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Title : Traité général pratique des eaux minérales de la France et de l'étranger / par J.-É. Pétrequin,... et A. Socquet,...
Author : Pétrequin, Joseph-Éléonor (1809-1876). Auteur du texte
Author : Socquet, Jean-Antoine (1810-1883). Auteur du texte
Publisher : (Lyon)
Publication date : 1859
Subject : Eaux minérales
Relationship : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31094840s
Type : text
Type : printed monograph
Language : french
Format : 1 vol. (XVI-609 p.) : planche et carte ; in-8
Format : Nombre total de vues : 636
Description : Contient une table des matières
Description : Avec mode texte
Description : Ouvrages de référence
Rights : Consultable en ligne
Rights : Public domain
Identifier : ark:/12148/bpt6k58443914
Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-TE159-56
Provenance : Bibliothèque nationale de France
Online date : 28/06/2010
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TRAITÉ GÉNÉRAL
PRATIQUE
DES EAUX MINÉRALES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER.
Lyon. — Imp. de Louis Perrin, rue d'Amboise. 6.
N Rémond imp. r. Vieille Estrapade, 15. Paris.
URIAGE (ISÈRE)
Dessiné et Gravé par E. Wormser.
TRAITE GENERAL
PRATIQUE
DES EAUX MINÉRALES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER,
CONTENANT
LA TOPOGRAPHIE ET LA CLIMATOLOGIE DES STATIONS THERMALES, UNE CLASSIFICATION NOUVELLE DES SOURCES AVEC LEUR ANALYSE CHIMIQUE , ET DES ETUDES SPECIALES SUR L'ACTION PHYSIOLOCIQUE DES EAUX MINÉRALES ET SUR LES PROPRIETES THÉRAPEUTIQUES DE CHAQUE CLASSE D'EAUX, ETC.;
PAR
J.-E. PÉTREQUIN,
Ex-chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Lyon, professeur à l'Ecole de Médecine de la même ville,
Vice-Président de la Société de Médecine, chevalier de la Légion-d'Honneur,
lauréat de l'Académie de Médecine de Paris et de la Société de Médecine de Bordeaux,
membre de plusieurs sociétés savantes nationales et étrangères;
ET
A. SOCQUET,
Médecin de l'Hôtel-Dieu de Lyon,
professeur de matière médicale et de thérapeutique à l'Ecole de Médecine de la même ville,
membre de la Société littéraire, lauréat de l'Académie impériale de Médecine de Paris et de la Société
de Médecine de Bordeaux, membre de plusieurs sociétés savantes nationales et étrangères.
OUVRAGE COURONNE
par l'Académie impériale de Médecine de Paris, aux concours de 1855 et de 1857.
LYON,
N. SCHEURING, LIBRAIRE-EDITEUR, RUE BOISSAC, 9.
1859.
AVANT-PROPOS.
Concours sur les Eaux minérales alcalines.
(Extrait du Rapport général de M. Depaul sur les prix décernés, en 1855, par l'Académie impériale de Médecine de Paris.)
« C'est à notre collègue Capuron que l'Académie doit d'avoir pu mettre au concours la question suivante : Déterminer par l'observation médicale l'action physiologique et thérapeutique des eaux minérales alcalines, et préciser nettement les cas de leur application.
« En choisissant un pareil sujet, elle ne s'est pas souvenue seulement que le fondateur avait été inspecteur d'un établissement thermal, elle a pensé qu'il était temps enfin d'apporter dans cette partie de la thérapeutique, qui a pris en quelques années une si grande extension, la même rigueur d'observation qui tend heureusement à s'introduire dans l'étude des différentes branches de la médecine.
Personne ne conteste aujourd'hui l'utilité des eaux minérales dans le traitement d'un grand nombre de maladies ; mais, si l'on demandait à beaucoup de médecins sur quelles données positives ils se fondent pour préférer certains établissements à certains autres, pour choisir dans chacun d'eux une source, à l'exclusion de sa voisine, qui a souvent la plus grande analogie de température et de composition chimique, ils seraient certainement embarrassés pour répondre d'une manière satisfaisante, et, au lieu de résultats précis déduits de faits rigoureusement observés, on les verrait forcés de s'en tenir à des opinions vagues trop souvent fondées sur les croyances populaires.
« Le plus important des Mémoires que vous avez eu à juger est celui qui a été inscrit sous le n° 5. Les auteurs, MM. les docteurs Pétrequin et Socquet, l'ont divisé en cinq chapitres.
« Ils jettent d'abord un coup d'oeil sur la classification des eaux minérales en général, et en proposent une nouvelle...
« Entrant ensuite dans la question proposée, ils définissent ce qu'on doit entendre par eaux minérales alcalines ; ils y comprennent toutes les eaux l'enfermant, comme principal élément, les carbonates ou les bicarbonates sodique
vj AVANT-PROPOS.
ou potassique, calcique et magnésique, avec excès ou non d'acide carbonique libre. — Ils établissent, en outre, un ordre qu'ils appellent sources mixtes, comprenant les eaux qui renferment plusieurs sels alcalins associés en quantité à peu près égale. Toutes les sources énumérées dans les divers ordres qu'ils établissent sont présentées dans un tableau comparatif et gradué avec leur température et la proportion des divers principes alcalins.
« Le deuxième chapitre est consacré à l'étude de l'action physiologique des diverses eaux alcalines. Les auteurs s'y livrent à de longues et savantes considérations au point de vue du régime alimentaire et de ses rapports avec l'administration des eaux alcalines. — L'alcalisation des sueurs et des urines, dont on s'est beaucoup occupé dans ces derniers temps, n'est pour eux qu'un simple phénomène d'élimination qui n'a rien de commun avec ce qu'on a appelé une saturation de l'économie ; car, si cette saturation existait, elle constituerait un véritable empoisonnement incompatible avec la vie. Cet état
des urines n'est pas d'ailleurs le fait capital — Quant à la dissolution du
sang attribuée, par quelques-uns, à l'usage des eaux alcalines, ils démontrent qu'elle est fondée sur des théories purement chimiques démenties chaque jour par la pratique. Leurs partisans, ainsi que nous l'a fait remarquer M. le rapporteur, oublient que les eaux dont il est question ne renferment pas seulement des carbonates alcalins, mais qu'il entre en même temps dans leur composition du fer, de l'iode, de l'arsenic, etc., principes qui doivent jouer un certain rôle dans l'action thérapeutique qui se produit.
" MM. Pétrequin et Socquet examinent ensuite l'action thérapeutique des eaux alcalines ; ils en étudient les indications et les contre-indications ; ils accordent justement une assez grande influence aux nouvelles conditions hygiéniques auxquelles sont soumis les malades qui se rendent dans les établissements thermaux. Mais ils pensent néanmoins que la plus grande part dans les heureuses modifications qu'on obtient, doivent être attribuées à l'action propre des eaux alcalines ; ils étudient successivement les différentes sources, suivant qu'elles sont à base sadique, calcique ou magnésique, et, s'appuyant sur leurs propres observations et sur les documents statistiques adressés à l'Académie, ils indiquent celles qu'il faut préférer ou rejeter dans les diverses lésions qu'on veut combattre.
« Puis vient l'étude de l'action thérapeutique qu'exerce le gaz acide carbonique que dégagent les sources alcalines et, en particulier, celle de St-Alban. L'application s'en fait sous forme de bains et de douches, et semble avoir déjà produit de bons résultats dans les maladies causées par la suppression de la transpiration cutanée, et quand il est utile de rétablir le flux menstruel ou hémorrhoïdal, etc.
« Dans un dernier chapitre, les auteurs résument les indications fondamentales qui doivent présider à l'administration des eaux alcalines ; ils ne veulent pas qu'on oublie que des maladies semblables quant à la forme,
AVANT-PROPOS. vij
peuvent être très différentes quant au fond et ne pas réclamer les mêmes sources ; ils pensent qu'on doit attacher une grande importance aux états morbides généraux connus sous le nom de diathèses.
« En résumé, ce travail, dont on ne pourra se faire une juste idée qu'en le lisant tout entier, est une production vraiment remarquable. De plus, ainsi que vous l'a fait remarquer votre Commission, il a sur les autres le grand avantage d'avoir abordé franchement et dans son ensemble la question telle qu'elle avait été posée, de l'avoir étudiée et de l'avoir résolue aussi complètement que la chose était possible dans l'état actuel de nos connaissances.
« Après mûr examen, l'Académie, adoptant les conclusions proposées dans le Rapport qui a été fait sur les divers Mémoires, a décidé que le prix serait donné à MM. les docteurs J.-E. Pétrequin, ex-chirurgien en chef de l'Hôtel-Dieu de Lyon, et Socquet, médecin dans le même hôpital, auteurs du Mémoire n° 3. » (Extrait des Mémoires de l'Académie impériale de Médecine, 1856, t. 20, p. LXXXII.)
Concours sur les Eaux minérales salines.
(Extrait du Rapport général sur les prix décernés, en 1857, par l'Académie impériale de Médecine de Paris.)
« La question est ainsi conçue : Caractériser les eaux minérales salines ; indiquer les sources qui peuvent être rangées dans cette classe , déterminer par l'observation médicale leurs effets physiologiques et thérapeutiques , et préciser les cas de leur application dans le traitement des maladies chroniques.
« Une Commission composée de MM. Guerard, Pâtissier, Boudet, Poggiale et O. Henry, a été chargée d'examiner les Mémoires qui vous ont été adressés, et c'est le consciencieux Rapport de M. Pâtissier qui vous a permis d'en apprécier la valeur et de statuer sur le mérite respectif de chacun d'eux
Le Mémoire n° 2 a pour épigraphe : Scire laboro. (Perse.) — Nihil proponam quod non factis, nihil projiciam quod non experimentis, nihil ostendam quod non observatis nitatur. (Starck.) — Les eaux minérales salines y sont divisées en deux grandes classes : celles qui sont minéralisées par les chlorhydrates de soude, de potasse, de chaux ou de magnésie; celles qui le sont par les sulfates des mêmes bases. Puis vient une troisième division pour les eaux salines mixtes.
« Les effets physiologiques des eaux chlorurées sodiques, des eaux sulfatées calciques, de celles désignées sous le nom de salines mixtes, y sont étudiés dans autant de chapitres distincts. Les auteurs insistent avec raison sur la
viij AVANT-PROPOS.
part qu'il faut faire à la température dont jouissent ces eaux, température qui tantôt aura une action sédative, tantôt une action stimulante, et ils entrent à ce sujet dans des considérations intéressantes qui montrent comment le praticien doit, suivant les cas, tirer parti de cette propriété.
« Abordant ensuite l'action thérapeutique de ces eaux, ils passent en revue les nombreuses maladies dans lesquelles elles ont été conseillées. Dans l'impossibilité où il était de faire passer sous vos yeux tous les faits intéressants contenus dans ce chapitre, M. le rapporteur a dû se contenter d'appeler votre attention d'une manière spéciale sur quelques-uns d'entre eux. C'est ainsi qu'il s'est longuement étendu sur ce que les auteurs du Mémoire ont décrit sous le nom de pléthore veineuse abdominale, indiquant comment, sous l'influence de causes diverses, les congestions pouvaient se manifester sur un ou plusieurs des organes contenus dans l'abdomen ; comment ces congestions, après avoir donné lieu à des troubles fonctionnels, pouvaient, en se prolongeant, produire des altérations organiques ; comment, enfin, on pouvait comprendre l'effet salutaire que les eaux salines semblent procurer dans plusieurs de ces cas. Toutes ces questions sont savamment discutées dans le Mémoire dont nous vous avons donné un court aperçu. On y trouve de précieuses indications sur le choix des sources qui semblent convenir d'une manière spéciale à certaines affections. Il est terminé par un intéressant chapitre sur les propriétés curatives de l'eau de mer prise en boisson et en bains.
« En résumé, Messieurs, je vous dirai avec M. Pâtissier, si compétent sur de pareilles questions, que ce travail se fait remarquer par l'ordre, la méthode qui ont présidé à sa rédaction, et par des aperçus pratiques d'un haut intérêt. Riches de leur propre expérience, les auteurs, tout en rendant justice à ceux qui se sont occupés du même sujet, ont su faire un bon choix parmi les nombreuses opinions qui ont été émises: ils ont donné la preuve d'une érudition aussi bonne qu'étendue. Certes, ils n'ont pas dissipé tous les doutes qui existaient sur des questions encore si obscures, mais il est juste de reconnaître qu'ils ont beaucoup fait, et qu'ils ont d'ailleurs satisfait aussi complètement que possible au programme de l'Académie.
« Aussi vous avez décidé que le prix serait accordé à MM. Pétrequin, professeur à l'Ecole de Médecine de Lyon, et Socquet, médecin de l'Hôtel-Dieu de la même ville, auteurs du Mémoire n° 2. » (Rapport de M. Depaul. — Mémoires de l'Académie impériale de Médecine, 1858, t. 22, p. XLVI.)
Ce programme des auteurs, honoré deux fois de la haute approbation de l'Académie de Médecine, a été adopté également pour les autres classes d'eaux minérales ; en mettant à profit les avis de la Commission académique, ils l'ont encore notablement amélioré pour les eaux alcalines et salines, et en ont ensuite fait profiter l'étude des eaux sulfureuses, ferrugineuses et bromo-iodurées.
TABLE GÉNÉRALE
DES CHAPITRES
ET DES PRINCIPALES DIVISIONS ET MATIÈRES DE CET OUVRAGE.
INTRODUCTION GÉNÉRALE, — De la méthode à suivre dans l'étude et la
classification des eaux minérales 4
Livre I. — Des eaux minérales alcalines 15
CHAPITRE I. — Détermination et classification des sources minérales
alcalines 15
1er ORDRE. — Eaux alcalines sodiques 17
1er groupe. — Sources thermales : Vichy ( Grande - Grille, Hôpital, etc.) 17, — Ems 21, — St-Nectaire 23, — Vic-le-Comte 24, — Châteauneuf 25, — Chaudes-Aigues 26, — St-Laurent 27, — Toeplitz 27.
2e groupe. — Sources non thermales : Bilin 28, — Vals 29, 592, — Vic-sur-Cère 30, — Bard 51, — Le Boulou 31, — St-Myon 32, — Fachingen 33, — Andabre ou Camarès 33, — Chabetout 34, — Sauxillanges 34, — St-Alban 34 et 74, — Jenzat 35, — Soultzmatt 36.
2e ORDRE. — Eaux alcalines calciques 56
Condillac 36, — Chateldon 38, — Foncaude 39, — St-Moritz 59,
— Dieu-le-Fit 40, — Celles 40, 592, — Renaison 40, — Ussat 41,
— Rieu-Majou 42, — Aix 42, — Foncirgue 43, — Montégut-Ségla 43, — Rosheim 43, — St-Allyre 44, — Rippoldsau 45.
5e ORDRE. — Eaux alcalines calciques magnésiennes 45
Pougues 46, — St-Galmier 47, — Contrexeville 47, — Grandrif 48, 593, — St-Simon 49, — Bulgneville 49.
4e ORDRE. — Eaux alcalines mixtes 50
Néris 50, — La Malou 52, — Geilnau 55, — Avène 53, — Schlangenbad 53, — Evian 54, — La Veyrasse 55, — Le Chambon 55, Tessière-les-Bouliès 55, — Pont-Gibaud 56, — Sail-sous-Couzan 56, — Monestier-de-Clermont 56, — Rouzat 57, — Courpière 57, — Royat 57, — Médague 59, — Mont-Dore 60, — Neyrac 62.
APPENDICE. — Eaux alcalines mixtes silicatées 65
Plombières 66, — Evaux 69, — Sail 70, — Arlanc 70.
Tableau comparatif et gradué des eaux minérales alcalines ... 72
X TABLE GENERALE.
CHAPITRE II. — Action physiologique des eaux alcalines ; inductions thérapeutiques 75
Action sur les appareils : cutané 76, — digestif 81, — urinaire 89, génital 95, — nerveux 97, — vasculaire sanguin 98. — Etat général 106. — Expériences du docteur Pétrequin sur les silicates alcalins 94, — et sur la calorification 114.
CHAPITRE III. — Action thérapeutique des eaux minérales alcalines;
indications et contre-indications de leur emploi 116
1er ORDRE. — Action thérapeutique des eaux alcalines sodiques. ... 117
1er groupe. — Sources alcalines thermales 117
Des eaux de Vichy dans les maladies des appareils : digestif 117, — urinaire et locomoteur 125 et 131, — sexuel 137. — Maladies générales 159. — Action thérapeutique des eaux d'Ems 143, — de St-Nectaire 148, — de St-Laurent 149,
2e groupe. — Sources alcalines non thermales . 150
Action thérapeutique des eaux de Vals 150, — de St-Alban 152.
2° ORDRE. — Action thérapeutique des eaux alcalines calciques. . . . 157 Eaux de Chateldon 157, — de Condillac 160.
3e ORDRE. — Action thérapeutique des eaux alcalines calciques-magnésiennes
calciques-magnésiennes
Des eaux de Contrexeville 163, — de St-Galmier 164, — de St-Simon 165.
4e ORDRE. — Action thérapeutique des eaux alcalines mixtes 166
Action des eaux de Néris 168, — Evian 170, — Neyrac 171.
APPENDICE. — Des eaux alcalines mixtes silicatées 174
Action des eaux de Plombières 175.
Récapitulation : de la spécialité d'action des eaux alcalines . . . 177
De l'action thérapeutique du gaz carbonique des sources alcalines 182
Livre II. — Des eaux minérales salines 191
CHAPITRE I. — Détermination et classification des sources minérales
salines 191
1er ORDRE. — Eaux salines chlorhydratées 197
1er groupe. — Eaux salines chlorhydratées sodiques 198
Wiesbaden 199, — Hombourg 201, — Soden 203,— Balaruc 204, Kissingen 205, — Bourbonne 207, — Forbach 208, — Niederbronn 209, — Soultzbad 210, — Aix-la-Chapelle 211, — BadenBaden 212, — Bourbon-l'Archambault 213, — Mulhausen 215, — Tercis 215, — Luxeuil 216.
2e groupe. — Eaux salines chlorhydratées sodiques-calciques 217
Nauheim 218.
3e groupe. — Eaux salines chlorhydratées calciques-magnésiennes. . 220 Sassendorf 220.
TABLE GENERALE. xj
2e ORDRE. — Eaux salines sulfatées . 220
1er groupe. — Eaux salines sulfatées calciques 221
Encausse 221, — Aulus 222, — Bagnères-de-Bigorre 225, — King's Bath225, — Audinac 226, — Cap-Vern 226, 595, — Weissembourg 227, — Cambo 229, — Louëche 229, — St-Amand 231.
2e groupe. — Eaux salines sulfatées calciques-sodiques 232
Brides-la-Perrière 233, — Dax 234.
3e groupe. — Eaux salines sulfatées sodiques-magnésiennes ..... 235 Pullna 255, — Seidschutz 236, — Seidlitz 237, 595.
3e ORDRE. — Eaux salines mixtes 237
1er groupe. — Eaux salines mixtes sodiques 258
Marienbad 238, — Eger ou Egra 240, — Bourboule 240, — Ischia 242, — Nunziante 245, — Carlsbad 243, — Liebenstein 245, — Lavey 246, — Bains 247.
2e groupe. — Eaux salines mixtes sodiques-calciques 248
Salins 248, — Leamington 249, — Lamotte-les-Bains 250.
3e groupe. — Eaux salines mixtes sodiques-magnésiennes ...... 251
Friedrichshall 251, — Eau de mer (Océan et Méditerranée) 252, 559, — Eaux-mères des salines de Salins 255, — de Montmorot 255, — de Bex 256, — de Kreuznach 256, — de Nauheim 256. Tableau comparatif et gradué des eaux minérales salines . . . 260
CHAPITRE II. — Action physiologique des eaux minérales salines ;
inductions thérapeutiques 262
Eau saline en boisson 262, — en bains 264. — Effets primitifs et consécutifs 266.
1er ORDRE. — Eaux salines chlorhydratées 270
1er groupe. — Eaux salines chlorhydratées sodiques . 270
Action physiologique de ces eaux en bains 270, — Bourbon-Lancy 273, — Plombières 274, — Néris 275, — Luxeuil 276, — Lamotte 276. — Action des eaux salines en boisson 279. — Action spéciale du chlorure de sodium 279Action
279Action des eaux salines chlorhydratées sodiques 283 Wiesbaden 283, — Hombourg 287, — Soden 289, — Balaruc 289,— Bourbonne 289, — Niederbronn 291, —Nauheim 292, Luxeuil 293.
2e ORDRE. — Eaux salines sulfatées 294
1er groupe. — Eaux salines sulfatées calciques 294
Weissembourg 295, — Brides-la-Perrière 297, — King's Bath 298, — Encausse, Audinac 298.
2e groupe. — Eaux salines sulfatées calciques-sodiques ...... 301
Action physiologique du sel de Glauber et du sel marin 302
5e ORDRE. — Eaux salines mixtes ..... 303
xij TABLE GÉNÉRALE.
Action physiologique du chlorhydrate de magnésie 304, — du chlorhydrate de chaux 305.
1er groupe. — Eaux salines mixtes sodiques . 306
Marienbad 306, — Bourboule 307, — Carlsbad 307.
2e groupe. — Eaux salines mixtes calciques-sodiques 308
Lamotte-les-Bains 308, — Salins près Moutiers 310.
3e groupe. — Eaux salines mixtes sodiques-magnésiennes 311
Eau de mer, en boisson 311, — en bains 512. — Friedrichshall 316. CHAPITRE III. — De l'action thérapeutique des eaux minérales salines ; indications et contre-indications de leur emploi 319
1er ORDRE. — Eaux salines chlorhydratées 520
1er groupe. — Eaux salines chlorhydratées sodiques 520
Maladies des appareils : digestif 320, — (pléthore abdominale 524), — biliaire 330, — urinaire 333, — sexuel 334, — locomoteur 356, — pulmonaire et cutané 342. — Affections générales 345. 2e groupe. — Eaux salines chlorhydratées sodiques-calciques .... 548
2e ORDRE. — Eaux salines sulfatées 349
1er groupe. — Eaux salines sulfatées calciques 349
Maladies des appareils : digestif 349, — (pléthore abdominale 350), — urinaire 552, — génital 553, — locomoteur 354, — pulmonaire 354, — circulatoire 362.
2e groupe. — Eaux salines sulfatées calciques-sodiques 365
Maladies des appareils : digestif 363, — génito-urinaire 564, — locomoteur 365, — cardiaque et pulmonaire 566, — cutané 367. — Maladies générales 368. — Généralités sur l'action des eaux sulfatées calciques 369.
5e groupe.— Eaux salines sulfatées sodiques-magnésiennes 571
3e ORDRE. — Eaux salines mixtes. 575
1er groupe. — Eaux salines mixtes sodiques 375
Maladies des appareils : digestif 575, — génito-urinaire 577, — locomoteur 378. — Maladies générales 379.
2e groupe. — Eaux salines mixtes sodiques-calciques 580
Indications 381. — Contre-indications 583 ( Lamotte, Salins).
3e groupe. — Eaux salines mixtes sodiques-magnésiennes 584
Action de l'eau de mer à l'intérieur 584, — à l'extérieur 386. — Maladies de l'abdomen 387, — des voies aériennes 588, — rhumatismales 390. — Scrofules 392. — Fièvres intermittentes 394.
SUPPLÉMENT. — Eaux salines de l'Algérie 596
Livre III. — Des eaux minérales sulfureuses 597
CHAPITRE I. — Détermination et classification des eaux minérales
sulfureuses 597
TABLE GÉNÉRALE. xiij
1er ORDRE. — Eaux sulfurées 400
1er groupe. — Eaux sulfurées calciques 400
Eaux-Bonnes 401, — Enghien 403, — Salies 405, — Puzzichello 405, — Cauvalat 406, — Pierrefonds 406, — Acqui 408, — St-Gervais 408,— Auzon 410, — Montmirail 410, 595, — La Caille 411, — Bilazay 411, 596.
2e groupe. — Eaux sulfurées sodiques 412
Baréges 412, — Bagnères-de-Luchon 414, — Cauterets 416, — St-Sauveur 418, — Eaux-Chaudes 419, — Labassère 420, — Le Vernet 421, — Amélie-les-Bains 422, — Olette 423, — La Preste 425, — Molitg 424, — Escaldas 425, — Vinça 425, — Ax 425, Guagno 426.
2 ORDRE. — Eaux hydro-sulfurées 427
Weilbach 428, — Allevard 428, — Schinznach 429, — St-Honoré 430, — Bagnols 431, — Valdieri 431, — Aix 432, — Guillon 434, — Castera-Verduzan 435, —Euzet 435, — Uriage 436, — Castellamare 437, — Harrowgate 438.
3e ORDRE. — Eaux hyposulfitées 458
Gournigel (Stock et Schwarzbrünli) 438.
Tableau comparatif et gradué des eaux sulfureuses 440
CHAPITRE II. — Action physiologique des eaux sulfureuses. . . . 442
§ I. Eaux minérales hydro-sulfurées 442
Action de l'hydrogène sulfuré, inspiré et absorbé par la peau 443, — sur le tube digestif 445.
§ II. Eaux minérales sulfurées 447
1° Action physiologique des eaux sulfurées sodiques 448
Action physiologique du soufre et des sulfures 448, — sur les divers appareils 450. 2° Action physiologique des eaux sulfurées calciques ..... 453
Action sur les divers appareils 453. § III. Action physiologique des hyposulfites de soude et de
chaux 457
CHAPITRE III. — Action thérapeutique des eaux sulfureuses. . . 459
§ I. Action des eaux sulfurées calciques 459
Catarrhe, laryngite 460, — Eaux-Bonnes 460, — Pierrefond 461, — Enghien 461, — Schinznach 462, — La Caille 462. — Phthisie pulmonaire 463. — Appréciation clinique 463. — Eaux-Bonnes 464, — Enghien 466. — Angine granuleuse 466. — Dermatoses 467.
§ II. Action des eaux sulfurées sodiques 468
Exemple : St-Sauveur 469, — La Preste 468, — Molitg 469, — Amélie-les-Bains 470, etc.
xiv TABLE GÉNÉRALE.
§ III. Action des eaux hydro-sulfurées 470
Maladies diverses dans lesquelles on emploie avec succès toutes
les eaux minérales sulfureuses 475
Rhumatisme 473. — Dermatoses 475. — Syphilis (discussion) 482.
Livre IV. — Des eaux minérales ferrugineuses 487
CHAPITRE I. — Détermination et classification des sources ferrugineuses 487
1er ORDRE. — Eaux ferrugineuses carbonatées ou crénatées 491
Bussang 492, — Provins 493, — Forges 494, — Bagnères-deBigorre 495, — Spa 495, — Schwalbach 497, — Pyrmont 498.
— Orezza 499, — Montlignon 500, — Allezani 500, — ChâteauGontier 500, — Rouen 501, — Oriol 501, — Griesbach 502, — Bocklet 502, — St-Christophe 505,— Rippoldsau503, —Jonas 504, — St-Denis 504, — Vittel 505, — Castel-Jaloux 505, — Laifour 505, — Martigné-Briant 506, — Antogast 507, — Soultzbach 507, — Bruckenau 508, — Rennes 508, — St-Pardoux 509, — Porta 510, — Auctoville 510, — Campagne 510.
APPENDICE. — Eaux ferrugineuses hydro-sulfurées 511
Charbonnières 511, — Barbotan 512, — Bourrasol 512, — Sylvanès 513, — Aumale 513.
2e ORDRE. — Eaux ferrugineuses sulfatées, phosphatées 514
1er groupe.— Eaux ferrugineuses sulfatées 515
Passy 515, — Auteuil 516, — Cransac 516, — Bagazzano 518,
— Angers 518, — Lévy 518, — Domeray 519, — Durtal 519,
— Sandrocks 519, — Vicaris-Bridge 519.
2e groupe. — Eaux ferrugineuses phosphatées 520
Luxeuil 520, — Kockel 520.
3e groupe. — Eaux ferrugineuses chlorurées 521
Antioquia (Amérique) 521.
Tableau comparatif et gradué des eaux ferrugineuses 522
CHAPITRE II. — Action physiologique des eaux ferrugineuses et
ferro-manganiques . . 524
Eaux ferrugineuses carbonatées ou crénatées 525. — Eaux ferr. sulfatées, phosphatées ou chlorurées 527. — Rôle du manganèse 527,536. — Action physiologique des eaux ferrugineuses en général 528. — Effets locaux 528. — Effets généraux 532. — Action sur le sang et la circulation 529-530, — à haute et à petite dose 534. — Voies d'élimination du fer 537.
CHAPITRE III. — Action thérapeutique des eaux ferrugineuses et ferro-manganiques ; indications et contre-indications de leur emploi . . . 540
Chlorose et chloro-anhémie 540. — Influence du manganèse 542,
TABLE GÉNÉRALE. XV
— des éléments alcalins et salins des eaux 545, — et des sels de fer 545. — Névroses 545. — Spasmes, vapeurs 546. — Dysménorrhée 546. — Métrorrhagie passive 547. — Stérilité 547.
— Leucorrhée, blennorrhée 548.— Fièvres intermittentes 548.— Ascite, oedème par anémie 549. — Dyspepsie, diarrhée atonique 550. — Dermatoses 550. — Contre-indications 551.
Livre V. — Eaux minérales iodurées et bromurées 553
CHAPITRE I. — Détermination et classification des sources minérales iodurées et bromurées 555
1er ORDRE. — Eaux minérales iodurées et bromurées, soit alcalines.
soit salines, non sulfureuses 557
Heilbrunn 557, — Hall 558, — Wildegg 558,— Kreutznach 559,
— Iwonicz 559, — Wildbad 560, — Soultzbad 561, — Niederbronn 562, — Saxon 562, — Coise 563.
2e ORDRE. — Eaux iodurées et bromurées sulfureuses 564.
Challes 565, — Bondonneau 566, — Krankenheil 568, — Marlioz
Marlioz — Viterbe 569, — Gréoulx 570, — Camoins 571.
Tableau comparatif et gradué des eaux bromo-iodurées 572
CHAPITRE II. — Action physiologique des eaux iodurées et bromurées; inductions thérapeutiques 575
Action physiologique des iodures et des bromures alcalins 574.
— Appareils : digestif 574, — circulatoire 574, — urinaire 575,
— cutané 575, — nerveux 575. — Muqueuses buccale et nasale 575.
Action physiologique des eaux bromo-iodurées de Coise, Marlioz, Bondonneau, Saxon, Heilbrunn, Challes, etc. 575, — sur les divers appareils 576. — Mode d'absorption et voies d'élimination 577. CHAPITRE III. — Action thérapeutique des eaux iodurées et bromurées; indications et contre-indications de leur emploi 580
Action de l'iode et du brome, des iodures et des bromures 580,
— Goître 581, — Scrofules et accidents scrofuleux (ulcères, carie, etc.) 582. — Dermatoses 585. — Maladies des membranes muqueuses (digestive, pulmonaire, vésicale et génitale) 586, — des organes parenchymateux (foie, rate, utérus, ovaires) 587.— Fièvres intermittentes 588. — Aménorrhée, dysménorrhée 589.
— Syphilis, accidents syphilitiques 589.
APPENDICE GÉNÉRAL 592
§ I. Eaux alcalines : Vals 592, — Celles 592, — Grandrif 595,
— Geilnau 594, — Avène 594. § II. Eaux salines : Cap-Bern ou Cap-Vern 595, — Eau-Verte de Montmirail 595, — Birmensdoff 596.
XVJ TABLE GÉNÉRALE.
§ III. Eaux sulfureuses : Bilazay 596, — Poizou 597. § IV. Eaux ferrugineuses : Sarcey 597.
§ V. Eaux bromo-iodurées : Koutz-Basse 598, — Gazost 598, — Bondonneau 598, — mer Morte 599.
TRAITE PRATIQUE
DES EAUX MINÉRALES
DE LA FRANCE ET DE L'ÉTRANGER.
INTRODUCTION GÉNÉRALE.
De la méthode à suivre dans l'étude et la classification des Eaux minérales.
Nous donnons le nom d'Eaux minérales naturelles à certaines sources qui, dans leur parcours souterrain, se sont chargées de diverses substances salines, gazeuses et même organiques, dont la nature ou la proportion les rend en général plus ou moins impropres aux usages domestiques de l'eau, mais leur communique des propriétés particulières, précieuses pour l'art de guérir ; c'est là ce qui leur a valu anciennement la qualification d'Eaux médicinales, aquoe medicatoe.
Ces eaux sont généralement chargées de matières étrangères aux terrains d'où elles sortent immédiatement. (Beudant, Minéralogie, 1851, p. 207.) Les unes ont une température qui varie de 25° à 45° et 50° ou même 60° centigrades et au-delà : nous les nommerons Eaux thermales; les autres ont une température qui varie de 24° à 14° ou 10° centigrades, et au-dessous : nous les appellerons non thermales. Pour un plus petit nombre, la température arrive presque jusqu'à l'ébullition : on ne connaît en France que les eaux de Chaudes-Aigues et de Vie dans le Cantal, qui soient dans ce cas. (Beudant, ibid., p. 208.)
Les principes minéralisateurs de ces eaux sont très variés, non seulement dans les sources différentes, mais encore dans la même source.
1
2 INTRODUCTION
Leur nombre est loin d'être fixé d'une manière définitive, et, à mesure que les méthodes analytiques deviennent plus précises, on y découvre des substances qu'on n'y avait pas même soupçonnées jusqu'alors: l'iode, le brome et l'arsenic n'ont-ils pas été signalés depuis quelques années dans un grand nombre d'eaux minérales, qui leur doivent, sans doute, une partie de leurs effets thérapeutiques ? Ainsi M. Chevallier a rencontré l'arsenic dans 84 sources minérales en France ; M. Cantù, l'iode dans 23 sources de la Savoie, et l'on sait que le brome tient une place plus grande encore que l'iode. Remarquons qu'on a trouvé du fluor à Contrexeville (Nicklès), du cobalt à Orezza (Poggiale), du cuivre à Vals (Chevallier), du sélénium, de l'étain, de l'antimoine à Carlsbad (H. Göttl), du molybdène, du titane, du tantale à Neyrac (O. Henry), du nickel, etc.
Toutefois, malgré ces notions encore incomplètes sur la composition des eaux minérales, leur analyse nous semble aujourd'hui assez avancée pour nous permettre de les classer d'une manière utile à la thérapeutique. Sans doute, si chaque source minérale ne renfermait que deux ou trois substances énergiques, dont les effets dans les maladies fussent bien connus, il serait peut-être facile, d'après leurs proportions relatives, d'établir d'une façon à peu près certaine leur action dynamique et leur indication dans des affections déterminées ; mais cette simplicité de composition ne se rencontre pas. Les eaux minérales naturelles renferment pour le moins quatre ou cinq substances différentes : chacune de celles-ci ou de ses composés, exerçant, sans contredit, son action propre thérapeutique, rend dès lors incertaine, difficile à préciser l'action générale de l'eau minérale ; de plus, si l'on réfléchit que souvent on ne peut analytiquement dire qu'un ou plusieurs éléments y prédominent sur les autres, on voit dans quelle perplexité est jeté le médecin quand il veut reconnaître leur action réelle. Aussi, a-t-on vu jusqu'ici la plupart des auteurs se créer des classifications particulières, non dépourvues d'ailleurs d'utilité, qu'ils s'appliquaient à justifier suivant le point de vue où ils se plaçaient. Quiconque, en effet, écrit sur les eaux minérales, ne peut échapper à cette nécessité de former des groupes, espèces de familles dans lesquelles viendront se ranger les sources qui offriront des caractères identiques. Mais quels seront ces caractères, et d'après quels principes doit-on les fixer? Ici commence la divergence, parce qu'ici commence réellement la difficulté. Cependant nous pensons qu'un tel travail n'est point chose impossible dans l'état actuel de la science, du moins quant à l'ensemble, c'est à dire quant aux principes généraux qui
GÉNÉRALE. 3
doivent nous guider. C'est ce que nous allons essayer d'établir dans ces prolégomènes, afin de bien fixer les limites mêmes de notre sujet.
De la classification des eaux minérales.
Puisque, en dehors de la thermalité, l'action thérapeutique des eaux minérales est due à la qualité des substances qu'elles tiennent en dissolution, il est évident que mieux nous en connaîtrons la nature et les proportions, mieux aussi nous nous rendrons compte de leurs vertus médicinales. " La faculté thérapeutique des eaux minérales est tellement en rapport immédiat avec leurs éléments minéralisateurs, que leur prescription doit toujours être formulée sur l'indication précise de la maladie et sur la connaissance exacte de leur composition, » (Practical observations on mineral Waters and Baths. — Edwin Lee, 1846, London. ) Ainsi, tout en tenant grand compté des faits que l'expérience clinique ou empirique nous aura enseignés, c'est à l'analyse chimique qu'il faudra, en dernier ressort, nous adresser, si nous voulons parvenir à cette connaissance ; et celle-ci sera d'autant plus parfaite que les moyens analytiques dont nous disposerons seront eux-mêmes plus parfaits. La classification que nous suivrons sera donc fondée sur la composition chimique des eaux (1); car, celle-ci une fois bien connue, il nous sera plus facile, en faisant l'application de nos connaissances en matière médicale, d'en expliquer les vertus et d'en fixer les indications.
Mais toute difficulté ne sera point encore levée, parce que la chimie nous aura dévoilé la composition d'une eau minérale : il restera encore à découvrir à quel élément minéralisateur ou à quelle association de ces éléments elle doit ses propriétés curatives. C'est dans une semblable appréciation bien faite, mais toujours malaisée, qu'il faut chercher les fondements d'une bonne classification médicale des eaux minérales naturelles.
(1) L'Annuaire des Eaux, après avoir établi que la classification des eaux minérales ne peut porter que sur un des trois points de vue généraux : 1° chimique, 2° géologique ou 5° médical, ajoute : « La première de ces considérations est la plus essentielle, en même temps quelle est la plus certaine; car elle se fonde sur des faits constatés par l'expérience, et n'emprunte rien aux spéculations théoriques. Chacun des deux autres points de vue lui est nécessairement lié; et, quel que soit celui auquel on se place, les déductions que l'on tirera, pour être légitimes et sûres, devront s'appuyer sur la connaissance des éléments constitutifs des eaux. "
4 INTRODUCTION
Si l'on récapitule l'ensemble des résultats fournis par les plus récentes analyses, on voit que, outre les substances organiques (barégine, glairine, sulfuraire, conferves ) et une matière bitumineuse qui donne ses propriétés médicales à une eau minérale nouvellement découverte en Italie, et aux sources de Gabian ( Hérault), on voit qu'on peut déjà établir quatre groupes bien définis d'eaux minérales, suivant qu'on y verra prédominer
A. Les substances alcalines :
Soude, potasse, chaux, magnésie, ammoniaque, strontiane, lithine, etc.
B. Les substances métalliques :
Fer, manganèse, cuivre, cobalt, etc.
C. Les métalloïdes :
Soufre, iode, brome.
D. Les acides:
Carbonique, silicique, créniqne et apocrénique, chlorhydrique, sulfhydrique, sulfurique, arsénieux, borique.
Mais tous ces éléments minéralisateurs ne se rencontrent point isolés, si ce n'est exceptionnellement, au sein des eaux : c'est, au contraire, toujours à l'état de combinaisons diverses que la nature nous les offre. C'est donc sous cette dernière forme que le médecin doit en étudier les effets thérapeutiques lorsqu'il conseille l'usage des eaux minérales. Voyons ce que l'observation nous enseigne à ce sujet, et pour cela parcourons successivement les quatre divisions principales qui précèdent.
A. Substances alcalines. — La potasse, la soude, la chaux et la magnésie tantôt conservent les propriétés thérapeutiques qui leur appartiennent spécialement comme substances alcalines ; tantôt elles les perdent, au contraire, pour en acquérir de nouvelles sous forme de sels. Or, l'on peut, à cet égard, poser la règle générale suivante, que nous croyons être les premiers à formuler : " Les substances alcalines contenues dans les eaux minérales ne conservent leurs vertus thérapeutiques spéciales, c'est à dire en tant qu'alcalines, que dans un seul cas : c'est lorsqu'elles sont combinées à l'acide carbonique (carbonates, bicarbonates), et à l'acide silicique ( silicates) ; dans toutes les autres combinaisons elles les perdent complètement ou à peu près. »
C'est ainsi que les sulfates, les nitrates, les sulfures, les hyposulfites, les iodures, etc., de ces mêmes alcalis, jouissent de propriétés médicales qui ne se rapportent pas entièrement à l'action propre de ces bases. ( Il reste bien entendu que la règle générale ci-dessus énoncée ne de-
CÉNÉRALE. 5
meure vraie que lorsqu'il s'agit uniquement des eaux minérales : en dehors de cette circonstance, nous aurions en effet à présenter (1) une autre formule. ) Voilà ce que l'observation clinique nous enseigne indépendamment de toute théorie. — D'après cette loi, nous appellerons eaux minérales alcalines toutes les sources dans lesquelles entreront comme principal élément minéralisateur des carbonates, des bicarbonates ou des silicates potassiques, sodiques, magnésiques et calciques.
B. Substances métalliques. — Les substances métalliques (fer, manganèse, cuivre, cobalt, etc.), quelles que soient leurs combinaisons, conservent toujours les propriétés thérapeutiques qui leur sont propres à l'état isolé. (Une seule exception se présente, c'est lorsqu'elles sont unies à l'arsenic à l'état d'arséniate ou d'arsénite, à une certaine dose. ) Nous établissons ici une seule classe, celle des eaux minérales ferrugineuses avec ou sans manganèse.
C. Métalloïdes. — Les métalloïdes, iode, brome et soufre, conservent toujours leurs vertus thérapeutiques à l'état d'iodures, de bromures, de sulfures ou d'hyposulfites ; de là, deux sous-divisions, savoir :
1° Eaux minérales iodurées et bromurées.
Ces deux métalloïdes possèdent à peu près le même mode d'action dans les maladies.
2° Eaux minérales sulfureuses, comprenant aussi les hyposulfites.
D. Acides. — Les substances acides qui composent cette quatrième section sont les unes volatiles (acides carbonique et sulfhydrique ), les autres non volatiles ( acides borique, sulfurique, silicique et chlorhydrique). Ces derniers acides se rencontrent très rarement dans la nature à l'état libre. Nous citerons toutefois, pour l'acide sulfurique, le RioVinagre (Amérique) et l'eau de Ruiz (Nouvelle-Grenade) découverte en 1847 et qui est encore plus acide que le Rio-Vinagre. (Compt. rend. Académie, t. XXIV, p. 449); pour l'acide borique, les lagunes de Toscane ; pour l'acide chlorhydrique, les jets de vapeurs du Vésuve; enfin, pour l'acide silicique, le Geyser d'Islande. Mais ces exemples sont plus curieux qu'utiles ; car ces eaux minérales ne sont pas employées en médecine. Quant aux acides volatils, nous pensons que les eaux minérales qui les contiennent ne peuvent utilement former une classe à part dans aucun cas. En effet, celles qui tiennent en dissolution l'acide sulfhydri(1
sulfhydri(1 Si nous avions à parler de matières médicale et thérapeutique usuelles, nous aurions, en suivant les mêmes principes, à faire intervenir ici les acétates, les tartrates, les citrates, etc.; mais les acides végétaux ne se rencontrent pas dans les eaux minérales.
INTRODUCTION
que rentrent naturellement, pour leurs vertus médicinales, dans la section des eaux sulfureuses ; celles, au contraire, qui renferment de l'acide carbonique et qu'on désigne sous le nom d'acidules gazeuses, doivent, suivant nous, se ranger dans l'une des sections établies plus haut, car l'acide carbonique ne minéralise jamais, à lui seul, les sources naturelles. Toujours il s'y rencontre soit mélangé, soit combiné avec d'autres substances, principalement avec la soude, la chaux, la magnésie, le fer, etc. ; en sorte qu'il est vrai de dire que les eaux minérales appelées par les auteurs acidules gazeuses doivent les propriétés qui les distinguent, bien plus aux éléments alcalins ou salins qu'elles tiennent en dissolution, qu'à l'acide carbonique même quand il s'en dégage en abondance. Ainsi, pour n'en citer qu'un exemple, qui pourra croire que c'est à l'acide carbonique et non aux autres éléments minéralisateurs qui s'y trouvent, qu'on doit réellement les vertus spéciales, d'ailleurs si différentes, des eaux du Mont-Dore et de St-Galmier ou de Châteldon, de Vic-sur-Cère et de St-Alban, de Pontgibaud ou de Montbrison, etc., sources que, cependant, malgré la différence énorme de leur minéralisation, l'Annuaire des eaux de la France (1853, pp. 337 et 352), englobe toutes ensemble dans la classe des eaux acidules simples ?
Cette simple énumération suffit pour mettre en relief les défectuosités de cette classification ; et effectivement les données de l'expérience forcent à conclure que l'acide carbonique n'est point un élément minéralisateur assez énergique pour communiquer, à lui seul, des vertus thérapeutiques identiques à des eaux minérales naturelles qui tiennent en dissolution des sels de nature diverse et en assez forte proportion. Quant aux eaux alcalines, on s'étonne que longtemps les auteurs n'en aient point établi une section particulière, mais les aient disséminées dans divers groupes avec d'autres eaux de nature différente. (Voy. Manuel des Eaux, par Pâtissier et Boutron-Charlard, 2e édit., 1837; Guibourt, Dictionn. de médecine et de chirurgie pratiques, t. VI; Soubeiran, Dictionn. de médecine, 2e édit., t. XI; Galtier, Matière mèdic. et thérapeut., t. II, etc.) Ce n'est point à l'acide carbonique qu'on doit demander un nom pour désigner les eaux minérales gazeuses, mais bien aux sels alcalins ou autres qui dominent dans ces eaux ; faire autrement, ce serait induire presque inévitablement en erreur le médecin sur les propriétés médicales des sources qu'on énumère sous ce dernier titre.
En résumé, nous proposons d'établir les cinq classes suivantes, telles
GÉNÉRALE. 7
que nous venons de les définir, pour toutes les eaux minérales naturelles :
Eaux minérales naturelles
1re classe. Sources alcalines.
2 e — — salines.
3e — — sulfureuses.
4e — — ferrugineuses.
5e — — iodurées et bromurées.
Notre classification, développée dans ses détails, nous paraît devoir faciliter beaucoup l'étude des propriétés médicales des eaux minérales naturelles, ainsi que celle de leurs indications principales ; en permettant de mieux coordonner les sources diverses et en rapprochant sans effort celles qui ont entre elles le plus d'analogie, elle viendra à la fois soulager la mémoire et aider l'intelligence. La médecine, dans cette étude, devra toujours, afin de bien préciser les cas d'application, non seulement considérer les éléments minéralisateurs qui dominent, mais encore tenir grand compte des autres principes qu'on y trouve associés. Or, pour arriver à ce double résultat, il importe d'autant plus de suivre une marche rigoureuse, que d'ailleurs toutes les méthodes connues de l'histoire naturelle n'arrivent jamais qu'à une précision relative, attendu que la nature, dans ses oeuvres, ne s'astreint point aux divisions tranchées de la science : Natura non facit saltus, disait Linnée. Quelle est donc ici la meilleure méthode à suivre ?
Il est un procédé analytique qui a pris naissance en Allemagne, qu'adopte l'Ecole des Mines de Paris et qui tend à prendre faveur dans le monde scientifique ; mais, disons-le bien haut, cette méthode, qui consiste à noter isolément les quantités des substances élémentaires découvertes par l'analyse dans les eaux minérales, sans les combiner entre elles, bonne sans doute pour la minéralogie et la chimie pure, est complètement défectueuse aux yeux de la thérapeutique. Ce mode d'analyse ne peut alors éclairer ni les conseils, ni la conduite des médecins, puisqu'il leur laisse en réalité ignorer à quelles substances les sources minérales dont ils ont à s'occuper doivent leur efficacité ; car enfin ce ne sont ni les acides, ni les bases, ni les corps simples pris isolément, qui agissent comme moyen thérapeutique dans les eaux minérales, mais bien le nouveau composé (sel) auquel ces diverses substances combinées donneront naissance. En hydrologie médicale, il ne suffit nullement qu'une analyse nous donne rémunération des corps simples et des substances élémentaires qui entrent dans la composition des eaux minérales ; il
8 INTRODUCTION
faut surtout qu'elle présente l'état des combinaisons et la proportion des sels qui s'y rencontrent. C'est à ces corps composés qu'elles doivent leurs propriétés médicatrices ; c'est par eux seulement qu'elles se différencient et peuvent se classer ; voilà les notions vraiment utiles au médecin ; hors de là, le praticien n'a pas de guide et le classificateur pas de base. Au point de vue de l'art de guérir, l'hydrologue se trouvera peu éclairé si l'on se borne à lui faire voir d'un côté la série des acides, de l'autre celle des bases ou de quelques corps simples. Citons des exemples : la soude, unie à l'acide carbonique, n'a plus la même action que si elle se combine aux acides sulfurique, chlorhydrique ou phosphorique ; les vertus toutes particulières que nous aurons à signaler dans le sulfate de chaux ne se retrouvent plus dans le carbonate ni dans le chlorhydrate calciques, etc. Sans doute, dans l'état actuel de la science, il n'est pas toujours facile de lever toutes les difficultés ; mais il est cependant beaucoup de cas où toute incertitude disparaît; ainsi : " L'analyse de l'eau de la mer, disent MM. Pelouze et Frémy, démontre que cette eau contient des métaux alcalins et terreux, du chlore, de l'acide sulfurique, etc. En supposant tous les acides de l'eau de la mer combinés avec la soude, et tous les métaux autres que le sodium, unis au chlore, il reste encore un excès considérable de chlorure de sodium 5 on peut donc être assuré que ce sel existe en réalité dans les eaux de la mer." (Abrège de chimie, 1856, p. 26.) Or, ce qu'on dit ici de l'eau de mer peut s'appliquer en tous points à la plupart des eaux minérales salines, comme Balaruc, Bourbonne, Wiesbaden, Hombourg, etc. Il faut conclure que la méthode des analyses rationnelles (1) est indispensable non seulement pour classer convenablement les sources minérales, mais encore pour se faire une idée exacte de leurs propriétés physiologiques et thérapeutiques. Depuis Alibert et Is. Bourdon, il a paru en France trois livres didactiques sur les eaux minérales ; chacun d'eux a une physionomonie et des allures différentes. Le Manuel de MM. Pâtissier et Boutron-Charlard est une oeuvre consciencieuse et vraiment scientifique, basée sur une classification qui constituait un progrès, et pleine de faits et d'ensei(1)
d'ensei(1) idées, que nous exposions en 1851 dans le concours sur les eaux alcalines ouvert devant l'Académie de médecine de Paris, commencent à prévaloir : ainsi M. Bouquet, dans son beau travail sur les eaux de Vichy, prend soin, en regard de l'analyse élémentaire, de placer l'analyse rationnelle ; celte marche est excellente, car elle réunit les avantages des deux méthodes, qui se servent mutuellement de contrôle. Depuis lors, M. Lefort a adopté aussi cette manière de faire dans ses travaux soit sur les eaux minérales de Châteauneuf, soit sur celles de Néris, etc.
CÉNÉRALE. 9
gnements précieux que nous avons été heureux plus d'une fois de mettre à profit. Nous ne voyons guère quel reproche essentiel la critique pourrait lui adresser: car si elle n'est plus au courant de l'hydrologie moderne, c'est une conséquence même du progrès auquel elle a largement contribué, et l'effet inévitable du temps qui, avec la découverte de méthodes plus précises pour l'analyse des eaux, a, sur divers points, modifié profondément l'idée qu'on s'était faite de certaines sources, et nécessité un nouveau classement ; c'est aussi par suite de l'absence d'une science importante, la Physiologie des eaux (lacune qui, pour le dire en passant, n'a point été comblée avant nous), que les auteurs, pour ne pas rester incomplets, ont dû, à chaque eau minérale, stéréotyper les mêmes phrases et énumérer toujours à peu près les mêmes maladies, si bien que ces répétitions font naître un peu d'obscurité ou de confusion dans l'esprit du lecteur. — Le Guide de M. C. James se distingue par des détails et des documents qu'on chercherait vainement ailleurs ; mais malheureusement l'auteur a banni de son livre, en les condamnant, toute analyse chimique et toute classification scientifique; il décrit ainsi les eaux, sans en faire connaître la nature. Les sources sont d'ailleurs distribuées par région géographique ; or cette marche, excellente sans doute pour le touriste, est défectueuse pour le médecin et le malade; car, pour se trouver dans la même région, les eaux minérales ne sont pas identiques dans leur composition et leur thermalité, qui souvent au contraire sont essentiellement différentes. Aussi, a-t-on reproché à cette manière de procéder de détruire toute unité d'action physiologique et thérapeutique, et de constituer une sorte de labyrinthe où le praticien ne sait comment retrouver le fil conducteur qui mène aux indications et contre-indications. — Dans le Traité de M. Durand-Fardel, forme et fond, tout est différent. Ici la méthode suivie est complètement scientifique ; l'auteur s'adresse aux médecins. Dans la première partie de son livre, qu'il intitule Matière médicale des eaux minérales, il traite de la constitution organique de ces eaux, de leur mode général d'administration, et cherche à les classer d'après les éléments minéralisateurs prédominants. Dans la seconde, qu'il intitule Thérapeutique des eaux minérales, il traite des principales maladies chroniques qu'on a coutume d'envoyer aux eaux. La critique a reproché à M. Durand-Fardel de n'avoir pas, dans sa première section, fourni les données indispensables sur la topographie et le climat des stations thermales, et une énumération sommaire des applications spéciales de chaque source, applications dont la notion, disséminée çà et là dans l'ouvrage , reste toujours incomplète ; et, dans la seconde section,
10 INTRODUCTION
d'avoir composé un petit traité de pathologie à propos des eaux minérales, plutôt qu'une véritable thérapeutique des eaux minérales, en un mot, une série de monographies isolées sur quelques affections chroniques, au lieu d'une étude spéciale sur les effets curatifs de chaque classe d'eaux minérales ; de telle sorte que l'esprit ne découvre ni le rapport immédiat qui peut exister entre telle source et telle affection donnée, ni le lien qui devrait relier entre elles les deux sections de cet ouvrage. Aussi a-t-on dit que ce livre était formé de deux traités distincts, complètement indépendants. Quoi qu'il en soit de ces reproches, tout cela, à nos yeux, ne saurait faire nier le mérite incontestable de cet ouvrage.
Eclairés par ces critiques, nous avons cherché à éviter les écueils qu'on signalait. Notre marche, du reste, est toute différente. Notre travail a été conçu et exécuté sur un plan nouveau, non moins favorable pour la nomenclature et la clarté de l'exposition, que pour les applications thérapeutiques. Il nous sera permis d'ajouter que ce plan, qui nous est propre et que nous avons déjà fait connaître pour les eaux alcalines, dans le concours de 1855 où nous avons obtenu la médaille d'or, a été ensuite complètement adopté par l'Académie de Médecine de Paris pour formuler son programme sur les eaux salines, dans le concours de 1857, où le prix nous a également été décerné.
Il n'existe pas en thérapeutique de problème plus complexe que celui des eaux minérales ; il nous a semblé que la meilleure méthode pour démêler les éléments divers dont il se compose, consistait à en scinder les difficultés, de manière que l'examen d'un premier point servît à éclairer tous ceux qui suivent ; chaque classe d'eau minérale est étudiée dans trois chapitres spéciaux.
Dans le premier, nous cherchons, par des études qui nous sont propres, à établir la véritable détermination des sources de la catégorie, et à en formuler une classification méthodique. Au point de vue chimique, il importe de former des groupes d'eaux minérales classés d'après des principes scientifiques, en choisissant des types caractérisés par une prédominance d'éléments spéciaux qui en constituent une famille naturelle ; c'est là ce que nous nous sommes efforcés de réaliser dans le premier chapitre de chaque classe d'eau minérale.
Mais est-ce à dire qu'il y ait réellement une médecine chimique des eaux? Non, sans doute; on est allé trop loin, et nous aurons plus d'une fois occasion de le prouver dans la suite de cet ouvrage. " La chimie, dit judicieusement M. Pâtissier, nous apprend à caractériser, à classer les eaux, nous montre les analogies qu'elles ont entre elles, nous fait
GÉNÉRALE. 11
pressentir quelques-unes de leurs propriétés, en nous indiquant les principes minéralisateurs prédominants. » Voilà le rôle important qu'elle est appelée à remplir.
La chimie, du reste, il faut le reconnaître, est loin d'avoir dit son dernier mot sur les eaux minérales. Des procédés nombreux ou plus perfectionnés lui ont permis, dans ces dernières années, de saisir des substances qui n'avaient pas encore été soupçonnées ou aperçues ; mais elle a encore bien des progrès à accomplir, et ce qu'elle ne nous apprendra peut-être jamais, c'est leur action intime sur l'organisme, action dynamique et vitale, qui se modifie selon l'état de santé ou de maladie. " En analysant une eau minérale, a dit Chaptal, on n'en dissèque que le cadavre. "
Toutefois, le praticien doit tenir grand compte des éléments qui entrent dans la constitution d'une eau minérale et en font un médicament composé . Autrement les eaux minérales naturelles seraient faciles à remplacer par des eaux artificielles, et l'expérience a surabondamment démontré qu'il n'en est pas ainsi.
Nous avons complété ce premier chapitre par un aperçu sur la topographie et le climat de chaque station thermale, ses établissements balnéaires, ses sources minérales et leurs propriétés thérapeutiques, enfin l'indication sommaire des diverses maladies qu'on y traite. Aussi ce chapitre de topographie et de chimie médicale, conçu de la sorte, pourra-t-il tenir lieu de guide ou de manuel des eaux minérales, et parfaitement suffire au médecin qui, comme le touriste, voudra s'en tenir à une notion générale ; mais, le praticien qui a besoin d'en acquérir une plus complète devra étudier la deuxième et la troisième partie, où sont examinées à fond les questions physiologiques et thérapeutiques concernant les eaux minérales.
Nous avons, dans le deuxième chapitre, cherché à combler une regrettable lacune, en créant, pour ainsi dire, la physiologie des eaux minérales qui était à peu près méconnue avant nous, du moins comme corps de doctrine, et dont l'intervention est pourtant si nécessaire pour bien apprécier les effets des médications thermales. Or, au point de vue de l'action des eaux sur l'organisme, nous avons pensé que, pour un examen méthodique et profitable, il ne fallait point confondre leurs effets dans l'état normal et dans l'état morbide. Sur un sujet aussi difficile à explorer il était nécessaire de bien diviser les matières d'étude. Nous n'avons pas voulu que les réactions complexes qu'engendre l'organisme malade pussent nous exposer à des déductions erronées ou même contestables. Nous
12 INTRODUCTION
avons cru convenable de commencer d'abord par étudier leur action physiologique sur l'homme sain, pour obtenir des résultats plus nets et plus saisissables, propres à servir de points de départ, en nous éclairant de toutes les lumières que pourront fournir à la fois soit l'expérimentation humaine, soit les faits de physiologie vétérinaire. Nous avons, guidés par cette pensée, passé successivement en revue les différents appareils de l'économie, et, grâce à la double clarté qui éclairait notre marche, nous avons réussi à saisir et à démontrer l'influence particulière que les diverses classes d'eaux minérales exercent sur chacun de nos organes. Nos recherches, nous croyons pouvoir le dire, en ouvrant de nouveaux points de vue, ont agrandi nos connaissances sur la matière ; elles nous ont conduits à des explications inattendues et à des inductions précieuses pour le traitement. La physiologie des eaux minérales est devenue une utile introduction à leur thérapeutique.
L'appréciation de l'action thérapeutique de chaque classe d'eaux minérales est le problème à la solution duquel est consacré le troisième et dernier chapitre de chacune des sections de l'ouvrage. Nous avons, en étudiant avec soin l'ensemble des sources de chaque groupe, non seulement fait ressortir leurs propriétés communes (1), mais encore déterminé à quelles indications et contre-indications spéciales répond plus particulièrement chacune de nos sous-divisions. Le tableau comparatif et gradué que nous avons imaginé pour chaque famille d'eaux minérales pourra efficacement guider le médecin dans le choix à faire. La division nouvelle que nous avons introduite dans la détermination et le classement de la plupart des sources minérales jettera une lumière féconde sur leur mode spécial d'action et sur les ressources particulières que la médecine peut en retirer. Ce ne sont que des nuances, nous l'avouons ; mais les nuances sont tout en thérapeutique appliquée : ce sont elles qui constituent l'art des indications, ce sont elles qui font le bon praticien. Nous doutons que par une autre voie on puisse arriver à mieux résoudre le problème qui nous occupe. — Aujourd'hui, répétons-le, les procédés
(1) Notre méthode répond à un besoin réel de la pratique, et trouve une justification éclatante dans le jugement suivant formulé par la Société d'hydrologie de Paris sur le Manuel de Balnéothérapie du dr Helft de Berlin. « On regrette, en le consultant, que les attributions données à chaque source minérale en particulier soient éparses dans les divers chapitres qui traitent des maladies auxquelles elles doivent remédier : cette dissémination des indications embarrasse les recherches et a besoin d'être reliée par une exposition d'ensemble, qu'une table analytique ne remplace jamais qu'imparfaitement. " (Annal. Soc. d'hydrol., tom. IV, 1858.)
GÉNÉRALE. 13
perfectionnés de la chimie ont apporté des éléments nouveaux pour éclairer la question ; et, mieux instruits par l'étude comparative des analyses dont nous avons donné le tableau, nous pourrons mieux déterminer, suivant les divers groupes, les indications spéciales de leur emploi. A ce point de vue la chimie vient prêter à la médecine un secours efficace, sans pour cela faire perdre son indépendance à la clinique des eaux; c'est à elle qu'il appartient en définitive de contrôler et même de réfor. mer les inductions de la science ; c'est à elle seule qu'il appartient de déterminer la spécialité d'action, souvent différente, des diverses sources plus ou moins semblables en apparence dans chaque station thermale.
Profondément pénétrés de l'immense avantage que présentent ces trois modes d'investigation, en se prêtant un mutuel appui, nous avons ainsi étudié sur les lieux plusieurs sources minérales ; nous en avons expérimenté quelques-unes sur nous-mêmes, et un très grand nombre sur nos propres malades. Nous avons dans tous les cas pris les plus grands soins à nous renseigner de notre mieux, tant en recueillant dans les localités des renseignements particuliers, qu'en nous entourant de tous les documents que possède la science. Nous n'avons pas avancé (disons-le une fois pour toutes ) une seule opinion qui ne soit appuyée sur notre propre expérience ou sur le témoignage d'un ou plusieurs écrivains recommandables; et si nous n'avons pas toujours et partout cité nos autorités, c'est qu'il eût fallu le faire à chaque paragraphe et que nous avons craint de faire abus de citations continuelles.
La méthode que nous avons adoptée nous semble réaliser en tout point les conditions formulées par l'Académie de médecine elle-même : " Pour se livrer à des études sérieuses sur les propriétés médicales des eaux minérales, il faut mettre à profit tous les moyens d'investigation que possèdent maintenant les sciences physiques et physiologiques ; c'est en étudiant par l'analyse chimique les modifications qu'éprouvent les sécrétions sous l'influence des eaux, qu'on peut arriver à des résultats qui pourront réellement devenir utiles à l'enseignement et à la pratique de la médecine ; car il y a beaucoup de choses inconnues encore dans l'action des eaux minérales. » ( Séance du 22 avril 1850. )
LIVRE PREMIER.
DES EAUX MINÉRALES ALCALINES.
CHAPITRE PREMIER.
Détermination et classification des sources minérales
alcalines.
Nous appelons eaux minérales naturelles alcalines les sources dans lesquelles l'analyse fait découvrir comme principal élément minéralisateur, des carbonates ou bicarbonates sodiques, potassiques, calciques ou magnésiques, avec ou sans excès d'acide carbonique libre ; nous en dirons autant des silicates alcalins.
D'après cette définition, les eaux minérales alcalines pourraient se diviser en quatre ordres, suivant qu'on y verrait dominer l'une des quatre substances précédentes ; mais, avec un peu d'attention, on s'aperçoit bientôt qu'il est inutile d'en conserver un aussi grand nombre, et que trois ordres principaux suffisent à toutes les exigences : et d'abord, la potasse est rarement en quantité assez notable dans les eaux pour leur communiquer, à elle seule, ses propres vertus médicinales ; celles-ci, en outre, sont fort analogues, si toutefois elles ne se confondent pas avec celles qui appartiennent à la soude : aussi, nous a-t-il paru naturel de réunir sous un même chef ces deux alcalis, comme nous l'avons fait pour l'iode et le brome. D'autre part, nous noterons que, si la baryte existe dans certaines eaux minérales, elle ne s'y est rencontrée jusqu'ici que dans des proportions trop faibles, pour qu'on lui attribue leurs propriétés thérapeutiques ; d'où il résulte que nous pouvons, sans inconvénient (jusqu'à ce jour du moins), ne point faire un ordre particulier pour les sources de cette catégorie. Nous en dirons autant de l'ammoniaque, de la strontiane, de la lithine, etc. En résumé, nous croyons devoir établir trois ordres principaux d'eaux minérales alcalines, suivant
16 EAUX MINÉRALES ALCALINES.
qu'elles contiendront en prédominance des carbonates ou des bicarbonates : 1° sodiques ou potassiques; 2° calciques; 3° calciques-magnésiques.
Nous formerons, en outre, un quatrième ordre composé, sous le nom d'eaux minérales alcalines mixtes, lorsque plusieurs de ces sels alcalins seront associés en proportion à peu près égale, de manière que leur somme totale prédomine sur les autres éléments minéralisateurs ; dans cet ordre rentreront les sources alcalines silicatées. Voici la formule de notre classification :
Eaux min. alcalines
1er ordre : sources alcalines sodiques ou potassiques. 2e ordre: — — calciques.
3e ordre : — — calciques-magnésiques.
4° ordre : — — mixtes.
Nous allons essayer de classer les eaux minérales alcalines d'après ces principes. Afin de procéder avec méthode dans cette énumération, nous choisirons pour chaque ordre un type d'eau minérale autour duquel nous grouperons les autres sources minérales, suivant leurs affinités. Ce choix principal ne sera pas toujours facile à bien déterminer ; cependant, lorsqu'une eau alcaline sera bien connue soit sous le rapport de sa composition chimique, soit surtout sous celui de ses effets physiologiques et thérapeutiques, nous n'hésiterons pas à la placer en tête de notre cadre. D'après ces vues, nous avons choisi pour type de notre premier ordre, parmi les eaux thermales, celles de Vichy auxquelles se rapportent celles de Châteauneuf, d'Ems, de Chaudes-Aigues, de Toeplitz, et parmi les non thermales celles de Vals et de St-Alban, entre lesquelles se placent celles de Bilin, Vic-sur-Cère, Fachingen, Andabre, etc.
EAUX ALCALINES SODIQUES. 17
PREMIER ORDRE. — EAUX ALCALINES SODIQUES.
SECTION I. — SOURCES ALCALINES THERMALES.
VICHY (ALLIER).
(A 100 kilomètres de Paris. — Itinéraire : chemin de fer de Paris à Clermont; station de St-Germain-des-Fossés, à 12 kilom. de Vichy ; omnibus.)
VICHY est situé sur les bords de l'Allier (à 32 lieues de Lyon, 15 de Moulins et 8 de Gannat), dans une vallée agréable, d'un climat doux et tempéré. — Vichy est sans contredit une des stations thermales les plus fréquentées et les plus importantes de la France et même de l'Europe. On y compte neuf sources minérales, auxquelles il faut rattacher celles d'Hauterive et de Cusset qui font partie du même système hydrologique : elles se divisent en artésiennes et en naturelles, en thermales et en froides ; elles sont toutes fortement alcalines, plus ou moins ferrugineuses, et plus ou moins riches en gaz.
Voici un tableau synoptique de leurs principales propriétés :
Naturelle ou artésienne. Température. Bicarbonate sodique. Fer.
Puits Carré.. ...... naturel. 44° c. 4gr 89 0,004
Puits Chomel — 44 5 09 0,004
Grande-Grille — 40 4 88 0,004
Lucas — 29 5 00 0,004
Hôpital — 30 5 02 0,060
Célestins — 14 5 10 0,004
Nouv. source des Célestins. — 12 4 10 0,044
Source du Parc (puits Brosson) artésien. 22 4 85 0.004
Source Lardy . — 23 4 10 0,031
Source d'Hauterive ... — 14 5 46 0,017
Source de Mesdames. . . — 16 4 01 0,026
Source Ste-Marie. . . — 16 4 73 0,03
source Elisabeth ... — 15 4 83 0,022
Source St-Yorre . . . naturel. 12 4 88 0,010
L'établissement thermal, un des plus considérables qui existent en Europe, doit encore recevoir de notables agrandissements. On y a établi un hôpital militaire consacré en partie aux malades de nos possessions
2
18 EAUX ALCALINES
d'Afrique. Il y a deux établissements de bains qui comptent plus de 200 baignoires : l'un est alimenté exclusivement parla source de l'Hôpital, et l'autre par le puits Carré, la Grande-Grille, la source Lucas et celle du Parc. Les eaux de Vichy sont surtout employées en bains et en boisson. Nous regrettons hautement, avec M. Durand-Fardel, que " les douches ne prennent qu'une part secondaire au traitement. Il n' y a point, et c'est à tort, de bains ni de douches de vapeur. » Il faudrait aussi plusieurs piscines. Les sources les plus en vogue pour la boisson sont celles de l'Hôpital, de la Grande-Grille, des Célestins, du puits Lardy, etc. La source d'Hauterive, à 5 kilom. de Vichy, sert surtout à l'exportation, de même que les précédentes. La source de Mesdames, à 3 kilom. sur la route de Cusset, est amenée à Vichy par des appareils qui la mettent à la portée des malades.
Analyse chimique des principales sources minérales de Vichy.
Grande-Grille Hôpital Source Lardy Hauterive Source de
Mesdames
(O. HENRY.) (O. HENRY.) (LEFORT.) (BOUQBET.) (BOUQUET.)
lit. lit. lit. gr. gr.
Acide carbonique libre . 0 251 0 280 0 519 2 185 1 908
gr. gr. gr.
Bicarbonate de soude ... 4 900 5 150 4 161 4 687 4 016
— chaux 0 107 0 661 5 0 610 0 452 0 604
— magnésie 0 065 1 0 550 0 084 0 501 0 425
— lithine et strontiane. traces traces indices potasse 0 189 potasse 0 189
— fer, manganèse. . 0 001 0 060 0 051 0 017 0 026 Sulfate de soude 0 469 0 502 0 175 0 291 0 250
— potasse 0 020 0 040 0 078
Chlorure de sodium. ... 0 558 0 460 0 667 0 554 0 555
— potassium 0 004 0 020 traces
Silicate de soude 0 400 0 120 0 092 0 071 0 052
— alumine 0 250 0 120 0 017
Matière organiq. azotée.. indices indéterm. indices traces traces
6 754 7 465 6 215 G 775 5 905
(1) (1)
On voit que toutes les sources de Vichy sont fortement minéralisées, et doivent par là même être très actives. Le bicarbonate de soude qui y prédomine et s'y rencontre en grande abondance, peut être envisagé
(1) Dans ces chiffres, M. Bouquet comprend : 1° pour Hauterive, du phosphate de soude 0,046, de l'arséniate de soude 0,002 et des traces de borate de soude; — 2° pour la source de Mesdames, de l'arséniate de soude 0,005, et des traces de phosphate et de borate de soude, etc.; et pour les deux, carbonate de strontiane 0,003.
SODIQUES. 19
comme l'élément essentiel de leur action : cela est vrai surtout pour la Grande-Grille, où il forme les 5/6 de la totalité des principes fixes, à tel point qu'on peut la présenter comme un type des sources alcalines sodiques presque pures. Mais ce n'est pas là le seul élément de la médication de Vichy ; les sources naturelles sont généralement plus chaudes et moins gazeuses que les artésiennes ; ces dernières sont à leur tour plus ferrugineuses. L'arsenic parait se trouver, comme le fer, en proportion relative avec les sulfates. M. Bouquet n'y admet pas la présence de l'iode que MM. O. Henry, Chevallier, Lefort et Chatin avaient cru reconnaître, ni celle du brome, du fluor, de la lithine et du cuivre qu'on y avait signalée. — La source de l'Hôpital est encore plus alcaline que la Grande-Grille ; mais elle renferme 1 gramme de carbonate calcique-magnésique, qui modifie et tempère son action ; elle est, de plus, moins chaude (rapport de 30 à 40 ); aussi, comme elle emprunte en outre à une plus grande proportion de glairine quelque chose de mucilagineux, est-elle la plus douce et la moins excitante des sources de Vichy. Remarquons qu'elle renferme encore un chiffre notable de carbonate de fer et de manganèse, ce qui la rend utile dans toutes les maladies où les ferrugineux unis aux alcalins sont recommandés : cette dernière remarque s'applique également aux sources Lardy, d'Hauterive, de Mesdames, etc.
L'action des eaux de Vichy est complexe : leur effet primitif est tonique ; elles modifient les sécrétions, qu'elles rendent alcalines ; elles augmentent la fluidité des liquides de l'économie et l'alcalinité du sang; comme effet consécutif, elles ont une action résolutive et fondante. Elles sont spécialement indiquées dans l'asthénie des organes et dans les états morbides où prédomine l'acidité des humeurs. Les eaux de Vichy ont une spécialité d'action clans les maladies chroniques des voies urinaires et de l'appareil digestif, dans les engorgements du foie, de la rate, etc.
Dans la gravelle rouge d'acide urique, elles agissent non seulement sur la concrétion, mais encore sur la cause ou la diathèse qui engendre les graviers. On a supposé qu'il y a une réaction chimique dissolvante qui convertit l'élément urique en un urate de soude soluble qui est expulsé ; mais ces eaux portent aussi sur la vitalité des organes, dont elles stimulent et régularisent les fonctions. — Dans les calculs, que peut-il se produire ? Petit a prétendu que l'eau de Vichy attaque et la matière lithique elle-même, et le mucus qui fait office de ciment à l'égard de la pierre, si bien qu'elle désagrège les éléments salins, qui se séparent et sortent ensuite. Pour les pierres à base urique, ce phénomène peut s'admettre;
20 EAUX ALCALINES
mais pour celles à base phosphatique, le médecin et le malade doivent se tenir sur leurs gardes. — Dans le catarrhe vésical, l'effet des eaux est heureux si la sécrétion n'est que muqueuse et non purulente, et qu'il n'y ait ni altération organique, ni rétrécissement de l'urètre. — Dans le diabète sucré, les eaux de Vichy sont un des moyens les plus efficaces de l'art: nous n'avons pas à discuter ici les théories diverses qui ont été mises en avant sur cette maladie ; nous nous en tiendrons au fait, et nous nous bornerons à dire qu'on obtient de la médication thermale sinon la guérison, du moins une amélioration des plus satisfaisantes. — Dans ces divers cas, on recommande la source des Célestins et d'Hauterive.
Pour l'atonie digestive, les eaux de Vichy sont parfaitement indiquées quand la muqueuse n'est pas trop irritable ; aussi le résultat est-il meilleur dans la dyspepsie simple que dans la gastralgie ou gastrodynie. On débute par l'Hôpital, et il convient de boire à petites doses pour ne pas irriter l'estomac. Nous avons aussi expérimenté qu'en laissant un peu refroidir l'eau minérale, les personnes fort impressionnables la supportaient mieux et s'en trouvaient mieux également. — Les effets ne sont pas moins heureux dans l'engorgement chronique du foie; ces eaux, par leur action tonique et désobstruante, ramènent les fonctions hépatiques à leur type normal. — Mêmes remarques pour l'engorgement de la rate.
Petit avait appelé l'attention sur leur heureux emploi dans la goutte : on sait aujourd'hui qu'elles conviennent surtout dans la goutte atonique articulaire, à accès éloignés. — Quant au rhumatisme, leur influence se fait sentir spécialement dans les rhumatismes goutteux.
M. Durand-Fardel a signalé leur efficacité dans l'état cachectique qui succède aux fièvres des pays méridionaux et notamment de nos possessions d'Afrique, et M. Willemin dans les engorgements mous de la matrice, avec ou sans déplacement de l'organe. Les leucorrhées sont amendées, comme la sécrétion muqueuse du catarrhe vésical.
On a cherché à formuler la spécialité d'action des diverses sources, en disant que la Grande-Grille s'administre dans les affections digestives, les engorgements du foie et de la rate, les obstructions viscérales, les calculs biliaires, la gravelle urique; que la source de l'Hôpital est indiquée dans les cas analogues, mais que, moins excitante, elle convient mieux aux personnes délicates et nerveuses, et rend des services dans les métrites chroniques, les tumeurs des ovaires, etc. ; que le puits Carré et le puits Chomel se prescrivent ( sulfureux ? ) dans le catarrhe pulmonaire, la dyspepsie nerveuse, l'impressionnabilité morbide des bronches ; que les Célestins sont salutaires dans les maladies des reins et de la ves-
SODIQUES. 21
sie, la gravelle, les calculs, le diabète ; que les sources Lucas et des Acacias se rapprochent de celle des Célestins ; que la source d'Hauterive répond à des indications analogues ; que les sources Lardy et de Mesdames sont applicables dans les cas semblables, mais que de plus, en raison de leurs principes ferrugineux, elles conviennent dans l'appauvrissement du sang, la chlorose et ses complications, les convalescences difficiles, etc.
Médecins : MM. Alquié, Willemin, Dubois, Durand-Fardel, Nicolas, Noyer, Chambard, etc.
EMS (DUCHÉ DE NASSAU).
EMS est situé sur la rive droite de la Lahn, à deux lieues de Coblentz, dans une riante vallée protégée contre les vents du nord, et d'un climat doux et égal. Les eaux d'Ems, connues depuis 1355, jouissent aujourd'hui d'une grande vogue ; les sources minérales en sont nombreuses ; on en distingue surtout quatre, qui ont été aménagées à part :
Le Kesselbrun 46° c, assez gazeux.
Le Kranchen 29 très gaz.
Le Furstenbrun .... 33 moins gaz.
La source nouvelle ... 47
Elles alimentent trois établissements thermaux : 1° Le Kurhaus, le plus important, réunit la buvette et les bains ; 2° l'établissement des QuatreTours sert exclusivement aux bains ; 3° le nouvel établissement, situé de l'autre côté de la Lahn, est garni de cabinets de bains auxquels se distribue la source nouvelle.
Analyse du Kesselbrun par M. Fresenius. (Ems, ses Eaux minérales.)
Acide carbonique libre 0 882
Bicarbonate de soude 1 974
— chaux 0 255
— magnésie ... 0 186
— strontiane. . . 0 001
— lithine. .... traces
Acide silicique 0 042
Chlorure de sodium 1 628
gr. sulfate de soude 0 008
— potasse 0 511
Bicarbonate de fer 0 004
— manganèse. . . 0 001
Acide phosphorique, alumine. . 0 001
Chlorure d'iode peu de traces
— brome traces dout.
4 475
Les eaux d'Ems s'administrent en bains et surtout en boisson; les douches, selon C. James, y sont organisées d'une manière défectueuse. Les bains se prennent à 32° ou 34° c. ; les eaux se boivent à la dose de 2 à 3
22 EAUX ALCALINES
verres d'abord, puis de 5 à 6 ; elles sont généralement bien supportées par l'estomac, en raison de leur degré modéré de minéralisation et de l'acide carbonique qu'elles contiennent.
On les emploie avec succès, comme les eaux alcalines, dans les dyspepsies avec rapports acides, dans les flux diarrhéiques par vice de sécrétion, dans les obstructions du foie et de la rate, les hémorrhoïdes ; elles réussissent dans le catarrhe vésical, la gravelle rouge ; autrefois elles étaient beaucoup fréquentées par les rhumatisants et les goutteux : ils s'y rendent beaucoup moins aujourd'hui, ce qu'il faut attribuer en partie au défaut de bonnes douches et à l'habitude actuelle de prendre les bains à une faible température.
M. H. Bourdon vient de signaler leur heureuse influence dans les maladies chroniques de l'utérus ( Annal. de la Soc. d'hydrologie, t. I, p. 94 ) ; elles jouissent ( source aux Garçons ) d'une certaine vogue contre la stérilité, pour laquelle on y administre une douche ascendante sur l'appareil vulvo-vaginal ; il résulte des communications de MM. Otterbourg et C. James à la Société d'hydrologie (t. I, p. 113), qu'elles réussissent en effet dans quelques cas de stérilité par atonie. M. Spengler nous écrit de ne pas confondre cette médication qui est toute extérieure, avec les grandes douches intérieures qu'il a organisées contre les maladies utérines.
Les névroses y figurent en grande proportion : aussi les femmes se rencontrent-elles en majorité à Ems ; et de fait ces eaux exercent une action salutaire dans l'hystérie, les palpitations nerveuses, les spasmes, la chorée et quelques tics nerveux.
Enfin, c'est surtout dans les maladies de poitrine qu'elles commencent à être renommées : elles sont efficaces dans le catarrhe chronique, la laryngite sub-aiguë, l'enrouement, l'asthme. Doit-on croire qu'elles sont aussi efficaces dans la phthisie ? Il faut ici distinguer : elles ont une action salutaire contre les désordres bronchiques, gastriques et nerveux qui précèdent ou accompagnent la phthisie, et en ce sens elles influent heureusement sur sa marche : c'est alors, comme on l'a dit, une médication préventive plutôt que curative; et c'est là un bienfait notable. Mais si le mal est avancé, compliqué d'hémoptysie, ou qu'il y ait déjà des cavernes, elles deviennent nuisibles. — On doit toujours procéder avec ménagement : on débutera par le Furstenbrun qui est le moins actif, et l'on n'arrivera que peu à peu au Kesselbrun qui l'est davantage. M. Spengler vante les inhalations de gaz thermal contre la pharyngo-laryngite granuleuse. — Médecins: MM. Spengler, Vogler, Döring et Dibbell.
SODIQUES. 23
ST-NECTAIRE (PUY-DE-DOME).
ST-NECTAIRE est un bourg du Puy-de-Dôme ( à 24 kilomètres du MontDore, 28 d'Issoire et 40 de Clermont) situé dans un vallon resserré qu'arrose la petite rivière du Courançon ; c'est sur les bords du Courançon que sourdent toutes les sources de St-Nectaire, à travers les fissures d'un sol volcanique ; 6 sources seulement sont utilisées ; en voici le nom, la température et le débit :
Température. Nombre de litres par minute.
Petite source de Boëte. 44 c. 22 Grande source de Boëte. 40 50
Source du Mont-Cornador 40 52
Température Nombre de litres par minute.
Source Mandon .... 57 c. 50 Source Pauline .... 55 50
Source Rouge 22 22
Ces sources alimentent trois établissements : les bains du Mont-Cornador, les bains Boëte et les bains Mandon, garnis chacun de 12 baignoires, la plupart avec douches.
Source Mandon Source du Petite source Grande source
Mont-Cornador Boëte Boëte
(BERTHIER.) (LECOQ.) (NIVET.) (NIVET. )
gr. gr. gr. gr.
Acide carbonique 0 572 indéterm. indéterm. indéterm.
Hydrogène sulfuré sensible sensible traces (Bertrand) traces
Bicarbonate de soude 2 8551 1 179 2 969 2 929
— chaux 0 6021 0 867 0 719 0 715
— magnésie 0 564 0 125 0 555 0 504
Acide silicique 0 100 0 086 0 110 0 115
Chlorure de sodium. . ........ 2 420 1 522 2 510 2 515
Sulfate de soude 0 156 0 101 0 180 0 182
— chaux . traces traces traces traces
Alumine traces 0 086 traces traces
Matière organique sensible sensible sensible sensible
Bicarbonate de fer 0 051 0 010 0 041 0 048
Perle » 0 045 0 150 0 167
6 606 5 819 7 114 6 975
Nous ferons remarquer que les eaux de St-Nectaire renferment, comme celles d'Ems, une notable proportion de chlorure de sodium; elles ne sont guère fréquentées que par les habitants de l'Auvergne. Elles sont stimulantes et douées d'une action énergique qu'on pourrait plus largement utiliser. Elles conviennent aux constitutions molles, aux tempéraments lymphatiques et scrofuleux; on les prescrit avec succès dans la leucorrhée, la chlorose, les engorgements utérins, la sub-inflammation
24 EAUX ALCALINES
lente de la muqueuse urinaire, les gastro-entéralgies, les engorgements du foie et de la rate, les fièvres intermittentes rebelles, la gravelle, la goutte atonique, etc. Les eaux du Mont-Cornador, moins actives, sont préférables dans les maladies pour lesquelles les autres sources seraient trop excitantes. (Vernière, Notice sur les eaux de St-Nectaire, 1852.) Médecin : M.
VIC-LE-COMTE (PUY-DE-DOME).
VIC-LE-COMTE est un bourg à 12 kilomètres d'Issoire, 24 de Clermont. Les sources dites de Vic-le-Comte sont dans la commune de St-Maurice, sur les rives de l'Allier dont les débordements les inondent. M. Nivet en énumère onze, dont la température varie de 16° à 34° c. Elles paraissent avoir été anciennement connues et fréquentées: Jean Banc ya vu, en 1605, des ruines d'un édifice important; aujourd'hui il n'existe qu'un petit établissement, garni de 2 piscines et 2 baignoires , qu'alimente la source principale, dite de Sainte-Marguerite, température 32°; après celle-ci vient en importance celle du Cornet, température 25°. Leur eau est gazeuse, aigrelette, alcaline et ferrugineuse.
Analyse par M. Nivet. (Dictionn. des eaux minér. du Puy-de-Dôme.)
Ste-Margucrite. lit. Acide carbonique (Mambur) . . 0 258
gr. Bicarbonate de soude ..... 2 970
— chaux 0 920
— magnésie. ... 0 554
Acide silicique » »
Alumine, sels de potasse. . . . traces
Ste-Marguerite.
gr. Bicarbonate de fer 0 050
Apocrénate de fer 0 160?(1)
Sulfate de soude 0 201
Chlorure de sodium .... 2 050
Matière organique sensible
Perte 0 125
6 788
Cette eau renferme une notable proportion de chlorure de sodium , qui, tout en influant sur ses propriétés thérapeutiques comme à Ems et à St-Nectaire, ne saurait la faire ranger parmi les sources salines ; car, pour contrebalancer les 2 grammes de ce sel, il y a non seulement 2gr. 970 de bicarbonate sodique, mais encore un total de 4gr. 224 pour les bicarbonates. La source du Cornet est analogue (6,160), mais moins ferrugineuse (0,048 au lieu de 0,210).
Les eaux de Vic-le-Comte étaient renommées, du temps de Jean Banc, contre la gravelle, les fièvres quartes rebelles et les vers. M. Nivet les
(1) Cette proportion de fer (0,210) nous parait extrême ; on lit dans l'Annuaire des eaux de France, p. 585 : « La composition de ces eaux est encore mal connue et mériterait d'être étudiée.»
SODIQUES. 25
recommande dans le pyrosis, l'embarras gastrique, la gastro-entéralgie, les engorgements du foie et de la rate, la diathèse calculeuse, la goutte, la chlorose. Les bains sont utiles dans les scrofules, le rachitisme, les engorgements articulaires. — Ces eaux purgent à haute dose.
CHATEAUSEUF (PUY-DE-DOME).
Le village de CHATEAUNEUF est situé sur les bords de la Sioule, au milieu d'un pays pittoresque, à 16 kilomètres de Riom et à 40 de Clermont ; on y compte de nombreuses sources, disséminées sur le bord de la rivière; 14 d'elles sont captées; les unes, chaudes, servent pour les bains, les autres, froides, pour les buvettes. Elles alimentent plusieurs établissements distincts, munis de bains, de douches et de nombreuses piscines. — Voici un tableau où nous avons résumé les principales propriétés de ces eaux :
Température. Total des
principes fixes. (NIVET.) (LEFORT.)
o gr.
Bain chaud. ... 37 c. 4 54
— tempéré ... 56 4 83
— frais (bain-julie) 31 4 98
— Auguste ... 51 4 65
— de la Rotonde. 51 4 79
— du Petit-Rocher 30 5 96
Température. Total des principes fixes.
(NIVET.) (LEFORT.)
Fontaine Chambon 0 gr.
Lacroix. 12 c. 4 ,44
— du Pet.-Moulin 15 4 58
— Desaix .... 16 5 58
— du Petit-Rocher 20 4 45
— de la Pyramide 26 5 57
— Chevarier. . . 50 5 48
— de la Garenne. 19 5 57 (Nivel)
M. Lefort a trouvé des traces d'hydrogène sulfuré libre dans les sources du Bain-Chaud, du Petit-Rocher, de la fontaine Chevarier, etc.
Analyse du grand Bain-Chaud par M. Lefort. (Annales de la Soc. d'hydrologie, t. I, 1854.)
Acide carbonique libre .... 1 195
Bicarbonate de soude 1 296
— potasse.... 0 540
— chaux .... 0 514
— magnésie ... 0 204 Silice 0 101
gr. Bicarbonate de fer 0 054
Sulfate de soude 0 470
Chlorure de sodium 0 395
Alumine, lithine
Arséniate sodique
traces
Matière organique indéterm.
4 549
Les eaux de Châteauneuf sont employées dans les dyspepsies, les gastroentéralgies, les engorgements du foie et de la rate, le catarrhe pulmonaire chronique, l'inflammation lente des organes génito-urinaires, la gravelle, les engorgements utérins. Les piscines, les bains et les douches
26 EAUX ALCALINES
réussissent dans le rhumatisme chronique, les raideurs articulaires, les arthrites chroniques, etc.
Ces eaux sont contre-indiquées s'il y a complication de maladie du coeur, disposition fébrile, etc.
On peut dire, d'une manière plus spéciale, que les sources Lacroix et de la Garenne ( fer ) sont recommandées dans la chlorose et l'anhémie ; les eaux légèrement sulfurées de Chevarier, du Grand-Bain, etc., dans les maladies dartreuses ; les douches et piscines du Grand-Bain, dans le rhumatisme et les engorgements articulaires ; les bains de la Rotonde, du Petit-Rocher et le bain Auguste, dans les scrofules, le rachitisme, les engorgements utérins ( Nivet, Dictionn. des eaux minérales du Puyde-Dôme, 1846.) — Médecin : M. Pénissat.
CHAUDES-AIGUES (CANTAL).
CHAUDES-AIGUES est une petite ville du Cantal, à 6 lieues de St-Flour, à 12 de Rhodez et 15 d'Aurillac (à 450 kilomètres de Paris) ; elle doit son nom à ses sources, dont les principales sont :
0 ;
1° Source du Par. ... 81 c.gaz. 2° du Moulin ou de l'Estende 72 gaz. 3° Grotte du Moulin . . 62 gaz.
4° Source Fulgère. 57 et 70°c. gaz.
5° Du Remontalou 6° La Condamine
froides, ferrugineuses.
La source du Par a un débit par minute, qui varie de 160 litres (Chevallier, 1827) à 260 (Blondeau, 1850); les cinq sources thermales réunies donnent 599, 880 litres par 24 heures ; leur composition chimique est presque identique. La source du Par est la plus chaude de France; les habitants s'en servent pour préparer leurs aliments, faire cuire des oeufs, chauffer leurs appartements, etc.
Ces eaux sont onctueuses au toucher, laissent échapper beaucoup de gaz acide carbonique, et déposent un sédiment ocracé ; M. Blondeau y a trouvé de l'arsenic.
Analyse de la source du Par, par M. Blondeau. (Annuaire des eaux de France.)
lit. Acide carbonique. ... 0 405
gr. Carbonate de soude. . . 0 471
— chaux. . . 0 050
— magnésie . 0 010 Silicate de soude .... 0 082
Acide silicique 0 015
Oxyde de fer 0 001
Sulfure de fer et d'arsenic traces
0 651
gr.
Sulfate de soude 0 045
— chaux 0 014
— magnésie 0 006
Chlorure de sodium 0 065
— magnésium .... 0 007 Bromure de sodium. . . . . 0 020
Iodure de sodium 0 018
Alumine 0 001
Matière organique . 0 010
0 811
SODIQUES. 27
Les sources de Chaudes-Aigues s'emploient plutôt comme eaux thermales que comme alcalines, en bains, douches et étuves ; on les donne aussi en boisson. On les reconnaît surtout efficaces dans les cas où conviennent les eaux thermales, notamment le rhumatisme chronique, les rétractions musculaires, les ankyloses incomplètes, certaines paralysies, quelques maladies de la peau, etc.— Ces eaux étaient célèbres dans les premiers siècles de notre ère : elles pourraient récupérer leur ancienne vogue si l'on sait convenablement utiliser leur thermalité, leur minéralisation et leur abondance. — Médecin : M. Chevalier.
ST-LAURENT (ARDÈCHE).
Le village de ST-LAURENT est situé près d'Ares, arrondissement de l'Argentière (Ardèche), à 882 mètres au-dessus de la Méditerranée, dans une vallée ouverte seulement au midi, que traverse la route de Montpellier à Clermont. On y trouve plusieurs sources qui donnent 54,000 litres par 24 heures : la première marque 53° c, la deuxième 48°, etc. Elles alimentent trois établissements de bains, garnis de douches, d'étuves, de piscines et de plus de 40 cabinets. Les eaux s'administrent aussi en boisson.
Analyse par M. Bérard, de Montpellier. (Annuaire des Eaux de France.)
gr. Carbonate de soude 0 505
Acide silicique et alumine ... 0 052
Sulfate de soude 0 040
Chlorure de sodium 0 085
0 682
Les eaux de St-Laurent, comme celles de Chaudes-Aigues, s'emploient moins comme sources alcalines que comme sources thermales : on les vante dans les rhumatismes, la sciatique, les tumeurs blanches, certaines paralysies partielles, le rhumatisme goutteux et quelques maladies de la peau, comme les dartres, etc.; on cite aussi des guérisons de gastralgie. — Elles paraissent nuisibles aux phthisiques.
Le pays est salubre ; la saison des eaux dure de juillet à septembre. Alibert demandait qu'on y établit un hôpital militaire. Médecin: M. Coulet.
TOEPLITZ (BOHÈME).
(Itinéraire : chemin de fer de Forback et Francfort, ou de Bruxelles et Cologne, jusqu'à Leipsick, Dresde et la station d'Aussig ; de là, 15 kilomètres en diligence.)
TOEPLITZ est un bourg de Bohême, dans une belle vallée, à 6 lieues de Leitmeritz. Alibert y distingue 7 sources (MM. Pâtissier et C. James
28 EAUX ALCALINES
n'en nomment que 5) : 1° celle du bain des hommes, la plus considérable de toutes, qui fournit 200 litres à la minute ; 2° le bain des dames, qui en donne 100 ; 3° le Furstenbad ou bain des pauvres ; 4° le bain des Juifs ; 5° la source du jardin de l'hôpital ; 6° le bain des dames hors du bourg ; 7° le Gutlerbad. — L'eau minérale est limpide, inodore, d'une saveur salée ; la température des sources varie de 60° à 65° c. On les administre en boisson, et surtout en douches, bains et piscines.
Analyse par Berzelius.
gr. Carbonate de soude. . . 0 348
— chaux. . . 0 065
— magnésie . 0 057
Silice 0 042
Chlorure de sodium. . . 0 055
gr. 0 500
Sulfate de soude 0 071
— potasse 0 001
Phosphate de soude 0 005
Sous-phosphate d'alumine . . .
0 003
Oxyde de fer
0 625
Ces eaux, on le voit, sont faiblement minéralisées : Hufeland regardait comme héroïque la réunion des éléments alcalins, salins et ferrugineux qu'elles renferment. On les conseille dans l'atonie de l'estomac, de l'intestin et du système lymphatique, notamment dans les flatuosités, les obstructions abdominales, l'hypochondrie, la céphalée liée à un trouble de la digestion, les calculs biliaires, les désordres de la menstruation, les fièvres quartes rebelles, les névralgies, la sciatique, les anciennes blessures, la goutte atonique et le rhumatisme : les rhumatisants et les goutteux forment les deux tiers des baigneurs.
Ces eaux sont excitantes du système sanguin et nerveux, et paraissent contre-indiquées pour les tempéraments irritables et sanguins, dans les cas d'anévrysmes du coeur, d'hydropisie, de syphilis, de phthisie, etc.
SECTION II. — SOURCES ALCALINES NON THERMALES.
BILIN (BOHÈME).
BILIN, surnommé par les Allemands Vichy froid, est célèbre par une source alcaline dite source de Joseph, qu'on trouve à une demi-lieue de la ville. Bilin lui-même est situé sur la Bila, à 2 lieues de Toeplitz, dans une plaine fertile. On y trouve une deuxième source alcaline un peu moins minéralisée, connue sous le nom de Caroline.
SODIQUES. 29
Analyse des sources de Bilin par Rauf. (Herpin, Etudes sur les eaux minérales, 1855.)
Source Source
de Joseph. Caroline.
gr. gr.
Carbonate de soude . 9 254 7 378
— magnésie . 0 173 0 150
— chaux. . . 0 507 0 277 Silice, silicate. ... 0 068 0 052
Source Source
de Joseph. Caroline.
gr. gr.
Fer . traces 0 044
Sulfate de soude. . . 1 861 1 804
Chlorure de sodium . 0 580 0 570
Matière organique . . indéterm. indéterm.
12 025 10 055
On voit que les eaux de Bilin sont fortement minéralisées, surtout la source de Joseph : c'est la plus alcaline de toute l'Allemagne et peutêtre de l'Europe. Son eau froide (11° c), piquante, saturée d'acide carbonique, est clouée de propriétés fondantes et résolutives ; on l'emploie beaucoup pour combattre les engorgements glanduleux, les affections acides, etc.; en somme elle a beaucoup d'analogie avec Vichy, ou mieux avec Vals, et peut se prescrire dans les mêmes circonstances; mais peutêtre est-elle trop fortement minéralisée pour convenir aussi généralement.
Elle se transporte et s'expédie dans toute l'Allemagne, où l'on en fait un grand usage.
VALS (ARDÈCHE). Le bourg de VALS est situé au milieu d'un pays montueux et pittoresque, dans une vallée fertile qu'arrose la Volane, un des affluents de l'Ardèche, à 3 kilomètres d'Aubenas, 24 de Privas et 32 du Puy. — Des six sources minérales de Vals, mentionnées par MM. Alibert et Pâtissier, deux paraissent avoir tari depuis 40 ans, celles de St-Jean et de la Magdeleine. Les sources les plus connues sont la Chloè, dont nous donnons l'analyse ; la Marquise, la plus abondante et la plus alcaline de toutes, au point que Berthier proposait d'établir à Vals une fabrique de soude ; la Camuse, analogue aux précédentes; la Dominique, qui a des propriétés vomitives et même, à ce qu'il paraît, toxiques ; la Marie, qui fournit une eau de table, etc.
Source Chloé. (Analyse par Dupasquier, de Lyon.)
lit. Acide carbonique libre 1 070
gr. Bicarbonate de soude 5 289
— chaux 0 169
— magnésie 0 166
— strontiane ..... traces
Acide silicique 0 099
Alumine 0 004
Bicarbonate de fer. 0 021
— manganèse 0 001
Sulfate de soude 0 173
Chlorure de sodium 0 189
— potassium 0 045
6 159
30 EAUX ALCALINES
Les eaux de Vals se prennent surtout en boisson ; on les administre aussi en bains et en douches. " L'établissement thermal, dit M. DurandFardel, a peu d'importance. » Ces eaux s'emploient dans les débilités de l'estomac, l'ictère, les obstructions du foie et de la rate. Elles réussissent dans la chlorose, la leucorrhée, la gravelle rouge, le catarrhe de la vessie. Alibert cite la guérison d'une hématurie ancienne; il les recommande dans le scorbut et les hémorrhagies passives. M. Tourette en a retiré de bons effets dans les vomissements chroniques, l'aménorrhée par atonie, les fièvres intermittentes rebelles, et certaines maladies de la peau comme l'acné, l'impétigo. M. Durand-Fardel formule au sujet de leur forte minéralisation un reproche et un aveu que nous devons enregistrer : " Peutêtre même cette richesse ne serait-elle pas sans inconvénient, dans beaucoup de cas où les eaux bicarbonatées sodiques se trouvent indiquées. Nous inclinons d'autant plus à le penser, que les eaux de Vichy nous ont paru, dans plus d'une circonstance, trop minéralisées elles-mêmes.» (Traité thérapeut. des Eaux minérales, p. 165.) M. Chabanne insiste sur l'avantage qu'on a, à Vals, de pouvoir graduer l'énergie de la médication alcaline en variant les sources, dont la minéralisation est très-différente (la Marquise 7 gr. 80 ; la Chloé 6 gr. 15 ; la Victorine 3 gr. 62 ; la Marie 1 gr. 40).
Ces eaux paraissent contre-indiquées pour les constitutions irritables, les femmes hystériques, les personnes qui ont la poitrine délicate, etc.
Médecins : MM. Chabanne, Tourette.
VIC-SUR-CÈRE (CANTAL).
VIC-SUR-CÈRE, situé dans une riche vallée, à 16 kilomètres d'Aurillac ( Cantal), possède 4 sources; l'eau en est froide ( 12° c. ), acidule, riche en gaz acide carbonique, et agréable à boire, bien que d'une saveur alcaline; elle laisse un arrière-goût atramentaire.— Ces sources, connues depuis longtemps, ont été analysées d'une manière complète en 1839 par M. O. Henry. M. Soubeiran a repris cette analyse en 1857 ( J. de pharmacie, tom. XXXII ) ; c'est cette dernière que nous donnons ici, en faisant remarquer que les deux analyses ne présentent que de légères différences.
SODIQUES. 31
cc. Acide carbonique libre ..... 766
Air atmosphérique 18 4
gr. Bicarbonate de soude .... 1 860
— potasse 0 004
— chaux 0 668
— magnésie .... 0 601
Silicate de soude 0 160
Sulfate de soude 0 865
Chlorure de sodium 1 237
Bicarbonate de fer 0 050
Arséniate de soude. 0 0005
Phosphate de soude 0 060
Iode et brome. traces
Silice et alumine . 0 054
Total des sels : 5 559
Les habitants de Vic-sur-Cère font un usage presque habituel de l'eau minérale, qu'ils boivent pure ou coupée avec du vin. — D'après M. Cavaroc (Compte-rendu 1852), elle est utile dans les troubles des voies digestives ( dyspepsie ), les engorgements des viscères, les flux atoniques et la convalescence des fièvres intermittentes. — Comme alcaline, elle accroît la sécrétion urinaire et facilite l'expulsion de la gravelle. — Comme ferrugineuse, elle est efficace dans la chlorose ; elle le serait, sans doute, aussi dans certaines aménorrhées ou dysménorrhées, et même dans certaines métrorrhagies avec atonie et diminution des globules sanguins. Enfin, comme elle est en même temps un peu chlorhydratée-sodique, en agissant par tous ces éléments à la fois, elle doit être essentiellement restauratrice. — Médecin: M. Cavaroc.
