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Titre : Almanach de la littérature, du théatre et des beaux-arts : contenant des articles littéraires, des notices biographiques, des anecdotes ; le tableau des académies et sociétés académiques, des associations d'artistes et de gens de lettres ; la liste des théâtres et des musées de la France et de l'étranger ; l'indication de toutes les pièces nouvelles et des principales publications de l'année, etc., etc. : précédé d'une Histoire littéraire de l'année, par M. Jules Janin : illustré de beaux portraits de littérateurs et d'artistes

Éditeur : Pagnerre (Paris)

Date d'édition : 1864

Contributeur : Janin, Jules (1804-1874). Collaborateur

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34398182p

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34398182p/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 1864

Description : 1864 (A12).

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k58621669

Source : Bibliothèque nationale de France, département Littérature et art, Z-40186-40188

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 25/07/2011

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12e ANNÉE.

ALMANACH

1864

DE LA LITTÉRATURE

DU

ET DES BEAUX-ARTS,

CONTENANT

LE SALON DE 1863,

ARTICLES LITTÉRAIRES. — NÉCROLOGIE DES ÉCRIVAINS ET ARTISTES MORTS

DANS LE COURS DE L'ANNÉE, — ACADÉMIE, — ANECDOTES DU THÉATRE, DE LA LITTÉRATURE

ET DES BEAUX-ARTS, ETC., ETC.;

PROCÉDÉ D'UNE

HISTOIRE LITTÉRAIRE ET DRAMATIQUE DE L'ANNÉE, PAR M. JULES JANIN.

ILLUSTRÉ DE VIGNETTES ET PORTRAITS.

PARIS.

PAGNERRE, LIBRAIRE-ÉDITEUR,

RUE DE SEINE, 18.


ARTICLES PRINCIPAUX

DE L'ANNUAIRE POUR L'ANNÉE 1864.

Année de la période Julienne 6577

Depuis la première Olympiade d'IphiTus jusqu'en juillet 2640

De la fondaTion de Rome selon Varron (mars) 2617

De l'époque de Nabonassar depuis février 2011

De lA naissance de Jésus-Christ 1864

L'année 1280 des Turcs commence le 18 juin 1863, et finit le 5 juin 186 4.

Comput ecclésiastique.

Nombre d'or en 1864 3

Épacte XXII

Cycle solaire 2;5

Indiction romaine 7

Lettre dominicale C. B.

Quatre -Temps. Les 17, 1 9 et 20 février. Les 18, 20 et 21 mai. Les 21, 23 et 24 septembre. Les 14, 1 6 et 17 décembre.

Fêtes annuelles et mobiles.

La Septuagésime 24 janvier.

Les Cendres 10 février.

PAQUES 27 mars.

Les Rogations 2, 3 et 4 mai.

L'ASCENSION 5 mai.

LA PENTECOTE 15 mai.

La Trinité 22 mai.

LA FÊTE-DIEU 26 mai.

L'Avant. 27 novembre.

Saisons.

Le PRINTEMPS commencera le 20 mars, à 8 heures 19 minutes du matin. L'ÉTÉ commencera le 21 juin, à 5 heures 1 minute du matin. L'AUTOMNE commencera le 22 septembre, à 7 heures 25 minutes du soir. L'HIVER commencera le 24 décembre, à 1 heure 13 minutes du soir.

Éctîpses.

Le 5 mai 1864, ÉCLIPSE DE SOLEIL, invisible à Paris.

Le 30 octobre 1864, ÉCLIPSE ANNULAIRE DE SOLEIL, invisible à Paris.


ALMANACH DE LA LITTÉRATURE, DU THÉATRE, ETC. 3

JANVIER a 31 jours.

La lune a commencé le 11 déc. 1863 et finit le 8 janvier 1864.

Les jours croissent de 22 m. le mat.

et de 43 m. le soir.

Le 15, 8 heures 37 minutes le jour,

15 heures 23 minutes de nuit.

FÉVRIER a 29 jours.

La lune commence le 9 janvier et finit le 6 février.

Les jours croissent de 49 m. Je mat.

et de 47 m. le soir.

Le 15, 10 heures 6 minutes de jour,

13 heures 54 minutes de nuit.

MSARS a 31 jours.

La lune commence le 7 février et huit le 7 mars.

ce jours croissent de 1 h. 4 min, le

matin et de 47 m. le soir. Le 15, 11 heures 49 min. de jour, 12 heures ! I minutes de nuit.


4, ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

AVRIL a 30 jours.

La lune commence le 8 mars et finit le 5 avril.

Les jours croissent de 57 m. le mat.

et de 44 m. le. soir.

Le 15, 13 heures 39 min. dejonr.

10 heures 21 minutes de nuit.

MAI. a 31 jours

La lune commence le ti avril et finit le 5 mai.

Les jours croissent de 39 m. le mat.

et de 39 m. le soir.

Le 15 , 15 heures 13 min. de jour,

8 heures 47 minutes de nuit.

JUIN a 30 jours.

La lune commence le 6 mai et finit le 3 juin.

Leu j. cr. jusqu'au 23 de 6 m. le mat.

et de 13 m. le soir.

..e 15, 16 heures 5 minutes de jour,

7 heures 55 minutes de nuit.


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 5

JUILLET a 31 jours.

La lune commence le 4 juin et finit le 3 juillet.

Les jourS décrois.; de 32 m. le mat.

et de 28 m. le soir.

Le 15, 15 heures 42 min. de jour,

8 heures 18 minutes de nuit.

AOUT a 31 jours.

La lune commence le 4 juillet et finit le 1er août.

Les jours décroiss. de 43 m. le mat.

et de 55 m. le soir.

Le 15, 14 heures 19 min. de jour,

9 heures 41 minutes de nuit.

SEPTEMBRE a 30 jours.

La lune commence le 2 août et finit le 31 août.

Les jours décroiss. de 43 m. le mat.

et de 1 h. 2 m. le soir.

Le 15, 12 heures 33 min. de jour,

11 heures 27 minutes de nuit.


6 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE, DU THÉÂTRE, ETC.

OCTOBRE a 31 jours.

La lune commence le Ier octolne et finit le 29 octobre.

Les jours décroiss. de 47 m. le mat.

et de 59 m. le soir.

Le 15, 10 heures 47 min. de jour,

13 heures 13 minutes de nuit.

NOVEMBRE a 30 jours.

La lune commence le 30 octobre et finit le 28 novembre.

Les jours décroiss. de 45 m. le mat.

et de 34 m. le soir.

Le 15, 9 heures 7 minutes de jour,

14 heures 53 minutes de nuit.

DÉCEMBRE a 31 jours.

La lune commence le 29 novembre et finit le 27 décembre.

Les jours décroiss. de 22 m. le mat.

et de 4 m. le soir.

Le 15, 8 heures 13 minutes de jour,

15 heures 47 minutes de nuit.


L'ANNÉE

LITTÉRAIRE ET DRAMATIQUE.


THÉATRE DE LA GAITÉ. (3 janvier 1 863). — Philidor, comédie-drame en cinq actes, précédé de L'Héritage d'un

pauvre homme, prologue, par M. Joseph BOUCHARDY.


HISTOIRE

LITTÉRAIRE ET DRAMATIQUE

DE L'ANNÉE.

LES LIVRES.

La présente année a glorieusement payé sa dette à la grande histoire; elle a vu paraître, entouré de l'unanime assentiment de l'Europe, le dernier tome du Consulat et l'Empire; et dans ce couronnement d'un si grand travail, digne résumé de sa vie, le grand historien s'est surpassé lui-même. Aussi bien le succès, cette fois encore, est digne de l'oeuvre, et nous avons vu le monde attentif à l'éloquent récit de cette grande chute de l'empereur Napoléon, où la sympathie et la justice ont tenu une place égale. Désormais, l'oeuvre est complète-, elle a réuni tous les suffrages-, chaque jour ajoute à l'importance, à l'intérêt, nous avons presque dit à la majesté de celle histoire, où le poëme épique est entré par ses côtés splendides. Voilà comment l'année 1863 n'a rien a demander a ses devancières, et rien a redouter des années a venir.

Certes, M. Pierre Clément n'est pas un historien à la taille de M. Thiers, mais il a publié un livre ingénieux et curieux sur le grand ministre Colbert. Richelieu, Mazarin; Louvojs, étaient jusqu'alors comme autant de puissances surnaturelles auxquelles il était presque aussi difficile de toucher, qu'au roj Louis XIV, qui en avait fait autant d'instruments de sa toute-puissance. Cette fois enfin, grâce à M. Pierre Clément, nous pouvons suivre à travers tous ces nuages, non-seulementnt. de Colbert, mais encore son maître et seigneur, M. le cardinal de Mazarin, qui recommandait Colbert au roi Louis XIV avant de mourir. Le 12 avril 1650, Colbert, ayant à parler du ministre tout-puissant, ne se gêne guère pour l'accuser d'irrésolution au degré suprême : « Je ne sçais si cela ne provient pas que deux affaires ne peuvent trouver place dans son esprit, et que, quand l'une est un peu pressante, elle efface l'autre; et quoy que la mémoire tasse pour l'y remetlre de temps en temps, la place estant remplie, elle ne peut mettre le pied que sur


10 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

le seuil de la porte, d'où elle est rechassée immédiatement. » Mazarin portait celle indécision non-seulement dans la politique, mais encore dans les opérations militaires ; car il paraît que, se souvenant qu'il avait servi autrefois, Mazarin avait l'amour-propre de diriger dès armées; ce n'était pas sans inconvénient, comme le prouve celle lettre : « Vous avez sçn, écrit Colbert à Le Tellier, le 23 juin 1650, qu'il (Mazarin) arriva hier icy de l'armée, et qu'il y retourne demain, a dessein de la faire agir puissamment. L'effet de sa présence est qu'il dégouste fort tous les officiers généraux, et qu'il les détache pour ainsi dire de zèle et d'affection pour le service, en sorte que celte armée, qui du consentement de tous les généraux est composée de 20,000 hommes effectifs, les meilleurs de l'Europe, et qui devroit faire quelque chose de considérable si elle étoit bien commandée, ayant a agir contre une armée qui est dans un Irès-grand désordre et nécessité, demeure là presque sans rien faire, sans mesme envoyer aucun party pour apprendre des nouvelles. »

Si le cardinal de Mazarin était irrésolu, en revanche M. de Colbert n'était pas ce qui s'appelle un homme désintéressé. Il n'a pas attendu qu'il fût devenu le premier ministre pour pousser sérieusement à sa fortune, et déjà, a la date du 16 juin 1631, nous le voyons demander sans cesse et sans fin, pour lui et pour les siens, tout ce qui se présente : abbayes, régiments, charges, gouvernements. La prébende de Bugny vient-elle à vaquer, il la demande pour un de ses frères qui est bachelier de Sorbonne; trois acheteurs se présentent pour les charges de secrétaire des commandements et d'intendant de Monsieur; il sollicite une gratification sur le prix de ces charges; c'est, dit-il, la première! En réalité, c'est la quatrième ou la cinquième; notez qu'il a déjà obtenu une lieutenance au régiment de Navarre pour un de ses frères; un emploi dans le tiers des prises pour lui donner l'occasion de servir le cardinal, et en même temps « d'espargner son revenu v. L'abbaye de Notre-Dame la Grande, de Poitiers, de 1.800 livres de rente, serait un joli morceau à joindre au bénéfice de 800 livres que possède déjà son frère; quant à lui, il s'accommoderait fort de la charge de capitaine de la volière des Tuileries, a cause du logement qu'elle donne proche le Louvre. Sur le bruit de la mon de M. de Nantes « qui a deux petites abbayes et deux prieurés», il s'empresse de solliciter celle portion de la succession du prélat : « L'on m'a donné avis de la maladie de l'abbé de Saint-Martin de Nevers, qui est fort âgé. Son abbaye, écrit-il au cardinal, vaut 3,000 livres de rente. Dans le dessein que Votre Eminence a de prendre ce duché, cette abbaye seroit fort à ma bien-


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 11

séance. » Nous trouverions à chaque instant dans la correspondance des demandes du même genre. Au moment où l'on forme la maison de la reine Marie-Thérèse, la charge de secrétaire des commandements fut accordée à Colbert, qui, après des sollicitations réitérées, obtint l'autorisation de la vendre au prix de 500,000 livres, près de deux millions et demi d'aujourd'hui.

N'allons pas plus loin. Ce petit livre est fait pour signaler les grands ouvrages , beaucoup plus que pour en donner l'analyse et le commentaire.

En. même temps, l'historien de la révolution française, M. Louis Blanc, tout rempli de l'énergie et de la grandeur des temps qu'il raconte, ajoute un nouveau tome à son Histoire de la Convention nationale, et, quelle que soit l'impression du lecteur, qu'il accepte sans hésiter les conséquences d'un pareil livre, ou qu'il reste ébloui et confondu dans la commune terreur, force est de reconnaître, à la lecture de ces pages solennelles, d'un accent si terrible et si vrai, que cet homme est un véritable historien. Comme un juste corollaire à la Révolution de M. Louis Blanc, nous avons eu les Mémoires sur Carnot, publiés par son digne fils. La révolution gronde encore, la terreur remplit la cité, mais les armées courent aux frontières, et nos soldats s'en vont les pieds nus, chantant la Marseillaise aux peuples épouvantés. — Un très-habile observateur des petits faits de l'histoire, M. Jules Renouvier, a complété ses grands travaux par une excellente Histoire de l'art pendant la Révolution. Là vous trouverez l'influence toute-puissante du grand peintre David, et les premiers efforts des artistes nouveaux pour remplacer cet art éphémère et charmant, qui nous venait de madame de Pompadour.

Nous avons aussi sur notre liste historique l'Histoire des temps modernes, par M. Victor Duruy, un homme habile à jeter le grand jour sur toute chose, un professeur autant qu'un historien, écrivant pour démontrer, racontant pour raconter. — Puis l'Histoire d'Attila, par M. Amédée Thierry, que précèdent incessamment la gloire et les chefsd'oeuvre de son frère Augustin Thierry. — Un livre intéressant, curieux, bien fait, les Princes de l'Europe au seizième siècle, par Armand Baschet, nous a fait pénétrer dans les secrets, disons mieux, dans la gloire et dans les vertus (le mol n'est pas trop fort) de la république de Venise. On y voit enfin ces grands politiques, calmes et sérieux, lorsque chaque année ils viennent rendre compte au sénat de Venise de leurs missions dans les diverses cours de l'Europe.

Un poëme épique, un vrai poëme, écrit par une plume heureuse,


12 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE

éloquente, enthousiaste, la plume de M. Viennet, qui publiait son poëme le jour où lui-même il touchait à sa quatre-vingt-cinquième année.

Ce poëme épique est intitulé la Franciade; il remonte aux temps les plus reculés de notre histoire, et tout de suite un grand combat s'établit, sur la Seine ensanglantée, entre le roi d'Albion et les défenseurs de Lutèce. En ce moment, gloire au dieu Mars ! Les pirates sont vaincus, leur flotte au loin est chassée-, il faut qu'un dieu de l'Iliade, Neptune, vienne en aide aux pirates. D'un coup de son trident le bâtisseur de Troye a l'ail surgir une île immense an milieu de l'Océan, dont le flot gronde et se plaint d'une voix plus haute que le flot bruyant de la Méditerranée aux oreilles du vieux Chrysès, le prêtre d'Apollon.

Cependant les Cettes et les Troyens de Lutèce amènent à la pointe de la Cité, où s'élèvera plus tard Notre-Dame de Paris, les épaves de ce grand naufrage : un vaisseau de pirates, le cheval de guerre et le frère du roi vaincu. Déjà même, à la volonté des druides que nous avons entrevus dans les Martyrs, un sacrifice horrible va s'accomplir sur nos rives triomphantes; mais Francus, le chef des Francs, ne veut pas d'une victime humaine pour célébrer sa victoire. En ce moment, nous saluons Francus, disons mieux, Astyanax, le fils d'Andromaque, enfant pleuré par des larmes sanglantes.

Celle rencontre inespérée d'Astyanax, le jeune enfant qui se jetait dans les bras de sa nourrice, « épouvanté du terrible panache », est une rencontre héroïque, et pas un lecteur qui ne se souvienne à ce nom charmant des paroles du divin Hector : « O dieux et déesses! accordezmoi que cet enfant, marchant sur mes pas, soit revêtu de force et de sagesse, et que les peuples, saluant leurs victoires, s'écrient sur son passage : « Il est plus vaillant que le.roi son père ! » M. Viennet a parfaitement entendu et réalisé cette ardente prière! Il a couvert de gloire et d'honneur ce précieux rejeton que son père Hector embrassait avant de tomber sous les pieds d'Achille.

Il ne pouvait pas donner à la nation française une plus glorieuse origine, et les descendants de Francus ont tenu, compte au poète de son admiration et de celle ardeur belliqueuse, qui commence aux premiers combats de la monarchie et s'arrête à peine aux premières victoires de l'empereur Napoléon.

L'Histoire de Jane Grey par M.. Dargaud, a fait verser bien des larmes. Cet homme excelle à comprendre, à deviner les mystères de l'histoire; il est habile à les mettre en oeuvre, et quand il rencontre une héroïne exposée à toutes les violences, à toutes les tyrannies, il l'entoure à la fois de sympathie et,de respect.


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 13

Ici, nous rencontrons la partie à coup sûr la plus importante de la production littéraire, et nous voilà tout de suite au milieu des romans et des romanciers de la présente année. On ne les compte pas, ils sont innombrables; chaque jour apporte un nouveau roman au peuple frivole des oisifs, et le philosophe épouvanté se demande à quelle nation est destiné un pareil amas de rêveries. Non pas que le talent manque, ou le style et l'invention; ce qui manque, c'est la modération, la prudence et le bon sens parmi les inventeurs.

Salammboo, par exemple, qui fut le grand événement de cette année, a la prétention de remplacer les Misérables; Salammboo est une des compositions les plus étranges et les plus incroyables qui aienl traversé la littérature d'un grand peuple. Hélas! que d'orgies, que de vin et de sang répandu, que de peuples barbares, que de souillures!

« Ils se lançaient, par-dessus les tables, les escabeaux d'ivoire et les spatules d'or. Ils avalaient à pleine gorge tous les vins grecs qui sont dans des outres, les vins de Campanie enfermés dans des amphores, les vins des Cantabres que l'on apporte dans des tonneaux, et les vins de jujubier, de cinnamome et de lotus. Il y en avait des flaques par terre où l'on glissait. La fumée des viandes montait dans les feuillages avec la vapeur des haleines. On entendait à la fois le claquement des mâchoires, le bruit des paroles, 'des chansons, des coupes, le fracas des vases campaniens qui s'écroulaient en mille morceaux, ou le son limpide d'un grand plat d'argent. »

Et plus ces salariés de la guerre et du pillage étaient semblables à des bêtes féroces gorgées de viande, et plus ils restaient frappés de stupeur à l'aspect de Salammboo la prêtresse, dont voici le portrait ramassé dans les débris de Carthage et de ses autels :

« Sa chevelure, poudrée d'un sable violet, et réunie en forme de tour selon la mode des vierges Cananéennes, la faisait paraître plus grande. Des tresses de perles attachées 1 à ses tempes descendaient jusqu'aux coins de sa bouche; rose comme une grenade entr'ouverte. il y avait sur sa poitrine un assemblage de pierres lumineuses, imitant par leur bigarrure les écailles d'une murène. Ses bras, garnis de diamants, sortaient nus de sa tunique sans manches, étoilée de fleurs rouges sur un fond tout noir. Elle portait entre les chevilles une chaînette d'or pour régler sa marche, et son grand manteau de pourpre sombre, taillé dans une étoffe inconnue, traînait derrière elle, faisant à chacun de ses pas comme une large vague qui la suivait.»

Le roman marche ainsi, à travers toutes sortes d'hécatombes, jusqu'à l'heure où Carthage, la honte des nations, pour se délivrer de ses


14 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

mercenaires, les abandonne à toutes leurs fureurs. Les voilà qui se tuent les uns les autres, et rien n'est épouvantable à voir comme ces batailles qui n'ont rien d'épique, et partant, rien d'humain :

« La terre, en de certains endroits, disparaissait sous les boucliers; des charognes de chevaux se suivaient comme une série de monticules; on apercevait des jambes, des sandales, des bras, des cottes de mailles et des têtes dans leurs casques, maintenues par la mentonnière et qui roulaient comme des boules; des chevelures pendaient aux épines; dans des mares de sang, des éléphants, les entrailles ouvertes, râlaient couchés avec leurs tours; on marchait sur des choses gluantes, et il y avait des flaques de boue, bien que la pluie n'eût pas tombé. »

A ces comptes, Salammboo, le roman de M. Flaubert, fut un véritable événement; l'attention publique appartenait à la terrible et charmante prêtresse. On inventa des couleurs qui portaient le nom de Salammboo; pas un bal travesti où quelque dame, hardie et bien faite, ne se montrât sous la tunique transparente de la fille d'Amilcar. On ne parlait que de Salammboo, la soeur du jeune Annibal, puis bientôt on n'en parla plus. C'est la loi, c'est le destin. L'excès n'a pas longtemps à vivre. Aujourd'hui, la foule et le bruit lui appartiennent ; le lendemain, plus d'affaire; on quitte Salammboo pour passer à Madelon; le gentil esprit de M. Aboul remplace heureusement la déclamation carthaginoise de M. Flaubert. « Mais c'est donc une couleuvre que ce petit serpent-là?» Celle parole du comte Almaviva servirait très-bien d'épigraphe à Madelon. C'est un être à part, plein de dangers, de sourires, de menaces, de caresses. Pluie et rayon, sourire et morsure; elle a tout appris, même à dormir; sa mère la battait à outrance, si par malheur elle dormait en faisant la grimace. Ainsi, même en songe, elle était précieusement adorable; elle jouait la comédie au moment où les comédiennes oublient de la jouer! Songez donc si elle était dangereuse, une fois éveillée! Elle aimait les perles, beaucoup mieux que la reine Cléopâtre, et elle les avalait sans les fondre. Autour d'elle, (une torche!) arrivaient les riches, les oisifs, les enfants, les jeunes gens, les vieillards, les sages, les fous, les écerveiés. Le plus prudent y perdait sa prudence, et le plus sage y laissait sa sagesse. Elle était une ronce, une épine, une fleur; elle était le piége, elle était l'oiseau; elle tenait, en sa main frêle, une coupe étrange, et, dans celte coupe, elle mêlait les rosées de tous les deux aux vins de toutes les collines. Puis, la coupe remplie, elle y portait à peine une lèvre indolente, et jetail le reste aux passants.

Quand elle eut, à Paris même, au beau milieu du coupe-gorge uni-


DU THÉATRE ET DES BEAUX-ARTS. 15

versel, lotit grignotté, tout souillé, tout gaspillé, et qu'il n'y eut plus pour elle, en ce Paris de sa dévastation, assez de velours, de dentelles et de gaspillage des âmes et des consciences, Madelon entreprit de dévorer toute une province à la croque au sel; non pas une des provinces du Midi, gueuse et parfumée à la façon de Madelon, mais une sérieuse province des frontières du Nord, quasi-allemande, et qui, certes, devait se croire à l'abri des Madelons. Cependant la dame arrive, au bras de l'usurier de cette province infortunée. Il était seul à la pressurer, ils sont deux maintenant, elle et lui, et les voilà qui se mettent à l'oeuvre. O pays malheureux ! familles déshonorées! malheureux peuple en proie aux griffes de Madelon et de son mari ! Rien n'échappe à leurs convoitises; ils changent les forêts en broussailles ; la prairie en marécage, et la ville en prison. Ils arrachent sa charrue au laboureur, son toit de chaume au paysan ; ils mesurent le vent au moulin qui tourne, l'eau à l'écluse, et le pain bis au mendiant. Deux vautours, mâle et femelle, celte femme et le mari-Madelon, et puis, tout d'un coup, car elle est bête, sotte et sans logique, il advient que Madelon s'en va loin de sa proie; elle renonce aux coupes sombres, au coffre-fort du Madelon mâle, et, contente d'emporter avec elle la joie et l'honneur d'une honnête maison, dont les portes ont refusé de s'ouvrir pour la recevoir, la drôlesse arrive à Venise, avec un père de famille dont elle a fait son dernier complice. Et là, courtisane au visage taré, coquine empanachée et voleuse, elle tend aux passants des cartes biseautées. Madelon triche au jeu pour quelques écus, après avoir dévoré toute une province. Autour de Madelon, rien que des ruines; le pillage a moins de violence, cl l'incendie a plus de pitié. Il ne manque à celte Madelon, pour qu'elle soit complète, que le dénoûment d'un livre intitulé Une drôlesse. Elle est de l'an passé, celte drôlesse. Arrivé à la fin de son livre, l'auteur nous montrait celte autre Madelon, devenue une gourgandine

de I' armée française, qui dévalisait les mourants et les morts, aux funèbres clartés de la lune de décembre.... Il n'est rien d'impossible aux Madelons.

Quand donc vous voyez les plus rares esprits de nos jours écrire avec tant de zèle et de soin des romans de si longue haleine, il y aurait mauvaise grâce à vous étonner que les meilleurs critiques de ce temps-ci fissent l'honneur aux romanciers de raconter ce qui se passe au milieu de leur drame de chaque jour. Lui-même un maître habile a reconnaître les signes du temps, M. Prévost-Paradol n'a pas dédaigné de raconter le Marcomir de M. Assolant el le Comte Kostia de M.' Victor Cherbuliez :


16 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

« Les descriptions (le Comte Kostia), les portraits et les conversations sont les meilleures parties de ce livre et portent la marque d'un véritable talent; mais ce qu'il y a de chimérique dans le développement des caractères et dans la conduite de l'action met bientôt ma! à l'aise le lecteur le mieux disposé. M. Victor Cherbuliez, qui est un écrivain de talent et qui a reçu, avec le don d'imaginer, celui de peindre, ne peut manquer de rencontrer un vrai succès le jour où, renonçant à piquer noire curiosité par des moyens extraordinaires, il cherchera dans les réalités de la vie le moyen de nous intéresser et de nous émouvoir.

» Voici, en revanche, un jeune écrivain qui a saisi sur le vif le sujet de ses récits, et qui débute dans le roman de la façon la plus heureuse, en mêlant la peinture fidèle de la vie du monde et l'observation clairvoyante des caractères à une rare délicatesse de sentiments. Des diverses nouvelles que M. Arthur Baignères a réunies sous le titre d'Histoires modernes, la seconde, le Chevalier de la joyeuse figure, me paraît la plus heureuse par le choix du sujet et par l'exécution. Il y a une vérité frappante dans le caractère et dans les actions des personnages de ce petit drame si naturel et si touchant; on ne peut le lire sans être ému, et il est permis d'attendre beaucoup de celui qui a su tirer d'une situation presque vulgaire, à force d'être connue, des effets si nouveaux et si heureux. C'est que M. Baignères est inspiré dans ce court récit par autre chose que le goût de raconter et de peindre; il a voulu très-sérieusement et très-sincèrement nous intéresser à la bonne cause et discréditer à nos yeux la mauvaise. On ne peut s'empêcher d'applaudir un jeune romancier qui, doué de tout ce qu'il faut pour plaire et déjà habile à peindre les passions, n'a pas même l'idée de hâter le succès aux dépens des sentiments honnêtes et prend résolument parti pour le bien dès ses premiers écrits; advienne que pourra! M. Arthur Baignères n'a pas à se repentir d'avoir suivi ce bon instinct; son premier volume est accueilli avec grande faveur par le public; c'est un succès de bon aloi, présage de beaucoup d'autres. — C'est encore un romancier honnête qui vient de nous donner l'Avare et son trésor. Mais celui-ci n'est plus à introduire auprès du public. M. Xavier Marinier est adopté depuis longtemps par tous ceux qui aiment la peinture chaste des passions mêlée aux plus fraîches descriptions de la nature. Le nouveau roman de M. Marinier est, à vrai dire, une idylle; c'est l'histoire d'une famille heureuse dont la sérénité tranquille est à peine ridée, comme beau d'un beau lac, par l'inclination passagère du meilleur des fils pour une jeune coquette bientôt mieux connue et délaissée.


