équipement des troupes.

Malavillers est complètement détruit.

CRUSNES

Il n'y a pas eu de combat important à Çrusnes ; un lêger engagement seulement avec les douaniers lors de l'arrivée des Allemands.

Les Allemands ont fusillé à Dudelange MM. Bernard père et Michel, marchand de vins, après leur avoir fait creuser leur fosse.

Dix-sept personnes ont été fusillées à Sancy, dont MM. Eug. Belfort et ses deux fils, Dieudonné, peindre, et son fils Joseph, Ch. Belfort, la garde du château, Mannia, Hallé Joseph.

nf.


Attaques et contre-attaques SONT HEUREUSES

Sensibles progrès en Alsace

Bordeaux, 26 décembre, 16 heures..

Canonnade peu intense sur le front entre la mer et la Lys, où un brouillard épais a paralysé les opérations.

Entre la Lys et l'Oise, nous avons repoussé plusieurs attaques ennemies, à Noulette, ouest de Lens, à La Boisselle, nord-est d'Albert, à Lihons, ouest de Chaulnord-est nes, où une tranchée prise à l'ennemi a été perdue, puis reprise après un vif combat.

Entre l'Oise et l'Aisne, on nous signale que, dans la journée du 24, une très forte attaque allemande a été repoussée à Chivy, nord-ouest de Soupir.

Dans la région de Perthes, notre artillerie a fait taire les batteries qui bombardaient les tranchées récemment conquises par nos troupes ; deux fortes contre-attaques allemandes ont été refoulées dans la nuit du 24 au 25.

Hier, une nouvelle contre-attaque particulièrement importante a subi un échec complet.

En Argonne et entre Meuse et Moselle, rien à signaler.

En Haute-Alsace, la journée a été marquée par de sensibles progrès. Devant Cernay, nous avons atteint la lisière des bois sur les collines de l'ouest de la ville ; nous nous y sommes maintenus malgré plusieurs contre-attaques.

Nous occupons les lisières d'Aspach-leBas et les hauteurs qui dominent Carspach.

à l'ouest.


LES NOUVELLES

DU

PAYS MEUSIEN

Du « Bulletin Meusien » : MONTMÉDY

M. le docteur Thirion, de Montmédy, qui habitait cette ville depuis sa récente mise à la retraite, avait repris du service depuis le début de la guerre ; il était médecinmajor et séjourna dans cette ville jusqu'au -23 octobre, date à laquelle les Allemands l'emmenèrent en Allemagne. Il vient d'en rentrer, par voie d'échange, avec d'autres médecins militaires allemands, et a confié à un habitant de Virton qui voyageait avec lui depuis la Suisse que, jusqu'au 23 octobre, il n'y avait à Montmédy ni dégâts, ni vexations ; la population était, nourrie suffisamment et des convois de farine y étaient amenés par les Allemands chaque semaine.

Le nouveau corps d'occupation allemand était d'ailleurs moins brutal que le premier.

D'autres correspondants racontent que le tunnel, détruit par la garnison française, y serait réparé et que les Allemands auraient employé tous les habitants valides à déblayer celui-ci pour rétablir la circulation des trains. (Sous toutes réserves, bien entendu.) APREMONT-LA-FORÊT On nous écrit d'Ernecourt que plusieurs habitants d'Apremont, enlevés comme prisonniers le 24 septembre, sont rentrés d'Al- lemagne le 11 novembre. Le maire, M. Eugène Charrois, a été emmené en otage avec


vingt hommes de la commune le 24 septembre, et depuis on ignore ce qu'ils sont devenus. Sa femme, emmenée en même temps qu'eux, est réfugiée ici. On a écrit de divers côtés pour avoir de leurs nouvelles, mais sans résultat jusqu'ici.

SAINT-JULIEN ET BONCOURT

On nous écrit, à la date du 10 décembre, de Commercy : « Ici, nos pauvres pays sont bombardés Quotidiennement ; des villages de cette région ne seront bientôt plus que des ruines.

A Saint-Julien, nous avons eu à déplorer, ces jours derniers, la mort de deux civils tués : MM. Martin père et fils. A Boncourt, un civil, Mme Girot-Rcmy, a succombé aux suites d'une blessure d'obus à shrapnells.

THONNE-LA-LONC

Nous apprenons la mort de M. Cordier, instituteur de cette localité, qui a été inhumé à Haumont-les-Samogneux.

DAMVILLERS

On nous a annoncé dernièrement qu'un quartier général allemand était installé au village de Réville, à quelques kilomètres nord de Damvillers.

Dans cette première localité les autorités militaires allemandes n'auraient jugé aucune demeure digne de les abriter et auraient fait construire à leur usage personnel!, hors de la ville, un grand bâtiment démontable en bois.

MARVILLE

Nous apprenons la mort de M. Edmond Mouton, ancien maire de cette commune, frère du général Mouton, et de l'ancien conseiller général de Dun.

STENAY

Les journaux publient une information de Milan, en date du 16 décembre, annon-


çant que d'après une dépêche officielle le kronprinz a établi à Stenay son quartier général, probablement au château des Tilleuls, déjà occupé par lui antérieurement.

ARRONDISSEMENTS DE MONTMÉDY ET VERDUN h**

Le 9 septembre, à Billy-les-Mangiennes, le bas du village et la rue habitée par M.

Marc, maire, sont abîmés et brûlés ; à cette date, il restait soixante-dix personnes au début de décembre, il ne devait plus y avoir que le curé-doyen et trois ou quatre personnes.

A Nouillonpont, une vingtaine de maisons démolies ; aucune d'incendiée et personne de tué.

Pillon est brûlé en partie ; il y reste 30 personnes.

A Duzey, quatre ou cinq maisons défoncées avec l'église ; pas d'incendie.

A Rouvrois, aucun dégât.

Etain n'existe plus pour ainsi dire, ainsi qu'Eton.

Amel est très abîmé, Senon un peu moins, Loison est abîmé également.