BARD ou BOUDES (PUY-DE-DOME).
Au sud de Boudes et près de Bard, on trouve, dans une vallée, trois sources dont l'eau froide (17° c.) est aigrelette et pétillante; la plus abondante, qui est la seule usitée, se rapproche chimiquement des sources de Vic-sur-Cère.
Analyse par M. Nivet. (Dictionn. des eaux du Puy-de-Dôme.)
Acide carbonique. . . . indéterm.
gr.
Bicarbonate de soude . . 2 454
— chaux. . . 0 977
— magnésie. . 0 227 Acide silicique 0 110
3 768
Sels de potasse traces
Bicarbonate de fer 0 041
Sulfate de soude 0 080
Chlorure de sodium 0 951
Matière organique traces
Perte 0 109
4 949
LE BOULOU (PYRÉNÉES-ORIENTALÈS). (Itinéraire : de Perpignan au Boulou, diligence, 5 heures de route.)
La source du BOULOU se trouve à 1 kilomètre du village, dans la mon-
32 EAUX ALCALINES
tagne des Albères ; l'eau en est froide (17° c. ), aigrelette et piquante ; elle est limpide, mais à l'air selle se recouvre d'une pellicule de carbonate ferro-calcaire.
Analyse par Anglada.
lit. Acide carbonique libre. ... 0 611
gr. Bicarbonate de soude 2 451
— chaux 0 741
— magnésie .... 0 215 Acide silicique 0 154
gr. Bicarbonate de fer 0 052
Sulfate de soude ....... traces
Chlorure de sodium 0 852
Matière organique indéterm.
4 405
Anglada recommande la source du Boulou dans l'inappétence, la langueur des organes digestifs, l'obstruction du foie, les vomissements nerveux, la néphrite calculeuse, le catarrhe de la vessie, la chlorose, les flueurs blanches, les hémorrhagies passives, les longues convalescences, les fièvres intermittentes rebelles, les pollutions nocturnes par débilité nerveuse, etc.
ST-MYON (PUY-DE-DOME).
La source de ST-MYON jaillit sur la rive droite de la Morge, au nordest du village, à 8 kilomètres de Riom ; elle fournit une eau froide (14° c), gazeuse, d'une saveur aigrelette et ferrugineuse.
Analyse par Nivet. (Dictionn. des eaux miner. du Puy-de-Dôme.)
Acide carbonique. . . . indéterm.
gr. Bicarbonate de soude . . 2 115
— chaux ... 0 841
— magnésie. . 0 273 Acide silicique 0 050
3 278
gr. Bicarbonate de fer . 0 076
Sulfate de soude 0 185
Chlorure de sodium 0 409
Matière organique traces
Perte. 0 091
4 040
Hoffmann a parlé des eaux de St-Myon ; Colbert y avait beaucoup de confiance, et Guy-Patin nous apprend qu'on en avait prescrit l'usage au cardinal Mazarin, contre la goutte. Ces eaux se prennent en boisson ; il n'y a pas d'établissement. Raulin les conseillait dans les flueurs blanches, les hémorrhoïdes, les cacochymies, la goutte et les affections calculeuses. Selon M. Nivet (Dictionn. cité) on les donne avec avantage dans la chlorose, l'anhémie, les digestions laborieuses, les engorgements du foie et de la rate, les fièvres intermittentes rebelles au quinquina.
Médecin: M. Désauges.
SODIQUES. 33
FACHINGEN (DUCHÉ DE NASSAU).
La source de FACHINGEN jaillit sur la rive gauche de la Lahn, à 11 ou 12 lieues de Francfort; elle fournit une eau froide (10° c. ), gazeuse , alcaline et légèrement ferrugineuse.
Analyse par Kastner. (Herpin, Etudes sur les Eaux minérales, 1855.)
Acide carbonique. ... 1 24
gr.
Carbonate de soude. . . 2 213
— magnésie. . . 0 201
— chaux .... 0 262
— strontiane . . 0 001
— lithine, alumine traces Silice, silicates 0 033
2 710
gr. Fer 0 010
Sulfate de soude ....... 0 017
Phosphate 0 006
Chlorure de sodium 0 593
Fluor traces
3 356
On a comparé à tort la source de Fachingen à celle de Seltz , qui est saline; elle a beaucoup d'analogie avec Camarès, Montbrison, SaintAlban, etc.
ANDABRE OU CAMARES (AVEYRON).
CAMARÈS est une petite ville de l'Aveyron, près de Sylvanès, à 3 lieues de St-Gervais, 4 de St-Affrique et de Roquefort, et 7 de Lodève. A 2 kilomètres de Camarès est l'établissement d'ANDABRE, où l'on trouve 2 sources, celle d'Andabre et celle de Prugnes. L'eau d'Andabre est froide (12° c. ), gazeuse, inodore, alcaline ; celle de Prugnes est moitié moins minéralisée. — Médecin: M. Calvet.
Analyse par M. Limousin-Lamothe. (Annuaire des Eaux de la France, 1855.)
Source d'Andabre. lit. Acide carbonique libre ... 1 15
gr.
Bicarbonate de soude .... 1 828
— chaux 0 285
— magnésie .... 0 254 Acide silicique, alumine. . . 0 0005
Source d'Andabre.
gr. Bicarbonate de fer 0 065
Sulfate de soude ...... 0 698
Chlorure de sodium 0 079
— calcium 0 015
— magnésium .... 0 015 Matière organique 0 020
5 649
L'eau d'Andabre est utile dans l'atonie digestive, la constipation, l'engorgement du foie, la leucorrhée, les maladies des voies urinaires, etc.
3
34 EAUX ALCALINES
CHABETOUT (PUY-DE-DOME).
Le hameau de CHABETOUT est situé dans une vallée pittoresque qu'arrose la rivière de l'Evêque, dans le canton d'Ardes-sur-Couze, près d'Issoire. Il possède cinq sources qui sortent d'une roche micaschisteuse : elles fournissent par 24 heures 180,000 litres d'eau et environ 1,125 litres de gaz acide carbonique; c'est une eau froide (14° c), gazeuse, d'une saveur acidule, alcaline et ferrugineuse.
Analyse par O. Henry. (Annal., Soc. d'hydrologie, t. IV.)
Acide carbonique libre 1 vol.
gr. Bicarbonate de soude 1 886
— potasse 0 096
— chaux 0 278
— magnésie 0 180
Acide silicique, silicates. . . Alumine
0 197
Fer carbonate et crénaté 0 047
Manganèse sensible
Sulfate anhydre de soude et chaux 0 055
Chlorure de sodium 0 225
— potassium 0 093
Phosphate, borate, iodure alcalin . Lithine silicatée, arsenic (uni au fer) Matière organiq. de l'humus . . .
0 048
5 105
Ces eaux, encore peu étudiées, paraissent convenir dans les affections chroniques de l'estomac et du foie. M. O. Henry fils a publié en 1858 une notice intéressante sur leur emploi dans quelques maladies des yeux, notamment dans Pophthalmie scrofuleuse.
SAUXILLANGE (PUY-DE-DOME).
A 1 kilomètre N.-O. de SAUXILLANGE, près du chemin de Flat, on trouve une source acidule froide, appelée source de la Réveille.
Analyse par M. Nivet. (Annuaire des Eaux de la France.)
Acide carbonique . . . indéterm.
Bicarbonate de soude. . 2 058
— chaux ... 0 345
— magnésie . . 0 091 Acide silicique 0 035
2 499
Bicarbonate de fer traces
Sulfate de soude 0 020
Chlorure de sodium 0 060
Perte 0 150
2 759
ST-ALBAN (LOIRE).
ST-ALBAN est sur la rive gauche de la Loire, à 8 kilomètres de Roanne. On distingue trois sources : 1° le Puits-Rond, qui sert pour la boisson;
SODIQUES. 35
2° le puits des Gâteux, pour les lotions; et 3° le Grand-Puits, pour les bains. C'est une eau froide (18° c), piquante, saturée de gaz acide carbonique (il s'en échappe 30 mètres cubes en 12 heures, selon M. Goin), au point qu'on en alimente des bains, des salles d'inhalation, et, après la saison des eaux, une fabrique d'eaux gazeuses ; l'eau de St-Alban est ferrugineuse et donne lieu à un dépôt ocracé.
Analyse par MM. Orfila, Barruel et Soubeiran. (Annuaire des Eaux.)
litAcide carbonique (Cartier et Barbe) 0 403
gr. Bicarbonate de soude 1 215
— chaux 0 894
— magnésie 0 425
gr.
Bicarbonate de fer 0 058
Chlorure de sodium 0 052
2 600
Les eaux de St-Alban se prennent en boisson, en bains et lotions ; on les conseille dans l'atonie de l'estomac, la jaunisse, les diarrhées anciennes, les flueurs blanches, la chlorose, les dermatoses, comme les dartres, etc. Le gaz des sources sert à des inhalations dans les maladies de poitrine, comme le catarrhe pulmonaire, l'asthme, etc. (Nepple, de Lyon, Des eaux minérales de St-Alban, 1843.) Voyez p. 74.
Médecins : MM. Gay, Gourraut, Goin.
JENZAT (ALLIER).
L'eau minérale de JENZAT sort d'un terrain composé de micaschiste, près des bords de la Sioule. Elle est fournie par trois sources (de droite, de gauche et du milieu), qui paraissent appartenir à la même nappe d'eau, et possèdent une composition à peu près identique, si ce n'est que celle de droite contient moins de fer. Leur débit est de 5 à 600 litres à l'heure. L'eau en est froide (21° c), acidulée, limpide; dans son parcours elle abandonne un dépôt ocracé.
Analyse de la source du Milieu par M. Lefort. (Annuaire des Eaux de France.)
c c Acide carbonique libre . 0 052
gr.
Bicarbonate de soude . . 0 601
- chaux . . . 0 147 805
— magnésie . . 0 027
Acide silicique 00501
Alumine. ....... 0 008
Bicarbonate de fer ... 0 007
gr. Sulfate de soude 0 371
— potasse 0 095
Chlorure de sodium 0 291
— potassium 0 059
Bromure, iodure traces
Arséniate de chaux traces
Matière organique. ...... indéterm.
1 654
36
EAUX ALCALINES
SOULTZMATT (VOSGES). Analyse par Béchamp. (Bach, Eaux gazeuses de Soultzmatt, Paris, 1853.)
Acide carbonique libre ou Ht.
à l'état de bicarbonate. 2 472
gr.
Carbonate de soude. . . 0 677
— chaux .... 0 299
— magnésie. . . 0 206
— lithine. ... 0 012 Borate de soude .... 0 065
1 194
gr. Alumine . 0 063
Sulfate de potasse 0 147
— soude 0 022
Chlorure de sodium . 0 070
Acide phosphorique
Peroxyde de fer
0 008
1 569
DEUXIÈME ORDRE. — EAUX ALCALINES CALCIQUES.
Les eaux minérales alcalines, dans lesquelles domine le carbonate de chaux, contiennent généralement moins de substances solides que dans l'ordre des sodiques ; et, tandis que nous avons vu la proportion des divers sels s'élever dans ces dernières à 6 ( Vichy, Vals ), 7 ( Hôpital ) et même 12 grammes ( Bilin) par litre, nous ne constaterons guère un chiffre aussi élevé pour les eaux alcalines calciques ; ces eaux, pour la plupart, sont plus faiblement minéralisées et sont en général bien supportées. Le carbonate de chaux y est assez souvent accompagné d'une petite quantité de fer; la majeure partie des sources sont froides.
Nous plaçons en première ligne les eaux de Condillac et de Châteldon, parce qu'elles représentent un type assez pur, puisque, pour Condillac, sur 2gr19 de principes fixes il y a 1gr.35 de bicarbonate de chaux (non compris 0,24 de silicate de chaux).
CONDILLAC (DROUE).
Le village de CONDILLAC est à 12 kilomètres de Montélimar, 30 de Valence et 2 seulement de la station de la Coucourde sur le chemin de fer de Marseille à Lyon. Condillac possède 2 sources (Anastasie et Lise) découvertes en 1845 ; ces eaux sont froides, 13° c. ; elles se boivent peu sur place ; il n'y a pas d'établissement thermal ; elles s'exportent dans la France, l'Algérie, l'Italie, l'Angleterre. — Médecin : M. Pize.
CALCIQUES. 37
Analyse par M. O. Henry, 1852. (Socquet, Mémoire sur les eaux de Condillac, 1856.)
Source Anastasie. Source Lise.
lit. lit.
Acide carbonique libre 0 548 0 530
Oxygène indéterm. Hydrogène sulfuré libre, sensible à la source
gr. gr.
Bicarbonate de chaux 1 359
— soude anhydre.... 0 166
— magnésie 0 035
Silicate de chaux et d'alumine . . 0 245
0 954
0 155
peu
0 715
Chlorure de calcium et de sodium. 0 150 0 170
Sulfate anhydre de soude 0 175 0 090
— de chaux 0 055 »
Iodure, azotate, sel de potasse . . sensibles sensibles
Oxyde de fer crénaté et carbonate. 0 010 0 051
Matière organique indéterm indéterminé
Manganèse, arsenic (dans le dépôt ocracé) traces
2 193 2 115
1° " L'eau de la source Anastasie, dit M. O. Henry, est agréable à boire.... et elle peut remplacer l'eau de Seltz naturelle. » « Il se dégage, ajoute-t-il, beaucoup de gaz acide carbonique aux sources de Condillac : aussi est-il probable que l'eau prise au bouillon est sensiblement plus gazeuse ( que ne l'indique l'analyse ), ce qui a presque toujours lieu en pareil cas. » Cette eau a une saveur acidule, piquante et agréable : M. Dupasquier l'a surnommée la reine des eaux de table. Elle excite l'appétit et facilite la digestion; c'est à la fois une eau médicinale et une eau de table hygiénique. Rognetta la recommande comme une boisson extrêmement salutaire dans les gastralgies, les flatuosités, l'embarras gastrique ; et il ajoute qu'elle lui a paru d'une grande efficacité dans les irritations du col de la vessie, les maladies chroniques du foie, les pâles couleurs. M. Sauvet signale ses bons effets dans la convalescence des maladies aiguës et des fièvres typhoïdes. M. Duval l'a proclamée la tisane des malades et convalescents. M. Bouchardat la recommande dans la gravelle et les dyspepsies.
2° Source Lise. C'est une eau médicinale. C'est à l'heureuse combinaison d'iode, de soufre, de fer, de manganèse et même d'arsenic qu'elle contient avec ses sels alcalins, qu'elle doit l'action curative que lui attribuent M. Tampier dans les scrofules, M. V. Duval dans la chlorose, l'aménorrhée et certaines formes de phthisie, M. Blanc dans la stérilité. M. Sauvet dans le catarrhe chronique de la vessie et dans les convales-
38 EAUX ALCALINES
cences laborieuses, M. Socquet dans les bronchites chroniques et les affections de la peau.
CHATELDON (PUY-DE-DOME).
CHATELDON se trouve dans une vallée d'un climat doux et tempéré, arrosée par un ruisseau torrentueux, à 18 kilomètres de Vichy, 56 de Clermont, 150 de Lyon et 370 de Paris. On y trouve trois sources, nommées sources des Vignes, qui alimentent l'établissement garni de quelques baignoires et d'une buvette ; la première, qui est la plus ancienne (PuitsCarré) , découverte en 1778 par le docteur Desbrets, a un débit d'environ 4,000 litres par 24 heures ; la deuxième ( Petit-Puits-Rond), un de 5,000; et la troisième ( Nouvelle Source ou source Sainte-Eugénie ), découverte en 1853 par le docteur Desbrets, inspecteur actuel, en donne 6,000.
L'eau de Chateldon est froide (13° c), gazeuse, d'une saveur piquante et agréable, et faiblement ferrugineuse. Depuis 1778 elle a conquis une réputation qui n'a fait que s'accroître : s'il est vrai, comme l'affirme M. C. James, qu'il ne s'en consomme pas à Paris, on peut dire qu'il s'en fait un assez grand usage dans le centre et le sud-est de la France.
Analyse du Puits-Carré par M. Bouquet. (Annuaire des Eaux de France, 1854.)
gr.
Acide carbonique libre . 2 429
Bicarbonate de chaux. . 0 912
— magnésie . . 0 247
— soude ... 0 237
— potasse... 0 048
Acide silicique 0 062
Carbonate de fer ... . 0 026
1 506
gr. Sulfate de soude 0 055
Phosphate de soude 0 281
Arséniate de soude traces
Chlorure de sodium 0 008
Strontiane, manganèse, borax . indices
Matière organique indéterm.
1 856
L'eau de Chateldon active la digestion et l'hématose ; on la conseille dans l'atonie du tube digestif, l'embarras gastrique, les dyspepsies avec éréthisme, les flueurs blanches, la chlorose, les phlegmasies chroniques des voies urinaires, la gravelle, et la stérilité liée à une leucorrhée, à un engorgement utérin ou à un état chlorotique. On la prescrit en bains , injections et boisson. M. Desbrets. administre avec succès les bains dans la couperose et certaines dartres. — Médecin ; M. Desbrets.
CALCIQUES. 39
FONCAUDE (HÉRAULT). La source de FONCAUDE est à 3 kilomètres de Montpellier, près de Caunelles, dans un vallon que traverse la Mosson. L'eau en est onctueuse au toucher, tiède (25° c. ). L'établissement thermal est pourvu de 40 baignoires, de douches. — Médecin: M. Bertin.
Analyse par M. Bérard. (Bertin, Mémoires de l'Acad. de Montpellier, 1852.)
gr. Carbonate de chaux 0 880
— magnésie 0 165
Chlorure de magnésium .... 0 589
— sodium 0 162
gr. Alumine et carbonate de fer . . 0 067 Sulfate de chaux . . .. . . . peu
Mat. organ. analogue à la barégine indéterm.
1 861
Ces eaux s'emploient en boisson, bains et douches. Les médecins de Montpellier les recommandent dans les maladies de la peau, les douleurs rhumatismales, la sciatique. " Elles ne renferment pas de bicarbonate de soude, remarque M. Durand-Fardel ; elles sont donc, sauf un peu de fer et de chlorure de sodium, exclusivement calcaires et magnésiques.... Ces eaux sont en général remarquablement douces et calmantes, et ainsi se prescrivent avec avantage dans les maladies de matrice. »
ST-MORITZ (SUISSE).
Le village de ST-MORITZ, situé dans un vallon de la haute Engadine, est le seul de toute l'Europe qui offre encore des lieux habités à une hauteur de 1,856 mètres au-dessus du niveau de la mer. A 2 kilomètres du village, on trouve deux sources minérales, au pied du mont Rosatsch, dans la chaîne des Alpes : 1° la Grande-Source donne une eau très froide (4°5 R.), gazeuse, acidule et agréable quoique d'une saveur astringente. Cette source, connue depuis longtemps, a été préconisée par Paracelse, Conrad Gesner, etc. ; 2° la Source-Nouvelle n'est exploitée que depuis 1853 ; elle est également acidule et gazeuse, plus froide encore (3°5 R.) et plus ferrugineuse. Elle sert à la boisson et l'autre aux bains.
Analyse par A. de Planta et Kekulé, 1855.
Grande Source. Acide carbonique libre .... 2 548
gr. Bicarbonate de chaux 1 046
— magnésie 0 191
— soude 0 269
Acide silicique. . 0 038
Carbonate de fer . . 0 052
— manganèse. .... 0 005
Grande Source.
gr. Chlorure de sodium 0 058
Sulfate de soude 0 272
— potasse...... 0 016
Acide phosphorique, fluor, alumine, brome, iode ....
traces
1 911
40 EAUX ALCALINES
Dieu-le-Fit ou Pont-de-Barret (DROME).
Analyse par O. Henry, 1851. (Annuaire des Eaux.) — Médecin: M. Crozat.
lit.
Acide carbonique libre 0 354
gr.
Bicarbonate de chaux 1 494
— magnésie 0 147
— soude 0 045
Sel de potasse 0 020
Acide silicique, alumine. . . . 0 040
gr. Oxyde de fer, carbonate et crénaté? 0 009
Sulfate de chaux et de soude. . . 0 060
Chlorure de sodium et magnésium. 0 090
Matière organique azotée. .... inappr.
1 905
Cette source acidulé est froide ; nous manquons de renseignements médicaux à son égard, ainsi que pour Celles (1) et pour Renaison.
CELLES (ARDÈCHE).
Le village de CELLES, près de La Voulte, possède cinq sources qui sourdent, dans une vallée étroite, près du ruisseau de Chapet : 1° le PuitsArtésien, source intermittente, température 25° c. ; débit par 24 heures, 100 mètres cubes d'eau et 40 mètres cubes d'acide carbonique ; 2° la Bonne-Fontaine, froide; débit, 10 à 12 litres par minute ; 3° la fontaine Ventadour qui est abondante; 4° la fontaine des Yeux; 5° la fontaine Lévy. — Médecin: M. Frachon.
Analyse du Puits-Artésien par M. Balard. (Annuaire des Eaux.)
lit. Acide carbonique 1 208
gr. Bicarbonate de chaux 0 905
— soude 0 531
— potasse 0 106
— magnésie ..... 0 061 Acide silicique 0 055
gr. Strontiane, fluorure de calcium. traces
Oxyde de fer 0 004
Sulfate de soude 0 057
Chlorure de sodium 0 208
Phosphate de chaux et d'alumine traces
1 887
RENAISON (LOIRE). Le bourg de RENAISON, situé dans le bassin houiller de la Loire, à 10
(1) Le dr Barrier a publié deux volumes sur les eaux de Celles, dont il était inspecteur; on y cherche en vain des indications sur leurs propriétés thérapeutiques ; il traite de tout autre chose, et s'occupe surtout du traitement des maladies scrofuleuses et cancéreuses par des méthodes iatraleptiques, ce qui fait le sujet et le titre d'un troisième volume qu'il a édité en 1856. L'un de nous, qui a visité ces sources en 1849, n'a pas obtenu plus de lumière sur la question pratique qui les concerne.
CALCIQUES. 41
ou 12 kilomètres de St-Alban et de St-Galmier, possède une source acidule, gazeuse, froide, agréable à boire.
Analyse par M. O. Henry, 1851. (Annuaire des Eaux de France.)
lit. Acide carbonique libre 0 560
gr. Bicarbonate de chaux 0 665
— magnésie 0 155
— soude 0 240
— potasse 0 171
Silicate alcalin et alumineux. . 0 200
gr. Sulfate de soude et de chaux. . 0 020
Chlorure de sodium et de potass. 0 105
Fer, manganèse, matière organ. 0 009
Azotate traces
1 541
USSAT (ARIÉGE).
Les sources d'USSAT sont situées sur les bords de l'Ariége, à une demi-lieue de Tarascon, à 3 d'Ax, et non loin de Foix. Autrefois ( 1822, voy. Alibert, Eaux minérales) l'établissement n'offrait que 26 baignoires ou cuves enfoncées dans le sol ; aujourd'hui il existe un vaste établissement qui renferme 40 baignoires en marbre, 2 piscines et des douches variées. Les sources sont réunies dans un conduit qui permet, à la fois, d'établir un courant continu dans les bains et d'en varier la température de 32° à 40° c.
Analyse par M. Filhol, 1856. (Durand-Fardel, Traité des Eaux minérales.)
lit. Acide carbonique 0 554
gr. Carbonate de chaux. ..... 0 699
— soude 0 058
— magnésie traces
— fer traces
Chlorure de magnésium .... 0 042
gr.
Sulfate de chaux 0 192
— magnésie 0 179
— soude 0 058
— potasse. . 0 020
Matière organique et perle. . . 0 047
1 276
Ces eaux sont sans odeur ni saveur, onctueuses au toucher, faiblement gazeuses ; on les prend peu en boisson, mais beaucoup en bains et piscines. Elles ont une action adoucissante et sédative, fort salutaire dans les maladies nommées autrefois vapeurs, aujourd'hui névroses. Elles réussissent dans les spasmes nerveux, l'hystérie, la chorée, le rhumatisme nerveux, les affections utérines avec sensibilité morbide, la menstruation douloureuse, la surexcitation nerveuse qui succède aux excès ou aux travaux de cabinet exagérés. — Médecins: MM. Vergé et BonnausMartial.
42 EAUX ALCALINES
RIEU-MAJOU (HÉRAULT).
La source de RIEU-MAJOU, petit bourg de l'arrondissement de St-Pons, à 2 kilomètres de La Salvétat et 8 myriamètres de Montpellier, fournit une eau froide ( 16° c. ), gazeuse, d'une saveur agréable.
Analyse par MM. Mialhe et Figuier. (Journ. de Pharmacie, t. xx, 1847.)
lit. Acide carbonique libre 0 739
gr.
Carbonate de chaux. ..... 0 770
— soude 0 214
— magnésie 0 060
Acide silicique 0 071
gr. Sulfate de soude ....... 0 029
Chlorure de sodium 0 007
Oxyde de fer 0 031
Alumine traces
Matière organique et perte ... 0 048
1 230
On attribue à cette eau des propriétés antigraveleuses ; on la conseille dans les obstructions viscérales, le catarrhe vésical, les fièvres intermittentes rebelles, les pâles couleurs.
AIX (BOUCHES-DU-RHONE).
AIX est à 20 kilomètres de Marseille, 60 d'Avignon et 700 de Paris. Il y existe deux sources minérales. L'établissement, fondé en 1705, est alimenté par la source de Sextius, température 34° à 36° c. ; — la source de Barret, à 1 kilomètre de la ville, est froide, 20° c. — L'eau minérale est sans odeur, onctueuse au toucher ; on l'emploie en boisson, bains, douches, lotions, etc.— Médecins: MM. Goyrand et d'Astros.
Analyse par M. Robiquet, 1857. (Annuaire des Eaux.)
Source de Barret. Source de Sextius.
Acide carbonique. indéterm. indéterm.
gr. gr.
Carbonate de chaux 0 241 0 107
— magnésie 0 108 0 041
Acide silicique, matière organique . ... 0 021 0 017
Chlorure de sodium 0 007 0 007
— magnésium 0 028 0 012
Sulfate de soude 0 088 0 032
— magnésie 0 025 0 008
Fer traces traces
0 517 0 225
Quoique faiblement minéralisée, on a reconnu cette eau utile dans les
CALCIQUES. 43
dartres, la couperose, les engorgements abdominaux, les flueurs blanches, les désordres de la menstruation, la gravelle, les rétractions musculaires, les paralysies récentes, etc. Toutefois ces eaux ont beaucoup perdu de la vogue dont elles jouissaient sous les Romains et même au commencement du XVIIIe siècle.
FONCIRGUE (ARIÉGE).
FONCIRGUE, situé dans le canton de Mirepoix; près de Pamiers, est à 304 mètres au-dessus du niveau de la mer ; le climat en est tempéré. L'établissement, fondé en 1824, est alimenté par une source abondante (température 20° c. ), qu'on emploie en boisson et en bains.
Analyse par M. Fau. (Annuaire des Eaux.)
lit. Acide carbonique 0 027
gr. Carbonate de chaux 0 189
— magnésie 0 011
Acide silicique 0 002
Sulfate de chaux 0 055
— magnésie 6 012
— soude 0 001
gr.
Chlorure de calcium 0 005
— magnésium 0 001
Magnésie combinée à la mat. organ. 0 007
Matière organique et alumine. . . 0 032
Oxyde de fer et phosphate de chaux 0 007
Perte 0 007
0 513
On recommande cette eau minérale dans les maladies nerveuses, les gastro-entéralgies, la jaunisse, les diarrhées opiniâtres, les hémorrhoïdes, le catarrhe de la vessie, les troubles des règles, certaines ophthalmies rebelles, etc.
MONTÉGUT-SEGLA (HAUTE-GARONNE).
A 25 kilomètres de Toulouse. — Eau alcaline; température, 12° c.
Analyse par M. Filhol, 1848. (Annuaire des Eaux.) — Médecin: M. Camparan.
gr.
Acide carbonique 0 071
Carbonate de chaux 0 274
— magnésie 0 002
Bicarbonate de soude 0 019
Bisilicate de soude 0 051
— potasse 0 006
gr. Sulfate de magnésie 0 015
Chlorure de magnésium .... 0 017
Alumine et oxyde de fer. ... 0 002
Matière organique 0 001
0 436
ROSHEIM (BAS-RHIN).
A 24 kilomètres de Strasbourg, et 28 de Schélestadt. — Eau froide ( 15° c. ), d'une saveur astringente.
44 EAUX ALCALINES
Analyse par MM. Coze, Persoz et Fargeaud. (Annuaire des Eaux.)
lit. Acide carbonique. ... 0 015
gr. Carbonate de chaux . . 0 1 59
— magnésie . . 0 075
— lithine. ... 0 011
— soude .... traces Acide silicique ..... 0 009
0 252
Sulfate de lithine 0 002
— magnésie 0 017
Azotate de magnésie: ..... 0 008
— potasse
Chlorure de sodium
0 008
Matière organique 0 001
0 291
Terminons par l'étude des deux sources les plus minéralisées de cet ordre ; on remarquera que ce ne sont plus des types purs.
ST-ALLYRE (PUY-DE-DOME).
M. Nivet, dans son excellent Dictionnaire des eaux minérales du Puy-de-Dôme, décrit 6 sources comme appartenant au système hydrologique de St-Allyre ; toutes sourdent dans un faubourg de Clermont. L'une d'elles (Grande-Source incrustante) sert à une industrie très productive pour le pays, celle des incrustations. « L'eau minérale de cette fontaine, dit M. Nivet, est tonique et stimulante ; un préjugé ridicule empêche les Clermontais de s'en servir comme remède : ils craignent qu'elle incruste leurs intestins. » Une seule des sources est utilisée en médecine, c'est la source des Bains, qui alimente l'établissement thermal, où elle arrive avec une température de 20° c. Cet établissement, créé en 1826, renferme 19 cabinets de bains dont 1 avec douche. On réchauffe l'eau pour les bains et surtout pour les douches : on prend les premiers à 36° ou 38° c. pour les rhumatismes, à 35° c. et au-dessous dans les scrofules, le rachitisme, les leucorrhées, les engorgements utérins, la chlorose, les gastro-entéralgies. Cette eau a une action stimulante ; M. Bertrand, du Pont-du-Château, en a retiré de bons effets dans les entorses négligées, les tumeurs blanches.
Analyse par M. Girardin, 1854. (Annuaire des Eaux.)
lit. Acide carbonique libre . 0 710
gr. Carbonate de chaux . . 1 654
— magnésie . . 0 385
— soude .... 0 488
Acide silicique 0 590
Chlorure de sodium. . . 1 251
2 897
gr. Sulfate de soude 0 289
Carbonate de fer 0 141
Crénate de ter
Phosphate de manganèse. . . . Carbonate de potasse
0 046
Matière organique azotée ... 0 013
4 640
CALCIQUES. 45
Les bains de St- Allyre, fréquentés surtout par les habitants du pays , sont en général visités par les touristes plus que par les malades.
RIPPOLDSAU (DUCHÉ DE BADE).
Les sources de RIPPOLDSAU, à 8 milles de Bade et 6 de Strasbourg, sont froides (9° 9 c. ) et fortement gazeuses.
Analyse par M. Will, de Giessen, 1847.
Acide carbonique.... indétem.
gr.
Carbonate de chaux. . . 1 118
— magnésie. . . 0 024
Silice. . . 0 051
Alumine 0 090
Carbonate de fer ... . 0 040
1 193
gr.
Sulfate sodique 0 247
— magnésique 0 238
— calcique 0 084
— potassique 0 051
Chlorure magnésique 0 079.
5 022
Ces eaux, par leur composition chimique, pourraient se classer parmi les salines presque aussi bien que parmi les alcalines, s'il n'était à remarquer que 1gr.118 de carbonate de chaux possède une action spéciale bien supérieure à celle des sulfates et des chlorhydrates de soude et de magnésie, qui, à faible dose, ne peuvent lui être ni préférés ni assimilés.
D'après M. Saverbeck, médecin de l'établissement, on conseille ces eaux avec avantage dans la gastralgie, la gastro-entéralgie, la constipation, etc.
TROISIÈME ORDRE. — EAUX ALCALINES CALCIQUES, MAGNÉSIENNES.
Il n'existe presque point d'eaux minérales alcalines naturelles que l'on puisse exclusivement appeler magnésiennes ; la magnésie, en effet, bien qu'elle soit très commune dans les sources minérales, n'y joue presque jamais le rôle de principal élément minéralisateur ; elle s'y trouve constamment unie à d'autres substances qui, par leurs proportions et leur propre influence, modifient ses effets thérapeutiques ; telle est la chaux carbonatée.
Les eaux alcalines calciques-magnésiennes sont froides, gazeuses, et, comme elles ne sont pas fortement minéralisées, elles sont en général bien supportées, privilége qu'elles partagent avec les eaux alcalines calciques. D'ordinaire elles contiennent moins de fer que ces dernières.
46 EAUX ALCALINES
Elles conviennent spécialement dans les affections du foie et dans les maladies des voies urinaires. D'après Brandes, la magnésie serait la médication héroïque de la gravelle. Le carbonate de chaux se retrouve aussi dans tous les remèdes les plus célèbres contre cette maladie : les coquilles d'escargot vantées par Pline, l'eau de chaux de Whytt, le fameux spécifique de mademoiselle Stevens n'agissaient guère que par leurs principes calcaires.
POUGUES (NIÈVRE).
POUGUES est dans une vallée à 10 kilomètres de Nevers et de La Charitésur-Loire, sur la grande route de Paris à Lyon par le Bourbonnais. On y trouve 2 sources : 1° la première, qui est la plus ancienne, dite de St-Lèger, sert à la buvette, et 2° la seconde, découverte en 1833, alimente l'établissement pour les bains et les douches. — L'eau de la source St-Léger est froide ( 12° c. ), gazeuse, aigrelette, limpide; à l'air elle laisse déposer quelques flocons ocracés. " Elle peut être considérée, dit M. Durand-Fardel, comme une eau notablement calcaire et magnésique.»
Analyse par MM. Boullay et O. Henry, 1857. (Annuaire des Eaux.)
lit. Acide carbonique libre . 0 55
gr.
Bicarbonate de chaux. . 1 526 — magnésie. ... 0 976
2 502
— soude, avec traces de potasse 0 656 Acide siliciq. et alumine. 0 055 Bicarbonate de fer ... 0 020
gr. Sulfate de soude ........ 0 270
— chaux 0 190
Chlorure de magnésium .... 0 350
Phosphate de chaux et d'alumine traces
Matière organique soluble ... 0 030
5 833
L'eau de Pougues a eu jadis beaucoup de vogue. Elle est utile dans les désordres de la digestion, les engorgements du foie et de la rate, et les coliques hépatiques causées par des calculs biliaires. Elle est particulièrement recommandée dans le catarrhe vésical, la gravelle, les coliques néphrétiques; on les conseille aussi dans les engorgements utérins et la stérilité qui en dépend, la leucorrhée, la chlorose, les fièvres intermittentes. (Decrozant, Des Eaux de Pougues, 1846.) On l'emploie à la dose de 2 à 4 verres dans les affections digestives, de 4 à 6 verres et plus dans celles des voies urinaires. A haute dose elle devient purgative.
Médecin: M. Decrozant.
CALCIQUES-MAGNESIENNES.
47
ST-GALMIER (LOIRE).
ST-GALMIER est à 12 kilomètres de Montbrison et de St-Étienne, près de la petite rivière de Coise, non loin de la Loire et du chemin de fer de Roanne. On y trouve trois sources : 1° la source ancienne, ou la Fonfort ; 2° la source André découverte en 1845 ; 3° la source Badoit découverte en 1846. Elles ont toutes les trois beaucoup d'analogie., et paraissent émaner de la même nappe souterraine. — Leur eau est froide, limpide, gazeuse, d'une saveur acidule, fraîche et agréable; l'absence presque complète, surtout dans les deux dernières sources, de matière organique, lui permet de se conserver longtemps.
Analyse de la Fonfort par M. O. Henry, 1839. (Annuaire des Eaux.)
lit. Acide carbonique libre 1 20
Bicarbonate de chaux gr.
1 057
— magnésie
— soude 0 258
— strontiane 0 007
Acide silicique et alumine ... 0 036
Carbonate de fer et manganèse. 0 009
gr.
Sulfate de soude 0 079
— chaux. 0 180
Azotate de magnésie 0 060
Chlorure de sodium 0 216
Phosphate soluble traces
Matière organique non azotée . 0 024
1 686
Les indications pour les eaux de St-Galmier sont à peu près les mêmes que pour les eaux de Pougues, à part toutefois les affections utérines. Médecin: M. Ladevèze.
CONTREXEVILLE (VOSGES).
( Itinéraire : chemin de fer de l'Est ; station de Commercy (à 19 lieues de Contrexeville); ou de Donjeux (à 17 lieues), ou de Nancy (à 18 lieues). — Ligne de Mulhouse : station de Chaumont, — ou par Bourbonne (à 20 lieues).
CONTREXEVILLE est dans une vallée de l'arrondissement de Mirecourt. Il existe trois sources aménagées dans l'établissement thermal, à savoir celles : 1° des Bains; 2° du Quai, pour l'usage externe, et 3° du Pavillon pour la buvette ; son débit est de 52,000 litres.
C'est une eau alcaline, froide (12° c), d'une saveur fraîche, acidule et légèrement ferrugineuse. A l'air, elle laisse former à sa surface une légère pellicule cristalline blanche.
48 BAUX ALCALINES
Analyse de l'eau du Pavillon, par O. Henry. (Annuaire des Eaux.)
lit. Acide carbonique libre . 0 019
gr.
Bicarbonate de chaux. . 0 675
— magnésie. . 0 220
— soude ... 0 197 Acide silicique, alumine. 0 120 Strontiane, sulfate depotasse, azotate ... indices
Bicarbonate de fer et de
manganèse 0 009
1 212
gr.
Chlorure de sodium et potassium 0 140
— magnésium 0 040
Sulfate de chaux 1 150
— magnésie 0 190
— soude 0 150
Iodure, bromure indices
Phosphate de chaux ou d'alumine Principe arsénical (uni au fer? ) Matière organiq. azotée perte.
0 070 2 911
Contrexeville est une nouvelle preuve des difficultés que présente la classification de quelques sources : certainement, dans une minéralisation aussi modérée ( 2gr. 94 ), la proportion de 1,21 d'alcalins est un chiffre important, mais elle ne devient décisive qu'autant que d'ailleurs elle se classe déjà, par ses propriétés thérapeutiques, comme ici Contrexeville relativement aux sources calciques-magnésiennes.
Cette eau est amie de l'estomac et se supporte bien ; elle est modérément laxative et éminemment diurétique. M. Baude la recommande dans la goutte, comme dans la gravelle, en faisant observer que sur 50 goutteux traités en 1852, tous, sauf deux ou trois, ont obtenu une grande amélioration. Elle jouit surtout d'une spécialité d'action dans les affections lithiques et catarrhales des voies urinaires. Ces eaux, dit M. C James, doivent peut-être à l'heureuse association de la magnésie et de la chaux une partie de leurs bons effets: elles paraissent agir sur la matière lithique elle-même, et exercer une action désagrégeante sur le mucus des concrétions urinaires qu'elles attaquent plutôt qu'elles ne dissolvent les calculs eux-mêmes. Elles différent de Vichy en ce que, de la sorte, elles peuvent convenir à toutes les espèces de gravelle. — On les conseille surtout dans le catarrhe vésical, la néphrite, l'hématurie passive, les engorgements de la prostate, ceux du foie, les calculs biliaires, ainsi que dans la métrite chronique et la dysménorrhée. La dose est de 2 à 4 ou 6 verres, et jusqu'à 8 ou 10, et même plus.
Médecins : MM. Baude, Mamelet, Le Grand du Saule.
GRANDRIF.
Le village de GRANDRIF, situé à 2 lieues d'Ambert, sur la route de Montbrison à Ambert, possède une source, récemment mise en relief,
CALCIQUES-MAGNÊSIENNES. 49
qui sourd d'une roche de gneiss. C'est une eau froide ( 10° c. ), gazeuse, d'une saveur agréable, - Médecin : M. Maisonneuve.
Analyse par M. Baudin. (Lecoq, Recherc. sur l'eau de Grandrif, 1854.)
Acide carbonique ... 1 vol. gr.
Bicarbonate de chaux . 0 2508 — magnésie. . 0 1005
0 55
— soude ... 0 0995 Silice. 0 0455
gr. Sulfate de soude 0 0051
Chlorure de sodium 0 0058
Oxyde de fer 0 0050
Manganèse
Iodure, mat. organiq.
0. Henry traces
0 4900
ST-SIMON PRÈS D'AIX (SAVOIE).
L'eau de ST-SIMON, source Raphy, à 1 kilomètre d'Aix (Savoie), est froide ( 19° à 20° c. ), faiblement gazeuse ; c'est un type assez pur d'eau calcique-magnésienne ; il n'y a pas de carbonate de soude, et sur 0,323 de principes fixes, il y a 0,266 de sels de chaux et de magnésie.
Analyse par M. de Kramer, de Milan, 1853. ( Notice sur l'eau de St-Simon.)
Acide carbonique. . . indéterm.
Carbonate calcique. . 0 255217
— magnésique 0 016162
Oxyde magnésique. . 0 014797
0 266
Acide silicique.... 0 008256 Chlorure magnésique. 0 000298
gr.
Sulfate magnésique .... 0 011241
— potassique 0 005914
— sodique ....... 0 008899
Alumine, fer ....... 0 001722
Matière organique 0 020626
Perte 0 002626
0 325750
Cette eau minérale est légère et se supporte facilement : elle conviendra chez les personnes délicates, dans les affections gastralgiques, les catarrhes vésicaux, les complications graveleuses et goutteuses.
C'est en effet dans ces cas que MM. Despine, Guilland et Vidal, médecins à Aix, les ont reconnues salutaires. — L'un de nous (M. Pétrequin) y a constaté des traces d'iode.
BULGNEVILLE (VOSGES).
Village à 4 kilomètres de Contrexeville. L'eau minérale est fournie par un puits artésien foré à 34 mètres.
50
EAUX ALCALINES
Analyse par M. Braconnot. ( Annuaire des Eaux.)
lit. Acide carbonique. ... 0 480
gr.
Carbonate de chaux . . O 1510 — masrnésie. . . 0 1560
0 29
— strontiane . . 0 0075
Acide silicique 0 0150
Alumine 0 0117
gr. Sulfate de chaux 0 0127
— magnésie 0 0112
— soude ........ O 0757
— potasse ....... traces
Chlorure de sodium 0 0065
0 4265
QUATRIÈME ORDRE. — EAUX ALCALINES MIXTES.
Nous avons réservé pour ce dernier ordre les sources de la classe qui nous occupe, dans lesquelles plusieurs des sels alcalins se trouvent associés en proportion à peu près égale et de façon, à la fois, que leur somme totale prédomine sur les autres éléments minéralisateurs,et qu'elle vienne imprimer à l'eau des propriétés médicales surtout alcalines: de là l'importance toute particulière de ces sources en thérapeutique. Nous trouverons dans un petit nombre d'entre elles un nouvel alcali, l'ammoniaque. Quelques-unes tiennent en dissolution une assez notable proportion de fer pour emprunter à cet agent une partie de leur action thérapeutique; en sorte qu'elles pourraient jusqu'à un certain point se placer dans la classe des eaux ferrugineuses ; mais nous avons dû les conserver parmi les alcalines,parce que c'est aux carbonates et aux silicates alcalins réunis qu'elles doivent spécialement les propriétés curatives qui leur sont propres. — A part quelques rares exemples (Royat, Médague, Courpière), elles ont généralement une minéralisation faible, et ce sont les meilleurs types (Néris, Evian, La Malou, Avène, Schlangenbad, etc.); on en rencontre presque autant de froides que de thermales. — Nous trouverons deux sources qui forment chacune un type à part, le Mont-Dore et Neyrac.
NÉRIS (ALLIER).
NÉRIS est un bourg de 1,700 âmes, sur la route de Bourges à Clermont, à 8 kilomètres de Montluçon et 322 de Paris. Son élévation au-dessus du niveau de la mer est de 260 mètres. On y trouve six sources qui
MIXTES.
51
sourdent d'un sol granitique et dont le débit total est d'environ 900 mètres cubes par 24 heures; la principale, nommée Grand-Puits ou puits de César, a une température de 52° c. ; le puits de la Croix marque 51° c, et sert à la buvette; les quatre autres sont sous la dépendance du puits de César et ont à peu près la même composition.
Il y a deux établissements thermaux : 1° le petit, alimenté par un cinquième de l'eau minérale, contient 5 cabinets de douches, et 4 piscines dont deux à 43° c. et deux à 34° ou 35° c. — 2° le grand établissement, livré au public en 1838, renferme une buvette, 56 baignoires, 2 piscines tempérées, 2 piscines chaudes à 38° et à 44° c, des étuves, etc. — L'eau de Néris est limpide, sans odeur, d'une saveur presque nulle, douce au toucher plutôt qu'onctueuse.
Analyse du puits de César par Lefort, 1858. (Annal. de la Soc. d'hydrologie, t. IV.)
cc Azote 13
Acide carbonique libre . 0 049 gr.
Bicarbonate de soude . 0 4169
— chaux. . ; 0 1455
— potasse . . 0 0129
— magnésie . 0 0057 Silice 0 1121
0 6951
lit. Bicarbonate de fer 0 0042
— manganèse.... traces
Sulfate de soude . ...... 0 3896
Chlorure de sodium 0 1788
Iodure de sodium ...... traces
Matière organique azotée. . . traces
1 2657
Quelques auteurs paraissent douter (C. James) de la réalité des vertus de ces eaux ; nous ne sommes pas de cet avis : faiblement minéralisées, elles s'adressent aux personnes délicates et impressionnables. Quand on veut les administrer comme eaux calmantes, il faut les employer à 35° et au-dessous ; autrement elles deviendraient stimulantes. Prises en boisson, elles sont d'une digestion facile : dans les cas d'indigestion ou de coliques nerveuses, les habitants du pays en usent en guise de thé (Pâtissier, 1837). Elles poussent aux urines; Richond-Desbrus avait prétendu que, continuées plusieurs jours à la dose de 4 verres, elles rendaient les urines alcalines (Notice, 1855, p. 60): le fait a été contesté par MM. de Laurès et Becquerel. — C'est à leur mode de minéralisation et au limon qu'elles contiennent, qu'elles doivent la vertu de calmer les douleurs dans les maladies qu'elles ne guérissent point, et d'être efficaces dans les affections nerveuses (névralgie, sciatique, gastralgie), les désordres de la menstruation, la leucorrhée, les maladies avec éréthisme (Pâtissier), dans les dermatoses caractérisées plutôt par le prurit que par de véritables éruptions (C James), dans le prurigo (E. Lee, 1854). Elles conviennent dans l'hys-
52 EAUX ALCALINES
térie, certaines chorées, les engorgements utérins, dans le rhumatisme et la goutte avec surexcitabilité nerveuse.
Elles paraissent contre-indiquées dans les maladies de poitrine, les engorgements abdominaux. — Médecins: MM. de Laurès, Faure, Maurin.
LA MALOU (HÉRAULT).
LA MALOU se trouve dans l'arrondissement de Béziers. Ony trouve deux sources : 1° la grande source, température 35°, très-gazeuse, alimente l'établissement ; 2° la petite source, température 32°, sert à la buvette. L'établissement renferme 2 piscines, 2 chauffoirs, 6 baignoires et 2 cabinets de douches. — L'eau est claire, d'une odeur presque nulle, d'une saveur acidule, et donne lieu à un dépôt ocracé. — Médecin : M. Privat.
A 300 mètres, on trouve l'établissement de Villecelle, dit de Capus, garni de deux piscines.
A 1 kilomètre, on rencontre l'établissement de La Malou-le-Haut, pourvu de deux piscines et alimenté par une source à 30°.
Médecin: M. Bourdel.
Grande Source La Malou-le-Haut. Source de Capus.
de la Malou. (AUDOUARD,
(BÊRARD.) BERNARD, MARTIN.) (O. HENRY.)
Acide carbonique abondant abondant 1/2 volume
Carbonate d'ammoniaque » 0 0044 »
gr. gr.
Bicarbonate de soude. 0 7711 0 5653 0 420
— potasse 0 1242 »
— chaux 0 4528 0 4000 0 67
— magnésie 0 1863 0 0667
Acide silicique 0 0658 0 0180
Alumine. 0 0502 0 0050 0 025
Phosphate d'alumine » 0 0027
Carbonate de fer 0 0251 crénaté 0 0221 0 051
— manganèse » 0 0060 sensible
Sulfate de soude traces . 0 0458
0 065
— chaux " 0 0270
Chlorure de sodium 0 0187 0 0085 0 010
Principe arsénical . " " sensible
Matière organique indéterm. 0 0599 indéterm.
1 6.722 1 0270 1 229
La clinique de ces eaux n'est pas faite. On conseille celles de La Malou dans le rhumatisme, les engorgements articulaires, certaines paralysies, les névropathies, etc. (Privat, Notice, 1858.)
MIXTES. 53
GEILNAU (SEIGNEURIE DE SCHAUMBOURG).
L'eau est froide (9° 6) ; sur une livre de Prusse (7,680 grains) on trouve en grains :
Analyse par Liebig. (Journ. de Pharmacie, 1842, p. 137.)
Acide carbonique 24 700
Carbonate de soude 6 671
- chaux. 2 757
— magnésie 1 991
Silice 0 179
Carbonate de fer 0 545
Chlorure de sodium 0 516
Sulfate de potasse 0 013
grains 12 472
Ces eaux conviennent dans les cas où les sources faibles de cet ordre sont indiquées.
AVÈNE (HÉRAULT).
Village à 16 k. de Lodève et de Bédarieux. La source, température 28°7, donne une eau limpide, incolore, d'un goût fade, un peu onctueuse au toucher. Elle alimente 2 piscines et 2 petits bassins.
Analyse par M. Bérard, de Montpellier. (Annuaire des Eaux.)
gr.
Carbonate de soude 0 1028
— chaux 0 0995
Acide silicique . 0 0045
Alumine 0 0062
gr. Sulfate de magnésie 0 0687
Chlorure de sodium 0 0462
Oxyde de fer . . traces
0 5279
L'eau d'Avène se prend surtout en bains et douches ; des bulles de gaz éclatent à sa surface, et un sédiment terreux garnit le fond des bassins ; elle est sédative et employée surtout dans les maladies cutanées avec irritabilité des téguments. —Médecin : M. Lapeyre.
SCHLANGENBAD (DUCHÉ DE NASSAU).
( Itinéraire de Paris : chemin de fer de Forbach et Mayence jusqu'à Biebrich ; de là , omnibus.)
SCHLANGENBAD est situé dans une vallée entourée de forêts, à une lieue de Swalbach. On y trouve 8 sources minérales, dont la température varie de 27° à 32° c. ; elles alimentent deux établissements thermaux, le supérieur et l'inférieur; l'eau en est limpide, sans odeur ni saveur prononcée, onctueuse au toucher et ne déposant pas de glairine.
54 EAUX ALCALINES
Analyse par Fresenius. (Herpin, Etudes sur les eaux minérales.)
lit. Acide carbonique 0 056
gr. Carbonate de chaux 0 032
— soude 0 010
— magnésie 0 006
Silice, silicate 0 052
gr. Chlorure de sodium 0 237
— potassium 0 005
Phosphate de soude traces
0 322
On vante les sources de Schlangenbad comme un type d'eau sédative : elles tempèrent la suractivité du système nerveux et de l'appareil circulatoire ; on les recommande dans les névroses, l'hystérie, les douleurs qui compliquent la menstruation, certaines migraines, les dermatoses avec irritabilité des téguments, comme le psoriasis, l'acné. Hufeland les préconisait pour rétablir l'équilibre des fonctions et retarder les progrès de la vieillesse.
ÉVIAN (SAVOIE). Altitude: 1,150 pieds.
EVIAN est situé sur les bords du lac Léman, à 8 lieues de Genève, sur la route du Simplon. L'eau minérale est froide (12° c), limpide, légèrement onctueuse, d'une saveur fraîche.
Analyse par Barruel, 1844.
mm. Acide carbonique 24
Bicarbonate de soude ..... 0 157
— chaux 0 101
— magnésie 0 017
Chlorure de sodium ...... traces
Glairine indéterm.
Phosphate de soude 0 001
Fer (traces dans le dépôt) ... ?
0 259
Cette eau (dont l'analyse a été répétée à l'École des Mines en 1851, avec les mêmes résultats) est faiblement minéralisée ; elle est douce, sédative et généralement bien supportée. On l'emploie en boisson et en bains ; elle convient, selon MM. Andrier(1845)et Dupraz (1854), dans les affections chroniques des voies urinaires et du tube digestif, notamment quand il existe une hypersensibilité.
Les sources de La Veyrasse, du Chambon, de Tessière et de Pont-Gibaud ont plus d'une analogie avec celles de Néris ; une différence principale vient de ce qu'elles sont froides. Nous appelons l'attention sur leur étude clinique, qui est à faire.
MIXTES. 55
LA VEYRASSE (HÉRAULT). Analyse par M. O. Henry. (Annuaire des Eaux.) — Médecin : M. Privat.
Acide carbonique libre. . . 1/5 du volume. Bicarbonate de soude ... 0 562
— chaux 0 523
— potasse. .... 0 186
— magnésie. ... 0 174
Acide silicique, alumine . .
Matière organ., arsenic dans
le dépôt ocracé
0 090
Strontiane indices
Bicarbonate de fer 0 008
Sulfate alcalin et terreux . . Chlorure alcalin et terreux . .
0 104
Iodure et bromure traces
1 647
LE CHAMBON (PUY-DE-DOME).
Commune de l'arrondissement d'Issoire; cinq sources acidules. La plus connue est celle de la Pique, près de Vouassière, qui fournit une eau limpide, froide (12°, selon Lecoq), aigrelette et gazeuse.
Analyse par M. Nivet.
Acide carbonique indéterm.
gr. Bicarbonate de soude 0 571
— chaux 0 589
— magnésie 0 182
Acide silicique . 0 060
Bicarbonate de fer tracés
Chlorure de sodium. ...... 0 050
Sulfate de soude traces
Perte 0 066
1 518
Tessière-les-Bouliès (CANTAL).
A TESSIÈRE-LES-BOULIÈS, arrondissement d'Aurillac, on a récemment découvert une source minérale acidule, froide, très-gazeuse, d'une saveur aigrelette et agréable.
Analyse par M. O. Henry. (Annuaire des Eaux.)
lit. Acide carbonique libre 1 50
Bicarbonate de soude 0 471
— chaux
— magnésie
0 402
Acide silicique, alumine . . . . Phosphate . .
0 040
gr. Bicarbonate de fer 0 001
Sulfate de magnésie
— soude
0 185
Chlorure de magnésium .... 0 055 Mat. organ. non azotée (géine ?) 0 060
1 214
56 EAUX ALCALINES
PONT-GIBAUD (PUY-DE-DOME).
PONT-GIBAUD, petite ville, à 12 kilomètres de Riom et 16 de Clermont, possède 2 sources ( la Javelle et Châteaufort) froides, gazeuses, limpides, d'une saveur aigrelette et agréable.
Source de Javelle. — Analyse par MM. O. Henry et Blondeau.
lit. Acide carbonique libre . 0 128
gr.
Bicarbonate de soude. . 0 879
— chaux ... 0 449
— magnésie . . 0 169 Acide silicique 0 085
1 582
gr. Sulfate de soude ....... 0 132
Chlorure de sodium et potassium. 0 120
Oxyde de fer traces
Matière organique azotée ... 0 105
1 959
L'eau de Javelle s'emploie dans la gastralgie, la céphalée, l'aménorrhée, la chlorose, la leucorrhée, etc. Mais on lui préfère l'eau de Châteaufort. ( Nivet, Dict. des eaux minérales du Puy-de-Dôme. )
Pont-Gibaud forme une transition aux sources de Sail, du Monestier, de Rouzat, de Courpière et de Royat, qui sont plus fortes.
Sail-sous-Couzan (LOIRE).
Village de l'arrondissement de Montbrison. L'eau minérale est froide, limpide, inodore, d'une saveur piquante avec un arrière-goût ferrugineux, et dépose un sédiment jaunâtre. — Médecin : M. Lenfant.
Analyse par M. O. Henry, 1842. (Annuaire des Eaux.)
Acide carbonique 1/4 du volume
gr.
Bicarbonate de soude 0 557
— potasse 0 237
— chaux 0 589
— magnésie 0 311
— strontiane, lithine . traces Silicate de soude, dechaux, d'alumine 0 185
gr.
Carbonate de fer avec manganèse 0 008
Sulfate de soude 0 140
— chaux 0 012
Chlorure de sodium et potassium O 120
— magnésium 0 030
2 159
Le Monestier-de-Clermont (ISÈRE).
LE MONESTIER-DE-CLERMONT, à 24 kilomètres de Grenoble, possède une source froide ( 12° c. ), limpide, piquante et agréable au goût ; elle n'est pas exploitée.
MIXTES. 57
Analyse par M. Leroy, de Grenoble. (Annuaire des Eaux.)
lit. Acide carbonique, libre 0, 492
gr. Bicarbonate de chaux 0 886
- soude 0 794
magnésie ..... 0 547
Silicate d'alumine 0 033
de chaux et de soude. . traces
Bicarbonate de fer traces
Chlorure de sodium 0 050
Sulfate de soude ....... 0 353
— chaux 0 015
— magnésie 0 010
2 674
Rouzat ou Beauregard-Vandon (PUY-DE-DOME).
Il existe sur le territoire de BEAUREGARD-VANDON, arrondissement de Riom, deux sources acidules, dont l'une, moins abondante, est froide ; l'autre, très abondante, chaude (31° c..), gazeuse, fournit une eau louche quand on la voit en masse, et alimente un établissement garni de 8 cabinets de bains, avec douches. — Médecin: M. Mosnier.
Analyse par M. O. Henry, 1845. (Annuaire des Eaux.)
Acide carbonique. . . . indéterm. gr.
Bicarbonate de soude. . 0 939
— chaux et magnésie 0 610
— potasse 0 012
Silicate de soude . ... 0 213
1 774
gr. Sulfate de chaux 0 225
— soude 0 700
Chlorure de sodium 0 350
Iodure, lithine indices
Fer et matière organique. ... 0 057
3 066
COURPIÈRE (PUY-DE-DOME).
Près de COURPIÈRE, sur la rive gauche du Couzon, on trouve plusieurs sources froides, limpides, aigrelettes; la principale et la plus froide (13°) est la fontaine du Salé.
Analyse par M. Nivet. (Dictionn. des Eaux minérales du Puy-de-Dôme.)
Acide carbonique indéterm.
gr. Bicarbonate de soude 2 615
— chaux et magnésie . 1 417
Acide silicique 0 075
Bicarbonate de fer 0 042
gr. Sulfate de soude . 0 059
Chlorure de sodium 0 057
Matière organique traces
Perte 0 177
4 442
ROYAT (PUY-DE-DOME).
ROYAT est à 3 kilomètres de Clermont, dans la belle vallée de Tiretaine, largement ouverte du côté de l'orient et protégée contre les vents d'ouest
58 EAUX ALCALINES
et de nord-ouest par les montagnes de Chateix et de Gravenoire. On y trouve plusieurs sources minérales que M. Nivet suppose, d'après les découvertes faites dans les fouilles de 1843, avoir été en vogue à l'époque gallo-romaine. Elles ont une température un peu différente, mais toutes à peu près la même composition chimique. Leur débit total, jaugé en 1845 par M. Nivet, était de 280 litres par minute; il serait en 1857, selon M. Homolle, de près de 1,000 litres. L'établissement bâti en 1845, étant devenu insuffisant, a été remplacé en 1854 par des thermes plus complets et plus spacieux, qui renferment 50 cabinets de bains, 18 cabinets de douches munis de baignoires, 2 piscines, 2 salles d'aspiration, et 6 cabinets pour bains de vapeur. — Voici la nomenclature et la thermalité des sources.
Source de la buvette 54° c.
— de la piscine ..... 34 à 35° Grande source 55°
Filets divers 32 à 34*
Puits de César. ....... 32
Nous avons rattaché aux thermes de Royat le puits de César, dont l'établissement ( 8 cabinets, 1 douche, 1 piscine ) a joui, il y a quelques années, de la faveur publique.
Grande source de Royat. 55°; analyse par M. Lefort, 1856.
gr. Acide carbonique.... 0 748
Bicarbonate de soude. . — potasse . . .
1 784
— chaux ... 1 000
— magnésie . . 0 677 Silice 0 156
5 617
gr. Sulfate de soude 0 185
Phosphate de soude 0 018
Chlorure de sodium 1 728
Bicarbonate de fer ..... . 0 040
Matière organique indéterm.
5 956
M. Lefort a reconnu en outre dans les eaux de Royat la présence d'un arséniate de soude déjà signalé par MM. Thénard et Chevallier, des traces d'iodure et de bromure, et un peu d'alumine et de manganèse.
Les eaux de Royat peuvent remplir deux indications : à dose modérée, elles sont toniques; à haute dose, elles deviennent purgatives. Comme agent de médication tonique, elles conviennent dans les maladies chroniques apyrétiques, entretenues par un état local ou général; exemple: le rachitisme, les scrofules, la cachexie rhumatismale. Elles sont efficaces dans la chlorose, l'anhémie, l'asthénie des convalescents. — Comme agent de la médication purgative, elles sont indiquées dans l'embarras gastrique et bilieux, quelques hydropisies, le pyrosis, certaines gastralgies. — La douche et le bain chaud réussissent dans les engorgements
MIXTES. 59
articulaires, les rhumatismes chroniques, les ankyloses incomplètes. — Les salles d'aspiration de vapeurs minérales ont produit des cures dans le catarrhe pulmonaire chronique, l'asthme humide et, dit-on, la phthisie asthénique au début.
Ces eaux paraissent contre-indiquées s'il existe un anévrysme du coeur, des tubercules, une syphilis larvée, une disposition aux hémoptysies, à la fièvre, etc. — Médecin des eaux de Royat: M. Nivet.
M. Nivet a prescrit avec succès les eaux et les bains de César aux personnes affectées de gastro-entéralgie simple ou rhumatismale et aux malades lymphatiques, scrofuleux ourachitiques. (Dictionn. cité, p. 220.)
MÉDAGUE (PUY-DE-DOME).
Les eaux de MÉDAGUE sourdent dans une prairie, sur les bords de l'Allier, près du bourg de Jose, à 3 lieues de Clermont. On compte trois sources, dont la température varie de 15° à 16° c. : 1° le Gros-Bouillon; 2° le Petit-Bouillon, et 3° la source des Graviers, la seule qui soit fréquentée.
Analyse par M. Bouquet. (Annuaire des Eaux.)
Acide carbonique libre . 1 356
Bicarbonate de chaux . . 1 918
— soude ... 1 290
— magnésie . . 0 942
— potasse... 0 290
— strontiane. . ? Acide silicique 0 065
4 503
gr. Bicarbonate de fer 0 015
— manganèse, borax . ?
Sulfate de soude 0 548
Arséniate de soude 0 002
Chlorure de sodium 1 116
Matière organique
Phosphate de soude
traces
5 982
L'eau de Médague est employée avec succès parles habitants des localités marécageuses de l'Auvergne, pour combattre les engorgements du foie et de la rate, et les hydropisies qui succèdent aux fièvres intermittentes ; elle triomphe souvent de fièvres qui ont résisté au quinquina. On la conseille dans les gastro-entéralgies, les affections du tube digestif qui rendent les digestions laborieuses, la chlorose, les maladies chroniques des voies urinaires (Bertrand) ; Massillon en fit usage pour des coliques néphrétiques. On les donne dans la leucorrhée, les engorgements utérins ( Parrot), la goutte, la gravelle (Nivet). On les administre surtout en boisson ; la dose est de 2 à 4 et progressivement 6 ou 8 verres ; a trop haute dose, elles donneraient lieu à des superpurgations.
Médecin; M. Parrot.
60 EAUX ALCALINES
MONT-DORE (PUY-DE-DOME).
Altitude : 1,052 m. — Température : 38 à 45° c.
( Itinéraire : de Paris et de Lyon, chemin de fer jusqu'à Clermont ; de là, trajet par diligence en 6 à 7 heures.)
Le MONT-DORE est distant de Paris de 400 kilomètres, de Lyon de 90, et de Clermont de 53 par la route impériale et de 43 seulement par la route qui traverse les montagnes. C'est un village situé dans une vallée étroite d'un demi-kilomètre, longue de 5 du sud au nord, traversée par la Dordogne qui y prend naissance, et entourée de hautes montagnes dont la principale est le pic de Sency, élevée de 1,889 mètres. Il existe 7 sources minérales, dont 1 froide et 6 thermales.
Tempéra- Débit par minute. Pesanteur Total des principes fixes,
turc spécifique.
Bain de César. 45° c. 41 décim. cub. 1 00100 2 194 (BERTHIER.)
Fontaine Caroline 45 45 — 1 00218
Bain Ramond. ....... 42 15 — 1 00190
Bain Rigny 42 12 — 1 00220
Magdeleine 45 120 — 1 00170 1 260 (BERTRAND.)
Grand-Bain ou bain St-Jean. .58 38 — 1 00190 1 537 (BERTRAND.)
Ste-Marguerite 12 50 — 1 00055
Ces sources alimentent deux établissements : 1° le nouveau, consacré aux bains, douches et inhalations de vapeur; 2° l'ancien (commencé en 1817 et achevé en 1827), pour les bains, douches, pédiluves, piscines, etc. — L'eau du Mont-Dore est limpide, onctueuse, sans odeur, gazeuse, d'une saveur acidule, puis salée ou styptique ; à l'air, elle se recouvre d'une pellicule irisée.
Bain de César. Hagdeleine Grand-Bain. (BERTHIER.) (BERTRAND.) (BERTRAND.)
..... lit. lit.
Acide carbonique indéterminé 0 155 0 067
gr. gr. gr.
Carbonate de soude. 0 655 0 386 0 409
— chaux 0 160 0 237 0 282
— magnésie 0 060 0 077 0 096
Acide silicique 0 210 » 0 079
Chlorure de sodium 0 380 0 296 0 500
Sulfate de soude 0 065 0 116 0 102
Alumine " 0 126 0 061
Oxyde de fer 0 010 0 022 0 008
1 518 1 260 1 537
MIXTES. 61
La réputation des eaux du Mont-Dore, commencée en 1810 par M. Bertrand père, est aujourd'hui bien établie. Leur composition chimique éclaire peu sur leurs vertus, et nous croyons que l'analyse en est à refaire. M. Bertrand fils y a découvert de l'arsenic en 1850, et l'un de nous ( M. Pétrequin ) a assisté sur les lieux à une partie des expériences de M. Thénard, en 1853, pour constater la présence de ce corps dans les vapeurs des salles d'inhalation, où ce chimiste pense qu'il se trouve à l'état d'arséniate sodique. Mais il y aurait exagération à prétendre que ces eaux doivent leurs propriétés principales à l'élément arsenical. — Quoi qu'il en soit, voyons dans quels cas elles conviennent : nous avons constaté leurs heureux effets dans le catarrhe pulmonaire chronique, la pharyngite et la laryngite sub-aiguës, avec ou sans enrouement, l'asthme humide, et notamment chez les enfants lymphatiques ou scrofuleux disposés aux rhumes et aux maux de gorge ; ces petits malades sont incontestablement la classe de baigneurs à laquelle ces eaux réussissent le mieux : plusieurs nous semblaient menacés de phthisie. Cette dernière maladie peut-elle se guérir au Mont-Dore? MM. Bertrand répondent par l'affirmative et prétendent en avoir obtenu au début de nombreuses cures; le fait est contesté et contestable ; mais ce résultat ne nous paraît pas impossible, surtout chez les enfants et les femmes à fibres molles, à circulation languissante. — Il y aura contre-indication s'il y a des hémoptysies actives, si le coeur est gros, s'il y a tendance congestive vers le cerveau, etc.
Après les maladies de poitrine, viennent les affections rhumatismales, la sciatique, les névralgies ; on doit ajouter les gastralgies rhumatiques, les arthrites, les entorses négligées, etc. On peut dire d'une manière générale que MM. Bertrand avaient organisé au Mont-Dore un sytème d'hydrothérapie chaude assez bien entendu pour satisfaire aux principales indications des eaux thermales.
Parmi les maladies des femmes qu'on y traite avec quelque succès, nous mentionnerons la leucorrhée, la chlorose, les engorgements utérins, les désordres de la menstruation.
Le Mont-Dore a contre lui l'inclémence de son climat, où les vicissitudes atmosphériques, la fréquence des pluies, la fraîcheur du matin et du soir constituent des conditions peu hygiéniques. Il faut se munir de vêtements d'hiver. La saison des eaux commence fin juin et finit en août ; la durée du traitement est de 15 à 20 jours.
On exporte surtout les eaux de la Magdeleine. Nous ne pouvons croire avec M. James, que, loin de la source, leur action soit insignifiante ; trop de praticiens ont constaté le contraire.
Médecins: MM. Vernière, Goupil, Chabaury. etc.
62 EAUX ALCALINES
NEYRAC (ARDÈCHE).
NEYRAC est situé sur les bords de l'Ardèche, à 15 kilomètres d'Aubenas, dans une vallée pittoresque, d'un climat doux et tempéré. Les sources minérales en sont nombreuses ; on en distingue 7, qui sourdent toutes au pied d'une roche de granit porphyroïde rose, dans un segment de cercle d'environ 30 mètres de rayon : 1° la source des Lépreux est froide (18°), gazeuse, d'un goût nauséeux, limpide, abondante et laissant peu de dépôt. 2° La source Jaune ( source Dupasquier ) est froide (20° c. ), gazeuse, assez abondante, d'un goût salin, mais pouvant se boire aux repas avec du vin : « Elle est, dit l'Annuaire des Eaux, destinée aux scrofuleux. » — Vue en masse, cette eau a une couleur jaune fauve. 3° Les sources des Bains, au nombre de deux, réunies dans un seul réservoir par un nouveau captage en 1851, sont thermales (27° c), extrêmement abondantes, très gazeuses, d'un goût salin métallique ; l'eau, vue en masse, a une couleur jaune foncée ; elle donne un abondant dépôt ocracé, jaune nankin, qui, recueilli dans les réservoirs, sert à composer des bains de Neyrac artificiels, et des pommades anti-herpétiques. — Ce sont ces deux sources qui alimentent l'établissement thermal, et dont on fait usage pour les bains, bains de siége, pédiluves, douches, injections, etc. 4° Près des sources des Bains, il en existe une petite (source O. Henry), également gazeuse, thermale (27° c), offrant les mêmes caractères physiques ; elle n'est ni utilisée ni captée. 5° Il y a aussi près de la source des Lépreux, une petite source (source Mazade) qui sourd à la surface du sol, et fournit un dépôt orange considérable; un captage bien entendu pourrait bien accroître et largement utiliser ces deux dernières sources. 6° Neyrac possède une source alcaline (source Célestine) froide (14° c), gazeuse, limpide, abondante, formant une eau de table agréable, analogue à la source Marie, de Vals. 7° Enfin il existe dans le lit de l'Ardèche, à 400 mètres de là, d'autres petites sources alcalines, également froides, gazeuses et donnant un dépôt ocracé, dont l'une près du pont sera facile à capter.
Les eaux de Neyrac forment un type intéressant dans l'ordre des eaux alcalines mixtes. Leur débit total est considérable; enfin, comme il s'échappe beaucoup d'acide carbonique soit des diverses sources, soit des fameuses mofettes de Neyrac, MM. Mistcherlich, de Berlin, et Herpin, de Paris, ont pensé non sans raison que, en le recueillant dans des gazomètres spéciaux, ou pourrait l'utiliser à la fois pour créer un établis-
MIXTES.
63
sement complet de bains, de douches, d'étuves et d'inhalations gazeuses, et pour gazer les eaux destinées à l'expédition.
Analyse de la source des Bains par M. O. Henry, 1852. (Annuaire des Eaux de France.)
lit. Acide carbonique libre.(Lefort.) 1 812
gr. Bicarbonate de chaux 0 847
— soude . 0 466
— magnésie 0 285
— potasse 0 150
Silicate de soude et de potasse
— d'alumine, de zircone . Sulfate de chaux et de soude. . 0 130 Chlorure alcalin 0 039
gr. Bicarbonate de fer 0 014
Manganèse, iodure traces
Oxyde de titane (uni au fer ? ) . .
Arsenic (uni au fer ?)
Nickel et cobalt (carbonates ?) . . 0 110
Phosphate terreux
Matière organiq. bitumineuse . . .
2 099
Les eaux de Neyrac sont devenues un sujet de litige pour les chimistes : M. Lefort nie qu'elles renferment non seulement les éléments que M. Mazade y avait annoncés, mais encore ceux qu'indique l'analyse précédente ( zircone, titane, nickel, cobalt, etc. ). Pourtant la commission de l'Académie avait procédé avec soin (1); M. O. Henry a repris cette étude en sous-oeuvre ; il est allé sur les lieux, et de nouveaux essais (nov. 1858) ont tranché affirmativement pour lui la question du molybdène, du tantale, du titane, etc. On a fait valoir que les circonstances géologiques semblaient déjà le faire présumer. Quoiqu'il en soit, il est évident que toutes ces discussions chimiques ne sauraient rien ôter aux propriétés médicales déjà connues des eaux de Neyrac, et qu'au contraire ces divers corps, mieux étudiés cliniquement, pourront encore en ajouter d'autres.
Il est de notoriété que les eaux de Neyrac ont une spécialité d'action dans les maladies de la peau. M. Lefort lui-même a constaté sur les lieux que : " Les ruines de l'ancienne maladrerie que l'on trouve à Neyrac avec ses croisées orientales, son chemin couvert, son enceinte fortifiée et crénelée de meurtrières, le rocher où les lépreux allaient se sécher au so(1)
so(1) Pâtissier s'exprime ainsi : « Après des essais variés, répétés et entrepris comparativement avec des mélanges connus, M. O. Henry est arrivé aux mêmes résultats que M. Mazade, c'est-à-dire à constater dans les eaux de Neyrac, ou les produits de leur concentration en grand, l'existence du titane, du nickel, du cobalt, et même de la zircone quoique moins bien définie. » (Rapport, 1854, p. 220.) — Remarquons que le cobalt a déjà été signalé, en 1855, par M. Poggiale, dans l'eau d'Orezza. ( Bullet. de l'Acad. méd., t. XIX, p. 518.) — Voyez plus haut, Introduction, p. 2.
64 EAUX ALCALINES MIXTES.
leil et qui porte encore dans le pays le nom de ban dei ladres, attestent assez que ces eaux jouissaient autrefois d'une certaine réputation pour la guérison des maladies de la peau ; cette réputation n'est nullement démentie, nous pouvons même dire qu'elle a été vérifiée par les différents praticiens qui ont eu occasion de les conseiller à leurs malades. » (Journ. de pharmacie et de chimie, octob. 1857. ) MM. C. James et Durand-Fardel reconnaissent également leur efficacité dans ce cas, et les médecins de l'Ardèche sont unanimes sur ce point. Elles conviennent surtout dans les dartres, la teigne la gale, les ulcères chroniques, les vieilles plaies d'armes à feu, certaines syphilis invétérées, etc.
Les médecins du pays s'accordent pour les recommander aussi dans les maladies des femmes, notamment dans les pertes blanches, la dysménorrhée ( MM. Tailhand ont observé qu'elles réussissent dans les flux leucorrhéïques, qu'ils soient essentiels ou liés à un engorgement ou à des granulations ou à des ulcérations de la matrice ); dans le catarrhe de la vessie ; dans les névroses, comme l'hystérie, l'hypochondrie, la danse de St-Guy ; dans les névropathies des organes digestifs, comme la dyspepsie, la gastralgie, la gastro-entéralgie, et ces désordres de l'innervation qui se compliquent d'étouffements, de palpitations, de vertiges et de défaut d'aptitude atout travail physique et intellectuel; dans les névralgies, la sciatique ; dans le rhumatisme et dans la goutte ( M. Delaygue, médecin à Thueyt, cite des guérisons de goutte dans sa propre famille; MM. Tailhand notent que les eaux de Neyrac réussissent surtout quand le rhumatisme et la goutte sont entés sur des constitutions nerveuses et très irritables ) ; dans les engorgements des glandes lymphatiques du cou, de l'aine, de l'aisselle; dans les entorses négligées; dans les tumeurs blanches (le docteur Saléon en cite de nombreux exemples); enfin, M. Ceysson s'en est bien trouvé dans les affections catarrhales des muqueuses du pharynx, du larynx et dès bronches, etc. Médecins: MM. Tailhand, Saladin.
EAUX ALCALINES MIXTES SILICATEES 65
APPENDICE. — EAUX ALCALINES MIXTES SILICATEES.
On a vu, dans les divers chapitres qui précèdent, la silice ou les silicates figurer dans l'analyse de la plupart des sources alcalines ; mais, si cet élément n'était point à dédaigner comme venant augmenter le chiffre effectif des alcalins, il s'est jusqu'ici rencontré en proportion absolue ou relative trop minime pour réclamer une mention à part. Toutefois cette observation ne nous a pas échappé, et maintenant nous allons citer des cas où il se montre en quantité assez notable pour réclamer une attention spéciale et constituer un sous-ordre que nous nommerons eaux alcalines mixtes silicatèes. Personne avant nous n'y avait songé, bien qu'on arrive à cette conclusion chimique par l'examen attentif des analyses de MM. O. Henry, Lhéritier, Barruel, etc. Quant à la question physiologique, nous l'avons créée et démontrée par les expériences que l'un de nous a exécutées sur lui-même. Enfin l'étude thérapeutique ressortira de ce qui va suivre. En somme, si les silicates sodiques tenus en dissolution dans les eaux minérales naturelles se décomposent avec une grande facilité au contact de l'air (1) pour se transformer en carbonates,
(1) En raison de la nouveauté de cette question et de son importance, nous allons rapporter les réflexions suivantes d'un homme fort compétent sur ces matières : « J'avais remarqué, dit M. O, Henry, pendant l'évaporation de l'eau minérale d'Evaux, que, vers la fin de l'opération, il se sépare une grande quantité de silice qui apparaît sous la forme gélatineuse ; le produit lait aussi alors une forte effervescence avec les acides, et est d'une forte alcalinité: j'avais vu, en outre, qu'en ajoutant dans l'eau d'Evaux un certain excès d'acide sulfurique, on n'obtient en acide carbonique qu'un dégagement peu abondant même après avoir chauffé longtemps, et qu'en même temps il se sépare une proportion fort notable de silice très hydratée qui nage au fond du liquide, et se sépare en gelée après l'évaporation. Enfin, en chauffant longtemps (ce point est nécessaire) un poids connu d'eau minérale avec l'acide sulfurique, dans un ballon convenable, et recueillant tout le gaz puis l'analysant, je n'ai eu en acide carbonique qu' un volume dont le poids dépassait à peine celui qui constitue les carbonates terreux, supposés bicarbonates, comme cela doit être dans l'eau intacte.
« Je pensai donc, et ce fait me paraît s'appliquer à beaucoup d'eaux minérales alcalines, ainsi que j'ai eu plusieurs fois occasion de le remarquer, que la majeure partie du carbonate de soude obtenu dans le produit de l'évaporation, provenait de la décomposition d'un silicate primitif à base de soude, altéré plus tard par l'acide carbonique de l'air extérieur. La proportion du silice séparée de l'eau est bien supérieure à celle que ce liquide peut en dissoudre même a l'état gélatineux, ce qui suppose aisément une combinaison soluble, un silicate.
5
66 EAUX ALCALINES
nous pouvons établir que le même fait de décomposition se passe dans l'économie, et que les eaux silicatées à base de soude, de chaux ou de magnésie agissent comme eaux alcalines. Nous choisirons pour type de ce genre les eaux de Plombières., auxquelles se rapportent celles d'Evaux, Sail-lès-Château-Morand, etc.
PLOMBIÈRES (VOSGES.).
« PLOMBIÈRES est un bourg d'environ 1,400 âmes, situé dans une vallée étroite et profonde, à l'extrémité méridionale du département des Vosges (à 6 lieues d'Epinal, 12 de Vesoul, 18 de Lunéville, 22 de Nancy). — La vallée est arrosée par la petite rivière de l'Eau-Gronne, qui roule sur un lit hérissé de quartiers de grès ou de granit. —Le bourg étant situé au fond d'une gorge fermée par deux montagnes, il en résulte que la disposition au nord-ouest et au sud-est de ces énormes masses retarde pour le fond de la vallée de près d'une heure le lever du soleil et avance d'autant l'heure de son coucher, ce qui diminue notablement la longueur du jour et favorise la production du froid, en abrégeant la durée de la présence de cet astre sur l'horizon.... Il est utile de prévenir les baigneurs qu'il fait froid à Plombières le matin et le soir, tandis que, dans les jours sereins, le soleil, dardant d'aplomb, occasionne des chaleurs excessives : on a de sorte, pour ainsi dire, l'hiver et l'été dans la même journée. — J'ai remarqué que les brouillards sont fréquents dans la vallée, et que la rosée du soir commence de très bonne heure, ce qui rend alors les promenades dangereuses pour les malades, dont l'impressionnabilité est augmentée. — On emploie les. eaux de Plombières en bains, demi-bains, pédiluves, douches ascendantes et descendantes, bains de vapeurs, étuves; deux sources (le Crucifix et la fontaine des Dames) sont spécialement prises en boisson. » ( Pétrequin, Voyage médical; voy. Annal, de Gynécologie, juillet 1841.)
Plombières possède 3 sources froides, dont deux dites savonneuses et une ferrugineuse, et 15 sources thermales , parmi lesquelles on distingue les sources Simon, Muller, des Dames (52°), de Bassompierre, du Crucifix (48°), du bain Romain(60°), de l'Enfer (60°),des Capucins (52°). Elles alimentent cinq établissements : 1° le bain Romain contient
« L'existence d'un silicate de soude, à côté des bicarbonates de chaux, de magnésie et de strontiane, n'a rien d'incompatible : si l'on mêle, en effet, un silicate de ce genre avec une solution étendue de bicarbonate de chaux, il ne se fait aucune précipitation. » (Journal de Pharmacie, 1844, p. 128.) Voyez plus loin (Physiologie) les expériences de M. Pétrequin.
MIXTES SILICATÉES. 67
24 cabinets garnis chacun d'une baignoire et d'une douche; dans l'un d'eux, il y a une douche écossaise ; 2° le bain des Dames se compose d'un rez-de-chaussée où l'on voit 2 piscines (temp. 34° à 35°), 5 baignoires, 2 cabinets de douches descendantes et 1 de douches ascendantes (le tout est destiné aux malades de l'hôpital), et d'un premier étage garni de 14 cabinets de bain, avec 18 baignoires et 15 douches ; 3° le bain tempéré contient 4 piscine (temp. 33° à 34°), 2 pour les hommes et 2 pour les femmes ; 4° le bain des Capucins présente un bassin, subdivisé en deux compartiments, l'un à 37° 50, l'autre 40° à 41° ; 5° le bain Impérial contient 1 piscine à deux compartiments (tempér. 35° à 36° ) qu'entourent 14 baignoires et 3 douches, plus 40 baignoires, 1 douche écossaise et des douches vaginales ; un pavillon renferme le bain des Princes, qui consiste en 2 vastes baignoires.- Enfin il existe 2 étuves, celle de Bassompierre et celle d'Enfer.
Les eaux thermales et savonneuses de Plombières sont limpides, onctueuses, incolores et sans odeur. M. Chevallier à constaté la présence de l'arsenic dansl les sources du Crucifix, des Dames, d'Enfer, du bain Romain, et M. Caventou, en. 1848, dans l'eau ferrugineuse; résultats confirmés depuis par MM. V. Duval, Hutin, Bouquet, Pommier, etc.
Analyse par MM. 6. Henry et Lhéritier. (Hydrologie de Plombières, 1855.)
Source du Crucifix Source d. Dames Bain Romain Source Savonneuse
48° à 49° 52° 59° à 60 15° et 16°
gr. gr. . . gr. gr.
Silicate de soude ..... . 0 0512 0 0818
— potasse.. ..... 0, 0080 0 . 0040 0 0690 0 0270 — chaux
7 0 0454 0 0320 0 0590. 0 0065
— magnésie........
Silice (acide silicique) . ... 0 0200 0 0116 0 0210 . 0 0180
Lithine (silicatée? ) . .... sensible sensible indices sensible
Alumine. .... .... ...... 0 0120 0 0100 0 0130 0 0140
Chlorure de sodium ..... 0 0040
0 0450 0 0560 0 0500
— potassium.
— calcium et magnésium. » » » 0 0171. Sulfate dé soude (anhydre) . . 6 0810 0 0820 0 0510 chaux 0 0220 Arséniate de soude . . 0 0006 0 0007 supposé 0 0004 Sesquioxyde de fer.... .. . . . sensible sensible présumés indices
Iodure .. ..... . . ...... .. indices indices par présumé
Phosphate.. très sensible très sensible analogie sensible;.
Fluor ou fluate.
Acide borique ou borate
Matière organique azotée. . 0 0200 0 0200 indéterm. 0 0100
0 2858 0 2781 6 2230 0 1289
68 EAUX ALCALINES
Ces diverses sources, surtout les thermales, offrent une grande analogie de composition: remarquons que les chlorhydrates (soude et potasse) s'y trouvent en très faible proportion, de même que les sulfates, et que ce sont les alcalins ( silicates ) qui prédominent. MM. O. Henry et Lhéritier professent que la base de leur minéralisation est un silicate alcalin; que les carbonates (trouvés par Vauquelin, et en 1847 par M. O. Henry lui-même ) n'y préexistent pas, mais sont le résultat de l'altération des silicates primitifs, par le contact de l'air; que la présence d'un arséniate de soude explique en partie l'action thérapeutique de ces eaux; enfin, que les vapeurs des étuves entraînent, d'après l'analyse, des substances salines et des vapeurs organiques.
Les sources de Plombières sont un type d'eau minérale alcaline mixte silicatée. Ces eaux deviennent alcalines si elles restent quelque temps exposées à l'air ou si elles sont soumises à l'ébullition ; on voit alors se précipiter la silice qui s'y trouvait combinée à l'état de silicate de soude, Nous ne discuterons pas la question de savoir si c'est ce silicate ou le carbonate qui en dérive qui est exclusivement l'agent de leur efficacité, ou s'il faut en faire honneur soit aux faibles doses de chlorhydrate et de sulfate de soude qu'on y trouve, soit à l'arséniate sodique qu'on y a signalé, etc. ; nous croyons que c'est par tous ces éléments à la fois qu'elles peuvent, selon l'expression de Bordeu, frapper à toutes les portes et devenir utiles dans diverses maladies. M. Edwin Lee compare Plombières à Toeplitz : ce L'action de ces eaux, dit-il, est diurétique même en petite quantité. Malgré leur faible minéralisation, elles produisent un premier effet excitant, ce qui tient sans doute à leur température élevée. L'excitation est remplacée par un état de sédation et de relâchement chez ceux qui restent longtemps dans le bain. » (E. Lee, The baths of France, 1854.) A la dose de 2 à 4 verres par jour, elles réveillent l'appétit, facilitent la digestion et activent la sécrétion urinaire ; elles ne sont point laxatives, et même les premiers jours elles sont souvent constipantes.— Elles sont sédatives dans les maladies nerveuses, l'éréthisme, les convalescences avec irritabilité. M. Turck (Des Eaux de Plombières, 4e édit., 1847 ) les recommande dans la gastralgie, l'entéralgie, quelques affections chroniques des reins et de la vessie, la polysarcie ou obésité, l'hystérie, la catalepsie, etc. M. Lhéritier a signalé leurs bons effets dans le rhumatisme fixé sur divers ovines (Clinique de Plombières, 1853), et dans certaines paralysies comme la paraplégie, l'irritation spinale, la myélopathie (Clinique de Plombières, 1854). L'un de nous, M.Pétrequin, a pu constater sur les lieux l'ensemble de ces résultats, et il a personnel-
MIXTES SILICATÉES. 69
lement étudié l'action des eaux de Plombières dans les maladies de l'appareil génito-urinaire, en montrant que les auteurs s'accordent à les conseiller dans la dysménorrhée (Martinet), l'engorgement de l'utérus et de ses annexes ( Jacquot ), les névroses de la matrice (Turck), la stérilité qui est liée à l'un de ces états (Guersant), l'eczéma de la vulve et des grandes lèvres (Biett ), les pâles couleurs(Ph. Hutin), les grossesses laborieuses (Toignart). Quant aux engorgements des ovaires et aux tumeurs fibreuses utérines, elles n'ont sur ces maladies qu'une action palliative. (Pétrequin, Voyage médical.; voy. Annal. de Gynécologie, 1841.) Médecins: MM. Sibylle, Lhéritier, Garnier, Turck, Grillot.
ÉVAUX (CREUSE).
La petite ville d'ÉVAUX est à 36 kilomètres de Guéret et à 310 de Paris. L'Annuaire indique 8 sources, dont la température varie de 26° à 55° c. A part celle du Petit-Cornet (51°), qui est sulfureuse, toutes les autres sont alcalines et d'une composition assez analogue: sur un total de 1,35 à 1,95 de principes fixes, elles offrent 0,18 à 0,20 de silicates pour 0,20 à 0,25 de carbonates alcalins. L'eau est limpide, faiblement odorante, d'un arrière-goût saumâtre, et dépose un limon ( conferves ). — Ces sources alimentent trois établissements thermaux, dont le principal renferme 25 cabinets de bain, 14 à 15 douches pt 1 étuve; les deux autres (dont l'un est affecté au service des indigents) contiennent quelques baignoires et 1 douche.
Analyse, sur les lieux, de la source César (tempér. 55°) par M. O. Henry. (Annuaire.)
Silicate de soude 0 1170
— lithine 0 0013
Silice, alumine(silicate). ... 0 0700
Bicarbonate de soude 0 0500
— chaux 0 1520
— magnésie 0 0450
— strontiane .... 0 0040
— fer et manganèse . 0 0005
gr. Sulfate de soude 0 7170
— potasse 0 0050
— chaux 0 0200
Chlorure de sodium 0 1674
— potassium. ..... 0 0060
Sulfure, iodure, bromure. . . traces
Phosphate, matière organ. azot. traces
1 5552
Ces eaux silicatées s'emploient en boisson et surtout en bains et en douches. On les recommande dans le rhumatisme chronique, les raideurs articulaires, quelques maladies cutanées, les vieux ulcères, la gravelle ; ainsi que dans les engorgements abdominaux, quelques névroses, la gastralgie. — Médecins: MM. Tripier, Darchis.
70 EAUX ALCALINES MIXTES SILICATEES.
Sail-lès-Château-Morand (LOIRE).
Le bourg de SAIL-LES-CHATEAU-MORAND est à 9 kilomètres de La Palisse et 16 de Roanne. Il est entouré de prairies. L'établissement comprend un hôtel et le bâtiment des bains. Il existe 5 sources, dont 2, qui seules doivent nous occuper ici (source des Romains et source d'Urfé), sont alcalines, thermales (34° c.) à peiné gazeuses ; 2 autres (source du Saule, 34°, et deuxième source, 32°) sont sulfureuses, et la dernière est ferrugineuse, 12° c.
Analyse de la source d'Urfé par O.. Henry, sur les lieux, en 1850. (Annuaire.)
Acide carbonique. . ..... peu
gr.
Silicate de soude et potasse. . 0 1001
— lithine et alumine. . . 0 0300
Bicarbonate de soude et potasse 0 1557
— chaux et magnésie. 0 0700
gr.
Sulfate de soude 0 1440
Chlorure de sodium et magnés. 0 0400
Iodure alcalin sensible
Matière organique,.. ...... ».
Les eaux silicatées de Sail sont recommandées dans l'asthénie de l'estomac et des intestins, les obstructions abdominales, les calculs biliaires, les coliques néphrétiques, la leucorrhée, le catarrhe vésical, les fièvres quartes rebelles, le rhumatisme, la goutte atonique.
Médecin: M. Bellety.
ARLANC (PUY-DE-DOME). La source minérale d'ARLANC se trouve à 1 kilomètre de la ville d'Arlanc ( à 2 lieues d'Ambert et 12 de Clermont), sur la route de Marseille à Paris. L'eau s'administre en boisson, bains et fumigations.
Analyse par Barruet. (Bravard-Deriols, Eaux minérales d'Ariane, 1855.),
lit.
Acide carbonique .1 787
gr.
Silice (silicate?).. ........ 0 250
Carbonate de soude ...... 0 272
— chaux ....... . 0 146
- magnésie. . .... . .. 0 125
gr.
Carbonate de fer 0 055
Chlorure de sodium 0 044
Matière organique traces
0 892
M. Bravard-Deriols attribue à l'eau silicatée d'Arianc des propriétés apéritives, toniques, diurétiques et dissolvantes. Il dit s'en être bien trouvé dans les affections chroniques du tube digestif, comme le pyrosis, la dyspepsie, les vomissements, la diarrhée atonique ; dans les engorgements du; foie et de la rate ; dans la leucorrhée, le catarrhe vésical, les coliques, néphrétiques. Il l'a employée avec succès, en raison de sa composition ferrugineuse, dans la chlorose, le scorbut, les hémorrhagies passives, les fièvres intermittentes rebelles. — Médecin : M. Bravard.
TABLEAU COMPARATIF ET GRADUÉ
DES
EAUX MINÉRALES ALCALINES
DISTRIBUÉES EN QUATRE GROUPES NATURELS D'APRÈS NOTRE CLASSIFICATION
AVEC L'INDICATION DE LEUR TEMPÉRATURE, DES PROPORTIONS DE FER ET D'ACIDE CARBONIQUE QU'ELLES CONTIENNENT, ET DE LEURS PRINCIPALES QUALITÉS CHIMIQUES.,
L'essentiel, pour ordonner les eaux, minérales, c'est de savoira quelle classe elles appartiennent, et si elles sont fortes ou faibles dans leur classe.
Dès qu'on pourra avoir cette classification et ces échelles, il ne s'agira, pour se déterminer entre celles qui sont de même force (et il y en a plusieurs), que de consulter les circonstances du malade et la façon dont on est aux eaux.
TISSOT (Maladies des nerfs, § 145).
72 TABLEAU COMPARATIF
PREMIER ORDRE. Acide Fer TOTAL DES
EAUX ALCALINES SODIQUES ture. carbonique, fer et mangan. Carbonates Carbonates Substance»
sodiques. alcalins. fiscs.
Hôpital. ... 50° c. 0 lit. 28 0gr. 060 5 gr. 02 6 gr. 14 7 gr. 16
Grande-Grille, 40 0 25 0 004 4 88 5 07 6 73
Puits Chomel. 41 0 gr 76 0 004 5 09 6 23 7 19
Puits Carré. . 44 0 87 0 004 4 89 6 03 6 95
St-Nectaire . . 57 0 57 0 051 2 85 5 89 6 60
Vic-le-Comte . . . 32 indéterm. 0 21 ? 2 97 4 82 6 78
Ems (Kesselbrun) 57 0 88 0 005 f. m. 1 97 2 39 4 47
Châteauneuf ... 57 1 19 0 054 29 2 55 4 54
Chaudes-Aiguës. . 81 0 lit. 40 0 001 0 47 0 63 0 81
St-Laurent .... 55 indéterm. » 0 50 0 55 0 68
Toeplitz 60 à 65 indéterm. 0 001 0 54 0 50 0 62
Bilin 11 indéterm. traces 9 25 9 78 12 02
Vals(Chloé) . . . 14 1 lit. 07 0 022 f. m. 5 28 5 72 6 15
Célestins. . . 14 1 gr. 04 0 004 5 10 6 21 7 19
Hauterive . 14 2 18 0 017 4 68 5 61 6 77
Lardy. 25 0 lit. 51 0 051 4 46 5 15 6 21
Mesdames. . 6 1 gr. 90 0 026 4 01 5 25 5 90
Fachingen . . . . 10 1 lit. 24 0 010 2 21 2 71 5 53
Camarès 12 1 15 0 06 1 82 2 54 5 64
Chabetout . . . . 14 1 » 0 04 1 88 2 65 5 10
Sauxillange. . . . froide indéterm. traces 2 05 2 49 2 73
St-Alban 18 0 lit. 40? 0 03 1 21 2 55 2 60
Jenzat 21 0c. 05c. 0 007 0 60 0 80 1 65.
Soultzmatt . . . . " 1 vol. 0 004? 0 67 1 19 1 56
DEUXIÈME ORDRE. Tempéra- Acide Fer TOTAL DES
EAUX ALCALINES CALCIQUES ture. carbonique er et mangan. Carbonates Carbonates Principes
alciques. alcalins. fixes
Condillac 5° c. 0 lit. 54 0 gr. 01 1 gr. 55 1 gr. 80 2 gr. 19
Chateldon 14 2 gr. 42 0 02 0 91 1 50 1 85
Foncaude 25 indéterm. 0 06 | S8 2 04 2 86
St-Moritz 4°5 R. 2 54 0 05 f. m. 1 04 1 50 1 91
Dieu-le-Fit froide 0 55 0 009 1 49 1 74 1 90
Celles 25° c. 1 lit. 20 0 004 0 90 1 65 1 88
Renaison. ...... froide 0 56 0 009 f. m. 0 66 1 40 1 54
Ussat 52 0 55 traces 0 69 0 75 1 27
Rieu-Majou 16 0 75 0 05 0 77 1 11 1 23
Montégut-Sécla. ... 12 0 07 0 002 0 27 0 43 0 46
Foncirgue 20 0 02 0 007 0 18 0 30 0 51
Aix (Sextius) .... 34 indéterm. traces 0 10 0 16 0 22
Rosheim 15 0 01 » 0 15 0 25 0 29
St-Allyre 20 0 71 0 14 1 65 2 89 4 64
Rippoldsau 9 gaz. 0 14? 1 11 1 28 5 02
ET GRADUE.
73
TROISIEME ORDRE. Acide TOTAL DES
Fer. Carbonates Carbonates Principes
EAUX ALCALINES carbonique. calciques maCALCIQUES-MAGNÉSIENNES.
maCALCIQUES-MAGNÉSIENNES. fixes.
Pougues 12° c. 0 55' 0 02 2 gr. 30 2 gr. 97 5 gr. 83
Contrexeville .... 12 0 01 0 005 ? 0 89 1 21 2 94
St-Galmier froide 1 20 0 009 1 08 1 51 1 58
Grandrif. 10 1 0 005 0 55 0 47 0 49
Bulgneville » 0 48 » 0 28 0 50 0 42
St-Simon 19 indéterm. 0 001 0 20 0 27 0 52
QUATRIÈME ORDRE. Acide TOTAL DES
Carbonates Principes
carbonique. fer manganèse
EAUX ALCALINES MIXTES. alcalins, fixes.
Néris (César) . . 52° c. 0 04 0 004 0 gr. 69 1 gr. 26,
La Malou .... 55 gaz. 0 02 f. m. 1 62 1 67
Avène. ..... 27 » traces 0 21 0 32
Schlangenbad .. 27 à 52 0 05 »» 0 10 0 32
« Royat 55 0 gr. 74 0 04 5 61 5 93
Mont-Dore. 45 indéterm. 0 010 1 06 1 51
Neyrac . . . 27 1 lit. 81 0 01 1 78 2 09
Evian 12 24mm traces 0 15 0 25
Geilnau 10 24? fer (11 grains) (12 grains)
Tessière froide 1 lit.50 0 001 0 91 1 21
es Le Chambon ... 12 indéterm. traces 1 40 1 51
Laveyrasse. . . . froide 1/5 vol. 0 008 1 44 1 64
Pont-Gibaud. . . froide 0 12 traces 1 58 1 95
Sail-sous-Couzan . froide 1/4 vol. 0 008 1 85 2 15
Le Monestier. . . 12 0 lit. 49 traces 2 26 2 67
Rouzat froide indéterm. 0 05 1 77 3 06
Courpière .... 13 indéterm. 0 04 4 14 4 44
Médague 15 à 16 1 gr. 53 0 015 4 50 5 98
APPENDICE AU 4e ORDRE. TOTAL DES Acide
Fer. Silicates Carbonates Principes
EAUX ALCALINES MIXTES carbonique. Principes
SILICATÉES. alcalins. cl silicates. fixes.
Plombières ..... 54 à 60 » traces 0 156 0 156 0 285
Evaux 55 » 0 0005 0 188 0 419 1 555
Sail-Chateau-Morand. 54 peu » 0 15 0 25 0 51
Ariane froide 1 lit. 78? 0 05 0 25 0 80 0 89
74 SUPPLÉMENT.
SUPPLÉMENT.
ST-ALBAN (LOIRE).
Nous recevons, au moment de mettre sous presse, une analyse nouvelle des eaux de St-Alban, qui vient compléter l'article que nous avons' consacré (p. 34) à cette intéressante station thermale.
Analyse par M. Lefort (communiqué par le dr Gay, janvier 1859).
Oxygène ... Azote. . .
2 centièmes.
gr. Acide carbonique libre 1 9499
gr. Bicarbonate de soude. 0 8561
— potasse. . 0 0854
— chaux . . 0 9382
— magnésie. 0 4577 Silice. . .. . ... 0 0451
2 5805
Température. . . 17° 2/10 Densité ...... 1 0012
gr.
Carbonate de protoxyde de fer 0 0233
Chlorure de sodium ..... ..6 0301
Arséniate de soude. ..... traces
Matière organique . ..... traces
Total des principes fixes: 2 4558
NOTE SUPPLÉMENTAIRE DES SOURCES MINÉRALES ALCALINES,
Nous donnons ici l'indication sommaire de quelques sources alcalines peu connues ou mal étudiées, dont l'analyse n'a pas été faite, ou reste insuffisante et à besoin d'être complétée.
Ternant ( Puy-de-Dôme), gazeuse. — 1 gr. 49 carbon. sodiq. sur un total de 5 gr. 55. Augnat (Puy-de-Dôme), froide; gazeuse.—1 gr. 53 carb. sodiq. sur 3,16.
Gabian (Hérault), bitumineuse.
Aleth (Aude), thermale, 28° c.
Lavardens (Gers), froide, 19° c. — 0 gr. 19 carbon. calciq. sur total 0,46. Sorède (Basses-Pyrénées), gazeuse, froide, 20° c. — 0 gr. 60 carb. calciq. sur 6,96. Laroque (Basses Pyrénées), froide, 15° c. — 0 gr. 13 carb, calciq. sur 0,5.6 Barbotan (Gers), thermale, 51 à 36° c. — 0 gr. 02 sur 0,13; type faible.
Rebenac (Basses-Pyrénées), froide, 17°c,— total 0,97.
Lachaldette (Lozère), thermale, 50 à 51° c.
Besse (Puy-de-Dôme), froide, 9 à 10° c total 1gr. 55.