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C'est en Alsace que M. Xavier Marinier a établi ce petit paradis de gens de bien, inutilement menacé par le diable et pendant un seul instant. C'est aussi dire que les paysages d'Alsace tiennent dans le livre de M. X. Marinier la place d'honneur. Ajoutez à ce plaisir des yeux que l'auteur promène par un beau pays, le plaisir de l'esprit promené, lui aussi, de légende en légende, mais nullement fatigué par l'évocation de tant de charmants souvenirs. L'Avare et son trésor ira rejoindre cette collection de bons livres et de purs récits d'amour que les honnêtes gens doivent déjà à M. Xavier Marinier.

» La Madeleine dont M. Charles Dolfus a écrit la Confession est pareille de celte autre Madeleine dont M. Fromentin nous a raconté la victoire sur elle-même et le long tourment. L'héroïne de M. Dolfus est, à proprement parler, une jeune incomprise, mais elle échappe complétement au ridicule que ce nom entraîne avec lui d'ordinaire. Elle a, en effet, épousé un homme qui a tort de ne point la comprendre, si c'est avoir un tort que de ne point voir au delà de celte portée relative de la vue que chacun de nous a reçue de la nature. Charmante et triste, consumée par cette solitude morale dans laquelle elle se sent enfermée, Madeleine trouve sur son chemin l'homme inévitable qu'elle aime et qui l'aime avec une pleine intelligence de ce qu'elle pense et de ce qu'elle vaut. Mais ce parfait amant a trop de vertu pour se déclarer, elle a trop de vertu pour lui en épargner la peine, et ils se fuient en s'adorant. Il y a du talent et de la chaleur dans ce mélancolique récit; toutefois la fantaisie philosophique du Docteur Fabricius, qui termine ce petit volume, me plaît davantage et est d'une remarquable originalité.

» Je ne vous dirai point le dernier mot de la Cause secrète que M. A. Gennevray nous a si habilement racontée; ce serait gâter l'intérêt de ce récit tout autant que si l'on vous disait d'avance le secret de la Femme en blanc ou le dénoûment de Sans nom. L'oeuvre de M. Gennevray ne peut encore soutenir la comparaison avec ces grands modèles, mais c'est un roman de la même école; et M. Wilkie Collins a trouvé parmi nous un rival ingénieux qui, pour ce coup d'essai vraiment heureux, nous a montré de quoi il était capable. »

A son tour, M. Taine, un des esprits les plus éloquents de ce temps-ci, vous racontera Daniel Vlady, histoire d'un musicien, par Camille Selden :

« Daniel Vlady est un petit garçon précoce et nerveux, fils d'un Hongrois, charlatan grossier, qui s'est établi sur la frontière de Hongrie dans une ville d'Autriche. Il n'y a point de femme au logis, et l'enfant, pendant que son père vit au café, passe ses journées dans la


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maison voisine avec la fille d'un vieux luthier, maître Gotllieb, musicien passionné et grondeur. Cette première partie ressemble à une vieille gravure allemande, consciencieuse et naïve, avec, une pointe de malice; la douce petite file candide et pieuse, le musicien fanatique et bourgeois sont des personnages bien observés et nouveaux chez nous; et plusieurs scènes d'intérieur, un peu sèches de dessin, ont une grâce et une sincérité de sentiment singulières. Mais je passe vite pour retourner à Daniel; c'est sur lui que porte tout le faix de l'action; c'est à ce moment que se marquent les premiers traits de son caractère. La pente originelle de l'homme le montre dès l'abord, et le biais que les choses lui imposent dès l'enfance le dresse ou le plie pour toute sa vie. C'est dans cette bicoque de province, parmi ces bonnes gens qui sentent la musique et font la cuisine, c'est au contact de ce père ivrogne et bourru que se l'orme celle âme étrange et délicate, fière par excellence, née pour les douceurs et les raffinements de la société polie, sensible et mondaine, exigeante et maladive, opprimée, puis enivrée, marquée d'une empreinte si distincte et si moderne que plusieurs personnes m'ont dit qu'il y a eu certainement un original, et que cet original est Chopin. Daniel apprend vite la musique et se trouve a dix ans un enfant prodige. Son père l'exploite, lui met un costume hongrois, un sabre, le fait jouer dans les salons, se jette en public dans ses bras, l'inonde de ses tendresses avinées, et au retour, dans la triste chambre d'auberge, sous l'odeur du tabac et de l'eau-de-vie, le lient attaché au piano parmi les gammes et les trilles. Un jour, Daniel surprend des regards dédaigneux et des mots railleurs. Il comprend qu'il n'est qu'un singe entre les mains d'un bateleur; le dégoût, la colère le suffoquent; les veilles et le travail forcé l'ont usé, et on le ramène à Wetzlach inerte et malade. »

Ce roman de Daniel Vlady ressemble, à vrai dire, à l'histoire d'un grand musicien, hongrois qui fut, lui aussi, un enfant de génie, et qui est resté un homme excellent, très-grand artiste, et parfaitement dégagé des spasmes et des folies du présent Daniel Vlady. C'est un proverbe à l'usage des romanciers, qu'ils oublient trop souvent : « Qui veut trop prouver ne prouve rien. » Simplicité, modération, sont deux mots de grand profit. La belle affaire, après tout, quand vous nous aurez montré un héros impossible, et que, nous étant arrêtés à le contempler un instant, nous nous sauvons, grand'erre, heureux de le laisser au beau milieu du chemin.

De son côté, pendant que M. Taine et M. Prévost-Paradol venaient en aide à leurs romanciers favoris, M. Taxile Delord, et celui-là aussi


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a bien le droit d'imposer son admiration, nous racontait son contentement de la Comédie du printemps, un des meilleurs livres de M. Arnould Frémy, l'aimable auteur des Maîtresses parisiennes, des Amants d'aujourd'hui et de Joséphin le bossu :

« Aucun des livres précédents de M. Arnould Frémy ne prouve mieux ce qu'il y a de variété, de nuances, de ressources dans cette imagination toujours en mouvement. On peut dire qu'il s'agit encore celle fois d'une tentative nouvelle, d'une campagne d'exploration entreprise par l'auteur. Jamais récit n'a procédé avec le dédain de celui-ci pour toute précaution vulgaire et n'a lancé ses personnages d'une façon si vive et si abrupte à travers l'action. Eux-mêmes se mettent en scène-, ils surgissent comme une création spontanée et d'une façon en quelque sorte indépendante de la volonté de l'auteur.

» Ici, comme dans tous ses romans, Arnould Frémy a choisi un sujet très-simple. Le héros est un jeune homme de province à la fois poète, lovelace, troubadour, paladin, qui se trouve avec toutes ses aspirations sublimes et romanesques attaché en qualité de commis à la maison de commerce de son père : affreuse position contre laquelle il se révolte, se cabre, donnant à chaque instant au lecteur l'amusant spectacle de ses colères rentrées, de ses jets d'ambition comprimés, de son lyrisme étouffé sous le bonnet de coton. Théodore Chaumin est le produit de cette floraison printanière de la vie qui fait naître tant d'émotions charmantes, naïves, desséchées trop vile par l'expérience et par la raison. C'est bien en lui que se joue celte comédie éternelle du printemps et de la jeunesse, comédie du cerveau, des sens et du coeur, qui a dressé en nous toutes ses coulisses fragiles. L'auteur reconstruit ce théâtre d'un moment pour en tirer la satire et la leçon des jeunes amours-propres ; tous les acteurs qui y figurent sont d'une vérité charmante : le jeune homme, le père, la mère, l'oncle Fromentin (une des meilleures figures de la comédie), la cousine Denise, les deux commis, Laure Bidard, Gautrel, toutes ces physionomies vivent sous la plume du romancier; et que de ravissantes scènes nous aurions à décrire : toutes les entrevues entre Théodore et Denise, la lanterne magique, la visite chez Laure Bidard, la soirée du théâtre, le grand dîner du marquis de Flagny, le bal, et surtout l'épisode des marionnettes qui s'élève à un si haut degré de sensibilité et de fantaisie comique. Que d'entraînemenl, que de fine observation, de sel ingénieux dans ces pages qui rappellent souvent nos grands romanciers classiques, tantôt Cervantes, tantôt Fielding, tautôt Sterne et Lesage. »

L'Histoire d'un homme est un vrai drame, et rarement M. Amédée


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Achard nous a donné des pages plus vivantes. Le héros est un gentilhomme, un royaliste, un conspirateur, un de ces hommes carrés (c'est un mot de Jules César) qui deviennent un obstacle infranchissable aussitôt qu'ils échappent à la vie unie et complaisante de chaque jour. Cet infortuné expiera cruellement ses violences et ses injustices. Le terre à terre est si doux-, le petit foyer, le petit jardin, la vie à l'ombre, il n'est rien de meilleur. A ces causes, vous lirez, contents, les Confidences d'un joueur de clarinette, par M. Erckmann-Chatrian; JacquetJacques, par M. Jérôme Bugeaud; les Femmes sensibles, de M. Paul Delluf; les Légendes bretonnes, voire Stella, par M. Enault. Le Roman de la femme à barbé, par M. Pierre Véron, est un récit, curieux, plein d'intérêt et de nouveauté. Les Mémoires d'un baiser, par M. Jules Noriac : « Je suis né (c'est le baiser qui parle) de parents pauvres mais amoureux. » Nous avons aussi les Cours galantes, de M. Gustave Desnoirterres ; les Coudées franches, de M. Ernest Serret; Sibylle, enfin, de M. Octave Feuillet, le roman de l'année. Homme heureux! II a conquis à la même heure une louange irrésistible, de M. Vilet à l'Académie française, une éloquente réfutation de George Sand.

On pourrait vraiment dire un mot des Cousines de Satan, par M. Jules de Saint-Félix, et de l'Amour bossu, par M. Henri de Kock. Chacune de ces petites oeuvres a sa grâce.et son esprit; elle pleure, elle rit, elle chante, et l'on passe à la lire un moment de rire et d'oubli.

D'autres livres, qui ne sont ni des romans ni des histoires, ont conquis des suffrages plus sérieux par des qualités plus sévères. La Nouvelle Babylone, de M. Eugène Pelletan, est une, éclatante déclamation où se retrouve, abondant et plein de.fièvre, le talent de l'écrivain. Les Choses du temps présent vous représentent un charmant livre. Un des fondateurs de la chronique, un homme habile à tout voir, heureux à tout dire, ingénieux, charmant, M. Edmond Texier, a renfermé dans ce beau volume une suite de ses pages les plus charmantes. Voilà bien le temps présent : ses petits vices, ses petites vertus, ses petits héros, ses grands succès d'une heure et ses chefs-d'oeuvre de la veille. C'est un récit plein d'ironie et de malice, et sympathique en même temps à toutes les belles choses, à tous les honnêtes gens. L'expédition des DeuxSicilcs, par M. Maxime Du Camp, livre étincelanl de toutes les fantaisies de l'artiste et de toutes les rencontres du voyageur.

Avec les Miettes de l'histoire, par M. Auguste Vacquerie, et Victor Hugo raconté par un témoin de sa vie, on écrirait très-facilement la vie entière de l'illustre auteur des Orientales et des Misérables. Ce sont deux livres qui se tiennent et que, sans injustice, on ne saurait séparer l'un


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de l'autre. Ainsi les Mémoires de littérature ancienne, par le savant M. Egger, vont très-bien de compagnie avec le nouveau livre de M. Cuvillier-Fleury : Historiens, poëtes et. romanciers. Ainsi les Amours de madame de Sévigné, par M. Hippolyle Babou, et les Médecins au temps de Molière, par M. Maurice Raynaud, nous ramènent, par des chemins bien opposés, il est vrai, à la partie anecdotique du règne de Louis XIV. De son côté, M. Paul de Musset écrit l' Histoire des extravagants du dix-septième siècle. Les extravagants de notre siècle se rencontreront dans les Mémoires d'un vaudevilliste, par M. de Rocbefort. Signalons aussi : la Littérature indépendante, de M. Victor Fournel; les Cinq semaines en ballon, de M. Jules Verne, un bel esprit; les Champs d'or. du Bendigo, par Henri Perron d'Arc; deux récits très-amusants : Musique et musiciens, par M. Oscar Comettant; les Anecdotes des cafés et cabarets de Paris, par M. Alfred Delvau ; enfin , le Roman de Molière, un nouveau travail de M. Edouard Fournier; le Windsor, de M. Louis Depret; l'Hôtesse du connétable, un roman terrible, historique et très-vaillant d'Emmanuel Gonzalès. Entendez-vous M. P.-J. Proudhon se récrier contre les Majorats littéraires? Moins superbe et plus humain, M. Pierre Leroux, dans un charmant livre intitulé la Grève de Samarez, jette un défi poétique à tous les traducteurs d'Horace, et les inquiète en trouvant un sens tout nouveau aux passages qui leur semblaient les plus clairs, M. Cénac-Moncaut vous raconte l'Histoire de l'amour dans l'antiquité; M. Louis Figuier, la Terre avant le déluge; M. Louis Devi'le, Une aventure sur la mer Rouge; madame Louise Collet, l'Italie des Italiens; un digne et savant traducteur de Goethe, M. Henri Richelot, fait revivre en ses pages justes et bien disantes, les Dernières conversations de Goethe. Enfin, un nouveau venu, non pas le moins savant ni le moins intéressant de tous, Jean Macé, digne instituteur de la jeunesse, écrit toute une odyssée en trois éditions sons ce titre : Histoire d'une bouchée de pain. Certes, voilà pour une année un grand travail, sans compter les trop gros et trop savants livres pour que nous les fassions entrer dans cet humble recueil. Le petit almanach est semblable à la toile de l'araignée : elle ne prend pas toutes les mouches, heureuse encore si elle est assez forte pour arrêter au passage tout ce qui bruit et brille au soleil du mois d'avril.

Viennent maintenant la poésie et les poëtes. Nous ne sommes pas, Dieu soit loué, de ceux qui disent : « Ce n'est rien, c'est un poëte qui pleure ou qui chante! » au contraire, aimons-nous de tout notre coeur ces tendres âmes en peine de l'idéal, et les beaux vers sont pour notre esprit un délassement plein de charme. Ainsi nous avons lu, traduits


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en vers par M. Brun,, les Evangiles de saint Matthieu, de saint Marc, de saint Luc et de saint Jean. Nous avons lu, traduits en belle prose, par M. Créhange, les Psaumes de David, ces cantiques enflammés qu'Israël refusait de chanter sur la terre étrangère, et qui sont encore aujourd'hui l'enchantement du genre humain. Nous avons adopté aussi, peut-être même un peu parce qu'ils sont imprimés par l'habile M. Perrier de Lyon, les Echos de M. Hector Fleury, les Pauvrettes de M. Léandre Brocherie; et les deux volumes de M. Théophile Poydenot, les Poëmes et Poésies. Ce livre ingénu s'ouvre par des vers gracieux que le poële adresse à l'anémone sauvage :

Des yeux dé daigneux ou distraits Dans les bois à peine aperçue,

Tu vis et tu meurs inconnue; Pourtant tu n'es pas sans attraits.

Telle aussi la muse douce et pure de M. Poydenot. Elle ne mérite pas davantage l'obscurité. Le volume est un peu compact. Il eût gagné à des retranchements. La poésie est un élixir; il n'en faut pas remplir des chopes. Mais enfin il y a dans ce volume des élégies, des poèmes lyriques et même quelques petits poèmes, et dans ces poèmes, dans ces odes, dans ces élégies, on trouve, avec des imaginations heureuses, une sensibilité vraie, une abondance de coeur qui mérite d'être appelée poésie.

En vain les Utilitaires, les faiseurs de statistique, et les fauteurs de caisse d'épargne, vont sans cesse et sans fin s'écriant: que la poésie et les poëles s'en vont. Laissez-les dire, on fera toujours de beaux vers dans la France poétique, dans la France de M. Victor Hugo et de M. de Lamartine. Les poëles eux-mêmes sont les premiers à se moquer de ces pousseurs de gros soupirs en l'honneur de la poésie éteinte : écoutez, s'il vous plaît, M. Paul de Juillerat:

Le Réalisme, en frac brodé, menait le deuil; L'Usure, vieille fille à l'effronté coup d'oeil, Traînait le corbillard ; comme un essaim de guêpes, Derrère bourdont aient, affubles de longs crêpes, Les pauvres envieux près des riches minais; L'Egoïsme très-rose. et le Succès très-gras; Les Scandales sans frein, la Luxure sans voiIe, Avec le Lansquenet tenaient les coins du prêle; Puis venait la Roulette, et, narguant tout remords, La Fraude et l'Agio servaient ce croque-morts.

Après celui-là, qui est un bel esprit, nous placerons, c'est le voeu


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d'un très-bon juge et très-compétent, M. Cuvillier Fleury, plusieurs poètes, dont le digne critique a si bien parlé, que pas un ne saurait mieux dire ; el voilà pourquoi donc nous lui empruntons cette heureuse citation , qui renferme, ou peu s'en faut, toute l'histoire poétique de 1863. « M. Duclesieux (c'est M. Cuvillier-FIeury qui parle), dans sa Voix de la solitude, a rencontré des pièces, notamment celle qui est intitulée Ce qu'écoute une jeune fille, et cette autre: les Deux Muets, que le célèbre auteur des Contes d'Espagne n'eût pas désavouées ; l'autre s'engage plus volontiers, sans y trouver toujours l'inspiration, sur les traces de M. de Lamartine. J'en dirai autant de M. Ernest Gervais. il a une « Soeur de charité » qui fait songer par moments à celles d'Henriette Browne, sans les faire oublier.

» Dans l'ordre des sentiments religieux, sécularisés pour ainsi dire par l'habile mélange des idées sobrement mondaines, j'aimerais à citer cette charmante épopée domestique, le Presbytère, dont M. N. Martin vient de nous donner une quatrième édition. C'est bien le cas aussi de signaler à la curiosité du public ce touchant poëme de Mariska, vraie légende d'héroïsme et d'amour, consacrée par le poète à la mémoire d'un ami. Les Heures de recueillement de M. Ducros de Sixt ont droit à une mention non moins honorable-, et comment omettre les nouvelles poésies de M. le comte Anatole de Ségur, Fables, contes et satires, où la malice, qui n'y manque pas, n'étouffe pas l'émotion, où l'apologue, si monotone qu'il soit par instants (c'est un peu la faute du genre), est toujours relevé par la forme heureuse de la moralité finale :

Pardonner une injure est chose assez commune,

Surtout, dans la borne fortune.

Il sufiit d'un peu de bonté.

De noblesse et de vanité.

Mais pardonner a sa victime, Sourire à l'innocent qu'en a persécuté,

C'est plus rare et plus magnanime : Il y faut de l'humilité.

» Etait-il possible de mieux paraphraser cette pensée immortelle, qu'on s'étonne de rencontrer dans l'histoire des bêles : Proprium humani ingenii est odisse quem loeseris? M. de Ségur joint à un sens excellent et aux idées les plus saines une facilité agréable et parfois sévère ; c'est la bonne.

» M. Muslon, auteur d'un poëme vaudois (Valdésie), raconte plus longuement, et sous une forme nécessairement moins précise, une série d'épisodes de cette lamentable histoire qu'il a déjà détaillée en prose avec succès. Les Couronnes académiques de M. de Lesguillon ont le


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même mérite d'une croissance facile et d'une pousse luxuriante. Les Jeux de rimes, de M. Amédée Pommier, sont, au contraire, de vrais casse-cou poétiques, tours de force bizarres où la souplesse de la plume a plus de part que la vigueur autrefois si éprouvée de cet énergique esprit. J'aime beaucoup, on le sait, et j'en ai d'autres raisons que ma sincère amitié pour l'auteur, j'aime les vers de M. Maxime Du Camp, quoique je n'aie pas le fanatisme de son école ; mais son lyrisme est franc, primesautier, d'une audace naturelle et d'un « rationalisme » de bon aloi. Les Chants modernes ont toutes ces qualités ou tous ces défauts. M. Attale Du Cournau est aux antipodes des idées de M. Maxime Du Camp ; il n'aurait pas conquis la Sicile ni signé les Garibaldiennes de M. Théodore Véron, un satirique que sa verve emporte sans lui ôter tout sentiment du style et de l'harmonie. Combien je préfère les Anathèmes de M. Du Cournau ! Il a sur la gloire des strophes d'une belle facture. J'aime toujours ces protestations d'un coeur généreux contre les abus de la force et les crimes de la victoire. On a si souvent dit : Voe victis! Pourquoi ne le dirait-on pas quelquefois aux vainqueurs, ne fût-ce que pour commencer en ce monde la justice de l'autre?

«Religion, philosophie, lyrisme, nos poëtes se donnent carrière dans tous les genres. Je ne sais s'il en est un qu'ils cultivent avec plus de goût que celui des sentiments privés et des inspirations de la vie intime. Pourquoi oublierais-je, parce qu'il remonte à quelques années écoulées depuis son apparition, le recueil des Chansons et Poésies d'un homme de bien, aimable, courageux et spirituel, feu M. Vaissière. dont le souvenir revit tout entier dans cet agréable livre? Madame de Lafond (Eugénie Poujade), auteur de Maurice et France; madame Virginie Ménier, qui nous a donné ses Heures de loisir; M. Nadaud, qui a écrit une Idylle, moitié prose,et moitié vers, comme il écrit ses délicieuses chansons, avec un mélange de malice, d'émotion et de douceur ; l'auteur des Contes et Poésies, madame Ackerman, dont la touche un peu gauloise dénote un goût d'archaïsme à peine déguisé sous un gracieux coloris ; — tous ces disciples de la Muse, s'ils n'ajoutent pas beaucoup à l'ensemble des richesses poétiques de la France, n'y mêlent pourtant aucun alliage corrupteur. Ils sont des organes aimables, souvent mélodieux des sentiments et des vertus de famille. Il leur arrive même d'élever la voix par moments, comme l'a fait madame Ackerman dans son ode à Alfred de Musset, qui est fort belle.

» Les poètes amoureux, ou, pour mieux dire, les poètes de l'amour, M. Emmanuel des Essarts (Poésies parisiennes), M. Prosper Jourdan


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(Rosine et Rosette), M. F. Claude (le Roman de l'amour), M. Auguste Villiers de l'Isle-Adam, sont des jeunes gens spirituels, on le devine en les lisant. L'un d'eux va jusqu'à nous donner son extrait de naissance dans l'introduction d'un volume imprimé chez Perrin avec tout le luxe de la typographie lyonnaise.

Sans mentir, si votre ramage Se rapports) à voire plumage, Vous êtes le phénix des hôtes de ces bois !

» Les Premières Poésies de M. Villiers de l'Isle-Adam sont d'un ton agréable et vif; elles ont l'innocente crânerie de la première jeunesse, avec ses haines d'une heure et ses désespoirs d'un jour. L'auteur se plaint avec une amertume vraiment poétique de la comtesse de C..., qui ne se plaindra pas de lui. M. Emmanuel des Essarts, de son côté, ne permet pas qu'on dise que madame *** a plus de trente ans.

Elle a vingt ans, te dis-je;

Je ne t'explique pas ce ravissant prodige; Heureux de l'admirer, je ne veux pas savoir Si la fleur qui m'embaume est une fleur du soir, Et je laisse un savant dédaigneux et morose Demander son extrait de naissance à la rose.

» Je vous défie, jeune ou vieux lecteur, d'être plus maniéré ou plus galant. Ce sera comme vous voudrez. Si vous êtes jeune, vos vers sont charmants... Mais finissons. J'ai réservé, pour lui donner une place tout à fait à part, le Poëme.des champs, de M. Calemard de la Fayette, et je m'aperçois que cette place me manque. M. de la Fayette ne peut être confondu même avec les bons : il a son originalité toute personnelle et son mérite, non pas toujours supérieur, mais incomparable. Animée, spontanée, pleine d'éclat, de variété et d'inspiration, son oeuvre n'en a pas moins la valeur d'une étude positive et l'intérêt d'un poëme didactique. La Maison rustique ne vous apprendrait rien de plus, et les Géorgiques de Virgile lui-même, en vous laissant l'esprit plus satisfait et le coeur plus charmé, ne vous intéresseraient pas davantage. Pour moi, c'est beaucoup dire. J'ai rarement lu de suite un ouvrage en vers qui m'ait plus captivé, sans m'ôter le sens de ses défauts, et où la sincérité de l'auteur m'ait paru plus estimable. Je ne sais pas si je pourrai revenir sur ce livre distingué. Je ne le crois pas. Tant d'autres engagements entraînent la critique en dehors des voies où elle aimerait le plus à s'attarder! Mais je me serais reproché, quand on crie


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partout que les poètes s'en vont, de ne pas dire qu'il y a des poëtes qui reviennent ou qui arrivent. Les uns reviennent quand on a la bonne idée de nous donner de nouvelles éditions de leurs poésies ; les autres arrivent, quand on ne les attendait guère, comme M. de la Fayette, auteur, je crois, d'un Programme d'agriculture progressive. Combien j'aime mieux son poëme que son programme, et comme ses chants profileront plus au progrès de la science rustique que ses théories! M. de la Fayette a un défaut : il se souvient trop, dans sa solitude du Velay, du inonde qu'il a quitté, et il a trop sacrifié à la polémique où il a excellé. Il a un autre défaut, la « sut abondance » ; il pousse à bout sa phrase jusqu'à épuisement de sa pensée. Quand il décrit, il est plus sobre; il a des peintures d'animaux qui feraient envie à madame Rosa Bonheur; et quand c'est un sentiment vrai qui l'inspire, il trouve pour l'exprimer la forme la plus heureuse et en même temps la plus émouvante:

Intrépide soldat d'une modeste armée, Soldat qui meurs sans gloire et vis sans renommée, Conquérant méconnu du sol qui le nourrit; Dans un siècle douteux, sain de corps et. d'esprit; Qui seul gardes toujours, sous une rude écorce, Le sang vierge, la sève humaine dans sa force, O toi, qui vis et meurs où le ciel le voulut, Aîné de la pairie, Ô laboureur, salut!

A vous salut, aussi, vallons, plames, montagnes, Foyers de toute vie épais dans les campagnes; Salut, tièdes guérets qui couvez un trésor! Salut, terre d'amour, d'où jaillit l'épi d'or! etc., etc.

» C'est par ces vers que débute le poëme de M. de la Fayette, avec ce pressentiment presque triomphant de la grandeur et de la beauté de son sujet. Quand son oeuvre est finie, le poëte disparaît, l'homme reste , et nous lisons ces vers, expression d'une noble et virile modestie :

Mes vers à moi, le jour qui va fuir les emporte ;

Nés aujourd'hui, demain ils seront morts. Qu'importe?

Dût les attendre au vol un sourire moqueur,

En auront ils moins pris le plus pur de mon coeur?

La famille , les champs, la villa de mes ; ères, Mon effort agricole en des oeuvres prospères, Tout ce peut bonheur s -triant et caché, Où je veux vivre encore et mourir attaché,


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Oui, tout cela pour moi rit dans l'obscur poëme; Il est humble, il est faible , et tel qu'il est je l'aime. S'il ne ma pas tenu ce qu'il m'avait promis, Du moins pourra-t-il vivre en quelques coeurs amis; Et n'eût-il que pour vous, criants, un humble charme, Enfants, mes doux enfants, je lui donne une larme, Une larme d'adieux, une larme d'amour, Qu'en relisant ce vers vous me rendrez un jour!

