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Titre : Historique du régiment de marche de la Légion étrangère : 3e régiment étranger d'infanterie / préface de M. René Doumic, secrétaire perpétuel de l'Académie française

Éditeur : Impr. Berger-Levrault (Nancy)

Date d'édition : 1926

Contributeur : Doumic, René (1860-1937). Préfacier

Sujet : Guerre mondiale (1914-1918) -- Histoire des unités

Sujet : France (1789-....)

Sujet : France

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34077072x

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 1 vol. (XVI-167 p.) : ill. pl. ; in-8

Format : Nombre total de vues : 232

Description : Collection numérique : Documents consacrés à la Première Guerre mondiale

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k6225786q

Source : Service historique de la Défense, 2011-321123

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 26/06/2012

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MiSTORIQVE

DV

RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ETRANGERE

BERGER-LEVRAULT ÉDITEURS, PARIS



LE

3* RÉGIMENT ÉTRANGER D'INFANTERIE RÉGIMENT DE MARCHE

DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE SUR LE FRONT DE FRANCE

A

Ses Glorieux Anciens




Le « R. M. L. £ 7^ avait conservé, en novembre 1915, le drapeau remis parle Président

POINCARÉ au « 2e Régiment de Marche du 1er Etranger».

Lors de l'inscription des batailles, en 1923, le glorieux emblème, dont la hampe se courbe sous le poids de la Gloire, a été marqué au chiffre du « 3e Étranger M.

Le « fer de lance » de la grande guerre est pieusement conservé à la Salle d'Honneur du Régiment à FEZ.


HISTORIQUE

DU

Régiment de Marche

DE LA

LÉGION ÉTRANGÈRE

3° RÉGIMENT ÉTRANGER D'INFANTERIE

Préface de M. René DOUMIC Secrétaire perpétuel de l'Académie Française

,- IMPRIMERIE BERGER-LEVRAULT NANCY-PARIS-STRASBOURG



HOMMAGE A LA LÉGION

C'est chez Alexandre DUMAS fils que j'ai, voilà quelque trente ans, fait pour la première fois connaissance avec la Légion étrangère. If Venez, m'avait dit l'illustre écrivain : vous vous rencontrerez avec un auteur dramatique qui ne ressemble pas aux autres. Cet auteur dramatique et ce poète, qui venait de faire représenter une pièce en vers à la Comédie-Française, s'appelait le Vicomte de BORELLI. Il avait écrit, à l'honneur de la Légion, des vers restés fameux. Je l'ai entendu tout un jour, sous les ombrages de Marly, évoquer les actions héroïques simplement accomplies sous ses yeux, et dessiner en traits inoubliables de fières et pittoresques silhouettes de légionnaires.

Mais - c'est un autre jour que j'ai contracté avec la Légion des liens auxquels convient le seul nom de fraternels. Le tragique mois d'août 1914 s'achevait. Mon frère, l'architecte Max DOUM/C.

âgé de cinquante-deux ans, ancien officier de réserve, sans même attendre la déclaration de guerre, avait demandé à reprendre du service. Depuis lors, il s'enfiévrait, enviant tous ces jeunes qui parlaient. Jusqu'à mon dernier souffle, je le reverrai, tel qu'il arriva chez moi, ce jour-là, n'ayant pris que le temps de revêtir sa tenue militaire. Il me tendit sa feuille de route où je lus qu'il était affecté au 2e Régiment de marche du Ier Étranger.

De ma vie je n'ai vu sur un visage humain pareil rayonnement de joie et de fierté.

Après une période d'instruction à Bayonne, il n'admit pas qu'un autre que lui conduisll au feu les combattants qu'il avait formés.

Frappé à mort dans les tranchées au bois des Zouaves, défense avancée de Reims, il fut pleuré comme un père par ses volontaires polonais, qui lui élevèrent un monument où se lisait cette inscription : A leur lieutenant bien-aimé !


Depuis lors, j'ai recueilli le témoignage de beaucoup d entre eux.

Ils l'aimaient, parce qu'il les avait compris.

Il avait compris qu'ils n'étaient ni des mercenaires, ni même des nationaux accomplissant la plus noble des obligations. Ils étaient Venus de leur plein gré, dans un élan de gratitude pour le pays dont ils avaient reçu l'hospitalité. Ils étaient des hommes qui se dévouaient. Il fallait, en les commandant, tenir compte de cette nuance très délicate. Là, plus que partout ailleurs, il fallait que le soldat sentit tout près du sien le cœur de l'officier.

Cette part prise à la Grande Guerre par les Volontaires étrangers restera, pour la France, une des pages les plus glorieuses de son histoire. Elle atteste le prestige du génie français à travers le monde. Ceux qui, pour avoir partagé notre vie, en ont pu goûter la saveur bienfaisante, ont jugé qu'elle était nécessaire à la civilisation universelle. Ils se sont levés pour sa défense. Ils ont témoigné pour elle jusqu'à la mort.

Ainsi la conception initiale d'où est sortie la Légion étrangère s'est encore élargie. A la glorieuse Légion s'est ajoutée une gloire nouvelle. Désormais elle apparaîtra comme le cadre où, dès la première menace surgie à l'horizon, viendront s'inscrire et trouveront place tous ceux qui veulent que la France vive.

C'est pourquoi aucun Français ne saurait prononcer son nom qu'avec admiration et reconnaissance.

Qu'elle continue, sous toutes les latitudes, en face de tous les périls, à monter la garde pour l'idée française ! 0 Qu'elle continue d'être un incomparable réservoir de hardiesse, d'endurance et de dévouement!

Au nom de tous ceux qui ont vu les Volontaires étrangers à l'œuvre, qui les connaissent et qui les aiment, je salue la vieille Légion rajeunie par la Grande Guerre, auréolée par le sacrifice et consacrée par la victoire.

RENÉ DOUMIC, Secrétaire perpétuel de l'Académie Française.


INTRODUCTION

LES ORIGINES DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE

SES ORIGINES

Avant que fût seulement soupçonné le double principe de l'armée nationale et du service obligatoire, la France, comme les autres États, eut à sa solde des troupes étrangères.

Les Valois ont eu leur garde écossaise. Les Bourbons, la légendaire garde suisse. Un jour — 10 août 1792 — au déclin de la vieille monarchie, l' émeute parisienne s'en vint forcer les portes des Tuileries : il lui fallut passer sur le corps du dernier des Suisses de la garde royale.

La Légion peut se réclamer d'eux.

HONNEUR ET FIDÉLITÉ, telle était la devise de ces braves qui sont morts pour leur serment. Et c'est la devise qu'on peut lire aujourd'hui sur les glorieux drapeaux du 3e Étranger et de ses frères, les autres régiments de la Légion (1).

Du reste, au moment où disparaissait la garde suisse, une véritable « Légion étrangère » s'organisait.

(1) Ils arboraient autrefois, avant la Grande Guerre, la devise « Valeur et Discipline », immortalisée certes par la Médaille militaire mais qui, par son oubli du mot « Honneur » porté par tous les autres drapeaux de France, semblait donner un semblant de raison aux détracteurs de la Légion. Ils ont porté pendant les années de -la guerre la devise de tous les étendards français « Honneur et Patrie ». Ils portent désormais cette devise des volontaires étrangers de jadis « Honneur et Fidélité », laquelle semble bien être l'apanage particulier de la Légion, puisqu'elle fut toujours la formule même que doivent signer en s'enrôlant les futurs légionnaires.


Elle fut créée par un décret du 26 juillet 1792, sanctionné le IER août. Après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatiques et militaires réunis, l'Assemblée nationale, considérant que les circonstances nécessitaient une augmentation de force dans les armées, décida : Il sera formé dans le plus bref délai, sous l'autorité et la surveillance du pouvoir exécutif, une nouvelle Légion, sous la dénomination de « Légion franche étrangère », dans laquelle il ne pourra être admis que des étrangers.

Et peu à peu on organisa une Légion batave, une Légion germanique, une Légion italique, une Légion polonaise enfin. Et la loi qui prescrivait la formation de cette dernière comportait ce considérant : Si les rois coalisés déploient des armées nombreuses contre les peuples libres, il importe à ceux-ci d'admettre dans leurs rangs tous les hommes qu'un élan sublime appelle à combattre pour la cause sacrée de la Liberté.

Durant l'épopée napoléonienne, des régiments suisses, polonais, hollandais, hanovriens, furent créés. La Belgique, l'Italie, la Dalmatie faisaient partie de l'Empire français et avaient leurs contingents.

Quelle moisson de lauriers fut alors cueillie sur les champs de bataille de l'Europe par ces régiments étrangers au service de la France, il ne saurait être question de le redire ici. Rappelons seulement le geste épique d'un PONIATOWSKI, sautant à cheval dans l'ELSTER et se noyant plutôt que de se rendre.

Après les Cent Jours, pendant lesquels NAPOLÉON avait réuni huit régiments étrangers, la Restauration fit un choix parmi ceux-ci et créa la Légion royale étrangère qui prit le nom de Légion de HOHENLOHE.

Elle fut dissoute le 5 janvier 1831.

Quelques semaines plus tard la loi du 9 mars 1831 organisait la « Légion Étrangère », avec le statut qui est encore le sien. L'oeuvre de réorganisation militaire entreprise par la Monarchie de Juillet s'est généralement révélée comme solide et durable. C'est le cas pour ce qui concerne la Légion, bien que ses effectifs et sa composition aient sou-


vent varié, suivant les ressources du recrutement; on s'y engage encore « dans les conditions de l'Ordonnance Royale du 10 mars 1831 ». - En 1831, la Légion Étrangère avait sept bataillons de huit compagnies. Effectif d'un bataillon, cadres compris : 895 hommes. Les nationalités étaient séparées, soidisant pour faciliter l'instruction. Les 1er, 2e et 3e bataillons étaient composés exclusivement d'Allemands et de Suisses, le 4e, d'Espagnols, le 5e, d'Italiens, le 6e, de Belges et de Hollandais, le 7e, de Polonais.

Dès 1835, le colonel BERNELLE jugeait l'expérience concluante : le groupement des légionnaires par nationalités n'engendrait qu'un particularisme outrancier, du plus fâcheux effet sur la aleur de la troupe. On adopta le principe de la fusion : les résultats obtenus en ont établi l'excellence. Une atteinte à ce principe, commise au début de la guerre, en 1914, n'a fait qu'en confirmer la valeur.

La Légion est un « cloître », il n'y faut pas de « petites chapelles ».

L'histoire de la Légion Étrangère, depuis sa création jusqu'à nos jours, se confond avec l'histoire militaire de la France.

On en trouvera plus loin un résumé montrant quelle part active, souvent essentielle, la Légion a prise à toutes les guerres que la France, depuis bientôt un siècle, a soutenues pour la défense du droit. La Légion a été de toutes les expéditions qui ont porté au loin, avec nos trois couleurs, les bienfaits de la civilisation.

Et si la France peut si fièrement montrer les résultats de sa politique coloniale, c'est bien — au moins un peu grâce à ces désabusés, à ces « bons à tout » qui viennent à elle, pour abriter leur désespérance à l'ombre du drapeau de la vieille Légion.

LA LÉGION, ORDRE MILITAIRE LAÏC Un cloître ; il n'est peut-être pas de terme plus exact pour définir ce qu'est vraiment la Légion.

Un cloître: car c'est un abri pour les désemparés; un


refuge pour ceux qui ne peuvent pas vivre de la vie du siècle, mais dont le cœur est trop droit pour chercher à en troubler l'ordre; un milieu d'abnégation, de renoncement, où l'on pratique les vertus du chrétien et celles du soldat : foi, espérance, solidarité, vaillance; un prieuré, un ordre militaire laïc, où il y a un supérieur, le chef, une règle, la discipline, un culte, celui du drapeau.

Pourtant ce n'est point la vie cloîtrée, la cellule solitaire du carme ou du chartreux, que trouve le légionnaire, ni dans les grandes casernes blanches de BEL-ABBÈs ou de SAïDA, ni quand il s'en va courir le bled saharien, affronter les Berbères de l'Atlas, le tigre ou la sagaie dans la brousse tropicale, les fatigues et les dangers de la grande guerre, les marmites et les mitrailleuses. Mais c'est précisément parce que la Légion n'est pas un couvent comme tous les couvents, c'est parce qu'elle répond à d'autre besoins, qu'elle est nécessaire. Sa création, son entretien sont, de la part de la France, non point l'intolérable manifestation d'impérialisme que veulent y voir ses ennemis, mais une bonne action, une institution charitable. Le pays qui a ouvert ce Lieu d'asile a bien mérité de l'humanité.

On entre à la Légion, bien souvent, comme on entre au couvent, par désespoir d'argent, désespoir d'amour, désespoir d'honneur. On y entre par dégoût de la vie, par dégoût des hommes, ou de soi-même. On y entre pour disparaître, pour oublier, être oublié.

Mais il y vient aussi des hommes épris d'aventures, gênés dans leur passion d'activité par les règles, les nécessités de la civilisation. Rebut des nations ? Que non pas.

Les légionnaires, dans leur ensemble, représentent tout ce qu'il y a de bon, d'honnête, de plein de cœur, dans l'élément indépendant que comporte toute société. Certains, il est vrai, ont des fautes à racheter, mais pour le plus grand nombre, la faute essentielle — si c'en est une — est de n'avoir pas su se plier à quelque mesquinerie de la vie moderne.

Oh! sans doute, il y a des motifs classiques dans les engagements à la Légion : en première ligne le cafard, le coup de tête, le désir de voir du pays, de courir le monde, avec l'espoir avoué ou non de trouver sa voie, de décrocher la


fortune, en quelque Eldorado lointain. Il y a l'attrait que peut exercer sur les gens des pays à bière la légende des vins d'Algérie. Il y a, pour les sans-travail, pour les meurtde-faim, la certitude de la gamelle. Encore cet argument-là ne décide-t-il que ceux qui ont du cœur. Il y a enfin la crainte du gendarme : certes la Légion ne mettrait pas à l'abri de l'extradition un criminel de droit commun, mais pour tous ceux que poursuivrait chez eux le ressentiment des passions politiques, elle est asile inviolable.

N'oublions pas que de 1871 à 1914, la Légion aura été le refuge de ceux qui gardaient au cœur l'amour de la patrie perdue. Maintenant, grâce au ciel, les Alsaciens et les Lorrains n'ont plus besoin de venir à la Légion pour servir la France, mais quels fiers légionnaires ils ont été !

Un étranger peut s'engager aussi pour payer une dette, pour tenir un serment — qu'il ait été solennel ou secret pour obéir à un élan du cœur, spontané, mais enthousiaste et communicatif : « Tout homme a deux patries, la sienne et puis la France. » Le mot est de FRANKLIN.

Quel qu'en soit le mobile, ce n'est pas une conduite banale, ni blâmable, que celle de l'homme qui, volontairement, réclame et accepte le devoir militaire, s'attache à son drapeau, s'engage à le défendre jusqu'à la mort. et qui tient son serment.

SES DÉTRACTEURS

Comme toute institution sortant de l'ordinaire, la Légion devait avoir — et a eu — ses détracteurs. Les uns ne péchaient que par ignorance. Les autres, adversaires déclarés, l'ont abreuvée d'outrages. Les premiers (des Français, hélas !) lui ont nui plus que les seconds.

Aux uns comme aux autres, les légionnaires n'ont généralement opposé que le mépris.

Qu'importe, quand la Légion passe, que les chiens des douars viennent aboyer après elle!

De longue date, mais surtout dans les années qui ont précédé la Grande Guerre, la campagne contre la Légion étran-


gère était à l'ordre du jour en Allemagne. A tel point qu'on a pu se demander si ce ne serait pas de cette querelle d'Allemands que jaillirait l'étincelle imminente.

Et ce n'étaient point seulement les méprisables élucubrations de quelques journalistes à court de copie. Il y a eu là une organisation sinon officielle, du moins officieuse, et nettement appuyée par les pouvoirs publics. Une Ligue allemande de protection contre la Légion étrangère s'est fondée, dirigée par des personnalités dont la haute situation n'aurait pas dû s'abaisser jusqu'à la signature de certains manifestes, jusqu'à l'emploi de certaines expressions, qui, si elles manquent leur effet, — et c'était le cas retombent fâcheusement sur les calomniateurs.

Que dire de ces conférences, — il y en a eu dans tout l'Empire — où, dans le soi-disant légionnaire qui, pendant trois quarts d'heure, avait tenu son auditoire sous l'horreur de ses fabuleux récits, l'un de ses auditeurs, journaliste français, se trouve reconnaître un marchand de cacahuètes, Tunisien d'occasion, en réalité déserteur des joyeux ?

Que dire des séances de cinéma, avec films spéciaux de propagande ? De ces représentations théâtrales, comme Le Cafard, d'Ervin Rosen, qui a eu les honneurs du Thalia Theater, mais qui vraiment faisait peu d'honneur à cette scène ? Car c'eût été odieux si ce n'avait été si stupide.

« Racoleurs., esclaves blancs., mauvais traitements., régime barbare., pas de nourriture. f, toujours les mêmes arguments.

Mais qu'il était donc facile de répondre : en donnant des menus, en dénombrant les retraites après quinze ans de service, en citant des noms, des lettres d'anciens légionnaires, en évoquant ce ciment indestructible, échange de paternelle fermeté et d'affectueuse confiance, qui unit les officiers et les soldats de la Légion.

D'ailleurs la Légion répondait par des faits. Le trait d'héroïsme est un fait, et un fait constant quoique jamais banal; tout rengagement est un fait, d'un ordre assez courant. Et quand, après arrestation de prétendus agents recruteurs, on constatait là-bas qu'il s'agissait de braves Allemands, ex-légionnaires, seulement coupables d'avoir


à l'occasion parlé de leurs campagnes, on les relâchait : c'était encore un fait.

Quiconque prononce le nom de la Légion, en Allemagne surtout, travaille pour elle. Quand ils criaient au raccolage, les pangermanistes en général et les membres de la Ligue en particulier en étaient personnellement les fauteurs.

Cocasse, mais singulièrement peu perspicace était l'idée émise un jour : apposer, sur les murs des gares, des affiches mettant les jeunes gens en garde contre les dangers de la Légion. Nos humoristes commençaient à s'inscrire pour cette campagne quand une autre étincelle a jailli : l'ultimatum à la Serbie.

Tout cela n'était que de la calomnie. Il est plus facile de réfuter la calomnie que de se défendre contre la médisance. Et c'est de médisance qu'ont souvent été coupables les Français.

Les Français sont trop heureux de posséder la France, leur plus belle colonie. Et ils connaissent mal les autres; de même ils connaissent mal les troupes qui les occupent.

Pour eux, quiconque s'éloigne du foyer natal est pour le moins une forte tête, de là à déduire que le colonial a quelque chose à se faire pardonner, il n'y a qu'un pas; de là à cataloguer l'armée d'Afrique tout entière sous l'étiquette Biribi, il n'y a qu'un pas encore; l'un comme l'autre sont vite franchis.

Et les gens sont surpris qu'on puisse être volontaire pour l'Afrique ou la coloniale. Ils ne conçoivent pas comment un jeuge homme, entré à Saint-Cyr, après de longues et brillantes études, puisse annoncer comme ambition : « Sortir avec un rang qui me permette d'obtenir la Légion.

Sinon je prendrai l'infanterie coloniale. »

Confondre la Légion avec Biribi, c'est le fait de Roumis peu au courant. Admettre que les légionnaires sont, par définition, de fortes têtes, difficiles à mener, n'est peutêtre qu'une généralisation un peu outrancière. Hé! sans doute, il y a de fortes têtes à la Légion. Mais quelles rudes et complètes satisfactions donne le commandement de cette belle troupe !

A part ceux qui ne savent pas, ou qui savent mal, mais


ne disent trop rien, il y a ceux qui croient savoir, et qui se croient autorisés à faire imprimer leur avis.

« Seigneur, préservez-moi de mes amis. Quant à mes ennemis, je m'en charge. »

Pourquoi faut-il que la Légion compte parmi ceux qui lui ont fait le plus de mal tel médecin — a-t-il seulement servi à la Légion ? — qui, généralisant les tares, ou les « carottes », observées à la visite médicale, prétend ne voir dans nos régiments étrangers qu'un milieu de dégénérescence, d'atavisme criminel, de yice et de folie.?

Encore celui-là se pose-t-il en savant, dégagé de toute contingence. presque du secret professionnel. Mais il y a aussi ceux qui, avec sincérité souvent, viennent se poser en panégyristes.

Tel use de sa situation de publiciste, et d'une imagination fertile, pour composer des épisodes, des souvenirs qui ne sont que des nouvelles, du tirage à la ligne, où la précision mais l'inexactitude et l'invraisemblance des détails sont de nature à jeter le trouble dans l'esprit du lecteur, qui veut se documenter, le discrédit sur d'autres récits, moins romanesques, simplement véridiques.

Tel autre, historien de valeur et animé des meilleures intentions, trouve moyen, après une rapide enquête où quelque vieille giberne l'a berné de ses histoires, de brosser un tableau superbe, étincelant, mais déplorable et comme perspective, et comme personnages. Emporté par son tempérament, il n'a vu à la Légion, à part des phénomènes, archevêques, princes du sang ou autres veaux à cinq pattes, que des ivrognes et des débauchés..

« Prenez-vous donc mes légionnaires pour des demoiselles ? » grondait un jour un de leurs chefs aimés.

Des vices ? C'est vrai qu'il en existe à la Légion. Mais il y a aussi des vertus. Et on peut faire la balance!

COMMENT IL FAUT LA VOIR

i On n'a pas le droit de porter un jugement sur la Légion ni sur les légionnaires pour avoir fréquenté quelques jours le cercle de Bel-Abbès, entrevu la caserne,' remarqué


les assommoirs qui l'avoisinent, guettant le troupier par l'appât de l'absinthe à un sou.

C'est faire bon marché de tout le reste. Et c'est ce reste qu'il faut connaître : le bled, la brousse, la montagne, la Légion bâtissant des postes et créant des jardins, la rude mais saine vie des groupes mobiles, les randonnées fantastiques des compagnies montées.

C'est là que le légionnaire est dans son élément. Mais qui donc va l'y voir ? L'historiographe de la Légion, il faut que ce soit la Légion elle-même.

Du reste, elle a dans ses annales de trop riches trésors pour qu'il lui soit permis de les laisser dans l'ombre. C'est là que les officiers vont puiser, chercher des inspirations, trouver des exemples pour l'instruction, l'éducation de leur troupe, la leur tout d'abord.

La guerre de tranchées en 1914 a pu s'inspirer des souvenirs de CRIMÉE. Et la guerre, la grande guerre, où le succès n'est jamais que l'affirmation d'une supériorité morale, peut s'apprendre à l'école de ces chefs qu'a eus la Légion : BUGEAUD, CANROBERT, DE NÉGRIER, JOFFRE, GALLIENI, GOURAUD.

Les vieux récits du colonel BERNELLE, du colonel LEHALLE ne sont pas seulement savoureux, mais singulièrement instructifs. L'histoire, celle des guerres coloniales surtout, n'est-elle pas un perpétuel recommencement ?

C'est au capitaine MAINE, l'ex-caporal MAINE de CAMERONE, qu'il faut demander le récit de ce fait d'armes exemplaire entre tous.

De même le capitaine CAMPS, sergent-major à TUYENQUANG, a été l'historien du glorieux siège. Et le capitaine DE BORELLI, défenseur de TUYEN-QUANG lui aussi, a trouvé dans son cœur de soldat et son âme de poète les accents dignes de ses hommes, de leur dévouement, de leur sacrifice.

C'est avec le lieutenant JAEGLE, mort glorieusement à BENI OUZIEN, qu'il faut aller faire la ronde de nuit dans le camp, ou rêver, au pied du monument de Moungar.

C'est inspirés par lui que V. EBRARD, Henri D'ARMOR et d'autres anciens ont su évoquer le Sud farouche,


l'Atlas hostile, la brousse traîtresse, analyser l'âme du Légionnaire, montrer à quelle rude école se trempait l'énergie des hommes, des cadres et des officiers de ce corps d'élite.

La Légion, c'est là et c'est ainsi qu'il faut la voir!


PL. 1

Dessin du Capitaine Favre du Trembley.



PREMIÈRE PARTIE

HISTORIQUE GÉNÉRAL DE U LÉGION

a

JUSQU'A

LA GRANDE GUERRE

SON ACTION AU MAROC JUSQU'EN 1920



HISTORIQUE SOMMAIRE DE L'ORGANISATION DE LA LÉGION

De mars 1831 à décembre 1840 : Légion étrangère.

De janvier 1841 à décembre 1854 : Ier et 2e régiments de la Légion étrangère.

De janvier 1855 à avril 1856 : Ire et 2e légions étrangères.

D'avril 1856 à décembre 1861 : Ier et 2e régiments étrangers.

De décembre 1861 à mars 1875 : régiment étranger.

De mars 1875 à décembre 1884 : Légion étrangère.

De décembre 1884 à novembre 1920 : Ier et 2e régiments étrangers.

Au Maroc Oriental, 1910 à 1920 : Ier régiment de marche du Ier étranger.

Au Maroc Occidental, 1910 à 1920: Ier régiment de marche du 2e étranger.

En France, 1914-1915 : 2e régiment de marche du Ier étranger.

- — 3e régiment demarchedu Ier étranger.

- — 4e régiment démarche du lerétranger.

- — 2e régiment de marche du 2e étranger.

- 1915 : ces quatre régiments se fondent pour devenir le régiment de marche de la Légion étrangère.

En France, 1915-1920: Régiment de marche de la Légion étrangère.

Depuis novembre 1920 : Ier régiment étranger (dépôt commun d'Algérie).

- 2e régiment étranger (Maroc).

- 3e régiment étranger (héritier direct du régiment de marche de la Légion étrangère (Maroc).

- 4e régiment étranger (Maroc).

Depuis juin 1922 ; les quatre régiments ci-dessus sont dénommés : Ier, 2e, 3e, 4e régiments étrangers d'infanterie, et il existe (SudTunisien) un Ier régiment étranger de cavalerie.


LÉGION ÉTRANGÈRE

Étrangère ? Non pas. 0 France, depuis quand Le baptême du sang n'est-il plus un baptême ?

Qui donc vous reniera français sans un blasphème, Martyrs de Camerone, héros de Tuyen-Quang ?

Oui, vous êtes Français, et nôtre est votre gloire; Nôtres sont les lauriers dont vos fronts sont fleuris; Et parmi les plus beaux feuillets de notre histoire Notre orgueil compte ceux que vous avez écrits.

Et vous, qui sous les plis du drapeau de la France Ayant même regret, avez même espérance, Vous nommer « étrangers », quel traître l'osera ?

Enfants de notre Alsace et de notre Lorraine.

Augustes forgerons qui ressoudez la chaîne Du grand-père français au fils qui le sera !

DACHÈRES (fin du xixe siècle).


ALGÉRIE (1831 à 1920)

La loi du 9 mars 1831 stipule que la LÉGION ÉTRANGÈRE peut être employée seulement hors du territoire continental du royaume.

La Légion est donc, dès sa formation, envoyée en Afrique. La France vient de planter son drapeau sur la Casbah d'ALGER: la Légion va être un des bons artisans de la pénétration en Algérie. Rien ne s'y fera sans elle. C'est en Algérie que la Légion a son dépôt, son foyer.

C'est là qu'elle revient après chaque expédition lointaine.

L'histoire de la Légion en Algérie, c'est la base, le canevas de l'histoire tout entière de la Légion.

L'ANCIENNE LÉGION (Algérie et Espagne) Le IER janvier 1832, la Légion est répartie entre les provinces d'ALGER (1er, 2e, 3e, Se et 7e bataillons), d'ORAN (4e bataillon), de BÔNE (6e bataillon).

Elle commence aussitôt la belle tâche civilisatrice qui devait tant l'honorer : construction de postes, établissement de routes et de canaux d'irrigation, assèchement de marais, plantations. Mais pour manier habituellement l'outil, elle n'en sait pas moins faire usage de ses armes.

On relève parmi les affaires auxquelles elle prend part : le combat de SIDI-CHABEL (II novembre 1832), contre ABD-EL-KADER; la prise d'ARZEW; celle de MOSTAGANEM; le meurtrier combat de MULEY-ISMAEL (26 juin 1835) où la Légion a deux officiers tués : les lieutenants JOSEFOVITCH et BOLDINI.

Par suite d'un traité conclu le 28 janvier 1835 entre la France, l'Angleterre, l'Espagne et le Portugal, la France cède la Légion à l'Espagne pour soutenir ISABELLE II


contre DON CARLOS. Cette nouvelle est douloureusement accueillie par les légionnaires, qui cependant, par esprit d'obéissance et de discipline, se soumettent. La flotte qui les emmène met à la voile le 30 juillet 1835.

(Voir la Légion en ESPAGNE, p. 12.) LA NOUVELLE LÉGION (Algérie et guerres du second Empire).

Le. 16 décembre de la même année, une ordonnance royale prescrivait la formation d'une nouvelle Légion étrangère, comportant provisoirement un bataillon de huit compagnies. Formé à PAU ce bataillon est mis en route le 5 décembre 1836 pour TOULON où il embarque pour ALGER, pendant qu'un deuxième bataillon s'organise.

Avant même la fin de cette organisation, la Légion reçoit l'ordre de former pour l'expédition de CONSTANTINE un bataillon de marche sous les ordres du commandant BEDEAU.

Ce bataillon se couvre de gloire pendant le siège et à l'assaut final de la forteresse.

En décembre 1837, un troisième bataillon est organisé.

En mai 1839, le 1 er bataillon prend part à l'expédition de DJIDJELLI où il livre de furieux combats à la baïonnette.

Le commandant HORAIN, un ancien de la première Légion, est mortellement blessé.

L'organisation d'un quatrième bataillon est prescrite le IER octobre 1839, celle d'un cinquième le 28 août 1840.

La Légion figure dans le corps expéditionnaire dirigé par le maréchal VALLÉE contre ABD-EL-KADER en avrilmai 1840, et sur MILLIANA en juin de la même année. Elle y est assiégée du 15 juin au 5 octobre. De 750 hommes, au premier jour, son effectif est réduit à 208 hommes malades et 80 à l'ambulance : le reste est mort !

Le or avril 1841, la LÉGION ÉTRANGÈRE est fractionnée en deux régiments : Le premier est formé à ALGER avec les trois premiers bataillons;


Le deuxième est formé à BÔNE avec les 4e et 5e bataillons et un sixième en voie de création.

Les opérations, dans cette période de la conquête, sont une suite de colonnes, de razzias, de petits combats très durs dont l'histoire n'a guère conservé le souvenir, mais qui, pour ne pas mal tourner, réclamaient des troupes héroïques et prudentes. La Légion s'y distingue maintes fois : à KOLEA en 1841; dans les opérations contre BouMAZA et dans les ZIBANS en 1844; à MEHAB-BARBOUSSA en 1845; dans la marche sur NARAH dans lAURkS (1849) où 400 légionnaires combattent à l'arrière-garde, faisant 25 lieues en vingt-six heures; aux deux expéditions sur ZAATCHA (août et octobre-novembre 1849), réédition de l'assaut de CONSTANTINE; à FEDJ-MENAZEL en 1851;. à la MOULOUYA en 1852.

En 1854, la Légion est désignée pour faire partie de l'armée d'Orient. Le IER régiment embarque à ORAN les II et 15 juin pour GALLIPOLI. Le 2e embarque deux bataillons à PHILIPPEVILLE les 22 et 27 juin pour GALLIPOLI.

Son troisième bataillon forme dépôt et part à BASTIA.

(Voir la Légion en CRIMÉE, p. 12.) Un décret impérial du 17 janvier 1855 avait prescrit la création d'une deuxième Légion étrangère. Mais après la campagne, les deux Légions sont licenciées : le décret du 16 avril 1856 crée deux régiments étrangers.

Le IER est formé le 26 juin 1856 au camp de SATHONAY, avec les éléments de la 2e Légion; il est embarqué à TOULON le 6 juillet à destination de PHILIPPEVILLE.

Le 2e est formé le 9 août à SIDI-BEL-ABBÈS avec les éléments de la Ire Légion, rapatriés de CRIMÉE le 6 juillet.

En avril-mai 1857 les deux régiments participent à l'expédition de la GRANDE-KABYLIE, dont le nom sera inscrit à leur drapeau.

En 1859, ils sont désignés pour faire partie de l'armée d'Italie. Le IER embarque à PHILIPPEVILLE, le 8 avril, le 26 à ORAN le 19 avril.

(Voir la Légion en ITALIE, p. 13.)


A l'issue de la campagne, le Ier étranger est envoyé à BASTIA, qu'il quitte le 9 février 1860 pour aller dans la province de CONSTANTINE. Le 2e étranger rejoint directement la province d'ORAN.

Un décret impérial du 14 octobre 1859 rend officielle la fusion des nationalités à la Légion.

Le 14 décembre 1861 le IER étranger est licencié et incorporé au 2e étranger qui, le IER janvier 1862, prend le nom de RÉGIMENT ÉTRANGER. En outre, les engagements volontaires dans le régiment étranger sont suspendus d'une manière générale et indéfinie par une circulaire ministérielle du 16 décembre 1861, et les légionnaires servant au titre étranger qui se trouvent dans leur avant-dernière année de service peuvent sur leur demande être renvoyés dans leurs pays par anticipation.

C'est dans cette période de réduction des effectifs-on dirait presque de « démobilisation »-qu'éclate la guerre de Mexique.

Heureusement la Légion marche, et le nom de CAMERONE, sera inscrit à son drapeau.

(Voir la Légion au MEXIQUE, p. 14, et Anecdotes et Récits, p. 91).

Au retour du MEXIQUE, en débarquant à ORAN du 26 mars au 6 avril 1867 les bataillons sont dirigés sur MASCARA où est la portion centrale, sur SIDI-BEL-ABBÈS et sur SAÏDA.

La Légion participe aux opérations dans la région de FIGUIG en 1868, aux combats contre SI-KADDOUR-BENHAMZA en 1869. Mais voici qu'éclate la guerre francoallemande de 1870 : le 8 octobre, les IER et 2E bataillons embarquent à ORAN, à destination de TOULON.

(Voir la Légion en FRANCE, 1870-1871, p. 15.) Les 36 et 46 bataillons restant en Algérie interviennent contre les KABYLES révoltés qui sont rapidement réprimés.

DE 1871 A LA GRANDE GUERRE

Le 22 juin 1871, le régiment, rentrant de la campagne de France, arrive à MASCARA.


La loi des cadres du 13 mars 1875 lui donne l'appellation de LÉGION ÉTRANGÈRE.

Presque toute l'année 1881 se passe en opérations sur les Hauts Plateaux et dans le Sud-Oranais contre le marabout BOU-AMAMA.

La même année voit la création de deux compagnies de dépôt et des compagnies montées.

En 1883, la Légion envoie ses deux premiers bataillons au TONKIN. Les 3e et 4e partent l'année suivante.

(Voir la Légion au TONKIN, p. 18.) La loi du 14 décembre 1884 porte dédoublement de la Légion étrangère en deux régiments étrangers.

Viennent les deux expéditions du DAHOMEY et de MADAGASCAR, qui auront également ci-après leur monographie rapide.

(Voir p. 16 et 17.) En 1899 passe un gros nuage : l'incident de FACHODA.

La Légion, prête à toute éventualité, mobilise deux bataillons (IER et 3e du IER étranger), qui se portent d'abord sur MÉNERVILLE pour couvrir ALGER, puis en TUNISIE, face aux forces de MALTE; ils organisent les camps de FONDOUK D JEDID et GROMBALIA. Puis, répartis entre BIZERTE et KAIROUAN, ils sont dissociés en août 1900 : le 3e, mis sur le pied de guerre, entre dans la composition du corps expéditionnaire de CHINE (il restera d'ailleurs en réserve au TONKIN). Le IER bataillon rentre à BEL-ABBÈS pour se reconstituer.

L'Algérie n'assure point, d'ailleurs, le farniente au légionnaire : c'est la période héroïque où pour se reposer du TONKIN et de MADAGASCAR il va, dans l'intervalle de ses séjours coloniaux, courir le Sud, poussant jusqu'en plein SAHARA.

Car il faut compléter l'œuvre de pacification. Et c'est sur l'extrême Sud, sur les confins du Sahara Marocain notamment, que prennent appui les fauteurs de trouble.

Dès avant 1900, les compagnies montées poussent des pointes hardies vers le Sud. Il faut se montrer plus actif que


des gens qui sont la mobilité même. De là ces reconnaissances à longue portée, randonnées incroyables, où sans même se douter du tour de force accompli, la Légion montée, par ses seuls moyens, sans convoi, dans ses « six jours » de rayon d'action, parcourt très normalement 350 kilomètres en plein désert.

En 1900, c'est vraiment la conquête du SAHARA qui commence : campagnes terribles, où le soleil de plomb fait bouillir les cervelles, où le problème de l'eau est, plus que jamais, le problème vital. Mais la Légion en a vu d'autres dans son histoire. Et les jeunes qui ne connaissent pas le métier ont tôt fait de l'apprendre.

Un record est à enregistrer, celui du détachement LETULLE, deux compagnies du 2e étranger : partant de GÉRYVILLE, le détachement de Légion, au risque de périr de soif, traverse résolument le Grand ERG, et atteint TIMMIMOUN, produisant sur les populations des Oasis un effet moral d'une singulière puissance.

L'ennemi, dans le désert, n'est pas négligeable. L'occupation des Oasis en 1900 et les colonnes des années suivantes n'allèrent pas sans quelques sérieuses affaires, outre la quotidienne fusillade nocturne échangée avec les éternels rôdeurs.

Deux dates : 1900, 1903, s'attachent au nom du sinistre coupe-gorge de MOUNGAR. La seconde de ces deux affaires, dans laquelle il est permis de voir une glorieuse réplique de CAMERONE, a été un épisode de certaine vigoureuse offensive des gens de l'Ouest contre - notre ligne de communication de la ZOUSFANA. TAGHIT, investi pendant cinq jours, venait d'être dégagé par le goum de BENIABBÈS et la compagnie montée BONNELET (1er étranger).

Escortant vers TAGHIT un convoi de ravitaillement, la compagnie montée du 2E subit, entre MOUNGAR et ZAFRANI, l'attaque impétueuse des contingents de Bou-AMAMA (2 septembre 1903).

