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Title : Ammien Marcellin, Jornandès, Frontin (les Stratagèmes), Végèce, Modestus, avec la traduction en français...

Author : Ammien Marcellin (0330?-0395?). Auteur du texte

Author : Frontin (0030?-0103?). Auteur du texte

Author : Frontin (0030?-0103?). Auteur du texte

Author : Végèce (0383?-0450?). Auteur du texte

Publisher : J.-J. Dubochet (Paris)

Publication date : 1849

Contributor : Baudement, Théophile (1808-1874). Traducteur

Relationship : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb300168812

Type : text

Type : monographie imprimée

Language : french

Language : French

Format : Gr. in-8°

Format : Nombre total de vues : 846

Description : Comprend : Les Stratagèmes ; Les Stratagèmes ; Les Institutions militaires

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Rights : Consultable en ligne

Rights : Public domain

Identifier : ark:/12148/bpt6k6148645p

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, 4-Z-943 (2)

Provenance : Bibliothèque nationale de France

Online date : 19/10/2010

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. [s'il} COLLECTION

BES

AUTEURS LATINS

AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS,

PUBLIÉS SOOS LA DIRECTION

DE M. NISARD,

l'ItOFESSEUl! II' ÉLOQUENCE LATINE AU COLLÈGE DE FRANCE,



AMMIEN MARCELLIN,

JORNANDÈS,

FRONTIN,

VÉGÈCE, MODESTUS.


7>Amp. — TyrooHAPHiF, HE ninim BIDOT rnÈnr.B, miE .ucor., N" 5fi,


AMMIEN MARCELLIN,

JORNANDÈS,

FRONTIN

(LES STRATAGÈMES),

VÉGÈCE, MODESTUS,

AVEC LA TRADUCTION EN FRANÇAIS,

1MIBLIÉS

SOUS LA DIRECTION DE M. NISARD,

■PHOFESSEUlt D'ÉLOQUENCE LATINE AU COLLEGE DE FRANCE.

PARIS,

i. J. DUBOCHET, LE CHEVALIER ET COMP., ÉDITEURS,

RUE RICHELIEU, 60.

184 9.



AVERTISSEMENT

DES ÉDITEURS.

Dans l'avertissement qui précède le volume de Suétone et de l'Histoire Auguste, nous annoncions ce volume comme étant le premier des deux qui, dans notre plan, devaient contenir tous les historiens de l'empire romain, Tacite excepté. Le volume que nous publions aujourd'hui est le second. Il se compose de l'Histoire d'Ammien Marcellin, de l'Histoire des Golhs de Jornandès, des Stratagèmes de Frontin, du Traité de l'Art militaire de Végèce, du Précis des termes de la Milice de Modestus.

Le morceau le plus considérable de notre nouveau volume est l'Histoire d'Ammien Marcellin, ou plutôt la partie de cette histoire que le temps a respectée. L'ouvrage complet conduisait l'histoire romaine depuis Nerva jusqu'à la mort de Valens. Des trente et un livres dont il était composé, les treize premiers ont péri. Les dix-huit livres qui nous restent commencent aux derniers actes de Constance Chlore : quoique fort maltraités, soit par l'ignorance des copistes, soit par la témérité des critiques, ils sont d'un très-grand prix pour l'histoire romaine, dont ils reprennent les récits presque au point où les laisse l'Histoire Auguste. Il n'y a en effet, entre les deux ouvrages, qu'une lacune de deux règnes et d'environ vingt années (1).

L'abrégé de Jornandès n'est pas seulement une histoire des Goths ; c'est aussi et surtout un épisode de l'histoire de l'empire romain. A ce titre , et comme monument de la langue latine au vic siècle , il méritait d'avoir sa place dans ce volume.

Enfin, dans les traités spéciaux de Frontin, de Végèce et de Modestus, la partie la plus curieuse peut-être est celle qui se rapportée l'art militaire et, aux usages de guerre de l'empire : c'est par là qu'ils servent à en éclaircir et à en compléter l'histoire. Il n'est pas besoin d'ailleurs de faire valoir l'importance des deux premiers traités, et en particulier de celui

(I) Les notes et extraits dont M. Baudement a enrichi le volume qui contient Suétone et l'Histoire Auguste comblent celte lacune par un résumé très-complet de l'histoire de ces deux règnes (Dioclétien et Maximin).


ij ~ AVERTISSEMENT.

de Végèce, comme documents relatifs à la science de la milice chez la plus grande nation militaire de l'antiquité. Les Stratagèmes de Frontin offrent de plus un intérêt historique. Moins technique que Végèce, il enseigne l'art de la guerre par les exemples des grands capitaines. Plus d'un de ses stratagèmes est un trait d'bistoire important ou curieux, recueilli par lui dans la partie aujourd'hui perdue des oeuvres des grands historiens latins.

Le retard que nous avons dû mettre à publier ce volume s'explique et s'excuse par l'extrême difficulté de la traduction. Les travaux antérieurs , sauf pour le traité de Végèce, n'ont été d'aucun secours. Il a été nécessaire, en plus d'un endroit, d'établir le texte avant de le traduire. Les traducteurs ont eu à lutter tantôt contre l'obscurité et la recherche d'un langage corrompu, tantôt contre des expressions techniques dont notre langue n'offrait pas toujours les équivalents ; et il a fallu tout leur talent et tout leur dévouement à la collection pour mener à bonne fin un si rude travail.

Les textes que nous avons adoptés sont : pour Ammien Marcellin, celui de Wagner et de Charles Gottjob; pour Jornandès, celui de dom Garet; pour Frontin, celui d'Oudendorp ; pour Végèce, celui de Nicolas Sclrwebelius; pour Modestus, celui de Scriverius.


NOTICE

SUR

AMMIEN MARCELLIN

Ammien Marcellin était Grec d'origine, né probablement à Antioche, de parents inconnus, mais gens de naissance ; car Ammien se donne la qualité d'ingenuus, et dans son livre les nobles sont appelés ingenui. Il servit très-jeune, sous le règne de Constance, dans une cohorte de cavalerie que commandait en Orient un certain Ursicinus, homme de guerre distingué, qu'il vante en plusieurs endroits de son livre. On le voit ensuite entrer dans les proiectores domestici, ou gardes du corps de Constance : c'était une milice recherchée. Jovien commença par être le collègue d'Ammien Marcellin : de protecteur domestique il devint primicier de l'école, et de primicier empereur.

Ursicinus fut bientôt envoyé en Gaule pour y faire rentrer sous l'obéissance la colonie des Ubiens, dont s'était emparé un maître de cavalerie d'origine franque, Silvanus.il emmena avec lui Ammien, qui prit part au succès de la courte campagne dans laquelle Silvanus fut battu et tué. Un nouvel ordre de l'empereur rappela Ursicinus, et l'envoya en Orient. Ammien l'y suivit. Des expéditions eurent lieu, dans lesquelles le chef et son compagnon se distinguèrent, ce dernier à la fois comme négociateur et comme soldat. Ammien faillit y être pris par les Perses. Séparé quelque temps de son chef, et assiégé dans la ville d'Amida, qui fut prise malgré une vigoureuse défense, il parvint à s'échapper; et, après diverses aventures, il finit par rejoindre Ursicinus à Antioche.

Une disgrâce de palais paya Ursicinus de ses services, en le condamnant à l'oisiveté de la vie privée. Ammien garda son poste de protecteur domestique , et l'on ne sait si ce fut en cette qualité ou avec un grade supérieur qu'il fit la guerre en Perse avec l'empereur Julien.

Sous le règne de Valentinien et de Valens, il renonça au métier des armes, et se retira à Antioche. Des vexations qu'il eut à souffrir de la part des gens de loi l'en chassèrent ; il dit adieu à l'Orient et à sa patrie, et vint à Rome, Valens étant encore vivant. II s'y fit beaucoup d'amis parmi les personnages de marque ; et désormais tout entier aux lettres, les yeux fixés sur les écrits de Catui le Censeur, de César, de Salluste et de Çicéron, il entreprit d'écrire l'histoire de Rome depuis le règne de Nerva jusqu'à la mort de Valens. On ignore vers quelle époque mourut Ammien.

Son ouvrage ne nous est parvenu que mutilé. Des trente et Un livres dont il se composait, treize ont péri. Toute cette histoire embrassait une période de près de trois siècles, de l'an 96 à l'an 378. Ce qui nous est resté ne contient que les événements de vingt-cinq années, de 853 à 378. Le quatorzième livre commence à la dix-septième année du règne de Constance ; le trente et unième unit; à la mort de Valens, dans sa guerre contre les Goths.

Deux très-savants hommes, Pierre Pithou et Claude Chifflet, ont voulu qu'Ammien-Marcellin ait été chrétien, ou du moins peu éloigné de l'être. Ils l'ont conclu de. certains passages où l'historien semble parler avec faveur de la religion nouvelle. Dans un de ces.; passages, Ammien loue le roi des Perses, Sapor, «d'avoirrespecté, dans le sac de deuxchâteaux forts, des vierges consacrées au culte divin, selon le rit chrétien (1). »—De telles paroles, dit Chifflet, ont-elles pu sortir d'une bouche non chrétienne?—Ailleurs, Ammien raconte que « Théodose le père traita avec douceur des prêtres du rit chrétien (2). »— Peut-on douter, dit Chifflet, qu'il

(l)Lib. 18. (2) Lib. 29.


NOTICE

ait eu j'intentipn de louer Théodose pour ce fait? Et l'eût-il loué d'un acte d'humanité envers des chrétiens, s'il n'eût été chrétien lui-même?—Bïais voici, ajoute-t-il, qui est plus clair: «Constance, dit Ammien, confondait le christianisme, dans sa pureté et sa simplicité (absolutum et simplicem), avec une superstition de vieille femme (1). » Or cette superstition, c'estl'arianisme.Qui donc, sinon un chrétien, a pu traiter de superstition de vieille femme l'arianisme?—Ailleurs enfin, Ammien, parlant des martyrs, dit en termes nobles « qu'ils ont su garder, jusqu'à la mort, l'intégrité de leur foi (2). » — Aucun païen, remarque Chifflet, n'eût tenu un tel langage (3).

Ces passages, à défaut d'autres moyens de savoir les vrais sentiments d'Ammien Marcellin, ne prouveraient qu'une chose : c'est qu'il était ou assez impartial ou assez prudent, au milieu des fortunes diverses du christianisme à cette époque, pour rendre justice aux moeurs des chrétiens, tout en restant indifférent ou étranger à leurs dogmes. Vouloir lui donner une autre gloire que celle d'avoir parlé fort honnêtement, comme dit Bayle, d'une religion qu'il ne suivait pas (4), c'est ce que ne permettent pas les trop nombreux endroits où Ammien est ouvertement païen, et où il parle des dieux du paganisme comme de ses dieux; c'est ce que ne permet pas son admiration pour Julien, le véritable héros de son livre, et qu'il semble estimer surtout pour sa fidélité à l'Olympe païen.

Comme historien, Ammien ne mérite pas sans doute d'être attelé, comnie,dit poétiquement Chifflet, o au quadrige triomphant de l'histoire,. » avec Salluste, Tite-Live et Tacite ; mais on lui ferait injustice de lui refuser une des meilleures places parmi les historiens de second ordre. Esprit judicieux et sagace toutes, les fois qu'il sait bien les faits dont il parle, et qu'il n'est pas gâté par- les préjugés de son temps, il réussit à discerner les causes des événements et les mobiles, qui font agir les hommes. Il trace même de piquantes peintures des moeurs; témoin ce portrait de Constance « entrant dans Rome sur un char, courbant sa petite taille sous les portes les plus élevées, l'oeil fixe, le cou immobile et comme emprisonné, ne tournant le visage ni à droite ni à gauche, un homme de plâtre, que les. cahots du char ne peuvent faire bouger, les, mains collées au corps, ne se mouchant point, ne touchant point son nez (5) ; « témoin aussi le maître

(1) Lib. 21.

(2) Lib. 22.

(3) Claudii Chifjlelii de Ammiam libris Monobiblion.

(4) Bàyle, Dictionnaire, article Ammien Marcellin.

(5) Lib. 16.

d'armes Lupiciuus, « qui relevait ses sourcils comme des cornes (1). »

Quiconque voudra connaître tous les genres de corruption qui assiègent les cours, l'art des flatteurs, les voies tortueuses par lesquelles on s'insinue dans la faveur des princes, les intrigues des courtisans pour s'entre-détruire, les souffrances de Ja peur et de l'envie, le faste insensé, les misères de toute sorte dont une poignée d'hommes accable les peuples; quiconque veut voir une peinture énergique des calamités qu'engendre le despotisme, doit lire, dans Ammien, les livres où il traite du règne de Constance, et le récit du misérable gouvernement de ce prince, le plus vain et le plus dépendant des maîtres, qui croyait ébranler le monde du mouvement de son sourcil, et qui n'était que l'esclave de ses flatteurs, toujours en proie au soupçon ou à la crainte, dans une cour où dominaient les eunuques.

S'il est vrai que, par la force de certains traits et la vérité satirique de certaines réflexions morales, Ammien soit supérieur à la partie païenne de la société de son temps, il se rabaisse au niveau des plus ignorants par sa superstition; en quoi d'ailleurs il avait tin exemple dans son héros Julien. Et cependant Ammien raille ce prince de sa crédulité, ce qui ne l'empêche, pas de remplir sçs récits de présages et de visions de devineresse. Ce même homme, qui sait apercevoir quelquefois dans les passions des hommes les causes des événements., le plus souvent ne voit dans les faits que des prédictions accomplies, et s'évertue à prouver, par des subtilités puériles, qu'un homme sage peut arriver à prédire l'avenir (2).

Le style d'Ammien Marcellin est le style de, son temps, avec quelques beautés des meilleurs temps. Depuis plus dç deux siècles déjà la laiigue.tatine avait dégénéré en une sorte de jargon ampoulé, chargé de tropes, mêlant les pompes d u style lyrique aux trivialités du langage le plus vulgaire, se grosr sissant de mots nouveaux, et s'obscurcissant par ses efforts pour éblouir. L'usage des lectures publiques, qui subsistait encore à cette époque, ajoutait une corruption particulière aux causes générales de lacorruptiondelalangue.L'histojred'AmmienMarcellin fut lue en public, et avec de grands applaudissements. Le célèbre Libanius l'en félicite dans une lettre : « J'ai appris , lui. écrit-il, de gens arrivés de « Rome, que vous avez lu eu public des morceaux «■ de votre ouvrage,, et que vous vous proposiez, d'en «lire d'autres ; j'espère que les louanges données « à ce que l'on en connaît vous engageront, a pres(1)

pres(1) 20/

(2) Lib 21. "


SUR AMMIEN MARCELLIN.

ut

« ser la publication du reste (1).» Delà ce langage enflé et sonore, le seul qui pût plaire à un auditoire plus sensible à l'harmonie des mots qu'à la force du sens. C'est pour l'effet delà lecture qu'Ammien prodigue les comparaisons entre son temps et les temps passés; qu'il apostrophe si souvent la fortune, qu'il accumule les métaphores, qu'il décrit dans le style épique les sièges et les combats. C'est pour les applaudissements des banquettes qu'il affecte l'érudition, qu'il sème ses récits de citations de Cicéron, de vers de Virgile et de Térence; qu'il s'égare en de vaines digressions sur certaines divinités païennes, sur les obélisques, sur les hiéroglyphes, sur les tremblements de terre, sur les éclipses de soleil et de lune, l'origine des perles, les feux

(i) Lettres de Libanius,

tombés du ciel ; enfin, sur les jurisconsultes et ce quMl appelle plaisamment les ^diverses espèces d'avocats. Cette dernière digression est plutôt une piquante invective contre les gens de loi, dont les tracasseries l'avaient forcé de quitter Antioche.

Le meilleur éloge qu'ait reçu l'ouvrage d'Ammien Marcellin, je le trouve dans l'emploi que les historiens modernes ont fait de ses précieux doeu-* ments. La partie la plus forte de l'histoire de Gibbon est celle où il s'est servi d'Ammien. Avant lui, le profond savoir dpffillemont y avait puisé pour son Histoire ^^empereurs; et, de nos jours, M.;de Chateaubriand a payé, par quelques épithètes Apnorahje^pour Âmrnien, les emprunts dont il a orné lés plus brillantes pages de ses Éludes hisioriques. '



AMMIEN MARCELLIN.

Les treize premiers livres manquent.

• • LIVRE XIV.

SOMMAIRE DES CHAPITRES.

I. Caractère odieux de César Gallus. IL Irruption des Isauiïens. III. Tentative avortée des Perses. IV. Incursions des Sarrasins. Leurs moeurs. V. Supplices des partisans de Magnence. VI. Corruption du sénat et du peuple romain. VII. Barbarie el fureurs de. Gallus. VIII. Description des provinces d'Orient. IX. Nouvelles cruautés de César Gallus. X. Constance donne la paix aux Allemaùds, qui l'implorent. XI. Gallus est mandé par l'empereur, et décapité.

(Àn3£|ap. J.-C.)

I. On avait traversé les hasards d'une lutte interminable, et l'abattement s'emparait des deux partis après cette succession terrible d'efforts et de périls. Mais les sons de la trompette n'avaient pas cessé, les troupes n'étaient pas rentrées dans leurs cantonnements, que déjà le courroux non désarmé de la fortune ouvrait à l'État une série nouvelle de calamités, par les forfaits du César Gallus. D'un excès d'abaissement monté bien jeune encore, et par un retour inespéré du sort, au plus haut rang après le rang suprême, ce prince . franchit bientôt les limites du pouvoir qui lui était confié, et souilla toute son administration par des actes d'une cruauté sauvage. L'éclat

AMMIANI MARCELLÏNI

RERUM GESTARUM

. LIBER XIV.

Galli Caesaris saevitia. C. I. lsaurorum inoursiones. 11. Persarum commenlum irritum. III. Saracenorum irruptiones et mores. IV. îMagnenlianorum supplicia. V. Senatus populiquç R. vitia. VI. Galli Caesaris immanitas el ssvitia. VII. Orienlis provinciarum descriptio. VIII. De Conslanlio Gallo Csesare. IX. Pax Allamannis pelentibus datur a Constahtio. X. Constanlius Gallus Ceesar evocatur a Constantio, et capite truncatur. XI.

(A.C-353;)

I. Postemensos insuperabiïïs expeditionis evenlus, languenlibus partium animis, quas periculorum varietas fregerat et laborum, nondum tubarum cessante clangore, vel milite locato per staliones hibernas, fortunse ssevientis

d'une parenté avec la famille impériale^ rehaussé du nom de Constance, dont il venait d'être décoré, exaltait au plus haut degré son arrogance, et il était visible pour tous que la force seule lui manquait pour porter ses fureurs jusqu'à l'auteur même de son élévation. Sa femme, par ses conseils, irritait encore ses féroces instincts. Fille de Constantin, qui l'avait, en premières noces, mariée au roi Annibalien, son neveu, elle était démesurément enorgueillie d'appeler l'empereur régnant son frère. C'était Mégère incarnée : non moins altérée que son mari du sang humain, sans cesse elle excitaitson penchant à le répandre. L'âge chez un tel couple ne fit que développer de plus en plus la science du mal. Ii s'était organisé une police ténébreuse, composée des agents les plus perfidement habiles à tout envenimer dans des rapports de complaisance ; et c'était par ces sourdes manoeuvres que les accusations de se livrer à la magie ou de prétendre au trône allaient frapper les têtes les plus innocentes. La soudaine catastrophe de Clémace, personnage éminent d'Alexandrie, marque surtoutl'essor d'une tyrannie qui ne s'arrête plus aux crimes vulgaires. La belle-mère de ce dernier, éprise, dit-on, pour lui

procellae tempestates alias rébus infudere communibus, per multa illa el dira facinorà Caesaris Galli : qui éx squalore nimio miseriarum, in setatis adultae primitiis, ad principale culmen insperato cultu provectus; ultra terminos poteslatis delatas procurrens, asperitate nimia cuncta foedâbat. Propinquitate enim regiae stirpis, gentilitateque etiamtum Constantini nominis efferebatur in fastus, si plus valuisset, ausurus hostilia in auctorem sua3 felieitalis, ut videbatur. Cujus acerbitati uxor grave accesserat incentivum, germahilate Augusti turgida supra moduni, quam Hannibaliano régi, fralris filio, antehac Constantinus junxerat palêr. Megaera quaedam mortalis, inflammatrix saevientis adsidua, humain' cruoris avida nihil milius quam maritus, qui paullalim eruditiores facti processu lemporis ad nocendum, per clandestinos versutosque rumigerulos, compertis leviter addere quaedam maie suetos, falsaet placentia sibi discentes, adfectati regni vel arlium nefandarum calumnias insonlibus adfigebânl. Eminuit autem inter humilia, supergressa jam potenlia fines mediocrium delictorum, nefanda Clemalii cujusdaiu

AMSHEN.

I


AMMIEN MARCELLIN.

d'une vive passion, et n'ayant pu l'amener à y répondre, était parvenue à se glisser dans le palais par une entrée secrète ; et là, faisant briller aux yeux de la reine un collier du plus grand prix , avait obtenu qu'un ordre d'exécution fût dépêché à Honorât, comte d'Orient."L'ordre reçu, Clémace, à qui l'on n'avait rien à imputer, est mis à mort avant d'avoir pu même ouvrir la bouche.

Après cet acte inouï, symptôme d'un arbitraire sans frein, chacun dut trembler pour d'autres victimes.. En effet, sur l'ombre même d'un soupçon, les arrêts de mort, les confiscations se multiplièrent. Les infortunés qu'on arrachait à leurs pénates, sans leur laisser que la plainte et les larmes, en étaient réduits pour vivre à errer, tendant la main ; et jusqu'aux simples prescriptions de l'ordre public devenaient les auxiliaires d'un pouvoir impitoyable, en fermant à ces malheureux les portes des riches et des grands. Oh dédaignait de s'entourer des plus ordinaires précautions de la tyrannie. Pas un accusateur, même d'office, ne fit entendre sa voix subornée, ne. fûtce que pour jeter sur cet amas d'énormités une ombre de formes juridiques. Ce qu'une volonté de fer avait dicté était tenu pour légal et pour juste, et l'exécution suivait de près la sentence.

On imagina encore de ramasser des gens sans aveu, de condition trop vile pour attirer l'attention de personne ; et on les envoyait à la découverte dans chaque rue d'Antioche. Ces misérables allaient, venaient d'un air d'indifférence, se mêlant surtout aux groupes des gens de distinction , pénétrant dans les maisons ricbes sous prétexte d'obtenir une aumône. La tournée finie, chacun d'eux rentrant au palais par quelque

Alexandrini nobilis mors repenlina : eujus socrus cum misceri sibi generum, flagrans ejus amore, non impelraret, ut ferebatur, per palalii pseudothyrum introducta, oblato pretioso reginse rnonili id adsequula est, ut ad Honoratum, tum Comilem Orientis, formula missa letali, îiomo scelere nullo contactus idem Clematius, neG hiscere nec loqui permissus, occideretur.

Post hoc impie perpetratum, quod in aliis quoojue jam îimebalur, tamquam licentia crudelitati indulta, per suspicionum nebulas aestimati quidam noxii damnabantur : quorum pars necati, alii puniti bpnorum multatione, actique laribus suis extorres, nullo sibi relicto praeter querelas et lacrymas stipe collaticia victilabanl ; et civili jusloque imperio ad volunlatem converse cruénlam, claudebanlur opulenlao domus et clarae. Née vox aceusaloris ulla> licet subdilicii, in his malorum quae.rebatur acervis, viît saltem specie tenus crimina praescriptis legum commitlerentur. quod aliquoties fecere principes soevi : sed quidquid Caesaris implacabi|ilati sedisset, id velut fas jusque perpensum confestim urgebatur impleri. Excogilafum est super bis, ut homincs quidam ignoii, vilitale ipsa parum cavendi, ad colligendos minores per Antibchise latera cuncta destinarentur, relaluri quai audirent. Ilï peragranler et dissimulante!' honor-alorum circulis adsisporte

adsisporte y faisait rapport de ce qu'il avait entendu ou recueilli de la seconde main. Un concert remarquable existait entre ces relations, d'abord pour mentir ou amplifier du double, ensuite pour supprimer toute expression Iaudative que la terreur aurait pu arracher de quelques bouches. Plus d'une fois il arriva qu'un mot dit à l'oreille, dans le secret de l'intimité, par un mari à sa femme, même sans témoin domestique, fut le lendemain su par César, qui semblait posséder les facultés divinatoires des Amphiaraûs et des Marcius d'autrefois. On en vint à craindre d'avoir les murs-même pour confidents. Cette fureur d'inquisition était encore aiguillonnée par la reine, qui semblait pousser impatiemment la fortune de sonmari vers le précipice. Mieux inspirée, elle eût exercé pour le faire rentrer dans les voies de la clémence et de la vérité ce don de persuasion que la nature a donné à son sexe. Elle avait un beau modèle à suivre dans la femme de'l'empereur Maximin, cette princesse que l'histoire des deux Gordiens a montrée constamment occupée du soin d'adoucir son féroce époux.

On vit Gallus, en dernier lieu, ne pas reculer devant un moyen périlleux autant qu'infâme, et dontGallien, dit-on, avait fait jadis l'essai à Rome, au grand déshonneur de son administration. C'était de parcourir sur le soir les carrefours et les tavernes avec un petit nombre de satellites qui cachaient des épéeS sous leurs robes, s'enquérant à chacun en grec, langue dont l'usage Jui était familier, de ce qu'on pensait de César. Voilà ce qu'il osa faire au milieu d'une ville où l'éclairage de nuit rivalise avec la clarté du jour. À la longue cependant l'incognito s'éventa.

têndo, pervadendoque divitum dômus egentium habitii, quidquid noscere poterant vel audire, làtentér întromissi per poslicas in regiam, nuntiabant : id observantes conspirationecpncordi, ut iingerent quasdam, et cognita duplicarent in pejus : laudes vero supprimèrent Caesaris, quas invitis compluribus formido malorum jqipendentium exprimebat. Et interdum accideral, ut, si qùid in jpenetrali secreto, nullo citerions vitae ministre praesëute, paterfamilias nxori susurrasset in aurem, velut Àmpbiarao referente aut Marcio, quondam vàtibus inclytis, poslridie disceret iniperalor. Ideoque etiam pariefesarcanbrimi soli conscii timebantur. Adolescebat aùtem obslinatum propositum erga haec et simaia mulla scrutandi, stimulos admovenle regina ; quse abrupte marili fortunés trudebat in exilium praîceps : cum eum potius lenitate feminea ad veritatis humanilatisque viam reduçere utilia suadendo deberet, ut in Gordianorum actibus factitasse Maxîmihi truculenti illius imperaloris retulimus conjugem.

Novo denique perniciosoque exemplo idem Gallus ausus est inire flagitium grave, quod Roinoe cum nltimo dedecore tentasse aliquando dicitur Gallienus : et adhibitis paucis clam ferro succinclis, vesperi per tabernas palabatur et compila, quoerilando gra3co sermone, cnjus eral impendio gnarus, quid de Caesare quisqnc sentirel. lit


- LIVRE xrv.

Gallus, voyant alors qu'il ne pouvait mettre le pied dehors sans être reconnu, ne se permit plus d'excursions qu'en plein jour, et seulement quand il se croyait appelé par un intérêt sérieux. Mais l'impression de dégoût causée par une telle pratique n'en fut pas moins longtemps à s'effacer.

Thalasse, alors préfet du prétoire en assistance, esprit non moins intraitable que le prince, spéculait en quelque sorte sur l'irritation de cette nature farouche, pour la pousser à plus d'excès. Au lieu de chercher à ramener son maître par la douceur et la raison, comme l'ont parfois tenté avec succès ceux qui approchent les dépositaires du pouvoir, il prenait, au moindre dissentiment, une attitude d'opposition et de contrôle qui ne manquait pas de provoquer des accès de rage. Thalasse écrivait souvent à l'empereur, exagérant encore le mal, et affectant, on ne sait dans quelle vue, de faire que Gallus sût qu'il agissait ainsi. Grand surcroît d'exaspération pour ce dernier, qui se précipitait alors, à tout hasard, contre l'obstacle, et ne s'arrêtait, non plus qu'un torrent ; dans la voie de révolte où il s'était lancé. ■ . f

IL D'autres calamités affligeaient enconTî'Orient à cette époque. Oii connaît l'habitude inquiète des Isauriens : tantôt dans un étatde calme apparent, et tantôt répandant partout la dësola-_ tion par leurs courses inopinées, quelques actes de déprédation tentés furtivement de loin en loin leur ayant réussi, ils s'enhardirent par l'impunité jusqu'à se lancer dans une agression sérieuse. Ces hostilités jusque-là n'avaient eu que leur turbulence pour cause. Cette fois, et avec une sorte de jactance, ils mettaient en avant le

haec confidenter agebat in urbe, ubi pernoctantium luminum claritiido dierum solet imitari fulgorem. Postremo agnilus saepe, jamque, si prodisset, conspicuum se fore contemplans, non nisi luce palam egrediens, ad agenda, quas putabat séria, cernebatur. Et haec quidem medullifus multis gemenlibus agebantur.

Thalassius vero ea tempestate Praefectus Prsetorio Pressens, ipse quoque arrogantis ingenii, consideransincitationem ejus ad multoruln augeri discrimina, non maturitate vel consiliis mitigabat, ut aliquolies celsoe potestates iras principum molliverunt : sed adversandojurgandoque, cum parum congrueret, eum ad rabiem polius evibrabat : Augustum, aclusejus exaggerando, creberrime docens, idque, incerlum qua mente, neJtiieret adfectans. Quibus raox Caesar acrius efferalus, velut contumacias quoddam vexillum altius erigens, sine respectu 6alulis aliénée vel su se, ad vertenda supposila instar rapidi fluminis irrevocabili impetu ferebalur.

II. Kec sane haec pernicies sola Orientem diversis cladibus addigeb'at. Namque et Isauri, quibus usitatum et saepe pacari, saepeque inopinis excursibus cuncta miseere, ex latrociniis occultis et raris, alente impunitate adolescehtem in pejus audaciam, ad bella gravia proruperunt : diu quidem perduelles spiritus irrequietis motibus érigeâtes j hac tamenindignitate perciti vehemenleiy ut jaclitasentiment

jaclitasentiment révolté par un outrage insigne. Des prisonniers isauriens ( chose inouïe ! ) avaient été livrés aux bêtes dans l'amphithéâtre d'Iconium en Pisidie : « La faim, a dit Cicérou, «ramène les animaux féroces où ils ont une fois « trouvé pâture. » Des masses de ces barbares désertent donc leurs rocs inaccessibles, et viennent, comme l'ouragan, s'abattre sur les côtes? Cachés dans le fond des ravins ou de creux vallons, ils épiaient l'arrivée des bâtiments de commerce, attendant pour agir que la nuit fût venue. La lune, alors dans le croissant, ne leur prêtait qu'assez de lumière pour observer, sans que leur présence fut trahie. Dès qu'ils supposaient les marins endormis, ils se hissaient des pieds et des mains le long des câbles d'ancrage , escaladaient sans bruit les embarcations, et prenaient ainsi les équipages à l'improviste. Excitée par l'appât du gain, leur férocité n'accordait de quartier à personne, et, le massacre terminé, faisait, sans choisir, main basse sur tout le butin.

Ge brigandage toutefois n'eut pas un long succès. On finit par découvrir les cadavres de ceux qu'ils avaient tués et dépouillés, et dès lors nul ne Voulut relâcher dans ces parages. Les navires évitaient la côte d'Isaurie comme jadis les sinistres rochers de Sciron , et rangeaient de concert le littoral opposé de l'île de Chypre. Cette défiance se prolongeant, les Isauriens quittèrent la plage qui ne leur offrait plus d'occasion de capture, pour se jeter sur le territoire de leurs voisins de Lyçaonie. Là, interceptant les routes par de fortes barricades, ils rançonnaient pour vi - vre tout ce qui passait, habitants ou voyageurs. II y eut alors un mouvement de colère parmi les

bant, quod eorum quidam capti consortes, apud Iconium, Pisidiae oppidum, in amphitheatrali spectaculo feris prasdatiicibus objecti sunt proeter morem. Atque, ut Tullius ait, ut etiam feroe famé monitçeplerumquead eum locum,ubialiguando paslce sunt, reverlantur ; itaomnes instar lurbinis digressi montibus impeditis et arduis, loca petiveremari conlinia : per quae viis latebrosis sese convallibusque occultantes, cum adpeterent noeles, (luna etiamtum cornuta;, ideoque nondum solido splendore fulgente) nauticos observabant. Quos cum in somnum sentirent effusos, per ancoralia quadrupedo gradu repentes, seseque suspensis passibus injectantes in scaphas, eisdem nihil opinanlibus adsistebant, et incendente aviditate saevitiam, ne cedentium quidem ulli parcendo, oblruneatis omnibus, merces opimas velut viles nullis repugnanlibus averlebant.

Haecque non diu sunt perpetrata. Çognilis enim pilato•rum caesorumque funeribus, nemo dehide ad lias stationes adpulit navem : sed ut Scironis praerupla letalia déclinantes, litoribus Cypriis contigui navigabant, quas Isauriee scopulis sunt controversa. Procedente igilur mox tempoie, cum adventicium nihil inveniretur, relicta ora uiaritinia in Lycaoniam adnexam Isauriae se conlulerunt : ibique densis intei'soapienles itinera praetenturis, provincialium el vialorum opibus pascebantur."Excitavit hic ardor milites

i.


4 AMMIEN MARCELLIN.

troupes romaines cantonnées dans les municipes nombreux du pays , ou dans les forts de la frontière. Mais l'invasion néanmoins ne laissait pas de s'étendre; car dans les premiers engagements qui eurent lieu, soit avec le gros des barbares, soit avec leurs partis détachés , les nôtres, partout inférieurs en nombre, ne combattirent qu'avec désavantage des ennemis nés et nourris au milieu des montagnes, gravissant toutes leurs aspérités avec la même aisance que nous marchons en plaine, et qui tantôt vous accablent de loin sous une grêle de traits , tantôt sèment l'épouvante par d'affreux hurlements. Souvent nos soldats, forcés pour les suivre d'escalader des pentes abruptes, en glissant et en «'accrochant ' aux ronces et aux broussailles des rochers, voyaient tout à coup, après avoir gagné quelque pic élevé, le terrain leur manquer pour se développer et manoeuvrer de pied ferme. Il fallait alors redescendre, au hasard d'être atteints par les quartiers de roches que l'ennemi, présent sur tous les points, faisait rouler sur leurs têtes; ou, s'il y avait nécessité de faire halte et de combattre , se résigner à périr sur place, écrasés par la chute de ces blocs monstrueux.

Finalement, on eut recours à une tactique mieux entendue : c'était d'éviter d'en venir aux mains tant que l'ennemi offrirait le combat sur les hauteurs , mais de tomber dessus, comme sur un vil troupeau, dès qu'il se montrerait en rase campagne. Des partis d'Isauriens s'y risquèrent souvent, et furent chaque fois taillés en pièces avant qu'un seul homme eût pu se mouvoir, ou brandir l'un-des deux ou trois javelots dont ce peuple marche ordinairement armé.

Ces brigands commencèrent alors à regarder

per municipia plurima, quae iisdem.conterminant, disposilos et castella : el quisque serpentes latius pro viribus rcpellere moliens, nunc globis consertos, aliquoties et dispersos, multitudinesuperabatur ingenti : quae nala et cducata inter edilos recurvosqire ambitus montium, eos ut loca plana persultat et mollia, missilibus obvios eminus lacessens, etululatu truci perlerrens. Çoactique aliquoties nostri pedites ad eos persequendos scandere clivos sublimes, etianisi lapsanlibus plantis, fruticeta prensando vel dumos, ad verticèsvenerint summos : inter arta tamen et invia nnllas aciesiéxplicare permissi, nec firmare nisu valido gressus, hoste discursatore rupium abscissa volvente superne, periculose per prona discedunt; aut ex necessitalo ultima fortiler dimiearîles, ruinis ponderum immanium cohsternuntur. Quamohrém circumspecla eautela observatum est deinceps; et cum édita montium petere ccaperint grassatores, loci iniquitate milites cedunt. Ubi auteni in planitie potuerint reperiri, quod contingit adsidue, nec exertare lacertos, nec crispare permissi tela, quae vehunt bina vel terna, pecudum ritu inertium trucidantur.

Metnenlesigituriidemlatrones Lycaoniam magna parte campestrem, cum se impares nosliïs fore congressione

comme dangereuse l'occupation delà Lycaonie; car c'est généralement un pays de plaines, et plus d'une expérience leur avait démontré qu'ils ne pouvaient tenir contre nous en bataille rangée. Ils prennent donc des routes détournées, et pénètrent en Pamphilie, contrée intacte depuis longtemps, mais que la crainte de l'invasion et de ses désastres avait fait couvrir de postes militaires très-rapprochés, et de fortes garnisons. Comptant sur la vigueur de leurs corps et l'agilité de leurs membres, ils s'étaient flattés de prévenir, par une marche forcée, la nouvelle de leur irruption ; mais les sinuosités du chemin qu'ils s'étaient tracé, et l'élévation des crêtes à franchir, leur prirent plus de temps qu'ils n'avaient pensé. Et lorsque, surmontant ces premiers obstacles, ils arrivèrent aux escarpements du fleuve Mêlas, dont le lit, profondément encaissé, forme une sorte de circonvallation autour de la contrée, la peur s'empara d'eux, d'autant plus qu'il était nuit close; et il fallut faire halte jusqu'au jour. Ils avaient compté passer le fleuve sans coup férir, puis tout surprendre et ravager à l'autre bord. Mais il leur restait à subir de rudes épreuves, et en pure perte." Au lever du jour, ils voient devant eux des rives ardues, un canal étroit mais profond, qu'il faut renoncer à franchir à la nage. Tandis qu'ils cherchent à se procurer des barques de pêcheurs, ou fabriquent à la hâte des radeaux en joignant ensemble des troncs d'arbres, les légions, qui hivernaient dans les environs de Sida, se portent en un clin d'oeil sur la rive opposée, y plantent résolument leurs aigles, et, improvisant un rempart de leurs boucliers habilement joints, n'eurent plus qu'à tailler en pièces tout ce qui se hasarda sur les radeaux, ou tenta le passage à l'aide des troncs

stataria documenlis frequentibus scirent, tramitibus deviis petivere Pamphyliam, diu quidem intactam, sed timoré populationum et caedium, milite per omnia diffuso propinqua, magnis undique praesidiis communitam. Raptim igilur properantes, utmotussuirumorem celeritatenimia proevenirent.vigorecorporumaclevilateconfisijpe'rflexuosas semitas ad summitates collimn tardius evadebant. Et cum superatis difficultalibus arduis, ad supercilia venissent fluvii Melanis alti et verticosi, qui pro muro tuetur accolas circumfusus, augente nocte adulta lerroremi qiiievere paulisper lucem opperienles. Arbitrabantur enim. nullo impediente transgressi, inopino accursu adposita qnaeque vastare : sed incassum labores pertulere gravissimos. Nam sole orto, magnitudine angusti gurgitis, sed profundi a transitu arcebanlur : el dum piscatorios quserunt lenunculos, vel innare temere contextis ralibus parant : effusaelegiones, quae biemabant tuncapud Siden, îisdem impetu occurrere veloci. Et signis prôpe ripam locatis ad manus comminus conserendas, densata seutorum compage semet scientissime prasstruebant ■ ausos quoqueahquosfiducianandi, vel cavalis arborum truncis amnem permeare latenter, facillime trucidarunt.- Unde lentalis ad discrimen ultimum arlibus multum, cum nihil


LIVRE XIV. s

d'arbres creusés. Les Isauriens, après s'être épuisés en efforts inutiles, cédèrent à la crainte autaut qu'à la force ; et, marchant à l'aventure, arrivèrent à Laranda, où ils passèrent quelque temps à se ravitailler et à se refaire. Revenus enfin de leur effroi, ils allaient tomber sur les riches bourgades des environs, quand l'approche fortuite d'un détachement de cavalerie, dont ils n'osèrent soutenir le choc dans une plaine, les contraignit défaire retraite. Tout en se repliant néanmoin», ils ne laissèrent pas de convoquer l'arrière-bau de leur jeunesse en état de porter les armes.

La faim, dont ils éprouvaient de nouveau les extrémités, les amène ensuite devant une ville nommée Paléa, voisine de la mer, et ceinte de fortes murailles : c'est encore aujourd'hui le magasin central des subsistances du corps d'occupation de l'Isaurie. Ils furent arrêtés devant cette forteresse trois jours et autant de nuits. Mais comme la place est sur un plateau qu'on ne peut escalader qu'à découvert, et que ni les travaux de mine ni aucun autre moyen de guerre n'était pour eux praticable, ils levèrent le siège, la douleur dans l'âme, mais poussés par la nécessité à tenter ailleurs quelque grand coup.

Cet échec avait redoublé leur rage, aiguillonnée déjà par le désespoir et la faim. Bientôt toute cette masse, grossie des nouvelles recrues, s'élance avec une impétuosité irrésistible pour saccager la ville métropole de Séleucie. Le comte Castrice occupait alors cette place avec trois légions de vétérans aguerris. Au signal de leurs chefs, avertis à propos de l'approche des Isauriens, les troupes, aussitôt sur pied, font en avant un mouvement rapide, et, passant à la course le '

impetraretur, pavore vique repellente extrusi, et qno tenderent, ambigentes, venereprope oppidum Laranda. Ubi victu recreati et quiète, postquam abierat timor, vicos opulenios adorli, equestrium adjumeuto cohorlinra , quae casu propinquabant, nec resislere planifie porrecta conali, digressi sunt : retroque concedentes, omnejuventulis robur relictum in sedibus acciverunt. Et quoniam inedia gravi adflictabantur, locum petivere Paleas nomine, vergenlem in mare, valido muro ûïmalum; ubi conduntur nunc usque commeatus, distribui militibus omne latus Isauriae defendentibus adsueli. Circumstetere igitur hoc munimenfum per triduum et trinoclium : et cum neque acclivitas ipsa sine discrimine adiri lctali, nec cupiculis quidquam geri possel, nec procedebat ullum obsidionale commentum : maesti excedunt, postrema vi subigente majora viribus adgressuri. Proinde concepla rabie saeviore, quam desperatio incendebat et famés, amplificalis viribus ardorc incohibili in excidium urbium matris Seleuciae e'fferebantur, quam Cornes luebalur Caslricius, tresque legiones bellicissudoribus induratae. Horuni adventum praedocti speculationibus fidis redores militum, lessera data sollemni, armalos omnes céleri eduxere procursu : el agihïer praeterilo Calicadni lluminis ponte, cujus undaïum

pont du fleuve Calicadne, dont les profondes eaux baignent le pied des tours qui protègent la ville, vont se ranger en bataille sur l'autre bord. Défenses furent faites néanmoins d'escarmoucher et de sortir des rangs; car tout était à redouter de l'aveugle furie de ces bandes, supérieures en nombre; et toujours prêles à se jeter, au mépris de la vie, jusque sur la pointe de not armes. Toutefois le son lointain des clairons et l'aspect d'une force régulière refroidirent un peu l'ardeur des barbares. Ils font halte, puis s'ébranlent de nouveau, mais cette fois d'un pas mesuré, et brandissant de loin leurs glaives d'un air de menace. Les nôtres, pleins de résolution, voulaient marchera l'ennemi enseignes déployées, et frappaient de leurs piques sur leurs boucliers ; moyen d'excitation toujours efficacement employé chez les soldats, et qui déjà produisait l'effet opposé chez leurs adversaires. Mais les chefs arrêtèrent cet élan : ils avaient réfléchi sur l'inconséquence de s'engager à découvert, quand on avait derrière soi l'abri de fortes murailles. On fait donc rentrer les troupes, qui sont distribuées sur les terrasses et postées aux créneaux avee provision de toute espèce de projectiles, afin d'accabler, sous une grêle de pierres et de traits, tout ce qui semontrerait à portée. Les assiégés, cependant, avaient un grave sujet d'inquiétude. L'abondance régnait chez les Isauriens, qui avaieut pu s'emparer des bateaux de l'approvisionnement des grains; tandis qu'au dedans des murs, les ressources ordinaires s'épuisant par la consommation de chaque jour, on se voyait menacé prochainement de toutes les horreurs de la famine. Le bruit de ces événements se répandit, et dépêches sur dépêches en portèrent les détails à la

magnitudorourorum adluit turres,inspeciern locavere pugnandi. Nequetamen exsiljvit quisquam, nec permissus est congredi. Formidabatui'enim flagrans vesaniamanuset superiornumero,ctruiturasinerespectusalutisinferruni.Viso itaque exercitu procul auditoque liticinum cantu, represso gradii parumper stetere proedones : exertantesque miuaces gladios, postea lentius iucedebant. Quibusoccurrere benc pertinax miles explicatis ordinibus parans, baslisque feriens scuta ( qui habitus iram pugnanlium concitat et doloreiu) proximos jamgestu terrebat. Sed eum in certaine» aiacriter consurgenlem revocavere duclores, rafi inlempeslivum anceps subire cerlamen, cum haud longe mûri distarent, quorum tutela securitas polerat in solido locari cunclorum. Hac ila persuasione reducti intra moenia bellalores, obseràlis undique portarum aditibus, propugnaculis insistebant et pinnis , congesta undique sax'a telaque habentes in promptu, ut, si quis sese proripuisset inlerius, mullitudine missilium slerneretur et lapidum. lllud tameu clausos veliementcr angebat, quod captis navigiis, quas frumenta vebebant per (lumen, Isauri quidem alimentorum copiis adfluebant : ipsi veto solitarum rerum cibos jam consumendo, inedia! propinquantis aeramnas exitia- ' les horrebant. Haec ubi latius fama vulgassel, missacqjie


G AMMIEN MARCELLIN.

connaissance de Gallus. Le prince s'en émut; et comme le général de la cavalerie était occupé au loin, il enjoignit à Nébride, comte d'Orient, de rassembler des forces de tous côtés, pour dégager à tout prix une possession si importante et par la grandeur de la ville et par les avantages de sa situation. A cette nouvelle, les Isauriens décampent; puis, sans rien tenter de plus qui soit digne de remarque, ils se dispersent, suivant leur tactique ordinaire, et regagnent leurs monts inaccessibles.

III. Les choses en étaient là du côté de l'Isaurie. Le roi de Perse alors se trouvait engagé de sa personne dans une guerre de frontières avec des peuplades belliqueuses qui tour à tour, suivant le caprice du moment, sont pour lui des voisins hostiles ou des auxiliaires contre nous. Mais l'un de ses grands officiers, nommé Nohodarès , avait mission de harasser la Mésopotamie, et surveillait nos mouvements avec une inquiète vigilance, épiant le moment propice pour une irruption. Nohodarès, qui savait que cette contrée, constamment exposée aux insultes, était gardée dans toutes les directions par des postes et des ouvrages de défense, crut devoir faire un circuit sur la gauche, et alla s'embusquer sur la lisière de l'Osdroène ; manoeuvre dont il est peu d'exemples, et qui, si elle eût réussi^ aurait eu les effets de la foudre. On va pouvoir en juger.

A peu dé distance de l'Euphrate, en Mésopotamie, on trouve Batné, fondée autrefois par les Macédoniens, aujourd'hui ville municipale. C'est la résidence d'un grand nombre de riches négociants, et le centre d'un commerce très-actif, tant en produits de l'Inde et de la Sërique, qu'en denrées

relationes adsiduae Gallum Cacsarem permovissent : quoniam magister equitum longius ea tempeslale distinebalur, jussus Cornes Orientis Nebridius, contractis undique militaribus copiis, ad éximendam periculo civilatem amplam et opportunam, sludio properabat ingcnli : quo cognito abscessere latrones, nulla re amplius memorabili gesta, dispersique, ut soient, avia mentium petiere celsorum.

III. Eoadductare per Isauriam , rege Persarum bellis finilimis illigato, repellenteque a collimitiis suis ferocissimas gentes, quae mente quadam versabili hostililer eum satpe incessunt, et in nos arma moventem aliquoties juvant : Nohodarès quidam nomine e numéro optimatum, inenrsare Mesopotamiam, quoties copia dederit, ordinatus, explorabat nostra sollicite, si reperisset usquam locum, vi subita perrupturus. "Et quia Mesopotamiae tractus omnes crebro inquietari sueti, praetenturis el stationibus servabanlur agrariis, laevorsum flexo i tin ère Osdroënee subsederat extimas partes, novum parumque aliquando tenlatum commentum adgressus, quod si impetrasset, fulminis modo cuncta vastarat. Erat autem, quod agitabat, hujusmodi. Batne muhicipium in Antbemusia conditum Macedonum manupriscorum, ab Euphrate fluminebrevispatio disparalnr ; refertum mercatoribus opulentis : ubi arinua sollemnitate, prqpe Septembris initium mensis ad nundinas magna promiscuae forfunas convenil multitudo, ad

de toute provenance qui affluent sur ce marché par terre et par mer, et chaque année, dans les premiers jours de septembre, y attirent en foule des trafiquants de tous degrés. C'étaient précisément ces jours d'encombrement et de tumulte que Nohodarès avait marqués pour un coup demain. Il attendait le moment, caché parmi les hautes herbes des rives solitaires de l'Aboras; mais sa présence nous fut révélée par quelquesuns des siens que la crainte d'un châtiment avait fait déserter. Dès lors il abandonna son embuscade sans oser frapper un seul coup, et parut s'endormir dans une complète inaction.

IV. D'un autre côté, les Sarrasins, que je ne nous souhaite ni pour amis ni pour ennemis, se montraient soudain, tantôt sur un point tantôt sur un autre, déprédateurs rapides de tout ce qui se trouvait sur leur chemin, et pareils au milan ra» visseur, qui fond sur sa proie d'aussi haut qu'il la découvre; également prompt à disparaître, soit qu'il ait pu la saisir, ou qu'il ait manqué son "coup.' J'ai déjà parlé des habitudes de ce peuple en traçant l'histoire de l'empereur MarcAurèle et de quelques-uns des règnes suivauts : j'en dirai encore deux mots. Répandue sur une région qui s'étend depuis l'Assyrie jusqu'aux cataractes du Nil et aux confins du pays des Blemmyes, cette face a même physionomie partout. Tous sont guerriers d;instinet, vont à demi nus, n'ayant pour tout vêtement qu'une courte casaque bigarrée, et changent continuellement de place, en paix comme eii guerre, àl'aide de leurs cour- . siers agiles et de leurs maigres chameaux. Pas une main chez eux ne touche la charrue, ne cultive uneplante, nedemandela subsistance de l'homme

commercanda, quae Indi mittunt et Seres, aliaque plurima velu terra marique consueta. Hanc regionem praestilmis celébritali diebus invadere parens dux anle dictus, per solitudines Aboraeque amnis herbidas ripas : suorum indicio proditus, qui admissi flagitii rrielu exagitali, ad , proesidia descivere Romana, absque ullo egressus effccîu, deinde tabescebat immobilis.

IV. Saraceni tamen nec amici nobis umquam, nec hostefi optandi, ultro citroque discursanles, quidquid inveniri poterat, momenlo lemporis parvi vaslâbant, ■'• milvorum rapacium similes : qui si praedain dispexerint. Celsius, volatil rapiunl céleri, aut, nisi impetraverjnt, non immoranlur. Super quorum moribus licet in actibus principis Marci, el postea aliquoties meminerim retulisse; tamen mme quoque pauca de iisdem expediam carptim. Apud bas gentes, quarum exqrdiens initium ab Âssyriis ad Kili catai'aclas porrigitur et coniinia Blemmyarum, omnes pari sorte sunt bellatores, seminudi. cdloralis sagulispube tenus amicli, equorum adjume'nto perniciiim > graciliumque camelorum per diversa replantes, in Iranquillis vel lurbidis rébus :neceorum quisquam aliquando • stivam adprebendit, vel arborera colit, aut arva subigendo ' quaeritat victum : sed errant semper per spatia longe lateque distenta, sine lare, sine sedibus fixis aut legiîius : nec idem'perferunl diuliuscaîluni, aut tractus unius soli


LIVRE XïV. 7

à la terre. Tout ce peuple erre indéfiniment dans de vastes solitudes, sans foyer, sans assiette^ fixe, et sans loi. Aucun ciel, aucun sol n'a de quoi l'arrêter longtemps. L'émigration est sa vte : là, l'union de l'homme et de la femme n'est qu'un contrat de louage : pour toute forme matrimoniale, l'épouse, fiancée à prix fait' et à temps,. apporte, en manière de dot, une lance et une tente à son mari, se tenant prête, le terme expiré, à le quitter au moindre signe. On ne saurait dire avec quelle fureur, dans cette nation, les deux sexes s'abandonnent à l'amour. L'existence y est si mobile, qu'une femme se marie en tin lieu, accouche dans un autre, et élève ses enfants loin de là, sans avoir, un moment, pris domicile. Ils se nourrissent universellement de venaison, de lait que leurs bestiaux fournissent en abondance, de plusieurs sortes d'herbes, dont leur sol offre une grande variété, et, quand ils peuvent, d'oiseaux pris au piège. Presque tous ceux que nous avons- vus ignoraient l'usage du pain et du vin. C'est assez parler de cette nation dangereuse ; reprenons notre récit. ""

V. Durant ces agitations de l'Orient, Constance, qui avait fixé sa résidence d'hiver à Arles, y Célébrait fastueusement, par la pompe des jeux du Cirque et des représentations théâtrales, la trentième année desorï règne, accomplie le 6 des ides d?octobre ( 10 octobre ). Un penchant à la tyrannie, déplus en plus prononcé, lui faisait accueillir toute accusation, quelque chimériqueou douteuse qu'elle fût, comme positive et démontrée. Le comte Gérônce entre autres, qui avait été du parti de Magnence, fut d'abord livré à la torture, puis envoyéen exil. Comme le plus léger attouchement révolte la sensibilité dans une. partie

illis umquam placet. Vita est illis semper in fuga : uxo' resque, mercenariae conductae ad tempus ex paclo : atque ut sit species matriiiionii, dolis nomine futura conjunx haslam et tabernaculum offert marito, post statum diem, si id elegerit, discessura : etineredibile'est, quoardore apud eos in venerem uterque solvitur sexus. Ita autem, quoad vixerint, laie palantUr, ut alibi mulier nubat, in loco pariât alio, liberosque procul educat, nulla copia quiescendi permissa. Victus univèrsis caro ferina est, lactisque abundans copia qûa snstentantur, et herbaj multipliées, et si quae alites capi per aiicupium possiut; et plerosque nos vidimusvfrumenli usum et vini penitus ignorantes. Hactenùs de natione perniciosa : nunc ad lextum propositum revertamur.

V. Dura haec in Oriente a^untur, Arelate hieraem agens Conslanlius, post théâtrales ludùs atque circenses ambitiosocditos adparatu, die sexto idus Octobres, qui imperii ejus annum tricesimum terminabat, insolentiae pondéra gravius librans, si quid dubium deferebatur aut falsum, pro liquido accipiens et comperto, inter alia excarnificaturn Gerontium Magnentianae Comilem partis, exsulari maerore multavit. Utque aogrum corpus quassari etiam levibus solet offensis, ita animus ejus angustus et lener, quidquid

malade, de même, pour cet esprit pusillanime et borné, le moindre bruit se traduisait en attentat, en complot forme contre sa vie. Ce qu'il fit de victimes par peur suffit à transformer sa victoire en calamité publique. Si élevé qu'on fût comme militaire ou comme honorable, ou par la considération acquise parmi les siens, on pouvait, sur un propos, sur un soupçon, se voir chargé de chaînes et traîné comme une bête fauve; et, sans mêmequ'uu'accusateur intervînt, on vous avait interrogé, ou seulement cité ; votre nom avait été prononcé ; c'était assez pour qu'il s'ensuivît un arrêt de mort, de proscription ou d'exil.

Ces frayeurs sanguinaires, cette inquiétude fougueuse qui s'emparaient du prince à l'idée seule d'une atteinte portée à son pouvoir ou à sa personne, une homicide adulation travaillait encore à les accroître.- C'était autour de lui comme un concert d'exagérations perfides, de doléances simulées, d'hypocrites déclamations sur les périls de cette vie précieuse, à laquelle tenaient, comme par un fil, les destinées de l'univers. Aussi est-il sans exemple qu'au moment où, suivant l'usage, le tableau des jugements rendus lui était soumis, il ait jamais révoqué une condamnation de cette nature; clémence assez commune pourtant chez les souverains les plus impitoyables. Et l'âge, qui d'ordinaire amortit les instincts féroces, ne fit que les développer chez lui, excité comme il l'était par les encouragements de cette tourbe de flatteurs qui ne le quittait point.

Au milieu d'eux se distinguait Paul le notaire. Cet Espagnol, qui cachait une astuce profonde sous sa face imberbe, était d'une adresse merveilleuse à pénétrer dans les seerets de chacun

' increpuisset, ad salutis suae dispendium existimans factura aut cogitalum, insontium caedibus feci.t vicloriam lucluosam. Si quis enim militarium vel honoralorum, aul nobilis inter suos, rumore tenus esset insimulatus fovisse parles hostiles, injecto onere catenarum inmodum belluac Irahebatur : et ininiico urgente vel nullo, quasi sufficiente hoc.solo quod nominatus esset, aut delatus, aut postulalus, capite vel multatione. bonorum, aut insulari soliludine damnabalur.

Accedebant enim ejus asperitali, ubi imminuta vel laesaamplitudo imperii dicebatur, et iracundae sUspicionum quantitati proximorum cruentae blandiliae, exaggerantium incidentia, et dolere impendio simulantium, si principis perditur vita, a cujus salute velut-filo pendere statum orbis terrarum fictis vocibus exclàmabanf. Ideoque fertur, neminem aliquando ob haec vel similia poenae addictum , oblato de more elogio revocari jussisse, quod inexorabiles quoque principes factitarunt. Et exitiale hoc vilium, quod in aliis non numquam intepescit, in illo, aîtatis progressu effervescebat, obslinatum ejus propositum accendente adulatorum cohorte.

Inter quos Paulus eminebalNotarius, ortusinHispania, glabro quidam sub vultu latens, odorandi vias pciiciilorum


s . AMMIEN MARCELLIN.

pour y trouver de quoi le perdre. Il avait été envoyé en Rretague avec mission de se saisir de quelques officiers signalés comme fauteurs du parti de Magnence, mais qui n'y avaient trempé qu'à leur corps défendant. Ce ministère de rigueur prit dans ses mains une extension indéfinie , comme l'inondation qui gagne de proche en proche ; et bientôt une multitude d'existences se trouvèrent menacées. Ce n'était que ruine et désolation sur ses pas. Les prisons se remplirent d'hommes nés libres, dont les membres quelquefois étaient brisés sous le poids des chaînes; et cela, pour des crimes inventés à plaisir et dénués de toute vraisemblance. Tant d'excès aboutirent à une scène tragique, et qui imprime au règne de Constance une tache ineffaçable.

Martin, qui administrait ces provinces comme lieutenant des préfets, déplorait amèrement des actes d'un si odieux arbitraire. Souvent il avait intercédé en faveur des victimes, demandant grâce pour les innocents. Ne pouvant rien obtenir, il déclare en dernier lieu qu'il va se démettre de sa charge, croyant par cette menace intimider l'informateur sans pitié, et l'empêcher de tirer les gens de leur repos pour en faire des coupables. Paul craignit en effet que sa propre influence n'en souffrît; et, par un trait nouveau de cette fatale habileté qui lui a valu le surnom de Catena (chaîne)", au moment où le préfet par intérim défendait le plus chaudement les intérêts de ses administrés, il sut l'engager lui-même dans !e danger commun. Déjà il pressait l'arrestation du nouveau prévenu, dans l'intention de le conduire enchaîné avec les autres à la cour de l'empereur. Martin, en présence d'un péril

occultas 'perquam sagax. Is in Britanniam missus. ut militares quosdam perduceret, ausos conspirasse Magnentio, cunareniti non possent, jussa licenlius supergressus, iluminis modo fortunis complnrium sese repentinus infudit : et ferebatur per strages multipliées ac ruinas, vincutis aaenibra ingenuorum adfligens ; et quosdam obterens maoicis, crimina sciiicet multa consàrcinando, a veritate longe discrela. Undé admissum, est facinus impium, quod Constaniii tempus nota inusserat sempilerna. Martimis agens illas provincias pro Praeieclis , aerumuas innocentium graviter gemens, saspeque obsecrans, ut ab omni culpaimmunibus parceretur, cum non impetraret, minabatur ee discessurnm : ut saltem id melueus perquisitor malevolus, tandem desineret quieti coalitos homines in aperta perkula projectare. Per hoc minui studium suum existimans Paulus, ul erat in complicandis negoliis artifex dirus, unde ei Calenae inditum est cognomentum, Vicariumipsum eos, quibus proeerat, adhuc defcnsantem, ad sprtem periculorum communium fraxit. Et iustabat, ut eum quoque, cum Tribunis et aliis pluribus, adcomitatùm imperatdris vinclum perduceret : quo percilus ille, exitio urgente abrupto, ferro eumdem adorilur Paulum. Et quia languente dextera lelaliter ferire non potuit, jam districlum snucronera in proprium latus impegit : hoçqlie deformi

si pressant, se jette sur Paul lepee nue, mais il frappa d'une main mal assurée, et, voyant le coup sans effet, tourna l'arme contre lui-même, et s'en perça le flanc. Ainsi périt misérablement le plus honnête des hommes, en «'efforçant de sauver des milliers d'infortunés. Après tant d'atrocités, Paul , tout couvert de sang, revint au camp où se trouvait l'empereur, traînant après lui une foule de captifs, tous pliant sous le poids des chaînes, et dans le plus déplorable état de misère et d'accablement. A leur arrivée ils trouvèrent les chevalets dressés, et le bourreau comme en permanence, au milieu de l'appareil des tortures. Ceux-ci furent proscrits, ceux-là exilés; le reste passa par le glaive. Car dans tout ce règne de Constance, où il suffisait d'un soupçon pour mettre en jeu les instruments de supplice, on aurait peine à trouver un seul exemple d'acquittement.

VI. Orfite, à cette époque, gouvernait à tiire de préfet la ville éternelle, et, dans l'exercice de cette charge, dépassait audacieusement les bornes d'un pouvoir délégué ; esprit capable et rompu à la pratique des affaires, mais en qui le défaut de culture se montrait à un degré presque honteux chez un homme bien né. Il éclata sous son administration des séditions graves, causses par la disette du vin, cette boisson dont l'usage immodéré est si fréquemment la cause immédiate des soulèvements populaires. Mais je me figure l'étonnement d'un étranger à qui ce livre tomberait entre les mains, en ne trouvant qu'émeutes, scènes d'ivrognerie, et autres semblables turpitudes, dans la relation de ce qui s'est passé à Rome à cette époque. Une explication est donc iridisgenere

iridisgenere excessit e vita justissimus, rémora ausus misèrabiles casus levare muliorum. Quibus ita. scel'eslo patratis, Paulus cruore perfusus, reversusqne ad prineiprs castra, multos coopertos pene.catenis adduxit, in sq<ia-: lorem dejeclos atque maeslitiam : quorum advéntu intè:idebantur eculei, uncosque parabat carnifex et torrrierjis.:; El ex iis proscripli sunt plures, actique in exilium :alii : nonnullos gladii consumsere poenales. Nec enim quisquam facile meminit sub Constantio, ubi susurro tenus liaecmovebantur, quemquam absolutum.

VI. Inter haec Orfitus Praâfecli potestale regebal urberii aeternam, ultra modum délata; digmtafis sese effereus insolenter : vir quidem prudens, et foreusium negolioi'um oppido gnarus, sed splendore liberalium doétrinarum minus quam nobilem decuerat, institutus : quo administrante, sediliones sunt concitatao graves ob inopiam vini, cujus avidis usibus vulgus intentum ad molus asperos excitatur et crebros.

Et quoniam mirari posse quosdam peregrjnos cxisUmr. IIEEC lecturos, forsilan si contigerit, quamobrem cum oratio ad ea monstranda deflexerit, quae Romae gererentur, nihil praîter seditiones narralur, etlabernas; et vililates barum similes alias : summalim causas pérstringam, nusquam a veritate sponle propria digressuru-


LIVRE XIV. 9

pensable. Je la ferai courte et sincère autant qu'il dépendra de moi, et sans porter à la vérité aucune atteinte volontaire. "~ Au moment où cette Rome, dont la durée égalera celle du genre humain, apparut sur la scène du monde, un pacte eut lieu cette fois entre la Fortune et la Vertu, jusque-là si divisées, pour favoriser d'un commun accord les développements merveilleux de la cité naissante. Que l'une pu l'autre eût fait défaut, et Rome restait au-dessous de ce faîte de gloire où elle est parvenue. Le peuple romain, à dater de son berceau jus-f qu'au temps où pour lui finit l'enfance, période de trois siècles environ, combat autour de ses murailles. De rudes guerres occupent encore son adolescence ; c'est alors qu'il franchit les Alpes et la mer. L'âge viril pour lui n'est plus qu'une ; suite de triomphes. 11 parcourt le monde, et de j chaque pays que visitent ses armes il rapporte une \ moisson de lauriers. Enfin la vieillesse legagne, et, bien que sou seul nom remporte encore des victoires j il aspire au repos. Alors la cité vénérable, satisfaite d'avoir courbé sous son joug les nations les plus fières, et fondé une constitution sauvegarde éternelle de la liberté de ses enfants, ' choisit au milieu d'eux les Césars, pour leur confier, en prudent chef de famille, la tutelle du patrimoine commun. Aujourd'hui plus d'inquiètes tribus, plus de centuries turbulentes, plus de tourmentes électorales ; partout la sérénité du A-., temps de Numa. Et cependant il n'est pas un point du globe où Rome ne soit saluée de reine et de maîtresse, où l'on ne s'incline devant l'antique - majesté du sénat, où le nom romain ne soit craint etrespecté. VJ

Mais le noble corps du sénat voit sa splendeur

Tempore, quo primis auspiciis in mundanum fulgorem

surgeret victura, dum erunt bomines, Roma, ut augeretur

sublimibus incrementis, foedere pacis oeternae Virlus convenit

convenit Fortuna, plerumque dissidentes : quarum si

' altéra defiiisset, ad perfectam non venerat summitatem.

Ejus popuius ab incunabulis primis adusque pueritiae tempus

tempus quod annis circumcluditur 1ère trecentis,

circummurana perlulit bella : deinde astatem ingressus

adultam, post multipliées bellorum aerumnas, Alpes traiiscendit

traiiscendit frelum : in juvenem erectus et virum , ex omni

. plaga, quam orbis ambit immensus, reportavit laureae

t triumphos : jamque vergens in senium, et nomine solo

/ aliquoties vincens, ad tianquilliora vitaediscessit. Ideo urbs

■ venerabilis post superbas efferatarum gentium cervices

oppressas, latasque leges, fundamenla libertalis et retinacula

retinacula velut. fru'gi parens, etprudens, et

divês,'"CSE5aTîb"ûs tamquam liberis suis regenda patrimonii

jura perniisit. Et olim licet oliosae sint tribus, pacataeque

cenluriae, et nulla suffragiorum cerlamina, sed Pompiliani

redierit securitas tempoiis, per omnes tamen, quotquot

sunt, partes lerrarum, ul domina suspicitur et regina :

6t. unique Palrum reverenda cum auctorilate canities,

populique Romani nomen circumspectum etverecundum.

Sed lacditur lue coctuum magnificùs splendor lcvitale

ternie par la légèreté dissolue de quelques-uns de ses membres, qui ne gardent plus de ménagements dans le vice, et se livrent à des égarements de tous genres, sans vouloir se rappeler sur quel sol ils ont pris naissance ; car, comme le dit le poète Simonide : Point de bonheur complet si la patrie n'est glorieuse. Il en est parmi ces hommes qui croient éterniser leur nom eu se* •/ faisant élever des statues : comme si l'on était mieux récompensé par d'inertes simulacres d'airain que par le témoignage de sa conscience 1 Ils font même pour eux dorer le bronze ; hommage qu'Aeilius Glabrion obtint le premier, quand, par sa conduite autant que par ses armes, il eut mis à fin la guerre d'Antiochus. Ah 1 qu'il vaut mieux se mettre au-dessus d'honneurs si puérils, n'aspirer qu'à la vraie gloire, et n'y marcher que par cette voie longue et pénible que dépeint le poëte d'Ascra ! J'en appelle à cet égard à l'exemple de Catou le Censeur. Comment se faitil , lui disait-on un jour, que parmi tant de statues élevées aux hommes illustres de notre pays on ne voie pas figurer la vôtre? « J'aime bien « mieux, répondit-il, que les honnêtes gens di« sent: Comment n'est-elle pas là? que: Comment . « s'ytrouve-t-elle? » *

Les uns mettent la gloire suprême dans l'exhaussement singulier d'un carrosse, où dans une fastueuse recherche de costumg. Leur mollesse succombe sous ces manteaux à trame si déliée, qu'une simple agrafe retient autour du cou, et qu'on fait voltiger rien qu'en soufflant dessus. A tous moments vous les voyez en secouer les plis, surtout du côté gauche : c'est pour faire valoir les franges de la bordure et le curieux travail d'une tunique parsemée de figures d'animaux

paucorum incondita, ubi nati sint, non reputantium, sed tamquam indulta h'cenlia viliis, ad errores lapsorlim et lasciviam. Ut enim Simonides lyricus docet, béate perfecta ralione victuro, anle alia patriam esse convenit gloriosam. Ex bis quidam seternilati se commendari posse per statuas existimantes, eas arden'ter adsectant, quasi plus prasmii ex figmentis aereis sensu carentibus adepturi, quam ex conscientia honeste recteque factorum : easque auro curant imbracteari : quod Acilio Glabrioni delatum est primo, cum consiliis armisque regem superasset Antiochum. Quam autem sit pulchrum, exigua hase spernentem el minima, ad adscensus verae gloriae tendere longos et arduos, ut memorat vates Ascraeus, Censorius Calo monstravit : qui inlerrogatus, quamohrem inter niullos nobiles slatuam non haberel ; Malo, inquit, ambigere . bonos, quamohrem id non meruerim : quam , quod est gravius, cur impelraverim mussitare.

Alii summum decus in carrucis solilo allioribus, et anibitioso vestium cultu ponentes, sudant sub ponderibos lacernarum, quas collis insertas cingulis ipsis adnectunt, nimia subleminum tenuitale perflabiles; exspectantes crebris agilalionibus, maximeque sinistra, ut longiores fimbriae lunicaeque perspicue Iuceant, varietate licioruna effigiatae in species animalium multiformes. Alii nullo


iO AMMIEN MARCELLIN. ■

qui font corps avec le tissu. D'autres vous viennent de but en blanc, et d'un air d'importance, faire parade de leur immense fortune. Vous en avez pour un jour entier à écouter l'énumération de leurs biens, le détail de leurs revenus, qui vont se multipliant d'année en année. Ils ignorent apparemment que leurs ancêtres, qui ont étendu si loin là puissance romaine, ne brillaient guère par leurs richesses. Ces hommes, dont l'énergie, aux prises avec tous les maux delà guerre, a triomphé de tant d'obstacles, n'étaient pas mieux pourvus, mieux nourris, mieux vêtus que le dernier soldat. Oui, il fallut une quête pour inhumer le grand Publicola. On se cotisa parmi les amis de Régulus pour subvenir à l'entretien de sa veuve et de ses enfants. La fille adulte d'un Scipion ne fut dotée qu'aux dépens du trésor public. Un sentiment de pudeur s'empara du sénat eu voyant celte vierge consumer dans le célibat ses belles années parce que son père était pauvre et servait au loin la patrie.

Allez, honnête étranger, vous présenter chez un de nos Crésus du jour, si gonflés de leur opulence. Au premier abord vous êtes reçu à bras ouverts ; il vous.fait questions sur questions Jusqu'à vous obliger à mentir pour ne pas rester court. Émerveillé, vous chétif, d'être ainsi choyé dès la première vue par un personnage de cette importance , vous vous prenez à regretter de n'être pas venu à Rome dix ans plus tôt. Cette réception vous met en goût, vous y retournez le lendemain ; mais vous n'êtes plus qu'un intrus, un importun; on vous fait attendre. Votre obligeant questionneur de la veille a bien d'autres affaires! il compte ses espèces. Il lui faut une heure pour

qiiasrenle, vullus severitale adsimulata, patrimonia sua in immensum extollunt, culloruni ut puta feracium multiplicanles annuos fructus, quae a primo ad ullimum solem se abunde jactitant possidere : ignorantes profecto majores suos, per quos ita maguitudo Rômana porrigilur, non divitiiseluxisse, sed per bellasaevissima, nec opibus, nec vietu, necindumentorum vililate a gregariis militibus discrepantes, opposita cuncta superasse virlule. Hinc ex collaticia stipe Valerius bumalur ille Poplicola : et suftsidiis amicorum marili, inops cum liberis uxor àlitur Reguli : et dotatur ex aerario filia Scipionis, cum nobilitas florem adulta?. virginis, diulurnam absenliam pauperis erubesceret palris.. .

Al nunc, si ad aliquem behe nummatum tumentemque ideo, bonestus advena salutatum infroiveris, primitus tamquam exoptatus suscipieris : et interrogalus mulla, coactusque menliri, miraberis numquam antea visus, summalern virum lenuem le sic enixius observantem : ul poeniteat ob haec bona tamquam praecipua non vidisse anle decennium Romam. Ilacque adfabilitate confisus, cum eadém postridie fecoris, ut incognituslioerebis et repcnlinus, hortatoreillo lies lerno...numcrando, qui sis vel undevenias, diulius ambigente. Agnilus vcro tandem, el adscilus in amise

amise qui vous êtes et d'où vous venez. Il se remet'enfin votre figure, et vous voilà des siens. Mais après trois ans de cour assidue avisez-vous de faire une absence; au retour, c'est à recommencer. Quant à s'enquérir de ce que vous êtes devenu, il y songe autant que si vous n'étiez plus du monde. Vous passeriez votre vie près de ce soliveau, sans faire un pas de plus. „x

Mais il se prépare un de ces dîners en plusieurs \ actes, festins interminables et meurtriers ; ou bien il s'agit de régler une distribution de sportules, suivant l'usage. Grave sujet de délibération. Donnera-t-on la préférence à un étranger sur telle autre personne à qui l'on doit un retour de politesse? Le scrutin dit oui. Qui donc ira chercher l'invitation ? Celui qui aura, la nuit, faitsentinelle à la porte d'un cocher du cirque ; ou quelque maître en l'art déjouer aux dés; ouïe premier charlatan qui se dit possesseur dé quelque grand secret. Porte fermée aux hommes de savoir et de principes ; ces gens ne sont boas à rien, et leur présence porte malheur. Ajoutez les fraudes intéressées des nomenclâteurs; race qui tire argent de tout, et ne se fait guère scrupule d'introduire un nom subreptice, ni d'imposer à l'hospitalité ou à la munificence des grands un inconnu ou même un indigne.

Je ne peindrai pas ces gouffres appelés banquets, ni les mille raffinements que la sensualité y déploie. Mais que dire de ces courses extravagantes au travers de la ville? de ces chevaux lancés à toute bride, au mépris de tous dangers, sur le pavé rocailleux des rues, comme-si l'on courait officiellement la poste avec les relais de l'État? de cette multitude de valets. Véritable bande de voleurs que l'on traîne après sôiysans

citiam, si te salutandi adsiduitati dedefis trienhio indiscretus, et per totidem defueris tempus, revérterisVdparia perferenda : nec ubi esses inlerrogatus, et îium-èîmedib. discesseris, aTlatem omnem frustra in stipiie cpntsres 1 '« submiltendo. Cum autcm intervallatatemporihus.çonvï- ""•■ via longa et noxia coeperint adparari, vel distri'bùïïtf■-■éop"' lemnium sportularum ; anxia deliberâtione tractatur, àri exceplisiis, quibus vicissiludodebelur, përegiïnùnv:-invi. . tari conveniet : el, sidigeslo plene consilio id pïacïiérit iieri, is adhihelur, qui pro domihus excubal aurigarum, ant arfem tesserariam profltelur, aut seci'etiora quaûdsm se nosse confingii. Homines enim enidilos et sobrios ut in. faustos cl inutiles vilant -. eo quoque accedcnte, quod et nomenclatores adsueti haac et falia vendilare, morcede accepta, lucris quosdam et prandiis insérant subditicios ignobiles et obscuros.

Mensariim enim voragines, et varias voluptalum illecebras, ne longuis progrédiar, pratemiitto : illûc-transita- ' rus, quod quidam per ampla spalia urbis, subversasque sihces, sine penculi metu properantes, equos velut publicos s,gnal.s, quod dicilur, calceis agitant, familiarum agmina lamquam praedatorios globos posl terga Irahcnfes, ne Sanmone quidem, ut ait comicus, demi relie-


LIVRE XIV. 11

laisser même, comme dans la comédie, Sannion pour garder le logis ? L'exemple a porté fruit. On voit les dames romaines, à l'abri de leur voile, courir en litière de quartier en quartier. A la guerre, un tacticien habile a soin de garnir de soldats pesamment armés tout son front de bataille; mettant en seconde ligne les troupes légères, en troisième les gens de trait, et derrière eux enfin le corps de réserve, qu'on ne fait donner que comme dernière ressource. Cette armée de valets a de même ses directeurs de manoeuvres, tenantunebaguette pour insigne, et disposantleur monde en conformité de l'ordre du jour. D'abord , à la hauteur de la voiture-, s'avancent les esclaves de métiers. Après eux vient la population enfumée des cuisines ; puis la valetaille sans emploi proprement dit, grossie de tous les fainéants du quartier. La marche est fermée par les eunuques de tout âge, les Vieux en tête, tous également livides et difformes. A l'aspect de cette troupe hideuse, n'ayant d'hommes que le nom, on ne peut que maudire la mémoire de Sémiramis, qui, la première, soumit l'enfance à cette cruelle mutilation. C'est outrager la nature, et contrarier violemment ses vues. Car, dès les premiers moments de l'être, elle a marqué ces organes comme source de vie, comme principe de génération.

Qu'arrive-t-il? Le peu de maisons où le culte de l'intelligence était encore en honneur sont envahies par le goût des plaisirs, enfants de la paresse. On n'y entend plus que voix qui modulent /qu'instruments qui résonnent. Les chanteurs ont chassé les philosophes, et les professeurs d'éloquence ont cédé la place aux maîtres en fait de voluptés. On mure les^bibliothèques comme

lo : quos imitatae matrones complures, opertiscapilibus el baslernis, per latera civilalis cuncta discuriunt. Ulque praeliorum periti redores primo calervas densas opponilnt et fortes, deinde levés arnialuras, post jaculalores, ultimasque subsidiales acies, si fors adegerit, invasuras : ila praeposilis urbanae familiae suspensas digercnlibus sollicite, quos insignes faciunt virgaa dextris aptatae, velut tessera data castrensi, juxta vehiculi Irontem omne textrinum incedit : huic alratum coquinae adjungilur ministerium, deinde totum promiscue servitium, cum oliosis rilebeiisjlkyicinitate conjunctis : postrema multitudo spadonuniy^S||i.bus in pueros desinens, obluridi, dislorlaquc iineamenfôrûm cpmpage déformes : ut quaqua incesserit quisquam, cernens mulilorum hominum agmina, delestetur niemoriam Semiramidis regîiiÉe illius veteris, quae teneros mares castravit omnium prima, velut vini injectans naturas, eademque ab instilnto cursn relorquens, quae inter ipsa oriundi crepundia, per primigenios semiuis fontes, tacita quodammodo lege, vias prfc J pagandse postèrilatis oslendit. •■

Quod cum ita sit, paucae domus sludiorùm seriis cut-ï tibus anlea célébrâtes, nunc ludibriis ignaviae lorpentis | exundant, vocali sono , perflabili tinnitu fidium résultantes. Denique pro philosopho cantor, et in locum oraloris I

les tombeaux. L'art ne s'ingénie qu'à fabriquer des orgues hydrauliques, des lyres colossales, des flûtes, et autres instruments de musique gigantesques, pour accompagner sur la scène la pantomime des bouffons. Enfin, un fait assez récent montre à quel point les idées sont perverties. La crainte d'une disette ayant fait précipitamment expulser de Rome tous les étrangers, l'exécution s'étendit brutalement, même au très-petit \ nombre qui exerçait des professions scientifiques ; et libérales, et sans leur laisser le temps de se { reconnaître ; tandis qu'on exceptait formellement de la mesure quiconque était de la suite des histrions , ou sut à propos se faire passer pour en être ; tandis qu'on souffrait, sans leur adresser même une question, la présence de trois mille danseuses et d'autant de choristes, figurants ou directeurs. Aussi ne fait-on plus un pas sans rencontrer de ces femmes aux longs cheveux bouclés, qui auraient pu, étant mariées, donner chacune trois enfants à l'État, etdont toute l'existence consiste à balayer du pied le plancher d'un théâtre, àpirouetter sans fin sur elles-mêmes, àdécrire, en un mot, toutes les évolutions, à prendre toutes les attitudes commandées par les caprices de l'art chorégraphique.

Il fut un temps où Rome était le sanctuaire de toutes les vertus. Alors sans doute, pour y retenir l'étranger, l'ingénieuse hospitalité des grands savait, sous mille formes, exercer ce pouvoir qu'Homère attribue aux fruits du pays des Lotophages. Maintenant, pour qu'on fasse fl de vous, il suffit à certaines gens que vous soyez né en dehors du Pomérium, à moins cependant que vous n'ayez l'avantage d'être veuf ou célibataire. Car on n'imaginerait point de quelles prévedoctor

prévedoctor ludicrarum accilur : et bibliothecis sepulcrorumritu in perpetuum.clausis, organa fabi'icanlur hydraulica, ëllyree ad speciem carpentorum ingentes, tibiasque el histrionici gestus instrumenta non levia. Poslremo ad id indignitalis est ventum, ut, cum peregrini ob formidatam haud ita dudum alimentorum iuopiam pellerenfur ab urbe prascipites, sectatoribus disçiplinarum liberalium impendio paucis sine respiralione ulla exlrusis, (enerenlur mimarum adseclas veri, quique id simularunt ad tempus, et tria millia sallatricum neinlerpellata quidem, cum choris totidemque remanerentmagistris.

Et licet, quoeumque oeulos fiexeris, feminas adfalinj

multas sp.ectare cirratas, quibus, si nupsissent, per astatemter

astatemter nixus polerat suppetere liberorum, adusquo

lasdium pedibus pavimenta lergeutès, jaclari volubilibus

gyris, dum .exprimunt inuumera simulacra, quas finxere

iabnÙM^eatraies.

^J^^Ateni non dubitatur, quod,cum esset aliquando

^^^^HMom domicilium Roma, ingenuos advenas

^^^^^^Htum ( ut Ilomerici baccarum suavilate Loto^^^^^^^■lalismultiformibusofh'ciisretentabant.Nune

Loto^^^^^^^■lalismultiformibusofh'ciisretentabant.Nune

^^^^^^Blus quorumdam, vile esse, quidquid extra

I^^^^^Kium nascitur, testimant, praeter orbos et caruHj^HPcredi

caruHj^HPcredi qua obsequiorum diversilate co-


n AMMIEN MARCELLIN.

eances, de quel culte on devient l'objet, dès qu'on est sans lignée.

Rome est le centre d'action de l'univers entier. Il est donc naturel que les maladies y sévissent plus qu'ailleurs, et que souvent toutes les ressources de l'art médical deviennent impuissantes même pour les pallier. Or, voici le préservatif qu'on a imaginé : Quand on a quelque ami atteint d'une affection grave, on s'épargne le spectacle de ses souffrances. Autre précaution qui ne laisse pas que d'être efficace : Un valet estil dépêché pour s'enquérir de la santé du patient? à son retour le logis lui est fermé, jusqu'à ce qu'il ait fait aux bains ablution complète. On craint la vue d'un malade même par intermédiaire : mais qu'il survienneuneinvitation à quelquenoce, où l'argent se distribue à pleines mains; de tous ces gens si méticuleux sur leursanté il n'en est pas un, fût-il travaillé par la goutte, qui ne trouve des jambes pour courir, s'il le faut, jusqu'à Spolètè. Voilà la vie que se sont faite les grands.

Quant à la populace qui n'a ni feu ni lieu, tantôt elle passe la nuit daDS les cabarets, et tantôt elle dort à l'abri de ces tentures dont Catulus, étant édile, s'avisa le premier, par un raffinement emprunté à la mollesse campanienne, de couvrir nos amphithéâtres ; ou bien elle se livre avec fureur au jeu des dés, retenant son baleine, qu'elle chasse ensuite avec un bruit dont l'oreille est choquée; ou bien encore (et c'est là le goût qui domine) on la voit du matin au soir, bravant le soleil et la pluie, s'exténuer en débats sans fin touchant les moindres circonstances du mérite ou de l'infériorité relative de tel cheval ou de tel cocher. Étrange engouement que celui' de tout un peuple respirant à peine dans

luntur homines sine liberis Romas. Et quoniam apud eos, ut in capite mundi, morborum acerbitales celsius domiiiantur, ad quos vel sedapdos omnis professio medendi torpescil ; excogitatum est adminiculum sospilale, ne quis amicum perferenlem similia videat : additumque est eautionibus paucis remedium aliud satis validum ; ut famulos perconlatum missos, quemadmodum valeant noli bac aegritudine colligali, non ante recipiant domum, quam lavacro purgaverint corpus. Ita eliam alienis oçulis visa metuilur labes. Sed tamen, base cum ita tutius observenfur, quidam vigore arluum imminuto, rogatiad nuptias, ubi aurum dexleris manibus cavatis offertur, impigre vel usque Spoletium pergunt. Haec nobilium inslitula.

Ex turba vero imas sortis et pauperlinae in labernis aliqui pernoctant vinariis : nonnulli velabris umbraculorum llieatralium latent, quas Campanam imitalus lasciviam Catulus in rcdilitate sua suspendit omnium prijtb^ut pugnaciter aleis cerlant, turpi sono rVagosisdS3|^Mh trorsum reducto spiritu concrcpanles : aut^H^^^^B diorum omnium maximum, ab orlu luci^^^^f^H sole fatiscunt vel pluviis, per minutias au^^^^^^H ionique prascipua, vel delicla scrutantes. Et^fl|^^^P inirum, videre plobem innumeram menlibusïHHHHH

\ _ ^pp*

l'attente du résultat d'une course de chars! Voilà les préoccupations auxquelles Rome est livrée, et qui n'y laissent place pour rien de sérieux. Mais revenons à notre sujet. _

VIL Déjà la tyrannie de César était suffisamment à charge aux gens de bien ; mais elle passa bientôt toute mesure, et l'oppression, pesant indifféremment sur leshauts fonctionnaires publies, sur'les magistrats des villes et même sur le bas peuple, s'étenditsur l'Orient tout entier. Dans un accès de rage, il alla jusqu'à envelopper dans une liste d'exécution en masse'lesnoms des citoyens les plus notables d'Antioche. Et cela, parce qu'il avait exigé la publication d'un abaissement arbitraire de tarif au moment où une disette était imminente, et que ceux- ci avaient fait à l'agent dufisc une réponse un peu vive. Pas un n'eût échappé sans la courageuse résistance d'Honorat, qui était encore alors comte d'Orient. On aurait pu juger des penchants cruels de ce prince, rien qu'à la passion qu'il affichait pour les spectaejes qui font couler le sang. La représentation prohibée d'un combat de ceste, où cinq ou six couples de malheureux se meurtrissaient et s'ensanglantaient à l'en vi sous ses yeux, dans le cirque, lui causait la joie d'une bataille gagnée. Cette disposition sanguinaires'irrita encore par l'avis qu'il reçut d'une trame ourdie contre 1 ui par quelques soldats des plus obscurs. Là révélation venait d'une femme de basse condition, qui avait sollicité et obtenu qu'on l'introduisît au palais pour être entendue. Constantine, dans l'enthousiasme de cette découverte, et comme si les jours de son mari eussent été désormais assurés, combla de présents la délatrice, et ia fit reconduire dans son propre char, par là porte d'hohrièur. On comptait que ces faveurs serviraient.d'afnprce à

dam infuso,cum dimicationnmcuruliùfh ëventii pendentem. Hase similiaque memorabile nihil vëi, serilim agi Romas permittunl. Ergp redeuridum ad textutti: T

Vil. Lalius jam disseminala licenfia onerbèiift4>onis

omnibus Cassar, nullum post hase adbibnns iiiôdum,

Orientis lalera cuncta vexabat, nec honoratis pârccns, nec

urbium prinialibus, nec clebeiis. Denique Àntidchehsis

ordinis vertices'sub uno eïogio jussil occidi; idëo efïeratus,

efïeratus, ei celebrari vilitatem inlempestivam urgenli,

cum impenderet inopia, gravius Ralionabïli responderunt :

et périssent ad unum, ni Cornes Orientis tune Honoralus

fixa conslantia restitisset. Erat aulem dirilalis ejus hoc quoque

quoque nec obscurum, nec latens, quod ludicris

cruentis deleclabatur, et in circo sex vel seplem aliquoties

velilis certaminibus pugilum vicissim [se concidentium,

perfusorumque sanguine specie ul lûcratiis ingentia laslabatur.

laslabatur. super bis incitatum propositum ad nocendum

nocendum inulier vilis, quae ad palatium., utpopos,*crat,

utpopos,*crat, latenter oblendi prodiderat

tabmilitibus obscurissimis : quam Constanlïna exsultans,

[ut in luto jam locata marili salute, muneralam vëbiculoI

vëbiculoI per regias januas emisitin publicum,ut

iis illecebris alios quoque ad indicanda proliceiét paria'vel


LIVRE XIV. 13

de nouvelles et "plus importantes dénonciations.

Gallus allait se rendre àHiérapolis, afin d'assister à l'expédition du moins pour la forme, quand d'instantes supplications lui furent adressées par la population d'Antioche, qui le pressait de la rassurer contre le danger d'une famine que rendait trop probable une réunion de fâcheuses circonstances. C'est le cas où un pouvoir étendu doit user de ses ressources pour le soulagement des souffrances locales. Gallus ne donna point d'ordre, ne prit aucune mesure, pour faire refluer les subsistances des provinces voisines. Mais en ce moment il avait à ses côtés Théophile, consulaire de Syrie. Ce fut littéralement une victime qu'il offrit en sacrifice aux terreurs de cette multitude; répétant avec affectation que les vivres ne pouvaient manquer qu'autant que le gouverneur le voulait bien. La populace prit ces mots pour un encouragement à des excès. Aussi le fléau ne fit pas plus tôt sentir ses rigueurs, qu'elle S6 porta en foule, sous l'inspiration de la colère et de la faim, vers la magnifique demeure d'Eubule, personnage en grande considération parmi les siens, et la réduisit en cendres. Déjà le gouverneur lui était comme adjugé par sentence du prince. Accablé de coups, foulé aux pieds, son corps fut enfin déchiré en lambeaux. Cette fin tragique fut pour plus d'un l'occasion d'un retour sur eux-mêmes, en leur montrant en perspective quel sort leur était réservé.

Au moment même où le meurtre se consommait, ce Sérénien dont la lâcheté, avons-nous dit, causa le pillage de la ville de Celse en Phénicie, devenu de général accusé, et accusée juste titre, aux termes de la loi, du crime de lèse-majesté, obtenait, on ne sait comment, son absolution devant les

majora. Post hase Gallus Hierapolim profecturus, ut expeditioni specie tenusadesset, Anliochensi plebi suppliciter obsecranti, ut inedias dispelleret melum, quae per multas difficilesque causas adfore jam sperabatur, non (ut jnos est principibus, quorum diffusa potestas localibus subinde medelur asrumnis) disponiquidquam statuit, vel ex - provinciis alimenta transferri conterminis : sed Consularem Syrias Theophilum propé adstantem, ultima metuenti multitudini dédit, adsidue replicàndo, quod invito rectore nullus egere polerit victu. Auxerunt hase vulgi sordidioris audaciam : el cum ingravesceret penuria commealuum, Tamis etfuroris impulsu, Eubuli cujusdam inter suos clari domum ambiliosam iguibus subditis inflammavit : rectoremque, ut sibi judicio imperiali addiclum, calcibus incessens et pugnis, conculcans seminecem laniatu miserando discerpsit. Post cujus lacrymosum interitum in unius exitio quisque imaginem periculi sui considerans, documente recenti similia formidabat. Eodem tempore Serenianùs ex f { Duce, cujus ignavia populatam in Phoenice Celsen antè| \ , relulimus, pulsatas majestalis imperii reus jure postulatusl; ac lege, incertum qua potuit suffragationeabsolvi : aperté^ convictus, familiarem suum cum pileo, quo caput openefcjl bat, incantalo vetitis artibus, ad templum misisse falidivf

juges. I! était établi jusqu'à l'évidence qu'un de ses gens, porteur de son propre bonnet, préalablement soumis à une opération magique, s'était présenté par son ordre à un temple où l'on prédisait l'avenir, et avait demandé au sort, en termes exprès, si son maître obtiendrait l'objet de ses voeux, l'empire sans partage. Déplorable coïncidence! Théophile périt victime innocente de la fureur populaire ; tandis que Sérénien , digne * de l'exécration universelle, est scandaleusement acquitté dans le silence de la vindicte publique. Constance, instruit de ces faits, et prévenu déjà par les rapports de Thallasse, qui venait de payer le tribut à la nature, ne cessa pas pour cela de correspondre sur le ton de la douceur avec Gallus. Mais il commença par lui retirer peu à peu les forces dont il disposait, sous couleur d'une bienveillante sollicitude : « L'esprit turbulent du sol« dat, qui toujours fermente dans l'inaction, lui « faisait appréhender pour César quelque cons« piration militaire. Il suffisait d'ailleurs à sa « sûreté de la présencedes cohortes palatines et « des protecteurs, renforcés des scalaires et des « gentils. » Il mandait en même temps au préfet Domitien, précédemment trésorier, de se rendre en Syrie près de Gallus, pour lui rappeler ■ avec respect et avec mesure les invitations réitérées qu'il avait reçues de l'empereur de venir le joindre , en le pressant d'y déférer. Domitien, arrivé en toute hâte à Antioche, passe devant le palais sans se présenter à César, comme l'exigeait l'étiquette, et, en grande pompe, va droit au prétoire, où, sous prétexte d'indisposition, il reste plusieurs jours enfermé, sans mettre le pied à la cour ni paraître en public. Il ne fit durant cet intervalle que travailler à perdre César, surchargeant

cum, quasritatum expresse, an ei firmum portehderetur imperium, ut cupiebat, et cunctum. Duplexque iisdem diebus acciderat raalum, quod et Theophilum insontem atrox interceperat casus, et Serenianùs dignus exsecratione cunclorum, innoxius modo non reclamante publico vigore discessit.

Haec subinde Constantius audiens, et quasdam referente

Thalassio doctus, quem obisse jam compererat lege communi

communi scribens ad Cassarem blandius, adjunienta paullatim

paullatim subtraxit, sollicitari se simulans, ne, uti est militare

militare fere tumultuosum, in ejus perniciem conspiraret,

conspiraret, scholis jussit esse contentum palatinis et

protectorum, cura scUtariis et gentilibus : et mandabat

Domitiano, ex Comité Largitionum, prasfecto, ut, cum

in Syriam venerit, Gallum, quem crebro acciverat, ad Itâliam

Itâliam blande horlaretur et verecunde. Qui cum

venisset qb '•■•se festinatis itineribus Antiochiam, prassgjrictis

prassgjrictis januis, contempto Cassare, quem videri de^rcuérat,

de^rcuérat, cum pompa sollemni perrexit : moi -

JioSque'diiÏAusatus, nec regiam introiit, nec processit in

ifebliguSajiéd' abditus mulla in ejus moliebatur exitium,

H||Éil|pl>*'"™am relat'on'bus supervacua, quas subindo

5.d'imi^gbat ad principem. Rogatus ad«ultimum ;■ admissus-


U AMMIEN MARCELLIN.

de détails, même insignifiants, les rapports qu'il adressait à Constauce. A la fin, sommé par le prince de paraître devant lui,, il entre au consistoire ( I ) ; et là, sans aucune préparation, et du ton le plus inconsidéré : « César, dit-il, il faut partir. Obéis« sez à l'ordre que vous avez reçu ; et sachez bien « qu'à la moindre hésitation de votre part, je « supprime ce qui est alloué pour votre entretien « de bouche et celui de votre palais. » Après cette étrange apostrophe, il sortit de l'air d'un supérieur mécontent, et refusa obstinément de reparaître à la cour, quelque injonction qu'il en reçût. Gallus, outré de ce qu'il appelait une offense à sa personne et à sa dignité, s'assura aussitôt du préfet, en plaçant près de lui un poste de protecteurs choisis parmi ses affidés.

A ce coup d'autorité, Montius, alors questeur, esprit sujet à l'entraînement, mais à qui toute violence était antipathique, crut devoir, dans l'intérêt commun, se porter médiateur, Il réunit les chefs des cohortes palatines, et commence devant eux par insinuer sans aigreur que ce qu'on avait fait n'était ni convenable ni utile. Puis, s'échauffant peu à peu, il éleva la voix, et dit d'un ton d'amertume qu'après un tel procédé on n'avait plus qu'à renverser les statues de l'empereur, et mettre à mort le préfet.

Gallus se redressa comme un serpent blessé, lorsqu'on lui rapporta ces paroles. Préoccupé déjà de vues gigantesques, et d'ailleurs incapable d'hésiter sur les moyens quand il s'agissait de sa propre sûreté, il fait mettre sur pied toutes ses forces, et fulmine, en grinçant les dents, cette allocution à la troupe étonnée : « A moi, braves amis! notre « péril est commun. Voici qui est nouveau et « même étrange. Montius va déclamant contre

(i) Salle du conseil.

que in consistorium, ambage nulla progressa, inconsideràte et leviter, Proficiscere, inquit, ut prasceptum est, Cassar, sciens, quod si cessaveris, et tuas et palatii lui auferri jubebo propediem annonas. Hocque solo contumaciter dicto, subiratus abscessit, nec inconspectum ejus poslea venit saspius arcessitus. Hinc ille commolus, ut injusta perferens et indigna, prasfecti custpdiam prolecloribus mandaverat fidis. Quo compertp Montius tune quasstor, acer quidem, sed ad lenitatem propensior, consulens in commune, advocatos palatinarum prirnos scholarum adloquutus est mollius, docens nec decere base fieri, nec prodesse : addensque voejs objurgatorio sono, quod, si id placeret, posl statuas Constantii dejectas, super adimenda vita prasfecto conveniet securius cogilari. His cognitis, Gallus ut serpens adpetitus telo vel saxo, janjque spes extrémas opperiens, etsuccurrens salutisuasquavisratione, colligi omnes jussit armatos : et cum starent attoniti, districta denlium acie stridens, Adesle, mqml0$>irifortê$i mihi periclitanti vobiscum. Montius nos*tihnore imi% silalo quodam el novo,ut rebelles et mcù®tq$réèaî'$ citr-antes Augustoe, per hoec quai strepit ê^Mslttf:k0^ lus nimirum, quod conlumaçem prcefeclum,'0jç^0

<•&-' Va

« nous, et nous signale avec emphase comme « réfractaires, comme rebelles à la majestéimpé« riale! Et pourquoi cet emportement? Parce « qu'un préfet insolent a méconnu son devoir, et « que je l'ai mis sous bonne garde, seulement « pour lui donner une leçon. »

Il n'en fallut pas davantage à cette soldatesque avide de troubles. Montius se trouvait dans le voisinage. Ils se jettent sur ce vieillard infirme et débile, lui attachent des cordes grossières aux deux jambes, et le traînent presque écartelé, et retenant à peine un souffle de vie, jusqu'au prétoire du préfet. Domitien est également assailli, précipité par les degrés, garrotté des mêmes liens ; et tous deux sont ainsi tirés çàet là au travers de la ville, de toute la vitesse des jambes de leurs bourreaux. Bientôt leurs cadavres sont démembrés; on foule encore sous les pieds les deux troncs, jusqu'à en effacer toute trace de la forme humaine ; et la rage du soldat, enfin assouvie, abandonne ces restes au courant dufleuve. Une circonstance avait particulièrement poussé ces forcenés à cet excès de frénésie : ce fut l'apparition soudaine au milieu d'eux d'un nommé Luscus, préposé à quelque partie du service de la ville, et qui, pareil au précenteur, animant de la voix ses manoeuvres au travail, n'avait cessé par des vociférations de les exciter à ne pas s'arrêter en si beau chemin. Ce misérable fut, peu de temps après, brûlé vif pour ce même fait.

Les noms Épigonius et Eusebe étaient sortis à plusieurs reprises de la bouche mourante de Montius, déchiré par les mains de ces furieux, mais sans qu'il eût articulé ni profession ni qualité. On fit jouer plus d'un ressortpour découvrir à qui appartenaient ces deux noms; et, afin de profiter de l'agitation des esprits, on fit venir de Lyrumordo

Lyrumordo ignoraredissimiilantem,formidine tenusjusserimcicstodiri.Nihil morali post base mililares, ayidisaepe lurbarum, adorti sunl Montium primum, qui divertebatin proximo, levi corpore senera, atque îriorbo. suni : et hirsutis resticulis cruribus ejus innexis, divaricatum sine spiramento ullo adusque prastorium tfaxere prasfecti. Et eodem impetu Domitianum prascipitem per.scalas, ilidem funibus constrinxerunl : eosqueconjunctosper amplâ spalia civitatis acri raplavere discursu. Jamque artuum et membrorum divulsa compage, superscâudentes corpora mortuorum, ad ultimam Iruncatadeformitalem, velut exsatuiatimox abjeçerunt in llumen.Incenderat autem audaces usque ad insaniamhomines ad hase, quaeuefariisegere conatibtas, Luscus quidam curator urbis subito visus : eos ut ejqlans bajulorum prascentor, ad expediendum, quod oi-si sunt,mcitans vocibus crebris : qui haud longe postea ideo vivus exustus est.

- Et quia Montius inter dilam'antium manus spirilum efîllaturus, Epigpnium et Eusebium , nec professionem nec Jdignitatem ostendens, aliquoties increpâbât : qui sint hi, magna quasrebatur industria, et nequid intepesceret Uipigonms e Lycw philosophus ducilur, et Euscbius ab


LIVRE XIV. , 15

eie le philosophe Ëpigonius, etd'Émèse l'éloquent orateur Eusèbe, surnommé Pittacus. Ceux3i n'étaient pas cependant les personnes que Montius avait voulu désigner. Les noms étaient ceux des tribuns des manufactures d'armes, lesquels avaient promis le secours dé leurs arsenaux, au* cas où quelque mouvement politique viendrait à s'opérer.

Apollinaire, gendre de Domitien, et naguère intendant du palais de César, parcourait alors, avecdes instructions de son beau-père, les cantonnements de Mésopotamie. Sa mission, dont il s'acquittait peu discrètement, était de s'informer sous main si Gallus, dans quelque correspondance intime, n'aurait pas laissé percer des pensées de haute ambition. A la nouvelle des événements d'Antioche, Apollinaire s'enfuit à travers l'Arménie inférieure, cherchant à gagner Constantinople. Mais, atteint dans sa fuite par un détachement de protecteurs, il fut ramené à Antioche et emprisonné très-étroitement. On apprit sur ces entrefaites qu'un manteau royal avait été clandestinement fabriqué à Tyr, sans qu'on eût pu découvrir qui en avait fait la commande, ni à qui il était destiné. Ce fut assez pour motiver l'arrestation du gouverneur delà province, père d'Apollinaire, et du même nom que lui. On se saisit également d'une multitude de personnes de différentes villes, sur la tête desquelles on faisait peser les plus graves accusations.

Ces malheurs publics s'accomplissaient comme à son de trompe. Le noir génie du prince ne cachait plus ses fureurs ; la vérité blessait sa vue. Plus d'informations juridiques sur le mérite des charges ; plus de différence entre les innocents et les coupables. Toute justice était bannie des triEmissaPitlacascognomenlo,

triEmissaPitlacascognomenlo, orator : cum quasslor non hos, sed tribunos fabricarum insimulasset, promiUentes armorum si novas res agitari coni périssent. Iisdem 4iebus Apollinaris Domiliani gêner, paulo ante agens palalii Caesaris curam; ad Mesopotamiam missus a socero, per mililares numéros immodice scrutabatur, an quasdani àltiora meditanlis jam Galli sécréta susceperint scripta : qui compertis Antiochias gestis, per minorem Armeniam lapsus, Constanlinopolim peliit, exindeque per proteçtores rétractas, artissime tenebatur.

Quae dum ita struuntur, iiidicatum est apud Tyrurn indumentumregale textum occulte, incertum quoJocapte, vel cujus usibiïs adparatum. Ideoque rector provincias tune pater Apollinaris, ejusdem nominis, ut conscius ductus est : aliique congregati sunt ex diversis civitatibus multi, qui atrpcium criminum ponderibus urgebantur.

Jamque lituis cladium concrepanlibus internarum, non celale, ut antea, lurbidum sasviebat ingenium, a v«ri consideratione detortum : et nullo impositorum vel compositorum fidem «ollemniter inquirente,'nec discernente a societate noxiorum insontes, velut exturbatum e judiciis , fas omne discessit : el causarum légitima sileute defen-< . sione, carnifex rapinarum sequester, et obductio capi-v tnm, et bonorum ubique multalio versabatur per orient ;

bunaux. Eu un mot, la défense muette, la spoliation organisée par l'entremise du bourreau, les exécutions multipliées, |a confiscation partout; voilà quel tableau présentait alors l'Orient. C'est, je crois, le moment de jeter un coup d'oeil sur ..ces provinces, laissant de côté la Mésopotamie, dont j'ai donné une idée complète dans la relation de la campagne contre les Parthes, aussi bien que l'Egypte, sur laquelle il entre dans * mon plan de revenir plus tard.

VIII. Quand on a surmonté la cime altière du Taurus, du versant occidental de la montagne on voit se dérouler, à droite, les vastes campagnes de la Cilicie; à gauche, la verteIsaurie, également fertile en vignobles et en moissons. Le Calycadne, fleuve navigable, partage en deux cette dernière province. 'Deux villes, entre cent autres, en fontl'ornement : Séleucie, fondée par le roi^Séleucus , et Claudiopolis, colonie de l'empereur Claude. Isaure, jadis trop puissante, et sur laquelle de sanglantes révoltes ont appelé la destruction , aujourd'hui montre à peine çà et là quelques vestiges de son ancienne grandeur.

La Cilicie, déjàfière d'être arrosée par le Cydnus, compte encore parmi ses titre? de gloire Tarse, Si digne d'attirer les regards; Tarse, incertaine si elledoitle jôuràPersée, fils de Jupiter et de Danaé, ou à Sandan, noble et riche personnage venu d'Ethiopie ; Anazarbe, dont le nom rappelle celui de son fondateur ; et Mopsueste, séjour de Mopsus, compagnon des Argonautes, qui, séparé fortuitement de l'expédition comme elle revenait chargée de la dépouille dorée du bélier de Colchos, trouva sur la rive d'Afrique une fin prématurée. Depuis ce jour les mânes du héros, sous \ le sable punique qui le couvre, manifestent Une ■

taies provincias : quas reGensere pulo nunc opportunum, absque Mesopotaniia, jam digesta, cum bella Parthica dicerentur, et ^Egypto, quam neçessariô >jiud rejeci ad tempus.

VIII. Superatis Tauri montis verticibus, qui ad solis ortum sublimius attollnnlur, Cilicia spaths porrigilur laie distentis, dives bonis omnibus terra : ejusque lateri dextro adnexa Isauria, pari sorte uberi palmile viret et frugibus niullis : quam mediam navigabile fjunien Calycadnus interscindit. Et liane quidem, praeter pppida multa, duas civitates exornanl, Seïeucia, opus Seleuci régis, et Claudiopolis , quam deduxit coloniam Claudius Cassar. Isaura enim anlebac nimium potens, olim subversa ut rebellatrix interneciva, asgre vesligia claritudinis pristinas monstrat admodum pauca. Ciliciam vero, quas Cydno amne exsultat, Tarsus nobililat, urbs perspicabilis : banc condidisse Perseus memoralur, Jovis filjus et Danaës, vel certe exjEthiopia profectus Sandan quidam nomine, virppulenlus et nobilis; et Anaz.arbus auctoris vocabulum referens : et Mopsuestia, vatis illius domicilium Mopsi, quem a com-militio Argonaularum, cum aureovellere dnepto redirent, ^rrore^jfltgtjaclum, delatumquead Africas littus mors teS^isjitinSécènsiimpsit : el ex eo, çespite punico tecti mânes rplûsjneroici, dolorum varielali medentur plerumque sos-


i6 - AMMIEN MARCELLIN.

\ vertu curati ve qu'on invoque rarement sans effet. Ces deux provinces, durant la guerre des pirates, firent cause commune avec ces brigands, furent domptées par le proconsul Servilius , et assujetties au tribut. Séparés du monde oriental par le mont Amanus, leurs territoires réunis n'occupent qu'une longue bande, formant saillie sur le littoral du continent. L'Orient est borné dans un autre sens par une large zone qui se prolonge en ligne directe du cours de l'Euphrate à la vallée du Nil, resserrée à gauche par les régions que parcourent les hordes sarrasines, et battue à droite par la mer. Cette contrée fut conquise et considérablement étendue par Séleùcus Nicator, à qui échut le domaine propre des rois de Perse dans le partagé de la succession d'Alexandre. Génie actif, et non moins heureux, comme l'indique son surnom, ce prince sut mettre à profit les intervalles de tranquillité de son long règne, et employer les milliers de bras qu'ils laissaient disponibles, à transformer les chétives demeures d'une population rustique en villes fortes et opulentes. Sous les noms grecs que leur imposa le fondateur, ces cités de nouvelle création conservent encorede vieilles dénominations assyriennes, qui perpétuent la tradition de leur origine.

Après l'Osdroène, que nous avons exceptée de cette description, vient la Comagène, qu'on appelle aujourd'hui Euphralensis. Le sol de cette province forme un plateau peu élevé, où l'on remarque deux villes importantes et renommées : Hiérapolis, qui est l'ancien Ninus, et Samosate.

De là s'étendent les magnifiques plaines de la Syrie, célèbre par Antioche, sa métropole, qui est sans rivale par les richesses de son sol et par celles

pitales. Has duae provincias bello quondam piratico catervis mistas prasdonum, a Servilio proconsulemissas sub jugum, fadas sunt vectigales. Et bas quidem regiones velut in prominenli terrarum lingua positas, ab orbe Eoo monte Amano disparanlur. Orientis vero limes in longum protentus et rectum, ab Euphratis fluminis ripis adusque supercilia porrigitur Nili, lasva Saracenis conterminans gentibus, dextra pelagi fragoribus patens : quam plagam Kicator Seleucus occupatam auxit magnum in moduni, cum post Alexandri Macedonis obitum sUccessorio jure teneret régna Persidis, efficaçias impetrabilis rex, ut indicat cognomentum. Abusus enim multitudine hominum, quam tranquillis in rébus diutius rexit, ex agreslibus habitaculis urbes construxit, multis opibus firnias et viribus : quaruiu ad prassens plerasque licet Grascis nominibus adpellenlur, quas iisdem ad arbitrium imposila sunt conditoris, primogenia tamen nomina non amittunt, quas eis Assyria lingua institutores veteres indiderunt.

Et prima post Osdroënam, quam (ut diclum est) ab bac descriptione discrevimus, Commagena , nunc Euphratensis, clementer adsurgit; Hierapoli, vetere Ninoyët Samosala civitalibus amplis illuslris. „

Dein Syria per speciosam inlerpatet diffusa;^lao.iliei^; Hanc noliilitat Antiochia, mundo cognita civila^'cî^ion* cerlaverit alia advecticiis ila adfluere copiis et internjs',"eïl

qu'y fait affluer le commerce ; célèbre encore par les villes de Laodicée, d'Apamée et de Séleucie, toutes trois florissantes dès leur origine , et qui n'ont pas dégénéré.

Vient ensuite la Phénicie, qui s'appuie au mont Liban; pays charmant, d'un aspect enchanteur, et qu'embellissent encore de puissantes et splendides cités. Tyr, Sidon et Béryte brillent au milieu d'elles par les délices de leur séjour et l'éclat de leurs souvenirs ; mais sans effacer Émesse ni Damas, leurs aînées. Toutes ces provinces sont arrosées par l'Oronte au cours sinueux, qui côtoie le mont Çassius, et se jette dans la mer Parthénienne. Elles formaient une dépendance de la couronne d'Arménie ; mais Pompée, après avoir abattu Tigrane, opéra leur réunion à l'empire. ^ La Palestine, district le plus reculé de la Syrie, offre par intervalles de spacieuses vallées, d'une belle et riche culture. Elle a aussi ses villes d'élite , dont chacune serait en droit de disputer la prééminence, ou plutôt qui semblent toutes avoir passé sous un niveau. Telles sont Césaréé, bâtie par Hérode en l'honneur de l'empereur Auguste; Éleuthéropolis et Néapolis; sans oublier Asealon et Gaza, construites dans les siècles passés. On ne rencontre en ce pays aucun fleuve navigable ; mais il abonde en eaux thermales, considérées comme spécifique pour toutes sortes de maux. C'est encore là une conquête de Pompée, qui, après avoir dompté les Juifs, réduisit le pays en province romainesous l'autoritéd'un gouverneur. L'Arabie touche d'un côté à la Palestine,-et, de l'autre, au pays des Nabatbéens. C'est un pays riche en denrées d'exportation ; et, pour le protéger contre les incursions des peupladesvoisines,

Laodicea, et Apamia, itidemque Seleûcia, jam inde a primis auspiciis ilorenlissimas.

Post hanc acclinis Libano monti Pbosnice, regio plena gratiarum et venustatis, urbibus decorata magnis et pulchris : in quibus amoenitale celebritateque nominum Tyrus excellit, Sidûn etBerytus, iisdemque parés, Emissa, et Daniascus, sasculis conditas priscis. Has autèmproviucias, quas Orontes ambiens amnis, imosque pedes Cassii montis illius celsi prastermeans, funditur in Partbenium mare, Cn. Pompeius superato Tigrane, regnis Armeniorum abstractas ditioni Romanas conjunxit.

Ultima Syriarum est Palasstina, per intervâlla magna

protenta, cullis abundans terris et nitidis, et civitates habens

habens egregias, nullam nulli cedentem, sed- sibi

vicissim velut ad perpendiculum asmulas : Cassaream, quam

ad honorera Oclaviani principis exasdificavil Herodes, et

Eleutheropolim, et Neapolim, itidemque Ascalonem, Gazam,

Gazam, superiore exstruclas. In bis traclibus navigerum

nusquam visitur llumen : et in lotis plurimis aquas suapte

nalura calentes emergunt, ad usus aptas multiplicium

medelarum. Verum has quoque regiones pari sorte Pom,

Pom, Judasis domitis, et Hierosolymis captis, in provinJciae

provinJciae rectori delata jurisdictione, formavit.

P Huic Arabia est conserta, ex alio latere Nabalasis coni

coni ; opima varietale commerciorum, castrisque oppleta


LIVRE XIV. - 17

la politique vigilante des anciens possesseurs y a élevé nombre de châteaux et de forteresses, en choisissant avec discernement les meilleurs points de défense. On y compte aussi des villes considérables ceintes de fortes murailles, telles que Bostra, Gérasa et Philadelphie. L'empereur Trajan, durant son heureuse et brillante expédition contre les Parthes, donna plus d'une sévère leçon à l'orgueil des Arabes, et, finalement, soumit le pays à nos lois, après l'avoir constitué en province romaine, et lui avoir donné un gouverneur.

Un large bras de mer sépare l'île de Chypre du continent. Elle a d'excellents ports, et compte un grand nombre de villes municipales. Les plus renommées sont Salamine et Paphos, l'une par le culte de Jupiter, l'autre par son temple consacré à Vénus. Toutes choses y abondent à ce point que l'île, avec ses ressources propres et locales, et sans rien tirer du sol ni de l'industrie d'autres contrées, peut construire un navire de charge, de la quille à l'extrémité de la mâture, et le mettre à la mer muni de tous ses agrès. En s'emparant de ce pays, je ne crains pas de le dire, Rome a montré plus d'avidité que d'esprit de justice. Ptolémée, qui y régnait, avait pour lui notre alliance, la foi des traités. Proscrit sans qu'on eût un seul reproche à lui faire, et uniquement parce que notre trésor avait des besoins, ce prince termine volontairement ses jours par le poison : et voilà l'île rendue tributaire, comme on fait d'un ennemi vaincu, et ses dépouilles transportées à Rome sur les vaisseaux de Caton. Mais reprenons l'ordre des faits.

IX. Au milieu de la série de catastrophes que nous avons retracée plus haut, Ursicin, qui commandait à Nisibe, et sous les ordres duquel j'avalidis

j'avalidis castellis, quas ad repellendos gentium vicinarum excursus, sollicitudo pervigil veterum per opportunos sallus erexit et cautos. Hase quoque civitates habet inter oppida quasdani ingentes, Bostram et Gerasam atque Philadelphiam, murorum firmitate caulissimas. Hanc provincias imposilo nomme, recloreque attributo, obtemperare legibus nostris Trajanus compulit imperator, incolarum tumore saspè contuso, cum glorioso Marte Mediam urgeret et Parthos. ... ,

Cyprum itidem insulam, procula continent! discretam et porluosam, inter niunicipia crebra urbes duas taciunt claram, Salamis etPaphus: altéra Jovis delubris, allera Veneris lemplo insignis. Tanta lamque multiplici fertilitale abundat rerum omnium eadem Cyprus, ut nullius externi iiidigens adminiculi, indigenis viribus, a fundamento ipso carinas ad supremos usque carbasos asdificet onerariam navem, omnibusque armamentis instructam mari committat. Nec piget dicere, avide magis hanc insu^ lam populum Romamim invasisse, quam juste. Plolemaso enim rege foederato nobis et socio, ob asrarii nostri angustias jusso sine ulla culpa proscribi, ideoque hausto veneno voluntaria morte deleto^, et Iributaria facta est, et velut hostiles ejus exuvias" classi imposilas, in urbem adveclae sunt per Catonem. Nunc repetetur ordo gestorum.

AMMIEN.

vais été placé par la volonté expresse de l'empereur, se voit tout à coup mandé à Antioche, et chargé, malgré lui, de présider l'instruction meurtrière qui allait s'ouvrir. 11 obéit, mais en protestant à chaque pas, et ne cessant de faire tête à cette meute adulatrice qui aboyait autour de lui. Comme militaire, Ursicin était homme de tête et d'action ; mais personne n'était moins capable * de diriger une procédure. Alarmé sur ses propres périls en voyant quels gens lui étaient associés dans cette mission, accusateurs ou juges, tous sortis de la même caverne, il prit le parti de faire un secret rapport à Constance de tout ce qui se passait ostensiblement ou dans l'ombre, implorant de lui les moyens de tenir en bride chez Gallus cette fougue dont il ne connaissait- que trop les écarts. Mais, ainsi que nous le verrons plus tard, cette précaution même fit donner Ursicin contre un écueil plus dangereux. Il avait des envieux qui ourdissaient trame sur trame pour le compromettre auprès de Constance; caractère, en général, assez modéré, mais trop enclin à prêter l'oreille aux confidences du premier venu, et qui devenait alors cruel, implacable, et tout à fait différent de lui-même.

Au jour marqué pour les sinistres interrogatoires, le maître de la cavalerie, vrai simulacre déjuge, prend place au milieu d'assesseurs dont chacun avait sa leçon faite d'avance. Plusieurs notaires assistaient, commodément placés pour recueillir les questions et les réponses, et couraient aussitôt les rapporter à César. Cachée derrière une tapisserie , la reine prêtait une oreille avide aux débats ; et les féroces injonctions de l'un, les incessantes provocations de l'autre, filtrent la perte de plus d'un accusé, à qui l'on ne

IX. Inter lias ruinarum varielales, a Nisibi, quam tuebatur accitus Ursicinus, cui nos obsequuluros junxerat impériale praeceptum, dispicere litis exitialis semiua cogebatur, abnuens et reclamans adulatorum oblatrantibus turmis : bellicosus sane milesque semper el militum ductor, sed forensibus jurgiis longe discretus : qui metu sui discriminis anxius, cum accusalores quassitoresque subdilivos sibi consociatos ex iisdem foveis cernerel emergen- • les, quas clam palanive agitabantur, occullis Constantium litteris edocebat, implorans subsidia, quorum metu tumor nolissimus Caesaris exhalaret. Sed cautela nimia in pejores basserat plagas, ut narrabimus postea, asmulis consaicinantibus insidias graves apud Constantium, caetera médium priiieipem, sed si quid auribus ejus hujusmodi quivis infudisset ignotus, acerbum et implacabilem, et in hoc causarnm titulo dissimilem sui.

Proinde die funestis interrogationibus prassliluto, imaginarius judex equilum resedil magister, adhibitis aliis jam, quae essent agenda, prasdoctis' : et adsistebant hiucinde notarii, quid quassitum esset, quidve responsum, cursim ad Cassarem perferenles : cujus imperio truci, ac sjjjnulis reginas, exertantis aurem subinde per aulasum, née dilùere objecta permissi, nec defensi, periere coniphirésVPfimiigituromnium statuni'iturEpigonius et Eusebius,


AMMIEN MARCELLIN

permit pas même de discuter les charges, ni de présenter sa défense.

On fit comparaître en premier lieu Épigonius et Eusèbe, victimes tous deux d'une ressemblance de noms. On se souvient, en effet, que Montius, aux approches de la mort, avait comme jeté en l'air ces deux noms, voulant dénoncer les tribuns de la manufacture, qui lui avaient promis des armes en cas de soulèvement. Épigonius n'avait du philosophe que le manteau, comme il ne le fit que trop voir. Il descendit tout d'abord aux supplications les plus vaines ; puis, les flancs sillonnés par le fer, et la mort sous les yeux, il confessa lâchement une prétendue participation à des complots imaginaires ; lui qui, placé tout à fait en dehors du mouvement des affaires publiques, n'avait eu, dans le fait, d'entrevue avec personne ni reçu la moindre communication. Eusèbe, au contraire, nia tout avec constance, sans faiblir un instant au milieu des tortures, ne cessant de crier que c'était assassiner les gens, et non les juger. - Eusèbe, en homme familier avec les lois, avait insisté obstinément sur une confrontation avec son accusateur, et sur l'observation des formes. Cette revendication toute naturelle de ses droits, César la qualifia d'insurrection et de révolte, et ordonna d'arracher à cet insolent la chair de dessus les membres. L'exécution fut assez terrible pour ne plus laisser prise à l'instrument de torture sur les os mis à nu ; mais le patient la soutint immobile avec une incroyable énergie, souriant amèrement à ses bourreaux, et faisant appel à la justice divine. On ne lui arracha pas un aveu, pas une déposition quelconque, pas un signe d'acquiescement ou de soumission. Pour en finir, un arrêt, rendu de guerre lasse, l'envoya à la mort avec son abject compagnon d'infortune.

ob nominum gentilitatem oppressi. Prasdiximus enim Montium , sub ipso Vivendi tèrniino, bis vocabulis adpellatos fabricarum culpasse tribunos, ut adminicula futurae molifioni pollicitos. Et Epigonius quidem amictu tenus philosopbus, ni adparuit, prece frustra tentafa, sulcatis lateribus, mortisque metu admoto, turpi confessione cogilatorum socium, quasnulla erant, fuisse hïmavit, cum nec vidisset quidquam nec audisset, penitus expers forensium rerum : Eusebius vero objecta fidentius negaus, suspensus in eodem gradu constantias stelit, latrocinium illud esse, non judicium damans. Clinique pertinacius, ul legum gnarus, accusatorem llagitarelatquesolleninia, doclus id Cassar, libertatemque superbiam ratus, tamquam obtrectalorcm audaceni excarnificari praseepit : qui itaevisceratus,utcrucialibusmemhradecssent.implorauscaolojuslitiam.loi'vuiii renidens fundalo peclore maiisit immobilis, nec se incnsare, nec quemquam alium passus : et tandem nec confessus nec confulatus, cum abjecto consorle posnali est moite niullalus. Et ducebalur intrepidus temporum iniquitali insultans, imitatus Zenonem illum veterem SJpicum, qui ut montiretur quasdani, laceratus diuliiia^^lsam sedibus linguam suam cum cruento spulaiiîïné'/in

Sa contenance intrépide, eu marchant nu supplice, semblait faire le procès à l'iniquité du temps. On eût dit ce Zenon, chef de l'ancienne école stoïque, qui, poussé à bout par les tortures du roi de Chypre, extirpa de ses dents sa langue, dont on exigeait un mensonge, et la cracha toute sanglante à la face du tyran.

Vint ensuite l'enquête touchant le manteau royal. Les ouvriers employés à teindre en pourpre furent mis à là torture, et déclarèrent avoir teint un corps de tunique sans manches. Sur cet indice, on arrêta un nommé Maras, qualifié de diacre parmi les chrétiens, dont on produisit une lettre écrite en grec au chef de la manufacture de Tyr, et contenant l'invitation de presser un ouvrage non spécifié. Maras, également appliqué à la question, et torturé jusqu'à la mort, ne révéla rien de plus.

La question fut aussi employée en beaucoup d'autres cas, mais avec des résultats différents. Tantôt elle laissa subsister le doute, tantôt elle ne prouva que la légèreté des accusations. Quant aux deux Apollinaires, père et fils , les derniers d'une longue sériede victimes, ils furent envoyés en exil. Mais à leur arrivée à Cratères, maison de campagne qu'ils possédaient à vingt-quatre milles d'Antioche, on leur rompit les jambes ; après quoi ils furent mis à mort par ordre exprès de Gallus. La férocité du prince ne s'en tint pas là : tel qu'un lion dont la faim s'irrite par le carnage, il ne s'en montra que plus ardent aux recherches de ce genre. Mais je m'abstiendrai de l'y suivre pas à pas, pour ne point dépasser les limites que je me suis posées.

(An 354 ap. J. C.) <>,

X. Ce régime de souffrance se prolongeait pour l'Orient, lorsque Constance, consul pour la sepoculos

sepoculos Cyprii régis impegit. Post hase indumentuhi regale quasrebatur; et ministris fucandas purpuras lortis, confessisque pecloralem timiculaui sine (nantais textam,'Maras quidam nomine inductus est, ut appellanl Chrisliani, diaconus : cujus prolalas iilLerae scriplas Grasco sërmone ad Tyrii textrini praspositum, cèlerait speciem perurgebanl : quam aulem non indicabaut : denique etiam idem adusque disçrimen viTas vexalus, nihil faleri compnlsus est. Quasslione igitur per multipliées dilatala fortunas, cum ambigerenlur quasdani, nonnulla levius actilata conslaret, post mullorum clades Apollinares ambo, pater el filius, in exsilium acti, cum ad locum Craferas nomine pervenissent, viilam scilicet suam, quas ab Antiocbia vicesimo et quarto disjungilur lapide, ut maudatum est, fraclis cruribus occidunlur. . .