St-Parize (Nièvre) Langeac (Haute-Loire). St-Martin-Valnaeroux . (Cantal), froide, Ste-Marie (Cantal), froide, gazeuse,
CHAPITRE DEUXIÈME.
Études médicales sur l'action physiologique des Eaux minérales alcalines. Inductions thérapeutiques.
Rien n'est plus utile; pour bien diriger la thérapeutique, que la connaissance exacte des effets physiologiques que produisent les eaux alcalines ; on peut même dire qu'elle est indispensable. Cependant nous ne connaissons jusqu'ici aucun travail d'ensemble sur ce sujet important ; il n'existe que des faits épars dans les auteurs, et plus d'une fois, dans les généralités auxquelles ils se livrent, l'hypothèse se substitue à la vérité, et l'imagination à l'expérience.
Il faut sans doute attribuer cette regrettable lacune à l'introduction toute récente des eaux alcalines dans la nomenclature des eaux minérales, au désaccord qui règne encore sur ce point parmi les auteurs qui en traitent, et notamment aux classifications incomplètes ou fautives, qui ont le triple inconvénient de ne pas comprendre l'ensemble des sources alcalines, d'en composer, sous des noms différents, des groupes séparés, ce qui déroute les observateurs, et enfin de ranger parmi elles des sources étrangères, salines ou autres, qui réellement ne leur appartiennent pas.
Pour nous, dans le but d'éviter, autant que possible, ces causes d'erreur, nous avons fait tous nos efforts pour préparer convenablement le terrain à étudier, et en déterminer exactement la nature et les limités; Nous n'avons pas commencé par des cbhsidérations générales, afin de procéder du connu à l'inconnu, et de laisser à l'hypothèse et aux interprétations théoriques moins de chance pour prendre la place de la réalité et de l'expérimentation. Nous nous en tiendrons à l'observation rigoureuse des faits. Nous allons passer successivement en revue les divers systèmes organiques, et indiquer au fur et mesure, autant que l'état de la
76 EAUX ALCALINES.
science et nos propres recherches peuvent le permettre, l'influence spéciale des eaux minérales alcalines suivant la prédominance sodique, calcique ou magnésienne.
Nous choisirons Vichy pour type des premières, Châteldon et Condillac pour les secondes, Pougues, Contrexeville et St-Galmier pour les troisièmes, Plombières et Néris pour les mixtes, en ayant soin de comparer sous ces divers chefs tout ce que nous savons des sources alcalines.
§ I. SYSTÈME CUTANÉ.
Le premier effet du bain alcalin, c'est de débarrasser la peau dès écailles épidermiques et des débris de sécrétions qui s'y accumulent ; il lui donne de la souplesse et de l'onctueux. Tempéré, il développe un sentiment de force et de bien-être ; en général, les bains alcalins, pris ainsi, n'affaiblissent pas. (Pâtissier, Rapport à l'Académie, 1854. )
En même temps, la peau en reçoit une excitation particulière qui y appelle le sang ; sa calorification en est augmentée ; elle devient ainsi le siége d'une fluxion sanguine modérée, qui opère une sorte de révulsion physiologique du centre à la périphérie. Elle peut rougir, si l'eau alcaline est pure : on voit parfois survenir une démangeaison passagère; mais en général ( sauf quelques rares exceptions), on n'observe pas de poussée, comme cela a lieu dans d'autres eaux minérales (1).
L'eau alcaline irrite les plaies et les dartres ; dans le groupe des sources sodiques, à Vals comme à Vichy, un bain d'eau minérale pure est excitant; il est préférable de le mitiger. ( Pâtissier, 1854.) Cette précaution est superflue dans quelques eaux alcalines mixtes, comme Néris, etc.
Les bains alcalins seront efficaces contre l'affaiblissement morbide des fonctions cutanées; ils constituent un excitant physiologique de ce système, bien propre à en réveiller la vitalité. On les emploie dans quelques dermatoses chroniques, auxquelles les alcalins s'adressent plus particulièrement, comme certains cas de lichen et de prurigo. ( Dupraz, à Evian.) Mais en général, suivant la remarque judicieuse de M. Pâtissier, ils impriment une marche favorable surtout aux affections cutanées qui s'accompagnent d'une irritation des voies digestives, qu'ils modifient avanta(1)
avanta(1) St-Alban, Nepple remarque que la poussée n'est qu'une exception, malgré ce qu'à pu écrire à cet égard le dr Goin. Il n'en est pas de même à Neyrac, etc.
PHYSIOLOGIE. 77
creusement. M. Ladevèze a fait la même observation pour l'eau alcaline calcique-magnésienne de St-Galmier.(Essai sur les Eaux de St-Galmier, 1823, p. 30. )
Mais nous ne devons pas nous borner à celte appréciation générale ; nous allons pénétrer plus avant dans l'étude de l'action alcaline, et dans les modifications qu'elle apporte aux fonctions de la peau, sécrétion et absorption.
1° Sécrétion cutanée. — La quantité de la sueur augmente généralement, ce qu'on attribue, en partie du moins, soit aux doses qu'on ingère, soit à celles qui pénètrent par le derme. La qualité de la perspiration change aussi, et l'on a fait grand bruit de son alcalisation, comme symptôme de saturation de l'économie.
Or, quelle est la signification réelle de ce phénomène ? et d'abord quel est le caractère ordinaire de la sueur? c'est ce qu'il faut commencer par établir. Il existe sur ce sujet une grande divergence parmi les auteurs : M. Baldou dit qu'elle est tantôt acide, tantôt alcaline ( Instruction pratique sur l'hydrothérapie); M. Donné professe qu'elle est acide, mais non pas sur tous les points du corps, et qu'elle est notamment alcaline à l'aisselle, à l'aine, aux orteils (Cours de Microscopie); M. Andral, tout en disant qu'il l'a trouvée le plus ordinairement acide, quelquefois neutre et jamais alcaline, incline néanmoins à croire que la matière sébacée peut donner une réaction alcaline ( Acad. des Sciences, juin 1848 ) ; la sueur deviendrait alcaline dans quelques maladies nerveuses, dans certaines fièvres, selon Nauche et Lhéritier (Chimie pathologiq. ), etc. Or, M. Ch. Robin a contredit formellement l'assertion de M. Donné, en faisant voir que la sueur de l'aisselle est plus acide que celle des autres régions (Annales des Sciences naturelles, 1845 ), et tout le monde a pu le reconnaître sur ses propres vêtements. M. Gillebert d'Hercourt a constaté que la matière sébacée donne toujours une réaction acide au moment de sa sortie; et M. Scoutteten, révoquant en doute l'alcalinité de la perspiration, l'attribue ce aux altérations promptes que la sueur est susceptible d'éprouver par le seul contact de l'air atmosphérique. » ( De l'Eau, pag. 508. ) Nous pouvons ici nous appuyer sur d'intéressantes expériences faites par M. Gillebert d'Hercourt, au nombre de 587, sur 105 individus des deux sexes et tous atteints ( sauf 5 ) de maladies très diverses, soit aiguës soit chroniques. Il a trouvé la sueur presque toujours acide, très rarement et par exception neutre, et jamais alcaline, soit qu'il expérimentât sur la perspiration dite insensible, soit pendant la sudation du maillot hydrothérapique. (Recherches pour servir à l'histoire de
78 EAUX ALCALINES.
la sueur, 1953, p. 17.) - Ces résultats, qui concordent avec nos propres remarques, doivent nous faire considérer la sueur comme acide. - Il est notoire qu'elle devient alcaline par l'emploi des eaux minérales, surtout du genre sodique comme Vichy, Vals, et elle peut rester telle tout le temps de la cure. — On se demande si la température de l'eau et la durée de la transpiration ne sont pas pour quelques choses dans la production de ce phénomène; d'intéressantes expériences de M. Favre tendraient à le faire croire ; il résulte de ses analyses:
1° Que la matière minérale prédominante dans la sueur est le chlorure
de sodium;
2° Que la proportion des sulfates alcalins et des phosphatés alcalinoterreux
alcalinoterreux très faible;
3° Que l'acide lactique s'y présente à l'état alcalin;
4° Qu'il y existe de l'urée ;
5°. Qu'on y trouve un acide azoté (qu'il nomme acide sudorique) à l'état de sudorate alcalin, et dont la formule se rapproche de celle de l'acide nrique, qui ne se rencontre pas dans la sueur. — Le sujet de l'expérience était soumis à une transpiration forcée provoquée par une étuve chaude. La sueur recueillie pendant la 1re demi-heure était toujours acide; pendant là 2me, elle devenais neutre et parfois alcaline ; celles de la 3me aurait été, selon M. Favre, toujours alcaline. (Sur la Composition chimique de la sueur, in-8°, 1853. - Voyez aussi Archives de médecine; juillet 1853.)
Ces conclusions ne concordent pas de tout point avec celles de M. Gillebert d'Hercourt qui, après une pratique de dix ans dans les établissements hydrothéràpiques, établit que : « L'acide ou les acides libres de la sueur, en général très sensibles au début de la transpiration, diminuent ensuite, cessent même peu à peu d'être saisissables ; et, quand la sueur est devenue très abondante ou qu'elle se prolongé, elle passe à l'état neutre. — « Examinée, au moment de sa production, elle est plus ou moins acide et jamais alcaline, soit dans l'état physiologique soit dans l'état pathologique . Si quelques auteurs y ont constaté une réaction alcaline, celle-ci doit être attribuée à une altération du produit de l'exhalation cutanée par une cause étrangère. " (Op. cit., p. 38.)
Dans le sujet qui nous occupe, l'alcalisation de la sueur suit l'emploi des eaux. MM. Favre et Gillebert d'Hercourt s'accordent à reconnaître que l'acidité de la sueur va en s'affaiblissant, et que l'état neutre lui succède. MM. Scoutteten, Andral et Gillebert pensent que la transformation alcaline tient à une cause étrangère ; cette cause ici c'est l'eau minérale. C'est
PHYSIOLOGIE; 79
donc bien et dûment un de ses effets spéciaux. — Mais, est-ce à dire que cette alcalisation soit un symptôme de saturation de l'économie, comme on l'a prétendu ? Nous dirons ici; comme pour l'urine (voyez plus loin Appareil urinaire), que pour nous c'est un simple phéhomène d'élimination. Nous pouvons en donner de nombreux exemples : on a retrouvé dans la sueur les principes odorants du musc, de là valériane, de la térébenthine, etc. A l'hôpital St-Louis, M. Biett a vu l'élimination du mercure se faire par la peau chez les doreurs affectés de tremblement mercuriel, et qui étaient soumis à l'usage des bains de vapeur; M. Schedel raconte que Priessnitz lui a affirmé qu'il avait observé un phénomène semblable; Kramer et M. Bonnet ont démontré que l'iode était éliminé aussi par la peau; M. Chatin a fait la même démonstration pour l'arsenic. - Ces faits puisent leur raison d'être dans là loi de solidarité qui lie entre eux les différents systèmes de l'économie animale. L'exhalation cutanée est un acte essentiellement éliminateur, et les sympathies de la peau étant très intimes avec beaucoup d'autres organes, il n'y a rien de surprenant que, pour maintenir l'équilibre fonctionnel, la surface cutanée rejette dé l'organisme des principes qui lui sont étrangers (1) ou qui accidentellement ne peuvent pas être suffisamment expulsés par leur émonctoire naturel. (Gillebert d'Hercourt.) Voyez les intéressantes expériences asseihblées par M. Brachet dans sa Physiologie (1855,t.1, p. 800).
2° Voyons maintenant ce qu'il en est de l'absorption. Il paraît que la quantité d'eau minérale absorbée est assez considérable ; mais aucun des auteurs qui ont écrit sur les eaux rie l'a évaluée; M. Barthez dit formellement qu'il y a renoncé à cause des difficultés du problème.(Guide aux Eaux de Vichy, 1851, p. 116.) Nous pouvons toutefois citer quelques chiffres comparatifs pour l'exhalation et pour l'absorption. Ainsi, M. Gillebert a expérimenté que, dans une forte sudation au maillot, la perte
(1) Les expériences récentes de M, Orfila neveu ont fait justice de l'opinion erronée qu'on s' était faite sur la permanence du séjour des poisons, comme des médicaments, dans le corps de l'homme ; il a démontré que le temps nécessaire à l'élimination varie pour chaque corps : par exemple, l'arsenic est éliminé au bout de quinze jours; le mercure, au bout d'un mois ; l'émétique, de quatre mois; l'argent, de sept à huit mois ; le plomb et le cuivre, après huit mois. (De l'Elimination des poisons, thèse, 1852.) Pour l'iode, l'élimination commence vite, comme pour les alcalins, et elle est terminée en huit à neuf jours. M. Bonjean (Eaux de Challes, 1845), en expérimentant sur lui-même, a reconnu que les urines commencent à éliminer l'iode et le brome des eaux de Challes six à sept heures après l'ingestion, et n'en contiennent plus deux jours après, quand on n'en prend que quelques doses coup sur coup, sans continuer.
80 EAUX ALCALINES.
du corps en sueur s'élève à 800 ou 850 grammes, estimation concordante avec celle de M. Halman qui donne 845 grammes pour deux heures de sudation.(Voyez Gazette médicale de Berlin 1848.)Par contre, la peau, dans un bain tiède d'eau simple, peut absorber jusqu'à 1,400 grammes d'eau, selon Falconet. (Voyez Londe, Traité d'hygiène.)
Le bain minéral suffit seul pour alcaliser l'urine, comme l'ont expérimenté, à Vichy, MM. Darcet, Chevalier, Petit; à Chateauneuf, M. Salneuve; à Vals, M. Ruelle, etc. Cet effet peut même se produire après 30 à 40 minutes de bain (Chevalier), ce qui démontre la rapidité de l'absorption. Voici, sur les conditions qui facilitent ou contrarient soit l'exhalation soit l'absorption, voici d'intéressantes recherches de M. Kuhn, jusqu'ici peu connues, et qui méritent de l'être davantage : « En théorie, ditil, on devrait croire que l'eau tiède ou modérément chaude est plus facilement absorbée que l'eau fraîche; c'est précisément l'inverse qui a lieu. D'après les expériences de Kahtlor, faites à Vienne en 1822, le séjour d'une heure dans un bain de 12° 50 à 18° 75, fait augmenter le corps de 2 1/2 à 3 1/3 kilog. — Si la température est de 27° 50, il n'y a plus que 1/2 kilog. d'augmentation. — A 32° 50 et 33° 75, il n'y aurait presque aucune augmentation de poids. A 36° 25, le poids du corps éprouve déjà une diminution d'un kilog.; en portant le degré de température jusqu'à 56° 25, le même expérimentateur est parvenu à faire diminuer le corps de 41/4 kilogramme. — Tout en reconnaissait que ces chiffres peuvent varier suivant les individus, il faut avouer que c'est là une base fort utile. L'expérience a appris à M. Kuhn, que pour activer l'absorption cutanée il faut donner des bains au-dessous de 30°,tout comme pour activer l'exhalation il faut dépasser 35°. — Dans un bain de 30° et au-dessous, l'exhalation cutanée diminue, puis s'arrête; l'absorption au contraire commence, et augmente à mesure que le bain devient plus tempéré. — Dans un bain au-dessus de 35°, l'absorption diminue, et l'exhalation augmente en raison de la chaleur du bain. — En résumé, au-dessus de 30°, le mouvement des liquides se fait de l'extérieur vers l'intérieur ; au-dessus de 35°, il a lieu en sens inverse. (Voyez Pâtissier, Rapport à l'Académie) Les effets du bain varient suivant la nature des eaux minérales en suivant leur température ; les sources alcalines sodiques sont plus stimulantes, comme Vichy, Vals, Chateauneuf, etc. ; les sources calciques magnésiennes le sont moins, comme St-Galmier, Contrexeville; pour les sujets nerveux on peut choisir des sources mixtes, comme Néris, Evian, Plombières, ou calciques comme Châteldon, Ussat, etc.; sinon il convient de les mitiger et de faire prendre des bains tempérés.
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Pour les sujets à constitution molle et lymphatique, pour ceux dont l'appareil circulatoire a peu d'activité, il faut plus de calorique et des eaux minérales plus toniques ou plus pures; pour les individus nerveux, sanguins et pléthoriques, il faut des eaux plus douces ou plus mitigées, et des bains plus tempérés. Pour les personnes impressionnables, le bain minéral trop chaud devient trop stimulant, en ce que, faisant perdre au sang une partie de ses éléments aqueux, il le rend plus excitant: « L'accroissement de la perspiration cutanée a pour effet, dit M. Andral, d'enlever au sang proportionnellement plus d'eau que d'autres principes. »
Nous ferons remarquer que, toutes les fois qu'on voudra maintenir l'équilibre entre les deux fonctions de la peau (exhalation et absorption), on devra faire prendre des bains de 30° à 34°.
Finalement, pour signaler tout le parti qu'on peut tirer de ces recherches physiologiques, nous terminerons en insistant sur une des ressources thérapeutiques qu'elles présentent : chez les graveleux, les goutteux, dans les catarrhes de la vessie et des reins, et dans tous les cas où il importe de ménager les viscères et de ne pas surcharger l'estomac, le bain alcalin tempéré sera un moyen des plus efficaces pour faire absorber beaucoup d'eau minérale et agir largement sans fatiguer aucun organe.
A un point de vue plus général, on doit considérer la peau non pas seulement comme un agent d'absorption alcaline ou d'exhalation, mais comme un organe dont les fonctions sont importantes à relever, pour la solidarité qui l'unit à celles des autres appareils et spécialement aux fonctions digestives, et enfin comme une large surface de révulsion où se développe une suractivité physiologique qu'on peut utiliser dans la thérapeutique des eaux.
§ II. APPAREIL DIGESTIF.
L'eau minérale alcaline imprime à la muqueuse digestive de profondes modifications physiologiques. M. Pâtissier, à propos de Vals, en retrace en quelques lignes les traits principaux : « Dans l'état de santé, l'eau de Vais, prise en boisson, augmente l'appétit, rend la digestion plus facile, régularise les évacuations alvines, et produit parfois un effet purgatif; la circulation devient plus active, la peau plus chaude ; il se manifeste un sentiment de force et de bien-être inaccoutumé. Quelques verres de cette eau suffisent pour rendre alcalines les sueurs et les urines qui sont naturellement acides. » (Rapport, 1854. ) — Ce tableau s'applique assez
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bien à l'ensemble des eaux minérales alcalines, à quelques différences près.
C'est un fait général d'observation,que la plupart des eaux minérales, quand elles sont bien supportées par l'estomac, stimulent sa vitalité et augmentent sa faculté digestive, comme l'un de nous, M. Pétrequin, a pu sur les lieux l'expérimenter sur lui-même successivement pour les eaux sulfureuses d'Allevard, d'Aix (Savoie) et d'Uriage ; pour l'eau sulfureuse iodurée de Marlioz (Savoie); pour l'eau sulfureuse iodurée et bromurée de Challes ; pour l'eau saline de La Motte (Isère), de Luxeuil et de Bade, et enfin plus spécialement encore pour les eaux qui nous occupent, comme celles de Plombières, du Mont-Dore, de Condillac, de St-Simon, etc.— Cette influence, remarquons-le, est particulièrement l'apanage des eaux minérales alcalines : elles réveillent et augmentent l'appétit, et il est bon de se défendre contre cette sensation trop vive, surtout s'il y a eu de sérieux malaises gastriques ; un régime sévère et la sobriété sont un excellent préservatif contre des rechutes qui aggraveraient beaucoup l'état du baigneur en ranimant la maladie primitive. Il importe de se tenir dans les limites de l'excitation physiologique. — L'appétit ne tarde pas à se régulariser; les eaux alcalines dissipent les flatuosités et les aigreurs, non seulement en neutralisant les gaz et l'excès d'acide, mais en agissant sur la vitalité de l'estomac ; nous devons prendre garde de tomber dans l'exagération des iatro-chimistes, qui ne voient qu'un côté de la question : « L'économie animale, dit Liébig, ne peut pas être considérée comme un simple laboratoire de chimie. » (Chimie organique.)
Au début, les eaux alcalines constipent assez communément ; c'est un phénomène qu'on observe à Vichy, comme à Vals, à St-Alban, à Châteauneuf, à Evian, etc. On l'a expliqué par la diminution de la sécrétion muqueuse. (Voyez Appareil urinaire. ) S'il n'y a pas tolérance de l'eau minérale ou si l'on en prend une trop haute dose, il peut survenir de la diarrhée : on l'a constaté dans la plupart des eaux. Les auteurs s'accordent à regarder ce phénomène comme une sorte d'indigestion. La tolérance est une question pratique utile pour le choix de la source et pour la dose de l'eau. Il suffit, pour la diarrhée, de suspendre ou de modérer la boisson. —Dans la constipation habituelle, et la paresse intestinale, on peut tirer un grand parti des douches ascendantes ; elles agissent non seulement comme évacuant, mais encore elles excitent et tonifient la partie inférieure du tube digestif.
On peut dire en général que les eaux alcalines sont spécialementavantageuses contre l'atonie des voies digestives et la débilité intestinale.
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M. Pâtissier formule ainsi ce résultat : " Leur efficacité se déploie particulièrement dans toutes les maladies sous-diaphragmatiques, pourvu qu'elles ne présentent point de symptômes de phlogose aiguë. » ( Rapport à l'Académie. ) M. Prunelle à Vichy était arrivé à la même conclu. sion.
Il se présente ici une question importante, c'est le choix des eaux : la division nouvelle que nous avons introduite nous permettra d'établir quelques règles générales, que viennent corroborer les appréciations de la chimie; en général, les sources sodiques (toutes choses égales d'ailleurs ) sont plus stimulantes ; quand elles sont bien appropriées, elles déterminent une amélioration prompte : nous en avons vu un exemple chez le docteur Dupasquier, qui alla en 1848 analyser à Vals la source Chloè.(J. de Médecine de Lyon, 1845, t. 8.) Par contre, et en raison même de ces qualités stimulantes, les eaux alcalines sodiques sont plus difficiles à tolérer ; nous avons vu plusieurs de nos malades ne pouvoir supporter ni la Grande-Grille, ni l'Hôpital, et se trouver forcés de quitter Vichy. —M. Pâtissier remarque judicieusement, pour l'eau de St-Alban, que chez quelques personnes « son usage prolongé peut amener une irritation des voies digestives.» (Rapport.) Quand il y a plusieurs sources sur les lieux, on peut comme à Vals se borner alors à l'eau de la source Marie, qui est moins minéralisée que les sources Chloè et la Marquise.
On peut, dans tous les cas, se rabattre sur les eaux alcalines calciques parmi lesquelles on aura à choisir entre Condillac, Rieu-Majou et Châteldon, généralement faciles à supporter. C'est ainsi que ce la Commission de l'Académie a pensé que les eaux de Châteldon sont préférables à celles de Vichy toutes les fois qu'il reste quelque trace d'irritation subaiguë dans les organes et que le malade est d'un tempérament irritable.» (Pâtissier, Rapport, 1854, p. 77.)
On peut encore avec avantage recourir à l'eau calcique-magnèsienne de St-Galmier : " Aucune boisson n'est plus convenable dans l'irritation chronique des voies digestives. Elle remplace la potion de Rivière dans le vomissement spasmodique. Elle réussit avec un merveilleux succès dans la boulimie, le pica, le pyrosis et la diarrhée atonique.» (Ladevèze, Eaux de St-Galmier, 1825. ) Nous pouvons confirmer la plupart de ces faits par une expérience personnelle. On en peut dire autant de Pougues et de Contrexeville.
Enfin on aura la faculté de choisir avec non moins d'avantage parmi 'es eaux alcalines mixtes : Evian, Néris, La Malou, etc.,sont dans cette catégorie. Nous pourrions citer plusieurs de nos confrères qui n'avaient pu
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supporter les eaux de Vichy ou à qui elles avaient mal réussi, et qui se sont bien trouvés, les uns de celles d'Evian, les autres de Châteldon, de Condillac, d'autres enfin des eaux alcalines silicatées de Plombières, etc. On trouvera dans notre Tableau comparatif et gradué des sources alcalines, un guide qui pourra servir dans le choix à faire.
On a essayé de donner, d'après leur composition chimique, une interprétation raisonnée de leurs principaux effets ; et, sans exclure l'influence vitale, nous croyons devoir y insister un instant, parce que l'application en sera générale pour les quatre ordres que nous avons établis: les eaux alcalines doivent surtout leur propriété digestive à l'acide carbonique dont elles sont plus ou moins saturées, à la proportion considérable de bicarbonate de soude qu'elles contiennent, ainsi qu'aux bicarbonates de magnésie et de chaux, auxquels il faut ajouter quelques sels alcalins. Passons en revue ces divers éléments : " L'action, dit M. Dupasquier, l'action stimulante et digestive de l'acide carbonique en solution dans les eaux potables est bien connue par l'emploi général qu'on fait des
eaux gazeuses Les eaux potables où ce gaz est le plus abondant doivent
doivent placées parmi les meilleures. » ( Dupasquier, Eaux de source, 1840.) Les mêmes considérations s'appliquent aux eaux alcalines. En voici une démonstration directe : ce L'eau alcaline de St-Alban ne produit plus le même effet lorsqu'elle est plus ou moins privée de son gaz acide carbonique. On en a la preuve dans les temps d'orage;... le gaz de la source, se trouvant alors moins comprimé, s'échappe à gros bouillons, ce qui a pour effet de désacidifier l'eau en partie, de la rendre plus saline et de lui donner un goût saumâtre dont l'estomac ne se trouve pas aussi bien. » (Nepple, J. de Médecine de Lyon, 1843, IV, 34.) Le docteur Lucas avait fait pour Vichy la même observation que Nepple pour St-Alban: " Dans les temps d'orage, dit-il, il faut boire les eaux de Vichy avec précaution, car elles sont d'une digestion laborieuse ; elles causent un ballonnement du ventre incommode. »
Pour le bicarbonate sodique, le fait est généralement admis ; il est beaucoup moins connu pour les deux autres : ce Le carbonate de magnésie est préférable à la magnésie dans les cas de troubles gastriques, d'anorexie, de rapports aigres, à cause du dégagement de gaz acide carbonique. » (Orfila.) — " Le carbonate de chaux à faible dose et tenu en dissolution par un excès d'acide carbonique, passe à l'état de bicarbonate: il agit alors sur l'estomac comme le bicarbonate de soude des eaux de Vichy, qu'on place au premier rang parmi les substances propres à exciter l'action digestive, » (Dupasquier, Eaux de source. )
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Peut-être ne doit-on pas omettre l'hydrochlorate de soude, dont l'adjonction aux alcalins, à petite dose, favorise, la digestion. (Boussingault.)
Le sulfate de soude et les autres sels neutres y sont en trop petite quantité pour provoquer une médication purgative, et ont surtout pour résultat de concourir à exciter la sécrétion urinaire. — Le carbonate de fer s'y rencontre en proportion suffisante pour combattre la débilité générale et relever les forces. ( Dupasquier, Eaux de Vals. )
Enfin, au-dessus de tout cela, il y a une réaction vitale et dynamique dont l'essence intime nous échappe, mais dont l'influence se manifeste par des effets saisissables et qui dominent toute question de thérapeutique.
Abordons maintenant l'étude du régime alimentaire pendant la cure des eaux alcalines, ce qui renferme un double problème d'hygiène et de physiologie. —On est allé, à Vichy, jusqu'à proscrire les acides, les fruits et le vin, et jusqu'à défendre même l'eau minérale au repas, sous le prétexte que l'effet des eaux serait paralysé par ce régime. Nous pourrions citer ici de nombreux et curieux passages écrits d'hier par des auteurs contemporains qui soutiennent cette thèse. Mais nous n'afficherons aucun nom ; car nous ne faisons pas une guerre de personnes : nous ne voulons combattre que les paradoxes ou les erreurs. La chose importante, c'est de savoir ce qu'il y a de vrai dans ces théories ; on comprend, en effet, que la question du régime est capitale en fait de thérapeutique.
Et d'abord à l'égard des acides minéraux, Berzélius a démontré qu'ils ne passent ni purs ni indécomposés dans les urines et ne les rendent jamais plus acides ; et l'on a ajouté que,s'il en pénétrait une faible quantité dans la circulation, elle serait neutralisée par les alcalis du sang.
C'est surtout pour les acides végétaux que la proscription a été formulée, et c'est là qu'est la difficulté réelle. Or, citons encore Berzélius : il a fait voir que les sels végétaux qui proviennent de fruits tels que les citrates, les malates, etc., sont décomposés par l'action digestive et qu'ilsrendent finalement les urines alcalines. Liébig professe la même opinion. M. Bouchardat a expliqué de la sorte l'action bienfaisante des jus d'herbes et de certains sucs de plantes, dans les calculs biliaires, dans la gravelle, etc. Ainsi l'on peut dire que l'usage des fruits et desacides végétaux présente une utilité réelle, et concourt au même but que les eaux alcalines, notamment dans les affections calculeuses. Nous administrerons plus loin une preuve nouvelle à un autre point de vue.
Que dire maintenant de la proscription du vin? L'eau alcaline et le vin seraient choses incompatibles, selon quelques écrivains ; on a même pré-
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tendu que l'introduction du vin n'était qu'un des abus de la civilisation, et que l'homme pourrait parfaitement s'en passer !... Toutefois jusqu'ici, il faut bien l'avouer, la pratique journalière a considéré le vin comme d'une importance majeure dans le régime pour les chloroses, pour les cachexies paludéennes, pour le diabète, etc., et elle ne s'en est pas mal trouvée ; avait-elle donc tort? Voyons ce que devient le vin mêlé à de l'eau alcaline ! Sa matière colorante verdit sous l'influence des sels alcalins ; la partie astringente se combine avec le fer de l'eau minérale, dont une portion de l'acide carbonique cède la place aux acides du vin ( tartrique, malique, acétique) pour faire des tartrates, des malates et des acétates de soude ; que le vin soit mêlé à de. l'eau pure ou alcaline, on sait que les alcalis minéraux combinés aux acides organiques se convertissent dans l'économie en carbonates alcalins. Il n'y a donc là rien de contraire à l'action des eaux minérales. M. Durand-Fardel a expérimenté sur lui-même que l'urine s'alcalise aussi vite avec de l'eau de Vichy mêlée d'un quart de vin, que si on la boit pure. Nous pouvons aussi invoquer nos propres expériences sur les eaux alcalines silicatées.(Voir plus loin.) Enfin on est encore tombé dans une erreur que nous devons relever : on a prétendu qu'il ne fallait pas boire de l'eau alcaline aux repas, dans la crainte de voir neutraliser l'acidité du suc gastrique qui est nécessaire au travail digestif. On insiste surtout sur cette prohibition quand le baigneur fait usage de viande. — Mais est-il donc admis aujourd'hui que les agents de la digestion stomacale et duodénale n'opèrent exclusivement que par leurs acides? Les derniers travaux de M. Magendie et de M. Corvisart sur les ferments ne sont pas favorables à cette théorie exclusive.
Quoi qu'il en soit, les alcalins sont loin de paralyser l'action du suc gastrique et de nuire à la digestion de la viande. Voici à ce sujet une expérience intéressante de M. Cl. Bernard : on donne à deux chiens une même quantité de viande, en la mêlant, pour l'un d'eux, d'un peu de bicarbonate de soude ; on les sacrifie ensuite au même moment, et l'on trouve que la digestion est beaucoup plus avancée chez celui qui a pris le sel alcalin. — Il y a plus: l'ingestion d'un alcalin a pour effet d'activer la sécrétion du suc gastrique. Ainsi M., Cl. Bernard a constaté sur des chiens porteurs d'une fistule gastrique que, lorsqu'on introduit des alcalins dans l'estomac, ceux-ci neutralisaient d'abord les acides qu'ils rencontraient; mais presque immédiatement, il se faisait une réaction, et les acides affluaient en plus grande abondance.
On est donc autorisé à conclure expérimentalement, contre l'exclusi-
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visme de ces doctrines iatro-chimiques, que les eaux alcalines, loin de nuire à la digestion, la favorisent au contraire en stimulant la vitalité de l'estomac et augmentant la sécrétion du suc gastrique. Lors même que ces expériences si probantes n'auraient point été accomplies, il n'est pas de praticien qui n'ait constaté que l'eau alcaline, loin d'entraver la digestion de la viande par exemple, la facilite au contraire et l'accélère ; cette observation vaut toutes les théories, quand on peut la vérifier et la généraliser pour l'ensemble des eaux alcalines soit sodiques ( comme Vichy, Vais, St-Alban), soit calciques (Condillac, Châteldon), soit calciques-magnèsiennes (Pougues, St-Galmier), soit enfin mixtes (Néris, Plombières).— On pourrait ajouter qu'en général les sécrétions alcalines des organes digestifs paraissent surtout excitées par les acides, et les sécrétions acides par les alcalis ; et que, tandis que celle du suc gastrique est augmentée par les alcalins, elle est au contraire diminuée par le vinaigre et les fruits acides. (Mialhe. )
Jusqu'ici nous avons surtout examiné l'influence des eaux minérales alcalines sur la partie membraneuse de l'appareil digestif; nous allons procéder au même examen pour la partie glandulaire.
La plupart des sécrétions de cette catégorie, le suc gastrique excepté, sont alcalines, et leurs organes se trouvent plus ou moins profondément cachés dans l'économie : double cause de difficulté pour l'étude qui nous occupe. Toutefois voici les lumières que nous avons tirées de nos recherches: « Dans l'état sain, écrivait en 1853 M. Vidal d'Aix, l'estomac supporte avec une facilité merveilleuse l'eau de St-Simon (source Raphy) ; elle augmente légèrement l'appétit, aide la digestion, et paraît rendre les déjections alvines plus faciles ; elle produit une diurèse assez sensible (docteur Guilland); elle augmente aussi la sécrétion de la salive, phénomène que M. le docteur Pétrequin a le premier noté et que j'ai eu souvent occasion d'observer.» (Eau de St-Simon, Chambéry 1853,p.40.) La même remarque s'applique à plusieurs des eaux alcalines; celles qui sont suffisamment minéralisées la rendent alcaline, comme la sueur et l'urine ; nous dirons en passant que, pour l'eau alcaline sulfureuse iodurée de Challes, M. Bonjean a parfaitement constaté ce caractère alcalin de la sécrétion et y a retrouvé par l'analyse des traces sensibles d'iode.
L'acidité de la salive, de même que les aigreurs stomacales, peuvent conduire à appliquer avec succès les eaux alcalines dans ce cas. Toutefois nous devons remarquer que l'acidité salivaire et l'excès d'acide dans l'estomac, considérés en eux-mêmes, ne sont pas toujours une indication certaine de la médication alcaline lorsqu'il existe, par exemple, un état trop inflammatoire des premières voies.
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A l'égard du foie, l'influence physiologique des eaux alcalines, surtout sodiques, comme Vichy, est des plus remarquables : au bout de quelques jours, plusieurs malades éprouvent une sensation de plénitude et même de ballonnement dans l'hypochondre droit ; la bile est sécrétée plus abondamment et colore davantage les matières fécales ; ce qui contribue à améliorer la digestion et à rendre les selles plus faciles. Les eaux alcalines sont un excellent remède hépatique ; et ce n'est pas sans raison que l'expérience pratique leur octroie la qualité de cholalogues.— Or la physiologie nous apprend que presque toute l'eau alcaline prise en boisson traverse le foie: on sait aujourd'hui,depuis les belles expériences de Panizza (Archiv. de Médec. , 4e série, II-85) et celles de M. Chatin (Acad. des Sciences, t. XVIII), que l'absorption des sels solubles pris en boisson se fait, au moins en plus grande partie, par les veines de l'estomac et de l'intestin grêle, lesquelles, venant aboutir aux radicules de la veine-porte, transmettent au foie la totalité du sang qu'elles renferment et des substances qui y ont été introduites.—Ainsi un des premiers effets de l'ingestion des eaux alcalines, comme à Vichy, doit être une action directement exercée sur le foie ; car il serait difficile d'admettre que la quantité d'eau et de substances minérales qui traverse cet organe dans un court espace de temps, restât sans influence sur la formation et la sécrétion de la bile (Durand-Fardel); ce que nous avons démontré pour la sueur et l'urine ne laisse pas de doute à cet égard. (Voyez Peau et Appareil urinaire. )
Maintenant nous ne trancherons pas la question de savoir si c'est par une action vitale ou bien par une action chimique, à l'aide de la soude et des alcalins qu'elles renferment, que les eaux minérales dont il s'agit influent sûr les fonctions du foie. Nous croyons que c'est là une action complexe, et qu'il faut ici tenir compte, outre l'influence dynamique, non seulement de la soude ( Barthez, Petit, James), comme on s'est borné à le faire trop exclusivement, mais encore des sels alcalins et des autres principes minéralisateurs, tels que le fer et le manganèse (1) ou les différents sels que nous avons appréciés. On sait avec quel succès les eaux de Vichy par exemple réussissent dans les engorgements hépatiques et
(1) Ce dernier mode d'action n'est pas en général celui qu'on peut attribuer aux médicaments qui présentent au plus haut degré l'aptitude à solliciter l'action du foie et la sécrétion de la bile : ce serait à l'action combinée des sels de manganèse sur le foie et ses sécrétions que, d'après les expériences de Gmelin et ses propres observations, M. Ure attribue l'action de certaines eaux minérales d'Allemagne, en particulier de celles de Carlsbad et de Marienbad, sur les fonctions du foie. (Durand-Fardel, Eaux de Vichy, 1851,)
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dans certains vices de la sécrétion biliaire qui prédisposent à la formation de calculs.
Il est probable que l'action physiologique du pancréas est modifiée comme celle du foie et des glandes salivaires, et qu'elle contribue aussi à améliorer le travail digestif.
Nous possédons pour la rate quelques observations dont plus loin nous tirerons parti pour la thérapeutique.
§ III. APPAREIL URINAIRE.
L'appareil urinaire est un de ceux qui reçoivent des eaux minérales alcalines les modifications les plus profondes.
Voici les phénomènes que nous avons observés sur l'urine : elle tend d'abord à augmenter ; la plupart des eaux alcalines sont plus ou moins diurétiques, comme on l'a constaté à Vals, St-Alban, St-Galmier, Contrexeville, Evian, etc. L'urine tend aussi à devenir plus limpide ; on y remarque la diminution et souvent la disparition plus tard du dépôt muqueux que le refroidissement ou le repos y développent, surtout dans la sub-inflammation lente de l'appareil urinaire. On voit aussi disparaître plus ou moins vite le sédiment briqueté qu'elle présente, lorsqu'elle est fortement acide. Enfin elle perd son principe colorant, ne dépose plus ni mucus ni acide, passe à l'état neutre, et finit même par devenir alcaline, par exemple, à Vichy, Vals, St-Alban, Chateauneuf, Pougues, etc. ; — à Vichy notamment, elle s'alcalise vite : M. d'Arcet a expérimenté, et M. Petit a constaté après lui que trois verres par jour d'eau de Vichy ( ce qui représente en bicarbonates 3 gr. 60 pour la soude ; 0 gr. 60 pour la chaux, et 0 gr. 40 pour la magnésie) suffisent parfois pour maintenir les urines alcalines pendant la cure. (Annal, de chim. et physiq., 1826.) — Le bain seul peut également alcaliser l'urine ; il aide beaucoup aux boissons pour continuer cet effet. Nous en avons indiqué plus haut les conditions. (Voyez Peau.)
On a attribué la disparition du dépôt muqueux dans les urines à la diminution de la sécrétion muqueuse dans l'appareil urinaire, comme nous l'avons déjà vu pour le tube digestif, comme nous le verrons pour l'appareil génital, etc. La plupart des écrivains inclinent pour cette opinion ; nous croyons qu'il faut peut-être tenir compte aussi des qualités dissolvantes d'une urine devenue alcaline et plus abondante ; quant à la diurèse qui est un fait assez général, elle se rapporte sans doute non seulement à l'action spéciale des sources alcalines, mais encore à la quantité
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d'eau qui est absorbée dans le bain ( voyez Système cutané ) et ingérée en boisson. De ces faits divers ressort l'utilité particulière des eaux alcalines dans le catarrhe chronique des reins et de la vessie.
L'alcalisation de l'urine peut-elle servir de thermomètre pour la direction du traitement thermal? On l'a prétendu. Il est vrai qu'au lieu d'être acide, l'urine peut rester alcaline sans inconvénient pendant un certain temps. Mais nous verrons plus loin qu'on n'arrive pas toujours à cet état ; et même il faut bien se garder de forcer la dose pour l'obtenir, car il y aurait du danger chez les individus réfractaires : M. Prunelle parle d'un graveleux à qui l'on crut devoir prescrire jusqu'à 18 verres d'eau de Vichy par jour et qui finit par pisser le sang; triste exemple de l'abus des systèmes !... Il est bien des cas où, au lieu de produire cette saturation prétendue de l'organisme, on n'aboutirait qu'à une satiété morbide. — Car enfin qu'est au fond l'alcalisation de l'urine ? C'est un simple phénomène d'élimination en vertu d'une loi de l'organisme par laquelle les principes non assimilables, introduits dans nos organes, sont rejetés au dehors par des voies dont les reins sont les organes les plus actifs. Nous l'avons déjà fait voir plus haut pour l'iode (Bonjean) ; c'est ce qu'on observe journellement pour le principe odorant des asperges, c'est enfin ce qui arrive pour beaucoup de remèdes, et ce que nous avons démontré surabondamment pour la sueur (yoyez Système cutané). En définitive cette saturation de l'économie, si elle existait telle qu'on l'annonce, serait-elle compatible avec la vie? n'y aurait-il pas là une sorte d'empoisonnement alcalin, comme on le voit pour la saturation iodique par les eaux de Coise, selon les remarques de MM. Dubouloz, Caffe et Rilliet? et d'ailleurs cette théorie est en pleine contradiction avec les effets qu'en retirent la chlorose, la cachexie paludéenne et les débilités organiques.
Peut-on soutenir, comme on l'a fait, que l'alcalisation de l'urine est le fait capital et essentiel de la cure? Nous ne le pensons nullement; pour nous ce phénomène dépend de trop de circonstances, et il est trop variable, non seulement suivant les sujets, mais encore chez le même individu. — Et d'abord il est loin d'être constant pour les eaux alcalines : " A Evian on obtient rarement l'alcalisation; les eaux se bornent à ramener les sécrétions à l'état neutre, et cependant on ne peut leur nier des propriétés curatives.» (Dupraz, Eaux d'Evian, 1854. ) L'a-t-on obtenue? une diarrhée qui survient rend de nouveau les urines acides. (Petit, Barthez, etc. ) — Il est d'observation qu'elles s'alcalisent moins facilement dans les engorgements du foie ou de la rate, que dans les dyspepsies.(Durand-Fardel. ) — Il faut tenir grand compte de l'empire du régime et de
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la diète : les expériences de M. Cl. Bernard ont montré quelle influence exerce sur leur acidité l'état d'une personne à jeun ou qui vit pour ainsi dire de sa seule substance.(Voyez expériences analogues de Millon, dans Brachet, Physiologie, t. I, p. 274. ) Enfin on a remarqué aussi qu'elles perdent quelquefois de leur alcalinité à mesure que le traitement avance ; il est même des sujets chez qui elles redeviennent acides.
Il résulte d'intéressantes recherches statistiques faites par M. DurandFardel sur 87 malades, dont on examina avec soin, le matin, l'urine de la nuit, il résulte que cette urine fut :
1° plus ou moins alcaline 42 fois
2° neutre 4 —
3° alternativem. alcaline et neutre 14 —
4° acide 6 —
5° alternat, alcaline, neutre et acide 21 —
Total : 87 malades.
L'alcalisation n'a donc eu lieu que dans la moitié des cas. Enfin, pour examiner ses rapports avec la cure, il a noté que sur 54 améliorations , l'urine se montra alcaline 26 fois, et fut alternativement alcaline, neutre ou acide 23 fois, sans que ces variations fussent de mauvais augure pour le succès.
Il faut donc conclure que la signification de ce fait a été exagérée par les iatro-chimistes, et que ce n'est qu'un des symptômes que le clinicien doit recueillir pour diriger sagement ses malades. Certes il y a dans l'appareil urinaire quelque chose de mieux à étudier que la simple alcalisation de l'urine, et personne à notre connaissance ne l'a jusqu'ici entrepris pour les eaux alcalines, où il eût été pourtant de la plus haute importance de le faire. Nous allons l'essayer : les reins ne sont pas de simples filtres ;quelques médecins s'imaginent que ces organes,semblables à des cribles, laissent passer l'eau en excès sans que la quantité des matières, dont la dissolution aqueuse constitue l'urine, en soit augmentée. M. Becquerel a démontré que c'est le contraire qui a lieu, et que les reins sécrètent alors une somme plus considérable d'éléments chimiques : il a vu que le chiffre de matières autres que l'eau sécrétées en 24 h. pouvait monter de 33 gr. 853 à 37gr. 209 sous la seule influence de l'ingestion d'un litre d'eau de plus, et que pour un litre et demi en sus, ce chiffre s'est élevé à 42 gr. 688. (Séméiotique des urines.)
Toutes nos sécrétions ont une analogie fondamentale, et il importe de comparer ici la sueur avec les urines : dans la sudation par l'enveloppement hydrothérapique, il est d'observation que, tandis que l'acidité, qui
92 EAUX ALCALINES.
est due aux acides organiques, va en diminuant jusqu'à disparaître, la saveur salée au contraire, qui dépend des sels minéraux, persiste jusqu'au bout, bien que moins prononcée qu'au début.
En comparant la composition chimique de la sueur et de l'urine, on voit que les sels minéraux ne sont pas également et indistinctement éliminés par les divers émonctoires de l'économie. La matière minérale prédominante dans les deux cas est l'hydrochlorate de soude; pour les sulfates et les phosphates, ils sont beaucoup plus abondants dans l'urine que dans la sueur, comme on peut en juger d'après le tableau suivant, dressé par M. Favre :
Sueur, sur 14 litres. Urine, sur 14 litres.
Chlorures gramm. 34,639 ...... 57,018
Sulfates — 0,160 21,769
Phosphates .... — traces 5,381
Maintenant, au point de vue des sels alcalins organiques, M. Favre a trouvé :
Sueur, 14 litres. Urine, 14 litres.
Alcalis exprimés en soude réelle, gramm. 4,183 .... 2,494 Matières organiques — 22,920 .... 139,650
Il fait remarquer que les 139 gr. 650 de matières organiques contenues dans l'urine ne comprennent ni l'urée ni l'acide urique. —Il ressort de tout ceci que le rapport entre les sels minéraux et l'alcali combiné aux acides organiques est dans la sueur comme 34,80 : 4,18 gr (soit : : 100. 12,01), et dans l'uriné comme 84,17 : 2,49 (soit:: 100: 2, 95). - ( Voyez Favre, Composition chimiq. de la sueur, 1853, p. 21. )
Ainsi la diurèse et la sudation constituent une médication spoliative des plus puissantes ; pour la diurèse en particulier, elle suscite un mouvement actif de décomposition organique ; nous espérons avoir ainsi mis en évidence pour tout le monde le parti immense qu'on pourra en tirer, en la dirigeant convenablement, pour fondre les engorgements divers, pour prévenir ou résoudre les concrétions phosphatées, uratées ou autres, en un mot pour agir contre les obstructions, la gravelle, la goutte, etc. Les recherches que nous ferons plus loin sur le sang compléteront cette étude.
Il nous reste pour le moment à apprécier à ce point de vue la spécialité d'action des trois ordres d'eaux alcalines que nous avons établis. — Les propriétés spéciales des sources sodiques sont ici un fait aujourd'hui vulgaire, et qui ressort de la pratique générale à Vichy, comme à Vals, à
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Chateauneuf, à St-Alban, etc. Leur action dissolvante se trouve augmentée par les doses qu'on fait pénétrer soit par le bain soit par la boisson.
Quant aux propriétés des sources calciques, elles ne sont pas ( tant s'en faut !... ) aussi bien étudiées : il y a plus, la présence des carbonates calciques a beaucoup embarrassé jusqu'ici la plupart des observateurs ; quelques hydrologues, n'en connaissant pas la vertu, sont allés jusqu'à écrire : ce Substances qui sont loin d'être avantageuses dans les eaux minérales. » Les plus réservés les ont traités de ce substances insignifiantes. » — Nous avons déjà mis en évidence leur influence sur le tube digestif; pour l'appareil urinaire, les recherches de Robert Whytt ont de puis longtemps démontré l'action dissolvante des préparations calciques sur la pierre et sur la gravelle. La chaux faisait la base du fameux remède lithontriptique de Madame Stephens ; et nous ferons remarquer que cette propriété spéciale est nettement signalée pour les eaux alcalines calciques de Condillac, de Châteldon, de Rieu-Majou, etc.
A l'égard des sources calciques-magnésiennes, l'embarras des auteurs na pas été moins grand; dans l'impossibilité de s'en expliquer les propriétés, la plupart ont considéré les carbonates de chaux et de magnésie comme n'étant " nullement avantageux dans les eaux minérales. » Pour nous, nous pouvons, après avoir démontré toute leur influence sur le tube digestif, citer des résultats non moins précis pour l'appareil urinaire. Voici d'abord ce qu'on lit dans le Dictionnaire en 30 vol. (1838, t. XVIII, p. 155) : " Les succès obtenus par Home et Brande ne laissent aucun doute sur l'avantage qu'on peut retirer de la magnésie pour combattre les calculs vésicaux d'acide urique, et même pour en prévenir la formation.»— M. Orfila écrit aussi : " L'expérience a prouvé que les boissons alcalines, surtout l'eau acido-carbonique et la magnésie, étaient les remèdes les plus efficaces pour faire cesser la disposition calculeuse et rendre solubles les graviers qui auraient pu se former d'acide urique (ce qui arrive le plus communément). Nous croyons que ces médicaments agissent à la fois en facilitant la dissolution des petites concrétions et en modifiant les propriétés vitales des reins.» (Orfila, Eléments de chimie.)— Or nous pouvons produire à l'appui les résultats très probants obtenus aux eaux calciques magnésiennes de Pougues, de Contrexeville, de St-Galmier, de St-Simon (Savoie), etc. " Jamais de mémoire d'homme, dit le docteur Ladevèze, on n'a vu d'habitant de St-Galmier souffrir de la pierre dans la vessie; jamais aucun d'eux n'a été dans l'obligation de se soumettre à l'opération de la taille. » (Ladevèze, Eaux de St-Galmier, 1823, p. 26.) Or cette affirmation a une certaine valeur, car elle repose sur une expérience de 160 ans, de père en fils.
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Nous remarquerons, à propos des eaux alcalines mixtes, que celles qui se rapprochent le plus du 2e ordre (calciques) et du 3e (calciquesmagnésiennes) de notre classification, sont aussi celles où les propriétés diurétiques et dissolvantes sont le plus tranchées, comme Sail, Celles, Evian, etc.
Enfin, quant à l'influence des sources mixtes silicatées, c'est un sujet entièrement neuf à étudier ; voici les expériences que l'un de nous (dr Petrequin) a exécutées sur lui-même pour élucider la question. — Il s'est mis à l'usage de l'eau de St-Galmier, à la dose de quatre verres par jour ; après cinq jours, elle n'avait pas alcalisé les urines. Avant l'expérience, elles étaient fortement acides, et déposaient, par le refroidissement, un sédiment rougeâtre et briqueté. Par l'effet de l'eau de St-Galmier, elles s'éclaircirent et ne déposèrent plus, mais elles ne devinrent pas alcalines, ni même neutres. — L'expérimentateur prit alors, à déjeûner, 25 centigrammes de silicate de soude dans deux verres d'eau de St-Galmier, qu'il coupa avec du vin. Dans la journée, les urines furent sensiblement moins acides ; le lendemain, même dose ; trois heures après, l'urine parut ramener au bleu le papier de tournesol rougi par un acide. — Le troisième jour, malgré une dose de 25 centigrammes à déjeûner et à dîner, le même effet n'eut pas lieu : le froid était devenu très vif, et les fonctions de la peau, qui en souffraient, pouvaient peutêtre réagir sur l'état des urines, en contrariant l'élimination acide de la perspiration cutanée. — Le quatrième jour, 50 centigrammes à déjeûner et 25 à dîner ; l'urine devient légèrement alcaline, 3 heures après le repas du matin. — Le cinquième jour, pas de silicate de soude; retour de l'urine à l'état acide.— Le sixième,50 centigrammes à déjeûner, toujours dans deux verres d'eau de St-Galmier qu'on coupe avec du vin; alcalinité des urines 3 heures après. — Le septième, même dose ; même résultat. — Le huitième et le neuvième, même action alcalisante. — Le dixième, on cesse le silicate; les urines restent claires, mais elles ne tardent pas à redevenir neutres d'abord, puis acidulés.
Ainsi l'eau de St-Galmier, qui était impuissante pour alcaliser l'urine par elle-même, produit ce résultat quand elle est silicatée ; preuve manifeste de l'influence des eaux alcalines silicatées. Sous leur empire, nous avons noté que l'urine devient plus limpide, le besoin d'uriner plus fréquent, et la quantité excrétée plus grande ; elles sont, en un mot, diurétiques. — Elles ont paru aviver l'appétit, activer la digestion , augmenter les selles, mais sans dévoiement, et donner, malgré le froid, un sentiment de bien-être. — D'après ce que nous savons(voy. 1er cha-
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pitre, 4e ordre), nous pensons que les eaux alcalines silicatées sont dicestives, toniques, diurétiques et probablement fondantes et résolutives. — Un phénomène nous a frappés : quand l'urine ne devenait que faiblement alcaline, le papier réactif, resté à l'air, finissait par donner des marques plus prononcées d'alcalinité, comme s'il se fût opéré peu à peu quelque réaction nouvelle.
§ IV. APPAREIL GÉNITAL.
L'appareil génital se compose : 1° d'organes qui lui sont communs avec l'appareil urinaire, et qui viennent d'être étudiés ; et 2° d'organes qui lui sont propres, et dont nous allons nous occuper.
Il reçoit des modifications spéciales : on a observé que les sources sodiques, qui sont stimulantes, comme à Vichy, peuvent réveiller le sommeil des organes génitaux ; mais cette excitation n'est que passagère, le plus souvent. — Chez la femme, les eaux alcalines exercent une action physiologique complexe sur le système utérin : — nous avons démontré qu'elles diminuent les sécrétions catarrhales (voy: Appareil digestif et urinaire); nous trouvons le même résultat généralement signalé pour la leucorrhée,et cela spécialement dans les sources sodiques ferrugineuses, comme Vals, St-Alban, Chateauneuf, l'Hôpital, etc., et surtout dans les sources calciques, comme Condillac, Châteldon, Rieu-Majou, et celles qui s'en rapprochent le plus, telles que Pougues, Ariane, etc. — Les douches vaginales dans ce cas aident beaucoup à l'action des bains et des boissons. — Quant aux troubles de la menstruation qui se lient soit à une chlorose, soit au catarrhe utéro-vaginal, soit à quelque engorgement de la matrice (engorgements mous, Willemin), ils sont avantageusement combattus aux mêmes sources. — Enfin, il est reconnu que les eaux alcalines modifient heureusement, comme résolutrices, les engorgements chroniques de l'utérus et même des ovaires.
C'est, sans doute, par cet ensemble de circonstances, qu'elles peuvent favoriser la fécondation : c'est à ce point de vue qu'on a pu les préconiser contre la stérilité. Nous devons spécifier que c'est en raison de leur influence sur la chlorose et la menstruation, comme sur les obstructions de l'appareil utérin, et enfin des modifications qu'elles font subir à la sécrétion vaginale qui, devenue trop fortement acide, paraîtrait douée de propriétés pernicieuses pour le sperme. (Donné.)
L'analogie fait présumer que la sécrétion du lait est influencée par les eaux alcalines, comme nous l'avons vu pour celles de la peau, des
96 EAUX ALCALINES.
reins et du tube digestif. Le lait dans l'état de santé est plus ou moins alcalin : M. d'Arcet a fait voir que, chez les vaches de Paris, qui sont nourries à l'étable, le lait est souvent acide, parfois neutre ou peu alcalin, tandis que l'alcalinité en est prononcée chez celles de la campagne, qui paissent à l'air : les dernières se portent bien, les premières meurent fréquemment phthisiques, et fournissent un assez mauvais lait. Ce fait de physiologie vétérinaire peut être utilisé pour la santé des nourrices et de leurs nourrissons. Les qualités chimiques du lait devront, comme le galactomètre, diriger dans le choix à faire, et mettront sur la voie d'y porter remède, Ainsi, il est d'expérience que le lait alcalin est mieux supporté par l'enfant, mieux digéré et plus rarement vomi ; tandis au contraire que, s'il est acide, il est fréquemment rejeté : le nourrisson alors profite peu, et même dépérit. Les eaux alcalines pourraient être utiles dans ce cas. On pourra y suppléer avec une dose de bicarbonate de soude dans le biberon : M. Ch. Petit insiste sur ce moyen ; M. Trousseau conseille le saccharate de chaux (surtout s'il y a diarrhée) ; la pratique populaire a sanctionné la magnésie. On voit que ces trois ordres de moyens concordent précisément avec les trois espèces principales que nous avons distinguées dans les sources alcalines (sodiques, calciques et magnésiennes). Nous ferons remarquer que le saccharate de chaux jouit d'une propriété précieuse (Bobière, 1852, Journ. de Pharmacie, t. XXXVIII) jusqu'ici peu connue, dont on pourra tirer un heureux parti pour la thérapeutique, c'est de rendre soluble le phosphate de chaux et le carbonate de chaux. — Or, le lait n'a pas seulement l'inconvénient d'être acide, et il ne suffira pas toujours de le rendre alcalin ; il peut, en outre, n'offrir que des proportions insuffisantes de phosphate calcaire, dont la présence est nécessaire à la santé de la nourrice comme à la vie et au développement de l'enfant. Ainsi, M. Mouriès, dans d'intéressantes expériences mises en relief par M. Bouchardat (Annuaire pour 1854, p. 292), a constaté que, chez 17 nourrices de la campagne, le lait, sur 1 litre ou 1,000 grammes, donne en moyenne de 2,4 à 1,2 minimum de phosphate calcique, tandis que chez 17 nourrices de Paris, il n'y avait plus que 0,9 à 0,1. M. Mouriès, poursuivant ses études, a expérimenté cliniquement, sur 12 nourrices de la ville dont le lait n'avait que 0,7 à 0,5 et dont les nourrissons souffraient et dépérissaient, que l'administration du phosphate de chaux a élevé peu à peu la moyenne à 2,1; en même temps, la santé des nourrices s'est améliorée et celle des enfants s'est rétablie. Nous pensons qu'en rendant soluble le phosphate calcique à l'aide du saccharate, on obtiendra plus facilement le même résultat,
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résultat fort avantageux, non seulement pour diminuer la mortalité des nouveaux-nés, mais encore pour prévenir les scrofules, le rachitisme et les diverses cachexies de l'enfance.
Les sources alcalines calciques pourront rendre des services dans les cas de ce genre.
§ V. SYSTÈME NERVEUX.
Les effets sur les nerfs sont variables suivant les susceptibilités individuelles. Quelques baigneurs ressentent au début des pesanteurs de tête, une sorte d'enivrement que les dames comparent aux fumées du vin de Champagne. (Barthez.) C'est surtout aux eaux alcalines gazeuses que ce phénomène a lieu ; tous les observateurs l'ont noté à Vichy. Les docteurs Nepple et Goin l'ont éprouvé eux-mêmes à St-Alban. (Journ. de Médec. de Lyon, 1843, IV-342.) — Cet effet est généralement attribué au gaz acide carbonique des sources minérales ; ce gaz est loin d'être aussi dangereux pour la santé qu'on l'a prétendu : ce Comme cet acide, écrivait en 1839 M. Galtier, est toxique même appliqué à l'extérieur, il faut que la durée du bain ne soit pas trop prolongée.»(Mat. médicale,t. II, p.1134.) Respiré à petite dose, il n'offre pas de danger; nous verrons même, plus loin, qu'on en a tiré un grand parti en thérapeutique. — Ces phénomènes d'ivresse sont prononcés surtout pendant la première semaine : ils se dissipent ensuite ; il s'établit une sorte de tolérance. M. James, à propos de la Grotte du Chien, près de Naples, parle d'un chien qu'on soumet journellement depuis trois ans à l'influence de l'acide carbonique pur qu'elle renferme, et cela sans inconvénient pour sa santé. (Guide aux eaux minérales, 1851, p. 477.)
Vers la fin de la cure, surtout si le traitement a été énergique ou la source trop stimulante pour le baigneur, il se développe une surexcitation du système nerveux : il y avait d'abord tendance au sommeil ; il y a au contraire moins de sommeil, et il est agité; les nerfs sont agacés; on devient plus sensible à l'influence des orages (Barthez) ; il y a agitation générale. Ce n'est pas la fièvre thermale dont nous parlerons plus loin (voy. Etat général), mais c'est une indication de modifier le traitement, ou de le suspendre ; il peut convenir de changer d'eaux minérales, et notre Tableau gradué pourra fournir" de précieuses lumières pour le choix à faire. — La conclusion de cette étude, c'est qu'en général les eaux alcalines ne sont pas spécialement indiquées pour les affections du
98 EAUX ALCALINES.
centre encéphalique ; il n'en est pas de même pour celles du système ganglionaire : la plupart d'entre elles guérissent ou s'amendent.
Plaçons ici cette remarque de M. Prunelle, que la propriété fondamentale des eaux alcalines, et notamment de Vichy, paraît être d'accroître l'innervation dans tous les organes situés au-dessous du diaphragme; que ces eaux exercent une action spéciale sur le nerf grand-sympathique par l'entremise de la peau et surtout de la muqueuse gastro-intestinale ; que c'est à proprement parler une action révulsive, mais douée d'un caractère spécifique (Durand-Fardel); que cette influence se déploie sur tout le système abdominal, qu'il s'agisse de l'inertie du foie, de l'estomac, de l'intestin, de la vessie ou de tout autre organe ; qu'enfin ces eaux (Vichy) peuvent réussir même contre l'inertie de l'appareil reproducteur. » (James.)
Les eaux alcalines offriront donc une précieuse ressource pour combattre les diverses névroses qui compliquent d'ordinaire les obstructions et maladies chroniques des viscères abdominaux. L'art consistera à choisir la source la mieux appropriée à la fois à l'organe souffrant et à l'espèce morbide ; c'est ce que nous avons cherché à apprécier dans les pages qui précèdent et qui vont suivre.
§ VI. APPAREIL VASCULAIRE SANGUIN.
Nous allons rechercher quelle est l'action physiologique des eaux alcalines: 1° sur la circulation capillaire ; 2° sur la circulation générale; 3° enfin sur le sang lui-même.
Nous avons vu qu'un bain d'eau alcaline, surtout pure, stimule la peau et y appelle une sorte de fluxion sanguine qui peut la faire rougir; s'il y a des dartres et des plaies, elles sont irritées (Neyrac fait exception). Le microscope nous révélera plus loin les mouvements intimes qui se passent dans le réseau capillaire et dans le parenchyme de nos organes. L'observation médicale suffit pour démontrer que les eaux alcalines augmentent l'activité du système capillaire, et ce phénomène sera encore plus prononcé si on les emploie sous forme de traitement thermal, comme douches, etc. La conclusion pratique, c'est qu'elles pourront être avantageusement utilisées contre l'affaiblissement de la circulation capillaire, qui languit généralement dans les maladies chroniques; c'est là, en effet, une indication essentielle à remplir dans la chlorose, les obstructions viscérales, les cachexies, etc.—Aussi, seront-elles contre-indiquées dans tous les cas où cette surexcitation capillaire est incompa-
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tible avec la cure de la maladie, comme l'hémoptysie, la phthisie, les maladies du coeur, le catarrhe pulmonaire fébrile (voyez toutefois nos remarques sur l'Emploi thérapeutique du gaz acide carbonique), et dans toutes les affections aiguës.
Voyons maintenant ce que devient la circulation générale. De grandes divergences existent sur ce point : au lieu d'opinions, citons quelques expériences. M. Barthez a fait les suivantes sur 25 malades, pour juger les effets des bains de Vichy à 34° : sur 90 observations, le pouls, après trois heures, s'est trouvé plus élevé qu'auparavant 50 fois, c'est à dire dans plus de la moitié des cas ; il a été moins élevé 30 fois, c'est à dire dans un tiers des cas.— Avec de l'eau refroidie, le pouls, dans 30 expériences, a été élevé 20 fois, c'est à dire dans les deux tiers des cas, et moins élevé 8 fois (environ le quart); ces conclusions formulées par l'auteur lui-même ne semblent pas rendre complètement le sens des expériences. Voici le tableau qui concerne l'eau thermale :
Action de l'eau minérale pure, administrée sous la forme de bains de piscine, la température du bain étant de 34° centig. en entrant, et de 30° en sortant, après un séjour d'une heure et demie.
NOMBRE DE PULSATIONS PAR MINUTE. OBSERVATIONS.
Nous n'avons fait d'autre changement à ce
tableau que de ranger les malades suivant la
fréquence des pulsations, afin qu'on pût mieux,
d'un seul coup d'oeil, saisir la série des modifications.
modifications.
1 56 80 84 64 52 56
Voici nos conclusions :
2 60 80 64 72 08 68
5 04 72 64 64 68 08 1° L'excitation a lieu dans la majorité des
4 04 84 80 76 68 72 cas ;
2° Tantôt, plus ou moins prononcée au sor5
sor5 80 70 64 68 68
tir du bain, elle est terminée 1 h. après (n° 12)
6 68 80 80 80 78 72 ou 2 h. après (nos 1 et 4) ;
7 08 84 56 68 67 76 3° Tantôt elle n'arrive qu'une heure après
8 08 96 80 88 100 100 le bain (n° 2) ou 2 h. après (no 5) ou 5 h.
9 70 08 60 64 08 68 après (n° 7), et se montre tardive mais prolongée
prolongée 8) :
10 72 68 64 68 04 64
4° Parfois aussi elle est peu sensible (nos 5
11 72 72 64 64 68 68 et 9) ; et même cause une sédation hâtive
12 72 80 80 56 58 56 (nos 10,11 et 15). 15 84 104 84 80 72 76
100 EAUX ALCALINES.
Nous voyons, dans des expériences que l'un de nous, M. Pétrequin, a exécutées sur lui-même, en 1851, que l'exercice thermal en bains, douches, bains de vapeur, etc., a toujours élevé le pouls et excité l'ensemble de l'organisme, pour un temps après lequel un état plus ou moins calme est revenu. (Pétrequin, De l'Action des eaux d'Aix, 1852, p. 35.) Nous constatons donc que les eaux minéro-thermales ont un effet primitif qui est l'excitation, et un effet consécutif qui est la sédation ; et nous commençons à saisir ainsi la nature de leur mode d'action. M. Durand-Fardel a fort bien observé que, si la circulation peut baisser dans quelques cachexies mêmes fébriles alors que le traitement est bien approprié, en général elle dévient plus fréquente sur la fin de la cure. Au reste ce n'est pas là un résultat exclusif des eaux minérales ; une large part en revient à la température de la source. M. Londe professe que le bain chaud est excitant. ( Eléments d'hygiène, 3e édit., 1847, t. II.) M. Durand-Fardel a remarqué qu'à Vichy le bain tempéré tend à ralentir la circulation, tandis que le bain chaud l'accélère, de même que la piscine à cause de l'agitation à laquelle on s'y livre. Nous reviendrons plus loin sur cette étude. (Voyez Etat général, p. 106.)
Mais il ne faut pas méconnaître toutefois l'influence excitante des eaux alcalines, indépendamment de leur température ; elle existe même pour les sources froides. Voici ce que M. Dupasquier a constaté sur luimême à Vals : ce Prise à doses modérées, l'eau minérale de Vals (source Chloé) imprime à la circulation un surcroît d'énergie et d'activité remarquables. Sous son influence, et tant qu'on n'en fait pas abus, il se manifeste une légère excitation générale : le pouls s'élève et s'accélère ; la chaleur de la peau augmente sensiblement ; on éprouve comme un sentiment de force et de bien-être inaccoutumé. » (Dupasquier, Journ. de Médecine de Lyon, 1845.) MM. Nepple et Goin font la même remarque pour Saint-Alban; M. Desbretz, pour Chateldon; M. Ladevèze, pour St-Galmier.
Un premier corollaire physiologique à formuler ici, c'est qu'il ne faut jamais pousser trop loin l'action excitante des eaux alcalines, sous peine de provoquer une irritation ou même une sub-inflammation dont la conséquence est des plus fâcheuses pour l'estomac, l'intestin ou autres organes; la cure des eaux se trouverait compromise. — Second corollaire, c'est que, répétons-le, les eaux alcalines ne conviennent que dans les affections chroniques, qu'elles ne doivent jamais dépasser le degré de stimulation nécessaire pour résoudre les engorgements, et qu'il y a péril dans leur usage pour les affections qui conservent de la ten-
PHYSIOLOGIE. 101
dance à reprendre une forme fébrile. — Dans tous les cas, si l'on continue la médication alcaline, elle a pour inconvénient, non seulement de provoquer le retour acide des sécrétions, mais encore d'aggraver l'état morbide lui-même.
Sang. —Maintenant pénétrons plus avant dans le coeur de la question : en présence de cet effet des eaux alcalines tant sur la circulation capillaire que sur la circulation générale, cherchons si elles exercent aussi une action sur le sang lui-même. Certes, il n'est pas douteux que le système sanguin ne renferme quelques éléments nouveaux chez ceux qui sont soumis à la médication des eaux. Quelques auteurs, partant de ce principe que les eaux qui nous occupent sont de nature alcaline, ont prétendu que le sang se trouvait fluidifié. Les anciens redoutaient beaucoup l'abus des alcalis par rapport au sang ; Cullen partage cette crainte, et M. Magendie a fait des expériences qui paraissent assez probantes dans ce sens. C'est ce que les modernes ont appelé la dissolution du sang. On en a fait le tableau suivant : cachexie avec pâleur, bouffissure, infiltration oedémateuse, hémorrhagie passive, asthénie, dépérissement, etc. MM. Trousseau et Pidoux remarquent que l'abus des alcalis entraîne plus de dangers que l'abus de l'iode, etc. Nous croyons que ces auteurs sont dans la vérité ; mais cette comparaison est-elle juste ? Disons plus : est-il permis de confondre l'abus des alcalis avec l'usage des eaux minérales (1) alcalines ? Eh quoi ! on ne verrait qu'une fluidification du sang à Vichy, comme à Vals, à St-Alban, etc. ? Certes, si celte hypothèse pouvait, à certains égards, se comprendre pour quelques graveleux et goutteux qui seraient pléthoriques et auraient le sang riche, elle serait tout à fait inadmissible dans la majorité des autres cas qu'on envoie aux eaux alcalines et qui s'en trouvent bien! Ici l'observation médicale se révolte contre les paradoxes de l'iatro-chimisme exclusif. Et, en effet, quelles déplorables conséquences n'aurait pas cette prétendue fluidification du sang dans la chlorose, la dyspepsie, la cachexie paludéenne, le diabète et la plupart des maladies chroniques? Si cette hypothèse chimiatrique était vraie, la pratique serait irrationnelle et meurtrière. Mais on n'a jamais rien vu de semblable ni à Vichy, ni ailleurs.
(1) Quelques auteurs semblent s'être laissé égarer par une fausse interprétation de ces paroles, d'ailleurs vraies, de M. Trousseau, relatives aux moyens capables de produire une modification dans la crase du sang plus ou moins analogue à celle de la saignée : " Quand il s'agit d'une maladie chronique du foie, ou d'une affection diathésique avec prédominance d'acide dans les sécrétions, telle que la goutte, c'est par les alcalis qu'il convient d'agir. » (Journ. de Médecine, 1846.)
102 EAUX ALCALINES.
Faisons ici cette distinction : on a comparé les eaux minérales à un instrument à deux tranchants ; il est vrai de dire que les eaux alcalines, en particulier, ont un double effet, savoir : une action chimique qui s'exerce à la fois sur les solides et les liquides, et une action dynamique qui a un caractère stimulant.
Nous avons mis en relief ce double effet par une série d'exemples physiologiques ; plus loin nous en fournirons d'autres au point de vue thérapeutique. — On a cru devoir attribuer leur vertu tonique surtout à la présence du fer en dissolution et à son état d'extrême division, ainsi qu'à sa combinaison avec d'autres principes minéralisateurs qui ajoutent beaucoup à sa puissance, à quelque faible dose qu'il s'y trouve. Parmi ces principes on signale le manganèse, dont l'efficacité spéciale comme adjuvant du fer a été mise en évidence surtout par les travaux de l'un de nous, M. Pétrequin (voyez Gazette médicale, sept. 1849; Bulletin thérapeutique, mars 1852), aujourd'hui sanctionnés parla pratique d'un grand nombre de médecins. M. Durand-Fardel a compté que le fer se rencontre dans beaucoup d'eaux alcalines, tandis que, sur 30 sources sulfureuses dont M. Pâtissier (Manuel des Eaux, etc.) fait l'énumération, il ne se rencontre que 9 fois. (Durand, Eaux de Vichy, p. 13.) Nous pouvons aller plus loin : sur 67 sources, dont nous donnons l'analyse, nous avons supputé que le fer ne manque que dans 5 à 6 ; il y est au moins 60 fois, soit seul soit associé au manganèse. Peut-être des analyses mieux faites augmenteront-elles encore cette proportion (1). Il paraît établi aujourd'hui que l'adjonction du manganèse au fer ajoute beaucoup à l'action physiologique et thérapeutique des ferrugineux. Pour les eaux alcalines, M. Prunelle constate, comme nous l'exposerons plus loin, qu'on guérit mieux, à Vichy, les obstructions de la rate, depuis qu'on peut joindre l'effet de la source Lardy, qui est ferro-manganifère.
Pour nous, nous croyons aussi que l'association du bicarbonate de chaux au fer aide puissamment à la médication martiale. Nous sommes frappés de voir que, dans les eaux sodiques, cette association est si fréquente, qu'elle constitue une subdivision ( sodiques ferrugineuses et calciques ) plus considérable que la division des sodiques pures (dans la proportion de 18 contre 6),qu'elle est à peu près constante dans les eaux
(1) « Je suis convaincu, écrit M. Pétrequin, que partout où le fer se montre en quantité notable, le manganèse y existe aussi; et qu'era le cherchant mieux on le rencontrera dans plusieurs parties où il n'a pas encore été soupçonné. » (Bulletin thérapeutique, mars 1852.) Cette prévision s'est déjà vérifiée pour plusieurs eaux minérales,
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alcalines calciques (14 sur 15 ), et de même dans les calciques-magnésiennes (5 sur 6), et qu'enfin ce sont précisément ces sources qui ont le plus d'efficacité dans les maladies chroniques qui s'accompagnent ou se compliquent d'une altération du sang. Ces considérations ne sont pas moins saisissantes pour les eaux alcalines mixtes. (Voy. notre Tableau comparatif et gradué.)
Mais enfin le fer n'existe pas dans toutes les eaux alcalines, et il ne serait paslogique de tout lui rapporter. Nous pensons que dans cette appréciation il ne faut pas omettre le chlorure de sodium, dont on a signalé l'influence, à petite dose, soit sur la digestion (Boussingault), soit sur le sang lui-même (Denis), et dont M. Bouchardat a pu écrire : " Le chlorure de sodium dans la constitution du sang est d'une importance de premier ordre ; il contribue pour une large part à lui donner une densité qui est intimement liée avec les phénomènes d'endosmose qui sont continuellement en activité chez les animaux. Aussi ne peut-il faire défaut sans un dommage extrême, et les sels qui peuvent tenir sa place (phosphate de soude ou de potasse) sont-ils très restreints. » (Bouchardat, Annuaire pour 1854, p. 296.) — Il faut encore faire intervenir les autres éléments minéralisateurs dont nous avons déjà cherché à apprécier la portée. (Voy. Appareil digestif.) Mais après tout, lors même qu'on ne pourrait pas formuler des explications suffisantes, le fait est là ; il subsiste, et il suffit d'autant mieux ici, qu'il est concordant à la fois avec les inductions chimiques et l'observation médicale.
De tout ce qui précède, il résulte que les eaux alcalines ont une action incontestable sur le sang et sur son mouvement, qu'elles activent la circulation, et favorisent la résolution des engorgements et obstructions de nos organes ; elles combattent les fluxions atoniques et les congestions sanguines lentes, par une sorte de contro-stimulisme, par le fait de lasédation qui succède à l'excitation minérale et qui constitue les effets secondaires des eaux, après que la réaction et la fièvre thermale sont tombées : de là cette action lente des eaux minérales ; de là ces guérisons qui n'ont lieu qu'à la longue ; de là, enfin, ces cures qui s'opèrent même plus ou moins longtemps après le séjour des eaux. — Il n'est pas nécessaire,pour interpréter ces faits, de se lancer dans des théories aventureuses ni dans des hypothèses contestables ou erronées.
Nous complèterons notre démonstration par une série d'arguments qui pourront paraître à quelques personnes plus saisissants peut-être, non pas tant parce qu'ils sont en quelque façon neufs dans cette question, niais surtout parce qu'ils révèlent les mouvements intimes de décompo-
104 EAUX ALCALINES.
sition qui s'accomplissent dans le parenchyme de nos organes ; nous voulons parler de l'application des recherches microscopiques. Voici ce qui résulte de l'ensemble des études contemporaines sur cette matière : dans l'inflammation, la circulation est d'abord activée, mais peu à peu elle se ralentit; puis le sang éprouve des oscillations de va-et-vient; il finit par s'arrêter ; il engorge les capillaires ; il forme des stases dans les vaisseaux ; les globules deviennent frangés et s'accolent par petites masses ; le sang se coagule, et ses caillots obstruent le réseau vasculaire ; en même temps il s'opère des extravasations sanguines. — Il y a, en outre, exhalation d'une lymphe plastique, liquide fibrino-albumineux qui s'épanche ou s'infiltre dans les tissus, et s'y organise ; de là l'épaississement des membranes, les obstructions des viscères, les engorgements et les indurations de nos organes. (Brachet, Etudes physiologiques sur la théorie de l'inflammation, Lyon, in-8°, 1851.)
Or, voici ce que le professeur Bérard écrit sur l'influence des excitants dans la phlogose " Wilson Philips mit un excitant sur la membrane enflammée, et, chose remarquable ! le sang recommença à se mouvoir là où il stagnait, le calibre des vaisseaux se rétrécit, la membrane pâlit, et les interstices des vaisseaux devinrent moins opaques, en proportion de la vitesse du mouvement. — Thompson a vu aussi qu'après l'application d'un irritant (il se servait de l'hydrochlorate de soude), le premier effet était le plus souvent une augmentation de vitesse du cours du sang dans les vaisseaux artériels, branches, rameaux et capillaires. Il a reconnu encore que, par l'application trop réitérée du sel, la circulation capillaire
éprouve un prompt ralentissement D'autres fois, pendant toute la
durée de l'application d'un stimulant (convenable),la suractivité du cours du sang peut persister sans stase consécutive. » (Bérard, Dictionn. en 30 vol., art. Inflammation.) — Ce sujet est trop important pour ne pas continuer à suivre cet auteur dans son intéressante exposition : " Charles Hastings, dit-il, a consigné dans sa dissertation inaugurale une série d'expériences qui viennent concilier celles deWilson Philips et de Thompson. C'est ainsi que, certains stimulus étant appliqués, on voit le cours du sang s'accélérer et les vaisseaux se contracter : alors, comme l'a remarqué Wilson Philips, la partie, loin de rougir, pâlit; mais, si l'action du stimulus est trop continuée ou trop activée, on voit les petits vaisseaux se dilater à tel point, qu'ils reçoivent une grande quantité de sang qui perd son apparence globuleuse et finit par stagner... Enfin, Hastings a vérifié encore ce qu'avait constaté Wilson Philips, à savoir que souvent le sang arrêté dans les capillaires à la suite d'un stimulus est remis en mou-
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ventent après l'application d'un stimulus différent, en même temps que les capillaires se rétractent. » Le prof. Bérard ajoute : « Comme tous les expérimentateurs qui l'ont précédé, Kaltenbrunner a vu d'abord le cours du sang s'accélérer ; mais il a constaté mieux qu'aucun autre combien la nature des excitants peut apporter de différences dans l'afflux du sang. » (Loc. cit., p. 414.) Il a vu aussi des stases se dissiper après une nouvelle stimulation : toutefois, il est de rigueur que l'excitation soit appropriée à la sensibilité de la partie malade, et qu'elle ne soit jamais ni trop énergique, ni trop répétée ou trop prolongée, sous peine d'aggraver l'inflammation. — Il n'y aura, sans doute, personne qui ne soit, comme nous, frappé de l'importance de ces révélations, et qui ne veuille conclure avec Bérard : " On saisira aisément tout ce que ces résultats peuvent fournir de données, non seulement à l'interprétation des phénomènes locaux, mais encore à la théorie générale de l'inflammation.» Nous ajouterons pour notre compte qu'ils répandent de précieuses lumières sur la théorie du traitement lui-même et sur l'intelligence du mode d'action des eaux alcalines.
Ces corollaires thérapeutiques n'ont pas échappé à Bérard; cet habile physiologiste termine ainsi : " Lorsque, dans l'inflammation, la stase du sang prolongée a fixé ce fluide dans les capillaires fortement dilatés, il ne suffit plus seulement de modérer son afflux pour que les vaisseaux recouvrent immédiatement leur action et la circulation son cours moral. C'est alors qu'un traitement tonique peut devenir nécessaire pour ranimer les capillaires (Th. Pridgin Teale, 1827) et qu'on voit réussir jusqu'aux stimulants diffusibles contre l'inflammation ; c'est le moment de l'application des topiques résolutifs, et les expériences microscopiques viennent nous donner l'explication de ces succès, en découvrant à Wilson Philips, Hastings et Kaltenbrunner, les effets d'agents irritants variés, sous l'application successive desquels le sang était alternativement arrêté et remis en mouvement dans les capillaires. » — " Une autre indication du traitement, celle d'aider par les ressources de la thérapeutique à la disparition des produits' des sécrétions accidentelles, n'est souvent encore remplie que par des moyens que fournissent les médications excitantes. » (Bérard, loc. cit., p. 428.)
Or, toutes ces considérations, vraies pour l'inflammation aiguë, le sont encore davantage pour les inflammations chroniques qui nous occupent; en somme, ces vues nouvelles, que nous croyons devoir appliquer à la médication stimulante des eaux alcalines, nous semblent, en présentant cette question sous un jour nouveau, jeter une vive lumière
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sur leur opportunité et leur mode d'action dans les maladies chroniques, surtout si l'on veut bien, comme on le doit, tenir compte en outre de leurs propriétés spéciales ( dynamiques et chimiques), apéritives, diurétiques, fondantes et résolutives.
§ VI. ETAT GÉNÉRAL.
Nous avons jusqu'ici examiné l'action spéciale des eaux alcalines sur chaque appareil séparément, et cette marche était nécessaire pour procéder à une étude plus approfondie de chaque partie du problème; mais toutes ces modifications physiologiques ne sont ni indépendantes ni successives ; plus ou moins simultanées, elles portent ainsi, par leur résultante, sur l'ensemble de l'économie. Il nous reste donc à en retracer le tableau par rapport à l'état général.
Bordeu a peint ces résultats en traits pittoresques : " Ce remède, ditil, pris intérieurement, travaille peu à peu, agit sur les humeurs, heurte à toutes les portes, dégage tous les secrétaires. » — En effet nous avons vu que les eaux alcalines stimulent la peau, ainsi que la muqueuse digestive et génito-urinaire (1) ; de là, leur utilité dans quelques dermatoses, dans l'atonie et les troubles gastriques ( dyspepsie, gastralgie, aigreurs, vomissements, etc. ), et dans certains catarrhes (diarrhée atonique, leucorrhée, catarrhe vésical). — Elles activent ou modifient la sécrétion de la bile, de la salive; de l'urine, de la sueur, du lait, etc. ; de là la médication spoliative et fondante qu'elles procurent, par le mouvement de décomposition organique, à l'aide de la diurèse et de la diaphorèse (calculs biliaires, engorgements du foie, gravelle, goutte chronique, rhumatisme goutteux, etc. ), et leur importance spéciale dans l'ictère, les coliques hépatiques ou néphrétiques, dans l'acidité de la salive, dans l'asthénie de la peau, dans l'allaitement, etc.
Elles modifient l'appareil nerveux surtout dans sa portion sous-diaphragmatique, et exercent une puissante intervention dans les névroses dont se compliquent les obstructions abdominales. — Elles ont une influence particulière sur la vitalité et les fonctions utérines ( engorgement utérin mou, dysménorrhée, stérilité, etc.). — Enfin elles tonifient la circulation
(1) " Les eaux minérales agissent principalement sur deux vastes surfaces (la muqueuse gastro-intestinale et tout l'appareil tégumentaire) ; elles excitent ces deux membranes, qui, à leur tour, réagissent sur les autres organes liés avec elles par de nombreuses sympathies, activent leurs fonctions et modifient leur vitalité. " ( Pâtissier, Recherches sur l'action des eaux minérales, 1859.)
PHYSIOLOGIE. 107
soit capillaire soit générale et la vitalité du sang lui-même ; de là leur efficacité à la fois pour résoudre les obstructions et inflammations chroniques, et pour remédier aux maladies générales, comme les cachexies, la chlorose, l'atonie, la cachexie paludéenne, etc.
C'est donc là évidemment une médication générale ; c'est ce qui a fait dire à deux habiles hydrologues : " Qu'est-ce que les eaux minérales ? une médication excitante, qui, pénétrant par toute l'économie, se mettant en rapport avec tout l'organisme, ranime les fonctions languissantes, surexcite les fonctions physiologiques, tantôt agent de révulsion, tantôt rappelant l'équilibre, le balancement des forces, entre les fonctions troublées. » (Durand-Fardel.) Ou en d'autres termes : " Elles constituent une médication puissante, se traduisant à l'intérieur par l'augmentation d'action et la modification humorale de tous les sécréteurs, et extérieurement par des crises ou réactions vitales très marquées. » (Finot, Observations sur les eaux de Vichy, 1850. ) Nous pensons avoir mis cette doctrine en évidence, et elle aura ses applications spéciales dans notre 3e chapitre (Thérapeutique).
Il y a une grande vérité d'observation dans ces paroles de Bordeu qui résument la théorie des eaux minérales : " Il est souvent moins essentiel de songer à la partie affectée, qu'aux autres sécrétoires qui sont oisifs ; aussi n'est-il pas étonnant de voir des récidives et des suites fâcheuses quand on ne s'attache qu'à des remèdes locaux qui n'opèrent pas sur toute la machine. » — En effet, que trouve-t-on dans les maladies chroniques ? On observe généralement un affaiblissement tant des fonctions du tube digestif et de la peau, que de la tonicité générale et de la circulation capillaire, ainsi que de la nutrition. Or nous venons précisément devoir que les eaux alcalines présentent l'avantage d'agir sur l'universalité des fonctions, et que, en stimulant les divers appareils organiques, elles développent des phénomènes communs d'excitation, précieux pour la cure des maladies chroniques, où il importe tant de modifier l'ensemble des fonctions. Si en effet elles peuvent améliorer des affections chroniques très diverses, c'est qu'elles s'adressent à la condition générale qui les domine, c'est à dire qu'elles ont la vertu de remonter le ton physiologique de nos organes et de leurs fonctions qui languissent.
Il faut discerner dans les eaux leur action chimique et leur action dynamique ; il faut, à côté de leurs propriétés apéritives, diurétiques et fondantes, faire aussi la part de leurs propriétés excitantes, toniques et révulsives. — Ce n'est pas tout. Il faut encore distinguer deux phases dans leur effets, à savoir des effets primitifs et des effets consécutifs. Les
108 EAUX ALCALINES.
eaux alcalines, comme la plupart des eaux minérales, guérissent lentement, et souvent même elles préparent la guérison plutôt qu'elles ne la donnent. Cette doctrine se trouve mise en lumière par ce ces deux faits importants : l'ordre suivant lequel la santé se rétablit; en premier lieu, retour ou amélioration des fonctions générales, ensuite retour de l'organe essentiellement malade ; second fait : phénomènes de guérison plus prononcés après que pendant la cure. » (Durand-Fardel.) " Il est à remarquer que, dans les cas d'engorgements du foie ou des autres organes, on ne voit l'engorgement lui-même se dissiper, qu'après le retour des forces.» (Prunelle.) — C'est toujours par l'excitation de l'ensemble des fonctions de l'organisme que les eaux alcalines agissent d'abord, sur les conditions morbides soit locales soit générales auxquelles on les oppose; il en résulte secondairement une modification dans l'état matériel ou fonctionnel de l'organe affecté ; c'est à dire qu'elles commencent par ramener la santé générale, et finissent par rétablir l'organe malade, en faisant passer l'économie par une période d'excitation avant d'arriver au calme. Ce double effet, très prononcé pour les eaux fortement minéralisées comme Vichy, Vals, Châteauneuf, St-Alban, etc. , ne laisse pas que d'être noté par les observateurs attentifs, même pour les eaux alcalines mixtes ; en voici un exemple pour celles d'Evian : " Leur action physiologique se traduit par la stimulation générale des fonctions de l'organisme. » (Dupraz, Sources d'Evian, 1854, p. 60.) Voici pour les détails : " Dans les premiers jours du traitement on remarque souvent, sous l'influence de l'excitation produite par l'usage des eaux, une recrudescence des symptômes morbides;... peu à peu on voit les fonctions reprendre une activité inaccoutumée : la circulation, ralentie sous l'empire des affections chroniques, semble se ranimer ; l'appétit devient plus vif, les digestions plus promptes, l'assimilation plus complète, et tous les organes sécréteurs reçoivent un grand degré d'activité. » (Ibid., p. 52.) — A la longue, elles agissent sur l'économie à la manière des altérants ( Ibid., p. 60 ), et finalement elles procurent le calme et le sommeil, et modèrent la surexcitation nerveuse. (Ibid., p. 44.)
Cette peinture peut s'entendre de l'ensemble des eaux alcalines (à la différence près de leur température et de leur degré de force et de minéralisation), quand toutefois elles sont convenablement administrées.
L'abus des eaux alcalines produit chez les animaux des effets particuliers: ce Les ruminants, dit M. Galtier, en sont très partisans; ils maigrissent beaucoup quand ils en prennent en trop grande quantité. » (Galtier,Matière médicale, 1839, p. 1133.)M. Pâtissier a fait la même
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remarque. Petit a cherché à tirer parti de ce fait pour la cure de l'obésité : il cite le cas d'une personne pesant 124 kilog. et qui du 12 juin au 4 septembre perdit 11 kilog. par l'emploi des eaux de Vichy. Il ajoute, en faveur de ce traitement, qu'en 1757 Flemyng conseilla avec succès le savon contre l'obésité; que M. Mélier a réussi avec le bicarbonate de soude, et qu'on trouve quelques observations probantes dans le journal de Groefe.
Un fait général qu'amène l'usage abusif ou intempestif des eaux alcalines, c'est l'intolérance ou la satiété morbide ( nous n'osons dire la saturation ). En voici des exemples pour les divers ordres de notre classification :
Sources sadiques non thermales : " Si la dose est portée au-delà de certaines limites que l'expérience démontre qu'il ne faut pas dépasser, l'eau de Vals détermine bientôt de la pesanteur de tête, une céphalalgie plus ou moins intense, de la disposition au sommeil, un sentiment de plénitude générale, un malaise indéfinissable, phénomènes qui indiquent une sorte de pléthore. » (Dupasquier, J. de médecine de Lyon, 1845. )
Sources sodiques thermales: " On se plaint que ces eaux (Vichy) portent à la tête ; qu'elles échauffent et causent de la diarrhée, des pesanteurs d'estomac suivies de crampes ; qu'elles affaiblissent le coeur ; qu'elles déterminent des gonflements du ventre avec irritation de l'estomac et des intestins, accompagnés de chaleur à l'anus avec démangeaison à la peau. » (Barthez, Guide à Vichy, p. 252. )
Sources calciques-magnésiennes : " Une anxiété générale, des pesanteurs d'estomac, une céphalalgie violente, parfois divers mouvements convulsifs, des irritations gastriques, même des phlegmasies plus ou moins graves se développent par l'emploi à trop haute dose des eaux minérales (de St-Galmier), dont l'action sur l'organisme est salutaire lorsque la prudence préside à leur administration. » (Ladevèze, Eaux de St-Galmier, 1823.)
Sources alcalines mixtes : " Chez ceux qui font un usage intempestif ou immodéré de la boisson, des bains et des douches (Evian), on voit survenir des dérangements d'estomac, des pertes d'appétit, du dévoiement, et autres symptômes. » (Andrier, Eaux d'Evian, 2e édit., 1848.)
On sera frappé, comme nous, de ces divers tableaux qui démontrent toute la puissance des sources alcalines par le fait même de ces accidents ; il importe d'en prévenir la production par un usage méthodique des eaux, afin de ne point dépasser l'excitation physiologique. Quant à cette dernière, c'est à nos yeux un effet complexe ; en analysant ce phénomène d'une manière plus intime (afin de pénétrer plus avant dans cette
110 EAUX ALCALINES.
question), nous pouvons la diviser en deux formes, l'excitation minérale et l'excitation thermale. Quand elles se réunissent, elles impriment une modification plus prononcée ; aussi ne faut-il jamais négliger l'influence de la thermalité des eaux pour la boisson, les bains et les douches, Passons rapidement en revue ces différents exercices : « L'ingestion d'une grande quantité d'eau chaude, lorsqu'en même temps le sujet est tenu bien couvert et dans une températeure élevée, est le moyen le plus certain qu'on possède pour activer l'exhalation cutanée. Parmi les sudorifiques les plus vantés, il n'y en a pas un seul qui ait des effets aussi constants et aussi faciles à vérifier.» (Ratier, Dictionn. en 15 vol., VI-428. ) L'eau chaude a une action tonique sur l'estomac : " Tout le monde sait que les boissons aromatiques, dont on se sert pour aider la digestion, doivent être prises presque bouillantes;.... il est douteux que, tempérées, elles eussent la même efficacité. » (Guérard, Dictionn. en 30 vol., XI, Eau.) Il ne faut pas oublier que l'abus peut énerver nos organes, et qu'à la longue, la tonicité de l'estomac et des intestins en recevrait une atteinte fâcheuse : " Undè et medici toties observant insuperabiles ventriculi languores in illis qui tepidis aquosis istis potibus abutuntur. » (Van Swieten.)— Sous forme de bains et de douches, l'eau chaude exerce une action non moins énergique, comme le prouvent les expériences de Rathor et de Kuhn. (Voy. Peau.) Souvent " nos eaux (Plombières) n'ont agi que par leur température et non par leur minéralisation Je crois devoir recommander à tous les praticiens qui auront occasion de les prescrire, de tenir un grand compte de leur température élevée. » (Turck, Eaux de Plombières, 4e édit., 1847, Du bain chaud.) On voit ( Pâtissier, Rapport, 1854, p. 143 ) que la même eau minérale produit, avec les mêmes principes minéralisateurs, des effets diamétralement opposés suivant sa température : stimulante à 40° et 38° c, elle est sédative à 34° et au-dessous. Quelle conclusion tirer de ces rapprochements, si ce n'est que la température à laquelle on administre une eau minérale, en modifie profondément l'action thérapeutique, et qu'il est de la plus haute importance d'en tenir compte pour les malades?
Voyons maintenant quels sont les effets de l'eau froide : " Modérément froide, l'eau cause une sensation de fraîcheur agréable, délasse et restaure. » (Mérat et Delens, Dictionn. de thérapeutiq., art. Eau. ) — " C'est un fait bien connu de tout le monde, que l'eau fraîche en été, en même temps qu'elle plaît au palais et à l'estomac, apaise la soif, procure instantanément un sentiment de bien-être, et ranime les forces
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soit par son action tonique sur l'estomac et sa réaction sur tout l'organisme, soit en modérant, par sa fraîcheur, la transpiration trop active de la peau. » (Dupasquier, de Lyon, Eaux de source et de rivière, 1840, p. 82.) — " L'eau froide ou même à la glace agit comme excitante et tonique, et porte son impression principalement sur les parois de l'estomac ; c'est un moyen salutaire dans divers cas de gastralgie et même de gastrite aiguë ou chronique. » (Ratier, ibid.) ce Froide et sous forme solide, l'eau est très tonique : c'est ce qui la fait rechercher par beaucoup de personnes, dont la digestion, privée de ce secours, serait longue et pénible. » (Guérard, loc. cit.) L'excitation qui succède à l'ingestion de l'eau froide peut devenir funeste, quand on en boit à haute dose et que le corps est en sueur. Alexandre, dit Quinte-Curce (1. vu, § 19) perdit plus d'hommes sur les rives de l'Oxus, que ne lui en avait coûtés aucune bataille. Boerhaave et Zimmermann signalent des faits analogues. Concluons donc que ce la température est une circonstance qui influe peutêtre plus sur les effets de l'eau, que les diverses substances qu'elle peut contenir. » (Ratier, ibid.) Or ce résumons-les rapidement : l'eau à l'état de glace agit comme astringente, répercussive, tonique, résolutive; l'eau froide est rafraîchissante, calmante et diurétique; l'eau tiède est relâchante, calmante et vomitive, suivant les cas ; l'eau chaude est excitante, sudorifique, expectorante ; et l'eau bouillante est rubéfiante, vésicante et même escharotique. Nous nous exprimons ainsi pour abréger les médications diverses que l'on peut exercer avec l'eau à diverses températures. » (Ratier, ibid.) De pareilles notions ne doivent pas être négligées pour la théorie et la pratique des eaux alcalines thermales et non thermales.
Ainsi, la température modifie grandement l'action d'une eau prise en boisson ou administrée en bain, qu'elle soit minérale ou non. La même source pourra devenir stimulante ou sédative suivant sa température ; dans les deux circonstances, la peau se comportera d'une façon toute différente : l'exhalation ou l'absorption cutanée seront augmentées ou diminuées suivant le plus ou moins de calorique, indépendamment de la composition chimique de l'eau. Le célèbre Tissot, qui avait parfaitement compris ces différences, attribuait aux bains, jusqu'à 35° Réaumur, «l'augmentation sensible de la transpiration, » laquelle lui était démontrée ce par la diminution du poids que l'on observe souvent après le bain. » Il ajoute, à propos des bains chauds au-dessus de 35° R. : " Je remarquerai que leur effet est une transpiration excessive et une fréquence très grande du pouls : on peut donc compter que l'action sera
112 EAUX ALCALINES.
très grande, même dans les plus petits vaisseaux, et que la diminution dans la masse des humeurs sera très considérable. M. Lemonier, en se baignant pendant demi-heure au 34e degré, perdait depuis 11 jusqu'à 14 onces ; et, dans un bain plus chaud, il perdait 20 onces et 2 gros en huit minutes. » (Tissot, Maladies des nerfs, dans l'Encyclopédie médicale, 1840, pp. 244 et 249.)
En thérapeutique les bains chauds ont été employés avec avantage dans les cas suivants, dont nous empruntons la nomenclature à M.Pereira, professeur de matière médicale en Angleterre ; cet auteur les conseille :
1° Pour produire une excitation générale et locale des systèmes nerveux et vasculaire, dans le but de régulariser la distribution du sang, de réprimer un afflux anormal dans d'autres parties, comme dans quelques maladies internes paraissant se lier à la disparition d'une affection cutanée, dans la gastrite, l'entérite, la cystite, la néphrite ;
2° Pour provoquer la diaphorèse, en rétablissant les fonctions cutanées, par exemple dans le diabète, les affections rhumatismales ;
3° Pour déterminer un relâchement dans les tissus tendus, rigides ou spasmodiquement convulsés, comme dans les raideurs articulaires, les contractions musculaires, les coliques produites par le passage de calculs biliaires ou urinaires ;
4° Pour adoucir les douleurs, quelle que soit leur nature, par exemple dans les névralgies dysménorrhéiques, les douleurs articulaires, les coliques néphrétiques (1), etc. (Bibliothèq. du médec. praticien, 1850, t. XIV, p. 81.)
Ainsi le bain, par cela seul qu'il est chaud, pourra contribuer à la cure d'un grand nombre de maladies fonctionnelles et autres, notamment pour les appareils digestif et biliaire (gastralgie, coliques hépatiques, calculs biliaires), ou l'appareil urinaire (cystite, diabète, coliques néphrétiques), etc.
En résumé, nous sommes autorisés à établir que, dans l'action excitante des eaux alcalines, il y a deux origines qu'il importe de distinguer, à savoir l'excitation thermale, l'excitation minérale. Il est évident que, lorsque ces deux influences se trouvent réunies, leur résultante sera
(1) L'auteur place en regard quatre contre-indications importantes, savoir : 1° grande excitation vasculaire (pléthore, anévrysme, dilatation du coeur) ; 2° grand relâchement ou flaccidité, spécialement dans les organes superficiels; 3° sécrétions et exhalations abondantes; à." grande excitabilité nerveuse, avec peu de force. — Nous ferons observer qu'avec les eaux alcalines, il y a moyen de tourner heureusement les trois dernières difficultés, en modifiant le mode d'administration.
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plus prononcée ; c'est ce qu'on peut observer dans les eaux alcalines thermales.
Il convient, pour étudier à fond ce sujet, d'analyser à fond tous les éléments qui le composent : nous venons de mettre en évidence l'excitation minéro-thermale ; c'est le premier phénomène dans l'ordre des symptômes.
Pour nous, les effets des eaux se subdivisent en plusieurs phases ou périodes; l'excitation constitue la première.
La seconde est la réaction, qui succède plus ou moins vite à l'excitation : tantôt elle est presque simultanée ; tantôt elle n'apparaît qu'après une heure ou deux, et même plus tard. C'est une sorte de fièvre éphémère, dont la durée et l'intensité paraissent en proportion directe de l'excitation minéro-thermale d'une part, et de la sensibilité individuelle de l'autre.
La troisième phase commence au moment où la réaction, en se dissipant, laisse un état général plus ou moins calme : c'est la sédation, qui est d'autant plus prononcée que les eaux sont mieux appropriées au mal. C'est peu à peu un prodrome de la convalescence, dont elle donne un avant-goût; et, sous certains rapports, c'est une image des mouvements intimes que les eaux minérales impriment successivement à l'organisme pour le conduire à la guérison dans nombre de maladies chroniques.
La quatrième phase a lieu lorsque le traitement a été énergique, ou la cure longue, et le sujet impressionnable : ainsi,quand l'influence minérothermale a surexcité l'économie, et que la répétition quotidienne de cette excitation tend à créer une habitude morbide (voy. Th. Perrin, De la Périodicité dans les maladies), il se développe une fièvre qu'on a appelée fièvre thermale ; tantôt c'est une fièvre rémittente, avec des exacerbations plus ou moins régulières; tantôt c'est une fièvre intermittente, a paroxysmes quotidiens. Dans les deux cas, elle peut s'éteindre par le seul fait du changement d'air, par le voyage et la cessation des exercices mméro-thermaux ; si elle résiste, les préparations de quina, convenablement administrées dans l'apyrexie ou du moins dans la rémittence, ne tardent pas à en faire justice.