« Ici ont combattu pendant huit heures contre des dissidents marocains cent treize légionnaires de la 22e compagnie montée du 2e régiment étranger. Deux officiers, le capitaine VAUCHEZ et le lieutenant SELCHAUHANSEN, atteints mortellement, 34 tués et 47 blessés sont le témoignage impérissable de


J" Étranger : O de Tirailleurs(iH56-1859).

Grande tenue, même tenue que les chasseurs à pied sauf la couleur verte substituée à la coulcur bleu foncé.

1'1 Étranger : ; 21 Grenadier (1856-1862) enue de cam pagne. 1-e 2, Etranger portait la grande cartouchière <1 Afrique qui avait fait surnommer les légionnaires de Crimée les ventres de cuir ».

i" et 2c Étranger : Fusilier (1860). Grande tenue portée par les deux régiments jusqu'en IS62 et ensuite par le régiment étranger jusqu'en 1867.

étranger jusqu en 1007.

Dessin de M. Mahut, d après les croquis d'après nature du commandant Brecht (,840-,020), qu, a servi au Etranger de 1857 à 1862.



leur exemplaire et héroïque conduite. » Telle est l'inscription que les légionnaires ont gravée sur la tombe de leurs camarades. (1).

Le défenseur de TAGHIT, capitaine DE SUSBIELLE et la compagnie montée BONNELET sauvèrent, en fin de journée, ce qui restait de la compagnie montée du 2e.

C'en était trop ! Déjà, au printemps, l'agression des gens de FIGUIG contre le gouverneur général JONNART nous avait amenés à bombarder, à titre de représailles, le ksar de ZENAGA. La question sud-oranaise devenait décidément question marocaine.

Et c'est de ce moment en effet que date dans notre politique nord -africaine certain changement d'orientation qui s'est traduit dès l'abord par l'arrivée, comme commandant du territoire d'AïN-SEFRA, d'un colonel de cavalerie bien connu et comme écrivain et comme colonial : il aime à se proclamer disciple de GALLIENI.

Dès lors c'est (à partir de novembre 1903) la « pénétration pacifique » vers l'Ouest, patiemment préparée et conduite par le grand chef à qui reviendra l'honneur d'avoir donné le Maroc à la France (2) : après l'école de BUGEAUD, la Légion aura connu l'école de LYAUTEY.

En Algérie, elle n'a plus guère d'histoire. Elle garde les postes du Sud-Oranais que les conventions franco-marocaines classent comme algériens : EL ARICHA, FORTHASSA, BECHAR, KENADSA.

Les dépôts d'Algérie ravitaillent en hommes le TONKIN, le MAROC surtout. Puis aux heures graves d'août 1914 ils dirigent vers la France, après un tri sévère, les noyaux des régiments de marche.

Après la guerre, réorganisation générale. et création d'un régiment de cavalerie, auquel il va falloir passer la TRADITION.

(1) Voir Anecdotes et Récits, p. 98.

(2) Voir la Légion au MAROC, p. 22.


ESPAGNE (1835-1839)

Le 17 août 1835, le régiment, sous le commandement du colonel BERNELLE, fait son entrée à TARRAGONE, et participe, à partir de ce moment, à toutes les opérations de l'armée royale contre les partisans de DON CARLOS. L'adversaire est nombreux et cette guerre civile est féroce : les Carlistes fusillent blessés et prisonniers. A la Légion, les vides ne peuvent être comblés : blessés, malades, libérables, ne sont que rarement remplacés.

Le 26 avril 1836, le régiment se bat à TERAPEGUI, près de PAMPELUNE; 6.000 Carlistes luttent pendant six heures

contre 1.000 légionnaires, sans parvenir à les entamer.

Le 24 mars 1837, à HUESCA, l'armée royale est contrainte à la retraite; la Légion forme l'arrière-garde; elle a 350 hommes hors de combat, dont 20 officiers.

Le 2 juin 1837, au combat de BARBASTRO, le colonel CONRAD est tué.

Il reste alors à la Légion 500 hommes et 20 officiers presque tous blessés. Cependant après plusieurs opérations sanglantes les Carlistes sont mis en fuite et leurs 18 bataillons dispersés.

La Légion d'Espagne est licenciée le 17 janvier 1839.

CRIMÉE (1854-1856)

Les deux régiments étrangers forment la 2e brigade de la 5E division.

Après une courte campagne en TURQUIE où sévit une épidémie de choléra, ils débarquent, en septembre 1854, à EUPATORIA.


A l'ALMA, le 20 septembre, la Légion n'est représentée que par ses compagnies d'élite, formant un bataillon unique.

Au moment de l'attaque du Plateau, écrit le colonel DE VILLEBOIS-MAREUIL, lorsque, l'ALMA franchie, les troupes ont mis sac à terre et, emportées par leur ardeur et l'exemple affolant des zouaves, roulent vers l'ennemi, dans une fureur de vague, CANROBERT, impuissant à maintenir l'ordre, aperçoit un bataillon qui s'avance comme à la parade; il l'a reconnu et galopant à lui, il lui crie : « A la bonne heure ; servez d'exemple aux autres, braves légionnaires. » Et lui accolant deux batteries,

il le lance pour faire brèche.

Dans la guerre de tranchées qui suit, toutes les attaques russes échouent contre la ligne tenue par la Légion.

En avril 1855, deux compagnies du 46e fléchissent, lorsque la compagnie de grenadiers de la Légion (capitaine ROBERT) s'élance à leur secours, charge les Russes à la baïonnette, et les met en fuite sans brûler une cartouche. C'est encore à la baïonnette que les Légionnaires enlèvent, en mai, le Bastion Central; ils le conservent en dépit de toutes les contre-attaques.

Le nom de SÉBASTOPOL est inscrit au drapeau du IER étranger.

ITALIE (1859)

Arrivés à GÊNES en avril-mai 1859, les deux régiments étrangers forment avec le 2e zouaves la 2e brigade (général CASTAGNY) de la 2e division (général ESPINASSE) du corps de MAC-MAHON.

La LégiOf- prend une part brillante à la bataille de MAGENTA. Placé en première ligne sur la route de MARCALLO à MAGENTA, le IER étranger arrête une forte colonne autrichienne, devant laquelle les chasseurs à cheval s'étaient repliés : baïonnette basse, il force l'ennemi à battre en


retraite à son tour, le fait reculer de 3 kilomètres. L'élan est tel que Las Autrichiens croient les Légionnaires appuyés par des forces considérables : en fait ils sont seuls à mener l'attaque.

Vers la fin de la journée, après une série de combats un peu confus, les deux régiments de Légion entrent à

MAGENTA par l'est, menaçant la route de MILAN. « La Légion est à MAGENTA, s'écria le maréchal de MAC-MAHON, Vaffaire est dans le sac. » Les pertes, hélas ! avaient été sévères, le colonel DE CHABRIÈRE avait été tué dans le début de l'attaque.

La campagne continue par des marches pénibles sous la pluie.

Le 24 juin, pendant la bataille de

SOLFERINO, les légionnaires se distinguent encore à l'assaut de la Tour.

La Légion a vaillamment combattu pout l'unité italienne.

Le nom de MAGENTA est inscrit à son drapeau.

MEXIQUE (1863-1867) Les zouaves sont seuls désignés pour faire partie de l'expédition du MEXIQUE. Le régiment de Légion est froissé dans son amour-propre. Les officiers adressent directement une pétition à l'Empereur. Ils sont réprimandés, mais reçoivent satisfaction.

La Légion débarque le 28 mars à VERA-CRUZ.

Les communications entre VERA-CRUZ, base des opérations, et PUEBLA, que les Français investissent, depuis le 16 mars, sont toujours inquiétées par les guérilleros. A la Légion d'assurer la bonne marche des convois. Tâche ingrate et pénible, s'il en fut : le vomito, le typhus, les fièvres déciment les compagnies. Cependant il faut réparer la route, porter à dos les chargements des voitures qui s'enlisent; plus d'étape : on marche jour et nuit; à chaque


pas des embuscades sont dressées par les Mexicains; il faut les éventer et pourchasser cet ennemi insaisissable.

Le commandant SAUSSIER après une étape torcée attaque PECHERRIA GRANDE et en déloge l'ennemi qui laisse sur le terrain 40 morts, 103 blessés, 87 chevaux.

Le commandant MUNIER a, de son côté, mis en fuite à JAMPA les partisans d'ANTONIO DIAZ, qui est tué.

Le 30 avril 1863, la 3e compagnie (capitaine DANJOU, 2 sous-lieutenants, 62 hommes de troupe) lutte pendant dix heures dans la ferme légendaire de CAMERONE contre 2.000 Mexicains. Le soir, 300 des assaillants sont tombés autour

d'elle. La compagnie réduite à un caporal et deux légionnaires, reçoit de l'ennemi les honneurs de la guerre (1).

En quittant le Mexique en février 1867, la Légion laissait eh terre mexicaine : 31 officiers et 1.517 légionnaires!

Mais elle rapportait la gloire de CAMERONE aux plis de son drapeau.

FRANCE (1870-1871)

En raison du grand nombre d'étrangers qui demandent à se battre pour la France, l'Empereur prescrit, 26 juillet 1870, la création de bataillons étrangers.

Le premier est créé à TOURS et devient le 5e bataillon du régiment. Dans ses rangs se trouve un ancien SaintCyrien, officier au titre étranger : il se nomme KARAGEORGEWITCH, et deviendra le roi PIERRE Ier de SERBIE. Après avoir été sérieusement éprouvé le II octobre à ORLÉANS, ce bataillon est rejoint le 19 par les deux autres arrivant d'Algérie.

(1) Voir le récit du combat de CAMERONE dans la partie « Anecdotes et Récits., p. 91.


Ainsi constitué le régiment est affecté au 15E corps le 22 octobre.

Le 9 novembre il prend part à la bataille de COULMIERS, puis à la reprise d'ORLÉANS.

Mais bientôt la retraite de l'armée de la LOIRE commence. Engagé entre CERCOTTES et CHEVILLY, le régiment se dépense sans compter. La retraite continue; pour remonter un peu son effectif, on lui incorpore de tout jeunes soldats. Le 7 janvier, il embarque à BOURGES pour aller rejoindre l'armée de l'Est. Le 15, il culbute les avant-postes allemands et s'empare de MONTBÉLIARD. Il combat encore avec l'armée de l'Est jusqu'au 28 janvier. L'armistice le trouve à BESANÇON, où il reste

jusqu'à la signature de la paix.

Pendant la Commune le régiment participe'aux tristes combats de la reprise de PARIS par les troupes régulières.

Puis le II juin, il quitte PARIS pour TOULON, où il s'embarque le 15 à destination de l'Algérie.

DAHOMEY (1892)

Le bataillon de Légion organisé pour l'expédition du DAHOMEY est commandé par le chef de bataillon FAURAX. Il s'embarque à ORAN le 7 août 1892.

Pendant toute la campagne il rend les plus éminents services. A DOGBA, surpris à l'aube par 4.000 Dahoméens que conduit un des frères de BEHANZIN, il lutte pendant cinq heures presque corps à corps; le commandant FAURAX est mortellement atteint. A KOTO, le capitaine BATTREAU qui l'a remplacé est grièvement blessé et remplacé par le capitaine DRUDE.

Partout où la Légion est engagée sa ténacité a raison de la résistance acharnée de l'ennemi; c'est grâce à elle que l'expédition est préservée d'un échec que la nature du pays et la valeur guerrière du Dahoméen auraient pu rendre


irréparable; c'est à elle, les témoignages sont unanimes à le constater, que fut dû le succès, chèrement acheté, de cette dure campagne.

La Légion a été admirable; sans elle nous n'aurions pu avoir raison de la résistance des Dahoméens, écrit un officier de l'infanterie coloniale, M. D'ALBECA. Et le général DODDS, le 5 novembre, après la prise de KANA, pouvait télégraphier au ministre de la Guerre : Je n'ai jamais eu l'honneur de commander de plus admirables soldats. On peut tout leur demander.

MADAGASCAR (1895-1898) La Légion fait partie du corps expéditionnaire de MADAGASCAR en 1895.

La résistance des troupes de RANAVALO est presque nulle. Ce n'est pas contre les hommes qu'il s'agit de lutter, c'est contre les deux alliés sur lesquels les souverains de la grande île ont toujours compté : la fièvre et la forêt.

Le corps expéditionnaire, plutôt trop important, a peine à se mouvoir et à se ravitailler. Aux voitures LEFÈVRE, de sinistre mémoire, il faut ouvrir la route, une vraie route, à travers le marais ou la brousse épaisse.

Et la colonne ne peut pas marcher plus vite que les travaux de la route.

Pour les jeunes du 200e ou du 40e chasseurs, c'est trop. Les coloniaux eux-mêmes sont sérieusement éprouvés. Les légionnaires, entraînés, disciplinés, rompus à la fatigue et à toutes les privations, sont seuls capables de tenir dans cet enfer. Leurs pertes sont relativement faibles.


Et pourtant, quelle énergie dépensée ! C'est là qu'un médecin-major a trouvé, pour résumer ses impressions, cette phrase lapidaire : Quand un troupier de France entre à Vhôpital, c'est pour être rapatrié ; un tirailleur, c'est pour guérir; un légionnaire, c'est pour mourir.

La Légion entre la première à TANANARIVE avec la colonne volante du général METZINGER.

En 1898, par suite de certaines erreurs d'ordre politique, il faut, pour ainsi dire, recommencer la conquête de la grande île.

Le général GALLIENI, à qui le ministre de la Guerre demande quelles troupes il désire emmener, répond : Je demanderai à emmener 600 hommes de la Légion étrangère afin de pouvoir, le cas échéant, mourir convenablement. Les choses n'en vinrent pas là. L'énergie et la netteté de vues du futur sauveur de Paris rétablirent la situation.

Pendant sept ans encore, les légionnaires font partie du corps d'occupation et contribuent efficacement à la pacification complète de la nouvelle colonie.

En avril 1905, la Légion quitte MADAGASCAR.

TONKIN (1883-1918)

Le 8 novembre 1883 le IER bataillon de la Légion débarque à HAï-PHONG d'où il se dirige sur HANOÏ.

En décembre, l'amiral COURBET marche sur SONTAY. Le 16, la Légion, le IER tirailleurs et les fusiliers-marins donnent l'assaut à la. citadelle. Celle-ci, entourée d'un mur bastionné de cinq mètres de haut, avec fossé plein d'eau, est enveloppée par la ville (quelques maisons en briques et de nombreuses paillottes). Le tout est protégé par une enceinte extérieure : solide


parapet encore précédé d'un fossé rempli d'eau et renforcé d'une berme plantée de bambous, obstacle presque infranchissable. SONTAY est tenu par les Pavillons Noirs, bons soldats et excellents tireurs. Ils vont cependant trouver leurs maîtres.

Le 16, un faubourg est occupé; pour éviter les pertes occasionnées par le franchissement des palissades et des espaces nus, on opère par surprise : une brèche est faite, une porte enlevée et, le 17, la ville tout entière est à nous.

La Légion a perdu 58 hommes.

Un deuxième bataillon de la Légion est venu renforcer le premier. Le 12 mars tous deux sont désignés pour faire partie de la colonne de NÉGRIER qui doit enlever BACNINH.

La marche est pénible dans la rizière : les hommes sont dans l'eau jusqu'aux genoux. Et l'on se heurte à la ténacité des Chinois : chacune de ces forteresses qu'est un village tonkinois entouré de bambous entrelacés, se mue en centre de résistance qu'il faut réduire. Le IER bataillon enlève le village de HEROï, puis le fort de DAP-CAU.

Deux fortins barrent encore la route de BAC-NINH : ils sont pris en un tour de main. Les troupes chinoises, démoralisées par. la brusquerie de ces attaques successives, errent en désordre dans la plaine, notre artillerie achève de les débander.

A la Légion, Vhonneur d'entrer dans Bac-Ninh, écrit le général DE NÉGRIER au général DUCHESNE. Les légionnaires se lancent à la poursuite des Chinois, les rattrapent et entrent en même temps qu'eux, par la porte nord, dans la citadelle bastionnée. La ville est conquise.

En 1885, se place l'héroïque défense de TUYEN-QUANG un des plus glorieux faits d'armes de la Légion (1).

La même année, la Légion prend part à la marche sur LANG-SON. Après de durs combats — jusqu'au corps à corps — elle y entre le 23 février. On pousse jusqu'à la porte de CHINE OÙ l'on reste jusqu'au 7 mars. Puis c'est

(1) Voir Anecdotes et Récits, p. 95.


la fameuse et dure Retraite de LANG-SON : la Légion y est à la place d'honneur, à l'arrière-garde.

Notre situation en Indo-Chine s'affermit : bientôt on peut dire que la période de conquête est achevée. Mais la tâche de la Légion n'est pas finie.

Depuis quarante ans bientôt la Légion a du monde au Tonkin, de deux à quatre bataillons suivant les moments, tantôt bataillons formant corps, tantôt avec organisation en régiment de marche. C'est à elle qu'ont été confiés, en règle générale, les points délicats de la frontière chinoise : MON-CAY, LANG-SON, CAOBANG, HAGIANG, LAO-KAY.

Elle organise et construit ces postes, et bien d'autres, elle défriche, crée des jardins. sachant bien que, la tâche finie, elle les passera à d'autres pour aller recommencer ailleurs.

Les tombes de légionnaires qui parsèment la haute région témoignent éloquemment de toute l'âpreté de cette tâche, de l'abnégation déployée.

D'ailleurs il n'y a pas que la fièvre à combattre : si l'ère des grandes actions est close, si le pays est « en paix » avec la Chine, s'il est « pacifié » et « pacifiquement administré », il n'en faut pas moins monter à la frontière une garde active, empêcher l'intrusion des fauteurs de trouble venant de l'extérieur, et surveiller — voire maîtriser — à l'intérieur certains éléments dangereux.

Pavillons Noirs, pirates, Réformistes, peu importe le nom : il s'agit toujours de bandes résolues, bien armées, bien commandées, rompues, par atavisme, à la brousse, à la guerre qu'il faut y mener. L'insaisissable DÉ THAM aura été la réplique tonkinoise de Bou-AMAMA. Et pour les Européens qu'anémie le climat, cette guerre est dure, bien plus qu'en Afrique.

On peut rappeler des dates : 1894, la grande révolte; 1901, les pirates dans le deuxième territoire (CAO-BANG, BAO-LAC); 1904, la période des grands soulèvements indigènes; 1908 à 1910, la lutte contre les bandes chinoises dans le Nord, la liquidation du DÉ THAM dans le YEN-THÉ.

A ces colonnes se rattache le souvenir de chefs aimés de la Légion qui tous, ou peu s'en faut, ont fini par trouver sur les champs de bataille de France la mort qu'ils avaient bravée toute leur vie : FESCH, BONNELET, MULLER, BOUFFÉ,


et ce brave capitaine FOREY, doyen des légionnaires, que les générations d'après guerre auront connu, lieutenantcolonel en retraite à BEL-ABBÈS, portant allégrement le fardeau de loi annuités.

Longues et épuisantes marches, sous le soleil, mais dans le « bain de vapeur » de la brousse tropicale, ou bien sous le crachin pénétrant, sous le déluge des grandes pluies d'été. les jambes dans l'eau, d'ailleurs, toujours au moins la moitié du temps : dans la rizière, ou dans le lit des arroyos, ou dans les terribles lagunes de la haute région, infestées de sangsues. ravitaillement souvent précaire, qui fait regretter les menus de l'ordinaire colonial. lutte sournoise contre un ennemi barbare, auquel on ne fera pas de quartier, mais auquel il ne s'agirait pas de laisser un blessé ni même un mort. combats fréquents, toujours durs, souvent sanglants, forcément anonymes : l'Histoire c'est un lieu commun de le dire — l'Histoire ne peut vraiment pas retenir tout l'héroïsme obscur dans lequel se résume la vie de la Légion. Tout ce qu'elle a pu faire, l'Histoire, ç'a été d'inscrire un nom encore sur les drapeaux : EXTRÊME-ORIENT.

A partir de 1907, les effectifs de la Légion au Tonkin tendent à se réduire. Le Maroc réclame des troupes. En 1908, il n'y a plus que deux bataillons.

En 1914, l'Indo-Chine est mêlée aux grands événements de la guerre mondiale : de ce côté encore l'Allemagne avait préparé la guerre : ses intrigues ne manquent pas de nous créer là-bas des difficultés.

En 1915 et 1916, la Légion coopère sous les ordres du colonel FRIQUEGNON, le vieux géographe de l'ExtrêmeOrient, au maintien de l'ordre dans la colonie. C'est bientôt chose faite.

Aussi des prélèvements sont-ils exercés sur les effectifs, en faveur des fronts de France ou du Maroc : un seul bataillon est maintenu; en 1917 il est même réduit à une compagnie.

Et en dépit de la guerre sous-marine, le régiment de marche de France voit arriver quelques vieux briscards débarquant du Tonkin, qui sont les bienvenus dans ses rangs.

Après la guerre, la relève au Tonkin continue.


LA LÉGION AU MAROC (1903-1920) L'étude du rôle dela Légion au Maroc.

c'est un peu toute l'histoire du Maroc depuis 1903, sans même en exclure le résumé des pourparlers diplomatiques : l'affaire des déserteurs de Casablanca, en 1908, a montré que la question de la Légion était une des faces de cette question marocaine qui soulevait contre la France l'hostilité de l'Allemagne.

De fait, à toutes les étapes de la con=* quête, on trouve les tentes de la Légion.

BÉCHAR — FORTHASSA — BERGUENT C'est en septembre 1903, au lendemain de MOUNGAR, que le général LYAUTEY est nommé au commandement du territoire d'AïN-SEFRA. Sans doute a-t-il réclamé des droits — sinon des moyens — qu'on discutait à ses prédécesseurs; toujours est-il que les choses ne tardent pas à changer.

En novembre, la colonne PIERRON occupe BÉCHAR, créant le poste qui recevra bientôt le nom du général DE COLOMB (fin du second Empire). L'hiver se passe en travaux et en lointaines randonnées du Groupe mobile — on dirait maintenant Groupe léger — (Légion montée appuyant les Sahariens et les spahis). On parcourt toute la région GUIR-ZOUSFANA, traversant en tous sens le Djebel BÉCHAR, poussant dans l'ouest jusqu'au seuil de la HAMMADA, au sud jusqu'à KERSAS.

Au printemps 1904, curieuse manœuvre : le territoire d'AïN-SEFRA opère un véritable changement de front, face à l'ouest; il s'agit, en bonne part, de rester face à notre vieil adversaire Bou-AMAMA, qui de FIGUIG s'est retiré à EL-AÏOUN, à l'ouest d'OuDjDA.

La compagnie montée MET, nouvellement créée, a oc-


cupé FORTHASSA. Brusquement elle est relevée à ce poste par la compagnie montée de BÉCHAR, et elle part ellemême avec le commandant HENRYS occuper BERGUENT, le RAS-EL-AÏN des BENI-MATHAR, important point d'eau qui commande les accès des HAUTS-PLATEAUX, là où la frontière, d'après le traité de 1845, cesse d'être explicitement définie.

A BÉCHAR une compagnie montée du 2e Étranger est venue prendre position. Plus tard il y a des permutations.

Pendant plusieurs années, la sécurité de la zone frontière orano-marocaine va reposer sur le jeu des forces mobiles de ces trois postes : BÉCHAR, FORTHASSA, BERGUENT, situés à 150 kilomètres l'un de l'autre et dont les forces mobiles ne cessent de rayonner. Sécurité bien assurée : les CHAMBAA de BOU-AMAMA, devant notre dispositif inviolable, en sont réduits à aller chercher fortune jusqu'en MAURITANIE. Signalé à la fin de 1905, par l'Afrique Occidentale, le rezzou est guetté au retour par nos groupes mobiles. Celui de BERGUENT surprend les CHAMBAA sur l'oued NESLI (janvier 1906), leur coupe la route, leur inflige un désastre qui est la revanche de MOUNGAR.

Période héroïque pour les trois compagnies montées : on marchait sans trêve, sillonnant la steppe à 150 kilomètres vers l'ouest. Et le ravitaillement brillait par son absence, pas de convoi, c'était le régime de la « kessera » et du riz au gras, arrosés avec l'eau qu'on trouvait. Le vin ?

On n'en connaissait plus la couleur.

La compagnie montée, sur les Hauts-Plateaux, est vraiment la force mobile idéale. Seule elle arrive à sillonner, sans avatars trop graves, ces steppes immenses au climat si rude, où l'on peut mourir de soif, ou de chaleur, ou — plus souvent encore — de froid : au printemps de 1908, la 20e compagnie du IER Etranger, surprise entre AïN-BENKRELIL et FORTHASSA par une tempête de neige, est, à peu de chose près, anéantie.

OUDJDA — CASABLANCA — HAUT-GUIR Les choses se compliquent. L'intervention de l'ALLEMAGNE, le théâtral débarquement de GUILLAUME à TANGER


ont abouti au compromis DALGÉSIRAS, qui ne fait qu'ajourner la solution du problème. Il faut que les Marocains eux-mêmes, par leurs mauvais procédés, nous ramènent à la question, nous obligent successivement à occuper OUDJDA, en mars 1907, CASABLANCA en août, et à effectuer, dans les derniers mois de l'année, la belle opération, restée classique, des BENI-SNASSEN.

Grosse émotion chez les gens de l'Ouest : de fortes harkas, fanatisées, se rassemblent au TAFILALET et marchent contre nous. Une de nos colonnes, campée à MENABHA, reçoit, le 16 avril 1908, au petit jour, le choc de plusieurs milliers de Marocains. La situation, un moment grave, est rétablie par la Lésion. La poursuite nous conduit sur le HAUT-GUIR : après la rude affaire de BENI-OUZIEN, nous occupons Bou-DENIB, mettant en déroute la harka.

La compagnie montée (celle-là même qui, en 1903, avait occupé BÉCHAR) a conquis droit de cité à Bou-DENIB qui va rester son fief. A MENABHA elle a eu tous ses officiers tués ou blessés; à BENI-OUZIEN, elle perd encore son chef, le vaillant lieutenant JAEGLE, qui, prêt à entrer à l'Ecole de guerre, était revenu pour remplacer le capitaine MAURY blessé. Elle a dans ces deux affaires perdu 15 légionnaires tués, 42 blessés.

En août, Bou-DENIB, défendu par le commandant FESCH, subit le rude assaut de 20.000 Marocains, qui ont compté sans la valeur de nos troupes. Dans le blockhaus qui commande la palmeraie, le lieutenant VARY, avec une poignée de légionnaires et de tirailleurs, résiste pendant dix-huit heures à tous les assauts. Le tir d'artillerie qui le flanque efficacement, achève de décourager l'ennemi. Déjà FESCH prépare une sortie. Par ordre il attend l'arrivée de la colonne ALIX, et c'est avec elle qu'il va attaquer à DJORF le camp de la harka, qui est mise en pleine débandade.

Toujours rude et ingrate, la pénétration dans les « Confins » se poursuit. En 1910, c'est l'occupation de TAOURIRT.

Nous rayonnons jusqu'à la MOULOUYA.

Mais c'est surtout notre action par l'ATLANTIQUE, après le débarquement à CASABLANCA, qui nous a définitivement ouvert le MAROC.

Limitée d'abord — par ordre — à la banlieue de CASA-


BLANCA (comme l'autre côté à la banlieue d'OUDJDA), notre pénétration, à partir de janvier 1908, se fit plus active. Cela valait mieux pour la Légion. Car la Légion était naturellement là, dès la première heure; et les premiers combats, sur le front même de la ville, lui avaient coûté le brave commandant PROVOST.

Dès 1908, la spécialisation du IER Étranger au Maroc Oriental, du 2e Etranger dans l'Occidental se manifeste : le bataillon du IER, qui avait débarqué en août 1907, repart un an après.

Les légionnaires du 2e se consolèrent, en parcourant et en colonisant le bled, de la nécessité où on se trouvait de les éloigner de la ville. et du consulat allemand, dont l'intervention, en faveur de quelques déserteurs (septembre 1908), faillit amener de graves complications internationales.

Peu à peu, la zone d'occupation s'élargit. Mais il est visible qu'on cherche à entourer de silence les opérations militaires, peu actives à la vérité. En juin 1910, la compagnie montée du 2e Étranger (capitaine BELOUIN), partant pour la colonne du TADLA, reçoit l'ordre d'aller se mettre à la disposition du commandant AUBERT pour participer aux tirs réels des Sénégalais.

ÉTAPES DÉCISIVES — LE PROTECTORAT

Pas plus que l'acte d'ALGÉSIRAS, l'accord du 8 février 1909 entre la France et l'Allemagne ne mettait le Maroc en état de se suffire, de s'organiser sans nous. L'anarchie continue à régner; le renversement du sultan ABD-EL-Aziz par son frère MOULAY HAFID ne fait que jeter plus de trouble encore dans le pays. Sultan de FEZ, MOULAY HAFID, assiégé par les BERBÈRES dans sa capitale, est obligé d'appeler les Français à son aide. C'est la colonne de FEZ, effectuée par nos seules forces du Maroc Occidental, sous les ordres du général MOINIER (mai-juillet 1911) : un bataillon de Légion y prend part, avec sa compagnie montée (capitaine ROLLET) qui livre, le 13 mai, un combat plein d'enseignements.

»


Dans l'Est, la colonne GIRARDOT, prête à marcher, est maintenue sur la rive droite de la MOULOUYA. C'est à ce moment que se place le dur mais glorieux combat d'ALouANA : la compagnie LABORDETTE, cernée au cours * d'une reconnaissance, a son capitaine et 29 légionnaires tués. Mais elle tient bon et elle est dégagée.

L'occupation de FEZ était une étape trop décisive de la pénétration française au Maroc pour ne pas avoir été l'occasion d'une intervention allemande. Ce fut la crise d'Agadir (juillet-novembre 1911), goutte d'eau qui faillit bien faire déborder le vase. Mais la bonne foi française triompha; les pourparlers se terminèrent par un accord (4 novembre 1911).

Le 30 mars 1912, le traité établissant le protectorat était signé à FEZ. et servait de prétexte au grave soulèvement du 17 avril : révolte des tabors chérifiens, massacre de leurs officiers et des Européens de FEZ; 20.000 Berbères aux portes de la ville, donnant la main aux émeutiers.

Contre-partie : le Gouvernement faisait appel au patriotisme du général Lyautey (1), qui, sans retard, arrivait prendre le commandement du navire en perdition.

Deux jours après l'arrivée du général à FEZ, le 23 mai, les Berbères donnaient l'assaut à la ville, forçaient deux portes, parvenaient jusqu'auprès de son poste de commandement. Le 28 ils revenaient à la charge : attaques repoussées, non sans pertes chez nous. Mais vite la situation change; la harka, poursuivie par le général GOURAUD, est attaquée et battue à HADJERAT-EL-KAHLA : les abords de FEZ sont dégagés.

De leur côté nos troupes des Confins, tenues jusque-là dans une inaction diplomatique, passaient la MOULOUYA, fondant le poste de GUERCIF, y poussant la voie ferrée, préparant, par l'action politique, la marche sur TAZA.

Les premiers actes militaires du Protectorat ont été de constituer à l'est et au sud de FEZ, puis au sud de MEK-

(1) Le général LYAUTEY commandait depuis 1910 le 106 corps d'armée à RENNES


NÈS, une zone de couverture. Bientôt de nouvelles difficultés se produisirent : duplicité et abdication de MouLAY HAFID, remplacé par son frère MOULAY YOUSSEF; intervention d'un prétendant sur l'OUERHA, en liaison avec SIDI-RAHO pour soulever les DjEBALA du RIF, les BERABER du MOYEN ATLAS. Enfin, en plein été, proclamation d'EL HIBA à MARRAKECH : nécessité, au risque de diviser les efforts, d'envoyer là-bas la colonne du général MANGIN, dont la marche rapide et la vigoureuse action amèneront d'ailleurs, la politique aidant, une pacification définitive.

TAZA

Une étape importante reste à franchir : la jonction entre ALGÉRIE et MAROC par l'occupation de TAZA. Elle est préparée en 1913, effectuée en 1914.

A cette grande opération, la Légion va prendre une part- des plus actives : chacun des deux régiments a sa zone: le 2e opère dans le Maroc Occidental; le IER est décidément spécialisé dans l'Oriental.

La route directe (triq Soltane, route impériale.) entre FEZ et TAZA passe par la vallée de l' INNAOUEN. Pour des raisons politiques, géographiques aussi, on lui a préféré, dans la jonction première, la route passant plus au nord, par TISSA, ZRARKA, MEKNASSA.

En 1913, TISSA est occupé par le IER bataillon du 2e régiment étranger, commandant DE LARDEMELLE. La 3E compagnie, capitaine ROLLET, ouvre à l'ouest de FEZ, la route du ZEGOTTA. Une fois de plus, déclare le général GouRAUD, la Légion se distingue par ses travaux autant que par ses faits d'armes.

En même temps, dans la région sud de MEKNÈS, le 6e bataillon DU 2e, bataillon FOREY, prend part aux opérations dirigées par le colonel HENRYS chez les BENI-MTIR et les BENI-MGUILD.

Au Maroc Oriental, c'est le IER Étranger qui opère : il


s'agit d'étendre et d'élargir notre occupation. Le II avril, l'affaire de NEKHILA — combat de flanc-garde — nous coûte le capitaine DOREAU et une dizaine de légionnaires qui, pour la plupart, se sont fait tuer sur son corps; le 20, à SENGAL, vengeance est .tirée sur les BENI-BOU-YAHI; le 27, le poste de SAFSAFAT est créé; la marche en avant se poursuit : M'SOUN est occupé le 10 mai, réaction le 13 par une violente attaque de nuit, puis par une sérieuse menace qui nous oblige à prendre les devants et à aller lancer, les 28 et 29 mai, les efficaces coups de boutoir d'AïN-ELARHBAL.

Et d'un côté comme de l'autre la situation se stabilise : travaux et ravitaillements, action politique aussi, préparent pour 1914 la marche sur TAZA.

De GUERCIF vers M'SOUN, la construction de la voie ferrée se poursuit.

La jonction, méthodiquement préparée, s'effectue sans trop de peine au printemps de 1914.

Le 10 mai, la colonne BAUMGARTEN, partie de M'SOUN dans la nuit, bouscule les RIATA devant TAZA et pénètre dans la ville.

La colonne GOURAUD, plus sérieusement ralentie, doit, pour dégager sa route, livrer le rude combat de la montagne des TSOUL, où est blessé le lieutenant-colonel GIRODON du 2e Étranger.

Le 16, les deux colonnes font leur jonction entre MEKNASSA-TAHTANIA et l'oued AMELIL; le 18, brillante revue passée à TAZA même par le résident général, qui est salué par le drapeau décoré du IER Étranger.

TAZA la Mystérieuse était à nous. Il fallait bien qu'il y eût une réaction. A l'est, rassemblement des OULED BOU RIMA et METALSA, que dispersa le victorieux combat de SIDI-BELKACEM, où le brave commandant MET, le « père MET », perdit une jambe. A l'ouest, la colonne GOURAUD devait, en juin et juillet, livrer dans la dure région de TOUAHAR, contre les belliqueux RIATA de l'Ouest, une série de combats dont le résultat allait rester indécis.

A l'autre bout du Maroc, les troupes françaises occupaient KHENIFRA.


PL. III

LÉGIONNAIRES DE LA COMPAGNIE MONTÉE — M'SOUN (MAI 1913) Dessin de M. Mali ut.



LA GRANDE GUERRE

C'est en cette période d'activés et dures opérations qu'éclate la Grande Guerre : l'ordre de mobilisation est un coup de foudre pour nos troupes. Et pour le Maroc lui-même, c'est un rude coup. Comment se tirer du guêpier ?

Les ordres du Gouvernement sont suggestifs : diriger sur la France toutes les troupes actives ou peu s'en faut; au besoin évacuer l'intérieur. Le sort du MAROC se réglera en LORRAINE.

Fort heureusement, le MAROC avait, pour présider à ses destinées, un homme que les responsabilités les plus lourdes n'émeuvent point. Évacuer l'intérieur ? C'eût été provoquer une telle explosion de fanatisme que nul n'aurait atteint la côte, c'était l'effondrement de l'œuvre entreprise, et sans un homme de renfort pour la Métropole. Il fallait tenir, au contraire, maintenir l'armature du front, et, en arrière de ce front, continuer la vie normale.

La décision fut vite prise, les ordres aussi vite exécutés que donnés : dans les premiers jours d'août les troupes qui allaient constituer la Division marocaine s'embarquaient à CASABLANCA, MEHDIA OU ORAN : la « D. M. », dont le R. M. L. E. de France allait être bientôt une des gloires. Mais les bataillons de Légion du MAROC n'avaient pas été mobilisés; ils faisaient partie de l'armature, presque seuls Européens, en attendant les territoriaux annoncés de France.

L'armature a tenu bon, dès le début et pendant toute la guerre. Et derrière elle le jMaroc a vécu, travaillé; il a pu ravitailler la Métropole. Qui sait ce qui se serait passé, en Afrique du Nord — et dans le monde - si le Maroc, comme la Tripolitaine, avait craqué ?

Il y avait au Maroc, pendant la grande guerre : Le Ier régiment de marche du Ier Étranger, à TAZA et au MAROC Oriental, avec une compagnie montée à BouDENIB. En 1916, le 2E bataillon est dirigé de TAZA sur le TADLA;


Le IER régiment de marche du 2e Étranger, FEZ—MEKNÈS; Un bataillon mixte à Bou-DENIB, formé de deux compagnies du 2e Étranger, avec 2 compagnies de marche de bataillons d'Afrique.

LE COULOIR TAZA — FEZ

C'est dans la région de TAZA que la guerre avait surpris les deux régiments de marche de Légion. C'est pour la sécurité de couloir TAZA-FEZ qu'ils vont combattre pendant des années.

Conséquence immédiate de la déclaration de guerre allemande, les RIATA de l'Est, qui se tenaient sur la réserve, font acte d'hostilité et coupent l'aqueduc de TAZA. Deux tentatives pour nous rendre maîtres de la prise d'eau ne nous rapportent que des pertes : le capitaine KAPPLER et 20 légionnaires sont tués; le colonel DE TINAN (cavalerie), 3 officiers et 42 légionnaires sont blessés. Cela se passe à moins de 2 kilomètres de TAZA; il faut la rude énergie et le dévouement sans bornes de la Légion pour que les morts et les blessés soient ramenés. Les RIATA sont de rudes guerriers !