Bouligny ne doit pas avoir souffert ; Spincourt est en partie brûlé.

L'église de Saint-Pierrevillers est abîmée ; une rue d'Arrancy est brûlée.

Les troupes allemandes sont assez nombreuses dans la région, qui est néanmoins tranquille et le ravitaillement en denrées nécessaires est assez facile.

Mogeville, Maucourt, ont été repris par nos troupes et fortifiées d'une façon très solide.

Le 13 décembre, nos troupes ont bombardé Montfaucon ; les Allemands ont fortifié Romagne-sous-les-Côtes et toutes les hauteurs voisines.

A Charny, de grosses pièces ont été installées aux environs pour bombarder la population de Romagne.

On nous écrit d'ailleurs : Maucourt presque entièrement brûlé par les Allemands, Moge ville, Fromezey égale-


ment. Nous occupons Ornes, qui n'est pas beaucoup abîmé. Grémilly est occupé par nos patrouilles. Amel est presque entièrement détruit. Senon a moins souffert. Quelques maisons brûlées et abîmées par les obus, une partie du clocher est tombée.

Ces deux pays sont occupés par l'ennemi et retranchés, le pays'entouré de fils barbelés. A Spincourt, le centre abîmé, clocher détruit, les Allemands en ont fait un centre de ravitaillement avec chemin de fer à voie régulière, passant à Vaudoncourt, Billy, Haut-Fourneau, s'engageant dans la forêt pour le ravitaillement des troupes qui sont à Romagne. Mangiennes est occupé par un régiment d'infanterie allemand avec l'état-major, n'a pas trop souffert.

Nouillonpont a très peu souffert. Muzeray, Rouvrois, Saint-Pierrevillers également.

CANTON D'ETAIN Eix, Moulainville, les Prussiens n'y sont pas venus. Alors rien.

Abaucourt : quelques obus marmites sont tombés au milieu du pays tuant six soldats d'infanterie et faisant des blessés (devant la mairie) ; pas de dégâts matériels, quelques carreaux cassés. Haucourt rien. Herméville est bien abîmé par les obus, quelques maisons incendiées dans le centre du village. Warcq occupé par nos troupes a souffert beaucoup, les fermes environnantes brûlées.

RÉGION SPINCOURT-ÉTAIN Un de nos amis, officier, nous communique de nouveaux renseignements sur la région Spincourt-Etain : Mangiennes, Billy Pierrepont, Pillon, Mouzerey sont fortement abîmés. A Billy, les habitants ont été emmenés à Zvickau (83 personnes), dont le curé, les familles Tonnelier. Robinot, Piernet, Humbert, Mantoulet, Collignon, Alexis Lecomte.

SAINT-JEAN-LES-BUZY M. Watrin, 58 ans, a été emmené en Saxe par les Allemands ; sa femme est restée au pays.


VIÉVILLE-SOUS-LES-COTES

Les Allemands ont fait prisonnier un jeune homme de 18 ans, M. Léon Rodrigue, et l'ont emmené chez eux.

AUBRÉVILLE

Bombardement tous les jours deux fois.

Le 4 décembre, 21 obus le matin, 5 de soir.

Un de ceux-ci est tombé sur le fumier de M. Vitry, a crépi de purin toute la façade de la maison et brisé les fenêtres à quelques pas du presbytère et de l'école des filles. Un autre est tombé sur la maison de sœur A.

NEUVILLE

Neuville est aussi bombardé. Il reste peu de choses. Le presbytère est brûlé, l'église endommagée.

*+*


DES BOMBES SUR NANCY

Vendredi 25 Décembre Un avion allemand a de nouveau survolé Namcy vendredi matin ; il a lancé sur notre ville deux bombes qui, fort heureusement, n'ont fait aucune victime, causant seulement quelques dégâts matériels.

Il était près de neuf heures et demie du matin lorsque l'attention des passants fut attirée par la présence d'un biplan voilant à une grande hauteur et dont la forme indiquait qu'il appartenait à nos ennemis.

L'avion lançait deux bombes, l'une tombait rue de Mon-Désert, 26, sur un bâtiment dépendant des ateliers de la maison Fortin-Hanrion, fabricant de cordages et literie, rue Saint-Dizier.

Le projectile perçait dans la toiture un trou d'un diamètre de vingt centimètres, traversait le plancher du premier étage et arrivait sur celui du rez-de-chaussée où il brisait une planche sans faire explosion, malis en dégageant une épaisse et forte fumée noire qui fit croire aux voisins qu'un incendie venait de se déclarer.

On avertit les sapeura-pompiers qui arrivèrent en toute hâte ; mais ils n'avaient pas à intervenir, car la bombe n'avait provoqué le moindre sinistre.

Les carreaux des baies d'éclairage n'avaient même pas été brisés ; aucun objet n'avait été renversé et une forte odeur de sulfure se répandait dans l'atelier.

Un employé de la maison Hanrion-For-


tin ramassa le projectile brisé en diverses parties, qui fut remis à un gardien de la paix qui le transporta aussitôt au bureau central de police.

Peu après, un inspecteur de la sûreté en fouillant avec sa canne dans le trou fait dans le plancher y découvrit l'hélice, se trouvant à la partie supérieure de la bombe.

* #

La deuxième bombe est venue s'abattre sur la toiture de l'hôtel de la Poste, place de la Cathédrale, dans la partie qui prend jour sur une cour intérieure du côté du couvent des sœurs de l'Espérance.

Le projectile atteignit la partie du toit formant mansarde,près d'une fenêtre donnant le jour à la chambre n° 47.

La bombe, en faisant explosion, produisit une forte détonation, elle brisa entièrement une poutre de près de quarante centimètres de côté, fit un trou énorme dans la toiture, couvrant de plâtras Le lit et toute la chambre, réduisant en miettes une glace apposée au mur.

L'armoire et les autres meubles subirent également de forts dégâts.