Tout ce tableau est décrit, si l'on peut s'exprimer ainsi, d'après nature. L'un de nous, M. Pétrequin, a pu sur les lieux constater ces quatre phases, non seulement chez nombre de malades dans divers établissements thermaux, mais encore sur lui-même, ayant personnellement éprouvé deux fois la fièvre thermale à des eaux alcalines d'abord salines, puis sulfureuses.
8
114
EAUX ALCALINES.
EXPÉRIENCES DU DOCTEUR PÉTREQUIN
FAITES SUR LUI-MÊME
TOUCHANT L'INFLUENCE DES EAUX D'AIX SUR LA CIRCULATION ET LA CALORIFICATION,
NOMBRE
5 TEMPERATURE. DES PULSATIONS.
NATURE
de la DU CORPS Après
de TEMPS. OBSERVATIONS.
L'EXERCICE. ou du
bain
10 grand bain. 24 34 » » » » » » électrique, grand bain mal supporté.
11 bain vap. s. 22 34 37 38 120 120 " 84 beau. maillot demi-h.; sudation médiocre
12 id. 23 34 37 39 86 118 " 70 id. id
13 id. 2136 37 » 80 116 " 68 id. id. sudation abondante.
14 22 36 37 385 84 128 » 70 électrique, maillot pénible ; sudation très abondante.
abondante.
15 grand bain. 22 35 37 37 74 72 » beau. grand bain bien supporté.
16 bain vap. s. 19 35 361 39 3 74 112 " 601 id. sudation abondante.
17 id. 23 38 36 38 78 128 » 70 couvert. maillot pénible. 18 douch. prin. 18 32 36 38 72 100 » 60 beau. réaction douce.
19 id. 17 33 36 36 *88 140 " 60 id. * venu très vite au bain.
20 bain vap. s. 20 36 37 39 80 128 » 70 id. réaction et sudation convenables.
21 id. 20 35 36 39 76 132 » 68 id. id.
22 piscine. 24 35 » » " » » " couvert. bain bien supporté,
23 douch. écos. 21 32 36 39 76 120 144 66 pluie. raideurs ; 4 paniers 424,21,18 et 16c.
24 id. 117 31 35 38 76 120 144 62 frais, incert. raideurs ; 4 paniers à 24, 20,18c.
25 id. 16 30 35 38 74 126 140 60 beau. 5 paniers à 24,22, 20,18°.; raideurs
moindres.
26 id. 18 31 36 39 74 126 124 66 id. 6 paniers; pas de raideurs.
27 id. 22 30 36 38 72 126 92 621 chaud. 18 paniers; peu de réaction. 23 id. 22 36 37 39 76 140 126 701 id. 6 paniers; réaction douce. 29 id. 22 33 37 3 39 76 140 125 701 id. 7 paniers; sudation modérée.
Pour l'intelligence de ce tableau, il faut connaître les antécédents que voici : préexistence de douleurs rhumatismales vagues dans les mains, les deltoïdes , le scapulum, etc.; divers lombagos ; plusieurs torticolis passagers; fluxion rhumatismale pleurodyniquo aiguë, en 1850 ; scialique à droite, en mars 1851, etc. ; — disposition aux refroidissements.
Pendant toute la durée du traitement, on a bu deux ou trois verres d'eau de soufre, coupée avec un peu de lait, et prise à dose fractionnée, dans le maillot et durant la réaction, c'est à dire le matin, avant déjeuner.
PHYSIOLOGIE. 115
Nous terminerons en rapportant ici les expériences que M. Pétrequin a accomplies sur lui-même (1851), touchant l'action des eaux thermales sur la circulation et la calorification, et qu'il arésumées dans un tableau synoptique, le premier à notre connaissance sur ce sujet intéressant. (Pétrequin, de l'Action des eaux d'Aix, Chambéry, in-8°, 1852.)—On y distingue parfaitement les quatre phases : ainsi on voit l'excitation minéro-thermale provoquer la réaction, et amener, après chaque exercice, une sédation (qu'on augmente avec 5 à 6 paniers de douche écossaise) ; enfin, dans les deux dernières expériences, la fièvre thermale (1) commence à s'allumer ; elle survécut dix à douze jours au traitement des eaux; elle était rémittente, avec des exacerbations irrégulières.
Ces faits viennent compléter l'étude que nous avons entreprise sur la partie physiologique de la question. Nous n'avons rien négligé pour pouvoir, selon l'expression d'un hydrologue (Durand-Fardel), démontrer par nos propres recherches « l'ensemble des changements physiologiques, chimiques et vitaux que la médication alcaline peut apporter dans l'organisme. »
Si nous avons insisté sur ces points, c'est afin d'établir une base solide pour la thérapeutique,dont la théorie et l'application se trouveront ainsi toutes préparées et simplifiées.
(1) A propos de la réaction, nous ferons observer, sans adopter toute la doctrine de l'école de Montpellier sur la force récorporative de la fièvre, qu'il y a là cependant plus d'une donnée à utiliser pour la théorie des eaux minérales.
CHAPITRE TROISIEME.
Etudes médicales
sur l'action thérapeutique des Eaux minérales alcalines.
Indications et contre-indications de leur emploi.
Parmi les moyens employés pour la guérison des maladies chroniques, il n'en est point qui comptent autant de succès que les eaux minérales naturelles. Une foule de malades, dont les affections avaient résisté pendant des années aux traitements les plus rationnels et suivis avec le plus de constance, ont trouvé souvent la guérison, presque toujours du soulagement, aux sources minérales. Sans doute les nouvelles conditions hygiéniques auxquelles les sujets viennent alors se soumettre, réagissent favorablement sur leur physique et sur leur moral, et doivent beaucoup contribuer à cet heureux résultat. Bordeu a fait très bien ressortir tous les avantages de ces nouvelles circonstances, dans son Traité des maladies chroniques. (Paris 1775.) Mais, d'un autre côté, il faut avouer que l'administration des eaux elles-mêmes a la plus large part à tous ces changements heureux, puisque, transportées à de grandes distances, elles ont encore opéré des cures merveilleuses.
Les eaux minérales naturelles alcalines ont pour leur part une incontestable efficacité pour la guérison d'un grand nombre de maladies chroniques. Ces eaux méritent donc une attention spéciale pour les services signalés qu'elles peuvent rendre lorsqu'elles seront convenablement administrées.
Nous allons dans ce chapitre rechercher, avec tout le soin dont nous sommes capables, quelles maladies en réclament l'emploi, et quelles précautions il faut prendre dans leur choix, comme dans leur administration. Les recherches physiologiques que nous venons d'exposer nous faciliteront beaucoup cette étude : nous suivrons, dans cet examen théra-
THÉRAPEUTIQUE. 117
peutique, l'ordre même que nous avons adopté dans notre premier chapitre ; ainsi, nous étudierons successivement l'action des eaux alcalines suivant qu'elles seront sodiques, calciques ou calciques-magnésiennes, ou, enfin, mixtes.
PREMIER ORDRE. — EAUX ALCALINES SODIQUES.
SECTION I. SOURCES ALCALINES THERMALES.
VICHY (ALLIER).
S'il fallait traiter ici de toutes les maladies chroniques dans lesquelles on dit avoir vu réussir les eaux minérales alcalines sodiques, il serait nécessaire de passer en revue tout le cadre nosologique. Un tel examen étant inutile à notre but, nous examinerons surtout celles dans lesquelles l'expérience a prouvé que les eaux alcalines ont le plus communément guéri ou soulagé : nous pourrons ainsi mieux préciser quelles sources sont préférables dans telles ou telles maladies, quelles indications en commandent ou en défendent l'usage.
Nous rangerons ces maladies sous les cinq chefs suivants :
1° Maladies de l'appareil digestif, y compris l'appareil biliaire ;
2° Maladies de l'appareil urinaire ;
3° Maladies de l'appareil de la locomotion ;
4° Maladies de l'appareil sexuel ;
5° Maladies générales que l'on pourrait appeler totius substantioe, qui comprendront les cachexies, l'atonie, la chlorose, la cachexie paludéenne, l'engorgement de la rate et l'affection scrofuleuse.
§ I. MALADIES DE L'APPAREIL DIGESTIF.
Nous nous occuperons, dans deux paragraphes distincts, des maladies 1° de l'appareil digestif proprement dit, 2° de l'appareil biliaire. Les principales affections de cet ordre que l'on peut traiter aux eaux minérales alcalines, sont, pour l'estomac : la dyspepsie, la gastralgie, le pyrosis, le pica, les vomissements et la gastrite chronique ; pour l'intestin : les entéralgies, l'entérite chronique, la diarrhée, la constipation.
118 EAUX ALCALINES,
Maladies de l'estomac,
Voici les symptômes par lesquels M. Durand-Fardel distingue la dyspepsie des autres affections de l'estomac, surtout de la gastralgie. (Des eaux de Vichy, par Durand-Fardel, 1851, p. 58 et suivantes.)
« Les digestions sont lentes, difficiles, pénibles; l'épigastre est souvent le siége de douleurs plus ou moins intenses, souvent continues, se montrant surtout après le repas, ou redoublant d'intensité; il y a presque toujours sensibilité à la pression. Ces douleurs revêtent souvent un caractère particulier, que l'on a distingué sous le nom de pyrosis ; il s'y joint parfois des pulsations qui sont évidemment artérielles. » ( P. 59. ) Il se développe aussi des gaz, des aigreurs, accompagnés de vomissements (p. 60 ) ; appétit nul ou diminué, rarement conservé (p. 61 ), avec constipation habituelle; langue le plus souvent normale, parfois blanche, piquetée de points rouges et saillants (p. 61).
Telle est la description abrégée de la dyspepsie, que nous avons rapportée en employant presque les mêmes termes que M. DurandFardel.
Or, pour cet honorable médecin, cette affection n'est autre chose qu'une diacrise, c'est à dire une lésion de sécrétion (p. 80). —Pour nous, nous ne pouvons souscrire à cette opinion exclusive. En effet, une lésion de sécrétion suppose toujours une altération quelconque dans les tissus solides chargés de cette sécrétion, c'est à dire dans les dernières ramifications du système capillaire ; et tantôt cette lésion est matérielle, sensible, et s'accompagne d'un épaississement léger ou considérable des parois stomacales, tantôt cette lésion de sécrétion dépendra primitivement d'un trouble de l'influx nerveux (lésion fonctionnelle). Dans le premier cas, nous avons sous les yeux une maladie qui n'est qu'une phlogose sub-aiguë; dans le second cas, une affection que l'on peut appeler nerveuse (névrose-gastrique). — L'étude des causes, toutes les fois que celles-ci pourront être connues, sera d'un grand poids pour le diagnostic, surtout dans le principe. Quant aux signes donnés par M. Durand-Fardel, il n'est pas un médecin qui ne les ait rencontrés plus ou moins réunis dans des affections, non seulement nerveuses, mais aussi matérielles, de l'estomac. Pour nous, chaque jour nous avons l'occasion de faire cette observation dans les hôpitaux : c'est pour cela que nous avons réuni la dyspepsie, le pyrosis, la gastralgie et la gastrite chronique.
THÉRAPEUTIQUE. 119
Plusieurs eaux alcalines ont acquis une grande réputation pour la cure de ces maladies : beaucoup de médecins seraient tentés de regarder quelques-unes d'entre elles comme spécifiques, prises en boisson et en hains.—Voici un relevé statistique que nous empruntons à MM. Durand-Fardel et Barthez.
Sur un total de 250 malades, fournis par leurs tableaux statistiques, nous trouvons :
Affection de l'estomac (dyspepsie, vomissements, gastrite
chronique, gastralgie) 250
Guéris ou considérablement améliorés ou en voie de guérison 158
Améliorés faiblement, ou sans résultat 92
Ainsi les affections chroniques de l'estomac comprises sous les noms de dyspepsie, de gastrite chronique, gastralgie, vomissement, ont été guéries ou considérablement améliorées dans les 2/3 des cas environ (158 sur 250); résultat assurément très remarquable, surtout si l'on fait attention que la plupart de ces malades avaient déjà essayé des traitements antérieurs longs et bien dirigés. Ce chiffre, déjà bien encourageant, doit s'augmenter certainement d'un certain nombre de malades, comptés seulement parmi les améliorés considérablement ou en voie de guérison. L'on sait, en effet, que plusieurs d'entre eux guérissent complètement dans l'intervalle d'une saison des eaux à une autre, parfois même sans prendre aucun remède, lorsque leurs affections ont commencé à rétrograder sous l'influence du traitement thermal. Voici, en effet, ce que l'observation médicale enseigne : « Quand la maladie remonte à une date éloignée, qu'il existe depuis longtemps un épaississement ou une induration des tissus malades, on ne peut espérer un résultat prompt. Ce n'est même souvent que plus ou moins longtemps après la cure, que les malades commencent à en ressentir les bons effets. Et encore, pour compléter la guérison, est-il presque toujours nécessaire qu'ils reviennent prendre les eaux plusieurs années de suite. » (Ch. Petit, Eaux de Vichy, 1850, p. 74.)
En tenant compte de toutes ces circonstances, l'on voit que la thérapeutique est très favorable à l'emploi des eaux alcalines sodiques dans le traitement des diverses affections chroniques de l'estomac. Un tel résultat peut passer certainement désormais comme un fait acquis à la thérapeutique.
Voici les indications spéciales pour l'emploi de ces eaux :
« Toutes les fois qu'il n'existe plus,depuis un certain temps, des sym-
120 EAUX ALCALINES.
ptômes aigus, que la sensibilité du ventre est nulle ou peu prononcée,et que les malades ne se plaignent plus de fièvre, mais seulement de digestions lentes et difficiles, de constipation, de crampes ou pesanteurs d'estomac, de flatuosités de l'estomac ou des intestins, l'usage des eaux de Vichy est parfaitement indiqué, et l'on en obtient ordinairement d'excellents résultats. » (Ch. Petit, loc. cit., p. 71.) — Les eaux alcalines sodiques doivent être prises, dans la dyspepsie, à faibles doses d'abord, 1/4 de verre ou un demi verre : l'on augmente ensuite graduellement cette quantité jusqu'à un verre ou deux au plus dans la journée ; d'un autre côté, il est utile le plus souvent de choisir au début des eaux peu chargées en carbonate de soude, et sous ce rapport, les eaux de Vichy présentent un inconvénient réel, signalé même par M. Durand-Fardel lorsqu'il dit : « Il ne manque qu'une chose à Vichy, ce sont des sources faiblement minéralisées. » (Traité thérapeutique des eaux minérales, p. 540.) Cependant la source l'Hôpital (qui est tiède, 31°) paraît mieux supportée par les dyspeptiques que les autres sources : on la combine assez fréquemment avec les sources froides et ferrugineuses de Lardy ou de Mesdames, qui semblent la faire mieux passer.
a En règle générale, dans les dyspepsies, il est préférable de choisir, parmi les eaux, celles qui sont prises en bains, en douches principalement ou mieux exclusivement, qui, par conséquent, n'imposent pas un nouveau travail aux organes digestifs déjà fort empêchés dans le travail de la digestion. On s'abstient de celles qui sont prises en boisson, sauf indications particulières ; rarement, en effet, dans la dyspepsie, l'estomac peut recevoir et digérer sans fatigue une grande quantité d'eau comme celle que l'usage a consacrée à Ems, à Vichy et dans la plupart des eaux en réputation. » (De la dyspepsie, par Chomel, 1857, p. 238.) — «Les eaux de Vichy, de Carlsbaden, sont plus particulièrement indiquées soit contre la dyspepsie acide..., soit dans le cas de coïncidence d'affection du foie. 5) (Id., ibid., p. 240.)
Les douches rendent aussi, aux eaux alcalines thermales ( Vichy), de grands services dans la dyspepsie. On les proméne sur les régions dorsale ou lombaire, lorsque ces parties sont douloureuses et que le malade est affaibli. La stimulation apportée par ce moyen à la moëlle épinière, n'est sans doute pas étrangère au retour de la calorification et de l'amélioration générale, chez les dyspeptiques, et par suite à la disparition des phénomènes morbides du côté des organes digestifs.
THÉRAPEUTIQUE. 121
Maladies des intestins.
Ce que nous venons de dire à propos des affections chroniques de l'estomac, s'applique de tous points aux maladies intestinales (diarrhée, entérite chronique, entéralgie) : tantôt elles dépendent principalement d'un trouble dans l'influx nerveux, telles sont, par exemple, les diarrhées qui succèdent à une émotion vive, une frayeur, etc....; tantôt, au contraire, primitivement ou consécutivement, les tissus qui forment les intestins sont matériellement altérés. Dans le premier cas, il existe une affection purement nerveuse ou fonctionnelle ; dans le second cas, une lésion anatomique. Les causes et les phases du mal, et le genre de vie habituel des malades, serviront au médecin à établir son diagnostic.
Comme pour les affections de l'estomac, nous nous appuierons de statistiques indiquant le nombre des guérisons et des insuccès ; en face du doute et de l'incrédulité, ce sera la meilleure preuve que nous puissions donner touchant l'efficacité ou l'inutilité relatives des eaux alcalines sodiques dans le traitement de ces maladies. Nous aurons soin ensuite d'en préciser les indications et les contre-indications.
Sur un total de 74 maladies chroniques des intestins (gastro-entérites, entérites, diarrhées, entéralgies) fourni par les tableaux statistiques de MM. Durand-Fardel et Barthez, nous constatons :
Malades guéris, ou considérablement améliorés, ou eu voie
de guérison 38
Améliorés faiblement, ou résultats nuls 36
La proportion des malades guéris, ou presque guéris, s'élève à la moitié, chiffre inférieur à celui que nous avons trouvé pour les affections de l'estomac (1/2 au lieu de 2/3) ; mais elle est encore assez satisfaisante et prouve évidemment combien sont utiles les eaux alcalines sodiques dans les maladies des intestins. Toutefois, si nous nous rappelons que ces malades s'astreignent ici à un régime diététique sévère avec hien plus de difficulté que dans les cas où l'estomac lui même est affecté, 1 on pourra comprendre pourquoi en apparence les maladies des intestins sont plus rebelles à l'action des eaux alcalines sodiques, et qu'il est réellement étonnant de leur devoir, malgré cela, d'aussi beaux résultats.
Dans les affections chroniques de l'estomac et de l'intestin, que nous venons de passer en revue, l'on emploie de préférence les eaux de la
122 EAUX ALCALINES.
Grande-Grille, si l'on veut fortement stimuler, surtout lorsque les malades se plaignent de pesanteurs d'estomac, d'inappétence, de borborygmes s'accompagnant d'un état de faiblesse du tube digestif ; en un mot, comme l'a dit le dr Desbret, cette source doit être préférée toutes les fois « qu'on a besoin d'agiter et de remuer plus fortement la machine et mettre ses organes dans le plus grand feu.» La Grande-Grille sera indiquée « chez les malades dont les voies digestives ne sont pas très susceptibles. » (Durand-Fardel.)—Mais lorsqu'on juge nécessaire de procéder avec ménagement (et c'est la méthode la plus sûre), la source de l'Hôpital semblerait préférable ; elle possède, en effet, les mêmes propriétés curatives que les autres dans les mêmes cas ; seulement, comme nom l'avons fait observer, elle paraît un peu moins stimulante que celle de la Grande-Grille, et généralement mieux supportée. Aussi beaucoup de praticiens conseillent-ils de débuter par la source de l'Hôpital, avant de passer à celle de la Grande-Grille. — Lucas la recommandait surtout lorsqu'il existait des flatuosités et des malaises intestinaux dus à un principe goutteux.
« Règle générale, dans toutes les affections de l'estomac et des intestins, les eaux de Vichy ne doivent jamais être administrées à haute dose en boisson, et quelquefois même on rencontre de telles susceptibilités, qu'on est obligé d'y renoncer tout à fait, et de se borner à faire prendre des bains qui, heureusement, peuvent encore avoir une puissante et salutaire action.» (Ch. Petit, ibid.) — Nous avons, plus haut, cité l'opinion imposante de Chomel, qui est complètement conforme à celle de Petit,
Maladies du foie. — Dans les engorgements du foie avec ou sans ictère, qu'ils aient ou non succédé à une hépatite aiguë ; dans les coliques hépatiques simples, c'est à dire dues à une obstruction du canal cholédoque par suite de l'inflammation de ses parois, ou bien reconnaissant pour cause la présence de calculs biliaires, les eaux alcalines sodiques sont très efficaces.
« C'est surtout dans les inflammations chroniques de cet organe (le foie) avec augmentation plus ou moins considérable de son volume, dans l'ictère avec ou sans coliques hépatiques, et dans les embarras des conduits biliaires, que l'on peut véritablement dire qu'elles font des miracles. » (Ch. Petit, Du mode d'action des eaux minérales de Vichy, 1850, p. 81.)
« L'engorgement simple du foie, qu'il soit la suite d'une hépatite aiguë, ou qu'il se soit développé lentement, réclame à un égal degré les eaux de Vichy.
THÉRAPEUTIQUE. 123
« Les coliques hépatiques calculeuses sont une des maladies dans lesquelles on peut le plus sûrement compter sur les eaux de Vichy. Une guérison complète est souvent le résultat d'une ou plusieurs saisons thermales. Dans tous les cas, il est très rare de ne pas obtenir une atténuation considérable des accidents.»(Pâtissier, Rapport sur le service médical des établissements thermaux, 1854, p. 90.)
« L'efficacité incontestable des eaux de Vichy, dans les diverses maladies qui peuvent intéresser le foie, troubler la sécrétion biliaire, ou porter obstacle à son libre cours, est connue depuis si longtemps, qu'il serait superflu, je pense, d'insister sur cette vérité. » (Barthez, Guide pratique aux eaux de Vichy, 1851, p. 161.)
Ces paroles concordantes de médecins recommandames, et qui n'ont fait qu'exprimer ce qu'une observation clinique soutenue leur avait enseigné, prouvent toute la puissance curative des eaux alcalines sodiques, comme celles de Vichy,dans les maladies diverses du foie. En consultant les tableaux statistiques présentés, en 1852, à l'Académie impériale de Médecine, par MM. Durand-Fardel et Rarthez, nous voyons que sur 135 maladies du foie , il y a eu 82 guérisons ou améliorations sensibles ou en voie de guérison.
On a avancé d'une manière générale : " Dans tous les cas de jaunisse et de coliques hépatiques liées à la présence d'un calcul biliaire, les eaux de Vichy sont certainement le remède le plus efficace que l'on puisse employer. »(Ch. Petit, Eaux de Vichy, p. 119.)Nous croyons cependant devoir faire ici une distinction : certains calculs biliaires étant formés, du moins en grande partie , de cholestérine qui n'est ni saponifiable, ni attaquable par les alcalis, les malades peuvent voir se renouveler leurs crises hépatiques tant qu'il reste quelque calcul ancien à expulser. Les eaux de Vichy peuvent même quelquefois provoquer ces crises, en sollicitant les canaux biliaires à se débarrasser des concrétions qu'ils contiennent, ou en rendant les mêmes canaux plus libres, par suite de la guérison de la phlogose de leur membrane interne. Leur effet curatif, dans ces cas, sera de modifier la sécrétion de la bile, d'en favoriser le cours, de la ramener à son état normal, et d'empêcher ainsi la formation de nouveaux calculs, ce qui est un point très important dans ce genre d'affection. — Les eaux de Vichy sont donc plutôt prophylactiques que curatives dans cette espèce de calculs biliaires ; elles seraient peut-être à la fois curatives et prophylactiques dans l'espèce suivante : — " La matière colorante de la bile, dit M. Fauconneau-Dufresne, dissoute dans une liqueur alcaline, en est précipitée par les
124 EAUX ALCALINES.
acides; on sait que quelques gouttes d'acide ajoutées à la bile en séparent au bout de quelques heures de la cholestérine et des acides gras. D'après cela, on se demande si l'on ne pourrait pas expliqua par une réaction acide que la bile aurait prise, le dépôt d'une petite quantité soit de matière colorante, soit de matière grasse, et, en définitive, le commencement de la formation des calculs. » Or, cette réaction acide delà bile a été constatée par M. Bouchardat (Annuaire,1845), sur un malade du service de Chomel. Il serait superflu d'insister davantage sur les services que vient rendre dans ce cas la médication alcaline, dont l'observation médicale a démontré d'ailleurs l'utilité.
La source de l'Hôpital (Barthez) et celle de la Grande-Grille (DurandFardel) paraissent le mieux appropriées à ces divers états morbides de l'appareil biliaire ; quand cette dernière source est bien supportée, on la combine souvent en l'alternant avec les Célestins. (James.) Disons en terminant que, malgré quelques rares succès, les eaux de Vichy sont contre-indiquées dans l'engorgement hépatique avec ascite. " Le plus souvent alors l'hydropisie continue ses progrès, qui paraissent même quelquefois favorisés par l'action des eaux, et entraîne la mort avant qu'on ait pu obtenir la résolution de l'engorgement du foie. » (Ch. Petit, op. cit., p. 91.) — Du reste, une fois les calculs biliaires expulsés, il est bon de suivre pendant plusieurs années un traitement aux eaux alcalines, afin de prévenir la formation de nouveaux calculs. Nous ne pouvons ne pas mentionner ici l'opinion émise par M. Pâtissier, au sein de la Société d'hydrologie médicale de Paris, dans le cours d'une discussion sur l'emploi des eaux minérales dans le traitement des maladies du foie, et il nous paraît d'autant plus utile de la reproduire, qu'elle émane de l'un des praticiens qui ont le mieux compris l'emploi des eaux minérales ; elle vient, du reste, confirmer ce que nous avons dit sur les maladies du foie, dans leur rapport avec les eaux alcalines sodiques.
ce Les maladies chroniques du foie, comme celles de tous les autres organes, peuvent être fonctionnelles, c'est à dire sans lésion matérielle appréciable; ou bien organiques, c'est à dire avec altération de structure ; c'est en général dans les lésions fonctionnelles, que les eaux minérales comptent le plus de succès. Ces lésions peuvent être idiopalhiques ou métastatiques. Dans le premier cas, le médecin doit se guider dans le choix d'une source d'après l'état de l'organe souffrant, ainsi que d'après la constitution et le tempérament du malade. S'il reste quelques traces d'irritation vers le foie et vers les organes digestifs, les eaux acidulés froides légèrement alcalines de St-Galmier, de Condillac, de
THÉRAPEUTIQUE. 125
Châteldon (ces eaux sont alcalines calciques et sodiques), en boisson et en bain, sont indiquées ; si l'état phlegmasique est complètement éteint, les eaux alcalines sodiques de Vichy en boissons et en bains réussissent parfaitement dans le plus grand nombre de cas. (Il faut toujours, en débutant, les prendre à faibles doses, comme nous l'avons dit.) Si le sujet est nerveux, irritable, les eaux d'Ems, de Plombières, doivent être préférées. »
Lésions métastatiques du foie. — Bien qu'aujourd'hui la doctrine des métastases soit tombée en discrédit, M. Pâtissier n'hésite pas à l'admettre avec les grands maîtres, Stoll, Barthez, Corvisart, Pierre et Joseph Franck : " Quand on est appelé, dit-il, pour traiter une maladie chronique du foie, il est très essentiel, pour le succès du traitement, de s'enquérir soigneusement si le sujet que l'on a sous les yeux est travaillé par des rhumatismes, la goutte, ou un vice herpétique. Les troubles fonctionnels déterminés par la métastase de ces principes sont caractérisés non par un état phlegmasique bien prononcé, mais par un état de congestion, de sub-inflammation, qui s'exaspère par la médication antiphlosgistique et ne cède généralement que par le retour du principe morbide à son siège primitif. »
§ II. MALADIES DES APPAREILS URINAIRE ET LOCOMOTEUR.
Nous avons réuni sous un même titre les maladies de l'appareil urinaire (gravelle, coliques néphrétiques, calculs, catarrhe vésical, diabète) et celles qui affectent les organes de la locomotion (goutte, rhumatisme, sciatique), parce que quelques-unes (la goutte et la gravelle) ont entre elles de telles analogies de causes et de nature, qu'on ne peut, pour ainsi dire, pas les séparer quand il s'agit de leur traitement (1).
Dans les maladies que nous venons d'énumérer, les eaux de Vichy ont acquis une réputation extraordinaire ; et tous les médecins qui ont écrit sur ces eaux, s'ils diffèrent dans l'explication de leurs effets curatifs, sont d'accord pour en proclamer les vertus thérapeutiques. Nous avons étudié avec assez de détails (voy. Physiologie) les faits qui se rattachent à la pathogénie de ces affections et à l'action physiologique des eaux
(1) " Depuis que l'usage de ces médicaments (alcali minéral, alcali végétal) est devenu commun dans la néphrétique et le calcul, il est souvent arrivé qu'on les a donnés à ceux qui étaient en même temps sujets à la goutte, et l'on a observé que les goutteux étaient alors plus longtemps exempts de leurs accès. » (Cullen, Méd. prat., trad. Bosquillon, 1789, p. 556.)
126 EAUX ALCALINES.
alcalines sur l'appareil urinaire, sur le sang et sur la peau, pour qu'il soit inutile d'y revenir. Nous nous contenterons ici d'examiner les faits purement au point de vue de la thérapeutique.—Quelles que soient les théories que l'on adopte au sujet de la cause première et de la nature de ces maladies, il reste un fait clinique acquis à la science depuis longtemps, savoir, que toutes les eaux alcalines sont des agents thérapeutiques avec lesquels le médecin a obtenu le plus de guérisons ou d'améliorations dans ces cas.
Maladies des voies urinaires.
En réunissant les chiffres que l'on trouve dans les comptes-rendus de MM. Durand-Fardel et Barthez (1852) sur chacune de ces maladies, nous formerons les deux tableaux statistiques suivants :
Gravelle, néphrite calculeuse 80
Guérisons, améliorations considérables,ou en voie de
guérison 54
Améliorations faibles 11
Résultats inconnus 15
80
Cystite, catarrhe vésical, dysurie, affections diverses de la vessie 46
Guérisons, améliorations considérables, ou en voie
de guérison 25
Améliorations faibles 21
46
Diabète . .
Guérisons, améliorations considérables, ou en voie
de guérison 7
Améliorations faibles, ou résultats nuls 5
12 12
On voit d'après les chiffres de ce tableau, que les affections nombreuses qui peuvent atteindre l'appareil urinaire sont guéries ou considérablement améliorées dans plus de la moitié des cas.
Gravelle. — On a dit d'une manière générale que les eaux de Vichy conviennent dans la gravelle : cela est fort inexact pris dans un sens absolu. Deux cas peuvent se présenter : elles sont appropriées dans l'un, et contre-indiquées dans l'autre.
La gravelle d'acide urique, ou gravelle rouge, est la plus commune de toutes. Comme les alcalis possèdent la propriété de dissoudre cet acide,
THÉRAPEUTIQUE. 127
et que l'urine, à Vichy, devient promptement alcaline, on comprend tout le parti qu'on peut tirer des combinaisons chimiques dans le traitement de cette espèce. L'acide urique se combine avec la soude pour former un urate de soude, lequel, plus soluble que cet acide, se dissout dans les urines, et est ensuite expulsé avec elles. C'est contre cette gravelle que les eaux de Vichy possèdent une incontestable efficacité ; souvent même l'action dissolvante de ces eaux est tellement rapide, que dès les premiers jours les malades n'aperçoivent plus dans leurs urines de traces de graviers.
Quelquefois l'eau de Vichy agit moins comme agent chimique que comme stimulant de l'appareil rénal : les graviers au lieu de se dissoudre sont expulsés en substance de l'intérieur du rein, et charriés ensuite par les urines. Alors les malades les rendent plutôt à la fin de la cure.
Dans cette gravelle on emploie souvent les eaux de la Grande-Grille; mais ce sont les eaux non thermales des Célestins qui offrent le plus d'avantage. Telle est d'ailleurs l'opinion de presque tous les praticiens : « Son efficacité ( Célestins) dans les trois premières maladies ( affections des reins, de la vessie, gravelle) n'est aujourd'hui contestée par personne. » (Barthez.)
Passons maintenant aux cas de contre-indications :
Il paraît constant que, dans la gravelle blanche formée de phosphate de chaux et surtout de phosphate ammoniaco-magnésien, les graviers reconnaissent principalement pour point de départ une urine trop peu acide pour tenir en dissolution les éléments salins qui les constituent. Prescrire dans ces cas les eaux de Vichy, serait peu rationnel : loin de dissoudre les concrétions existantes, ces eaux, en neutralisant par leur alcalinité les acides libres de l'urine, favoriseraient la précipitation de nouveaux graviers. C'est dans cette gravelle que les malades semblent rendre d'autant plus de graviers, qu'ils boivent davantage d'eau de Vichy, " à tel point, dit Prunelle, que, si vous supposiez que ces graviers lussent déjà tout formés dans le rein, il faudrait que celui-ci eût une capacité plus grande que celle de l'estomac. »
Ce que nous venons de dire de la gravelle blanche ( la plus commune de toutes après la gravelle rouge) peut s'appliquer soit à la gravelle grise ( Magendie) qui se compose spécialement de phosphate ammoniaco-magnésien, soit à la gravelle pileuse (Magendie) qui est formée de poils mêlés de phosphate de chaux, de phosphate de magnésie et d'acide urique, soit, enfin, à la gravelle d'oxalate de chaux, qui est jaune (Ma-
128 EAUX ALCALINES.
gendie) ou plutôt noirâtre (Proust, J. Cloquet, Ch. Petit), etc. — Mais faire disparaître ainsi, chimiquement pour ainsi dire, la gravelle, ou éviter les substances qui peuvent, dans certaines variétés, en favoriser la formation, ce n'est point la guérir. Suspendez, en effet, après l'alcalisation des urines, l'administration de l'eau alcaline, et, quelques jours à peine écoulés, la maladie va de nouveau se montrer. C'est qu'il existe trop souvent une modification dans l'ensemble de la constitution, qui, soumise à l'influence d'une habitude maladive invétérée, devient, pour ainsi dire, alors une seconde nature.
En un mot, il existe une diathèse graveleuse (urique) que les eaux alcalines seules ne sauraient complètement faire disparaître, et dont l'atténuation dépend surtout du régime diététique. Aussi d'autres sources ( chlorhydratées sodiques , ou chlorhydrate es sodiques et alcalines, Carlsbad, Ems, etc.), comme nous le verrons, ont-elles dans ces cas une grande valeur thérapeutique, parce qu'en modifiant profondément la nutrition générale, elles modifient, sans doute, la diathèse graveleuse, " Une guérison réelle et plus ou moins durable peut-elle se concevoir ici sans une modification générale, profonde, de tout l'organisme, en un mot, sans une influence du remède sur la diathèse morbide elle-même?" (Trousseau et Pidoux, op. cit., t.1, p. 378.)
Quant à la gravelle phosphatique, elle est, comme nous venons de le dire, une affection non plus générale, diathésique comme la précédente, mais à peu près toute locale, et dépendant d'une morbidité de la vessie. Cet organe, en effet, lorsqu'il est le siége d'un catarrhe, retient l'urine, parce que ce liquide trouve dans l'engorgement de la muqueuse un obstacle à son libre écoulement ; elle devient alors ammoniacale et peut favoriser la précipitation des phosphates. Ici, les eaux alcalines sodiques pourraient cependant être encore utiles en modifiant l'affection catarrhale, cause principale de la formation du calcul phosphatique.Mais avec quelle circonspection ne faudrait-il pas les administrer !
Calculs urinaires. — Les indications et les contre-indications que nous venons d'établir avec soin pour la gravelle peuvent s'entendre a fortiori selon nous pour les calculs urinaires. On a fait de ces deux questions le sujet d'une polémique ardente et passionnée : nous ne croyons point devoir entrer dans ces débats ; nous nous en tiendrons surtout aux résultats de l'observation médicale.
Voici le jugement porté par l'Académie de médecine, après une sérieuse enquête : " Il n'est pas prouvé que ces concrétions urinaires, d'un volume assez considérable pour constituer de véritables calculs, aient
THÉRAPEUTIQUE. 129
été entièrement guéries par les eaux de Vichy. » (Rapport du 9 avril 1839, par MM. Husson, Bricheteau, O. Henry, Blandin, Bérard rapporteur.)
En effet, si les différentes couches des calculs n'étaient formées que d'acide urique, les eaux alcalines pourraient chimiquement agir sur elles, sauf la différence de volume, comme pour la gravelle rouge. Mais telle n'est pas d'ordinaire leur composition : au lieu d'être uniforme, elle représente une série de couches très différentes, combinées souvent d'une manière si variée et si intime, qu'il est impossible de savoir quel en est l'élément prédominant. Si donc on a recours aux eaux alcalines, n'estil pas à craindre que, rencontrant une couche de phosphate au lieu d'acide urique, on ne précipite de nouveaux phosphates, et qu'on n'augmente ainsi le volume du calcul au lieu de le diminuer? Voici, en effet, une statistique, féconde en enseignements, que nous tirons des travaux de Proust sur l'examen de 776 calculs. Nous avons pris soin d'en former les tableaux suivants :
1° Calculs à base d'acide urique . . . . 294
Acide urique presque pur 98
— et oxalate de chaux 151
— et phosphate 45
Total égal : 294
A part les calculs à base d'acide urique, les autres sont des mélanges assez réfractaires aux alcalins. Ils le sont encore davantage, quand les calculs sont formés alternativement de couches de nature différente, comme dans notre 2e tableau qui suit :
2° Calculs composés de couches de différente nature ... 231
Acide urique et oxalate de chaux ..... 55
— et phosphate 51
— phosphate et oxalate .... 12 Oxalate de chaux 113
Total égal : 231
Les calculs urinaires suivants seront encore plus réfractaires :
3° Calculs phosphatiques 251
Phosphate de chaux presque pur 8
— ammoniaco-magnésien 19
— — mêlé d'acide urique 84
— — phosphate de chaux 91 Phosphate et oxalate 49
Total égal : 251
Nous voyons, sans pousser plus loin ces recherches de statistique, que la seule partie qui soit efficacement accessible aux eaux alcalines ( et
9
130 EAUX ALCALINES.
encore l'Académie a prononcé qu'il n'est pas prouvé qu'un seul calcul de ce genre ait été entièrement guéri), nous voyons, disons-nous, que l'a. cide urique n'a constitué la concrétion urinaire que dans le 1/8 environ des cas (98 sur 776). Dans la majorité des autres cas, nous croyons sage de tenir le plus grand compte des conclusions du rapport fait à l'Académie des Sciences, le 21 mars 1842, par MM. Gay-Lussac et Pelouze, à savoir ce que l'usage des boissons alcalines peut, en neutralisant les acides libres de l'urine, favoriser la formation de calculs de phosphate et de carbonate de chaux et de magnésie. » (Pelouze.) — Or, on peut constater que, tout compte fait, les phosphates divers (1) composent presque la moitié des calculs (359 sur 776).
Tout cela ne doit pas faire méconnaître les services signalés que les eaux alcalines peuvent, comme à Vichy, rendre dans les diverses complications de la pierre, comme catarrhes du rein et de la vessie, etc.
Catararrhes de la vessie. — Dans les catarrhes chroniques de la vessie, les eaux de Vichy sont employées avec succès : leur efficacité est subordonnée à l'ancienneté de ces affections et à leur degré de gravité, qui dépend souvent de certaines complications qui peuvent exister. Pour obtenir alors un succès réel, il faut avant tout s'occuper de faire disparaître, s'il est possible, ces complications. (Ch. Petit, Eaux de Fichy, ibid., 1851.)
Lorsque le catarrhe est encore à l'état muqueux, et les conduits excréteurs libres, on voit ordinairement la sécrétion devenir promptement moins abondante, se modifier grauellement, et revenir enfin à l'état normal, en même temps que les besoins d'uriner deviennent moins fréquents. Il suffit quelquefois, dans ce cas, d'une seule saison à Vichy pour amener une guérison complète.
Lorsque la cystite chronique est à l'état mucoso-purulent, et l'affection déjà ancienne, il faut un temps plus long pour modifier l'état de la muqueuse et ramener la sécrétion à l'état normal. Il faut souvent alors un traitement de plusieurs années. (Id., ibid.)
Les eaux peuvent être employées en bains, en boissons et en injections. Ce dernier mode d'administration doit être surveillé avec soin, et M. Barthez, qui l'a beaucoup employé, a souvent été obligé d'en adoucir l'action: ce Seules, les injections seraient insuffisantes, dit-il, et elles
(1) Nous sommes frappés de cet aveu de l'un des partisans les plus distingués de la valeur absolue des eaux de Vichy contre la pierre : « Dans la diathèse urique, l'urine est acide;dans la diathèse phosphatique, elle est au contraire plus ou moins alcaline. » (Ch. Petit, Des Eaux de Vichy, p. 176.)— Or, de quelle utilité pourront être alors les eaux alcalines de Vichy ?
THÉRAPEUTIQUE. 131
doivent être secondées par l'eau prise en boissons et en bains. »(Barthez, p, 220.) — L'eau est prise à dose modérée; on en diminue, ou l'on en augmente la quantité suivant les effets observés.
Diabète. — Le diabète seul, dans le tableau cité, n'offre point de guérison ; mais, lorsque dans une maladie dont le pronostic est aussi fâcheux, on obtient sur 12 cas, 7 améliorations considérables, il faut avouer que la médication par les eaux de Vichy est une des meilleures qu'on ait encore trouvées jusqu'ici.
L'action des eaux de Vichy aurait-elle pour effet de restituer au sang l'alcalinité que, dans la théorie de M. Mialhe, il a perdue par le fait de l'affection diabétique ? C'est là une hypothèse et rien de plus : le sang conserve son alcalinité. Ne doit-on pas croire aussi qu'elles agissent surtout sur le foie qui, d'après les expériences de M. Cl. Bernard, est l'organe où se forme le sucre? Nous ne pouvons rien affirmer à ce sujet. Quelle que soit la théorie qu'on adopte, il est constant que les diabétiques se trouvent très bien des eaux de Vichy, surtout lorsque, selon le précepte de M. Bouchardat, on combine avec l'eau minérale un régime fortement animalisé, à l'exclusion des substances sucrées ou féculentes.
Notre observation personnelle est à peu près conforme à celle de M. Petit, ce J'ai vu, dit-il, disparaître à Vichy les symptômes de la glucosurie en peu de jours ; mais il n'en est pas toujours ainsi. Chez quelques-uns et surtout chez ceux qui sont depuis longtemps diabétiques, on retrouve pendant longtemps encore, bien qu'à un degré plus faible, du sucre dans l'urine. Il en est même, lorsque la santé était déjà profondément altérée, chez lesquels, malgré la continuation du traitement pendant plus d'un mois, l'urine étant alors presque constamment alcaline, je n ai pas pu voir cesser entièrement le passage du sucre dans l'urine.» (Ch. Petit, ibid., p. 460.)
Mais on obtient au moins d'excellents effets palliatifs ; nous disons palliatifs, car, il faut l'avouer, trop souvent, lorsque après un traitement par les eaux alcalines de Vichy, le malade se croyait guéri, il a vu réapparaître après quelques mois le terrible diabète.
§ III. MALADIES DE L'APPAREIL LOCOMOTEUR.
Nous avons formé le tableau suivant avec les chiffres réunis de MM. Barthez et Durand-Fardel : les résultats veulent être discutés, chacun séparément en raison de leur importance.
132 EAUX ALCALINES.
Goutte chronique , rhumatisme goutteux.
Guérisons, ou améliorations considérables,
considérables, envoie de guérison . 26
Améliorations faibles,résultats nuls 22
48
Goutte aiguë
Améliorations considérables ... 8
En voie de guérison 6
Améliorations faibles, résultats nuls 13
27
Rhumatisme, sciatique.
Guérisons, ou améliorations considérables, ou en voie de guérison. . 14 Amél. faib., rés. inconnus ou nuls. 16
30
Goutte. — On voit de prime abord que la goutte chronique et le rhumatisme goutteux obtiennent à Vichy soit la guérison, soit une amélioration considérable dans la moitié des cas.
Dans la goutte aiguë, on ne trouve plus que des améliorations, et cela seulement dans le tiers des cas environ, pas une seule guérison et deux résultats fâcheux. On est conduit logiquement à cette conclusion pratique, c'est que, si le traitement de Vichy paraît généralement avantageux dans la goutte chronique, on doit être très réservé à l'égard de la goutte aiguë, contre laquelle il est plus prudent de n'y pas recourir.
La goutte peut-elle se guérir ? ce J'avoue qu'il est fort probable que la goutte, qui est une maladie de toute l'habitude du corps, et qui très souvent dépend d'une conformation originelle, ne peut se guérir par les médicaments,dont les effets sont toujours très passagers et produisent rarement un changement considérable dans toute l'habitude du corps, Je suis très disposé à croire qu'il est impossible de guérir la goutte par les médicaments. » (Cullen, Méd. prat., 1789, p. 343.)— Mais, ajoute son savant traducteur : " Si les médicaments sont sans effet, le régime peut, au moins, rendre la maladie plus supportable. » (Ibid., note de Bosquillon.) Telle est aujourd'hui l'opinion de la plupart des médecins, " Il semble qu'une maladie dont les indications thérapeutiques et prophylactiques peuvent s'établir avec quelque précision devrait être facile à guérir, et cependant il est loin d'en être ainsi de la goutte. » (DurandFardel, op. cit., p. 141.)
Il résulte de ces observations que, lorsque l'on prescrit dans la goutte, les eaux de Vichy, il ne faut pas leur demander plus qu'elles ne peuvent donner. Elles soulageront beaucoup, parfois à tel point que les malades se croiront guéris ; mais il peut arriver que plus tard de nouveaux accès leur prouvent que c'était là une illusion. — A quelle époque de la goutte et comment faut-il administrer les eaux de Vichy ? Pour Ch. Petit,
THÉRAPEUTIQUE. 133
cette question est oiseuse. La goutte étant uniquement due à la présence de l'acide urique dans le sang, il suffit de saturer cet acide avec un alcali, et tout sera dit. Peu importe alors l'époque à laquelle sera faite cette saturation, " En appliquant les eaux de Vichy au traitement de la goutte, je ne me suis jamais beaucoup occupé des accès,qui ne sont à mes yeux
que des symptômes plus ou moins prononcés de cette affection Le
traitement alcalin n'est pas un moyen perturbateur, et il ne peut déplacer la goutte : si, en atténuant cette affection, il peut abréger la durée des accès, il n'a pas pour effet de les faire avorter. » ( Ch. Petit, loc. cit., p. 359.)
M. Barthez exprime à peu près le même sentiment : " Le traitement de la goutte par les eaux de Vichy n'est pas un traitement perturbateur; il ne peut par conséquent la déplacer ni la faire avorter d'emblée. » (Op. cit., p. 186.) Mais cette manière de voir est loin d'être partagée par d'autres médecins aussi recommandables.
On éprouve quelque embarras à aborder et à juger ces questions, qu'une polémique brûlante a rendues difficultueuses pour tout le monde. Voici, à l'appui de notre manière de voir, l'opinion détaillée de M. Prunelle, telle qu'il l'a formulée lui-même dans les lignes suivantes écrites vers 1850 sous sa dictée par M. C. James : ce Quand la goutte a de la tendance à se porter à l'intérieur, sur l'estomac par exemple, l'eau de Vichy sera utile en fortifiant ce viscère ; elle agira de la même manière que le vin de Bordeaux ou le vin de Madère que vous faites boire en pareil cas aux malades. Il y a une autre espèce de goutte qu'on peut appeler h goutte molle. Ici la nature n'a pas assez de force pour opérer une véritable crise ; les malades ont des attaques incomplètes, c'est plutôt un état d'endolorissement ; ils marchent, comme ils disent, sur des éponges : dans ce cas l'eau de Vichy sera un des meilleurs toniques. Car, venant en aide à la nature, elle favorisera la manifestation de l'accès et déharrassera d'autant l'individu; mais, si la goutte se traduit par des symptômes franchement inflammatoires, en quoi l'eau de Vichy, même en l'absence de crises, pourra-t-elle être avantageuse ? Les organes ne sont déjà que trop surexcités par le principe goutteux, sans encore y joindre la stimulation minérale. Ce serait travailler dans le sens de la maladie. De même vous respecterez la goutte, surtout chez les vieillards, quand elle se porte sur les extrémités supérieures et inférieures, car c'est là qu'elle est le moins à redouter. L'intervention de l'eau de Vichy produirait des phénomènes de perturbation qui pourraient amener le déplacement du principe goutteux, et par suite de dangereuses meta-
134 EAUX ALCALINES,
stases. C'est surtout dans des cas semblables qu'on a vu l'emploi intempestif de l'eau minérale causer l'apoplexie. » On a reproché à cette opinion, d'ailleurs fort sage, d'être trop restrictive ; et, en effet, il semble qu'on peut tirer un plus large parti des eaux de Vichy, d'après le tableau suivant, que nous avons dressé sur le rapport de l'Académie elle-même en 1840, et sur une deuxième statistique de M. Ch. Petit en 1842.
1re Statistique. Goutte articulaire plus ou moins
ancienne 80
Goutte présumée héréditaire . . 34
— — acquise.... 46
Coexistence de la gravelle ... 20
1° Guérison des accès pendant deux ans 19
2° Accès rendus moins fréquents moins longs et m. douloureux. 51
3° Effets nuisibles des eaux de Vichy 10
2me Statistique.
89
60
29
Gravelle plus ou moins sensible 47
1° 25
2° 59
3° Insuccès 5
Il s'agit ici seulement de la goutte articulaire. Notons que, sur 169 cas, il y a eu 44 guérisons plus ou moins prolongées (près de 1/4), 110 améliorations (2/3) et 15 insuccès ou résultats fâcheux. Nous croyons devoir ici extraire comme conclusion les passages suivants du rapport de l'Académie elle-même, en 1840 : " Les eaux de Vichy ont la même puissance curative, que la goutte soit héréditaire ou acquise. — Il paraîtrait que la goutte coexistant avec la gravelle est atténuée plus facilement. Le pouvoir médicinal des eaux de Vichy diffère peu dans la goutte ancienne ou récente (p. 154). Chez tous les malades la santé générale s'est améliorée. Malgré la disparition ou la diminution de leur goutte, 70 sur 80 n'ont éprouvé aucun accident consécutif (p. 155). Quant aux accidents (1), de quelque manière qu'on les envisage, ils démontrent que les eaux de Vichy sont un remède actif qu'il faut administrer avec modération et discernement. L'oedème qu'on remarque aux pieds, aux jambes, quelquefois aux genoux (comme cela avait lieu chez 8 sujets), depuis
(1) Nous trouvons parmi ces accidents : douleurs de tète 5 cas, apoplexie 1, pneumonie 1, gastralgie et crampes d'estomac 2, diarrhée 2, dyssenterie 1 , ictère 1, irritation intestinale 1, etc., etc.
THÉRAPEUTIQUE. 135
l'emploi des eaux de Vichy, a disparu chez eux La contracture qui
consiste dans une rigidité des muscles et des tendons sur lesquels a séjourné plus ou moins longtemps l'irritation goutteuse, peut céder aux
eaux de Vichy quand elle est récente ou d'un faible degré (p. 157)
Les ankyloses incomplètes qui existaient chez 10 goutteux ont disparu
ou diminué chez 8 (p. 158) Quant aux nodosités ou tumeurs tophacées,
tophacées, ont disparu ou diminué chez quelques goutteux. Mais en général les eaux de Vichy n'ont qu'un pouvoir très limité pour faire disparaître les altérations que la goutte chronique occasionne sur les articulations (p. 159). » (Rapport du 24 mars 1840,par MM. Guéneau de Mussy, Delens, et Pâtissier rapporteur.) L'eau de Vichy réussit mieux contre la goutte articulaire que contre les autres formes.
Ces opinions de la Commission académique semblent aller peut-être au-delà de la vérité. Oui, sans doute, les eaux alcalines sodiques de Vichy auront le pouvoir de diminuer l'intensité des accès goutteux, d'en éloigner le retour, et de produire même un commencement de diminution des dépôts tophacés ; mais, de cette amélioration à une guérison complète, il y a loin encore, surtout lorsque la goutte n'est que l'expression d'une diathèse , d'un état morbide enraciné dans l'économie. Nous pensons aussi que la goutte, déjà si difficile à guérir, est bien plus réfractaire lorsqu'elle est héréditaire.
Rhumatisme. — A l'égard des rhumatismes et de la sciatique, on constate une amélioration dans la moitié des cas environ, d'après notre tableau: ce Les résultats favorables que j'ai observés concernant le rhumatisme musculaire, sciatique ou articulaire, me permettent d'exprimer aujourd'hui, d'après les relevés que j'en ai faits, que les rhumatisants trouveront dans les sources de Vichy un puissant moyen de secours dont les effets peuvent être rapportés non seulement à leur thermalité, qui dans la plupart des établissements est la seule force curatrice des eaux, mais encore à la nature particulière des éléments minéralisateurs qu'elles renferment, avec d'autant plus de raison, que le bicarbonate de soude est aujourd'hui généralement employé par la plupart des médecins. » (Barthez, Guide pratique, 1854, p. 196.)
Cependant nous ferons observer que le tableau précité n'offre pas une seule guérison complète. Les eaux de Vichy ne possèdent qu'une action curative faible dans le rhumatisme : ce sont les eaux thermales salines, disons-le en passant, et les eaux thermales sulfureuses, qui lui conviennent particulièrement. Nous pouvons opposer à M. Barthez le propre témoignage de Ch. Petit, et le rapport précité de l'Académie : " J'ai vu
136 EAUX ALCALINES,
des rhumatisants qui se louaient beaucoup du bon effet qu'ils avaient éprouvé à Vichy, tandis que d'autres avaient eu des retours de douleurs.» (Ch, Petit.) — Et plus loin : ce Les eaux de Vichy ne peuvent être d'aucune utilité contre la goutte sciatique, qui n'est qu'une névralgie. » ( Ch. Petit.) — La Commission de l'Académie ajoute : " Ce qui s'oppose à ce que, à Vichy, les eaux soient employées avec succès contre le rhumatisme, c'est que les douches y sont mal disposées et qu'il n'existe pas de bains de vapeur. » (Rapport précité, p. 186.) Il ne faut pas confondre le rhumatisme chronique avec le rhumatisme goutteux. Je crois que ce qu'on appelle rhumatisme goutteux, n'est autre chose qu'une variété
de goutte , que cette maladie est de même nature que la goutte, et
que les eaux de Vichy peuvent être employées avec avantage pour la combattre. (Ch. Petit, ibid., p. 187.)
Les indications et contre-indications peuvent être ainsi résumées: ce 1° Les eaux de Vichy ne doivent pas être administrées à l'époque des accès de goutte, soit pendant leur durée, soit dans leur imminence, soit après leur terminaison, lorsqu'on n'est pas assuré que leur solution soit complète.
ce L'existence déjà constatée d'accidents quelconques vers la tête ou la poitrine, l'âge avancé, sont des conditions qui nous paraissent contre-indiquer l'emploi des eaux de Vichy.
" 2° Le moment le plus favorable pour prescrire aux goutteux (dans la goutte régulière) les eaux de Vichy, est l'époque la plus éloignée possible des accès. » (Durand-Fardel.)
Quant à la dose, Petit (loc. cit., p. 367) prescrit les eaux de Vichy en bains, et en boissons de 6 à 15 et même 20 verres par jour progressivement. Cette dose aussi élevée est inutile. M. Barthez se règle sur l'alcalinité des urines, que les malades constatent eux-mêmes au moyen du papier réactif : cette méthode n'est point un critérium très exact, puisque nous avons vu (p. 91) que sous ce rapport les sujets présentaient de grandes différences. Cependant elle peut encore servir approximativement à mieux déterminer la dose des eaux à boire. Il n'est pas facile, du reste, de fixer a priori, avec une rigoureuse exactitude, les limites qu'il ne faut pas dépasser ; mais l'on peut dire que le médecin doit se tenir dans un juste milieu convenable ; ce car on obtient des effets thérapeutiques aussi prononcés en les employant à dose modérée, et l'on se met ainsi à l'abri des inconvénients que peut occasionner l'administration d'une trop grande quantité d'eau minérale, » (Durand-Fardel. op. cit., p. 166.) Dans la goutte chronique. Petit administrait les eaux de Vichy en bains
THÉRAPEUTIQUE. 137
et en boissons. Ces deux modes d'administration sont également suivis par M. Durand-Fardel comme le prouvent les observations qu'il rapporte, ainsi que par M. Barthez. Ce dernier recommande de se borner à boire les eaux et avec modération, si un accès venait à se déclarer pendant la cure, et à ne prendre des bains que lorsque l'attaque serait entièrement dissipée, afin de ne pas réveiller ni entretenir la douleur des parties souffrantes. (Op. cit., p. 88.) Cette apparition des accès est due souvent à l'excitation produite par les eaux sous forme de bains (ibid. ); aussi faudra-t-il ne les conseiller que dans la forme atonique de la goutte, et en surveiller attentivement les effets.
Une suffit pas de prendre les eaux sur les lieux, ce il faudra encore les administrer pendant longtemps même après la saison, mais avec des intervalles de repos. Caries remèdes, dans les affections constitutionnelles ou invétérées, n'agissent qu'autant qu'ils sont pris en petite quantité et continués longtemps. »(Id., p. 186.)
§ IV. MALADIES DE L'APPAREIL SEXUEL.
Maladies de l'utérus. — Les eaux de Vichy sont indiquées dans la métrite chronique avec tuméfaction et induration, ce que l'induration soit bornée au col ou qu'elle s'étende à tout le corps de l'organe, que l'inflammation ait débuté par la muqueuse du col ou qu'elle se soit développée dans le tissu même de la matrice. » (Ch. Petit, p. 132.)
Les conditions essentielles de leur emploi sont que la métrite ne soit plus à l'état aigu, et qu'il n'y ait point de dégénérescence organique.
S'il existait sur le col utérin de ces simples ulcérations superficielles qu'on y trouve souvent surtout dans les cas de leucorrhée, il faudrait les faire disparaître soit par la cautérisation, soit par d'autres moyens,avant d'avoir recours à l'emploi des eaux.
On peut aussi y avoir recours contre quelques accidents de l'âge critique.
« J'ai employé ces eaux avec un plein succès chez quelques femmes qui, arrivées à l'âge critique, se plaignaient de pesanteur à la matrice, d'irrégularités dans le retour des règles, et d'avoir souvent un écoulement muqueux et sanguinolent, et quelquefois même des pertes plus ou moins abondantes, mais chez lesquelles je m'étais assuré auparavant qu'il n'existait aucune affection organique.» (Ch. Petit, ibid., p. 185.)
138 EAUX ALCALINES.
Les affections de l'appareil utérin sont traitées en général avec succès à diverses stations thermales, et les eaux alcalines sodiques de Vichy revendiquent, pour leur part, un certain nombre de guérisons. Mais, pour être utiles, ces eaux doivent s'adresser à certaines formes d'engorgements utérins. M. Willemin, qui a publié une bonne monographie sur l'emploi raisonné de ces thermes dans les affections chroniques de l'utérus, a cherché à bien fixer ces distinctions. Nous emprunterons à ce travail les principales indications et contre-indications de ces sources dans les maladies qui nous occupent. (De l'emploi des eaux de Vichy dans les affections chroniques de l'utérus, 1857.)
Lorsque l'engorgement est symptomatique d'une métrite aiguë ou subaiguë, auquel cas il est plus ou moins douloureux, il faut ajourner l'emploi des eaux de Vichy, jusqu'à l'époque où l'on aura fait disparaître par des moyens appropriés cet état sub-inflammatoire. ce Avant donc d'opposer à ces états morbides la médication de Vichy, il faut commencer par en combattre la nature phlegmasique ; quand cet élément aura été écarté, s'il reste un engorgement qui est fréquemment la conséquence de la métrite, alors les eaux de Vichy trouveront une application avantageuse, » (Willemin, loc. cit., p. 158.) Sur ces faits tout le monde est d'accord: mais comment reconnaître que toute trace de phlegmasie a disparu? D'après M. Willemin on pourrait souvent s'en assurer par les observations suivantes. Quand il existe un état phlegmasique chronique, l'on trouve pour signes principaux :
" 1° La sensibilité du col utérin développée au toucher; " 2° Une induration générale ou partielle du tissu de la matrice ; " 3° Assez fréquemment la dilatation de l'orifice externe du col. » (Loc. cit.,pp. 119-120.)
Si la phlegmasie a disparu et qu'il ne reste plus que l'élément engorgement, cette phase de la maladie se reconnaît à ce que ce le col a conservé sa consistance normale ou est devenu plus mou. » (P. 62.) " En général, l'induration est un des symptômes de la métrite sub-aiguë ou chronique (p. 63) ; » tandis que ce la consistance du tissu simplement engorgé est normale ou molle. » (P. 62.) Or, les cas de simple engorgement sont le triomphe des eaux de Vichy, qui ont, au contraire, bien moins d'efficacité dans ceux d'induration.
Cette distinction importante pour le traitement par les eaux de Vichy, basée sur l'état physique du col utérin, mou dans un cas, induré dans l'autre, avait, du reste, été bien mise en relief, en 1843, par le docteur Nepple, pour les eaux de St-Alban. (Journ. de Médec. de Lyon, 1843.)
THERAPEUTIQUE. 139
Nous verrons plus loin, en parlant des eaux de St-Alban, avec quelle précision et quelle justesse de vue ce médecin avait, dès cette époque, su fixer d'après l'état mou du col l'heureux emploi de ces eaux. C'est une autorité qui ne fait qu'ajouter, à nos yeux, plus de valeur au signe clinique annoncé et prouvé par M. Willemin dans son travail.
Mais si les eaux de Vichy sont plus spécialement appropriées à l'engorgement mou de l'utérus, nous ne pensons pas devoir en exclure tout à fait l'usage, même dans les cas où il existe une métrite chronique avec induration. Ici, il faudra mitiger l'action trop stimulante de l'eau minérale, et avoir égard, surtout, à leur température. Administrées chaudes, elles seraient nuisibles en réveillant le point phlegmasique encore existant; mais, données en bains à une température tiède, elles pourront rendre de grands services. Aussi, les bains de piscine, fournis par la source l'Hôpital à 30°, ont-ils été pour M. Willemin le meilleur mode d'administration des eaux de Vichy dans ces cas, ainsi qu'en bains de baignoires de 32° à 34° c.
Tumeurs ovariques et utérines. — " Ce n'est que dans les cas d'engorgement des ovaires avec simple hypertrophie, que l'on peut espérer des eaux de Vichy, sinon toujours au moins quelquefois, ainsi que j'en ai recueilli quelques exemples, leur entière résolution. Mais, si l'on n'ohtient qu'assez rarement un résultat aussi complet, on arrive du moins très ordinairement, avec de la persévérance,à amener une diminution notable du volume des tumeurs et à en empêcher l'accroissement.» (Ch. Petit, p. 137.) Les eaux sont contre-indiquées dans l'hydropisie des ovaires et dans les diverses dégénérescences organiques. (Id., p. 155.) M. Barthez (p. 173) insiste sur les mêmes contre-indications.
« La guérison des engorgements est toujours subordonnée à l'ancienneté ainsi qu'à l'étendue du mal. Ceux qui se sont développés sous une influence diathésique cancéreuse ou squirrheuse, sont généralement réfractaires à l'action des eaux. » (Barthez, loc.cit., p. 172.) Nous avons vu nous-mêmes des tumeurs ovariques anciennes et volumineuses considérablement améliorées et diminuées par l'emploi des bains tempérés de 4 à 6 heures.
§ V. MALADIES GÉNÉRALES.
Nous résumons dans le tableau suivant les statistiques de MM. DurandFardel et Barthez.
140 EAUX ALCALINES.
Atonie
Guérison ou amélioration considérable 7
Amélioration faible ou résultats nuls 14
21 21
Chlorose
Amélioration considérable 3
- faible 3
6 6
Cachexie avec splénite
Guérison 4
Amélioration « 4
Sans résultats 1
9 9
Atonie. — Dans l'atonie les eaux de Vichy amènent d'heureux effets: les succès s'élèvent aux 2/3 des cas, 14 sur 21 ; il est à regretter que M. Durand-Fardel n'ait pas donné d'autres détails dans son compte-rendu. (Voy. Pâtissier, Rapport, 1854.) Heureusement ce que nous avons dit de l'influence des eaux alcalines sur l'appareil vasculaire et sur l'état général (voy. 2e chap.) supplée à cette lacune et suffit pour donner la clef de ces résultats.
Chlorose. — Pour la chlorose, le tableau n'offre que de simples améliorations, mais nous ne croyons pas que ce soit l'expression exacte de la vérité. Nous savons que bon nombre de chlorotiques ont été guéries par l'eau ferrugineuse de la source Lardy, et que d'autres ont obtenu les mêmes succès, ce Il est très peu d'affections contre lesquelles les eaux de Vichy aient un effet salutaire plus assuré que contre la chlorose; qu'elle tienne à un trouble des organes de la génération, qu'elle soit liée à un mauvais état des voies digestives ou à d'autres complications, le fait est que ces eaux, soit par l'influence, sur le sang des chlorotiques, de la petite quantité de fer qu'elles contiennent, soit par l'excitation imprimée à la vitalité du système vasculaire, ou l'action combinée de tous les éléments qui les minéralisent, la modifient de la manière la plus heureuse. » (Ch. Petit, p. 150.) Pour nous, ces eaux, bien qu'avantageuses, n'ont rien de spécifique ; elles agissent ici, le plus souvent, comme les eaux ferrugineuses proprement dites. Au reste, ce n'est, le plus ordinairement, que quelques semaines ou même quelques mois plus tard, que l'amélioration commencée pendant le séjour se confirme et amène une véritable guérison.
Cachexie paludéenne. — Cette maladie se complique habituellement d'engorgements de la rate, " L'action des eaux de Vichy sur ces engorgements est la même qu'à l'égard de ceux du foie, c'est à dire,
THÉRAPEUTIQUE. 141
fondante et résolutive, avec cette différence que les résultats de la guérison, toutes choses égales d'ailleurs, sont moins nombreux que pour les maladies du foie. » (Barthez, op. cit., p. 166.) Nous avons ici surtout en vue les engorgements spléniques qui succèdent aux fièvres intermittentes, ou accompagnent l'état cachectique particulier que laissent les fièvres d'Afrique, ce J'ai remarqué que, toutes les fois que des engorgements de la rate sont dus à une autre cause que les fièvres intermittentes, ils résistent beaucoup plus longtemps au traitement, et quelquefois même ils résistent tout à fait. » (Ch. Petit, p. 131.)
La cachexie paludéenne est caractérisée surtout " par la prostration, la faiblesse musculaire, la petitesse et la rareté du pouls, la pâleur des tissus, l'abaissement de la chaleur animale, la diminution d'énergie dans toutes les fonctions, enfin la prédominance séreuse, et la défibrination du sang. » (Durand-Fardel, op. cit., p. 172.)
« L'usage des bains minéraux chauds et stimulants, d'une boisson tonique et digestive, comme celle de la plupart de ces eaux, ne serait-il pas, dans ces cas, parfaitement approprié pour combattre avec avantage l'hyposthénie nerveuse et sanguine qui frappe les fonctions dans leurs racines? » (Dr Finot, dans Durand-Fardel, op. cit., p. 175.) Cette stimulation imprimée à l'ensemble de toute l'économie, par les eaux thermales, ne peut qu'être favorable à des malades débilités et profondément étiolés; mais il faut surveiller cette action stimulante, afin de ne pas dépasser tout d'abord le but. Si, en effet, l'atonie est portée à un haut degré, une excitation brusque et trop vive aurait pour résultat secondaire de faire tomber les fonctions déjà languissantes dans une prostration encore plus profonde ; c'est donc avec beaucoup de ménagements et de grandes précautions qu'il faut appliquer la stimulation thermale aux individus atteints de cachexie, suite des fièvres graves intermittentes des climats chauds comme l'Algérie.
Sous ce rapport, nous ne pensons pas que les eaux de Vichy offrent une aptitude plus spéciale que les eaux thermales d'une autre classe : c' est ainsi que d'autres eaux salines et thermales, celles de Kissingen, de Wiesbaden, de Bourbonne, de Balaruc, comptent également des succès dans ces circonstances.
Disons pourtant que, si la cachexie s'accompagne surtout d'engorgements de la rate et du foie, les eaux alcalines sodiques, comme celles de Vichy, semblent alors mieux appropriées. Si l'état anémique domine la scène, c'est aux sources ferrugineuses (source Lardy à Vichy, Vals, at-Alban, Châteauneuf, etc.), qu'il faudra adresser le malade. Enfin, si
142 EAUX ALCALINES.
l'on a sous les yeux des engorgements veineux abdominaux ou des ganglions mésentériques, ce seront les sources chlorhydratées sodiques (Bourbonne, Wiesbaden, Hombourg, Niederbronn, etc.) qui seront plus particulièrement indiquées, " Mais, avant de commencer le traitement thermal, il faut toujours que les accès de fièvre soient dissipés. Ce qui nuit surtout à la curabilité des engorgements de la rate,ce sont les retours des accès de fièvre. J'ai vu souvent les accès faire reparaître à la fin de la cure des engorgements que les eaux avaient déjà dissipés. » (Barthez, p. 165.) On administre alors le sulfate de quinine, et, une fois les accès coupés, on commence le traitement par les eaux, " Si la fièvre survient de nouveau pendant le traitement thermal, on agira de même, et on ne comptera nullement sur ce dernier pour la faire disparaître. » (Durand-Fardel, op. cit.,p. 178.)
Les bains, surtout ceux de piscine, offrent de grands avantages. Ils seront employés dans les cas où la fièvre sera tombée, et quand il y aura en même temps cachexie ; on y aura recours quand les signes généraux domineront sur les phénomènes locaux, ce Chez les fiévreux, on ne pourra employer les bains que dans le plus petit nombre des cas , et encore avec de grandes précautions. Ici, c'est à l'usage interne qu'il faudra surtout recourir ou même se borner. La source Lardy, ferrugineuse, sera presque toujours indiquée, ainsi que la Grande-Grille chez les malades dont les voies digestives ne seront pas très susceptibles. » (Dur.-Fardel, op. cit., p. 178. ) Voici un fait que M. Durand-Fardel emprunte à la pratique de Prunelle : " Il y a quelques années, les engorgements de la rate, si nombreux à Vichy, dans la population indigente qui s'y presse, ne présentaient presque jamais de diminution sensible, mais les digestions des malades et leur santé se rétablissaient ; on les abreuvait de bicarbonate de soude, et leur rate ne se dissolvait pas. Depuis qu'une source ferrugineuse (Lardy) a été ajoutée à celles que possédait Vichy, on obtient des résultats beaucoup plus satisfaisants ; quant au retour de la rate vers son volume normal, j'ai assisté moi-même à ce dernier ordre défaits. » (Durand Fardel, p. 34.) Voyez aussi ce que nous avons dit sur la physiologie du foie. (2° chap.)M. Dupraz a obtenu les mêmes résultats par l'adjonction des eaux ferrugineuses d'Amphion à l'eau alcaline d'Evian.
Nous remarquerons qu'il y a contre-indication à l'usage de ces eaux, lorsque les engorgements spléniques tiennent à un trouble permanent de la circulation, comme dans certaines maladies du coeur, lorsqu'ils sont devenus le siège d'induration ou de diverses dégénérescences tou-
THÉRAPEUTIQUE. 143
jours plus ou moins incompatibles avec la médication alcaline ou thermale quelconque : on ne peut plus compter sur le succès lorsque, déjà anciens, ils ont envahi une grande partie ou la presque totalité du
ventre.
Les détails dans lesquels nous venons d'entrer au sujet des eaux thermales de Vichy nous permettront de glisser rapidement sur les autres eaux alcalines sodiques thermales, à l'exception de quelques types principaux. Ce sont, en effet, les mêmes indications et contre-indications dans leur emploi ; seulement le choix du médecin se portera sur telle ou telle d'entre elles, suivant qu'elle sera plus ou moins minéralisée par le bicarbonate de soude, se rappelant que les moins minéralisées sont mieux supportées prises à l'intérieur, toutes choses égales d'ailleurs, et s'adressent principalement aux individus à sensibilité intestinale exagérée, ou à ceux qui sont arrivés à un état de débilité trop prononcée.
MHS (DUCHÉ DE NASSAU).
Parmi les eaux alcalines, il en est quelques-unes dont les propriétés dépendent à la fois et du carbonate sodique et du chlorhydrate de soude qu'elles renferment. Aussi, jouissent-elles de vertus spéciales, qui permettent au médecin d'étendre leur cercle thérapeutique au-delà de celui des eaux alcalines presque pures. Nous prendrons pour type d'étude de cette variété d'eaux alcalines les sources d'Ems.
Rhumatisme, goutte. — Les eaux d'Ems ont été beaucoup recommandées dans la goutte et le rhumatisme. Le docteur Edwin Lee les croit surtout appropriées aux formes adoucies de ces maladies, chez les jeunes sujets, avec tendance à l'excitation inflammatoire, ou avec coexistence d'une irritabilité nerveuse. (The principal Bath of Germany, t. 1, p. 57.) Cette opinion se rapprocherait de celle de MM. Trousseau et Lassègue, qui vantent les eaux d'Ems pour tempérer l'état pléthorique, et lorsque la goutte offre une trop grande activité. Ces eaux sont à leurs yeux essentiellement débilitantes. (Loc. cit., p. 223.)
Cependant, il faut dire que MM. Vogler et Spengler, qui pratiquent à Ems, ne paraissent pas leur reconnaître une efficacité bien remarquable
144 EAUX ALCALINES.
dans ces deux affections (rhumatisme et goutte). Ainsi, pour M. Vogler, les bains chauds, douches, etc., ce qu'on prend à Ems, employés selon une méthode convenable, sont effectivement utiles dans les cas de ce genre, sans qu'on attache une grande attention aux propriétés spécifiques de la source dont on a fait usage. » (De l'usage des eaux minérales, et en particulier de celles d'Ems, 1841, p. 196.) M. Spengler, qui rejette la théorie des acides dans la goutte, la gravelle, dit que c'est surtout ce comme traitement préparatoire et consécutif, que ces effets se font sentir. » (Etudes balnéologiques sur les thermes d'Ems, traduit par Kaula, 1855, p. 20.)
Toutefois, en raison de leur composition (alcaline et chlorhydratée sodique), nous croyons les eaux d'Ems convenables dans la goutte et la gravelle urique, surtout chez les personnes atteintes en même temps de dyspepsie. En améliorant la digestion et en modifiant la nutrition générale, ces sources doivent, peut-être plus que d'autres plus simples ou plus alcalines (Vichy), s'opposer au retour des accidents graveleux ou goutteux, et contribuera une cure radicale, quand celle-ci est possible, Cette opinion sera développée avec détails au chapitre des eaux salines chlorhydratées sodiques.
Telle paraît être d'ailleurs, sur ce dernier point, la manière de voir du docteur Vogler : " Une faculté réelle que présentent ces eaux, en ce qu'elles rétablissent les fonctions normales des organes élaborateurs du sang et des sucs, c'est de dissiper toute propension à la formation de la gravelle. » (Loc. cit., p. 179.) — Nous le répétons ici, et nous le prouverons (voy. Eaux salines chlorhydratées sodiques, Physiologie) : c'est à la présence du sel marin jointe à celle du carbonate sodique, que les eaux d'Ems doivent de pouvoir dissiper ainsi la propension à la formation de la gravelle.
Quant au rhumatisme chronique, nous pensons qu'il est parfaitement curable aux eaux d'Ems, aujourd'hui, comme il l'était autrefois : toute la différence de ces deux époques consiste, en effet, dans le mode d'administration de ces eaux. C'est, du reste, ce qui est parfaitement expliqué par MM. Trousseau et Lassègue. (Loc. cit., p. 373.) — Autrefois, en effet, les bains étaient aussi chauds que possible et aussi prolongés que le malade pouvait les supporter, tandis qu'aujourd'hui, on les prend tempérés et de courte durée (1/2 heure). Cette différence essentielle dans la température rend très bien compte de leur peu de succès, de nos jours, dans le rhumatisme chronique où elles réussissaient mieux jadis.
THÉRAPEUTIQUE. 145
Appareil digestif. — Les eaux d'Ems sont utiles au même titre, et dans certains cas plus utiles, que les eaux alcalines sodiques pures (Vichy),dans les affections de l'appareil digestif. Ainsi, d'après M.Edwin Lee(op. cit., p. 57), elles rendent de grands services (calculated to be of considérable benefit) lorsqu'il existe des ardeurs brûlantes à l'estomac avec sécrétions de sucs acides abondants.
Le docteur Diel, qui a exercé pendant trente ans aux eaux d'Ems, les recommande vivement dans les empêchements de la circulation abdominale, l'affection hémorrhoïdale. (Edwin Lee, ibid.)
Lorsque le trouble des fonctions digestives est accompagné de torpeur du foie ( torpor of the liver ), les praticiens d'Ems vantent hautement ces sources. (E. Lee, op. cit., p. 87.) Au reste, ce que nous avons dit de l'emploi des alcalins dans les maladies du foie, s'applique à l'usage des eaux alcalines et salines d'Ems; seulement leur action, semblable à celle des eaux de Vichy, est moins marquée, et par conséquent plus douce que celle des sources de cette dernière station thermale.
Maladies de l'appareil respiratoire (catarrhe, tubercules, phthisie pulmonaire).— C'est principalement dans les affections de l'appareil respiratoire, que les médecins allemands ont préconisé les eaux minérales d'Ems ; ils les conseillent dans les maladies chroniques du poumon avec éréthisme, dans l'hémoptysie, la phthisie imminente ou commençante, et C'est à son caractère de bénignité, que l'eau minérale d'Ems doit sa réputation et la préférence qu'on lui accorde sur d'autres bains; elle est salutaire aux individus chez qui prédomine un vif éréthisme du système vasculaire et nerveux; mais son emploi est tout à fait contraire, lorsqu'il y a de la fièvre et que l'oeuvre de destruction est constituée irrévocablement. » (Vogler, loc. cit., p. 166.) Suivant le docteur Diel ( De l'usage interne des eaux thermales d'Ems), l'eau d'Ems,coupée avec du lait, est bienfaisante dans la période de la phthisie naissante. Hufeland ne fait pas moins de cas de ces eaux dans le traitement des affections pulmonaires, " On défend, dit-il, généralement les eaux minérales aux individus atteints de ces maladies ; c'est le contraire pour les seules eaux d'Ems et de Selters. » (E. Lee, loc. cit., p. 62.)
Cependant, malgré tous ces éloges, il ne faudrait point regarder une cure à Ems comme spécifique dans les maladies de l'appareil pulmonaire, et ne pouvant entraîner aucun danger, ce Dans la première période de la phthisie, dit M. Edwin Lee, lorsque les tubercules sont peu nombreux et a l'état latent, état que l'on peut reconnaître par l'auscultation et la percussion, lorsque le malade accuse seulement une légère toux avec
10
146 EAUX ALCALINES.
expectoration muqueuse dépendant d'une irritation sympathique de la muqueuse bronchique, mais sans fièvre hectique, et que l'émaciation ou la faiblesse n'est pas considérable, alors une cure aux eaux d'Ems, suivie de l'habitation d'un climat convenable pour l'hiver suivant, peut rendre de grands services... Mais si la phthisie est confirmée, ces mêmes eaux ne sont plus appropriées. Il en est de même lorsqu'à la suite d'une inflammation aiguë, il est l'esté une hépatisation partielle qui s'oppose à la libre circulation dans les poumons. Dans ces cas, les eaux (d'Ems) ne sont probablement pas admissibles ; que, si l'on juge cependant utile de les conseiller, il faut en surveiller de près les effets. » (E. Lee, loc. cit., pp. 63-64.) — Telles sont les règles pratiques tracées par un médecin hydrologue distingué, et qui sont les seules acceptables à nos yeux ; c'est aussi à cette conduite que se range M. Pâtissier lorsqu'il dit : " Si l'irritation pulmonaire est apaisée, si les tubercules n'ont pas envahi une grande étendue, si la marche de la maladie n'est pas rapide, si l'appétit est assez bon, la soif modérée, le sommeil peu agité, la respiration assez libre, la toux humide et pas trop fréquente...; si l'amaigrissement n'est pas avancé, s'il y a peu de sueurs nocturnes et peu de mouvement fébrile, on peut concevoir de légitimes espérances de l'emploi des eaux alcalines hyposthènisantes de St-Laurent (Ardèche), d'Ems (Nassau), de Lippspringe (Westphalie). » (Pâtissier, Traitement de la phthisie pulmonaire, 1858, p. 17.)
Le docteur Döring rejette l'emploi des eaux d'Ems, lorsque la phthisie est arrivée au troisième degré, " Si la déliquescence du tubercule, dit-il, est déjà tellement avancée, que le parenchyme du poumon ail disparu dans certains points; s'il y a des cavernes, Ems ne peut sauver. Au contraire, tous les symptômes empirent si cette eau est employée à quelque dose que ce soit. » (Rotureau, Annal, de la Soc. d'hydrologie, t. IV, p. 267.) — Un autre praticien aux mêmes eaux, le docteur Dibbell, en rejette aussi l'usage quand le tubercule est parvenu à la période purulente. Voici comment il s'exprime : ce Quant à la tuberculisation en général, et surtout à la tuberculisation pulmonaire, si j'en crois ma propre expérience (qui remonte à 15 ans), nos thermes ne sont pas appropriés à ces altérations organiques. Aussi, ai-je adopté pour règle, qu'une fois les tubercules développés dans un organe et plus particulièrement dans les poumons, on ne devrait plus administrer les eaux d'Ems, qu'avec la plus grande circonspection. » — ce Quand les dépôts tuberculeux passent à la fonte purulente, et qu'on a reconnu d'une manière indubitable la présence des cavernes pulmonaires, alors je crois prudent de
THÉRAPEUTIQUE. 147
ne pas soumettre du tout les malades à l'usage des eaux d'Ems. (Ibid., p. 265.) — Enfin, M. Spengler partagerait l'opinion de M. Dibbell et croirait les eaux d'Ems simplement utiles dans les catarrhes bronchiques; il les rejetterait dans la phthisie pulmonaire. — " Nous ne guérissons pas, dit-il, les tubercules, mais nous guérissons le catarrhe chronique qui accompagne la tuberculisation et qui en favorise le développement. » (Loc. cit., p. 11.)
Il résulte des faits et des autorités que nous venons d'invoquer, que les eaux alcalines sodiques et chlorurées sodiques d'Ems, dont la température est élevée, sont regardées comme pernicieuses : 1° lorsque la phthisie est arrivée à la troisième période avec fièvre hectique considérable ; 2° lorsque le tubercule est accompagné d'une inflammation aiguë ou presque aiguë du parenchyme pulmonaire environnant ; 3° elles sont, au contraire, utiles, si la phthisie est à l'état indolent ou subaigu, c'est à dire non accompagnée d'une inflammation vive du poumon. C'est là du l'este un précepte général que nous verrons s'appliquer à d'autres classes d'eaux minérales. (Eaux sulfureuses et sulfatées calciques.)
Pour nous résumer dans la partie pratique de la question importante» de l'opportunité des eaux d'Ems, nous dirons avec M. Vogler : ce Si les tubercules sont accompagnés d'une irritation permanente ou passagère, s'il y a un travail de progression des tubercules, toutes les eaux minérales sont mauvaises Mais si leur marche vient à s'arrêter un peu,
comme après la fonte ou le rejet des tubercules, alors le traitement thermal peut être mis en usage. » (Op. cit., 1841, p. 169.)
Affections de l'appareil sexuel. — Ces eaux ont été vantées et sont employées chaque jour contre les engorgements soit du col soit du corps de l'utérus , ainsi que dans les inflammations chroniques du tissu cellulaire peri-utérin, qui succèdent souvent aux couches multipliées. Pour M. Spengler, les eaux d'Ems seraient surtout efficaces, employées localement, et la source aux Garçons (Bubenquelle) jouerait dans tous ces cas le principal rôle, " L'emploi des eaux d'Ems, dit-il, associé à l' usage de la douche thermale, procurera les plus heureux effets, lorsque l' engorgement et l'induration chroniques sont liés à une aménorrhée, à une dysménorrhée ou à une menstruation plus abondante... Plus la constitution est torpide, l'induration considérable, la dysménorrhée ou l'aménorrhée rebelle, plus il faut élever la température de la douche et la force du jet d'eau. » (Loc. cit., p. 57.) —M. Durand-Fardel ajoute : " Le point de vue sous lequel nous envisageons en France le traitement ther-
148 EAUX ALCALINES.
mal des métrites chroniques me paraît beaucoup plus rationnel et plus vrai. » (Op. cit., p. 654.) — C'est prises en bains tempérés et avec les précautions que nous avons indiquées pour les eaux de Vichy, que les eaux d'Ems doivent être conseillées.
ST-NECTAIRE (PUY-DE-DOME).
Comparées aux eaux d'Ems, les eaux de St-Nectaire sont plus alcalines et plus salines ; elles présentent dans les mêmes maladies presque les mêmes résultats thérapeutiques, " Il est vraisemblable, disait M. Pâtissier (Rapport de 1840 ), que toutes les eaux minérales qui renferment une certaine quantité de bicarbonate de soude jouissent contre la goutte de la même propriété que Vichy, dont les eaux doivent être préférées aux autres remèdes anti-arthritiques. Telles sont les eaux de Vals, de St-Nectaire, etc. » Voici ce que M. Vernière consignait dans son Compte-rendu pour 1852: ce L'effet des eaux de St-Nectaire sur la goutte et la gravelle diffère peu de celui des eaux de Vichy ; je crois toutefois avoir remarqué que les eaux de St-Nectaire sont moins tolérées en boisson et ne pourraient pas être bues à si haute dose que celles de Vichy. Je pense cependant qu'à raison de leurs propriétés plus toniques elles devraient être préférées dans la goutte essentiellement atonique, lorsqu'il est utile de raviver les forces. » Cette intolérance plus marquée des eaux de St-Nectaire comparées à celles de Vichy ne serait-elle pas due à la présence du chlorhydrate de soude à dose trop élevée ? Nous pensons que cette opinion ne paraîtra peut-être pas éloignée de la vérité, si l'on réfléchit que les eaux minéralisées par le sel marin sont généralement mal supportées dès que la proportion dépasse certaines limites ; c'est encore à la présence de ce sel qu'elles doivent les propriétés toniques dont parle M. Vernière,
Les rhumatismes et les névralgies récentes sont traités avec avantage aux sources de St-Nectaire : " Les rhumatismes sont presque toujours amendés et quelquefois guéris complètement par le traitement thermal, et les névralgies peu anciennes cèdent promptement à l'action des eaux de St-Nectaire avec ou sans le secours de la douche. » (Pâtissier, Rapport, p. 97. ) — Si les affections névralgiques et rhumatismales trouvent tant d'amélioration et même la guérison à ces eaux, cela nous semble être dû à ce qu'on les administre en bains et en douches à une température élevée, et qu'elles sont tout à la fois alcalines sodiques et chlorhydratées sodiques, Or, nous verrons que les eaux chlorhydratées sodiques thermales sont
THÉRAPEUTIQUE. 149
les mieux appropriées au traitement de ces maladies, et c'est pour cela que les eaux de St-Nectaire réussissent souvent mieux que les eaux alcalines sodiques pures, comme celles de Vichy.
ST-LAURENT (ARDÈCHE).
Ces eaux (voy. p. 27 ) faiblement minéralisées agissent surtout par leur thermalité ; elles peuvent être considérées comme des eaux alcalines sodiques presque pures, et représentent la Grande-Grille de Vichy considérablement mitigée. Les rhumatismes y sont ou guéris ou notablement soulagés : — " Sous l'influence de ces eaux, les goutteux ont vu leurs accès s'éloigner et devenir moins sévères. » ( Pâtissier, Rapport cité, 1854. ) Sans doute elles ont moins d'efficacité dans cette douloureuse affection, parce qu'elles contiennent une trop faible proportion de bicarbonate sodique (0 gr. 505 par litre). On les voit donc produire surtout les phénomènes que nous avons reconnus se développer sous l'influence des bains d'eau commune à une haute température. (V. Physiol.) Ainsi nous remarquons que les eaux thermales développent des effets d'autant moins compliqués qu'elles sont plus faiblement minéralisées, fait clinique qu'il ne faut pas perdre de vue pour l'explication des résultats.
Maladies de l'appareil pulmonaire ( bronchite chronique, phthisie). — Les eaux de St-Laurent sont recommandées par M. Bonnemare de La Blachère contre les bronchites et les pleurésies chroniques. ( Guide pratique aux eaux minérales de St-Laurent-les-Bains, 1843.)
M. Pâtissier les recommande comme eaux hyposthénisantes dans la phthisie sub-aiguë ou éréthistique. (Traitement de la phthisie, p. 18.) D' après M. Bonnemare (loc. cit.), elles auraient, dans la phthisie au premier degré, procuré des guérisons auxquelles on était loin de s'attendre.
Nous pensons que, dans de telles circonstances, les eaux alcalines sodiques faibles et froides ( comme Soultzmatt ) sont mieux appropriées ; il faut, eu effet, dans cet état d'éréthisme, éviter tout ce qui peut stimuler la circulation ; or les sources à température élevée amènent ce résultat ; il faut donc ou les boire après les avoir laissées se refroidir, ou mieux prendre celles qui sont naturellement non thermales.
150 EAUX ALCALINES.
SECTION II. SOURCES ALCALINES NON THERMALES.
En regard de l'examen détaillé que nous venons de faire des eaux thermales sodiques, nous allons placer une étude analogue sur les eaux alcalines sodiques non thermales, parmi lesquelles nous choisirons comme types St-Alban et Vals. Nous suivrons du reste le même ordre pathologique que dans la section précédente.
VALS (ARDÈCHE).
Les eaux de Vals (source la Chloé) contiennent 5 gr. 289 de bicarbonate de soude sur 6 gr. 156 de substances fixes, proportion assez élevée qui égale celle que nous avons trouvée dans les eaux de Vichy. Mais comme leur température est froide (14° centig.), les effets qu'elles auront sur la marche des maladies dépendront presque complètement de leur composition chimique.— Nous rappellerons ici que quelques verres de cette eau suffisent pour rendre les sueurs et les urines alcalines.
En résumant les tableaux statistiques fournis par le docteur Ruelle (Pâtissier, Rapport, 1854, p. 96) , nous voyons, pour les maladies de l'estomac (gastralgie, gastrite chronique, embarras gastrique), que, si la guérison complète n'a eu lieu que rarement, une amélioration notable a été obtenue dans la moitié des cas ; et pour les affections du tube digestif (diarrhée chronique, gastro-entéralgie, gastro-entérite chronique), que le chiffre des guérisons et des améliorations atteint la proportion des deux tiers ; enfin, pour les affections de l'appareil biliaire (gastro-hépatite chronique;, que le soulagement n'a eu lieu que dans les trois septièmes des cas. Nous ajouterons que ce traitement doit être surveillé avec soin, car ces tableaux présentent plusieurs aggravations. Mêmes remarques pour les appareils urinaire, sexuel et locomoteur. — Voici maintetenant des détails plus circonstanciés et l'opinion d'autorités compétentes.
Maladies du tube digestif. — " L'action thérapeutique de la Chloé, selon M. Ruelle, s'est manifestée d'une manière formelle dans plusieurs cas d'affections gastro-intestinales qui se présentaient avec les caractères suivants : tantôt un dégoût insurmontable pour les aliments : d'autres fois une augmentation d'autant plus fâcheuse de l'appétit, que
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les malades ne pouvaient s'y livrer impunément, des digestions lentes, laborieuses, accompagnées de retours acides, de vomituritions, de flatuosités abdominales ; un sentiment de malaise qui, partant de la région épigastrique, semblait s'irradier en quelque sorte sur tous les organes de l'économie ; une tristesse mélancolique habituelle ; enfin, une irritabilité nerveuse excessive : ces affections, signalées par les uns comme des gastrites chroniques, par les autres comme des gastralgies, des gastrodynies, des entéralgies, des hypocondries, etc., étaient, en général, exemptes de tout mouvement fébrile. » (Ruelle, Journal de Médecine, Lyon 1845, t. VIII.) Qui ne reconnaîtrait à ces symptômes la dyspepsie et toutes les autres affections chroniques du tube digestif que l'on traite avec succès aux eaux de Vichy? Voici comment le docteur Dupasquier décrit les effets de cette eau sur lui-même : ce Depuis quelque temps, je m'apercevais d'un dérangement notable des fonctions digestives; j'avais perdu l'appétit, et. dès que je mangeais, une distension douloureuse se faisait sentir à l'épigastre; puis survenaient des éructations fréquentes et des rapports acides très désagréables; une constipation opiniâtre, en déterminant continuellement des distensions gazeuses dans différentes parties du tube digestif, donnait lieu à un état de malaise et à un endolorissement du ventre presque continuels. Grâce à l'eau minérale de la Chloé, tous ces symptômes disparurent comme par enchantement dès le jour où je commençai à en faire usage (4 à 6 verres par jour) ; en résumé, trois ou quatre jours d'usage de l'eau de la Chloé avaient complètement fait disparaître l'incommodité pénible que j'y avais apportée. » (Ibid.)
Engorgements des organes abdominaux. — " Les engorgements du foie, de la rate, des reins, des ganglions mésentériques, de l'utérus, des ovaires, etc., etc., éprouvent les plus heureuses modifications sous l'influence de ce même agent thérapeutique (l'eau de la Chloé). J'ai vu son action s'exercer d'une manière favorable dans plusieurs cas de colique néphrétique et de gravelle. » (Dupasquier, ibid.) Ne semblet-il pas, en lisant ces faits cliniques, qu'il est question des eaux de Vichy?... " L'eau de la Chloé se recommande aussi dans les cas d'écoulements chroniques liés à un état de débilité générale ou locale, comme la leucorrhée, dans l'aménorrhée, la dysménorrhée, enfin, dans la chlorose ou pâles couleurs qui se rattachent presque toujours à un dérangement de la menstruation. » (Id., ibid.)
Appareil urinaire. — " Il est aussi quelques maladies du système urinaire dans lesquelles l'eau de la Chloé manifeste des propriétés, sinon toujours curatives, au moins sédatives, qui en feront une précieuse res-
152 EAUX ALCALINES.
source contre ces maladies; c'est ainsi que j'ai vu son action s'exercer d'une manière favorable dans le catarrhe de la vessie et dans plusieurs cas de colique néphrétique et de gravelle. » (Dupasquier, ibid.) —Les eaux de Vals se rapprochent, comme on le voit, dans leurs effets thérapeutiques, de la source non thermale des Célestins (Vichy). Ce résultat avait déjà été prévu par M. Pâtissier : " Le bicarbonate de soude est presque pur dans les eaux de Vals, qui, d'après leur composition chimique, doivent avoir la même efficacité que la source des Célestins à Vichy, Reste à savoir si l'observation médicale sanctionnera ce que la chimie nous fait pressentir. » (Rapport à l'Académie, 1840, p. 155.) L'observation a fait voir que ce pressentiment était une vérité, mais ce fait clinique va se révéler avec plus d'évidence encore dans l'étude des eaux minérales alcalines sodiques de St-Alban.
ST-ALBAN (LOIRE).
NOUS allons successivement examiner, comme précédemment, l'action thérapeutique de ces eaux sur l'appareil digestif, l'appareil urinaire, l'appareil utérin et les centres nerveux. Ainsi distribués, les faits que l'étude clinique pourra révéler feront mieux apprécier les indications et les contre-indications.
ce Les lésions fonctionnelles de l'appareil digestif sont modifiées avantageusement par les eaux de St-Alban, et c'est dans leur traitement que l'on obtient les avantages les plus durables ; viennent ensuite les troubles de la menstruation, puis les congestions sanguines, surtout à l'époque critique; la scrofule, la gravelle. » (Pâtissier, Rapport, 1854.) Essayons d'analyser l'emploi des eaux de St-Alban dans chacune de ces affections.
Maladies des organes digestifs. — ce Lorsque la lésion gastrointestinale consiste dans l'asthénie ou l'aberration des fonctions digestives, dans la subsinflammation chronique catarrhale, dans l'engorgement indolent veineux ou lymphatique de la rate ou du foie, d'où dérivent la viciation de la sécrétion biliaire, puis secondairement les aigreurs, les vomissements bilieux...; lorsque l'aberration des fonctions digestives tient à un état chlorotique, à la dysménorrhée, à des calculs biliaires ou rénaux, les eaux de St-Alban donneront les résultats les plus Satisfaisants, lors même que des douleurs vives compliqueront ces différentes nuances d'affections intestinales, lorsqu'il sera bien constaté
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qu'elles sont de nature névralgique. » (Nepple, de Lyon, Des eaux de St-Alban. Journal de Médecine de Lyon, t. IV, 1843.)
Ici nous retrouvons soulagées ou guéries les mêmes affections du tube digestif, du foie ou des reins, dans lesquelles les eaux alcalines sont très efficaces ; et nous trouvons, faisons-le remarquer, les indications les plus précises, " En général, on doit moins chercher ici à produire une surexcitation organique, qu'à tonifier lentement les muqueuses gastriques, ou à modifier sans secousses leur sensibilité viciée. » ( Nepple,
ibid. )
Appareil urinaire.— " Nous n'avons vu aucun des malades affectés de douleurs néphrétiques ne pas être soulagé d'une manière prompte et remarquable sous l'influence des eaux de St-Alban.» (Nepple, ibid.) Cette action bienfaisante sur les affections chroniques des reins et de la vessie et sur la gravelle, avait déjà été signalée par le docteur Goin (1834, Mémoire sur les eaux de St-Alban ), et par un grand nombre de médecins : elle est de nouveau confirmée par le docteur Gay ( Compterendu, 1852. ) Ainsi les eaux de St-Alban réussissent dans les affections chroniques des reins, de la vessie, et dans la gravelle. ce A moins qu'il n'existe une néphrite aiguë ou une cystite de même nature , les malades affectés de toute autre lésion des voies urinaires se trouveront bien des eaux de St-Alban.» (Nepple, ibid., p. 443.)
Affections utérines. — " Nous trouvons des cas fort nombreux d'affections du tissu utérin que les eaux de St-Alban combattent avec succès, tels que les engorgements mous, les inflammations que nous appelons fausses ou bâtardes, parce qu'au lieu d'être le produit d'une irritation vitale active, et d'être entretenues par elle, elles ne sont que le résultat de l'engorgement des capillaires, de la perte de leur ressort... Telles sont encore les ulcérations du col utérin dépendantes d'une diathèse humorale ou virulente, compliquées souvent de pertes rouges ou blanches, et simulant à s'y tromperies cancers ulcérés. » (Nepple, ibid.) « La dysménorrhée très douloureuse qui se manifeste chez certaines femmes à constitution lymphatique nerveuse, à idiosyncrasie utérine spasmodique, à tendance chlorotique ou gastralgique, celle peut-être qui est la plus réfractaire aux médications connues, est aussi celle qui cède le mieux sous la médication des eaux de St-Alban, lorsqu'on y joint beaucoup d'exercice à pied ou à cheval. » (Nepple, ibid.) " Ces eaux guérissent aussi les métrorrhagies qui surviennent chez les femmes à constitution molle, détériorée, veineuse ; chez celles dont la matrice a été longtemps fatiguée par des excès, des couches et fausses couchés réité-
154 EAUX ALCALINES.
rées, des pertes blanches, et dont le tissu est devenu presque variqueux et sans ressort... Nous ne connaissons pas de médication plus puissante que celle des eaux de St-Alban pour combattre ce genre de pertes utérines... D'après ce qui précède, il est évident que ces eaux ne sauraient qu'aggraver la métrorrhagie active. » (Nepple, ibid.)
Affections des centres nerveux. — La pléthore active détermine souvent dans l'âge mûr des congestions locales, un état d'obésité graisseuse qui affaiblit les vaisseaux et dispose les organes à des fluxions sanguines mixtes et même par stagnation, contre lesquelles les saignées locales ou générales sont impuissantes. La pléthore passive générale (outre les obstacles mécaniques du centre circulatoire) peut être due à une ampliation prédominante du système veineux sur le système artériel; de là, état variqueux des membres et ce congestions des sinus crâniens qui tiennent les individus obèses, à col court, à respiration embarrassée, sous le coup imminent d'une attaque d'apoplexie plutôt séreuse que sanguine... La chaleur étant essentiellement contraire à la réplétion des vaisseaux sanguins de quelque nature qu'elle soit, nous ne connaissons que les eaux froides et, en première ligne, les eaux acidulés salines (lisez alcalines sodiques), qui soient indiquées en pareil cas. » (Nepple, ibid.)
Cette action des eaux alcalines sodiques observée en 1842 paraîtra moins extraordinaire aujourd'hui que l'on sait, par les observations du dr Carrière (Annuaire de Bouchardat, 1855 ), que le bicarbonate de soude, administré à petites doses et longtemps, dissipe ou du moins diminue cette tendance aux congestions sanguines : ce fait prouve avec quelle sagacité et quelle bonne foi Nepple avait observé les effets produits par les eaux alcalines sodiques non thermales de St-Alban. Ainsi, les eaux de St-Alban réussissent dans les mêmes maladies où nous voyons réussir les eaux de Vals ; mais, en outre, les premières amendent singulièrement la scrofule, et guérissent bon nombre de dermatoses, lorsque celles-ci se lient surtout à un état morbide des voies digestives : à quoi tient ce privilège, que ne paraissent pas avoir les eaux de Vals ? Cette influence si marquée sur les scrofules a fait soupçonner à M. Gay (Compterendu, 1852 ) la présence de l'iode ou du brome dans cette source. Cela pourrait être, c'est à l'analyse chimique à nous le prouver(voy. p. 74); mais, pour notre part, nous pensons que le bicarbonate de chaux uni au fer peut contribuer à cette amélioration. Les carbonates de chaux, comme nous l'avons dit (voy. Eaux alcalines calciques et Physiologie), ont une influence heureuse très marquée sur la nutrition ; or, dans la scrofule et
THÉRAPEUTIQUE. 155
les dermatoses, où cette fonction générale est plus ou moins pervertie, il ne serait pas impossible (et pour nous cela est très probable) que le bicarbonate de chaux uni au fer, en modifiant avantageusement la nutrition et la constitution du fluide sanguin, amenât ainsi la guérison ou un amendement notable dans ces maladies. Remarquons, en effet, que les eaux de St-Alban contiennent par litre 0 gr. 894 de bicarbonate calcique, tandis que celles de Vals (source Chloé) n'en renferment que 0 gr. 169 : toutes deux sont du reste également ferrugineuses, à un centigramme près.
Nous venons de parcourir avec assez de détails les cas dans lesquels les eaux alcalines sodiques non thermales ont d'heureux résultats ; il nousreste, pour compléter cette histoire, à voir dans quelles circonstances elles sont contre-indiquées.