Au nord de TAZA, c'est aux BRANES que nous avons affaire. Eux sont félons. Pendant longtemps notre action chez eux ne donnera qu'une sécurité précaire, et l'intervention allemande, personnifiée par ABD-EL-MALEK, petitfils d'ABD-EL-KADER, appuyé sur la zone espagnole, et aidée des tribus du Nord, SENADJA, METALSA, BRANES mêmes, nous imposera de 1915 à 1918 une série de coûteux efforts.

Le 5 mai 1915, chez les BRANES, la compagnie montée du 2e est citée à l'ordre de l'armée.

Le 15 août, le capitaine ROQUEFORT est tué à BOU-LADJERAF.

II novembre 1915 : dur combat à la ROCHE PERCÉE; les BRANES sont mis en fuite par une charge à la baïonnette; 13 blessés, dont le capitaine GOEFFERT.

Les 26 et 28 novembre, au combat du Marabout de SIDI-


ABD-ER-RHAMAN, la compagnie montée du 2e gagne sa deuxième citation.

Le 10 décembre, on se bat au DJEBEL-BOU-MEHIRIZ; 2 tués, dont le lieutenant EKDAL, 5 blessés.

Le pays est dur : sol de marne pétri par les mouvements géologiques et puissamment raviné par le creusement, encore en travail, de l' INNAOUEN. Une colonne surprise par une période de pluies a peine à se tirer des bourbiers visqueux où hommes et animaux s'enlisent : elle ne rejoint TAZA qu'avec d'assez grosses pertes en matériel; l'incident permet de mesurer toute la mauvaise foi des BRANES qui, enchantés de l'aubaine, se sont empressés au pillage.

Au début de 1916, les groupes mobiles de FEZ et TAZA réunis enlèvent une première fois le camp d'ABD-EL-MALEK. Pour quelques mois l'agitateur est hors de cause.

Mais la sécurité du couloir TAZA-FEZ exige, pendant toute l'année ou peu s'en faut, des opérations des deux groupes mobiles, tantôt séparés, tantôt réunis. Il faut agir, presque simultanément, sur le front nord, chez les SENADJA, sur le front sud, chez les AÏT-TSERROUCHEN, BENI-OUARAÏN ou RIATA. Rudes combats, qui du moins procurent un résultat important. A la fin de 1915, le chemin de fer avait atteint TAZA. En juillet 1916, le résident général donne l'ordre de le pousser de TAZA sur FEZ par la vallée de l' INNAOUEN. Le col de TOUAHAR est occupé par le commandant DESJOURS de la Légion.

A l'automne, ABD-EL-MALEK reparaît, gênant sinon menaçant, dans la région nord de M'SOUN. Il faut le surveiller.

et il faut aussi surveiller la voie ferrée, car les Allemands, déserteurs ou autres, qui sont chez ABD-EL-MALEK, se rendent compte de l'intérêt que peut présenter pour leur cause la rupture des communications entre MAROC et ALGÉRIE : à deux reprises il est nécessaire de réparer des ponts; à deux reprises ensuite les territoriaux de TAZA, qui ont pris le service de G. V. C., ont à livrer des combats qui leur valent l'estime motivée des légionnaires : entre gens de cœur, on se plaisante, peut-être, mais on sait se juger, et rivaliser. En 1917, les territoriaux, les « Pépères», tiennent à organiser des groupes francs, pour être représentés dans les forces mobiles.


Au début de 1917, nouvelles opérations dans le N.-E.

de TAZA, contre ABD-EL-MALEK. Le 15 mars, le groupe mobile de TAZA, en reconnaissance à BAB-TIMALOU, est accroché, et se rend compte de l'importance des stocks de munitions arrivés par la zone espagnole. Il est renforcé du groupe de FEZ. Par plusieurs combats vivement menés la colonne s'ouvre la route jusqu'aux camps des agitateurs, sur le haut oued M'SOUN. Le 6 avril, le camp d'ABD-ELMALEK est enlevé — deuxième fois — après de brillantes charges où légionnaires, tirailleurs et cavaliers luttent de mordant et de vitesse. Mais tout n'est pas fini : ABD-ELMALEK s'est enfui dans la zone espagnole et de dures opérations d'été sont nécessaires pour ramener dans l'ordre les tribus ébranlées.

C'est à ce moment que le territoire de TAZA est érigé en subdivision, sous le commandement du général AUBERT.

Au sud de FEZ, de sérieuses affaires ont eu lieu. On a progressé, la Légion a construit des postes et des pistes.

Le 8 juillet 1917 se livre le violent combat de SCOURRA (42 tués, 39 blessés) : dix heures de lutte acharnée contre un adversaire brave, mordant et très supérieur en nombre.

La compagnie montée du 2e gagne ce jour-là sa troisième citation.

Pendant les derniers mois de 1917 et l'année 1918, des opérations méthodiques s'effectuent pour dégager le barrage de TOUAHAR et le couloir de l' INNAOUEN, pour donner de l'air à TAZA tant sur son front nord que dans ses abords immédiats au sud. Les unités de la Légion y prennent la part habituelle.

En 1919, il reste encore de la besogne à accomplir.

BOU-DENIB

Il est une autre série d'opérations auxquelles a participé la Légion : celles ayant intéressé le territoire dç Bou-DENIB.

Tranquille d'abord, le TAFILALET — cette fourmilière finit par subir le contre-coup des troubles de la montagne, et aussi des infructueuses menées allemandes dans la région du Sous. Quand le SAHARA marocain rassemble ses


contingents, on se trouve vite en présence de gros effectifs.

Dans ce pays découvert, d'ailleurs, l'importance numérique de l'ennemi, en présence de notre armement, n'est pas toujours à son avantage. Les combats de 1908 en avaient déjà donné la preuve.

Preuve renouvelée en 1916, où dans les chaudes affaires de MESKL, du TIZI-GZAOUINE et d'EL-MAADID, le lieutenant-colonel DOURY, — vieux Saharien de BÉCHAR infligea aux rassemblements ennemis de sanglantes pertes.

1917 est l'année où se perce la route impériale MEKNÈSBou-DENIB. A deux reprises, les forces mobiles des deux régions se rencontrent sur la MOULOUYA : en juin, simple prise de contact par dessus le fleuve en crue. En novembre, liaison définitive et imposante. La colonne du Sud, grossie d'un immense convoi d'animaux et de voitures, a amené le matériel et les approvisionnements nécessaires à la création d'un poste, qui sera MIDELT, au pied de l'AIACHI. La colonne de MEKNÈs a des camions-autos. D'un côté comme de l'autre, il a fallu ouvrir la route aux véhicules.

Le mois d'après, le groupe de Bou-DENIB est au TAFILALET, qu'il a déjà abordé à EL-MAADID. On installe, dans la casbah chérifienne de TIRHMART un officier résident; calme complet : l'action politique avait bien préparé notre arrivée.

Mais l'action politique n'avait pas suffisamment prévu la répercussion dans l'Ouest de notre installation au TAFILALET. En 1918, nouveaux rassemblements importants, nécessité d'intervenir, et en plein été.

Le 9 août, près de GAOUZ, le bataillon sénégalais PoCHELU reçoit le choc de la harka dans le dédale de murs, d'arbres et de séguias qu'est la palmeraie filalienne. Il est submergé sous le nombre et presque anéanti. La compagnie montée de la Légion, par des prodiges d'héroïsme, s'efforce de rétablir la situation, tout au moins de couvrir le repli des survivants. Elle-même est cruellement décimée.

A MESKI' et à EL-MAADID, restés maîtres du champ de bataille, nous y avions compté des centaines de morts.

Grâce au terrain qui avait permis la surprise et paralysé les mitrailleuses, les BÈRABER prenaient leur revanche..

On ne saurait mieux résumer le rôle glorieux de la compagnie montée dans cette terrible journée qu'en reprodui-


sant le texte de la belle citation dont elle fut l'objet, à l'ordre de l'armée.

Unité d'élite, ayant l'esprit de dévouement et de sacrifice porté au point le plus élevé, qui a toujours donné de beaux exemples d'énergie et de courage. Au combat de GAOUZ, le 9 août 1918, sous la vigoureuse impulsion du capitaine TIMM, s'est élancée par de nombreuses charges à la baïonnette au secours d'unités aux prises avec un ennemi dix fois plusnombreux et fanatisé, a tenté, par d'héroïques efforts, la reprise du mouvement en avant. A été le noyau où sont venus se grouper tous les éléments épars des autres unités, perdant deux officiers et cinquante sous-officiers et soldats tués, ramenant quand même son capitaine grièvement blessé.

C'était la vieille compagnie montée du IER Étranger, la compagnie montée qui avait sauvé les survivants de MOUNGAR. Le capitaine TIMM, qui la commandait à GAOUZ, y était déjà, comme sergent, à MENABHA. Elle s'appelle maintenant Compagnie montée du 3e Étranger. Le R. M.

L. E., qui n'avait pas de compagnie montée sur le front de France, en a touché une qui était digne de lui.

Il fallut reconstituer la compagnie TIMM.

Pour la remplacer sans délai, on fit venir par chemin de fer la compagnie montée de TAZA. On rassembla des forces venant d'ALGÉRIE ou de MEKNÈS, pour de sévères représailles. Le général POEYMIRAU vint prendre la direction des opérations, au cours desquelles il fut lui-même blessé.

La question du TAFILALET n'était pas résolue. Deux ans après la guerre, elle ne l'est pas encore.

L'APRÈS-GUERRE

Car la fin de la guerre était arrivée.

Mais la victoire de FRANCE et l'armistice qui la consacrait ne pouvaient en aucune manière donner au MAROC le signal d'une cessation d'hostilités. Au MAROC, la guerre continuait,


et vite on se rendait compte de la gravité des pertes subies pendant ces cinq années : les cadres de l'armée d'Afrique, de la Légion en particulier, étaient entièrement renouvelés, et avec l'expérience des anciens morts au champ d'honneur, la tradition s'était évanouie.

L'Espagne, devant le succès de nos armes, s'est décidée, à la fin de 1918, à couper les ravitaillements d'ABD-ELMALEK. Elle devait apprendre à ses dépens le danger des importations d'armes dans le RIFF, tolérées, sinon encouragées pendant la guerre.

La guerre et les intrigues allemandes avaient entravé la pacification. Du moins le MAROC se trouvait-il par notre victoire libéré de l'hypothèque allemande, du bluff des MANNESMANN, du chantage de leurs protégés.

Rappelé de l'armée du RHIN, le légendaire R. M. L. E.

célébrait à TLEMCEN le premier anniversaire du 14 septembre 1918, en fêtant la remise à son glorieux drapeau de la MÉDAILLE MILITAIRE.

A peine reconstitué,- il se voyait dirigé sur le Maroc, y recevait en hommage de bienvenue le MÉRITE MILITAIRE CHÉRIFIEN, et entrait en campagne.

Maintenant il s'appelle 3e RÉGIMENT ÉTRANGER d'infanterie (car la Légion a un régiment de cavalerie).

Héritier direct du R. M. L. E., il en a conservé le drapeau, dont la hampe se courbe sous le poids de la gloire.

Ceci n'est pas une vaine image. Et il est l'héritier de tout le passé — si lourd de gloire aussi — de la VIEILLE LÉGION.

Or l'histoire de la VIEILLE LÉGION continue, après comme pendant, comme avant la grande guerre.

La LÉGION passe.

* * *

Quelle preuve plus éclatante et plus émouvante de la pérennité de la Légion et de son héroïsme que ce témoignage solennel déjà rendu par le maréchal Lyautey au


bataillon de légionnaires reconstitué le premier, depuis l'armistice :

RÉSIDENCE GÉNÉRALE DE FRANCE AU MAROC

CABINET MILITAIRE ORDRE GÉNÉRAL N° 325 OU MARÉCHAL COMMANDANT lN CHEF

Sont cités à l'ordre des Troupes d'occupation :

3e BATAILLON DU 3e RÉGIMENT ÉTRANGER

BATAILLON D'ÉLITE. Sous les ordres du chef de bataillon NICOLAS et du capitaine adjudant-major MAIRE, a constamment donné l'exemple des plus belles qualités de solidité, d'endurance et de discipline, de bravoure et d'entrain. A pris part en I920 aux opérations du GROUPE MOBILE de Meknès contre les Zaïans a Bekrit et dans le Gharb ; en I92I aux opérations du GROUPE MOBILE de Taza contre les Beni Ouarain, puis aux opérations du GROUPE MOBILE de Meknès entre Bekrit et Taka-Ichiane ; en IÇ22 aux opérations du GROUPE MOBILE DU NORD de Taza contre les Beni Alaham et contre les Ait Tseghouchen, livrant treize combats sanglants.

Entre temps, fidèle aux traditions de la LÉGION, a construit dix postes et a exécuté de nombreux travaux de pistes.

Ces citations comportent l'attribution de la CROIX DE GUERRE des T. 0. M.

avec palme.

Signé : LYAUTEY.

Les deux autres bataillons du régiment, en moins d'un an, ont été cités à leur tour à l'ordre de l'armée.

Il y aura encore de belles pages à rajouter à l' « Historique », base essentielle de l'éducation des successives générations de légionnaires, source de cette force irrésistible qui s'appelle la puissance morale.


DEUXIÈME PARTIE

HISTORIQUE DE LA LÉGION

EN FRANCE

PENDANT

LA GRANDE GUERRE 1914-1918



LE VOLONTAIRE ÉTRANGER DE 1914

s

Le monde entier disait : la France est en danger; Les barbares, demain, camperont dans ses plaines.

Alors, cet homme que nous nommions « l'étranger Issu des monts latins ou des rives hellènes

Ou des bords d'outre-mers, s'étant pris à songer Au sort qui menaçait les libertés humaines, Vint à nous, et, s'offrant d'un cœur libre et léger, Dans nos rangs s'élança sur les hordes germaines.

Quatre ans, il a peiné, lutté, saigné, souffert !

Et puis un soir, il est tombé dans cet enfer.

Qui sait si l'Inconnu qui dort sous l'arche immense,

Mêlant sa gloire épique aux orgueils du passé, N'est pas cet étranger devenu fils de France Non par le sang reçu mais par le sang versé ?

PASCAL-BONNETTI (1920")


LES ENGAGEMENTS

En juillet 1914, dans le ciel serein de l'Europe, éclate soudain ce coup de tonnerre : l'ultimatum à la Serbie. Pour quiconque est au courant de la politique étrangère, aucun doute n'est possible : c'est la guerre, la guerre fraîche et joyeuse, pour laquelle on nous avait laissé savoir, de longue date, qu'on tenait la poudre sèche et l'épée aiguisée. Il fallait la subir, ou bien il fallait s'incliner devant GUILLAUME, Kaiser der Welt, empereur du Monde.

C'était mal connaître la France. C'était mal connaître le monde. Aucune note discordante ne s'est fait entendre en France dans ces jours tragiques; le monde entier,

ou peu s'en faut, s'est rangé du côté de la France.

De là les alliances, de là les interventions militaires à nos côtés. De là aussi, dès août 1914, l'afflux enthousiaste des volontaires de|toutes les nations; quand, après la période active de la mobilisation et des transports de concentration, le Gouvernement autorisa les engagements pour la durée de la guerre, on vit les bureaux de recrutement envahis, débordés.

Qu'étaient ces volontaires ? Certains arrivaient de l'étranger, la plupart avaient leur domicile en France. C'étaient des alliés séparés de leur armée nationale, des neutres enthousiasmés par la noblesse de la cause à défendre et aussi des sujets — ou ex-sujets — des empires ennemis qui, soit par haine sincère du militarisme prussien, soit, plus simplement, pour sauvegarder des intérêts personnels, pour éviter le camp de concentration, rompaient les ponts avec leur patrie.

L'heure se faisait grave : là-bas dans le Nord, l'héroïque place de LIÉGE, écrasée sous les 420, s'était tue. Déjà grondait le canon de CHARLEROI. Les Français sentaient la patrie en danger, et étaient prêts aux suprêmes sacri-


fices. A PARIS, le 21 août, ce fut la ruée historique des Invalides : les étrangers, amis de la France, aspiraient aussi à l'honneur de mourir pour elle.

Dès le mois d'août 1914, plusieurs dépôts sont créés dans la métropole pour recevoir cette foule d'engagés. En même temps une mobilisation spéciale s'effectue à BELABBÈS et à SAÏDA; les légionnaires de nationalité allemande ou autrichienne sont triés pour rester en Algérie ou au Maroc. Des détachements sont constitués et transportés en France : ils vont servir de noyaux à la constitution des régiments de marche de la Légion.

L'AMALGAME

A vrai dire, le fusionnement des volontaires de 1914 dans les régiments de marche, le principe même de leur incorporation à la Légion n'ont pas été admis sans quelques froissements et récriminations. Résultat inéluctable de la campagne de calomnies de l'Allemagne, plus encore peutêtre des ineptes bavardages de certains Français. On la connaît si mal, cette vieille Légion! On raconte tant de sottises sur elle. De là l'émoi de certains engagés, de ceux de Paris surtout, placides civils de la veille, quand ils se sont vus, comme étrangers, versés d'office dans un milieu peint de couleurs si peu enchanteresses.

Aux calomnies des uns, à l'ignorance regrettable des autres, la Légion n'oppose que son tranquille silence.

La Légion passe. qu'importent les chiens des douars.

La route est belle. Et elle continue sa route.

Et quand la Légion continue sa route, elle a coutume de faire parler d'elle; elle force l'admiration, impose le respect; elle conquiert, assimile, fait œuvre durable.

De 1914 à 1918, la Légion, malgré tout et malgré tous, a continué sa route, renforcée des milliers de braves cœurs, inquiets au début, qu'elle a su conquérir.

Car la loi est la loi : les volontaires étrangers de 1914 ne peuvent être admis dans les régiments français.

Sont-ils d'ailleurs si à plaindre, ces volontaires ?


Ils vont avoir pour camarades les légionnaires triés qu'envoient les régiments d'Algérie; comme cadrer, ces sous-officiers d'avant-guerre, tous rengagés, et qui tous moins les morts — vont gagner l'épaulette. Pour eux on va puiser dans ce corps d'officiers si remarquable, dont l'élite de l'armée française s'est toujours disputé l'entrée; ils seront commandés par des gens comme PEIN, DURIEZ, GAUBERT, comme le commandant BUREL, — autre glorieux mort, — le «pèreBUREL», engagé alsacien, quarante et un ans de Légion, sous-lieutenant à TUYEN-QUANG., par des réservistes tels que ce commandant LEMERLE, qui, capitaine très prématurément réformé, avait été pendant cinq ans entre BEL-ABBÈS et Bou-DENIB l'énigmatique LANDSER, adjudant dans son premier congé 1

L'amalgame des volontaires de 1914 dans les unités de Légion n'est pas sans analogie avec l'amalgame des volon- taircs de 1792 dans l'ancienne armée royale : au début, on parlait des soldats de faïence à côté des soldats de porcelaine; bientôt, on a pu voir que toute la vaisselle allait au feu.

Les nuages de septembre 1914 se sont vite dissipés : les nouveaux n'ont pas été longs à connaître le vrai caractère des anciens et à les apprécier à leur valeur. D'une part, la vie en commun avec les dangers de la tranchée, d'autre part, cette absolue solidarité instinctive à la Légion ont fait naître entre eux, dans l'espace de quelques semaines, des liens de camaraderie confiante et solide. Les engagés, plus riches de bonne volonté que de pratique, comprennent qu'ils ont tout à gagner, dans leur dur apprentissage, au contact de ces briscards qui leur arrivent d'Afrique ou du Tonkin, habitués au danger, rompus aux fatigues et aux trucs du métier.

D'ailleurs, il ne faudrait point le cacher, parmi les engagés de la première heure, bien plus encore que parmi les vieux légionnaires, il s'est fait une sélection. Certains d'entre eux, on le sait, n'avaient eu, en s'engageant, d'autre pensée que de sauver les meubles, d'éviter le camp de concentration. La guerre devait être vite terminée : tout n'était-il pas prêt pour l'entrée du Kaiser dans PARIS ? Et la


loi DELBRUCK n'était-elle pas là pour légaliser tous les camouflages ?

Ces indésirables, dont la présence, comme on peut le penser, n'était pas du goût des engagés sincères, ne firent pas parler d'eux pendant longtemps. Le dépôt suffit à les démasquer : quand ils le quittaient, ce n'était point pour aller au front, sans attrait aucun pour ces couards, mais pour gagner le refuge — plus sûr décidément — du camp de concentration.

Légère réduction de nombre, mais sérieuse augmentation dans la valeur de l'ensemble, tel était le résultat de ce filtrage des engagés : le rejet d'une écume n'est pas une perte. ,

Aujourd'hui les volontaires de 1914 ont leur légende, comme les volontaires de 92 ont la leur. Ils la méritent. Et ils sont les premiers à saluer et leurs camarades si dévoués, et leurs admirables cadres du début, qui leur ont apporté les traditions, les vertus militaires, les devises de la vieille Légion si religieusement conservées qu'elles en sont érigées en dogmes : « HONNEUR et FIDÉLITÉ » « VALEUR et DISCIPLINE »

Car c'est à ces vertus qu'ils doivent, les volontaires, la gloire d'avoir appartenu au légendaire RÉGIMENT DE MARCHE.

Ce sont elles, DISCIPLINE avant tout, qui leur ont facilité l'accès aux premiers rangs parmi les troupes d'élite.


2e RÉGIMENT DE MARCHE DU 2e ÉTRANGER

Le 25 août 1914, le 2e Étranger, à SAÏDA, reçoit l'ordre du général en chef de constituer deux demi-bataillons de marche (C et D) destinés à prendre part aux opérations en France.

Le 31 août, ces deux demi-bataillons, sous le commandement du colonel PASSARD, s'embarquent à ORAN et se rendent l'un (bataillon C) à TOULOUSE, l'autre (bataillon D) à Orléans où ils s'organisent du 4 au 30 septembre et se complètent à l'effectif de guerre au moyen des engagés volontaires de toutes nationalités, qui affluent à ces dépôts.

Après une période de manœuvres et d'instruction au camp de MAILLY, du 30 septembre au 18 octobre, ils constituent le régiment de marche du 2e Étranger, colonel PASSARD.

Le 20 octobre, la brigade de Légion, formée avec les deux régiments étrangers du camp de MAILLY (2E de marche du 2e et 2e de marche du Ier), est mise à la disposition du 32e corps d'armée. Elle relève, en avant de VERZY, un groupe de bataillons sénégalais. Le 26 octobre, la brigade est dissoute; le 2e de marche du 2e Étranger, donné à la 36e division et emmené en autos dans la région de FISMES, où un 3e bataillon (bataillon F), venant du dépôt de BLOIS, le rejoint. Du 24 au 30 octobre, le régiment relève dans le secteur; de CRAONNELLE des éléments des 34e et 218e.

Les lignes ne sont pas encore stabilisées. L'ennemi, qui avait des..postes avancés aux abords de CRAONNELLE (I), finit par se retirer jusqu'à CRAONNE (2). Toutes les nuits des patrouilles sillonnent la large cuvette qui s'étend entre les deux lignes.

Le 27 novembre, la bataillon G, arrivant du dépôt d'OR-

(1) Voir Anecdotes et Récits, p. 102.

(2) Voir Anecdotes et Récits, p. 103.


LÉANS, séjourne quelques jours à BASLIEUX-LES-FISMES pour parfaire son instruction. Il rejoint le régiment le 14 décembre.

Le 11 décembre, le lieutenant-colonel LECOMTE-DENIS du 296e prend le commandement du régiment, le colonel PASSARD ayant été nommé au commandement de la 90E brigade le 3 décembre.

Au mois de janvier 1915, le secteur s'agite, les bombardements deviennent plus sérieux; enfin, le 25, l'ennemi prononce une attaque à droite et à gauche de la Légion et tente de redescendre jusqu'à l'AISNE. Centre immobile de ces deux mouvements qui menacent de l'envelopper, le régiment ne bronche pas. La situation, un moment critique, est rétablie.

Peu à peu des parallèles, des boyaux, des abris sont creusés, le secteur est entièrement organisé.

Le 23 mai 1915, le régiment est relevé et transporté en camions dans la région de REIMS OÙ il occupe successivement les secteurs : de SILLERY (23 mai-12 juin); de CHAUFFOUR (16-18 juin); de SAINT-THIERRY (21 juin-14 juillet).

Pendant ce temps un des bataillons du régiment, le bataillon F, enlevé en camions le 12 juin, est dirigé, seul, dans la région de l'AiSNE, où il participe à la défense du secteur de PAISSY. Mais le départ des légionnaires russes, italiens, belges, qui passent dans les régiments français ou rejoignent leur armée nationale, amène bientôt la suppression de ce bataillon F.

Le régiment, à trois bataillons, est affecté à la division marocaine qu'il rejoint dans la région de GIROMAGNY (14 juillet). Il est embrigadé avec le IER Étranger et le 4e tirailleurs. Il reçoit son drapeau des mains du Président de la République, au cours d'une revue passée le 13 septembre. Le 15, le régiment est transporté à SAINT-HILAIREAU-TEMPLE. Il prend part aux rudes et glorieux assauts des 25 et 28 septembre et du 6 octobre, et gagne sa première palme sous le commandement du commandant ROZET.

Après cette dure période, les restes du régiment retirés du front sont transportés dans la région de VERBERIE (28 octobre), et sont fondus dans le régiment de marche de la Légion étrangère (II novembre 1915).


3e RÉGIMENT DE MARCHE DU 1er ÉTRANGER Le 3e régiment de marche du Ier Étranger est au début exclusivement composé d'engagés volontaires étrangers habitant à PARIS, encadrés par des officiers et des sousofficiers provenant en grande partie des sapeurs-pompiers de PARIS; il ne compte qu'un petit nombre d'anciens légionnaires. Formé à la caserne de REUILLY au début de septembre 1914, le régiment reçoit la dénomination de régiment de marche de la Légion étrangère du camp retranché de PARIS; le colonel THIÉBAULT, chef de la Légion de gendarmerie de la Seine, en prend le commandement le 7 septembre. Transféré à RUEIL le IER octobre, le régiment y séjourne jusqu'au 28 novembre.

Jamais un régiment ne parut par son assemblage moins préparé à la rude tâche qu'il allait accomplir : les professions les plus sédentaires sont la généralité. Aussi, lorsque le régiment quitte RUEIL, le 28 novembre 1914, pour gagner le front de la Somme qu'il rejoint à pied, les étapes paraissent longues jusque l'arrivée à MORCOURT (12 décembre).

Quelques jours après, le 15 décembre, le bataillon LEMERLE monte le premier aux tranchées. Il va pendant deux mois tenir le secteur de FRISE, où tout le régiment va se rassembler. Et on voit, spectacle réconfortant, tous ces braves citadins de la veille se muer, presque du jour au lendemain, en terrassiers ou en mineurs, et patauger sans murmurer dans les boucs déjà légendaires de la SOMME.

Le II février 1915, le régiment est réduit à deux bataillons.

En mars il change de secteur. Il occupe DOMPIERRE et la Sucrerie, où la guerre de mines et de contre-mines règne en maîtresse, jusqu'au jour où il est relevé (ier avril), pour aller au repos et à l'instruction d'abord à HANGEST-ENSANTERRE, puis à BOU-ILLANCOURT et MARESMONTIERS.

Dans les premiers jours de mai le régiment repart aux tranchées. Il traverse MONTDIDIER, PIENNES, REMAUGIS,


s'arrête à Bus et prend le secteur de TILLOLOY. Le secteur est calme, les Allemands sont loin et seuls quelques postes avancés guettent de part et d'autre.

Relevé le 28 juin 1915, le régiment est reporté dans le SANTERRE et reste quelques jours aux tranchées, au BouCHOIR. Ses effectifs avaient gravement baissé : par les pertes subies, puis par le départ de nombreux volontaires russes, belges., dirigés sur leurs armées nationales. Aussi la dissolution du 3e régiment de marche du IER Étranger est-elle décidée. Elle s'opère le 13 juillet 1915. Cinq officiers et 892 légionnaires sont embarqués à PIERREPONT-HARGICOURT pour MONTBÉLIARD, OÙ ils arrivent le 15,,et complètent les effectifs du 2e régiment de marche du IER Étranger.


4e RÉGIMENT DE MARCHE DU 1er ÉTRANGER

L'Italie gardant sa neutralité, les GARIBALDIENS, sous les ordres de leur chef, viennent spontanément offrir leur concours à la France, comme en 1870.

Après entente entre les deux pays, deux dépôts sont créés à NIMES et à MONTÉLIMAR pour recevoir les engagements.

Le régiment, constitué à trois bataillons sous le commandement du lieutenant-colonel Peppino GARIBALDI, se rassemble le 9 novembre 1914 au camp de MAILLY, où il consacre quelques semaines à l'instruction, et le 17 décembre, il est dirigé sur l'ARGONNE.

Le 26, la Légion garibaldienne livre son premier combat.

Elle part de la MAISON FORESTIÈRE pour enlever lç bois de BOLLANTE. Le lieutenant Bruno GARIBALDI y tombe mortellement frappé.

Le 5 janvier, le 4e de marche est engagé : deux bataillons aux COURTES-CHAUSSES, un bataillon au FOUR-DE-PARIS.

Les 7, 8 et 9, il renforce les unités de la 10e D. 1., 'qui, dans le bois de BOLLANTE, sont vivement pressées par l'ennemi.

Le II, la situation rétablie, il est envoyé au repos à la ferme LAGRANGE-LECOMTE, près de CLERMONT-EN-ARGONNE.

Un mois après, la Légion garibaldienne est à BAR-SURAUBE. Elle y apprend qu'en raison de l'entrée probable de l'ITALIE dans la lutte, le Gouvernement français autorise les Italiens engagés pour la durée de la guerre à retourner dans leur pays. Le 4e de marche est dissous le 5 mars à AVIGNON.

Quelques volontaires, préférant rester en France, s'engagent de nouveau à la Légion étrangère.


2e RÉGIMENT DE MARCHE DU 1er ÉTRANGER Constitué dans les dépôts de LYON, AVIGNON et BAYONNE, le régiment, qui devait débuter à deux bataillons (À et B) sous les ordres du colonel PEIN, est, comme celui du 2e Étranger, formé du mélange de deux demi-bataillons de la Légion d'Afrique avec les engagés volontaires du 21 août 1914.

Les deux bataillons A et B, formés le premier à LYON, le deuxième à AVIGNON, sont rassemblés le 26 septembre au camp de MAILLY, qu'ils quittent le 17 octobre, à destination de la CHAMPAGNE.

Du 19 au 23 octobre, le régiment forme brigade avec le 2e de marche du 2e Étranger, et relève un groupe de bataillons sénégalais dans la région de REIMS.

Après l'arrivée du bataillon C, venant de BAYONNE (26 octobre) et du bataillon D, venant d'AviGNON (22 novembre) le régiment est -formé à quatre bataillons : commandants GAUBERT, COLLET, NOIRE et MULLER.

Au bataillon C, malgré les leçons de l'histoire, les nationalités sont groupées. Tchèques, Polonais, Grecs ont tenu à former des compagnies séparées, qui arborent leur drapeau national. C'est par raison politique sans doute que la chose a été admise. Mais ni l'encadrement ni la cohésion ne se révèlent satisfaisants : ce n'est point là la Légion.

L'affaire du 16 juin 1915 confirme la condamnation du système : à la suppression du bataillon C, ses hommes seront, indistinctement, versés dans l'ensemble du régiment.

HIVER 1914.1915

En novembre, après quelques jours passés aux tranchées de SILLERY, le 2e de marche du IER Étranger monte au secteur de PRUNAY.


La vie monotone des tranchées commence, avec de temps en temps une alerte ou une attaque. En décembre l'attaque du bois des ZOUAVES permet à la Légion d'avancer ses lignes au nord de PRUNAY de plus de 1.500 mètres. Le Ier mars 1915, elle repousse victorieusement deux violentes attaques ennemies du côté de LA POMPELLE.

Le 5 mars, le colonel PEIN remplace le colonel LAVENIR au commandement de la Ire brigade et le lieutenant-colonel COT prend le commandement du régiment.

Le 25 avril, le régiment est enlevé de CHAMPAGNE par chemin de fer et débarqué près de SAINT-POL, en ARTOIS; le 29, il monte en secteur à l'ouest de LA TARGETTE face NEUVILLE-SAINT-VAAST.

1915

ARTOIS — OUVRAGES BLANCS (9 Mai 1915)

La division marocaine est rattachée au 33e corps que commande le général PÉTAIN. Jamais préparation d'attaque ne fut entreprise avec si joyeuse ardeur. Il fallait creuser des boyaux, des bataillons entiers y travaillaient, on créait à la hâte des parallèles de départ, des abris de commandement, des postes de secours; en huit jours on mettait sur pied des équipes de pionniers, des signaleurs; on organisait les liaisons.

Que ne fait-on avec du cœur et de la confiance?


OUYRAGHS BLANCS (9 MAI 1915)

Dessin de M. Durieux.



Or, ni l'un ni l'autre ne manquaient : « Mes hommes partiront sans sac, pour mieux courir, disait le colonel PEIN, si leurs vêtements les gênaient, ils iraient tout nus, mais ils sauteront sur la cote 1401 » Le 9 mai à 6 heures, la préparation d'artillerie commence, elle dure jusqu'à 10 heures, interrompue seulement quelques minutes avant l'assaut.

« 10 heures. Des tranchées, la ligne bondit littéralement, elle surgit au son de la charge; successivement les bataillons NOIRÉ, MULLER, GAUBERT du régiment COT, et à gauche les bataillons du régiment DE METZ.

« C'est la ruée, la lutte d'homme à homme, car le canon n'a pas fait ce qu'il sut faire plus tard; l'ennemi n'est pas détruit; les balles sifflent de tous côtés, les mitrailleuses crépitent avec rage.

« Déjà les commandants NOIRE, MULLER et GAUBERT sont tués, avec les capitaines LEHAGRE, BOUTIN, JOURDEUIL, OSMQNT et tant d'autres. Le lieutenant-colonel COT est blessé.

« Mais qu'importe! Les hommes ont un but : la cote 140.

Ils iront. Vieux légionnaires qui trouvent le champ libre à leur traditionnelle ardeur, volontaires tchèques, polonais, suisses, belges, grecs, qui ont arboré le drapeau national, et qui réalisent enfin le rêve qui les a guidés jusqu'à nous, tous se donnent avec le même entrain; ils franchissent les fils de fer encore intacts en certains endroits, courent aux deuxièmes lignes, laissant des groupes devant les mitrailleuses qui résistent. La vague passe; derrière elle, les nettoyeurs de tranchée jouent du couteau, du revolver, de la grenade.

« C'est le carnage, au milieu duquel, tout à son ministère, on voit l'un des aumôniers, l'abbé GAS, bénissant les vivants et absolvant les mourants, sans remarquer les nettoyeurs qui le suivent, comme s'ils attendaient que l'absolution ait couvert les Allemands qu'ils vont occire.

« En vain l'ennemi résiste, en vain les feux croisés des mitrailleuses de NEUVILLE-SAINT-VAAST, de la FOLIE, de SOUCHEZ, creusent dans nos rangs de sanglants sillons, les réserves les bouchent, et irrésistiblement le tlot monte le


long des pentes de la cote 140; il balaie tous les obstacles, il arrive au sommet. Il est uh 30. L'objectif est atteint (1). »

En moins d'une heure tombent en nos mains les OuVRAGES BLANCS, puis l'OUVRAGE DE NUREMBERG, la tranchée de SCHILLER, positions solidement organisées, défendues par un ennemi tenace et qui s'y croyait en sûreté.

Quelques éléments poussent même jusqu'à NEUVILLESAINT-VAAST que les Allemands ont abandonné.. Ils parcourent le village, mais ils sont obligés de rétrograder : les troupes en soutien de la D. M. ne l'ont pas suivie dans son mouvement en avant; un vide s'est formé derrière elle.

Elle doit s'arrêter.

Le régiment est relevé le 10.

(16 Juin 1915)

Pendant les quelques jours de repos passés dans la région TINCQUES-CHELERS la Légion a reçu des renforts. Ils sont jeunes peut-être et inexpérimentés, mais les anciens leur montreront sur place ce qu'il faut faire, car une nouvelle attaque se prépare pour le 16 juin : elle a lieu dans la région de SOUCHEZ, 'l'objectif est la cote 119.

Le régiment est rassemblé dans la parallèle de CARENCY.

A 12h 15, heure fixée, il sort derrière le 4e tirailleurs. Le flot déferle dans le ravin de SOUCHEZ vers la cote 119, déjà atteinte. Les morts et les blessés abondent, car le ravin à traverser est balayé par les mitrailleuses.

A 20 heures, une violente contre-attaque, débouchant vers la gauche, du côté des zouaves, occasionne un léger recul. Le capitaine WETTERSTROM, qui commande un groupe de trois compagnies, déjà grièvement blessé, disparaît. Ceux qui restent de la Légion et le 70 tirailleurs accourent en renfort pour défendre et garder ce terrain si chèrement acquis.

Le 17, le bombardement est tel que l'on est obligé de relever les unités engagées. Quelle relève ! Il faut traverser

(1) Capitaine CHEVALIER, E.-M. de la D. M. (Pages de Gloire de la D. M.).


le profond ravin de SOUCHEZ, que balaient sans arrêt les mitrailleuses de SOUCHEZ et du bois des ÉCOULOIRS; un boyau le traverse, mais, battu sans répit par le 210, il el-t comblé au fur et à mesure qu'on le rétablit.

Le commandant COLLET est grièvement blessé.

AU REPOS

Après quelques jours de repos dans la région déjà connue de TINCQUES-CHELERS le régiment embarque pour l'ALSACE.

Deux mois de vrai repos dans la région de GIROMAGNY, PLANCHER-LES-MINES, AUXELLES-HAUT, font vite oublier les durs jours d'ARTOIS, et permettent aux cadres et à la troupe d'acquérir une instruction conforme aux enseignements des dernières attaques.