Dans un chapitre à part de cette histoire de la poésie, M. CuvillierFleury a rendu toute justice à ces deux livres charmants du traducteur de Dante, M. Ratisbonne : Scènes de la comédie enfantine, et voici maintenant, que ce livre, adopté par la mère et par l'enfant, hôte ingénu du foyer domestique, une comédie où le rire est mêlé aux douces larmes, publié dans un seul et même volume, ira dans chaque famille, attirant à soi l'intérêt, la curiosité, l'attention des petits lecteurs de la comédie enfantine.

C'était dans un grand bal d'enfants aux Tuileries, Ce jour-là l'innocence et la joie, y régnaient, Et des lambris royaux les échos s'étonnaient

D'ouïr naïves causeries. Une petite file , au milieu de ses pas, Arrête son danseur, fils du roi : « L'on t'appelle Monseigneur! Es-tu donc archevêque? dit-elle,

— « Moi ! lit l'enfant, je ne sais pas. »

Sur les bords de la Saône, au pied de ces douces collines, la fortune et l'orgueil de la Bourgogne féconde, une aimable femme, un poète, un romancier, madame Victorine Rostand, publie un beau livre: Au bord de la Saône, et nous l'avons placé, parce que c'est justice, au chapitre des poètes descriptifs, qui vous ramènent aux plus beaux paysages, aux plus antiques histoires, aux plus aimables souvenirs.

LES THÉATRES.

Et maintenant rentrons au théâtre. Il est le véritable attrait de la causerie et des préoccupations de chaque jour. De quoi parlent entre eux ces braves gens réunis dans un salon , bien disposé pour la causerie?... ils parlent de la nouvelle comédie, ou du nouveau drame : — Avez-vous entendu la chanteuse nouvelle? Avez-vous applaudi made-


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moiselle Agar dans son rôle de Phèdre? Est-il vrai que mademoiselle Victoria soit devenue en vingt-quatre heures sociétaire du ThéâtreFrançais? Voilà le fond véritable, et le commencement, le milieu, la fin de toute causerie. Etonnez-vous donc que le théâtre occupe une place à ce point importante, et qu'il fasse tête à l'histoire, au poëme, au roman, aux écrits des voyageurs, aux découvertes des philosophes. Celte année encore, un esprit patient et très-éclairé, M. Hippolyte Lucas écrivait une Histoire du Théâtre-Français, abondante en mille détails, que bien peu savaient encore, et dont lui seul il a gardé le souvenir. Celle année encore, le théâtre de Shakspeare, traduit par le jeune François-Victor Hugo, s'est enrichi de son tome onzième, et ce tome onzième, consacré à l'histoire : Richard II; La première et la seconde partie de Henri IV, s'ajoute glorieusement à ces grandes entreprises déjà accomplies : les Féeries, les Comédies de l'amour, les Tyrans et les Jaloux, les Amants tragiques, la Famille et la Société.

Ce n'est donc pas sans motifs que le jeune traducteur intitulait son onzième volume: la Patrie, et racontait à ses lecteurs, dans une préface excellente, toutes ces grandes péripéties, qui seront complétées dans les tomes douzième et treizième de cette excellente traduction.

Si nous voulions tout de suite offrir au lecteur l'oeuvre importante et considérable de celte année, à coup sûr nous ne remonterions pas, comme nous allons le faire, au mois de septembre 1882, c'est-à-dire à l'heure où s'achevait le dernier almanach. Mais comme il nous convient de ne rien oublier de ce qui mérite un souvenir, nous reviendrons sur toutes les traces anciennes, et voici déjà que nous rencontrons un drame en cinq actes : les Fous, de M. Edouard Plouvier. Les voilà bien nommés en effet, tous ces hommes qui vivent dans l'excès de toute espèce, abrutis, celui-ci par l'absinthe, celui-là par l'ambition, cet autre enfin par toutes les passions mauvaises. L'excès , toujours l'excès. Heureusement rien n'est moins durable, on passe, on écoute, et tout est dit. C'est à l'excès que nous devons les Mystères du Temple, où la tache et le haillon jouent un si grand rôle, où l'usurier, le chiffonnier, l'égoutier, le vidangeur, tout ce qui se gratte et geint, tout ce qui grouille et ricane ès fanges parisiennes, l'assassinat mêlé aux immondices, le blasphème au gros vin, la chanson au petit salé, accomplissent leurs chefs-d'oeuvre, en cinq actes et en dix tableaux. Autre excès : les Etrangleurs de l'Inde, un hurlement qui ne durait guère moins de quatre à cinq heures. El comme on s'y tuait, comme on s'y étranglait, comme on assistait aux étouffements de MM. les Thugs, sur les autels de la déesse Moha-kali!... Ils n'ont guère vécu


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tous ces élrangleurs, et de désespoir ils se sont étranglés eux-mêmes. — Aulre excès, mais celui-là, très-accepté et très-curieux, le Bossu joué par Mélingue, en compagnie des maîtres Cocardasse et Passepoil. Triste compagnie; on ne serait pas très-rassuré à les rencontrer sur la brune, et comme ils étaient prodigues de leur argent, de leur sang, de leur gaieté, de leurs serments. Quant au Bossu, il était bossu pour la frime, et dans les moments intéressants, droit comme un I, fier comme Artaban, il allait l'épée au poing, à travers tous les obstacles. — Nous placerons Dolorès, drame en quatre actes par M. Louis Bouilhet, parmi les excès les plus honorables; un excès en vers, et digne de toute l'attention de toute la critique.

M. Louis Bouilhet vient de l'Espagne et de l'Odéon en droite ligne; il a l'inspiration du plus bel art dramatique, il est convaincu de la nécessité d'écrire en vers bien faits les grandes actions ; très-volontiers il laisse au vulgaire le langage vulgaire ; il se croirait perdu s'il faisait parler en vile prose OEdipe, Oreste, Alcméon, Médée, Méléagre, et Thieste et Télèphe ; il reste en ceci à côté de Sophocle et d'Eschyle et non loin d'Euripide-, il ne hait pas Sénèque, il est plein de respect et de déférence pour Corneille; or, de tous ces respects la critique a le droit de lui tenir compte et de le payer en honneur, s'il n'est pas récompensé par la fortune. A ce compte , il n'y a rien de plus juste et de plus mérité que nos louanges pour cette aimable cousine de Chimène, Dolorès, une héroïne de l'amour, une victime innocente du devoir.

Malheureusement ces rares mérites d'un poëte habile échappent souvent à l'auditoire. Un drame en vers soulèvera toujours bien des méfiances, et nous entendrons longtemps encore cette petite voix qui criait au bas de l'affiche du Théâtre-Français : « Ah maman, c'est en vers! »

Certes, quand nous plaçons les Ivresses ou la Chanson de l'amour au premier rang des excès les plus condamnables, nous ne faisons que leur rendre justice. Il n'y avait rien de plus triste et de plus faux que ces ivresses, et c'eût élé tant pis pour nous, si nous les eussions longtemps supportées. Hélas, le temps est si loin où nous disions : Trop est trop... et qui veut trop prouver ne prouve rien. De la vertu même on disait: « Faut d' la vertu, pas trop n'en faut. » La Fontaine ajoutait : « Rien de trop est un point. » Horace et Despréaux avaient la nausée en songeant à toutes les choses inutiles dont les gens du plus grand talent pouvaient, non pas impunément, surcharger leur auditoire ou leurs lecteurs :

Ce que l'on dit de trop est fade et rebutant, L'esprit rassasié le rejette à l'instant.


30 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

C'était l'heure où Sénèque était proscrit par les admirateurs de Cicéron, où Lucain était insulté par les adorateurs de Virgile. Une demidouzaine de personnages suffisaient à la plus vaste tragédie, et l'on s'étonnait que Molière eût dépassé ce nombre excellent dans le Misanthrope, Tartuffe et les Femmes savantes. Nous avons changé tout cela, nous autres ; nous avons tout doublé, tout agrandi, tout exagéré, tout souligné, à ce point que trop n'est déjà plus assez. Confusion ! Profusion ! Diffusion! Ainsi, nous avons eu la Vie à outrance, où toutes sortes de fous jouaient leurs rôles; ainsi après la Vie à outrance nous avons les Ivresses, avec ce litre explicatif: la Chanson de l'amour: « Feu brille et chaudière bouillante; bouillez elécumez comme un feu d'enfer»; c'est une chanson de Shakspeare, dans ce même drame où il parle de ces amoureux ivres de leurs passions , qui tonnent l'amour avec des gémissements.

Un des enfants les plus heureux de la comédie et le plus jeune, M. Victorien Sardou (une de ses comédies a été supprimée cette année par la censure), a donné les Ganaches an Gymnase dramatique-, et voilà une de ces oeuvres rares dont il faut parler tout à l'aise. Au fond de la Bretagne, à Quimperlé, dans la vieille maison du vieux duc de la Rochepéans, servi par son. vieux domestique Bourgogne, se sont réunies les diverses ganaches de la Révolution, de la Restauration, de la révolution de Juillet, bonnes gens très-attachés au temps passé, et qui naturellement ne savent rien de mieux que de regretter el de louer les lieux sacrés de leur jeunesse envolée. Heureusement, à côté de ces ganaches du temps passé, el par un sentiment de justice dont il a tiré grand profit, M. Victorien Sardou a placé une ganache de l'heure présente, à savoir : le fils Fromentel, chroniqueur de la ville de Quimperlé, don Juan de cabaret, grand partisan des maîtresses de comptoir, grand prédicateur du progrès, ne comprenant guère ni le dévouement, ni le respect, ni les belles actions, ni les beaux vers, ni les beaux livres, cl passant la nuit au café du Commerce à discuter sur les Misérables. « C'est loi le misérable! lui dit son père-, et si jamais tu vas à Paris, je le vois déjà mangeant ma fortune à faire un journal pour venir en aide à tes comédies. » —Il est très-amusant, ce gamin verdâtre, amoureux des Jannetons, ivre d'absinthe, en habit noir, et le fléau vivant de son père Et quand ce gamin, aimé pour lui-même, est retourné à ses amours de comptoir, lorsque nous allons demander au docteur Vauclin des nouvelles de la pâle Marguerite, la jeune malade... entendez-vous celle révolution qui passe? En effet, arrive et revient à grand bruit de la grande Babylone où il a passé huit jours, très-


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content, joyeux, tout paré, rapportant des merveilles en meubles nouveaux, tableaux d'hier, rideaux de soie, ajustements, articles de Paris, M. le marquis de la Rochepéans. Il était parti furieux contre le chemin de fer, qui devait renverser ses murailles et son jardin ; furieuxcontre le Léviathan parisien, tout rempli de révolutions, de tempêtes, de monuments qui tombent et de cités nouvelles. Au départ, il maudissait Paris, la ville monstrueuse : il en revient tout charmé, tout ébloui, proclamant les splendeurs, les grâces, les vices charmants de la tour de Babel. « Et si vous saviez, dit-il à la Rosalie, au Fromentel , au Vauclin, qui l'écoutent en ouvrant de grands yeux, j'ai trouvé là-bas une marquise, une amie à moi, qui m'a traité de ganache, et je reviens tout exprès pour tout rajeunir, pour tout ragaillardir. C'est bien vrai, vous êtes tous morts ici; c'est bien vrai, le feu est mort, Rosalie est morte, et Fromentel aussi, et toi aussi, Vauclin ; et comment va Marguerite? » A ces mots, Vauclin, la tête basse et les yeux pleins de larmes : « Ah! dit-il, Marguerite est un mystère. Elle est bien malade; elle a entendu les malédictions de mademoiselle Rosalie; elle a vu sortir d'ici, furieux et désespéré, le jeune homme... Eh! oui, le jeune homme en question, le rêve et l'idéal; et si Marguerite aujourd'hui même n'est pas rendue à l'espérance, et si Marcel n'est pas là pour lui dire une bonne parole avec un regard tendre, et si nous l'abandonnons à sa peine... — Eh bien? dit le marquis. — Marguerite en mourra, répond Vauclin le révolutionnaire, aussi vrai que 1792 est une grande époque! » Alors voilà ces deux braves gens qui complotent entre eux une action dangereuse et qui serait facilement coupable. Ils conviennent que Marcel entrera dans la maison, près de Marguerite, afin de consoler et de calmer ce coeur agité de tant d'angoisses; et comme ils le disent, ils le font. « Lisette, voici Frontin! Frontin, voilà Lisette! » Ils ont encore vu cela dans les Fausses Confidences, cl Marguerite et Marcel, quand, par la volonté de ces deux bonshommes, ils sont tête à tête, accomplissent une scène charmante et nouvelle. En effet, c'est Marguerite elle-même qui démontre à Marcel, qui ne s'en doutait guère, comment lui, Marcel, il est amoureux fou de Marguerite, et comment il doit l'aimer de toute son âme-, et plus elle parle, et mieux il écoute; cl le voilà, pénétré de ces flammes, qui finit par entrer, toutes les voiles déployées, dans cette heureuse rencontre. « Ah! je le crois bien, dit-il comme en un réveil, que j'étais fier de vous voir si bravement et si chrétiennement souffrir, et je me disais : S'il y a des anges sur la terre, en voilà un qui me regarde et qui m'écoute. » Et plus elle le presse, et plus elle veut entendre sortir de


32 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

sa bouche un mol qu'il n'a pas dit encore, et plus, ce mot tendre, il finit par le dire avec l'accent même de ces deux amoureux de Molière :

ÉRASTE. — Ce que je veux que vous me disiez?

JULIE. — Oui.

ÉIUSTË. — Ce qu'on dit quand on aime bien.

Ainsi fait Marcel; il finit par dire à Marguerite ce qu'on dit quand on aime bien; et Marguerile, avec un spasme, une ivresse, une joie immense... « Enfin, celle fois, vous l'avez dit! Ah! vous l'avez bien dit! »

Tout ce charmant détail est gâté quelque peu par la scène violente où Marguerite, en doute de l'amour de Marcel, ouvre la fenêtre et veut mourir. Ceci est du pur mélodrame, et la pièce eût été perdue si le marquis de la Rochepéans, vainqueur de lui-même, eût tardé plus longtemps à consentir au mariage de Marguerite avec Marcel Cavalier, le petit-fils de son intendant. Il s'écrie en plein orgueil : « Eh! vivent les ganaches! mon vieux Vauclin!... Nous pourrons regarder fièrement ces jeunes gens qui nous raillent de nos faiblesses et leur crier : « Ganaches... oui, ganaches... d'accord!... mais que l'un de vous en fasse autant! »

Une scène encore, et très-jolie, entre les deux jeunes gens, Marguerile et Marcel. Ils se sont revus, ils se sont consolés, ils se sont assurés l'un de l'autre, et plus de doute, cl désormais rien qui les trouble; et celui-ci explique à celle-là comment, sans le prévoir, il est devenu amoureux d'elle, à l'entendre, à la voir : « Et si vous le voulez, Marguerite, eh bien, marions-nous, et passons-nous du consentement de M. le duc votre grand-père et de M. le marquis votre oncle. » A quoi Marguerite a répondu, contente et fière, par les plus tendres et les plus honnêtes paroles : « Adieu, Marcel; je vous aime, et je renonce à vous s'il faut donner un mauvais exemple. A toute heure du jour je songe à ma mère, à sa mémoire, et je ne veux pas que l'on dise en cette maison d'où ils l'ont chassée : Elle savait si mal le devoir qu'elle n'a pas su l'apprendre à sa fille. » Ici la scène est vraiment belle et calme, et nous comprenons très-bien que le vieux duc de la Rochepéans ( un fantôme à porter chez les morts!) survienne en ce moment et dise à ces jeunes gens que l'honneur va séparer : « Soyez heureux, je vous marie. Ah! grâce à Dieu, je n'aurai pas deux fois le courage de séparer des coeurs si bien unis. » C'est touchant, tout cela; et comme il faut que le rire ait son tour en ces douces larmes, voici le Vauclin de 1792 qui se félicite d'avoir été chercher


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jusque dans l'église, où il avait bien juré de ne pas mettre les pieds, le bon prêtre qui a porté les derniers coups à l'orgueil des la Rochepéans! A son tour, voici le Fromentel, ce grand louangeur du temps passé : « Quand je vous dis que lout se perd, dit-il. De mon temps, on aurait chanté un petit vaudeville avant de marier ces deux jeunes gens ! »

Parmi les grandes pièces, les petites ne» manquent pas : une loge d'Opéra, par M. Jules le Comte, vous représente une heureuse soirée du Théâtre-Français ; voici par-ci, par-là : tes Brebis de Panurge, la Clef de Métella, les Paniques, Et allez donc, Turlurette! On chante et « on danse en lisant ces belles affiches. O bonheur! se dit-on, que d'esprit le peuple français peut encore dépenser chaque jour! 0 triomphe! il a produit les Mousquetaires du, carnaval, la Germaine, Henri le Balafré, le Voyage du jeune Ahacnarsis ; il a produit... Jean Torgnole et la Dame au petit chien. Nous devons à l'esprit français le Défaut de Jeanne et Sortir seule! avec Permettez, madame! Célimare le bien-aimé, le Ménage de Césarine, le Brésilien, l'Oiseau fait son nid, Un monsieur qui a perdu son mot. Voilà des oeuvres! Voilà des inventions! Un homme de rien, au Vaudeville, apparaissait sous les plus tristes auspices. Directeurs et comédiens disaient à l'avance : Oh! pour cette fois, nous serons siffles bel et bien!...» La toile se lève, et voici, chose étrange! une comédie écoutée, un héros applaudi. Cet homme de rien n'était rien moins que ce poète orateur, ce maître ès arts de la comédie et des causeries de son temps, l'auteur de l' Ecole du scandale et, c'est tout dire, l'adversaire de Pitt et l'allié de Fox, maître Shéridan. Il a trouvé grâce et faveur parmi ce public ignorant de toute chose; au milieu de ce parterre abruti par les compositions les plus funestes à l'intelligence, il est arrivé, par miracle, que le nom de Shéridan a réveillé je ne sais quel écho sympathique, et l'Homme de rien a réussi en dépit de tous les pronostics.

Deux grands drames, cependant, ont mérité à bon droit la faveur publique, et l'on ne saurait passer sous silence, à l'Odéon, la traduction en vers de Macbeth, par M. Jules Lacroix; à l'Ambigu-Comique, François les bas bleus, par M. Paul Meurice. Il y a déjà longtemps que M. Jules Lacroix a fait ses preuves d'inventeur puissant et de grand écrivain. Il a mis son nom à de belles oeuvres très-sérieuses qui lui donnent une place à part dans l'estime et dans les respects de la littérature de ce temps-ci; mais on ne saurait trop louer la façon nette et franche avec laquelle il a traduit Macbeth. Un exemple nous suffira :

LE MÉDECIN.

Son oeil ouvert regarde I

3


34 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE, ETC.

LA DAME.

Il regarde sans voir.

LE MÉDECIN.

Voyez-la maintenant, Qui se frotte les mains!... N'est-ce pas étonnant?

LA DAME.

Je reconnais son geste ordinaire... Elle rêve,

Et croit toujours laver ses mains. Sans paix ni trêve

Je l'ai vue un quart d'heure entier faire cela.

LADY MACBETH.

Quoi! toujours une tache!

LE MÉDECIN.

Ecoutez! La voilà Qui parle!... J'écrirai ses paroles pour être Plus sûr de chaque mot.

LADY MACBETH.

Veux-tu bien disparaître Tache maudite ! Pars! pars! te dis-je. — Une, deux... Allons vite; il est temps de nous délivrer d'eux! — L'enfer est noir! — Fi donc! un soldat qui frissonne ! Eh! qu'on le sache ou non , qu'importe... quand personne N'en pourra demander compte à vous, tout-puissant? — Qui jamais aurait cru qu'il avait tant de sang Ce vieillard!

LE MÉDECIN.

Ecoutez !

LADY MACBETH.

Il avait une femme, Macduff!... Où donc est-elle à présent?—C'est infâme! — Quoi ! ces mains ne seront jamais nettes! — Assez ! Tous vos tressaillements nous perdent, — finissez!

LE MÉDECIN.

Ah ! vous ne devez pas connaître ce mystère !

LA DAME.

Mais elle-même a dit ce qu'elle aurait dû taire. Dieu sait ce qu'elle sait!

LADY MACBETH.

L'odeur du sang est là, Toujours!... On ne saurait purger cette main-là Avec tous les parfums de l'Arabie ensemble. O ! oh ! oh ! oh !


AMBIGU-COMIQUE (31 janvier 1863). —François les bas bleus, drame en cinq actes et sept parties,

par M. Paul MEURICE.


36 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

LE MÉDECIN.

Quel profond soupir ! Le coeur me semble Cruellement changé.

LA DAME.

Non , pour tout son pouvoir, Non, je ne voudrais pas dans ma poitrine avoir Son coeurl

LADY MACBETH.

... On frappe : suis mes pas! Donne-moi ta main ; viens, viens, viens, c'est mon affaire ! Ce qu'on a fait est fait et ne peut se défaire!

Puisque nous voilà dans le théâtre étranger, nous signalerons l'heureuse traduction des Comédies de Térence, par M. le marquis de Belloy.

Térence était l'ami des honnêtes gens qui bientôt applaudiront Horace et Virgile! Il n'a pas l'entrain, l'audace insolente, la raillerie, et la brutalité de la comédie primitive, il n'a pas celle gaieté éveillée, avinée, alerte, impitoyable d'un enfant des faubourgs; il n'est pas, tant s'en faut, la joie et le rire aux éclats de la populace et de la canaille d'Italie; en revanche, quel fidèle observaient- des moeurs et des élégances romaines ! quel plus bel esprit, et mieux fait pour parler aux grandes dames, aux sénateurs, aux chevaliers !

A chaque mot de cet excellent génie on reconnaît a sa courtoisie un digne ami de Furius, de Laelius, de Scipion ; grands esprits dans la paix et vaillants dans la guerre, ils ont eu le rare honneur de passer pour les collaborateurs de Térence. « Que cet ouvrage soit leur, dit Montaigne en parlant de l'Andrienne, sa beauté, son excellence le maintient assez! » En effet, l'ouvrage était leur, mais non pas comme l'entend Montaigne ; il était leur par l'amitié qu'ils portaient au poëte Térence, et par l'influence agissante, sur un pareil esprit, des moeurs, du langage, de l'urbanilé de ces trois hommes, l'honneur de la société romaine. L'Andrienne appartient à Scipion, comme China appartient au cardinal de Richelieu, comme Britannicus appartient à Louis XIV, et la tragédie d'Esther à madame de Maintenon. Pour l'honneur des couronnes, il est bon d'affirmer que les grands poëtes sont inspirés par les intelligences toutes-puissantes qui marchent devant eux.

De cette collaboration glorieuse, Térence aurait eu grand tort de se défendre, au contraire il s'en vante en quelques vers charmants, fort bien traduits par M. le marquis de Belloy :

Quant à certains soupçons qu'on se plaît à répandre, Il ne consentira jamais à s'en défendre;


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 37

Et, qu'il reçoive ou non les conseils assidus D'hommes du plus haut rang jusqu'à lui descendus, Ce qu'on en dit est loin d'exciter sa colère. Aux hommes dont on parle il s' honore de plaire : Chers aux grands, aux peùt-i, en guerre comme en pais, Des affaires de tous ils suppotent le faix; Leur appui réclamé, l'effet suit la promesse, Et chacun d'eux à tous se prodigue sans cesse.

Mais enfin, quand nous avons traversé les drames et les comédies de cette année, en nous arrêtant aux Petits Mystères de l'hôtel des ventes, à la Comtesse Mimi, voire aux spectres des Secrets de mademoiselle Aurore, sans oublier Giselle et mademoiselle Mourawieff, toujours il nous faut revenir a la grande aventure, ou disons mieux, au terrible accident du Fils de Giboyer, une comédie en cinq actes, en prose de M. Emile Augier, avec laquelle il a tenu pendant toute une année, un peuple entier, content, furieux, applaudissant, murmurant, indigné, charmé. Le Fils de Giboyer est un chapitre, ajouté à la grande histoire des Effrontés; là, vous retrouvez dans son intrigue et dans ses mépris sans fin, M. le marquis d'Auberive, un grand enlasseur de nuages, habile à combiner toutes sortes de petites perfidies qui lui plaisent et qui l'amusent.

Diviser pour régner, c'est sa devise : il divisera ceux-là qui étaient unis, il réunira ceux-ci, qui étaient contre ceux-là. Il s'est déjà proposé, pour bien passer sa journée, un nombre suffisant de paradoxes, difficultés, défiances, obstacles, secrets, mystères, alliances, associations. Ça l'amuse et ça lui plaît de proléger les petites perfidies, de jeter un voile sur les supercheries intimes, de sourire aux trahisons de ces dames, aux lâchetés de ces messieurs. Justement, voici venir chez notre seigneur, marquis d'Auberive, une de ces intrigantes de la politique et de la charité, petites filles de Lady Tartuffe, aussi dangereuses que leur grand'mère, qui font la pluie et le beau temps dans les meilleurs salons de la grande ville. Elle est, par feu son mari, baronne allemande-, habile, intelligente, une prude payant de maintien et de paroles, cachant ses ambitions et ses faiblesses sous les dehors les plus modestes. En outre, elle est riche, et belle, et très-hypocrite. Une chose en ce moment manque à cette baronne de nouvelle édition : il faudrait à cette dame sérieuse un nouveau mari, mais celui-là d'un grand nom et d'un petit esprit; un de ces maris-valets placés dans un coin du salon pour donner l'exemple d'une résignation parfaite et d'une obéissance sans bornes. Et comme la dame est patiente et nage en eau trouble, elle


38 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

finira par pêcher ce phénix des bons maris. —Quant a vous épouser, ne comptez pas sur moi, baronne, dit le marquis à la dame. Il ajouterait volontiers, comme lord Byron : « Je n'ai vu personne qui ait beaucoup gagné au mariage. Tous mes contemporains qui ont passé sous le joug sont chauves et mécontents. » Et cependant le marquis demande à la dame un grand service. Il protége en ce moment certain député, autrefois libéral, légitimiste aujourd'hui, M. Maréchal, ancien maître de forges, et pour certains motifs qui tiennent aux alliances secrètes du marquis, M. d'Auberive intrigue afin que le discours de la droite, le discours-ministre, soit confié à son allié M. Maréchal. — « Bon, bon, dit la dame au marquis, on connaît vos motifs : vous avez été au grand mieux avec la première madame Maréchal. — Je ne dis pas non, répond M. d'Auberive en se haussant d'une coudée, et puis je suis le parrain de mademoiselle Fernande Maréchal, jolie enfant, je m'en vante (un mot de Figaro à Brid'oison) ; enfin, s'il faut jouer cartes sur table avec vous, baronne, j'attends un d'Auberive de la branche cadette des d'Auberive-Outreville, un athlète, un gaillard, un rustique, un chasseur, si j'en crois la taille et les façons d'agir de son père et de son grand-père. » A ces mots, le domestique annonce à haute voix M. le comte d'Outreville, et l'on voit entrer, bone Deus! une façon de sacristain, les yeux baissés, la démarche lente et modeste, en lévite, l'air recueilli, le véritable élève et disciple de son directeur, M. de SaintAgathe. — Oh là ! mon cousin est un cuistre, se dit le marquis. — Voilà bien le mari qu'il me faudrait, pense en son par-dedans madame la baronne. Il sera riche, il est noble, il porte de gueules a trois besans d'or... La baronne a raison : l'élève de M. de Saini-Agathe est bien le fait d'une prude. On dirait Tartuffe à vingt ans. Il aime à fréquenter les églises bien chauffées, les boudoirs bien discrets ; il recherche avec une ardeur silencieuse les femmes qui prospèrent et fleurissent à l'ombre de la dévotion, et de préférence il cultivera les plus jeunes, les plus belles et les mieux faites. C'est leur charme et c'est leur attrait; elles vont et il va ; elles arrivent, il revient ; elles ont la myrrhe, il a l'encens. II se connaît en beaux sermons, en beaux saluts, en belle musique, en beau linge, en modestie, en médisance, et même, au besoin, monsieur se permettrait un peu de calomnie. A chaque règne son hypocrite. Tartuffe à Louis XIV ! Basile à Louis XV ! Nous en avons une vingtaine d'espèces au temps présent, et beaucoup plus que n'en déclare M. Emile Augier. — Il faut convenir, se dit M. d'Auberive, que mon héritier me déplaît. Une autre inquiétude entre le marquis et la baronne, aussitôt qu'ils ont décidé que M. Maréchal serait l'orateur officiel de leur


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 39

faubourg, c'est de remplacer leur grand pamphlétaire et leur fameux écrivain, M. Théodat, le terrible insulteur des plus honnêtes gens et des libres penseurs, M. Théodat, l'introuvable et l'impayable. Il remplaçait, de son vivant, ce grand maître écrivain, l'inspiration par la rage et le sourire par les morsures. Il avait fait de sa plume un stylet trempé dans le fiel, et l'on disait de lui ce que Shakspeare disait du scorpion : « Il est tout petit, mais tout venin. » Le voilà mort. Pleurez, Tisiphone ; Alecto, arrachez de vos mains impures vos cheveux de serpents ! Qui remplacera désormais l'éloquent Théodat ? Qui dira aussi bien que lui l'injure et l'invective dans une profusion plus violente de perfidies et de mensonges, avec de plus furieux grincements ? Hélas ! personne, et nous sommes bien malheureux d'avoir perdu ce satellite épouvantable de la bonne cause!... Ainsi dit la baronne... O miracle, ô bonheur! Théodat n'est pas mort tout entier. Théodat laisse un disciple, un émule, un autre lui-même ; il a imposé ses mains, que disons-nous? ses griffes, il a soufflé sur le Giboyer des Effrontés, ce même Giboyer qui réalisait et réalise encore si complétement, dans son infamie et son abjection, la définition du coquin par Théophraste : « Un coquin, disait Théophraste, est celui à qui les choses les plus honteuses ne coûtent rien à dire ou à faire. » — On a besoin d'un nouveau Théodat, me voilà! dit Giboyer au marquis d'Auberive. — Et qu'avez-vous fait, mon cher, reprend le marquis, depuis le temps où vous insultiez, sous les ordres de M. Vernouillet, les femmes qui ne pouvaient pas vous répondre? — Ah! répond le Giboyer, je suis naturellement tombé de bassesses en bassesses, et j'ai fini, pouvais-je aller plus bas ? ne vous en déplaise, monsieur le marquis, par la biographie infamante. Et tout cela, tant de honte et de désespoir, pour un morceau de pain que ce malheureux n'avait pas toujours, car c'est encore aujourd'hui la vieille chanson :

Le coquin de qui la satire Si gentiment taille et déchire, En si beau champ de se venger, Trouve à mordre et non à manger.