Contre-indications. — 1° Affections du tube digestif. — «Les malades qui ont ressenti une aggravation dans leur état étaient ceux dont la membrane gastro-intestinale était atteinte d'une lésion organique ou d'une phlegmasie fébrile, ou de ce genre de phlegmasie qui conserve toujours un caractère d'acuité et de chaleur, qui est entretenue par un éréthisme des capillaires sanguins, qui s'avive sous le contact d'agents pris dans une autre classe que celle des émollients et des calmants. Elle se reconnaît au tempérament sanguin nerveux des malades, aux chaleurs épigastriques, aux agitations nocturnes, à la sécheresse de la bouche, au pointillé rouge et à la rétraction de la langue. «(Nepple, ibid.)
2° Organes utérins. — " Dans l'aménorrhée, les eaux de St-Alban ne conviennent pas, si elle est due à une lésion organique ou inflammatoire de l'utérus, ou qu'elle soit compliquée d'une maladie du coeur, de phthisie aiguë. » ( Nepple, ibidem.) Il en est de même de la dysménorrhée, lorsqu'elle est le résultat ce d'une fluxion sanguine des capillaires utérins avec éréthisme. » (Nepple.) ce Quant aux engorgements durs, rénitents ou douloureux du col de la matrice avec ou sans ulcération, inflammatoires ou squirrheux, ces eaux ne peuvent rien contre eux, sinon leur donner plus d'intensité. C'est ce que nous avons vu plusieurs fois. » (Nepple, ibid.)
3° Etat pléthorique. — La pléthore active, " que nous nous représentons comme une production exubérante d'un sang éminemment plastique
plastique le tempérament sanguin exagéré est l'expression, » ne
retirerait des eaux de St-Alban ce qu'une aggravation qui ne serait pas sans danger. » (Nepple, ibid.)
156 EAUX ALCALINES.
Les eaux alcalines sodiques non thermales de Vals présentent aussi les mêmes contre-indications, que nous résumerons avec M. Pâtissier par la phrase suivante : " Son efficacité thérapeutique se déploie particulièrement dans toutes les maladies sous-diaphragmatiques, pourvu qu'elles ne présentent point de symptômes de phlogose aiguë. » (Rapport, 1854.)
Nous pouvons, en parcourant les observations que nous venons de présenter sur les eaux de St-Alban, les résumer ainsi : " S'il existe des éléments pathologiques sthéniques, inflammatoires ou hypersthéniques, contre-indication formelle ; indication dans les cas contraires.» (Nepple, ibid.)
On ne saurait rien ajouter à ces divers tableaux saisissants de vérité (1), et nous croyons pouvoir dire qu'il est peu de chapitres de pathologie où les indications et les contre-indications soient plus nettement formulées, Nous avons insisté, avec assez de détails, sur les eaux de St-Alban, parce qu'elles forment un type bien tranché et bien connu dans ses effets thérapeutiques, comme eaux alcalines sodiques non thermales. Faire l'histoire de ces eaux, c'est faire en réalité celle des autres eaux alcalines sodiques froides. En leur comparant, en effet, les autres eaux alcalines sodiques connues, Soultzmatt, Le Boulou, Camarès, etc., etc., dont nous avons parlé dans notre premier chapitre, l'on retrouve dans ces dernières les mêmes vertus thérapeutiques, à un moindre degré seulement, qu'aux eaux de Vals, parce que toutes sont plus faiblement minéralisées. Nous remarquerons en effet, d'après les auteurs qui en ont parlé, que ces eaux exigent d'autant moins de précautions et sont mieux supportées, qu'elles renferment moins de principes minéralisateurs. Nous n'aurions donc, à propos des autres eaux alcalines froides, qu'à répéter tout ce que nous avons dit sur les eaux de Vals et de St-Alban ; en un mot, comme l'a dit Tissot, " les eaux minérales se rangent sous un certain nombre de classes, et les effets des différentes eaux de chaque classe ne varient que du plus au moins ; et, en général, l'essentiel pour ordonner les eaux, c'est de savoir à quelle classe elles appartiennent, et si elles sont fortes ou faibles dans leur classe : dès qu'une fois on pourra avoir cette classification et ces échelles, il ne s'agira plus, pour se déter(1)
déter(1) sommes heureux d'avoir pu nous appuyer sur l'autorité de médecins tels que les docteurs Nepple et Dupasquier, dont le témoignage ne saurait être passible des reproches qu'a tort ou à raison, on adresse souvent aux rapports formulés par les médecins inspecteurs des établissements thermaux. En effet, Nepple et Dupasquier, médecins à Lyon, n'étant pas personnellement intéressés dans ces questions, ont parlé chacun en juge impartial, et leurs travaux en ce genre sont remarquables à plus d'un titre.
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miner sur celles qui sont de même force (et il y en a plusieurs), que de consulter les circonstances du malade et la façon dont on est aux eaux. » (Traité des maladies des nerfs, par Tissot, dans l'Encyclopédie médicale, 1840, p. 250.) C'est là ce que nous avons essayé de faire dans notre nouvelle classification, et c'est pour faciliter cette recherche de la convenance curative de telle ou telle source dans chaque ordre, que nous avons dressé notre Tableau comparatif et gradué.
DEUXIÈME ORDRE, — EAUX ALCALINES CALCIQUES.
D'une manière générale, les eaux alcalines calciques jouissent des mêmes propriétés thérapeutiques que nous avons reconnues aux eaux alcalines sodiques; mais nous établirons, d'après l'expérience médicale, que, toutes les fois que le carbonate calcique prédomine, elles réussissent particulièrement quand il existe des rapports acides ou nidoreux, et qu'il s'agit des affections chroniques du tube intestinal avec tendance à la diarrhée et flatuositès. On les a également employées avec avantage dans l'hypocondrie, maladie qui s'accompagne presque constamment de gaz dans les intestins, dans l'hystérie à forme vaporeuse et dans l'affection des voies urinaires (gravelle, catarrhe vésical, etc.).
Quant à la gravelle et aux calculs vésicaux, nous rappellerons ici une observation très essentielle dont nous avons déjà tiré parti : c'est qu'avant d'envoyer les malades à ces eaux, il faut avoir soin de reconnaître «nature du calcul ou de la gravelle. Il est évident, en effet, que si l'on conseille les eaux alcalines calciques à un individu dont la gravelle ou le calcul sera un phosphate ou un oxalate de chaux, ou dont les urines sont déjà alcalines, au lieu de soulager on augmentera les accidents ; il se déposera alors de nouvelles couches calcaires, et cet inconvénient, déjà signalé pour les eaux alcalines sodiques (Vichy, St-Alban, etc.), sera manifestement aggravé par les eaux carbonatées calciques.
CHATELDON (PUY-DE-DÔME).
Nous commencerons par les eaux les mieux connues de cet ordre, celles de Cbâteldon (Puy-de-Dôme), sur lesquelles le dr Desbrets a écrit
158 EAUX ALCALINES.
une excellente monographie. (Nouvelles recherches sur les eaux de Châteldon, 1857.) Nous lui emprunterons les principaux faits cliniques, ainsi qu'à une notice bien faite, publiée sur ces eaux, en 1839, parle même auteur.
Appareil digestif. — " Elles (les eaux de Châteldon) conviennent dans les vomissements habituels, dans le dégoût, la tension de l'estomac, les flatuosités, et réussissent en général dans les maladies chroniques du tube digestif. » (Desbrets, op. cit., p. 48, 1857.) " On les ordonne avec le plus grand avantage.... dans les maladies de l'estomac et dans celles des autres viscères qui concourent à la digestion, dans les diarrhées, les flux de ventre rebelles. On doit sentir que ces eaux, étant martiales et toniques, peuvent, en rétablissant le ressort des intestins et en détruisant les embarras des glandes mésentériques, faire cesser ces déjections opiniâtres contre lesquelles on emploie souvent sans succès les remèdes qui paraissent les mieux indiqués. » ( Notice citée, 1839, p. 29. ) ce L'eau de Châteldon seule ou mêlée avec le vin facilite singulièrement la digestion, et c'est surtout dans le cas de mauvaises digestions et de maladies de l'estomac que j'en conseille l'usage aux repas. Si, après avoir mangé, on ressent des aigreurs, des pesanteurs à l'estomac, un verre ou deux de ces eaux bues après le dîner font disparaître tous ces accidents. » (Loc. cit., 1857, p. 63. ) — Ces observations cliniques sont conformes à celles que le même médecin a présentées à l'Académie dans son Compte-rendu pour 1852. Voici, en effet, ce que nous lisons dans le Rapport de M. Pâtissier à ce sujet : " Ces eaux sont très avantageuses dans les phlegmasies chroniques du tube digestif, dans les irritations nerveuses de l'estomac et des intestins, les affections hystériques et hypocondriaques, dans les coliques néphrétiques, la gravelle, dans la chlorose, la leucorrhée, le dérangement ou la suppression des règles et dans la plupart des maladies où l'asthénie prédomine.» (P. 77.) " Votre Commission, dit-il, pense que les eaux de Châteldon sont préférables à celles de Vichy, toutes les fois qu'il reste quelques traces d'irritation aiguë dans les organes et que le malade est d'un tempérament irritable. »(Ibid.)
Ainsi l'eau de Châteldon s'adresse principalement aux affections chroniques du tube digestif accompagnées de rapports nidoreux, de gonflement, de tension de l'estomac, de diarrhée et de flatuosités. Si l'on examine sa composition chimique, il est facile de se convaincre qu'elle doit ces propriétés remarquables surtout au bicarbonate calcique qui la minéralisé. En effet, chaque litre contient 0 gr. 94 de carbonate calcique, et
THÉRAPEUTIQUE. 159
si l'on réfléchit que la dose ordinaire de cette eau est d'une à deux pintes par jour (Desbrets), l'on voit que les malades absorbent souvent de 1 à 2 grammes de bicarbonate calcaire. Les effets bien connus de ce sel (V. Physiologie) dans les aigreurs, les vomissements, les diarrhées chroniques, ne peuvent donc manquer de se révéler lorsqu'il est donné à une semblable dose ; telle est la raison des principaux résultats obtenus par l'eau de Châteldon dans ces maladies : l'on sait, en effet, que l'eau de chaux a été conseillée avec succès par M. Bretonneau (de Tours), à l'exemple des anciens, dans les diarrhées chroniques ; et, d'après MM. Trousseau et Pidoux, l'eau de chaux est surtout préférable lorsque les troubles digestifs s'accompagnent de diarrhée. (Traité de thérapeutique.) Ces observations cliniques trouvent aujourd'hui leur confirmation dans les expériences de M. Mouriès touchant l'influence du phosphate calcique sur la nutrition. Si les aliments donnés à un animal ne contiennent pas une suffisante quantité de ce sel, on voit survenir un affaissement général, puis une atonie des organes digestifs, la diarrhée, l'épuisement et la mort. Ces expériences sont conformes à celles de M. Chossat (Comptesrendus de l'Académie des Sciences, tome XIV , p. 447) : " C'est une diarrhée, dit M. Chossat, qu'on pourrait appeler diarrhée par insuffisance des principes calcaires, maladie dont on retrouve d'assez fréquents exemples chez l'homme lors du travail d'ossification, mais dont la cause a été méconnue jusqu'ici. » M. Mouriès a toujours pu faire revenir l'animal (un pigeon) à la santé en ajoutant de la craie (carbonate de chaux) aux graines qu'il mangeait, alors que la diarrhée commençait à se déclarer.» (Bouchardat, Annuaire thérapeutique, 1854, p. 299.) Déjà Cullen avait recommandé les sels calcaires dans la diarrhée acide des enfants. Voici ses paroles : " L'acrimonie acide est dans beaucoup de cas la cause de la diarrhée, particulièrement chez les enfants; alors les terres absorbantes sont très convenables. » Et son savant traducteur Bosquillon ajoutait: " On a recommandé contre l'acrimonie la corne de cerf brûlée et la craie. Ces remèdes conviennent souvent chez les enfants où l'on peut généralement soupçonner qu'il domine une acrimonie acide. » (Cullen, Médecine pratique, tom. I, 1789, p. 439.) Van-Swiéten fait la même observation: " Sic dum in junioribus diarrhaea adest, et ructus acidi, faeces alvinae virides acidum spirantes, evincunt acre irritans acidum esse, absorbentia terrestria ut cancrorum lapis, corallia, calces ossium animahum combustorum, etc., tam pulchre prosunt, ut plurimi crediderint universum haec in omnibus diarrhaeis usum habere.» (Comment, in Aphor. Boerrhavii, an. 1757, p. 336.)
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Appareil urinaire. — Ces eaux ce conviennent très bien dans les dysuries, la rétention d'urine, le catarrhe de la vessie, la néphrite calculeuse et la gravelle ; elles favorisent la descente des petits graviers qui se trouvent engagés dans les uretères, et la dissolution ou l'expulsion de ceux qui sont enfermés dans la vessie ou dans le canal de l'urètre. »(Desbrets, loc. cit., 1857, p. 49.) On les donne aussi avec un grand avantage " dans le diabète et l'incontinence d'urine. » (Id., Notice 1836). Les propriétés lithontriptiques ou antigraveleuses des eaux de Châteldon, comme de toutes les eaux calciques-magnésiennes, s'expliquent parfaitement d'après sa composition chimique: 1° La chaux qu'elle contient à l'état de bicarbonate exerce déjà une influence favorable sur ces maladies, " Après qu'elle a été absorbée (la chaux), elle augmente la sécrétion des urines, et diminue la formation excessive ou le dépôt d'acide urique et d'urate. » ( Pereira, Matière médicale, Londres.) 2° D'un autre côté, le carbonate sodique qu'elles contiennent y joint aussi son action anti-graveleuse. (Voy. Vichy.)
Appareil sexuel. — On les donne avec le plus grand avantage ce dans le dérangement du flux périodique des femmes, la suppression, les pertes blanches pour lesquelles elles sont spécifiques »(Deshrets, Notice citée, 1839.) Ainsi, dans les sécrétions exagérées des muqueuses (diarrhées, leucorrhée, catarrhes vésicaux), les eaux calciques deviennent, comme on le voit, un moyen prescque spécifique de guérison. Ces eaux agissent aussi avec avantage dans quelques affections des reins et du foie, et cette action paraît d'autant plus prononcée, que l'adjonction du carbonate sodique s'y trouve en proportion plus élevée.
CONDILLAC (DRÔME).
Les eaux de Condillac, par leur composition chimique, pourraient se placer en tête des eaux calciques ; car elles contiennent, par litre, 1 gr, 359 de bicarbonate de chaux sur 2, 193 de principes fixes, et représentent ainsi un type bien dessiné pour cet ordre. (Source Anastasie.)
Dans un travail que l'un de nous (M. Socquet) a publié sur ces eaux, en 1856, nous avons essayé de faire ressortir leur aptitude dans certaines affections. (Mémoire sur les Eaux de Condillac, dans le Recueil des travaux de la Société de médecine de Tours, 1857, p. 50.) Le docteur Tempier en a fait aussi (1857) l'objet d'une Etude au point de vue médical et hygiénique.
THÉRAPEUTIQUE. 161
Appareil digestif. — Ces eaux étant fortement gazeuses, acidulés, sont agréables à boire et peuvent servir comme boisson de table, en remplacement de l'eau de Seltz naturelle. Elles favorisent la digestion et réveillent l'appétit. En raison du bicarbonate de chaux qu'elles renferment, les eaux de Condillac (source Anastasie) sont utiles dans les mêmes maladies que celles de Châteldon, ainsi elles ont guéri des gastralgies et des dyspepsies, accompagnées de sécrétions acides stomacales, avec développement de gaz. " Elles aident merveilleusement à la digestion chez les convalescents, chez les personnes atteintes de gastrite chronique, de gastralgies, de flatuosités. » (Vincent Duval, 1852.) Nous trouvons le même témoignage porté par Rognetta. (Annales de thérapeutique.) ce Nous complèterons ces observations en ajoutant que les eaux carbonatées calciques de Condillac sont très avantageuses et particulièrement recommandables dans les diarrhées avec flatuosités, gonflement et tension de l'estomac.» (Socquet, ibid.)
Appareil urinaire. — Comme les eaux de Châteldon, les eaux de Condillac ont réussi dans les affections des organes urinaires ( gravelle, catarrhe de la vessie), ce C'est encore un fait d'observation clinique que le carbonate de chaux convient dans les maladies des voies urinaires ; les eaux de Condillac seront donc avantageusement conseillées dans ces cas, » (Socquet, ibid.) ce J'ai fait expulser une quantité notable de graviers à un de mes amis malade d'une néphrite sub-aiguë. » (V. Duval.) MM. Sauvet et Armand s'accordent à signaler leur utilité dans la gravelle et les maladies chroniques des reins et de la vessie.
Appareil génital. — Elles paraissent convenir dans les flueurs blanches, dans les irrégularités de la menstruation, la chlorose, etc. ce Je leur ai dû, en 1852, la guérison d'une de mes jeunes malades qui était à la lois chlorotique et aménorrhéique.» (Duval.) " Les médecins de la localité les ont trouvées très salutaires contre les pâles couleurs. » (Rognetta, Sauvet, Armand.)
Il appartiendra à une expérience plus étendue de déterminer la portée thérapeutique des eaux de Condillac d'une manière plus complète ; mais il nous est permis, dès aujourd'hui, de leur assigner une place à coté de Châteldon, ce que justifie du reste leur composition chimique.
Nous appliquerons d'une manière générale les mêmes conclusions aux autres sources calciques qui constituent cet ordre, et cela sans y insister davantage. Moins minéralisées que Condillac et Châteldon, elles
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162 EAUX ALCALINES.
jouissent de propriétés analogues à un degré affaibli ; il serait donc superflu de reproduire un semblable examen : les considérations qui précèdent suffiront à l'intelligence des détails,
TROISIÈME ORDRE. — EAUX ALCALINES CALCIQUESMAGNÉSIENNES.
CALCIQUESMAGNÉSIENNES.
Les eaux de cet ordre doivent leurs principales propriétés thérapeutiques à l'association des carbonates calciques et magnésiens qui s'y trouvent réunis dans une forte proportion. L'étude clinique que nous venons de faire abrègera d'ailleurs beaucoup ce qui nous reste à dire sur les eaux calciques-magnésiennes. Elles ont, en effet, les mêmes succès dans les maladies analogues du tube digestif; mais, en raison de la plus grande quantité de carbonate de magnésie qu'elles contiennent, elles tendent à produire un effet laxatif : elles sont, du reste, très bien supportées. Les eaux de Pougues, de St-Galmier, de Contrexeville, peuvent être prises en boisson à la dose de plusieurs verres par jour; ce sont, en un mot, des eaux très amies de l'estomac : mais, en raison de la magnésie carbonatée qu'elles contiennent, elles sont, de plus, utiles dans les affections chroniques de l'appareil biliaire, et, sous ce rapport, elles ont un avantage sur les eaux calciques presque pures, qui conviennent moins dans ce cas. " La boulimie, le pica, le pyrosis, toutes les irritations abdominales chroniques, particulièrement celles du foie, cèdent à l'action de ces eaux minérales. » (St-Galmier, par le docteur Ladevèze.) " Dans les embarras gastriques, l'état saburral, le pyrosis, la gastralgie, les digestions pénibles accompagnées de distension de l'estomac...., les eaux de St-Simon sont d'une grande efficacité. » (Dr Vidal, 1853.) Les eaux de Pougues ce sont utiles dans tous les désordres de la digestion, tels que la gastrite, la gastro-entérite chronique, la gastralgie, etc.; dans les engorgements du foie, de la rate, les coliques hépatiques causées par des concrétions biliaires. » (Pâtissier, Manuel des eaux minérales, 1837, p. 290.)- " Les troubles de la digestion (dyspepsie muqueuse, flatulente, gastralgie, bouche mauvaise, amère) cèdent très bien à l'usage de l'eau de Pougues, qui, suivant toute probabilité, doit son efficacité à un double mode d'action, l'un local, l'autre général ; le premier est dû aux carbonates de chaux et de magnésie qui, en pareil cas, jouissent d'une efficacité
THERAPEUTIQUE. 163
réelle : c'est au moins ce qu'on observe journellement pour les remèdes dont la chaux et la magnésie font la base. » (Notice sur les eaux de Pougues, 1856, p. 20.) L'on voit donc que les eaux calciques-magnésiennes, outre l'avantage d'agir sur les affections chroniques du tube digestif avec éructations acides et flatuosités, comme les eaux purement calciques, sont encore employées avec succès dans les affections de l'appareil biliaire, et c'est principalement au carbonate magnésique qu'elles doivent cette dernière propriété, comme nous l'avons déjà expliqué à un autre point de vue.
Voilà pour les généralités ; descendons maintenant à quelques détails pour les principales sources de cet ordre.
CONTREXEVILLE (VOSGES).
Appareil digestif. — " Ces eaux activent l'appétit et rendent les digestions faciles ; chez quelques personnes, au lieu de selles plus ou moins fréquentes, elles produisent la constipation. » (Pâtissier, Manuel des eaux minérales, 1837, p. 28.) Cette constipation n'a pas lieu de nous étonner, d'après ce que nous avons dit précédemment sur les eaux minérales, où existe en certaine proportion le carbonate de chaux; or, ce sel, dans les eaux de Contrexeville, s'élève à 0 gr. 67, tandis qu'elles n'ont que 0 gr. 22 de magnésie et 0 gr. 19 de soude. (Voy. 1er chap.) C'est là une preuve de plus sur la spécialité d'action que nous avons reconnue aux sels de chaux sur la sécrétion des muqueuses.
Appareil urinaire. — C'est principalement pour les maladies de l'appareil urinaire, qu'elles ont acquis une grande réputation, " Quand on considère la faible proportion de principes actifs que recèle cette eau minérale, on est vraiment surpris de la spécialité que lui attribue, depuis 60 ans, la tradition contre les affections lithiques et catarrhales des voies urinaires. » (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 120.) Suivant M. Baud (Compte-rendu, 1852), ces propriétés lithontriptiques seraient uniquement le résultat de la grande quantité d'eau que les malades peuvent boire impunément à Contrexeville (dix litres dans une matinée). Il s'opèrerait dans ce cas une sorte de lessivage, et le torrent aqueux expulserait les petits graviers, " L'eau de Contrexeville n'agit donc pas chimiquement sur la gravelle, qu'elle ne dissout pas, mais qu'elle expulse en augmentant la faculté contractile de le vessie. «(Pâtissier, 1854, p.121.) Mous ne pouvons adopter une semblable explication, et nous croyons
164 EAUX ALCALINES.
voir, dans cette faculté lithontriptique, autre chose qu'une expulsion toute mécanique d'un gravier; et, d'abord, dix litres de cette eau bus dans la matinée introduisent dans l'économie 6 gr. 5 de carbonate calcique, 2 gr. 2 de carbonate magnésique, et 1 gr. 9 de soude carbonatée. Cette somme de sels alcalins calciques, magnésiques et sodiques est une dose bien suffisante à nos yeux pour modifier l'état acide de l'urine. Or, les carbonates calcique et magnésique ont, comme nous l'avons prouvé pour les eaux de Châteldon et de St-Galmier, la propriété incontestable de détruire la gravelle et les calculs formés d'acide urique. Il est donc certain que les eaux de Contrexeville agiront sur les mêmes affections, en vertu du même principe, c'est à dire par la grande quantité de carbonate calcique et magnésique, et nous pourrions dire aussi sodique, que les malades trouvent dans dix litres d'eau minérale. L'observation suivante nous paraît fortement appuyer notre opinion, " Ces eaux dissolvent promptement les calculs vésicaux, autres que les muraux, que l'on y met digérer, surtout lorsqu'on les place dans un grand volume d'eau.» (Mamelet, Des eaux de Contrexeville, 1851, p. 19.)
Appareil de la locomotion. — Les eaux de Contrexeville, très salutaires dans la gravelle, ne le sont pas moins dans la goutte, " Plus de 50 goutteux qui ont suivi notre traitement en 1852 ont tous, moins deux ou trois, éprouvé, dans le cours même de la cure, une amélioration
plus ou moins prononcée Les fonctions digestives, si désordonnées
chez les goutteux, reprennent, dès le premier jour de la cure, une activité, une régularité remarquable. » (Id., Compte-rendu, 1852.)
Appareil sexuel. — Dans le traitement de la chlorose et des maladies utérines, sans lésion organique, l'eau de Contrexeville se montre salutaire. Seulement, elle doit être bue en quantité modérée, à des doses en quelque sorte continues et non brusquées, pour améliorer sans secousses la constitution débilitée de ces malades. (Pâtissier, Rapp. cité, p. 122.) Cette recommandation de boire l'eau de Contrexeville à dose modérée est destinée, sans doute, à prévenir la diarrhée qu'on observe chez les goutteux qui en boivent jusqu'à dix litres dans une matinée. C'est la dose et non la qualité de l'eau qui la rend purgative. (Voyez ce que nous avons dit à ce sujet, Physiologie des eaux alcalines, p. 82.)
ST-GALMIER (LOIRE).
Les sources de St-Galmier présentent un type assez pur parmi les eaux minérales calciques-magnésiennes. Les propriétés thérapeutiques qu'on
THÉRAPEUTIQUE. 165
leur a reconnues, d'après l'observation médicale, remontent, suivant M. Ladevèze, à 160 ans. (Ladevèze, Essai sur les eaux de St-Galmier, 1828.)
Appareil digestif. — "La boulimie, le pica, le pyrosis, la diarrhée, toutes ces manières d'être de la gastro-entérite chronique, réclament les eaux minérales de St-Galmier. Je fais usage de ce médicament avec un merveilleux succès. » (Ladevèze, op. cit., p. 25.) " Les eaux minérales de St-Galmier conviennent parfaitement dans le traitement des inflammations si nombreuses, si fréquentes, de l'estomac et des intestins, surtout lorsque la maladie n'a pas atteint ou a franchi la période aiguë. » (Id., p. 25.)
Appareil biliaire. — " Toutes les irritations abdominales chroniques , particulièrement celles du foie, cèdent à l'action de ces eaux minérales, lorsque la désorganisation n'a pas fait encore de grands progrès. » (Id., ibid.)
Appareil urinaire. — C'est surtout dans les maladies de cet appareil (gravelle, néphrite, catarrhe vésical), que les eaux de St-Galmier paraissent le mieux indiquées, " Elles conviennent par excellence aux malades affectés de gravelle et d'irritation chronique des reins. Jamais, de mémoire d'homme, on n'a vu d'habitant de St-Galmier souffrir de la présence de la pierre dans la vessie. » (Ladevèze, loc. cit.)
Appareil sexuel. —Le dr Ladevèze dit qu'il a vu réussir ces eaux dans la leucorrhée, la stérilité,la dysménorrhée. Mais ce médecinne fournit pas de détails assez circonstanciés pour éclairer ce dernier point. L'influence que ces eaux peuvent avoir sur la chlorose, en raison de la petite quantité de fer qu'elles contiennent, est à peu près nulle loin de la source, le fer se déposant et disparaissant presque en entier dans les eaux transportées. Quant à leur efficacité dans les affections des appareils digestif, biliaire et urinaire, nous avons cité M. Ladevèze, parce que ses observations ont été vérifiées par le dr Dupasquier dans un travail sur ce sujet, et nous pouvons les confirmer par notre propre expérience et par le témoignage d'un grand nombre de nos confrères ; il est reconnu, aujourd'hui, que les eaux de St-Galmier ont d'heureux résultats dans ces cas.
ST-SIMON PRÈS D'AIX (SAVOIE).
Appareil digestif. — Les eaux de St-Simon (source Raphy) paraissent surtout convenir à cet état caractérisé par un embarras de la
106 EAUX ALCALINES.
région épigastrique après l'ingestion des aliments, par des digestions pénibles accompagnées de douleur et de pesanteur, par cette distension qui oblige les malades à desserrer leurs vêtements après le repas, par des éructations acides, acres, amères, des borborygmes; dans cet état, en un mot, auquel on a donné les noms d'embarras gastrique, d'état saburral, de dyspepsie, de pyrosis, de gastralgie, cardialgie, etc. » (Vidal fils, Observ. médicales sur St-Simon, 1855, p. 43.) MM. Blanc et Guilland ont fait des observations analogues.
Appareil urinaire. — " Je les ai fait prendre avec succès à quelques malades atteints de phlegmasie chronique et d'irritation de la vessie, et je les crois souvent indiquées dans les affections de cet organe.» (Vidal fils, ibid.) Ce praticien cite l'observation d'un malade chez lequel ces eaux furent nuisibles : mais il fait observer, avec raison, que les urines de ce sujet étaient fortement ammoniacales. Or, évidemment, ici les alcalins, quels qu'ils fussent, ne pouvaient point modifier favorablement un catarrhe vésical de cette nature ; loin de là, ils devaient l'aggraver. Ici nous ajouterons une observation analogue à celle que nous avons formulée pour les eaux alcalines sodiques de Vichy, à savoir : qu'il est très important de déterminer, avant de commencer un traitement alcalin quelconque, la nature de l'urine : si elle est acide, les eaux alcalines seront utiles ; mais, si déjà elle est alcaline, ammoniacale, il faut rejeter un pareil traitement.
Pour Grandrif mêmes remarques que pour St-Simon et St-Galmier.
QUATRIÈME ORDRE. — EAUX ALCALINES MIXTES.
Les eaux alcalines mixtes participent tout à la fois des propriétés chimiques et des propriétés thérapeutiques des eaux des trois ordres précédents. Leur activité et leur action curative dépendent de la somme de leurs principes alcalins minéralisateurs et de la prédominance relative de quelques-uns d'entre eux. En consultant notre tableau comparatif et gradué, on comprendra de suite l'explication des généralités qui vont suivre ; si l'on se rappelle les indications et les contre-indications que nous avons établies pour chacun des trois premiers ordres, l'on pourra parfaitement reconnaître, parmi les eaux alcalines mixtes, celles qu'il conviendra de choisir ou de rejeter. Ainsi, veut-on vivement surexciter l'or-
THÉRAPEUTIQUE. 167
ganisme en appelant en même temps à l'extérieur une puissante révulsion? c'est aux alcalines mixtes thermales fortement minéralisées qu'il faut s'adresser. Telles sont diverses maladies articulaires, le rhumatisme, les névralgies, la sciatique. ce Les eaux de La Malou prises en bains, surtout en bains de piscine et en douches, possèdent une efficacité spéciale contre la diathèse rhumatismale. Ce qui le prouve, c'est que depuis longtemps les paysans en proie à des rhumatismes se font transporter à l'établissement thermal pour s'y baigner, même pendant l'hiver Dans
les névropathies avec éréthisme ou faiblesse générale, les eaux de La Malou sont employées avec avantage. » (Pâtissier, Rapport, 1854, p. 42.) Si le médecin, au contraire, veut, laissant de côté l'action excitante due à la thermalité, administrer des eaux mixtes assez fortement minéralisées et par conséquent très actives, il choisira les sources de Pont-Gibaud, de Sail-sous-Couzan. Toutes ces sources contiennent par litre plus de 1 gramme de principes alcalins ; celle de Pont-Gibaud en renferme jusqu'à 1 gr. 85 (source Châteaufort). Ces eaux seront utiles dans les diverses maladies chroniques du tube digestif dont nous avons si souvent parlé (dyspepsies, gastralgies, entérites chroniques), dans les affections de l'appareil urinaire (gravelle, catarrhe de la vessie, etc.) ; et s'il existe un état chlorotique, celles qui sont ferrugineuses, telles que Sail-sousCouzan, conviendront principalement. Bien que mixtes, les eaux dont nous venons de parler ne peuvent encore être supportées facilement par les personnes faibles, délicates, à constitution débile ; il faut alors les couper pour en diminuer l'énergie, comme on le fait à Vichy pour les bains. Mais alors il est peut-être préférable dans ces cas de conseiller les autres eaux alcalines mixtes moins minéralisées, telles que Néris, Plombières, Eviau, Jenzat, etc. " La source de Sail-sous-Couzan convient dans les maladies chroniques des voies digestives, telles que les gastrites, les entérites; elle est propre à combattre les calculs biliaires, la gravelle. » (Lenfant, Eaux de Sail-sous-Couzan.) D'après le docteur Bonnefoy, elles sont efficaces dans ces maladies que l'on attribue aux dépôts laiteux. (Pâtissier, Manuel, p. 110.) Enfin, comme elles sont aussi un peu ferro-manganiques, nous nous expliquons facilement leurs succès dans la chlorose.
Comme type des eaux alcalines mixtes faiblement minéralisées, nous choisirons Néris.
168 EAUX ALCALINES.
NÉRIS (ALLIER).
Rhumatisme. — A Néris, on traite avec avantage le rhumatisme musculaire et articulaire, les contractures, la raideur de la hanche et de l'épaule ; c'est aux bains de piscine prolongés que l'on a recours pour ce traitement. (De Laurès, Annal, d'hydrol., tom. I, p. 24. ) Ce serait surtout, d'après M. Durand-Fardel, dans le rhumatisme nerveux, que les eaux thermales faiblement minéralisées, comme Néris, Plombières, seraient applicables. Nous dirons qu'en règle générale, si le rhumatisme est chronique, non accompagné d'un état fébrile ou d'une grande activité de la circulation, c'est aux bains chauds, aux bains de vapeur ou aux douches, qu'il faut recourir; dans les circonstances contraires, les bains tièdes peuvent seuls convenir.
Goutte. — Comme les eaux alcalines en général, celles de Néris comptent aussi des succès dans la goutte. Au rapport de M. Rilliet, le docteur Folevart de Montluc aurait été appelé chaque année à Néris pour soigner un grand nombre de goutteux, " Dans la plupart des cas il a remarqué que les accès étaient suspendus pendant l'année qui suivait la saison du traitement, quelquefois pendant deux ans. » (Rilliet, Du traitement de la goutte. Arch. de médec, 1844.) Disons pourtant qu'ici les eaux de Néris n'offrent rien de plus spécial, que les sources alcalines sodiques (Vichy, Vals, St-Alban, etc. ) dont nous avons parlé.
Appareil digestif. — Les gastralgies et les enteralgies,qui tiennent à un principe rhumatismal ou qui se rencontrent chez les individus « affaiblis par un genre de vie énervant, par des privations, » cèdent aux eaux de Néris ou de Plombières administrées chaudes. (Durand-Fardel, op.cit., pp. 561-576.) " Dans les entéralgies rhumatismales, les eaux très chaudes et peu minéralisées, telles que le Mont-Dore, Néris, Plombières, etc., sont indiquées. » (Id., ibid.) " On remarquera seulement que ces mêmes eaux minérales ne sauraient être employées sous la même forme dans les entéralgies rhumatismales et dans les entéralgies à prédominance névropathique. Dans les premières, il faut surtout insister sur la thermalitè et avoir recours aux douches ; dans les secondes, il ne faut recourir qu'avec beaucoup de réserve à ces mêmes formes de la médication. » (Id., ibid.) C'est le précepte important que nous n'avons cessé de répéter quand il s'est agi de la médication thermale. Ainsi quand on désire une médication calmante à Néris, Plombières, c'est aux bains prolongés
THÉRAPEUTIQUE. 169
tièdes qu'il faut recourir; si l'on veut, au contraire, produire une stimulation locale ou générale, il faut administrer ces mêmes eaux à une température élevée.
Appareil utérin. — D'après M. de Laurès, on obtient généralement de bons résultats à Néris dans la menstruation douloureuse soit à l'époque de la puberté, soit plus tard avec complication de dysménorrhée plus ou moins complète ou de métrorrhagie liée souvent à un état d'éréthisme particulier. Parmi les lésions matérielles, certaines métrites granuleuses ont pu être notablement modifiées par le traitement thermal. (Ann. hydrol. t. I, p. 95.) — " Les eaux de Néris triomphent des phlegmasies chroniques et des engorgements (de l'utérus).» (Richond-des-Brus, Eaux thermales de Néris, 1855. ) — Au reste, dans le traitement des maladies utérines, il faut toujours mettre la température de l'eau en rapport avec l'état particulier de l'organe affecté : si celui-ci présente encore quelques traces de phlegmasie ou d'une disposition à être congestionné activement, il ne faut employer que des bains tièdes, et ceux de piscine sont principalement indiqués, se rappelant toujours ce qu'une température élevée dispose très directement aux congestions utérines, et est généralement plus difficile à supporter aux femmes affectées de métrite chronique.» (Durand-Fardel, op. cit., p. 640.) C'est à l'efficacité des eaux de Néris dans diverses maladies de l'utérus,que l'on doit rapporter la cessation de la stérilité dans quelques cas.
Dermatoses. — " Les maladies de la peau accompagnées de prurit, d'irritation, d'éréthisme, sont constamment soulagées ou guéries, » (Richond-des-Brus, ibid. ) Ces eaux, dans ces cas, doivent être données en bains tièdes ; elles agissent alors comme calmantes ; suivant Richond-des-Brus, elle auraient réussi chez des malades qui avaient employé sans succès les eaux de Loesch ou de Baréges. Ici, ce médecin aurait dû nous signaler la forme de la maladie cutanée ; car les eaux de Loesch ou de Baréges ont une spécialité suivant la période et la forme de la dermatose. A la période sub-aiguë inflammatoire, les eaux de Néris en bains tièdes seront très utiles , tandis que si l'affection cutanée est sèche, chronique, non irritée, les eaux sulfurées sodiques ( Baréges, Cauterets ) seront surtout appropriées. (Voy. Eaux sulfurées, Thérapeutique. )
170 EAUX ALCALINES.
ÉVIAN (SAVOIE).
A côté des eaux de Néris se rangent, comme eaux alcalines mixtes faiblement minéralisées, celles d'Evian, dont les travaux de MM. Andriez ( 1848) et Dupraz (1854) nous ont fait connaître les vertus thérapeutiques.
Appareil digestif. — Nous ne répèterons pas ici pour les eaux d'Evian ce que nous avons exposé dans ce chapitre des propriétés thérapeutiques des eaux alcalines dans les affections chroniques du tube digestif; nous nous bornerons à dire qu'elles réussissent dans la gastralgie, le pyrosis, la dyspepsie accompagnée d'éructations acides; dans les irritations chroniques des intestins avec flatuosités, diarrhée ou coliques, (Andriez, 1848, et Dupraz, 1854.) Il nous semble inutile d'insister avec plus de détails sur ces faits ; toutefois nous pouvons rapporter, à l'appui de notre manière de voir, le cas de deux de nos confrères, les docteurs G. et D., qui, ayant été soulagés par les eaux de Vichy une première fois, n'ont pu les supporter la saison suivante et se trouvèrent bien des eaux d'Evian qui les guérirent.
Appareil biliaire. — Les eaux d'Evian jouissent d'une propriété fondante remarquable sur les engorgements chroniques du foie, de la rate et des glandes du mésentère, connus sous le nom générique d'obstructions, ainsi que dans les calculs biliaires. Les observations citées par MM. Dupraz et Andriez ne laissent aucun doute à cet égard, ce Les engorgements de la rate, les engorgements du foie, des vaisseaux biliaires, et les coliques hépatiques occasionnées par des calculs, trouvent, sinon une guérison assurée, du moins un soulagement incontestable par l'usage des eaux alcalines ( d'Evian ). » (Dupraz, op. cit., p. 62.)
Appareil urinaire. — ce Parmi les maladies d'indication se rangent au premier rang les affections des voies génito-urinaires, contre la plupart desquelles nos eaux jouissent d'une réputation justement méritée : ce sont la gravelle, les coliques néphrétiques, le catarrhe vésical. » (Dupraz, ibid.) " Fréquemment témoin du succès avec lequel MM. Civial, Leroy d'Etioles, Ségalas, Ribéri, Mayor et Maunoir conseillent les eaux d'Evian aux malades qu'ils ont opérés par la lithontripsie, j'ai constaté que leur usage déterminait la sortie des fragments et du détritus résultant de l'écrasement de la pierre. » (Andriez.) Nous connaissons, d'un autre côté, des malades dont la vessie, très irritable, n'a pu s'accommoder que
THÉRAPEUTIQUE. 171
des eaux d'Evian. Dans le catarrhe vésical non lié à un engorgement de la prostate, ces eaux jouissent d'une efficacité prompte et remarquable ce presque invariable. » (Andriez, loc. cit.) Sous ce rapport, les eaux d'Evian se rapprochent de la sûreté d'action des eaux calciques dans le même cas. Si nous faisons attention que, soit d'après l'analyse de Barruel en 1844, soit d'après celle faite en 1851 à l'Ecole des Mines de Paris, les eaux d'Evian contiennent une notable proportion de carbonate calcique, nous comprendrons sans peine ses succès dans les sécrétions exagérées des muqueuses : nouvelle confirmation de l'utilité et de la justesse de notre division des eaux alcalines en plusieurs ordres, sodiques, calciques et calciques-magnésiennes.
Si nous nous sommes arrêtés quelques instants sur l'emploi des eaux d'Evian dans les maladies des divers appareils, c'est que, d'une part, les observations sur lesquelles s'appuie leur efficacité, sont multipliées et faites par des médecins honorables, et que d'autre part, en partant de données médicales aussi sûres, nous voulions prouver que certaines eaux alcalines mixtes, bien que faiblement minéralisées, possédaient néanmoins des vertus curatives énergiques sur lesquelles on pouvait compter et qui avaient l'immense avantage d'être généralement mieux supportées.
Après ces observations, il nous paraît inutile d'insister avec détail sur l'emploi et les vertus thérapeutiques des autres eaux alcalines mixtes faibles, ce que nous venons d'exposer suffisant à guider le médecin dans leurs indications et leurs contre-indications. (Voy. d'ailleurs pp. 50 et 166.)
NEYRAC ( ARDÈCHE).
Action physiologique.
Aucune monographie complète n'a été publiée, que nous sachions, sur les propriétés physiologiques et thérapeutiques des eaux de Neyrac ; toutefois, nous avons pu réunir un certain nombre de documents authentiques, qui nous ont permis d'affirmer quelques-unes de leurs propriétés et d'en présenter le résumé suivant.
Les eaux de Neyrac se prennent en boissons et en bains ; nous allons en étudier l'action physiologique sous ces deux points de vue.
1° Boisson.
Peau, — A la dose de 7 à 8 verres, elles amènent une sudation ou
172 EAUX ALCALINES.
plutôt une moiteur fétide, qui cesse ou diminue beaucoup après quelques jours. Loin d'en être affaiblis, les malades semblent, au contraire, fortifiés.
Tube digestif. — Elles augmentent l'appétit, activent les digestions et semblent donner plus de ton à l'estomac. Pendant les trois ou quatre premiers jours de leur usage, les eaux de Neyrac suspendent, en partie, la sécrétion des cryptes muqueux des intestins, d'où naît d'abord la constipation. Mais, après cet intervalle, les selles réapparaissent d'ellesmêmes, naturelles quant à la consistance, mais plus abondantes et d'une fétidité spéciale et d'une couleur verdâtre. Sous ce rapport, elles rappellent un peu les selles carlsbadoises. Après deux ou trois jours, tout rentre dans l'ordre, bien que la boisson ne soit pas interrompue. On ne voit pas souvent de diarrhée, à moins que le malade ne prenne une trop grande quantité de liquide minéral, ce qui serait l'indice d'une véritable indigestion.
Appareil urinaire. — Ces eaux sont éminemment diurétiques; nous en parlons d'après notre propre expérience.
Système nerveux. — Les centres nerveux ne sont point, à proprement parler, directement affectés ; mais les malades éprouvent dans leurs membres une espèce d'inquiétude vague, d'agitation, remplacée après quelques jours par un sentiment de bien-être et de légèreté. Le système musculaire semble avoir acquis plus de ressort, plus d'élasticité, et les individus cèdent à cette nouvelle sensation en se livrant avec plaisir à des courses prolongées.
2° En bains.
S'ils sontpris à une température au-dessus de 33° centigr., les bains de Neyrac tendent à .congestionner le cerveau,et activent la circulation; on a vu, dans ces cas, survenir parfois la syncope; mais, lorsque leur température est tiède, on observe les phénomènes suivants.
Peau. — La peau devient onctueuse, douce au toucher et glissante comme si le corps eût été plongé dans une solution alcaline. Bientôt, après une 1/2 heure ou 3/4 d'heure,elle devient rugueuse et se plisse en se resserrant, elle se comporte, en un mot, comme celle des doigts qui a été exposée à une solution alcaline un peu chaude. Quand ce dernier phénomène a lieu, il est bon de quitter le bain : celui-ci a produit tout l'effet thérapeutique qu'on doit en attendre. — A la suite de quelques bains, il se manifeste une sueur assez abondante et fétide, ou bien la
THÉRAPEUTIQUE. 173
peau se recouvre d'une éruption, tantôt sous la forme de plaques rouges, tantôt sous celle de petites pustules ou même de furoncles ; nous retrouverons ces phénomènes ou leurs analogues dans ceux que les eaux de Carlsbad produisent.
Appareil utérin. — L'influence des bains de Neyrac sur la menstruation est remarquable : presque constamment les règles devancent l'époque de quelques jours, et coulent plus abondantes et sans douleur.
Tels sont les principaux effets physiologiques que produisent les eaux de Neyrac, soit en boisson, soit en bains ; nous allons voir que leur action thérapeutique en dépend en partie.
Action thérapeutique.
Dermatoses. — Les maladies dans lesquelles les sources de Neyrac ont acquis une ancienne et solide réputation, sont principalement celles de la peau. Sur ce point, les rapports des praticiens du pays sont unanimes, comme nous l'avons dit plus haut, " En première ligne, nous écrit M. Tailhand, médecin inspecteur de ces eaux, je citerai les maladies dont la peau est le siège et qui sont vulgairement connues sous le nom de dartres, teigne, gale, etc. Ces maladies, si variées dans leurs formes, si cruelles et si souvent rebelles aux divers agents thérapeutiques que l'art leur oppose, sont, en général, très avantageusement modifiées par les eaux dont il est question. Leur efficacité, dans ces cas, est un fait bien démontré, incontestable. » (Suivant le docteur Ceysson, de Monastier, ces eaux, dans les dermatoses, s'élèveraient à la hauteur d'un spécifique.)
Rhumatismes, Goutte. — " Dans les rhumatismes, la goutte principalement, lorsque ces affections sont entées sur des constitutions nerveuses et très irritables ; dans d'autres maladies articulaires, les tumeurs blanches en particulier, ces eaux thermales sont parfaitement indiquées. »
Appareil glandulaire. — " On n'aura qu'à se louer de leur emploi dans l'engorgement des glandes lymphatiques du cou, des aisselles, des âmes, dans les plaies chroniques ou les ulcères. »
Appareil utérin. — " Elles conviennent éminemment dans certaines maladies des femmes, dans les flux leucorrhéiques ou pertes manches, que ces flux soient essentiels, ou bien, ce qui arrive souvent, qu' ils soient liés à un engorgement, à des granulations ou à des ulcé-
174 EAUX ALCALINES.
rations de l'utérus. » (La même opinion, aussi favorable, est émise par le docteur Ceysson.)
Maladies nerveuses. — Enfin, les eaux de Neyrac sont appliquées journellement, et avec un grand succès, " à cette classe si importante de maladies connues sous le nom de névroses, à l'hystérie, la chorée, l'hypochondrie ; à ces névropathies des organes de la digestion, si communes de nos jours, et qui font le désespoir tant du malade que du médecin, à la gastralgie, l'entéralgie, affections toujours de longue durée et caractérisées par une perturbation marquée des fonctions digestives, à laquelle viennent se joindre souvent un malaise inexprimable et de grands désordres de l'innervation. » (Tailhand) (1).
APPENDICE. — EAUX ALCALINES MIXTES SILICATÉES.
Les eaux minérales que nous réunissons sous ce titre sont peu nombreuses; jusqu'à ce jour, car c'est là une sous-division toute nouvelle; nous n'en avons trouvé que quatre qu'on doive strictement ranger dans cette classification spéciale, à savoir : celles de Plombières, Evaux, Sail-lèsChâteau-Morand et Arlanc. (Car le silicate alcalin qu'on rencontre en plusieurs autres sources des ordres précédents, n'y existe pas en prédominance, ni en proportion suffisante pour motiver une subdivision particulière.)
Quelle est l'action thérapeutique de ces eaux ? Jusqu'ici elle n'avait pas été étudiée au point de vue des silicates que ces eaux contiennent. D'après les expériences que l'un de nous (M. Pétrequin) a faites sur luimême (voy. Physiologie, p. 94), on voit que le silicate de soude pris à une certaine dose rend les urines d'abord neutres et bientôt alcalines. Le silicate de soude agit donc, pris à l'intérieur, à la manière des carbonates alcalins sur nos liquides, c'est là un premier point qui nous semble bien
(1) Au moment de mettre cet article sous presse, nous recevons une lettre du docteur Lembert, professeur de chimie à l'école de la Martinière à Lyon, dans laquelle il nous fait part de la découverte positive du titane dans les eaux de Neyrac. « J'y ai trouvé, ajoute-t-il, un autre corps qui a tous les caractères de l'acide molybdique, moins un, c'est à dire qu'il est beaucoup plus fusible que cet acide métallique. » Voilà encore un nouveau témoignage de la composition toute spéciale de ces eaux.
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établi. Mais quel est le rôle de la silice? quelle action thérapeutique exerce cette substance? Les recherches cliniques sur ce sujet manquent, à moins d'admettre comme prouvé ce qu'avancent les recueils homceopathiques, savoir: que l'acide silicique a la propriété de diminuer le calibre des vaisseaux sanguins ; c'est un sujet intéressant d'expérimentations nouvelles à poursuivre. Disons, toutefois, que l'un de nous a déjà reconnu au silicate de soude de l'efficacité dans le rhumatisme goutteux, et il présume qu'il en sera de même dans la gravelle.
Quant à la source silicatée, presque pure, d'Evaux, elle apporte peu d'amendement dans les gastrites, les catarrhes et les affections utérines, tandis qu'elle a du succès dans la gravelle, les scrofules, les affections nerveuses et les rhumatismes. (Pâtissier, Manuel, 1837.) Pour ce qui est des rhumatismes, il est présumable que leur guérison ou leur amélioration n'appartiennent pas exclusivement aux silicates, mais dépendent en partie de la température de l'eau qui s'élève de 48° à 58° cent.
Quant aux eaux froides silicatées d'Arianc, elles paraissent surtout efficaces pour combattre la gravelle, la goutte, la dyspepsie et la fièvre avec engorgement de la rate. En comparant les propriétés thérapeutiques de ces deux sources, nous voyons qu'elles offrent de l'utilité toutes deux dans la gravelle, la goutte et les affections non aiguës de la rate.
Telles sont les vertus médicales communes que ces eaux présentent et que l'on pourrait attribuer à la présence des silicates alcalins. C'est à une expérience ultérieure, appuyée sur des observations nombreuses et tien dirigées, qu'il appartiendra de nous renseigner plus amplement sur tous ces points.
PLOMBIÈRES (VOSGES).
Appareil digestif. — " Les sources de Plombières portent principalement leur action sur le tube digestif : l'appétit est excité ; il survient de la constipation ; les urines dégagent une odeur ammoniacale et présentent parfois un dépôt d'acide urique ; les lésions chroniques passent à l' état sub-aigu; l'absorption interstitielle devient plus active et fait disparaître les engorgements passifs de la membrane muqueuse de l'estomac et des intestins. » (Pâtissier, Rapp., 1854, p. 159.) D'après M. L. Turck, les eaux de Plombières ne doivent pas être administrées s'il existe une irritation un peu aiguë du tube digestif, ce A leur arrivée à Plombières, un assez grand nombre de malades affectés de gastro-entérites chroniques doivent débuter par une saignée locale. » (Op. cit., p. 74.) C'est, en
176 EAUX ALCALINES.
d'autres termes, dire qu'il faut surveiller attentivement l'action de ces eaux, ce car assez souvent il arrive que les malades affectés de gastrites chroniques éprouvent, pendant l'usage de nos eaux, une surexcitation
plus ou moins forte On doit la borner lorsqu'elle se développe trop,
et écarter du régime du malade tout ce qui pourrait l'accroître ou l'entretenir. » (Id., ibid.)
Rhumatisme, goutte. — " Les eaux de Plombières sont fréquentées tous les ans par un grand nombre de goutteux et de rhumatisants, dont la plupart en retirent les plus grands avantages, surtout pour les raideurs des articulations. Les vieux goutteux sont très nombreux à Plombières. » (Eaux de Plombières, par V. Duval, 1849.) Cet auteur cite plusieurs observations de rhumatisants et de goutteux guéris par l'usage de ces eaux.
Appareil utérin. — ce Chaque année une foule de dames viennent de tous les points de la France et même de l'étranger, chercher dans les eaux minérales de Plombières un remède pour combattre des engorgements et même des inflammations chroniques du vagin, de l'utérus et des ovaires. »(Pétvequin, Fragments gynécologiques d'un voyagemédical. Ann. de gynécologie, 1842, p. 284.) " Les eaux de Plombières ont été employées avec avantage dans l'aménorrhée et la dysménorrhée, dans les leucorrhées anciennes, etc.» (Pétrequin, ibid.) Martinet rapporte des cas de guérison d'aménorrhées avec convulsion, de dysménorrhée avec engorgement de l'ovaire, palpitations,etc. M. L. Turct (op. cit.) en relate aussi quelques-uns. On a conseillé dans les maladies de la matrice et les leucorrhées, les douches vaginales ; mais celles-ci doivent toujours être surveillées avec soin ; car elles ont une grande tendance à faire passer à l'état aigu des inflammations presque éteintes. Il résulte d'une discussion qui eut lieu à ce sujet, à la Société d'hydrologie médicale, que les douches vaginales pouvaient exercer une action très nuisible sur les maladies chroniques, et qu'il fallait y avoir recours rarement et en exerçant une grande surveillance, quelles que fussent d'ailleurs les eaux minérales employées. (Annales hydrolog., tom. I, p. 1854.)
THÉRAPEUTIQUE. 177
RÉCAPITULATION GÉNÉRALE
DE LA SPÉCIALITÉ D'ACTION DES EAUX MINÉRALES ALCALINES.
Nous venons de terminer l'exposé des faits physiologiques et thérapeutiques qui ressortissent aux eaux minérales alcalines. Nous avons, autant qu'il était en notre pouvoir, précisé les cas où non seulement les eaux de chacun de nos ordres, mais encore chaque source en particulier, étaient le mieux indiquées ou devaient être mises de côté. Notre tâche est donc en réalité accomplie et notre travail achevé ; mais, nous avons pensé qu'il ne serait pas inutile de jeter un coup d'oeil d'ensemble sur la spécialité d'action des eaux alcalines, afin d'en mieux faire ressortir toute la valeur thérapeutique. C'est là ce que nous allons essayer de présenter brièvement.
La spécialité d'action des eaux alcalines se révèle surtout lorsqu'il s'agit des maladies de l'appareil urinaire. Sous ce rapport elles l'emportent généralement sur les eaux minérales d'une autre nature. Parmi ces affections, il en est quelques-unes où elles jouissent d'une puissance curative supérieure : telles sont la gravelle, la colique néphrétique et le diabète, où elles peuvent presque être regardées comme spécifiques. Dans les circonstances que nous avons précisées, le diabète lui-même, qui jusqu'ici a été si rebelle à tous nos moyens, trouve dans les eaux alcalines sodiques de Vichy le meilleur agent thérapeutique qu'on ait pu lui opposer. A côté de la gravelle, vient se placer naturellement la goutte : ces deux maladies ont entre elles de tels rapports de consanguinité, qu'elles semblent n'être, au fond, que la manifestation d'un même élément pathologique diathésique ; et ce rapprochement nosologique se retrouve jusque dans leur traitement. Les eaux alcalines possèdent, en effet, contre la goutte, une efficacité presque égale à celle dont elles jouissent contre la gravelle. Les sources minérales non alcalines sont bien moins utilesque les sources alcalines, dans les affections dont il s'agit. —Les eaux minérales alcalines sont encore très efficaces lorsqu'il s'agit de résoudre des engorgements chroniques simples du foie, de la rate, des glandes mésentériques et de l'appareil utérin (ovaires et matrice). Mais ici, leur action, bien que grande encore, n'a plus cette spécificité que nous leur wons reconnue dans l'appareil urinaire. D'autres eaux minérales, non
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178 EAUX ALCALINES.
alcalines, peuvent résoudre presque avec autant de succès ces engorgements ; car, ici, il ne s'agit plus d'une maladie à élément spécifique bien déterminé, comme lorsqu'il est question de la gravelle ou de la goutte. Une inflammation, en effet, qui de la période aiguë a passé à la période chronique, ou qui a débuté par cette dernière et s'y est maintenue, présente toujours les mêmes éléments anatomiques, qu'elle ait son siège dans le foie, dans l'utérus, dans l'ovaire ou dans tout autre tissu. Or, dans ce cas, le but du médecin doit être de produire une excitation générale révulsive qui retentisse à son tour sur l'organe malade et engorgé, afin d'y favoriser la circulation capillaire et faire disparaître ainsi l'obstruction dont il est le siège. (Voy. ce que nous avons dit, 2e chapitre, Sang et Etat général.) ce C'est là un résultat qu'on obtient à toutes les eaux minérales, dont la principale force médicatrice réside dans l'excitation qu'elles provoquent dans tout l'organisme, excitation vivifiante qui s'étend aux liquides comme aux solides : son effet se produit particulièrement sur l'organe malade, d'après cette loi de notre économie qui veut que tout modificateur aille, de préférence, aboutir à l'organe souffrant ou à l'organe relativement plus faible. Il résulte généralement de cette stimulation un mouvement fébrile (fièvre thermale) qui, modéré, est souvent favorable: il fait passer à un état momentanément aigu les maladies chroniques, et, en réveillant les mouvements organiques frappés d'inertie, il facilite le dégorgement des vaisseaux qui sont le siège d'une congestion passive. » (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 192.) Telle est la manière d'agir de toutes les eaux minérales ; et cette théorie de leur action dans la cure des affections chroniques, si bien exposée par M. Pâtissier, nous explique pourquoi les engorgements dont nous avons parlé peuvent céder presque aussi bien à un traitement par une eau minérale saline, etc., qu'à celui d'une eau minérale alcaline.
C'est par la même raison que certains troubles des organes digestifs, qui sont sous la dépendance d'une sub-phlogose non spécifique, guérissent aux eaux salines comme aux eaux alcalines. Cependant, quand il s'agit d'un état catarrhal des muqueuses, certaines eaux alcalines sont plus spécialement indiquées, et réussissent mieux; ce sont les eaux calciques ou calciques-magnèsiennes qui méritent alors la préférence, Ainsi, lorsqu'il existe des désordres du côté du tube digestif, accompagnés de flatuosités, de diarrhée ; quand on a à traiter des catarrhes vésicaux simples, des leucorrhées vaginales de même nature, les eaux calciques de Condillac, de Châteldon, ou calciques - magnésiennes de St-Galmier, Contrexeville, Pougues, etc., seront plus spécialement indiquées en bains et en boissons.
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Dans toutes les circonstances que nous venons de rappeler, il faut tenir compte de la thermalité de l'eau minérale conseillée : la température d'une eau, lorsqu'elle dépasse 35° centig., est déjà par elle-même une puissante cause d'excitation générale, qui modifie profondément la vitalité de nos organes. Or, si, au pouvoir excitant du calorique, vient s'ajouter celui des principes minéralisateurs, on conçoit que la stimulation produite sera et plus facile et plus profonde : les eaux alcalines thermales seront indiquées en bains prolongés, de piscine surtout, " dans ces cachexies où les phénomènes généraux dominent les phénomènes locaux. » (Durand-Fardel, op. cit., p. 177.) Et c'est lorsque cet état général aura été amélioré, que l'on verra se dissiper à leur tour les diverses lésions organiques de nos tissus. Telle est la marche générale que l'on constate vers la guérison, par le traitement aux eaux minérales ; d'abord, amendement général, et consécutivement amélioration de l'état local. Mais, c'est toujours avec prudence, en surveillant attentivement l'action des eaux, qu'il faut les prescrire dans ces circonstances, afin de ne pas dépasser la limite d'excitation que peut supporter le malade. Dans tous les cas, il est nécessaire qu'il n'existe aucune affection aiguë. A l'égard des maladies générales contre lesquelles les eaux alcalines, et celles de Vichy surtout, se montrent si efficaces , il est encore des précautions particulières à prendre : nous citerons, par exemple, la cachexie paludéenne, qui est traitée avec succès à Vichy. Eh bien ! s'il existe encore le moindre accès de fièvre, il importe de recourir au sulfate de quinine avant de commencer le traitement thermal ; en effet, ce ce n'est pas la fièvre qu'on vient traiter à Vichy, mais la diathèse qui l'a engendrée et la cachexie qui lui succède. » (Durand-Fardel,ibid.,p. 178.)
Ce n'est point assez d'avoir déterminé la nature d'une maladie pour prescrire telle ou telle source minérale alcaline, il faut encore s'assurer « si l'affection que l'on a sous les yeux n'est point liée à un de ces états morbides généraux, connus aujourd'hui sous le nom de diathèses : bien qu'ils se traduisent au dehors par des lésions locales, leur siége principal réside dans l'ensemble de l'économie, que tout traitement rationnel doit avoir pour but de modifier. Or, ce puissant modificateur de l'organisme, la nature nous le présente dans les eaux minérales naturelles. » (Pâtissier, Rapport, 1854, p. 194.)
Ce point fondamental de médecine clinique, les grands maîtres de la science l'avaient formellement reconnu. Stoll a décrit une dyssenterie rhumatismale. ( Ratio medendi, pars tertia. ) Barthez, de Montpellier, parle de divers désordres dans nos organes, qu'il désigne sous le nom de
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ce goutte interne ou des viscères. » (Traité de la maladie goutteuse, livre IIIe. ) — C'est ainsi qu'il décrit une goutte aiguë de l'estomac et des intestins avec un flux ce violent par les premières voies, » une métrorrhagie goutteuse, une péripneumonie goutteuse, etc. Les mêmes faits sont journellement observés pour les affections dartreuse, syphilitique, rhumatismale. Or, toutes ces circonstances doivent être prises en grande considération avant de se déterminer à prescrire une eau minérale de préférence à une autre, dans une maladie qui cependant portera le même nom. " Les maladies qu'on traite dans la plupart des thermes portent le même nom, mais ce ne sont pas les mêmes individualités pathologiques. » (Pâtissier, Rapp. cit., 1854, p. 193.) " Si, dans une affection d'estomac ou du foie rebelle et qui semble indiquer parfaitement les eaux de Vichy ( ou d'autres eaux alcalines, Vals, St-Alban, Néris, Plombières, etc.),vous rencontrez dans les antécédents quelque affection dartreuse, vous trouvez, dans la constatation d'une telle diathèse, une raison suffisante de traiter par les eaux sulfureuses cette maladie locale que semblaient réclamer les alcalins. » (Durand-Fardel, loc. cit. p. 19. ) Ici les eaux de Neyrac peuvent très bien convenir; au reste,la seule constatation d'une affection chronique de la peau ne suffit pas tonjours à prescrire les eaux sulfureuses. Ces maladies dépendent souvent d'un état morbide des voies digestives, et, en traitant alors celles-ci par les eaux alcalines douces (Néris, Châteauneuf, Châteldon, St-Alban),l'on voit souvent disparaître l'affection de la peau.... " Les bains alcalins, qui procurent à la peau l'impression d'un liquide doux, onctueux et en même temps réconfortant, sont très favorables dans quelques éruptions sèches, accompagnées de démangeaisons, dans le lichen, les diverses variétés du prurigo et certains eczémas avec irritation.» (Pâtissier, ibid., p. 195) C'est ainsi, pour citer encore quelques exemples, que lorsque les affections du tube digestif sont liées à la diathèse goutteuse, les eaux avalisées sodiques seront utiles ; si la diathèse syphilitique domine, les eaux sulfureuses semblent mieux indiquées,et quand le malade sera sous l'influence de la diathèse scrofuleuse, il sera préférable de choisir des eaux alcalines iodurées ou bromurées, comme celles de Coise, Bondonneau, ou chlorhydratées sodiques ( Wiesbaden, Hombourg, Niederbronn, etc.). Nous avons vu combien les eaux alcalines, et spécialement les eaux calciques ou calciques-magnésiennes, étaient salutaires dans le catarrhe vésical simple; si ce catarrhe n'est, au contraire, que la manifestation localisée de la diathèse rhumatismale, ce sont les eaux thermales en bains liquides ou de vapeurs, en douches, qu'il faut administrer, et les eaux sali-
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nés (Balaruc, Bourbonne, Bains, etc. ) sont peut-être plus efficaces ici que les eaux alcalines. Si l'on voulait dans ces cas appliquer ces dernières avec quelque succès, il faudrait les choisir thermales, comme Vichy (la GrandeGrille), LaMalou, Néris, Plombières, etc. — Les leucorrhées, les dysménorrhées, les dyspepsies, les engorgements chroniques de nos tissus sont-ils accompagnés d'un état chlorotique très prononcé ? alors les eaux alcalines-ferrugineuses (Vals, St-Alban, source Lardy, etc.) en bains comme en boisson seraient les mieux appropriées au traitement.
Ces considérations générales dont les détails pratiques se trouvent exposés d'une manière spéciale dans chacun de nos ordres, doivent toujours être présentes à l'esprit du médecin, quand il conseille un traitement minéral. Deux maladies semblables, quant à la forme, peuvent cependant être dissemblables, quant au fond, et réclamer l'usage de sources minérales de nature différente. Au reste, le traitement des maladies chroniques aux sources minérales présente souvent beaucoup de difficultés et exige beaucoup de circonspection, " Dans les thermes, les affections chroniques se manifestent rarement avec leur simplicité décrite dans les livres.... Peu d'individus sont porteurs d'une seule lésion; très communément ils en présentent plusieurs, qui coexistent ou qui s'engendrent les unes les autres ; ainsi le rhumatisme se complique parfois de dartres, d'hémorrhoïdes, de bronchites, et vice versa. » ( Pâtissier , loc. cit., p. 196.)
Telle est, en résumé, au point de vue de la spécialité d'action des eaux alcalines, la doctrine qui doit diriger les praticiens dans leur emploi. Pour nous, nous n'avons négligé aucun soin pour mettre en relief, dans tout le cours de notre travail, ces distinctions fondamentales dans la thérapeutique des eaux, afin d'en mieux préciser les indications et les contre-indications. Nous osons croire que la division nouvelle que nous avons établie pour les sources alcalines éclairera la marche du médecin; car, on peut leur appliquer ce qu'on a dit des eaux salines : " L'histoire et le classement de ces eaux sont encore à peine ébauchés. » (Durand-Fardel, ibid., p. 189.) Guidés par notre classification, nous avons cherché à indiquer par le secours de la chimie, de la physiologie et de l' observation médicale, toutes les ressources que la pathologie peut retirer des diverses eaux alcalines, suivant leur espèce et suivant la nature des maladies ; nous ne doutons pas que l'avenir ne vienne sanctionner et compléter ces recherches.
182 EAUX ALCALINES.
DE L'ACTION THÉRAPEUTIQUE
DU GAZ ACIDE CARBONIQUE DES SOURCES ALCALINES.
Nous avons fait observer dans le cours de ce travail (et on le verra d'un seul coup d'oeil dans notre Tableau comparatif et gradué), que, parmi les sources alcalines, un grand nombre renferment une certaine quantité d'acide carbonique qui les rend gazeuses. C'est là une ressource pour la thérapeutique, trop peu appréciée, et nous nous proposons d'appeler ici l'attention sur le parti avantageux qu'on peut en retirer pour la cure des maladies.
On a dit, à propos de la Grotte du Chien, près de Naples, qu'il était regrettable que le gaz acide carbonique pur qu'elle contient ne fût pas utilisé. La même lacune existe encore pour la majeure partie des sources alcalines; la plupart des inspecteurs se glorifient, il est vrai, de leurs eaux gazeuses ; mais, quelle application en font-ils? C'est ce qu'on cherche en vain, " Je ferai observer, dit le dr Bravard, qu'il n'est aucune source aussi riche en acide carbonique que celle d'Ariane.» (Statistiq. d'Ariane, 1853, p. 26.) Nous ne voyons pas qu'il en ait tiré aucun avantage. — On peut exprimer le même regret, nous dirons presque formuler le même reproche,par rapport aux eaux alcalines en général. Quelle peut en être la cause ? On aura, sans doute, été effrayé par les propriétés éminemment délétères qu'on prête à l'acide carbonique ; on considère généralement la respiration de ce gaz comme tout à fait incompatible avec la vie ; on l'a regardé comme un poison, même sous forme topique : ce II est toxique, même à l'extérieur. » (Galtier, Matière médicale, t. II.) Ce langage a été inspiré par l'expérience de Collard de Martigny, qui, s'étant plongé dans un bain d'acide carbonique, ne tarda pas à ressentir les symptômes de l'asphyxie par le charbon, bien que les voies respiratoires fussent libres et en dehors de son influence, " C'est d'après cette expérience, qui nous paraît concluante, dit M. Alph. De Vergie, que nous n'avons pas hésité à ranger l'acide carbonique parmi les gaz délétères.— L'action qu'il exerce sur les qualités du sang a engagé plusieurs physiologistes à conseiller ce moyen comme agent thérapeutique dans quelques maladies inflammatoires. Je ne sache pas qu'aucun essai de ce genre ait été fait, et je ne le conseillerais pas sans employer les plus
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grandes précautions. » (Dict. en 15 vol., 1833, t. IX.) Ajoutons qu'on aura été épouvanté par les nombreux cas d'asphyxie que détermine chaque année l'acide carbonique impur qui provient de la combustion du charbon.—Voyons donc comment la médecine des eaux peut cependant utiliser ce gaz à travers toutes ces difficultés.
Et, d'abord, rappelons que Nysten a démontré que l'acide carbonique pur n'a pas, par lui-même, des propriétés aussi toxiques qu'on l'avait cru; il ne faut pas le confondre avec le gaz impur qui provient de la combustion du charbon ou de la fermentation des raisins, etc.; Leblanc a expérimenté que 4 1/2 p. % de ce gaz impur sont plus asphyxiants que 30 p, % du gaz pur, qui, d'ailleurs, ne produit pas les mêmes phénomènes. — Nous ferons remarquer que les ouvriers qui respirent ce gaz par état dans les fabriques d'eaux gazeuses, comme les malades aux sources alcalines acidulés, ne présentent pas des phénomènes capables de justifier les craintes manifestées plus haut. — Il y a plus : le gaz acide carbonique libre que renferment les eaux minérales alcalines les rend pétillantes et mousseuses et leur donne un goût agréable. Si nous avons dit que le gaz carbonique était un élément minéralisateur trop faible pour lui attribuer les principaux effets des eaux minérales et pour faire admettre une classe d'eaux acidules; cependant, il ne faudrait pas aller au-delà de notre pensée, et supposer que nous n'en tenons aucun compte. En effet, si, à lui seul, il ne communique point aux eaux alcalines les propriétés médicales qui les distinguent, il est, néanmoins, un auxiliaire très utile: il leur enlève la saveur salée ou alcaline peu agréable qu'elles auraient sans lui ; il leur transmet un goût acidule qui plaît, et les fait rechercher, même pour l'usage de la table (Condillac, Châteldon, St-Alban, St-Galmier, etc.) ; en outre, introduit avec elles dans l'estomac, il en facilite la digestion et en fait, comme on dit, des eaux hygiéniques, légères, qui sont bien supportées, tandis que, sans lui, elles deviendraient lourdes, et engendreraient le dégoût. Nous avons mis en relief ses propriétés digestives (voyez Appareil digestif, 2° chapitre) ; ajoutons qu'il contribue aussi à calmer plus promptement la soif. — Il ne saurait être indifférent qu'une eau minérale soit gazeuse ou non, et, a circonstances égales, nous donnerons la préférence à une eau acidulé gazeuse sur celle qui ne le serait pas. (Nous avons exposé une série d'autres motifs, 2e chapitre, Appareil vasculaire.)
Voyons maintenant les effets que détermine la respiration dû gaz acide carbonique, et les avantages que peut en retirer la thérapeutique. Citons d'abord, pour bien faire connaître la question, quelques expériences
184 EAUX ALCALINES.
physiologiques ; nous commencerons par M. C. James : " Il me restait écrit-il à propos de la Grotte du Chien, à respirer le gaz ; je fis une forte inspiration : à l'instant, je fus saisi d'une sorte d'éblouissement, de vertige, ainsi que d'un resserrement douloureux dans toute la poitrine. Un mouvement instinctif m'obligea aussitôt à relever la tête pour respirer un air pur. Au bout de quelques minutes, il n'y paraissait plus. Je repris mon attitude horizontale : puis, procédant avec plus de prudence, je fis une toute petite inspiration. Même saisissement que la première fois, seulement la suffocation fut moindre. Je ressentis toujours une oppression très forte, ainsi qu'une espèce de bouillonnement vers le front. Je ne puis mieux comparer cette dernière sensation qu'à celle qu'on éprouve, lorsque, buvant du vin de Champagne, un peu de la liqueur s'échappe par les narines : c'est presque aussi pénible. Je commençais à en avoir assez de ces expériences. » (James, ibid., p. 478.) Nous allons citer des expérimentateurs qui ont jeté un nouveau jour sur cette question. En France, le dr Goin, de Roanne, paraît avoir eu l'un des premiers (avant 1830) l'heureuse idée d'utiliser sur une large échelle,en inspiration et en douche,le gaz acide carbonique de la source alcaline de St-Alban (Loire). Il s'en échappe en grande abondance, et à l'état de pureté absolue, comme l'a constaté M. Dupasquier. Le dr Nepple, de Lyon, après une expérimentation de plusieurs années sur les lieux, a composé sur ce sujet un excellent mémoire (J. de médecine de Lyon, 1842, t. II et III), qui nous fournira les principaux sujets de notre examen. Il faut d'abord distinguer la respiration par la bouche de la respiration par le nez; les effets physiologiques ne sont pas les mêmes : — " Dans l'état de santé, l'aspiration par la bouche ne donne lieu qu'à des phénomènes très simples et très fugitifs: ainsi,dans la cavité buccale,le gaz ne révèle sa présence que par une saveur acidulé, un peu âpre ; dans les voies aériennes, par un peu de chaleur et par un essoufflement qui s'accroît rapidement, à chaque inspiration, au point que le jeu respiratoire devient presque impossible au bout de 15 à 20 secondes, tant il est accéléré. Cependant, l'habitude a une influence bien prononcée sur l'aptitude à respirer le gaz plus ou moins longtemps ; et, en général, les individus peu irritables et à respiration large, peuvent supporter son action asphyxiante beaucoup plus longtemps. — Par les fosses nasales, le gaz carbonique produit instantanément, et comme par un choc électrique, une sensation spéciale, très pénible, sans être cependant très douloureuse, et qui paraît provenir plutôt d'une excitation de la sensibilité olfactive que de celle du tissu muqueux.» (Nepple, ibid., t.III.) Il paraît qu'il est au nerf olfactif
THÉRAPEUTIQUE. 185
ce qu'est pour la glotte la moindre substance étrangère. Nous verrons, plus loin, le parti qu'on peut en tirer en pathologie. — Cette question mérite d'être étudiée à fond ; c'est pourquoi nous allons rapporter les expériences personnelles du dr Goin et du dr Nepple : " En inspirant à pleine poitrine, M. Goin constata qu'il suffisait d'un très petit nombre d'inspirations pour déterminer les premiers phénomènes de l'asphyxie commençante, c'est à dire, cette gêne de la respiration qui la rend haletante, qui pousse instinctivement à chercher l'air respirable. Cet état s'accompagnait bientôt de vertige, ou plutôt d'une sorte d'ivresse légère, et d'une transpiration froide ; mais deux ou trois inspirations d'air atmosphérique ramenaient les fonctions pulmonaires à leur état normal, et faisaient disparaître complètement tous les accidents ci-dessus. » (Ibid., t. n.) —" Lorsque, dit M. Nepple, je commençai à expérimenter le gaz sur moi-même, je me sentais étouffer après 6 à 8 inspirations; ma tête s'échauffait, se couvrait de sueur, et une sorte d'ivresse, ou plutôt de vertige, s'emparait de moi; mais bientôt ces phénomènes ne se manifestèrent ni aussi promptement ni avec la même intensité, et il me fut possible de prolonger la respiration du gaz, sans désemparer, pendant plusieurs minutes, avec la plus entière impunité. » (Ibid., t. III.)
Cette étude paraîtra complète au point de vue physiologique. Voici maintenant les applications pathologiques : les affections dans lesquelles l'emploi de ce gaz a paru le plus avantageux sont les névroses, et plus particulièrement celles des organes respiratoires, comme l'asthme, la toux périodique, quinteuse, le catarrhe pulmonaire chronique avec toux spasmodique, les symptômes hystériques, la fièvre intermittente. (Nepple, ibid., t. II.) Après une expérimentation plus étendue, M. Nepple ajoute : " Lorsque la lésion fondamentale est de nature spasmodique ou névralgique, le gaz paraît agir à la manière des anti-spasmodiques. Ainsi, nous avons vu souvent les accès d'odontalgie se calmer promptement sous son influence ; la migraine, la névralgie intercostale, l'asthme nerveux, les palpitations nerveuses, les spasmes hystériques, cardialgiques, etc., s'en trouvent presque toujours soulagés.» (Id., t. III.) On ne regardera pas sans doute comme un phénomène toxique le léger sentiment d'ivresse et de vertige qui accompagne l'usage méthodique du gaz; car c'est là un simple phénomène nerveux, cérébral, que peuvent
provoquer d'ailleurs d'autres causes non délétères L'influence des
spiritueux sur le cerveau est toute différente ; nous avons même observé que leur mélange avec le gaz neutralisait singulièrement leur qualité enivrante, et que les individus qui en avaient fait abus se trouvaient
186 EAUX ALCALINES.
généralement bien, soit de l'aspiration du gaz, soit de l'usage de l'eau gazeuse adoucie. (Nepple, ibid., t. III.)
Voici quelques applications pour les phlegmasies chroniques : un courant de gaz dirigé sur une surface ulcérée y détermine de la chaleur et de la douleur mais à un faible degré ; si l'ulcération est atonique, elle blanchit un peu...., le pus qu'elle sécrète devient plus concret,moins abondant, et le travail de la cicatrisation en est accéléré. —Porté sur les yeux affectés d'ophthalmie chronique, il provoque de suite de la cuisson, du larmoiement, et paraît agir à la manière des résolutifs excitants. (Id., ibid., p. 242.) — M. Nepple a employé, avec succès, le gaz acide carbonique dans quelques laryngites chroniques atoniques, et il compare ses effets à la modification substitutive qui accompagne la cautérisation superficielle du pharynx. — Il a eu l'idée d'utiliser la respiration nasale, dans un cas de perte de l'odorat, avec complication de coryza chronique ; le catarrhe fut guéri, l'odeur de punais disparut, mais l'expérimentation ne fut pas assez prolongée pour faire juger du retour de l'odorat, Ceci posé, il importe d'établir les contre-indications ; c'est ce que nous allons faire : ce gaz devient un stimulant très vif, toutes les fois que la phlegmasie est aiguë ou qu'elle s'accompagne d'éréthisme vasculaire. — Son action est analogue, dans les lésions du larynx, des bronches et autres parties, c'est à dire stimulante, inopportune, suivant le degré d'irritation phlegmasique de ces organes. — Le gaz n'a pas produit des résultats favorables dans certains catarrhes pulmonaires, avec ou sans accès d'asthme, toutes les fois qu'il y avait soit une lésion organique, soit un éréthisme prolongé de la muqueuse trachéo-bronchique, maigreur et irritabilité des sujets. — Quatre malades affectés d'une irritation douloureuse du larynx, sans expectoration, maigres , irritables et en proie depuis longtemps à une gastro-entérite réfractaire à un grand nombre de médications, n'ont obtenu du gaz aucun résultat satisfaisant : le passage de ce fluide dans le larynx ne s'opérait jamais sans chaleur, cuisson, sécheresse et parfois toux. (Nepple, ibid., t. III.)
Ces effets du gaz acide carbonique varieront-ils suivant qu'il proviendra des sources alcalines sodiques, calciques, magnésiennes ou mixtes. Rien n'autorise à le croire ; nous présumons qu'ils varieront surtout suivant son plus ou moins de pureté et d'abondance. Les eaux elles-mêmes pourront peut-être apporter quelques modifications; car MM. Goin et Nepple associent au gaz l'action de l'eau minérale de St-Alban en boisson. — Un des phénomènes qui accompagnent le plus ordinairement l'aspiration du gaz, c'est (outre la sédation) la moiteur de la peau
THERAPEUTIQUE. 187
et même parfois une transpiration prononcée pendant la nuit. M. Galtier avait déjà noté : " Sous forme de bains, il produit de la chaleur, des picotements, augmente la transpiration et ralentit peu à peu la circulation. Les fumigations de ce gaz sont sédatives et stupéfiantes. Poussées dans le vagin, elles calment les douleurs de l'ulcération. » (Galtier, Matière médicale, t. II.)
L'influence du gaz se montre d'autant plus favorable, que les malades y sont soumis peu avant ou au moment même de l'explosion des paroxysmes; c'est pour saisir l'instant favorable, que M. Goin s'est approvisionné de petits sacs imperméables, qu'il fait charger de gaz et qu'il confie aux malades dont les paroxysmes ne se manifestent que la nuit et à des heures où l'aspiration du gaz à l'établissement (de St-Alban) est impossible.
L'asphyxie ne peut pas avoir lieu lorsqu'on n'aspire le gaz que par la bouche, au moyen d'un tuyau et dans un lieu non fermé, comme à St-Alban, les fosses nasales restant perméables à l'air atmosphérique ; celui-ci, s'introduisant dans les poumons par cette voie, en concurrence avec le gaz, doit neutraliser la qualité non respirable de ce dernier à un degré suffisant pour qu'on n'ait point à craindre que la respiration soit jamais complètement suspendue. D'ailleurs, lorsque l'essoufflement est arrivé à un degré trop pénible, la bouche abandonne instinctivement le tuyau conducteur du gaz, et tout rentre bientôt dans l'état normal. (Nepple, ibid., t. III.)
Nous avons fait connaître une série de faits qui démontrent l'innocuité de ces pratiques ; voici un fait de physiologie vétérinaire qui complète cette démonstration. Ainsi, à propos de la Grotte du Chien, M. James parle d'un chien que, depuis plus de trois ans, on soumet à l'influence du gaz carbonique qu'elle renferme, et ce qui est ainsi chaque jour asphyxié et désasphyxié plusieurs fois ; sa santé générale me parut excellente. » (Guide, 1857, p. 423.)
En résumé, nous croyons pouvoir conclure avec M. Nepple :
1° Que le gaz acide carbonique n'est point un gaz nécessairement toxique; qu'il peut être absorbé impunément en très grande quantité, et que son emploi tel qu'il est dirigé à St-Alban (1) ne peut pas entraîner de danger; 2° qu'il agit sur les tissus à la manière des stimulants, des as(1)
as(1) un de nous a constaté à Celles (Ardèche) que le docteur Barrier n'a pas négligé l'usage du même gaz qui s'échappe de quelques-unes des sources ; mais, il n'a rien appris de précis sur la manière dont il en use ni sur les résultats qu'il en obtient, et le docteur Barrier n'a rien publié de spécial à cet égard dans ses trois volumes sur les eaux de Celles.
188 EAUX ALCALINES.
tringents et dessicatifs : améliorant les phlegmasies catarrhales, humides atoniques de mauvaise nature , de même que les affections névralgiques et spasmodiques, l'état de fatigue de certains organes; tendant, au contraire, à aggraver les phlegmasies qui s'accompagnent d'éréthisme, de rougeur érysipélateuse et de sécheresse ; — 3° que, son action étant très fugitive, il est nécessaire qu'elle soit fréquemment réitérée, si l'on veut en obtenir des effets durables, et surtout qu'elle soit associée à celle de l'eau minérale, lorsque d'ailleurs rien ne s'oppose à cette combinaison ;
— 4° que, dans les névroses et les affections intermittentes, le gaz ne jouit réellement d'un pouvoir curatif que lorsqu'il intervient au début des paroxysmes ou pendant leur état ; et ce pouvoir est d'autant plus sûr qu'on force davantage l'aspiration du gaz, c'est à dire que le malade est tenu plus longtemps sous le coup d'une demi-asphyxie, l'action sédative du gaz dans ce cas, paraissant dépendre non d'une vertu inhérente à sa nature même, mais d'un effet indirect sur le cerveau par le sang.
Tels sont les premiers travaux accomplis en France ; il étaient peu connus, si bien que, aujourd'hui que cette méthode a fait de grands progrès, on en fait généralement honneur aux Allemands : nous avons dû rétablir la vérité. Il existe maintenant en Allemagne un nombre considérable d'établissements thermaux où l'on emploie le gaz acide carbonique en bains, injections, douches et surtout humage ou inhalation. Il est digne de remarque qu'on y est arrivé à des conclusions pratiques analogues à celles que nous venons de faire connaître. Les praticiens allemands s'accordent à établir que ce gaz a une action primitive stimulante sur la circulation et les voies respiratoires ; — qu'il active les sécrétions de l'urine et de la sueur;— qu'il a une action secondaire sédative sur le système nerveux;
— qu'il est anesthésique pour les plaies et les phlogoses chroniques, ( Lersels, Helfft, Kuster. )
Le humage ou l'inhalation est indiqué dans les névroses des voies respiratoires, dans les dyspepsies qui dépendent soit de l'accumulation de mucosités dans les vésicules pulmonaires, soit d'un emphysème du poumon ; dans l'asthme, dans le catarrhe pulmonaire, dans la fièvre intermittente, dans l'inflammation chronique du pharynx et du larynx. M. Spengler en a fait un heureux emploi dans la pharyngite granuleuse,
— Il y a contre-indication si l'affection des voies respiratoires est accompagnée d'éréthisme du système circulatoire ou d'une disposition à l'inflammation franche ( Lersch); s'il s'agit d'une phthisie, soit qu'il y ait des cavernes entourées d'une zone inflammatoire (Groefe), soit qu'il)' ait tendance à l'hémoptysie ( Clarus, Selle ) ; si la phlegmasie s'accompagne d'éréthisme, de rougeur érysipélateuse et de sécheresse, etc.
THÉRAPEUTIQUE. 189
On prescrit les bains, les injections et les douches d'acide carbonique dans certains affaiblissements musculaires et même quelques paralysies commençantes, pourvu qu'il n'y ait pas de lésions organiques (Bodé); dans les maladies occasionnées par une suppression de la transpiration, des règles ou du flux hémorrhoïdal ; dans l'atonie de l'appareil génital ou des organes des sens ; dans les névralgies. Ruelle a appliqué ce gaz avec succès dans quelques phlegmasies atoniques de la conjonctive, du canal lacrymal, des fosses nasales et de la trompe d'Eustache ; Simplon, dans les affections douloureuses de l'utérus (ce qui avait déjà été conseillé par Ingenhoux, Rozier et Asterlen, et ce qui a été confirmé par MM. Sollin et Demarquay). — M. Willemin, à qui nous devons une intéressante étude sur l'ensemble des travaux des Allemands sur ce sujet (Union médicale, 1858, numéros 83, 84 et 85 ), a lui-même installé cette médication à Vichy, et il en a retiré de bons effets dans les névroses et les inflammations chroniques de l'appareil respiratoire ; dans l'asthme, dans l'angine chronique, la dysménorrhée, la névralgie sciatique, le lombago, la goutte douloureuse. ( Revue d'hydrologie, 1858, n° 9. )
LIVRE DEUXIEME.
DES EAUX MINÉRALES SALINES.
CHAPITRE PREMIER.
Détermination et classification des sources minérales
salines.
Nous avons montré quels desiderata présentait jusqu'ici la science à l'égard des eaux alcalines et combien les auteurs étaient peu d'accord à leur sujet (voy. p. 6 ) ; on va voir qu'il en est pis encore à l'endroit des eaux salines : en effet, si aujourd'hui on paraît assez généralement s'accorder sur la dénomination des autres classes d'eaux minérales, il n'en est plus de même lorsqu'il s'agit de celle des eaux dites salines. La difficulté de comprendre dans une bonne définition ce que l'on doit entendre sous ce nom, et à quels caractères génériques on peut reconnaître les sources de cette classe, a fait naître une extrême confusion dans les travaux des hydrologues. M. Bertini, résumant l'état de la science, reproduit ainsi une définition assez étrange, qui a eu cours jusqu'ici : " Intendiamo sotto questo nome ( eaux salines ), quelle acque le cui principali qualità derivano dalla quantità assai considerevole di alcuni sali che contengono. » (Idrologia minérale degli Stati Sardi, 2e édit., 1843, p. 74. ) " Nous entendons sous ce nom des eaux dont les principales propriétés dérivent de la quantité assez considérable de quelques sels qu'elles contiennent.» — Or, nous le demandons, est-ce là une définition qui distingue bien nettement les eaux salines des autres espèces? et l'obscurité ne semblet-elle pas au contraire augmenter encore avec des paroles aussi peu précises:— di alcuni sali?—Quels sont donc ces sels ? l'auteur le laisse ignorer complètement, et le lecteur ne peut apprendre ce qu'est une eau saline —D'autres hydrologues ont tourné, pour ainsi dire, la difficulté, en disant non pas ce que sont les eaux minérales salines, mais plutôt ce
192 EAUX SALINES.
qu'elles ne sont pas; voici comment MM. Pâtissier et Boutron-Charlard s'exprimaient en 1837 : " On donne le nom d'eaux minérales salines à celles qui, n'étant ni sulfureuses, ni ferrugineuses, ni acidules, ont pour principes prédominants quelques sels.» (Manuel, p. 373.) — Cette définition, par voie d'exclusion, est encore celle que le premier de ces écrivains a reproduite, presque dans les mêmes termes, en 1854, dans son remarquable Rapport sur les établissements thermaux ( p. 130), excepté qu'il ajoute qu'elles contiennent parfois des iodures, des bromures et des traces d'arsenic. A coup sûr, c'est là un progrès : on commence à entrevoir ce que peuvent être les eaux salines ; toutefois il semble que cette manière de les définir laisse encore beaucoup à désirer, en ce qu'elle ne précise pas assez la nature de leurs éléments de minéralisation : en englobant ainsi dans une même classe les eaux bromurées, iodurées et arsénieuses, on laisse subsister les doutes du lecteur,et entremêler ou même confondre ce qui doit être séparé.
Quant à M. Durand-Fardel, il n'admet pas la classe des eaux salines et n'en prononce pas même le nom ; il semble avoir copié la nomenclature de l'Annuaire des eaux de la France, qui procède de la sorte ; il en résulte que les sources minérales qui appartiennent à cette catégorie, se trouvent dispersées sous des noms différents (1) dans divers autres ordres, Aussi le lecteur est-il quelque peu dérouté par ce démembrement qui bouleverse toutes les traditions. — De son côté M. C. James, qui n'avait pas non plus admis la classe des eaux salines dans la 1re édition, les traite très sévèrement dans sa 4me. ce Les sources, dit-il, qu'on est convenu de ranger dans cette classe contiennent, comme caractère essentiel, certains sels variables par leur nombre et leur dose, auxquels elles doivent leurs propriétés : quant à la nature de ces sels, elle est extrêmement différente. Les eaux salines ne forment donc pas une famille reconnaissable à des éléments chimiques particuliers et distincts ; ce sont pour la plupart des sources complexes, qu'on ne sait à quelle classe rattacher, et pour lesquelles il a fallu créer, par voie d'exclusion, une catégorie à part. » (Guide aux eaux minérales, 1857, p. 30.) Et plus loin, il traite cette classe de ce espèce de légion étrangère où l'on enrôle toutes
(1) Ces ouvrages font une classe d'eaux sulfatées ; mais il nous semble qu'il y a là un vice de langage, que l'épithète sulfatée ne saurait servir de qualification générale pour toute une classe, et qu'elle n'est convenable que comme détermination générique pour une sous-division ; car il n'y a, parmi les sulfates, ni unité ni homogénéité : quel rapport le sulfate de fer ou de manganèse a-t-il, en thérapeutique comme en physiologie médicale, avec le sulfate de soude ou de magnésie?
EAUX SALINES. 193
les sources qui n'ont pu être admises dans les autres divisions. Or, parcourez la liste de ces sources ! quel bizarre assemblage ! c'est un pêlemêle d'eaux stimulantes, laxatives, constipantes, diurétiques, bonnes les unes pour la poitrine, les autres pour l'estomac, calmant les nerfs ou les excitant, n'offrant, en un mot, au lieu d'analogie, que des contrastes. Il faut bien le reconnaître : dire qu'une source appartient aux eaux salines, c'est ne dire absolument rien, ou plutôt c'est avouer son impuissance à lui assigner une place légitime, d'autant plus qu'à la rigueur toutes les eaux sont salines, puisque c'est aux sels qu'elles tiennent en dissolution qu'elles doivent leurs propriétés principales. » (Ibid., p. 34.)
Tel est l'état actuel de la science sur ce point. Après cette condamnation en forme, il semble qu'il n'y ait plus qu'à s'incliner devant une impossibilité absolue, et à confesser humblement notre impuissance à débrouiller ce chaos des eaux minérales salines. Les meilleurs auteurs semblent avoir été paralysés par cette pensée décourageante. Nous ne pousserons pas plus loin nos citations, qu'il nous eût été facile de multiplier; mais celles qui précèdent suffisent amplement pour faire voir combien est importante et quelles difficultés, en même temps, environnent cette question d'hydrologie médicale ; c'est ce que l'Académie de médecine de Paris avait parfaitement saisi, quand elle formulait ainsi son programme pour le concours de 1857 : " Caractériser les eaux minérales salines ; indiquer les sources qui peuvent être rangées dans cette classe; déterminer, par l'observation médicale, leurs effets physiologiques et thérapeutiques, et préciser les cas de leur application dans les maladies chroniques. »
En présence des nombreux desiderata qu'on a à signaler en ce qui concerne les eaux minérales salines, on se sent, tout d'abord, embarrassé devant des questions aussi complexes ; car, on peut dire que, devançant les progrès de la science, ce programme se trouve en dehors des traités dogmatiques sur la matière; nous allons toutefois essayer de l'aborder dans son ensemble, sans chercher à éluder aucune des difficultés. — On voit ici, comme pour les eaux alcalines, que cette étude, bien comprise, embrasse trois parties distinctes, et qu'elle exige que notre travail se décompose, de même, en trois sections principales. Dans la première, nous dirons quelles sont les sources que l'on doit ranger parmi les eaux salines, et nous en établirons les caractères chimiques particuliers; dans la seconde, nous traiterons de leur action physiologique, suivant la classification nouvelle que nous avons créée ; enfin, la troisième sera consacrée à l'étude de leurs vertus thérapeutiques, c'est à
13
194 EAUX SALINES.
dire, aux indications et aux contre-indications qui dominent leur emploi. — Nous espérons, à l'aide de la méthode qui nous est propre, parvenir à introduire un ordre scientifique dans le chaos des eaux minérales salines, et faire pénétrer un rayon de lumière dans leur histoire générale, jusque-là si obscure.
Nous entendons par eaux minérales salines celles qui contiennent, comme principal élément minéralisateur, des chlorhydrates (1) ou des sulfates de soude, de potasse, de chaux ou de magnésie, en proportion assez notable pour leur devoir les propriétés médicales qui les caractérisent.
Cette définition nous semble circonscrire aussi nettement que possible la classe des eaux salines et la séparer, par des caractères physiques et constants, de toutes les autres espèces d'eaux minérales : définition et délimitation dont la science hydrologique était complètement dépourvue jusqu'à ce jour, comme on l'a vu plus haut. Elles permettent d'échapper aux inconvénients de la plupart des classifications, en fait d'histoire naturelle, et de décidera quelle classe appartient plus spécialement une source donnée : sans ce secours, il est des sources si faiblement minéralisées, ou dont les éléments divers sont en proportions telles, qu'elles sembleraient pouvoir se ranger, avec un égal à-propos, soit parmi les eaux salines , soit parmi les eaux alcalines ( Bourbon-Larchambault, Luxeuil), soit même parmi les eaux sulfureuses (Louëche, Tercis, Aix-laChapelle), ou ferrugineuses (Bagnère-de-Bigorre, Brides). Ces sources forment, pour ainsi dire, une transition insensible entre une classe et la suivante, et permettent de passer ainsi par degré d'une division à uns autre ; de telle sorte que, dans un livre bien ordonné, ces difficultés ap(1)
ap(1) nous avons adopté l'expression de chlorhydrate à la place de celle de chlorure, c'est que, médicalement parlant, nous avons trouvé le grand avantage d'introduire une complète uniformité dans notre nomenclature et plus de clarté dans le langage ; et même, en chimie, l'état de la science nous y autorise : « On a discuté longtemps pour savoir si des chlorure métalliques, une fois dissous dans l'eau, conservaient leur constitution binaire ou se transformaient en bydrochlorales d'oxyde. On attachait un grand intérêt à celte question, parce que, selon la manière dont elle aurait été résolue, on aurait ou l'on n'aurait pas rapproché cette classe de corps des combinaisons salines. Mais, depuis que l'on a acquis la conviction qu'il importe peu pour le progrès de la science que les chlorures soient considérés comme des sels ou comme des composés d'une nature particulière, cette discussion a perdu de son importance.., Pour nous, sans prétendre que les chlorures dissous soient des chlorhydrates d'oxydes,nous les considérons, cependant, comme étant doués de propriétés salines; à ce point de vue tout ce que nous dirons de général sur les sels, nous entendons l'appliquer aux chlorures dissous dans l'eau. » (Malaguti, Chimie élémentaire, 1853, p. 515.)
EAUX SALINES. 195
parentes deviennent presque une heureuse qualité, en servant de moyen de rapprochement. Nous avons dû faire ressortir, dès l'abord, ces particularités, afin de prévenir des objections qui ne pourraient s'appliquer avec justice au travail qui va suivre.
D'après la définition que nous venons de formuler, on voit de suite que l'on peut diviser les eaux minérales salines en deux catégories principales, suivant qu'elles sont minéralisées par
A. Des chlorhydrates de soude, de potasse, de chaux ou de magnésie ;
B. Des sulfates des mêmes bases.
Mais, comme souvent aussi nous trouverons des eaux salines dans lesquelles les sulfates et les chlorhydrates précités seront mélangés en proportions presque égales, ou du moins telles, qu'il deviendrait nécessaire de tenir compte simultanément de leur action individuelle sur l'économie animale, nous avons dû créer une troisième catégorie naturelle pour y comprendre ces eaux que nous appelons salines mixtes.
C. Chlorhydrates et sulfates réunis, des mêmes bases.
Ces trois divisions génériques admettent elles-mêmes des sous-divisions, suivant la prédominance, dans chacune d'elles, d'un sel de soude, de chaux ou de magnésie. Ainsi, nous aurons, soit des eaux chlorhydratées sodiques, ou calciques, ou magnésiennes, soit des eaux sulfatées calciques ou magnésiennes, suivant que l'on verra prédominer l'hydrochlorate de soude sur celui de chaux ou de magnésie, ou bien le sulfate calcique sur celui de soude, etc. Nous ne croyons pas devoir ici insister plus longuement sur des faits maintenant faciles à comprendre, et sur lesquels nous aurons d'ailleurs occasion de revenir en parlant de chaque section. Nous nous contenterons de renvoyer au tableau complet de notre classification des eaux salines, où l'on saisira d'un seul coup d'oeil l'ensemble de toutes ces divisions.
On ne peut attribuer l'action médicale des eaux minérales salines uniquement aux bases soude, potasse, chaux ou magnésie qu'elles renferment ; autrement elles seraient évidemment des eaux alcalines et en posséderaient les propriétés essentielles, ce qui n'est pas. — On ne doit pas l' attribuer non plus aux acides chlorhydrique ou sulfurique, combines a ces bases ; car ces acides, pris isolément, ne représentent point les effets médicaux des eaux salines : celles-ci n'agissent donc sur l'économie ni par leurs bases ni par leurs acides considérés à part, mais bien par le nouveau composé (sel) auquel ces deux substances combinées donnent naissance. On sait aujourd'hui, par les expériences de Liebig,
196 EAUX SALINES.
Woelher et Dumas, que les chlorhydrates et les sulfates basiques (sels qui constituent précisément notre classe des eaux minérales salines) introduits dans le torrent circulatoire par la voie de l'absorption, sont généralement indécomposables, et se trouvent plus tard éliminés en nature par divers émonctoires, spécialement par les reins. Il en est, an contraire, tout autrement pour les sels formés par des bases alcalines et des sels végétaux (tartrates, citrates, malates, etc.): les expériences de Liebig et de Woelher, en Allemagne, confirmées en France par M. Dumas, ont prouvé que ces dernières combinaisons se décomposaient dans l'économie, après leur absorption, pour se transformer en carbonates, et jouer alors le rôle d'alcalins. — Il faut donc regarder l'action des eaux salines comme résultant d'un tout particulier, sur lequel les forces chimiques proprement dites ont peu de prise dans le corps vivant. C'est un des motifs pour lesquels nous avons cru devoir recommander les analyses rationnelles.
Les eaux minérales salines sont très nombreuses, et il n'en est pas qu'il soit plus utile de classer, vu leur nombre et leur importance. - A priori, répétons-le, on pourrait supposer que ces eaux doivent se diviser en huit ou dix grandes familles, suivant que dominent les unes ou les autres des substances précitées; mais ici la théorie va plus loin que les faits : l'analyse chimique montre qu'un petit nombre de divisions peut suffire; car, non seulement la silice, la strontiane et la lithine, etc., ne s'y trouvent pas en proportion suffisante pour constituer des genres à part, mais encore la potasse est aussi jusqu'à ce jour dans le même cas, Les bases, en définitive, se réduisent à trois: la soude, la chaux et la magnésie.
Quant aux sels, nous ferons voir que ceux qui dominent réellement se réduisent à deux : les chlorhydrates et les sulfates ; de là deux grandes classes d'eaux minérales salines. En outre, il est des sources où les deux sels se rencontrent en proportion plus ou moins égales : nous en avons fait un troisième ordre. Trois lignes nous suffisent ainsi pour la classification générale des eaux minérales salines :
1° Eaux minérales salines chlorhydratées ;
2° Eaux minérales salines sulfatées ;
3° Eaux minérales salines mixtes (sulfatées et chlorhydratées).
Voilà pour nos trois ordres principaux : assurément ils présentent à l'esprit une image nette et bien déterminée ; ils ont ce premier avantage de nous sortir d'emblée de ce chaos dont se plaignent tous les auteurs. Quant aux sous-divisions, nous osons dire qu'elles seront éta-
EAUX SALINES CHLORHYDRATÉES. 197
blies ensuivant notre méthode, d'une façon non moins naturelle, d'après leurs caractères chimiques prédominants.
PREMIER ORDRE. — EAUX SALINES CHLORHYDRATÉES.
