SOCIALISMES DES JURISTES
CAHIERS TRIMESTRIELS N° 156
Pour qui Jaurès parle-t-il ? Pour les citoyens et les travailleurs, les militants et les intellectuels. Pour ceux qui ont fait l'histoire. Et pour ceux qui, aujourd'hui, la font.
Fortement insérées dans son temps, sa pensée, son action nous concernent toujours : nous n'avons pas fini de les déchiffrer.
C'est à cette conviction que ces œuvres souhaitent répondre. Les textes choisis couvrent tous les domaines prospectés par Jaurès. Ils font appel à toute la gamme de ses moyens d'expression.
A trois exceptions près, qui s'imposèrent, l'ordre adopté pour ces dix-huit volumes respecte la chronologie. Les titres suggèrent la dominante du moment, sans en épuiser la diversité. Introductions et notes mettent les faits et les hommes à la portée de tous. En fin de volume, la liste de tous les textes non retenus sera particulièrement utile aux chercheurs.
Profondément renouvelées, les lectures de l'œuvre de Jaurès sont plurielles : c'est ce qu'atteste la diversité des auteurs qui collaborent avec la Société d'études jaurésiennes. Le grand homme appartient aujourd'hui à toute l'humanité.
Madeleine Rebérioux, présidente de la Société d'études jaurésiennes
ÉDITÉ PAR LA SOCIÉTÉ D'ÉTUDES JAURÉSIENNES AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DU LIVRE
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Jean Jaurès cahiers trimestriels - n°156 avril - juin 2000
SOCIALISMES DES JURISTES
Introduction par Frédéric Audren. 5 - SOCIALISMES DES JURISTES : Ernest Tarbouriech (1865-1911), un juriste en socialisme.
Itinéraire intellectuel par Farid Lekéal. 13 Léon Blum (1872-1950) : le droit au service de la justice par Vincent Le Grand. 27 Maxime Leroy (1873-1957) : la démocratie régalienne ou le crime de lèse-société par Lion Murard et Patrick Zylberman 39 Document : Lettres d'Emmanuel Lévy à Marcel Mauss (1896-1937) Emmanuel Lévy (1871-1943) : un juriste socialiste oublié par Ji-Hyun Jeon 51 Lettres d'Emmanuel Lévy à Marcel Mauss (1896-1937). Édition réalisée par Ji-Hyun Jeon. 56
• JAURÈS ET LE DROIT : Jean Jaurès et l'idée de droit social par Carlos Miguel Herrera. 79 Document : Jaurès, étudiant à la faculté de droit de Toulouse, en 1891 Présentation par Jacques Poumarède. 93
* LECTURES par Sylvain Boulouque, Sophie Cœuré, Madeleine Rebérioux, Frédéric Audren, Daniel Lindenberg, Nicolas Roussellier, Catherine Maurer, Marie Ducet-Huillard, Gilles Heuré, Gilles Candar. 99
- ACTUALITÉS, GLANES, LA VIE DE LA SEJ. 115
Responsable du numéro : Frédéric Audren Impression : Nouvelle Imprimerie Laballery, 58500 Clamecy Conditionnement et routage : D.Y. Lenfant, 89500 Villeneuve-sur-Yonne En couverture : Louis Lévy et les avocats socialistes Léo Lagrange et Jean Longuet au Congrès de Mulhouse de la SFIO (1935) (DR)
JEAN JAURÈS CAHIERS TRIMESTRIELS 68, RUE DE GISORS 95300 PONTOISE
JEAN JAURES CAHIERS TRIMESTRIELS N°156
Jean Jaurès cahiers trimestriels COMITÉ SCIENTIFIQUE Maurice Agulhon. Jean-Jacques Becker. Jacques Girault. Géraldi Leroy. Catherine Moulin. Philippe Oulmont. Jacques Poumarède. Alexis Philonenko. Madeleine Rebérioux. Rolande Trempé. Annick Wajngart.
COMITÉ DE RÉDACTION Bruno Antonini. Frédéric Audren. Gérard Baal. Alain Boscus. Gilles Candar. Vincent Duclert. Catherine Fillon. Marion Fontaine. Thomas Loué. Frédéric Moret. Emmanuel Naquet. Christophe Prochasson. Nicolas Roussellier. Blaise Wilfert.
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Vous pouvez adresser vos demandes à : Irène Lafaye, Société d'études jaurésiennes 21 bd Lefebvre 75015 Paris
JEAN JAURES CAHIERS TRIMESTRIELS N°156
SOCIALISMES DES JURISTES
INTRODUCTION PISTES POUR UNE HISTOIRE INTELLECTUELLE DES JURISTES SOCIALISTES SOUS LA nIe RÉPUBLIQUE Frédéric AUDREN
« Socialismes des juristes ». N'y a-t-il pas de figure plus familière à la Die République que le juriste ? N'a-t-on pas utilisé pour qualifier celle-ci la formule ds «République des juristes» (Y.-H. Gaudemet) ? Les travaux de C. Charle, L. Karpik et G. Le Beguec ont tout particulièrement contribué à mettre en lumière la place des avocats dans la vie politique et parlementaire. Mais qu'en est-il des autres professionnels du droit : magistrats, notaires, professeurs de droit. ? Pour ces derniers, Marc Milet a apporté dans sa thèse récemment soutenue sur « Les professeurs de droit citoyens » de nombreux et précieux éléments d'informations. Il n'en reste pas moins que les enquêtes menées jusqu'à présent portent essentiellement sur une certaine catégorie de juristes de gauche : les radicaux , voire parfois les républicains. Les juristes socialistes, oubliés de l'historiographie ? On hésite encore aujourd'hui à associer « droit » et « socialisme ». Pourtant, il n'est besoin que de survoler la presse et les revues socialistes de la Belle Époque pour constater l'importance qu'elles accordent aux questions juridiques. Le renforcement de l'État social, l'encadrement juridique de la classe ouvrière et l'installation progressive du socialisme institutionnel (électoralisme et réformisme) confèrent aux professionnels du droit et aux revendications juridiques une place centrale dans le mouvement ouvrier. Sans aucun doute, le comportement de la justice, et tout particulièrement des magistrats de la Cour de cassation, pendant l'affaire Dreyfus, n'est pas non plus étranger à ce retour en grâce, au tournant du siècle, d'une institution longtemps critiquée.
Quelques travaux récents témoignent d'un intérêt croissant de la recherche pour cette question des liens qu'entretiennent les juristes avec le socialisme et le mouvement ouvrier. Norbert Olszak a entrepris depuis plusieurs années d'étudier les liens entre les mondes judiciaire et ouvrier. Gilles Le Beguec et ses collaborateurs approfondissent les rapports entre la profession d'avocat et les engagements militants. Sans oublier les recherches en cours de Ji-Hyun Jeon sur l'activité des juristes au sein de la SFIO ou encore de Carlos Miguel Herrera et de Bruno Karsenti sur le socialisme juridique.
Contribuant à ce mouvement de la recherche, ce dossier des Cahiers Jean Jaurès propose ici quatre itinéraires militants, quatre « socialismes de juristes » - pour employer la célèbre expression de F. Engels et K. Kautsky -. Ernest Tarbouriech, Léon Blum, Maxime Leroy et Emmanuel Lévy : quatre juristes qui ont lié leur destin à celui du mouvement ouvrier. Sous la Ille République, ces juristes socialistes (ou - nuance délicate à préciser - socialistes juristes) sont-ils nombreux ? Difficile de répondre à cette question. On ne peut ignorer néanmoins un fait crucial : au Parlement, les partis les plus à gauche regroupent proportionnellement le moins de juristes. Faut-il pour autant tirer des conclusions générales et définitives à partir d'un tel état de fait ? En tout cas, il faut s'interdire d'exclure de la recherche ces juristes socialistes sous prétexte
de leur faible visibilité dans le monde politique. A y regarder de plus près, ce juriste socialiste n'est pas introuvable. Alexandre Millerand, Jean Longuet, Joseph PaulBoncour, Vincent Auriol, Paul Ramadier - et combien d'autres ténors socialistes - sont avocats. Léon Blum exerce, quant à lui, au Conseil d'État. Son activité au sein de cette institution entre 1896 et 1919 est sans doute l'aspect de sa carrière le moins bien connu. Comme le rappelle ici Vincent Le Grand, c'est pourtant pendant ces vingt cinq ans que le leader socialiste façonne, affaire après affaire, dossier après dossier, sa conception de l'État : « ce sont l'analyse et les propositions du juriste qui vont servir les aspirations du militant ». Ernest Tarbouriech et Emmanuel Lévy, à des niveaux différents, n'ont pas été absents des joutes politiques. Tarbouriech - figure méconnue à l'activité pourtant considérable, présentée dans ce dossier par Farid Lekéal -, également avocat, fut député du Jura. Lévy, professeur de droit et grand théoricien du socialisme juridique en France, devint conseiller municipal de la ville de Lyon entre 1912 et 1929 et même premier adjoint au maire (1919 - 1929). En réalité, c'est sous la IVe République, « à cause du déclin d'un parti radical qui a perdu son aura de gauche » (F.
Grèzes-Rueff), que l'on perçoit l'accroissement sensible du nombre de parlementaires socialistes juristes.
On aurait tort pourtant de considérer l'accès aux hautes fonctions de l'État et le combat pour des mandats politiques - nationaux et locaux - comme les seules formes d'engagements de ces juristes. Nombreux sont ceux qui, au tournant du siècle, manifestent également cet engagement en collaborant aux revues socialistes et marxistes : L'Ère nouvelle, Le Devenir social, la Jeunesse socialiste, Le Mouvement socialiste, La vie socialiste et, naturellement, la Revue socialiste.
Passionnés par les questions sociales et ouvrières auxquelles plusieurs d'entre eux consacrent une thèse, la plupart ont moins de trente ans en 1900 : J. Sarraute, R.
Briquet, J. Uhry, A. Morizet, P. Dramas, E. Lafont, H. Lagardelle, E. Dolléans.
Certains se sont connus dans les mouvements socialistes de jeunesse (ESCRI, GEC.). D'autres, comme par exemple les professeurs E. Lévy, R. Picard, W. Oualid, appartenant au réseau socialiste normalien, deviennent des collaborateurs actifs de la Revue socialiste lorsque Albert Thomas, cheville ouvrière du réseau, prend en 1910 la direction de « la plus vieille dame du socialisme» (M. Rebérioux). Dans ces revues, on y débat de marxisme - naturellement - mais aussi de législations ouvrières, d'expériences juridiques françaises et étrangères et de théorie de l'État. On est bien loin de cette médiocrité de la pensée socialiste et marxiste française dénoncée un temps par L. Althusser. Le Devenir social et Le Mouvement socialiste n'ont pas grand chose à envier à la Neue Zeit ! Et ces juristes ont également - n'en déplaise à certains - leur part de responsabilité dans la haute tenue des débats intellectuels socialistes de la Belle Époque. Un Emmanuel Lévy collabore indifféremment aux revues militantes et aux revues scientifiques. L'historien du droit et ardent jaurésien, Henri Lévy-Bruhl, professeur à la faculté de droit de Paris, ne renia pas cette démarche. Après la seconde guerre mondiale, il contribue activement à relancer la Revue socialiste (ainsi que L'Année sociologique) et confie de nombreuses contributions à des revues académiques.
Il faut, on le devine, chercher la force des professionnels du droit et la spécificité ds leur action dans le mouvement ouvrier ailleurs que dans le seule participation au milieu des revues. Ils possèdent des compétences particulières tout à fait avantageuses dans cette France où les associations professionnelles et ouvrières sont légalisées et
dans laquelle le socialisme s'institutionnalise. Là où, classiquement, les intellectuels empruntent la voie de la pétition et du manifeste, le juriste peut, quant à lui, mettre directement un savoir pratique au service de son idéal. Quitte à promouvoir une interprétation tendancieuse du droit (bourgeois) qu'il est censé servir pour faire progresser ce nouveau droit social qu'il appelle de ses voeux. On réduit bien souvent le socialisme juridique à une telle démarche. Le mouvement socialiste n'a ainsi pas manqué d'avocats pour conseiller et défendre tantôt certaines personnalités aux prises avec la justice et les autorités, tantôt des groupements, syndicats ou autres associations. À cet égard, on a pu parler d'une « acculturation juridique du mouvement ouvrier » par les avocats (N. Olszak). A. Millerand, fait bien connu, a mis ces compétences d'avocat au service de la cause ouvrière. A. Briand s'est également illustré en défendant victorieusement les ouvriers de Cluses (1904) - plaidoirie publiée dans La vie socialiste, en plaidant pour les inculpés des incidents de Châlon-sur-Sâone (1901) et pour G. Hervé. Briand a, pendant le procès de la tragédie de Cluses, pour assistant un brillant avocat : Ernest Lafont. Ce dernier aura, quant à lui, pour collaborateur un certain Pierre Laval. Laval s'illustra notamment dans deux affaires judiciaires retentissantes : l'affaire Manhès et celle des marins fidèles à la CGT devant le tribunal maritime de Bordeaux en 1913. Paul Ramadier exerce comme conseiller juridique de la Fédération nationale des coopérations agricoles. La liste ne s'arrête pas à ces quelques noms prestigieux. On pourrait, parmi tant d'autres, citer Raoul Briquet, conseiller juridique du syndicat des mineurs du Pas-de-Calais, Léon Agneray, avocat très actif ds Union des syndicats, Georges Ducos de la Haille, avocat conseil du syndicat national des chemins de fer et des employés d'omnibus ou encore Jean Molle, avocat de la bourse du travail. Que dire de Firmin Verdier, défenseur des mineurs de Carmaux et d'Albi, Jennequin ou Gravier, surnommé l'«avocat des gueux». Tous mettent leur compétence juridique au service du mouvement ouvrier en raison même de leur propre engagement. La SFIO ne sera pas en reste. Pour ne prendre qu'un exemple emprunté à entre-deux-guerres, elle s'efforce d'organiser la défense des étrangers en créant en 1930 la « commission d'études des questions intéressant l'immigration ». Au sein du parti socialiste, cette commission effectue à la fois un travail politique mais offre également une assistance juridique et matérielle aux travailleurs immigrés. On ne s'étonne pas d'y trouver de nombreux juristes : Édouard Depreux, Maurice Delépine, Jean Longuet, Marcel Livian. Ce dernier a retracé en 1982 dans un livre-témoignage l'épopée de ce groupe. Mais, la défense des droits de l'homme mobilise ces juristes socialistes avant une telle expérience. Certains d'entre eux sont associés très précocement à la Ligue des Droits de L'Homme, dont Emmanuel Naquet a rappelé toute l'importance de son service juridique. Tarbouriech, Blum et Leroy ont tous les trois consacré du temps à 1 association. On peut également citer parmi ces ligueurs - liste naturellement non exhaustive -, le très actif Ernest Lafont, les professeurs Roger Picard et Georges Scelle ou encore l'avocat Fernand Corcos. Tous sont membres, un moment ou un autre, du comité central de la LDH.
Une étude précise des formes concrètes de l'engagement politique, dont nous avons ici Proposé quelques illustrations, permet de sortir de l'étemel débat sur le conservatisme ou non des juristes. Ce juriste socialiste n'est pas plus introuvable qu'il n'est un héros (mépris de la tradition, détachement de la communauté, mise en péril ds sa carrière.). Un tel engagement doit être réintégré dans l'espace des engagements Possibles au même titre que le juriste radical ou conservateur. Ni plus, ni moins. Qu'il soit plus rare - affirmation qu'il conviendrait d'examiner avec attention - ne change rien
à la nécessité d'en établir l'économie et la logique propre ainsi que les contraintes spécifiques. On l'a compris, l'histoire intellectuelle des juristes accorde peu de crédit au thème trop complaisant de la « culture juriste » (ou, au choix, de la « nature du juriste ») qui enferme a priori les professionnels du droit dans un état, un ethos toujours identique à lui-même. Cette histoire préfère suivre le mouvement des affiliations et des désaffiliations, étudier la structure des opportunités qui jettent, parfois brutalement, certains juristes dans l'action politique. Elle saisit également les contraintes que certains milieux juridiques font peser sur les formes de l'engagement. La faculté cfe droit est, à cet égard, exemplaire. Pourquoi, pendant la nie République, les professeurs de droit sont-ils si peu nombreux à se ranger au côté du mouvement ouvrier ?
Répondre à cette question, c'est, comme le suggère M. Milet, rendre compte ds l'interaction entre une pluralité d'ordres (politique, juridique, universitaire.) souvent contradictoires. Ainsi, le corps professoral a bel et bien fait obstacle à toute promotion parisienne d'Emmanuel Lévy. Mais, Maurice Hauriou, dont les options politicojuridiques sont toutes autres, échoue également à accéder à une chaire parisienne. Le seul critère politique ne suffit pas à expliquer les logiques universitaires d'ostracisme.
On peut également douter de la représentation d'un Lévy persécuté par la faculté æ droit, représentation que certains de ses proches et lui-même diffusent avec un empressement un peu suspect. Autre illustration des rapports complexes entre cette faculté de droit et le socialisme : Rachel Lévy, la femme d'Emmanuel, constate avec amertume dans une lettre adressée à M. Mauss : « Les facultés de droit et de médecine sont les derniers, bastions de la réaction. La faculté de droit de Lyon est, vous le savez, effroyablement réactionnaire ». Cette Faculté accueille (ou a accueilli) pourtant la frange la plus progressiste des juristes et des économistes : Edouard Lambert, André Philip, Étienne Antonelli, Charles Brouilhet. Sans oublier des professeurs, moins marqués à gauche, engagés néanmoins dans la réforme sociale comme Louis Josserand, Paul Pic ou le leplaysien Auguste Souchon qui y enseigne trois ans.
Histoire intellectuelle, donc, à condition de bien percevoir le danger qui la guette : le réductionnisme sociologique. L'univers juridique est un univers de textes, d'énoncés et de mots. D'objets, sans aucun doute, si on ajoute que la pensée du droit « redessine la réalité qui lui est fournie en forçant les objets des autres mondes à entrer dans la logique de ses catégories et de ses topographies » (M.-A. Hermitte). Il faut bien expliciter la production législation, les décisions judiciaires ou encore la doctrine juridique. Une démarche socio-historique ne saurait être un moyen de ne pas s'affronter cet océan du droit, de ne pas analyser ce qu'il a de spécifique. En d'autres termes, histoire intellectuelle des juristes et histoire du droit s'entremêlent constamment sans jamais se confondre. On a beau invoquer la-situation-économique-et-sociale, l'habitusdu-juriste ou encore les-intérêts-de-la-classe-possédante, on n'expliquera jamais cfe manière satisfaisante la loi du 21 mars 1884 ou l'élaboration d'un socialisme juridique.
On s'interdit de comprendre la création du syndicat français en 1884 si l'historien ne situe pas les débats de l'époque par rapport à des formes juridiques concurrentes (chambre syndicale, coopérative, société de secours mutuels.) qui servent de référence dans la construction de ce nouveau cadre juridique (F. Soubiran-Paillet). Le mouvement ouvrier, la République mais aussi les catégories juridiques. Le droit échappe toujours aux tentatives de dissolution dans le social. L'affaire Dreyfus offre un cas limite. Comme l'a rappelé V. Duclert, la magistrature aurait dû être antidreyfusarde. Individuellement, de nombreux magistrats l'étaient. Pourtant, le rôle æ la Cour de Cassation fut exemplaire. La républicanisation de cette haute magistrature,
la volonté d'une certaine indépendance sont des facteurs essentiels. Mais, on aura garde d'oublier la démarche casuistique si particulière des juristes qui permet d'articuler sans contradiction aucune opinions politiques très conservatrices et arrêt de révision.
L'affaire Dreyfus n'est-elle pas la meilleure illustration des limites d'une analyse sociologique qui réduit la production juridique à certaines dispositions du corps des juristes ? De même, l'engagement socialiste de Blum ne suffit pas à faire des conclusions du commissaire du gouvernement des conclusions « socialistes ». Au Conseil d'État, le concept de « service public », sous sa plume, ne devient pas pour autant socialiste (V. Le Grand).
Comment aborder la question des rapports entre droit et socialisme ? Cette manière de poser la question est peut-être même déjà erronée. Le droit supporte mal l'excès de généralisation qui, ignorant la diversité de ses sources, veut en faire un bloc homogène et idéal. Le droit, quelles sources du droit ? La législation, la coutume, la jurisprudence ou la doctrine ? Chacune connaît un régime spécifique rendant compte de sa création.
Et « l'instrusion du socialisme » (D. Perron) dans cette sphère du droit à la Belle Epoque ? Les analyses qui se contentent de vouloir isoler des «influences» révèlent, croyons nous, très rapidement leurs limites. Comment mesurer les «influences», comment faire la part entre elles ? L'exemple le plus probant est celui du droit social, et plus particulièrement du droit du travail. Droit social (J. Donzelot, M. David, R.
Castel) et droit du travail (J. Le Goff, G. Aubin et J. Bouveresse, N. Olszak) ont fait 1 objet d'études et de synthèses de première importance. Le droit social = un droit socialiste. Équation fausse qui méconnaît le rôle et l'importance de la doctrine sociale de l'Eglise ou encore les préoccupations sociales des conservateurs attachés à une conception des plus traditionnelles de la société. À l'inverse, cette vision sous-estime les résistances de la gauche et de l'extrême gauche face à l'adoption d'une législation du travail qui réduit le champ de l'action ouvrière (P. Bance). Le droit social, combien d'« influences » ? Impossible à dire. A cet égard, devant un tel objet, les divisions classiques de l'espace politique semblent voler en éclats. Il devient fort délicat de décrire avec pertinence la diversité du monde de la réforme sociale. « Nébuleuse réformatrice », « champ réformateur » : ce sont les concepts employés par C. Topalov pour éclairer à nouveaux frais l'univers bigarré aux frontières floues des acteurs investissant la question sociale entre 1880 et 1914. Ce modèle permet ainsi d'intégrer un cas comme celui du « bon juge Magnaud » de Château-Thierry. Jugeant en équité, Magnaud acquitte au tournant du siècle à plusieurs reprises des nécessiteux. Ses décisions ont agité les mondes juridique et politique (la Revue socialiste lui consacre notamment plusieurs articles). Le rattachement de Magnaud à la « nébuleuse réformatrice» est plus convaincante que les tentatives pour démontrer que cette jurisprudence est « un des aspects les plus frappants de l'influence du marxisme » (R. Weyl et M. Picard Weyl).
La perspective retenue dans ce dossier des Cahiers se veut quelque peu différente, et surtout plus modeste. Elle cherche à explorer essentiellement les tentatives doctrinales de quelques socialistes qui se placent délibérément sur le terrain du droit et font de la lutte pour le socialisme une lutte pour/par le droit. G. Sorel, qui accorde une place centrale au droit dans sa réflexion (S. Sand, P. Rolland), dira de Lassalle qu'« il a rêvé une transformation sociale révolutionnaire qui, au lieu de se produire dans une nuit juridique, se manifesterait en pleine lumière du droit ». Ce rêve, Tarbouriech, Blum, Leroy et Lévy, l'ont en commun. Une ligne de pensée les relie plus ou moins fortement entre eux. Sans aucun doute, la place de Léon Blum est-elle ici un peu particulière. Juriste socialiste, militant intellectuel (ou intellectuel militant ?), il ne
prétend pas faire oeuvre doctrinale. Toute différente est la situation de nos trois autres juristes. Ces derniers prétendent penser - avec des ambitions et postérités contrastées juridiquement le socialisme. Il faudrait ajouter des auteurs comme, par exemple, A.
Mater, G. Gurvitch et H. Lévy-Bruhl. Au début du XXe siècle, toute une configuration intellectuelle émerge et produit des concepts originaux. Mais originalité ne veut pas dire sans intercesseurs qui ont provoqué la réflexion. Ce n'est pas le lieu, dans cette présentation, d'en faire la liste exhaustive. Côté français, la présence d'un Saint-Simon (et d'un Proudhon) est revendiquée par Leroy dont il est un meilleur connaisseur. Il en est de même, quelques décennies plus tard, pour Gurvitch qui publie un important Les fondateurs de la sociologie contemporaine consacré à Saint-Simon et Proudhon. Il n'est pas inutile de rappeler que Gurvitch se place sous l'autorité de Leroy et lui dédie son expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit. Cet ouvrage contient notamment l'étude la plus importante jamais publiée sur. E. Lévy. L'ombre de SaintSimon n'est naturellement pas absente de l'oeuvre de ce dernier, via le durkheimisme.
Côté étranger, signalons avant tout l'importance du juriste autrichien Anton Menger à ne pas confondre avec son frère, l'économiste marginaliste C. Menger. Charles Andler joue dans la réception de cette oeuvre un rôle de premier plan (C. Prochasson).
Mais cette croyance - terme si fondamental dans l'oeuvre d'Emmanuel Lévy commune dans la vocation révolutionnaire du droit ne peut masquer des différences sensibles. Tout d'abord, Maxime Leroy. P. Rosanvallon, dans son dernier ouvrage, La démocratie inachevée, a rappelé récemment l'importance de cette oeuvre injustement oubliée. L'article que L. Murard et P. Zylberman lui consacrent ici tombe à point. La cible privilégiée de Leroy, c'est « la loi-commandement, grandiose et lamentable, impuissante contre le déterminisme social, que supplanteraient sans peine la loi-effet (spontanée, préexistante, il ne s'agit que de la découvrir), ou la loi-conciliation (le contrat, la convention collective entendus comme ébauche d'une Constitution sociale » (L. Murard et P. Zylberman). D'où, notamment, ce livre extraordinaire, La coutume ouvrière (1913). D'où sa défense de la justice de Paix, respectueuse des procédures d'arbitrage et du pluralisme juridique de la société. Le voisinage est grand avec un Sorel, défenseur de la formation prétorienne du droit « qui concilie à la fois le caractère essentiellement conflictuel du droit et sa formation historique progressive » (P.
Rolland).
L'oeuvre d'E. Lévy intrigue. Son style aphoristique, sa concision et sa technicité extrême en rendent l'abord particulièrement difficile. L'accusation d'obscurité lui est régulièrement adressée par certains de ses collègues de la Faculté et par des militants socialistes. Mais, sa force conceptuelle lui vaut l'admiration de nombreux de ces contemporains et, actuellement, l'intérêt de plusieurs chercheurs (C. Herrera, B.
Karsenti, C. Didry). Créateur de concepts, Lévy déplace et reformule les problèmes du droit. Proche des durkheimiens, collaborateur à L'Année sociologique, il est à leurs yeux « le » sociologue et théoricien du droit. Un Léon Duguit n'aura jamais cette légitimité. Quant à l'autre juriste de L'Année sociologique, le professeur d'histoire du droit Paul Huvelin (1873-1924), très actif dans la revue, il n'appartient pas tout à fait au même réseau que Lévy et n'a pas non plus les mêmes engagements politiques que ce dernier. Lors de la disparition de la première série de L'Année sociologique, Huvelin s'engage dans des missions diplomatiques en complément de son enseignement. Dans les dernières années de sa vie, il exerce également un rôle de premier plan dans la Fédération républicaine du Rhône. Si Emmanuel Lévy, nous
l'avons déjà souligné, est également un militant politique lyonnais actif, il n'en maintient pas moins des liens très forts avec les milieux parisiens. Sa correspondance avec M. Mauss, publiée ici par Ji-Hyun Jeon, confirme avec éclat combien il s'appuie sur ses amitiés du réseau socialiste normalien. Elle révèle également un Lévy pathétique. Épuisé et déprimé, persuadé d'être méprisé ou pillé par ses collègues pnvatistes, Lévy tente - sans succès - de s'échapper de la Faculté de droit de Lyon.
La contribution doctrinale d'Ernest Tarbouriech (1865-1911) n'a certes pas la même ampleur ni la même inventivité. Il publie en 1889 et 1896 deux ouvrages (dont sa thèse) d'une facture classique qui témoignent déjà de sa sensibilité à la question sociale.
Entré en socialisme en 1900, il marque cet événement par la publication d'un livre plus original : La Cité future. Essai d'une utopie scientifique (1902). De manière symptomatique, il place au centre des préoccupations de sa Cité future la question cb la propriété. C'est là une interrogation commune à la grande majorité des juristes socialistes. Tarbouriech approfondit cette question et offre en 1904 une lecture juridique de la propriété, fruit d'un cours professé au Collège social. Tarbouriech, socialiste juridique ? Farid Lekéal remarque très justement qu' « au lieu d'une doctrine juridique du socialisme destinée à enrichir le matérialisme historique d'une dimension qui lui faisait défaut, Tarbouriech devait finalement dresser [dans sa Cité future] les Plans d'une économie administrée». D'où, le sentiment de classicisme - et peut-être ds déjà lu - qui se dégage de ces essais dans la manière d'aborder juridiquement le socialisme. Il va sans dire que l'oeuvre de Tarbouriech, à l'instar de ces nombreuses thèses de droit et travaux de doctrine juridique portant sur la législation ouvrière, contribue à l'entreprise de protection des travailleurs et de leurs droits. Comment y contribue-t-elle ? «Influence» de ces travaux sur cette législation et la formation d'un droit du travail ? Cette fois encore, le terme est fort peu adéquat. Il suppose évidente et transparente l'opération qui pose justement problème : le passage de la grammaire doctrinale à la grammaire législative. Elle n'est pas cette opération magique suggérée par un tel concept mais exige que soient éclairés les nombreux investissements qu'elle suppose et les véhicules particuliers qu'elle emprunte.
L'univers juridique est un feuilleté de plans. En restituer l'économie et le fonctionnement, c'est mettre en lumière comment ces plans se raccordent, comment un concept crée dans l'un de ces plans se traduit dans les autres. Enquête difficile, il est vrai. Dans une telle perspective, J.-J. Bienvenu et L. Richer ont ainsi montré, dans un article publié en 1984, comment le « socialisme municipal », à l'origine doctrine juridique de socialistes, devient progressivement une question de pure technique administrative intéressant le Conseil d'État. Le début du XXe siècle voit fleurir une multitude de thèses de droit sur la question. A. Veber et A. Mater lui consacrent chacun un livre. On sait tout l'importance de ce « socialisme municipal » pour une histoire intellectuelle des juristes socialistes (P. Dogliani). À l'inverse, une étude de l'« influence » d'un Tarbouriech saute allègrement du plan de la doctrine au plan de la législation et néglige la série des opérations et des traductions intermédiaires qui conduisent d'un plan à l'autre sans jamais les confondre. Une telle enquête n'avait pas à être menée dans le cadre de ce dossier des Cahiers Jean Jaurès. Pas plus que de chercher à établir si le socialisme juridique est une doctrine juridique ou une idéologie politique. Toutefois, comme le remarque Ji-Hyun Jeon, la correspondance Lévy-Mauss offre un témoignage très précieux sur les formes de la (non- )réception du socialisme juridique dans les Facultés de droit et dans le mouvement ouvrier. Sans même
s'interroger sur la réalité des récriminations que Lévy adresse à la terre entière, il n'en est pas moins vrai que ses thèses sont peu discutées par ses collègues. La critique la plus célèbre est celle que lui a adressé, en 1928, Georges Ripert, professeur à la faculté de droit de Paris. Marco I. Barasch consacre en 1923, une thèse plus complaisante au socialisme juridique et son influence sur l'évolution du droit civil en France. En réalité, le plus fort des débats sur le socialisme juridique a lieu avant 1914 et tourneront moins autour des travaux de Lévy que de ceux de Menger et de Mater. Un article publié en 1906 dans la Revue d'économie politique par Joseph Hitier, professeur à la faculté de droit de Grenoble, consacré à « La dernière évolution doctrinale du socialisme : le socialisme juridique » joue un rôle central dans la diffusion et la vulgarisation de ce socialisme juridique aussi bien parmi les juristes que parmi les socialistes. Ces derniers n'ont pas été insensibles à de telles thèses. Souvent pour lui adresser les plus vives critiques. G. Sorel commente avec intérêt dès 1900 dans la Revue socialiste l'oeuvre de Menger. Rapidement, la tendance s'inverse. Dans le Mouvement socialiste, entre 1904 et 1906, ses amis E. Berth et S. Panunzio s'en prennent à Menger et Mater. L'article de Hitier provoque l'ire de Sorel qui lui consacre un violent article en 1907 : « Le Prétendu "socialisme juridique"». Dans une lettre (août 1906) qu'il adresse à Lagardelle, Sorel conclut de manière assassine : « c'est d'une niaiserie à faire pleurer ; je me demande si Grenoble, qui a déjà produit Jay, déteindrait sur le corps professoral et le rendrait idiot ». L'esprit du syndicalisme révolutionnaire souffle. Le conflit mondial de 14-18 porte un coup très sévère (définitif?) aux espoirs d'un socialisme juridique.
Ce numéro se clôt sur un dossier consacré à « Jaurès et le droit ». Aucune étude systématique n'avait encore été réalisée sur l'idée de droit social chez Jaurès. C'est, à présent, chose faite grâce à Carlos Herrera. Jaurès n'est pas juriste mais sa vaste culture historique, son sens des réalités humaines et sociales le conduisent à formuler des vues intéressantes sur les questions juridiques. Maxime Leroy n'hésite pas à prendre la plume pour les discuter dans La Revue blanche. Cet intérêt pour le droit l'accompagne naturellement tout au long de vie. Une pièce supplémentaire et inédite peut être versée à ce dossier : l'inscription de Jaurès à la faculté de droit de Toulouse, au début ds l'année universitaire 1891-1892. Jacques Poumarède, à qui nous devons cette importante découverte, rappelle ici même les circonstances de cette inscription. Cette présence d'un dossier sur le socialisme des juristes se justifie également dans Jean Jaurès par l'importance que revêt le leader socialiste pour ce courant juridique. Il en sera le catalyseur ; le socialisme juridique ne cessera pas de se revendiquer de lui. Ce Cahier Jean Jaurès est le premier opus d'une série de travaux à venir. Les Cahiers Trimestriels publieront très prochainement un numéro « Socialisme, état et droit sous Weimar ». Un travail collectif sur la pensée juridique d'Emmanuel Lévy est actuellement en cours de réalisation. Les premiers résultats d'une enquête également en cours sur l'histoire intellectuelle des juristes de gauche seront bientôt publiés par C.
Herrera et F. Audren. Sans oublier plusieurs mémoires, thèses et séminaires. Voilà cfe quoi contribuer à éclairer cette figure du juriste socialiste.
Frédéric AUDREN
ERNEST TARBOURIECH (1865-1911) UN JURISTE EN SOCIALISME Un itinéraire intellectuel Farid LEKEAL
Une biographie d'Ernest Tarbouriech (1865-1911) suffirait à elle seule, sinon à nourrir, du moins à éclairer bien des thèmes de réflexion liés à l'étude des premières décennies de la Ille République. Il n'est pas en effet un aspect de sa vie publique qui puisse laisser indifférents ceux qui interrogent aussi bien le cadre intellectuel que 1 environnement politique, les formes de la vie militante ou encore les cercles plus restreints du monde judiciaire à l'orée du XXe siècle.
Les discours publiés à l'occasion de ses obsèques, rassemblés dans une publication qui s ouvre sur l'indication de ses titres, — député du Jura, docteur en droit, avocat à la Cour d'Appel de Paris, professeur au Collège libre des Sciences Sociales — donnent la mesure de l'éventail du champ d'activité de ce juriste d'origine jurassiennel. Ces seuls itres sont pourtant bien loin recouvrir toute la palette des engagements de celui qu aujourd'hui seuls les historiens du droit social sont encore amenés à exhumer la mémoire.
En revanche, les institutions représentées lors des funérailles de Tarbouriech et, dans une certaine mesure, l'éloge funèbre prononcé par leurs représentants, permettent de mieux reconstituer la richesse des activités militantes de ce député jurassien, porté à la Chambre par les électeurs de l'arrondissement de Saint-Claude au second tour de scrutin du 8 mai 1910.
Groupe parlementaire du Parti socialiste, Ligue des Droits de l'Homme et du itoyen. Collège libre des Sciences Sociales, Commission permanente du Parti ocialiste, Syndicat de l'Enseignement, Ligue Française du Droit des Femmes, ederation du Jura : à leur hommage unanime il faut encore associer la voix d'Albert Metm, au nom des amis et des compagnons d'études de Tarbouriech, et la plume de Jean Longuet, au nom du quotidien L'Humanité, pour tenter de dégager du propos emphatique de circonstances, le portrait de ce juriste dont seule la thèse de doctorat, Parue en 1889 sous le titre Des assurances contre les accidents du travail.
Assurance collective et de responsabilité civile, a véritablement résisté à l'oubli2.
Il est vrai que cet exercice académique d'envergure ne devait pas tarder à désigner arbouriech comme l'un des spécialistes reconnu de la question des accidents industriels. Ainsi, quelques semaines après la soutenance de sa thèse, le jeune avocat Parisien assistait, en qualité de secrétaire, à la première session du Congrès international des Accidents du travail. Dans le prolongement de ses recherches octorales, en 1895, Tarbouriech était mandaté, au sein du cabinet d'André Lebon, pour suivre l'évolution des travaux législatifs relatifs à l'indemnisation des accidents du travail, question que Martin Nadaud avait mis en débat devant les Chambres quinze ans
1. E- Tarbouriech, Paris, s. d.
Il
Z. E. Tarbouriech Des assurances contre les accidents du travail. Assurance collective et de Ponsabilité civile, Besançon, Millot, 1889.
auparavant. Au même moment, Dick May le chargeait de dispenser, au sein du Collège libre des Sciences Sociales, un cours relatif à la question des accidents du travail et par là même d'inaugurer la nouvelle section de législation dont il allait occuper la chaire durant une quinzaine d'années4. Les leçons inaugurales ds Tarbouriech allaient d'ailleurs servir de base à la publication, en 1896, d'un ouvrage intitulé La responsabilité des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail, étude consacrée non seulement à la profusion des travaux parlementaires, mais également aux évolutions jurisprudentielles et doctrinales tout aussi riches sur la question. Au titre de ses activités pédagogiques au sein du Collège Social, Tarbouriech devait encore assurer, entre 1897 et 1902, un cours d'histoire du Droit moderne relatif à la propriété qui allait donner naissance à son Essai sur la propriété, publié en 1904.
Pourtant, la production intellectuelle du premier professeur de législation au Collège Social ne se borne pas à ces travaux d'érudition juridique et sans doute est-ce davantage au titre de sa Cité future, publiée en 1902, que le nom de Tarbouriech trouve aujourd'hui place dans la mémoire du mouvement ouvrier, dans les pages de son dictionnaire biographique5. C'est bien là du reste, avec le Dictionnaire des parlementaires français, une des rares sources qui permette d'exhumer quelques traits essentiels de la vie publique de ce pionnier du Collège Social. Pour le reste, rares sont les études qui aident à situer sa contribution à l'édification de la doctrine socialiste6 car seules, à vrai dire, ses activités pédagogiques au sein de la chaire de législation et son engagement au service de la Ligue des droits de l'homme ont retenu l'attention des historiens7.
Il est vrai que l'histoire des premières décennies de la Ille République n'est pas avare en figures de proue qui illustrent maints aspects de la construction doctrinale du socialisme français et que rien, dans l'itinéraire politique de Tarbouriech, n'indique qu'il ait pu y apporter une contribution décisive. Pourtant, une lecture attentive de la production intellectuelle de ce juriste, plus connu par ses travaux d'érudition juridique sur le risque industriel que par ses écrits politiques, invite à nuancer cette première impression. Ce n'est certes pas que le nom de Tarbouriech ait vocation à figurer au rang de maillon essentiel dans la construction doctrinale du socialisme français.
D'ailleurs, sa disparition prématurée, sa conversion tardive au socialisme — dans le sillage de l'Affaire Dreyfus — ainsi que la grande diversité de ses activités au sein
3. Sur l'historique de la question, notamment, F. Ewald, L'Etatprovidence, Paris, Grasset, 1986, p. 277 et suiv.
4. E. Tarbouriech, La responsabilité des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail, Paris, Giard et Brière, 1896, préface, VIII, XI; également, « Discours prononcé par M. Bergeron au nom du Collège libre des Sciences Sociales » in Tarbouriech, op. cit, p. 14-16.
5. J. Maitron, Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier Français, Paris, Les Éditions ouvrières, 1977, T. XV.
6. Alexandre Zévaès mentionne l'élection et le décès de Tarbouriech dans son Histoire des partis socialiste en France, XI, Le Socialisme en 1912, Paris, Rivière, 1912, p. 73. Daniel Ligou fait mention de l'élection et de la disparition de Tarbouriech Histoire du socialisme, Paris, PUF, 1962, p. 230. Jacques Droz évoque son nom à deux reprises, en qualité de spécialiste des questions agricoles et pour ses positions en faveur d'une «politique coloniale socialiste», Histoire générale du socialisme, II Paris, PUF, 1974, p. 214,573.
7. En ce sens H. Sée, Histoire de la Ligue des Droits de l'Homme% Paris, Ligue des droits de l'homme, 1917, p. 17, 47, 55, 70 ; également : B. Mazon, Aux origines de l'Ecole des Hautes Etudes en Sciences Sociales, Paris, Cerf, 1988, p. 27 ; E. Naquet, « La Ligue des Droits de l'homme: une politique du droit et de la justice dans le premier vingtième siècle », Jean Jaurès Cahiers trimestriels, N'l 41, 1996, p.29-49; également « De la mystique à la politique ? Intellectuels et édiles de la Ligue des Droits de l'Homme pendant l'affaire Dreyfus », N° 154, 1999, p. 65-83.
Mênie du mouvement socialistes, semblent rétrospectivement lui interdire une telle destinée. Il reste que sa double qualité de juriste et de militant socialiste invite à s interroger sur son rôle éventuel dans cette catégorie multiforme, et encore souvent mal dissociée du solidarisme, que les juristes qualifient de «socialisme juridique».Trop rares en sont en effet les figures — si l'on excepte quelques grands noms associés à univers des Facultés de droit et par là même d'autant plus singuliers — pour que l'on prenne le risque d'en négliger les artisans les plus modestes. Car s'il est vrai que le "a de Tarbouriech n'éveille plus aujourd'hui autre chose que la genèse de la loi du 9 1898 relative à la responsabilité des accidents dont les ouvriers sont victimes dans eur travail9, la chronologie de ses publications recèle pourtant d'autres enseignements.
A l'historien, elle pose la question des ressorts profonds qui amènent un jeune intellectuel engagé dans la révision du procès Dreyfus à opérer, au cours de sa trentequieme année, cette « conversion réfléchie »10 au socialisme, selon les mots de uis Dubreuilh. Au juriste, cet engagement tardif en faveur du socialisme suggère autres interrogations : Tarbouriech développe-t-il une lecture spécifiquement juridique de la réalité sociale ? Le cas échéant, quel rôle choisit-il d'impartir au droit dans le processus de transformation de la société ? Les juristes de la société socialiste peuventils être appelés à jouer un rôle moteur ou sont-ils voués à faire office de gardiens zélés de 1 orthodoxie politique ?
le examen, il semble que les réponses à ces questions méritent d'être sériées dans le temps et mises en perspective avec l'engagement politique de l'avocat parisien. En effet initialement, dans le sillage de ses travaux universitaires, Tarbouriech défend oiument l'héritage du Code civil à l'encontre de ceux — juristes ou hommes itiques — qui proposent d'engager une réflexion d'ensemble sur les fondements de la codification napoléonienne et, le cas échéant, d'en réviser les principes ondamentaux. Dans un second temps, avec la publication de La Cité Future en 1902 et, deux ans plus tard, de son Essai sur la propriété, c'est en véritable juriste engagé au service du triomphe de la société collectiviste que Tarbouriech entend oeuvrer au epassement des contradictions de la société capitaliste.
Au secours des fondements de l'ordre juridique d Ce n'est certes pas dans les recherches académiques d'un jeune avocat candidat au octorat en droit que l'on pourrait prétendre saisir, ne fut-ce qu'en germes, les idées de celui qui allait s'illustrer quelques années plus tard, comme « l'un des plus érudits apôtres » du socialisme, selon l'expression de Maria Vérone11. Bien au contraire, la ese de Tarbouriech, tout comme les travaux qui devaient la prolonger, portent encore etnpremte d'une réticence très vive à l'encontre de toute forme de socialisme.
n'est pas pour autant que le jeune avocat parisien ait fait montre d'une IIldifference à la condition ouvrière. L'essentiel de sa production intellectuelle —
- Perm ce sens, notamment, « Discours prononcé par le Citoyen Louis Dubreuilh au nom de la Commission PerniQ anente du Parti Socialiste » in Tarbouriech, op. cit. p. 17.
rl-- 1 - -
9 —i cu LI oucuuisie » in larDOunecn, op. cit. p. l
6 loi cesse de regarder l'accident comme une faute imputable au patron ou à l'ouvrier. «
L'alleident n'est donc plus qu'un fait, hélas banal et trop prévisible, un risque attaché à l'exercice de toutes les professions. Ce risque professionnel doit être mis à la charge de l'employeur, et de lui seul » : G Aubin, J. Bouveressè, Introduction historique au droit du travail, Paris, Puf, 1995, p. 234.
10 ,
I A •**» iJUUV 10. Idem, p. 19.
FeiJl Discours prononcé par la Citoyenne Maria Vérone au nom de la Ligue Française du Droit des Penune, » m Tarbouriech, op. cit., p. 22.
encore centrée sur la question particulièrement controversée de l'indemnisation des accidents industriels — témoigne au contraire d'une connaissance aiguë des enjeux politiques et juridiques12 attachés à la définition des frontières respectives de la responsabilité ouvrière et patronale. Néanmoins, si à cette occasion le jeune Tarbounech est effectivement amené à proposer des perspectives de réforme, c'est en veillant à en circonscrire étroitement le domaine au seul champ du droit privé.
1889 : La répudiation du « socialisme détat »
« On connaît bien l'imprévoyance des ouvriers, on sait combien l'épargne directe leur est difficile. Il serait presque impossible, dans la plupart des cas, de triompher de leur insouciance et de les déterminer à s'imposer un sacrifice immédiat en vue d'une éventualité incertaine »13
C'est en ces termes que, dans la partie introductive de sa thèse, Tarbouriech expliquait l'échec, en France, de l'assurance individuelle contre les accidents du travail.
D'autres éléments lui permettaient de mettre en lumière l'inadaptation d'un tel mécanisme assurantiel à l'industrie française et de justifier les réticences des compagnies. Ainsi, l'importance des frais généraux engendrés par une mobilité ouvrière de nature à aggraver le danger d'insolvabilité lui paraissait élever démesurément les risques financiers encourus par les sociétés d'assurance. Le jeune avocat insistait surtout sur l'insuffisance des indemnités susceptibles d'être versées en cas d'accident du travail au regard des perspectives d'indemnisation judiciaires beaucoup plus avantageuses offertes par la mise en cause de la responsabilité patronale sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Une lecture juridique minutieuse des mécanismes de l'assurance individuelle ajoutait à son scepticisme et l'amenait à conclure à l'impossibilité de déterminer, dans une même police individuelle, une prime identique qui tienne compte des différents risques subjectifs encourus par l'assuré dans ses emplois successifs, d'un établissement industriel à l'autre. Enfin, l'impossibilité légale pour les compagnies d'assurance d'opérer des contrôles préventifs de sécurité au sein des établissements employant leur clientèle, semblait définitivement vouer à l'échec l'initiative individuelle en matière d'assurance. Au regard de l'assuré, les obstacles à la généralisation de l'assurance individuelle lui paraissaient tout aussi insurmontables. En effet, Tarbouriech faisait valoir, d'une part, l'extrême difficulté ds déterminer un taux de prime supportable eu égard à la faiblesse des revenus ouvriers, d'autre part, le risque contentieux lié au refus des compagnies d'indemniser les assurés accusant des retards de paiement.
Le régime de l'assurance organisé sur le fondement de la loi du 11 juillet 1868 ne parvenait pas davantage à trouver grâce aux yeux du jeune impétrant. Cette possibilité ouverte aux administrations, aux établissements industriels, aux compagnies cfe chemin de fer, aux sociétés de secours mutuels, ainsi qu'aux communes en faveur de leurs sapeurs pompiers, d'assurer collectivement leurs ouvriers ou leurs membres par des listes nominatives — outre ses insuffisances techniques14 — semblait trop
12. Sur ce point, outre F. Ewald, déjà cité, Y. Le Gall : « La loi de 1898 sur les accidents du travail », Histoire des accidents du travail, N° 10, 1 er semestre 1981, N° 11, 2è semestre 1981
13. E. Tarbouriech, Des assurances., op. cit., p. V-VI.
14. Aux yeux de Tarbouriech, cette loi négligeait l'intérêt financier des employés chargés de la gérer. En outre, la loi ne prenait pas en considération les incapacités temporaires de travail et n'accordait à l'ouvrier qu'une pension viagère, au lieu et place du versement d'un capital susceptible d'ouvrir la perspective d'une reconversion professionnelle de son bénéficiaire. Idem, p. XIX, XX.
étrangère à la rationalité assurantielle pour pouvoir s'imposer durablement : « La loi cfe 1868' édIctée dans l'intérêt des ouvriers animés d'un esprit de socialisme d'État, ne s'est pas souciée des patrons : ceux-ci ne devaient pas répondre à son appel, cela se conc 1 ». Plus radical encore dans sa condamnation de la politique impériale cfe gestion du risque industriel, Tarbouriech se faisait l'écho de l'orthodoxie libérale, qui réen encore souverainement dans les manuels d'économie politique à l'usage des étudiants en droit, et qui avait logiquement dû nourrir ses premières années cfe fbrma lonjundique : «Il est bien heureux du reste que cette assurance n'ait pas réussi.
Si elle avait pris la moindre extension, elle eût été une lourde charge pour le Trésor» 15 Pour les mêmes raisons, le régime bismarckien de l'assurance obligatoire ne ParvenaIt pas davantage à recueillir les suffrages de Tarbouriech. Au contraire, ren ses préventions à l'égard de l'interventionnisme étatique, il en balayait tant plus aisément le spectre que l'expérience du chancelier de fer lui paraissait p eUSe d'une dangereuse pédagogie politique socialiste dont il s'inquiétait cfe "éventuelle la contagion en France16. Au-delà de ces objections de principe, arbounech, se faisant l'écho des premiers rapports patronaux relatifs à l'assurance cont les accidents, dont il reproduisait fidèlement les termes, inscrivait au passif des lois de l'Empire une forte perturbation de la discipline productive liée à l'élévation du nombre de simulations d'accidents du travail et à l'augmentation de l'absentéisme ouvrier Tarbouriech était tout aussi réservé à l'égard des initiatives parlementaires ou vernementales françaises en matière de réparation des accidents du travail18. Certes, le jeune avocat ne pouvait ignorer les problèmes auxquels se heurtaient les ouvriers 'victimes d'accidents du travail, en raison de la nécessité d'établir la faute patronale pour pretendre obtenir réparation sur le fondement de l'article 1382 du Code civil. Pour autant, en sa double qualité de témoin attentif de l'évolution des débats parlementaires et de praticien du droit, il devait prendre ouvertement position à l'encontre du projet ado par la Chambre le 10 juillet 1888 en vue de faire supporter la charge cfe l'indemnisation des accidents industriels par l'employeur, à l'exception de ceux rés ant d'une faute intentionnelle de l'ouvrier. Cette consécration de la théorie du risque professionnel — dont la portée est encore aujourd'hui discutée — consistant à cesser de regarder l'accident, non comme une faute imputable à l'une ou à l'autre des PartIes, mais comme un aléa inhérent à l'activité industrielle, lui paraissait constituer une offense aux principes fondamentaux du droit de la responsabilité civile de nature à rem mettre en cause la logique d'ensemble du Code.
Amsi, Tarbouriech se rangeait aux côtés de ceux qui, aux cours des débats p , ementaires, avaient défendu avec force l'héritage révolutionnaire d'un Code qu'ils co muaient de regarder comme la véritable colonne vertébrale de la société fumçaisel9.
15. Idem, p. XX 1 fi.
16 « --", p. perspective des charges énormes, que ce dernier pays vient d'assumer pour l'avenir
suffira - .pnour faire reculer les plus hardis novateurs ». Idem, p. XXIII.
l7 1,1 -
n. pv. 1311 17. Idem, p. LI.
1 Q
18 il. -1.
!X de François Ewald, la consécration législative de la théorie du risque par la loi du 9 avril Code civi) une véritable révolution dans le droit et inaugure l'effacement de la logique héritée du Code civil au profit d'un droit social objectif : op. cit., p. 226. Gérard Aubin et Jacques Bouveresse no cent seneusement cette analyse et placent la loi de 1898 dans la continuité de 1789 comme une nouvelle expression de l'ambition révolutionnaire d'inclusion des exclus : Introduction historique au droit du travnu ™Vo,/<op. cit.,p. 236.
io -
19 tu.,p. Zib.