Un morceau de plomb de la toiture arraché par l'explosion est allé tomber dans le jardin du couvent où une sœur le rainassa, Un morceau de fer servant de poignée à La bombe y fut également trouvé, ramassé et remis à la police, Plusieurs vitres des fenêtres de la maison religieuse ont été également brisées par des éclats ; l'un d'eux est allé se loger dans la paroi d'un couloir, après avoir traversé une porte.

Des débris d'ardoise et de bois provenant de la toiture de l'hôtel jonchaient le sol du jardin.

La déflagration fut tellement violente que, dans la cuisine, située sous une vé-


randa au pied du bâtiment où la bombe s'était abattue, Mme Dottenville, qui s'y trouvait, fut projetée à quelques mètres.

Elle n'eut fort heureusement qu'une légère foulre du pied.

M. Simon, maire, prévenu, s'est rendu à l'hôtel et au couvent de l'Espérance où sa présence a rassuré tout le monde., Pendant toute la journée, une foule assez dense s'est rendue place de la Cathédrale, pour satisfaire sa curiosité qui a été déçue, aucun dégât ne se voyant de la voie publique.

Samedi 26 Décembre

Nancy a reçu samedi matin la visite d'un dirigeable ennemi. Une dizaine de bombes ont été lancées.

L'aéronef survolait la ville à une faible altitude. Il se proposait comme objectif la voie ferrée ; mais il a manqué son but et c'est dans la direction de la ville vieille que sont tombés ses projectiles.

Du quai Claude-le-Lorrain à la Pépinière, on a relevé les traces de ce bombarde- ment sur la place Carnot, rues de la Sour- ce et de la Charité, place Saint-Epvre, Grande-Rue et aux abords du canal.

Quelques arbres duc cours Léopold ont été endommagés ; les vitres de la place Carnot ont volé en éclats ; la. maison portant le numéro 35, rue de la Source, est détériorée ainsi que deux magasins avoisinant la Petite Carrière. 1 Les autorités civiles et militaires se trouvaient sur Les lieux. Des barrages ont été établis. Les mesures d'ordre nécessaires ont été prises, afin d'interdire aux cu- rieux accourus en foule l'approche des immeubles atteints par ces « souvenirs » allemands.

Il s'agit, pour les Boches, de simples souvenirs, en effet, ainsi qu'en témoignent


deux photographies ramassées au boulevard de la Pépinière par M. Edouard Schlegel, 32, rue Laflize, et qui portent en allemand ces dédicaces : « Bon Noël. Souhaits du kaiser Guillaume », « Un aviateur allemand vous salue ». L'envoi était contenu dans une enveloppe avec une balle de bronze française pour lest.

La pænlièm détonation s'est produite exactement à 5 h. 20.

Les Nancéiens ont montré plus de curio- sité que d'émotion à la nouvelle d'une visite qui n'est point pour eux une sensationnelle surprise.

Le bombardement a fait malheureuse.

ment plusieurs victimes : Mme Anna Goëb, 39 ans,domestique chez M. Jacquemin, 38, quai Claude-le-Lorrain.

a reçu des blessures qui ont entraîné la mort.

M. Louis-Georges Lantoine, 29 ans, originaire d'Armentiènes, garçon de café au buffet die la gare, demeurant 4, cours Léopold, qud eut l'artère carotide tranchée par un éclat de verre.

Quelques soldats ont été atteints peu grièvement par des éclats de verre.


TAUBE & ZEPPELIN

Nancy, 26 décembre.

Nous recevons la communication suivante: Dans la nuit de vendredi à samedi, un « zeppelin » a traversé Nancy laissant tomber une douzaine de bombes qui firent heureusement beaucoup plus de bruit que de mal, leur effet s'étant borné à des dégâts matériels peu importants. La population de Nancy ne s'en est montrée aucunement alarmée.

* *

M. le Préfet a adressé au Ministre de l'Intérieur le télégramme suivant : « Préfet Nancy à Ministre Intérieur.

« Nos fêtes de Noël ont été honorées hier CI par présence « Taube » qui jeta plusieurs « bombes vaines dans le voisinage de la « Cathédrale à l'heure de l'entrée des fidè« les. Cette nuit « Zeppelin » versa nom« breuses bombes fort bruyantes mais peu cc meurtrières. Population Nancy fort tran« quille s'est rendormie en pensant avec « moi qu'il était préférable que ces bom« bes fussent tombées sur nous que sur « nos soldats dans les tranchées. »

AVIS A LA POPULATION M. le Général commandant les troupes du secteur de Nancy me communique les recommandations du général commandant en chef relativement au bombardement par dirigeables et d'après lesquelles « la meilleure défense est d'éteindre à terre toutes les lumières afin de priver le dirigeable de tout point de repère. »

Deux questions sont, à ce point de vue,


à envisager : l'éclairage public et l'éclaira- ge privé. L'éclairage public sera réduit au minimum strictement indispensable. Sur l'éclairage privé, le général ajoute : « Je crois savoir que les lumières de la ville ont actuellement sensiblement augmenté le soir ; il y aurait intérêt à faire connaître aux habitants qu'il convient de persister dans les mesures de prudence qui avaient été prises, à ce point de vue, au début des hostilités )'Cette double précaution est excellente et chacun, en ce qui le concerne, y devra participer avec une exacte discipline.

Je me permets d'ajouter ceci : quelques personnes qui ont villégiaturé les mois d'août et de septembre hors de Nancy se sont, paraît-il, montrées fort émues des quelques bombes dont le « Zeppelin » vient de nous arroser. Ces personnes, je l'espère, et je les y invite, vont se hâter de se faire une mentalité analogue à celles des Nancéiens qui sont restés ici aux heures réellement critiques ; à ces heures-là, Nancy fut une cité vaillante ; il serait ridicule, j'ose le dire, que ses nerfs fussent, si peu que ce soit, ébranlés aujourd'hui par ces manifestations de l'ennemi plus bruyantes que meurtrières et qui ne peuvent comporter aucune conséquence stratégique : de quelque sympathie émue que nous entourions les victimes de ces accidents, n'oublions pas que tous les « Zeppelins » font moins de victimes dans une ville que la moindre épidémie de fièvre typhoïde ou même de scarlatine, et qu'à tout prendre, en cette saison, les « Zeppelins» sont moins dangereux pour la collectivité que la pneumonie. Avis en particulier aux mamans qui ont des enfants en bas-âge.