Commençons par bien établir ce que nous entendons par la dénomination Seaux salines chlorhydratées ; la question, on le verra, le réclame impérieusement ; les mots bien définis sont beaucoup pour la théorie des choses. Et d'abord nous n'avons pas voulu les appeler eaux muriatiques, comme M. C, James l'a fait dans la première édition de son Manuel des eaux minérales (1851). Car, outre que l'épithète de muriatique appartient à une époque où la nomenclature chimique était très défectueuse, cette dénomination a encore le désavantage de porter à croire à la présence de l'acide muriatique ou hydrochlorique à l'état de liberté, ce qui n'est pas. Les auteurs parlent de quelques eaux dans lesquelles se trouve de l'acide sulfurique libre, à savoir : 1° le Rio-Vinagre (Amérique), et 2° l'eau de Ruïz (Nouvelle-Grenade). Nous ne connaissons pas d'exemple semblable pour l'acide chlorhydrique ; car, dans l'espèce, la présence de cet acide dans les jets de vapeur du Vésuve est sans signification pour l'hydrologie médicale ; et d'ailleurs, s'il existe des eaux de cette composition, elles diffèrent essentiellement des eaux salines : il convient donc de leur donner aussi un nom différent. — Nous n'avons pas cru devoir les appeler non plus eaux chlorurées (comme le propose M. Durand-Fardel dans son Traité thérapeutique des eaux minérales, 1857), et cela dans la crainte que quelques praticiens ne s'en fassent une idée fausse en les comparant au chlorure de chaux des officines, à la liqueur de Labarraque, etc.
L'épithète de chlorhydratées nous a paru préférable pour des médecins; et aujourd'hui d'ailleurs les chimistes eux-mêmes se servent indifféremment des mots chlorure et chlorhydrate: citons à ce sujet une autorité que personne ne contestera. On sait qu'en distillant de l'eau naturelle chargée de chlorure de magnésium , on voit quelquefois passer de l'acide chlorhydrique; or, " dans ce cas, dit le professeur Malaguti, on pourrait se demander si la décomposition de l'eau a été de beaucoup inférieure à l'apparition de l'oxyde de magnésie, ou si elle l'a précédée
198 EAUX SALINES
immédiatement ; en d'autres termes, si c'est un chlorhydrate déjà préexistant qui se décompose, ou bien si c'est l'effet d'un double échange entre les éléments de l'eau ou du chlorure. L'état de la science ne permet pas de répondre, et chaque opinion est également admissible. » (Malaguti, Chimie élémentaire, 1853.) — Or, du moment que, scientifiquement le choix était libre, nous n'avons pas hésité, et, sans prétendre trancher la question, nous avons adopté le mot chlorhydrate, qui, selon nous est préférable pour des médecins et apporte plus de régularité dans la classification.
Nous débutons dans notre étude par les eaux salines chlorhydratées parce que ce sont celles qui se présentent les premières à l'esprit quand on parle d'une eau saline, le sel marin étant vulgairement le type des sels pour les gens du monde, comme pour les médecins. — Ces eaux sont aussi les plus nombreuses ; elles forment une famille considérable; il importe, pour s'y reconnaître, d'y établir un ordre méthodique ; nous espérons avoir trouvé une classification simple et naturelle, qui rendra, sous ce rapport, de notables services à l'art et à la science.
La section des eaux salines chlorhydratées se subdivise en trois groupes :
1° Eaux salines chlorhydratées sodiques;
2° Eaux salines chlorhydratées calciques-sodiques ;
3° Eaux salines chlorhydratées calciques-magnésiennes.
PREMIER GROUPE. EAUX SALINES CHLORHYDRATÉES SODIQUES.
La prédominance du chlorhydrate de soude, entre tous les éléments minéralisateurs, constitue les caractères chimiques particuliers de ce groupe, qui lui doit à la fois sa constitution chimique et ses principales propriétés médicales. Il renferme une quantité considérable de sources minérales ; parmi les principales d'entre elles nous allons en choisir quelques-unes qui puissent servir de type aux sous-divisions, et en révéler les vertus thérapeutiques, en procédant des plus fortes aux plus faibles.
CHLORHYDRATÉES. 199
WIESBADEN (DUCHÉ DE NASSAU). (Itinéraire; chemin de fer de Paris à Forbach et Manheim; de là, à Mayence ou Francfort.)
Petite ville de dix à douze mille âmes, bâtie sur le versant méridional des chaînes du Taunus, qui, lui formant un bassin ouvert seulement du côté du sud, l'abritent ainsi des vents froids du nord. Son climat se recommande surtout par l'égalité de sa température ; mais, en raison même de la disposition topographique des lieux, les mois d'été, suivant M. Ed. Lee, s'y font remarquer par des chaleurs excessives et énervantes. Wiesbaden est situé à 1,000 mètres au-dessus du niveau de la mer, à 9 kilomètres de Mayence. —Les sources de Wiesbaden sont au nombre de 13 (Braünn), et toutes thermales, à l'exception d'une seule (le Faulbrunnen), qui est froide (14° centig.) et ne contient en poids que la moitié des principes fixes du Kochbrunnen (fontaine bouillante). — Le volume d'eau qu'elles fournissent suffit au-delà des besoins de la consommation. Toutes ces sources présentent à peu près la même composition et paraissent venir d'une nappe commune. On fait usage, en boisson, principalement du Kochbrunnen, de l'Aigle et du Schützenhof.
Du reste, toutes les sources thermales fournissent des bains; il existait à Wiesbaden 34 établissements de bains, en 1854 (Braünn), 850 bassins ou baignoires munies de deux robinets pour l'eau chaude et l'eau froide, et de la contenance de 200 à 300 pintes (d'Allemagne) ; chaque cabinet de bains est fourni de douches ordinaires , de douches ascendantes, descendantes , sous forme de cascade ou de pluie. (Braünn, p. 38.)
Comme les sources thermales présentent, à peu de chose près, la même composition chimique , nous ne donnerons que deux analyses, à savoir celle de la source thermale la plus recherchée, le Kochbrunnen, et celle du Faulbrunnen, la seule qui soit froide,
200
EAUX SALINES
Kochbrunnen. Analyse par Fresenius, 1849.
Température 67 e. — Densité 1,0066. Chlorure de sodium 6 85565
— potassium 0 14580
— magnésium. ... 0 20391
— calcium 0 47099
— ammonium. ... 0 01672
— lithium 0 00018
Sulfate de chaux 0 09022
Carbonate de chaux 0 41804
— magnésie .... 0 01059
— baryte
— strontiane....
traces
Carbonate ferreux
— manganeux
0 00621
Bromure (magnésium) .... 0 00355
Phosphate de chaux 0 00059
Arséniate de chaux 0 00015
Silice 0 05992
Argile 0 00051
Matière organique traces
Total des principes fixes : 8 26265
Faulbrunnen. Analyse par C.-W. Philippi, Température froide.
5 405861
... 0 090019
0 106367
0 291368
0 013876
indéterm,
0 108120
0 256598
0 008147
indéterm.
0 000801
traces
traces
0 051258
traces
4 515427
Kochbrunnen. Remarquons que cette source renferme 6,83 de chlorhydrate de soude sur 7,65 d'éléments salins, pour un total de 8,26 en principes fixes ; c'est évidemment un beau type d'eau saline chlorhydratée sodique. — Elle est fortement minéralisée, et (indépendamment de ce qui tient à sa température) c'est surtout par ce sel qu'elle doit agir: la quantité de sulfate de chaux qui s'y ajoute est réellement insignifiante; il en est à peu près de même des proportions de fer et de manganèse que l'analyse y révèle. — C'est en analysant ces eaux que M. Walchener a pour la première fois constaté la présence de l'arsenic, qu'on a ensuite reconnue dans une foule de sources minérales. Nous devons aussi y signaler un peu de bromure de magnésium (0,003). Enfin ces eaux, qui sont peu gazeuses (C. James), renferment des alcalins et des silicates en quantité assez notable (0,487) pour aider à en rendre la digestion plus facile et contribuer à agir dans le sens des dissolvants.— L'eau de Kochbrunnen, à la dose de 3 à 4 verres, est ordinairement laxative ; l'estomac la supporte fort bien en général ; la saveur en est salée et ressemble à du bouillon léger. (Braünn.) On voit quelquefois la saturation.... Les bains sont excitants. On les recommande surtout contre la goutte et le rhumatisme : l'indication est de les donner dans la goutte à forme passive ou
CHLORHYDRATÉES. 201
atonique Elle avive d'abord les phénomènes, et le malade passe par
une période d'aggravation. — Il en est de même pour le rhumatisme, et nommément le rhumatisme noueux ; on les emploie contre certaines paralysies des membres, les entorses, les ankyloses incomplètes, les raideurs consécutives aux anciennes fractures, les plaies d'armes à feu lentes à cicatriser, etc. — En un mot elles se donnent dans les affections chroniques où il s'agit de produire une stimulation plus ou moins énergique. Les mêmes remarques se retrouvent dans M. Pâtissier ( Manuel des eaux minérales, 1837, p. 472), qui parle en outre des complications de scrofules et de syphilis, et dans Grandville (Manuel des bains d'Europe, 1846), qui note encore l'efficacité de Wiesbaden dans les obstructions abdominales, les hémorrhoïdes supprimées qui sont rappelées, etc.
Faulbrunnen. Cette source est analogue à la précédente; seulement elle a une proportion, moitié moindre, de substances minérales ; aussi pourra-t-elle convenir dans les cas où ces dernières seraient trop excitantes; et à ce sujet nous noterons que la température froide rendra alors cette substitution plus précieuse. —Médecin: M. Braünn.
HOMBOURG (LANDGRAVIAT DE HESSE).
Mite ville de cinq mille âmes, bâtie au pied du Feldberg, la plus élevée des montagnes qui forment la chaîne du Taunus, à 14 kilomètres de Francfort-sur-Mein. — Les sources jaillissent dans un vallon, au milieu d'une prairie à 1/2 mille environ de la ville. Chacune d'elles se trouve dans le centre d'un bassin en pierre entouré d'une grille et encadré d'un bouquet d'arbres ; elles sont toutes froides, gazeuses , au nombre de cinq; l'une d'elles est ferrugineuse (source Nouvelle). — La plus employée, en boisson, c'est la source Elisabeth ou Kurbrunnen ; on reserve pour l'usage des bains la Badequelle, qui, moins gazeuse et renfermant une faible dose de bromure de magnésium, est peu agréable au goût. — Nous donnons ici en regard l'analyse de la source Elisabeth et de la source l'Empereur. Cette analyse, qui est la plus récente que nous connaissions, ne fait pas mention de l'acide carbonique ; cependant ce gaz existe et se dégage aux sources. M. Liebig ( 1836) en avait porté dans son analyse la proportion à 1492,07 centimètres cubes pour la source Elisabeth, et pour la source de l'Empereur ( 1842 ), à 1700, 7 centimètres cubes.
202 EAUX SALINES
Analyse par MM. Figuier et Mialhe. (Journ. de Pharmacie, 1848.)
Source Elisabeth.
gr.
Chlorure de sodium 10 649
— magnésium 1 187
— potassium 0 050
Sulfate de chaux 0 027
Carbonate de chaux 0 940
— magnésie 0 560
Carbonate de fer 0 045
Silicate de soude 0 064
Total des principes fixes : 15 500
Source de l'Empereur.
gr. 15 021
1 302
0 027
0 018
1 027
traces
0 097
0 051
18 525
Ces deux sources, quoique minéralisées à un degré différent, présentent une grande analogie de composition : elles n'ont pas de bromures, et ne renferment que des proportions insignifiantes de sulfates ; elles doivent agir toutes les deux par les chlorhydrates qu'elles contiennent : la source Elisabeth en a 11,86 sur un total de 13,30 en principes fixes; et la source de l'Empereur 16,34 sur un total de 18,52. On peut juger a priori que cette dernière doit être plus purgative, et sera plus difficilement supportée que l'autre. Toutefois elles présentent toutes les deux une notable proportion de carbonates alcalins (source Elisabeth, 1, 30; source de l'Empereur, 1,02) auxquels il faut ajouter un peu de silicate de soude ( 0,06 ou 0,03 ) ; ces alcalins doivent contribuer à les rendre plus digestives. Nous ajouterons, en faisant remarquer qu'une quantité importante de chlorhydrate de magnésie ( 1,18 à 1,30) vient s'adjoindre à celui de soude et agir dans le même sens, que les eaux de Hombourg seraient probablement encore un peu plus purgatives, si le carbonate de chaux ne contre-balançait ce résultat dans une certaine mesure: autre propriété des alcalins calciques, qu'il ne faut pas négliger.
Nous remarquerons que " le docteur Müller considère les eaux de Hombourg comme particulièrement efficaces dans toutes les maladies qui exigent l'emploi des eaux minérales salines acidules ; et cette opinion a été adoptée, " ( Granville, ibid., p. 176.) — Ces eaux s'administrent en bains, en douches et en boisson surtout. La source Elisabeth est la plus fréquentée; c'est la moins minéralisée, et c'est par elle qu'on commence le traitement. La source de l'Empereur est la plus purgative de toutes; c'est aussi la plus forte ; on ne l'emploie que vers la fin de la cure, parce qu'elle est moins bien supportée. Les maladies qu'on traite à Hombourg avec le plus de succès, d'après M. Stoeber (Eaux minérales de Hombourg,
CHLORHYDRATÉES. 203
1844), sont les affections abdominales que caractérisent des troubles de la digestion, des borborygmes, des flatuosités, un vague sentiment de tension et de plénitude dans tout le ventre, des alternatives de constipation et de diarrhée; elles ont sur l'hypochondrie et les hémorrhoïdes la plus heureuse influence. M. Gardey fait les mêmes remarques. Médecin: M. Gardey.
SODEN (DUCHÉ DE NASSAU).
Village de 700 âmes, placé entre Wiesbaden et Hombourg, à 13 kilomètres de Francfort.— Les chaînes du Taunus l'abritent des vents du nord et de l'est, l'air y est pur, le climat tempéré. — Soden possède un grand nombre de sources d'eau minérale, généralement gazeuses, et qu'on distingue par un numéro d'ordre ; elles forment toutes dans leurs bassins un dépôt ocreux (fer). Leur température est d'environ 19° 55 R. (96° Farenh. ) ; elles sont peu gazeuses ( Granville ) ; elles se prennent en boisson.
Analyse par MM. L. Figuier et Mialhe. (Journ. de Pharmacie, 1848, t. XIII.)
Source n° 6 B. — Température 15° R.
Chlorure de sodium 10 898
— magnésium. ... 0 284
— potassium .... 0 229
11 411
Sulfate de chaux 0 082
Carbonate de chaux 0 979
— magnésie .... 0 098
1 077
Carbonate de fer 0 037
Silicate de soude 0 064
Total des pincipes fixes : 12 671
Source n° 6 A. — 15° R.
14 527
0 311
0 207
14 845
0 094
0 540
0 108
0 648
0 043
0 061
15 691
Nous ferons, pour Soden, les mêmes réflexions que pour Hombourg : quoique minéralisées à un degré différent, ces deux sources ont une grande analogie de composition; nous ne croyons pas devoir répéter en détail, pour Soden, ce que nous avons dit pour Hombourg, sur la prédominance du chlorhydrate sodique, sur la proportion insignifiante du sulfate de chaux, sur l'influence que doivent exercer les carbonates alcalins, etc. : les corollaires à en tirer sont identiques ; seulement, la théorie nous fait croire que, renfermant relativement moins de carbonate de chaux, elles sont peut-être plus purgatives. Voici ce qu'on en dit ;
204 EAUX SALINES
« Sources n° 6, A et B, mêmes propriétés et mêmes usages que le n° 4.» Or, voici ce qu'on lit sur le n° 4 : « 16 degrés, purge beaucoup... Source très peu gazeuse, conseillée principalement dans les embarras de la veineporte et les obstructions des viscères abdominaux. Elle agit comme un puissant révulsif dans les congestions de la tête et de la poitrine, surtout quand il est question de rappeler d'anciens flux hémorrhoïdaux." (C.James.) «Le muriate de soude domine dans toutes les sources de Soden, ce qui leur donne un goût saumâtre que la faible proportion de
gaz acide carbonique qu'elles contiennent ne suffit pas à corriger. » (Granville, ibid.) — Médecins : MM. Kolb, Thillenius.
BALARUC (HÉRAULT).
Situé sur les bords de l'étang de Thau, à 20 kilomètres de Montpellier, et à 6 de Cette, Balaruc ne possède qu'une source thermale. Sa température est de 48 degrés au griffon, de 45 dans le bassin, et de 43 aux robinets des baignoires.L'eau en est onctueuse au toucher; elle a une saveur salée, légèrement amère ; c'est principalement en bains et en douches qu'on en fait usage ; et c'est en partie à sa thermalité qu'elle doit la réputation dont elle jouit dans certaines affections (rhumatisme, paralysie, etc.).
Analyse par MM. Marcel de Serres et Figuier, 1848.
Acide carbonique peu
gr.
Chlorure de sodium 6 802
— magnésium. ... 1 074
Sulfate de chaux 0 805
— potasse 0 055
Carbonate de chaux 0 270
Carbonate de magnésie .... 0 050
Bromure de sodium 0 003
— magnésium .... 0 052
Carbonate de fer traces
Silicate de soude 0 013
Total : 9 080
Sur une somme de 9,08, en principes fixes, Balaruc offre 7,87 de chlorhydrates, parmi lesquels le sel marin figure pour 6,80, et le chlorhydrate de magnésie pour 1,07 ; ces eaux doivent ainsi être purgatives; le chiffre des sulfates n'est que de 0,85, et celui des carbonates alcalins de 0,30. Rappelons que M. Balard y a, le premier, constaté la présence du brome ; MM. L. Figuier et Mialhe, qui ont dosé les bromures, les évaluent à 0,035. A l'appui de ces résultats, nous devons faire observer qu'une analyse faite précédemment par M. Brongniart donne des
CHLORHYDRATÉES. 205
proportions semblables : 1° principes fixes, 9,25; 2° chlorure de sodium, 6,25; de magnésium, 1,40 ; 3° sulfate de chaux, 0,58 ; 4° carbonates, 0,41. — L'eau de Balaruc est purgative à la dose de 7 à 8 verres, et très purgative à la dose de 2 à 3 litres par jour.
On les emploie avec succès dans les affections scrofuleuses, les engorgements abdominaux, les rhumatismes chroniques, les raideurs et les contractures qui succèdent aux entorses, aux luxations et aux fractures, etc. (Pâtissier, Manuel, 1837.) N'omettons pas un phénomène que nous retrouverons plusieurs fois dans l'étude des eaux salines: «Les eaux de Balaruc s'emploient avec succès contre les fièvres intermittentes rebelles, si communes dans celte contrée. » (Pâtissier, ibid., p. 381.) On les a beaucoup vantées contre les paralysies, même celles d'origine cérébrale; nous reviendrons sur cette question dans le chapitre de thérapeutique.
KISSINGEN (BAVIÈRE).
Altitude 1,323 pieds. — Température 10 à 11° c.
Petite ville située clans la Basse-Franconie, à 120 kilomètres de Francfort, dans une riante vallée qui court du nord au sud, traversée par la rivière la Saale et environnée de coteaux fertiles en fruits. Les sources (toutes fraîches) y sont au nombre de trois : le Rakoczy, le Pandur et le Maxhrunnen; elles sont fortement gazeuses et bouillonnent vivement; l'eau en est limpide, mais, exposée à l'air, elle laisse déposer un sédiment ocracé. Sa saveur est acidulé, légèrement salée, laissant un arrière-goût un peu amer. Il existe à Kissingen des bains, des douches, des bains de vapeur, des étuves et des salles d'inhalation. L'eau du Rakoczy sert surtout pour la boisson à la dose de trois à six verres. Le Pandur est principalement utilisé en bains.
206 EAUX SALINES
Analyse par Liebig. (Journal d'Hydrologie, 1855.)
RAKOCZY. PANDER. . MAXBRUNNEN.
Acide carbonique libre 1574cc084 1815cc265 1087cc109
gr. gr. gr.
Chlorure de sodium 5 8220 5 52068 2 28192
— potassium 0 2869 0 24138 0 11860
— magnésium 0 3424 0 21102 0 06661
Sulfate de magnésie 0 5871 0 59776 0 25757
- chaux 0 3893 0 30044 0 15811
Nitrate de soude 0 0095 0 00352 0 08519
Carbonate de magnésie 0 0170 0 04478 0 07502
- chaux 1 0609 1 01485 0 60232
Phosphate de chaux 0 0056 0 00522 0 00413
Chlorure de lithium . . . 0 0200 0 01679 0 00057
Carbonate de fer 0 0515 0 02640
Bromure de sodium 0 0084 0 00657 »
Acide silicique 0 0129 0 00410 0 00908
Ammoniaque 0 0009 0 00884 0 00850
Iodure de sodium, borate de soude, sulfate de strontiane, fluorure de calcium, phosphate d'alumine, carbonate de manganèse . traces traces traces
Total des sels : 8 55487 8 00637 3 64705
De ces trois sources, le Rakoczy et le Pandur sont les plus minéralisés et le sont à peu près au même degré. Le Maxbrunnen, peu charge en éléments minéralisateurs, est employé comme eau acidulé gazeuse dans les grandes chaleurs. Les sources de Kissingen, outre une proportion assez considérable de sel marin (5 gr. 2 à 5 gr. 8) contiennent 1 gr. de carbonate de chaux qui leur communique quelques-unes des propriétés des eaux alcalines calciques. — C'est le Rakoczy qui est utilisé surtout en boisson. Il donne de l'activité aux digestions,dans les premiers jours; mais, dès la deuxième semaine, la langue se charge d'un enduit sa» ral, les selles deviennent irrégulières, et l'appétit est plutôt diminue. (Ed. Lee.) Suivant le dr Balling, il faut boire l'eau du Rakoczy jusqu'à ce que le malade commence à éprouver un sentiment de malaise ou de dégoût : ce sont là les symptômes que la saturation est atteinte. (Ed. Lee.)
Ces eaux sont renommées dans les affections intestinales désignées sous le nom de saburrales. Suivant le dr Granville, un demi-verre de Rakoczy, pris le matin en s'éveillant, dissipe les malaises qui suivent
CHLORHYDRATÉES. 207
les excès de table. (Op. cit., p. 154.) —On les conseille, avec succès, dans les affections qui reconnaissent pour cause la pléthore abdominale, et le ralentissement de la circulation de la veine-porte, avec congestion du côté du foie. (Ed. Lee.) Elles sont aussi utiles dans les menstruations difficiles, irrégulières. — « On voit disparaître les leucorrhées qui se rattachent à l'atonie des organes génitaux. »—Enfin, l'eau du Rakoczy, combinée avec des bains du Pandur, a heureusement modifié, et même, suivant le dr Maas, a guéri la goutte, surtout lorsqu'elle se compliquait de mauvaises digestions.
Les eaux du Rakoczy perdraient par le transport, suivant Lee, quelque chose de leurs propriétés. La saveur change, et leur action se porterait de préférence sur les reins, plus rarement sur les intestins. (The baths of Germany, p. 181.)
BOURBONNE (HAUTE-MABNE).
Bourbonne est à 60 kilomètres de Nancy et de Resançon, et à 280 kilomètres de Paris, en passant par Troyes, Bar-sur-Aube et Langres. — On y trouve un établissement civil et militaire. Bourbonne a trois sources thermales : 1° la Matrelle ou Fontaine-Chaude, sur la place, température 46° : on l'emploie surtout en boisson ; la saveur en est un peu amère; 2° le puisard ou grande source qui fournit l'établissement; 3° celle qui alimente l'établissement militaire. — Le Vieux-Bain, destiné aux hommes, contient 32 cabinets, avec des cabinets de douches distincts. — Le bain des Dames, de construction récente, possède 30 cabinets pour bains et douches. C'est généralement sous forme de bains et de douches que l'on emploie les eaux de Bourbonne, qui, avec celles de Balaruc et de La Motte, sont les plus chargées de sel marin en France. Elles sont très usitées en boisson à la dose de 2 à 4 verres le matin; Bourbonne est sujet à des variations assez brusques de température ; il y tombe beaucoup de pluie.
Analyse par MM. L. Figuier et Mialhe. (Journ. de Pharmacie, 1848, t. XIII.)
Source de la Place. — 58°.
gr.
Chlorure de sodium 5 783
— magnésium .... 0 592
Sulfate de chaux 0 899
— potasse 0 149
Carbonate de chaux 0. 108
Bromure de sodium 0 065
Silicate de soude 0 120
Total des sels : 7 546
Source de l'Etablissement. — 57.
gr. 5 771
0 581
0 879
0 129
0 098
0 064
0 120
7 481
208 EAUX SALINES
Le lecteur sera frappé, comme nous, de l'identité de composition de ces deux sources : en prenant pour type celle de l'établissement, ou voit que, sur 7,48 de sels, il y a 6,15 pour les chlorhydrates, parmi lesquels le chlorhydrate sodique figure pour 5,77 ; les sulfates sont en très minime proportion (1,008), ainsi que les alcalins (0,09), malgré l'adjonction d'un peu de silicate (0,12). En somme, disons que c'est le sel marin qui doit surtout agir ici, sans oublier toutefois les bromures. Ces eaux doivent être toniques, apéritives et fondantes; moins chaudes, elles seraient sensiblement laxatives. — MM. Ed. Lee et C. James comparent Bourbonne à Wiesbaden. « Quelques verres excitent l'appétit, activent les fonctions des reins et de la peau, mais ne paraissent avoir aucune action spécifique sur aucun organe. » On les préconise dans les paralysies, les plaies d'armes à feu, les rhumatismes, les contractures et les pseudo-ankyloses, etc. Notons que les auteurs s'accordent à dire qu'elles sont très-efficaces dans les engorgements abdominaux, notamment ceux du foie et de la rate, qui sont consécutifs à des fièvres intermittentes, et que, dans les soldats de l'hôpital, on en voit beaucoup qui ont contracté ces maladies en Algérie. (Ed. Lee.) — Nous mentionnerons, sous toutes réserves, la singulière propriété qu'on leur attribue, de ramollir les fibro-cartilages et le tissu osseux, ce qui les rendrait fort dangereuses dans les fractures mal consolidées. (Lefaivre, 1820; Magistel, 1828: Pâtissier, 1837; C. James, 1851.) —Cependant, M. Bougard n'a pas vu une seule fois le traitement thermal déterminer le rammollissemeut du cal dans les fractures récemment consolidées. (Dissert, sur les eaux de Bourbonne, 1856.) —Médecins : MM. Renard, Magnieu, Bougard.
FORBACH (MOSELLE). Analyse par M. O. Henry.
gr. Chlorure de sodium 5 420
— magnésium. ... 0 160
— potassium traces
Sulfate de soude 0 500
— chaux 0 150
Carbonate de chaux
— magnésie
0 520
Alumine traces
Matière organique
Fer . .
0 130
Total: 6 480
Forbach présente un type assez pur en fait d'eaux salines chlorhydratées sodiques ; si nous ne l'avons pas placé en tête de notre chapitre,c'est, d'une part, que nous suivons une progression chimiquement décroissante
CHLORHYDRATÉES. 209
dans l'exposé des sources de cet ordre, et que d'autre part Forbach, étant peu connu, eût moins servi à éclairer qu'à embarrasser la question ; MM. Granville (Guide, 1849); C. James (Manuel, 1851); Ed. Lee (The baths of France, 1854), etc., n'en font pas mention; M. Pâtissier se borne à dire que ces eaux sont peu utilisées, mais qu'elles mériteraient de l'être.
M. Mége compare les eaux de Forbach à celles de Niederbronn et fait observer qu'elles sont encore plus minéralisées. Il établit qu'elles seront utilement administrées dans les maladies chroniques, sans irritation des organes gastriques, pulmonaires et génito-urinaires ; dans les engorgements articulaires et glandulaires, dans les affections herpétiques et psoriques. (Gaz.mêdic, 1835, p. 766.) Le lecteur va juger de l'exactitude de ce parallèle.
NIEDERBRONN (BAS-RHIN).
Bourg situé à 192 mètres au-dessus du niveau de la mer, à 36 kilomètres de Strasbourg, dans une étroite vallée, et qui possède deux sources gazeuses, renfermées dans un bassin de pierre. Niederbronn n'a pas d'établissement thermal proprement dit: les bains se prennent dans la chambre des malades, où l'eau chauffée convenablement est portée par des gens de service : on n'y trouve ni piscine ni étuves.
Analyse par MM. Figuier et Mialhe. (Journ. de Pharmacie, 1848.) Température 18° c.
gr.
Chlorure de sodium 5 070
— magnésium. ... 0 288
— potassium .... 0 260
— calcium 0 825
Sulfate de chaux 0 090
Carbonate de chaux 0 120
Silicate de soude traces
Bromure de magnésium .... 0 260
— sodium 0 040
Carbonate de fer 0 091,
5 014
On voit que, sur un total de 5,044 en principes fixes, il y a 3,618 de chlorhydrates, parmi lesquels le chlorhydrate de soude entre pour 3,070; c' est a ce sel que revient évidemment la part active dans l'action de ces eaux. Toutefois, s'il est vrai qu'elles sont faiblement alcalines (0,12) et que la proportion des sulfates y est insignifiante (0,090 ), il ne faut pas omettre qu'elles sont sensiblement ferrugineuses (0,09) et très notablement bromurées( 0,30), à tel point que, mieux étudiées, elles pourront peut-être offrir une sorte de transition naturelle aux eaux bromurées.
14
210 EAUX SALINES
Dans tous les cas, leur composition est complexe, et leurs effets aussi et, si le chlorhydrate de soude y prédomine, ce n'est évidemment pas la seule substance agissante.
« Les eaux de Niederbronn, prises en boisson, excitent doucementla membrane muqueuse de l'estomac et sont laxatives. » (Pâtissier, Manuel, 1837.) On remarquera ici que leur effet laxatif n'est pas contrarié par une température élevée: elles sont fraîches, 17 à 18°. « L'eau de Niederbronn est assez franchement purgative. On attribue ces effets à l'action des sels de magnésie qu'elle tient en dissolution; mais, dit M. James, qu'on me permette à cet égard une simple réflexion : il existe dans ces sources une dose tellement faible de magnésie, qu'elle atteint à peine 30 centigrammes, tandis que l'eau de Sedlitz artificielle en renferme plus de cent fois autant. Or, j'ai donné des soins à un malade qu'un seul verre d'eau de Niederbronn suffisait pour purger, alors qu'une bouteille entière d'eau de Sedlitz, même à 45 grammes, n'amenait aucun résultat, Il y a donc, dans l'association des principes constitutifs de l'eau minérale, quelque chose de tout à fait particulier, " (Guide, 1851.) Notons qu'il faut surtout tenir compte de l'hydrochlorate de soude et de la température froide de l'eau, " Ces eaux conviennent dans la débilité et l'état muqueux de l'estomac, les engorgements chroniques du foie et de la rate. la jaunisse, les calculs biliaires, le catarrhe vésical, la leucorrhée, la chlorose, les scrofules, les maladies de la peau, etc. » (Pâtissier, Manuel, 1837.) « Les eaux de Niederbronn sont apéritives, toniques, diurétiques et doucement purgatives. » ( Granville, Guide. )
Nous renvoyons au chapitre de la thérapeutique, l'appréciation des travaux récemment entrepris sur ces eaux, par M. Kuhn entre autres : ajoutons que, d'après ce médecin, le diabète, loin d'être soulagé, serait une contre-indication de l'usage des eaux de Niederbronn. (Annales de la Société d'hydrol., t. I, p. 40.)— Médecin: M. Kuhn.
SOULTZBAD, le Bain de Soultz (BAS-RHIN).
Située dans un riant vallon, au milieu du vignoble de Wolschein, cette source jaillit du sein de couches de grès bigarré. L'eau en est claire, limpide, froide, peu gazeuse, d'une saveur notablement salée; concentrée, elle laisse déposer de la chaux et de la magnésie ; soumise à l'évaporation, elle abandonne du sulfate de chaux et enfin une abondante cristallisation de sel marin. Sa densité est de 1,0034. La source ne peut fournir que 150 à 200 bains par jour.
CHLORHYDRATÉES. 211
Analyse. (Koppet-Persiz, 1844.)
gr.
Acide carbonique libre. .... 0 056
Chlorure de sodium 3 189
Sulfate de soude 0 267
— magnésie 0 200
- chaux 0 278
Bicarbonate de chaux 0 431
Bromure Iodure
gr. potassique. ... 0 012
Silice 0 004
Acide phosphorique
Oxyde de fer, matière organiq.
traces
Total des sels : 4 381
Le docteur Eissen a publié (1857) sur ces eaux une Notice que nous allons mettre à contribution : les eaux de Soultzbad sont principalement employées à l'extérieur en bains, douches, lotions, injections, dans les diathèses rhumatismale, goutteuse, herpétique et syphilitique. A l'intérieur elles sont peu utilisées et l'on doit y apporter beaucoup de modération. M. le docteur Eissen les regarde comme contre-indiquées dans l'état de grossesse, la période menstruelle, les dyspepsies de nature gastralgique et les affections cancéreuses. — Enfin,comme ces sources sont bromurées et iodurées, elles lui paraissent convenir dans les maladies où les eaux de cette classe sont recommandées (manifestations diverses de la scrofule).
AIX-LA-CHAPEILLE (PRUSSE RHÉNANE). (Itinéraire: à 169 kilom. de Bruxelles; chemin de fer par Louvain et Liége.) Les sources, au nombre de six, sont distinguées en supérieures et en inférieures.
Analyse par Liebig. (Journ. de Pharmacie, 1851, t. xx.)
SOURCE SOURCE DE SOURCE DE SOURCE
de l'Empereur. 55° Cornélius. 49°7 Rozen. 47°. de Quirinus. 45°.
gr. gr. gr. gr.
Chlorure de sodium . ... 2 6594 12 63 2 4651 2 5458 2 5959 2 59
Sulfate de soude 0 2827 .. 0 2866 0 2822 0 2920
0 45 0 44
— potasse .... 0 1544 0 1566 0 1540 0 1516
Carbonate de soude . ... 0 6504 0 4979 0 5292 0 5526
— chaux. ... 0 1585 0 85 0 1317 0 1859 0 1718 0 75
— magnésie. . . 0 0514 0 0249 0 0265 0 0554 Carbonate de protox. de fer 0 0095 0 0059 0 0059 0 0052
— lithine. ... 0 0003 0 0003 0 0002 0 0002
— strontiane. . 0 0002 0 0001 0 0002 0 0002
Sulfure de sodium 0 0095 0 0054 0 0074 0 0025
Bromure de sodium. ... 0 0036 0 0056 0 0036 0 0056
Mure de sodium 0 0005 0 0004 0 0004 0 0005
Silice 0 0661 0 0597 0 059 0 0620
Matière organique . . . . 0 0751 0 0927 0 0915 0 0978
Total des sels fixes : 4 1019 5 7505 5 8907 5 9696
212 EAUX SALINES
Chacun sera frappé de l'analogie de composition de ces quatre sources: en prenant pour type celle de l'Empereur, on voit que, sur 4,10 en principes fixes, il existe 2,63 de chlorhydrate sodique; ces eaux sont très peu sulfatées (0,43 ), mais sensiblement alcalines (0,85 ) et un peu iodobromurées ( 0, 0041 ). Elles doivent agir par leur température et leur chlorhydrate sodique surtout, et un peu par leurs alcalins et les iodobromures. Ces eaux sont surtout employées en bains et en douches. On débute par la douche qui dure environ une demi-heure, et l'on termine par le bain qui n'est qu'à 35 ou 36° et dont la durée est également d'une demi-heure. Par leur thermalité élevée, que l'on met toujours en jeu, les eaux d'Aix-la-Chapelle provoquent sur l'organisme les phénomènes d'excitation que nous avons étudiés avec soin. Les indications et les contreindications en découlent naturellement et sont les mêmes que celles que nous avons signalées. Suivant M. Pâtissier, ces eaux ont une vertu énergique. On les préconise dans les affections scrofuleuses, les vieux ulcères, quelques caries, les maladies de la peau ; contre le rhumatisme et certaines formes de la goutte, surtout la goutte molle ; les maladies anciennes du tube digestif, les engorgements du foie, de la matrice, etc. Les auteurs s'accordent à signaler leur efficacité dans les hémorrhoïdes, les irrégularités de la menstruation, la saturation mercurielle, les coliquesmétalliques, les fièvres intermittentes rebelles, etc. Hufeland les recommande dans l'hypochondrie.
BADEN-BADEN (DUCHÉ DE BADE). ( Itinéraire : chemin de fer de Strasbourg à Kehl, et de là directement à Bade,)
« Bade ou Baden est une petite ville, près du Rhin, à 2 lieues de Rastadt, 8 de Strasbourg et de Carlsruhe. — La position de la ville est agréable et pittoresque, entourée de collines couvertes de bois de sapins, et à peu de distance de la Forêt-Noire. Parsemé de belles promenades, pourvu de toutes les commodités du luxe, Bade est devenu le rendezvous de l'Angleterre, de la France et de l'Allemagne. Mais il faut reconnaître que, dans ce grand nombre d'étrangers, il n'y a qu'une très petite proportion de baigneurs. Ses sources au nombre de 13 (la principale s'appelle Nisprung, tempér. 60° c. ) sourdent des flancs d'un mont granitique sur lequel la ville est adossée, et de là sont distribuées dans les divers établissements de bains. Les eaux sont claires et limpides, légèrement salées, d'une saveur analogue à celle du bouillon et d'une odeur
CHLORHYDRATÉES. 213
comme sulfureuse. Leur densité est d'environ 1,030; leur température varie de 37 à 60°. — Chacun des principaux hôtels de la ville possède un établissement de bains. » ( Pétrequin, Voyage médical. — Voyez Annales de gynécologie, 1841.) Ses eaux s'emploient en boisson, bains, demi-bains, douches, et localement en petites douches contre la surdité et les maux d'yeux.
Source principale. Analyse par M. Bunsen, 1 858. (Revue d'hydrologie du dr Robert, n° 1.)
cc. Acide carbonique 19 79
gr. Chlorure de sodium 2 1511
— potassium. ... 0 1638
— magnésium ... 0 0127 Sulfate de chaux 0 2026
— potasse 0 0022
Phosphate de chaux 0 0028
Bicarbonate de fer 0 0048
Manganèse, arséniate de fer. . traces
Bicarbonate de chaux .... 0 1657
— magnésie... O 0055
— ammoniaque . 0 0066
Acide silicique 0 1190
Alumine 0 0011
Bromure de sodium traces
Nitrate, acide propienique . . traces
2 8379
M. Kramer considère ces eaux comme très excitantes ; elles le sont en effet, si on les emploie à haute température. On les combine quelquefois avec le sel de Carlsbad (sulfate de soude). On les coupe souvent avec du lait, a Elles exercent sur la peau une action particulière que je n'ai trouvée mentionnée dans aucun auteur : elles rendent la peau sèche et rugueuse, ce que j'attribue à la proportion des sels de chaux. —M. Pitchafft m'a assuré qu'elles lui avaient souvent réussi dans la dysménorrhée torpide, dans la stérilité qu'on rencontre chez des femmes scrofuleuses ou mariées à des individus entachés du vice syphilitique. M. Ruex m'a affirmé qu'elles produisaient de bons effets dans les flueurs blanches, les dérangements de la menstruation et quelques hystéries. Tous les auteurs «accordent à les conseiller dans la chlorose, le rachitisme, la scrofule, etc. » (Pétrequin, op. cit.) — Bade est plutôt un séjour de plaisance qu'une véritable station médicale.
BOCRBON-L'ARCHAMBAULT (ALLIER).
Altitude 270m. — Température 60° c.
( Itinéraire : de Paris à Moulins, 542 kilom. en chemin de fer; de Moulins à Bourbon, 25 kilom.)
Bourbon-l'Archambault possède une source thermale qui fournit 2,400
214 EAUX SALINES
mètres cubes d'eau en 24 heures, et une source ferrugineuse (source Jonas) froide. — On y compte 16 cabinets de bains, munis chacun d'un appareil de douches, fixé au-dessus des baignoires. Il y a une douche écossaise, deux cabinets de douches ascendantes ; mais il n'existe ni piscine, ni bains, ni douches de vapeurs. (Pâtissier, Rapport de 1854.)- L'eau thermale est douce, onctueuse au toucher, bouillonnante parla grande quantité de gaz qu'elle dégage ; sa surface est couverte de conferves.
Analyse par M. O. Henry, 1842.
Source thermale. Acide carbonique 1/6 vol.
Chlorure de sodium 2 240
— magnésium. . . .
— calcium
0 070
Sulfate de soude
— potasse
— chaux
0 231
Carbonate de soude 0 367
— magnésie .... 0 470
— chaux 0 507
Silicate de soude 0 060
— alumine
— chaux
0 570
Crenate de ter 0 017
4 342
Source Jonas (ferrugineuse). Acide carbonique 1 5 vol.
Chlorure de sodium
— magnésium . . . .
gr.
0 100
Sulfate de soude o 027
— chaux 0 012
Bicarbonate de chaux 0 201
— magnésie. ... 0 076
Silicate de chaux
— alumine
0 501
— soude 0 020
Crénale ou carbonate de fer . . 0 010 Oxyde de magnésium traces
0 977
L'eau minérale d'Archambault paraît de prime abord aussi saline que celles d'Aix-la-Chapelle et de Niederbronn ; mais, en y regardant de plus près, on distingue que, sur un total de 4,34, les éléments salins ne figurent que pour 2,54 ; et, en regard des chlorhydrates (2,31 ), il faut placer les carbonates (1,34) et les silicates (0,43), qui élèvent réellement à 1,77 le chiffre des alcalins, C'est donc une eau minérale saline alcaline, qui peut servir de transition, comme quelques-unes des suivantes, de la classe des salines à la classe des alcalines. C'est à ce point de vue qu'on doit étudier son action, tout en tenant compte de sa thermalité.
« Cette eau thermale a une action stimulante : elle accélère la circulation, rend plus actives les sécrétions des reins et de la peau, tend a produire plutôt la constipation que la diarrhée. ( Notez qu'on les boit chaudes. ) Elle est efficace dans toutes les maladies qui dépendent de la faiblesse ou du relâchement des tissus, et dans celles où il faut ranimer le
CHLORHYDRATÉES. 215
sentiment et le mouvement. » (Pâtissier, Manuel, 1837. ) Elle est dianhorétique et diurétique, mais constipante. (C. James.) On la conseille dans les paralysies rhumatismales et traumatiques, dans les coliques hémorrhoïdaire et hépatique, dans les troubles de la menstruation, dans les tumeurs blanches rhumatismales, dans les ulcères, suite de plaies par armes à feu, etc. (Faye, Statistique de 1824 à 1833. )
MULHAUSEN (ALLEMAGNE). Température 11° 25. — Densité 1,003. — Analyse par Graeger.
gr.
Chlorure de sodium 1 590
— potassium traces
Sulfate de chaux 0 846
Carbonate de chaux 0 861
— magnésie .... 0 195
Silice traces
2 712
A mesure que nous descendons dans l'échelle des eaux minérales, leurs caractères génériques deviennent moins tranchés: s'il est vrai qu'ici, sur une somme de 2,71 de sels fixes, on trouve 1,59 pour les chlorhydrates sodiques, et que cette prédominance les rattache forcément à l'ordre que nous avons établi, il est toutefois incontestable que la quantité de sulfates (0,84), quoique faible, est séparée déjà des chlorhydrates par une proportion relativement moindre, et qu'en définitive, on s'approche ainsi de la classe que nous avons appelée eaux salines mixtes. — Les eaux de Mulhausen sont peu connues : MM. Pâtissier, Granville, C.James, Ed. Lee, etc., n'en font pas mention.
TERCIS (LANDES).
Commune du canton de Dax. L'on y trouve des baignoires de marbre et quelques appareils de douches. L'établissement est environné d'une jolie promenade et d'un jardin anglais.
Analyse. (Thoré et Meyrac. )— Température 28°.
gr. Chlorure de sodium 2 124
— magnésium.... 0 225
— calcium traces
Sulfate de chaux 0 021
6rCarbonate de magnésie. ... O 085
— chaux 0 042
Matière terreuse 0 032
2 527 (1)
(1) On pourrait, au sujet de Tercis, renouveler la discussion qui a été soulevée à propos
216 EAUX SALINES
Cette eau est employée à l'intérieur et à l'extérieur, en bains; « elle est onctueuse à la peau comme si l'on y avait dissous du savon. » (Pâtissier, Rapport, 1854.) — M. Dabadie les conseille dans les gastrites chroniques et les obstructions intestinales, " Les rhumatismes, d'après M. Massie, obtiennent de l'emploi des bains et des douches un soulagement sensible, et même la guérison quand il n'existe pas de tophus ni d'hydarthrose. Ces bains se montrent également salutaires dans les affections nerveuses et les dermatoses. » (Pâtissier, Rapport, 1854.)
Médecin : M. Massie.
LUXEUIL (HAUTE-SAÔNE).
Altitude 300 m. — Température 40 à 63° c.
« Luxeuil moderne, dont la population est d'environ 4,000 âmes, est situé dans une plaine longue et pittoresque, arrosée par deux petites rivières, au pied des montagnes des Vosges. Traversé par cinq grandes routes, Luxeuil est à 6 lieues de Vesoul et de Plombières, entre Epinal et Besançon (à 418 kilomètres de Paris, 69 de Bourbonne). — Ses thermes ont joui d'une réputation fort ancienne; l'établissement actuel, qui est un des plus beaux de France, est au nord de la ville, au milieu d'un jardin pittoresque; il possède 11 sources thermales et 1 ferrugineuse.» (Pétrequin, Voyage médical, 1841.) L'établissement renferme 6 piscines, un grand nombre de cabinets ayant 60 baignoires, 14 douches descendantes, 6 douches vaginales, 1 douche écossaise, 1 douche ascendante, 2 cabinets de vapeur et 1 étuve. (Chapelain.) L'eau ferro-manganifère est administrée en boisson et en bains ; cette source, très abondante (50 à 60,000 litres par 24 heures), a une température de 35° c. (Billout.)
d'Aix-la-Chapelle, dont les eaux seraient sulfureuses d'après M. C. James, et ne le seraient pas d'après M. Fontan : « La source de l'Empereur, qui passe pour être une des plus sulfureuses de l'Europe, perd, dit M. Fontan, par la simple chute de l'eau dans la baignoire, tout son principe sulfureux, et l'eau de cette source devient dans le bain une simple source salée chloronatreuse (lisez eau saline chlorhydratée ), comme elle était à son origine, avant d'avoir contracté un peu de sulfure par son passage à travers des matières organiques. » Liebig, de son. côté, affirme que les eaux d'Aix-la-Chapelle ne renferment pas d'acide sulfhydrique libre. — Pour Tercis, nous n'avons pas à invoquer de pareilles autorités, et l'analyse de ses eaux est à refaire.
CHLORHYDRATEES.
217
Analyse par Braconnot, 1838. (Aliès, Etudes sur les Eaux de Luxeuil, 1850.)
Bain des Bénédictins.T Grand-Bain. Bain des Damei.
40°. 51° à 65°. 47°.
gr. gr. gr.
Chlorure de sodium 0 7564 0 7471 0 7707
_ potassium 0 0200 0 0239 0 0215
Sulfate de soude 0 1409 0 1468 0 1529
Carbonate de soude 0 0457 0 0555 0 0473
- chaux 0 0785 0 0850 0 0600
Magnésie 0 0031 0 0050 0 0240
Silice 0 0751 0 0659 0 0825
Alumine, oxyde de fer.
0 0054 0 0053 0 0020
Oxyde de manganèse .
Matière animale 0 0050 0 0025 0 0040
1 1549 1 1139 1 1649
Les eaux de Luxeuil sont faiblement minéralisées, et c'est le sel marin qui prédomine : les éléments de son action se trouvent dans sa température, dans le chlorhydrate de soude et de potasse, et dans les alcalins (carbonates et silice) qu'elle renferme.
« En boisson, les eaux thermales de Luxeuil facilitent la sécrétion des urines et de la transpiration, excitent légèrement la muqueuse de l'estomac et activent un peu la circulation. » (Pâtissier, Manuel, 1837.) — «Elles s'emploient dans le rhumatisme, dans la goutte atonique, dans les désordres digestifs et les affections nerveuses où l'on cherche un effet sédatif. » (Ed. Lee, The baths of France, 1854.) — « Si les sources de Luxeuil n'étaient pas si rapprochées de celles de Plombières, elles jouiraient d'une bien autre réputation. » (C. James, Guide, 1851.)
Médecins ; MM. Chapelain, Garnier, Billout.
DEUXIÈME GROUPE. EAUX SALINES CHLORHYDRATÉES SODIQUESCALCIQUES.
SODIQUESCALCIQUES.
Ce groupe se compose des sources minérales salines dans lesquelles prédominent les chlorhydrates de soude et de chaux. Nous choisirons pour type de cet ordre les sources de Nauheim (Hesse-Electorale).
218
EAUX SALINES
NAUHEIM (HESSE-ÉLECTORALE).
Nauheim est à 200 lieues de Paris, à 24 kilomètres de Francfort, sur le chemin de fer du Mein-Weser. Cette ville est située sur la pente nord-est du Taunus, dans la petite vallée de Watereau. Nauheim possède sept sources, dont la température varie de 10 à 39°. Deux sources sont employées en boisson, le Kurbrunnen et le Salzbrunnen. Trois autres servent à l'usage des bains, ce sont le Kleiner-Sprudel, le Grosser-Sprudel et le Friedrich-Wilhelm. Des deux dernières sources, situées endehors du parc, l'une, le Schwalheim, est exclusivement réservée comme boisson d'agrément aux repas ; la seconde, Alkalischer-Saüerling, ne paraît pas encore avoir reçu un emploi utile. (Rotureau.) Ces sources sont très gazeuses ; l'acide carbonique y est utilisé en bains et en douches. Le dr Boré administre les bains de gaz dans l'asthénie musculaire, et les douches dans les maladies asthéniques des yeux et des oreilles.
Analyse par M. Chatin. (Rotureau, Monographie, 1856.)
Frédéric-Guillaume. Gros-Sprudel. Salzbrunnen. Kurbrunnen.
39°. 35°. 24°. 21°,
gr. gr. gr. gr.
Chlorure de sodium 35 1000 23 5000 20 9000 14 2000
— calcium 2 7500 2 3000 2 1000 1 3000
— magnésium ... » 0 5500 0 4000 0 5900
Sulfate de chaux 0 0650 0 1100 0 1200 0 1000
Bicarbonate de chaux .... 2 5600 1 9000 1 5500 1 1000
Silice et traces d'alumine. . . 0 0260 alcalins. 0 0250 0 0200 0 0080
Nitrates alcalins fort, traces traces traces traces
Bromure de magnésium ... 0 0098 0 0080 0 0070 0 0050
Carbonate de fer . . . , . . 0 0450 0 0550 0 0200 0 0200
— manganèse. . . 0 0100 0 0150 0 0100 0 0050
Arséniate de fer fortes traces 0 0004 traces 0 0002
Sels de potasse et d'ammoniaq. traces traces traces traces
Matière organique fortes traces fortes traces fortes traces fortes traces
40 3658 28 4654 25 0772 17 1582
Il existe une grande analogie de composition entre ces diverses sources, avec cela, toutefois, qu'elles présentent une minéralisation décroissante : mais les rapports entre les éléments minéralisateurs restent semblables, ou à peu près, dans chaque source. Dans celle de FrédéricGuillaume, on voit que, sur un total de 40,36 en principes fixes, il y a
CHLORHYDRATÉES. 219
3510 pour le chlorhydrate de soude et 2,75 pour celui de chaux, et un chiffre insignifiant de sulfate calcique (0,06); ces eaux sont notablement alcalines (2,36) et fortement gazeuses, ce qui doit en rendre la digestion plus facile. Elles doivent être toniques,car elles sont ferro-manganifères (0,05) et bromurées (0,009).
M, C. James compare Nauheim à Kreusnach, et signale son efficacité dans les scrofules, résultat auquel le bromure n'est sans doute pas étranger. Selon M. Rotureau, Grosser-Sprudel est une source purgative ; Salzkrunnen et Kurbrunnen ont un effet laxatif à la dose de 2 à 3 verres ; on commence par la dernière, qui est moins énergique, et l'on passe ensuite à la seconde, qui purge plus activement ; elles se digèrent assez tien, et ont toutes une action tonique, quoique purgatives.— «Les eaux de Nauheim ont une action curative reconnue contre les dermatoses chroniques, que ces dernières soient squammeuses, tuberculeuses, pustuleuses ou papuleuses. » (Rotureau, Eaux de Nauheim, 1856.) « C'est un adjuvant fort utile dans les manifestations secondaires et surtout tertiaires de la syphilis. » — « Les rhumatismes chroniques ne résistent pas d'habitude au traitement par les bains et par les eaux du kubrunnen et du Salzbrunnen. » — « Dans la chlorose, leur action est si puissante, qu'elle détruit rapidement cette altération du sang, sans qu'il soit besoin d'avoir recours à l'emploi simultané des ferrugineux. » (Ibid.) Notons, en passant, qu'elles contiennent du fer et du manganèse dans des proportions suffisantes pour rendre compte de ces effets.
Elles congestionnent l'utérus et excitent le retour des règles, quelle que soit la cause de leur suppression ; aussi faut-il les administrer avec prudence chez les femmes, surtout à certaines époques. — Elles ramènent aussi les hémorrhoïdes. — Elles peuvent provoquer des crachements de sang chez les sujets prédisposés.
On peut dire, en général, qu'elles conviennent dans la dyspepsie, la constipation, l'obstruction simple du foie, et dans les maladies générales comme les scrofules, la chlorose, le rhumatisme chronique, la syphilis ancienne, les excès vénériens, le tabès dorsalis, l'impuissance, et quelques affections chroniques des membranes muqueuses et cutanées, etc. (Rotureau, ibid.)
220 EAUX SALINES
TROISIÈME GROUPE. — EAUX SALINES CHLORHYDRATEES CALCIQUESMAGNÉSIENNES.
CALCIQUESMAGNÉSIENNES.
Eau-mère de la saline de SASSENDORF.
Température 16°. — Densité 1,280. — Analyse par Müller. (Annuaire de chimie, 1818.) Evaluation en grains sur 1 6 onces de liquide.
Chlorure de calcium ..... 1444,60
— magnésium . . . 510,75
— sodium 485,50
— potassium. . . . 120,50 Sulfate de soude 57,77
— chaux 4,94
Bromure de magnésium . . . . 12,85
Fer, manganèse, iode. . . . Matière organique
traces
2634,71
Sur un total de 2634,71, on remarque 1955,15 de chlorhydrate de chaux et de magnésie ; c'est par là surtout que doivent agir ces eaux, Il ne faut pas toutefois oublier le bromure de magnésium (12,85) et les traces d'iode que l'analyse y signale. — L'histoire thérapeutique de ces eaux rentre dans celles que les Allemands nomment Mutter-laüge, et qu'ils emploient à titre d'adjuvant, ainsi que nous le verrons plus loin,
DEUXIÈME ORDRE. — EAUX SALINES SULFATÉES.
Le principal élément minéralisateur des sources de cet ordre est un sulfate de chaux, de soude ou de magnésie.
Si, dans la première section, nous avons vu que, de l'aveu de tous les auteurs, il y avait beaucoup d'obscurité et de confusion dans l'assemblage plutôt que le classement de ces eaux salines, on ne devra pas moins reconnaître qu'il y en a peut-être encore davantage dans cette deuxième section. Nous allons mettre à profit pour l'examen et la classification des sources minérales qui s'y rapportent, soit les études particulières que nous en avons faites, soit quelques monographies intéressantes auxquelles elles ont donné lieu : ces documents épars et généralement peu connus nous ont été d'un grand secours pour réaliser notre plan qui, nous osons l' espérer, jettera quelque lumière sur ce sujet obscur. D'après nos recherches
SULFATÉES. 221
les sources de cet ordre se subdivisent en trois groupes naturels que
voici : Eaux salines sulfatées calciques ; Eaux salines sulfatées calciques-sodiques ; Eaux salines sulfatées sodiques-magnésiennes.
PREMIER GROUPE. EAUX SALINES SULFATÉES CALCIQUES.
La prédominance du sulfate de chaux, entre tous les éléments minéralisateurs, constitue les caractères particuliers de ce groupe, qui lui doit à la fois sa constitution chimique et ses principales propriétés médicales. Nous serons guidés, dans l'exposition successive des sources de cet ordre, moins par la somme totale des éléments fixes que par le chiffre prédominant du sulfate calcique qui, ce nous semble, doit servir à les graduer, en même temps qu'il leur imprime leurs qualités thérapeutiques.
ENCAUSSE (HAUTE-GARONNE).
Village bâti sur la rivière la Sope, arrondissement de St-Gaudens, à 2 kilomètres de la route qui conduit de St-Gaudens à Aspet. Les sources sont au nombre de trois : deux appartiennent à la commune et sont appelées Grande et Petite-Source ; la troisième est une propriété privée. — L'eau en est limpide, incolore, inodore, à saveur légèrement amère, laissant dégager du fond du réservoir une foule de bulles gazeuses principalement composées de gaz azote. — L'établissement contient 18 baignoires en marbre, une buvette ; mais le tout est assez mal entretenu.
Analyse par Filhol, 1851, — Grande-Source Température 22° 20 c.
gr. Sulfate de chaux 2 1590
— magnésie 0 5420
— soude 0 0204
Chlorure de sodium 0 5202
Carbonate de chaux 0 0270
— magnésie. ... 0 0155
Silice 0 0100
Oxyde de fer et de manganèse traces
5 0741
Notons que sur 3,074 de substances fixes, il y a 2,139 de sulfate calcique ; le sulfate et le chlorhydrate de soude y sont en proportion insi-
222 EAUX SALINES
gnifiante, et le sulfate de magnésie en trop petite quantité pour agir. Cette eau est très faiblement alcaline (0,052); elle est rendue gazeuse par l'azote et l'oxygène. Il n'y a pas de traces d'arsenic, et à peine des traces de fer. — C'est donc évidemment par le sulfate de chaux qu'elle agit: or ses propriétés sont fort remarquables : « Le médecin inspecteur. M. Camparan, a confirmé par de nouvelles observations leur efficacité contre les fièvres intermittentes opiniâtres, efficacité signalée depuis longtemps par M. Doueil et reconnue par tous les médecins des localités voisines. C'est donc un fait acquis à la science, que cette action fébrifuge des eaux d'Encausse. » (Pâtissier, Rapport, 1854.) Cette remarquable propriété avait déjà été notée par M. Pâtissier dès 1837 (Manuel des eaux, p. 277) ; elle l'est aussi par Granville (Guide, 1846). « Ces eaux se montrent encore salutaires dans la dyspepsie, les engorgements passifs du foie, la gravelle, la leucorrhée, etc. » (Pâtissier, Rapport, 1854.) —On les dit légèrement laxatives ; mais M. Pâtissier remarque fort bien qu'on leur ajoute un peu de sulfate de soude pour favoriser cet effet.
AULUS (ARIÉGE).
Petit village à 130 kil. de Toulouse, à 77 de Foix, sur la rivière le Garbet. Les eaux d'Aulus sont encore fort peu connues : ni M. Pâtissier (1837)ni M. Granville (1846)ni M. C. James (1851) n'en font mention ; on va voir par l'analyse chimique que, de même qu'Encausse, Aulus présente un type assez pur des eaux salines sulfatées calciques, et l'on peut préjuger que ses propriétés thérapeutiques doivent se rapprocher de celles des eaux qui précèdent et qui vont suivre.
Source no 1. — Température 20°. — Analyse par M. Filhol.
gr. Sulfate de chaux 1 8107
— magnésie ..... 0 2095
— soude 0 01 20
Chlorure de calcium 0 0060
— sodium 0 0012
FCarbonate
FCarbonate chaux 0 1268
— magnésie .... 0 0586
Fer 0 0046
Silice » 0076
Acide crénique et apocrénique 0 0061
Alumine traces
Total des sels : 2 2292
Faisons remarquer que, sur 2,22 d'éléments fixes, le chiffre du sulfate calcique s'élève à 1,81 ; les chlorhydrates (0,007) et les carbonates (0.16)
SULFATÉES.
223
ne peuvent guère compter, non plus crue les traces de fer (0,004) ; en sorte que non seulement le sulfate calcique est ici l'élément prédominant, mais encore il fait presque tout à lui seul. Il appartiendra à l'expérience clinique de prononcer sur ces prévisions de la théorie.
BAGNÈRES-DE-BIGORRE (HAUTES-PYRÉNEES). Altitude 567 met. — Températnre 30° à 48° c.
Petite ville située sur l'Adour, à 16 kilomètres de Tarbes. Les sources minérales y sont très nombreuses: cinq sont ferrugineuses, ce sont la Reine, Roc-de-Lannes, St-Roch, la source des Yeux et le Dauphin ; celleci contiendrait la plus forte proportion de fer. Le grand établissement, qui porte le nom de Thermes de Marie-Thérèse, renferme un système complet de douches et de bains de vapeurs. — C'est dans l'établissement de Théas que l'on a placé la buvette de l'eau sulfureuse de Labassère. Selon l'expression de M Pâtissier, Bagnères repose, pour ainsi dire, sur une rivière d'eau thermale; il suffit en effet, pour avoir de l'eau thermale, de percer verticalement le sol de la plaine. Nous allons grouper l'analyse des principales sources minérales. La source de la Reine, sur un total de 2,76 en principes fixes, renferme 1,68 de sulfate de chaux, c'est à dire les 2/3 environ. (Roc-de-Lannes en a 1,94 sur 2,76; et St-Roch, 1,99 sur 2,79. ) Les chlorhydrates sont réduits à des proportions sans valeur. Les eaux de la Reine sont sensiblement alcalines (0,31) et surtout ferrugineuses (0,08); c'est en grande partie parle sulfate calcique qu'elles doivent agir, mais non exclusivement, à cause du fer qui s'y trouve. Analyse par MM. Ganderax et Rosière. (Annuaire des Eaux.)
Source de la Reine. Source St-Roch. Source des Yeux. Source du Foulon
47°. 41°. 55°. 35°.
Sulfate de chaux 1 680 1 995 1 876 0 158
— soude . 07 » »
0 596 0 190
— magnésie 0 257 0 127
Chlorure de magnésium .... 0 1501 0 224 0 196 0 142
— sodium 0 062 19 0 109 0 060 0 526
S.-carbonate de chaux .... 0 2661 » 0 512 0 124
— magnésie. . . 0 044 31 0 054 0 012 0 072
Silice 0 036 0 040 0 045 0 040
S.-carbonate de fer 0 080 0 078 0 044
Substance grasse résineuse. . . 0 006 0 006 0 010 0 012
Substance extractive végétale . 0 006 0 005 0 012 0 005
Perte 0 054 0 024 0 052 0 054
2 760 2 792 5 107 1 040
224 EAUX SALINES
La plupart de ces sources sont excitantes ( excepté le Foulon) et présentent les propriétés des eaux ferrugineuses. Aussi sont-elles utiles dans l'anémie, la chlorose et dans ces orages qui " accompagnent si fréquemment la puberté. " ( C. James, 1857.) «Quant aux sources du Dauphin (48°), de la Reine (47°), de Roc-de-Lannes (45°) et de St-Roch (41°3), ce ne sont que les filets d'une même eau. Ces sources exercent une action stimulante : il ne faut avoir égard, dans leur emploi respectif (par rapport aux suivantes surtout), qu'aux différences de température, car leur minéralisation et leurs effets thérapeutiques sont les mêmes. »« La faille minéralisation de la source le Foulon, jointe à sa température agréable, en fait une eau calmante. A l'égard du Petit-Baréges (33°), du Salut (32°), du Saule(31°), nous dirons que ces sources exercent une action asthénisante sur le système nerveux et sur le système circulatoire.»«Employée en bains, l'eau du Salut calme et fait cesser les douleurs qui ont un caractère névralgique ; elle combat victorieusement les accidents spasmodiques; prise en boisson, elle se montre efficace dans les gastralgies, les entéralgies. Elle est aussi très diurétique et par conséquent favorable aux personnes affectées de maladies des voies urinaires. Une des sources les plus recherchées, celle du Foulon, possède des qualités adoucissantes qui la rendent efficace dans certaines formes de rhumatismes et de dermatoses. (Pâtissier, Rapport, 1854, p. 170.) L'eau du Salut est assez abondante pour couler d'une manière continue dans les baignoires ; l'eau se renouvelant ainsi à chaque instant entretient autour du corps une température invariable (32°). — Les eaux de Bagnères-de-Bigorre s'emploient avec avantage dans les langueurs d'estomac avec perte d'appétit, les engorgements du foie et delà rate, les embarras muqueux des voies urinaires, les hémorrhoïdes liées à une constipation habituelle, les maladies chroniques de la peau qui dépendent d'une lésion hépatique. (Pâtissier, Manuel, 1837.)
— M. Ed. Lee fait les mêmes remarques, et il ajoute qu'elles conviennent aussi dans les irritations des voies aériennes, du larynx et des bronches, dans l'asthme humide, dans les maladies nerveuses et éréthistiques.
— M. Granville, après avoir signalé leurs bons effets dans les hémorrhoïdes, l'hypochondrie, les obstructions abdominales, les maladies néphrétiques, les maladies de poitrine, ajoute : « Leur supériorité incontestable se révèle dans les engorgements d'entrailles et chez les femmes affaiblies par des couches réitérées ou par des flux immodérés, etc. »
On considère l'eau de la Reine et de Laserre (5 à 6 verres) comme légèrement laxative; mais, ce qui semblerait affaiblir la valeur de cette observation, c'est la phrase suivante de M. Pâtissier : « Pour les rendre plus actives, dit-il, on ajoute un peu de sel neutre. »
SULFATÉES. 225
KING'S BATH (ANGLETERRE).
Bath, situé à 60 lieues ouest de Londres, à 5 de Bristol, est bâti sur un sol calcaire. — Son climat est doux ; mais les pluies y sont fréquentes. - On y distingue 3 sources principales: 1° le Bain du Roi (King's Bath); 2° le Bain de la Croix (Cross Bath); et 3° le Bain chaud (Hot Bath). — Le produit de ces trois sources, qui jaillissent dans la ville basse, est assez abondant pour remplir, chaque soir, de larges réservoirs qui alimentent les bains. L'eau est claire, incolore; sa saveur, quand elle est bue chaude, se rapproche de la ferrugineuse ; mais, si elle est bue froide, le goût ferrugineux disparaît pour faire place à une saveur légèrement saline. La température de ces trois sources, qui, du reste, ont la même composition chimique, varie de 42° à 46°.
Analyse par Merck et Galloway. — Température 46° c.
Acide carbonique libre 95cc.64
Sulfate de chaux 1 1456
— soude 0 2747
— potasse 0 0665
Chlorure de sodium 0 1806
— magnésium ... 0 2085
gr. Carbonate de chaux 0 1260
— magnésie. ... 0 0047
Silice 0 0426
Carbonate de fer 0 0153
Manganèse, iode traces
Total des sels : 2 0621
On trouve ici 1,14 de sulfate de chaux, sur 2,06 de principes fixes : les autres sulfates (soude et potasse, 0,33), les chlorhydrates (0,38) et les carbonates (0,13) n'y figurent chacun que pour un chiffre insignifiant. En 1830, Dauberry y a signalé des traces d'iode ; il y a aussi des traces de manganèse.
Les eaux de Bath ne purgent pas, à moins qu'on n'en prenne une trop grande quantité (Pâtissier, 1837), et alors on peut se demander si ce n'est pas dans ce cas une sorte d'indigestion. — Les Anglais regardent l' eau de Bath comme très stimulante ; mais nous croyons que la plus grande partie de ses effets excitants est due à sa thermalité : « Ces eaux, les plus renommées de l'Angleterre, paraissent devoir principalement leurs propriétés à leur température... » (Raige-Delorme, Dict. en 30 vol.) « Leur effet, dit le dr Granville, est d'accélérer le pouls ; elles activent l'action de la peau et de la vessie, et excitent la salivation; c'est la meilleure boisson pour étancher la soif. » (Guide.) On les emploie aussi dans la goutte lorsqu'elle est accompagnée de faiblesses de l'estomac ou du système nerveux, ou lorsqu'elle est passée à l'état chronique, avec
15
226
EAUX SALINES
hypochondrie, etc. On les recommande dans les engorgements abdominaux, dans la jaunisse, la colique des peintres, etc. (Pâtissier, 1837.) En boisson, la dose varie d'une pinte à une pinte et demie par jour, divisée de manière à en boire deux fois : avant déjeûner et à deux heures de l'après-midi. L'exercice est nécessaire après la boisson.
AUDINAC (ARIÉGE).
A 16 lieues de Toulouse, à 10 kilomètres de St-Girons.
Les eaux minérales d'Audinac paraissent n'avoir commencé à être expérimentées que depuis 1798. Elles sont gazeuses. On y trouve deux sources , l'une (21 °) réservée pour la boisson, la seconde (22°) employée pour les bains. Elles sont toutes deux peu abondantes.
Bain tempéré : 22°. — Analyse par M. Filhol.
gr. Sulfate de chaux 1 117
— magnésie 0 496
Chlorure de magnésium .... 0 008
Carbonate de chaux 0 200
— magnésie 0 010
gr. Silice 0 029
Manganèse 0 008
Alumine, iodure . traces
Matière organique 0 062
Total des sels : 1 912
On considère ces eaux comme légèrement laxatives, ce qui parait tenir à la réunion du sulfate de magnésie au sulfate de chaux, et à la dose qu'on ingère (4 à 8 ou 10 verres). — On les vante dans les coliques, les fièvres quartes, la jaunisse, les catarrhes vésicaux, l'hématurie passive (Alibert), les engorgements abdominaux, la dyspepsie, la constipation, etc. (Pâtissier, 1837.) Granville fait les mêmes remarques. (Manuel des bains d'Europe.) — '' II est d'observation que les chevaux boivent avec avidité l'eau des sources minérales, et qu'ils en sont purgés. » (Pâtissier, ibid.)
CAP-BERN ou CAP-VERN (HAUTES-PYRÉNÉES).
Cap-Vern, situé à 4 lieues et demie de Bagnères-de-Bigorre, a deux sources minérales: 1° la source du grand établissement (22°); 2° la source Bouridé (19°) ; ces deux sources sourdent dans un vallon à 3 kilomètres du village. L'établissement se compose de 15 baignoires et d'une douche descendante : pas de piscine ni bains de vapeur. L'eau en est claire, diaphane, sans goût particulier ni odeur.
SULFATÉES. 227
Analyse par Rozière et Latour. — Température 24°.
gr.
Sulfate de chaux 1 096
— magnésie 0 464
- soude . 0 072
Chlorure de sodium 0 044
— magnésium. ... 0 032
— calcium 0 016
Carbonate de chaux 0 220
— magnésie .... 0 012
Silice et silicate 0 028
Fer 0 024
Matière organique 0 076
Total des sels : 2 081
« Les eaux de Cap-Vern sont un peu laxatives ; elles augmentent l'appétit et la sécrétion urinaire; on les dit fort utiles pour régulariser les flux hémorrhoïdal et menstruel, et dans les dérangements des voies digestives. » (Pâtissier, Manuel, 1837.)
'' Ces eaux, dit Granville, ont une propriété particulière dans les maladies de femmes, les engorgements d'entrailles et du foie, et les affections chroniques de l'appareil gastrique. » — « Les eaux minérales de Cap-Vern, dit M. Ed. Lee, se recommandent dans la gravelle, le catarrhe chronique, les congestions des viscères abdominaux, l'obstruction du foie, l'aménorrhée, etc. » (The baths of France, 1854, p. 37.)
WEISSEMBOURG (SUISSE, canton de Berne). Altitude 4,000 mètres. — Température 22° à 29° c.
Weissembourg, situé dans la partie méridionale du canton de Berne, est à 20 kilomètres de Thun, 48 de Berne, 163 de Genève, 260 de Lyon. L'établissement occupe une gorge étroite au fond de laquelle mugit le torrent de Buntschibach ; la source minérale jaillit à 10 minutes plus haut, d'une large fente de rocher, d'où elle est amenée aux bains. L'eau examinée à la source est limpide, incolore, sans saveur ni odeur particulière. Renfermée dans des flacons bien bouchés, elle se conserve longtemps sans former de dépôt. (Fellenberg.) — « Elle fournit, par minute, environ 28 pots de Berne. » (Fellenberg, ibid.)
Analyse par Fellenberg, 1846. (Monographie de Veissemhourg, 1855.)
gr.
Sulfate de chaux 1 048
— manganèse 0 346
— soude 0 037
— potasse 0 017
— strontiane ..... 0 014
Chlorure de sodium 0 006
Carbonate de chaux 0 052
— magnésie .... 0 039
Silicate de soude ....... 0 014
Silice « 020
Phosphate de chaux 0 009
Oxyde de fer 0 001
Sels de lithine
Iodure
traces
Total des sels : 1 609
228 EAUX SALINES
Weissembourg est encore un type d'eau sulfatée calcique : sur un total de 1,60 en éléments fixes, le sulfate de chaux figure pour 1,04, c'est à dire qu'il fait, à lui seul, presque tout : car les chlorhydrates (0,006), les alcalins (0,10) et le fer (0,001) sont en si faible quantité, qu'ils ne peuvent réellement compter. Nous n'avons pas compris dans les sulfates celui de strontiane, parce que son action est encore inconnue; il en est de même du sel de lithine.
Les eaux de Weissembourg sont encore peu connues : MM. Pâtissier (1837) et C. James (1851) n'en font pas mention ; toutefois elles ontété bien étudiées par MM. Jonquière, Müller, et surtout par M. Pointe, de Lyon, qui a écrit une excellente monographie (1853). Elles sont laxatives à la dose de quelques verres, et nous croyons que cet effet est dû à ce que le sulfate de chaux se trouve additionné des sulfates de magnésie, de soude et de potasse. M. Granville avait déjà dit : « Ces eaux sont ordonnées dans les maladies de poitrine et du larynx. » (Manuel des bains d'Europe, 1846.) MM. Jonquière, Müller et Pointe ont étudié cette question intéressante plus à fond : elles conviennent dans les congestions symptomatiques des engorgements du système de la veine-porte et des viscères abdominaux, dans les obstructions du foie, dans le catarrhe pulmonaire chronique, dans les hémoptysies qui ne se lientpoint à des tubercules; toutefois M. Jonquière croit avoir guéri quelques phthisies au premier degré , et M. Pointe rapporte des cas de phthisie plus avancée qui en ont été considérablement améliorés. — Ces eaux sont également utiles dans quelques maladies organiques du coeur, avec hypertrophie, palpitations, vertiges, éblouissement et hémoptysie. Nous reviendrons plus en détail sur ces questions pleines d'intérêt, dans le chapitre de la physiologie et de la thérapeutique de cette classe d'eaux minérales. Depuis plusieurs années, l'on fait faire, aux personnes atteintes de bronchites chroniques, une demi-cure aux eaux de Weissembourg, et l'on termine, pour consolider la guérison, par les eaux de Gournigel (hydro-sulfurées, sulfatées calciques). «Les résultats, dit le dr Verdat, nous ont paru plus particulièrement favorables dans les cas où le catarrhe chronique est encore assez rapproché de l'état sub-aigu, et ou l'on doit, avant d'arrêter la sécrétion, chercher d'abord à combattre l'inflammation. Dans ces cas, c'est ordinairement à l'eau du Schwarzbrünnli qu'il faut avoir recours. » (Sur les eaux minérales du Gournigel, 1851, p. 136.)
SULFATÉES. 229
CAMBO (BASSES-PYRÉNÉES).
Situé à 12 kilomètres de Bayonne, Cambo possède deux sources minérales : l'une (23° c.) sulfatée calcique, très légèrement hydro-sulfurée (0,004); et l'autre ferrugineuse (15° c.) — L'établissement renferme 12 baignoires, des douches descendantes, ascendantes, et un bain de vapeur dans une boîte. L'eau est claire, transparente, et répand une odeur d'hydrogène sulfuré.
L'eau se prend en bains chauffés artificiellement, et en boisson à la dose de 4 à 5 verres.
Analyse par Salaignac, 1824.
gr.
Sulfate de chaux 0 930
— magnésie 0 49 6
Chlorure de magnésium .... 0 125
Carbonate de chaux 0 316
— magnésie 0 125
Silice 0 012
Matière organique 0 032
1 Total des sels : 2 056
« Les eaux de Cambo sont apéritives et diurétiques Elles conviennent dans les fièvres intermittentes et l'aménorrhée. » (Granville, Manuel cité, 1846.) M. C. James ne les mentionne pas (1857). En 1837, M. Pâtissier les donnait déjà comme indiquées daus les affections catarrhaleset les engorgements abdominaux; en 1854, il spécifie davantage: elles se donnent dans la dyspepsie, la gastralgie, l'entéralgie; elles réussissent dans les fièvres intermittentes et dans l'aménorrhée. (Rapport, 1854.) — Les propriétés de ces sources sont celles des Eaux-Bonnes, mais à un moindre degré. (Granville, Manuel cité, p. 249.)
LOUECHE, LOECHE OU LEUCK (SUISSE, canton du Valais). Altitude 1415 mètres. — Température 31, 37 et 51°.
La réputation des bains de Louëche remonte à 1501, époque où le cardinal Schinner, qui en avait éprouvé l'efficacité, fit construire le premier établissement. — Il y a à Louëche 12 sources d'eau thermale : la principale est la source St-Laurent (41° 1/2 Réaumur), qui fournit à elle seule le bain des Messieurs, celui des Gentilshommes et celui des Pauvres,
230 EAUX SALINES
On évalue son jaugeage à deux millions de litres d'eau par jour. Louëche est situé dans une vallée parcourue par le torrent le Dala, et qui s'ouvre au sud ; en raison de son élévation, le climat y est froid, Depuis 1850, on parvient à Louëche par une route carrossable, quise relie à la grande chaussée du Simplon.
Louëche possède cinq établissements thermaux : le bain neuf de la Promenade, le bain Werra, le bain des Alpes, le bain St-Laurent, le bain des Zuricois. Il existe des cabinets de douches et des baignoires mais l'habitude est de se baigner en commun dans des piscines pouvant contenir de 30 à 40 personnes. Les bains sont d'abord d'une demi-heure, puis d'une heure, et ainsi progressivement jusqu'à 7 à 8 heures.
Analyse par Pyrame Morin, 1844. (Notice du docteur Loretan, 1857.)
Source St-Laurent.
Acide carbonique 0 0047
Oxygène 0 0015
Azote 0 0145
Sulfate de chaux 1 5200
— magnésie 0 5084
— soude 0 0502
— potasse 0 0058
— strontiane 0 0048
Carbonate de fer 0 0105
Carbonate de chaux 0 0055
— magnésie .... 0 0098
Chlorure de potassium .... 0 0065
Silice 0 0560
Alumine
Phosphate
Azotate
Sel d'ammoniaque
traces
Glairine indéterm.
Total des sels : 2 0101
Cette analyse, la plus récente que nous connaissions, constate, pour la première fois, la présence de la glairine dans les eaux de Louëche, ainsi que celle d'un sel d'ammoniaque. — On emploie le limon que laissent déposer les eaux, et qui contient beaucoup d'oxyde de fer, en application sur les ulcères atoniques. (Lorétan, Notice, p. 56.) — On voit que dans les eaux de Louëche le sulfate de chaux est le principal élément minéralisateur ; tous les autres principes y sont en si faible proportion, que leur action, sans être nulle, n'est réellement qu'accessoire. Cependant, la glairine peut contribuer à donner un peu d'onctuosité à l'eau.
« Ces eaux sont souveraines dans les maladies de la peau, même les plus invétérées. » (Granville.) Rappelons qu'on y prend des bains très longs, de 2 à 4 et 6 ou 8 heures, '' Les trois quarts des personnes qui se rendent à Louëche sont atteintes de maladies de la peau, telles que dartres, couperoses, boutons..., ainsi que toutes les affections de nature psorique. » (Pâtissier, 1837.) « Elles conviennent dans les obstructions
SULFATÉES. 231
viscérales, suite de fièvres, qui sont assez communes parmi les populations de plusieurs vallées de la Suisse.» (Ed. Lee, 1854.) Toutefois, selon M. C. James, " il faut y prendre garde si c'est la rate qui est entreprise; car les eaux de Louëche auraient le privilége de réveiller les anciennes fièvres intermittentes... C'est au point que quelquefois, au début de la cure, elles déterminent des accès de toute pièce chez des personnes qui n'en avaient jamais eu. » — Nous doutons fort de cette assertion. Le dr Lorétan, dans sa Notice de 1857, ne fait aucune mention d'un pareil accident.
Elles conviennent dans les maladies de la première menstruation et de l' âge critique, dans l'ozène et le coryza chroniques, dans les engorgements glanduleux du mésentère et du cou, dans les ulcères atoniques, etc. (Pâtissier, 1837.) — M. C. James leur accorde une grande confiance, comme pouvant faire reconnaître les anciennes affections syphilitiques dont rien ne trahissait la présence au sein de l'économie. Il les préfère même aux eaux sulfureuses sous ce rapport. (Ibid., 1857.)
La saison dure du 15 mai à fin septembre.
Médecins : MM. Lorétan, Bonvin, Guillet.
ST-AMAND (NORD).
Température 19° 5.
Petite ville à 3/4 de lieue de Valenciennes, célèbre par ses boues minérales. On y trouve quatre sources : le Bouillon, la fontaine du Pavillon ruiné, la fontaine de l'Evêque d'Arras ou de la Vérité, et la Petite-Fontaine. L'eau de la fontaine de Bouillon et du Pavillon est limpide, insipide ; celle des deux autres sources a une odeur sulfureuse. Ces eaux ne sont utilisées aujourd'hui presque qu'enboisson. Il y a cependant quatre cabinets de bains et cinq cabinets de douches. Entre ces fontaines existe le bassin des boues sous une rotonde vitrée, où l'on trouve 70 cases. — Chaque malade a la sienne pendant toute la durée du traitement. Comme ces boues sont fraîches, on les chauffe artificiellement jusqu'à 28 ou 30°, au moyen d'un tuyau de fonte rempli de sable chaud, qu'on y plonge.
232 EAUX SALINES
Analyse par Kulhmann.
Fontaine du Pavillon.
gr.
Sulfate de chaux 0 870
— soude 0 254
— magnésie 0 152
Chlorure de sodium 0 018
— magnésium .... 0 095 Carbonate de chaux 0 066
— magnésie . . . 0 079
Silice 0 020
Total des sels : 1 554
Analyse des boues.
Acide carbonique 0 010
Acide sulfhydrique 0 005
Eau 55 000
Matière extractive 1 220
— végéto-animale .... 6 880
Carbonate de chaux 1 569
— magnésie 0 568
Fer 1 450
Soufre 0 201
Silice 50 100
Perte 2 700
Total : 100 000
On voit que les boues ne contiennent plus de sulfate de chaux, et ont beaucoup de silice (30/100). — " Les habitants du pays font usage des eaux minérales de St-Amand pour leur boisson ordinaire, parce qu'il n'y a point d'autre eau dans l'endroit. On s'en trouve bien, et personne ne les trouve désagréables à boire. » — " Les animaux boivent l'eau des sources ; on les baigne dans le trop-plein quand ils sont malades ou atteints d'engorgements aux jambes. » (Pâtissier, 1837.)
Ces eaux excitent l'appétit et la sécrétion intestinale. M. Pâtissier (1837) dit qu'elles sont légèrement laxatives; elles produisent, pendant les premiers jours, une légère diarrhée. Cet effet nous paraît tenir à la combinaison des sulfates que nous avons signalée.
En boisson, ces eaux combattent avec avantage la leucorrhée, la suppression menstruelle, les coliques néphrétiques. En bains et en douches, on les emploie avec succès dans les maladies cutanées, la gravelle, les atonies de l'urètre et de la vessie, les obstructions des entrailles et du foie, etc. (Granville, ibid.)
DEUXIÈME GROUPE. EAUX SALINES SULFATÉES CALCIQUES-SODIQUES.
Ce groupe se compose des sources minérales salines qui sont principalement minéralisées par du sulfate de chaux et du sulfate de soude en proportion prédominante.
SULFATÉES. 233
Les eaux salines de ce groupe sont peu nombreuses : nous choisirons pour type Brides-la-Perrière (Savoie).
BRIDES-LA-PERRIÈRE (SAVOIE, province de la Tarentaise). Altitude 487 mètres. — Température 36°.
Brides est situé sur la rive gauche du Doron, à une lieue de Moustier. L'eau en est aigrelette avec une saveur ferrugineuse ; elle exhale, par l'agitation, une odeur sui generis, indiquant la présence du gaz hydrogène sulfuré, et sourd, par une multitude de jets, d'un schiste lamelleux. Ces eaux sont limpides et onctueuses au loucher. — On y trouve des cabinets de bains, de douches et de vapeur. (Le dr Laissus.)
Analyse par le docteur Socquet, 1824.
Acide carbonique libre ... 060
gr. Sulfate de chaux 2 25155
— soude 1 52992
— magnésie 0 11256
Chlorure de sodium .... 1 84200
Chlorure de magnésium. . . 0 18854
Carbonate de chaux 0 28546
Carbonate acidulé de fer. . . 0 05070
Total des sels : 6 05851
Nous avons adopté l'analyse du dr Socquet, quoiqu'elle date de 1824, parce qu'elle a été faite avec beaucoup de soin, et que des recherches plus récentes du pharmacien Calloud sont venues en confirmer les résultats. (Voy. Bertini, Idrologia, 1843.) On remarquera que, sur un total de 6,03 en éléments fixes, les sulfates de chaux (2,25) et de soude (1,32) forment une somme de 3,58, c'est à dire, plus de la moitié des principes minéralisateurs. Le chlorure de sodium n'y entre que pour 1,84, et les carbonates pour 0,28. Brides-la-Perrière constitue réellement un type d'eau saline sulfatée calcique-sodique ; c'est à ces deux sulfates qu'elle doit son action principale.
MM. Pâtissier (1837), Granville (1846), C. James (1851) et Ed. Lee (1854), etc., ne parlent pas de Brides-la-Perrière; c'est une omission regrettable.— '' Il faut admettre, dit le dr Socquet, que le sulfate de chaux est le principal agent thérapeutique qui leur communique des propriétés manifestes. » — Le même auteur insiste sur cette observation, que la combinaison du sulfate de chaux et du sulfate de soude les rend très appropriées au traitement des phlegmasies chroniques. (Ibid.) — M. Savoyen a signalé leur efficacité dans les fièvres intermittentes, dans la
234 EAUX SALINES
métrite chronique, la leucorrhée, la cystite chronique, etc. — ''Les maladies cutanées, dit-il, sont, en général, celles qui cèdent le mieux à l'administration de ces eaux : on dirait même que cette source minérale est un spécifique contre ce genre d'affections. — L'action de ces eaux sut la membrane gastro-pulmonaire les rend précieuses dans le traitement des catarrhes... et dans les affections chroniques du tube digestif.—On compte plusieurs cas de guérison de métrite chronique, de leucorrhée, de cystite chronique, etc. — Elles ont la propriété particulière de faciliter l'expulsion des calculs biliaires et rénaux. — On a plusieurs observations de fièvres intermittentes opiniâtres guéries par l'usage des eaux de Brides-la-Perrière. (Savoyen, 1835.)
La statistique médicale du dr Fauchet, de Covrey (1846), vient à l'appui de ces citations ; nous la donnerons dans la partie thérapeutique.
DAX (LANDES). Température 51 à 61°. — Analyse par MM. Thoré et Mayrac.
Sulfate de chaux 0 170
— soude 0 151
0 521
Chlorure de magnésium 0 095
— sodium 0 052
0 127
Carbonate magnésique 0 027
0 475
On emploie ces eaux en bains, en douches et en boues. L'établissement thermal est, dit-on, fort incomplet sous tous les rapports.
L'eau de Dax, qui d'ailleurs est très faible, est presque exclusivement minéralisée par le sulfate de chaux et le sulfate de soude : : 0,32 : 0,47, Ici surtout les carbonates (0,02) et les chlorhydrates (0,12) sont en proportion vraiment insignifiante. — Les eaux de Dax sont peu étudiées: il n'en est pas fait mention dans Granville (1846), Ed. Lee (1854), ni dans le Dictionnaire eu 30 volumes ; le Manuel de M. Pâtissier est le seul traité général qui leur consacre un article : ce On fait, dit-il, peu d'usage de ces eaux à l'intérieur. » C'est particulièrement en bains et en douches qu'on les emploie; M. Dufau les recommande dans les maladies provenant de la suppression de la transpiration, les rhumatismes chroniques, les douleurs vagues, la contracture des muscles, etc. » Or nous voyons la surtout des effets de la thermalité de ces eaux (61°2) bien plus que de leur composition chimique.
SULFATÉES. 235
TROISIÈME GROUPE. — EAUX SALINES SULFATÉES SODIQUES-MAGNÉSIENNES.
Ce groupe se compose des eaux salines qui sont principalement minéralisées par du sulfate de soude et du sulfate de magnésie en proportions prédominantes, de manière à leur devoir les qualités particulières qui les caractérisent.
PCLLNA (BOHÊME).
Petit village situé à quelques lieues de Sedlitz et de Seidschutren (Bohême), sur la route de Toeplitz à Carsaal. L'eau a un goût amer, plus prononcé lorsqu'on la fait chauffer. — On l'obtient en creusant des puits dont l'eau d'abord douce devient au bout de quelques jours amère, en dissolvant le sulfate de soude et de magnésie que renferme le sol.
Analyse par Struve. — Froide.
Acide carbonique 0 8069
Sulfate de soude 16 1200
— potasse 0 6245
— magnésie 12 1209
— chaux 0 5585
— strontiane 0 0028
— lithine 0 0004
— baryte 0 0001
gr.
Chlorure de magnésium. ... 2 2606
Carbonate de magnésie. ... 0 8559
— chaux 0 1005
Silice, silicate 0 0229
Carbonate de manganèse ... 0 0026
Phosphate de potasse .... 0 0152
Total des sels : 52 4409
Pullna offre un type d'eau saline sulfatée sodique-magnésienne : le sulfate de soude (16,12) et le sulfate de magnésie (12,12) forment une somme de 28,24 sur un total de 32,72 en éléments fixes, c'est à dire les 78. La quantité des autres principes est peu de chose, si ce n'est celle du chlorhydrate de magnésie (2,56), qui vient ajouter sa propre action a celle des deux autres sels. Notons encore que ces eaux sont un peu alcalines (carbonates et silicates 0, 95 ). — Deux à trois verres suffisent ordinairement pour purger ( Pâtissier, 1837); à petite dose, dit M. Ed. Lee, c'est un bon moyen contre la constipation habituelle ; elle agit sans fatiguer. On peut l'employer avec succès dans les troubles digestifs qui proviennent de la bonne chère ( by too full living), dans la disposition aux congestions soit sur les viscères abdominaux, soit sur le système hé-
236 EAUX SALINES SULFATEES.
morrhoïdal, dans la prédisposition calculeuse ou goutteuse, dans la dysménorrhée, et chez les enfants qui ont l'abdomen tuméfié. (The baths of France, Germany, etc. 1854.)
SEIDSCHUTZ (BOHÊME).
Température 10°. — Analyse par Berzélius.
Sulfate de soude 6 4910
— magnésie 10 9592
— chaux 1 5122
— potasse 0 5554
Chlorure de magnésium. ... 0 6492
Carbonate de magnésie. ... 0 1580
Silice, silicate 0 2825
Crénate de magnésie 0 2778
Iodure et bromure traces
Gaz acide carbonique .... 0 1215
Total des sels : 20 6472
Steimann y avait signalé, en outre, du nitrate de magnésie (2gr-65). — Il nous paraît surprenant que la présence de l'acide nitrique ait pu échapper à la sagacité de Berzélius. Nous nous en tenons, dans tous les cas, à l'analyse ci-dessus de l'illustre chimiste suédois.
Nous voyons ici le sulfate de chaux apparaître en proportion assez notable, le sulfate de soude au contraire diminuer beaucoup et le sulfate de magnésie prédominer de plus en plus sur les autres éléments minéralisateurs. La baryte, la strontiane et la lithine ont disparu, ainsi que le manganèse ; ces substances sont remplacées par des traces d'iodure et de bromure. — " Cette eau, dit Granville, est un laxatif précieux qui, dans les mains d'un habile médecin, peut être avantageusement substitué aux drogues d'apothicaire dans le cas d'obstructions abdominales et de légères atteintes de maladie de foie.» Selon Reuss, cette eau à petite dose, écrit M. Ed. Lee, réveille l'appétit et la digestion, et stimule les absorbants du canal alimentaire... Elle est purgative à plus large dose; elle augmente le flux de la bile, sans irriter la muqueuse digestive ; elle convient dans l'allanguissement de la circulation et de l'absorption intestinale, etc. (Ibid.)
EAUX SALINES MIXTES. 237
SEDLITZ (BOHÊME).
Température, froide. — Analyse par Steimann.
Acide carbonique 0 45
gr.
Sulfate de magnésie 20 81
— soude 5 18
— potasse 0 57
— chaux 0 83
Chlorure de magnésium .... 0 158
gr. Carbonate de chaux 0 76
— magnésie. .... 0 056
— strontiane. ... 0 008
Carbonate de ter
Alumine et manganèse
Silice
0 007
Total des sels : 26 569
Tandis que le sulfate de soude diminue de plus en plus, que le sulfate de chaux retombe à de faibles proportions, et que le chlorure magnésique a presque entièrement disparu, nous voyons le sulfate de magnésie acquérir une prédominance de plus en plus prépondérante (20,81) sur un total de 28,36, à tel point que Sedlitz représente une eau saline sulfatée magnésienne ; elle pourrait former le type d'un genre à part; si nous ne l'avons pas fait, c'est d'une part qu'il nous a paru inutile et même fâcheux de trop multiplier les divisions et subdivisions, et d'autre part, que ses propriétés essentielles ne diffèrent pas assez des deux sources précédentes. Hoffmann recommande les eaux de Sedlitz dans les engorgements abdominaux, les fièvres intermittentes rebelles ; il les conseille surtout aux hypochondriaques et dans les cas de constipation opiniâtre. (Pâtissier, 1837.)— L'eau de Sedlitz naturelle est rafraîchissante, antiphlogistique, diurétique et apéritive (Granville, 1846); elle est laxative à la dose d'un demi-litre, et purgative à la dose d'un litre.
TROISIÈME ORDRE. — EAUX SALINES MIXTES.
Nous appelons eaux salines mixtes les sources minérales dans lesquelles les chlorhydrates et les sulfates qui les minéralisent (soude, magnésie, chaux) se trouvent réunis dans des proportions plus ou moins égales ou analogues, de façon que leur action thérapeutique, complexe, tient de l'un et de l'autre de ces éléments.
238 EAUX SALINES
Les eaux salines mixtes sont très nombreuses : jusqu'ici elles ont été les unes disséminées sans ordre dans les différentes parties des traités didactiques, les autres accumulées pêle-mêle dans des chapitres hors cadre. — Nous allons montrer que l'application de notre méthode permet de les ranger catégoriquement dans une classification naturelle, qui a l'avantage de grouper les sources semblables et de séparer les. sources dissemblables, de manière à étudier plus nettement leurs effets.
Nous les rapportons aux trois principaux groupes ci-après :
Eaux salines mixtes sodiques ;
Eaux salines mixtes sodiques-calciques ;
Eaux salines mixtes sodiques-magnésiennes.
PREMIER GROUPE. - EAUX SALINES MIXTES SODIQUES.
Ce premier groupe comprend les eaux minérales salines dans lesquelles le chlorhydrate et le sulfate de soude prédominent sur tous les autres éléments minéralisateurs, de manière à leur imprimer leurs principales propriétés thérapeutiques.
MARIENBAD (BOHÊME).
Altitude 1,932 pieds.
Joli village à 6 lieues de Carlsbad, situé dans une vallée ouverte, entourée de coteaux couverts de sapins. Les sources au nombre de sept sont toutes froides ; deux sont ferrugineuses, ce sont le Carolinen et l'Ambrosimbrunnen. Celles dont on fait le plus d'usage sont le Kreutzbrunnen et le Ferdinandsbrunn; toutes sont gazeuses (acidules). La source Marie, la moins minéralisée de toutes, laisse dégager des torrents d'acide carbonique.
C'est en boisson surtout et aussi en bains que l'on fait usage des eaux de Marienbad. L'on y donne des bains de boue formés par le terreau délayé d'une tourbière voisine ; et des bains d'un mélange de gaz acide carbonique et d'hydrogène sulfuré.
MIXTES. 239
Analyse par Peters, 1854. — Température, froide.
Kreutzbrunnen.
Acide carbonique indéterm.
Sulfate de soude 4 91
Chlorure de sodium 1 51
gr. Carbonate de soude 1 22
— magnésie 0 65
— chaux 0 54
Carbonate de protoxyde de fer 0 05
Total des sels : 8 74
Karsten dans une analyse antérieure avait porté le gaz acide carbonique libre à 1 litre 0553. — Il y avait, en outre, signalé de la lithine, de la strontiane, une faible quantité de silice et de silicate, enfin un peu de manganèse (0,004).
Marienbad forme un type assez pur d'eau saline mixte sodique : il n'y a de chlorhydrate et de sulfate que ceux de soude, et cela en proportion très notable: sulfate de soude 4gr.91, et chlorhydrate de soude 1gr 51. L'eau de Marienbad est très sensiblement alcaline (2,19) ; il y a assez de fer (0,030) et de manganèse (0,004) d'après Karsten, pour influer sur ses vertus
médicales, '' Les sources de Marienbad sont toutes froides elles sont
plus ou moins accompagnées de gaz acide carbonique dont le goût piquant déguise un peu leur saveur saline.... Après les avoir bues, on sent le gaz monter à la tête comme après avoir bu du vin de Champagne. » ( Granville, Guide. ) — " On les dit moins excitantes que les eaux d'Eger ou Egra (Bohême ) ; mais un peu plus laxatives. Comme toutes les eaux salines acidules (lisez alcalines ), elles provoquent particulièrement la sécrétion des reins, et sont recommandées dans la plupart des affections chroniques des organes abdominaux. » (Raige-Delorme, Dict. en 30 vol. ) — '' La source la plus célèbre est le Kreutzbrunnen (dont nous avons donné l'analyse )... Ses vertus médicales sont particulièrement efficaces dans les maladies chroniques des organes digestifs... Le célèbre Goethe a été guéri, par une seule saison, d'une dyspepsie compliquée d'hypochondrie et de faiblesse d'estomac. — La vertu diurétique du Kreutzbrunnen est très remarquable... Sa vertu dissolvante et purgative ne l'est pas moins... 3 ou 4 verres d'eau suffisent pour arriver à une purgation complète.... C'est un remède excellent contre les affections bilieuses... Elle agit aussi d'une manière efficace sur les palpitations du
coeur Les personnes disposées à l'apoplexie peuvent les prendre avec
avantage. » (Granville.)
240 EAUX SALINES
EGER ou EGRA (BOHÊME).
Ville de douze mille âmes, à cinq lieues de Marienbad. C'est près d'elle, à Fransenbad, que se trouvent les sources d'eaux minérales (au nombre de six ), qui ont été très vantées par Frédér. Hoffmann. Elles sont froides, pétillantes, acidulés. La plus importante est le Franzensquelle. On les prend en bains et en boisson: on y donne aussi des bains de gaz et de boue.
Analyse par Berzélius. — Température, froide.
lit. Acide carbonique libre 1 505
gr. Sulfate de soude 2 610
Chlorure de sodium 1 000
Carbonate de soude . 0 560
— magnésie 0 070
— chaux 0 221
— lithine 0 004
— strontiane 0 001
Carbonate de fer 0 017
— manganèse ... 0 005
Phosphate de chaux 0 021
— d'alumine.... 0 012
Silice 0 018
4 507
Suivant les docteurs Clarus, de Berlin, et Conrath, l'eau d'Eger (source Franzensquelle) manifeste ses bons effets dans la dyspepsie, les constipations opiniâtres, l'inertie des viscères du bas-ventre, enfin dans la chlorose. — Sans doute que la petite quantité de fer unie au manganèse qu'elle contient contribue en grande partie à son efficacité chez les chlorotiques. — Suivant Kreysig, ces eaux sont indiquées dans les affections arthritiques chez les personnes affaiblies ou sujettes aux hémorrhoïdes, les affections nerveuses non accompagnées d'une grande irritabilité, auquel cas Ems serait préférable. (Ed. Lee, The baths of France and Germany, p. 161. ) — Les eaux d'Egra présentent, en un mot, des indications analogues à celles de Marienbad : celles-ci seulement, étant plus alcalines, auront une spécialité d'action plus marquée, surtout dans les affections urinaires (gravelle, catarrhe) ou dans certains engorgements chroniques de certains organes (foie, utérus).
BOURBOULE (PUY-DE-DÔME).
Hameau situé à 8 kilomètres du Mont-Dore, mais à 200 mètres plus bas ; il est abrité contre les vents du nord et du nord-ouest, ce qui en
MIXTES. 241
rend le climat assez doux. On y trouve quatre sources minérales, à savoir : le Grand-Bain, la source des Fièvres, la Rotonde et le Bagnassoux. Toutes ces sources fournissent une quantité insuffisante d'eau ; l'établissement ne contient que huit baignoires creusées dans le sol, et un appareil de douches au-dessus de deux baignoires. Un tel local peut à peine s'appeler un établissement thermal. Cependant nous pensons que l'on pourrait tirer un grand parti de l'emploi judicieux de ces eaux.
Analyse par Lecoq. — Température de 57° à 47° 30, d'après M. Jules François.
lit. Acide carbonique libre. .... 1 257
Sulfate de soude 1 776
Chlorure de sodium 2 791
— magnésium .... 0 052
— calcium 0 017
gr. Bicarbonate de soude 1 556
Silice 1 112
Arsenic (Thénard 0 008
Total des sels : 7 092
Sur un total de 7,09 en principes fixes, le sulfate de soude figure pour 1,77 et le chlorhydrate de soude pour 2,79, c'est à dire que ces deux sels forment à eux seuls presque la totalité des éléments salins de la Bourboule : : 4,56 : 4,60. Ces eaux sont assez fortement alcalines (1,35) et silicatées (1,11). M. Thénard, qui a visité la Bourboule la même année et dans la même saison que nous-même, y a trouvé de l'arsenic (0,008). Nous croyons pouvoir établir que ces eaux agissent surtout par les sulfates et les chlorhydrates de soude qu'elles contiennent : elles sont purgatives à la dose de 4 verres par jour. (Pâtissier, Rapport, 1854. )
« L'estomac, dit M. James, les supporte parfaitement, à cause de la quantité d'acide carbonique et d'azote qu'elles tiennent en dissolution. » (Guide, 1857.) Pour nous, nous insisterons surtout sur le carbonate et le silicate qui s'y trouvent ; nous croyons toutefois que cette analyse serait a refaire ; il nous semble que la dose de la silice accusée par M. Lecoq est un peu forte ; nous en dirons autant de celle de l'arsenic, en faisant néanmoins observer qu'une partie des vertus thérapeutiques de la Bourboule s'explique très bien de la sorte.