Le 15 juillet, la dissolution du 3e de marche du IER Étranger apporte un renfort de 892 légionnaires au 2e de marche du IER Étranger. Les vides d'ARTOIS sont comblés : le régiment est à deux bataillons complets.

De son côté le 2e régiment de marche du 2e Etranger est venu rejoindre la D. M. que commande maintenant le général CODET. Il est sous les ordres du colonel LECOMTEDENIS et formera le 3e régiment de la Ire brigade que commande le colonel DELAVAU.

Au cours d'une revue le Président de la République accompagné du ministre de la Guerre, remet leurs drapeaux aux régiments de marche des IER et 2e Étranger et la Croix de guerre à celui du IER Étranger pour sa citation du 9 mai.


LA LÉGION EN CHAMPAGNE

Enlevée en chemin de fer à CHAMPAGNE, le 15 septembre, la Légion vient, après deux jours de voyage, stationner dans la région de CUPERLY en attendant l'attaque qui se prépare.

Chaque nuit des compagnies vont en première ligne creuser des tranchées, des abris et des parallèles de départ.

Elles constatent que de son côté l'artillerie prépare activement l'attaque. Des batteries sont même hardiment poussées jusque dans les ruines de SOUAIN, prêtes à accompagner l'infanterie.

Enfin, malgré le temps pluvieux, l'attaque est fixée au 25 septembre; le 2e de marche du Ier Étranger est en réserve, le 2e de marche du 2e Étranger doit attaquer en deuxième ligne.

SOUAIN (25 Septembre 1915) (1)

Le 2e Étranger est en position d'attente dans l'ancienne tranchée de première ligne, déployé tout entier, la gauche à la route de SOUAIN à SOMMEPY, la droite au boyau de la LIMAGNE.

A 9h 15, au moment où la 19e brigade coloniale part à l'assaut des tranchées allemandes, le 2e Étranger gagne les parallèles de départ par les boyaux du JURA, de la LORRAINE, de la MOSELLE et de la LIMAGNE.

A ilh30, il s'élance, enlève des mitrailleuses, une batterie de 77, après un combat à la grenade et à la baïonnette, donne l'assaut aux ouvrages de WAGRAM, à la tranchée d'EcKMUHL, au bois C-2 et prend position dans les tranchées des TEUTONNES et des GRENOUILLES. Il organise la tranchée des GRENADIERS devant la BUTTE DE SOUAIN, - laissant passer devant lui d'autres unités qui continuent la progression.

(1) Voir « Anecdotes et Récitsx, p. 108.


- A 22 heures, l'atmosphère est lourde, il fait nuit, on est dans l'anxiété d'une contre-attaque. Soudain une panique ,se produit, deux compagnies d'infanterie de première ligne lâchent pied, et refluent en désordre vers l'arrière, criant : « Voilà, l'ennemi ! »

Les légionnaires se sont dressés, immobiles. Un caporal clairon bondit sur la tranchée, sonne le refrain de la Légion et la charge : les hommes sont pâles, résolus, les yeux étincelants. Sans reprendre haleine, le clairon égrène ses notes claires dans la nuit et les fantassins arrêtés voient luire devant eux les baïonnettes de la Légion; ils se ressaisissent et réoccupent leurs positions de combat.

FERME DE NAVARIN (28 Septembre 1915) (1)

Participant à une grande attaque, le régiment doit enlever la position de la FERME NAVARIN.

Les fils de fer sont intacts, les mitrailleuses veillent, qu'importe! C'est l'ordre. Sans regarder en arrière les bataillons BUREL et DECLÈVE s'élancent au-devant de la mort et par cinq fois se ruent à l'assaut. Les commandants DECLÈVE et BUREL tombent devant les tranchées allemandes, où seuls quelques légionnaires pénètrent sans pouvoir d'ailleurs s'y maintenir. C'est le sacrifice! Il n'est pas -inutile, car pendant que le régiment se dévoue, retenant dans ses tranchées l'ennemi attaqué, deux divisions du corps d'armée voisin percent la ligne allemande à l'ouest de la FERME de NAVARIN. Le 7e corps et le 2e C. A. C., exploitant ce succès, prennent à revers la BUTTE DE SOUAIN : l'héroïque sacrifice est récompensé.

(2-19 Octobre 1915)

L'heure du repos n'est pas venue; une nouvelle attaque est en préparation. La Légion change de secteur et reste avec la Ire brigade sous les ordres du lieutenant-colonel DAUGAN en réserve derrière la 2E brigade.

(i) Voir « Anecdotes et Récits», p. 109.


Elle ne participe pas à l'attaque du 6 octobre. Le 7, elle monte aux tranchées du BOIS DES VANDALES pour en redescendre le 9 et venir camper dans les éléments de tranchées abandonnées et des trous, entre le bois GUILLAUME et le bois des BOULEAUX.

Après avoir tenu successivement le front près du bois B-i, au nord du bois GUILLAUME, les deux régiments regagnent CUPERLY où, après trente-six heures de repos, ils sont embarqués le 19 en chemin de fer.

A L'ARRIÈRE (19 Octobre-20 Décembre 1915)

La Légion prend ses quartiers d'hiver, le 2e régiment de marche du Ier Étranger à VERBERIE, PORT-SALUT et LA PLAINE; le 2e régiment de marche du 2e Étranger à SAINTSAUVEUR et VAUCELLES. Deux mois de repos et d'instruction : les vides se comblent, les cadres se reconstituent; une revue de la division est passée par le roi d'Angleterre, le Président de la République et le général JOFFRE.

Le II novembre, les deux régiments fusionnent en un seul, qui prend le nom de RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE.


ARMÉE D'ORIENT (1915-1917)

Aucun théâtre d'opérations ne devait ignorer la Légion.

* Le IER mars 1915, un bataillon sous les ordres du commandant GEAY est envoyé aux DARDANELLES, il contribue à la formation du IER régiment de marche d'Afrique.

Durs moments que ceux passés sur cette petite presqu'île de GALLIPOLI, battue tout entière par le feu de l'ennemi.

C'est la guerre de tranchée brutale, sans espoir de manœuvre; mais on est moins mal dans les tranchées qu'à l'arrière : c'est tout dire ! On attend, on meurt en silence.

Une citation à l'ordre de l'armée atteste « les qualités de bravoure, de sang-froid et de solidité qui sont depuis de longues années l'honneur de la vieille Légion » (1).

C'est sans regret que le bataillon quitte ce lieu de carnage pour courir au secours des Serbes que les Bulgares attaquent traîtreusement dans le dos : guerre de mouvement où les légionnaires retrouvent l'occasion de déployer utilement leurs qualités, aussi ne tardent-ils pas, sous le commandement du commandant JEAN, à être cités à l'ordre de la brigade, à la suite des combats livrés en octobre-novembre à STROUMNITZA.

Quand la retraite est ordonnée, c'est à l'arrière-garde comme toujours- qu'on trouve les légionnaires. Et en 1916, c'est en première ligne — bien entendu — qu'on les voit attaquer le flanc droit des Bulgares, les obliger à la retraite à travers la MALA-REKA, les refouler jusqu'au nord de FLORINA.

Le bataillon assiste encore à la prise de MONASTIR, et, après quelques mois d'occupation de secteur, il est dissous le IER octobre 1917 après avoir obtenu une seconde citation à l'ordre de l'armée.

Ses débris, fatigués mais aguerris, sont recueillis par le régiment de marche de la Légion étrangère.

(1) Ordre du corps expéditionnaire d'Orient du 18 septembre 1915.


RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE

Il n'y a donc plus en France, à dater du II novembre 1915, qu'un seul régiment étranger : c'est le régiment de marche de la Légion étrangère, le « R. M. L. E. » devenu légendaire. Il est constitué à trois bataillons, commandé par le lieutenant-colonel COT. Il a conservé le drapeau du 2e de marche du IER Étranger, déjà décoré de deux palmes.

Il hérite d'une autre palme, gagnée le 25 septembre 1915 par le 2e de marche du 2e.

A dater de sa constitution, le R. M. L. E. aura eu trois ans, jour pour jour, pour achever de se couvrir de gloire.

1916

A L'INSTRUCTION

Le 21 décembre 1915, après une étape très dure, le régiment occupe les villages de MONTGOBERT, Soucv, PUISIEUX. Il y passe une période d'instruction et de manœuvres.

Puis c'est le premier séjour à CRÈVECŒUR, dans la pluie, la neige, la boue, sous un vent glacial.

La Légion achève sa mise au point par une instruction intensive dans les cantonnements de CAMPREMY et FARIVILLERS.

Le 20 février, la division est enlevée en camions et envoyée dans le secteur de MAREST-SUR-MATZ.

EN SECTEUR

Au début, le régiment tient la deuxième ligne MARQUÉGLISE- VIGNEMONT; il fait des travaux de défense importants au ZOET et sur les hauteurs de RIMBERLIEU.


Puis il relève en avril une division de cavalerie à pied au sous-secteur des BOUCAUDES. Sans quelques bombardements, ce serait le secteur idéal au milieu des arbres et des ruisseaux à l'eau claire; le P. C. de la TANIÈRE ressemble à un village suisse. Mais les ruines des villages rappellent à la réalité : il faut ouvrir l'œil, en face des occupants du PLÉMONT.

De nouveau, en fin juin, on parle d'attaque. C'est par une offensive dans la SOMME qu'on dégagera VERDUN, assailli par l'ennemi depuis le 21 février.

Embarquée le 21 juin i. ESTRÉES-SAINT-DENIS, la Légion débarque le même jour à BOVES et à VILLERS-BRETONNEUX.

Du 22 au 30 juin, elle cantonne à BAYONVILLERS où elle attend le jour de l'attaque. Seul le IER bataillon va faire quelques travaux près de CHUIGNES, et dans le secteur de DOMPIERRE.

LA LÉGION DANS LA SOMME

BELLOY-EN-SANTERRE (ler au 16 Juillet 1916) (i)

La D. M. est placée en réserve du IER C. A. C.

Le IER juillet, la Légion est à FONTAINE-LÈS-CAPPY et CnUIGNES; elle y passe la journée du 2. Le 3, ASSEVILLERS est conquis par les coloniaux, et le régiment est poussé en avant : 2e et 3e bataillons en ligne, 1er en réserve.

Le 4, franchissant sous une grêle de balles l'immense terrain découvert qui sépare ASSEVILLERS de BELLOY-EN-

(1) Voir « Anecdotes et Récits », p. 110.


SANTERRE, les légionnaires se précipitent sur le village; en deux heures de lutte, ils le conquièrent maison par maison, s'installent à la lisière et opposent un mur infranchissable aux dix contre-attaques que, pendant toute la nuit, l'ennemi, dont les renforts débarquent d'autos à quelques centaines de mètres du village, lance avec furie contre les ruines de BELLOY. 750 prisonniers, plus qu'il ne reste de combattants valides, tombent entre leurs mains.

C'est certes un des plus beaux faits d'armes dont puisse s'enorgueillir la Légion.

Le 6 au matin, la Légion est relevée et placée en réserve.

Dans la nuit du 7 au 8, le Ifr bataillon revient à BELLOY remplacer un bataillon du 4e tirailleurs. Le 9, le régiment entier participe à l'attaque pour la reprise du boyau du CHANCELIER, attaque arrêtée dès le début par un effroyable barrage de mitrailleuses, qui nous coûta de grosses partes.

Le 10 au matin, ramené en arrière, il reste un jour dans les anciennes tranchées de DOMPIERRE; le 12, il revient à BAYONVILLERS et est embarqué à VILLERS-BRETONNEUX le 15, à destination d'un cantonnement de repos. Il avait perdu sur la SOMME deux chefs de bataillon sur trois : les commandants MOUCHET et RUELLAND.

REPOS ET SECTEUR (16 Juillet - 5 Novembre 1916)

Après avoir reçu quelques renforts et des cadres à MONTIERS et SAINT-MARTIN-AU-BOIS, le régiment monte en ligne le 30 juillet au PLESSIER-DE-ROYE, secteur au nord de celui qu'il avait occupé avant BELLOY.

Secteur assez calme, gardant.le parc, et les ruines de l'admirable château. LASSIGNY et le PLÉMONT sont en face : seuls, quelques coups de main des deux partis viennent troubler la tranquillité de cette période.

En octobre, le régiment est relevé et retrouve le camp de CRÈVECŒUR, MAISONCELLE, HARDIVILLERS, avec, aux environs, les terrains de manœuvres déjà connus.

Le 5 novembre, départ en camions; débarquement à WIENCOURT, au camp 102. On gagne les tranchées devant VILLERS-CARBONNEL, en passant par CHUIGNES et CHUIGNOLLES.


LA BOUE DE LA SOMME (5 Novembre-26 Décembre 1916)

La Légion revoit la SUCRERIE de DOMPIERRE, le MOULIN de BECQUINCOURT, ASSEVILLERS, BELLOY, ce qui reste de son parc et de son cimetière; mais elle a peine à les reconnaître, ces paysages pourtant familiers : elle les a quittés sous le soleil de juillet, dans les nuages de poussière que laissent derrière eux les lourds convois d'autos. elle ne retrouve que de la boue.

La boue de la SOMME : pour ceux qui l'ont connue, c'est tout dire. On met deux heures pour faire 1 kilomètre; il faut, les jours de relève, prévoir des corvées de sauvetage, pour retirer du RAVIN DE LA MORT les camarades que leurs forces ont trahis en chemin et qui, enlisés jusqu'à la ceinture, pieds nus, attendent, stoïques, le secours d'une main amie et d'un bras vigoureux.

C'est dans ce bourbier, sous un bombardement parfois sévère, qu'il fallait créer des boyaux et des tranchées, porter des bombes de 50 kilos, constituer des dépôts de toutes sortes, monter dans tous ses détails la grande offensive de 1917. avant laquelle les Allemands devaient, malheureusement, effectuer leur prudente dérobade.

Certes, jamais provision d'énergie et de bonne humeur ne fut si nécessaire à la Légion que par ce rude hiver, dans la boue de la SOMME.


1917

AU CAMP

Du IER au 27 janvier 1917, le régiment revient pour la troisième fois au camp de CRÈVECŒUR. Telle est sa fatigue, au sortir des cantonnements affreux de la SOMME et surtout des tranchées de BELLOY, que le nouveau séjour au camp lui semble reposant, presque agréable, malgré le froid, malgré les manœuvres dans la neige et le brouillard.

EN SECTEUR

Le 28 janvier, le régiment gagne le secteur de PIENNES, à l'est de MONTDIDIER, où il tient les tranchées devant ROYE, à LAUCOURT-DANCOURT et au nord de TILLOLOY, que connaissent déjà les anciens du 3E de marche. Il fait un froid terrible. Les légionnaires travaillent avec ardeur, en vue d'une offensive où on leur promet un rôle d'exploitation tactique.

Relevé le 9 février, le régiment reste quelques jours en réserve à FAVEROLLES, FESCAMPS, REMAUGIES; c'est là que le lieutenant-colonel COT, appelé au commandement de la 70e brigade d'infanterie, quitte le régiment. Le lieutenant-colonel DURIEZ, un ancien du IER Étranger, le remplace au R. M. L. E.

Puis, pour la quatrième fois, le régiment est envoyé au camp de CRÈVECŒUR. A son passage à MONTDIDIER, il défile, colonel en tête, musique jouant, pendant que les Allemands bombardent la ville. Les habitants, réfugiés dans les caves, en ressortent aussitôt et applaudissent les légionnaires.

Le régiment cantonne au sud du camp, à MONTREUILSUR-BRÈCHE et à REUIL-SUR-BRÈCHE.


MARCHE SUR HAM (16 au 26 Mars 1917)

Mais l'ennemi refuse le combat; il se retire sur la position Hindenburg, enlevant ainsi au régiment l'occasion de remplir la mission à laquelle il s'était préparé avec tant d'entrain. Avançant derrière le 10e corps, les légionnaires ont alors le triste spectacle des méfaits écœurants de l'ennemi. C'est ROYE pillé et désert. Partout, des villages incendiés, des maisons défoncées à coups de bélier, comme à MARGNY-AUX-CERISES, des tombeaux profanés, comme à ROIGLISE, partout des vergers saccagés : actes de sauvagerie dont l'histoire avait perdu le souvenir, depuis le passage des hordes d'ATTILA. Tant d'horreur excite la haine, et le désir de vengeance, dans le cœur des légionnaires.

LA LÉGION EN CHAMPAGNE AUBERIVE (2-22 Avril 1917) (i)

Ramené en arrière, le régiment passe quelques jours au repos dans la région de PLESSIER-ROZAINVILLERS, puis il embarque à MOREUIL, le 2 avril, pour CUPERLY. Dirigé sur le camp BERTHELOT, il y attend l'attaque que la IVe armée doit engager, pour s'emparer des hauteurs de MORONVILLIERS, pendant que se déroulera l'offensive de l'AISNE.

La Légion doit enlever AUBERIVE, son golfe et le saillant avancé du bois des BOULEAUX. V.

(1) Voir « Anecdotes et Récits », p. 113.


Pendant douze jours, sous un bombardement incessant, elle travaille sans arrêt à remettre en état le secteur d'où elle doit partir, et à y creuser des parallèles.

La préparation d'artillerie dure sept jours, mais elle a épargné le GOLFE en entier, laissant à l'artillerie de tranchée le soin de le bouleverser au dernier moment.

Le 2e bataillon, placé en réserve de division, est mis, avont l'attaque, à la disposition du 7e tirailleurs; il ne sera d'aucune aide au régiment, qui, pour avoir du renfort en cours d'action, devra s'adresser à un bataillon du 168E.

L'attaque est fixée au 17 avril, 4h 50.

Dès le début, le départ est gêné : de terribles barrages de mitrailleuses fauchent tout entre les lignes. Car faute d'une préparation d'artillerie suffisante, les Allemands sont sur pied dans leurs tranchées intactes. Le bataillon de SAMPIGNY est arrêté dès son débouché; il appelle à son aide le bataillon DEVILLE; alors, dans le lacis compliqué du bois des BOULEAUX et de la partie sud du GOLFE, s'engagent des combats à la grenade qui vont durer toute la journée.

Le chiffre restreint des prisonniers ramenés à l'arrière, les monceaux de cadavres trouvés dans les abris, les scènes atroces entrevues dans les tranchées, adversaires enlacés jusque dans la mort. tout cela, et aussi, hélas! les pertes lourdes et glorieuses subies par les deux bataillons, tout cela fait foi de l'âpreté, de l'acharnement de la lutte.

Le lieutenant-colonel DURIEZ est tombé un des premiers, mortellement blessé; le commandant DEVILLE est appelé pour prendre le commandement du régiment.

La nuit vient sans qu'aucun des objectifs soit atteint.

Le 18, sous la neige qui tombe, la lutte reprend encore plui; rude, les deux bataillons continuent à progresser à la grenade, le IER bataillon au nord du bois des BOULEAUX, le 3e dans les tranchées du GOLFE, on avance peu à peu, tout le jour. La nuit on combat encore.

Le 19, le 3e bataillon, commandé d'abord par le capitaine DE LANNURIEN, puis par le capitaine GERMANN, avec un effectif réduit à 275 hommes, après deux nuits sans sommeil, deux jours de lutte acharnée, poursuit inlassablement la tâche qui lui est assignée et, vers le soir, il pénètre


Ll-; GOLFH 1) AL'HHKIVH (ClIAMPA(,\'H - AVRIL 1917).

Dessin de M. Durieux.



enfin dans le village d AUBERIVE et dans le fortin sud de VAUDESINCOURT. De son côté, le bataillon de SAMPIGNY a progressé vers le GRAND BOYAU et le Bois NOIR aidant à l'action que le 4e tirailleurs tente et réussit sur ce bois.

Le 20, la Légion saute dans le GRAND BOYAU et le nettoie, achevant ainsi de réaliser l'exploit d'avoir pu, en quatre jours, conquérir à la grenade 7 kilomètres de boyaux.

Dans la nuit du 20 au 21, le bataillon GERMANN es.t relevé et placé en,réserve au CENTRE LAMBERT, puis le régiment entier est groupé à MOURMELON où il reste deux jours avant d'être dirigé sur un cantonnement de repos.

Les pertes sont sévères, la résistance a été opiniâtre, l'ennemi, le plus valeureux que la Légion ait jusque-là rencontré, non content de se défendre avec acharnement, a contre-attaqué par trois fois. Mais la Légion a rempli sa mission, occupé les positions qui lui étaient fixées.

AU REPOS

A partir du 2 mai, POCANCY offre au régiment fatigué son calme reposant; l'eau coule et le légionnaire peut s'y ébattre en liberté et s'étendre le soir sur l'herbe.

La fête de la division jette une note de gaieté au milieu de ce séjour tranquille.

Puis le régiment est reporté à nouveau dans la région de CUPERLY, à DOMPIERRE-AU-TEMPLE.

A DAMPIERRE, le commandant DEVILLE passe le commandement du régiment au lieutenant-colonel ROLLET.

C'est encore à un vrai légionnaire, comme l'étaient les colonels PEIN, COT, DURIEZ, que les destinées du régiment sont confiées.

Le 6 juin, la division est enlevée en autos pour l'AISNE, laissant la Légion à MOURMELON et à BACONNES.

C'est le moment de la grave crise morale qu'a traversée l'armée française au début de l'été 1917. Triste spectacle que celui auquel on assiste. Dans un moment d'aberration criminelle, des régiments français refusent d'obéir, de monter aux tranchées. ils se débandent.

La Légion reste imperturbable : quel exemple elle a donné là!


EN SECTEUR A BERRY-AU-BAC (20 Juin-7 Juillet 1917)

Mauvais moment, mauvais secteur : le régiment y remplace des unités fatiguées. On est en saillant, et le soir, quand l'ennemi lance des fusées, on se croirait complètement encerclé. Comme perspective, les bords de la MIETTE aux grands peupliers hachés, les ruines du CHOLÉRA et de BERRY-AU-BAC; dominant le tout, ks cratères blancs et les terres désolées de la cote 108.

A L'ARRIÈRE

Le régiment, enlevé en autos le 7 juillet est débarqué à DAMPIERRE-DE-L'AuBE.

Véritable cantonnement de repos : accueil aimable des habitants, grands bois, prairies avec de l'eau courante.

Pourtant ce n'est pas l'inaction : par des évolutions on se prépare aux événements que l'on sent prochains; une revue est passée par le général GOURAUD, un chef connu et aimé de la Légion.

Le 12 juillet, le drapeau avec le colonel et une compagnie d'honneur partent à Paris pour assister à la revue, le jour de la fête nationale.

Et quelques jours plus tard le Bulletin des Armées de la République, rendant compte de la cérémonie, imprimait les lignes suivantes : Le samedi I4 juillet I9I7, le régiment de marche de la Légion étrangère a reçu la juste récompense due à une éclatante bravoure. Cinq fois cité à l'ordre de l'armée, il s'est vu décerner avant toute autre troupe la fourragère jaune et verte.

Sa gloire immortelle a été proclamée à la face du monde.


LA LÉGION A VERDUN CUMIÈRES (20 Août 1917) (1) Il manquait au régiment d'avoir laissé le souvenir de son passage sur ce front fameux.

Une attaque doit avoir lieu; la Légion y prendra part.

Jamais affaire n'a été mieux préparée : pendant que le régiment continue à s'entraîner à DAMPIERRE, un détachement précurseur composé du peloton de pionniers, de quelques téléphonistes et observateurs et d'officiers spécialistes est envoyé le 2 août dans le secteur pour y faire les travaux indispensables et s'occuper de certains détails, approvisionnements en vivres et en munitions, observations et renseignements, liaisons téléphoniques.

Tout est prêt pour l'arrivée du régiment qui ne monte en ligne que la veille de l'attaque.

Le morceau à prendre est d'importance. Il a même été convenu, étant donnée l'envergure de l'opération, que celle-ci sera divisée en deux : la première partie réservée à la Légion, la seconde à une troupe de renfort placée en réserve.

Le commandement a compté sans la valeur exceptionnelle de sa troupe de première ligne : aidée par une préparation d'artillerie complète, elle va enlever d'un élan, le 20 août, tous les objectifs prévus pour les deux opérations.

Pour une fois, le temps lui-même nous est favorable : il était pluvieux et incertain depuis le commencement du mois, mais le 20 il s'est décidément mis au beau.

A 4h 40, l'attaque est déclenchée, les premières vagues s'élancent. Leurs chefs s'efforcent en vain de les retenir en arrière du barrage roulant : une heure avant le moment fixé au plan d'attaque, le bataillon WADDELL atteint l'objectif final, à 3 kilomètres des lignes de départ, suivi et aidé par le bataillon de SAMPIGNY.

Les OUVRAGES BLANCS, la partie est du bois de CuMIÈRES et les retranchements organisés des centres E et F

(1) Voir « Anecdotes et Récits », p. 117.


sont enlevés de haute lutte pendant que CUMIÈRES et le BOYAU DE FORGES sont pris et nettoyés complètement au chant de la Madelon.

Non content de ce premier succès, le lieutenant-colonel ROLLET entreprend sur l'heure la deuxième opération. Par un combat vivement mené, exécuté comme une manœuvre, et qui eut comme spectateurs les généraux PÉTAIN et DE CASTELNAU ainsi que le général PERSHING, le bataillon DEVILLE s'empare de l'OUVRAGE 265 sur la COTE DE L'OIE.

Pendant ce temps le bataillon de SAMPIGNY occupe le COL DE L'OIE et la partie descendante du boyau de FORGES.

Le 21 au matin le bataillon WADDELL passe entre la Meuse et la cote 265; il vient se placer à la droite du bataillon DEVILLE sur la cote de l'OIE; le régiment entier reprend l'attaque, pénètre à 15 heures dans REGNÉVILLE, dépasse le village, s'installe solidement dans les vergers au nord; des patrouilles sont envoyées jusqu'à la Meuse ainsi que dans le village de FORGES.

La tâche est terminée, il ne reste plus qu'à s'établir de telle sorte que toute attaque ennemie soit vaine et vienne se briser devant ce nouveau front. Jusqu'au 4 septembre, le régiment s'installe, creuse des tranchées. et s'organise suivant les principes du bled : on établit les cuisines à la voie ferrée, le plus près possible des lignes; et les légionnaires (qui aiment l'eau, malgré certaine légende) vont laver leur linge dans la Meuse.

Le résultat est superbe : un front de 3KM 500 enlevé en deux jours et tenu; 680 prisonniers, dont 20 officiers et 43 sous-officiers, appartenant à quatre régiments différents (20e, 24e, 221E, 223e), 10 canons de 77, 4 canons de 105, 1 canon de 38, 13 mitrailleuses, des fusils-mitrailleurs, une quantité innombrable de munitions diverses et de matériel, une grosse pièce de marine française reprise à l'ennemi : tels sont les glorieux trophées qui témoignent de l'effort fourni par le R. M. L. E.

Le 4 septembre la Légion est relevée et ramenée en arrière dans la région de RAMPONT. Ce n'est pas le calme absolu : les aviateurs ennemis viennent incendier l'ambulance de VADELINCOURT; les blessés, pris de panique, sont mitraillés avec sauvagerie. Quelle guerre !


AU CAMP DE BOIS-L'ÉVÊQUE LA LÉGION D'HONNEUR AU DRAPEAU La Légion est embarquée en chemin de fer et, après un trop court passage dans la région de VAUCOULEURS, transportée en camions au camp da BOIS-L'ÉVÊQUE.

Aussitôt après l'attaque de VERDUN, le général DEGOUTTE, qui commande la D. M. depuis août 1916, est nommé au commandement d'un corps d'armée et remplacé par le général DAUGAN, ancien colonel du 4e tirailleurs.

Malgré les jeux et les fêtes, le souvenir da BOIS-L'ÉVÊQUE resterait celui d'un séjour un peu triste, si la journée du 27 septembre n'était venue en rompre la monotonie.

Le général PÉTAIN, commandant en chef, accompagné du général GÉRARD, commandant l'armée, passe ce jour-là en revue les troupes de la D. M. et il remet solennellement au drapeau du régiment de marche, la croix de la LÉGION D'HONNEUR. « Vous ne vous arrêterez pas dans vos succès, dit-il, je ne m'arrêterai pas non plus, dussé-je inventer pour vous de nouvelles récompenses. » C'était la promesse de la fourragère couleur du ruban de la Légion d'honneur.

Enfin, honneur insigne, trois caporaux du régiment sont faits chevaliers de la LÉGION D'HONNEUR.

SECTEUR DE FLIREY (3 Octobre 1917-17 Janvier 1918) Le 3 octobre, le régiment prend le secteur de FLIREY.

Depuis l'époque des luttes du bois de MORTMARE et de la guerre de mines dont les entonnoirs de FLIREY attestent la violence, le secteur s'est endormi; mais dès la relève, l'ennemi trouve un changement : patrouilles, gaz, rafales d'artillerie ou tirs indirects des mitrailleuses le harcèlent.

Les coups de main se succèdent à l'envi.

1918 FLIREY (8 et 12 Janvier 1918) (1) Le 3 décembre et le 5 janvier, l'ennemi a tenté une surprise, pour échouer piteusement. Le 8 janvier, réplique lui est donnée par un coup de main de grande envergure.

(1) Voir c Anecdotes et Récits », p. 119.


Enlevant avec deux bataillons tout le saillant ennemi du RENARD jusqu'à la lisière du bois de MORTMARE, le régiment maintient l'occupation du terrain conquis pendant le temps, nécessaire à la destruction et à l'incendie de tous les ouvrages ennemis; puis, se repliant à l'heure prescrite dans un ordre parfait, il ramène dans nos lignes l ID prisonniers, dont 18 sous-officiers, et un important matériel.

« Ce bel exemple de coup de main était exécuté avec cette maîtrise qui fait de la Légion un instrument de guerre incomparable et sans équivalent dans aucune des armées actuellement en opérations. » Ainsi s'exprimait le colonel.

MITTELHAUSSER dans un ordre du jour adressé à sa brigade.

La réponse ne se fait pas attendre! Le 12, après un violent bombardement qui ne fit heureusement qu'une seule victime, le sous-lieutenant GRANACHER, l'ennemi nous accable de milliers d'obus à ypérite, mettant en quelques l'eures hors de combat — provisoirement — presque tout hétat-major du régiment, une partie de la C. H. R. et de la 10e compagnie.

EN RÉSERVE (20 Janvier-31 Mars 1918) Remplacé par une brigade américaine qui venait dans ce secteur apprendre la guerre de tranchées, le régiment, après quelques jours de marche, arrive à PAGNY-LA-BLANCHE-COTE et MAXEY-SUR-VAISE pour prendre quelque repos et s'entraîner en vue de la lutte décisive qu'on sent approcher.

Le commandement veut avoir ses réserves pour les engager à coup sûr. Pendant toute l'année, la Légion aura cet honneur d'être la troupe d'élite qui se tient prête, et qui porte les coups décisifs.


LA LÉGION COUVRE AMIENS BOIS DE HANGARD (1er Avril-7 Mai 1918) (i) L'attaque allemande prévue se produit, brutale, irrésistible, le 21 mars. Le front anglais de SAINT-QUENTIN, submergé, livre passage au flot envahisseur. Il va s'agir de l'endiguer.

Embarqué le jer avril à MAXEY, débarqué à GRANVILLIERS, le régiment est dirigé sur CONTY; il assiste à l'exode lamentable de tous les pauvres gens qui fuient pour la deuxième fois devant l'ennemi, abandonnant tout plutôt que de rester entre ses mains.

Car le flot monte toujours, menaçant AMIENS. Le régiment quitte CONTY et, après une marche de nuit particulièrement pénible, arrive à COTTENCHY.

Les bataillons bivouaquent hors du village, dans le bois du PARACLET et à flanc de coteau.

On travaille, on fait des reconnaissances, plusieurs fois l'objectif d'attaque du régiment est changé. Enfin, le 24 avril, alerté, il se porte en réserve dans le ravin à l'ouest du bois de GENTELLES. En ligne se trouvent des troupes anglaises.

Le 25 arrive l'ordre d'attaque pour le lendemain.

La mise en place pour l'attaque se fait avec de nombreuses difficultés, dues à l'obscurité complète de la nuit et à l'insuiffsance des reconnaissances, qui, faute de temps, ont été par trop sommaires.

La ligne avancée anglaise, ligne de petits postes, présentè des trous dans lesquels, par endroits, des mitrailleuses ennemies se sont infiltrées. Certaines fractions des compagnies d'assaut se heurtent à des éléments ennemis.

L'ennemi lance de nombreuses fusées éclairantes; il bat le plateau par des rafales de mitrailleuses et bombarde avec du 77 le terrain entre GENTELLES et la route de VILLERS à DOMART.

A 5^15, l'attaque est déclenchée dans un brouillard épais.

(1) Voir « Anecdotes et Récits », p. 120.


Marchant sur leur objectif, les compagnies d'assaut HAGELI et MEYER sont fauchées de front et sur leurs deux flancs par les feux de nombreuses mitrailleuses. Leur progression s'arrête, faute de combattants, à environ 700 mètres de la base de départ.

Une fraction de la compagnie de soutien (SANDRE) a pris pied dans la corne nord du bois de HANGARD pour couvrir le flanc droit du IER bataillon; le reste s'est accroché sur le plateau à l'est de la route de CACHY à DOMART; le IER bataillon s'est trouvé en flèche dès le début de l'action. A gauche une compagnie du 4e tirailleurs a été détruite en quelques minutes par les mitrailleuses. A droite les Anglais, abordant le bois ont été fauchés à leur tour. Les deux.

flancs sont ainsi découverts.

Suivant le IER bataillon dans son sillage, le bataillon COLIN est lui aussi pris en flanc par les mitrailleuses, dès qu'il a franchi la route de VILLERS à DOMART. Il se jette vers le bois de HANGARD, qu'il attaque par la lisière nordouest, recueillant les éléments du IER bataillon, puis rejoint les Anglais. Légionnaires et Anglais rivalisent d'ardeur, nettoient la presque totalité du bois. Très éprouvés dans leurs effectifs, ils sont refoulés par une contre-attaque.

Après des alternatives rapides d'avance et de recul, le 3e bataillon s'accroche définitivement au layon nord-sud.

Le bataillon GERMANN reçoit l'ordre de rejoindre les éléments du IER bataillon qui, ralliés par le lieutenant LAMARE, tiennent encore sur le glacis, et de rétablir la liaison entre le 3e bataillon et le 4e tirailleurs. Le brouillard est toujours très épais, le plateau est battu par des rafales nourries de mitrailleuses et par un tir violent de 105. Le commandant GERMANN remplit sa mission; ses pertes sont faibles, il peut même légèrement progresser.

Le terrain conquis est organisé pendant la nuit, le 3e bataillon reste dans le bois, le 2e à la lisière et sur le plateau. Le IER bataillon devient réserve; son effectif est réduit à 1 officier et 187 hommes. Le régiment a perdu pendant la journée 18 officiers et 833 hommes hors de combat.

Petit à petit la position se transforme en secteur. Malgré les mitrailleuses qui continuent à balayer le plateau sur


Bois DK HAKGARD (AVRIL 1918).

Dessin de M. Durieux.



lequel l'ennemi déclenche en outre, à chaque instant, des barages par gros calibres, les tranchées se creusent : comme le rappellera le texte de sa citation, le régiment « se cramponne au terrain ».

Le 6, il est relevé par le 94e d'infanterie.

Du 8 au 28 mai 1918 il revient en réserve à l'arrière.

VERSIGNY, la forêt d'ERMENONVILLE, les plaines ensoleillées de NANTEUIL-LE-HAUDOUIN, quel contraste en sortant du plateau de GENTELLES ! Halte rafraîchissante entre deux fournaises : HANGARD et SOISSONS.

La confiance règne. L'ennemi a manqué son coup; maintenant nous avons le commandement unique, et il a fait ses preuves.

Le général FOCH est sûr de lui : « Non, je ne changerais pas mes cartes contre celles de Ludendorff. » Le régiment de marche de la Légion étrangère peut se dire fièrement que, dans le jeu de FOCH, lui et ses rivaux de gloire étaient vraiment des atouts maîtres.

LA LÉGION DEVANT SOISSONS (29 Mai-21 Juillet 1918)

MONTAGNE DE PARIS (29 Mai - 1er Juin)

Le 27 mai l'ennemi déclenche une nouvelle offensive.

Cette fois encore il a réussi à la garder secrète, la voulant foudroyante. Son but est atteint : le CHEMIN DES DAMES est balayé. L'AISNE, la VESLE sont franchies, la MARNE est atteinte; jamais l'heure n'a été plus grave. Les Alle-


mands tiennent SOISSONS et veulent en déboucher. La D. M. reçoit mission de les en empêcher.

Enlevée en camions de VERSIGNY, la Légion débarque le 29 mai à 6 heures dans la région de SACONIN-BREUIL.

L'ennemi procède par infiltration: ses groupes de combat se glissent, utilisant les ruines, les hautes herbes, les moindres replis de terrain; ils tâtent soigneusement nos positions si précaires, et manœuvrent habilement pour les tourner. Des avions qui semblent blindés volent à faible hauteur, guidant la marche et mitraillant nos troupes.

Ce n'est plus la guerre de position, c'est la guerre défensive, en rase campagne ou peu s'en faut, car on n'a pas le temps de s'organiser sérieusement sur les fronts énormes qu'il faut tenir. Lutte d'un genre nouveau ou tout repose sur la valeur individuelle du soldat, l'aptitude manœuvrière de la troupe, l'esprit de décision et d'initiative des chefs à tous les degrés; où l'observation patiente, attentive, passionnée, devient une des armes principales de la défense.

La Légion était prête pour cette lutte.

Le 30 mai à 9 heures, après une sérieuse préparation, de grosses masses allemandes sortent de SOISSONS par la route de VILLERS-COTTERETS. Les bataillons GERMANN et JACQUESSON, qui sont en première ligne, résistent vigoureusement; mais, manquant bientôt de cartouches, ils se replient méthodiquement sur la ligne principale de résistance.

Le commandant GERMANN tombe mortellement frappé; la compagnie RIBOVILLE encerclée dans VAUBUIN doit se dégager à la baïonnette.

Les chasseurs qui sont à gauche du 2e bataillon se replient; la liaison n'est maintenue que très difficilement.