L. MIRMAN, Préfet de Meurthe-et-Moselle.


QUELQUES PROGRÈS

EN ARGONNE ET EN ALSACE

NOS AVIONS bombardent Frescaty et Metz

*

Paris, 27 décembre, 15 h, 45.

Entre la mer et la Lys, journée calme.

Canonnade intermittente.

Entre la Lys et l'Oise, rien à signaler.

Dans la vallée de l'Aisne et en Cham* pagne, duel d'artillerie.

Dans la région de Perthes, l'ennemi, après un violent bombardement, a tenté, sur des tranchées qu'il avait perdues, une contre-attaque qui a été aussitôt repoussée par notre artillerie et notre infanterie.

En Argonne, légers progrès.

Au sud de Saint-Hubert, une compagnie a gagné entre 100 et 200 mètres de terrain, et nous avons bombardé un ravin où l'ennemi a évacué plusieurs tranchées.

Entre la Meuse et la Moselle, à l'est de Saint-Mihiel, deux attaques allemandes contre une redoute du Bois-Brûlé ont été repoussées.

On sait qu'un dirigeable a lancé une dizaine de bombes sur Nancy, au milieu de la ville, et sans aucune raison d'ordre militaire. Nos avions, au contraire, ont bombardé les hangars d'aviation de Fresca-


ty et une des gares de Metz, où des mouvements de trains étaient signalés, ainsi que les casernes Saint-Privat, à Metz.

En Haute-Alsace, nous avons réalisé de nouvaux progrès sur les hauteurs dominant Cernay et nous y avons repoussé quelques attaques.

Paris, 28 décembre, 0 h. 46.

Voici le communiqué officiel du 27 décembre, 23 heures : Après avoir, toute la nuit dernière, dirigé un feu violent d'artillerie et d'infanterie contre nos troupes installées à La Boisselle et dans les tranchées voisines, l'ennemi a prononcé deux attaques consécutives, mais sans aucun succès.

Nous tenons fortement les tranchées enlevées près de Puisaleine.

Sur les Hauts-de-Meuse, nous consolidons l'occupation du terrain conquis près de la tranchée de Colonne.

Saint-Dié a été violemment bombardé de 9 heures et demie à 12 heures.


PRISONNIERS DE LA MEUSE

Du « Bulletin Meusien » : M. Juste, curé de Richecourt, est prison- nier à Bayreuth, avec trente-six de ses paroissiens, et quatre-vingt-dix autres de Xivray-Lahayville. Il écrit le 7 novembre : « Le général vient de nous annoncer que nous sommes innocents et que nous sommes ici par une erreur inexplicable. Alors nous sommes libres de partir, et ce sera quand tout sera en règle. Je suis ici sans habit, sans linge. Je suis utile à tous, sachant un peu l'allemand. Je n'ai pas quitté mes paroissiens ; ils en ont été contents ; le général m'en a félicité devant mes gens.

Ne vous inquiétez pas, on fera pour le mieux. »

M. Aubois, curé d'Hattonchâtel, prisonneir à Ehrenbreisten, par Coblentz, avec dix autres prêtres, écrit : « Hattonchâtel est aux deux tiers incendié ; la voûte de l'église s'est écroulée audessus du chœur et de l'avant-chœur. Les habitants ont pris la fuite et, après quinze jours, vingt et une personnes seulement étaient présentes.

« Hattonville et Vigneulles sont aussi presque complètement détruits. »

M. Tridon, curé d'Heudicourt, libéré : « Dans ma paroisse, il restait à mon dé- part cent quinze habitants et quelques réfugiés de Loupmont. Je me demande avec angoisse de quoi ils peuvent vivre, car on leur a tout pris, jusqu'au dernier lapin, jusqu'aux moindres légumes, et nos ennemis, pour les mieux affamer, donnaient les gerbes de blé en litière à leurs chevaux. »

Mmes Gille et Dussay Françoise, de Ro- magne-sous-les-Côtes, sont prisonnières à Zwickau. M. Louis Hannetelle, de Luzy, mécanicien à la gare de Longuyon, est prisonnier également en Allemagne.


MM. Emile Warlot et Libor, de Combres, sont à Zwickau, en Saxe.

Mme Vautrin et son fils, Mme Liborr Mlle Catherine Laurent, Mme Maria Laurent et son fils, sont à Schwetzingen, caserne de cavalerie n° 21, grand-duché de Bade.

Les habitants de Saint-Remy, internés à Rastadt (grand-duché de Bade) viennent d'être rapatriés et dirigés sur Thonon-lesBains (Haute-Savoie).

Le docteur Mutalet, de Mangiennes, actuellement médecin militaire, nous informe que sa mère est du nombre des prisonniers civils emmenés par les Allemands. Elle est avec Mmes Robert et Leroy, de Mangiennes. à Eratz-sur-Alzette (grand-duché de Luxembourg)

M. Constant Sirot écrit à ses parents : Je suis parti depuis le 19 septembre comme prisonnier civil. Nous sommes sept de Lissey : Vital-Rouyer, Léon Richard, Patoche Théotime, Isaie Richard, Bon DeJzédar, Léon Fallet, Sirot Constant.

Constant SIROT.

Lager Grafenwohr, Bavière (Allemagne).

— M. G. Klein écrit : Mon beau-frère Jules Dauphin, prisonnier en Saxe, me donne les noms de quelques Meusiens qui sont avec lui et dont plusieurs n'ont pas de nouvelles de leur famille. Je vous en donne la liste ci-des- sous : Fulbert, de Bouvigny ; Paul Fauquenot, de Bouligny ; Antoine et Louis Alzin, de Bouligny ; Aimé Goeuriot, de Bouligny ; Klein-Saguez, de Bouligny ; Erard-Proth, de Spincourt ; Léon François, de Spincourt ; Victor Lavigne, de Spincourt ; Didry-Malher, de Landres (M.-et-M.).