Post quorum necem nihilo lenius ferociens Gallus, ut léo cadaveribus paslus, limita hujusmodi scrulabalur : quas singula narrare non relërt, ne professionis modum, quod evilandum est, excedamus.

(A. C. 354.)

X. Hascduni Oriens diu perferret, caeli reseralo tepore


LIVRE XIV. 19

tième fois avec Gallus, qui l'était pour la troisième, partit d'Arles au retour'de la belle saison, pour porter la guerre chez lès Allemands, dont les fréquentes incursions, sous la conduite de leurs rois Gundomade et Vadomaire son frère, semaient le ravage parmi leurs voisins de la Gaule. Le prince s'arrêta longtemps à Valence, attendant des vivres d'Aquitaine, parce que les torrents, enflés par la fréquence extraordinaire des pluies, entravaient l'expédition des convois. Pendant ce séjour forcé arrive Herculanus , qui servait dans les protecteurs, et qui était fils de cetHermogène, général de la cavalerie, massacré à Constantinople, ainsi qu'il a été dit plus haut, dans un soulèvement populaire. L'empereur, au fidèle rapport que lui fit cet officier de la conduite de Gallus, ne put que gémir amèrement sur le passé, et concevoir de vives alarmes pour l'avenir. Il fit toutefois effort pour cachée le trouble de son esprit. Cependant les troupes concentrées sur Châlons s'irritaient de tant de retards; d'autant plus que, les convois n'arrivant pas, les distributions vinrent à manquer. Dans cette circonstance, Rufin, préfet du prétoire, eut à remplir la plus dangereuse des missions, celle de faire entendre raison aux soldats, en leur démontrant que la pénurie dont ils souffraient était involontaire. Il lui était formellement enjoint d'entrer en pourparler avec ces esprits farouches, exaspérés par la faim, et naturellement portés à en vouloir à l'autorité civile. Danslefait, ce n'étaitiïen moins qu'un coup monté pour le perdre ; on voulait se défaire de cet oncle de Gallus, dont l'influence politique pouvait servir d'appui aux vuespernicieusesdeson neveu. Mais

Constantius consula.tu suo septies, et Caesaris ter, egressus Arelale Valenliam petit, in Gundomadum et Vadomarium fratres Alamannorum reges arma moturus, quorum crebris excursibus vastabantur confines limitibus terras Gallorum. Dumque ibi diu moràtur, commeatus opperiens, quorum translalionem ex Aquitania verni imbres solito crebriores proliibebànt, auctique torrentes, Herculanus advenit protector domesticus, Ilermogenis ex magistro equitum filius, apud Constantinopolim, ut supra retulimus, populari quondam lurbela discerpti : quo verissime referente, quas Gallus egerat, damnis super prasterilis niasrens, et futurorum timoré suspensus, angorem animi, quamdiu potuit, emendabat. Miles tamen iuterea omnis apud Cabillona collectas,'morarum impatiens sasviebat, hoc irritatior, quod nec subsidia Vivendi suppeterent, alimentis nondum ex usu translatis. Unde Rufinus ea tempestate prasfectus prastorio, ad disçrimen trusus est ulfimum. Ire enim ipso compellebatur ad militetn, quem exagitabat Inopia simul et feritas, et alioquin coalito more in ordinarias dignitates asperum semper et sasvum, ut satisfaceret, atque monstraret, quam ob causam annonas conveclio sit impedita. Quod opéra consulta cogitabatur astute, ut hocinsidiarum génère Galli periretavunculus, neeumutpraspotensacueret in flduciam, exiliosa ccsplantem. Verum navata est opéra diligens ;• hocque dilato, Eusebius praspositus cubiculi

il se tira d'affaire avec adresse, et le dessein fut ajourné. Eusèbe, grand chambellan, arriva ensuite à Châlons. avec une somme considérable, dont la distribution , faite sous main entre les meneurs, calma l'effervescence, et assura la vie du préfet. Bientôt des arrivages nombreux rétablirent l'abondance dans , l'armée, et l'on put prendre jour pour lever le camp. »

Après plusieurs marches pénibles dans des défilés où il fallut se faire jour au travers des neiges, on atteignit enfin le Rhin près de Rauraque. Alors une multitude d'Allemands se montra sur l'autre rive, et, par une grêle de traits, empêcha les Romains de jeter un pont de bateaux. L'obstacle semblait insurmontable, et l'empereur, abîmé dans ses réflexions, ne savait quel parti prendre, quand il se présenta, lorsqu'on y pensait le moins, un guide bien au fait des localités, qui indiqua, moyennant salaire, un gué dont on se servit la nuit suivante. Le fleuve une fois franchi sur un point éloigné, tout ce pays allait être surpris et ravagé à l'improviste ; mais l'ennemi, à qui il fallait dérober ce mouvement, en eut secrètement avis par des Allemands de nation, pourvus de grades éminents dans notre armée. Tel est du moins le soupçon qui plana sur trois officiers, le comte Latin des protecteurs, Agilon, grand éeuyer, etScudilon chef des scutaires, considérés tous trois jusque-là comme les plus fermes colonnes de l'empire. En présence d'un tel danger, les barbares tinrent conseil d'urgence sur ce qu'il y avait à faire; et, soit que les auspices aient été menaçants, ou qu'ils aient lu la défense de combattre dans leurs sacrifices, l'énergie qu'il s avaient montrée d'abord tomba tout à coup, et

missus est Cabillona, aurum secum perferens : quo perli turbulentes seditionum concitores occultius distributo, et-/ i tumor consenuit militum, et salus est in tuto locata pras~ fecti. Deinde cibo abunde perlàlo, castra die prasdicto sunt mota. Emensis itaquè difficultatibus niultis, et nive obrutis callibus pluribus, ubi prope Rauràeum ventum est ad sùpercilia fluminis Rheni, resislente multitudine Alamanna, pontem suspendere navium compage Romani vi nimia velabantur, rilu•grandinis undique convolantibus telis : et cum id impossibile videretur, Imperalor cogitalionibus magnis attonitus, quid capesserel, ambigebat. Ecce auteni ex improviso index quidam regionum gnarus advenit, et mercede accepta vadosum locuni nocte monstravit, unde superari potuit flumen : et potuisset aliorsum inlentis hostibus exercitus inde transgressus, nullo id opinante, eûneta vastare, ni pauci ex eadem gente, quibus erat ■ honoratioris militiae cura commissa, populares suos base per nuntios docuissent occultes, ut quidam exislimabant. Infamabat aulem base suspicio Latinnm domesticorum comilem,etAgilonem tribunum slabuli, atque Scudilonem scutariorum reclorem , qui lune utdextris suis geslantes Remp. colebantur. At barbari suscepto pro instantium rerum ralione consilio, dirimentibus forte auspicibus, vel congredi prohibente auctoritate sacrorurn, mollito vigoio, ' quo fidentius resistebant, optimales misère delictorui'.

2.


20 AMMIEN MARCELLIN.

ils députèrent les principaux d'entre eux pour implorer la clémence de l'empereur et obtenir la paix. Les envoyés des deux rois furent reçus ; et, après un mûr examen de leurs propositions, le conseil fut unanime pour la paix, dont les conditions semblaient raisonnables. Constance alors convoqua l'armée, et du haut de son tribunal, entouré de ses grands dignitaires, prononça cette courte allocution :

« Qu'on ne se hâte point de trouver étrange « que, parvenu au terme de si longues marches, « disposant d'immenses approvisionnements , « ayant tout lieu, comme je le fais; décompter sur «mon armée, je puisse, au moment où nous ~« foulons du pied le sol des barbares, changer « de dessein, et revenir subitement à des idées de « paix. Chacundevouscomprendra, s'ilveutbien « réfléchir, que lesoldat, quellequesoitsa valeur « individuelle, n'a que lui seul à considérer et à « défendre ; au lieu que l'empereur, qui veille « sur les intérêts de tous, dont le dépôt est entre « ses mains, connaît seul le fort et le faible de la « chose publique, et seul, avec l'aide divine, peut « appliquer sûrement au mal le remède. Prêtez« moi donc, braves compagnons, une oreille fa« vorable. Je veux vous dire pourquoi je vous ai « convoqués, et vous le dire en peu derûots. La « vérité se montre sobre de paroles, et 'sbjv lan« gage va droit au but. La renominéej.àtfait re« tentir votre gloire jusque dans les contfées qui « touchent aux extrémités du monde.fÏLa na« tion des Allemands et ses rois s'en alarment ; « vous voyez leurs députés devant votif; Ils vien« nent, au nom de leurs"compatriotesJhous supTeniam

supTeniam et pacem. Tentis igilur régis utriusque legatis, et negolio tecliusdiu.pensato., cum pacem oportere tribui, quas juslis conditionibus petebatur, eamque ex. re tum fore sententiarUm via concinens adprobasset, advocalo in concionem exercitu, lmperator pro tempore pauca dielurus, tribunali adsistens, circumdatus potestatum costu celsarum, ad bunc disseruit modum -.

fiemo, quoeso, miretur, si post. exsudatos labores ilinerum longos, congestosque adfalim commealus, fidu. cia vesiri duclan te, barbaricos pagos advenlans, velut mulato repente eonsiliojid placidiora diverti. Prosuo enim loco et aniïno quisque vestriwi reputâns, id inveniet veruan, quodmiles abique,licèt membris vigenli•bùsfirmus, se solum vilamque propriam circumspicit et défendit : lmperator vero officiorum, dum oequis omnibus aliénai cuslos salulis, nihil non adsùispectare tutelam raiiones populorum cognoscil,el remédia cuncta, quai status negotiorum admitlil, arripere débetalacriier,secundanumïnis voluntatedéldta. Ut in brève igiiur conférant, et ostendam, qua ex causa, omnes vossimul adesse volui, commilitonesmeifidissimi-, acciirile oequis auribus, quoe succinclius explicabo. Veritalîs enim absolulus sermo ac semper est slmplex. Arduos veslroe gloriai gradus, quosfamaper plagarum quoque accolas exlimarwm diffundit, excellenler accrescens, Alamannorum reges et popidi

« plier humblement d'oublier le passé, et de « mettre fin à la guerre. Partisan comme je le « suis de la modération et des conseils prudents « et utiles, je pense qu'il est bon d'accéder à « leurs prières. J'y vois de nombreux avantages. « Nous évitons par là les chances toujours péril« leuses des combats ; d'adversaires qu'ils étaient, «nousallons avoir, suivant leur promesse, les « Allemands pour auxiliaires; nous apprivoisons, « sans qu'il en coûte de sang, cette férocité si « redoutable à nos provinces. Songez-y bien : on « peut vaincre ailleurs que sur un champ de ba« taille, sans bruit de clairon, sans mettre le « pied sur son ennemi ; et cette domination est la « plus sûre qu'on accepte, après expérience, deson « énergie quand on lui résiste, de sa mansuétude « quand on se soumet. En résumé, j'attends votre « décision comme arbitres ; je l'attends en prince « ami de la paix, et qui tient à montrer sa modé« ration plus qu'à profiter de ses avantages. C'est « aussi le parti que la raison vous conseille ; et « nul, croyez-moi, ne vous accusera d'avoir man« que de coeur, parce que vous aurez été généreux « et humains. » ■

A peine l'empereur eut cessé de parler, que la multitude, empressée de lui complaire, témoigne unanimement son approbation du discours, et se prononce pour la paix. Le rapprochement que voici contribua surtout à ce résultat :" on avait remarqué que dans les fréquentes prises d'armes de son règne, Constance, toujours favorisé par la fortune contre les ennemis du dedans, n'avait guère éprouvé que des revers en présence de ceux du dehors. Le traité fut donc conclu suiformidantes,

suiformidantes, oraiores, quos videtis, summissis cervicibus concessionem proeteritorum poscunl et pacem: quam ut cunctator et caulus uliliumque mouitor, si vestra volunlas adest, tribui debere censeo, mullacontemplans : primo, ut Martis ambigUa declinenlur : dein, ut auxilialores pro adversariis qdsçiscamus, quod pollicentur : tum autem, ut incruentimitigemus ferocioeflalus, perniciosos soepe provinciis : posiremo id repulanles, quod non ille Iwslis vincitur solus,qui caditinacie, pondère armorum oppressus etvirium; sed niullo tutius etiam tuba laeente, sub jugummittilur voluniarius, qui sentit expertus, nec fortiludinem in rebelles, nec lenitalem in supplices animos déesse. In summa, tamquam arbitras vos, quid suadetis, opperior, utprinceps tranquillus tempera»- ter adhibere modum adlapsafelicitate decemens. Non enim inerlioe, sed modestioe Immanitalique, miM crédite, hoc, quodrecte consullum est, adsignabitur.

Mox dicta fraierai; mulliludo omnis, ad quae lmperator voluit, promptior, laudato consilio, consensil in pacem, ea ratione maxime percila, quod norat expedilionibus crebris, Forlunam ejus in malis lantum civilibus vigilasse : cuin aulem bella moverenlur extema, accidisse plerumque lucluosa. Iclo post hase fosderegentiumritu, perfectaque Y sollemnitate, lmperator Mediolanum ad hiberna discessil.


LIVRE XIV. 21

vaut les rites nationaux des deux peuples ; et, les actes solennels accomplis, l'empereur alla passer l'hiver à Milan.

XI. Là, désormais libre de tout souci, il concentra toutes ses pensées sur ce qui était pour lui l'affaire difficile, le noeud gordien : en finir avec Gallus. Plus d'une fois, la nuit, il agita la question avec ses affidés dans ses conférences secrètes. Emploierait-on la force ou la ruse pour arrêter cet audacieux dans ses projets de renversement? Voici le moyen auquel on s'arrêta. Une lettre bienveillante et flatteuse fut écrite à Gallus pour l'appeler auprès de l'empereur, sous prétexte d'affaires de la plus haute importance. Une fois qu'on l'aurait isolé de la sorte, rien de plus facile que de lui porter le dernier coup.

Cet avis cependant trouva de nombreux contradicteurs dans ce tourbillon d'intérêts versatiles ; entre autres Arbétion, promoteur d'intrigues aussi ardent que rusé, et Eusèbe, grand chambellan, qui le passait encore en scélératesse. Tous deux alléguaient le danger de la présence d'Ursicin en Orient, où il allait se trouver seul après le départ de Gallus, et sans contre-poids pour son ambition. Eu quoi ils étaient puissamment secondés par la cabale des eunuques du palais, alors possédée d'une fureur de s'enrichir inimaginable , et qui ne savait que trop bien profiter des facilités de son service intime pour semer contre cet homme de bien les plus perfides insinuations. Tous les ressorts de leur malignité étaient tendus pour le perdre. C'étaient de continuels chuchotements « sur ses deux fils déjà « grands, et dont les visées pouvaient bien aller « jusqu'à l'empire, intéressants comme ils étaient « tous deux par leur beauté, leur jeunesse, et i leur dextérité singulière à exécuter les passes

XI. Ubi curarum abjeclis ponderibus aliis, tamquam nodum Gordium difficillimum, Cassarem convellere nisu valido cogitabat : eique deliberanti cum proximis, clandeslinis colloquiis et nocturnis, qua vi, quibusve commentis id fleret, antequam effundendis rébus perlinacius incumberet confidentia : acciri mollioribus scriptis per simulationem tractatus publici nimis urgentis, eumdem placuerat Galluni, ut auxilio deslitutus, sine ullo inleriret obstaculo. Huic sententiae versabilium adulatorum refragantibus globis (inter quos erat Arbelio ad insîdianduin acer et (lagrans, et Eusebius tune prasposilus euhiculi, effusior ad nocendum) id occurrebat, Cassare discedenle Ursicinum in Oriente perniciose relinquendum, si nullus esset, qui'prohiberet, altiora niedilalu.rum. lisdemque residui regii accessere spadones, quorum ea tempestate plus habendi cupiditas ultra morlalem modum adolescebat, inter ministeria vitas secretioris per arcanos susurros nulrimeuta ficlis criminibus subserentes : qui ponderibus invidias gravions virum fortissimum opprimebant, subolescere imperio adultes ejus filios mussitantes, décore corporuni favorabiles elastate, per multiplicem armatures scientiam agililatemque membrorum inter quolidiana

« multipliées de l'armature; talents dont on ne « manquait pas de faire parade aux yeux de l'ar« mée, dans les exercices militaires de chaque «jour. On avait habilement exploité la nature « féroce de Gallus, pour pousser ce prince à des « excès qui devaient révolter tous les ordres de « l'État ; le tout pour en venir un jour à faire pas« ser les insignes du pouvoir aux enfants du gé-# « néràl de la cavalerie. »

Ces propos ne manquèrent pas d'arriver aux oreilles du prince, en pareil cas toujours ouvertes, toujours accessibles. Ils eurent d'abord l'effet de le jeter dans l'incertitude. Mais enfin il prit son parti, qui fut de s'assurer d'abord d'Ursiein. Ce dernier fut donc invité, dans les termes les plus.flatteurs, à se rendre à la cour. On avait besoin, soi-disant, de s'entendre avec lui sur des mesures urgentes à prendre contre les Parthes, dont les armements extraordinaires • menaçaient l'empire d'une prochaine irruption. Pour lui ôter toute défiance, le comte Prosper, son lieutenant, fut chargé de le remplacer dans son service jusqu'au retour. Au reçu de la lettre, munis tous deux d'ordres pour les relais del'État, nous nous rendîmes en diligence à Milan.

11 ne restait plus qu'à presser Gallus de partir.. Constance, pour écarter jusqu'à l'ombre d'un soupçon, fit dans sa lettre les plus affectueuses instances pour qu'il amenât avec lui sa femme, cette soeur chériequ'il désirait tant revoir. Celleci hésita d'abord, sachant bien de quoi Constance était capable. Elle consentit toutefois au voyage, espérant en son influence sur son frère ; mais elle eut à peine mis le pied en Bithynie, qu'elle mourut subitement d'un accès de fièvre, à'la station appelée les Cènes galliques.

Cette mort privait son époux de l'appui sur

proludia exercitus, consulte consilio cognitos : Gallum suopte ingenio trucem per suppositos quosdam ad sasva facinora ideo animatum, ut eo digna omnium ordinum detestatione ëxoso, ad magistri equitum liberos principatus insignia Iransferantur.

Cum hase taliaque sollicitas ejus aures everberarent, expositas semper hujusmodi rumoribus et patentes, varia animo tum miScente çonsilia,' landem id ut optimum factu elegit : et Ursicinum prirnum ad se venire summo cum honore mandavit, easpecîe, ut pro rerumtunc urgenlium captu disponeretur concordi consilio, quibus virium increraenlis Parlhicarum gentium arma minantium impetus frangerenlur. Et ne quid suspicaretur adversi venturus, vicarius ejus, dum redit, Prosper niissus est Cornes : acceplisque literis, et copia rei vehicularias data, Mediqlanum itineribus properavimus magnis.

Reslabat, ut Cassar post hase properaret accilus : et abstergendas causa suspicionis sororem suam, ejus uxorem, Constanlius ad se tandem desideralam venire rnultis ficlisque blanditiis borlabatur. Quaslicelambigeret, mefuens saspecruentum; spe tamen, quod cum lenire poleral ut germanum, profecla, cum Billmiiam iutioisset, in statione,.


22 AMMIEN MARCELLIN,

lequel il comptait le plus. Il en fut frappé au point de ne plus savoir à quoi se résoudre. Dans le trouble de son esprit, cette pensée lui revenait sans cesse, que Constance sacrifiait tout à son but, n'admettait aucune composition, ne pardonnait aucune faute, et se montrait d'autant plus impitoyable qu'on le touchait de plus près : assurément son appel n'était qu'un piège, et il y allait de la vie de s'y laisser envelopper.

Dans cette situation si critique, et regardant sa perte comme certaine s'il ne faisait un effort pour s'en tirer, Gallus considéra quelles chances il pouvait avoir pour s'emparer du rang suprême. Mais il avait un double motif d'appréhender les défections : il savait être haï pour sa violence, autant que méprisé pour son peu de caractère; et c'était un épouvantai! pour ses adhérents que le succès continu des armes de Constance dans les guerres civiles. Au milieu de ces terribles perplexités, les lettres de l'empereur venaient coup sur coup le presser, tour à tour sur le ton de la remontrance ou de la prière, et toujours insinuant, sous une phraséologie captieuse, que, dans les embarras présents de l'État (ce qui faisait allusion au ravage des Gaules), l'action du pouvoir ne pouvait ni ne devait être plus longtemps divisée; qu'il fallait se rapprocher, contribuer de concert, chacun dans la mesure de ses facultés, au salut de la chose publique. Sous Dioclétien, ajoutait-il ( et c'était un souvenir récent), les Césars, ses collègues, n'avaient pas même de résideneefixe, mais attendaient, comme autant d'appariteurs, l'ordre de se porter de leur personne sur un point désigné. N'avait-on pas vu eu Syrie cet empereur, dans un accès de dépit, laisser marcher devant son char, l'espace de

quas Casnos Gallicanos adpellatur, absumpta est vi fehrium rëpentina. Cujus postobitum' maritus contemplans cecidisse fldueiam, qua se fultum existimabat, anxia cogilalione, quid moliretur, hasrebat. Inter res enimimpeditas et turbidas, ad hoc unum menlem sollicitani dirigehat, quod Conslanlius cuncta ad suam sententiam conferens, nec satistaclionem suscipiet aliquam, nec erratis ignosccl : sed ut eral in propinquitatis perniciem inclinatior, laqueos ei latenter obtendens, si cepisset incautum, morte multaret. Eonecessitatis adduclus, ultihiaque,ni vigilasset, opperiens, principem locum, si qua patuisset copia, adfeclabat : sed perfidiam proximorum ratione bifaiïa verebatur, qui eum ut truculentum horrebant et levèm, quique altiorem Constanlii fortuham in discordiis civilibus formidabant. Inter has curarum moles immensas, Imperatoris scripfa suscipiebat adsidua, monentis orautisque, ut ad se veniret, et meute monstrantis obliqua, 3'cm publicam necposse dividi, nec debere, sed pro viribus quemque ei ferre siippelias fluctuanti, niniirum Galliaruni indicans vaslilalem. Quibus subscrebal non adeo velus exempluin, quod Diocletiaho et ejus collegas, ut adparilores, Caosares non résides, sed ullro citroque discui'ccnlcs oblemperabant : et in Syria Augusli véhiculant

près d'un mille, Galérius à pied, tout revêtu qu'était ce dernier de la pourpre ?

Plusieurs émissaires avaient successivement échoué près de Gallus. Arrive enfin Scudilon, tribun des scutaires, l'esprit le plus délié, le plus insinuant sous sa grossière enveloppe, qui, tour à tour cajolant et parlant raison, put enfin le décider à partir. L'hypocrite revenait à chaque instant sur la tendre impatience que le frère de sa femme, le fils de son oncle; avait de le revoir. Quelques écarts d'imprudence pouvaient-ils ne pas trouver grâce devant ce prinee si doux", si clément, qui ne voulait que lui faire part de sa grandeur, et l'associer à ses futurs travaux pour le soulagement des souffrances trop prolongées des provinces du nord?

A ceux qu'une fois elle a marqués de son sceau, la fatalité trouble le jugement, ôte l'intelligence. Gallus se laissa prendre à ces flatteuses amorces. Ranimé par les promesses d'un avenir plus heureux , il quitte Antioche sous de funestes auspices, et se dirige sur Constantinople. C'était, comme dit le proverbe, se jeter dans le feu pour éviter la fumée. Il fit son entrée dans cette ville en homme à qui la fortune sourit et qui n'a rien à craindre, y donna des courses de char, et couronna de sa main le cocher Corax, qui en était sorti vainqueur.

Cette particularité vint aux oreilles de Constance, et le mit dans une fureur inexprimable. Craignant que Gallus, dans le doute de ce qui l'attendait, ne tentât, chemin faisant, quelque moyen de pourvoir à sa sûreté, il prit soin de dégarnir de troupes toutes les vides qui se trouvaient sur son passage. Sur ces entrefaites, Taurus, qui se rendait comme questeur en Arménie,

irascentis per spalium mille passuum fere pedes antegressus est Galérius purpuratus.

Advenit post multos Scudilo scutaiïorum tribunus, velamento subagrestis ingenii persuasionisopifex cahidus : qui eum adulabili sermqne seriis admisto,soliisomnium proficisci pellexit, vultu adsimulato saspius replicando, quod flagranlibus votis eum videre frater cuperet patruelis, quod per imprudentiam gestum est, remissurus ut milis et clemens : participemque eum suas majestalis adscitum, et futurum laborum quoque socium, quos Arctoas provincias diu fessas poscebant. Utque soient manum injectanlibus fatis hebetari sensus hominum et obtundr, bis illecebris ad meliorum exspectalionem erectus, egressusque Antiochia numiue lasvo ductante, prorsus iretendebat de fumo, ut proverbium loquituç Vêtus, ad Hammam : et ingressus Constantinopolim, tamquam in rébus prosperis et securis, editis equeslribus ludis, capiti Coracis aurigas coronam imposuit ut victoris.

Quo cognito Constantius ullra mortalem modum exarsil : ac ne quo casu idem Gallus de futuris incertus, agitare quaedam conducentia saluli suas per ilinera conaretur, remoti sunt omnes de industria milites agentes in civitatibus pcrviis. Ecquc tcmpore Taurus qusostor ad Armeniam


LIVRE XIV. 23

traversa Constantinople sans aller saluer Gallus, et sans paraître faire attention à lui. Diverses personnes se présentèrent cependant de la part de l'empereur, soi-disant pour remplir près de César tel ou tel office, mais en réalité pour s'assurer de ses démarches et le garder à vue. De ce nombre était Léonce, depuis préfet de Rome, et qui se trouvait là en qualité de questeur.; Lucillien, qui prenait le titre de chef des gardes de César, et le tribun des scutaireSjJBainobaudes. ~~~—

Après une longue marche en plaine, on arriva à Andriuople, autrefois Uscudame, dans la région de l'ïïémus. Pendant un repos de douze jours que Gallus prit dans cette ville, il apprit que des détachements de la légion thébaine, cantonnés dans les villes voisines, avaient envoyé vers lui une députatiou, pour l'engager, sous les promesses les plus positives, à ne pas aller plus loin, et à compter sur l'appui de leur corps, qui se trouvait réuni dans les environs. Mais la surveillance était si stricte, que Gallus ne put un seul instant s'aboucher avec les légionnaires et recevoir leur communication. Lettres sur lettres lui arrivant toujours de la part de l'empereur, il lui fallut donc repartir d'Andrinople, réduit à dix chariots de transport, nombre limité par les ordres, et laissant en arrière tout ce qu'il avait amené de suite, à la réserve de quelques officiers de la chambre et de la bouche. Un complet abandon de tout soin de sa personne attestait la précipitation de sa marche, sans cesse bâtée par l'un ou l'autre de ses gardiens. Tantôt il gémissait amèrement, tantôt se répandait en imprécations sur la fatale témérité qui le mettait ainsi, être passif et démissus,

démissus, nec adpellato eo nec viso transivit. Venere tamen aliqui jussu Imperatoris, administrationum specie diversarum, eumdem,"ne commovere seposset, neve tënlaret aliquid occulte, custodituri : inter quos Leontiiis erat,postea urbi prasfectus, ut quasstor, et Lucillianus quasi dpmeslicorum Cornes, et scutariorum Iribunus nomine Bainobaudes. Emensis itaque longis inlervallis et planis, cum Hadrianopolim introisset urbem Hasmimonlanam, Uscudamam antebac adpellatam, fessasque labore diebus duodecim recreans vires, comperit Thebeas legiones in vicinis oppidis hiemantes, consortes suos misisse quosdam, eum, ut remaneret, promissis fidis liortaturos et firmis, fiducia sui abunde per stationes locati confines : sed observantecurapervigiliproximorum, nullam videndi vel audiendi, quas ferebant, furari potuit facultatem. Inde/aliis super alias urgentibus litteris exire, et.decem vehiculis publicis, ut prasceplum est, nsus, reîiclo palatio omni, praster paucos tori ministros et mensas, quos adduxerat secum, squalore concrètes celerare gradum compellebatur adigentibus mullis, lemeritati suas subînde débiliter imprecalus, quas eum jam despectum et vilem arbitrio subdiderat inlimorum. Inter hase tamen per inducias naturas conqiliescenlis, saucia.banturejus sensus circumstridentium terrore larvarum :

gradé, à la merci de mains subalternes. Jusque dans le silence des nuits, trêve ordinaire aux soucis humains, sa conscience troublée suscitait autour de lui des fantômes, qui l'épouvantaient par des cris funèbres. Il lui semblait voir les spectres de ses nombreuses victimes, Domitien et Montius entête, sur le point de le saisir, et de le livrer aux mains vengeresses des Furies. Car dans le sommeil l'âme, dégagée des liens* du corps, mais toujours active et préoccupée des intérêts de la vie, se crée d'ordinaire ces simulacres des choses, que la philosophie appelle visions.

Ainsi Gallus se voyait fatalement entraîné vers le terme où il devait perdre l'empire avec la vie. Il franchit rapidement les distances à l'aide des relais de l'État, et arriva à Pétobion, ville de la Norique. Là tout déguisement cessa. Le comte Barbation, qui avait commandé les gardes sous Gallus, parut avec Apodème, intendant de l'empereur. Ils avaient sous leurs ordres un détachement de soldats, tous comblés des bienfaits de Constance, et choisis par ce motif, comme également inaccessibles aux offres et à la pitié.

Le masque était levé. Un cordon de sentinelles fut mis autour du palais. Vers le soir, Barbation entre chez Gallus, lui fait quitter les vêtements royaux, et revêtir une tunique et un manteau ordinaire, ne cessant toutefois de protester avec serment que les ordres de l'empereur étaient de ne pas pousser les choses plus loin ; mais à l'instant même il lui dit : « Levez-vous ; ». puis le fait monter dans un chariot de simple particulier, et le conduit près delà ville dePola en Istrie, où l'on sait que Crispus, fils de Constantin , fut mis à mort.

interfectorumquecatervas,Domiliano etMonlio prasviis, çorreptum eum, ut existimabatin somnis, uncis furialibus objeclabant. Solutus enimcorporeis nexibus animus, semper vigens motibus indefessis, et cogitalionibus subjeclus et curis, quas mortalium sollicitant mentes, colligit visa nocturna, quas phantasias nos adpellamus.

Pandente. itaque viam fatorum sorte trislissima, qua prasstitutum erat eum vita et imperio spoliari, ilineribus interjectis permutatione jumentorum emensis, venit Petobionem oppidum Noricorum : ubi reseratas sunt insidiarum latebras omnes, etBarbalio repente adparuit Cornes, qui sub eo domesticis prasfuit, cum Apodemio agenle in rébus, milites ducens, quos beneficiis suis oppigneralos elegerat lmperator, certes, nec prasmiis nec miseratione ulla posse deflecli..

Jamque non adumbratis fallaciis res agebalur : sed qua palalium est extra muros, armalis omne circumdedit. Ingressusque obscuro jam die, ablatis regiis indumentia, Cassarem tnnica texit et paludamenlo communi, eum post base nihil passuruni velut mandate priucipis jurandi crebritate confirmans : et Slatim, inquit, exsurge : et inopinum carpento privato imposilum , ad Islriani duxil prope oppidum Polam , ubi quondam pereniplum Constantin! iilium accepteras Crisoum. Et cum ibi servarctur


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AMMIEN MARCELLIN.

Tandis qu'il était là gardé de près, et que son imagination /terrifiée, anticipait les horreurs du dénoûment, arrivent en toute hâte Eusèbe, grand chambellan, et Mellobaudes, tribun de l'armature, chargés par l'empereur de lui faire subir un interrogatoire particulier sur chacun des meurtres commis en son nom à Antioche. Gallus, à cette annonce, devint pâle comme Adraste, et recueillit à peine assez de force pour dire que les instigations de sa femme Constantine avaient fait presque tout. Apparemment il ignorait cette belle parole d'Alexandre le Grand à sa mère Olympias, qui lui démandait la mort d'un innocent, comme récompense, disait-elle, d'avoir porté ce prince neuf mois dans son sein. « Demandez autre chose, ma mère ; aucun bien« fait n'équivaut à la vie d'un homme. » Constance fut piqué jusqu'au vif de cette excuse ; il ne vit plus de salut pour lui-même que dans la perle de Gallus. Et, sans plus attendre, il dépêcha Sérénien , que l'on a vu plus haut échapper, comme par miracle, à l'action de lèse-majesté, de concert avec le notaire Pentade et son iutendant Apodème, avec ordre de procéder à l'exécution.

On lia donc les mains à Gallus comme à un voleur, et le fer trancha sa tête, ne laissant qu'un tronc informe de ce prince, naguère la terreur des villes et des provinces. Mais la justice divine se signala doublement en cette circonstance; car si Gallus n'encourut que la peine due à ses cruautés, les deux traîtres dont les caresses et les parjures l'avaient fait tomber dans le piège où l'attendait la mort eurent également tous^deux une fin misérable. Scudilon périt d'un ulcère qui lui fit rendre les poumons. Quant à

artissime, terrore propinquantis exitus jam prassepultus, adcurrit Eusebius, cubiculituncpraepositus, Pentadiûsque notarius, et Mellobaudes armalurarum Iribunus, jussu Imperatoris compulsuri eum singillatim docere, quam ob causam quemque apud Antipcbiam necatorum jusserat trucidari. Ad quas Adrasteo pallore perfusus, hactenus valuit loqui, quod plerosque incitante conjuge jugulaverit Constanlina : ignorans profecto, Alexandrum Magnum urgenti matri, ul oceideret quemdam insonlem, et diclitanli, spe impetrandi postea, quas vellet, eum se per. novem menses utero portasse prasgoanlem, ita respondisse prudenler -.Aliam, parens optima, posée mercedem; hominis enimsalus benefwio nullo pensalur. Quo comperto, irrevocabili ira princeps percilus el dolore, fîduciam omnem fundandae securitatis in eodem posuit abolendo. Et misso Sereniano, quem in crimen majestalis vocatum, prassligiis quibusdam absolulum essësupra monstravimus, Pentadio quineliam notario, et Apodemio agente in rébus, eum capitali supplicio deslinavil : et ita colligalis manibus in modum noxii cujusdam lalronis cervice abscissa, ereplaque vultus et capitis dignilate, cadaver est reliclum informe, paullo ante urbibus et provinciis formidatum. Sed vigilavit utrubique superni numinis asquilas. Nara et Gàllum actus oppressere crudeles, et non diu postea ambo cruciabili morte absumpti sunt, qui eum, licet nocentem,

Barbation, qui de longue main s'était fait arme du faux comme du vrai contre son propre maître , on le vit, il est vrai, parvenir au rang de général de l'infanterie; mais, sacrifié lui-même à une sourde accusation de porter plus haut ses vues, il ne tarda pas à faire de son sang une offrande funèbre aux mânes du prince qu'il avait trahi. ,/

Ici, comme en mille autres exemples (et que * n'en est-il toujours de même ! ), il faut reconnaître la main d'Adraste ou Némésis,, car on lui donne ces deux noms. Quelle que soit l'idée qu'ils représentent , ou juridiction rémunératrice et vengeresse, rendant ses arrêts, suivant l'opinion vulgaire, d'une région des cieux élevée au-dessus du globe de la lune; ou, suivant une autre définition, intelligence toute-puissante et tutélaire, dont la sollicitude, à la fois générale et individuelle, préside aux destins de l'humanité ; ou fille de la justice, d'après la théogonie ancienne, qui des profondeurs de l'éternité surveille invisiblement toutes choses ici-bas ; ces deux noms n'en expriment pas moins la souveraine puissance , arbitre des causes, dispensatrice des effets; celle qui tient l'urne des destinées, crée les vicissitudes, renverse les combinaisons de la prudence mortelle, et du conflit |dés circonstances fait jaillir des résultats inattendus^ celle encore qui, enchaînant l'orgueil humain des noeuds inextricables de la nécessité, donne à son gré le " signal des élévations et des abaissements de fortune , abat et prosterne les esprits superbes, inspirant aux humbles et aux simples le courage de sortir d'abjection. La fabuleuse antiquité lui a prêté des ailes, pour faire entendre qu'elle se

blandius palpantes, perjuriis adusque plagas perduxere létales : quorum Scudilo destillalione jecoris pulmones vomitans interiit : Rarbatio, qui in eum jam diu falfa composuerat crimina, cum ex magisterio peditum altius nili quorumdàm susurrisincusareter, damnatuSj exslincti per fallâcias Caesaris manibus lacrymoso obifu pareritavit. Hase el hujusmodi quaedam innumerabilia ultrix. facinorum impiorum, bonorumque prasrniatrix aliquoties operatur Adraslia (atque ulinam semper!) quam vqcabiilo duplici etiam Nemesiu adpellamus : Jus quoddam sublime numinis efficacis, humanarum mentium opinione lunari circule superpositum, vel, ut definiunt alii, subslantialis lutela generali potenlia partilibus prassidens fafis : quam theologi veteres lingentes Juslitias ûliam, ex abdfia quadam aslernitaleti admit omnia despectareterrcna.Hascutregma causarum, et arbitra rerum aedisceptatrix, urnarii sortium tempérai, accidentium vices alternans : volunlatumque nostrarum exorsa inlerdum alio, quàin qiio contendebant, exitu terminans, multipliées actus permutaudo convolvil. Eademque necessitatis insolubili reliuaculo mortalitatis vinciens fastus lumentes incassum, el incrementorum detrimentorumque momenta versans, ul novit, nunc erectas mentium cervices opprimit el énervât : nunc bonos ab imo suscitans,. ad benc vivendnm extollit. Pinnas autem ideo illi fabulosa vctuslas aplavit, ut adesse vc-


LIVRE XIV. 25

porte partout avec la rapidité de l'oiseau. On lui met aussi un gouvernail en main , et une roue sous les pieds ; double emblème de son pouvoir et de sa mobilité.

Ainsi périt Gallus d'une mort prématurée, qui cependant fut pour lui-même une délivrance. Il avait vécu vingt-neuf ans, et en avait l'égné quatre. Il était né à Massa dans le Siennois, en Toscane, de Constance, frère de l'empereur Constantin, et de Galla, soeur de Rufm et de Céréalis, revêtus tous deux des insignes de consul et de préfet. Gallus était d'une figure avantageuse; sa taille était bien prise, ses membres exactement proportionnés, sa. chevelure blonde et fine ; et quoique sa barbe ne fit que commencer à poindre en duvet, tout son air annonçait une maturité anticipée. Quant au moral, le contraste était plus grand entre son humeur et l'aménité de ' Julien, son frëre, qu'entre les caractères des deux fils de Vespasien, Domitien et Titus. Élevé par la fortune au plus haut degré de faveur, il subit un de ces retours dont elle bouleverse en se jouant l'existence humaine, plaçant un homme audessus des nues, et l'instant d'après le précipitant dans l'abîme. Les exemples de ces vicissitudes arrivent en foule sous ma plume; mais je veux borner mes citations.

locitale volucri cunctis existimetur : et prastendere gubernaculum dédit, eique subdidit rolam, ut universitatem regere per elemenla discurrens omnia non ignoretur.

Hoc immaturo interitu, ipse quoque sui pertassus, excessif e vita astatis anno nono atque vigesimo, cum quadriennio imperasset : natus apud Tuscos in Massa Veternensi, pâtre Conslantio, Conslantini fratre Imperaloris, nialreque Galla sorore Rufini et Cereâlis, quos trabeas consulares nobilitarunt, et prasfecturas. Fuit aulem forma conspicuus bona, décente (ilo corporis, membrorumque recta compage, flavo capillo et molli, barba licet recens émergente lanugine lenera, ila tamen, ut maturius auctorilas emineret : tanlum a lemperatis moribus Juliani differens fratris, quantum inter Vespasiani filios fuit Domitianum el Titum. Adsumptus aulem in amplissimum fortunas fasligiurn, versabiles ejus motus expertes est, qui ludunt mortalitatem : nunc -evehentes quosdam ad sidéra, nunc in Cocyti profunda mergenles. Cujus rei cum innumera sint exempla, pauca lactu summo transcurram.

C'est cette même fortune inconstante et mobile qui du potier Agathoclefit un roi de Sicile; et du tyran Tienys, l'effroi de ses peuples, un maître d'école à Corinthe. C'est elle qui fit passer pour Philippe, un Andriscus d'Adramytte, né dans un moulin à foulon, et réduisit le fils légitime de Persée à se faire apprenti forgeron pour gagner sa vie. C'est elle encore qui t livre aux Numantins Mancinus, déchu de son commandement, abandonne Véturius aux représailles des Samnites, Claudius à la cruauté des ' Corses, et Régulus aux atroces rancunes de Cartilage. Sa rigueur met à la merci d'un eunuque d'Egypte ce Pompée à qui tant d'exploits avaient mérité le surnom de Grand. Un esclave échappé de la gêne, Eunus, s'est vu général d'une armée de fugitifs. Que de nobles personnages, par l'effet de ses caprices, ont fléchi le genou devant un Viriathe ou un Spartacus ! Que de têtes, dont un signe faisait tout trembler, sont tombées sous la main d'un ignoble bourreau ! Tel se voit chargé de chaînes, tel est précipité du faîte des grandeurs. Qui peut vouloir énumérer tous ces exemples? L'entreprise serait aussi folle que compter les grains de sable des mers, ou supputer le poids des montagnes.

Hase forluna mulabilis et inconstans fecit Agathoclera Siculum ex figulo regem, et Dionysium, gentium quondam terrorem, Corinlhi litterario ludo praefecit. Haec Adramytenum Andriscum in fullonio natum , ad Pseudo Philippi nomen evexit : et Persei legitimum hlium artem ferrariain ob qûasrendum docuit Viclum. Èadem Manch'ium post imperium dedidit Numanlinis, Samnilum atrocilati Veturium, et Claudium Corsis, subslravitque ferilati Cartbaginis Regulum : istius iniquilate Pompeius, post quassitum Magni ex rerum gestarum amplitudine cognomentum, ad spadpnum libidinem in ./Egypte trucidalur. Et Eunus quidam ergastularius servus ductavit in Sicilia fugilivos. Quam multi splendido loco nali, eadem rerimi domina connivente, Viriathi genua sunt amplexi vel Spartaci ? quot capita, quas horruere gentes, funesti carnifices absciderunt? Alter in vincula ducilur, aller insperatas prasficitur potestati-, alius a summo culmine dignitatis excutitur. Quas omnia , si scire quisquam velit, quam varia sint et adsidua, arenarum numerum idem jam desipiens, et montium pondéra scrutari putabit.


LIVRE XV.

SOMMAIRE DES CHAPITRES.

I. On annonce à l'empereur la mort du CésarGallus. IL Ursicin, général de la cavalerie en Orient, Julien, frère de Gallus, et le chambellan Gorgonius, accusés du crime de lèse-majesté. III. Rigueurs exercées contre les amis et serviteurs de Gallus. IV. Constance taille en pièces ou met en fuite les Allemands Lenfiens (l). V. Sylvain, Francde naissance, et général de l'infanterie dans les Gaules, est salué empereur à Cologne. Il tombe dans un piège, et périt après vingt-huit jours de règne. VI. Les amis et complices de Sylvain sont mis à mort. VII. Séditions réprimées à Rome par le préfet Léonce. L'évêque Libère est enlevé de son siège. VIII. Constance donne le titre de César à Julien, frère de Gallus, el lui confie l'administration des Gaules. IX. Origine des Gaulois. Étymologie des noms de Celtes eldeGalales. Corporations savantes chez ces peuples. X. Alpes Gauloises. Communications ouvertes au.travers de ces montagnes. XI. Divisions du territoire, et description sommaire des Gaules el du cours du Rhône. XII. Moeurs des Gaulois. XIII. Musonien préfet du prétoire en Orient.

(An 354 ap.'J. C.)

Le livre qui précède, fidèle, autant qu'il a dépendu de moi, aux lois de la vérité, résume par ordre ce que j'ai vu moi-mêmedes faits contemporains de ma jeunesse, et ce que j'ai recueilli, non sans examen, de la bouche de personnes mêlées à tous ces événements. Dans la période qui s'ouvre avec le suivant, j'ai dû, observateur plus mûr, entrer plus profondément dans la matière ; et je l'ai fait sans reculer devant ce qu'une critique malveillante appellerait lon(i)

lon(i) de Linlz.

LIRER XV.

Mors Gal|i Cossaris imperalori niincialur. C. I. Ursicinus Magisler equitum per Orienlem, Julianus Galli Coes. Iraler, et Gorgonius praîposïlus Cassariani cubiculi, accusantur roajeslatis. II. In Galli Coesaris amicos el ministros animadvertitur. III. Lentiensés Alamanni a Constantio A. parscassi, pars fugati. IV. Silvanus Francus. magister pedilum per Gallias, Gplonias Augustes adpellalur, el XXVIII imperiidie perinsidias opprimitur. V. Silvani amici et conseii necali. VI. Ab Leontio prasfeclo urbi populi R. sediUones repressas. Liberius episcopus sede pulsus. VII. Julianus Galli fraler a Constantio A. fralre patrueli Coesar cvealur ac prashcilur Galliis. VIU. De origine Gallorum ; et unde dicti Celtoe acGalalas; deque eoruni docloribus. IX. De Alpibus Gallicanis ; et ,de variis per eas itineribus. X. Brevis diVisio ac descriplio Galliarum ; et cursus fluminis Ehodani. XI. De moribus Gallorum. XII. De Musouiano, proefeclo proetorio per Orienlem. XIII.

(A. C. 354.)

Ulcumque poluimus veritatem scrulari, ea, quas videre licuit per aetatem , vel perplexe interrogando versâtes in medio scire, narravimus ordine casuum exposilo divergueurs.

divergueurs. concision qu'il faut louer est celle qui élague les superfluités sans rien faire perdre de la substance.

. I. A peine avait-on arraché à Gallus le vêtement royal en Norique, qu'Apodème, le plus ardent des promoteurs de la discorde tant que ce prince avait vécu, s'empare de sa chaussure, et, avec une précipitation qui lui fit crever plusieurs chevaux, malgré la fréquence des relais disposés sur sa route , pousse droit à Milan, jaloux de l'honneur d'annoncer le premier la nouvelle. A peine arrivé, il court au palais , et jette cetle dépouille aux pieds de Constance, du-même air qu'il eût fait un trophée conquis sur le roi des Parthes. L'annonce eut bientôt circulé. En apprenant avec quelle promptitude s'est accompli, comme à souhait, ce coup d'État si hasardeux, les courtisans d'épuiser à l'envi toutes les formules adulatrices, et de porter jusqu'aux nues le courage et le bonheur d'un prince qui par deux fois, à des époques différentes, avait d'un signe abaissé deux puissances telles que Vétéranion et Gallus, aussi aisément qu'on licencierait deux recrues. Enivré du parfum de ces flatteries, Constance en vint à se croire de bonne foi au-dessus de la condition humaine. On le vit s'oublier jusqu'à se conférer à lui-même l'éternité dans les lettres qu'il dictait, et jusqu'à s'intituler le maître de la terre, dans celles qu'il écrivait de sa main. Et cependant n'eût-il pas dû s'offenser plutôt d'être ainsi qualifié par d'autres, lui qui mettait tant

sorum : rcsidua, quae séqiraturus aperiet lexlus, pro virium capte limalius absolvemus, nihil obtrcclalores longi, ulpulant, ope-ris formidantes. Tune finira laudanda est brevitas, cum moras rumpens intenipeslivas, nihil • sublrabit cognitioni gestorum.

I. Nondum apud Koricum exulo penibis Gallo, Apoderaius, quoad vixerat, igneusturbarum incenlôr, raptesejus calceos vebens equorum permutatione veloci/nlnimielata cogendi quosdam exslingueret, prascursorius index Mediolanum advenit : ingressusque regiam ante pedes projecit Constantii, velut spolia régis occisi Parthorirai : et perlato nuntio repentino, doeente rem insperatam et arduani ad senlentiam tota facililate complétera, hi, qui summain aulam leneban't, omni placendi studio in adulationem ex more collato, virtutem felicilalenique Imperaloiis exlolleliant in caslum -.'cujusnutu, in modum gregariorum militera , licel diversistemporibus, duo exauctorati sunl principes, Veteranio nimirnm et Gallus. Quo.ille studio blandiliarum exquisito sublatus, immunemque se deinde fore ab omni mortalilalis iucommodo fidenter exislimans, confeslira a justitia declinavit ita intemperanier, ul aslcrnitalem eam aliquoties adsereret ipse diclando, scribendoque propria, manu orbis tolius se dominuni adpellarct : quod

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LIVRE XV. 27

d'affectation à se modeler sur ceux de ses prédécesseurs qui avaient conservé dans leur personne les habitudes républicaines ? Son pouvoir en effet eût-il embrassé ces mondes sans nombre imaginés par Démocrite, et dont la pensée mortifiante, suscitée chez Alexandre par les sarcasmes d'Anaxagore, poursuivait le conquérant jusque dans ses rêves; encore lui eût-il fallu ne vouloir rien lire et se boucher les oreilles, ou reconnaître avec tout le monde ( car c'est un axiome vulgaire en physique) que cette terre, qui nous paraît sans bornes, n'est qu'uu point dans l'immensité.

II. La catastrophe déplorable de Gallus fut le signal de nouvelles persécutions judiciaires. L'envie, ce fléau de tout ce qui est bon, de plus en plus acharnée sur Ursicin, parvint à susciter contre lui une accusation de lèse-majesté. Le grand danger de sa position était dans le caractère de l'empereur, obstinément prévenu contre toute justification franche et loyale, et toujours prêt à accueillir les secrètes insinuations de la calomnie. « Le nom de Constance, disait-on, n'é-> « tait plus même prononcé en Orient. Pour gou« yerner comme pour combattre, tous les voeux «■ y appelaient Ursicin ; lui seul était capable de « tenir les Perses en respect. » Impassible et résignée, cette grande âme, au milieu de ces périls, ne songeait qu'à maintenir sa dignité intacte. Mais ce n'était pas sans gémir intérieurement de la faible protection que trouve un homme de bien dans son innocence. Sa grande affliction était de voir ses amis, naguère si empres* ses autour de lui, se ranger du côté de la faveur, comme des licteurs passent, suivant le cérémonial,

dicenlibus aliis, indignanter admodum ferre deberet is, qui ad asmulationem civilium principum vitam formare moresque suos, ut prasdicabat, diligentia laborabat enixa. Namque, etiamsi mundorum infinitates Democrili regeret,

, quos Anaxarcho incitante Magnus somniabat Algsander, id reputasset legens vel audiens, quod (ut docentîna'lhematici concinentes) ambilus terras lotius, quae nobis videtur iinmensa, ad magnitudinem universitatis instar brevis oblinet puncli. .

II. Jamque post miserandam <3eleli Cassaris cladem, sonante perïculonim judicialium tuba, in crimen lassas majestatis arcessebatur'Ursicinus, adulescenle magis magisque contra ejus salutemlivore, omnibus bonis infeste. Hac enim superabatur difficultate, quod ad suscipiendas defensiones asquas et probables Imperatoris aures occlusse, patebant susurris insidiantium clandestinis : qui Constante nomine per Orientis tractus omnes abolito, antedic•

antedic• ducem domi forisque desiderari, ut formidolosum I'ersicas genli fingebant. Sed contra accidentia vir magnaninius stabat immobilis, ne se projiceret abjectius, cave'ns, parnm tuto loco iunocenliam stare medullitus gemens : hocque uno (rislior, quod amici antehasc fréquentes ad poliorcs desciverant, ut ad successores, officiorum more poscenle, soient trausire lictores. Impugnabat aulem

du fonctionnaire sortant au nouveau titulaire. Son collègue Arbétion lui portait les plus rudes coups, tout enaffichantpourlui laplusvive sympathie, par les louanges qu'il donnait publiquement à son caractère. Arbétion était singulièrement habile à ourdir des trames contre les gens de bien, et son crédit était immense. Sa manoeuvre était celle du serpent, qui, de son ténébreux repaire, # guette le passant pour s'élancer sur lui à l'improviste. Ce simple soldat, parvenu aux premières dignités militaires, qui n'avait point de provocations à repousser, point d'injuresà venger, n'en était pas moins dévoré d'une insatiable envie de nuire. Il fit si bien que, dans un conseil secret présidé par l'empereur, et où les plus intimes confidents furent seuls admis, on décida qu'Ursicin serait enlevé de nuit, et, sans autre forme de jugement, mis à mort loin des yeux de l'armée. C'est ainsi, dit-on, qu'un autre défenseur de l'empire, également habile et irréprochable, Domitius Corbulon, disparut au milieu de l'orgie sanglante du règne de Néron. On n'attendait pour exécuter ce plan qu'un moment favorable; mais dans l'intervalle il y eut un retour :aux idées de modération, et l'on jugea devoir remettre l'affaire eu délibéré avant de passer outre.

Tous les efforts de la calomnie se tournèrent alors contre Julien, qui, dans la suite, rendit soii nom si célèbre. On crut avoir découvert deux Chefs d'accusation contre lui. En. premier lieu, il avait quitté sa retraite forcée de Macellum en Cappadoce. Entraîné par ses goûts scientifiques, il avait fait effectivement une excursion en Asie. Second grief : il s'était trouvé à Constantinople sur le passage de son frère. Sa justification fut

eum per fictas benignitalis illecebras collega, et virum fortem propalam saspe adpellans Arbetio, ad innectendas létales insidias vitae simplici perqnam callens, et ea tempestate nimium potens. Ut enim sublerraneus serpens foramen subsidens occultera, adsultu subite singulos transitbres observans incessit : ita ille ab imae sortis gregario ad summum evectus mililias munus, nec laesus aliquando nec lacessitus, inexplebili quodam lasdendi proposilo conscientiam polluebat. Igilur paucis arcaporum prasfectis consciis, latenter cum Iniperatore.sentenliam roganle id sederat, ut nocte ventura procul a conspectu militarium raplus Ursicinus indemnatus occideretur, ut quondam Domitius Corbulo dicitur cassus in colluvione illa Keroniani sasculi, provinciarum fidus defensor et caulus. Quibus ita composilis, cum ad hoc destinali prasdictum tenipus -opperirentur, consilio in lenitudinem (lexo, facinus inipium ad deliberationem secundam differri prasceplum est. Indeque ad Julianum recens perductum calumniarum vertitur machina, memorabilem postea principem, gemino crimine, ut iniquitas asslimabat, implicitum : quod a Macelli fundo in Cappadocia posito, ad Asiam demigrarat liberalium desiderio doctrinarum, et perConslanlinopolim franseuntem viderat fratrem. Qui cum objecta dilueret, ostcnderetque neutrum sine jussu fecisse, nefando adscula-


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péremptoire : il prouva que dans ces deux cas ses démarches avaient été autorisées. Mais il n'en eût pas moins succombé sous les efforts combinés des courtisans si la reine Eusébie, mue sans doute par une inspiration surnaturelle, n'eût elle-même intercédé pour lui. On se borna donc à le reléguer à Côme, près de Milan , où il ne fit qu'une résidence assez courte. Son ardente passion pour le culte de l'intelligence trouva bientôt à se satisfaire dans la permission qui lui fut donnée de se retirer en Grèce.

Quelques autres des procès intentés à cette époque eurent aussi ce qu'on pourrait appeler une heureuse issue : ou la persécution échoua, " ou la justice n'atteignit que de vrais coupables. Néanmoins il arriva plus d'une fois que le riche obtint l'impunité par une obsession opiniâtre, et par la corruption pratiquée sur une grande échelle ; tandis que ceux qui avaient trop peu, ou qui n'avaient rien pour payer la rançon de leur vie, étaient impitoyablement jugés et condamnés. Ainsi vit-on plus d'une fois la vérité succomber sous le mensonge, et le mensonge érigé en vérité. On fit aussi le procès à Gorgonius, chambellan de César. Mais, bien qu'il fût convaincu par ses propres aveux d'avoir été le complice et quelquefois l'instigateur des excès de son maître, la cabale des eunuques sut si bien travestir les faits, que le coupable échappa au châtiment.

III. Pendant que de telles scènes affligeaient Milan, un grand nombre d'officiers et de gens de cour arrivaient prisonniers à Aquilée. Ces malheureux se traînaient lauguissamment sous le poids des chaînes, maudissant une vie qui leur imposait de semblables souffrances. On les accusait d'avoir été les ministres des fureurs de Galtorum

Galtorum perisset urgente, ni adspiratione superni nuininis, Eusebia suffragante regina, ductus ad Comum oppidum Mediolano vicinum, ibique paulisper moratus, procudendi ingenii causa, ut cupidine flagravit, ad Graeciam ire permissus esset. Nec defuere deinceps ex his emergentia casibus, quas dispiceres secundis avibus contigisse, dum punirentur ex jure, vel tamquam irrita dif(luebant et vana. Sed accidebat nonnumquam, ut opulenli puisantes prassidia potiorum, iisdemque tamquam ederas celsis arboribus adhasrentes, absolutionem preliis mercarentur immensis : tenues vero, quibus exiguae vires erant ad redimendam salutem aut nullas, damnabanlur abrupte. Ideoque et veritas niendaciis velabatur, et valuere pro veris aliquoties falsa.

Perductus est iisdem diebus et Gorgonius, cui eral tbalami Cassariani cura commissa : cumque eum ausorum fuisse participera concitoremque interdum, ex confesso pateret, conspiralione spadonum, justitia concinnatis.' mendaciis obumbrata, periculo evolutus abscessit.

III. Hase dum Mediolani agunlur, Mililarium calervas ab Oriente perdùctas sunt Aquileiam , cum aulicis pluribus, membris inter catenas fluentibus spirilum trahenles exiguum, vivendique moras per aerumnas detesfati mulIus,

mulIus, pris une part active aux atroeités exercées contre Domitien et Montius, et à toutes, les exécutions précipitées dont tant d'autres avaient été victimes. Mission fut donnée d'entendre les accusés à Arhoreus et à Eusèbe, grand chambellan de l'empereur; deux esprits arrogants jusqu'à la forfanterie, deux hommes d'injustice et de violence. Ceux-ci ne prirent même pas la peine d'examiner; et, sans distinction d'innocents et de coupables, ils exilèrent les uns, après les avoir fait battre de verges ou passer par les tortures, eu firent descendre un certain nombre au rang de simples soldats ; le reste paya de sa vie.

Après avoir ainsi chargé les bûchers de victimes, lesdeux commissaires revinrenttriomphants rendre compte de leur mission à l'empereur, qui cette fois, comme en toute occasion, fit preuve d'endurcissement et de rancune persévérante. Dès ce moment, et par une sorte d'impatience d'avancer le terme assigné à chacun par les destinées , Constance ouvrit son âme tout entière aux délateurs. Aussi vit-on bientôt pulluler cette espèce de limiers de bruits publics. Leur fureur déchira d'abord à belles dents les hauts dignitaires, et finit par s'en prendre aux petits comme aux grands. Il n'en était pas de cette engeance comme des frères Cibyrates de Verres, qui léchaient le tribunal d'un seul préteur : leur rage à eux s'attaquait à toutes les parties de l'État, pour y faire sans cesse de nouvelles blessures.,Les coryphées de cette industrie étaient Paul et Mercure, ce dernier Perse d'origine, l'autre Dace de naissance. Le premier était notaire ; le second, d'officier de la bouche était devenu maître des comptes. Paul, avons-nous dit, s'était acquis le

liplices. Arcessebanlur enim ministri fuisse Galli ferocîéntis, perque eos Domifianus discerplus credebatur, et Montius , et alii post eos acti in exitium prasceps. Ad quos audiendos Arboreus missus est, et Eusebius cubiculi tune praspositus, ambo inconsideratas jaclantjas, injusti pariter et cruenti ■.quinullaperspicacitate,sineinnocentiumsontiunique differentia, alios verberibus vel tormentis: adlliclos exsulari poena danraarunt, quosdam ad infimam trnserc mililiam, residuos capitalibus addixeré suppliciis. Inipletisque funerum bustis, reversi velut ovantes, gestaretuleruiit ad principem, erga base el similia palanï obstinatum et gravera. Veliemenlius bine el deinde Constanlius, quasi praescriptum fatorum ordinem cpnvulsuf us, recluso peclore patebat insidiantibus mullis. Unde rumorum aucupes subito exstilere complures, honorum yertices ipsos ferinis morsibus adpelenles, posleaque pauperes et divjtes indiscrète : non ut Cibyratas illï Verrini, tribunal umus legati lambentes, sed rei publicas membralotius per incidentia mala vexantes. Inter quos fa'cile Paulus et Mcrcunus eminebanl : hic origine Persa ; ille natus in Dacia : notanus ille; hic ex minislro triclinii ralionalis. Et Pâulo quidem, ut relatum est supra, Catenas indilum est cognoraentum, eo quod in complicandis calumniarura nexibus.


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surnom de Calena (chaîne ). Et, en effet, une accusation dans ses mains devenait tout à fait inextricable, tant il déployait d'adresse et de ressources d'esprit à ourdir le réseau meurtrier de la calomnie ; semblable à ces lutteurs qui tiennent encore leur homme au talon, quand déjà il se croyait hors de leur étreinte. Mercure était surnommé le comte des songes, parce qu'il se faufilait en tapinois dans les cercles et dans les festins, à la façon d'un chien hargneux qui remue la queue pour cacher l'envie qu'il a de mordre; et si dans les épanchements de l'intimité un convive venait à conter ce qu'il avait vu dans son sommeil, moment où, comme on sait, l'imagination se donne carrière, vite Mercure allait en glisser le récit, chargé des plus noires couleurs,.dans l'oreille du prince, toujours avide de cette espèce de communication. L'illusion du sommeil devenait dès lors crime impardonnable, et il n'en fallait pas plus pour avoir à répondre aux accusations les plus graves. Ce péril d'un genre nouveau fut bientôt connu , et la renommée ne manqua pas de le grossir. Aussi chacun devint si discret sur ce qu'il avait rêvé, qu'à peiue, devant un étranger, voulait-on convenir qu'on eût dormi ; jusquelà. que ceux qui avaient quelque lecture gémissaient de n'être pas nés dans l'Atlantide, pays'" où l'on dort, dit-on, sans songer ; ce que nous laisserons expliquer à de plus savants que nous.

Au milieu de cette hideuse série d'informations et de supplices, quelques paroles inconsidérées allumèrent en Illyrie un nouveau foyer de persécutions. Dans un dîner donné à Sirmium par Africanus, gouverneur de la seconde division delaPannonie, et où le vin avait circulé plus que de raison, laconfiance de n'avoir point d'auditeurs suspects lâcha la bride aux doléances

«rat indissolubilis, tetra venena serens, varieque disperâens : ut in colluctalionibus calce tenere quidam soient artifices palasstrilas. Mercurius somniorum adpellatus Cornes , quod, ut clam mordax canis, interno vitio submissus, agilans caudam, epulis coetibusque se crebris inserens, si per quietem quisquam, ubi fusius nalura vagatur, vidisse aliquid aniico narrasset, id veuenatis artibus coloralum in pejus, patulis imperatoris auribus infundebat : et ob hoc homo tamquam inexpiabili obnoxius culpas, gravi mole ciiminis pulsabatur. Hase augente vulgaliu's fama, lantum aberat, ut proderet quisquam visa nocturria, cum asgre homines dormisse sese proesentibus faterentur externis : masrebanlque docti quidam, quod apud Allanteos nati non essent, ubi memoranlur somnia nonvideri : quod unde eveniat, rerum scientissimis relinquamus.

Inter hasquasstionum siippliciorumque species diras, in Ulyrico exoritur alia clades, ad multorum pericula ex verborum inanitate progressa. In convivio Africani Pannonias secundas rectoris, apud Sirmium poculis amplioribus madelacti quidam, arbitrum adesse nullum existimantes, licenler imperium prassens ut moleslissimum incusabant : e quibus alii optatam permutationem temporum

sur les excès du gouvernement. Quelques-uns affirmèrent que les présages annonçaient une révolution imminente autant que désirée; d'autres, avec un inconcevable oubli de toute prudence, osaient se vanter de prédictions de famille. Parmi les convives se trouvait Gaudence, agent du fisc, le plus borné, le plus irréfléchi des hommes, qui vit un crime d'État dans ces propos de table, et s'empressa d'en rendre compte à Rufin, chef des * appariteurs du préfet du prétoire, brouillon dangereux et pervers par essence. L'avis lui donna des ailes. Il se rend aussitôt à la cour, voit l'empereur, et opère si puissamment par ses discours sur cette âme pusillanime, et prête à recevoir toute impression de ce genre, que, sans délibé-. ration préalable, l'ordre formel est donné d'enlever subitement tout ce qui a pris part au fatal banquet. L'odieux délateur obtint, pour ce service , une prorogation de son emploi pour deux ans; grâce sollicitée par lui avec cette passion dont se prend d'ordinaire l'esprit humain pour les choses hors de règle.

Teutomer, protecteur, eut mission, de concert avec unde ses collègues, de se saisir des personnes dénommées, et de les ramener chargées de chaînes. Mais, durant une station que fit l'escorte à "Aquilée dans une auberge, Marin, ancien instructeur militaire, devenu tribun , celui-là même qui avait donné l'exemple des propos, homme d'ailleurs à résolutions extrêmes, voyant les gardiens occupés de quelque soin du voyage, saisit un couteau qui se trouve sous sa main, s'en ouvre le ventre, s'arrache les entrailles, et expire aussitôt. Les autres captifs, conduits à Milan, y firent au milieu des tortures l'aveu d'avoir, dans l'entraînement d'un festin, laissé échapper quelques paroles indiscrètes. On les jeta en prison, en

adventare, velufi e prassagiis adfirmabant : nonnulli majorum auguria sibi portendi incogitabili demenlia promittebant. E quorum numéro Gaudentius, agens in rébus, mente prascipiti stolidus, rem ut seriam detulerat ad Rufinum, adparilionis p'rasfecturas prastorianas lune principem, ultimorum semper avidum honiihein, et coalita pravitate famosum. Qui confestim, quasi pinnis elatus ad coniitatum principis advolavit : eumque ad suspiciones hujusmodi mollem et penetrabilem, ita acriter inlïammavit, ut sine deliberatione ulla Africanus, et omnes lelalis . mensas participes juberentur rapi sublimes. Quo facto délator funestus, vetita ex more humano validius cupiens, biennio id quod agebat, ut postularat, continuare prasceptus est. Missus igitur ad eos corripiendos Teutomeres proleclor domeslicus cum collega, onustos omnes catenis, ut mandatum est, perducebat. Sed ubi venlum est Aquileiam, Marinus tribunus ex campidoctore eo tempore vacans, auctor perniciosi sermonis, et alioquin naluras ferventis, intaberna relictus,dum paranlur ilineri necessaria, lateri suo cultrum casu reperlum impegit, stalimque exlractis vitalibusinteriit.P.esidui ductiMediolanum, excrucialioue lormenlis, et confessi vi quasstionis, inter


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leur laissant entrevoir l'espérance douteuse d'obtenir leur grâce. Les deux officiers, complices supposés du suicide de Marin, furent condamnés à l'exil; mais Arbétion intercéda pour eux, et la peine leur fut remise.

IV. Peu de temps après l'issue de cette affaire, la guerre fut déclaréeaux Allemands Lentiens(l), qui ne cessaient de franchir leurs limites, et de pousser au loin leurs incursions sur le territoire de l'empire. Constance prit en personne le commandement de l'expédition, et vint camper dans les champs Canins en Rhétie. Là le plan de campagne fut longuement élaboré, et l'on décida qu'il y avait à la fois honneur et avantage à prendre l'initiative. Arbétion, général de la cavalerie , dut en conséquence marcher à l'ennemi avec la meilleure partie des forces de l'armée, en côtoyant le lac Brigance. Mais, pour l'intelligence de ce qu'on va lire, il est bon de donner une courte description des lieux. ( Entre les anfractuosités de hautes montagnes ,** le Rhin fait soudain jaillir sa source avec une impétuosité terrible, et, jusqu'alors sans affluent, se précipite au travers de rochers escarpés, comme leNil à ses cataractes. Il serait dès lors navigable, si cette partie de son cours n'était plutôt un torrent qu'une rivière. Redevenu libre dans sa marche, il divise son onde en plusieurs courants qui baignent diverses îles, et débouche dans un lac de forme arrondie et d'une vaste étendue, que les peuplades riveraines de Rhétie ontnommélac.Brigance(2), et qui a 400 stades environ en long et en large. A l'entour de ce lac règne une sombre et sauvage forêt, qui jadis en

(0 Habitants de Lintz. — (2) Lac de Constance.

epulas petulanter se quasdam loquutos, jussi sunt attineri poenalibus claustris, sub absolutionis aliqua spe, licet incerta. Protectores véro pronunciati vertere solum exsilio, ut Marino iisdem consciis raori permisso, veniam Arbeliohe meruere precante. .

IV. Pie hoc modo finila, paullo post et Lenliensibus Alamannicis pagis indictum est bellum, collimitia saspe Romana latins irrumpentibus : ad quem procinctùm lmperator egressus, in Rhastias camposque venit Caninos : et digestis diu consiliis, id visum est bonestum et utile, ut eo cum mililis parle Arbetio magister equitum, cum validiore exercitus manu relegëns margines lacus Brigantiaspergeret, prolinus barbaris congressurus : cujus loci figuram breviter, quantum ratio palitur', designabo. Inter montium celsorum anfractus immani pulsu Rhenus exoriens per prasruptos scopulos extenditur nullis aquis exlernis adoplatis, ut.... per cataractas inclinalione prascipiti fundilur Nilus. Et navigari ab ortu polerat primigenio copiis exuherans propriis, ni menti curreret similis potius qnamfluenli. Jamque absolûtes, altaque divortia riparum adradens, lacum invadit rolundum et vastum, quem Brigantiam accola Rhastus adpellat, perque quadringenta et sexaginta stadia longum , parique pêne spatio late diffusnm, borrore silvarum squalenliuni inaccessum, nisi qua

rendait les abords inaccessibles. Mais la persévérante énergie de la vieille Romeasu s'ouvrir dans ces régions une large voie, en luttant contre le sol, contre les efforts des barbares, contre l'inclémence du ciel. Le Rhin, entraîné par la rapidité de la pente, fait en écumant irruption au milieu de cette eau dormante, formant entre ses deux parties une solution de continuité absolue. Un divorce éternel sépare les deux ondes. Le fleuve passe sans augmenter ni diminuer de volume, et court se perdre au loin, conservant jusque-là son nom et l'intégrité de ses eaux dans les gouffres de l'Océan. Chose merveilleuse ! ni l'immobilité du lac n'est troublée par le fleuve impétueux qui le traverse, ni le cours du fleuve retardé par la masse inerte et limoneuse que son invasion déplace. Pas la moindre confusion, pas le moindre mélaDge ; c'est à peine si l'on en peut croire le témoignage de ses yeux. Ainsi l'Alphée, fleuve d'Arcadie, à en croire la tradition, perce les flots de la mer Ionienne, pour aller marier son onde à celle de sa bien-aimée Aréthuse,'

Arbétion, qui ne manquait pas d'expérience, et qui savait ce qu'il faut de circonspection au début surtout d'une campagne, fit cependant la faute de se porter en avant sans attendre les rapports de ses éclaireurs, et vint donner dans une embuscade. Il en fût déconcerté au point d'arrêter court son mouvement, sans savoir à quelle manoeuvre recourir. Les barbares, qui se voient découverts, démasquent soudain leurs forces, et font pleuvoir à toute portée une multitude de traits de toute espèce. Les nôtres, hors d'état de résister, ne voient de salut que dans une prompte fuite. Chacun ne songe qu'à soi ;

vêtus illa Romana virtus et sobria iter composuil làtum barbaris et natura locorum el cash inclementia refraganle. Hanc ergo paludem spumosis strependo verticibus amnis irrumpens, et undarum quietem permeans pigram, mediam velut fmali intersecat libramento : et tamquam elementum perenni discordia separaturn, necauclo;nec imminute agmine, quod intulit, vocabulo et viribus absolvif ur integris, nec contagia deinde ulla perpetiens, qceani gurgitibus intimatur. Quodque est impendio mirum, nec stagnum aqu'arum rapido transcursu movetur, nec limosa subluvie tardatur properaus llumen, et cpnfusum misceri non potest corpus: quod, ni ita agi ipse.doceretadspectus.imlla vi credebatur posse discerni. Sic Alpbeus oriens in Arcadia, cupidine fontis Arethusas captas, scindens loniurh mare, ut fabulas ferunt, adusque amalas coniinia progreditur.

Arbetio, qui advéntus barbarorum nunlïavent, non exspeclans dum adessent, licet sciret aspera orsa bellorum; in occultas delatus insidias, sletit immobilis, malo repentino perculsus. Inlerea visi e lalébris bostes éx"siliuht, et sine parcimonia quidquid offendi polerat, lelordm génère multiplici configebant : nec enim resistere nostrorum quisquam potuit, necaliud vitas subsidium, nisi discessu sperare vcloci. Quocirca vulneribus declinandis inlenti, incomposilo agmine milites hue et illuc dispalanles terga


LIVRE XV. si

les rangs ne sont plus gardés, et des masses confuses et dispersées offrent, en tournant le dos, un but plus sûr aux coups de l'ennemi. Cependant, à la faveur de la nuit, un certain nombre échappa en prenant des chemins de traverse, et, retrouvant enfin le courage avec le jour, rejoignit individuellement ses étendards. Cette fatale échauffourée nous coûta dix tribuns, et des soldats en grand nombre. Les Allemands, enflés de leur sue-. ces, se montrèrent plus entreprenants. Chaque jour, profitant de la brume du matin, ils venaient, l'épée au poing, jusque sous nos retranchements, hurler les menaces les plus furibondes. Une sortie tentée par les scutaires, dut s'arrêter devant les masses de cavalerie que lui opposèrent les barbares. Les nôtres tinrent ferme toutefois, et, à grands cris, invitaient tout le camp à seconder leur coup de main. Mais on était découragé par l'échec éprouvé la veille, et Arbétion voyait peu de sûreté à engager le reste de son monde. Tout à coup trois tribuns, d'un mouvement.spontané, vont se joindre aux braves qui étaient dehors. C'étaient Arinthée, remplissant les fonctions de directeur de l'armature ; Seniauchus, commandant de la cavalerie des gardes, et Rappo, chef des vétérans, suivi du corps que l'empereur lui avait confié. Le danger de leurs camarades enflamme cette poignée de braves, comme si c'eût été leur propre danger; ils se raidissent contre une force supérieure avec l'énergie de nos ancêtres; et les voilà qui fondent sur l'ennemi avec l'impétuosité d'un torrent. Chez eux point d'ordre de bataille; ils se battent en partisans, et forcent enfin les barbares à la fuite la plus honteuse. Ceux-ci n'observent plus de rangs, et se dérobent avec tant de hâte qu'ils oublient de se coufericnda

coufericnda Plerique tamen per angustas semitas sparsi, periculoque prassidio tenebrosas noclis extracli, revoluta jam lucé redintegralis viribus agmini quisque proprio sese consociavit. In quo casu ila trisli et inppino abundansnumerus armatorum, ettribuni desiderati sunt decem. Ob qua; Alamanni sublalis animis ferocius incedentes, quolidie prope munimenta Romana, adimente matutina nebula lucem, strictis mucronibus discurrebant, frendendo minas tumidas intentantes. Egressique repente scularii, cum objecta turmarum hostilium repercussi slelissent, omnes suos conspiratis meritibus ciebant ad pugnani. Vcrum cum plerosqûe recentis asruninas documenta terrèrent, et intuta fore residua credens hasreret Arbetio : très simul exsiluere tribuni, Arinlheus agens vicem armaturaruni recloris, et Seniauchus qui equestrem turmam comilum tuebatur, et Bappo ducens Promotos, cum commissis sibi a principe. Urgebat causa communis velut propria, vim cunclis arcenlibus veterum exempte : inslarque fluminis hostibus supertusi, non justo praslio, sed discursionibus prasdatoriis, universos iu fugam coegere fosdissimam : qui dispersi laxalis ordinibus, dumquëelabi properanl impediti, corpora nudantes intecta, gladiorum haslarumque densis ictibus truncabanlur. Mullique cum

vriren fuyant, et livrent leurs corps désarmés aux coups de nos lances et de nos épées. Plusieurs furent tués avec leurs chevaux, et tenaient encore à terre au dos de leurs montures. Alors ceux des nôtres que l'hésitation avait retenus au camp, revenus enfin de leurs craintes, se répandent à leur tour au dehors, et se précipitent sur les masses confuses des barbares. Tout ce qui ne put échapper par la fuite fut écrasé ; on marchait sur les cadavres, on se baignait dans le sang. Cette boucherie ayant mis fin à la campagne, l'empereur revint en triomphe passer l'hiver à Milan.

(An 355 ap. J. C.)

V. Du sein des malheurs de l'État on vit bientôt surgir une tourmente non moins fatale, et qui, cette fois, menaçait de tout engloutir dans un commun désastre, si la fortune, souveraine arbitre de toutes choses,-n'eût elle-même étouffé le mal dans son germe. Depuis longtemps l'incurie du gouvernement laissait la Gaule ouverte aux incursions des barbares, et leur route était toujours marquée par le pillage, la dévastation et l'incendie. Un ordre de l'empereur envoya dans ce pays Silvain, maître de l'infanterie, que l'on jugeait capable de remédier au mal. Arbétion, qui souffrait impatiemment la présence d'un mérite supérieur au sien, avait contribué de tout son pouvoir à l'éloigner par celte mission périlleuse.

Un certain Dynamius, attaché à la direction des équipages de l'empereur, sollicita de Silvain quelques lettres de recommandation, dont il pût se prévaloir près des amis du général en qualité d'intime. Une fois en possession de ces lettrés, que ce dernier, dans sa simple droiture, ne crut pouvoir j lui refuser, le perfide les tint en réserve, dans

equis interfecli, jacentes etiam tum eorum dorsis videbantur innexi : quo viso omnes e caslris effusi, qui prodire in praslium cum sociis ambigebant, cavendi immemores proterebant barbaiam plebem,nisi quos fuga exemerat morti; calcantes cadaverum slrues, etperfusisanieperemptqruni. Hocque exitu praslio terminalo, lmperator Mediolanum ad hiberna ovans revertit et laslus.

(A. C. 355.)

V. Exoritur jam bine rebns adfiictis baud dispaii pro vinciarum malo, calamitalum turbo novarum : exslinc turus omnia simul, ni forluna moderatrix bumanorum casuum, motum eventu céleri consummasset impendio formidatum. Cum diuturna incuria Gallias casdes acerbas, rapinasque etincendia, barbaris licentergràssantibus, nullo juvante perferrent; Silvanus pedestris militias réetor, ut ctficax ad hase corrigenda, principis jussu perrexit, Arbelione id maturari modis quibus poterat adigente, ul absenli asmulo quem superesse adbuc gravabatur, periculosae molis onus impiugeret. * *

Dynamius quidam actuarius sarcinalium principis jnmenlorum, commendaticias ab eo petierat litteras ad amicos, ut quasi familiaris cjusdem esset nolissimus. Hoc im


32 AMMIEN MARCELLIN.

l'intention de s'en servir plus tard pour quelque noir projet. En effet, taudis que Silvain, tout entier à ses devoirs, parcourt les Gaules, chassant devant lui les barbares, qui déjà, perdanttoute confiance, netenaient nulle part contre ses armes, ce Dynamius, donnant carrièreà son espritd'intrigue, élaborait, avec l'art d'un fourbe consommé, lafalsificationla plus indigne. Des bruits, sans certitude il est vrai, ont signalé, comme fauteurs et complices de cette machination, Lampade, préfet du prétoire, Eusèbe, surnommé Mattiocopas, exintendant du domaine privé, et Édèse, ex-secrétaire des commandements du prince ; ces deux der.niers intimes amis du préfet, et, à ce titre, invités parlui'à la cérémonie d'investiture de son consulat. A l'aide d'un pinceau qu'il promena successivement sur l'écriture des lettres de Silvain, Dynamius en fit disparaître une partie,ne laissant d'intact que la signature, et y substitua une rédaction toute différente. Ce n'était rien moins qu'une circulaire adressée par Silvain à ses amis politiques et particuliers, notamment à Tuscus Albinus, où ceux-ci étaient invités en termes ambigus à seconder le signataire dans le dessein d'usurper letrône. Ce tissu de mensonges, habilement ourdi pour perdre un innocent, fut par Dynamius confié aupréfet pour qu'il le fît passer sous les yeux du prince. Lampade, ainsi devenu la cheville ouvrière de cette menée ténébreuse, guette le moment d'un tête-à-tête avec Constance, et se présente dans son cabinet, certain de tenir dans ses filets l'un des plus vigilants défenseurs du trône. Lecture est faite des fausses lettres dans le conseil, qui prend desmesures pour s'assurer des personnes dénommées. Les tribuns sont arrêtés sur-le-champ, et l'ordre est

petrato, cum ille nihil suspicans simpliciter prasstitisset, servabal epistolas, ut perniciosum aliquid in tempore molirelur. Memoralo itaque duce Gallias ex re publica discursante, barbarosque propellente, jam sibi diffidentes et trépidantes : idem Dynamius inquietius agens, utversutus et in fallendo exercitatus, fraudera comminiscilur impiam, subornatere et conscio, ut jactavere rumores incerti, Lampadio prasfecto prastorio, et Eusebio ex-comite rei privatas, cui cognomentum erat inditum Mattiocopas, atque jEdesio ex-magistro memorias, quos ad cousulatum, ul amicos junclissimos, idem curarat rogari prasfeclus : et peniculo série lilterarum abslersa, sola incolumi relicta subscriplione, alter multum a vero illo dissonans superscribitur lexlus : velut Silvano rogante vcrbis obliquis, oranleque amicos agentes intra palalium, vel privâtes, (inter quos et Tuscus erat Albinus, aliique plures) utsealtiora cosptantem, et propediem solium principis adilurum juvarent. Hune fascem ad arbilrium figmenti commisit, vitam pulsalurus insontis. Dynamius prasfectus est, ut hase pro Imperatore scrutaretur. Hase et similia cum astu texeret, consislorinm solus ingressus inlimum, captato tempore vincire sperans pervigilem salnlis imperatorias eustedem. Lectaque in consistorio astu callido consarcinata materia, tribuni jussi sunt custodiiï, et de provinciis dtici privati,

envoyé dans les provinces de transférer a Milan les personnes privées.

L'absurdité palpable de l'accusation révolta Malaric, chef des gentils, qui dans une réunion de ses collègues, par lui provoquée, dit hautement qu'il était indigne de laisser circonvenir ainsi par les intrigues de factieux les hommes les plus dévoués au gouvernement de l'empereur. Il déclara Silvain tout à fait incapable de la trahison qui lui était imputée, et qui n'était que l'oeuvre d'une cabale détestable. Il se faisait fort, disait-il, d'aller Ietrouver lui-même et de le ramener à Milan ; il proposait même sa propre famille pour otage, et, de plus, la caution de Mellobaudes, tribun de l'armature, pour garantie de son retour ; ou bien offrait comme alternative que Mellobaudes ferait le voyage, et se chargerait d'accomplir la mission. Silvain était prompt à s'effaroucher, même sans motif ; et lui d éputer tout autre qu'un compatriote, c'était risquer de faire un rebelle d'un homme jusque-là fidèle et dévoué.

Le conseil était bon, il n'y avait qu'à le suivre ; mais Malaric jetait ses paroles au vent. L'avis d'Arbétion prévalut; etcefut Apodème, l'ennemi juré de quiconque était honnête homme, qui fut dépêché à Silvain porteur d'une lettre de rappel. Apodème avait d'autres soins en tête que sa mission. Aussitôt arrivé en Gaule, il met ses instructions de côté; et, sans voir Silvain, sans lui transmettre aucune invitation de retour ni lui communiquer la lettre, il mande l'agent du fisc ; et, déjà procédant envers le général comme • envers un proscrit dont la tête serait dévolue au bourreau, le voilà qui prend contre ses clients et serviteurs les mesures les plus vexatoires,

quorum epistolas nomina designabant. Confeslimque iniquilate rei percilus Malarichus Gentilium rector, collegis adhibilis slrepebat immaniler, circumveniri hommes dicatos imperio per factiones et dolos minime debere proclamans : petebatqué, ut ipse, reliclis obsidum loco necessitudinibus suis, Mallobaude armalurarum tribuno spondenle quod remeabil, velocius juberetur ire ducturus Silvanum, adgredi nihil laie conatum , quale insidiatores acerrimi coneitarunfe: vel contra, se paria proraittente, Mallobaudem orabat properare perniitti, hase, quae ipse pollicitus est, impleturum. Testabatur enim, 1d se procul dubio scire, quod si quis mitleretur exlernus, suopte ingenio Silvanus, etiam nullare perlerrenle timidior, composita forte lurbabit.

Et quamquam utilia moneret et necessaria, ventis tamen loquebalur incassum. Namque Arbetione auctore, Apoderaius ad eum vocandum cum litleris miltitur, inimicus bonorum omnium diuturnus et gravis : qui incidentia parvi pendens cum venisset in Gallias, dissidehs a mandatis, quas proficiscenti sunt data, nec viso.Silvano, nec oblatjs scriplis ut veniret admonito, remansit : adscitoque rationali, quasi proseripti jamque necandi magistri pedituni clientes et servos hostili tumore vexabat. Inter haec tamen dum prassentia Silvani speralur, et Apodemius quieta per-


' LIVRE XV. 3S

avec toute l'insolence d'un vainqueur en pays conquis.

Pendant qu'Apodème met le feu partout, et fait désirer impatiemment la présence de Silvain , Dynamius, pour assurer l'effet de sa manoeuvre, adresse au tribun delà manufacture de Crémone, sous les noms de Silvain etde Malaric, des lettres analogues à celles qu'il avait fait remettre par le préfet à l'empereur. Il y était invité tout simplement, comme sachant d'avance ce dont il s'agissait, à tout disposer promptementpour l'exécution, Le tribun lut et relut, sans rien comprendre. Sa mémoire ne lui rappelant aucun rapport intime avec les personnes qui lui écrivaient, il . prit le parti de retourner à Malaric sa mission supposée par le porteur, accompagné d'un soldat ayant charge de le prier de s'expliquer clairement , et sans réticences, avec un esprit grossier quin'entendait pas les énigmes. Malaric, qui était fort découragé et fort triste, et qui gémissait amèrement sur son sort et sur celui de son compatriote Silvain, compritd'abord tout le mystère. Il rassembleaussitôttoutcequise trouvait de Franks au palais (ils y étaient nombreux et influents), et, dans le langage le plus animé, leur fait partde sa découverte; Grande rumeur : un complot était pris sur le fait ; c'était contre eux qu'il était dirigé. L'empereur, instruit de ce qui se passe, ordonne aussitôt une révision de l'affaire, et veut qu'elle ait lieu en présence de tous les membres du conseil, tant de l'ordre civil que de l'ordre - militaire. Déjà les juges renonçaient à voir clair dans ce dédale, quand Florence, fils deNigrinien, qui remplaçait alors le maître des offices, regardant de plus près l'écriture des pièces,. y returbat

returbat Dynamius ut argumente validiore impie structorum adsereret fidem, composilas litleras, his concinentes, quas obtuleral principi per prasfectum, ad tribunum miserat fabricas Cremonensis, nomine Silvani et Malarichi, .iiqUibus ut arcanorum conscius monebaturparare propere çûncta. Qui cum hase legisset, hasrens et ambigens diu , quidnam id esset (nec enim meminerat, secum aliquando super negotio ullo interiore hos, quorum litteras acceperat, colloquulos) epistolas ipsas per bajulum, quid portarat, juncto milite ad Malarichum misit, obsecrans ut doceret apérte, quas vellet, non ita perplexe : nec enim intellexisse firmabat, ut subagrestem etsimplicem, qui siguilicatum esset obscurius. Hase Malarichus subito naclus, etiam tune squalens el masstus, suanique et popularis Silvani vicem graviter ingemiscens, adhibitis Francis, quorum ea lempeslale in palatio multitudo llorebat, erectius-jam loquebalur : lumultuabaturque, patefactisinsidiis, retectaque jam fallacia, per quam ex confesso salus eorum adpetebalur. Hisque .cognitis staluit lmperator dispicientibus Consistorianis et Mililaribus universis, in negotium praeterinquiri. Cumque judices faslidissent, Florentius Nigriniani filius, agens tune pro magistro otTiciorum, contemplans diligentius scripla, apicumque pristinorum reliquias quasdam reperiens, animadvertit, ul factura est, priorë

trouva en dessous quelques traits des caractères primitifs ; et bientôt on acquit la certitude que les interpolations d'un faussaire avaient travesti à plaisir la pensée du général.

L'imposture parut alors au grand jour. L'empereur, s'étant fait rendre un compte détaillé de la procédure, cassa le préfet, et le fit mettre en jugement; mais sa cabale s'évertua, et réussit à # le faire acquitter. Eusèbe, ex-intendant du domaine, confessa sur le chevalet qu'il avait eu connaissance de cette machination. Édèse se tira d'affaire en se renfermant dans une dénégation absolue. Tout le reste des prévenus fut renvoyé absous. Quant à Dynamius, pour récompense de ses mérites, il fut nommé correcteur. On l'envoya régenter la Toscane.

Cependant Silvain, qui était à Agrippine (i), y recevait avis sur avis des menées d'Apodème pour le perdre. Ne connaissant que trop le coeur pusillanime du prince, et le peu de fond qu'on pouvait faire sur ses bonnes intentions, il se voyait à la.veille d'être, sans qu'on l'eût entendu ni condamné, traité en criminel. Un moment i! songea, pour sortir d'une position si critique, à demander asile aux barbares; mais il en fut dissuadé par Laniogaise, alors tribun, le même qui, n'étant encore que candidat, était resté seul, ainsi que nous l'avons dit, près de l'empereur Constant au moment de sa mort, et avait recueilli ses derniers soupirs. De la part des Franks, ses compatriotes, Silvain, disait-il, ne pouvait s'attendre qu'à être assassiné, ou vendu à ses ennemis. Une résolution extrême était donc inévitable. Silvain eut des pourparlers avec les

(i) Cologne.

texte interpolato longe alia, quam diclarat Silvanus, ex libidine consarcinalas falsitatis adscriptâ. Proinde fallaciarum nube discussa, lmperator doctes gesta relatione fideli, abrogata potestate, prasfectum statui sub qiiasstione prascipit : sed absolûtes esl enixa conspirationemultorum : suspensns aulem Eusebius ex-Comite privatarum , se conscio hase dixerat concilata. jEdesius enim, minus scisse, quid actum sit, pertinaci infitiatione contendens, abiit innoxius : et ita finilo negotio, oninës sunt absoluti, quos exhiberi delatio compulit criminis. Dynamius vero ut prasclaris artibus illustrâtes, cum Correctoris dignitate regere jussus eslTuscos.

Agens inter hase apud Agrippinam Silvanus, adsiduisque suorum compertis nuritiis, quas Apodemius in Iabem suaruni ageret fortunarum, et sciens animum lenerum versabilis principis, timens, ne absens et indemnatus perageretur reus; in difficultatc positus maxima, barbarieas se fidei committere cogitabat. Sed Laniogaiso vêtante, tune Iribuno, quem, dum militaret candidates, solum adfuisse morituro Constanti supra relulimus, docentequeFrancos, unde oriebatur; interfecturos eum, aut accepte prasmio prodiluros : nihil lulum ex prassentibus ratus in consilia cogebatur extrema : et sensira cum principiorum verlicibus secretius collocutus, iisdemque magnitudine promissas

iMUIbN.

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34 AMMIEN MARCELLIN.

chefs principaux, les échauffa par des promesses, et, s'affublaut de lambeaux de pourpre arrachés aux étendards et aux dragons, lui-même il se proclame empereur.

Pendant que tout ceci se passait dans la Gaule, arrive à Milan, sur lesoir, la nouvelle étrange de la séduction de l'armée, et de l'usurpation du rang impérial par le chef ambitieux de l'infanterie. Ce fut pour Constance un coup de foudre. Le conseil est aussitôt convoqué; tous les grands dignitaires se rendent au palais vers la seconde veille. Mais quand il fallut ouvrir un avis, nul ne retrouva ses idées ni sa langue. Quelques mots seulement circulèrentà voix basse sur les talents d'Ursicin, ses ressources d'homme de guerre, et sur les torts graves qu'on s'était donnés si gratuitement envers lui. Ursicin est donc appelé au conseil, et introduit (marque d'honneur spéciale) par le maître des cérémonies, et on lui donne la pourpre à baiser, de l'air le plus gracieux qu'on eût encore pris avec lui. Ce fut Dioclétien qui le premier introduisit cette forme d'adoration barbare; car nous lisons qu'avant lui on ne saluait pas les princes autrement qu'on ne fait aujourd'hui les magistrats. Dans le même homme que naguère la malveillance acharnée accusait d'absorber l'Orient à son profit, de convoiter pour ses enfants le pouvoir suprême , on ne voyait plus que le capitaine consommé, le compagnon d'armes de Constantin, le seul bras qui pût conjurer l'incendie; éloge aussi vrai que peu sincère; car, tout en songeant sérieusement à abattre un aussi dangereux rebelle que Silvain, on entrevoyait, en cas de non

mercedis accensis, cultu purpureo a draconum et vexillorum insignibus ad lempus abstracto, ad culmen impériale surrexit.

Dumque hascagunlur in Galliis, adoçcasum inclinato jam die, perfertur Mediolanum insperabilis nuutius, aperte Silvanum demonslrans, dum ex magisterio peditum allius nitilur, sollicitato exerciluad Augustum culmen eveclum.

Hac mole casus inopini Constantio icto, quasi fulmine i

fati, primates, consilio secunda vigilia convocato, pro- i

.perarunt omnes in regiam. Cumquenulli ad eligendum, i

quid agi deberet, mens suppetere posset aut lingua : sub- 1

niissis verbis perstringebalur Ursicini mentio, ut consiliis I

rei bellicas prasstantissimi, frustraque gravi injuria laces- I

siti : et per admissionum magistrum, (qui mos est bono- i

ralior) accitoeodem, ingresso consistorium offertur pur- (

pura, multo quam antea placidius .... omnium primus (

«xtero rite et regio more instituit adorari, cura semper (

antea ad similitudinem jndicum, salulatos principes lege- I

rinius. Et qui paullo antea cum insectatione malivola, i

Orientis vorago, invadendasque summas rei per filios £

adfeclator compellabatur : lune dux prudentissimus et 'i

Conslantini[Magni]fueratconimilito, solusquead exslin- c

gnendiim probis quidem, sed insidiosis rationibus pete- /

batur. Diligens enim opéra navabatur Silvanum exstingui, ?

ut fortissimum perduellem : aut si secus accidisset, Ursi- ç

cinnm exulceralum jam penilus aboleri, ne superesset s scrupulusimpendioformidandus.Igilur,cnmdeprofectioiie

;, réussite, la chance de se défaire d'Ursiein, dont is les rancunes, supposées implacables, causaient e toujours une grande préoccupation. Aussi lors-. que le général, pendant qu'on pressait les prés, paratifs du départ, voulut glisser quelques mots a de justification, l'empereur lui ferma doucement g la bouche, en disant qu'il n'était pas bon de s'exe pliquer quand on avait un intérêt mutuel et si I grand à s'entendre. On délibéra longuement ens ccre; on chercha surtout comment on persuade5 rait à Silvain que l'empereur ignorait tout. Enfin 5 un moyen parut propre à lui donner pleine cou-

cou- : ce fut de lui notifier, dans les termes les 5 plus honorables, un rappel qui le maintenait en

- possession de son titre et de ses fonctions, en lui . donnant Ursicin pour successeur dans les Gaules. ; Ce plan arrêté, Ursicin reçut l'ordre de partir

sans délai avec dix tribuns ou officiers des gardes, : qu'on lui adjoignit sur sa demande pour l'aider dans sa mission. Mon collègue Vérinianus et moi fûmes de ce nombre ; les autres étaient parents ou amis d'Ursicin. Le voyage fut de longue haleine; chacun put à loisir méditer sur les dangers qu'il allait courir. Nous nous regardions comme mis aux prises avec des animaux féroces. Biais lemal présent a cela debon, qu'on a du moins le bien en perspective ; et l'on se consolait avec cette pensée de Cicéron, expression delavéritémême: « Unesuitenon interrompue de bonheur et desuccès est désirable sans doute; mais on n'y trouve pas, et c'est l'effet même de la continuité, cette vivacité de sensation que l'âme éprouve à passer d'un état désespéré à une condition meilleure. »

celerandà disponeretur, propulsationem objectorum criminum eumdem ducem paranlem, prasgressus oratioue leni prohibet lmperator, non id esse memorans lempus, ut controversa defensio causas susciperelur, cum vicissim restituiinprislinam concordiam partes nécessitas subigeret urgenlium reruni, anlequam cresceret, mollienda. Habita igitur deliberalione multiplie!, potissimum Iraclahalur, quo commente Silvanus gesla eliamtum Imperatorem ignorare existimaret. Et probabili argumente ad firmandam fidem reperto, monetur honorificis scriplis, ut acceplo Ursicino successore, cum poteslate rediret intact». Post hase ita digesta, protinus jnbetur exire, Iribunis el prolecloribus domeslicis decem, ut poslularal, ad juvaudas nécessitâtes publicas ei conjunclis : inter quos ego quoque eram cum Veiïniano collega; residui omnes propinqui el familiales. Jamque eumegressum, solum de se metuens quisque perlonga spatia deducebal. Et quamquam ut besliarii objiceremur inlractabilibus feris, perpendentes tamen , hoc bonum lïabere tristia prascedentia, quod in locis ■ suis secunda substituunt, mirabamur illam sentenliani Tullianam, ex internis veritatis ipsius promulgatam,quas esttalis: El quamquam optatmimum est, perpetuo fortunam quam florentissimam permanere; illa tamen oequabilitas vitoe non tanlum habet sensum, quantum cum ex soevis et perditis rébus ad meliorem statum forluna revocalur. Festinabamus itaque ilineribus niagnis, ut ambiliosiis


LIVRE XV. ss

Nous voyagions à grandes journées, notre chef voulant, dans son zèle, atteindre la frontière suspecte avant que la nouvelle de la défection ne fût publique en Italie. Mais, si rapide que fût notre marche, la renommée nous devança ; et à notre arrivée à Agrippine la révolte avait pris un développement qui défiait les moyens de répression dont nous pouvions disposer. Partout un concours empressé de la population au nouvel ordre de choses; partout des réunions de troupes considérables. Dans de telles conjonctures, il n'y avait pour Ursicin qu'un seul parti à prendre, et c'est une nécessité dont il faut le plaindre : faire violence à ses sentiments et à ses désirs par un simulacre d'adhésion à ce pouvoir d'un jour, et conduire la déception avec assez d'adresse pour flatter la vanité du rebelle, et endormir sa vigilance dans une complète sécurité. Le plus difficile était le dénoûment. Quelle attention sur nous-mêmes pour ne presser ni négliger le moment d'agir ! La moindre manifestation intempestive était à tous notre arrêt de mort.

Ursicin fut bien accueilli. Contraint, pour rester dans l'esprit de son rôle, de s'incliner devant un manteau de pourpre, il se vit traité par l'usurpateur avec égards, avec faveur; il eut un libre accès près de sa personne, la place d'honneur à sa table, et bientôt une part intime à ses confidences. Silvain récriminait avec amertume contre les indignes choix qu'on avait faits constamment pour le consulat et les hautes charges, de préférence à lui et àUrsicin ; « et cela, disait-il, au « mépris des longs et importants services rendus « par tous deux à l'État, à la sueur de leur front. « A son égard, on avait été jusqu'à mettre à la

magister armorum, ante adlapsuni per Italicos de tyrannide ulluin rumorem, in suspectis finibus adparerel. Verum cursim nos properantes aëria quaodam antevolans prodiderat fama : et Agrippinam ingressi invenimus cuncla nostris conatibus altiora. Namque convena undique înultiludine trépide coepla tendante, coaclisque copiis multis : pro statu rei pressentis id aplius videbatur, ut ad Imperatorisnovelli, per ludibriosa auspicia virium accessu firmandi, sensum ac volunlatem dux flebilis verteretur : quo variis adsentandi figmentis in mollius vergente securitate, nihil metuens hostile deciperetur. Cujus rei finis arduus videbatur. Erat enim cautius observandum, ut adpetitus opporlunitati oblemperarent, nec prascurrenles eam, nec deserentes:qui"si eluxissent intempestive, constabat nos omnes sub ëlogio uno morte multandos.

Susceptus tamen idem dux leniler, adactusque, inclinantenegotioipsocervices,adoraresqllemniteranbelantem celsius purpuralum,(ulspectabiliscoIebatur, et intimus: facilitale aditus, lionoreque mensas regalis adeo antepositus aliis, ut jam secrelius de rerum summa consultaretur. jEgre ferebat Silvanus ad consulalum'poteslatesque sublimes elatis indignis, se et Ursicinum solos, post exsudâtes magnos pro republica labores et crebros, ita fuisse dospectos, ut ipse quidem per quasstiones familiarium sub disceptatione ignobili crudeliler agitâtes, commisisse in

« question ses amis, et à diriger contre lui- même « d'ignobles procédures ; le tout sous prétexte « d'une frivole accusation de lèse-majesté. Ur« sicin, de son côté, n'avait-il pas été violem« ment arraché de son poste d'Orient, et livré « comme une proie à la méchanceté de ses enne« mis? » Silvain donnait carrière à son humeur en public aussi librement que dans le tête-à-tête. * Outre ces propos assez peu faits pour nous rassurer, nous entendions frémir autour de nous l'impatience de la soldatesque, qui criait famine, et brûlait déjà de franchir les Alpes Cottiennes.

Dans cette position si critique, uous nous creusions tous la tête pour arriver à un résultat. A la fin, après mille autres partis pris et abandonnés tour à tour, nous tombâmes d'accord que des émissaires choisis avec grand soin, et dont un serment nous assura la discrétion, tenteraient la fidélité douteuse des Braccates et des Cornutes; milices toujours prêtes à se vendre au plus offrant. Nos entremetteurs, bien payés et pris dans les plus obscurs, comme plus propres à une transaction de ce genre, eurent bientôt conclu le marché. Au point du jour, un gros de gens armés se montre tout à coup devant le palais ; et leur audace, comme il arrive parfois, s'exaltant de ce qu'il y avait de hasardeux dans l'entreprise, ils égorgent la garde, pénètrent dans l'intérieur, et massacrent Silvain, après l'avoir arraché demi-mort d'une chapelle consacrée au culte chrétien, où il était allé chercher refuge.

Ainsi périt un officier dont on ne peut contester le mérite, victime d'une aberration où l'entraîna la plus noire des calomnies. Absent, il se vit hors d'état de briser le fatal réseau tendu

majestalem arcesseretur : aller vero ab Orienle raptus, odiis inimicorum addicerelur : et hase adsidue clam querebatur et palam. Terrebanl nos tamen, cum dicerenlur hase et similia, circumfrenieutia undique murmura causants inopiam militis, et rapida celeritate ardentis angustias Alpium perrumpere Coltiarum.

In hoc asstu mentis aheipiti, ad effectum tendens consilium occulta scrutabamurindagine : sederatqué tandem, mutatis pras timoré saspe sentenliis, ut quassitis magna industria caulis rei ministris, obstricto religionum consecratione colloquio, Bracc'ati sollicitarenlur atque Cornuti, fluxioris fidei, et ubertate mercedis ad momentum omne versabiles. Firmato itaque negotio per séquestres quosdam gregarios, obscurilate ipsa ad id patrandum idoneos, prasmioram exspectalione accensos, solis ortu jam rutilo subitus armatorum globus erupit : atque, ut solet in dubiis rébus audenlior, cassis custodibus regia penetrala, Silvanum extractum asdicula, quo examinâtes confugerat, ad conventiculum ritus Chrisliani lehdenlem, densis gladiorum iclibus trucidarunt.

Ita dux liaud exilium meritorum hoc génère oppefit mortis, metu calumniarum, quibus factione iniquorum irretitus est absens, ut tueri possit salutem, ad prassidia progressus extrema. Licel enim ob lempeslivam iliam cum armaluris proditionem ante Mursense praslium, obligatiim


36 . AMMIEN MARCELLIN.

autour de son innocence, et, de désespoir, se jeta dans l'usurpation pour sauver sa tête. Silvain, au surplus, s'était toujours défié du caractère versatile du prince, nonobstant les droits qu'il s'était acquis à sa reconnaissance en passant si à propos de son côté avant la bataille de Murse, avec l'armature dont il était le chef. Il n'était pas plus rassuré, quoiqu'il ne manquât jamais de se prévaloir de ce titre, par le souvenir des faits d'armes de sou père Ronite, qui, dans la guerrecivile, avait chaudement embrassé, tout Frank qu'il était, le parti de Constantin contre Licinius.

Un fait assez singulier, c'est qu'avant tout symptôme de commotion dans les Gaules, un jour, le peuple réuni à Rome dans le grand Cirque, soit par allusion, soit par pressentiment, tout à coup s'était écrié : « Silvain est vaincu. »

On ne peut se faire une idée de la joie de Constance quand la nouvelle de la mort de Silvain arriva d'Agrippiue. Son orgueil s'enfla de ce succès, où il voulut voir un signe de prédestination. Ennemi du courage par instinct, toujours, comme Domitien, il l'attaquait parles moyens contraires. L'entreprise si bien conduite d'Ursicin n'obtint pas même un éloge de lui. Loin de là, il se plaignit, dans ses lettres, de détournements effectués au préjudice du trésor public des Gaules, auquel certes personne n'avait touché. Il alla même à ce sujet jusqu'à prescrire une enquête, et fit subir un interrogatoire à Rémige, trésorier de la caisse militaire, le même qui plus tard, sous Valenti•nien, termina ses jours par un noeud coulant, à la suite de l'affaire des ambassadeurs de Tripoli.

De ce jour, l'emphase de l'adulation n'eut plus de bornes ; « Constance touchait aux nues, com•tjratia

com•tjratia Constantium; ut dubium tamen et mulabilem verebatur : licet patris quoque Bonili prastenderet

.fortia facta, Franci quidem, sed pro Constantini parlibus in bello civili aciïler contra Licinianos saspe versati. Evenerat aulem , antequam hujusmodi aliquid agilaretur in Galliis, ut Romas in Circo maximo populus, incertain, ralione quadam percitus an prassagio, Silvanus deviclus est, magnis vocibus exclamaret.

Igitur Silvano Agrippinas, ut relatum est, interfecto , inasstimabili gaudio re cognita, princeps. insolenlia coalilus et tumore, hoc quoque felicitatis suas prosperis cursibus adsignabat : eo more, quo semper oderat forliter fa-cientes,

fa-cientes, quondam Domitianus, superare tamen quacumquearle contraria cupiebat.Tantumqueabluit laudare industrie gesta, ut etiam quasdani scriberet de Gallicanis intercepta thesauris, quos nemo altigerat. Idque scrutari jusseratarlius, inlerrogalo Remigo eliamtum rationario adparilionis armorum magislri : cui mullo postea Valentiniani lemporibus laqueus vitam in causa Tripolitanas legationis eripuit. Post quas ita compléta, Constanlius, ut jam caslo contiguus, casibusque imperaturus humanis, magniloquentia sufflabatur adulatorum : quos augebat ipse, ipcrnendo projiciendoque id genus parum callenles. Ul

« mandait aux événements. » Lui-même il renchérissait sur ces extravagances, rebutant, maltraitant de paroles quiconque ne savait pas dire si bien. Tel Crésus, selon l'histoire, chassa de ses États Solon, qui n'entendait rien au langage de la flatterie; tel Denys voulut mettre à mort Philoxène, pour avoir seul gardé le silence au milieu de l'applaudissement universel, pendant que le tyran débitait à sa cour de mauvais vers qu'il avait faits. Ce mal engendre tous les autres. Mais quel plaisir peut donc trouver le pouvoir à la louange, quand il n'est pas permis à la critique de se faire jour?

VI. La sécurité était rétablie : c'était le tour des persécutions. On emprisonna par milliers; on chargea les prévenus de chaînes. Paul nageait dans la joie. Ce délateur vomi par I'Érèbe avait trouvé carrière à ses funestes talents. Civils ou militaires, tous les membres du conseil durent prendre part aux informations. Par leur ordre on appliqua à la question Procule, appariteur de Silvain, homme d'un corps faible et valétudinaire ; ce qui excita beaucoup d'alarmes. On craignait que les efforts des bourreaux, triomphant d'une constitution si frêle, ne parvinssent à tirer de lui les plus compromettantes révélations ; mais il arriva tout le contraire. Ainsi que Je patient l'a raconté depuis, il avait eu un songe qui lui défendait de livrer aucun innocent. Aussi se laissa-t-il torturer presque jusqu'à la mort, sans qu'il sortit de sa bouche un nom, un mot dont on pût s'autoriser contre un autre. De plus, il affirma constamment, et prouva jusqu'à l'évidence, que l'aventureuse tentative de Silvain n'était pas un plan prémédité, mais le seul effet de la force des choses. Il citait, à l'appui de son asCrossum

asCrossum ideo regno suo Solonem e.xpulisse précipitera, quia blandiri nesciebat : etDionysium intentasse poêlas Philoxeno raortem, cum eum recitantein pioprios versus absurdos et inconcinnos, laudantibus cunclis, soins audiret immobilis. Quas res perniciosa vitiorum est allrix : eo démuni enim laus grata esse poleslali débet excelsac, cum iuterdum et vituperationi secus gestorum paleat locus. ...

VI. Jamque post securitatem quassliones agilabautur ex more, et vinculis catenisquepluresut noxii plectebantur. Exsurgebat enim effervens laslitia Paulus, tartareus ille delalor, ad venen'atas arte6 suas licentius exercendas : el inquirentibns in negotium Consistorianis atque Militaribus,ut prasceptum est, Proculus admovetur eculeo, Silvani domeslicus, homo gracilis elmorbosus, metaenlibus cunclis, nevi nimia tormentorum levi corpore fatigato, reos alrocium criminum perspicue citari faceret mnltos : verum contra quam speratum est contigit. Menior enim somnii, quo vetitus erat per quietem, ut ipse firmavil, pulsare quemquam insontem, usque ad confinia morlis vexatus, nec nominavit nec prodidit aliquem : sed adserebal factum Silvani constanler, id eum cogitasse, quod iniil, non cupiditate, sed necessilate comnulsuni,


LIVRE XV. 37

sertion, un fait constaté par des témoins nombreux. C'est que, cinq jours avant de revêtir les insignes du pouvoir suprême, Silvain, faisant payer la solde aux troupes, avait, au nom de Constance, exhorté les soldats à se montrer courageux et fidèles. Nul doute que si dans ce moment la pensée de l'usurpation eût été dans son coeur, il n'eût distribué qu'en son propre nom une somme aussi considérable. Procule acquitté, Poeménius fut traîné au supplice. Nous avons déjà raconté comment ce dernier fut choisi pour chef par le peuple de Trêves, quand il ferma ses portes au César Décence. Vinrent ensuite successivement les exécutions des comtes Asclépiodote, Lutus, Maudion, et celles d'une foule d'autres ; tous actes caractéristiques de cette époque d'inflexible cruauté.

VII. Dans le temps que sévissait cette tourmente d'assassinats juridiques, la ville éternelle avait pour préfet Léonce, que recommandaient comme magistrat plusieurs qualités estimables : facilité d'accès, impartialité rigoureuse, caractère bienveillant. On lui reprochait toutefois un peu de roideur dans l'exercice du pouvoir, et trop de penchant à l'amour. Il s'éleva contre lui une sédition, dont la cause première était ce qu'il y a de plus frivole et de plus futile. Il avait donné l'ordre.d'arrêter le cocher Philocome : le peuple à l'instant s'ameute pour son favori, et se porte contre le préfet à des démonstrations de fureur. On comptait l'intimider ; mais il resta ferme et imposant, et fit saisir par ses appariteurs quelques-uns des mutins, qui furent battus de verges et déportés, sans que nul osât proférer un mot ou faire mine de résistance.

Quelques jours après cependant, le peuple,

argumente evidenli demonstrans. Causam enim probabilem ponebat in medio, multorum teslimoniis claram, quod diè quinte, antequam intelas susciperet principatus, donatum stipendio militera Constantii nomiueadloquutusest, fortis esset et fidus. Unde adparebat, quod, si prassumere fortunée superiorisinsigniaconaretur.auri tara grave pondus largiretur ut suum. Post hune damnalorum sorte Poemenius raptus ad supplicium interiit : qui (ut supra retûlimus) cum Treveri civitatem Cassari clausissentDecentio, ad defendendam plebem electus est. Tum Asclepiodotus, et Luto, el Maudio Comités interempti sunt, aliique plures,hasc et similia perplexe temporis obstinatione scrutante.

' VII. Dum has exitiorum communium clades suscitât ;;"rbo feralis, urbeni asternam Leoptius regens, multa spectatf jUmeiè documenta prasbebat, in audiendo celer, in disceplmido justissimus, natura benevolus, licet aucloritatis causa sen.anùas' ecer quibusdam videbatur, et inclinatior ad amandum. Pri;<ia igitui causa seditionis in eum concitandas vilissima fuit *,' Icvis. Pbilucomum enim aurigam rapi prasceplum, seqtiUa pîebs omnis velut defensura proprium pignus, terribili impetu piaj'ectum incessebatuttimidum : sed ilie stabilisai ereclus immissis

toujours en fermentation, s'étant, sous prétexte d'unedisettedevin, attroupé au Septizone (Septemzodium), quartier des plus fréquentés, où l'empereur Marc-Aurèle a fait élever à si grands frais le magnifique édifice du Nymphée, le préfet s'y porta résolument de sa personne. Tout son entourage, fonctionnaires et officiers, le suppliait de ne se point commettre avec.une multitude égarée et menaçante, qui avait contre lui une cause récente d'irritation; mais ils s'adressaient à un homme inacessible à la peur. Léonce marcha droit au rassemblement, sans tenir compte de l'affaiblissement de son escorte, dont une partie déserta ses côtés en le voyant, de gaieté de coeur, affronter un péril si manifeste. Assis tranquillement sur son char, il promène un regard assuré sur les masses tumultueuses qui l'environnent, et dont l'agitation convulsive semble celle d'un nid de serpents. D'injurieuses vociférations éclatent; il les endure avec sang-froid. Tout à coup, apostrophant au milieu de la foule un individu remarquable par sa stature athlétique et ses cheveux roux, il lui demande s'il n'est pas Pierre Valvomère? A quoi celui-ci répond, d'un ton insolent, que c'est bien lui. Alors le préfet, à qui de longue main cet homme était signalé comme drapeau de sédition, le fit garrotter, les mains derrière le dos, et fustiger en dépit des clameurs que l'ordre ne manqua pas d'exciter. Mais on n'eut pas plutôt vu Valvomère au poteau, que, malgré ses appels réitérés à la compassion de ses camarades, la foule, si compacte naguère, s'évanouit en un clin d'oeil par les rues adjacentes ; et ce dangereux promoteur de troubles se vit labourer les flancs, sans plus d'opposition que si tout se fût passé dans le secret du cabinet d'un

adparitoribus, correptosaliquotvexatosque tormentis, neestrepente ullo nec obsistente, insulari posna multavit. Diebusque paucis sequulis cum itidem plebs excita calore, quo consuevit, vini causarylo inopiam, ad Septemzodium convenisset, celebrem locum, ubi operis ambiliosi Nympbaeum Marcus condidit lmperator : illuc de industria pergens prasfectus, ab omni toga adparitioneque rogabalur enixius, ne in multitudinem searrogantem immitteret et minacem, ex com.niotione pristina sasvientem : difficilisque ad pavorem.recteteleiidit, adeo ut eum obsequentium pars desereret, licet in periculum (estinantem abruplnm. Insidens itaque vehiculo, cum speciosa liducia contuebatur acribus oculis tumultuantium undique cuneorum velutiserpenlium vultus : perpessusquemultadici probrosa, agnitum quemdam inter àlios eminentein, vasti corporis, rutilique capilli, interrogavit, an ipse essel Petrus A'alvomeres, ul audierat, cognomento : eumque, cura esse sono respondisset objurgalorio, utsediliosorum antesignanum olim sibi compertum, reclamanlibus raullis, post terga manibus vinclis suspendi prascepit. Quo viso sublimi, tribuliumque adjumentum nequidquam implorante, vidgus omne paullo ante conferlum, per varia urbis niembra diffusum ita evanuil, ut turbarum acerrimus coucitors;


ss AMMIEN MARCELLIN.

juge. Valvomère fut ensuite relégué dans le Picentin, où il fut depuis condamné à mort et exécuté par sentence du consulaire Patruin, pour attentat à la pudeur d'une fille de condition.

Ce fut pendant l'administration du même Léonce que Libère, pontife chrétien, se vit mandé devant Constance, comme réfractaire à la volonté impériale et aux décisions de ses collègues de l'épiseopat. Je vais dire un mot du point de dissidence, Un synode ( c'est le nom que donnent les chrétiens aux assemblées tenues par les dignitaires du clergé ) avait déposé Athanase, évoque d'Alexandrie, pour avoir prévariqué, et pour s'être livré à des poursuites incompatibles avec son caractère de prêtre : c'est du moins ce dont l'a constamment accusé le bruit public. On ledisait effectivement assez versé dans l'art de ladivina* tion et dans la science des augures pour avoir quelquefois prédit l'avenir ; sans oublier certaines imputations non moins contraires à l'esprit de la religion dont il était l'interprète. Il fut enjoint à _. Libère, de la part du prince, de souscrire au décret qui expulsait Athanase de son siège. Mais Libère, bien que d'accord sur les points de doctrine avec le synode, se défendit obstinément d'obtempérer, protestant avec énergie de ■l'indignité d'un jugement où l'accusé n'avait été entendu ni même appelé. C'était se mettre en opposition flagrante aux volontés de l'empereur. Celui-ci, qui avait toujours détesté Athanase, tenait singulièrement, tout en regardant la condamnation comme valide, à ce qu'elle fût confirmée par l'autorité prépondérante de l'évêque de la ville éternelle. Cette satisfaction lui étant refusée, il fit enlever Libère.* Mais l'attachement du peuple pour son évêque apporta de grandes

tamquam in judiciali secrète exaratis lateribus ad Picenum ejiceretur : ubi postea- ausus eripere virginis non obscuras pudorem, Patruihi consularis sententia supplicio est capitali addictus.

Hoc administrante Leontio, Liberius Cbristianas legiS anlistes, a Conslanlio ad comitalum mitti prasceptus est, tamquam Imperàloris jussis et plurimorum sui consortium decrelis obsistens, in re, quam brevi lextu percurrain. AllianasiumepiscopunieotemporeapudAlexandriam, iilira professionem altius se efferentem, sciscitarique conatuin externa, ut prodidere rumores adsidui, coslus in unuin quassitus ejusdem loci multorum (synodus ul adpellant) i emovil a sacramente, quod oblinebat. Dicebalur enim falidieaium sortium fidem, quasve augurales portenderent alites, scienlissime calions, aliquoties prâsdixisse futura : super Iris iutendebantur ei alia quoque a proposito legis abhorrentia, cui prassidebal. Hune per subscriptionemabjicerejSede sacerdotali, paria seutiens caeleris, jubente principe, Liberius monitus, perseveranter renitebatur, nec visum hominem, nec audilum damnare, nefas ullimum saspe exclamans, aperte scilicet recalcitrans Imperatoris arbitrio. Id enim ille, Athanasio semper infestes, licet sçirct implelum, tamen auotoritale quoque, qua poliores aslernas urbis episcopi, firmari desiderio nilebatur ardenti :

r difficultés à son arrestation, qui ne put s'opérer que de nuit.

VIII. Nous venons d'exposer les événements dont Rome était alors le théâtre. Constance avait ailleurs des sujets de grave inquiétude. Les courriers se succédaient sans interruption, annonçant que c'en était fait des Gaules. Les barbares, ne trouvant de résistance nulle part, y mettaient tout à feu et à sang. Son cerveau travailla longtemps pour trouver à ce mal un remède qui ne l'obligeât pas à quitter sa résidence d'Italie; car il voyait un grand danger à s'éloigner lui-même si fort du centre. Le parti auquel il s'arrêta fut très-sage : c'était d'associer à son pouvoir Julien , fils de son oncle maternel, qu'il venait depuis peu de rappeler de Grèce, et qui portait encore le costume des philosoplies du pays.

Le jour où Constance s'ouvrit à ses confidents intimes sur la résolution où le poussait le malheur des circonstances, faisant ainsi l'aveu, tout nouveau dans sa bouche, de son impuissance à soutenir seul le fardeau toujours croissant des charges de l'État, tous ces maîtres en l'art de la flatterie s'évertuèrent à l'étourdir sur sa position ; répétant à satiété qu'il n'y avait exigences, si grandes fussent-elles, dont sa force d'âme et sa fortune surhumaine ne pussent triompher cette fois comme toujours. Plus d'un, que sa conscience avertissait de redouter le pouvoir nouveau, prétendait que le nom seul de César était gros de périls, et voyait déjà revenir les temps de Gallus. L'impératrice seule tenait tête à ces adversaires obstinés de l'adjonction au gouvernement ; soit qu'elle s'effrayât de la longueur du voyage qu'elle aurait eu à faire, soit qu'un instinct de prudence lui révélât où était le véritaquo

véritaquo impelrato, Liberius asgre populi metii, qui ejus amore flagrabat, cum magna dil'ûcullate noctis riiedio potuit adsportari.

VIII. Et hase quidem Romas, ut ostendil textes superior, agebanlur. Constanlium vero exagitabant adsidni nuntii, deploralas jam Gallias indicanlés, nullo renilentë-adinternecionem barbaris vaslantibus univeisa 1: iestuansquo diu, qua vî propulsaret asrumnas, ipse in Italla i-esideus, ut cupiebat -. (periculosum enim existimabat/se in parlera contrudere longe dimotam) repërit tandem consiliuiii rectum : et Julianum, patruelëm fratrem, hauil ita dudum ab Achaico tracta accilum, etiam tum palliatum, in societalem imperii adsciscere cogitabat. Id ubi urgente malorum impendentium mole confessus est proximis, sue-; cumberetot necessitatibus tamque cicbris uuum se, quoi nuniquam fecerat, aperte demonstrans : illi in ods.aitatinnem nimiam eruditi infatuabant licmiinnsv, r.ihil fisse ili' asperum diclilantes, quod pra-poter.-; ejus vi'rlus, fortena-, que tam vicina sideribus, non superarel ex more.-'-AdnV banlque, noxarum ■ consci" ii.ia stimulante eompiures, deinceps caveri debere F.esaris nomen, replicantes gesta sub Gallo. Queis adnlteiitibus obstinale, opponebat.se sola regina-, incertum, migralionem ad longinqua perlimescens, an pro naliva prudentia consulens in commune,


LIVRE XV. s 9

ble intérêt de l'État; et elle insistait sur le choix d'un parent, de préférence à tout autre. Après nombre de délibérations sans résultat, l'empereur prit son parti, et, coupant court à tout débat, signifia sa résolution d'admettre Julien au partage de l'empire. Au jour marqué, devant toutes les troupes présentes à Milan, Auguste, tenant Julien par la main, monta sur un tribunal élevé à dessein fort au-dessus du sol, et décoré sur toutes ses faces d'aigles et d'étendards ; puis, d'un visage serein,il prononça ce discours: *r« Généreux défenseurs de l'empire, je viens "< plaider auprès de vous une cause qui nous esL « commune à tous : il s'agit du salut de la patrie^' « A des juges ainsi disposés je n'aurai que peu « de mots à dire. Plus d'une fois la rébellion a « dirigé contre nous ses fureurs : les auteurs de « ces tentatives insensées ne sont plus; mais voilà » qu'en offrande à leurs mânes impies les bar« bares font couler des flots de sang romain. Us <> ont rompu tout traité, franchi toute limite, et « foulent aux pieds les Gaules dévastées, comp« tant sur les impérieux devoirs qui nous retien« nent et sur l'énorme distance qui les sépare de « nous. Le mal est grand, mais une prompte dé« cision peut y porter remède. Que vos volontés « seulement concourent avec la mienne, et ces « superbes nations seront humiliées ; et nul n'o« sera plus violer nos fronljèresj J'ai pris une r&- « solution où se fondent les plus belles espérances; c'est à vous d'en seconder l'effet." Voici « Julien, fils du frère de mon père. Vous conuais« sez tous les droits que lui assure à mon af" fection sa conduite irréprochable. Déjà sa jeu>< nesse a donné les gages les plus brillants; je

omnibusque memorans antcponi debere propinquum, Post niullaque per deliberaliones ambiguas actitata, sletit fixa sententia : abjeclisque dispulationibus irritis, ad hnperiumplacuitJulianumadsuniere.Cunivenissetacciluspras- dictodie, advbcato omni, quod aderal, commilitio, tribunali ad altiorem suggestum erecto, quod aquilas cir■cunidedèrunt et.signa, Augustes inscendens, eumque manu retinens dextera, hase sermone placido peroravit : Adsislimus apud vos, optimi Reip. defensores, causai commuai uno poene omnium spiritu vindicandoe, quam aclurùs, tamquam apud'oequos judices, succinctius edocebo. Post inlerilum rebellhim tyrannorum, quos ad hoec tenlanda quoe moverunl, rabies egil elfuror,: veluliinpiiseorummanibus Romanosanguineparenlcint.es, persultant barbari Gallias rupla limilum pace; hac animait fiducia, quod nos per disjunclissimas terras arduoe nécessitâtes adslringunt. Unie igilur malo ultra adposita jam proserpenli, si, dum patitur lempus, occurreril nostri vestrique consulli suffragium, et colla superbarum gentium detumescent, et imperii fines erunt intacti. Restât, ulrcrum spem, quam gero, secundo roborelis effeciu. Julianumfliunc fralrem meum patruclem, ut noslis, verecundia, qua nobis ita ut necessiludine carus est,

« veux l'élever au rang de César ; et si le choix « vous paraît heureux, je vous demande de le « ratifier. »)

Un murmure de faveur l'interrompit à ces mots, chacun, par une sorte de divination, accueillant cette mesure comme une inspiration d'en haut plutôt que comme une pensée humaine. L'empereur attendit patiemment que le , silence se rétablît, et, d'un ton désormais plus assuré :

«Je prends, dit-il, comme un assentiment le « frémissement de joie que je viens d'entendre. « Qu'il soit donc élevé à cet honneur insigne, le « jeune bomme en qui la force s'allie à la pru« dence I En imitant ici la sage réserve qui est le « fond de son caractère, j'aurai fait mieux que le « louer. Par le choix que j'ai fait de lui j'ai d'ail« leurs rendu suffisamment hommage aux qualités « qu'il tient de l'éducation et de la nature. Les « choses étant ainsi, avec la permission du ciel, « je le revêts des insignes de prince. »

Il dit, couvre Julien de la pourpre de ses aïeux, et le proclame César aux acclamations de l'assemblée entière. Puis se tournant vers le nouveau prince, dont la physionomie semblait ■ plus soucieuse que de coutume : « Frère bien« aimé, vous arrivez tout jeune encore à prendre « part aux splendeurs de votre famille. Ma gloire, « je le déclare, m'en paraît accrue; et je me croi« rais moins grand par la possession du pou« voir sans partage, que par l'acte de justice qui « élève à mon rang un homme qui me touche de « si près^Allez donc, associé désormais à mes tra« vaux, à mes périls, prendre en main le gou« vernement de la Gaule. Apportez à ses dou- v

rectespeclatum, jamque elucentis industrioejuvenem, in Coesaris adlùbere potestatem exoplo, coeptis, si videnlur utilia, etiam veslra consensionefirmandis.