Et comme si, après les premières biographies et les insultes aux plus honnêtes gens, le Giboyer eût compris qu'il n'était pas de force à prolonger ce triste métier et qu'il n'irait pas bien loin dans ce dédale, il a changé de sentier; il est devenu employé des pompes funèbres à Lyon : voilà pour ses matinées. C'est lui qui disait aux gens du convoi : Messieurs, quand il vous fera plaisir!... Le soir venu, Anatole Giboyer


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était contrôleur au théâtre des Célestins; il plaçait les petites dames à l'orchestre. Il a tenu même un bureau de nourrices, et maintenant le voilà, grâce à la mort de saint Théodat, qui revient à ses premières inclinations, à l'injure, à la violence, à ce métier de mercenaire, exécré même dans les armées du moyen âge :

Quand on veut des héros, il faut bien les payer. Les casques sont d'acier et les coeurs sont de bronze.

Ainsi, par ce nouveau mercenaire, on va remplacer tant bien que mal le fameux Théodat. Or, cette nouvelle mise en scène et celte conversion inespérée du Giboyer vous représentent le dernier triomphe et le chef-d'oeuvre du marquis d'Auberive. Il n'a jamais mis en oeuvre avec plus d'ardeur sa propre maxime : Les travers du vainqueur sont la consolation du vaincu. Il n'a jamais dit avec plus de verve et de conviction : Crève donc, société!...

Telle est la simple exposition de ce drame aux accents si divers, et pensez donc au talent, à la verve, à l'esprit de l'auteur, pour avoir rendu supportable ces tristes héros, pour avoir rendu Giboyer intéressant, et son fils Maximilien digne enfin d'épouser la jeune et belle Fernande. On aurait peine à trouver un plus beau mouvement, un cri plus profondément sorti de l'âme humaine, que ce cri du jeune homme à Fernande :

« Expliquez-vous, mademoiselle, et dites-moi, au nom du ciel, d'où vient l'horreur que je vous inspire! » Ah! voilà un beau mouvement! voilà bien la beauté morale de la vie humaine! et comme on comprend aux battements de son propre coeur, à entendre ces paroles jeunes et généreuses, la vérité de cette parole d'Aristophane, ce railleur : « Il ne faut pas trop détester le genre humain. » Il ne faut pas trop le mépriser non plus. Ironie, esprit, tant que vous voudrez, mais n'effaçons pas la bienveillance. Equité, bonté, bienveillance, il n'y a rien de tel pour vous reposer de ces âmes sales, « pétries de boue et d'ordures », et faites pour ramper vilement devant les plus riches et les plus forts.

La pièce aussi doit beaucoup à la grâce, à l'énergie, à la simplicité du style. Elle est franche et franchement écrite. Elle a soulevé bien des indignations; elle a rencontré bien des gens pour l'applaudir. Que de pamphlets, que de violences, que de malédictions autour de cette oeuvre éclatante d'ironie et de vengeance! En même temps, quelle sympathie et quel contentement dans celte foule, heureuse du châtiment imposé aux calomniateurs de profession.

Le Fils de Giboyer résumerait tout le travail de celte année. On n'a


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 41

rien fait qui ait produit plus de bruit, plus de flamme et plus d'éclairs.

Nous ne terminerons pas ce chapitre, où déjà tant de choses appartiennent à l'oubli, sans accorder un regret mérité à M. Alexis de Comberousse, un des plus féconds auteurs des théâtres de Paris, que le théâtre a perdu celte année. A la même heure, nous avons perdu un des bons esprits de ce temps-ci, M. Léon de Wailly, très-bon juge et très-bienveillant, qui connaissait l'Angleterre aussi bien que Tackeray lui-même.

Un jeune homme, un grand artiste, M. Prudent, le digne émule des Listz et des Thalberg, a disparu cruellement le lendemain de son dernier concert. Applaudi la veille, il tombait soudain dans la solitude et dans le silence sans fin.

Le doyen des critiques de ce temps-ci, un bel esprit bienveillant, rare et charmant, un savant de premier ordre et si modeste, avec tant de bienveillance et d'urbanité, M. Delécluze, est mort à Versailles, à l'âge de quatre-vingt-trois ans. Il y avait quarante ans que M. Delécluze donnait dans le Journal des Débats l'exemple assidu d'une exquise politesse et d'une critique écoutée de tous.

Pour mémoire : un grand malheur, cette année encore, a frappé M. de Lamartine. Il a perdu la compagne et le soutien de toute sa vie. Il a perdu tout ce qui lui restait de force et d'espérance; et lui-même, courbé sous le mal, il s'est vu privé de la triste consolation de fermer les yeux de madame de Lamartine.

Frappe encor, ô douleur! si tu trouves la place! Frappe ! ce coeur saignant t'abhorre et le rend grâce! Puissance qui ne sait plaindre ii pardonner!... Cherche! je m'abandonne à ton regard jaloux, Car mon coeur n'a plu rien à sauver de tes coups!

Arrêtons-nous à ces plaintes, et n'ôtons pas à ce grand homme infortuné les derniers efforts de son courage. « Ami, disait un ancien, l'homme ici-bas est fait pour deux choses : accomplir dignement une grande tâche et porter avec courage un grand malheur (1). »

JULES JANIN.

(1) Agere et pati fortia humanum est.


TABLE NÉCROLOGIQUE.

ADAM (Albert), peintre.

AHIER (John-Patriarche), journaliste.

ALBERDA (J.-J.), homme de lettres.

ALDIS (le docteur sir Charles), id.

AUDUERA (José Maria de), id.

ARANIIA (Horacio), graveur photographe.

ARBOLEDA (le docteur Julio), poëte et journaliste.

ARIBAN (Carlos), homme de lettres.

ARMELLINI (Carlo), poète.

ARNAUD (Étienne), musicien.

ARSAULT (Lucien), auteur dramatique.

ASSURAYER (Ignace), maître de chapelle.

AZEGLIO (Louis Tapparelli), journaliste.

AZEGLIO (le marquis Roberto Tapparelli d'), directeur des musées royaux d'Italie.

BARRIÈRE père, vaudevilliste.

BARTHOLOMEW (mistriss Anna), peintre de fleurs.

BAR WOLF, violoniste.

BAUMGARTNER (Auguste), organiste.

BAY (Jean-Bapliste-Joseph de), sculpteur.

BERLEUR (Joseph), peintre.

BEYER (Ferdinand), compositeur de musique.

BIZET (Pierre), homme de lettres.

BONNEY (H.-K.), homme de lettres.

BOOTH (Mme, connue sous le nom de miss Mary Devlin), artiste dramatique.

BORCHARDT, artiste lyrique.

BOULANGÉ-KANZÉ, musicien.

BRA (Théophile), statuaire.

BRAHAM (John Hamilton), artiste lyrique.

BROCHETON, peintre.

BRUGADA (Antonio de), peintre.

CALAME (Henri-Florian), homme de lettres.

CARISTIE ( Auguste-Nicolas ), architecte, membre de l'Académie des Beaux-Arts.

CARLOWITZ (Aloyse-Christine, baronne de), femme de lettres.

CAUTERON (Édouard), homme de lettres.

CASSINI (Francesco), journaliste.

Cavos (A.), architecte.

CHARBIN (Pierre-Joseph), chansonnier.

CICCONI (Theobaldo). auteur dramatique.

CIROM (Piero), homme de lettres.

COMBEROUSSE (Alexis de), auteur dramatique.

COOK (George), artiste dramatique.

CORFE (Arthur Thomas), compositeur de musique.

CORR (Matthieu-Érin), graveur.

COSSAT, journaliste.

COUDERT (Hippolyte), journaliste.

CRAZANNES (le baron Chaudruc de), homme de lettres.

CRÉPU (Alexandre), journaliste.

CUENDE (Engenio-Martinez), journaliste.

CUSTARD, peintre.

DAMOREAU (Mme Cinti-), artiste lyrique.

DANJOY, architecte.

DANSE (Charles), auteur dramatique.

DARTHENAY, journaliste.

DELAVEAU (H,), homme de lettres.

DELÉCLUZE. ( Étienne-Jean) , homme de lettres.

DELGRAS (Antonio Alvera), id.

DELVAUX (Édouard), peintre paysagiste.

DEMI (Émilio), sculpteur.

DÉSABES, poëte.

CESCOINS, architecte.

DEVICQUE (Édouard), auteur dramatique.

DEVIGNE (Félix), peintre,

DIIUY (Carie le), homme de lettres.

DIELON (L.), journaliste.

DOUIN, artiste dramatique.

DRINODY, poëte et publiciste.

DUCKETT (William), homme de lettres.

DUFRESNE (Alfred), compositeur de musique.

DUNGANNON (Arthur-Hill-Trevor, vicomte), historien.

DUNOYER (Charles), journaliste.

DUNOYER ( Charles ), homme de lettres, membre de l'Institut.

DURAN (Agustin), homme de lettres.

DURET (Mma), artiste lyrique.

DUTILLEUL (Hippolyte-Romain), homme de lettres.

DUVIVIER (Antony), publiciste.


ALMANACH DE LA LITTÉRATURE, ETC.

43

EDMONS (Francis W.), peintre.

EGG (Augustus Léopold), id.

ELLENVVIEDER (Mlle Marie), id.

EMBDE (A. Vonder), id.

EMST (L.). architecte.

FARIA PEREIRA (José Paes de), publiciste.

FEIL (J ), historien.

FÉLINE (Adrien), homme de lettres.

FÉLIX (Mlle Anna), peintre.

FIGUEROA (Francisco de), poète.

FIODO (Vincent), musicien.

FIONNE (Henri du Bois), pianiste.

FISCHEL (Édouard), journaliste.

FISCHER (J.), artiste lyrique.

FLEURY (Mme Élisa), poëte.

FOSTER (mistriss J.-C, connue sous le nom de miss Cate-Saxon), artiste dramatique.

FROHLIcH, journaliste.

GALVEZ-ARMAnDI (Rafaël), auteur dramatique.

GARCIA (Mlle Marie), artiste lyrique,

GATLEY (Alfred), sculpteur.

GENGE (George), artiste lyrique.

GLOVER (Charles), poëte et musicien.

GOMEZ Y CROS (Antonio), peintre.

GOUT-DESMARTRES, homme de lettres.

GRUNWALD, violoniste.

GUÉRARD (Frédéric), journaliste,

GUIIL (le docteur), historien.

GUILBERT (Aristide), homme de lettres,

HAMEL, maître des ballets.

HANNER (J.), poëte.

HESS (Henri de), peintre.

HOUEL (Gabriel), homme de lettres.

HUIÎEU (F.), compositeur de musique.

HUBERT (D'), journaliste.

HUBSCH (Henri), architecte.

HUGON (Godefroy), poëte.

HUMES (James), journaliste.

JACOBBAR, peintre.

JACOPETTI, homme de lettres.

JASPAR (André), compositenr de musique.

JOFFRES (Hippolyte), journaliste.

JONES (J. Édouard), sculpteur.

JOUSLIN DE LA SALLE, auteur dramatique.

JUNIOZ (Jonquin Casimiro), compositeur de musique.

KELZ (J.-F.), violoncelliste.

KLINGEMANN (Karl), homme de lettres.

KNOWLES (James Shéridan), auteur dramatique.

KONLER (J.), poëte et romancier.

KOZIELL (Vincent), journaliste.

KUPELWEISER (Léopold), peintre d'histoire.

LABROUE, peintre.

LAITIÉ, statuaire.

LARMOYER, journaliste.

LARREA (José-Maria), homme de lettres.

LATAYE (Eugène), id.

LATOUR (Joseph), peintre.

LAUMIER (Charles-Lazare), journaliste.

LAURENT, id.

LEBERT (Henri), peintre.

LECOQ, journaliste.

LEJEUNE, peintre.

LEPERS (Théodore), architecte.

LESTRANGE (Slyleman), peintre décorateur.

LEWIS (sir George Cornewall), publiciste.

LIEDCKA (Clara Stech), artiste dramatique.

LIVRY (Mlle Emma), danseuse.

LOEBEL (J.-W.), historien.

LOMPA, poëte et historien.

LOUANDRE, homme de lettres.

LUBIZE (Martin), auteur dramatique.

LUBLINCK WEDDIK (B.-T.), homme de lettres,

LUCAS (Louis), homme de lettres.

MAGINNIS (John), journaliste.

MAGNIN (Charles), homme de lettres.

MALLALIEU (Alfred), littérateur.

MANFREDINI (Francesco), historien.

MARCHESI (Luigi), peintre.

MARTINI (Vincenzo), auteur dramatique.

MAURICE (Achille), architecte.

MEYER, auteur dramatique.

MICHITELLI (Francisco), homme de lettres.

MINISZEWSKI, homme de lettres.

MIOT, artiste musicien.

MOERTS (Lambert-Joseph), violoniste.

MOKA (Henri), homme de lettres.

MONTROL (de), journaliste.

MOQUIN-TANDON (Horace-Bénédict-Alfred), médecin littérateur.

MUHLDORFER, peintre décorateur.

MULLER (C.-G.), musicien.

MULREADY (William), peintre.


44

ALMANACH DE LA LITTÉRATURE, ETC.

MUNCH (P.-A.), historien.

NAVABROT (Xavier), poète.

MEPVEU (Frédéric), architecte.

NÉREE BOUBÉE, journaliste.

NEWSHAUC ( Charles ) , compositeur de musique.

NICOLE, auteur dramatique.

NORMANBY (le marquis de), romancier.

NOSSENT (J.-F.-H), journaliste.

NOTERMANN (Emmanuel), peintre.

OLONA (Luis), auteur drarnalique.

ORLANDI (Mlle Ottavia), peintre. OSORIO (Fernando), acteur et auteur dramatique espagnol.

PARDOE (miss Julia), femme de lettres.

PASTOR-DIAZ (Nicomedes), homme de lettres.

PEDROSO (Éduardo Gonzalès), journaliste.

PÉRIER, artiste dramatique.

PERSONNEAUX, journaliste,

PERVILLÉ (H ), id.

PETIT, homme de lettres,

PIGNET (Charles), journaliste.

PISHEY-THOMPSON, historien,

PISTORIUS (E.), peintre.

PITRE-CHEVALIER, homme de lettres.

PLANCHE (Louis-Augustin), id.

PRUDENT (Émile), pianiste.

PUTXEYS (Henri), id.

RAMSS (Dona-Trinidad), artiste lyrique.

RANDALL CLARK (John), architecte.

REISSER (Gabriel), publiciste.

RÉVILLE (A.), journaliste.

RHÉAL (Sébastien), homme de lettres.

RIGAL, artiste drarnalique.

ROCHEFOUCAULD-LIANCOURT (Gaétan-Frédéric, marquis de la), homme de lettres.

RODiN (François-Étienne), pianiste.

ROGERS (James), artiste dramatique,

Rossi (Luigi-Felice), maître de chapelle.

ROST (Valentin), homme de lettres.

SCHETTINI (Rafdêlle), homme de lettres.

SCHLEIIAN (Robert), journaliste.

SCHMIT (H.), violoncelliste.

SCHUTZLER, peintre.

SCHUBERTH, violoncelliste et compositeur,

SCHWANDA (J.), journaliste et professeur de déclamation.

SELBY (Charles), auteur et artiste dramatique.

SERDA, artiste lyrique.

STACHE (Adolphe), peintre.

STEVAERT (Antoine), id.

SWANBOROUGH (Henri-Valentin Smith, dit), artiste dramatique.

TAYLOR (Édouard), compositeur de musique.

TAYLOR (miss Emma), artiste dramatique.

TCHERIMSCHEN, peintre.

THOMSON (mistress), femme de lettres.

THOS (Ellis-Owen), architecte.

TICOULET, arTiste lyrique.

TOUELLI (AgosTino), poëte.

UHLAND (Jean-Louis), id.

VANDESANDE (Mme), artiste dramatique.

VARRY, auteur dramatique.

VECCHIOTTI ( Luigi ) , compositeur de musique.

VER.NET (Horace), peintre.

VERROUST (Stanislas), musicien.

VERSCHAEREN (Jean-Antoine), peintre.

VERSTOVSKI, compositeur.

VIEL, architecte.

VIENNOT, journaliste.

VILLEVIEILLE, peintre.

VIVIER, DE STREEL (Charles du), poëte wallon,

VOGEL (Charles), homme de lettres.

ZÉNON (Léon), poëte.

WAILLY (Léon de), homme de lettres.

WALDACK (Vital), journaliste.

WALKEH, architecte.

WALL (le docteur), orientaliste.

WILLEWAL (le docteur), homme de lettres.

WILLIAMS (Richard Calton), homme de lettres.

WiLLMORE (James Tibbeto), graveur.


NÉCROLOGIE.


M A D A M E CIN TI-D A MORE AU.

L'année qui vient de s'écouler est une année de grand deuil pour les arts. Des talents aimés, des génies admirés se sont éteints, léguant à la postérité leur nom et leurs oeuvres. De ceux-là du moins tout n'est pas mort : un livre, un tableau, une statue, une page de musique seront leurs éternels représentants en même temps que des preuves à l'appui de leur célébrité. Il n'en est malheureusement pas de même pour une classe d'artistes dont rien ne reste, quelle qu'ait été leur éminence, si ce n'est tout au plus le nom dans le souvenir des contemporains survivants, ou sur les feuillets de quelque biographie rarement consultée: nous voulons parler des musiciens exécutants, chanteurs ou instrumentistes, dont toute la gloire s'évanouit avec le son qui l'a produite. Ces réflexions nous sont venues en songeant à la grande cantatrice dont nous avions à retracer la vie si constamment remplie par le succès.

Madame Laure-Cinthie MONTALANT, connue sous le nom de Cinti-Damoreau, naquit a Paris le 6 février 1801. A peine âgée de sept ans, elle entra, en 1808, au Conservatoire de musique. Ses dispositions exceptionnelles la firent admettre, en peu de temps, dans les classes de piano et d'harmonie, où


ALMANACH DE LA LITTÉRATURE, ETC. 47

ses progrès furent si rapides, qu'il lui arriva quelquefois de suppléer le professeur. Elle voulut entrer dans une classe de chant ; ses professeurs s'y opposèrent, non qu'ils refusassent de lui reconnaître les qualités qui font les cantatrices, mais dans le seul but de cultiver spécialement son talent de pianiste déjà très-remarquable. Mais l'avenir qu'on lui promettait n'était point celui que rêvait la jeune élève , et, le Conservatoire ayant été fermé en 1814, Laure, aidée des conseils de quelques maîtres distingués, se lança résolument dans la voie où la poussait le pressentiment de ses futurs succès. Son principal moyen d'étudé fut de suivre assidûment les théâtres et les représentations où paraissaient les célébrités musicales, comparant, analysant les talents et les méthodes, et s'appropriant tout ce qui pouvait développer ou perfectionner les riches qualités dont l'avait pourvue la nature. Elle se produisit d'abord dans quelques salons, à Paris; elle s'y fit remarquer. Bientôt elle essaya de donner des concerts; son nom était encore trop peu connu; le public répondit avec tiédeur à son appel. Loin de se rebuter, elle redoubla d'ardeur et parvint à se faire engager au Théâtre-Italien pour les seconds rôles; c'était:en 1819 ; elle avait dix-huit ans ; elle prit alors le nom de mademoiselle Cinti. Après avoir débuté dans la Cosa rara, elle joua le rôle du page dans les Nozze di Figaro, puis aborda les grands rôles en 1821. Appelée à chanter le Rossignol, dans une représentation donnée par l'Opéra au bénéfice des incendiés de Salins, mademoiselle Cinti obtint un de ces succès qui font époque dans la vie d'un artiste. Cette soirée décida son admission sur notre première scène lyrique ; un second début, dans le rôle d'Amazili de Fernand Cortès, lui valut un nouveau triomphe; elle fut, à partir de ce moment, regardée comme la première parmi les premières : ainsi l'avait saluée Hérold, qui n'était pas homme à faire abus d'un pareil litre. Alademoiselle Cinti, jouant alternativement aux Italiens et à l'Opéra, sembla se faire un jeu de porter un double poids sous lequel peu d'artistes n'eussent pas été écrasés. En 1826, elle fut attachée exclusivement à l'Opéra ; mais un démêlé qu'elle eut avec l'administration la fit partir, l'année suivante, pour Bruxelles, où le public l'accueillit avec des transports d'admiration. Ce fut dans cette ville qu'elle connut et épousa l'acteur Damoreau ; elle ne trouva point le bonheur dans cetle union. De retour à Paris et réconciliée avec l'Opéra, elle continua dans la Muette, Robert le Diable, le Serment, une série de succès qu'avaient commencée d'une façon si éclatante Fernand Cortès, le Rossignol, le Siège de Corinthe, te Comte Ory, Moïse. Madame Cinti-Damoreau devait, sur une autre scène lyrique, dépasser encore l'impression qu'elle avait déjà produite sur le public dilettante. Engagée, en 1835, au théâtre de l'Opéra-Comique, elle s'y est fait un nom impérissable dans Action, ï Ambassadrice, le Domino noir. Retirée en 1841, après avoir créé la Rose de Péronne, d'Adolphe Adam , elle ne chanta plus que pour ses élèves du Conservatoire, et dans quelques concerts qu'elle alla donner en Russie et en Amérique, Madame Cinti-Damoreau est morte le 26 février 1863. Il nous reste d'elle un Album de romances et une Méthode de chant.


48 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE, ETC.

HORACE VERNET.

Horace Vernet, naquit à Paris, le 30 juin 1789. Rien ne fut négligé pour le développement de son intelligence ; on lui fit suivre les cours du collége des Quatre-Nations, en même temps qu'on l'envoyait prendre des leçons de dessin chez Moreau, chez Chaigrin, chez Vincent. Son père, Carie Vernet, eut d'abord l'idée de faire de lui un graveur; un débat malheureux le convainquit bientôt qu'il s'était trompé. Le jeune Horace se sentait entraîné dans une autre voie; à vingt ans, il annonça dans son tableau de la Prise d'une redoute ce qu'il pouvait, ce qu'il devait devenir un jour. Son début au salon eut lieu en 1812 avec deux études de chevaux, deux intérieurs d'écurie cosaque et polonaise. On remarque de lui, en 1814, un portrait en pied de Garde d'honneur — le Chien du régiment — le Cheval du trompette, et, en 1817, la Bataille de Tolosa — Une halte — Une surprise d'avantposte — la Mort de Ponialowski.

«■ Peu de piintres ont mieux compris le soldat, dit M. Ch. d'Argé dans une notice biographique publiée par le Monde illustré. Ses tableaux sont, sous ce rapport, les pages les plus fidèles de l'épopée du Consulat et du premier Empire. Ils furent d'autant plus recherchés, d'autant plus applaudis, lorsqu'ils parurent, qu'ils illustraient de glorieux souvenirs qu'on voulait en vain faire oublier à la France. Comme Béranger, avec ses chansons, Horace Vernet, avec ses pinceaux, savait remuer la fibre populaire. Le chansonnier et le peintre ont éîê dus lutteurs véritablement prédestinés. Ce n'étaient pas de vulgaires combattants de circonstance. De grands talents protégeaient leurs oeuvres, leur assuraient des succès, une gloire qui ne s'effaceront jamais. »

En 1819, Horace Vernet (il avait trente ans), exposa les Guérillas embusqués — Ismael et Maryam — le Duc d'Orléans passant la revue du 1er régiment de hussards — l'Intérieur d'une étable à vaches — Un grenadier français sur le champ de bataille — Une marine—l'hospice du Mont Saint-Gothard—la Folle par amour — Une prêtresse druidique improvisant aux sons de la harpe — la Revue du 2e régiment de grenadiers à cheval de la garde royale — Molière consultant sa servante — le Massacre des Mametucks.

De 1820 à 1823, Horace Vernet qui avait désormais conquis, et à juste titre, la faveur du public, exécuta les Batailles de Jemmapes — de Vàlmg — de Hariau — de Montmirail — la Barrière de Clichy — le Soldat laboureur — le Soldat de Waterloo — la Dernière cartouche — la Défense de Saragosse — Joseph Vernet attaché à son mât.

Ses deux tableaux de.Mazeppa datent de 1825 et 1826.

Le Pont d'arcole —- l'Evasion de M. de Lavatette — la Dernière chasse de Louis XVI — le Portrait du général Foy — Edith cherchant le corps d'Uarold figurèrent à l'Exposition de 1827.

Nommé directeur de l'Ecole de Rome; ce fut de là qu'il envoya aux expositions de 1829 à 1833, le Combat des brigands contre les carabiniers



80 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

du pape — la Confession du brigand — le Départ pour la chasse dans les Marais-Pantins—-l'arrestation des princes au Palais-Royal, par ordre d'Anne cl'Autriche — Judith et Holopherne — te Pape Pie VIII porté dans la basilique de Saint-Pierre — Rencontre de Raphaël et de Michel-Ange au Vatican—le Portrait de Vittoria d'Albano,etc.