19 En ce sens, Y. Le Gall, op. cit, p. 7 et suiv.
Par sa condamnation du risque professionnel et son adhésion à la conception fixiste ds la doctrine juridique du XIXè siècle, il signifiait très clairement un triple refus ; refus d'une « loi d'exception ou de privilège » qui dérogerait au droit commun de la responsabilité civile en faveur de l'industrie ; refus de l'inégalité « choquante » des parties contractantes à la faveur des ouvriers aboutissant à consacrer une véritable «prime à l'imprudence»; refus enfin et surtout de considérer le Code comme un instrument inadapté aux réalités économiques et sociales du moment20, à une époque où les juristes commençaient à engager une réflexion d'envergure sur les fondements du droit privé21. A l'adresse du sénateur républicain radical Tolain qui, au cours des débats parlementaires, avait vivement opposé au poids de la tradition juridique les réalités de la société industrielle, Tarbouriech agitait le spectre d'une dangereuse démagogie socialiste22.
Tarbouriech en appelait finalement à la stricte application des principes généraux du droit de la responsabilité et s'insurgeait contre l'éventualité d'octroyer une indemnité aux ouvriers victimes d'accidents, qu'elle qu'en ait été la cause, y compris en cas de faute lourde de leur part. Répudiant la logique du risque industriel dans ses ultimes prolongements, il s'insurgeait contre le principe, inscrit dans le projet, de faire supporter aux seuls employeurs le poids financier des charges d'assurance23.
Les cours dispensés par Tarbouriech au sein de la section de législation du Collège social et qui allaient servir de base à la publication, en 1896 d'une vaste étude intitulée La responsabilité des accidents dont les ouvriers sont victimes dans leur travail portent le témoignage d'une évolution des idées juridiques du jeune professeur.
1896 : La réforme par le droit privé
« Très rares sont encore les juristes qui s'efforcent de rajeunir la plus arriérée cfe toutes les sciences en lui appliquant la méthode historique »24.
Ce n'est pas seulement une nouvelle tonalité d'expression mais bien une évolution sensible de la pensée juridique de Tarbouriech qu'éclairent ces quelques lignes, publiées en 1896. Alors qu'en 1889, il s'élevait vivement contre l'hétérodoxie juridique d'un Tolain jugé trop prompt à bousculer le legs juridique du Code, Tarbouriech faisait désormais montre de très sérieuses réserves à l'encontre d'une interprétation exégétique des principes du droit français. Tandis que, dans sa composition doctorale, il déplorait les errements d'une jurisprudence qui inclinait trop généreusement à allouer des indemnités « exagérées »25 aux ouvriers victimes d'accidents du travail, il en appelait désormais les juristes, tout autant que le législateur, à s'ouvrir aux réalités nouvelles du monde industriel26. Si en 1889 Tarbouriech s'interdisait prudemment de faire entrer dans son champ d'étude les débats de fond engagés par la doctrine juridique autour du
20. E. Tarbouriech, Des assurances., op. cit, p. LXIII , LXVII , LXX.
21. En ce sens notamment, P. Barrau, F. Hordem, Histoire du droit du travail par les textes, I, Cahiers de l'IRT, Aix-Marseille, N°8, 1999. p. 137.
22. E. Tarbouriech, Des assurances., op. cit, p.LXX, LXXI.
23. Idem, p. LXVII.
24. E. Tarbouriech, La responsabilité op. cit., préface, XI, XII
25. Tarbouriech, Des assurances., op. cit, p. 233. Dans sa publication de 1896, Tarbouriech se montre plus nuancé envers la jurisprudence. Il admet que les indemnités allouées sont tantôt exagérées, tantôt trop faibles, p. 71
26. E. Tarbouriech, La responsabilité., op. cit.,p. 92.
droit de la responsabilité2 7, c'est en juriste averti qu'il entreprenait désormais, non seulement d'en faire l'exposé exhaustif, mais d'en discuter la pertinence. Ce n'est pas Pour autant que Tarbouriech ait procédé à une réévaluation complète des positions eveloppées dans sa thèse. En 1896 en effet, tout comme en 1889, il renouvelait en tenues quasi-identiques ses préventions, tant à l'égard de la politique assurantielle du Second Empire, que vis-à-vis de l'adéquation du système de l'assurance privée aux réalités industrielles du temps.
En revanche, l'évocation de l'assurance obligatoire allemande permet d'évaluer avec un plus grande précision le cheminement intellectuel de Tarbouriech et de mesurer argissement de son champ de réflexion. Ainsi, tandis qu'en 1889 il se contentait agiter le spectre du socialisme d'État pour fonder ses réticences vis à vis du système 131"0 n' C eSt en juriste pleinement averti des implications politiques ds l'alfernati- ve entre assurance obligatoire et application des principes du droit de la sponsabilité qu'il prenait position : « Tandis qu'en Allemagne et en Italie, la question des accidents du travail a été placée sur le terrain du droit public et résolue par la création d'organismes étatiques d'assurance, au contraire, en France, elle a été atténue sur le terrain du droit privé et rattachée à la responsabilité »28.
C'est précisément sur le strict plan du droit privé de la responsabilité civile, qu'aux keux de Tarbouriech, la réparation des accidents industriels pouvait trouver la solution la plus satisfaisante. Sans doute est-ce à ce titre que la pensée de Tarbouriech déploie toute S°P originalité et que s'éclaire sa contribution à la réflexion sur la vocation cfe tat républicain. En s'efforçant de penser le droit privé comme un des leviers essentiels à l'évolution des rapports entre patrons et ouvriers, Tarbouriech invitait à epacer l'axe de discussion autour de la vocation de l'État républicain, du plan itique au plan strictement juridique, et du même coup, à éluder le poids des clivages SanS dans la politique réformatrice républicaine. Nourri d'une très riche expérience des débats parlementaires et d'une solide culture juridique qui lui permettait d'évaluer au s près les incidences juridiques positives attachées à une réforme du droit de la esponsabilité civile — dont il avait fait sa spécialité — Tarbouriech avait la conviction qu'il restait possible de modifier en profondeur les rapports sociaux sans Pour autant mettre en cause les termes du pacte républicain scellé autour des premières agues de la nouvelle législation industrielle29 : «Le droit privé, voilà le terrain où nous devons nous maintenir »30.
l' A cette fin, Tarbouriech se rangeait désormais aux côtés des partisans ds application de la théorie du risque professionnel, dont il avait jadis ouvertement ré pudie les thèses comme attentatoires aux principes fondamentaux du Code. C'est qu'en réalité, son analyse même des rapports sociaux, tout comme son diagnostic sur l'adéquation du Code aux réalités sociales du moment, avait évolué de manière sensIble. Ainsi répudiait-il implicitement l'égalité contractuelle des parties Contractantes — longtemps présumée en matière de contrat de louage de services — Pour affipprmer avec force l'existence d'une véritable « classe d'ouvriers »31. De même prenait-il ouvertement ses distances avec une logique économique libérale qui lui
-- 234, 235.
27 - Des assurances., op. cit., p., 234, 235.
28 - -. --" w* assurances., op. cit., p., 234, 235 28 c Tarbouriech, La responsabilité., op. cit.,p. 86, 87.
29 c, -
29 „ LU respunsaoui'e., op. cit.,p. lIb, lI/.
30 U^cette question : J. Bouveresse in Introduction historique au droit du travail, op. cit., p. 179, 191.
30 p - -
30 - --. 'tu=uun J. oouveresse in Introduction hi.
30 E Tarbouhech, La responsabilité., op. cit., p. 88.
31 c.- Uflec, a responsa 1 Ife., op. Clt., p..
—'Jicvn, L,a responsaoïlite., op. cit., p. 88.
31 ç la reconnaissance de l'inégalité de la relation contractuelle implicitement consacrée par la loi du 27 déœre 1890 relative à la résiliation du contrat de louage : J. Le Goff, Du silence à la parole, Ulmper, Calligrammes, 1989, p. 74 et suiv.
paraissait porteuse de puissants gennes d'anarchie. Enfin, Tarbouriech mettait 1 délibérément en cause l'attitude d'une partie de la doctrine juridique trop 1 rigoureusement attachée à l'intemporalité des principes du code civil : « Je dirai simplement qu'il ne faut pas identifier le droit avec tel ou tel texte écrit »32. J Au nom de cette nécessaire adaptation des principes du droit commun aux réalités du monde industriel, Tarbouriech se prononçait en faveur d'une dérogation aux règles de la responsabilité civile traditionnelle en matière d'accidents du travail et pour une application de la théorie du risque, contre laquelle il s'était élevé dans sa thèse. En outre, il prenait parti en faveur d'une indemnisation forfaitaire. Sans pour autant répudier la logique d'ensemble du droit de la responsabilité, Tarbouriech exprimait ainsi le voeu d'en combiner les principes avec ceux de la théorie du risque, pour n'exclure de son champ d'application que les accidents résultant d'une faute intentionnelle de l'ouvrier33. En insistant sur cette nécessaire transaction entre les principes, traditionnellement réputés antinomiques de responsabilité civile, inscrits dans le Code, et de risque professionnel34, en cours d'élaboration doctrinale, Tarbouriech entendait à la fois prolonger mais également renouveler les idéaux des Constituants de 1789 dont il soulignait l'inadéquation aux circonstances présentes.
Aux adversaires de la théorie du risque professionnel qui invoquaient une rupture cfe l'égalité entre les citoyens qui pourrait en découler, Tarbouriech opposait sa propre lecture de la Révolution comme une oeuvre de compromis. C'est précisément à ce compromis républicain qu'il entendait souscrire35.
La dernière décennie du XIXè renvoie donc encore l'image d'un Tarbouriech résolument confiant dans les possibilités d'adaptation du droit français aux réalités sociales du moment. Soucieux de préserver l'héritage d'un Code qu'il plaçait dans le prolongement des aspirations formulées par les Constituants de 1789, tout au plus se montrait-il attentif à une plus grande adéquation des principes du droit de la responsabilité civile à l'évolution des rapports salariaux : «Le risque professionnel doit comprendre tous les accidents qui sont la conséquence forcée et pour ainsi dire, la rançon de l'industrie »36. En cette dernière décade du XIXe, le jeune professeur cfe législation du Collège social — après un temps d'hésitation ponctué par sa thèse — acceptait la perspective d'un aménagement des principes fondateurs du droit privé, pour mieux en assurer la survie.
A rebours du désordre politique
Dans le sillage de son double engagement au cours de l'année 1900, d'abord aux côtés du groupe des étudiants collectivistes puis, au sein même du Parti ouvrier, Tarbouriech ne devait pas tarder à dresser les plans d'une cité collectiviste à l'édification de laquelle les juristes lui paraissaient devoir contribuer activement. Ce n'est pourtant pas cette singularité qui distingue le plus nettement Tarbouriech dans le foisonnement de la littérature politique du moment mais bien plutôt sa contribution à l'élargissement du champ de la réflexion autour de la propriété privée.
32. E. Tarbouriech, La responsabilité., op cit., p. 94. Sur les griefs formulés à l'encontre de l'orthodoxie économique libérale, idem, p. XII, XIII.
33. Idem, p. 32. Sur la portée juridique de ces affirmations : P. Barrau, F. Hordem, Histoire du droit du travail par les textes 1, op. cit., p. 124-142.
34. Idem, p. 125.
35. Idem, p. 100.
36. Idem, 161.
1902 U.ne t.. ifi 902 Une utopie « scientifique » C:est moins une nouvelle dimension de la personnalité de Tarbouriech qu'un jalon 'UPPlérnentalre dans son cheminement intellectuel que révèle au lecteur attentif son «ess ai d'une utopie scientifique», publié en 1902 sous le titre La Cité Future, et qui s'o e SUr l'itinéraire de son engagement militant : « Si j'ai été amené à bien sentir cette complexité des faits sociaux, cela tient précisément à ce que pendant longtemps je me s 1S attaché à l'étude des réformes pratiques en dehors de tout idéal préconçu. Je ne pouv pas aborder l'étude d'une question de droit public ou de droit privé sans passer imm mediatement de la loi telle qu'elle est à la recherche de ce qu'elle devrait être. C'est par cette voie peu commune que je suis arrivé lentement au socialisme ».37 Il est vrai qu'à cette date Tarbouriech ne s'exprimait plus seulement — comme dans sa Précédente publication — en juriste intimement convaincu des mérites de la méth ° C historique porté par l'ambition d'apporter sa contribution au renouvellement de la pensée juridique française. A l'évidence enrichi par l'expérience d'une activité niilit ante multiforme38, familier d'une littérature socialiste à laquelle il projetait ,a?porter le concours de ses compétences de juriste, c'est un homme emporté par une véritable aversion envers les principes de l'économie politique libérale qui devait Prendre t plume pour exposer son projet de transition progressive vers la société collectiviste. Pour autant, Tarbouriech n'entendait nullement se départir de ce Pra gmatisme réformiste qui l'avait conduit— de 1889 à 1896 - du refus catégorique de bousculer les principes du droit de la responsabilité inscrits dans le Code, à la nviction que l'égalité contractuelle des parties pouvait être rompue en faveur des Ouvriers : « Je m'aperçus au cours de mes études réformistes, confessait-il, que certaines réfonnes demandées dans le régime capitaliste nous donneraient la solution cr telle ou telle difficulté très grave que l'on prévoit dans la société collectiviste »39.
C'est en effet au titre de ses expériences de juriste, habitué, comme il le soulignait ortement, à embrasser « la souple complexité des faits sociaux », que Tarbouriech confessait avoir réussi à vaincre ses réticences initiales vis-à-vis d'une doctrine nlarxiste qu'il se proposait précisément d'enrichir d'une nouvelle dimension 1^ Ainsi, les juristes étaient-ils appelés à apporter une contribution éminente à 1 emancipation du prolétariat qu'il inscrivait à l'horizon de la Cité Future.
1 ar ouriech les plaçait au coeur de l'édification de la superstructure juridique de la Société Collectiviste et les engageait à s'inscrire dans la continuité historique cr SieYès et Portalis pour oeuvrer à la confection de la Constitution, des lois, et du Code meme du Collectivisme. Tarbouriech les invitait en outre à recueillir l'héritage de la tradition juridique française pour y puiser les éléments nécessaires à l'édification de utopIe scientifique qu'il appelait de ses voeux. Ce double office d'élaboration des nonnes du collectivisme et "d'interprétation du droit existant", devait ainsi conférer à
37 ET.
37.E. Tarbouriech, La Cité Future. Essai d'une utopie scientifique, Paris, Stock, 1902, p. 13, 14. Voir Irécenunent@ M. Rebérioux « Socialisme et utopies », dans M. Rebérioux, C. Georgel, F. Moret, Socialisme et UtoPtes de Babeuf à Jaurès, Paris, Documentation photographique, 2000, p. 10-11 38. n_- -
oabeuj a Jaurès, Paris, Documentation photographique, 2000, p. 10-11 38 q SS engagements au sein des ligues, Tarbouriech représente, dès septembre 1900, l'un des groupes du Parti ouvrier de Calais lors du Congrès socialiste de Paris. L'année suivante, il est adhérent du Parti Socialii- ste Français.
39 , - -
3 —.aiisic rrançais.
40 E. Tarbouriech La Cité Future, op. cit.,p. 15.
40 ,A-- -
40 Idem, p. 3.
La Cité Future une tonalité résolument juridique4 1 Et de fait, il n'est pas une des trois grandes parties de l'ouvrage - Consommation, Production, Équilibre de la production et de la consommation - qui ne soit assortie d'annexes extrêmement détaillées exposant les modalités concrètes de transition vers la société collectiviste. Ce sont pourtant moins les détails réglementaires d'organisation de ce collectivisme intégral que leur insertion dans l'ordre juridique positif de la société française du début du XXe siècle, qui interrogent le juriste. Or, de ce point de vue, l'auteur de la Cité Future n'allait nullement satisfaire les exigences inscrites au coeur de son projet initial.
Au lieu d'une doctrine juridique du socialisme destinée à enrichir le matérialisme historique d'une dimension qui lui faisait défaut, Tarbouriech devait finalement dresser les plans d'une économie administrée dans laquelle l'État, propriétaire des instruments de production, avait vocation à en concéder l'usage à des groupements professionnels agréés et soumis à son contrôle. Partisan de l'abolition défmitive du profit industriel, favorable à une détermination par voie législative de l'équilibre entre la production et la consommation ainsi qu'à la fonctionnarisation générale de la main d'oeuvre42, Tarbouriech allait finalement proposer l'architecture réglementaire d'une société imperméable aux antagonismes sociaux43.
Cet espoir de régénération du lien social, au prix d'un ajustement comptable des aspirations individuelles au profit commun de la société collectiviste, devait finalement vider de sa substance le projet de renouvellement des fondements juridiques de la société française, inscrit au frontispice de la Cité Future. En réalité, la Cité Future apparaît bien davantage comme un projet de réglementation administrative d'une économie dirigée au régime de production étroitement circonscrit : une production étatique administrée en régie, appelée à constituer le mode normal de gestion de la grande industrie ; une production coopérative autorisée dans le secteur de la moyenne industrie, sous la réserve que l'Etat conserve la propriété intégrale des moyens cfe production ; une production privée résiduelle limitée aux activités à caractère artistique44. Bien loin de la réflexion de ceux des juristes qui, au même moment, s'attachaient à dégager les principes d'une « socialisation » du droit — pour mieux le nourrir des aspirations sociales nouvelles enregistrées tant par le mouvement ouvrier que par la jurisprudence, par le droit comparé ou par une sociologie du droit en cours ds gestation45 —, Tarbouriech abandonnait ses espoirs de régénération de la fonction juridique et judiciaire au profit une réglementation administrative des activités productives. Ce n'est sans doute pas le moindre mérite de l'auteur de la Cité Future que d'avoir pris pleinement conscience de ce résultat paradoxal et de s'en être ouvert au lecteur dans la conclusion de son essai d'utopie scientifique : « Il aurait été intéressant notamment de développer le point de vue juridique, de rechercher ce que deviendront dans une Société Collectiviste les principes fondamentaux du droit public et du droit privé.Que d'intéressantes discussions j'entrevois avec le regret de ne pouvoir même les aborder ! »46.
41. Idem, p. 3,4, 13, 17.
42. Idem, p. 24,42.
43. Idem, p. 37.
44. En ce sens, notamment, p. 43, p. 196 et suiv.; 206 et suiv. ; 251 et suiv.; 285 et suiv..
45. En ce sens, notamment, J. L Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris, PUF, 1996, p. 186 et suiv.
46. E. Tarbouriech, La Cité Future, op. cit., p. 478.
Pourtant, moins qu'un constat d'échec, la Cité future annonce un jalon su ienientaire dans le parcours intellectuel de Tarbouriech. Son Essai sur la propriété, publié en 1904, beaucoup plus que ses publications précédentes, annonce Un nlve plus aboutie de dépasser le cadre d'une lecture strictement économique œ la réalité sociale.
1904 TTne 1 t ..d' d 1 ., , 1904: Une lecture juridique de la propriété El fait d'élaboration de la superstructure juridique de la société collectiviste, la C'té Future devait limiter sa contribution à l'esquisse d'une réforme judiciaire 'articulée autour de la mise en place de trois ordres de juridiction ; une justice civile et ISClplmaire, une justice comptable, une justice médicale : « Pour la justice comme Pour tout le reste, confessait d'ailleurs Tarbouriech, le Collectivisme m'apparaît comm devant utiliser des institutions existantes sauf à les mettre au point et à les porter à un degré de perfectionnement que le régime économique actuel ne nous permet Pas d'atteindre »47 En dépit de cette affirmation, Tarbouriech devait conjecturer la disparition Progressive des Conseils de Préfecture et du Conseil d'État, juridictions que la société collectiviste privait de leur raison d'être. En réalité, la déconcentration administrative, la generalisation de l'administration consultative, le contrôle sévère des pouvoirs fUblics par une opinion éduquée dès l'enfance à l'administration des choses, et surtout, la cmPetence , souveraine des assemblées politiques pour statuer sur l'équilibre de la Production et de la consommation48, étaient appelés à compenser la disparition de ces JUndlCtlOns administratives49. En revanche, la Cour des Comptes de La Cité Future, outre ses attributions politiques et juridictionnelles traditionnelles, devait étendre ses Co ,ences à toute la vie économique du pays et exercer un contrôle préventif sur le fonctionnement financier du collectivisme.
, Sans doute les juridictions civiles devaient-elles être le plus substantiellement 1^,68 dans la société collectiviste : « Dans un État où la socialisation des moyens de production ne laissera plus subsister le dominium privatum que sur quelques objets a la consommation personnelle, les procès d'ordre privé entre simples partIculters agissant comme tels seront très rares, réduits à rien »50. Compétentes en revanche pour statuer en matière administrative51, elles devaient être appelées à calquer leur procédure sur celle en usage devant les Conseils de Préfecture et donc réduire le rôle des mandataires légaux. Leurs magistrats devraient obtenir l'investiture du peuple, soit Par voie d'élection, soit par une nomination émanant des chambres, et statuer
47. Idem, p. 79.
49 -
48. En matière constitutionnelle, Tarbouriech se prononce en faveur d'un bicaméralisme, l'une des assemblées representant la consommation, l'autre la production. Ces assemblées auraient la possibilité d'élire 5 à 7 dIrecteurs ou consuls chargés de gouverner «sous l'impulsion et le contrôle des Chambres collectivement sans pouvoir être renversés par les chasseurs de portefeuille jusqu'au jour où il seront soumis à la reelectlon». Ces directeurs auraient pour fonction de surveiller les départements ministériels.
Les rninistres - les uns affectés à de véritables départements ministériels, les autres placés à la tête des Régies "raient i la qualité de fonctionnaires et devraient rester étrangers à la politique. Idem, p. 221 et suiv., 336 et suiv., 357 et suiv.
49 -' --" çL sulv., et suiv.
49 dem, p. 73.
cft
50 p. 'j 5°. Idem, p. 74.
51 —".p. /t.
51 Les •î5UnaUX civils, compétents pour statuer sur les litiges soulevés par la production ou la ConsonLiaf°n' seront administratifs car « l'une des parties au moins (peut-être les deux), sera l'Etat représennttie i par un service public ou une régie ». Idem, p. 74
assistés de prud'hommes. De surcroît, Tarbouriech souhaitait leur confier un contrôle préventif des actes juridiques contractuels. Il proposait en outre l'institution d'une juridiction disciplinaire à caractère échevinal, présidée par un magistrat professionnel, et composée de citoyens statuant sur un pied d'égalité avec le président d'une juridiction dont le fonctionnement devait être modifié par l'introduction d'une procédure accusatoire.
Les infractions à l'ordre public relevant de troubles « psycho-physiologiques » seraient en revanche du ressort de la justice médicale. Cette juridiction médicale, composée de magistrats bénéficiant d'une double formation médicale et juridique, ainsi que d'ingénieurs salubristes (sic), constitue l'organe judiciaire le plus important de la société collectiviste car, outre ses fonctions de contrôle et de juridiction en matière d'hygiène publique et privée, Tarbouriech devait lui reconnaître un autre registre cfe compétences : « Elle donnera aux citoyens les permissions qui leur seront nécessaires pour transmettre la vie, leur imposera s'il le faut la stérilité. elle jugera le nouveauné et le replongera dans le néant si elle estime qu'il est voué par sa condition à la misère physiologique ou psychologique »52.
L'année même de la publication de ces projets de réforme de l'organisation judiciaire, Tarbouriech achevait au Collège Social un cours d'histoire du Droit moderne consacré spécifiquement à la question de la propriété. Les éléments introductifs de cet enseignement, publiés sous le titre Essai sur la propriété, devaient heureusement compléter La Cité future restée, il est vrai, fort discrète sur les modalités de transition vers le collectivisme53. Tarbouriech renouvelait l'exigence de parachever, « dans l'ordre social », l'oeuvre entamée par la Révolution et d'enrichir le marxisme d'une dimension juridique : « Et cependant, insistait-il, la question sociale est avant tout un problème de science juridique et politique »54 Dans le prolongement de La Cité Future, il réitérait ses espoirs d'un « renversement » du régime capitaliste en prenant résolument le parti de la réforme, au moyen de l'action législative, qui lui paraissait constituer le plus puissant vecteur de transformation de la société française : « Notre devoir est de tout tenter pour faire l'économie d'une révolution »55.
Tarbouriech entendait ainsi mettre à profit son projet didactique d'étude des fondements juridiques et historiques de la propriété pour dégager les moyens d'opérer la transformation législative des moyens privés de production et d'échange en propriété sociale. C'est à cette ambition que répond son Essai sur la propriété, inventaire exhaustif des multiples formes de propriété, dont Tarbouriech n'entendait exclure aucun type de consécration, légale, réglementaire, jurisprudentielle ou coutumière56. Son Essai identifiait ainsi sept classes de propriété soigneusement inventoriées dans une série de tableaux analytiques joints en annexe : propriétés communistiques ou communes ; propriétés féodales ; domanialité publique ; fondations ou mainmorte; dominium ex jure quiritium ou propriété individuelle ; monopoles et privilèges ainsi que propriété sociétaire57.
52. idem, p.78 et suiv.; également, p. 32, 130, 179, 305, 309.
53. Son Essai sur la propriété renvoie d'ailleurs explicitement à La Cité Future.
54. E. Tarbouriech : Essai sur la propriété, Paris, Giard et Brière, 1904, p. 8 également, p. 11.
55. Idem, p. 17.
56. Idem, p. 44, 272.
57. Idem, p. 299 et suiv.
Salis doute est-ce à ce titre que l'entreprise de Tarbouriech devait déployer toute son Originalité. En mettant en lumière l'extrême diversité des formes de propriété, il entendait signer son refus de l'alternative entre propriété collective et propriété individu e" Il inscrivait son Essai comme une tentative de dépassement du couple jj» soHJîOSIeti. on usuel propriété individuelle-libéralisme capitaliste, propriété collective- ocialisnie marxiste5 8.
^éterm'111^ à puiser dans le legs d'une tradition juridique multi-séculaire pour déterminer les catégoriques juridiques applicables à la société collectiviste, Tarbouriech entendait donc ouvrir la perspective d'une transition progressive vers le socialisme. Au niome ** t précisément où la définition des projets du socialisme français buttait encore sur l'usage de catégories juridiques indéterminées — nationalisation, socialisation, c°llect' ^Sat^°p59 Tarbouriech se proposait d'oeuvrer à un double effort cfe clarifleation sémantique et politique. Il rendait dans le même temps pertinente l'idée d'une â1 k'rï011 active des juristes à la définition des conditions d'un collectivisme réfbm~~ une lecture juridique des rapports sociaux60. Au lieu de la confection des codes du collectivisme, dont il avait un temps caressé le projet dans La Cité Future, c'est à une mise en adéquation des catégories juridiques traditionnelles aux h1 aux objectifs ( spécifiques du socialisme qu'invitait désormais le dernier état de sa Production doctrinale.
***
« Les institutions que je me plais à faire fonctionner par la pensée, les règlements que i' eXr comme si j'avais sur ma table les Codes Collectivistes, au lieu du recueil des lois bourgeoises, les pratiques administratives dont je parle au présent comme si je vivais 611 l'an 2000, tout cela n'est pas le produit de mon imagination, ce n'est que l'ada à l'économie collectiviste qui triomphera un jour, d'éléments empruntés à la vie Conteniporaine. Si mon rêve d'avenir mérite de retenir l'attention, ce sera par ses constantes allusions au présent ».
De fait, ces lignes publiées en 1902, en guise de conclusion de La Cité future, POrtent le témoignage d'un enracinement profond au coeur des réalités politiques du n'O'ne,it. Les hésitations intellectuelles de Tarbouriech, son lent cheminement Politique, présentent une illustration vivante des perspectives nouvelles qu'offre au Juriste l'accélération impressionnante du rythme de la production législative à l'aube du XXè sl* e" ce- La chronologie des publications de Tarbouriech résonne au rythme des interrogations qui traversent le monde des juristes en cette période d'adaptation du pacte révolutionnaire aux mutations du monde de l'industrie. Ses écrits renvoient le reflet de tr Inconfort intellectuel qui saisit un juriste engagé au service d'un projet ambitieux ds transformation radicale de la société française et qui balance entre l'action militante, Portée le terrain judiciaire, l'engagement intellectuel au service d'un arrimage de la science juridique au marxisme, et finalement l'action politique et parlementaire. De ce Pointé VUe, l'année 1904, date de publication de l'Essai sur la propriété, renvoie l'éch du choix en faveur de cette dernière option qui allait occuper les dernières années de la vre de Tarbouriech. Abandonnant la perspective d'une codification des principes
* 58 59.ldel11, p.289, 290 ; en ce sens également, p. 334, 335.
59 p~. "0 ---- -.. --_
--., ~"-°-~' ~-~ ; en ce sens également, p. 334, 335.
59. En SrS~' d'illustration : A. Boscus, « Jaurès et les nationalisations » in Jaurès et l'État, Jean Jaurès ahlers trimestriels, n° 150, 1999, p. 177-193.
60 A-- --
60 1 -- -.,.Urs irimestriels, n° 150, 1999, p. 177-193 60 • Idem, p. 336, 337.
du collectivisme — inscrite à l'horizon de La Cité Future — Tarbouriech en appelait à solliciter les ressorts de la tradition juridique française pour y puiser les éléments nécessaires à l'édification de la société socialiste. La lecture juridique de la réalité sociale, qu'il s'était proposé d'opérer, aboutissait à un résultat paradoxal. L'élaboration d'une doctrine juridique du collectivisme, à laquelle il avait un temps songé, s'avérait finalement inopérante et superflue en raison de l'extrême richesse des catégories juridiques que son étude de la propriété lui avait permis d'exhumer. Tarbouriech limitait ainsi le rôle des juristes à opérer le transfert technique de la propriété des moyens de production à l'État. Au lieu d'une science juridique du socialisme, c'est une technique juridique auxiliaire de l'économie et subordonnée au pouvoir politique que laissait augurer l'organisation de la cité collectiviste. Au moins Tarbouriech aura-t-il contribué à mettre en lumière l'impossibilité de penser la société socialiste sans le secours des juristes. La bibliographie d'Ernest Tarbouriech recèle d'autres enseignements car il semble que son itinéraire intellectuel porte moins la trace de ses engagements militants ou de l'environnement intellectuel du moment que du perpétuel enrichissement de sa culture juridique au sein de laquelle il devait puiser les éléments de son « utopie scientifique ». Alimentée par l'exégèse des débats parlementaires relatifs à l'indemnisation des accidents du travail tout autant que part l'étude des catégories juridiques du droit de la propriété, la réflexion de Tarbouriech porte l'empreinte d'une culture juridique constamment sollicitée en vue d'oeuvrer au dépassement de la société capitaliste. ,
Farid LEKÉAL Université de Lille Il Faculté des sciences juridiques, politiques et sociales 1, place Deliot BP 629 59024 LILLE cedex
LEON BLUM (1872-1950) : LE DROIT AU SERVICE DE LA JUSTICE Vincent LE GRAND Si la contribution du droit à l'avènement de la Justice forme un axiome de la Pensée de Léon Blum, c'est essentiellement parce que le juriste s'est nourri très tôt du socialisme de Jaurès. Admiratif de son génie, il s'efforce toujours de suivre sa leçon et, sous Pinfluence du tribun, son idéal socialiste ne peut se contenter de « la vision UlOPique d'un paradis réalisé sur terre ».' Son éthique socialiste, il la fonde à l'instar de Jaurès sur cette « croyance toute réelle, toute humaine, que rien ne se perd de ce qui peut servir à l'humanité, que la société juste sera faite de la pensée et des efforts cfe tous les justes, de tous ceux qui ont servi la justice selon la règle de leurs temps ».2 Utili ses qualités de juriste pour mériter d'être un "juste", Léon Blum s'y e orcera tout au long d'une existence aussi riche que complexe.
Lors de Son accession à la présidence du Conseil en 1936, Léon Blum a soixante quatre ans et sa vie est derrière lui. Homme de lettres, critique littéraire et chroniqueur eatral durant près d'un quart de siècle, de ses débuts à La Conque en passant par La Revu e Blanche, il a fréquenté pendant ses jeunes années les plus grands noms de la littérature de sa génération, André Gide et Jules Renard entre autres. Ayant participé à la fondation de L'Humanité aux côtés de Jaurès, il rédige quotidiennement les editoriaux du Populaire du début des années vingt jusqu'à la veille de sa mort et reste en ce sens une référence du journalisme politique.3 Le commissaire du gouvernement Près le Conseil d'Etat pendant plus de vingt ans, l'auteur des Lettres sur la réforme gouvernementale, n'est pas inconnu des publicistes et des facultés de droit. Enfin, député longtemps resté chef du groupe parlementaire socialiste, il est celui qui, ayant ., de garder la «Vieille maison» au Congrès de Tours de 1920, liera UTénlédiablement son histoire à celle du parti. Autant de faits qui prouvent que « si les qUalItés de l'homme lui permettaient d'exceller dans plusieurs domaines, il ne semble Pas qu'il en ait jamais choisi aucun comme le sien propre ».4 Alors, à chacun son Léon Blum ! La formule, si elle est susceptible de choquer, est néanmoins confirmée.5 Elle a le mérite de prouver que le personnage est toujours
1.Léon Blum -«Jaurès. Son génie. Sa leçon », le Populaire, 31 juillet 1922, Fonds Léon Blum, Archives nationales p Ano dossier 5. Pour différents aperçus de la relation étroite nouée entre les deux hommes voir le double numéro des Cahiers Léon Blum intitulé « Jean Jaurès et Léon Blum », n° 11-12, 1982.
2. Ibid.
fermée >>e editonal de Léon Blum paraît dans le Populaire du 9 avril 1921 sous le titre « La main fermée»,Archives nationales, cote 570AP8, dossier 4. Son dernier article, « Les salaires et la Production -S le Populaire du 29 mars 1950, in LOEuvre de Léon Blum (L 'Œuvre), VI-2, 1947-1950 13 fév ?50, p. ette longue collaboration ne connaîtra que trois interruptions. Victime d'un attentat le 13 février 1936 où 11 est gnevement blessé, Blum n'écrit plus pendant un mois. De juin 1936 au printemps 1938, il sus Pend volontairement sa collaboration au journal en raison de ses responsabilités ministérielles.
travaii internt déporté pendant la seconde guerre mondiale, il reprend après cinq années d'absence son travail dès son retour en France, le 14 mai 1945, voir «Joie et gratitude », le Populaire, 16 mai 1945, in L'Œuvre, VI-1,1945-1947,p.3 4 Pr>i^ -
'-'pj 4Ci 116 Audty, Léon Blum ou la politique du Juste, Paris, Denoël Gonthier, 1970, p. 19.
5. Voir !9.
--"'lu l'~,uchy, Léon Blum ou la politique du Juste, Paris, Denoël Gonthier, 1970, p. 19.
S- Voir reXfI!!ple'^rmi les biographies de Blum, celle de Louis Guitard, Mon Léon Blum ou les défauts de la statue, Paris, Reglrex-France, 1983, 310 pages. Par ailleurs, la Société des Amis de Léon Blum vient de rééditer un cahier consacré aux années littéraires de Blum intitulé, Léon Blum avant Léon °lum, 5 n° 32, octobre 1999, 220 pages.
saisi dans une dimension particulière qui ne peut rendre compte réellement ds l'ensemble de son oeuvre. Les travaux consacrés à Léon Blum sont en quelque sorte le fait de mosaïstes,6 chacun fournissant son lot à un assemblage multicolore que le manque de recul nous empêche en somme d'apprécier à sa juste valeur. De cette dispersion des analyses, Blum en parlait lui-même à l'égard de Jaurès puisque « chaque spectateur ne voyait tour à tour qu'un fragment ou un temps de son action » et ne pouvait dès lors embrasser « l'unité, l'harmonie qu'inscrivait l'ensemble ».7 Aussi, en mettant l'accent sur la pensée juridique de Léon Blum, facette qui apparaît de loin comme ayant le moins retenu l'attention, nous n'entendons pas disconvenir à l'approche réductrice (et raisonnable ?) du personnage. En réalité, il convient de préciser les relais susceptibles d'exister entre l'idée socialiste et l'œuvre juridique de Léon Blum. D'entrée, n'y a t-il pas un paradoxe insurmontable entre l'adhésion à la politique socialiste, qui n'est rien d'autre qu'une doctrine révolutionnaire au début du siècle,8 et ce qui demeure le propre de toute pensée juridique à savoir l'attachement au droit comme sujet d'analyse ? Cette contradiction latente, Blum se l'est vue reprochée, quand par exemple au Congrès socialiste ds Rouen de mars 1905, il prend pour la première fois la parole et que Jules Guesde l'interrompt en lui criant : « Retournez donc au Conseil d'Etat ! ». Alors, Blum estil un juriste chez les socialistes ou un socialiste chez les juristes ? Aucune des deux propositions, aussi commodes soient-elles dans l'appréhension du personnage, ne peut être pourtant acceptée isolément.
Un « goût maladif de la Justice » « Ma révolte contre l'injustice est aussi vieille que ma conscience », confiait Blum à Louis Lévy lorsque celui-ci l'interrogeait sur les raisons de sa conversion au socialisme.9 Le contexte familial dans lequel il grandit n'y est pas totalement innocent. Sa mère, Marie Blum, est celle qui semble avoir, la première, insufflé ce sentiment au jeune Léon si l'on en croit le portrait qu'il en fait : « C'était l'être le plus juste que j'aie jamais connu. Je n'ai jamais rencontré chez personne une telle intensité de scrupule. Elle poussait le sentiment de la justice - jusqu'à la mélancolie. »10 Blum rappellera souvent le cérémonial maternel au moment du goûter, lorsque Marie, pour ne léser aucun de ses deux fils aînés, Lucien et Léon, tranchait en moitiés égales chacun des deux fruits qu'elle leur apportait. Ce « goût maladif de la justice », hérité de sa mère, fera ainsi du jeune homme « un être révolté, constamment mal dans sa peau, en état d'insatisfaction avec lui-même ».'1
6. L'allégorie a notamment été utilisée par Bracke dans sa préface au numéro spécial de la Revue socialiste intitulé Pages choisies de Léon Blum, n° 38-39, p. 3.
7. Léon Blum (L.B.), « Idée d'une biographie de Jaurès », Conférence prononcée le 31 juillet 1917 au Palais des Fêtes de Paris, in L'Œuvre, III-l, 1914-1928, p. 18.
8. « Je ne connais qu'un socialisme, le socialisme révolutionnaire, puisque le socialisme est un mouvement d'idées et d'actions qui mène à la transformation du régime de la propriété, et que la révolution c'est, par définition, cette transformation même », Discours du 27 décembre 1920 prononcé au XVIIIe Congrès réuni à Tours, in L'Œuvre, III-l, p. 111. -
9. Témoignage repris par Gilbert Ziebura, Léon Blum et le parti socialiste 1872-1934, Paris, Armand Colin, Cahiers de la Fondation nationale des sciences politiques, n° 154, 1968, p. 10.
Louis Lévy, Comment ils sont devenus socialistes, Paris, Editions du Populaire, 1932, p. 18.
11. Robert Blum, fils de Léon Blum, cité par Philippe Bauchard, Léon Blum. Le pouvoir pour quoi faire, Paris, Arthaud, 1976, p. 12.
6 telle attitude s'explique pour partie par l'attachement de Léon Blum au judaïsnie- Il a d'ailleurs toujours présenté le judaïsme sous le noble aspect d'une rechee constante de la Justice. Ceci explique que, même non pratiquant, il n'ait jamais été tenté de dissimuler ses racines pour échapper aux violences antisémites.
« Le Juif a la religion de la Justice comme les Positivistes ont eu la religion du Fait, OU Renan la religion de la Science. L'idée seule de la Justice inévitable a soutenu et rassemkr Vi 68 Juifs dans leurs longues tribulations (.). Si le Christ a prêché la charité, Jéhovah voulait la Justice. La Bible dit un juste - quand l'évangile dit : un saint >> • jre^on blumienne de la Justice ne peut pas pour autant se satisfaire d un abouttssement en dehors du monde réel. Cette croyance qu'il prête aux juifs n'est donc pas entièrement spirituelle ; elle est au contraire rationnelle en ce que « ce n'est Point 001?1116 les chrétiens, d'une autre existence qu'ils attendent la réparation et l'cout >>- 3 Au hasard de ses premières lectures, l'adolescent ouvre Les effrontés d EIntle Augier où, s'arrêtant au troisième acte, il est stupéfait par le fameux passage dans lequel Giboyer explique au marquis d'Auberive que la Révolution de 1789 n'est Pas achevée, qu'il reste à construire une société dégagée d'une aristocratie basée sur l'argent, que « la fortune est héréditaire et que l'intelligence ne l'est pas ».14 l' * Blum est donc prédisposé par ces différents facteurs à ce combat pour h avenement de la Justice, celui-ci ne va trouver de signification véritable pour le jeune honime que lors de l'affaire Dreyfus.15 C'est l'« apôtre » Lucien Herr, que Blum a déjà "croISe lors de son bref passage à l'Ecole Normale Supérieure, qui lui transmet la <1 grâce dreyfusarde » 16 et le fait entrer dans le camp de la révision. Auditeur depuis Près de deux ans au Conseil d'Etat17, Blum n'est alors qu'un «juriste passable »18 que le Procès et la condamnation de Dreyfus, quelques années plus tôt, n'avaient pas alerté. Rejoignant le giron dreyfusard où il assure quelques travaux utiles en se mettant à la disposition de Labori19, Blum y rencontre pour la première fois Jaurès en octobre 1897 Il ne connaissait pas encore cet homme à qui, de son propre aveu, il devait tant s'atta C fi 61" durant sa vie. Dès leur première entrevue, Jaurès est déjà pour Blum une figure héroïque animée tout à la fois d'« une générosité chevaleresque » et d'« une sorte de don quichottisme » le portant d'instinct « au redressement de tous les torts, au secours de toutes les injustices ».20
INVO ,u,,ve-lille12. L.B. Nouvelles conversations de Goethe avec Eckermann,Paris, Editions de la Revue blanche, 1901, in ULuvre, I, ,1891-1905, p. 267. Revue blanche, 1901, 13 r - - 1891-1905, p. 267.
lp. 267.
13 ^ouvelies conversations avec Eckermann », la Revue blanche, 11 avril 1899. Voir Nouvelles conversations degoethe avec Eckermann, op cit, p. 267.
14 • Vni,, .- i. f - r
14 y - ut: voeme avec ackermann, op cit, p. 267.
y *V® récit de cet événement, L.B., « L'Idéal socialiste », La Revue de Paris, 1er mai 1924, in L'Œuvre' m" pp. 347-348. Voir aussi Ilan Greilsammer, Léon Blum, Paris, Flammarion, 1996, p. 35.
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PP- •34/--548. Voir aussi Ilan Greilsammer, Léon Blum, Paris, Flammarion, 1996, p. 35. ,
15 jjQ l'implication de Léon Blum dans l'affaire Dreyfus, voir Vincent Duclert, « Léon Blujfl a?r Dreyfus. Du procès Zola (1898) au procès de Riom », Revue de l'office universitaire de 16 erc e Soclaltste, n° 10, mars 2000, pp. 27-38.
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16 .-. ')"OClallste, nw 10, mars 2000, pp. 27-38.
16 L • Souvenirs sur « l'Affaire », in L'Œuvre, IV-2, 1937-1940, p. 521.
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,7 -, oouvemrs sur « l'Affaire », in L'Œuvre, IV-2, 1937-1940, p. 521.
décembre avoir échoué une première fois au concours du Conseil d'Etat, Blum est déclaré reçu le 14 contentieux A partir de janvier 1896, il est affecté comme auditeur de seconde classe à la section du contentieux.
1®. C ------..- ------ -- -------- -----l9. C est tout au moins l'image que Blum a de lui-même dans ses Souvenirs, ibid, p. 562.
« -1 -, 1 » -.
I9. « J" • au moins l'image que Blum a de lui-même dans ses Souvenirs, ibid, p. 562.
19 «J'étais chargé d'étudier certains points litigieux de droit criminel, de préparer d'avance la riposte à quelques-unes des dinicultes que ne manqueraient pas d'opposer la Cour ou le ministère public, et certaines des conclusions dont il fut fait pendant le procès une consommation si abondante sont plus ou 20 uiera'ement mon œuvre », ibid, p. 562.
0,f L B''(< Première et dernière rencontres », le Populaire, 31 juillet 1937, in L'Œuvre, IV-2, p. 479.
A travers le dreyfusisme de Jaurès qui personnifie son modèle d'équité, Blum a la révélation du socialisme. Le combat de l'instant n'a plus la même signification, il l'oblige à une réflexion d'avenir, à « une réévaluation en profondeur de sa vision de la société où il vit, de ses mécanismes, de ses valeurs »,21 Derrière Jaurès, il ne s'agit plus d'un combat contre l'iniquité subie par un individu, ce qu'il faut désormais affronter c'est l'iniquité sociale. Dans cette religion de la Justice qui l'a gagné depuis longtemps, Blum confère à Jaurès le rôle du messie. Ainsi, lorsqu'il rédige ses Nouvelles conversations de Goethe avec Eckermann, il prête à Goethe l'intention d'écrire un troisième Faust « pour le lancer tout armé dans cette tâche nouvelle : imposer la justice à l'humanité ».22 Pour ce faire, le nouveau Faust est conçu comme un agitateur socialiste, « il est optimiste ; il affirme la probité, la générosité naturelle ; il croit que l'homme est juste, que seules la misère et la civilisation faussée l'ont égaré et corrompu ».23 Dans l'esprit de Blum-Goethe, Faust c'est bien évidemment Jaurès l'humaniste.
En adhérant à l'Unité socialiste24 puis à la S.F.I.O., Blum va matérialiser de la sorte des aspirations jusqu'ici dispersées dans un cadre tangible de revendications politiques. La finalité du socialisme n'est rien d'autre dans son esprit que la transformation de la démocratie politique en une démocratie sociale répondant effectivement à sa conception de la Justice.25 Mais si seule la révolution sociale est capable, après la « conquête du pouvoir »,26 d'achever complètement cette transformation, Blum reste convaincu qu'elle ne doit pas pour autant être précédée d'une inertie complète. Il est possible d'avancer vers elle au sein même de la société présente, voire d'accélérer son déclenchement par l'« exercice du pouvoir »27 Le parti doit donc se faire le vecteur de la préparation révolutionnaire, il doit être « en évolution, en travail continuels, entre deux points, deux pôles fixes : l'un qui est la société future que nous prévoyons, que nous prédisons, que nous voulons réaliser ; l'autre, qui est la société présente, des flancs de laquelle nous voulons tirer cette société future ».28
21. Jean Lacouture, Léon Blum, Paris, Seuil, 1977, p. 79. Dans ses souvenirs, Blum rappellera que le jeune homme qu'il était, nourrissait alors l'espoir de « transformer la coalition révisionniste en une armée permanente au service du Droit humain et de la Justice », voir Souvenirs sur « l'Affaire », op cil, p. 575.
22. L.B., Nouvelles conversations de Goethe avec Eckermann, op cit, p. 243.
23. Ibid, p. 244.
24. En 1899, Blum devient membre de l'Unité socialiste, nouveau groupement dont les principaux membres sont Herr, Andler, Thomas, Roques, Bourgin et Landry, ayant pour objet de participer, aux côtés de Jaurès, à l'unification des différents courants du socialisme français.
25. Accomplissement du socialisme et Justice vont recouvrir dès lors la même identité dans son esprit et à relire la brochure intitulée Pour être socialiste qu'il fait paraître en 1919, on prend conscience de l'étroite parenté des deux termes, souvent employés indistinctement par l'auteur. Voir L'Œuvre, III-1, p. 22 et s.
26. L'opposition entre conquête et exercice du pouvoir a été théorisée par Blum pour justifier l'hypothèse d'une participation gouvernementale du parti socialiste dans les années vingt. Il restera fidèle à cette construction jusqu'à la fin de sa vie. Le discours qu'il prononce le 30 mai 1947 à la bibliothèque de l'Ecole Normale Supérieure en est un parfait témoignage, in L 'Œuvre, VI-1, p. 428: « La conquête révolutionnaire du pouvoir qui conditionne la transformation sociale, c'est-à-dire la révolution, n'est pas par elle-même et à elle seule la révolution ; elle n'est la révolution que dans la mesure où elle aura permis la transformation révolutionnaire qui ne peut pas s'accomplir sans elle ».
27. Ibid: « L'exercice du pouvoir se place avant la révolution. L'expression s'applique au cas où un parti socialiste quelconque se trouve par le jeu normal des institutions démocratiques dans les mêmes conditions formelles où se trouverait à sa place tout autre parti détenteur du pouvoir légal. Le parti socialiste exerce alors le pouvoir légal conformément aux institutions qui le régissent et dans le cadre du régime social tel qu'il existe, c'est-à-dire dans le cadre du régime capitaliste ».
28. L.B., Discours prononcé le 21 avril 1919 au Congrès national extraordinaire, in L'Œuvre, III-1, p. 11.
Par là même et à l'instar du parti, Blum reconnaît avoir « un pied dans le réel et l'autre dans l'idéal ».29 Si c'est le socialiste de conviction qui a tracé la direction et etenniné l'objectif à atteindre, c'est le juriste de profession qui va rechercher les m0Veno y parvenir à partir du « vieux droit du monde ».30 Ce qui fait toute l'oris- pensée socialiste de Léon Blum, c'est qu'elle s'évertue à mettre ainsi le droit nU 1 service de la Justice et ce principalement de deux façons. Dans la définition qu'il lui confere, Bluni fait de l'Etat le garant présent d'une partie de l'équité promise dans la démocratie sociale à venir. De surcroît, il souhaite engager en son sein même des réformes qui correspondent à un premier pas franchi dans la perspective révolutionnaire.
Le service public critère fonctionnel de l'Etat * en tant qu'autorité centrale et nécessairement protectrice de la société capitaliste forme traditionnellement l'obstacle principal à la réalisation de la démocratie sociale D'un point de vue statique, l'institution souffie de tares telles que sa disparition devient alors une revendication de principe dans le programme du parti socialiste. Cette contradiction, Blum ne cherche pas à la dissimuler, son éthique de la Justice ne pouvant se satisfaire de l'institution irrémissible. Mais en attendant la révolution il faut bien compter avec elle. Pour cette raison, il va rechercher le moyen de faire de l'Etat un outtl au service de la conquête du pouvoir, un instrument cfe preparation révolutionnaire, et s'efforcer dès lors de redéfinir le rôle de l'Etat dans le cadre de cette nouvelle perspective. Grâce à sa carrière juridique et à sa connaissance du droit n 6St en cluel(ïue sorte prédisposé à cette perception dynamique cfe l'institution sorte prédisposé à cette perception dynamique ds Entré au Conseil d'Etat en 1896 comme auditeur de seconde classe, Blum quitte sa charge de commissaire du gouvernement en 1919 du fait de son élection à la Chambre des députés. Ces vingt-cinq années passées au sein du meilleur observatoire qui soit ds l'adntinjstrati• °n vont agir comme autant de sédimentations successives dans le C enunement de sa pensée. Au gré des dossiers sur lesquels il doit rendre ses conclusions, il façonne ainsi, affaire après affaire, son idée de l'Etat. Formée à partir œ son eXpérience contentieuse, celle-ci s'inscrit alors inévitablement dans une appréhension réaliste, loin des controverses universitaires de l'époque concentrées essemi 6 la théorie de l'institution. C'est à partir du fonctionnement ds l'Etat qu'il ait été régulier ou non selon les cas, que Blum est en mesure de cerner son identité. 3 1
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30 • « si nous ne remanions pas le vieux droit du monde, par là même s'accroîtra llinj -tice et se 31 remanions pas le vieux droit du monde, par là même s'accroîtra l'injustice et se Multipliem ,. uuquité - », Nouvelles conversations de Goethe avec Eckermann, op cit, p. 305.
-,----a i iniquité », Nouvelles conversations de Goethe avec Eckermann, op cit, p. 305.
aPProche nraml!^nS Fstf®s célèbres que Léon Blum rend sur l'affaire Lemonnier illustrent cette approche Pragmatique de l'institution : voir L.B., conclusions sur C.E., 26 juillet 1918, Epoux Lemonnier traditi Commune de Roquecourbe, Recueil Sirey, 1918, III, p. 44. Prenant position sur la jurisprudence tradi ti- OlInelle en matière de responsabilité des fonctionnaires, Blum fait remarquer qu'elle n'offre pas de garanties réelles à l'administré victime d'une faute commise par un agent public qui, même reconnu Satisfai e Par un tribunal judiciaire, demeure le plus souvent insolvable. Cet état du droit ne pouvait plus satisfai re l'exigence de l'opinion devenue, selon lui, « de plus en plus pressante, à mesure que l'esprit démocratique ou simplement l'esprit de justice, pénétrait davantage dans nos lois » et « qui demandait que le citoyen lésé par une faute administrative grave possédât une action et pût obtenir une réparation ».
Prin/ette raison, Blwn invite le Conseil d'Etat à reconnaître pour la première fois la responsabilité de Principe de l'Etat sur le fondement systématique d'une « faute du service public », et ce au-delà de la responsabilité personnelle du fonctionnaire fautif. C'est cette conscience de l'iniquité subie par le
Une telle approche fonctionnelle comporte d'entrée une certaine originalité. Le principe de la souveraineté étatique, élément qui sert classiquement à fonder et à identifier l'Etat, est relégué en l'espèce comme une caractéristique purement secondaire.