Kriegsgefangener Neues Lager, baraque 24, à Kœnigsbriick, royaume de Saxe, viâ Pontarlier.

C. KLEIN, 40, rue Georges-Rémond, Gagny (Seine-et-Oise)


LES AVIONS ALLEMANDS Ï survolent Nancy

LA CHASSE AÉRIENNE

Dimanche 27 décembre, à midi et demi,.

un aéroplane allemand a survolé Nancy à une grande hauteur. Il a laissé tomber quatre bombes. L'une est tombée sur le toit de l'école maternelle du boulevard d'Alsace-Lorraine, où elle a brisé quelques tuiles : la seconde, rue de Strasbourg, 70, où elle a traversé la toiture de la maison et provoqua dans le grenier un léger commencement d'incendie qui a pu être rapidement éteint par les habitants aidés par un gardien de la paix et un soldat territorial. Les pompiers furent appelés, mais ils n'eurent pas à intervenir. Nos braves sapeurs ramassèrent les débris de l'engin, à la poignée duquel était attachée une longue banderole aux couleurs allemandes.

La troisième est venue s'abattre rue du Tapis-Vert, 6, chez M. Kahn, négociant en chiffons. Elle. a traversé la toiture d'un petit bâtiment servant de cuisine où se trouvait la domestique, qui n'a eu aucun mal.

L'engin, en se brisant en deux, communiqua le feu à des chiffons ; un seau d'eau suffit à l'éteindre. Les morceaux furent remis à la police.

La dernière, rue du Manège, 6.

Nos aviateurs s'étaient mis rapidement à la chasse de l'aéroplane ennemi qui se dirigea vers les lignes allemandes. Dans


les rues, un public nombreux était massé, suivant attentivement des yeux la poursuite du « taube » que l'on crut un moment en danger, et qui put cependant échapper. Nos grands oiseaux revinrent ensuite à leur nid. Pas pour longtemps !

1t * * A deux heures et demie, en effet, un autre aéroplane allemand,jouant d'audace, revenait au-dessus de Nancy. Bientôt une bombe s'abattait sur la maison portant le numéro 14 du boulevard d'Alsace-Lorraine.

Elle se brisait sur le toit. Les débris venaient s'abattre sur la voie publique, où ils étaient ramassés par des enfants.

Un autre engin portant une banderole rouge, blanche et noire tombait dans le iardin de l'établissement « A Robinson », prairie de Tomblaine, creusant un simple trou dans la terre.

Enfin, un dernier engin allait choir dans la Meurthe où, bien entendu, nul ne fut tenté de le repêcher.

Pendant qu'ils survolaient la ville, les deux avions ennemis ont laissé tomber une certaine quantité de fléchettes d'acier. Aucune personne n'a été atteinte.

Ces apparitions de « taubes » effrayèrent fort peu les Nancéiens qui, pendant toute l'après-midi, continuèrent leur promenade dominicale dans les rues centrales de la ville.

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DISTRIBUTEURS AUTOMATIQUES

LES AVIATEURS BOCHES ont beaucoup d'esprit

L'habitude est prise.

Chaque jour amène à Nancy son taube.

Visite blanche. Résultats nuls — ou presque. Quand par hasard des victimes sont frappées, ce sont des femmes, des enfants, ce qui contribue à montrer sous un angle plutôt fâcheux pour le kaiser ce que serait dans le monde la civilisation germanique si le destin lui permettait d'y régner.

Les aviateurts boches se sont-ils exactement rendu compte du peu d'effet matériel et moral de leurs envois ? C'est fort possible. Ils essaient, à cette heure, de « faire de l'esprit », comme ces gens dont les plans déjoués ou les intentions trahies recherchent une diversion pour expliquer maladroitement leurs perfidies.

En un mot ils voudraient, selon une expression populaire, nous « la faire à la blague » : — On ne veut point votre mort, insinuent les pilotes des tauben et des zeppelins ; on désire seulement vous prouver que, le cas échéant, on a en Allemagne autant d'esprit qu'au pays de Voltaire ».

Là-dessus nos visiteurs aériens improvisent leurs facéties.

Elles sont du meilleur goût.

Jugez-en.

Mercredi dernier, un taube lançait sur le quartier Grandville deux bombes inof- fensives, garnies apparemment de poudre de perlinpinpin, mais l'une d'elles portait un ingénieux mécanisme peur répandre à


profusion des manifestes, des tracts, des proclamations à la nation française.

C'est le dernier progrès, osons le dire nettement, des distributeurs automatiques, la suprême nouveauté, le jouet de fin d'année, l'article simple, élégant, solide et pratique. Voyez notre assortiment, messieurs!

Prenez l'objet en mains, mesdames ! L'essayer c'est l'adopter — et ça défie toutes les concurrences.

Les Nancéiens qui ramassèrent les débris de l'engin, purent ainsi savoir : 1e que le gouvernement de M. Poincaré avait dé- claré la guerre ; 2° que leur ville était, cernée ; 3° qu'une formidable légion de casques à pique marchait sur Lyon ; 4e que nos soldats seraient sagement inspirés en se précipitant dans les bras des excellents kamarades qui les traiteraient comme des frères.

Excusez du peu !

Hier, nouvelles distributions d'articles de propagande « Made in Germany ». Ce furent d'abord plusieurs douzaines de fléchettes en acier sur lesquelles se revendiquait orgueilleusement le droit exclusif de propriété et d'exploitation : « Inventé en France et fabriqué en Allemagne .» Les Boches, en vérité, se vantent.

D'autres fléchettes, modèle identique, annonçaient sans vergogne aucune : « De l'Allemagne victorieuse à la France vaincue. »

Faudra voir !