Dicere super Iris plura conanlem interpellans concio lentes probibebat, arbitriùm sunimi numinis id esse, non meulishumanas, velut prasscia venluri prasdicans. Stansque lmperator immobilis, dum silerent, residua fidentius explicavit : Quia igi lur veslrum quoquefavorem adesse fremitus indicat loelus, adulescens vigoris tranquilli, cujus temperati mores imilandi sun t potiusquam praidicandi, ad honorem prosperatum exsurgat : cujus proeclaram indolem bonis artibus institutam hocipso plcnevideor exposuisse, quodclegi. Ergo eumproe'sente nuiu Dei coelestis ainictu principali velabo. ■

Dixit : rooxque indutum avita purpura Juliannm, et Cassarem cum exercitus gaudio declaralum, bis adloquitur conlracliore vultu submasstum : Recepisti primoevus originis tuas splendidum florem, amantissime mihi omnium frater : aucla gloria mca. confiteor, qui jusius - in deferenda superiori potestate nobiliiali mihi propinquw, quam ipsa potestate videor esse sublimis. Adesto igilur laborum periculorumque particeps, et tu/elam ministerii suscipe Gallianwi, omni beneficentia partes levalurus adfliclas : el, si hostibus c'on-


40 - AMMIEN MARCELLIN.

« leurs le baume de votre intervention tutélaire. « S'il faut combattre, votre place est marquée à » côté des enseignes.'.Osez dans l'occasion ; mais •< point debravoure'irréfléchie. Animez le soldat « par votre exemple; mais gardez-vous de tout « entraînement vous-même. Soyez toujourslàpour <> porter secours, si l'on plie. Gourmandez sans .< rudesse, quand c'est le courage qui vient àfai« blir ; et sachez toujours par vous-même en quoi « tel a bien mérité et tel autre a failli. Les cir« constances nous pressent : allez, homme brave, « commander à des braves ; et comptez de ma « part sur la coopération la plus active', la plus « sincère; Combattons de concert, afin que, s'il « plaît à Dieu d'exaucer un jour mes voeux et de « rendre la paix au monde, nous puissions, de « concert, le gouverner avec modération, avec « amour. Partout vous me serez présent ; et quoi « qu'il arrive, moi, je ne vous ferai jamais dé« faut. Allez donc, allez ; tous nos voeux vous « suivent ; et montrez-vous défenseur vigilant du « poste où la confiance publique vous a élevé. »' Un transport universel accueillit ces dernières paroles. La troupe, à très-peu d'exceptions, pour témoigner son enthousiasme du choix que venait de faire l'empereur, fit résonner avec fracas le bouclier sur le genou, ce qui exprime, chez le soldat, le comble de l'allégresse ; tandis que frapper de la pique sur le bouclier est signe qu'il s'irrite ou cherche à se courroucer. Une juste admiration éclatait à la Vue de César revêtu de la pourpre impériale; on ne se lassait pas de contempler ces yeux terribles à la fois et pleins de charme, et cette physionomie aussi gracieuse qu'animée. Le soldat en tirait l'horoscope du

gredi sil necesse, flxo gradu consiste inter signiferos ipsos, audendi in 'tempore comideratus hortator, pugnanles accendens proeeundo cautissime, turbaiosgue subsidiis fuleiens, modeste increpans desides, verissimus testis adfulurus induslriis el ignavis. Proinde urgente rei magnitudine, perge vir fortis, ducturus viros ilidem fortes. Aderimus ^vobis vicissim amoris robusla consiantia, militabimus simul, una orbem pacatum, Deus modo velit, quod oramus,pari moderalione pielateque recturi. Mecum ubique videberis proesens, et ego Ubi quodcumque acturo non deero. Adsummam i, i, propera sociis omnium votis, velut àdsignatam Ubi ab ipsa Rep. slationem cura pervig'ili defensurus.

Kemo post hase finila reticuit : 6ed mililares omnes horrendo fragore scula genibus illidentes (quod est prosperitatis indicium plénum : nam contra cum .baslis clypei feriuntur, iras documentum est et doloris) inimane quo quantoque gaudio praster paucos Augusti probaverejudicium : Cassaremque admiratione digna suscipiebant, imperatorii muricis fulgore flagrante™. Cujus oculos cum venustate terribiles, vultunique excilatius gratum, diu mullumque contuenles, qui fulurus sit, colligebant, velut scrutatis veteribus libris, quorum leclio per corporum signa •

prince, comme s'il eût connu cet antique système qui fait dépendre les qualités morales de certains signes extérieurs. Et, ce qui donnait plus de poids à ses louanges, il savait y observer la juste mesure, et n'être en deçà ni au delà de la convenance et de la vérité. L'expression était telle qu'on eût pu l'attendre, non de soldats, mais de censeurs. Julien se plaça ensuite sur le char de l'empereur, et revint au palais, récitant tout bas ce vers d'Homère :

« La mort au manteau de pourpre et l'inflexi« ble destin ont mis la main sur lui. » X

Ceci se passait le 8 des ides de novembre ( 6 novembre ), sous le consulat d'Arbétion et de Lollieu.

Peu de jours après, Julien épousa Hélène, soeur de Constance ; et, après avoir avec célérité tout disposé pour son voyage, il partit, le jour des kalendes de décembre ( 1er décembre), avec une suite très-modeste. L'empereur l'accompagna jusqu'aux deux colonnes que l'on voit à mi-chemin de Laumelle à Ticinum (i), d'où César prit en droite ligue la route de Turin. Une triste nouvelle l'y attendait. La cour la savait déjà ; mais, par mesure politique, on avait cru devoir la tenir secrète. Agrippine, colonie célèbre de la Germanie inférieure, venait, après un siège obstiné, d'être prise d'assaut et saccagée par les barbares. Ce malheur frappa l'esprit de Julien, comme un présage de ce que lui réservait l'avenir; et plusieurs fois on l'entendit répéter avec amertume qu'il n'avait gagné à son avènement que de mourir moins tranquille.

A son entrée à Vienne, la population de tout

(i) Pavie.

pandit animarum interna. Eumque, ut potiqri reverentia servaretur, nec supra modum làndabaiU j nec hifra, qunm decebat : atque ideo censorum yoces siirit.oesfiinalâs,.noii , militum. Susceplus denique ad consessum';veliicuti,,.ie-. ceplusque in regiam, bunc versum ex Homericq carminé susurrabat : '■«.--->• \'.■■■■'

E),).a& nopçupEoç Oàvoeto; XKÎ p.oïpa-/.potTcti'ô. '•

Haec die octavo Iduum novembr. gesla sunt ; cum Arbe-. tionein consulem annus haberet el Loilianimi. Deinde diëbus paucis, Helena virgine Conslantii soi'orë cidein'Cassàri jugali foederecopulala, paralisque uniyersis,quoematuritas proficiscendi poscebal, comilaln parvo suscepto, Kal. Decembribus egressus est : deductusque. ab Auguste adusque locum duabus columnis insignem , ..qui Laùmellum inlerjacet et Ticinum, itineribus rectis Taminospérvenit : ubi nuntio percellitiir gravi, qui nuper in eomitalum Augusti perlâtes, de industria silebatur, ne parata diffiuerenl'. Indicabal aulem Coloniam Agrippinam, ampli no-' niinis urbem in secunda Germania, pertinaci barbarorum obsidione reseralam magnis viribus el delëlam. Quo masroreperculsus, velut primo adventanti'um malorum auspicio, raurmurans querUlis vocibus saspe audiebatur : nihil se plus adsequulum, quam ul occupatior mterire!.


LIVRE XV. 41

âge et de tout rang, tant de la ville que des environs, se précipita au-devant du prince désiré que le ciel accordait à ses voeux. D'aussi loin qu'on l'aperçut, les mots d'Empereur clément, à'Empereur fortuné, retentirent de toutes parts avec un indicible enthousiasme. On jouissait avidement de voir enfin les attributs de la royauté sur un prince légitime : sa présence allait remédier à tout; c'était un génie tutélaire se montrant à l'heuremême où tout paraissait perdu. Une vieille femme aveugle avait demandé quelle entrée on célébrait? quand on lui eut répondu : Celle de Julien, elle s'écria qu'il rétablirait les temples des dieux.

IX. Maintenant jepuis dire, après le chantre illustre deMantoue,quemon sujet grandit, qu'une plus majestueuse série d'événements se déroule devantmoi.Unedescriptionpréalabledelacontrée. qui en fut le théâtre ne saurait donc être un horsd'oeuvre; car des notions de ce genre jetées incidemment au milieu du récit, quand l'intérêt du lecteur est éveillé par l'attente d'une bataille ou par les alternatives du combat, font ressembler l'auteur à ces marins qui ont négligé aux heures de loisir la réparation de leurs voiles et de leurs cordages, et se voient forcés de s'en occuper au moment où ils sont déjà aux prises avec la tempête et battus par les flots.

Les anciens auteurs, faute de données précises, ne nous ont transmis sur l'origine des Gaulois que" des notions plus ou moins incomplètes. Mais plus récemment Timagène, Grec par l'activité d'esprit comme par le langage, parvint à' rassembler un grand nombre de faits longtemps perdus au milieu des livres obscurs dont il les avait tirés. Je vais m'aider de ses recherches, en y ajoutant

Cumque Viennam venisset, ingredienlem optatum quidem et impetrabilem honorifice susceplura omnis astas conciirrebat et dignrtas : proculque visum plebs universa cum vicinitate (initima, Imperatorem clementem adpellans et fausliinrj-piaejia_ consonis laudibus celebrabat, avidius pompam regianî in principe legitimo cernens : communiumque rémedium asrumnarum in ejus locabat adventu, salutarem quemdam Genium adfulsisse conclamatis negotiis arbitrata. Tune anus quasdam orbaluminibus,cum perconlando, quinam essetingressus, Julianum Cassarem comperisset, éxclaniavitj hune deorum lempla reparaturum. JX. Proinde, quqniam ( ut Manluanus vates prasdixit excelsus) majusopus moveo, majorque mihi rerum nascilur ordo,.Galliarum tractus et situm ostèndere puto nunc tempestivjim , ne inter procinclus ardentes prasliorumque varios casus ignota quibusdamëxpediens, imitari videar desides nauticos, adtrita lintea cum rudentibus, quaslicuit parari Gecurhi:.., inter fluctus, resarcire coactos et . Icmpeslales. AmbLentes super origine prima Gallorum seriptores veteres rmtitiam reliqùere negotii semipjenam : sed postea ^imagenes, -A diligentia Graecus et lingua, hase, quîo- diu suiil igno/atc-, collent ex 'multiplicibus libris : cuju:. fidem seijuuti, obi'.ilate dimota'i eadem distincte

la méthode, et en tâchant dé mettre chaque-chose dans son ordre et dans son jour. \ D'après le rapport des contemporains, Ies-tAbo|rigènes de cette contrée étaient un peuple appelé Celtes, du nom d'un roi de mémoire chérie ; ou Calâtes, du nom de la mère de ce mêmefci. De ce dernier nom les Grecs ont fait celui de Sglles (Gaulois). Une colonie de Doriens, suivant d'autres, y était venue, à la suite du plus ancien des Hercule former un établissement sur le littoral. Selon les antiquités druidiques, la population de la Gaule n'est indigène qu'en partie, et s'est recrutée à diverses reprises par l'incorporation d'insulaires étrangers venus d'au delà les mers , et de peuplades transrhénan^s chassées de leurs foyers, soit par les vicissitudes de la guerre, état permanent de ces contrées, soit par les invasions "de l'élément fougueux qui gronde sur leurs côtes. D'autres disent qu'une poignée de Troyens, échappés au sac de leur ville, et rencontrant partout les Grecs dans sa fuite, vint occuper ces régions, alors sans habitants. L'opinion soutenue par les naturels, et leurs monuments en font foi, est qu'Hercule, fils d'Amphitryon, destructeur rapide de Géryon et de Taurisque, l'un tyran de l'Espagne, l'autre de laGaule, eut, de son commerce avec diverses femmes des plus nobles familles de ce dernier pays, un grand nombre d'en-fants, dont chacun donna son nom au canton régi par ses lois. La même tradition veut qu'une émigration de Phocéens d'Asie, fuyant l'oppression d'Harpale, satrape de Cyrus, ait d'abord pris terre en Italie, et fondé la ville lùcanienne de Vélia; puis soit allée avec le reste de son monde élever Marseille dans la Gaule Viennoise, établissement qui, devenu prospère, aurait, à la

docebimus et aperte. Aborigines primos in his regionibus quidam visos esse firmarunt, Celtas nomine régis amabilis, et matris ejus vocabulo Galatas dictes : ita enim Gallos sermo Graecus adpellat. Alii Dorienses, anliquio- ■ rem sequulos Herculem, oceani locos inhabilasse confines. Drysidae memorant rêvera fuisse populi partem indigenam : sed alios quoque ab-insulis exjiniis contluxisse el Iractibus traiisrhenanis, crebritate hellqrum, et alluvione fervidi maris sedibus suis expulsos. Aiunt quidam, paucos post excidium Troiae, fugitantes Grascos ubique dispersos, îoea hase occupasse, tune vacua. Regionum autem incolae id magis omnibus adseverant, quod etiam. nos legimus in monumentis eorum incisum, Ampbitruonis filium Herculem ad Geryonis et Taurisci sasvium tyrannorum perniciem festinasse, quorum aller Hispanias, alter Gallias infestabat : superatisque ambobus coisse cum generosis feminis, suscepisseque liberos plures, et eos paries, quibus imperitabant, suis nominibus adpellasse, A Pbocasa vero Asialicus populus Harpali inclenienliam vitans, Cyri régis prasfecti, Ilaliam navigio peliit. Cujus pars in Lucania Velium; alia condidit in Viennensi Massiliam : dein sequutis astatibus oppida aucla viriuni copia, inslituere non pauca : sed decliuanda varietas, saspe satietati


42 AMMIEN MARCELLIN.

suite des temps, couvert le pays de nombreuses colonies.

Nous abrégeons cette revue, que trop de fidélité finirait par rendre fastidieuse. Insensiblement la civilisation s'introduisit chez ce peuple : il prit goût au culte de l'intelligence, sous l'inspiration de ses bardes, de ses cubages et de ses druides. Les bardes célébraient les grandes actions dans des chants héroïques, où se mariaient les doux accords de la lyre ; les eubages interrogeaient, commentaient les sublimes secrets de lanature.Quantàux druides, IeursspécUlations étaient encore d'un ordre plus élevé : formés en communautés dont les statuts étaient l'oeuvre de Pythagore, l'esprit toujours tendu vers les questions les plus abstraites et les plus ardues de la métaphysique comme le maître, ils tenaient en mépris les choses d'ici-bas, et déclaraient l'âme immortelle.

X. Cette région, qu'à la réserve de ses cantons maritimes séparent du reste du genre humain des monts gigantesques couronnés de neiges éternelles, tient de la nature un ensemble de défense aussi complet que si l'art s'en fût mêlé. Baignée au midi par les mers Tyrrhénienne' et Gallique, vers le nord elle oppose aux barbares Je cours du Rhin pour barrière. Elle a l'Océan et les Pyrénées pour rempart au couchant; et, du côté où le soleil se lève, la masse imposante des Alpes Cottiennes. C'est là que le roi Cottis tint seul contre nous si longtemps, protégé par ses impraticablesdéfiléselparses rocs inaccessibles. Ce prince toutefois rabattit plus tard de sa fierté; et ce fut lui qui, devenu l'ami de l'empereur Octavien^ par un retour d'affection mémorable, et après des efforts inouïs, ouvrit plus loin, au travers des vieilles Alpes, ces routes si commodes

conjuncta. Per base Ioca homhiibus paullatim excultis, viguere sludia laudabilium doctrinarum, inchoata per Bardos, et Euhages, et Druidas. Et Bardi quidem fortia virorum illustrium facla heroicis composita versibus cum dulcibus lyras modulis cantitarunt : Eubages vero scrutantes sériera et àiblimia natures pandere conabantur. Inter hos Druidas ingeniis celsiores, ut auctoritas Pythagoras decrevit, sodaliciis adstricti consorliis, quasstionibus occullarum rerum altarumque erecli sunt, et despeetantes bumana pronuntiaruht animas immorlales.

X. Hanc Galliarum plagam, ob suggeslus montium ar<luos, et horrorenivali semper obductos, orbis résidu i incolis anlebac pasue ignolam ( nisi qua litloribus est vicina ) munimina claudunt undique, natura velut arle circumdala. Et a lalére quidem australi Tyrrbeno adluitur, et Gallico mari : qua coelesle suspicit plauslrum, a feris gentibus liuontis dislinguilur Rheni : ubi occidenlali subjecta est sideri, oceano el altiludine Pyrenasi cingitnr; unde ad solis ortus adlollilur, aggeribus cedit Alpium Coltiarum : quas rex Cotlius, perdomitis Galliis, solus in angusliis latens, inviaque iocorum asperilate confisus, leuilo laDdem tumore in amicitiam Oclaviani receptus prinqui

prinqui abrègent trajet. Je donnerai une autre fois sur cette opération les renseignements que j'ai pu recueillir.

Dans la chaîne des Alpes Cottiennes qui s'appuie à la ville de Suse, se trouve une crête prèsqueimpossibleàfranchir.Lamontée, pour le voyageur qui vient de la Gaule, s'en Opère facilement sur un plan peu incliné ; mais pour descendre par le versant opposé on trouve une pente et des précipices dont la vue seule fait frémir. G'estsurtout au printemps, quand la température adoucie détermine le dégel et la fente des neiges, que sur une chaussée étroite, bordée des deux côtés par des précipices, et coupée de fondrières masquées par une accumulation de frimas, il faut voir chanceler, trébucher piétons, bêtes de charge et voitures. On n'a encore trouvé qu'un expédient pour diminuer les chances de destruction : c'est d'assujettir les véhicules au moyen de gros câbles qu'on retient en arrière à force de bras, ou avec des attelages de boeufs ; et, une fois enrayés de la sorte, de les convoyer un peu plus sûrement jusqu'au pied de la côte. Voilà comme les choses se passent au printemps.

En hiver, la scène change : le sol, durci et comme poli par la gelée, n'offre partout qu'une surface glissante où l'on peut à peine tenir pied ; et de profonds abîmes, auxquels une croûte de glace donne l'apparence perfide de la plaine, engloutirent plus d'une fois les imprudents qui osèrent s'y risquer. Aussi, pour le salut des voyageurs, lès habitants du pays, à qui les passes sont connues, ont-ils soin de leur jalonner la route la plus sûre par de longues perchés fichées enterre. Mais que, renversés parles éboulements, cèspieux viennent à disparaître sous la neige, la traversée devient bien dangereuse, même en prenant pour

cipis, mùlibus magnis exstruxil ad viçem-rnemorabilis muneris, compendiarias et viàniibusoppbftiinas,; médias inter alias Alpes vetastas, super quibus çomperlj. paullo postea reféremus. In bis Alpibus Coltiis,UfiMttïïm initium a Segusione esl oppido, praseelsnni ërigilur juguni, nulli fere sine discrimine pehetrabilë; Est eiiïiii e Galliis vépientibus prona humilitate- devexum, pendéntium-saxorum altrinsecus visu terribile, prasserlim veriio•tempore : cum liquente gelu, nivibusque solulis flatu càlidiôfë. vëiitorum, per diruplas utrimque angustias, et lacunas pruiuarum congerie lalebrosas, descendentes cùnclantibus plahtis homines et jumenta procidunt etcarpenta : idque remedium ad arcendum exitium repertum est solum,.quod pleraque véhicula vaslis funibus illigata, pone cohibente virorum vel boum nisu valido, vix gressu reptanle paullo tutius devolvuntur. Et hase, ut diximuS, anni verno contingunt. Hiemeverobumuscrustalafrigoribus.eltamquamlevigata, ideoque labilis, incessuniprascipilanlemimpellil, et patulK valles per spalia plana glacie perfidas vorant n&nmioeauaai transeunles. Ob quas lôcorum callidi, eminentes'.ligneos sti ■ los per cautiora loça defigunt, ut eorum séries.viatorem ducat innoxinm : qui si nivibus operli îaluerii.l, mor.tanisiîe.


LIVRE XV. 43

guides les paysans des environs. Ce pas franchi, on marche en plaine l'espace de sept milles jusqu'à là station de Mars. Là se dresse devant vous un pic plus élevé, plus difficile encore à gravir, et dont le point culminant a pris le nom de la Dame, depuis l'accident arrivé à une femme de qualité. De là on ne fait plus que descendre en pente douce jusqu'au fort de Virgance (l). Le tombeau du petit souverain constructeur des routes dont nous avons parlé se voit sous les murs de Suse. Un double motif dé vénération s'attache à sa mémoire : il gouverna son peuple avec équité, et, par son alliance avec nous, lui assura la paix à toujours. ,v

La route dont nous venons de parler est effectivement la plus courte, la plus directe et la plus fréquentée; mais antérieurement il en avait été ouvert d'autres à diverses époques. La plus ancienne est l'oeuvre de l'Hercule thébain ; et ce travail fut à peine un temps d'arrêt pour le héros, lorsqu'il courait donner la mortà Géryon et à Taurisque. Cette voie longe lesAlpesmaritimes, auxquellesHerculedonnalenom d'AlpesGrecques. La j citadelle et le port de Monaco sont encore d'éter! nels monuments de son passage dans ces contrées. Cette chaîne, plusieurs siècles après, prit le nom d'Alpes Poenines : voici à quelle occasion. Puhlius Cornélius Scipion, père du premier Africain, chargé de porter secours à Sagonte, si célèbre par sa constance et par ses malheurs, et dont le siège était alors vivement poussé par les forces puniques, faisait voile vers l'Espagne avec une flotte montée par un corps de troupes considérable. Maïs déjà les armes de Carthage avaient prévalu; le désastre était consommé :

11) firiauçon.

iluentibusriviseversi, agrestibusprasviisdifficile pervadunlur. Àsiimmitateautemhujusltalicielivi.plamtiesadusque stafionem nomine Maflïs, per seplem' extenditur millia : elliinc alia celsitudo erectior, asgreque superabilis, ad Matronàrpor-rigiliu' verticem, cifjus vocabuluin casus feminas nobilis dédit, Unde déclive, quidem iter, sed expeditius adusque castellum Virganliam palet. Hujus sepulcruïn reguli, quem ilinera-slruxisse relulimus, Segusione est moenibus proximum ; manesque ejus ralione gemma religiose colunlur : quod juste moderamine rexerat sûos, et adscites in societatem rei Romanas, quietem genli prasstililsempilernam. Et licet hase, quam diximus viam, média sit et compendiaria, magisque celebris, tamen etiam alias multo antea tempôribus sunt constructas diversis. Primam Thebasus Hercules ad Geryonem exslinguendum, . ut relatum est et Tauriscum lentes gradiens, prope maritiraas composuit Alpes -. hicque Graiarum indidit nomen : Monceci simililer arceni et portum ad perennem sui memoriam consecrayit. Deinde emensis postea sasculis mullis, bac ex causa sunt Alpes excogitafas Posninas. Superioris Africani pater P. Cornélius Scipio Sagnnlinis rnemorabjlibus asrumnis et fide, pertinaci deslinatione Afrorum obsessis, ilurus auxilio in Hispaniam, traduxit onustam

Scipion ne pouvait se flatter d'atteindre par terre Annibal, qui avait déjà passé le Rhône, et qui était depuis trois jours en pleine marche vers l'Italie. La mer lui offrait un trajet plus court. Par une navigation rapide, il revint se placer en observation devant Gênés, ville de la Ligurie, se tenant prêt dans l'occasion à fondresur l'ennemi au moment où il déboucherait en plaine, harassé par les difficultés de la route. La prévoyance de Scipion ne s'en tint pas là : il envoya son frère contenir en Espagne l'armée d'Asdrubal, qui menaçait Rome d'une double invasion. Mais Annibal fut averti de la présence de Scipion par des transfuges; et comme il n'avait pas moins de décision dans l'esprit que de finesse, il prit à Turin des guides qui le conduisirent dans une autre direction, par le Tricassiu (1) et l'extrême frontière des Voconces (2), jusqu'aux défilés des Tricores (3 ). Là il s'ouvrit un passage où nul ne s'en était frayé avant lui, en perçant une énorme roche, amollie au moyen d'un grandfeu et de vinaigre qu'il y ayait fait répandre ; puis, traversant le lit vagabond et dangereux de la Durance, il envahit soudain les campagnes d'Étrurie. Mais c'en est assez sur les Alpes ; parlons du resté de la Gaule. XI. Il paraîtqu'en remontant àuneépoque reculée, où la Gaule barbare était tout à fait inconnue, on trouve le pays divisé entre trois races bien distinctes, les Celtes ou Gaulois, les Aquitains et lesRelges; toutes trois différentes de langage, de coutumes et de gouvernement. Entre les Aquitains et les Celtes ou Gaulois, la limite naturelle est la Garonne, fleuve qui prend naissance dans les Pyrénées, et baigne des villes nombreuses

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(i) Saint-Paul Trois Châteaux. — (2) Valson, en Dauphinc. — (3J District de Briançon.

manu valida classera : sed civitate Poenorum Marte delela, Haiinibalemadsequi nequiens, triduo ante transite Rhodano ad ïlalise partes contendenlem, navigatione veloci intercurso spalio maris haud longo, degressurum montibus apud Genuam observabat, Ligurias oppidum, ut cum eo, ' si copiam fors dedisset, viarum asperitate fatigato decer- - neret in planifie. Consulens tamen rei communi, Cn.IScipionem fratrem ire monuit in Hispanias, ut Hasdrubalem exinde similiter erupturum arceret. Quas Hannibal doctus a perfugis, ut erat expediles mentis et callidas, Tauiinis ducenlibus accolis, per Tricastinos et oram Vocontiorum extreraam, ad saltus Tricorios venit. Indeque exorisus, aUud iter antehaç insuperabile fecit : excisaque rupis in iramensum elata, quam cremando vi magna flanimàrum aceloque infuso dissdlvit, per Druentiam flunien gurgilibus vagis inlutum, regiones occupavit Etruscas. Hacténus super Alpibùs, nunc ad restaotia veniamus.

XI. Tempôribus priscis, cumlaterent bas parles ul barbaras, tripartilas fuisse creduntur, in Celtas eosdemquc Gallosdivisas, et Aquitanos, el Belgas, lingua, insiiliilis, legibusque disciepanles. Et Gallos quidem, qui Cellas ' sunt, ab Aquitains Garumna disterminatllumen, a Pyreiiasis orieus collibus, poslqueoppidamulta-transcursainOoeauc.


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avant de se perdre dans l'Océan. La Seine et la Marne, deux rivières d'importance égale, séparent ces dernières des Belges. Elles traversent la Gaule Lyonnaise, enferment par leur jonction la forteresse des Parisiens qu'on appelle Lutèce, puis vont, réunies dans un même lit, se jeter dans la mer, non loin de la ville à laquelle Constance Chlore a donné son nom.

De ces trois nations, celle des Belges passait pour la plus vaillante aux yeux de nos pères ; ce qui tient à leur position géographique, qui les mettait d'un côté en dehors du contact de la civilisation et des raffinements qu'elle procure, et, de l'autre, les tenait en collision permanente avec les peuples germaniques d'outre-Rhin. Les Aquitains au contraire, par le rapprochement des distances, et la facilité d'accès de leurs côtes, appelaient en quelque sorte les importations du commerce. Aussifurent-ils de bonne heure amollis , et n'opposèrent qu'une faible résistance à la domination romaine.

Quand la Gaule eut, de guerre lasse, fait sa soumission au dictateur César, sa superficie entière fut divisée en quatre gouvernements, savoir, celui de la Gaule Narbonnaise, comprenant laLyonnaiseetlaViennoise; celui de l'Aquitaine, qui embrassait tous les peuples du nom d'Aquitains , et deux autres gouvernements par lesquels étaient respectivement régies les Germanies tant supérieure qu'inférieure, et le pays des Belges. Son organisation, plus compliquée aujourd'hui, se compose, à partiù du couchant, des provinces ci-après : la seconde Germanie, qui possède dans son sein les deux vastes et populeuses cités de Tongresetd'Agrippine(l); la première Germanie,

(i) Cologne.

delitescens. A Belgis vero eamdem gentem Matrona discernit etSequana, amnes magnitudinis gemmas : qui (luentes ]>er Lugdunensem, post circumclausum ambitu insulari Parisiorum castellum, Lutetiam nomine, consociatim meantes prolinus prope castra Constantia fundunlur in mare. Horum omnium apud veleres Belgas dicebantur esse fortissimi, eapropter, quod ab bumaniorecultu longe discret!, nec advenlitiis effemteati deliçiis, diu cura transrbeîianisçertavereGermanis. Aquitanienim, ad quorum littora ut proxima placidaque merces adventitiaè convehunlur, moribus ad mollitiem lapsis, facile in ditionem venere Roînanam. Regebantur autem Gallias omnes, jam inde uti crebritatebellorum urgenli cessere Julio diclatori, potestate in partes divisa quatuor : quarum Narbonensis una, Vienpensem intra se continebat, et Lugdunensem : altéra Aquiianis prascrat universis : superiorem et iuferiorem Germaniam, Belgas'que duaejurisdicliones iisdem rexere tempôribus. At nunc numeranlur provincias per oninem ambilum Galliai uni : secunda Germania, prima ab occidentali exordiens cardine, Agrippina et Tungris munita, civitatibus amplis et copiosis. Dein prima Germania, ubi praster alia ■municipia Mogontiacus est, el. Vangiones etNemetas, et Argentoralus barbaricis cladibus nota. Post bas Belgica

où l'on rencontre, entre autres villes municipales, Moguntiacum (l), Vangion (2),lesNemètcs(3) et Argentoratum, célèbre depuis par la défaite des barbares. Vient ensuite la première Belgique, qui s'enorgueillit de Metz et de Trêves, illustres résidences de souverains ; la seconde Belgique, limitrophe de là première, où se trouvent Amiens, ville du premier ordre, Châlons ( sur Marne) et. Reims. AupaysdesSéquanais on compteBesançoh etRauraque (4), qui le cèdent à peu d'autres villes.Lyon, Châlons" ( surSaône), Sens, Bourges et enfin Autun, parla splendeur séculaire de leurs murs, font l'ornement de la première Lyonnaise. La seconde étale avec orgueil Rouen ; Tours, Mediolanum (5) et les Tricasses (6). Les Alpes Grecques et Poenines, sans parler de cités plus obscures, possèdent Avénche, déserte aujourd'hui,mais ville de renom jadis, ainsi que l'attestent encore de nos jours les ruines de ses édifices. Toutes ces provinces et cités sont la fleur de la Gaule. Dans l'Aquitaine, bordée parles Pyrénées etparlamer qui baigne l'Espagne, la première Aquitanique se fait remarquer par la grandeur de ses villes, parmi lesquelles il faut citer de préférence Bordeaux, les Arvernes (7), Saintes et Poitiers. Auch et Bazas sont l'honneur de la Novempopulanie (8). Euse, Narbonne et Toulouse priment entré les cités de la Narbonnaise. La Viennoise n'est pas moins fière de la beauté de ses villes, dont les plus remarquables sont Vienne elle-même, dont elle tire son nom; puis Arles et Valetce. Il faut y joindre Marseille, puissante auxiliaire de Rome, suivant l'histoire, en plus d'une eifconstance critique. Non loin de là sont Sçâycé$]$), Nice,

(i) Mayence. — (j)VVorms. — (3) Spire. -MVj-Mle.^pj Éyrèux.— . (6) Troyes. —(r) Ciermont-Ferraud. — (s) LaGàsçqgne;V-.;(9) Aix.

prima Mediomalricos prastendif, ét:Trëvirps;^bteicilium principum clarum. Huic adnexa secunda«sjt.Belgica;, qua Ambiani sunt, urbsinter alias eminens,.et'Çâ.tëlâuniëfRéini. Apud Sequartos Bisonlios videmus,ët Ràufàcos,aliis po-. tiores oppidis multis. Eugdunensèm priniamfÊùgdnnus ornât, et Cabillonus et Senonës, et Biturigaej^lnKSÎïïuni Augustoduni maguitudo -vetu.sta.. Seçundam-eram TjUgdnhen. sem Rothomagi, etTuronés, Mediolanumfostéiî.duiit,*! Tricassini : Alpes Graiaoet.Poen|na3,.excep.lis:obsc»irioi-ibus . . . . babent et Avenlicu.m, deseitâm q.iiidenï-civitalem, sed non iguobilem quondam, ut asdificia seniiruta nunc quoque demonsti-ant. Has provinciaé-, '.iirbesqùë sunt splendidae Galliarum.In Aquitania,quas Pyi'ëhàeôs montes et eam partem spectat Oceani, quas pertinêt ad Hispanos, prima provincia est Aquilanica, àmplitudine çivilatum admodum culta : omissis aliis mullis, Burdegala,etÀrverni excellunt, et Santones, el Pictavi. Novem populos Aùsqi commendant, et Vasalas. In JJarbo'nensi Eusa et Narbona, ' et Tolosa principalum urbium tenent. ViennènsiS;CÎTitàtuin exsultat décore multarum, quibus poliorès sunt Vienna ipsa, et Arelate, et Valentia : quibus Massiliajuhgitnr, cujus societate et viribus in discriminibus arduiè fultam alb quoties legimus Romam. His prope Saluvii sunt, et JSicasa',


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Antipolis (i) et les Stoechades (2). Puisque l'enchaînement de mon sujet m'oblige à parler de ces contrées, taire un fleuve aussi renommé que le Rhône serait une impardonnable omission.

Le Rhône, au sortir des Alpes Poenines, précipite impétueusement vers les basses terres une masse d'eau considérable, et, vierge encore de tout tribut, roule déjà dans son lit à pleins bords. Il se jette ensuite dans un lac appelé Léman, qu'il traverse sans se mêler à ses ondes, et sillonnant à la sommité cette masse comparativement •inerte, s'y fraye de vive force un passage. De là j sans avoir rien perdu de ses eaux, il passe entre la Savoie et le pays des Séquanais, poursuit son cours, laissant à sa droite la Viennoise, à sa - gauche la Lyonnaise, et forme brusquement le , coude après s'être associé l'Arar, originaire de la v première Germanie, qu'on appelle dans ce pays la Saône, et qui perd son nom dans cette rencontre. C'est ici que commence la Gaule, et les distances se mesurent, à partir de ce point, non plus par milles, mais par lieues. Grossi de cet affluent, le Rhône peut alors recevoir les plus gros navires, ceux même qui ne naviguent ordinairement qu'à voiles. Arrivé enfin au terme marqué à sa course par la nature, il verse son onde écumante dans la mer des Gaules par une vaste embouchure, près de ce qu'on nomme les Échelles (3), à dixhuit milles d'Arles environ. Mais c'est assez de détails géographiques; parlons de la conformation physique et du caractère des habitants.

XII. Les Gaulois sont en général de haute taille; ils ont le teint blanc, la chevelure blonde,

(ij Antibes. — (2) lies d'Hyères. — (3) Les Gras, en dialecte provençal.

et Anlipolis, insulasque Stoechades. Et quoniam ad has parlés opère contexte pervenimus, silere super Rhodano, maximi no.minis lîumine, incongruum esl et absurdum. A Posais Alpibus effusiore copia fontium'Rhodanus fluens, etprocli.vi impetu ad planipra degrediens,proprio àgminerip'as^cejiltàt, et paludi sese ingurgitât nomine Lemann'o,

'■•' eaniquejniêrnïeàns, nusquam aqùis miscetur externis : sed altrinsecus summilatès undas prasterlabens segnioris, quasrilans exitus, viam sibi impetu yeloci molilur. Unde sine jaçtara rerum per Sapaudiâm fertur-et Sequanos : longeque progressus, Viennènsém laleresinistro perstringit, dextro Lugdanenseni : ëtemensus spalia flexuosa, Ararim,quem Sauconam adpellant, inter Germaniam primam fluenlem, snum in nomen àdsciscit : qui locus exordium est Galliaruni. Exindequenonmillenis passibus,sédleugisitinera nietiuntur. Hinc Rhodanus aquis advenis locupletior, vehil grandissimas naves, ventorum diffialu jaclari saspius adsuetàs : finitisque intervallis, quas ei nalurapràsscripsit, spumeus Gàllico mari conçdqjorater per patulum sinum, quem vocant Ad Gradus, ab Arelate octavo decimo ferme lapide disparatum. Sit satis de situ locôrum : nunc figuras

_ et mores hominum dësignabo.

XII. Celsioris staturas etcandidi paene Galli sunt omnes, et rutili, luminumque torvitate terribiles, avidi jurgiorum,

le regard farouche et effroyable. Leur humeur est querelleuse et arrogante à l'excès. Le premier venu d'entre eux, dans une rixe, va tenir tête à plusieurs étrangers à la fois, sans autre auxiliaire que sa femme, champion bien autrement redoutable encore. Il faut voir ces viragos, les veines du col gonflées par la rage, balancer leurs robustes bras d'une blancheur déneige, et lancer, des pieds et des poings, des coups qui semblent partir de la détente d'Une catapulte. Calmes ou courroucés, les Gaulois ont presque toujours dans la voix des tons menaçants et terribles. Us sont universellement propres et soigneux de leur personne. On ne voit qui que ce soit, homme ou femme, en ce pays, en Aquitaine surtout, porter des vêtements sales et déchirés ; rencontre si commune partout ailleurs.

Le Gaulois est soldat à tout âge. Jeunes, vieux courentaucombatdemêmeardeur; etiln'estrien que ne puissent braver ces corps endurcis par Un climat rigoureux et par Un constant exercice.- L'habitude locale en Italie de s'amputer le pouce pour échapper au service militaire, et l'épithète de mur eus ( poltron ) qui en dérive, sont choses • inconnues chez eux. Us aiment le vin de passion,. et fabriquent pour y suppléer diverses boissons fermentées. L'ivresse, cette frénésie volontaire, comme l'a définie Platon, y est l'état habituel de bon nombre d'individus de la basse classe, qui ne font qu'errer çà et là dans un abrutissement complet; ce qui justifie le mot de Cicéfon dans son plaidoyer pour Fonteiùs : Les Gaulois vont mettre de l'eau dans leur vin. Autant vaudrait, selon eux, y mettre du poison.

La partie de cette région qui avoisine l'Italie

et sublatius insolescentes. «Nec enim eorum quemquam adhibita uXore rixantem, multo fortiore et glauca, peregrinorum ferre poterit globus : tum maxime cum illaiiiflata cervice suffrendens, ponderansque niveas ùlnas et vastas, admislis calcibus emittere coepérit pugnos, ul catapultas tortilibus nervis excussas. Metuendas voces complurium et hiinaces, plaçatorum juxta et irascentium -./Eérsi tamen pari diligentia cuncli et mundi : nec in tractibiis illis, maximeque apud Aquitanos, poterit aliquis videri, vel femiça, licet per.quam pauper, ut alibi, fruslissqualere. pannorum. Ad mililandum omnis astas aplissima : et pari pectoris robore senex ad procinctum ducilur et adultes, gelu duratisarlibns etlaboreadsiduo, multacontemplurus et formidanda : nec eorum aliquando quisquam, ut in Ilalia, munus Martium perlimescens, pollicem sibi prâscidit, quos localiter murcos adpellant. Viui avidum genus, adfectans ad vini similitudinem muUiplices polus : et iriter eos humiles quidam obtusis ebrietate continua sensibus, quam furoris voluntariam speciem esse Catoniana sententia defmivit, raptantur discursibus vagis : ut verum illud videatur, quod ait defendens Fonteium Tullius, Gallospost keec dilutius essepoturos, quod illi venenumesse arbitrabantur. lias regiones, praecipue quas confines Ilalicis, paullalim


40 AMMIEN MARCELLIN.

a passé sans de grands efforts sous le joug romain. Son indépendance menacée en premier lieu par Fulvius, puis ébranlée fortement dans une suite de petits combats soutenus contre Sextius, fut tout à fait abattue par Fabius Maximus ; avantage que ce dernier n'obtint cependant que par la réduction des Allobroges, nos plus opiniâtres adversaires dans cette lutte, et qui lui valut un surnom- Mais ce ne fut qu'après dix ans de campagnes, comme nous l'apprend Salluste, et diverses alternatives de succès et de revers, que l'universalité de la Gaule, sauf les cantons rendus inaccessibles par des marais, fut enfin soumise à César, et annexée à l'empire par un lien désormais indissoluble. Mais cette digression nous entraîne trop loin du sujet ; hâtons-r nous d'y rentrer. *=■

XIII. L'Orient, depuis la mort tragique de Domitien, était gouverné par Musonien, qui lui avait succédé dans les fonctions de préfet du prétoire. Musonien s'était faitnne réputation par son agréable facilité à s'exprimer dans les deux langues, mérite qui lui valut un avancement ines^- péré. Constantin désirait s'instruire à fond des subtilités du dogme chez les manichéens et autres sectaires, et ne savait à qui s'adresser pour les lui expliquer. Musonien lui fut recommandé, et fut agréé par lui sur l'assurance qu'on lui donna de sonaptitude. Celui-ci sut setirer de cette tâche àla satisfaction du prince, qUiialuitémoigna, d'abord en lui faisant changer son nom de Stratégius en celui de Musonien, puis en l'élevant de degré en degré jusqu'à la préfecture. Esprit sage, affable et

levi sudore sub imperium venere Romanum : primo tentâtes per Fulvium, deinde prasliis parvis quassatoe per Sextium, ad ultimum per Fabium Maximum domitas : cui negolii plenus effectus, asperiore Allobrogum gente devicta, hoc indidit cognomentum. Nam omnes Gallias, nisi qua paludibus inviasfuere, ut Salluslib docetur auctore, post decennalis belli mutuas clades subegit Cassar, soeietatique nostras fosderibus junxit asternis. Evectus sum longius, sed remeabo tandem ad ccepta.

XIII. Ûomi.tiano crudeli morte consumpto, Musonianus ejus successor Orientera prastoriani regeb'at potestate prasfecti, facundia sermonis utriusque clarus :undesublimius, quam sperabatur, eluxït. Constantinus enim cum limalius superstitionum quasreret sectas, Manichasorum et similium , nec interpres inveniretar idoneus, liunc sibi cornmendatum ut sufficientem elegit : quem ofticio funclum pefite, Musonianum voluit adpellari, ante Strategium dictilatem : et ex eo percnrsis honorum gradibus mullis, adscendit ad prasfecturam : prudensalia, tolerabilisque

conciliant, il eût rendu son administration assez douce-aux provinces, sans l'avidité dont il fit preuve en toute circonstance, et là particulièrement où ce vice est le plus odieux, dans l'exercice des fonctions de juge. Cette disposition sordide éclata surtout dans les poursuites auxquelles donna lieu lamort de Théophile, consulaire de Syrie , signalé par un mot de Gallus aux fureurs de la populace, qui le mit en pièces. Tout prévenu pauvre fut condamné, eût-il prouvé l'alibi jusqu'à l'évidence ; tout prévenu riche fut acquitté, même après culpabilité démontrée ; mais seulement au prix de sa spoliation complète. Musonien avait un émuleen faitde rapacité dans la personne de Prosper, qui avait alors l'autorité militairedans la Gaule, où il remplaçait par intérim le géné-»ral de la cavalerie. C'était le dernier des misérables ; de ces gens, comme dit la comédie, qui narguent les précautions et volent au grand jour. Taudis que ces deux hommes, par une coupable connivence, se prêtaient dans leurs déprédations un appui réciproque, les lieutenants du roi de Perse, dont les corps étaient cantonnés le long des fleuves frontières, tandis que leur maître était retenu à l'extrémité opposée de son empire, ne cessaient d'envoyer des partis inquiéter notre territoire. C'était tantôt l'Arménie et tantôt la Mésopotamie elle-même que leur audace, accrue par l'impunité, choisissait pour théâtre de leurs incursions; et tout cela sous les yeux des gouverneurs romains, qui ne songeaient, de leur côté, qu'à s'approprier la fortune de leurs concitoyens.

provinciis, et mitis et blandus : sed ox qualibet occasione, maximeque ex controversis litibus, quod nefàndiim est, et in totem lucrandi -avidjtate sordescens-:. ut inter alia, multa evidentër adparuit in quaestionibus agiialis super morleTheophili,Syria3consularis,prodilio«eCassaiis Galli. impetu plebis prqmiscuas discerpli >: ubi damnalis panperibus, quos, cum hase agërentur,■-përegïe;constatât fuisse, auctores diri facinoris, exuti patiïmonhs, absoluti sunt divites. ■..-,;:'. ;..:.' •'■":

Hune Prosper adaequabat, pro magisfro equitam, agente etiam tum in Galliis, militem regens, abjecte jgnavus, el, ut ait Comicus, arte despecta furtorum ràpiêns propalam.

Queis concordantibus, mutuaque conimercia Vicissim sibi conciliàndo locuplelalis, Persici duces Ticiui fluminibus, rege in ultimis ferrarum suarum ter-minis dccupalo, per pra3dateriosglobosnostravexabant,nunëArmeniam, • ahquolies Mesopolamiam confidenlius incursantes, Romanis ductorihus ad colligendas obedientium exuvias occupalis. ■ ' . ".


LIVRE XVI.

SOMMAIRE DES CHAPITRES.

I. Éloge du César Julien. II. Julien attaque les Allemands, les bat, les disperse, et leur fait des prisonniers. III. 11 reprend Cologne sur les Francs, el traite avec leurs chefs.

IV. Il soutient un siège dans Sens contre les Allemands.

V. Vertus du César Julien. VI. Arbétion accusé est absous. VII. Euthère, chambellan de Julien, défend son mattre contre Marcel. Éloge d'Euthère. VIII. Les faux rapports et les calomnies circulent dans le camp de Constance. Rapacité de ses courtisans. IX. Négociations

. pour la paix avec les Perses. X. Appareil militaire et presque triomphal de l'entrée de Constance à Rome. XI. Le César Julien attaque les Allemands dans les îles du Bhin, où ils avaient pris refuge, et relève les défenses des Trois Tavernes (1). XII. Coalition des rois allemands contre la Gaule. Julien les attaque et les défait près d'Argentoralum (2).

(An 356 après J. C.)

I. Pendant que se déroulait ainsi la chaîne des destinées de l'empire, Constance, entré dans son huitième consulat, inscrivait pour la première fois le nom de Julien atfx fastes consulaires. Cette âme fortement trempée ne rêvait alors que combats, extermination des barbares, et se promettait bien, avec l'aide du sort, de rétablir l'unité qu'ils avaient rompue dans la province. Les grandes choses que Julien opéra dans les Gaules, par l'ascendant de sa fortune et de son génie, peuvent aller de pair avec ce que les temps anciens ont de plus mémorable. Je vais m'efforcer de les passer en revue, si disproportionnée que soit la tâche avec les ressources de

(0 Saverne. — (,) Strasbourg.

" LIBER XVI.

JuliahiCassarJsIaus. C. I. Julianus Cass. Alamannosadoritur, caedit, capit et iUgat. II. Coloniam a Francis captam recipit, et pacein ibicum Francorum regibus facit. III. Apud Senonas oppidum ah Alamannis obsidetur. IV. Juliani Cassaris virtutes. V. Arbetio, vir çonsularis, accusatur, et absolvitUr. yI, Julianus Cass. a prasposito cubiculi sui Euthefio apud imperaiorem defenditur adversus Marcellum : et laus Eutherii. VU. Delaliones et calumnias in castris Constante Augusti, et aulicorum rapacitas. VIII. Agiter de pace. cum Persis. IX. Constante. A. militaris ac velut tri'Umpbalis in urbem Romani adventas. X; Julianus Cass. Alamannos in insulis Rheni, quo se et sua receperant, adgreditur,elTresTabernasadvërsuseosreparat. XI.Idem Ala'mannorum reges Galliam incubantes adgreditur, et . barbaros^apud Argentoratum acie tendit. XII.

(A. C. 356.)

I. Hase per orbem Romanum fatorum ordine contexte versante, Cassar apud Viennam in collegiurn fastorum a consuie oçlies Auguste adscitns, urgente genuino vigore, pugnanimfragorescasdesque barbaricas somniabat, colligere

mon faible talent. Ici la simple narration, bien que dégagée de tout ornement fictif, et appuyée de témoignages authentiques et des preuves les » moins équivoques, paraîtra quelquefois empiéter sur le domaine du panégyrique. C'est qu'une"; progression constante vers le bien semble avoir ] été la loi d'existence de ce prince, dépuis son no- ! ble berceau jusqu'à son dernier soupir. Sa renommée, toujours grandissantdans la paix comme dans la guerre, i'éleva par degrés rapides au niveau des plus grands souverains/On l'a comparé pour la prudence à Titus; à Trajan, pour ses expéditions triomphantes; pour la clémence, à Antonin. Une tendance persévérante vers la perfection idéale en ferait le pendant de Marc-Aurèle, que Julien avait pris pour modèle en effet dans ses actes et dans ses principes. On jouit des arts, a dit Cicéron, à peu près de la même fa- " con que de la vue d'un bel arbre. C'est sur la tige que tout l'intérêt se porte; il n'en reste point . pour la souche ni pour les racines. Il y a de même dans les premiers développements de ce beau caractère des parties restées inaperçues par l'effet de circonstances diverses, et à qui cependant l'admiration est due, même à plus juste titre qu'aux plus grandes choses qu'il ait faites depuis. En effet, ce dompteur de la Germanie, ce pacificateur des bords glacés du Rhin, ce héros dont le bras a terrassé les rois barbares, ou lesachàrgés de chaînes, est-ce quelque guerrier éprouvé que l le signal des combats a fait sortir de dessous la

provincias fragmenta jam parans, si adfuisset flatu tandem secundo. Quiaigitar res magnas, quas per Gallias virtute felicitateque correxit, multis velerum factis fortibus prasstant, singula série progrediente monstrabo, instrumenta omnia medîoeris jngenh , si suffecerint, commoturus. Quidquid autem narrabitur, quod non falsilas arguta con-- cinnat, sed fides inlegra rerurn absolvit, documentis evii dentibus fuite, ad laudativam pasne materiem pertinebit. Videtur enim lex quasdani vitas melioris hune juvene.m a nobilibus cuni.s adusque spiritum comitata supremum, Kamque inçremenlis velpcibus ita domi forisque colluxit, ut prudentia Vespasiani filius Titus aller asstimarelur, bellorum gloriosis cursibus Trajani simjllimus, clemens ut Anloninus, rectas perfectaeque rationjs indagine congruens Jlarco, ad cujus asmulationem actus suos effingebat et mores. Etquoniam, ut Tulliana doect aucloritas, omnium magnarum arlium sicut arborum altitudo nos delectat, radiées stirpesque non item : sic prasclaras hujus indolis rudimenta tune multis obnubilantibus tegebanlur, quas anteferri gestis ejus postea mullis et rairis hac ratione de- ^ berent, quod adolescens primasvus, ut Ereelitbeus in * ■■; <■ secessuMinervasnutritus, ex académies quietisumbraculis, " '


48 AMMIEN MARCELLIN.

tente ? Non ; c'est un élève des Muses, à peine adolescent, nourri comme Éreehthée dans le giron de Minerve, et sous les pacifiques ombrages de l'Académie.

IL Julien hivernait à Vienne, dans une préoccupation d'esprit continuelle, au milieu d'un conflit de rumeurs diverses, quand il reçut positivement avis d'une brusque attaque des barbares contre l'antique cité d'Autun, que défendait une enceinte de murs d'un développement considérable, mais où le temps avait fait plus d'une brèche. La frayeur avait paralysé la garnison, et c'en était fait de la place si, par un de ces efforts soudains qui sauvent dans les moments de crise, les vétérans n'étaient spontanément accourus à son secours.

Julien se décida sur-le-champ, en dépit des basses insinuations, qui ne lui manquèrent pas, de se ménager et d'écouter ses aises; et, ne prenant que le temps des préparatifs indispensables, il se rend à Autun le 8 des kaleudes de juillet (•24 juin ), par une marche conduite avec toute l'habileté et la prudenced'un capitaine consommé; marche pendant laquelle il fut constamment en mesure de faire face aux bandes qui auraient voulu lui barrer le chemin. Là il tint un conseil, où furent appelés ceux qui passaient pour mieux connaître le pays, touchant la direction la plus sûre pour l'armée. Les avis étaient partagés. Les uns voulaient marcher par Abor..., les autres par Sedelaucus et (l) Cora (2). Quand l'observation fut faite incidemment que Sylvain naguère avait passé, quoique non sans peine, avec huit mille auxiliaires, par un chemin plus court en effet, "mais que d'épaisses forêts, où une armée ne pouvait s'éclairer, devaient rendre suspect; César

(i) Saulteu. — (2) Cure.

non e militari tabernaculo, in pulverem Martium tractus, slrata Germania, pacatisque rigentis Rheni meatibus, cruenta spirantium regum bicsanguinem fudit, alibi manus calenis adfiixit.

II. Agens itaque negotiosam hiemem apud oppidum ante dictum, inter rumores, qui volitabant adsidui, cornpérit Augustoduni civitatis antiquas muros, spatiosi qui-"' demambilus, sed carie velustatis invalidos, barbarorum impetu repenlino insessos, torpente prassentium militera manu, veteranos concursatione pervigili défendisse : ut solet abrupta saspe discrimina salulis ullima desperatio propulsare. Nihil itaque remittentibus curis, ancillari adulatione poslhabita, qua eum proximi ad amosnilalem fleetebant.et luxum, salis omnibus comparatis, vin. Kal. Julias Augustodunum pervenit, velut dux diuturnus, viribus eminens et consiliis, per diversa palantes barbaros, ubi dedisset fors copiain, adgressurus. Habita itaque deliberalione, adsistentibus locorum perilis, quodnam iter cligereturut tulum, mulla ultro cilroque dicebantur aliis per

Arbor quibusdam per Sedelaucum et Coram iri debere

firmanlibus. Sed cum subsererenl quidam, Silvanum paullo ante magistrum peditum, per compeudiosasvias,

dès lors ne songea plus qu'à ne pas être en reste d'audace avec ce brave officier. Dans son impatience de tout délai, il ne prit même avec lui que les cataphractés ( armés de toutes pièces ) et quelques archers, escorte assez mal calculée dans cette occasion pour la sûreté du général, et gagna rapidement Autosidore (i ) par la même voie. De là, après avoir pris le repos accoutumé avec sa troupe, il se dirigea sur les Trieasses. (2). Ce mouvement ne s'opéra pas sans qu'on eût à essuyer plus d'une attaque de la part des barbares. D'abord l'aspect de ces masses irrégul ières en imposait à Julien sur leur force réelle, et il se contentait de les observer en renforçant sa colonne sur les flancs. Mais parfois aussi, quand il avait l'avantage des hauteurs, il reprenait soudain l'offensive, et culbutait à la course tout ce qui se trouvait devant lui. Il ne fit dans ces engagements de prisonniers qu'en petit nombre, et ce fut là frayeur qui les lui livra. Tout ce qui eut la force de fuir échappa sans peine à la poursuite d'un corps si pesamment armé.

Rassuré par ces premiers succès contre les chances de pareilles rencontres, Julien parvint jusqu'aux Trieasses à travers mille dangers. Sa présence était si peu prévue, et tel était l'effroi qu'inspiraient les partis nombreux qui battaient le pays de toutes parts, que les portes ne s'ouvrirent pour lui qu'après une Ion gue hésitation. II ne fit halte dans cette ville que le temps de laisser son monde reprendre"haleine. Puis, jugeant les moments précieux, il poussa rapidement vers Reims. C'est là qu'il avait marqué le rendez-vous général. Il y fut rejoint par le reste de l'armée sous le commandement de Marcel, successeur d'Ursicin,

(i) Auxerrc. — (2) Troyes.

verum suspectas, quia tenebris multis unibvanlur, cum vnt. auxiliarium millibus asgre transisse, fidentius Cassar audaciam viri fortis imitait magnopere nitebatur. Et, ne qua interveniret mora, adhibitis cataphractariis solis et ballistariis, parum ad tuendum rectorëm - wtenëis, percurso eodem jtinere Aulosidoruoi pervenit'.'Ubi brevi, sicut solebat, otio cum milite recréâtes, ad Tricassinos lendebat : el barbaros in se catervatim ruentës , parlim cum timeret ul amphores, confertis laleribus observabat : alios occupalis babilibus Jocis decursu facîli proterens, nonnullos pavore tradilos cepit : residuos in curam oeleritatis omne quod poterant conférenles, quia sequi non valebat gravilate praspeditus armorum, innocuos abireperpessus esl. Proinde certiore jam spe ad resislendum in- . gruentibus confirmâtes, pef multa discrimina veneratTricassas adeo insperalus, ut eo portas pasnepuisante, diffusas mullitudinis barbaras metu, aditus urbis non sine anxia panderetur ambage. Et paullisper moràlus, dum faligatoconsulilmilili,civitatemRemosniliilprolatandum«xis- timans petit : ubi in unum congregatum exercilum vehentem

vehentem opperiri prassentiam suam : cui prassidebal

prassidebal successor Marcellus, cl ipse Ursicinus adus


LIVRE XVI. "49

et par Ursicin lui-même, qui avait ordre de rester dans les Gaules jusqu'à la fin de la campagne.

On délibéra longtemps sur le plan qu'on devait suivre. Enfin il fut arrêté qu'on attaquerait les Allemands dans la direction des dix bourgs ( decem pagos ) (t), et l'armée s'ébranlait joyeuse de ses bataillons grossis. Tout à coup les barbares, dont les mouvements étaient favorisés par mi brouillard impénétrable j profitant de la connaissance qu'ils avaient du terrain, se portèrent par un circuit sur les derrières de César, et auraient écrasé deux légions qui formaient l'arrière-garde, si les cris de détresse n'eussent attiré le corps auxiliaire à leur secours. Julien, depuis cette alerte, fut dans l'appréhension continuelle de quelque embûche à chaque incident de la route, au passage de chaque rivière. Il en devint plus - prudent, plus circonspect ; le premier de tous les -mérites dans l'homme chargé du commandement ■suprême, et la meilleure des garanties pour ceux qui combattent sous lui.

Il fut alors informé qa'Argentoratum (2), Brocomagum (3), les Trois tavernes (4), Salison (5), les Némètés (6 ), Vangion {7) et Moguntiacum (8), étaient entre les mains des barbares ; mais que ceux-ci n'en occupaient que les dehors, par la peur qu'ils ont du séjour des villes, regardées par eux comme autant de tombeaux où l'on s'enterre tout vivant. Julien s'empara d'abord de Brocomagum. Un corps germain s'y était porté à sa rencontre ; pour le recevoir il forma son armée en croissant, enfermant des deux côtés l'ennemi, qui lâcha pied au premier choc. On en prit ou tua une partie dans la première chaleur de l'action. Le reste dut son salut à la fuite.

(») DieuEC. — (2)^Slrasbourg. — (3) Brumath. — (/,) Saverne. — (S) Sellz. — (6) Spire. — (7) Worms. — (8) Mayence.

que expedilionis finem agere prasceptus iisdem in locis. Post variâtesilaque senlèntias plures,cum placuisset per decem pagos Alamaniiam adgredi plebem , densaiis agminibus léndebat illuc solite alaerior miles. El quia dies humectas et iJecolor vel contiguurn eripiebat adspeclum, jurante locorum gnaritale, bostes tramite obliquo discurso post Cassaris terga, legiones duas arma cogentes adorti pasne delessenl, ni subito concitns clamor sociorum auxilia coegisset. Hinc et deinde nec itinera nec flumina transire posse sine insidiis putans, erat providus et cunctator : quod prascipuum bonum in magnis ducloribus, opem ferre solet exercitibus et salutem. Audiens itaque Argentoralum, Brocomagum, Tabernas, Salisonem, Nemetas, ctYangionas, et Mogonliacum civitates barbaros possidénies, territoria earum habitare : (nam ipsa oppida ut circumdata retiis busta déclinant ) primam omnium Brocomagum occupavit -. eique jam adventanti Germanorum manus pugnam intentans occurrit. Cumque in bicornem figuram acie divisa, collato pede res agi coepisset, exitios que bostes urgerentur ancipiti, caplis nonnullis, aliis in ipso pioelii fcrvore truncatis, residui discessere celerilatis prassidio tecti. III. Nullo ilaque postbasc répugnante, ad recuperanIII.

recuperanIII. obstacle ne fermait plus à l'armée le chemin de cette ville d'Agrippine (l), dont le désastre avait précédé l'arrivée de Julien dans les Gaules ; il voulut la reprendre aux barbares. L'oeil ne rencontre dans.ces quartiers d'autre point fortifié que Ricomagum (2), bâtie au lieu qu'on appelle Confluent, parce que c'est laque s'opère la jonction du Rhin et de la Moselle, et # une tour à peu de distance d'Agrippine. Il rentra donc dans cette ville, dont il ne sortit plus, une fois qu'il en eut repris possession, qu'après avoir fait souscrire aux rois francs, rendus traitables par la peur, une convention dont l'État recueillit plus tard les fruits, et après avoir mis la ville elle-même sur un pied de défense respectable. Satisfait de cet heureux début de ses armes, il alla ensuite hiverner à Sens, au pays des Trévires , résidence assez agréable à l'époque dont nous parlons. Ici lui tomba sur les bras, pour s'exprimer ainsi, tout le fardeau d'une guerre générale ; et il dut se multiplier pour répondre aux exigences d'une telle situation. Il s'agissait à

la fois de regarnir de postes militaires tous les points menacés , de rompre le concert de tant de nations liguées contre le nom romain, et enfin d'assurer, dans le cercle d'opération le plus étendu, la subsistance de toute une armée.

IV. Au plus fort de cette contention d'esprit, une multitude d'ennemis vint l'assaillir, dans l'espoir d'emporter la place d'un coup demain. Cette audace leur était inspirée par l'absence des scutaires et des gentils, qu 'on avait été contraint, pour diviser la charge des subsistances, de répartir dans diverses villes municipales.... Julien fit fermer les portés, réparer les fortifications; et jour et nuit on le vit mêlé aux soldats , sur les

(i) Cologne. — (2) Rliclnmagen.

dam ire placuit Agrippinam, ante Cassaris in Gallias advcnluni excisant : per quos tractus nec civitas ulla visiter, nec castellum : nisi quod apud Confluentes., locum ita cognominalnm, ubi aranis Mosella confunditur Rheno, Rigomagnm oppidum est, el una prope ipsam Coloniam terris. Igitur Agrippinam ingressus, non ante motus est exinde, quam Francoruiii regibus furore milescente pertcrrilis , pacem firmaret Reip. intérim profuturam, et urbem reciperet munitissiniam. Quibus vincendi primitiis lastus, per Treveros hiematurus apud Senonas oppidum tune opportunura ahscessit. Ubi bellorum inundantiuni molera humeris suis, quod dicitur, veheus, sciudebatur in multipliées curas : ut milites, qui a solitis desciverë prassidiis, reducerentur ad loca suspecta, et conspiratas gentes innoxam Romani nominis disjcclaret,-acprovideret, ne alimenta deessent exercitui per varia discursuro.

IV. Hase sollicite perpeneanlem hostilis adgreditur niullitudo, oppidi capiundi spe in majus acceiisa : ideo confidentes, quodei nec Scutarios adesse, et quidemmonentibus perfugis , didicerant, nec Gentiles, per mnnicipia distributos, ut commodius veseerenter. Cum aulem.. » .,. Clausa ergo urbe, murorumque in luta "parle firmala, ipse cum armatis die noef tique inter propugnacula visebatur et

ASIMIEN.

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AMMIEN MARCELLIN.

murs, entre les créneaux, et frémissant de courroux de l'impuissance où il se trouvait de risquer une sortie avec une garnison ainsi réduite. Le trenlièmejour, les barbares, découragés, levèrent le siège, murmurant contre le fol espoir qui le leur avait fait entreprendre. Il faut signaler ici, comme tout à fait dans l'esprit du temps, la conduite du général de la cavalerie Marcel, qui, bien que cantonné tout près de là, laissa César dans le danger, sans lui porter le moindre secours; lui pour qui c'était un devoir rigoureux de tenter une diversion, ne fût-ce que pour épargner à la place les maux d'un siège, et lors même qu'un prince n'y eût pas été renfermé I Aussitôt délivré de cet embarras, Julien, dont la pensée était toute au bien-être de ses soldats, s'empressa de leur procurer un temps de repos suffisant, quoique bien court, pour réparer leurs forces après tant de fatigues. Sa sollicitude, en cette occasion, eut à lutter contre la rareté des vivres dans un pays tant de fois dévasté ; mais il surmonta cet obstacle par son active intelligence, et par la confiapce qu'il savait inspirer à tous d'une meilleure condition dans un prochain avenir.

V. Il commença, et l'effort vaut qu'on le cite, par s'irnposeretobserverrigoureusementune règle de tempérance aussi sévère que s'il eût vécu sous le régime abstème des lois de Lycurgue et de Solon; lois importées depuis, et longtemps en vigueur à Rome, et que ie dictateur Sylla releva de désuétude. Julien pensait, avec Démocrite, que si la fortune permet le luxe de la table, la raison le proscrit. Idée morale non moins heureusement exprimée dans ce mot de Caton de Tuscuium, surnommé le Censeur, à cause de la

pinnaSjira exundanle substrjdens, cum erumpere saspe couatus, paucitate prassenlis manus impediretur. Post iricesimum denique diem abiere barbari tristes, inaniter stulteqùë cogitasse civitatis obsidiuni mussitantes.' At, quod indignilati rerum est adsignandum, périclitant! Coesari dislulit suppetias ferre Marcellus magister equitum, agens in slationibus proximis : cum , eliamsi civitas absque principe vex«retur, opposite multitudine malis obsidionalibus expediri debefet. Hoc metu solutus eflicacissimus Cassar, providebat constanli sollicitudine, ut militera diulurno labori quies succederet aliqua, licet brevis, ad recreandas tamen sufficiens vires : quamquam ullima squalenles inopia terras saspe vastitatas exigua quasdam victui congrua adgerebant. Verum hoc quoque diligentia curato pervigili, adfusa lastiore spe prosperorum, sublato animo ad exsequenda plurima consurgebat.

V. Primum igilur facluque difficile, temperanliam ipse sibi indixit, atque relinuit, tamquam adslrictus sumptuàriis legibus vivoret, quas ex rhetris Lycurgi, et axonibus Romain Iranslâlas diuque observâtes, et senescenles paullatim, reparavit Sylla dictâtor : reputans ëx prasdiclis Democriti, quod ambiliosam meusam fortuna, parcanivirtus adponit. Id enim etiam Tusculanus Cato prudenter defi-niens, cui Censorii cognomentum caslior vilas indidil cultes : Magna, inquil, cura eibi, magna virlulhincuria.

rigidité'de ses moeurs : «Un goût prononcé pour la bonne chère suppose indifférence complète pour la vertu. »

Julien relisait souvent un recueil d'instructions que Constance, en qualité de beau-père, lui avait tracé de sa main, et où l'ordinaire du jeune César était réglé avec une sorte de profusion. Julien en fit disparaître les articles faisan, vulve et tétines de truie, se contentant, comme un simple soldat, du premier aliment venu.

Il faisait trois parts de ses nuits, consacrant la première au repos, et les deux autres aux affaires de l'État et aux Muses. En cela il imitait Alexandre. le Grand, mais en renchérissant sur son modèle. Alexandre ne triomphait du sommeil qu'au moyen d'une boule d'argent qu'il tenait suspendue au-dessus d'un bassin de cuivre, et qui l'éveillait en tombant, dès que l'assoupissement détendait ses muscles. Julien, lui, se réveillait à volonté sans l'emploi d'aucun artifice. Il se levait toujours au milieu de la nuit, quittant, non pas Un lit de duvet recouvert de housses de soie chamarrées , mais une couché formée d'un simple tapis de peau à longs poils, de ceux qui ont reçu le nom dé sisurne dans le langage familier du peuple. Puis, après les actes d'un culte secret envers Mercure, dieu considéré, suivant certaine doctrine religieuse, comme moteur suprême, comme principe de toute intelligence, il s'appliquait à sonder d'une main ferme et vigilante les plaies de l'État, et à y porter remède. Quand il avait satisfait aux rudes exigences des affaires, alors il se livrait tout entier au perfectionnement de son esprit. Et quelle incroyable ardeur il montrait à gravir les-sommités les plus

Denique cum legeret libellum adsidue, çuem Cônslantius ut privignuni ad studia mittens, manu sua çonscripserat, praslicentèr disponens, quid in cônvivio Cassaris impendi deberet : phasianum , et vulvam,' etsumén exigi vetiiit et inferri, munificis militis vili et fortuite cibo «ententes..

Hinc cpntingebal, ut noctes ad officia <3ivideret triperlita, quielis, et publicas rei, et Musarum : quod ràctitasse Alexandrum legimus magnum ; sed miilto'l'iïc forlius. Ille namque asnea concha supposita, bracbio extra euhile protento, pilam tenebat argenteam, ut, cum ner.vorurii vlgorem sopor laxassel infusus, gestaminis lapsilinnilus abrumperet somnum. julianus vero absque instrumente, quoties voluit, evigilavit : el nocle dimidiala semper exsurgens, non e plumis vel slragulis sericis ambiguo fulgore nilenlibus, sed ex iapete, et ai<7upa, quaiu vulgaris simplicilas sisumam adpellat, occulte Mercuriosupplicabat, quem mundi velqciorem sens.um esse, motum mentium suscitanfem, Iheologicas prodidere doctrinas : atque in tante rerum dèfeclu explorale rei publicas munera curabat. Post quas ut arduaet séria terminala, ad proendendum ingenium vertebater : et incredibile, quo quantoqueardore rerum principaliumnotitiamcelsam indagans, el quasi pabula quasdam animo ad sublimiora scandendi conquirens, per omnia philqsophias membra prudenter disputando currebal. Sed tamen cum hase effecte pleneque


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arduesde la science! et commesa pensée toujours tendait à s'élancer au delà ! La philosophie n'a pas de notions qu'il n'ait abordées et soumises au contrôle sévère de sa raison. Cet esprit, si propre aux notions les plus élevées et les plus abstraites, savait descendre cependant aux spéculations d'un ordre secondaire. Il aimait la poésie et la littérature : on en voit la preuve dans l'élégance soutenue et la pureté sévère du style de ses harangues et de ses épîtres. Son goût le portait encore à suivre dans toutes leurs vicissitudes l'histoire de son pays et celle des nations étrangères. Il possédait assez le latin pour soutenir en cette langue l'entretien sur un sujet quel-J conque. En un mot, s'il est vrai, comme divers auteurs l'ont affirmé du roi Cyrus, du poète Simonide, et du célèbre sophiste Hippias d'Élée, qu'il soit possible, au moyen de certain breuvage, d'augmenter la force de la mémoire, on pourrait dire de Julien qu'il en avait eu le tonneau à sa disposition, et qu'il l'avait mis à sec avant d'arriver à l'âge d'homme.

Nous avons fait connaître le chaste et noble .emploi qu'il faisait de ses nuits : nous exposerons aussi, plaçant chaque chose en son lieu, comment ses journées étaient remplies; ce qu'il savait mettre de charme dans son entretien , de piquant dans ses saillies ; quel caractère il déploya dans la guerre, avant et pendant l'action ; et enfin de quel esprit de liberté, de quelle âme généreuse sont empreints les actes de son administration civile.

Jeté tout à coup au milieu des camps, Julien dut improviser son éducation militaire. Aussi quand il lui fallait, au son des instruments, marcher du pas cadencé de la pyrrhique,. lui arrivait-il souvent de s'écrier, 0 Platon ! et de

colligerét, nec.humiliora despexit, poeticam raediociiter, et rlieloricam amavit, ( ul ostendit orationum epistolarurnque ejus cum gravitate coniitasincorrup'ta) elnostrarum externarumqiie rerum liistoriam multiformem. Super bis adejat lalineguoque disserendi sufficiens sermo. Si itaque vërum est, quod scriptores varii memorant, Cyrum regem,etSinionidenilyricum, elHippiamEleum sopbistarum acerrimum ideo valuisse memoria, quod epolis quibusdam remediis id impelrarunt : credendum est hune etiam tum adultum totem memorias dolium, si usquam reperiri po'. tuit, exhausisse. Et hase quidem pudicitias virtutumque sunt signa noctûrna.

Diebus vero quas ornale dixerit et facele, quasve in adparàtu vel-in ipsis egit congressibus prosliorum, aut in re civili, magnanimilate correxit et libertate, suo quasque loco singula demonstrabuntur. Cum exercere proludia disciplinas castrensis philosophas cogeretur ut princeps, artemque modulatius incedendi per pyrrhicham concinentibus disceret fislulis; vêtus illud proverbium, Cliteltoe bovi imposiloe sunt : plane non est nostrum omis, Platoném crebro nominans exclamabat. Induclis quadam sollemnitate agentibusin rébus in consisterium, utaurum

dire avec ironie, s'appliquant un vieux proverbe : Un boeuf porter harnais ! l'équipage va mal à mon dos.

Un jour, ayant mandé les agents du fisc dans son cabinet pour leur remettre une somme d'argent, l'un d'eux présenta les deux mains, au lieu d'étendre, comme le veut l'usage, un pan de sa chlamyde. Ces gens-là, Ait-il,saventbien comme * on prend, mais non comme on reçoit.

Des parents lui avaient porté plainte contre un homme qui avait violé leur fille. Le ravisseur convaincu ne fut condamné qu'à l'exil. Les parents s'étant alors récriés sur cette incomplète justice, et réclamant la mort du coupable, Julien Iéùr dit : La loi ne pardonne pas; mais la clémence pour un prince est la première des lois.

Au moment de son départ pour quelque expédition , des pétitionnaires se présentent eu foule, alléguant chacun son grief. Julien renvoya toutes les réclamations, en les recommandant ,- aux gouverneurs des provinces. Et aussitôt qu'il, fut de retour il se fit rendre un compte détaillé de la suite qui leur avait respectivement été donnée, apportant, dans sa mansuétude, quelque 1 adoucissement à la rigueur de, chaque décision.

Abrégeons. Sans parler des défaites par lesquelles il châtia souvent l'audace incorrigible des barbares , la marque la plus sensible du soulagement qu'apporta sa présence aux misères excessives de la Gaule, c'est qu'à son arrivée la moyenne des tributs était de vingt-einq pièces d'or par.tête, et qu'on n'en payait plus-que sept pour tout impôt quand il quitta le pays. Aussi le peuple, dans les transports de sa joie, le comparait-il à un astre bienfaisant qui lui était apparu au milieu des plus épaisses ténèbres. Ajoutons qu'il pratiqua jusqu'à la fin de son règne

acciperent; inter alios quidam ex eorum consorlio-, non , utmoris e_st, expansa chlamyde, sed utraque manu cavala suscepit : et lmperator : Rapere , inquil, non accipere sciunt Agentes in rébus. Aditus a parentibus virginis raplas, eum, quiviolarat, convictum relegari decrevit. Hisque indigna pâli querenlibUs, quod non sit morte militâtes, responderat haclenus : Incusent jura clemenliam .- sed Imperalorem mitissimi animi legibus praxtare cceteris decet. Egressurum eum ad expeditionem plUres inlerpellabant, ut lassi, quos audiendos provinciarum recloribus commendabat : et reversus, quid egerint singulï quasrens, delictorum vindictes genuiua lenitudine mitigabat. Ad ultimum exceptis vicloriis, per quas cadentes saspe incolumi conlumacia barbaros fudit; quod profuerit anbelantibûs extrema pasnuria Gallis, bine maxime clarét : quod primitus partes easmgressus, pro capitibus singulis tiibuti nomine vicenos "quinos aureos reperit flagitari : discedens vero septenos lanlum, munera universa coinplentes : ob quas tamquam solem sibi serenum post squalentes tenebrasadfulsisse, cum alacritate et fripudiis lastabanlur. Denique id eum adusque imperii finem et vil» scimus utililer observasse, lie per indulgentias quas adpeli.

adpeli.


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le principe judicieux de n'accorder aucune remise d'arrérages. C'est qu'il avait compris que ces concessions ne profitent qu'aux riches. L'expérience démontre, en effet, que dans le recouvrement de toute charge locale ce sont les pauvres qu'on ménage le moins, et qui s'exécutent les premiers.)

Mais taudis que l'administration de Julien préparait un modèle aux meilleurs princes à venir, Ja rage des barbares se déchaîna plus que jamais. Les animaux ravissants, à qui un négligent gardien a laissé une fois prendre l'habitude de décimer son troupeau, ne cessent d'y chercher curée, au risque d'affronter une surveillance plus active, et, perdant par l'excès de. la faim tout sentiment du danger, se jettent indistinctement sur les boeufs et sur les brebis ; de même les barbares, de nouveau pressés par le besoin, après avoir dévoré tout le produit de leurs précédentes rapines, venaient encore tenter les chances de pillage, et quelquefois périssaient sans qu'aucune proie se fût trouvée sur leur chemin.

VI. Tels étaient déjà pour la Gaule lesrésullats d'une aunéeouverte sous des auspices si douteux. A lacour del'empereur, des clameurs furieuses s'élevaient en ce moment contre Arbétion. On l'accusait d'avoir fait pour son usage une commande d'ornements impériaux, comme s'il devait prochainement s'élever au rang suprême. Le comte Vérissime se répandait contre lui en propos sanglants : « Un parvenu, monté dé simple soldat « au premier grade de l'armée, ne se trouvait « pas à son rang, et prétendait à celui de - prince. » Mais Arbétion avait encore un ennemi plus acharné dans la personne de Dorus, ex-médecin des scutaires, qui, étant centurion des

lant, tribularias rei concederet reliqua. Norat enim, hoc facto se aliquid locuplelibus additurum, cum constat ubique pauperes inter ipsa dictorum exordia solvere universa.sine laxamenlo compelli.

Inter has tamen regendi moderandiquevias, bonis principibus asmulandas-, barbarica rabies exarserat in majus. Utque bestias custbdum negligentia raptu vivere solitas, ne lus quidem remotis adpositisque fortioribus abscesserant, sed tumescentes inedia, sine respecte salulis , armenta vel grèges incursanl: ita etiam illi, cunclis, quas diripuere, cousumptis, famé urgente agebanl aliquoties prasdas -. interdum antequam contingerent aliquid, oppelebant.

VI. Hase per eum annum spe dubia, évente tamen secundo , per Gallias agebantur. In comitatu vero Augusti circumlalrabat Arbelionem inyidia, velut summa mox adepturum, décora cultes imperatorii prasstruxisse : instabatque ei strepen6 immania Cornes Verissimus nomine, nrguens coram, quod a gregario ad magnum militias culmen evectus, hoc quoque non contentes ul parvo, locuin adpeteret principalem. Sed specialiter eum insectabatur Dorus quidam ex medico scutariorum, quem nilentium

r choses d'art sous Magnence, avait également, comme nous l'avons dit plus haut, accusé Adelphe , préfet de Rome, de viser à une position plus élevée. L'instruction allait donc s'ouvrir^ et le succès paraissait assuré à l'accusation, quand une coalition des chambellans, s'il faut en croire l'opinion accréditée, prit fait et cause pour le prévenu. Aussitôt, et ce fut comme un coup de théâtre, les complices supposés voient tomber leurs chaînes, Dorus s'évanouît, Vérissime devient muet ; et tout finit comme lorsque le rideau se ferme sur la scène.

VII. Constance, instruit dans le même temps, par le bruit public, de l'isolement où César avait été laissé dans les murs de Sens , ôta le commandement à Marcel, et le renvoya dans ses foyers. Celui-ci regarda cette destitution comme une injustice, et se mit à intriguer contre Julien, spéculant sur la tendance naturelle de l'empereur à accueillir toute accusation. Julien se défiait de ses calomnies ; et Marcel n'eut pas plutôt quitté l'armée, qu'Euthère, chambellan de César, fut dépêché sur ses pas à la cour, pour se tenir prêt à en com'battre l'effet. Marcel, qui ne s'attendait à rien moins qu'à se trouver en face d'un contradicteur , arrive à Milan, faisant grand bruit et grand étalage de menaces. C'était un déclamateur outré et d'une emphase extravagante. Admis devant le conseil, ilaccuseouvertement l'insolente présomption de Julien, qui se fabriquait, disaitil, des ailes pour prendre son vol plus haut; propos qu'il accompagna d'une pantomime appropriée aux paroles. Au moment même où son imagination se donnait ainsi carrière, Euthère demande audience, est introduit, et, obtenant à son tour la parole, fait ressortir toutes les atteintes portées par Marcel à la vérité. I! exposé, du ton le

rerum centurionem sub Magnenlio Rdmae provectum, retulimus accusasse Adelphium urbi prasfectum , ul altiora cosptantem. Cumqueres in iuquisitionem yenirelynecessariisque negotio tentis, objeclornm probatio sperarelur, tamquam per sataram subite cubiculariis suffragantibus, ut loquebatur periinax rumor, et vinculis sunt exutae personas, quasslringebanturutconscias, et Dorusevanuit, et Verissimus illico tacuit, velut aulaso dëposito scenas. VU. Iisdem diebus adlapso rumore Conslantiusdoctiis, obsesso apud Senonas Cassari auxiliuni non lulisse Marcellum,eum sacramento solulum abire jussit injareni : qui, tamquam injuria gravi perculsus, quasdam, in Julianum moliebatur, auribus Augusti confisus in omne patentibus crimen. Ideoque, cum discederet, Eulherius praspositus cubiculi mittilur statim post, eum,.si quid finxerit, conviclurus. Verum ille hoc nesciens, i.iox venit Mediolanum, slrepens et turnultuans , ut eral vanidicus et amenti propior , admissus in consisterium , Julianum ut procacem insimulat ; jamque ad evagandum altius, validiores sibi pinnas aptare : ita enim cum motu quodam corporis loquebatur ingenti. Haec eo fingenle licentius, Eutherius, ut postulavil, inductus, jussusque loqui quod


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plus simple et le moins passionné, comment, malgré l'inaction calculée, disait-on, du chef de la cavalerie, la vigoureuse défense de César avait fait lever le siège de Sens aux barbares. Tant que Julien respirerait, disait-il, Julien serait le plus fidèle sujet de l'empereur ; et il répondait de lui sur sa tête.

Je me trouve amené à donner sur ce même Euthère quelques détails qui pourront bien troù/ver des incrédules. L'éloge d'un eunuque serait j suspect jusque dans la bouche d'un Socrate ou j d'un Numa Pompilius, même après serment de \ ne dire que la vérité. La rose cependant naît au milieu des ronces, et parmi les bêtes féroces il en est parfois qui s'apprivoisent. Je n'hésite donc pas à raconter ce que je sais des hautes qualités d'Euthère.

Il était né en Arménie, d'une famille libre. Enlevé tout jeune encore dans une escarmouche avec les peuples voisins, il futfait eunuque, vendu à des marchands de notre pays, et, de proche en proche, amené par eux au palais de l'empereur Constantin. En grandissant, Euthère se fit peu à peu remarquer par sa bonne conduite et Son intelligence , par une étendue de savoir supérieure à sa condition, une rare pénétration dans les affaires douteuses ou embarrassées, et une mémoire qui tenait du prodige. Il avait, de plus, la passion du bien ; la justice était l'âme de ses conseils. Tel il se montra jeune homme, et tel dans un âge plus avancé près de l'empereur Constant. Si ce dernier n'eût suivi que les inspirations d'Euthère, sa mémoire eût échappé à tous les reproches qu'on lui a faits, ou du moins • aux plus gtaves. Devenu chambellan de Julien, Euthère ne craignait pas de reprendre chez son

vellel, verecunde et modieedocet velari veritafem mendaciis. Magisfro enim armorum (ut credebatur) cessanLejconsullo, industria vigili Cassarem obsessum apud Senonas diu, barbaros repulisse :. adparitoremque fidum auctori suo, quoad vixerit, foré, obliga cervice sua spondebat. Res monuit super hoc eodem Eulberio pauca subserere, forsitannùn credenda; earo, quod si Numa Pompilius, vel Socrales bona quasdam dicerent de spadone, diclisque religionum adderent fidem, a veritate descivisse arguerenlur. Sed inter vêpres rosas uascuntur, et inter feras nonnullas mitescunt. Itaque carplim ejus prascipua, quas sunt comperla, moustrabo. Natus in Armenia sanguine libero, captusque a finitions hostibus etianitum parvulus, abstractis geminis, Romanis niercaloribus vcnumdatus, ad palatium Constantini deducitur : ubi paullatim adulescens rationem recte Vivendi sollertiamque ostendebat, litteris,quantum tali fortunae satis esse poterat, eruditus, cogitandi inveniendique dubia et scrupulosa acumine nimio prasstans, immensum quantum memoria vigens, benefaciendi avidus, plemisque justi consilii : quem, si Constans Imperalor olim ex adulte jamque maluruin audiret honesla suadentem et recta, nulla, vel venia ccrlc digna peccasset. Is praspositus cubiculi etiam Jumaître

Jumaître traits de légèreté, fruits d'une première éducation faite en Asie. Rendu ensuite aurepos.puisrappeléplustardàlacour, il soutint danscessituations diversesson caractère de désintéressement etde discrétion inviolable; ne trahît aucun secret, sinon pour sauver une vie, et jamais ne paya tribut à l'amour de l'argent, qui fut ^ la passion de son époque. Aussi dans sa retraite à * Rome, où il a voulu finir ses jours, peut-il aller le front levé, dans la sécurité d'une bonne conscience^ et d'une vieillesse honorée et chérie de tous. Bien différent des hommes de cette classe, qui, en général, après s'être enrichis par des moyens indignes, vont chercher quelque coin obscur, commelehiboufuitla lumière, pour se dérober aux regards des nombreuses victimes de leur rapacité.

Où trouver le pareil d'Euthère parmi les eunuques dont l'histoire a conservé les noms? Toutes mes recherches n'ont pu le découvrir. Sans doute il s'en est rencontré, quoique bien peu, qui ont laissé le caractère de serviteurs probes et fidèles. Toutefois quelque vice toujours a fait ombre aux belles qualités qu'ils tenaient de l'éducation ou de la nature. Avidité, dureté de coeur, ou malignité instinctive chez ceux-ci ; chez ceuxlà bassesse servile envers quelqu'un, insolence tyrannique avec tous les autres. Oui, je l'affirme avec pleine confiance dans le témoignage de mes contemporains : un caractère aussi parfait de tous points est ce queje n'ai lu ni entendu citer d'aucun autre eunuque que d'Euthère. Que si quelque minutieux scrutateur d'anciennes ' annales venait m'opposer l'exemple de Ménophile, eunuque de Mithridate, roi de Pont, je répondrais que la célébrité de ce personnage n'est

lianum aliquoties corrigebat, Asiaticis coalilum niorïbus, ideoquelèvera. Denique digressus ad olium, adscitusque postea in palatium, semper sobrius, et in primis constans, ita fidem coiilinentiamque virtates coluit amplas, ut nec prodidisse aliquando arcanum, nisi tueudos causa aliénas salulis, necexarsisse cupidineplus babendi arcesseretur ut céleri. Unde factum est, ut subinde Romani secedens, ibique fixo domicilioconsenescens, comi- ' tem circumferens conscientiam bonam , colatur a cunclis ordinibus, et ahielur ; cuni soleant id genus bomines, post parlas ex iniquilale divilias, lalebras caplare secrctas, ut lucifugas vilanles multitudinïs lassas conspeclus. Cui spadonum velerura hune compararedebeam, antiqnitatem re- - plicando compluries invenire non polui. Fuerunt enim apud veleres, licet oppido pauci, fidèles et frugi, sed ob quasdam vitia maculosi : inter prascipua enim, quas eorum quisque studio posséderai vel ingenio, aut rapax, au! feritaleconlemptior fuit, aut propensior adlasdendum, vel diligentibus nimium blandus, aut potenlioe faste superbior : ex omni lalere autem ita perilum, neque legisse me, neque audisse confiteor, astatis noslras lestimouio locupleti confisus. Verum, si forte scrupnlosus quidam Icctor antiquitatum, Menopbilum Milhridatis Ponlici regis


AMMIEN MARCELLIN.

due qu'au dernier acte de sa vie. Mithridate, cédant aux Romains et à Pompée, s'était enfui en Colchide, laissant dans la forteresse de Synhoresafill e, nommée Drypetinej malade, et confiée aux soins de Ménophile. Celui-ci ne négligea rien pour la guérir, y réussit, et continuait à veiller sur son dépôt avec une extrême sollicitude. Quand le fort qui leur servait d'asile fut assiégé par Manlius Priscus, lieutenant du général romain, Ménophile vit que la garnison allait se rendre; et, pour épargner au nom de son maître la souillure des outrages affreux réservés à la noble captive, il la tua de sa main, et se passa ensuite son épée au travers du corps. Mais reprenons le fil des événements.

VIII. Marcel avait été confondu, et confiné à Serdique, sa ville natale. Mais après son départ le même genre d'accusation se propagea dans le camp de Constance, et de prétendus actes de lèse-majesté servirent de prétexte aux plus odieuses persécutions. Avait-on consulté un devin sur le cri d'une souris, sur la rencontre d'une belette, ou sur tel présage de ce genre; ou seulement, pour charmer quelque douleur physique, avait-on ( ce qui est reçu en médecine) fait réciter certaines paroles par une vieille femme, on était aussitôt accusé, traduit en justice et mis à mort, sans savoir d'où partait le coup.

Vers ce temps-là un nommé Dauus avait été dénoncé pour quelque fait insignifiant par sa femme, qui ne voulait que lui faire peur. Cet homme, on ne sait comment, s'était fait un ennemi de Rufin, qui par son zèle, qu'aucun scrupule n'arrêtait, s'était élevé au rang de chef des appariteursdelapréfecturedu prétoire. C'est ce même

eunuchum nobis opponat, hoc monilu reoordetur, nihil super eo relâlum, praster id solum, quod in suprerao discrimine gloriose monslravit. Ingenli praslio superatus a Romanis et Pompeio rex prasdictus, fugiensque ad'régna Colcborum, adultam filiam nomine Drypetinam vexatam asperitate morborum in castello Synhorio huic Menophilo commissam reliquit : qui virginein omni remediorum solatio plene curatam patri tulissime scrvans, cura a Manlio PriscoImperatoris-legato munimentum,quo claudebatur, obsideri coepissel, defensoresque ejus deditionem meditari sentiret : veritU6, ne parentis opprobrio puella nobilis captiva superesset etviolata, interfecta illa mox gladium in viscera sua compegit. Nunc redeam, unde diverti.

VIII. Superalo, utdixi, Marcello, reversoque Serdicam, unde oriebalur, in caslris Augusti per simulalionem tuendas majestalis imperatorias multa et nefanda perpetrabantur. Nam, si quis super occentu soricis vel oeeursu mustelas, vel similis signi gratia consuluisset quemquam peritum, aut anile incantamentum ad leniendum adhibuisset dolorem, (quod medieinas quoque admiltit auctoritas) reus,.unde non polerat opinait, delatus, raplusque in judicium, poenaliter inleribat.

Per id tempus fer num, qucmdam nomine Danum, terrore tenus uxor rerum lcviuin incusaial;

Rufin qui s'était emparé, ainsi qu'on l'a vu plus haut, du rapport de l'agentdu fisc Gaudence pour perdre Africanus, consulaire dePannonie,etavec lui tous ceux qui avaient pris part à son banquet. Rufin était beau parleur, et cette femme avait la tête faible; il sut l'entraîner d'abord avec lui dans un commerce adultère, puis dans une démarche plus criminelle encore : ce fut d'intenter à soninnocentmari une accusation de lèse-majesté, qui n'était qu'un tissu d'impostures. Elle prétendait qu'il avait dérobé au tombeau de Dioclétien, et mis en lieu secret, un voile de pourpre, et qu'il s'était fait aider dans ce vol par plusieurs complices. Il y avait de quoi faire tomber plus d'une tête. Rufin courut vite au camp de l'empereur exploiter avec son art accoutumé une calomnie dont il comptait se faire un titre à la faveur. Aussitôt l'ordre est donné à Mavortius, préfet du prétoire, caractère d'une rare fermeté, d'instruire sur cette déposition ; et on lui adjoignit pour les interrogatoires Ursule, grand trésorier, d'une intégrité également reconnue. On procéda dans toute la rigueur arbitraire des formes du temps. Mais après plusieurs essais de la torture, qui n'amenèrent aucun résultat, le doute commençait à entrer dans l'esprit des juges, quand la vérité comprimée tout à coup se fit jour. L'épouse accusatrice, poussée à bout, dénonça Rufin comme l'artisan de toute cetteinfâmemachination, sans même déguiser la turpitude de ses relations avec lui. Une sentence capitale est aussitôt prononcée contre tous deux, par une juste application de la loi, et comme l'exigeait la vindicte publique. Constance frémit à cette nouvelle, et, comme si on lui eût ôté par cet arrêt la sauvecertem

sauvecertem incertum, insontem Rufin us subsidebat : quo indicante quasdam cognita per Gaudentium agenlem in rébus, consularem Pannonias tune Africanum , cum convivis retulimus interfectum, adparitionis pisefecturas praetorianas tum etiam princeps ob devotipuem. Is , ut loquebatur jactantius, versabilem feminam post nefandum concubitum periculosam in fraudera illexit : suasîlque consarcinatis mendaciis, lassas majestalis arcessere marilum insontem, et fingere, quod velamen purpureum a Dioclctiani sepulcro fnratus, quibusdam consciis occultabal. Hisque ad multorum exilium ita forniatis, ipse spe potiorum ad Imperatoris pervolat castra, excitaturus calumuias consuetas. Reque comperla jubelur Mavortius lune prasfectus prastorio, vir sublimis conslantias, crimen acri inquisitione spectare, jtincto ad audichdi societatem Ursulo largitionura comité, severitatem itidem noii improbandas. Exaggerato itaque negotio ad arbitrium temporum, cum nihil post tormenta multorum invenirelur, judicesque hasrerent ambigui: tandem Veritas respiravit oppressa, et in abrupto necessilatis mulier Rufinum totius machinas confiteturauctorem,necadulterii fosditate suppressa ; statimque legibus conlemplatis, proutposce-' liant ordo et justifia, ambos sentenlia damnavere lelali. Quocognito Conslantius fremens, el lanquarn vindicein salutis suoetageusexsliiiclum, missis equitibuscitis, Ur-


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garde de sa propre vie, il dépêcha en toute hâte des cavaliers à Ursule, avec l'ordre formel à ce dernier de revenir aussitôt. On lui conseillait de n'en rien faire. Mais lui, sans se laisser intimider, va droit à la cour, et là devant le conseil expose avec calme et présence d'esprit les faits tels qu'ils s'étaient passés. Son attitude intrépide imposa silence aux flatteurs, et le tira, ainsi que sou collègue, du plus grand des dangers.

Il se passa vers la même époque, en Aquitaine, une scène qui eut du retentissement ailleurs. Un fureteur d'accusations assistait à un dîner servi avec la profusion et la recberche qu'on y apporte d'ordinaire en ce pays. Cet homme avise deux couvertures de lits de table que les domestiques avaient disposées avec assez d'adresse pour que les larges bandes de pourpre dont chacune était bordée parussent se confondre en une seule. La nappe était formée de pièces d'étoffe semblables. Il en prend une de chaque main, et les ajuste de façon à figurer le devant d'une chlamyde impériale. Ce fut assez pour faire intenter au maître du logis un procès criminel, où s'engloutit son riche patrimoine. Un autre exemple de cette fureur d'interprétation fut donné par un agent du fisc en Espagne. Il se trouvait aussi invité d'un festin ; et lorsqu'à la chute du jour les gens de service poussèrent l'exclamation d'usage, Triomphons! en apportant les lumières, cet homme s'empara de ce mot, qui est de cérémonial, pour lui donner une signification criminelle ; et il s'ensuivit la ruine d'une illustre maison.

Le mal se propageait de plus en plus par l'excessive pusillanimité du prince, 'qui voyait partout dès attentats contre sa personne. On peut le comparer à ce Denys, tyran de Sicile, qui, toursulum

toursulum ad comitatum minaciter jussit. Et ille sprelïe qui prohibebant, perrupit intrepidus : ingressusque consisterium, ore et poclore libero docuit gesta : hacque fiducie linguis adulatorum occlusis, et prasfectum et se discrimine gravi subtraxit. '

Tunc.illud apud Aquitanos evenit, quod iatior fama vulgarat. Veteralor quidam ad lautumeonvivium rogatus clmundum,qualia sunt in bis regionibusplurima, cum vidisset bnleorum loralium par, duos clavos italatissimos, ut sibivicissim arfe niinistrantiumcùhasrerenl, rnensamque operimentis paribus teclam : anteriorem chlamydis partem ulraque manu vehens, intrinsecus structuram oninem, ut amiclus adornaverat principales, quasrens, patrimonmm dives eveitit. Maliguilale simili quidam agens in rébus in Hispania, ad cosnam itidem invitatus, cum inferentes vespertina lumina pueros exclamasse audisset

ex usu, Yincamus perun sollemnë interprétâtes

atrociler, delevit nobilem domum.

Hase ialiaque ideo magis magisque crescebant, quod Constanlius impendio timidus, semper se feriri sperabat, ul Dionysius tyrannus ille Sicilias : qui ob hoc idem vilium cl tonslriccs docuit filias, ne cui alieno ora commilterel leviganda -, asdemque brevem, ubi cubilare sucrerai, alla

mente des mêmes frayeurs, voulut que ses propres filles apprissentà manier le rasoir, afin de n'avoir plus à se confier pour ce service à des mains étrangères; et qui fit entourer la petite maison où il passait la nuit d'un large fossé sur lequel était jeté un pont composé de pièces de rapport, dont chaque soir il enlevait les ais et les chevilles, pour le remonter au lever du soleil. Les courtisans de * Constance travaillaient à qui mieux mieux à alimenter cé'foyer de malheur public, dans la vue de s'approprier les dépouilles dès condamnés, et pour avoir l'occasion de s'agrandir aux dépens d'un voisin. Il est trop cejtain.que Constantin le premier donna l'éveil à l'a-iàffité de son entourage ; mais on peut dire que Constance gorgea le sien de la substance des provinces. Sous son règne une soif ardente de s'enrichir, au mépris de toute justice et de toute honnêteté, s'empara des princi pâux personnages de tous les ordres. De ce nombre sont Rufin, préfet du prétoire, dans la magistrature civile; Arbétion,général de la cavalerie; Eusèbe, grand chambellan,.... questeur, parmi les militaires; et, parmi les fonctionnaires mu- t nicipaux, les Anicius, famille où une sorte d'émulation de rapacité se transmet avec le sang, et qu'une progression continue de richesse a toujours été impuissante à assouvir.

IX. Cependant les Perses continuaient à remuer en Orient, mais sans faire des courses au loin comme précédemment, et bornant leurs entreprises à enlever quelques prisonniers ou quelques troupeaux. Ces déprédations réussissaient quelquefois par surprise ; parfois aussi,'nous trouvant en force, l'ennemi voyait sa proie lui échapper. Souvent son espoir de butin était frustré par la précaution qu'on avait prise de ne rien laisser

circumdedit fossa, eamque ponte solubili superstravit : cujus disjectos asseres et axiculos secum in somnum abiens transferebat, eosdemqiie compaginabàt lucis inilio proce6Surus. Inflabant itidéin has malorum civilium buccinas poténtes in regia, ea re, ut damnatôrum petite bona suis adeorporarent, essetque materia per vicinilates eorum late grassandi. Namque, ul documenta liquida prodiderunt, proximorum fauces aperuil primus omnium Constantinus : sed eos medullis provinciafufn saginavitConstantius..Sub hoc enim ordinuni singuloruni auctores iniïnila cupidine diviliarum arserunt, sine juslitias distinclione vel recti, inter ordinariosjudices Rufinus primus prasfeclus prestorio : et inler militares equitum magisterArbetio, praspositusque

praspositusque Eusebius, et anus quasstor, et

in urbe Anicii, quorum, ad avorum asmulationem posleritas tendons, satiari numquam potuit cum possessione multo majore.

IX- At Persas in Oriente per furta el.latrocin.ia potins quam, ut solebant antea, per concursatorias pugnas, hominum prasdas agitabant et pecorum : quis nonnuniquam lucrabantur ut repenlini ; aliquoties superati multitudine militera amitlebant; interdirai nihil prospicere prorsus, quod polerat rapi, perraitlcbantur. Musonianus tamen


56 AMMIEN MARCELLIN.

sous sa main. J'ai déjà parlé de Musonien, préfet du prétoire, comme d'un esprit distingué avec un caractère vénal, et que la perspective du gain écartait facilement du devoir, Musonien entretenait chez les Perses de subtils émissaires, et par eux cherchait à- pénétrer les intentions de l'ennemi. Il s'entendait aussi, dans ce dessein, avec Cassien, due de Mésopotamie, vieux soldat éprouvé par les fatigues et les hasards de plus d'une campagne. Sapor, d'après les rapports uniformes de leurs agents, se trouvait alors occupé sur l'autre frontière de ses États, contenant avec peine, et non sans de grandes pertes, les belliqueuses nations qu'il avait en tête. Quand ils eurent certitude sur ce point, ils ouvrirent secrètement des communications, par l'entremise de soldats obscurs, avec Tamsapor, qui commandait les forces des Perses de notre côté, et l'engagèrent à donner à son maître, dans ses lettres, le conseil de traiter de la paix, à la première occasion, avec l'empereur romain. C'était assurer à la fois ses flancs et ses derrières, et il se trouverait libre de reporter avec sécurité toutes ses forces sur lé point où les hostilités étaient le plus vives. Tamsapor s'empressa d'accepter de telles ouvertures, et il écrivit à Sapor que Constance, ayant ailleurs sur les bras une guerre des plus acharnées, lui demandait avec instance la paix. Mais un temps assez long s'écoula avant que sa lettre n'arrivât au roi son maître, qui avait pris ses quartiers d'hiver dans le pays des Chioniles et des Eusènes.

X. Durant ces transactions diverses de la politique en Orient et dans les Gaules, Constance, comme s'il eût fermé le temple de J anus, et abattu sous ses coups tous les ennemis de l'empire , conçut tout à coup le désir de visiter Rome,

prasfectus prastorio, multis (ut ante diximus) bonis artibus eruditus, sed venalis, et tlecti a veritate pecunia facilis, per emissarios quosdam fallendi perstringendique gnaros, Persarum sciscitabatur cpnsilia, adsumplo in deliberaliones hujusmodi Cassiano Mesopolamiasduce, stipendiis el discriminibus induralo diversis. Qui cum fide concinente speculatorum aperte cognossent, Saporem in extremis regni iimilibus suorum sanguine fuso multiplici oegre propulsare gente6 infestas; Tamsaporem ducem parti nostras contiguum, occultis per ignotos milites lëntavere colloquiis, ut, si copiam sors dedisset, suadèrel régi per lilteras pacem tandem alïquando cum principe Romano firmare, ut hoc facto, latere ab omni securus, perduclles advolaret adsiduos. Paruit Tamsapor, bisque fretus refert ad regem , quod bellis acerrirais Constanlius implicatus, pacem postulat precalivam. Dumque ad Cbionilas et Eusenos hase scripta mittuntur, in quoriim confirais âgebat hiemem Sapor, tempus interstitit longtim. X; Haec dum per Eoas parles et Gallias pro capte teinporilm disponunlur, Constanlius, lamquam recluso Jani iemplo, slratisque hostibuscunclis, Romam visere gestiebal, posl Magnenlii exitiuin absque nomine ex sanguine

et d'y triompher à l'occasion de cette victoire sur Magnence, achetée au prix de l'affaiblissement de la patrie et de l'effusion du sang romain. Ce n'est pas qu'il eût jamais en personne, ou par la valeur de ses généraux, vaincu complètement une seule des nations qui lui avaient fait la guerre, ou ajouté à l'empire la moindre conquête ; ni qu'on l'eût jamais vu le premier, ou parmi les premiers, aux moments de péril. Il cédait seulement à la fantaisie d'étaler, dans une pompe inusitée, l'or de ses étendards et l'appareil frappant de ses milices d'élite aux yeux déshabitués de ce peuple, qui n'espérait ninedésirait revoir de pareils spectacles. Il ignorait peut-être que les princes d'autrefois s'étaient contentés en temps de paix d'un cortège de licteurs ; mais qu'en temps de guerre, et dans telle circonstance où il fallait payer de sa personne, l'un avaitbravé, sur une frêle barque de pêcheurs, toute la furie des vents déchaînés ; un autre avait, à l'exemple de Décius, fait un noble sacrifice de sa vie ; qu'un troisième n'avait pas craint d'aller lui-même, suivi seulement de quelques soldats, explorer un camp ennemi ; et qu'iln'enest pas un, en un mo't, qui, par quelque effort digne de remarque, n'ait recommandé son nom au souvenir de la postérité.

Je passe sous silence l'énorme prodigalité des préparatifs. Ce fut donc sous la seconde préfecture d'Orfite que Constance, dans toute la vanité de sa gloire, traversa Ocricule (1) avec un cortège formidable, composé comme une armée; objet de stupeur pour tous ceux qui le virent, et dont nul ne pouvait détacher les yeux. Quand il approcha de la ville, le sénat vint lui rendre ses devoirs. Promenant un oeil de satisfaction sur ces vénérables rejetons de l'antique souche patri(0

patri(0

Romano trirrmphaterus. Nec. enim gentem ullam -bella cientem perse superavit, àiit victam fprtitudine.suorum comperitducum, vel addidil quasdam importe,'aut usquam in necessitalibus summis primus, vel inter prïmôs est visus : sed ut pompam nimis extentam, rigentiaque aûro vexilla, et pulcritudinem stipatorum 'ostendèret 'agendi tranquillius populo, hase vel simile quidqûam vîdëre nec speranti umquam nec optanti. Ignorans fortasse, -quosdam' veterum principum in pace quidem lictoiïbusfmssëcontentes : ubi vero proeliorum ardor nihil perpeti polerat segue, alium anhelante rabido flalu vehtornni.leiiiinciilo se commisisse piscantis, alium ad Deciorum exempla vo- ,■ visse pro Rep. spiritum, alium hostilia castra per semetipsirai cura militibus iufimis explorasse : diversos denique aclibus inclaruisse magnificis, ut gloriosas suas res posteritali celebri memoria.commendarent.

Utigitur multa quasquecoiisumptasuntinadparalu

secunda Orfiti prasfectura, transcurso Ocriculo, elalushonoribus niagnis, stipalusque agmraibus formidandis, tamquani acie ducebatar inslructa, omnium oculis in eq contuitu per.tinaci intentis. Cumque urbi propinquaret, senatus officia, reverendasque. patricios stirpis effigies orc se-


LIVRE XVI. 67

cienne, il lui sembla, non pas comme à Cinéas, l'envoyé du roi Pyrrhus, voir devant lui une assemblée de rois, mais plutôt le conseil,du. monde entier. Ses regards se reportant sur les flots du peuple, il ne pouvait revenir de son étonnement au spectacle de cet universel rendez-vous du genre humain. Lui cependant, précédé de bataillons nombreux aux enseignes déployées, comme s'il se fût agi de terrifier ou le Rhin ou TEuphrate, l's'avançaitseulsurun char d'or, où resplendissaient [ à l'envi les pierres les plus précieuses. Tout autour on voyait flotter les dragons attachés à des hampes incrustées de pierreries, et dont la pourpre, gonflée par l'air qui s'engouffrait dans leurs gueules béantes, rendait un bruit assez semblable aux sifflements de colère du monstre, tandis que leurs longues queues se déroulaient au gré du vent. Des deux côtés du char paraissait une file de soldats, le bouclier au bras, le casque en tête, la cuirasse sur la poitrine ; armes étincelantes, dont les reflets éblouissaient les yeux. Venaient ensuite des détachements de cataphractes ou clibanares, comme les appellent les Perses; cavaliers armés de pied en cap, que l'on eût pris pour autant de bronzes équestres sortis de l'atelier de Praxitèle. Les parties de l'armure de ces guerriers correspondant à chaque jointure, à chaque articulation du tronc ou des membres, étaient composées d'un tissu de mailles d'acier si déliées et si flexibles, que toute l'enveloppe de métal adhérait exactement au corps sans gêner aucun de ses mouvements. Un tonnerre d'acclamations fit alors répéter le nom d'Auguste à l'écho desjnonts et des rivages. Constance en fut un instant troublé, sans quitter toutefois cette attitude immobile qu'il avait constamment montrée aux

reno contemplans, non ut Cineas ille Pyrrhi legatus in ununi coactam multitudinem regum, sed asylum mundi totius adesse existimabat. Unde cum se vertisset ad plebem, stupebat, qua celeritate omne, quod ubique est, hominum genus çonfluxerit Romam : et tamquam Euphratem arniorùm specie territurus aut Rbenum, altrinsecus praseunlibus signis, insidebat aureo solus ipse carpento, fulgenti claritudine lapidum variorum : quo micante, lux quasdam misceri videbatur alterna. Eumque post antegressos mulliplices alios, purpureis subteminibus texti circumdedere dracoiies, hastarum aureis gemmatisque summitatibus illigali, hiatu 'vaste perflabiles, et ideo velut ira pqfciti sibilantes, caudarumque volumina relinquentes in ventum. Et incedebat hincinde ordo geminus armatorum, clypeatus atque cristatus, çorusco lumine radians, nitidis . loricis indulus; sparsique cataphracti équités, quos clibanarios diclitant Persas, thoracum muniti legminibus, et linibis ferreis cincli, ni Praxitelis manu polita crederes simulacre, non viros : quos laminarum circuli tenues apli corporis flexibus ambiebant, per omnia niembra deducti : ut, quocumque artus nécessitas commovisset, vestitus congrueret junctura cohasrënter aptata. Augustes itaque fauslis vocibus adpellalns, montium litorumque intonanle fragorc cohorruit, taleni se Unique inimobilem, qualis

provinces. Se baissant, tout petit qu'il était, pour passer sous les portes les plus hautes, il portait toujours le regard devant lui, ne tournant non plus la tête ni les yeux que si son col eût été contenu entre des éclisses. On eût dit une statue. Nul ne le vit faire un seul mouvement de corps aux cahots de son char, ni se moucher, ni cracher, ni remuer un doigt. C'était une affectation sans doute ; mais elle dénotait chez lui, en ce qui touche à la commodité personnelle, une abnégation bien peu commune, ou plutôt qui n'appartenait qu'à lui. J'ai, je crois, dit en son lieu qu'il s'était, depuis son avènement, imposé comme loi de ne faire monter personne avec lui dans sa voiture, et de ne souffrir aucun homme privé, comme son col!ègue,au consulat; condescendance de la grandeur assez commune chez d'autres têtes couronnées, mais où sa vanité ombrageuse ne voyait qu'une dérogation.

Enfin le voilà dans cette Rome, sanctuaire du courage et de la grandeur. Arrivéau Forum, et contemplant du haut de la tribune ce majestueux foyer de l'antique domination romaine, il reste un moment frappé de stupeur. Ses yeux, de quelque côté qu'ils se tournent, sont éblouis d'une continuité de prodiges. Après une allocution à la noblesse dans la salle du sénat, et une autre adressée au peuple du haut de son tribunal, il se rend au palais au milieu d'acclamations réitérées, et savoure enfin dans sa plénitude le bonheur objet de tous ses voeux. En présidant les jeux équestres , il prit grand plaisir aux saillies du peuple, qui sut s'interdire les écarts sans renoncer à ses habitudes de liberté. Le prince lui-même Observait un juste milieu entre la roideur et l'oubli de son rang. Il n'imposa pas, comme il faisait

in provinciis suis visebatur, ostendens. Nam et corpus perhumile eurvabat portas ingrediens celsas, el velul collo munito reclam aciem luminum lendens, nec dextra vultum , nec lasva fleclebal; tamquam figmenlum hominis : non, cum rota conculeret, nutans, nec spuens, aut os aul nasum tergens vel fricans, manumve agilans visus est umquam. Quas licet adfectabat, erant lamen hase et alia quasdam in citeriore vita patiehtias non mediocris indicia, ut existimari dabatur, uni illi concessas. Quod autem per omne tempus imperii, nec iri consessum vebiculi quemquara suscepit, nec in trabea socium privatum adscivit, ut fecere principes consecrati, et similia multa, quas elalus in arduum supercilium tamquam leges asquissimas observavit, prastereo, memor, ea me relulisse, cum incidissent. Proinde Romam ingressus, imperii virtutumque omniunvlarem, cura venisset ad Rosira, perspectissimum priscas potenfias forum, obstupuit : perque omne lalus, quo se oculi coutulissent, niiraculorum densilate prasstrictes, adloquutus nobilitatem in curia, populumque e Iribunali, in palatium receptus favore multipliei, lastilia fruebatur optata : et saspe, cum équestres ederet ludos, dicacitateplebisobleclabalur, neesuperbas, nec a libertate coalita desciscenlis, reverenler modum ipse quoque débitera servans. Non enim, ul per civitates alias, ad ai-bitrium


58 AMMIEN MARCELLIN.

ailleurs, sa volonté pour limite aux plaisirs de la multitude, laissant, selon l'usage ordinaire, dépendre des circonstances du spectacle la durée de la représentation.

Il parcourut tous les quartiers construits de plain-pied ou sur les flancs des sept montagnes, sans oublier même les faubourgs, croyant toujours n'avoir rien à voir au-dessus du dernier objet qui frappait ses yeux. Ici c'était le temple de Jupiter Tarpéien, qui lui parut l'emporter sur le reste autant que les choses divines l'emportent sur les choses humaines ; là les thermes, comparables pour l'étendue à des provinces ; plus loin la masse orgueilleuse de cet amphithéâtre dont la pierre de Tibur a fourni les matériaux, et dont la vue se fatigue à mesurer la hauteur; puis la voûte si hardie du Panthéon et sa vaste circonférence; puis ces piles gigantesques, accessibles jusqu'au faîte par des degrés, et que surmontent les effigies des princes ; et le temple de la déesse Rome, et la place de la Paix, et le théâtre de Pompée, et l'Odéon, et le Stade, et tant d'autres merveilles qui font l'ornement de la ville éternelle.

Mais quand il fut parvenu au forum de Trajan, construction unique dans l'univers, et digne, suivant nous, de l'admiration des dieux même, il s'arrêta interdit, cherchant par la pensée à mesurer ces proportions colossales-,' qui bravent toute description et qu'aucun effort humain ne saurait reproduire. Convenant desonimpuissance à rien créer de pareil, il dit qu'il voulait du moins élever un cheval à l'imitation de celui de la statue équestre de Trajan, placée au point central de l'édifice, et qu'il en tenterait l'entreprise. Près dé lui se trouvait en ce moment le royal émigré Hormisdas^ dont l'évasion de Perse

suum certamina finiri patiebatur : sed ut mos est, variis casibus permillebat. Deinde intra septem montium culmina, per acclivitates planitiemque posita urbis membra . collustrans et suburbana, quidquid viderai primum, id eminere inter alia cuncta sperabat : Jovis Tarpei delubra, quantum terrenis divina prascellunt : lavacra in modum provinciarum exstructa : amphitheari molem solidatam lapidis Tiburtini compage, ad cujus summilatem asgre Visio huniana conscendit : Paniheum, velut regionem leretem speciosa celsitudine fornicatam ; elatosque vertices, qui scansili suggestu consurgunt, priorum principum imitamenta portantes, et Urbis templum, forumque Pacis, et Pompeii thealrum, et Odeum, et Stadium, aliaque inter hase décora urbis asternae. Verum, cum ad Trajani forum venisset, singularem sub omni caste slrucluram, ut opinamur, etiam numinum adsensione mirabilem, basrebat attendus, per giganleos contextes cireumferens mentem, nec, relate effabiles, nec rursus mortalibus adpetendos. Omni ilaque spe hujusmodi quidpnm conandi depulsa, Trajani equum solum locatum in alrii medio, qui ipsum principem vehit, imitari se velle dicebat, et posse. Cui prope adstans regalis Hormisda, cujus e Perside discessum supra monstravimus, re6pondit geslu genlili : Ante, ina

ina racontée plus haut. 11 répondit a i empereur, avec toute la finesse de sa nation : « Com« mencez, sire, par bâtir l'écurie sur ce modèle, « afin que votre cheval soit aussi commodément « logé que celui que nous voyons ici. » On demandait à ce même Hormisdas ce qu'il pensait de Rome : « Ce qui m'en plaît, dit-il, c'est qu'on « meurt ici comme ailleurs. »

Au-milieu de la stupéfaction dont le frappait cette réunion de prodiges, l'empereur se récriait contre l'insuffisance ou l'injustice des rapports de la renommée, si justement suspecte d'exagération en toute autre circonstance, et si fort audessous de la réalité dans tout ce qu'elle avait publié de Rome. Après une longue délibération sur la question de savoir ce qu'il pourrait faire pour ajouter aux magnificences de la ville, il s'arrêta à l'érection d'un obélisque dans le grand cirque. D'où provenait ce monument, et quelle en était la forme? c'est ce que j'expliquerai en son lieu.

Pendant ce temps des pratiques odieuses étaient secrètement employées par l'impératrice Eusébie contre Hélène, soeur de Constance et femme de Julien, qu'elle avait, sous un semblant d'affection, amenée à Rome avec elle. Frappée de stérilité elle-même, elle sut se procurer et faire prendre à sa belle-soeur, par surprise, un breuvage destiné à faire avorter celle-ci chaque fois qu'elle deviendrait enceinte. Déjà un enfant mâle, dont Hélène ,était accouchée dans les Gaules, avait péri par la complicité d'une sage-femme gagnée, qui opéra de trop près la Section de l'ombilic : tant on attachait d'importance à empêcher qu'un grand homme né laissât de postérité !

L'empereur ne songeait qu'à prolonger son

quit, lmperator, stabulum taie condijubelo, si voies : equus, quemfabrïeare disponis, italate succédât,ut isle, quem videmus. Is ipse interrogaliis, quid de Roma sentifet, Idtantumsibiplacuisse,aie.\M, quoddidicissel ibi quoque Jiomines mori. Multis igitur cum stepore visis horrendo, lmperator de fama querebatur ut invalida vel maligna, quod augens omnia semper in majus, erga hase explicanda, quas Romas sunt, obsolescit : delibcrausque diu, quid ageret, urbis addere staluit ornamentis, ut in maximo circo erigeret obeliscum, cujus originem formamque loco competenli monslrabo. .

Inler haec Helenas sorori Gonstanlii, Julianij conjugi Cassaris, Romam adfactiouis specie duclas, rëgina telle insidiabalur Eusebia, ipsa, quoad vîxéràf, sterilis : quas- ■ silumque venenum bibëre per fraudera illexir, ut quotiescumqueconcepisset, immaturum abjicerelpartum.Nam. et pridem in Galliis, cum marem genuisset infantem, hoc perdidildolo, quod obstetrix corrupta mercede, mox natum, praesecto plusquam convenerat urnbilico, îiecavit : tanta tanique diligens opéra navabatur, ne fortissimi viii soboles adparerel.

Cupiens itaque augustissima omnium sede morari diutius lmperator, ut otio puriore (ruerelur el voluptâte, ad-


LIVRE XVI. S 9

séjour dans la plus auguste des résidences, dont il goûtait avec délices les plaisirs et le repos, quand ses loisirs furent troublés par des dépêches trop certaines, qui lui annoncèrent coup sur coup que la Rhétie était ravagée par les Suèves, la Valérie par les Quades, et que les Sarmates, les plus insignes brigands de la terre, faisaient des incursions dans la Moesie supérieure et la basse Pannoniè. Alarmé de ces nouvelles, il quitta Rome le 4 des kalendes de juin, un mois après son entrée, et se rendit en diligence en Illyrie, en passant par Trideutum (l). De là il envoya Sévère, officier d'une expérience consommée, tenir dans les Gaules la place de Marcel, et rappela près de lui Ursicin, qui répondit à cet ordre avec empressement, et vint aussitôt le joindre, à Sirmium avec les associés de sa précédente mission. On y tint longtemps conseil touchant les chances de la paix proposée par Musonien avec les Perses, et Ursicin fut envoyé en Orient avec son grade. On donna aux plus anciens d'entre nous des commandements dans l'armée. Les plus jeunes, et j'étais du nombre, eurent ordre de suivre Ursicin, et^de lui obéir en tout pour le service de l'État. '

XI. César, consul pour la seconde fois avec Constance, qui l'était pour la neuvième, après un hiver passé à Sens, où les menaçantes démonstrations des Allemands le tinrent perpétuellement sur le qui-vive, rentra en campagne sous les plus heureux auspices, et se dirigea rapidement sur Reims. Son coeur s'épanouissait à l'idée de n'avoir plus d'opposition ni de susceptibilités à craindre de la part d'un lieutenant aussi rompu que l'était Sévère à l'obéissance des camps, et dont il était certain de se faire suivre en toute

(■) Trente.

siduis nunliis terrebatur et certis, indicantibns Suevos Roetias incursare, Quadosque Valeriarn, etSarmatas, laIrocinandineritïssinium'genus, superiorem Mossiam et secundàm populari Pannoniam : quibus pertilus, tricesinio, postquara ingressus est, die iv. Kal Junias ab urbe profectus, pèr Tridenlum iter in lllyricum festinavit. Unde niisso in locum Marcelli Severo, bellorum usu et maturitatefirniato, Ursicinum ad se venire prascepit. Et ille, lit— leris gralanter acceptai, Sirmium venil, comitantibus sociis : libratisque diu super pace -consiliis, quam fundari posse cum Persis Musonianus retulerat, in Orientera cum magisterù remillitur potestate : provectis e consortio noslro ad regeudos milites nalu majoribus, adolescentes eum sequi jubemur, quidquid pro Rep. maudaverit impleturi.

XI. AtCassar, exacte apud Senonas hieme turbulente, Auguste novics, sequeiterum Coss. Germanicis undique circurnfrementibus minis, secundis omiuibus motus, Remos properavil, alacrior magisquelastus, quod exercitum regebal Severus, nec discors, nec arrogans, sed longa militias frugalitale compertus, et eum recta praseunlem sequnterus, ut duclorem morigerus miles. Parle aliaBarbatio

circonstance avec ladocile promptitude du soldat le mieux discipliné. D'un autre côté, par l'ordre de l'empereur, un renfort de vingt-cinq mille hommes lui était arrivé d'Italie à Rauraque (l), sous le commandement de Rarbation, qui était parvenu à la maîtrise de l'infanterie depuis la mort de Silvain. C'était l'exécution du plan, mûrement concerté à l'avance, de rétrécir insen- * siblement le cercle des dévastations par la marche simultanée de deux divisions romaines parties de deux points opposés, afin de prendre les barbares comme entre des tenailles, et d'en finir avec eux d'un seul coup.

Tandis que cette manoeuvre s'opérait avec tout ce qu'on pouvait y mettre de promptitude et d'ensemble, les Lètes indépendants, toujours prompts à saisir les occasions de piller, dérobent une marché aux deux camps, et tombent àl'improviste sur Lyon, qu'ils auraient saccagé et brûlé dans ce coup de main si l'on n'eût à temps fermé les portes, mais dont ils ravagèrent tous les environs. César, à la nouvelle de ce contre-temps, fit occuper en toute hâtepar de forts détachements de cavalerie trois routes par où devait nécessairement s'effectuer le retour de ces pillards. Il avait bien pris ses mesures; car tout ce qui s'engagea dans l'une de ces voies y laissa la vie avec son butin, qui fut repris encore intact. Il n'y eut d'épargné qu'une colonne qui longea dans sa fuite le camp de Rarbation, et que celui-ci laissa tranquillement défiler sous ses retranchements mêmes. Le salut de ce parti était l'effet d'un contre-ordre donné par Cella, tribun des scutaires, aux tribuns Rainobaude et Valentinien, dont le dernier fut dans la suite empereur ; contre-ordre par suite duquel ils durent abandonner tous deux les postes

(i) Baie.

post Silvani interitum promûtes ad peditum magisterium, ex Italia jussu principis cum xxv milibus armatorum * Rauracos venit. Cogitatum est enim, solliciteque prasstructum, ut sasvientes ultra solitum Alamanni, vagantesque fnsius, mullitudine geminata noslrorum , forcipis specie Irusi in angustias casderentur. Dura base tamen rite disposita celerantur, Lasti barbari ad tempestiva fnrla sollertes, inter utriusque exercitus castra occulte transgressa invasere Lugdunum incautam : eamque populatam nisu valido concremassent, ni clausis aditibus repercussi, quidquid extra oppidum potuit inveniri, vastassent. Qua clade cognita, agili studio Cassar missis cuneis tribus equitum expedilorum et fortium, tria observavit itinera, sciens per ea erupturos proculdubio grassalores : nec collâtes irrites fuit. Cunctis enim, qui per eos tramiles exiere truncatis, receptaque prasda omniintacta, hi soli innoxii absoluli sunt, qui per vallum Barbationis transiere securi : ideo labi permissi, quod Bainobaudes tribunus et Valeutinianus postea lmperator, cum equestribùs terrais quas regebant, ad exsequendum id ordinati, a Cella tiibuno scutariorum, qui Barbalioni sociatus venerat ad procinclum, iter observare sunt vetiti, unde redituros didiccre


00 AMMIEN MARCELLIN.

d'observation où ils étaient placés. Ce ne fut pas tout. Le lâche Rarbation, détracteur obstiné de la gloire de Julien, dans la conscience du tort qu'il venait de faire à l'État ( car c'était de luimême qu'émanait le contre-ordre, ainsi que l'a depuis confessé Cella quand on lui reprochait sa trahison), Rarbation, disons-nous, s'empressa de faire tenir à Constance un rapport mensonger, où il prétendit que les deux tribuns étaient venus, sous prétexte d'un service commandé, chercher à débaucher ses soldats. Il n'en fallut pas davantage pour les faire destituer et renvoyer chez eux l'un et l'autre.