« M. Mercier, ex-inspecteur, a constaté, dit M. Pâtissier, que la fontaine des Fièvres est fort utile dans les engorgements scrofuleux et dans ceux qui surviennent à la suite des fièvres intermittentes. » (Manuel, 1837.)
Nous avons constaté que la plupart des malades de l'établissement étaient atteints de maladies de la peau, de rhumatismes chroniques, d'engorgements articulaires, d'ulcères scrofuleux, de paralysies, etc. C'est
16
242 EAUX SAUNES
aussi dans ces affections qu'on les dit indiquées : '' La propriété onctueuse des eaux du Grand-Bain les rend très précieuses dans les maladies cutanées, pour calmer le prurit et les irritations dont la peau est le siége. » (Mercier.)
Nous croyons que c'est autant à leur thermalité qu'à leur minéralisation, que s'appliquent ces paroles de l'inspecteur actuel : ce Elles sont stimulantes.... Elles conviennent aux individus lymphatiques dont la fibre molle a besoin d'être excitée : elles sont d'autant mieux indiquées, qu'il existe dans les organes une plus grande atonie. » ( Pâtissier, Rapport, 1854. ) Et ce qui semble venir à l'appui de notre opinion sur la grande part que la température élevée de ces eaux prend au traitement des maladies, c'est la remarque suivante faite par le docteur Choussy dans son rapport de 1852: '' Les personnes d'un tempérament nerveux, dit-il, irritable, doivent prendre des bains tempérés à 30 ou 32 degrés, et ne les prolonger que pendant une demi-heure. » ( Rapport, 1854, de M. Pâtissier, p. 135. )
ISCHIA (ITALIE).
Ile de formation volcanique, située dans le golfe de Naples, à 9 lieues de cette ville, célèbre par ses sources thermales, au nombre de six, à savoir : Gurgitello (la plus importante), Cappone, Olmitello, Citara, les bains d'Ischia, et Santa-Restituta. L'eau en est claire, limpide, de saveur légèrement salée, et dégage beaucoup d'acide carbonique. La température varie de 62° à 68° centig.
Analyse par Lancelotti.
Source du Gurgitello. — Température 68°. — Sur 100 pouces cubes d'eau minérale.
p. c Acide carbonique libre. ... 0 90000
gr.
Chlorure de sodium 4 577
Bicarbonate de soude 4 216
— potasse. .... 0 019
— magnésie ... 0 107
— chaux 0 175
Sulfate de chaux 0 206
— soude 0 977
— fer traces
Iodure de potassium 0 008
Chlorure de fer traces
Silice 0 034
Alumine, oxyde de fer et de manganèse
Phosphate de chaux.
0 011
Matière organique traces
10 419
Cette analyse compliquée est une de celles qui semblent le mieux
MIXTES. 243
prouver quelle difficulté on éprouve parfois à classer une eau minérale. Elle est, en effet, saline (5 gr. 4 de chlorure et de sulfate sodiques) ; elle est en même temps alcaline et surtout alcaline sodique (4gr. 216); enfin, elle renferme 0,066 d'iodure de potassium, quantité suffisante pour lui donner les qualités des eaux iodurées. En la plaçant à côté de la Bourboule, qui est également thermale, nous pensons, avec les réserves que nous venons de faire, lui assigner le rang qui en indique le mieux les propriétés thérapeutiques. — On en fait usage, en effet, en bains, en douches, dans les mêmes circonstances. On utilise, à Ischia, des étuves naturelles, formées par les vapeurs qu'exhalent les sources. Les plus renommées sont celles de Castiglione, de Cacciuto, de Santo-Lorenzo et de Testaccio; leur température s'élève de 50° à 62° centig.
Eau Vésuvienne NUNZIANTE (NAPLES).
Entre Naples et le Vésuve, le marquis de Nunziante fit creuser, en 1834, un puits artésien d'où part une source thermale à 30° centig. Sa composition est analogue à celle d'Ischia; elle est gazeuse.
Analyse.
lit. Acide carbonique libre 0 518
Chlorure de sodium 4 801
Sulfate de soude
— magnésie
0 605
Bicarbonate de soude ...... 1 415
Fer 0 011
Chlorure de calcium 0 658
Total des sels : 7 495
C'est une eau chlorurée et alcaline sodique gazeuse. On la dit efficace dans les maladies du foie, les hémorrhoïdes, la chlorose, la leucorrhée, les obstructions abdominales et l'hypochondrie. On l'administre en bains,
en boisson. (Dr Granville.)
CARLSBAD (BOHÊME).
( Itinéraire : chemin de fer de Forbach à Francfort et Leipsick.)
Ces bains célèbres (qui ont valu à Carlsbad le surnom de Roi des eaux minérales) sont situés dans une vallée étroite et profonde, au milieu
milieu laquelle coule le ruisseau le Tépel. Les sources, qui sont nombreuses et chaudes, sourdent sur ses deux rives ; elles proviennent, du
244 EAUX SALINES
reste, toutes d'un même réservoir (le Bassin-Chaudron), à travers les ouvertures d'une croûte calcaire formée par l'eau elle-même, qui est incrustante. On compte aujourd'hui, sur la rive droite du Tepel, onze sources, dont la principale est le Sprudel qui s'élance en bouillonnant avec de grandes quantités d'acide carbonique ; sa température est de 75° centig. (Vingt-huit ans d'observations à Carlsbad, par Jean de Carro, 1853, p. 17.)
ce L'eau de Carlsbad est claire, sans couleur. Bue à la fontaine, elle a le goût d'un faible bouillon de poulet ; mais, au bout de quelque temps, elle prend un goût alcalin très désagréable, elle n'a pas d'odeur Réchauffée dans des vases clos, elle y dépose une petite quantité d'un sédiment d'un jaune clair (oxyde de fer). » (Berzélius, Analyse des eau de Carlsbad, 1822.) L'eau est prise surtout en boisson à la dose de 4 à 6 verres, et même jusqu'à 10 verres par jour. Les bains n'y sont que de 1/2 heure à 3/4 d'heure. (J. de Carro, loc. cit., p. 129). Au-dessus de la source d'Hygie on a établi, depuis quelques années, des bains de vapeur et des appareils à douches ; l'on prend aussi des bains de houe au Sprudel et des bains de gaz au Sauerling. (J. de Carro, loc, cit., p, 130.) Comme toutes les sources présentent la même composition chimique et ne diffèrent que par quelques degrés en plus ou en moins de température, nous ne donnerons ici que l'analyse du Sprudel ; les autres sources, dont on fait encore usage, sont : le Neubrunnen, le Mühlbrunnen et le Theiresenbrunnen.
Analyse par Berzélius. (Annal. de chimie et de physiq., t. XXVIII, p. 254.)
en volume
Acide carbonique 0,55 à 0,44
Sulfate de soude 2 58715
Chlorure de sodium 1 05852
Carbonate de soude 1 26257
— chaux 0 50860
— strontiane. . . 0 00096 Magnésie 0 17854
gr.
Silice 0 07515
Peroxyde de fer 0 00512
Oxyde de manganèse .... 0 00081
Fluate de chaux 0 00320
Phosphate de chaux 0 00022
— d'alumine. . . 0 00032
5 45927
Depuis cette célèbre analyse, MM. Wolff, Neuwich, Pleischl et Creutzburg y ont signalé successivement la présence d'un peu d'arsenic, d'iode, de brome et d'acide borique. Tout récemment, M. Hugo Göttl a découvert, dans le sédiment du Schlossbrunnen, du cuivre, de l'étain, du plomb, de l'antimoine et du sélène (?). (J. de Carro, loc. cit., p. 124.)
MIXTES. 245
'' Les eaux de Carlsbad... sont en général purgatives, diurétiques et sudorifiques. Ce qu'elles ont de plus remarquable, c'est leur vertu graduellement désobstruante et altèratrice... On voit souvent des malades souffrant de constipations opiniâtres, et dans les intestins desquels, surtout dans le côlon, se sont accumulées pendant longtemps des infarctions, que nos eaux détachent d'une manière spéciale sous forme de matière noire-verdâtre, gluante, semblable à de la poix fondue, et dont l'évacuation continue pendant plusieurs semaines, et toujours avec l'amélioration manifeste et durable du malade. Un célèbre médecin, Joseph Franck, étonné de la spécialité de ces évacuations, les nomme selles carlsbadoises. » (De Carro, loc. cit., p. 127.) — On les a trouvées utiles dans les engorgements du foie, de la rate et des glandes mésentériques (dr Granville), et surtout l'hypochondrie; du moins, trouve-t-on beaucoup d'hypochondriaques à Carlsbad, que J. de Carro appelle le chef-lieu de l'hypochondrie. On les a aussi conseillées, avec succès, dans la gravelle. Le dr Bigel, de Varsovie, s'y est trouvé guéri de cette affection à l'âge de 65 ans. Les sels alcalins que renferment les eaux de Carlsbad expliquent très bien ces effets dissolvants.
L'opinion qui attribuerait à Carlsbad la faculté de ramollir les os n'a jamais pu être constatée par le dr de Carro pendant une pratique de 28 ans; c'est donc une crainte illusoire, là comme à Balaruc.
On a découvert, en 1854, une source ferrugineuse dans laquelle le fer serait à l'état de phosphate, d'après le chimiste Göttl. On commence à en faire usage pour la chlorose, l'anémie et certaines dysménorrhées. (V. pour les indications, Sources ferrugineuses.)
On vend, sous le nom de sel de Carlsbad, le résidu retiré de l'eau du Sprudel évaporée; il est presque complètement formé de sulfate de soude, et sert comme purgatif.
LIEBENSTEIN (Duché de SAXE-MEININGEN).
Liebenstein est situé à peu de distance de Meiningen, capitale du duché, au pied du Tûsingerwald. L'eau est surtout administrée en bains, après l'avoir mélangée avec de l'eau minérale chaude.
246 EAUX SALINES
Analyse par Liebig. (Annuaire de Chimie, 1846.) — Température 9°9.
Chlorure de sodium 0 2768
— magnésium ... 0 1281
Sulfate de soude 0 2205
— potasse 0 0275
— chaux 0 0265
Carbonate de magnésie. ... 0 1416
— chaux 0 5519
Carbonate de fer ..... 0 0776
Silice 0 0095
1 1601
L'eau de Liebenstein, d'ailleurs assez faible, offre un chiffre de 0,67 en éléments salins sur un total de 1,46 en principes fixes ; les alcalins balancent et dépassent même (0,70) la somme des salins. Aussi est-ce une eau saline mixte, franchement alcaline et très ferrugineuse (0,07); à l'exception de son carbonate de fer, on peut la comparer aux eaux de Néris et de Lavey.
Les eaux de Liebenstein sont encore peu connues et peu étudiées : MM. Pâtissier (1837), C. James (1851) et Ed. Lee (1854), etc., n'en font pas mention. Les médecins de Gotha et le docteur Froriep, de Weimar, prétendent que, dans le cas d'hypochondrie, lorsqu'il n'y a aucun symptôme d'inflammation, leur efficacité est incontestable. " Dans les constitutions paresseuses, dit le docteur Granville, les natures molles, les faiblesses ou paralysies des organes digestifs, cette eau, prise en petite quantité, peut être fort utile. Elle est aussi très efficace contre les pâles couleurs lorsque la malade a été convenablement préparée à en faire usage. » (Guide, 1846.) La chlorose et les accidents qui en dépendent doivent certainement trouver leur remède aux eaux ferrugineuses de Liebenstein.
LAVEY (SUISSE, canton de Vaud).
Hameau situé près de St-Moritz, à une lieue de Martigny, dans le canton de Vaud.
MIXTES. 247
Analyse par Samuel Baup. (Monographie de Lebert, 1841.) Température 42° centig.
gr.
Chlorure de sodium 0 3655
- potassium .... 0 0054
— magnésium. ... 0 1045
- calcium 0 0015
- lithium 0 0056
gr.
Sulfate de soude 0 7055
— magnésie 0 0068
— chaux 0 0907
— strontiane 0 0025
Carbonate de chaux 0 0750
— magnésie. ... 0 0018
Silice 0 0566
Total des sels : 1 4128
MM. Pâtissier (1837) et Ed. Lee (1854) ne font pas mention de Lavey non plus que Granville (1846) ni le Dictionnaire en 30 volumes. Cette eau exhale une faible odeur d'oeufs couvés; mais, dans le trajet du puits à l'établissement, elle perd une partie de sa chaleur et son gaz sulfhydrique. On mêle l'eau de Lavey aux eaux-mères de Bex, et nous aurons occasion d'en reparler plus loin ( voy. Bex) et dans les 2e et 3e chapitres.
BAINS (VOSGES).
Petite ville à 20 kilomètres d'Epinal, dans un vallon entouré de coteaux boisés. Les sources thermales y sont au nombre de dix, qui s'échappent en jets des fissures du grès vosgien. On les a renfermées dans trois bâtiments qui sont: 1° le Bain-Romain, autrefois le Bain-Vieux ; 2° le Bain de la Promenade, autrefois le Bain-Neuf ; 3° le Pavillon de la Vache. Le service balnéaire se compose de six piscines, quarante baignoires, vingt douches et des étuves. La grosse source est celle qui est surtout utilisée en boisson; elle a 50°. Comme elle constipe, on fait de temps en temps usage de la Fontaine de la Vache, qui, dit-on, est un peu laxative et n'a que 34° centig. La température des sources varie de 32° à 50° centig., en sorte que l'on peut, suivant les cas, graduer la thermalité, ce qui est un grand avantage.
Grosse source. — Température 50°. — Analyse par Poumarède.
Sulfate de soude : 0 110
Chlorure de sodium 0 085
Carbonate de soude 0 010
— chaux 0 028
Fer 0 002
Silice 0 069
Matière organique traces
Arsenic indéterm.
Total des sels : 0 502
248 EAUX SAUNES
Bains présente un type d'eau saline mixte sodique, analogue à Néris mais encore plus faible : elle n'a que 0,30 en substances fixes; le sulfate et le chlorhydrate de soude en font les 2/3 (0,19) ; l'eau est très faiblement alcaline (0,10, carbonates et silicate). Elle est légèrement ferrugineuse (0,002) et renferme des traces de matières organiques et, dit-on d'arsenic. Bains possède dix sources : « Leur action lente, douce et presque insensible, y attire beaucoup de femmes (700 sur 915 baigneurs); elles sont recommandées dans les affections nerveuses, comme l'hystérie
l'hypochondrie, la chorée, les névroses gastro-intestinales , etc. »
(Pâtissier, 1837.)
Comme ces eaux constipent, on fait quelquefois usage d'une source (Fontaine de la Vache) légèrement laxative (34°), qui excite l'appétit, facilite la digestion et provoque les urines ; selon M. Bailly, elle renferme 1/8 de principes minéralisateurs. — « Les eaux de Bains, dit l'inspecteur, sont peu curatives, mais soulagent. » (Pâtissier, Rapport, 1854.) M. James appuie cette dernière remarque. « Cependant, dit M. Bailly, les rhumatismes, les gastralgies sont les affections où l'on observe les résultats les plus satisfaisants. » (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 167.) La température élevée de quelques-unes de ces sources explique parfaitement cette aptitude ; comme les bains tièdes prolongés pris aux sources qui sont tempérées (la Tempérée qui a 30°), ou dans les piscines où l'eau est à 32 ou 33 degrés, doivent être très utiles dans les névroses et les métrites chroniques.
DEUXIEME GROUPE. - EAUX SALINES MIXTES SODIQUES-CALCIQUES.
Le deuxième groupe comprend les sources salines dans lesquelles prédominent les sulfates et les chlorhydrates de soude et de chaux; en voici quelques exemples.
Salins, PRÈS MOUTIERS (SAVOIE).
Température 51° à 57°. — Analyse par Berthier.
Chlorure de sodium 10 22
— magnésium .... 0 50 Sulfate de chaux 2 40
— soude 0 98
— magnésie 0 52
gr.
Carbonate de chaux 0 75
- fer 0 15
Bromure (Reverdy) traces
Total des sels : 15 32
MIXTES. 249
Sur un total de 15,32 en substances fixes, les éléments salins sodiques-calciques représentent 13,60 (sulfate sodique-calcique 3,38, hydrochl. sodique 10,22). Le reste, réduit à 1,72, se divise en carbonate calcique (0,75) et ferrug. (0,15) ; M. Reverdy, pharmacien à Salins, y a découvert des traces de bromure de sodium.
En somme les eaux de Salins sont des eaux salines sodiques-calciques fortes, sensiblement alcalines, assez fortement ferrugineuses, et bromurées. Elles sont ainsi fort intéressantes à étudier : malheureusement elles sont complètement passées sous silence par MM. Pâtissier (1837), Granville (1846), C. James (1851), Ed. Lee (1854), etc. M. Savoyen a signalé (1840) « l'efficacité incontestable des eaux de Salins contre les affections scrofuleuses et les maladies de la peau. » Les maladies traitées avec succès sont, d'après M. Savoyen, la cachexie scrofuleuse, les engorgements lymphatiques du bas-ventre, le rachitisme, les ulcères atoniques, les tumeurs blanches indolentes, les dermatoses, le rhumatisme articulaire et musculaire, la leucorrhée liée à une atonie du système utérin, avec aménorrhée ou dysménorrhée, certaines névralgies, etc.— M. Paul Collet (Monographie, 1853) établit les mêmes indications, et de fait elles concordent parfaitement avec la théorie et l'analyse chimique.
LEAMINGTON (ANGLETERRE).
Leamington , situé à 35 lieues de Londres, possède cinq sources froides : 1° la source Royale ; 2° la source de lord Aylesford ; 3° la source Robbins; 4° la source de M. Wite ; 5° la source Smith.
Analyse par Scudamore.
gr. Sulfate de soude 4 51
Chlorure de calcium ... 5 99
— sodium ... 1 67
— magnésium. 0 71 Fer traces
10 88
Granville compare les eaux de Leamington à celles de Cheltenham ; il établit qu'il y a 5 sources minérales dont la température varierait selon la saison.
« Ces eaux, dit-il, sont très efficaces dans les maladies chroniques du foie et les dérangements de l'estomac, » Il ajoute que, après la source
250 EAUX SALINES
Royale, celle de lord Aylesford est la plus forte, surtout pour les qualités purgatives. » On préjuge en effet, à la composition chimique de ces eaux qu'elles doivent être apéritives, laxatives et même purgatives. Malheureusement nos connaissances sur ce sujet sont assez bornées ; car MM, Pâtissier (1837) et C. James (1851) ne font pas même mention de Leamington; ce n'est pas cependant que ce soit là une eau minérale nouvelle: Leamington est connue depuis 1586, et la source fréquentée aujourd'hui a été découverte en 1790 ; mais en Angleterre l'étude des eaux minérales ne paraît pas avoir été aussi avancée qu'en France, grâce à l'impulsion que donne l'Académie impériale de Médecine.
LAMOTTE-LES-BAINS (ISÈRE).
Commune du canton de Lamure, à 20 kilomètres de Grenoble. On y compte trois sources thermales (60° à 63° centig.), qui sourdent sur les bords du torrent le Drac. Ces trois sources réunies ont un débit d'au moins 6,677 hectolitres en 24 heures, dont 3,805 seulement arrivent à l'établissement. Deux sources sont utilisées: 1° la source du Puits, et 2° la source de la Dame. L'établissement thermal présente deux étages: l'inférieur contient les cabinets de douches et de vapeur ; le supérieur renferme les cabinets de bains. On peut administrer quatre cents bains ou douches par jour. On y trouve encore un vaporarium qui sert de salle d'aspiration; on y introduit pour cela un jet d'eau minérale qui, lancé avec force à travers les mille trous d'un diaphragme, se brise contre des corps résistants et se répand en vapeurs humides.
Analyse par O. Henry, 1841.
Sulfate de chaux 1 65
— soude 0 77
— magnésie 0 12
Chlorure de sodium 5 80
— magnésium .... 0 14
— potassium 0 06
gr. Carbonate calcique-magnésique 0 80
Silice et alumine 0 02
Crénate et carbonate de fer . . 0 02
Bromure alcalin 0 02
Arsenic (Buissard) traces
7 10
Remarquons que, sur 7,40 en principes fixes, la somme des éléments salins s'élève à 6,54, dont 1,65 pour le sulfate calcique et 3,80 pour le chlorhydrate de soude. C'est donc une source saline mixte sodique-calcique. Les alcalins (0,80) contribuent à la rendre digestive, le fer (0,02) et les bromures (0,02) à la rendre tonique et fondante.
MIXTES. 251
L'eau de Lamotte est encore peu connue : M. C. James n'en parle pas (1851), M. Ed. Lee non plus (1854). On a constaté ses effets diurétiques et parfois laxatifs : sur 163 malades soumis à la boisson, 45 ont été bien purgés, 17 faiblement, et 34 ont eu des selles plus fréquentes ; 12 ont été constipés. (Pâtissier, Rapport, 1854.) MM. Buissard et Dubouchet l'ont employée avec succès dans le catarrhe chronique des bronches, dans la métrite avec engorgement. (Id., ibid.) Déjà en 1837, M. Pâtissier signalait son efficacité dans la leucorrhée, l'aménorrhée; en 1854, il la reconnaît avantageuse dans les rhumatismes, la sciatique, la paralysie, les scrofules, grâce sans doute à l'iode et au brome qui s'y trouvent. Elle réussit également dans l'atonie du tube digestif, etc.
Ces eaux ont une haute température : nous avons trouvé 63° à la source ; malheureusement elle est éloignée de l'établissement, et, arrivée dans les réservoirs, elle a perdu assez de son calorique pour qu'il soit besoin de la réchauffer.
TROISIÈME GROUPE. - EAUX SALINES MIXTES SODIQUES-MAGNÉSIENNES.
Ce groupe se compose des eaux salines mixtes dans lesquelles les sulfates et les chlorhydrates de soude et de magnésie prédominent sur tous les autres éléments minéralisateurs.
FRIEDRICHSHALL ( Duché de SAXE-MEININGEN).
Température 8° 1. — Densité 1,0225. — Analyse par Liebig. (Annuaire de chimie, 1848.)
gr.
Chlorure de sodium 7 956 0
— magnésium ... 5 9590
Sulfate de soude 6 0560
— magnésie 5 1502
— chaux 1 5465
— potasse 0 1982
gr.
Carbonate de magnésie. ... 0 5198
— chaux 0 0147
Bromure de magnésium. ... 0 1140
Alumine, silice traces
Fer? traces
Total des sels : 25 2944
Notons que, sur 25,29 en principes fixes, cette eau renferme un chiffre de 23,29 de sels purgatifs, soit en chlorhydrate (11,89), soit en sulfate (11,40) purgatif (mettant à part le sulfate de chaux, 1,34). Liebig a
252 EAUX SALINES
signalé Friedrichshall entre les eaux salines, « pour sa richesse en chlorure sodique et magnésique, et en bromure de magnésium, et comme constituant une des sources minérales les plus importantes et les plus efficaces de l'Europe. »
Les eaux de Friedrichshall purgent à la dose de 1 à 3 verres. Elles conviennent, à dose laxative, dans les engorgements du foie et de la veine-porte, dans l'hypochondrie. — M. le dr Bartenstein lui attribue une action antiphlogistique dans les fièvres : faut-il en faire honneur au sulfate de chaux qui s'y trouve? nos propres recherches nous porteraient à le croire. Il leur reconnaît une propriété sédative qui les rend avantageuses dans quelques hémoptysies, dans le catarrhe et l'engouement pulmonaire chronique. Il professe qu'elles ont les mêmes vertus que Pullna, Seidschütz et Sedlitz , mais qu'elles offrent en outre des avantages spéciaux: elles agissent favorablement sur les muqueuses et sur les glandes ; elles réussissent dans les troubles de la digestion, dans l'anorexie, la constipation, les obstructions intestinales, etc. Entre les mains de M. Bartenstein, elles ont pu résoudre des engorgements scrofuleux opiniâtres.
Eau de mer (Océan et Méditerranée).
L'eau marine varie suivant les mers où on l'examine. Nous allons d'abord donner l'analyse chimique de l'eau de l'Océan et de celle de la Méditerranée, et nous étudierons ensuite quelques-unes des principales questions de chimie médicale qui se rattachent à ce sujet important.
OCÉAN. MÉDITERRANÉE.
Analyse par B. Lagrange et Vogel. Analyse par Laurent.
lit. lit.
Acide carbonique 0 250 0 200
gr. gr.
Chlorure de sodium 26 646 27 226
— magnésium 5 865 6 140
Sulfate de magnésie 6 465 7 020
— chaux 0 150 0 150
Carbonate de magnésie et de chaux. 0 200 0 200
Potasse " 0 010
Iode " 9. indét.
59 524 40 726
MIXTES. 253
pour l'Océan, nous voyons que, sur 39,32 en principes fixes, le chlorhydrate de soude atteint le chiffre de 26,64 ; le chlorhydrate de magnésie est représenté par 5,86, à quoi il faut ajouter 6,46 de sulfate magnésique. Les carbonates (0,20) et l'acide carbonique (0lit. 23) sont en trop faible proportion pour modifier l'action de l'eau de mer, qui, évidemment, doit agir spécialement par les trois sels précédents.
Pour la Méditerranée, nous avons à faire les mêmes remarques, car les proportions sont à peu près les mêmes : substances fixes 40,74 , chlorhydrate de soude 27,22, chlorhydrate de magnésie 6,14, et sulfate de magnésie 7,02. La proportion des carbonates (0,20) et de l'acide carbonique (0lit. 20) est également insignifiante; aussi est-ce par ces trois sels (dont le chiffre est encore ici plus considérable) que l'eau de la Méditerranée doit surtout agir. Ajoutons qu'on a trouvé, dans l'eau de mer, de l'ammoniaque (Marcet), de la potasse (Laurens), de l'iode (Krugger, Laurens), du brome (Balard), etc.; les bromures ont été dosés par MM. Mialhe et Figuier, à savoir : bromure de sodium 0,10, bromure de magnésium 0,03.
MM. Pelouze et Reiset ont constaté, par de nombreuses expériences, que la proportion de chlore (et par conséquent de chlorure) se trouve, sur 1,000 parties d'eau :
1° Océan (Manche). Dieppe (1839) 18 à 19
Cherbourg (1839) 19
(Côtes d'Islande. — Gaimard et Robert) (1835). 18 à 19
2° Méditerranée. Toulon (1840) 20 à 21
Alger (1839) 20
3° Mer-Morte (de Mieulle) 119
Selon M. Forchammer, le chlore est l'élément le moins variable de l'eau de mer ; l'acide sulfurique, au contraire, présente de nombreuses variétés ; voici un tableau synoptique de ces principales différences :
1° Océan Atlantique. Acide sulfurique, varie de 2,289 à 2,436
Chaux 0,595 à 0,598
Magnésie 2,116 à 2,209
2° Méditerranée. Chaux proport. pl. grande
Magnésie même quantité.
De l'ensemble des analyses modernes (voy. Annuaire de Chimie, par MM. Millon et Reiset, 1848 et suiv.), on peut tirer les conclusions suivantes ;
254 EAUX SALINES
1° L'eau puisée à 180 brasses de profondeur est notablement plus salée que l'eau puisée à la surface.
2° La salure diminue sensiblement vers les côtes, même autour des petites îles, remarque utile pour le médecin et le baigneur.
3° La différence chimique des chlorures dans l'Océan et la Méditerranée n'est pas assez grande pour expliquer la différence de leurs effets.
4° L'action de l'eau de mer dépend beaucoup aussi de sa température. Or, quelle est cette température? ce qu'il importe au médecin de connaître, c'est la température de la mer pendant la saison des bains. Nous avons trouvé, dans une monographie de M. Viel (Des bains de mer à Cette, in-8°, Montpellier, 1847), que, pendant les trois mois d'été, on a constaté :
Océan, température moyenne 16°;
Méditerranée, température moyenne 22° ( moyenne de l'air extérieur, 25°).
L'eau de la mer agit par sa composition chimique et par sa température ; on la prend peu en boisson, mais beaucoup en bains, douches, affusions, etc.
Méditerranée : " Les bains de mer conviennent toutes les fois que l'organisme est frappé d'atonie, soit par le défaut d'action de quelque organe important, soit par une sorte de débilité générale qui frappe l'ensemble des fonctions sans s'attaquer directement à aucune. Ils seront surtout utiles aux tempéraments lymphatiques et scrofuleux. — Dans la chlorose, l'aménorrhée, la dysménorrhée, certains flux leucorrhéiques, les bains de mer produisent un excellent effet en réveillant les organes de l'espèce de torpeur où ils languissent.
« La plupart des névroses, telles que la chorée, l'hystérie, certaines palpitations, sont heureusement influencées par l'emploi des bains de mer et les affusions d'eau de mer. » ( C. James, 1851. )
Océan (Biarritz) : « Les bains marins conviennent aux personnes sujettes aux rhumatismes, à ceux qui ont la peau impressionnable, qui s'enrhument facilement ou qui suent à la moindre fatigue : ils tonifient la peau, et régularisent ses fonctions. » (Pâtissier, Rapport, 1854.)
(Boulogne. ) '' Les bains de mer, selon M. Rouxel, ont été administres avec succès dans les lésions strumeuses, la gastralgie, la chlorose, la leucorrhée, la dysménorrhée, les engorgements et les déplacements de lutérus, ainsi que chez les enfants lymphatiques, pâles, étiolés, et dans toutes les affections pathologiques où l'usage des toniques est invoque,
MIXTES.
255
pourvu toutefois que la faiblesse du malade ne s'oppose pas à la réaction. » (Pâtissier, ibid.) « On voit souvent, dit M. Afre, le virus vénérien qui n'a pas été détruit par un traitement rationnel, ravivé par les bains de mer, et révéler sa présence par des syphilides ou des ulcérations à la gorge.» (Id., ibid.) « L'eau de mer, dit M. Verhaegen, n'est pas seulement employée sous forme de bains, elle est aussi administrée à l'intérieur, soit en lavement, soit en boisson Dans quelques constipations,
l'usage journalier de 2 ou 3 verres d'eau de mer peut être d'une grande utilité. » (Verhaegen, Dissertatio médica de balneis marinis, Lovanii 1841. ) Pour l'administrer en lavement, il suffit de la chauffer à un degré convenable. (Id., ibid. ) Nous aurons à faire usage ailleurs ( 2e et 3e chapitres) des remarques et des conseils analogues à ce qui précède, et que nous trouvons dans MM. Pâtissier (Manuel, 1837), Auber (Guide du baignrur à la mer, 1851), etc.
Nous terminons cet exposé des principales eaux minérales salines, en présentant l'analyse des eaux-mères ( Mutter-laüge ) les plus connues, et dont les Allemands font un fréquent usage.
Eaux-mères des salines de SALINS (JURA).
Analyse par Dumas, Favre et Pelouze.
Chlorure de sodium 157 980
— magnésium ... 51 750
— potassium. ... 51 090 Sulfate de magnésie 19 890
Sulfate de potasse 10 140
— soude 4 170
Bromure de potassium. ... 2 700
257 720
Eaux-mères des salines de HOMTMOROT, à Long-IeSaulnier.
Long-IeSaulnier.
Analyse par Braconnot.
Chlorure de sodium 185 50
Sulfate de soude 48
Chlorure de magnésium . . . . 64 50
Sulfate de magnésie ..... 40 60
Chlorure de potassium . ... 21 10
Sulfate de potasse ...... 7 60
Bromure de potassium .... 5 50
570 60
256 EAUX SALINES
Eaux-mères des salines de BEX. (PRES LAVEY), Analyse par Pyrame Morin, 1851.
Chlorure de magnésium. ... 142 80
— calcium 40 59
— potassium .... 58 62
— sodium 55 92
Bromure de magnésium ... 0 65
Iodure de magnésium .... 0 08
Sulfate de soude 55 49
Silice 0 15
Alumine 0 39
Carbonate de chaux traces
Fer traces
Matière organique indéterm.
292 19
Eaux-mères de KREUZNACH.
Analyse par Ozann.
Chlorure de sodium . ... 7 8567
— magnésium . . 5 0052
— potassium. . . 2 2525
— calcium. . . . 205 4500
Bromure de magnésium. . . 2 6000
— sodium. .... 8 7000
516 6000
Eaux-mères de NAUHEIM.
Analyse par Broméis.
Chlorure de soude .... 72 1151
— chaux .... 152 6555
— calcium . . . 2502 2265
— magnésie. . . 269 0505
— fer
— manganèse. .
— alumine . . .
traces
Sulfate de chaux 5 7600
Bromure de magnésium . . 6 7581
Substances organiques... 1 6081
Résidu insoluble 0
Total de subst. solides . . . 2791 1311
Eau 4885 8681
7680 0000
Sel de NAUHEIM.
Analyse par Broméis.
Chlorure de soude 110 8509
— chaux 206 5919
— calcium. ... 5150 7101
— magnésie ... 518 8000
— fer
— manganèse . .
— alumine. . . .
peu de traces
Sulfate de chaux 8 9850
Bromure de magnésium . . 0 8984
Substances organiques... 0
Résidu insoluble 18 6624
Total de subst, solides . . 5845 5993
Eau 3854 1007
7680 0000
MIXTES. 257
Eaux-mères (Mutter-laüge).
Les eaux-mères des salines constituent eu Allemagne une médication importante et efficace, peu connue encore ou peu répandue en France. Lorsque l'eau dont on veut extraire le sel marin a été déjà suffisamment concentrée en la filtrant, pour ainsi dire, à travers des fascines de bois ou en la faisant couler le long de cordes tendues verticalement, on la porte dans des chaudières, où on la chauffe fortement afin d'en obtenir la cristallisation du chlorhydrate de soude. C'est le résidu liquide, brunâtre et poisseux de cette évaporation qui a reçu le nom d'eau-mère (Mutierlaüge). Les principales eaux-mères sont celles de Salins (Jura et Savoie), de Kreutznach, de Nauheim, de Bex et de Montmorot. Ces eaux-mères se distinguent surtout par la proportion toujours très forte, qu'elles renferment, d'iodures et de bromures alcalins. Leur extrême activité, due à la quantité considérable de principes fixes qu'elles présentent, ne permet pas de les administrer à l'intérieur; mais on en fait un grand usage en bains dans les maladies où l'iode et le brome sont principalement recommandés (la scrofule et ses diverses manifestations) et dans les maladies où il est utile de vivement stimuler l'appareil cutané : on peut encore en imbiber des compresses qui, appliquées sur la peau, provoquent, au bout de 24 ou 48 heures, une éruption ressemblant beaucoup à celle que détermine la pommade d'Autenrieth. ( Rotureau, Eaux de Nauheim, 1856, p. 85.) En raison de la puissance de stimulation dont jouissent les eaux-mères, on les mêle aux bains ordinaires en des proportions que l'on gradue successivement depuis 4 jusqu'à 20 litres, en surveillant bien les effets produits, afin de ne pas dépasser les limites d'une excitation appropriée au genre de maladie ou à l'impressionnabilité du malade. A Nauheim on fait subira l'eau-mère une nouvelle évaporation pour en obtenir une substance cristallisée irrégulièrement que l'on appelle sel de bain de Nauheim. (Rotureau, ibid. ) On met en général 500 grammes de sel de bain de Nauheim dans l'eau d'une baignoire ; on peut aller jusqu'à 1 kilog.
En Allemagne on utilise beaucoup la Mutter-laüge ; Nauheim en fournit à Hombourg, Le Bocklet à Kissingen, Kreutznach à Wiesbaden et Bex a Lavey; ces emprunts judicieux ajoutent beaucoup à l'efficacité de ces sources. Nous ne pouvons qu'approuver le voeu formulé par MM. Trousseau et Pidoux, lorsqu'ils souhaitent qu'en France le gouvernement ex17
ex17
258 EAUX SALINES MIXTES.
ploitât, pour l'extraction du sel marin, certaines eaux fortement salines (Bourbonne-les-Bains), et en mît les eaux-mères à la disposition des médecins: « Il affranchirait ainsi la France d'un tribut qu'elle va payer ara eaux minérales de Hombourg, de Wiesbaden, de Kreutznach et de Nauheim. » (Op. cit., t.1, p. 284. )
Les eaux-mères en bains se recommandent surtout dans les ulcérations scrofuleuses, les indurations glandulaires et les engorgements osseux: c'est dans ces circonstances que MM. Lébert et Cossy ont signalé l'utilité marquée des eaux-mères de Bex ( Compte-rendu des eaux de Lavey, 1846); M. Rotureau, de celles de Nauheim (op. cit. ); MM. Germain et Durand-Fardel, de celles de Salins (Jura), etc. — Ces bains exercent encore sur la menstruation une influence remarquable ; ainsi d'après Bodé les bains de Nauheim feraient devancer de huit à quatorze jours l'époque de la menstruation; de là le précepte de ne point les conseiller aux femmes enceintes. — Enfin, on a employé les bains additionnés d'eauxinères dans les syphilis constitutionnelles avec accidents du côté de la peau (Rotureau), dans le lichen, le psoriasis, le prurigo, le lupus et l'ichthyose. (Id.) — D'après les docteurs Prieger (Kreutznach, 1854) et Engelmann, les bains ou les douches dirigées localement détergeraient et amélioreraient considérablement les ulcères du sein de mauvais caractère ( cancéreux) et auraient opéré la résolution de tumeurs fort suspectes. (Ibid., p. 11.) D'après MM. Trousseau et Pidoux (op. cit.), ce serait aux bromures contenus dans les eaux-mères que celles-ci devraient surtout leur grande efficacité. « On ne peut nier, disent-ils, les effets merveilleux, quoique lents, obtenus dans les pays où des sources salines muriatiques sont renforcées par l'addition des eaux-mères des salines: ces effets dépassent de beaucoup ceux que l'on observe lorsqu'on administre seulement l'iodure de potassium. Il est donc raisonnable de penser, il est même permis d'affirmer que les bromures jouent , dans ce cas, le rôle principal. » (Op. cit., p. 285.) Nous ajouterons que le chlorhydrate de chaux ou de magnésie que renferment, en assez forte proportion, les eaux-mères de Bex, de Kreutznach, de Nauheim et de Salins (Jura), n'est sans doute pas étranger aux bons résultats du traitement. L'action thérapeutique de ces sels se rapproche, en effet, de celle des iodures et des bromures. (Voy. Eaux salines mixtes sodiquesmagnésiennes, Physiolog.) et doit aider beaucoup à l'influence de ces derniers composés.
TABLEAU COMPARATIF ET GRADUÉ
DES
EAUX MINÉRALES SALINES
DISTRIBUÉES EN TROIS ORDRES NATURELS D'APRÈS NOTRE CLASSIFICATION
AVEC L'INDICATION DE LEUR TEMPÉRATURE, DES PROPORTIONS DE FER ET D'ACIDE CARBONIQUE QU'ELLES CONTIENNENT, ET DE LEURS PRINCIPALES QUALITÉS CHIMIQUES.
260 TABLEAU COMPARATIF
PREMIER ORDRE. Acide Fer TOTAL DES
EAUX SALINES carbonique manganèse. Chlorydrate Elément Eléments
CHLORHYDRATÉES, de soude. salins. fixes.
PREMIER GROUPE. - EAUX SALINES CULORHYDRATÉES SODIQUES.
(Kechbrunnen 67° c. » 0 gr. 006. m. 6 gr. 855 7 gr. 76 8 gr. 262
Wiesbaden Faulbrunnen froide » 0 0008 f.m. 3 105 4 05 4 315
Empereur. froide indéterm. 0 09 15 02 16 56 18 52
Hombourg Elisabeth. . froide indéterm. 0 01 10 61 10 89 15 50
Soden 19 peu 0 03 10 89 11 19 12 67
Balaruc 15 peu traces 6 80 7 73 9 08
Kissingen (Pandur) . . 11 1815cc. 0 02 5 52 6 71 8 00
Bourbonne 58 » » 5 78 7 22 7 51
Forbach 17 " traces 5 12 6 05 0 48
Niederbronn 17 gaz 0 09 5 07 1 15 5 01
Soullzbad 18 0 gr. 056 traces 3 18 3 97 1 58
Aix-la-Chap. (Empereur) 55 » 0 009 2 65 5 07 1 10
Baden-Baden .... 37 à 60 19 cc. 0 004 f.m. 2 15 2 55 2 85
Bourbon-l'Archambault 60 16 vol. 0 017 2 21 2 51 1 51
Mulhausen 11 » » 1 59 2 13 2 71
Tercis 28 " » 2 12 2 08 2 52
Luxeuil . . 40 à 63 » 0 003 f.m. 0 75 0 91 1 15
DEUXIÈME GROUPE. — EAUX SALINES CHLORHYDRATÉES SODIQUESCALCIQUES.
SODIQUESCALCIQUES.
Fréd.-Guill. 59° c. gaz 0 05 f.m. 35 10 sod. 37 91 10 56
2 75 cale.
11 20 sod.
Kurbronnes. 21 gaz 0 02 f.m. 1 30 cale 15 99 17 13
DEUXIÈME ORDRE. Acide Fer, TOTAL DES
— Elements Elémenls
EAUX SALINES SULFATÉES. carbonique manganèse. Sulfate. talins. fixes.
PREMIER GROUPE. - EAUX SALINES SULFATÉES CALCIQUES.
Encausse 22° c. » traces 2gr. 13 cale. 5 gr. 02 3 gr. 07
Aulus 2 0 » Ogr.001 1 81 2 03 2 22
Bagnères-de-Big. (Reine) 17 » 0 08 1 68 - 2 26 2 76
King's-Bath. 16 95 ec. 61 0 01 f.m. 1 11 1 87 2 06
Audinac 22 gaz 0 008 mang 1 11 1 62 1 91
Cap-Vern 22 » 0 02 1 09 1 72 2 08
Weissembourg.... 22 à 29 « 0 001 1 01 1 18 1 60
Cambo 25 » » 0 95 1 55 2 03
Louëche 31 à 51 0 001 0 010 1 52 1 88 2 01
St-Amand 19 0 lit. 19 traces 0 87 1 36 1 55
ET GRADUÉ. 261
DEUXIÈME ORDRE. Acide Fer, TOTAL DES
(Suite.) Eléments Eléments
EAUX SALINES SULFATÉES. carbonique. manganèse. Sulfate. salins. fixes.
DEUXIÈME GROUPE. - EAUX SALINES SULFATÉES CALCIQUES-SODIQUES.
2 25 cale.
Brides-la-Perrière 30° c. 0 lit. 60 0 gr. 05 5 gr. 72 6 gr. 63
1 32 sod.
0 17 cale.
Dax 51 à 61 " " 0 15 sod. 0 44 0 17
TROISIÈME GROUPE. - EAUX SALINES SULFATÉES SODIQUES-MAGNÉSIENNES.
Pullna froide 0 gr. 80 0g. 002 mang. 16 12 sod. 52 gr. 26 32 gr. 11
12 12 mag.
Scidschutz. . .... 10° c. » » 0 49 sod. 19 95 20 61
10 95 mag.
Sedlitz froide 0 15 0 007 f. m. 5 18 sod. 27 52 28 36
20 81 mag.
TROISIÈME ORDRE. Acide TOTAL DES
Eléments
BAUX SALINES MIXTES. carbonique. manganèse. Sulfate. Chlorhydrate. fixes.
PREMIER GROUPE. - EAUX SALINES MIXTES SODIQUES.
Marienbad froide indéterm. 0 03 1 91 sodiq. 1 51 sodiq. 8 71
Egra froide 1 lit. 50 0 017 2 61 — 1 00. — 1 56
Bourboule 57 à 17 1 23? » 1 77 — 2 79 — 7 09
Ischia 62 0 p. c. 90 0 01 f. m. 0 97 — 1 57 — 10 51
Nunziante 50 0 lit. 51 0 01 0 60 — 1 80 — 7 19
Carlsbad 75 0 35 0 004 f.m. 2 58 — 1 05 — 5 15
Liebenstein " " 0 07 0 22 — 0 27 — 1 16
Lavey 12 » » 0 70 — 0 36 — 1 11
Bains 50 " 0 002 0 11 — 0 08 — 0 50
DEUXIÈME GROUPE. - EAUX SALINES MIXTES SODIQUES-CALCIQUES.
Salins 51° c. » 11 10 12 40 calciq. 10 22 sod. 15 52
Leamington froide » traces 1 51 sodiq. 1 67 — 10 88
Lamotte 60 » 0 02 0 65 calciq. 5 80 — 7 10
TROISIÈME GROUPE. - EAUX SALINES MIXTES SODIQUES-MAGNÉSIENNES.
Friedrichshall .... 8 » traces 5 15 magn. 7 95 sod. 25 29
0céan 16 (été. 0 lit. 25 ». 6 16 — 27 61 — 39 52
Méditerranée 22 (été) 0 20 » 7 02 — 27 22 — 10 71
CHAPITRE DEUXIEME.
Études médicales sur l'action physiologique des Eaux minérales salines. Inductions thérapeutiques.
Avant d'étudier l'action physiologique des éléments (chlorhydrates et sulfates sodique, potassique et magnésique) qui minéralisent les eaux naturelles salines, il est utile de faire à la température la part qui lui revient dans cette action complexe. Nous avons déjà fait pressentir (voy. Physiolog. des eaux alcalines) combien l'action des eaux était différente suivant qu'elle était administrée froide, tiède ou chaude. Nous allons, ici, revenir avec plus de détails sur cette question importante, dont la solution éclairera beaucoup les indications et les contre-indications des sources minérales.
L'eau peut être administrée en boisson ou en bains à des températures diverses, froide, tempérée ou chaude ; nous allons examiner quel est son effet sur nos organes dans ses trois principales circonstances de thermalité.
EAU EN BOISSON.
Boisson froide.
Tube digestif. — Introduite dans l'estomac , l'eau froide ( 12 à 15° centigrades) y produit une sensation de fraîcheur qui semble s'irradier au reste du corps.Bue le matin à jeun, elle délaie les mucosités ou les saburres stomacales, puis les pousse dans les intestins et de là au dehors en facilitant les garde-robes. « L'effet de l'eau sur la membrane de l'estomac est, en général, asthénique, sédatif; cependant chez les individus vigoureux l'eau à une très basse température détermine dans l'estomac une réaction semblable à celle qu'elle produit sur la peau. »(Londe.
PHYSIOLOGIE. 263
Hygiène, t. II, p. 182. ) « Dans les embarras des premières voies, les suites d'indigestion, les irritations gastro intestinales, etc..., l'eau prise à dose modérée est souvent utile, soit comme simple délayant, agissant en quelque sorte mécaniquement pour débarrasser la surface muqueuse des matières inalibiles qui l'irritent, et en prévenir l'absorption, soit comme antiphlogistique direct ; froide, elle excite les urines, quelquefois les sueurs lorsqu'on en prend plusieurs pintes et qu'on se tient au lit et bien couvert, parfois même la diarrhée. » (Mérat et Delens, Dictionn. de matière médic, t. III, p. 6.)
Appareil circulatoire. — Suivant M. Nick, l'eau fraîche bue en petite quantité et à différentes reprises n'aurait pas d'action apparente sur le pouls; mais prise en grande quantité, elle le ralentirait de deux à quatre pulsations, et cet effet se prolongerait une demi-heure.» (Cité par Londe, ibid. ) — D'après Pereira, « l'eau froide opère comme un réfrigérant réel, réduit la chaleur excessive, fait baisser le pouls et dispose à la sueur. » (Traité de matière médic., 1839. )
Appareil urinaire. — « On peut la regarder comme le plus parfait diurétique, puisque plus on boit plus on urine ; elle entraîne avec elle les humeurs qu'elle a délayées. Ceux qui ont des glaires, des ardeurs d'urine, des maladies de vessie, ne peuvent trouver un remède plus utile.» (Bouillon-Lagrange, Essai sur les eaux minérales, 1811, p. 10.) « Il faut particulièrement observer qu'il n'y a guère de diurétique plus puissant que l'eau commune bue en grande quantité.» ( Cullen, Eléments de médecine pratique, t. II, p. 567.)
Il résulte des autorités que nous venons de citer ( et dont nous nous abstenons de produire d'autres exemples pour ne pas être prolixes), que tous les observateurs anciens et modernes sont d'accord sur les effets principaux dus à l'eau froide prise en boisson. On peut les résumer dans les trois propositions suivantes :
1° Effet diurétique prononcé;
2° Prise à une certaine dose, elle excite souvent un effet laxatif;
3° Enfin, dans certaines circonstances que nous avons énoncées, effet sudorifique.
Examinons maintenant quelle est l'action de l'eau chaude en boisson.
Boisson chaude.
fout le monde connaît l'effet de l'eau chaude prise en boisson ; les infusions et les tisanes en sont des exemples familiers. L'on
264 EAUX SALINES.
ressent d'abord à l'estomac une douce chaleur, qui de cet organe semble s'irradier à tout le corps ; si l'on en prend des doses suivies bientôt la peau se couvre d'une sueur abondante. Il existe d'abord un peu d'excitation du système circulatoire, laquelle se calme lorsque la transpiration cesse. Le pouls peut même alors marquer quelques pulsations de moins que dans l'état normal.
« Les boissons doivent être surtout prescrites à une haute température lorsque le médecin veut déterminer une excitation expansive qui ait pour terme la surface cutanée, comme dans la prescription des sudorifiques ; les liquides chauds sont le véhicule et la condition si indispensables de l'action de ces médicaments, que quelques auteurs attribuent tout leur effet sudorifique à la température des boissons qui les contiennent.» ( Trousseau et Pidoux, Traité de matière médic. et thérapeutique, 1855, tom. II, p. 531.)
« L'eau tiède est relâchante, calmante et vomitive, suivant les cas; l'eau chaude est excitante, sudorifique, expectorante. » (F. Rattier, Dictionnaire en 15 vol., t. VI, p. 429.)
Ainsi, en résumé, l'eau bue chaude accélère la circulation et pousse à l'exhalation cutanée ou pulmonaire. Nous ajouterons qu'en vertu d'une loi physiologique de compensation bien connue, lorsque la transpiration est ainsi augmentée, la sécrétion urinaire et l'intestinale sont à leur tour diminuées. Tels sont les effets de l'eau prise en boisson, suivant son degré de température.
EAU PRISE EN BAINS.
Mais c'est principalement sous la forme de bains que l'eau a été préconisée et que les observations ont été le plus multipliées : aussi allonsnous entrer ici clans quelques détails plus étendus.
Comme ce n'est point un traité ex professo sur les bains, que nous voulons donner, nous nous attacherons seulement à étudier l'action physiologique comparée des bains d'eau simple et de ceux des eaux minéraies suivant leurs diverses températures. Il nous suffira, dans ce paragraphe, de signaler les effets produits par les bains tièdes ou chauds; car généralement on ne se rend point aux sources minérales pour y prendre des bains frais ou froids.
Nous appellerons bains tièdes ceux dont la température est entre 28° et 34° centigrades ; et bains chauds ceux qui dépassent ce dernier degré.
PHYSIOLOGIE. 265
A. BAINS TIÈDES (28° à 34° centig. ).
Les bains tièdes, tout le monde le sait, sont calmants; ils apaisent les douleurs, calment la soif et font tomber l'éréthisme général connu sous le nom de fièvre. Ces phénomènes sont familiers et de tous les jours; il n'est donc pas besoin de les appuyer d'observations particulières; mais, comme ils sont le résultat des modifications secondaires que les bains tièdes font subir à la circulation et à l'absorption cutanée, il nous importe d'examiner ces deux points.
Influence des bains tièdes sur la circulation.
Un médecin allemand, Matthias Marcard, a institué des expériences suivies, touchant l'action des bains tièdes sur le pouls. Ces observations, au nombre de vingt-quatre, exécutées avec tout le soin et toute la précision que réclame ce genre d'expérimentation, nous ont paru très concluantes; il nous suffira d'en faire le résumé d'après l'auteur lui-même.
« 1° Tout bain d'une chaleur au-dessous de 96° Farenheit (35° 5 c.) diminue la fréquence dupouls, toutes les fois que des causes particulières ne s'opposent pas à cet effet.
« 2° Plus le pouls est fréquent, plus il s'écarte de l'état naturel, plus le bain le diminue.
« 3° La température du bain qui paraît le plus avoir la faculté de diminuer le pouls est celle que je désigne sous le nom de chaude ou tiède (entre 96 et 85 degrés Farenheit (35° à 29° centig. ).
« 4° Plus les bains se prolongeaient, plus la fréquence du pouls diminuait, et l'on a vu que sur moi-même un bain d'une heure et demie a diminué les pulsations de 63 jusqu'à 54. » ( De la nature et de l'usage des bains, par Matthias Marcard, 1801, p. 79-80. )
Plus loin il ajoute: " Les bains chauds (tièdes pour nous, c'est à dire au-dessous de 35° centig. ) sont donc jusqu'à présent le seul moyen de ralentir immédiatement la circulation d'une manière sensible, avec douceur, sans aucun inconvénient dans la plupart des cas La première conséquence à déduire, c'est que l'on peut sans hésiter non seulement permettre le bain dans les maladies aiguës, lorsqu'il n'y a d'ailleurs rien qui s'y oppose, mais que dans bien des cas on doit le prescrire et en attendre le plus grand avantage, et que très certainement on ne le prescrit pas assez. » (Matthias Marcard, ouvr. cité, p. 88. )
266 EAUX SAUNES,
Au reste , cette action sédative des bains tièdes a été bien constatée par les observations modernes. Nous avons déjà cité (v. Physiologie des eaux alcalines) les expériences de M. Regnault faites aux eaux minérales de Bourbon-Lancy; nous joindrons ici le témoignage tout à fait concordant d'un homme bien connu dans la science, de Dupasquier : « Tous les médecins savent, dit-il, qu'une chaleur modérée, comme celle d'un bain tempéré ou d'un cataplasme tiède, au lieu de déterminer une excitation générale, tend, au contraire, à produire un relâchement; d'où résulte un prompt adoucissement des souffrances dans la partie affectée et un état de calme général pour le malade. » (Histoire de l'eau minérale sulfureuse d'Allevard par Al. Dupasquier, 1841, p. 464. )
Influence d'un bain tiède sur la respiration.
Au ralentissement du pouls correspond aussi un ralentissement de la respiration. Toici comment s'exprime, à ce sujet, Matthias Marcard : « A moins d'un état extraordinaire des organes de la respiration, aidé d'un stimulus particulier, la respiration suit toujours la marche de la circulation du sang. Si celle-ci est rapide, la respiration est fréquente Le
bain chaud ( tiède pour nous, soit au-dessous de 35°) ralentit régulièrement la respiration après un certain temps. » (Ouvrage cité, p. 83.)
B. — BAINS CHAUDS (35° centig. et au-dessus).
1° Effets immédiats ou primitifs. — Ces bains sont éminemment stimulants. Ils activent la circulation, accélèrent en même temps la respiration, congestionnent les capillaires cutanés et couvrent la peau d'une sueur abondante. A ces phénomènes se joignent la sécheresse de la bouche et du gosier, d'où naît une soif vive ; la diminution de l'exhalation intestinale d'où la constipation; enfin l'urine sécrétée en moins grande quantité est aussi plus colorée que dans l'état normal. « Les effets visibles du bain très chaud sont principalement ceux de la chaleur, peut-être un peu adoucis par l'eau ; il cause de la rougeur à la peau, accélère le pouls ; les vaisseaux se gonflent, le visage devient rouge, la respiration plus prompte, et la sueur paraît ; si l'on augmente la chaleur, elle découle du visage, les artères du cou et des tempes battent avec violence, il y a angoisse et serrement du coeur..... Enfin il survient des vertiges, des battements dans la tête, et apoplexie. Si le bain est prolonge la transpiration est extraordinairement abondante. » (Matthias Marcard, ouvr. cité, p. 214.)
PHYSIOLOGIE. 267
Rappelons ici qu'un ancien expérimentateur, Lemonnier, avait observé que son corps perdait à peu près une livre et demie de son poids après un bain à 45° centigrades, de huit minutes de durée. ( Académie des sciences de Paris, 1747. )
On prévoit, en analysant les effets développés par les bains chauds , dans quels cas il faudra les éviter ou à quelles maladies ils pourront, en général, convenir. Matthias Marcard rappelle que Fourcroy avait cite, dans l'un de ses ouvrages, l'observation d'une personne qui prit un bain au degré vraiment effrayant de 66° Réaumur (82° 52 centig.) et qui succomba à une attaque d'apoplexie une heure après.
2° Effets secondaires. — Le bain chaud, après avoir produit une excitation plus ou moins vive suivant sa température, amène à la suite un état de débilité et de langueur, qui s'accroît à mesure que l'on en fait un usage plus fréquent. Cette faiblesse consécutive à une réaction stimulante constituait pour Brown et Cullen l'asthénie indirecte. Suivant Macquart, c'est à la transpiration abondante qu'éprouvent les malades après un bain chaud, « que sont dues les plaintes de faiblesse et d'épuisement. » (Manuel sur les propriétés de l'eau, 1783, p. 380. ) P. Alpin fait observer que les Egyptiens s'affaiblissaient autant par l'abus des bains chauds que par celui des plaisirs de l'amour. Pereira, auteur d'un excellent traité de matière médicale, s'exprime ainsi sur le sujet qui nous occupe: « Quand toute la surface du corps a été soumise à une température élevée, son influence relâchante s'étend bientôt aux parties internes ; de là l'atonie, la diminution de la force musculaire, un sentiment de langueur ou de fatigue, et une indisposition à une fatigue corporelle. L'épuisement qui suit l'excitation causée par la chaleur et d'autres stimulus semblerait démontrer, pour me servir des paroles de Müller, que la force organique est consumée, pour ainsi dire, par l'exercice des fonctions, et pour rappeler un mot semblable de Priestley, nous dirons que, comme une chandelle brûle beaucoup plus rapidement dans le gaz oxygène que dans l'air, de même nous usons notre vie plus promptement sous l' influence excitante d'une température élevée. » (Pereira, Elements of materia médic. and therapeutic, 3me édit., London 1849.)
MM. Trousseau et Pidoux ne s'expriment pas avec moins de netteté sur les effets débilitants dus à l'application du calorique. « Les effets consécutifs des bains de vapeurs et des bains chauds, à des températures excessives, disent-ils, sont toujours débilitants, autant par les pertes considérables qu'on y éprouve que par la sédation spontanée ou la faiblesse indirecte qui suit toutes les fortes excitations. Il est fort impor-
268 EAUX SALINES.
tant, en thérapeutique, de bien se rappeler que si l'action exagérée ducalorique est immédiatement très excitante, elle est aussi le moyen le plus sûr d'amener consécutivement une grande atonie dans les parties qui y ont été exposées. » (Op. cit., t. II, 1855, p. 554.)
Il nous sera maintenant facile de comprendre le résumé suivant des indications et des contre-indications des bains chauds, que nous empruntons au docteur Pereira.
Indications. — Cet auteur les conseille :
1° Pour produire une excitation générale ou locale des systèmes nerveux et vasculaire, dans le but de régulariser la distribution du sang, de détourner un afflux anormal d'autres parties, comme dans quelques maladies internes paraissant se lier à la disparition d'une affection cutanée, dans la gastrite, l'entérite, la cystite, la néphrite;
2° Pour provoquer la diaphorèse, en rétablissant les fonctions de la peau, comme dans le diabète, les affections rhumatismales, les maladies cutanées à formes écailleuses;
3° Pour déterminer le relâchement des tissus rigides ou spasmodique ment contractés, comme dans les raideurs rhumatismales, les contractures musculaires, les coliques produites par le passage des calculs biliaire ou urinaire ;
4° Pour calmer les douleurs quelle que soit leur nature, inflammatoire, spasmodique ou névralgique; par exemple, dans les dysménorrhées douloureuses, la strangurie, les coliques néphrétiques, etc.
Contre-indications. — A côté de ces indications, le même auteur pose quatre contre-indications importantes à signaler, à savoir quand il existe :
1° Une grande excitation vasculaire, phéthore, anévrysme, dilatation du coeur, tendance aux hémorrhagies, etc. ;
2° Un grand relâchement ou flaccidité, spécialement dans les organes superficiels ;
3° Une sécrétion ou une exhalation abondante ;
4° Une grande excitabilité nerveuse avec peu de forces.
Absorption. — La question de savoir si l'eau d'un bain était absorbée ou ne l'était pas, a été longtemps débattue. Plusieurs expérimentateurs avaient nié avec Seguin toute absorption par la peau; mais aujourd'hui, les expériences si complètes et si exactes de Jung, Rator, Collard de Martigny, Madden, Berthold et Kühn, ont démontré d'une manière péremptoire la réalité de la pénétration de l'eau à travers la peau. La loi qui découle de toutes ces observations est la suivante :
PHYSIOLOGIE. 269
L'absorption a lieu toutes les fois que l'eau du bain est à une température inférieure à celle du sang (35° centig. environ). Elle est suspendue si cette température lui est au contraire supérieure.
Cette loi explique des faits, en apparence contradictoires, qui se sont présentés à des observateurs pourtant dignes de foi. Voici le résumé succinct de quelques-unes de ces expériences :
Rator trouva une augmentation dans le poids du corps, dans un bain dont la température marquait de 26° à 31° centig.; il survint au contraire une diminution lorsque la température s'éleva de 35° à 42° centig. (Sur l'emploi rationnel des bains de rivière et des bains de sable. )
Madden, auteur anglais, est arrivé aux mêmes résultats à la suite de neuf expérimentations (an experimental inquiry into the physiology of cutaneous absorption).
Berthold n'a fait ses observations que sur des bains moins chauds que le sang (au-dessous de 35° centig.), et il a toujours noté un accroissement dans le poids du corps; il a remarqué, en outre, que l'absorption était d'autant plus faible que la chaleur de l'eau se rapprochait davantage de celle du sang. Cette dernière remarque confirme les résultats obtenus par Jung et Rator, à savoir, qu'il n'existe ni augmentation ni diminution d'absorption à une température de 27°77 à 34° centig.
Tous ces faits, sur l'absorption de l'eau par la surface cutanée, ont été amplement confirmés parles belles et récentes recherches de M. Kühn, dans son travail de 1852 sur les eaux minérales salines de Niederbronn, dont nous emprunterons des extraits à l'excellent rapport de M. Pâtissier sur les établissements thermaux, pour 1854.
« Si la température d'un bain, dit M. Kühn, descend au-dessous de 35 ou de 30 degrés, l'exhalation cutanée s'arrête, l'absoiption commence et augmente à mesure que le bain devient plus frais. Aussi l'immbition activée par le bain frais détermine-t-elle une abondante diurèse.
« Si, au contraire, la température du bain dépasse 30 ou 35 degrés, l'absorption s'arrête, et l'exhalation cutanée se manifeste avec une activité qui est en raison même de la chaleur du bain.
« En résumé, lorsque la température d'un bain est au-dessous de 30 à 35 degrés, le mouvement du liquide se fait de l'extérieur vers l'intérieur; lorsque la température est supérieure à ce chiffre thermométrique, il a lieu en sens inverse. »
Ainsi, nous voyons que l'on peut à volonté, pour ainsi dire, augmenter, diminuer et même rendre nulle l'absorption par la peau, suivant le
270 EAUX SALINES.
degré de température qu'elle présente ; il est très important de tenir compte de ce degré thermométrique si l'on ne veut, quand on prescrit un bain d'eau minérale, courir les chances d'une erreur grave, en attribuant parfois à tort aux principes minéralisateurs, une action thérapeutique à laquelle ils n'auraient eu presque aucune part.
PREMIER ORDRE. — EAUX SALINES CHLORHYDRATÉES.
Après avoir essayé de faire à la température la part qu'elle peut et doit revendiquer dans les effets produits sur le corps, nous allons chercher à indiquer à son tour celle qui appartient de droit aux principes fixes des eaux minérales salines. En analysant ainsi l'action individuelle de chacun de ces agents, nous pensons pouvoir plus facilement apprécier le résultat de leur action simultanée et donner la clef de quelques faits en apparence contradictoires.
Comme les eaux minérales sont administrées à l'extérieur ou à l'intérieur, nous allons successivement examiner leur action physiologique dans ces circonstances, en parcourant chacune des trois grandes classes de nos eaux salines.
PREMIER GROUPE. - EAUX SALINES CHLORHYDRATÉES SODIQUES.
A. Sous forme de bains.
Le sang de l'homme et des animaux contient toujours une certaine proportion de sel marin. Cette proportion « dépasse ordinairement la moitié du poids des autres principes minéraux réunis. » (Liebig, Nouvelles lettres sur la chimie, 1852, p. 180.) L'on voit ainsi combien le sel marin doit être nécessaire aux fonctions de l'économie, puisque le sang en renferme normalement une quantité aussi considérable.
Mis en contact avec la peau ou les muqueuses, il y fait naître une irritation, à la suite de laquelle on remarque une activité plus grande dans les phénomènes vitaux et une sensation de chaleur plus intense. Bientôt on voit le sang affluer en plus grande quantité vers ces mêmes points :
PHYSIOLOGIE. 271
tels sont les phénomènes que présente la peau lorsqu'on prend un bain qui contient une assez forte dose (2 à 4 kilog.) de sel marin. Le sujet accuse, en outre, une sensation de picotement sur toute la surface cutanée, qui peut, dans certains cas, se recouvrir en même temps d'une rougeur érysipélateuse.
Ajoutons que, d'après les expériences de Lebküchner ( Dictionnaire phjsiologiq. de Wagner), l'absorption, par la peau, d'une eau salée se ferait en proportion notablement inférieure à celle de l'eau douce.
Examinons maintenant, comparativement, à quels effets donnent lieu les eaux minérales naturelles chlorhydrate es sodiques, prises sous forme de bains.
Le dr Charles Braünn a institué des expériences intéressantes à ce sujet, aux sources de Wiesbaden, expériences qui viennent heureusement confirmer ou compléter les observations que nous venons de présenter. (Monographie des eaux de Wiesbaden, par Charles Braünn, 2 cahiers in-8° de 103 et 117 pages.) — Nous ferons de nombreux emprunts à cette excellente monographie.
Lorsque le baigneur se plonge dans un bain de l'eau de Wiesbaden, à la température de 23 à 25° R. (28 à 31°c), et dont la durée varie d'une demi-heure à une heure, voici ce qu'on observe. Au moment de l'immersion, le sujet éprouve un léger frissonnement avec un peu d'oppression, et la vessie se vide. Ces phénomènes ne tardent pas à se dissiper; alors le baigneur ressent du bien-être; bientôt la turgescence et la rougeur de la peau commencent à s'effacer, et le pouls diminue de 4 à 10 pulsations ; puis la respiration se ralentit. La chaleur et le volume du corps diminuent aussi ; la peau se ride, le teint pâlit, et les urines reparaissent.
En continuant ces bains pendant quelques jours, on voit le corps perdre graduellement de son volume; les selles deviennent plus molles; l'activité cutanée s'abaisse, tandis que la sécrétion urinaire s'accroît; rarement une éruption comme miliaire se montre-t-elle sur la peau. (Ch. Braünn, p. 17.)
Le sel marin contenu dans les eaux minérales de Wiesbaden est-il absorbé ? Nous avons dit tout à l'heure que, pour Lebkùchner, l'absorption se réduisait à peu de chose. Le dr Braünn a pu démontrer, par une suite d expériences précises, que cette absorption, bien que variable chez le même sujet, était pourtant assez sensible. Un individu fut soumis pendant quatre jours à un régime uniforme,
272 EAUX SALINES.
assaisonné d'environ 180 grains de sel marin: dès le troisième jour, il rendait de 48 à 54 onces d'urine, dans laquelle on a trouvé :
Sel de cuisine 160,19 grains à 176,78
Acide urique 11,19 — à 12,99
Urée 110,40 — à 138,21
Le quatrième jour, le dr Braünn lui fit prendre un bain d'eau douce d'une demi-heure de durée, à 27° R. ( 34° centig.). La sécrétion cutanée diminua, et les urines de 24 heures, qui pesaient 139 onces, contenaient :
Sel de cuisine 174,11 grains.
Acide urique 14,81 —
Urée 141,32 -
Le cinquième jour, il fit plonger le même individu pendant une demiheure dans un bain d'eau minérale à 26° R. (31° centig.). Les urines rendues pesaient 56 onces, et renfermaient :
Sel de cuisine 169,44 grains.
Acide urique 13,01 —
Urée 181,90 -
Une troisième expérience, faite avec un bain d'eau minérale, a donne 58 onces d'urine, renfermant :
Sel de cuisine 234,12 grains.
Acide urique. . . 16,02 —
Urée 12,31 -
En comparant ces chiffres, l'on s'aperçoit que le sel marin est tantôt notablement absorbé (3e expérience), tantôt semble l'avoir été assez faiblement (2e expérience). Il existe donc, dans l'acte de l'absorption. qui du reste est constant, des inégalités dont la cause nous échappe; mais cette observation amènera le praticien à compter assez peu sur le bain pour introduire le sel marin dans l'économie à des doses déterminées.
Dans ces expériences, nous voyons que la sécrétion urinaire a été toujours notablement accrue; mais, faisons observer que ce phénomène pourrait peut-être se rattacher à la température elle-même du bain ( 30 à 34° centig.); nous savons, en effet, que, dans un bain tiède d'eau douce, l'absorption cutanée est constamment assez marquée, tandis que, si le même bain est chaud (35° et au-dessus), elle diminue beaucoup, au point même de pouvoir devenir nulle.
PHYSIOLOGIE. 273
Mais, pour lever tous les doutes à ce sujet, examinons ce qui se passe dans un bain chaud de la même eau minérale de Wiesbaden : « De même que dans le cas précédent (bains tièdes), il se forme des bulles gazeuses sur la peau, et celle-ci paraît d'abord savonneuse, puis rude au toucher....; ensuite, elle devient rouge, chaude, turgescente, etse couvre de transpiration ; les veines se gonflent ; l'organisme entier est excité ; le pouls gagne en force et en fréquence dans la proportion de l'élévation de la température du bain, et la respiration suit la même progression. » (Braünn, ouvrage cité, 2e cahier, p. 19.)
Nous retrouvons ici les effets physiologiques tout à fait semblables à ceux que nous avons notés comme étant produits par les bains d'eau douce à 35° et au-dessus, à savoir: l'accélération du pouls et de la respiration, la transpiration augmentée, la turgescence des veines, etc.; et la preuve que ces résultats sont dus à l'élévation seule de la température, c'est que la même eau minérale prise en bain, mais tiède, produit au contraire des phénomènes de sédation, comme nous venons de le voir..... Or, puisque dans les deux circonstances la constitution chimique n'a pas changé, et que la température seule a varié, c'est à celle-ci évidemment qu'il faut rapporter, en très grande partie, l'excitation fébrile que nous avons observée.
La sécrétion urinaire est également diminuée dans un bain minéral chaud. Le dr Braünn, en prenant le poids exact des urines rendues dans les 24 heures chez le même individu après un bain minéral chaud (35° et au-dessus), a constaté une diminution qui variait de 4 à 10 onces relativement à la quantité normale excrétée.
Au reste, si ces résultats si différents des bains d'eau minérale, suivant leur degré thermométrique, n'ont pas été mis en relief avec autant de soin, ils ont cependant été signalés par plusieurs observateurs. Citons quelques-uns d'entre eux.
Bourbon-Lancy. — « L'on sait que les bains d'eau saline ont une action toute différente, suivant qu'ils sont chauds ou froids. Ainsi, les bains salins chauds agissent, par le seul fait de leur température, comme excitant général ; en même temps qu'ils stimulent vivement la peau, ils agissent comme les bains sulfureux, et conviennent par conséquent dans toutes les maladies pour lesquelles ces derniers* sont habituellement prescrits (débilité générale, chlorose, scrofule, etc.). » (De l'action des eaux thermales et salines de Bourbon-Lancy, par le docteur Tellier, 1844, p. 20.)
« L' immersion dans l'eau saline froide, au contraire, produit d'abord
18
274 EAUX SALINES.
une sédation assez profonde, avec frisson ; puis, une réaction générale accompagnée d'une douce chaleur.... L'action des bains n'est pas aussi prompte qu'après les bains chauds .... Le malade éprouve pendant quelque temps de la moiteur, des fourmillements, et au bout de quelque temps un bien-être extrême. La sécrétion urinaire, loin d'être suspendue par la moiteur de la peau, paraît, au contraire, augmentée... Leur action sur le système nerveux est surtout curieuse ; le bienfait en est immédiat : la tonicité des organes est doublée ; on se sent plus fort, plus agile; les idées sont plus nettes Les bains plus chauds ont une action beaucoup plus énergique...; leur action stimulante est énorme et peut être d'un précieux avantage. » (Tellier, ouvrage cité, pp. 21-26.)
« Dans le bain tempéré (20 à 25°), l'on n'éprouve ni le sentiment du froid ni celui de la chaleur... Le pouls et la respiration se ralentissent; il se produit une sédation nerveuse accompagnée d'une augmentation générale des forces musculaires. Ces bains conviennent surtout aux personnes nerveuses à fibres sèches et irritables.
« Dans le bain très chaud (30 à 36°), au bout de quelques minutes toutes les parties extérieures du corps augmentent de volume ; les veines se distendent, le pouls devient dur et fréquent, la figure s'injecte et se couvre de sueur. Le bain à cette température ne doit pas durer plus de 15 minutes : son action est d'une grande énergie. On peut y avoir recours dans le rhumatisme froid et dans la paralysie locale. » (Notice sur les eaux minérales de Bourbon-Lancy, par le docteur Rérolle, 1849. pp. 27-38.)
On voit encore ici (et le fait est constaté par des observateurs différents), on voit, disons-nous, la même eau minérale être tour à tour sédative ou stimulante, suivant sa température.
Plombières. — Les eaux silicatées alcalines de Plombières nous offriront aussi les mêmes oppositions d'action suivant leur degré de cha leur; les observateurs sont parfaitement d'accord sur ce point.
« A Plombières les bains dont on fait le plus généralement usage sont chauds ou tempérés: leur action sur l'organisme dépend de leur degré de chaleur et de leur durée.
« Dans le bain frais, c'est à dire dans l'eau chauffée au-dessous de la température du sang, ou éprouve les effets suivants : diminution du volume du corps, ralentissement de la circulation et par conséquent des battements du pouls , pâleur du visage , augmentation de la sécrétion urinaire et quelquefois de celle du canal intestinal. Ces bains sont essentiellement calmants, réfrigérants.
PHYSIOLOGIE. 225
« Dans le bain tiède, c'est à dire dans l'eau chauffée à une température à peu près égale à celle de la peau, on éprouve un chaleur douce, agréable, qui sollicite le sang à la surface du corps plutôt qu'elle ne l'y pousse. Cette action suffit pour amener un peu de transpiration, pour assouplir le pouls, pour le diminuer si le bain se prolonge quelque temps, pour modérer l'irritation, résoudre le spasme et calmer la douleur.
« Ces bains favorisent éminemment l'imbibition. Il convient surtout de les employer lorsqu'on a pour but non seulement de faire absorber les éléments chimiques des eaux minérales, mais encore de mettre à profit le calorique qui les imprègne : c'est à l'aide de ce calorique qu'on peut donner une impulsion modérée au système vasculaire et combattre les maladies caractérisées par une certaine lenteur de tous les actes organiques, par des stases sanguines daus l'appareil de la veine-porte, par des engorgements des viscères, etc.
« Dans un bain très chaud la peau rougit, se couvre de sueur et
se gonfle sensiblement. La chaleur augmente, le pouls devient plus fréquent, la respiration s'accélère. Si l'on reste quelque temps dans ce bain, il se manifeste des palpitations, des vertiges..., et, si l'on ne quitte la baignoire, les vertiges sont bientôt suivis de syncope ou d'apoplexie.» (Eaux de Plombières, clinique médicale, par le docteur Lhéritier, 1853, pp. 65-68. )
Ainsi les eaux silicatées alcalines de Plombières ne sont point calmantes uniquement, comme on semble généralement le croire, mais elles peuvent devenir, au contraire, très stimulantes si leur température est élevée. Nous avons nous-mêmes constaté sur plusieurs individus ces effets des bains chauds à Plombières, sauf l'apoplexie. Nous y avons aussi personnellement expérimenté, maintes fois, les bains tempérés, et reconnu leur action sédative.
Celte action opposée des bains de Plombières, suivant leur degré de chaleur, est également indiquée par MM. Léopold Turck (1847), Vincent Duval (1849), etc. Nous ne faisons que mentionner ces auteurs afin d'éviter des répétitions.
Néris. — Les sources alcalines mixtes de Néris sont également et à volonté stimulantes ou calmantes, suivant qu'elles sont employées tièdes ou chaudes.
« Administrées à une température élevée, elles (les eaux de Néris) ont une grande puissance contre toutes les affections rhumatismales, et lorsqu'elles sont dépouillées d'une partie de leur calorique, elles exercent une action sédative des plus remarquables, sur le système uerveux.
276 EAUX SALINES.
« Dans le premier cas (chaudes), elles excitent, activent la circulation dans les vaisseaux capillaires, augmentent les fonctions de la peau raniment la vitalité des tissus ainsi que l'énergie musculaire, et favorisent la résolution d'engorgements chroniques ; dans le second (tièdes), elles calment, délassent, lubrifient et assouplissent les tissus, dissipent les douleurs, font cesser les spasmes et régularisent les fonctions des organes du sentiment. » (Notice sur les eaux thermales de Néris, par Richond-des-Brus, 1855, p. 58.)
Luxeuil. — « Le bain tempéré d'eau minérale produit les effets à bain domestique, à égale température, plus ceux qui dérivent de saminéralité. » (Etudes sur les eaux de Luxeuil par le docteur Aliès, 1850,
P. 47.) « L'action de l'eau thermale ( de Luxeuil ) sur l'économie est très
complexe : elle agit par son calorique et par sa spécificité dans laquelle on doit comprendre sa minéralisation. On ne peut se dissimuler qu'employée en bain chaud, une grande part d'action ne doive être attribuée au calorique intime qui entre dans la composition de ces mêmes eaux, Elles seront d'autant plus excitantes qu'elles en contiendront davantage, C'est en grande partie à leur température élevée que les eaux salines les plus renommées doivent leur réputation. » (Recherches sur les propriétés physiques, chimiques et médicinales des eaux de Luxeuil parle docteur Revillout, 1838, p. 92.)
Lamotte-les-Bains. — Comme dernière preuve à l'appui de l'opinion que nous soutenons, de l'indépendance de l'identité d'action due à la température, quelle que soit d'ailieurs la nature chimique de l'eau minérale, nous reproduisons encore ici les expériences que le docteur Buissard a faites sur lui-même aux eaux minérales et thermales de Lamotte-les-Bains (Isère).
Avant d'entrer dans un bain de 35°, la température du corps prise sous la langue marquait 37°50 ; le pouls battait 72 fois à la minute, et il y avait 18 inspirations. Dans le bain après une demi-heure l'expérimentateur nota:
Température du corps 37°50
Pouls 64 pulsations.
Inspiration 14
Dans le même bain, après une heure de séjour :
Température du corps 37°
Pouls 60 pulsations.
Inspirations 15
PHTSIOIOGIE. 877
(Etudes cliniques sur les eaux thermales et salines de Lamotte-lesBains,1855, p. 94.)
Ainsi voilà une eau fortement saline ( elle contient 7 grammes 40 de principes fixes par litre) qui devient calmante, fait tomber le pouls et diminue le nombre des inspirations, lorsqu'elle est à une température (35°) inférieure à celle du sang de l'expérimentateur (37°). « J'ai souvent, ajoute-t-il, renouvelé cette expérience sur moi et sur d'autres baigneurs, et j'ai toujours constaté des effets analogues. » (Ibid., p. 95.)
Mettons en regard de ce tableau les résultats obtenus par un bain plus chaud des mêmes eaux, afin d'en mieux faire ressortir les contrastes. Nous en emprunterons l'énoncé au même auteur.
« Plongé, dit M. Buissard, dans de l'eau de Lamotte à 40° et au-dessus, le baigneur ressent uue impression de chaleur qui lui paraît n'avoir rien d'exagéré ; mais bientôt le pouls s'accélère, la peau devient turgescente.... ; plus tard la face devient vultueuse, les yeux larmoyants , les artères battent avec violence, une sueur abondante inonde le visage, et la tête devient pesante.» (Ouvragecité, p. 95.)
Les preuves que nous avons apportées dans celte discussion nous semblent puissantes et par leur nombre et par l'autorité de leurs auteurs. Nous aurions pu, sans doute, les multiplier, et nous aurions vu se reproduire constamment les mêmes résultats. Nous avons eu soin de faire choix, dans notre exposé, d'eaux minérales à constitutions chimiques diffèrentes, dont l'action sur l'économie devait par conséquent être dissemblable ; malgré cette diversité de nature nous avons toujours observé des phénomènes identiques, à savoir : sédation dans un bain tiède (quelques degrés au-dessous de la chaleur du sang), excitation plus ou moins vive dans un bain chaud ( quelques degrés au-dessus de la température du sang). Or, puisque dans ces circonstances un seul élément, le calorique, restait constant, ou bien que lui seul variait dans une même eau minérale, et que les effets correspondaient toujours à la tempes rature, il est, ce nous semble, logique de conclure, qu'à cet agent seul, suivant sa quantité, appartenaient les actions physiologiques opposées (sédation ou excitation) que nous avons signalées.
Ces résultats une fois bien constatés, il nous sera facile de comprendre pourquoi certaines affections (rhumatismes, sciatiques, débilités musculaires, etc. ) sont traitées avec le même succès à des eaux thermales, appartenant pourtant à des classes différentes (sulfureuses, salines, alcalines): c'est que, en général, ces eaux sont administrées en douches, en bains de vapeurs ou liquides, mais chauds, contre ces divers états
275 BAUX SALINES.
morbides ; elles agissent alors par le calorique dont elles sont imprégnées et à un même agent doivent correspondre des actions physiologiques et thérapeutiques identiques.
« Le calorique, aux yeux de tous les médecins qui savent observer joue le rôle le plus important dans l'action du traitement thermal. L'effet éminemment excitant des bains de vapeurs à une température élevée et des douches doit certainement lui être attribué en grande partie. C'est ce qui explique pourquoi des eaux thermales très différentes sous le rapport de leur constitution chimique sont renommées pour guérir et guérissent en réalité les mêmes maladies. Qui ne sait que les rhumatisants se rendent en aussi grand nombre aux eaux thermales salines ou aux eaux très faiblement minéralisées, qu'aux eaux sulfureuses des Pyrénées? Quel est le médecin qui ignore que les eaux naturellement chaudes et presque absolument dénuées de principes médicamenteux ne sont pas moins très efficaces pour guérir ces maladies, qu'une foule d'affections de nature très différente ? — Il ne faut donc pas s'étonner si les traitements auxquels on se soumet dans les établissements thermaux produisent des résultats si variés, modifient avantageusement des maladies si nombreuses et si diverses. » (Dupasquier, Histoire de l'eau minérale sulfureuse d'Allevard, 1841, pp. 459-460.) — Et plus loin, après avoir fait remarquer que les bains à une température tiède sont calmants. le même auteur termine par ces paroles remarquables : « Cela considéré, cette double action du calorique bien reconnue, il n'y a pas lieu de s'étonner si les mêmes eaux qui guérissent les rhumatismes chroniques, les phlegmasies lentes avec commencement de désorganisation, les maladies de la peau les plus invétérées, sont également efficaces quand on les applique, mais dans des conditions opposées de température, au traitement des névroses de toutes les nuances... Tout cela.... peut sexpliquer parfaitement sans faire usage du quid divinum, et d'une manière aussi simple, aussi naturelle qu'elle nous paraît à nous rationnelle et satisfaisante. » (Dupasquier, ibid., pp. 464-465.) — Nous ne pouvons que souscrire à cette opinion si bien formulée par l'éminent médecin hydrologue, trop tôt enlevé à la science.
Mais, comme l'absorption par la peau des principes minéralisateurs est peu considérable, ainsi que nous l'avons démontré, et que d'ailleurs les quantités ainsi absorbées peuvent beaucoup varier suivant mille circonstances imprévues , il est préférable , lorsqu'on veut mettre à profit surtout l'action de leurs principes fixes, de les administrer en boisson.
PHYSIOLOGIE. 279
Il nous reste maintenant à en étudier l'action physiologique lorsqu'elles sont employées sous cette dernière forme.
B. Action physiologique des eaux minérales salines en boisson.
Nous étudierons, dans cette section, successivement l'action des eaux minérales salines, selon qu'elles appartiendront à l'un des trois grands ordres que nous avons établis. Ainsi nous commencerons par les eaux chlorhydratées sodiques, puis nous parlerons des eaux sulfatées salines; enfin nous verrons quel est le mode d'action des eaux salines mixtes. Nous aurons ainsi parcouru, eu suivant cet ordre qui nous semble naturel, le cercle physiologique de cette classe d'eaux minérales, et les faits cliniques qui se rattachent à leur emploi viendront se ranger comme d'eux-mêmes dans la classe qui sera plus spécialement adaptée à chacun d'eux.
Chlorhydrate de soude.
Appliqué sur la langue, le sel marin y produit une sensation spéciale que tout le monde connaît et qui a servi de point de comparaison sous le nom de goût salé. Il se fait ensuite dans la cavité buccale une sécrétion plus active des mucosités qui la lubrifient normalement. La même activité secrétoire se manifeste dans le reste du tube digestif; ainsi la quantité du suc gastrique est accrue, ce qui amène probablement les nausées et: même le vomissement que trois à quatre grammes de sel marin, pris à la fois dans un demi-verre d'eau, peuvent provoquer, comme nous l'avons. observé quelquefois clans notre pratique. M. Bardeleben a fait des observations intéressantes sur l'action du sel marin introduit directement dans l'estomac. Après avoir fait pénétrer par une fistule stomacale, dans l'estomac vide d'un chien, environ trois grammes de sel de cuisine, il a vu les points de la muqueuse en contact avec le sel sécréter un mucus presque incolore, puis l'organe se contracter violemment et l'animal être: pris de vomissements réitérés. Le suc gastrique sécrété dans ces conditions est parfois alcalin ; mais, chose remarquable, la sécrétion devient acide dès que la véritable digestion commence ; tandis que la réaction alcaline persiste lorsqu'on introduit clans l'estomac des substances indigestes telles que des éponges ; les sulfates de soude et de potasse produisent la même ré action. (Comptes-rendus de l'Académie des sciences, t. XXV, et Annuaire de chimie, 1848.)
286 EAUX SALINES.
Le sel marin augmente également la sécrétion du foie et du pancréas et sous son influence les évacuations alvines deviennent plus faciles' elles peuvent même dégénérer en une véritable diarrhée, à une certaine dose ; le sel agit alors comme laxatif.
S'il est donné à doses modérées, trop faibles pour amener des évacua tions, il est absorbé et mêlé à nos humeurs : une fois introduit dans l'économie, il exerce, sur la nutrition, une action remarquable qui a surtout été bien mise en évidence par les belles expériences de M. Boussingault, et dont nous allons rappeler brièvement les principaux résultats. L'addition du sel marin au fourrage n'a pas d'effet sur la production plus abondante de la chair, de la graisse ou du lait ; mais elle exerce une action favorable sur l'aspect et la qualité des animaux. Ainsi deux taureaux, qui pendant une année avaient été privés de sel, présentaient une allure paresseuse, leur poil était ébouriffé, terne, laissant çà et là par place la peau à nu ; tandis que deux autres taureaux, semblables aux premiers, mais au fourrage desquels on avait mêlé du sel avaient une allure plus dégagée, et leur poil était lisse, luisant et bien fourni. ( Académie des sciences, novembre 1846.)
Ce célèbre agronome a constaté, en outre, que des vaches laitières, nourries exclusivement avec des pommes de terre, n'ont pu supporter ce régime qu'autant qu'on y ajoutait environ 70 grammes de sel marin par jour.
Sur l'homme on observe des effets semblables : " Le chlorure de sodium est éminemment digestif; pris à petites doses, il augmente la sécrétion des acides de l'estomac. » (Herpin, Etudes sur les eaux minérales, 1855, p. 204. ) « Il est reconnu aujourd'hui, que les hommes et les animaux employés à l'exploitation des mines de sel gemme, loin de souffrir la moindre altération dans leur santé, n'éprouvent que de bons effets de leur séjour au sein d'un air chargé de poussière saline ; leur appétit s'en trouve accru, et leur digestion rendue plus prompte et plus facile. » ( Guérard, Dictionnaire de médecine en 30 volumes, tome VIII, p. 294. )
Mais ce même sel qui, privé de propriétés alimentaires, favorise néanmoins éminemment la nutrition, à doses modérées , devient nuisible quand il est pris en proportion trop considérable. Ainsi, l'on sait que les animaux qui, au voisinage de la mer, sont exposés à s'abreuver de ses eaux maigrissent et dépérissent.
« On s'est, d'ailleurs, assuré du fait d'une manière directe, en ingérant à certains animaux de fortes doses de sel marin. » ( Riéchy, Me-
PHYSIOLOGIE. 281
moire lu au Comité agricole d'Alsace, 1849. ) « Si l'on élève inconsidérément les doses du sel marin (chez les animaux), il paraît tourner son action contre le fluide nutritif, qu'il rend liquide et foncé en couleur ; il arrête peu à peu le mouvement de décomposition de la nutrition, car les animaux deviennent bientôt maigres, faibles, et ne tardent pas à tomber dans un véritable état scorbutique si l'on ne fait pas cesser promptement la cause du mal. » (Nouveau traité de matière médicale vétérinaire, par Tabourin, 1853, p. 566.)— Enfin le docteur Christison a cité l'observation d'un homme qui, ayant pris une livre de ce sel dans une pinte d'ale, mourut en 24 heures avec tous les symptômes des poisons irritants.
Tels sont, en résumé, les effets constatés sous l'influence du sel marin à doses variées.
Nous pourrions, peut-être, nous en tenir à ces données expérimentales et certaines. Toutefois, comme il est bon de rechercher quel accord peut exister entre les résultats thérapeutiques et physiologiques, nous allons essayer de retracer l'action essentielle du sel marin sur nos organes.
« Transporté dans le torrent circulatoire, dit M. Herpin, ce composé (sel marin) exerce une influence puissante sur la transformation des tissus ; cette action se manifeste à la fois par une augmentation dans toutes les sécrétions muqueuses, principalement celle des intestins, et par une plus grande activité des reins. Les urines sont alors plus abondantes et plus chargées de principes solides : effet qu'aucun autre diurétique végétal ne peut produire. « (Herpin, op. cit., p. 143.) Or, si ces phénomènes de sécrétion sont poussés à un trop haut degré et persistent au delà d'un certain laps de temps, l'on comprend de suite comment l'amaigrissement doit survenir plus ou moins rapidement. Mais voyous s'il nous sera possible de remonter à la cause probable de ces phénomènes, en étudiant l'action du sel marin sur les reins et sur le sang.
Action sur les reins. — Vierordt injecta du sel de cuisine dans le sang : après un intervalle, qui variait de 4 minutes à 1/4 d'heure, ce liquide ne présenta qu'une augmentation insignifiante clans le chlorhydrate de soude, tandis que les urines en contenaient cinq ou six fois plus que dans l'état normal. (Braünn, ouvrage cité, p. 34.) Cette expérience démontre péremptoirement que les reins sont spécialement chargés de l'élimination du sel marin, et par là s'expliquent ses vertus puissamment diurétiques. Ce sel possèderait en outre, d'après un chimiste anglais (B. Jones, cité par Braünn ), la propriété singulière de tenir en dissolution,
282 EAUX SALINES.
dans les reins et la vessie, l'uriuate ( l'urate?) d'ammoniaque, et d'empêcher les précipités d'acide urique. Cette observation, si elle se vérifiait entre les mains d'autres chimistes, semblerait expliquer en partie les bons effets que beaucoup d'auteurs attribuent aux eaux chlorhydratées sodiques dans le traitement de la goutte.
Action sur le sang. — Mais, avant d'être éliminé par les reins, le sel marin fait éprouver quelques modifications assez importantes à quelques-uns des éléments du sang (fibrine et globules). D'après M. Zimmermann (Archives de physiologie médicale, premier cahier), l'hydrochlorate de soude, introduit en certaine proportion (au delà de 10 grammes) dans le sang, amène la dissolution de la fibrine coagulée; cette propriété dissolvante serait même deux fois plus considérable que celle du carbonate de soude, si l'on s'en rapporte aux essais du docteur Nasse, (De l'influence des aliments sur le sang.) D'autre part, le sang d'un individu auquel on avait donné pendant trois mois du sel marin à la dose de 10 grammes par jour, a présenté à l'analyse une augmentation dans la proportion des globules sanguins. Nous transcrivons ici les résultats de cette expérience analytique due à M. Poggiale. (Annuaire de chimie, 1848. )
Avant l'usage du sel. Après l'usage du sel,
Eau 779,92 .... 767,60
Globules 130,09 .... 143,00
Albumine 77,43 .... 74,00
Fibrine 2,10 .... 2,25
Graisse 1,13 .... 1,31
Sels et principes extractifs 9,33 .... 11,84
1,000,00 1,000,00
En comparant les chiffres de ces deux analyses du sang, avant et après l'usage du sel marin, l'on remarque : 1° une augmentation notable des globules sanguins et une diminution proportionnelle dans le chiffre de l'albumine ; 2° un accroissement dans la quantité des sels contenus dans le sang, et principalement du sel marin.
Ce résultat vraiment remarquable, de l'augmentation des globules sanguins par l'usage de ce sel, pourrait-il rendre compte du succès que plusieurs médecins annoncent avoir obtenu dans la chlorose, par l'administration des eaux chlorhydratées sodiques? et Enfin, par son action (du sel marin ) le sang devient plus fluide et moins susceptible de coagulation;
PHYSIOLOGIE. 283
le travail de la transsudation est favorisé, ainsi que celui de l'échange moléculaire ; la formation des dépôts et du tissu cellulaire est restreinte.» (Braünn, op. cit., p. 34. )
Nous pouvons résumer ce que nous venons d'exposer sur les propriétés physiologiques du chlorhydrate de soude, dans les quatre propositions suivantes :
1° A une certaine dose, au delà de 5 à 6 grammes à la fois, il exerce une action vomitive, mais surtout laxative;
2° A doses moins élevées, il favorise les digestions, aiguise l'appétit et augmente la nutrition sans augmenter la masse du corps ;
3° Absorbé, il devient éminemment diurétique et se trouve éliminé presque en totalité par les reins ;
4° Enfin, par son action dissolvante sur la fibrine et l'albumine, il rend le sang moins coagulable, active toutes les sécrétions, tend à détruire les dépôts albumineux qui s'opèrent au sein de nos organes, et peut, avec le temps, amener l'amaigrissement et un état scorbutique.
Action des eaux naturelles salines minéralisées par le chlorhydrate
de soude.
L'étude que nous venons de faire de l'action physiologique du sel marin va maintenant nous faire apprécier facilement celle des eaux minérales salines chlorhydratées sodiques.
L'action de ces eaux diffère suivant qu'elles sont prises: 1° à petites doses; 2° à doses moyennes ; 3° à doses fortes. Nous allons l'étudier dans ces trois cas.
WIESBADEN (DUCHÉ DE NASSAU).
1° Bues à petites doses (1/4 de litre à 1/2 litre) tièdes et par gorgées , dans l'espace d'une demi-heure, les eaux de Wiesbaden « font éprouvera l'estomac une chaleur doucement excitante... Peu de temps après Ion sent du vide à cet organe, l'appétit se déclare, et la digestion se fait plus rapide et plus complète. Après l'absorption on ne remarque pas de modifications sensibles, si ce n'est quelquefois une sécrétion urinaire plus abondante. » (Braünn, op. cit., p. 4. ) — « A cette dose, les selles n' éprouvent en général aucun changement; par exception, elles sont retardées parfois, lorsque les eaux sont ingérées à une température élevée,
284 EAUX SALINES.
et activées, au contraire, lorsqu'elles sont bues moins chaudes.» (Ibid, p. 5.) Ce sont là des effets qui appartiennent plus particulièrement à la température, et ressemblent à ceux que produit l'eau ordinaire hue chaude. (Voir plus haut article Boisson.) Du reste les eaux de Wiesbaden, prises à ces doses, se bornent presque exclusivement à augmenter l'appétit et à faciliter la digestion. « On pourrait, ajoute le docteur Braünn continuer ce régime pendant des années, sans que la santé en éprouvât la moindre altération. » (Op. cit., p. 6. )
2° Doses moyennes ( 1/2 litre à 1 litre). Prises à doses moyennes, les eaux de Wiesbaden produisent les mêmes phénomènes que tout à l'heure, mais ils sont plus prononcés. Si on les continue pendant plusieurs jours, l'on observe une augmentation de la plupart des sécrétions, de la muqueuse abdominale, de la peau, des organes glandulaires, et un accroissement marqué dans l' excrétion urinaire. Cette dernière modification est même la plus constante et se déclare la première.
En comparant la quantité des urines rendues dans les 24 heures par un même individu soumis à un régime toujours semblable, le docteur Braünn a trouvé, après de nombreuses expériences, une augmentation de 30 à 45 onces à la suite d'un litre d'eau thermale bu dans l'espace de 1/2 heure à 3/4 d'heure.
Celte augmentation n'était que de 10 à 16 onces « comparativement à la quantité produite par l'ingestion d'un litre d'eau douce. » (Braünn, op. cit., pp. 6-7.) — Immédiatement ou après quelques jours de l'usage de ces eaux à doses moyennes surviennent des gargouillements, puis de légères épreintes suivies d'évacuations sans la moindre douleur. Elles sont d'abord d'une consistance normale, puis deviennent plus liquides, mais rarement jusqu'à être aqueuses ; leur couleur est brune foncée plus ou moins verdàtre, noirâtre ou jaunâtre ; parfois elles sont blanchâtres et visqueuses; elles sont formées de résidus alimentaires, de débris de cellules épithéliques, de produits de la sécrétion plus abondante du foie, du pancréas , des glandes intestinales, de la muqueuse, et de certains éléments des eaux. » ( Ibid., p. 7. ) — « Avant l'emploi de l'eau thermale, les fèces contenaient en moyenne 5 à 15 grammes de sel de cuisine, et 13 à 30 grammes postérieurement à cet. emploi.» (Ibid., p. 8) « Nos eaux (de Wiesbaden), bues à une température élevée, retardent les selles et les rendent paresseuses; celles-ci deviennent, au contraire, plus fréquentes quand les eaux sont prises un peu fraîches. » (Ibid., p. 8.)
Nous remarquons encore des effets divers évidemment produits, ici,
PHYSIOLOGIE. 585
par une température différente , et dont l'action est indépendante de celle de l'eau saline elle-même. On ne saurait donc trop répéter combien il est important de bien distinguer, comme nous avons essayé de le faire, les phénomènes qui appartiennent à la constitution chimique des eaux, de ceux qui sont dus à leur degré thermométrique.
Bues chaudes (35°) et si les personnes sont bien vêtues, ces eaux poussent à la transpiration. Le docteur Braünn, en analysant la sueur recueillie avec des éponges placées sous l'aisselle, n'a pas constaté une élimination sensible, par celle voie, du sel marin. Ainsi, sur un individu, dont une demi-once de la sueur normale contenait 3,21 grains de chlorhydrate de soude, il a trouvé 3,65 grains de ce même sel dans la même quantité de sueur, après l'ingestion de 1 litre et demi d'eau thermale. «Réitérant cette expérience, ajoute-t-il, je trouvai, en moyenne, avec l'eau douce 2,45 grains de sel de cuisine par demi-once, et 2,40 grains avec l'eau thermale. On voit, par là, que dans l'usage interne, le sel de cuisine n'est pas éliminé par la transpiration.» (Braünn, op. cit., pp. 8-9.)
Utérus. — " Les menstrues deviennent plus abondantes, plus faciles, et le développement en est bâté de quelques jours. » (Ibid. )
Excrétion du lait. — « Le lait, en même temps qu'il augmente en quantité, devient plus liquide , et l'analyse chimique a montré qu'il est plus riche en sel et en chlorure de sodium. » (Ibid., p. 9. ) On voit ici ce sel produire sur le lait la même diminution de plasticité que sur le sang.
Les effets que nous venons d'énumérer cessent en général 2 ou 3 heures après l'ingestion des eaux à doses moyennes ; le contraire est l'exception. « Après les évacuations on éprouve du vide à l'estomac et dans le bas-ventre, et une faim très vive; le goût est net, la digestion se fait rapidement et sans incommodités. » (Braünn, op. cit., pp. 10-12.) Les mêmes phénomènes se manifestent, d'ailleurs, après les évacuations plus abondantes produites par ces eaux à hautes doses.
Nutrition. — En continuant l'usage des eaux de Wiesbaden pendant quatre à six semaines, l'on voit apparaître d'autres symptômes tout a fait semblables à ceux que nous avons signalés en parlant des effets du sel marin (voir plus haut). « Ainsi le volume du corps diminue, celui de l'abdomen surtout; la graisse disparaît; les muscles deviennent plus apparents, et les mouvements gagnent en aisance et en liberté. Les fonctions de tous les organes se font plus rapides et plus complètes, principalement celles des organes de la digestion et de la nutrition. La respi-
286 EAUX SALINES.
ration est plus facile, la circulation du sang plus active le teint s'éclaircit,
s'éclaircit, s'égaie, et l'esprit gagne en vivacité.» ( Braünn, op. cit., p. 10. )
Enfin, si l'on continue ces doses moyennes au delà de six à huit semaines, l'on voit arriver les phénomènes dits de saturation. Or, ces phénomènes ne sont rien autre chose que ceux dont nous avons fait mention quand le sel marin était pris à trop hautes doses pendant quelque temps, Nous en emprunterons encore l'énumération à la monographie si savante de M. Braünn. — « Il survient, dit-il, de l'anorexie, des vomissements, des diarrhées violentes; le ventre se gonfle, la langue se charge d'un dépôt épais L'on ressent de l'abattement dans les membres et de l'épuisement. » (Ouvrage cité, p. 11.) Evidemment, si les buveurs ne discontinuaient alors les eaux thermales, l'amaigrissement ne tarderait pas à faire de rapides progrès ; en effet, les malades finissent par présenta' des diarrhées d'un caractère dyssentérique, et de forts ténesmes suivis de selles sanguinolentes composées d'aliments non digérés et de formamations pseudo-membraneuses, enfin des mouvements de fièvre et tous les indices d'un état morbide général. » (Ibid., p. 14. )
Doses fortes ( un à deux litres et au delà ). — Les effets produits par les eaux chlorhydratées sodiques de Wiesbaden à doses fortes sont semblables à ceux qu'amènent les doses moyennes ; seulement le tube digestif en est plus fortement influencé : elles agissent alors comme purgatives. Par suite probablement de ce dernier effet et en vertu d'une loi physiologique bien connue, les urines « diminuent notablement et finissent même par devenir plus rares qu'elles ne le sont à l'état normal.) " (Braünn, op. cit., p. 12.)