Un simili-obus de pacotille, adorné d'une banderole aux couleurs d'outre-Rhin, tomba dans la prairie de Tomblaine sans que nous ayons pu savoir quelles marchandises couvrait ce pavillon, mais nous présumons qu'il recommandait encore l'exactitude des pronostics et la sincérité des nouvelles extraites de l'agence Wolff.

De son côté, le Zeppelin de samedi matin laissa tomber — comme un oiseau sa fiente — deux photographies d'officiers aux boutons dorés, aux épaulettes outirageuse- ment peintes, aux moustaches onctueuses de cosmétique, avec ces dédicaces venues


l'une d'Heidelberg et l'autre de Mulhouse (ô Alsace, pardon !) : « Joyeux Noël. Aimable envoi du kaiser Guillaume II. — Souvenir d'aviateurs allemands ». Suivait une signature.

A l'instar d'un cabotin sous les huées et les coups de sifflet, les Tauben et les Zeppelin essaient de se dégager par une pirouette ; ils virent dlans l'opprobre mieux que dans l'air en se donnant devant la galerie une attitude équivoque de mystificateurs qui font des plaisanteries.

Derrière leurs « rigolades » on relève les femmes, les enfants, les victimes innocentes.

Si les Boches empruntent à Voltaire un peu de son esprit, c'est à la cour de Frédéric II qu'ils ont dû ramasser les miettes.

LUDOVIC CHAVE.

A RAMBERVI LLERS

De la Poudre aux Moineaux

Depuis trois jours, Rambervillers reçoit la visite des Tauben qui viennent jeter des bombes sur la ligne de chemin de fer, dans le but probable de détruire des ponts oui des ouvrages et d'empêcher momentanément le passage de nos trains de ravitaillement. Le jour de Noël et le lendemain, ils ont survolé la ville, vers 3 heures et demie de l'après-midi et ont laissé tomber plusieurs bombes qui n'ont fait aucun dégât.


DANS LES DUNES DES FLANDRES

Nous sommes au pied de ses lignes de résistance

Paris, 28 décembre, 15 h. 10.

En Belgique, nous avons continué à avancer à l'ouest de Lombaërzide. Nous sommes actuellement au pied des dunes sur lesquelles l'ennemi a établi sa ligne de résistance.

Au sud d'Ypres, nous avons perdu un élément de tranchées, près de Hollebecke.

Dans la région de Lens, près de Carency, l'ennemi a cédé, devant nos attaques.

800 mètres de tranchées de première ligne.

Dans la vallée de l'Aisne et en Champagne, canonnade intermittente, particulièrement intense dans les régions de Reims et de Perthes, où l'ennemi a visé spécialement les positions que nous avons conquises à l'ouest de cette localité.

Sur les Hauts-de-Meuse, nous avons progressé légèrement sur tout le front.

Dans les Vosges, l'ennemi a bombardé la gare de Saint-Dié. Le service de la vote ferrée n'est pas interrompu.

En Haute-Alsace, au nord-est de Steinbach, une contre-attaque allemande a été repoussée.

Paris, 29 décembre, 1 heure.

Voici le communiqué officiel du 28 décembre, 23 heures : Pendant toute la journée une tempête violente a empêché les opérations sur la plus grande partie du front.

On signale cependant que nous avons réalisé quelques progrès en Argonne.


QUELQUES GAINS DE PLUS

De la Belgique à l'Alsace

Paris, 29 décembre, 15 h. 22.

En Belgique nous avons enlevé le village de Saint-Georges, où nous nous sommes établis.

De la Lys à la Somme, l'ennemi a bombardé assez violemment nos positions dans la région d'Echelle-Saint-Aubin-Le Ques- noy-Bouchoir (nord-ouest de Roye).

Calme sur le front, entre la Somme et l'Argonne.

Nous avons gagné un peu de terrain en Argonne, dans le bois de la Grurie, le bois Bolante et le bois de Courte-Chausse.

Sur les Hauts-de-Meuse, plusieurs contre-attaques allemandes ont été repoussées dans le bois Le Bouchot (nord-est de Troyon).

L'ennemi, qui avait enlevé nos tranchées voisines de la redoute du bois Brûlé (ouest d'Apremont) en a été chassé après trois contre-attaques successives.

En Haute-Alsace, nous investissons étroitement Steinbach. A la suite d'un violent combat, nous nous sommes emparés des ruines du château, au nord-ouest du village.


LEUR RAISONNEMENT

SUR LE

BOMBARDEMENT DE NANCY

Paris, 29 décembre, 18 heures.

Le communiqué allemand présente le bombardement de Nancy comme une mesure de représailles répondant au bombardement de Fribourg-en-Brisgau par nos aviateurs.

Or, les avions français n'ont jamais exécuté que des opérations de guerre motivées par des raisons d'ordre militaire.

Ils n'ont atteint, à Fribourg-en-Brisgau, que les hangars et les usines d'aviation, ainsi que la gare où des mouvements de troupes étaient signalés.

Un de nos dirigeables, qui survola Sarrebourg, ne bombarda que la station, ainsi que d'autres points de la ligne Sarrebourg- Avricourt.

De même, dans la journée du 26 décembre, nos avions ayant survolé Metz, ne lancèrent de projectiles que sur les hangars de Frescaty, sur une des gares et sur les casernes de Saint-Privat.

Les bombes allemandes, au contraire, sont tombées, à Nancy, en pleine ville, sur un point éloigné de tout bâtiment militaire, et où aucune troupe ne se trouvait rassemblée. Elles ne pouvaient donc atteindre que des bâtiments civils et ne faire de victimes que parmi la population.

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UN BAPTÊME DU FEU au Taube POUR NOS CONSCRITS DU 160e

Paris, 30 décembre, 0 h. 40.

Communiqué officiel du 29 décembre, 23 heures : Aucun incident notable ne nous a été encore signalé jusque dans la soirée.

Un « Taube » a survolé Westende, le 20 décembre au moment de la présentation du drapeau aux soldats de la classe 1914, nouvellement incorporés.

Le colonel Bablon, du 160e d'infanterie, fit ouvrir le feu, mais sans succès.