C'est sans aucun scrupule que Blum pourra combattre résolument, au nom de la paix, l'idée même de souveraineté étatique en matière de sécurité intemationale.32 Le fait d'envisager l'Etat sur un plan dynamique le conduit à nier la souveraineté comme principe premier de l'organisation étatique. L'Etat en son essence, ce n'est point une autorité qui doit s'imposer à tous pour s'affirmer ; l'Etat est au contraire un simple instrument au service des hommes, un organe fonctionnant dans le but de satisfaire leurs besoins en leur fournissant des services. Lorsqu'il réclame la nationalisation des assurances privées, les arguments utilisés par Blum sont en ce sens très significatifs : « Grouper le plus grand nombre d'hommes possible pour les rendre solidaires ds certains risques, déterminer la contribution annuelle que chacun d'eux doit fournir pour la protection commune, suivant l'inégalité des risques et l'importance des dommages prévus, tel est donc le rôle d'une Compagnie d'assurances (.). Quel est l'intermédiaire naturel en pareil cas, sinon l'Etat ? A qui appartient-il, si ce n'est à l'Etat, de garantir par une organisation collective la défense des intérêts individuels ? C'est là son rôle propre et sa définition même ».33 Mais pour être pertinente, Blum sait qu'une telle approche nécessite que soit retenu un critère général de l'intervention étatique au delà de la simple garantie collective des intérêts particuliers. Si l'Etat ne s'identifie qu'à travers ses fonctions, ces dernières doivent présenter dans leur ensemble une certaine cohérence pour lui conférer convenablement une définition. Le service public, retenu comme critère général de l'intervention, va de la sorte servir à Blum d'identificateur étatique.
A travers ses conclusions, on relève déjà toute l'importance que le commissaire du gouvernement confère à la notion de service public dans l'organisation du droit administratif. C'est en se basant sur le service public que Blum énonce pour la première fois en 1910 le principe de mutabilité des contrats administratifs tel qu'on le connaît encore aujourd'hui. Lorsque l'Etat concède la gestion d'un service public, par exemple celui des transports, à une compagnie privée, cette délégation n'équivaut pas à un abandon et l'Etat doit pouvoir en toutes circonstances s'assurer du bon fonctionnement du service au besoin en modifiant unilatéralement la convention.34 De même en 1919, Blum regrette, dans ses conclusions sur l'arrêt Commune de Cons-la-
requérant qui justifie ainsi la consécration prétorienne d'une responsabilité de principe de la puissance publique. De la même manière, on relève d'une façon générale que, dans ses conclusions, Blum donne souvent la faveur à des solutions « moins juridiques, mais conduisant à des résultats plus pratiques » voir en ce sens L.B., conclusions sur C.E., 13 juin 1913, Sieur d'Azincourt et Sieur Asselineau, Recueil Sirey, 1918, III, p. 6.
32. « L'idée avec laquelle il faut en finir est précisément celle de cette souveraineté sans limite et sans mesure de chaque nation, à l'intérieur de ses frontières fortuites. (.) L'ordre et la paix ne sont possibles entre les nations que si elles se soumettent à des lois communes et la soumission à des principes, à des règles, à des juridictions communes signifie la renonciation consentie à une partie du libre arbitre, de l'autorité, de la souveraineté nationale ». L.B., « La notion de souveraineté », le Populaire, 21 mai 1930, in L 'Œuvre, III-2, 1928-1934, p. 144.
33. L.B., « Les assurances », la petite République, 14 janvier 1903, in L 'Œuvre, 1, p. 532. C'est nous qui soulignons.
34. Voir L.B., conclusions sur C.E., 11 mars 1910, Ministre des Finances contre Compagnie générale française des tramways, Recueil Dalloz, 1912, III, p. 50 « L'Etat ne peut pas se désintéresser du service public des transports une fois concédé. Il est concédé, sans doute, mais il n'en demeure pas moins un service public. La concession représente une délégation, c'est-à-dire qu'elle constitue un mode de gestion indirecte, elle n'équivaut pas à un abandon, à un délaissement. L'Etat reste garant de l'exécution du service vis-à-vis de l'universalité des citoyens ».
^z e,3S que les établissements publics, personnalités juridiques précaires créées Par l'Etat et chargées par lui de gérer un service public, puissent jouir durant leur existence en véritables propriétaires des biens affectés au fonctionnement du dit service.
En l'es l'exercice de ces droits s'opposait à ce que l'Etat puisse affecter certains biens servIce" a un autre dans un souci de meilleure gestion. Le propre de tout établissement public étant de gérer un service public, Blum devait alors réclamer avec gravité que dorénavant l'on incline vers l'intérêt du service proprement dit et non celui de l'étahplssefnent- En toutes circonstances, l'Etat doit pouvoir décider de l'utilisation des bie nS nécessaires à la gestion des différents services publics sans que les a hssements puissent s'y refuser. Le service public nécessite une souplesse que sous ucun prétexte il n'est possible de lui contester.36 Véritable précurseur dans l'idée que le service public doit constituer l'élément central de toute la construction du droit administratif, Blum se situe ainsi dans la même école de pensée que Léon Duguit et le courant solidariste. Par le truchement du servie public, Blum confère à l'Etat une utilité tant par la satisfaction présente des besoins universels qu'il assure, que par la création d'une solidarité entre les individus qu'il traite collectivement sur un pied d'égalité. A l'inverse, un tel schéma follctionnaliste suppose que l'Etat recouvre la gestion de tous les services publics sauf à dijUe * ce qui fonne sa nouvelle identité. Pour cette raison, Blum revendiquera d'une Manière constante la constitution de grands monopoles étatiques et s'enfermera par làrellle dans une critique virulente de toute concession privée.37 Son premier discours à a Chambre des députés prend de la sorte les formes d'un violent réquisitoire mené contre les concessions privées de chemins de fer. L'ancien maître des requêtes, instruit Par Son passage au ministère des Travaux publics pendant la guerre, libre de donner son ayis sur la question depuis qu'il a quitté la magistrature, ne mâche pas ses mots quand il juge ! a gestion privée du service public des transports.38 L'exemple est topique de la thèse que Léon Blum tiendra toute sa vie et qui pourrait se résumer en ces termes : ^°bjet de tout service public consistant dans la satisfaction d'un intérêt général, sa gestion revient par définition à l'Etat.
F-n conséquence, Blum ne cessera de réclamer la nationalisation de nombreuses activités dans des domaines aussi variés que l'agriculture, les assurances et 1 armeCn* et leur transformation immédiate en services publics comme autant cfe In Parcouru vers la démocratie sociale : « Il est évident que le progrès de la ttatiorH 1•Sat*°n dans un pays industriel, s'accompagne parallèlement d'un progrès itiâtériel et moral de la classe ouvrière, d'un relèvement de son standard de vie, d'un t eveloppement de ses libertés et de ses droits (.). Je ne veux rien exagérer, mais on trouve déjà dans la nationalisation une petite parcelle de ce sentiment de libération ---- eJa la nationalisation une petite parcelle de ce sentiment de 11 eratlon
35 9 conclusions sur C.E., 7 mars 1919, Commune de Cons-la-Grandville, Recueil Sirey, 1922, III, p.
")r s.
ServiceCSt « Lasav?'r si une législation nouvelle devrait incliner l'établissement public vers le droit des f proprement dit ou vers J'établissement pleinement autonome. Nous connaîtrons peut-être droit des ns plus souple, permettant les transferts, les échanges, permettant de lier le sort des 37
blens a, sort des services. », ibid, p. 5.
n --
37. ()n renverra sur cette question à l'étude pénétrante et pourtant assez méconnue que Blum fait des rnonopoies dans une série d'articles publiés dans la petite République des 14, 17,24 et 28 décembre 1902 et 4 et 14 ja nvier 1903, in LOEuvre, I, pp. 509-536.
8 L R r,.
Janvier 1903, in L 'Œuvre, I, pp. 509-536.
38. g UrS- du 30 décembre 1919 à la Chambre des députés, in LOEuvre, III-1, p. 53 « Il n'y a Pas un homme mêlé 3 la vie administrative ou à la vie municipale qui ne sache que le régime des c°ncessions qui ..tient le possédant a l'écart de la gestion dans les années normales, et ne lui fait alors ^u'une part dérisoire dans les bénéfices, laisse tout à sa charge dans les années difficiles comme celles que nous venons de traverser ».
humaine auquel la socialisation révolutionnaire pourra seule fournir sa pleine satisfaction ».39 Pour garantir efficacement l'exercice de la liberté d'expression que le capitalisme moderne et ses monopoles ont réduit à néant, Blum proposera cfc nationaliser la presse tout entière. Dans son esprit, cette nationalisation devait permettre la création d'un grand service public de la presse, répartissant équitablement les financements, les locaux, le matériel d'impression entre les différents journaux, assurant le transport, la distribution, la vente au détail de ceux-ci sur un pied de stricte égalité.40 Par la redéfinition de son rôle, l'Etat-service public va progressivement recouvrir un visage plus humain, tout au moins acceptable pour l'instant. Son organisation et ses méthodes devront faciliter cette transfiguration. La recherche obsédante de l'équilibre budgétaire, réflexe annuel et source intarissable de mesures impopulaires, doit par exemple être abandonnée. Dans ce nouveau décor, le budget de l'Etat, « c'est autre chose que de longues colonnes de chiffres insensibles, c'est quelque chose ds vivant, de réel, d'humain, car, de ces colonnes de chiffres insensibles peuvent sortir pour des millions et des millions d'hommes soit un soulagement, soit, au contraire, une aggravation de leurs privations et de leurs souffrances ».41 Dans l'attente d'une transformation révolutionnaire du régime, tout doit être employé pour guider, à l'aide du service public, l'activité étatique vers l'intérêt général, tout du moins celui du plus grand nombre. Or en l'Etat présent, il apparaît difficile d'imposer cette nouvelle orientation, même pour un parti socialiste installé régulièrement au pouvoir. Avant d'être destiné à un nouvel emploi, l'outil doit être en lui-même réaménagé.
La taylorisation de l'organisation gouvernementale
Appelé au pouvoir par le jeu des institutions parlementaires, le parti socialiste doit être en mesure d'engager la démocratie politique dans un vaste programme de réformes sans, pour autant, remettre en cause l'essence même du régime. L'« exercice du pouvoir » suppose donc qu'un certain nombre de conditions soient réunies pouf rencontrer une pleine efficacité dans le cadre étroit qui lui est imparti. Là encore, ce sont l'analyse et les propositions du juriste qui vont servir les aspirations du militant : « Nous ignorons quand sera la Révolution totale, mais ce que nous savons, c'est que, tout de suite, le rythme même de la réforme doit changer, doit s'accélérer, c'est qu'il ne peut plus être question de la société politique d'aujourd'hui, des réformes mesquines, arrachées lambeau par lambeau, bribe par bribe, à l'inertie des pouvoirs publics, à la paresse des institutions parlementaires, à la grossièreté de nos instruments de travail politique. Il faut autre chose. Il faut qu'on remette à neuf l'instrument politique et social, pour que nous nous en servions demain, en attendant, pour qu'on s'en serve dès aujourd'hui de telle manière que notre travail de demain se trouve préparé et rapproché d'autant ».42 Durant les deux premières années de la Grande Guerre, Blum, comme chef ds cabinet de Marcel Sembat alors ministre des Travaux publics, a tout le loisir
39. L.B., « Les nationalisations et la condition ouvrières, le Populaire, 3 août 1935, in LOEuvre, IV-1, 1934-1937, p. 212.
40. Voir L.B., « Le problème de la presse. Vous voulez une presse libre ? Nationalisez-la ! », le Populaire, 1er avril 1928, in L 'Œuvre, III-l, p. 501.
41. L.B., Discours prononcé le 27 janvier 1933 à la Chambre des députés, in L'Œuvre, 1II-2, p. 473.
42. L.B., Discours prononcé le 21 avril 1919 au Congrès national extraordinaire, in LOEuvre, 111-1, p.
113.
d'observer le rendement du régime instauré par la Troisième République. L'appareil ^exécut0n découvre ne correspond en rien à l'outil affûté qu'exige execution d'ensemble du programme socialiste. Les Lettres sur la réforme gouvernem t 1 43 1 , ,. Il t d' en a e, parues quelques mois après son expérience ministérielle, n'ont d'ailleS d'autre objet que de tenter de restaurer l'Etat républicain dans son e®Scienc La référence continuelle aux méthodes utilisées dans l'industrie témoigne dailleurs d'un exposé résolument technique bien loin des palabres constitutionnels.44 Ce dont Il faut dorénavant s'assurer, c'est qu'un parti, majoritaire à la Chambre des députés au lendemain d'élections générales, puisse attendre du gouvernement, constitué Par ses cadres et dirigé par son leader, l'application réelle de son programme. En redéfinis les modalités de fonctionnement du régime parlementaire, Blum entend satisfaire de la sorte son désir d'ordre et de méthode.45 Prés e ection au suffrage universel de ses membres, la Chambre des députés se Présente comme la seule institution à être en prise directe avec le peuple et donc comme le seul dé, légataire de la souveraineté. De ce fait, elle constitue dans la pensée d,e Léo,, Blum 1 organe cIe qui doit demeurer « non seulement le contrôleur strict, mais il'. nspirateur, de l'action exécutive », pour qu'en toute conjoncture litigieuse, « la Maîtrise appartienne au peuple souverain et à ses représentants élus ».46 Sous cet aspect le bicaméralisme instauré par les lois constitutionnelles de 1875 ne trouve aucune justification. Le Sénat, au delà de son conservatisme importun, apparaît Pârfaite ^nt illégitime en ce que son mode d'élection « représente un véritable attentat à la déulocratie ».47 Exigeant qu'il soit dessaisi immédiatement de la plupart de ses s butions, Blum éprouve néanmoins certains scrupules à revendiquer publiquement sa Suppression. Il semble bien qu'en dernier ressort, et au tréfonds de sa pensée, cette solution reçoive sa faveur.48
La responsabilité devant la Chambre des députés devient dès lors la condition sine qua non à la reconnaissance de toute prérogative.49 Or, seul le gouvernement répond p ectiyement à ce critère et cela justifie pour Blum que l'on concentre en lui tout le Pouvo d'action sous le contrôle de l'assemblée élue. L'adoption d'une telle équation ne fajt j °nC logIquement aucune place à la présidence de la République. L'illégitimité Teproch'66 au Sénat dans la sphère législative est ainsi relayée au sein de l'exécutif par la critiQque de l'irresponsabilité du président de la République : « Irresponsable devant
43^^ la réforme gouvernementale sont parues initialement en trois articles publiés dans la en un s e tarts des 1er et 15 décembre 1917 et 1er janvier 1918. Elles ont été regroupées à la fin de 1918 6,1 un seul vn|um? publié aux éditions Bernard Grasset, une réédition enrichie de quelques articles in fine verra le Jtur en iuin 1936. On les retrouve quelque peu remaniées dans L 'Œuvre, III-l, pp. 507-574, éditition à laquelle nous renverons.
44 - nous renverrons.
44 -..
UUVIUUV UvU l&lliatlICCd Udlld L. KMJUVr c9 UI-', yy. JV/-JI-r, 44 g.
- « Si nous voulions pousser plus avant, et jeter dans le débat les grandes questions constitutionnelles, la controvers e s erait sans teme et la solution sans espoir ». Ibid, p. 572.
^ntroverse serait sans terme et la solution sans espoir ». Ibid, p. 572.
« r.@@ f. 1-- -
- 1 -'<3'" oscran sans terme et la solution sans espoir ». Ibid, p. 572.
Pratiqu'f® réformes que j'ai proposées sont tirées de mon observation personnelle. Toutes sont Pratiquement et presque immédiatement réalisables. Il n'en est pas une, je le répète, qui suppose le Joindre chan Cnient à nos chartes constitutionnelles et organiques, pas une qui exige autre chose qu'une dépense de réflexion et de volonté ». Ibid, p. 512.
46 j, ~,
46 ---" Icnex 47 , P. 513.
47 --'1.1. JJ..1, 47L.B 'x< ,n Programme constitutionnel », le Populaire, 22 novembre 1927, in L'Œuvre, III-2, p. 14.
48.Voir en ce sens, L.B., « Une Assemblée souveraine et unique », le Populaire, 9 novembre 1945, in Popul vre, VI-I. p 144. Léon Blwn ne peut que se souvenir du rôle du Sénat dans P« échec » du Front dû aire,
49 - - - - - - -
^esPonsabilifine démocratie, même aussi imparfaite que la nôtre, nulle autorité n'est concevable sans '^27, în L'Œuvre^u*™^°*r L.B., « Un programme constitutionnel », le Populaire, 22 novembre 1927, in Œuvre, 111-2, p. 14.
le Parlement, irresponsable devant le suffrage universel, le président de la République ne possède pas, ne peut pas posséder de pouvoirs propres ».50 Le rejet systématique des institutions non transcendées directement ou indirectement par le fait majoritaire revient donc à ne laisser en présence que la Chambre et le gouvernement : dans l'esprit de Léon Blum, s'il est possible de distinguer organiquement ces pouvoirs, tous deux participent en réalité à la même fonction gouvernementale. Il justifie d'ailleurs leur réforme combinée par le constat qu'« en régime démocratique, le dogme de la séparation des pouvoirs n'est guère, pouf ce qui touche le Législatif et l'Exécutif, qu'une simple fiction de droit, et nos légistes pourront s'accorder là-dessus avec nos historiens ».51 Une collaboration de cette envergure doit pouvoir s'inscrire dans un climat propice de confiance et de sérénité. Malheureusement, l'instabilité ministérielle qui gangrène déjà le régime depuis longtemps, témoigne d'une « incompatibilité d'humeur chronique » entre les organes, où « tous les sentiments s'aigrissent dans une atmosphère commune de monotonie, d'impuissance et d'ennui ».52 Le loyalisme parlementaire, tel qu'il est pratiqué par exemple en Angleterre, doit être retenu a l'avenir comme la première règle du jeu partisan au sein de la Chambre. Grâce à l'instauration d'une discipline entre les partis, où chaque formation politique demeure fidèle à la doctrine sur laquelle elle a été élue, Blum entend rompre définitivement avec le manège incessant des tractations de couloirs entre les pourfendeurs de ministères et les bricoleurs d'éphémères majorités.
Une fois la stabilité recouvrée, la qualité du travail gouvernemental suppose de surcroît une cohérence d'ensemble, en d'autres termes, elle implique une direction Premier responsable de l'activité ministérielle devant la Chambre et chef de l'équipe gouvernementale, le président du Conseil incarne en substance la courroie et transmission entre l'exécutif et le législatif. Conscient du rôle moteur que celui-ci peut jouer de par cette position centrale, Blum souhaite l'ériger en « monarque temporaire et constamment révocable, mais nanti cependant, aussi longtemps que la confiance ffi Parlement lui prête vie, de la totalité du pouvoir exécutif».53 A l'image d'un gouvernement fonctionnant comme une firme, le rôle du président du Conseil ne doit être conçu autrement que comme celui d'un chef d'industrie « chargé de conduire l'ensemble de l'entreprise selon les desseins d'ensemble, sans cesse présents dans son esprit, qu'il élabore et redresse au fur et à mesure des événements ».54 Le chef du gouvernement juché à son « poste altier de commandement », ayant constamment « le gouvernail en main, la carte et la boussole sous les yeux », pourra alors considérer et dominer l'activité politique tout entière.55 Pour être conséquent avec ce rôle, il ne doit assumer personnellement aucun portefeuille. L'organisation du Cabinet doit être articulée tout entière autour de lui ; un petit nombre de ministres, sans portefeuille eux aussi et réunis en un bureau, collaborent en permanence à la mission présidentielle de direction. Dans chaque ministère, Blum souhaite que l'on organise de
50. L.B. « La démission de M. Millerand », le Populaire, 15 juillet 1922, in L'Œuvre, 111-1, p. 212.
51 L.B., Lettres sur la réforme gouvernementale, op cit, p. 555.
52. Ibid, p. 510.
53 Ibid, p. 513. Voir aussi, p. 518 : « Tant qu'un vote du Parlement ne les aura pas fait déchoir de leur cime, nos présidents du Conseil sont bien des rois ». On relève sur ce point une identité de vue entre Bluitf et son ancien patron Marcel Sembat, ce dernier ayant prôné la même thèse dans un ouvrage paru en 1913 et intitulé : Faites un Roi sinonfaites la Paix, Paris, Figuière et Cie, 1913, 278 pages.
54. ibid, p. 518.
55. Ibid.
la nlêrne manière un secrétariat général, composé de fonctionnaires permanents et cfe c°llaborat6UrS occasionnels, qui sera chargé d'assister le ministre. C'est donc toute la Mecallique gouvernementale qu'il convient de réajuster. La conjonction des mesures Positives Proposées par Blum ne forme rien d'autre en définitive qu'une authentique taylorisat10 l'organisation gouvernementale calquée principalement sur le modèle anglais 56 un gouvernement marchant désormais sous une « impulsion ferme et av stante », t pays pourra entendre le « rythme joyeux de la machine bien réglée qui avance et qui produit ».57
* * *
La rernise en état de marche de la « machine » gouvernementale, à l'instar de la redéfînjtir>1 fonctionnelle de l'Etat, constitue ainsi le lieu de rencontre entre l'engagement politique de Léon Blum et sa connaissance du droit public. Dans les deux Cas> analyse et les propositions qui en découlent, témoignent de qualités juridiques trou arquables, mais leur inspiration première comme leur justification ultime ne trouvent place que dans la perspective socialiste. L'« exercice du pouvoir », construction théorique que Blum décline à côté du scénario révolutionnaire classique, ineame en quelque sorte le dénominateur commun aux deux facettes du personnage. Il est tout à la fois une étape préalable et nécessaire à la révolution, mais ne s'identifie pas moins au CSPecf et à l'utilisation du cadre juridique présent. Il caractérise en tout état de cause il Occasion choisie d'une contribution du droit à l'avènement de la Justice.
Sa confro atl' on avec la réalité en 1936, si elle est marquée par un net enrichissement du droit social et un rythme législatif inconnu depuis lors, devait néanmoins se révéler Plus coniplexe en se soldant par une impasse.
Vincent LE GRAND
Université de Caen Faculté de droit Esplanade de la Paix 14 032 CAEN cedex vincent.le_grand@caramail.com
---56 Dations emrlirin peut-être pousser plus loin dans la même voie, et déterminer peu à peu, à force de foid D c7d CS' comme une méthode Taylor du gouvernement et de l'administration ». lbid, p. 573.
Id, t). Î7,1
57 « empiriq lb< P. 574.
Mit neuf, cent Steaue d 7liôtavce intellectuelle, 18 2000 Eugiu;""me et ô,acialiô,me
Pierre-André Taguieff : Sélectionnisme et socialisme dans une perspective aryaniste. Théories, visions et prévisions de Georges Vacher de Lapouge (1854-1936) Daniel Becquemont : Eugénisme et socialisme en Grande-Bretagne. 18901900
Olivier Bosc : Eugénisme et socialisme en Italie autour de 1900. Robert Michels et l'« éducation sentimentale des masses »
Marco Schiïtz : Socialisme « darwinien » et anthropologie raciale chez Ludwig Woltmann
Alain Policar : De la critique de la sociologie biologique à l'autonomie de la morale. Itinéraire de Célestin Bouglé
DOCUMENTS Georges Vacher de Lapouge : La crise de la morale sexuelle (1908)
DÉBAT Jacques Julliard, Daniel Lindenberg, Pierre-André Taguieff : Autour de « La crise de la morale sexuelle » de Georges Vacher de Lapouge
LECTURES 222 p. 100 F Revue annuelle, anciennement Cahiers Georges Sorel, éditée par la Société d'Études Soréliennes en collaboration avec le Groupe de Recherches sur la Vie Intellectuelle Contemporaine (OIRS-EHESS). E-mail : loosfelt@ehess.fr Directeur : Jacques Julliard Secrétaire de rédaction : Muriel Loosfelt
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MAXIME LEROY (1873-1957) : LA «DEMOCRATIE REGALIENNE» OU LE CRIME DE LESE-SOCIETE Lion MURARD et Patrick ZYLBERMAN
L'âge des fictions est passé en politique, on ne peut plus avoir un gouvernement d'adoration, de culte et de mystère.
Chateaubriand, Mémoires d'Outre-Tombe.
La démocratie attend son technicien sociologique, un Claude Bernard qui lui enseignera dans le détail les règles de l'expérimentation sociale.
Maxime Leroy, Pour Gouverner
« 17 juillet 1916. Déjeuner chez Léon Blum. Curieuse destinée que celle du chef de cabinf Sembat. Beaucoup d'intelligence, de la plus fine et de la plus déliée, un esprit affable, mais point ou peu de caractère ; d'où les flottements de carrière qui le Priveron sans doute à jamais des fruits de sa rare culture. [.] En même temps, ^lumau é CtG rîla^e des requêtes au Conseil d'État, commissaire du gouvernement, socialiste unifié, rédacteur théâtral au Matin et à Comœdia, bizarre assemblage dl occupations et de tendances consolant là l'État, ici remorquant Guesde et Briand luI lant l'État ; et qUOIque socialiste, chevalier de la Légion d'honneur comme feu Jules Renard, son camarade du parti, ce qui constitue sans doute quelque contradiction entre les h et l'action [.] ». Et la chute : « Que Jaurès mort le protège ; au reste, une bIographie copieuse de ce grand homme qu'il aima sincèrement, sera, dit-il, sa Iere occupation après la guerre' »
Anxiété, colère et rage sourde éclairent d'un feu sombre le journal que tint So élXlme Leroy en ces mois terribles, juin 1916-août 1917, où «l'effroyable s°ufifran du ^ront}> mit cruellement en relief l'inexcusable légèreté de l'arrière. La dation fssoupie, l'opinion égarée par « d'immondes écrivains », un Barrés ou un tra urfet..: «Ce qui manque à ce régime, c'est un peu de guillotine ». Aussi bien le tranchanJu8ement porté sur son ami Blum nous paraît-il moins égratigner l'esthète que le gremant2 Car enfin quel lettré alors, ne présente ce bizarre assemblage d'() elupations et de tendances ? L'austère Maxime le premier, qui, de son état juge de Paix (1908-43) à Colombes, plus tard à Paris (où ses collègues le portent à la
Extrait du » Cahier noir >>' que conserve l'Institut d'Histoire Sociale dans le fonds Maxime Leroy ; ce se compose de quatre cahiers non paginés ouverts au 18 juin 1916 pour se clore au 27 août 1917 peu après l'entrée de l'auteur à l'Information économique et financière de Léon Chavenon (avril) et « publicafinn de son ouvrage (juin) sur 1 Ere Wilson : la Société des Nations, Giard et Brière, 1917.
• « Cak;
t~ulication de son ouvrage üuin) s u -,------. --"1" .,.,.,., -"" -..-..-. ,_w., 2. w Cahier3 '°n S°n 0uvra®e *Ju'n) sur l Ere Wilson : la Société des Nations, Giard et Brière, 1917.
chargé du renrivi!*' 8 mars, puis 4 juin 1917, et 8 novembre 1916 pour «l'inconscience» d'un Blwn dans tel ou reproche de « s'abstraire [. 1 de l'heure tragique » pour s'épancher sur de vagues opérettes dans tel ou tel «Journal de cabots ».
présidence de la Conférence des juges de Paris et de la Seine3), n'en sacrifie pas moinsJ aux muses. ■
L'Alceste de la démocratie ft « Besoin d'une grande réforme sociale, pitié pour l'enfant, l'ouvrier, le pauvre, le bagnard, la prostituée4 », les sentiments du lycéen (de Vanves, actuel lycée Michelet) semblent à jamais scellés par la lecture des Misérables, plus tard du célèbre Exposât de la doctrine Saint-Simonienne et de la Justice dans la Révolution et dans l'EglW I qu'il découvre via Sainte-Beuve (Sainte-Beuve, le rédacteur du manifeste des Saint' * Simoniens au lendemain des Trois Glorieuses), ou feuillette sans les bien entendre encore dans la bibliothèque de son père5. Viennent les orages de l'Affaire Dreyfus: pour un adolescent dévasté par les exigences du cœur, des orages bénis. Confiné 3 Nancy (mère d'origine alsacienne et lorraine6) où il accomplit ses études de droit (1892-98), sa féroce antipathie pour les Barrés, Drumont et autres « grands artisans désunion nationale », le conduit tout uniment au secrétariat général de l'Union de te Jeunesse Lorraine et à la section nancéienne de la Ligue des Droits de l'Homme7. Et de là, dans la plus pure veine du populisme russe, aux portes de ce service social qu'incarna le mouvement des Universités Populaires, dernier vestige de l'esprtt dreyfusard : en l'espèce, à l'Enseignement Mutuel de Montmartre, section intellectuelle de la Société des Visiteurs qu'il anime de concert avec Daniel HalévY, André Spire et Max Lazard8. « J'étais marqué, comme tant de mes camarades, ffi signe social9 », écrirait l'ami des Merrheim (connu vers 1902-03) et des Griffuelhes (le « méphistophélique » Griffuelhes qui, lors des dîners Proudhon, ignorant Sorel, marquait l'agacement que lui inspiraient les théoriciens en chambre de l'action directe d'un péremptoire : « Je lis Alexandre Dumas »10). Loin d'éteindre ses ardeutf littéraires, cette foi dans l'ouvrier ne l'empêche pas toutefois, lui le porte-plume officieux de la Charte d'Amiens (1906), de confier ses émois à la Phalange ou la Lorraine artiste. ,IÂ 0'
3. Edouard Bonnefous, Notice sur la vie et les travaux de Maxime Leroy (1873-1957), Académie des Sciences morales et politiques, séance du 2 mars 1959, Firmin-Didot, 1959. <
4. M. Leroy, Itinéraire intellectuel, le Contrat social, II, 5 (septembre 1958), 283; le titre n'est pas de l'auteur, décédé, mais de l'Institut d'Histoire Sociale qui publie quelques pages de souvenirs d'enfance et de jeunesse trouvées dans les papiers de son ancien président.
5. Le critique musical Léon Leroy, organisateur de ces « Soirées du petit Bayreuth » où brillèrent Baudelaire, Champfleury, Fantin-Latour, et, comme « tant d'autres amis de Wagner », saint-simonie" lui-même. Sur ce point, M. Leroy, la Pensée de Sainte-Beuve, Gallimard, 1940, 18 ; c'est en utilisant les souvenirs et les papiers de son père qu'il écrira l'histoire de « ce groupe héroïque de wagnériens, SI marqué de Saint-Simonisme »: les Premiers Amis Français de Wagner, Albin Michel, 1925.
6. M. Leroy, l'Alsace-Lorraine, porte de France, porte d'Allemagne, Ollendorf, 1914, publié dans la semaine même où éclatait la Grande Guerre. i
7. « Cahier noir », 18 juin 1916, pour les artisans de désunion ; et Gustave Vernon, La Lorraine à Paris Maxime Leroy, lEst Républicain, 14 avril 1914. *
8. Sur ce point, Daniel Halévy, Pays Parisiens, Grasset, 1932, 180, et du même, Voici quelque quarante ans., in Hommage à André Spire, Librairie Lipschutz, 1939, 31 ; nous n'avons pu consulter l'allocution de M. Leroy publiée dans Max Lazard (1er août 1875-18 décembre 1953). Paroles prononcées Ie 21 décembre 1953 dans sa maison et sur sa tombe, Editions artistiques, 1954. I
9. M. Leroy, Itinéraire intellectuel, art. cit., le Contrat social (195 8), 283. q
1°. M. Leroy, Griffuelhes et Merrheim, l'Homme réel, 40 (avril 1937), 9-14; l'énorme correspondance échangée avec Merrheim a été malheureusement perdue pendant la Grande Guerre. I
Et sans doute de plus mâles disciplines le requéreraient-elles bientôt. Le Chérubin de la révolution ouvrière cède lentement au chroniqueur juridique de la Grande Revue, Pl", de la Revue blanche où l'introduit Léon Blum ; le poète symboliste des années 1889 -98 à l'habitué des colonnes du Temps, des Pages libres, de l'Europe nouvelle et du progrès ci-vi-que, creuset du Cartel des Gauches, mais encore du Producteur ou de i ,rj des Gauches, maIs encore" du P~o~ucteur ou de .Homme reel, enfin du Contrat social lancé dans son extrême vieillesse avec ro Oos SOUVarine. S'il s'estompe, l'élégant équilibre de longue main instauré ne se romnt Pas, cependant. Une Vie véritable de Saint-Simon (1925), un Fénelon (1928), un Descartes, le philosophe au masque (1928) enrichi d'un Descartes social (1931), U" Stendhal Politique (1929) et un Taine (1933), suivis d'une Pensée. (1940), d'une Politique. (1941) et d'une Vie de Sainte-Beuve (1947) que double l'édition dans 1 Pléiade des Œuvres (1949-51), puis du Port-Royal (1953-55) de son «véritable <TM~~ (1949-51), puis du /~-~a/ (1953-55) de son à 6 maître à Penserl 1 », témoignent assez d'inclinations mêlées. Biographies à tendan CeS sociales, certes : mais on ne jurerait pas qu'à l'image du jeune Blum, l'aùnah16 conviant ses « Amis de Proudhon »12 au Club de la rue cfe Poitiers, UIS, discret hommage au « lundiste », chez lui, rue Saint-Hyacinthe, ses « rnercredistes du Port-Royal de l'amitié, n'aura pas mis lui aussi quelque coquetterie à être f Actionnaire et homme de lettres13.
Ir Sa palette toutefois est plus riche, sa personnalité à double et même triple fond.
Historien de la Coutume ouvrière : Syndicats, bourses du travail, fédérations Professionnelles, coopératives, doctrines et institutions (1913), sa place n'est pas PetIte Paon' 1 th de 1 P 1 pQtitQ 311111 les théoriciens de ce pouvoir nouveau — le Professionnel — que 1 fiaient de fois en fois son Code Civil et le droit nouveau (1904)14, le Droit des fonctionnaires (1906)15, ses Transformations de la puissance publique: les Synd^^ fonctionnaires (1907), Syndicats et services publics (1909)16, et hef les Techniques nouvelles du syndicalisme (1921). tous volumes qui, Sacra 1 leur auteur « le représentant le plus remarquable de la doctrine juridique du syndi31Sme et « le commentateur le plus qualifié de la pensée saintsûîion l"enne », à parité avec Durkheim17, l'élevaient à la succession d'Élie Halévy à
; Il. D"——————————————— sainte-': m?t d'E. Bonnefous, op. cit. ; Fernand Gregh le dit aussi « le plus érudit et le plus éclairé des ^e°rges LangS i95§anS plaquette éditée par ses amis, Maxime Leroy. In memoriam, Imprimerie Georg es g, 1958.
12 jf- umg, 1958.
? A Maxime Leroy, Avec toute la sympathie des "Amis de Proudhon" », Proudhon et notre Geor Iron, 1920 porte les signatures de Michel Augé-Laribé, Aimé Berthod, Célestin Bouglé, G eorges Guy-brand, Maurice Hannel, William Oualid, Gaëtan Pirou et Jules-Louis Puech, le Cercle desdits am;s réunissant aussi, semble-t-il, Daniel Halévy, Henry Moysset et Roger Picard.
13 p.
13 0' Qnus reunissant aussi, semble-t-il, Daniel Halévy, Henry Moysset et Roger Picard.
Dans la note biographique qu'il donne à l'Anthologie des essayistes français contemporains, Skira, 1929, -19, M. Leroy annonce divers ouvrages sur Siéyès, « qui a été le Descartes constitutionnel des tetîips niodeirnes », sur Chateaubriand et Rousseau, ainsi que sur les Landes (où, attiré par Rosny jeune, il '4
fonderait i a Société des Amis du lac d'Hossegor évoquée dans son Hossegor, 1936).
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fonderait la société des Amis du lac d'Hossegor évoquée dans son Hossegor, 1936). J .,
1, c^ans la Bibliothèque socialiste, n° 22 ; signalons aussi sa thèse de doctorat en droit, publiée à Nancy ,^rsPr,t de la législation napoléonienne, esquisse d'une étude critique (1898).
15 g n -, - - - - - -
is - En suPPlérnent au Bulletin officiel du 15 juin 1906 de la Ligue française pour la défense des droits de 16 , et du citoyen.
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l'homme et du citoyen. COm^el est Syndicats et services publics : Histoire de l'organisation ouvrière jusqu a la CGT, 17 les syndicats ouvriers et la loi, la crise des services publics, les associations de fonctionnaires ( 1909).
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'7 s Ouvriers et la loi, la crise des services publics, les associations de fonctionnaires ( 1909).
Un oueorges Gurvitch, le Temps présent et l'idée du Droit social, Vrin, 1931, 232, où l'auteur annonce SOcia/rage en préparation sur « le système» de Maxime Leroy, qui se serait intitulé les Doctrines s0cialiste? syndicalistes et coopératives, et l'idée du Droit social ; on notera, à défaut de cet ouvrage Jamais x\uh\1C' que le même Gurvitch dans son Idée du Droit social. Notion et système du Droit social.
Olre doctrinale depuis le XVIIIe siècle jusqu'à la fin du XIXe siècle, Sirey, 1932 revient
la chaire d'Histoire du socialisme de l'Ecole libre des Sciences politiques (1938-49), plus tard à l'Académie des Sciences morales et politiques (1954). Entretemps, il est vrai, le « sociologue et philosophe politique18 » s'est révélé dans la Loi, Essai sur l'autorité dans la démocratie (1908), Pour gouverner (1918), Vers une République heureuse (1922), Le Socialisme des producteurs : Henri de Saint-Simon (1924), l'Introduction à l'art de gouverner (1935), Les Tendances du pouvoir et de la liberté en France au XXe siècle (1937), que prolongent les trois tomes de l'Histoire des idées sociales en France (1946-54) et les Précurseurs français du socialisme, de Condorcet à Proudhon (1948). Sans plus s'attarder dans l'arène nationale, Ie champion de la Fédération régionaliste nous laisse encore une Ville française: Institutions et libertés locales (1927), le saint-simonien curieux des rouageS internationaux une Société des Nations, Guerre ou paix (1932), en manière d'hommage à De la réorganisation de la Société européenne (1814).
Bibliographie écrasante, qu'un trait caractérise à merveille : « Plus de citoyens, des producteurs19 ». Non que le contempteur du geste électoral, du mécanisé représentatif et des factions partisanes20 — c'est son mot — eût mérité du channant label que se décernait Daniel Halévy, de « démophile antidémocrate21 ». Mais; « éloigné des choses du Parlement pour lesquelles, mes livres en témoignent, je n'aj jamais éprouvé qu'une fort subalterne sympathie de préférence22 », son cuisant soUCI ne va pas tant au « nombre brutal, aveugle », qu'à ces « nombres série professionnellement23 » par la grâce desquels la Cité rendue à elle-même et comme « guérie des individus24 », déclarerait close l'ère politique selon Rousseau po& « s'administrer elle-même en corps, sans superfétations politiciennes25 ». Sitôt dissipée cette horreur des corps intermédiaires26 qu'emporte avec lui le légicentrisfltf révolutionnaire, congédiée cette désuète « croyance en la Révolution par la loi » dans laquelle se fourvoie le socialisme jwidique27, l'État se voile et s'efface en effet. Et dès lors, quoi d'étrange si le jacobinisme social d'un Blum ou d'un Thomas, pour ne pas même évoquer celui d'un Louis Blanc, lui retourne les ongles? Loin d'essayé d'un régime inédit, qui, « vidé de ses survivances régaliennes28 », érigerait l'home
abondamment sur Maxime Leroy, et lui dédie l'Expérience juridique et la philosophie pluraliste du droit, A.Pedone, 1935 ; sympathie mutuelle, semble-t-il, puisque, dès sa seconde édition (1932), le Temps présent. (1931) s'enrichit d'une préface de M. Leroy.
18. Anthologie des essayistes français., op. cit. (1929), 117.
19. Techniques nouvelles du syndicalisme (1921), 19; et Citoyen ou Producteur? Revue de Métaphysique et de Morale, XXXI (1919), n°5.
20. Pour gouverner (1918), préface, 11 : « En se détachant des factions politiciennes et religieuses, Je citoyen se dit l'homme d'un métier, d'une compétence, d'un intérêt ».
21. Cité par Alain Silvera, Daniel Halévy and his times. A gentlemen-commoner in the Third Republic, Ithaca, New York, Comell UP, 1966, 177.
22. Itinéraire intellectuel, art. cit., le Contrat social (1958), 284.
23. Pour gouverner ( 1918), 341.
24. M. Leroy en préface à Roger Francq, le Travail au pouvoir. Essai d'organisation technique de l'Ett démocratique, La Sirène, 1920, 24-25.
25. La Coutume ouvrière (1913), 838 ; et Pour gouverner (1918), 53, pour la clôture de l'ère politique une formule déjà avancée dans Syndicats et services publics (1909), préface, XI : «. l'ère politique selon Montesquieu et Rousseau est virtuellement close ».
26. D'un mot de Lamartine (1849), cité par Lucien Jaume, l'Individu effacé, ou le paradoxe de libéralisme français, Fayard, 1997, 7.
27. La Loi. (1908), 257 etpassim.
28. Pour gouverner ( 1918), 40 ; et sa préface à G. Gurvitch, le Temps présent. (1932), X : «. le vie1 Etat régalien (ou démocratique) doit tomber sous les coups de ce "droit social" ».
de labeur en « co-administrateur de la chose publique29 », le signataire des Lettres SUr la Réforme gouvernementale (1917) n'aurait vu, paraît-il, « le siège de tout grès gouvernemental que dans la tête : le Conseil des ministres retient tous ses ns ». Anathème encore que le prétendu socialisme de guerre : « Tout b dalisme" est entre les mains des bureaux et des grands industriels ; il n'a rien cfe Prolétarien ; point de socialisme là-dedans31 » • so retour à Proudhon, si l'on veut, au génie d'une pensée qui, de la démocratie, cfe n énigme, jamais ne retint qu'une « idée de l'État étendue à l'infini32 » : partant, p n cnme de lèse-société. Mais, davantage encore, à la promesse trahie de 89, d'un Dol devenu pouvoir, et d'un pouvoir devenu peuple33 : « Nous souffrirons Renient [.] tant que nous, citoyens, ne nous serons pas organisés en corps action et de contrôle. [.] Trop regarder du côté des Chambres : c'est une attitude so narc^ste34 ». Bref, ses livres s'entassent comme autant de pierres d'attente d'une société gouvernée, sans gouvernement. Car enfin, quel invariant commun aux « Ivers jacobinismes qui nous ont gouvernés sans interruption depuis cent ans35 », civi n cette servitude volontaire à quoi nous réduit de toute éternité notre « paresse que >> ? Français, encore un effort ! Selon le père de l'anarchisme, « c'est parce lé i Société n'a jamais été organisée [.] qu'elle a eu besoin jusqu'ici cfe législateurS37 » : où l'on entend que, l'État désarmé, la société mobilisée, la Cité im personnalisée et comme autorégulée chasserait ses « bons tyrans38 » pour s'en so 6ttre aux plus douces lumières d'un « art de gouverner [élevé] au rang d'une sociologie pratique, aussi objective que possible39 ».
L'État désarmée, la société mobilisée , Parler de Maxime Leroy, souligne Boris Souvarine, « c'est évoquer d'emblée la Co héroïque du syndicalisme français.40 ». Fruit d'un immense travail, sa utume ouvrière en porte témoignage41. Pas une de ses pages où ne se réfracte en
29 .P..,, g,,,, rner (1918), 12.
30 Z0ur gouverner 12.
30 - -. &vuverner( iviJSj, l JL.
30 POur gouverner (1918), 82.
3,
3, - -", gouverner (1918), 82.
.« Cahier noir », 6 août 1916.
32 CI -,
32 an'er noir », 6 août 1916.
33 ^ution du problème social, cité par C. Bouglé, la Sociologie de Proudhon, A. Colin, 1911, 174.
33 ,
33 ""un au probleme social, cite par C. Hougle, la Sociologie de Proudhon, A. Colin, 19 33 0116 formule de François Furet, Penser la Révolution française, Gallimard, 1978, 79.
34
34 'urmute de rrançois ruret, fenser la Révolution Jrançaise, (jailli 35 Leroy, Groupes et partis, le Progrès civique, 14 février 1920, 16.
35 -* LJ\",UY, uroupes et partis, le fro, 35 L.2 COutume ouvrière (1913), 21.
36
J6 -~K'Ufflt: uuvritrt \yvj)y zi.
: M- Leroy, Groupes et partis, le Progrès civique, 14 février 1920, 16; rappelons qu'un des ses édltoriaux précédents était titré : Pourquoi nous avons fondé la Ligue des Gouvernés, Progrès civique, 1 er ,
JI, - - 1.
3g' Mélanges de Proudhon, cité par G. Gurvitch, l'Idée du Droit social., op.cit. (1932), 361.
~s~ ae rrouanon, cite par u. uurvitcn, i Jaee au uroit social., op.cit. (iyJZ), Joi.
3g * Irrité contre l'administration, confiant dans l'Etat », note l'auteur dans ses Transformations de la Saï sance publique (1907), 26-27, le public « croit toujours aux bons tyrans » ; également Politique de Saint-Beuve (1941), 273, où se trouvent brocardés les « hommes nécessaires » et autres « mannequins fQgantesques ».
-—mucs )).
39 Techniques nouvelles du syndicalisme (1921), 111.
40
40 niclues nouvelles du syndicalisme (1921), III.
40 ^0ris Souvarine, Maxime Leroy, écrivain social, in Maxime Leroy. In memoriam, op. cit. (1958).
4j
4\ -"'IN aouvarine, Maxime Leroy, écrivain social, in Maxime Leroy. In memoriam, op. cit. (1958).
41 G. Vernon, l'Est Républicain, 10 avril 1914, art. cit., à propos de la Coutume Ouvrière (1913): les assant patiemment sa documentation depuis 1903, précise le rédacteur de l'article, « l'auteur a lu tous CGîTPteS rendus des Congrès ouvriers à partir de 1865, ceux de l'Internationale, ceux de la Paix de la enfi (qui date de 1895), quelques centaines de comptes rendus de Congrès de fédérations de métiers, Sy les comptes rendus des Congrès socialistes ; il a résumé et méthodiquement classé les statuts de 121 n ICats, de 32 Bourses et de 27 fédérations ; il a dépouillé attentivement la Voix du Peuple depuis sa
quelque façon cet éblouissement premier éprouvé au contact d'une contre-société fermée qui, s'assujettissant rigoureusement tout ce qui la compose, ne laisse aucune marge à la volonté. Maître et prisonnier de ses mandants, en effet, le syndicat ne se soucie pas plus de leur consentement qu'il n'entend connaître de leur « chimérique et débile for intérieur42 » ; dépositaire de l'intérêt collectif, et à ce titre « collecteur d'impôts, législateur, juge et administrateur autonomes43 », le tuteur de la corporation ne la représente ni même ne la figure, mais en dit souverainement le droit propre.
Encore est-ce en en réduire le propos. Union, non de libertés, mais d'intérêts, l'association ouvrière s'avoue sans fard « réaction contre la démocratie44 » : autant dire qu'elle fait l'économie d'un pouvoir logé à distance pour esquisser quelque chose comme le gouvernement de chacun par chacun. enfin égaux en qualité & producteurs. De producteurs ou de consommateurs. « Nous, l'immense cohue des gouvernés , un rôle nouveau est dévolu à nos soins : organiser la collectivité non plus contre le roi, mais entre nous, en tant que consommateurs et producteurs, directement, sans personnes interposées. », note-t-il en guise d'encouragement & syndicalisme des ingénieurs et techniciens45. Désaveu plus cinglant ne se saurait concevoir, de notre « Constitution pour anciens sujets46 » : un décor à la Potemkine où le nombre inorganisé n'a que les apparences du pouvoir47, l'engendre ou le constitue mais ne l'exerce pas. Que s'étende au contraire aux professions libérales et à la fonction publique ce mouvement de réfection constitutionnelle, que surgissent sous les espèces de la Ligue des Droits de l'homme ou du Touring-Club des coopératives d'administrés - l'embrygn d'un « contre-trust administratif », — et « l'indigence sociologique48 » d'un État où s'emboîtent les uns dans les autres autorité, arbitraire, irresponsabilité et incompétence, ne serait plus.
D'une avant-guerre à l'autre, sa pensée n'est pas cependant sans connaître quelque inflexion. « Avant tout, c'est le Droit qui doit nous occuper49 », disait Proudhon : le droit, autrement dit « la société elle-même50 » ajoute Maxime Leroy. Carrière, engagements, amitiés, ce mot décidait de tout. De ces légistes de province dans les rangs desquels la République puisait volontiers ses hommes d'État, honneurs, charges l'attendent au coin de la rue. Quelle mouche le pique, on ne sait, mais il s'en sépare sans retour. Loi, pouvoir absolu, Terreur, ces vocables pour lui n'en font qu'un. « Le droit, c'est la loi ; il n'est de droit que par la loi : voilà la folie législative ». folie si commune qu'elle perdure «jusque dans le cerveau des socialistes51 ». Partout,
fondation (1901), l'Action Directe (1908), la Petite République, l'Humanité, la Bataille Syndicaliste, le Mouvement Socialiste, la Vie Ouvrière. quelques centaines de brochures syndicalistes. ».
42. M. Leroy, Tendances du pouvoir., op. cit. (1937), 7.
43. G. Vernon, lEst Républicain, 10 avril 1914, art. cit.
44. M. Leroy, Coutume ouvrière op. cit. (1913), II, 835 ; et Techniques nouvelles op. cit. (1921), 180.
45. Préface à R. Francq, le Travail au pouvoir., op. cit. (1920), 13, et 17.
46. Citoyen ou Producteur ? art. cit. (1919), 673, et 676, le « citoyen mal démonarchisé ».
47. Transformations de la puissance publique., op. cit. (1907),61-62.
48. Pour Gouverner, op. cit. (1918), 211 [coopératives], 218 [contre-trust], 44 [indigence].
49. Correspondance de Proudhon (24 janvier 1856), cité par G. Gurvitch, l'Idée du Droit social., OPcit. (1932), 351.
50. « On ne voit pas le droit, ensemble de coutumes, se superposer à la société, à l'organisation de la société il est la société elle-même », Coutume ouvrière., op. cit. (1913), I, 28.
5 1. « En abattant la royauté, la loi lui a pris une partie de ses caractères, faisant ainsi persister 13 monarchie jusque dans nos institutions républicaines, jusque dans le cerveau des socialistes.. »-
0m rabougrie de Robespierre. À la loi d'airain, succédané de l'ordonnance royale, e juge de paix frais émoulu se ferait dès lors un devoir d'opposer le droit positif considéré comme l'ensemble de toutes les règles de la sociabilité52 », ensemble non étatique dont il irait quêtant les sources formelles dans notre riche et mobile système de coutumes, dans la pratique des tribunaux arbitraux et jusque dans l'usine.
« Autant de droits que de groupes [.] l'État a besoin d'un certain arbitraire, en 16 d'une certaine anarchie53 ». Voilà qui sonne clair, et soude pluralisme juridique avec anarcho-syndicalisme. De cette gamme de droits différenciés qu'élabore la elle Epoque, le terme suprême ne saurait être que le droit prolétarien. Et quelle force neuve, exclusive et compacte, sinon la classe ouvrière, plierait l'ordre étatique à la suprématie juridique d'un droit économique? « Assez maîtresse de sa pensée pour absorber la multitude des sectes politiciennes54 », sa qualité de classe séparée la déslfne seule comme classe constituante, messagère d'un droit nouveau. Ce que l'évéllelnent se chargerait de démentir. Jeté dans l'arène parlementaire, désuni, et ds e fail unpuissant à imposer plus longtemps son hégémonie syndicale, le prolétariat serait qu'il n'était lui-même qu'assemblé autour de ses métiers, « là où il n'est Q , 161*5 ». Désillusion, chagrin, la page d'Amiens se tourne au long de la Grande Uette.
Aggiornamento qui, sans surprise aucune, prend les couleurs du néo-saint;unonisme. « Le verbe s'efface devant le chiffre, claironne Léon Jouhaux au demain de la Victoire, les systèmes politiques devant la concrète réalité56 »
srre savante et guerre d'industrie, la guerre totale n'a-t-elle pas montré que là où r^é gnait l'organisation, régnait la vraie puissance, scellé surtout, dans les mots de Jean nnet, l'intime alliance de ceux qui savent et de ceux qui décident ? Qu'il fasse er les cadres des services civils ou multiplie à leur marge les administrations arailèles, substitue à l'administration de gestion les cellules d'experts ou, par le jeu de 1 appel aux compétences, déplace en sous-œuvre les ressorts de l'autorité, cet essai ersement conduit par les Clémentel, Thomas, Loucheur, d'une sorte de Direction erale à la Méthode augure à n'en pas douter d'un cours nouveau. Or, de ce uvernement expérimental, le chantre est tout trouvé.