Elle est rétablie par le bataillon MARSEILLE qui se place en arrière et à gauche et qui contribue, de 13 heures à 18 heures, à repousser les attaques que les Allemands tentent en vain sur le front de la Légion. Les éléments de trois régiments ennemis différents furent reconnus dans cette affaire.

Les cartouches manquent depuis midi. Quand les T. C.


MOXTAGXH DE PARIS (MAI 1918).

Dessin de M. Durieux.



arrivent, les caissons sont poussés jusqu'en première ligne pour assurer immédiatement le ravitaillement. L'ennemi peut renouveler ses attaques, il ne passera pas. Ses pertes ont été énormes et, à partir de 18 heures, il n'attaque plus.

Il cherche seulement pendant la nuit à s'infiltrer à gauche du régiment. Il échoue; dans la matinée suivante il n'agit plus que par de violentes rafales de mitrailleuses et des feux d'artillerie.

Le front est maintenu pendant toute la journée du 31 mai et la relève a lieu dans la nuit du 31 mai au IER juin.

AMBLENY — SAINT-BANDRY (1er Juin-15 Juin 1918) (1) Du IER au 5, de jour et de nuit, la Légion ne fait que marches et contre-marches : partout où un trou se produit il faut qu'elle soit là. Dans la nuit du 4 au 5 elle entre en secteur, devant le ravin de SAINT-BANDRY, secteur des plus agités où de toute part l'ennemi voit et domine nos positions.

Le 12 à 4 heures, les Allemands attaquent sur le front : 4e tirailleurs—Légion—73E régiment d'infanterie.

Les fusils-mitrailleurs de la première ligne arrêtent net les premières vagues ennemies, pendant que les mitrailleuses étagées sur les pentes du ravin de SAINT-BANDRY prennent sous leurs feux et dispersent de nombreuses petites colonnes qui descendent vers le ruisseau d'AMBLENY. L'ennemi est bloqué : ses nouvelles et nombreuses tentatives de progression, bien appuyées pourtant par son artillerie, ne font qu'augmenter ses pertes déjà énormes.

Vers 6 heures quelques éléments adverses qui ont réussi à s'infiltrer à travers la première ligne sont massacrés ou faits prisonniers : ils appartiennent à deux bataillons du 67e régiment d'infanterie, régiment auquel la Légion avait déjà, à FLIREY enlevé plus de 100 prisonniers.

Mais voici qu'à droite le 73e régiment d'infanterie a fait un brusque mouvement de repli. L'ennemi en profite, il suit, prend pied dans le bois à l'ouest de COURTENSON : déjà il menace le flanc du régiment.

(1) Voir « Anecdotes et Récits », p. 123.


La compagnie qui tient COURTENSON est renforcée.

Le 73e R. I. continue à se replier : à II heures la liaison est perdue, le trou s'agrandit et la Légion n'a plus de réserve !

Vers 14 heures enfin, trois compagnies, dont une de mitrailleuses du 7e tirailleurs sont mises à la disposition du lieutenant-colonel. Elles relèvent à 17 heures les faibles éléments qui couvraient le flanc du régiment. La liaison est rétablie avec la 51E D. I., la situation se stabilise.

L'ennemi devait être à « H + 1 » au « Chat Embarrassé », à « H + 3 » à CUISE-LA-MOTTE. Il n'a pas avancé d'un pas. Ce sanglant échec lui est infligé par un régiment qui n'a pas encore comblé les vides occasionnés par les durs combats d'avril et de mai (1.250 hommes hors de combat) et qui, pendant plusieurs heures, a tenu un front de 3 kilomètres.

CHAMPLIEU — SAINT-PIERRE-AIGLE : Un coup bien monté (16 Juin-18 Juillet 1918) Le 16 juin, le 8E zouaves remplace le régiment qui passe en réserve à HAUTEFONTAINE puis à CUISE-LA-MOTTE.

De là il est envoyé au camp de CHAMPLIEU, dans la forêt de COMPIÈGNE, où il se reconstitue et reçoit des renforts.

Le 5 juillet il monte de nouveau en ligne en avant de SAINTPIERRE-AIGLE. Peu à peu, après quelques reconnaissances audacieuses, il gagne du terrain, améliore son front. On constatera plus tard que le coup était bien monté.

L'offensive allemande du 15 juillet se déclenche. De l'ARGONNE en CHAMPAGNE elle est arrêtée net. La Légion n'était pas de la fête. mais elle sait que dans la forêt de VILLERS-COTTERÊTS elle a du monde autour d'elle. Quand le 17 arrive l'ordre d'attaque personne n'est surpris.

« Ça y est. Y aura du bon! »

Et, de fait, on ne s'arrêtera plus !


AMBLF.KV (JUIN- 1918).

Dessin de M. Durieux.



LE COMMENCEMENT DE LA FIN

DOMMIERS — CHAUDUN (18-21 Juillet 1918)

A 4h 45, le bataillon DE LANISÎURIEN, appuyé par des chars d'assaut, bondit; ses vagues emportent tout : l'ennemi ahuri n'a pas le temps d'esquisser une résistance et les prisonniers, surpris sans doute dans leur sommeil arrivent pieds nus. A l'est de la ferme LA GLAUX l'ennemi a accumulé des mitrailleuses, des batteries et des canons antitanks. Trois tanks sont démolis en quelques minutes; à la grenade, au V. B., les légionnaires se portent vaillamment en avant; tout ce qui résiste est tué dans la tranchée, les canons sont enlevés, les servants cloués sur leurs pièces.

Les bataillons MARSEILLE et JACQUESSON suivent en échelons.

Le 3e bataillon obliquant vers le sud aide par sa manœuvre à faire tomber les dernières résistances, à 6h 30 l'objectif est atteint.

Dans l'après-midi du 18 et la matinée du 19, le régmient est en deuxième ligne, derrière la 2e brigade, passée en première ligne. Le commandant MARSEILLE, blessé, est remplacé par le commandant DE SAMPIGNY.

La 2e brigade est arrêtée depuis le matin devant le ravin de CHAZELLES-LECHELLES. Les IER et 2e bataillons de la Légion reçoivent l'ordre de déborder le ravin de CHAZEELLS en marchant vers BUZANCY. Commencera Zlh 30, le mouvement se produit toute la nuit. Le ravin est débordé et nettoyé, la FOULERIE occupée à 2 heures, malgré une vive résistance, ACONIN et le bois GÉRARD enlevés, de nombreux prisonniers faits. Le mouvement en avant continuant, deux compagnies atteignent vers 9 heures la route CHATEAU-THIERRY-SOISSONS, près du moulin de BuZANCY.

L'ennemi s'est ressaisi, il arrive en forces à BUZANCY.

Une nombreuse artillerie déclanche ses feux sur la ligne et à 10 heures, il attaque furieusement le front de la Légion.

Il prend pied dans la ferme ACONIN mais ne peut en


déboucher; son attaque est manquée. A 12 heures, puis à 16 heures, il renouvelle ses tentatives, préparées chaque fois par l'artillerie et les mitrailleuses; les bataillons JACQUESSON et DE LANNURIEN subissent des pertes énormes mais ne bougent pas; l'ennemi qui de so ncôté a gravement souffert, se rend compte de l'inutilité de ses efforts et ne les renouvelle plus.

Le 3e bataillon placé en réserve a vu tomber, mortellement frappé, le commandant DE SAMPIGNY, un des rares survivants de 1914, qui avait assisté à toutes les affaires du régiment et avait été blessé trois fois.

Dans la nuit du 20 au 21 le régiment est relevé, il vient de fournir dix jours de tranchée sans cesse en éveil, et trois jours de rudes combats sans sommeil. 780 hommes sont hors de combat. Pour continuer la bataille et achever de la gagner, des troupes fraîches sont nécessaires.

La Légion a fait pendant ces trois journées 450 prisonniers, pris 20 canons, des minenwerfers et une grande quantité de mitrailleuses et de matériel.

Le général commandant la division marocaine résumait dans l'ordre général suivant, les succès de ces glorieuses journées : ORDRE GÉNÉRAL N° 14 La division marocaine vient de participer à une des plus brillantes offensives déclenchées contre l'ennemi et d'ajouter de nouveaux lauriers à ceux, déjà si nombreux, recueillis depuis quatre années sur le front de France.

Partant d'un terrain difficile, boisé, fortement raviné, énergiquement défendu, couvert de mitrailleuses, Ayant près de 2 kilomètres à parcourir dans la forêt de VILLERS-COTTERETS, avant de déboucher sur le plateau libre, Zouaves, légionnaires, tirailleurs algériens, sénégalais et malgaches, dans un élan formidable, appuyés par une artillerie active et de nombreux chars d'assaut, ont bouscula l'ennemi, 'gagné près de II kilomètres en profondeur, coupé la route de SOISSONS à CHATEAU-THIERRY, fait plus de 1.500 prisonniers, pris 50 canons avec leurs munitions et des mitrailleuses en nombre considérable, laissant le terrain couvert de cadavres allemands.

A L'ARRIÈRE Après un jour passé dans le ravin de SOUCY, le régiment est enlevé en camions et débarque à HARDIVILLERS.


DOMMIERS (JUILLET 1918).

Dessin de M. Duricux.



Le 4 août, il part pour BRUNVILLERS OÙ il reste trente-six heures avant de revenir à CAMPREMY.

Ce cantonnement déjà connu est revu avec plaisir par les légionnaires. Le beau temps est favorable à l'instruction qui se poursuit méthodiquement.

Le 20, sans avis, sans apparat, M. CLEMENCEAU, ministre de la Guerre, vient rendre visite à la Légion.

Le 27 au matin, le régiment est enlevé en camions et débarque le même jour dans le ravin de BANRU.

SUR LA LIGNE HINDENBURG PLATEAU DE LAFFAUX TERNY-SORNY — NEUVILLE-SUR-MARGIVAL — ALLEMANT (27 Août-16 Septembre 1918)

Le temps de débarquer, de se grouper et le 28, à 2 heures, le régiment part à NOUVRON-VINGRÉ, y passe la journée et dans la nuit va prendre position en arrière des Américains qui attaquent le 29 au matin vers TERNy-SORNY.

A l'heure prescrite, il se met en mouvement, mais il est arrêté presque aussitôt : les Américains ont été bloqués devant JUVIGNY. Toujours en deuxième ligne, il occupe des tranchées sur le plateau au sud de BIEUXY. Les journées du 30 et du 31 se passent à faire des reconnaissances et à attendre.

Le IER septembre la Légion relève les Américains en avant de JUVIGNY pour attaquer le 2.

L'attaque est fixée à 14 heures, le bataillon DE LANNURIEN est en tête. Il franchit rapidement le glacis à l'est de BEAUMONT, mais arrivé à la route de BÉTHUNE et au SAPIN,


il est pris d'enfilade par des rafales de mitrailleuses venant de droite : la 596 D. I. qui attaquait de ce côté a été, dès le début, arrêtée; sur notre flanc droit ainsi découvert les mitrailleuses du bois de BEAUMONT et de la cote 172 fauchent les vagues qui se présentent. Un mouvement d'arrêt se produit, le barrage se décolle.

Cependant le bataillon continuant son mouvement traverse la route; arrivé à l'est de SORNY, sur le sommet da plateau, des mitrailleuses se dévoilent dans les chemins creux et il est obligé de se terrer; le capitaine DE LANNURIEN a disparu.

Le bataillon JACQUESSON, qui a suivi le mouvement, est obligé de se terrer à son tour. Le bataillon MAIRE en réserve, avance et se met en position d'attente.

La situation est indécise, à droite les Malgaches et les Russes sont entrés à TERNY mais n'ont pu en déboucher.

Un mouvement léger de recul se produit; les mitrailleuses allemandes et les « mincn » sont actifs : une contre-attaque ennemie- est imminente.

Lorsqu'elle se produit, le bataillon JACQUESSON l'arrête aisément et la refoule en'désordre dans le bois de TERNY. La 590 D. I. a avancé de son côté; la position s'organise.

A partir du 3 le combat ne cesse plus; on avance pas à pas au contact de l'ennemi, l'obligeant à abandonner du terrain, du matériel, des prisonniers.

Le 4, le bataillon MAIRE entre à SORNY; le 5, NEUVILLESUR-MARGIVAL est enlevé et dans la nuit du 5 au 6 le régiment arrive à hauteur du tunnel de VAUXAILLON. Le 26 bataillon (SANCHEZ-CARRERO) est en réserve dans le ravin de NEUVILLE à côté du P. C. du régiment.

La progression continue. Le bataillon JACQUESSON arrive aux TROUS, au nord de LAFFAUX; le bataillon MAIRE s'empare en plein jour, par infiltration, du ravin de SORNY et s'installe dans la tranchée de SORNY, à l'est du ravin qui nous appartient maintenant tout entier. Le bataillon SANCIIEZ-CARRERO toujours en réserve est au tunnel.

Les 10, II et 12 on combat nuit et jour : un nid de mitrailleuses puissamment organisé résiste à tous les efforts et empêche tout mouvement tant dans le ravin de SORNY


PL. X

PLATKAU ni-; LAI-TAUX (SKPTKMUKK 1918).

Dessin de Al. Durieux.



que sur le plateau. Un coup de main tenté sur lui le 13, échoue. L'attaque reprend le 14 à 5h 50.

Le bataillon MAIRE, en première ligne, réduit les nids de mitrailleuses qui se présentent devant lui et fait tomber à la grenade toutes les résistances de la ligne HINDENBURG.

Son élan est si impétueux, qu'il arrive aux abris de la ligne de soutien, avant que l'ennemi qui s'y terre ait connaissance de l'attaque.

Les prisonniers affluent : l'état-major du régiment « Kronprinz Wilhelm » est capturé. Le bataillon a fait un nombre de prisonniers égal au double de son effectif.

Le bataillon SANCHEZ-CARRERO a suivi. A 8 heures les hauteurs dominant ALLEMANT sont conquises. ALLEMANT est occupé. A la même heure, le bataillon JACQUESSON s'est établi au PIQUET assurant la protection des flancs contre toute contre-attaque.

A 17 heures, l'ennemi réagit furieusement sur tout le front de la vallée GUERBETTE, avec de puissants moyens d'infanterie et d'artillerie de tous calibres. Une brillante action du 3e bataillon le refoule en désordre.

A la tombée de la nuit les positions conquises le matin sont maintenues intactes. L'ennemi qui a subi des pertes énormes reste calme durant la nuit du 14 au 15 et la journée suivante.

Pendant toute cette période l'artillerie ennemie tire sans compter, et des obus toxiques principalement : sans cesse il faut recourir au masque, et les attaques avec le masque sont singulièrement épuisantes.

Jamais, depuis le début de la campagne, la Légion n'avait eu à fournir une succession d'efforts aussi soutenus, aussi prolongés, et cela dans un terrain difficile, hérissé de défenses, pourvu d'excellents abris. Et l'ennemi comprenait l'importance de la position : il y avait placé ses meilleures troupes.

La Légion avait crevé la ligne HINDENBURG.

La date du I4 septembre est celle de la fête du régiment.


RECONSTITUTION POUR L'OFFENSIVE EN LORRAINE, DU 17 SEPTEMBRE A L'ARMISTICE

Relevé dans la nuit du 15 au 16, le régiment gravement éprouvé se dirige par étapes sur MEAUX, où il arrive le 21.

Il y séjourne les 22 et 23, puis le 24 au soir il est embarqué pour ROSIÈRES-AUX-SALINES, où il se repose et se reconstitue.

Le II octobre il repart et séjourne à SAULXURES-LÈSNANCY jusqu'au 29 octobre, avant de venir à CHAMPENOUX prendre la tranchée.

Ce sont encore les vieilles lignes de 1914. Secteur calme, maintenant. Et pourtant une attaque se prépare en Lorraine : ce n'est pas pour rien que la Légion et la D. M. y sont venues. Des coups de main sont à l'étude, l'un d'eux doit être tenté le 11 novembre aux premières heures du jour; mais arrive un contre-ordre : l'armistice est signé.

C'est la fin. Les troupes quittent les tranchées et le régiment attend avec une impatience joyeuse le moment de franchir le « no man's land » et de pénétrer enfin dans la LORRAINE libérée.

La guerre était gagnée.

Mais peut-être se demandera-t-on plus tard si nous n'aurions pas dû la prolonger de quelques semaines. La Légion, la division marocaine, les trente autres divisions qui déjà se massaient en Lorraine (Dieu sait avec quel matériel) sont témoins que l'armée française n'était pas précisément à bout de souffle. Cette offensive de Lorraine eût été décisive : enlevant METZ, que les Allemands ne songeaient même plus à défendre, elle allait tout emporter, prendre à revers les forces ennemies de Belgique, les couper du Rhin.

Avant la fin du mois le gros de l'armée allemande était en notre pouvoir. Elle ne serait pas rentrée, musique en tête, sous les arcs de triomphe élevés aux vainqueurs invaincus.

Notre victoire militaire était complète, indéniable. Pour FOCH, pour CASTELNAU, pour les armes françaises, c'était un triomphe sans précédent, une revanche décuplée de SEDAN. Par l'armistice nous y avons renoncé.


« Le droit prime la force », avions-nous déclaré! Et solennellement nous avons cessé, le premier jour où cela a été possible, ce recours avoué à la violence et au meurtre qui s'appelle la guerre.

L'expérience était belle. Sera-t-elle concluante et dans quel sens? L'histoire en jugera.

Mais à la Légion, où pourtant l'élément dominant servait pour la durée de la guerre, on eût, de bon cœur, prolongé cette durée.

LA MARCHE AU RHIN

Nous l'avons eu, votre Rhin allemand: Il a tenu dans notre verre.

A. DE MUSSET.

EN LORRAINE

Le 17 novembre le régiment part de CHAMPENOUX, en route pour le Rhin.

Il fait partie des troupes qui pénètrent les premières en pays annexé d'abord, en pays ennemi ensuite. Après avoir été si souvent à la peine, il est juste qu'il soit maintenant à l'honneur.

Il n'est pas besoin de poteau pour reconnaître la frontière de la Lorraine occupée par les Allemands depuis 1871 : d'un côté, la désolation et la ruine, les barbares ont tout détruit, tout saccagé; de l'autre, il semble que la guerre n'ait pas eu lieu; les Français ont épargné les villages habités par leurs frères exilés.


A CHATEAU-SALINS l'accueil est enthousiaste et émouvant. Le lieutenant-colonel ROLLET présente le drapeau, le général DAUGAN lui rend les honneurs ; des femmes viennent embrasser le glorieux emblème de la Patrie retrouvée, le vieux maire et les Lorrains qui sont là ne peuvent retenir leurs larmes. (i).

Le 18, le régiment continue.

A 13 heures, passage à INSMING où la population et le maire ÉVERLÉ lui réservent un accueil inoubliable. Depuis 8 heures, les jeunes filles sont là, dans leurs plus beaux atours, ravissantes avec leur gracieux costume lorrain que complète la jolie coiffe de dentelle. C'est par les cris de « Vive la France! Vive la Légion! » que les troupes et le drapeau sont salués. La dernière compagnie qui défile s'arrête pour rendre les honneurs au drapeau; elle est immédiatement entourée, choyée : soldats et Lorrains s'embrassent de plein cœur, comme peuvent s'embrasser de vieux amis qui se retrouvent après une longue et cruelle séparation.

A SAARALBE même accueil aimable, même joie, même enthousiasme des habitants.

Aux villages de langue française succèdent à présent ceux où l'on parle presque exclusivement allemand : KAPPELKINGER, WALDHAUSEN, SCHMITWILLER, ETTINGEN, enfin VOLMUNSTER, dernière étape avant de franchir la frontière allemande : c'est bien toujours la Lorraine; ceux qui ne sont pas Lorrains cherchent d'ailleurs à se donner pour tels : partout l'accueil est aussi chaleureux.

Il faut séjourner une semaine à VOLMUNSTER, car la frontière ne doit pas être franchie avant le IER décembre.

EN BAVIÈRE RHÉNANE

Le IER décembre au matin le régiment se met joyeusement en route : il va pénétrer en Allemagne; la frontière est franchie entre VOLMUNSTER et HORNBACH.

HORNBACII est le premier village ennemi traversé : accueil glacial.

(1) Voir « Anecdotes et Récits », p. 125.


A ZwEiBRiiCKEN (Deux-Ponts) la foule curieuse envahit les rues. La statue de BISMARCK a un franc succès. « Tu ne t'attendais pas à celle-là! ¡) lui crient les légionnaires.

La Légion étrangère, en route pour le Rhin, saluant de quolibets son effigie. Non, sans doute, c'est un rêve que n'a point fait le chancelier de fer!

Partout, à NIED-AUERBACH et dans les environs, tout le monde est dehors. Les Allemands ont l'air d'ignorer la dignité muette des rues vides et des fenêtres closes.

Le 2, le régiment traverse la région pittoresque du HARDT séjourne à OBERNHEIM et aux environs et arrive le 5 à KAISERSLAUTERN. Il y fait son entrée au milieu d'une foule compacte, non sympathique peut-être, du moins curieuse et nullement hostile. Le lendemain l'officier qui retire le certificat de bien-vivre reçoit de la municipalité des compliments empressée et flatteurs.

A FRANKENSTEIN, à WEIDENTHAL, à BAD DURKHEIM l'accueil est plus froid. C'est plutôt moins gênant.

Enfin, le 8, dernière étape, la Légion cantonne à FRANKENTHAL, et dans les environs. Elle garde et surveille LUDWIGSHAFEN et MANNHEIM, prête, au moindre geste, à intervenir s'il le faut.

Voilà donc des troupes françaises qui montent, elles aussi, la garde au Rhin! Et dans ces troupes il y a la Légion !

Justice immanente, tu n'es pas un vain mot!

La Légion, pendant près d'un demi-siècle, avait encouru l'hostilité de l'Allemagne : non seulement elle ôtait à l'Allemagne des gens de cœur, mais encore elle était la vivante protestation des annexés.

La Légion. MM. les Pangermanistes l'avaient, avant 1914, brutalement — mais assez sottement — prise à partie, lui faisant, à leurs dépens même, une tapageuse et efficace réclame.

La Légion. ils ont continué, pendant la guerre, à lui prodiguer les marques de leur exécration; elle, à leurs dépens encore, a su forcer, chez ses adversaires, la haine stupide à faire place au respect basé sur la crainte.

La Légion, à leurs dépens toujours, vient dans cette


épopée de quatre ans de se couvrir à nouveau d'une immortelle gloire.

La Légion a poursuivi sa route. Et elle est là, chez eux, qui fait retentir à leurs oreilles les notes claires et nerveuses de son refrain vainqueur !


TROISIÈME PARTIE

ANECDOTES ET RÉCITS



ANECDOTES ET RÉCITS

Le récit des opérations militaires, tel qu'on l'a trouvé ci-dessus, se devait, pour conserver la clarté nécessaire, d'être continu, homogène. De là sa concision, qui vraiment frise souvent la sécheresse.

A peine a-t-il pu être donné un aperçu sommaire de la physionomie des combats, mais sans que soit mis suffisamment en valeur le constant et incroyable déploiement d'héroïsme, qui a donné au régiment de marche de la Légion une place si hautement honorable sur le palmarès de la gloire.

C'est dans le Livre d'Or qu'il faut aller puiser : c'est dans la lecture de ce recueil incomparable que se révèle l'Ame de la Légion, joyeuse, douloureuse, glorieuse.

Joyeuse : car c'est toujours avec joie que le légionnaire accomplit sa tâche, si dure soit-elle.

Douloureuse. Oh, combien! Non ce n'est pas pour chercher un effet littéraire que JAEGLÉ, parlant de ses hommes endormis, évoque — image shakespearienne — l'essaim des sifflantes et folles douleurs. Qui pourra mesurer la profondeur de cet abîme : la souffrance de la Légion?

Glorieuse : oui, rayonnante d'une gloire sans égale.

mais d'une gloire si simplement, si naturellement conquise, que les plus admirables, parmi les auteurs de cette gloire, se montrent toujours les plus modestes.

Le Livre d'Or, album de haut luxe en exemplaire unique, est un ouvrage trop rare, trop précieux, trop important aussi, pour qu'il puisse être mis entre les mains de tous : il faut que l'Historique en présente un extrait.


On trouvera donc dans les pages suivantes : Anecdotes et récits, un nombre d'épisodes suffisant pour la révéler, cette Ame de la Légion, pour montrer tout ce que pouvait avoir de décisif l'intervention, sur le champ de bataille, d'une supériorité morale de cet ordre, pour indiquer aux jeunes la route à suivre : celle qu'ont tracée les anciens, sanglante, mais droite et lumineuse.

Cette route, le 14 juillet 1919, s'est trouvée passer sous l'Arc de l'Étoile.


MEXIQUE

CAMERONE (30 Avril 1863)

Le régiment Étranger est réparti sur la ligne d'étapes de la VERA CRUZ à PUEBLA, assiégée depuis deux mois. Sa tâche est ingrate mais rude, car les guérilleros infestent le pays.

Dans la nuit du 29 au 30 avril, la 3e compagnie du Ier bataillon est alertée. Elle part à l'effectif de 62 sousofficiers et légionnaires, commandée par le capitaine DANJOU, adjudant-major, avec les sous-lieutenants VILLAIN et MAUDET, ce dernier, porte-drapeau, marchait comme volontaire. Mission : se porter sur PALOVERDE, explorer les environs, et éclairer la route que doit suivre un important convoi destiné à PUEBLA.

Rien de suspect n'est signalé : cependant un parti important de Mexicains guette le convoi qu'il a promis d'enlever.

Il est commandé par le colonel MILAN, qui dispose de 1.200 fantassins éclairés par 850 cavaliers.

A PASO DEL MACHO, le capitaine DANJOU refuse un renfort de grenadiers qui lui offrait le capitaine SAUSSIER.

Il continue sa route, traverse le village de CAMERONE, désert et à peu près ruiné. A 7 heures les légionnaires font le café au point d'eau de PALO VERDE. Le soleil darde, promettant une chaude journée.

Soudain, du côté de CAMERONE, des tourbillons de poussière apparaissent : Aux armes, l'ennemi. C'est un gros parti de cavaliers, les cavaliers du colonel MILAN.

Coups de pied dans les marmites; et on se porte dans la direction de cet ennemi. A travers bois, on regagne CAMERONE. En débouchant près du village, la -compagnie repousse, formée en carré, deux charges successives des cavaliers mexicains. Le nombre des adversaires décide le capitaine DANJOU à occuper l'hacienda qui est à l'ouest du village, pour offrir un point d'appui solide. A la baïonnette, on se fraie un passage jusqu'à la ferme, sans pouvoir em-


pêcher une partie de l'enceinte et des bâtiments d'être, en même temps, occupés par l'ennemi. On s'organise : la lutte promet d'être acharnée.

Sommé de se rendre, DANJOU répond fièrement ; « Nous avons des cartouches. a Le feu éclate partout à la fois ; on lutte un contre dix. Dans le crépitement de la fusillade, les cris et les râles, il fait jurer à ses hommes de lutter jusqu'au dernier, et tombe frappé d'une balle au cœur.

Le sous-lieutenant VILLAIN prend le commandement; le combat continue. A midi des clairons se font entendre.

Sont-ce lies grenadiers de SAUSSIER? Non, ce sont les 1.200 fantassins de MILAN.

Le sergent MORZICKI, grimpé sur un toit, voit arriver toute cette infanterie. A une deuxième sommation il répond par le mot de CAMBRONNE. L'assaut commence, furieux. Froidement, chaque légionnaire vise son homme; le flot des assaillants oscille, recule, mais est ramené à la charge; les légionnaires sont refoulés dans l'angle sud-ouest de la cour, et dans les murs s'ouvrent sans cesse de nouvelles brèches, de nouveaux créneaux par où l'ennemi les fusille. Vers 2h 30, le lieutenant VILLAIN est foudroyé d'une balle au front.

Il faut lire le récit que le capitaine MAINE a laissé de ces moments tragiques : chaleur accablante, soleil impitoyable, pêle-mêle les morts déjà livides et les blessés stoïques, la soif torturante, la soif effroyable.. mais le sentiment du devoir plus fort que la soif.

« D'espoir, il n'en restait plus; personne cependant ne parla de se rendre. Le porte-drapeau MAUDET, un vaillant lui aussi, avait remplacé VILLAIN; un fusil à la main, il combattait avec nous sous le hangar, car déjà les progrès des ennemis ne permettaient plus de traverser la cour et de communiquer des ordres. Au fait il n'en était pas besoin; la consigne était bien connue de tous : tenir jusqu'au dernier, jusqu'à la mort. »

.Les Mexicains ont recours à l'incendie, enfumant littéralement les défenseurs qui ne bronchent pas; ils se faufilent dans la fumée, tirent à coup sûr : quand au bout d'une heure et demie le feu s'éteint faute d'aliment, les légionnaires ne sont plus qu'une douzaine.


Vers 5 heures, un moment de répit : le colonel MILAN avait réuni ses troupes et les haranguait.

« Troisième sommation : nous n'y répondîmes même pas. »

L'assaut reprend plus terrible que jamais. Des légionnaires sont entourés, saisis, pris à la gorge, enlevés. Les défenseurs du hangar, qui flanquent intérieurement deux murs font, en arrière des brèches, des hécatombes d'assaillants. Mais leur nombre diminue d'instant en instant. Sous le soleil implacable des blessés déliraient.

Laissons la parole au capitaine MAINE, qui portait les galons de caporal.

« J'adossai à la muraille le cadavre de MORZICKI, et retournai vivement ses poches : il lui restait deux cartouches, je les pris.

« Nous n'étions plus que cinq : le sous-lieutenant MAUDET, un prussien nommé WENZEL, CATTAU, CONSTANTIN et moi.

Nous tenions toujours l'ennemi en respect, mais notre résistance tirait à sa fin, les cartouches allaient s'épuisant.

Bientôt il ne nous en resta qu'une à chacun. Il était 6 heures environ, et nous combattions depuis le matin.

« Joue. Feu! dit le lieutenant : nous lâchâmes nos cinq coups de fusil et lui en tête nous bondîmes en avant baïonnette au canon. Une formidable décharge nous accueillit.

CATTAU s'était jeté en avant de son officier pour lui faire ,un rempart de son corps, il tomba frappé de dix-neuf balles.

En dépit de ce dévouement, le lieutenant fut lui-même frappé de deux balles, l'une au flanc droit, l'autre qui lui fracassa la cuisse droite.

« WENZEL était tombé lui aussi, le haut de l'épaule traversé, mais sans que l'os eût été touché; il se releva aussitôt.

« Nous étions encore trois debout, WENZEL, CONSTANTIN et moi.

« Un moment interdits à la vue du lieutenant renversé, nous nous apprêtions cependant à sauter par-dessus son corps et à charger de nouveau; mais déjà les Mexicains nous entouraient de toutes parts et la pointe de leurs baïonnettes effleuraient nos poitrines.

« C'en était fait de nous, quand un officier supérieur qui se trouvait au premier rang des assaillants leur ordonna


de s'arrêter et d'un brusque mouvement de son sabre releva les baïonnettes qui nous menaçaient : Rendez-vous, nous dit-il.

« — Nous nous rendrons, répondis-je, si vous nous laissez nos armes et notre fourniment, et si vous vous engagez à soigner notre lieutenant que voilà blessé.

« L'officier consentit à tout. Il m'offrit le bras, donna l'aptre à WENZEL blessé. On vint chercher le lieutenant sur un brancard.

« .Nous arrivâmes dans un petit pli de terrain où se trouvaient le colonel MILAN et son état-major.

« — C'est là tout ce qu'il en reste? demanda-t-il en nous apercevant. Et sur réponse affirmative : Ce ne sont pas des hommes, ce sont des démons!

« On nous donna de l'eau et des crêpes de maïs, sur lesquelles nous nous jetâmes avec avidité.

« Au même moment arrivait le lieutenant MAUDET couché sur un brancard et entouré d'une nombreuse escorte de cavaliers; d'autres blessés venaient après lui. »

Tel est ce fait d'armes, égal aux plus glorieux, où une poignée de légionnaires, sans eau, sans vivres, sans abri, dans une cour ouverte, sous les ardeurs d'un soleil meurtrier, tinrent en échec pendant plus de dix heures près de 2.000 ennemis, dont ils tuèrent 300.

Le nom de CAMERONE fut inscrit sur le drapeau de la Légion étrangère, ceux de DANJOU, VILLAIN et MAUDET furent gravés en lettres d'or sur les murs des Invalides.

Le maréchal FOREY ordonna que toute colonne passant devant la tombe des héros devrait s'arrêter et rendre les honneurs.

ILS FURENT ICI MOINS DE SOIXANTE OPPOSÉS A TOUTE UNE ARMÉE SA MASSE LES ÉCRASA.

LA VIE, PLUS TOT QUE LE COURAGE, ABANDONNA CES SOLDATS FRANÇAIS.

30 AVRIL 1863


TONKIN

SIÈGE DE TUYEN-QUANG (Novembre 1884-Mar. 1885)

Une colonne commandée par le colonel DUCHESNE a dégagé TUYEN-QUANG; les Chinois culbutés ont disparu; la colonne française regagne le DELTA. Mais tout n'est pas fini à TUYEN-QUANG.

Le 23 novembre, le commandant DOMINÉ prend le commandement de la place, dont la garnison comprend 2 compagnies de Légion, 1 compagnie de tirailleurs tonkinois, 31 artilleurs de marine avec 4 canons de montagne et 8 sapeurs du génie commandés par le sergent BOBILLOT, plus la canonnière la Mitrailleuse.

La citadelle est une vieille masure chinoise, construite en briques, adossée au sud à la RIVIÈRE CLAIRE, dominée de partout par des hauteurs boisées dont l'une détache un mamelon qui s'approche à 300 mètres à peine. Au bord des murs et près de la rivière un petit village en paillotes.

Tout est calme, mais que cache la ceinture de forêts impénétrables qui enserrent TUYEN-QUANG? Le 7 décembre, une compagnie lancée à la découverte, bouscule 500 Chinois.

La citadelle se met immédiatement en état de siège; on réunit des approvisionnements, on apporte des matériaux, le mamelon d'où l'on voit dans la citadelle est organisé, un blockhaus y est construit.

L'ennemi cependant s'est avancé, une reconnaissance qui s'est aventurée a failli être coupée au retour. Les Chinois entourent la citadelle d'une ligne de tranchées appuyée à des villages bien fortifiés : c'est un siège en règle qu'ils entreprennent. Le 26 janvier, ils bombardent, incendient le village et lancent trois colonnes contre le blockhaus que défend le sergent LEBER de la Légion. Ils sont repoussés partout, mais leur ligne d'investissement n'est plus qu'à 500 mètres et, le 30 janvier, le blockhaus est évacué.

A partir de ce moment, les événements se précipitent.

La ligne ennemie avance rapidement, gagne du terrain,


touche presque la citadelle; les banquettes deviennent intenables et il faut les protéger par des palissades en bois dur, que les Chinois cherchent à jeter bas avec des grappins. Des attaques de vive force sont tentées journellement, le bombardement redouble; les munitions s'épuisent, il ne faut plus tirer qu'à coup sûr. L'ennemi remue la terre de si près que les sentinelles ne peuvent plus voir au-dessus du mur sans danger mortel : on ressuscite à leur usage les antiques mâchicoulis. Malheureusement, dans ce contact perpétuel les coups ne pardonnent guère.

Le 10 février, les galeries de mines sont si près qu'on s'attend à chaque instant à voir la brèche s'ouvrir; le II, Français et Chinois sont face à face; le 13, le saillant sudouest saute en entier et nos pertes sont graves. A la hâte on élève un retranchement de fortune, mais du sud à l'ouest les galeries se multiplient. Le but des Chinois n'apparaît que trop : ils veulent détruire le rempart, d'un seul coup, sur une longue étendue. Avant que l'enceinte de la première citadelle ait disparu, 'DOMINÉ décide d'en construire une seconde, soixante légionnaires y travaillent nuit et jour, le réduit s'élève.

Le dénouement est proche. Le 17, est tué le capitaine DIA, des Tonkinois; le 18, le sergent BOBILLOT; le 22, trois mines sautent et 60 mètres de murs s'écroulent. Le capitaine MOULINAY, de la Légion, s'élance pour garnir la brèche, lorsqu'une nouvelle explosion se produit : il est tué ainsi que 12 légionnaires, 26 autres sont blessés, l'ennemi est cependant repoussé. Dans la nuit du 24, par une obscurité profonde, les Chinois escaladent les brèches et percent sur plusieurs points; la citadelle est forcée, quand les capitaines CATTELIN et DE BORELLI accourent avec la réserve. générale, la charge sonne et l'ennemi est refoulé à la baïonnette. Il est 4 heures; les bombes, les fusées éclairent la nuit de lueurs de bengale, il y a un vent de balles qui passe, nos clairons sonnent avec rage; les gongs, les tam-tams résonnent lugubrement; aux cris sauvages des Chinois répondent les hourrahs des légionnaires; la scène est grandiose dans son horreur fantastique.

Le 25, une mine saute encore; l'enceinte n'est plus qu'une ruine. Enfin, le 28, une dernière mine projette, en éclatant,


TUlE'\-QL'G APRKS LE SIEGE.

Dessin d'après nature du canonnier Guscliinjî, uu des défenseurs le la place.



d'énormes masses de maçonnerie à plus de 60 mètres : c'est un signal d'assaut général. Pendant quatre heures on se fusille à bout portant, on s'aborde à l'arme blanche; les Chinois jettent des pétards, des sachets de poudre à la figure des défenseurs; vains efforts : l'attaque est brisée, les assaillants perdent pied en abandonnant les brèches couvertes de leurs morts.

C'est la dernière attaque : déjà dans la direction de Yuoc le canon tonne : c'est la colonne de secours. Pour marquer son succès la garnison victorieuse fait une sortie à, sa rencontre. Les Pavillons Noirs abandonnent la lutte et fuient vers le nord.

Le 3 mars, le général GIOVANINELLI passait en revue, devant les murs en ruine de leur citadelle, ce qui restait de la poignée de héros qui pendant trente-six jours avait tenu en respect une armée de 10.000 Chinois aguerris, supérieurement armés et outillés.

TUYEN-QUANG (13 Février 1885)

Le 13 à 3 heures du matin, une nouvelle explosion fait sauter le saillant sud-ouest de la citadelle. On court aux armes, puis, dans l'obscurité, un feu terrible s'engage sur la brèche.