Cependant l'approche des deux armées avait jeté l'effroi dans la population barbare établie sur la rive gauche du Rhin. Une partie essaya, par d'immenses abatis d'arbres, d'intercepter toutes les routes sur les points les plus montueux et les plus difficiles. Le reste, réfugié dans les îles nombreuses dont le cours du fleuve est parsemé, hurlait contre César et contre nos troupes les plus sinistres malédictions. Julien, irrité, voulut se saisir de quelques-uns de ces misérables, et fit, à cet effet, demander à Rarbation sept barques, sur un certain nombre qu'il avait réuni pour la destination éventuelle d'un pont de bateaux sur le Rhin. Mais celui-ci, qui ne voulait être à Julien d'aucun secours, aima mieux les faire brûler toutes. A la fin, des coureurs ennemis tombés au pouvoir de Julien lui indiquèrent un point du fleuve que la sécheresse avait rendu guéable. Il réunit aussitôt les vélites auxiliaires, et, après quelques mots d'exhortation, les envoie sous la conduite de Rainobaude, tribun des Cornutes, tenter un fait d'armesmémorable. Ceux-ci, partie

Gernianos. Quo non contentes magister peditum ignavus, et gloriarum Juliani pervicax obtrectator, sciens, se id contra utilitatem Romanam jussisse (hoc enim cum argiieretur, Cella confessus esl) relalione fefellit Constantiuiii : linxitque, hos eosdem tribunos ad sollicitan'dos milites, quos duxerat, per speciem venisse negolii publici : qua causa, abrogata potestate ad lares rediere privati.

lisdern diebus exercituum advenlu perterriti barbari, qui domicilia fixere cis Rhenum, partira difficiles vias, et suapte natura clivosas concasdibus clausere, sollerler, arboribus immensi roboris cassis : alii occupatis insulis sparsis crebro per (lumen Rbenum, ululantes lugubre conviens et Romanos incessehant et Cassarem : qui graviore molu animi percitus, ad corripiendos aliquos, sepleni a Barbalione pelieral naves, ex bis, quas, velut transilurus amnem, ad compaginandos paraverat pontes : qui, nequid per eum impetraretiir, omnes incendit. Doctus "denique exploralorum delatione recens captorum, asslate jam lorridafluvium vado possetransiri, horlalusauxiliares velites cum Rainobaude, Cûrnutorum tribuno, misit, facinus memorabile, si juvissel fors, patraluros : qui nunc incedendo per brevia, aliquoties sculis in modum alveorum snppositis nando ad insulam venere propinquam : egressique promiscue virile el muliebre secus, sine aslatis ullo discrimine , (ru'eidabant ut péeudes : nactique vacuas

marchant dans l'eau, partie s'aidant de leurs boucliers en guise d'esquifs, quand ils cessaient de trouver pied, abordèrent à l'île la plus voisine, et y massacrèrent tout, sans distinction de sexe ni d'âge. Là, trouvant des barques sans maîtres , ils s'y entassent au risque de les faire chavirer, et parcourent ainsi le plus grand nombre de ces retraites. Quand ils furent las de tuer, ils s'en retournèrent tous sains et saufs, et chargés d'un butin considérabIe,dont ils durent cependant abandonner au fleuve une partie. La population germaine des autres îles, ne s'y croyant plus en sûreté, gagna l'autre rive, emmenant avec soi femmes, enfants, etjusqu'auxprovisions.

Julien s'occupa ensuite à relever le fort des Trois Tavernes (l), que l'opiniâtreté des barbares avait fini par emporter et par détruire, et dont le rétablissement allait imposer un frein à leurs continuelles incursions dans les Gaules,N II mit à terminer les ouvrages moins de temps qu'il n'espérait lui-même, et laissa à la garnison des vivres pourun an. A cet effet, il fallut faire main basse sur le grain semé par l'ennemi, non sans crainte de l'avoir sur les bras durant l'opération. Cette récolte fournit en outre à Julien le moyen d'approvisionner sa troupe pour vingt jours. Le soldat gaguait ainsi ses rations à la pointe de l'épée ; et sa satisfaction en était d'autant plus vive, qu'il venait d'être frustré d'un convoi qui lui était destiné. Rarbation, qui avait rencontré ce convoi en route, en avait d'autorité pris tout ce qui était à sa convenance, faisant brûler le-reste en un monceau. Était-ce chez lui bravade ou démence? De pareils actes, trop souvent répétés,

(i) Sarerne.

lintres-, per eas licet vacillantes evecti, bujsmodi loca plurima perruperunt : etnbicasdendisalietascepit, opimitate prasdarum onusti, cujus partem yi flumiriis amiserunt, - redire omnes incolumes. Hocque comperto residui Germani, ul infido prassidio insularum relicto, ad uîteriora nee'essitudines et fruges opesque barbaricàs contuleruiit. Conversus hinc Julianus ad reparandas Très Tabernas, muiiimentuni ita cognominatum , hand ita dudum ribstinationesubvei sum hoslili, quo asdificato constabatad intima Galliarum, ut consueverant, adiré Gernianos arceri et opus spe celerius consunnnavit, et vicluni defonsoribus ibi locandisex barbaricis niessibns , non sine discriminis. metu colleclum mililis manu, condidil in ususanni totius. Nec sane hoc solo contentas, sibi quoque viginlidierum alimenta parata collegit. Libentius cuira bellateres qiiassito dextrispropriisutebanlur, admodum indignati, quoniam ex commealu , qui eis recens adveelus est, ideo nihil sumère potuerunt, quod partem ejus Barbatio, cura Iransiret juxta, superbe prassumpsit : residuuni, quod superfuit, congestum in acervum exussit : quas ntrum ut vanus gerebal el démens, an mandata principis confidenter nefahda mulli tenlabaul, usque in id leniporis latuit. lllnd tamen rumore tenus ubique jaclabatur, quod Julianus non levaturus incommoda Galliarum electus est, sed ul possit per bella delcri sasvissima : rudis eliam tum , ul exisli-


LIVRE XVI. 01

s'autorisaient-ils secrètement des ordres du prince? Toutcequ' on peutaffirmer, c'est que, suivant une opinion très-accréditée, le choix de Julien pour César avait été fait, non dans l'intérêt de la délivrance des Gaules, mais dans la vue de le perdre-lui-même. C'était dans cette pensée qu'on avait mis aux prises avec les dangers de cette guerre cruelle l'inexpérience présumée d'un jeune homme que l'on jugeait incapable d'en supporter même le bruit.

Tandis que Julien se fortifie avec activité dans cette position, qu'une partie de l'armée pousse en avant des postes retranchés, et que l'autre s'occupe à ramasser du grain, tout en se tenant en garde" contre les surprises, une nuée de barbares , prévenant à force de célérité le bruit de sa marche, vint fondre sur le corps de Rarbation, qui continuait, ainsi qu'on l'a vu, d'opérer séparément de l'armée des Gaules, le mène battant jusqu'à Rauraque, et le refoule même aussi 4oia qu'elle put par delà, lui enlevant eu grande f artie bagages, bêtes de somme et gens de service. Après quoi la bande rejoignit le gros des siens; et Rarbation, comme s'il eût fait la campagne la plus heureuse, distribua tranquillement ses troupes dans les cantonnements, et revint à la cour préparer comme à l'ordinaire quelque accusation contre Julien.

XII. On sut bientôt l'affront que venaient d'essuyer nos armes. Les rois allemands Chnodomaire et Vestralpe opérèrent une jonction de leurs forces, auxquelles se réunirent successivement Urius, Ursicin, Sérapion, Suomaire et Hortaire ; et les confédérés allèrent camper près d'Argentoratum (l), se flattant de l'idée que Julien s'était replié dans la crainte d'un désastre complet,

(i) Strasbourg.

mabatur, ac ne soratam quidem duraturus armorum. Dum castrqrum opéra mature consurgunt, rnilitisque pars stationes prastendit agrarias, alias frumenta insidiarum metu «olligit caute : ruullitudo barbarica rumorem nimia velo•citate prasversa, Barbationeni cum exercitu, quem regebat ( ut prasdictum est)Gallico vallo discrelum, impetu repentino adgressa, sequensque tagienles adusqueRauracos, et ■ultra quoad potuit, rapta sarcinarum et jumentorum cum .calonibus parte maxima, redit ad suos. Et ille, lamquam . •expeditione évente prospero terminata, milite disperso iper stationes hibernas, ad comitalum Imperatoris revertit, crimen composilurus in Cassarem , ut solebat.

XII. Quo dispalato fosdo lerrore, Alamannorum reges Clraodornarius et Vestralpus, Urius quinetiam et Ursicinus cum Serapione et Suomario et Hortario, in unum robore virium suarum omni collecte, consedere prope urbem Argentoratum, exlrema nieluentem Cassarem arbitrati rétrocessisse, cum ille tum etiam perficiendi munimenti studio striugeretur. Erexit autem confidentiam caput allius adtollentium scutarius perfuga : qui commissi criminis meluens poenam, transgressus ad eos post ducis fugati discessum, armatorumtredecim millia tantum remansisse

taudis qu'en réalité il continuait à s'occuper des fortifications des Trois Tavernes (l). Us devaient surtout cette confiance au rapport d'un scutaire que la crainte de quelque châtiment avait fait déserter peu après l'échec essuyé par Rarbation, et qui leur dit que Julien n'avait pas avec lui plus de treize mille hommes. C'était avec ce nombre en effet que César avait d'abord fait tête au déchaî- * nement universel de la rage des barbares. Le transfuge répéta son assertion avec une assurance qui mit le comble à leur audace. Ils dépêchèrent vers Julien une députation pour lui intimer, du ton le plus impérieux, l'injonction de quitter un pays qui leur appartenait, disaient-ils, par le droit de la valeur et la fortune de leurs armes. Celuici, qu'on n'effrayait pas aisément, reçut sans émotion un tel message ; mais, tout en se moquant de la jactance des barbares, il signifia aux envoyés qu'il les retenait près de lui jusqu'à l'achèvement des travaux, et garda tranquillement sa position. Parmi les confédérés le roi Chnodomaire se donnait un mouvement incroyable, allant, venant, se multipliant, toujours le premier quand il s'agissait d'un coup de main, et plein de cette confiance que donne l'habitude du succès. Il avait effectivement battu le César Décence à forces égales, détruit ou dévasté nombre de villes opulentes, et promené à son gré le ravage dans la Gaule sans défense. Il venait encore ( ce qui n'accrut pas peu sa présomption) de chasser devant lui un général romain avec un corps nombreux de troupes d'élite ; car les Allemands avaient reconnu aux ~~ insignes des boucliers que ceux qui venaient de lâcher pied devant quelques-uns de leurs coureurs étaient les mêmes soldats qui avaient battu et dispersé leurs forcés en tant de rencontres. Tout

(i) Saverne.

cum Juliano docebat : is enim numerus eum sequebatur, barbara feritate certaminum rabiem undique concitante. Cujus adseveratione eadem subinde replicantis, ad majora stimulati fiducia, missis legatis satis pro imperio Cassait mandaverunt, ut terris abscederet virtute sibi quassitis et ferro : qui ignaruspavendi, nec ira nec dolore peiculsus, sed fastus barbaricos ridens, detentis legatis adusque perfectum op'Us caslrorum , in eodem gradu constantias sletit i'inniobilis.

Agitabat autem miscebalque omnia sine modo, ubique sese diltanditans , et princeps audendi periculosa rex Chnodomarius, ardua subrigens supercilia, ut saspe secundis rébus elatus. Nam etDecentium Cassarem superavit aequo Marte congressus, etcivilales erutas multas vastavit et opulentas, licentiusque diu nullo refragânte Gallias persultavit. Ad cujus roborandam fiduciam recens quoque fuga ducis accessit, numéro prasstanlis et viribus. Alamanni enim scutorum insignia contuentes, norant eos milites permisisse paucis suorum latronibus terram, quorum metu aliquoties cum gradum conferrent, amissis pluribus abiere dispersi. Quas anxie ferebat sollicitas Cassar, quod trudente ipsa necessitale digresso periculis, cum


62 AMMIEN MARCELLIN.

cela ne laissait pas de faire impression sur César, qui se voyait avec inquiétude réduit, par la défection de son associé, à engager une poignée de braves gens contre des populations entières.

La trompette sonna aux premières lueurs du jour, et l'infanterie se mit en marche d'un pas mesuré, flanquée sur les deux ailes par la cavalerie , qui était elle-même renforcée des deux redoutables corps des cataphractes et des archers à cheval. L'armée avait encore quatorze lieues ou vingt-un milles à franchir, de son point de départ au camp des barbares, quand Julien, daus sa prudente sollicitude, rappela tousses avant-postes, donna le commandement de halte, et, se plaçant au centre de l'armée distribuée en sections formant ïe coin et qui rayonnaient autour de sa personne, avec cette élocution paisible qui lui était naturelle, leur adressa ce discours :

« Mes chers compagnons, vous avez le sen« timent de votre force, et cette noble confiance <> qu'if inspire; mais le chef qui vous parle n'est « pas non plus suspect de manquer de coeur. Il « peut être cru quand, au nom du salut commun, « il vient vous dire (ce peu de mots d'ailleurs " vont vous le démontrer) qu'il faut, dans les « épreuves de patience ou de courage qui nous af« tendent, écouter les conseils de la circonspec« tion et de la prudence, et. non ceux de la pré« cipitation et d'une ardeur inconsidérée. Les « hommes d'action, fiers et intrépides quand le « péril est là, ont bonne grâce à se montrer à « propos réfléchis et dociles, Voiei l'avis que je « vous soumets et que je vous conjure d'adop« ter, si vous pouvez prendre à ce point sur la « juste indignation qui vous anime. Il est près de « midi ; nous allons, déjà fatigués par Ja marche,

paucis licet fortibus, populosis gentibus occurrere cogebatur.

Jamque solis radiis rutilantibus, tubarumque concinente clangore, pédestres .copias lentis incessibus educuntur, earumque lateri équestres conjunctas sunt turmas, inter quas cataphraçtarii erant et sagittarii, formidabile genus armorum. Et quouiàm a loco, unde Romana promota sunt signa, adusque vâlhim barbaricum quarta leuga signabatur et décima, id est, unum et vigenti millia passuum : utilitati securitatique recte consulens Cassar, revocatis prascursatoribus jam antegressis, indictaque solitis vocibus quiète, cuneatira circumsistentes adlpquitar genuina placiditate sermunis :

Urget ratio salulis tuendce communis, utparcissime diçam, nonjacenlis animi Cassarem hortari vos et ' orare, commililones mei, ut adulta robustaque virtute confisi, cautiorem viampotius eligamus ad toleranda vel depellenda quoe speranlur, non prceproperam et ancipilem. Ut enim in periculis juventutem impigram' esse convenu et audacem ; ita, cum res postulat, regibilem el consultant. Quod igilur censeo, si arbitrium adfueril veslrum, juslaque sustinel indignatio, paucis absolvant. Jam dies in meridiem vergil; lassitudine itos ilineris fatigatos scrupulosi tramites excipient et

« entrer dans des défilés tortueux et obscurs ; la « lune sur son déclin nous menace d'une nuitsans/ « lumière ; il ne faut pas s'attendre à trouver une « goutte d'eau sur ce sol brûlé par la sécheresse. « Nous triompherons, je le veux, detousces obs« tacles; mais où en serons-nous quand nous al« Ions avoir par milliers sur les bras l'ennemi, « reposé, repu, rafraîchi? De quel air soutien« drons-nous son choc, nous, épuisés par la fa« tigue, par la faim, par la soif? D'une seule dis« position dépend quelquefois le succès dans les « circonstances les plus critiques. Un bon avis, « pris en bonne part, estune de ces voies que nous « ouvre la Providence pour sortir des positions « les plus désespérées. Croyez-moi, campons ici, « sous la protection d'un fossé et d'une palissade; « passons cette nuit nous reposant et veillant « tour à tour; et demain au lever du soleil, res« taures par le sommeil et par la nourriture, « nous déploierons de nouveau, avec l'aide de « Dieu, nos aigles et nos enseignes victorieuses. » On ne le laissa pas achever. Le soldat, témoignant de son impatience par des grincements de dents, et le fracas de toutes les piques heurtant contre les boucliers, voulait immédiatement être mené à l'ennemi, qui déjà se trouvait en vue. Tous comptaient sur le ciel, sur eux-mêmes, et sur la fortune et la valeur éprouvées de leur général. Et en effet, comme le prouva la suite, ils semblaient, tant qu'il fut à leur tête, inspirés par le génie même des combats. Ce qui augmentait l'entraînement, c'est que leschefs le partagèrent ; et Florence, préfet du prétoire, plus décidément que tous les autres. « Il était d'une bonne « politique, disait-il, d'en venir aux mains coûte « que coûte, pendant que les barbares étaient

obscuri; nox senescenle luna nullis sideribus adjuvanda; terrce protinus oestuflagrantes, nullis aquarum subsidiis fùlloe : qùoe si dederiï quisquam commode passe trànsiri, rueniibus hoslium examinibus post otiunt cibique refeclionem elpolus, quid nos agimus? quo vigore, inedia,siti, labdreque, ntembris marcentibus occurramus ? Ergo , quoniàmnegoliis diffwilliniis soepe dispositio tempesiiva prôspexit, et statum nutantiuni rerum recto consilio in boitant partem accepta, aliquoties .divina. remédia repararunt, hic, quoeso, vallo fossaque circumdati, divisis vigiliis quiescamus, somnoque et vicïu congruis poMi pro tempore, pace dei sit dictum, triumphaluras aquilas et vexilla victricia primo lûcis moveamus exordio. ' ' . ' • "

_ Nec finiri perpessi quas dicebantur, stridbre dentium infrendentes, ardoremque pugnandi hastis illidendo scuta monstrantes, in hostem se duci jam conspicuum exorabant, caslitis dei favore, fiduciaque sui, et fortunali rectoris experlis virtutibus freti : atque ut exitus docuit, salularis quidam Genius pressens ad dimicandum eos, dum adesse potuit, incitabat. Accessit huic alacritati plenus celsarum potestatam adsensus, maximeque Florenlii prasfecti prastorio, periculose quidem, sed ralionesecunda, pugnandnni


LIVRE XVI. 63

« réunis. On aurait trop à faire, une fois la con« fédération dissoute, avec cette fièvre de sédi« tions si habituelle au soldat, qui cette fois « aurait le prétexte spécieux de s'être vu enle« ver la victoire. » Un double souvenir mettait le comble à la confiance de l'armée. Les Romains , l'année précédente, avaient franchi la barrière du Rhin, et fait des courses sur la rive droite, sans qu'un seul ennemi se fût montré pour défendre le sol de son pays. Les barbares s'étaient contentés d'entraver les routes par des abatis d'arbres; puis, s'enfonçant dans les terres, avaient passé l'hiver misérablement sans abri contre un ciel rigoureux. Une autre fois, l'empereur en personne avait occupé leur territoire sans qu'ils eussent osé résister ni paraître, si ce n'est pour implorer la paix en suppliant. Mais on ne voulait pas voir que les circonstances avaient bien changé. Les Allemands, dans la première occurrence, étaient pressés de trois côtés à la fois : par l'empereur, qui menaçait la Rhétie ; par César, qui leur fermait absolument l'entrée des Gaules ; enfin par des nations limitrophes, qui s'étaient déclarées contre eux et les prenaient à dos. La paix une fois conclue avec l'empereur, celui-ci avait retiré son armée ; ils avaient alors accordé leurs différends avec leurs voisins, qui s'étaient joints à eux pour agir de concert ; et-, tout récemment encore, la fuite honteused'un général romain venait d'ajouter à leur fierté naturelle. Un événement étranger aggravait d'ailleurs notre position. Les rois Gundomade et Vadomaire, liés par le traité qu'ils avaient obtenu de Constance l'année précédente, n'avaient osé jusque-là prendre part au mouvement, ni écouter aucune proposition à cet égard. Mais

esse consentis, dum instarent barbari conglobati : qui si diffluxissent, motum militis in sediliones nativo calore propensions terri non posse aiebat, exfortam sibi vicloriam, ut putavit, non sine ullimorum corialu graviter taleraturi. Addideral autem fiduciam noslris consideralio gemina : recordantibus, quod anno nuper emenso Romanis per transrhenana spatia fusius volitantibus, nec visus est quisquam laris sui defensor, nec obvius stelit : sed concasde arhorurii densa undique semitis clausis, sidère urenle brumali,,asgre vixere barbari longius amandati : quodque Iniperatore terras eorum ingresso, nec resistere ausi, nec adparere, pacem impetraverunl suppliciter obsecranles. Sed nullus mutatara rationem temporis advertebat, quod tune triperlito exitio premebanlur ': Imperatore urgente per Rastias, Cassàre proximo nusquam elabi permittente, finitimis, quos. bostes feceré discordias, modo non occipitia conculcantibus bine indeque cinclorum. Postea vero pace data, discesserat lmperator : et sedata jurgiorjum materia, vicinas gentes jam concordabant : et turpjseînius ducis Romani digressus ferociam natara conceptâm auxit in majus. Alio ilidem modo res est adgrâvala Romana ex negotio tali. Regii duo fralres vinculo pacis adstricti, quam anno prasterito impetraverant a Constantio , nec tumultuarc, nec commoveri sunt ausi. Sed paullo postea uno

voilà Gundomade, le meilleur des deux et le plus sûr dans ses engagements, qui périt victime d'une trahison ; tout son peuple aussitôt se réunit à la ligue ; et Vadomaire ( c'est du moins ce qu'il affirma ) ne put empêcher le sien de prendre également parti pour nos adversaires.

Aux premiers rangs comme aux derniers, l'aimée se montrait donc unanime sur l'opportunité de marcher immédiatement à l'ennemi, autant que disposée à se roidir contre l'ordre contraire. Alors un porte-étendard s'écria soudain : « En « avant, César, ô le plus heureux de tous les hom« mes! La fortune elle-même guide tes pas. Nous « comprenons seulement depuis que tu nous « commandes ce que peut la valeur unie à l'habi« leté. Montre-nous Je chemin du succès en brave « qui devance les enseignes ; et nous te montre« rons, nous, ce que vaut le soldat sous l'oeil « d'un chef vaillant, qui juge par lui-même du « mérite de chacun. » —""^

A ces mots, sans accepter de relâche, l'armée s'ébranle de nouveau, et parvient au pied d'une colline en pente douce, couverte de blés déjà mûrs, et située à peu de distance de la rive du Rhin. Trois cavaliers ennemis étaient en observation au sommet, et coururent à toute bride annoncer aux leurs notre approche/Mais une quatrième vedette qui était à pied, et ne put suivre les autres, fut gagnée de vitesse par nos soldats, et nous apprîmes d'elle que l'armée germaine avait employé trois jours et autant de nuits à passer le Rhin. Nos chefs pouvaient déjà voir l'ennemi former ses colonnes d'attaque. On" commande halte; et aussitôt les antépilàires, les hastaires et leurs serre-files se mettent en ligne et restent fixes, présentant un front de bataille

ex his Gundomado, qui potior erat fideique firmioris, per insidias interempto, pmnis ejus populus cum nostris hostibus conspiravit : et confestim Vadomarii plebs, ul adserç.bat, agmiuibus bella cientium barbarorum sese çonjunxit.

Cunclis igitur summis infimisque adprobantibus, tune opportune congrediendum, nec de rigore animorum quidquam remitlentibus, exclamavit subito signifer : Perge, felicissime omnium Coesar, quo te fortuna prosperior ducit : tandem per te virtutem et consilia militarc seniimus. I proevius ut faustus aniesignanus et forlis : experieris quid miles sub conspeetu bellicosi ductoris, testisque individui gerendorum, modo adsit superum numen, Us rébus efficiet excitatus. His audilis', Cum raillas laxarentur indutias, promotus exercitus prope collem advenit molliter edilura, opertum segelibus jam maturis, a superciliis'Rheni haud longo intervallo distantem : e cujus summitate speculàlores hostium 1res équités ex citi, subito nuntiaturi Romanum exercitum advenlare, feslinarunt ad suos : unus vero pedes, qui sequi non potuit, captas agilitate nostrorum indicavit, per.triduum et trinoctium (lumen transisse Germanos. Quos cum jam prope densanles semét in cuneos nostrorum conspexero ductores, sleterunt vesligiis fixis, antepilanis liastatisque


AMMIEN MARCELLIN.

aussi solide qu'un mur. Même immobilité dans les rangs ennemis, qui veulent imiter notre réserve. Voyant toute notre cavalerie p] acée à l'aide droite, ils lui opposèrent à leur gauche, et par masses serrées, l'élite de leurs cavaliers, dans les rangs desquels ; par une tactique très-bien entendue, et dont i|s devaient l'idée au transfuge déjà mentionné, ils jetèrent çà et là des fantassins agiles, et armés à la légère. Us avaient remarqué en effet que les rênes et le bouclier ne laissant à leurs gens de cheval qu'une main libre pouf lancer le javelot, le plus exercé, dans un combat corps à corps avec un de nos clibanares, ne faisait que s'escrimer en pure perte contre le guerrier complètement abrité sous son armure de fer; mais qu'un fantassin pouvait, inaperçu dans la chaleur du conflit, et quand on ne songe qu'à ce qu'on a devant soi, se glisser sous les flancs du cheval, l'éventrer, et démonter ainsi l'ennemi invulnérable, dont alors on avait bon marché. Non contents de cette disposition, ils nous ménageaient à leur droite un autre genre de surprise. Cette belliqueuse et féroce armée avait pour chefs suprêmes Chnodomaire et Sérapion, les plus puissants entre tous les rois confédérés. A l'aile gauche, où, suivant l'attente des barbares, la mêlée devait être plus furieuse , se montrait le funeste promoteur de cette levée de boucliers, Chnodomaire, le front ceint d'un bandeau couleur de flamme, et montant un cheval couvert d'écume. Amoureux du danger, plein de confiance en sa force prodigieuse, il s'appuyait fièrement sur un javelot de dimensions formidables, et frappait de loin les yeux par l'éclat de ses armes. Dès longtemps il avait établi sa supériorité comme brave soldat et comme chef habile. Sérapion commandait l'aile droite. Il entrait à peine dans la

et ordinum primis velut insolubili muro fundalis : el pari cautela bostes stelere cunclali. Cunique ita, ut antedictus docuerat perfuga, equitatumomnem a dextro latere sibividissent oppositum, quidquid apud eos per équestres copias praspollebat, in lasvo cornu locavere consertum. Iisdemque sparsim pedites miscuere discursalores et levés, profecto ratione tula poscënte. Norant enim, licet prudentem ex equo bellatorem cum clibanàrio nostro congressum, frena retinenlem et scutum, hasta una manu vibrata, tegminibus ferreis abscondito bellatori nocere non posse : peditem vero inter ipsos discriminum vertices, cum nihil caveri solet praster id, quod occurril, humi occulte replanlem, lalerë forato jumenli, incautum rectorem prascipifern agere, levi negotio trucidandum. Hoc itaque disposito, dextrum sui lalus struxere clandestinis insidiis et obscuris. Duclabaut autem populos omnes pugnaces et sasvos Chnodomarius et Serapio, potestate excelsiores ante alios reges. Et Chnodomarius quidem nefarius belli totius incenlor, cujus verticiflamnieustorulusaptabatur,anleibat cornu sinistrum audax et fidens ingenti robore lacertorum, ubi ardor proslii sperabater immanis, equo spumante sublimior, erectus in jaculum formidandas vastitatis, armorumque nitore conspicuus, antea strcnuus el miles, et

fleur de l'âge, mais la capacité chez lui avait devancé les années. C'était le fils de ce Médérich, frère de Chnodomaire, dont la vie entière n'avait été qu'un tissu de perfidies. Médérich, qui avait fait comme otage un long séjour dans les Gaules, s'y était initié à quelques-uns des mystères religieux des Grecs. C'est à cette circonstance qu'était dû le changement du nom d'Agénarich, son fils, en celui de Sérapion. Venaienten seconde ligne cinq rois inférieurs en puissance, dix fils ou parents de rois, et, derrière ceux-ci, une longue série de noms.imposants chez les barbares. La force de cette armée était de trente-cinq mille combattants, tirés de diverses nations. Une partie était soldée, et le reste servait, en vertu de traités d'assistance réciproque.

Le terrible signal des trompettes avait résonné, lorsque Sévère, qui conduisait notre aile gauche, aperçut devant lui, à peu de distance, des tranchées remplies de gens armés qui devaient, se levant tout à coup, porter le trouble dans ses rangs. Sans s'émouvoir, il suspend toutefois sa marche, ne sachant à quel nombre il avait affaire; craignant d'avancer, et ne voulant pas reculer. César voit de l'hésitation sur ce point; il y vole avec une réserve de deux cents cavaliers qu'il gardait autour de sa personne, prêt à se porter où sa présence était le plus nécessaire, et toujours plus animé quand le péril était-plus grand. D'une course rapide il parcourt le front de l'infanterie, distribuant partout les encouragements. Comme l'étendue des lignés et leur profondeur s'opposait à toute allocution générale, et qu'il ne se souciait point d'éveiller les jalousies du pouvoir eu s'arrogeant ce qu'il regardait lui-même comme la prérogative du chef de l'État, il se contenta de voltiger çà et là, se garantissant comme il pouulilis

pouulilis ceteros ductor. Latus vero dextrum Serapio agebat, etiamtUm adultas lanuginis juvenis, efficâcia praecurrens astatem : Mederichi fratris Chnodomarii filius, hominis, quoad vixerat, perfidissimi : ideo sic ad-, pellatus, quod pater ejus diu obsidalus pignore lentes in Galliis, doctusque Graeca quasdam arcana, hune filium suum Agenarichum, genitali vocabulo diclifatum, ad Serapionislranslulitnomen. Hos sequebantui.pptestatë proximi reges numéro quinque, regalésque decem, et opliniataiu séries magna, armalorunique millia tiïginta et quinque, ex variis nalionibus partira mercede, partim pacto vicissitudinis reddeiidas quassita.

Jamque lorvum concrepanlibus fubis, Severus dux Rom. aciem dirigens laevam, cum prope fossas armalorum refertas venisset, unde dispositum erat ul abdili repenle exorti cuncta lurbarent, stetit impavidus': suspectiorque de obscuris, nec referre gradum, nec ulterius ire tentavit. Quo viso, animosus eonlra labores maximos Cassar, ducentis equitibus sasplus, ut ardor negotii flagilabal, agmina peditum impetu veloci discurrens verbis hortabalur. Et cum adloqui pariter omnes, nec longitudo spatioruni exteuta,necinunum coactas multitudinis permilteretcrebrilas ( et alioquiii vilabat gravions invidias pondus, ne


LIVRE XVI. fis

vait des traits de l'ennemi ; et jetant à chacun, connu ou non connu, quelques mots énergiques, il les exhortait tous à faire leur devoir. « Eh « bien ! mes amis, disait-il aux uns, voici enfin >< une bataille en règle. C'est le moment qu'appe« laient vos voeux et les miens, et que votre im« patience devançait toujours. » S'adressant ensuite aux derniers rangs : « Camarades, il est venu « le jour tant désiré qui nous appelle tous à effa« certes tachesimprimées au nom romain, et à lui = rendre son ancien lustre. Voyez, les barbares «viennent ici chercher un désastre; une aveugle « fureur les pousse à s'offrir eux-mêmes à vos . « coups. » Aux guerriers qu'une longue habitude rendait aptes à juger des manoeuvres, il disait, tout en rectifiant quelque disposition : « Allons, « braves soldats, réparonspardenobles efforts les « affronts qu'ont essuyés nos armées. C'est dans « cet espoir que, malgrémes répugnances, j'accep« tai le titre de César. » A ceux qui demandaient étourdiment le signal, et dont la pétulance menaçait d'enfreindre les commandements et de causer du désordre : « Gardez-vous, disait-il, « gardez-vous, quand l'ennemi tournera le dos, « de trop vous acharner sur les fuyards ; ce serait « compromettre l'honneur de votre succès. Que « nul aussi ne cède le terrain qu'à la dernière * extrémité ; car, aux lâches, point d'assistance « de ma part. Mais je serai là pour seconder la «poursuite, pourvu qu'elle se fasse sansempor« tement inconsidéré. » Parlant ainsi à chacun son langage, il fait

videretur id adfectasse, quod sibi soli deberi Augustes existimabat) cautiorsui, hostium tela prastervolans, his et similibus notes pariter et ignotos ad laçicndum fortiter accendebat : Advenit, o socii, justum pugnandi jam tempus, olim exoptalummihi vobiscum : quod antehac arcessentes, arma inquietis molibus poscebalis. Item cum âd alios postsignanos in acie localos extrema venisset : En, inquit, commilitones, diu speralus proesto est dies, compellens nos omnes elutis pristinis maculis Romanoe majestali reddere proprium decus. Ei sunt barbari, quos rabies etimmodicusfuror ad perniciem rerum suarunt coegit ùccurrere, nostris viribus opprimendos. Alios itidem bellandi usu diulino calleiites aptius ordinans, his cxbortàlionlbus adjuvàbat : Exsurgamus vin fortes; propellamus foriitudine congrua illisa nostris partibus probra : quai contemplons, Cossaris nomen cunctando suscepi. Quoscumque autem pugnas signum inconsulle poscentes, rupturosque imperium irrequietis motibus prasvideret : Quoeso, inquit, ne hosies vertendosinfugamsequentes avidius,fuiuroe Victoria: gloriam violelis; neu quis ante nécessitaient ultimam cedat. Namfugituros proeuldubio deseram : hostium ' terga coesuris adero indiscrelus, si hoc pensatione mo ■ deratafiat et cauta. ,

Hase aliaque in cumdem modum saspius replicando,

majorent exercilus partem primas barbarornm opposait

- fronli : et subito Alamannorum peditum fremitus indi'^

indi'^ mislus. auditus est unanimi conspirationc vociavancer

vociavancer plus grande partiede ses forces contre lapremière ligne des barbares. Ce fut alors parmi l'infanterie allemande, contre les chefs qui étaient montés, un frémissement d'indignation qui bientôt éclata eu vociférations effroyables. Il fallait, disait-on, qu'ils combattissent à pied comme les autres, et que nul ne pût se ménager, en cas de fuite, un moyen de sauver- sa personne, en abandonnant le reste à son sort. Celte manifestation fit quitter à Chnodomaire son cheval, et son exemple fut aussitôt suivi. Pas un ne mettait en doute que la victoire ne dût se déclarer pour eux. L'airain donne le signal, et des deux parts on en vient aux mains avec la même ardeur, en préludant par des volées de traits. Débarrassés de leurs javelots, les Germains se lancent sur nos escadrons avec plus d'impétuosité que d'ensemble , en rugissant comme des bêtes féroces. Une rage plus qu'ordinaire hérissait leur épaisse chevelure, et leurs yeux étineelaieut de fureur. Intrépides sous l'abri de leurs boucliers, les nôtres paraient les coups, ou, brandissant le javelot, présentaient la mort aux yeux de l'ennemi. Pendant que la cavalerie soutient la charge avec vigueur, l'infanterie serre ses rangs, et forme un mur de tous les boucliers unis. Un épais nuage de poussière enveloppe la mêlée. Nous combattons avec des chances diverses , ici tenant ferme, là repoussés; car les Germains, rompus la plupart à cette espèce de manoeuvre, s'aidaient de leurs genoux pour enfoncer nos lignes. C'était un corps à corps universel, main

feramïum, relictis equis seeum oportere versari régales : ne, si quid conligisset adversum, déserta miserabili plèbe facilem discedendi copiam reperirent. Hoc comperlo, Clinodomariu jumento statira desiluit, et secuti eum residui idem facere nihil morati : nec enim eorum quisquam ambigebat partem suam fore victricem.

Data igitur ahenatorum accentu sollemniter signo, ad pugnanduiii utrimque magnis concursum est viribus. Propilabantur missilia, et properantës cite quam consideralo cursu Germani, telaque dextris explicanles 1, involavere nostrorum equitum turmas, frendentes immania : eorumque ultra sôlilum sasvientium comas fluentes horrebanf ,- et elucebat quidam exoculis furor : quos contra pertinax miles scutorum obicibus vertices tegens, ejectansque gladios, vel tela concrispans morlem minitantia perterrebat. Cunique in ipso prosliorum arliculo eques se fortiter conterniaret, et muniret latera sua firmius pedes, frontem artissimis conserens parmis : erigebanlur crassi pulveris nubes, variique fuere discursus, nunc resistentibus, nunc cedentibus nostris : et obnixi genibus quidam barbari peritissimi bellatores hostenî propellere laborabant : sed destinalione nimia dexteras dexteris miscebantur, et umho trudebat umboneni : caslumqne exsultantium cadentiumqueresonabat a vocibus magnis : et cum cornu sinistrum altius gradiens, urgentium lot agmina Germanorum vi nimia pepulisset, irelque in barbaros fremens, équités nostri cornu tenentes dextrum 1, praster spem incondile discesserunt : dumque primi fiigienlium postremos impe'.

impe'.

u


0,0 AMMIEN MARCELLIN.

contre main, bouclier contre bouclier ; et l'air retentissait de cris de triomphe et de détresse.

EnfinnotreaiIegauche,s'ébranlantde nouveau, et chassant devant elle des multitudes d'ennemis, venait avec furie prendre part à cet engagement, lorsque inopinément la cavalerie lâcha pied à l'aile droite, et se replia- s'entre-choquant jusqu'aux légions, où, trouvantùn pointd'appui, elle put se reformer. Voici ce qui avait causé cette alarme. Le chef des cataphractes, en rectifiant un vice d'alignement, reçut une blessure légère; et l'un des siens, dont le cheval s'abattit, resta écrasé sous le poids de l'animal et de son armure. Ce fut assez pour que le reste se dispersât ; et ils eussent tous passé sur le ventre à l'infanterie, ce qui eût causé un désordre général, si cette dernière n'avait soutenu leur choc par sa masse et par sa résolution.

De son côté, César voit cette cavalerie éparse, et cherchant son salut dans la fuite. Il pousse à elle, et se jette au-devant comme unebarrière.Le tribun de l'un des escadrons l'avait reconnu, en voyant de loin flotter au haut d'une pique le dragon de pourpre qui guidait son escorte, enseigne dont la vétusté attestait lés longs services. Plein de honte, et la pâleur sur le front, cet officier court aussitôt rallier sa troupe. Julien alors s'adressant aux fuyards de ce ton persuasif qui ramenait les coeurs les plus ébranlés : « Où cou-« rons-nous, braves gens? leur dit-il. Ne savez■< vous pas qu'on ne gagne rien à fuir, et que lapeùr « elle-même né peut conseiller un plus mauvais « parti ? Allons donc rejoindre les nôtres qui « combattent pour la' patrie , et ne perdons pas, « en les, abandonnant sans savoir pourquoi, la « part qui nous reviendra du triomphe commun. ■» Par cette adroite allocution, il les ramène à la

diunt, gremio. lëgionum protecti, fixeront integrato praslio gradum. Hoc autem exinde acciderat, quod dum ordinum restituitur séries, cataphracli équités viso reclore suo leviter vulnerato, et consorte quodam per cervicem equi labentis pondère armorum oppresso, dilapsi qua quisque poterat, peditesque calcando çuncta turbassent, ni conferti illi sibique vicissim innixi stelissent immobiles. Igitur, cum équités nihil praster fugascircumspectantes prassidia, vidisset longius Cassar, concito equo eos velut repagulum quoddam cohibuit. Quo agnito per purpureum signum draconis, summitati hastas longioris aptatum, velut seneclulis pandentis exuvias, stelit unius turmas Iribunus, el pallore limoreque perculsus, ad aciem intégrandam rec-urrit. Utque in rébus amat fieri dubiis , eosdem lenius increpans Cassar : Quo, inquit, cedimus, viri forlissimi ? aut ignoraiis fugam, quai salulem numquam reperit, irriii conatus stulliliam indicare? redeamus ad noslros, saltem glorioefuiuri participes, si eospro Republica dimicanles non relinquimus inconsulte. Hase reverenter diçendo, reduxit omnes ad munia subeunda bellandi, imitâtes salva differentia veleiem Sullam : qui, cum contra Archelaum Milbridatis ducein educta acie proslio fatigabalur aidenti, reliclus a mililibus cunclis, cucurrit in

charge, renouvelant ainsi, à quelques particu* larités près, un trait qui jadis avait honoré Sylla. Abandonné des siens dans une rencontre où il se trouvait pressé par Archélaûs, lieutenant de Mithridate, Sylla saisit l'étendard, le lance au milieu des ennemis, et dit à ses soldats : « Allez, « vous qu'on avait désignés pour partager mes " périls. Et si l'on vous demande où vous avez « perdu votre général, répondez ( et vous direz « vrai): En Réotie, où nous l'avons laissé seul « combattre et verser son sang pour nous. »

Profitant de leur avantage et de la dispersion de la cavalerie, les Allemands fondent sur notre première ligne de pied, comptant trouver des hommes ébranlés, et peu capables d'une résistance énergique. Mais leur choc fut soutenu, et l'on se battit longtemps sans que la balance penchât d'un côté ni de l'autre. Les Comutes .et les Braccates, milices aguerries', à ces gestes effrayants qui leur sont propres joignirent alors ce terrible cri de guerre qu'ils font entendre dans la chaleur du combat, et qui, préludant par un murmure à peine distinct, s'enfle par degrés, et finit par éclater en un mugissement pareil à celui des vagues qui se brisent contre un écueil. Les armes se choquent, lès combattants se heurtent au milieu d'une grêle sifQante de dards, et d'un épais nuage de poussière qui dérobe tous les objets. Mais les masses désordonnées des barbares n'en avancent pas moins avec la fureur d'un incendie ; et plus d'une fois la force de leurs glaives parvint à rompre l'espèce de tortue dont se protégeaient nos rangs par l'adhérence de tous les boucliers. Les Rataves voient le danger, sonnent la charge ; secondés par \es rois, ils arrivent au pas de course au secours de nos légions, et le combat se rétablit. Cette troupe formidable

ordiiiëm prinium ; raploque et conjecto vexillo in jiartem hostilem, lie, dixerat, socii periculorumelecti, et.scilantibus ubi reliclus sint lmperator, respondete nihil ; fallentes, solus in Baotia pro omnibus nobis cum dispendio sanguinis sui décernons. .'. "-'.'•'.

Proide A|amannî, pulsis disjëctisque equifibusflpslris, primam aciem peditum incesserunt, eam abjecte resislendi animositate pulsuri. Sed postquam comminus ventum est, pugnabattir paribus diu momenfis. Corn uti enim et Braccati, usu prosliorum diuturno firmali ,'eos jam geslu lerrentes, barritum civere vel maximum : qui, clamer ipso fervore cerlaminum a tenui susurro exoriensj paUllalimqueadulescens, ritu extollilur fluctnumçautibusillisorum: jaculorum deinde stridenlium crebritate hincinde convolapte, pulvis oequali motu adsurgens, et prospectum eripiens, arma armis, corpora corporibus obtrudebal. Sed violenlia iraque incompositi barbari in modum exarsere flammarum, nexamque sciitorum conipagem, quas noslros in modum lestudinis tuebatur, scindebant ictibus gladiorum adsiduis. Quo cognito, opitulatam conturmalibus suis céleri cursu Balavi venere cum regibus ( forniidabilis manus, ex trémas neçessitatis arliculo circumventos, si jnvisset fors, ereptura ) torvumque canentibus classicis,


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devait, le sort aidant, décider du succès dans les circonstances même les plus critiques. Mais les Allemands, qu'une rage de destruction semblait avoir saisis, n'en continuaient pas moins leurs efforts désespérés. Ici, sans interruption, les dards, les javelots volent, les carquois se vident ; là on se joint corps à corps ; le glaive frappe le glaive, et le tranchant des armes entr'ouvre les cuirasses. Le blessé, tant qu'il lui reste une goutte de sang, se soulève de terre, et s'acharne à combattre. Les chances de part et d'autre étaient à peu près égales. Les Germains l'emportaient par la taille et l'énergie des muscles ; les nôtres, par la tactique et la discipline ; aux uns, la férocité, la fougue ; aux autres, le sangfroid, le calcul. Ceux-ci comptaient sur l'intelligence, ceux-là sur la force du corps. Pliant quelquefois sous les coups de l'ennemi, le soldat romain se redressait bien vite." Le barbare, qui sentait ses jarrets se dérober, se battait encore, un genou en terre. L'horreur de céder ne saurait aller plus loinTout

loinTout coup les principaux Germains, leurs rois en tête, et suivis de la multitude obscure, fondent sur notre ligne en colonne serrée, et s'ouvrent un passagejusqu'à lalégion d'élite placée au . centre de bataille, et formant ce qu'on appelle la réserve prétorienne. Là les rangs plus pressés, les files plus profondes, leur opposent une masse compacte, inébranlable comme une tour; et le combat recommence avec une nouvelle vigueur. Attentifs à parer les coups, et s'escrimant du bouclier à la manière des mirmillons, nos soldats perçaient aisément les flancs de leurs adversaires, qui, dans leur fureur aveugle, négligeaient de se couvrir. Ceux-ci, prodigues de leurs vies, etnesonadullis

etnesonadullis certabatur. Verum Alamanni bellum acriter ineuntes, allius anhelabant, velut quodam furoris adfectu opposite omnia deleturi. Spicula tamen verutaque inissilia non cessahant, ferratasque arundines fundebanlur : quamquam etiam oomminus mucro feriebat contra mu. cronem, et lûricas gladiis findebanlur, et vulnerati nondum effuso cruore, ad audendum exertius consurgebant. Pares enimquodammodo coivere cum paribus, Alamanni robusti et celsiores; milites usu nimio dociles -. illi feri et turbidi; lu quieti et cauti : animis isti fidentes; grandissions illi corppribus freti. Resurgebat tamen aliquoties armorum pondère pulsusloco Romanus: lassalisque impressus genibus, lasvum reflectens poplitem barbarus subsidebat, hosleni ullro lacessens : quod indicium esl obslinationis extrêmes. Exsiluil itaque subito ardens oplimatium globus, i inter quosdecernebant et reges, el sequente vulgo -ante alios agmina nostrorum irrupit, et iler sibi aperiendo adus, que primanorum legionem pervenit, locatam in medip I ( quasconfirmatio Castra prasloria dictitatur) ubi densior et ; ordinibus frequens miles, instar turrium fixa fiimilate / consjstens, proslium majore spiritu repetivit : et vulneribus ', declinandis intentus, sequi in modum mirmillonis opej riens, hostium lalera, quas nudabat ira flagrantior, dis|j Irictis gladiis perforabal. At illi prodigere vitam pro victogéant

victogéant vaincre, font les derniers efforts pour rompre l'épaisseur de nos lignes. Mais les nôtres, de plus en plus sûrs de leurs coups, couvrent le sol de morts, et les rangées d'assaillants ne se succèdent que pour tomber tour à tour. Enfin leur courage fléchit, et les cris des blessés et des mourants achèvent de les glacer. Accablés de tant de pertes, il ne leur restait plus de force que pour fuir ; ce * qu'ils firent soudain dans toutes les directions, avec cette précipitation du désespoir qui pousse des naufragés à toucher la première plage qui se * présente à leurs yeux.

. Quiconque fut témoin de.cette victoire conviendra qu'elle était plus souhaitée qu'elle n'était attendue. Sans doute un dieu propice intervint ce jour-là pour nous. Nos soldats chargèrent à dos les fuyards, et, à défaut de leurs épées émoussées qui plus d'une fois refusèrent le service , ils arrachaient- la vie aux barbares avec leurs propres armes. Ni les yeux ne se rassasiaient de voir couler le sang, ni les bras de frapper. Nul ne reçut de quartier. Une foule de guerriers, blessés à mort, imploraient le trépas pour abréger leurs souffrances ; d'autres, au moment d'expirer, soulevaient un oeil mourant, pour chercher une dernière fois la lumière. Des têtes tranchées par le large fer des javelots pendaient encore au tronc dont elles venaient d'être séparées. On trébuchait, on tombait par monceaux sur le sol détrempé de sang; et plus d'un périt écrasé par les siens, qui s'était tiré du combat sans blessure. Les vainqueurs, enivrés de leurs succès, frappaient encore de leurs épées émoussées les casques splendides et les boucliers, qui sous leurs coups roulaient dans la poussière. v i

Enfin les barbares aux abois, acculés jusqu'au**^

riacontendentes, tentabanlagminisnoslrilaxarecompagem. Sed continuala série peremptorum, quos Romanus jam fidenlior stravit, succedebant barbari superstites inteifectis : auditoque occumbentium gemitu crebro, pavore perfusi lorpebant. Fessi denique tôt asi'umms,et ad solam deinceps strenui fugam, per diversos tramites tota celerilate egredi feslinabant : ul e mediis sasvientis pelagi fluctibus, quocumque avexerit venins, ejici nautici propçr-ant et vectores : quod voli magis quam spei fuisse, fatebilur quilibet lune praesens. Aderatque propitiati numinis arbitrium démens -. et secans terga cedentium miles, cum interdum flexis ensibus feriendi non suppelerenl instrumenta , ipsis barbaris lela eorum vilalibus imrneigebat : nec quisquam vulnerantium sanguine iram explevit, nec satiavit casde mûlliplici dexteram, velmiseratussupplicantem abscessit. Jacebant itaque plurimi transfixi lelaliter, remédia mortis compendio postulantes : alii semineces labente jam spiritu, lucis usuram oculis morienlibus inquirebant : quorumdam capita discissa Irabalibus telis, et pendentia jugulis cohasrebant : pars per lutosum et lubricuni solum in sociorum cruore lapsi, intactis ferro corporibus, acervis superruenlium obruti necàbantur. Qua; ubi satis evenere prosperrime, validius instante victoie, acumina densis ictibus hebescebant, splendenlesque galeas


68 AMMIEN MARCELLIN.

Rhin , et enfermés comme par un mur de cadavres entassés , ne voient plus de salut pour eux que dans le fleuve. Pressés par nos soldats, que leur pesante armure ne saurait, retarder dans leur poursuite, quelques-uns se précipitèrent dans les flots, comptant sur leur, habileté à nager pour sauver leurs jours. César, qui vit aussitôt le danger de trop d'entraînement pour les nôtres, défendit à haute voix, et fit proclamer par les chefs et les tribuns, la défense à tout soldat de s'engager, en suivant de trop près l'ennemi, dans les eaux tourbillonnantes. On se contenta donc de border la rive, et de faire pleuvoir sur l'ennemi une foule de traits de toute espèce. La plupart de ceux que la fuite dérobait à nos coups trouvaient, s'abîmant de leur propre poids, le trépas au fond du fleuve. Alors la scène présenta sans danger un intérêt dramatique. Ici le nageur se débat contre l'étreinte désespérée de celui qui ne sait pas nager, et le laisse flotter comme un tronc, s'il parvient à s'en défaire. Là, saisis par les tourbillons, les plus habiles roulent sur eux-mêmes, et sont engloutis. Quelques-uns, portés par leurs boucliers, saus cesse déviant pour éviter le choc des vagues, parviennent, après mille hasards, à toucher enfin l'autre bord. Le fleuve, rougi des flots du sang barbare, s'étonne de la crue soudaine de ses eaux. Au milieu dudésastre, le roi Chnodomaire, qui avait su échapper en se glissant entre des monceaux de cadavres, s'efforçait de regagner au plus vite le campement qu'il occupait avant sa jonction à peu de distance de deux forts romains. 11 avait fait réunir de longue main, et en cas d'échec, des embarcations dont il songeait en

sub pedibus volvebantur, et scuta : ultimo denique trudente discrimine barbari, cum elati c.idaverum aggeres exilns impedirent, ad subsidia flumiuis petivere, quas sola restaba'ut, eorum lerga jam perstringentis. Et quia cursu sub armis concilo fugientes miles indefessus urgebat : quidam nandi perilia eximi se ppsse discriminibus arbitral]', animas fluctibus commiserunt. Qua causa céleri corde futura prasvidens Cassar, cum tribunis et ducibns clamore objurgalorio probibebat, ne hoslem avidius sequens nostrorum quisquam se gurgitibus commilteret vei'licosis. Unde id observatum est, ut marginibus insistantes eonfoderenl telorum vaiielate Germanos : quorum si quem morti veloeifas. subtraxissel, jacti corporis pondère ad ima fluminis subsidebat. Et velut in quodam theatrali speclaculo aulasis miranda monstrantibus, multa liccbat .jam sine metu videre : nandi strenuis quosdam nescios adhasrentes; Huilantes alios, cum expedilioribus b'nquerentur ul stipites; et velut luclanteamnis violentia, vorari quosdam fluclibns involulos; nonnullos clypeis vectos, prasruptas undarum occursanlium moles obliquatis mcalilms déclinantes, ad ripas ulteriores post multa discrimina pervenire. Spumans denique cruore barbarico decolor alveus insueta slupebat augmenta..

Dum haec aguntnr, rex Chnodomarius, reperta copia discedendi, lapsus per funerum slrues, cum satellilibus

ce moment à se servir pour chercher quelque retraite obscure, et y attendre un changement de la fortune. Comme il ne pouvait y arriver qu'en passant le Rhin, il revint sur ses pas, ayant la précaution de se couvrir la figure. Il approchait de la rive du fleuve, lorsqu'en tournant une espèce de marécage qui se trouvait sur son chemin avaût d'arriver au point d'embarquement, son cheval s'abattit dans un terrain fangeux, et le renversa sous lui. Malgré sa corpulence il parvint à se dégager, et à gagner une colline boisée qui n'était pas loin de là. Mais il fut reconnu; l'éclat même de son ancienne grandeur l'avait trahi. Aussitôt une cohorte commandée par un tribun enveloppa de tous côtés la colline, .sans cher, cher à pénétrer dans le fourré, dans la crainte de rencontrerquelqueembuscade. Chnodomaire alors se vit perdu, et se décida à se rendre. Il était seul dans le bois ; mais deux cents hommes qui formaient sa suite et trois de ses plus intimes amis vinrent d'eux-mêmes se livrer, regardant comme un crime de survivre à leur roi, et de ne pas donner, s'il le fallait, leur Vie pour sauver la sienne. Les barbares, insolents dans le succès, sont d'ordinaire sans dignité dans le malheur. Chnodomaire, la pâleur au front, montra, tandis qu'on l'entraînait, la contenance dégradée d'un esclave : la conscience du mal qu'il avait fait enchaînait sa langue. Combien différent alors du féroce dévastateur que le deuil et là terreur annonçaient naguère, et qui, foulant aux pieds la Gaule eu cendres , menaçait de ne pas borner là ses ravages !

La bataille ainsi terminée par l'assistance du ciel, vers la chute du jour le clairon rappela ■

paucis celeritate rapida properabat ad castra, quas prope Tribuncos et Concordiam munimenta Romana fixit in Triboccis, ut escensis navigiis, dlidum paratis ad casus ancipites, in secretis se secessibus amaudaret.'Et quia non nisiRheno transite ad tenloria sua polerat pervenire, vultum, ne agnosceretur, operiens, sensim relulit pedem. Cunique pfopinquaret jam ripis, laeunam paldslribus aquis inlerfusam circumgrediens ul transiret, calcala mollitie glutinosa, equo est evolulus : et confeslim, licet obeso corporegravior, ad subsidiunvvicini collis evasit: quem agnitum (nec enim poluil celare , qiiifiierat, fo'rlunas prioris magnitadine proditus) slatiin anbelo "cursu cohors cum tribuno sequula, armis circumdatuni aggerem nemorosum cautius obsidebat, përrumpere verila, ne fraude latenli inter ramorum lenebras exciperelur occultas. Quibus visis compulsus adultimos metus, ultro se dédit, solus egressus : comilesque ejus ducenti numéro, et très amici junclissimi, flagilium arbitral! post regem vivere, vel pro rege- non mori, si ila lulerit casus, tradidere se vinciendos. Utque nalivo more sunt barbari humiles in adversis, dispaiesque in seeundis : servus aliéné volùnlatis Irabëbatur pallore confusus, claudenle noxarum conscientia linguam : immensum, quantum ab eo différais, qui post feros lugubresque terrores cineribus Galliarum insullans, multa minabalur et sasva.


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notre invincible aimée, qui, réunie près la rive du Rhin, put enfin, sous la protection active de plusieurs lignes de boucliers, prendre quelque uourriture et du repos. Les Romains perdirent dans cette action deux cent quarante-trois soldats et quatre chefs principaux, Bainobaudes, tribundes Cornutes,Laïpse et Innocent, officiers des - cataphractes, et un tribun dont le nom ne s'est pas conservé. Du côté des Allemands, six mille morts restèrent sur le champ de bataille, indépendamment du nombre infini de cadavres que le Rhin entraîna dans son cours. Julien, dont l'âme était supérieure encore à sa haute fortune, et qui ne croyait pas grandir son mérite en augmentant son pouvoir, réprimanda sévèrement l'indiscrétion des soldats, qui par acclamation l'avaient salué Auguste : il protesta par serment que ce titre était aussi loin deses voeux que de ses espérances. Mais, pour ajouter encore chez eux à l'exaltation du triomphe, il fit amener devant lui Chnodomaire. Celui-ci s'avança en s'inclinant jusqu'à terre, et finalement se prosterna à ses pieds, implorant son pardon à la manière des barbares. Julien le rassura. Quelques jours après, Chnodomaire fut conduit à la cour de l'empereur, puis envoyé à Rome par ce dernier, qui lui assigna pour demeure le quartier des étrangers, sur le mont Palatin. Il y mourut de langueur.

Malgré ces grands et brillants résultats, il ne manquait pas de gens près de l'empereur qui, sachant bien faire ainsi leur cour, trouvaient à Julien des torts ou des ridicules. On lui donna par dérision le surnom de Yictorin, parce que, dans ses relations, il revenait assez souvent,

Quibus ita favore superni numinis terminatis, postexactum jam diem occinente liticine revoçatus inviclissimus miles,prope supercilia Rheni lendebat, scutorumqueordine niultiplicato vallatus, victu fruebatur et somuo. Ceciderunt autem in hac pugna Romani quidem CCXL et m, redores vero iv. Bainobaudes Cornulorum Iribunus, adasque Laipso, et Iiinocentius'cataphractarios ducens, et vacans quidam tribunus, cujus non suppetil nonien : ex Alamannis vero sex millia corporum inventa sunt in campo constrala, et inasstîmabiles morluorum acervi per undas numinis ferebantur. Tune Julianus, ut erat fortuna sui spéctatiôr, merilisque niagis quamimperio potens, Augustes acclamatione concordi lotius exercitus adpellalus, ut agenles pelulanlius milites merepabat, id se nec sperare,' nec adipisci velle jurando conlirmans. Et ut augeret éventes secundi làsliliam., concilio Chnodomarium jussit sibi offerri : qui primo curvatus, deinde humî suppliciler fusils, gentilique prece veniàm poscens,bono animo esse est jussns. Et diebus postea paucis ductus ad coiiiiialuni Inipcratoris, missusque exinde Romam, in' castris peregrjnis, quas in monte sunl Caslio, morbo vêlerai, con\ suinptus est. ^

, His tôt ac talibus prospero peraclis évente, in palatio , .Constante quidam Julianum culpantes, ul princeps ipse

bien- qu'eu termes très-modestes, sur ce que les Germains avaient été constamment défaits partout où il avait commandé en personne. Par un tour de force d'adulation dont l'extravagance était palpable, mais bien faite pour chatouiller une vanité portée au delà de toute mesure, on parvint à persuader à Constance que dans tout l'univers il ne se faisait rien de grand que par son influence et sous les auspices de son nom. Cette fumée lui monta au cerveau, et dès ce moment et par la suite on le vit donner hardiment le démenti, aux faits, en disant dans ses édits, à la première personne, «J'ai combattu, « j'ai vaincu; j'ai.relevé des rois prosternés à « mes pieds, » lorsque, dans le fait, tout cela s'était passé sans lui. Qu'un de ses généraux, par exemple, pendant qu'il ne bougeait lui-même d'Italie, eût obtenu quelque avantage sur les Perses , il ne manquait pas d'envoyer dans toutes les provinces de ces lettres au laurierfjavant-courrières de ruine, contenant d'interminables récits de l'action, et des hauts faits du prince en première ligne. Les archives publiques conservent encore des édits, monuments d'aveugle jactance, où il s'élève lui-mêmejusqu'au ciel : on y trouve même une relation détaillée dé l'affaire d'Argentoratum, dont il était éloigné de plus de quarante marches. On y voit Constance réglant l'ordre de bataille, combattant près des enseignes-, poursuivant les barbares, recevant la soumission de Chnodomaire; et, pour comble d'indignité, pas un mot de Julien. Constance eût enseveli toute cette gloire si la renommée, en dépit de l'enVie, n'eût pris soin de la publier.

delectaretur, incisive Victorinum ideo nominabant, quod verecunde referens, quoties imperaret, superatos indicabat saspe Gernianos. Interque exaggerationera inanium laudum, ostentationenique aperte lucenlium, infiabant ex usu lmperatorem suopte ingeniù nimium, quidquid per omnem terras ambitum agebalur, felicibus ejus auspiciis adsignantes. Quocirca. magniloqyienlia elatus adulatorum, lune et deinde ediclis propositis arroganlèr salis multa mentiebatur, sësolum, cum geslis non adfuisset, et dimicasse, et vicisse, et supplices reges gentium erexissc aliquoties scribens : et si verbi gratia eo agente tune in Italia, dux quidam egisset fortiter contra Persas, nulla ejus menlione per textum longissimum fada lauréates lilteras ad piovinciarum damna millebat, se inler primores versatum cum odiosa sui jactatione significans. Exstant denique ejus edicta in (abulariis principis puhlicis condita

delata narrandi, extollendique semet in caslum. Ab

Argentorato, cura pugnaretur, mansione quadragesima disparates , describens proelium, aciem ordinasse, et sletisse inler signiteros, et barbares fugasse prascipites, sibique oblalum falso indicat Chnodomarium ( prob rerum indignitas ! ) super Juliani gloriosis actibus conlicescens : quos sepelierat penitus, ni fama res maximas vel. obumbrantibus plurimis silere nesciret.


LIVRE XVIL

SOMMAIRE DES CHAPITRES.

I. Julien, après la défaite des Allemands, passeleRhin, et détruit par le fer et la flamme les établissements de ce peuple. Il répare le fort de Trajan, et accorde aux barbares une trêve de dix mois. II. Julien réduit par la famine une bande de Franks qui faisaient des courses dans la Germanie. III. Ses efforts pour allégei dans les Gaules le poids des impôts. IV. Constance fait élever un obélisque à Rome dans le grand cirque. Des obélisques et des hiéroglyphes. V. Correspondance et négociations inutiles

„ pour la paix entre Constance et Sapor', roi de Perse.

VI. Les Jutbunges, nation allemande, désolent la Rhétie. Ils sont battus et mis en fuite par les Romains.

VII. Nicomédie détruite par un tremblement de terre. Variétés de ce phénomène. VIII. Julien reçoit la soumission des Saliens, nation franlce. Il bat on fait prisonniers une partie des Chamaves, et donne la paix au reste. IX. Julien relève trois forts sur la Meuse, et se trouve en bulle aux reproches et aux menaces des soldats irrités par la disette. X. Les rois allemands Suomaire et Hortaire obtiennent la paix en rendant leurs prisonniers. XI. Sarcasmes des envieux contre les hauts faits d'armes de Julien. On l'accuse à la cour d'indolence et de pusillanimité. XII. Constance oblige lesSarmates ainsi que les Quades, qui dévastaient la Mésie et les deux Pannonies, à rendre leurs prisonniers et à livrer des otages. Il remet les Sarmates expulsés en possession de leurs terres, et leur donne un roi. XIII. Constance fait un grand carnage des Limiganles, et les force à s'expatrier. Sa harangue à l'armée. XIV. Les envoyés romains quittent la Perse sans avoir conclu la paix. Sapor envahit de nouveau la Mésopotamie et l'Arménie.

(An 357 ap. J. C.)

I. Satisfait de l'heureux résultat que je viens de décrire, et voyant le cours du Rhin affranchi par la victoire d'Argentoratum (1 ), le jeune héros

(i) Strasbourg.

LIBER XVII.

Julianus C. transite Rlieno Alamannorum vicos diripit ac incendit : ibi mumincntum Trajaui réparât, et decimeslres inducias barbaris concedil. C. I. DC.'Francos Germaniam II. vastantes obsidet, et ad deditionem famé compellit. II. Gallos Iribulis opprcssos levare conater. 111. Jussu ConslaDlii A. obeli.scus Romas in cîrco maximo subrectus couSlituilur : et de qbcliscis, ac de nolis hieroglyphicis. IV. Conslantius A. el Sapor Persar.um rex frustra de pace per Iilleras et legatos agunt. V. Juthungi, gens Alamannica, JD Rasliis, qUas populabanlur, a Romanis cassi iugatique. VI. Nieomedia terras molu proslrata : et quot modis terra qualialur. VU. Julianus C. Salios, gentem Francicam, in deditionem accipit : Chamavomm alios casdit, alios capit, reliquis pacem tribuit. VIII. Tria munimenla ad Mosam eversa a barbaris instaurât, el a milite famem patiente probris ac minis incessilur. IX. Suomarius et Hortarius Alamannorum reges, captivis redditis, ab Juliano C. pacem impétrant. X. Julian. C. post res in Gallia bene gestas, in aula Constantii A. ab invidis deridetur, segnisque el timidus adpellalur. XI. Conslantius A. Sarmalas dominos ohm , tum exsuies, et Quados, Pannoniarum et Moesias vaslatores,, ad obsides dandos el captivos reddendos compellit: atque eXsulibus Sarmalis,in libertatem avitasque M'-dës reslitulis, regem imponil. XII. Conslantius A. Limigantes Sarmalas scrvos, post magnam ipsorum casdem faclam , cogit sedibus suis cmigrare, ac milites suos adloput

adloput sa pieuse sollicitude pour les morts; qu'il lui répugnait de voir servir de pâture aux oiseaux de proie ; et il ordonna, de les enterrer tous sans distinction. Ensuite il congédia simplement les porteurs de l'insolent message qu'il avait reçu la veille de la bataille, et retourna aux Trois Tavernes (l ). De là il partit pour Mogunliacum (2), confiant son butin et ses prisonniers, jusqu'à sou retour, à la garde des Mediomatrices (3). Son dessein était de jeter un pont sur le Rhiu, et d'aller chercher sur leur territoire les barbares, dont il ne restait plus un seul dans les Gaules. L'armée s'y montra mal disposée d'abord ; mais il la' ramena bientôt par les séductions et la grâce entraînante de sa parole. Confirmé par des titres nouveaux, le dévouement du soldat l'enchaînait en quelque sorte aux pas du chef glorieux qui s'associait à toutes ses fatigues, et n'usait de sa prérogative que pour se faire une plus grande part des périls et des travaux. On arrive à Moguntiacum ; le pont est jeté, et l'armée s'avance sur le sol ennemi.

D'abord la hardiesse de l'opération frappa de stupeur les barbares, alors en pleine sécurité, et ne s'attendant à rien moins qu'à se voir attaqués sur leur propre territoire. Justement alarmés de ce qui les menaçait en songeant au désastre récent de leurs compatriotes, ils feignent un grand désir de la paix, seulement pour laisser . s'amortir la première furie de l'invasion, et en(i}

en(i} — (2) Maycnce. — (3) Habitants de Metz.

quilur. Xlfl. Romani legati de pace, re infecta, revery tenter ex Perside, Sappre Arrneiiiaiii et; Mesopotamiam, repetente. XIV.

I. I-Iac rerum, quas jam tljgessiuius, yariëiaie.ita conclusa, Marlius juvenis Rheiio post Aigentoratenseui pugnara oliose flucnte securus, sollicitusque, .né diras volucres consumèrent corpora perèmploruni,'sine discfélionc cunctes humari mandavit : absolutisqUe. legatis, quos aille certamen superba quasdam portasse praediximus, ad Très Xabernas reverlit. Unde eum captivis; omnibus prasdam Mediomatricos, servaudam ad redifùm usque suum, duci prascepit : et petiturus ipse Mogontiacum ; ut ponte compacte Iransgressus, in suis requiferCt barbaros, cuni nultum reliquissel in nostris, refragante vetabalur exercilu : verum facundia jucuuditareqne sermomim adlectum,'in voluntatem Iraduxeral suam. Amor enim post documenta flagrantior, sequi libenler hortalus est munis opéras conturmalem, aucloritate magnifieum ducem", plus laboris indicere sibi quam milili, sicul perspicue corJtigit.adsuetum. Moxque âd locum. praediclum est venlum, flumine pontibus constralis Iransmisso, occupavere terras hostiles. Al bai bari prassfricti negotii maghiludirie, qui se in Iranquillo positos olio tune parum inquiétait posse sperabant, aliorum exitio, quid lbrtunis suis initnincret, anxie cogi-


LIVRE XVII. 71

voient une députation nous porter les paroles les plus amicales. Mais par un retour soudain, dont on ne s'explique guère le motif, celle-ci fut immédiatement suivie d'une autre nous signifiant l'injonction, avec les menaces les plus furibondes, de quitter la contrée sans délai.

Julien, qui voyait clair dans leur pensée, se procura des barques de petite dimension, mais de marche rapide, et y fit monter huit cents hommes à l'entrée de la nuit, avec ordre de remonter le Rhin à une certaine distance, et de tout mettre à feu et à sang devant eux, quand ils auraient pris terre. Cette manoeuvre s'exécuta. Au point du jour apercevant les barbares qui couronnaient les hauteurs, cette troupe s'y porte au pas de course, et n'y trouve personne. L'ennemi l'avait vue venir, et avait eu le temps de s'enfuir. Mais d'immenses tourbillons de fumée lui annoncèrent de loin le débarquement des nôtres et le ravage de ses terres. Ce spectacle frappa au coeur les Germains. Ils s'étaient embusqués pour nous attendre dans un défilé étroit et boisé; ils Tévacuè.- rent pour repasser le Mein et voler au secours de leurs familles. Rien que pressés de deux côtés par les soldats de la flotte, et par un mouvement simultané de notre cavalerie, grâce à leur connaissance supérieure des localités, ils réussirent dans leur retraite ; niais les nôtres en profitèrent. Le défilé fut franchi sans obstacle, et l'on tomba sur de riches bourgades, en faisant main basse sur ce qu'elles contenaient en blé et en bétail. On délivra en' même temps les captifs qui s'y trouvaient ; et tout ce qui se rencontra d'habitations élevées, par legoût en progrès des barbares, sur lemodèle de l'architecture romaine, futdétruit par le feu.

tantes, simulala pacis petitione, ut primas vertiginis impetum declinarent, misère legatos cum verbis compositis, quas denunliarent concordem foederum firmitalem : incertamque, quo consilio aut.instiluto mulata voluntate, per alios cursu céleri venire compulses, acerrimum nostris minati sunt béllum, ni eorum regionibus excessissent.

Quibus clara fide compertis, Cassar prima noclis quiète navigiismodicis etvelocibus oclingentos imposuit milites : ea re, ut vi ingenli sursum versum decurso egressi, quidquid invenire potuerint, ferro violarent et llaminis. Quo ita disposito, solis primo exortu visis per monlium vertices barbaris, ad çelsiora ducebalur alacrior miles : nullo•que inventa ( hoc siquidem opinati discessere confestim ) | eminus ingentia fumi volumina visebantur, indicanlia, ; nostros perruptas pôpulari terras hostiles. Quas res Ger; manorum perculit animos, atque deserlis insidiis, quas - per arta locaet latebrosa slruxerant nostris, trans Moe'- num nomine fluvium ad opitulandum suis necessitudini• bus avolarunt. Utenim rébus amat fieri dubiis et turbatis, \ bin'e equitum nostrorum adeursu, indenavigtis vectorum militum impetu repentino perterrefacti, evadendi subsis1 dium velox locorum invenere prudentes : quorum digressu i miles libère gradiens, opulentes pécore villas et frugibus ? rapiebat nulli parcendo. Exlraclisque caplivis, domicilia

A dix milles environ par delà, s'offrit devant nos gens une ténébreuse forêt d'un aspect à glacer d'horreur, et qui arrêta la marche assez longtemps. En effet, un transfuge avait donné avis de la présence de bandes noinbreuses qui s'y tenaient cachées dans des cavernes, immenses souterrains à mille issues, et qui de là guettaient le moment de fondre sur nous. Nos soldats firent toutefois bonne contenance; mais ils trouvèrent en avançant les sentiers tellement ■ obstrués par des abatis d'arbres de toute espèce, que force leur fut de rétrograder, convaincus, à leur mortification amère et hautement exprimée, de l'impossibilité de pousser plus loin, à moins de faire un long circuit par les chemins les moins praticables. Encoreétait-,ee, dans cettesaison, s'exposer en pure perte à toute sorte de dangers ; car on avait passé l'équinoxe d'automne, et tout le pays, monts et vallées, était déjà couvert d'une couche épaisse de neige. Julien renonça donc à poursuivre sa marche ; mais, profitant de ce qu'il n'avait point d'ennemis en tête, il voulut qu'un monument en m'arquât le progrès. Il fit relever à la hâte un fort construit jadis sur ce point j par Trajan, et par lui décoré de son nom, mais qui depuis avait été emporté de vive force. Une garnison temporaire y fut placée, et tout le pays fut mis à contribution pour la pourvoir de vivres.

Les Germains voyant soudain s'élever cette construction menaçante, et déjà terrifiés du succès de nos armes, s'empressèrent d'implorer la paix dans un message plein d'humilité. César, après en avoir délibéré longtemps, et mûrement pesé toutes les conséquences, leur accorda une trêve de dix mois. La prudence lui disait en effet

clincla curatius rite Romanù conslructa, flammis subdilis exurebat. Emensaque asstimatione decimi lapidis, cura prope silvarn venisset squalore tenëhrarum horrendam, stetit diu cunctando, indicio perfugos doctes, per subterraneaquasdam occulta fossasque multifidas latereplurimos, ubi habile visum fueiit, erupturos. Ausi tamen oranés accedere fidentissime, ilicibus incisis el fraxinis, roboreque abietum magno sémites invenere cûnstratas. Ideoque gradientes cautius rétro, non nisi per ainfraclus longos el asperos ultra progredi posse, vix indignationem càpientibus animis, advertebant. Et quoniam aeris urente sasvitia, cum discrimihibus ultimis laborabalu'r incassùm. ( asquinoctio quippe autumnali exacte, per eos tractus superfusas nives opplevere montes simul etcampos) opus arreptum est,.memorabile. Et dum nullus obsisteret, munimentum , quod in Alamannorum solo conditum Trajanus suo nomine voluit adpellari, dudum violentius oppuguatum, tumultuario studio reparatum est : locatisque ilii pro tempore defensoribus, ex barbarorum visceribus alimenta congesta sunt. Quas illi maturala ad suam perniciem contemplantes, meluquérei peraclas volucriter congregali, precibus et humililate suprema peliere missis oratoribus pacem : quam Cassar omni consiliorum via firraata, causâtes verisimilia pluiima, per decem iiiensiuni Iribuit in-


72 AMMIEN MARCELLIN.

que ce n'était pas tout d'avoir occupé ce fort avec une facilité inespérée, et que pour s'y maintenir il fallait le pourvoir de machines de'rempart et d'un matériel complet de défense. Sur la foi des promesses de Julien, trois des plus violents parmi les rois qui avaient fourni des contingents à la ligue vaincue à Argentoratum s'en revinrent, tout tremblants cette fois, protester devant lui, avec les formes sacramentelles du rit barbare, de leur tranquillité future, et de la stricte observation du pacte jusqu'au terme fixé; promettant de respecter ce fort auquel nous attachions tant d'importance, etd'apporter, fût-ce à dos d'homme, des vivres à la garnison dès qu'elle ferait signe d'en manquer. La crainte cette fois l'emporta sur leur duplicité ; ces conditions furent fidèlement remplies. Julien put donc se glorifier ajuste titre de l'heureuse issue de cette campagne, dont le succès était comparable à ceux des guerres puniques et des Teutons, mais acheté à moindre prix. Ses, détracteurs soutenaient cependant que la bravoure dont il venait de donner tant de preuves n'était chez lui que de calcul, et qu'il cherchait un trépas glorieux sur un champ de bataille, par la peur qu'il avait de périr, comme son frère Gallus, de la main du bourreau. C'était bien là effectivement ce que lui réservaient de coupables espérances ; et l'on serait tenté de croire que la malignité avait rencontré juste, si tant d'actions d'éclat, postérieures à la mort de Constance, ne donnaient un démenti formel à de telles suppositions.

IT. Julien, ayant ainsi tiré de son expédition tout le parti possible, revint prendre ses quartiers d'hiver ; mais d'autres épreuves l'attendaient au retour. Sévère, général de la cavalerie, se renlervallum

renlervallum id nimirum sollerti colligens mente, quod castra , supra quam optait potuit, occupata sine obstaculo , tormentis muralibus et adparatu deberent valido comniuniri. Hac fiducia très immanissimi reges venerunt, tandem aliquando jam trepidi, ex his, qui misère viclis apud Argentoratum auxilia, jurantes conceptis rstu palrio verbis, nihil inquietem acturos , sed foedera ad prasstituttim usque diem, quia id nostris placuerat, cum munimento servaturos intacte, frugesque portaturos humeris, si defuisse sibi docuerint defensores : quod utrunique metu perfidiam frenanle fecerunt.

Hoc memorabili bello, comparando quidem Punicis et Teutonicis, sed dispendiis reiRomanas peracto levissipiis, ul faustus Cassar exsultabatet felix : credique obtrectatoribus potuit, ideo fortiter'eum ubique fecisse fingentibus, quod oppetere dimicandô gloriose magis optabat, quam damnalorum sorte, sictit sperabant, ut frater Gallus oc.cidi : ni pari proposilo post excessum quoque Constanlii actibus mirandis inclaruisset.

il. Quibus, ut in tali re, compositis firmiter, ad sedes revertens hibernas, sudorum reliquias reperit laies. Remos Severus, magister equilurri, per Agrippinam petens et Juliacnni Francorum validissimos cuneos in sexcentis velifibus, ut postea claruil,. vacua prassidiis loca vastanuss

dant à Reims par Agrippine{\) et Juliacum (2), vint se heurter contre une bande agile et déterminée de Francs, au nombre de seize cents, comme on le sut depuis, qui profitaient de l'absence de nos troupes pour ravager le pays. Sachant César occupé à poursuivre les Allemands jusqu'au fond de leurs retraites, leur audace s'était flattée de recueillir un riche butin sans coup férir. A l'approche de l'armée, ils se jetèrent dansdeuxforts qu'onavait laissé dégarnir, et s'y défendirent de leur mieux. D'abord étonné d'un coup de main si hardi, Julien en Comprit bien vite les conséquences, il arrêta donc l'armée devant ces deux forteresses, baignées des eaux de la Meuse, et en fit le siège dans les formes. Mais l'incroyable opiniâtreté des barbares l'y retint cinquante-quatre jours, e'est-à-dire là presque totalité des mois de décembre et de janvier. Les nuits alors étaient saus lune, et la rivière était gelée ; et comme le prévoyant Julien craignait que l'ennemi ne profitât de cette circonstance pour faire retraite, du soir au matin, par son ordre, des soldats montés sur des barques légères parcouraient la rive haut et bas pour rompre la glace, et enlever ce dernier espoir aux assiégés, dont, par ce moyen, pas un ne pouvait fuir. Voyant cette ressource leur manquer, et réduits aux abois par la fatigue et la fairn, ils se rendirent prisonniers, et furent aussitôt dirigés vers la cour. Un corps considérable de leurs compatriotes avait essayé d'opérer une diversion pour les dégager; mais la nouvelle de leur capture et de leur translation lui fit rebrousser chemin, sans pousser plus loin la tentative. La campagne étant donc terminée, César alla passer le reste de l'hiver chez les Parisiens.

(0 Cologne. — (2) Jullers.

offendit : hac opportunitate in scelus audaciam erjgeiite, quod Cassare in Alamannorum secessibus occupato, nulloque vêtante, expleri se posse prasdarum opimitate sûn! arbitrati'. Sed melu jam reversi exercitus, munimenlis duobus, quasolim exinanita sunt,'occupatis, se, quoad fieri ppterat, tuebantur. Hac Julianus rei hovitate perculsus, et conjiciens qiiorsum eru.mpçret, si iisd.em transisset intactis, retento milite circumvallare disposuit.....;fllosa fluvius praslerlambit, et adusque quartum et quinquagesimuni diem, Decembri scilicet et Januario mense, obsidionales tractas sunt moras, deslinatis barbarûriim animis incredibili peitinacia reluclàlis. Tune pertimescens soller- . tissimus Cassar, rie observala nocte illuni, barbari geluvinclum ainnem pervaderent, quotidie a sole in vesperam Hexo adusque lucis principium, lusoriis navibiis discurrere (lumen ultrocitroquemilitesordina vit, utcriislispruinaru ni diffractis, nullus ad erurapendum quopiam facile pervenirët. Hocque commente, inedia, et vigiliis, et desperatione poslrema lassati, sponle se propria dederunt : statimque ad comilatum A'ugusti sunt niissi. Ad quoseximendos periculo mulliludo Francorum egressa, cum captes comperisset el asportatos, nihil amplius ausa repedavit ad sua : bisque perfectis acturus hieraem revertil Parisios Cassar. III. Quia igitur plurimas gentes vi majore collaturas ca-.


LIVRE XVII.

73

III. Ou était menacé d'une coalition plus formidable encore que la précédente ; grave sujet d'anxiété pour un esprit aussi sage, et qui savait combien les armes sont journalières. Cependant comme la trêve lui laissait quelques -moments de répit, moments bien courts et disputés par une multitude d'affaires, il s'occupa néanmoins de soulager la propriété dans les Gaules, par une plus équitable répartition des charges dont elle était accablée. Florence, préfet du prétoire, qui s'était rendu, disait-il, un compte exact de la situation, prétendait que la capitation laisserait un déficit qui ne pourrait être comblé que par voie de prestation extraordinaire. Mais Julien, convaincu des funestes effets de ce système d'impôt, déclarait qu'il aimait mieux mourir que d'en permettre l'application. C'est qu'il savait quelles incurables blessures sont faites aux provinces par ces sortes de subsides ou plutôt de spoliations, et quelles misères ils traînent inévitablement à leur suite. On verra plus tard que la ruine de l'Illyrie n'a pas eu d'autre causé.

Florence fit grand bruit de ce qu'on refusait tout à coup de s'en rapporter à l'homme auquel l'empereur lui-même avait donné la haute main sur cette partie de l'administration. Julien, en premier lieu, tâcha de le calmer, puis lui démontra, par des calculs irréfutables, que la capitation non-seulement suffisait aux besoins de la province et de l'armée, mais donnerait même un excédant. On ne laissa pas de lui soumettre ultérieurement un projet d'édit pour une imposition supplémentaire; mais César refusa péremptoirement de le signer, et jeta le document à ses pieds, sans même en permettre la lecture. L'empereur, prévenu par les plaintes du préfet, en écrivit à Julien, l'engageant à mettre moins de roideur

pita sperabantur, dubia bellorum conjectans sobrius rector, magnis curarum niolibus stringebatur. Dumque per inducias licet negoliosas et brèves asrumnosis possessorum daninis mederi posse credebat, tribuli ratiocinia dispensavit. Cumque Florentins prasfectus praetorio cuncta permensus, ut conlendebat, quidquid in capitatione deesset, ex cohquisitis se supplere firmaret, talium gnarus, animam prius amiltere, quam hocsinere fieri memorabat. Korat enim hujusmodi provisionum, iuimo eversionum, ut vertes dixerim, insanabilia vulnera, saspe ad ultimam egestatem provincias contfaxisse : quas res, ut doeebilur postea, penitus evertit Illyricuni. Ob quas prasfeclo praetorio ferri non posse clamante, se repente factura iniidum, cui Augustes summam commiserit rerum; Julianus eum sedatius leniens,-scrupuloSe computando et vere, docuit non suflicere solum, verum etiam exuberare capitationis calculum ad commeatu um necessarios adparalus. Nihilominus tamen diu postea indictionale augmentum oblatuiii sibi, necrecilare nec subnotarëperpessus, hunii projecit. Literisque Augusti monitus ex relatione prasfecti, non agere ita perplexe, ut videretur parum Florenlio credi : rescripsit gratandum esse, si provincialis hincinde vaslatus, saltam sollcmnia prasbeat, nedum. increniouta, quae nulla

et plus de confiance dans ses rapports avec êe haut fonctionnaire. A quoi Julien se contenta de répondre qu'il fallait savoir gré à la province, dévastée comme elle l'était, .d'acquitter exactement l'impôt ordinaire ; mais qu'à l'égard d'un surcroît de taxe quelconque, il n'y avait rigueur qui pût l'arracher d'une population réduite à cet excès d'appauvrissement. C'est, à sa seule « fermeté que la Gaule dut de se voir, une fois pour toutes, délivrée d'exactions vexatoires.

César donna encore un exemple unique. La seconde Relgique était écrasée de charges de toute espèce. 11 sollicita et obtint du préfet de s'en remettre à lui de cette partie de son administration, mais à la condition expresse que nul appariteur ou agent du fisc n'interviendrait, et que nulle contrainte ne serait exercée pour le payement de ce qui était dû. Cette condescendance tutélaire eut son effet : ce fut à qui s'empresserait, sans attendre de sommation, de s'acquitter par avance.

IV. Pendant que la Gaule commençait ainsi à renaître, Rome, sous la seconde préfecture. d'Orfite, voyait un obélisque s'élever dans le cirque. Le moment est venu de dire quelques mots de ce monument.

Il existe une vaste cité d'antique et superbe construction, célèbre depuis des siècles par les cent avenues qui y donnent accès, et que ses fondateurs, pour cette raison, ont appelée Thèbes hêcatompyle ( aux cent portes) ; nom d'où dérive celui de Thébaïde, que la province a conservé de nos jours. Dans la première période de l'agrandissement de Carthage, un de ses généraux tenta brusquement une expédition qui fit tomber Thèbes eu son pouvoir. Échappée à cette première oppression, la ville subit celle de Cambyse, roi de Perse, le plus avide et le plus barbare des

supplicia egenis possent hominibus extorquere. Factumque est tune et deinde unius animi firmitale, ut praster solita

nemo Gallis quidquam exprimere conaretur inique.

Inusitalo exempte id petendo CaSsar impelraverat a prasfecto, ut secundas Belgicae mulliformibus înalis oppressas dispositio sibi commilterelur, ea videlicet lege, ut nec prasfeclianus, nec prassidialis adparitor ad solvendum quemquam urgeret. Quo.levali solalio cuncli, quos in curam susceperat suam , nec inlerpellali, ante prasstitutum tenir pus débita çonlulerunt.

IV. Inter hase recreandarum exordia Galliarum, administrante secundam adhuc Orfito prasfecturam, obeliscus Romas in circo ereclus est niaximo. Super quo nunc, quia tempestivum est, pauca discurram. Urbem priscis sasculis condilam ambitiosa mosnium strue, et portarum centum quondam aditibus célébrera, hecatompylos Thebas insfi' tutores ex facto cognominarunt, ciijus vocabulo provincia nunc usque Tliebais adpellatur. Hanc inter "exordia pandentis se late Carthaginis, improviso ëxcursu duces oppresserePoenorum : posteaque reparalam Persarum rex ille Cambyses, quoad vixerat, alienicupiduselimmanis,./Egypto perrupla adgressus est, ulopes exinde rapei el invidenda.s ne dcorum quidem donariis parcens. Qui dum inter prasda^


■ 14 AMMIEN MARCELLIN.

despotes, qui envahit l'Egypte, attiré par l'appât de ses merveilleuses richesses, et ne respecta même pas les sanctuaires. Ce fut en cette occasion que ce prince, dans, lemouvementqu'il se donnait au milieu des pillards à sa suite, s'embarrassa le pied dans les plis de sa simarre, et, tombant de son haut, se blessa presque mortellement avec le court cimeterre qu'il portait le long de la cuisse, et que la violence de la chute avait fait sortir du fourreau. Longtemps après, Cornélius Gallus, procurateur d'Egypte sous l'empereur Octavien, ruina Thèbes par ses exactions. Accusé, au retour, du pillage de cette province, et poursuivi par l'indignation des chevaliers, dont l'ordre était chargé par l'empereur d'informer sur cette affaire, il se donna la mort de sa propre main. Ce Gallus est le même, si je ne me trompe, que le poëte de ce nom, à qui Virgile a consacré une si touchante élégie dans sa dixième églogue.

Parmi les ouvrages d'art de cette ville, tels que vastes citernes, simulacres gigantesques des dieux de l'Egypte, etc., j'ai vu moi-même des obélisques en grand nombre, tant debout que gisants et mutilés ; monuments des siècles passés consacrés par d'anciens rois du pays aux dieux immortels, en actions de grâces ou de succès militaires, ou des bienfaits d'une prospérité singulière à l'intérieur, et dont la matière, extraite souvent des gisements les plus lointains, a été transportée, toute taillée, de la carrière au lieu . de l'érection. Ces obélisques, espèces de bornes d'une élévation plus ou moins considérable, sont formés d'une seule pierre d'un grain très-dur, polie avec le plus grand soin, et qui affecte dans sa coupe, par imitation des rayons du soleil, la figure d'un solide qùadrangulaire, dont les quatre

fores turbulente concursat, laxitale praspeditus indumentorum concidit pronus : ac suomet pugione, quem àptalum femori dextro gestabat, subita'vl ruinas nudato, vulneratus pasne letaliter interisset. Longe autem postea Cornélius Gallus, Octaviano res tenente Romanas, 4Sgypti procurator, exhausit civitatem plurimis inlerceplis : reversusque, cum furtorum arcesserelur et populatas provincias, metu nobilitatis acriter indignatas, cui negotium speclandum dederal lmperator, stricto incubuit ferro. Is esl, si recte existimo, Gallifs poêla, quem liens quodaminodo in postrema Bucolicorum parte Virgilius carminé leui décantât.

In hac urbe inler labra ingentia, diversasque moles figînenla yEgyptiorum numinum exprimentes, obeliscos vidimus plures, aliosque jacenles et comminulos : quos anliqui reges bello domilis genlibus, aut prosperilatibus summarum rerum elati, montium venis vel apud extremos orbis incolas perscrulatis excisos erectosque, diis superis iu religipne dicarunt. Est autem obeliscus asperrimus lapis, in figuram metas cujusdam scnsim ad proceritatem consurgens excelsam; utque radium imitetur, gracilescens, paulisper specie quadrala in verticem produclus angustum, manu Ievigatus arlifici, Formarum autem in-

in- tendent insensiblement à se confondre au sommet. On y voit gravée une innombrable variété de formes ou symboles que nous appelons hiéroglyphes, et qui sont les archives mystérieuses de la sagesse des temps d'autrefois ; figures d'oiseaux, de quadrupèdes, productions de la nature ou de la fantaisie, et destinées à faire passer aux âges suivants la tradition, soit de faits contemporains, soit de voeux que les souverains d'alors ont formés ou accomplis. L'idiome des premiers Égyptiens n'avait pas, comme les langues modernes, un nombre déterminé de caractères répondant à tous les besoins de la pensée. A chaque lettre, chez eux, était attachée la valeur d'un nom ou d'un verbe-, et quelquefois elle renfermait un sens complet. Deux exemples suffiront pour en donner une idée. Un vautour désigne dans cette langue le mot nature, parce que cette espèce n'a pas de mâles, suivant les notions de la physique. Une abeille, occupée à faire du miel, exprime le mot roi; pour faire entendre que si la douceur est l'essence du gouvernement, la présence de l'aiguillon doit toutefois s'y faire sentir. Et ainsi des autres.

L'arrivée d'un obélisque à Rome, sous le règne de Constance, fit jouer aussitôt tous les ressorts de la flatterie. Octavien Auguste, disait-on, avait bien pu amener d'Héliopolis^deux obélisques, dont il avait placé l'un dans le grand cirque, et l'autre dans le champ de Mars; mais quant au colosse qui venait d'être importé, ce prince, effrayé de sa masse énorme, n'avait pas même essayé de le mouvoir. Or il est bon de dire, pour ceux qui l'ignorent, qu'Augustene s'était abstenu de.toucher à ce dernier, lors de la translation qu'ilfit opérer des deux autres, que par motif de

numeras notas, lueroglyplucas adpellalas, quas ei undique videmus incisas, inilialis sapientias velus insignivit auctorites. Volucrum enim fërarumque, etiam alieni mundi, gênera riiulla sculpentes, ad asvi quoque seqùentis asiates ut palratorum vulgatius perveniret memoria, promïssa vel soluta regum vota mohstrabaht. Non enim, ut nunc Iitterarum numerus prasstilutus et facilis exprimit, quidquid humana mens concipere potesl; ita prisci quoque scriptîlarunt jEgyplii : sed singulas lillerae singulis nominibus serviebant et vernis.; nonuiimquam sigiiificâbant intégras sensus. Cujus rei scienlias in his intérim sit duobus exemptera. Per vulturem naturas vocabulum pandunt : quia mares nullos posse inter bas alites inveuiri rationes mémorant physicas : perque specieni apis niella conficienlis indicanl regem; moderalori cum jucunditate aculeosquoqmi innasci debere bis signis oslendentcs, et similia plurima. Et quia sufflantes adulatores ex more Constantium, id sine modo slrepebant, quod, cum Octavianus Augustes obeliscos duosab Heliopolitana «vitale transtalisset#gyptia, quorum unus in circo maximo,.aller in campo locatus est Martio; hune recens advectum difficullate magnitudinis terrilus, nec contrectare ausus esl, nec movere : discant, qui ignorant, vetèrem principem translatisaliquibus


LIVRE XVII. 75

déférence au sentiment religieux du pays ; car ce monument était une consécration spéciale à la divinité du Soleil. Il respecta cette destination comme irrévocable, et protégée par l'inviolabilité du temple magnifique où l'obélisque s'élevait, pareil à un géant, au centre du sanctuaire. Mais Constantin, qu'un scrupule semblable touchait peu, ou qui pensait avec raison ne porter aucune atteinte aux idées religieuses en enlevant cette merveille d'un temple particulier, pour en faire la dédicace à Rome, temple de l'univers entier, commença par déplacer ce monument, qu'il laissa couché, en attendant.que les préparatifs du transport fussent terminés. Conduit ensuite par le Nil, l'obélisque fut déposé sur le rivage à Alexandrie, où l'on construisit exprès uu navire de proportions inusitées, et qui devait être mû par trois cents rameurs. Mais le prince mourut dans l'intervalle, et l'opération languit. Ce ne fut que longtemps après que cette masse, enfin embarquée, traversa la mer et remonta le Tibre, qui semblait craindre que le volume de ses eaux ne suffît pas à convoyer jusqu'à la ville qu'il arrose ce présent d'un fleuve inconnu.. Arrivé au bourg d'Alexandrie, à trois milles de Rome, l'obélisque fut hissé sur un camion, et lentement introduit, parlaported'Ostiêe^aucienne piscine publique, jusqu'à l'esplanade du grand cirque. Il s'agit alors de l'ériger, ce qui était réputé peu praticable, sinon impossible. Dans ce but, on éleva, non sans danger, une forêt de hautes solives, au sommetdesquelles venait s'assujettir une multitude de longs et forts câbles, serrés comme les fils de là chaîne d'un tisserand, et formant un rideau assez épais pour dérober la vue du ciel.

hune intactam ideo prasterisse, quod deo Soli speciali munere dedicatus, fixusque intra ambiliosi lempli delubra, quascontingi non poterant, tamquam apex omnium eminebat. A'erum Conslanlinus id parvi ducens, avulsam banc inolein sedibus suis, niliilqué conimittere in religionem recleexistimans,siablatumunolemplo miraciilum Romas sacrarel, id est, in teniplo mundi lotius, jacere diu perpessusest, dum translationi pararentur utilia. Quo convecto per alveum Nili, projectoque AlexandM'as, navis amplitudinis antehac inusitatas asdilicala est, sub trecentis rémigibus agitanda. Quibus ita provisis, digressoque vita principe memorato, urgens effectus inlepuit : landemque sero impositus navi per maria fluenlaque Tybridis velut paventis, ne, quod pasne ignotus miserat Nilus, ipse parum sub mealus sui discrimine masnibus alumnis inferret, defertur in vicum Alexandri, tertiolapide ab urbe sejunctum : undechamulcis impositus, tractusque lentes, per Ostiensem portam piscinamque publicam circo illatUs est maxinio. Sola post hase restahat erectio, quas vijt aut ne vix quidem sperabalur posse compleri : erectisque usque periculuni allis trabibus, ut maehinarum cémeres nemus, innectùntur vasti funes et longi, ad speciem multiplicium liciorum caslum densitate nimia sublexentes : quibus colligatus mons ipse effigialus scriptilibus elemenfis, paullal'unqne id per arduum inane proienlufs, diu pensilis, hoA

hoA de cet appareil, et des efforts de plusieurs milliers de bras imprimant de concert à la machine un mouvement analogue à celui delà meule supérieure d'un moulin, cette espèce de montagne, dépositaire des rudiments de l'écriture, insensiblement se soulève, et, suspendue quelque temps dans l'espace, prend enfin son assiette au milieu du sol.

L'obélisque fut d'abord surmonté d'un globe d'airain, revêtu de lames d'or. Mais cet ornement ayant été frappé de la foudre, on y substitua une torche du même métal, dont la flamme, également figurée en or, produisait d'en bas l'effet d'une gerbe de feu. D'autres obélisques furent amenés à Rome dans les siècles suivants. On en voit un au Vatican, un dans les jardins de Salluste, et deux au mausolée d'Auguste. Quant à l'ancien obélisque, celui du grand cirque, Ilermapion en a traduit en grec les inscriptions emblématiques, et voici son-interprétation :

FACE DU SUD.

Première colonne d'écriture.

« Le Soleil au roi Ramestès.. Je t'ai donné de » régner avec joie sur la terre, favori du Soleil et « d'Apollon ; puissant ami de la vérité, fils de « Héron, issu d'un dieu, créateur du globe ter« rostre ; toi que le Soleil préfère à tous, Rames« tes, enfant de Mars, à qui la terre est heureuse « et lière d'obéir; roi Ramestès, fils du Soleil, « dont la vie est éternelle. » f

Deuxième colonne. « Puissant Apollon, véritable dispensateur du « diadème, dominateur glorieux de l'Egypte, qui

minum millibus multis tamquam molendinarias rotantibus metas, cavealocaturin média, eique sphasra superponitur ahenea, aureis lamtnis nitens : qua confestim vi ignis divini contacta, ideoque sublata, facis imilamentum infigitur asreum, ilidem auro imbractealum; velut abundanti flamma candentis. Sequutesque astates alios transtulerùnt : quorum unus in Vaticano, alter in hortis Saliustii, duo in Augusti monumento erecli sunt. Qui autem notarum textes obelisco incisus est veteri, quem videmus in circo, Hermapionis librum sequuti, interprelatum lilteris subjecimus Grascis.

APXHN AHO TOT NOT101" AIEPMHNErMENA EXEI 5TIX02 riPOTOS TAAE.

"HXioç fiacn),EÏ 'Passer/]. 3E5copï]|m£ <rot àvà iràrav obtouwtrtf c-^rà XaP^5 P<XG-IXEÛEIV. "OV "HXIO; çiXeï y.ai 'AirôXXtov. xpaTEpôt; çiXa).r|6v)Ç UÎÔÇ "Hpuvbç, 8soYÉWï)io; XTicfTr,ç Tîjç oîxouiiivïjç, 8v"Hî.ioç itpoÉxpivev,,â).xi|JOç "Apeuç Sao-iXeùç 'PaiiÉsTTiç. & Ttâo-a ÛTrOTÉTaKTai ^ fîi p.Età àXy.iïç xai 6ctpcouç. (3a<7i).Eùç 'Pa\s.émm 'HXiou naîç alwvôëio;.

2TIX02 AEÏTEP02.

'AîtôU.tov y.paxEp6ç, 6 éffTÙç êir' akrfieîaç SEr/îtôroç SiaSy)- |j.aTo;, TT|V At-fUirTov So^OTaç XEy.trinÉvciç, àY>,aonoiri<7aç


76

AMMIEN MARCELLIN.

«as fait la spleudeur d'Héhopolis et créé le « reste du globe ; fondateur du culte d'Héliopolis, « que le soleil chérit. »

Troisième colonne.

' « Puissant Apollon, fils du Soleil, splendeur « universelle; toi que le Soleil chérit par .dessus « tout autre, et que" l'intrépide Mars a comblé « de ses dons ; toi dont les bienfaits seront éter« nels; toi qu'Ammon chérit; qui as comblé « d'offrandes le temple du Phénix, à qui les « dieux ont fait don d'une vie immortelle. Puis« sant Apollon, fils de Héron ; Ramestès, roi de « toute la terre, qui as sauvé l'Egypte en triom« pliant de l'étranger ; que le Soleil chérit, à qui « les dieux ont concédé de longs jours ; Ramestès, « seigneur de l'univers, qui vivras éternellement. »

Autre deuxième colonne. « Moi Soleil, suprême dominateur des cieux, « je te donne une vie qui ne connaîtra pas la sa« tiété. Puissant Apollon, arbitre du diadème ; à « qui nul n'est comparable; à qui le souverain « del'Égyptea élevé des statues dans ce royaume, « par qui Héliopolis est honorée à l'égal du Soleil ; •< souverain des cieux. Le fils du Soleil, qui vivra « éternellement, a achevé Un bel ouvrage. »

Troisième colonne.

« Moi Soleil, souverain seigneur des cieux, « j'ai donné l'empire, avec l'autorité sur tout, au « roi Ramestès, qu'Apollon', ami de la vérité, et « Hépbestus, père des dieux, chérissent à l'égal « de Mars. Roi bienheureux, fils du Soleil et chéri « du Soleil. »

'HXîou mXiv, y.at y.TÎcraç Triv XOITZY^ oîy.ouu.Évï)V, y.ai 7IOXUTI(j.rJG'aç TOÙÇ Iv 'HXîou TCOXEI ôeoùç KVL8puu.Évouç, ôv "HXioç cptXeï.

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TPIT02 2TIX02. "HXioç GEO; ÊEOTTOTTIÇ oùpavoû 'Pa\).éarr) paoÙEÎ ÔE6wprl|j.ai TÔ xpâroç y.ai TrjV xwrà vtâvTwv ÉSouuiav. ôv AxôXXwv cpiXaX7|6ïjç 6EO-7îÔTr)ç xpôvwv, y.ai "HÇKKJTOÇ 6 TMV OSWV irarr^p

FACE DE L'EST.

Première colonne

« Grand dieu d'Héliopolis, puissant ei ceieste « Apollon, fils du Soleil ; que les dieux ont ho« nofé, que le Soleil, qui commande à tous, dont « le pouvoir égale celui de Mars, a chéri tendre« ment; que le brillant Ammon aime aussi, et « qu'il a fait roi pourl'éternité. »La suite manque. (L'an 358 après J. C. )

V. Sous le consulat de Datien et de Céféalis, au moment où l'ordre renaissait dans les Gaules, où les leçons du passé avaient amorti l'ardeur d'invasion chez les barbares; le roi de Perse, longtemps en lutte sur sa frontière avec les peuples limitrophes, venait de faire alliance avec les deux plus redoutables de ces tribus, les Chionites et les Gélanes, et se disposait à revenir sur ses pas, quand il reçut la lettre où Tamsapor lui annonçait la pacifique initiative prise par l'empereur romain. Sapor ne manqua pas d'en inférer que la puissance de l'empire avait reçu quelque atteinte. Sa fierté naturelle s'en accrut, et tout en acceptant la paix il voulut y mettre de dures conditions. Il envoya donc comme ambassadeur à Constance un certain Narsès, et le chargea d'une lettre où'régnait, d'un bout à l'autre, le faste de style propre à cette cour superbe, et dont voici à peu près la substance :

« Sapor, roi des rois, commensal des astres, « frère du Soleil et de la Lune, à son frère Cons« tance César salut. Je me réjouis de ce que tu « rentres enfin dans la bonne route, et consens « à écouter la voix incorruptible de l'équité, insjtpoéxpiVEv

insjtpoéxpiVEv TÔV "Apsa. (3ao-iXEÙç irKYy.apfe 'HXîou îiaïç, y.ai OTTO 'HXiou ÇIXOÛU-EVOÇ.

A4>HAIfiTH2 IIPfiT02 2TIX02.

'O àç' 'HXîou TIÔXEW; (iéva; 6EÔÇ ivoupâvioç 'ATIOXXUXV y.paTEpôç , "HpiDvoç u'iôç, ôv "HXioç y]Ya>Y7)o-Ev, ôv oî Gsoi ÈTÎfiiioav, i ïïâo-ïiç Y>ÎÇ (3acriXEÛuv, ov "HXioç 7tpoÉy.pivEv, 6 âXxi|u>( Sià TÔV "ApEa [taoïXEÙç, ôv "AU.U.CÛV ÇIXEÏ. y.«i 6 jtapiçiEYY^ iruYy.pîva; aîwviov pacriXIa. Et religua.

( A. C. 35S. )-

V. Daliano et Cereali coss. cum universa per Gallias, sludio cautiore disponerentur, formidoque prasteritorum barbaricos hebetaret excursus : rex Persarum in confiniis agens adhucgentium extimaruni, jamque cum Chionilis et Gelanis, omnium acerrimis bellatoribus, pignore icto societatis, rediturus ad sua, Tamsaporis scripta suscepit, pacem Ronianum principem nuiitiantis. poscere precativam. Ideoque non nisi infirnialo imperii robore lentari laliasuspicatus, làtius semet exlenlans, pacis amplectitur nonien, el condiliones proposiiit graves : missoque cum muneribus, Narseo quodam legato, litleras ad Constanlium dédit, nusquam a genuino fastu declinans, quaruin hune fuisseaccepimus sensum : Rex regum Sapor, particeps siderum, frôler Solis et Lunoe, Constantio Coesari fratri meo satutem plurimam dico. Gaudeo, tandem-


LIVRE XVII. 77

« truit par ta propre expérience de ce qu'il en <i coûte pour pousser trop loin la convoitise du bien « d'autrui. La vérité n'a qu'un langage net et li« bre, et c'est le privilège de la grandeur de dire « ce qu'on pense. Voici donc en peu de mots ma « résolution; telle, on s'en souviendra, que je « l'ai souvent notifiée. Les États de mes ancêtres « s'étendaient jusqu'au cours du Strymon, jus« qu'aux frontières de la Macédoine : vos propres « annales en font foi. Voilà ce que j'ai droit de « revendiquer, moi qui, soit dit sans présomp« tion, l'emporte, par le nombre et l'éclat de mes « vertus, sur tous mes prédécesseurs. Je n'oublie « rien? et, depuis que j'ai l'âge d'homme, il n'est « aucun de mes actes dont je me sois repenti. « C'est-.donc un devoir pour moi de recouvrer « l'Arménie ainsi que la Mésopotamie, enlevées à « mon aïeul par une supercherie manifeste. Or, » jamais nous n'avons admis votre maxime, pro« clamée avec tant d'emphase : Ruse ou valeur, « en guerre le succès justifie tout. Veux-tu " suivre un bon conseil? Sacrifie, pour assurer le « reste, une chétive possession, qui n'est pour « toi que sanglante et désastreuse. Imite en « cela la prudence du médecin qui applique le « fer et le feu aux parties malades afiudepré« server les parties saines. Il n'est pas jusqu'aux « animaux à qui l'instinct n'enseigne, dans l'in« térêt de leur repos, à séparer d'eux-mêmes ce « qui les fait rechercher du chasseur. Quant à « moi, je le déclare, si mon ambassadeur revient « sans avoir conclu, je me mets, aussitôt que l'biquemihi

l'biquemihi adoplimani te viam revertisse, et incorruplum oequitatis agnovisse suffragium, rébus ipsis experlum, pertinax alieni cupiditas quas aliquoties ediderit strages. Quia igitur veritatis oralio soluta esse débet et libéra, et celsiores forlunas idem loqui decel atque sentire ; propositum meum in pauca conferam, reminiscens, hoec quoe diclurus sum, me soepius replicasse. Adusque Strymonaflumen, et Macedonicos fines tenuisse majores meos, ahliquilates quoque veslros teslantur : hoec me convenu flagiiare (nesitarrogans,quod adfirmo) splendorevirtulitmque insignium série vetustis regibus anlistantem. Sedubi. que mihi cordi est recordalio, cui coalilus ab adoiescentia prima, nihil umquam poenitendum admisi. Ideoque Armeniamrecuperarefum Mesopolamia debeo, avo meo composita fraude proereptam. Illud apud nos numquàm acceplum fuit, quod adseritis vos exsultanies, nullo discrimine virlulis ac doli, prospéras, omnes laudari dèbere bellorum eventus. Poslremo, si morem gerer'e suadenti volueris recte, conlemne partem exiguam semper luelifieam et cruentam, ul coetera rcgas securus : prudenter reputans, medelarum quoque artifices urere nonnumquam et secare, el partes corporum ampulare, ut reliquis uliliceatinlegris : hocque bestiasfaclilare ; quoe cum advertant, cur maximopere eapianlur, illud propria sponte amillunl, utvivere deinde possint impavidoe. Id sanepronuniio, quod, si hoec mea legatio redierit

« ver sera passé, à la tête de toutes mes troupes; « et, fort de la justice de ma cause et de l'équité « de mes propositions," je pousse les hostilités « aussi loin qu'elles pourront aller. »

Constance médita longtemps sur le contenu de cette lettre, et, après mûre réflexion,y fitde sens rassis la réponse suivante :

« Constance toujours Auguste, vainqueur sur 0 « terre et sur mer, au roi Sapor, mon frère, salut. « Je te félicite de ton heureux retour, en homme « qui sera ton ami si tu veux : mais je ne saurais « trop m'élever contre cette ambition insatiabte « et illimitée. Il te faut, dis-tu, l'Arménie ainsi « que la Mésopotamie ; et tu me conseilles de mu« tiler un corps sain, pour qu'il s'en porte mieux. « Ce sont de ces avis qu'il est plus aisé de re« pousser que de suivre. Voici le Vrai sans dé« guisement, le vrai manifeste, auquel de vaines « forfanteries ne sauraient rien changer. Un des « préfets de mon prétoire a cru bien faire d'ou<r vrir à mon insu, et par une obscure entre« mise, des négociations pour la paix aveclin « de tés généraux. Je ne blâme cette démarche « ni ne la désavoue, supposant qu'il n'a été dit « rien que de digne et de convenable, rien qui « porte atteinte à la majesté impériale. Mais « il serait absurde, il serait déshonorant, « quand toutes les oreilles ne sont frappées que « des succès de mon règne, quand la défaite des « tyrans met tout le monde romain sous mes » lois, de souffrir le démembrement de ce que « j'ai su conserver intact au temps même où

irrita, post iempus hiemalis quietis exemplum, viribus tolis accinclus, foriuna conditionumque oequilale spem successus secundifundaitte, venire, quoad ratio Siverit, fèstinabo.

His lilleris diu libralis, recto pectore (quod dicitur) consideraleque responsum est hoc modo : Victor terra manque Constanlius semper Augustus fratri oneo Sapori régi salulem pluriniam dico. Sospitati quidem tuoe gralulor, utfuturus, si velis, amicus : cupiditalemvero semper indeflexam fusiusque vagantem vehementer inslmulo. Mesopolamiam poscis ut tuant-, perindeque Armeniam -. et suades intégra corpori adimere membra quoedam, ut salus ejus deinceps loceturin solido : quod refulandum esl polius, quam ■ ulla consensione firmandupt. Accipe igitur veritatem non oblectam proesligns, sed perspicuam, nullisque tninis inanibus perterrendam. Proefectus proetorio meus, opinalus adgredi negotium publicoe utilitati conducens, cum duce tuo per quosdam ignobiles, me inconsulto, sermones consentit super pace. Nott refulamus hanc nec repellimus : adsit modo cum décore ethonestale, nihilpudori nostroproereptura vel majestati. Est enim absonumel indecens, cum geslarum rerum ordine explicatoe sint aures, quas invidioe nobis mulliplieiler incluserunt : cum deletis iyrannis tolus orbis Romanus nobis obtempérât, ea prodere, quoe contractiin Orientalesangustias diuservavimus illibala. Cessent autem, quoeso, formidines, quai nobis


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AMMIEN MARCELLIN.

« les seules limites de l'Orient marquaient celles « de ma puissance. Renoncé donc à ce vain « étalage de menaces convenues. On sait assez « que c'est par modération, non par lâcheté, que « nous aimons mieux attendre qu'aller chercher " la guerre; mais que toute attaque sur notre •• territoire nous trouvera toujours prêts à la « repousser avec énergie. L'histoire est là pour « prouver, outre notre propre expérience, que « si la fortune de Rome a pu (et l'exemple en « est rare) chanceler dans tel combat, l'avantage « en définitive lui est toujours resté. »

L'ambassade perse reçut un congé pur et simple : les extravagantes prétentions de son souverain ne méritaient pas plus. Mais presque immédiatement Constance fit partir, avec sa lettre et des présents, Prosper, accompagné de Spectate, tribun et notaire; et, par le conseil de Musonien, leur adjoignit le philosophe Eusthatê., qui passait pour avoir la parole persuasive. Les députés avaient pour instruction de tout tenter pour suspendre les préparatifs de Sapor, pendant qu'on ferait les derniers efforts pour mettre notre frontière du nord en bon état de défense.

VI. Durant cet échange peu amical de notes, les Ithunges, peuplade allemande voisine de l'Italie, s'avisa, au mépris des traités et du pacte imploré naguère avec tant d'instance, de faire une irruption sérieuse en Rhétie, poussant les hostilités, contre l'usagé de ces nations, jusqu'à former le siège des villes. Rarbation, qui avait remplacé Silvain à la tête de l'infanterie, fut envoyé contre eux avec des forces considérables. Sans courage pour l'action, cet officier savait trouver des paroles. Ses discours donnèrent un

inlentantur ex more : cum ambïgi nequcat, non inerîia nos, sed modeslia, pugnas inter dum excepisse potius, quam intulisse : et nostra, quoiies lacessimur, fortissimo benevolenlioe spiritu defensare, id experlcndo legenâoquescienles, inproeliis quibusdam raro rem titubasse Romanam, in summa vero bellorum numquam ad détériora prolapsam.

Hanc legationem nullo impetralo remissam (nec enim effrenatas régis cupidilati responderi amplius quidquam potuit) post paucissimos dies sequutus est Prosper cornes, et Speclatus tribunus et nolarius, itemque Eustathius Musoniano suggerente philosophus, ut opifex suadeudi : Imperaloris scripta perfererites et munera, enisuriadparatum intérim Saporis arte quadam suspendere, uf supra humanum modum provincias munirentur Arctoas.

VI. Inter quas ita ambigua Jutlmngi Alamannorum pars, Italicis conterminans traclibus, oblili pacis et fosderum , quas adepti sunt obsecrando, Raslias turbulente vaslabant, adeo ut etiam oppidorum tentarent obsidia praster solitum. Ad quos repellendos cum valida manu missus Barbalio, in locum Silvani pedilnm promotus magister, ignavus, . sed verbis effusior, alacrilate mililum vebementer erecta, prostravit acerrime multos, ita ut exigua portio, quas periculi metu se dédit in fugam, asgre dilapsa res suas non sine lacrymis reviseret et laméntis. Huic pugnas Netel

Netel à son corps d'armée, qu'il extermina les barbares, et qu'une poignée à peine s'en échappa pour rapporter dans leurs foyers cette désolante nouvelle. Névita, depuis consul, commandait un escadron de cavalerie dans cette campagne, et prit, dit-on, une glorieuse part au succès.

VII. Un tremblement de_terre se fit sentir à cetteépoque"dân'sTâ7Macédoiue, l'Asie Mineure et le Pont, et y ébranla les monts et les villes. Parmi les désastres de toute espèce qu'entraîna ce fléau il faut citer en première ligne la destruction complète de Nicomédie, capitale de la Rithynie. Donnons sur cette catastrophe quelques détails avérés.

Le 9 des kalendes de septembre (24 août), au lever du soleil, l'aspect serein du ciel tout à coup fut troublé par un amas de nuages de couleur de suie. Toute clarté disparut. Il devint impossible, si prèsqu'on fût des objets, de rien discerner, tant les yeux étaient obscurcis par l'épaisse vapeur dont l'atmosphère venait d'être envahie. Puis, comme si le Dieu suprême eût lui-même lancé les fatals carreaux de sa foudre, et déchaîné les vents des quatre points opposés du globe, une effroyable tempête fit mugir les montagnes, et retentir les rivages dû fracas des vagues qui vinrent s'y briser. Le sol trembla, et par des secousses affreuses, accompagnées de trombes et de typhons, renversa de fond en comble la cité et ses faubourgs. La ville étant construite en grande partie sur le flanc d'un coteau, les édifices croulèrent les uns sur les autres avec un bruit épouvantable. L'écho des montagnes renvoyait les cris désespérés de tous ceux qui appelaient une femme, un enfant, un être qui leur était cher, Enfin, après la deuxième heure, et

vite, postea consul, equestris piaspositusturmas, et. adfuisse, et forliter fecisse firinatur.

VII. Iisdem diebus terras motus borrendi per Macedoniam, Asiamque, et Pontum adsiduis pulsibus oppida multa concusserunt et montes. Inter monumenta tamen multiformium asrumnarum eminuere Niçomedias clades, Bithynias urbium malfis, cujus ruinaruni evenlumvere breviterque absolvam.

Primo lucis exortu die nono Kal. Septembrium, concreli nubium glohi nigrantium, lastam paullo ante casli speciem confuderunl : et amandalo sojis splendore, nec contigua vel adposila cernebantur : ita oculorum obtutu prasstricto, humo invdlutus crassas caligira's squalor insedit. Dein velut numine summo fatales contorquente nianubias, ventosque ab ipsis excitante cardinibus, magnitudo furentium incubuil procellarum, cujus impetu pujsonim auditus est montium gemitus, et elisi liltoris fragor : basque sequuti typhonés atque presleres, cum horrifico tremore terrarum, civitalem et suburbana funditus everterunl. Et quoniam acclivitate collium asdes plerasque vehebantur, alias super alias concidebant, reclangentibus cunctis sonitu ruinaruni immenso. Intérim clamorihùs variis excelsa culmina resultabant, qnasritantium conjugium liberosque, et si quid necessitudinis aile conslringit. Post horam denique secundani, mnlto ante


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longtemps avant la troisième, le ciel redevenu serein révéla toute l'horreur du désastre. Les uns étaient morts écrasés sous le poids des décombres ; d'autres, ensevelis jusqu'aux épaules, et qu'un peu d'aide eût pu sauver, périssaient faute de secours. On en voyait de suspendus en l'air, au bout des solives qui leur étaient entrées dans le corps. Çà et là gisaient des groupes naguère pleins de vie, et qui, par une commune chance de destruction, étaient devenus des monceaux de cadavres. D'autres, emprisonnés sains et saufs sous les débris de leurs toits, se voyaient condamnés à périr de douleur et dé famine. De ce nombre fut Aristénète, qui venait d'obtenir le titre, longtemps ambitionné par lui, de lieutenant gouverneur de cette province, à laquelle Constance avait donné le nom de PIÉTÉ, en l'honneur de sa femme Eusébie. L'infortuné dut ne succomber qu'après une longue et cruelle agonie. Plusieurs sont encore enfouis sous les ruines, à la place^où l'ébranlement les a surpris. Enfin, ce n'étaient que plaintes déchirantes des blessés, qui, le crâne ouvert, mutilés d'un bras ou d'une jambe, imploraient vainement l'assistance de ceux que le sort avaitégalement maltraités. Néanmoins un certain nombre de temples et de maisons d'habitants, et même une partie de la population, eussent pu échapper au désastre, sans un incendie qui survint , et qui, promenant sa rage durant cinquante jours et autant de nuits, dévora tout ce qui pouvait lui fournir d'aliment.

C'est le cas, j'imagine, de dire quelques mots des hypothèses des anciens sur les tremblements de terre. Je dis hypothèses, car, sur ce poiut, les infatigables élucubrations des savants, et leurs discussions qui durent encore, ne sont pas plus près d'une démonstration que l'ignorance du

tertiam, aër jam sudus et liquidus latentes retexit finiereas strages. Nonnulli enim superruentium ruderum 'vi nimia conslipati, sub ipsis interfère ponderibus. Quidam collo tenus aggeribus obruti, cum superesse possent, si qui juvissent, auxiliorum inopia neçabantur. Alii lignorum exstanlium aeuminibus fixi pendebant. Uno ictu cassi complures paujlo ante hommes, tune promiscuas strages cadaverum cernebantur. Quosdam domorum inclinata fastigia intrinsecus ferebant intactes, augore et inedia consumendos. Inter quos Aristasnëtus adfeclatam recens dioecesim curans vicaria potestate, quam Cohstantius ad lipnorem uxoris Eusebias-Pietatém cognomihaverat, animam hoc casu cniciatam dintius exhalavit. Alii subita ruinas magnitudine oppressi, iisdem adhuc molibus conteguntur. Collisis quidam capitibus, vel humeris prassectis aut cruribus; inter vitas mortisque confinia, aliorum adjumenta paria perferentium implorantes, cum ohtestatione magna deserebantur. Et superesse potuit asdium sacrarum et privatarum, bominumque pars major, ni palantes abrupte flamrnarum ardores per quinquaginta dies et noctes, quidquid consumi poterat, exussissent. Adesse tempus existimo nauca dicere, quas de terras

vulgaire. Aussi, pour éviter une méprise qui serait un sacrilège, les rituels et les livres des pontifes prescrivent-ils prudemment (et c'est une réserve strictement observée par les prêtres) de s'abstenir en ces occasions d'invoquer un dieu plutôt qu'un autre, puisqu'on en est encore à savoir quelle divinité préside en effet à ce grand désordre de la nature.

Les théories abondent sur la cause des tremblements de terre, et se contredisent au point de mettre Aristote aux abois. Tantôt on les attribue à l'action violente de courants d'eau souterrains contre les parois des canaux déliés qui les contiennent , et qu'en grec nous appelons syringes. Tantôt, comme l'affirme Anaxagore, c'est l'air qui circule dans ces secrètes cavités, et qui, rencontrant l'obstacle d'un corps solide, ébranle, pour trouver issue, le terrain sous lequel il se trouve comprimé. On a souvent observé, en effet, l'absence de toute agitation de l'atmosphère pendant la durée des secousses ; sans doute parce que tout l'air alors est absorbé dans les profondeurs de la terre. De son côté, Anaximandre prétend que ce sont les vents qui s'engouffrent dans ces grandes gerçures ou crevasses qui entr'ouvrent le sol à la suite d'un été trop ardent ou de pluies continues, et qui le remuent ensuite jusque dans ses fondements; ce qui expliquerait la coïncidence ordinaire de'ces terribles phénomènes avec une période de sécheresse ou d'humidité excessive. Etc'est pourquoi les poètes et les theogonistes ont donné à Neptune, divinité modératrice de l'élément humide, les noms à'Ennosigoeon(i) et de Sisichthon (2).

Ces tremblements sont de quatre espèces :

(i) 'EvvocÎYaiov, qui ébranle la terre; d'èvéÔEiv, ébranler, et YOÏa, terre. — (2) SlGÎyJitoV, de Q-E£G-£IV, remuer, et X^àv, terre

pulsibus conjectura veteres collegerunt. Ad ipsius enim veritatis arcana non modo hase nostra vulgaris inscitia, sed ne sempiterna quidem lueubrationibus longis nondum exhausta physicorum jurgia penetrarunt. Unde et in ritualibus et pontificiis observatur obtemperanlibus sacerdoliis caute, ne alio deo pro alio nominato, cum, quis eorum terram concutiat, sit in abstruso, piacula commitlanlur. Accidunt autem, ut opiniones existimant, inter quas Arisloteles asstuat et laborat, aulincavernis minutis terrarum, quas Grasce syringas adpellamus, impulsu crebriore aquis undabundis : aut certe, ut Anaxagoras adfirmat, ventorum yi subeuntium ima terrarum : qui cum spliditatibus concrustatisiuciderint, eruptionès nullas reperieptes, eas partes soli convibraiit, quas subrepserint humidi. Unde plerumque observatur, terra tremente, ventorum apud nos spiramina nulla sentiri, quod in ultirais ejus secessibus occupantur. Anaximander ait, arescentem nimia asstuutn siccitate, autpostmadores inihrium, lerram rimas pandere grandiores, quas pénétrât sûpernus aër violentus etnimius, ac per eas vebemenli spiritu quassalam cieri propriis sedibus. Qua de causa terrores liujusmodi vaDoratis tempôribus, aut nimia aquarum


80 AMMIEN MARCELLIN.

Les brasmalies, fermentation violente des entrailles de la terre, qui lui fait avec effort soulever à sa surface des masses considérables : ainsi ont surgi en Asie Délos, Hiéra, Anaphe et Rhodes, cette dernière successivement connue des anciens sous les noms d'Ophiuse et de Pélagie, et qu'on dit avoir été arrosée d'une pluie d'or ; ainsi sont nées Eleusis en Réotie, Vulcana dans la mer de Tyrrhène, et nombre d'autres îles. Les climaties, qui couchent sur le flanc des cités, monuments et montagnes, et passent le niveau sur le sol. Les chasmaties, où la force de la commotion ouvre des gouffres, et absorbe toute une contrée. C'est ainsi que se sont abîmées à jamais, dans la profonde nuit de l'Érèbe, une île de la mer Atlantique, plus spacieuse que toute l'Europe ; Hélice et Rura, dans le golfe de Crissa; et, près du mont Ciminus en Italie, la forte ville de Saccumum. Enfin les mycemalies, variété des trois autres espèces, s'annoncent par un bruit souterrain et terrible. C'est une convulsion intestine du globe, qui en apparence va se dissoudre , mais dont les éléments ne tardent pas à se rasseoir. Ce qui caractérise surtout ce phénomène, c'est le sourd mugissement qui le devance, et qui ressemble à celui des taureaux. Reprenons notre récit.

VIII. .Cependant César, tout en hivernant chez les Parisiens, faisait ses dispositions pour prévenir les Allemands, qui n'avaient pas encore formé de ligue nouvelle, mais dont l'audace et la férocité ne laissaient pas de fermenter jusqu'au délire, nonobstant le désastre d'Argèntoratum. C'est l'habitude des Gaulois de n'entrer en

caslestiumsnperfusione contingunt. Ideoque Neptunum buraenlis substantias polestalem, Ennosigason et Sisichtbona poetoe veteres et theologi nuncupaverunt.

Fiunt autem terrarum motus modis quatuor. Aut enim hrasmalias sunt, qui humum molestius suscitantes, sursum propellunt immànissimas moles : ut in Asia Delos emersit, et Hiera, el Anaphe, et Pihodus, Opbiusa etPelagia prioribus sasculis diclitala, aureo quondam imbri perfusa, et Eleusin in Bosolia, el apud Tyrrhenos Vuicanus, insulasque plures : aut climatias, qui limesruentes et obliqui urbes, asdilicia, monlesque complanant : aut chasmatias, qui grandioii motu patefactis subite voratrinis, terrarum parles absorbent; ut in Atlanlico mari Europaso orbe spaliosior insula, et in Crissaso sinu Hélice et Biira, et in Ciminia Italias parte oppidum Saccumum, ad Erebi profundos hiatus abactas, asternis teiïebris occultantur. Inter hase tria gênera terras motuum, mycemalias sonitu audiuntur minaci, cum dissolutiselementacompagibus ullro adsiliunt, vel relabuntur considenlibus terris. Tune enim necesse est velut taurinis reboare mùgitibus fragores fremilusque terrehos. Sed hinc ad exorsa.