{ ,7u<?tion, hypothèse, esquisse, maquette, prévision, ces maîtres-mots de la « TQetéorolcgie économique57 » se bousculent sous la plume de Maxime Leroy. Les erences, aussi : puisées à l'empirisme organisateur des Fayol et Taylor, au grand
^rm?t'ons puissance publique., op. cit. (1907), 6-7, et 2, pour la « folie législative » ; sur ce Poînt^p0^ Zylberman, Maxime Leroy, analyste du déclin de la loi révolutionnaire, Hist. Eur. Ideas 11 ( 1983"85? -
52 52 * ^Jansformations de la puissance publique., op. cit. (1907), 5.
53 formations de la puissance publique., op. cit. (1907), 5.
à G. Gurvitch, l'Idée du Droit social. op. cit. (1932), X-XII; pas plus que Savigny, l'école historique allemande du droit n'est citée par Maxime Leroy, mais sa défense des particularismes juridique 54 puise à des sonorités voisines.
54 T-" puise a ues suiiunics voisines.
Mai!!/1 1-eroy, Introduction à De la capacité des Classes ouvrières, Œuvres complètes de P. J. Proudhon, 55 Rivière. 1924, 40.
55 - -.. *Mviçrc, s • foid., 40-1.
r, -
rif 'v-,.
56. c'té par Edouard Herriot, Créer, Payot, 1920,1, 36 ; sur ces courants, Richard Kuisel, le Capitalisme et l'Elat en France : modernisation et dirigisme au XXè siècle, Gallimard, 1984, Stéphane Riais, M::'I'lIstration et Organisation, 1910-1930, Beauchesne, 1977, Martin Fine, Towards Corporatism : the AI 'l'ement for Capital-Labor Collaboration in France, 1914-1936, The University of Wisconsin, Ph.D., d>rv et surtout Gérard Brun, Techniciens et technocratie en France, 1918-45, thèse pour le doctorat d'Etat , Paris II, 1977, 3 vol.
57 - aoiJl XI, 1:7 1 1, J VUI.
Pou), Gouverner, op. cit. (1918), 167; et l'ensemble du Chapitre XVIII: La législation e■*XnPenmentale.
Turgot et, plus novateur, à Henri Poincaré. sans oublier, comme il se doit, Claude Bernard. L'ennemi des lois n'en démord pas : « Gouverner, c'est expérimenter58 >>' ou encore : « Bien gouverner, c'est bien administrer59 ». Quelque chose comme une « suprême direction scientifique des phénomènes sociaux60 », sa République industrielle ne s'inspirerait pas tant d'une philosophie politique (l'homme allégorique, le citoyen) que d'une technique sociologique (l'homme réel, le producteur) pour opéref des choix qui, en tout état de cause, ne sauraient être que techniques : arbitrage ou contrôle, méthodes, procédures, et non décision. A quoi bon les querelles abstraites, la bataille des systèmes, enchérit dans le même temps un Edouard Herriot, si « Ie taylorisme peut s'appliquer à tout61 » ? Où l'on pressent qu'un gouvernement selon la science se soucierait moins, peut-être, de nous rendre libres qu'utiles62.
Assez neuve, l'attention ainsi portée à la dimension opérationnelle des savoirs se double d'une curiosité renouvelée pour ces classes moyennes, techniciens, commerçants, artisans, dont le propre est d'allier à la qualité de producteur celleS d'usager et de consommateur. Commodité, utilité, les valeurs prévalentes en cette immédiate après-guerre suggèrent un idéal de l'homme dont le seul intérêt est celui & la société, la seule particularité sa fonction. Pour Gouverner en prend acte au soir & l'Armistice : le binôme organisation et contentement élevé à la dignité d'un principe — le bonheur, et non le droit, — « l'économie politique » prend le pas sur le vieux droit public, dont l'idée « s'est décidément subordonnée à l'idée d'organisation scientifique63 ». La politique absorbée dans l'économie, n'est-ce pas là tout le programme du socialisme ? Point ne suffit dès lors de « désinvidualiser » le Léviathan, encore faut-il le « déjuridiser64 » pour lui prêter les formes requises d'un comptoir ou d'un laboratoire.
La cible reste la même : la loi-commandement, grandiose et lamentable, impuissante contre le déterminisme social65, que supplanteraient sans peine la loi' effet (spontanée, préexistante, il ne s'agit que de la découvrir), ou la loi-conciliation (le contrat, la convention collective entendus comme ébauche d'une Constitution sociale). D'ailleurs, régionalisme économique et fédéralisme professionnel aidant, nos Codes n'ont plus guère de napoléonien que le nom, leur masse de granit s'effrite (t jour en jour. « Faire périr le gouvernement dans la société » ? Le slogan proudhonien paraît quelque peu désuet. Grippage de la mécanique représentative, aurore d'une démocratie participative, confusion surtout du droit public et du droit privé préludent en effet à la désagrégation du pouvoir central au profit des groupements économiques reliés entre eux par des conventions collectives, des lois professionnelles. Un effort encore, Georges Scelle en fait la proposition dans les années 1920, et, doté dans chaque profession d'un monopole de droit public, le
58. Pour Gouverner, op. cit. (1918), 43.
59. Vers une République heureuse, op. cit. (1922), 18, et pour une réfutation, Y.-C. Zarka, Gouverner n'est pas administrer, in Qui Gouverne ? Cahiers de la Torpille, n°3, septembre 1999.
oU. Pour Gouverner, op. cit. (1918), 172.
b 1. E. Herriot, Créer, op. cit., 1, 497.
62. Tendances du pouvoir., op. cit. (1937),86.
63. « L'économie politique tend de plus en plus à jouer dans l'Etat le rôle que le droit y remplit depuis Rome, presque exclusivement», Pour Gouverner, op. cit. (1918), 145; et Ville française op. cit(1927), 147.
64. Tendances du pouvoir., op. cit. (1937), 143.
65. Code civil., op. cit. (1904), 116.
yndicat unique et obligatoire66 supplanterait les Chambres. Non plus l'instituteur du socIal, mais une simple fonction de la société — le chargé d'affaires des « intérêts semblés par spécialités économiques, techniques et morales », — l'épouvantail ntraliste et niveleur tomberait de ce jour au rang de « secrétariat général de toutes les Natives privées6?».
c Se dessine ainsi une sorte d'envers de l'histoire de l'État au XXe siècle, la face e d'un récit que masquent d'habitude la ronde infernale des régimes, la sarabande ss ministres et autres frivolités de méchant aloi. De plus ample portée, à croire notre ISteur, 3a genèse d'une France corporative au gré de quelques événements-phares : légalisation des coalitions ouvrières ; 1919, Comité Economique du Travail, tnuere ébauche de ce Directoire central économique par lequel la CGT « s'érige en tat68 » ; 1925, Conseil National Economique, « le groupe chassé de l'État par Siéyès et Le Chapelier y rentre à l'appel d'Édouard Herriot » ; 1936, CNE seconde outure, « la profession promue corps d'État, corporation publique69 ». Combien dateurs ces témoins, ces bornes qui, d'un siècle ensanglanté, ne paraissent retenir que la seule résorption du souverain dans le producteur, de la nation une dans la nation Pluraliste. « Autant de sociétés particulières que de professions70 », dira-t-il : le ralisme des intérêts posé comme opérateur de stabilité sociale, si ce n'est même onnne éducateur de la raison, tout ici bascule du côté de la petite société (le travail) Olllre la grande (la guerre).
* * *
Et peut-être l'œuvre entière sous ses déguisements successifs n'est-elle autre chose qu une réflexion sur la violence. Très éloigné des luttes politiques, mais « Passionnément observateur des faits sociaux, curieux surtout des formes et des idées qui, en arrière des décors constitutionnels, renouvellent notre vieux fonds politique et °nomique71 », Maxime Leroy n'en prononce jamais le mot ; et Sorel est à peine entionné. Mais, sa présentation de son Histoire des idées sociales (1946-54) comme une « histoire des chimères sociales » trahit quelque désillusion à l'endroit Une humanité qui, « depuis les origines, tend au dogmatisme et à la servitude » : de let sans doute ce silence obstinément gardé sur l'Allemagne nazie, ou encore, à Propos du léninisme, ses considérations peu amènes sur le « despote russe », simple ublon du « gouvernant-renard » à la Machiavel, et plus généralement sur la Llctature du prolétariat, du reste «jamais invoquée » par Jaurès72. Au vrai, Maxime L eroy ne reproche pas tant à la Révolution d'avoir été, que de n'avoir pas été tout ce
PI1', Georges Scelle dans son Précis de législation industrielle (1927), 318, cité par G. Gurvitch, le Temps %Dre, ?sent. op. cit. (1931), 23 note 4.
67-Uo;;,,:. op. cir. (1931), 23 note 4.
67 PfaCe à R. Francq, le Travail au pouvoir. op. cit. (1920), 19, et Préface à Pour Gouverner, op. cit.
(1918), 16, pour «l'Etat, secrétariat général des intérêts assemblés par spécialités économiques, ccnniques et morales ».
"Hues et morales ».
, ■ Techniques nouvelles., op. cit. (1921), 117.
69 -^'iniques nouvelles., op. cit. (ivzi), J 11.
Kv Tendances du pouvoir op. dl. (1937), 125, 143, au chapitre intitulé « L'Etat corporatif », et en P°s' 4 cette entrée de la profession dans notre droit public « esquisse, devant les yeux distraits des citoyens, un protectionnisme corporatif qui, en quelques points, rappelle certaines règles tutélaires d'av ^t 89 » : elle constitue à ce titre « l'événement capital de l'histoire de l'Etat au XXe siècle ».
70 -
76"'n't 59 » elle constitue a ce titre « 1 71 * tendances du pouvoir. (1937), 80.
71 - wu fSUUVUir ^17J OU.
( 19^)^' que se présente M. Leroy dans sa préface à H.-G. Wells, la Russie telle que je viens de la voir
12, 12 Sur ce point, la préface précitée à H.-G. Wells, XXI, et Notice. d'E. Bonnefous (1959).
qu'elle aurait pu être. L'individu abstrait constitué en "je" - face au "nous" qui l'englobe73, le social atomisé et comme happé par l'État : voilà sa faute. « En somme, rien n'a réussi de l'idée qu'une société nouvelle pourrait être construite [ J sur plans, comme une maison, ou un bateau74 ». On songe à Marx décelant en Thermidor une revanche de la société réelle sur l'illusion de la politique, à Tocqueville surprenant dans notre culture égalitaire l'image reconstituée du pouvoir absolu75.
Mais voici qui la rachète à jamais : sa quête inassouvie de justice sociale. Or, quoi & plus impropre à la satisfaction d'une telle exigence, que les aléas du confié politique ? « Les institutions politiques, raille Sainte-Beuve dans son Proudhon, masquent les plaies sociales76 ». Partant, ne faut-il pas ôter au législateur le soin & légiférer sur la justice sociale ? Au centre du « système » de Maxime Leroy se placent non la loi, ni le droit subjectif, mais la règle sociale et le droit positif ; non un parlement, ni une quelconque assemblée délibérative, mais un juge et une couf arbitrale. Anticipation du libéralisme anti-politique d'un John Rawls77, cette philosophie politique, qui se présente elle-même comme un chapitre de la sociologie du droit, entend disjoindre radicalement justice sociale et décision politique.
Maxime Leroy est là tout entier, dans cette critique de la politique, domaine de la violence et de l'esprit de conquête, critique libertaire et libérale qui s'interdit de jamais déboucher sur une politique sui generis78. L'œuvre en tire force et faiblesse à la fois. Sa force, en ce qu'elle dresse idéal contre idéal, et n'annihile le politique que pour mieux lui opposer un idéal de civilisation commun à toute l'humanité conçue comme une seule « coopérative de consommation et de production »79. On l'imagine aisément, un nœud secret attache le droit extraétatique de la communauté socioéconomique au droit transétatique de la communauté internationale80. Car enfin, jadis pièce à un seul personnage (l'État), de nos jours sur le théâtre extérieur s'agite une foule d'acteurs : États (en tant que personnes privées), professions, associations, etc.
Bien loin de s'homogénéiser, le système mondial tendrait plutôt à se segmenter; ce morcellement, cette multiplication d'institutions de toutes sortes font le jeu du contrat et des règles privées davantage que de la loi. Toute une partie du droit international, telle la lex mercatoria, n'est-elle pas créée par les juristes, mais aussi par ses usagers ? Et les États, dans ce droit des marchands, ont bien du mal à imposer leur coordination, ne parlons pas de leur direction. Serions-nous les témoins du déclin des
73. Alexandre Koyré, Louis de Bonald, in Etudes d'histoire de la pensée philosophique, Gallimard, 1971.
145.
74. Politique de Sainte-Beuve (1941), 279 ; également 275 : « Histoire des chimères, des souffrances et des colères populaires, telle est l'histoire du socialisme ».
75. F. Furet, Penser la Révolution française, op. cit. (1978), 107-09; et sur la tension latente entre édification de l'Etat et façonnement d'un nouvel ordre civique, Isser Woloch, The New Régime Transformations of the French Civic Order, I789-1820s, New York, Londres, Norton, 1994.
76. Cité par M. Leroy dans sa Politique de Sainte-Beuve, op. cit. (1941), 184.
77 Sur ce point, l'ouvrage à paraître de John Gray, Two Faces of Liberalism, que nous utilisons d'après son commentaire de John Stuart Mill publié dans le Times Literary Supplement. 11/2/2000.
78. C'est là, on le sait, le procès instruit par Carl Schmitt à l'encontre de la pensée libérale, comme le souligne, entre autres, Michel Senellart, Machiavélisme et raison d 'Etat, PUF, 1989, 88.
79. D'une formule de Hobbes, cité par Heinrich Meier, Carl Schmitt, Leo Strauss et la notion de Politique, Juillard, 1990, 56-57.
80. G. Gurvitch, l'Idée du Droit social op. cit. (1932),306.
ts, de la fin de leur essor multiséculaire sous l'effet de cette expansion de la société ue internationale81 ? Sans nul doute, Maxime Leroy, ici, a vu loin.
Et sans doute l'admirateur d'une « Société Professionnelle des Nations82 » a-t-il son de considérer qu'un tel universel ne saurait être que l'universel le plus primitif, celui des besoins et de leur satisfaction immédiate. L'ennui, c'est que le progrès social est guère posé chez lui qu'en termes de transfert massif de la politique à l'expertise, quand il résulte tout au contraire du conflit et de lui seul83. Qu'espérer, en fait armonie, d'un empilement d'intérêts rivaux, ou d'une mosaïque de particularismes iques ? Maxime Leroy laisse la question en suspens. Ne le retient, en définitive, due le niveau de la technicité et du calcul, simple négation de la violence, incapable de j nner à l'existence de l'individu un sens que seul peut lui offrir l'État en tant dU organe dans lequel une communauté historique pense et se pense, — lequel a sans doute avantage à œuvrer à l'avènement d'une organisation sociale mondiale, mais en vue et en vue seulement de préserver la particularité morale qu'il incarne.
Au reste, ses faiblesses ne sont autres que celles des fondateurs de la sociologie.
Prï niât du concept de société sur celui de politique, sociologie de la paix sans politique de la paix84 : c'est parler de politique sans se placer au plan de la ltl(iue. Ces prémisses ne sont pas les nôtres, qui devons plutôt penser dans l'esprit Un Eric Weil l'humanité contre l'État, et l'État contre l'humanité nue. Insoucieux cfe nnaitre de l'État comme de la forme la plus haute de la vie en commun, parce qu'il est contrainte pour l'être violent, Maxime Leroy s'arrête à mi-chemin.
Lion MURARD Patrick ZYLBERMAN
CERMES 182 Bld de la Villette 75019 Paris murard@ext.jussieu.fr zy Iberma@ext.jussieu.fr
81 ®1es Lejbowicz, Philosophie du droit international. L'impossible capture de l'humanité, PUF, 1999; et Pl' erre Hassner, la Violence et la paix. De la bombe atomique au nettoyage ethnique, Seuil, 2000.
82 -
- "Il u nassner, la Violence et la paix. De la bombe atomique au nettoyage ethnique, Seuil, 2000.
82 Leroy, le Socialisme des Producteurs. Henri de Saint-Simon. op. cit. (1924), chap. IX, 123 sq.
83
-. --vy, te socialisme aes rroaucteurs. tienri ae saint-simon. op. cit. (JY24), cnap. 1A, Mi sq.
83 Nous puisons ici à Eric Weil, Philosophie politique, Vrin, 1984, 225-261 ; et id., Particulier et Un- CrSe' en politique, in Philosophie et réalité. Derniers essais et conférences, Beauchesne, 1982, 225239
84 Raymond Aron, Paix et guerre entre les nations, Calmann-Lévy, 1984 [1962], 720-2.
Les Etudes Sociales
N° 131-132 1er et 2ime semestre 2000
Les monographies de familles de l'École de Le Play (1855-1930)
Éditorial Alain CHENU Préface Antoine SAVOYE La monographie sociologique : jalons pour son histoire (18551914) Diana CRANE Une analyse secondaire des monographies de famille : les pratiques vestimentaires Anne LHUISSIER Approvisionnement et alimentation populaires dans les monographies leplaysiennes (1842-1905) Pierre CROISSANT Charles Robert et les ouvriers de la fabrique Peugeot d'Hérimoncourt (1858) Anthony LORRY Les monographies des Ouvriers Européens (1855 et 1877-79) et des Ouvriers des deux mondes (1857-1930) : inventaire et classification
Maria Rosa PROTASI Les recherches monographiques sur le monde ouvrier et paysan en Italie (1860-1914) Frédéric LE PLAY Instruction sur la Méthode d'observation
Bibliographie Comité des monographies
DOCUMENT
UN JURISTE SOCIALISTE OUBLIÉ : EMMANUEL LÉVY (1871-1943) Ji-Hyun JEON Emmanuel Lévy, qui fut à la fois juriste, sociologue, et militant socialiste, est une Personnalité presque ignorée de l'historiographie du socialisme français. Il fut pourtant considéré par ses contemporains comme « le fondateur du socialisme juridique en rance » ou « l'introducteur du concept de droit collectif »1. En tant que théoricien du /0lt' Emmanuel Lévy est également estimé comme ayant les qualités requises pour 6tre le futur rédacteur du Code civil socialiste souhaité par ses amis de l'important [eseau intellectuel socialiste. Ce réseau est dénommé par Christophe Prochasson , réseau normalien socialiste' ou 'réseau d'Albert Thomas', dans lequel il évolua aux e6tés de Lucien Herr (1864-1926), Charles Andler (1866-1933), Marcel Mauss (187250), François Simiand (1873-1935), Maurice Halbwachs (1877-1945), etc.2 A la différence des socialistes français qui les avaient précédés, ces intellectuels socialistes ambitionnent de fonder sur la science un socialisme authentique, en liaison avec l'épanouissement des sciences sociales au tournant du siècle et notamment de la SOciologie durkheimienne. S'il est en effet représentatif de ce réseau par son Sagement, Emmanuel Lévy, qui fut conseiller municipal et premier adjoint au maire e ^y°n, est le seul de tous ces durkheimiens à s'être engagé profondément dans la vie Politique en voulant assumer tout à la fois sa vocation de savant et celle de militant.
t Cet article s'appuie essentiellement sur notre mémoire de DEA. Le but de ce vail était de mettre en relief la spécificité de l'engagement du juriste plutôt que de tracer avec précision sa vie, travail rendu d'ailleurs difficile par la rareté de la ocumentation. La correspondance entre Emmanuel Lévy, Rachel Lévy3 et Marcel auss nous a cependant permis de cerner dans une certaine mesure non seulement les eIlJeux professionnels et intellectuels de sa vie, notamment ceux liés à la réception utot froide du socialisme juridique par les juristes, mais aussi certains de ses aspects Us IntImes et humains tels que son caractère, ses amitiés, ses rivalités, etc. qui sont souvent liés à ces enjeux.
, Nous espérons que l'évocation de cette figure, dont la destinée est, à bien des ®8ards, assez malheureuse, pourra inciter à une redécouverte de cette doctrine dont il est e Père en France, le socialisme juridique.
1. J Ullen Bonnecase, La pensée juridique française de 1804 à l'heure présente : ses variations et ses traits e,s-r Bordeaux, Delmas, 1933, p. 237 ; Georges Gurvitch, L'Idée de droit social, Paris, Sirey, 1932, p , 60.
3 Charles Andler, La Vie de Lucien Herr (1864-1926), Paris, Librairie François Maspero, 1977, p. 197.
3 --. y-uiuici, LU vie ue Lucien nerr (iou-f-i y-, oi, raiis, uiorainc rranvois iviaspcru, i Y/I 3 Rachel Neviasky (1886- ?, surveillante de lycée) épousa Emmanuel Lévy le 16 juillet 1934.
L'itinéraire d'Emmanuel Lévy
Emmanuel Lévy naît le 18 janvier 1871 à Fontainebleau (Seine-et-Marne) : son père est clerc de notaire. Après être devenu bachelier ès lettres en 1888, il fait des études brillantes à la faculté de droit de Paris entre 1889-1896, obtenant plusieurs prix dont le prix au Concours général des facultés de droit. Il soutient en 1896, sa thèse œ doctorat avec la mention 'honorable', portant sur Preuve par titre du droit de propriété immobilière.
Son engagement politique date de ces années estudiantines. Emmanuel Lévy, respecté par ses cadets comme un « esprit d'une exceptionnelle contention », est une des chevilles ouvrières du milieu politique étudiant4. Il milite notamment au sein de la Ligue démocratique des Ecoles (fondée en 1893), où il assume la fonction de secrétaire en 1896. Marcel Mauss en est aussi l'un des principaux membres.
Si l'on considère les circonstances, et au vu de la correspondance dont nous disposons entre Emile Durkheim et Marcel Mauss, on peut penser que Marcel Mauss a introduit E. Lévy à L'Année sociologique. En effet, d'après cette correspondance entre Durkheim et son neveu, le sociologue demande au cours de l'année 1896 à E. Lévy une collaboration à cette revue, foyer de cette sociologie durkheimienne qui doit, dans l'esprit de certains intellectuels du 'réseau normalien socialiste' , contribuer décisivement à asseoir scientifiquement le socialisme. Bien que Durkheim ait beaucoup tenu à sa collaboration, la réponse n'est donnée que l'année suivante5.
Cette longue hésitation d'Emmanuel Lévy paraît en grande partie être due à un nouveau déplacement vraisemblablement occasionné par l'assaut antisémite livré contre lui à Alger, où il avait obtenu son premier poste universitaire. Quoique le détail de cet incident, déchaîné par l'Affaire Dreyfus, ne soit malheureusement pas bien connu, une lettre d'Emmanuel Lévy, écrite le 17 février 1896, aide à se figurer la situation. Après avoir dû quitter la faculté d'Alger sous la pression de cet antisémitisme, il est nommé à Toulouse, puis à Aix. Reçu en 1901 troisième au concours de l'agrégation après un échec, il occupe finalement une chaire à Lyon, où il devient l'un des principaux promoteurs rhodaniens de l'Unité socialiste.
Malgré cette chaire, définitive, à Lyon, Emmanuel Lévy continue à nouer des relations étroites avec les milieux intellectuels socialistes parisiens. Il participe à l'Ecole socialiste (1899-1902 et 1909-1914) et au Groupe d'Etudes socialistes, fondé en 1899, qui constituent le noyau de l'engagement des intellectuels socialistes de ce réseau. E. Lévy est l'un des membres parmi les plus actifs. Son « Capital et travail », l'un de ses principaux articles, constitue le huitième volume de la collection, publiée par le Groupe, les Cahiers du socialiste. La Revue socialiste, dont le rédacteur en chef entre 1910-1914 est Albert Thomas, cheville ouvrière du réseau, est elle aussi un centre vital de production et d'échange d'idées pour ces intellectuels. E. Lévy participe, dès l'arrivée d'Albert Thomas, au comité de rédaction de cette revue et dix des douze articles qu'il confie à la revue paraissent entre 1910 et 1912. Quant à la position de ces
4. A. de Monzie, Entrée auforum, Paris, A. Michel, 1920, pp. 39-49.
5. Dans une lettre datée de la fin novembre - début décembre 1896, Durkheim écrit : « Je serai très ennuyé si la nomination d'Emmanuel Lévy l'amenait à renoncer à collaborer à ladite Année. Est-ce là ce que tu veux me dire ? Dis-lui que je serais très heureux de sa collaboration, que j'y tiens beaucoup et que j'espère bien que ce changement de situation ne modifiera pas ses intentions. Je ne saurais le remplacer [souligné dans le texte]. », Philippe Besnard et Marcel Fournier (éds.), Lettres d'Emile Durkheim à Marcel Mauss, Paris, PUF, 1998, p. 49. Malgré cette vive espérance, la contribution d'Emmanuel Lévy restera modeste, se réduisant à 17 comptes rendus et 17 notes courtes figurant dans la première série.
intellectuels socialistes, pour le dire brièvement, ils représentent, dans le socialisme français au tournant du siècle, un courant soucieux d'apporter sa contribution Intellectuelle ou technique à la mise en forme théorique du socialisme français et aisant « confiance aux réformes, à la pédagogie et à la diffusion des Lumières »6 POUr l'établissement du socialisme.
Evoluant dans ces milieux, Emmanuel Lévy y fait mûrir sa doctrine, celle d'un socialisme juridique, reposant sur un certain concept relativiste du droit. On peut dire qUe Pour lui, « les institutions juridiques se ramènent à des fictions ou des ^Présentations fondées sur la croyance collective : la propriété n'est pas un pouvoir qui se transmet, mais un droit confirmé par l'opinion publique au moyen de la Prescription »7. Cette théorie avait été esquissée dès sa thèse de doctorat. Il collabore également au Mouvement socialiste, à La Revue de métaphysique et de morale et à P Usleurs revues juridiques, telles que La Revue trimestrielle de droit civil. L'essentiel de la pensée d'Emmanuel Lévy, qui n'est pas un auteur prolifique, est publié avant la rande Guerre et recueilli ensuite dans La Vision socialiste du droit (1926) et Les ondements du Droit (1933).
Fait assez remarquable, cependant, ce théoricien du socialisme juridique se lngularise nettement par sa volonté d'unir plus étroitement pensée et pratique Etante. Son engagement se distingue notamment de celui de ses amis du réseau en ee qu'il le fait entrer directement en politique. Parmi ceux qui participent au Bureau reformations Municipales (B. I. M.), fondé en 1912 par le Groupe d'études Socialistes pour l'éducation municipale des militants, il est en effet le seul à se Présenter à l'élection municipale cette année-là. Les activités du B. I. M. se terminent d'ailleurs par un échec, ce qui montre bien « le décalage frappant qui sépare la pratique «, Alitante' du Groupe de celle d'un militant du Parti »8. Emmanuel Lévy garde son nlaildat municipal de 1912 à 1929 et assume les fonctions de premier adjoint au maire e Lyon. Celui-ci est Edouard Herriot de 1919 à 1929.
, Sa tentative d'unir plus étroitement théorie et pratique semble bien en effet avoir echoué. Tout d'abord, ses confrères des facultés de droit, discipline considérée comme Parmi les plus conservatrices dans le monde universitaire, ont souvent porté des Jugements très sévères sur ses théories. Ils l'ont qualifié notamment de prophète, ont noncé son manque de clarté. Ainsi les témoignages de ses proches, ceux de ce 0nzie, d'Edouard Lambert, son collègue à la Faculté de Lyon, ou celui de sa femme jugèrent que l'engagement socialiste de Lévy a été un fort handicap dans la course à agrégation ou une promotion à Paris.
, Marcel Mauss décrit d'ailleurs ainsi le juriste : « mal aimé par le Parti socialiste, Ou il a rencontré aussi des persécuteurs, quelquefois écarté par ce prolétariat lyonnais auquel il a voué une grande partie de sa vie »9. Sa doctrine socialiste du droit ne rencontre guère d'écho au sein du Parti. Les militants jugent trop théoriques ses Contributions. Ces dernières suscitent la méfiance, comme cette critique d'un militant guesdiste en témoigne bien : « Vous venez d'entendre un métaphysicien du
6 iiitel? ce qui concerne ce réseau intellectuel socialiste, voir notamment Christophe Charle, « Avant-garde Che. ectuelIe et avant-garde politique » dans Paris fin de siècle : culture et politique, Paris, Seuil, 1998 ; ehristophe Prochasson, Les intellectuels, le socialisme et la guerre (1900-1938), Paris, Seuil, 1993.
7 1-
7 —put riutnassuu, ues inieiieciueis, le socialisme et la guerre ( 1 YUU-I yjo/, rans, seuil, l~ 7 Jean-Louis Halpérin, Histoire du droit privé français depuis 1804, Paris, PUF, 1996, p. 188.
8 r,
8--- wuuw I1UI|JC1II1, uisiuire UU uruu privejruriçuis uepuis IOUH, rails, ru r, p. ioo.
0 Christophe Prochasson, Le socialisme normalien, maîtrise dactyl., Université de Paris I, 1981, p. 24.
9 '"iMopne rrochasson. Le socialisme normalien, maîtrise dactyl., Université de Paris 1, 1981, p. 24.
]ç^!arcel Mauss, « Emmanuel Lévy, juriste, socialiste et sociologue », La Vie socialiste, 13 novembre 1926
syndicalisme. Pour ma part, je n'emploierai pas son langage, car je crois qu'une thèse soutenue dans un pareil style n'est pas habituellement comprise par le prolétariat syndiqué. J'essaierai simplement de dire les choses comme je les pense. »10 Il est en outre momentanément exclu du Parti lors d'un conflit survenu, entre le courant modéré auquel il appartient et le courant radical de la Fédération du Rhône, quelques mois avant la scission du Parti socialiste au Congrès de Tours. La raison apparente de ce conflit est un problème de relèvement des tarifs du tramway.
A cet égard, la correspondance entre Emmanuel Lévy, Rachel Lévy et Marcel Mauss nous dévoile bien le portrait d'un intellectuel socialiste épuisé par ses multiples échecs et meurtri par la méconnaissance dont il est victime. Il faut certes émettre des réserves sur le degré de cette méconnaissance vu le ton des lettres du juriste qui devient toujours plus pathétique. Quoiqu'elle soit très lacunaire et d'une très mauvaise lisibilité, cette correspondance offre également bien des aperçus sur différents aspects ds la vie du juriste, qui reste malgré tout encore assez obscure.
Pour conclure cette brève présentation de l'itinéraire d'Emmanuel Lévy, ajoutons que les dernières années de sa vie restent encore, pour une très grand part, dans l'ombre elles aussi. Ses dernières publications11 paraissent en 1937 et il meurt en 194312.
Espérons que des recherches ultérieures permettront d'en découvrir davantage.
La correspondance entre Emmanuel Lévy et Marcel Mauss
L'état de la correspondance qui reste, conservée dans le fonds Marcel Mauss au Collège de France est le suivant : 37 lettres d'Emmanuel Lévy à Marcel Mauss, 1 lettre d'Emmanuel Lévy à une personne non-identifiée, 7 lettres dactylographiées ds Marcel Mauss à Emmanuel Lévy, 1 lettre dactylographiée de Mauss à Rachel Lévy et 5 lettres de Rachel Lévy à Marcel Mauss. Les lettres écrites par le juriste s'étalent sur une période de quarante ans (1896-1937), mais deux tiers environs de ces lettres, et toutes les lettres de Marcel Mauss et de Rachel Lévy, sont écrites dans les années 30.
Nous publions ici la quasi-totalité de cette correspondance.
Pour la caractériser brièvement, on notera tout d'abord que la correspondance montre combien l'ossature de ce réseau intellectuel, créé en relation avec les sciences sociales naissantes et le socialisme au tournant du siècle, se maintient encore jusque dans les années 30. Son rôle ne se borne pas à encadrer l'évolution des idées et les modalités de l'engagement. Il est notamment intéressant de voir comment Emmanuel Lévy essaye de mobiliser ses relations amicales pour obtenir un poste à la faculté œ droit de Paris ou dans une institution judiciaire telle que la Cour de Cassation. Ces tentatives n'aboutiront malheureusement jamais. L'échec pour entrer à la Cour ds Cassation au cours de 1936, année du Front populaire, paraît être le coup de grâce porté à sa volonté. Quant à sa situation d'universitaire provincial, il en exprime
1°. Compte rendu sténographique du 4e Congrès du S. F. 1. O. (tenu à Nancy du Il au 14 août 1910), p.
386.
11. Emmanuel Lévy, « Notes rétrospectives », Annales sociologiques, série c : sociologie juridique et morale, fascicules 2, Paris, Félix Alcan, 1937 ; « Préface » à L'œuvre littéraire de Léon Blum ou Blum inconnu, Lyon : Les éditions de l'Avenir socialiste, 1937.
12. Concernant la mort d'Emmanuel Lévy, nous n'avons pu obtenir ni document administratif, ni notice nécrologique. A la différence de la notice du Dictionnaire biographique du mouvement ouvrier français, l'Annale de l'Université de Lyon (1943-1944) ne lui a consacré aucun article. Il nous semble que cela a un rapport avec le fait qu'il est juif.
P usieurs fois le regret et même l'amertume au vu du succès de ses amis qui accèdent Ors au sommet de leurs carrières universitaires.
Les propos échangés sur divers personnages et les aspects plus compliqués et plus Personnels de leurs relations, tels que la rivalité avec Marius Moutet (voir les lettres 2 et 3 de Lévy), aspects qui ne sont pas toujours exprimés ouvertement, ne sont pas oins intéressants. Par exemple, il est étonnant de voir Edouard Herriot décrier ] ^tlanuel Lévy en employant l'expression 'sale youtre', dans la lettre 4 écrite en 1909, même si l'on doit toujours rester circonspect quant à l'authenticité de propos apportés sans preuve et pas toujours de façon désintéressée.
Mais, avant tout, cette correspondance est très précieuse parce qu'elle nous ouvre s pistes d'investigation concernant le socialisme juridique et la réception faite à cette Jeone. Citant plusieurs noms, notamment ceux de confrères juristes, Emmanuel Lévy eur reproche la méconnaissance, les déformations ou le plagiat de sa doctrine. D'après .ses lettres on peut voir combien cette situation le mine toujours davantage oralement. Celles de Rachel Lévy à Marcel Mauss écrites au cours de l'année 1936 Soignent très vivement de la dépression et de l'épuisement tragiques de son époux.
On peut pour finir s'interroger sur la pertinence des critiques formulées à l'égard ds doctrine, ou bien se demander au contraire dans quelle mesure le juriste n'aurait pas estimé l'importance de ses apports. Ces interrogations sur la place d'Emmanuel vy passe nécessairement par un réexamen du socialisme juridique mais contribuerait aussi en retour à une nouvelle appréciation de celui-ci. A cet égard, même si on laisse de côté le portrait fait par ses proches, qui le décrivent comme la victime, voire le srtyre, d'une méconnaissance et d'une critique injuste ou même d'un plagiat, il est Cessant de revoir l'estime et même les éloges de lui faits par plusieurs grandes Sûres non seulement françaises mais internationales. On rencontre en effet à son droit des expressions comme « des phrases lourdes de pensées », formule employée Par Bergson, « kraeftiger Jurist, puissant juriste » et « juriste qui donne des coups de eorne » de Bernstein, le célèbre socialiste allemand, et encore « un des hommes que J adnùre le plus », déclaration de H. de Man, le socialiste belge13.
Ji-Hyun JEON jhclio@hotmail.com
13 D.* Ous n'avons pas pu trouver la source originale de ces citations trouvées dans la notice du l°nnair? nati°nal dës contemporains, t. 2 (1938), dirigé par Nath Imbert et dans l'article de Lucien DimCr (qui fut écrit lors de la retraite d'Emmanuel Lévy de la faculté de droit et dont la date et la source ne fi "gurent pas sur la copie que nous avons obtenue des Archives de l'Université de Lyon).
CORRESPONDANCE
Lettres d'Emmanuel Lévy à Marcel Mauss 1
17 fév. 1896 Mon cher ami, Tu as compris que tout ce qui me souciait dans ces événements, c'était l'impression à Paris.
Et tu as compris aussi que le mieux pour moi était de ne rien faire.
Il paraît qu'une dépêche d'étudiant a été envoyée au «.». Le [.] menant une campagne contre moi ne l'a pas publiée. D'où la dépêche que tu as reçue. Je n'aurais pas fait insérer la dépêche, mais j'aurais voulu savoir qui remercier.
Aujourd'hui c'est fini, de par la rue de Grenelle. Tous mes étudiants au cours ce matin, comme de coutume mais, depuis presque trois semaines quel métier ! Lâchage de presque tous les étudiants, de plusieurs collègues, insulte de la populace, et des ragots à ma porte. Heureusement, il a fait très beau.
Les incidents (voir Débats no. 13, février, article de Colin, [informer] ici) Je suis exclu de l'association - sans m'y être présenté.
Le recteur transige : il leur donne un an « pour réfléchir ». Mais les directeurs et le recteur n'assisteront pas au punch offert aux membres honoraires.
Résultat : on conspue, en plein théâtre, le recteur et Lévy. Puis on envahit ma salle de cours et me f. à la porte. Les journaux annoncent déjà que je suis révoqué.
Ensuite des professeurs de l'école de médecine, la municipalité de [M.] - peut-être le proviseur - attisent la grève à coups de bâton ou empêchent les récalcitrants d'entrer.
Un manifeste est lancé demandant mon renvoi et celui du recteur. On « jure » de ne pas revenir auparavant. Serment d'ivrogne, on est revenu. On est même venu chez moi implorer la grâce des meneurs exclus (ceux-là ne sont pas rentrés).
Le plus drôle est que j'avais vu ces meneurs au café ; nous avions pris des bocks ensemble et tout serait depuis longtemps fini sans l'intervention des autorités. En plein conseil des écoles un [p.] a traité le recteur d'« agent provocateur ». Deux ans d'exclusion, il avait crié notamment au recteur : « Enlevez-le » - « Mais oui, nous voulions l'enlever en triomphe ».
Disons pourtant que tout cela est bien triste. « J'en suis désolé », m'a répété trois quart d'heure Cambon en roulant des yeux tout comme s'il eût tenu sur chaque genou quelque [.] avec quelque chose dedans.
Mes souvenirs à tous ceux qui m'ont [protégé] de leurs vœux.
J'ai été bien touché d'une lettre de ton oncle.
Affectueusement.
Emmanuel Lévy.
Merci à [Maubant], Abel, Albert Milhaud1. Amitiés au [.], baisers [.] baisers [par là]. Je ne me suis pas amusé tous les jours et si je riais au nez des manifestants, des insulteurs, c'était d'un rire un peu spécial. Mais rien n'est bien sérieux - sinon
1. Albert Milhaud: frère aîné de deux ans d'Edgar (1872-1964) ; agrégé d'histoire en 1894 ; l'un des fondateurs de la Ligue démocratique de Ecoles fondée en 1893 au sein de laquelle Emmanuel Lévy milita pendant ses années estudiantines.
bien grave - dans cette colonie sans tradition, sans foi dans presque sans lois. On ne en veut déjà plus de toutes les grossièretés qu'on m'a faites. Pour la santé tu peux nquilliser mes parents : je n'ai pas eu le temps d'y penser. Et je veux venir au travail. Je serais content que Gustave me dise ce qui se passe à l'école. Tu ne me parles Pas de tes travaux.
2 1909 Mon cher Marcel, J En relisant ta lettre après avoir envoyé la mienne, je vois une fin qui m'inquiète.
je nC veux te causer aucun ennui ni aucune peine. Ma santé n'a jamais été si bonne, ni masérénité si grande, ni mon désir de vivre, d'agir, de faire ma tâche. Je suis tranquille 1S je vois clair. Et il y a eu à mon sens un courant dirigé contre moi du côté ce Rgnaudep et Jaurès : exploitation de ma mauvaise santé, d'une nature incertaine, et Puis Je ne suis pas l'homme-lige n'étant pas un agent d'affaire. Tu peux interroger à Mnds n importe quel militant du Rhône : il te dira que je fais ce que je peux, que UtCt3 ne fait rien qu'à Paris. Je le dis d'autant plus tranquillement que j'apprécie sa nature et qu'il aurait été un brave homme - qu'il n'est plus- sans l'influence de sa fe 016' une juive russe enragée d'appétits. C'est comme ça et j'aimerais mieux croire en tOI et les nôtres que dans ce sale milieu d'affaires soi-disant idéaliste et mystique.
e Mais je veux que tu aies confiance en moi à tous égards comme moi j'ai confiance en toi.
Affectueusement, Emmanuel.
3 1909 Mon cher Marcel, a entre nous je veux préciser un point : Moutet c'est très bien. Mais Moutet qui ijvaIt. un [ j infime il y a trois ans gagne aujourd'hui dans les 30 000 et [Lutaud] et rnot - n'y sont pas pour rien, alors. J'y ajoute ceci : Maxime Leroy4 lors du gres de la ligue à Lyon me dit : « Etes vous en mauvais termes avec Moutet ? nSe et il ajouta : j'aurais voulu vous avoir comme avocat de la ligue ; M. a s It : Lévy n'en veut pas, il n'a pas le temps. » Or j'aurais été trop content de rendre là pervice et en même temps de pouvoir, comme Moutet, me payer un secrétaire.
pr essenssé5 en la circonstance , Moutet s'étant institué [son] agent a été un peu Suspect. Petit côté d'un pontife - il y a là des indications qui m'inquiètent sans tr Dlerma « paix » - Le Progrès6 où Moutet est chez lui a inséré difficilement en eme] page une note sur « Capital et travail »7. Avant-hier, ironiquement, j'ai
r: 3 erre Renaudel (1871-1935) vétérinaire ; publiciste ; militant socialiste ; député.
3 K.. -
3 v ^enauaei (id : vétérinaire ; publiciste ; militant socialiste ; député.
3. "05 Moutet (1876-1968) : avocat ; militant socialiste et artisan de l'unité socialiste à Lyon ; député du Ru°ne et de la Drôme (1919-1940) ; sénateur (1948-1968); ministre des Colonies et de la France d'Oulre-Mer (1946-1947).
4 Q.- -
4 -"-¡Vlt;r t l ':J4Ó-1 ':J4I).
4 Ur Maxime Leroy, voir l'article de Lion Murard et Patrick Zylbermann dans ce même numéro.
5 1:'--- -
5 "mlt; Leroy, voir larucle ae Lion Murara et Patrick zylbermann dans ce meme numéro.
5. iz rancis Dehaut de Pressenssé (1853-1914) : secrétaire d'ambassade ; publiciste ; président de la Ligue des Olts de l'Homme et du Citoyen ; député socialiste du Rhône.
6 --
6 - VIl:; oe i Homme et du Citoy 7 Quotidien lyonnais républicain.
7 r,_ -
7 "^icn lyonnais républicain.
e brochure publiée en 1909 constitue le huitième volume des Cahiers du socialiste du Groupe des es socialistes.
remercié Moutet de l'article qu'il y a consacré et Moutet a très bien compris. - Il faut dire ces choses et je les dis.
Bien, Lévy Emmanuel.
4 1909 Mon cher Mauss, J'ai eu l'écho tout à l'heure par un certain Blum, professeur de philo au lycée que j'ai d'ailleurs mouché sérieusement, d'une campagne perfide contre moi : dans cette province de jésuites, je devais m'y attendre ; tout ce que je demande, c'est que nos amis de Paris n'en soient pas impressionnés et que je ne sois pas pris entre le feu radical et le feu juridique. Je sais qu'Herriot, qui sait si bien vous embobiner, m'a traité plusieurs fois de sale youtre (je le sais notamment par le maire de Villeurbanne qui me l'a appris dans circonstances singulières, alors que je m'efforçais de me poser en tampon entre Herriot et les unifiés. Etant donné les attaches normaliennes cfe plusieurs d'entre [nous] et notamment de Jaurès il me paraît utile - sans rien exagérer ni rien craindre, tu peux le croire - que vous soyez avertis. Et je continuerai, que j'aille ou n'aille pas à Paris.
Amitiés, Lévy Emmanuel.
5 1912 Mon cher Marcel, Il y a une place d'agrégé de droit privé à Paris. Ma candidature est très susceptible de succès si je suis soutenu. Mais bien entendu, il y a toutes les oppositions dont tu te doutes. Autour de toi, qui pourrait agir, du côté de Liard par exemple ? Andler, Durkheim, Xavier Léon, etc.? Si tu crois ma nomination utile, agis en hâte. J'avais passé chez toi, mais tu étais à Epinal.
Dans un précis d'économie politique qui vient de paraître, mon collègue d'ici Brouilhet8 me consacre toute la préface ; ce peut être utile ; d'ailleurs je ne m'y attendais pas. Amitiés, Lévy Emmanuel.
Crois-tu Jaurès utile ? En ce cas, écris-lui directement de ma part. J'ai déjà quelque appui, mais un concurrent [Reinard] est « candidat de l'Elysée ». Morizet9 pourrait rengager Jaurès ; c'est lui, que j'ai rencontré par hasard, qui m'a guidé. Cela se fera avant dix jours, probablement. Avec mon mandat municipal10 cela tombe mal ; mais j'ai lutté pour [sauver le bloc] et d'autre part sur mon indemnité je ferais les voyages pour les séances publiques.
8. Charles Brouilhet (1870-1955), premier au concours d'agrégation (1895), est rattaché à la faculté de droit de Lyon où il enseigne l'économie politique et l'histoire des doctrines économiques. Muté en 1919 à sa demande à la nouvelle faculté de droit de Strasbourg. Notamment, auteur d'un Précis d'économie politique, Paris-Lyon, 1912. SurC. Brouilhet, « L'enseignement de l'histoire des doctrines économiques à la faculté de droit de Lyon (1895-1944) », Revue d'histoire des facultés de droit et de la science politique, n° 19, 1998, pp. 285-313.
9. André Morizet (1876-1942) : docteur en droit; rédacteur au ministère de la Justice; journaliste et militant socialiste ; maire de Boulogne-Billancourt ; sénateur de la Seine.
10. Emmanuel Lévy fut élu pour la première fois conseiller municipal à l'élection du 12 mai 1912. Il était un des douze élus socialistes unifiés.
6 1912 Mon cher ami, Vi Je reçois ta lettre à l'instant. J'étais à Paris en [courant] le temps de faire des sites obligatoires aux collègues.
Esmein Il m'a dit «je ne sais si je serai consulté. Si oui, je dirai tout le bien que Je Pense de vous ». Mais je voudrais si possible une lettre ou une visite d'un de mes ar'ais à Esmein ; j'avais voulu provoquer la [riposte] d'Esmein à Bayet12 par ®ran^13 ; mais je crois que M. ne veut rien faire ; il est de l'autre côté.
[G J'ai eu seulement par De Monzie14 que Morizet m'a dit de voir une parole ds rp yi&em] à Briand Il aurait fallu ici l'action de Grunebaum15. Or Léon Blum que j, ai vu parce que [Petit] m'a dit de le voir, et un ici à qui j'ai écrit deux fois ne m'a Pas même répondu ; ceci est grave et mérite d'être éclairci.
Aujourd'hui, de Monzie m'écrit que [Guilhem] est assailli de demandes pour un candIdat; ce candidat est Bernard16, qui est mon cadet de beaucoup comme [.] est on cadet d'agrégation ; quant à ses titres je prie qu'on les dise : il est le fils du t sénateur.
Ici je pourrais faire agir Herriot, ami de [Guir..] ; mais une pudeur me retient ; ^pendant mon collègue Cohendy17 me dit que n'étant pas adjoint, je suis libre ; il se trouve- d'autre part que, ligoté par le parti, je n'ai néanmoins pas d'avenir politique (et tu sais que je n'y tiens pas).
F La nomination doit se faire en juillet au Ministère après consultation vague de la Faculté ; je pense venir vers le 25. Vraiment pour moi c'est grave.
Ir Scientifiquement je suis destiné en restant ici à être [cocu à faire exploiter].
itier's est tenu à Paris pour un « socialiste juridique » pitoyable sur mes
Il , Sei Jean Ffippolyte Emmanuel, dit Adhémar, Esmein (1848-1913) : juriste; directeur de la section des Scten religieuses à l'Ecole Pratique des Hautes Etudes et de la Nouvelle Revue historique du droit français et ^tran8er- Sur A. Esmein, voir l'étude de J.-L. Halperin, « Adhémar Esmein et les ambitions de l'histoire de droit », Revue historique de droit français et étranger, 1997, 415-433.
12 - de droit français et étranger, 1997,415-433.
12 c ae droit », Revue historique de droitfrançais et étranger, 1997,415-433.
des^lar^es Bayet (1846-1918) : érudit ; docteur ès lettres ; professeur à la faculté des lettres et à l'Ecole ltJ.i ':8UX-arts de Lyon ; recteur de l'académie de Lille ; directeur de l'Enseignement primaire au niini re de l'Instruction publique puis à la direction de l'Enseignement supérieur.
13 --
13 e * Instruction publique puis à la direction de l'Enseignement supérieur.
P après la notice du Dictionnaire national des contemporains (1938), Emmanuel Lévy a été Se_ etaire de Millerand (1859-1943) en 1896.
j4
14 "e de Millerand (1859-1943) en 1896.
I90^nat°le de Monzie (1876-1947 ): chef de cabinet du ministère de l'Instruction publique (1902directeur de cabinet du ministère de la Justice (1905-1906); député du Lot; sénateur du Lot 15 - - 929); ministre de la Justice ; ministre des Travaux publics.
15 -
15 -V-I 'jL.'J) ; ministre de la Justice ; ministre des Travaux publics.
i Paul-Frédéric-jean Grunebaum (1871-1969): chef du cabinet d'Aristide Briand, ministre de constJ:uction publique et des Cultes (1906-1911); président du Conseil de préfecture de la Seine; con useiiier d'Etat.
~»wuer a Etat.
, Maurice Bernard (1877-1916): fils de Jean-Gustave (1836-1907), sénateur; professeur de droit Commercial à la faculté de Grenoble; professeur adjoint à la faculté de droit de Paris (nomination en 1912); conseiller général du Doubs de 1908 à adjoint à la faculté de droit de Paris (nomination en radi j ConseiHer général du Doubs de 1908 à 1912; député de Besançon (groupe de la Gauche 1., Icale).
l7~*va,e>.
^Georges Cohendy : professeur de droit commercial de la faculté de droit de Lyon ; conseiller unidpai de Lyon (1930) ; premier adjoint au maire.
1 g ae Lyon (lyjuj ; premier adjoint au maire.
is 'Joseph Hitier (1865-1930) : professeur d'économie politique et d'histoire des doctrines économiques à la faculté de droit de Grenoble ; professeur de législation financière à la faculté de droit de Paris (Qo ^é en 1912). Auteur d'un article sur « La dernière évolution doctrinale du socialisme : le socialisme iuri^Klue », Revue d'économie politique, t. XX, 1906, pp. 209-228 ; 345-367 ; 451-466. Cet article joue un Tale dans la diffusion (et la vulgarisation) du socialisme juridique.
essais. Voici que Brouilhet19 est en posture d'être nommé (on lui a d'ailleurs reproché - il ne m'a pas dit quel collègue - sa préface où il me rend en partie justice en termes d'ailleurs faibles mais enfin honnêtes).
Je demande instamment une action sur Esmein pour qu'il parle à Bayet ; je t'ai dit textuellement ses propos ; son attitude fut affectueuse20.
Prisonnier ici, ayant des cours à [réparer] par suite d'indispositions, tâche ds m'écrire n'importe comment cela me fera du bien.
Affectueusement, Lévy Emmanuel 7 1921 Mon cher ami, A Paris jusqu'à demain soir (congrès des maires, mairie du 4e arrdt.) Pourrai-je te voir ! Je déjeune chez un cousin à midi (Passy, 93. 21), ce soir chez mon frère (Neuilly, 15. 46).
Peux-tu m'avoir ton travail sur le contrat (échange entre groupes, j'avais fait des notes [en ce sens] sur le change international) et ce que tu as écrit sur le dernier livres des Webb ?
Amitiés, Emm. Lévy
8 1923 Mon cher Marcel, Tout de suite mon acceptation de principe et ma promesse de collaborer. Je parlerai à Huvelin21 pour les collaborateurs.
Je te vois au Populaire (tu y a peut-être vu mon ordre du jour sur la Ruhr) et à la Vie socialiste.
Lacôte m'a parlé, et [.] au Crédit Lyonnais [.] toucher notre traitement.
Je n'ai vu ni dans aucun organe socialiste ni dans aucune publication philosophique même indiquée ma petite plaquette de l'année dernière, Introduction au droit naturel22, où j'avais ramassé mes essais et peut être suggéré.
En effet, l'année 1922, j'ai eu des troubles intestinaux, fissures, parasites, qui ont porté au delà.
Amitié.
Cette absence de contact m'est dure.
Emmanuel Lévy
19. Voir L. Frobert, « Sociologie juridique et socialisme réformiste : note sur le projet d'Emmanuel Lévy (1870-1944) », Durkheimian Studies, 1997. -
20. Sur l'échec d'E. Lévy à l'accession d'une chaire parisienne, voir Marc Milet, Les professeurs de droit citoyens. Entre ordre juridique et espace public. Contribution à l'étude des interactions entre les débats et les engagements des juristes français (1914-1995), thèse pour le doctorat de science politique.
Université Panthéon-Assas Paris II, 2000, tome 1, pp. 72-74.