Nos pertes sont graves et l'un de nos morts précipité par l'explosion gît sur le dos à 10 mètres de l'autre côté du rempart. Le caporal BEULIN demande l'autorisation d'aller le chercher; elle lui est accordée. Alors, tandis que le mur se garnit d'une poignée de braves qui ouvrent un feu violent sur la tranchée chinoise de manière à attirer l'attention sur eux, BEULIN aidé de quatre légionnaires de bonne volonté, sort, ramasse le corps et rentre par la brèche devant les Chinois stupéfaits de cet héroïsme. Il est acclamé de tous les défenseurs de TUYEN-OUANG.


SOUVENIRS DU SUD-ORANAIS

(1903)

Deux noms suffisent pour caractériser la période : TAGHIT et MOUNGAR. Ils valent de rester debout dans le souvenir algérien comme leurs mausolées restent debout, témoins fidèles et respectueux, sur leur sol arrosé de sang.

A 200 mètres des murs de TAGHIT, surplombant la palmeraie, dominé par la dune fauve et par le Béchar rocheux blanc dans le soleil, entouré des allées et venues d'une population maintenant paisible et soumise, le monument de l'adjudant GABAIG et de ses compagnons de dévouement, comme les combats où ils tombèrent, respire, plus que le deuil, le triomphe. Car ce fut une chose belle et réconfortante que la défense de cet îlot français, isolé à la corne du Grand-Erg, privé de soutien et de lien, contre la marée montante des nomades. Cinq jours durant, nous fusillant du haut des dunes, essayant de nous couper de l'eau, encouragés par les youyous des femmes, enflammés par le fanatisme religieux, exaspérés par la crainte de voir les roumis mettre une fin à leurs libres pratiques de pillage et de vendettas, les DOUI-MENIA, la grande tribu du GUIR, usèrent les balles de leurs 3.000 fusils et l'élan de leurs volontés bandées contre les murs de toub, derrière lesquels tirailleurs, zéphyrs, goumiers et légionnaires leur montrèrent que la pioche ou la truelle ne leur avaient point fait oublier le jeu du fusil; leur montrèrent surtout que l'ordre, la discipline, la confiance joyeuse en leurs chefs et dans le drapeau qu'ils défendent, permettent même à une poignée d'hommes de braver les efforts désordonnés et furieux d'une multitude.

Tout autre est le mausolée, tout autre aussi le combat de MOUNGAR; au revers d'une crête gypseuse et aride, ayant à l'orient les ondulations des dunes suspectes, à l'occident la plaine nue de la ZOUSFANA, tout autour de lui le vide, sinistre dans son isolement, le monument de


MOUNGAR a bien l'air d'un désespéré solitaire. Mais il trompe ceux qui, de loin, ont aperçu sa pyramide désolée; qu'ils s'approchent et, debout devant lui, ils sentiront que cet abandonné est un fidèle, qu'il veille sur le repos de quarante dévoués obscurs et, qu'avec lui, au long des brûlants étés et des clairs hivers, veille la GLOIRE, C'est là, à 70 kilomètres de nous, par delà le Béchar, que, le 2 septembre 1903, sans eau, sans espoir, sans chefs et sans consigne, les débris sanglants de la compagnie montée du 2e Etranger et quelques spahis du 1er régiment luttèrent huit heures durantcontre un ennemi aussi acharné qu'eux; cramponnés aux deux mamelons d'où leurs balles et, mieux qu'elles leur invincible courage, protégeaient le vieux VAUCHEZ, leur capitaine, se regardant mourir au milieu de son sénat de mourants, et le corps inerte du lieutenant SELCHAUHANSEN, recouvert des cadavres de ceux de ses hommes qui avaient payé de leur vie leur intrépide désir de le dérober aux profanations cruelles.

Qu'il est donc glorieux dans son horreur profonde ce coin de terre, où, jeunes et vieux, Français, annexés ou étrangers, les légionnaires, mettant à bien mourir autant de rude bravade qu'ils savent en mettre à mal vivre, les dents serrées sur leur rage silencieuse, lassèrent l'ennemi à force d'héroïque ténacité, se sacrifiant jusqu'au bout à l'honneur de leur régiment et à l'accomplissement intégral de leur devoir de soldats.

RONDE DE NUIT DANS LE CAMP (1907)

.Nous visiterons, si vous le voulez bien, le groupe mobile de COLOMB-BÉCHAR qui, par hasard, pour quelques jours, vit ici de ses rentes, ferre ses chevaux et répare ses semelles. Mais laissez-moi vous emmener avec lui, loin d'ici, sur les rives du GUIR, à la fin d'une journée de mars ou d'avril.

Le soir tombe, autour du bivouac carré, à peine dessiné dans le jour déclinant, quelques feux discrets brillent; près d'eux, dans la fumée odorante du thym, de petits groupes d'hommes tassés causent, rient, fument, insoucieux des


fatigues du lendemain, oublieux de celles de la. veille; non loin, d'un cercle de légionnaires couchés, monte, poussé en sourdine par des voix rudes, un lied mélancolique, évocateur du sentimental pays de la bière et des filles blondes, une sautillante chanson de route de bersaglieri ou la très avant-dernière création des cabarets de la Butte. Un bref coup de langue, les feux s'éteignent et tout ce petit monde de déracinés nomades, le fusil attaché au poignet, s'étend et tombe au silence nécessaire et au sommeil réparateur.

Tout autour le bled, si calme, si placide, si mort qu'il en paraît suspect et menaçant; du fond de la vallée monte un brouillard léger; tout dort, sauf quelques postes cachés, tapis aux creux des ravins ou des hauteurs, vigilants gardiens responsables de la sûreté de tous.

Tournons avec l'officier de quart autour du bivouac silencieux et passons-en la revue nocturne; je pourrai ainsi vous dire tout le bien que je pense de ces endormis, et, s'ils nous entendent, personne ne les verra rougir.

Faisceaux de sabres; une ligne de burnous couchés contre de hautes selles, derrière eux les croupes ondulantes des chevaux à la corde; nous sommes chez les Spahis.

.1.

Allons plus loin, voici la ligne des tentes à quatre du groupe franc de COLOMB, des infatigables marcheurs qui détiennent sans le savoir le record de la course de fond avec chargement de guerre.

Plus loin encore, voici les purs, les vrais enfants du sol, les cavaliers de la compagnie saharienne.

Enfin, et c'est mon droit de vous arrêter plus longtemps, car je suis ici chez moi, voici mes hommes, les légionnaires de la compagnie montée dont les mulets rustiques philosophiquement rêvent d'un repos qui ne viendra jamais. Sous la toile mince des tentes à six reposent les durs forçats guerriers, mes légionnaires au cœur robuste, vaniteux de déchéance, déchus d'espérances.

Depuis trop longtemps je suis les rudes escouades gron-


deuses derrière l'orage roulant des caisses, la plainte aiguë des fifres et la voix des clairons fracasseurs qui rythment au long des routes d'Afrique les transhumances de la Légion, dans la poussière blanche et le grand vent des plaines, le morne silence des fatigues, l'odeur du cuir et de la misère humaine, pour ne pas avoir fait d'eux quelque chose comme une famille, pour ne pas vouloir qu'ils aient, bronzes éclaboussés de boue, leur piédestal d'estime et d'orgueil. Loin des bordées de garnison, triés par la misère, les excès et les fatigues, il ne nous reste là que des dévoués et des forts : têtus, bourrus, volontaires et brutaux, mais ruisselants d'amour-propre, adroits, vigoureux, crânes, rarement étonnés et jamais ébranlés, fidèles, suivant leur chef comme on suit, un drapeau, fusils sûrs, baïonnettes dociles, poitrines vaillantes; trop bien dressés par la désillusion et la souffrance pour ne pas avoir fait de leur vie un accessoire que. l'on donne pour rien, pour si cher qu'on la vende.

Le vent s'élève, puissant et froid; laissons-les sous leurs capotes de guerre dormir de leur sommeil profond comme la tombe; sur leurs fronts insolents passe, avec le vent de la nuit, les sombres rêves et l'essaim des sifflantes et folles douleurs.

La ronde est terminée.

Lieutenant JAEGLÉ, Mort à l'ennemi, à BENI-OUZIEN, le 13 mai igo8.


CAMPAGNE DE FRANCE

UN VIEUX BRAVE

(SILLERY, 11 Novembre 1914)

Délié de toute obligation militaire au début de la mobilisation, le lieutenant DOUMIC ne tient pas compte de ses cinquante-deux ans, et désirant prendre place dans une formation active, il choisit la Légion étrangère.

On lui confie l'instruction de la compagnie d'engagés volontaires polonais; il se dépense sans compter et obtient vite une unité de premier ordre qu'il veut lui-même conduire au feu.

Dans la nuit du 10 au il novembre 1914, une de ses section soccupe un saillant en face de LA BERTONNERIE; le lieutenant passe l'inspection des sentinelles; voyant un de ses hommes très fatigué il prend sa place au créneau, c'est là qu'il est tué raide, d'une balle au cou.

GUERRE DE PATROUILLES

(CRAONNELLE, 20 Novembre 1914)

Le 28 novembre 1914, le sergent DERAZ et quinze hommes sont désignés pour aller en patrouille sur le plateau de VAUCLAIR, avec la mission d'étudier et de reconnaître les défenses allemandes; la patrouille se glisse lentement, sans bruit, sous le réseau de fil de fer; mais à 3 mètres d'une tranchée, elle est surprise par un feu de mitrailleuses, qui lui occasionne un tué et un blessé. Le sergent, sans perdre la tête, crie pour tromper les Allemands : Compagnie, en avant, à la baïonnette! Les Allemands cessent le feu.

Le Hollandais VOORZANGER se dresse debout, prend son camarade blessé sur l'épaule et le ramène dans les lignes; la patrouille rentre en abandonnant le mort. Quatre groupes de volontaires sont spontanément formés pour essayer de ramener le corps de leur malheureux camarade


et pour empêcher les Allemands de reconnaître l'unité placée en face d'eux. Ils réussissent après trois heures d'efforts persévérants et d'audacieux stratagèmes.

Il y a des cadavres qui sont des drapeaux, on ne les laisse pas aux mains de l'ennemi.

(CRAONNE, 20 Décembre 1914)

Le 20 décembre 1914, une reconnaissance d'un adjudant, un sergent, douze hommes opérant en avant de nos lignes à MOULINS-PONTOIS, arrive aux tranchées de CRAONNELLE, les explore et poussant plus loin ses investigations, à la faveur de la nuit claire, parcourt le cimetière, reconnaît le mausolée de 1814, gagne enfin les premières maisons de CRAONNE. Là, elle se heurte à une barricade allemande et revient à l'abri d'un boqueteau. Soudain un cri : Halt!

Wer da? C'est une patrouille de vingt Allemands. Les légionnaires se couchent sans tirer. Interpellant les Allemands dans leur langue, ils s'approchent en rampant et lorsqu'ils sont à 2 mètres, sur un signal de l'adjudant WEBER, ils bondissent à la baïonnette. Plusieurs Allemands sont tués, trois grièvement blessés sont emportés dans nos lignes.

Mais la patrouille ne s'en ira pas sans avoir pris un Allemand valide. Le sergent BURCKLEY en bouscule un qui tombe : l'adjudant le saisit, le maîtrise rapidement et parvient à le ramener prisonnier, après l'avoir bâillonné et ligoté.

QUAND MÊME (PRUNAY, 22 Décembre 1914)

Le 22 décembre 1914, le 2e régiment de marche du Ier Étranger prend part à une action exécutée par les éléments de la division marocaine contre le saillant formé par la ligne avancée des tranchées allemandes au sud de LA BERTONNERIE.

La mission des troupes du secteur de PRUNAY est d'exécuter par la droite une attaque, attirant ainsi sur elle une


partie du feu du saillant; or, tout le terrain au nord-est de PRUNAY est complètement dénudé, la progression dans cette plaine est des plus périlleuses. Le caporal-tambour WERNER reçoit au début de l'action deux éclats d'obus au bras et à la cuisse droite; il se fait panser par un infirmier et refuse de se laisser évacuer. Au même instant l'agent de liaison de la compagnie de tête est tué, le caporal s'offre alors spontanément pour le remplacer et il continue, pendant toute la journée, à remplir les fonctions de coureur en terrain découvert, sous un très violent bombardement d'artillerie et sous un feu d'infanterie très dense. Ayant ainsi accompli bravement' sa mission, il accepte d'être évacué à la fin de l'attaque.

(OULCHES, Février 1915)

Le commandant MICHAUD BELLAIRE se dirige vers son poste de commandement du secteur d'OuLCHES, lorsque arrive une rafale d'obus de 150. Le légionnaire MOHAMED BEN KIAL jette le commandant à terre, et se couche sur lui, en disant : Je ne veux pas que tu sois tué avant de l'être moimême!

LA CHANSON DU POLONAIS

C'était dans une tranchée, et au cours d'un combat les soldats de notre Légion polonaise avaient fait des prisonniers boches qui leur avaient avoué que le régiment allemand, en face d'eux, comprenait beaucoup de Polonais aussi.

Le renseignement était intéressant. Le commandant de la Légion, le soir venu, demanda pour unevmission particulièrement périlleuse un soldat de bonne volonté. Il s'en présenta plusieurs, mais un entre autres parut si résolu que son chef lui confia son projet. Il s'agissait de faire savoir aux Polonais qui se battaient dans les rangs allemands que c'étaient leurs frères qui étaient dans nos tranchées à nous et qu'ils devaient abandonner les rangs où


on les avait incorporés malgré eux pour venir parmi leurs compatriotes.

C'était un rude travail. Il fallait à la fois de l'audace et de la prudence pour gagner les tranchées allemandes, où l'on guettait les nôtres soigneusement.

A la nuit, le soldat de la Légion polonaise partit. Il s'avança, rampant sur le sol, se dissimulant de son mieux et arriva jusqu'aux lignes ennemies, et là, tel un chevalier d'autrefois, tel Blondel sous la lucarne de la prison de son roi, chanta doucement, murmura plutôt une vieille chanson populaire de Pologne.

Les Polonais allemands écoutèrent, surpris d'abord, puis ravis ensuite par ce vieil air qui leur rappelait leur pays.

C'était toute l'évocation de leur patrie libre qui jaillissait de cet antique refrain. Levant les yeux, ils aperçurent le nôtre, qui, leur parlant à voix basse, leur dit qu'en combattant pour la France, lui, combattait pour sa race libérée, et qu'ils devaient en faire autant.

Puis il partit, laissant derrière lui, dans tous les cœurs qui l'avaient compris, l'écho de sa chanson. Il revint près de ses camarades, lentement, avec le même sang-froid qu'il avait eu en les quittant, sans qu'un coup de feu l'ait atteint.

Et, le lendemain, après que le jeune soldat eut été félicité par son chef, on vit venir au crépuscule, des tranchées ennemies, des Polonais qui ne voulaient pas, plus longtemps, tirer sur ceux qui luttent pour la France et pour la Pologne ressuscitée.

(Intransigeant, février 1915.)

LE "SERGENT"

(PRUNAY, Avril 1915)

Une patrouille est organisée pour surprendre un petit poste allemand au village de LOIVRE, au sud du fort de BRIMONT.

Trois groupes de quelques hommes, commandés chacun par un sergent, se glissent pour le surprendre. Le sergent CROSS atteint le premier les fils de fer; il reçoit une balle


en pleine poitrine; sans mot dire, il s'accoude et tire sur les Allemands.

Au cours de cette fusillade, trois des nôtres sont blessés.

Le sergent LEROUX, placé en arrière avec un groupe de réserve, accourt pour aider son camarade; il reçoit une balle dans la main droite.

Au même moment, une section d'Allemands sort des tranchées; la patrouille est obligée de se retirer en toute hâte.

Le légionnaire CHAULNE reste seul auprès du sergent CROSS; il le panse, le console, le sergent meurt dans ses bras. Le petit jour l'ayant surpris, il reste toute la journée caché dans l'herbe et revient à la faveur de la nuit dans les lignes françaises. Il s'offre à guider ses camarades pour reprendre le cadavre de son sergent, qu'il ne veut pas abandonner sans sépulture.

ARTOIS

LE CLAIRON

(OUVRAGES BLANCS, 9 Mai 1915)

Au cours de l'assaut, THEISSEN, clairon à la 2e compagnie, monte sur une meule de paille, se met tout droit et sonne la charge jusqu'au moment où il tombe, frappé d'une balle.

EN AVANT !

Le capitaine OSMONT D'AMILLY, commandant la 2e compagnie du bataillon C, s'élance le premier hors de la tranchée et court aux OUVRAGES BLANCS. Il reçoit une balle à l'épaule, le sang coule abondamment de sa manche; il conserve le commandement de sa compagnie, lorsqu'il est blessé de nouveau.

Cette fois le coup est mortel. Il tombe; quelques hommes se précipitant pour lui venir en aide, il leur crie : « Ne vous occupez pas de moi. En avant! »


MORT POUR LA FRANCE

Le colonel PEIN, commandant la lre brigade, enthousiasmé de l'élan de ses légionnaires, ne veut pas rester à son poste de commandement. Il part lui-même à l'assaut.

En traversant les OUVRAGES BLANCS, le colonel aperçoit des Allemands qui s'étaient dissimulés dans leurs abris lors du passage des premières vagues d'assaut et qui se disposaient à tirer dans le dos des Français. Il prend un fusil abandonné et fait le coup de feu; puis il se porte vers la route de BÉTHUNE. C'est là qu'il tombe.

A 18 heures on l'amène en automobile à BERTHONVAL, il reprend connaissance vers 20 heures, et au médecin qui lui demandait s'il souffrait, il répond : a Je suis bien. je pense qu'il y en a là-bas beaucoup qui sont restés sur le champ de bataille. Je suis fier de mes légionnaires. »

Il personnifiait le courage, l'honneur, la bonté, le désintéressement.

En décembre 1914, il écrivait à une personne chère : « Mes hommes ont touché des sabots, je suis content ; ils n'auront pas froid aux pieds. » Le IER janvier 1915, vers 10 heures du matin, la ferme de l'EsPÉRANCE était bombardée. Le colonel, au milieu de la cour, crie : « Tout le monde à la cave! » Un seul des agents de liaison restant près de lui, il lui dit : « Rentrez, c'est un ordre! » Puis, lorsque celui-ci fut abrité, il ajouta doucement : « Il ne faut jamais sacrifier inutilement la vie de deux hommes. »

AVEC SON SANG

Au cours de l'attaque des OUVRAGES BLANCS, l'adjudant SEDLEY est blessé mortellement par un éclat d'obus.

Il est tard; l'adjudant n'a pas encore été relevé; il sort un carnet de sa poche, puis, plongeant un bout de bois dans sa blessure, il écrit avec son sang : « Je meurs content, puisque nous sommes victorieux ! Vive la France ! »


CHAMPAGNE

HAINE FAROUCHE

(SOUAIN — LA FERME DE NAVARIN, 25 Septembre 1915)

Au cours de l'attaque du 25 septembre, un légionnaire seprésente au poste de secours de la « Place de LOPÉRA D. Il est blessé a l'œil; il retient le sang qui coule avec son mouchoir. Peu après, le médecin constate une énucléation complète; le légionnaire est pâle et souffre, mais il se raidit et ajoute avec fierté : « Qu'importe d'être blessé ainsi ; ie ne regrette qu'une seule chose : c'est que ma blessure m'empêche de lutter plus longtemps contre eux, pour leur faire payer plus cher le mal qu'ils ont fait! ,)

VIVE LA FRANCE (28 Septembre 1915)

LYDDON est Américain. C'est un de ceux qui vinrent combattre en France' dès le début : il avait vaguement entendu parler de LA FAYETTE.

Il s'exprime à peine en français et n'a rien d'un intellectuel ou d'un aristocrate comme ALLAN SEEGER (1) ou KENNETH WEEKS (2). C'est un simple, d'humeur joviale, qui rit facilement.

Il sait cependant assez de français pour dire avec bonne humeur à son camarade GENET (tué plus tard dans l'avia-

(1) ALLAN SEEGER, matricule 19522.

Jeune Américain enthousiaste et héroïque, aimant passionnément la France.

Engagé volontaire au début des hostilités, a fait preuve au cours de la campagne d'un courage et d'un entrain admirables. Glorieusement tombé le 14 juillet 1916 pendant l'attaque de BELLOY-EN-SANTERRE.

(2) KENNETH WEEKS, matricule 27058.

Sujet américain d'une haute culture intellectuelle, animé des plus nobles sentiments, et ayant pour la France une profonde admiration. S'est spontanément engagé au début des hostilités, a fait preuve des plus brillantes qualités pendant la campagne et s'est particulièrement distingué le 16 juin 1915 au cours d'une attaque des positions allemandes.


tion) qui le plaint d'avoir un pied enlevé et d'autres blessures : « On s'était engagé pour mourir pour la France ; je n'ai qu'un pied de moins. Vive la France ! »

DEUX ANCIENS (28 Septembre 1915)

A l'attaque de la tranchée de la KULTUR, le commandant BUREL vient de commander : « En avant! a Il est tué presque aussitôt. Le capitaine JUNOD prend le commandement du bataillon. Il faut attaquer à tout prix, et cependant, devant le tir intense des mitrailleuses allemandes, il dit à ses agents de liaison : « Ce n'est pas la peine de mettre baïonnette au canon, nous serons tous tués ici! » Un homme lui dit : « Mon capitaine, mettez-vous à genoux, vous allez être touché. » Il n'en fait rien, se porte en avant. Presque aussitôt il est frappé d'une balle en pleine poitrine et tombe face à l'ennemi.

Le capitaine JUNOD, qui au 9 mai 1915 avait déjà eu la poitrine traversée par une balle, était rentré quelques jours avant l'attaque, voulant y prendre part.

FIFINE (28 Septembre 1915)

La compagnie B/2 progresse sous.un violent feu de barrage. Elle atteint le bois U-2, afin de renforcer et soutenir le 426 colonial qui vient de s'emparer du boyau des CROATES et veut s'y maintenir.

Très proches les mitrailleuses ennemies fauchent tout ce qui apparaît; il faut aller en rampant et ne pas se montrer hors du boyau.

ROEDER, sergent fourrier, est avec sa section, debout, pour mieux voir ses hommes. Tranquille, il bourre son inséparable pipe qui paraît s'allumer mal : Allons, Fifine, lui dit-il gaiement, tu ne tires pas comme à l'habitude ; serais-tu émotionnée?

A ce moment une balle lui brise le bras gauche, la pipe tombe à terre.

— Laissez donc, dit ROEDER. Et, s'asseyant, il ramasse


tranquillement la pipe, assujettit la boîte d'allumettes entre ses genoux, enflamme le tison avec sa main droite, rallume Fifine, et commande à ses hommes qui vont avancer de ne pas s'occuper de lui.

Puis, en attendant qu'on vienne le chercher, il tire de larges bouffées de sa chère pipe et s'isole tranquillement dans un nuage de fumée.

SOMME

LES BLESSÉS DE BELLOY (BELLOY-EN-SANTERRE, 4 Juillet 1916)

C'était entre 6 et 7 heures du soir.

La ge, puis la IIe compagnie avaient formé la colonne de droite du 3e bataillon qui avait attaqué la partie sud de BELLOY-EN-SANTERRE.

A 300 mètres du village, prise d'enfilade par un feu terrible de mitrailleuses ennemies dissimulées dans le chemin ESTRÉES-BELLOT, la IIE compagnie avait cruellement souffert.

Dans un espace de terrain relativement étroit, tous les officiers et sous-officiers étaient tombés. L'immense prairie, aux herbes incultes était couverte de blessés.

Avec un entrain et un dévouement splendides, les éléments encore intacts, sous la conduite des caporaux et des légionnaires les plus audacieux, continuaient l'assaut.

En colonne ou en ligne d'escouade, rampant, les yeux brillants, le sourire aux lèvres, réconfortant en passant leurs camarades tombés, les hommes de la seconde vague poussaient en avant dans la direction ordonnée.

Couchés dans les hautes herbes, les blessés s'interpellaient. Ceux qui pouvaient encore se traîner cherchaient à se grouper. Mais quiconque levait la tête était immédiatement fauché.

Puis, sur l'immense champ s'établit un grand silence que troublaient seulement le sifflement des balles et les gémissements.


PL. XII

LES BLESSÉS DE BELLOY d'après l'aquarelle Je Casev.



Tout à coup, du côté du village, les notes aiguës d'un clairon sonnèrent la charge. On entendit les cris de l'assaut final, l'éclatement mat des grenades, et le crépitement des mitrailleuses redoubla d'intensité. Les survivants du 3E bataillon s'emparaient de BELLOY-EN-SANTERRE.

A ce moment-là, il se passa quelque chose de sublime.

Parmi les blessés et les mourants, on entendit soudain un cri vibrant : c Ils y sont, ils y sont! BtLLOY est pris! » Au-dessus des herbes, les blessés se soulevèrent; chacun voulait essayer de voir, essayer, par un dernier effort, d'accompagner encore les camarades plus heureux.

Puis une clameur immense, partie je ne sais d'où, poussée par des voix affaiblies, mais mâles et triomphantes, domina le tumulte du combat et parcourut tout le champ de bataille : « Vive la Légion! Vive la Prancel Vive la France! » C'étaient les légionnaires blessés qui prenaient leur part à la victoire.

Capitaine DE TSCHARNER, Légion étrangère.

LE BRAS EMPORTÉ.

Le point occupé par la section de mitrailleuses du sergent JELMINI est à 150 mètres des tranchées allemandes.

Le sergent se trouve à son poste de combat, attendant l'apparition d'un objectif pour ouvrir le feu, lorsqu'un obus lui emporte le bras.

Malgré cette horrible blessure, JELMINI garde toute sa présence d'esprit, fait tirer la pièce, mettre les homme; à l'abri et il va ensuite se faire soigner.

PRISONNIERS RÉCALCITRANTS

Le lieutenant BENOIT, blessé, tombe. Un peu de flottement se produit dans le petit groupe qui l'entoure; les Allemands se précipitent.

Ils sont nombreux. En un tour de main, ils désarment


les légionnaires, saisissent l'officier et cherchent à les entraîner.

Mais des légionnaires de la lre compagnie, qui gardent la fourche du chemin, près l'ancienne Kommandantur, les ont vus. Malgré leur petit nombre, conduits par BAILLIFARD et HORNSTEIN, ils foncent sur le groupe avec une telle furie que les Allemands reculent. Quelques légionnaires dégagent le lieutenant et l'emportent dans nos lignes, pendant que d'autres aidés par les prisonniers tombent à bras raccourcis sur les Allemands ahuris. Les pieds, les poings, les casques, tout sert à frapper : avant qu'ils aient exactement compris ce qui leur arrivait, les Teutons sont à leur tour prisonniers. et pour de bon.

L'HONNEUR DU NOM (5 Juillet 1916)

Le caporal LACHAT, de la 2e compagnie, se rend au poste de secours sur la route de BELLOY à ASSEVILLERS. Il vient d'être blessé à la jambe, au cours de l'attaque. Il s'appuie sur un prisonnier allemand. Tous deux croisent des hommes qui remontent vers le front. L'un d'eux s'approche et veut s'emparer de la montre du prisonnier. Le caporal LACHAT se redresse malgré sa jambe blessée: « Rendez cela », crie-t-il.

Puis il ajoute, sa pâleur de blessé ayant fait place à la rougeur de l'indignation : « Depuis quand dévalise-t-on les prisonniers à la Légion? »

LA BONNE FICHE (5 Juillet 1916)

Le 4 juillet, dans un élan superbe, la Légion a enlevé le village et s'y est installée. Les Allemands essaient de le reprendre par des contre-attaques furieuses et incessantes sur les lisières sud et est : les trois bataillons sont engagés, leur effectif est faible.

Au poste de secours se tient le Dr FAUOUÉ. La besogne ne manque pas car les blessés sont nombreux. Heureusement beaucoup ne sont que légèrement touchés.

Un de ceux-ci vient d'être pansé. Son regard s'est porté


Pl. XIII

PRISONNIERS RÉCALCITRANTS. BI-LI.OY-EX-SANTHRRH (JUILLET 1916).

Dessin de Casey.



sur les fiches d'évacuation qui sont là, et semble interroger le major. « Bien sûr, mon ami! » fait le bon docteur : se tournant, il puise dans une caisse où l'on a déposé les cartouches des évacués, en prend quelques paquets et, les mettant dans la main du blessé : Tiens, voilà ta fiche ; avec ça et un bon fusil, tu vas être guéri tout de suite!

Et souriant, le blessé est retourné au feu.

SOUS LA RAFALE (9 Juillet 1916) C'est à l'attaque du boyau du CHANCELIER.

Le commandant WADDELL envoie un ordre à la 8e compagnie (capitaine Do-Hu-Vi), arrêtée dans sa progression et soumise, sur un terrain entièrement découvert, à un feu très intense de mitrailleuses.

L'agent de liaison est tué, un autre le remplace, il est blessé. Un troisième est encore blessé. Et l'ordre n'est pas parvenu.

Le légionnaire MOREL s'offre à le transmettre. Quand il arrive à la compagnie, le capitaine Do-Hu-Vi est tué, le lieutenant OCTOBON est atteint d'une balle au ventre.

MOREL dégrafe le lieutenant, le panse. Mais le blessé n'est pas à l'abri. Les balles de mitrailleuses claquent, sifflent, font voler la terre tout autour de lui. Pas de trou d'obus à moins de 10 mètres de là : l'y transporter en terrain découvert, c'est l'exposer davantage.

A l'aide de son outil portatif, sous les rafales qui font rage,- MOREL creuse un boyau de 30 centimètres de profondeur, reliant l'entonnoir à la place où l'officier est tombé.

Par ce chemin sûr, il parvient, avec des précautions infinies, à amener le blessé jusqu'au trou d'obus, où il l'installe le plus commodément possible.

La nuit venue, il guide lui-même les brancardiers. Le lieutenant était sauvé.

CHAMPAGNE LA FIN D'UN HÉROS (AUBERIVE, 17 Avril 1917) Les bataillons, silencieusement, se sont massés pour l'attaque. Debout sur le parapet de la tranchée, le lieutenant


colonel DURIEZ attend. Lentement, les minutes passent, sans renseignements. Il ne se résigne pas à attendre inactif.

Il veut voir pour comprendre et agir. Il se porte plus en avant. Il est à peine arrêté qu'un obus le projette dans un nuage de poussière et de fumée.

Il a d'atroces blessures, aux cuisses, à la poitrine et aux mains; tout sanglant, mais en pleine connaissance, il fait ses recommandations à son capitaine adjoint, le prie de prévenir le commandant DEVILLE qui doit le remplacer.

Il tend ses mains déchiquetées à ses officiers et à ses légionnaires qui le saluent. « Bon courage, mes guerriers, leur dit-il à plusieurs reprises. » Arrivé au poste de commandement du colonel DEMETZ, il rend compte, avec une lucidité et une présence d'esprit merveilleuses, de la situation. Il termine son compte rendu par ces paroles : « Je m'excuse, mon colonel, d'abandonner mon beau régiment dans un moment aussi critique. Ah! mes légionnaires sont de merveilleux soldats! » Pendant que le médecin prépare les pansements, l'aumônier GAS, à genoux auprès de lui, lui parle de sa mère pour laquelle il avait une affection profonde et l'exhorte à prier Dieu. A haute voix le colonel DURIEZ demande à se confesser, avec recueillement il reçoit l'absolution et embrasse l'aumônier qui l'entretient de tous ceux qu'il laisse derrière lui au danger et pour lesquels il lui fait des recommandations.

Quand on l'emporte, ses pansements achevés, il tend la main aux légionnaires présents : « Je suis bien abtmé, leur dit-il, mais cela ne fait rien, c'est pour la France. Faites tous votre devoir. Vive la Légionl » L'auto sanitaire le transporte à l'ambulance russe de MONTFERNEY, OÙ il meurt le lendemain matin en parlant de son beau régiment.

Ses dernières paroles furent : « Vive la France ! Vive la Légion! » UN ENRAGÉ (18 Avril 1917)

Les tranchées du Golfe d'AuBERIVE sont intactes; la préparation d'artillerie semble les avoir épargnées, et les Allemands qui s'y sont réfugiés, après avoir échappé au


bombardement des monts de MORONVILLERS, entendent nous faire payer cher leur défaite.

Le caporal ARROCAS commande une escouade de grenadiers, où chacun n'a qu'à suivre son exemple pour bien faire. Il est chargé de nettoyer une des tranchées qui, partant du CROISSANT forment un lacis compliqué au nord du bois des BOULEAUX.

Derrière un barrage de sacs qu'elle avance au fur et à mesure de la progression, l'escouade combat à la grenade.

Toujours en tête, ARROCAS lance des grenades sans arrêt, ne prenant pas le temps de se reposer. Blessé, il continue, et quand, au bout de trente-six heures, il s'arrête, c'est qu'en face de lui il ne reste plus d'ennemis.

MENEUR D'HOMMES (20 Avril 1917) Au début de la progression dans les tranchées du Golfe d'AuBERivE, le caporal JOLY Victor est à la tête de son escouade de grenadiers.

Un réduit fortement organisé gêne la progression. Il entreprend une attaque à la grenade qui va obliger l'ennemi à l'évacuer, quand recevant des renforts celui-ci contreattaque énergiquement.

N'écoutant que son courage, JOLY saute sur le parapet.

De la voix, du geste, il électrise ses hommes qui ne veulent pas rester en arrière de leur chef. Leur feu nourri et leur attitude énergique, non seulement arrêtent net l'avance de l'ennemi, mais le refoulent en lui infligeant de grosses pertes.

UN BEL EXPLOIT (21 Avril 1917) C'est pendant les combats d'AuBERivE. Le jour — un vrai jour de bataille, gris et froid — se lève sur le terrain sinistre. Quiconque a passé ce jour-là par la tranchée 67, que le 2e bataillon avait arrachée la veille à l'ennemi, se souviendra, toute sa vie, de ce tableau d'horreur : cadavres enchevêtrés, terres bouleversées, munitions baignant dans le sang, effets déchirés, armes éparses. Dans la longue et profonde sape, d'où s'échappaient des odeurs nauséabondes, mêlés aux morts ennemis en décomposition, érein-


tés par quatre jours et cinq nuits de combats, officiers et légionnaires des 6e et 7e compagnies, déjà décimées, et quelques mitrailleurs, dormaient d'un pesant sommeil. Cependant à l'extérieur, où ne veillaient que quelques guetteurs, immobiles dans le lugubre silence de ce matin de guerre, cote à côtc, anxieux de savoir ce qu'apportait avec lui ce nouveau jour de lutte, un capitaine et son adjudantchef, l'adjudant-chef MADER, le héros déjà légendaire, observaient le terrain en avant.

La tranchée 67, orientée lace au nord, commandait le vallon.

Du versant opposé qu'ils avaient atteint la veille, à la tranchée BETHMANN-HoLLWEG, les zouaves tenaient la partie ouest. Mais en face de nous, l'Allemand s'était maintenu et même une batterie de canons lourds, soutenue par une compagnie, était encore en place à 150 mètres en avant du front du 26 bataillon. Pour y arriver il fallait descendre dans le ravin, et le boyau à flanc de coteau était pris d'enfilade par une mitrailleuse ennemie admirablement pointée.

Tandis que les deux chefs observaient en silence, un guetteur (BANGERTER, Ire classe) attire leur attention sur un mouvement insolite dans le fond du vallon.

En effet, une compagnie du 168e venant de l'ouest cherche à s'y infiltrer. Elle ignore sans doute la présence à cet endroit de l'ennemi qui, déjà, a remarqué son avance.

D'un petit fortin qui commande le boyau de liaison, il s'apprête à la recevoir à coups de grenades.

Ce. faisant il tourne le dos à la crête où se tiennent les observateurs de la Légion qui ne peuvent tirer de la tranchée sans atteindre l'ami en même temps que l'ennemi.

Encore quelques minutes et les bleu-horizon tomberont dans le piège. Mais MADER en vieux limier des champs de bataille a flairé le danger et d'un coup d'œil il débrouille toute la situation.

Se mettre d'accord avec son commandant de compagnie, rassembler en hâte quelque dix légionnaires de surveillance dans la tranchée, ramasser quelques grenades, bondir dans le boyau de liaison suivi de ses hommes électrisés, c'est l'affaire d'une minute. Le petit groupe court si vite que les mitrailleurs ennemis ne peuvent ouvrir le feu, avant qu'il


soit dans l'angle mort à l'abri des balles. La tête de la compagnie du 168e n'est plus qu'à quelques mètres du fortin, déjà les Allemands lèvent les bras pour lancer leurs grenades, lorsque, soudain, maigre et nerveuse, la grande silhouette de MADER bondissant dans leur dos, surgit au milieu d'eux. Épouvantée par cette apparition inattendue, l'escouade ennemie, abandonnant munitions et fortin, s'enfuit en désordre du côté de la batterie.

Quelques grenades éclatent, puis dans le boyau libéré l'adjudant-chef peut serrer la main ud com- mandant de la compagnie « bleue » reconnaissant.

Sans perdre une seconde MADER commence la poursuite.

Suivi de ses dix fidèles légionnaires, soutenu à quelque distance par la courageuse compagnie du 168e, qui de la tranchée où elle est maintenant alertée, le ravitaille en grenades et le suit des yeux avec émotion, il saute dans les boyaux, nettoie les abris et poursuit inlassablement le combat corps à corps. Réveillés trop tard par leurs camarades du fortin, surpris dans leurs gîtes, les Saxons se défendent cependant avec beaucoup de courage.

Mais leur résistance est inutile. En peu de temps la compagnie de soutien est mise hors de combat. Les six canons sont pris et remis à la bonne garde de la C. H. R.

du 7e tirailleurs qui, de la crête où elle venait d'arriver, a pu suivre des yeux et admirer ce bel exploit.

Au retour, dans la tranchée boueuse, la 6e compagnie émerveillée accueille son adjudant-chef. Il fallait un MADER, un légionnaire de la vieille école, pour réaliser ce fait d'armes peut-être unique d'avoir du même coup, avec dix hommes, sauvé du désastre une compagnie française, mis en fuite une compagnie allemande, enlevé une batterie lourde.

et gagné la Légion d'honneur.