Le « Taube » jeta trois bombes. La première éclata derrière le 1er bataillon avec un bruit formidable mais elle n'atteignit personne.

La deuxième frappa le sol derrière le 3" bataillon, et fusa, sans effet.

La troisième tomba à dix pas devant le colonel Bablon, impassible Pas plus que leur chef, aucun homme ne broncha, et les recrues reçurent ainsi le baptême du feu avec la même crânerie que les anciens.


AU COL DU BONHOMME

Comment la Tête-de-Faux: fut prise par nos troupes

Un territorial qui a participé à l'attaque raconte ainsi, dans une lettre, comment fut.

prise, le 2 décembre, la Tête-de-Faux, qui commande le col du Bonhomme et où les Allemands avaient établi un observatoire : « On nous avait dit : « Au premier coup de canon, vous sortirez de vos abris pour prendre place dans les tranchées vos postes de combat, à la lisière du bois. »

Nos abris ? Quels abris ! Des espèces de tanières où l'on ne pénétrait qu'à quatre pattes, creusées en bas d'invraisemblables pentes, devant un village d'Alsace, de B.

Les Boches l'occupaient ; nous les voyions; circuler dans l'unique rue, en marche vers les sentiers qui conduisent sur la hauteur.

Et quand ils grimpaient, ils ne paraissaient pas plus gros que des fourmis. Ils avaient, à quatre ou cinq cents mètres de nous, des tranchées zigzagantes, où ils arrivaient après avoir rasé les murs, utilisé des replis de terrain.

Vers les huit heures, un maréchal des logis d'artillerie passe près de la sentinelle que notre poste fournissait.

— Vous allez être bien ici, dit-il. C'est une baignoire qu'on vous a fournie à l'œil pour Je concert.

Cette chose sérieuse avait l'air d'une plaisanterie. Machinalement, je jetai un regard autour de moi. La tranchée découverte où nous devions prendre place était pleine d'eau. Mais, surplombant la vallée, les fermes, le village alsacien, elle avait


des allures d'avant-scène. Le maréchal des logis s'éloigna, pressé, en ajoutant : — Vous allez entendre quelque chose.

C'est tout au plus si nous ne nous sentîmes pas impatients. Il y avait là-haut des canons de tous calibres.

L'heure approchait. Quelle fut tout à coup ma surprise : des mouvements de troupes avaient commencé tout près. Des chasseurs alpins, émergeant soudain d'un repli, le fusil à la main, arrivaient au pas de course, un à un, à 25 mètres d'intervalle et s'abritaient, entassés, derrière une ferme couverte de zinc, dans un trou en contre-bas, susceptible de cacher presque toute une compagnie, Plus loin, d'autres formations se dessinaient.

Une voix claire, brutale, précipitée, sèche et volontaire, s'élève soudain, dans unecadence presque régulière, au rythme quasi mathématique. Ce sont nos 75 Leur martèlement est précis, nerveux, impitoyable, obsédant. Les obus qui tombent abondamment sur les pentes d'en face, montent, en éclatant, vers le sommet de la Tête-de-Faux, la balayent, y faisant une œuvre terrible de destruction.

Mais nos chasseurs ont été repérés par l'observateur boche. La première marmite vient tomber derrière la ferme où ils se sont massés. Elle éclate à 30 mètres. Tout à l'heure, la bicoque sautera. Mais de nouveau le canon a repris ; les chasseurs, précipitamment, remontent par un repli du sol ; ils se couchent, se collent à la terre, derrière le talus d'un chemin creux. Mais les marmites les suivent.

Toutes les batteries tonnent à la fois. Invisible, dissimulée on ne sait où, l'artillerie de montagne fait rage. Comme le 75, elle élève sa voix sèche et cassante, et le concert s'accentue. Les mitrailleuses s'en mê- lent, puis la fusillade éclate. L'action presque tout entière se déroule sous bois. Mais dans le crépitement rageur des milliers d'armes, l'esprit la suit, cette action. Il semble qu'on entend d'imperceptibles frémissements, des bruits de feuilles sèches, foulées, de branches qui cassent sous les pieds, de gens qui marchent, courent, halè—


tent, de corps qui tombent sur la terre dure avec un bruit mat, sinistre.

Déjà, tout en haut, des clairons sonnent la charge. Des cris montent, multiples, furieux, féroces, emplissant la vallée.

— En avant !. à la baïonnette !.

On devine les sections qui s'élancent, les pointes qui frappent. Sous mes yeux, la compagnie des chasseurs s'est levée : elle s'est élancée vers les tranchées boches, sur le Bonhomme. mais c'est la grêle des marmites. Elles sifflent, tombent, éclatent, empestant l'atmosphère. Oh ! qu'ils sont prompts à se garantir ! En voici un qui poursuivi, trois fois se couche sous la pluie de fer, et trois fois se relève. En voilà d'autres qui, eux, ne se relèveront plus.

Le drame continue. De plus en plus sourd, et comme ouaté, l'écho de la fusillade intense vient de l'autre côté des monts. Les nôtres ont dépassé la crête ; c'est qu'ils sont les maîtres: Tout, au fond, en bas, des maisons brû- lent, déroulant leurs volutes rouges sur l'écran noir de la nuit. »

LES ALSACIENS-LORRAINS

Leur situation de Français va être officiellement déterminée

La situation des Alsaciens-Lorrains en France a, dès le premier jour, vivement préoccupé le gouvernement.

Suivant les instructions données par le ministre de l'intérieur, tous les AlsaciensLorrains qui se trouvaient en France au moment de la mobilisation et qui ont pu établir, soit par des pièces authentiques,


soit par des répondants, qu'ils sont vraiment d'origine; alsacienne ou lorraine, ont reçu un permis de séjour.

La question la plus délicate était de régler la situation de ceux qui, à la suite de l'occupation par les troupes françaises, ont été évacués d'Alsace-Lorraine soit comme otages, soit parce qu'en âge d'être mobilisés, il était nécessaire de les soustraire à l'autorité allemande. Il se trouvait en effet parmi eux des Alsaciens-Lorrains d'origine et de sentiments français, et des immigrés d'origine et de tendance absolument allemandes.