Après son retour d'Italie, Horace Vernet exposa au salon de 1836, quatre épisodes des batailles d'Iéna, de Friedland, de Wagram et de Fontenoy. Le musée de Versailles renferme un grand nombre de ses tableaux : trois épisodes du siége de Constantine— l'Attaque de la citadelle d'Anvers— l'Occupation du col du Teniah de Mouzaïa — le bombardement de Saint-Jean d'Ulloa— la Prise de Bougie—l'Occupation d'Ancône— l'Entrée en Belgique — la Flotte forçant l'entrée du Tage, etc., etc. Dans le même temps, paraissaient divers tableaux de genre: Abraham renvoyant Agar — Rèbecca donnant à boire à Eliézer — la Chasse aux lions.

La Prise de la Smala obtint un succès populaire en 1845; il en fut de même de la Bataille d'Isly , en 1846.

A cette longue et pourtant très-incomplète liste des oeuvres d'Horace Vernet, il faut joindre de nombreux portraits, parmi lesquels nous signalerons ceux de Napoléon 1er, du duc d'Orléans, des maréchaux Gouvion Saint-Cyr et Gérard, des ducs de Tarente, de Reggio, de Filz James, de LouisPhilippe et de ses fils, de Napoléon lll, du frère Philippe ; ce dernier est un chef-d'oeuvre.

A l'exposition universelle de 1855, où il avait réuni à ses principales toiles le Choléra à bord de la Melpomène — Un intérieur d'atelier — le portrait du maréchal Vaillant, et la Messe au camp, Horace Vernet obtint du jury international une des grandes médailles d'honneur.

Chevalier de la Légion d'honneur dès 1814 , Horace Vernet avait élé nommé grand officier du même ordre lorsqu'il mourut le 17 janvier 1863. Il était âgé de soixanie-treize ans et demi. Il était membre de l'Académie des beaux-arts depuis 1826.

« Doué du plus heureux caractère, dit M. Ch. d'Argé, d'une verve inépuisable, gai, spirituel, il animait tout par sa présence. C'était le meilleur et le plus chaud des amis. Son excellente santé lui permettait de braver toutes les fatigues, de se livrer à tous les exercices. Sa vie a été une longue jeunesse. Il a suffi à des travaux prodigieux, à des voyages sans nombre. Le catalogue de ses ouvrages formera un immense volume, et le travail incessant auquel il se livrait ne l'a pas empêché de remplir les fonctions les plus importantes. Il a été directeur de l'Académie de France à Rome, à une époque difficile, en 1830, et il y déploya une patriotique énergie. Professeur à l'Ecole des beaux-arts, il était assidu à ses leçons, plein de bienveillance pour les élèves. Membre de l'Académie des beaux-arts, il a su rendre de grands services à la cause des arts et des artistes. »


DU THÉATRE ET DES BEAUX-ARTS. 51

UHLAND.

Uhland (Tean-Louis), un des chefs les plus remarquables de l'école romantique , en Allemagne , naquit à Tubingue , le 26 avril 1787. Après avoir fait ses études à l'université de ce te ville, il se fit recevoir avocat, puis docteur en droit. Dès 1804, c'est-à-dire à l'âge de dix-sept ans, il publiait ses premières poésies; elles furent suivies de chansons, de ballades et de romances qui obtinrent de grands succès, dans l'Almanach des Muses, l'Almanach poétique, et la Forêt des poëtes allemands. Fixé à Stuttgard comme avocat, à la suite d'un voyage qu'il lit à Paris, en 1810, il obtint un modeste emploi au ministère de la justice. « La guerre de l'indépendance allemande, de 1813 à 1815, hâta l'essor de son talent et lui imprima ce caractère national qui domine toutes ses oeuvres. En 1815, à propos de la nouvelle constitution que le roi de Wurtemberg donnait à ses Etats, il publia un recueil de poésies qui, insérées dans les journaux et vendues dans les rues, furent une force pour le parti libéral. Ce livre est resté son principal titre à la popularité. Ses ballades sont une résurrection complète du moyen âge ; ses chansons ont pour sujet les joies de la jeunesse et les espérances politiques de son pays; le style y est vif, brillant, plein de chaleur et de couleur, et, par surcroît, d'une rare clarté. » {Dictionnaire des contemporains).

Parmi les autres oeuvres d'Uhland, nous citerons un Recueil des vieux chants populaires en haut et bas allemand (1844-1845), et deux drames : le Duc Ernest de Souabe (1817), Louis de Ravière (1819).

Après avoir joué , de 1819 à 1848 , un rôle politique dont nous n'avons point à nous occuper ici, Uhland se retira à Tubingue, sa ville natale.

EUGÈNE DELACROIX.

Au moment où nous allions mettre sous presse notre Almanach, une bien douloureuse nouvelle est venue porter la consternation dans le monde artistique; Eugène Delacroix avait cessé de vivre. Quoique notre année nécrologique finisse le 31 juillet, nous n'avons pas voulu renvoyer à 1864 la reproduction de l'intéressant article que M. Théophile Gauthier a consacré au grand peintre, dans le Moniteur.

« Eugène Delacroix avait à peine soixante-cinq ans, et on l'eût cru

beaucoup plus jeune à voir son épaisse chevelure noire où pas un fil d'argent ne s'était glissé encore. Il n'était pas robuste, mais sa complexion fine, énergique et nerveuse semblait promettre une plus longue vie. La force intellectuelle remplaçait chez lui la force physique, et il avait pu suffire à une incessante activité de travail. Nulle carrière, quoiqu'elle ait été arrêtée brusquement, ne fut mieux remplie que la sienne. A dénombrer son oeuvre, on supposerait à Delacroix la vie séculaire du Titien. Élève de Guérin , auteur de la Didon et de la Clytemnestre, qui avait aussi dans son école Géricault et Ary Scheffer, il débuta au salon de 1822 par le Dante et Virgile, que son maître, alarmé


62 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE, ETC.

de cette fougue puissante, lui conseillait de ne point exposer. Cette peinture, qui rompait si brusquement avec les tradition académiques, excita des enthousiasmes et des dénigrements d'une égale violence, et ouvrit cette lutte continuée à travers toute la vie de l'artiste.

» Le mouvement romantique, se propageant de la poésie dans les arts, adopta Eugène Delacroix et le défendit contre les attaques du camp rival. M. Thiers, qui faisait alors le Salon dans le Constitutionnel, dit à propos de cette toile si louée et si contestée ces paroles,remarquables: « Je ne sais quel souvenir des grands artistes me saisit à l'aspect de ce tableau; j'y retrouve cette puissance sauvage, ardente, mais naturelle, qui cède sans effort à son entraînement. » En effet, dès lors, Eugène Delacroix était un maître. Il n'imitait personne, et sans tâtonnements, il était entré en possession de son originalité. Quoi qu'en puissent dire ses détracteurs, il avait apporté dans la peinture française un élément nouveau, la couleur, à prendre le. mot avec ses acceptions multiples. Le Massacre de Scio, qui figura au salon de 1824 porta au dernier degré d'exaspération les colères de l'école classique. Cette scène de désolation rendue dans toute son horreur sans souci du convenu, telle enfin qu'elle avait dû se. passer, soulevait des fureurs qu'on a peine à concevoir aujourd'hui en voyant cette passion, cette profondeur de sentiment, ce coloris d'un éclat si intense, celle exécution si libre et si vigoureuse. A dater de là, les jurés fermèrent souvent les portes de l'exposition à l'artiste novateur; mais Eugène Delacroix n'était pas homme à se décourager; il revenait à la charge avec l'opiniâtreté du génie qui a conscience de lui-même. La Mort du doge Marino Faliero, le Christ au jardin des Oliviers, Faust et Méphistophétès, et Justinien, Sardanapale, le Combat du Giaour et du pacha se succédèrent au milieu d'un tumulte d'éloges et d'injures.

» On appliquait à Delacroix la qualification trouvée pour Shakspeare « Sauvage ivre ». Et certes, rien n'était mieux imaginé pour désigner un artiste nourri dans la familiarité des poètes antiques et modernes, écrivain lui-même, dilettante passionné, homme du monde, délicieux causeur, doué du plus rare sentiment de l'harmonie. Après la révolution de. 1830 , Eugène Delacroix fit la Liberté guidant le peuple sur les barricades comme une réplique à l'iambe célèbre d'Auguste Barbier. Puis vinrent le Massacre de l'évêque de Liège, \es Tigres, le Boissy d'Angtas, la Bataille de Nancy, les Femmes d'Alger, tout un oeuvre merveilleusement varié, plein de poésie, de passion, de couleur, qu'il est inutile de détailler plus au long dans ces lignes rapides. Mieux compris et mieux accueilli, Eugène Delacroix put déployer son talent ample et robuste sur de vastes surfaces. Il eut à peindre la salle du Trône et la bibliothèque à la Chambre des députe, la coupole de la bibliothèque à la Chambre des pairs, le plafond de la galerie d'Apollon, une salle à l'hôtel de ville, et en dernier lieu, la chapelle des Saints Anges à Saint-Sulpice. Personne n'entendit mieux la peinture murale et décorative; il y montra dans la composition des qualités de premier ordre, et sut revêtir les édifices confiés à son pinceau d'un magnifique vêtement mat de ton comme la fresque, moelleux



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ALMANACH DE LA LITTÉRATURE, ETC.

comme la tapisserie. Ces travaux énormes ne l'empêchèrent pas d'envoyer toujours au Salon de nombreux chefs-d'oeuvre : Le Saint Sébastien, la Bataille de Taillebourg, la Mêdée, les Convulsionnaires de Tanger, la Noce juive au Maroc, la Barque de don Juan, la Justice de Trajan, l'Entrée des croisés à Constant in opte, l'Enlèvement de Rébecca, la Montée du Calvaire, et cent toiles dont la moindre porte la souveraine empreinte du maître.

» L'exposition universelle de 1855 fut pour Delacroix un véritable triomphe. Son oeuvre réuni apparut dans toute sa splendeur. Les contradicteurs les plus obstinés de sa gloire ne purent résister à cet ensemble harmonieux, éclatant et superbe, de compositions si diverses, si pleines de feu et de génie. L'artiste reçut la grande médaille et fut nommé commandeur de la Légion d'honneur. Cependant ce grand maître, dont la couleur ne s'éteint pas à côté des Titien, des Paul Véronèse, des Rubens et des Rembrandt, ne fut de l'Institut qu'en 1858.

» Eugène Delacroix eut le mérite d'être agité des fièvres de son époque, et d'en représenter l'idéal tourmenté avec une poésie, une force et une intensité singulières. Il s'inspira de Shakspeare, de Goëthe, de lord Byron, de Walter Scott, mais librement, en maître qui trouve dans l'oeuvre une oeuvre et reste l'égal de ceux qu'il traduit. Eckermann a conservé les paroles admiratives du Jupiter de Weimar lorsqu'il feuilletait de sa main octogénaire les feuilletons de Faust. Le poële allemand ne s'était jamais mieux compris que dans les lithographies du jeune maître français.

Cette mort inattendue laisse inachevés quatre grands panneaux décoratifs représentant des Nymphes au bain et destinés à M. Harthmann, et un Camp des Turcs attaqué nuitamment par des Grecs. Qui les finira?

Aux Beaux-arts de Venise, nous avons vu le dernier tableau de Titien, un Christ au tombeau avec cette inscription : quod Tizianus inchoatum reliquit, Palma reverenter absolvit. — Delacroix aura-t-il un Palma ?

Une reprise de la Médée, d'une dimension plus petite que celle de l'original, et faite pour M. Émile Péreire, est la dernière oeuvre a laquelle le maître ait apposé sa glorieuse signature. »


INSTITUT IMPÉRIAL DE FRANCE.

ACADÉMIE FRANÇAISE.

La séance publique annuelle de l'Académie française a eu lieu le 23 juillet 1863, sous la présidence de M. Saint-Marc-Girardin , directeur.

Programme des prix décernés.

PRIX D'ÉLOQUENCE.

L'Académie avait maintenu au concours, pour sujet du prix d'éloquence: Une étude littéraire sur le génie et les écrits du cardinal de Retz.

Le prix a été partagé également entre le discours inscrit sous le n° 12, portant pour épigraphe :

« L'envie de parler de nous, et de faire voir nos défants du côté que nous » voulons bien les montrer, fait une grande partie de notre sincérité. »

(LA ROCHEFOUCAULD. — Maxime 383.)


56 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

dont l'auteur est M. Topin, receveur de l'enregistrement et des domaines à

Aigues-Mortes (Gard);

et le discours inscrit sous le n° 15, portant pour épigraphe :

« Retz jeta dans la langue française la verve et le mouvement de son imagination » impétueuse. »

(M. VILLEMAIN.)

dont l'auteur est M. Joseph Michon, docteur ès lettres, docteur en médecine, licencié ès lettres.

Deux mentions honorables ont été accordées ;

1° Au discours inscrit sous le n° 16, portant pour épigraphe :

« Si aliqua contempsisset, si non parum concupisset, si non omnia sua amasset. »

(QUINTILIEN, Inst. orat., liv. X, ch. 1.)

dont l'auteur est M. Belin, répétiteur au lycée Charlemagne ; 2° Au discours inscrit sous le n° 26 , portant pour épigraphe :

« Cet homme singulier s'est peint dans ses mémoires avec un air de grandeur, » une impétuosité de génie, et une inégalité qui sont l'image de sa conduite. »

(VOLTAIRE. — Siècle de Louis XIV.)

PRIX DE POÉSIE.

L'Académie avait proposé pour sujet du prix de poésie à décerner en 1863, la France dans l'extrême Orient.

Le prix a été décerné à la pièce de vers inscrite sous le n° 30, et portant pour épigraphe ;

« De la lumière! de la lumière! encore plus de lumière! »

( Dernières paroles de GOETHE.)

dont l'auteur est M. le vicomte Henri de Bornier, conservateur à la bibliothèque de l'Arsenal.

PRIX DESTINÉS AUX OUVRAGES LES PLUS UTILES AUX MOEURS.

L'Académie française décerne deux prix de 3,000 fr. ;

1° A M. Paul Janet, pour son ouvrage en un volume in-8° intitulé Philosophie du bonheur ;

2° A l'ouvrage de feu mademoiselle Eugénie de Guérin , intitulé Journal et Lettres, 1 vol. in-8° ;

Six médailles de 2,000 fr. chacune :

1° A M. Ferraz, professeur de logique au lycée impérial de Strasbourg, pour son ouvrage intitulé De la Psychologie de saint Augustin. 1 vol. in-8°.


DU THÉATRE ET DES BEAUX-ARTS. 57

2° A M. l'abbé Blainpignon, docteur, en théologie et docteur ès lettres, pour son ouvrage intitulé: Etude sur Malebranche, d'après des documents inédits, suivie d'une correspondance inédite. 1 vol. in-8°;

3° A M. Alastier, ancien élève de l'École normale , docteur ès lettres, pour son ouvrage intitulé : Turgot, sa vie et sa doctrine. 1 vol. in-8° :

4° A M. Charles de Mouy, pour son ouvrage intitulé : Don Carlos et Philippe H. 1 vol. in-8° ;

5° A M. François de la Jugie, pour sa traduction en vers, les Psaumes d'après l'hébreu. 1 vol. in-12;

6° A AI. le marquis de Belloy, pour l'ouvrage intitulé : Théâtre complet de Térence, traduit en vers. 1 vol. in-12.

PRIX FONDÉ PAR M. LE BARON GOBERT.

Ce prix, conformément à l'intention expresse du testateur, se compose des neuf dixièmes du revenu total qu'il a légué à l'Académie, l'autre dixième étant réservé pour l'écrit sur l'Histoire de France qui aura le plus approché du prix.

Les ouvrages couronnés conservant, d'après la volonté du testateur, les prix annuels jusqu'à déclaration de meilleurs ouvrages, et aucun n'ayant, au jugement de l'Académie, paru dans l'année qui puisse disputer le premier prix à celui qui l'avait obtenu précédemment.

Le premier prix de la fondation Gobert demeure décerné à M. Camille Roussel, auteur de l'ouvrage intitulé : Histoire de Louvois et de son administration, etc.

L'Académie décerne le second prix de la même fondation à M. Charles Caboche, auteur d'un ouvrage intitulé : les Mémoires et l'Histoire en France. 2 vol. in-8°.

PRIX FONDÉ PAR M. BOUDIN.

Le prix spécial de trois mille francs, fondé par feu AI. Bordin , a été décerné, cette année, à M. Ferdinand Béchard, auteur des ouvrages intitulés : Droit municipal dans l'antiquité. 1 vol. in-8°; Droit municipal au moyen

âge. 2 vol. in-8°.

PRIX FONDÉ PAR M. LAMBERT.

Par décision de l'Académie, la récompense honorifique fondée par feu AI. Lambert, pour rémunération de travaux littéraires, a été décernée, cette année, à M. Léopold Laluyé, auteur de plusieurs ouvrages dramatiques.

PRIX FONDÉ PAR M. ACHILLE-EDMOND HALPHEN.

Le prix triennal de quinze cents francs provenant de la fondation faite par feu M. Achille-Edmond Halphen, pour l'auteur d'un ouvrage que, selon les termes de l'acte de fondation , l'Académie jugera à la fois le plus remarquable


58 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

au point de vue littéraire ou historique, et le plus digne au point de vue moral, est attribué, celte année, à l'ouvrage de feu M. Huguenin, intitulé: Histoire du royaume mérovingien d'Austrasie. 1 vol. in-8°.

Programme des prix proposés.

PRIX D'ÉLOQUENCE POUR 1864.

L'Académie rappelle qu'elle a proposé pour sujet d'un prix d'éloquence à décerner en 1864, l'Éloge de Chateaubriand.

Les ouvrages envoyés à ce concours seront reçus jusqu'au 1er mars 1864. Ce terme est de rigueur. Ils doivent parvenir francs de port.

PRIX MONTYON POUR L'ANNÉE 1864.

Dans la séance publique annuelle de 1864, l'Académie française décernera les prix et. les médailles provenant des libéralités de feu M. de Moutyon, et destinés par le fondateur à récompenser les actes de vertu et les ouvrages les plus utiles aux moeurs qui auront paru dans le cours des deux années précédentes.

PRIX DE L'OUVRAGE LE PLUS UTILE AUX MOEURS.

Ce prix peut être accordé à tout ouvrage publié par un Français, dans le cours des années 1862 et 1863, et recommandable par un caractère d'élévation morale et d'utilité publique.

Deux exemplaires de chaque ouvrage présenté pour le concours devront être adressés, francs de port, avant le 15 décembre 1863, au secrétariat de l'Institut. Ce terme est de rigueur.

PRIX EXTRAORDINAIRE POUR 1865.

L'Académie française avait proposé, pour sujet d'un prix extraordinaire de trois mille francs, qu'elle devait décerner en 1863, la question suivante:

« De la nécessité de concilier, dans l'histoire critique des lettres, le senti» ment perfectionné du goût et les principes de la tradition avec les recherches » érudites et l'intelligence historique du génie des divers peuples. »

Le prix n'a pas été décerné, et l'Académie a maintenu la question au concours; le prix sera décerné en 1865 ; les ouvrages manuscrits présentés à ce concours devront parvenir francs de port au secrétariat de l'Institut, avant le 15 septembre 1864. Ce terme est de rigueur.

PRIX FONDÉ PAR FEU M. LE BARON GOBERT.

A partir du 1er janvier 1864, l'Académie s'occupera de l'examen annuel


DU THÉATRE ET DES BEAUX-ARTS. 59

relatif aux prix fondés par feu M. le baron Gobert pour le morceau le plus éloquent d'histoire de France, et pour celui dont le mérite en approchera le plus.

L'Académie comprendra dans cet examen les ouvrages nouveaux sur l'histoire de France qui auront paru depuis le ler janvier 1863. Les concurrents devront déposer au secrétariat de l'Institut trois exemplaires de leur ouvrage avant le 1er janvier 1864.

Les ouvrages précédemment couronnés conserveront les prix annuels, d'après la volonté expresse du testateur, jusqu'à déclaration de meilleurs ouvrages.

PRIX FONDÉ PAR FEU M. LE COMTE DE MAILLÉ-LATOUR-LANDRY.

Le prix institué par feu AI. le comte de Alaillé Lalour-Landry en faveur d'un écrivain ou d'un artiste sera, dans les conditions de la fondation, décerné par l'Académie en 1864, à l'écrivain dont le talent, déjà remarquable, méritera d'être encouragé à suivre la carrière des lettres.

PRIX FONDÉ PAR FEU M. BORDIN.

La fondation annuelle de trois mille francs instituée par M. Bordin, et dont l'emploi, sous la forme d'un prix unique, a eu lieu pour la première fois en 1856, sera spécialement consacrée à encourager la haute littérature :

Soit que l'Académie dispose de ce prix en faveur d'un ouvrage publié dans les deux années ou dans l'année précédente, et remarquable, quels qu'en soient l'objet et la forme, par l'étendue des connaissances littéraires et le talent d'écrire ;

Soit que, dans d'autres cas préalablement annoncés, l'Académie ait jugé convenable de proposer le sujet même du prix par la mise au concours d'une question d'histoire et de critique littéraire empruntée soit à l'antiquité, soit aux temps modernes.

Pour la neuvième application du prix, en 1864, l'Académie statuera exclusivement par l'examen comparatif des ouvrages imprimés dans les deux années précédentes, qui lui paraîtraient rentrer dans les conditions indiquées ci-dessus, et dont l'envoi, à trois exemplaires, lui aurait été adressé par les auteurs avant le 1er janvier 1864.

PRIX FONDÉ PAR FEU M. LAMBERT.

L'Académie a décidé que le revenu annuel de cette fondation serait, dans les limites de la pensée du testateur, convenablement affecté, chaque année, à tout homme de lettres, ou veuve d'homme de lettres, auquel il serait juste de donner une marque d'intérèt public.


60

ALMANACH DE LA LITTÉRATURE, ETC.

PRIX FONDÉ PAR FEU M. ACHILLE-EDMOND HALPHEN.

L'Académie décernera, pour la troisième fois, en 1866, le prix triennal de quinze cents francs, fondé par feu AI. Achille-Edmond Halphen, et se composant des arrérages de trois années d'une rente de cinq cents francs, pour être attribué à l'auteur de l'ouvrage que, selon les termes de l'acte de la fondation, l'Académie jugera à la fois le plus remarquable au point de vue littéraire ou historique, et le plus digne au point de vue moral.

Les ouvrages adressés pour ce concours devront être envoyés avant le 1er janvier 1866. Les concurrents devront en déposer trois exemplaires au secrétariat de l'Institut.

CONDITIONS POUR TOUS LES CONCOURS DE L'ACADÉMIE.

Les ouvrages destinés à concourir aux divers prix devront être déposés ou adressés francs de port, au secrétariat de l'Institut, avant le terme prescrit, et porter chacun une épigraphe ou devise, qui sera répétée dans un billet cacheté joint à l'ouvrage, et contenant le nom de l'auteur, qui ne doit pas se faire connaître. Si quelque concurrent manquait à cette dernière condition, son ouvrage serait exclu du concours.

Les concurrents sont prévenus que l'Académie ne rendra aucun des manuscrits qui auront été envoyés au concours; mais les auteurs auront la liberté d'en faire prendre des copies s'ils en ont besoin.


EXPOSITION DES BEAUX-ARTS.

SALON DE 1863,

PEINTURE.

NE question. Est-ce à cause de leurs dimensions, est-ce pour le tapage des couleurs ou par amour de ce qui étonne, saisit et fait frémir, que la foule se porte tout d'abord devant les tableaux de batailles? Faisons comme la foule, sans chercher à approfondir la question.

A tout seigneur tout honneur : commençons par signaler le Magenta de Al. Adolphe Yvon, le plus grand des tableaux de ce genre, mais qui joint heureusement d'autres mérites à celui-là. Al. Yvon a choisi pour sujet l'épisode le plus dramatique de la bataille de Magenta, l'escalade du mur de la maison verte. Il est impossible d'animer une toile de plus de mouvement, de fougue, de furie; ce sont bien des soldats, de vrais soldats français, qui s'élancent, qui grimpent, qui combattent, qui meurent pêle-mêle avec les Autrichiens, en présence de cette madone que le peintre a eu l'idée ingénieuse de badigeonner à l'angle d'un mur, avec l'Enfant-Jésus sur ses genoux.

Deux tableaux de M. Protais, Avant l'attaque et

Après le combat, ne sont pas moins remarqués que le Magenta, et c'est justice. Que de recueillement, que de mélancolique rêverie, et en même temps que de résolution dans

la physionomie, dans l'attitude de cette poignée. de braves pour qui les clairons vont tout à l'heure sonner la charge! Et quand le regard se porte du premier au second tableau, comme on admire ces visages transformés par la lutte, ces


62 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE ,

héros aux vêtements en désordre, pansant tranquillement leurs blessures, ou cherchant d'un regard inquiet des camarades absents! Comme on partage l'émotion de ces deux officiers qui s'imbrassent, heureux de se retrouver!

La Charge du général Desvaux à Sotferino est un bon tableau de AI. Armand Dumarescq ; hommes et chevaux y sont pleins de vie et parfaitement groupés. — Le Combat de Montebello, par Al. Philippoleaux, nous représente le général Forey et ses tirailleurs marchant sur Montebello, qu'occupent les Autrichiens; le Combat, de Diernstein est du même auteur, et rappelle un des plus beaux faits d'armes de 1805.

Une charge du 2e hussards à la bataille de Sotferino s'exécute avec un élan et un entrain qui font honneur au talent de M. Janet-Lange.

On admire le groupe du sergent défendant seul son drapeau contre les Hongrois, dans le Drapeau du 91e de ligne de M. Eugène Bellangé.

N'oublions pas de mentionner une toile de AI. Schreyer : Le prince de Thurn et Taxis blessé à Temesvar, et nous aurons payé aux batailles du Salon à peu près le tribut d'éloges auquel elles ont droit. Ce n'est pas à dire toutefois qu'on doive regarder avec une complète indifférence la Capture du chérif Mohammed-ben-Abdallah de M. Couverchel, le Débarquement des troupes françaises en Syrie de M. Beaucé, non plus que deux tableaux de M. Carpentier : la Prise de Bomarsund et l'Attaque de Solferino par le premier corps.

Quelques critiques maintiennent par habitude les dénominations de peinture d'histoire, peinture de genre, etc. Outre que cela donne lieu à des classifications passablement arbitraires, il en résulte, dans les comptes rendus, beaucoup de décousu et de confusion. Nous croyons plus simple et plus naturel de procéder par nom d'auteur. Que nos lecteurs et surtout les artistes nous pardonnent si, même avec la résolution de ne mentionner que les oeuvres les plus remarquées du public, nous sommes coupable d'omissions ou incomplet : dans ce dernier cas, nous avons pour excuse le peu d'espace qui nous est accordé; quant aux omissions, on peut être persuadé qu'elles seront involontaires.

M. MULLER.

Le Jeu : La scène est à Venise; les dés roulent sur la table, et ils ont roulé longtemps, car les lumières des bougies finissent devant celle du jour qui commence; deux joueurs sont les héros du drame. L'un est debout; son regard sombre ne peut se détacher des dés; toute son attitude trahit le plus violent désespoir : il vient de perdre son dernier enjeu. L'autre est plus âgé, sa tête grisonne, mais il est gras; il est assis avec aisance, il a le visage réjoui : il gagne. Quelques Phrynés de l'époque s'éloignent dédaigneusement du premier pour aller offrir au second leur plus gracieux sourire. La pensée morale est complétée par une vieille mendiante, dont la main reste vide au milieu de ces coeurs desséchés. Couleur ferme, agencement heureux, effet saisissant.