21. Paul Huvelin (1873-1924) : premier au concours d'agrégation d'histoire du droit en 1899 ; professeur de droit romain à la faculté de droit de Lyon ; collaborateur de L'Année sociologique ; fondateur de l'Ecole française de droit de Beyrouth.
22. Cet ouvrage fut publié en 1922 chez La Sirène et un extrait fut reproduit dans La Vision socialiste du droit (Girard, 1926) et dans Les Fondement du droit (Alcan, 1933)
Ma grand-mère est sur son lit de douleur depuis une semaine.
J ai reçu une circulaire de Lucien Herr pour un syndicat universitaire mais ne la trouve plus. Peux-tu m'inscrire ? Tout de même je ne suis pas absolument rassuré ans l'influence politique je verrai.
9 1924 - Mon cher Marcel, Aux obsèques d'Huvelin je représentais la ville « premier adjoint et ami Personnel ». J'ai mis la dépêche sur notre table des professeurs et je préviens la mille qui est à Ligny-en-Barrois (Meuse) où se fait l'inhumation.
fi Obsèques trop officielles et politiques. La campagne électorale a sans doute hâté la ln et ils l'avaient relégué en queue sous le prétexte de l'ordre alphabétique.
A toi, Emmanuel.
10 1927 Mon cher Marcel, La flamme de ton article23 de La Vie socialiste m'a un moment ranimé.
Simiand, dont je n'ai pas l'adresse, pourrait peut-être faire rendre compte de La lSlOn dans la Revue d'économie politique. Peux-tu lui en parler ?
Souvenirs, Emmanuel Lévy.
11 1927 Mon cher Mauss, J'ai reçu avis de M. Seligmann qu'il était à Paris pour une encyclopédie, d'accord dyec Lévy-Bruhl. Je ne suis pas au courant. Provisoirement je ne viens pas pour éviter discours et fatigue. Peut-être ai-je eu tort. Des collaborations me seraient utiles en rance et à l'étranger pour avoir des livres et un peu d'argent. Je ne suis même pas 6SSeur de 1re classe, sacrifié à n'importe qui. Des comptes rendus de ma brochure c el an dernier dans des revues philosophiques ou juridiques m'auraient été utiles pour Cela. Lis un numéro de cette année de la Revue de métaphysique, tu verras attribuer à d'autres dans une étude sur le cartel ce que je dis depuis des années.
Je travaille sur les titres de crédit, plus une note sur la liberté syndicale.
Souvenir, Emmanuel Lévy.
Je n'ai pas reçu l'Année sociologique.
Je n'ai plus ton adresse exacte.
----23 Marcel Mauss, « Emmanuel Lévy juriste, socialiste et sociologue », La Vie socialiste, 13 nov. 1926.
12 1928 Mon cher Mauss, Je t'enverrai peut-être un article de 15 pages de Georges Ripert, professeur à la Faculté de Droit de Paris sur le socialisme juridique d'Emmanuel Lévy (Revue critique de législation et de jurisprudence, 1928) et en tout cas ci-joint ma courte réponse24.
Je n'ai pas été promu je sais, malgré que je ne doive pas le savoir. Duguit25 acharné contre moi, avec lui, Beudant aussi, avec Fournier, [.].
L'Année sociologique n'a pas donné d'analyse de ce que j'ai fait depuis mon article de 1899.
Je serai content d'avoir une épreuve de mes notes bibliographiques. Adresse à l'Année. Mon compte rendu de [capital] a paru avec de graves coquilles.
A toi, Emmanuel Lévy 61 rue P. Corneille Donne-moi ton adresse
13 29 nov. 1930 Mon cher Mauss, Je suis content de te savoir au Collège de France. Je l'apprends ce matin par H.
Lévy-Bruhl. Excuse mon absence vendredi à l'I. F. S.
Le résumé que Marcel Déat me consacre dans ses « Perspectives socialistes » (p.189)26 et les conséquences qu'il en tire me font plaisir. C'est, en dehors de tes indiscrétions, le premier redressement un peu sérieux que je vois. Essertier dans ses extraits de sociologues en est encore aux citations faites par Davy27 il y a plusieurs années. Cela tient à ce qu'aucun compte rendu n'a paru dans la Revue philosophique.
Contrairement à ce que j'avais des raisons formelles de penser. Je n'étais pas à Paris depuis que je t'y ai vu. J'accepterais aisément d'y revenir comme professeur ou autrement [souligné par l'auteur].
Ton succès est notre succès à tous. Mais tu es bien rare, bien loin.
Affectueusement, Emmanuel Lévy
24. Ils furent reproduits dans Les Fondements du droit (1933).
25. Léon Duguit (1859-1928): agrégé de droit (1882) ; professeur et doyen à la faculté de droit de Bordeaux ; auteur d'un monumental Traité de droit constitutionnel.
26. Voir Marcel Déat, Perspectives socialistes, Bibliothèque économique universelle, t.3, Paris, Librairie Valois, 1930.
27. Georges Davy (1883-1976): normalien; agrégé de philosophie (1908); collaborateur de l'Année sociologique.
14 1931 Mon cher Mauss, D Le pli est pris dans les revues de Droit, notamment la Revue trimestrielle de TJ°iî civil de me piller, de ne jamais me citer. J'ai protesté par lettre auprès de M.
oirin28 à propos de son article de la revue trimestrielle 1931 no. 2 où il n'est question que de « Confiance légitime trompée », de droit à base de « crédit » avec renvoi à M. Demogue29. C'est le vol organisé. Et je ne parle pas des thèses. Il y a eu la Protestation, en somme, de Ripert30. C'est tout. Je comptais sur Davy qui avait annoncé une étude. Ton autorité est telle que le jour où tu auras le loisir cela cessera.
outenu il m'aurait été possible de finir à la Cours de Cassation. Ici c'est la chute ertame. En tous cas je crois avoir droit à une défense de ma mémoire.
u Au besoin, je dresserais une petite liste de mon apport, au service de qui voudra en user Pour moi.
Je ne te demande pas de m'écrire.
Affectueusement, Emmanuel Lévy.
15 1932 Mon cher Marcel, Eventuellement. Je crois qu'il faudra prendre position vite à mon sujet.
R l-her encore j'ai envoyé une note à la Revue critique de législation : le doyen ds Re ?neS' Chauveau y découvre au quart ce que j'avais vu il y a 30 ans sur les droits ré et personnels et il ne me nomme même pas ; Ripert, le directeur, s'excuse, év! n eniITient très gêné, Chauveau aussi. Je commence ainsi : « l'étude de M. C. a une e istoire ». C'est dire ma situation.
Il faut, je crois, que je sois à Paris pour tenir, me défendre, attaquer, réagir.
p Mon collègue Jacques Lambert31 me cite seul avec Valéry comme autorité dans sa niiere leçon sur la paix qui a paru à la Revue de l'Université de Lyon et sera Produite notamment dans « la Paix par le Droit ».
é Mon collègue Perroux32 va faire une étude sur ma méthode, comparée à celle des conomistes.
p Mais je voudrais m'en aller, retourner à la pratique par l'arrêt à rédiger [souligné Pe l'auteur], faute d'y être comme législateur.
----28. Pierre Ypirin professeur de droit civil à la faculté de droit de Nancy. Il a publié «Propriété et reSpo ?S dans les baux ayant pour objet une exploitation spécialement dans le bail du fonds de c°irinerce» dans la Revue trimestrielle de droit civil, n° 2, 1931, pp. 285-311.
29 ,
29 ce» dans la Revue trimestrielle de droit civil, n° 2, 1931, pp. 285-311.
panic^e Demogue (1872-1938) : professeur à la faculté de droit de Paris ; spécialiste de droit civil et 30 rerr,ent du droit des obligations ; codirecteur de la Revue trimestrielle de droit civil.
30 rerr,ent du droit des obligations ; codirecteur de la Revue trimestrielle de droit civil.
P'~ Georges Ripert, « Le socialisme juridique d'Emmanuel Lévy », Revue critique de législation et de l\JurisPrudence, 1928.
3 ! ^prudence, 1928.
Jacques Lambert : né en 1901 ; agrégé de droit; professeur de la faculté de droit de Lyon (1926l945*aPr®s 1946), de l'université de Porto-Allegre (Brésil, 1937-1938) et de Rio-de-Janeiro (19391945), auteur de Les Nations contre la paix, Paris, Alcan, 1933.
32 1 auteur de Les Nations contre la paix, Paris, Alcan, 1933.
32 P nÇ°'S Perroux (1903-1987): économiste ; professeur d'économie politique à la faculté de droit de Lyon(1928-1937), à la Sorbonne (1935-1955) et au Collège de France; fondateur et directeur de ltut Supérieur d'Economie Appliquée (ISEA).
Peux-tu agir directement? Faire agir Renaudel, Déat [ibid.], Blum ? Herriot ne sera pas surpris.
J'aurais préféré l'action si le parti me l'avait facilitée.
Sais tu que "la paix par la justice" (en 1929) était une consultation [par] A Thomas ?
Surtout réponds-moi [ihid ]
As tu fait la note pour Gény33 ?
A toi, Emmanuel Gurvitch a parlé de moi dans « L'idée de droit social » page 160, annonçant une étude spéciale (?)34, son bafouillage là-dessus montre surtout l'exploitation et déformation par Hauriou35 des choses claires que j'avais dites en 1903. Il est d'ailleurs frappant qu'il ne connaissait de moi que laVision socialiste du droit, que ni Brunschvicg ni M. Leroy par exemple ne lui avaient signalé ce que j'ai fait depuisPrécisément n'ai-je pas à craindre une concurrence [de] M. Leroy ?
16 4 juin 1932 Mon cher Mauss, J'écris à de Monzie, le prévenant de votre action possible. Je n'écris pas à Boncour36, le connaissant moins.
J'ai prévenu Lambert que ta note sur Gény était prête. Il semblait craindre d'être indiscret en te la demandant.
Je lis une étude de [Labadié] sur la monnaie crédit. J'ai exposé son histoire dans le Mouvement socialiste en 191237.
A toi, Lévy 61 rue P. Corneille.
Par l'Institut peut-on agir sur Matter ?
33. François Gény (1861-1959) : agrégé des facultés de droit en 1887 ; professeur de droit civil et doye11 (1919-1925) de la faculté de Nancy ; l'auteur de Science et technique en droit privé positif. Nouvelle contribution à la critique de la méthode juridique, Paris, Sirey, 1913-1924, 4 vol.
34. Georges Gurvitch (1894-1965) y annonça une critique sur le concept de droit collectif d'Emmanuel Lévy dans la 2e partie du chapitre 1 de Le Temps présent et l'idée du droit social. Voir a'issi, du même.
Les fondements et l'évolution du droit d'après Emmanuel Lévy de L'Expérience juridique et 'a philosophie pluraliste du droit, Paris, Pédone, 1935.
35. Maurice Hauriou (1856-1929): professeur de droit administratif et constitutionnel et doyen (19061926) de la faculté de Toulouse ; l'auteur de Précis de droit administratif. contenant le droit public et le droit administratif, Paris, L. Larose et Forcel, 1892. Sur Hauriou et le socialisme juridique, voir MHerrera, « Socialisme juridique et droit administratif », J. F. Kervégan, H. Mohnhaupt (dir.), Influences el réception mutuelle du droit et de la philosophie en France et en Allemagne, Francfort (sous presse).
36. Joseph Paul-Boncour (1873-1972): avocat; ministre du Travail (1911); militant socialiste, pUÍs fondateur de l'Union Socialiste Républicaine (1931) ; sénateur (1931-1940) ; délégué de la France à la SDN (1932 et 1936).
37. Emmanuel Lévy, « Analyse sociale du change », Le Mouvement socialiste, t. XXXI, n° 238, février.
1912, pp. 164-165.
17 16 juin 1932 Mon cher Mauss harléty, parlera à Paul Matter et à Lévy-Ullmann.
A toi, Emmanuel.
18 5 juillet 1932 Mon cher Marcel, 5 juillet 1932 L)epuis le mardi où nous avons déjeuné j'ai perdu le contact ; le mercredi matin je n'étais pas tout à fait en train pour monter chez toi.
Le 20 j'irai à Evian (Hôtel des Flots Bleus) ; peut-être iras-tu dans ces régions.
p M- B°nnecase38 m'annonce une étude de lui sur moi dans un livre prochain sur la p e, e juridique en France. Ce peut être utile pour les références.
Ici mon collègue économiste Perroux me propose aussi une étude. Il a demandé à Simiand de le rencontrer aux vacances. Je serai content que S. lui réponde. Il l'é lrerait sur mes vues.
J'ai à préparer 10 leçons d'introduction à l'étude du droit.
nCemant le reste, bien entendu je ne sais plus rien. Je ne sais pas s'il y a la Po K1 par toi et notre groupe de maintenir le contact, d'instituer ma candidature Msee par de M. J'ai seulement eu une lettre de Charléty après conversation avec Mafter « sympathique ».
A toi, Emmanuel.
19 10 juillet 1932 Mon cher Marcel, 111 Quelle opération ? ; tu mets comme une coquetterie à en parler en silence aglque.
le d ^a position : Herriot m'avait dit qu'il me croirait utile à la S. D. N. pour y dire !* Je lui avais répondu que cela me paraissait impossible, que, au contraire c'était ossible [en Cassation], sauf à aller de là à la Haye, de là au Conseil d'Etat.
ic' Cette Position simple est transformée en une requête. Peu m'importe si je justifie 'ci ou l' [souligné par l'auteur] « l'attente », question de santé.
Je ne crois pas à l'hostilité d'Herriot.
A toi, Lévy.
20 13 juillet 1932 Mon cher Marcel, 13 juillet 1932 Donc demain midi 1/4
38 38 Jur'en Bonnecase : professeur de droit à l'Université de Bordeaux ; auteur de La Pensée juridique frQnça lSe de 1804 à l'heure présente : ses variations et ses traits essentiels , Bordeaux, Delmas éditeur, 1933
Le ministre a écrit officiellement à [Renault].
Il désire te voir.
Il souhaite ou approuve une action de Milhaud, de Lévy-Bruhl sur Matter : il croit pouvoir se charger de [Lecouvé]. Il approuve aussi une action de Renaudel sur [R.]. n serait peut-être bon que l'un de nous voie Lévy-Ullmann.
Je rentre seulement dans la nuit de mercredi, de Monzie voulant me voir encore mercredi soir. Ce soir je vais chez Petit.
Em. k 21 21 sep. 1932 Mon cher Mauss, tu m'obligeras en précisant ta référence à [Stampfer] sur la fonction publique de l'argent ; je ne trouve rien au tome [41] de l'Année.
A toi, Emmanuel
22 26 mars 1933 Mercredi je suis invité à Montmorency au mariage de mon neveu.
Je ne sais pas si je te verrai à mon passage (de lundi matin à mercredi soir).
Alcan doit éditer ces jours-ci un brochage de mes études « Les Fondements dJ Droit » que toi et les tiens le protègent ! Peut-être as-tu vu que Lambert dans seS «Nations contre la paix» se réclame de moi.
Souvenirs, Emmanuel Lévyadresse : chez mon frère Neuilly sur Seine 10 rue [.].
23 8 juin 1933 Mon cher Marcel, Simplement pour te dire que, souffrant d'ostéite au pied, suite peut-être de 0'3 cassure, j'ai supprimé toute visite, à mon regret et préjudice.
[Affectueus.] , Emmanuel Lévy24 1933 Une proposition de loi au parlement belge (séance du 2 juin 1932) ieproduite do la Revue générale des assurances et des responsabilités (1932 no. 1), propositi011 instituant la responsabilité objective et l'assurance obligatoire des automobilisteS, invoque tout simplement ma définition du délit civil, « responsabilité de l'argent yh Cela me vient comme un fait nouveau.
Amitiés, Emmanuel Lévy
25 1934 Mon cher Marcel, Tu ne m'as pas envoyé l'adresse de ta villégiature, d'où mon silence.
A E"lian, j'ai su par Vidal-Naquet que Petit et Milhaud étaient brouillés, ayant trop tarcj lnsi l'explication de l'abstention de Petit. Mais il aurait pu me le dire.
Ant al exprimé par lettre à M. M. que je savais qu'il ne t'avait pas reçu. Il avait dit à Ant 16^39 ne m'oubliait pas, qu'il regrettait que je ne l'avais pas orienté pour 'n'être utile.
îî souhaite pour le principe que tu le voies.
tant comme défunt, je souhaite surtout que notre groupe ne m'oublie pas. Je crois G eRsauf quelques anciens, il m'ignore, ou à peu près. J'ai écrit à H. Lévy-Bruhl40 que q (l90r^' quand il fit sa logique du Code, n'avait sûrement pas lu mon droit collectif [D ) ou j'exposais la nature sociale du contrat en des termes dont il fait honneur à [D reux (1905)], si bien qu'à le lire j'ai plagié [Dereux] en 1909. Je crains que ce is ere ils ignorent mes essais de 1926. N'étant que comme défunt, je souffre de cet isol ment. Ma « confiance » est le fond du droit sans jamais [souligné par l'auteur] un renvoi a mon nom, sauf à propos du délit, que je n'étudiai à cet égard que pour con paître le droit. Confiance ! Heureusement ! Dérision !
a réponse de Matter à Lévy-Bruhl m'a plu à moitié.
Je ne crois pas à une comédie de de M. Il n'y a aucune raison.
tnnuyé de t'ennuyer.
A toi, E. Lévy.
26 1935 Mon cher camarade, f: J'ai lu il y a plusieurs semaines aux Annales sociologiques p. 60, série D, fascicule 1, un « vous et moi » qui me fait dire : relis à la « Vision socialiste »la p.
93, la P. 133, la p. 144, la p. 160 ; aux « Fondements du droit » la p. 94 (textes ds 1899 a 1911). Maintenant que des jeunes civilistes qui m'ont bien méprisé sont chez [no Je voudrais qu'ils ne s'imaginent pas être encouragés dans ce dédain. Je parle pre sque pour un défunt [phrase barrée par l'auteur].
Souvenir, J' Em. Lévy.
j, ai. me autant pas de réponse [souligné par l'auteur]. J'ai de l'affection pour toi. Je e veux pas te blesser. Mais j'ai été meurtri.
39 p ~——————————————— fecultp ?nej César Antonelli (1879-1971) agrégé en droit (1919) ; professeur d'économie politique de la f""Ité de droit de Lyon (1919-1924) et de Montpellier (1934-1952) ; député socialiste de Haute-Savoie 4n
Snri Lévy-Bruhl (1884-1964) : ifls de Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939) ; agrégé en droit (1919); .Henri Lévy-Bruhl (1884-1964): fils de Lucien Lévy-Bruhl (1857-1939); agrégé en droit (1919); esseur de faculté de Lille et de Paris (1930-1958).
27 1935 Mon cher Mauss, Lambert41 me demande une notice réclame sur ma Vision socialiste du droit. Il y ton article dans La Vie socialiste du 13 novembre 1926. Je ne l'ai plus. Si par hasard tu as ce numéro tu pourrais me l'adresser en communications. C'est pour le tranSport des collections de Lambert chez Giard Bailli à [Darand-Auzias].
Souvenirs, Emmanuel Lé\')" 28 1935 Bien sur que je ne t'oublie pas ; tu ne publieras pas ce correctif si tu y as la moindre objection; je lis qu'à l'Institut, Gurvitch - le [.] va discuter aU commencement d'octobre « Droit et croyance » : je doute que j'ai le cœur d'y aller. Il Lévy-Bruhl me réclame un avant-propos de Code socialiste : je voudrais, mieu* pourtant - depuis quelques jours, grâce à ma compagne, venger mon destin ; pour ce travail la solitude ne convient pas.
Le 14 juillet je retournerai avec les miens à Chamonix.
Vœux pour vous deux, Emmanuel 29 9 nov. 1935 Mon cher Marcel, Les Annales sociologiques n'analysent ni - sauf une exception - ne citent mes essais. Dans le futur fascicule juridique je serai satisfait si un de tes collaborateurs Lévy-Bruhl est sans doute un de ceux qui peuvent les lire, et sans prévention - consefl1 à me connaître (je n'ai pas écrit à L. B. à cause de son deuil que je viens d'apprendre).
Ton affectionné et vieux, Emmanuel LévyJ'irai peut être à Paris en janvier pour les miennes.
30 1936 Mon cher Marcel, Donc j'attends ton impression.
J'écris à de Monzie.
Ici je ne vois rien : un air qui m'étouffe.
Je pourrais utilement méditer sur des cas.
Comme durée je crois au contraire que ce sera plus pour la Cour de Cassation.
Affectueux, Lévy
41. Edouard Lambert : professeur de la faculté de droit de Lyon (1896-1936) ; directeur de l'Institut de Droit comparé ; directeur de la Collection Internationale des Juristes populaires, dont La Vision socialiste du droit est le troisième volume.
Un Ilier j'ai adressé à Rey un petit [souligné par l'auteur] papier. Tu m'avais annoncé un article pour la Revue de métaphysique Je t'aurais expédié un texte mais la dactylo a fait un travail hideux (les notes au leu du texte).
Nous comptons partir jeudi pour Lyon.
31 1936 Andllé Philip42 organise une pétition pour me faire nommer à la Cour de 10n Je te demande de réunir les signatures de notre groupe, de marcher. Je lui ai Lanne ce matin ton nom. C'est grave. Peux-tu avoir nos ministres ? Moutet et i a «grange ont signé.
ai ecrit un petit papier pour les annales : il partira demain. Je ferai mieux, si tu es a rebondir. Philip me donne 50 chances. Herriot signera sans doute.
ectueusement, Emmanuel Lévy.
32 6 mai 1936 Mon cher Marcel, SÛr £ ,a lettre de Rey m'annonce de toi une communication. Laisse cela. J'aurais bien offi besoin de contact. Je sais bien ton amitié, écris, même rudement mais non "ff'cielleinent. Trop souvent j'ai senti que [loin] les meilleurs me blessaient, les autres aus Actuellement ça ne va pas ; il faut que je remonte, que je dorme, il le faut pour les rnieiis. Rey me dit qu'il n'a pas de livres à m'envoyer, faute de services de libraires.
n. e m'oublie pas.
Ion vieux camarade.
Emmanuel Lévy.
33 43 1936 liu'velin né le 11 avril 1873, décédé le 2 juin 1924.
et e voudrais remettre mon texte avant fin juin mais ça ne va pas : insomnies, etc.
et m femme en souffre.
et ^ais en effet promis un exposé à [.] pour la vérité à la demande de [Guy-Grand] et n nans44 il a été remis du 16 de ce mois au 20 juin ; mais je ne crois pas qu'il sera.
Je regrette de n'avoir plus de contact, d'être ici loin de tout.
Souvenir, Emmanuel Lévy.
r ————— 42 André Philip (1902-1970) : premier au concours d'agrégation d'économie politique en 1926; ^r°fesse Ur ".e la faculté de droit de Lyon ; député socialiste ; ministre.
43 D, de la faculté de droit de Lyon; député socialiste; ministre.
Ur de la faculté de droit de Lyon ; député socialisti 44 R ®' P°nse à la lettre de Marcel Mauss du 15 mai 1936.
44 PA--- -
44 "punse a la lettre de Marcel Mauss du 15 mai 1936.
Edouard DoIléans (1878-1954): agrégé de droit; historien du mouvement ouvrier; l'un des fill'd aleurs de l'Institut français d'histoire sociale; direction du cabinet de Léo Lagrange (1900-1940), 1re d'Etat aux Loisirs et aux Sports.
34 25 juin 1936 Mon cher Marcel,
Tu dis qu'on va nous fendre l'oreille. Je ne sais pas bien comment je pourra vivre. Il y aurait à voir de suite [souligné par l'auteur] si ma femme ne pourrait pas être nommée surveillante générale à Sceaux. Cela nous sauverait. Je suis à peu prèS bien et le serais tout à fait [souligné par l'auteur] si j'avais le moindre espoir, et tlI8 chère femme aussi serait de suite rétablie.
J'ai écrit à Dolléans qui est chez Lagrange (son adresse 24 rue Jean Goujon). Je n'ai pas écrit à Charléty, qui, je crois, agirait pour ma femme. Je vais lui écrire.
Dolléans m'écrit qu'il a posé ma candidature qui a été accueillie favorablemeo1 Pourquoi ne pas le voir et agir de suite ?
J'avais commencé la note que tu m'as demandée pour les Annales. J'ai écrit quant pages, mais il [en] est difficile de parler de moi. J'ai été trop exploité et il est fâcheu* que personne n'ait su le dire dans notre groupe.
Emmanuel 35 1936 Mon cher Mauss, Je reçois une convocation pour l'Institut de Sociologie. Je ne pense pas y aIler, bien que mercredi je n'ai pas cours et que je pourrais rentrer dans la nuit.
Je suis, sans doute par l'effet de l'insomnie et des poisons pour m'en défendre, da~ une situation que je sens plus que difficile moralement et matériellement. Alors que Je n'avais qu'à laisser agir les hommes et les choses, l'amitié, le passé, je sens le malheur sur la tête des miens et de moi-même. Démarches, propos comme exprès pouf me compromettre et nous nuire. C'est un drame mental, et le cœur de ma femifle chaviré par des téléphones fous qui nous séparent alors que nous pourrions être £t nouveau réunis. Je crois que ma femme vient demain, non pour elle mais pour moi.
Il me ferait du bien, si je n'avais [.] à reprendre le train, de me protéger Ul1 moment dans l'amitié de toi, de tes amis, dans le souvenir.
Souvenir, Emmanue 1
Emmanuel 36 1931 Mon cher Marcel, Je vais envoyer ma cotisation à l'Institut.
L'année finit.
Ma note aux Annales, je ne l'ai envoyée à personne. Ecrite en pleine [dépression elle ne peut que me nuire de toute façon. Je n'ai pas su défendre mes droits (t précurseur, d'analyste dans aucun domaine, (notion du crédit, de la prévision, droits [.], relativisme, etc.) ; j'ai des ennemis, je suis toujours plus seul. Ma femme est malheureuse. Je la rejoindrai à Paris si c'est possible, si ce n'est pas trop tard.
Souvenirs.
Em. Lévy Je regrette pour les Annales comme pour moi-même.
Lettres de Marcel Mauss à Emmanuel Lévy 1 45 1er juin 32 Mon cher Emmanuel, 1er juin 32 pai bien reçu ta lettre et sois tranquille, je pense à toi. Nous essayerons de voir si n0Us VOnS la force qu'il faut pour t'être utile. Encore l'autre jour j'en ai parlé aux faot arre] Petit. Mais il faut attendre la formation du ministère. Et vraiment avec la bêtise numaine, je ne sais où nous irons.
Mon papier sur Gény est rédigé au brouillon. Je le transformerai en copie quand M ert me le demandera. C'est l'affaire d'un jour.
es souvenirs à ta mère.
Ton vieux.
2 46 M On cher Emmanuel, Paris, le 27/2/35 pre mes ennuis, dans mes charges - je ne parle pas de mon état physique - je Prends Un instant pour te répondre. Car j'aime mieux que tu m'aies écrit que de savoir Un. jour que je t'avais meurtri.
san J'ai dit « vous et moi » au cours d'une discussion où je ne parlais qu'à Simiand, et sans avoir à nommer qui que ce soit à propos de « quantification » d'attentes et non pas ment d'attentes de droit. - Je regrette que nos discussions soient publiées. Je regrett e de n'avoir pas pensé à toi, quand j'ai corrigé les épreuves, pas plus que je ne pensais a me citer, d'ailleurs. C'est beaucoup trop d'importance que nous donnons à des échanges d'idées et de phrases. Et ce n'est pas la première fois que je constate les iIlCon venients de ces sténographies, auxquelles je m'oppose toujours.
Mais Je ne voudrais pas que qui que ce soit au monde puisse supposer que je J le un instant - surement [sic] moins que je ne m'oublie moi-même.
Cett e rectifïerai donc à mon prochain procès-verbal et demanderai la publication ce Cette rectification. Celle-ci sera lente à paraître, puisque nous sommes tants [sic] à Psraî ■ e' Si tu vois un autre moyen d'avoir toi, satisfaction, je l'emploierai Nuement avec plaisir.
Nous n'avons pas tant d'amis, ni tant de temps à vivre tous ensemble, que nous ne deVj ns pas tout faire les uns pour les autres.
l11ê QUand aux « civilistes » que je vois, rassure-toi, ils savent ce que je pense de toi, e et surtout ceux qui ne sont pas de chez nous.
a femme est toujours à la clinique.
J'espère que toi, ta mère et ta femme, vous allez bien. Bonne santé à vous tous.
---45
Rénr.nse à la lettre 15 d'Emmanuel Lévy.
46 p ,
46 yP°nse à la lettre 15 d' RePonse à la lettre 26.
3 47 24 juin 1935 Mon cher Emmanuel, Je te prie de m'excuser si je n'ai pas eu le temps ni la force de t'écrire pour te remercier de ton télégramme affectueux à l'occasion de la mort de Simyan [sic]. Je n d'ailleurs pas cru qu'il s'adressait à moi exclusivement. Je l'ai immédiatement envoye à Madame Simyan que je vois d'ailleurs assez peu mais aussi souvent qu'il m'est possible, et j'en ai transmis la substance à notre assemblée.
J'ai essayé de retrouver mon année 26 de La Vie socialiste. Malheureusement elle est dans les six tonnes de papiers qui sont encore au garde-meuble et qui ne rentreront chez moi et ne seront rangées proprement que vers le mois d'octobre, et dans ma cave.
Je pensais pouvoir aller demain à la réunion de La Vie socialiste réclamer un de ces exemplaires. Je ne puis malheureusement pas. Je demanderai donc à Laignel de t'en rechercher un dans la collection des double. J'espère qu'il te le retrouvera.
Ma santé est à peu près rétablie, non sans de grosses lézardes intérieures. Celle * ma femme est complètement stationnaire depuis trois mois, les six premiers mois laissaient l'espérance d'une guérison plus rapide. Je ne sais quand est-ce que je pourre la ramener chez elle et je ne sais même pas si je ne serai pas obligé de renoncer à lUi tenir société chaque nuit.
J'espère que chez toi tout est mieux et que tu pourras prendre de bonnes vacant L'emploi de mon temps pendant les mois prochains est suspendu à d'auto considérations que les miennes mais je ne compte pas quitter Paris avant le 10 JuilletFais bien mes amitié à ta Mère et à ta femme et je t'en prie songe à moi.
P. S. - Je te rappelle ma lettre concernant la rectification à faire au procès-verbal, Le fascicule économique des Annales paraîtra probablement fin Janvier. Sauf contre ordre dans le compte rendu de nos séances je ferai paraître cette rectification.
4 5 mai 1936 Mon Cher Emmanuel, Rey me communique ta lettre de l'autre jour. Nous en avons parlé ensemble.
L'usage, dans l'Ancienne Année et dans les Annales, est qu'aucun de nous ne fatt de compte rendu d'aucun livre d'aucun de nos collaborateurs, mais que chW collaborateur est invité à donner une note plus que bibliographique, une note explicative sur ses travaux.
Il me semble que ce serait pour toi une occasion intéressante de mettrc au point teS propres idées, en résumant ce que tu as fait, de ton propre point-de-vue [sic] actUel, j'entends ce que tu as fait par exemple dans les dix dernières années. On pourrait le publier même sous la forme de mémoire original. Nul mieux que toi n'est capable d'ailleurs d'en parler.
Ma santé n'est toujours pas très brillante. Celle de ma femme est toujours stationnaire.
Mes cours sont finis. Je respire et je puis un peu travailler.
47. Réponse à la lettre 27.
Joutes mes amitiés à ta Maman et à ta Femme, et probablement à bientôt.
Vue dis-tu du succès du Front populaire ?
5 15 Mai 1936 Mon cher Emmanuel, sc' On a l'idée assez touchante de donner des noms de sociologues et de socialistes Scj tl (ïUes à quelques rues des grands groupes d'habitations à bon marché bâtis dans campagne.
aturellement, il ne s'agit que des morts. J'espère que notre tour viendra très tard.
als 111 entend la chose très largement, et on va jusqu'à Huvelin. Peux-tu me donner les h tes exactes de sa mort et de sa naissance ?
sais pas comment je m'imagine que tu devais venir ici pour un débat quelque Part J'ai oublié de demander des détails hier à Henri Lévy-Bruhl. Mais si tu es par ici, j). manque pas de m'avertir.
6 , 25 juin 1936 Mon cher Emmanuel, 25 juin 1936 k eniercie ta femme des nouvelles qu'elle m'a données de toi. J'en ai d'autre part cb ton Jeune cousin Lévy Zivyi qui confirment les siennes. Je suis heureux d'apprendre ton ger mieux. Naturellement, je voudrais un mieux total. Mais les vacances arrivent, et j'espère que tu en profiteras. L'altitude t'a toujours réussi, et je ne vois ent pas pourquoi tu n'en tâterais pas de nouveau, et le plus vite possible.
n'~ n effet, je crois que nous aurons à fournir quelques efforts un de ces jours. Tu sais ce::ce Pas que je ne crois pas que l'on me boude, ni même que je boude, mais je suis certa111 Qu'on a trop à faire pour penser à moi, et moi, d'autre part, j'ai trop à faire pour pçj. S®r^eaucouP à eux, comme il faudrait. Cependant, même de pauvres vieux comme toi et moi, nous pouvons encore être utiles.
q autre jour, j'ai pu avertir le gouvernement que l'immonde Streicher était depuis qUa. ou cinq jours à l'ambassade, et je sais que mon coup de téléphone fut utile.
Mais naturellement, on ne m'a pas tenu au courant de ce qu'on avait fait et il a fallu que Je m'en informe. Mais rassure-toi, on a vraiment besoin de nous.
S 14ous refondons, après mûrs conseils et réflexions sous le nom de Cahier du <So * a]iste,> et remplaçant nos brochures, une re-Revue Socialiste. Tu as dû recevoir Une CIrculaire signée de moi, où l'on invite les gens à souscrire et en particulier à frou Ver autour d'eux un total de souscriptions de 1.000 Frs chacun. Nous verrons si ça eU tnals si ça rend, il faudra que nous reprenions la plume et que nous agissions par ejje t en prie, prépare-toi. Je voudrais que dans le premier numéro d'octobre, tu Son au moins brièvement, comme tu sais faire, et populairement, comme tu le fais SQUy ®nt» ce que tu penses des choses. D'ici là, d'ailleurs, il aura coulé bien de l'eau sous les Ponts. Il n'y a pas urgence pour que tu prépares ce papier tout de suite, mais tu ferlts bien d'y penser. Moi-même, je crois que je donnerai une dizaine de pages sur les Partis et les complots, en histoire politique moderne.
J"e,Dre quand je pourrai partir en vacances. La seule chose qui est précise, c'est que **; manquerai pas d'aller essayer de me défendre, comme me dit mon médecin, à Coittexéville, puisque je ne peux pas reconquérir les positions perdues.
U sais qu'on va fendre l'oreille à bien du monde. Ce sera notre tour demain. Mais , ça vaut mieux que la guerre.
Il est possible que je voie un de ces jours Rucard. Juridiquement, c'est un ignoraIlt mais s'il me laisse le temps, je lui parlerai de toi.
7 , 7 17 nov. 1936 Mon cher Emmanuel, J'ai bien reçu ton mot qui m'inspire de la peine pour toi. Je crois que tu exag^ un peu ta maladresse. Certes, ces jeux sont délicats, mais enfin, je crois qu'ils soli également assez grossiers à cet étage de l'Administration.
D'après mes informations, la réunion préalable pour la promotion d'avril n'est pas en vue pour le moment. D'ici à octobre, il passera bien de l'eau sous le pont. NouS pouvons donc toujours, hélas, continuer à étudier la question. J'aurais bien votlu qu'elle soit résolue dans le bon sens, mais je n'ai jamais eu, à ce moment-là, grtIJ.
espoir.
Il ne te reste, comme à ta femme, qu'à prendre courage, à passer cette aJUléC scolaire, et à attendre que nous puissions voir venir tout cela.
Excuse-moi de ne pas t'en écrire plus long. Ces reprises d'année scolaire sont trb fatigantes. J'ai de grosses rentrées d'étudiants, et je désire faire leur connaissance a va11 la reprise du plein de mon enseignement, le 1er décembre. Pour le moment, je n'al 8 faire qu'à l'I. E. et à l'E. H. E. ; c'est déjà bien suffisant.
Lettre de Marcel Mauss à Rachel Lévy 17 nov. 1936 Chère Madame, e J'ai à vous dire un certain nombre de choses, sans intérêt urgent. La seul importante pour le moment, c'est l'avis que j'ai que la réunion de la commission ne fera pas très longtemps avant le mouvement d'Avril.
Pour le reste, vous pouvez l'appeler au téléphone. Mais vous pouvez aussi, j vous voulez, m'appeler au téléphone pour convenir d'un jour où cela vous ferait plaiS de déjeuner avec moi. ,.
J'espère que vous m'apporterez de bonnes nouvelles d'Emmanuel, et que vous eteS sortie de votre encombrement dans votre lycée.
Lettres de Rachel Lévy à Marcel Mauss 1 1934 Cher Monsieur, Depuis plus d'un mois et demi Emmanuel me donne de grandes inquiétudes, Oc dormant plus du tout, mécontent de son travail. Cela est venu à la suite d'une longot et douloureuse crise d'asthme, peut-être aussi parce qu'il n'a jamais voulu, malgré SOO peu de santé, se reposer à fond.
Vous savez, cher Monsieur, combien il est douloureux de voir souffrir un être 4^ l'on aime profondément. Ne pourriez-vous lui écrire une lettre affectueuse, sans qu le sache bien entendu que je vous ai écrit.
pro Il est Persuadé dans son cafard qu'il n'a plus d'amis. Une lettre de vous lui prouv erai. t je contraire et ne pourrait que lui faire du bien.
U qu'il est fréquent qu'on fasse de la dépression nerveuse après une crise thme.
che Je sais, cher Monsieur, que je puis compter sur votre vieille affection pour mon grnd et je m'excuse d'être un peu indiscrète.
~a e souhaite de tout cœur, cher Monsieur, une santé bonne et solide à Madame MaJs e et vous prie de bien vouloir croire à mes sentiments très sympathiques.
2 Cher Monsieur Mauss, 3 juin 1936 vive tout mon cœur, je vous remercie de votre lettre à Emmanuel, lettre qui l'a vjVe *11611* ému et lui à fait sans doute du bien. J'ai par moments des instants ce déseP0lr que je ne lui montre pas. Je ne sais s'il pourra vous écrire lui même ; en tous les cas, votre geste affectueux lui a fait du bien et je vous en ai une très vive recon aissance. De tout cœur, cher Monsieur Mauss, je souhaite que vous ayez une ,OratlOn chez vous.
à la J'avais fait examiner Emmanuel par un vieil ami, médecin des hôpitaux, professeur à ia faculté de médecine, le diagnostic a été dépression nerveuse au dernier degré et 11 de t ®1. 0n- Il lui a donné du [Phosphogénol] qui a redonné de l'appétit, de l'adrénaline a ait remonter la tension et a redonné des hypnotiques pour récupérer le sommeil total ement disparu de MahlVieureusement là il y a eu du temps de perdu, la maman étant contre ces sortes de drogue et Emmanuel lui-même les craignant. Maintenant, il prend à tour de rôle som ere [Lexomil] et Gardénal. Ce qu'il lui faudrait, c'est le calme absolu ; car son intelligence reste vigilante et vigoureuse. , ,. , , A
eut-être ne serait il pas arrêté en cet état s'il ne s'était jeté dans la mêlée conIIqUe[,] c'était un dérivatif Votre lettre aussi me permet d'insister pour qu'il con Un neurologue qui serait qualifié pour lui imposer une règle de conduite.
P des demain, qu'il veuille ou non, je téléphonerai chez le Professeur Froment.
6 2 agréer, cher Monsieur Mauss, les plus affectueuses pensées de mon cher anuel et l'expression de toute ma reconnaissance.
S' R. [E.] Lévy Si v vous pouviez lui écrire encore, malgré votre travail, cher Monsieur Mauss
3 dimanche 14 juin 1936 Cher Monsieur Mauss, , Je pense encore avec émotion à la lettre si affectueuse que vous avez envoyée 8 Emmanuel, lettre qui lui a fait du bien. Il y a certainement une amélioration dans sou état et il va préparer pour la fin de ce mois la notice que vous lui avez fait déniai par M. Rey. Le Professeur Froment, consulté[,] m'a dit, je vous l'ai peut être do écrit, (car la fatigue m'enlève toute mémoire), qu'il doit travailler ; ce qui le sauveratt plus que tout serait son départ de Lyon. Les facultés de droit et de médecine sont leS derniers, bastions de la réaction. La faculté de droit de Lyon est, vous le saveZ, effroyablement réactionnaire. Maintenant que M. Edouard Lambert va partir ainsi tf* Philip, Emmanuel reste seul, terriblement seul. Ne pourriez-vous cher Monsieur Mauss travailler pour sa nomination à Paris. Mieux que personne, vous connaissez sa valeur. Huvelin lui a dit autrefois que ses idées politiques avaient empêché sa nomination à Paris. Aujourd'hui, ce sont ses idées qui triomphent ; il n'y a donc pluS aucune raison pour qu'il moisisse à Lyon.
Si l'âge de la retraite est abaissé, il y aura certainement des sièges à la Cour ct Cassation ou ailleurs, vous le savez mieux que moi. Je vous en prie, aidez-moi à le sortir de ce marasme ; et il en sortira aussitôt qu'il aura une vie plus intéressante. Ne serait-ce pas une chose affreuse que de laisser une intelligence comme la sienne sans emploi et à la dérive.
Vous qui souffrez pour un être très cher, vous devez mieux comprendre ce que Je souffre moi-même. Pour lui, le remède existe.
Le jeune cousin n'a pas pu venir samedi mais jeudi, il reviendra dîner jeU prochain. C'est un garçon vraiment excellent et intelligent, il a un cœur d'or et a biel1 fait de choisir la médecine.
Voici son adresse : Peloton des EOR du SSM Hôtel Jeanne d'Arc 3e compagnie Villeurbanne (Rhône).
Emmanuel vous envoie son affection, la maman et moi vous adressons, chef Monsieur Mauss, avec nos vœux ardents de santé, notre très cordial souvenir.
R. E. lévy 4 un dimanche matin 193 Mon cher Monsieur Mauss, Merci de tout cœur de m'avoir écrit. Je suis navrée des nouvelles que vous J11e donnez de Madame Mauss. Je sais trop hélas par expérience ce que c'est que d'êue impuissant devant la souffrance et la maladie pour ne pas prendre une grande part3 votre peine. J'espère et je souhaite vivement que cet état s'améliore. Vous même, chef Monsieur Mauss, vous vous sentirez beaucoup mieux plus tard. Les effets de la cure n'apparaissent qu'après un mois ou deux.
Emmanuel est allé à Paris hier poussé par des amis d'ici. Il connaît donc le résultat. Pour moi, dans ce genre de nominations, il faut se montrer. Il a ete admirablement reçu par Matter, mais c'était trop tard. ,
Cette situation me désole d'autant plus que je suis nommée à Paris au Lycét [Victor Duruy]. Emmanuel avait d'abord pensé être mis à la retraite et voulait aloo vivre à Paris auprès de ses amis dont vous êtes un des meilleurs. J'ai donc demain mon changement. Lorsqu'il a été question de la Cour de Cassation, j'ai laissé 013 demande pour Paris. Or, je vais être à Paris et lui à Lyon. J'espère cependant que toU1
Q £ 0+ Pas perdu. Il y a eu 10 conseillers nommés, il en reste encore 9 à nommer je Crois, I-es dix premiers ont été tous pris en effet parmi les magistrats, Emmanuel ne Peut i figurer dans la seconde liste ?
j e ne veux pas me décourager et vous aussi ; mais, cher Monsieur Mauss, vous s s aIderez n'est- ce pas ?
il avais même pensé qu'Emmanuel, avec sa science juridique et sociale pourrait être déh cOmme juriste dans un ministère, qu'en pensez vous ? Je vais être obligée de l'ejolndre 'non poste le 18 [septembre] pour l'élaboration de l'emploi du temps. Je ne Veu Pas me laisser abattre, je conserve mon espoir.
ten eut-etre aurai je le plaisir de vous voir, cher Monsieur Mauss ? Emmanuel rellblelu sans doute demain, il ne sait pas que vous êtes de retour à Paris. M. Isidore V que nous avons vu à Chamonix, nous a dit que vous étiez parti pour votre cUreTntre nous, je n'aime pas beaucoup M. I. L. J'ai sans doute tort, mais ce sont des c oses'
qu on ne raisonne pas.
La maman vous envoie, cher Monsieur Mauss, toutes ses amitiés et moi mes ents très reconnaissants et sympathiques.
5 Cher Monsieur Mauss, Lyon, mardi 17 novembre 1936 Je Vous ai dit combien votre bonne visite m'a fait du bien. En dehors de mon travail c'était le désarroi. J'ai eu une telle joie à sentir votre vive et chaude affection Pour 111011 cher grand. Le surmenage et surtout le souci ont eu raison de ma volonté, Co Pas pour longtemps. Le Docteur m'a ordonné une quinzaine de jours de repos C"n'Plet. Je suis à Lyon auprès de mon Emmanuel. Ma présence lui est bonne, comme est b., Pour moi de le voir. Je dois rentrer à Paris le 27 au soir, et serai très contente de US trouver à la fin du mois. Je ne veux pas, cher Monsieur Mauss, vous donner la Pein e de me faire dîner ; ce que je mange m'importe très peu. Je serai contente sjjji. eiI1fnt de parler avec vous et viendrai après dîner, le jour qui vous conviendra.
COrain ie je suis très myope je vous demanderais seulement de me mettre dans l'autobus "OiUI arrive non loin de ma pension de famille et que l'on prend du Bd. Jourdan, vous Vov » je vous demande un service avec simplicité comme à un cher vieil ami à Je vous remercie de tout cœur de vous occuper de Matter, mais je vous demande en grgce de voir Gaudel ; son appréciation peut avoir une grosse influence, car je l'ai Senti rlal disposé le jour où je lui ai téléphoné. Ne croyez pas, cher Monsieur Mauss, Wil s agit d'un mouvement d'humeur, j'ai des antennes pour sentir ces choses-là. J'ai d'Uleun écrit à Gaudel. Tant qu'il y a le plus léger espoir, rien ne doit être négligé. Je v0Us denumde votre appui, cher Monsieur Mauss, pour que cette vie absurde aussi eJt Ul. le Pour Emmanuel que pour moi cesse. Comment pourrai-je jamais vous exprinier ma gratitude ? Faites agir sur Matter, et voyez surtout Gaudel. La liste sera faite 6 16 décembre. Emmanuel aura pour lui les 4 directeurs, il lui faudrait les voix Jeux conseillers et la chose sera faite.
qUe Je souhaite, très vivement, cher Monsieur Mauss, que vous vous portiez bien et que a santé de Madame Mauss s'améliore.
!
48 "——————————————— ^/»i<L?0re Lévy (1871-1951): agrégé d'histoire (1896); docteur ès lettres (1927); collaborateur de Etudeee SOcIOlogique; directeur d'études d'histoire ancienne de l'Orient de l'Ecole Pratique des Hautes t ues (1905-1938).
Je vous envoie, cher Monsieur Mauss, l'expression de toute ma sympathie, leS plus affectueuses pensées d'Emmanuel et les amitiés de la maman.
Lévy Le cochon de Lyonnais, comme vous dites si bien et que vous avez rabroué de
belle manière, n'est ce pas. Goldschmidt le président de la communauté, qui va a Contrexéville lui ou un autre peu importe, ils me dégoûtent à peu près tous.
JEAN JAURES ET LE DROIT
JAURES ET L'IDEE DE DROIT SOCIALI Carlos Miguel HERRERA G Jean Jaurès théoricien du droit social ? Son absence dans la grande somme que Qe Gurvitch avait jadis consacré à cette notion a de quoi décourager les meilleures > tant ses thèses du début des années trente restent une référence incontournable sur Idee de droit social. Du côté des sociologues, la réponse n'est guère plus M COurageante : on connaît le jugement d'Émile Durkheim dans une lettre à son neveu Marcel Mauss « non, ce n'était pas un penseur ; c'était bien, comme tu le dis, une force de la nature, tout à fait inconscient de soi »2. D'ailleurs, le fait que les études jauré Sl• ennes aient été essentiellement l'oeuvre des historiens a laissé quelque peu dans Se rn re les questionnements plus théoriques sur « Jaurès et le droit ». Ainsi, lorsqu'on Se ^e sur ce thème, c'est avant tout aux réflexions sur le fonctionnement de la retr Ice a propos de l'affaire Dreyfus qu'on est la plupart du temps renvoyé3. On rétro ve aussi, dans une autre perspective, des gloses des propos jaurésiens sur la Justic6 <( ®^nceHe divine », en ce que des envolées parfois trop lyriques tiennent lieu ds osOphie du droit4.
Co N'US tentons de parcourir ici un autre sentier : celui de la place du droit dans la Coilc politique de Jaurès, c'est-à-dire en ce que sa vision du droit peut présenter cb ch s systematique, de moins conjoncturel. Si on ne retrouve pas une théorie du droit chez Jaurès, nous allons rencontrer une politique du droit social, guidée par des PrésuPPOsés conceptuels forts, d'autant plus intéressants qu'ils se déploient à l'intérieur de Pensée socialiste, souvent réfractaire à toute théorisation sur le droit.
att aures, certes, n'est pas juriste, encore qu'un document qui vient d'être découvert, att e de son inscription en Licence de droit de la Faculté de Toulouse en 18915. Peutetr., Il n'est même pas un théoricien comme le pensait Durkheim - un avis, 1 eUrs, que Gurvitch ne partageait pas, qui le tient pour un « penseur pénétrant et
1 LIessentiel de ce texte fut l'objet d'un premier exposé dans le cadre de la Ille Table-ronde franco- 2 | e histoire et de philosophie du droit, à Dijon, le 18 septembre 1999.
1 - -
C ^'sto're et de philosophie du droit, à Dijon, le 18 septembre 1999.
3 L ttT e 20 mai 1916, in E. Durkheim, Lettres à Marcel Mauss, Paris, 1998, p. 524.
p It -
3 au 20 mai 1916, in E. Durkheim, Lettres à Marcel Mauss, Paris, 1998, p. 524.
Preentatif d'une telle démarche, l'article important de V. Duclert, «Jaurès, le droit et les dreyfusards», Cahiers Jean Jaurès, 1995/138, où l'auteur signale que le droit est pour Jaurès, dans le Cadre dePAaire: un moyen de combattre l'arbitraire, une voie pour unir les dreyfusards et «un accès au Proor f8 la république et une manière intellectuelle de faire de la politique» (p. 67). Voir aussi M.
F'rQt¡cIOux., «Aux origines, la justice : Jaurès et l'Affaire» (1995), maintenant in Parcours engagés dans la p rance contemporaine, Paris 1999, où l'on peut lire notamment : «la justice est, à ses yeux, le régulateur des sociétés que le capitalisme, à chaque instant, dérégule» (p. 506). Il faut se garder de tirer des c°ttime pnyroP définitives sur les positions jaurésiennes sur le droit et la justice à partir de l'Affaire, car, comme l'affirmera lui-même «à la Cour de cassation, au Conseil d'État, les hommes mêmes qui sont le Plus nett eient républicains et qui sont capables du plus haut courage pour la défense du droit individuel sont dans 1 ordre des questions sociales des réactionnaires inconscients ou forcenés». «Réaction sociale et 4 magistrature», L , Humanité, 13 mai 1904, maintenant in J. Jaurès, La classe ouvrière, Paris, 1976, p. 120.
p
4 ture>>' L Humanité, 13 mai 1904, maintenant in J. Jaurès, La classe ouvrière, Paris, 1976, p. 120.
4 Po ur Un exemple très récent, l'essai, au demeurant très intéressant, de V. Peillon sur Jean Jaurès et la religinn au socialisme, Paris 2000, notamment p. 253 et sq.
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5 au sociaïisme, Paris 2000, notamment p. 253 et sq. p ------, -- y °lr' dans ce même numéro, le document présenté par J. Poumarède.
profond »6. Toutefois, il peut se prévaloir non seulement d'une solide formati011 universitaire mais, encore, d'une connaissance assez ample des débats de l'époque, notamment en Allemagne, le pays où le problème de l'institutionnalisation de la question sociale devient central au tournant du XIXe siècle. Et si Jaurès admiré quelque chose du socialisme allemand, « c'était [son] attachement à la théorie ».
La pensée allemande aura donc une place significative sur sa vision du droit. Il Y a, avant tout, l'influence - connue, mais pas vraiment approfondie par les commentateurs -, des conceptions juridico-politiques de F. Lassalle qui, plus qtt Marx, a cherché « à décrire l'édifice de la société future ». Cette influence est présent jusqu'à la fin de sa vie, et notamment dans le célèbre chapitre X de L'Armée nouvelle, où l'on retrouve une transposition de la conception constitutionnelle de Lassalle aU problème de l'État ; pour Jaurès, en effet, l'État « exprime le rapport des classes, le rapport de leurs forces », qui se transforment sans cesse7. Mais en remontant en amont de sa production théorique, sa thèse secondaire sur Les Origines du socialisme allemand (1892) fait état déjà d'une première analyse des idées de Lassalle sur l'État Entre ces extrêmes, Jaurès revendiquera la « théorie révolutionnaire du droit » Li Lassalle, illustrée dans son livre sur les droits acquis9, traduit en français quelqueS années plus tard sous l'impulsion de Charles Andler.