VIII. Al Cassar hiernem apud Parisids agens, Alamannos prasvenire studio malurabat ingenti, nondum in unum coaclos, sed in insaniam post Argentoratum audaces omnes et sasvos : opperiensque Julium mensem , unde sumunt Gallicani procinclus exordia, diutius angebatur. Nec enim

campagne qu'au mois de juillet, et il lui fallait jusque-là contenir son impatience. Les opérations ne pouvaient commencer, en effet, avant que la fonte des neiges et des glaces eût permis l'arrivée des convois venant d'Aquitaine. Mais peu d'obstacles tiennent contre l'activité du génie. Julien étudia son plan sous toutes les faces, et s'arrêta enfin à l'idée de devancer la saison, et de tomber sur les barbares à l'improviste. Il ouvrit donc les magasins, et fit prendre à ses soldats, qui ne demandaient pas mieux, une provision de vingt jours de ce pain cuit pour être de garde, et qu'on appelle vulgairement biscuit. Quand elle fut faite, il partit sous des auspices non moins heureux qu'à sa précédente expédition, et comptant bien en mettre à fin, en cinq ou six mois, deux autres d'une urgente nécessité. Il se porta d'abord contre les Franks dits Saliens, qui s'étaient établis de leur propre autorité sur le territoire romain en Toxiandrie (l).

A Tongres, il rencontra une députation de ce peuple, qui, le supposant encore dans ses quartiers d'hiver, lui faisait offrir la paix. Ils étaient chez eux, à les entendre, et promettaient de s'y tenir tranquilles, pourvu qu'on ne vînt pas les y troubler. Julien amuse les députés quelque temps par des paroles ambiguës, et finalement les congédie avec des présents, leurlaissant croire qu'il attendrait leur retour. Mais ils n'eurent pas le dos tourné, qu'il se remit en marche; et, faisant suivre à Sévère la rive du fleuve afin d'étendre sa ligne d'attaque, il tombe comme la foudre sur légros de la nation, qu'il trouva plus disposée à s'humilier

(i) Zélande.

egredi poterat, antequam ex Aquitania, asstatis remissionc solutis frigoribus et pruinis, veheretur annona: Sed ut est difficultatum pasne omnium diligens ratio victrix, riiulla mente versans et varia, id tandem reperit solum, iitaiini maturitate non exspeclata, barbaris occurreret iusperalus, lirmaloque consilio xx dierum frumentum , ex eo, quod erat in sedibus consumendum, ad usus diuturnitatein excoctum, huccellatum, ut vulgo adpellant, humeris iniposuit libentium militum : hocque subsidio frétas, se-■ cundis, ut ante; auspiciis profectus est, intia mensem quintum vel sextum duasexpeditiones conoiimmari posse urgentes et necessarias arbitrâtes. Quibus paratis, petit primos omnium Francos, eos videlicet, quos consueludo Salios adpellavit, ausos olim in Romano solo apud Toxiandriam locum habitacula sibi figere prasliceufer^Cui, cum Tmigros venisset, occurrit legatio prasdictorum, opinanlium reperiri Impcratorem eliamtum 'in hibemis, pacem sub bac lege prastendens, ut quiescenles eos tamquam in suis nec lacesseret quisquam , nec vexaret. Hos legatos, negotio plene digeste, oppositaque couditionum perplexilate, ut in iisdera traelibus moralurus, duin redeunt, muneratos absolvit. Dicloque citius sequulus profectos, Severo duce misso perripam, subite cunclos adgressus, tamquam fulminis turho perculsil : jamque precantes pôlius, quam résistantes, in opportunam clementias parlera effectu victorias flexo, dcdcnlcs se «un opibus liberisque


LIVRE XVII.

si

qu'à se défendre. Le succès le disposait à la clémence-.aussi les'reçut-il en grâce quand ils vinrent se livrer avec leurs biens et leurs enfants. De là se jetantsur les Chamaves, qu'il avait à punir d'une semblable agression, il les défait avec une égale promptitude.,Une partie de la nation lui opposa une vive résistance, et fut faite prisonnière ; le restegagnaprécipitammentses retraites, où César s'abstint de les poursuivre, voulant ménager les forces de ses soldats. Les vaincus cependant, afin d'assurer leurs chances de salut, ne tardèrent pas à lui envoyer une députation qui implora la paix à genoux. Elle leur fut accordée, à la seule condition de retourner dans leur ancien pays.

IX. Heureux jusque-là dans ses entreprises, et roulant continuellement dans son esprit quelque pensée d'utilité pour les provinces, Jjalien résolut de réparer, si le temps le permettait, trois forts construits sur une même ligné pour défendre le passage de la Meuse, et qui avaient depuis longtemps succombé sous les efforts des barbares. L'exécution fut assez prompte pour ne pas causer de suspension sensible dans les opérations militaires; et, afin de mettre à profit sa célérité, Julien approvisionna ces forteresses avec une partie des rations qu'il convoyait avec lui, à dos de soldats, depuis le commencement de la campagne , et qui représentaient encore la subsistance de dix-sept jours. Il comptait, pour remplacer ce prélèvement, sur les moissons des Chamaves; mais cet espoir fut bien déçu. Le soldat eut consommé ce qu'il portait avant que le grain sur pied eût mûri; et, ne trouvant plus de quoi vivre, il se répandit en menaces et eu reproches : les épithètes d'Asiatique, de Grec efféminé, d'enjôleur, de savant imbécile, lui furent prodiguées.

suscepit. Chamavos itidem ausos similia adortus, eadem celeritate parlim cecidit, partim acriter répugnantes, vivosque captes compegit in viucula : alios prascipiti fuga trépidantes, ad sua, ne mililem spatio longo defatigaret, ahire intérim permisit innocuos : quorum legatis paullo poslea missis precatum consultumque rébus suis, liumi proslratis sub obtulibus ejus, pacem hoc tribuit pacte, ut ad sua redirent incqlumes.

IX. Cunclis igitur ex voto curre.nlibus, studio pervigili properans modis omnibus utililatem (undare provinciarum, munimenta tria recta série superciliis imposita (luminis Mosas, subversa dudum obstinatione barbarica, reparare pro tempore cogitabat : et illico sunt instaurala, prociiictu paullisper omisso. Atque ut consilium prudens celerilas facerel tulnm, ex annona decem dierum et septem, quam inexpedilionem pergens vehebat cervicibus miles, portionem sublractam in iisdem condidil caslris, sperans, ex Chamavorum segelibus id suppleri posse/quod ablatum est. Longe autem aliter accidit. Frugibus enim nondum etiam maturis, miles expensis, quas portabal, nusquam rcperieOs viclus, ex tréma minitans Julianum compellalionibus incessebat et probris : Asianum adpellans, Grascnlum, etfallacem, et specie sapientias stolidum. Ulque inveiiiri soient quidam inler armâtes verborum volubiAMMIEN.

volubiAMMIEN.

La troupe a toujours ses orateurs d'office. Il fallait entendre ceux-ci pérorer, et s'écrier tout haut : « Nous a-t-ou ménagé les marches dans « la neige et au travers des glaces? Et, pour « comble, au moment où nous tenons le sort « de l'ennemi dans nos mains, voilà qu'il nous « ■ faut périr de la plus ignoble des morts, de « la faim. Et qu'on n'aille pas nous traiter de «séditieux! Ce que nous demandons, par le « ciell c'est du pain. Pour de l'or, pour de l'ar« gent, on nous a dès longtemps déshabitués « d'y toucher ou d'en voir. Nous ne serions pas « traités plus mal si c'était en combattant contre « l'État que nous eussions essuyé toutes ces fait ligues et tous ces périls. » 11 y avait du vrai dans ces plaintes. Après tant d'exploits, tant d'épreuves de tout genre, le soldat, épuisé par sa campagne des Gaules, en était encore, depuis que Julien avait pris le commandement, à recevoir gratification ou solde quelconque ; Constance se refusant à ouvrir le trésor public, et Julien se trouvant personnellement trop pauvre pour y suppléer de son propre fonds. La suite prouva qu'il y avait chez l'empereur plus demalveillance encore que de parcimonie ; car un jouiun simple soldat ayant demandé à Julien, selon l'usage, de quoi se faire raser, et Julien ne lui ayant donné que quelques pièces de menue monnaie, Gaudence, alors secrétaire d'État, qui était depuis longtemps dans les Gaules pour épier la conduite de César, prit texte de ce fait pour répandre contre lui les plus injurieuses calomnies. Ce même Gaudence, comme ou le verra plus tard, fut dans la suite mis à mort par l'ordre de Julien. X. Cependant César vint à bout de la sédition à force d'art et de caresses. On passe le

litale conspicui, hase et similia multa strepebant : Quo trahimur spe meliorum abolila, olim quidem dura, et perpessu asperrima per nives tolérantes et acumind crudelium pruinarum? sed nunc, proh nef as.' cum ullimis hostium falis instamus, famé, ignavissimo mortis génère tabescenles. Et ne quis nos lurbarum existimet concilores, pro vita loqui sola teslamur;non aurum, neque argenlumpetenles, quoe olim nec contrectare potuimus, nec videre, ita nobis negala velut contra Remp.lot suscepisse labores et pericula confutatis. Et erat ratio justa querelarum. Inter tôt enim rerum probabilium cursus articnlosque necessilatum ancipites, sudoribus Gallicanis miles exhauslus, nec donativum meruit nec stipendium, jam inde ut Julianus illo est missus : ea re, quod nec ipsi, quod daret, suppelere poterat usquam, nec Constanlius erogari more solito permiltebat. Hocque exinde claruit fraude polius, quam lenacitale committi, quod cum idem Cassar, petenti ex usu gregario cuidam ut barbas detonderet, dedisset aliquid vile, conlnnieliosis calumniis adpetitus estaGaudentio tune nol.ario, ad explorandos ejus actes diu nioralo per Gallias, quem postea ipse inlerlici jiissil, ut loco nipnstrabitur compelenli. X. Lenilo tandem tumulte non sine blandiliarum genere


32 AMMIEN MARCELLIN.

Rhin sur un pont de bateaux, et l'on met le pied sur le territoire allemand. Alors Sévère, générai de la cavalerie, qui avait jusque-là fait preuve de talent et de bravoure, mollit tout d'un coup. Lui, qu'on Vit tant de fois donner à tous et à chacun la leçon du courage, ne savait plus que conseiller lâchement d'éviter d'en venir aux mains, comme unhomme qui aurait eu le pressentiment de sa mort prochaine. C'est ainsi, dit le livre de Tagès, que ceux qui sont prédestinés à être frappés de la foudre contractent une susceptibilité nerveuse qui les rend incapables de supporter le tonnerre ni tout autre bruit. Loin de pousser en avant avec sa vigueur accoutumée, ce général s'emporta jusqu'aux dernières menaces contre les guides qui marchaient allègrement en tête de l'armée, et cela pour leur faire déclarer d'une commune voix qu'ils ne savaient pas le chemin. Ces gens, intimidés, n'osèrent plus faire un pas. Durant l'inaction forcée qui s'ensuivit arrive tout à coup Suomaire, l'un des rois allemands, avec sasuite. Jusqu'alors ennemi féroceet acharné du nom romain, il en était venu à considérer en cemoment commeune concession inespérée la conservation de son propre territoire. Sa démarche, son attitude étaient d'un suppliant. Julien le reçut en grâce, et le rassura. Suomaire se mit alors à sa discrétion, et ce fut à genoux qu'il implora la paix. Il l'obtint, à la condition de rendre tous les prisonniers, et de procurer au besoin des vivres aux troupes ; s'astreignant, comme un fournisseur ordinaire, à recevoir chaque fois une reconnaissance de ce qu'il avait livré, et à l'exhiber à toute réquisition, sous peine de livraison double.

vario, contextoque navali ponte Rheno transito, terris Alamannorum calcatis, Severus magister equitum bellicosus aille hase et industrius, repente commarcuil. Et qui saspe universos ad fortiter faciendum horlahalur et singulos ; tune dissuasor puguandi conlemptus videbatur et timidus, morte'm fortasse meluens adventanlem : ut in Tageticis libris legitur, Vejovis fulmine mox tangendos adeo hebetari, ut nec tonitrum, nec majores aliquos possint audire fragores : et ita ignaviter egerat praster solitum, ul duclores viarum praseuntes alacri gradu, ullima minitando terreret, ni omnes conspirantes in unum se locapenitus ignorare filmaient. Qui interdicti melueules auctoritatem, nusquam deinde sunt progiessi. '

Inler has tamen moras Alamannorum rex Snomarius uilro cum suis improvisus occurril, ferox aille sasviensque in damna Romana, sed tum lucrum existimans insperatum, si propria reliuere permitteretur. Et quia vultus incessusque supplicem iudicabal, susceptus, bonoque animo esse jussus et placido, nihil arbilrio suo relinquens, pacem genibus curvatis orabat. El eam cum concessione praslerilorum sub bac nierait lege, ut captivos redderetnos•tros, el, quoties sit necesse, mililibus alimenta prasberet, susceptorum vilium more securilatcs accipiens pro illatis : quas si non oslendissel in tempore, sciret se rursus ea de re fatigandum.

Quod ita recte disposilum, est impraspeditc complétera.

L'arrangement conclu fut exécuté sans délai. Il s'agissait alors de parvenir à la résidence d'un autre roi nommé Hortaire, et l'on avait besoin pour cela d'un guide. L'ordre fut donné en conséquence à Nestica, tribun des scutaires , et à Charietton,officier d'une valeuréprouvée, défaire un prisonnier à tout prix. Ils ne tardèrent pas en effet à se saisir d'un jeune Allemand, à qui Julien promit la vie à condition qu'il montrerait le chemin. L'armée, sous la conduite de ce guide, rencontra d'abord un grand abatis d'arbres qui lui fermait la route ; mais, après un long circuit, elle atteignit enfin sa destination. La colère du soldat ne manqua pas de se signaler par l'incendiedesmoissons, le pillagedestroupeaux, et par le massacresanspitiédetout ce qui offrit résistance. Le roi fut frappé de ce désastre. Ce qu'il vit du nombre des légions et des ravages du feu lui fit croire que c'en était fait de sa puissance. Il vint donc également implorer son pardon, se soumettre à toutes les exigences, et fit serment, sur sa tête, de libérer tous les prisonniers. C'est sur cet article qu'on insistait le plus : cependant il n'en rendit d'abord qu'un petit nombre, et retint le reste. Ce manque de foi indigna Julien; et quand le roi vint recevoir les présents d'usage, quatre de ses officiers les plus braves et les plus affidés furent gardés comme otages, et ne furent eux-mêmes relâchés qu'après reddition complète des captifs. Sommé alors de paraître devant César, Hortaire se prosterna, la terreur dans les yeux, et, dompté parla présence de son vainqueur, s'entendit imposer la plus dure des conditions pour lui, mais qui n'était pourtant que l'exercice

Horlarii nomine petendus erat régis alterius pagus : el quia nihil videbatur déesse praster duclores, Nesticas Iribuno scutarioruni, et Charieltoni viro fortitudinis mira;, imperaverat Cassar, ut magna quassitura industria coraprebensumque offerrenl sibi captivum : eteorreptus velociter adulescens ducilur Alamannus, pacte obtinenda 1. salutis pollicitus ilinera se monslraturum. Hoc prasgresso sequutus exercitus, celsarnra arborum obsistenteconcoede ire protinus vetabatur. Verum per circuitus lougos el flexuosos venlum est tandem ad loca : et ira quisque per- • citas armatorum urebat agros, pecora diripiebat et tontines, resistentesque sine ulla paicinionia conlruncabat. His malis perculsus rex , cum multipliées legiones, vicorumque reliquias cerneret exustorum, ultimas fortunarura jacturas adesse jam contemplâtes, oravit ipse- quoque veniam, facturum se imperanda, jurandique. exsecratione restiluere universos promisit : id enim cura agebaturimpensiore : delenlisque pluriniis, reddidit paucos. Quocognilo, ad indignationein justam Julianus erectus, cum muneraiidus venisset ex more, quatuor comités ejus, quorum ope et fide maxime nilebalur, non ante absolvit, dura omnes rediere caplivi. Ad colloquium tamen accilus a Cassare, frementibus oculis adorato, victofisque siipeialus adspectu, cpndilione difficili premebatur : hac scilicet, ni, quoniam consenlaiieum erat, post tôt -secundos evcnlus civilales quoque reparari vi barharorum excisas, carpcnla


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d'un droit acquis par tant de victoires : celle de fournir à ses frais les voitures et les matériaux nécessaires à la reconstruction des villes détruites par les barbares. Il y souscrivit; et quand il eut engagé tout son sang pour garantie de sa parole, il lui fut permis de s'en retourner. Quant aux subsistances, on n'en exigea pas de lui comme de Suomaire : l'entière dévastation de son pays eût rendu tout tribut de ce genre illusoire.

Ainsi le féroce orgueil de ces rois, naguère habitués à s'enrichir du pillage de nos provinces, venait enfin se courber sous la domination romaine , et ils acceptaient l'obéissance comme s'ils eussent été tributaires nés et rompus par l'éducation à la servitude. Toutes ces dispositions terminées, César distribua ses troupes dans leurs divers cantonnements, et revint prendre ses quartiers d'hiver.

XL Quand la nouvelle de ces événements parvint à la cour de Constance (César étant tenu, comme un simple appariteur, de lui rendre compte de tous ses actes), quiconque se trouvait jouir de quelque crédit au palais, en qualité d'adepte en l'art de la flatterie, s'empressa de tourner en ridicule ces entreprises si habilement conçues, si heureusement mises à fin. Ils avaient sans cesse à la bouche cette phrase impertinente : On a bien assez de la chèvre et de ses victoires. Ce trait portait sur la longue barbe de Julien. Ou lui donnait aussi les sobriquets de taupe babillarde, de singe empourpré, de Grec manqué, etc. ; toutes plaisanteries qui étaient loin de mal sonner aux oreilles du prince, et qu'il se faisait même un plaisir de provoquer. Aussi c'était à qui viendrait travestir

et materias ex opibus suis suorumqueprasberet : et hase pollicitus, imprecatusque, si perfidum quidquam egisset, luenda sibi cruore supplicia, ad propria remeare permissus est. Annonam enim Iransferre, ita ul Suomarius, ea re compelli non potuit, quod ad internecionem regione ejus vastata nihil inveniri poterat, quod daretur.

Ita reges illi lumentes quondam immaniter, rapinisque diteseeré adsueti nostrorum, Romanas potentias jugo subdidere colla jam domita, el velul inter tributarios nali et «ducati, obsecundabani imperiîs ingravate. Quibus hoc modo peractis, disperso per staliones milite consuetas, ad hiberna regressus esl Cassar.

XI.- Hase cum in comilatu Constant» subinde noscerentur(erat enim necesse, lamquam adparitorem Cassarem super omnibus geslis ad Augusti referre scientiam) omnes, qui plus poterant in palalio, adulandi professores jam docti, recle consulta prospereque compléta vertebant in deridiculum : talia sine modo strepentes insulse, In odiitm venit cum victoriis suis capella, non homo : ut hirsutum Julianum carpentes, adpellantesque loquacem talpam, et purpuratam simiam, et litterionem Grascum : et his congruentia plurima atque vernacula principi résonantes, audire base taliaque gestienti, virtutes ejus obruere verhis impudentibus conabanter, ut segnem incessantes, et limidum, et umbratilem, gestaque secus verbis compplus

compplus toutes les vertus de Julien, et le qualifier de mou, de pusillanime, d'efféminé, de-phraseur habile, à donner aux faits une importance qu'ils n'avaient pas en réalité. Plus le mérite s'élève, et plus il est en butte à J'envie. L'histoire dépose des effets de la malveillance contre les plus grands hommes : on leur prête des fautes etdesimperfections, dans l'impuissance * de leur en trouver. Ainsi l'on accusa d'intempérance Cimon, fils de Miltiade, dont le bras détruisit, près de l'Eurymédon en Pamphylie, une innombrable armée de Perses, et qui contraignit cette arrogante nation à s'humilier pour avoir la paix ; ainsi la jalousie chercha-t-elle à flétrir de l'épithète d'endormi ce Scipion Émilien, dont l'énergique activité valut à Rome la destruction de. ses deux plus mortelles ennemies. Enfin n'a-t-on pas vu les détracteurs de Pompée, à bout de leurs recherches pour découvrir son côté faible, se rabattre sur les deux particularités les plus futiles et les plus insignifiantes? le tic, auquel il était sujet, de se gratter du doigt la tête, et cette bandelette blanche dont il enveloppait un mal qu'il avait à la jambe. On voulait voir dans l'une l'indice de moeurs dissolues, et dans l'autre une inclination à changer la forme du gouvernement. C'est, disait-on, l'insigne de laroyauté: n'importe où on le place. Pitoyablerapprochemeutquiservit de prétexte à tant de clameurs. Et àquis'adressaientdetellesimputations? A l'homme qui notoirement, d'après les témoignages les plus respectables, montraleplusde tempérance dans sa conduite privée et de modération dans la vie politique.

Durant ces cabales de la cour, Artémius, déjà vice-préfet de Rome, remplaça Bassus, titulaire

lioribus exornantem : quod non tune primitus accidit. Kamque, ut solet amplissinia gloria objecta esse semper invidias, legimus in veteres quoqueniagnificos duces vitia criminaque, etiamsi inveniri non polerant, finxisse malignitalem, spectatissimis actibus eorum offensam. Ut Cimonem, Miltiadis filium, insimulatum intemperantias, qui prope Eurymedonla Pampbylium flunien Persarum populum delevit innumerum, coëgitque genlem insolentia semper elatam, obsecrare suppliciter pacem : Jîiiiilianuni itidem Scipionem , ut somniculosum asniulorum incusari malevolentia, cujus impetrabili vigilanlia, obstinâtes in perniciem Romas, duas sunt potentissimas urbes excisas. Nec non eliam in Pompeium obtreclalores iniqui multa ■scrutantes, cum nihil, unde viluperari deberel, inveniretur, duo hase observaverunl ludibriosa el. irrita : quod genuino quodam more caput digito uno scalpebat : qiiodque aliquamdiu tegeiidi ulceris causa deformis fasciola candida crus colligabat : quorum allerum factitareut dissolutum, alterum ul novarum rerum cupidum adserebant : nihil interesse oblalranles argumenta subfrigido, quam partem corporis redimiret regias majestatis insigni : eum viruni, quo nec fortior, nec cautior quisquam patrias fuit, ut documenta prasclara lestantur.

Dum hase ita aguntur, Romas Artémius curansvicariam prasfecturam pro Basso quoque agebat : qui recens pro-


84 AMMIEN MARCELLIN.

récemment investi de la charge, et qui venait de mourir. L'administration d'Artémius, bien que fréquemment troublée par des séditions, n'offre rien d'assez intéressant pour trouver place dans ce récit.

XII. Auguste passait alors l'hiver à Sirmium : son repos y fut troublé par des courriers qui lui apportèrent une fâcheuse nouvelle, celle de la jonction des Quades et des Sarmates. Ces deux peuples, chez qui la proximité de territoire, et une similitude de moeurs et de manière de combattre, entretient une sorte d'intelligence, ravageaient de concert, par petits détachements, les deux Pannonies et la haute Mésie. Tous deux entendent mieux la petite guerre que les batailles rangées. Ils portent de longues lances et des cuirasses de toile, sur lesquelles de petites lames de corne polie s'étagent à la façon des plumes sur le corps d'un oiseau. Ces peuples n'emploient guère que des chevaux hongres ; parce que ceux-ci ne ' s'emportent pas à la vue des cavales, et que, moins ardents que les étalons, ils sont moins sujets à hennir, et à trahir par là le secret des embuscades. Les Sarmates peuvent, à l'aide de ces coursiers aussi rapides que dociles, franchir aisément les plus grandes distances, soit qu'ils fuientou qu'ils poursuivent. Un cavalier en mène d'ordinaire un, quelquefois deux en laisse, et les monte alternativement, pour ménager leurs forces par cette succession de charge et d'allégement.

Dès que l'équinoxe de printemps fut passé, Constancesemiten campagne à la tête d'un corps d'armée considérable, et sous les plus favorables auspices. Arrivé au bord de Pister (1), alors enflé par la fonte des neiges,, il choisit le point le plus commode pour établir un pont de bateaux, .passe

(i) Le Danube.

motus urbi prasfectusfatali decesseral sorte. Cujus adminislralio sedilionesperpessaest turbulentes, necmemorahile quidquam habuit quod narrari sitdignum.

XII. Auguste inter base quiescenli per biemem apud Sirmium, indicabant nuntii graves et crebri, permistos Sarmalas et Quados, vicinirate et siniilitudine morum armalurasqueconcordes, Pannonias Mossiaruiiique alteram cuneis incursare dispersis. Quibus ad latrociniamagîs quam aperto habilibus Marti, hastas sunt longiores, et loricas ex cornibusrasisel levigalis, plumarum specie linleis indumentis innexas : equorumque plurimi ex usu castrati, ne aut feminarura visu exagitali raplentur, aul in subsidiis ferocienles, prodanl hinnilu densiore vectores. Et per spalia disenrrunt aniplissima sequentes alios, vel ipsi lerga verlentes, insidendo velocibus equis et morigeris, trahenlesque singulos, interdirai et binos, uli permulalio vires foveatjumentorum, vigorque otio integretur allerno.

jEquinoclio ilaque leraporis verni confecto, lmperator coacta militum valida manu, ductu lastioris fortunas profeclus, cum ad locum aplissimnm perven.issel, flumen Istruin exundantem pruiiianmi jam résolut» congerie, suie

suie et va porter le ravage sur les terres de l'ennemi. Surpris de cette attaque, et se voyant sur les bras une armée complète, dont ils avaient cru la réunion impossible à cette époque de l'année, les barbares ne purent tenir pied, et, sans même prendre baleine, ne surent que se dérober par la fuite à ce péril imprévu. Il en périt plus d'un dont la terreur enchaîna les pas. Ceux qui durent leur salut à la rapidité de leur course, et trouvèrent à se réfugier dans les gorges de leursmontagnes, purent, de leurs retraites, contempler le désastre de leur patrie; désastre qu'ils auraient sans doute conjuré s'ils eussent déployé pour se défendre la même vigueur que pour s'enfuir.

Tel était l'aspect de l'expédition dans la partie du pays des Sarmates qui fait face à la Pannonie inférieure. Une autre colonne, parcourant comme un tourbillon la Valérie, y dévastait avec non moins de fureur les possessions des barbares, pillant ouincendiant tout ce qui se trouvait sur sou passage. Cette immense désolation émut enfin les Sarmates ; ils renoncèrent à se cacher, et simulèrent des propositions de paix. Leur plan était'de profiter de la sécurité que devait nous inspirer cette démarche, et d'exécuter contre nous, en divisant leurs forces, une triple attaque assez brusque pour ne nous laisser la faculté ni déparer leurs coups, ni d'user de nos traits, ni même de recourir à la ressource extrême de la fuite; Les Quades, que nous n'avions pas plus ménagés dans nos excursions, firent cause commune avec eux. Mais il fallait se battre de front, et leur coup de main échoua, malgré l'audace et la célérité de leurs mesures. On fit d'eux un grand carnage ; et ce qui put s'échappern'y réussitqu'en gagnantdes réduits connus d'eux seuls dans leurs montagnes.

Ce succès donna du coeur à nos troupes, qui

per navium foros ponte contexte transgresstis, populandis barbarorum inenbuit terris : qui ilinere festinato prasveoli, calervasque bellatoris exercitus jugulis suis imminere cernenles, quem nondum per anni lempus colligi posse rebantur, nec spirare ausi, nec stare, sed vitantesexilium insperatum, semet omnes effuderunt in fugam. Stralisque plurimis,quorum gressus vinxerat timor, ni, quos exemit celeritas morti, inter latebrosas convalles montium occultali, videbant patriam (erro pereuntem : quam vindicassent profecto, si vigore, quo discesserant, restilissent. Gerebantur base in ea parle Sarmalias, quas secundam prospectât Pannoniam : parique forlitudine circa Valeiiam opes barbaricas, urendo rapiendoqueoccurrenlia, milïlaris lurbo vastabat. Cujus cladis immensilate permoti, poslhabilo consilio latendi, Sarmalas petendas specie pacisagminc triperlito agentes securius' nostros adgredi cogitarunt : ni nec expedire tela, nec vira vnhierum declinare, nec, quod est in rébus artissimis ultimum, verti possent in fugam. Aderanl autem illico Sarmatis pericnlorum Quadi participes , qui noxarum sappe socii fuerant indiscreti : sed ne eos quidem prompte juvit audacia', in discrimina ruenlcs


LIVRE XVII. 85

marchèrent alors en colonnes serrées contre les Quades. Ceux-ci jugeant, d'après ce qui venaitde se passer, du sort qui les attendait, se présentèrent en suppliants devant l'empereur, enhardis à cette démarche par la mansuétude dont il avait souvent fait preuve en pareille occasioD.

Au jour fixé pour régler les conditions, Zizais, jeune Sarmate d'une taille avantageuse, issu du sang royal, arriva avec les siens qu'il fit ranger, pour présenter leur supplique dans le même ordre que s'il se fût agi de donner bataille. A l'aspect de l'empereur, il jeta ses armes et se prosterna ventre à terre. On lui dit d'exposer sa demande ; il veut parler, la crainte étouffe sa voix ; mais ses efforts visibles pour surmonter ses sanglots avaient, pour toucher le coeur, plus d'éloquence que les discours. On le rassure, on l'engage à se relever ; il reste à genoux, et, retrouvant enfin l'usage de la parole, il implore avec instance le pardon et l'oubli de ses torts envers nous. Alors sa suite, qui, dans une muette terreur, attendait ce qui serait décidé de son chef, fut admise aussi à faire entendre sa prière ; lui-même en se relevant en donna le signal tardif, au gré de leur impatience. Tous, d'un mouvement simultané, jettent leurs boucliers et leurs traits, et, levant leurs mains jointes, s'efforcent de surpasser leur prince en démonstrations d'humilité. Parmi les Sarmates qu'avait amenés Zizais, se trouvaient trois petits rois ses vassaux, Rumou, Zinafre et Fragilède, et plusieurs autres chefs qui l'avaient suivi dans l'espoir d'obtenir la même faveur. Tous, se sentant ranimés par l'heureux succès des premières instances, demandaient seulement à racheter par les conditions les plus dures le mal qu'avaient causé leurs hostilités, et se metaperta.

metaperta. enim compluribus, pars, quas potuit superesse, per notes colles evasit : quo évente vires et animos incitante, junclis densius cuneis ad Quadorum régna properabat exercilus : qui ex prasterito casu impendentia formidanles, rogaturi su'ppliciter pacem, fidentes ad principis venere conspectum, erga hascel similia lenioris : dietoque die statuendis couditionibus, Zizais. quoque etiam tum regahs, haud parvi corpoiïs juvenis, ordines Sarmatarum more certaminis instruxit ad pièces : visoque Imperalore abjectis armis pectore toto proc.ubuit exanimis stratus. El amisso vocis officio pras.'timoré, tum, cum orare deberet, majorem misericordiam movit, conatus aliquolies, parumque, impediente singultu, perrmssus cxplicare quas poscebat. Recréâtes denique tandem, jussnsque exsurgere, genibus nixus usu linguas recuperalo, concessionem delictorum sibi tribui supplicavit et veniam : coque ad precandum admissa mulliluaV, cujus ora (ormido muta claudebat, periculo adliuc prasstanlioris ambiguo : ubi ille solo jussus altolli, orandi signum exspecr lantibus diu monslravit, omnes clypeis telisque projeefis nianus precibus dederunt, plura excogitantes, utvincerenl humililate supplicandi regalem. Duxerat potior cumeasteris Sarmatis etiam Rumonem, et Ziuafrum, et Fragiletaient

Fragiletaient grand coeur eux, leurs femmes et leur territoire, à la merci du gouvernement romain.' Mais la clémence et l'équité parlèrent plus haut. II leur fut ordonné de rentrer dans leurs foyers sans crainte, et de nous renvoyer leurs captifs. Us livrèrent autaut d'otages qu'on en demanda, s'engageant à obtempérer à l'autre condition dans le plus bref délai.

Cette clémence eut son effet. On vit accourir avec tous les leurs Araharius et Usafre, tous deux du sang royal, guerriers d'élite , et les premiers parmi les notables de leur pays. L'un était chef d'une fraction des Trausjugitains et des Quades ; l'autre, d'un parti de Sarmates étroitement unis aux premiers par les liens du voisinage et par une sauvage conformité d'habitudes. En les voyantsi nombreux, l'empereur appréhenda que, sous prétexte de traiter, on n'eût l'intention d'en appeler aux armes. Il jugea donc à propos de les séparer, et de tenir à quelque distance ceux qui avaient à porter parole pour les Sarmates, jusqu'à ce qu'il eût terminé la négociation avec Araharius et les Quades.

Ceux-ci se présentèrent le corps plié en deux, suivant le cérémonial de leur pays. Nulle excuse ne pouvait être alléguée pour les atrocités dont ils s'étaient rendus coupables. Ils se soumirent donc, pour éviter de terribles représailles, àlivrer les otages qu'on leur imposa; eux dont on n'avait jamais pu obtenir jusqu'alors la moindre garantie pour un traité.

Cet arrangement terminé à l'amiable, Usafre, à son tour, fut admis à solliciter séparément son pardon. Mais Araharius se récria, et soutint obstinément que le pacte qu'on venait de conclure avec lui profitait implicitement à ce prince son allié ,-

dum subregulos, plurimosq.ue optimales, cum impetrandi spe similia petituros. Qui, licet elati gaudio salutis induites, conditionum sarcina compensare iuimice facta pollicebantur, seque cum facultalibus et liberis et conjugibus terrarumque suarum amhilu, Romanas polentias libenter offerrent : prasvaluit tamen asquitati juncla benignitas : jussique obtinere sedes impavidi, nostros reddidere caplivos. Duxeruntque obsides postulâtes, et obedire prasceptis deinde promptissime spoponderunt. Hortante hoc exempte clementias, advolarunt régales cum suis omnibus Araharius el Usafer, inter oplimates excellentes, agminum gentilium duces, quorum aller Transjugitanoruni_Quadorumque parti, aller quibusdam Sarmatis praseral, locorum confirais et feritate junclissimis : quorum piehem veritus lmperator, ne ferire fosdera simulans, in arma repente consurgeret, discrète consorlio,pro Sarmatis obsecrantes jussit paullisper abscedere, dum Araharii et Qua dorum negolium speclaretur. Qui cum eorum ritu oblali, stanles curvalis corporibus, facinora gravia purgare non posseut, ultimas sorlis inforlunia meluentes, dederunt obsides iinperatos, numquam antea pignora foederis exhibere compulsi. His ex asquo bonoque compositis, Usal'ei in precesadmissus est : Arahario pciiinaciler obstrepenle,


AS AMMIEN MARCELLIN.

quoique son inférieur en rang, et son vassal. On examina la question, et il fut décidé que les Sarmates, de tout temps clients des Romains, n'étaient sujets à aucune autre dépendance, et qu'ils étaient séparément tenus de livrer des otages pour garantie de leur conduite à venir; ce qui fut accepté par eux avec reconnaissance.

Ce fut alors une affluence infinie de peuplades et de rois qui arrivaient à la file, et qui, apprenant qu'Araharius avait obtenu sa grâce, venaient aussi nous supplier d'écarter le glaive suspendu sur leurs têtes. La même faveur leur fut octroyée, et ils offrirent pour otages les enfants des premières familles, qu'ils firent venir du fond de leur pays. Ils rendirent aussi tous leurs prisonniers, et montraient autant d'affliction à se séparer de ceux-ci que de leurs compatriotes.

On reprit ensuite eu considération le cas particulier du peuple sarmate, qui parut plus digne de pitié que de ressentiment. Notre intervention dans ses affaires fut pour lui d'un bonheur incroyable ; et cette circonstance semble vérifier l'opinion que le pouvoir du prince enchaîne les événements et dispose du sort. Une race indigène, forte et puissante, avait jadis eu la haute main clans ce pays ; mais il éclata contre eux une conspiration de leurs esclaves : c'est la force qui fait ledroitchez les barbares. Les maîtres durent succomber sous des adversaires non moins énergiques et plus nombreux. La peur mit le trouble dans leurs conseils; ils s'enfuirent dans le pays lointain des Victohales, préférant, dans le choix des maux, le joug de leurs défenseurs à celui . de leurs propres esclaves. Quand ceux-ci furent

fi.-manteque, pacem, quam ipse meruit, ei quoque debcre proficere, ut parlicipi, licet inferiori, et oblemperare suis îniperiis consueto. Verum quasstione discussa, aliéna potestate eripi Sarmalas jussi, ut semper Romanorum clientes , offerre obsides, quietis vincula conservandoe, gratan» ter amplexi sunt. Ingerebat autem se posl hase maximus numerus catervarum confluentium nationum etregum, suspendi a jugulis suis gladios obsecrantium, postquam Araharium impune compererantabscessisse : et pari modo ipsi quoque adepti pacem, quam poscebanl, accitos ex inlimis regni proCerum filios, obsidatus sorte opinione celerius oblulerunt; itidemque captivos, ut placuerat, nostros, quos baud minori gemitu perdidere quam suos.

Quibus ordinatis, translata est in Sarmates cura, miseratione dignûs polius quam simultate : quibus incredibile quantum prosperitalis base attulit causa : ut verum illud exislimetur, quod opinantur quidam, fatum vinci principis potestate, vel fieri. Polentas olim ac nobiles erant bujus indigenas regni, sed conjuratio clandestiua servos armavit in facinus. Atque ul barbaris esse omne jus in viribus adsuevit, vicerunt dominos ferocia pares, sed numéro prééminentes. Qui, confundente metu consilia, ad Viclohalos discrètes longius confugerunt, obsequi defensoribus, ul in malis, optabile, quam servire suis mancipiis arbitrât! : quas déplorantes post impelratam veniam recepli in iidem, poscebanl prassidia liberati : eosque iniquilale ici permoreçus

permoreçus nous en grâce, les Sarmates se plaignirent de la sujétion que le malheur leur avait fait accepter, et réclamèrent notre protection directe. L'empereur, touché de leurs peines, leur adressa en présence de toute l'armée de bienveillantes paroles , leur enjoignit de n'obéir qu'à lui seul et aux généraux romains; et, pour sanctionner leur réhabilitation comme peuple par un acte solennel, il leur donna pour roi Zizais. Celuici , dans la suite, se montra digne de son élévation et de l'insigne confiance que l'on avait mise en lui. Ainsi se termina cette série de transactions glorieuses. Mais nul des impétrants n'eut permission de se retirer avant le retour convenu de tous les prisonniers nos compatriotes.

On se porta ensuite sur Bregetium (1). Les Quades exerçaient dans ce canton un reste d'hostilité qu'on voulait éteindre dansle sang ou dans les larmes. A la vue de notre armée , déjà parvenue au coeur du pays, et dont le pied foulait leur sol natal, Vitrodore, fils du roi Viduaire, et Agilimunde, son vassal, accompagnés des chefs ou juges de diverses tribus, vinrent se prosterner devant nos soldats, et jurèrent sur î'épée nue, seule divinité reconnue par ce peuple, de nous garder fidélité.

XIII. Ce n'était pas tout des brillants résultats qu'on venait d'obtenir : les raisons d'utilité et de morale exigeaient encore que l'on marchât sans perdre de temps contre les Limigantes, les esclaves révoltés des Sarmates, et qu'il fût fait justice de tous les griefs qui s'élevaient contre eux. Ceux-ci eu effet, laissant dormir leur vieilleque(i)

vieilleque(i) Szoeni, près de Cormorn.

tus, inspectante omni exercitu, convocatos adloquutus verbis mollioribus lmperator, nulli nisi sibi ducibusque Romanis parère prascepit. Atque ut restitatio libertatis haberet dignitatis augmentum, Zizaim rêgem iisdem praefecit, conspicuas forlunas lum insignibus aptum profecto, ut res docuit, et fidelem : nec discedere quisquam post hase gloriose geste permissus esl, antequara ut placuerat remearent nostri captivi. His in barbarico gestis, Bregetionem castra commota sunt : ut etiam ibi belii Quadorum reliquias, circa illos agilantium tractus, lacrymas vel sanguis exslingueret. Quorum regalis Yitrodorus Viduarii lilius régis, et Agilimundus subregulus, aliique optimales, et judices variis populis prassidentes, viso exercitu in gremio regni solique genitalis, sub gressibus jacuere militera , et adepti veniam jussa fecerunt : sobolemque suam obsidatus pignore, ut obsequuturi conditionibus impositis, tradiderunt : educlisque mudonibus, quos pro numinibus cotent, juravere se permansurosin fide.

XIII. His (ut narratum esl ) secundo fraitis évente, ad Limigantes Sarmatas servos ocios signa transferri utilitas publica flagitabat, ' quos erat admodum nefas, impune multa et nefaria perpétrasse. Nam velut obliti priprum, tune erumpenlihus liberis, ipsi quoque tempus aptissimum nacii, limitera perrupere Romanum, ad hanc solam fraudem dominis suis hoslibusque concordes. Deliberalum est tamen id quoque lenius vindicari, quam criminum


LIVRE XV11- s?

relie, s'étaient empressés, au moment où leurs ci-devant maîtres envahissaient notre territoire, d'en faire autant de leur côté. En un point seulement l'intelligence subsistait entre eux; c'était pour la violation de nos frontières. Le châtiment qu'on se proposait de leur infliger était toutefois peu proportionné à la grandeur des offenses; car il ne s'agissait que de les dépayser, en les-transportant à distance suffisante po.ur les mettre hors d'état de nous nuire. Avertis par la conscience de leurs crimes, ils sentaient que la guerre allait, après une longue impunité, retomber sur eux de tout son poids. Ils se disposèrent donc à conjurer l'orage, en mettant en oeuvre, suivant le cas, ruse, force ou prière. Mais à la première vue de l'armée ils furent comme frappés de la foudre. Croyant leur dernier moment venu, ils demandèrent la vie, offrant un tribut annuel en argent et en hommes . valides, et enfin leur soumission entière. Mais leur parti était pris de refuser l'émigration, et l'on pouvait lire dans leur attitude et sur leur physionomie leur confiance entière dans les défenses naturelles du sol qu'ils avaient conquis par l'expulsion de leurs maîtres. Le rapide Parthisque (i), en effet, borde d'un côté les Limigantes, et, courant obliquement se jeter dans le Danube, forme du pays une espèce d'enclave allongée et terminée en pointe, que protège contre les Romains le fleuve principal, et qui oppose dans son affluent une forte barrière aux incursions des t>arbares. Le sol de cette péninsule, fréquemment détrempé par les débordements des deux rivières, est humide, marécageux, et il faut une parfaite connaissance des localités pour se guider sûrement au travers des forêts de saules

(i) La Teisse.

niagnitudo poscebat, hactenus ultione porrecta, ut ad longinqua translati amitterent copiani nostra vexandi : quos pericula formidare monebal scelerum conscienlia diutiùs coinmissorum. Ideoque in se pugnas molem suspicati verlendam, dolos parabant, etferrum, et pièces. Verum adspectu primo exercitus lamqUam fulminis iclu perculsi, ultimaque cogitantes, vitam precali, tributum anmium, delectumque validas juventutis, et serviliumspopondeftint : abnuere parati, si juberentur aliorsum migrare, ut gestibus indicabant et vultibus, locorum confisi prassidio, ubi lares post exactos dominos fixere securi. Has enim terras Parlhiscus irruens obliquatis meatibus Istro miscetur. Sed dum solus licentius fluit, spatia longa et lata sensim praslerlabens, et ea coartans prope exitum in anguslias, accolas ab impetu Roinanorum alveo Dauubii défendit, a barharicis vero excursibus suo tutos prasstat obstaculo : ubi pleraque humidioris soli natura et increnientis fluminum redundantia, slagnosa etrefertasalicibus, ideoque invia nisi perquam gnaris : et super his insularem anfractum aditu Parthisci pasne conliguum amnis potior ambiens, terras consortio separavit. Hortante igitur principe, cum genuino faste ad citeriorcm venere fluminis

dont elle est couverte. Une île, détachée de ce continent par la violence des eaux du Danube, y fait annexe un peu au-dessus du confluent.

Les Limigantes, sur l'appel de Constance, passèrent fièrement de uotre côté du fleuve. Comme la suite le fit voir, ce n'était pas chez eux un acte de déférence ; ils tenaient à montrer que l'aspect de notre force militaire ne leur imposait point. Ils nous bravaient par leur contenance, et semblaient exprimer qu'ils n'avaient voulu que refuser de plus près. Constance pressentit ce qui pouvait arriver. Il divisa l'armée en plusieurs corps ; et pendantqueles barbares avançaientd'unaird'audace, il les fit envelopper avant qu'ils s'en fussent aperçus. Placé lui-même, avec une suite peu nombreuse, sur un tertre d'ailleurs bien entouré de sa garde, il tenta de les engager, par de douces paroles, à se montrer moins récalcitrants. Ceux-ci se consultaient, et semblaient flotter entre divers partis. Mais tout à coup, cachant la violence sous la ruse, et pensant qu'un simulacre d'humilité serait un moyen avantageux d'en venir aux mains, ils jettent au loin devant eux leurs boucliers,: puis s'avancent insensiblement pour les reprendre, espérant ainsi gagner du terrain vers nous sans qu'il y parût.

Cependant le temps marchait, et le jour déjà baissant conseillait de couper court à cette indécision. On lève les enseignes, et nos soldats abordent l'ennemi avec la fureur d'un incendie. De leur côté, les Limigantes serrent leurs rangs, et se précipitent en masse compacte vers le tertre où j'ai déjà dit que se tenait l'empereur, le menaçant du geste et de la voix. L'indignation de l'armée éclate à cet excès d'audace : en un clin . d'oeil elle adopte l'ordre de bataille triangulaire appelé, dans l'argot des soldats, tête de porc,.

ripam, utexitus docuit, non jussa facturi, sed ne viderentur militis prassentiam formidasse : stabantque contumaciter, ideoque propinquasse monstrantes, ut jubenda. répudiaient. Quas lmperator accidere posse conlemplans, in agminaplurima clam distributo exercitu, celeritate volucri migrantes intra suorum acies clausit. Stausque in aggere celsiore ciim paucis, et stipaloruni prassidio tectus, eus, ne ferocirent, lenius admonebat. Sed fluctuantes ambiguitate mentium, in diversa rapiebaiitur, et furori niista versutia lentabant cum precibus proslium : vicinumque sibi in nostros parantes excursum, projecere consulte lougius scuta, ut ad ea recuperanda sensim progressi, sine ullo fraudis indicio spatia furarenlur.

Jamque vergente in vesperum die,, cum moras rampère lux moneret excedens, ereclis vexillis, in eos igneo miles impetu ferebatur : qui conferti, acieque densiore contracta, adyersus ipsum principem stanlem (ut dictera est) altius, omnem impetoni contnlerant, eum oculis incessentes et vocibus Iruculenlis. Cujus furoris ameutiam exercitus ira ferre non potuit, eosque lmperatori, ut dictum est, acriter imminentes, desinente in aiigustum fronte, quem habitera eaput porci simplicilas mililaiis


83 AMMIEN MARCELLIN.

fond sur l'ennemi, et le culbute. A la droite notre infanterie fait un grand carnage de leurs gens de pied, tandis qu'à la gauche nos escadrons enfoncent leur cavalerie. La cohorte prétorienne préposée à la garde du prince avait d'abord vaillamment soutenu l'attaque ; elle n'eut bientôt plus qu'à prendre à dos les fuyards. Les barbares montraient même en succombant un acharnement invincible, et leurs cris de rage disaient assez que le plus pénible pour eux n'était pas de mourir, mais de voir la joie de leurs vainqueurs. Outre les morts, le champ de bataille était jonché de malheureux à qui leurs jarrets coupés étaient le pouvoir de fuir, ou qui avaient perdu quelque membre, ou qui, épargnés par le fer, étouffaient , renversés sous des monceaux de cadavres. Tous souffraient en silence. Nul, parmi tous eeux qui enduraient l'un de ces genres de torture, ne demanda quartier, ne rendit les armes, n'implora même le bienfait d'une mort plus prompte. Serrant encore le fer de leur main mourante, ils trouvaient moins de honte à succomber qu'à se déclarer vaincus. Le sort, murmuraient-ils, et non la bravoure, avait décidé de tout. Le massacre de tant d'ennemis prit à peine une demi-heure. On ne s'aperçut que par la victoire qu'il y avait eu combat.

Immédiatement après cette vigoureuse exécution sur la population armée, les familles de ceux qui avaient péri furent tirées hors des cabanes, sans distinction d'âge ni de sexe. Ce n'était plus l'orgueil superbe d'autrefois, on descendait alors aux soumissions les plus humiliantes.' En un instant on ne vit plus que monceaux de cadavres et bandes de captifs. L'ardeur de combatadpellat,

combatadpellat, disjecit ardenti : et dextra pediles catervas pedilum obtruncabant; équités lasVa equilum se lurmis agilihus infuderunl. Cohors prastoria ex adverso Auëuslum cautius stipans, resislentium pectora, nioxque îerga fugienlium incidebat;el cadentes insuperabili contumacia barbari, non tam mortem dolere, quam nostrorum lastiliam horrendo stridore monstrabant : et jacentes, absque mortuis, plurimi succisis poplitibus, ideoque adempto fugiendi subsidio; alii dextris amputalis; nonnulli ferro quidem intacli, sed superruenlium collisi ponderibus, cruciatus alto silentio perferebanl. Nec eorum quisquam inter diversa supplicia veniam petiil, aul fernim projeeit, aut exoravil celerem mortem : sed arma jugiter l'Clinentes, licet adilicli, minus criminis asslimabant, alienis viribus polius, quam conscientias suas judicio vinci : mussantesque audiebanlur interdum, forlunas non ineriti fuisse, quod evenit. Ita in seinihoras curriculo discrimine proeliorum eraenso lot procubuere subite barbari, ut pugnam fuisse sola Victoria declararel.

Vix dum populis boslilibus stratis, gregatim peremplorum nccessitudines ducebanlur humilibus extradas lugni'iis, astatis sexusque promiscui : et faslu vilas prioris abolito, ad infimilalém obscquiorum venere servilium : et exiguo lemporis inlervallo decurso, cassorum aggeres, et caplivorum agmina cernebantur. Incitante ilaque tertre

tertre l'avidité du butin se réveillent alors dans la troupe ; elle veut exterminer tout ce qui avait fui du champ de bataille, ou s'était tenu caché au fond des chaumières. Altéré du sang des barbares, le soldat court aux habitations, renverse leurs toits fragiles, et massacre tout ce qu'il y rencontre. Nul ne trouva d'abri dans sa maison, si solidement qu'elle fût construite. Pour en finir on eut recours au feu, et tout refuge devint impossible. Alors il n'y eut plus que le choix de se laisser brûler ou de périr par le fer ennemi, en fuyant ce genre de supplice. Quelques-uns cependant, échappés au glaive et aux flammes, se jetèrent dans le fleuve voisin, comptant sur leur adresse à nager pour gagner l'autre rive. Ils se noyèrent pour la plupart, et nos traits en atteignirent oa grand nombre. L'eau du vaste fleuve fut bientôt rouge du sang de ce peuple, que deux éléments semblaient conspirer à détruire avec le fer des vainqueurs.

On ne s'en tint pas encore là. Pour ôter aux barbares jusqu'à l'espérance d'avoir la vie sauve après l'incendie de leurs démeures et l'enlèvement de leurs familles, on rassembla tout ce qu'ils possédaient de barques, pour aller à la recherche de ceux que le fleuve séparait de nous. Conduite avec mystère, une troupe de vélîtes y prit place, et pénétra par ce moyen dans les retraites des Sarmates. Ceux-ci, à la forme connue des embarcations, mues par des rameurs de leur pays, crurent d'abord n'avoir affaire qu'à des compatriotes ; mais le fer des javelots, qui brillait de loin, leur révéla l'approche de ce qu'ils redoutaient le plus. Ils s'enfuirent dans leurs marais, où ils furent suivis par nos soldats, qui en tuèrent

vore cerlaininum fructuque vincendi, consurrectum est in peiniciem eorum, qui deseruere proslia, vel in luguriis latitanles occultabantur. Hos, cum ad loca venisset avidus barbarici sanguinis miles, disjectis culmis levibus oblruncabal : nec quemquam casa vel Irabibus compacta firmissimis periculo morlis exlraxit. Denique, cura inflammarenlur omnia, nullusque lalere jam posset, cunclis vitas prassidiis circumeisis, aulobstinale igni peribat absumptus, aul incendium vilans egressusque, uno supplicio dcclinalo, ferro sternebatur lioslili. Fugientes tamen aliqui tela incendiorumque magnitudinem, aurais .vicini se commisere gurgilibus, peritia nandi ripas ulleriores occupare posse speranles : quorum plerique submersi necali sunt, alii jaculis periere confixi : adeo ut abunde cruore difiuso meatus (luminis spumaret immensi : ita per elementum ulrumqne Sarmalas vincÈntium ira virtusque delevit.

Placuerat igilur post hune rerum ordinem cunclis adimi spem omiiein vitasque solatium : el post lares incensos raptasque farailias, navigia jussa sunt colligi, ad indagandos, quos a nostrorum acie ulterior discreverat ripa. Stalimque, ne alacritas intepesceret pugnatoruni, irapositi liiiliibiis per abdita ducti velites expediti, occuparunt latibula Sarniatarum : quos repentinus fefellit adspectus, genliles lembos et nota remigia conspicantes. Ubi vero pi'ocul micantibus telis, quod verebantur, propinquare


LIVRE XVII. 8»

on grand nombre, et, dans cette occasion, surent combattre et vaincre sur un sol où il semblait qu'on ne pût pas même tenir pied. Les Amicences (c'était le nom de cette tribu ) totalement détruits Ou dispersés, on marcha sans délai contre les Picences, ainsi nommés de la contrée qu'ils avoisinent. Ceux-ci n'ignoraient pas le désastre de leurs compatriotes, mais la nouvelle n'avait fait qu'augmenter leur sécurité. Cette peuplade était dispersée sur un vaste territoire, où il nous eût été difficile de l'aller chercher, dans l'ignorance où nous étions des routes. On emprunta donc pour la dompter le secours des Taifales et des Sarmates libres. Le plan d'opération fut réglé d'après les positions respectives, nos troupes attaquant l'ennemi par la Mésie, et nos alliés occupant chacun la partie de la contrée qui lui faisait face.

Los Limigantes, tout consternés qu'ils étaient des terribles leçons données à leurs compatriotes, se demandaient encore s'ils devaient recourir aux armes ou à la prière. Ils avaient tout lieu cependant, après ce qui s'était passé, de savoir à quoi s'en tenirsur l'alternative. Enfin, dans un conseil des vieillards, la résolution de se rendre prévalut, età la gloire des triomphes précédents vint s'ajouter lasoumission d'ennemis qui devaient la liberté à leur courage. Le peu qui en restait, dédaignant de se rendre à d'anciens maîtres qu 'ils regardaient . comme au-dessous d'eux, vinrent en suppliants courber le front devant des hommes qu'ils reconnaissaient pour leurs supérieurs. Presque tous, avec notre foi pour garant, quittèrent l'asile inexpugnable de leurs montagnes, et se rendirent au camp romain, d'où ils furent dispersés

senserunt, ad suffugia locorum palustrium se contulerunt : eosque sequutus infeslius miles, cassis plurimis ibi victoriam reperit, ubi nec caute posse consislere, nec aude're aliquid credebatur. Post absumptos pasne diffusosque Amicenses, pefili sunl sinemora Picenses, ita ex regionibus adpellali conterminis : quos tutiores fecere sociorum asruninas, rumoruni adsiduitate comperlas. Ad quos opprimendos" (erat enim arduum sequi per diversa conspersos, imprudenlia viarum arcente) Taifalorum auxilium , et libciorum adasque Sarmatarum adsumptum est. Clinique auxihorum agmina locorum ratio separaret, tractus contiguos Moesias sibi miles elegit; Taifali proxima suis sedibùs oblinebant; liberi terras occupaverant e regione sibi oppositas.

Limigantes lerriti recentibus subactorum exemplis et pioslratorum, diu liassitabant ambiguis mentibus, utrum oppelerent an rogarent, cum utriusque rei suppeterenl documenta non levia. Vieil tamen ad ultimum caste seniorum urgente, dedendi se consilium : variasque palmas vicloriarum accessit eorum quoque supplicatio, qui armis liberlalcni invaserant : et reliqui eorum cum precibus, ulsuperalos et imbelles dominos adspernati, forlioribus visis inclinavere cervices. Accepta itaque publica Cde, et deseilo montium propugnaculo, ad castra Romana conau

conau dans une vaste contrée, emmenant avec eux leurs vieillards, leurs femmes, leurs enfants, et le peu de ce qu'ils possédaient, dont un départ si précipité leur permit le transport. Ces mêmes hommes, qui semblaient ne devoir abandonner leur pays qu'avec la vie, au temps où ils appelaient liberté ce qui n'était qu'une démence effrénée , se résignaient ainsi à obéir, et acceptaient un établissement paisible, assurés désormais contre les maux de la guerre et ceux de l'émigration. Ils vécurentquelque temps en paix dans cette condition, qui les satisfaisait en apparence ; mais leur férocité naturelle, prenant bientôt le dessus, les poussa, pardes forfaits nouveaux,à mériter enfin leur destruction entière.

L'empereur couronna cette série de succès en donnant à l'Illyrie un double gage de sécurité. L'idée lui en appartenait, et il eut l'honneur de l'accomplir. Ce fut la rentrée en possession de son pays d'un peuple d'exilés, dont le caractère mobile pouvait à la vérité inspirer quelques craintes, mais dont il était en droit d'attendre plus de circonspection à l'avenir. Et, pour rehausser encore ce bienfait, il lui donna pour roi, non pas un inconnu, mais l'homme de son choix, un prince du sang royal, non moins remarquable par ses avantages extérieurs que par les qualités de son esprit. Cette conduite, aussi pleine d'adresse que de bonheur, releva le caractère de Constance aux yeux de l'armée, qui d'une voix unanime lui décerna pour la seconde fois le titre de Sarmatique, du-nom des peuples qu'il avait subjugués. Le prince, au moment de son départ, fit assembler les cohortes, les centuries et les manipules ; puis, montant sur son tribunal, entouré

volavit eorum pars major, diffusa per spatia ampla caniporum, cum pareptibns, et nalis, atque conjugibus, opumque vilitate, quam eis celeritatis ratio furari permisit. Et, qui animas amiltere polius, quam cogi solum vertere pulabantur, dum licentem amentiam libertaleni existimarent, parère imperiis, et sedes alias suscipere sunt adsensi Iranquillas et fidas ; ut nec bellis vexari, nec mutari seditionibus possint. lisdemque ex senlentia, ut credebatur, acceptis, quievere paullisper, post feritate naliva iii exitiale scelus erecti, ut congruo docebitur texte.

Hoc rerum prospero currente successu, tutela lllyrico competens gemina estralione firmala : cujus negolii duplicem magnitudinem Iniperalor adgressus, utramque perfecit. Exsuies populos, licet mohilitale suspectes, acturos tamen paullo verecundius, landem reductos in avilis sedibus collocavit. lisdemque ad gralias cumuluni, non iguobilem quempiam regem, sed quem ipsi antea sibi prasfecere, régalera imposuit, boni animi corporisque prasslantem. Tali texte recle faclorum, Conslantius jam meluentesublimior, militariqueconsensu secundo Sarmalicus adpellalus ex vocabulo subactorum, jamque discessurus, convocalîs cohorlibus, et centuriis, et manipulisomnibus, tribunal insistens, signisque ambitus et aquilis, el agmine multiplicium polestatuni, his exercitum adloculus est,


90 AMMIEN MARCELLIN.

des principaux chefs de l'armée, il lui adressa ces paroles, bien faites pour produire sur elle une favorable impression :

« Fidèles soutiens de la puissance romaine, les « souvenirs de gloire, je le sais, sont pour les cpsurs « courageux la plus douce des jouissances. Je veux « donc, puisque la protection d'en haut nous a « donné la victoire, passer en revue devant vous, «sans que la modestie en soit blessée, ce que « chacun de nous a fait avant la bataille et pen« dant la chaleur de l'action. Quoi de plus légi« time, en effet, de moins suspect aux yeux de la « postérité, que ce loyal témoignage que se ren« dent à eux-mêmes, après le succès, et le soldat « de sa bravoure, et le chef de sa bonne direction? « L'ennemi déchaîné désolait l'IUyrie, et, dans « sa jactance effrénée, insultant à notre absence, « commandée par le salut de l'Italie et de la « Gaule, il étendait bientôt ses ravages jusqu'au « delà de nos frontières. S'abandonnant sur des « troncs d'arbres creusés, il franchissait ainsi les « fleuves, ou les passait à gué. Mal armé, sans « force réelle, et incapable de lutter contre une « troupe régulière, il s'était fait craindre de tout <> temps par l'audace de ses brigandages im« prévus, et son adresse singulière à se rendre i insaisissable. Trop éloignés du théâtre du mal, « nous avons dû longtemps nous en reposer sur « nos généraux du soin d'en réprimer l'excès; « mais il s'est accru par l'impunité jusqu'à deve« nir une sorte de dévastation organisée de nos « provinces. C'est alors qu'après avoir fortifié les « avenues de la Rhétie, pourvu d'une manière « efficace à la sûreté des provinces de la Gaule, « tranquilles désormais sur nos derrières, nous « sommes venus, avec l'aide de Dieu, rétablir

oie omnium favorabilis, ut solebat : Horlalur recordàtio rerum gloriose geslarum, omni jucundilale virisfortibus gralior, admodum verecunde replicare, quoe divinilus delala sorte vincendi, el ante proelia, et in ipso correximus fervore pugnarum, Romanoe reïftdissimi defensores. Quid enim tant pulcrum, tamque poslerilalis memorioe juslarationemandandum, quant ut miles slrennue faclis, duclor prudenter consultis exsultel P Persullabat Illyricum furor hoslilis, absentiatn noslram inanilale tumenli despiciens, dum Halos tueremur el Gallos : variisque discursibus vaslabal extima limilum : nunc cavalis roboribus, aliquoties peragrans pedibusflumina, non congrcssibus, nec armis fretus aul viribus, sed lalrociniis adsueius oecullis, astu et ludifwandi varietalc jam inde ab inslitula génie nostris quoque majoribus formidalus : quoe longius disparaît, quaferri paieront, lulimus, leviores jacluras cfflcacia ducum vetari posse sperantcs. Ubi vero per licenliam scandens in majus, ad funeslas provinciarum clades erepsit et crebras : communias adilibusRoethicis, lulelaquepervigili Galliarum securitate fundata, terrorc nullo relicto post terga, venimus in Pannonias, ulplacuit numinisempilerno, labenlia ftrmaturi : cunclisque piaralis, ul

« l'ordre dans les Pannonies. Tout était prêt, vous « le savez, dès avant la fin du printemps, pour « aborder de front les difficultés d'une telle cam« pagne. Et d'abord il a fallu protéger contre « un orage de traits la construction des ponts qui « nous étaient nécessaires. Cet obstacle est bien« tôt vaincu, et déjà nous foulons du pied le sol « ennemi. Une partie des Sarmates s'obstine à « combattre ; il nous en a peu coûté pour lui faire « mordre la poussière. Les Quades, qui prétendent « les secourir, viennent avec la même fureur fon« dre sur nos braves légions, et sont pareillement « écrasés. Enfin, des pertes énormes essuyées, « soit en fuyant devant nos coups, soit en s'ef« forçant de nous faire tête, leur ont donné la « mesure de la valeur romaine. Ils ont compris Ï que pour eux l'unique voie de salut était la « prière. Ils ont mis bas les armes, offert aux « liens de l'esclavage ces mains qui avaient tenu « le fer, et sont venus se jeter aux pieds de vo« tre empereur, implorant la clémence de celui « dont ils avaient éprouvé la fortune dans les bail tailles. Débarrassés de ces ennemis, nous avons « abattu non moins glorieusement les Limigan« tes. Un grand nombre de leurs guerriers est « tombé sous nos coups ; le reste a cherché contre « la mort un refuge dans ses marécages. Notre « triomphe était complet : c'était le tour de la « clémence. Les Limigantes ont été forcés d'é« migrer assez loin pour ne pouvoir désormais rien « entreprendre contre nous. A cette condition, « nous avons fait grâce au plus grand nombre. « Zizais, un allié fidèle et dévoué, va régner sur « les Sarmates libres. Ils auront un roi de notre « main; c'est mieux que de leur en ôter un ; et, « ce qui ajoute à l'éclat de son avènement, c'est

noslis,vere adulto egressi, arripuimus negotiorum maximas moles : primum, ne slruendo lextis cornpagibusponti tclorum officeret ntultiludo : quo opéra levi perfeclo, visis terris Iwslilibus et calcalis, obslinatis ad mortem animis conatos resistere Sarmalas absque nostrorum dispendio stravimus : parique pelulantia ruentes in agmina nobiliwn legionwn Quados, Sarmatis adjumenla ferentes, attrivimus. Qui post oerumnosa dispendia inler discursus et repugnandi minaces anhelitus, quid nostra valeai virtus, experti, manus ad dimicandum paratas, armortun abjecto munimine, pone terga vinxerunl : restareque solam salulem contemplantes in precibus, adfusi sunt vesligiis Augusti démentis, cujus proelia soepe compererant exilus habuisse felices. His sequestratis, Limigantes quoque forlitudine superavimus pari : interfeclisquepluribus,alios 2>ericuli declinatio adegil suffugia peter e lalebrarum' paluslrium. Hisque secundo ftniiis evenlu, lenitatis lempus adcrat tempestivoe. Limigantes ad loca miqrare compulimus longe discrela, ne in perniciem nostrorum se commovm passent ullerius : et pepercimus plurimis; et Zisaim proefecimus liberis, dicalum nobis fulurum etfidum, plus oeslimanles creare, quant auferre barbaris re-


LIVRE XVII.

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« qu'il est l'homme du choix de ses peuples, le i chef qu'eux-mêmes ils avaient élu. Cette seule « campagne aura produit quatre résultats heu« reux, pouf vous, pour moi, et pour la chose « publique. Justice a été faite des plus dangereux « de tous les brigands ; voilà pour l'État. Une « multitude de captifs vous est échue en partage; « et pour des braves c'est déjà beaucoup de la ré« compense conquise par leurs sueurs et par leurs « exploits. Mais il me reste encore dans mon tré« sor d'amples moyens de m'acquitter envers « vous. Quant à moi, j'ai réussi, par mes veilles « et mes efforts, à assurer à tous mes sujets l'intéii grité de leur patrimoine. C'est où tendent tous « les voeux, où se résume toute l'ambition « d'un bon prince. Enfin j'ai personnellement « reçu ma part des dépouilles, dans cette glo« rieuse réitération du nom de Sarmatique, que « vous m'avez unanimement, et, j'ose le dire, « justement décerné. »

Des acclamations extraordinaires accueillirent la fin de ce discours; et le soldat, dont l'enthousiasme s'enflammait par la promesse de récompenses ultérieures, regagna ses tentes en prenant, suivant la formule consacrée, le ciel à témoin que

gem : hoc décore augenie sollemnilatem, quod iisdem guoquc rector tribulus, anlehac eleetus est etacceptus. Quadruplex igitur proemium, quod unus proc'mclus absolvit, nos quoesivimus et res publica,primo ultione parla de grassatoribus noxtis; deinde, quod vobisabunde sufftcient ex hostibus caplivi. His enim virlulem oportet esse contentant, quoe sudore quoesivit el dexteris. Nobis amploefacultates, opumque sunt magni thesauri: intégra omnium patrimonia, noslri labores etfortiludo servarint. Hoc enim boni Principis menti, hoc successibus congruit prosperis. Postremo ego quoque liostilis vocabuli spolium proe me fera, secundi Sarmatici cognomen tum, quod vos unum idemque senlientes, (mihi ne sit arrogans dicere) merilo tribuistis.

. Post hune dicendi finem, concio omnis alacrior solito, aucta spe potiorum et lucris, vocibus festis in laudes Imperatoris adsurgens, deumque ex usu testata, non posse Constanlium vinci, tentoria repetit lasta. Et reduclus ImConslance

ImConslance invincible. De retour au quartier impérial, le prince y prit deux jours de repos, et revint à Sirmium dans tout l'appareil d'une pompe triomphale. L'armée ensuite rentra dans ses cantonnements.

XIV. Dans le même temps les trois négociateurs envoyés au roi de Perse, Prosper, Spectate et Eustate, arrivaient à Ctésiphon, où ils trouvèrent ce monarque de retour. Ils remirent entre ses mains la lettre et les présents dont ils étaient porteurs, et, fidèles à leur mandat, proposèrent de prendre le statu quo pour base du traité, ne se relâchant sur aucun point de ce qu'exigeaient les intérêts et la dignité de l'empire, et insistant principalement sur ce qu'aucun changement ne fût apporté à l'état des choses à l'égard de l'Arménie et de la Mésopotamie. Après de longs efforts pour vaincre l'obstination du roi, et voyant qu'il s'opiniâtrait de plus en plus sur la cession préalable de ces deux provinces, ils revinrent sans rien avoir conclu. A cette mission succéda, sur les mêmes errements, celle du comte Lucilfien et de Procope, alors simple notaire, et qui depuis se vit entraîné, par la force des choses, à lever à son profit l'étendard de la révolte.

perator ad regiam, otioque bidui recréâtes, Sirmium cum pompa liiumphali regressus est, et mililares iranien destinâtes reniearunt sedes.

XIV. Hisce iisdem diebus Prosper, et Spectatus, atque Eustathius, legati ad Persas, ut supra docuimus, missi, Clesiphonta reversum regem adiere, litteras proferenles lmperatoris et munera : poscebantque rébus integris pacem, el mandatorum niemores nusquam ab utilitale Romanas rei majestateque discedebant, amicitias foedus sub bac lege firmari debere adseverantes, ne super turbando Armenias vel Mesopotamias slalu quidquam moveretur. Diu igitur ibi morati, cum obslinalissimum regem, nisi harum regionum dominio sibi adjudicato, obdurescentem ad suscipiendam cernèrent pacem, nego.tio redierunt infecte. Post quod, id ipsum conditionum robore pari impeIraturi, Lucillianus missus est cornes, et Procopius tune notarius, qui postea nodo quodam violentas necessitatis adstriclus, ad res consurrexit novas.


LIVRE XVIII.

SOMMAIRE DES CHAPITRES.

I. Bienfaits de la présence de Julien dans les Gaules. Il tient la main à ce que la justice y soit partout observée. II. Il répareles murs des forts sur le Rhin recouvrés sur l'ennemi, ravage une partie du pays des Allemands, et oblige cinq de leurs rois à demander la paix et à rendre leurs prisonniers. III. Barbation, général de l'infanterie, déoapiléavecsafemmepar l'ordre de Constance.IV. Saf. por, roi de Perse, se dispose à attaquer les Romains avec 1 tontes ses forces. V. Le protecteur Antonin passe avec sa ■ famille auprès deSapor, dont il confirme les dispositions déjà hoslilesaux Romains. VI. Ursicin,rappeléd'Orient, reçoit un contre-ordre en Thrace, et retourne en Mésopotamie. Il charge Ammien d'observer la marche des Perses. VII. Sapor, réuni au roi des Chionites et des JAlbains, fait irruption en Mésopotamie. Les Romains i mettent eux-mêmes le feu a leurs moissons, rappellent ! dans les villes la population des campagnes, et couvrent j de forts et de châteaux la rive citérieure de l'Euphrate. / VIII. Un détachement d'Illyriens, fort de sept cents I chevaux, se laisse surprendre par les Perses. Ursicin, I dans une rencontre avec un corps de Perses très-sui périeur , s'échappe d'un côté, Ammien d'un autre. I IX. Description d'Amide. Force de la garnison de cette j ville en.légions et en cavalerie. X. Deux forts romains se j rendent à Sapor.

(An 359 ap. J.-C. ) T. Une même année avait vu s'accomplir tous ces événements sur divers points de l'univers. Les splendeurs du consulat venaient d'ennoblir les noms d'Eusèbe et de son frère Hypace. La Gaule commençait à respirer, et Julien, libre un moment des soins de la guerre, reportait sa solLIBER

solLIBER

Julianus C. Gallorum commodis consulit, el unique ab omnibus jus servandum curât. C. I, Caslellorum ad Rbenum quas reeeperat moenia réparât : Rhenum transit, et hoslili Alamannia; parle vastata V Alamannorum reges ad pacem petendam el captivos reddendos compellit. II. Barbationi magistro peditum el uxori ejus cur capita abscissa sint jussu Constante A. III. Rex Persarum Sapor Romanos lotis viribus adgredi parât. IV. Anloninusproleclor cum suis omnibus ad Saporem transf ugit ; eumque in hélium Romanum sponte jam motum impellit. V. Ursicinus magisler militum ex Oriente evocatus, cum jam venisset in Thraciam, remilittur In Mesopolamiam : quo reversus, per Marcellinum Sapons adventem exp'orat. VI. Sapor cum Chiônilarum et Albanorum regibus Mesopolamiam inlrat. Romani suosipsi agros incendunt, agrestes | in oppida compellunt, ac cileriorem ripam Euphralis caslellis proesidiisque communiunt. VII. Seplingenli équités Illyriciani necopinantes a Persis conjiciuntur in fugam. Evadunt hinc Ursicinus, inde Marcellinus. VIII. Descriplio Amidas, et quoi lum ibi Icgiones ac tarmas in prassidio fuerint. IX. Sapor duo castella Romana in lidem recipil. X.

(A. C. 359.)

' I. Hase per orbis varias parles uno eodemque anno sunt gesta. Al in Galliis cum in meliore statu res essent, et Eusebium atque Hypalium fralres sublimarent vocabula

lieitude sur tout ce qui pouvait contribuer au bien-être des provinces. Veiller à l'égale répartition de l'impôt, prévenir tout abus de pouvoir, écarter des affaires cette classe de gens qui spécule sur les malheurs publics, ne souffrir chez les magistrats aucune déviation de la stricte équité , telle était l'occupation de tous ses instants. Ce qui aidait aux réformes dans cette dernière partie de l'administration, c'est que le prince siégeait lui-même comme juge, pour peu que les procès eussent d'importance par la gravité des cas ou le rang des personnes ; et jamais la justice n'eut de dispensateur plus intègre. Un exemple; entre mille, suffira pour établir son caractère sousce rapport. Numérius, ancien gouverneur de la Narbonnaise, avait à répondre devant lui à la charge de dilapidation, et, contre l'usage dans les causes criminelles, les débats étaient publics. Numérius se renferma dans la dénégation, et les preuves manquaient contre lui. Son adversaire Delphidius, homme passionné, voyant l'accusation désarmée, ne put s'empêcher de s'écrier : « Mais, illustre César, s'il suffit de nier, où seront « désormais les coupables? » à quoi Julien répliqua sans s'émouvoir : «S'il suffit d'accuser, où se« ront les innocents ? » Cetrait le peint commejuge. IL Julien méditait une expédition contre plusieurs bourgadesallemandes, dont les dispositions lui faisaientredouter quelque nouvelleet furieuse

consulum, Julianus contextis successibus clarus, apud: hiberna, sequeslralis intérim sollicitudinibus bellicis, haud minore cura provinciaruin fortunis multa conducentiadisponebat : diligenler observans, ne quemtributonmi sarcina prasgravaret, neve. potenlîa prassumeret aliéna, aul ii versarentur in medio, quorum pàtrimonia publicasclades augebant, vel judieum quisquam ab asquitale de- • viaret impune. Idque ea re levi labore correxit, quod ipse jurgia dirimens, ubi causarum cogebat magnitudo vel personarum, erat indeclinabilis justorum injùslorumque dislinclor. Et licet multa sint ejus laudanda in bujusmodi controversiis, unum tamen sufficiet poni ,-ad cujus simililudinera acta vel dicta sunt. Numerium Karbonensis paullo ante rectorem accusaluiiiut-fui-em,inusitato censorio vigore pro Iribunali palam admissis volentibus audiebal -. qui cum infitiatione defenderel objecta, nec possel inquoquam confutari; Delphidius orator acerrimus vehementer eum impugnans, documentorum iiiopiapercilus exclamavil: Ecquis,florenlissime Coesar, nocensèsse poterit usquam, si negare suffecerit.P contra quem Julianus prudenter motus ex lempore, Ecquis, ait, innocens esse poterit, si accusasse sufficiet P Et base quidem et bujus modi multa civilia.

-11- Egwssurus autem ad procinctum urgentem', cuni Alamannorum pagos aliquos esse repufaret hostiles, et ausuros îmmania, ni ipsi quoque ad caslerorum sterne


LIVRE XVIIÎ.

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agression, qu'il nepouvait prévenir qu'en se hâtant de faire un exemple : mais il fallait se presser d'agir. II cherchait dans son esprit un moyen de dérober sa marche aux ennemis, afin de les surprendre, et de fondre sur eux à la première occasion favorable. Voici à quoi il se décida, et l'événement fitvoircombien son plan étaithabile. D'abord il tint sa résolution secrète, et, sous prétexte d'une ambassade à Hortaire, l'un des rois en paix avec nous, et qui était voisin du pays où l'on remuait, il lui envoya Hariobaude, tribun sans commandement, d'une valeur et d'une fidélité éprouvée. De là cet officier, qui parlait bien la langue allemande, pouvait facilement s'approcher delà frontière, et surveiller les mouvements de l'ennemi. Hariobaude accepta résolument la mission.

De son côté, Julien, dès que la saison d'entrer «n campagne fut venue, rassembla ses troupes et se mit à leur tête. Il tenait beaucoup, avant que les hostilités ne fussent trop engagées, à reprendre et mettre en état de défense un certain nombre de villes, fortes, dont la destruction datait déjà de loin. Il avait aussi à rétablir ses magasins de subsistances qui avaient été incendiés, et où il se proposait de recueillir les envois de grains ordinaires de la Rretagne. Tout cela fut exécuté avec une célérité incroyable. Les magasins, construits en un clin d'oeil, regorgèrent aussitôt de vivres ; sept villes furent occupées, savoir,lechampd'Hercule(l), Quadriburgium (2), Tricésime (3), Novesium {4),Bonna (5), Antunnacum (6), et Bingion (7). Là, il fut rejoint à propos par Florence, préfet du prétoire, qui lui ame(1)

ame(1) — (2) Inconnue. — (31 Kellcn. — (4) Kuys. — (5) Bonn. ~(6) Anderuach. — (7) fiingeïi.

rcntur exempla -.'hasrebat anxius, qua vi, qua celeritate, cum primum ratio copiam tribuisset, rumore prascurso

. terras eorum invaderet repentinus. •

Seditque tandem multa et varia cogilanti, id lentare, quod utile .probavit éventas. Hariobaudem vacantem tribunum fidei fortiludinisque.notas, nullo conscio, lega. tionis specie ad Hortarium miserat regem jam paçatum, ut exinde facile ad collimitia progressus eorum, in quos erant arma protinus commovenda, scitari possit, quid molirentur, sermonis fiarbarici perquam gnarus. Quo

•fidenter ad hase patranda digre6SO , ipse anni tempore opportune, ad expeditionem undjque milite convocate profectus, id inter potissima mature duxit implendum, ut ante proeliorum fervorem civitates multo ante excisas introiret, receptasque communiret : horrea quinetiam exstrueretpro incensis,uhi condi posset annona, a Britannis sueta transferri..Et utrumque perfectum , etspe omnium citius. Nam et horrea veloci opère surrexerunt, alimentorumque in iisdem satias condita : et civitates occupât» suntseptem: Castra Herculis, Quadriburgium, Tricesimas, Novesium, Bonna, Antunnacum, et Bingip : uhilaslo quodam evenlu etiam Florentius prasfeclus adparuitsubite, partem militera ducens, et commeatuum perferens copiam sufficieiitem usibus longis.

naît un renfort et des vivres pour une longue campagne.

Restaità réédifier lès murailles des sept villes, opération essentielle, et qu'il était urgent d'achever pendant que rien encore n'y mettait obstacle. On put juger en cette occasion de l'ascendant qu'avait pris Julien par la crainte sur les barbares, et par l'amour sur ses soldats. Les rois aile- » mands, fidèles au pacte conclu l'année précédente, envoyèrent dans des chariots une partie des matériaux nécessaires aux constructions; et l'on vit même les soldats auxiliaires, si récalcitrants pour cette espèce de service, se prêter avec ardeur au désir de leur général, jusqu'à porter gaiementsurleursépaulesdessolivesde cinquante pieds et plus, et aider de tout leur pouvoir au travail des constructions. - ' -

L'oeuvre touchait à son terme, lorsque Hariobaude revint rendre compte de sa mission. Son arrivée fut le signal du départ. Toute l'armée se mit alors en marché pour Moguntiacum (1), où s'éleva une très-vive contestation ; Florence et Lupicin, qui avait succédé à Sévère, soutenant qu'il fallait jeter là un pont pour passer le fleuve ; et Julien s'y refusant avec une persistance inébranlable, par la raison que si on mettait une fois le pied sur le territoire des rois avec qui nous étions en paix, les habitudes dévastatrices du soldat entraîneraient indubitablement la rupture des traités.

Cependantlafraetion du peuple allemand contre qui l'expédition était dirigée, vOj~ant le péril s'approcher, enjoignit avec menaces au roi Suomaire, l'un de ceux compris dans le traité précédent, de nous empêcher de franchir le Rhin. Ses

(i) Mayence.

Post hase impetrata, restabat indigente necessitatum arliculo, receptarura urbium moeuia rëparari, nullo etiam tum interturbante : idque claris indiciis adparet, ea tem-- pestateutilitati publicas metu barbaros obedisse, reetpris amore Romanos. Reges ex-pacte Superioiis anni asdificiis habilia multa suis misère carpentis : et auxiliarii milites semper munia spernentes hujusmodi, ad obsequendi sedulitatem Juliani blanditiis dellexi, quinquagenarias Iongioresque materias vexere ceryieibus ingravate, et fabricandi ministeriis opem maximam contulerunt.

Quas dum diligenti malurantur effectu, Hariobaudes exploratis omnibus rediit, docuitque comperla. Post cujus àdvenlum incitatis viribus omnes vehere Mogontiacum : ubi Florentio et Lupicino, Sevèri successore, deslinate • cerlantibus per pontem illic conslitulum transiri debere ; renitebatur firmissime Cassar, adserens pacatorum terras non debere calcari, ne, ut saspe configit per incivilitatem mililis occurrentia vastantis, abrupte foedera frangerentur.

Alamanni lamen omnes, quos petebat exercitus, confine periculum cogitantes, Suomarium regem amicum nobis ex pactione prasterita monuerunt minaciter, ut a transite Romanos arceret. Ejus enim pagi Rheni ripis ulterioribiis adhasrebant. Quo testante,resistere solum non posse : in


94 AMMIEN MARCELLIN.

possessions, en effet, touchaient à l'autre rive. Celui-ci se déclarant hors d'état d'en venir à bout avec ses seules forces, une masse imposante de barbares se porta soudain sur ce point, résolue d'opposer les derniers efforts au passage de l'armée. On comprit a|ors que César avait eu doublement raison dans son refus, et que pour jeter le pont il fallait chercher l'endroit le plus favorable, là où l'on ne serait exposé ni à dévaster les terres d'un ami, ni à sacrifier une foule de vies dans une lutte désespérée avec une telle multitude.

Les barbares à l'autre bord suivaient d'un oeil attentif tous nos mouvements. Chaque fois qu'ils voyaient se déployer nos tentes, ils faisaient halte, et passaient la nuit sous les armes, dans l'attente inquiète d'une tentative de notre part pourforcer la barrière du fleuve. Arrivée enfin au point qu'on avait choisi, l'armée s'y reposa après s'être retranchée. César appela Lupicin au conseil, et donna aux tribuns dont il était le plus sûr l'ordre de tenir prêts trois cents hommes armés à la légère et munis de pieux, sans expliquer où il voulait les employer, ni à quel service. Vers le milieu de la nuit, il fit monter ce détachement dans quarante barques ( c'étaittout ce qu'on avait pu s'en procurer), avec l'ordre de descendre le fleuve dans le plus grand silence, sans même faire usage des rames, de peur que le bruit de l'eau battue n'attirât l'attention des barbares ; et de s'évertuer de corps et d'esprit pour réussir à gagner l'autre rive, tandis que l'ennemi n'aurait l'oeil que sur les feux que nous tenions allumés.

Au moment où ce coup de main se préparait, le roi Hortaire, qui, sans songer à rompre avec nous, conservait des relations de bon voisinage

unum coacta barbarica mullitudo venit prope Mogontiacum, prohibitura viribus magnis exercitum, ne transmitteret flumen. Gemina ilaque ralione visum est habile, quod suaserat Cassar, ne pacalorum terras corrumperentur, neve renitente p.ugnacissima plèbe, pons cum multorum discrimine jungeretur, iri in locuni ad compaginandum pontem aptissimum. Quod bostes sollertissime contemplali, per contrarias ripas leniter incedentes, ubi noslros figere tentoria procul cernebant, ipsi quoque noctes agebant exsomnes, custodientes pervigili studio ne transitas tentarelur- Verum cum noslri locum adventarcnt provisum, vallo fossaque quievere circumdati : et adscito Lupicino in consilium, Cassar certis imperavit tribunis, ut Irecenteuos pararent cum sudibus milites expedilos, quid agi, quove iri deberet, penitus ignorantes. Et oollecti nocte provecta, imposilique omnes, quos lusorias navesquadraginta,quastuncaderant solas, ceperiint, decurrere jubentur per (lumen adeotacili, ut etiam remi suspenderentur, ne barbaros sonitus excitaret undarum : atque mentis agilitate et corporum, dura bosles noslro'rum ignés observant, adversas perrumpere limilis ripas.

Dum hase celerantur, Horlarius rex nobis antea fasderatas, non novaturus quasdam, sed amicus fmitimis quoque suis, reges omnes, et regales, el regulosadconvivium corrogatos retinuit, epulis adusque vigiliam tertiam genavec

genavec compatriotes, avait engagé les rois allemands nos ennemis, avec leurs parents et leurs vassaux, àun dîner qui se prolongea, selon l'usage de ces peuples, jusqu'à la troisième veille de la nuit. Le hasard voulut qu'en se retirant ils fissent rencontre des nôtres. Aucun des convives ne fut tué ni pris, grâce à la vitesse de leurs chevaux , qu'ils lancèrent au hasard ; mais on fit main basse sur les esclaves et les valets, qui les suivaient à pied. Le peu qui s'échappa ne dut son salut qu'à l'obscurité.

Le fleuve était passé, et les Romains, comme dans les expéditions précédentes, se regardaient comme au bout de leurs peines, puisqu'on avait pu joindre l'ennemi ; mais cette diversion frappa de terreur les rois allemands et toute leur multitude, qui n'avaient eu qu'une idée en tête : empêcher qu'un pont ne fût jeté. Ce fut alors une dispersion générale ; et à cette furie indomptable succéda le plus vif empressement de chercher au loin sûreté pour soi, sa famille et ses biens. Le pont fut alors construit sans obstacles, et la population allemande vit, contre son attente, nos légions traverser, sans causer le moindre dommage, les possessions du roi Hortaire. Mais une fois qu'on eût touché le sol ennemi, tout fut mis à feu et à sang.

Enfin, après avoir égorgé une fouie d'habitants et incendié leurs frêles demeures, l'armée, qui ne rencontrait plus que des mourants ou des gens qui demandaient grâce, arriva au lieu appelé Capellalium ou Palas. Là se trouvent les bornes qui marquent la limite des territoires allemands et Rurgonde. On y campa, pour recevoir, dans une attitude moins hostile, la soumission de deux

• tili more extenlis : quos discedentes inde, casu nostri ex improviso adorli, nec interficere, nec corripere ullo génère potuerunt, lenebrarum equorumque adjumonlo, quo dubius impetus trusit abreptos : lixas vero vel servos, qui eos pedibus sequebanlur, nisi quos exemit disciimino temporis obscuritas, occiderunt.

Cognilo denique Romanorum transita, qui tune perque expeditiones prasteritas ibi levamen sumere laborum opinabantur, ubi hostem contingeret inveniri : perculsi reges eorumque populi, qui pontem, ne strueretur, studioservabant intenta, metu exborrescenles diffuse verluntur in pedes : et indomito furore sedalo, necessitudines opesque suas transferre longius festinabanl. Statinique difficullate omni depulsa', ponte conslrato, sollicitarum genlium opinione prasventa, visus in barbarico miles, per Hortarii régna transibat intacta. Ubi vero terras infestoriim etiam tum letigit regum, urens omnia rapiensque per médium rebellium solum grassabatur inlrepidus.

Postque saspimenta fragilium penalium infiammata, cl oblruncatam hominum mullitudinem, visosque cadentes mullos, aliosque supplicantes, cum venlum fuisset ad regionem cui Capellatii, vel Palas noraen est, ubï terminales lapides Alamannorum el Burgundiorum confiniadistiuguebanl, castra sunt posita : eapropler, utMacrianus et Hariobaudus germani fralres et reges, susciperenlur


LIVRE XVIII.

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frères, les rois Macrien et Hariobaudes, qui avaient senti venir l'orage, et s'étaient empressés de le conjurer.

Cet exemple fut immédiatement suivi par le roi Vadomaire, dont les possessions touchaient à Rauroque, et qui fit valoir une lettre très-vive de Constance en sa faveur. Il fut accueilli avec les égards dus à un prince dès longtemps adopté par l'empereur comme client du peuple romain. Macrien se voyait, ainsi que son frère, pour la première fois au milieu de nos aigles et de nos étendards; et, frappé d'étonuementpar la tenuede nos troupes et la splendide variété des armes, il s'empressa de demander grâce pour lés siens. Vadomaire, qui était notre voisin, et dès longtemps en relation avec nous, ne laissait pas d'admirer notre appareil militaire, mais en homme pour qui tout cet éclat n'était pas absolument nouveau. Après une longue délibération, on s'accorda enfin à concéder la paix à Macrien. Quant à Vadomaire, comme il avait encore mission, outre le soin de ses intérêts propres, de solliciter au nom des rois Urie, Ursicin et Velstrape, la réponse souffrait des difficultés. Les conventions ne lient guère les barbares. Un.traité conclu par intermédiaire aurait-il assez de force près de ceux-ci dès qu'ils ne seraient plus contenus par la présencedel'armée?Mais quand on eutbrûlé leurs moissons et leurs demeures, tué ou pris une partie de leur monde, ils s'empressèrent de-négocier par mandataires directs, et supplièrent du même ton que s'ils eussent eu à se reprocher lès ravages dont ils étaientles victimes. Cette contrition leur valut la paixauxmêmesconditions qu'aux autres. On leur imposa surtout la remise mmédiate de tous les prisonniers qu'ils avaient faits dans leurs excursions.

impavidi; qui propinquare sibi perniciëm senlientes, vénérant pacem anxiis animis precaluri. Post quos statim rex quoque Vadomarius venit, cujus erat domicilium contra Rauracos : scriptisque Conslantii principis, quibus c.ommendatus est artius, allegatis, Ieniter susceptus est, ut decebat, olim ab Auguste in clientelam rei Romanas susceptus., Et Macrianus quidem cum fràtre inter aquilas admissus et signa, stupcbat armoriim viriumque varium decus, visa tune primitus, proque suis orabat. Vadomarius vero noslris coalitus, utpole vicinus limili, mirabatur quidem adparatum ambitiosi procinclus, sed vidisse se talia saspe ab adulescentia meminerat prima. Libralis denique diu consiliis, concordi adsensionecunctorum, Macriano quidem et Hariobaudo pax esl allribula : Vadomario vero, qui suam localurus securitatem in luto, el legationis nomine precator venerat proUrio, etUrsicino, et Vestfalpo regibus, pacem itidem obsecrans, intérim responderi non poterat, ne.'ut sunt fluxions fidei barbari, post abitum recreati nostrorum, parum adquiescerent per alios impetratis. Sed cum ipsi quoque missis legatis post messes incensas et habitacula, captesque plures et interfectes, ita supplicarent, tamquani ipsi base deliquissentin nostros; pacem condilionum similitudine merucrunt. Inter quas id festinatum esl maxime, ut captivos

III. Tandis que la divine Providence rétablissait ainsi nos affaires dans les Gaules, une nouvelle tourmente politique allait s'élever au sein de la cour, et le plus frivole incident servait de prélude à des scènes de deuil et de larmes. Un essaim d'abeilles s'était montré dans la maison de Rarbation, général de l'infanterie. Celui-ci, tout inquiet de ce présage, consulta les adeptes en la science divinatoire. Ou lui répondit qu'il était à la veille de quelque grand événement. Ce pronostic est fondé sur l'usage d'enlever les abeilles du lieu où elles ont déposé le produit de leur industrie, soit en les enfumant, soit en faisant un grand bruit de cymbales. La femme de Rarbation, qui se nommait Assyria, était aussi indiscrète qu'imprudente. Son mari, que cette prédiction préoccupaitsingulièrement, étant absent pour une expédition, voilà que, dans son inquiétude de femme, elle s'avisa de lui adresser étourdiment une lettre larmoyante, où elle le conjurait, comme allant succéder à Constance ( dont elle tenait la mort pour très-prochaine ), de ne point lui préférer l'impératrice Eusébie, malgré la transcendante beauté de cette princesse. Assyria s'était servie à cet effet de la main d'une esclave trèshabile à écrire en chiffres, et qui lui était échue de la succession de Sylvain. La lettre fut expédiée avec tout le secret possible. Mais, au retour de l'expédition, l'esclave qui l'avait écrite sous la dictée de sa maîtresse s'évada une nuit, et fut recueillie avec empressement par Arbétion, à qpi elle en livra une copie. Celui-ci n'eut garde de manquer une si belle occasion d'exercer ses talents ; et, la pièce en main, il alla droit à l'empereur. On instruit l'affaire en courant, comme de coutume. Rarbation, qui ne put nier d'avoir reçu

restituèrent omnes, quos rapuerant excursibus crebrisIII. Hase dum in Galliis casleslis corrigitcura, inconiitatu Augusti turbonovaruni exoritur rerum, a priuiordiis levibus ad luctus et lamenta progressus, in dpmo Barbationis pedestris militias tune rectoris, examen apes fecere perspicuum. Superquehoc ei prodigiorum gnaros sollicite consulenti, disçrimen magnum portendi responsum est, conjectura ^videlicet tali, quod has volucres post composites sedes opesque congestas, fumo pelluntur et turbulente sonitu cymbalorum. Huic uxor erat Assyria nomine, nec tàciturna, nec prudëns : quas eo ad expedilionem protecto et multiplici metu suspenso, ob ea , quas meminerat sibi prasdicta, perculsa vanitate muliebri, ancilla adscila nolariim perita, quam e patrimonio Silvani possederat, ad maritum scripsit intempestive, velut liens oblestansque, ne post obitum Constante propinquaiitem in imperium ipse, ut sperabat, admissus, despecta se, anleponeret Eusebias matrimonium tune reginas, décore corporis inter mullas feminas excellente;. Quibus lilleris occulte, quantum fieri potuit, missis, ancilla, quas domina dictante perscripserat, reversis omnibus e procinctu, exemptera ferens ad Arbetionem noctis prima qniete confugit, avideque suscepla, chartulam prodidit. Hocque indicio ille confisus, ul erat ad ciiminanduni aptissimus, principi detulit : al-


g6 AMMIEN MARCELLIN.

la lettre, et sa femme convaincue par l'évidence de l'avoir écrite, eurent tous deux la tête trani chée. Leur mort toutefois ne mit pas fin aux procédures : une foule d'infortunés, innocents ou coupables, subirent la question. Au nombre des premiers figurait Valentin, qui venait de passer du grade d'officier des protecteurs à celui de tribun. Sous prétexte de complicité, il fut à plusieurs reprises appliqué à la torture, qu'il soutint jusqu'au bout, sans faire d'autre aveu que celui d'une ignorance complète de tout ce qui s'était passé. On lui accorda depuis, par forme de dédommagement, le titre de duc d'Ulyrie.

Rarbation était dur, arrogant, et généralement détesté pour l'hypocrisie avec laquelle il avait trahi Gallus, lorsqu'il servait sous lui comme chef des protecteurs. Ce service lui ayant valu un grade militaire plus élevé, son orgueil s'en était accru ; et ce fut contre Julien qu'alors il dirigea toutes ses manoeuvres, ne cessant de glisser, au grand scandale de tous les gens de bien , les propos lesplusmalveillantsdans l'oreille toujours ouverte de Constance. Il ignorait sans doute la recommandation très-sage faite autrefois par Aristote à Callisthène, son disciple et son parent, en l'envoyant près d'Alexandre, de ne parler que le moins possible, et de bien mesurer ses paroles devant l'homme qui pouvait d'un mot donner la vie ou la mort.

Pourquoi s'étonnerait-on de trouver dans l'intelligence humaine, faculté d'essence divine, le. discernement des choses bonnes et nuisibles, quand des animaux dépourvus de raison savent, dans l'intérêt de leur sûreté, se forcer eux-mêmes

que ex usri nec mora ulla negotio tributa nec quiète, Barbatio epistolam suscepisse confessus, et mulier scripsisse documente convicta non levi, cervicibus interiere prascisis. Hisce punilis, quasstiones longe serpebant, vexatique mulli nocentes sunt, et innocentes. Inter quos eliam Valenlinus ex primicerio protectorum tribunus, ut conscius inter complures alios tortus aliquoties supervixit, periitus, quid erat geslum, ignorans. Ideoque ad injurias periculique compensalionem, ducis in Illyrico meruit potestatem.

Erat autem idem Barbatio subagrestis arrogantisque propositi, ea re multis exosus, quod et, dum domeslicos protectores sub Gallo regeret Cassare, proditor erat et perfidus : et post ejus excessum nobilioris mililias faste elalus, in Julianum itidem Cassarem paria confingebat, crebroque, detestantibus bonis, sub Augusti patalis auribus multa garriebat et sasva. Ignorans profecto vêtus Aristotelis sapiens diclum, qui Callisthenem sectarorem et propinquum suum ad regem Alexandrum mittens, ei saspe mandabat, ut quam rarissime et jucunde apud hominem loqueretur, vilas postestatem et necis in acie linguas portantem. Ne sit hoc mirum, bomines profulura discernere nonnumquam etnocentia, quorum mentes cognâtes caslestibus arbitramur, animalia ratione carentia salutem suam interdum alto tueri silentio soient : ut exemptera est hoc perquam nolum. Linquentes Orientem anscres ob caau

caau ainsi qu'il est prouvé par ce fait d'histoire naturelle si connu? La chaleur oblige quelquefois les oies sauvages à émigrer d'Orient en Occident : quand leurs bandes sont sur le point de traverser la chaîne du mont Taurus, où les aiglesabondent ; afin qu'aucuncri ne s'en échappe, et ne trahisse leur arrivée près du repaire d'ennemis si redoutables, les oies se remplissent le bec de pierres, qu'elles laissent choir ensuite dès qu'elles ont pu d'un vol accéléré franchir ces hauteurs, et continuent ensuite leur voyage en toute sécurité.

IV. Pendant qu'à Sirmium on n'était occupé que d'informations judiciaires, la trompette sonnait l'heure des combats en Orient. Le roi de Perse, renforcé par les féroces nations dont il s'était assuré le concours , et brûlant d'étendre sa domination, ramassait de tous côtés des hommes, des armes et des vivres. Les mânes aussi furent évoqués, les devins interrogés ; et lorsque tout fut prêt, le monarque attendit le printemps pour mettre à exécution ses projets d'envahissement.

De vagues rumeurs d'abord, puis des détails trop certains /jetèrent dans les esprits une appréhension immense. Cependant la cabale du palais, gouvernée par les eunuques, ne cessait, comme on dit, de battre le fer; et Ursicin pour le crédule et pusillanime empereur était devenu en quelque sorte la tête de Méduse. « Vainqueur « de Sylvain, et aussitôt désigné pour défendre « l'Orient, comme si lui seul en eût été capable, « il rêvait une position plus haute encore. » Voilà ce que sans cesse on répétait au prince, sous

lorem, plagamque petentes occiduam, eum montem peiielrare cosperint Taurum aquilis abundantem; timentes forlissimas volucres, rostra lapillis occludunt, ne eis eliciat vel nécessitas extrema çlangorein : iisdemque collibus agiliore volatu transcursis proiiciunt calculps, atque ila securius pergunt.

IV. Dura apud Sirmium hase diligentia quasruntur impensa , Orientis fortuna periculorum tenïbiles tubas infiabat. Rex enim Persidis ferarum genlium, quas .plaçant, adjumentis accinctus, augendique regni cupiditate supra homines flagrans, arma viresque parabat et commeatus, consilia tartareis manibus miscens, et prassligiatores omnes consulens defuturis : hisque satis colleclis, pervadere euncla prima verni temperie cogitabat.

Et cum hase primo rumores, dein nuntii cerli perferrent, omnes suspensos adventanlium calamilalum complicaret magna formido, Coraitatensis fabrica eamdein inciidera ( ut dicilur) diu nocluque lundendo ad spadonum arbitrium, Imperatori suspicaci ac limido inlendebal Ursicinum, velut vultus Gorgonei torvitatem : base saspe talia.que'replicans, quod interemplo Silvano, quasi pasnuria meliorum ad tuendas partes Eoas denuo missus, alliusanhe' labat. Hac aulem adsentandi nimia fosdilale mercari complures nitebantur Eusebii favorem, cubiculi tune praspositi, apud quem (sivere dici debeat) rriulla Constantes potuit, anledicli magistri equitum salutem acriter impu-


LIVRE XVIIL

toutes les formes. Tout ce manège infâme n'avait d'autre but que de gagner les bonnes grâces du grand chambellan Eusèbe, dont on auraitpu dire sans exagération que c'était son maître qui avait du crédit près de lui. Ce dernier avait un double motif d'animosité contre le maître de la cavalerie. Seul entre tous, celui-ci n'avait jamais eu recours à lui. Ursicin, de plus, s'obstinait à ne pas vouloir sortir d'une maison qu'il avait à Antioche, et dont Eusèbe convoitait ardemment la Y possession. Comme une couleuvre gonflée de venin , dont les petits commencent à peine à ramper , et qui déjà leur enseigne à mordre, Eusèbe dressait les jeunes eunuques de la chambre à ■ profiter, pour ruiner petit à petit un homme de bien, des facilités de leur service intime, et des séductions de leur voix, restée douce et enfantine, sur l'oreille du prince. Ce genre de leçon ne les trouva que trop dociles.

On serait tenté, en présence de tels faits, de réhabiliter la mémoire de Domitien, qui, au milieu de la réprobation trop justement attachée à son règne, si différent de celui de son père et de son frère, emporte cependant l'honneur d'avoir rendu la plus utile des lois : celle qui défend sous / des peines très-sévères la castration des enfants ! dans toute l'étendue de l'empire romain. Où en serait-on de nos jours si cette espèce de monstres j] eût pullulé, quand, même dans son petit nomÀ, bre, elle trouve encore le moyen d'être un fléau ? T On voulut cependant user contre Ursicin de circonspection. On faisait entendre qu'un nouveau rappel lui inspirerait des craintes ; qu'il \ pourrait bien alors ne plus rien ménager. 11 va-r lait mieux attendre l'occasion de l'accabler à l'improviste. Tandis qu'on épiait ce moment avec

gnantis, ratione bifaiïa : quod omnium solus nec opis ejusegebat, utcasteri, et domo sua non cederel Anliochias, quam molestissime flagitabat. Qui ut coluber copia virus exuberans, natorum multiludinem etiam lum asgre serpentium excitans ad nocendum, emittebat cubicularios jam adultes : ut inter ministeria vitas sécrétions, gracilitale vocis semper puerilis et blandas, apud principis aures nimium palulas existimationem viri forlis invidia gravi pulsarent : et brevi jussa fecerunt. Horum et similium tasdio juvat velerem laudare Domitianu'm, qui licet palris fratrisque dissimilis memoriam nominis sui inexpiabili detestatione perfudit ; tamen receptissima inclaruit lege, qua minaciler interdixerat, ne intra lerminos jurisdictionis Romanas castraret quisquam puerum : quod ni contigisset, quis eorum ferret examina, quorum paucitas difficile loleratur? Actum est tamen caulius, ne, ut fingcbat, rursus accitus idem Ursicinus metu cuhcta turbaret, sed cum fors copiam detulisset, rapereluc ad mortem.

Heecopperientibus illis,etancipiti cogitatjpne_djsliictis, nobis apudSamosatam, Commàgeni gu<nSuiire|SMarissimani sedem, parumper] morantita^^îèpejife^prj motusrumoribus densis audiuntur/era'ns'ertis ; qiïosiïo.^ cebiloralionisprogrédiens lexlus/o /' _,.-. -,-1\!^

grande impatience, Ursicin et moi nous arrivions à Samosate, capitale célèbre autrefois du royaume de Comagène. Là, nous reçûmes coup sur coup avis d'événements dont je vais parler. V. Un nommé Ântoniu, qui de riche négociant était devenu intendant du duc de Mésopotamie, puis était entré dans le corps des protecteurs, s'était fait une grande réputation d'intelligence et de capacité;dans la province. Menacé, par d'injustes répétitions, delà perte d'un capital considérable, il tenta de plaider; mais il avait affaire à des hommes puissants, et les juges inclinant du côté du plus fort, son bon droit reçut échecs sur échecs. Loin de se roidir contre l'injustice, il prit le parti de plier et d'user d'adresse. Il se reconnut débiteur, et simula un abandon au fisc du montant de la somme exigée. Un sinistre projet de vengeance.germait dès lors dans sa tête. Il s'appliqua secrètement à pénétrer tous les ressorts de l'État et de l'administration. Familier avec les deux langues, ayant à sa disposition les comptes, il sut bientôt le nombre, la force, la distribution des corps de troupes, et la destination ultérieure de chacun en cas de guerre. Son investigation infatigable alla jusqu'à scruter la situation et les ressources de l'armement, des subsistances , et de tout ce qui compose le matériel de campagne. Il sut enfin le fort et le faible de notre état militaire d'Orient, et reconnut aussi que la présence prolongée de l'empereur en Illyrie concentrait sur ce point la majeure partie de nos troupes, et des fonds nécessaires à la solde. Dès lors, sentant approcher le terme de l'obligation que la contrainte et la peur lui avaient fait souscrire , et voyant sa catastrophe imminente, car il n'avait pas de grâce à attendre du grand trçsoV.

trçsoV. quidam ex mercatore opulente rationarius adparitor Mesopolamias ducis, tune protector, exercitatus et prudens, perque omnes illas notissimus terras, aviditate quorumdam nexus ingentibus damnis, cum jurgando contra potenles se magis magisque injustilia frangi contemplàretur, ad doferendam polioribus gratiam, qui spectabantnegotium, inclinalis : ne contra acumiha calcitràret, flexit se in blanditias molliores : confessusque débitera, per colludia in nonien fisci translatera, jamque ausurus immania, rimabatur tectius rei publicas membra totius : et utriusq'ue linguas lifteras sciens, circa rafiocinia versabatur, qui vel quarum virium milites ubi agant, vel procinctus tempore quos tuerentur, describens : itidem armorum et commeatuum copias, aliaque Usui bello fulura, an abunde suppetant, indefessa scitatione percontans. Et cum totius Orientis didicisset interna, virorum slipendiique parte maxima pér Illyricum distributa, ubi distinebatur ex negotiis seriis lmperator : adlapsuro jam prasstitulo die solvendas peeuhias, quam per syngrapham debere se confiteri vi metuque eompulsus est, cum omnibus se prospieeret undique periculis opprimèndum, largilionum Comité ad alterius gratiam infestais perurgenle; fugam ad Persas cum conjuge, liberis, et ouini vinculo

AMMIEN.

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9S AMMIEN MARCELLIN.

rier, qui voulait faire sa cour à la partie adverse, il prit ses mesures pour s'enfuir en Perse avec sa femme, ses enfants, et tout ce qu'il avait de plus précieux. Afin de donner plus aisément le change aux gardes frontières, il acheta dans J'Hiaspis un fonds de terre d'un prix modique, et riverain du Tigre. IIs'assuraitparlà,pour ses fréquents voyages à la frontière, un prétexte qui coupait court à toute question , car les autres propriétaires en faisaient autant. Il put aussi par l'entremise de serviteurs dont i| était sûr, et qui savaient nager, communiquer fréquemment avec Tamsapor, dont il était connu, et qui commandait sur toute la rive opposée. Effectivement, à la faveur d'une escorte de cavaliers quecelui-ci lui envoya de son camp, Antonin s'embarqua avep sa famille, et passa sur l'autre bord, renouvelant en sens contraire le traif de ce Zopyre qui jadis avait livré Rabylone à Cyrus.

Les choses eu étaient là du côté de la Mésopotamie, quand la tourbe du palais, toujours chantant sur le même ton contre le brave Ursicin, trouva jour enfin à lui nuire. Elle fut encore inspirée en cela et secondée par la bande des eunuques, espèce que rien n'apprivoise et n'adoucit, et qui, sevrée de toute humaine affection, se rejette sur la possession des richesses, et l'embrasse avec Ja tendresse passionnée qu'un père aurait pour sa fille. Il fut arrêté entre eux que Sabinien, vieillard décrépit, mais riche autant qu'ineapable et sans énergie, et trop inconnu d'ailleurs pour avoir la moindre prétention au premier grade militaire, était précisément l'homme qu'il fallait à la tête de l'Orient ; qu'Ursicin serait rappelé, et succéderait à Rarbation dans la charge de maître de l'infanterie. Une fols sous leur main,

caritatum ingenti moliniine conabatur. Atque, ut lateret stationarios milites, fundura in Hiaspide, qui locusTigridis fluentis adluilur, prelio non inagrio mercatur. Hocque commente cum nullus cârisam veniendi ad extremas Romani limitis partes', jam possessorem cum plurimis auderet exigere, per familières Jîdos peritosqiie nandi occullis saspe colloquiis cum ïamsapore habilis, qui tractus omnes adversos ducis potestate lune tuebatur, et antea cognilus, misso a Persicis caslris auxilio virorum pernicium, Iembis impositus, cum omni penatum dulcedine nocle concubia fransfretat, re contraria, specie Zopyri ilIiii6 similis Babylonii prodiloris.

Rébus per Mesopotamiam in hune slalum deductis, Palatina cohors palinodiani in exitium concilions nostrum, invenil tandemansamnocendi fortissimo viro,auctorçetincitatorecostuspadonum : qui feriet acidisemper, carentesquenecessiludinibuscasteriSjdivitiassolasulfiliolasjucun- dissimas aiiiplectu.nlur. Stetitque sentenlia, utSabinianus vielus quidem senex et hene nummalus,'sed imbellis et ignavus, et ab inipelraiida magisterii dignitate per obscu-' ritatem adbuc longe discrètes', prasficiendus Eois parlibus milterelur : Ursicinus vero curalurus pedestreni mililiam, et successurus Barbationi, ad comitaluni reverlerelur, quo pressens rerum novarum avidus concitor, ul jactacet

jactacet novateur, comme on voulait rappeler, aurait assez à faire de se défendre des puissantes inimitiés qu'on saurait bien lui susciter.

Pendant qu'à la cour on distribue les rôles comme pour représenter une comédie pu pour assigner les places dans un festin, et qu'on fait porter dans chaque maison influente sa quotepart du prix stipulé pour le pouvoir qu'on vient de vendre, Antonin, conduit au quartier d'hiver du roi de Perse, y était reçu à bras ouverts et décoré de la tiare. Cette distinction confère le droit de s'asseoir à la table royale, et, de plus, celui d'ouvrir des avis dans les conseils et d'opiner dans les délibérations. Antonin en usa sans scrupule. Il fit voguer sa barque, non pas à la sondé et à la remorque, mais toutes voiles dehors; c'està-direqu'il attaqua l'empire de prime abord, sans précautions oratoires ni circonlocutions. Il répétait au roi sans cesse, comme autrefois Maharbal gourmandant l'indécision d'Anpibal, « qu'il savait vaincre, mais non user de la victoire.» Homme pratique, et d'une instruction aussi étendue que profonde, il rencontrait des auditeurs attentifs et charmés, qui ne louaient pas, maïs témoignaient, à la façon des Phéaciens d'Homère, leur admiration par leur silence. Son texte habituel était la période des quarante dernières années, où, après une guerre constamment heureuse, et notamment après cette mêlée nocturne près d'flilée et de Singare, mêlée si meurtrière pour les nôtres, les Perses vainqueurs tout à coup s'étaient arrêtés comme par l'interposition d'unféeial, laissant Édesse intacte, et sans mettre un pied sur les ponts de l'Ëuphratc. L'occasion était belle cependant avec des forces

bant, a gravibus inimicis et nicluendis incesseretiir. Dum hase in cas tris Constantii quasi per lustra agunlur "et scenam, et diribilores venumdatas subito potcslalis pretium per poliores diftendilani domos, Antoninus ad régis hiberna perduclus àvenfer suscipilur : et apicis nohilitafus auctoritate (quo honore pàrlicipanter measio régales, el'merilorum apud Peréas ad suadeiidiim ferendasque senlenlias in coiicionibus orapanduntur) non conlis, nec ryraulcb, ut aiunt [id est nota flexiloquisàinbâgibus vel obscuris,] sed vélificatione pléna in Vém'pû'BIiÈain' ferebatur : eumdenique incitans regem, ulqubndàmMabarbal lenlitiidinis increpans Annibalem,'posse ëum vincere, sed Victoria uli néscîre, adsidue prasdicabat. Educatus enim in îiiedio, ul rerum omnium gnàriis, auditorum nactus vigiles seiïsus, et aurium deleriîmenfa captantes, nec laudaritium, sed secunduin'Horaericos Pbasacas cum silentio admiranlium, jam indé quàdràgesimi anni mémo' riam replicabal : post bellorum adsidubs càsiis,.et mâximé apud Hileiaiii et Singaram, ubi acerrima illa îïoclurnà Concerlatione pugnatuni est, nostrorum copiis ihgenli stràgc confossis , quasi diriménte quodam medio feciali,' Pcrsas nonduni Edessainnec pontes Eupbratis teligisseviclbrcs: quos armipolenlia frètes successibusque magnifias, ila . dilatasse decuerat rem, eo maxime tempore, quôdiuiur-


LIVRE XVilf. 99

aussi imposantes, après de si brillants débuts, pour pousser-plus loin leurs avantagés, au moment oùlà'puïssànêéroinaine, en proie àùx déchirements d'une guerre civile interminable, s'épuisait d'efforts et dé sang. ■ ; ' ' ■■■■■■'■"

'C'est ainsi qu'au milieu des banquets, où les Perses, à l'imitation des Grecs d'autrefois, tiennent conseil'sur la politique et la*guerré, le transfuge, tout en sachant rester maître de soî, excitait l'ivresse du'monarque, exaltait sa confiance eh là fortune', et le poussait à se mettre en campagne dès 1 que l'été serait venu, promettant, de son côtéj son zélé et son assistance au besoin. '

VI. Dans le même temps Sabinien, tout gonflé de sa soudaine importance, Venait trouver en Cilicie l'homme'qu'il devait remplacer, et lui remettait une lettre du prince,'qui l'invitait à se rendre saris délai à la cour, où une position plus élevée lui était offerte. Or les choses'en Orient en étaient venues à'ce poiiit de crise, qu'au lieu ;d'ôter'Ursicin de son gouvernement, il eût fallu l'y rappeler ' en toute hâte, dût-on même l'aller cherchef jùsqu'à'Thulé : tant son habileté consommée et sa profonde intelligence de la tactique particulière des Perses le rendaient ThOmmê indispensable en ce iùômënt.' - ■•■' -■•

' CettènOùvellè consterna les provinces. Partout les ordres de l'État s'assemblèrent, et le peuple, s'amëùta: on délibéra d'un côté, on vociféra de l'autre, tous s'accôrdàntà retenir bon gré malgré leur "commua défenseur. On se souvenait que, festé seul pour protéger le pays; il avait su, avec une poignée de. soldats sans'nerf, sans ressort, et qui n'avaient jamais vu la guerre, se mainteriir dix' années durant, et ne se laisser entamer nulle part. On savait encore, pour surcroît d'anis

d'anis civilium motibus sanguis utriraque Romani roboris fundebatur. ■■' ■ ■■•■ ■

'Hisac talibus subindeinterepulas sobrius perfuga, ubi deadparatu bellorum' et seriis rébus apud eos Graiorum more 1 veterum consultatur, regem incendebat ardenteni, ut exactâ hieme statim arma, frètes fortunas suas magniludine,'concitaret :'-ipse quoque in multis ac -necessariis operam sua* fidenter promiltens.

■VI;Subiisdem fere diebus Sabinianus adepta repenlina potestate sufQatas, etCilicias fines ingressus, decessori suo Principis 'lifteras dédit hortanlis, ut ad comitatum dignitàte adficiendus superiore citius properarèt : eo necessilatam'articuloj quo, etiamsi apud Tfîulen moraretur Ursicinus, acciri eum magnitudo rerum ratione probabili flagitahat; utpote disciplinas veteris, etlongo usu bellandi artis Persicas scientissimum. Quo rumore provinciis pereitis, ordines civitatum et populi, decretis et acdamationibus densis, injecta manu delinebant pênes se pnblicum defensorem, memores, quod reliclus ad sui tutelamcum itiérti'èt ombratili milite, nihil amiserat per decennium : simul nietuentes saluti, quod tempore'dubio, remoto illo ,■ advenisse hominem compererant inerlissimum. Credimus,«neque enim dubium est, per aérios Iramites falarmes,

falarmes, perdant Ursicin on allait voir lui succéder le plus incapable des hommes.

C'est une croyance reçue, et je m'y range pleinement, que les nouvelles traversent les airs. Sans doute lès Perses furent avertis par cette voie; car ils délibéraient déjà sur ce qui venait de se passer chez nous. Après bien des débâts, ils arrêtèrent dans un dernier conseille plan proposé par Antonin, et fondé tant sur l'absence d'Ursicin que sur la nullité de son successeur, de forcer la barrière de l'Euphrate, et d'aller droit devant soi, sans s'exposer à perdre du monde devant les places fortes. Prévenant ainsi par sa célérité le bruit de samarche, leur armée n'aurait qu'à occuper sans coup férir des provinces qui n'avaient pas vu d'ennemi depuis le temps de Gailien, et qui s'étaient enrichies par une longue paix. Antonin offrait dé plus de servir de guidé, et l'on n'en pouvait - trouver un meilleur. Cette résolution emporta tous les suffrages ; on ne s'occupa plus que de ramasser des soldats, des vivres, des armes, et tout le matériel nécessaire. Les préparatifs durèrent le resté de l'hiver.

Quant à nous, une fois sortis des obstacles dont je viens de parler, et qui nous rétinrent quelque tempsdel'autre côté du Taurûs, nous nous empressâmes d'obéir à l'empereur, et nous voyagions en toute hâte vers l'Italie. Arrivés au bord de l'Hèbre, fleuve qui prend sa source dans les monts Odryses, nous trouvâmes une lettre de l'empereur qui nous enjoignait de réprendre sur-lechamp la rOùte de Mésopotamie; et cela sans aucune suite, puisque notre mission était inactive, et qu'un autre avait le pouvoir. C'était une manoeuvre imaginée par les grands faiseurs du gouvernement, et dont l'intention était, au cas où

niam praspeteni volitare, cujus indicio hase gesta pandenle, consiliorum apud Persas summa proponebatur : et multis ultro citroque deliberatis placuil, Antonino suadente, utUrsicino procul amolo, despecloque novello duce, poslhabilis civitatum perniciosis obsidiis, perrutnperelur Euphrates, ireturque prorsus : ut occupari possint provincias, fama celeritate prasventa, omnibus ante bellis (nisi tempôribus Gallierii) intaefas, paeeque longissima locupletes: cujus rei, prospérante deo, ducterem eommodissimum fore spondebat. Laudato firmatoque concordi ' omnium voluntate consilio, conversisqne universis ad ea, quas erant citius congerenda, commeatus, milites, arma, casleraque instrumenta, quas poscebat procinctus adventansj perpétua hieme parabantur.

Nos interea paullisper cis'Tàurum morali, ex imperio ad partes ltalias feslinantes, prope lïumen venimus Hehrum, ex Odrysarum ■ montibus decurrentem : ibique Principis scripla suscepimus, jubenlia omni causatione posthabità reverli Mesopotamiam sine adparilione, nullam expeditionem curaluri periculosam, ad alium omni potestate translata. Quod ideo per molestas formateras imperii struebatur, ut, si Persas frustra habiti redissent ad sua, ducis novi virtuti facinus adsignaretur egreginm : si for-


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AMMIEN MARCELLIN.

les Perses viendraient à échouer dans leur entreprise , de transporter au général nouveau tout l'honneur du succès; mais de se ménager, dans le eas contraire, un texte d'accusation contre le traître Ursicin. Nous voilà donc de retour, après toutes ces allées et venues sans objet, et face à faceavecSabinien, qui nous fit le plus dédaigneux accueil. C'était un personnage de petite taille, aussi dépourvu de coeur que d'esprit ; un homme à perdre contenance au bruit joyeux d'un festin. Qu'on se le figure sur un champ de bataille.

Cependant les rapports de nos espions s'accordaient avec les déclarations des transfuges sur l'activité que les Perses apportaient dans leurs préparatifs. Nous laissâmes le petit homme bâiller tout à son aise, et courûmes mettre Nisibe en état de défense, dans la crainte que l'ennemi, tout en faisant mine de n'en pas vouloir à cette place, ne la surprît au dépourvu. Pendant que nous pressions les travaux dans l'intérieur des murs, des colonnes de fumée .et des lueurs extraordinaires apparaissaient au delà du Tigre, dans la direction de Sisara et du fort des mûriers, et, gagnant de proche en proche jusqu'à une distance assez voisine de l'enceinte, témoignaient du passage du fleuve par les corps avancés de l'ennemi et du commencement des dévastations. Nous sortîmes au plus vite, tâchant de les prévenir et de leur couper le chemin. A deux milles environ des murs, nous trouvâmes sur la chaussée un bel enfant qui pleurait. Il paraissait âgé de huit ans, et portait un collier. Il nous dit qu'il était de bonne famille, et qu'à l'approche de l'ennemi sa mère l'avait abandonné, au milieu du trouble et de l'embarras de sa fuite. Le général, touché de pitié, m'ordonna de prendre cet enfant devant moi

tuna sequior ingruisset, Ursicinus reus proditor rei publicas deferrelur. Agilati igitur sine rationibus, diu cunctati, reversique, fastidii plénum Sabinianum invenimus, hominem mediocris staturas, et parvi anguslique animi, vix sine turpi melu sufficientem ad lèvera convivii, nedum proslii strepitum pérfcrendum.

Tamen, quoniam speculatores adparalus omnes apud bostes fervere constanti adseverâtione perfugis concinentibus àdfirmabanl, oscitanle homunculo Nisibin propere cenimus utilia paraturi, ne dissimulantes obsidium Persas civitati supervenirent incautas. Dumque intra muros matnranda perurgerentur,fuiiiusmicantesque ignés adsiduea Tigride per castra Mororum et Sisara, et collimilia reliqua adusque civilatem continui perlucebant solito crebriores, erupisse hostium vaslaloriasmanus superato flumine permonstrantes. Qua causa ne occuparentur itinera, céleri cursu prasgressi, cum adsccundum lapidem venissemus, liberali forma puerum torquatum, ut conjectabamus, octennem*,in aggeris medio vidimus ejulanlem, ingenui cujusdam filium, ut aiebat : quem mater dum imminentium hostium terrore percita fugeret, impeditior trepidando reliqueratsolum.Huncdumjimperatu ducis miserali commo■tique, impositum equopras meferens ad civitatem reduco, eircumvallato murorum ambitu prasdatores lalius vagabansur

vagabansur cheval, et de le ramener à la ville. Mais déjà des coureurs en pillaient les alentours. Je craignis d'y être enfermé ; et, déposant ma charge sur le seuil d'une poterne entr'ouverte, je regagnai nos escadrons à toute bride et à perte d'haleine. Peu s'en fallut que je ne fusse pris. Le valet d'un tribun nommé Abdigide tomba aux mains d'un parti au moment où je passais comme un trait. Le maître échappa. On demanda au prisonnier qui était le chef qui venait de sortir de la ville? Il réponditque c'était Ursicin, etqu'il s'était dirigé vers le mont Izale. Sur quoi ils tuèrent cet homme, et se mirent tous à nous poursuivre sans relâche. Grâce à la vitesse de mon cheval, je conservai sur eux l'avance ; et près d'Amudis, petit fort en mauvais état, je vis les nôtres qui se reposaient dans une sécurité complète, laissant paître leurs chevaux çà et là. J'élevai de loin les bras aussi haut que je pus, agitant un pan roulé de ma tunique, en signe que l'ennemi était là. On fit retraite aussitôt, moi compris, malgré l'épuisement de ma monture. La lune, à notre grand détriment , était dans son plein ; et nous traversions une plaine unie et découverte, où l'on ne voyait qu'une herbe très-courte, et aucun arbre ni buisson pour refuge, au cas où nous serions serrés de trop près. On imagina, dans cette conjoncture, d'attacher solidement une lampe allumée sur le dos d'un cheval, et de l'abandonner à lui-même après l'avoir poussé sur la gauche, tandis que nous tournions adroite vers les montagnes; le tout afin d'attirer les Perses vers cette lumière qu'ils voyaient s'avancer lentement, et qu'ils devaient juger destinée a éclairer les pas du général. Sans ce stratagème, nous étions infailliblement enveloppés et faits prisonniers.

fur. Et quia me obsidionales asrumnas terrebant, intra semiclausam postieam exposito puero, nostrorum agmen agilitate volucri repetebam exanimis : nec multum fuit, quincaperer.Namcum Abdigidum quemdam lribunumfugientem cum calone ala sequeretur hostilis, lapsoque per fugam domino servirai deprehensum, cum ego rapido iclu transirai), interrogassent, quisnam provectus sit judex, audissenlque Ursicinum paullo aille urbem ingressum, monteni Izalarn pelere : occiso indice, in unura quassiti coniplures nos irrequielis cursibus sectabantur. Quos cum jumenli agilitate prasgressus, apud Amudim niunimentem infirmum dispersis per pabulum equis recubantes nostros securius invenissem, porrecte extenliusbrachio, etsummilatibussagi contortis elalius, adesse bostes signo solito demonstraham ■ iisdemquejunctusimpetu communiferebar, equo jam faliscente. Terrebal autem nos plenilunium noctis, el planifies supina camporum, nulla, si occupassel artior casus, latibula prasbere snfficiens ; ubi nec arbores, nec fiutecta, nec quidquam praster herbas huniiles visebatur. Excogitatem est ergo, ut ardente superposila lampade, et circuniligaia, ne rueret, jumenlum soluinquod eani vebebat, solutum sine rectore lasvorsum ire permitteretur, cura nos ad montanos excessus dexlra positos tenderemus : ulpraslucere sebalem facem duci lenius gra-


LIVRE XVIII. 101

Échappés à ce danger, nous arrivons dans un canton boisé, rempli de vignes et d'arbres à fruit, que la froideur de ses eaux a fait nommer Méjacarire. Tous les habitants avaient fui : il ne s'y trouva qu'un soldat caché dans un réduit, et que l'on conduisit au général. L'effroi que laissait voir cet homme, et la contradiction de ses réponses , nous le rendirent suspect. On le pressa de menacés, et il finit par tout avouer. Nous apprîmes alors qu'il était natif de Paris dans les! Gaules, et qu'il avait servi dans notre cavalerie;(i mais que la crainte d'un châtiment mérité l'avait fait déserter chez les Perses; qu'il s'y était marié à une honnête femme, dont il avait des enfants ; qu'employé comme espion par les Perses, il leur avait souvent donné d'utiles indications; et qu'au moment même de sa capture il retournait près des généraux Tamsapor et Nohodarès , qui commandaient l'avant-garde, pour leur, faire part de ce qu'il avait recueilli. On le mita mort, après avoir tiré de lui divers renseignements sur les ennemis.