Une messe sous la Terreur : Dans une pauvre mansarde de menuisier,


DU THÉATRE ET DES BEAUX-ARTS. 63

quelques fidèles prosternés devant une vieille commode transformée en autel, écoutent avec recueillement la messe que célèbre un vieux prêtre, pendant qu'un homme a l'oreille collée à la porte, tout prêt à donner l'alarme au premier bruit suspect. Les qualités qui ont fait à M. Muller sa réputation se retrouvent dans cette toile, dont le sujet est un de ceux que l'auteur paraît affectionner particulièrement.

M. GÉROME.

Louis XIV et Molière : Un Molière en qui rien ne rappelle l'auteur profondément philosophe du Misanthrope et de Tartuffe, un Louis XIV mieux vêtu que caractérisé, et quelques détails spirituels; on pouvait attendre mieux de l'auteur.

Le Boucher turc à Jérusalem : Peinture harmonieuse.

Le Prisonnier : Un Turc garrotté, étendu en travers d'une barque, deux nègres qui rament, un chef qui fume à l'avant, un soldat railleur qui chante et s'accompagne sur une guitare; toile petite, mais riche d'esprit et de finesse.

AL HÉBERT.

La Jeune fille au puits : Si, comme l'a dit un de nos plus spirituels critiques, l'auteur de la Mat'aria « mettait ses personnages au régime des viandes rôties et du vin de Bordeaux, » la jeune fille ne serait plus qu'une grosse et vulgaire paysanne, le jeune homme deviendrait un villageois joufflu et rougeaud, et nous passerions indifférents devant celte toile, au lieu de rester à la contempler dans une douce et tendre rêverie.

Pasqua Maria : Une enfant qui vous regarde et qu'on regarde.

MAL CABANEL, BAUDRY, AMAURY-DUVAL.

Trois Vénus!

La Naissance de Vénus, par M. Cabanel.

La Perte et la Vague, par M. Paul Baudry.

La Vénus Anadyomène, par M. Amaury-Duval.

La première est une déesse. La seconde est une jolie femme. La troisième....

Mais comme M. Amaury-Duval a su prendre sa revanche avec le portrait de madame *** ! Quelle simplicité, quel naturel, quelle vérité!

AL COURBET.

Chasse au renard : Un beau cheval et un chasseur bien en selle dans une forêt à la diable. Portrait de madame L... : On ne s'y arrête d'abord qu'à cause du nom


64 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

de l'auteur, et, si on l'a regardé seulement cinq minutes, on a peine à s'en éloigner.

AI. COMPTE-CALIX.

Trois tableaux charmants.

Le Vieil ami : Rien de plus simple; un vieillard entre, la maîtresse du logis, qui a dû être belle, lui tend une main qu'il baise galamment, le mari lui fait un joyeux accueil, une jeune fille lui enlève sa douillette, une autre son chapeau et sa canne, deux enfants approchent un fauteuil ; cela se voit chaque jour partout, à toute heure, et pourtant on s'arrête devant cette scène intérieure : on interroge ces physionomies, et l'on se prend à penser qu'il pourrait bien s'être filé autrefois entre ces personnages quelque intéressant roman dont, par bonheur, le dénouement n'a pas été tragique.

Le Départ des hirondelles : Une jeune fille sur un balcon, regardant quelques points noirs dans le ciel; rêverie délicieuse.

Le Jour des Morts : Une veuve, des enfants, la croix d'un cimetière dans le lointain ; nous vous défions de regarder ce triste pélerinage sans être profondément ému.

M. ÉMILE BÉRANGER.

Deux intérieurs : l'Ordre et le Désordre.

Deux femmes : on voudrait être le mari de l'une ; la seule pensée d'appartenir à l'autre ferait frissonner le plus brave; ce qui n'empêchera pas une foule d'aveugles de donner la préférence à celle-ci sur celle-là. — Leçons perdues, mais toiles qui font plaisir à voir.

M. PUVIS DE CHAVANNES.

M. Puvis de Chavannes aime les contrastes. Il avait exposé au dernier salon sa Paix et la Guerre ; cette fois il expose le Travail et le Repos. Nous lommes loin de contester les qualités réelles de M. Puvis de Chavannes ; nous sommes des premiers à admirer le forgeron, vu de dos, qui fait face à l'enclume (dans le Travail) et la femme qui écoule, le pied droit sur un arbre renversé (dans le Repos); seulement nous regrettons que ses deux tableaux de l'exposition précédente n'aient point été ceux-ci, et qu'il n'ait point réservé la Paix et la Guerre pour la présente exposition; nous aurions eu le plaisir de constater un progrès.

AL FRÉDÉRIC SCHOPIN.

Le Martyre de saint Saturnin, en trois tableaux. Peintures très-estimables, destinées à orner la chapelle de Saint-Saturnin, au palais de Fontainebleau.


DU THÉATRE ET DES BEAUX-ARTS. 65

AL ALFRED STEVENS.

Une mère : Douce, triste et charmante rêverie que celle de cette jeune femme dont le regard suit avec amour les mouvements de ce bambin assis sur un cheval de carton!

Prête à sortir : On serait heureux de lui offrir son bras pour l'accompagner dans sa promenade.

Dévotion . Encore une jolie femme; celle-ci orne un portrait d'une branche de buis bénit.

Figures et accessoires, tout est vivant dans ces trois tableaux.

M. JOSEPH STEVENS.

On ne peut pas dire des chiens de AI. Joseph Stevens que ce sont des toutous de bois. Voyez les Solliciteurs devant un état de boucher flamand; comme ces chiens-là sont vraiment affamés! Quelle convoitise dans leurs regards! Ah! qu'ils se jetteraient avidement sur celte viande, n'était le bouledogue du boucher, dont la fière contenance leur impose! Voyez aussi, dans la Protection, ce brave gros chien qui en protége un petit, lequel est gardien de gants, d'une canne et d'un chapeau déposés sur un tabouret.

AL GUSTAVE-RODOLPHE BOULANGER.

Deux toiles à effet.

L'une s'appelle les Kabytes (Kbaïls) en déroute; étonnante gymnastique de sauts périlleux !

L'autre est intitulée : Jules César marchant en tête de la dixième légion (campagne des Gaules) ; il y a là un tapis de neige et des hommes sur le point de geler, qui vous glacent.

M. GUSTAVE DORÉ.

Episode du déluge. — Françoise de Rimini : On remarque dans le premier tableau de belles attitudes ; on admire dans le second la beauté de Françoise de Rimini; malheureusement pour M. Doré, peintre d'histoire, le public s'est trop engoué de M. Doré illustrateur de l'Enfer du Dante et de l'Atala de Chateaubriand.

M. CH. BAUGNIET.

Il y a dans la Fille aînée tout un drame, dont une seule scène représentée suffit à faire deviner toutes les scènes précédentes. Quant à celles qui suivront jusqu'au dénoûment, permis à chacun de les dessiner à sa fantaisie. Cette

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66 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

vieille mère maudira-t-elle sa fille ou deviendra-t-elle sa complaisante? Cette enfant si naïve retournera-t-elle à son village pour y épouser quelque brave paysan à qui elle sera fière d'apporter en dot un coeur franc et honnête, ou songe-t-elle déjà qu'elle serait bien heureuse d'avoir un jour le bel appartement et la riche toilette de sa soeur? Comment finira la fille aînée? Abandonnera-t-elle son luxe, ses amis, ses plaisirs, pour suivre la mère dont elle embrasse en pleurant les genoux? Persistera-t-elle clans son rôle de princesse du quartier Bréda? Aura-t-elle sur ses vieux jours un château ou un lit à l'hôpital ? De toutes ces hypothèses, il n'en est pas une dont on ne voie journellement quelque exemple.

AI. KNAUS.

Le Départ pour la danse: Un vieux portail sous lequel défilent : un cabaretier avec les insignes de l'emploi ; des musiciens ornés d'habits couleur tabac d'Espagne, de gilets à ramage et de culottes jaunes; des enfants; toute la population masculine et féminine du village, joyeuse déjà de la joie qu'elle se promet.

Le Saltimbanque : Vous l'avez souvent rencontré, ce roi en haillons de la place publique; son geste furtif, son oeil goguenard, son éloquence bouffonne vous ont fait plus d'une fois sourire comme ces deux jolies filles si bien éclairées qui font partie de son auditoire; ce malin spectateur qui suit chaque mouvement du charlatan et semble se faire fort de deviner le dessous des cartes, ces vieilles femmes scandalisées, ces enfants ébahis, vous les reconnaissez, vous avez vu toutes ces physionomies, même celle de cet escamoteur d'une autre espèce, qui profite de la circonstance pour dérober un baiser à sa voisine.

S'il nous fallait absolument choisir entre les deux tableaux de M. Knaus, c'est peut-être au Saltimbanque que nous donnerions la préférence.

AL LE HM AN.

Encore Louis XIV et Molière : Le Louis XIV de M. Lehman nous laisse tout aussi froid que le Louis XIV de M. Gérôme; mais son Molière nous paraît mieux compris.

MADEMOISELLE NÉLIE JACQUEMART.

Molière chez le barbier Gety, à Pézénas, est un joli tableau, spirituellement conçu et spirituellement exécuté.

AI. BOUGUEREAU.

Les Remords : Ce sont les Euménides poursuivant Oreste; à voir leur laideur, on comprend la fuite et la terreur du parricide.


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 67

Nous aimons mieux la Bacchante du même auteur, qui se recommande surtout par la correction et la pureté du modelé.

M. BIARD.

La Bourse : Que de gens à qui nous dirions volontiers : Allez voir le tableau de M. Biard! Malheureusement la peinture ne corrige pas plus que la comédie.

Ai. HOLFELD.

Une toile toute petite, mais ravissante : Deux enfants de choeur chantant au lutrin.

AI. WILLEMS.

Dans une pièce où tout respire un ordre parfait, vous voyez un homme entre deux âges et un jeune homme saluant une jeune fille assise, qui lui fait un accueil suffisamment gracieux; cela s'appelle la Présentation du futur. Si ce prétendant est jamais promu au grade de mari, il peut compter que son bonheur lui fera bien des jaloux.

M. ANTIGNA.

Le Mendiant et la Bergère seraient plus remarqués peut-être si l'on ne se rappelait pas que M. Antigna est auteur de l'Incendie qu'on voit dans le musée du Luxembourg, et d'une toile charmante intitulée Ronde d'enfants.

Al. JAMES TISSOT.

Une cour, un escalier au haut duquel paraît un vieillard décoré d'une étrange friperie, un jeune homme à demi nu, humblement agenouillé, une foule de parents et serviteurs, qu'on soupçonnerait volontiers d'avoir dévalisé quelque collection de costumes; des curieux à la porte, des curieux aux fenêtres ; et sur le livret : Retour de l'enfant prodigue.

Dans le Départ du fiancé, signalons la pose du fiancé, la tête ravissante de la fiancée, et, pour fond, un bon paysage.

Ai. COMTE.

La Récréation de Louis XI : Des rats s'échappent d'une cage qu'ouvrent des valets, et des chiens, que d'autres valets contiennent difficilement, vont combattre sous les yeux du vieux roi et de ses dignes familiers. Il y a dans ce tableau la vérité d'une page d'histoire.

Sur une autre toile non moins estimable de M. Comte, le rusé Charles-


68 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

Quint est représenté au moment où, ayant laissé tomber sa bague devant la duchesse d'Étampes, il lui en fait galamment hommage.

M. PENGUILLY L'HARIDON.

La Leçon d'équitation et l' Arrivée à l'auberge nous transportent au temps de Louis XIII, époque bien étudiée par l'auteur et non moins bien rendue.

Louons avec le public la composition heureuse qui fait le principal mérite d'un troisième tableau de M. Penguilly l'Haridon : les Bergers, conduits par l'étoile, se rendant à Bcthtéhem.

M. JALABERT.

Le Christ marchant sur les eaux : Les apôtres sont sur le premier plan ; la nacelle qui les porte est battue par les vagues, sous un ciel menaçant; le Christ, éclairé par son auréole, apparaît dans le lointain et s'avance vers ses disciples qui « le voyant, en furent troublés et dirent : C'est un fantôme! Et, dans la peur qu'ils eurent, ils jetèrent des cris. » Beaux effets d'ombre et de lumière.

Al. BRION.

Jésus et Pierre marchant sur les eaux : Même sujet que le précédent, Ici Jésus occupe le premier plan ; il tend la main à Pierre, dont les pieds commencent à enfoncer dans l'eau. Malgré les qualités d'exécution que nous nous plaisons à reconnaître dans cette oeuvre, nous ne pouvons nous empêcher de répéter avec un de nos plus spirituels critiques, M. Adrien-Paul : « Deux bourgeois ne s'accosteraient guère autrement sur ce que les marins appellent avec dédain le plancher des vaches : — Comment vous portez-vous? — Pas mal, merci; et la vôtre?»

AI. DE TOURNEMINE.

Habitation à Adana, dans l'Asie Mineure : M. de Tournemine n'a point inventé cette maison , ni cet air si transparent, ni ce soleil si chaud; ce qu'il a peint, il l'a vu, et ce qu'il a vu, il l'a parfaitement rendu.

Nous avouons éprouver un peu moins d'admiration pour les Ébats d'oiseaux pêcheurs, souvenirs de la basse Égypte.

Al. LOUIS DUPRAY.

Ah! qu'on les reconnaît bien, ces deux personnages devenus si populaires : Pandore et son brigadier! On n'a pas jeté les yeux sur cette toile saisissante de vérité qu'on se prend à fredonner involontairement :

Brigadier, vous avez raison.


DU THÉATRE ET DES BEAUX-ARTS. 69

M. PHILIPPE ROUSSEAU.

La Recherche de l'absolu : Un laboratoire d'alchimiste; le fauteuil du maître est vide; mais un singe est sur le fourneau, qui le supplée, et l'ignare suppléant a soufflé, soufflé de manière à faire éclater la cornue dont les débris le mitraillent. AI. Philippe Rousseau se maintient avec bonheur au premier rang parmi les peintres de nature morte qui savent vivifier leur sujet et donner une âme à leur oeuvre.

AI. HEILBUTH.

Le pinceau légèrement ironique de cet artiste s'est inspiré de Rome, cette fois; l'Italie a.décidément toutes ses prédilections. Après avoir reproduit, pour le plus grand plaisir du public, la Venise de la renaissance, et Florence et Pise et Sienne, AI. Heilbuth, qui recherche moins les grands mouvements et les grandes scènes que la couleur locale et la vérité des physionomies, surprises, étudiées dans les circonstances les plus ordinaires, les plus insignifiantes, nous offre aujourd'hui trois tableaux : Rencontre de cardinaux (MontePincio). — Intérieur de carrosse de cardinal. — Promenade de séminaristes (Monte-Pincio). Dans tous les trois, beaucoup de finesse, d'esprit et d'observation.

Al. SCHLESINGER.

Peine perdue : M. Schlesinger ne nous apprend rien de nouveau en nous montrant le cas que fait une jeune fille des déclarations d'un galant suranné; mais ce sujet, tout banal qu'il est, lui a fourni l'occasion d'ajouter une jolie toile à tant d'autres.

M. LOUIS DUVEAU.

Dans la Mort de Claude, M. Louis Duveau tient ce qu'il avait promis dans la Mort d'Agrippine. Pourquoi le succès de la Mort d'Agrippine, au salon de 1853, fut-il plus marqué que celui de la Mort de Claude au salon de 1863? Il y a une multitude de ces pourquoi dont le parce que nous échappe.

M. FROMENTIN.

La Chasse au faucon en Algérie et le Fauconnier arabe sont d'une bonne couleur et remarquables d'élégance, d'expression et d'entrain. — Rien de plus poétique, de plus heureusement rendu que le Bivouac arabe au lever du jour.


70 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

Al. BELLY.

C'est un groupe charmant et d'un caractère vrai que celui des Femmes fellahs au bord du Nil; il rappelle (ainsi s'exprime M. Théophile Gautier) le style des peintures et des sculptures de l'antique Égypte; on dirait que ces figures se sont détachées de quelque pylône ou de quelque salle hypèthre, pour venir se poser dans la toile de M. Belly. — Une rue du Caire est un tableau plein d'intérêt et de charme.

M. H I L L E M A C H E R.

Ces trois hommes causant familièrement au milieu d'un bal où les dames de Weimar ont pour cavaliers des officiers français, sont : Napoléon ler, Goethe et Wieland.

Cette femme, à la fenêtre de laquelle on hisse un guerrier mourant, qui n'est autre qu'Antoine, aurait pu ressembler à la Cléopâtre des médailles de la Bibliothèque impériale; mais le livret devant renfermer l'explication du tableau, AI. Hillemacher n'a point jugé que cette ressemblance fût nécessaire.

On s'arrête avec plaisir devant les Deux Corneille.

AI. EUGÈNE GUILLON.

Les Complices de John Brown : Sujet navrant où le peintre a mis toute son âme, et qu'il est difficile de regarder longtemps sans que les larmes viennent aux yeux. Le pinceau de M. Guillon a écrit sur cette toile une éloquente page d'histoire.

AI. MARIUS ABEL.

M. et mademoiselle de Sombreuil devant le tribunal de l'Abbaye, le 4 septembre 1792 : Encore un sujet touchant; il y a de la noblesse dans la physionomie de mademoiselle de Sombreuil, et dans son geste un grand bonheur d'expression. Nous félicitons M. Marius Abel d'avoir écarté de son sujet le fameux verre de piquette rouge que bien des gens s'obstinent encore à transformer en verre de sang.

AI. PLASSAN.

Le Lever est un tableau que Greuze n'eût point désavoué.

La scène du Bourgeois gentilhomme n'est pas moins bien réussie.

Al. ADOLPHE YVON.

La campagne d'Italie a inspiré à M. A. Yvon une Évacuation de blessés. Sur une espèce de charrette que suivent plusieurs autres, perdues dans la


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 71

poussière, sont étendus plusieurs blessés dans des attitudes indiquant plus ou moins de souffrance ou de philosophie; un paysan aiguillonne les deux boeufs qui traînent lentement ce véhicule de la douleur. Tableau excellent.

M. R I G O.

Al. Rigo a également emprunté à la guerre d'Italie le sujet d'un tableau que distinguent la vérité des physionomies, la sobriété de la couleur et un heureux agencement de la scène : l'Empereur visitant les blessés français, pièmontais et autrichiens du combat de Montebello, aux ambulances de Voghera.

AI. GUSTAVE DE JONGHE.

Trois sujets si simples et si naïfs qu'ils perdraient tout leur charme à être racontés : les Jumelles, — les Orphelines, — la Marraine. Ce sont trois toiles délicieuses.

M. DROZ.

Buffet de chemin de fer est un des tableaux les plus courus du Salon. Rien de plus réjouissant à voir que ce pêle-mêle de voyageurs prenant le buffet d'assaut; il y a là deux physionomies impayables : celle d'un garçon renversant un potage sur un Anglais, et celle de cet Anglais dont la redingote jaune s'empresse d'absorber le bouillon répandu. —On peut suivre, en riant ou en pleurant (cela dépend du côté d'où il plaît d'envisager la chose), toutes les phases de la vie de cet ex-Lovelace que M. Droz a représenté sur la petite toile qu'il intitule : Un vieux souvenir.

M. RIBOT.

AI. Ribot a exposé la Prière, —la Toilette du matin, — les Plumeurs : trois sujets d'un grande simplicité, d'une grande sobriété de couleur, devant lesquels on s'arrête involontairement et avec plaisir.

AL AMÉDÉE ROSIER.

Notre-Dame de Paris : Le jour finit, la nuit va commencer; les réverbères s'allument; les fenêtres s'éclairent; les lignes de la vieille cathédrale parisienne se dessinent vaguement dans la vapeur; effet pittoresque. — Côte de Bretagne : Un océan lumineux; on aimerait à rêver tout un jour sur cette rive. — Constantinople; soleil couchant . Ici, c'est du feu que roule le Bosphore.


72 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE ,

AI. COUTURIER. Deux Basses-cours dont on peut faire l'éloge avec un seul mot : Vérité.

AI. WEBER.

Une falaise à pic, que domine un château fort, est battue par une mer furieuse sur laquelle une chaloupe lutte contre la tempête; bon tableau qui fait peur à voir.

AI. ALPHONSE LEMAIRE.

Une jeune femme assied son bambin sur un tout petit cheval; la femme est jolie et gracieuse; le cheval paraît plein d'ardeur; le bambin a de beaux yeux, bien naturellement effrayés : ce qui explique pourquoi M. Alphonse Lemaire a intitulé son tableau : Première leçon d'équitation.

M. DAVID BLÉS.

Le Roman défendu : Une mère qui s'assoupit, une jeune fille qui profite de ce sommeil pour lire un roman au lieu d'étudier sa leçon de musique, un petit chien jouant avec une bobine , une autre jeune fille, sans doute l'aînée de la première, brodant au tambour; pour peu qu'on soit observateur, il n'est guère de famille où. l'on ne retrouve l'idée de ce charmant tableau..,

M. MARCHAL.

Dans le joli tableau du Choral de Luther, M. Marchal nous a peint l'Alsace avec ses types populaires et ses costumes des jours de fête, non en touriste superficiel, mais en observateur qui a étudié le pays, qui a vécu intimement avec ses personnages : tout à la vérité, rien à la fantaisie.

M. LAUGÉE.

On remarque deux petites toiles de cet artiste, dont les sujets bien sentis sont gracieusement traités : le Nouveau-né et la Bouillie. On s'arrête moins devant son tableau de Saint Louis lavant les pieds aux pauvres, et pourtant cette oeuvre se distingue sous le double rapport de la composition et de la couleur; nous en résumerons les mérites en trois mots : simplicité, douceur, harmonie.

M. DONNAT.

Nous faisons volontiers comme le public, nous passons le plus promptement possible devant les sombres images qui nous représentent le côté horrible,


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 73

effrayant de la perversité humaine. Heureusement pour lui, M. Bonnat ne s'est point borné à exposer le Martyre de saint André, et les éloges qu'on prodigue à sa Pasqua Maria lui sont une consolation aussi méritée que douce.

MAL EUGÈNE GIRAUD, VICTOR GIRAUD, CHARLES

GIRAUD.

Le Débordement du Nil et Un moucharaby au Caire : Deux charmants tableaux du premier.

La Clouterie : Sujet sincèrement étudié par le second, rendu avec franchise et naturel.

Le troisième a justifié la part de faveur que lui accorde le public, en exposant un Intérieur de chambre au quinzième siècle, - un Intérieur chez M. le comte de N...-, — et un Retour de chasse.

MM. ADOLPHE LELEUX,ARMAND LELEUX.

La Noce en Bretagne de M. Armand Leleux est un tableau où se trouvent réunies deux des plus belles qualités en peinture : la vie et la vérité.—Le même éloge peut être adressé au Marché Conclu.

Les Chanteurs ambulants et le Capucin mort de M. Armand Leleux se recommandent surtout par un dessin pur et correct. — La Pharmacie du couvent des capucins est un tableau très-réussi. Nous aimons la physionomie peu rassurée de ce paysan pour qui les bons pères préparent une potion.

M. ÉDOUARD FRÈRE.

Des enfants jouant au soldat, un vieillard heureux de cet entrain martial qui lui rappelle plus d'un souvenir, ont fourni à M. Frère le sujet d'une jolie toile qu'il a intitulée la Prise d'armes.

Le Retour du bois n'est malheureusement pas un sujet de fantaisie; de quelles misères ne serait-on pas témoin si l'on suivait jusque dans leur chaumière, à demi découverte peut-être , cette femme et cette enfant qui grelottent et qui pourraient mourir gelées sur leur lit de paille, sans ces brins de bois sec dont leur hotte est chargée !

M. K RUG.

AI. Krug a fourni au Salon actuel un très-honorable contingent : le Bon Samaritain, —le portrait de madame B..., — le portrait de madame la duchesse de L...


71 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

MADAME SOPHIE JOBERT.

Jeunesse de Rousseau . C'est la scène de Rousseau servant à table chez Al. le comte de Beuvron, à Turin, et expliquant la devise : Tel fiert qui ne tue pas, écrite sur la tapisserie. Sujet bien composé.

AI. VOILLEMOT.

Il y a comme un parfum de Walteau dans les trois tableaux que M. Voillemot a exposés : Cupidon, — le Festin de Pierre, — et Une fête galante.

Al. LOUIS-ALEXANDRE LELOIR.

Le Massacre des Innocents, — ou plutôt Episode du massacre, etc. AI. Leloir tient à justifier le deuxième grand prix de Rome qu'il a remporté en 1861; son tableau, dont il a su rajeunir le vieux sujet par une conception neuve, promet un peintre à idées originales en même temps que vraies.

M. JOSEPH CARAUD.

Une grande justesse d'expression, une couleur harmonieuse, de la grâce dans les physionomies, du moelleux dans les étoffes, telles sont les qualités qui distinguent deux aimables toiles de Al. Garaud : la Signature du contrat et le Nouveau-né.

M. BOU VIN.

Les Religieuses revenant des offices indiqueraient un peintre de l'école espagnole, si le Déjeuner de l'apprenti et la Fontaine de cuivre ne nous attestaient que l'auteur est français et de l'école française. AI. Bouvin s'inspire tantôt de Zurbaran et tantôt de Chardin.

M. PAUL SOYER.

Deux tableaux où M. Soyer a mis tout son coeur et tout son talent : le Premier-né et l' Enfant malade.

M. LÉPAULE.

AI. Lépaule est peintre d'histoire, peintre de genre, peintre d'animaux, portraitiste, et le nombre de ses oeuvres est considérable. Il s'est fait remarquer au Salon de 1863 par deux bons portraits et le Rendez-vous de chasse de l'Empereur à Pierrefonds.


DU THEATRE ET DES BEAUX-ARTS. 79

AL BARRY.

Un des faits les plus merveilleux de noire époque, l'Arrivée des eaux de la Méditerranée au lac Timsah, canal maritime de Suez, a inspiré à M. Barry une composition originale : le Soleil d'Egypte éclairant sur la terre des Pharaons une fête européenne.

Ai. GUDIN.

Pour faire l'éloge des Rochers de Girdleness, d'Un clair de lune sur la côte de Hollande et d'Un cataclysme, il faudrait redire une centième fois ce qui a été dit des tableaux de notre premier peintre de marine.

Al. MOREL-FATIO.

AI. Morel-Fatio marche avec bonheur sur les pas de M. Gudin; on a beaucoup remarqué les Chasseurs de phoques en Norvége.

M. DURAND-BRAGER.

Encore un bon peintre de marine. On frémit en voyant son Trois-mâts engageant sur bâbord.

«

MADAME HENRIETTE BERTAUT.

Rien de plus attendrissant que sa Pasqua Maria pleurant son oiseau mort.

Nous manquerions d'espace s'il nous fallait citer seulement la cinquième partie des deux mille toiles exposées en 1863, et pourtant nous ne saurions clore ce chapitre de la peinture sans inscrire au moins les noms de M M. Sieurac : la Foi, l'Espérance et la Charité. — Daniel Casey : le Martyre de saint Hippotyte. — Grellet : Filioli, diligite invicem. — Matout : Moïse abandonné sur le Nil. — Appert : Venise. — Alazerolles : A nacréon ; Hercule et Hébé. — Billote : Sollicitude maternelle. —James Bertrand : Diogène chez Laïs. — Ernest Boch : l'Apprenti voleur. — Alexandre Collette : la Brune. — Hippolyte Bellangé : Episode de la retraite de Russie. — Alonginot : la Dune. — Swertchkow : Station de poste en Russie. — Dansaert : l' Académie française soumet tant à Richelieu la critique du Ciel. — Leray : la Délaissée. — Le Poitevin : Enfants qui se beugnent; Canot de pêche; Canot que l'on hale; Sarcleuses. — Paul Nanteuil : Halévy. — Giacometti : l' Amour se désaltérant. — Jamnot : Jésus tenant l'hostie sainte, entre la vierge Marie et saint Jean. — Duval-Lecamus : Sainte Elisabeth en Hongrie distribuant des


76 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

aumônes. — Delaunay : la Mort de Lucrèce. — Guillemot : Sainte Blandine, etc., etc., etc.