Dans une pente proche, mais d'habitude moins remarquée, on peut déceler aussl l'influence de Lorenz von Stein (1815-1890), dont les analyses sont qualifiées P3* Jaurès de « lumineuses et pénétrantes »10. Or, la référence à Stein est essentielle à pluS d'un titre. En tant que passeur, d'abord : il présentera les théories socialistes français65 Outre-Rhin dans un livre publié en 1842, Der Sozialismus und Communismus des heutigen Frankreichs, qui aura un grand écho, et tout particulièrement sur Lassalle (et Marx). Mais, surtout, Stein sera l'un des premiers théoriciens d'un État de droit a contenu social, dans lequel l'administration est vouée à conduire la réforme social' Pour Stein, en effet, le mouvement des sociétés modernes, dont la France de 178 1840 en est le paradigme, convergeait vers un État de type particulier, « social >>• L'État apparaît alors comme le point d'équilibre entre les classes en lutte, permette l'amélioration des conditions de vie des ouvriers par le biais de l'action administrative.
C'est le principe même du socialisme d'État qui, comme l'écrira Jaurès, prévoit «État supérieur aux classes et qui en adoucît le choc». Si Jaurès rejette cette modale du socialisme par en haut, il souligne dans sa thèse que le socialisme allemand ne ; considère pas moins comme « un premier acheminement, comme une sorte G, préparation extérieure au socialisme » [OS, p. 129].
C'est surtout un ancien élève de Stein qui est associé au nom du socialisé juridique : Anton Menger, un auteur que Jaurès connaît bien, peut-être grâce à Luciefl Herr - celui qui, selon la légende, l'a converti définitivement au socialisme - et qul avait probablement lu le livre de Menger sur le droit au produit intégral du travail dèS
6. Cf. G. Gurtvitch, LExpériencejuridique et la Philosophie pluraliste du droit, Paris, 1935, p. 282.
7. J. Jaurès, L'armée nouvelle (1911), Paris, 1992, p. 466 [cité AN]
8. J. Jaurès, Les Origines du socialisme allemand, Paris, 1959 [cité OS]. Jaurès y souligne, à juste tle' l'influence de Fichte sur la conception lassallienne de l'État. A. Taburet-Wajngart propose, dans af récente édition des Oeuvres de Jaurès (Fayard, 2000), de traduire le titre de la thèse latine de Jaurès Paf «Des premiers linéaments du socialisme allemand».
9. J. Jaurès, Études socialistes ( 1901), p. 224 [cité ES]
10. J. Jaurès, «Socialisme et liberté» (1898), in P. Desanges, L. Meriga (éds.), Pages Choisies de Jea Jaurès, Paris, 1928, p. 210 [cité SL], où il signale que Stein a bien montré la différence entre le sociallslne d'Etat et le communisme.
) Parution 1 1. Déjà ses articles sur le collectivisme dans La Dépêche de Toulouse ce la f de l'année 1893 attestent d'une certaine familiarité avec les idées philosophicoJuridiques du juriste autrichien. L'empreinte de Menger semble aussi évidente lorsque Jaurès affirme que l'État « remplira son devoir social en assurant à tous les citoyens San exception aucune (.) le droit au travail et au produit intégral du travail. Or l'État Pour cela qu'un moyen : c'est d'assurer à tout citoyen la copropriété des moyens de traaiL devenus propriété collective » [ES, p. 219].
élab ne s'agit pas de références circonstancielles, ces lectures s'intègrent dans une élaboration théorico-juridique assez systématique. D'ailleurs, on peut noter la relative Unit ternPorelle des analyses les plus théoriques sur le droit - avec l'exception notable de L'A rm ée nouvelle, où les questions proprement juridiques sont cependant doctement abordées -, suite à une nouvelle absence de la Chambre, entre 1898 et 190212. L'homogénéité n'est pas que temporelle : ces considérations se dév i °ppent souvent dans un cadre particulier, spécifique : la discussion, voire la Poléniique avec les radicaux et leur attachement à la propriété individuelle. Cette question montre déjà les distances entre le socialisme, fût-ce juridique, et le solida^1Sme- Mais cela montre aussi que malgré la parenté républicaine avec le ra(jj 1Slne' la question des institutions juridiques exige pour Jaurès une réflexion spécifique de la part des socialistes 13. En ce sens, il peut être considéré comme l'un des initia CUrS du mouvement du socialisme juridique en France, puisque ses études JUridi^Ues donneront une impulsion fondamentale aux idées d'André Mater et d'p ^anud Lévy14.
arr¡ Mais même les notions juridiques les plus abstraites présentent chez Jaurès un arrière-fond historique constitutif : la Révolution française, qui apparaît comme un lab lre> sinon un réservoir, d'expériences et d'idées pour le socialisme, comme It déjà le cas chez son maître Lassalle.
~es droits de l'homme au droit social 40ur Jaurès, l'idée de droit présente un rapport constitutif avec le socialisme, ne Serait-ce que d'un point de vue historique : il considère, en effet, que « le socialisme sllrgit de la Révolution française sous l'action combinée de deux forces : la force ce l'idée droit et la force de l'action prolétarienne naissante » [ES, p. 141]. La rencontre entre ces forces donnera naissance à une politique des droits de l'homme. Or, les droits de l'h onune apparaissent chez Jaurès comme la condensation de l'idée de droit.
"Undi?" trouve des traces de la lecture du Droit au produit intégral du travail dans ses articles du Parti 0"W7e,. e 1890. Cf. Ch. Andler, La vie de Lucien Herr (1932), Paris 1979, p. 128. L'intérêt de Herr pour Venger ne se démentira pas, et il est peut-être à l'origine de sa traduction en français. D'ailleurs, il a été COrre ecteur (anonyme) de la traduction d'Edgard Milhaud, publiée sous le titre LÉtat socialiste. Cf.
12 espondance entre Charles Andler et Lucien Herr (éd. A. Blum), Paris, 1992, p. 56-57.
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12 P pondance entre Charles Andler et Lucien Herr (éd. A. Blum), Paris, 1992, p. 56-57.
097t)urpla biographie de Jaurès, voir H. Goldberg, Jean Jaurès (1962), Paris 1970 et J. Rabaut, Jaurès 13 ans 1 98 I.
Paris 1981. -" individSf®». étude la plus important pour le thème qui nous occupe est celle consacrée à la propriété individuelle, et qui sera publié, avec d'autres essais, par Charles Péguy dans les Cahiers de la Quinzaine, SUr la rnbre 1901. Livre significatif car, on le sait, les Études socialistes expriment l'ébauche d'un livre sUr |a C^Pt'or1, le programme et la méthode du socialisme, comme Jaurès l'annonce lui-même dans la célèbre r)Ce «Question de méthode», et, à ce titre, comptent parmi les développements les plus 14 apprlrondis de sa théorie politique, avec L'Armée nouvelle.
•4 r -
Qls de sa théorie politique, avec L 'Armée nouvelle.
•4 çj. M. Herrera, «Socialisme juridique et droit administratif», J. F. Kervégan, H. Mohnhaupt (dir.), presse')ces et réception mutuelle du droit et de la philosophie en France et en Allemagne, Francfort (sous Pressa >• Sur E. Lévy, voir dans ce numéro la contribution de Ji-Hyun Jéon.
Droit en révolution, droit et Révolution française En fait, Jaurès ne se contente pas de revendiquer les droits de l'homme mais engage une bataille d'interprétation sur leur caractère car « la Révolution française a proclaifle les droits de l'homme ; mais les classes possédantes ont compris sous ce mot les droits de la bourgeoisie et du capital »15. Il s'agit alors de donner une interprétation socialiste des droits de l'homme mais pas seulement : il faut surtout revenir sur leur actuahte politique. Comme l'écrit Jaurès avec une métaphore saisissante : « le prolétariat a le droit, après plus d'un siècle, de constater la terrible disproportion entre l'oeuvre accomplie par la société bourgeoise et le solennel engagement pris par le révolutionnaire. Il y a là au profit des dépossédés un titre historique et social que nous ne laisserons point périmer » [HS, I, p. 732].
C'est pourquoi l'entreprise de repenser les droits de l'homme semble à son tour, sinon commandée, du moins marquée par leur appropriation par le prolétariat -- d'ailleurs, les commentateurs, depuis Mathiez, ont rappelé des oublis ou des lectures parfois inexactes du point de vue de la vérité historique dans son étude de Déclarations. Le rapport droits de l'homme/prolétariat est même l'aspect fondamental, car « cette logique interne de l'idée de droit et d'humanité serait restée inefficace et dormante sans la vigoureuse action extérieure du prolétariat » [ES, p. 140]. En effet Jaurès affirme que, du point de vue historique, l'idée de droit de l'homme est la forrfle juridique investie par le prolétariat pour revendiquer le droit de suffrage universel oU encore les droits économiques. Bien plus : « la Déclaration des droits de l'homme, changeant de sens et de contenu à mesure que se modifie l'histoire, deviendra la formel6 de la Révolution prolétarienne : car, comment l'état social peut-il garantir au* prolétaires le libre usage de leurs facultés et un accroissement de leur liberté natUrelle s'il ne leur assure pas la propriété ? » [HS, I, p. 476].
Le caractère social du droit est présent dès la Déclaration des droits de l'homme 1789 - qu'il cite rarement par son titre complet. Le statut de cette présence oscille quelque peu dans les analyses jaurésiennes : il parlera parfois d'une « greffe Li!
communisme » dans la Déclaration, mais il affirme également qu'elle a une « racifle communiste ». Si « greffe » il y a, elle n'est pas hétérogène ; en tout cas, Jauf65 n'entend pas toucher à la structure conceptuelle des droits de l'homme dans la tradition jusnaturaliste moderne, avant tout, lockienne. Mais cette tradition, il entend la rattacher à l'idée de Marx et, surtout, de Lassallel6, selon laquelle « la révolution prolétarienne serait la vraie révolution humaine », car c'est le titre d'homme, et aucun privilège, qui est invoqué par les prolétaires [HS, II, p. 460]. Autrement dit, le prolétaire « fait valoir non le droit de propriété, mais le droit d'humanité »17.
Dans cette optique, il n'y a pas de contradiction entre une structure individualiste et une visée sociale. Certes, le premier de ces droits de l'homme est le droit à la vie, c'est à-dire un droit éminemment individualiste. Mais déjà cette formulation comportaIt pour Jaurès une extension de l'idée de droit de l'homme dans un sens social : cet élargissement passe par l'interprétation donnée au mot « vie », qui est désormais
15. J. Jaurès, Histoire socialiste de la Révolution française (1900-1903), Paris, 1972, T. I, p. 67 [cité HS]
J ., - 1 16. Déjà dans sa thèse complémentaire, il note que «Lassalle n'eut pas tant enflammé les coeurs de foi e, de ferventes espérances si, dans ses aboutissants, il n'avait montré l'efflorescence de la justice éternel' [OS, p. 150].
17. Cf. J. Jaurès, Le socialisme et le radicalisme en 1885. Préface aux discours parlementaires (19" Genève, 1990, p. 159 [cité SR]
^1 au développement des facultés humaines. Le sujet de droit, tel que l'entend Jaurès, est une personne « qui peut revendiquer, pour son entier développement, le IjL C re usage des moyens de travail accumulés par l'effort humain » [ES, p. 136-138].
Ce d 0lt est le produit de l'affirmation pleine du prolétaire, du non propriétaire, comme Personne « qui réclame tout ce qui est de l'homme, le droit à la vie, le droit au travail, le droit a l'entier développement de ses facultés, l'exercice continu de sa volonté libre et de la maison » [ES, p. 158]. Peu importe que les Déclarations issues de la Révolution gÇaise ne reconnaissent pas le droit à l'existence : « en vertu de ses principes r"êlnes, la Révolution limite nécessairement le droit de propriété de chacun par le droit à la a vie de tous » [HS, II, p. 475].
Cette logique interne des droits de l'homme se développe toujours davantage par pro 'rï°n sociale. Pour la première fois dans l'histoire, souligne Jaurès, le non d' Pnetane s'affirme en tant que personne. Deux circonstances ont permis cet éveil : d'un côté, la démocratie, qui permet aux prolétaires d'être conscients de leur qualité d'êtr ?s humains, l'égal des autres hommes. De l'autre, la grande industrie, qui rend le Prolétaire conscient de sa force. Ainsi, dans les sociétés industrielles, ce droit à la vie qui est la base des droits de l'homme est d everiu un droit collectif, car la communauté qui est la base des droits de l'homme est devenu un droit collectif, car la communauté ut 1 assurer qu'en mettant à la disposition de l'individu (des individus) les moyens de produire, que la communauté doit, au préalable, posséder [ES, p. 138]. La société, e" effet, ne peut plus garantir aux hommes leurs droits, et notamment le premier, ce g Otta. la vie, sans intervenir sur le droit de propriété ; autrement dit, il n'y a pas ce 116 complète des droits de l'homme dans la société capitaliste qui les avait Pourtant engendrés. Si le droit à la vie peut présenter des fragments de réalisation sous le apitalisme' seul le socialisme peut le réaliser entièrement « dans le sens plein et Hohi du mot vie » [ES, p. 184].
p n Partant des droits de l'homme on arrive ainsi à la catégorie de droit social, ce l cker. étant l'accomplissement systématique, le développement interne des premiers.
Le droit social, présenté comme droit à la vie (ou encore comme «droit communiste»), p era a la base du socialisme dans sa définition jaurésienne : « c'est sur le droit de la personne humaine qu'il fonde la société nouvelle, puisqu'il veut donner à toute Pei\0nne les moyens concrets de développement qui seuls lui permettront de se réaliser toute entière » [HS, VI, p. 517].
éf'ni" le droit social ju Ia naatrice théorique des droits de l'homme pour penser le droit social est assumée jus HUaux dernières conséquences par Jaurès. Le droit social n'est pas un droit de classe, Un uroit purement « prolétaire », ce qui serait contraire à l'idée même, universelle, ds 11 Olt, selon laquelle un homme, prolétaire ou bourgeois, est égal à un autre. C'est donc Ull droit commun que tout homme a en tant qu'homme, il est en même temps um yersel et personnel. Ceci explique le statut particulier du droit social chez Jaurès : le droit social est le « lieu géométrique des droits de toutes les personnes » [ES, p. 132].
p n réalité, l'acteur de ce droit social n'est pas le prolétariat en tant qu'un ensemble dl, ludividus de même condition sociale, mais la nation, comprise dans le sens d'une e reconstituée sans antagonisme de classe. Dans ce contexte juridique, l'idée ce ation permet de souligner le caractère social du droit18, mais deux précisions
18 .il Parti, écrira ailleurs «c'est donc la nation, gardienne du droit de l'humanité, qui doit se substituer aux particiIere, aux capitalistes, dans la propriété des moyens de production». Les moyens de consommation
s'imposent. D'une part, il n'y a pas d'opposition principielle entre social et individuel, ce qui explique pourquoi Jaurès peut écrire que « le socialisme est l'affirmation suprême du droit individuel », un « individualisme logique et complet », qui élargi celui proclamé par la Révolution française [SL, p. 224, p. 226]. D'autre part, l'exercice de ce droit social de propriété « se communique aux associations diverses, communes, coopératives, syndicats, qui peuvent, de plus près que la nation, et avec plus d: souplesse, garantir le droit des individus » [ES, p. 159].
Le droit, sous le régime socialiste, conservera ce caractère complexe, géométriqueEn effet, il présente, de par le gradualisme de son développement, un statut pluriel, facetté, par rapport au droit capitaliste, car il sera formé « des formules juridiques qUI concilieront le droit souverain de la communauté, l'action des groupes locaux et professionnels, le droit des communes, les droits des individus »[ES, p. 168]. ;
Loin de se cantonner dans un domaine juridique particulier, le droit social apparatt comme « le fondement juridique et moral de tout le communisme » [ES, p. 183]. Au contraire, cette qualité fondamentale du droit social fait qu'il investisse tous les droits - une socialisation qui les transformera en « droits sociaux ». Ainsi, si l'on peut reconnaître un « droit de la nature » comme fondement de certains droits, par exempt le droit de la famille, celui-ci est transféré à la société, qui l'exerce sous la forme (t droit social, autrement dit, dépassant les affections naturelles dans un souci d'égalité La loi « devient la nature même » [ES, p. 217]. Mais là encore, il nous faut insister sur le fait qu'il ne s'agit pas d'un contenu spécifique à certains droits de type économique ou social, mais du caractère même des droits de l'homme : tous les droits de l'homme sont des droits sociaux.
Mais le droit social comporte justement, on vient de le voir, l'élévation du prolétariat à la catégorie de personne - égalisation plutôt qu'égalité, comme l'écrira plus tard un juriste socialiste allemand, Radbruch, qui connaît sans doute les idées d: Jaurès'9. C'est pourquoi le droit social, notamment de propriété, « se constitue nécessairement au profit des travailleurs » [ES, p. 159]. Nous avons donc un droit social de propriété, sur lequel Jaurès s'attardera tout particulièrement. Et pour cause c'est la propriété sociale qui définit la société nouvelle. Mais la propriété sociale ne comporte nullement une négation de la propriété individuelle au sens strict - et déjà dans son analyse de la philosophie hégélienne du droit, il soulignait que tout homme a le droit d'affirmer son individualité par la propriété [OS, p. 121]. Au contraire, |a propriété sociale en est même son moyen, elle « doit se créer, pour garantir la vraie propriété individuelle, la propriété que l'individu humain a et doit avoir de lui-même » [ES, p. 159]. Par suite, même la propriété individuelle des biens doit être subordonnée au droit social. En réalité, la propriété est un fait social car « elle dérive de la société (.) elle n'existe et ne peut exister que par la société ». Autrement dit, si la société «dans son propre intérêt et dans celui de la liberté, a donné à ce fait social la forme individuelle», les individus ne peuvent exercer ce droit que dans les conditions que leur imposent la société par l'intermédiaire des lois [ES, p. 212]. La portée pratique de cette proposition est immense : « la propriété privée est toujours soumise à ces réglementations et conditions sociales » [HS, VI, p. 44].
1
et jouissance restent dans les mains des individus. Cf. «Organisation socialiste. Collectivisme et radicalisme», La Revue socialiste, mars 1895, p. 260, p. 263 [cité CR].
19. Cf. C. M. Herrera, «Théorie juridique et compromis politique chez Gustav Radbruch», RevUe Française d'Histoire des Idées Politiques, n° 11, 2000. '(j;
Ainsi, non seulement le droit social n'est pas une simple affaire de la législation ou nere >>' il est présent même dans le Code civil bourgeois, où la forme de la nr nété individuelle est selon Jaurès « à la merci de la puissance sociale » [ES, p.
228]. En ce sens, il épouse la conception dynamique propre à la tradition juridique sa lalistc qui, comme on sait, insiste plus sur la stabilité de la forme que sur d mutabilité du contenu du droit positif. En effet, d'après lui : « il n'y a jamais, en é etnocratie, une loi immuable, rigide, figée; toute loi est transformable, toute loi év Ue, toute loi progresse ou décline selon la quantité de forces organisées que la asse ouvrière met à son service » (.)20.
o CI caractère dynamique, formel du droit positif rend indispensable l'intervention r UVriere sur et dans le droit, même après l'adoption de la meilleure des lois. On retrouve cette corrélation indissociable entre action ouvrière et droit que l'on avait déjà p OUhgné à propos de l'idée de droit : « article après article, une lutte est nécessaire Do f que la loi ne soit pas tournée contre la classe ouvrière, pour que des adversaires att n n'y introduisent aucune disposition néfaste (.) c'est la force de l'organisation du Prolé- tariat, bien plus que le texte même de la loi qui déterminera les répercussions de Celle-ci »2 1. D'autant plus que Jaurès ne se fait guère d'illusion sur le rôle de la iu sprudence en matière sociale : « sa 'justice' travaille contre la justice, contre le droit n°uveau ».
e juridique, de la loi au contrat ?
e La légalité et le droit ne se confondent point chez Jaurès. Il y a une différence entlelle dans laquelle s'exprime également toute la logique du réformisme : « les Socialistes sont des révolutionnaires, car, tout en se servant de la légalité, ils ne la reconnaissent pas comme un droit. Elle est la formule même du droit de la classe do binante, l'expression et l'instrument de son pouvoir : la reconnaître comme le droit ah~ reconnaître le droit de la classe capitaliste, que nous voulons précisément ah i lr>>22- Il n'y a pas de droit contre le droit. Toutefois, le lien entre socialisme ^^°miiste) et légalité demeure essentiel, car « le principe même du suffrage universel d U. itroduit dans la légalité bourgeoise elle-même, si le peuple le veut bien, un moyen ne revolution légale ». On le voit, la valorisation du droit, même sous sa forme légale, ne peut pas se séparer de la valorisation de la démocratie.
c Ce rapport dialectique démocratie/droit explique l'importance de la dimension en "Actuelle dans la vision juridique (et sociale) de Jaurès. Le contractuel, en effet, se u condenser la forme juridique sous le socialisme et structurer ce nouvel ordre ju dIque:« le droit de chacun sera garanti par des contrats précis et souples qui seront, que dans la propriété commune, la forme épurée de la propriété individuelle » [ES, • Le caractère complexe du droit socialiste, auquel nous avons fait allusion, est iii esti par la forme-contrat : « c'est des contrats infiniment riches et complexes entre tous ces éléments, entre toutes ces forces, l'individu, le syndicat, la commune, la l0n' c'est de ces contrats infiniment riches, basés sur la propriété nationale, sur la Dr Pné. té commune substituée à la propriété capitaliste, c'est de ces contrats que se
îTr ; socJ*»** au Congrès de Nîmes, 8 février 1910. Parti socialiste (SFIO), 7e Congrès National du Parti 2i iste a Nîmes. Compte rendu sténographique, Paris, 1910, p. 375 [cité DN].
21 'f,
iste à Mmes. Compte rendu sténographique, Paris, 1910, p. 375 [cité DN].
M,.L "Litnanité, 8 novembre 1905 [cité par B. Dumons, G. Pollet, Cahiers Jean Jaurès, 1999/150, p. 169, tuais la référence est inexacte] 22
22 la reterence est inexacte] - - J. Jaurès, «Principes socialistes», La Petite République, 19 avril 1896.
dégagera la vie des individus, des groupes et des sociétés de demain »23. Même dans la société communiste, où le juridique ne dépérit point, les contrats, ou, plus exactement des formes élevées du contractualisme « garantiront tous les droits individuels, mêifle contre l'arbitraire de l'association dont ils feront partie » [ES, p. 18].
Déjà dans sa thèse secondaire, il avait affirmé, en suivant la lecture kantienne � Rousseau, que le contrat social était, du point de vue théorique, « à l'origine de l'État » [OS, p. 79]. Jaurès se demande parfois si « peut-être y a-t-il quelque chose de factice et comme une contrefaçon juridique du social à dériver d'un contrat le droit de l'homme en société ». Mais sa valeur heuristique demeure entière : ce contrat implicite, adapté « aU mouvement socialiste et aux revendications prolétariennes », implique que le contenu de ses clauses est nécessairement variable, il est « soumis à perpétuelle révision a mesure que se modifient les rapports entre les classes sociales ou entre les individus, et cette révision du contrat, implicite comme le contrat lui-même, doit aboutir de période en période à des révolutions capitales où des formes juridiques nouvelles expriment des rapports de forces nouveaux » [HS, II, p. 479-480].
Comme la plupart des représentants du courant juridique socialiste, Jaurès met sous sourdine le caractère contraignant du droit et de l'État. D'après Jaurès, l'ordre et la justice dérivent, par « une nécessité interne, du système de propriété et de production collectiviste »[SL, p. 211]. Il va plus loin encore et considère souvent que cette justice ne dépend pas d'un système social quelconque, mais constitue un idéal humain, Car «l'humanité porte en elle-même une idée préalable de la justice et du droit», qui «quand elle se meut, ce n'est pas par la transformation mécanique et automatique des modes ct la production, mais sous l'influence obscurément ou clairement sentie de cet idéal » 24, Et cette origine de « l'ordre du droit éternel », marquera clairement de son empreinte les traits principaux du droit socialiste : « ce n'est pas par l'action mécanique des lois ct contrainte, c'est par l'action organique d'un système nouveau de propriété que leS collectivistes et communistes prétendent réaliser la justice. Il serait donc tout à faIt injuste de se figurer le socialisme en sa forme définitive comme un appareil & réglementation, de restriction et de contrainte » [SL, p. 211]. Par ce biais, Jaurès semble rejoindre la tradition socialiste, tout court cette fois-ci, plus attentive à énonCer des grands principes de justice qu'à réfléchir sur les institutions positives dans leur logique propre, le droit (positif) n'étant qu'un dérivé des rapports sociaux. L-3 conception jaurésienne du droit ne semble donc pas pouvoir s'extraire ici d'une vision jusnaturaliste, en dépit du fait que sa construction de l'idée de droit social est en mêfl16 temps une reconstruction historique de la Révolution française comme événement social.
Mais le juridique retrouve chez Jaurès toute sa spécificité - ce n'est pas un paradoxe - par le biais du politique, lorsqu'il s'agit de revenir sur la réalisation dI socialisme.
Du droit social au droit nouveau
En fait, la dimension idéale n'épuise pas la conception du droit chez Jaurès. Meine au niveau conceptuel, le droit social apparaît comme le résultat de l'intervention, £t l'action ouvrière sur l'idée de droit. Si intégrer cette dimension agonistique est donc
23. J. Jaurès, «L'idée socialiste», Discours à la Chambre du 3 juillet 1897, in Pages choisies, cit, p. 205.
24. J. Jaurès, «Idéalisme et matérialisme dans la conception de l'histoire» (1894), in J. Jaurès, L'esprit au socialisme, Paris, 1964, p. 11.
nécessaire pour comprendre la notion même de droit social, elle l'est a fortiori pour n'ener à terme la transformation sociale. Jaurès s'évertue alors à préciser le caractère de c e méthode juridico-politique, en se livrant à une exégèse sociale du Code civil - et s es.t par là, d'ailleurs, qu'il engage une perspective pour le développement du Clalisme juridique en France.
Droit p if .1'.
OSltl et transformation sociale e Ici encore, le rôle révélateur de la Révolution française s'avère capital. En effet, si 8ese du Code il y a, elle est constamment illuminée par les débats de la Mention, où l'on retrouve notamment « toute une élaboration théorique du droit à lavVle supérieur au droit de propriété » [HS, II, p. 500]25. L'étude de ces idées montre p len qu'il y a des « communications historiques et juridiques », des « galeries » qui Mettent aux démocrates et aux socialistes de se rejoindre. Jaurès n'est pas dupe quant Va^eur de cette production, qui n'est pas absolue : ces débats forment plutôt « un tr £ °r », où peuvent puiser les socialistes (ainsi que les vrais radicaux) [HS, VI, P- 64-65]. En tous les cas, il souligne que la Convention a voulu préparer l'égalité oClale, dans l'intérêt de laquelle elle a touché le droit de propriété [ES, p. 225]26.
s a^S c'est moins la détermination de la genèse du droit social que les voies ce sa réalisation dans la situation actuelle qui intéresse Jaurès. Le droit apparaît alors conlrne une plaque tournante qui permet de « procéder par voie d'évolution à une t/ra ^formation sociale, d'orienter méthodiquement les entreprises et la vie économique l' le sens de l'organisation collective ». D'où, en particulier, la valeur de la législation sociale, qui exprime « des réalisations successives par où l'idée socialiste era dans les faits, des lois d'abord incomplètes, des institutions d'abord incertaines, qui Prépareront, ébaucheront et par degré accompliront enfin l'ordre nouveau » [AN, p.
4d 44 î P- 458], d L'analyse jaurésienne se concentre - il ne peut pas être autrement - sur le droit lae Propriété privée. Le commentateur d'aujourd'hui ne peut faire que de même car c'est Revendication la de la propriété sociale qui distingue Jaurès du radicalisme et, au niveau S torique, le socialisme juridique de toute forme de solidarisme. Pour Jaurès, il est capital de prouver que le concept de propriété n'est pas immuable et qu'elle a subi aux cours des siècles d'importantes transformations. Après un rappel des articles du 0 e civil portant sur la succession et la donation, il finit pour affirmer que s'il y a b"211 Une propriété capitaliste et de classe, il y a à peine propriété individuelle. Déjà la Yoluti°n française avait compris que la propriété est un fait social, c'est-à-dire «n , elle n'existe et ne peut exister que par la société» et que les individus « doivent, dans Usage qu'ils font de leur propriété, être soumis aux lois, aux conditions que la société leur impose » [ES, p. 212]. Mais de nos jours, la propriété individuelle est au ce e de dispersions et de limitations, notamment par les impôts, les lois sur Xpropriation, la législation ouvrière, et même civile. Malgré les différences, ces
; 25^ ''eUrS' nous l'avons dit, le rapprochement peut être établi même du point de vue chronologique, C., Jaurès a rédigé le volume correspondant dans l'Histoire socialiste de la Révolution française au même ionien, qu'il publie les articles pour La Petite République, et qui formeront le volume des Études socialistes.
')£ IStes.
sysf qui explique qu'elle ait «produit, en tous sens, une merveilleuse abondance d'idées et de SYs tn'es», parmi lesquels il rappelle les conceptions de Billaud-Varenne, auteur d'un système de ia n Iv,ste individualiste», de Boissel et bien entendu, de Babeuf et de Robespierre, dont la conception de Propriété «pose le droit social avant le droit individuel» [HS, VI, p. 134].
institutions juridiques partagent une même direction : il s'agit toujours de limiter les facultés de jouir et de disposer d'une chose par un individu. D'après Jaurès, l'imp0* illustre parfaitement bien ce rapport évolutif de large restriction de la propriété individuelle. Il représente une « propriété collective de l'État », créée par le bourgeoisie, et qu'il interprète comme une forme intermédiaire entre la propriété individuelle et le communisme, « que la démocratie sociale pourra peu à peu assimilé en propriété communiste » [ES, p. 179]. Il en est de même pour la société par actions, ébauche d'un système démocratique appliqué à l'industrie, et qui montre l'évolution ût la propriété individualiste dans un sens social.
De son analyse, Jaurès tire deux conclusions, l'une se pivotant sur l'autre. La première est théorique et concerne la nature de la propriété privée : elle n'est Pas absolue. En effet, les démembrements dont elle est l'objet, même dans le Code civil, montrent bien qu'elle n'est pas, à l'instar de l'État, un bloc homogène. Plus encore, elle n'a survécu à travers les siècles qu'en se décomposant. La deuxième est pratique et tient à la tâche des juristes socialistes. Les exemples de limitation de la propriété 3 l'intérieur de la sphère bourgeoise - comme l'usufruit, les servitudes, l'hypothèque ou encore le droit d'usage et d'habitation - pourront servir aux futurs juristes du drolt socialiste quand la révolution communiste sera au terme de son développement- Ils constituent « des précédents formidables d'expropriation » pour cause d'utilité publique sous le droit bourgeois [ES, p. 234-235].
On se retrouve à nouveau au coeur de la stratégie réformiste, graduelle, dJ socialisme jaurésien : « c'est en invoquant l'article du code bourgeois que les juristes # la Révolution sociale pourront ménager le passage de la légalité bourgeoise à la légalité communiste » [ES, p. 237]. C'est pourquoi, d'ailleurs, ce noyau démocratie du juridique ne se réduit pas aux institutions du droit privé, bien au contraire : « il Y 3 déjà, dans toutes les Constitutions de l'Europe centrale et occidentale, assez d'éléments de démocratie pour que le passage à l'entière démocratie s'accomplisse sans crise révolutionnaire » [ES, p. XXXIV].
On connaît bien les débats que cette position de Jaurès éveille à l'intérieur dJ socialisme français et international. Mais ses analyses auront également des détracteur chez des juristes socialistes se réclamant du droit nouveau.
Maxime Leroy, critique de Jaurès
Si la plupart des théoriciens qui formeront le courant du socialisme juridique se montre très sensible aux analyses de Jaurès, les articles sur la propriété dans La Petite République éveilleront la critique de Maxime Leroy (1873-1957) à l'époque chroniqueur juridique dans la Revue Blanche, plus tard théoricien du droit à l'intérieur du syndicalisme.
Leroy ne conteste pas que «de la vraie propriété collective, dans un sens nouveae" ne puisse être « organisée par la société bourgeoise ». Mais il trouve « quelques erreurs juridiques » dans l'argument de Jaurès, fruit d'une certaine méconnaissance de l'histotfe du droit, qui contredisent « la vigueur de la pensée »27. En fait, Jaurès exagère la portée du démembrement du droit de propriété produit par des institutions qui 1101, seulement existaient déjà dans le droit romain, mais encore, qui expriment « des droits
27. M. Leroy, «Quelques objections à M. Jaurès», La Revue Blanche, 1901. Jaurès y répondra à la fin dd la préface au volume édité par Péguy. Sur M. Leroy, voir dans ce numéro la contribution de Lion Muraf, et P. Zylberman. �
Slgnification nettement individualiste », et « ne peuvent pas par conséquent, oncer un droit social nouveau ». Par ailleurs, les limitations à la propriété privée s un cadre bourgeois, « le droit supérieur que la société s'arroge sur les propriétés 6eS n'est que la reprise dans un sens démocratique du droit de propriété éminent du roi sUr tous les biens du royaume ». Face à quelques excès de Jaurès, Leroy a beau jeu ('le rappeler que «l'individualisme juridique absolu ne peut être qu'une entité 'nétaphysique>> [p. 374].
J Certes, un droit nouveau se met en place, mais non pas là où croit le retrouver Jaurès : « est-ce moins dans le Code de 1804, qui n'est que le proche passé remanié, q u Il faut chercher le droit nouveau, que dans les lois sociales postérieures qui, ainsi que le ^marque M. Jaurès, constituent, elles, de véritables dépossessions dans un sens c 11 ectiviste : droit de grève, inspection du travail, etc.» Suivant la méthode ; jaurésienne, Leroy ne renonce pas à trouver des exemples dans l'histoire de la Révolution française, ou même dans la législation récente, qui permettent « des Vlsion* dans le sens du droit futur ». Il signale tout particulièrement la loi sur la Propriété artistique du 17 juillet 1793 car « ici la Révolution crée une propriété et la ,! e en même temps et la propriété qui, entre toutes, est marquée de la personnalité et sembîerait, par cela même, devoir être la plus individualiste et la moins so Est-ce que ce n'est pas dans cette institution originale que les juristes de la so 'ete future pourront trouver la combinaison qui tiendrait compte des droits ce 1V^U sur son effort individuel (industriel ou littéraire) et des droits de le Société qui Peut, elle aussi, réclamer sa part dans la formation ce cette richesse ? ».
ex Si, comme Leroy l'écrira plus tard, la structure économique nouvelle trouve son « PresSIon dans le droit nouveau, ce dernier est conçu avant tout comme une «aHPtation» des anciennes règles à la nouvelle réalité, une transaction sur le terrain Socratique. Contre l'idée que le Code civil et la législation positive en vigueur lendraient déjà un droit nouveau, il revendiquera l'idée de la « coutume ouvrière », oeuvre de la pratique syndicale en dehors du cadre de la loi étatique. Mais l'idée de droit So ne devait pas être surestimée selon lui, car tout droit, y compris le droit «ind ividualiste», était issu des rapports sociaux déterminés.
Iii On peut reprocher à Jaurès d'être un peu trop enthousiaste quant à la nouveauté et Pitance de certaines institutions juridiques28 ; cependant, il n'est guère naïf quant à ja Portée politique de sa méthode juridique : « je n'ai point la puérilité de prétendre qUe le droit socialiste sortira, par interprétation et évolution des textes, du droit 1 bourgeois * Les grandes transformations sociales ne se font point par des habilités ce p cedure et le code socialiste ne sera pas l'épanouissement imprévu de quelques tnes équivoques, cachés dans le code bourgeois. C'est l'action de classe du p ariat, s'exerçant avec une force croissante sur l'ensemble de la vie sociale, qui SlJsc lt6ra des rapports nouveaux de propriété et des formules juridiques nouvelles » [ts, P- 171]. Point d'ambiguïté là-dessus : les prolétaires, pas les juristes, sont les to Jets de la révolution. Et seul le socialisme réalisera le droit humain, donnant ainsi toute sa portée à la Déclaration des droits de l'homme [ES, p. 137].
77 28.e7^ a'"eur®' Leroy ne l'est pas moins lorsqu'il note à la même époque que «depuis une cinquantaine dlannées le droit traditionnel de l'Empire est bousculé par les nouveautés économiques et morales que la le Pa Ihon de 1848 a affirmées. Mais particulièrement depuis deux ou trois ans le mouvement est intense
adparle le ent, quelques professeurs de faculté, quelques magistrats, les philosophes réforment les concepts admjs 'USctu 'c' en matière de propriété, de liberté, d'autorité, et un nouveau droit, tout à fait différent du qUel e ent, nous commande sans que nous prenions garde au changement de maître. Ce ne sont pas que| ! es lOIs sociales seulement qui ont été modifiées, c'est tout l'ensemble juridique formé par les codes rem 1er Empire». Cf. «Le droit contre la vie», La Revue Blanche, 1900/21, p. 401
Mais le droit reste toujours un élément permanent - peut-être l'élément central de son réformisme, de ce qu'il appelle, en s'abritant parfois sous l'autorité de Marx: l'évolution révolutionnaire. En effet, une telle politique consiste justement « 3 introduire dans la société d'aujourd'hui des formes de propriété qui la démentent et qUi la dépassent, qui annoncent et préparent la société nouvelle, et par leur force organique, hâtent la dissolution du monde ancien » [ES, p. LXIX]. C'est l'idée de la réforme comme préparation. Or, cette stratégie réformiste, qu'il appelle parfois « la politiQue légale du suffrage universel », suppose nécessairement une revalorisation du droit positif.
Retour sur la loi positive ?
On l'a vu : il n'y a pas de juridisme chez Jaurès et l'insurrection reste un droit. Il semble même s'approcher des conceptions marxiennes lorsqu'il affirme « on a beau codifier les relations économiques des hommes entre eux et en faire un système et: droit: sous leur déguisement juridique, les forces économiques gardent leur brutale i efficacité » [CR, p. 259]. Même dans sa pente plus spéculative, il avait parlé et: «l'ordre de la loi positive, qui pénètre de droit naturel la réalité, mais ne l'abolit point»
[HS, I, p. 472]. En ce sens, il ne serait pas en désaccord avec son contradicteur Leroy lorsque ce dernier affirme que « la loi ne commande pas au nom d'une justice universelle, elle obéit (.) aux forces de la société, à la contrainte économique, à la contrainte de classe »29.
Toutefois, une différence reste et elle est de taille : pour Jaurès, le droit positif, - loi comporte toujours une garantie pour le prolétariat. Ne pas identifier l'idée de droit a la loi positive n'implique pas le rejet pur et simple de celle-ci. La conception jaurésienne de la loi s'était déjà exprimée lors de l'affaire Dreyfus, dans les pages qUi formeront Les Preuves. L'intérêt réside peut-être moins dans la conception elle-nlêrne - qui ne sera guère approfondie dans ce qui reste des articles de journal - que dans le fait que Jaurès s'adresse explicitement aux socialistes eux-mêmes.
Le cadre est clair : il entend se défendre de l'accusation de légalisme. Pour ce faire, Jaurès mène une analyse où il distingue « deux parts » dans la légalité bourgeoise D'une part, les lois qui protègent les privilèges des capitalistes, faite par une classe pour elle-même. De l'autre, celles qui « résument » les progrès de l'humanité, les garanties conquises après des longs efforts, même si elles restent pauvres et modestesD'où la tâche politique des socialistes devant le droit positif : « nous socialistes révolutionnaires, nous voulons, dans la légalité d'aujourd'hui, abolir la portion capitaliste et sauver la portion humaine ». Pour Jaurès - et ceci nous montre aussi les fondements socialistes de son engagement dreyfusard -, la classe ouvrière a toujours intérêt de lutter contre l'illégalité, même lorsqu'un bourgeois en est la victime, car, de par sa position sociale, elle est toujours la plus menacées Pl l'arbitraire et la violence30.
Cette conception de la loi n'est pas qu'une réponse spécifique à une violation � libertés fondamentales comme c'était la condamnation, par la justice, d'un innocent, avec de fausses preuves ; nous la retrouvons également lors des discussions en défense de la législation sociale. Et encore une fois, la démonstration s'adresse à son propre camp. Déjà les débats du Congrès de Toulouse lui avaient permis d'illustrer sa vision,
29. M. Leroy, Le code civil et le droit nouveau, Paris, 1904, p. 115.
30. Cf. J. Jaurès, Les Preuves (1898), Paris, 1998, p. 47-48.
: Propos de la législation sociale et notamment de la loi d'assurance contre les cidents de travaiPI. La discussion sur la loi des retraites ouvrières à l'intérieur du oClalisme lui donne une occasion de préciser davantage sa pensée. Pour Jaurès aque nouvelle loi conquise, en consolidant les efforts antérieurs du prolétariat, rend sa force disponible pour d'autres conquêtes (.) La loi, c'est l'habitude introduite dans ^c°nomie jw d'une nation, dans la vie d'une classe et qui permet à cette classe de disposer de sa force de pensée pour des conquêtes nouvelles». Même si l'application de la loi Puque des nouveaux combats, des nouveaux efforts d'amélioration, l'assuré « a un ein droit, un droit absolu, un droit inconditionnel » [DN, p. 375, p. 377]. Comme le droit de coalition ou le droit de grève, ils « sont définitivement entrés, quoique avec des anties encore incomplètes, dans le droit public, dans le droit social de la démocratie ^Çaise » [SR, p. 33].
1 n ce sens, les socialistes devaient lutter pour que le prolétariat « soit protégé par les j 0ls contre l'excès de l'oppression et de l'exploitation économique, dans la mesure pU cette protection est nécessaire pour délivrer les individualités captives, pour vne - ettre à tous une instruction efficace, l'exercice réel du droit d'association, la êoureuse défense du salaire, l'accession au crédit »[SR, p. 40-41].
Pa e telle conception de la loi positive ne peut pas être dissociée de sa vision bl nlcuhere de l'État32. Comme on le sait, Jaurès soutient que l'État « n'est pas un k homogène et d'un seul métal », en renvoyant explicitement à Lassalle [AN, p.
467]. Mais en réalité, il donne un tour positif à la conception lassallienne. Autrement pIt: là où Lassalle entendait décrire (et critiquer) l'État en général, Jaurès cherche à ciser la fonction d'un État démocratique. Ainsi, de l'idée de l'État comme rapport ds forces antagoniques, il tire d'autres conclusions sur la nature de l'État (démocratique) : j| & < pour fonction de maintenir, de protéger, les garanties d'existence, d'ordre, ds civilisation communes aux deux classes ». La dimension instrumentale, propre à la tr ltl0n du socialisme réformiste, est bien présente dans la conception jaurésienne : l'Ft* démocratique doit aider à l'action du prolétariat vers un ordre nouveau [AN, p.
4'81. Mais si instrument il y a, il n'est pas un simple levier dans les mains d'une classe. Dans le passage au socialisme, Jaurès voit l'État comme un arbitre, un tiers audes fUS de la mêlée. Ce n'est peut-être qu'une autre expression de sa conception des lilstitutions devenues « une transaction acceptée pour toutes les classes » dont le suffi aêe universel est le premier avatar : pour la bourgeoisie, puisque c'est une garantie Cq la violence de la révolution sociale, pour le prolétariat, car il est, « s'il sait en pr 6 fortement usage, l'instrument décisif d'une transformation libératrice de la p rlneté ». Et le suffrage universel devient la lumière sur les rapports de forces [SR, p p.. 96]. Ainsi, en même temps que l'Etat rend efficace la primauté de la classe Qu domine, il doit « ouvrir à la classe qui monte des voies proportionnelles à sa Du Sance réelle, à la force et à l'étendue de son mouvement d'ascension ». Mais, à la difference du « socialisme d'État », il ne s'agit pas d'un arbitre étemel, car les classes peuvent disparaître par un système nouveau de propriété. Déjà l'État républicain n'est b as exclusivement un État de classe, il le définit comme « un composé d'oligarchie bourgeoise et capitaliste, de démocratie et de puissance prolétarienne », dans une
31 31 ^'Sc°urs au Congrès de Toulouse (1908), in L'esprit du socialisme, cit.
32
32 urs au Congres de Toulouse (1908), in L'esprit du socialisme, cit.
l, évolution de la conception jaurésienne, de l'État de classe à l'État démocratique, en passant par AFHlP°\r8eois' est bien soulignée par M. Ganzin, «Le concept d'État dans la pensée de Jean Jaurès», cOns' y, Aix-en-Provence, 1986, p. 160 et sq. Voir maintenant l'important n° des Cahiers Jean Jaurès nsacre à l'Etat (n° 150).
proportion variable. Dans une démocratie, ce composé, ce rapport de forces, « varies nécessairement » en faveur du prolétariat [ES, p. 178].
* + *
Le droit social non seulement se détache comme catégorie, mais encore, il devient une politique, sous la forme de « droit nouveau ». Si l'on prend garde à ne pas voir un dualisme dans ce qui n'exprime en fait qu'un rapport dialectique, on peut affirmer que e droit nouveau exprime la réalisation de l'idée de droit social. Investie par le prolétariat la législation, à l'instar de l'assurance sociale, « sera une oeuvre vivante dans laquelle le prolétariat aura l'exercice de sa force d'aujourd'hui et l'apprentissage de sa gestion Ct demain » [DT, p. 90].
Certes, à la lumière des évolutions sociales et juridiques de la fin du XXe siècle, l'affirmation jaurésienne selon laquelle « le droit nouveau a pris définitivemel1 possession de l'histoire » peut pécher par un trop grand optimisme. « L'évolutio légale de la République » vers la propriété sociale, cette « juste évolution nécessaire >>» n'aura pas lieu. Mais liant indéfectiblement l'action des travailleurs non seulement a la construction d'un droit nouveau mais encore à l'idée de droit, l'effort de Jaurès nous rappelle qu'il n'y a pas une essence conservatrice qui condamnerait de manière absolu le juridique dans une perspective socialiste.
Carlos Miguel HERRERA Centre de philosophie juridique et politi^ Université de Cergy-Pontois Faculté de droit
33, Bd. du port 95011 Cergy-Pontoise Cède* Car!os.Herrera@droit.u-cergy'
DOCUMENT
JEAN JAURES, ETUDIANT A LA FACULTE DE DROIT DE TOULOUSE, EN 1891 Jacques POUMARÈDE fel ~u dossier des recherches sur l'intérêt que Jean Jaurès a porté au droit et sur ses relations avec le milieu des juristes, il est possible de verser une pièce restée jusqu'à fnt inédite : son inscription en première année de licence à la faculté de droit ce îo u ouse, au début de l'année universitaire 1891-1892.
la Les registres de la faculté contiennent, en effet, une belle mention autographe par laq "Ille Jaurès déclare prendre une première inscription à la date du 7 novembre 1791 et s'e fa^e à verser les droits universitaires1. Au début du trimestre suivant, le 15 janvier du 2, Jaurès renouvellera son inscription mais, cette fois, la déclaration est de la main du commIs préposé à la tenue du registre, seule la signature paraît authentique. Par la fi Ite, on ne trouve plus trace d'une nouvelle prise d'inscription et le nom de Jaurès ne d gure ?as sur le registre des examens. Ce passage éphémère sur les bancs de la faculté de droit est passé inaperçu de l'historiographie des séjours toulousains de Jean Jaurès et e nlanque pas d'étonner2. En 1891, le futur leader socialiste a dépassé la trentaine ; il 111 liaitre de conférences à la faculté des Lettres, chargé du cours de philosophie et ttie re du conseil municipal de Toulouse, adjoint au maire chargé de l'instruction dé" hque Il vient de siéger pendant quatre ans à la Chambre des députés où il a acquis déjà Une bonne expérience du travail législatif. On peut donc se demander ce qui a pu iter à venir faire l'apprentissage du droit, en compagnie de condisciples beaucoup Plus jeunes, parmi lesquels on relève des noms connus, comme celui de Maurice Sa Ut' le futur directeur de la Dépêche de Toulouse, grand faiseur de ministères de IV ^e~deux guerres et un certain Nagib Ghali, natif du Caire, fils de Boutros Ghali b Pacha.
A vrai dire, la situation de Jaurès n'est pas exceptionnelle. La faculté de droit c Pte dans ses effectifs un certain nombre d'étudiants engagés dans la vie p essionnelle et un de ses collègues de la faculté des Lettres, Charles Lécrivain, altre de conférences d'histoire ancienne, qui suit les enseignements de deuxième année
1. A.D. Haute-Garonne, 3160W46, f°42, v° et f°45 r" , Registre des inscriptions en licence et en doctorat.
Jaurès s'est acquitté du montant des droits, soit 40 francs pour le trimestre, alors que son statut de fonctionnaire de renseignement supérieur pouvait lui valoir une exonération.
2.
années toulousaines ont été particulièrement étudiées par Louis Soulé, La vie de Jaurès (18591892), Paris, 1921 ; Madeleine Rebérioux, « Jaurès et Toulouse (1890-1892) », Annales du Midi, 1963, rePris rf Histoire moderne et contemporaine ,t. 2, Toulouse, Privât, 1989, p. 781-799 ; Maurice Jean Jaurès, Citoyen adoptif de Toulouse, Toulouse, Privât, 1987. L'inscription de Jaurès à la e de droit a été signalée pour la première fois par Jean-Marc Gabaude dans une communication ^r°nono 66 devant l'Académie des sciences, Inscriptions et Belles-Lettres de Toulouse, en 1999 et publiée dans je an Jaurès philosophe, Toulouse, Editions universitaires du sud, 2000, p. 24.
de licence 3; son exemple a peut-être guidé la décision de Jean Jaurès, mais ce qui l'a déterminée est une incontestable curiosité intellectuelle pour le monde du droit.
Au cours de l'été 1891, Jaurès vient de terminer ses thèses de doctorat. La thèses secondaire rédigée en latin, Des premiers linéaments du socialisme allemand est traversée par un véritable questionnement sur les fondements du droit dans la pensée Ct Kant, Hegel et de Fiche4. Jaurès y montre comment l'impératif catégorique kantien organisant la coexistence de la liberté et des devoirs, combiné avec la philosophie hégélienne du droit et de l'État et la critique de la propriété privée développée par Fiche, a abouti au socialisme tel qu'il s'exprime chez Marx et surtout chez Lassalle auque Jaurès s'intéresse de manière plus approfondie qu'on ne l'avait fait avant lui en France Comme le souligne ici même, Carlos Herrera « la pensée allemande aura une place significative sur sa vision du droit »5.
Cette approche toute philosophique du droit est très éloignée de l'enseignement dispensé, à l'époque, dans les facultés de droit, dont l'objectif essentiel est de former deS praticiens. Les matières de droit civil occupent encore une place dominante dans les études. La faculté de Toulouse qui est la plus importante de province par ses effecufs, a, certes depuis assez longtemps, évolué dans ses méthodes6. Elle a pris des distancé avec l'école de l'Exégèse encore très influente à Paris. Des professeurs comme osml11 Benech, Charles Ginoulhiac, Joseph Paget ont ouvert les portes à la méthode historique sous l'influence de l'école allemande de Savigny et un cours d'histoiredroit français a été crée dès 1854 ; un cours d'économie politique apparaît de manier épisodique en 1848, 1851, 1853, avant Paris, puis plus régulièrement à partir de 1864 et se transforme en chaire en 18767. Mais ces innovations ne remettent pas en caUSe un enseignement solidement conservateur. L'histoire du droit et l'économie politique sont ouvertement destinées à combattre l'influence sur de jeunes esprits des idées pernicieuses, c'est-à-dire les dangers de doctrines socialistes. Les fortes maximes P3* lesquelles Louis Arnault, titulaire du cours d'économie politique professé en pretnlere année de licence, justifie son enseignement sont sans équivoques : « en défendant et eJ1 légitimant le droit de propriété, nous défendons la société dans laquelle nous vivons, la famille de laquelle nous sommes issus, la famille dont nous sommes, ou dont nous serons les auteurs et les chefs »8.
3. Charles Lécrivain, 1860-1942, avait été reçu en 1880 à l'Ecole normale supérieure, et nommé en 18 comme chargé de cours à la faculté des Lettres de Toulouse qu'il ne quittera plus jusqu'à a fin de 50 carrière.
4. voir la nouvelle édition de la traduction de cette thèse dans les Oeuvres de Jean Jaurès t. J, Philosopher à trente ans, (A. Taburet-Wajngart, éd.), Paris, Fayard, 2000, p. 381-436, et l'introduction d texte par A.T.-W. , p. 379-380.