Le temps nous pressait, et l'alarme devenait de plus en plus vive. Nous nous rendîmes en toute hâte à Amide, ville que son désastre a rendue depuis si célèbre. Là, au retour de nos éclaireurs, on nous remet un parchemin mystérieusement caché dans une gaîne, et sur lequel des caractères d'écriture étaient tracés. Ce message nous venait de Procope, qui, ainsi que je l'ai dit plus haut, avait fait partie de la seconde ambassade en Perse avec le comte Lucillien. Voici le contenu de cette pièce, rédigée à dessein en termes obscurs, dans la crainte qu'elle ne vînt à être

dienli Persas credentes, eum tenerent potïssimum cursum : quod nisi fuisset prasvisum, circumventi et capti sub dilionem venissemus hostilem.

Hoc extracti periculù, cum ad nemorosum qUemdam locuni vineis arbuslisque pomiferis consilum, Méjacarire nomine venissemus, cui fontes dedere voeabulum gelidi, lapsis accolis omnibus, solum in remoto secessu latentem invenimus militera : qui oblatus duci, et loquutus varia pras timoré, ideoquesuspeclus, adigentemetu, quiinlentahalur, panditrerum irilegramfideni: docetque,quod apud Parisios natus in Galliis, et equeslri militans turma, vindiclam quondam commissi facraoris limens, ad Persas ahierat profugus ; exindeque morum probitate.spectata sortita conjuge, liberisque susoeptis, speculatorem se missum ad nostia, saspe veros nuntios reportasse. Atnunc se a Tamsapore et Nobodare oplimatibus missum, qui calervas ductaverant prasdatorum , ad .eos redire, quas didicerat, perlaturum. Post hase, adjeçtis quas agi in parle diversa norat, occiditur.

Proinde curarum crescente sollicitudine , inde passibus citis Amidam pro temporis copia venimus, civitatem posteaseqnuliscladibusinclytani. Quo reversis exploraloribiis nostris, in vaginas internis notarum figuris membranam reperimus seriplam, a Procopio ad nos perferri mandatant quem legatum ad Persas antea missum cum comité Lucilliano prasdixi : hase consulte obscurius indiinterceptée

indiinterceptée « Le vieux roi a rejeté les am« bassadeurs grecs, dont la vie ne tient même « qu'à un fil. L'Hellespont ne lui suffit plus : on « le verra bientôt joindre par des ponts les deux « rives du Granique et du Ryndace, et jeter sur « l'Asie, pour l'envahir, des populations entières. « Il n'est déjà que trop violent et emporté de sa « nature ; et le successeur de l'empereur Adrien « d'autrefois est là qui l'anime encore, et l'irrite « sans cesse. C'en est fait de la Grèce si elle n'y « prend garde. » Le sens de ces mots était que le roi de Perse allait franchir l'Anzabe (l) et le Tigre, et que, poussé par Antonin, il visait à la domination de tout l'Orient. ,Quand on l'eut pénétré non sans peine au travers de ces voiles, on prit la précaution prudente que voici :

Il y avait alors au gouvernement de la Corduène, pays de la dépendance des Perses, un satrape, nommé Jovinien, qui entretenait avec nous une secrète intelligence. Désigné autrefois comme otage, il avait passé sa jeunesse en Syrie, y avait pris le goût des études libérales, et désirait ardemment revenir parmi nous se livrer à sa passion. Je fus dépêché près de lui avec un centurion choisi comme homme sûr, afin d'obtenir des renseignements précis touchant l'invasion. Nous ne parvînmes jusqu'à lui que par des chemins à peine frayés à travers des monts escarpés et des précipices. Il me reconnut à l'instant ; et je ne lui eus pas plutôt confié sans témoins l'objet de mon voyage, qu'il me donna un guidé discret, bien au fait des localités. Celui-ci me conduisit a quelque distance de là, sur un rocher assez haut

(i) Le Zab.

canleiii, ne captis bajulis, sensuque intellecto scriptorum, excitaretur materia funestissima : Amandatis procul Graiorumlegatis ,forsitan et necandis,rex longoevus non contenltis Hellesponto, junctis Granici et Ryndaci ponlibus, Asiam cum numerosis populis pervasurus adveniet, suople ingénia irritabilis et asperrimus., auclore etincensore Hadriani quondam Romani Prinr cipis successore : aclum et conclamalum_est,.ni.caverit Groecia.

Qui textes significabat Persarum regem, transitis fiuminibus Anzaba et Tigride, Antonino boitante dominium Orientis adsectare totius. His ob perplexitatem nimiam asgenimeleclis, consilium suscipitur prudens.

Erat. eo tempore Salrapa Corduenas , quas obtemperabat poleslati Persarum , Jovinianus nomme adpellatiis , in solo Romano adulescens, nobiseum occulte sentiens : ea gratia, quod obsidatus sorte in Syriis detentus, et dulcedine liberalium studiornm îllectus, remeare ad noslra ardenli desiderio gestiebat. Ad hune missus ego cum cenlurione quodani (idissimo, exploratins noscendi gratia, quas gerebantur, per avios montes angustiasque prascipites veni. Visusque el agnitus, comiterque susceptus, causam.prassenlias meas uni illi confessus, adjunclo taciturno aliquo locorum perito, mittor ad prascelsas rupes exinde longe distantes : unde nisi oculorum deficeret acies, ad quinquagesimum usque lapidera quodvis cliam miuulissimurq


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pour qu'une vue de quelque portée ne perdît rien de ce qui se passait dans un rayon de cinquante milles. Nous y restâmes en observation, deux jours entiers, sans rien voir. Mais au lever du troisième, tout l'espace circulaire qu'embrassait le regard, et qu'on appelle l'horizon, nous sembla se Couvrir d'escadrons innombrables. Le roi se montrait à leur tête dans son plus brillant costume. A sa gauche marchait Grumbates, roi des Chionites, • prince de moyen âge, et déjà couvert de rides, j maiSjd'uncoeurélevé, etqui avait illustré son nom ! par plus d'une victoire. A sa droite était le roi des I Albains, l'égal de ce dernier en rang et en con- j sidération. Après eux venaient plusieurs chefs | distingués et puissants ; puis une multitude j guerrière, l'élite des nations voisines, et depuis j longtemps endurcie contre les fatigues.et les dan- ! gers. Que la Grèce raconte donc tant qu'elle vou- : dra la. grande revue passée en Thrace à Dorisque, et ce recensement fabuleux opéré dans une étroite enceinte : noussommes^nous, pluscircons- \ peets.ou plus timides, et nous n'énonçons que ce • qui peut se prouver par des témoignages authentiques et incontestables- .' ; VII. Les rois alliés traversèrent Ninive., ville ; principale de TAdiabène, et continuèrent résolu- ! ment leur marche , après avoir offert un sacri- i fice au milieu du pont sur l'Anzabe, et consulté i les entrailles des victimes, qui se trouvèrent.favo- : râbles. Quant à nous, conjecturant que le reste de l'armée mettrait au moins.trois jours à défiler, nous revînmes au plus vite chez le satrape,nous reposer de nos fatigues. Puis, avec cette force qu'on puise dans la nécessité, nous retournâmes vers les nôtres, en franchissant plus rapidement que nous ne l'avions cru le désert qui nous

adparebat. Jbi morati integrum biduUm, cum sol terlius adfulsisset, cernebamus terrarum omnes ambitus subjectos, quos horizonlas adpellamus, agminibus oppletos jnnumeris,et antegressum regem vestis claritudine rutilantem. Quem juxfa lasvus incedebat Grumbates Chionitarum rex, asiate quidem inedia, rugosisque membris, sed mente quadam grandifica, multisque vicloriarum insignibus nobilis -. dcxtera rex Albauoruni, pari loco atque honore sublimis : post duces varii auctoritate et poteslatibus eminentes ■. quos ordinum omnium multitudo sequebatur, ex vicinarum genlium roboribus lecta, ad tolcrandam rerum aspéfitatem diuturnis casibus erudita. Quousque nobis Doriscum 'Pbracias oppidum, el agminalim intra consasptaexercitus recensilos Grascia fabulosa narrabis? cum nos cauti, vel, ut venus dixeriin, timidi nihil exaggereiiius,.pra3leiea, quasfidei teslimonianeque dubia,neque incerla nionslrarunt.

VII. Postquam reges Nineve Adiabene ingenti civitate liausmissa, in medio pontisAnzabas hosliiscassis exlisque prosperantibus fransiere lastissimi, conjectantes nos, residuam plebem omnem asgre penetrare pbsl triduum posse, citius exinde ad salrapen reversi quievimus , bospitalibus ofliciis recreati. Unde per loca ilidem déserta et sola, tnagno uccessilatis ducente solalio, celcrius, quam potuit

séparait d'eux. Nous pûmes alors leur donner la certitude que les Perses, avaient jeté un pont de bateaux, et qu'ils marchaient droit devant eux, en gens qui connaissent,l.e chemin., ,

On envoya aussitôt des cayaliers porter l'ordre à Cassianus, duc de Mésopotamie, et à Euphrone, gouverneur de la province, de faire replier les habitants avec le bétail ; d'évacuer la ville de Carrhes, dont les murs étaient,en mauvais état; et enfin d'incendier les campagnes, afin que nulle part l'ennemi ne trouvât àsubsister. L'exécution suivitsans délai. Les moissons qui commençaient à jaunir, et jusqu'aux jeunes herbes, tout fut la proie des flammes.; si bien que du Tigre à l'Euphrate on ne voyait plus trace de verdure. Il périt dans cet embrasement une multitude|debêtes fauves, etuotamment de lions, qui sont dans ce pays d'une férocité extraordinaire, mais qu'uue cause toutelocalefrappesouventde mort ou de cécité, comme on va le voir. Ces animaux se trouvent surtout parmi les roseaux et les fourrés entre (es deux fleuves. Us ne font aucun mal pendantl'hiver,qui est assez doux. Mais une fois que le soleil darde ses.rayons d'été sur cette terre desséchée; qu'une vaPeur ardente a commencé d'embraser -l'atmosphère, des nuées de moustiques, inévitable fléau de ces contrées, ne laissent plus aux lions un instant de repos.; Ces insectes s'attaquent à leursyeux, dont le brillant et l'humiditéles attire, se fixent aux membranes des paupières, et les criblent de leurs morsur.es. Les lions,,exaspérés, ou plongent dans les eaux et s'y noient, en cherchant remède à cette poignante torture; ou, s'appliquant aux yeux leurs propres ongles, les crèvent, et deviennent furieux. Sans cela tout l'Orient serait infesté de ces animaux.

sperari, reversi, confirmavimus animes hassitantiunii unum e navalibus pontem transisse reges absque ulla circuitione perdoctos. Exteraplo igitur équités citi niiltunlur ad Cassianum Mesopotamias ducem, rectoremque provincias tune Euphrônium, compulsuri agrestes cura familiis et pecoribus universis ad tutiora transire, et agiliter deseri Carras oppidum, invalidis circumdatum mûris : super bis campos omnes incendi, ne pabulorum suppeleret copia. Et imperatis sine mora completis, injecte igné, furentis elementi vis maxinia frumenta orania, cum jam stipula llaventi turgerent, berbasque pubentes ita contorruit, ut adusque Eupbralem' ab ipsis niarginibus ïigridis niliil -S'iride cerneretur. Tune exuslas sunt feras 'complures, maximeque leones per ea loca sasvienles imraaniter, consumi vel cascari sueti paullatira hoc modo. Inter harundinela Mesopotamias fiuminuni et frulecta leones vagantur innumeri, clemenlià hiemis ibi mollissimas semper iiinocui. At ubi solis radiis exarserit tempus, in regionibus asslu ambuslis, vapore sideriset maguitudine culicum agilantur, quorum examinibus per eas terras referta sunt omnia. Et quoniam oculos, quasi lramida el'lucenlia membra, easdom adpetunt volucres, palpebrarum libramenlis mordicus in-' sidentes, iidem leones cruciati diutius, aul iluniinibiis raersi sorbculur, ad quoe remedii causa coufugiunt, aut


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Taudis qu'on livrait aux flammes toute la végétation des champs, des détachements deprotecteurs, commandés par des tribuns, couvraient la rive ciiérieure de PEuphrate de redoutes et de palissades, qu'ils garnissaient en outre dé machines de guerre, partout où la nature du sol permettait d'en asseoir à l'abri de la violence des eaux. Au milieu de cette activité, stimulée par le sentiment du péril commun à la veille d'une guerre d'extermination, le chef si heureusement choisi pour y faire face, Sabînien, passait tranquillement son temps au milieu des tombeaux. Sans doute il se figurait, en paix avec les morts, n'avoir plus rien à craindre des vivants ; et, par une bizarre et sinistre fantaisie, il se divertissait à troubler le silence profond de ces lieux en y faisant jouer devant lui les airs guerriers de la pyrrhique,pour se dédommager de la privation des spectacles. L'idée de funeste présage inhérente à de pareils actes s'attache même à la relation qu'on eii fait ; mais elle peut empêcher du moins que l'exemple n'en soit contagieux.

Cependant l'armée des Perses laissait de côté Nisibe, sans daigner s'y arrêter. Mais le feù étendant toujours ses ravages, pour ne pas s'exposer à manquer de subsistances, elle dut côtoyer le pied des monts, à la recherche des vallées où il pouvait rester quelque verdure; et elle arriva bientôtà la ferme de Rebâse. De là jusqu'à Crinstantine, dans un trajet de cent milles environ, règne une sécheresse absolue, et l'on n'y trouve d'eau que le peu qu'en fournissent lès puits. Les chefs hésitèrent longtemps ; mais, dans leur confiance en l'énergie physique de leurs soldats, ils allaient passer outre, quand ils furent positiveamissis

positiveamissis quos uriguibus crebro lacérantes effodiunt, inimanius elferescunt : quod ni fieret, universus Oriens hujusniodi besliis abundaret.

Dum campi cremantur (ut diclum ësl)tribuiii cum 'proteeteribus missi, citeriores ripas Euphralis caslëllis, et "prasacutis sudibus, omnique prassidiorum 'génère communibant, tormenla, qu'a non eràt vbràginosum, ldcis op"portunis aptàntes.

'- Dum'hasC celerantur, Sabinianus inter rapienda 1110iiienta pericuioruiii commiinium leeiissimus moderator bélji internecivi, per Edessena sépulcra, quasi fuhdàta cùiii moflUis pace iiihil formidaris, morevitas remissions fluxius agens, militari pyrricha sonanlibus niodulis pro liistrionicis gestibus'in silenlio sumiiio delectabalur, ominoso sàne et inceptoet loco. Ciim'hàscét hujusniodi faciu dicteque Irisfia futures prasnuntiant motus, vitare optimum quemque debere sasc'uli progréssiorie discamus. In(erea reges Nisibi prostralioiie vili trarismissa, incendiis arida nulriinéntorum varietate crescentibus, fugitanles indpiam pabuli j siib montium pedibûs per valles graniincas iiicodebant. Cunique Bébasën villam venisserit, unde ad Conslantinam usque oppidum, quod centesimo lapide disparatur, arescurit omiiia siti perpétua, nisi quod in pu-* teis aqua reperitur exilis ; quid agerent diu cunctali, jamque suorum durilias fiducia transiluri, exploratoie fido '

ment informés qu'une subite fonte de neiges avait fait déborder l'Euphrate, et le rendait impraticable à gué. Ce contre-temps faisait évanouir leur espoir : il fallait attendre une occasion , et s'en remettre au hasard de la faire naître. Dans cette circonstance critique on tint un conseil d'urgence, et Antonin fut invité à ouvrir un avis. Il proposa d'appuyer sur la droite, et de gagner w par un long circuit les forteresses de Rarzala et de Laudias, s'offraut à servir lui-même de guide. On aurait à traverser une contrée fertile en toute espèce de productions, et que la marche jusqu'alors éh droite ligne des armées avait laissée intacte. Là le fleuve, près dé sa source et n'ayant pas encore reçu d'affluents, ne présentait qu'un lit resserré et facilement guéable. Là proposition est accueillie avec applaudissement ; on l'invite à montrer 1 a.route qu'il dit bien conn aïtre, et toute l'armée, chaugeàntde direction,s'achemine sur ses pas.

V1ÏI. Aussitôt instruits de ce mouvement par nos éclaireurs, nous fîmes nos dispositions à l'effet de nous rendre en diligence à Samosate, y passer le fleuve, et, après avoir rompu lés ponts de Zeugma et de Càpérsane, tâcher, Dieu aidant, de repousser l'ennemi. Maïs nos mesures furent déconcertées par un incident aussi funeste qu'ignominieux , et qu'il faudrait ensevelir dans un éternel silence. Nous avions de ce côté un poste avancé de deux escadrons composant sept cent chevaux, qu'on avait envoyés d'Illyrie comme renfort. Cette troupe énervée et sans courage, redoutant une surprise nocturne, avait abandonné la garde de la chaussée vérsla chute dû jour, c'est-àdire précisément à l'heure où il fallait redoubler de surveillance, et occuper jusqu'au moindre

docentéjCOgno'scùntEuphratem hivibiis tàbéfaclis inflalùm, laie fu's'is gurgilibiis evagari : ideoque vadô îiequàquam possetransiri. Convértun'tur efgo ad éà, quas ampléctenda fortu'ita daret occàsio,'spe concepta praster opinionëm exclus! : ac propositô pro abrupto ïeruhi prassentium statu urgéhti consilio, Antoninus dicere, quid senliat, jussus ôiditur, Ûecti'iîer suaileiis in dexterum Iàtiis , ut per longioréra circuitum omhiuiiiieruiti usu regionum feracium, et cqnsideràlione ea, qua rëctns pergérét hostis, adhuc intàctârum, castra diio 'prâssidiafia Rarzala et Laudias - pëteréhiiir sese ductànte : iihi tenuis fluvius prope origineni et'aiigustus, 'iiullisque adhuc aquis âdvenis adulescëns , facile pênëti-ari poterit ut vaddsus. His auditis, laudatoqiiesuasore, et jusso'ducere, quahbràt, àgmina cuncta ah iustitiito ilinere conversa prasviUm sequebautur.

VIII. Quocertisspeculalioiiibuscognito,nos disposuiruiis prbperare Sàmos'ata, ut sûpërâto exinde Huitaine, pontiiimque apud Zeugma et Capersâna junctufis abscissis, hostiles iriipetùs , si 'juvissét fors ulla, rëpellerémus. Sed coiitiglt àlrox et silentio omni dedecus obruenduiii. Nàmqiie duaruiii furmarum équités circiter septingenli, ad subsidiuiii Mesopotamias recens ex Illyrico missi, énerves el linîidi, pfassidiiim per eos traductus agentes, noclninasqiie pàvchles "insidias, ab aggeribus publicis vesperi, qiiando cuslodiri niagis oiiincstraniilcs couveniret, Ion-


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sentier. Cette circonstance fut remarquée par les Perses, qui, profitant de la double ivresse du vin et du sommeil où ces hommes étaient plongés, passèrent inaperçus, au nombre de vingt mille environ, sous la conduite de Tamsapor et de Nohodarès, et vinrent s'embusquer derrière les hauteurs voisines d'Amide.

Le jour avait à peine lui, que déjà nous étions en marche, ainsi que je l'ai dit, vers Samosate; quand tout à coup, d'un point élevé, on découvrit un reflet d'armes considérable. Aux cris répétés ! Voilà l'ennemi, le signal ordinaire du combat se fait entendre. On fait halte, et les rangs se serrent. Nous voyions déjà la retraite peu sûre; l'ennemi, si proche, n'eût pas manqué de nous poursuivre. Attaquer, c'était courir à une mort certaine, ayant devant nous une force aussi supérieure, surtouten cavalerie. On se demandaitencore, Que faire ? quand l'engagement était devenu .inévitable. Déjà même quelques-uns des nôtres, s'étant trop avancés, avaient mordu la poussière.

Au momeut où les deux partis se joignaient, Ursicin reconnut Antonin, qui paradait en tête des escadrons ennemis. Il l'accable de reproches, et le traite de déserteur et d'infâme. Celui-ci, ôtant la tiare, insigne de sa dignité, mit pied à terre ; puis s'inclinant jusqu'au sol, les deux mains réunies derrière le dos (ce qui est la forme de salut la plus humble en Assyrie), il donna à Ursicin les noms de maître et de seigneur : « Pardonnez« moi, illustre comte, lui dit-il, une démarche « que je reconnais coupable, et où la nécessité . « seule a pu me pousser. Ce qui m'a perdu, c'est « l'inique acharnement de créanciers impitoya« blés. Vous-même ne l'ignorez pas, puisque

gius discedebant. Hocque observato, eos vino oppresses et somno, viginti millia fere Persarum, Tamsapore et Nohodare duclantibus, nullo prospiciente transgressa, posttumuloscelsos vicinos Amidas occultabantur armata. Moxque (ul dictera est) eum abituri Samosatam luce eliam tum dubia pergeremus, ab alla quadam spécula radiantium armorum splendore prasstricti, hostesque adesse excitatius cl.amitantes, signo date, quod ad proslium solet bortari, restitimus conglobati : nec fugam capessere, cum essent jam in conluitu, qui sectarentur, neccongredi cum hoste, equitatu et numéro prasvalente, meta indubilatas mortis caulum existimantes. Denique ex ullima necessitate manibus jam conserendis, cum, quid agi oporteat, cunctaremur, occidunlur quidam nostrorum leinere procursantes : el-urgente utraque parte, Antoninus ambitiose prasgrediens agmina, ab Ursicino agnitus, elobjurgatorio sono vocis increpitus, .proditorque et nefarius adpellalus, sublala tiara, quam capili summo ferebat honoris insigne, desiluil equo : curvatisque membris, humuni vullu pasne conlingens, salutavil, patronum adpellans et dominum, nianus post terga connectens, quod apud Assyrios supplicis indicatformam : Et, [gnosce mihi, inquit, amplissime Contes, necessilale, non voluntale ad hoec,.quoenovi, scelesia prolapso : cgere me proecipitem flagilatores, ul nosli : quorum avaritioe ne tua quidem excelsa

« votre haute intervention s'est trouvée impuis« santé contre leur avidité. •> Il fît retraite après ces mots, mais sans se retourner, et, en signe de respect, continuant de faire face à son interlocuteur jusqu'à ce qu'il l'eût perdu de vue.

Tout cela s'était passé dans le cours d'une demiheure. Tout à coup notre dernier rang, qui bordait la crête de la colline, s'écria qu'une nuée de eataphractes accourait, à toute bride, nous prendre à dos. Alors, comme c'est l'ordinaire dans les cas désespérés, de toutes parts pressés par des masses innombrables, nous ne sûmes ni à qui faire face ni qui éviter, et la dispersion commença dans tous les sens. Mais l'ennemi nous enfermait déjà dans un cercle, et nos efforts même pour fuir nous jetaient au milieu de ses rangs. Alors on ne songea plus qu'à vendre chèrement sa vie. Mais, tout en combattant avec vigueur, nous nous vîmes acculer jusqu'aux rives escarpées du Tigre. Un certain nombre de nos gens fut poussé dans le fleuve, où quelques-uns, enjoignant leurs bras entrelacés, parvinrent à ne pas s'écarter des endroits guéables ; d'autres perdirent pied et furent engloutis. Ceux-ci combattant jusqu'au bout avec des chances diverses, ceux-là perdant l'espoir de résister, cherchèrent à gagner les gorgés les plus voisines du mont Taurus. De ce nombre fut notre général luimême : je le vis un moment enveloppé avec le tribun Ajadalthe et un seul valet. La vitesse de son cheval lui sauva la vie.

Séparé de mes camarades, je regardais autour de moi ce qui me restait à faire, quand j'aperçus Verenuién, mon collèguedans les protecteurs, qui avait la cuisse traversée d'une flèche. J'essayais,

illaforluna, propugnans miseras mets, potuit refra- ■ gari. Simul hasedicens, e medio prospectu abscessit, non aversus, sed dum evanesceret verecunde retrogradiens, et pectus oslentans.

Quas dum in curriculo semiboras agunfur, posfsignani nostri, qui tenebant ediliora collis, exclamant aliam cataphraclorum multitudinem equitum pone visant, cëleritate quammaxima propinquare. Atque, ut in rébus soletadllictis, ambigentes, cuinam deberel aut posset occurri, trudente. pondèreplebis immensas, passim, qua cuijuc proximum videbatur, diffundimur universi. Dumquese quisque expedire discrimine magno conatur, sparsim disjecti hosli concursalori miscemur. Ilaque, spreta jam Vivendi cupiditate, fortiter decernentes, ad ripas pellimur Tigridis ■ alte excisas. Unde quidam prascipiles pulsi, implicantibus armis basserunt, ubi vadosus est amnis : alii lacunarum hausli vertigiiie vorabantur : nonnulli cum hoste congressi, vàrio eventu cerlabant : quidam cuneorum densilate perterrif i, pelebant proximos Tauri montis excessus. Inler quos dux ipse agnitus, pugnatorumque mole circumdates, cura Ajadalthe tribuno, caloneque uno, equi céleritaie ereplus abscessit.

Mihi, dum avius ab itincre comitum, quid agereni.circumspicio, Verennianus doraeslicus proteclor oceurrit, leniur sagitta conlixus : quam dum avellere oblo6lantc


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à sa prière, de lui arracher le trait, quand, me voyant entouré, et déjà dépassé par un gros de Perses, je pris, hors d'haleine, ma course vers la ville* Très-escarpée du côté où nous poussait l'ennemi, elle n'est accessible que par un étroit sentier taillé dans le roc, et encore rétréci par des môles artificiels. Nous y restâmes jusqu'au lendemain matin, confondus avec les Perses qui s'y étaient engagés pêle-mêle avec nous, et dans un encombrement tel que les cadavres ne trouvaient pas jour à tomber, et qu'un soldat, qui avait la tête fendue par un affreux coup d'épée, restait devant.moi debout comme un pieu, maintenu dé tous les côtés. L'extrême proximité des murs nous garantit d'une grêle de projectiles que lancèrent les machines du haut des remparts. Une poterne enfin s'ouvrit pour nous, et je trouvai la ville envahie par une immense cohue des deux sexes. Ce jour en effet se trouvait être précisément l'anniversaire d'une grande foire qui se tient périodiquement dans les faubourgs, et y fait affluer la population des campagnes voisines. C'était dans l'intérieur un concert confus de lamentations; ceux-ci, blessés à mort, poussant les cris de l'extrême détresse ; ceux-là se lamentant des pertes qu'ils avaient faites, ou appelant à grands cris ceux qui leur étaient chers, et que la presse les empêchait d'apercevoir.

IX. Amide n'était primitivement qu'une bicoque; mais Constance, alors César, conçut le dessein, au moment même où il élevait une autre ville, celle d'Antoninopolis, de faire decelle-ci un refuge assuré pour la population environnante. II lui donna une enceinte de murailles et de tours, y établit un magasin de machines de rempart; en

collega conarer, cinclus undique antecedentibus Persis, civitalera pelebam anhelo cursu rependo, ex eo lalere, quo incessebamur, in arduo sitam, unoque adscensu perangusto meabilem, quem scissis collibus molinas ad calles artandas asdificatas, densius constringebant. Hic niisti.cum Persis, eodem ictu proeurrenlibus ad superiora nobiscum, adusque ortum alterius solis immobiles sletinnis ita conferti, ut cassorum-cadavera multitudine fulta reperire rueudi spatium nusquam possent : ulque miles ante me quidam dlscriniinato capite, quod in asquas partes ictus^gladii fiderat validissimus, in stipilis modum undique coartatus hasreret. Et licet multiplicia tela per lormenlorum omnia gênera volaient e propugnaculis, hoc tamen periculo murorum nos propinquitas eximebat : tandemque per posticam ingressus, refertam inveni coniluenle ex finilimis virili et muliebri sexu. Nam et casu illis ipsis diebus, in suburbanis peregrina commercia circumacto anno solita célébrait, multitudo convenarum augebat agrestium. Inlerea sonitu vario cuncla miscentur, partim amissos gementibus, aliiscum exitio sauciis, multis cantates diversas, quas pras angusliis videre non poterant, invocaiilibus.

IX. Hanc civitatem olim perquam brevem, Cassar etiam tum Conslantius, ut accolas suffugium possint liabere tulissimum, eo tempore, quo Antoninopolim oppidum aliud

un mot, en fit une place de guerre redoutable, et voulait lui donner son nom. Elle est baignée au sud par le Tigre, qui fait un coude en cet endroit peu éloigné de sa source. Elle domine à l'est les plaines de Mésopotamie. Au nord, elle a la rivière de Nymphée à proximité, et pour boulevard les crêtes du Taurus, qui forment la démarcation de l'Arménie et des régions Transtigritaines. Du , côté de l'ouest, elle touche à la Comagène, contrée d'une fertilité que seconde une bonne culture, et où se trouve le village d'Abarne, renommé par ses eaux thermales. Au centre d'Amide même, au pied de la citadelle, jaillit une source abondante d'eau potable, mais sujette, par les fortes chaleurs, à prendre une odeur méphytique. La garnison permanente de la ville n'était composée que de la cinquième légion Parthique, et d'un corps dé cavalerie levé dans le pays, et qui n'était pas à.mépriser. Mais l'irruption des Perses y avait fait accourir six légions, qui devancèrent l'ennemi sous ses murs par une marche forcée, et mirent la place sur un pied de défense respectable. Deux de ces légions portaient les noms de Magnence et de Décence. L'empereur, qiii s'en défiait, les avait, après la guerre civile, reléguées en Orient, où l'on n'avaitdeçonflit àcraindrequ'avec l'étranger. Les quatre autres légions étaient la dixième, la trentième, et deux autres formées des soldats nommés superventêurs (superventores ) et préventeurs ( praventores), sous le commandement d'Élien, récemment promu au titre de comte. On se rappelle le coup d'essai à Singare de cette troupe alors novice, et le carnage qu'elle fit des Perses endormis, dans Une sortie.dirigée par ce même officier, qui n'était alors que simple

struxit, turribus circunidedit amplis et mosnibus : locatoque ibi conditorio muralium tormentorura, fecit hoslibus formidatam, suoque nomine voluit adpellari. Et a latere quidem australi, geniculato Tigridis fiieatu subluitur propius emergentis : qua Euri opponitur flalibus, Mesopotamias plana despectat : unde Aqùiloni obnoxia est, Nymphaso amni vicina, verticibus Taurinis umbratur, gentes Transtigritanas dirimentibus et Armeniam : spiranti Zephyro contraversa Gumathenam conlingit, regionem uberem et cUllu juxta fecundam : in qila vicus esl Abarne nomine, sospilalium aquarum lavacris calenlibus nolus. In ipso autem Amidas meditallio sub ai'ce fons dives exundat, potabilis quidem, sed vaporatis asslibus nonnumquam fastens. Cujus oppidi prassidio erat semper quinta Parthica legio destinata, cum indigeharum turma non contemnenda. Sed tune ingruentem Persarum multiludinem sex legiones raptim percursis itinerihus antegressas, mûris adslitere firniissimis; Magnentiaci et, Decentiaci, quos post coiisummatos civiles procinclus, ut fallaces et turbidos ad Orientera venire compulit lmperator, ubi nihil praster bella limetur externa : et Tricesimani Decimanique Fortenses, et superventoresatque prasventores cum jEliano jam Comité, quos liioneS lum etiam novellos, hortanle memorate adhuc protecloreerupisseaSingara, Persasque fusos in somnum relulimus trucidasse complures. Adeia


t06 AMMIEN MARCELLIN.

protecteur. Là se trouvait aussi la majeure partie des archers comtes ( sagittarii comités), corps qui se recrute de barbares de condition libre, choisis pour leur vigueur et leur adresse au maniement des armes.

X. Sapor, au moment de ce succès inopiné de son avant-garde, mettait à profit le conseil d'Antonin, et, en quittant Rejjase, se dirigeait sur ia droite par ïïorren, Méjacarire et Charcha, comme s'il n'avait eu aucun dessein sur Amide. ïi rencontra sur sa route deux forts romains, Rema et Rusa; et il apprit d'un transfuge que la force de ces deux places avait déterminé plusieurs particuliers à y faire déposer leurs richesses, comme en lieu sûr. Outre les trésors, il s'y trouvait, disait-on, une femme de beauté singulière, avec sa jeune fille. C'était l'épouse de Çraugase, membre influent et distingué dû corps municipal de Nisibe.

L'appât du butin anima Sapor, qui attaqua sans délai les deux forts, ne doutant pas de les enlever. Les garnisons en effet, consternées à la vue de tant d'ennemis, ne songèrent qu'à rendre les places, en livrant avec elles fous les réfugiés.

comilum quoque sagillariorum pars major, équestres vi.delicet tannas .ita cognoni.inatas, ubi nièrent omnes ingenui barbari, armorum viriumque firmitudiue inter alios eminentes.

X. Hase dumprinii impelus turbo conatibusagitat insperatis, rex cum populo suo gentibusque, quas ductabal, a Bebase loco jtinere fiexo dexlrorsus, ut monuerat Antoninus, per Horren et Méjacarire et Charcha, ut.transiturus Aniidam,cum prope easlella Romana venisset, quorum unum Reman, alterum Busan adpellatur, perfugarum indicio didicit, multorum opes illuc translatas servari,ut in mummentis prascelsis et fidis : addilumque est, ibi cura snppelleclili pretiosa inveniri feminam pulcram cum filia parvula, CraugasiiRisibeni cujusdam uxorem, in municipali ordine génère, fama, potentiaque circumspecli. Aviditate ilaque rapiendi aliéna festinans,.petit impetu fidenti castella : unde subita animi consternatione defensores armorum varielate prasslricli, se cunctosque prodidere, qui ad prassidia confugerunt, et digredi jussi, confestim

A la première sommation, elles en remirent les clefs, en ouvrirent les portes, et tout ce qu'elles renfermaient fut abandonné au vainqueur. On vit alors paraître à la file des femmes tremblantes des enfants sur les bras de leurs mères, et faisant dans un âge si tendre, l'apprentissage du malheur. Le roi s'informa de l'épouse de Çraugase, lui fit dire d'approcher sans crainte, et, la voyant couverte d'un voile noir des pieds à la fête, l'assura d'un air de bonté qu'on respecterait sa pudeur, et qu'elle reverrait son mari. Il savait que ce dernier avait pour elle une passion extraordinaire, et comptait négocier à ce prix la reddition de Nisibe. Il étendit cependant la même protection à des vierges consacrées, suivant le rit des chrétiens, au culte des autels; leur permettant-de continuer sans crainte leurs pratiques religieuses. Cette affectation de clémence avait pour but de ramener à lui ceux qu'effrayait sa réputation de barbarie. Il comptait leur persuader, par ces exemples, que ses moeurs s'étaient adoucies, et que sa haute fortune ne relevait pas au-dessus dés sentiments de l'bumanité.

, claves oblulere portarum : palefaclisqiie aditibus, quid;

quid; ibi congestum erat, enfitur : et productas sunt atlôi

atlôi mulieres, et infantes malribus implicati, graves

: asrumnas inter initia tenerioris astatis experti; Cumque

: rex, percontando, cujusnam conjunx esset, Craugasii

comperisset, vim in semetuenlem prope venire permisit

iiilrepidaiii, et vi.sam operlamque adusque labra ipsa atro

velamine, certiorejam spe niarili recipiendi, et pudoris inyiolatimansuri,l)enigniuscqnfirmavit.Audienseniniconjii-

inyiolatimansuri,l)enigniuscqnfirmavit.Audienseniniconjii-

gem miro ejus araore flàgràre, hoc prasmio Nisibenam se

proditionem mercari posse arbitrabatur. Inventas tamen

alias quoque virgines Christiano rilu cultui divino sacratas,

custodiri intactas, et religioni servire solito more, nullo

Vêtante prascepit : Ienitudinera prolëcto in tempore simulans

simulans ul omnes, quos antëhac diritate crudelitaleque ter.rebat,

ter.rebat, sua metu remoto venirent, exemplis recentibus

recentibus humanitate eum et moribus jam placidis nia-.

gnitudinem tempérasse fortunas.


LIVRE XIX.

SOMMAIRE DES CHAPITRES.

I. £apor engage les habitants d'Amide à se rendre. Il est. accueilli à coups de flèches et de traits de balistes. Le roi Grunibate renouvelle la sommation; son fils est tué à ses.côlés. II. Amide est investie, et les Perses lui livrent assaut deux fois en deux,jours. 111. Ursicin propose une diversion nocturne contre les assiégeants; Sabinien s'y oppose. IV. La peste se déclare à Amide; elle estdissipée au bout de dix jours par unepelile pluie. Des causes et des variétés de ce fléau, y. Nouvel, assaut de la ville, combiné avec une surprise à l'intérieur, au moyen d'un passage secret livré par un transfuge. VI. Une sortie opérée par les troupes gauloises fait beaucoup de mal aux Perses. VII. Ils élèvent des tours et autres ouvrages de siège, qui sonlbrulés parles Romains. VIII. Les Perses s'emparent de la ville au moyen de terrasses qu'ils parviennent à appuyer contre les murs. Ammien s'échappe à la faveur delà nuit, et gagne Ântioche. IX. Les officiers romains qui commandaient à Amide sont mis à mort ou jetés dans les fers. Craugase de Ninive passe du_côté des Perses., entraîné par le .désir de revoir, sa femme.

X. La crainte d'une disette cause des séditions.à Rome.

XI. LesSarmates Limigantes, sous couleur de demander la paix, attaquent l'empereur, et sont-repoussés avec grande perle. XII. Accusations et condamnations nombreuses; pour crime de lèse-majesté. XIII. Brigandages des Isauriens réprimés par le comte Laurice.

I. De iàSapor, enorgueilli de sacapture et comptantsur.de nouveaux succès, partit à petites journées pour Amide,..où il.arriva.le troisième jour.Le lendemain, au lever de<l'aurore, tout l'horizon resplendissait de l'éclat des armes. Une immense cavalerie bardée de fer couvrait les plaines et les collines. En avant des escadrons,

LIBER XIX.

Sapor, dum Amidenses ad deditionem horlatur, a proesidiariis sagiltis et traguïis petitur. Idem dumtenlat Grumbates rex, iilius ejus interficitur. C. 1. Amida circumsidetur, etinlra biduurabisoppugnaturaPersisi II. Ursicinus noctu obsidentibus supervenire frustra conatur, Sabiniano magistro militum répugnante. III. Pestilenlia Amida; orta inlra decimum'diem exiguo imbre sedatur. Et de causis acgeDerlbus pestilentioe. IV. Amida hiuc circum muros, inde per subterraneosComices duce (ransfuga oppugnatur. V. Gallicanamm legionum eruptio, Pérsis exitiabilis. VI. Turres etaliaoperaurbis mûris admovenlur;incendunlur:a Romanis. VII. Amida per celsos aggeres murisproximos tentalur aPersisacinvaditur. Marcellinus posl caplam urbem nocte «vadil. ac fuga Antiocliiam petit. VIII. Amida? ex ducibus Rom. alii supplicio adfecli, alii vincli. Craugasius Kisibenus desiderio uxoris captivai transfugit ad Persas. IX. Plebs. Rom. inopiam frumentinieluens serliliones movel. X. 'Limigantes Sarmataî,: dum simulata pelilione.pacis decoptum.Imperatorem invaduut, onaxima suorum strage rcprimunlor. XI. Laîsae majestatis mulli arcessiti atque damnati. XII. Lauricius Cornes Isaurorum latrocinia compescit. XIII.

I. Hoc misera noslrorum captivitalis eventu rex lajtus, successusque opperiens similcs, egressus exinde paullaon

paullaon le roi à sa haute taille, au bonnet d'or parsemé de pierreries, dont il se coiffait au lieu 4e diadème, et qui figurait une tête de bélïers;, enfin, à cet entourage de princes de différentes nations, marque de sa suprême puissance. La garnison était persuadée que, suivant l'ayis d'Antonin, il ne ferait que passer devant la ville, et ne.tenterait rien de plus qu'une sommation. Mais la divine Providence, dans la vue sans doute de circonscrire sur un point le fléau qui menaçait l'empire, inspirait à ce monarque une confiance sans bornes. Il croyait,qu'à sa seule vue .les assiégés, frappés de terreur, yiendraient lui demander à genoux la vie. Aussi le vit-on avec sa roj'ale escorte caracoler devant les portes de la ville, et même en approcher, d'assez près ppur qu'on pût sans peine distinguer les traits de son visage. Son brillant costume le rendit aussitôt le but d'une volée de flèches et de projectiles. ,11 faillit même être, percé, d'un javelot de rempart, mais en fut quitte cependant pour une déchirure à son vêtement, grâce à. un nuage dépoussière qui ne permit pas d'ajuster le coup, et conserva cette vie pour la destriictiqn de tant d'autres.

La violation d'un temple ne lui eût pas paru plus sacrilège : c'était un attentat à la personne du souverain de tant de peuples et de rois. M allait à l'instant même faire,les derniers efforts contre la ville coupable,,,si les chefs n'étaient intervenus pour représenter avec douceur contre cet emportement, qui compromettait le salut

Unique incedens , Amidam die tertio venit. Cumque primum aurora fulgeret, universa qua; videri pôterant armis stcllantibus coruscabanl, ac ferreus equitatus campos. opplevit et colles, lnsidens autem eqno, ante ah'os celsior ipse praeibat agminibus cunctis, aureum capitis arietinï figmentum interstinctum lapillis pro diademate geslan's, multiplier vertice dignitatum et gentium diversarum comitalu sublimis; Salisque eum conslabat colloquio tenus defensores moenium tenlaturum, aliorsum Antonini consilio festinantem. Verum casleste numen, ut Romance rei tolius serumnas intra unius regiouis concluderet ambitum, adegerat in immensum se extollentem, credentemque, quod.viso stalim obsessi omnes metu exanimati, supplices venirent in pièces. Portis obequitabat, comitante cohorte regali : qui dum se prope conûdentius inserit, ut cliam vultus ejus possit aperte cognosci, sagitlis missiiibusque coeteris ob décora petitus insignia, corruisset, ni pulvere jaculantium adimente conspectum, parte indumenli tragulne ictû discissa, editurus poslea strages iununieras evasisset. Hinc quasi in sacrilegos violati saeviens templi, temeralumque tôt regum et gentium dôminum praîdicâns, eruendoe urbis adparatu nisibus magnis insiahat : et orantibus potissimis ducibus, ne profusus in iram a gloriosis descisceret coeplis, leni summalum pelilione pla-


los AMMIEN MARCELLIN.

d'une grande entreprise. On réussit à le calmer ; mais il résolut de faire dès le lendemain une sommation à la place.

Grumbates, roi des Chionites, fut chargé de cette mission ; et dès que le jour parut, ce prince, avec une escorte des mieux montées, s'avança résolument vers la muraille. Mais dès qu'il fut à portée, un trait, chassé d'une arbalète par une main exercée, vint frapper à ses côtés son fils, jeune homme qui l'emportait sur tous ceux de son âge en taille et en bonne mine, et lui traversa la cuirasse et la poitrine d'outre en outre. En le voyant tomber, tousse dispersèrent; mais bientôt le devoir les ramena autour du corps, pour empêcher qu'il ne fût enlevé. Leurs cris de vengeance appelèrent alors cette multitude de nations aux armes. Une grêle meurtrière de traits fut échangée avec fureur; Un grand nombre de soldats tomba de part et d'autre, et le carnage se prolongea jusqu'à l'entrée de la nuit, dont l'ombre ne couvrit qu'à peine l'enlèvement du cadavre, à travers des monceaux de morts et des ruisseaux de sang. Telle fut jadis sous les murs de Troie cette lutte sanglante où deux armées se disputaient le compagnon expiré duhérqsdeThessalie.

Le deuil du père en cette occasion fut partagé par toute la cour persane, et par les chefs confédérés sans exception ; car ce noble jeunehomme était aussi universellement chéri que digne de l'être. Une suspension d'armes fut ordonnée pour la célébration de ses obsèques, suivant le rit de sa nation. Le corps, revêtu de son armure, fut exposé sur une estrade spacieuse et élevée, et entouré de dix lits funéraires, sur chacun desquels était déposée l'effigie, soigneusement imitée, d'un

calus, posfridie quoque super deditione moneri deereverat defensores.

Ideoque, cum prima lux advenisset, rex Chionitarum Grumbates fidenter eam operam navaturus tendebat ad moenia, cum manu promptissima stipatorum : quem ubi venientem jam telo forte contiguum contemplator peritissimus advertissèt, contorla ballista fiiium ejus primas pubis adulescentem, lateri paterno baerentem, thorace cum pectore perforato, profudit, proceritate et décore corpôris aequalibus antestahtem. Cujus oocasu in fugatn dilapsi populares ejusomnes, moxque, neraperetur, ratibne justa regressi, numerosas génies ad arma clamoribus dissonis concilarunt : quarum coucursu ritu grandinis bine inde convolantibns lelis, atrox committitur pugna. Et post iulerneciva certamina adusque finem diei protenta, cum jam noclis esset initium, per acervos caesorum et scalurigines sanguinis aegre defensum caligine tenebrarum extrahilur corpus ; ut apud Trojani quondam super comité Thessali ducis exanimi acies Marte acerrimo confiixerunt. Quo funere regia nwesla, et oplimalibus universis cum parente subita clade perculsis, indiclo justilio juvenis nobiiilale commendabilis et dilectus, ritu nalionis propria) lugebatur. Itaque, ut armari sôlebat elalus, in amplo quodam suggeslu Iocalur et célso : ciiçaque eum lectuli deeem slernunlur, figmenla vehenles hominum morluo- !

corps mort et enseveli. Les hommes, groupés par tentes et par manipules, passèrent les sept jours suivants en banquets entremêlés de danses et d'hymnes lugubres en l'honneur du jeune héros. De leur côté, les femmes!éclataient en gémissements et en sanglots , et se frappaient la poitrine en s'écriant que l'espoir de la patrie avait été tranché dans sa fleur ; imitant, dans les démonstrations de leur douleur, les prêtresses de Vénus quand elles célèbrent la fête d'Adonis, symbole mystique de la reproduction des biens de la terre. II. Quand les flammes eurent consumé le corps, on renferma les cendres dans une urne d'argent que le père avait résolu de ne confier qu'au sol natal, à son retour. On tint ensuite un conseil, où il fut décidé qu'on offrirait l'incendie de la ville, et sa destruction de fond en comble, en expiation aux mânes du jeune prince. Grumbates, en effet, ne voulut entendre à aucune proposition de se remettre en marche avant d'avoir vengé son fils unique. Deux jours furent consacrés au repos : toutefois de nombreux détachements allèrent ravager les campagnes environnantes, dont la riche culture présentait partout la florissante image de la paix. Le troisième , au lever de l'aurore, une ceinture de cinq rangs de boucliers se forma autour de la ville. Une innombrable cavalerie remplissait l'espace, aussi loin que la vue pouvait s'étendre ; etchaque division, s'ébranlant au petit pas, vint occuper le poste que le sort lui avait assigné. L'armée perse décrivait complètement le cercle autour de la ville. La partie de l'est était échue aux Chionites. C'était de ce côté que, par un hasard qui nous devint si fatal, leur jeune prince avait perdu la vie. Les Vertes

rum, jta enraie pollincta, ni imagines essent corporibus similes jam sepullis : ac per dierum spatium septem, viri quidem omnes per contubernia et manipulos epulis indulgebant saltando, et cantando tristia quasdam gênera na> niarum, regiumjuvenemlamenlantes. Feminae vero miserabili planctu, in primoevQ flore succisam spem gentis solilis fletibusconelamabant ; ut lacrymarecultrices Veneriissaepe spectantur in sollemnibus Adonidis sacris, quod simulacrum aliquod esse frugum adultarum religiones myslicaî doceot. II. Post incensuni corpus, ossaque in argenteaih urnam conjecta, quaî ad gentem humo mandanda portait staluerat pater; agitata su frima consiliorum placuerat, busto urbis subversae expiare perempli juvenis maiies: nec enim Grumbates inultâ unici pignoris umbra ire lillra paliebatur. Biduoque ad otium dato, ac missis abuude, qui pacis modo patentes agios pingues cultosque vaslarent, quinquies ordiue mulliplicato scutorum cingiturcivitas : ac terliae principio lucis corusci globi turmarum impleveriinl cuncta, qdoe prospectus liumanus poluitundique contueri : et sorte loca divisa démenti gradu incedenles ordines occupaient. Persae omnes murorum ambilus obsidebant. Pars, quae orientem speclabat, Cuionilis evenit, qua funeslus nobis ceciderat adulescens. Verlaî meridiano lateri sunt destinali : tractum servabanl septenllrionis Albaui : occidentali portée opposili suntSeges-


LIVRE XIX. 109

se rangèrent du côté du sud, et les Albains vers le nord. A l'ouest se montraient en bataille les Ségestains, de tous ces guerriers les plus redoutables. Au milieu d'eux, avec lenteur, s'avançait le train des éléphants; et, ainsi que je l'ai déjà dit, rien n'est plus fait pour inspirer la terreur que ces monstres à la peau rugueuse, citadelles mouvantes, et chargées d'hommes armés.

A la vue de cette levée en masse de peuples conjurés pour la destruction du monde romain, et qui arrêtait un moment sa marche pour nous écraser en passant, tout espoir de salut s'éteignit en nous. Chacun ne songea plus qu'à trouver une mort glorieuse, et, autant que possible, à en avancer le moment. Depuis le lever jusqu'au coucher du soleil, les lignes ennemies restèrent immobiles, comme fixées en terre, et gardant un silence absolu ; on n'entendit pas même un cheval hennir. Le retour s'opéra dans le même ordre qu'on était venu se mettre en position, afin de prendre un peu de sommeil et de nourriture. Puis dès avant l'aurore, au bruit des trompettes, qui semblaient sonner l'heure dernière de la ville, le terrible investissement recommença.

Au signal connu d'un javelot sanglant lancé en l'air par Grumbates, qui remplit en cette occurrence le rôle de fécial, suivant la coutume de son pays et du nôtre, un grand bruit d'armes éclate soudain, et l'armée perse tout entière se précipite en tourbillons vers les murs. La tourmente guerrière se déchaîne alors avec une horrible violence, toute cette masse effrayante de cavalerie luttant de vitesse, et se disputant à qui prendrait le plus tôt part au conflit; et les assiégés, d'autre part, opposant à tous ses efforts une détermination ardente autant qu'inflexible. Plus d'une tête, parmi les ennemis, fut brisée par les

t'ani, acerrimi omnium bellatores : cum quibus elala in arduuin specie elephantorum agmina, rugosis horrenda corporibus, leniter incedebant armatis onusta, ultra omneni dirilatem teetri spectaculi formidanda, ut retulimus soepe.

Cémentes populos tam indimensos, ad orbis Romani incendium diu qusesitos, innostrorum convefsos exitium; salutis râla desperalione gloriosos vitse exitus deinde cùrabamus, jamque omnibus nobis optatos. A sole itaque orto usque diei ultimum acies immobiles stabanl ut fixas, nullo variato vestigio, nec sonitu, vel equorum audito hinnitu : eademque figura digressi, qua vénérant, cibo recreati et somno, cum superesset exiguum noclis, seneatorum clangore ductante, urbem ut mox casuram terribili corona cinxerunt. Vixque ubi Grumbates hastam infectam sanguine ritu patrio nostrique more conjecerat fecialis, armis exercitus concrepans involat in muros : confeslimque lacrymabilis belli turbo crudescit, rapido turmarum processu in procinclum alacrilate omni tendentium, et contra acri intentaque occursatione nostrorum.

Proinde diffraitis capitibus multos hoslium sco.rpionum jaclu moles saxeae colliserunt: alii trajecli sagiltis, pars tonfixi tragnlis, humum corporibus obslruebant; vulnerati

blocs de pierre partis de nos scorpions ; plus d'un cadavre embarrassa le sol, percé d'outre en outre par nos flèches et nos javelots de rempart. Une foule de blessés se replia précipitamment sur ceux qui s'avançaient pour les soutenir. Mais les pertes du côté de la ville n'étaient ni moins grandes ni moins douloureuses : le ciel était littéralement obscurci par les flèches des Perses. Le jeu des machines de guerre qu'ils s'étaient procurées par le pillage de Singare fut encore fatal à plus d'un parmi nous. On ne quittait un moment les murs qu'à tour de rôle, et pour y revenir après avoir repris des forces. Ici le blessé, retournant au combat, était renversé pour ne se relever plus, et, en tombant, entraînait son voisin dans sa chute. Un autre encore vivant, bien que hérissé de flèches, cherchait partout une main qui pût extraire les dards de ses plaies. Si grande était la soif de sang de part et d'autre, que ce massacre durait encore à la chute du jour, et se ralentit à peine à l'approche des ténèbres. On passa réciproquement la nuit sous les armes. L'écho des collines renvoyait lés cris des deux armées : les nôtres exaltant les vertus de Constance, et le saluant de maître du monde et de dominateur suprême ; les Perses donnant à Sapor les titres de Saansan et àePyrose, termes qui équivalent, dans leur langage, à ceux de roi des rois et de triomphateur.

Les trompettes sonnèrent avant l'aube ; et, animés d'une même fureur, les innombrables escadrons s'avançaient comme des nuées d'oiseaux de passage. De tous côtés à la fois l'oeil n'apercevait au loin que le scintillement de l'armure des barbares. Tout à coup ils jettent de grands cris, et s'élancent confusément vers la ville; mais ils sont accueillis par une grêle de traits lancés du

alii sociosfuga proecipili repetebant. Nec minores in civitate luctus aut mortes, sagittarum creberrima riube auras spissainultitudineobumbrante, tormentorumque macliinis.queedirepta Singara possédèrent Persae, vulnera in» ferentibus plura. Namque viribus collectis propugnatores, omissa vicissim cerlamina repetentes, in maximo defendendi ardore saucii perniciose cadebant, aut laniali, volvendo stantes proxime subvertebant, aut certe spicula membris inûxa viventes adbuc vellendi peritos quaeritabant. Ita slrages stragibus implicatas, et ad extremum usque diei produclas, ne vesperlinse quidem bebetaverant lenebroe : ea re, quod obslinàtione utrimque magna decernebatur. Agitatis itaque sub onere armorum vigiliis, resultabant altrinsecus exorlis clamoribus colles : nostris virtutesConstantifCaesaris extollenlibus, ut domini rerum et mundi : Persis Saporem et Saansaan adpellantibns et Pyrosen, quod rex regibus imperans, et bellorum Victor inlerpretatur.

Ac priusquam lux occiperet, signo per lituos dato, ad fervorem similium proeliorum excitae undique inaestimabiles copias in niodum alitunm ferebantur : unde longe ac late prospici polerat, campio et convallibus nihil pra:- ter arma micantia ferarum gentium demonstranlibus. Mox-


KO 'AMMIEN MARCELLIN.

haut des murs, et, suivant toute apparence, aucun coup ne fut perdu au milieu de ces masses profondes et compactes. Quant à nous, circonvenus, pressés par un monde d'ennemis, nous songions moins, je le répète, à conserver nos jours qu'à mourir en gens de coeur. On se battit ainsi jusqu'au soir, sans que la victoire inclinât d'aucun côté, et avec plus d'acharnement que d'ordre et de prudence ; car les cris confondus de ceux qui tuaient et étalent tués communiquaient à tous cette exaltation fébrile où l'on ne songe plus à'se garantir'.' ' '" ■<•■■■.■

Enfin la nuit vint apporter au carnage une trêve, que prolongeai'épuisement des deux partis. Mais cèt'intérvàllè,' qu'il eût fallu' donner au repos, fut rempli par un'travail continuel, dont l'excès, jointàTinsomme, consuma ce qui nous restait de forces. Le courage aussi faiblissait à la vue des plaies saignantes et du pâle visage des mourants, à qui, faute d'espace, la sépulture même devait être refusée. En'effet, outre la présence de sept légions , appelées avec quelques 1 autres troupes à la défense de la ville, un mélange corifus:S'e tout âge et dé tout sexe y avait reflué dé l'extérieur. Vingt mille hommes au moins'se pressaient dans son étroite enceinte. Chacun soignait donc ses propres blessures comme il pouvait, et eu égard aux ressôùrèës de pansement existantes. Plus d'un agonisant rendait le dernier soupir en perdant tout son sang, à la place même où le coup l'avaitrènvérsé. Tel, vivantencoré, bien quepereé d'outre en outre, voyait les gens de l'art lui refuser leurs soins, pour lui épargner d'inutiles souffrances. Tel, subissant l'extraction des flèches

que clamore sublato, cunçtis temere prorumpentibus, telorum vis ingens volabat e mûris : utque opinari dabatur, nulla frustra mittebantur , inter bominum cadentia densitatem. Toi enim nos circunistantibus malis, non obiinendse causa salutis, ut dixi,'séd fortiter moriendi studio flagrabaihus : et a diei principio adusqué liicem obsciiram neuirubi proelio inclinato,Terocius quahi consultiuspUgnabatur.&urebârit enini ruénliumferienliumqliéclamoies, ut praealacrilaté consistera sine vulnere quisquam vix possit. Tandemque nox finem caedibus' fecit, et satias ajrumnarum indulias partibus dedéràt Jôngiores. TJbi enini quiescendi nobis tempus est datuni, exiguas' quaa sùperérant vires continuas cum insomriiâ labor absûitipsit, sanguine et pallehte exspiràntium fàeiè péiterrente, qu'ibus' ne suprema quidem bumandi solalia tribui sinebant ângustiae spatiorum, inlrâ civilatis âmbitum non nimiuni amplse legionibus septem, et promiscuà advênarum cîviumque sexus utriusqde plèbe, et militibus aliis paucis adusque numerum milliuni xx concîlis inclusis. Medebalur ergo suis quisque vulheribus pro possibilité; Vel curàntiiim copia : cum quidam graviter saucii cruôi'e e'xhaus'to spiritus reluctanles efdarent : alii confossi mucronibus prdstrali, animisin ventum solutis'projicieba'ntur éx'stincti : aliquorum foralis (indique membrismederi pCritl vètahaut, ne offensionibns cassis animae vexarentur adflictae :

dont il était atteint, endurait mille morts pour une'guérison douteuse. '

;III. Pendant qu'Aniide soutenait cette lutte terrible, Ursicin se désespérait de sa position subalterne. Sabiniën, dont l'autorité était alors supérieure à la sienne, né bougeait plus du milieu des tombeaux. Ursicin né cessait dé 'l'exhorter à rassembler tous les vélites, et à intervenir par une marche rapide, en suivant le pied des monts. On pouvait espérer, avec une force aussi mobile, d'enlever les gardes avancées de l'ennemi, et dé percer sur quelque point, par ùhé attaqùènoctùrrie, les lignes qu'il formait autour dés murs ; sinon, de multiplier les surprises, pour faire au moins diversion aux travaux du siège et aux efforts des assiégeants.

Sabinieh traita ce projet de désobéissance, et produisit une lettre de l'empereur, qui enjoignait formellement dé ne faire que ce qui était possible, sans déplacement des troupes. Mais il se gàrdàbién de laisser connaître à Ursicin là recommandation expresse qu'il avait reçue de la c'ôur, de s'arranger, dût l'État en souffrir, pour fermer à son ardent prédécesseur toute occasion d'acquérir delà gloire.' Oh allait jusqu'à sacrifier' des; provinces pour ôter à de grand homme de guerre l'honneur, même partagé, d'une action d'éclat. Paralysé parées machinations, Ursicin, que notre situation n'en préoccupait pas moins, en était réduit a communiquer avec nous par exprès, ce:qui était souvent bien difficile, attendu la rigueur du blocus où l'ennemi tenait la place,' et à former plan sur plan,' sans pouvoir en mettre un seul à exécution; semblable à un lion terrible qui,ilésârmé de griffes et de dents, voit ses petits diiis

nonnulli vellendis sagittis in ancipiti curatione graviora morte-supplicia perferebant.

III. Dum apud Amidam hac partium destinatione pugnatur, Ursicinus masrens, quod ex alterius pendebatarbitrio, auctoritatis tune in "regendo milite potions Sabiiiianum, ètiam lum sepulcris hajrentem crebro morieb'at, Ut compositis vélitaribus cunctis, perimos'pedes montîum océultis itineribus properarent : quo levium armoïuiii auxilio, si qua forsjuvisset, stalionibus inlerceptis, noclurnas hostium adgrederentur excubias, quas ingenti circUitu vallaveranl niuros, aut lacessitionibus crebris occuparent obsidioni fortiter adliaerentês. Qiiibus Sabinianus renilebalur ut noxiis, palam qûidem' litlei as impériales praelenderts, inlactoubique milite, quidquid geri potuisset, impleri deberé apérle jubentes : clam vero corde altissimo retinehs, saspe in colnitatu sibi mandatum, ut ansam ômnem adipiseendaj làudis decessori suo ardenli studio gloriae circumeideret, etiam exrepublica processuram. Adeo vel cum exitio proVinciarum festinabatur, ne beliicosus liomd memorabilis àlicujus facinoris auctor nuniiarelur aoisocius. Ideoque his altonilus malis, explorait)- res ad nos saepe mittendo (licetob custodias artasnullus facile oppidum noterai introile) et ulilia agilando complùra nibil proficiens, visebaturul leo niagnitudine corpoïis'dt torvitate terribilis, inclusos intra relia càtulos peïiculo


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les filets, et n'ose s'élancer à leur secours. IV. Mais dans la ville, dont les rues étaient jonchées de morts, quand les bras manquèrent pour l'inhumation de tant de cadavres, aux maux qu'on souffrait déjà vint s'ajouter la peste, effet inévitable de tant d'exhalaisons putrides combinées avec les ardeurs de la saison et l'état maladif de la population entassée. J'ai quelques mots à dire sur les causes de ce fléau et sur ses variétés. Suivaut les philosophes et les plus habiles médecins, c'est à l'excès du froid ou de la chaleur, de la sécheresse ou de l'humidité, qu'on doit attribuer la peste. Dans les pays humides et marécageux ,1e mal se manifeste par des accès de toux et des ophthalmies ; dans les climats cliauds, par une fièvre lente et des symptômes d'inflammation. Mais autant le feu l'emporte en activité sur les autres éléments, autant la sécheresse surpasse en intensité tout autre principe délétère. Témoin cette mortalité effrayante dont l'armée des Grecs se vit frappée par les traits d'Apollon, c'est-à-dire par l'action d'un soleil ardent, durant cette lutte terrible où elle s'acharna pendant dix ans, pour qu'un royal ravisseur ne jouît pas en paix du fruit de son adultère ; témoin le récit que fait Thucydide du désastre des Athéniens décimés, au début de la guerre du Péloponnèse, par ce fléau destructeur qui, né sous le ciel brûlant de l'Ethiopie, et s'avançant de proche en • proche, finit par envahir l'Attique. Quelques-uns attribuent cette funeste influence à la corruption de l'air ou de l'eau, viciés par les miasmes de la putréfaction animale, ou par une cause analogue. Il est constant du moins qu'une simple variation de l'atmosphère suffit pour incommoder, quand elle est subite. D'autres voient la cause irnméereplum

irnméereplum non audens, unguibus ademptis et dentibus.'

IV. Sed in civitatc, ubi sparsorum per vias cadaverum mullitiido humandi officia superarét, peslilenfia tôt malis accessit, verminantium corporum lue tabifica, vaporatis a?stibus, varioque plebis languore nutrila : qua; gênera morboriim unde oriri soient, breviter explicabo. Nimietalemfrigoris,.aut caloris, vel humoris, vel siccitatis, peslilenlias gignerc pbilosopbi et illustres med.ici tradiderunt. Unde accolentes lùca palustria vel humecta, tusses et oculares casus, et similia perferunt : contra confines caloribus, tepore febrium arescunt. Sed, quanto ignis maleries cseterisest efficacior ; tantd ad perimendum celerior siccilas. Hinc, cum decennali bello Gracia desudaret, ne peregrinus poenas dissociali regalis matiimonii lucraretur : liujusmodi grassanle pernicie, telis Apollinis perfore complures, qui sol astimatur. Atque ui Thueydides exponit, cladesilla, quse in Peloponnesiaci belli principiis Alhenicnses acerbo génère morbi Vexavit, abusque fervenli iElhiopia; plaga paullatim proserpens , Atticam occupavit. Aliis placet, auras, ut soient, aquasqne viliatas faetore cadaverum vel similibus, salubritatis violare maximam parlem : vel cérte aëris permutatioiiem snbitam

diate de la mort dans une suppression de la sueur, que l'air, épaissi par certaines émanations terrestres , arrête au sortir des pores. Aussi, d'après Homère, et comme l'expérience l'a constate, lorsque la peste se déclare, les animaux eu sont atteints aussi bien que les hommes, et, leur conformation les rapprochant du sol davantage, ils sont plutôt emportés.

La première espèce de peste est désignée par le nom de pandémie : elle sévit presque constamment où domine ia sécheresse, et se manifeste par une ardeur interne, qui ne laisse aux malades aucun repos. La seconde, connue sous celui d'épidémie, a des retours périodiques : elle trouble la vue, et altère les humeurs. La troisième, qu'on appelle Loemodes, ne règne qu'accidentellement, mais frappe et tue comme la foudre. L'a peste d'Amîde était de cette redoutable espèce. Elle n'emporta cependant parmi nous qu'un petit nombre d'individus, que l'excès de la chaleur, et la gêne résultant de l'encombrement, prédisposaient à l'invasion du fléau. Enfin, dans la nuit qui suivit le dixième jour, il survint une petite pluie, qui purgea l'air dé toute influence morbifique, et nous ramena la santé.

V. Cependant notre vigilant ennemi construisait des mahtelets, entourait les murs déterrasses, élevait des tours bardées de fer par devant, et dont chacune était armée d'une baliste destinée à nettoyer les remparts ; le tout pendant que ses frondeurs et ses archers nous accablaient sans interruption d'une grêle de projectiles plus légers. Il y avait dans la garnison, comme je l'ai déjà dit, deux légions récemment tirées de la Gaule, et qui avaient combattu pour ' Màgnence. C'étaient des hommes hardis et dispos, excellents

aîgriludines parère leviores. Adfirmanl etiam ab'qui, terrarum hàlitu densiore crassatum aëra, emiltendis corporis spiraminibus resistentem, necare nonnullos : _qua causa animalia praster hommes caetera jugiter prona Homero auctore, et experiméntis deinceps multis, cum tàlis incesserit labes, ante novimus interiré. Et prima speciés luis Pandemus adpellatur, qua2 efficil in âridioribus locis agentes caloribus crèbris interpellari : sécunda Epidemus, quaj tempore ingrueiis acies hebelèt luminum, et concilat periculosos hUmores : lertia Loemodes, quso ilidem lemporaria est, sed volucri velocitàté 1 letabilis. Hàc exitiali peste quassati, paucis intemperanti a3Stu consumplis, quos multitudo angebat : tandem ndcte, quoe diem consequutà esl decimdm, exiguis imbribus disjeclo concrèlo spii'itu et crassàto, sospitas retenta est corporum firma.

V. Arerum inter hsee inquies Persa vimineîs civitalem pluteis circumdabat, et ërigi aggeres coepli : lurfesque fabricabantiir fronlibiis ferratis excelsae, quartim fasligiis ballislae iocalaî sunt singulaj, ut a propugnaculis propellerentdelënsores: levia tamen per fundilores et sagiltarios prtelia ne punclo quidem bre'vi cessabant. Erant nobiscum duaî legiones Mâgiienliaca;, recens e Galliis ductse, ut pra'diximus, virorum fôrtium et pernicium, ad plana-


H2 AMMIEN MARCELLÎN.

pour tenir campagne, mais n'entendant rien à la défense d'une place, et même plus propres à en troubler les opérations qu'à les seconder. Incapables de manoeuvrer une machine, de prendre part à l'exécution d'aucun ouvrage, ils ne savaient que s'exposer témérairement dans des sorties intempestives , dont ils revenaient chaque fois numériquement affaiblis, après s'être vaillamment battus, mais sans avoir contribué plus à la défense que l'homme qui, pour éteindre un incendie , y porterait, comme dit le proverbe, de l'eau dans le creux de sa main. Sourds aux prières de leurs tribuns, ils se virent enfin refuser l'ouverture des portes, et rugissaient, comme autant de bêtes fauves, de leur inaction forcée. Toutefois quelques jours ne se passèrent pas sans qu'ils montrassent avec éclat, comme on le verra plus tard, ce dont ils étaient capables.

Dans un réduit de la partie méridionale des fortifications qui domine le Tigre, se dressait, sur un rocher à pic-, une tour colossale, du haut de laquelle l'oeil ne pouvait sans vertige plonger dans l'abîme ouvert au-dessous. A l'étage inférieur de cette tour venait aboutir un passage secret pratiqué dans la base même de la roche, d'où l'on montait, par des degrés artistement taillés, jusqu'au niveau du sol de la ville : on avait percé cette voie souterraine, afin de pouvoir, sans être vu, puiser de l'eau dans le fleuve. Il eu existe de pareilles, à ma connaissance, dans toutes les forteresses qui jouissent de la proximité d'un cours d'eau. L'escarpement de la villesur ce point rendant la vigilance des assiégés moins active, soixante-dix archers de la garde du roi de Perse, choisis parmi les plus résolus, les plus sûrs de leur point de mire, s'engagèrent à minuit dans cette obscure galerie, guidés par un habitant qui avait passé du côté de l'ennemi. Les hommes de ce

rios conflictus aptorum : ad eas vero belli artes, quibus stringebamur, non modo inhabiles, sed contra nimii turbalores : qui, cum néque in machinis, neque in operuni construclione juvarent aliquem, stolidius erumpentes dimicahtesque fidentissime, mihuto numéro revertebant; tantum proficientes, quantum in publico (ut aiunt) incendio aqua unius bominis manu adgesta. Postremo obseratis portis, precanlibusque tribunis egredi nequeuntes, frendebant ut beslise. Yerum suquulis diebus efficacia eorum eminuil, ut docebimus.

]n summoto loco partis meridiana? murorum, quao despectat fluvium Tigrim, vurris fuit in sublimitatem exsurgens, sub qua hiabant rnpes abscissae, ut despici sine vertigine horrenda non possent : unde cavatis fornicibus subterraneis per radiées montis scaloe adusque civilatis ducebant planiciem, quo ex amnis alveo haurirenlur aquse furlim, ut in omnibus per eas regioues munimentis, qua? contingunt flumina, vidimus, fabre politoe. Per bas tenebras ob dirupta neglectas, oppidano transfuga quodam duclanle, qui ad diversam parlent desciverat, LXX sagiltarii Ferste ex agmine regio, aile fiduciaque prêtantes,

détachement, favorises par l'éloignement des postes, dont ils ne pouvaient être entendus, se glissèrent un à un dans la tour, gagnèrent ainsi la plate-forme du troisième étage, et s'y tinrent cachés jusqu'au jour. Alors ils arborèrent une casaque rouge, signal convenu de l'assaut. Puis, à la vue de leur armée qui se déploie autour de la ville, ils vident à leurs pieds leurs carquois, en jetant de grands cris pour s'animer; et les voilà qui lancent leurs traits çà et là avec une justesse de coup d'oeil merveilleuse. Aussitôt l'armée des Perses s'ébranle, leurs masses profondes se ruent sur la ville avec plus de furie que jamais. On hésite; on ne sait d'abord à qui courir, ou de l'ennemi qui d'en haut lance la mort sur nos têtes, ou de cette multitude immense déjà prête à escalader uos créneaux. Enfin la défense se partage; on choisit parmi les balistes cinq des plus transportables ; on les dresse contre la tour, et les traits en partent avec une roideur qui souvent perce deux archers à là fois. La place fut bientôt nette, les uns tombant blessés à mort, les autres se précipitant saisis d'effroi au seul sifflement des machines, et se brisant les membres dans leur chute.

Cette exécution terminée., les assiégés, tranquilles de ce côté, se hâtent de remettre les balistes à leur place ; et l'effort commun se reporte vers la défense des murailles. L'indignation contre le traître doublait l'énergie du soldat. Il n'en était pas un qui ne courût plus aisément sur les remparts, et d'un pied plus ferme qu'il ne l'eût fait en plaine. Leur bras imprimait aux traits les plus pesants une force et une rapidité si extraordinaires, que les Vertes, qui attaquaient du côtédu sud, ne purent tenir, et se virent ramenés dans leur camp, avec des pertes sensibles à déplorer.

VI. La fortune avait semblé nous sourire. La

silentîo summoti loci defensi, subito singuli noclis medio ad contignalionem turris terliam adscenderunl : ibique occultati, mane sago punicei coloris elalo, quod erat su: beundoe indicium pugna;, cum ex omni parte circumveniri urbem suis copiis inundantibus adverlissent, exinanilis projectisque aille pedes pbaretris, clamoris ululabilis incendio tela summa peritia dispergebant. Moxque acies omnes densae pelebanl multo infestius quam autea civitatem. Inler incerlos nos et ancipifes, quibus occurri (ieberet, inslantibus supra, an multitudini transcensu scalarum jam propugnacula ipsa prensanti, dividitur opéra : et translata? leviores quinque ballislae contra turrim locantur : quoe ocius lignea tela fundentes nonnumquam bmos forabant : e quibus pars graviter vulnerati ruebanl : alii macliinarum melu slridenlium praecipitesacli, laniatis corporibus interibant. Quibus bac celeritate eonfectis, relalisque ad loca sueta tormentis, paullo securius moenia omnium concursu defendebantur. Et quoniam augebal curas militum seelestum facinus perfugae, quasi decurrenles in planum, ita jaculantes diversa missilia lacerlis l foiiibus incumbebant, ut Vertoe in meridicm degenlcs,


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journée avait été fatale aux ennemis, et presque sans perte pour nous. Nous employâmes la nuit à nous refaire de nos fatigues. Au point du jour, on vit du haut des remparts une multitude confuse qui se dirigeait vers le camp ennemi : c'était la population entière de Ziata, devenue captive après la prise de cette forteresse. La force de cette place, et son enceinte étendue (elle a dix stades de circuit), l'avait fait choisir universellement comme lieu de refuge. Nombre d'autres villes avaient été prises également, et livrées aux flammes. Les Perses avaient fait des milliers d'esclaves. Dans la foule des captifs se trouvaient des vieillards infirmes et des femmes de grand âge. Quand les forces venaient à manquer à quelqu'un de ces malheureux, épuisé par la longueur de la route, ou lui coupait les tendons ou les jarrets, et on le laissait là.

Les soldats gaulois, émus de ce spectacle de douleur, voulurent faire une.sortie, menaçant leurs tribuns et leurs primipilaires de les tuer s'ils persistaient à les retenir. L'élan était généreux, mais l'instant mal choisi. Comme des bêtes féroces emprisonnées dans leurs loges, rendues plus furieuses par l'odeur de carnage qui s'en exhale, et dont la rage se brise impuissante contre ; leurs barreaux de fer, ils allaient frappant de t leurs glaives les portes, dont la clôture, ainsi qu'il est dit plus haut, avait été ordonnée. , C'était un tourment pour leur orgueil de penser , que, la ville succombant, ils périraient sous ses i ruines, sans laisser le souvenir de quelque brillant s fait d'armes ; ou même que le siège pourrait être :, levé avant que leurs bras eussent rien fait pour > soutenir le renom de la bravoure gauloise. Dans j leurs fréquentes sorties cependant ils avaient con-

con- acri repuisa disjecti, tacrymantes complurium ':■ mortes tentoria répétèrent metu.

VI. Adspiravit auram quamdam salutis forluna, innoxio fj die cum boslili clade enienso : cujus reliquo tempore ad r> quielem reficiendis corporibus dato, postera? lucis initio ..: ex arce innumeram cernimus plebem, qua? Ziata caplo ,j. castello ad bosticum ducebatur : ad quem locum ut.ca'j i pacissimum et niunitum ( spatio quippe decem stadiorum J ambilur ) promiscua confugerat multitude Nam etiam alia ',, munimenta iisdem diebus rapla sunt et incensa, unde ','t bominum millia extradacompluraservitutisequebanfair : ",( inter quos mulli seneelà infirmi, et mulieres jam gran^deeva;, cum ex variis deficerent causis, itineris longin^ quitate offensa?, abjecta vivendi cupiditate,, suris vel '^ suffraginibus relinquebautur exsectis. . ' Has miserabiles turmas Galli milites conluentes, ratioj, nabiliquidem, sed intempestivo motu, conserenda? cum |j hostibus manus copiam sibi daii poscebant, mortem tri*, bunis yetantibus primisque ordinibus minitantes, si dein^ ceps prohibèrent. Utque lentala? in caveis bestia?, taetro *£pedore acerbius efferata?, evadendi spe repagulis ver**' sabilibus illiduntur : ila gladiis portas coedebant, quas ir.supra diximus'obseratas : admodum ànxii, ne urbe excisa ^jipsi quoquesineullo specioso facinore deleâiitur aut exuta

tribué de leur mieux à détruire les ouvrages de l'ennemi, lui avaient tué nombre de travailleurs, et avaient, en prodiguant leur sang, fait du moins leurs preuves de courage.

Quel parti prendre avec ces furieux ? La question devenait embarrassante. Les contenir plus longtemps était impossible. On ne vit d'autre moyen que de leur permettre, à la condition d'un délai qu'ils n'acceptèrent pas sans murmure, de tomber sur les gardes avancées des Perses, qui n'étaient guère éloignées de la place que d'une portée de trait. On les autorisa même à se lancer au delà, s'ils parvenaient à forcer ce premier obstacle ; car il y avait lieu de croire, dans ce eas, qu'ils trouveraient à faire un carnage prodigieux. En attendant, la garnison se défendait vigoureusement du haut des murs, travaillant ou se battant le jour, veillant la nuit, et garnissant les remparts de machines à lancer des traits ou des pierres.jPendant ce temps, les Perses firent élever par leurs gens de pied deux hautes terrasses ; procédant du reste avec beaucoup de lenteur à cette opération, qui leur assurait la prise de la ville. De leur côté, les nôtres construisaient, à grand renfort de bras, sur leurs murs, des échafauds qu'ils élevaient au niveau des terrasses, en tâchant de donner à ces constructions la solidité nécessaire pour résister à la charge énorme qu'elles auraient à supporter.

Cependant l'impatience des Gaulois ne pouvait être plus longtemps contenue. Profitant d'une nuit épaisse et sans lune, ils sortirent par une poterne, armés de haches et d'épées, après avoir appelé la céleste assistance sur leur entreprise. Ils marchèrent d'abord, comptant leurs pas et retenant leur souffle ; mais en approchant de l'enpericulis,

l'enpericulis, egisse opéra; pretium pro magnanimilate Gallica memorentur : licet anlea saepe egressi, structoresque aggerum confossis quibusdam impedire eonati, paria perlulerunt.

Inopes nos consilii, et quid opponi deberet soevientibus ambigenles, id pôstissimum, a?gre iisdem adsentientibus, tandem elegimus, ut, quoniam ultra ferri non poterant, paullisper morati custodias adgredi permitterentur hostiles, qua; non procul erant a conjectu iocata? telorum, ut eis perruplis pergerent prorsus. Adparebat euim, eos, si impetrassent, strages maximas edituros. Quas dum pàrantur, per varia eertaminum gênera defensabantur acriter mûri, laboribus et vigiliis, et tormentis ad emiltenda undique saxa telaque dispositis. Duo tamen aggeres celsi, Persarum peditum manu .erecli, et expugnatio civitalis slruebalur operibus lentis : contra quos nostrorum impensiore cura moles excitabanlur allissima?, fastigio adversae eelsitudinis aoquata?., propugnatorum vel nimia pondéra duraluroe.

Inter base Galli morarum impatientes, securibus gladiisque succincti, patefacta sunt egressi poslica, cbservata nocte squalida et inlerluni; orantes csleste praesidium, ut propitium adesset et libens. Atqueipsum spiritum reprimentes, cum prope venissent, conlërti valido cursu, qui-"

qui-"

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AMMIEN MARCELLIN.

nemi, le peloton se serre ; il accélère sa marche. On surprend quelques sentinelles, et un poste avancé dont on massacre les soldats, qui s'étaient endormis , ne s'attendant à rien moins qu'à une attaque si hardie. La colonne allait pénétrer jusqu'au quartier royal si le sort eût continué de lui être favorable ; mais au bruit des pas, si léger qu'il fût, aux clameurs des blessés, le camp se réveille, et de tous côtés on crie aux armes. Les nôtres s'arrêtent, n'osant faire un pas de plus. C'eût été démence de s'aventurer plus loin, leur marche étant découverte, et toute l'armée perse accourant prendre part à l'action. Cependant les Gaulois, aussi vaillants de coeur que robustes de corps, ne laissèrent pas de faire bonne contenance, abattant de leurs épées tout ce qui osait les affronter de près. Mais déjà un bon nombre d'entre eux avait mordu la poussière ; les autres se voyaient au moment de succomber, sous la grêle de flèches qu'on leur lançait de toutes parts; car les efforts de toute une multitude se concentraient sur cette poignée d'hommes, et chaque instant grossissait le nombre de leurs adversaires. Ils commencèrent donc à faire retraite, mais sans qu'un seul d'entre eux tournât le visage. Ils reculaient pied à pied, marquant le pas comme en mesure. C'est ainsi qu'ils repassèrent le fossé du camp, essuyant charges sur charges , et assourdis par un effroyable bruit de clairons.

Aussitôt les trompettes sonnent également du côté de la ville, et les portes s'ouvrent pour recueillir les nôtres s'ils avaient le bonheur d'arriver jusque-là. On faisait en même temps jouer à vide la détente de toutes les machines, pour écarter par le bruit les troupes du cordon, qui ignoraient encore lesortde leurs camarades, démasquer lesportes, et livrer à nos braves gens le passage libre

busdam slalionariis inlerfectis, exteriores castrorum vigiles, ntinnullo tali metu sopitos obtruncanles, supervenire ipsi regia?, si prosperior juvisset eventus, occulte medilabanlur. Verum audilo licet levitendenlium sonilu, gemituque caesorum, discusso somno, excitatismultis, et ad arma pro se quoque clamitante, slelerunt milites vestigiis fixis, progredi ullra non ausi : neque enini cautuni fleinde, expergefactis, quos petebant insidia?, in apertum properare discrimen, cum jam undique frendentium caterva? Persarum in proelia venirent accensae. Contra Galli corporum robore audaciaque, quoad poteranl, inconcussi, gladiis sécantes adversos, parte suorum strata, vel sagittarum undique volantium crebritate confixa, cum unum in locum lolam periculi molem conversant, etcurrentium hostium agmina advertissent, nullo terga vertente evadere festinabant : et velutrepedantes sub modulis, sensim extra vallum protrusi, cum manipulos confertius invadentes sustinere non possent, tubarum percili clangore castrensium, discedebant. Et resultanlibus ecivitatelituismultis, porta; panduntur receplurae no'stros, si pervenire illuc usque valuissent -. tormentorumque machina; slridebant sine jaculalione ulla lelorum, utslalionibiis proesidentes, post interemplos socios pone agerenlur ignari, nrbis opjusqu'à

opjusqu'à murs. L'artifice réussit. Les ÎGaiïlois purent rentrer au point du jour, les uns blessés grièvement, les autres n'ayant reçu que de légères atteintes. Mais cette nuit leur avait coûté quatre cents des leurs; car ce n'était pas à Rhésus, dormant avec quelques Thraces sous les murs de Troie, qu'ils avaient eu affaire, mais au roi de Perse lui-même, qu'ils eussent égorgé dans sa tente au milieu de ses cent mille hommes , s'il n'eût plu au destin de se déclarer contre eux. Après la perte d'Amide, l'empereur, en mémoire de ce beau fait d'armes, fit élever, sur la place principale d'Édesse, les statues tout armées des officiers qui avaient commandé le détachement. On les y voit encore aujourd'hui, parfaitement conservées.

Le jour vint révéler aux Perses toute J'étenduede leur malheur. Des personnes dehautrang) et jusqu'à des satrapes, se trouvaient au nombre des morts. On entendit alors un concert de lamentations, variant selon l'importance des pertes. Les rois étaient indignés, et leur courroux s'en prenait à la négligence supposée des avantpostes, qui avaient laissé passer les Romains. On convint de part etd'autre d'une trêvede trois jours, ce qui nous procura quelque temps pour respirer.

VII. A l'étonnement dont ce coup les avait frappés succéda chez les Perses l'exaspération la plus violente ; mais toute tentative à force ouverte ayant échoué, ils ne songeaient plus qu'à presser vivement les ouvrages. Leur ardeur était au comble : ils étaient déterminés à mourir glorieusement sous les murs de la ville, ou à offrir en expiation sa ruine aux mânes de ceux qu'ils avaient perdus.

Tout le matériel s'acheva avec une célérité extrême, et nous vîmes un matin, au lever de

positi moenibus nudatis, ut viri fortes susciperentur iuhoxii. Hacque arte Galli porlam prope coufinia lucis introiere minuto numéro, quidam pernicïose, pars Ieviler vulnerati, q'uadringentis ea nocte desideralis -. qui non Rboesum, nec cubitantes pro mûris Iliacië Tliracas, sed Persarum regem armatorum centum niillibus circumsoeptum, ni obstitissel violentior casus, in ipsis tentoriis obtruncarant. Horum campiductoribus, ut forlium fadorum antesignanis, post civitatis excidium, armatasstatuas apud Edessam in regione celebri locari jusâérat tmperalor, qua? ad pra?sens servanlur intactae.

Releetis sequenti luce funeribus, cum inter caesorum cadavera optimates invenirenlur et salrapa?, clamoresque dissoni fortunam aliam alibi cum lacymis indicabant, Mtus ubiquê et indignatio reguni audiebatur, arbitranlium, per staliones mûris objectas irrupisse Romanos : indutiisque ob hoc tridui datis adsensu communi, nos quoque spatium ad respirandum accepimus.

VII. Perculsa? deinde novitate rei efferalseque gentcs, omissa qmni Gunclalione, operibus, quoniam vis minime procedebat, decernere jam censebant : et concilo exlremo belli ardore, omnes oppefere gloriosejamproperabant, aut ruina urbis animis lilasse raesorum.


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l'aurore, des tours revêtues de lames de fer s'avancer contre nos murs. Leurs plates-formes étaient garnies de balistes, dont les coups, plongeant sur les remparts, en écartaient les assiégés. Le jour nous découvrit une perspective d'épais bataillons, formant un horizon de fer autour de la ville. Ils marchaient, non plus en désordre comme dans les attaques précédentes, mais en lignes serrées, et sans qu'un seul homme sortît des .rangs, sous la protection de leurs machines, et couverts par des claies d'osier. Mais quand on fut à portée du jet de nos balistes, l'infanterie des Perses eut beau présenter le bouclier, aucun trait n'était perdu. Les rangs alors se relâchèrent. Les catâphractes eux-mêmes faiblirent, et furent contraints de se replier, ce qui releva singulièrement le courage des nôtres. Mais en revanche, sur tous les points exposés aux projectiles de leurs tours, 1 les assiégeants reprenaient l'avantage par leur ' position dominante, et nous faisaient un mal : considérable. Lanuitqui survint suspendit l'effu'! sion du sang. Nous en employâmes la plus grande L partie à trouver un expédient pour conjurer, s'il

* était possible, les effets terribles de cet appareil " de destruction.

■' Après y avoir longtemps réfléchi, nous nous *=' arrêtâmes à un moyen dont notre célérité assura le succès : c'était de placer quatre scorpions w en opposition aux balistes. Le transport de ;"J! ces engins,"et surtout leur mise en batterie, est ;C d'une difficulté extrême. Tandis qu'on s'en occuit pait avec les précautions nécessaires, le jour se £' leva plus menaçant que jamais, déroulant de& vant nos yeux les phalanges redoutées des Perses déjà rangées en bataille, et renforcées du train sc des éléphants. Rien déplus propre à terrifier les S,f ■ .

Jamque adparatu cunctorum alacritate perfecto, exsi0 liente lucifero, operùm varia? species cum turribus ferratis ([^j admovebantur : quorum in verlicibus celsis aplata; ballista? fcj propugnatores agitantes humilius disjectabant. Et albes[5$ cente jam die, ferrea muniiiienta membrorum coeluni omne 0 sublexUnt : densîtata?que àcies non inordiuatim ut antea, s$ sed lubarum sonituleni duclante, nullis procursantibus g(i nicedebant, machinarum operli tegminibus, cratesque

$ yiniiueas proetèndentes. Clinique propinquantes ad coft£#

coft£# venere lelorum, opposilis sculis Persa? pediles

0 sagitlas tormentis excussas e mûris oegrius évitantes,

laxarunt aciem, nullb pa?ne jaculi génère in vanum ca5

ca5 : etiam cataphracti hebëtali et cedentes animos ',tiji auxere nostrorum. Tamen, quia hostiles ballista? ferratis IjVji iraposita? lurribus, in liumiliora ex supernis valentes, ut g( loco dispari, ita eventu dissimili nostra multo cruore t. ifi ^^ant : ingruenle jam vespera cum réquiescerent para*^ tes, noclis spatium majus consumptum est, ut excogitari K6-' possit, quid exilio ita atroci objectaretur. i. ^ Et tandem multaversantibUs nobis seditconsilium, quod a<^, tutius celeritas fecit, quatuor iisdem balfistis scorpiones '^' JjP.po."' : <ÏUI àam translati e regione caute, quod arlis est

é%',licillinKe> collocanlur, lux nobis advenit moestissima, îj» Persarum manipulos formidatos ostentans-, adjeclis elecoeurs,

elecoeurs, les plus intrépides, que les cris étranges et les proportions colossales de ces monstrueux animaux. Tout cet appareil formidable d'éléphants armés, de bataillons et de machines, nous pressait déjà de toutes parts, quand d'énormes boulets de pierre, lancés coup sur coup des frondes de fer de nos scorpions, vinrent disloquer les compartiments, briser les jointures des tours, et précipiter du haut en bas les balistes, avec les hommes qui les servaient", et dont les uns furent écrasés sur place par la chute des machines, les autres par les débris des tours, qui s'écroulaient sur eux. Les éléphants, environnés de feux qu'on lançait de tous côtés des remparts, et dont ils sentaient déjà les atteintes, rebroussèrent chemin,malgré les efforts de leurs conducteurs. Cependant l'incendie même des ouvrages ne ralentit pas le combat; car (chose inouïe jusque-là) le roi, que l'usage dispense d'assister en personne aux batailles, frappé de cette succession de catastrophes, s'alla jeter comme un simple soldat au plus fort de la mêlée. Mais comme le groupe nombreux qui l'escortait le mettait trop en évidence, il devint bientôt le but d'une multitude de traits, qui fit autour de lui beaucoup de victimes, et le forçait de changer de place à tout moment. Cependant, ni le nombre des morts ne l'émut, ni la vue du sang et des blessures. Il fallut que le jour finît pour qu'il laissât à son armée quelques heures de repos.

VIII. La nuit amena donc une trêve forcée, et quelques instants purent être donnés au sommeil. Mais dès que Sapor vit reparaître le jour, et avec lui l'espoir de ressaisir sa proie, outré de colère et de douleur, et fermant les yeux sur ses périls, il ramena, les siens au combat. J'ai

phantoram agmipibus , quorum stridore immanitateque corporum nihil humana? mentes terribilius cernunt. Cumque omni ex latere armorum et operum belluarumque molibus urgeremur, per scorpionum fereas fundas e propugnaculis subinde rotundi lapides acli, dissolutis tmrium coagmentis , ballistas earumque torlores ita fudere pra> cipites, ut quidam citra vulnerum noxâs, alii obtriti magnitudine ponderum interirent : elephantis vi magna propulsis, quos flammis conjeclis undique circuinnexos, jam corporibus tactis, gradientesque relrorsus, retinere magistrinon poteraut : poslqueexuslis operibus, nulla quies cerlaminibus data. Rex enim ipse Persarum, qui numquam adesse certaminibus cogitur, his turbinum infortuniis percitus, novo et numquam ante cognito more, proeliatoris militis ritu prosiluit in confertos : et quia conspectior tegentium multitudine prdcul speculantibus visebatur, petitus crebritale lelorum, multis stipatoribus stratis abscessit, altemans regibiles acies : et ad extremum diei nec mortium fruci visu nec vulnerum lerritus, tandem lempus exiguum tribui quieti permisit.

V1ÎI. Veruni nocte proelia dirimente, somno per brève otiumcapto,innotescente jam lucead potiundâ sperafa, ira et dolore exundans, nec fas ulluih pra? oculis habiliirus, gentes in nos excitabat. Cumq'ue cremalis operibus,


116 AMMIEN MARÇELLIN.

déjà dit que nous avions brûlé ses ouvrages. L'attaque cette fois fut tentée au moyen des terrasses qu'il avait fait élever contre nos murs, et soutenue de notre côté avec une égale vigueur, du haut des échafaudages que nous aurions tenté, de porter à leur niveau.

L'action fut longue et sanglante. Des deux côtés on bravait là mort plutôt que de faire un pas en arrière. En un mot, les choses en étaient à ce point qu'il n'y avait qu'une circonstance fortuite qui pût décider du sort de l'un ou de l'autre parti, quand notre échafaudage, dès longtemps fatigué, s'écroula tout à coup comme par l'effet d'un tremblement de terre, comblant de ses débris l'intervalle qui séparait le mur de la terrasse, aussi complètement que si on les eût joints par un pont ou par une chaussée. Cet accident ouvrit à l'ennemi un libre passage, et mit hors du combat un grand nombre des nôtres, écrasés ou mutilés par la chute de l'édifice. On accourut cependant de toutes parts pour parer à ce coup imprévu, et avec une précipitation qui fit qu'on se nuisait les uns aux autres, ce qui accrut encore l'audace des assiégeants. Aussitôt, par les ordres du roi, l'armée perse se porte tout entière sur ce point. Une mêlée furieuse s'y engage ; on se bat corps à corps ; des deux côtés le sang ruisselle et les hommes tombent; le fossé se remplit de cadavres, et le passage s'élargit. Un flot d'ennemis, déborde déjà dans la ville : plus d'espoir de fuir ou de se défendre. Combattant ou non, tout est massacré sans distinction de sexe ni d'âge, et comme on égorge de vils troupeaux.

Quand la nuit survint un assez grand nombre des nôtres résistait encore, et faisait des efforts désespérés. Pour moi, je profitai des ténèbres

utdocuimus, pugna per aggeres celsos mûris proximos tenlaretur, exaggeslis erectis intrinsecus, quanlum facere nitique polerant, nostri a?quis viribus per ardua resistebant.

Et diu cruentum proelium stetit, nec melu mortis quisquamexaliqua parte a studio propugnandi removebalur : eoquê producta contentione, cum sorspartium eventu regeretur indeclinabili, diu laborata moles illa nostroriim, velut lerra? quodam tremore quassata procubuit : et tamquam itinerario aggere vel superposito ponte complanalum spatium, quod inter murum congeslamque forinsccus struem hiabat, patefecit hostibus Iransilum , nullis obicibus impeditum ; et pars pleraque militum dejectorum oppressa vel debilitata cessabat. Concursum est tameu undique ad propulsalionem periculi lam abrupti : et festinandi sludio aiiis irretienlibus alios, audacia hosliiim ipso successu crescebat. Actis igitur régis imperio prceliatoribus universis, slrietoque comminus ferro, cum sanguis utrubique iminensis caedibus funderetur, oppleta? sunt corporibus fossa?, laliorque via ideo pandebalur : et concursu copiarum ardemi jam civilale oppleta, cum omnis defendendi vel fugiendi spes essel abscisa, pecorum ritu armati et imbelles sine sexus discrimine trucidabantur.

pour me cacher avec deux compagnons dans un endroit écarté de la ville, et de là gagner une poterne que nul ne songeait à garder. L'obscurité régnait autour de nous ; mais heureusement je connaissais les chemins, et mes compagnons étaient exercés à courir. Nous eûmes en peu de temps franchi l'espace de dix milles; et, après avoir pris haleine, nous repartîmes sans délai. Cependant j'étais mal préparé, par mes habitudes d'existence aristocratique, à d'aussi grandes fatigues. Je me sentais déjà défaillir, quand survint un accident assez tragique en lui-même, mais qui, dans l'état où je me trouvais, fut un coup du ciel pour moi.

Un palefrenier de l'armée ennemie montait à nu un cheval fort vif qui n'avait pas de mords, et qu'il menait à la longe. Craignant de laisser échapper la courroie, il en avait, suivant l'usage, étroitement noué le bout à son poignet gauche. Il fut jeté à bas, et, ne pouvant se dégager du lien, fut bientôt mis en pièces par l'animal, qui enfin s'arrêta de guerre lasse, retenu par le poids du cadavre, après l'avoir longtemps traîné- çà et là. Je me hâtai de profiter de la monture que le sort m'amenait si à propos, et j'atteignis, non sans peine et toujours en même [/compagnie, un endroit où jaillissent des sources chaudes et sulfureuses. La chaleur était-ex-.' trême ; une soif ardente nous dévorait, et nous errions péniblement à la recherche d'une eau potable. Enfin, nous découvrîmes un puits, mais sans corde, et d'une profondeur qui ne permettait pas d'y descendre. La nécessité nous inspira. De tout le linge de nos vêtements, découpé en lanières, nous façonnâmes un long cordon, à l'extrémité duquel fut attachée la calotte que

Itaque vespera fenebrante, cum adlmc, licet iniqua re-' luclante fortuna, mullitudo nostrorum manu conserta distringeretur; in abstrusa quadam parte oppidi cumduobus aliis lalens obscura? praîsidio noclis , poslica, per quam ■niliil servabatur, evado , et squalenlum perilia locorum, comitumque adjutus celeritate, ad decimum lapidem tandem perveni. In qua statione lenius recreati, cum ire protinus pergeremus, etincedendi nimietate jam superarer, ujjnsuetus ingenuus : offendi dirum âdspeclum, sed faligaïo niTbTTalsTùuirnë'gi'avi levamen impendio tempeslivum. Fugaçi equo nudo et infrèni' calonum quidam sedens, ne labi possit, ex more habenam, qua ductabatur, sinislra manu artius illigavit : moxque decussus, vinculi. nodum abrumpere nequiens, per avia saltusque membratim discerptus, jumenlum exbauslum eufsu, pondère çadaveris delinebat : cujus dorsualis comprebensi servitio usus in tempore, cum iisdem sociis ad fontes sulpIiureoJ aquarum silapte nalura calentium aîgre perveni. Et quia per aîstum arida siti repentes aquam diu quseritando, profundum bene vidimus puteum, et neque descendendi proe altitudine, nec restium aderat copia, necessitale docenle poslrema, indumenta linlea, quibus tegebamur, in oblongos discidimus pannulos : unde explicato fune iiigetiti,'


LIVRE XIX. H7

l'un de nous portait sous son casque. Nous atteignîmes l'eau par ce moyen, et en tirâmes, comme avec une éponge, de quoi nous désaltérer complètement.

• Nous nous dirigeâmes ensuite en toute hâte vers un point de l'Euphrate où se trouvait un bac anciennement établi pour le passage des hommes et du bétail. Tout à coup nous voyons de loin un gros de cavalerie romaine avec ses enseignes, fuyant en désordre devant une multitude de Perses qui semblait avoir, je ne sais d'où, surgi sur ses derrières. Cette rencontre m'a fourni le commentaire de la tradition des terrigènes. C'est de la soudaineté de leur apparition, effet sans doute d'une vélocité singulière, que sera née la croyance de leur origine merveilleuse. Ils étaient subitement visibles sur divers points, et partout inconnus. C'était assez, dans cette antiquité si éprise des fables, pour mériter le nom de Spartes qu'on leur a donné, comme si effec. tivement ils fussent sortis de la terre. Nous comprîmes aussitôt qu'il n'y avait de salut pour nous que dans la fuite; et, nous glissant entre les buissons et les bruyères, nous cherchâmes à gagner les monts. De là nous parvînmes à Mélitine, dans l'Arménie Mineure. Nous y trouvâmes notre général au moment d'en repartir, et nous revînmes avec lui à Antioche.

IX. Mais déjà l'automne touchait à sa fin. Sapor et les Perses, à qui l'approche menaçante du signe du Chevreau défendait de pénétrer plus avant sur nos terres, songeaient à retourner chez eux avec le butin et les- captifs faits à Amide. Pour couronner dignement les scènes de meurtre et de pillage dont cette cité déplorable avait été le théâtre, on fit périr par le gibet le comte Élien

centonem, quem sub galea unus ferebat e nostris, ultima? aptavimus summilali : qui per funem conjectus aquasque hauriens ad peniculi modum, facile sitim, qua hauriebamur,exstiuxit. Unde citi ferebamur ad flumen Eupbratem, ulteriorem ripam petituiï per navem, quam transiretandi causa jumenla et bomines, in eo tractu diuturna consuetudo locarat. Ecce autem Romanuin agmen cum equestribus signis disjectum eminus cerbimus, quod perseqnebatur mulliludo Persarum, incertum unde impetu tam repentino terga viantum adgressa. Quoexemplo lerrigenas illos non finibus terra? emersos, sed exuberanti pernicitate credimus natos : qui, quoniam inopini per varia visebantur, Spartivocitati, humo exsiluisse, vetuslate ut ca?lera fabulosius extollente, sunt existimali. Hoc conciti, cum otnne jam esset in celerilate salutis praîsidium, per dumeta et silvas montes petimus celsiores : exindeque Melilinarn minoris Armeniae oppidum venimus : ubi reperlum ducem comilati jam profeclurum, Antiochiam revisimus.

IX. Interea Sapor el Persa?, quia lendere jam introrsus autumno pra?cipiti haedorumque improbo sidère exorlo proliibebantur, caplivosagentesctpraîdas, remeare cogilabant ad sua. Inter ha?c lamen funera direplionesque ciet

ciet tribuns qui avaient si vaillamment défendu les murs, et fait éprouver de si grandes pertes aux ennemis. Jacques et Ca3sius, trésoriers du général de la. cavalerie, et nombre de protecteurs, furent entraînés les mains liées derrière le dos; et, après d'ardentes perquisitions pour les découvrir, tous les individus nés au delà du Tigre furent confondus dans un massacre général.

La femme de Craugase s'était vue respectée dans son honneur, et traitée en personne de haute qualité ; mais, malgré ces marques de considération et de plus grandes encore qu'on lui faisait entrevoir, elle ne laissait pas de déplorer l'obligation d'aller vivre, séparée de son mari, dans un autre univers. En réfléchissant sur sa situation , elle appréhendait tout de l'avenir ; et son coeur était partagé entre le tourment de l'absence et l'effroi de passer dans les bras d'un autre. Elle chargea secrètement- un serviteur d'une fidélité éprouvée, et à qui elle fit une confidence entière, d'aller trouver son mari à Nisibe, pour l'instruire de sa position, et le presser en son nom de venir la joindre où une vie tranquille les attendait tous deux. Cet homme connaissait tous les chemins de la Mésopotamie ; il devait traverser le mont Izale, et passer entre les deux forteresses de Maride et de Lorne. Le messager part avec ses instructions, et gagne bientôt Nisibe, ne prenant que des sentiers détournés et des chemins de traverse. Là il se donne comme ignorant du sort de sa maîtresse, dont la mort, dit-il, est probable. Une occasion de s'évader s'était offerte à lui, et il en avait profité. Considéré comme sans conséquence, il communiqua sans peine avec Craugase, reçut de celui - ci l'assurance qu'il ne demandait pas mieux que de rejoindre

vitatis excisa?, iEliano Comité et tribunis, quorum efficacia diu defensa sunt moenia, stragesque multiplicala? Persarum, patibulis sceleste suffixis, Jacobus etCa?sius numerarii adparitionis magistri equitum, aliique protectores post terga vinctis manibus ducebantur : Transtigritanis, qui sollicita qua?rebantur induStria, nullo infimi summi' que discrimine, ad unum omnibus contruncatis.

Uxor vero Craugasii, qua? retinens pudorem ïnviolatum ut matrona nobilis colebalur, moerebat velut orbem alium sine marilo visura, quamquam sperabat documenlis prsesentibus altiora. In rem itaque consulens suam , et accidentia longe ante prospiciens, anxietale bifaria stringebalur, viduitatem detestans etnuptias. Ideo familiarem suum perquam fidum, regionumqueTYIesopotamia? gnarum, per Izalam montera inter castella praîsidiaria duo, Maride et Lorne, introiturum Nisibin occulte dimisit, mandalis arcanisque vita? secretioris maritum exorans, ut auditis, qua? contigerinl, veniret secum béate viclurûs. Quibus contenlus expedilus yiator, per saltuosos tramites et frulecta Nisibin passibus citis ingressus, causatusque, se domina nusquam visa, elforsitan interempta, data evadendi copia castris hostilibus abscessisse, el ideo ut vilis negleclus, docet Craugasium gesta ; moxque accepta fide^


ÏI8 ■ AMMIEN MARCELLIN

sa femme, dès qu'il le pourrait sans danger. L'esclave revint alors furtivement porter à sa maîtresse la réponse désirée. Celle-ci ne l'eut pas plutôt reçue, qu'elle supplia le roi de prendre, avant de quitter le territoire romain, les mesures nécessaires pour assurer, s'il était possible, l'évasion de son mari.

Cet homme qu'on avait vu revenir inopinément, puis s'évanouir soudain sans cause connue, excita au plus haut degré les soupçons du duc Cassien et des premiers magistrats de la ville. Ils éclatèrent en menaces contre-Craugase, qui, disaientils hautement, ne pouvait être étranger à ce retour et à cette disparition. Celui-ci eut peur d'être accusé de trahison; et, tremblant surtout qu'un transfuge ne vînt révéler que sa femme non-seulement vivait, mais était l'objet des plus grandes déférences, il feignit de rechercher en -mariage une fille de haute distinction. Sous prétexte de quelques préparatifs.pour le banquet nuptial, il se rendit à sa maison de campagne, située à huit milles de Nisibe, et de là courut à toute bride au-devant d'un corps de fourrageurs perses, qu'il savait être dirigé de ce côté. Reçu par eux à bras ouverts dès qu'il se fut fait connaître , il était remis cinq jours après entre les mains de Tamsapor, qui le présenta au roi. On lui rendit ses biens, sa famille et sa femme, qu'il perdit quelques mois après. Craugase forme pendant à Anlonin ; mais, pour mé servir de l'expression d'un poète célèbre, il n'en approche que de loin. Autonin, tête vaste, pleine d'expérience et de ressources, avait lui seul tout combiné et exécuté. L'esprit de Craugase était de

quod, si tuto licuerit, sequetur conjugem libens, evasit exoptatunïmulierinuntium ferens : qua?hoc cognito, per Tamsaporem ducem supplicaverat régi, ut, si daretur facilitas, antequàm Romanis excederet finibus, in potestatem suam juberet propitius maritum adscisci.

t'roeter spem itaque omnium digresso advena repentino, qui postliminio reversus, statim sine ullius evanuil conscientia, perculsus suspicione dux Cassianus, prassidenlesqueibi pioceres alii, minitantes ultima Craugasium incessebant, non sine ejus voluntate vel vënisse, vel abisse bomijiem clamitantes. QuiproditioUis metuens erimen, impendioque sollicitus, ne transilione perfuga? uxor ejus superesse doceretur, et traclari piissime; per simulationem malrimonium alterius splendida? virginis adfeclavil. Et vclut paralurus necessaria convivio nupliali, egressus ad villam oclavo lapide ab urbe distanlem, concito equo ad Persarum vastalorium globum, querh didicerat adventare, confugit : susceptusque avenler, qui esset, ex iis cognitus, qua? loquebatur, Tamsapori post diem traditur quintum : perque cum régi oblalus, opibus et necessiludine omni recuperala cum conjuge, quam paucos post menses amisit, erat secundi loci post Antoninum, ut ait poêla proeclarus, longo proximus intervalle Ille enim ingenio el usu rerum diuturno firmatus, consiliis validis sufficiebal in cuncta, qua? conabatur : bic natura sîmplicior, nominis tamen itideni pervulgali. Et ha?c quidem haud diu posteacontigerunl.

moindre portée. Son nom cependant n'a pas fait moins de bruit.

Tous ces incidents avaient suivi de près le sac d'Amide. Mais Sapor, bien qu'il se parât d'un air de sécurité et de triomphe, éprouvait au fond du coeur une violente agitation, en songeant par quels douloureux sacrifices il avait acheté ce succès. Il avait effectivement, dans les diverses phases du siège, perdu beaucoup plus.de monde qu'il ne nous en avait pris ou tué. Comme autrefois à Nisibe et à Singare, son innombrable armée, durant les soixante-treize jours qu'elle avait passé devant Amide, s'était vue diminuée de trente mille combattants. Le dénombrement en a été fait depuis par Discène, tribun des notaires, qui a pu facilement vérifier le calcul ; car dans les cadavres romains l'affaissement et l'altération des chairs est si rapide, que pas un n'est reeonnaissablê au bout de quatre jours ; tandis qae ceux des Perses semblent acquérir la dureté du bois, sans subir aucune décomposition sensible. La cause en est dans leurs habitudes de vie plus tempérantes, et dans cette constitution sèche qu'ils doivent à l'atmosphère brûlante de leur pays.

X. Pendant que cette tourmente se déchaînait aux extrémités de l'Orient, la ville éternelle se voyait menacée prochainement des horreurs de la famine; et la populace, pour qui c'est là le pire de tous les maux, s'en prenait outrageusement à Tertulle, alors préfet de Rome. Rien n'était plus déraisonnable; car il ne dépendait pas du préfet que les vaisseaux d'approvisionnement entrassent à point nommé dans le port d'Auguste,

Rex vero, licet securitatem referens vullu, exsullansque specie tenus urbis excidio videbatur; profundo tamen animi graviter eostuabat, reputans, in obsidionalibus malis sa?pe liictuosas se pertulisse jacturas, mulfoqueampliores se ipsum populos perdidisse, quam e nostris ceperaf vivos, vel certe per diversas fuderat pugnas : ut apud Nisibin aliquoliesevenit, el Singaram : parique. modo, cumseptuaginla tresque dies Amidam multiludine circumsedisset armorum, xxx millia perdidit bellatorum; qua; paullo postea perDiscenen, tribunum et notarium, numerata sunt hac diseretione facilius, quod nostrorum cadavera mox ca?sorum fatiscunt et defluunt, adeout nUlliusmorlui faciès post quatriduum agnoscatur : interfectorum vero Persarum inarescunt in modum stipitum corpora, ut nec liquenlibus membris, nec sanie përfusa madescant : quod vita parcior facit, et ubi nascuntur, exusla? caloribus terra?.

X. Dum haec per varios turbines in Orientis extimo festinantur,difficultatem adventantisinopia? frumentorum • urbsverebaluraîlerna: vique minacissima? plebis, famem ullimum malorum omnium exspectantis, subinde Tertullus vexabalur ea tempestale prafeclus, irralionabiliter plane : nec enim per eum sleleral, quo. minus tempore congruo alimenta navibus veherenlur, quas maris casus asperiores solilis, venlorumque procella? reflanlium, tlelatas in proximos sinus, inlroire porlum Augnsli discrimi-


LIVRE XIX. 119

quand l'état de la mer et la persistance des vents opposés, qui les avait contraints de relâcher dans les ports voisins, rendaient la tentative des plus périlleuses. Déjà plusieurs émeutesavaientéclaté, quand la sédition prit un jour, par l'imminence du fléau, un caractère de férocité plus qu'ordinaire. Au milieu de cette agitation furibonde, le préfet se crut perdu ; mais, connaissant la puissance de l'imprévu sur la multitude, il eut la présence d'esprit de lui présenter ses deux petits enfants : « Voici, leur dit-il les larmes aux yeux,- « voici vos concitoyens, dévoués aux mêmes ca« lamitésque vous, si, ce qu'à Dieu ne plaise, le a sort continue à nous être contraire. Pensez« vous que leur mort puisse détourner le fléau? « je vous les livre; prenez-les. » Cette scène touchante eut son effet sur le peuple, qui, de sa nature, s'attendrit volontiers. II rentra dans l'ordre, et ne se montra plus que tranquille et résigné. Peu de jours après ^ la divine Providence se manifesta pour cette Rome, dont elle protégea le berceau et garantit l'éternelle durée. Pendant que Tertulle sacrifiait à'Ostie dans lé temple dé Castor et Pollux, la mer se calma ; et, par un doux vent du sud, ia flotte entrant à pleines voiles dans le port, ramena l'abondance dans les greniers de la ville.

XL Malgré tous ses sujets d'inquiétude, Constance hivernait tranquillementà Sirmium, quand son repos fut troublé par une nouvelle des plus alarmantes.CesSàrmatesLimiganteSjUSurpateurs, ainsi que nous l'avons dit, du domaiue héréditaire de leurs maîtres, et que la politique romaine avait, une année auparavant, relégués au loin pour les mettre hors d'état de nuire, venaient de donner une preuve nouvelle de leur inquiète

uum magnitudine perterrebant. Quocirca idem sa?pe pra?- fectus seditionibds agitatus, ac plebé jam soevitante immanius, quam urebat impendens exitium, ab omni spe luenda? salulis cxclusus, ut a?slimabat, tumulf uauti acriler populo, sed accidentia considerare sueto, prudenter objecit parvulos fdios : et lacrymans, En, inquit, cives veslri, pfocul omen Du coelestes avortant! eadem perlaturi vbbiscum, niforluna, adfulserit loetior. Si itaque tiis abolitis, nil triste accidere posse exislimatis, proesto in polestate sunt vestra. Qua miseratione vulgus, ad clementiam suaptë natura proclive, lenitum conticuit, oeqnanimiter venturam opperiens sortcm. Moxque divini arbitrionuminis, quod auxitab incunabulis Romani, përpeluamque fore respondit, dum Tertullus apud Ostia in a?de sacrificat Castorum, tranquillitas mare mollivit : mutatoque in auslrum placidum venlo, velificatione plena porlum navesingressa?, frumentis horrea referserunt.

XI. Inter ha?c ita ambigua Conslantium, Sirmii etiam tum hiberna quiète curantem, promovebant nuntii mei tuendi- et graves, indicantes id, quod lune magnopere l formidabat, Limigantes Sarmatas, quos expulisse paternis ' avitisque sedibus dominos suos anle monslravimus, pauli latim postbabitis locis, quas eis anno praeterito ulililer i sti'nt dcstiiiala, ne, ut sunt versabiles, aliquid molirëntur

disposition. Ils s'étaient éloignés peu à peu des régions qu'on leur avait assignées pour demeure, et déjà se montraient sur nos frontières, se livrant à leurs habitudes de rapine avec un redoublement d'audace qu'il était urgent de réprimer.

L'empereur comprit que tout retardement ne ferait qu'accroître leur insolence. Il réunit à la hâte ce qu'il avait de meilleures troupes, et se mit en campagne aux premiers jours du printemps. Il avait deux grands motifs de confiance : d'un côté, la cupidité du soldat, exaltée par les riches dépouilles remportées de la guerre précédente , lui était garante de nouveaux efforts dans celle qui allait s'ouvrir ; et l'armée, de l'autre, se trouvait, grâce aux soins d'Anatole, préfet d'Illyrie, pourvue à l'avance de toutes choses, sans recourir à aucun moyen vexatoire. Il est constant, en effet, que nulle autre administration, avant la sienne, n'avait répandu autant de bienfaits sur nos provinces du nord. Corrigeant lesabus d'unemain ferme à la fois et prudente, Anatolius avait pris, avec un courage qui l'honore, l'initiative d'une réduction des impôts. Il allégea la charge énorme des transports publics, qui rendit tant de maisons désertes, ainsi que les contributions sur les personnes et les biens : c'était assoupir bien des germes d'irritation et de plaintes. Enfin tout ce pays aujourd'hui serait heureux et paisible, si plus tard, et sous les noms les plus abhorrés, le régime d'exaction n'était venu à reparaître, aggravé comme à l'envi par les agents de la perception, et par les contribuables, répartiteurs eux-mêmes : ceux-ci cherchant, par l'exagération de leurs offres, à se faire bien venir près des puissances ; ceux-là ne voyant que dans la ruine

inimicum, regiones confines limitibus occupasse : vagarique licentius genuino more, ni pellerentur, omnia turbaluros.

. Qua? superbius incitanda propediem Imperator dilalo negotio credens, coacta undique multiludine militis ad bella promptissimi., nec dum adulto vere ad prpeinctum egressusest, gemina consideralione alacrior : quod explelus prasdarum opimitale exercilus a?state nuper emensa, similium spe fîdenter in effeclus animabitur prosperos • quodque Analolio régente tune per lllyricum pra?fecturam, necessaria cuncta vel anle tempus coacta sine ullius dispendiis adfluebant. Nec enim dispositionibus umquam alterius proefeclura? (ut inter omnes constat) ad proesens Arctoa? provincia? bonis omnibus floruérunt, correctione tilubantium benivoïa et sollerti ,_yebKubinoejïijactu£is ingentibus, qua? clausere domos innumeras, et censuali professione speciosa fiducia relevata? : iudemnesque deinde et innoxii earum incola? partium , querelarum sopitis materiis viverent, ni postea exquisitorum detestanda nomina titulorum, per offerentes suscipientesquecriminose in majus exaggerata, bis propugnare. sibi nitenlibus potestates, illis altenualis omnium opibus se fore sperantibus tutos, adusque pioscriptioiies miserorumque suspendia perveneiunl.


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AMMIEN MARCELLIN.

de tous le moyen de s'assurer le fruit de leurs rapines. A l'état de prospérité on vit bientôt succéder les expropriations et les suicides.

Pressé de couper court aux maux de l'invasion, l'empereur partit donc à la tête d'une force imposante, et se porta vers cette fraction de la Pannonie, récemment constituée en province distincte sous Dioctétien, et qui, en l'honneur de sa fille, a reçu le nom de Valérie. Là sa tente fut plantée sur les bords de l'Ister ; et il se mit à observer les mouvements des barbares. Ceux-ci s'étaient flattés de devancer sa marche en Pannonie, et, en pénétrant dans le pays au coeur de l'hiver sous le prétexte de l'alliance, de la ravager d'un coup de main, pendant que la glace du fleuve,résistant aux premières influences du printemps, ne permettait que difficilement à nos troupes de tenir campagne.

Constance commença par députer aux Limigantes deux tribuns accompagnés chacun d'un interprète, pour leur demander sans aigreur à quel propos ces courses vagabondes, et cette violation du territoire au mépris des traités, au mépris d'une, paix implorée et jurée. Ce message leur imposa. Ilss'épuisèrent d'abord en vains prétextes, et finirent par demander grâce, implorant, avec l'oubli de ce nouveau tort, la permission de passer le fleuve, et de venir exposer à l'empereur le tableau de leurs misères. Ils étaient prêts, s'il le trouvait bon, à s'aller fixer dans quelque district lointain de la circonscription de l'empire, désormais voués au culte de la paix comme à celui d'une divinité bienfaisante, et acceptant le titre et la condition de sujets.

Ces propositions, rapportées à Constance par

Rem igitur ëmendaturus urgentem, profcctus cum insIrumehlis ambitiosis Imperator, ut dictum est, Valeriam venit, partem quondam Pannonia?, sed ad honorem Valeria;, Diocletiani filia? et institulam et ita cognominalam : sub pellibusque exercitu diffuso per Histri (Iuminis margines, barbaros observabat, aute adventum suum amici-' lia? velamento Pannonias furtim vastandas inVadere hiemis durissimo cogitantes, cum necdum soluta; vernis caloribus nives amnem undique pervium faciunt, nostrique pruinis subdivales morâs difficile tolerabant.

Confestim itaque missis ad Limigantes duobus tribunis cum intérpretibus singulis, explorabat modeslius percunctando, quam ob rein relictis laribus, post pacem et foedera pctentibus attribulis, ita palarentur varii, limitesque contra iuterdicta pulsarent. Qui vana quoedam causantes el irrita, pavore adigente menliri, Principem exorabant in veniam, obsecrantes, ut, simullate aboltta, transmisso flumine ad eurn venire permilterentur , doeluri, qua? sustinerent, incommoda : paralique intra spa' tia orbis Romani, si id placuerit, terras suscipere longe discretas, ut diuturno olio involuti, et quielem colentes tamquam salutarem deam, tribulariorum onera subirent elnomen.

Mis post reditum tribunorum compeiiis, Imperator exsullans, ut negolio, quod rcbalur inexplicabile, sine

les tribuns, comblèrent son coeur de la joie la plus vive. Use voyait, sans conflit, débarrassé d'une de ses préoccupations les plus sérieuses. Le sentiment de l'avarice, fomenté par les cris de sa cohorte de flatteurs, trouvait aussi son compte à cet arrangement. C'était en finir, disait-on, avec la guerre extérieure ; la paix allait être assurée partout; on y gagnait un accroissement de population considérable , un vigoureux séminaire de recrutement ; enfin un soulagement pour les provinces, toujours empressées, par une transaction trop souvent préjudiciable à la chose publique, de racheter au prix de l'or l'impôt du sang. Constance campa près d'Acimincum (1), et y fit élever un tertre en forme de tribunal. Un certain nombre de barques, montées d'hommes armés à la légère, dut se tenir en observation aussi près que possible du rivage., afin de prendre à dos les barbares, à la moindre démonstration hostile. C'était un conseil' de l'ingénieur Innocent, qui eut le commandement de ce parti. Ces dispositions n'échappèrent pas aux Limigantes ; mais ils n'en gardèrent pas moins leur attitude de suppliants, qui servait de masque à des intentions d'une autre nature.

L'empereur méditait l'allocution la plus adoucie, et se préparait à les traiter en hommes qui se repentent, quand l'un d'eux tout à coup lance avec fureur sa chaussure contre le tribunal, en vociférant le mot Marha, Marha, qui est leur cri de guerre. Toute la multitude, à ce signal, redresse ses enseignes, et se précipite vers le prince avec des hurlements de bêtes féroces. Lui, qui de sa position dominante vit ce formidable tour(i)

tour(i) en Hongrie.

ullo pulvere consummando, cunctos admisit, aviditate plus habendi incensus : quam adulatorum coliors augebat, id sine modo strepenliuni, quod externis sopitis, et unique pace composila, proletarios lucrabitur plures, ettirocinia cogère poterit validi6$ima -. aurum quippe gratauter provinciales corporibus dabunl, qua; spes rem Romanam aliquolies adgravavit. Proinde vallo prope Acimincum Iocato, celsoque aggere in speciem tribunalis ereclo, naves vehentes quosdam legionarios expeditos, alveuui (Iuminis proximum ripis observare sunt jussa?, cum Innocentio quodam agrimensore hujus auetore consilii : ni, si barbaros tumultuare sensissent, aliorsum intentospost terga pervaderent improvisi. QUa? Limigantes licet properari sentirent, nibil tamen praîter preces fingentes stabanl incurvi ; longe alia, quam qua? gestu proeferebanl et verbis, allis menlibus perpensantes.

Visoque Imperatore ex alto suggestu jam sermonem parante lenissimum, meditanteque alloqui velut morigeros jam futuros : quidam ex illis furore percitus Iruci, calceo suo in tribunal contorto, Marha, Marlia, quod est apud eos signum bellicum, exclamavit : eumque sequuta incondita mulliludo, vexillo elato repente harbarico, ululans ferum in ipsuin principem ferebatur. Qui cum ex alto despiciens plena oninia discurrentis lurba? cum millibus vidisset, retectisque gladiis cl verutis jam pro-


LIVRE XIX. 121

billon se répandre par ioute la plaine, et toutes ces épées, tous ces dards se tourner contre lui, jugea qu'il n'y avait pas un moment à perdre, et, profitant de la presse pour cacher son rang, s'élança sur un cheval, et s'enfuit à toute bride. Le faible groupe qui le défendait fut taillé en pièces, ou culbuté et foulé aux pieds par les masses auxquelles il essaya de faire tête. Le siège impérial et le coussin de brocard qui le couvrait furent à l'instant mis en morceaux.

Le bruit aussitôt se répand que l'empereur a failli périr, et que sa vie est encore menacée. L'ardeur du soldat, qui ne le savait pas hors de danger, s'exalte à l'idée de sauver son prince. Il pousse des cris de rage, et, à peine armé ( car on était pris à l'improviste), fond sur l'ennemi, qui se bat en désespéré. Impatients de venger sur ces traîtres l'affront fait à leur empereur, les nôtres ne firent aucun quartier : morts, mourants ou sans blessures, tout fut foulé aux pieds ; il ne fallut pas moins que des monceaux de cadavres pour assouvir leur courroux. Les Limigantes furent tous tués sur la place, ou dispersés au loin : encore, parmi ces derniers, ceux qui fondèrent un vain espoir sur leurs prières n'en furent pas moins percés de coups. La retraite ne sonna qu'après leur destruction complète. On put alors reconnaître nos pertes, qui étaient peu considérables. Nous n'avions à regretter que ceux des nôtres qu'avait surpris le premier choc, ou qui étaient tombés victimes de leur précipitation à s'exposer à demi nus. Le -coup le plus sensible pour nous fut la mort du tribun des scutaires Cella, qui s'était, dès le commencement de l'action , jeté au milieu des Sarmates;

pinquam perniciem : externis mislus et suis, ignotusque, dux esset, an miles, quia neque cunctandi aderat tempus neque cessandi, equo veloci imposilus, cursu effuso evasil. Slipalores tamen pauci, dum ignis more inundantes conabantur arcere, aut vulnerati inlerierunt, aut ponderibus superruentium solis adflicti : sellaque regalis cum aureo pulvinari nullo vêtante direpta est.

Moxautem audito, quod ad ultimum pa?ne tractus exiliuin, in abrupto staret adhuc Imperator, antiquissimum omnium exercitus ratus eum juvare (nondum enim exemptum periculis oestimavit) salutis fastu fidentior, licet ob procursionem subitam semitectus, sonorum et Martium frendens,barbarorum mori obstinatorum catervis semet immersit. Et, quia virtute dedecus purgatura ardens copia nostrorum erupit, iras in liostem perfidum parans, obvia qua?que obtruncabat sine parcimonia, vivos conculcans et semineces ae peremplos : et antequam exsatiaret. coedibus barbaricis manus, acervi constipali sunt mortuorum. Urgebantur enim rebelles, aliis trucidatis, aliis. terrore disjectis : quorum pars spem vita? cassis precibus usurpando, mulliplicatis ictibus casdebanlur : poslque delelos omnes in receptum canentibus lituis, nos: tri quoque licet rari videbanlurexanimes, quos impetus ; conculcaverat vehemens', aut furori resistentes hostili, ' laleraquc nudantes intecta, ordo fatalis absumpsit. Mors

Constance, par cette vigoureuse exécution, tirait vengeance d'un ennemi perfide, et assurait l'intégrité de nos frontières. Il revint ensuite à Sirmium, d'où il se rendit à Constantinople, après avoir pris à la hâte les mesures commandées par l'état critique des affaires. Placé là presque au seuil de l'Orient, il se trouvait à portée de remédier au désastre d'Amide et de recruter son armée, pour opposer enfin une force égale aux armements du roi de Perse ; car, à moins que la Providence n'intervînt pour nous par quelque diversion sérieuse, ce dernier allait indubitablement reporter la guerre en Mésopotamie et au delà.