LES PAYSAGES. — Cette partie de l'Exposition n'est pas la moins attrayante assurément, et le public y vient saluer avec plaisir les noms qu'il aime, les talents qu'il admire, donnant son suffrage à ce qui lui plaît, sans acception d'école, et laissant aux ateliers, entre eux, leurs vivacités d'appréciations et de luttes.

C'est ainsi que, celte année, la foule se porte avec le même empressement, s'arrête avec la même sympathie devant les ombrages de M. Corot, les arbres vivants de M. Desgoffe, les sombres montagnes de M. Jules André, les terrains et les broussailles de M. Victor de Papeleu, les chaumières, les vaches et les pêcheurs de M. Lambinet, les routes escarpées de M. Viollet-le-Duc, les ânes et les moutons du M. Palizzi. C'est ainsi qu'elle se plaît à reconnaître dans la Marc sous les chênes et la Clairière dans la haute futaie, de M. Théodore Rousseau, la première des qualités d'un peintre de la nature : la vérité; qu'elle s'étonne du peu d'éléments qu'il faut à M. Fiers pour composer un paysage, tel que le Moulin à Aunoy; qu'elle est prête à tomber dans la rêverie devant la Solitude de M. Bellet; qu'elle se croit à Chateldore, en Auvergne, avec M. Dauzats; dans la Vallée de Montmorency, avec M. Paul Flandrin, et dans la forêt de Fontainebleau, près du Rocher de Samois, avec AI. Riou.

Nous aimons à signaler trois toiles qui font grand honneur au talent d'observation de M. Millet : la Cardeuse, le Berger, le Paysan se reposant sur sa houe,. — Mentionnons encore deux paysages de M. Groiseilliez : Une route aux environs de Cernay et Lisière du bois. — Vue prise à Anvers, par M. Elmerich. — Vue de la vallée de Saint-Savin, par M. Alfred Charpentier. — Vue de Lillebonne, par M. Lapito. — Le Village de, Plouneour; Bord de rivière à Daoulas et la Baie de Penhir, par AI. Camille Bernier. — Orage dans les Landes, par M. Charles Busson. — Chevaux libres dans les bois du Nivernais, par M. Hanoteau. —Soleil d'hiver, par M. Nazon. —Dessous de bois à Cernay-la-Ville; Vallée de Chevreuse, par M. Achard.

LES PORTRAITS. — Il n'en manque pas au Salon de 1863; il y en a de médiocres, il y en a de bons, il y en a même d'excellents, pas beaucoup à la vérité. Nous rangerons, parmi ces derniers, trois portraits remarquables par l'expression, l'attitude et la couleur; nous ne connaissons ni M. G. de S., ni AI. Terré, ni M. Michel, mais nous avons la conviction que M. Bonnegrâce, en les peignant, les à pris, comme il faut toujours prendre la nature, sur le fait.

Nous ne nous répéterons pas, quant au beau portrait de madame ***, que nous avons déjà loué à l'occasion de la Vénus du même artiste, M. AmauryDuval.

Payons aussi un sincère tribut d'éloges au portrait d'Eugène Giraud,


DU THÉATRE ET DES BEAUX-ARTS. 77

par M. Baudry; à celui de Pie IX, par M. Victor-Louis Mottez, et n'oublions point de mentionner cinq portraits de prélats, d'une grande richesse d'accessoires : le Cardinal Morlot et Mgr Darboys, par AL Marzocchi de Bellucci; — Mgr Patrice, évêque de Marseille, par M. Eugène Lagier; — Mgr de la Tour d'Auvergne, archevêque de Bourges, par AI. Mathieu Geslin; Mgr Sergent, évêque de Quimper, par M. Emile Hirchs.

Madame O'Connell, dont le talent ne vieillit point, a exposé les deux beaux portraits de M. A. H. et de madame la douairière de Wendel.

LES PASTELS. — Si le pastel n'est pas de la peinture vraie, on ne saurait du moins lui refuser d'être de la peinture jolie. Nous hésiterions à lui accorder ce mérite, que madame Becq de Fouquières, mademoiselle Revon, Al, Giraud nous accuseraient avec raison et nous auraient bientôt convaincu d'être coupable d'un déni de justice. La Fileuse de madame Becq de Fouquières est une oeuvre pleine de sentiment et de naturel; on ne saurait regarder d'un oeil indifférent celte tête dont le galbe est si pur et l'expression si touchante; nous n'avons que des éloges à donner à la composition. — Mademoiselle Révon, dans les portraits qu'elle a exposés, surtout dans celui qui porte le n° 2,193, se distingue par une exécution fine, délicate, patiente et consciencieuse. — Il y a de l'éclat et de l'harmonie dans le portrait de madame Emile de G.., par M. Giraud, — de la couleur et de la grâce dans un portrait de femme et un portrait de petite fille, par M. Borione. — une grande envie de plaire.à ses modèles, dans les portraits de M. Muraton, surtout dans celui qui représente une jeune dame tenant une pêche, — de la distinction et du naturel dans un portrait de jeune femme, par madame Coëffier. — Citons encore, de madame Fideline Choël, une charmante pensionnaire costumée en mariée villageoise, —de madame Aizelin, Une Baigneuse dont le dessin, le modelé et la couleur laissent peu à désirer, — les délicieuses Roses thé d'automne de mademoiselle Mélanie Peigné, — un beau paysage de M. Ernest Pelletier, — les fruits et les fleurs de madame Pelletier, — enfin de ravissants.portraits de jeunes filles par mesdames Richard, Marie de Lage, la marquise de Mun, etc.

LES AQUARELLES. — Si nous exceptons trois dessins de M. Bida : Lorenzaccis, les Caprices, de Marianne, le Christ au milieu des docteurs, — deux belles aquarelles de madame la princesse Mathilde: une Tête d'étude, une copie du portrait du duc de Lesdiguières par Rigaud, — le Chemin creux sous des châtaigniers, l' Abbaye de Vaux, de M. Cassagne, — et une remarquable vue prise en Normandie, par M. Isidore Bourgeois, le salon de 1863 laissera peu de souvenirs dans la mémoire des amateurs d'aquarelles.

Parmi les FUSAINS de MM. Allongé, Bellet, Carey , Gaucherel, etc., nous avons remarqué surtout l' Étang de Saint-Maurice, beau paysage, par M. Allongé, et un ravissant Souvenir de Provence, par M. Bellet.


78 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE ,

Signalons encore, avant de passer à la sculpture, les MINIATURES de madame Herbelin, de mademoiselle Morin, de madame Monvoisin, de AL de Pounnayrac, de M. Brebant, de mademoiselle Caroline Haillecourt, de madame Besnard, de mesdemoiselles Deville-Cordier, Maréchal, de MM. Adolphe Girardot, Passot, Camino, etc., ainsi que les remarquables ÉMAUX de mesdames Fanny Roy, Marielle, de MM. Paul Baze, Emile Chanson, Charles Lepec, Jollivet, les FAÏENCES de MM. P. et R. Balze, les belles PORCELAINES de MM. Paul Baudry, Charrier, Michel Bouquet, Edouard Boehm, et de mesdames Cool. Élise de Maussion, Persin, etc., enfin les remarquables GRAVURES de mademoiselle Browne, de M. Jacque, de M. Constantin, de M. Louis Laurence, de M. Abraham, de M. Maxime Lalanne, de M. Lorenz Frolich, de M. François Drouyn, de M. Potier.

SCULPTURE.

Si le jugement du public ne s'est pas toujours trouvé d'accord avec celui du jury, quant aux récompenses décernées aux peintres et aux sculpteurs, ce regrettable dissentiment ne s'est du moins pas manifesté pour l'oeuvre de M. Perraud; son Enfance de Bacchus mérite sans contredit d'être placée au premier rang parmi les productions de l'art moderne, et pas une voix n'a protesté contre la grande médaille d'honneur qui lui a été décernée.

Il nous est impossible de deviner pourquoi la fontaine monumentale de AL Bartholdi n'a obtenu qu'une mention honorable. Si l'on peut reprocher à cette oeuvre remarquable quelques légères imperfections, nul ne contestera le mérite hors ligne des parties principales; la ville de Colmar à qui elle est destinée saura bien,nous n'en doutons pas, venger l'artiste de la tiédeur des juges parisiens.

Il y a beaucoup de grâce, un sentiment exquis de la forme dans le Pêcheur à la coquille de M. Carpeaux; il y a du terrible dans le groupe d'Ugolin et ses enfants par le même artiste.

Le Narcisse de M. Paul Dubois n'a pas manqué d'admirateurs, et les admirateurs ont eu raison; ce n'est pas à dire que son Saint, Jean, quoique d'un ordre inférieur, n'ait pas obtenu d'éloges ou ne les ait point mérités.

AL Gaston-Guitlon a exposé le Martyre d'Hypathie (ou Hypacie) que distinguent la beauté des formes et le remarquable agencement des draperies. Hypathie, savante et païenne, fut mise en pièces par la populace dans une église d'Alexandrie, et cet assassinat fut reproché, sans preuves toutefois, à l'évêque saint Cyrille; nous rappelons ce fait historique, afin que nos lecteurs, trompés par l'indication du livret, n'aillent pas se figurer qu'Hypathie ait jamais été canonisée.

La Bacchante est belle de la tête aux pieds exclusivement, ce qui gâte bien un peu l'ensemble de la statue; mais assez d'autres qualités recommandent l'oeuvre de M. Carrier-Belleuse pour justifier un rappel de médaille de deuxième classe.


DU THEATRE ET DES BEAUX-ARTS. 79

Ce que nous avons dit de la fontaine monumentale de M. Bartholdi s'applique tout aussi bien à la Dévideuse de M. Salenson : Quandoque bonus dormitat... jury.

En somme, la sculpture a fait, à l'exposition de 1863, une assez brillante figure, et le nombre des oeuvres estimables constitue un véritable progrès sur les précédentes expositions. Outre les morceaux dont nous venons de parler , nous mentionnerons encore un beau buste de Bianca Capello par M. Marcello; — un Cavalier gaulois par M. Frémiet, groupe aussi remarquable sous le rapport de la composition et de l'exécution que sous celui de la science archéologique; — Homère, par M. Chevalier; — un Vautour fauve par M. Caïn; — une Juive d'Alger, par M. Cordier; — un Griffon par M. Lequesne; —une Bacchante, buste par M. Auvray; — le Traitd'union par M. Marcellin; — Hercule enfant par M. Demaille, simple artilleur eu garnison à Vincennes, etc.

GALERIE DES REFUSÉS.

Le ciel nous préserve d'entreprendre à l'occasion des refusés une justification du jury qu'appuieraient trop d'oeuvres exposées dans la susdite galerie, ou une accusation qui puiserait au même lieu un certain nombre d'arguments d'une force et d'une solidité incontestables! Nous laisserons dans l'oubli ces toiles ridicules qu'auraient repoussées tous les jurys du monde et de toutes les écoles; mais nous applaudirons de grand coeur à l'idée de cette sorte de chambre d'appel où le public est admis, soit à ratifier, soit à casser les arrêts du jury; et nous serons assez juste pour convenir, à la décharge de ce dernier, que les arrêts cassés ne sont que des exceptions.

Signalons toutefois ces exceptions : la sévérité des juges nous en a imposé doublement le devoir.

Ainsi nous citerons, parmi les portraits, ceux de M. Jules Janin par M. Duckett, — de M. Charles Vincent par M. Philippe Désiré, — de M. O'higgins par M. Gariot, — de M. B. par M. Boquet, — de M. Dambry par M. Victor Darjou, — de M B. F. par M. Birotheau, — de madame P. par M. Jules Michel.

Si l'auteur d'une Partie de paume dans les Pyrénées avait confié son nom au livret, nous nous serions fait un plaisir de le consigner ici accompagné d'éloges sans rétrictions.

Mêmes éloges à Jeanne la folle de mademoiselle Moisson-Desroches.

La Femme adultère de M. Georges Hébert, si l'on fait abstraction d'une couleur par trop chaude, n'est certainement pas une oeuvre dépourvue de mérite.

Ce sont encore des toiles très-estimables que l'Embrasseux de M. Jean Desbrosses, — un Intérieur d'école par M. Philippe Sance, — Douces consolations par M. Villeneuve, — le général Bonaparte accompagné de son escorte, le matin d'un combat, par M. Andrieux.

Enfin nous croyons fermement que l'Effet d'automne de M. Saint-Marcel, le Serrurier de . Malaval, la Rentrée de M. Cossmann et les deux Intérieurs de M. de Vergèses n'auraient point déparé le salon des reçus.


80 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

DISTRIBUTION SOLENNELLE

DES RÉCOMPENSES DÉCERNÉES AUX ARTISTES APRÈS L'EXPOSITION DE 1863.

La distribution des récompenses aux artistes qui ont pris part à l'Exposition a eu lieu au Palais de l'Industrie, le 6 juillet 1863.

S. Ex. le maréchal Vaillant, qui présidait la cérémonie, a ouvert la séance par le discours suivant :

« Messieurs,

» C'est un vieux soldat qui vous remet, cette année, les récompenses accordées par l'Empereur à tous ceux dont les travaux honorent le pays. L'armée, vous le savez, a souvent bien mérité des artistes. Vous lui devez quelques-uns de ces chefs-d'oeuvre que vous admirez et que vous prenez pour modèles; et naguère encore vous l'avez vue, à Rome, suspendant les coups qui pouvaient porter le ravage dans ces sanctuaires des arts, objet de juste vénération. Aujourd'hui, ma tâche est facile: je viens proclamer les décisions d'un jury éclairé, confirmées par ce jury sans appel qu'on nomme le public. En aucun pays ses arrêts ne sont plus autorisés qu'en France, parce qu'en France il n'y a personne qui ne s'intéresse à vos travaux. Laissons la médiocrité orgueilleuse accuser le goût du siècle et déplorer ses.changements et ses caprices. Les artistes, messieurs, trouveront toujours le public empressé d'accueillir une tentative originale, parce que l'invention est une des plus précieuses qualités de l'art. S'ils rencontrent ce la sévérité lorsque, poursuivre la vogue, ils renient leurs propres convictions; si, traités d'abord avec bienveillance, ils sont vite abandonnés, c'est justice. Le public a toujours maudit, avec le poète, le troupeau servile des imitateurs. Il avait applaudi à de brillantes promesses, il retire sa faveur à qui ne les a pas tenues.

Notre siècle, assurément, n'est pas de ceux dont les artistes aient à se plaindre. Je ne vous rappellerai pas la constante protection dont ils sont l'objet de la part de l'Empereur; les richesses nouvelles acquises par ses ordres pour nos musées, les grands travaux exécutés dans la capitale de l'Empire. Qu'il me soit permis de vous faire remarquer seulement que l'absence de préjugés, l'éloignement pour la routine, le dégagement de toutes traditions étroites sont devenus les principes de la critique moderne. Plus heureux que la plupart de vos devanciers, vous n'avez plus à vous débattre contre ces règles absolues que de glorieuses écoles ont souvent laissées après elles. Aujourd'hui, qu'on poursuive l'étude de la nature jusque dans ses trivialités ou qu'on s'applique à rechercher un idéal poétique, tous les efforts consciencieux sont appréciés, et jamais le mérite d'un ouvrage ne sera contesté pour n'avoir pas l'autorité d'exemples anciens. Cette disposition, qui laisse aux artistes la plus complète liberté pour suivre leurs tendances et leurs inspirations, ne doit pas leur faire oublier les difficultés nombreuses de leur carrière. A moins de s'être préparé


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 81

par de fortes éludes, il est imprudent de tenter des roules nouvelles, et si j'ose me servir ici d'une comparaison empruntée à mon métier, je dirai qu'il n'appartient qu'aux soldats aguerris et disciplinés de tout oser avec l'espoir fondé de réussir. L'observation constante de la nature, les méditations patientes devant les oeuvres des maîtres, voilà les plus sûrs moyens d'obtenir des succès durables. Telle a été l'éducation de ceux de vos prédécesseurs qui ont conquis une juste renommée; telle je voudrais que fût l'éducation de tous nos artistes.

» Vous avez désiré que des Expositions plus fréquentes permissent à vos juges naturels de suivre, pour ainsi dire pas à pas, vos efforts et vos progrès. le comte Walewski, mon honorable prédécesseur, qui pendant sou administration a donné tant de preuves de sa sollicitude pour vos intérêts, qui s'est montré si jaloux de multiplier les moyens d'encourager vos travaux, a porté votre désir à la connaissance de l'Empereur, et Sa Majesté a ordonné la réalisation de cette mesure. Une année ne se passera donc pas sans que cette enceinte reçoive vos oeuvres nouvelles. J'ai la confiance que ces Expositions annuelles répondront à votre attente, comme à celle du Gouvernement, grâce à vos efforts et au concours du surintendant des beaux-arts, qui vient de recevoir de la confiance de l'Empereur une mission plus élevée, et qui vous aidera d'autant plus sûrement de ses conseils et de son autorité, qu'il est sorti de vos rangs, et qu'il vous appartient toujours par ses oeuvres.

» Pourquoi faut-il qu'un douloureux souvenir attriste la joie de cette fête ! Moins que personne et moins ici que partout ailleurs, au milieu de ces toiles animées qui nous parlent de combats et de victoires, je ne puis oublier que, dans le cours même de cette année , il y a quelques mois à peine, l'armée des arts perdait un de ses plus illustres maréchaux.

» Vous l'avez reconnu, messieurs, et vos coeurs ont nommé avant moi le troisième, le dernier, le plus grand des Vernet.

» Peintre de l'époque impériale, Horace Vernet, dans son inépuisable fécondité, s'est associé à tous les triomphes de la France. Pendant une longue vie, qui égala presque celles du Titien et de Michel-Ange, cet infatigable créateur ne cessa pas un jour de travailler, et, sans jamais avoir vieilli, ne s'arrêta que pour mourir!

» Nul plus que lui, sans doute, n'aurait eu droit à d'éclatantes funérailles; le peuple eût porté l'artiste populaire à sa suprême demeure; jeunes et vieux, les soldats de l'Empire eussent voulu honorer encore celui qui avait reproduit tous leurs combats et popularisé toutes leurs victoires; et vous, messieurs , ses derniers élèves et ses premiers admirateurs, quelle escorte vous eussiez faite à sa cendre!

» Il ne l'a pas permis. Lassé de la gloire, il a refusé pour sa tombe tous les hommages; mais dans cette tombe, il a emporté tous les regrets.

» Ce que la reconnaissance du pays, n'a pu faire alors, messieurs, l'Empereur, inspiré par sa grande âme, l'avait fait d'avance en accordant à votre vieux maître, à mon vieil ami, un honneur si exceptionnel qu'il est presque unique dans l'histoire de l'art.

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82 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

» Que l'exemple vous soutienne, messieurs, et que la récompense vous encourage. Il est bon, au début de la carrière, de se fortifier pour la lutte, et rien ne rehausse le coeur comme le spectacle du travail accompli, du succès mérité et de la gloire obtenue. »

Après ce discours plusieurs fois interrompu par de vifs applaudissements, AI. le comte de Nieuwerkerke a pris la parole.

« Messieurs, a dit le surintendant militaire des Beaux-Arts, à l'heure où les questions d'art deviennent plus graves parce qu'elles deviennent plus générales, l'Empereur, en réunissant dans le ministère de sa maison tous les services des beaux-arts, en les confiant à un maréchal de France à la fois homme de science et de goût, a voulu , pour ainsi dire, les rapprocher encore de lui.

Déjà une mesure essentiellement libérale a été prise cette année en faveur d'un grand nombre d'artistes. Ils la doivent, vous ne l'ignorez pas, à la sollicitude de l'Empereur. Avec cette bienveillante initiative qui distingue chacun de ses actes, notre auguste souverain a appelé tous les artistes à partager le grand jour de la publicité. Il a pensé que le moment était venu de donne cette satisfaction au public, aux artistes, aux membres dû jury eux-mêmesC'est donc à tous ceux dont les oeuvres ont été exposées que je m'adresse aujourd'hui, à ceux dont les noms sont inscrits au catalogue officiel, comme à ceux pour lesquels des salles particulières ont été ouvertes

Nous qui suivons vos progrès avec une attention soutenue, nous reconnaissons que jamais dans l'école frrnçaise il n'y a eu une somme de talent si générale; cependant nous ambitionnons une supériorité plus haute encore. Ne vous méprenez pas sur notre pensée, messieurs : lorsque nous souhaitons pour vous, pour l'art national, un plus vaste avenir, nous ne prétendons pas refuser au présent la justice qui lui est due. C'est parce que vous pouvez beaucoup que nous vous demandons toujours davantage.

Nous n'insisterons pas sur certains écarts de goût que le jury devait signaler à ceux qui les ont laissés se manifester dans leurs oeuvres. Cet avertissement suffira, nous en avons l'espérance, pour que de telles défaillances ne se renouvellent plus; car, messieurs, vous qui avez déjà du talent, croyez bien que l'excentricité n'a jamais eu d'autre effet que de retarder les succès légitimes et durables. C'est à vous-mêmes que nous en appelons, et nous ne cloutons pas que dans un très-bref délai vous ne nous donniez raison.

Si nous regrettons d'avoir à constater que l'on s'éloigne de la grande peinture, il n'y a cependant pas lieu d'en être trop alarmé; si les préférences de quelques-uns se portent vers l'étude du paysage, par exemple, leurs succès dans cette voie ne doivent pas nous inquiéter sur les destinées du grand art en France. Chaque époque, en effet, obéit à un mouvement particulier, à une pression extrêmement mobile de l'esprit et du goût. L'important, c'est que dans chacune des directions parcourues, le talent soit à la hauteur de la tentative. D'ailleurs, comme pour être signé de Raphaël ou de Ruysdaël, de Michel-Ange ou de Clodion, un chef-d'oeuvre n'en est pas moins un chef-


DU THEATRE ET DES BEAUX-ARTS. 83

d'oeuvre : en raison de la diversité des esprits, de la variété infinie des talents et des aptitudes originelles, nous comprenons que la plus grande liberté règne dans la pratique et la direction de l'art. Mais, au nom même et en échange de celte liberté de tendances dont nous nous plaisons à reconnaître la légitimité, nous vous demandons, nous vous recommandons avec instance le travail obstiné, patient, convaincu. Méfiez-vous des à-peu-près en tout genre; la véritable force les a toujours dédaignés, et vous pouvez, et vous devez être véritablement forts.

Le grand art sera toujours l'objet de nos prédilections. Pourtant que ceux d'entre vous qui ne suivent pas ses traditions ne croient pas que nous voulions les renier; ils sont nos enfants prodigues, mais, à l'inverse de celui de la parabole, ils reviennent parfois les mains pleines. L'école française contemporaine est à la tète des écoles d'art de l'Europe. Et si nos coeurs sont encore émus de la perte des Vernet, des Delaroche, des Decamps, des Pradier, et de tant d'autres, hélas! n'est-ce pas une consolation de penser que parmi vous il se fait ou se fera d'aussi grandes renommées? La France est féconde, messieurs, et, de même que ses soldats, ses artistes sont les premiers du monde....

Le surintendant des beaux-arts a ensuite fait l'appel des artistes français et étrangers nommés dans l'ordre de la Légion d'honneur, par décret impérial. Puis il a lu la liste des récompenses décernées par le jury.

Ont été nommés chevaliers dans l'ordre impérial de la Légion d'honneur

Artistes français.

M M. Benouville (Achille), peintre de paysage historique; Brion (Gustave), peintre de genre;' Cibot (Edouard), peintre d'histoire ; Desjoberl (Louis-Remi-Eugène), peintre de paysage, De Rudder (Louis-Henri), peintre d'histoire ; Brion (Hippolyte-Isidore), statuaire; Iselin (Henri-Frédéric), statuaire; Le Véel (Armand), statuaire; Desmaisons (Pierre-Émile), artiste lithographe.

Artistes étrangers.

MM. Achenbach (Oswald), peintre de paysage; Stevens (Alfred), peintre de genre; Swertchkow (Nicolas), peintre de genre; Vela (Vincent), statuaire; Willmann (E.), artiste graveur.


84 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

RÉCOMPENSES ACCORDÉES PAR LE JURY A LA SUITE DU SALON DE 1863. Médaille, d'honneur : M. Perraud (Jean-Joseph).

Section de peinture.

Rappel des médailles de 1re classe.

MM. Bonheur (François-Auguste), Cibot (Edouard), Hillemacher (EugèneErnest) , Laugée (Désiré-François).

Médailles de lre classe.

MM. Dumas (Michel). Benouville (Achille).

M. Brion (Gustave).

Rappel des médailles de 2e classe.

MM. Achenbach (Oswald), Bodmer (Karl), Bonnat (Léon-Joseph-Florentin), Boulanger (Gustave-Rodolphe), Bremond (Jean-François), Caraud (Joseph), de Curzon (Paul-Alfred), Desjobert (Louis-Remi-Eugène), de Fontenay (Alexis), Hamman. (Edouard- Jean-Conrad ), Lafond (Alexandre), Lapierre (Louis-Emile), Marzocchi de Bellucci (Tito), Merle (Hugues), Richomme. (Jules), Rigo (Jules-Alfred), Roehn fils (Jean-Alphonse), Schutzenberger (Louis-Frédéric)..

Médailles de 2e classe.

MM. de Wmne (Liéven). Delaunay (Jules-Élie) Desgoffe (Blaise).

MM. Pasini.(Albert).

Ginan (Eugène). Cambon (Armand).

Rappel des médailles de 3e classe.

MM. Armand-Dumaresq ( Charles-Edouard) , Aze (Adolphe), Bertrand (James); Busson (Charles), Cazes (Romain), Colas (Alphonse), ComteCalix (François-Claudius), Duverger (Théophile-Emmanuel), Jacque (Charles), Kuwasseg (Carle-Joseph) Lechevalier-Chevignard (Edmond), Lecomte (Émile), Lobin (Julien-Léopold), peintre-verrier, Magaud (Dominique-Antoine), Maison (Pierre-Engène) , Marquis (PierreCharles); Monifort (Antoine-Alphonse), madame Montvoisin (née Domenica Festa), MM. Patrois (Isidore); Robie (Jean), Sorieul (Jean), Tourny (Joseph).


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 85

Médailles de 3e classe.

MAL Balze (Paul).

Briguiboul (Marcel). Henner (Jean-Jacques). Dejonghe (Gustave). Genty (Emmanuel). Lamothe (Louis).

MM. Frotais (Paul-Alexandre). Merino (Ignacio). Girard (Firmin). Von Heyden (Auguste). Leroux (Hector). Van Hove (Victor).

Mentions honorables.