5. Voir dans ce même numéro l'article de Carlos Miguel Herrera. _A.
6. J. M. Burney, Toulouse et son univerzité, Facultés et étudiants dans la France provinciale du Ige siècle, Toulouse, PUM, 1989. Dans les années 1888-1892, la faculté de droit compte en moyenne de étudiants issus pour 29 de familles de membres des professions libérales (juristes) et 41 je propriétaires fonciers, p. 165.
H Jean Dauvillier, « Le rôle de la Faculté de droit de Toulouse dans la rénovation des études juridiques e; historiques aux XIXe et XXe siècles », Annales de l'Université des sciences sociales de i Toulouse, t XXIV, 1976, p. 343-384.
8. Louis Arnault, Résumé d'un cours d'économie politique, Toulouse, Privât, 1891, p. 11 (cité par BumeXj p. 140). Louis Arnault, né Tours en 1837 avait préparé Polytechnique avant d'être admis à Saint-Cyr °; et avait donné sa démission pour faire des études à la faculté de droit de Paris. Il est agrégé en 1865 et affecté à Toulouse où il prend la suite de Rozy sur le cours d'économie politique. Conseiller général Tarn-et-Garonne en 1874, il est élu député de ce département en 1885 dans les rangs conservateur réélu en 1889, il fut invalidé; il était secrétaire perpétuel de l'Académie de législation. Il me o brutalement en 1894.
b En prenant son inscription, Jean Jaurès n'ignorait pas l'esprit qui régnait sur les a ancs des écoles de droit de l'époque. Quelques semaines auparavant, il avait dû subir au conseil municipal une des algarades dont son collègue Charles de Fitte, chef de file des socialistes révolutionnaires, était coutumier. Celui-ci se plaignait en termes v -, 6,lïlents du discours que le doyen Paget venait de prononcer à la distribution des prix des .e^^es communales et dans lequel il avait célébré les vertus de la propriété privée et ÎQJ- de « folie » et de « spoliation » les principes socialistes9. Jaurès était Internent visé car c'est lui qui, en qualité d'adjoint à l'Instruction publique, avait 6 le doyen à prononcer le discours d'usage. Sans fuir ses responsabilités, Jaurès rénnndit à de Fitte qu'il avait cru bon de prendre cette décision parce «qu'il y avait un l'e d. intérêt pour l'enseignement, et pour la démocratie elle-même, à rapprocher pr nSeignement primaire de l'enseignement supérieur» ; il a été le premier surpris des Se O¡OS tenus par le doyen Paget : « il est au moins étrange d'entendre dire, non pas seu6lTlent que la propriété individuelle, mais que la forme de cette propriété est vi uable et sacrée, au moment où une évolution énorme se produit sur l'idée de la cée" de Dieu et du droit », mais il n'a pas voulu répondre sur le champ pour garder à la cér.^nie sa dignité : « s'il est nécessaire d'enseigner aux enfants le respect des Institutions fondamentales du pays, il est bon de s'abstenir de soulever devant eux des 10ns brûlantes et controversées ».
Son inscription quelques semaines plus tard sur les registres de la faculté de droit a peut-être été un acte de témoignage, qui n'est certainement pas passé inaperçu du corps di 0 essoraI 1 o. La clé qui donne un sens à cet acte se trouve en fait dans le beau dis cours que Jean Jaurès prononcera un an plus tard, le 17 novembre 1892, pour lli, ^guration des nouveaux bâtiments de la faculté des Lettres.
l'Ét rop à l'étroit dans les vieux locaux du Sénéchal, les littéraires avaient obtenu ds l'Ét at et de la municipalité de Toulouse une construction neuve sur un terrain mitoyen l'in la faculté de Droit. Jean Jaurès exalte dans son discours la liberté de penser : !'bi "~on universitaire « est ouverte à tout les mouvements de la pensée, à tous les les de l'espace intellectuel, et elle a comme centre et comme fond le dogme même de la nation, le seul qu'elle reconnaisse depuis cent ans, le seul qui, en s'imposant à tous, n'asservisse personne, la liberté de l'esprit »n. Et l'orateur se félicite des aux rapports que le voisinage va instaurer entre les deux facultés : «Ce esn • ement était depuis longtemps préparé par le mouvement de la science et des dan rus. H fut un temps où ces facultés se connaissaient à peine. On cueillait des roses dans j Jardin des Muses et on les glissait de loin en loin entre les pages du code. Il n'y Q'vait aInsi qu'un petit commerce de rhétorique. C'est donc, on peut dire, une sorte ds ISlnage intellectuel qui s'inaugure aujourd'hui entre les deux facultés». Sous
9.ArchV unicipales de Toulouse, Bulletin du conseil municipal, 5 août 1891, p. 1133 et s. avec sa verve 3 pe Duchesne, Charles de Fitte stigmatise « l'élucubration éminemment fantaisiste, mais très réa etonnaire au demeurant, (de) cet échappé poussiéreux des officines du "Droit" antique ». Joseph ^aget ét ne à Morbier (Jura) en 1837 ; il avait été formé à la faculté de droit de Toulouse ; agrégé en etait dl est affecté à Douai, puis à Toulouse où il fut titularisé en 1883 dans la chaire de Pandectes. Il é 11 dr°..yen depuis 1888.
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10 -. YUYen depuis 1888. -
le Le egl-stre d'inscription porte le paraphe du doyen Paget sous la deuxième inscription de Jean Jaurès, PériJanvler 1892. L'intérêt que Jaurès porte à la faculté de droit ne se dément pas tout au long de cette de 300e : le 28 décembre 1891, c'est sur sa proposition que le conseil municipal vote l'attribution d'un prix I) d 30 f au lauréat du concours général de licence, Bulletin du conseil municipal, 1891, p. 1618.
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• Le discours de Jaurès a été publié dans La Dépêche du 19 novembre ; voir de larges extraits dans J.
Gavabaude, ouv. cité, p. 50.
l'humour de la formule, on perçoit la foi si jaurésienne dans le dépassement de contradictions par le mouvement des idées.
En 1891-92, l'adhésion de Jaurès aux valeurs du socialisme - du «collectivism^ comme il le déclare lui-même 12 - ne fait aucun doute et la grève des mineurs Ct Carmaux lui fera franchir bientôt le pas de l'engagement militant ; les leçons de professeurs de droit toulousains, si tant est qu'il les ait suivies, ne l'auraient pas fait changer d'avis. Mais si, à l'instar de beaucoup d'autres jeunes gens de son milieu, fos émoulu du baccalauréat, il n'avait pas pris la voie de l'École normale supérieure et il l'agrégation de philosophie, et s'il était venu faire son droit à Toulouse, serait- e devenu la grande figure du socialisme humaniste qu'il fût ? La question mérite de posée.
Jacques POUMARED Université de Touloj^f Jacques.Poumarede@univ-tlsel. r
12. dans la partie encore inédite du manuscrit de 1891 « La question religieuse et le socialisme » ; voir M Rebérioux, « Jean Jaurès et la propriété », Regards sur les idées, n°58, juin 2000, p. 19-20.
, 1 —f —— 1 ;, '2nO Je soussigné M Mfa <'HO ¡., soussigné" e.a.«,--'d.---au.J\4-_.,__-_--m--.- ..--------.-----.- M' '-' nU --r-- ,. _3J'e-¡de;,;&;¡-Ifij:j--- ..rU.n~L .<T.t~~ *~" demeurant à Toulouse, me l»\a— uL*.. A. - 0^iÀalx <nt^_ - imUL ivC~S a'Z^O J L I ,L déclare prendre la m1 '-----""0' ------ Inscription de Licence en droit demeurait rue f * et m'engage à veraer à la oaiseo du Reoerour des droits universitaires los droits d'inscription ot do [ J 1..
bibliothèque correspondants. i MfUMJ Toulouse, la j par Signature de l'étudiant, dôp1 d ——~ t vXXi !
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INSCRIPTION DE LICENCE ET DOCTORAT FACULTÉ DE DROIT DE TOULOUSE
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déclare prendre la^:.--!^ — inscription delicence en rfn»< à
V; et m'eugago à versor à la caisse du Receveur des droits universitaires les droits d'inscription par rj et de bibliothèque correspondant». i/. rtépl f;: Toulouse, le A.(: 189 v J ~~(ûJ 189 ï^"- Signature de l eivAwnt, f :;, ~— 0 ,«J »» P 16 I /L^oValAW fz\^L = = •J^11=— — 1 1 7
LECTURES sous la direction de Gilles Candar
Anarchie et littérature
ra Né d'un colloque tenu en 1994, ce volume tente de proposer une définition des PPorts entre littérature et anarchisme. Les contributions sont regroupées en trois nds thèmes intitulés : sur la voie libertaire ", traînées de poudre et "l'alchimie pU verbe". Elles offrent à la fois des présentations de trajectoires individuelles, des Il OrtraIts de groupes et des analyses détaillées de certains anarchistes qui émergent dans ombre de romans aux auteurs divers.
pr POur les libertaires, le rapport à l'écrit relève d'abord et avant tout de l'acte de Pagande - au sens kropotkinien du terme : tout acte d'agitation est propagande e). c est là un des dilemmes de la littérature libertaire, comme le montre Gérald er, dans une des contributions les plus fécondes. Il y souligne l'opposition entre les deux termes qui pose le problème fondamental de l'affrontement entre des logiques di 1rentes, l'utopie romanesque ne peut jamais totalement rejoindre la logique D , politique à moins qu'elles ne se confondent dans un modèle totalisant. Plusieurs ait C se penchent sur ce qu'il est convenu d'appeler des classiques de la littérature !it lib ertâij-g Ainsi Alain Pessin souligne chez Bakounine la distorsion entre l'action M'litante et la réflexion théorique. Pierre Michel montre la complexité des rapports entr 6 anarchisme et littérature chez Octave Mirbeau. Deux contributions proposent une Krîiie de lecture analogue pour Jules Vallès. Philippe Oriol étudie l'absence paradoxale de Kavachol dans la littérature depuis la début de ce siècle. Les contributions sur di Suialité et anarchisme à travers les œuvres de Darien et de Goldberg prouvent les çjj tensions multiples de ce courant de pensée. René Bianco souligne la richesse de la SSe libertaire et des contributions qui lui ont été offertes. Certaines études sont lculièrement originales : celle sur Claudel et la tentation de l'anarchisme ou la c Sentation d'inédits de Léon Bloy et son Archiconfrérie de la Bonne Mort. Enfin, la "Iltribution de Marta Giné Janer est d'un apport essentiel car elle pose, à travers l'a alyse de l'œuvre de A. Gomez Arcos, le problème des rapports entre anarchisme et fi emOcratie, qui dans le cas présent n'est plus un impensé ou une réflexion non ^ulée mais une affirmation explicitement affichée : la pensée libertaire peut se c ^biner avec l'esprit démocratique. Si certaines contributions sont riches et offrent de d' ultlples pistes de réflexions, certaines communications relèvent du contresens ou dUn prisme idéologique réducteur. Pourquoi refuser à Léo Malet sa place dans la litrerature libertaire (p. 18-19) ou écrire que Laurent Tailhade est aujourd'hui oublié (p.
19 et 99) ? Pourquoi tenter de démontrer que Panait Istrati n'est pas lu alors qu'il est p. ,lté en collection de poche ? Les communications sur Céline et l'anarchisme j lSs®nt perplexe. Écrire comme le fait Michel Ragon que : c'est par son a jsémitisme que Céline n'est plus anarchiste. Car si l'on perçoit quelques allusions lS^m^es chez Proudhon, si au début des années 1890, les anarchistes ont tendance à id entifier le Juif et le ploutocrate, le ralliement des anarchistes à la cause dreyfusarde ^ra total et jamais la presse libertaire ne tombera dans l'ornière du racisme [.] Jamais ( ehne ne s'est dit fasciste [.] Jamais Céline ne s'est défini autrement qu'anarchiste (P. 118-119) étonne. Outre les contradictions, soulignons que le nombre de militants archistes qui ont frayé avec l'antisémitisme, même s'ils sont minoritaires, n'en sont
pas pour autant marginaux, loin s'en faut (Emile Janvion, Otto et Maxence, Rassinier' les militants de l'Alliance Ouvrière Anarchiste ou Léo Malet. ). Par ailleurs, cermo articles, comme par exemple, celui consacré à la dimension libertaire du surréahs donnent une impression de déjà lu. On peut à ce titre regretter certaines absences ° traitements minorés : la littérature syndicaliste révolutionnaire, Albert Camus - - La parution de ce colloque mérite cependant d'être souligné même si le, contributions sont de valeurs inégales. Il est possible de prolonger la réflexion P trois revues qui consacrent leur dossier au même sujet Réfractions : Lee cosmopolites ", n°3, 1999, La Revue d'histoire littéraire de la Fran,ce Anarchisme et création littéraire n°3, mai-juin 1999, et Anarchist Studie.
Anarchism and Science Fiction (volume 7, n°2, octobre 1999). Preuve s'il en est besoin que ce thème est loin d'être épuisé.
Alain Pessin et Patrice Terrone (textes réunis et présentés P~' Littérature et anarchie, Toulouse, Presses Universitaires du Mi1*"* collection Cribles, 1998, 544 p.
- Sylvain BouloUqúe De Dakar à Toulon, deux rééditions de J.R. Bloch
Après. Et Compagnie, Espagne! Espagne! et Destin du siècle, deux nouvel rééditions viennent enrichir le portrait intellectuel et littéraire de Jean-Richard Bl° On se réjouit d'entendre directement sa voix singulière dans le débat, mille fois reJo. e depuis lors, qui agita dans la première moitié du XX° siècle l'intelligentsia llallÇWSC au sujet des choix entre l'écriture et l'action - pour reprendre les terniesduo colloque récent consacré à J.-R. Bloch. En 1926, quand paraît Première joumee Rufisque, le fondateur de L'Effort a déjà, à 42 ans, parcouru le chemin qui l'a mene 1 la SFIO au communisme puis l'en a éloigné, délaissant d'un même mouveInent le journalisme et l'enseignement pour donner priorité à la création littéraire et à 1eS
réflexif. Première journée à Rufisque rend compte précisément des premières vingt, quatre heures passées en 1921 au Sénégal, prenant la suite de Sur un cargogt précédant Cacaouettes et bananes. Les premières pages posent d'emblée le dilem111 entre la volonté de vivre pleinement l'événement et le désir de fixer sa vie pour "éviter l'universel naufrage du temps". Avec la contrainte supplémentaire de l'unie temps, ce petit livre y répond par le portrait critique d'une micro-société colon1 médiocre opposée à la séduction des populations noires, tracé par une plume qui hésite entre lyrisme sensible et mise à distance ironique du genre récit de voyage a colonies
Près de vingt ans plus tard, c'est à Moscou que J.-R. Bloch écrira Toulon, , terme d'une évolution qui via l'antifscisme l'a rapproché du PCF, pleinement engagé dans l'aventure journalistique de Ce Soir, puis, menacé par sa double qualité de juiff de communiste, l'a mené à Moscou où il devient la voix française de la radi' soviétique. Créée à Alger en 1944, jouée à l'Odéon la saison suivante, la pièce évo^ en 3 actes le sabordage de la flotte en novembre 1942. Et - ce qui en ces années littérature engagée n'est guère paradoxal -, l'écriture dramatique s'y fait incomparablement plus simpliste que celle des essais ou des articles des années 192
et du début des années 1930, dans lequels J.-R. Bloch avait imposé un style très formel. Le schématisme tout prolétarien de l'intrigue, les types sociaux et niques taillés à la hache - amiral pétainiste mais in fine patriote, petit-bourgeois collaborateur, marin de la flotte nécessairement séduit par l'armée rouge, etc. - font cr Polllon le témoignage d'une époque et rendent d'autant plus utiles les éléments Cr,tiques et les témoignages publiés par l'éditeur.
Jean-Richard Bloch, Première journée à Rufisque, La Bartavelle, "La belIe mémoire", 1998, 225 p. (1ère éd. Les Cahiers nouveaux, Éd. du J Sagittaire, 1926).
Je "-Richard Bloch, Toulon - Légende contemporaine en trois époques Il novembre 1942, 27 novembre 1942, février 1943, Les Cahiers de ''Egaré, 1998, 156 p. (1ère éd. Gallimard 1948).
Sophie Cœuré Aux origines de. Françoise Seligmann y Françoise Seligmann : une figure bien réelle et longtemps quasi mythique à mes \l * de la Ligue des droits de l'homme. Pendant des décennies, elle en a présidé avec 4'1'2 autorité naturelle les séances de congrès : sa parole semblait entendue avant même coetre mise en débat. Peu familière, alors, des arcanes de l'organisation à laquelle je ne c sacrais qu'une partie de ma vie militante, je pensais que cette autorité lui venait du y' qu'elle avait joué pendant la guerre d'Algérie : elle avait bousculé une partie de la lUe garde en fondant, avec Philippe Bernard, Après-Demain, une revue d'éducation c Ohtique et populaire, une revue où les droits se rajeunissaient au feu des batailles ntre la torture et pour l'indépendance des peuples colonisés. Je me trompais en Partie) qu Ce livre nous dit pour quoi, et en quoi. Il nous fait découvrir le rôle, considérable, dès 1941 elle joua dans la Résistance, en liaison étroite avec le mouvement "C °iïibat", et, dans Combat ", avec Claude Bourdet. Elle y narre, sur un ton j"Pourvu de toute emphase et de toute gloriole, les pratiques militantes qui, chaque c Ur, la promettaient à la mort, - elle eut 20 ans en 1940 - et les rencontres qui la consolidèrent dans ses certitudes : celle du pasteur suisse, Roland de Pury, celle ds a arcel Peck tôt disparu : ces vrais héros que l'histoire a oubliés Elle colore rement la résistance lyonnaise, ce lieu de toutes les tensions, de tous les courages et q Quelques lâchetés, cette capitale de la résistance à partir de laquelle elle parcourut Sl toute la France. Munie de solides faux-papiers, certes.
1 Dans son cas, ils étaient particulièrement utiles. Françoise est juive par sa mère à Qj uelle elle restait indissolublement liée. Au départ de son histoire de vie, comme on sait il y a vingt ans, de son itinéraire comme on dit aujourd'hui - un récit qui devrait la conduire et nous avec elle, jusqu'à l'extrême fin de ce siècle -, il y a une histoire, ee en quelques lignes. Une histoire ? non, un de ces chocs qui orientent toute une pIe. Fin août 1940, elle a rejoint le village du Forez, Saint-Martin d'Urfé, où elle Sait d'ordinaire ses vacances, et, de Marseille où elle est née, où elle vivait, lui est t S mise une lettre de son père. Il les a abandonnées, huit ans plus tôt, sa mère et ejj e- Officier de l'armée coloniale, il l'invite à renoncer à sa juive de mère et aux , auvais bergers" chassés le 10 juillet par le maréchal Pétain. Tout en un : c'est un honlme qui parle, grossièrement, de sa mère, enseignante et militante féministe laïque.
C'est un non juif qui insulte une juive, petite nièce de Gaston Crémieux, une : celles (un de ceux) à qui va s'appliquer le honteux statut. Et c'est un homme de VIe Y qui insulte la République. La vie de Françoise va en être marquée à jamais : con l'antisémitisme, pour les droits des peuples colonisés, pour l'union de la gaue e républicaine. Et sans que les femmes soient jamais oubliées. Tout est dit. r , Sauf, bien sûr, la vie quotidienne, et la mort toujours frôlée. Sauf la peur. Sa ti l'amour : elle rencontre en janvier 1944, pour une initiative résistante, un ancien t l'Intelligence Service, François Gérard : compagnonnage de lutte, puis de vie, il est aussi le porte-parole d'une culture artistique raffinée. Bientôt Paris : celui de a Gestapo, celui de la Libération. Camus prête sa plume, mais non sa personne, au journal Combat. Elle découvre l'hôtel particulier des Seligmann, Place des Invalides" excusez du peu - et la galerie dont son mari était l'héritier. Elle apprend à recevoir 1 elle fait la connaissance de la famille, fort riche, de son époux, aux États-Unis. il yt quelque humour, bienvenu, dans son récit. Celui-ci s'achève avec la découverte de a Ligue des droits de l'homme, au moment de l'affaire des enfants Finaly, dont Jean Pierre Rioux a parlé, fort légèrement, selon elle, dans sa France de la Quatriern République. Et voici Mendès France.
La suite, pour demain, je l'espère.
Françoise Seligmann, Liberté, quand tu nous tiens., Fayard, 2000, 392p., préface de Pierre Joxe.
Madeleine Rebéri°u$
Le roman des intellectuels
Profitons de la récente réédition de l'ouvrage de Michel Winock, Le Siècle deS intellectuels, en format de poche, dans la collection Points ", pour inviter ceux qul n'ont pas encore lu ce gros volume (885 p.) à le faire. Ce livre - ce n'est PaS 13 moindre de ses qualités - se lit comme un captivant roman d'aventures. Les solXan Il deux chapitres sont autant de tableaux où l'auteur traque les intellectuels en action è* Soixante-deux chapitres qui sont un peu comme la mise en mouvement du pro tracé par le Dictionnaire des intellectuels français, les personnes, les lieux, les moments, publié en 1996 par Michel Winock et Jacques Julliard. On surprend ain Léon Blum rendant visite à Barrès en 1897 pour lui demander de s'engager en faveur s la révision du procès de Dreyfus. On suit, par exemple, André Gide en voyage au P3ys des soviets, on observe certains intellectuels se mobiliser contre le fascisme, 00 découvre leurs divisions à propos de la guerre d'Algérie. Cette fresque vIvan eS s'organise autour de trois grandes figures : Barrés, Gide, Sartre, qui constituent les ecs autour desquels s'articulent les trois parties de l'ouvrage. Celui-ci s'achève avec la rooo de Sartre en 1980. On regrettera sans doute que les vingt dernières années ne soie qu'à peine évoquées. Nous sommes bien loin d'une classique histoire des idées : 110115 voyons plutôt évoluer des intellectuels dans des salons, dans des revues et des journaux, dans la rue ou en voyage à l'étranger. Le lecteur assiste à des rapprocheflie inattendus entre ces intellectuels, des engagements qui semblent défier toutes les lois de la sociologie. Comme Michel Winock le rappelle dès les premières pages, les "idéologies ne décident pas de tout". Ce livre contribue ainsi, à sa manière, au débat qui agite toujours les sciences sociales sur les récits de vie, sur les rapports en
Jectoire individuelle et structure sociale. On aurait à cet égard apprécié que la Marche de l'auteur soit plus réflexive. Elle reste en définitive particulièrement Crete sur la définition même de cet intellectuel qu'elle désire traquer. Michel Winock connaît admirablement les lieux où se terrent ses proies, mais on aimerait en savoir antage sur celles-ci, sur ce qui les constitue comme telles.
I^'ehd Winock, Le Siècle des intellectuels, Seuil, 1997, 696 p., rééd.
OInts", 1999, 885 p.
Frédéric Audren
Les intellectuels et le socialisme
n'est pas facile d'identifier le genre exact auquel on peut renvoyer le dernier livre de hristophe Prochasson. Essai ? Pamphlet ? Autobiographie intellectuelle ? Sur un su, et Où les travaux de langue française sont rares (je ne parle évidemment pas de la Pr erature militante pléthorique, de facture libertaire ou communiste), Christophe an ochasson vient, c'est en tout cas certain, de publier une utile mise au point, trente 19s après le trop oublié Socialisme des intellectuels de Georges Lefranc (Aubier, 1968) L'intitulé fleure évidemment sa Belle Époque. Max Adler, Karl Kautsky, ert Lagardelle, Édouard Berth, Roberto Michels et tant d'autres avaient traité le sujet, souvent sous ce titre, et avec une charge polémique indiscutable. Avec souvent o volonté très nette de désenchanter le monde de l'intellectuel romantique (celui du Sacre de l'écrivain ou du Temps des prophètes de Paul Bénichou), de le dégriser de ses tlai.ves illusions. Bracke-Desrousseaux, entre mille autres, écrivait par exemple en il n'y a pas de lutte de classe intellectuelle; elle ne se fait que dans le dornèine matériel. Le cerveau dépend du ventre. (p. 185). Le degré des ouvriers est composé de cathécumènes, non de futurs cadres Voilà pour les limites de la rénContre entre Ariel et Caliban. Vu par les socialistes modernes, le problème se 2 souvent à la difficulté congénitale des intellectuels (sous-entendu de gauche ") Ster ^èles au socialisme et à ses valeurs (discipline de parti, égalitarisme, primat du ^'litantisme actif). Les exemples en sont récurrents depuis les débuts de la Xième Internationale. Parmi les éléments les plus neufs, il y a une mise en spective de Péguy, qui échappe aux orthodoxies historiographiques rivales. Pour la Il iode contemporaine, retour sur le débat sur le silence des intellectuels lancé, au non' du gouvernement socialiste de l'époque par. Max Gallo. Tout le propos cfe l'auteur pourrait se comprendre en référence aux rendez-vous manqués de la gauche ouvernante et des intellectuels d'aujourd'hui.
111 Car s'il est vrai, comme il le remarque judicieusement que les intellectuels et enient ouvrier ont cheminé côte à côte , se sont parfois rencontrés, mais n'ont à eXceptionnellement parlé des mêmes choses (p. 12), celà n'est pas dû évidemment i Un Quelconque malentendu La clé est partiellement dans la remarque qui suit ifo^diatement ,: ils n'ont presque jamais eu les mêmes aspirations Parfaitement exact Mais encore faut-il être plus radical que Prochasson lorsque, dans son chapitre ç pductif (" Une histoire terminée ", il avance que les intellectuels ont tissé avec le i clahsme des liens d'ordre intellectuel (p. 22). Non. Le socialisme est une ention d'intellectuels. Voilà une formulation qui serait peut-être plus appropriée.
Le socialisme est à l'origine une idéologie (ou un mouvement quasi-religieux)
hiérarchique et autoritaire, qui se penche éventuellement (pas toujours) sur le son : "la classe la plus nombreuse et la plus pauvre", mais ne lui attribue pas le rôle ti démiurge historique. Ce trait est éclatant dans le saint-simonisme, qui peut servir paradigme à tous ses successeurs jusqu'à nos jours. Du socialisme intellects e (Leftanc), invention russe (Lavrov), greffée sur le tronc ouvriériste du socialis français par Lucien Herr aux fondations de 1999, à l'enseigne, non plus de Sia Simon, mais de Copernic, et de Marc Bloch (jusqu'à une récente décision de just s'agit toujours d'aller au peuple pour lui permettre de réaliser l'idéal démocratrtP et scientifique. Pas de résurgence donc du saint-simonisme' que Lucien Herr crtUqU t âprement dans son manuscrit non publié, La Révolution sociale. Il accepte ple*neIïl le fait que socialisme et mouvement ouvrier sont devenu inséparables, et il en tire conséquences en adhèrant à un groupe (les allemanistes du P.O.S.R.) qui tire grande fierté du fait d'être dirigé exclusivement par des travailleurs manuels.
comme le dit Georges Lefranc (op. cit., p. 10), il considère que les intellect socialistes ont une mission propre C'est le socialisme d'éducation ", dont Péguy reprendra le projet. Mais l'insurrection permanente des savants con l'obscurantisme et les préjugés est-elle compatible avec la discipline de parti ?
Pour finir, signalons que le rôle des historiens est, chose qui n'est pas fréq mis en lumière sans complaisance excessive. Prochasson, qui a connu la fièè interventionniste des jeunes agrégés dans les débats socialo-socialistes des années 1 aS et 1980 réfléchit ici en homme qui sait de quoi il parle. Il n' est évidemment Pas difficile au spécialiste des itinéraires normaliens et dreyfusards de ressentir oe empathie avec les jeunes diplômés des années 1970 qui se voulaient leurs hénti Beaucoup ont pris depuis, d'autres chemins, peu les ont remplacés, mais ceci serai le sujet d'un autre livre.
Christophe Prochasson, Les Intellectuels et le socialisme, Pion, 1998.
Daniel Lindenberg
Le bicentenaire de la Révolution Il fallait bien du courage pour se lancer dans l'étude d'un événement qui 0 apparemment si peu de prises par lesquelles l'aborder et qui fut tant décrié avant fl1 que d'avoir eu lieu. pa!
Les difficultés ne semblent pas avoir rebuté Patrick Garcia, bien au contraire- et son aspect multiforme, l'objet Bicentenaire s'offre bien à une multiplication d'outil de techniques d'approches, au point même que le livre se présente un peu sous J'alite d'un laboratoire expérimental avec ses avancées chiffrées, ses hypothèses aventtrées aussi, à certains moments, ses imperfections irritantes telles que l'abus de lou cartographique ou le goût pour des références théoriques un peu mode.
Mais, comme le dit l'auteur, compter et cartographier m'ont semblé les un premières opérations indispensables pour que la notion de contrôle empirique ait ot sens et pour sortir du labyrinthe représentationnel (avant-propos p. 14). On ne P que l'approuver sur ce point. Ayant dépouillé les archives de la Mission Jeanneney et
et 1. Cette résurgence du socialisme hiérarchique et autoritaire se produira par contre chez les De M les Déat. Elle ne sera pas non plus pour rien dans le prestige de l'Union Soviètique auprès de nom intellectuels, moins "naïfs" qu'on a bien voulu le dire.
?es des associations les plus actives (les CLEF animés par la Ligue des droits ds 1 c oinme et la Ligue de l'Enseignement, Vive 89 créée par le Parti communiste), c ^enté l'esthétique des grandes fêtes publiques, rassemblé et mesuré les résultats j Us d'enquêtes menées auprès des collectivités locales et des communes rurales, catrir-k Garcia parvient à nous livrer ici la première enquête sérieuse sur le Bicentenaire et es Français.
j,. Quant aux résultats en termes d'interprétation, la réussite du livre est un peu à age du Bicentenaire. Consacrée au Bicentenaire par le haut (la Mission, la rtique publique nationale, les enjeux esthétiques), la première partie souffre de la uOl11paraison avec le livre de l'historien américain Steven Kaplan, Adieu 89, qui, sur ].,. ton polémique et pas toujours objectif, avait su faire passer le souffle ds l'h"tgire immédiate. Le chapitre que Patrick Garcia propose sur l'histoire de la j^lssion se présente ainsi comme un alignement assez plat de citations d'archives, sans ,,Ilbl e mise en perspective. On ne sait rien du dispositif de décision qui, en plus à ch Fission, englobait l'Elysée et le ministère de la Culture (et très peu Matignon). Le à Pttre consacré à François Mitterrand, lui aussi, est trop citatif. Le chapitre consacré L a dimension esthétique s'apparente à une succession de collages ", parfois reeUreux et éclairants mais peu ou mal reliés les uns aux autres. Bien meilleur en rev aiiche est le chapitre consacré au Bicentenaire des historiens. Patrick Garcia se fltre beaucoup plus à l'aise dans le maniement de l'histoire des idées et des "Illibilité intellectuelles, réussissant d'ailleurs un équilibre très nuancé entre les iiff CrenteS écoles ", sans renier l'héritage de Michel Vovelle qui est le préfacier du livre.
Au total, cette première partie ressemble à s'y méprendre au Bicentenaire d'échelle nat 'onale : une célébration distanciée, moqueuse ou moquée, vécue comme en état ale : une célébration distanciée, moqueuse ou moquée, vécue comme en état çji TeSanteur par des responsables politiques quelque peu tétanisés par les effets d'une d itation interne à la gauche socialiste (Mitterrand/ Rocard) et par les événements de i, actualité mondiale (de Pékin à Berlin). Heureusement, Patrick Garcia ne s'est pas krêté là. Au cours même de sa recherche, il a profondément évolué et décidé ds 410difier son angle d'attaque. D'une recherche à vocation historiographique et g,llosophique, il est passé à une enquête ancrée sur les réalités sociales, à dimension êéo ^Pliique et, finalement, de vocation ethnographique. Cette deuxième partie, à la difr^ence de la première, est nettement réussie. Tout historien ou ethnologue de la trTance contemporaine pourra y glaner de précieuses informations et réflexions. En pOUvant sa véritable matière (comment les Français ont reçu et pris en charge leur lropre célébration du Bicentenaire), Patrick Garcia nous dévoile un tout autre paysage.
L'2 Bicentenaire des conseils régionaux, des conseils généraux, des bourgs et des ages, a été un événement d'une envergure historique peut-être considérable. Il PParaît d'abord comme un reflet pertinent des évolutions politiques où le clivage g Olte-gauche, même affaibli et complexifié, continue de jouer (un conseil général ds che investit en moyenne deux fois plus qu'un conseil général de droite et un conseil r £ §!onal de gauche quatre fois plus qu'un conseil régional de droite, p. 175). Le facteur la Pratique religieuse reste lui aussi fortement explicatif même s'il n'implique pas Cessairement un rejet des cérémonies mais l'organisation d'une sorte de service c IrilIïîum (avec notamment la plantation d'un arbre de la liberté, reine du civisme c Mensuel et minimaliste). Plus intéressante encore est la plongée effectuée par p atrick Garcia dans les formes et les pratiques sociales des jours de fête organisés d% les communes rurales. Ici, le Bicentenaire devient une mine pour l'ethnographie Publicaine. On apprend par exemple que 55% des communes concernées ont utilisé
des costumes révolutionnaires et que leur géographie recouvre très nettement les territoires de forte tradition républicaine comme si la célébration reconstitutive dl faisait là sans retenue ni honte, sans peur de froisser les susceptibilités, sans peur ridicule non plus.
Le Bicentenaire au village a-t-il ainsi sauvé le Bidecentenaire que brocart^t le Canard enchaîné au niveau national ? Patrick Garcia n'aboutit pas tout à fait a~ cette conclusion. Ferveur et initiative, solidarité spontanée et géographie républica^ ont bien marqué la France de 1989, la France des clochers, des écoles communale8 des monuments aux morts. Un tiers des Français aurait ainsi participé de manIeur personnelle à une cérémonie liée au Bicentenaire. Mais cela ne veut pas dire pOUe autant que le sens des célébrations et des fêtes permette d'identifier la France à ce d'une nation rassemblée dans un souvenir fondateur. Pour l'essentiel, comme le démontre Patrick Garcia avec beaucoup de sagacité, les célébrations s'inscrivent m01 dans une volonté de reconstituer ou de rejouer l'événement révolutionnaire, le l'éventualité de réactiver les clivages sociaux, politiques et religieux, que d'en ta~ véhicule voire le prétexte à une auto-célébration de l'histoire locale doublée d'une recherche inquiète du lien social à défendre ou à reconstituer. La quasi totalité de maires de bourgs et de villages ont refusé de répondre à la question de savoir si le Bicentenaire avait réactivé des clivages politiques anciens ou récents (p. 226). A fo4c consonance communautaire (il y a en général très peu de spectateurs venus d'au communes pour assister aux célébrations d'un village donné), la fête doit retrouver le sens de l'ancrage et de la filiation locale (d'où le succès de l'arbre) quitte à remplace*.
grand récit de l'histoire nationale par des petits récits aussi foisonnants e réconfortants pour les acteurs-spectateurs (et en ce sens il n'y a pas de différence nature entre le Puy-du-Fou et une célébration pro-révolutionnaire d'un village du COd ou de la Nièvre). deS Ainsi, l'ironie et la distance qui marquèrent l'attitude de tant de Français des gran la villes face au Bicentenaire, promptement relayées ou devancées par les sarcasmes dela grande presse, ne furent pas, selon Patrick Garcia, le signe d'un échec du BicenteO mais plutôt la marque d'un nouveau type de relation des Français à l'Histoire ou à leur histoire : à la fois distancié et sceptique, vis-à-vis des clichés venus d'en haut, et úf identitaire, festif ou commémoratif selon le cas, généalogique et toujours a eC se lorqu'il s'est agi de reconstituer une filiation de proximité (on retrouve la même en avec l'engouement pour les journaux de poilus de la Grande Guerre). Répondan oe l'"exigence de sociabilité" (p. 304) et à une prise en charge autonome et démocrate du passé, le Bicentenaire, même éclaté et fourmillant, fait contraste avec l'échec d politique publique de la commémoration — terme en lui-même si impropre pO dS la Révolution française, comme s'il fallait la placer sur le même plan que les go is traumatismes mortifères des deux guerres mondiales. Traduite de manière trIvIale, la conclusion de Patrick Garcia pourrait ainsi se résumer par le double constat 4ee la Révolution française était bien terminée en 1989 (conclusion furétienne e l'auteur ne reprend pas explicitement à son compte mais à laquelle aboutit l'essentie sa démonstration) et qu'on n'en continue pas moins de la fêter et de la célébrer a façon. Comme on a envie de l'entendre.
Patrick Garcia, Le Bicentenaire de la Révolution française. PratiqUes sociales d'une commémoration, CNRS Éditions, 2000, 354 p.
Nicolas Roussel 1
La Neue Zeit et la France
p Die neue Zeit est une des revues mythiques du socialisme de la IIe Internationale.
p ndée en 1883 par Karl Kautsky, rédacteur en chef jusqu'en 1917, elle a pour objectif etre l'organe théorique et scientifique de la social-démocratie allemande. Le poids du j, u dans la IIe Internationale et la dimension intellectuelle de la revue en font aussi des lieux d'expression privilégiés des socialistes européens qui n'ont pas de tribune Iyalente, comme les socialistes français. D'envergure internationale mais enracinée dans Un monde culturel et politique spécifique, Die Neue Zeit constitue donc un terrain autant pour une analyse du regard sur Le choix du regard sur la France de la IIIe publique s'explique par la place occupée par la Grande Nation dans la revue, une Ce due à son passé révolutionnaire et à l'importance de son mouvement ouvrier; on rait aimé cependant qu'Alois Schumacher justifie davantage son choix, en utilisant Par exemple des analyses statistiques du contenu éditorial. Dans le cas de la France, le « Co Sard sur est aussi un regard ambigu car, comme le précise Schumacher, les c tributions sur la France émanent de collaborateurs germanophones comme Karl çj^tsky ou Rosa Luxemburg, mais également français, comme Paul Lafargue ou Charles Rappoport, eux-mêmes engagés dans le combat socialiste en France. De là une PosUion non univoque de la revue, notamment sur certaines questions de politique erieure française.
d' Die Neue Zeit ne s'intéresse pas seulement aux questions politiques proprement di tes; son approche plus générale des réalités françaises a permis à Alois Schumacher Re, décliner son analyse en trois temps : les gloires du passé ", le présent de la IIIe fUbllque l'avenir (.) Les chemins du socialisme Dans ses articles rétrospectifs, la revue revient de manière classique, compte tenu de son orientation ç ureusement marxiste, sur l'héritage glorieux de la Révolution française et de la C"nlmune mais sans négliger totalement l'apport des socialismes utopiques ou le rôle as a France comme terre d'asile des socialistes européens. Le traitement du présent 0cie le souci d'information neutre sur la situation française aux préoccupations s Ordre idéologique. Les lecteurs de Die Neue Zeit se voient donc proposer des articles sur la situation démographique, agricole et économique, sur la condition ouvrière et la egislation sociale en France, plus ou moins influencés par la manière dont leur auteur Sa e le socialisme. Plus nettement engagées sont les contributions concernant la litt e-rature, pour lesquelles se distingue Franz Mehring, collaborateur de première d POrtance et instigateur des débats littéraires au sein de la revue, notamment autour Naturalisme et de l'œuvre de Zola.
p Les réalités politiques de la IIIe République suscitent néanmoins l'intérêt tout y Yculier des auteurs de la revue. Les structures du régime et son évolution jusqu'à la v Ule de la guerre sont l'objet de critiques fondamentales : dans le cadre institutionnel de la Ille République, la démocratie sociale que les rédacteurs de la Neue Zeit appellent Il e leurs vœux a, selon eux, très peu de chances de s'installer. Cependant, la critique se nullnce suivant l'origine des auteurs : à côté d'un Paul Lafargue extrêmement virulent à egard de la République des scandales ", Karl Kautsky et Franz Mehring mettent en farde contre une disqualification totale de la IIIe République, rappelant que, selon eux, e régime joue son rôle de démocratie libérale et offre au mouvement ouvrier un plus ^nd champ d'action que l'Allemagne wilhelminienne. Or, pour tous les collaborateurs de la revue, mouvement ouvrier et partis socialistes sont évidemment les porteurs
d'espérance d'un avenir meilleur. Cependant, dans ce domaine, la France de la Gew Révolution déçoit. Le mouvement socialiste peine à faire son unité et place les aute de la Neue Zeit devant un dilemme : faut-il soutenir les positions du Parti Ouvrt t Français de Jules Guesde, respectueux de l'orthodoxie marxiste mais dont l'intransigeance n'encourage guère la dynamique unitaire ? Si Rosa Luxemburg ",t partisane du soutien, Karl Kautsky est plus prudent, permettant ainsi, semble-t-il a : Neue Zeit de jouer un rôle modérateur dans les querelles intestines du socialis français. Enfin, dans un contexte d'exacerbation des nationalismes, l'une des revues phares de l'internationalisme socialiste aborde inévitablement les délicates questions des relations franco-allemandes et de la marche à la guerre. Dans ce domaine, Die Ne Zeit est avant tout le reflet des positions de la social-démocratie allemande dans son ensemble : rejet du nationalisme revanchard, défense d'un patriotisme ouvrier compatible avec l'engagement internationaliste, mais contamination progressive p "l'esprit du temps" avec acceptation du caractère inéluctable de la guerre. Une évolUtlO; que le germaniste français Charles Andler dénonce dans les colonnes mêmes de la revue, en contestant la social-démocratie impérialiste ti Au total, le travail d'Alois Schumacher apparaît comme une analyse classique ût revue avec son intérêt et ses limites. Intérêt : elle fait redécouvrir à un Pu francophone une revue de haute tenue intellectuelle, importante pour l'expression socialisme français ; elle permet de revisiter de l'intérieur les réflexions théoriq et les observations sur le terrain d'une social-démocratie allemande plus diverse qu Il e peut y sembler de prime abord. Limites : la vision de la France que propose Die Sel" Zeit n'a rien de révolutionnaire quand on connaît les prismes d'observation ti marxisme accommodé à l'allemande ; sur ce plan, la revue ne présente guère u spécificité, si ce n'est de laisser parfois s'exprimer des points de vue quelque r divergents. Le genre même de l'analyse de revue est matière à réflexion : lorsqu on s'arrête sur un thème (et la pertinence de ce thème n'est pas contestée ici), n'est-il P plus fructueux de confronter des supports différents (revues, quotidiens, ouvrag rapports.etc.), quitte à réduire la période prise en considération ? Le débat est ouvertAlois Schumacher, La Social-démocratie allemande et la IIIe République.
Le regard de la revue Die neue Zeit 1883-1914, CNRS Editions, 1998 Catherine Maurer Joseph Rovan Dédiés à ses deux fils, Christophe et Benoît, ce long ouvrage nous livre les souvenirs de Joseph Rovan, dans son intimité comme dans son action publique- ur éclaire son parcours par des épisodes drôles, cocasses ou émouvants, et evoque po Il nous les figures et les lieux qui ont façonné son histoire. Le titre du livre met valeur le double parcours, non contradictoire, de médiateur franco-allemand et citoyen français de l'auteur. t C'est bien souvent le premier aspect que l'on connaît le mieux : sa médiation est en relation avec son origine allemande judaïque. Si Joseph Rovan découvre Son judaïsme en 1933 (à quinze ans !), alors que son père s'était converti ~s protestantisme, son nouveau statut l'oblige à quitter l'Allemagne quelques mois après ses parents, en 1933, et à émigrer en France dont il parle très mal la langue. il
P^rsuit ses études, notamment comme boursier à Sciences-Po peu avant la guerre.
p embre de plus en plus actif de la Résistance à Lyon à partir de 1942, il est arrêté à caris en 1942 et interné. C'est lors de son séjour à Fresnes qu'il régularise sa Version au catholicisme. Il est finalement déporté à Dachau, où il rencontre pond Michelet. C'est au sortir de ce camp que Joseph Rovan s'engage dans son .-cours de médiateur franco-allemand. Secrétaire de la rédaction de la revue Esprit, il *en octobre 1945 l'article L'Allemagne de nos mérites dans lequel il alerte les An ^s, et en particulier les Français, sur l'importance de leur politique allemande.
tegré au ministère des Années sous la direction d'Edmond Michelet, il est chargé des obiers de guerre allemands. Il décide de créer une structure qui permette aux jeunes p clers de la Wehrmacht de se rééduquer et de découvrir la culture française cachée Par le national-socialisme. Militant de la culture populaire de 1945 à 1978, il ttorce de valoriser l'éducation populaire. Son action rejoint la médiation francoernande puisqu'à partir de 1946 il organise dans le cadre de Peuple et Culture des "contres d'étudiants des deux pays. Il est nommé en 1947 membre de la direction des c aires culturelles de la Zone d'occupation française en Allemagne et il y multiplie JOnférences, rencontres et colloques jusqu'en 1951. Des années 1950 aux années 1980, seph Rovan intervient à la Radio et à la Télévision bavaroises, ainsi qu'au ^Qnnheimer Morgen. Son action de médiation se complète par une participation issante au Bureau international de liaison et de documentation créé par le Père du ^au en 1945 dont le but était l'information mutuelle : il fallait aider les A eniands à reprendre pied dans une existence collective normale, à refaire lapprentissage de la démocratie et de l'État de droit [.] Mais il fallait aussi exposer et Puquer aux Français l'Allemagne que nos officiers, nos soldats, nos administrateurs Rouvraient après la victoire. (p. 493-494). En 1973, il devient vice-président du d' D qu'il préside à partir de 1981. À cela s'ajoute une fonction d'enseignant, tout abord à Vincennes après 1968, puis à l'Institut d'allemand d'Asnières jusqu'en 1986.
Comme l'affirme le titre de ses Mémoires, Joseph Rovan est aussi un Français qui nlellé une activité politique dans son pays d'adoption. De 1958 à 1960, il est chargé Il e fission et conseiller technique auprès du Garde des Sceaux, Edmond Michelet. Il a Animent la charge du contrôle de la direction de l'Administration pénitentiaire et sPecte donc les prisons françaises. Parallèlement, il étudie le projet de réforme du u ode de procédure pénale dans ses aspects politiques. Joseph Rovan a par ailleurs été p Il niilitant actif d'une politique française ambitieuse en Afrique du nord et tout c CUtlculièrement en Algérie : mon propos était de chercher les voies d'un accord, d'un ^Promis. Tout en luttant contre la menace fascistoïde et contre les moyens j acceptables utilisés dans cette lutte notamment de notre côté, j'agissais au service de Ce que je considérais comme l'intérêt de la France puisque je n'étais pas Algérien (p.
Il 2). Comme membre du cabinet du Garde des Sceaux, il étudie et présente de très 'fibreuses demandes de grâce au général de Gaulle. Il s'intéresse au sort des onniers algériens en France et fait transférer de très nombreux prisonniers algériens Algérie en France afin d'éviter des massacres.
d Enfin, se considérant citoyen d'Europe (p. 542), il n'a cessé de militer dans les dornaines les plus divers pour un élargissement de la politique européenne. Dans ses fleures pages, cet ouvrage est un témoignage sur le parcours exceptionnel d'un hor 'ame à la fois analyste et acteur de son temps.
J08eph Rovan, Mémoires d'un Français qui se souvient d'avoir été leniand, Seuil, 1999, 544 p. -
Marie Ducet-Huillard
Louis Loucheur
Homme d'une loi, celle de 1928 sur la construction pavillonnaire et les Habitations à Bon Marché, Louis Loucheur n'est pas de ces hommes politiques dont le parcOlO peut inspirer une rebondissante biographie. Mais celle que lui a consacrée l'historleil américain Stephen D. Caris, et qui vient d'être traduite, restitue avec précISI: l'itinéraire d'un ingénieur qui fut moins homme politique que certains des dinosaures ck.'S l'époque mais qui, précisément à ce titre, devint un homme d'État confronté à , questions économiques et sociales considérables, qui plaçaient la nature et l'orienta*10 de l'intervention étatique comme un élément majeur du débat politique. Polytechnicie et industriel, Louis Loucheur se vit confier le portefeuille du ministère de l'Arment en 1916 afin, notamment, d'articuler la production de l'industrie privée avec leS demandes de matériel de guerre et d'organiser la main-d'œuvre en contenant les revendications sociales. Au lendemain de la guerre, Loucheur fut encore à pied d'oeuf soucieux de rétablir une certaine liberté commerciale et de desserrer l'emprise trOP voyante de l'État telle qu'elle s'était exercée durant les quatre années précédentes, il voulut modifier un paysage économique qu'il jugeait obsolète, peuplé de trop nombreuses petites entreprises inefficaces, trop dépendant de l'étranger et étrangle, PaU les barrières douanières. Loucheur, écrit Stephen D. Caris, voulait apporter dl libéralisme économique une tendance modernisatrice fondée sur le soutien du gouvernement et la participation de l'État a Chargé de la reconstruction industrielle d'un pays dévasté, Louis Loucheur partiel aussi aux difficiles négociations de paix. Particulièrement attentif aux réparatlO 's matérielles et à la question des livraisons de charbon allemand, il se défendit toutet d'une trop grande intransigeance à l'égard de l'Allemagne qui aurait compromis, se lui, les chances d'un renouveau européen. Reconnu comme un habile et oplllla s négociateur, il songea alors à une carrière politique. Selon une méthode qui fit Ses preuves sous la troisième République, Loucheur, afin de conforter sa notofl publique, devint actionnaire du Petit Journal, de La Dépêche de Rouen et du progr du Nord.
Mais outre les rapports de force politiques et les strictes questions économie.
ses préoccupations allaient bientôt se concentrer sur la reconstruction sociale. Ob 1920 il s'attaqua à la pénurie d'habitations bon marché et à la crise du logement mà soulignée avant-guerre. En 1928, il accepta le portefeuille de ministre du Travail, e l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociales à la condition d'obtenir de crédits pour un ambitieux programme de logements. Car sur la question des logent1* comme sur celle des jeunes Assurances sociales, Loucheur comprenait que l'Etat la pouvait s'effacer de l'activité économique : Je dis, Messieurs, déclara-t-il a la Chambre des Députés en janvier 1919, que, devant l'immensité des mouvements t monde économique moderne, devant leur complexité, c'est folie de s'imaginer que l't pourra rester indifférent. Le rôle de l'État est de coopérer dans les industries quand eN prennent l'allure d'industries nationales, sans jamais en assurer la direction. Son rO est de défendre les droits de tous, qu'ils soient producteurs ou ouvriers
Cette étude de Stephen D. Caris présente le mérite, en suivant un homme public 1111 Peu oublié, de revenir sur les questions sociales — logement, assurances sociales ---- qui ont servi de charpente aux débats politiques de l'entre-deux-guerres. Présenté par Son biographe comme un modernisateur et l'un des premiers technocrates français l' ?UlS Loucheur apparaît comme un théoricien pragmatique dont les idées sur le rôle cfe Etat, qui retrouvent aujourd'hui une singulière actualité, méritaient d'être rappelées.
j^ePhen D. Caris, Louis Loucheur. Ingénieur, homme d'État, dernisateur de la France (1872-1931), Lille-Villeneuve d'Ascq, resses Universitaires du Septentrion, 334 p., 170 F.
Gilles Heuré
Georges Mandel B Une autre biographie dont nous aurions dû rendre compte en son temps : celle cfe s eitrand Favreau consacrée à Georges Mandel. Avocat, l'auteur s'est passionné pour 11 sujet et a entrepris de réaliser une biographie exhaustive du compagnon ds eftienceau, assassiné par la Milice en 1944. L'étude est fine, solide, complète. La Apathie de Bertrand Favreau pour son héros est assurée, parfois plus forte que celle Prouvée par le lecteur. Après tout, les débuts et même une bonne partie de la carrière e Mandel ont été controversés, non sans raisons. Peu d'hommes ont été plus détestés ÎJ6 lui par la gauche socialiste, et par d'autres, au moment de la dictature e enienceau ", en 1918 et 1919. Ses méthodes n'étaient pas indiscutables, et jusqu'à la crise finale de la IIIe République, son parcours de notable girondin et de ministre centre 0lt n'offraient pas de quoi susciter une admiration sans réserves. Mais, pour reprendre image de Sophocle aimée de Jaurès, ce sont les dernières heures de la journée qui en décident le caractère, et les ultimes annés de Mandel furent d'une tragique beauté. Et le Vail de Bertrand Favreau permet non seulement de comprendre cette vie, et de suivre soll ascension spirituelle, mais aussi, plus prosaïquement, de mieux connaître la nie epublique. Il faut lui savoir gré de ne pas s'être contenté de poser les grands Problèmes, de l'affaire Dreyfus à la guerre, de la démocratie parlementaire à la lutte "litre le nazisme, mais aussi d'avoir suivi Mandel dans son difficile enracinement ,Ocal, dans son travail de ministre, aux Postes et aux Colonies. De Lesparre à Paris, et a Buchenwald, avant l'assassinat en forêt de Fontainebleau, c'est toute l'histoire Politique d'une République qui est ainsi examinée, à diverses échelles et sur des modes lShncts. Un beau et noble travail, qu'il faut saluer et recommander, d'autant plus que cet ouvrage a été quelque peu éclipsé dans le public par la biographie rapide écrite par lcolas Sarkozy (Grasset, 1994) et par le brillant essai dû à Jean-Noël Jeanneney (Seuil, 1991). Bertrand Favreau conclut sur la postérité de Mandel, honoré par tous et 'ts'e-Z vite oublié, identifié à une République révolue, mais ces trois livres, tous Intéresants et estimables dans des genres différents, montrent que son souvenir ne s'est Pas Perdu. Aussi éloigné des positions de Jaurès qu'il avait pu l'être, le compagnon de etention de Léon Blum avait prouvé que lui aussi faisait, ce qu'il faisait ", avec ^°Urage et résolution.