Les ministres de l'intérieur et de la guerre ont désigné une commission chargée de procéder sur place à la sélection nécessaire et qui a déjà accompli une grande partie de sa tâche. Afin de régler dans le plus bref délai la situation des Alsaciens-Lorrains en France, le président du conseil vient, en outre, de désigner plusieurs personnes qui sont, à tous points de vue, qualifiées pour établir la distinction nécessaire entre ceux qui, véritablement Alsaciens-Lorrains, doivent être dès maintenant assimilés aux Français et ceux qui doivent être considérés comme sujets allemands. Ce sont MM. Wetterlé, Weill, Langei. anciens députés d'Alsace-Lorraine; Blumenthal, maire de Colmar ; Helmer, avocat à Colmar ; Châtelain, Wilmoth et Growel, originaires d'AlsaceL orraine et représentant les sociétés d'Alsaciens-Lorrains. Quatre commissions ont été ainsi constituées, qui vont opérer simultanément dans les lieux de dépôt qui restent encore à visiter. Ainsi, dans quelques jours, la situation individuelle de tous les Alsaciens-Lorrains en France sera définitivement réglée.


NOTRE AVANCE MÉTHODIQUE

Nos canons lourds à l'œuvre

Paris, 30 décembre, 15 h. 10.

En Belgique, nous avons gagné un peu de terrain dans la région de Nieuport, en face des polders, au nord de Lombaertzide.

L'ennemi a bombardé violemment SaintGeorges, que nous mettons en état de défense.

Nous avons enlevé un point d'appui allemand, au sud-est de Zonnebecke, sur la route de Bacelaers à Paschendaële.

De la Lys à l'Oise, rien à signaler.

Dans la vallée de l'Aisne et en Champagne, l'ennemi a manifesté une recrudescence d'activité qui s'est traduite surtout par un violent bombardement, auquel notre artillerie lourde a répondu efficacement.

De l'Argonne à la Moselle, canonnade sur tout le front. Elle a été particulièrement intense sur les Hauts-de-Meuse.

Dans les Vosges, l'ennemi a prononcé sur la Tête-de-Faux une attaque qui a été repoussée.

En Haute-Alsace, nous consolidons nos positions. Notre artillerie lourde a réduit au silence les obusiers allemands qui bombardaient Aspach-le-Haut.


LES VITRAUX DE SAINT-EPVRE

Du « Journal de la Meurthe et des Vosges » : « Les vitraux de Saint-Epvre, réduits en miettes par le bombardement du zeppelin, étaient l'œuvre de Carl Geyling, de Vienne.

Il y en avait 72, qui coûtèrent 300.000 fr.

au curé Trouillet et qui datent de 1867. Le plus célèbre était celui offert par FrançoisJoseph et représentant saint François et sainte Elisabeth de Hongrie.

Ces vitraux furent exposés à Vienne et rapportèrent beaucoup d'argent à l'intrépide curé-bâtisseur.

Les vitraux anéantis en tout ou en partie sont : saint Léon IX et Pie IX, saint Henri, saint Gabriel, saint François, sainte Elisabeth, saint Ferdinand, sainte Marguerite. saint Hubert, sainte Anne, saint Paulin, saint Léopold, saint Ferdinand, sainte Madeleine, saint Mathieu, saint Luc, etc., etc.

Il semble bien qu'aucune verrière n'est intacte, et qu'il faudra des années pour refaire tout cet ensemble artistique.

On pourra, il faut l'espérer, remettre provisoirement en verre blanc ces grandes baies de Saint-Epvre, au moins pour le printemps prochain.

Les admirateurs nancéiens de FrançoisJoseph peuvent être satisfaits maintenant.

le vilain sire, l'être ignoble qui a déchaîné tous ces crimes et ces monstruosités a mis le couronnement à sa honte !

Ou'il soit maudit par toute la Lorraine, par toute la France, par toute la Chrétienté ! »

»«


RÉSUMÉ

DES

PRINCIPAUX EVENEMENTS de Décembre 1914

1er décembre. — Le général Joffre dit aux Alsaciens de la région de Thann : « Notre retour est définitif. Vous êtes Français pour touj ours ». — Le roi George et M.

Poincaré se rencontrent sur le front.

2 décembre. — Nos troupes enlèvent As- pach-le-Haut, en Alsace, Lesinénils et le Signal de Xon, sur la rive droite de la Moselle, et la Tête de Faux dans les Vosges.

7 décembre. — Les Allemands entrent dans Lodz. Les Russes sont devant Cracovie.

8 décembre. — Trois croiseurs allemands sont coulés par les Anglais près des îles Falkland. — Les Serbes reprennent l'offensive et repoussent les Autrichiens.

9 décembre. — Nos aviateurs bombardent Fribourg-en-Brisgau.

14 décembre. — La gare de Commercy est bombardée par des batteries tirant d'u- ne très grande distance. Dégâts insignifiants. — Belgrade est repris par les Serbes. — Un aviateur français incendie un


train allemand en gare de Pagny-sur-Mo- selle.

15 décembre. - Trois croiseurs allemands bombardent Hartlepool et Scarborough. 55 morts, 155 blessés.

17 décembre.- Le protectorat anglais est proclamé en Egypte.

22 décembre. — Rentrée des Chambres.

Déclaration ministérielle. — Un avion allemand jette deux bombes sur Nancy. Pas d'accidents.

26 décembre. — Dans la nuit du 25 au 26 décembre un Zeppelin Isurvolanti Nancy: lance 18 bombes, qui tuent deux civils.

Saint-Dié est violemment bombardé de 9 heures et demie à 12 heures.

27 décembre. — Un avion allemand lance 4 bombes sur Nancy à midi, et un seconds à 2 heures et demie en lance trois autres ainsi que des fléchettes. Pas d'accidents.