XII. Au milieu de ces alarmes, un fléau dès longtemps acclimaté parmi nous, je veux dire cette tendance fatale à supposer le crime de lèsemajesté sur la moindre apparence, vint substituer ses agitations à celles de la guerre étrangère. Le principal auteur, ou, pour mieux dire, la cheville ouvrière de toutes les accusations, fut le trop fameux notaire Paul, dont l'atroce industrie exploitait à son profit les bras du bourreau et les instruments! de supplice, comme l'entrepreneur du cirque spécule sur le meurtre de ses gladiateurs, à tant par tête. Cherchant à tout prix des victimes, jamais il n'hésitait à employer la fraude et à étreindre un innocent dans les liens d'une accusation\capitale, pour peu que sa cupidité s'y trouvât intéressée.

Une circonstance vulgaire, et des plus indifférentes, donna ouverture à un nombre infini d'ac■ cusations. Au fond de la Thébaïde se trouvé la ville d'Abydos, où se rendent les oracles du dieu Résa, objet d'un culte local d'une origine trèstamen

trèstamen inter ab'os Cella?, scutariorum tribunî, qui inter confligendi exordia primus omnium in medios Sarmatarum globos se immisit.

Post qua? tam sa?va, digestis pro securilate limitum, qua? ralionès monebant urgentes, Constantius Sirmium redit, fefens de hosle fallaci vindictam : el maturatis, qua? nécessitâtes temporis poscebant instantes, egressus exinde Constantinopolim petit : ut Orienti jam proximus, cladibus apud Amidam mederetur acceptis, et redintegrato supplemenlis exercitu, impetus régis Persarum pari virium robore cohiberet : quem coustabat (ni caelëstis ratio', impensiorque repelleret cura multorum) Mesopotamia relicta post terga, per extenta spatia signa moturum.

XII. Inter bas tamen sollicitudines, velut ex receplo quodam antiquitus more, ad vicem bellorum civilium inflabant litui -quasdam colorata Ia?sa? crimina majestatis : quorum exsecutor et administer sa?pe dicendus ille notarius rnissus est Paullus : qui peritus artium cruenlarum, ut lanista ex commerciis libitina? vel ludi, ipse quoque ex eculeo, vel carnifice qusestum fructumque captabat. TJt enim erat obstinatum fixumque ejus propositum ad la?- dendum ; ita necfurlis abstinuit, innocentibus exitiales causas adslringens, dum in calamitosis stipendiis versaretur.

Materiam autem in infinitum quaeslionibus extendendis dédit oceasio vilis et parva- Oppidum,esl Abydum in The-


122 AMMIEN MARCELLIN.

ancienne. On y consulte l'oracle, tantôt directement, tantôt par mandataire. Les demandes sont rédigées par bulletins sur papier ou sur parchemin , suivant des formules consacrées, et restent quelquefois dans le temple après qu'on a obtenu les réponses. Quelques-uns de ces bulletins, choisis avec une maligne intention, furent mis sous les yeux de l'empereur. Ce faible esprit, incapable de la moindre application aux choses sérieuses, montrait une singulière promptitude d'appréhension pour les affaires de ce genre : sa pensée soupçonneuse en saisissait tout d'un coup les moindres détails. Cette communication l'irrita au dernier point. Paul est aussitôt dépêché muni de pleins pouvoirs en Orient, pour prendre en main les informations et diriger les procès à sa guise. C'était un chef qui avait fait ses preuves. On lui adjoignit Modeste, comte d'Orient, à qui ce rôle convenait à merveille. Hermogène de Pont était alors préfet du prétoire ; mais sa douceur était suspecte. On le laissa de côté.

Paul, qui ne respirait que haine et destruction, se rendit en toute hâte à son poste. Dès ce moment la bride fut lâchée à la calomnie. Nobles ou obscurs, traînés en masse de presque tous les points de l'empire, succombaient en route sous le poids de leurs chaînes, ou périssaient dans les prisons. On choisit pour théâtre des exécutions ■ là ville de Scylhopolis en Palestine; d'abord à cause de son isolement, et puis parce qu'elle se trouvait dans une position intermédiaire, à portée de recevoir les accusés d'Antioche et d'Alexandrie. Simplice comparut l'un des premiers. Il était fils de Philippe, qui avait été préfet et consul ; son crime était d'avoir, disait-on, consulté l'obaidis

l'obaidis situm'extrema : hic Besa? dei localiter adpellati oraculum quondam futura pandebat, priscis circumjaeenlium regionum caerimoniis solitum coli. Et quoniam quidam prassentes, pars per alios desideriorum indice missa scriptura, supplicalionibus expresse conceplis consulta numiimm scitabantur, chartulaeseu membrana?, continentes, qùa? petebantur, post data quoque responsa interdum remanebant in fano. Ex bis aliqua ad Imperatorem maligne sunt missa, qui, ut erat angusti pectoris, obsurdescensin aliis etiam nimium seriis,in hoc lituloima, quod aiunt, auricula mollior, et suspicax, et minutus, acri felle eoncaluit ■• statimque ad Orientem ocius ire monuit Paul. lum, potestate delata, ut instar ducis reruni experienlia clari, ad arbitrium suum audiri efficeret causas. Datumque estnegolium Modesto, etiam tum per Orientem comiti, apto ad ha?c et similia. Hermogenes enim Ponticus ea tempestale praîfectus pra?torio,ut lenioris ingenii spernebalur.

Perreji.it, ut proeceplnm est, Paullus, funesli furoris et anhelitus plenus : dataque calumnia? indulgentia , plurimi ducebantur ab orbe prope terrarum, juxta nobiles et obscuri : quorum aliquos vinculûrum addixerant nexus, alios claustra poenalia consumpserunt. Et elecla est speclatrix suppliciorum feralium civitas in Pala?stina Scythopolis, gcmina ratione visa magis omnibus opportuna, quod scracle

scracle savoir s'il parviendrait à l'empire. Un ordre exprès du prince enjoignait de le mettre à la torture ; car l'étourderie même en ce cas ne trouvait pas grâce devant lui..Mais, par une protection spéciale du sort, Simplicius sauva ses membres, et ne fut que déporté.

Ce fut ensuite le tour de Paruase, homme de moeurs simples, et qui avait été préfet d'Egypte. Placé à deux doigts d'une condamnation capitale, il en fut quitte également pour l'exil. Il était prévenu d'avoir raconté à plusieurs personnes qu'à la veille de quitter, pour solliciter un emploi, la maison qu'il habitait à Patras en Achaïe, sa ville natale, il s'était vu, en songe, escorté de plusieurs personnes en costumes tragiques.

On traduisit après eux en jugement cet AndronicUs, qui se fit depuis une si belle réputation comme savant et comme poète. Mais sa justification, présentéeavec lasérénité d'une conscience irréprochable, ne laissant subsister aucune charge contre lui, il fut renvoyé absous.

Démétrius Chytras, surnommé le Philosophe, leur succéda. C'était un homme d'un âge avancé, mais d'une grande force d'âme et de corps. L'accusation lui reprochait d'avoir souvent offert des sacrifices ; il convint du fait. Mais c'était, disait-il, simplement pour se rendre là divinité propice, par suite d'une habitude d'enfance, et nullement par ambition ou curiosité sacrilège. Personne , à sa connaissance, en consultant l'oracle n'avait eu d'autre motif. Après l'avoir longtemps tenu sur le chevalet sans que sa constance se démentît, sans qu'on pût remarquer la moindre variation dans ses réponses, on le laissa la vie

crelior, et inter Antiocbiam Alexandriamque média, unde multi plerumque ad crimina trahebantur.

Ductus est itaque inter primos Simplicius, Pbilippiilius, ex proefecto et consule, reus bac gratia postulalus, quod super adipiscendo interrogasse dicebalur imperio : perque elogium principis torqueri praîeeplus, qui in liiscasibus nec peccatumaliquandopielatidederalnec erratum, fato quodam arcente, corpore immaculato lata fuga damnatus est, Dein Pamasius, ex praîfecto jEgypti : liorira simplicium morum , eo deduclus periculi, ut pronunliarelur capilis reus, ilidem pulsus est in exsilium : saipeauditus multo anlebac retulisse, quod, cum Patras Acliaicum oppidum, ubi genilus babuit larem, jmpelraiidoe causa cujusdam reliuqueret potestalis, per quietem deducenlia se babilus Iragioi figmelita viderai multa. Andronicus post a sludiis liberalibus et claritudine carminimi notus, in judicium introductus, cum secura mententillis suspicionibus urgerelur, purgando semper et fidentius absolujtns est. Demetrius ilidem Chytras cdgnonieiifo philosophas, granda?vus quidam, et corpore durus et ârii. mo, sacrificasse aliquoties confutatus infitiari non po: luit, adsereas propitiandi causa numinis h;ec a prima adolescentia factitasse, non tentandi sublimiora scriitalis :' nec enim quemquam id noverat adfectai'e. Diu itaque adhaereiiseculeo, cum fiducia gravi fundatus, nequaquani


LIVRE XIX.

123

sauve, avec permission de retourner à Alexandrie, où il était né:

Un sort favorable en sauva quelques-uns encore , en aidant à la manifestation de leur innocence. Mais on vit la prévention se multiplier à l'infini, et bientôt envelopper dans ses réseaux inextricables des victimes sans nombre, qui périrent le corps déchiré par la torture, ou subirent la condamnation capitale, avec la perte de tous leurs biens. Paul était l'âme de cette oeuvre d'iniquité. Son imagination, féconde en moyens de nuire, était comme un arsenal de toute espèce de calomnies. On peut dire que d'un signe de lui dépendait le sort de chacun des accusés. Vousaviez porté au cou quelque amulette, comme préservatif contre la fièvre quarte ou toute autre maladie, ou bien l'on vous avait remarqué passant le soir près d'un tombeau; c'en était assez pour être dénoncé et condamné à mort, comme fabriquant des poisons ou comme violant les sépulcres, et troublant le repos des mânes pour composer des maléfices ; et l'exécution suivait de près la sentence. L'instruction tenait pour constant qu'un grand nombre de personnes avaient interrogé l'oracle de Clare, les chênes de Dodone et le trépied de Delphes, pour savoir quand mourrait l'empereur ; et aussitôt la tourbe adulatrice du palais de prendre texte de là pour les exagérations les. plus monstrueuses, répétant partout à haute voix que l'empereur était audessus de la loi commune, que sa destinée était immuable, et que toute opposition viendrait se briser contre son génie.

Qu'il y ait eu là de quoi motiver une enquête sérieuse, c'est ce que personne de bon sens ne s'avisera de contester. Nous ne nions pas qu'à

varians, eadem oraret intrepidus, Alexandriam, unde oriebatur, inuoxius abire permissus est.

Ethosquidera aliosque paucos a?qua sors veritatis adjutiix,

adjutiix, exemit abruptis. Criminibus vero serpentibus

serpentibus nexus sine fine distentos, quidam

corporibus lanialis exslinguebantur : alii poenis ulterioribus

ulterioribus honisereptis, Paullo succentore fabu:

fabu: crudelium s quasi e promtuarià cella fallaoiarum

et nocendi species suggerente complures, cujus ex nutu

; (prope dixerim) pendebat incedentium omnium sains.

» Nam, si qui remédia quartana?, vel doloris alterius collo.

■ gestaret, sive per inonumentum transisse vespere mali;

mali; indiciis, ut veneficus, sepulcrorumque

> borrores eterrantium ibidem animarum ludibria colligens

* vana; pronUnliatiis reus capitis inleribat. Et prorsus ita

* res agebatur, quasi Clarum, Dodonaeas arbores, et effala i Delphorum olim spllemnia, iii Imperatoris exitium solli]i citaverint niulli. Unde blandiliarum toetra commenta palace tinacohors exquisite confingens, imnlunem eum fore niat loruin communium adserebat, fatum ejus vigens semper ji el pra?sens in abolendis adversa conantibus eluxisse.'vo:i cibus magnis exclamans.

if El inquisitum in ha?c negotia fortius, nemo, qui quidem $. vectc sapial, repreliendit. Nec enim abnuimus salulem

l'existence du prince légitime ne s'attache l'idée de protection, de sauvegarde pour les gens de bien, de garantie même pour tous ; et que toutes les volontés ne doivent concourir à former autour de sa personne une barrière qu'on ne puisse franchir. C'est pour renforcer encore cette barrière que les lois Cornéliennes ne reconnaissent aucune exception, aucune immunité, en fait d'application de la torture dans le cas de lèsemajesté. Mais se prévaloi r de cette nécessité triste, en outrer avec empressement les rigueurs, c'est le propre de la tyrannie, plutôt que du pouvoir régulier. L'exemple de Cicéron est meilleur à suivre. Pouvant à son choix, comme il le dit luimême, ou frapper ou faire grâce, il aimait mieux pardonner que sévir. C'est ainsi que procède une justice calme et impartiale.

II naquit vers ce temps à Daphné, ce délicieux et splendide faubourg d'Antioche, un monstre hideux à voir autant qu'à décrire. C'était un enfant barbu, qui avait deux bouches, deuxdents , quatre, yeux, et deux oreilles à peine visibles : production informe, et pronostiquant la .désorganisation de l'État. L'apparition de ces phénomènes, présages de convulsions politiques, est assez fréquente ; mais d'ordinaire passe inaperçue, parce qu'elle n'est plus suivie, comme jadis, de cérémonies d'expiation.

XIII. Nous avons parlé dans un livre précédent d'une expédition des Isauriens, et de leur tentative avortée contre Séleucie. Après une longue inaction, ce peuple commençait à se réveiller vers cette époque, comme un serpent que le printemps ranime et fait sortir de son repaire. Du haut de leurs roches escarpées, leurs nombreux partis venaient fondre sur les contrées lilegitimi

lilegitimi propugnatoris bonorum et defensoris, unde salus quoeritur aliis, consociato studio rnuniri debere cunctorum : cujus redimenda? causa validius, ubi majeslas pulsala defenditur, a quaestionibus vel cruentis nuilam Cornelia? loges exemere foiiunam. Sed exsullare uioestis casibus effrenate non decet, ne videantur licenlia régi subjecli, non potestate. Imilandus sit Tullius, cum parcere vel lasdere poluissel, ut ipse adfirmat, ignocendi qua?rens causas, non puniendi occasiones : quod judicis lenti ,ct cpnsiderati est proprium.

Tune apud Dapbnen, amoenum illud et ambiliosuni Antioehias suburbanum, visu relaluque horrendum nalum est monstrum, bilans ore gemino, cum dentibus binis et barba, qualuorque oculis, et brevissimis duabus aiiriculis : qui partus ita distortus pioemonebat, rempublicam in stalum verli déformera. Nascuntur bujuscemodi sa?pe portenta, indicantia rerurii variarurh eventus : quae, quoniam non expiantur, ut apud veteres, publiée inaudita proelereunt et incognita.

XIII. His temporibus Isauri diu quieti, post gesla, qua? superior conliuet textus, lenlatumque Seleucia? civitalis obsidium, paullalim reviviscenles ( ut soient verno lepore foveis exsilire serpentes) sallibus degressi scrupulosis et inviis, confertique in cuneos densos, per fmia et latrociuia


12-1 AMMIEN MÀRCELLIN.

mitrophes, qu'ils désolaient par leur brigandage et leurs rapines ; puis, aidés de leur connaissance des montagnes, ils mettaient nos postes en défaut, et regagnaient lestement leurs retraites inaccessibles. On envoya Laurice, qui fut revêtu de la dignité de comte, avec mission de réduire le

linilimos adflictabant; proetenturas militum ut monlani fallenles, perque rupes et dumeta ex usu facile discurrenles. Ad quos vi vel ralione sedandos Lauricius, adjecla Comitis dighitate, missus est rector; homo civilis pruden- 1

pays par la raison ou par la force. Ce fonctionnaire, habile à gouverner, sut imposer plutôt que sévir • et l'ordre fut si bien rétabli par ses soins dans'la province, qu'il ne s'y p'assa plus, sous son administration, aucun fait qui soit du domaine de l'histoire.

lia? : qui minis potius quam acerbitate pleraque correxit; adeo ut eo diu provinciam obtinente, nihil accideret quod animadversione dignum aeslimaretur.


LIVRE XX.

SOMMAIRE DES CHAPITRES.

I. Envoi en Bretagne de Lupicin avec une armée, à l'effet de réprimer les incursions des Écossais et des Pietés. II. Ursicin, devenu général de l'infanterie, calomnié et destitué. III. Éclipse du soleil. Phénomène du parhélie. Des éclipses du soleil et de la lune, et des phases diverses de ce dernier astre. Pvf Julien, hivernant à Lutèce, est proclamé empereur malgré lui par les légions gauloises; que Constance voulait lui enlever pour les employer contre les Perses. V. Sa harangue à l'armée. VI. Sapor assiège et prend Singare. 11 transporte en Perse tous les habitants, avec un détachement de cavalerie auxiliaire, et deux légions formant la garnison de la ville, qui est rasée. VII. Sapor prend la ville de Bezahde, défendue par trois légions. Il la répare ensuite el l'approvisionne. Il échoue devant la forteresse de

■ Virla. VIII. Julien instruit Constance, par une lettre, de ce qui s'était passé à Lulèce. IX. Constance mande à Julien de se contenter du titre de César. Opposition unanime des légions gauloises. X. Julien passe le Rhin, et tombe à l'improviste sur les Franks surnommés Altuaires, en tue ou prend un-grand nombre, et donne

. la paix au reste. XI. Constance assiège Bézabde avec toutes ses forces, et se retire sans avoir réussi. De l'arc-en-ciel.

(An 360 ap. J. C. )

Tandis que, sous le dixième consulat de Constate et le troisième de Julien, ces divers événements se déroulaient en Orient et en Illyrie, les affaires prenaient un tour fâcheux en Rretagne. Les Écossais et les Pietés avaient rompu leurs engagements envers nous, et ces peuples féroces, étendant leurs incursions et leurs ravages sur toute la ligne frontière, jetaient l'effroi dans nos provinces, encore sous l'impression de leurs réLIBER

réLIBER

LupiciDus maglster armorum adversus Scotorum et Pictorum incursiones in Britannias cum exercitu mittitur. C. I. Ursicinus magister pedilum Proesentalis, calumniis adpe^ lilus discingitur. 1 II. Defectus.solis : et deduobus solibus ; ac de causis defeeluum solis et luna? ; deque variis luna; mulalionibus ac figuris. III. Julianus C. a militibus Gallicanis, quos Constantiusipsi detrabi, et m Orientem adversus Persas transfert jusserat, Lutetia? Parisiorum, util uiemahàt, per vim Âugustus adpellatur. IV. Julianus A. concionem habet ad milites. V. Singara a Sapore oppugnata et capta : oppidani cum equitibus auxiliaribus et duabus tegionibus prassidiariis in Persidem abducli : oppidum excisum. VI. Bezabden oppidum,' a tribus tegionibus defensum, Sapor expuguat; ac reparalum proesidio commeatuque instruit : idem Virtam munimentum frustra adorilur, VII. Julianus A. per lilleras Constantium A. de re Luletise gesta certiorem facit. VIII. Conslantius A. Julia,

Julia, Caesaris nomme contentum esse jubet, tegionibus Gallicanis uno animo constanter repugnaotibus. IX. Julianus A. Francos cognomine Attuarios trans Rhenum iuopinantes adgressus, post plurimos partim captos, parlim occisos, carteris pacem pelentibus dedil. X. Conslanlius A. Bezabden omnibus copiis oppugnat, acre infecta discedil: et de arcu coelêsti. XI.

(A. C. 360.) I.Ha?c perlllyricum, perqne Orientem rerum séries fuit. Consulatu vero Constanlii decies, lerque Juliani, in Bricents

Bricents César, qui avait alors son quartier d'hiver à Paris, était en proie à diverses inquiétudes. II craignait, en allant de sa personne, à l'exemple de l'empereur Constant, secourir nos possessions d'outre-mer, de laisser la Gaule, veuve de son chef, à la merci des Allemands, qui ne respiraient encore que guerre et vengeance. Il prit donc le parti de charger Lupicin, alors investi du grade de général, de pacifier le pays par le fer, ou par voie de négociation. Lupicin était bon soldat et capitaine consommé, mais de ces gens au sourcil dressé, au verbe haut, à l'accent péremptoire; et l'on n'aurait isu dire ce qui dominait chez lui, de la dureté de coeur ou de l'amour du gain. II partit au fort de l'hiver, avec le corps des vélites, composé d'Hérules et de Rataves, deux légions de Mésie, et se rendit à Rononie (l). Là il se procura des vaisseaux en nombre suffisant pour embarquer tout son monde ; et, profitant d'un vent favorable, après avoir pris terre à Rutopie (2), point de débarquement correspondant, il gagna Londres, où il prit les mesures les plus promptes pour son expédition. II. Après la chute d'Amide, Ursicin était venu reprendre son service auprès du prince en qualité de maître de l'infanterie. Nous avons déjà dit qu'il succédait dans cette charge à Rarbation. Ses ennemis ne l'y laissèrent pas en repos. On débuta par des attaques sourdes, puis on en

(i) Boulogne. —(2) Hastings ou Sandwich. Le point de débarquement est aujourd'hui Foltstone.

tanniis, cum Scotorum Pictorumque gentium ferarum excursus, rupta quiele condicta, loca limilibus vicina vastarent, et implicaret formido provintias praîtcrilaruni cladium congerie fessas : hiemem agens apud Parisios Ca?sar, distractusque in sollieitudines varias, verebatur ire subsidiotransmarinis : (ul retulimus anle fecisseConstantem)ne redore vacuas relinqueret Galbas, Alamannis ad saeviliam êliam tum încitatis et bella. Ireigitur ad ha-c ratione vel vi componenda Lupicinum placuit, ea tëmpestate magistrum armorum, bellicosum sane, et castrensis reiperitum, sed supercilia erigentem ut cornua, et de tragico, quod aiunt, eolhurno strepentem : super quo diu ambigebatur, avarus esset polius, an crudelis. Molo ergo velitari auxilio, jErulis scilicet et Batavis, numerisqtie Moesiacorum duobus', adultà liieme dux afitediclus Bononiam venit : quoesilisque navigiis, et omni imposito milite, observato flatu secundo venlornm,ad Rulupias silasex adverso defertur, petilque Lundinium : ut exinde susceptq pro rei qualitatecohsilio, feslinaret ocius ad procinctum.

II. Qua? cum ila geruntur, post Amida? oppugnationem Ursicinnm ad commilitium principis ut pedilum magistrum reversu m (successisse enim eum Barbationi pra?- diximus) obtreclatores excipiunl : primo disséminantes mordaces, susurres : dein propalam ficta crimina subnectentes. Quibus Imperator adsensns, ex opinione pleraque 125


128 AMMIEN MARCELLIN.

vint à articuler formellement calomnies sur calomnies. Crédule à son ordinaire, et trop indolent pour examiner, l'empereur prenait au sérieux tous ces bruits. II avait chargé Arbétion et Florence, maître des offices, défaire une enquête sur l'événement d'Amide. Ceux-ci, dans la crainte de déplaire au grand chambellan Eusèbe en laissant percer au grand jour que la lâche inertie de Sabinien était la cause unique du désastre , écartèrent lés faits qui parlaient le plus haut, ne s'attachant qu'aux circonstances insignifiantes , "où même le moins en rapport avec l'objet de leur mission.

Cette indigne manoeuvré mit Ursicin hors de lui. « L'empereur, dit-il, né veut pas m'en croire ; ■« mais je soutiens que la gravité de l'affaire est " telle qu'il n'appartient qu'à lui d'en connaître, « et qu'il n'a pas d'autre moyen d'arriver à la « vérité. Je lui prédis eu outre que s'il se borne à « gémir sur le trop fidèle tableau de la catastro■« plie, ne se fiant qu'aux inspirations de ses eu« nuques, sa présence même au printemps, à la « tête de toutes ses forces, n'empêchera pas le dé« membrement de la Mésopotamie. » Ce propos, relevé et singulièrement envenimé par la malveillance, irrita Constance au pointque, sans pousser plus loin l'enquête, et coupant court à toute information , il dépouilla le très-calomnié Ursicin de sa chargé, et, par une promotion vraiment inouïe, lui donna pour successeur Agilon, qui n'était que tribun des sèutaires.

IIÏ. Dans ce même temps le ciel, dans sa partie ■orientale, se montrait voilé de brouillards et de ténèbres ; et depuis l'instant où naît le jour, jusqu'à l'heure de midi, on ne cessait de voir, à travers cette obscurité, comme une apparition

oeslimans et insidiantibus patens, Arbetionem et Florentium officiorum magistrum qua?sitores dederat, spectaturos, quas ob res oppidum sit excisum. Quibus apertas probabilesque.refutantibus causas, veritisque, ne offenderelur Eusebius cubiculi lune praepositus, si documenta suscepissent perspicue demonstrantia, Sabiniani perlinaci ignavia ba?c accidisse qua? contigerunt : a veritate detorti, inania qua?dam, longeque a negolio dislantia scrutabântur.

Qua iniquitate percilus qui audiebatur : Etsi me, inqnit, despieit Imperator, negotii est tamen magnitudo, ut non nisijudicio principis nosci possit etvindicari : sciai tamen velut quodam proesagio, quod, dum moevet super kis, quoe apud Amidam gesta emendata didicit fide, dumque ad spadonum arUlrium trahitur, defrustandoe Mesopotamioe proximo vere ne ipse quidem cum exercitus robore omni opitulari poterit pressens. Relalis adjectisque cum intefpretalione maligna compluribuSj iratus ultra modum Constantius, nec discusso negolio, nec palefiéri, qua? scientiam ejus latebant permissis, adpetitum calumniis, deposita mililia digredi jussit ad otium, Agilone ad ejus locum immodico sallu promolo, ex genlilium scutariorum tribuno.

III. Eodem tempore per Eoos tractus caîlum subléxd'étoiles

subléxd'étoiles Pour comble d'effroi, l'absence de la lumière diurne était attribuée, par les imaginations ébranlées, à une éclipse solaire d'une durée inusitée. L'astre du jour finissait, en effet, par se montrer, mais avec les phases de la lune. Comme elle, il offrait d'abord les deux cor- . nés d'un croissant ; arrivait par degrés à figurer le demi-cercle d'un quartier ; puis enfin son disque entier se dégageait de l'ombre. Or, cette série de phénomènes ne se reproduit évidemment que quand la lune, après les inégalités de sa course mensuelle, est revenue au point initial d'une période plus longue, qui la ramène sous le soleil, qu'elle nous cache. La ligne droite que tous deux forment alors avec la terre, pendant un de ces instants indivisibles qu'admet la géométrie, répond à un seul et même point du zodiaque. Bien qu'au terme de chaque mois lunaire, les mouvements et les révolutions des deux astres les mettent invariablement en conjonction, il n'en résulte pourtant pas (ainsi que l'avaient remarqué ceux qui se livrent à l'étude des causes physiques accessibles à notre intelligence) que le soleil se trouve toujours masqué ces jours-là. Il faut en effet que la lune, qui oscille d'un côté à l'autre de l'écliptique, s'en rapproche assez pour se trouver à peu près vis-à-vis du soleil, de manière à s'interposer entre notre oeil et ce globe de feu. Le disque du soleil ( dont le centre ne sort jamais de l'écliptique) ne perd donc à nos yeux de son étendue et de son éclat, que quand la marche du globe lunaire, le plus bas des corps célestes, l'amène dans le voisinage de ce grand cercle; encore la grandeur de l'éclipsé dépend-elle, d'après la belle et savante démonstration de Ptolémée, d'abord de là conjonction plus ou moins précise

tum caligine cernebatur obscura, eta primo aurora? exorlu adusque rneridiem ihtermicabant jugiterStella? bisqueterroribus accedebat, quod, cum lux ca?leslis operirelur,e mundi conspectu penitns luce abrepta, defecisse diutius solem pavida; mentes bominum aestimabant : primo attenUatum in luna? corniçulantis effigiem , deinde in speciem auclum semenstrem, posteaque in intégrant restilutum. Quod alias non evenil ita perspicue, nisi cum post inoequales cursus iter menstruum luna? ad idem revocatur initium cerlis temporum intervallis : idest, cumindbmicilio ejusdem sigui tota reperitur luna sub sole lineamenlis objecta reclissimis, atque in bis paullisper consislit minutis, qua? geometrica ratio partium partes adpellat. Ac licet utriusque sideris conversiones et motus.'ut scrutatores causarum intelligibilium adverterant, in unum eumdemquefinem lunari cursu impleto, perenni distinctione conveniunt : lamen sol non semper his diebus obducilur, sed cum luna e regione, velut libramento quodam, igneo orbi et aspectui nostro opponitur média. Ad snmmam tum sol occuliatur splendore suppresso, cum ipse et lunaris globus astrorum omnium infimus parili comitatn obtinentes circulo proprios, salvaque ralione altitudinis . inlerjecta? junclim locali, ut scienter et décore Ptolcmaeus exponit, ad dimensiones venerint, quos àva&'êi-


LIVRE XX.

ïsr

des deux centres, puis de l'intervalle qui les sépare ; car il faut que les deux disques s'engagent plus ou moins sur la ligne diamétrale qui passe par les noeuds. Cesnceuds, que les Grecs appellent âvaêiëcétovxaç et y-axaêiëaÇovra; ixAsi7mxouç OTJVSEC?- aouç, sont le noeud ascendant et le noeud descendant, placés l'un et l'autre sur l'écliptique, et y déterminant les éclipses. L'éclipsé sera d'autant ■plus faible que le centre de la lune sera plus éloigné du noeud. Mais si le noeud et le centre coïncident, le ciel se couvre des plus épaisses ténèbres; l'air se condense, et l'oeil cherche en vain à distinguer les objets, même ceux à portée de la main.

On croit à la présence d'un doublesoleil quand la nue,par suite d'uneélévationplus qu'ordinaire, se trouve de plus près frappée de ses rayons. L'image de l'astre éternel s'y réfléchit alors comme dans le miroir le plus pur.

Passons aux éclipses de lune. Il est bien reconnu qu'elles n'ont lieu que quand le disque de l'astre exactement rond, et entièrement éclairé, •se trouve en opposition avec le soleil, dont il est •conséquemment éloigné de 180 degrés, qui équivalent à dix signes du zodiaque. Si ces conditions suffisaient, la pleine lune s'éclipserait toujours au milieu de chaque mois synodique (o-ovoSoç .. p-vivoç, en grec, exprimant le temps qui s'écoule entre deux nouvelles lunes). Mais cet astre, trop voisin du globe terrestre, où tout est variable et susceptible d'altération, n'appartient pas proprement à ce beau ciel, où tout est pur. Aussi le voyons-nous tantôt se dérober partiellement à la lumière qui le frappe, faiblement engagé qu'il ■est dans le cône d'ombre que projette la terre, et tantôt s'envelopper tout entier de tourbillons ténébreux , quand les rayons solaires, interceptés

Çovraç et xaTaêiëâÇovraç êxXeiTmxoù; 0-UVSECIJ.OÙÇ , coagmenta videlicet defectiva Gra?co diçtitant sermone. Et, si conligua iisdem juncturis praestrinxerint spalia, dilutior erit defeclus. Si vero arlicuiis ipsis inhaîserint, qui coacttus adscensus vinciunt et descensus, offunditur densioribus tenebris cselum, ut crassato aëre ne proxima quideni et adposita cernere queamus.

Sol aulem geminus ita videri existimatur, si erecta Celsius solilo nubes, oeternorumque igninm propinquitale collucens, orbis alterius claritudiuem tamquam e speculo puriore formaverit.

Nunc veniamus ad lunam. Apertum et evidentem ita démuni sustinet luna defectum, cum pleno lumine rotundata solique contraria, ab ejus orbe centum octoginta partibus, id est, signo seplimo disparatur. Et quamquam hoc per omne plenilunium semper eveniat, non semper déficit tamen. Sed quoniam circa terrenam mobilitalem locala, et acoelo totius pulcritudinis extima, nonnumquam ferienti se subseritluci, objectu meta? noctis in conum desinentis anguslum latet parumper umbrata : tumque nigranlibus involvitur globis, si sol spbasra? inferioris curvaruine circumfusus, môle obsistente terrena, radiis eam suis illustrare non possit ; quam numquam habere propar

propar de la masse terrestre, glissent dans l'espace, autour de la circonférence du globe placé au-dessous du nôtre, sans pouvoir en éclairer la surface ; car les opinions, divergentes sur d'autres points, s'accordent à reconnaître que la lune n'a pas de lumière qui lui soit propre. Voilà pourquoi , quand elle est en conjonction avec le soleil, c'est-à-dire quand elle répond au même point que lui dans un des signes du zodiaque, elle perd sou éclat, comme on J'a vu plus haut, ou, pour mieux dire, ne conserve plus de reflet. La lune est supposée naître quandson axe cesse d'être perpendiculaire au centre du soleil; mais, en effet, elle ne redevient visible pour l'oeil mortel , et seulement par l'extrême bordure de son disque, que lorsque, tout entière dégagée de la circonférence de l'astre, elle est entrée dans le deuxième signe. Elle poursuit sa marche, et, déjà partiellement éclairée, se montre sous. la forme d'un croissant ; on l'appelle alors |/.Y)voet8rjç (lune cornue). S'éloignant encore, et parvenue au quatrième signe, ellese présente de profil au soleil, qui colore la moitié de sa surface ; les Grecs nomment cette phase Stpjjtïivoç (demilune). Arrivée au cinquième signe, qui marque sa plus grande distance, sa figure, devenue convexe de tous côtés, prend le nom d'àuepty-ùpToç. Mais ce n'est que lorsqu'elle est logée dans le septième signe, où elle se trouve en opposition directe avec le soleil, qu'elle brille dans son plein. Encore un pas, sans même sortir de ce dernier signe, la lune va décroître : c'est le commencement de l'âm)'xpououç (déclin). Elle parcourt alors les mêmes phases en sens inverse. Tous les systèmes d'astronomie s'accordent sur ce point, qu'il n'y a jamais d'éclipsé de lune que vers le milieu du mois lunaire.

prium lumen opiniones varia? collegerunt. Et cum ad idem signum a;quis paiiibus soli concurrent, obscuratur ( ut dictum est) penitus hebelato candore; OTJVOSOÇ Graece |irjvr)ç dicitur.

Nasci autem putatur, cum parva declinatione velut e perpendiculo superjeclum gerit solem. Exortus vero èjus adhuc gracilescens primitus mortalitali videtur, cum ad secundum relicto sole migraverit signum. Progressa itaque porrectius, jamque abunde nifens cornuta? habitu, [M]voeiSïjç est adpellata. Cum aulem sole longo coeperit interstitio submoveri, et ad qUartum pervenerit signum, radiis ejus ad seconversis, majus concipit lumen, et sit' Graeco sermone 8ix6p.r)voç, qua? forma semiorbem oslendit. Procedensdeindejam disjunctissime quintoque signo arrepto, figuram monstrat àp.tpiy.ôpTOo, utrimque prominentibus gibbis. E regione vero cum normaliter steterit contra, lumine pleno fulgebit, domicilium septimi retinens signi : et in epdem tum eliam agens, paullulumque progressa minuitur, quem habilum vocamus à7i6xpouo-iv, atque easdem formas repelit senescendo : tradilurque doc. trina multiplici congruente, non nisi lempore intermens, trui deficere visam usquam lunam.

Quod aulem solem nunc in aîthere, nunc in mundo in-


î28 AMMIEN MARCELLIN.

Pour comprendre ce que nousavons dit, quele soleil se promène tantôt au-dessus, tantôt audessous de nous, il faut savoir que les corps célestes, considérés relativement à l'univers, ne se lèvent ni ne se couchent ; mais ils paraissent se coucher à nos yeux sur cette terre, qui reste suspendue par l'effet d'une force interne, et n'est qu'un point dans l'immensité. C'est aussi ce qui cause l'illusion du déplacement des étoiles, dont l'ordre est en réalité fixe et immuable. Mais revenons à notre sujet.

"" IV. Une invasion des Perses était imminente ; nos avant-postes en étaient prévenus par tous les transfuges, et Constance accourait au secours de l'Orient. Mais son coeur était dévoré d'envie devant l'éclatant témoignage que proclamait la renommée des travaux et des vertus héroïques de Julien : les Allemands terrassés, les cités de la Gaule arrachées aux mains des barbares, euxmêmes soumis et devenus tributaires; autant de blessures portées à sa vanitéjalouse. Il craignit que l'avenirne lui en réservât de plus cruelles encore ; et, par Je conseil, dit-on, du préfet Florence, il envoya en Gaule Décence, tribun des notaires, avec mission de tirer de l'armée de Julien toutes les troupes auxiliaires, composées d'Hérules, de Rataves, de Pétulants et de Celtes; de réunir trois cents hommes choisis dans les autres corps, et de diriger,1e tout sur l'Orient, avec assez de diligence pour que ces troupes pussent au printemps entrer en ligne contre les Perses. Lupicin était nominativement désigné pour commander ce détachement; car on ignorait encore à la cour l'expédition de Rretagne. De plus, Sintula, grand écuyer de César, reçut l'ordre de prendre l'élite

feriore Gursareproediximus; sciendum est, siderea corpora, quantum ad universitatem pertinet, nec bccidere, nec oriri : sed ita videri nostris obtufibus constilutis in terra, spiritus cujusdam interni motu suspensa, rerumque magnitudini instar exigui subdita puncti, mine caîlo infixas suspicere stellas, quarum ordo est sempilernus , aliqubties liumana visione languente discedere suis sedibus arbitrai!. Verum ad inslitula jam revertamur.

IV. Properantem Constantium Orienti ferre suppetias, turbando propediem excursibus Persicis, ut perfugaeconcinenles exploratoribus indicabant, urebant Juliani virtnles, quas per ora gentium diversarum lama celebiïor cffundebat, magnorum ejus laborum factorumque vebens adoreas celsas, posl Àlamannia? qua?dam régna proslrata, receptaqne oppida Gallicana ante direpta a barbaris et excifa, quos Iributarios ipse fecit et vectigales. Ob ba?c et similia percitus, metuensque, ne augerehtur in majus, stimulante ( ut ferebatur ) prafecto Florentio, Decentium Iribunum et nolaiïum misit, auxiliares milites exinde proliniis abstraclurum j&ulos et Balavos, cumque Pelulanlibiis Cellas, et lectos ex numeris aliis trecentenos, hacspecie jussosaccelerarc, ul adesse possinl armis primo vere niovendis in Parthos.

Et super auxiliariis quidem et trecentenis cogendis ocius proficisci Lupicinus convenlus est solus, transisse ad

des scutaires et des gentils, et de se mettre à la tête de cet autre démembrement de l'armée des Gaules.

Julien se-soumit sans murmure, déterminé à déférer en tout à la volonté supérieure. Il ne put cependant s'empêcher de protester contre tout emploi de contrainte à l'égard des soldats natifs d'outre-Rhin, qui, venant lui offrir leurs bras, avaient stipulé qu'on ne les ferait jamais servir au delà des Alpes. C'était, disait-il, une clause toujours insérée par les barbares dans leurs engagements volontaires; y porter atteinte était compromettre cette voie de recrutement pour l'avenir. Mais il parlaiten vain. Le tribun, sansavoir égard à ses remontrances, exécuta strictement ses ordres. Il écréma auxiliaires et légions de leurs soldats les plus vigoureux et les plus dispos, et partit avec cette élite, tout joyeux de s'être acquis par là de nouveaux titres aux faveurs de la cour.

Restait à expédier le complément des troupes demandées. César éprouvait une anxiété des plus vives. Il avait affaire aux plus farouches des soldats, et les ordres de l'empereur étaient pé- . remptoires. Dans son embarras, qu'augmentait l'absence du général de la cavalerie, il manda près de lui le préfet, qui s'était rendu à Vienne sous prétexte de s'occuper des subsistances, mais en réalité pour s'éloigner du théâtre de la crise. Florence passait effectivement, pour avoir, dans des rapports antérieurs, fortement appuyé près de Constance sur l'esprit militaire des corpsemployés à la défense des Gaules, sur l'effroi qu'ils inspiraientaux barbares, et pour avoir, par ces raisons mêmes, conclu au retrait de ces troupes. A l'invitaBritannias

l'invitaBritannias compertus : de scutariis autem et gentilibus excerperequemquepromptissimum, et ipse perducere Sintula jubelur, Caesarisstabuli tune tribunus.

Conticuit, bisque acquieverat Julianus, polioris arbitrio cuncta concedens. Illud lamen nec dissimularepotuil, nec silere : utilli nullas paterentur moleslias, qui relictislaribus transrhenanis, sub hoc vénérant pacto, ne ducerentur ad partes umquam transalpinas -, véiendum esse adfirmans, ne voluntarii barbari militares, soepesubejusmodilegibus adsueti transire ad nostra, hoc cognito deinceps arcerentur. Sed loquebatur incassum. Tribunus enim parvi querelas Cassaris dùcens, Augusli jussis oblemperabat : et lecta expeditiore manu, vigore corporumque levitateprastauli, cum hisdem profectus est, spe potiorum erectus.

Et quia sollicitus Caîsar, quid de residuis mitli praceptis agi deberet, perque varias curas animum versans, attenle negoliùm tractari oportere censebat : cum Iiino barbara feritas, inde jussorum urgeret auctoritas, maximeque absenlia magistri equitum augenle dubielatem, redire ad se pra?feclum horlatus est, olim Viénnam specie annona? paranda? digressum, ut se militari eximeretluiba. Perpendebal enim ad relationeni suam, quam olim putabaturmisisse, abstrahendos a Galliarum defensione pugnaces numéros, barbarisque jam formidatos. Qui, cura suscepisset Cassaris lilleras nioneritis pelenlisque, ut vc-


LIVRE XX. ' 129

tion de Julien de venir l'aider de ses avis, il ne répondit que par un refus obstiné. La lettre de ce dernier, en effet, disait en termes formels ( ce qui était loin de rassurer Florence) que le poste du préfet était près du général dans les moments difficiles. Julien ajoutait que s'il persistait à le laisser seul, il allait lui-même déposer le titre de César, préférant la mort à la responsabilité terrible qui allait peser sur lui. Mais toutes les raisons vinrent se briser contre l'opiniâtreté du préfet.

Ainsi livré à ses incertitudes par l'absence d'un de ses conseils et la pusillanimité de l'autre, Julien, après quelque hésitation, jugea n'avoir d'autre parti à prendre que de presser officiellement le départ, et fit mettre en marche les troupes déjà sorties de leurs quartiers. Au moment où l'on publiait l'ordre, un pamphlet fut jeté au pied des enseignes des Pétulants. Entre autres excitations il contenait ce qui suit : « On nous « relègue aux extrémités du monde, comme des « proscrits, des malfaiteurs ; et nos familles, que « nous avons, au prix de tant de sang, arrachées n à la servitude, vont retomber sous le joug des « Allemands. » Cette pièce fut portée au quartier général et lue par Julien, qui, reconnaissant quelque justesse dans la plainte, permit aux femmes et aux enfants des soldats de les suivre "en Orient, et mit à leur disposition les transports publics. Comme on hésitait sur la route qu'on leur ferait prendre, le notaire Ducence \proposa de leur faire traverser Paris, que Julien n'avait pas encore quitté; et cet avis prévalut. A l'entrée des troupes dans le faubourg, le prince alla au-devant, selon sa coutume. Il adressa la

nire acçeleraret, rempublicam consiliis juvaturus, obstina? tissùne detrectabat -. ea ratione pavore mente confusa, quod aperla scripta significabant, ab Imperatore nusquam di■ jungi debere proefeclum in ardore lerribilium rerum. Adjeclumque est, quod, si procurare dissimularet, ipse propria sponle projiceret insignia principatus : gloriosum esse existimans jussa morte oppetere, quam ei provinciarum interitum adsignari. Sed vicit proefecti propositum perlinax, his j qua? rr^îlnabiuier poscebantur, parère : contenlione maximà reluctanlis.

Inter bas tamen moras absentis Lupicini, motusque

mililares timentis proefecti, Julianus consiliorum adminiculodestitutus,

adminiculodestitutus, sententia fluctuans, id optii

optii factu existimavit : via sollemni cunctos ë stationibûs

egressos, in quibus hiemabant, maturaredisposuit. (Socque

, comperto, apud Petulantium signa famosum quidam libellum

libellum projëcit occulte, inter alia multa etiam id

, conlinentem : Nos quidem ad prbis terrarum extrema

j ut noxii pellimur et damnait : cantates vero nostroe

\ Mamannisdenuosurvient, quas captivitate prima post

', internecivas liberavimus pugnas. Quo lextu ad comi't

comi't perlato lectoque, Julianus coutemplans rationabilës

, querelas, cum familiis eos ad Orientem proficisci proecepit,

f clavularis cursus facultale permisse : et cum ambigerulur

' diutius, qua pergerent via ; placuit notario suggerente

a Ducentio, per Parisios homines transire, ubi morabatur

parole à tous ceux qui lui étaient connus, les loua individuellement de leurs bons services, et les engagea tous à se féliciter de rejoindre le drapeau de l'empereur : « Là, disait-il, ainsi que « la générosité, la puissance était illimitée ; là les « attendaient enfin des récompenses dignesd'eux. » Pour leur faire plus d'honneur, il réunit les chefs dans un dîner d'adieux, les invitant à lui adresser en toute liberté leurs demandes. Mais la bienveillance même de son accueil augmentait l'amertume de leurs regrets; et l'on rentra dans ses quartiers ne sachant ce qu'on devait déplorer le plus de la nécessité de quitter un pareil chef, ou de celle de s'expatrier. Vers le milieu de la nuit les esprits s'échauffent, l'aigreur du chagrin se tourne en désespoir, et bientôt en révolte. On court aux armes ; on se porte en grande rumeur vers le palais ; on en bloque toutes les issues. D'effroyables clameurs proclament aussitôt Julien Auguste, en insistant obstinément pour qu'il ait à se montrer. Il était nuit ; force leur fut d'attendre. Mais au point du jour le prince, réduit enfin à paraître, est de nouveau salué du nom d'Auguste par un concert unanime d'acclamations.

Cependant Julien restait inflexible. Il adjurait tous et chacun d'eux, tantôt avec l'accent de l'indignation, tantôt en étendant vers eux des mains suppliantes, de ne pas ternir par un acte odieux l'éclat de tant de victoires : c'était le déchirement de l'État qu'ils allaient opérer par cette manifestation inconsidérée. Puis, profitant d'un moment de calme, il ajouta, du ton le plus conciliant : « Point d'emportement, je vous en supplie : ce

adhuc Cassar nusquam motus. Et ita factum est. lisdemque adventantibus in suburbanis Princeps occurrit ex more, laudans, quos agnoscebat, factorumque fortium singulos monens, animabat lenibus verbis, ut ad Augustum alacri gradu pergerent, ubi poteslas est ample païens et larga, praîmia laborum adepturi dignissima. Utque houoratius procul abituros tractaret, ad convivium proceribus corro« gatis, peleré jure, siquidin promptu esset, edixit. Qui liberaliter ita suscepti, dolore duplici suspensi discesserunt et maesti, quod eos forluna quoedam inclemens et moderato rectore el terris genitalibus dispararet. Hocque angore impliciti, in stativa solita recesserunt. Nocte vero coeptante in apertum efupere dissidium : incitatisque animis, ut quemque iusperata res adflictabat, ad tela converluntur et manus : fremituque ingenti omnës petivere palajium, et spatiis ejus ambilis, ne ad evadendi copiam quisquam perveniret, Augustum Julianum horrendis clamoribus çoncrepabant, eum ad se prodire destinatius adigentes : exspectareque coacti, dum lux promicaret, tandem progredi compulerunt. Quo viso, iterata magnitudine sonus Augustum adpeilavere consensione firmissima.

Et ille mente fundata universis resislebat et singulis, nunc indignari semet oslendens, nunc manus Icndens, oransque etobsecrans, ne post mullas felicissimasque victorias agalur aliquid indecorum; neve intempestiva temeritas et prolapsio discordiarum matciïas excitaret. Haîcque

AMMIEN.

i


130 AMMIEN MARCELLIN.

« que vous désirez tous peut être obtenu sans ré« volution, sans guerre civile. Puisque le sol de « la patrie a tant de charmes pour vous, puisque « vous craignez tant le voyage, retournez dans » vos cantonnements : nul de vous, contre son « gré, ne verra le revers des Alpes. Je me charge, « moi, de vous justifier. La haute sagesse et la « prudence d'Auguste sauront comprendre mes « raisons. » De toutes parts à. ces mots les Clameurs éclatent avec une force nouvelle, et les reproches et les injures commencent à s'y mêler. César se vit enfin forcé de souscrire à leur exigence. Élevé sur le bouclier d'un fantassin, il fut salué Auguste tout d'une voix. On voulut ensuite qu'il ceignît le diadème; etcomme il déclara n'avoir jamais eu d'ornement semblable en sa possession, on demanda le collier de sa femme, ou sa parure de tête. Julien s'y refusa, disant qu'un ajustement féminin inaugurerait mal un commencement de règne. On se rabattit alors sur une aigrette de cheval, afin qu'à défaut de couronne un insigne quelconque annonçât en lui le pouvoir suprême. Mais Julien s'en défendit encore, alléguant l'impropriété d'un pareil ornement. Alors un certain Maurus, promu depuis à la dignité de comte, qu'il soutint assez mal au pas de Sucques, mais qui n'était alors que simple hastaire dans les Pétulants, détacha le collier qui le distinguait comme porte-dragon, et le mit audacieusement sur la tête de Julien. Celui-ci, poussé à bout, comprit qu'il y allait de la vie de persister dans son refus, et promit à chaque soldat cinq sous d'or et une livre d'argent.

Mais toute cette transaction n'était pas faite pour tranquilliser Julien, qui en voyait claireadjiciebat,

claireadjiciebat, sedatos leniter allocutus : Cesselira, quoeso, paullisper : àbsque dissensione, vel rerum adpelilu novaruni impeirabiiur facile, quod postulâtes : quoniamvos dulcedo patrice retinet, et insueta peregrinaque metuitis loca, redite jam nunc ad sedes, nihil visuri, quia displicet, transalpinum. Socque apud Augustum capacem rationis et prudeniissimum ego compelenii satisfactione purgabo. Conclamabalur post ba?c ex omni parte nihilominus, unoparique ardore nitentibus universis : maximoque contentionis fragore, probro et conviens misto, Ca?sar adsentire coaclus est. Impositusque scuto pedestri, el sublatius eminens, nullo silente Augustus renuntialus, jubebatur diadema proferre : negansque umquam habuisse, uxoris colli vel capitis poscebatur. Eoque adfirmante, primis auspiciisnon congruere aptari muliebri mundo, equi phalera quaîrebalur, uli coronatus speciem saltem obscuram superioris prajlenderet pdlestatis. Sed cum id quoque turpe esse adseveraret : Maurus nomine quidam, postea Cornes, qui rem maie gessil apud Succorum angustias, Petulantium tune hastatus, ab'slraclum sibi torquem, quo ut draeonarius utebatur, capiti Juliani imposuit confidenfer : qui trusus ad nécessitaient extremam, jamque periculum proesens vilare non posse advertens, si renili perseverassel,. quinos omnibus aureos, argenlique singula pondo promisit.

ment les conséquences. Il mit le diadème de côté, se renferma chez lui, et s'abstint de vaquer aux affaires même les plus urgentes. Tandis qu'il va dans son trouble chercher les recoins les plus obscurs de sa demeure, un décurion du palais, poste qui donne une certaine considération, se met à parcourir précipitamment les quartiers des Pétulants et des Celtes, en criant à tue-tête qu'un horrible forfait vient d'être commis. Celui que leur choix, la veille, a proclamé empereur, un assassin l'a frappé dans l'ombre. Grande rumeur parmi les soldats, dont la turbulence est prompte à s'émouvoir avec ou sans connaissance de cause: les voilà qui brandissent leurs javelots, tirent leurs épées, et courent confusément, comme c'est l'ordinaire dans les émeutes, occuper de vive force les issues du-palais. L'effroi s'empare des. sentinelles, des tribuns de la garde et du comte excubitor, qui en avait le commandement suprême. Connaissant de longue main l'esprit révolutionnaire des soldats, les officiers supposent un coup monté, et chacun s'enfuit de son côté pour sauver sa vie. Cependant, au calme profond qui règne dans le palais, l'effervescence s'apaise. Interrogés sur la cause de cette irruption si brusque et si étrange, aucun d'abord ne sait que répondre. C'est, disent- ils enfin, qu'ils ont craint pour la sûreté du prince. Ils ne quittèrent la place néanmoins qu'après l'avoir vu lui-même -en costume impérial dans la salle du conseil, où il fallut absolument qu'ils fussent introduits.

V. A la nouvelle des événements de Parjs0 le corps qui avait pris les devants, sous la conduite de Sintula, s'arrêta court dans sa marche, et revint tranquillement sur ses pas. Un ordre de JuHisque

JuHisque haud minore quam;anteà cura constriçtus, futuraque céleri providens corde, nec diadema gestavil, nec procedere ausus est usquam, nec agere séria, quos nimis iirgebant. Sed cum ad latebras secessisset occultas .i accidenlium varietate perterritus Julianus; -aliquispalatii :: decurio, qui ordo est dignitatis., pleniore gradu signa Pe- . tulantium ingressus atque Ce^arum,_facinus indigaum. turbulente exclamât, pridie tà^ustum eorum arbïlrio. , declaratuiu, clam interemptum.t-Hoeque comperto, mi-'..; liles, quos ignota pari solh'citudinè mqyçliant et nota', .pars; | crispantes missilia, alii minitântes nudatis gladiis, diverso J vagoque (ut m repentinô soletyexcursu pecupavere Vpliiv .- criter regiam : strepituque im'màui excubitqres percuisi, ' et tribuni, el domesticorum cornes Excubitor hominéj ; veritique versabilis perfidiam mililis, evanuére metii ; ; morlis subita? dispalati. Viso tamén otip summo, quieti ] stetere paullisper armati : et interrqgati, qua? causa4sset..;S inconsulli motus et repenlini, diu tacendo baesitaiiies;'' super salute principis, non arttea discessernnt, qiiim; acciti in consistorium fulgentém eum augusto liabiiu \ conspexissent. .'.;

V. His tamen auditis, etiam illi, quos antegressos relulimus ducente Sintula, cum eo jam securi Parisiqs revertunlur : edictoque, ut futura luce cuncli convenirent in campo, progressus princeps ambitibsius solito tribunal


LIVRE XX.

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lien alors convoqua pour le lendemain toutes les troupes dans lechamp de Mars; et, déployant luimême en celte occasion plus de solennité que de coutume, il monta sur son tribunal décoré d'aigles et d'étendards, et environné de tous côtés de cohortes bien armées. Là il fit une pause de quelques minutes ; puis, ne voyant autour de lui qu'allégresse sur tous les visages, d'une voix qu'il faisait résonner comme le clairon, afin qu'on pût mieux l'entendre au loin, il prononça ces paroles, simples autant qu'animées :

« Généreux guerriers, dont les bras ont si fidèle« ment et si noblement combattu pour votre gé« néral et pour la patrie ; qui tant de fois ayez

* prodigué votre sang avec moi pour conserver

* nos provinces, la circonstance est trop pres« santé pour comporter de longs discours. Votre « volonté bien arrêtée m'a porté du rang de César « au faîte de la toute-puissance. C'est toute une « révolution que vous venez de faire ; il reste à la « consolider par de sages mesures. Décoré de la «pourpre à peine adolescent, et (vous le savez « comme moi) seulement pour la forme, depuisque «■la divine Providence m'a placé sous votre tu« telle, je ne me suis jamais écarté de la ligne du » devoir. Vous m'avez vu prendre part à tous vos « travaux, lorsque après le sac de tant de villes, ■ le meurtre de tant de milliers de nos concittoyens, l'oeuvre de destruction, propagée par

; « l'audace des barbares, allait s'étendre au peu que « leur fureur avait encore épargné. Je ne vous , « rappellerai pas combien de fois au fort de l'hiver, ; « par un ciel de glace, lorsque d'ordinaire on fait , « trêve aux combats et sur la terre et sur les eaux, ] « nous avons attaqué et repoussé victorieusement

adscendit, signis aquilisque circumdatus etvexillis, sa?p;i tusque tutius armatarum coborlium globis. Cumque in j térquievisset paullulum, dum alte contemplatur praîsen,i tium vultus, alacres omnes visos et la?tos,.quasi lituis, $ verbis (ut intelligi possit ) simpUcibus incendebat, ' { Ses ardua posât et flagitat, propugnatores mei .\.reique publicoe fortes el fidi, qui mecum pro statu *; provinciarum vilain soepius objecistis, quoniam Coe^sarem veslnmifirmo judicio adpotestatum omnium gColumen sustulistis, perstringerepauca summatim, ,j«l'remédiapermutâtes reirata colligantur etcauta. i Vixdumadulescens specie tenuspurpuraius (ut nostis) Lvèstroe tuleloe mttu coelesti commissus, numquam a .^propositosecte Vivendi dejectus sum : vobiscum in %omni iaborepers'piçuus, cum dispersa gentium con^fidentia, post civilatum, exoidia, peremptaque innujnem hominùm millia, pauca, quos semiintegrasunt

.relicta, cladis immensitas persultaret. Et retexere rfuperjluuni puto, quoties hiemecruda, rigenlique rfiîoe^' 9m tempore terra ac maria opère Marlio vacant, ^jindomitos anlea cum jactura virium suarum repuklimus Alamannos. Id sane necproetcrmitti est oequum

pec taceri, quod, cum prope Argentoi-atum illuxisset pillebealissimus aies, vehens.quodammodo Galliispertt'peluani liberlatem inter confertissima tela vie dis«

dis« Allemands," jusqu'alors indomptés. Mais ce «qu'on ne peut oublier ni passer sous silence, « c'est cette belle journée d'Argentoratum, l'au« rore de la liberté des Gaules. Là, courant moi« même au travers d'une grêle de traits, je vous « ai vus tour à tour résister comme des rocs, avec « ce courage affermi par tant d'épreuves; puis « vous précipiter comme un torrent, déborder, » surmonter les masses ennemies qui mordaient « la poussière à vos pieds, ou s'abîmaient sous les * flots : noble succès acheté par le sang de bien « peu des nôtres, dont le trépas dut être plus glo« rifié que pleuré.

« A vous qui avez si bien mérité de la patrie, « dirai-je ce qui reste à faire pour que le souvenir « en soit vivant chez la postérité la plus reculée? « Défendre aussi énergiquement contre toute « agression celui que vos propres mains ont « élevé au pouvoir suprême. De mon côté, pour . « maintenir l'ordre, conserver intacte la règle d'é« quité dans l'avancement, et fermer la porte aux « envahissements secrets de l'intrigue, je décrète, « sous la sanction de cette glorieuse assemblée, « que, pour toute promotion dans l'ordre civil « ou militaire, il ne sera fait acception d'autre « titre que le mérite personnel, et qu'une re« commandation sera regardée comme un dés« honneur pour quiconque aurait employé ce « moyen. »

Les simples soldats, qui se voyaient depuis longtemps exclus des grades et des récompenses, saluèrent cette déclaration de principes d'un retentissement approbateur de leurs piques sur leurs boucliers. Mais les Pétulans et les Celtes, afin que la dérogation suivît la loi d'aussi près

currenle, vos vigore ususgue diuturnitate fundati, velut incitâtes lorrentes, hostes abruptius inundantes, superastis ferro prosiratos, velfluminis profundo submersos, paucis reliclis nostrorum, quorum exséquias honestavimus celebri potius lande, quam luctu. Post quee opinortanta et talïa necposleritalem tacituram de vestris in rempublicam merilis in gentibus cunctis, si plene, queni altiorefastigio majeslatis ornastis, virtute gravitateque, si quid adversum ingruerit, defendatis. VI aulem rerum integer ordo servetur, proemiaque virorum foriium maneant incorrupta, nec honores ambitio proeripiat clandeslina, id sub reverenda consilii vestri facie statua, ut NEQUE

CIV1LIS QUISQDAJI JUUEX , NEC mUTlB . RECTOB., ALIO QUODAM HtiETER MERITA SUFFRAGANTË , AD POTIOKEH VEN1AT GRADUM , NON SINE DETRIMENTO PUDORIS EO , QUI PRO QUOLIBET PETERE TENTAVE1UT, D1SCESSURO.

Hac fiducia spei majoris anjmatus inferior miles, dignitatum jam diu expers et proemiorum, hastis feriendo clypeos sonitu adsurgens ingenti, uno propemodum ore diclis favebat et coeptis. Statimque, ne turbanda? disposition! consulta? tempus saltemîneve concederetur, pro actuariis obsecravere Pétulantes et .Celta?, recluri, quas placuisset provincias, milterentur : quo non itnpelralo abiere nec offensi, nec tristes.


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AMMTEN MARCELLIN.

que possible, s'empressèrent de demander à Julien, pour leurs intendants, des commissions à son choix. Leur pétition fut rejetée, sans qu'ils en témoignassent ni dépit ni ressentiment.

Les familiers de Julien lui ont entendu dire que la nuit qui précéda son élévation une figure, telle qu'on dépeint le génie de l'empire, lui était apparue en songe, et lui avait dit, d'un ton sévère : a Depuis longtemps, Julien, je reste invi« sible sur le seuil de ton palais, pour te mener « aux honneurs. J'ai déjà essuyé plus d'un refus. « Si cette fois ta me fermes encore ta porte en « dépit de ce concert de suffrages qui t'appelle, « je m'en irai triste et découragé. Mais souviens« toi que de ce jour je cesse d'habiter avec toi. » -"' VI. Pendant que cette révolution s'opérait dans les Gaules, le terrible monarque de Perse se montrait plus impatient que jamais de conquérir la Mésopotamie; car les excitations d'Antonin avaient doublé de puissance à l'arrivée de Craugase. Profitant de l'éloignement où se trouvait alors Constance avec son armée, il passe pompeusement le Tigre à la tête de forces imposantes, et vient mettre le siège devant Singare. Cette place était bien gardée, et, dans l'opinion de l'autorité, abondamment pourvue de tous les moyens matérielsde défense. La garnison, d'aussi loin qu'elle aperçut l'ennemi, ferma les portes, occupa résolument les remparts et les tours, les garnit de machines de guerre et de projectiles, et, tous les apprêts terminés, se tint sous les armes, prête à repousser tout ce monde d'assaillants dès ', qu'il tenterait l'approche de ces murailles.

Le roi, par l'entremise de ses principaux chefs, essaya d'abord d'amener à composition les assiéNoGle

assiéNoGle qua? declaralionis Augusta? pracesseral <liem, junclioribus proximïs retulerat Impera\tor, per quiefem aliquem visUm, utformari Genius publicus solet, lia?c objurgando dixisse : Olim, Juliane, pestibulum -oedimn tuarumobserva ïatenter, augere luamgestiens •dignitatem-; .et aliquoties tamguam repudiatus abs■cessi : sed, si ne nunc quidem reciplor, senlenlia con-cordanie multoriim; ibo demissus etmoestus. Id tamen relineto imo corde, quod técum non dmthcs habitabo.

VI. Heecdumper Gallias agerentur intente, truculentus ■rex ille Persarum, incentivo Antonirii advehtu Craugasii duplicato , ardore oblinenda? Mesopotamia? flagrans, dum ageret cum exercitu procul Constanlius, armis multiplicalis et viribus transmisso sollemniter Tigrîde, oppugnandam adofitur Singaram milite usuique congruis omnibus, ut oestimavere, qui regionibus piaeerani, abunde munitam. Cujus propugnatores viso lioste longissime, clansis ocius poriis, ingenlibus ariimis per turres discurrebant et minas, saxa tormenlaque'bellica congerentes, cunctisque pra?structis stabant omnes armâti, mulliludinem parali propellere, si moenia subire lentasset.

Adventans itaque rex, cum per optimales suos propius admissos, pacaliore colloquio flectere defensores ad suum «on potuisset arbitrium, quieti diem integrum dédit : et

gés. N'ayant pu rien obtenir, il donna un jour entier au repos. Mais le lendemain, au lever du soleil, le drapeau de couleur de feu se déploie, et la ville est investie. Ceux-ci apportant des échelles, ceux-là dressant des machines, le plus grand nombre poussant devant eux des mantelets formés de claies d'osier, fâchent de s'ouvrir un chemin jusqu'aux murs, afin de les saper par le pied. De leur côté, les assiégés, intrépides sur leurs remparts, accablent de pierres et de traits de toute espèce ceux des assaillants qui se montrent les plus acharnés.

L'assaut se renouvelle ainsi plusieurs jours de suiteavecdessuccèsdouteux,etbeaucoupdemorts et de blessés de part et d'autre. Le dernier jour enfin, vers le soir, au moment où l'action était le plus chaude, les Perses font avancer un bélier d'une force extraordinaire, et en battent à coups redoublés une tour de forme ronde. C'est par ce même moyen qu'ils étaient parvenus à ouvrir la brèche au siégé précédent. Tous les efforts alors se concentrent sur ce point, et l'on s'y bat avec fureur. Les brandons, les traits incendiaires pleuvent de toutes parts, indépendamment d'une grêle incessante de flèches et de boulets sur l'instrument destructeur, qui n'en poursuit pas moins son oeuvre en dépit de tout Cet orage. Sa pointe acérée perce le ciment encore frais, et par, là moins capable de résistance, de la maçonnerie de la tour ; et l'édifice, au moment où il est le plus vivement disputé parle fer et par le feu, tout à coup s'écroule, et livre passage dans la ville. Les Perses aussitôt poussent un hurlement de triomphe, s'élancent par cette trouée que l'effroi dégarnit de défenseurs, et se répandent sans

matutinae lucis exordio, signo per fiammeum erecto vexillum , circumvaditur civilas a quibusdam vehentibus scalas , aliis componentibus machinas, plerisque ohjecl» vinearum pluteorumque tectjs , iter ad fundamenla parietum quaerentibus subvertenda. Contra base oppidani superstantes propuguaculis celsis, lapidibus eminus telorumque génère omniad interiora ferocius se proripientes arcebant.

Et pugnabalur eventu ancipiti diebus aliquot, hinc inde multis amissis et vulneratis : postremo fervente certaminummole, et propinquantejamvespera, inter machinas plures admotus aries robustissimus orhiculatani turrim feriebat ictibus densis, unde reseratam urbem obsidîo superiore docuimus. Ad quam conversa plèbe dimicabatur artissime : facesque cum taîdis ardentibus et malleolis ad exurenduin imminens malum undique convolabant, nec sagiltarum crebritale, nec glandis bine inde cessante. Vieil lamen omne prohibendi commentum acumen arietis, coagmenta fodiens lapidum recens slructorum, madoreque , etiam tum infirmium. Dumque adhuc ferro certatur el Ï ignîbus, titrri collapsa cum patuisset iter. in urbem, nudato ■ propugnatoribus loco, quos periculi disjecerat magnilndo, j Persarum agminatmdique ululabili clamore suplalo, nullo cohibente cuncla oppidi membra complebant : caesisque \ promisce paucîssimis , residui omnes mandata Sapons ■ ■;


LIVRE XX.

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obstacle dans les rues. Un certain nombre d'habitants fut d'abord massacré au hasard ; le reste, sur l'ordre de Sapor, fut pris vivant, et envoyé, au fond de la Perse.

La garnison, composée de deux lég ons, la première FlaVienne et la première Parthique, d'un corps nombreux d'indigènes, et d'un détachement de cavalerie que l'apparition soudaine des Perses avait forcé de se renfermer dans la ville, fut emmenée, les mains liées derrière le dos, sans que, de notre côte, on essayâtde la délivrer. La plus grande partie de nos forces, en effet, se trouvait alors réunie dans un camp qui couvrait Nisibe, et la distance ne permettait pas de rien tenter. On remarquera d'ailleurs que Singare, même dans les anciens temps, a été plusieurs fois enlevée, sans qu'on ait pu lui porter secours : la cause en est dans la disette d'eau qui règne dans le pays environnant. Et, malgré les avantages de cette forteresse comme point d'observation, on peut dire que sa possession a toujours été plutôt désastreuse pour nous, par les pertes en hommes que. sa prise a trop souvent occasionnées.

VIL Après la chute de Singare, le roi prit sur la droite un chemin détourné, et laissa prudemment décote Nisibe, se souvenant des affronts multipliés qu'il avait reçus sous ses murs. Il voulait par force ou par séduction s'assurer la possession de Bézabde, ville à qui ses anciens fondateurs avaient aussi donné le nom de Phénice. C'est une place très-forte, assise sur une colline de moyenne élévation, sur le bord du Tigre, et dont la partie basse, qui est la plus faible, est munie d'une double ceinture de murailles. La garnison se composait de trois légions. La seconde Flavienne, laseconde Arménienne, et lasevivi

lasevivi ad regiones Persidis ullimas sunt asportati.

TUebaDtur autem banc civitalem legiones dus?, prima Flavia , primaque Parthica, et indigena? plures, cum àuïilio eqnitum ilico ob repenlinum malum inclusorum : qui omnes, ut dixi, vinctis manibus ducebantur, nullo juvante nostrorum. Nisibin enim sub pellibus agens pars major exercilns custodiebat, intervallo perquam longo discretam : alioquin numquam labenti Singara? vel teniporibus priscis quisquam terre auxilium poluit, aquarurn pa?nuria cunctis circum arentibus locis. El licet ad pra?sciscendos adversos subitosque motus, id munimentum opportune locavit antiquitas, dispendio tamen fuit-rei ' Romana?, cum defensorum jactura aliquoties interceptura.

VII. Exciso itaque oppido, rex Nisibin prudcnticonsilio vitans, memor nimirum, qua? saepiusibi pertulerat, dextrum latus itineribus pelit obliquis : Bezabden, quam Plirenicam quoque institutores veteres adpellarunt, vi vel promissorum dulcedine illectis defensoribus retenturus, munimentum impendio validum, in colle mediocriter edito positum, vergensque in margines Tigridis, atque, ubi loca suspecta sunt et humilia, duplici muro vallatum : ad enjus tutelam 1res legiones sunt depulata?, secunda Flavia, secundaque Armenica, et Parthica ilidem secunda,

conde Parthique", avec un corps nombreux d'archers zabdicènes ; car c'estsur le territoire de celte nation, alors soumise à l'empire, qu'on a fondé la ville municipale de Bezabde.

Le roi, pour première démonstration, vint, à la tête d'un brillant escadron de cataphractes, caracoler autour des murs de la ville, et s'approcha même assez témérairement du fossé. Accueilli à petite portée par une volée de flèches et autres projectiles, il ne fut cependant pas blessé, grâce à l'épaisse armure sous laquelle il s'abritait, comme la tortue sous son écaille. Contenant toutefois sa colère, il envoya aux assiégés une dépuration portant un caducée suivant l'usage, pour leur conseiller une prompte reddition s'ils voulaient sauver leurs biens et leurs vies, et les inviter à venir, ouvrant toutes leurs portes, s'humilier devant le maître des nations. Bien que les députés se fussent aventurés jusqu' proximité des murs, la garnison ne crut pas devoir les en faire repentir; car chacun d'eux s'était accolé l'un des plus connus par les habitants de la ville, du nombre des prisonniers faits à Singare; et la crainte de blesser ces malheureux fit qu'aucun trait ne fut lancé. Mais les ouvertures pacifiques furent laissées sans réponse.

Vingt-quatre heures se passèrent encore dans l'inaction; mais le lendemain, avant l'aurore, toute l'armée perse franchit à la fois le fossé, et s!avahça, vociférant des menaces furibondes, jusqu'au pied des murailles. Là le combat s'engage avec fureur; les assiégés se défendent avec énergie. Un grand nombre de Parthes furent blessés en portant des échelles, ou derrière leurs mantelets qui les obligeaient d'avancer en aveugles. M .is les nôtres souffrirent beaucoup aussi; car leurs.

cum sagiltariis pluribus Zabdicenis, in quorum solo tune nobis obtemperantium hoc est munioipium. positum.

Primo igitur impetu cum agmine cataphractorum fut gentium rex ipse sublimior caîteris, castrorum ambitum circumeursans, prope labra ipsa fossarum venit audentius : petitusque ballistarum iclibus cerlis et sagitlarum, densitate opertus armorum in rnodum testudinis contexloriim, abscessitinnoxius. Ira tamen tum sequestrata, caduceatoribus missis ex more, clausos blandius horlabatur, ut vita?speique consulturi.obsidium dedilione solverent opportuna, reserâtisque portis egressi., supplices viclori gentium semet offerrent. Quibus adiré propius ausis dcfensores moenium ideo. pepercerunt, quod coba?renler sibi junctos duxerant hisdem notos ingenuos, Singara? captos : eorum enim miseralione telum nemo contorsit, nec super pace respondit.

Deinde datis indutiis diei totius et noctis, ante'alterius lucis initium Persarum populus omnis adortus avide valluni, acriterque ininàns aefremens, ubi ad ipsa moenia confidenter accessit, dimicabal vi magna resistentibns oppidanis. Quare sauciabanlur plerique Parlhorum, quod pars scalas vehenles, alii oppnnentes vimineas craies, veluli ca?ci pergebaiïtintrorsus, nec noslris innocui. Sagitlarum enim nimbi çrebrius volilanles, slanles confertius


J34 AMMIEN MARCELLIN.

groupes serrés offraient un but plus sûr aux traits des assiégeants. La nuit seule mit fin au carnage, qui fut égal de part et d'autre ; et le jour suivant, au sondes trompettes, la lutte recommença plus furieuse, avec égal acharnement de part et d'autre, et même effusion de sang.

Le troisième jour, Une suspension fut convenue de commun accord ; car la terreur était réciproque sur les remparts et dans le camp des Perses. En ce moment le pontife supérieur de la loi chrétienne fait signe des remparts qu'il veut sortir,et, obtenant un sauf-conduit, se fait mener à la tenté du roi. Invité à s'expliquer librement, il demande, dans les termes les plus conciliants, que les Perses se retirent. Assez de vies ont été sacrifiées de part et d'autre; de nouveaux malheurs sont à craindre, et peut-être imminents. Mais son insistance neput rien obtenir. Le monarque, ivredèHuTeur, ne tint compte d'aucun de ses conseils, el jura de ne sè-retirer qu'après l'entière destruction de la ville. Un bruit que, pour ma part, je crois sans fondement, bien qu'il ait eu plus d'un écho, accuse l'évêque d'avoir secrè-j tement révélé à Sapor quels côtés de la place pré4 sentaient à l'intérieur moins de défense, et à l'at^ taqueplus de chances de succès; €e~qui donna consistance à ce propos, c'est que de ce moment, et avec un air de triomphe, les ennemis dirigèrent tout l'effort de leurs machines contre les endroits faibles, avec l'intelligence et le discernement de gens sûrs de leur fait. ■ Sans compter lès obstacles que présentait, vu la difficulté des chemins, l'accès de la muraille, et la peine infinie qu'éprouvaient les Perses à se

perforabant : partibusque post solis occasum a?qua jactura dtgressis, adpetente postridie luce ardentius multo quam anlea pugnabatur, bine inde concinenlibus tubis : nec minores strages utrobique visa? sunt, aiabobus obstina- . lissime colluctatis.

Verum sequuto die, otiô communi adsensù post aerumnas multipliées atlribulo, cum magnus terror circuinsisleret muros, Persa?que paria formidarent : Chrisliana? legis autistes exire «e velle geslibus ostendebatet nutu; acceptaque fide, quod redire permilteretur incolumis, adusque tentoria régis accessit. Ubi data copia dicendi, qua? vellet, suadebat placido sermone discedere Persas ad sua, post communes partis utriusque luctus' formidari etiam majores adfirmans, forsitanadvenluros. Sed perstabat iucassum lia?c multaque similia disserendo, efferala vesania régis obstante, non anle castrorum excidium digredi pertinaciter adjurantis. Perstrinxil tamen suspicio vana qua?- dam episcopum, ut opinor, licet adscveralione vulgata multorum, quod clandeslino colloquio Saporem docuerat, qua? moenium adpeleret membra, ut fragilia infrinsecus et invalida. Hocque exiude verisimile visùm est, quod postea inlula loca carieque nutantia cum exsullatione magna, velut regentibus penetralium callidis, contemplabililer machina? feriebanl hostiles.

Et quamquam angusli calles difficiliorem adilum dabant ad muros, aptatique arietes a?gre promovebantur, manuaservir

manuaservir bélier, sous une grêle de flèches et de pierres lancées à la main, les balistes et les scorpions ne cessaient de les accabler d'énormes javelots et de quartiers de rocs. On leur envoyait aussi des paniers, rem plis de poix ardente et de bitume, dont le liquide enflammé, coulant le long des machines de guerre, les attachait au sol comme si elles eussent pris racine; tandis que des milliers de torches et de brandons jetés du haut des murs achevaient de les consumer.

Mais, en dépit de tant d'efforts et des pertes sérieuses qui en résultaient pour eux, les assiégeants, persuadés que la rage de leur monarque ne s'apaiserait pas à moindre prix, s'obstinaient dans la résolution de s'assurer avant l'hiver la possession d'une place si bien défendue par l'art et la nature. Rien ne les rebutait, ni la vue du sang nil'atrocité desblessures. Us sebattaienten désespérés, et bravaient la mort de gaieté de coeur. Mais déjà paralysés par la chute des blocs de pierre et par une pluie de matières inflammables, les béliers ne pouvaient plus se mouvoir lorsqu'un de ces formidables engins, plus fortement construit que les autres, et qu'un revêtement de cuir frais mettait à l'épreuve des traits et des flammes, parvint, après des efforts incroyables, à se pousser en avant et à s'établir au pied du mur. Son action puissante eut bientôt entr'ouvert les ' flancs d'une tour qui finit par s'écrouler avec un fracas horrible, entraînant, précipitant, ensevelissant sous ses ruines tous ses défenseurs. Sa chute ouvrait une voie facile à l'escalade : l'ennemi s'y porte en foule. Aussitôt de sauvages hurlements retentissent dans la ville envahie; une

lium saxorum sagittarumque metu arcente : nec ballista? tamen cessavere nec scorpiones, illa? tela torquentes, lii lapides crebros, qualique simul ardentes pice et bituininc illiti : quorum adsiduitate per proclive labentium machina? hairebant velut altis radicibus fixa?, easque malleoli et faces jacta? destinatius exurebant.

Sed cum ha?c ita essent, caderentque allrihsecus multi, ardebantmagisoppugnatores naturali situ et ingentiopère munitum oppidum anle brumale sidus exscindere, rabiem. régis non ante sedari posse credentes. Quocirca nec mulla cruoris effusio, nec confixi mortiferis vulneribus plurimi caîteros ab audacia parili revocabant. Sed diu cum exitio decernentes poslremo, periculis objectavere seràet abrnptis : et agitantes arietes, denso saxorum molarium pondère fomenlisque ignium variis, ire protinus vetabautur. Verum unus aries residuis celsior, humectis taurinis opertus exuviis, ideoque minus casus flammeos peitinièscais aut telà, anlegressus omnes repsit nisibus magnis ad murum : vastoque acumine coagmenta lapidum fodiens, turrim laxatam everlil. Qua sdnitu lapsa ingenti, superstantes quoque repentina ruina dejecti, diffractique Vel obruti, morlibus interiere diversis et insperatis : inventons tutiore adsensu armata irruit multiludo.

Trepidis deinde superatorum auribus ululantium undique Persarum intonante fragôre, artius proelium intra muros exarsit, hostium nostrorumque catervis cerlautibus


LIVRE XX. 135

mêlée furieuse s'engage dans les rues; on se joint corps à corps, on s'égorge sans pitié. Les nôtres, pressés de toutes parts, résistent quelque temps avec l'énergie du désespoir, et sont enfin contraints de céder au nombre. Mais le glaive du vainqueur n'en frappe pas moins sans relâche et sans distinction. L'enfant arraché du sein nourricier meurt avec sa mère, victimes tous deux d'une fureur qui ne sait rien respecter. Au milieu de cette scène d'horreur, l'ennemi n'oublie pas le pillage ; il se charge d'immenses dépouilles, et regagne ses tentes en triomphe, poussant devant lui des milliers de captifs.

La conquête de Phéuice remplit Sapor d'une joie immodérée. Il convoitait dès longtemps cette place, dont la situation offre tant de précieux "avantages. Aussi ne voulut-il s'éloigner qu'après avoir fait solidement réparer les parties de rempart qui avaient souffert du siège. II approvisionna complètement la ville, et choisit les plus distingués de son armée par la naissance et par les talents militaires, pour leur en confier la défense. II appréhendait effectivement (et l'événement confirma ses prévisions) que les Romains, ne pouvant se résigner à la perte d'un boulevard de cette importance, ne fissent les derniers efforts pour le reconquérir.

De là poursuivant sa marche, dans la Confiante présomption de tout soumettre devant lui, il enleva, chemin faisant, un certain nombre de bicoques, et vint mettre le siège devant Virta, forteresse de. très^ancienne origine, puisque la tradition lui donne pour fondateur Alexandre de Macédoine. Cette place, située sur l'extrême frontière de la Mésopotamie, et pourvue de fortifications à angles saillants et rentrants, était d'ailcorominus,

d'ailcorominus, coiifertis inter se corporibus, hincindeque stricto mucrone nulli occurrentium parceretur. Magna denique mole ancipiti diu exitio renitentès obsessi, pbstreino plebis immensae ponderibus effuse disjecti sunt. Et post haec iratorum hostium gladii, quidquid inveniri poterat, concidebant : abreptiquesinibus matrum parvuli, ipsa?quoque matres trucidabantur, nuJlo,.quid ageret, respectante. Inter ea tam funesta, gens rapiendi cupidior, onusta spoliorum génère omni, captivorumque examen maximum ducens, tentoria repetivit exsullans.

Rex tamen gaudio insolenti elatus, diuque desiderio capiendae Ptioenica? (lagrans, munimenli perquam tempes tivi, nonantediscessit,qiiamlabefactatamurorumpaiiereparata firmissime, alimentisqûe âdfatim conditis, armatos ibi Iocaret insignes origine, bellique artibus clarôs. ijercbatur enim, quod accidit, ne amissionem castrorum ingentium ferentes a?gre Romani, ad eadem obsidenda viribus magnis accingerentur.

Latius seproinde jactans, addilaque spe, quidquid adgredi posset, adipiscendi, interceptis castellis aliis vilioribus Virtam adoriri disposuil, munimentum valde vetustum, ut asdificatum a Macedone credatur Alexandre, in extremo quidem Mesopolarhia? situm, sed mûris velut sinuosis circutndatum et cornulis, instructioneque

leurs munie de toutes choses nécessaires pour la rendre imprenable. Sapor épuisa près de la garnison les plus séduisantes promesses et les menaces les plus terribles. Il fit mine de l'attaquer par des terrassements, de la battre par des machines; mais, en définitive, il sévit contraint à la retraite, sans même avoir fait autant de mal qu'il en avait reçu.

VIII. Tous ces événements s'étaient accomplis entre le Tigre et l'Euphrate, dans la période d'une année. Constance, qui de Constautinople, où il séjournait, en avait su les détails par ses fréquents courriers, voyait uneinvasion des Perses imminente, et s'appliquait à lui opposer tous les moyens de défense en son pouvoir. Il ramassait des armes, levait des soldats, recrutait ses légions d'hommes jeunes, valides, et déjà éprouvés dans les guerres d'Orient. Il cherchait aussi à s'assurer le concours officieux ou intéressé des Scythes, afin d'être sans inquiétude sur la Thrace quand il la quitterait au printemps, pour se porter sur le théâtre des hostilités.

Pendant ce temps Julien, toujours dans ses quartiers d'hiver de Paris, réfléchissait avec anxiété sur le pas qu'il venait de faire. Il savait le peu d'affection que lui portait Constance, et ne se flattait pas que ce prince pût jamais souscrire au nouvel ordre de choses. Enfin il s'arrêta à l'idée de lui envoyer une députation chargée d'entrer dans le détail des faits, eu y joignant une apologie écrite, où lui-même il exposerait ses intentions, et-ee qu'il consejllaitppur l'avenir. Julien ne doutait pas cependant que déjà Constance ne fût instruit de tout, et par le rapport des officiers de la chambre, qui venaient de quitter les Gaules après lui avoir fait les remises ordiv'aria

ordiv'aria Quod cum omni tentaret arte, nunc promissis defensores alliciens, nunc pcenas cruciabiles minilans, aliquoties struere aggeres parans, obsidionalesque admovens machinas, multis acceplis vulneribus, quam illalis, omisso vano incepto tandem abscessit.

VIII. Ha?c eo anno inter Tigrim gesfa sunt et Eupbratem. Qua? cum frequenlibus nuntiis didicisset Conslantiiis, metuens expeditiones Partbicas, hiemem apud Constantinopolim agens, impensiore cura limitem instruebal cum cmsni adparatubellorum. Arma quoque et tirociuia cogens, legionesque augens juventulis valida? supplemenlis, quarum stataria? pugna? per orientales ssepius emicuere procinctus : auxilia super bis Scytharum poscebalmercede vel gratia, ut adulto vere profectus e Tliraciis, loca suspecta prolinus occuparet.

Inter qua? JulianusapudParisios bibernislocatis, summa coeptorum quorsum evaderet pertimescens, erat anxius, nusquam adsensurum Constantium factis multa volvendo considerans, apud quem sordebat ut infimus et contemptus. Circumspectis itaque trepidis rerum novarum exordiis, legatos ad eum mittere statuit gesta docturos, eisque concinenles litteras dédit, quid actum sit, quidve fieri oporteat deinceps, monens apertius et demonslrans. Quamquam eum ha?c dudum comperisse opinabalur, relatu-


13C AMMIEN MARCELLIN.

naires sur les tributs, et par celui de Décence qui les avait devancés. Sa lettre était d'un homme qui acceptait franchement sa nouvelle position, mais sans prendre le ton d'arrogance d'un inférieur, qui met brusquement la subordination de côté. En voici à peu près la substance :

« Autant que je l'ai pu ( les preuves en existent), je me suis montré, d'intention et d'ef« fet, scrupuleux observateur de la foi jurée. <• Créé César par vous, et aussitôt jeté au milieu « du fracas des armes, je n'ai jamais porté mes « vues au delà du pouvoir délégué. Vous m'a« vez vu, en serviteur fidèle, vous rendre un « compte assidu de cette suite de succès dont « la fortune a couronné mes voeux ; le tout sans « en attribuer à mes efforts la moindre partie. « Et cependant des témoins en foule pourraient » attester que dans toutes ces campagnes où nous « avons battu et dispersé les Germains, le pre« mier aux dangers et aux fatigues, j'ai toujours « été le dernier à chercher le repos. ' « Maintenant permettez-moi d'ajouter que ce « que vous appellerez peut-être défection n'est « que l'effet d'une résolution du soldat, résolu« tion dès longtemps arrêtée. II s'indignait d'o« béir à un subalterne, d'user vainement sa vie « dans les rudes travaux d'une guerre toujours « renaissante, sans pouvoir espérer d'une muni« ficence secondaire la juste récompense de tant « de fatigues et de glorieux succès. Au milieu de « la sourde irritation qui le travaille, voilà qu'au « lieu devancement, au lieu de gratification annuelle, arrive à ces hommes acclimatés aux « glaces du Nord l'ordre imprévu de partir

Decenlii olim reversi, et cubiculariorum recens de Galliis pra?.gressorum, qui ad Csesarem aliqua portavere sollemnia. Et, quamquam non repugnanter, tamen nec arroganlibus verbis quidquam scripsit, ne videretur subito reclinasse. Erat aulem litterarum sensus hujusmodi :

Ego quidem proposai met fidem non minus moribus, quamfoederum pacio, quoadfuit, Unum semper alque idem sentions conservavi, ut effeclu mulliplici claruit evidenler. Jamque inde, ut me creaium Coesarcm pugnarum horrendis fràgoribus objecisti, potestate delata contenlus, currentium ex volo prosperitatum nuntiis crebris, ut adparilorfidus tuas aures implevi, nihil usquam periculis meis adsignans : cum documentis adsiduis constet, diffusis. permistisque passim Germanis, in laboribus me semper visum omnium primum, in laborum refectione postremum.

Sed bona venia tua dixerim, si quid novatum est nunc, ut existimas : in mullis bellis et asperis oelalem sinefructu conlerens miles, olim deliberalum implevit,fremens secundique impatiens loci rcclorem, cum nullas sibi vices a Coesare diuiurni sudoris et vieloriarum frequenlium rependi passe coniemplarelur. Cujus iracundioe, necdignitalum augmenta, nec annuummerentis slipendium, id quoque inopinum accessil,quodadpartes orbis Eoi poslrenias venire jussi, homines adsueli glacialibus terris, separandique libe«

libe« nus, et dépourvus du nécessaire, pour « aller se battre aux extrémités de l'Orient. Une « explosion de révolte s'en est suivie ; ils ont pen« dant la nuit entouré le palais, aux cris mille « fois répétés de Julien Auguste. J'en ai frémi ; je « me suis dérobé, cherchant un refuge contre ce « danger dans la plus obscure retraite. Leur im« patience ne m'a pas laissé de trêve. Enfin je me « suis décidé à paraître, me faisant un mur de « mon innocence, dans l'espoir que quelques «mots dits avec douceur, mais avec autorité, « mettraient fin au tumulte. Leur fureur alors « n'a plus connu de bornes. II en est venu plus « d'un mettre la mort sous mes yeux, tandis que « je m'efforçais de les rappeler au devoir. Alors « poussé à bout ; et réfléchissant qu'un autre, si «j'étais tué, accepterait peut-être volontiers « l'empire à ma place, j'ai donné mon consente« ment, comme seul moyen de fléchir la solda« tesque exaspérée.

« Voilà l'exact récit de ce qui s'est passé : veuil« lez le lire avec le calme nécessaire. Vousnecroi« rez pas que je vous en impose sur aucun point, « si vous fermez l'oreille aux4nsinuations d'une « malveillance intéressée au désaccord des prin« ces. Repoussez loin de vous l'adulation, mère « de tous les vices; et, n'écoutant que la justice, « qui est la plus belle des vertus, acceptez sans «prévention les conditions équitables que je « viens vous soumettre : un moment de réflexion « vous convaincra que votre sanction à ce qui « vient de se faire profite également à l'État et à « nous, déjàliés parle sang, et associés au pouvoir « par la fortune. Que tout soit done pardonné.

ris et conjugibus ,egenlas trahebantur etnudi. UndesoMo soeviusefferait, nocte inunumcollecli palatiuinobsedere, Augustum Julianum vocibus magnis adpellaniesetcrebris. Gohorrul,fateor,et-secessi:amandalusque, dum polui, salutem simulatione quoerïlabam et lalebris. Cumquenulloe darenlur.indutioe,liberopKtorismuro, ulitadixerim, soeplus,progressas aniecompecium omnium steti, molliri posse tumultumauctorilale raius, vel sermonibus blandis. Exarsere mirum in modum, eousque provecli, ut cumprecihis vincere pcrtinaciam conabar, insianter nwrlemcontiguis adsullibus inlentarent. Victusdenique, inecumque ipse coniestans, quod aller confosso me forsila'n libens declarabitur princeps, adsensus sum,vimlenire sperans armatam.

Gestorum hic textus est, quem mente quoesoaccipiiti. placida. Nec actum quidquam secus exislimes, vel sw surranles perniciosa malignos admitlas, adcompendia sua excilaresecessionesprincipum adsuelos : sedadulalionevUiorunialtricedepulsa,excellentissimamvir- iutum omnium adverte justiliam .- et condilionum oequitatem, quampropono, bona Me suscipito, tum animo disputans, hoec statut Romano prodesse, nobisque, qui caritate sanguinis, et fortunoe supcnoris culmine sociamur. Ignosce enim : quoe cùm ratàom poscunlur, non iam fieri cupio, quam a te utilia pro-


LIVRE XX. 137

« Dans cet arrangement réclamé par la raison, «ce que je veux pardessus tout, c'est que la «vôtre soit satisfaite; et je n'en serai que plus « empressé à exécuter vos commandements.

« Voici en peu de mots comme je comprends

« nos obligations réciproques. Je vous fournirai

« des chevaux de trait d'Espagne, et des con».

con». formés tant de jeunes Lètes, peu«

peu« en deçà du Rhin, que de volontaires de

« l'autre rive, propres les uns et les autres à re•>

re•> les corps des scutaires et des gentils. J'en

« prends l'engagement à vie, et le remplirai avec

« plaisir, avec bonheur. De votre côté, votre sol«

sol« pour moi me désignera pour préfets du

« prétoire des hommes de probité et de talent.

» Quant aux autres magistrats civils et aux chefs

« militaires, il convient de m'en laisser le choix,

« ainsi que celui de mes gardes. Il serait vrai«

vrai« absurde à un prince de confier, pouvant

« faire autrement, sa personne à tel dont les dis«

dis« et la moralité lui seraient inconnues.

« La persuasion ni la force ( je crois pouvoir

« l'affirmer ) n'obtiendront des Gaules l'envoi de

« leurs recrues dans de lointains parages. Cette

a contrée a été trop longuement, trop cruelleo

cruelleo éprouvée. Lui enlever sa jeunesse valide

«.serait lui porter le dernier coup, par la rémi«•

rémi«• de ce qu'elle a souffert, et par l'antiei«

l'antiei« de ce qui lui serait encore réservé. Se«

Se« bien politique d'ailleurs, dans la seule vue

« de nous renforcer contre les Parthes, de dégar«nir

dégar«nir complètement notre ligne de défense?

« Cette province n'est encore rien moins qu'à l'a«bri

l'a«bri ultérieures; et, pour dire les

« choses comme elles sont, c'est elle qui, désolée

bari et recta, avide tua proecepla deinde quoque suscepturtis.

Quoe necesse sitfieri, in compendiumredigam brève.

Equos proebebo curules Hispanos, et miscendos geniilibus

geniilibus scutariis adulescentes Loetos quosdam, cis

RTienum éditant barbarorum progeniem, vel certe ex

dediticiis, qui ad nostra desciscunt. Et hoecadusque

exitumvitee mespondeo nonmodograto animo,verum

cupido quoque facturum. Proefectos preetorio, oequitate

oequitate notas, tua nobis dabit clementia : residuos

residuos judices, militioeque moderatores

promovendos arbitrio meo concedi est consentaneum,

ilidemque slipalores. Stullum est enim, cum anle

caveri possit ne fiai, eos ad latus Imperaloris adscisci,

quorum mirés ignorantur et voluntates. '

Hoc sane sine ulla dubitatione firmaverim : iirones

', adperegrina et longinqua Galli millere, diulurna

| perturbalione casibusque vexati gravissimis, nec spon\

spon\ suapoterunt, nec coacti, ne consumptapenitus ju;

ju; ut adjligunlur praslerita recordanles, ita

[. desperali'one perçant impendentium. Nec Parthicis

r genlibus opponenda auxilia hinc acciri conveniet,

■ rem adhuc nec barbarici sinl impetus interclusi, et (si

\ diei, quod verum est/pateris) hoe provincial malis

« depuis si longtemps, aurait besoin d'être se« courue, et énergiquement secourue.

« Je vous écris dans notre intérêt commun : « prenez ce peu de mots comme conseil ou comme « prière. Sans m'élever jusqu'au ton qu'autori« serait ma dignité présente, je vous rappellerai « seulement qu'en bien des circonstances le bon « accord entre les princes, et des concessions ré« ciproques, ont rétabli les affaires les plus déses« pérées. L'histoire en fait foi : ceux de nos aïeux « qui ont mis ce principe en pratique ont trouvé « par là le moyen dé rendre leur règne heureux, et « leur mémoire honorée et chérie. »

Avec cette lettre officielle, il en fit secrètement tenir à Constance une autre des plus mordantes, et pleine de reproches amers. Mais la teneur de cette pièce est restée un mystère; et celui qui l'aurait pénétré ne pourrait le rendre public sans une coupable indiscrétion.

Julien confia cette commission à deux hommes graves, Pentadius, maître des offices, et le grand chambellan Euthère. Ils devaient, après la délivrance de la missive, lui rendre un compte exact de tout ce qu'ils auraient vu, et prendre conseil des circonstances.

Leâ propos tenus, depuis sa désertion, par le préfet Florence, vinrent encore envenimer l'aigreur de ces premiers rapports. A l'entendre, « il « avait bien prévu la perturbation qu'allait exciter « l'ordre de départ des troupes ; et l'intérêt du « service des subsistances, qu'il avait fait valoir « près de Julien comme appelant la présence du « préfet à Vienne, n'était qu'un prétexte pour fuir « le ressentiment qu'il s'était attiré par l'indé« pendance de son langage. » Quand Florence

Jactatoe. conlinuis, exlernis indigeant adjumentis et forlibus.

Hoec hortando, ut oestimo, salutariler scripsi,poscens etrogans. Scio enim, scio, ne quid sublatius dicam cum imperio congruens, quas rerum acerbitates jam conclamatas el perdilas, concordia vicissim sibi cedenttum principum meliorem revocavit in slalum : cum adpareatmajorumexemplonostrorum, moderatores hoec et similia cogitantes, forlunale beateque Vivendi reperire quodamnwdo viam, etullimo tempori posteritaliquejueundam sut memoriam cbmmendare.

His litteris junctas secretiores alias Cohstantio offerendas clanculo misit, objurgatorias et mordaces : quarum seriem nec scrutari licuit, nec, si licuisset, proferre decebat in publicum.

Ad id munus implendum elecli viri sunt graves, Pentadius officiorum magister, et Eùtherius cubiculi tunepra?- posilus, post oblalas lilteras relaturi, nullo suppresso, qua? viderunt, et super ordine futurorum fidenler acturi.

Auxerat inter ha?c coepforum invidiam Florenlii fuga proefecli : qui velut proesagiens concitandos motus ob militem, ut sermone tenus jactabatur, accitum, consulta-


138 ~ AMMIEN MARCELLIN.

avait vu Julien empereur, il s'était regardé à peu près comme perdu, et n'avait plus songé qu'à profiter de Péloignement pour se soustraire tout à fait au péril dont il supposait sa tête menacée. 11 laissa même derrière lui sa famille, et se rendit à petites journées près de Constance. Là, pour n'être pas suspect de complicité dans les derniers événements, il s'attacha à donner à la conduite de Julien une couleur de révolte spontanée. Cependant les procédés de Julien envers Florence absent ne laissaient percer que des intentions de clémence. On respecta ses biens ainsi que sa famille, qui fut même autorisée à se servir des transports publics pour faciliter son retour en Orient.

IX. Les députés porteurs des dépêches de Julien mirent dans leur voyage toute la célérité possible; mais les hauts fonctionnaires de l'État,. chaque fois qu'ils furent en rapport avec eux, leur créaient indirectement obstacles sur obstacles , et ils eurent mille peines à traverser l'Italie et l'Ulyrie. Ils parvinrent cependant à passer le Bosphore , et joignirent enfin Constance à Césarée en Cappadoçe. C'est une très-agréable ville de passage, assise au pied du mont Argée, et dont le nom était autrefois Mazaca. Là ils eurent audience du prince, qui leur permit de remettre leurs dépêches. Mais en en prenant lecture il eut un emportement d'une violence extraordinaire, regarda les députés d'un air à les faire trembler pour leur vie, et leur ordonna de sortir, sans ajouter un mot, et sans vouloir rien entendre de plus.

Le coup avait porté. Constance était en proie à la perplexité la plus grande. Devait-il marcher

discesserat Viennam, alimentaria? rei gratia divelli causa-' tus a Caîsare, quem sa?pe traelatum asperius formidabat. Dein cum comperisset eum ad augustum culmen evectum, exigua ac prope nulla Vivendi spe versus in mètum, ut longe disjunctus, malis se, qua? suspicabatur, exemit : et necessitudine omni relicta digressus venit ad Constantium itineribus lenlis : utque se nulli obnoxium culpa? monstrarel, Julianum ut perduellem multis criminibus adpetebat. Cujus post abitum bene Julianus cogilans et prudenter, scirique votens, quod pia?senti quoque pepercisset; cantates ejus cum refamiliari intacla, publici cursus usu permisso, ad Orienlem redire tutius imperavit.

IX. Nec minore studio sequuli legati, haec secum ferentes, qua? pisediximus, intentique ad viandum, cum venirenl ad judices celsiores, oblique lenebantur vmorasque per Italiamet Illyricum perpessi diuturnas et graves, tandem transfrelali per Bosporum, itineribusque lentis progressa apud Ca?saream Cappadocia? etiam tum degentem invenereConslanlium, Mazacamanlebacnominalam, opportunam urbem etcelebrem, sub Arga?i montis pedibus silam. Qui intromissi, dala potestate, offerunt scripta : iisque rëçitatis, ultra modum solitaeindignationis excanduil Imperator, limibusque oculis eos adusque melum contuens mortis, egredi jussit, niliil post ha?c percontalus vel audire perpessus.

Perculsus tamen ardenler cunclatione stringebatur amcontre

amcontre Perses, ou employer contre Julien les forces sur lesquelles il pouvait le plus compter? Il hésita longtemps devant cette alternative, puis se décida pour le parti le pi us sage, et tourna ses pas vers l'Orient. Il congédia toutefois les députés sans délai, et dépêcha en Gaule Léonas, son questeur, avec une lettre où il signifiait à Julien son désaveu formel de l'innovation politique dont il avait osé prendre l'initiative, et lui conseillait, dans son intérêt comme dans celui de ses adhérents, de se guérir de ces fumées d'ambition, etde se contenter du rang de César. Pour corroborer l'effet de ces menaces, et se poser en pouvoir qui se sent fort, il nomma Nébride, alors questeur de Julien, son préfet du prétoire, en remplacement de Florence; donna au notaire Félix la charge de maître des offices, et fit encore d'autres promotions dans le gouvernement des Gaules. Quant à Gumohar, qui succédait à la maîtrise de cavalerie de Lupicin, sa promotion avait précédé toute nouvelle de la révolution opérée.

Julien reçut à Paris Léonas comme un homme dont il honorait le talent, et dont il aimait le caractère. Ce ne fut que lé lendemain de son arrivée, et en présence des troupes et du peuple assemblé , que Julien voulut qu'il fît remise de la lettre dont il était porteur. Il la reçut monté sur un tribunal élevé ; afin d'être vu de plus loin, l'ouvrit, et en donna lecture à haute voix. Quand il en vint au passage où Constance désavouait tout ce qui s'était passé, et déclarait que le rang de César devait suffire à Julien, un terrible éclat - de voix fit entendre ces paroles : « Julien est An« guste par le voeu de la province et de l'armée;

bigua, utrum in Persas, an contra Julianum rnoveri juberet acies, quibus fidebat : ha?sitansque .diu perpeneis consiliis, flexus est quorumdam sententia ulilium suasorum, et iter orientem versus edixit. Statim tamen et legatos absolvit, et Leonam qua?storem suuni in Gallias cum Iitteris datis ad Julianum pergere céleri statuit gradu, niliil novatorum se adserens suscepisse, sed eum (si saluti sua? proximorumque consulit) tumcnli flatu deposito, intra Ca?saris se potestalem continere piacipiens. Utque id facile formido inlentatorum efliceret, velut magnis viribus fretus, in locum Florenlii proelectum pra?torio Nehridium, tum qua?storem ejusdem Casaris promoveral, et Felicem notarium, officiorum magistrum, et quosdam alios. Gumoharium enirii successorem Lupicini, antequam scirelur hujusmodi quidquam, magislrum provexit armorum.

Ingressus ilaque Parisios Léonas, suseeptus ut lionoràtus etprudens, postridie principi progresso in camprnn cum mullitudine armata pariler et plebeia, quam deinduslria convoearat, e tribunali, ut emineret altius, superslanli, scripta jubelur offerre. Replicatoque volumine edicti, quodmissum est, et legi ab exordio coepto,ccm ventum fuisset ad locum idconlinentem, quod geslaôni. nia Conslantius improbans, Coesaris potestatem solfioere Juliano censebal, cxclamabatur undique vocum terribilium sonu : Auguste Juliane, ut provincialis, et miles,


LIVRE XX. 139

« par l'investiture de la puissance publique, qui « se relève en ce moment, mais qui veut pour « l'avenir une garantie contre les invasions des « barbares. •»

Léonas, témoin de cette manifestation, s'en revint ensuite avec une lettre de Julien qui en contenait la relation fidèle. De toutes les nominations faites par Constance, le nouvel empereur ne confirma que celle de Nébride, en qualité de préfet du prétoire. Il avait, dans une lettre précédente, désigné le choix de ce dernier comme devant lui être agréable. Quant à la charge de maître des offices, il en avait déjà disposé en faveur d'Anatole, maître des requêtes. Ses autres nominations furent également réformées dans les vues de son pouvoir et de sa sûreté. Au milieu de ces arrangements, Lupicin lui inspirait des craintes, malgré l'éloignement où le tenait sa mission en Bretagne. Il le connaissait entreprenant, présomptueux, et, si les nouvelles arrivaient jusqu'à lui, homme à exciter de nouveaux troubles en travaillant pour son propre compte. Pour plus de sûreté, un notaire fut dépêché à Bononie, avec ordre de ne laisser qui que ce fût passer le détroit. Cette précaution fit que Lupicin, qui ne sut rien qu'après son retour, n'eut aucune occasion de remuer.

X. Cependant l'esprit de Julien était remonté par le sentiment de sa grandeur accrue, et par la confiance que lui témoignait l'armée. Il craignit de laisser refroidir cette ardeur, et d'encourir luimême le reproche d'indolence et d'apathie. Il envoya donc une ambassade à Constance, et, avec un armement de tous points proportionné à l'entreprise qu'il méditait, se porta sur les frontières de la seconde Germanie, et de là sur

et rei publicoe decrevit auctoritas; recreatoe quidem, sed adhuc metuentis redivivos barbarorum excursus.

Quibus auditis Léonas, cum Juliaui litteris ha?c eadem indicantibus revertit incolumis : solusque admissus est ad pra?fecturam Nebridius : id enim Coesar quoque scribcns, ex sententia sua fore aperte proedixit. Magistrum enim officiorum jampridem ipse Anatolium ordinavit, libellis antea respondentem, et quosdam alios, ut sibi utile videbatur et tutum.

Et quoniam, cum ha?c ita procédèrent, limebatur Lupicinus, licet àbsens, agensque etiam tum apud Brilannos, hoinosupeiba? mentis et turgida?; eratque suspicio, quod, si ha?c trans mare didicisset, novarum reruni materias excitaret : notarius Bononiam mittitur, observalurus sollicite, nequisquam fretum oceani transire permitteretur. Quo vetito, reversus Lupicinus, antequam horum quidquam sciret, nullas ciere potuit turbas.

X. Julianus tamen jam celsiore fortuna militisque fiducia laetior, ne iutepesceret, neve ut remissus arguerelur et deses, legalis ad Constantium missis, in limitem Germante secunda? est égressus : omnique adparatu, quem ! nagitabat instans negotium, communitus, Tricensima? oppido propinquabat. Rheno exinde transmisso regionem

la ville de Tricensime(i). Puis, passant le Rhin, il tomba sur le pays des Franks Attuaires, race turbulente, et qui en ce moment insultait de ses incursions les frontières de la Gaule. Il brusqua l'attaque au milieu de la sécurité trompeuse qu'inspire à cette peuplade le détestable état de ses chemins, où, de mémoire d'homme, ne s'étaient hasardées les armes romaines; et il en eut bon marché. II leur prit ou tua beaucoup de monde. Ce qui restait s'humilia, et reçut du vainqueur, qui voulut assurer par là le repos du voisinage, la paix aux conditions qu'il lui plut d'imposer. Puis, avec même célérité, Julien traverse de nouveau le Rhin, passe en revue toutes lès places ' fortes de la frontière, qu'il remet en bon état, - pousse ensuite jusqu'à Rauraque; et, après avoir repris possession, et pourvu à la sûreté ultérieure de tout ce pays, où les barbares s'étaient cru définitivement établis, il se dirigea parResançon sur Vienne, où il voulait passer l'hiver.

XL Telle était la marche des affaires dans les Gaules, où tout se ressentait d'une direction ferme et habile. Constance pendant Ce temps mandait près de lui Arsace, roi d'Arménie ; et, après lui avoir fait la réception la plus honorable, mettait toute espèce de raisonnements et de persuasion en oeuvre pour le décider à rester inviolablement attaché aux Romains. Il savait en effet que supercheries , intrigues, menaces, le roi de Perse avait tout essayé près de ce prince pour nous l'aliéner, et l'attirer dans son parti. Arsace fit le serment, et le répéta plusieurs fois, de mourir plutôt que de changer à notre égard, et s'en retourna comblé de présents, lui et toute sa suite. Sa foi

(i) Sanlen, près de Clèves.

subito pervasit Francorum, quos Attuarios vocarit, inquietorum hominum, licentius etiam tum percursantium extima Galliarum. Quos adortus subito niliil meluentes hostile, nimiumque securos, quod scruposa viarum dilïicultate arcente, nullum ad suos pagos introisse meminerant principem, superavit negolio levi; captisque plurimis et occisis, orantibus aliis, qui superfuere, pacem ex arbitrio dédit, hoc prodesse possessoribus linitimis arbitratus. Unde reversus pari celerilate pei fiumen, praîsidiaque limitis explorans diligenter et corrigens, adusque Rauracos venit : locisque recuperatis, qua? olim barbari intercepta retinebant ut propria, iisdemque pleniore cura firmalis, per Besantionem Viennam hiemalurus abscessit.

XI. Hic per Gallias erat ordo gestorum. Qua? dum ila prospère succedunt et caute, Constantius accitum Arsâcen^-- Armenia? regem, summaque liberalitate susceptum pra?- monebat et hortabatur, ut nobis amicus esse perseveraret etfidus. Audiebatenim soepius eum tentatum a rege Persarum fallaciis,etminis,etdolis,utRomanorum societato posthabita, suis rationibusstringeretur. Qui crebro adjurans animam prius posse amittere, quam sententiam, muneratus cum comitibus, quos duxerat, rediit ad regnuni, uihil ausus lemerare postea promîssorum, obligatus gra-


140 AMMIEN MARCELLIN.

fut bien gardée, et en effet des liens multipliés de gratitude l'attachaient à Constance. Le principal était le mariage que ce dernier lui avait fait contracter avec Olympiade, fille d'Ablabius, ancien préfet du prétoire, laquelle antérieurement avait été fiancée à son frère, l'empereur Constant.

Constance, après le départ d'Arsace, prit luimême sa route par Mélitine, ville de l'Arménie Mineure, Lacotène et Samosate,' et gagna Édesse en passant l'Euphrate. Là il fit une station prolongée pour attendre les renforts de troupes et les convois de vivres qui lui arrivaient de tous côtés, et n'en sortit qu'après l'équinoxe d'automne, pour se rendre à Amide. Quand il vit de près ces remparts et ces édifices en cendres, son coeur se gonfla, et ses yeux se mouillèrent en songeant à tous les maux qu'avait soufferts cette malheureuse ville. Ursule, garde du trésor, qui se trouvait là en ce moment, s'écria, dans l'amertume de sa.douleur : « Et voilà comme nos « villes sontdéfendues par ceux que l'État s'épuise « à ne laisser manquer de rien ! » Le souvenir de ce propos suffit pour exciter plus tard à Chalcédoine un soulèvement militaire contre ses jours.

D'Amide, l'armée se porta en colonnes serrées sur Bézabde, et y campa en se retranchant d'un fossé et d'une palissade. L'empereur monta achevai pour faire, hors de la portée des traits, le tour de la ville, et, durant cette excursion, apprit de plus d'une bouche que les parties des défenses, dégradées par le temps et par l'incurie de l'autorité précédente, avaient été réparées et renforcées. Voulantne commencer les hostilités qu'après l'épuisement des moyens conciliatoires, il députa aux assiégés d'habiles négociateurs, pour leuroftiarum

leuroftiarum nexu Constanlio : inter quas illud potius excellebat, quod Olympiada Ablabii filiam praefecti quondam pra?torio, ei copulaverat conjugem, sponsam fratris sui Constanlis.

Quo dimisso a Cappadocia, ipse per Melitinam minoris Armenia? oppidum; et Lacotena, et Samosata, transito Euphrate, Edessamvenit : unique; dum agmina undique convenientium miiilum,ct rei cibaria? abundantes copias opperitur, diu moralus; posl aîquinoctium egreditur autumnale, Amidam petens.

Cujus cum prope venisset moenia, favillis opplela collustrans, débat cuin gemitu, reputans quales miseranda civitas pertulerat clades. Ibi tune forte TJrsulus proesens, qui aîrarium tuebatur, dolore percitus exelamavit : En quibus animis urbes a milite defendunlur, cui ut abundare slipendium possit, imperii opes jam fatisr cunl ! Quod dictum ita amarum militaris mulliludo poslea apud Cbalcedona recordata, ad ejus exilium consurrexit.

Exinde cuneis conserlis incedens, cum Bezabden adventaret, fixis lentoriis, vallo fossarumque alliludine circumsa?plis, obequilans castrorum ambitum longius, docebalur relaliono mullorum, instaurala esse firmius loca, qua? anlebac incuria corruperat vetustalis. Et, ne quid omittcrcl, quod anle fervorem cerlaminum erat necessai io

frir l'alternative ou de retourner chez eux, gardant la possession paisible de tout le butin qu'ils avaient conquis, ou d'accepter la domination romaine, avec perspective assurée d'être comblés de dignités et de largesses. La réponse des chefs fut conforme au caractèreindomptéde leur nation : ils étaient tous de haute naissance, et les travaux ni les dangers ne leur faisaient peur. Il ne restait donc plus qu'à tout disposer pour le siège..

Alors l'armée serre ses rangs, et, s'ébranlantau son guerrier des trompettes, aborde vigoureusement la place de tous côtés à la fois. Les légions se divisent en plusieurs corps, qui forment la tortue de tous leurs boucliers unis, et tentent sous cet abri de saper le pied des murs. Mais une prodigieuse quantité de projectiles de toute sorte eut bientôt rompu l'espèce de toit qui régnait au-dessus de leurs têtes, et la retraite dut être sonnée. Un jour entier fut donné au repos; et le suivant les nôtres recommencent l'assaut, en essayant, pour se couvrir, de moyens plusefûcaces. Tout le circuit des remparts était tendu de cilices qui cachaient les assiégés à notre vue; mais ils n'hésitaient pas, quand il le fallait, à sortir de derrière ce rideau pour jouer des bras, et nous accabler d'une grêle de pierres et de traits. Us laissaient nos mantelets s'approcher avec confiance du pied des murs ; mais, dès qu'ils y touchaient , des tonneaux remplis de terre, des meules de moulins, des fragments de colonnes, se ruaient d'en haut, brisaient ces abris factices, et forçaient ceux qui s'en étaient protégés à se disperser à tout risque.

Le siège durait depuis dix jours, etlaconfianee

prasslruendum ; viris prudenlibus missis, conditione posita dupla, cogebat moenium defensores redire ad siios, alienis sine cruore concessis, aut in ditionem venire Romanam dignitalibus augendos et pra?miis. Alque, cum illi destinalione naliva renilerentur ut clare nati, periculisque et laboribusindurati, cuncta obsidioni congrua parabantur.

Densis itaque ordinibus cum tubarum incilamenlis lalera oppidi cuncta adortus alacris miles,, tegionibus in testudines varias conglobatis, paullatim luîo progrediens, subruere moenia conahatur : et quia lelorum ornne genus in subeuntes effundebalur, nexu clypeorum soluto discessum est, in recessum canenlibus signis. Laxatis deindo ad diem unum induliis, terlia luce curiosius tecti, clalis passim clamoribus adscensus undique tenlabant. Et licet defensores obtentis ciliciis, ne conspicerentur ab boslibus, lalebant inlrinsecus; tamen, quolies flagitabat nécessitas, lacertos fortiter exserlanles, lapidibus subjectos incessebanl et telis. El viminea? crates cum procédèrent confidenler, essentque parielibus conligua?, dolia desuper cadebant, mola? et columnarum fragmenta : quorum ponderibus nimiis obruebantur oppugnatores, hiatuque violenlo disjeclis operimentis, cum periculis ultimis evadebant.

Decimo itaque, postquam pugnari die coeptum est, cum spes nostiorum inleriora cuncta mairorc compleret, traus-


LIVRE XX. 141

que continuaient à înontrer les nôtres commençait à alarmer les assiégés, lorsqu'on s'avisa de mettre en batterie un bélier monstrueux, qui jadis avait procuré aux Perses la prise d'Antioche, et qu'ils avaient ensuite laissé derrière eux à Carrhes. La vue de cette machine, la merveille de sa construction, glacèrent d'abord le courage des assiégés, qui crurent un moment qu'il ne leur restait plus qu'à se rendre. Mais le coeur leur revint. Us s'ingénièrent à neutraliser l'effet de ce terrible instrument de guerre; et ni l'audace ni l'adresse ne leur manqua. Tandis que les assiégeants s'évertuaient de tous leurs moyens à rajuster les pièces de cé-vieux bélier, qu'on avait démonté pour la commodité du transport; que tous leurs efforts étaient tendus à en protéger l'approche, les balistes et les frondes de la ville ne cessaient leurs volées de pierres, qui, de droite ou de gauche, atteignaient nos ouvriers, et nous coûtaient bon nombre de vies. Nos terrasses cependant faisaient des progrès rapides, et les opérations de jour en jour se poussaient avec plus de vigueur. Mais elles n'en étaient pour nous que plus meurtrières , par l'ardeur même que montraient les soldats à mériter les récompenses. Combattant sous les yeux de leur empereur, quelques-uns allaient jusqu'à désarmer leur tête du casque pour être plus sûrement reconnus, et devenaient ainsi des points de mire pour les flèches des Perses. On ne dormait ni jour ni nuit, les sentinelles des deux parts tenant perpétuellement leur monde sur le qui-vive.

Cependant les Perses voyaient nos terrassess'élever de plus en plus, et le grand bélier s'avancer, suivi d'autres dimensions moindres. Effrayés au dernier point, ils s'efforçaient d'y mettre le feu,

ferri placuerat molem arielis magni, quam Persa? quôndam Antiochia pulsibus ejus excisa relatam reliquerant apud Carras : qua? subito visa, aptataque faberrime, clausorum bebelaverat mentes, adusque deditionis remédia pa?ne prolapsas, ni resumptis viribus opponenda machina? - liuic préparassent. Nec temeritas post hoec cessaverat ; necconsilium.Namque, dum instrueretur aries velustus, etdissolutus, ut facile veheretur, omni arte, omniquevirium nisu, et oppugnatorum vi et firmitudine summa defensabatur : tormenta nihilominus et Japidum crebrilas alque fundarum ex ulraque parte plurimos consumebant : et aggerum moles incremenlis celeribus consurgebant : acriorque indies adulescebat obsidio, multis nostrorum idcirco cadentibus, quod decernentes sub Imperatoris conspéctu, spe proeniiorum, ut possent facile, qui essent, agnosci, nudantes galeis capita sagittariorum hostilium perilia fundebantur. Proin dies et noctes intenta? vigiliis, cautions stantes utrobique faciebant. Et Persa? aggerum altitudinejamin sublime porrecta, macbinrjeque ingentis horrore perculsi, q'uam minores quoque sequebantur, omnes exurere vi maxima nilebantur : et adsidue malleolosatque incendiaria tela torquentes, laborabant incassum, ea te, quod humectis scortiset cenlonibus erant operta? maet

maet pleuvoir dessus Jes brandons, les traits incendiaires; le tout sans produire aucun effet, car les machines étaient couvertes en partie de cuirs frais ou de tissus mouillés, et enduites, quant au reste, d'alun, ce qui les rendait incombustibles. Les Romains éprouvaient des difficultés inouïes à les mouvoir et à les protéger ; mais l'espoir d'emporter la place leur faisait braver les plus grands périls. De leur côté, les assiégés, au moment où le grand bélier allait enfin jouer contre une de leurs tours, eurent l'adresse singulière de saisir et enlacer, à l'aide de longues cordes, la tête de fer du battant (qui figure effectivement celle d'un bélier), de manière à eu arrêter le mouvement de réaction, et conséquemment à en paralyser tout l'effet. Ils l'inondèrent en même temps d'un déluge de poix bouillante. Les autres machines en batterie restèrent aussi un assez longtemps immobiles, en butte aux projectiles de toutes sortes qu'on leur envoyait des remparts.

Mais déjà les terrasses atteignaient le couronnement. Les assiégés, s'ils ne frappaient quelque grand coup, voyaient leur perte imminente. Us prirent la résolution désespérée de faire une sortie, et d'incendier au milieu du combat les béliers avec des torches et des pots à feu. Cependant, après un engagement assez vif, ils se virent repoussés en désordre vers la ville, sans avoir rien réalisé de leur projet. Aussitôt les Romains, du haut de leurs terrasses, font sur les remparts une décharge générale de leurs arcs et de leurs frondes, sans oublier les traits enflammés qu'ils lancèrent avec profusion sur les tours, mais que la vigilance de leurs gardiens empêcha de produire grand effet.

teria? plures, alioeunctae alumine diligenter, utignisin eas laberetur innoxius. Verum has admoventes fortitudine magna Romani, licet difficile defensabant, tamen cupiditate potiundi oppidi ne prompta quidem pericula contemnebant. Et contra propugnatores, cum jam discussurus turrim oppositam aries maximus adventaret, prominentem ejus ferream frontem, qua; rêvera formam effingit ârietis, arte subtili illaqueatam altrinsecus laciniis retinuere longissimis, ne retrogradiens resumeret vires, neve ferire muros adsultibus densis contemplabiliter posset, fundentes quoque ferventissimam picem : et diu promota? machina? stabant,muralia saxa perferentes et tela.

Jamque aggeribuscumulatius excitatis, defensores, ni vigilassent, exitium adfore jam sperantes, in audaciam ruere praecipitem : et repentino decursu portis elfusi, primosque adorti nostrorum, faces sitellasque ferreas onustas ignibus in arietes magnis viribus jaciebant. Verum post ambiguam proelii virtutem, plurimi nihil impetrato intra moenia repelluntur : nioxque ex aggeribus, quos erexerant Romani, iidem Persa? propugnaculis insistentes, sagittis incessabantur et lundis, telisque igniferis : qua? per tegumenta turrium volilantia parafe, qui rcslingue1 rent, plerumque irrita labebanlur.


142 AMMIEN MARCELLIN.

Le nombre des. combattants s'était beaucoup éclairci des deux parts ; mais les Perses en étaient arrivés à leur dernière heure, s'ils n'étaient parvenus à se relever par une sortie nouvelle et mieux combinée. Une force imposante se montra tout d'un coup hors des murs ; et cette fois les incendiaires, qui étaient placés au centre des combattants, réussirent à jeter sur nos machines une multitude de corbeilles de fer, pleines de sarments enflammés et d'autres combustibles. Le tout en un instant fut enveloppé d'épais tourbillons de fumée. A cette vue, là trompette sonne, et les légions qui se trouvaient sous les armes précipitent le pas. Leur ardeur s'accroît à mesure qu'elles avancent ; mais à peine en vient-on aux mains, que déjà nos machines apparaissent embrasées. Le grand bélier seul put être sauvé, quelques soldats, par un vigoureux effort, ayant réussi à couper les cordes qui le retenaient encore au rempart, et à le tirer demi-consumé du milieu des flammes.

La nuit qui survint mit fin à cette mêlée, mais sans apporter beaucoup de répit aux soldats. Réveillés par leurs chefs après quelques courts instants de réfection et de sommeil, ils reçurent l'ordre de faire rétrograder loin des murs l'attirail entier des machines ; et l'on prit des mesures pour une attaque faite du haut des terrasses qui dominaient déjà les fortifications. On y dressa deux balistes, afin de nettoyer plus aisément ces remparts de leurs défenseurs ; car leur seul aspect , croyâit-on, ferait que pas un ennemi n'oserait s'y montrer.

Ces dispositions faites, à l'approche du crépuscule, une triple ligne de combattants, dont un grand nombre était muni d'échelles, s'avance,

Cumque pauciores utrobique fièrent bellatores, et Persa? truderentur ad ultima, ni polior ratio succurrisset, impeusiore opéra procursus tentabatur ex caslris : et eruptione subita multitudinis lacta, inter armatos, qui porlabant ignés, amplioribus ordinatis, jaciebanlur corbes in materias ferrea? plena? flammarum, et sarmenta, aliaque ad ignés concipiendos aptissima. Et quia conspectum abstulerant fumi nigerrima? nubes, classico excitante in pugnam, legiones procincta? céleri gradu venerunt : et subcrescente paullatim ardore bellandi, cum ventum fuisset ad manus, repente machina? omnes effusis ignibus urebantur, praeter majorem : quam direptis restibus, quibus einurojadis implicabalur, viroruin fortium acrior nisus a?gre semiuslam extraxit.

At ubi nocturna? tenebra? finem proeliis altulerunt, non in longum militi quiesdata : cibo enim exiguo relecluset somno, rectorum monitu excitus, munitiones a muro longe demovit, dimicare succinclius parans per sublimes aggestus, qui jam eônsummati mûris altius imminebant. Utque facile defensores moenibns pellercntur, in ipsis aggerum summilatibus bina? sunt locala? ballista?, quarum metu ne prospicere quidem posse hoslium quisquam crederetur. His satis provisis, prope ipsum crepusculum triplex acies ooslrorum inslructa, conisquc galearum minacius nutans,

secouant le cimier du casque en signe de défi, pour tenter l'assaut des murs. Le bruit des clairons se mêle au retentissement des armes, et de part et d'autre le combat s'engage avec une .égale audace. Les Romains, dont le front d'attaque était plus étendu, voyant se cacher les Perses, qu'intimidait l'aspect de nos balistes, recommencèrent à battre du bélier la tour, et, en dépit d'une grêle de traits, toujours poussaient en avant, armés de leviers, de marteaux et d'échelles. Comparativement les Perses avaient bien plus à souffrir, écrasés comme ils étaient par les décharges continuelles et régulières de nos balistes, dont les coups plongeaient sur eux de ces hauteurs artificielles. Us crurent le moment fatal arrivé, et se partagèrent les rôles pour un dernier effort. Une partie de leurs forces resta pour la défense des murs, tandis qu'une troupe d'élite, ouvrant sans bruit une poterne, fit soudain irruption l'épée à la main, suivie d'une autre qui portait des feux cachés ; et pendant que les soldats armés occupent les Romains, tour à tour se laissant repousser et revenant à la chargé, les autres se glissant, courbés en deux, et rampant ventre à terre jusqu'au pied de l'une des terrasses, dans la construction de laquelle entraient des branches d'arbres et des fascines de jonc et de roseaux, y introduisent des charbons allumés entre les jointures. En un instant toutes ces matières inflammables eurent pris feu, et les nôtres n'eurent que le temps, à travers mille dangers, de retirer leurs machines intactes. La nuit qui s'approchait mit encore fin à l'action, et l'on fit retraite de part et d'autre pour prendre quelque repos. I L'empereur était dans un embarras extrême.

scalas vehentibus multis impetum conabantur in muros. Jam resultantibus armis et tubis, uno parique ardore bine inde pugnabalur audaci confliclu : Ialiusque sese pandentes Romani, cum Persas occul tari vidèrent pavore imposilorum aggeribus tormenlorum, pulsabant turrim ariete : et cum ligonibus et dolabris et vectibus scalisque propinquabant, utrimque convolante missilium crebrilate. Adftictabant tamen multo vehementiiis Persas ictus varii ballistarum, tamquam per transennam a clivis slructilibus decurrentes. Unde fortunassuas sitasin extremojam cogitantes, deslinatam ruebant in mortem : et partiti munera dimicandi inter necessitatis articulos, relictis, qui moenia tuerenlur,. reserata latenter poslica, strictisgladiis valida manus erupit, pone sequentibus aliis, qui flammas occulte portabant. Dumqûe Romani nunc instant cedentibus, nunc nltro incèssentes excipiunt : qui véhebant foculos repentes incurvi, prunas unius aggesti inseruere juncluris, ramis arboruiii diversarum, et junco, et manipulis construcli cannarura : qui conceplis incendiorura aridis nulrimentis.jam cremabantur, militibus cum intaclis lormentis exjnde periculose digressis.