SON DROIT (VERDUN — CUMIÈRES, 20 Août 1917) Le dévoué médecin-chef AZAM et ses collaborateurs étaient à l'œuvre, fort affairés, on peut le croire, quand arriva un caporal de vingt-quatre à vingt-cinq ans, le caporal GELAS, tout fumant encore de la belle fièvre du combat. Il s'assit et dit simplement : « Tai une petite bles-


sure à l'épaule gauche. Pourriez-vous me faire une piqûre antitétanique? » Au reste, il jugeait inutile qu'on examinât la plaie. Un camarade l'avait pansé, disait-il, et c'était très bien fait. Il ne craignait que les suites, et se montrait pressé de repartir au combat. On ne l'entendit pas ainsi.

Il dut se dévêtir. L'infirmier qui découvrit l'épaule ne. put retenir un cri : il se trouvait en présence d'une énorme déchirure, de 6 centimètres de longueur, de 3 ou 4 de profondeur. Le médecin chef, appelé, ordonna l'évacuation du patient. Ah ! bien oui 1 « Quand tous les hommes de mon escouade seront évacués, on verra, répondit le caporal. D'ici là rien à faire, ce sera.

pour après l'attaque. » Il parlait d'un ton net, délibéré.; décidément, il n'y avait rien à faire. On pratiqua la piqûre qu'il demandait, on refit son pansement.

Cependant l'infirmier ayant remarqué, sur la manche de la chemise, du côté opposé à la blessure, une trace sanglante : « Qu'as-tu donc là? demanda-t-il.

— OILI rien. une écorchure. c'est passé. » On défit un deuxième pansement qui recouvrait une autre plaie qu'on désinfecta et soigna.

Alors d'un ton placide, il ajoute : « Tenez, tandis que vous y êtes, regardez donc ma jambe droite. Ça pique, il doit y avoir quelque chose. » De fait, il y avait quelque chose : une balle de shrapnell, à demi enfoncée dans le mollet I C'en était trop. Le médecin chef, mis au courant, commença à se fâcher, lui, le plus doux des hommes.

« On va vous évacuer, dit-il.

- Non! non! Pour çà non, Monsieur le major, je vous l'ai dit. Je connais mon droit ; on ne peut pas m'évacuer si je ne gêne personne dans mon service. Ici c'est le champ de bataille. » Et l'indomptable légionnaire, ayant ainsi revendiqué le droit d'aller se faire achever peut-être, remit sa vareuse, sa musette, son bidon, prit son fusil et, saignant de tout son corps, repartit l'air crâne et le pas assuré (1).

(1) Le lieutenant GELAS a été tué il l'ennemi au Maroc en 1922.


AVEC DE L'AUDACE.

Le caporal THIRION est un de ces gradés qu'on est tout surpris au premier abord de voir avec des galons, tellement il a l'air d'un enfant.

Le 20 août au soir, il commande une patrouille sur les pentes qui mènent à REGNÉVILLE; deux pièces de 77, défendues par des mitrailleuses lui sont signalées en action.

Il part avec ses hommes, reconnaît les abords, repère l'emplacement des canons et d'un seul élan, suivi de ses légionnaires, passe au travers des rafales des mitrailleuses et fonce sur les pièces avec une telle rapidité que les servants n'ont pas tous le temps de prendre la fuite et qu'il capture le sous-officier chef de section.

CES SACRÉS FILS DE FER.

(FLIREY, 8 Janvier 1918)

On prépare un vaste coup de main; les vagues doivent s'élancer à 14h 50.

Le génie a été chargé de pratiquer, à l'aide de charges allongées, .des passages à travers nos fils de fer. Le caporal STEIB est désigné pour s'assurer qu'au point où sa section va sortir, la brèche est suffisante.

Il est 14h 20. La préparation d'artillerie redouble. Notre artillerie de tranchée tire entre les deux lignes au cas où il faudrait progresser par bonds, les entonnoirs serviraient d'abris aux vagues d'assaut.

STEIB arrive. Point de passage. A-t-on oublié de placer les charges? Il faut prévenir le génie, il faut. mais ce sera long, l'attaque va se déclencher. Pas d'hésitation. Il prend une paire de cisailles et s'élance hors de la tranchée.

Les torpilles tombent maintenant tout près des fils de fer. Le sol tremble. STEIB, adroit et vif, avance courbé en cisaillant à travers un premier réseau.

Maintenant tout le terrain battu s'ouvre, craque, fume, houleux comme une mer. STEIB se redresse, examine soigneusement s'il ne reste rien à cisailler plus loin, revient


à travers la brèche s'assurant qu'elle est bien praticable, et redescend tranquillement dans la tranchée.

Il remarque alors que du sang coule pors de sa manche et qu'une jambe lui fait mal.

« Tiens, dit-il, très ;surpris, est-ce qu'ils auraient tiré pendant que j'étais là-hautl Je ne m'en étaispas aperçul »

L'INFIRMIER DU BOIS DE HANGARD (26 Avril 1918)

5h 15. Le jour se lève à peine, le brouillard tombe et mouille, les balles sifflent.

Déjà le Ier bataillon, qui ouvrait la marche, est fauché.

Le capitaine qui le commandait et tous les commandants de compagnie sont tombés en héros dans les rangs de l'ennemi. Le 3e bataillon suit le Ier.

Pour éviter de faire massacrer ses hommes sur le plateau découvert que battent les mitrailleuses, le commandant COLIN appuie légèrement à droite. Il faut s'emparer du bois.

Dans le bataillon qui s'avance en petites colonnes, déjà se t forment des vides terribles. Des files entières tombent. Le sol boueux se couvre de cadavres.

Même en rampant, les agents de liaison ne parviennent plus à transmettre les ordres.

Mais est-il besoin d'ordres? Le régiment a son objectif, il l'atteindra 1 Le bois, on l'aura !

Pas un légionnaire vivant ne s'arrête. Pas un rie tourne la tête. Tous les yeux sont rivés sur les chefs, et les chefs marchent droit au bois.

Mais ils tombent 1 Le 3e bataillon à son tour est décimé.

A la lisière est, le commandant COLIN s'affaisse pour ne plus se relever. A droite, le capitaine TARTRAIS, frappé en plein cœur, meurt le sourire aux lèvres, tandis que, sur un brancard et sous une pluie de balles, on emporte le capitaine adjudant-major MAIRE, grièvement blessé.

Pourtant'on se dit que le plateau meurtrier est franchi.

A peine guidés, les hommes se resserrent et appuient sur le centre où se trouve la 3e compagnie de mitrailleuses. Puis le bataillon tout entier s'engage dans les taillis. Hélas! le


feu ennemi augmente d'intensité. Le bois est littéralement fauché par les balles.

Les cœurs battent plus vite, les coudes se cherchent, les regards se rencontrent, brillants, volontaires et réconfortants.

Il faut se mettre à plat ventre et tenir : le bataillon, pareil à un troupeau, forme un immense carré d'hommes couchés.

Petit, nerveux et vif, mais superbe sous la rafale, le lieutenant DESAUNAY, suivi de VAN OBBERCHEN, la cigarette aux lèvres, va et vient, rétablissant la compagnie, momentanément désaxée.

Au centre du bataillon, la compagnie de mitrailleuses attend l'instant propice pour mettre en batterie ses pièces qui briseront les contre-attaques.

Mais le nombre des blessés et des morts augmente de minute en minute. Le feu allemand redouble, les branches craquent et se brisent; le bruit devient atroce. Quel enfer!

Et cependant un homme, un légionnaire, reste debout dans la tourmente. C'est KEMMLER, volontaire luxembourgeois, infirmier de la mitrailleuse. Il va d'un blessé à l'autre, méprisant le danger qu'il n'ignore pas. Prodiguant ses soins et ses pansements, il court partout où sa présence est nécessaire.

Une balle lui fracasse les doigts : il perd beaucoup de sang. Peu importe, il continue sa tâche bienfaisante, aussi indifférent aux conseils de prudence que lui donnent ses camarades qu'à la douleur qui le fait pâlir.

Mais son capitaine tombe à son tour, grièvement blessé.

A ce moment, les quelques survivants du Ier bataillon, n'ayant plus de chefs, refluent, désemparés, sur la IIe compagnie qui se trouve en tête du 3e bataillon. On entend les cris rauques des Allemands et, tout proche, le bruit des grenades.

KEMMLER sent le danger : son capitaine, qu'il protège de son corps est à demi évanoui; les lieutenants, détachés ailleurs, ne peuvent le remplacer. Alors c'est lui, l'infirmier, qui s'improvise commandant de compagnie : debout, face à l'ennemi, il lance d'une voix vibrante l'ordre énergique et formel de rester en place.


Subjugués et héroïques, les mitrailleurs préparent leurs pièces. Le bataillon, stoïquement, s'installe sur le terrain conquis et commence à creuser.

KEMMLER court chercher un brancard sur lequel il place son chef.. Il a trouvé un adjudant qui prend le commandement; alors, bien que saignant et défaillant lui-même, il aide au transport du blessé.

Traversant la plaine meurtrière, cherchant son orientation dans le brouillard, de plus en plus opaque, il réussit à trouver le premier poste de secours.

Puis le groupe lugubre, auquel viennent s'ajouter en chemin d'autres groupes de blessés gémissants, toujours conduit par KEMMLER qui se soutient à peine, s'éloigne lentement de la fournaise et quitte le champ de bataille.

Dans le bois maudit, le combat continue plus terrible encore.

La Légion meurt. Mais le bois de Hangard est à nous et l'avance audacieuse de l'ennemi sur AMIENS est brisée, brisée pour toujours!

UN VRAI MÉDECIN DE LA LÉGION (26 Avril 1918, dans la soirée) Sur le glacis que fauchent sans interruption les mitrailleuses, terrain d'attaque où les sections, les compagnies, les bataillons fondent dès qu'ils sont engagés, le médecin aide-major GARBOWSKI cherche les blessés, les panse sur place, les fait transporter.

Le commandant COLIN est tombé le matin en un coin où personne n'ose aller le chercher, tant les mitrailleuses y font rage. Le Dr GARBOWSKI se fait un devoir de tenter ce qu'on a cru impossible.

Par un prodige d'audace et de bonheur, il réussit à ramener dans nos lignes le corps du commandant, lui épargnant ainsi la profanation des mains ennemies et lui assurant une sépulture digne de lui.

EN PLEIN JOUR (1er Mai 1918) La 7e compagnie a son objectif : un bois, du moins ce qui reste d'un bois. Les Allemands occupent la lisière est.


Le sous-lieutenant DOXAT décide de se rendre compte lui-même, en plein jour, de ce qui se passe à cette lisière.

Un sergent demande à le suivre. Ils partent.

jusqu'aux lignes ennemies le sol est désespérément plat.

Il faut ramper, utiliser les moindres sillons pour se défiler, profiter des rares troncs d'arbres pour s'arrêter un instant et reprendre haleine. Mais en passant ils ont fait bouger quelques branches. Des mitrailleurs les ont aperçus. Une rafale claque autour d'eux : ils s'aplatissent un instant, puis, le feu cessant, ils reprennent leur marche. Un léger repli de terrain les cache à droite et à gauche.

Tout à coup, halte! Là, à 15 mètres à gauche et à leur hauteur, une mitraillette : celle qui tirait. Le canon est braqué sur eux. Les lourds casques gris s'agitent derrière.

C'en est fait d'eux. Mais non! les Allemands n'ont rien vu; ils fument tranquillement.

Toutefois, le lieutenant et le sergent estiment prudent d'obliquer légèrement à droite. Mais à droite, à une cinquantaine de mètres, une autre mitraillette. Avec d'infinies précautions, ils passent entre les deux pièces, s'enfoncent encore de 20 mètres dans les lignes ennemies, trouvent enfin un endroit favorable à l'observation, ils voient ce qu'ils voulaient savoir.

Et par le même chemin, avec la même habileté, le même bonheur, ils reviennent, sans être inquiétés, dans les lignes françaises où l'on n'osait plus espérer leur retour.

DÉBROUILLARDS (SAINT-BANDRY, Juin 1918)

C'est l'heure sombre où la marée allemande qui a submergé le CHEMIN DES DAMES déferle en cherchant à s'étaler encore.

Le régiment vient de la MONTAGNE DE PARIS, où il a, non sans lourdes pertes, tenu l'ennemi en échec pendant deux jours. Il est maintenant dans le ravin de SAINTBANDRY.

L'armée française commence à se ressaisir : pourtant il règne encore quelque désarroi. Le ravitaillement s'en ressent. La Légion s'installe, s'organise.


Le caporal BOTTONE, des sapeurs du régiment, un brave qui est aussi un débrouillard, a découvert à SAINT-BANDRY, au moulin, une quantité considérable de farine. L'évacuer serait difficile, mais ne peut-on, sur place, l'utiliser pour le bien de tous?

Vite, il cherche un four de boulanger, et avec l'approbation de son officier, il met en train la fabrication.

Du pain sortant du four, du pain à la croûte dorée et appétissante, voilà ce que toucha la Légion à SAINT-BANDRY en juin 1918.

Et faut-il le rappeler? l'équipe des légionnaires boulangers travaillait dans un village marmité, croulant, empoisonné d'arsine. Mais, bah! ça faisait partie du métier.

44 J'SUIS EXEMPT (AMBLENY, 12 Juin 1918) A 4 heures du matin, les Allemands attaquent : ils sont arrêtés immédiatement. Par dépit leur artillerie arrose copieusement tous les chemins et les abords des creutes où s'abritent les sections de réserve.

CIORNE, du 1er bataillon, a les jambes coupées et le bras arraché par un obus. On le relève couvert de sang et de terre. Il ne profère pas une plainte' et plaisante avec ses camarades en leur demandant ses chaussures. Son capitaine arrive et ne peut cacher son émotion : « Mon pauvre gosse, comme ils t'ont arrangé!

— Mon capitaine, répond-il, plus de pieds, plus de bras droit, mais il me reste encore la bras gauche, pour vous serrer la main et vous souhaiter bonne chance! » A défaut de brancard, on i'emporte dans une toile de tente, paquet de chair qui laisse une trace sanglante. Il ne manifeste aucune douleur pendant le pénible trajet, jusqu'au poste de secours. Il sourit au médecin-major qui imbibe ses plaies de teinture d'iode: « Cette lois, Monsieur le major, je suis exempt de service! » Et pendant qu'on lui palbe son bras, il poursuit : « Et même exempt de travail du bras droit! » Il meurt en arrivant à l'ambulance, ayant gardé jusqu'au dernier moment son sang-froid, sa présence d'esprit et toute sa gaieté.


ENTRÉE DE LA LÉGION A CHATEAU-SALINS

On annonce l'arrivée du général DAUGAN, qui commande la division marocaine. Les habitants font la haie. Le général, à cheval, jeune et calme, comme nous l'avons connu au lendemain des grandes batailles, s'avance, suivi d'un brillant état-major. Quels cris de joie ! Quelles acclamations !

Les régiments vont défiler devant lui.

Des avions survolent le clocher de l'église; les cloches se mettent à sonner; des petites filles apportent des bouquets; les notables s'avancent. L'un d'eux, fils du maire d'avant 1870, a ceint l'écharpe de son père. Voilà la minute des effusions inexprimables, où les vieux, les notables, les dames en toilette, les femmes du peuple, les enfants, le curé — un admirable prêtre qui pendant quatre ans de guerre a tenu tête aux exigences des officiers allemands où toute la population unanime salue nos soldats vainqueurs, s'étonne de leur tenue parfaite, de leur bonne mine, de leurs uniformes kaki, de leur fourragère rouge, de leur allure entraînante, de l'air de force qu'ils dégagent, et crient tous ensemble, quand passe le drapeau : « Vive la France! A bas les Prussiens! » Et puis, comme la musique joue la Marseillaise, les voilà tous qui reprennent le refrain.

Maintenant, on attend la Légion étrangère qui va défiler à son tour. Sur cette entrefaite, arrivent par l'autre côté quatre automobiles allemandes, arborant de grands drapeaux blancs : des parlementaires qui demandent à aller à NANCY, officiers et fonctionnaires des chemins de fer qui ont à régler la reddition de leur matériel à la France. Mais la Légion encombre la route; il faudra que les Allemands attendent pour passer. Les voilà penauds, descendus de leurs autos, qui forment un groupe dans un coin de la place.

Ils entendent leurs administrés d'hier crier à pleins poumons : Vive la France! Ils sont blêmes, pas très rassurés, l'air si déconfit qu'en songeant à leur ancienne arrogance un rire incoercible nous secoue. Mais ils vont voir bien


mieux. Voilà la Légion, plus belle que jamais, au défilé comme elle était au combat! Voilà son chef, le colonel ROLLET, nerveux et toujours vêtu de toile kaki. Voilà son drapeau à la soie glorieusement flétrie ! Sur la place, le général DAUGAN fait former le carré. Le colonel ROLLET, descendu de cheval, présente lui-même le drapeau. Alors le général commande le Salut au drapeau. Clairons et tambours. Le général salue d'un geste large l'emblème sacré. Les troupiers présentent les armes. Tout le monde s'est découvert.

Quelle minute !

Ce n'est pas tout. Les notables se sont avancés vers le général et lui ont demandé la permission d'embrasser le drapeau. Et tous ces vieux, qui étaient en 1870 des petits enfants ou déjà des jeunes gens, portent à leurs lèvres la soie tricolore dont pendant quarante-huit ans furent hantés tous leurs rêves. Puis les mères amènent leurs fillettes, leurs garçons, les tout petits dans leurs bras, et veulent embrasser la France à leur tour. Foule pieuse, groupes pleins de grâce touchante. C'est au tour des poilus d'essuyer leurs yeux.

Dans leur coin, les parlementaires ont vu ça. Quelle magnifique vengeance à la française.

Eugène TARDIEU.

(17 novembre 1918.)


A MES SOLDATS QUI SONT MORTS

Des vers, pour finir. des vers de soldat, de beaux vers lumineux, enthousiastes, émouvants, que l'Académie Française a couronnés, que, jadis, tous les officiers de la VIEILLE LÉGION savaient par cœur.

Jadis. car ce ne sont pas les morts de la grande guerre qui ont inspiré ces accents, pourtant si dignes d'eux. Ce sont les morts de TUYEN-QUANG.

A THIÉBALD STREIBLER, qui m'a donné sa vie, le 3 mars 1885, très spécialement sont dédiés ces vers (1).

Mes compagnons, c'est moi ; mes bonnes gens de guerre, C'est votre chef d'hier qui vient parler ici De ce qu'on ne sait pas, ou que l'on ne sait guère ; Mes morts, je vous salue et je vous dis : Merci.

* * *

Il serait temps qu'en France on se prit de vergogne A connaître aussi mal la vieille Légion, De qui, pour l'avoir vue dans sa dure besogne, J'ai le très grand amour et la religion.

Or, écoutez ceci : « Déserteurs! Ai ercenaires!

Ramassis d'étrangers sans honneur et sans foi! » C'est de vous qu'il s'agit ; de vous, Légionnaires!

Ayez-en le cœur net, et demandez pourquoi?

Sans honneur? — Ah passons! Et sans foi? Qu'est-ce à dire?

Que fallait-il de plus et qu'aurait-on voulu?

N'avez-vous pas tenu, tenu jusqu'au martyre La parole donnée et le marché conclu ?

(I) STREIBLER, Alsacien, légionnaire modèle, était l'ordonnance du capitaine DE BORELLI. Le dernier jour, dans la sortie triomphante qui forçait la levée du siège, STREIBLER s'était fait tuer pour son capitaine, en se jetant devant lui sur le fusil d'un Chinois.


Mercenaires ? Sans doute : il faut manger pour vivre; Déserteurs ? Est-ce à nous de faire ce procès ?

Étrangers ? Soit. Après ? Selon quel nouveau livre Le maréchal de Saxe était-il donc Français ?

Et quand donc les Français voudront-ils bien entendre Que la guerre se fait dent pour dent, œil pour œil, Et que ces étrangers qui sont morts, à tout prendre, Chaque fois, en tombant, leur épargnaient un deuil ?

Aussi bien, c'est assez d'inutile colère, Vous n'avez pas besoin d'être tant défendus : — Voici le Fleuve Rouge et la Rivière Claire, Et je parle, à vous seuls, de vous que j'ai perdus!

* * *

Jamais Garde de Roi, d'Empereur, d'Autocrate, De Pape ou de Sultan ; jamais nul régiment Chamarré d'or, drapé d'azur ou d'écarlate, N'alla d'un air plus mâle et plus superbement.

Vous aviez des bras forts et des tailles bien prises, Que faisaient mieux valoir vos hardes en lambeaux ; Et je rajeunissais à voir vos barbes grises, Et je tressaillais d'aise à vous trouver si beaux.

Votre allure était simple et jamais théâtrale; Mais, le moment venu, ce qu'il eût fallu voir, C'était votre façon hautaine et magistrale D'aborder le « Céleste » ou de le recevoir.

On fait des songes fous, parfois, quand on chemine, Et je me surprenais en moi-même à penser, Devant ce style à part et cette grande mine, Par où nous pourrions bien ne pas pouvoir passer?

J'étais si sûr de vous! Et puis, s'il faut tout dire, Nous nous étions compris : aussi, de temps en temps, Quand je vous regardais vous aviez un sourire, Et moi je souriais de vous sentir contents.

Vous aimiez, troupe rude et sans pédanterie, Les hommes de plein air et non les professeurs ; Et l'on mettait, mon Dieu, de la coquetterie A faire de son mieux, vous sachant connaisseurs.


Mais vous disiez alors : « La chose nous regarde, Nous nous passerons bien d'exemples superflus ; Ordonnez seulement, et prenez un peu garde, On vous attend, — et nous, on ne nous attend plus! »

Et je voyais glisser sous votre front austère Comme un clin d'œil ami doucement aiguisé, Car vous aviez souvent épié le mystère D'une lettre relue ou d'un portrait baisé.

N'ayant à vous ni nom, ni foyer, ni patrie, Rien où mettre l'orgueil de votre sang versé, Humble renoncement, pure chevalerie, C'était dans votre chef que vous l'aviez placé.

Anonymes héros, nonchalants d'espérance, Vous vouliez, n'est-ce pas ? qu'à l'heure du retour, Quànd il mettrait le pied sur la terre de France, Ayant un brin de gloire, il eût un peu d'amour.

Quant à savoir si tout s'est passé de la sorte, Et si vous n'êtes pas restés pour rien là-bas, Si vous n'êtes pas morts pour une chose morte, 0 mes pauvres amis, ne le demandez pas!

Dormez dans la grandeur de votre sacrifice, Dormez, que nul regret ne vous vienne hanter; Dormez dans cette paix large et libératrice Où ma pensée en deuil ira vous visiter!

Je sais où retrouver, à leur suprême étape, Tous ceux dont la grande herbe a bu le sang vermeil.

Et ceux qu'ont engloutis les pièges de la sape, Et ceux qu'ont dévorés la fièvre et le soleil; Et ma pitié fidèle, au souvenir unie, Va, du vieux WUNDERLI qui tomba le premier, En suivant une longue et rouge litanie, Jusqu'à toi, mon STREIBLER, qu'on tua le dernier!

D'ici je vous revois, rangés à fleur de terre Dans la fosse hâtive où je vous ai laissés, Rigides, revêtus de vos habits de guerre En d'étranges linceuls faits de roseaux tressés.

Les survivants ont dit. — et j'ai servi de prêtre! L'adieu du camarade à votre corps meurtri; Certain geste fut fait bien gauchement peut-être : Pourtant je ne crois pas que personne en ait ri!


Quelqu'un vous recevait dans sa gloire étoilée Et bénissait d'en haut ceux qui priaient en bas, Quand je disais pour tous, d'une voix étranglée, Le Pater et l'Ave que tous ne savaient pas!

* * *

Compagnons, j'ai voulu vous parler de ces choses, Et dire en peu de mots pourquoi je vous aimais : Lorsque l'oubli se creuse au long des tombes closes, Je veillerai du moins et n'oublierai jamais.

Si parfois, dans la jungle où le tigre vous frôle Et que n'ébranle plus le recul du canon, Il vous semble qu'un doigt se pose à votre épaule, Si vous croyez entendre appeler votre nom, Soldats qui reposez sous la terre lointaine, Et dont le sang donné me laisse des remords, Dites-vous simplement : « C'est notre Capitaine Qui se souvient de nous, et qui compte ses morts. » DE BORELLI.


QUATRIÈME PARTIE

EXTRAITS

DU

PALMARÈS DE LA GLOIRE



Sont rassemblés dans les pages qui vont suivre une série de documents officiels singulièrement précieux : Citations à l'ordre de l'armée, obtenues par les régiments de marche de la Lésion sur le front de France.

Ordres généraux ayant accordé au R. M. L. E. les différentes fourragères qu'il a successivement arborées, et décrets ayant conféré à son glorieux drapeau la Légion d'honneur et la Médaille militaire.

Listes des sous-officiers et légionnaires décorés de la Légion d'honneur.

Ordres d'adieux adressés au R. M. L. E. à son départ de l'armée du Rhin.

Suivent les listes des officiers généraux et supérieurs ayant commandé au feu la Légion en France, et des officiers des régiments de marche de la Légion morts au champ d'honneur. Ces listes révèlent quelle part essentielle revient à l'esprit, aux traditions de l'armée d'Afrique, de la Vieille Légion en particulier, dans la valeur exceptionnelle d'un corps qui a su, avec le R. I. C. M., son rival d'héroïsme, conquérir, de haute lutte, le premier rang au Palmarès de la Gloire.

Enfin une statistique par nationalités et un relevé des pertes totales nous conduit à la conclusion.

Cette conclusion c'est l'affirmation de la valeur presque surnaturelle d'un indéfinissable ensemble de qualités et de travers, de faiblesses maîtrisées, voire exaltées par des vertus, mélange de fierté tranquille et d'héroïque folie, mélange d'hommes, mélange de races, mais mélange dont une discipline infaillible, parce que bienveillante, ciment indestructible, assure la cohésion.

C'est tout cela qui fait la valeur morale de la Légion.

Et cet impondérable tout cela s'appelle la TRADITION.



LA VIEILLE LÉGION

(Extrait du Journal officiel du I7 février igoô.)

RAPPORT AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE

Paris, le 16 février 1906.

Monsieur le Président,

En récompense des nombreux exploits accomplis par la Légion étrangère partout où la France a eu besoin de planter le drapeau de la République, au TONKIN comme au DAHOMEY, à MADAGASCAR comme dans l'extrême SUD ALGÉRIEN, et pour reconnaître les actes de dévouement, de courage et d'abnégation qu'une troupe toujours sur le pied de guerre rend à la Patrie dans la défense de son domaine colonial, j'ai l'honneur de vous proposer de conférer à la Légion étrangère les insignes de la Légion d'honneur, et de décider que le drapeau du 1er Étranger aura la gloire de les porter.

Si vous approuvez cette proposition, je vous prierai de vouloir bien revêtir de votre signature le présent rapport.

Le Ministre de la Guerre, Eugène ÉTIENNE.

APPROUVÉ : Le Président de la République, Émile LOUBET.


CITATIONS A L'ORDRE DE L'ARMÉE

OBTENUES PAR LES

RÉGIMENTS DE LA LÉGION < SUR LE FRONT DE FRANCE

2e RÉGIMENT DE MARCHE DU 1er ÉTRANGER ARTOIS (Ouvrages Blancs) Ordre de la Xe Armée N° 102 du 8 Septembre 1915 : Chargé, le 9 mai, sous les ordres du lieutenant-colonel COT, d'enlever à la baïonnette une position allemande très fortement retranchée (1), s'est élancé à l'attaque, officiers en tête, avec un entrain superbe, gagnant d'un seul bond plusieurs kilomètres de terrain, malgré une très vive résistance de l'ennemi et le feu violent de ses mitrailleuses.

Signé : D'URBAL.

CHAMPAGNE (Navarin)

Ordre de la IVe Armée N° 478 du 30 Janvier 1916 :

Pendant les opérations du 20 septembre au 17 octobre 1915, sous le commandement du lieutenant-colonel COT, a fait preuve des plus belles qualités de courage, d'entrain et 6'endurance. Le 28 septembre, avec un admirable esprit de sacrifice, s'est élancé à l'assaut d'une position (2) qu'il fallait enlever à tout prix et, malgré le feu extrêmement violent des mitrailleuses ennemies, est parvenu jusque dans les tranchées allemandes.

Signé : GOURAUD.

(1) OUVRAGES BLANCS.

(2) FItRME Dit NAVARIN.


2e RÉGIMENT DE MARCHE DU 2e ÉTRANGER

CHAMPAGNE (Souain)

Ordre de la IVe Armée N° 478 du 30 Janvier 1916 :

Le 25 septembre 1915, s'est élancé à l'assaut des positions ennemies (1) avec un entrain et un élan superbes, faisant de nombreux prisonniers et s'emparant de plusieurs mitrailleuses.

Signé : GOURAUD.

Le II novembre 1915, les deux régiments, fondés ensemble, formant le

RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE

BELLOY-EN-SANTERRE

Ordre de la VIe Armée N° 385 du 27 Août 1916 :

Sous l'énergique commandement de son chef, le lieutenant-colonel COT, le régiment de marche de la Légion étrangère, chargé, le 4 juillet 1916, d'enlever un village (2) fortement occupé par l'ennemi, s'est élancé à l'attaque avec une vigueur et un entrain remarquables, a conquis le village à la baïonnette, brisant la résistance acharnée des Allemands et s'opposant ensuite énergiquement à toutes les contre-attaques de renforts amenés dans la nuit du 4 au 5 juillet" 1916.

A fait 750 prisonniers, dont 15 officiers et pris des mitrailleuses.

Signé : FAYOLLE.

(1) Ouvrage de WAGRAM, au nord de SOUAIN.

(2) BELLOY-ÏN-SANTERRE.


AUBERIVE Ordre de la IVe Armée N° 809 du 7 Mai 1917 : Merveilleux régiment qu'animent la haine de l'ennemi et l'esprit de sacrifice le plus élevé.

Le 17 avril 1917, sous les ordres du lieutenant-colonel DURIEZ, s'est élancé à l'attaque contre un ennemi averti et fortement retranché et lui a enlevé ses premières lignes. Arrêté par des mitrailleuses et malgré la disparition de son chef, mortellement touché, a continué l'opération sous les ordres du chef de bataillon DEVILLE, par un combat incessant de jour et de nuit, jusqu'à ce que le but assigné fut atteint, combattant corps à corps pendant cinq jours, malgré de lourdes pertes et des difficultés considérables de ravitaillement; a enlevé à l'ennemi plus de 2 kilomètres carrés de terrain. A forcé, par la vigueur de cette progression, les Allemands à évacuer un village fortement organisé (1) où s'étaient brisées toutes nos attaques depuis plus de deux ans.

Signé : ANTHOINE.

CUMIÈRES Ordre de la IIe Armée N° 900 du 20 Septembre 1917 : Le 20 août 1917, sous l'énergique impulsion de son chef, le lieutenant-colonel ROLLET, s'est élancé à l'assaut d'un village (2) et d'un bois puissamment organisés. Malgré les difficultés du terrain, les a enlevés avec une telle fougue, qu'en dépit de nos propres barrages, il a dépassé l'objectif final qui lui avait été assigné à près de 3 kilomètres de son point de départ.

Entreprenant aussitôt une nouvelle action qui n'avait été prévue que pour une date ultérieure et dans une direction toute différente, a fait preuve de ses belles qualités manœuvrières en se rendant maître d'une série de hauteurs, puis d'un village (3) dont l'enlèvement avait coûté précédemment de lourds sacrifices à l'ennemi. A ainsi assuré la possession d'un front de 2km 500 et la capture de 680 prisonniers, de 8 canons et de nombreuses mitrailleuses Signé : GUILLAUMAT.

HANGARD Ordre de la Ire Armée N° 69 du 14 Juillet 1918 : Le 26 avril 1918, sous le commandement du lieutenant-colonel ROLLET animé d'une indomptable énergie et du plus bel esprit de sacrifice, s'est magnifiquement élancé à l'attaque du bois de HANGARD et du plateau au sud de VILLERS-BRETONNEUK, remplissant sa mission malgré une résistance opiniâtre de l'ennemi. S'est cramponné ensuite au terrain conquis, résistant successivement à cinq contre-attaques, maintenant intégralement les gains de la journée ct contribuant par son héroïsme, à briser la ruée de l'ennemi.

Signé : DEBENEY.

(1) AUBRRIVR.

(2) CUMIetRES.

(3) REGNÉVILLE.


MONTAGNE DE PARIS — AMBLENY PLATEAU DE DOMMIERS Ordre de la Xe Armée N° 343 du 10 Octobre 1918 : Magnifique régiment qui, sous les ordres de son chef, le lieutenant-colonel ROLLET, dans la dure période du 28 mai auzo juillet 1918, vient de rehausser sa réputation par sa vaillance, son énergie et sa ténacité. Les 30 et 31 mai, a arrêté net la ruée ennemie et maintenu intégralement ses positions (1). Le 12 juin, avec des effectifs extrêmement réduits, a réussi à briser une attaque ennemie très supérieure en nombre et a causé à l'ennemi des pertes considérables (2). Le 18 juillet, a enlevé, avec un entrain merveilleux, une succession de positions puissamment fortifiées (3). A ainsi atteint d'un seul élan son objectif situé à près de 4 kilomètres des premières lignes, capturant plus de 450 prisonniers, 20 canons et un nombre considérable de mitrailleuses et de minenwerfer. Dans la nuit du 19 au 20 juillet a mis, une fois de plus, en valeur ses incomparables qualités manœuvrières en débordant par le nord un ravin (4) où l'ennemi avait accumulé de nombreuses défenses, faisant tomber toutes les résistances et réalisant ainsi une avance de près de 11 kilomètres.

S'est maintenu énergiquement sur la position conquise en dépit des violentes contre-attaques ennemies.

Signé : MANGIN.

LAFFAUX Ordre de la Xe Armée N° 347 du 10 Novembre 1918 : Régiment d'élite qui, au cours des opérations du 27 août au 16 seDtembre 1918, sous le commandement de son remarquable chef, le lieutenant-colonel ROLLET, vient d'affirmer une fois de plus ses hautes qualités militaires. Le 2 septembre, au mépris des feux croisés de mitrailleuses qui fauchent ses vagues d'assaut, il progresse jusqu'à son objectif (5) qu'il atteint et organise; il s'y maintient, repoussant de puissantes contre-attaques. Du 3 au 13 septembre, par des combats incessants, nuit et jour, dans une atmosphère saturée de gaz, sous de violents bombardements et des rafales de mitrailleuses, pied à pied, à la grenade, il pousse ses lignes en avant en un effort d'une héroïque constance. Le 14 septembre, avec une fougue admirable, après douze jours de lutte très dure, il enlève un des saillants réputés inexpugnables de la ligne Hindenburg (6); y cueille plus de 500 prisonniers, des canons et une grande quantité de matériel.

Signé : MANGIN.

'(1) MONTAGNE DE PARIS, à l'ouest de SOISSONS.

(2) AMBLENY, SAINT-BANDRY.

(3) Plateau de DOMMIERC.

(4) Ravin de CHAZELLES-LÉCHELLE.

(5) TERNy-SORNY.

i6) Plateau de LAPPAUX.


ORDRES GÉNÉRAUX

CONFÉRANT

FOURRAGÈRES ET DÉCORATIONS AU DRAPEAU DU RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE

LA PREMIÈRE FOURRAGÈRE

GRAND QUARTIER GÉNÉRAL DES ARMÉES. G. Q. G.)e 5 Juin igi6.

DU NORD ET DU NORD-EST

Par circulaire en date du 21 avril 1916, le ministre de la Guerre a décidé la création d'un insigne spécial constitué par une fourragère, pour rappeler d'une façon apparente et permanente les actions d'éclat de certains régiments et unités formant corps, cités à l'ordre de l'armée. La désignation de ces unités est réservée au général, commandant en chef les armées françaises.

En conséquence, après avoir examiné les citations collectives à l'ordre de l'armée accordées jusqu'à ce jour, le général commandant en chef décide : Le port de la fourragère est attribué aux régiments et unités formant corps qui ont été cités deux ou plusieurs fois à l'ordre de l'armée, c'est-à-dire aux unités suivantes :

RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE.

Signé : JOFFRE.


LA FOURRAGÈRE JAUNE ET VERTE

DIVISION MAROCAINE

= Au Q. G. le 26 Juin 1917.

iTAT-JUJOR

ORDRE GÉNÉRAL N° 46

Par ordre n° 37 F du 16 juin, du général commandant en chef, la fourragère aux couleurs de la MÉDAILLE MILITAIRE a été accordée au RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE.

En portant cette décision à la connaissance des troupes de la division, le général tient à faire ressortir toute la valeur de cette haute distinction.

LE RÉGIMENT DE LA LÉGION EST LE PREMIER DE TOUS LES RÉGIMENTS FRANÇAIS A RECEVOIR CET INSIGNE. IL PEUT LE PORTER FIÈREMENT.

Les dates du : 9 mai 1915, 25 septembre 1915, 4 juillet 1916, 17 avril 1917, sont venues ajouter des pages glorieuses à l'histoire déjà si riche de ce magnifique régiment. Elles signifient : vaillance, discipline, fidélité à la cause de la France luttant pour la liberté de l'Europe.

En son nom et au nom de toute la division, le général exprime aux légionnaires toute la fierté qu'il ressent à la suite de la décision du général commandant en chef et dont l'honneur rejaillit sur toute la grande famille que constitue la DIVISION MAROCAINE.

Signé < DEGOUTTE.


LA LÉGION D'HONNEUR AU DRAPEAU

Le 27 septembre 1917, la CROIX DE LA LÉGION D'HONNEUR est conférée au DRAPEAU DU RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE :

MERVEILLEUX RÉGIMENT QU'ANIMENT LA HAINE DE L'ENNEMI ET L'ESPRIT DE SACRIFICE LE PLUS ÉLEVÉ.

En ARTOIS, le 9 mai 191 5, sous les ordres du lieutenant-colonel COT, s'est élancé à l'assaut des OUVRAGES BLANCS, enfonçant d'un seul coup toutes les organisations ennemies, enlevant la cote 140, poussant jusqu'à CARENCY et SOUCHEZ.