M M. Accard (Eugène) , Aiguier (Auguste), madame la duchesse d'Albuféra (Malvina); M M. Allemand (Louis-Hector), Anker (Albert), Baader (Louis-Marie), Baron (Stéphane), Baugniet (Charles), Benneter (J.-Jabob), Bernard (Jean-François-Félix-Armand), Bernier (Camille), madame Bertaut (Marie-Henriette) ; MM. Berthoud (Léon), Bin (JeanBaptiste-Philippe-Émile), Blin (Francis), Boichard (Alcide), Boniface (Emile), Bontscha-Tomachevski (Jules), Bouchard (Pierre-Louis), Boulard (Auguste), Brandon (Jacob-Émile-Édouard), Breton (ÉmileAdelard), Brillouin (Louis-Georges), Brissot de Warville (FélixSaturnin) , Casey (Daniel), Castan (Edmond), Chaplain (Jules-Clément) ; madame de Chatillon (Laure), M. Chifflard (François-Nicolas); madame Coeffier (née Pauline Lescuyer); M. Coessin de la Fosse (Charles-Alexandre); mesdames Collard (née Herminie Bigé), de Cool (née Delphine Fortin); MM. Cornillet (Jules), Coroenne (Henri), Dargelas (Henri), Dargent (Yan'), Daubigny (Charles-Pierre), Debras (Louis), Decaen (Alfred-Charles-Ferdinand), Defaux (Alexandre), Delangle (Julien-Firmin), Desvachez (David-Joseph), Didier (Jules), Douillard (Alexis-Marie.-Louis), Doze (Jean-Marie-Melchior), Duran (Carolus); madame Émeric-Bouvret (Honorine); MM. Faivre (Emile), Faure (Eugène) , Felon (Joseph), Feyen-Perrin (Auguste), Flamm (Albert), Gall (Joseph), Gastine (Camille-Auguste), Gauthier (Léon), De Chequier (Alexis), Giacomotti (Félix-Henri), Giraud (Victor), Glaize (Pierre-Paul-Léon), Gordigiani (Michel), Grellet (en religion frère Athanase), Grenet (Dominique), Grisée (Louis-Joseph), Guillaume (Antony-Ernest), Guillaumet (Gustave), Guillemet (Pierre-Désiré), Guillon . (Antoine-Eugène), Halbou (Emile), Hanoteau (Hector), Harpignies (Henri), Henault (Antoine), Hereau (Jules), Herzog (Germain), Hirsch (Alexandre-Auguste), Horovitz (Léopold), Hue (Charles), Israëls (Josef), Jourdan (Adolphe), Jundt (Gustave), Kaplinski (Léon),. Krug (Edouard), Laurens (Jean-Paul), Laville (Eugène) ; mademoiselle Lecran (Marguerite-Zéolide) ; madame Lehaut (née Mathilde Bonnel de Longchamps) ; M. Lepec (Charles) ; mademoiselle Leroy (Elvire) ; MM. Leu (Auguste), Levreau (Alphonse),


86 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

MM Linder (Philippe), Lindlar (Jean-Guillaume), Lobrichon (Timoléon), Machard Jules-Louis), Magy (Jules-Edouard), Maillot (Nicolas-PierreThéodore), Masson (Benedict); S. A. I. madame la princesse Mathilde; MM. Menard (Réné), Mery (Alfred-Emile), De Meuron (Albert), Meynier (Jules-Joseph); mademoiselle Morin (Eugénie); MM. Muller (André), Muller (Carl); madame la comtesse de Nadaillac; MM. Nanteuil (Paul),Nazon (François-Henri; Nordenberg (Beugt), Perrault (Léon), Perrachon (André) ; mesdames Peyrol (née Juliette Bonheur), Piot (Jeanne-Adèle); MM. Pinel (Honoré-Philippe), De Pinelli (Auguste), Ranvier (Joseph-Victor), Reynaud (François), Richard (Pierre-Louis), Rozier (Jules), Ruiperez (Louis), Sain (Edouard-Alexandre), SalomanGeskel, Schenck (Auguste), Schmidt (Louis-Lucien); madame Schneider (née Félicie Fournier); MM. Schneider (Louis-Amable), Schotel (Pierre-Jean), Schreyer (Adolphe), Soyer (Paul), Swertchkow (Nicolas), Tabar (François-Germain-Léopold), Thevenin (Jean-Charles), Thirion (Eugène), Tissot (James) ; madame Toupillier (née LouiseÉlisa-Adèle Égron); MM. De Valenzano (Frédéric), Vaudé (Emile), Veron (Alexandre-Réné), Verwée (Alfred), Vibert (Georges-Jehan), Viger-Duvignau (Jean-Louis-Hector); madame Vinet (Anna); MM. Wagrez (Edmond), Weber (Alexandre-Théodore).

Section de sculpture

Rappel des médailles de lre classe.

MM Crauk (Gustave-Adolphe-Désiré), Moreau (Mathurin), Schoenewerk (Alexandre).

Médailles de lre classe.

MM. Carpeaux (Jean-Baptiste), Brion (Hippolyte-Isidore).

Rappel des médailles de 2e classe.

MM. Aizelin (Eugène), Delorme (Jean-André), Gumery (Charles-Alphonse), Iselin (Henri-Frédéric), Merley (Louis), Oliva (Alexandre-Joseph).

Médailles de 2e classe.

MM. Salmson (Jean-Jules). Dubois (Paul.

MM. Maniglier (Henri-Charles). Frison Barthélémy).

Rappel des médailles de 3° classe.

MM. Cain (Auguste), Carrier-Belleuse (Albert-Ernest), Chabaut (Louis-Félix), Felon (Joseph), Fesquet (Jules), Jacquemart (Henri-Alfred), Lavigne


DU THÉÂTRE ET DES BEAUX-ARTS. 87

MM. (Hubert), Lepère (François), Ponscarme (François-Joseph-Hubert), Varnier (Henri), Vidal (Louis Navatel, dit).

Médailles de 3° classe.

MM. Cugnot (Louis Léon).

Doublemard (Amédée-Donatien). Bourgeois (Charles-Arthur).

MM. Chapu (Henri).

Capellaro (Charles-Romain). Chatrousse (Emile).

Mentions honorables.

MM. Arnaud (Charles-Auguste), Barreau (Auguste-Marie), Barrias (LouisErnest), Bartholdi (Frédéric-Auguste), madame Bertaux (Léon), MM. Blanchard (Jules), Borrel (Alfred) , Caillé (Joseph), Carlier (Emile), Cattier (Armand), Candron (Eugène), Chenillon (Jean-Louis), Chevalier (Hyacinthe), Delaplanche (Eugène), mademoiselle Dubois-Davennes (Marguerite-Fany), MM. Fabrucci (Louis), Fulconis (LouisGuillaume), Galbruner (Paul-Charles), (Gauthier (Charles), Janson ( Louis-Charles), Lafrance (Jules-Isidore), Leenoff (Ferdinand), Marcello, Moreau (Augustin), Nicolaï (Jean-Jules), le général comte Pajol, Petit (Jean), Pètre (Charles), Picault (Emile), Protheau (François), Robinet (Pierre.

Section de gravure et Lithographie. Rappel des médailles de lre classe.

MM. Desmaisons (Pierre-Émile), lithographe; Girardet (Edouard), Keller (Joseph).

Médaille de lre classe. M. Girardet (Paul).

Rappel des médailles de 2e classe.

MAI. Eickens (Philippe-Hermann), Gaucherel (Léon), Guillaumot (ClaudeNicolas-Eugène), Guillaumot (Louis-Étienne), Huguenet (JacquesJoseph), Leroy (Alphonse), Salmon (Louis-Adolphe), Weber (Frédéric), Willmann (E.).

Médailles de 2e classe.

MM. Rousseau (Alfred-Émile). Franck (Joseph).


88 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE, ETC.

Rappel des médailles de 3e classe.

MM. Alophe (Marie-Alexandre), lithographe; Bertinot (Gustave-Nicolas), Desvachez ( David -Joseph), Guillaumot (Auguste), Hoffmann (Auguste), Jacque (Charles-Emile) , Jouanin (Auguste-Adrien) , de Lemud (François-Georges-Aimé ), Lévy (Gustave), Soudain (Alexandre), Sirouy (Achille), lithographe: Thévenin (Jean-Charles), Varin (Amédée).

Médailles de 3e classe.

Mme Browne (Henriette). MM. Chevron (Joseph).

Danguin (Jean-Baptiste. ).

Allais (Prosper-Paul-Ernest).

Mentions honorables.

MM. Annedouche (Alfred), Chapuis (Adolphe), Cornilliet (Jean-Baptiste-Alfred), Cottin (Pierre), Delaforge (Ambroise), Dharlingues (Gustave), lithographe; Felon (Joseph), lithographe; Gibert (Henri-Emile), Hotelin (Laurent), Jonnard-Pacel, Keller (François), Ledoux (FrançoisAuguste), Lehman (Auguste), Levasseur- (Jules-Gabriel), Morse (Auguste-Achille) , Penet (Jules), Pirodon (Eugène), lithographe); Pisan (Héliodore), Portier (Adolphe-Louis), Raab (Jean-Léonard), stang (Rodolphe), Varin (Eugène), Varin (Pierre-Adolphe), Weber (Otto), baron de Wisme ( Héracle-Olivier-Jean-Baptiste).

Section d'architecture.

Médaille de lre classe. M. Garnier (Jean-Louis-Charles).

Rappel de médaille de 2e classe. M. Mimey (Maximilien).

Médailles, de 2° classe.

MM. Guillaume (Edmond).

Trilhe (Félix-Ernest).

Médailles de 3e classe.

MM.. Rachau (Charles) et Kollmann (Charles). Rohard (Léon). Duthoit (Edmond-Clément-Marie).


VARIÉTÉS.

L'ALMANACH DE GOTHA.

On a cru longtemps que l'Almanach de Gotha était plus que centenaire : il n'en est rien. L'édition de 1863 est la centième. Ce qui a donné lieu à cette erreur, c'est qu'il paraissait à Gotha, bien avant la naissance de la publication actuelle, un almanach avec ce titre : Neu verbesserter Gothaischer Genealogischer und Schrieb-Calender, ou Almanach généalogique et agenda revu et corrigé. Il y a bien une ressemblance frappante entre les deux ouvrages, mais cependant là n'est pas son origine ; l'Almanach de Gotha doit sa naissance à Guillaume de Rotberg, qui fit imprimer en 1763 un petit almanach en langue française , n'ayant que vingt pages d'impression et contenant le calendrier astronomique, des tablettes, élégamment gravées, sur lesquelles on pouvait inscrire jour par jour les pertes et les gains qu'on avait faits au jeu, un


90 ALMANACH DE LA LITTERATURE,

tableau des départs et des arrivées du courrier, et un autre indiquant la valeur des différentes monnaies. C'est ce petit livre qui est devenu la publication importante et recherchée que l'on connaît. Il serait très-difficile de réunir aujourd'hui une collection complète. Nous croyons même que les trois premières éditions n'existent plus. Dans tous les cas, elles doivent être fort rares. Aujourd'hui, ce petit livre se subdivise en quatre parties distinctes : la généalogie , l'annuaire diplomatique, la statistique, la chronique. Chacune de ces parties se subdivise elle-même en plusieurs autres. Chaque année, l'Almanach publie un ou plusieurs portraits de souverains. C'est en 1768 que l'on commença à illustrer le calendrier par des estampes placées entre les douze mois. C'étaient d'abord des représentations allégoriques ou mythologiques ; mais de 1774 à 1778, on emprunta leurs sujets aux romans et aux pièces dramatiques en vogue. Depuis 1832, les illustrations de l'Almanach ne se composent plus que de portraits de princes, de princesses et de grands hommes d'Etat. Nous terminerons ce court historique en disant que si la première édition ne contenait que vingt pages d'impression, celle de 1816 en contenait 296; celle de 1884, 440; celle de 1856, 874, et la présente, 1072.

LA CIVILISATION AU GROENLAND.

Voici quelques détails curieux extraits du Zeitschrift für allgemeine Erdkunde, de Berlin. Il s'agit de la fondation d'un journal groënlandais, phénomène assez curieux sur cette terre désolée, habitée par des Esquimaux, et ensevelie, la plus grande partie de l'année, dans les glaces et dans les brouillards.

« C'est dans la colonie de.Godthaab, chef-lieu d'un des deux inspectorats danois (le Groënland, la plus boréale de toutes les colonies européennes, appartient, comme on sait, au Danemark) qu'en 1857 a été fondée une petite imprimerie avec une lithographie. Un jeune Groënlandais, Larf Moller, fut pris en apprentissage. Il devint bientôt habile dans ce métier, et enseigna à d'autres de ses compatriotes l'art de composer et d'imprimer. Ce nouvel établissement procura quelque distraction, dans les longues nuits d'hiver, au personnel administratif de la colonie, au président du séminaire fixé à Godthaab, ainsi qu'à la communauté des frères moraves établie non loin de là, à Nye-Herrenhut, mais servit surtout (ce qui était le but principal) à introduire et à répandre notre civilisation parmi les indigènes esquimaux. Au bout de quelque temps, il sortit de là des lithographies assez présentables. On fit un pas de plus, et on leur enseigna même l'impression en couleurs, qui paraît propre surtout à reproduire ces pays couverts de neige.

» Toutes ces connaissances furent utilisées pour la création d'un journal illustré nommé A tuagagdliulit (c'est-à-dire la Lecture, ou quelque chose à lire), qui, depuis janvier 1861, paraît en livraisons mensuelles. Le but de ce recueil est de fournir aux Groënlandais une lecture utile, instructive et divertissante à la fois, autre que celle plus sérieuse qui leur est fournie par


DU THEATRE ET DES BEAUX-ARTS. 91

leurs livres d'école et par les traités religieux. Mais comme les circonstances climatériques ne permettent pas toujours d'envoyer les numéros détachés aux intéressés, nous n'osons dire aux abonnés, et que, pendant une grande partie de l'année, les communications entre les divers établissements coloniaux sont interrompues, l'éditeur garde les livraisons et ne les envoie qu'en volume complet. Voici le titre de quelques-uns des articles que nous avons remarqués: le Télégraphe électrique, le Great-Eastern , Extrait des voyages au pôle arctique en ce qui concerne les Esquimaux, le Combustible au Groënland, les Anciens Scandinaves et leurs excursions dans le pays, etc.

On dit que ces récits ont excité un certain intérêt parmi les habitants de ces régions arctiques, et que le journal a eu du succès. Les illustrations y ont puissamment contribué. Elles sont d'un artiste indigène appelé Aron, qui habite à Kangek, à deux milles de la colonie, à l'embouchure du Godthnabfjord, et qui n'a commencé que pendant l'hiver de 1838 à 1859 à s'exercer dans celte branche nouvelle pour lui. Il s'est formé seul en quelque sorte, car il n'avait pu venir à Godthaab, à cause d'une douloureuse maladie; livré à ses propres forces, avec le bois qu'on lui a envoyé, le burin et quelques vieilles estampes, il a produit quelques gravures sur bois fort bien réussies et composées par lui.

Simultanément à cette Illustration groënlandaise, a paru une collection de traditions indigènes, communiquées par les gens du pays, et imprimées par ce Larf Moller dont nous avons parlé. Elle a déjà trois volumes publiés en 1859, 1860 et 1861. Les Groënlandais, à l'instar de tous les autres peuples, avaient leurs traditions, mais elles avaient été obscurcies et défigurées, clans la suite des temps, par des coutumes superstitieuses. Elles se présentent aujourd'hui pour la première fois sous leur forme originale et primitive. On n'a encore que les traditions de la plus petite partie du Groënland, mais on espère que la moisson sera aussi abondante pour les autres districts. En regard du texte Groënlandais est une traduction danoise. Ce qui prouve l'intérêt que les indigènes ont pris à celte publication, c'est que dans le premier volume, l'éditeur faisait au public un appel pour qu'on lui adressât des matériaux; or, l'appel a été entendu, car vingt-quatre rapsodes des districts du sud lui envoyèrent quatrevingts sagas ou traditions, pour lesquelles Aron et d'autres artistes indigènes ont composé des dessins de leur façon. Dans le tome IIIe, il y a déjà des lithographies et des impressions en couleur, en sorte que chaque volume constitue un progrès.

Les dernières de ces traditions sont de date récente ; les plus anciennes ont une base historique et sont très-importantes, puisqu'il y est parlé des rapports avec la côte d'Amérique, située vis-à-vis du Groënland.

Ce mouvement littéraire et artistique mérite d'être signalé, se produisant sous des latitudes aussi désolées, où l'hiver dure huit mois, où le mercure et les spiritueux se congèlent, où, en hiver, la mer est couverte d'énormes montagnes de glace, et d'où il s'élève, dans la même saison, un brouillard épais qui cause la même sensation que des piqûres d'aiguille.


92 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

LIVRES ILLUSTRÉS DU JAPON.

Parmi les livres que les officiers de la marine américaine ont rapportés du Japon, plusieurs méritent l'attention, surtout les livres illustrés, dit l'Austand , d'après la relation récente de M. Hawks.

Les illustrations rappellent les peintures monochromatiques. On n'y voit rien de chargé ni de grotesque, mais une sobriété de couleurs bien éloignée des tendances de l'art oriental ; car il faut dire que ces illustrations sont en couleur et ajouter bien vite que celte découverte, nouvelle chez nous, était depuis longtemps en usage au Japon.

Un modèle de ce genre, c'est un livre en deux volumes du prince Hyasi, donné par lui-même au commodore Perry, et qui traite des formes du cheval.

Cet animal est représenté en différentes postures : courbé en avant, piaffant, tournant sur lui-même, altitudes qui demandent une certaine habileté dans le raccourci ! Ces chevaux ressemblent un peu à ceux d'Albert Durer; ils sont de petite taille, dans le genre des coursiers qu'on voit sur les marbres d'Égine, bien proportionnés comme les quadrupèdes des pays méridionaux. Les gravures sont à trois teintes, gris, rouge et noir.

Un autre spécimen de l'art japonais, c'est une gravure sur bois, en couleur, représentant des groupes de lutteurs. L'aspect de l'amphithéâtre où le combat a lieu met à même de rectifier une erreur depuis longtemps accréditée, à savoir que les Japonais, ainsi que les Chinois, ignorent les lois de la perspective.

Il faut citer encore un livre illustré pour les enfants, acheté à Hakodati pour quelques cash. Ce petit volume est intéressant sous plus d'un rapport. La première gravure, représentant un balcon bien ornementé, nous prouve une seconde fois que les Japonais connaissent très-bien la perspective. Plus loin on voit un Hercule chinois terrassant les monstres et les serpents avec une épée qu'il brandit d'une façon grotesque; c'est une caricature; ensuite un marchand occupé à regarder un objet avec ses lunettes, qui ne sont autre chose que ce que nous appelons vulgairement un pince-nez.

Il y a encore une scène représentant un chat qui guette des poissons rouges; des porteurs de chaises qui ont déposé leur fardeau pour allumer leur pipe: un professeur de phrénologie au milieu des objets de ses études; tout cela exécuté avec beaucoup de finesse et d'esprit.

LE LANGAGE DES OISEAUX.

De toutes les oeuvres créées par la littérature musulmane, nous ne connaissons guère, en France, que les Mille et une Nuits. Ce n'est pas assurément que les Orientaux aient manqué de poètes : il leur en devait fatalement naître, parce qu'il faut à ces peuples des hommes inspirés qui donnent un aliment au feu de leur imagination. Si, par le fait, aujourd'hui entre la littérature de


DU THEATRE ET DES BEAUX-ARTS. 93

l'Europe et la littérature des sectateurs de Mahomet il y a un abîme, si elles vivent étrangères l'une à l'autre, ignorant l'existence l'une de l'autre, au douzième et au treizième siècle leurs rapports étaient nombreux; elles s'influençaient mutuellement. Les annales littéraires attestent, et cela est assez prouvé d'ailleurs par leurs productions mêmes, que nos troubadours empruntèrent beaucoup et avec profit aux Maures de l'Espagne.

Peut-être un jour les relations se rétabliront-elles. En attendant, ou comme moyen d'en préparer la reprise, les savants traduisent d'abord, analysent après les oeuvres des poëtes musulmans; ils s'efforcent d'en réveiller le goût dans l'Occident, ils en donnent des aperçus. Un membre de l'Institut, M. Garcin de Tassy, vient de publier un résumé du poëme d'Attar, intitulé le Langage des oiseaux. Attar est un littérateur persan qui a très-peu écrit en prose, mais dont la muse féconde n'a pas enfanté moins de cent mille vers, dans le mètre dit ramt. D'un bout à l'autre, son poëme est une allégorie continue, genre favori,; comme on le sait, des Orientaux, adopté également par le génie occidental, mais avec celle mesure qu'il met à tout. Notre goût, en effet, supporte l'allégorie restreinte dans les bornes d'une fable et ne l'endurerait certainement pas dans une figure indéfiniment prolongée.

Suivons M. Garcin de Tassy dans son esquisse de l'ouvrage rapidement tracée.

» Les musulmans, dit-il, commencent toujours leurs écrits par une invocation à Dieu, après, laquelle viennent les louanges de Mahomet et des quatre premiers khalifes ou des imans, et quelquefois des uns et des autres. Attar- n'a pas manqué de se conformer à cet usage.

» Mustapha (l'élu, c'est-à-dire Mahomet), lisons-nous dans la traduction de AI. Garcin de,Tassy, Mustapha est le seigneur du monde spirituel et temporel, la lumière de l'univers, etc. Il est le plus grand et le premier des prophètes... Ce fut pour lui-même que Dieu créa cette âme immaculée, et pour elle qu'il créa le monde. — Le jour de la résurrection ne sera; pas à redouter pour la poignée de terre (la portion des créatures) dont Mahomet pourra dire à Dieu : Ceci est mon peuple. »

Conformément à la croyance commune de ses coreligionnaires, Attar proclame que le corps de Mahomet est glorieux et ne projette pas d'ombre. Il enveloppe du même sentiment de vénération, bien qu'avec un degré moindre, les quatre premiers califes : Abubekr, Omar,Osman et Ali.

« Place le pied dans.la vérité, comme Abubekr; choisis la justice, comme Omar; comme Osman, agis avec douceur et modestie; et comme Ali, sois un océan de bonté et de science. Es-tu un homme de sincérité et de science comme Ali? »

Le plan du poëme est celui-ci. Les oiseaux rassemblés projettent de se donner un roi.. La huppe, sorte d'oiseau sacré aux yeux.des musulmans, s'avance au milieu de la réunion et se fait forte de leur trouver ce chef digne d'eux qu'ils demandent. Mais elle met à cela une condition. Il faut qu'ils aillent tous en corps avec elle pour guide, s'ils veulent bien, le chercher sur la cime du mont Caucase où il réside. On l'appelle du nom de Simorg.


94 ALMANACH DE LA LITTÉRATURE,

Le Simorg des Persans est cet animal mystérieux dont tout le monde parle, et que personne n'a jamais vu, héros de légende, et dont nous pouvons reconnaître l'analogue dans le dragon aux prunelles de feu chez les anciens ou le griffon du moyen âge.

Après de longues hésitations, entraînés enfin par l'éloquence de la huppe et la magie de. ses descriptions, les oiseaux se déterminent et prennent leur vol dans la direction du Caucase. On arrive à la première des sept vallées qu'ils sont tenus de parcourir avant de se rencontrer face à face avec Simorg. La terreur s'empare de la troupe. « Le vent du détachement des choses terrestres, dit Attar avec une image d'une grandeur saississante, soufflait tellement en ce lieu que le ciel en était comme brisé. » On atteint la deuxième, la troisième, la quatrième. Les rangs s'éclaircissaient; les fatigues, le froid, le chaud, la nuit continuelle multipliaient les vides. Ils étaient partis une nuée, leur nombre couvrait l'horizon; ils parvinrent an but trente seulement; encore étaient-ils sans plumes ou sans ailes, épuisés, abattus, le coeur brisé, l'âme affaissée, le corps harassé de fatigue.

Ils sont enfin en présence de ce roi tant convoité. Ils se hâtent de regarder Simorg, et quelle n'est pas leur surprise quand ils s'aperçoivent que Simorg n'est pas autre qu'eux-mêmes! Simorg signifie trente oiseaux. Ils demandent s'ils ne sont pas l'objet d'une mystification. Simorg leur répond : « Le soleil de ma majesté est un miroir. Puisque vous êtes venus ici trente oiseaux, vous vous trouvez trente oiseaux (simorg) dans ce miroir. S'il arrivait quarante, cinquante oiseaux, le rideau que cache Simorg serait également ouvert. »

Le poëme d'Attar est d'un bout à l'autre allégorique. Il cache une doctrine sous ses voiles, et cette doctrine est un panthéisme non douteux. Allai-, du reste, est réputé sofi, c'est-à-dire philosophe, mais il n'en était pas moins bon musulman.

UNE PRISE COMIQUE DANS UN DRAME LUGUBRE.

Dans un nouveau mélodrame représenté au théâtre de Bowery (Angleterre), un brigand de la vieille souche, le héros de la pièce, est arrêté et décapité, sa tête, placée sur une table au milieu de la scène, est subitement découverte à la grande joie des amateurs de fortes émotions. L'illusion est parfaite; l'acteur est sous la table, qui est percée d'un trou dans lequel le col est engagé, et la tête paraît baigner dans des flots de sang.

Il arriva un jour qu'un loustic des coulisses réussit à placer sur la table une forte quantité de tabac à priser, juste au moment où le voile était enlevé. Et voilà la tête qui se met à éternuer tant et si bien qu'il est impossible de l'arrêter. On comprend l'effet au moment le plus pathétique. La salle tout entière part d'un éclat de rire inextinguible; l'hilarité gagne les acteurs; la tête rit en éternuant toujours... Enfin, il fallut baisser le rideau, et le public, au lieu de verser des larmes de crocodile, comme il est d'usage à ces sortes de représentations, se retira sous l'impression d'une bouffonnerie désopilante.


DU THÉATRE ET DES BEAUX-ARTS.

UN TITRE EXTRAORDINAIRE.

Il vient de paraître en Allemagne un ouvrage de métaphysique religieuse, plus singulier que concluant, qui se recommande de l'approbation de M. Fallmereyer, le savant orientaliste. Cet ouvrage est, ainsi intitulé : Doctrine du théisme, ou Système divin de l'ordre terrestre, médiateur et guide de l'humanité, par lequel le bonheur en ce monde devient accessible à tous, sans exception; dernier mot de ce qui doit venir et subsister; parachèvement de la pensée du monde qui est la seule conforme à la race humaine; but final du progrès et de l'histoire du monde, par Clément. Première partie : Exposé du système de l'état de choses existant, état de choses faux, qui fait du monde un monde d'erreur, et rend plus ou moins tous les hommes malheureux ou insensés. Deuxième partie : Exposé du système de l'ordre de choses véritable qu'on devra établir, dont la réalisation implique la ré formation des peuples, tant des chefs que des membres, qui maintiendra les riches et les puissants dans leur fortune et leur pouvoir, et affranchira les pauvres de leur misère, qui enrichira tout le monde, qui nous fera tous nobles d'esprit el de coeur, et par conséquent nous rendra tous heureux et libres en ce monde et en l'autre. Troisième partie : Jugement des vivants et des morts.


TABLE DES MATIERES.

Pages

ARTICLES PRINCIPAUX DE L'ANNUAIRE 2

CALENDRIER 3

L'ANNÉE LITTÉRAIRE ET DRAMATIQUE (gravure) 7

THÉÂTRE DU LA GAÎTÉ.—Philidor (gravure) 8

HISTOIRE LITTÉRAIRE ET DRAMATIQUE DE L'ANNÉE, par M. JULES

JANIN 9

LES LIVRES 9

LES THÉATRES 27

AMBIGU-COMIQUE.—François-les-bas-bleus (gravure). ... 35

TABLE NÉCROLOGIQUE 42

NÉCROLOGIE (gravure) 45

MADAME CINTI-DAMOREAU (gravure) 46

HORACE-VERNET 48

HORACE VERNET (gravure) 49

UHLAND 51

EUGÈNE DELACROIX 51

EUGÈNE DELACROIX (gravure) 53

INSTITUT IMPÉRIAL DE FRANCE 55

EXPOSITION DES BEAUX-ARTS 61

VARIÉTÉS 89

L'ALMANACH DE GOTHA S!)

LA CIVILISATION AU GROENLAND 90

LIVRES ILLUSTRÉS DU JAPON » 92

LANGAGE DES OISEAUX . . 92

UNE PRISE COMIQUE DANS UN DRAME LUGUBRE A 94

UN TITRE EXTRAORDINAIRE . 95

TABLE DES MATIÈRES . . 96

FIN DE LA TABLE.

PARIS. TYPOGRAPHIE DE HENRI PLON , RUE GARANCIERE . 8.