Ut vero certaminibus finem vespera dédit incedens, partesque discesserunt ad otium brève, Imperator in varia sese cohsilia diducens el versans, cum excidio Plioenica;


LIVRE XX.

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Les plus fortes raisons lui faisaient considérer comme indispensable la prise de Phénice, dont on pouvait faire un boulevard inexpugnable contre les entreprises de l'ennemi; et cependant la saison était trop avancée pour songer à l'emporter de vive force. Il résolut donc de ne plus reprendre sérieusement l'offensive, et de se contenter d'un blocus, espérant prendre les Perses par la famine. L'événement trompa son attente. On continuait à se battre, mais plus mollement, quand l'atmosphère chargée d'humidité se couvrit d'un voile de ténèbres. Des pluies continuelles détrempèrent le sol, naturellement gras dans ce canton, de manière à le rendre impraticable. Des éclats répétés de tonnerre, accompagnés d'éclairs , venaient de 'plus jeter la terreur dans les esprits. L'arc-en-ciel aussi ne cessait de se montrer. Je vais rendre compte en peu de mots de ce dernier phénomène.

La terre échauffée laisse échapper de son sein des exhalaisons humides : ces vapeurs, d'abord condensées en nuages, se résolvent ensuite en fine rosée que colorent les rayons du soleil, . quand elle se trouve opposée à son globe de feu. C'est ce qui cause l'iris ou l'arc-en-ciel; et cette courbure que nous lui voyons lui est imprimée par la forme propre à la voûte du monde sur laquelle ellese déploie, et qui, suivant la physique, est celle d'une demi-sphère. L'oeil découvre dans l'arc-en-ciel cinq bandes : la première, d'un jaune clair; la seconde, plus foncée ou fauve ; la troisième, rouge ; la quatrième, pourpre ; et la cinquième, d'un bleu tirant sur le vert. On explique ainsi cette belle succession de couleurs. La nuance graduée des deux premières bandes tient à ce que leur jaune se confond plus ou moins avec

diutius imminerenecessariaerationes urgerent, quod munimentum velut insolubile claustrum boslium excursibus erat objectum, et sérum repelleret tempus : certalurus ] leviler ibi statuit imiiiorari, alimenlis destituendos forsitan ; cedere existimans Persas : quod secus alque rebatur eve' nit. Cum enim remissius pugnaretnr, humente ca?lo un, dantes nubes cum tenebris advenere minacibus : adsiduis' que imbribus ita immaduerat solum, ut luli glutinosa .. mpllities per eas rcgiones ping'uissimi caespilis omnia per^ lurbarel : et super his jugi fragore lonitrua fulguraque ' mentes hominum pavidas perterrebant. ' Accedebant arcus ca?Iestis conspectus adsidui : qua? f species unde ita figurari sit solita, exposilio brevis osten■", dèt. Halitus terra? calidiores et humons spiramina conglof bala in nubes, exindeque disjecta in adspergines parvas, ï acradiorum fusione splendida facta, supinantur volubiliter f contraipsum igneumorbem, irimque conformant, ideo !• spatioso curvamine sinuosam, quod in nostro panditur ï mundo, quem splioeraî dimidia? parti rationes physica? ï superponunt. Cujus species, quantum mortalis oculus s> contuetur, prima tutëa visitur, secunda flavescens vel fulva, punicea terlia, quarta purpurea, postrenia caîruleq •4 concrelaet viridi. Hac autem mixla pulcriludine tempep ralur ideo, ut terreuse existimant mentes, quod prima

la teinte de l'air environnant ; ce qui fait qu'il est plus pâle dans la première, plus vif dans la seconde. La troisième brille de ce beau rouge, parce que, soumise à l'action du soleil, elle en absorbe de très-près les rayons. Le pourpre dont se revêt la quatrième provient des rayons qui s'amortissent en perçant ce voile de rosée, et ne donnent plus qu'un reflet assombri, d'Un effet à peu près pareil à la couleur de feu. Cette dernière teinte enfin se perd en s'étendant, et se transforme en bleu et en vert.

D'autres pensent que l'apparition de l'arc-enciel est due à l'interposition de quelque nuée plus dense et plus élevée qu'elles ne le sont d'ordinaire, que les rayons du soleil ne peuvent percer, et qui les renvoie avec une intensité multipliée par la réfraction. L'arc-en-ciel, dans ce système, recevrait du soleil lui-même les reflets de couleur analogue au blanc, et de la nue ceux qui ont l'apparence verdâtre. Effet d'optique à peu près semblable à celui que présentent les vagues, dont la couleur est bleue en haute mer, et qui blanchissent à l'oeil au moment de se briser sur le rivage.

L'arc-en-ciel est le précurseur des variations de l'aspect du ciel, qui, de calme et pur qu'il était, va se montrer sombre et orageux comme dans l'exemple présent, ou, de nébuleux, revenir à l'état de sérénité. De là cette allégorie si fréquente chez les poètes, qui font descendre du ciel Iris chaque fois qu'un changement va s'introduire dans l'état des choses. Il existe sur ce sujet bien d'autres théories encore. Mais j'ai hâte de reprendre ma narration.

Cet état menaçant de l'atmosphère inspirait à Constance de vives inquiétudes. L'intempérie

ejus pars dilutior cernitur, aëri concolor circumfuso : sequens fulva, id estpaullo excitatior quam lntea : punicea tertia, quod solis obnoxia clariludini, pro receptatione spiritus fulgores ejus purissimi e regione déflorât : quarta ideo purpurat, quod intermicante adsperginum densitate, per quasmoriturradiorum splendor, conspiciens offendit adspeclum flammeo propiorem : qui color quanto magis diffunditur, concedit in caîruleum et virenteiii.

Arbitrantur alii, tune iridis formam rébus adparere mundanis, cum altius delata? nubi crassa? radii solis infusi lucem injecerint liquidam : qua? non reperiens exitum, in se conglobata nimio splendescil adtrilu : et proxi-' mos quidem albo colores a sole sublimiore decerpit : subvirides vero a nubis similitudine superjecta? : ut in mari solet usu venire, ubi candida? sunt unda?, qua? Iittoribus illiduntur, interiores sine ulla concretione caîrulea?.

Et quoniam indicium est permufationis aura?, (ut diximus) a sude aëre nubium concitans globos, aut contra ex concrelo immutans in serenam laîlitiam coelum; ideo apud poêlas legimus sa?pe, lrim decaelo milti, cum prassentium rerum verti necesse sit status. Suppetunt alia? rnulla? opiniones et varia?, quas dinumerare nunc est supervacuum, narralione redire, unde digressa est, festinante. His ac talibus Imperator inter spem metumque jaclaba-


.144 AMMIEN MARCELLIN.

augmentait de jour en jour. Une surprise était à redouter dans l'état des chemins, qui rendait les mouvements si difficiles. De plus, le soldat exaspéré pouvait s'insurger à tout moment. Mais l'empereursurtoutéprouvaitce dépit d'un homme qui verrait s'ouvrir devant lui quelque opulente demeure, sans qu'il lui fût permis d'y mettre le pied. Il abandonna donc son entreprise, et revint dans la malheureuse Syrie passer l'hiver à Anlur,

Anlur, hiemis magnitudme, suspectisque per avios Iractus insidiis : inter qua? eliam lumultum exasperati mililis verebatur. Super his urebat ejus anxiam mentem, quod velut palefacla janua divilis domus, irritus propositi reverleretur. Quas ob res omisso vano incepto, biematurus Anliotioche.

Anliotioche. avait lui-même le coeur ulcéré, car cette année lui avait amené des revers déplorables , dont les conséquences devaient longtemps se faire sentir. Une sorte de fatalité, en effet, semble avoir pesé sur Constance, chaque fois qu'il combattit les Perses en personne. Aussi préférait-il leur opposer ses généraux, qui souvent furent plus heureux que lui.

chia? redit in Syriam a?rumnosam, perpessus et ulcerum sed el atrocia, diuque deflenda. Evenerat enim hoc, quasi fatali constellalione ita régente diversos eventus, ut ipsum Constantium dimicantem cum Persis forluna semper sequeretur âdllictior : unde vincere saltem per duces optabal : quod aliquolies meminimus coutigisse.


LIVRE XXL

SOMMAIRE DES CHAPITRES.

I. Julien Auguste célèbre à Vienne les fêtes quinquennales. Comment il augura que la fin de Constance était prochaine. Des divers moyens de connaître l'avenir. II. Julien Auguste se donne pour chrétien, afin de se rendre agréable au peuple de Vienne, et va publiquement prier dans une église. III. Vadomaire, roi des Allemands, rompt-le traité, et envoie des coureurs piller nos frontières. 11 nous tue quelques hommes, avec le comle Libinon, qui les commandait. IV. Julien intercepte une lettre de Vadomaire à Constance, et fait saisir ce roi dans un festin. Il taille en pièces ou fait prisonniers une partie des Allemands, el accorde la paix au reste. V. Julien harangue ses soldats, et les décide à faire la guerre à Conslance. VI. Constance épouse Faustine. Il renforce son armée, et s'attache par des présents les rois d'Arménie el d'Ibérie. VU. Constance, sans quitter An/1 tioche, contient l'Afrique dans le devoir par lé ministère du secrétaire d'État Gaudence. 11 passe l'Euphrate, et se rend à Édesse avec l'armée. VIII. Julien, après avoir mis ordre aux affaires des Gaules, se porte sur le Danube, el fail prendre les devants aune partie de ses troupes par l'Italie et par la Rhétié. IX. Les consuls Taurus et Florence , tous deux préfets du prétoire, s'enfuient à l'approche de Julien, l'un en Ulyrie, l'autre en Italie. Lucillien, maître général de la cavalerie, veut résister ; il est surpris et arrêté. X. La ville et la garnison de Sirmium, capitale de l'Illyrie orientale, se rendent à Julien. Il occupe le pas de'Sucques, et écrit contre Constance au sénat. XI. Deux légions qui s'étaient rangées à Sirmium du parti de Julien, et qu'il envoyait dans les Gaules, occupent Aquilée, de connivence avec les habitants, et en ferment les portes à Julien. Xll. Aquilée soutient un siège, dans l'intérêt de Constance. A la nouvelle de la mort de ce prince, la place se rend à Julien. XIII. Sapor se relire devant des auspices défavorables. Constance,

LIBER XXI.

Julianus A. Vienna? quinquennalia célébrai : quomodo Cons' tanUum A. brevi moriturum proenoverit : et de variis arlibus futura proenoscendi. C. I. Julian. A. Vienna; Christianura se simulât illicienda? mullitudinis causa : et de die feslo in ecclesia inter Cbrislianos Deum precatur. 11. Vadomarius, rex Alamannorum, rupto foedere, per emissarios limites vastat, et Libinonem çomitem cum paucis inleriicit. III. Julian. A. inlerceplis Vadomarii lilteris ad ConslanUum A. eum in convivio compreheudendum curavit : et Alamannis aliis occisis, aliis in deditionem aceeplis, caîteris pacera petentibus dédit. IV. Julian. A. milites suos alloquilur, et in verba sua universos adigit, Constanlio A. bellum illaturus. V.- Constantius A. Faustinam ducit uxorem : a'uget supplemenlis exercilum : Armenia; et Hiberia; reges donis sïbi conciliât. VI. Consl. A Anliochia; tum agens, per Gaudentium notarium AMcam in potestate sua retinet ; et Euphrate transito Edessam se exercilumque confert. VII. Julianus A. post ordinalas resGalliarum, ripam Danubii petit, el parlem mililum per Italiam perque Roelias proemittit. VIII. Taurus et Floraitius consules, ac proefecti proetorio, hic per Illyricum, îllc per Ilaliam, fugiunt adpropinquante Juliano A. Xucillianus, magisler equitum, quiresislere Juliano parabat, opprimitur. IX. Julianus A. Sirmium, capul Illyrici occioui, una cum prasidio in iidem recipit; Succos occupât,

sur le point de marcher contre Julien , harangue ses troupes à Hiérapolis. XIV. Présages de la mort de Constance. XV. Il meurt à Mopsucrène en Cilicie. XVI. Qualités el défauts de ce prince.

1. Tandis que cette résistance obstinée tenait Constance si fâcheusement arrêté sur l'autre rive de l'Euphrate, Julien, à Vienne, employait s.es jours et ses nuits à former des plans pour l'avenir, et cherchait, dans la limite restreinte de ses ressources, éprendre l'attitude qui convenait à sa nouvelle fortune. Ses réflexions, cependant, ne lui offraient qu'incertitude. Devait-il épuiser d'abord les moyens de conciliation? ou, prenant l'initiative des hostilités, agir sur son adversaire parla terreur? L'alternative lui semblait pleine de périls. L'amitié avec Constance était souvent ensanglantée; mais Constance, d'un autre côté, avait toujours conservé l'ascendant au milieu des guerres civiles. Julien avait surtout devant les yeux l'exemple de. son frère Gallus , qui s'était perdu par l'inertie, et par son trop de confiance en des promesses parjures. Plus d'un acte de vigueur indiquait toutefois chez le nouvel Auguste le parti pris de se dessiner fièrement devant un rival capable, ainsi que le passé l'avait trop fait voir, de cacher la trahison sous un faux semblant de tendresse. C'est ainsi que, ne tenant compte de la lettre que Léonas lui avait remise de la part de Constance, il ne confirma des nominations qu'il avait faites que celle de Nébride, et que, de plus, il

et ad Senatum scribit contra Constanlium. X. Dua? legiones Constanliana;, qua; apud Sirmium ad Julianum A. transierant, ab eo missa; in Gallias, Aqiiileiam occupant consentie.ntibus oppidanis, ac Juliani milili portas claudunt. XI. Aquileia favens Constant! A. partibus oppugnatur : quee postea comperto ejus obilu, Juliano se dedidit. Xll. Sapor domum reducit copias, inhibenlibus bellum auspiciis : Constantius A. in Julianum arma molurus Hierapoli milites alloquilur. XIII. Pra?sagia mortisConstantii.A.

XIV. Moritur Constantius A. apud Mopsucrenas Cilicia?.

XV. Constantii A. virtutes et vitia. XVI.

I. Intercluso bac bèllorunï difficili sorte Constantio trans ilumen Euphratem, Julianus agens apud Viennam, forinandis in futura consiliis dies impendebal et noctes, quantum opes paliebantur angusta?, altius semet attollens : semperque ambigens, utrum Constantium modis omnibus alliceret in concordiam, an terroris incutiendi gratia lacesseret prior. Qua? solliciterepulans, utrumquefoimidabat,et amicum cruentum, et in oerumnis civilibus sa?pe victorem : maximeque Galli.fratris exemplum mentem ejus anxiam suspendebat, quem inertia misla?que perjuriis fraudes prodidere quorumdam. Erigebat tamen aliquolies animum ad multa el urgentia, tulissimum ralus inimicum se ex confesso monslrare ei, cujus ex prseterîtis motus conjectabat ut prudens, ne per amicitias fictas insidiis fat,.

fat,.

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AMMIEN MARCELLIN.

présida (ce qui était faire acte d'empereur) à la célébration des fêtes quinquennales. Il se montra dans cette cérémonie paré d'un magnifique diadème de pierreries, lui qu'on n'avait vu, dans les premiers jours de son avènement, que le front ceint d'une couronne des plus modestes, et telle qu'elle eût convenu au plus simple xysiarque qui ait jamais revêtu la pourpre. Ce fut alors qu'il fit transporter à Rome les restes de sa femme Hélène, avec ordre de les déposer dans le faubourg de Nomente, où se trouvait déjà la sépulture de Constantine, soeur de cette dernière, et femme de Gallus.

Un secret motif fortifiait encore chez Julien la résolution de prévenir l'attaque de Constance : il était adepte dans l'art de la divination, et tirait d'une suite de songes et de présages la certitude de la fin prochaine de cet empereur. Or, comme la malveillance n'a pas craint de jeter d'odieuses insinuations sur les pratiques divinatoires de Julien, prince si éclairé, et si curieux de tout ce qui peut étendre le domaine de l'intelligence, il est bon d'exposer en peu de mots comment se concilie avec une raison supérieure ce genre de spéculation, bien moins frivole qu'on ne pense communément.

Il n'y a rien d'impossible à ce que, par un effort de l'étude, l'esprit qui préside aux éléments, principe d'activité de tout ce qui existe, etqUi voit l'avenir parce qu'il est éternel, soit mis en rapport avec l'intelligence humaine, et lui fasse part de la faculté de prescience qui lui est propre. Conjurées suivant certaines formes sacramentelles , les essences intermédiaires entre nous et la Divinité peuvent prédire par une bouche mortelle, aussi bien que par l'organe d'une fontaine. Thémis, dit-on, préside à ces oracles;

luretur occultis. Parvi igilur habitis, qua? per Leonam Constanlius scripseralj nulloque arbitrio ejus promolorum suscepto pràîleiNebridium, quinquennalia Augustus jam edidit : et ambilioso diademate Ulebatur lapidum fulgore distincto, cum inter exordia priricîpatus adsumpti vili corona circumdatuserat, xystarcha; similis purpuralo. Inter qua? Helena? conjugis defuncta? suprema miserat Romam, in suburbano via? Nomentana? condenda, ubi uxor quoqueGalli, quondam sororejus, sepultaestÇonslaritina.

Accidebat autem, incendebatque ejus cupiditatem pacatis jam Gàlliis incessere ultro Constantium : conjiciens eum per. vaticinandi preesagia nïulta (qua? callcbat) et somnia, e vila protinus excessurum.

Et quoniam erudilo et studioso cognilionum omnium principi malivoli pra?noscendi futura pravas artes adsignant, adverlendum est breviler, unde sapienti viro hoc quoque accidere poteril doctrina? genus haud levé. Elementorum omnium spiritus, utpote perennium corporum pra?sentiendi mo'lu semper et ubique vigens, ex bis, qua? per disciplinas varias adfectamus, participai nobiscum munera divinaridi -. et subslantiales potestates ritu diverso plaçât», velut ex perpetuis fontium venis vaticina morlalilali suppeditant verba, quibus numen pra?esse dicilur

Thémis, ainsi nommée parce qu'elle révèle au. présent les immuables décrets des destins, que les Grecs appellent TeQEiuJva. Et c'est comme symbole de ce pouvoir que les anciens théologiens assignent à cette déesse une place au lit et sur le trône de Jupiter, le principe créateur.

Que les augures et les auspices dépendent de la fantaisie des oiseaux, à qui l'avenir est inconnu , cette idée ne saurait entrer dans l'esprit le plus inepte. Mais Dieu, qui a donné aux oiseaux leur vol et leur chant, a voulu qu'à ces attributs de leur être, au battement ou nonchalant ou précipité de l'aile, fût attachée une signification des choses futures. La Providence se plaît à donner de ces avertissements, soit comme récompense, soit purement par effet de sa sollicitude pour les intérêts humains.

Les entrailles des victimes, dans leurs variétés infinies de conformation et d'aspect, sont encore pour l'oeil attentif l'annonce de ce qui doit arriver. Cette science a pour inventeur Tagès, qui, suivant la tradition, sortit de terre tout à coup enÉtrurie.

Un certain degré d'exaltation rend aussi l'esprit prophétique; une manifestation divine s'opère alors par le langage humain. Le soleil, en physique, étant l'âme du mondé, dont les nôtres né sont que des étincelles ; quand le foyer souffle sa chaleur dans une certaine mesure à ses émanations, il leur communique la connaissance de l'avenir. De là cette ardeur interné dés sibylles, ces torrents de feu dont elles se disent pénétrées. Il y a encore les sons, les visions qui frappent soudainement les yeux et les oreilles, le tonnerre, les éclairs, le sillage des étoiles; tous accidents qui sont autant de pronostics.

Foi implicite serait due aux songes si l'interprétation n'était souvent en défaut. Les sonThemidis

sonThemidis quam ex eo, quod fixa fatali lege décréta proescire facil in posterum, qua? TE8EIP.ÉV« serino"Groecns adpellat, ita coguominalam, in cubili solioque Jovis vigoris vivifici theologi veterescolloearunt. .

Auguria et auspicia non volucrum arbitrio futurs néscienlium collîguutur : (nec enini hoc vel insipiens quisquam dicet) sed volatus avinni dirigil deus:, ut rostrum sonans, aut prretervolans pinna luïbido mealii vel leni futura prajmonstret. Arnàt enim beniguilas nùniiuis, se.n quod merenlur homihes, seu quod langitur èoïum adfectione, his quoque artibus prodere, qua? impendent. ;

Extis item pecudum atlenti fatidicis, in species; converti suelisinnumeras, accidentia sciunt. Cujus disciplina? Tages nomme quidam monstralor est; ut fabulanttir, 1 in Etrufia? parlibus emersissë subito visus e terra. \

Aperiunl tune quoque venlura, cum àéstuant liominum J corda, sed loquunlur divina. Sol enim (ut âiuiil physici) -\ mens mundi, nostras mentes ex sese velut scintillas Sit- | fundilans, cum eas incenderit vehemeritius, fuluri cens- | cias reddit. Unde Sibylla? erebro se dicnntardere,for- | rente vi magna flammarum. Multa sigtiificant super lis •; crepitus vocum, et occurrenlia signa, touitrua quineliam | el fulguraet fulmina, itidemque siderum sulci. |


LIVRE XXI. M?

ges, dit Aristote, sont véridiques et irrécusables lorsqu'on dort profondément, la prunelle fixe, et sans déviation du rayon visuel. Mais le vulgaire ignorant va s'écrier : Si l'on peut lire dans l'avenir, comment ignore-t-on que l'on doit périr dans une bataille, ou que tel autre malheur vous attend? Un mot suffit pour répondre. S'il arrive qu'un grammairien fasse une faute de langue, qu'un musicien joue faux, qu'un médecin se trompe de remède; est-ce à la grammaire, est-ce à la musique, est-ce à la médecine qu'on va s'en prendre? On peut encore citer cette parole de Cicéron, où, comme toujours, éclate sa raison supérieure : « Nous recevons d'eu haut des signes de « ce qui doit arriver. Si l'on s'y trompe, c'est la « faute de l'intelligence humaine, et non celle des « dieux. «Mais toute digression doit être courte, sous peine d'être fastidieuse. Revenons au sujet.

II. A Paris, un jour, Julien, qui n'était encore que César, se livrait dans le champ de Mars à quelque exercice militaire. Son bouclier, sur lequel il frappait, se disloqua, et il ne lui en resta dans la main que la poignée, qu'il tint ferme. Les assistants paraissaient alarmés de cet incident, qu'ils prenaient comme un mauvais présage : « Rassurez-vous, leur dit Julien, je n'ai pas lâ» ché prisé. » Plus tard, étant à Vienne, il venait, une nuit, de s'endormir, aprèshu souper frugal, lorsqu'il crut voir au milieu des ténèbres un brillant fantôme,.qui lui adressa et lui répéta plusieurs fois ces quatre vers grecs :

« Lorsque Jupiter sera près de sortir du Ver« seau, et que Saturne sera monté au vingt-cin« quième degré de la constellation de la Vierge,

Somuiorum antemrata fides etindubitabilis-foret, ni ratiocinantes conjectura fallerentur.Interdumque, ut Aristotclesadfirmat,tumn\àsuntetstabilia,cumanimantisaltius i quiescentisocularis pupilla neutrobi inclinata,rectissime : ' cernit. Etquia vanitiesaliquoties plebeia strepit, hoecimpei ritemussando,si essetpioesentiendinotitiaquaedam,curille secasurum inbello, vel alius hoc se passurum ignoravit, ; aiitillnd? sufficiet diei, quod et grammaticus loquutus ■( interdum est barbare, et absurde ceeinit musicus, el igno, ravit remedium medicus : et non ideo nec grammatica, j nec nmsica, neemedicina subsislit. Unde pioeclare hoc ;1 quoque, ut alia, Tullius, Signa oslenduntur, ait, a ',, diis rerum futuraruÂ. In his si quis erraveril, non j deorutn natura, sed hominumconjecturapeccavit. Ne ■ j igitur ejtlra calcem, quod dicitur, sermo decurrens lecture j fastidium ferai, ad explicanda prospecta reverlamur. il II. Cum apud Parisios adliuc Csesar Julianus, quatiens 'lj scutum variis molibus exerceretur in campo, axicùlis, y queis orbis erat compaginalus, in vanum excussis, ansa Z reihanserat sola : quam relinens valida manu slringebal. „! Terrilisque ut.omine diro prsesentibus cunctis, Nemo, inç.qmUverealur: habeo ftrmiter, quodtenebam.ltem cum £. apud Viennam postea quiesceret'sobrius, honore medio jnoclis imago quaedam visa spleiididioiyhosei versus lieroos ^ modo non vigilanti aperle dixit,€adem soepius replicando : '-.quibus fretus nibil asperum sibi superesse existimabat.

« Constance, empereur d'Asie, verra terminer ses « jours par une mort triste et douloureuse.» Cette allocution lui inspira une confiance à l'épreuve de tout ce que lui réservait l'avenir. Il résolut cependant de ne rien aventurer, mais de prendre avec calme et réflexion les mesures commandées par les circonstances, s'appliquant surtout à augmenter par degrés ses forces, et à mettre son état militaire au niveau de son nouveau rang. Il avait depuis longtemps renoncé au christia-1 nisme, et, comme tous les adorateurs des anciens ' dieux, se livrait aux pratiques des augures et des aruspices; ce qui n'était su que d'un petit nombre de confidents intimes. Du secret effectivement dépendait sa popuIarité/sAussi feignait-il de rester attaché à ce culte ; et pour mieux dissimuler son changement il alla jusqu'à se montrer dans une église le jour de la fête appelée Epiphanie , que les chrétiens célèbrent dans le mois de janvier, et se joignit ostensiblenfent aux prières publiques.

III. Dans les premiers jours du printemps Julien reçut une affligeante nouvelle. On l'informait que des Allemands appartenant au canton de Vadomaire, dont il croyait, depuis le traité, n'avoir plus à redouter d'insulte, ravageaient les frontières de la Rhétie, et envoyaient des partis piller de tous côtés. Fermer l'oeil sur ces déprédations, c'était amener le réveil de la guerre. Julien envoya sur ce point le comte Libinon avec les Pétulants et les Celtes, qui hivernaient autour de lui, chargeant cet officier de rétablir l'ordre. Libinon approchait de là ville de Sanction (1)

(i) SecMngen, suivant les conjectures.

ZE-JI; OTOT eîç 7t).aTù TEpu.a (JLOXT;) vlvïo'ù GSpoxooiô, Ilap8£vix7)ç Kpovos p-oipij pa(vï) éVi irÉiurcr) Eïy.ocTÎj, (3acn),EOç KuvaTâraos 'Atn'Soç alyjç Tépp.a çt).ou fïioToO aTuyepôv xai èTrcoôuvov ë(;ei.

Agebat itaque niliil intérim de statu rerum praîsentium mutans, sed animo tranquillo et quielo incidentia cuncta disponens, paullatimque sese conoborans, ut dignilalis augmenta virium quoque congruerent incrementa. Utque omnes., nullo impediente, ad sui favorem illiceret,adha?- rere cullui.Chrisliano fingebaj,, a quo jam pridem occulte desciverat, arcanorum participibus paucis, baruspicinaj auguriisque intentus, et caîteris, qua? deorum semper fecere cnllores. Et ut ha?c intérim cèlarentur, feriarum die, quem célébrantes mense jânuario Christiani Epiphania dictitant, progressus in eorum ecclesiam, sollemniter numine orato discessit.

III. Dum baoc ila aguntur, propinquanle jam vere, nuntio percitus inopino, ad tristitiam versus est et maerorem. Didicit enim Alamannos a pago Vadomarii exorsos, unde.nifiil post ictum foedus sperabatur incommodum, vaslare confines Roetiis traclus-: nibilque sinere intentatum manus praîdatorias fusius discurrentes. Quod ne dissimulatuni redivivas bellorum mateiïas.excitaret; Libinonem quemdam comitem cum Celtis et Petulantibus misit hiemaulibus secum, negolium, ut poscebat ratio, cor10.

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M8 AMMIEN MARCELTJN.

lorsque de loin il fut aperçu par les barbares, qui, dans le dessein de fondre à l'improviste sur lui, s'étaient embusqués dans une vallée. Libinon exhorte sa troupe, qui brûlait d'en venir aux mains malgré l'inégalité des forces, et attaque imprudemment les Germains. Il tomba le premier dès le début de l'action. Sa mort, en augmentant la confiance des barbares,.enflamma les nôtres du désir de le venger. Mais, après un engagement très-vif, ils se virent accablés par le nombre et mis en déroute, laissant des morts et des blessés sur le champ de bataille.

C'était Constance, comme il est dit plus haut, qui avait traité avec ce Vadomaire et son frère Gondomade. Depuis, ce dernier était mort. Or Constance, qui comptait sur la bonne foi de Vadomaire, et sur une coopération efficace et discrète de sa part à ses secrets desseins, l'avait invité par lettre (s'il faut en croire les bruits) à commettre sur la frontière quelque hostilité, en signe de rupture. C'était un moyen d'inquiéter Julien, et de le contraindre à rester pour couvrir les Gaules. Il est donc vraisemblable que Vadomaire ne remuait en ce moment que par suite d'une impulsion donnée. Ce prince barbare avait déployé dès ses plus jeunes ans une astuce et une duplicité incroyables ; et ce caractère se montra chez lui non moins prononcé quand on l'eut nommé plus tard duc de Phénicie. Pris sur le fait en cette occasion, il crut devoir discontinuer. Mais un de ses secrétaires, porteur d'une lettre pour Constance, fut arrêté aux avantpostes de Julien. On le fouilla, et on trouva sur lui une lettre qui contenait, entre autres choses, ces mots : « Ton César devient insubordonné. » Varecliirum.

Varecliirum. cum malure prope oppidum Sanctionem venisset, longe visos a barbaris, qui jam cerlamina méditantes sese per valies abdideranl : horlatnsque milites iicel numéro impares, cupidine tamen pugnandi vehementius initalos, adgreditur inconsulte Germanos, interque dimicandi exordia ipse concidit omnium primus : cujus interitu erecla barbaroruni fiducia, Romanisqne ad ducis vindictam accensis, certamen commiltitur obstinatum , et urgente magnituijinis mole disjecli sunl noslri,.occisis paucis el vulueralis.

Cum hoc Vadomario, el Gûndomado ejus fratre, ilidem rege, Constantius (ut jam relalum est) firmaverat pacem. Post qua? mortuo Gûndomado, hune sibi foreexistimans fidum, secrelorumquctaciturnum exseculorem ctefficaceni, mandabat ( si lama? solius admitlenda est fides) sciibebalque, ut tamquam rnplo concordia? paclo, subinde collimilia sibi viciiia vexaret : quo Julianus id mettions, nusquam a tutela discederet Galliarum. Quibus (ut dignum est credere) obtempérais Vadomarius, ba?c el similia perpetiabal : ad perslringendum fallendunique miris modis ab aîtalis primitiis callens, ut poslea quoque ducatum per Phoenicen regens ostendit. Sed rc ipsa conviclus abslinuit. Capto enim a slalionariis militibus nolario, quem miserai ud Conslantium, scrutatoque, si] quid porlaret, epistola ejus reporta est, in qua pra?ler alia mulla id quoque scripdomaire

scripdomaire ne manquait jamais, en écrivant à Julien, de le qualifier de seigneur, d'Auguste et de dieu. :

IV. La circonstance était critique. Julien prévit les embarras que pouvait lui causer cette intrigue , et, pour sa propre sécurité comme pour celle de la province, il ne songea plus qu'à s'emparer de la personne de Vadomaire. Voici quel moyen il employa : Il dépêcha de ce côté son secrétaire Philagre, qui fut depuis comte d'Orient, et dont la capacité lui était bien connue, avec diverses instructions ; y joignant une lettre cachetée, que celui-ci ne devait ouvrir que dans le cas où Vadomaire viendrait sur la rive gauche du Rhin. Philagre arrive au lieu désigné, et, tandis qu'il vaque aux soins de sa mission, Vadomaire traverse le Rhin comme en pleine paix, ayant l'air d'ignorer les atteintes qu'elle venait de recevoir. 11 visite notre commandant militaire sur ce point, cause avec lui comme à l'ordinaire, et, pour mieux écarter tout soupçon, s'invite chez lui d'un dîner où devait se trouver Philagre. Ce dernier en entrant reconnaît Vadomaire. Sous prétexte de quelque affaire pressée, il retourne aussitôt à son logement, ouvre la lettre de Julien, qui lui prescrit ce qu'il avait à faire, et revient ensuite prendre place au milieu des convives. Le repas fini, Philagre saisit résolument Vadomaire au corps, et, justifiant de l'ordre supérieur qu'il a reçu, enjoint au commandant de conduire le captif au quartier, et de l'y tenir sous bonne garde. Les gens de la suite du roi, que Tordre ne concernait pas, furent renvoyés chez eux. Vadomaire fut ensuite conduit au camp du prince, et se crut perdu, voyant le

serat : Ccesar tuus disciplinant non habet. Julianum autem adsidue per lilleras dominnm el Augustum adpellabat el deum.

IV. Ha?c ut cranl periculosa et dubia,' Julianus inesitialo malum eruplura considérons, in uimm omni cogilation.e intenta, eum incaulum rapere festinabat, ut securitatem suam provinciarumque locaret in tuto : etiniit consilium taie. Philagrium nolarium, Orientis poslea Comitem, ad eas miserat partes, cujus prudenlia? lidebat olim sibi comperti : eique inler multa, qua? pro capta instantium rerum erat acturus,' signafam quoque cliartulain tradidit, mandavitque, ne àperhet vel rëcitaret, nisi Vadomario viso cis Rbenum. Perrexil Philagrius, ulprav ceptum est : eoque présente, etnegotiis adslricto diversis, Iransgressus Vadomarius flumen, ut niliil in profunda metuens pace, nihilquc secus gestoruin simulans scire, viso prseposito militum ibi degentium, pauca loquulusa more, ultro semet, ut suspicionis niliil relinqueret abilurus, ad convivium ejus venire promisif, ad quod eral eliam Philagrius invilatus. Qui statim ingressus, rege conspecto, Imperaloris recordatus est verba, causatusque rem seriani et urgentem, ad divérsorium rediit : scriptisque lectisdoclus, qnid agi conveniret, confeslim reversus disciibuil inter caeteros. Finilisque epulisVadomarium fortiter ■ adprehensum, reclori militum arte custodiendum apwl <


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secret de sa correspondance éventé par l'arrestation de son secrétaire. J ulien toutefois ne lui fit pas même de reproches, et se contenta de le reléguer en Espagne. Il n'avait eu d'autre intention, en effet,qued'empêcherqu'enson absence cethomme dangereux ne troublât de nouveau la tranquillité des Gaules.

Rassuré, touchant ses pojets ultérieurs, par cettecapture, dont lesuccès avait passé souattente, Julien se disposa sans plus de retard à punir les barbares du désastre qu'avait éprouvé le comte Libinon et sa poignée d'hommes. Afin de leur dérober sa marche, dont le bruit seul eût pu les renvoyer au loin, il passa le Rhin dans le silence de la nuit, avec les plus légères troupes auxiliaires, et entoura les ennemis, qui ne songeaient à rien. Pendant que, réveillés par le bruit des armes, ils cherchent leurs traits et leurs épées, le prince foudsureux, en tue un grand nombre, fait grâce à ceux qui offrent en suppliants la restitution de leur butin, et accorde la paix au reste, sur l'assurance qu'ils ne la troubleront plus désormais.

V. L'esprit encore échauffé de sa réussite, Julien, dont la sagacité ne s'abusait pas sur la portée du mouvement politique dont il avait donné lo signal, comprit à merveille que dans les résolutions de ce genre il faut aller droit au but, et qu'il y avait avantage à proclamer lui-même son indépendance. Voulant toutefois se bien assurer des dispositions du soldat, après un sacrifice secret àBellone, il fait assembler l'armée au son des trompettes; puis, se plaçant sur une estrade en pierre, il s'exprime, déjà plus sûr de lui-même,

signa conuuisit, textu leclo jussorum, comitibus ejus ad sua redire Compulsis, super quibus niliil fuerat imperaluin. Exbibilus tamen idem rex ad Principis castra, jamque spe venia? omni pra?clusa, cum inlercep'lum notarium, et, qua? scripserat ad Constantium, comperissel jam publieafa, ne convicio quidemtenus compellatus, missus est ad Hispanias. Id enim studio curabatur ingenti, ne Juliano discedente a Galliis, immanissimus bomo provinciarum stalum a?gre compositum licentius coulurbaret.

Hoc casu elatior Julianus, régis opinione citius intercepti, quem profecturus ad longinqua formidabat, niliil ■ reiniltentibus curis barbaros adoriri disposuit, quos perémisse Libinonem Comitem in congressu cum mililibus docuinms paucis. Et ne rumor adventus sui eos ad remotioralraduceret, superato Rbéno noclis alto silentio, cum auxiiiorum expeditïssimis globis, niliil meluenles hujusmodi circumvenit : excitatosque hoslilium fragore armorum, dum gladios circumspectant et tela, celeriter invola; vit :etquosdam occidit, orantes alios proedamque offerentes dediticios cepit : reliquis, qui remansere, pacem ' precantibus dédit, quietem pollicitis firmam.

V. Qua? dum mentibus aguntur erectis, conjeclans, i quantas intestina? cladis excitaverat moles , nihilque lam [ convenue conatibus subitis quam celeritalem, sagaci i praîvidens mente, professa palam defectione se tutiorem ' fore exislimavit : inceitus'quo de militum lide, placala r ritu secreliore Rellona, classico ad concioneni cxcrcitu

et donnant à sa voix plus d'éclat qu'à l'ordinaire , dans les termes que voici :

« En présence d'événements aussi graves, «illustres compagnons, sans doute chacun de « vous forme des conjectures, et attend impa« tiemment que je m'ouvre enfin sur la situait tion et sur les mesures que commande la pru« dence. Écouter est plutôt le rôle du soldat que « discourir. Mais aussi le caractère bien connu « de votre chef vous est garant qu'il ne vous proie posera rien qui ne soit convenable, et digne de « votre approbation. Prêtez donc une oreille at« tentive au simple exposé que je vais vous faire « de mes vues et de mes plans.

« Placé bien jeune au milieu de vous par la « volonté divine, j'ai su repousser les irruptions « incessantes des Allemands et des Franks, et « tenir en bride leur ardeur de pillage. J'ai pu, « avec le secours de vos bras, ouvrir le Rhin « dans tout son cours aux. armes romaines. Ni « les effroyables clameurs, ni le choc redouté des « barbares, ne m'ont fait reculer d'un pas : je « sentais derrière moi l'appui de votre courage. « Voilà ce que la Gaule témoin de votre héroïque « labeur, la Gaule renaissant de ses cendres après « cette longue suite de désastres, redira, dans ses « actions de grâce, jusqu'à la dernière postérité. « Élevé aujourd'hui par vos suffrages, et par la m force des choses, à la dignité d'Auguste, j'ose, « avec l'aide de Dieu et la vôtre, tenter vers la « fortune encore un pas de plus. Je puis dire à « ma louange (et cette conscience me soutient.) « que cette armée si brillante par sa valeur, et

couyocato, saxeo suggestu insistens, jamque,ut adparebat, fidentior, haec clarius solito disserebat.

Jamdudum iacita deliberalione vos oeslimo, magni commilitones, geslorum excitos ampliludine, hoc op■periri consilium, ut eventus, qui sperantur, perpendi possinl, et proecaveri. Plus enim audire quamloqvi militent decet, actibus coalitum gloriosis : necalia speclatoe oequitatis seniire redorent, quam.ea,.quai laudari digne poluerunt et probari. Ut igilur, quoi proposui abjeclis absolvant, advertile oro benivole, quoi sermone brevi percurram.

Arbitrio Dei coeleslis vobis inter ipsajuvenloerudimentapermistus,irruptiones Alamannor.um adsiduas et Francorum, populandique jugem Ucentiam fregi : el vigore communi Romanis agminibus, quotias libel, Rhcnum pervium feci : contra rumonim fremilus, gentium que validarum violenlos excursus slando immobiles, virlutis vesiroe nimirumfirmamento confisus. Et hoec, laborum, quosexhausimus, Galiioe spectatrices, postfuneramulia jacturasque recrealoe diuturnas\et graves, posterilati per oetalum examina commendabunt. At nunc, cum auctorilate veslrijudicii, rerumque necessilaie compulsus, ad augustum clalussum culmen , Dco vobisque fauloribus, siforluna coeptis adfueril, altius adfecto majora : id proe me ferons, quod exercitui, cujus oequitas armorumque inçlaruit magnUudo, domi moderalm visus sum


H50 ■ AMMIEN MARCELLIN.

« non moins distinguée par son esprit de justice, « m'a toujours accordé, avec le mérite de la mo« dération et du désintéressement dans l'adminis« tration civile, celui de la prudence et du sangn froid dans nos rencontres si fréquentes avec les « nations barbares. Or, c'est seulement par l'é« troite union des volontés que nous pourrons « faire face aux épreuves qui nous attendent. » Suivez donc, tandis que les circonstances s'y « prêtent encore, un conseil que je crois des plus » salutaires : c'est de profiter du désarmement « actuel del'Ulyrie pour en occuper la lisière du « côté des Daces. Une fois établis sur cette ligne, « nous aviserons à étendre nos succès. Promettez« moi sur la foi du serment, comme on le fait quand « le chef inspire confiance, votre concours fidèle <i et persévérant. Vous savez que de mon côté « vous n'avez à craindre ni témérité ni faiblesse, « et que vous avez un chef prêt à justifier à cha« cun de vous d'intentions et de motifs qui n'ont « que le bien public pour mobile et pour but. « Mais, je vous en conjure, veillez sur l'entraî« nement de votre ardeur belliqueuse; que l'in« térêt privé n'en reçoive aucune atteinte. Souve« nez-vous que moins de gloire a rejailli sur vous « de cette multitude d'ennemis abattus sous l'ef« fort de vos armes, que du bel exemple que vous « avez donné en traitant avec humanité la pro>. vince que vous avez sauvée par votre courage. » , Ce discours de leur empereur eut sur les soldats l'effet d'un oracle. Une émotion passionnée s'empara de tous les coeurs, et l'enthousiasme pour le règne nouveau se manifesta par un tonel

tonel et in crebriialc bellorum contra conspiratas gentium copias consideraius et caulus. Vi igilur adversa proeveniamus mentium socielate junctissima, sequimini viam consilii mei salularem, ut pulo, cum inlegritas rerum intentioni nostroe volunlalique respondeat : et dum majoribus vacant proesidiis regionesïllyricoe, improepedilà cursu tendenles, Daciarum intérim fines exiimos occupemus, exinde, quidagi oporleat, bonis successibus insiruendi. Atvos ex more fidenlium ducum, juramenlo quoeso concordiam spondele mansuram etfidem, operam mihi navaiuro sedulam el solilam, ne quid agalur inconsullumet segne; et producluro, si quis exegerit; incorruptam conscicnliam meam, quod niliil volunlale proeler ea, quoe in commune condueuni, adgrediar util tenlabo. Illud sane obteslor et rogo, observate , ne impetu gliscenlis ardoris in privalorum damna (julsquam vestrum exsilial : id cogilans, quodhaiid ilanos illuslrarunl hostiuminnumcroe slrages, ulindemnilas provinciarum et salus, exemples virlutum pervulgaloe.

Hoc sermone Imperatoris vice alicujus oraculi comprobalo, mola est incitatius omnis concio : el rerum cupida novandarum, unanimanli çdnsensu voces horrendas immani sculorum fragoremiscebat, magnum elatumque duccm, cl, utexperla est, foiiunatum domalorem gentium adpellans el îegum. Jussiquc uuivcrsi in ejus uomen junerre

junerre mêlées au retentissement des boucliers. De tous côtés on n'entendait que répéter les noms de grand capitaine, de chef sans égal, et le titre, mérité sous leurs yeux, d'heureux dompteur des nations. Tous, approchant de leur gorge la pointe de leur épée nue, jurèrent, suivant la formule consacrée, et sous les plus terribles exécrations, d'offrir, s'il le fallait, tout leur sang en sacrifice à leur empereur. Les chefs de l'armée, et les gens attachés à la personne du prince, en firent autant. Le préfet Nébride refusa seul, avec une loyauté plus courageuse que prudente, de s'engager par serment contre l'empereur Constance, qui l'avait, disait-il, comblé de bienfaits. Cette protestation exaspéra les soldats, -qui l'auraient massacré si Julien, dont il embrassait les genoux, ne l'eût couvert d'un pan de sa robe. De/etour au palais, Julien trouva Nébride prosterné, qui lui tendait la main, en le suppliant , de le délivrer de son effroi : « Que ferais-je donc « pour mes amis, lui dit Julien, si je permettais « que ta main touchât la mienne ? Mais tu n'as rien « à craindre : va où tu voudras. » Nébride alors se retira chez lui, sain et sauf, en Toscane. Après ce préliminaire indispensable, et qui cadrait avec la grandeur de l'entreprise, Julien, connaissant toute la puissance de l'initiative en temps de révolution, donna le signal de marche, et se dirigea vers la Pannonie, avec le parti pris de tenter la fortune.

(An 361 ap. J.-C.)

VI. L'intelligence des faits exige un coup d'oeil rétrograde, et l'exposé succinct des actes milirare

milirare gladiis cervicibus suis admolis sub exsecralionibus diris, verbis juravere oonceptis, omnes pro eo casus, quoad vitam profuderihl, si id nécessitas exegerit, perlaturos : qua? sequuli redores, omnesque principisproxiiï.i fidem simili religione firmarunt. Soins omnium , licel proposito slabili, audacter lamen praîfecliis repugnavil Nebridius, jurisjurandi nexu contra Conslanlium nequaquam se constringi posse commemorans, cujus beneficiis obligatus erat crebris et multis. Quibus auditis, cum slantes propius milites acriler inflammali eum adpcterent trucidandum: ad gënua sua prolapsum Iinpeiator paludamento prolexil : indeque reversus in regiam cum anlegressum eum vidisset, supplicemque jacenlem orare, ut levandi causa timoris ei porrigeret dexteiam : Ecquid, ail, prmcipuum amicis servabilur, si iumanum Mi-gerismeam? Sed hlnc , quo libet, abisecurus. Hocque audito, ille innoxius ad larem suum recessit in Tusciam. His Julianus, ut poscebat negotii magnitudo, prastruclis, expertus, quid in rébus tumulluosïs anlevcrsio valeal et proegrcssus, per (esseram ediclo itinere in Pannonias, caslris promolis et siguis, temere se.fortiuiai commisil ambigua?.

(A.C.301.)

VI. Replicare nunc convenit tempore, et narrare summalim, qua; (dum agunlur in Galliis antedicta) Conslanlius liiciuans Anliochia?, domi mililieeque perfccil. Inler


LIVRE XXI.

151

taires et civils de Constance à Autioche pendant les événements de la Gaule.

A son retour de Mésopotamie, les premiers d'entre les tribuns, et d'autres personnes de rang; vinrent lui faire leur cour. Dans le nombre était un ex-tribun nommé Amphiloque, Paphlagonien de naissance, qui avait longtemps servi sous l'empereur Constant, et qu'on soupçonnait, avec grande vraisemblance, d'avoir jadis semé la discorde entre les deux frères. Cet homme, d'un air arrogant, attendait son tour. Mais on le reconnut, et il ne fut'pas admis. Sur quoi plusieurs courtisans firent grand bruit de ce qu'ils appelaient indulgence excessive. Un rebelle aussi obstiné ne méritait même pas, disaient-ils, qu'on lui laissât voir le jour. Mais Constance, avec une mansuétude qui ne lui était pas ordinaire, leur dit : « Laissez « vivre cet homme. Je ne le crois pas innocent, « mais il n'est pas convaincu. Et s'il est en effet « coupable, il trouvera sa punition dans mon re« gard et dans lé cri de sa conscience. » Tout se borna là. Le lendemain, au cirque, ce même homme assistait aux jeux, et s'était, suivant son habitude, placé en face de l'empereur. Au moment où commençait le spectacle, la balustrade sur laquelle il s'appuyait, avec quelques spectateurs, se rompit, et tous furent précipités. Un certain nombre ne reçut que de légères blessures ; mais Amphiloque, qui s'était brisé les vertèbres, fut trouvé mort sur la place ; et Constance triompha de sa prophétie.

Ce fut l'époque de son mariage avec Faustine. Depuis longtemps déjà il avait perdu Eusébie, .soeur des consulaires Eusèbe et Hypaçe. Cette princesse, d'une beauté supérieure, rehaussée des

complures alios honore conspicuos, adoraturi Imperatorem peregre venientem ordinantur etiam ex tribunis insignibus. Cum igitur a Mesopotamia reversus Constantius hoc exciperetur officio, Amphilochius quidam ex tribuno Papblago, quemdudum sub Constante militantem discordiaium sévisse causas inler priores fratres, suspiciones contigua? veritati pulsabant, ■ ausus paullo petulanlius stare, ut ipse quoque ad parile obsequium admitlendus, agnitus est et prohibilus : strepentibusque multis, et intueri lucem ulteiius non debere clamantibus ut perduellemelobstinatum, Constantius circahaec lenior solilo : Desinite, ait, urgere hominem, ut existimo sentent, sçdnondum aperle convictum: et mementote, quod, si quid admisit hujusmodi, sub oblutibus mets conscienlioe ipsius sentenlia punietur, quam latere non poterit: et ita discessum est. Postridie ludis Circensibus idem ex adverso Imperatoris, ubi consueverat, speclans , repentino clamore sublato , cum cei tamen opinalum emifr leretur, diffractis cancellis , quibus una cum pluribus incuinbebat, cunctis cum eo in vanum excussis, laesisque leviler paucis, interna compage disrupla efflasse spiritum repertus est solus : unde Constantius futurorum quoque praîscius exsultabat.

Eodem tempore Faustinam nominc sprtilus est conjugcm, amissa jampridem Eusebia, cujus fratres erant Euqualités

Euqualités les plus rares, était restée accessible aux sentiments d'humanité au faîte des grandeurs. Nous avons dit que c'était à sa protection constante que Julien était redevable de la vie., et, subséquemment, de son élévation au rang de César. Constance songea vers le même temps à dédommager Florence, que la crainte des suites de la révolution avait chassé des Gaules. Anatole, préfet du prétoire en Illyrie, étant venu à mourir, on envoya Florence remplir sa place;, et il revêtit les insignes de sa haute dignité en même temps que Taurus, nommé aux mêmes «fonctions en Italie.

On pressait cependant à lafois les préparatifs de la guerre étrangère et de la guerre civile. La cavalerie se renforçait de nouveaux escadrons. Pour recruter les légions, on ordonna des levées dans les provinces. Chaque ordre dé l'État, chaque profes-- sion fut taxée pour fournir des vêtements, des armes, des machines, soit en argent, soit en nature, ainsiquepourapprovisionner l'arméede vivres de toute espèce, et la pourvoir de bêtes de somme. Le roi de Perse n'avait fait retraite qu'à contre-coeur devantl'impossibilitédetenir campagne en hiver; et l'on s'attendait de sa part aux plus énergiques efforts dès que la température serait adoucie. Des députés avec de riches présents furent donc envoyés aux rois et aux satrapes des contrées transtigritaines, pour s'assurer de leur concours, ou du moins de leur neutralité franche et sincère. On s'efforça notamment de gagner à force de dons, et surtout par l'envoi de riches vêtements, les rois Arsace et Méribane, l'un d'Arménie, l'autre d'Ibérie, dont la défection en pareille circonstance eût porté à l'empire un coup fatal. Dans

sebius et Hypalius consulares, corporis morumque pulcriludine pluribus antistante, et in culmine tain celso liumana : cujus favore justissimo exemplum periculis, declaralumque Ca?sarem retulimus Julianum.

Habita est iisdem diebus etiam Florentii ratio, e Galliis novilalis metu digressi,et Anatoiio recens mortuo pra?- fecto praîtorio per lllyricum, ad ejus miltitur locum : cumque Tauro itidem proefecto praîtorio per Italiam, ampbssimi suscepitinsignia magistratus.

Parabanlur nihilominus externorum atque civilium instrumenta bellorum, et augebatur turmarum equestrium . numerus, parique sludio snpple.menta legionibus scripta sunt, indictis per provincias tirociniis : omnisque ordo et professio vexabatur, vestem armaque exhibens et torinenlaï-- aurum quinetiam et argeutum; multiplicisque rei cibaVia? copias, et diversa gênera jumentorum. Et quia, Persarum rege ob difficultatem hiberni lemporis aîgre coulrus'o, reserata ca?U temperie validior impetus timebatur, ad Transtigrilanos reges et satrapas legati cum muneribùs missi sunt amplis, moniluri cunclos et hortaturi noslra senlire, et niliil fallax leiïlare vel fraudulenlum. Anft omnia tamen Arsaces et Meribanes, Armenia? et Hiberia? reges, cullu ambitioso indumentoium emercabautur et miilliformibus donis, damna negotiis Romanis illaluri, si rébus tum etiam dubiis descivissepl ad Persas. Inter toi.


152 AM&ÎIEN MARCELLIN.

cette conjoncture Bermogène mourut, et sa préfecture fut donnée à Helpidius. Ce dernier, Paphlagonien de naissance, avait quelque chose de commun dans ses manières et son langage ; mais il était d'une simplicité de moeurs antique, etd'un caractère si inoffensif et si doux, que Constance lui ayant un jour donné l'ordre, en personne, de mettre un homme à la torture, il supplia le prince de recevoir sa démission, et de charger de cet office tel autre, qui s'en acquitterait mieux.

VII. Menacé de deux côtés, Constance ne savait quel parti prendre. Devait-il aller au loin chercher Julien, ou rester et faire tête aux Perses, que l'on jugeait au moment de passer l'Euphrate ? Après de longues délibérations avec ses principaux officiers, il s'arrêta à l'idée d'en finir d'abord, ou du moins de composer avec l'ennemi qui le pressait de plus près ; puis, une fois assuré sur ses derrières, de franchir ensuite l'Illyrie et l'Italie, pour venir traquer Julien ( ainsi qu'il s'exprimait, cherchant à redonner du coeur à son monde), et étouffer dans leur germe les projets de son ambition. Ne voulant pas toutefois laisser sa propre surveillance s'endormir sur d'autres points,' ni prêter le flanc d'aucun côté, il faisait partout répandre le bruit qu'il avait quitté l'Orient, et qu'il s'avançait en forces. Pour prévenir notamment une tentative sur l'Afrique, dont la possession est si précieuse à nos princes, il y envoya par mer le secrétaire d'État Gaudence, le même que l'on a vu dans les Gaules chargé d'espionner la conduite de Julien. L'obéissance de cet agent lui semblait assurée par deux motifs : les sujets deplainte qu'il

urgentia Hermogene defuncto , ad pra?fecturam promovetur Helpidius, ortus in Paphlagonia, adspeclu vilis et lingua, sed simplicioris ingenii;, incruentus et milis : adeo ut cum ei coram innocentera quemdam torquere Constantius praîcepisset, oequo animo abrogari sibi potestatem oraret, hoecque potioribus aliis ex senlentia Principis agenda permitti.

VII. Rigore ilaque inslantium negotiorum anceps Constantius , quid eapesseret, ambigebat, diu multumque anxius, ulrum Julianum peleret et longinqua,, anParthos repelleret jam transituros, ut minabantur, Euphralem : lnerensque, tandem cum ducibus communicato saepe consilio in id flexus est, ut linito propiore bello vel certe mollito, nullo post terga relicto, quem formidaret, lllyriis percursis et Italia, ut rebatur, Julianum inter exordia ipsa coeptorum tamquam venaticiam praîdam caperet : hoc enini ad leniendumsuorum metum subindepraîdicabat. Tamen, ne inlepesceret, aut omisisse belli videretur aliud lalus, adventus sui lerrorem ubique dispergens, verilusque, ne Africa absente eo perrumperetur, ad omnes casus , principibus opportuna, velut finibus Orichtis egressus, per mare nolarium niisit Gaudentium , quem exploralorem acluum Juliani per Gallias aliquamdiu fuisse praîstrinximus. Hune enim olisequio céleri cuncta considerationc gemina efficere posse sperabal, quod adversam parteni metueret olfensam, et properabal, naclus banc

avait donnés à l'un des deux partis, et l'empressement naturel de se faire bien venir de celui qui semblait avoi r toute chance de triompher ; car c'était une conviction générale que Constance aurait le dessus. Gaudence, aussitôt arrivé, se mit à l'oeuvre. 11 transmit par lettres des instructions tant au comte Crétion qu'aux autres autorités, et se fit fournir par les deux Mauritanies une cavalerie légère excellente, avec laquelle il protégea très-efficacement tout le littoral en regard des Gaules et de l'Italie. Constance avait bien choisi son homme; car tant que Gaudence administra le pays pas un soldat ennemi n'en approcha, bien que toute la côte de Sicile, depuis Pachyn jusqu'à Lilybée, fût bordée,de troupes qui n'eussent pas manqué de passer la mer, voyant le moindre jour à opérer une descente.

Au moment où Constance terminait ces dispositions, qu'il jugeait avec raison bien entendues, et donnait ordre à de moins importantes, il fut informé, par les lettres de ses généraux, que les forces réunies des Perses, leur fier monarque en tête, étaient en pleine marche vers le Tigre, mais qu'on ne pouvait prévoir sur quel point précisément le passage aurait lieu. Alarmé de cette nouvelle, et voulant être à portée de prévenir sou adversaire sur le terrain, il quitta ses quartiers d'hiver au plus vite, rassemblant autour de lui l'élite de ses troupes en cavalerie et en infanterie, passa l'Euphrate sur un pont de bateaux, et se rendit par Capessane à Édesse, ville très-forte et largement approvisionnée. Là il fit halte pour s'assurer, par ses coureurs ou par des transfuges, de la véritable direction de l'ennemi.

opportunitatem, commendari Conslanlio,quem'crcdebat procul dubio fore victorem : nemo enim omnium tune ab liac constanti senlentia discrepabat. Qui cum eo venisset, mandalorum Principis memor, per litteras Cretione Comité, quid ageretur, edocto, reliquisque rectoribus, leclo undique milite fortiore, lianslalisque ab utraque Mauritania discursatoribus expeditis, Aquitania? et Italia; objecta lillora tuebatur artissime. Keque id consilium fefellil Constantiura. Eo enim superslite uullus adversoruin illas teligil terras, licet oram Siciliensem a Lilyba?o protenlain ctPacbyno, multitùdo servabat armata, si patuisset facilitas, ocius transilura.

His pro rerum ralione, ut sibi prodesse existimabat Constantius, aliisque minutis et levioribus ordinatis, ducum uunliis doccbalur et litleris, Persarum copias in unum coaclas rege turgido proeeunle, jam prope margines tendere Tigridis, incerluni, quonam erumpere cogitantes. Quibus percitus, ut propius agens futuros possit anlevenire conalus, quamprimiimbibernis egressus, accitoundique eqdilalu peditumque robore, quo fidebal, per CapessanamEuphrale navali pontetranscurso, Êdcssam petit uberem commealibus et munitam : ibi parumper opperiens, dum exploratores .aut perfuga? motum castrorum hostiliiim indicarent.

VIII. Discedens inlcr ba?c Julianus a Rauracis, peraclis, qua? docuimus dudum, Salluslium pruîfeclum piomoluir.


LIVRE XXI.

153

VIII. Sur ces entrefaites, Julien, qui se disposait à quitter Rauraque, après les mesures indiquées plus haut, envoya Salluste comme préfet dans les Gaules, et donna à Germanien le poste laissé vacant par Nébride. Il nomma aussi Névite général de la cavalerie en remplacement de Guyomer, qui lui était suspect pour avoir, disait-on, lorsqu'il commandait les scutaires sous Vétranion sourdement travaillé à livrer son maître. Jove, dont il est question dans l'histoire de Magnence, fut investi de la questure, et Mamertin delà charge de trésorier. Le commandement de ses gardes fut confié à Dagalaif. Il fit encore plusieurs promotions d'officiers dans l'ordre de mérite personnel, et sans consulter que ses notes particulières.

L'itinéraire que s'était tracé Julien lui faisait traverser la forêt Marcienne et longer les deux rives du Danube. Il n'était rien moins que sûr du pays, et avait à craindre qu'on n'entreprît, le voyant si mal accompagné, de lui barrer le chemin. Une adroite manoeuvre le tira de ce danger. Il divisa tout son monde en deux corps. Les uns, sous la conduite de Jove et de Jovin, prirent rapidement la route bien connue de l'Italie. Le reste chemina par le coeur de la Rbétie, ayant pou r chef Névite, général de la cavalerie. Cette diversion donna l'idée d'une masse de forces considérable , et tint en respect à la fois ces deux contrées. Alexandre le Grand, et.d'autres capitaines après lui, avaient fait usage de la même tactique. On était déjà hors des mauvais pas, que Julien recommandait encore d'accélérer la marche, comme lorsqu'on s'attend à une attaque, et de conserver chaque nuit des postes sur pied en cas de surprise.

IX. Julien poursuivit ainsi sa route avec la

remisit in Gallias, Germaniano jusso vicem tueri Nebridii : ilidemque Nevita? magislerium commisit armorum , Gumoarium prodilorem antiquum timens, quem, cum scutarios ageret, latenter prodidisse Veteranionem suum principem audiebal ; et Jovio quaesturam, cujus in actibus Màgnentii meminimii.s ; et Mamertino largitîones curandas : et Dagalaiphum pra?fecit domesticis, aliosque plures ex arbitrio suo tnilitibus regendis adposuit, quorum mérita noratet fidem. Profeclnrus itaque per Marcianas silvas, viasque junctas Histiï lluminis ripis, inter subita vehementer incerlus id verebatur, ne contemplus ut comitantibus paucis, multitudinem offenderet repugnanlem. Quod ne fieret, consilio sollerti praîvidit : et agminibus distribuas , per ilinera Italia? nota quosdam properaturos cum Jovino misitet Jovio; alios per mediterranea Roetiarum magistro equilum Nevita? commissos, quos diffusi per varia opinionemnumeri pra?berent immensi, formidineque cuncta comptèrent. Id enim et Alexander Magnus et deindealii plures, negotio ita poscente, periti fecere ductores. Mandabat tamen egressis, ut tamquam boste protinus occursuro oeius graderentur, stationesque noclurnas agerentel vigilias, ne improviso invaderentur excursu.

IX. Quibus ita, ut videbatur, apte dispositis, more quo Iractus perruperalsrjepebarbaricos, contextis successibus fiilens, porrcclius ire pergebat. Cumque ad locum vcconfiance

vcconfiance une suite continue de succès, mais en s'entourant de toutes les précautions stratégiques employéesordinairementdansses expéditions contre les barbares. Arrivé sur un point où l'on disait le fleuve navigable, il profita de la rencontre fortuite de plusieurs petites embarcations pour descendre le courant, dérobant ainsi sa marche autant que possible. Il le pouvait d'autant mieux, qu'avec ses habitudes de frugalité et d'abstinence, les aliments les plus grossiers lui étaient bons ; ce qui le dispensait de toute communication avec les villes ou forteresses riveraines. Il aimait à s'appliquer cette belle parole de Cyrus l'ancien à son hôte, qui lui demandait ce qu'il voulait pour son dîner : «■ Rien que du pain, répondit-il ; car j'ai là près un ruisseau. » Cependant les mille voix que l'on prête à la renommée ne tardèrent pas à répandre par toute l'IUyrie, avec la dose d'exagération ordinaire, le bruit de Julien vainqueur dés peuples et des rois, s'avançant, fier de tant de succès, à la tête d'une formidable armée. A cette nouvelle, le préfet du prétoire Taurus s'enfuit comme devant une invasion étrangère, et, franchit rapidement, à force de relais, les Alpes Juliennes, entraînant par son exemple son collègue Florence sur ses pas. Le comte Lucillien commandait à Sirmium la force armée des deux provinces. Au premier avis de l'approche de Julien, il tira tout ce qu'il put de troupes de leurs stations respectives, et se mit eu devoir de résister. Mais la barque de Julien, prompte comme un trait, ou comme lebrandon lancé d'une machine de guerre, arrive à Rononie (l), à dix milles de Sirmium ; tt

(i) On croît que c'est aujourd'hui Bonmunsler.

nisset, unde navigari posse didicit flumen, lembis adscensis, quos opportune fors dederat plurimos, per alveum (quantum fieri potuit) ferebatur occulte : ideo latens, quod toleranter et forliter nullius cibi indigensmundioris, sed paucis contentus etvilibus, oppida forinsecus transibat et castra -. imitatus egregium illud Cyri veteris dictum , qui, cum dèlatus ad hospilem, interrogarelur ab eo, quid ad çonvivium parari deberet, panem responderat solum : sperare enini aiebat, prope rivum se cenaturum. Fama vero, qUa? mille, ut aiunt, linguis rerum misère exaggerat fidem, per Illyrios omnescelebriorfundebatur, Julianum strata per Gallias multiludine regum et gentium, numeroso exercilu et successibus tumidum variis advenlare. Quo minore perculsus praalectus pioelorio Taurus, ut bostem vitans exterum mature discessit : veclusque mutalione céleri cursus publici, transitis Alpibus Juliis, eodem ictu Florentium ilidem praîfectuni secum âbduxit. Levibus tamen indiciis super Juliani molu Lucillianus percitus Cornes, qui per illas regioues rem curabat ea tempestale castrensem, agensque apud Sirmium, milites congregans, quos ex stalionibus propriis acciri celerilalis ratio permiltebal, venturo resistere eogitabat. Sed ille ut fax vel incensus malleolus voluciiler ad deslinata festinans, cum venissel Bononiam, a Sirmio milliario nono disparatam et ilecimo , scncscenle luna , idcoquc obscurante noclis


15-1

AMMIEN MARCELLIN.

d'un saut le prince se trouve à terre. La lune était sur son déclin, etconséquemment les nuits étaient presque sans lumière. Julien dépêche aussitôt Dagalaif et quelques hommes armés à la légère, avec ordre de lui amener Lucillien de gré ou de force. Le comte était au lit. Tiré de son repos par le bruit des armes, et se voyant entouré d'inconnus, il comprit ce dont il s'agissait, et, tremblant au nom de Julien, obéit, bien qu'à contre-coeur. Le fier général de la cavalerie, contraint de s'humilier devant la force, fut placé sur le premier cheval qui se trouva, et amené à Julien comme un prisonnier de bas étage. La terreur semblait l'avoir privé de ses sens; mais quand il vit qu'on lui donnait la pourpre à baiser, il revint à lui, et, déjà d'un ton plus assuré : « Le pays, « dit-il, n'est pas pour vous, et c'est grandement « vous aventurer que d'y venir avec si peu de « monde. » Julien répondit avec un sourire amer : « Gardez vos bons avis pour Constance. « Je ne songeais pas à vous consulter, mais bien « à vous tirer de crainte. N'interprétez pas autre<•■ ment ma clémence. >>

X. Débarrasséd'un ennemi, Julien nés'endormit pas sur le succès ; mais, toujours d'autant plus actif et plus résolu que la circonstance était plus grave, il marcha droit à Sirmium, qu'il jugeait disposée à se donner à lui. Comme il approchait des vastes faubourgs de ]a ville, habitants et soldats vinrent en foule au-devant de lui avec des flambeaux et des fleurs, le saluant des noms de seigneur et d'Auguste, et le conduisirent au palais au milieu d'un concert d'acclamations et de voeux. Cette réception remplit son coeur de joie, par l'heureux pronostic qu'il en tira. D'avance il

maximam parlem , e nayi exsiluit improvisus : statimque Dagalaiphum misit cum expeditis ad Lucillianum vocandum, trahendumque, si reniteretnr. Qui tum etiam quiescens, cum strepilu excitalus turbulento vidisset ignolorum bominum se circulo circumsa?ptum, concepto negotio, et imperalorii nominis metu prastrietus, pra?- ceptis paruit invilissimus : sequutusque alienum arbitrium nuigister equitum, paullo anle superbus et ferox, jumenloque impositus repenlino, Principi ut captivus offertur ignobilis, oppressam terrore vix colligens menlem. Verum cum primitus visus, adoranda? purpura? dalam sibicopiam adverlisset, recrealus tandem suique securus : Incauie, inquit, Imperator, cl temerc cum paucis alienis pariibus te commisisli. Cui amarum Julianus subridens, Hoec verbaprudeniia serva, inquit, Conslaniio :majeslatis enim insigne non ut consiliario tibi, sed, ut desinas pavere, porrexi.

X. Niliil deinde amolo Lucilliano differendum, nec agendum segneralus, ut orat in rébus trepidis audax el confidcnlior, civitalem, ut prsesumebat, dediticiam petens, citis passibus incedebat : eumque suburbains propinquantem amplis nimiumque protentis, militaris et omnis generis lurba cum lumine mullo el lloribus, votisque faustis, Augustum adpellans et dominuin, duxit in regiam. Ubi eventu ta?lus el omine, firmata spe venlurorunï, quod

voyait les autres villes suivant à l'envi l'exemple donné par la métropole (car Sirmium tenait ce rang par son étendue et par l'importance de sa population), et sa présence partoutaccueilliecomme l'apparition d'un astre bienfaisant. Le lendemain il donna au peuple, qui en témoigna la joie la plus vive, le spectacle d'une course de chars, et le jour suivant gagna sans délai, par la voie publique, le pas de Sucques, qu'il occupa fortement sans coup férir, et dont il confia la défense à Névite, sur la fidélité duquel il pouvait compter. Il est bon de donner une idée de cette position militaire. C'est un défilé formé par la jonction des deux chaînes du Rhodope et de l'Hémus, dont l'une s'appuie aux rives du Danube, et l'autre à celles du fleuve Axius. Ces montagnes élèvent entre la Thrace et l'Illyrie une forte barrière, laissant d'un côté le pays des D.aees et la Serdique, et, de l'autre, les nobles cités de Thracie et de Philippopolis. La nature semble avoir à dessein configuré cette région dans l'intérêt à venir de la domination romaine. Jadis ce n'était qu'une gorge obscure, resserrée entre deux collines ; mais, se modifiant selon l'échelle de grandeur de l'empire, la gorge deyint une large voie praticable aux voitures. En fermant ce passage, on a plusieurs fois arrêté les efforts des plus grands capitaines et des plus nombreuses armées. Sur le versant qui fait face à l'Illyrie, le mont s'abaisse suivant un plan à peine incliné, et dont la pente est comme insensible. Celui qui regarde la Thrace est au contraire coupé presque à pic, n'offrant çà et là qu'un petit nombre de sentiers abruptes qu'on a peine à gravir, même sans autre obstacle que ceux qu'oppose la nature. En deçà et au delà de

ad exemplum urbium matris et populosse eteelebris, per alias quoque civitates ut sidus salutare susciperelur, édita poslridie curuli certamine cum gaudio plebis, ubi lux excanduit tertia, morarum impatiens percursis aggeribus pnblicis, Succos (neniineausoresistere) proesidiisoccupavit : iisdemque tuendis Nevitam prrefecit ut fidum : cujus loci situm ex nunc convenienter oslendam.

Conserta? celsorum monlium summitates JEm\ et Rliodopes, quorum alter ab ipsis I-Iistri marginibus, aller al) Axii (Iuminis citeriori parte consurgit, in angustias lumidosis collibus desinentes, Illyrios interscindunl et Thracas, bine vicina? mediterraneis Dacis et Serdica?, inde Thracias despeclantes et Philippopolim, civitates amplas et nobiles : et ( tamquam Nalura in ditionem Romanam redigendas naliones circumsitas praenoscente) ita figuralae consulto, inter artos colles quondam niantes obscurius, ad magnitudinem splendoremque postea rébus elalis palefacta? sunt et carpentis : adilibusque aliquoties clausis magnorum ducum popuïorunique repulere conatus. Et pars , qua? lllyricum spécial mollius édita, velut incauU subinde superatur. Latus vero e regione opposilum Ttiraciis,.prona humililale deruptum, hincqne et inde fragosis Iramilibus impeditum , difficile scanditur etiam millo vêlante. Sub hac altitudine aggerum ulrobique spaiiosa camporum planilies jacet, superior adusque Julias Alpes


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la chaîne s'étendent au nord et au midi des plaines à perte de vue, qui atteignent, d'un côté, les Alpes Juliennes, et, de l'autre, se déroulent, sans offrir la moindre aspérité, jusqu'au détroit et jusqu'à la Propontide.

Julien, après avoir disposé toutes choses sur ce point comme l'exigeait la gravité des circonstances, y laissa le général de la cavalerie, et revint à Nysse, ville très-considérable, s'occuper à tête reposée des mesures les plus propres à assurer le succès de son entreprise. Il y manda l'historien Aurélius Victor, qu'il avait vu à Sirmium, et le nomma consulaire de la seconde Pannonie. De plus, l'honneur d'une statue en bronze fut accordé à cet homme d'une vertu exemplaire, qu'on a vu, mais beaucoup plus tard, devenir préfet de Rome.

Bientôt Julien se prononça plus ouvertement encore. Renonçant désormais à tout espoir d'accommodement avec Constance, il adressa au sénat, contre ce prince, un mémoire très-amer, et rempli des accusations les plus fortes. Tertulle, alors préfet, en donna lecture à l'assemblée, dont les sentiments d'affection pour l'autre empereur éclatèrent en cette occasion avec une noble indépendance. On s'écria tout d'une voix : « Respectez celui dont vous tenez votre pouvoir. » L'administration de Constantin n'était pas non plus épargnée dans cette pièce. Ce prince était traité de novateur, de violateur des anciennes lois et coutumes, et notamment pris à partie pour avoir le premier prostitué à des barbares les ornements et les faisceaux consulaires. Julien fut maladroit dans cette sortie, et inconséquent dans sa conduite ultérieure, où il encourut le blâme qu'il

extenta,inferiorita resupina et panda, ut nullis habitetur obstaculis adusque fretum et Propontidem.

His, ut in re lali lamque urgenti, compositis, magislro cquitum illic reliclo, Imperator revertitur Ka?ssum copiosum oppidum, quoimpraîpedilc cuncta disponeret suis utililalibus profntura. Ubi Victorem apud Sirmium visum scriplorem historicum , exindeque venire pra?ceptum , Pannonia? secunda? consularem proefecit, et honoravit aenea slalua, virum sobrietalis gralia oemularidum, niullo post Urbi praîfcctutn. Jamque altius se extollens, et numquam - credens ad concordiam provocare posse Constautium, orationem acrem et invectivam , probra quaîdam in eum oxplanantem et vitia, scripserat ad senatum. Qua? cunrj Tcrtullo administrante adhuc prasfecturam reoitarentur in j curia, eminuit nobilitatis cum speciosa fiducia benignitas \ grala. Exclamatum est enim, in unum cunclorum sententiaj congruente, ADCTOM TUO HEVEUENTIA-BI BOCAMUS. Tune et memoriam Conslantini, ut novatoris turba.;. torisque priscarum legum et moris antiquitus recepli, ! vexavit, eum aperte incusans, quod barbaros omnium , primus adusque fasces auxerat et trabeas consulares : insulse nimirum et leviter : qui, cum vilare ûeberet id, ; quod intestins objurgavit, brevi poslea Mamerlino in conJ snlatu junxit Nevitam, nec splendore, nec usu, nec gloria ■ Uorum similcm, quibus magisliatum amplissimuni dclun'avait

dclun'avait craint d'infliger; car Névite, dont il fit le collègue de Mamertin au consulat, ne pouvait assurément, ni par la naissance, ni par les talents, ni par les services, soutenir la comparaison avec aucun de ceux que Constantin avait honorés de la suprême magistrature. C'était un homme sans éducation, sans tenue, et cruel, qui pis est, dans l'exercice du pouvoir.

XI. Pendant cette polémique de Julien, et au moment où ses préoccupations étaient le plus vives, il reçut la nouvelle aussi alarmante qu'imprévue d'une rébellion hardie, et bien faite pour l'arrêter dans ses ardents projets , si elle n'était étoufféepromptement. Voici ce quil'avaitamenée. 11 avait expédié dans les Gaules, soi-disant par motif d'urgence, mais en réalité parce qu'il s'en défiait, deux légions de Constance et une cohorte d'archers, qui s'étaient trouvées danS'Sirmium. Cette troupe, mécontente de sa destination, et qui s'effrayait de la perspective d'aVôir les redoutables Germains en tête, céda aux conseils de défection d'un tribun mésopotamien nommé Nigrinus. L'affaire fut traitée en pourparlers secrets, et conduite avec une discrétion extrême. Mais arrivé à Aquilée, place très-forte par sa position et ses ouvrages, le corps expéditionnaire en pleine révolte se jette dans la ville, secondé par la population, à qui le nom de Constance était resté cher. Il ferme les portes, arme les tours, et met tout sur le pied de défense; proclamant par ce coup de main audacieux qu'il existait encore un parti de Constance, et invitant l'Italie entière à se ranger sous ses drapeaux.

XII. Julien reçut cette nouvelle à Nysse. N'ayant aucun ennemi sur ses derrières, et salerat

salerat : conlra inconsummatum et subagrêslem, et quod minus erat ferendum, celsa in potestate crudelem.

XI. Haie et talia cogitanti, sollicitoque super maximis rébus et seriis, nuntius metuendiisintimaturetinsperalus, ausa indicans quorumdam immania, impeditura cursus ejus ardentes, ni vigilanter ha?c quoque, antequam adulescerent, liebetasset : qua? breviter exponentor. Du'as legiones Constantiacas, addila una sagittariorum cohorte, quas invenerat apud Sirmium , ut suspecta? adhuc fidëi per speciem neeessitatum urgentium misit in Gallias -. qua? pigrius mola?, spaliaque itinerum longa et Germanos hostes traces et adsiduos formidanles, novare quaedam moliebantur, auctoreetincitatoreKigrino, equitumturma? tribuno, in Mesopolamia genilo : requedigesta per sécréta colloquia, et allô roborala silenlio, cum Aquileiam pervenissent, urbem situ et opibus murisque cireumdalam validis, eam bostiliter repente clausere, juvante indigena plèbe tumullus honorera, cui Constanlii nomen erat tum etiam amicum. Et obseratis adilibus, turribusque armalis et propugnaculis, futura?concertationi piaoparabanl ulilia, inteiim soluti et liberi -. hocque facinore ita audaci, au favendum Constantii partibus ut superstitis, Italicos incolas excitabanl.

XII. Quibus Julianus acceptis, agens lune apud Noessum,


U6 AMMIEN MARCELLIN.

chant que cette ville n'avait jamais été prise et ne s'était jamais livrée, il mit en oeuvre toute espèce d'insinuation et de caresse pour se l'attacher, avant que l'exemple d'Aquilée fût devenu contagieux. Jovin, maître de la cavalerie qui venait de franchir les Alpes et avait à peine un pied en Norique, eut ordre de revenir sur ses pas, et d'empêcher à tout prix l'incendie de se propager. Il fut de plus autorisé à retenir, et à s'adjoindre comme renfort, tout détachement isolé qui passerait par la ville, se dirigeant sur le quartier général. Ce fut en ce moment que Julien apprit la mort de Constance. Traversant alors la Thrace au plus vite, il entra dans Constantinople. Il y recevait régulièrement avis de ce qui se passait devant Aquilée. Or, jugeant, d'après les rapports de Jovin, que la résistance pouvait traîner en longueur, mais sans tirer à conséquence, il rappela ce général, qu'il voulait employer plus sérieusement ailleurs, et confia la suite des opérations du siège à Immon, assisté de quelques autres officiers.

Aquilée fut cernée des deux côtés, et les chefs des assiégeants convinrent en premier lieu d'essayer l'effet des promesses et des menaces. On discuta beaucoup de part et d'autre. Mais l'entêtement des assiégés fit bientôt rompre les conférences, ne laissant d'autre recours que celui des armes. Les deux partis se préparèrent donc au combat en prenant quelque sommeil et quelque nourriture ; et le lendemain dès l'aurore, la trompette donnant le signal du carnage, on en vint aux mains à grands cris, avec plus de fureur que detactique. Enfin les assiégeants, poussant devant eux des mantelets et des claies d'osier, eommennihil

eommennihil tergo timens adversum, legensqueet audiens banc civilalem circumsessani quidem aliquolies, numquam tamen excisam aut dedilam, impensiore studio sibi sociare, vel fraude, vel diversis adulationum generibus, antequam majus oriretur aliquid, properabat. Ideoque Jovinum magislrum equitum venientem per Alpes , Noricosque ingressum , ad id, quod exarserat, quoquo modo corrigendum redire citius imperavit. Et, ne quid deesset, milites omnes qui comilatum sequebantur aut signa', retineii jussit per idem oppidum transeuntes , pro viribus laluros auxilium.

Hisque dispositis, ipse haud diu poslea cognila morte Conslanlii, discursis Tlnaciis, Constanlinopolim inlroiit : acsa?pe doctus, lentiusforeid obsidium, quam verendum, Immone cum Comitibus aliis ad hoc destinato, removit ex inde Jovinum, alia, qua? poliores flagitabanl nécessitâtes, acturum.

Ordine itaque scutorum gemino Aquileia circumsa?pta, concinenlibus sententiis ducum, conveniens visum est ad dedilionem alliccre defensores minacium blandorumque varietate sermonum : et mullis ullro cilrotjue diclitatis, in immensum obslinatione glisccute, ex colloquio re infecta disceditur.' Et quia niliil p'ra?ler pugnam jam speotabalur , curatis ulrobique cibis somnoque corporibus, aurora jam surgenle, concrepanle sonilu buccinorum,

cèrcnt à s'avancer avec plus de circonspection : ceux-ci, munis de toutes sortes d'outils de fer pour saper la muraille en sous-oeuvre; ceux-là, traînant après eux des échelles de la hauteur des murs. Mais, au moment où ils y touchaient déjà, la première ligne, accablée par les pierres ou criblée de traits, se rejeta sur la seconde qu'elle entraîna dans son mouvement rétrograde, et rebutée par la crainte d'en essuyer autant.

Enflés de ce premier succès, la confiance des assiégés ne connut plus de bornes. Us garnirent de machines de guerre chaque point où elles pouvaient produire quelque effet, et se livraient avec une infatigable énergie à tous les soins de la défense. De leur côté, les assiégeants, ébranlés par leur premier échec, mais cachant leurs craintes par point d'honneur, renoncèrent au moyen de donner assaut, qui leur avait mal réussi, pour recourir aux procédés de l'art des sièges. Le sol ne permettait ni de faire jouer le bélier, ni d'asseoir de machines à projectiles, ni d'ouvrir une mine. Mais, par un effort d'invention comparable à tout ce que l'histoire offre de plus étonnant en ce genre, on mit à profit le cours même du fleuve Natison , qui baigne les murs de la ville. Trois embarcations fortement amarrées ensemble servirent de plancher à l'érection d'autant de tours dépassant le niveau des remparts, à portée desquels on dut les faire arriver. Ces tours étaient couronnées de soldats armés qui faisaient tous leurs efforts pour écarter des murs leurs défenseurs, tandis que des ouvertures, pratiquées plus bas dans les flancs de ces édifices, livraient passage à des vélites armés à la légère , qui, en un clin d'oeil, eurent jeté et franchi des ponts voparles

voparles in clades muluas, ferocienles inagis quam consultius, elatis clamoribus ferebanlur. Pluleos igiliir praîferenles oppugnatores, cratesque densius textas,sensim incedenles el caule, murorum ima suffodere ferramentorum mullitudine conabanlur : faclas plerique velienles ad mensuram moenium scalas, jamque parielibus pa?ne contigui, pais lapidibus volulis in pronum collisi, parsconfixi stridentibus jaculis, relroque gradientes averlerunt secum omnes alios, metu similium a proposito pugnaudi rctortos. Hoc primo congressu erecti in audaciamclausi, adsumpla fiducia meliorum parvi ducebant restanlia : mentibusque fundalis , et compositis per opportuna tormenlis , indefesso labore vigilias et caîtera subsidia securilalis implebanl. Contra munilores, licel pavore discriminum anxii, pudore larnen, ne secordes viderenlur cl segnes, ubi parum vis procedebat Marte aperto tentata, ad instrumentaobsidionaliumartium transtulerunl.Et quia nec arietibus admovendis,'ncc ad intentandas machinas, vel ut possint forari cuniculi, inveniebatur usquam habilis locus, disparatione brevi civitatem Nalisoue amni pra?- terlabente, commentum excogitalum est cum veleribus admirandura. Construclas veloci studio ligneas lurres, propugnaculis hostium celsiores, imposuere trigeminis navihus.valde sibi connexis : quibus insislentes aruiali, uno parique ardore probibilores dispellere collatis ex


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lants adaptés à cet usage. Ceux-ci, pendant qu'on échangeait des volées de pierres et de traits audessus de leurs têtes, travaillaient à faire brèche dans les murs, et à pénétrer par là dans la ville. Mais cette ingénieuse combinaison vint encore à manquer son effet. Les tours, assaillies à leur approche de brandons enduits de poix ardente, de roseaux, de sarments, et autres matières inflammables , prirent feu incontinent, et, perdant l'équilibre par le poids de leurs défenseurs, qui se jetèrent tous précipitamment d'un côté, s'abîmèrent dans le fleuve avec ceux qu'avaient épargnés les projectiles de l'ennemi. Restés ainsi à découvert, les vélites qui avaient passé sous les murs furent écrasés de grosses pierres, sauf le petit nombre qui parvint, à force d'agilité, à se sauver au travers des débris.

Vers le soir, le signal dt la retraite mit fin au combat, dont les deux partis emportèrent des impressions bien différentes. Le deuil des assiégeants, qui pleuraient la mort de leurs camarades, fortifiait l'espoir de vaincre chez les habitants, qui avaient pourtant fait aussi de grandes pertes. On ne s'en préparait pas moins à recommencer; et, après une nuit consacrée à reprendre des forces par le sommeil et la nourriture, au point du jour le son des instruments redonna le signal de l'attaque. Parmi les assiégeants, les uns, pour combattre plus à l'aise, élevaient leurs boucliers au-dessus de leur tête; d'autres portaient, comme précédemment, des échelles sur leurs épaules. Tous s'élançaient avec fureur, offrant leur poitrine aux . coups de l'ennemi. Ceux-ci, en cherchant à briser les ferrements des portes, succombaient sous

propinquo viribus nitebanlur : subterque expediti velites a luriiiim cavernis egressi, injectis ponticulis, quos ante compaginarant, transgredi feslinarunt indiviso negolio : ut, dum vicissim missilibus se petunt et saxis utrimquesecusallelocali, hi, qui transiere per pontes, nullo interpellante a?dificii parte convulsa, adilus in penelralia reserarent. Iterum summa coepti prudenlis aliorsum evasit. Cura enim adventarent jam turres, eontorlis malleolis madentibus pice, arundine quineliam, sarmenlis ac vario fomite flammarum incessebanlur. Qua? quoniam inçendio céleri, ponderibusque trépide superstantium inclinata? procideruntin (lumen, armatorum aliqui per earum fasligia inleribant, eminus confixi lormentis. Inter qua? destituti peilites post navalium sociorum occasum, obtriti sunt saxis immanibus, praeter paucos, quos raorti scilicel per impedita suffugia velocilas exemerat pedum. Ad ultimum certamine protracto in vesperam, datoquê signo in receplum ex more, ambodigressi diei residuum animis egere disparibus. Munitorum enim maerores, funera lugentium propria, prohibitores spe jam superandi firmabant, licet ipsi quoque paucos gemebant amissos. Properabalur tamen nihilominus : et quantum recreandis viribus quiète et cibo salis fuit, tributo per noctis inlegroe spatium , reparatur lucis exordio proelium incitamento lubarum. Et quidam elalis super capita sentis, ut pugnaturi levius, alii vebentes humeris utanlea scalas, fervenliqueimpetu procurrentes,

une pluie de feux, ou écrasés par les énormes pierres qu'on faisait rouler du haut des murailles ; ceux-là, qui avaient résolument franchi le fossé, s'y trouvaient culbutés par les brusques sorties que la garnison opérait par les poternes, ou ne se retiraient que couverts de blessures. La retraite des assiégés était protégée contre tout retour offensif par des espèces de redoutes en gazon, élevées en avant des murailles. On peut dire qu'ils se montrèrent supérieurs encore à leurs adversaires en persévérance, et par le parti qu'ils surent tirer des seules défenses de la place. Impatients des longueurs du siège, les soldats ne cessaient de rôder autour delà ville, cherchant quelque point accessible à l'assaut, ou qu'on pût entamer par l'emploi des machines. Enfin, la certitude de rencontrer toujours des difficultés insurmontables amena du relâchement dans les efforts. Ou abandonnait son poste ou sa faction pour marauder dans les campagnes voisines. Y trouvant tout en profusion, on faisait part de son butin à ses camarades. L'armée se gôrgeait de vin et de nourriture, et ces excès répétés finirent par lui ôter de sa vigueur.

Julien hivernait alors à Constantinople. Averti de ce désordre par les rapports d'Immon et de ses collègues, il s'empressa d'y porter remède. Il fit partir aussitôt Agilon, maître de l'infanterie, pour porter à Aquilée la nouvelle de la mort de Constance, pensant bien que devant cette notification, faite par une bouche si honorable, les portes de la ville s'ouvriraient aussitôt.

En attendant, les opérations du siège n'étaient pas suspendues. Tout autre moyen ayant échoué,

pectora mulliformium telorum ictibus exponebant. Alii ferratas portarum obices effriiigendas adûrti,ultro ignibus petebantur, vel saxis inuralibus oppetebanl. Quidam fossas fidenlius transire conati, repentiras eorum adsultibus, qui erumpebant clanculo per posticas, ruebant incaute, aut saucii discedebant. Recursus enim ad moenia tulior, vallumqueantemuranum , cespilibus fultum, insidianles ab omni discrimine defendebat. Et quamquam prohibitores duritia bellorumque arlibus anlistarent, quibus niliil pra?ter moenium supererat adjumentum : collectus tamen ex polioribus numeris miles diuturnas ferre nequiens moras, suburbana omnia circumibat, diligenterinquireus, qua vi vel machinis posset patefactam ïrrumpere civitatem. Quod ubi patrare non poterat magnitudine vêtante difficullatum , obsideri remissius coepta est : et excubiis slalionibusque relictis proesidiarii milites vastantes agros propinquos , omnibus congruenlibus abundabant, raptorum pleraque concorpofalibus suis irapertienles. Unde largiore admodum polu saginisquedis tenti marcebant.

His relalione Immonis consortiumquecognitis, Julianus Constanlinopoli etiam Iran hibernans, sollerli remedio turbatis consuluit rébus : moxque Agiloneni raagistruni pedilum ea tempeslale probe cognitum miserai, ut viso honoralissimo viro, compertaque per eum morte Constantii, solverelur obsidium. ' Inter qua? ne cessaret Aquileia? oppugnalio, cum in


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AMMîEN MARCELLIN.

ou essaya de réduire la ville par la soif, en coupant les aqueducs. Mais la résistance n'en fut que plus opiniâtre. L'armée, à force de bras, parvint à détourner le fleuve. On n'en fut pas plus avancé. Les habitants se résignèrent à boire de l'eau de citernes, qu'on ne distribuait encore qu'à petites rations.

v Sur ces entrefaites Agilon arrive à Aquilée, et, pour obéir à ses instructions, se présente résolument au pied des remparts avec une escorte. II fait l'exposé véridiquede ce qui s'est passé: Constance est mort, et Julien en pleine possession du pouvoir suprême. Mais il eut beau protester, on ne lui répondit d'abord que par des démentis et des injures. Cène fut qu'en venapt, avec uh saufconduit , confirmer ses assertions sur le rempart même, qu'il put enfin obtenu- créance. Cette fois la ville ouvrit avec un joyeux empressement ses portes au chef qui lui apportait la paix. On tâcha de se justifier en rejetant tout le tort sur Nigrinus. et quelques autres, dont le supplice fut demandé en expiation de la révolte, et des maux qu'elle avait attirés sur la ville. Une enquête fut introduite sans délai sous la direction de Mamertin, préfet du prétoire, à la suite de laquelle Nigrinus fut brûlé vif, comme premier instigateur de l'insurrection. Lès sénateurs Romulus et SéVeste, convaincus de l'avoir fomentée, périrent après lui par le fer. On fit grâce à tous ceux que la contrainte, plus que leur penchant, avait rendus complices de cette guerre civile; distinction posée d'avancé par là clémente justice de l'empereur.

Avant que toUs ces résultats fussent connus,

reliquis opéra consumerclur incassum, placuit resistentes acriler ad deditionem sili compelli. Et ubi aquarum ductibus intersectis nihilominus celsiore fiducia repugnarent, flumen laboribus avertitur magnis; quod itidem frustra est faclum. Attenualis enim avidioribus bibendi subsidiis, hi, quos lemeritas clauserat, contenti putealibus aquis parce vixerunt.

Qua? dum agitantur casibus anledictis, supervenit, ut piaeceptum est, Agilo, sculommque densitateconleclus, prope fidenter accessit -. multaqne loquulus et vera, quibus Constantii obitura, firmatumque Juliani docebatimperium, non sine conviciis computabalur ut fallax. Nec ei quisquam credidit gesta narranti, antequam paclasalufe susceptus ad pugnaculum soins, fide religiosius reddita, ea, qua? docueral, replicaret. His audilis, ex diulurno angore portis reclnsis omnes cffusi, suscepere laîli pacificum ducem : seque purgantes, Nigrinum lotius furoiïs auctorem, paucosque alios obtulerunl, eorum supplicio la?sa? crimina majestatis et urbisaerumnas expiari poscentes. Paucis denique post diebus exploratius spectato negotio, Mamertino tum judicante pra?fecto pra?torio, Nigrinus ut acerrimus belli inslinctor exuslus est vivus. Romulus vero post eum el Sabostius curiales, convicli sine respecta periculi studia sévisse discordiarum, poenali consumpti sunt ferro : residui omnes abierunt innoxii, quos in certaminum rabiem nécessitas egerat, non volunl'anxiété

volunl'anxiété Julien à Nysse était des plus grandes. Il se voyait menacé de deux côtés. D'abord la garnison d'Aquilée pouvait, fermant par un détachement les défilés des Alpes Juliennes, le priver de communication avec les provinces, et des secours qu'il en attendait. L'Orient aussi lui donnait des craintes. Le comte Marcien, disait-on, avait formé un noyau des cantonnements épars dans la Thrace, et marchait vers le pas de Sucques. Julien n'en faisait pas moins ses dispositions pour toutes les nécessités du moment. Il concentrait son armée d'Ulyrie, composée de troupes éprouvées, et toujours prête à suivre son belliqueux chef au milieu des dangers. Les intérêts privés n'étaient pas non plus oubliés dans cette crise ; il jugeait toujours les procès, et, de préférence, ceux où se trouvait en cause l'ordre des magistrats municipaux, qu'il favorisait au point d'imposer souvent ces charges onéreuses au mépris des droits d'exemption les plus fondés. Julien vit à Nysse Symmaque et Maxime, deux personnages éminents, envoyés par le sénat en députation à Constance. Il ne leur en fit pas pour cela moins bon accueil. Le second même fut nommé par lui préfet de Rome, en remplacement de Tertulle ; et cela, uniquement dans le but de plaire à Vulcace Rufin, dont Maxime était le neveu. Il faut noter cependant que sous l'administration de ce dernier l'abondance régna dans la ville, et que pas une plainte ne s'éleva sur la Cherté des subsistances. Enfin , pour donner des gages aux fidèles et raffermir les incertains, Julien nomma Mamertin, qui était préfet d'Ulyrie, consul avec Nevita, lui qui naguère reprochait

tas. Id enim a?quitate pensata statuerat placabilis Impe rator et clemens. Et hoec quidern postea gesta sunt.

Julianus vero agens eliam tum apud Naessum, curis altioribus stringebalur, multa ulrimque per'timescens : formidabat enim, ne clausorum mililum apud Aquilëiam repentino adsultu obseratis angustiis Alpium Juliarum, provincias et adminicula perderet, qua? exinde sperabat indies. Ilidemque opes-Orientis magnopere verebatur, audiens, dispersum per Thracias militem contra vim subitamcito coactum adventare Snccorum confinia, Comité Marciano ducenle. Sed tamen congrua instantium solliciludinum moli ipse quoque agitans, el'ficaciter Illyricum contrahebat exercitum, pulvere coalitum Marlio, promn tumque in certaminibus bellicoso jungi rectori. Nec privatorum ulilitates, in lemporeadflagranti despiciens, litesque audiens controversas, maxime municipalium ordinuni,ad quorum favorem propensior, injuste plures muneribuspublias adneclebal. Ibi Symmachum reperlum et Maximum senatores conspicuos, a nobilitate Icgalos ad Constanlium missos, exinde reversos honorifice vidit : et potiore poslhabilo, in locum Tertulli Maximum urbi proefeeit aîleruae, ad Rufini Vulcalii gratiam, cujus sororis eum filium noral. Hoc administrante alimentaria res abundavit, etquerela; plebis excitari crebro solita? cessaverunt. Tune, ut securitalem trepidis rébus adferrel, et obedientium nutriret fiduciam, Mamertinum proefectum proelorio per Illyricum


LIVRE XXI. 159

si durement à Constantin de prostituer les dignités à des barbares.

XIII. Tandis que Julien, un jour confiant, un jour inquiet, poursuivait son entreprise hardie, les rapports contradictoires que Constance recevait à Édesse de ses espions le jetaient dans une perplexité dont se ressentaient ses mesures. Tantôt il formait des partis pour battre la campagne, et tantôt songeait à donner à Rezàbde un nouvel assaut.Ilétait de la prudence en effet, au moment de porter ses armes vers le nord, d'assurer préalablement la défense de la Mésopotamie. Mais de l'autre côté du Tigre il y avait le roi de Perse, n'attendant pour le franchir qu'une réponse favorable des auspices, et qui, si l'on ne lui en barrait le passage, aurait bientôt poussé jusqu'à l'Euphrate. Connaissant d'ailleurs par expérience quelle était la solidité des murailles et la vigueur de la garnison, Constance hésitait à commettre ses soldats aux hasards d'un siège, quand il allait avoir besoin d'eux pour faire face à la guerre civile.

Il fallait cependant occuper les troupes , et ne pas se faire accuser d'inertie. Les deux maîtres généraux de l'infanterie et de la cavalerie furent donc envoyés en avant avec un corps considérable, mais avec l'ordre toutefois d'éviter tout engagement avec les Perses. Ils devaient se .borner à garnir la rive citérieure du Tigre, et à reconnaître sur quel point déboucherait l'impétueux monarque. De plus, il leur était spécialement recommandé, tant de vive voix que par écrit, de se replier aussitôt qu'une force ennemie tenterait le passage. Pour Constance, taudis que ses lieutenants couvraient la frontière, et

designavit consulem, et Nevitam ■■ qui nuper, ut primum augeuda? barbarica? vilitatis auctorem, immoderatè notaveral Constantinuin.

XIII. His ac talibus inter spem metumque nova negotia commovente, Constantius apud Edessam exploratorum relationibus variis anxius, inrationes diducebalur ancipiles, nunc ad concursatorias pugnas militem struens : nunc, si copia patuisset, obsidione gemina Bezabden àdgressurus : consultans prudenter, ne mox parles petiturus Arctoas, improtectum Mesopotamia? relinquerel latus. Verum consiliorum ambiguum retiuebant multipliées mora?, tardante transTigridem rege, dum movéri permutèrent sacra. Nain si permeatô flumine nullum, qui resistëret, invenisset, absque difficultale penetrarat' Euphraten : alioquin ad civilia bëllà custodiens militem, timebat eum periculis objectare cirpummuranis, firmitatenl mcenium munimenti defensorumque alaciitalem expertus.

Ne quiesceret tameri, neve condemnàretur inertia?, Arbetionem et Agilonem , pedestris equestrisque mililia? niagislros, cum agminibus maximis properare coegit : non lit lacesserent Versas in proelia, sed praîtenturis juncturos citeriorcs Tigridis ripas, el speeulaturos, quoham rex cruniperet violentus. Addebalque liionendo saepius et scribendo, ut, simulalque multiludo Iransire coepissèt liostilis, - referrent citiuspedem. Puniqieconîimitiajussacustodiunt

tâchaient d'éclairer les mouvements du plus fallacieux des ennemis, il se tenait prêt, avec le gros de l'armée, à prendre en personne l'offensive, et à couvrir tour à tour les places menacées. Eclaireurs et transfuges ( car il arrivait de ces derniers de temps à autre ) se contredisaient dans leurs rapports. C'est que chez les Perses le secret des plans n'est connu que des plus grands personnages, confidents impénétrables, et qui ont la religion du silence. Cependant ni Arbétion ni Agilon ne cessaient de conjurer l'empereur de venir les appuyer, protestant d'un commun accord qu'il ne fallait rien moins que le concours de toutes les forces pour soutenir le choc d'un aussi terrible adversaire.

Au milieu de ces embarras, surviennent coup sur coup des avis trop certains que Julien, d'une course rapide, a franchi l'Italie et l'Illyrie ; qu'il occupe le pas de SucqUes ; que de tous côtés lui arrivent des renforts, et, finalement, qu'il va tomber en force sur la Thrace. Ces nouvelles étaient désolantes. Constance se rassurait toutefois, en songeant à son bonheur continu contre les ennemis de l'intérieur. Mais le parti à prendre n'en était pas moins difficile. Il résolut de se porter d'abord où le péril était le plus menaçant, et de faire partir devant lui l'armée par convois successifs sur les voitures de l'État. Tout le conseil fut de cet avis, et le transport aussitôt commença par cette voie expéditive. Mais Constance apprit le lendemain que Sapor, ayant trouvé les auspices contraires, avait rebroussé chemin avec son armée. Délivré de cette crainte, il rappelle à lui tout son monde, sauf le corps destiné à la garde de la Mésopotamie, et retourne lui-même

duces, et occulta fallacissima?gentisobservantur, agens ipse cum parte validiori exercitus curabat urgentia, velut pugnalurus, oppidaque tuebalur excursu. Speculatores vero et transfuga? subinde venientes repugnantia prodebanl -. ideo futurorum incerti, quod apud Persas nemo consiliorum est conscius, proetef optimales taciturnos et fidos, apud quos Silentii quoque colitur numen. Accersebatur autem a memoralis ducibus Imperator adsidue, orantihus ferri sibi suppetias. Testabanlur ën'im, se non nisi coactis in unum viribus euhetis passe impetum régis ardentissimi sustinere.

Qua? dum aguhtur ita sollicite, nuntii percrebuere feertissimi] : quorum clara fide compertum est, Julianum Italiam et Illyricum cursu celebri praetergressum, claustra intérim occupasse Succôrum : accita undique proestolanteni auxilia, ut multitudine slipatus armorum pervaderet Thracias. Quo cognito, masrore offusus Constantius, solàtio uno sustenlabàtur, quod intèstinos semper superaverit motus : rë lariiën magnam ei difficultatem ad capessendum consiiium adferehte, id elegit potissimiim, ut vehiculis publicis imposilum paullatim pra?mitteret militem, imminent! casus àtrocitati velocius occursurUm. Omniumque consen'su adprobata sentehtia, pergebânt, ut pra?ceplum est, expediti. Eique ha?c dispùnenti luce postera nunI liatur, regem cum omni manu, quam duxerat, ad propria


100 AMMIEN MARCELLIN.

à Hiérapolis. Quel tour allaient, prendre les cho - ses? Dans son incertitude, et profitant de ce que l'armée se trouvait concentrée autour de lui, il voulut, par une harangue, raffermir le zèle de cette multitude pour le maintien de sou autorité. Centuries, manipules et cohortes sont convoqués au son des trompettes, et remplissent au loin la campagne. Lui, monté sur un tribunal qu'enloure une garde plus forte que de coutume, compose son visage à l'air de confiance et de sérénité, et leur adresse ce discours :

« Moi qui ai toujours si fort tenu à me montrer « irréprochable dans mes actes et dans mes pa« rôles; moi, si attentif à régler le gouvernail se« Ion le mouvement des flots, je suis forcé, mes « amis, à confesser en ce moment que j'ai failli; « disons mieux, que l'extrême bonté de mon coeur « m'a trompé sur le véritable intérêt de tous. « Pour comprendre l'objet de cette réunion , prê« tez-moitous, il le faut, une oreille attentive. . «A l'époque destroubles excités parMagnence, « et que votre valeur a réprimés, j'élevai Gallus, « neveu de mon père, à la dignité de César, et « lui confiai l'Orient à défendre^ La justice fut « par lui méconnue. Une suite d'actes détestables « ont attiré sur sa tête la rigueur vengeresse des « lois. Et plût à Dieu, pour le repos de l'empire, « que l'esprit de rébellion s'en fût tenu à cet essai ! « Le souvenir1'en est affligeant sans doute, mais il « semblait être un gage de sécurité. Cependant « une défection vient d'éclater, j'ose le dire, plus « déplorable encore ; défection que la Providence « va donner à vos bras la force de punir. Au morevertisse,

morevertisse, dirimentibus : lenitoque metu, revocalis omnibus, praeter eos, quos consueludo praîsidio Mesopolamia? deslinarat, reversus est Hierapolim. ,

Summa itaque coeptorum quorsum evaderet, ambigens, cum in unum exercitus convenisset, omnes cenlurias, et manipulos, et cohortes in concionem vocavit concinentilius tubis : oppletoque mullitudinis campo, ut eam ad firmanda promptius adigeret imperanda, Iribunali celso sistens, slipatoque solito densius, ba?c prosequutus est ad serenitalis speciem et fiducia? vullu formato.

Sollicilus semper, nequidrelevivelverbocommiltam inculpatoe parum congruens honeslali, utque cauius navigandi magisler, clavos pro fluctuum motibus erigens vel inclinons, compellor nunc apud vos, amanlissimi viri, conftleri meos errores, quin potius (si diei liceat verum) humanilalem, quam credidi negoliis communibus profuturam. Proinde, ut facilhis .sciri possii, quoe s'il hujus concilii convocandi maleria, accipitc quoeso oequis auribus et secundis.

Gallumpatruelemmeum, tempore, quo confundendis rébus perlinaciler Magnenlius inhoerebat, quem obruere veslroe virluies, potestate Coesaris sublimalum ad Orienlis praesidium misi : qui, cum a justitia permulla visu relaluque nef aria defecissel, arbitrio punilus est legum. Aique utinam hoc contenta essel invidia, turbarum acerrima concitatrix ! et angebat nos una sed secura doloris proeteriti recordalio. Al

>• ment même où vous repoussiez victorieusement « ces hordes sauvages qui frémissaient autour de « l'Illyrie, Julien, aux mains de qui j'avais remis « la garde des Gaules, Julien, enflé de quelques «faciles succès remportés sur des Germains « demi-nus, et poussé par une fureur aveugle « s'associe une poignée de ces hommes que la soif «du sang, l'avide espoir des dépouilles, jette <* dans les entreprises désespérées, et, au mépris « de toute justice, conspire avec eux le renverse« ment de l'État. Mais la justice est la mère et la c nourrice de cet empire ; par elle ces orgueilleux « projets seront mis au néant, et leurs coupables « auteurs punis. J'en ai pour garant ma propre •> expérience, et les exemples du passé tout en« tier.

« Que nous reste-t-il donc à faire, si ce n'est « d'affronter l'orage ; d'étouffer dans son germe, « avant qu'il ait pu se développer, cette rage « meurtrière? L'événement ne saurait être dou« teux. Le dieu qui punit l'ingratitude tournera « contre ces impies le fer préparé de leurs mains, " le fer dirigé par eux, sans provocation aucune, « contre celui qui les a comblés de bienfaits. Oui, « j'en ai l'intime confiance, et j'en atteste le pou« voir protecteur de la bonne cause : qu'une fois « nous nous trouvions en présence, et l'effroi va « les paralyser, et nul d'entre eux ne soutiendra « ni le feu de vos regards, ni le premier éclat de « votre cri de guerre. »

Ce discours allait droit aux passions des soldats. Us secouèrent leurs lances en signe de colère, et, protestant de leur affection, demandènunc

demandènunc ausim dicere, proeterilis moelhis, quod per fortitudinem vobis ingenilam adjumenlaccelestiacoercebunt. Julianus, quem, dumcircumfrementes Illyricum naliones cxleras oppugnalis, luendis proefecimus Galliis, levium confidentia proeliorum, quos cum Germanis gessii semiermibus, ut vecors elatus,adscitisin socielalemsuperbam auxiliaribuspaucis,ferilatespequeposlremaadperniciosamaudacimn promptis, in noxam publicam conspiravit, oequilate calcata, parente nulriceque orbis Romani : quam tumentes spiritus tamqitam favillas esse' facturant deinde, ut scelestorum ultrieem, et ipse experlus, et doconte antiquilale facile credo.

Quid igitur superest, nisi ut turbinibus excilis oc-, curramus ? suberescenlis rabiem belli, anlequampubescat validius, ■celerilalis rcmediis oppressuri. Nec enim dubium, favore numinis summi proesente,eujm perenni suffragio damnantur ingrali, ferrum impie proeparatum ad coruminlerilum esse vertendum, qui non lacessiti, sed aucti beneficiis pluribus, adinson- ' Uumpcricula surrexcrunl. VI enim mea mens auguralur, jusliliaque redis coAsiliis adfuturapromitlit, spondeo, quod, si venlum fuerit comminus, itapavore lorpescenl, ut nec oculorum veUrorum vibrato: lucis ardorem, nec barriius sonum perferantpyimwnOmnes

perferantpyimwnOmnes ha?c dicla ! sonlenliam suam, haslasque vibrantes irati, post mull., qua? benivole responderant,


LIVRE XXI. 161

rent à être menés sans délai contre le rebelle. Ces témoignages changèrent en joie les craintes de l'empereur. Il congédia promptement l'assemblée, et tout aussitôt fit prendre les devants à Arbétion avec les lanciers, les matliaires, et les troupes légèrement armées. Il supposait à ce chef la main heureuse, d'après ses précédents succès dans les guerres civiles. Guyomer, avec les Lètes, dut faire face au corps ennemi qui occupait le pas de Sucques. Ce dernier détestait Julien, pour l'affront qu'il avait reçu de lui dans les Gaules ; et c'est pour cette raison qu'il fut choisi.

XIV. Mais à ce moment solennel tout indiquait visiblement que l'astre de Constance avait pâli, et que l'heure fatale n'était pas éloignée. D'effrayantes visions troublaient le repos de ses . nuits. Une fois, dans le premier sommeil, l'ombre de son père lui était apparue, tenant un bel enfant dans ses bras. Constance avait pris l'en1 fant sur ses genoux ; mais celui-ci, lui arrachant un globe qu'il tenait à la main, l'avait jeté au loin. Évidemment ce songe pronostiquait une révolution, bien qu'on eût réussi à lui trouver une explication favorable. II échappa encore à Constance de se plaindre, dans un de ses plus intimes épanchements, de ce que certaine manifestation indéfinissable de la présence d'un être surnaturel, et dont il s'était fait une habitude, lui avait manqué tout d'un coup; ce qu'il interprétait comme la désertion de son bon génie, et l'annonce de sa fin prochaine. Effectivement c'est en métaphysique une opinion reçue,.qu'à chacun de nous, dès qu'il voit le jour, est associée une intelligence supérieure, d'essence divine, qui régit nos actions, sauf les lois

petebanl se duci protinus in rebellem. Qua gratia in la?- titiam Imperator versus ex metu, concione mox absoluta, Arbelionem ante alios faustum ad intestina bella sedanda ex anteaclis jam sciens, iter suum proeire cum lanceariis el Mattiariis, et calervis expedilorum praîcepit, et cum La?tis ilidem Gumoarium, venturis in SUccorum angustias opponendum, ea ré aliis antelatum, quod ut contemptus in Galliis, erat Juliano infestas.

XIV. In hoc rerum adversarum lumultu liaerens ejus

fbrtunajam et subsistens, adventare casum vita? difficilem,

difficilem, non loquentibus signis aperle monstrabat.

, Namqne et nocturnis imaginibus terrebatur, et nondum

penitus mersus in somnum, umbram viderai patris oblu.

oblu. pulcrum infantem : «unique susceptum et locatnm

', in gremio suo, excussam sibi projecisse longius sphaerani,

, quam ipse dextera manu gestabat. Id autem permutationem

permutationem indicabat, licet interprétantes placentia

, responderent. Post ha?c confessus est junctioribus proxit,

proxit, quod lamquam desolatùs secretum aliquid videre

, desierit, quod interdum adfuisse sibi squalidius existima'■

existima'■ : et putabalur Genius quidam tutela? salulis adpositus

^ eum reliquisse, mundo citius digressurum, Ferunt enim

"j tbeologi, in lucem editis hominibus cunctis, salva firmitate

'. fatali, hujusmodi quasdam velut actus reclura numiua soimmuablés

soimmuablés destin ; mais dont la présence est sensible seulement pour ceux que leurs vertus ont mis au-dessus du commun des hommes. Cette doctrine, s'appuie sur des oracles et sur d'imposantes autorités écrites, notamment sur les deux vers du poète Ménandre, que voici :

« Près de tout mortel se trouve à l'instant de « la naissance un génie familier, qui le guide dans « lavie. »

Telle est l'allégorie qui se cache dans les vers immortels d'Homère. Sous le nom des dieux de l'Olympe, ce sont les génies familiers de ses héros que le poète met en rapport avec eux, comme interlocuteurs, comme auxiliaires ou comme sauveurs. C'est à quelque mystérieuse intervention de ce genre que l'on s'accorde à attribuer la prééminence de Pythagore, deSocrate, de Numa Pompilius, du premier Scipion, et, suivant une tradition moins universellement répandue , celle de Marius, d'Octavien, qui porta le premier le nom d'Auguste, d'Hermès Trismégiste, d'Apollonius de Tyane et de Plotin. Ce dernier philosophe n'a pas craint d'analyser cette abstruse théorie, fet d'en souder les profondeurs. Il a expliqué le principe de cette connexité d'une essence supérieure avec l'âme humaine, dont elle prend charge, et qu'elle protège, en quelque sorte dans son giron jusqu'au terme assigné; l'élevant aux plus hautes conceptions quand elle le mérite par sa pureté, et par son union avec un corps exempt de toute souillure.

XV. Impatient, comme en tout ce qu'il désirait, d'en venir aux mains avec les révoltés, Constance s'empressa de gagner Antioche, d'où, ses apprêts terminés, il n'eut pas moins hâte de

. ciari, admodum tamen paucîssimis visa, quos multipliées auxere virtules. Idque et oracula et auctores docuere pra?- clari : inter quos est eliàm Menander comicus, apud quem ni senarii duo leguntur :

'Aîrav-ùt ôaïu-wv àvSpi cu(iTTapt(TTaTca Eùuoç yEvopivaj, (nwTayMyciç raû (3ïou.

Itidem ex sempilernis Homeri carminibus inlelligi daf urTl non deos coelestes cum viris fortibus colloquutos, nec ad- / fuisse pugnanlibus vel juvisse, sed familiares genios cum;' iisdem versatos, quorum adminiculis freli pra?cipuis Pythagoras enituisse dicitur et Socrates, Numaque Pompilius, et superior Scipio : et ut quidam éxistimant, Marius, et

* JOctavianus, cui Augusti vocabulum delatum est primo : Hermesque Termaximus el Tyaneus Apollonius, atque, Plotiuus, ausus qua?dam super hac redisserere myslica, alleque monslrare, quibus primordiis hi genii animis connexi mortalium, eas tamquam gremiis suis susceptas tuentur, quoad licitum est, doeentque majora, si senserinl puras, et a colluvione peccandi immaculata corporis socieiale discretas.

XV. Ingressus itaque Antiocbiam festinando Conslantius, ad motum certaminum^ivilium, ut soîebat, avide

' surrecliuus, paralis omnibus éxireproperabat imniodice.

/ AMM1EX.

II


162 AMMIEN MARCELLIN.

repartir. Rien des gens autour de lui trouvaient cette précipitation excessive, mais se contentaient d'en murmurer tout bas. Nul n'osait élever une objection, ou même insinuer un doute. L'automne était avancé quand il partit. A trois milles d'Antioche, près d'un village nommé Hippocéphale, il fit rencontre en plein jour d'un cadavre percé de coups. Le corps était à sa droite, tourné vers l'occident, et la tête était séparée du tronc. Ce présage remplit le prince d'effroi ; mais il s'entêta d'autant plus à courir au-devant de son sort.

A Tarse, il eut un léger accès de fièvre; et, croyant le dissiper par le mouvement, il poussa par un chemin très-difficile jusqu'à Mopsucrène, ville située au pied du Taurus, et la dernière station qu'on rencontre avant de sortir de Cilicie. Le lendemain, le mal empiré le retint, malgré tous ses efforts pour se remettre en route. Une telle ardeur embrasait ses veines, queson corps brûlait au toucher. Les secours de l'art manquant, il vit avec douleur la mort inévitable. On dit qu'ayant encore sa présence d'esprit, il désigna Julien pour son successeur. Le râle incontinent étouffa sa voix, et, après une longue agonie, il expira le 3 des nones de novembre, dans la quarantième année de son règne et de son âge.

Quand on eut rendu les derniers devoirs à sa dépouille, et donné à sa mémoire des larmes et des" regrets, les principaux, de la cour entrèrent en délibération sur le parti qu'il convenait de prendre. Quelques sourdes menées pour élire un empereur eurent lieu, dit-on, sous l'inspiration d'Eusèbe, que sa conscience alarmait sur le

renitentibus plnrimis murmure tenus : nec enim dissuadera palam audebat quisquam vel velare.' Autumno jam senescenle profectus, cum ad suburbanum venisset disjunclum exinde tertio lapide, Hippocephalum nomine, lucenle jam die cadaver hominisjnterfecti dextra jacens capile avulso conspexit, contra occiduum latus exlensum : tcrrilusqueomine, finem paranlibus fatis deslinatius ipse tendebat: venitqueTarsum, ubi leviorefebri contactas, ratusqueitinerario motu imminuta? valetudinis excuti posse discrimen, peliit per vias difficiles Mopsucrenas, Cilicia? ullimam bine pergenlibus slalionem, sub Tauri monlis radicibus positam : egrediquesequuto die eonatus, iiivalente moibi gravitate detenlus est : paullatimque urente calore nimio venas, ut ne langi quidem corpus ejus posset in modum foculi fervens,cumususdeliceietmedelarum, ultimuin spirans dellebal exilium : mentisque sensu lum etiam inlegro, successorem sua? polcslatis slatuisse dicitur Julianum. Deinde anhelitu jam pulsalus letali conlicuil : diuque cum anima collnctatus jam discessura, abiitévita III. Non. Octobi ium, imperii vitaeque anno quadragesimo el mensibus paucis.

Post qua?, supremiscum gemitu conclamatis, excilisque lamenlis et luclu : deliberabant locum obtinenles in aula regiaprimum, quid agerenl, quidve moliri deberenl : paucisque occulte super cligendo Imperalore lenlatis, incilanle, ut ferebatur, Eusebio, quem noxarum conscientia

compte qu'il avait à rendre. Mais, si près de Julien, aucune insinuation de ce genre ne pouvait prévaloir. On députa donc vers lui les comtes Théolaîphe et Aligilde, pour lui annoncer la mort de son parent, et le prier de se rendre sans tarder au désir de l'Orient, qui lui tendait les bras. Le bruit courait d'ailleurs que Constance avait laissé un testament où il instituait, comme nous l'avons dit, Julien son héritier, et désignait tels ou tels de ceux qu'il affectionnait le plus comme titulaires de legs ou de .fidéicommis. Sa femme, qu'il laissait enceinte, donna plus tard le jour à une princesse, qui fut nommée comme son père, et qui, parvenue à l'âge nubile, épousa Gratien. XVI. Une véridique appréciation de son caractère doit commencer par faire la part du bien. Toujours retranchée dans la morgue impériale, son âme haute et fière tenait toute popularité comme au-dessous d'elle. Il ne conféra les hautes dignités qu'avec une extrême parcimonie, et, ' sauf en un petit nombre de cas, nesouffrit aucune extension des avantages attachés aux charges publiques. I! sut contenir, l'arrogance militaire. Sous son règne on ne vit pas de promotion au titre d'illustrissime, bien qu'à notre connaissance celui de perfeclissime ait été quelquefois concédé. Un recteur de province alors n'était pas tenu d'aller au-devant du maître général de ,1a cavalerie ; et ce dernier n'avait droit d'intervenir dans aucune partie de l'administration civile. Mais, militaire ou civile, toute autorité s'inclinait , avec le respect du vieux temps, devant la prééminence du préfet du prétoire. Il fut ménager du soldat jusqu'à l'excès. Rigide appréciateur

stimulabat, cum novandis rébus imminens obsisleret Julianus; mittuntur ad eum Tlieolaiphus et Aligildus, tune Comités, mortem indicanles propinqui, et orauiri, ut mora omni depulsa ad obtinendum oblemperare sibi paratum tenderet Orientem. Fama tamen rumprque loquebalur incertus, Constantium voluntatem ordinasse postremam : in qua Julianum, ut praîdiximus, scripsit heredem : et iis quos diligebat, fideicommissa delulit el legata. Uxprern autem proegnantem reliquil, unde édita posthuma, ejusque nomine adpellata, cum adolevisset, matrimonii jure copulata est Graliano.

XVI. Bonorum igitur vitiorumque ejus differentiaverc servata, pra?cipua prima conveniet expediri. lmperatoria; aueloritalis colhurnum ubique custodiens, popularitatem elalo animo conlemnebat et magno : erga tribuendas celsiores dignitates impendio parcus : niliil circa administralionuin augmenta praeter^pauca novari perpessus : numquam erigens cornua mililarium. Nec sub co dux quisguam cura clarissimatu proveclus est. Erant enim, ut nos quoque meminimus, Perfeclissimi : nec occurrebat magistro equilum provincia? rector, nec conlingi ab eo civile negolium permittebat. Sed cunctac castrenses et ordinaria? poteslates, nt bonorum omnium apiçem, prisca? reverenlia? more praîfectos semper suspexere praelôrio. In conservando milite nimium caulus -. examinator merilor.um nonnumquam subscruposus, palatinas dignitates vèlut ex quodam tri-


LIVRE XXI. £63

du mérite, il ne conféra de charge au palais qu'après avoir, pour ainsi dire, pesé, la balance en main, tous les titres : nul n'arriva d'emblée sans avoir fait ses preuves. D'avance on savait à qui était dévolu, après dix ans de services, le titre de trésorier, de maître des offices, ou tel autre emploi que ce fût. Très-rarement se rencontra-t-il qu'à celui qui avait porté les armes fût confié le maniement des affaires civiles ; mais nul, sans un long apprentissage du métier de soldat, n'obtint jamais l'honneur de lui commander.

Constance était grand amateur des lettres ; mais son génie n'était point dirigé vers l'éloquence, et ses essais en poésie ne furent pas plus heureux. Son régime de vie était frugal et sobre. Il dut à sa modération dans les repas de n'être que très-rarement malade, bien qu'il ne le fût jamais sans danger pour ses jours. L'expérience, d'accord avec la théorie médicale, prouve qu'il en est ainsi d'ordinaire chez les personnes qui s'abstiennent d'excès. Il savait au besoin prendre sur son sommeil, / et se montra constamment chaste au point qu'il ' ne fut pas même soupçonné d'intimités contre i nature; vice, on le sait, que la malignité prête 1 à tout hasard aux grands, par la seule raison qu'ils | peuvent tout. Excellent cavalier, il maniait le ja*• vclot, et l'arc surtout, avec une adresse merveilleuse, et n'était pas moins habile aux exercices de l'infanterie. Je ne répéterai pas ici ce qu'on a dit tant de fois de son habitude de ne cracher, ni se moucher, ni tourner la tête en public, non plus que de son abstinence de toute espèce de fruits. Je viens d'énumérer tout ce qu'on lui connut de bonnes qualités; passons maintenant les maubuens

maubuens : et sub eo nemo celsum aliquid aclurusin

aclurusin repentinus adbibitus est vel incoguitus :

sed qui post decennium officiorum magisterium, vel largiliones.Tel

largiliones.Tel quidquam esset recturus, apertissime

uoscebalur. Valdeque parum contigerat, ut militarium

aliquis ad civilia >cgenda transiret : contraque non nisi

pulvere bellicp indurali praeficiebantur armatis. Doctrinarum

Doctrinarum adseclator : sed cum a rhetorica per ingenium

ingenium oblunsum, ad versificandum transgressus,

transgressus, opéra? pretium fecit. In vita parca et sobria,

edendi potandiqUe moderatione valetudinem ita relinuit

firmam, ul raros colligeret morbos, sed eos non procul a

vila? periculis : id enim evenire corporibus a lascivia demotis

demotis luxu, diuturna expérimenta et probationes mei

mei monslrarunt. Somno contentas exiguo, cum id pos- ;

; cerel tempus et ratio : perque spalia vita? longissima

; impendio caslus, ut nec mare ministro saltem suspiciope

i tenus posset rédargui j quod çrimen, etiamsi non invenit

t uialignilas.fingitinsummarumUcentiapotestatum. Equij

Equij etjaculandi, maximeque perite dirigendi" sagiltas,

j artiumque armatura? pedestris perquam scicnlissimus.

0 Quod aulem nec tersisse umquam nares in publiço, nec ;

^ spuisse, nec transtulisse in parlem alterulram vultum

,i aliquandq visus est, nec pomorum quidquam, quoad vi!(

vi!( gustaverit, ut dicta sa?pius proetermilto.

vaises en revue. Pour peu qu'il fût sur la voie d'une accusation d'aspirer au trône, si frivole ou même absurde qu'en fût le prétexte, il ne lâchait plus prise, et en suivait le fil sans fin ni terme, ne reculant devant aucun moyen, qu'il fût légitime ou non, d'arriver à son but. Et ce prince, qu'à tout autre égard on pourrait ranger parmi les modérés, surpassait alors en atrocité lesCaligula, les Domitien, les Commode^La façon dont il se défit de ses pare