En CHAMPAGNE, le 25 septembre 1915, sous les ordres du colonel LECOMTEDENIS, puis du commandant ROZET, a conquis l'ouvrage de WAGRAN, au nord de SOUAIN.

Le 28 septembre, sous les ordres du lieutenant-colonel COT, a triomphé d'une organisation puissante et, poussant jusqu'aux tranchées et aux bois de la ferme de NAVARIN, les a enlevés.

Dans la Somme, le 4 juillet 1916, sous les ordres du lieutenant-colonel COT, après avoir franchi un glacis de 800 mètres, fauché par les mitrailleuses, a conquis à la baïonnette BELLOY-EN-SANTERRE et l'a gardé, malgré un bombardement intense, contre les efforts violents et répétés de l'ennemi.En CHAMPAGNE, devant les monts de MORONVILLIERS, le 17 avril 1917, sous les ordres du lieutenant-colonel DURIEZ, puis du commandant DEVILLE, s'est élancé à l'attaque contre un ennemi résolu, trois fois supérieur en nombre.

Par un combat corps à corps, ininterrompu pendant cinq jours et cinq nuits, s'est emparé des tranchées du Golfe et a contribué à faire évacuer le village d'AuBERIVE par l'ennemi en le prenant à revers.

A VERDUN, le 20 août 1917, sous les ordres du lieutenant-colonel ROLLET, a enlevé le village de CUMIÈRES et son bois, avec une telle fougue qu'il a dépassé l'objectif final qui lui était assigné. S'est ensuite rendu maître de la cote de l'OIE et de REGNÉVILLE.


LA FOURRAGÈRE ROUGE

GRAND QUARTIER GÉNÉRAL DES ARMbs Au G. Q Q ie J Novembre 1917.

DU NORD ET DU NORD-EST

ORDRE GÉNÉRAL N° 57 F

Par application du rectificatif nO 13434 D à l'instruction du 21 avril 1916, le général, commandant en chef les armées du Nord et du Nord-Est, décide que le RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE

aura droit au port de la fourragère à la couleur du ruban de la LÉGION D'HONNEUR.

Ce régiment a obtenu six citations à l'ordre de l'armée pour ses brillants exploits au cours de la campagne.

Signé : PÉTAIN.

LA FOURRAGÈRE DOUBLE

GRAND QUARTIER GÉNÉRAL DES ARMÉES Au G. Q. G. le Novembre 1918.

DU NORD ET DU NORD-EST

ORDRE GÉNÉRAL N° 133 F

En exécution de la circulaire ministérielle nO 2156 D du 26 février 1918, le droit au port de la FOURRAGÈRE DOUBLE aux couleurs de la Légion d'honneur et de la Croix de guerre est conféré au RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE

Le Général de division, Commandant en chef les armées du Nord et Nord-Est, Signé : PÉTAIN.


DIVISION MAROCAINE

- Q. G. le 22 mars 1919.

ÉTAT-MAJOR

ORDRE GÉNÉRAL N° 8

La Légion s'en va.

Depuis notre arrivée sur cette terre promise des bords du Rhin, bien d'autres, hélas ! nous ont déjà quittés; nous les avons tous sincèrement regrettés.

Mais aujourd'hui le départ de la Légion jette dans la division entière, dont elle partage depuis quatre ans et demi les peines et les joies, une véritable consternation.

Depuis le jour lointain, mais à jamais mémorable du 9 mai 1915 où sa puissance d'héroïsme et de sacrifice fut révélée dans toute sa beauté, jusqu'aux dernières batailles de septembre 1918, sur les lignes Hindenburg, quels hauts faits n'a-t-elle pas accomplis ! Quelles vertus guerrières n'a-t-elle pas déployées ! Quels succès n'a-t-elle pas remportés !

Elle a partout forcé notre admiration, comme elle avait conquis notre affection.

La Légion s'en va. mais les raisons de notre admiration et de notre affection ne disparaissent pas avec elle.

Bientôt, lorsque après avoir parcouru l'Alsace reconquise, après avoir cueilli dans une traversée triomphale les acclamations enthousiastes de la capitale, elle reprendra, dans son berceau d'Afrique, le cours de ses exploits légendaires et fera rayonner à travers le monde la gloire de la France, nous applaudirons encore à ses succès.

Nous serons fiers de pouvoir dire : « Au cours de la Grande Guerre, elle fut avec nous de la division marocaine ! »

La Légion s'en va. Vive la Légion!

Le Général Commandant la Division marocaine, Signé : DAUGAN.


DIVISION MAROCAINE

Le 23 mars 1919.

1" Brigade

ÉTAT-MAJOR

ORDRE DE LA BRIGADE N° 153

Le Régiment de marche de la Légion étrangère quitte la Ire brigade marocaine pour aller, sous le soleil d'Afrique, continuer la série légendaire de ses exploits.

Depuis le mois d'octobre 1914, où le colonel PEIN arriva à la division marocaine avec ses braves légionnaires, jusqu'aux journées de septembre 1918, marquées par l'enlèvement de haute lutte des lignes Hindenburg, la Légion n'a cessé d'être à la peine et à l'honneur.

Ses camarades de combat, appelés à d'autres destinées, sont partis; elle était restée, inébranlable et fière, toujours en avant, toujours victorieuse.

Ses têtes de colonnes sont arrivées les premières sur le Rhin reconquis, et sa tâche remplie, elle quitte le pays où l'on ne se bat plus pour aller vers celui où on se bat encore.

La Ire brigade marocaine perd en elle le plus beau fleuron de sa couronne de gloire.

Mais si la Légion s'en va, son souvenir restera impérissable dans tous les cœurs et servira d'exemple aux générations à venir.

Au nom de ceux qui restent, j'adresse à ceux qui partent le tribut de notre affection et nos meilleurs souhaits. J'adresse un souvenir ému aux morts glorieux qui sont restés sur tous les champs de bataille de la Grande Guerre et dont le sacrifice a assuré le triomphe de notre cause.

Je salue le drapeau décoré de l'immortel Régiment de marche de la Légion qui porte dans ses plis le secret de l'héroïsme et de la gloire.

Le Colonel Commandant la Ire brigade marocaine, Signé : COLIN.


LA MÉDAILLE MILITAIRE AU DRAPEAU

Extrait du Journal officiel de la République Française en date du 30 aoûtiçig.

Le Président de la République Française, Sur le rapport du Président du Conseil, ministre de la Guerre, Décrète :

ART. I. — La Médaille militaire est conférée au drapeau du RÉGIMENT désigné ci-après :

RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE

HÉROÏQUE RÉGIMENT, QUE SON AMOUR POUR LA FRANCE ET SA BRAVOURE LÉGENDAIRE ONT PLACÉ AU PREMIER RANG.

Au cours de l'épopée de 1918 et sous les ordres du lieutenant-colonel ROLLET, Après avoir brisé, au bois de HANGARD-EN-SANTERRE, le 26 avril, la marche des Allemands sur AMIENS, Après avoir, du 28 au 31 mai, conservé contre les assauts furieux de l'ennemi ses positions de la montagne de PARIS, à l'ouest de SOISSONS, Après avoir anéanti, le 12 juin, les efforts d'une division allemande tout entière devant AMBLENY et SAINT-BANDRY, A repris ensuite ses traditions offensives le 18 juillet, a bousculé l'ennemk sur une profondeur de 11 kilomètres, à l'est de la forêt de VILLERS-COTTERÊTS; Et enfin, du 2 au 14 septembre, après douze jours de lutte épique, est parvenu à rompre la ligne Hindenburg, sur le plateau de LAFFAUX, capturant un régiment entier.

Préparait de nouvelles victoires en Lorraine lorsque sonna l'heure de l'armistice.

Signé : POINCARÉ.


PL. XIV

1831 1918

DESSIN DU SOUVENIR DE LA FÊTE DU RÉGIMENT DE MAFCHE ET DE LA REMISE DE LA MÉDAILLE MILITAIRE AU DRAPFAU (14 SEPTEMBRE 1919).

Dessin de M. Mahut.



RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE

Extrait de la décision du I5 septembre 1929.

ORDRE GÉNÉRAL No I.

A l'occasion de la remise de la MÉDAILLE MILITAIRE au drapeau du Régiment de marche, le général commandant la division d'ORAN écrit ce qui suit : «Ainsi se trouve consacrée, par la plus haute distinction militaire, la gloire impérissable que le Régiment de marche de la Légion étrangère a si vaillamment conquise, au cours de la Grande Guerre, au prix de tant d'efforts, de fatigue et de sang.

«L'honneur de cette distinction rejaillit sur les IER et 2e régiments Étrangers qui ont donné naissance, pendant la campagne, au Régiment de marche de la Légion étrangère.

« Tout en adressant au lieutenant-colonel ROLLET et à son magnifique régiment ses félicitations les plus chaleureuses avec l'expression de la reconnaissance du pays tout entier, le général commandant la division d'ORAN réunit, pour un même hommage, les trois régiments Étrangers et salue leurs drapeaux au nom de tous les corps et services de la Division d'ORAN. »

ORAN, le 10 septembre 1919.

Le Général Commandant la Division Signé : CHERRIER.

ORDRE GÉNÉRAL No 2 (Félicitations).

Le général commandant la Division reçoit du général commandant en chef les troupes françaises de l'Afrique du Nord, le télégramme suivant qu'il est heureux de transmettre au Régiment de marche de la Légion étrangère, ainsi qu'aux IER et 2e Étrangers : « En remettant Médaille à Régiment de marche Légion, transmettez à ce magnifique régiment, chaudes félicitations du général NIVELLE, commandant en chef les troupes françaises de l'Afrique du Nord, ancien commandant en chef des armées françaises du Nord et du Nord-Est.

« Les brillants exploits de ce régiment pendant la guerre sont le gage de ceux que la Légion accomplira encore dans l'avenir. »

TLEMCEN, le 13 septembre 1919.

Le Général Commandant la Division, Signé : CHERRIER.


SOUS-OFFICIERS ET LÉGIONNAIRES DÉCORÉS DE LA LÉGION D'HONNEUR POUR FAITS DE GUERRE

AU COURS DES HOSTILITÉS

Le 18 mai 1917, le général PÉTAIN, commandant en chef, confère la croix de la Légion d'honneur à l'adjudant-chef MADER, à la suite de sa brillante conduite pendant les opérations d'avril 1917.

MADER Max-Emmanuel, adjudant-chef à la 6e compagnie du Régiment de marche de la Légion étrangère : Sous-officier d'une bravoure et d'une énergie remarquables. Chef de section hors ligne, véritable entraîneur d'hommes. Toujours à la tête de sa troupe, s'est admirablement conduit au cours des combats du IJ au 2I avril IÇIJ ; par d'heureuses dispositions et par le tir précis de ses fusils mitrailleurs a assuré avec sa sectioh la capture d'une batterie ennemie, mettant en fuite une compagnie d'infanterie qui la soutenait.

Déjà deux fois cité à l'ordre.

Le 27 septembre 1917, le général PÉTAIN, commandant en chef, accorde a croix de la Légion d'honneur aux trois légionnaires dont les noms suivent : AROCAS André, caporal du Régiment de marche de la Légion étrangère : Engagé volontaire pour la durée de la guerre, au front depuis le début des hostilités. A participé à tous les combats du régiment. Grenadier d'élite, superbe d'entrain, de courage et de sang-froid, admiré et adoré de ses hommes. En CHAMPAGNE (avril IÇIJ) a lutté pendant trente-six heures pour la conquête d'une tranchée désespérément défendue. L'objectif atteint, sa section se trouvait réduite à deux hommes.

Devant VERDUN, le 20 août IQIJ, a de nouveau prouvé sa maîtrise dans un combat de boyaux, tuant les grenadiers ennemis qui résistaient, faisant trois prisonniers et contribuant à la capture de trois autres prisonniers en fin de la journée. Trois blessures, quatre citations.

LEVA Fortunato, caporal du Régiment de marche de la Légion étrangère: Engagé volontaire pour la durée de la guerre, au front depuis le début des hostilités. A participé à tous les combats du régiment. Grenadier d'élite, d'une audace et d'un mordant extraordinaires, toujours en tête donnant l'exemple


En Champagne (avril I9IJ) tous les gradés de son groupe étant tombés, a pris le commandement de ses camarades et a continué le combat avec une énergie farouche.

Devant VERDUN, a entraîné ses hommes avec un élan superbe à l'assaut des positions ennemies; le 2I août içij a occupé un poste violemment bombardé en avant de nos lignes et s'y est maintenu malgré de lourdes pertes. Trois citations.

DIETA Jaime, caporal du Régiment de marche de la Légion étrangère: Mitrailleur d'élite, au front depuis le début de la campagne. A participé à tous les combats du régiment. Modèle de bravoure et de sang-froid, a toujours eu une magnifique attitude au feu.

Pendant les combats devant VERDUN, a, par la précision et l'à-propos de ses tirs, contribué à briser plusieurs contre-attaques, infligeant des pertes sévères à l'ennemi. Le 2 septembre JÇI7, étant en position de flanquement sur un point sérieusement bombardé et ayant eu une pièce démolie et le tireur tué par un obus, a remis aussitôt une pièce en batterie sur le même emplacement, donnant le plus bel exemple du devoir et du sacrifice. Une blessure et deux citations.

Le 10 janvier 1918, le général PÉTAIN, commandant en chef, accorde la croix de chevalier de la Légion d'honneur à l'adjudant-chef BAUR Jean, N° matricule 41.354 du Régiment de marche de la Légion étrangère.

Chef de section remarquable, modèle de bravoure, de sang-froid et de dévouement. S'est particulièrement signalé le 8 janvier IÇ18, où il s'est porté d'un superbe élan à la tête de sa section, à l'assaut des tranchées ennemies. A été grièvement blessé au moment où il atteignait l'objectif final.

Le 13 juin 1918, le général PÉTAIN, commandant en chef, accorde la croix de la Légion d'honneur à l'adjudant-chef SAPÈNE Henri-Guillaume, N° matricule 42.606 du Régiment de marche de la Légion étrangère.

Vaillant sous-officier, dont la crânerie et l'enthousiasme font l'admiration de tous. Après avoir subi un bombardement très sévère, a brisé les assauts furieux d'un ennemi dix fois supérieur en nombre et a maintenu intégralement sa position, infligeant des pertes énormes à l'adversaire. Trois citations.


LISTE ET ORIGINE DES GÉNÉRAUX ET OFFICIERS SUPÉRIEURS AYANT COMMANDÉ

LA LÉGION AU FRONT DE FRANCE

DIVISION MAROCAINE

Colonel BLONDLAT. Infanterie coloniale, du 14 septembre 1914 au 26 juin 1915.

Général CODET. Zouaves. Du 26 juin 1915 au 18 août 1916.

Général DEGOUTTE. É.-M. Maroc. Du 18 août 1916 au 2 septembre 1917.

Général DAUGAN. É.-M. Maroc. 2 septembre 1917.

lre BRIGADE MAROCAINE

Colonel LAVENIR. Infanterie coloniale. Du 5 octobre 1914 au 13 mars 1915.

Colonel PEIN. Renseignements Maroc et Légion. Du 13 mars 1915 au 9 mai 1915 (mort au champ d'honneur).

Colonel DELAVAU. Tirailleurs. Du 14 mai 1915 au 10 février 1916.

Colonel DEMETZ. Tirailleurs. Du 10 février 1916 au 5 juillet 1917.

Colonel MITTELHAUSER. É.-M. 19e C. A. Du 9 juillet 1917 au Ier mai 1918.

Colonel BOUCHEZ. É.-M. France. Du Ier mai 1918 au 29 décembre 1918.

2e RÉGIMENT DE MARCHE DU 1er ÉTRANGER

Colonel PEIN. Renseignements Maroc. Du Ier septembre 1914 au 7 mai 1915.

Lieutenant-Colonel COT. Légion étrangère. Du 8 mai 1915 au II novembre 1915.

3e RÉGIMENT DE MARCHE DU 1er ÉTRANGER Colonel THIEBAULT. Gendarmerie. Du 4 septembre 1914 au 20 novembre 1914.

Lieutenant-Colonel DESGOUILLE. Active Infanterie. Du 20 novembre 1914 au 13 juillet 1915.


4e RÉGIMENT DE MARCHE DU 1er ÉTRANGER

Lieutenant-Colonel GARIBALDI. Engagé volontaire. De 1914 au 5 mai 1915.

2e RÉGIMENT DE MARCHE DU 2e ÉTRANGER

Colonel PASSARD. 2e Étranger. Du Ier septembre 1914 au 10 décembre 1914.

Colonel LECOMTE-DENIS. Active Infanterie. Du 10 décembre 1914 au 25 septembre 1915.

Lieutenant-Colonel DE LAVENUE DE CHOULOT. Tirailleurs. Du 19 octobre 1915 au II novembre 1915.

RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE Lieutenant-Colonel COT. Légion étrangère. Du II novembre 1915 au 15 février 1917.

Lieutenant-Colonel DURIEZ. Légion étrangère. Du 15 février 1917 au 17 avril 1917.

Lieutenant-Colonel ROLLET. Légion étrangère. Depuis le 30 avril 1917.


LISTE DES OFFICIERS

AYANT COMMANDÉ UN BATAILLON AU FEU

AUX

RÉGIMENTS ÉTRANGERS

2e RÉGIMENT DE MARCHE DU 1er ÉTRANGER

BATAILLON A

Commandant GAUBERT. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).

BATAILLON B

Commandant COLLET. Légion étrangère.

BATAILLON C

Commandant NOIRE. Infanterie coloniale (mort au champ d'honneur).

BATAILLON D

Commandant MULLER. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).

BATAILLON A/B Commandant BUREL. Légion étrangère.

BATAILLON C/D Commandant OLLIER. Active Infanterie.

BATAILLON A

Commandant BUREL. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).

Commandant RUELLAND. Légion étrangère.

BATAILLON B

Commandant DECLEVE. Légion étrangère (Tonkin) (mort au champ d'hon neur).

Commandant OLLIER. Légion étrangère.


2e RÉGIMENT DE MARCHE DU 2e ÉTRANGER

BATAILLON C

Commandant DE GALLE. Légion étrangère.

Commandant ROZET. Légion étrangère.

Commandant LE GALLOIS. Armée d'Afrique.

BATAILLON D

Commandant GIUDICELLI. Légion étrangère.

BATAILLON F

Commandant BERECKI. Infanterie coloniale (jusqu'en juillet 191 S)BATAILLON G

Commandant MICHAUD-BELLAIRE. Légion étrangère.

3e RÉGIMENT DE MARCHE DU 1er ÉTRANGER

1er BATAILLON

Commandant LEMERLE. Ancien officier, ex-adjudant à la Légion étrangère. (Réserve.) 2e BATAILLON

Commandant KOCH. Sapeurs-pompiers de Paris.

3e BATAILLON Commandant HIVERT. Sapeurs-pompiers de Paris.

4e RÉGIMENT DE MARCHE DU 1er ÉTRANGER

1er BATAILLON

Commandant MARTIN. Légion étrangère.

28 BATAILLON

Commandant LONGO. Engagé volontaire Garibaldien (ex-caporal à la Légion).

3e BATAILLON Commandant LATAPIE. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).


RÉGIMENT DE MARCHE DE LA LÉGION ÉTRANGÈRE OFFICIERS SUPÉRIEURS ADJOINTS AU CHEF DE CORPS Chef d'escadrons DU PRÉ DE SAINT-MAUR. Cavalerie.

Chef de bataillon TRAMUZET. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).

Chef de bataillon NICOLAS. Légion étrangère.

IER BATAILLON

Commandant RUELLAND. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).

Commandant HUSSON DE SAMPIGNY. Légion étrangère.

Capitaine adjudant-major BOUFFÉ. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).

Commandant JACQUESSON. Légion étrangère.

2e BATAILLON

Commandant LE GALLOIS. Bataillon d'Afrique.

Commandant WADDELL. Légion étrangère.

Capitaine adjudant-major MARSEILLE. Légion étrangère.

Commandant GERMANN. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).

Capitaine adjudant-major BARAZER DE LANNURIEN. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).

Capitaine SANCHEZ CARRERO. Engagé volontaire (mort au champ d'honneur).

Commandant LALES. Légion étrangère.

3E BATAILLON Commandant GIUDICELLI. Légion étrangère.

Commandant MOUCHET. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).

Capitaine DUBECH. Légion étrangère.

Capitaine adjudant-major GERMANN. Légion étrangère.

Commandant DE VILLE. Légion étrangère.

Commandant COLIN. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).

Commandant MARSEILLE. Légion étrangère.

Commandant HUSSON DE SAMPIGNY. Légion étrangère (mort au champ d'honneur).

Capitaine Adjudant-Major MAIRE. Légion étrangère.

Commandant MARSEILLE. Légion étrangère.


LISTE ET ORIGINE DES OFFICIERS DES RÉGIMENTS ÉTRANGERS TOMBÉS

AU CHAMP D'HONNEUR

Novembre IQI4.

DOUMIC, lieutenant. Officier de réserve.

LINEL, lieutenant, Officier de réserve.

26 décembre IQI4.

GARIBALDI (Bruno). lieutenant. Engagé volontaire.

ROBERTO, lieutenant. Engagé volontaire.

TROMBETTA, lieutenant. Engagé volontaire.

2 janvier IÇI5.

MARCHAND, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

5 janvier IQI5 LATAPIE, chef de bataillon. Officier (active) Légion étrangère.

DURANTI, lieutenant. Engagé volontaire.

GUILLOT. lieutenant. Officier (réserve).

LEGOUAIB, lieutenant.

LUNGO, lieutenant. Engagé volontaire armée italienne.

PONCELIN DE RAUCOUET, lieutenant (réserve). (Officier démissionnaire.) MURACCIOLI, lieutenant. Sous-ofifcier Légion étrangère.

ALLARD, sous-lieutenant.

ZONARO, sous-lieutenant (Turc). Engagé volontaire armée italienne.

CHRISTINO, sous-lieutenant. Engagé volontaire.

8 janvier IQI5BUTTA, lieutenant. Engagé volontaire.

9 mai 1915.

PEIN, colonel. Officier Légion étrangère.

NOIRE, chef de bataillon.

MULLER, chef de bataillon. Officier Légion étrangère.


GAUBERT chef de bataillon. Officier Légion étrangère.

LEHAGRE, capitaine. Officier Légion étrangère.

BOUTIN, c?pitaine. Officier Légion étrangère.

JOURDEUIL, capitaine. Officier Légion étrangère.

OSMONT D'AMILLY, capitaine. Officier Légion étrangère.

BELLE, lieutenant. Officier (réserve).

DOUCET, lieutenant. Officier (réserve).

GABET, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

LEVY, lieutenant. Réserve.

RIVET, lieutenant. Réserve (officier démissionnaire).

SOURLIER, lieutenant. Officier (réserve).

DOSTAL, lieutenant. Engagé volontaire (Tchèque).

ANDREANI, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

BONFICO, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

JACOUDET, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

THIÉBAUT, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

DE MALCZ, sous-lieutenant. Engagé volontaire.

BROSSETTE, sous-lieutenant. Officier (réserve).

I6 juin 1915.

WETTERSTROM, capitaine. Officier Légion étrangère.

PERRIER, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

GUYARD, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

VERRIER, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

ROTWAND, sous-lieutenant. Engagé volontaire.

ZIZANIA, sous-lieutenant. Engagé volontaire.

23 août 1915.

BUFFET, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

Septembre 1915.

BUREL, chef de bataillon. Officier Légion étrangère.

DECLÈVE, chef de bataillon. Officier Légion étrangère.

TORTEL, capitaine. Officier Légion étrangère.

BERNARD, capitaine. Officier Légion étrangère.

JUNOD, capitaine. Officier Légion étrangère.

DE CELLERY D'ALLENS, capitaine. Officier (réserve).

LACROIX, lieutenant.

DE MONTESQUIOU DE FEZENSAC, lieutenant (réserve).

DESMOUSSEAUX DE GIGRE, lieutenant (réserve).

SZAFRANIEC, lieutenant. Engagé volontaire.

LESTRADE, lieutenant. Officier (réserve).

SÉGUIN DE LA SALLE, lieutenant. Officier (réserve).

VERNET, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

CABAUD, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

BOUTONNET, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

GOUAUX, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.


Avril içiô.

CARME, capitaine. Officier Légion étrangère.

Juillet igiô.

MOUCHET, chef de bataillon. Officier Légion étrangère.

RUELLAND, chef de bataillon. Officier Légion étrangère.

MAROLFF, capitaine. Engagé volontaire (Suisse).

LITTRE, capitaine. Sous-officier Légion étrangère.

DO-HU-VI, capitaine. Saint-Cyr, officier Légion étrangère.

RONDEAU, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

DABON, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

SOTIROPOULOS, lieutenant. Engagé volontaire.

CASTILLO, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

LALINDE, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

FLOTTE, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

MORERE, sous-lieutenant. Sous-officier (active).

CAZIN, sous-lieutenant. Sous-officier (active).

MALHOT, Sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

Avril içij.

DURIEZ, lieutenant-colonel. Officier Légion étrangère.

LEIXELARD, capitaine. Officier Légion étrangère.

PETEAU, capitaine. Officier Légion étrangère.

MARION, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

MORACCHINI, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

GALLOCHIN, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

BOYER, lieutenant. Officier Légion étrangère.

BITAUD, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

BUCHY, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

LANERES, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

Août 1917.

BENOIT, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

Janvier I9IB.

GRANACHER, sous-lieutenant. Engagé volontaire (Suisse).

Avril 1918.

COLIN, chef de bataillon. Officier Légion étrangère.

BOUFFE, capitaine adjudant-major. Officier Légion étrangère.

MEYER, capitaine. Sous-officier Légion étrangère.

DUMAS, capitaine. Officier Légion étrangère.

TARTRAIS, capitaine. Officier Légion étrangère.

SANDRE, capitaine. Officier Légion étrangère.


BURCKHALTER, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

NAGELI, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

EFFREMOFF, lieutenant. Engagé volontaire (Russe).

GUADAGNINI, lieutenant. Engagé volontaire (Italien) (du 4e de marche).

Mai içi8.

GERMANN, chef de bataillon. Officier Légion étrangère.

TEIRLINCK, de son vrai nom VERSTRAETE, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

DELEYE, lieutenant. Sous-officier (écoles).

Juin içi8.

DAUPHIN, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

Juillet 1918.

HUSSON DE SAMPIGNY, chef de bataillon. Officier Légion étrangère.

GUILLERMIN, lieutenant. Engagé volontaire (Suisse).

REBUT, sous-lieutenant. Engagé volontaire (Suisse).

Septembre IÇI8.

TRAMUZET, chef de bataillon. Officier Légion étrangère.

BARAZER DE LANNURIEN, capitaine adjudant-major. Sous-officier Légion étrangère.

SANCHEZ CARRERO. capitaine. Engagé volontaire (Vénézuélien).

MACKAY, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

DE MONTGOMERY, lieutenant. Engagé volontaire (Belge).

CASADE, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

AUBURGE, lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

CHAMBRE, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

DEGLON, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.

COGGIA, sous-lieutenant. Sous-officier Légion étrangère.


STATISTIQUE PAR NATIONALITÉS

Plus que jamais, la Légion est une puisqu'elle n'a plus qu'un dépôt, celui de BEL-ABBÈs. C'est dans les archives de ce dépôt qu'il faut puiser, pour établir la statistique par nationalités des légionnaires ayant fait la campagne.

Or, constatation bien caractéristique, il est impossible de relever au dépôt les effectifs propres du Régiment de marche de la Légion étrangère. La maison mère n'a pas pu, de loin, suivre la trace de tous ses enfants.

A quoi bon d'ailleurs de telles recherches? Les légionnaires n'ont cessé de passer d'un théâtre d'opérations sur l'autre : nombreux sont ceux qui en ont connu trois et quatre pendant la durée de la guerre : TONKIN, AFRIQUE, ORIENT, FRANCE. A part les sujets des puissances ennemies, cantonnés au TONKIN et au MAROC, presque tous ont paru sur le front de France. Encore bien des légionnaires comptés comme Allemands, Autrichiens ou Turcs se considéraientils comme irrédentistes polonais, italiens, arméniens. Les chiffres donnés n'ont que valeur d'indication.

TROUPE

NATIONS OFFICIERS CAPORAUX SOuS- et TOTAUX OFFICIERS LÉGION- TOTAUX NAIRES

ABYSSINIE » 1 2 3 ALBANIE » 1 5 6 ALGÉRIE 30 44 456 500 ALLEMAGNE. II 280 2.807 3-087 ALSACE-LORRAINE 31 107 2.476 2.583 ANGLETERRE 4 11 241 252 ANNAM » 2 8 10 ANTILLES ANGLAISES » » 2 2 ANTILLES DANOISES » » 1 1 ANTILLES FRANÇAISES. 1 » 1 1 A reporter. 77 446 5.999 6.445


TROUPE

NATIONS OFFICIERS SOUS- CAPORAUX 1 sous- et TOT AUX OFFICIERS L-LÉEGGIIOONN- - TOTAUX NAIRES ————

Report. 77 446 5.999 6.445 ARGENTINE.. , , 1 4 105 109 ARMÉNIE » 4 , 67 71 AUSTRALIE. 1 » 8 8 AUTRICHE-HONGRIE 3 104 1.166 1.270 BELGIQUE. 20 136 1.585 1.721 BOLIVIE.. , 1 » 5 5 BRÉSIL. 2 1 78 79 BULGARIE 1 4 40 44 CAMBODGE. 2 » 4 4 CANADA » 5 21 26 CAP DE LA BONNE-ESPÉRANCE. » » 1 1 CHILI » » 28 28 CHINE. 1 » 5 5 CHYPRE » 1 1 2 COCHINCHINE. 3 1 3 4 COLOMBIE » 1 n 12 CONGO » » 2 2 COSTA-RICA » 1 1 2 COTE-D'IVOIRE » » 2 2 CUBA. , 1 2 24 26 DAHOMEY » » 1 1 DANEMARK. 10 6 79 85 ÉGYPTE. 2 5 83 88 ÉQUATEUR. , 1 » 3 3 ESPAGNE 4 56 1-940 1. 996 ÉTATS-UNIS, 29 214 386 600 FRANCE., 808 1. 343 4.896 6.239 GABON ». » 2 2 GAMBIE » » 1 1 GIBRALTAR » 1 » 1 GRÈCE. 14 61 2.425 2.486 GUADELOUPE » » 3 3 GUATEMALA » » 3 3 A reporter. 961 2.396 18.978 21.374


I TROUPE NATIONS OFFICIERS CAPORAUX 1 I SOUS- et I OFFICIERS l LÉGION- TOTAUX.

————_ I NAIRES

Report. 961 I 2.396 18.978 21.374 GUINÉE FRANÇAISE » » - 5 GUINÉE PORTUGAISE. » » 2 2 GUYANE ANGLAISE. » » 1 1 GUYANE FRANÇAISE.. 1 » 1 1 HAÏTI 2 2 19 21 HOLLANDE. 7 17 198 215 HONG-KONG „ ; r J ILE MAURICE. 1 2 16 18 INDES ANGLAISES. » 2 10 12 INDES HOLLANDAISES » » 2 2 INDO-CHINE „ 1 9 Io ITALIE 61 331 6.071 6.402 JAMAÏQUE JAP0N » 1 59 60 LUXEMBOURG » 40 584 624 MADAGASCAR 20 MADAGASCAR » 2 180 20 MAL TE.» 1 12 13 MAROC.» i 131 133 MARTINIQUE „ 131 133 2 B 1 1 MAURITANIE » 1 » 1 MEXIQUE „ 1 l 21 MONACO.» 2 1 8 20 MONTÉNÉGRO. 2 3 58 61 2 3 50 61 NICARAGUA „ » , 6 NORVÈGE 1 32 33 NOUVELLE-CALÉDONIE, » 2 6 8 NOUVELLE-ZÉLANDE.. 1 » 1 1 PANAMA. 1 1 M 1 1 PARAGUAY „ » 1 1 1 1 PÉROU.; ; ; ■ 12 13 PERSE. 2 » 13 13 PHILIPPINES „ » 23 23 POLOGNE 3 23 9 q 22 727 749 A reporter. 1-053 | 2.830 27.039 29.869


TROUPE NATIONS OFFICIERS ===-- CAPORAUX sous- et TOTAUX OFFICIERS LÉGION- TOTAUX NAIRES

Report. 1.053 2.830 27.039 29.869 PORTO-RICO. » » 4 4 PORTUGAL. 1 3 83 86 RÉUNION. » » 3 3 ROUMANIE. 30 25 733 758 RUSSIE. 112 122 5.120 5.242 SAN-SALVADOR » 1 5 6 SAINTE-LUCIE » » 1 1 SAINT-PIERRE ET MIQUELON. « 1 2 3 SÉNÉGAL. » 1 21 22 SERBIE. 2 3 112 115 SIAM. » » 2 2 SOMALIE. » » 1 1 SOUDAN. » » 10 10 SUÈDE. 1 1 64 65 SUISSE. 28 186 2.566 2.752 SYRIE. 1 7 68 75 TCHÉCOSLOVAQUIE. 2 31 493 524 TONKIN. » » , 4 4 TRANSVAAL. » » 4 4 TRIPOLITAINE. » » y 4 4 TUNISIE. 1 5 166 171 TURQUIE. 12 36 751 787 URUGUAY. ». 2 19 21 VENEZUELA. , 2 1 7 8 GRÈCE (Bon GREC-MOUDROS). 5 29 899 928 JAPON (Dét. LYON 13 août 1916). » » 53 53 MONTÉNÉGRO (Bon BOSNIAQUE). » 21 927 948 NATIONALITÉS mal définies. 17 9 408 417

TOTAUX. 1.267 3.314 39.569 42.883


CONCLUSION

La Discipline faisant la force principale des armées.

Est-il besoin de rien ajouter? Non, les faits sont plus éloquents que les paroles.

Par les tableaux qu'il vient de parcourir le lecteur a pu se rendre compte du nombre et de la proportion des nationalités qui étaient représentées à la Légion, pendant la Grande Guerre, dans le corps d'officiers et dans la troupe.

Cette statistique ne laisse pas d'être impressionnante, si on oppose à cette paradoxale diversité d'origine la cohésion absolue d'une troupe d'élite qui a forcé toutes les admirations.

Les vertus militaires de la Légion ne sont point des formules creuses.

Mais de la statistique par nationalités, il est utile de rapprocher le relevé des pertes : tués, disparus, blessés.

Effectué par pointage serré sur les journaux de marche des régiments, ce relevé fait ressortir, de prime abord, un fait qui mérite d'être signalé : LES PERTES DE LA LÉGION SONT MINIMES, au moins relativement, si on les compare à celles de l'ensemble des armées.

D'abord il y a assez peu de disparus, et parmi eux fort peu de prisonniers.

Puis le total des pertes — il n'atteint pas n.000 — est vraiment inférieur à ce qu'on pourrait croire, et à ce qu'on


croit généralement. Car le public sait qu'il y a eu environ 35.000 engagés, sans parler des anciens. Et il sait aussi que le régiment de marche de la Légion étrangère quittant l'armée du Rhin en mars 1919, emmenait seulement 800 hommes en Afrique.

A cette considérable fonte des effectifs, il y a fort heu.

reusement d'autres causes que les pertes au feu.

A vrai dire, il y a quelques pertes par maladie.

Puis, et avant tout, il y a eu l'effet de certaines mesures organiques dont la réduction à un seul, dès 1915, du nombre des régiments de marche, a été le résultat direct : réforme prématurée des inaptes; annulation de l'engagement des indésirables, évacués sur les camps de concentration; passage à leur armée nationale de plusieurs milliers d'engagés; enfin, effet naturel de la cessation des hostilités, libération et des légionnaires, engagés pour la durée de la guerre, et de tous ceux qui, Français parvenus entre 1914 et 1918 au terme de leur contrat, avaient été retenus au corps comme réservistes : les uns comme les autres ont été démobilisés en février 1919, laissant à sec le R. M. L. E.

L'effectif engagé, de 8.000 environ en novembre 1914, a rapidement baissé pour les causes connues et s'est tenu entre fin 1915 et fin 1918 au chiffre de 2.800.

En moyenne, cela correspondrait à un effectif d'environ 3.500 hommes ayant fait toute la guerre et sans ménagement.

Cet effectif n'aurait guère été dépensé que trois fois : bien nombreux sont les régiments de l'infanterie française ayant renouvelé huit et dix fois leurs effectifs !

Sans doute la Légion n'a pas fait les trois premiers mois de la campagne, mais cela ne suffit pas à expliquer l'amplitude des écarts. Il faut en chercher la raison dans la valeur exceptionnelle de l'encadrement.

Pendant toute la guerre, le régiment de marche de la Légion étrangère a reçu, goutte à goutte, des officiers, gradés et vieux légionnaires qui débarquaient d'Orient, d'Algérie, du Tonkin, du Maroc. Leur arrivée comblait des vides, atténuait la gravité des pertes, permettait de ne faire


qu'à bon escient les nominations de gradés, maintenait, pour ainsi dire, le titre de l'alliage.

Les jeunes avaient infusé un sang nouveau, ils avaient apporté l'enthousiasme, feu clair qu'il faut entretenir.

Les anciens étaient le vieux sang, ils portaient avec eux la tradition, flambeau que les générations se passent, et qui ne s'éteindra point!


ILLUSTRATIONS de MM.

DURIEUX, engagé volontaire à la Légion.

CASEY, engagé volontaire à la Légion.

FAVRE DU TREMBLEY, capitaine adjoint au chef de corps.

1918.

MAHUT, Peintre du Musée de l'armée.


TABLE DES MATIÈRES

Pagea

PRÉFACE de M. René Doumic v

INTRODUCTION

Les origines de la Légion étrangère. — La Légion, ordre militaire laïc.

Ses détracteurs. - Comment il faut la voir. , vu

PREMIÈRE PARTIE

Historique général de la Légion jusqu'à la Grande Guerre.— Son action au Maroc jusqu'enl920. 1

DEUXIÈME PARTIE

Historique de la Légion en France pendant la Grande Guerre 1914-1918 37

TROISIÈME PARTIE

Anecdotes et récits. , , 87

QUATRIÈME PARTIE Extraits du Palmarès de la Gloire < 131 CONCLUSION. 163