®ftrand Favreau, Georges Mandel ou la passion de la République 188 59*4, Fayard, 1996, 570 p., 180 F G. C.
De Gaulle Histoire, symbole, mythe Maurice Agulhon a réuni et remodelé divers articles et communications consacras au général de Gaulle. Il les façonne, à sa manière, toute en progression subtile e parfaitement maîtrisée, en un petit livre qui ravira le lecteur curieux de mieux connaltre le grand homme de la France du XXe siècle et séduira le chercheur, historien ou non, en quête de nouvelles approches. De Gaulle a enrichi la mythologie républicaine. pour comprendre comment, Maurice Agulhon explore les lieux du culte : Colombey-lesDeux-Églises, les boutiques de souvenirs de la capitale notamment. Il relit les texte du général sur la nation, le peuple et l'État, pointe ses réticences à l'égard de a politique, trop personnelle, pas assez nationale, de Napoléon et son engouement po Carnot. N'est-il pas significatif que le tableau qui décore le salon de la Boissen représente les soldats de l'an II (par Andrieux), non un souvenir bonapartiste dans a veine de Meissonier ou de Détaillé ? L'auteur suit ainsi les grands gestes de son héros, dans sa relation aux monuments parisiens et à leurs symboliques, dans sa contributif11 aux commémorations et à leurs usages, en particulier l'inoubliable cérémonie t Panthéon de décembre 1964 en l'honneur de Jean Moulin. Il note le rapprocheme possible avec Chateaubriand, l'écrivain préféré, et sa capacité, lucide et critique, a confronter les valeurs du passé et celles du présent. Le dernier acte est joué en novembre 1970 avec les obsèques, simples et grandioses, royales et républicaines.
Maurice Agulhon finit ainsi par intégrer pleinement le fondateur de la � République dans la série des héros républicains, avec évidemment son originalité général dont la culture patriotique, ouverte aux valeurs de la démocratie et du christianisme social, conservait d'importants traits conservateurs. Le gaullisme renvOIe directement aux spécificités de la politique et de la nation françaises et sa définition ne cesse d'échapper aux historiens et aux politologues trop pressés. En revanche, Ces études de mythologie historique, tout en nuances délicates et séduisantes, l'éclairent e donnent envie d'autres enquêtes. Un beau livre d'histoire vivante.
Maurice Agulhon, De Gaulle. Histoire, symbole, mythe, Plon, 2000, 166 p., 98 F.
G- C
Gilles et Marianne
La plus longue des républiques et, sur son histoire, le plus court des livres : quelque 110 pages, le maximum autorisé par la collection Repères qui s'est taillée une place plus qu'honorable dans le royaume des synthèses intelligentes pour grand public' Certes le titre Histoire politique semble diminuer la difficulté : pas d'histo1*6 sociale ou économique, pas d'histoire culturelle que de pages gagnées ! Mais et découpage du territoire de l'historien pose en fait plus de questions que cette pratiqu^ d'exclusion ne l'aide à en résoudre. Surtout quand l'auteur, comme Gilles Candar, e spécialiste non seulement de Jean Longuet, mais de l'autre Jean, Jaurès - sans e social, la politique est vide - et quand il anime le service culturel d'un grand musee, Orsay. Raison de plus pour le féliciter d'avoir tenté, et réussi, ce pari grâce à la concision et à la pertinence de son propos.
Voilà en effet un vrai livre. Il contribuera, me semble-t-il, non pas à réinventer la Politique et son histoire, mais à en rendre la pratique intéressante et, donc, à réhabiliter exercice de ce premier devoir civique, le vote. Je n'en retiendrai pour le moment que nicipit - En France la République est beaucoup plus qu'un régime juridique et institutionnel - et, à mi-parcours de la conclusion, cette définition : La képublique n'est pas fondée sur le consensus, mais sur la gestion des désaccords
7core faut-il que, de maintes manières - le vote n'est pas le seul ! - ceux-ci s expriment. Cette capacité dont on ne prend pleinement la mesure que lors des "crises" Permit au régime d'alimenter jusqu'à la très grande guerre la confiance que le peuple Plaçait dans Marianne-la-belle.
L'union sacrée y mit un terme : Candar le note avec force. La République française ne retrouva jamais l'éclat que lui avaient conféré non pas une soi-disant "belle époque", ltlalS l'âge d'or du parlementarisme, le mouvement démocratique du siècle nouveau et ctte éloquence qu'un Gambetta, un Clemenceau, un Jaurès surent ressourcer moins dans la chaleur communicative des banquets que sur les tréteaux des meetings. Triste Istolre en effet, malgré l'épisode rutilant du Front populaire, que celle de l'entre-deuxSUerres ! Certes, il y a encore des hommes et il en brosse en quelques lignes de beaux Portraits : Briand en pèlerin de la paix ", Tardieu au réformisme social duquel il ~d un juste hommage, et jusqu'à Laval, toujours à l'affût d'un poste grâce à ses éclectiques amitiés". Mais il n'y a plus de forces politiques capables de peser au arlement, ce temple, sur l'avenir de la République. Les forces neuves, les forces Politiques neuves sont dans les usines, exclues par le titre même du livre, dans la rue oiïime l'a montré Danielle Tartakowsky, dès lors que le surréalisme, à l'exception Aragon et de quelques autres, s'est, non sans de solides raisons, retiré du jeu Politique: les temps de l'affaire Dreyfus, c'est bien fini ! Dès lors, la République se ^eurt, la République est morte, bien avant le sinistre 10 juillet 1940 où l'on 11 entendit la voix d'aucun héros républicain. Pas facile dans ces conditions de se Passionner pour les résultats des législatives ! L'intelligente analyse de l'historien Envoie forcément à ce qui ne relève pas directement du politique : la crise de l'empire j^lonial, le retard, ralentissement de l'appareil économique, privé ou public, la tardive ecture de Keynes. Étant entendu que l'affaiblissement, aujourd'hui, du communisme tourne de l'espérance qu'alors il alimentait. Un seul regret : la crise des structures de "Etat républicain aurait peut-être mérité un meilleur sort : Tardieu, les jeunes turcs radicaux, Marcel Déat et Blum lui-même y avaient réfléchi. En vain.
8 Je n'ai été que trop longue à évoquer cette tragédie pessimiste. Revenons donc aux u premières pages du livre : l'essentiel. Le récit de Gilles Candar, son mode d'analyse Peut s'y déployer avec bonheur. Le court demi-siècle concerné l'aide à ramasser ce que ean-Marie Mayeur et moi-même avions dilaté sur deux volumes. Diversité, platement des forces républicaines dans les années 1870 ; mise en évidence des Principes communs" - la diffusion de l'instruction laïque, la confiance dans l'armée, la olonisation républicaine - qui fondent la victoire de Marianne ; émergence de la Gestion sociale" et, donc, du socialisme ; caractère perturbateur de l'Affaire qui, à j^vers le comportement de l'armée, remet en cause le contenu idéologique de la J;epublique (p. 48) : aussi bien, celle-ci refuse-t-elle de le voir et s'en tient-elle à anticléricalisme où se rencontrent la bourgeoisie éclairée et les milieux populaires. A travers tout cela, Jaurès s'énonce et s'annonce : de Guesde à Waldeck-Rousseau, (fe Millerand à Combes, et, pour finir, à Caillaux quand revient le moment de penser et cfe Combattre la guerre. Déjà pourtant - Candar le montre bien - émerge le confusionnisme, l'embrouillamini que, dans la vie politique française, la guerre va, un
temps, dissimuler, puis révéler. Oui, c'est bien dans cet événement terrifiant que se situe le nœud de cette histoire : après les bustes de Marianne, voici les monuments aUX mortsl. Elle survivra, mais à quel prix ?
Gilles Candar, Histoire politique de la IIIe République, La découverte, 2000, Repères l', 120 p.
Madeleine RebériouX Jaurès à l'horizon
On s'acharne à rédiger des notes austères pour préciser tel point, aujourd'hui devenu obscur, d'un texte de Jaurès. On cherche comment couper ", pour tel volume de Œuvres, un de ces longs discours, presque toujours passionnants, dont il avait secret. On tente, à plusieurs voix, d'élucider un adjectif jauressien : mystérieux > , religieux On ratiocine sur l'émergence du dreyfusisme chez l'auteur des Preuves, et on réfléchit sur sa signification, sur sa portée. Et puis, voilà ! la plaquette de René Vérard nous arrive comme une bouffée d'air frais. En une centaine de pages, et, hélas •> non sans de fâcheuses erreurs aisément évitables1, ce publiciste qui se présente cornme autodidacte et sans parti ", mais non sans conviction, et qui ne pratique guère - Il a tort - les vertus d'érudition, trouve les mots qu'il faut pour rendre sensible le gran Jaurès.
Ce qu'il raconte, à coups de citations - Jacques Brel, Vincent Auriol, Léon Trots* > Jaurès surtout - nous remet en mémoire les brèves brochures, les livres de souvel"rs' voire les poèmes à travers lesquels s'édifia le culte du héros. Les thèmes choisi soulignent la perspicacité de l'auteur : le syndicalisme, la violence, la liberté et la 1 propriété commune ", la guerre. C'est aller à l'essentiel de l'œuvre complexe dont a SEJ entreprend aujourd'hui de dire l'essentiel. ,
Pour finir, la liste des noms et adresses, dont Jaurès, des quarante fondateurs f Syndicat des journalistes socialistes trouve le moyen d'ajouter quelque chose à la bel étude que Gilles Candar lui consacra naguère2. C'est que c'est à lui, René Vérard, fut confié, en 1982, le soin de ressusciter ce syndicat tombé quelque peu en quenoull e et de retrouver l'espérance
René Vérard, Jaurès cet horizon, 18300 Sury-en-Vaux, Éd. du Terroir, 2000. 0 M. R.
1. J'allais oublier de saluer la bibliographie, innovante comme on dit aujourd'hui, en d'autres termes drôlement bien faite !
1. La biographie de Jaurès qui, par chance, n'occupe guère plus d'une page, en contient d'étonnantes. 1.
2. Cf. Gilles Candar, Jaurès et les journalistes socialistes ", dans Jaurès et les intellectuels (SOUS 1.
direction de Madeleine Rebérioux et Gilles Candar), Éd. de l'Atelier, 1994. Les archives du Syndicat journalistes socialistes, communiquées alors par René Vérard à l'auteur de cette étude, sont consulta à l'OURS.
ACTUALITES - GLANES
Une lettre inédite de Jaurès à Mirbeau
Il y a trois ans et demi, une lettre inédite de Jean Jaurès à Octave Mirbeau est Passée en vente, mais ni la Société d'études jaurésiennes, ni la Société Octave Mirbeau, informées trop tard, n'ont pu alors en prendre connaissance. Heureusement, il Se trouve que c'est un de nos adhérents mirbeauphiles ", le docteur Louis Cournot, qui l'a achetée et qui nous autorise aujourd'hui à la reproduire, ce dont nous le remercions bien vivement.
On sait que Mirbeau, anarchiste farouchement individualiste, a longtemps considéré Jaurès comme un de ces mauvais bergers stigmatisés dans sa tragédie prolétarienne de 18971, et comme un défenseur du collectivisme honni, dans lequel il voyait les Prémices d'une société totalitaire plus écrasante encore pour les travailleurs que la Société bourgeoise, qu'il ne cessait pourtant de stigmatiser : Qu'est donc le collectivisme, sinon une effroyable aggravation de l'Etat, sinon la mise en tutelle dolente et morne de toutes les forces individuelles d'un pays, de toutes ses énergies gantes, de tout son sol, de tout son outillage, de toute son intellectualité, par un Etat plus compressif qu'aucun autre, par une discipline d'État plus étouffante et qui n'a Pas d'autre nom dans la langue que l'esclavage d'État2 Étonnante prémonition du stelinisme.
On sait aussi qu'il a fallu attendre août 1898 et l'engagement du grand orateur socialiste dans la lutte pour la Vérité et la Justice pour que Mirbeau voie dorénavant en lUi" un grand apôtre, une grande parole et une grande âme de justice3" et qu'il supplie le" prolétaire auquel il s'adresse, le 8 août, dans L'Aurore, d'écouter le bon berger 1, Jaurès, auteur des Preuves, plutôt que le mauvais berger Guesde, qui préconisait l'abstention au beau milieu de la bataille dreyfusiste. Les deux lutteurs se sont retrouvés à Rennes, pendant le procès de l'Alfred Dreyfus, un an plus tard, ils ont sympathisé et, dès lors, ont entretenu des relations amicales. Mirbeau collaborera à L 'Humanité dès sa fondation, malgré ses réserves sur la politique politicienne vers laquelle il regrettera de voir glisser le quotidien socialiste et qui l'amènera à le quitter en novembre 19044. Mais il n'y a pas eu rupture pour autant, et il ne cessera pas de voir en Jaurès le tribun et le relais parlementaire indispensable à tout progrès législatif5. À en croire Jules Renard, qui a recueilli les propos du romancier lors d'un dîner Goncourt, les deux hommes se seraient retrouvés à Contrexéville, en juillet
Jaurès en a rendu compte, dans La Petite République du 25 décembre 1897, dans un article intitulé tarant ! Ce qui l'effarait, c'était - outre l'accusation lancée par le leader des grévistes, Jean Roule, COntre les députés socialistes, traités eux aussi de mauvais bergers -, le pessimisme de théâtre et de carton de la pièce qui ne laissait aux accablés aucun espoir d'affranchissement
Questions sociales ", Le Journal, 20 décembre 1896. Pour en savoir plus, voir mon article Mirbeau et Jaurès ", dans les actes du colloque Jaurès et les écrivains, Orléans, Centre Charles Péguy, p. 111-118.
L, Dans L'Aurore du 8 août 1898 (article intitulé À un prolétaire et recueilli dans Octave Mirbeau, A Affaire Dreyfus, Séguier, 1991, p. 80).
q <.- : VoIr Gilles Candar, Mirbeau et L'Humanité ", La Quinzaine littéraire, 15 novembre 1990 et la biographie d'Octave Mirbeau, l'imprécateur au cœur fidèle, par Pierre Michel et Jean-François Nivet, "eguler, 1990, p. 743-750.
■ Il aurait notamment aimé que Jaurès présentât à la Chambre un projet de loi sur les enfants naturels.
I,olr son interview par René de Chavagnes, dans Cil Blas du 16 octobre 1905 (cf. Mirbeau, Combats pour enfant, Ivan Davy, 1990, p. 219).
1908, et Mirbeau aurait promené Jaurès en auto ", à travers les Vosges, avec 1111 Russe immensément riche6".
Le mot de Jaurès à Mirbeau n'est pas daté, mais on peut le situer au début septembre 1900. Nous ignorons si, après avoir lu le journal de Célestine, Jaurès a repris sa plume pour faire part de ses impressions. Toujours est-il qu'aucune autre lettre de lui n'est signalée dans le catalogue des deux ventes de la bibliothèque d'Octave Mirbeau, les 24 et 28 mars 1919.
Pierre Michel [En-tête] 25e année La Petite République socialiste7 111 rue Réaumur Rédaction
Paris, le 190 Mon cher Mirbeau, J'étais absent de Paris depuis 50 jours*, et je trouve seulement ce matin votre livre9 que je vais lire - et votre mot que j'ai lu et dont je vous remercie10.
J'ai vu avec plaisir un bout de conversation de Tolstoï reproduit dans Le Temps d'hiern.
Cordialement à vous.
Jaurès
6. Jules Renard, Journal, NRF/ La Pléiade, 1965, p. 1206.
1. La Petite République française, quotidien gambettiste à cinq centimes, a été fondé le 13 avril 1876 : la '25e année a donc commencé le 13 avril 1900 et le roman dont il va être question ne peut être que le Journal d'une femme de chambre. Le journal a connu dans les années 1880 des tirages de 150 0" exemplaires. Après avoir changé plusieurs fois de mains, il a été, en août 1893, racheté par Henri TurD t Marcel Sembat et Henri Peltier, et rebaptisé La Petite République socialiste. Il a été dirigé successivemen, par Alexandre Millerand, puis par les guesdistes du Parti ouvrier français, et enfin par Gérault-Richard e Jean Jaurès (qui le quittera en décembre 1903).
8. Jaurès a passé l'été à Albi et est rentré à Paris en septembre pour participer au congrès sociahs international.. -,
9. Le Journal d'une femme de chambre, paru chez Fasquelle le 10 juillet 1900, après une publication dans la Revue blanche.
'0. Cette lettre de Mirbeau à Jaurès n'a malheureusement pas été retrouvée.
II, Tolstoï admirait vivement Mirbeau, en qui il voyait le-plus grand écrivain français contemporain, celui qui représente le mieux le génie séculaire de la France (cité par Eugène Sémenoff, Mercure a France, 16 septembre 1903). Il avait suivi très attentivement la publication en feuilleton, dans les cotonnc de la Revue blanche, du Journal d'une femme de chambre, et il trouvait le roman très bon et d'un IOterea vraiment humain Cette exagération, ces choses terribles, mais c'est la vie, c'est la vérité, c'est beauté. Et puis, quelle force d'expression, quelle peinture, quelle allure vive, et vous soulevant, Vot's emportant ! (cité dans L'Européen, 21 novembre 1903). Pour en savoir plus, voir Mirbeau, Lettre à LeO e Tolstoï, Reims, Éditions À l'Ecart, 1991 ; et Pierre Michel, Tolstoï et Mirbeau ", dans les Cahiers Octav Mirbeau, n° 3, 1996, p. 232-234. Nous n'avons pas retrouvé les quelques lignes du Temps auxquelles al allusion Jaurès.
Le prix Nobel à Jaurès
Nous avons déjà eu l'occasion d'évoquer la fortune du prénom Jaurès en Union soviétique, et son utilisation littéraire par Zochtchenko (Jean Jaurès, n° 145, p. 132134). L'actualité nous fournit un nouvel exemple avec l'attribution du prix Nobel ds Physique 2000 à Jaurès Alferov et Herbert Kroemer pour le développement d'hétérostructures semi-conductrices pour l'électronique rapide et l'optoélectrique ", découvertes fondamentales pour la téléphonie portable, l'informatique et les lecteurs de CD (Le Monde, 12 et 13 octobre 2000). Jaurès Alferov est né en 1930 à Vitebsk. Il dirige depuis 1987 l'Institut physique et technique de Saint-Pétersbourg. Il est vicePrésident de l'Académie des sciences russes depuis 1991 et député communiste à la Douma depuis 1995. Il compte au reste utiliser cette distinction pour obtenir une augmentation substantielle des crédits de la recherche, parce que l'avenir de la Russie est dans la science et la technique, pas dans les affaires bancaires et la vente de matières Premières G. C.
Jaurès et les coopératives
La Recma, revue internationale de l'économie sociale, fondée en 1921 par Charles Gide et Bernard Lavergne, publie un numéro spécial consacré à un siècle d'économie sociale (n° 275-276, avril 2000). La partie historique fait une belle part à Jaurès, avec la republication de deux de ses articles : Critique de L'Économie sociale (La Petite République, 24 février 1903), une discussion du livre de Charles Gide, et Pour les Mutualistes (L'Humanité, 14 mars 1905), un des articles de la controverse avec Léopold Mabilleau (mars-avril 1905), sur le principe de l'obligation et les rapports entre l'État et les sociétés mutuelles, présenté et analysé par Bernard Gibaud (" Jean Jaurès et la mutualité "). La Recma est désormais éditée par l'Institut de l'Économie Sociale sous la direction de Jean-Louis Girodot, Jean-François Draperi et Sylvie Cléaud (MSH, IES, bureau 05, 54 boulevard Raspail, 75270 Paris cedex 06).
Pierre Leroux
Les Amis de Pierre Leroux continuent à tracer leur sillon. Le n° 16 (juin 2000) cfe leur bulletin vient de paraître sous le titre : La nécessaire révolution culturelle Au sommaire : Nos deuils - Nos colloques et nos publications , Jacques Viard, "Un enseignement supérieur extérieur à la Sorbonne" et à l'Ecole normale supérieure, suivi d'une Lettre au journal fondé par Hubert Beuve-Méry et d'une Correspondance ministérielle Françoise Genevray, Leroux et Bielinski : de l'individu et du socialisme Lettres de Jeanne Deroin, d'Alfred Talandier et de Martin Nadaud publiées par L espérance de Jersey Jacques Viard, Balzac et les "républico-saint-simoniens - Jacques Viard, Conclusion
Le bulletin (80 F.) se commande auprès de l'association des amis de Pierre Leroux, 39 rue Émeric David, 13100 Aix-en-Provence (CCP Marseille 3824 96 W - tél. : 04 42 38 44 23).
Deux rééditions.
Deux biographies dues à Max Gallo, et qui nous concernent directement : d'abord, bien évidemment, Le Grand Jaurès, toujours chez Robert Laffont, comme en 1984 (638 p., 179 F), mais aussi Une femme rebelle. Vie et mort de Rosa Luxembourg chez Fayard (140 F, la première édition avait paru aux Presses de la Renaissance en 1992)-
Des introuvables : * Jaurès et la nation, Publications de la faculté des lettres de Toulouse, 1966.
Les actes du premier colloque international consacré à Jaurès (Toulouse, 1964). Préface d'Ernest Labrousse. Communications de Madeleine Rebérioux, Étienne Weill-Raynal, Daniel Ligou, Georges Haupt, Annie Kriegel, Jacques Julliard, René Fromilhague, Jean Stengers, Georges Castellan, Henry Contamine, Jean-Baptiste Duroselle, Pierre Barrai, Bernard Guyon, Jean Rabaut, Rolande Trempé, Léo Hamon et André RobinetBibliographie française et internationale par Madeleine Rebérioux. 100 F. frais de port compris.
* Georges Têtard, Essais sur Jean Jaurès, C. A. I., 1959, 272 p. Exemplaires numérotés. Des études biographiques et un impressionnant travail bibliographique, ilustré de gravures et de documents hors-texte. 180 F. frais de port compris.
À commander à la librairie Publico, 145 rue Amelot, 75011 Paris (tél : 01 48 05 08, fax : 01 49 29 98 59).
Pierre Guidoni (1941-2000) Ne serait-ce qu'en raison de son internationalisme - fort différent de cette bouillie pour les chats capitalistes qu'on nomme aujourd'hui mondialisation -, ceux qui ont une certaine connaissance de Jaurès au delà de l'hexagone se sentaient proches de Pierre Guidoni. Sa disparition soudaine à 58 ans a étonné et attristé, profondément, ceux qul' parmi nous, le connaissaient quelque peu. Voire ceux qui, sans avoir rencontré Pierre, avaient entendu sa fille Dominique évoquer, lors d'une de nos dernières assemblées générales, la première communion de Madeleine Jaurès ", thème d'un excellent mémoire de maîtrise soutenu avec Jean-Marie Mayeur.
Il ne m'appartient pas de retracer ici son cursus honorum dans le partI socialiste, le parti où il avait fait en 1962 ses premières armes dans les Jeunesses socialistes et dans le cadre duquel il avait compté en 1965 parmi les principal fondateurs, avec Jean-Pierre Chevènement, du CERES, un courant qui sut rassembler des hommes fort différents, et renouveler le stock d'idées sur lequel vivaient aussi bien la vieille SFIO qu'une partie du jeune PSU. Mais, même si son nom évoque dans ma mémoire non seulement son élégante silhouette, mais l'ironie, cette vertu historienne, avec laquelle il parlait des siens, mieux vaut rappeler ici les objets, divers, de nos fugitives rencontres. À l'UNEF d'abord où il milita quand s'achevait la guerre
d'Algérie. Dans les efforts ensuite pour mieux cerner cet objet étrange, par trop lié souvent au cassoulet, le socialisme méridional : j'avais lu avec intérêt en 1979 sa Cité rouge, consacrée à Narbonne. Et je fus heureuse quand il présida, trop brièvement, en 1985-1986 l'Institut du Monde Arabe. De l'Aude à l'Algérie - et à l'Égypte -, (fe l'Espagne à l'Argentine, la passion qu'il mettait à comprendre les sociétés latines le rapprochaient du Jaurès qui a tant écrit sur les petites patries Je me souviens d'avoir évoqué avec lui la célèbre tournée entreprise par le directeur de LHumanité en Amérique latine, trois ans avant sa mort.
Si sa carrière politique si souvent hachée comme il arrive aux trop fortes Personnalités, ne lui permit pas de donner toute sa mesure au sens traditionnel du terme, il ne me semble pas qu'il s'en plaignit. Il était trop attaché à la politique, à son Parti, à l'Internationale et à l'histoire du socialisme entendu au sens large. C'est ce que disent deux des belles nécrologies qui, outre celles du Monde, lui ont été consacrées : celle de La Lettre de la Fondation Jean Jaurès, et celle de l'Office universitaire de recherche socialiste qu'il présidait depuis 1997.
Une personnalité, Pierre Guidoni. Un personnage.
Madeleine Rebérioux
François Goguel (1909-1999)
Le 15 avril 1999, une triste nouvelle nous est parvenue : le décès de François Goguel. Il était membre du comité d'honneur de la SEJ depuis le début des années 1980. Né le 3 février 1909, diplômé de l'École libre des sciences politiques, il fait une brillante carrière administrative au Sénat puis au Conseil Constitutionnel où il siégea de 1971 à 1980.
François Goguel a également joué un rôle essentiel dans l'enseignement et la recherche en science politique. Il présida aux destinés de la Fondation nationale des sciences politiques de 1971 à 1981 et eut une part déterminante dans l'institution d'une agrégation de science politique (1971). François Goguel est surtout connu pour être l'auteur d'un ouvrage essentiel - et, à présent, classique - de science politique : La Politique des partis sous la Ille République. Écrit en captivité et publié en 1946, l'ouvrage renouvelle considérablement l'étude des tendances politiques. Héritier d'André Siegfried, François Goguel se passionne pour la géographie et la sociologie électorale dont il est l'un des fondateurs en France. Il publie des chroniques électorales et dirige des ouvrages sur les référendums de 1961 et 1962. Tous ceux qui commentent les élections lui sont redevables. Avec le décès de François Goguel, la vie politique contemporaine et la science politique perdent l'un de leurs meilleurs connaisseurs.
F.A.
LA VIE DE LA SEJ
Assemblée générale du 26 février 200 L'Assemblée générale a été suivie de la « Conférence Jaurès » prononcée Vf Christophe Rogue, auteur d'un mémoire de DEA (Université Paris IV) sur La pensee philosophique de Jaurès. Le socialisme entre idéalisme et matérialisme. Valeur et producteur. La Conférence, qui porte sur « La question de la valeur chez Jaurès.
Walras et le socialisme français : histoire d'une incompréhension », sera publiée prochainement dans un prochain numéro de Jean Jaurès Cahiers trimestriels.
RAPPORT D'ACTIVITÉ DU SECRÉTARIAT
Le secrétaire communique à l'Assemblée un message de Vincent Duclert, secrétaire général honoraire (1) puis soumet son rapport d'activité pour l'année 1999 (2) 1) Le mot de Vincent Duclert, secrétaire général honoraire : Le secrétaire général honoraire présente ses excuses à l'Assemblée générale, au Conseil d'Administration et au bureau pour son absence d'aujourd'hui. Il participe a une journée d'étude sur Léon Blum, mais assure les jaurésiens de sa parfaite fidélité a Jaurès. A l'Assemblée générale de 1999, Vincent Duclert a annoncé qu'il se chargerait a) de publier les Cahiers Jean Jaurès en cours pour 1998 et 1999 et b) de faciliter la transition avec son successeur
a) Le dernier numéro de 1998 a été publié à l'automne 1999. Il s'agit de « Jaurès et l'État », un important volume reprenant les actes du colloque de Castres de 1997.
En début de semaine prochaine partiront chez l'imprimeur les deux Cahiers suivants, à savoir le colloque « J'Accuse et les Preuves » tenu à Médan en mai 1998 et le numéro sur « Les petites Patries dans la France Républicaine » coordonné Par Jean-François Chanet et introduit par Maurice Agulhon. Le troisième numéro, « Varia », permettra de publier les derniers dossiers dont V. Duclert a la charge, et notamment les articles relatifs aux « engrenages de la violence politique » issus du séminaire de Jean-Jacques Becker ainsi que certains des nombreux comptes rendus réunis par Gilles Candar. Ce numéro est bientôt bouclé, et pourra prochainement partir chez l'imprimeur.
D'ici là, le numéro sur « Jaurès Philosophe » sera prêt, et les quatre numéros ds 1999 seront réalisés. Le secrétaire en titre pourra ainsi lancer sa propre programmation pour les numéros de 2000.
b) Vincent Duclert est en contact régulier avec le secrétaire en titre pour ds multiples aspects. Sur le plan administratif, Vincent Duclert a conservé la gestion du fichier des abonnés/adhérents, afin de réaliser l'opération qui a consisté, cet automne, a charger notre routeur de la création d'une base informatique. Il centralise actuellement toutes les modifications a y apporter, puis, lorsque la base sera complète, Vincent Duclert transmettra le fichier à Frédéric Audren, qui en aura la responsabilité. Ceci devrait intervenir dans un mois environ.
Sur un plan matériel, Vincent Duclert s'est occupé de mettre en place la nouvelle procédure de fabrications des Cahiers. En effet, c'est le secrétaire qui réalise désormais le travail de mise en page et d'épreuves de chaque numéro, l'imprimeur ne se chargeant que de l'impression des numéros livrés sous la forme d'un « prêt à graver ». Cela entraîne un important travail supplémentaire pour le secrétaire, mais cela présente deux avantages. D'une part, la facture de l'imprimeur baisse d'un tiers; d'autre part, nous Contrôlons beaucoup mieux le résultat final.
Ces deux tâches que Vincent Duclert a assumées pendant l'année 1999 de transition expliquent en partie le retard subi par les numéros des Cahiers. Le secrétaire général honoraire se réjouit de la sortie des deux premiers volumes des Oeuvres de Jean Jaurès et félicite Madeleine Rebérioux et Gilles Candar, sans oublier Irène Lafaye, Inestimable trésorière.
2) 1999 : une année de transition.
La responsabilité du secrétariat implique des tâches permanentes, quotidiennes qui Prennent la forme de nombreux téléphones ou de fax et de multiples courriers afin d'organiser les différentes activités ou manifestations de la Société, et faire fonctionner les Cahiers Jean Jaurès. Le travail du secrétaire a été grandement facilité, pour cette année 1999, par l'aide apportée par Vincent Duclert. On soulignera, en 1999, une baisse sensible de la correspondance. Un tel fait ne surprendra pas. La correspondance du secrétariat est très liée à la parution des Cahiers Jean Jaurès. Or, pour cette année, Un seul numéro « Jaurès et l'État » est paru.
Cette année 1999 est une année de transition et d'apprentissage. Le secrétaire s'est familiarisé, grâce l'aide de Vincent Duclert, aux multiples tâches de sa nouvelle fonction. Il a ainsi apporté son soutien à l'organisation du colloque « La France 1900.
Sur les pas de Jaurès » qui se tiendra en octobre 2000 à Castres (Centre Nationale et Musée Jean Jaurès). Il a également orienté son activité de l'année dans deux directions : l'édition des Oeuvres et la modernisation des Cahiers Jean Jaurès.
a) Le secrétaire général félicite également Madeleine Rebérioux, Gilles Candar, Annick Taburet-Wajngart, Michel Launay, Camille Grousselas et Françoise LaurentPrigent pour la parution des deux premiers volumes des Oeuvres de Jaurès aux éditions Fayard : « Philosopher à trente ans » (vol. 3), «Critique littéraire et critique d'art » (vol. 16). Madeleine Rebérioux présentera, dans son rapport scientifique, l'immense activité (l'activisme même) déployée ainsi que par Gilles Candar pour Présenter dans toute la France ces deux premiers volumes. Le Monde, Le Nouvel Observateur, Livres Hebdo (14 janvier), L'Humanité (2 février) et La Dépêche (13 féVrier) se sont déjà fait l'écho de cet événement. Le secrétaire reste à l'entière disposition de la présidente et de Gilles Candar pour réaliser, quand cela est nécessaire, toutes les opérations utiles à la promotion et à la diffusion des Oeuvres.
A cet effet, le secrétariat a organisé le 11 octobre 1999, une table ronde, projetée Par Madeleine Rebérioux, sur le thème « Jean Jaurès : philosopher à trente ans ». Il s'agit de la première grande manifestation scientifique autour de la parution des Oeuvres. Cette table ronde, tenue à Paris, réunissait, sous la direction de Madeleine Rebérioux et Annick Wajngart, de nombreux chercheurs et universitaires, philosophes et historiens. Les actes de cette rencontre sont en cours de réalisation et paraîtront
prochainement dans les Cahiers Jean Jaurès sous le titre « Jaurès Philosophe »(n°155). D'autres manifestations sont prévues. La présidente de la Société d'études jaurésiennes les détaillera dans son rapport scientifique.
b) Le secrétariat s'efforce de continuer la modernisation des Cahiers Jean Jaurès avec l'aide de Vincent Duclert. Il faut se réjouir de l'excellent accueil réservé aux Cahiers tant par les abonnés que par la communauté scientifique. V. Duclert a fait état des modifications apportées aux Cahiers pour en améliorer le fonctionnement. Cette année a été consacrée à la mise en place d'un comité de rédaction et d'un comité scientifique. Un comité des correspondants étrangers est en cours de constitution. LeS Cahiers s'efforcent de mobiliser aussi bien des chercheurs confirmés que des jeunes chercheurs. Sans sacrifier à la connaissance de Jean Jaurès, les Cahiers s'orientent résolument vers une approche plus générale du passé, comme en témoignent les numéros à paraître prochainement sous la direction de Vincent Duclert (petites patries; violences politiques.). Le comité de rédaction souhaite favoriser la recherche dans des domaines aussi variés que l'histoire sociale, l'histoire politique, l'histoire intellectuels ou encore l'histoire juridique. Pour l'année à venir, des dossiers s'articuleront autour ® thèmes à la frontière du droit, de la politique et du social. Nous souhaitons également favoriser des travaux sur les pays étrangers, domaine trop négligée par l'historiographie.
Le secrétaire souhaite vivement remercier l'Assemblée générale et le Bureau pour la confiance et le soutien qu'ils lui témoignent depuis son entrée en fonction. Il remercie également Vincent Duclert pour le soutien constant qu'il lui a apporté dans sa nouvelle fonction.
Frédéric A UDREN Secrétaire général
Société d'Etudes Jauresiennes BILAN FINANCIER Année 1999
L- COMPTÉS EJ RECETTES - DÉPENSES C.C.P 16580 ■ C.C.P 10 559.30 Liquide 170 Liquide 556,70 BILAN C.C.P - solde créditeur 6 020,70 Liquide - solde débiteur 386,70
COMPTE CAHIERS JÉAN-JAURES => I, V. r ■■■": - - 4 RECETTES - ■ : DEPENSES C.C.P 85 750.91 S r N C.C.P 54 393,37 Liquide 1240 Liquide 345,30 BILAN C.C.P o solde créditeur 30 847,54 Liquide - solde créditeur 894,70
-~ - ? :,. fi ; r r - : COMPTE GLOBAL RECETTES | ;I DEPENSES C.C.P 102 330,91 J ~diJ~ C.C.P 64 952,67 Reliquat 98 11 644,47 Liquide 902 TOTAL 113 975.38 '~:. 7 Liquide 1 410 _-
BILAN C.C.P « solde créditeur 49 022.71 Liquide « solde créditeur 508
----- - = COMPTE" SICAV"
• AU 31.12.1998: 59 500,44 • AU 31.12.1999: 59 986,61 (SOIT 486,17 D'INTERETS)
Vu les Commissaires aux Comptes :
-IREP4 -mz
COMPTES EJ RECETTES CCP DEPENSES CCP Cotisations 5 910 Affranchissements 2 684.70 Soutien 2 520 Photocopies 1 607.60 Retards 100 ( Papeterie 258 Subvention 5 000 Frais A.6 3839 Repas A.6 3050 Divers 2170 _, TOTAL 16 580 TOTAL 10 559.30 , Liquide 170 Liquide 556.70 * SOLDE CRÉDITEUR CCP co;) 6 020,70 { SOLDE DEBITEUR UQUIDE - 386.70
COMPTE CAHIERS RECETTES CCP DEPENSES CCP I Abonnements 42 333.95 Imprimerie 35 810.87 Soutien 3 329,97 Routage 3 055.01 Subvention 30 000 Affranchissements 10 383.49 Retards 2 986,49 Photocopies 1 650 Ventes au n* 7 100,50 Divers 3 494 TOTAL 85 750,91 TOTAL 54 393.37
Liquide 1 240 Liquide 345.30 SOLDE CREDITEUR CCP oQ 30 847,54 « SOLDE CREDITEUR UQUrDE Q 894,70
COMPTE GLOBAL
RECETTES CCP : DEPENSES CCP 113 975,38 (soit 102 330,91 + 11 644,47 reliquat 98) 64 952,67 UQUIDE - 1 410 L UQUIDE oQ 902 * SITUATION AU CCP LE 31.12.1999 49 022,98 « SITUATION EN UQUIDE LE 31.12.1999 : 508
Vu les Commissaires aux Comptes :
RAPPORT SCIENTIFIQUE DE LA PRÉSIDENTE Pour une fois la présidente de la SEJ, responsable avec Gilles Candar de la publication des Œuvres de Jaurès, peut chanter victoire sans courir le risque de susciter l'ironie affectueuse et compatissante qui escortait légitimement, son optimisme invétéré. Le désespoir a enfin prouvé qu'il était contre-révolutionnaire ! A l'heure où se réunit notre Assemblée générale les deux premiers volumes des Œuvres sont en librairie depuis un mois. Gilles Candar et moi avons assuré le 20 janvier le service cfe Presse, Annick Taburet-Wajngart n'ayant pu venir de sa province - elle dispose naturellement des volumes dont elle souhaite assurer l'expédition à titre personnel -, et Michel Launay, maître d'oeuvre du volume La critique littéraire, étant souffrant : mais Camille Grousselas est parmi nous et François Prigent va continuer à nous aider, de maintes façons.
On ne s'étonnera donc pas si je consacre à ces volumes et à leur environnement l'essentiel de mon « rapport scientifique ». Oui, le grand projet pour la réalisation duquel a été créée la SEJ selon les propos de son président fondateur, Ernest Labrousse, a abouti. Avec quarante ans de retard sur les espérances initiales (cf. nos bulletins de 1960) - ce qui souligne, sans doute, nos insuffisances, mais aussi les obstacles ds toute nature opposés à ce projet -, mais quarante ans qui n'ont pas été perdus : à travers le Bulletin, puis les Cahiers Jean Jaurès, grâce à nos colloques dont le rythme s'est accéléré et dont nous avons toujours assuré la publication, grâce aussi aux anthologies, aux mises au point, aux articles de fond que la Société a suscités. Je pense avec amitié et reconnaissance aux secrétaires généraux qui ont géré cette fécondité : Jean Rabaut, Jean-Pierre Rioux, Gilles Candar et Vincent Duclert. Ils ont su créer la modernité et maintenir cet esprit fondamental, amical, et laborieux qui fait notre force et dont Frédéric Audren est l'héritier.
Laissons ces éloges, qui peuvent paraître grandiloquentes. S'agissant des Œuvres je me bornerai à remercier notre éditeur, Fayard, qui nous a assurés qu'il réaliserait les volumes que nous lui remettrions, même si ils doivent être « longs » comme ce sera le cas des tomes consacrés aux années Dreyfus - les prochains prévus - et le Centre National du Livre dont la subvention, acquise en principe, est modulable selon l'état des volumes remis. Eric Cahm est dans la salle. Il a accepté la lourde tâche de remettre avant la fin de l'an 2000 les textes produits par Jaurès au temps de l'Affaire. Je l'y aiderai de mon mieux.
Le service de presse, nous a été très favorable et va, je le sais, continuer à l'être : le « Mondes des livres », L'Humanité, L'Hebdo des socialistes, La Croix, Marianne, La Lettre de la Fédération Jean Jaurès, les Nouvelles de Bordeaux où s'est exprimé notre ami Pierre Ysmal dont le soutien éditorial a été si efficace. J'allais oublier Livre Hebdo. Nombres de comptes rendus sont encore à paraître. En nous avons eu un entretien plus qu'encourageant, le 21 février, avec le président de l'Assemblée nationale, Laurent Fabius, doni le soutien n'a jamais fait défaut à la Société.
Nous ferons le point dans un an. Je sais que nous pouvons compter sur le Centre Jaurès de Castres où doit se tenir en octobre un colloque très novateur sur « La France de Jaurès », et sur le Musée de Montreuil. Je n'ai pas l'intention de ménager mon temps : débats, réunions publiques, meetings, mon carnet est bien rempli. La Ligue des droits de l'homme y est pour beaucoup. Le monde universitaire aussi, de Toulouse
à Grenoble et autres lieux. Gilles, irremplaçable, ne veille pas seulement à la coordination. Toute démarche est discutée avec lui. Tout texte est rédigé en commun: ainsi le placard publicitaire ci-joint, qui va être publié par Fayard.
Deux ajouts, ponctuels : - à propos de Jaurès philosophe, plusieurs rencontres sont prévues. La table IOn: du 11 octobre 1999 sera publiée dans nos Cahiers. La vente de ce numéro, ainsi que ® ceux consacrés au Colloque de Médan ou aux « Petites patries » - ce grand thème- doit être l'occasion de relancer une campagne d'adhésions à la SEJ. Cela suppose d'urgence, la mise au point d'un nouveau placard de présentation de la Société que je puisse distribuer lors des réunions prévues.
Cela suppose aussi que nous restions très attentifs à toutes les interprétations de la philosophie de Jaurès : ainsi celle de Christophe Rogue que nous allons entendre tout a l'heure. ,
- Jaurès, critique littéraire : le projet toulousain qui vise à associer La Dépêche ou s'est exprimé pendant cinq ans « le liseur » et l'université n'est pas encore au point Mais la Société des études romantiques et dixneuvièmistes a accepté le projet dun numéro spécial de Romantisme, excellente revue interdisciplinaire où Maurice Agulhon est depuis longtemps particulièrement actif, consacré à « la presse et la critique littéraire ». C'est beaucoup de travail.
Allons y, comme disait avant de se suicider, le commandant Henry.
Madeleine REBÉRIOUX Présidente
ASSEMBLÉE GÉNÉRALE DU 10 MARS 2001
AUX ADHÉRENTS DE LA SOCIÉTÉ D'ÉTUDES JAURÉSIENNES
APPEL AUX CANDIDATURES
L'assemblée générale de la Société d'études jaurésiennes aura lieu le samedi 10 mars 2001 au Café du Croissant (146, rue Montmartre, 75002 Paris) à partir de lOh. A l'ordre du jour se trouvent inscrits les rapports de Frédéric Audren (secrétaire) et d'Irène Lafaye (trésorière), l'état de la recherche par Madeleine Rebérioux (présidente) et le renouvellement par tiers du Conseil d'Administration. Six sièges sont à pourvoir. Si vous souhaitez être candidat au Conseil d'Administration de la SEJ, veuillez faire connaître votre volonté au secrétaire (68, rue de Gisors 95300 Pontoise) avant le 1er mars 2001.
La conférence Jaurès sera prononcée par Gilles Candar et portera sur « Les souvenirs de Charles Bonnier. Socialisme et affaire Dreyfus »
Sont renouvelables : Jacques GIRAULT, Camille GROUSSELAS, Nadia JENNAWI-LE YAOUANC, Frédéric MORET, Irène PROCHASSONLAFAYE, Madeleine REBERIOUX
Six sièges sont à pourvoir
REVUE DE L'OFFICE UNIVERSITAIRE DE recherche socialiste
au sommaire des derniers numéros
n°9 décembre 1999
L'événement : Le travail au féminin Histoires socialistes : Socialisme et littérature Document : Socialisme et féminisme
n°10 mars 2000
L'événement : L'actualité de Léon Blum Histoires socialistes : Histoire et mémoire de Léon Blum (actes du colloque, février 2000) Documents : Blum-Auriol, 1940-1943
n°11 juin 2000 L'événement : Le trotskysme et la gauche aujourd'hui Histoires socialistes : Socialisme et extrémisme depuis 1905 Documents : socialisme et « gauchisme »
n" 12 septembre 2000 Les congrès socialistes 1905.2000 L'événement ; Le congrès aujourd'hui Histoires socialistes : Histoires de congrès
Documents : les 72 congrès du PS
Revue trimestrielle 112 p - le n° : 60 F Abonnement groupé avec L'OURS, mensuel socialiste de critique littéraire, culturelle et artistique : 300 F .--------------------------------.
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Chèque à l'ordre de l'OURS - Facture sur simple demande L'OURS, 86, rue de Lille 75007 Paris tel : 01 45 55 08 60 fax : 01 45 55 66 33 site : http://www.lours.org email : info@lours.org
Revue d'histoire des sciences humaines Rédacteur en chef: Laurent Mucchielli Secrétariat de rédaction : Isabelle Passegué, CESDIP, Immeuble Edison, 43 bd Vauban, F-78280 Guyancourt. Tél : 01 34 52 17 00. Fax : 01 34 52 17 17. E-mail : passegue@ext.jussieu.fr Abonnements : Presses Universitaires du Septentrion, rue du barreau, BP 199, 59654 Villeneuve d'Ascq. Tél : 03 20 41 66 80 ; Fax : 03 20 41 66 90 ; E-mail : septentrion@septentrion.com
Sommaire du numéro 2000-3
DOSSIER : Gabriel TARDE et la criminologie au tournant du siècle Introduction Massimo BORLANDI, Gabriel Tarde et les criminologues italiens de son temps Laurent MUCCHIELLI, Criminologie, hygiénisme et eugénisme en France (1870-1914) Gabriel TARDE, Le type criminel VARIA Claude BLANCKAERT, 1800 : le moment « naturaliste» des sciences de l'homme
TRIBUNE Laurent MUCCHIELLI, Tardomania ? Réflexions sur les usages contemporains de Tarde Emmanuelle SIBEUD, La bibliothèque du Musée de l'Homme : un corpus menacé
LIVRES A propos de L. Bazzoli, A. Bolzinger, A. Chambard, A. Ehrenberg, E.
Castelli Gattinara, A.-M. Godlewska, M. Hagner, E. Keslassy, D.
Lecoq, R. Noll, A. Meyer, S. Shamdasani, F. Thébaud.
LA SOCIÉTÉ D'ÉTUDES JAURÉSIENNES Siège social : 21, boulevard Lefebvre 75015 Paris CCP Paris 13669 84 H
BUREAU. Présidente : Madeleine Rebérioux, professeur émérite de l'Université de Paris VIII. Vice-Présidents : Maurice Agulhon, professeur émérite au Collège de France. Jean-Jacques Becker, professeur émérite de l'Université de Paris X-Nanterre.
Rolande Trempé, professeur émérite de l'Université de Toulouse-Le Mirail. Secrétaire : Frédéric Audren. Tésorière : Irène Lafaye.
Secrétaires généraux honoraires : Jean-Pierre Rioux, Gilles Candar, Frédéric Moret, Vincent Duclert.
COMITE D'HONNEUR : Marcel Dufriche, président de l'Association pour l'Histoire vivante. Dieter Groh, professeur à l'Université de Constance. Eric Hobsbawm, professeur à l'Université de Londres. Michel Launay, professeur à l'Université de Nice. Jean Levaillant, professeur à l'Université de Paris VIII. Gaston Manacorda, professeur à l'Université de Rome. Gaston-Louis Marchai. Roger Pagosse, maître-assistant honoraire à l'Université Paris IV, ancien animateur de la Revue socialiste. Jacques Poumarède, professeur à l'Université de Toulouse. Bernard Raynaud, maire-adjoint de Castres.
Jean-Pierre Rioux, inspecteur général de l'Éducation nationale.
CONSEIL D'ADMINISTRATION : Maurice Agulhon.
Fédéric Audren. Gérard Baal. Jean-Jacques Becker. Alain Boscus.
Ulrike Brummert. Gilles Candar. Vincent Duclert. Jacques Girault.
Camille Grousselas. Nadia Jennawi-le Yaouanc. Irène Lafaye. Gérard Lefèvre. Géraldi Leroy. Frédéric Moret. Catherine Moulin. Philippe Oulmont. Christophe Prochasson. Madeleine Rebérioux. Rolande Trempé. Annick Wajngart.
COTISATIONS (pour l'année) : Adhérent : 50 F - Donateurs : à partir de 100 F - Abonnement et adhésion : 190 F - Libeller les chèques au nom de la Société d'études jaurésiennes et les adresser à la trésorière : Irène Lafaye - 21, boulevard Lefebvre 75015 Paris CORRESPONDANCE : Frédéric Audren - 68, rue de Gisors 95300 Pontoise
EN LIBRAIRIE
ŒUVRES DE JEAN JAURÈS L'édition des oeuvres de Jean Jaurès est préparée sous la responsabilité de la Société d'études jaurésiennes.
Madeleine Rebérioux et Gilles Candar sont chargés de la coordination éditoriale.
1. Les Années de jeunesse (1859-1889) 2. Le Passage au socialisme (1889-1892) 3. Philosopher à trente ans (pitru) 4. et 5. Les Dimensions du militant : réalisme et messianisme (1893-1897) 6. et 7. Les Temps de l'affaire Dreyfus (1897-1899) (à paraître en 2001) 6. et 7. Les Temps de l'~i 8. Défense républicaine et participation ministérielle (1899-1902) 9. Bloc des gauches et parti socialiste français (1902-1904) 10. Vers l'unité socialiste (1904-1905) 11. Voici le XX siècle ! (1905-1907) 12. Penser dans la mêlée politique (1907-1910) 13. LAmde nouvelle, les questions militaires et la nation 14. et 15. Le Rayonnement et la lutte contre la guerre (1910-1914) 16. Critique littéraire et critùfue d'art (PtlnI) 17. Le Pluralisme culturel 18. Tables et bibliographie Fayard
Textes rassemblés et annotés par : Madeleine Rebérioux Madeleine Rebérioux Annick Taburel-Wajngan Alain Boscus Eric Cahm Maurice Agulhon Gérard Baal Gilles Candar Vincent Dudert Jean-François Chanet Jean-Jacques Becker Jean- Jacques Becker et Madeleine Rebérioux Michel Launay, Camille Grousselas et Françoise Laurent-Prigent Madeleine Rebérioux Gilles Candar et Vincent Duclert
JEAN JAURÈS CAHIERS TRIMESTRIELS ISSN 1268-5399 Dépôt légal : février 2001 Commission paritaire n° 60022 Enregistré au Parquet du TGI de Nevers (réf. AC 132/96) Directeur de la publication : Frédéric Audren
ÉDITÉ PAR LA SOCIÉTÉ D'ÉTUDES JAURÉSIENNES AVEC LE CONCOURS DU CENTRE NATIONAL DU LIVRE
Jean Jaurès cahiers trimestriels n° 156 - avril-juin 2000
SOCIALISMES DES JURISTES
Introduction par Frédéric Audren. 5 SOCIALISMES DES JURISTES
Ernest Tarbouriech (1865-1911), un juriste en socialisme. Itinéraire intellectuel, par Farid Lekéal „ 13 Léon Blum (1872-1950) : le droit au service de la justice, par Vincent Le Grand. 27 Maxime Leroy (1873-1957) : la « démocratie régalienne » ou le crime de lèse-société, par Lion Murard et Patrick Zylberman 39 Document : Lettres d'Emmanuel Lévy à Marcel Mauss (1896-1937) Emmanuel Lévy (1871-1943) : un juriste socialiste oublié, par Ji-Hyun Jeon 51 Lettres d'Emmanuel Lévy à Marcel Mauss (1896-1937).
Edition réalisée par Ji-Hyun Jeon 56 JAURÈS ET LE DROIT
Jean Jaurès et l'idée de droit social, par Carlos Miguel Herrera 79 Document : Jaurès, étudiant à la faculté de droit de Toulouse, en 1891 Présentation par Jacques Poumarède 93 Lectures par Sylvain Boulouque, Sophie Cœuré, Madeleine Rebérioux, Frédéric Audren, Daniel Lindenberg, Nicolas Roussellier, Catherine Maurer Marie Ducet-Huillard, Gilles Heuré, Gilles Candar 99
ACTUALITÉS, GLANES, LA VIE DE LA SEJ 115
Couverture : Louis Lévy et les avocats socialistes Léo Lagrange et Jean Longuet au Congrès de Mulhouse de la SFIO (1935)
JEAN JAURÈS CAHIERS TRIMESTRIELS 60 F 9,15 €