Par la même raison, sans doute, « l'activité de la peau est constamment abaissée. Mais la muqueuse du canal intestinal ainsi que l'appareil glandulaire qui se rapporte à ce dernier sont particulièrement frappés par l'action des eaux, et les sécrétions en sont notablement accrues, comme l'atteste la couleur des selles. » (Ibid., p. 12. )
Circulation. — « Chez beaucoup de buveurs le système vasculaire ne paraît nullement affecté. On remarque, au contraire, qu'ils ont un pouls plus tranquille, plus faible, un teint plus pâle et la peau plus fraîche. D'autres, au contraire, dont le système vasculaire est très irritable et qui se sont moins ressentis de l'effet purgatif des eaux, ont, dans le commencement, le pouls plus agité, éprouvent parfois des congestions rapides et passagères vers la poitrine et la tête, et sont sujets à des hémorrhagies. » (Braünn, op. cit., p. 13. )
PHYSIOLOGIE. 287
En énonçant ces résultats produits par l'usage, à l'intérieur, des eaux de Wiesbaden, nous n'avons, pour ainsi dire, que rappelé les principaux phénomènes développés par l'usage du sel marin (voir plus haut), trop longtemps continué à une certaine dose. Une concordance aussi frappante dans ce qui a lieu, dans les deux circonstances, nous semble corroborer puissamment notre opinion sur la part incontestable qui revient à ce sel clans quelques sources minérales salines, et justifier une fois de plus la création de notre première classe des eaux minérales chlorhydratées sodiques. Nous avons dû insister avec quelques détails sur les effets physiologiques des eaux de Wiesbaden, afin de bien élucider, par un exemple irrécusable, le véritable mode d'action des sources minérales de cette classe. En leur comparant les autres eaux minérales chlorhydratées sodiques, nous verrons se reproduire, à des degrés divers suivant leur composition, les mêmes phénomènes ; c'est ce que nous allons démontrer en analysant brièvement l'action reconnue des principales d'entre elles.
HOMBOURG (LANDGRAVIAT DE HESSE). — Source Elisabeth.
Les eaux minérales de Hombourg l'emportent sur celles de Wiesbaden par la quantité de chlorhydrate de soude qu'elles renferment (10 grammes de sel marin sur 17 grammes de principes fixes). Nous avons énoncé, plus haut, les motifs qui, malgré cette plus grande richesse de sel marin, nous avaient engagés à préférer, comme type d'étude de cette première classe, les sources de Wiesbaden : nous n'avons ici presque qu'à répéter ce que nous avons dit sur l'action de ces dernières eaux; seulement, comme les proportions du sel marin sont plus fortes dans les eaux minérales de Hombourg, et qu'elles sont fraîches (10° à 11° centig.), elles devront être un peu plus actives.
« Prises, en effet, à la dose de quelques verres, elles excitent l'estomac, les intestins et les glandes du bas-ventre, augmentent leur sécrétion, et produisent par là des évacuations alvines et une diurèse plus abondantes. Lorsque cette dernière est très forte, il arrive que les évacuations alvines sont au contraire diminuées, et que des constipations se manifestent. » (Notice sur les eaux minérales de Hombourg, par Victor Stoeber, 1844, p. 22.) — La continuité de leur usage peut déterminer, sir les parties inférieures du tube digestif, des congestions « qui se trahissent et se terminent par des écoulements hémorrhoïdaires, par le sim-
288 EAUX SALINES.
ple développement d'hémorrhoïdes, par une augmentation du flux mens. truel. " (Stoeber, ibid., p. 24.) —Si, au lieu de les prendre à cette dose moyenne, on se borne à en boire un verre pendant plusieurs jours l'on constate que « les garde-robes deviennent plus liquides, et reviennent avec régularité quelques heures après avoir bu l'eau minérale
Certaines personnes, même, ne reconnaissent pas de changement dans leur manière d'être, et demeurent réfractaires à de si petites doses. » (Eaux minérales de Hombourg, par le dr Gardey, 1847, p. 34.)
Nutrition. — Après quelques jours de son usage, l'appétit est plus vif, la digestion plus prompte ; « les forces augmentent, et la santé est devenue plus florissante. Cette amélioration, chez un individu bien portant, arriverait à la longue à un excès dangereux, et entraînerait les inconvénients attachés au tempérament pléthorique, '' (Gardey, ibid., p. 36.) — Ces heureux changements dans la nutrition et dans l'ensemble des fonctions sont également signalés par d'autres observateurs, M. Stoeber, entre autres, s'exprime ainsi : « Elle (l'eau de Hombourg) imprime une activité plus grande à la nutrition et à l'assimilation, et, par là, réagit sur tout l'organisme ; le pouls s'accélère légèrement et devient plus fort, plus développé, la respiration plus fréquente, les mouvements musculaires plus libres, plus énergiques ; les sécrétions des muqueuses respiratoire et génitale sont souvent augmentées. » ( Loc. cit., p. 23.) — Si maintenant l'on se reporte à ce que nous avons dit sur les modifications principales que les eaux de Wiesbaden imprimaient aux sécrétions intestinale et urinaire, ainsi qu'à leur action élective sur les congestions hémorrhoïdaires et utérines; enfin, si l'on fait attention à l'influence bien remarquable qu'elles exercent sur la nutrition, l'on verra que, pour les eaux de Hombourg, les mêmes faits sont signalés, presque dans les mêmes termes, par des auteurs différents. Eu rapprochant ces résultats de ceux que le sel marin nous a fournis, soit sur les diverses sécrétions, soit sur la nutrition (expériences de M. Boussingault), on ne pourra, ce nous semble, en présence de cette frappante ressemblance d'action physiologique, méconnaître qu'elle ne soit due au chlorhydrate de soude.
Nous avons eu en vue, dans cette étude des eaux de Hombourg, principalement la source Elisabeth, qui est presque la seule employée en boisson : il existe, en effet, dans la même localité, une autre source (source de l'Empereur) beaucoup plus chargée de sel marin ; elle en contient 15 grammes, sur 19 grammes de principes fixes par litre !... Or, cette source « jouit des mêmes propriétés que l'eau Elisabeth, mais à un plus
PHYSIOLOGIE. 209
haut degré : aussi produit-elle, à moindre dose, les mêmes effets : un ou deux verres peuvent déterminer plusieurs selles. '' (Stoeber, loc. cit., p. 24.) — Cette observation de M. Stoeber ne semble-t-elle pas une nouvelle preuve de la justesse des principes que nous venons d'exposer ?
SODEM (DUCHÉ DE NASSAD).
La même remarque a été faite pour les eaux de Soden par un médecin hydrologue anglais, le docteur Edwin Lee, dont nous sommes heureux d'invoquer ici l'imposant témoignage : '' Lorsqu'elles sont prises en boisson (les eaux de Soden), dit-il, l'action principale des plus fortes sources, n° 6 et n° 7, est apéritive ou purgative... Comparées aux autres sources de la même classe, celles de Soden sont moins énergiques que les sources salées de Kissingen, qui renferment une plus forte proportion de muriate de soude. (When dranck, the primary action of the stronger
stronger n° 6 and n° 7, is aperient or purgative Compared with
other springs of the same class those of Soden are less energetic than the salt springs of Kissingen winch contain more muriate of soda. ») — (The principal baths of Germany, by Edwin Lee, 1840, p. 138.)
Mais poursuivons notre démonstration sur d'autres eaux chlorhydratées sodiques.
BALARUC (HÉRAULT).
A Balaruc les sources minérales sont fortement chargées de sel marin ; elles en renferment, en effet, 6,80 grammes sur un total de 9,08 grammes de principes fixes. « En général les infirmes qui fréquentent ces thermes sont soumis dès leur arrivée à l' action purgative des eaux. J'ai expérimenté sur moi-même cette propriété. Je me suis convaincu que 4 à 6 verres, de 250 grammes chacun, suffisent pour amener 4 à 6 selles, et même plus, sans aucune colique pénible ; l'eau minérale se comporte comme les purgatifs salins doux Dans le cas de paraplégie avec paresse des gros intestins, il faut dix, quinze et même vingt verres pour obtenir une évacuation. » (Pâtissier, Rapport de 1854, p. 140.)
Ne retrouvons-nous pas ici, bien dessiné, l'effet purgatif que les eaux de Wiesbaden produisent avec certitude quand elles sont prises à doses moyennes ( 1/2 litre à 1 litre)? A Balaruc, 4 à 6 verres représentent bien
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290 EAUX SALINES.
cette dose moyenne, et même au delà, et les malades prennent ainsi plus de sept grammes de sel marin en peu de temps, quantité suffisante pour rendre l'eau laxative.
Cet effet serait, sans doute, plus prononcé encore, si l'eau était bue fraîche, et non à la température de la source (40° à 50°). Nous savons, en effet, qu'une température élevée tend à produire la constipation, et contrebalance ainsi plus ou moins la propriété laxative d'une eau minérale saline.
Les vertus laxative et fondante des eaux de Balaruc avaient déjà été reconnues depuis longtemps. Macquart écrivait en 1783 : « Ces eaux prises le matin à jeun depuis une demi-pinte jusqu'à une pinte, purgent fort bien, fondent, détachent et entraînent les glaires de l'estomac. Elles sont apéritives et se donnent encore dans les maladies des reins, les flueurs blanches, la jaunisse, la cachexie.» (Sur les propriétés de l'eau, par Macquart, 1783, p. 217.) N'est-ce pas dire, en d'autres termes, que les eaux de Balaruc agissent sur les sécrétions du foie, des reins, et modiflent favorablement la nutrition, puisqu'elles corrigent les cachexies? Or, ce sont bien encore là les propriétés principales que nous avons découvertes dans les eaux chlorhydratées sodiques de Wiesbaden.
BOURBONNE (HAUTE-MARNE).
A Bourbonne on prend, terme moyen, dans la matinée un litre de ces eaux thermales; cette dose amène une diurèse abondante, '' une douce moiteur et des évacuations alvines modérées, parfois un ténesme fatigant; dans ce dernier cas, on a recours aux boissons délayantes et à la cessation de l'eau si cet état persiste. » (Notice sur les eaux de Bourbonne, par F. Lemolt, 1830, p. 10.) — L'auteur a confondu dans ce tableau deux actions dont les causes doivent être bien distinguées : 1° celle qui dérive du sel marin (diurèse, évacuation alvine ), et 2° celle qui est due à la température (ténesme, moiteur). Cette double cause d'effets divers avait été cependant entrevue par M. Renard Athanase, en 1830, dans son opuscule sur les eaux de Bourbonne. " On n'a point encore analysé rigoureusement, écrivait-il, l'action de cette eau sur le canal intestinal; elle y produit, en général, un certain degré d'excitation très modérée chez les uns, plus forte chez les autres, et généralement suivie d'un effet purgatif assez soutenu. C'est aux moyens d'obtenir et de favoriser ce dernier effet qu'il faut surtout s'attacher. »
PHYSIOLOGIE. 291
Après avoir sommairement indiqué quels sont ces moyens ( pris parmi les adoucissants, les antiphlogistiques), il ajoute : « Ce que j'ai dit jusqu'à présent des effets de l'eau de Bourbonne en boisson, se rapporte bien plus à l'action des minéraux, éléments de sa composition, qu'à celle de son calorique. On voudra bien, d'ailleurs, reconnaître avec moi que cet agent mérite une attention spéciale, et je crois l'avoir assez fait sentir. » (P. 110-112. )« Il serait peut-être à propos, dans certains cas, de laisser perdre à cette eau quelques degrés de sa chaleur naturelle avant de la livrer à l'estomac.» (Loc. cit., p. 113.) Il termine par ces paroles : « On voit que sa vertu stimulante est à la fois déposée dans son calorique et dans les minéraux combinés avec elle. Ajoutons que l'action respective de ces principes est loin d'être entièrement la même, " ( Loc. cit., p. 114.)
Pour nous, appuyés sur les observations multipliées d'après lesquelles nous nous sommes efforcés, dans tout le cours de cet ouvrage, de bien distinguer les effets dus à la température de ceux qui appartiennent aux principes minéralisateurs, nous sommes persuadés que l'action laxative ou diurétique des eaux de Bourbonne serait bien plus marquée si avant de la boire on avait le soin de la laisser se refroidir. Nous ne saurions, d'ailleurs, trop faire ressortir pour la pratique, l'importance de cette série d'observations faites, sans idées préconçues, par des observateurs différents.
NIEDERBRONN (BAS-RHIN).
Nous voyons, en effet, qu'à Niederbronn, dont les sources contiennent seulement 3,08 grammes de chlorhydrate de soude par litre, mais qui sont fraîches ( 17°5 ), nous voyons que deux à quatre verres suffisent pour amener une ou deux selles.
« En général, dit M. Pâtissier, l'eau de Niederbronn se distingue par ses qualités fondantes et laxatives.» ( Rapport de 1854, p. 144. ) Elles ont également une action bien prononcée sur les veines hémorrhôïdales. « On conçoit, dit M. Kühn, que des eaux laxatives jointes à l'exercice qu'on se donne conviennent singulièrement à l'affection hémorrhoïdale
hémorrhoïdale soit au commencement du traitement minéral ,
soit dans son cours, les malades éprouvent un molimen hémorrhoïdal qui, dans la plupart des cas, ne tarde pas à se dissiper, et auquel nous opposons une application de sangsues lorsqu'il persiste avec une certaine intensité. » (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 148. )
292 EAUX SALINES.
Notons encore ici cette influence bien remarquable sur le système de la veine-porte, et que nous avons déjà signalée dans les autres eaux chlorhydratées sodiques. M. Kühn l'attribue, comme on le voit, en grande partie à l'effet purgatif de ces eaux; pour nous, nous pensons que la purgation n'est probablement qu'un adjuvant dans celte circonstance et que c'est plutôt à une action élective exercée par le sel marin sur les veines hémorrhoïdales, qu'il faut faire remonter les résultats observés, S'il en était autrement, tous les purgatifs devraient avoir la même vertu: et c'est ce qui n'a pas lieu. Nous reviendrons, au reste, avec détails, au chapitre de la thérapeutique, sur ces faits que nous ne faisons ici qu'indiquer : notre but est de bien fixer l'attention sur la régularité et la constance de certains phénomènes physiologiques provoqués par l'administration des eaux salines de notre première classe, lorsqu'elles contiennent une certaine proportion de sel marin ( 3 à 4 grammes au moins ).
NAUHEIM (HESSE-ÉLECTORALE).
Ces effets spéciaux se retrouvent dans les autres sous-divisions. Ainsi les eaux chlorhydratées sodiques-calciques de Nauheim (Kurbrunnen et Salzbrunnen) développent, à la dose de 3 à 4 verres, une action purgative, plus marquée pour le Salzbrunnen qui contient 18,46 grammes de sel marin par litre, que pour le Kurbrunnen qui n'en présente que 14,31 gr. Remarquons que l'on trouve dans chacune de ces sources la même dose, par litre, de bicarbonate de chaux (1 gramme 55 à 1 gramme 50), sel qui diminue notablement les sécrétions du tube digestif ; leur action purgative sera donc moins prononcée que dans les autres eaux minéralisées dans les mêmes proportions par le sel marin ( Hombourg par exemple), ou pourra même ne pas dépasser celle que posséderaient d'antres eaux salines plus faibles (Faulbrunnen, Wiesbaden, Balaruc, etc.), Au reste, cette dose de sel calcaire suffit pour rendre les eaux de Nauheim légèrement alcalines. (Rotureau, Eaux minérales de Nauheim, 1856. ) Au-dessous de trois grammes, les effets laxatifs sont moins faciles à produire ; mais l'action diurétique, celle sur la nutrition et sur les engorgements glandulaires abdominaux apparaît toujours, c'est à dire, que nous retrouvons les phénomènes qui dépendent de l'absorption du sel marin. Toutefois ces résultats paraissent ( quant à leur énergie actuelle) subordonnés à la dose des éléments de minéralisation que chaque source tient en dissolution, ainsi qu'à la quantité d'eau bue chaque jour, celle-ci pouvant varier de deux à quinze ou vingt verrées.
PHYSIOLOGIE. 293
MIXEUIL (HAUTE-SAÔNE).
A Luxeuil on ne trouve plus que 0,74 grammes de sel marin sur 1,11 grammes de principes fixes par litre, mais elle a 0,14 de sulfate de soude ; aussi ces eaux n'ont-elles presque plus d'effets purgatifs à faible dose. « Le minimum pour un adulte, dit M. Aliès, peut être fixé à un litre, et le maximum à quatre litres dans la matinée.» (Eaux de Luxeuil, 1850, p. 43. ) Or, à cette dernière dose , on voit qu'on introduit près de trois grammes de sel marin en quelques heures, ce qui, joint à un aussi grand volume d'eau (4 litres), peut et doit rendre laxative cette eau minérale. Toutefois, comme l'eau prise en boisson est chaude, nous retrouvons bientôt la constipation qui suit, comme nous l'avons dit, une température élevée ; mais les effets généraux n'en sont pas moins ceux que produisent après leur absorption les eaux chlorhydratées sodiques.
M. Revillout en résume parfaitement l'action dans les lignes suivantes : « Elles augmentent, dit-il, la sécrétion de toutes les muqueuses, des fluides pancréatique et biliaire, et donnent souvent lieu, dans les premiers jours, à des évacuations spontanées, dont les résultats sont avantageux; cependant elles conduisent bientôt à la constipation. » (Recherches sur les eaux de Luxeuil, 1838, p. 89. ) — M. Billout, dans une notice sur les eaux thermales de Luxeuil, publiée en 1857, confirme tout à fait ce mode d'action exercée par ces sources minérales. Nous nous abstenons d'en reproduire ici les propres expressions, afin d'éviter des longueurs.
De la discussion à laquelle nous venons de nous livrer, sur l'action physiologique des eaux chlorhydratées sodiques, nous croyons pouvoir déduire les conclusions suivantes :
1° Indépendamment des effets qui ressortissent à leur température, et que nous pensons avoir bien mis en évidence, ces eaux modifient un grand nombre de sécrétions, surtout les sécrétions intestinale et urinaire.
2° Celles qui contiennent au moins trois à quatre grammes de sel marin par litre (Niederbronn, etc.) sont laxatives à la dose de deux à quatre verres, et plus ou moins fortement purgatives, si la proportion du sel est plus élevée (Hombourg, Nauheim, Wiesbaden, Bourbonne, Balaruc).
3° Elles paraissent posséder une action élective sur tout le système veineux abdominal, dont elles stimulent la fonction circulatoire; elles favorisent ainsi les congestions hémorrhoïdaires et tendent à dissiper en
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partie, par cette espèce de révulsion, les engorgements des organes glandulaires dont les fonctions se rattachent à ce système (foie, rate), et même les congestions cérébrales.
4° Elles activent les fonctions utérines et peuvent même, lorsqu'elles sont administrées imprudemment, provoquer des métrorrhagies.
5° Enfin, par l'influence générale qu'elles exercent sur la nutrition elles font disparaître un grand nombre de cachexies, amaigrissent les individus obèses, donnent plus d'énergie au système musculaire, rendent le corps plus dispos et accroissent les forces.
Il reste bien compris que, pour obtenir ces résultats salutaires, il ne faut pas dépasser certaines doses dans l'administration de ces eaux (doses qui sont subordonnées à leur degré de minéralisation et que nous avons eu soin de toujours indiquer); sans cette attention on ferait naître cet état particulier, que nous avons décrit, et que les médecins hydrologues ont appelé la saturation ; laquelle est en réalité une nouvelle maladie due à l'abus et non à l'usage éclairé de la médication minérale.
DEUXIEME ORDRE. — EAUX SALINES SULFATEES.
Nous allons étudier l'action physiologique des eaux de ce deuxième ordre, suivant que les éléments minéralisateurs prédominants seront A. le sulfate de chaux, ou bien B. le sulfate de soude ou de magnésie.
PREMIER GROUPE. — EAUX SALINES SULFATÉES CALCIQUES.
La division des eaux sulfatées calciques que nous proposons d'établir nous semble tout à fait nouvelle en hydrologie. Ce n'est point que nous prétendions que ces eaux soient inconnues, et que les auteurs n'en aient pas fait mention; mais, lorsqu'ils en ont parlé, c'était en général pour dire qu'elles étaient impropres aux usages domestiques, et pour indiquer en même temps les moyens de les rendre salubres. — L'ordre de faits dans lequel nous allons essayer de pénétrer est donc en réalité nouveau au point de vue de la physiologie et de la thérapeutique, et
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nous ne connaissons point de travail d'ensemble sur ce sujet. Quelques médecins hydrologues ont bien entrevu que les eaux sulfatées calciques possédaient peut-être quelques vertus médicales ; mais, ou bien ils diffèrent sur ces vertus curatives, ou bien ils les passent sous silence. « Je suis loin d'être convaincu que le sulfate de chaux, qui est l'élément prédominant dans les eaux salines séléniteuses, n'entre pour rien dans leur action médicatrice. » (Filhol, cité par M. Herpin.) Mais en quoi consisterait cette action? Ce chimiste n'en dit rien. M. Cazenave, dans l'article qu'il a consacré à l'étude thérapeutique des sels de chaux, dans le Dictionnaire en 30 volumes, tome vu, ne fait pas seulement mention du sulfate de chaux.
Selon M. Herpin, plusieurs eaux minérales naturelles (Ussat, Audinac, Bagnères-de-Bigorre) devraient leurs propriétés thérapeutiques en grande partie au sulfate de chaux; mais comment agit ce composé? il hésite à se prononcer. « Le fait est, dit-il, que nous ne connaissons pas encore quelles sont les combinaisons nouvelles auxquelles peut donner lieu la présence de ce corps dans l'intérieur de nos organes Les eaux séléniteuses salines sont ordinairement un peu laxatives et diurétiques. » (Etudes médicales sur les eaux minérales, parle docteur Herpin, 1855, p. 200.)
Voilà tout ce que nous avons pu recueillir de plus positif à ce sujet dans les ouvrages classiques. En présence de celte pénurie de faits, nous avons dû examiner les travaux épars dans la science, discuter les observations cliniques qu'ils renferment afin d'en éliminer tout ce qui paraissait étranger à l'action elle-même du sulfate de chaux, et former de toutes ces données un faisceau d'où put jaillir quelque lumière. C'est le résultat de ces recherches nouvelles que nous allons exposer dans ce travail.
WEISSEMBOURG (SUISSE, canton de Berne).
Le docteur Jonquières (Essai sur l'action thérapeutique des eaux de Heissembourg, 1848, Berne) a expérimenté sur lui-même les eaux de Weissembourg prises en boisson. Ces faits nous ont paru d'autant plus précieux, que l'expérimentateur étant médecin a pu mieux en observer les détails, en comprendre la signification ; et que d'ailleurs nous en avons trouvé un judicieux contrôle, sous un autre point de vue, dans l'ouvrage du docteur Pointe, sur les mêmes eaux. Voici le résumé de ses observations.
296 EAUX SALINES.
Centre nerveux. — Après être arrivé progressivement ( dans l'état parfait de santé ) à prendre huit chopines ( mesure de Berne) le matin et deux le soir, quantité qui, pour la majorité des malades, doit être regardée comme un maximum, M. Jonquières a noté comme constants les phénomènes suivants : pendant les premiers jours il se déclare une cephalalgie sourde, mais peu intense, occupant, en général, toute la tête et arrivant à son summum d'intensité le matin après l'usage de l'eau, Il survient plus tard un peu de somnolence, un abattement général, de la faiblesse et quelques fourmillements dans les membres ; malgré ces phénomènes, « jamais, dit M. Jonquières, je n'ai pu constater de signes extérieurs de congestion cérébrale. » ( Op. cit., p. 14.)— Après avoir signalé les mêmes phénomènes dérivant de l'action de ces eaux prises en boisson, le docteur Pointe ajoute en terminant: « Quand les malades en boivent le soir ils éprouvent pendant la nuit de l'agitation et de l'insomnie. » ( Pointe, Monographie des thermes de Weissembourg, 1853, p. 86.)
Tube digestif. — Le matin après la boisson, il se déclare quelques borborygmes accompagnés de nausées, et la langue, après quelques jours de traitement, se recouvre d'un enduit blanchâtre. Puis surviennent quelques selles liquides, « et, dès que celles-ci sont régulièrement établies ( 2 ou 3 dans la matinée), les symptômes nerveux et ceux qui caractérisent l'état bilieux ne tardent pas à s'amender et même à disparaître plus ou moins complètement. » (Pointe, op. cit., p. .87.)
Appareil urinaire. — Les urines deviennent plus abondantes, " et ce surcroît d'activité est surtout frappant lorsque l'action purgative manque. » Jonquières, op. cit., p. 16.) — Suivant le docteur Rusch de Berne, l'excrétion des urines est souvent difficile, et cette difficulté pourrait aller jusqu'à la rétention. MM. Müller et Jonquières n'ont jamais constaté de phénomènes semblables. Toutefois M. Pointe avait appris du docteur Peray ( de Lausanne ) " qu'un engorgement de la prostate s'aggrava pendant que le malade faisait usage de ces eaux. » (Pointe, op. cit., p. 7. ) — Ces faits, de quelque manière qu'on les interprète, prouvent que ces eaux ont une action bien marquée sur les organes unnaires, " et c'est, ajoute M. Pointe, ce qu'il importe aux praticiens de savoir. » (Ibid. )
Appareil respiratoire. — " L'un des premiers effets qu'éprouvent les malades consiste en un redoublement d'énergie vitale des organes de la respiration. Les personnes qui sont atteintes de maladies anciennes de cet appareil (et c'est le plus grand nombre à Weissembourg) ressentent
PHYSIOLOGIE. 297
presque toutes, après quelques jours de traitement, une sorte de recrudescence de ces maladies. Ce redoublement d'intensité des phénomènes morbides s'explique par l'accroissement de vitalité des tissus qui en sont le siége. »( Pointe, op. cit., p. 88.) L'influence remarquable de ces eaux sur l'appareil respiratoire a été mise à profit pour combattre, et avec succès, des bronchites, des pneumonies chroniques, et même des phthisies tuberculeuses au premier et au deuxième degré. (Voir le chapitre de la thérapeutique. ) Nous ferons voir dans un instant que cette action sur l'appareil pulmonaire se rencontre, mais à des degrés divers, dans toutes les eaux sulfatées calciques de notre deuxième classe, et pourtant cette précieuse propriété est passée presque inaperçue jusqu'ici.
Circulation, fonction de la peau. — Ces deux fonctions semblent peu modifiées par l'usage des eaux sulfatées calciques de Weissembourg, et la faible action que ces eaux exercent est d'ailleurs peu constante. « La fréquence et la force du pouls s'accroissent un peu, mais ce léger trouble est souvent à peine sensible ; dans tous les cas il se dissipe bientôt. » (Pointe, op. cit., p. 86.)
En résumant les observations que nous venons d'exposer, on voit que les eaux sulfatées calciques de Weissembourg agissent plus particulièrement sur l'appareil de la respiration, puis sur les voies urinaires, enfin un peu sur les intestins. Quant aux phénomènes qui se passent du côté des centres nerveux, si l'on fait attention, d'une part, qu'ils ne sont pas accompagnés de fièvre, et d'autre part, qu'ils se dissipent dès que l'effet purgatif ou diurétique a lieu, on sera naturellement amené à les attribuer en partie à l'indigestibilité de celte espèce d'eau minérale; car l'on sait que c'est là un des inconvénients des eaux séléniteuses.
Une rapide revue des principales eaux sulfatées calciques de cette deuxième classe va nous montrer qu'elles ont une action semblable sur les divers appareils de l'organisme.
BRIDES-LA-PERRIÈRE (SAVOIE).
Appareil respiratoire. — L'influence sur cet appareil se manifeste assez promptement, surtout s'il est le siége d'une affection catarrhale. " L'expectoration devient alors écumeuse, blanchâtre et quelque peu visqueuse, ce qui nous inclinerait à croire que l'action des eaux se porte sur toute la membrane muqueuse qui tapisse les voies aériennes, jusque même aux derniers rameaux bronchiques. » ( Précis sur les eaux minéro-
298 EAUX SALINES.
thermales de La Perrière, par le docteur Savoyen, 1835, p. 10.) Aussi ces eaux sont-elles, comme celles de Weissembourg, employées avec succès dans les maladies chroniques du système pulmonaire.
Suivant Raige-Delorme, les eaux sulfatées calciques de Bagnères-deBigorre sont utiles dans le catarrhe pulmonaire. (Dictionnaire en 30 v, t. IV. )
Appareil urinaire. — " L'organe sur lequel les eaux (de Brides)
ne manquent jamais d'agir, c'est l'organe sécréteur de l'urine La sécrétion
sécrétion est augmentée ; l'urine est incolore et forme peu de dépôt. Cette excitation des voies urinaires, qui est un effet presque constant des eaux de La Perrière, constitue, dans plusieurs maladies, un moyen efficace de guérison. « (Savoyen, not. cit., p. 11. )
KING'S BATH (ANGLETERRE).
Ces eaux exercent aussi une action incontestable sur la sécrétion des urines. D'après le docteur Falconer, cité par MM. Pâtissier et BoutronCharlard dans leur Manuel des eaux minérales, 1837, " elles favorisent les sécrétions, principalement celle de l'urine, et facilitent la digestion.» (P. 476.) Le docteur Ed. Lee, dans son traité des sources minérales d'Angleterre (1845), les compare, pour leurs propriétés, aux eaux de Bagnèresde-Bigorre, qui appartiennent à notre groupe des sulfatées calciques, Or, l'eau de Bagnères-de-Bigorre (source du Salut) ce prise en boisson est très diurétique et par conséquent favorable aux personnes affectées de maladies des voies urinaires.» (Pâtissier, Rapport cité de 1854, p. 170.)
Les eaux de cette source, moins chargées de principes actifs, « sont très peu purgatives; elles n'ont le plus souvent qu'un effet diurétique; aussi sont-elles employées dans les maladies des voies urinaires, le catarrhe vésical, la dysurie. » (Raige-Delorme, Dictionnaire en 30 vol., t. IV. ) Telle est l'action physiologique et thérapeutique que leur reconnaît M. C. James. (Guide pratique cité, 1851, p. 120. )
ENCAUSSE (HAUTE-GARONNE). — AUDINAC (ARIÉGE).
Ces eaux nous offrent encore les mêmes phénomènes physiologiques. Ainsi les eaux d'Encausse qui guérissent les fièvres intermittentes, propriété remarquable que possèdent d'autres eaux sulfatées calciques (Audinac,
PHYSIOLOGIE. 299
Brides), amènent ce résultat ce tantôt par des urines copieuses , tantôt par des selles fréquentes. » (Pâtissier, Rapport cité, p. 104.) " Quant aux sources d'Audinac, elles sont réputées diurétiques » ( Raige-Delorme ) et ont été reconnues utiles dans les affections des voies urinaires.
Appareil digestif. — Cet appareil n'est pas également modifié dans toutes ses régions par les eaux sulfatées calciques ; quelques-unes de ces dernières paraissent plus spécialement porter leur activité sur la muqueuse buccale.
Brides-la-Perrière.— «On observe qu'à ces eaux la bouche devient plus sèche au bout de quelques minutes ; on éprouve même une légère altération (soif), les glandes salivaires sécrètent abondamment. » (Savoyen, not. citée, p. 7.) Cette particularité n'appartient pas aux seules eaux de La errière, car nous la retrouvons mentionnée pour les sources sulfatées calciques de King's Bath. '' Ces eaux excitent la salivation; aussi sont-elles la meilleure boisson pour étancher la soif. » (Docteur Granville, Manuel des bains d'Europe, 1846, p. 570. ) — Cette influence sur la partie sus-diaphragmatique du tube digestif, bien qu'elle paraisse extraordinaire, n'en est pas moins certaine, puisqu'elle est appuyée sur des observations sérieuses et attestée par des observateurs placés à des sources minérales éloignées, mais qui se rapprochaient par leur constitution chimique.
Bagnères-de-Bigorre.— La source Laserre, plus chargée de principes actifs, « a des propriétés laxatives, porte son action sur le parenchyme des viscères abdominaux dont elle augmente les sécrétions, et modifie la nutrition. » (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 170.)
Audinac. — Les eaux d'Audinac produisent les mêmes effets; « elles sont laxatives, et réussissent dans les engorgements des viscères du bas-ventre. «(Pâtissier, Manuel des eaux minérales, 1837, p. 275.) — Cet effet laxatif des eaux d'Audinac avait déjà été noté par Bordeu, qui disait que les sources de La Gathrie irritent les entrailles et relâchent le ventre. ( Bordeu cité par Raige-Delorme, Dictionnaire en 30 vol., t. IV.)
Cap-Vern. — Les eaux de Cap-Vern offrent encore les mêmes résultats. « Ces eaux (Cap-Vern) sont un peu laxatives, elles augmentent l'appétit et la sécrétion urinaire. » (Pâtissier, Manuel, 1837, p. 486.)
Circulation. — Nous n'avons rien trouvé de précis touchant l'influence des eaux sulfatées calciques sur la circulation, ce qui nous fait supposer qu'elle doit être faible ; pour nous, nous serions portés à la croire plutôt sédative dans une certaine mesure ; c'est ce que nous avons
300 EAUX SALINES.
déjà remarqué quand il s'est agi des eaux de Weissembourg, de Bridesla-Perrière, etc.
Seules les eaux de Rath (Angleterre) accélèreraient notablement la circulation. (Falconer, cité par M. Pâtissier dans son Manuel des eaux minérales.) Mais faisons observer qu'ici nous retrouvons une cause toute spéciale, à savoir, la thermalité. Les eaux de Bath sont en effet prises chaudes en boisson, et nous savons que cette circonstance peut suffire à donner plus d'activité à l'impulsion du coeur.
En résumant lés faits que nous venons d'exposer, on peut en déduire les conclusions suivantes :
1° Les eaux sulfatées calciques influencent d'une manière bien évidente les voies urinaires, augmentent l'abondance des urines et impressionnent la muqueuse vésicale.
2° Plusieurs d'entre elles (Brides, Weissembourg) paraissent affecter plus spécialement les voies respiratoires, observation que MM. Jonquières, Rusch, Pointe, etc., ont pleinement confirmée pour les sources de Weissembourg, et les docteurs Savoyen, Laissus et Socquet pour celle de Brides.
3° Enfin, ces eaux, prises en boisson à la dose de plusieurs verrées dans la matinée, purgent à des degrés divers ; mais cet effet laxatif est loin d'être constant, et ne leur est pas essentiel.
Nous verrons, au chapitre de la thérapeutique, quel parti le clinicien peut tirer des observations précédentes, pour l'application raisonnée des eaux sulfatées calciques dans diverses maladies chroniques. Faisons pourtant remarquer en terminant, que nous n'avons presque pas fait mention, en parlant de ces eaux, de l'appareil cutané ; et cependant elles sont, comme nous le verrons, éminemment efficaces dans les dermatoses. Mais ici, leur action curative est en très grande partie, sinon en totalité, due à la transformation partielle du sulfate de chaux en sulfure de calcium, au contact de la surface tégumentaire. Ce fait a été mis hors de toute contestation par M. Fontan, particulièrement pour les eaux de Loesch.
Cette observation laisse entrevoir que ces eaux ( sulfatées calciques) pourront être utilisées dans un grand nombre de maladies, où réussissent les eaux sulfurées calciques. Nous verrons en effet ( au chapitre des eaux sulfurées calciques), que leurs actions physiologiques sont presque identiques, et qu'elles se rapprochent beaucoup dans leurs propriétés thérapeutiques.
Si ce rapprochement, qui du reste résume simplement des faits authen-
PHYSIOLOGIE. 301
tiques, si ce rapprochement était accepté par les médecins comme nous pensons qu'il doit l'être, nous aurions justifié la place que nous accordons aux eaux sulfatées calciques entre les eaux salines (chlorhydratées et sulfatées sodiques) et les eaux sulfurées calciques. " Au reste, les agents thérapeutiques et hygiéniques que renferme un établissement thermal, une fois bien connus dans leur manière d'agir, pourront être employés avec succès dans le traitement de beaucoup de maladies contre lesquelles ils n'ont pas encore été essayés. Car le médecin guérit bien plutôt par la bonne application qu'il sait faire du remède, que par le remède luimême. » (Pointe, loc. cit., p. 71. )
DEUXIÈME GROUPE. — EAUX SALINES SULFATÉES SODIQUES-MAGNÉSIENNES.
Tout le monde connaît la propriété laxative que possèdent le sulfate de soude et le sulfate de magnésie. Chaque jour, ces sels ou les eaux qu'ils minéralisent ( Sedlitz, Pullna ) sont ordonnés quand on veut amener des évacuations alvines, et l'on se rappelle avec quel enthousiasme Laroque avait conseillé l'eau de Sedlitz en particulier, comme base principale du traitement de la fièvre typhoïde ; c'est d'ailleurs un purgatif qui n'a rien d'irritant, et dont l'action est assez constante pour ne pas tromper l'espoir du médecin. Nous n'avons pas à insister plus longuement sur cette propriété des sulfates de soude et de magnésie, puisque notre but n'est pas de faire l'histoire des médicaments purgatifs.
Mais, lorsque ces sels ou les eaux qui les tiennent en dissolution sont pris à doses altérantes de façon que leur action laxative soit presque nulle, ils développent alors une action diurétique et résolutive prononcée. " Le sulfate de soude à doses faibles, un à trois grammes, est absorbé et agit comme diurétique. » (Bouchardat, Manuel de matière médicale, 1856, t. II, p. 76.) — " Ces eaux ( sulfatées sodiques et magnésiques) ont, en
général, une propriété apéritive, relâchante Elles sont résolutives et
fondantes ; elles favorisent les diverses sécrétions et provoquent les excrétions.» (Herpin, op. cit., p. 200.) — " Du reste, bues à doses modérées suffisantes pour déterminer chaque jour une ou deux évacuations, elles n'amènent aucune irritation ni lésion dangereuse sur le canal intestinal. » (Herpin, ibid., p. 18. ) — Ainsi les sulfates de soude et de magnésie ne paraissent avoir aucune action irritante, et n'enflamment
302 EAUX SALINES.
point les tissus avec lesquels ils sont en contact ; ils sembleraient agir plutôt comme agents modérateurs; cette manière d'envisager l'action intrinsèque de ces corps n'est point d'ailleurs nouvelle. Cullen et son savant traducteur et commentateur Bosquillon l'avaient déjà regardée comme antiphlogistique ; aussi les conseillaient-ils dans le traitement des fièvres continues : " Les sels neutres formés des acides vitriolique (sulfurique) , nitreux ou végétal unis avec les alcalis fixes ( soude ou potasse) constituent une autre classe de rafraîchissants Leur qualité rafraîchissante dans le corps des animaux ne dépend nullement de la puissance qu'ils ont d'engendrer le froid pendant leur dissolution dans l'eau. » (Cullen, Eléments de médecine pratique, traduits par Bosquillon, 1785, t. VII, p. 127.) Le sulfate de soude, après avoir purgé, amène la constipation; cette particularité déjà signalée par Bosquillon a été, comme on le sait, étudiée avec soin dans ces dernières années par MM. Trousseau et Pidoux, qui ont su tirer de cette observation d'heureuses inductions pour le traitement de certaines diarrhées. » (Traité de thérapeutique et de matière médicale. ) Il ressort des observations que nous venons de présenter sur l'action des sulfates de soude et de magnésie, qu'ils agissent plutôt comme antiphlogistiques, et qu'ils seront bien indiqués quand on voudra faire tomber l'éréthisme inflammatoire. Les applications assez nombreuses que l'on a faites des eaux de Sedlitz, Pullna, en un mot dés eaux qui renferment du sel de Glauber ou du sulfate de magnésie, découlent presque toutes de cette dernière propriété, comme nous le verrons avec détails au chapitre de la thérapeutique.
Action physiologique comparée du sel de Glauber et du sel marin.
Pour terminer ce que nous avons à dire sur l'action du sulfate de soude, nous croyons devoir rappeler ici un fait intéressant d'expérimentation agronomique, qui semblerait attribuer à ce sel un rôle à peu près semblable à celui du sel marin dans l'acte de la nutrition générale. Ces observations ont été faites en France surtout par M. Boussingault. Cet illustre agronome a prouvé que l'on pourrait, sans inconvénient, diminuer la ration du sel marin nécessaire aux animaux, pourvu qu'on leur donnât un supplément de sulfate de soude. Nous avons dit (voir Chlorure de sodium, Physiologie) plus haut que la dose d'hydrochlorate de soude fourme aux vaches ou aux taureaux s'élevait, en général, à environ 70 grammes par jour. Or, M. Boussingault ce a réduit cette quantité à 57 grammes
PHYSIOLOGIE.
avec une addition de 17 grammes de sel de Glauber. » (Chimie agricole par M. Malagutti, 1848, p. 297. ) — " La substitution du sulfate de soude au sel marin est connue depuis longtemps dans l'Amérique méridionale: sur le plateau de la Nueva-Granada, on ne donne au bétail que du sulfate de soude. » (Malagutti, Leçons de Chim. agric, p. 298. ) D'après cet auteur l'on donnerait aussi dans le Wurtemberg au bétail deux fois par semaine, du sel de Glauber. (Ibid., p. 297.) Il résulte de ces expériences, passées du reste dans plusieurs pays à l'état de fait pratique, il résulte, disons-nous, que le sulfate de soude pris à doses modérées (non purgatives) exerce évidemment, sur la nutrition des animanx, une action plus ou moins analogue à celle du sel marin.
En transportant à la médecine humaine ces observations faites sur les animaux, ne pourrait-on pas se demander si les mêmes effets ne seraient pas obtenus sur l'homme ? — L'analogie conduit à répondre par l'affirmative; et dès lors la présence d'une certaine proportion de sulfate de soude dans les eaux chlorhydratées sodiques ajouterait à l'action bien constatée de celles-ci sur la nutrition. — Nous ajouterons, pour compléter cette analogie d'action physiologique, que ce suivant Hildembrand et Récamier le sel de Glauber a sur le rectum une action spéciale qui le rend propre à provoquer les hémorrhoïdes. » (Mérat et Delens, Dictionn. de matière médicale, t. VI, p. 405. ) Or, nous avons vu que le chlorhydrate de soude semblait avoir aussi une action élective sur les veines hémorrhoïdales : c'est donc là un nouveau point de contact physiologique entre ces deux sels (sel marin et sel de Glauber ). — La thérapeutique nous fournira, à son tour, de nouveaux points de comparaison, importants sous le rapport de la clinique, et qui viendront appuyer les rapprochements que nous venons de faire entre ces derniers sels.
TROISIÈME ORDRE. — EAUX SALINES MIXTES.
L' étude que nous venons de faire sur les eaux salines chlorhydratées et sulfatées facilitera beaucoup et abrégera l'examen physiologique des eaux salines que nous avons appelées mixtes. Nous devons retrouver et nous retrouverons, en effet, réunies dans celles-ci, les propriétés médicales que nous avons étudiées séparément dans les deux sections précédentes ; et, suivant que le sel chlorhydraté ou sulfaté s'y rencontrera en proportion
304 EAUX SALINES.
plus ou moins forte, l'eau minérale développera des phénomènes physiologiques correspondant au genre du sel prédominant, phénomènes que nous connaissons maintenant. Il nous suffira donc dans tous les cas, pour mettre en relief ces propriétés, d'indiquer, d'après l'expérience des cliniciens, quelles elles sont pour les principales eaux minérales salines mixtes. — Mais avant d'aller plus loin il est utile d'étudier l'action physiologique d'un élément minéralisateur dont nous n'avons pas fait mention jusqu'ici ; nous voulons parler du chlorhydrate de magnésie, qui minéralise certaines eaux salines mixtes ( Rex, Sassendorf, Friedrichshall, etc.).
Action physiologique du chlorhydrate de magnésie.
Ce sel est à peine décrit dans les traités de matière médicale publiés jusqu'ici. Le plus récent, celui de M. Rouchardat (1857), ne contient que ces mots placés à la fin d'un petit article sur le chlorure de calcium : « On obtient de même le chlorure de magnésium hydraté ; il jouit de propriétés analogues (au chlorure de calcium), et il entre aussi dans quelques eaux minérales.» (Traité de matière médicale, 1857, t. II, p. 534.) 0r, les propriétés que cet auteur attribue au chlorure de calcium sont qu'il est purgatif à hautes doses.
M. Herpin, dans ses Etudes sur les eaux minérales (1855), s'exprime ainsi : '' Le chlorure de calcium ainsi que le chlorure de magnésium appliqués directement sur les organes y produisent une surexcitation. L'usage de ces sels continué pendant quelque temps resserre le ventre et
diminue les sécrétions muqueuses Le chlorure de magnésium a des
propriétés médicinales analogues à celles du chlorure de calcium.» (Herpin, loc. cit., p. 144-145. ) — Disons à l'avance que nous ne saurions partager cette opinion de M. Herpin. — M. Herman Léhert, dont les beaux travaux micrographiques ont fait sensation dans le monde scientifique, a examiné avec beaucoup de soin le mode d'action du chlorhydrate de magnésie. Il a consigné ses essais, les seuls que nous connaissions sur ce sujet mais qui sont suffisamment complets, dans un Compterendu des eaux de Lavey (Suisse) publié en 1842; nous avons été heureux d'y trouver des renseignements bien authentiques sur l'action de ce sel sur nos organes. En voici l'exposé sommaire. D'après le docteur Perey (de Lausanne), Home, dont il avait suivi les cours en Ecosse (Edimbourg), recommandait le muriate de magnésie dans la dyspepsie et les maladies de l'estomac, '' Il le regarde comme purgatif, ayant par son ex-
PHYSIOLOGIE. 305
trême amertume quelques propriétés des amers et d'agir en même temps sur les sécrétions intestinales. Il ajoutait que quelques eaux minérales ne doivent leurs propriétés qu'à sa présence. » (Lébert, Compte-rendu, 1842, p. 29.)
Mais les expériences entreprises par M. Lébert lui-même, et que nous allons faire connaître, sont bien plus précises et plus concluantes. Le chlorure de magnésium était employé en dilution à la dose de 1/4 d'once à 1/2 once dans 8 à 16 parties d'eau ; l'on donnait 1/4 d'once de cette préparation pour les enfants de 14 ans, et 1/2 once pour les adultes. M. Lébert en a porté quelquefois la dose jusqu'à une once, par degré, dose qui n'a pas été dépassée. Les essais ont été faits sur 16 individus ( 10 hommes et 6 femmes) ; le médicament a été administré en tout 72 fois. Voici les conclusions que M. Lébert a tirées de ses opérations :
1° « L'effet de ce sel sur l'estomac n'est point désagréable, et s'il produit des malaises, il incommode cependant moins que la plupart des autres purgatifs.
2° « Il influe favorablement sur la digestion et l'appétit, et son action purgative est suivie d'une action stomachique.
3° « Ce sel exerce une action stimulante aussi bien sur la sécrétion du foie que sur celle des intestins; les évacuations qu'il produit (3 à 5 dans les 24 heures) sont non seulement copieuses et liquides, mais aussi en général d'une couleur foncée due probablement à l'afflux copieux de la bile.
4° « C'est un purgatif d'une action douce et d'uu effet assez sûr, et qui doit être surtout employé comme purgatif fondant et résolutif. » (Lébert, Compte-rendu cité, pp. 41-42.)
Ce résumé démontre, selon nous, que l'action du chlorhydrate de magnésie présente beaucoup d'analogie, sinon une identité complète, avec celle du sel marin et du sulfate de soude. Aussi les maladies dans lesquelles M. Lébert a trouvé efficaces les eaux de Bex (Suisse), qui en renieraient une dose considérable, sont-elles les mêmes que celles où nous savons que le sel marin est recommandé ( engorgements glandulaires scrofuleux, aménorrhées, engorgements utérins, etc.). (Compte-rendu cité.)
Action physiologique du chlorhydrate de chaux.
Ce sel, depuis Fourcroy, était regardé comme un fondant actif ce dans les engorgements lymphatiques et les affections scrofuleuses.» (Herpin.)
20
306 EAUX SALINES.
Suivant M. Bouchardat, son action serait semblable à celle du chlorhydrate de baryte, " mais il n'est pas vénéneux : à hautes doses, il est purgatif.
purgatif. (Manuel de matière médicale, t. II, p. 530. ) — Rappelons ici que M. Herpin compare ce sel au chlorhydrate de magnésie, qu'il regarde (mais à tort ainsi que nous l'avons prouvé ) comme déterminant la constipation. — Maintenant que nous avons défini l'action médicale des chlorures de magnésium et de calcium, il nous sera facile de comprendre celle de nos diverses eaux salines mixtes.
PREMIER GROUPE. — EAUX SALINES MIXTES SODIQUES.
Ces eaux, sont caractérisées par la présence du chlorhydrate et du sulfate de soude (ou des sulfates de soude et de magnésie).
MARIENBAD (BOHÊME).
Aladosede 4 à 5 verres, les eaux de Marienbad ce augmentent d'abord
la sécrétion urinaire, qui diminue à mesure que les évacuations alvines deviennent plus abondantes. Elles purgent sans coliques, sans affaiblir les malades.., qui voient leur appétit s'accroître et la digestion s'opérer plus facilement. » (Pâtissier, Manuel cité, 1837, p. 355. ) Or, tous ces effets nous aurions pu les énumérer à l'avance, en nous rappelant la composition des eaux de Marienbad. Ces eaux ce possèdent de plus une propriété spéciale qu'aucune autre source ne m'a para avoir au même degré c'est de congestionner presque instantanément les plexus veineux du rectum. » (C. James, Guide pratique aux eaux minérales, 1851 p. 372.)
A part le fait d'instantanéité qu'on ne saurait admettre, nous retrouvons ici une action prononcée sur les veines hémorrhoïdales, comme pour les eaux de notre première classe (Wiesbaden, etc.).
Marienbad ne contient que 1,51 de chlorhydrate de soude ; elle est de plus un peu alcaline sodique, mais a, en outre, 4,91 de sulfate de sonde. Il est probable que l'action de ces deux sels s'ajoute et conspire an même but : ceci paraîtra plausible en se rappelant ce que nous avons dit plus liant, à savoir, que, chez les animaux, le sel marin peut être
PHYSIOLOGIE. 307
en partie remplacé par le sel de Glauber. (Voir plus haut, Eaux sulfatées sodiques-magnésiennes.)
D'ailleurs, on les recommande ce clans la gastralgie, l'embarras muqueux de l'estomac, l'engorgement du foie, de la rate, la suppression du flux hémorrhoïdal, etc. « (Pâtissier, Manuel cité, 1837, p. 355.) — Or, nous connaissions déjà ces faits cliniques, et nous pouvions les prévoir en nous reportant à ce que nous avons dit sur l'actiou médicale du chlorhydrate et du sulfate de soude.
BOCRBOULE (PUY-DE-DÔME).
Ces eaux se rapprochent par leur composition de celles de Marienbad : comme celles-ci, elles sont un peu alcalisées par le carbonate de soude, mais le sel marin y domine essentiellement (3gr. 96 sur 5,62 de principes fixes).
Ce seraient donc principalement les propriétés physiologiques du sel marin qu'elles devraient nous présenter, puis un peu celles du chlorhydrate de magnésie : notons, enfin, qu'elles sont légèrement alcalisées. Suivant M. Mercier, ces eaux, qui sont laxatives, sont fort utiles ce dans les engorgements scrofuleux, et dans ceux de l'abdomen. » (Pâtissier, Manuel, cité, p. 255.)
D'après M. Choussy, ce à la dose de quatre verres par jour, elles excitent doucement le tube digestif, augmentent l'appétit et facilitent la digestion; si l'on dépasse cette dose, elles deviennent purgatives. » (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 155.)
Il n'est pas question, dans les auteurs, de flux hémorrhoïdaux, sous l'influence des eaux de la Bourboule; cependant, nous ne doutons pas, d'après la quantité de chlorhydrate de soude qui les minéralisé, que le plexus veineux ne se congestionne et que les hémorrhoïdes ne puissent couler; nous nous fondons sur l'action bien prononcée que toutes les eaux chlorhydratées sodiques exercent sur ces veines. Quoi qu'il en soit, c'est à une expérience ultérieure mieux faite que nous en appelons.
CARLSBAD (BOHÊME).
Les eaux de Carls bad ont une constitution chimique qui les rapproche des précédentes ; elles présentent aussi des propriétés physiologiques
308 EAUX SALINES.
analogues. '' L'action de l'eau minérale sur l'intestin est, dans la grande majorité des cas, une action purgative... Quant aux effets diurétiques, qui sont plus prononcés encore, ils persistent d'habitude tout le reste de la journée. » (C. James, Guide cité, 1850, p. 362.)
Circulation, appareil cutané. — " Leur passage dans la circulation détermine, entre autres phénomènes généraux, de la chaleur vers la peau, de l'accélération et de la plénitude du pouls, parfois même un léger mouvement fébrile. »(C. James, loc. cit., p.363.) — Ces effets de stimulation sont très faciles à expliquer : l'eau est bue, à Carlsbad, presque au sortir de la source (50°), et à cette haute température, elle doit rendre le pouls plus accéléré et la peau plus chaude. Voilà pourquoi les eaux de Marienbad, bien que plus chargées en principes minéralisateurs, ce déterminent des effets beaucoup plus doux. » (C. James, loc. cit., p. 371.) Nous voyons encore ici l'utilité de cette distinction, sur laquelle nous avons tant insisté dans tout le cours de ce traité, entre les phénomènes qui dépendent du calorique, et ceux qui sont dus aux sels qui minéralisent les sources. Si l'on veut donc obtenir aux sources de Carlsbad des résultats qui soient calculés sur leur constitution chimique, il faut les faire boire après qu'elles seront complètement refroidies.
DEUXIEME GROUPE. — EAUX SALINES MIXTES SODIQUES-CALCIQUES.
L'histoire médicale des eaux minérales de cette sous-division est déjà faite en réalité ; car elle se compose des mêmes phénomènes que nous avons décrits en parlant plus spécialement des eaux chlorhydratées sodiques et sulfatées calciques ; et nous retrouverons les mêmes faits que nous avons étudiés séparément dans les deux premières classes. Ce que nous avons à dire à ce sujet, des eaux mixtes sodiques-calciques, peut donc en être regardé comme le résumé physiologique. Aussi seronsnous brefs dans cet examen.
LAMOTTE-LES-BAINS (ISÈRE).
Tube digestif. - Les eaux de Lamotte, bues à la dose de deux à huit verres, ont un effet laxatif assez constant et parfois très marque.
PHYSIOLOGIE. 309
« Mais, cette action est souvent annihilée, parce que les malades prennent leurs douches et transpirent dans le maillot, peu d'instants après avoir bu l'eau minérale. » (Etudes cliniques sur les eaux de Lamotte, par le dr Buissard, 1855, p. .)
Ici, nous voyons, une fois de plus encore, le calorique diminuer l'action laxative des eaux de Lamotte.
Reins. — " L'effet le plus constant des eaux de Lamotte est l'effet diurétique qu'elles doivent à plusieurs des corps qui les minéralisent. » (Buissard, ibid.) — En résumé, ce en boisson et en bains, l'eau thermale de Lamotte exerce un effet diurétique très prononcé, et le plus souvent une action laxative. » (Pâtissier, Rapport cité, 1854.) — Ces eaux modifient aussi la nutrition générale, ce Des animaux exténués par le travail ont repris, sous l'influence de l'eau de Lamotte, de l'appétit et de l'embonpoint, et leur poil, en partie tombé, repoussait plus épais et plus brillant que jamais. » (Buissard, op. cit., p. 88.)
Utérus. — " L'eau de Lamotte jouit de la propriété de rappeler la menstruation lorsqu'elle est supprimée, comme de la régulariser si elle est irrégulière, insuffisante ou trop abondante, et de la rendre indolore si elle était douloureuse. » (Buissard, op. cit., p. 102.)
Centres nerveux.— Ces eaux exercent sur l'appareil des centres nerveux une action toute spéciale, qui se traduit ce par une diminution notable du sommeil qui peut aller jusqu'à l'insomnie. »( Buissard, ibid. )
Les phénomènes physiologiques que nous venons de passer en revue sont les mêmes que ceux que nous avons vus résulter de l'usage, d'une part, des eaux chlorhydratées sodiques, et d'autre part des eaux sulfatées calciques. Au sel marin appartiennent les effets laxatifs et diurétiques, l'influence remarquable des eaux de Lamotte sur la nutrition et sur le flux menstruel. Au sulfate calcique doit être attribuée cette espèce d'irritabilité nerveuse qui diminue le sommeil, phénomène que nous avons déjà vu naître de l'usage des eaux sulfatées calciques de Weissembourg; si nous ajoutons, enfin, que les eaux salines mixtes de Lamotte, « lorsque les catarrhes pulmonaires chroniques sont parvenus à cet état qui constitue une véritable bronchorrhée, amènent une modification qui agit favorablement sur le fluxmuqueux, en modère l'abondance et souvent en tarit la source » (Guide aux eaux de Lamotte, par DorgevalDubouchet, 1849, p. 71), nous aurons découvert un nouveau point de contact avec les eaux sulfatées calciques (Brides-la-Perrière, Weissembourg).
Ainsi, l'analyse clinique vient encore une fois nous prouver que, si
310 EAUX SALINES.
l'on connaît bien la constitution chimique d'une eau minérale, on peut se rendre compte des effets auxquels elle donne lieu sur l'économie, soit dans l'état de santé, soit dans l'état de maladie. Aussi, les eaux salines mixtes sodiques-calciques réussissent, tout à la fois, et dans les affections qui cèdent aux eaux chlorhydratées sodiques (engorgements glandulaires, scrofuleux, cachexies, engorgements de l'utérus, du foie, aménorrhée), et dans celles où sont recommandées les sources sulfatées calciques (catarrhe pulmonaire chronique, maladies de la peau). (Dubouchet et Buissard.)
Les maladies cutanées sont même traitées avec un grand avantage aux eaux de Lamotte, bien qu'elles ne renferment pas un atome de sulfure ou d'hydrogène sulfuré ; mais c'est au sulfate de chaux principalement qu'elles doivent cette efficacité dans les dermatoses. Nous pensons avoir apporté, en faveur de cette opinion, des preuves suffisantes, en étudiant plus spécialement l'action des eaux sulfatées calciques, soit physiologiquement, soit thérapeutiquement. — Quant à la minime proportion d'arsenic que M. Buissard y a découverte, nous renvoyons à ce que nous avons dit à ce propos aux eaux de Plombières. (Voy. plus haut.)
Salins, PRÈS MOUTIERS (SAVOIE).
Nous retrouvons dans les autres eaux salines mixtes sodiques-calciques, comme Salins, les mêmes résultats " Les eaux de Salins, prises en boisson, à doses fractionnées de quatre verres, provoquent quelques éructations, des gargouillements intestinaux, une ou deux déjections alvines..., et accélèrent les fonctions urinaires. » (Eaux minérales de Salins, par le dr Savoyen, 1843.)
Si nous recherchons quelles sont les vertus thérapeutiques de ces eaux, nous les trouvons vantées ce surtout dans la débilité générale du corps, celle dont certains enfants sont affectés, qui retarde leur développement et les empêche de se tenir sur leurs jambes. » (Savoyen, ibid. ) Nous les voyons conseillées avec succès dans les manifestations scrofuleuses, les dermatoses, les leucorrhées, les engorgements du basventre ( Savoyen, ibid.) ; en un mot, dans toute cette série d'affections où les eaux sulfatées calciques et chlorhydratées sodiques ont réussi, mais les propriétés médicales sont ici réunies, et la double influence de chacun des éléments minéralisateurs principaux (sel marin, sulfate de
PHYSIOLOGIE. 311
chaux) se manifeste en même temps ; ce qui doit accroître leur énergie et agrandir le champ de leurs applications thérapeutiques.
TROISIÈME GROUPE. - EAUX SALINES MIXTES SODIQUES-MAGNÉSIENNES.
Eau de mer.
A. EN BOISSON.
« C'est une véritable eau minérale, saline et froide. » (Mérat et Delens, Dictionnaire de matière médicale, t. III, p. 15.) — Cette eau est principalement minéralisée par '' l'hydrochlorate de soude, l'hydrochlorate de magnésie et le sulfate de magnésie, qui à eux seuls forment plus des neuf dixièmes des principes fixes. » (Dictionn. cité, p. 17.) — Cette eau, prise à l'intérieur, fera donc naître les phénomènes physiologiques que nous avons reconnus appartenir à ces trois sels en particulier ; c'est ce que l'observation clinique démontre en effet.
« L'eau de mer, prise en boisson, est purgative et doit être prescrite avec beaucoup de prudence. » (Pâtissier, Manuel cité, 1837, p. 500.)— " Elle est prescrite à la dose d'un ou deux verres pour purger
les adultes, et deux à trois cuillerées à bouche pour les enfants Des
lavements d'eau de mer sont un moyen sûr pour obtenir des évacuations alvines. » (Pâtissier, Manuel cité, p. 507.) — '' Administrée à l'intérieur, l'eau de mer a une action irritante assez énergique ; à la dose d'un a quatre verres, elle agit comme purgative et occasionne souvent des vomissements. » (Bouchardat. Matière médicale, t. II, p. 89). — " Prise par verres, elle provoque quelquefois le vomissement, purge plus ordinairement avec force, en irritant vivement les intestins. » (Mérat et Delens, Dictionn. cité, p. 19.) — " L'eau de mer, prise en boisson, agit sur le système digestif, puis sur l'organisme entier quand elle a été absorbée. En petite quantité, elle stimule l'estomac, augmente l'appétit, facilite les digestions, comme le sel marin lui-même... A doses plus considérables (3 ou 400 grammes), l'eau de mer devient laxative, purgative. Les médecins anglais s'en servent beaucoup pour entretenir la liberté du ventre. » (Des bains de mer par le docteur Pouget, 1851, pp. 38-39.)
Ainsi, la propriété purgative de l'eau de mer est un fait désormais
312 EAUX SALINES.
incontestable. Cette action est directe, tout à fait en rapport avec la constitution chimique de cette eau. Eu outre, on a observé que la tolérance finissait par s'établir après quelques jours de son emploi ; en sorte qu'on est obligé souvent d'en accroître les doses, si l'on veut maintenir l'effet purgatif primitivement obtenu. Cette tolérance, nous l'avons déjà notée pour les eaux chlorhydratées sodiques de Wiesbaden, Hombourg, etc.
Quand l'eau de mer cesse de purger, elle produit une sécrétion rénale abondante et aqueuse, qui produit un soulagement réel. « Ces faits, qui sont familiers pour nous, dit M. Guastalla, sont confirmés par les observations de Greenhow en Angleterre. » (Des eaux de mer considérées comme remède interne, par le docteur Guastalla. Annales de thérapeutique, 1843.) — Cette vertu diurétique, nous l'avons déjà remarquée pour les eaux chlorhydratées sodiques ( Wiesbaden).
L'eau de mer exerce encore une action bien prononcée sur le système veineux du bas-ventre, action déjà constatée plus haut pour les eaux chlorhydratées sodiques. " Les personnes sujettes à des hémorrhoïdes sèches ou cachées les voient devenir fluentes : ce signe est favorable et de bon augure. La menstruation paraît aussi plus tôt qu'à l'ordinaire et dure plus longtemps. Les personnes chez lesquelles celte fonction était supprimée la voient souvent reparaître sans autre remède, » (Dissertatio medica de balneis marinis, auctore Ludov. Verhaegen, Lovanii 1841, p. 8.)
Ce parallèle pourrait se poursuivre jusque dans les propriétés thérapeutiques, car (abstraction faite de la température) les eaux de mer réussissent dans les mêmes affections que les eaux chlorhydratées sodiques et magnésiques. '' A moindre dose (un verre matin et soir), l'eau de mer a une action fondante prononcée, et à ce titre, elle peut être utile dans quelques engorgements du foie, de la rate, dans les calculs biliaires et le scrofule. » (Verhaegen, op. cit., p. 29.) Telle est aussi l'opinion du docteur Pouget (de Bordeaux). Nous n'insisterons pas davantage sur des faits que nous reverrons plus eu détail au chapitre de la thérapeutique.
B. EAU DE MER EN BAINS.
Mais l'eau de mer est conseillée, surtout de nos jours, sous forme de bains, et, comme sa température est généralement fraîche (16° à 22 centigrades), il y a, dans cette circonstance, un nouvel élément, dont il nous importe actuellement d'analyser l'action.
PHYSIOLOGIE. 313
Pendant l'été, la température moyenne de la mer varie de 15° à 16° centigrades. (Pâtissier.) M. Gaudet, qui a fait à Dieppe, pendant 10 ans, des observations suivies, a trouvé pour moyenne 18°2, l'air étant à 17°6. A Biarritz, la température varie de 18° à 22° degrés. (Affre, Rapport de M. Pâtissier, 1854.) A Cette, et en général sur toute la plage méditerranéenne, ce elle est de 22° degrés centigrades, pendant que la température de l'atmosphère est de 25°. » (Bains de mer, par M. Viel, 1847.) Dans certaines localités, à Trieste, en 1834, l'eau de mer avait 30°. (Michel Lévy, Traité d'hygiène.) En 1837, nous l'avons trouvée dé 24° à 25° dans les lagunes de Venise. Ceci posé, si l'on veut rechercher comment doivent agir les bains de mer frais (22°) ou même un peu froids (16° à 18°), on voit de suite que cette action doit être complexe, et dépendre tout à la fois et du degré thermométrique et de l'absorption des éléments minéralisateurs. Examinons ces deux points.
1° Influence exercée par l'absorption des sels de la mer.
Et d'abord, l'absorption peut-elle avoir lieu à une température aussi basse? Voici ce que nous trouvons à ce sujet dans le savant Rapport de M. Pâtissier, pour 1854 :— '' En théorie, on devrait croire que l'eau tiède ou modérément chaude est plus facilement absorbée que l'eau fraîche; c'est précisément l'inverse qui a lieu. D'après les expériences de Kahtlor, faites à Vienne en 1822, le séjour d'une heure dans un bain de 12°50 à 18°75 fait augmenter le corps de 2 1/2 à 3 1/2 kilogrammes. Si la température est de 27°50, il n'y a plus que 2 kilogrammes d'augmentation. » (Rapport de M. Kühn, pour 1852.)
Ainsi, l'absorption devient plus active à mesure que l'eau devient plus fraîche; elle diminue, au contraire, et devient nulle (voy. plus haut Bains tièdes et chauds), si la température égale ou dépasse celle du sang du baigneur. Il est donc certain, d'après ces observations, que dans la mer, dont le degré thermométrique peut varier de 15° à 22° degrés, l'absorption doit être assez considérable, surtout si le bain est prolongé, et qu'une certaine proportion des sels qu'elle tient en dissolution doit pénétrer dans l'économie par la peau.
2° Influence exercée par la température fraîche.
Il y a, dans l'énumération des phénomènes produits par la fraîcheur même de l'eau de mer, accord complet parmi tous les observateurs. Il nous
314 EAUX SALINES.
suffira donc ici simplement d'en signaler les principaux traits. — Nous en emprunterons le résumé très fidèle au savant Traité d'hygiène publique et privée de M. Michel Lévy. '' La température basse des eaux détermine le spasme périphérique, la contraction de la peau et des muscles, l'engourdissement de la sensibilité nerveuse, le refoulement des liquides à l'intérieur, la suspension ou la diminution de l'exhalation cutanée ; et secondairement elle donne lieu aux phénomènes de la réaction, caractérisée par le retour impulsif des liquides vers la périphérie, le rétablissement de la fonction perspiratoire, et la persistance des effets sédatifs qu'ont éprouvés les extrémités nerveuses du tégument. » (T. II, p. 279, 1845.) — Il ne faudrait point attribuer ces phénomènes à l'action directe exercée par les sels que la mer tient en dissolution; car les sensations éprouvées pendant ces bains varient du tout au tout, suivant la température seule de l'eau. Laissons parler encore ici M. Lévy: " Les sensations que procurent ces mers (du Nord) et les mers méridionales sont, en effet, très différentes : dans les premières, saisissement plus ou moins pénible dès l'entrée et pendant la durée de l'immersion; parfois, l'on s'y croirait dans un milieu hérissé de pointes aiguës, et rarement peut-on y prolonger son séjour; au contraire, dans les mers du midi, le contact du flot est moelleux et comme velouté; les habitants de leur littoral s'y plongent avec délices et y séjournent plusieurs heures sans épuiser cette sorte de volupté. » ( Op. cit., t. II, p. 278.)
Les effets immédiats des bains de mer se déduisent de ce que nous venons de dire : soustraction du calorique, concentration et refoulement des liquides dans les organes de l'intérieur, refroidissement, abaissement du pouls, sédation plus ou moins profonde. Or, cette sédation, qui varie suivant les tempéraments et chaque individu, ne doit pas être poussée trop loin ; chez quelques personnes, la réaction, qui est le phénomène que l'on cherche à obtenir pour le succès de la cure, se déclare facilement; chez d'autres, il faut, pour ainsi dire, la faire naître artificiellement ce par des frictions vives sur tout le corps, et des pédiluves sinapisés. » (Pâtissier, Rapport cité, 1854.) — Les bains de mer sont donc primitivement éminemment sédatifs, et nous avons vu que, si ces eaux marquent 30° (comme dans les mers équinoxiales), l'impression en est douce et calmante. Il résulte évidemment de ces observations: 1° Qu'il est loin d'être indifférent de conseiller les bains de mer sur telle ou telle plage : les bains de Dieppe et des mers plus au nord conviendront aux personnes chez lesquelles les fonctions de la respiration et de la circulation s'exécutent largement, dont la réaction vitale est puissante,
PHYSIOLOGIE. 315
tandis que les eaux de mer plus tempérées de Biarritz ou de la Méditerranée (Cette, Marseille, Toulon, Trieste, etc. ) seront conseillées de préférence aux individus présentant des conditions opposées ;
2° Que les bains frais de la mer sont contre-indiqués, à moins de grandes précautions, chez les personnes sujettes à des congestions cérébrales, pulmonaires, et qui ont une maladie du coeur : " On doit en interdire l'usage aux enfants au-dessous de deux ans, aux vieillards, aux femmes enceintes, dans la pléthore sanguine, les anévrysmes internes, et dans toutes les circonstances où le refoulement à l'intérieur vers la tête ou la poitrine est à craindre. En effet, les exemples d'apoplexie ou de péripneumonie survenues par l'emploi des bains de mer ne sont pas rares. » (Pâtissier, Manuel cité, 1837.)
Dans de telles circonstances, il serait préférable, suivant nous, de choisir les plages où l'eau est presque tempérée : Trieste, les lagunes de Venise; et pour la France, Celte, Toulon, Marseille, en un mot, le littoral méditerranéen.
Le phénomène principal que l'on cherche à obtenir et duquel dépend le succès de la médication, c'est, avons-nous dit, la réaction; bien plus, on cherche à la favoriser par des excitants extérieurs (frictions, pédiluves chauds). Or, cette réaction finit par amener dans l'organisme une série de changements secondaires, qui sont très utiles pour la guérison. L'appareil fonctionnel qui éprouve le premier l'influence des bains de mer, c'est la peau : c'est, du moins, à la surface cutanée que se font sentir les premiers effets de la réaction. Ainsi, l'activité de la circulation capillaire est accrue, la peau rougit plus ou moins, la calorification augmente et la transpiration devient à son tour plus abondante. Le coeur et les vaisseaux de l'abdomen participent aussi à cette suractivité fonctionnelle : delà naissent l'accélération du pouls et l'excitation utérine ethémorrhoïdale. '' La vessie donne des signes d'irritation surtout vers le col; rien de plus fréquent que la congestion sanguine vers la tête, qui s'annonce par la céphalalgie, les vertiges, les étincelles avec ou sans injection de la face, et qui va parfois jusqu'à nécessiter une saignée générale.» (Michel Lévy, op. cit., t. II, p. 281.) Ajoutons que, soit par l'effet seul de celte réaction, soit en même temps par suite de l'impression exercée directement par les sels dissous, la peau se recouvre, après quelques jours de l'usage de ces bains, d'une éruption, sous forme de ce plaques rubéoliques, d'érythème vésiculeux, de miliaire, d'urticaire et de furoncles. « ( Michel Lévy. ) — Est-ce à cause de cette tendance si marquée du système tégumentaire à devenir le siége d'éruptions, " que les bains
316 EAUX SALINES.
de mer peuvent être considérés comme la pierre de touche de l'infection, syphilitique ? On voit souvent le virus vénérien, qui n'a pas été détruit par un traitement rationnel, ravivé par les bains de mer, et révéler sa présence par des syphilides ou des ulcérations à la gorge. » (Voir ce que nous avons dit à ce sujet aux eaux sulfureuses. — Affre, Rapport de M. Pâtissier, 1854, p. 134.)
En résumé, l'immersion dans la mer aura pour effet d'abord le refoulement plus ou moins rapide du sang vers les organes intérieurs; ce puis, par le fait de la réaction, le sang reviendra brusquement vers la périphérie, en s'accompagnant de phénomènes d'excitation et de caloricité; sous l'influence de ce double mouvement les fonctions organiques et nerveuses s'accompliront avec plus de force, de régularité, de plénitude, De là une nutrition plus active et l'accroissement de l'énergie musculaire. » (C. James, Guide pratique.) — On reconnaît une bonne réaction aux signes suivants : " La peau est chaude et douce au toucher; la respiration est libre et facile; la transpiration cherche à se rétablir; le pouls est tranquille et plein ; enfin on éprouve un sentiment de bien-être qui prédispose à la gaieté et aux mouvements.» (Aubert, Guide du baigneur à la mer, 1851, p. 151.) — Telles sont les conditions d'une réaction favorable ; mais elle peut pêcher par défaut ou par excès : dans le premier cas, il faut la provoquer par des frictions, des pédiluves chauds et quelques boissons chaudes aromatiques. Dans le second, il faut la modérer par des moyens appropriés, et même, si elle était trop violente et qu'il se déclarât des symptômes de congestion vers le cerveau ou le poumon, il faudrait ce prescrire une saignée du bras. » (Aubert, op. cit., p. 126.) Sur ce point, du reste, tous les médecins sont d'accord.
FRIEDRICHSHALL (Duché de SAXE-MEININGEN).
Il est une source minérale saline fraîche (12° 40 centig.) qui se rapproche des eaux de mer et par sa constitution chimique et par ses effets physiologiques et thérapeutiques : c'est Friedrichshall. Cette eau fortement minéralisée (25 grammes de principes fixes) contient, de plus que la mer, du sulfate de soude en assez forte proportion (7 grammes 30), le chlorhydrate et le sulfate de soude réunis ( 15 grammes) en constituent donc les principaux éléments salins, et c'est à la présence de ces deux composés que ces eaux doivent leurs principales propriétés médi-
PHYSIOLOGIE. 317
cales. Mais, comme le sulfate de soude paraît exercer sur la nutrition une action analogue à celle du sel marin (voir plus haut, Eaux sulfatées sodiques-magnésiennes ), il en résulte qu'en définitive les sources de Friedrichshall pourraient a priori remplacer jusqu'à un certain point ( du moins à l'intérieur) les eaux de mer. L'observation clinique confirme ces présomptions : nous voyons en effet que, prises en boissons, elles agissent comme purgatives ou diurétiques suivant les circonstances, poussent aux flux menstruel et hémorrhoïdal, et modifient la nutrition dans les constitutions cachectiques ; elles sont aussi également très favorables dans les engorgements chroniques de divers organes et les accidents scrofuleux. (Le docteur Barnstein. ) — En d'autres termes, ces eaux sont efficaces dans les cas où les eaux de mer sont recommandées, et font naître des phénomènes physiologiques semblables.
« L'usage d'un à deux verres à vin d'eau minérale amène la purgation; les selles ne sont jamais précédées de coliques ; elles sont naturelles quand une petite dose a été administrée, séreuses après une plus forte
dose La plupart des sécrétions se trouvent augmentées ; du moins la
bile, l'urine, le mucus bronchique sont éliminés en plus grande quantité; il n'y a pas jusqu'aux flux menstruel et hémorrhoïdal qui ne soient facilités sous l'influence de l'eau de Friedrichshall. » (Sur les effets thérapeutiques de l'eau de Friedrichshall, par le docleur Schoenfer, de Belgique, 1851.)
En un mot, comme le dit le docteur Bartenstein dans sa notice sur cette eau, ce elle agit sur toutes les muqueuses de l'économie et sur les glandes, conséquemment sur les voies digestives, urinaires et respiratoires, sur les reins et le foie.» (Des eaux amères de Friedrichshall, 1852, par le docteur Bartenstein. )
Nous terminons ici l'exposé des propriétés physiologiques de chacun de nos trois ordres d'eaux minérales salines. Après avoir distingué les résultats dus uniquement à la température , nous avons essayé de faire ressortir les différences et les analogies de chacune en passant des plus simples à celles qui étaient le plus complexes. Malgré cette complication de minéralisation, nous avons pu, en général, démêler la cause première de leurs propriétés médicales, et l'étude des eaux salines mixtes n'a été, pour ainsi dire, qu'une application constante de l'examen
318 EAUX SALINES. PHYSIOLOGIE.
spécial que nous avions fait antérieurement de chaque élément minéralisateur (sel marin, sel de Glauber, sulfate de chaux, chlorhydrate de magnésie). Nous pensons donc, par ce travail consciencieux, avoir jeté quelque lumière au sein de ce chaos des eaux minérales salines, et assigné à chaque classe les propriétés spéciales et constantes qui les caractérisent ; nous croyons, enfin, avoir prouvé que ces propriétés, loin d'être occultes, dépendent, au contraire, des composés divers qui entrent dans la constitution chimique de chaque classe, et que ces vertus médicales seront bien fixées dès que l'on aura une connaissance exacte de leurs divers éléments minéralisateurs.
" Quoique la chimie n'ait pas atteint ses dernières limites, et que peut-être un jour elle nous révélera, dans la composition intime des eaux minérales, des substances qui ont échappé à ses moyens actuels d'investigation, il n'en est pas moins vrai cependant que celte science est d'un grand secours pour apprécier l'effet probable d'une source minérale, et fournit au médecin de nouvelles données pour en faire une application rationnelle en traitant de quelques maladies chroniques, » (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 219.)
Bien qu'il reste encore quelques points obscurs dans cette question, nous espérons cependant lui avoir fait faire un pas vers une solution plus complète.
CHAPITRE TROISIEME.
Etudes médicales sur l'action thérapeutique des Eaux minérales salines. Indications et contre-indications de leur emploi.
Rechercher quelle est l'aptitude thérapeutique des eaux minérales salines, préciser, autant que le permettent les découvertes modernes, les indications et les contre-indications de chacune de nos trois classes d'eaux dans les diverses maladies chroniques, telle est l'étude à laquelle nous allons nous livrer dans cette troisième partie. Assurément ce n'est point chose facile que de démêler, au milieu de tant d'assertions élogieuses, trop souvent exagérées, ce qui appartient en propre à une source minérale donnée. Chaque écrit sur une eau spéciale lui reconnaît, en effet, des vertus curatives si multipliées, qu'il n'est dans le cadre nosologique presque aucune affection chronique qui n'y puisse trouver un remède assuré. C'est là évidemment une exagération qu'un esprit philosophique ne peut accepter sans contrôle, à moins, suivant les expressions d'Anglada, ce d'exposer la médecine à n'être qu'une loterie où les chances fâcheuses sont, de droit, plus nombreuses que les chances favorables. » ( Traité des eaux minérales des Pyrénées-Orientales, par Anglada, 1833, t. II, p. 367.)
La méthode que nous avons adoptée dans le cours de ce travail, et les recherches physiologiques que nous venons d'exposer, nous ont déjà permis d'apprécier jusqu'à un certain point à quelles données thérapeutiques peuvent répondre chacune de nos trois classes d'eaux minérales salines. Ces mêmes considérations vont nous servir de guide dans la distinction des cas où ces eaux seront utiles ou bien dangereuses. Nous espérons pouvoir ainsi poser plus facilement des limites tout à la fois expérimentales et scientifiques à leur emploi, et permettre au praticien d'y trouver
320 EAUX SALINES.
des sources d'indication plus raisonnées et partant plus sûres. Nous suivrons, dans cet examen thérapeutique, l'ordre même que nous avons adopté dans les deux premières parties; c'est à dire que nous étudierons l'action des eaux minérales salines, suivant qu'elles seront : A. chlorhydratées, 15. sulfatées, ou C. mixtes.
Nous rangerons les maladies dans lesquelles ces eaux ont été recommandées, sous les cinq chefs suivants :
1° Maladies de l'appareil digestif, y compris l'appareil biliaire et le système de la veine-porte (pléthore abdominale);
2° Maladies de l'appareil génito-urinaire ;
3° Maladies de l'appareil de la locomotion (rhumatisme, paralysie. goutte) ;
4° Maladies de l'appareil pulmonaire et de la peau;
5° Maladies générales (cachexies, chlorose, atonie, scrofules, fièvres intermittentes).
ACTION THÉRAPEUTIQUE DES EAUX MINÉRALES SALINES CHLORHYDRATÉES SODIQUES.
Afin de mieux préciser la spécificité d'action de ces eaux, nous choisirons, comme nous l'avons fait pour la physiologie, des types bien connus dans leurs effets (Wiesbaden, Hombourg), autour desquels nous grouperons successivement les autres eaux minérales du même genre.
MALADIES DE L'APPAREIL DIGESTIF.
Nous nous occuperons dans trois paragraphes distincts: A. des maladies de l'appareil digestif proprement dit; B. de la veine-porte (pléthore abdominale, hémorrhoïdes), et C de l'appareil biliaire. Les maladies de l'appareil digestif proprement dit affectent plus spécialement l'estomac ou les intestins ; de là, deux divisions naturelles que nous allons suivre.
THÉRAPEUTIQUE. 321
Maladies de l'estomac
(dyspepsie, gastralgies, pyrosis, et dérangements chroniques de la digestion). (Dr Braünn.)
Avec le docteur Braünn, nous entendons par ces dénominations un état pathologique dans lequel la digestion procède avec lenteur. (Monographie des eaux de Wiesbaden, 1840, 2e cahier, p. 60.) Nous ajoutons, de suite, pour compléter cette définition, qu'il ne faut pas, dans notre pensée, que ces symptômes s'accompagnent d'un état squirrheux ou cancéreux des parois stomacales ; auxquels cas les eaux chlorhydratées sodiques seraient formellement contre-indiquées. On a conseillé dans la dyspepsie, d'une manière générale et sans bien préciser le cas, les eaux de Wiesbaden, de Hombourg, etc., en un mot, les eaüx minérales salines de notre première classe. Plus récemment, MM. Trousseau et Lassègue ont cherché à jeter quelque lumière sur ces points obscurs d'indications, et le docteur Gardey a complété ces études de diagnostic et de thérapeutique dans un essai médical sur les eaux minérales de Hombourg (1847) ; c'est à ces auteurs que nous emprunterons une grande partie des faits thérapeutiques que nous nous proposons d'étudier.
Il existe deux formes principales de dyspepsie, qu'il faut bien distinguer quand on veut employer les eaux chlorhydratées sodiques.
1re forme: Les symptômes sont aggravés par l'ingestion des aliments; alors, ou bien il se manifeste des phénomènes de congestion vers la tête, et en même temps ce la bouche se sèche, devient chaude et brûlante,..; le ventre se ballonne, et la constriction exercée par les vêtements finit par être insupportable. » (Gardey, op. cit., p. 54.) Ou bien « les douleurs sont nulles ou insignifiantes après le repas, mais chacun est suivi d'une petite colique qui, à peu près limitée à l'estomac, survient brusquement et provoque bientôt une selle diarrhéique. » (Gardey, op. cit., ibid.) Dans le traitement de cette première forme, les eaux chlorhydratées sodiques de Hombourg ont une grande efficacité. On débute par l'eau de la source de St-Louis, qui, riche en acide carbonique, est mieux supportée par les estomacs qui digèrent mal : on la donne à la dose de 3 à 5 verres chaque matin, de manière à provoquer quelques selles, et l'on termine la cure en diminuant les doses.
2meforme : Dans celle-ci, les troubles de l'estomac sont calmés ou notablement amendés pendant tout le temps que dure la digestion. Ici
21
322 EAUX SALINES.
les eaux de Hombourg sont moins efficaces que tout à l'heure, et l'on est souvent obligé d'en seconder l'action par l'usage d'autres médicaments appropriés à l'état du malade.
Bourbon-Lancy. — Les eaux chlorhydratées sodiques de Bourbon Lancy réussissent aussi très bien ce dans les affections des voies disestives désignées sous le nom de gastralgies, d'entéralgies. » (Rérolle, Eau minérales de Bourbon-Lancy, 1849, p. 42.) ce Après l'ingestion d'une verrée d'eau minérale, la boulimie est calmée, l'inappétence et l'anorexie se dissipent, les digestions pénibles et douloureuses redeviennent normales et régulières. » (Rérolle, ibid., p. 43.) Les chiffres statistiques suivants, extraits des rapports de M. Pâtissier sur les eaux minérales pour 1841 et 1854, nous montrent avec évidence le rôle important que jouent les eaux minérales chlorhydratées sodiques dans le traitement de la dyspepsie, telle que nous l'avons définie au commencement de ce paragraphe.
Niederbronn :
guéries. améliorées. insuccès.
30 dyspepsies .... 17 10 3
Luxeuil :
guéris. améliorés. insuccès.
54 troubles digestifs 14 29 10
Ainsi, sur 84 cas de dérangement de l'estomac, nous avons 31 guérisons et 39 améliorations. Ces chiffres présentent un résultat très favorable, et prouvent l'utilité des eaux chlorhydratées sodiques dans le traitement de ces affections. Nous ferons observer que, d'après cette statistique, la proportion des guérisons va en diminuant à mesure que les eaux sont moins chargées de sel marin.
Maladies des intestins
(constipation, état saburral, calculs intestinaux (Braünn), entérite chronique, entéralgie).
C'est principalement pour remédier à la constipation ou à l'état saburral des intestins, que les eaux chlorhydratées sont indiquées. « Les eaux minérales de Hombourg sont merveilleuses dans toute une classe d'affections chroniques, celles qui s'accompagnent de désordres gastriques ou intestinaux. Dès que le médecin juge nécessaire de rétablir par
THÉRAPEUTIQUE. 323
une médication puissante les fonctions qui président à l'assimilation des substances alimentaires, il peut recourir aux sources richement pourvues de chlorure de sodium, quelle que soit d'ailleurs l'origine de la maladie. » (Gardey, op. cit., p. 51.) ce Dans ces cas, l'usage interne des eaux de Hombourg est d'une efficacité presque constante, surtout lorsqu'elles sont prises à la source. » (Eaux minérales de Hombourg, par Vict. Stoeber, 1844, p. 28.) Braünn rend le même témoignage pour les eaux chlorhydratées sodiques de Wiesbaden, dans ce qu'il appelle les anomalies chroniques de l'excrétion intestinale, " Ici, dit-il, se présente en premier lieu la constipation habituelle déterminée par l'atonie des parties profondes du canal ; administrées à dose purgative et en forme de lavement, ces eaux donnent dans cette affection d'excellents résultats. En second lieu, l'infarctus du canal; parmi les corps étrangers, nous citerons les calculs intestinaux dont l'origine est due à des aliments indigestes, à des concrétions hépatiques et à d'autres causes encore ; j'en ai observé chez les Anglais à la suite de l'usage immodéré de la magnésie. Nos eaux ont la propriété de dissoudre l'infarctus ainsi que les corps étrangers, et en favorisent l'excrétion en multipliant les mouvements péristaltiques. » (Braünn, op. cit., p. 85.) — Une alimentation exclusivement végétale semblerait y prédisposer, si l'on en croit M. Robert Turmer (Union médicale, 1851), qui a cité l'observation d'un individu se nourrissant presque exclusivement d'avoine, et qui présenta pendant plusieurs années des concrétions intestinales. On sait que celles-ci se rencontrent surtout chez les animaux herbivores.
M. Kühn se loue beaucoup des eaux minérales salines de Niederbronn dans les états muqueux ou saburraux. " Ce genre d'indisposition, dit-il, est une de celles contre lesquelles les eaux de Niederbronn échouent rarement. » (Pâtissier, Rapport cité, 1841.) " Il faut, dans ces cas, donner l'eau minérale à doses modérées, de manière à régulariser seulement les fonctions de tout le tube digestif; ainsi, l'on commence par deux ou quatre verres, et si l'eau est bien supportée, l'on augmente progressivement la dose ce jusqu'à ce qu'il en résulte chaque matin une ou deux évacuations alvines. » (Pâtissier, Rapport cité, 1854.)
Maladies du système de la veine-porte (pléthore abdominale (vénosité de Braünn), hémorrhoïdes).
Il existe un groupe de phénomènes morbides, désignés autrefois sous
324 EAUX SALINES.
le nom générique d'empâtements (infarctus), d'obstructions abdominales se manifestant surtout chez les sujets bilieux, hémorrhoïdaires, hypocondriaques ( hypocondria cum materie des anciens), menant une vie sédentaire et usant d'une nourriture trop substantielle. Ces individus sont souvent exposés aux accidents de la goutte ou de la gravelle ; chez eux, enfin, le foie accomplit mal ses fonctions , il s'engorge ainsi que la rate, et fournit fréquemment les matériaux de calculs biliaires. C'est à cet ensemble d'états morbides, auxquels des auteurs modernes (Peez, Braünn, Ed. Lee) ont donné le nom de pléthore abdominale, que les eaux minérales chlorhydratées sodiques conviennent plus particulièrement, " Nous avons désigné, comme le triomphe des eaux de Wiesbaden, un groupe de phénomènes morbifiques reconnaissant le plus souvent pour cause primitive la pléthore abdominale. » (Peez, Traité sur les eaux thermales de Wiesbaden, traduit de l'allemand par Grafenauëer, p. 186.) ce L'état de pléthore abdominale avec congestion du foie et obstruction dans la circulation de la veine-porte, avec toutes ses conséquences, telles que digestions affaiblies, défaut ou vice de la sécrétion biliaire, hémorrhoïdes, etc., est un de ceux qui peuvent recevoir le plus de soulagement de l'usage des eaux de Wiesbaden à l'intérieur et à l'extérieur. (Is one well calculated to be relieved by the use of the Wiesbaden waters internally and externally employed.) » (Ed. Lee, The principal baths of Germany, 1840, vol. 1, p. 33.) Mais entrons dans les détails, et tâchons de préciser l'influence exercée par les eaux chlorhydratées sodiques, d'abord sur la pléthore abdominale, ensuite sur l'appareil biliaire lui-même.
Pléthore abdominale. — Essayons de fixer brièvement en quoi consiste cet état morbide , qui n'est décrit dans son ensemble dans aucun traité classique. Nous en emprunterons la description à un écrivain qui jouit en Allemagne d'une grande autorité, au dr Peez. (Traité sur les eaux minérales de Wiesbaden.) " Si, avec une disposition hémorrhoïdale et une vie sédentaire, le corps est trop abondamment nourri, ou qu'il subisse l'influence de peines morales, il survient dans beaucoup de constitutions, souvent très fortes, une disproportion (désharmonie ) dans les premiers moteurs de la nutrition; c'est à dire les systèmes nerveux, sanguin et lymphatique du bas-ventre entrent en désaccord, et leurs fonctions se troublent. Cette irrégularité d'action dans des organes si importants produit d'abord une pléthore, ensuite des obstacles dans la circulation abdominale , de la lenteur dans les fonctions de la digestion, enfin, des altérations dans les sécrétions propres aux viscères ab-
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dominaux, des aigreurs, une pesanteur de tête, une oppression pendant la digestion, des crampes d'estomac, des congestions vers la tête, etc. La gaieté fait souvent place à des moments d'une profonde mélancolie. » (Peez, Traité des eaux thermales de Wiesbaden, p. 180.) Voilà le tableau de la pléthore abdominale peint par un praticien qui a traité plusieurs milliers de malades. Ajoutons, avec M. Ed. Lee, que cet état se rencontre le plus souvent ce chez les personnes qui sont près de la période moyenne de la vie, ou qui l'ont déjà passée, adonnées aux plaisirs de la table, et présentant une saillie plus ou moins prononcée de l'abdomen (Occuring for the most part in persons about or beyond the middle period of the life ; who have been addicted to the pleasures of the table, and marked by more or less protuberance of the abdomen, with diminished muscular and nervous energy.) » (The principal baths of Germany, 1840, vol. II, p. 33.)
Quelles sont les suites de cet état pléthorique abdominal ? Les voici : « Il survient des engorgements palpables surtout dans les organes riches en sang de la cavité du bas-ventre, comme par exemple dans le foie, la rate; il se forme des dépôts dans le mésentère, dans l'épiploon; le ventre grossit et se durcit ; la figure prend quelquefois une teinte rouge et devient fleurie, pendant que les extrémités dépérissent. » (Peez, op. cit., p. 180.) " Il se forme des hémorrhoïdes qui assez souvent, pour le bien du malade, procurent des évacuations sanguines...; chez plusieurs malades il survient, avec soulagement des symptômes, une diarrhée séroso sanguinolente, et qui peut être regardée comme remplaçant le flux de sang. » (Peez, op. cit., pp. 181 et 182.) — Cet ensemble de symptômes, par lesquels se manifeste ce que les auteurs allemands (Peez, Braünn, etc.) appellent pléthore abdominale, rappelle en partie ceux qui appartiennent à ce que les anciens nommaient hypocondrie avec matière (hypocondria cum materie). Cette dernière expression a vieilli ; pourtant elle semble de nos jours reprendre avec raison quelque faveur ; ainsi, elle est admise par MM. Gardey, Victor Stoeber (op. cit.), et, les traits par lesquels ces deux auteurs peignent cette espèce d'hypocondrie coïncidant très bien avec ceux de la pléthore abdominale mentionnés plus haut, il nous paraît inutile de les rapporter de nouveau. — Quelle que soit, au reste, la dénomination que l'on veuille adopter ( pléthore abdominale, hypocondrie avec matière), nous pouvons dire que ces maladies sont le triomphe des eaux chlorhydratées sodiques. " Une des maladies dans lesquelles on obtient les résultats les plus favorables de l'usage des eaux de Hombourg, c'est l'hypocondrie ;
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non cette hypocondrie simple, primitive, qui n'est au fond qu'un degré qu'une forme de l'aliénation mentale ; mais cette hypocondrie cum materie, comme disaient nos prédécesseurs, qui a son origine dans des affections abdominales, et peut, par conséquent, être appelée consécutive, sympathique. » (Victor Stoeber, Notice citée, p. 42.) Ces affections sont ce des dyspepsies, des cardialgies, des coliques flatulentes, des flux hémorrhoïdaux, des engorgements viscéraux. » (Ibid.) Ce sont bien là les principaux phénomènes qui signalent, comme nous l'avons dit, la pléthore abdominale. Le dr Gardey n'est pas moins explicite sur la valeur curative de ces eaux dans la pléthore abdominale (hypocondrie avec matière), ce Nous avons, dit-il, dans les eaux de Hombourg, un remède que je vante avec une entière assurance, parce que les faits les plus nombreux m'ont démontré leur efficacité, et que tous les médecins qui en ont fait l'expérience sont unanimes sur ce point. « (Gardey, Eaux minérales de Hombourg, 1847, p. 60.)
Les eaux chlorhydratées sodiques de Wiesbaden jouissent aussi d'une grande réputation dans le traitement de ces affections, " On les conseille contre certains symptômes de pléthore abdominale, qui paraissent se rattacher à des embarras de circulation dans la veine-porte. « (C. James, Guide, 1851.) Le dr Peez, après avoir rappelé qu'il avait eu l'occasion de traiter cet état morbide par des moyens pharmaceutiques appropriés, ajoute qu'il a toujours été obligé d'employer une quantité considérable de médicaments pour arriver à un résultat seulement un peu satisfaisant. " La pléthore abdominale, cause primitive de la maladie, ne fut point entièrement dissipée.... Les eaux de Wiesbaden remplissent ici beaucoup mieux toutes les indications ; elles font bientôt disparaître la plupart des symptômes, presque toujours sans le secours d'autres remèdes. » (Peez, op. cit., p. 93. ) On peut joindre à ces témoignages, d'une haute importance, celui du dr Ed. Lee, cité au commencement de ce paragraphe, sur la grande efficacité des eaux de Wiesbaden dans la pléthore abdominale.
On s'est demandé comment agissent ces eaux pour amener la guerison de cette pléthore veineuse et des engorgements viscéraux. Nous avons vu, tout à l'heure, que ces guérisons coïncidaient souvent soit avec l'apparition de flux intestinaux séroso-sanguinolents, soit avec le flux hémorrhoïdal. (Peez, op. cit.) Cette terminaison est bien celle que les anciens attribuaient à l'hypocondrie avec matière; c'est encore celle que l'observation clinique de nos jours a démontrée comme la plus sûre et la plus fréquente, " La terminaison de l'hypocondrie (cum materie)
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par des sécrétions intestinales exagérées est certainement la plus heureuse, mais ce n'est pas la plus commune. La nature a recours à d'autres moyens pour arriver à la guérison... La passion hypocondriaque se juge par des évacuations naturelles qui l'améliorent ou la guérissent. Tel est le rôle dévolu aux hémorrhoïdes, et voilà pourquoi les médecins du siècle passé attribuaient une si grande importance au flux hémorrhoïdal. » (Gardey, op. cit., pp. 62-63.) — Car, en se rappelant ce que nous avons développé assez longuement sur les propriétés du sel de cuisine et des eaux qu'il minéralise (voy. Physiologie), on voit qu'il agit surtout sur la muqueuse intestinale (diarrhée) et sur les veines du rectum qu'il congestionne (hémorrhoïdes). C'est par cette action presque élective sur les intestins et les veines hémorrhoïdales, que beaucoup d'auteurs ont expliqué les bons effets des eaux minérales chlorhydratées sodiques : dans ces cas, disent-ils, on ne fait qu'imiter la nature dans la guérison de ces engorgements ( infarctus) ; et de fait l'observation clinique semble souvent donner raison à cette opinion : " Par la congestion artificielle qu'elles produisent dans les plexus veineux du rectum, ces eaux (Wiesbaden) ont pour effet de dégager les viscères et d'imprimer au sang une direction meilleure. » (C. James.) - Mais, « avant de songer à exploiter la congestion hémorrhoïdale comme un élément thérapeutique, il est nécessaire de s'assurer de sa présence ou de sa possibilité. » (Gardey, op. cit., p. 63.) Car, si l'individu n'y est point prédisposé, on ne peut, sans de graves inconvénients, cherchera faire apparaître les hémorrhoïdes ; ce les coliques, les douleurs de reins et autres symptômes portés quelquefois jusqu'à l'inflammation prononcée, peuvent en être la suite. » (Peez, op. cit., p. 192.) Au reste, selon M. le dr Gardey, ce rien n'est plus fréquent, dans l'hypocondrie (cum materie), que l'insuffisance des hémorrhoïdes, rien n'est plus rare que leur surabondance. Celte remarque est tellement vraie, qu'il suffirait presque d'un écoulement excessif pour écarter l'idée de complication hypocondriaque. » (Gardey, op. cit., p. 68.)
On fait remarquable, c'est que, si les eaux chlorhydratées sodiques peuvent amener le flux hémorrhoïdal, cependant elles le réduisent à un état moyen s'il est trop considérable ; parfois même, quand la pléthore abdominale avec infarctus est complètement guérie, ce le flux hémorrhoïdal périodique, s'il n'est ni trop fort, ni trop faible, et s'il n'est accompagné de symptômes accessoires douloureux, n'éprouve aucun changement par ces eaux ( Wiesbaden), surtout s'il est nécessaire à la conservation de l'économie animale. Si, au contraire, il menace la vie, par
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exemple, par une perte de sang trop abondante, ou par des coliques violentes, les eaux de Wiesbaden, surtout si elles ne sont pas employées trop chaudes, éloignent ces phénomènes dangereux. Le flux trop fort diminue ; celui qui est trop faible augmente, ou cesse entièrement si l'économie du malade l'exige. » (Peez, op. cit., p, 128.) — Lentin, premier médecin du roi d'Angleterre, cité par Peez, confirme par sa haute expérience les résultats remarquables de ces eaux sur les hémorrhoïdes. " Les eaux de Wiesbaden, dit-il, sont particulièrement à recommander à ceux qui éprouvent les symptômes précurseurs des hémorrhoïdes....; la diminution des affections hémorrhoïdales, jointe à des selles faciles et naturelles, annonce que les eaux thermales ont maintenant terminé leur rôle au désir du malade. » (Peez, op. cit., p. 199.)
Ces observations semblent prouver que les eaux chlorhydratées sodiques ne guérissent pas la pléthore abdominale toujours par leur effet seulement progressif, mais très probablement par une action spéciale tout autre, en vertu de laquelle l'engorgement viscéral disparaît. Ce qui nous confirme dans cette opinion, c'est d'une part la remarque faite plus haut, ce que la guérison souvent imparfaite, même par une grande quantité de médicaments » (Peez), devient complète et plus facile, si l'on a recours aux eaux de Wiesbaden ; et d'autre part, le fait de cures bien avérées obtenues par ces eaux sans évacuations intestinales ou sanguines; aussi, quelques auteurs, Braünn entre autres, ont-ils cru devoir attribuer l'efficacité des eaux chlorhydratées sodiques à une espèce d'action dissolvante chimique que leur communiquerait le sel marin. D'après ce dernier écrivain, la pléthore abdominale aurait sa cause dans la constitution albumineuse du sang (il nomme cette constitution albumineuse ou vénosité), et dans la congestion des veines abdominales. " Dans cette maladie, dit-il, nos thermes ( Wiesbaden ) agissent directement sur la cause immédiate du mal, d'une part en liquéfiant l'albumine, de l'autre en excitant les parois vasculaires et en opérant la résolution des engorgements. » (Braünn, op. cit., p. 74.) Il nous semble qu'on fait jouer, ici, aux réactions chimiques, un rôle supérieur qu'il serait difficile, pour ne pas dire impossible, de justifier en tout point. Pour nous, nous préférons nous appuyer sur les déductions cliniques que nous avons développées en premier lieu. Le médecin, du moins, fondé sur l'expérience raisonnée, pourra y puiser des lumières sûres pour le guider dans les applications qu'il voudra faire des eaux chlorhydratées sodiques: c'est là le point important de notre art, et cela nous doit suffire. Les considérations cliniques que nous venons d'exposer s'appliquent
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également à toutes les eaux chlorhydratées sodiques de notre première classe. Seulement l'action sera moins vive, moins prompte, à mesure que le degré de minéralisation baissera. Mais celles qui seront encore assez fortement minéralisées par le sel marin possèderont une action bien marquée sur la phéthore abdominale et les hémorrhoïdes.
Les tableaux statistiques suivants, en confirmant ces propriétés médicales, justifieront ainsi l'emploi des eaux de notre première classe dans les maladies que nous venons de spécifier.
Niederbronn (Rapport de M. Pâtissier, 1854 ).
Hémorrhoïdes
Amélioration très marquée 6
Simple amélioration 8
Insuccès . 2
On voit que, sur 16 cas d'hémorrhoïdes, il y a eu 14 améliorations et deux insuccès seulement. Bien que le nombre de ces malades ne soit pas élevé (16), la proportion des amendements est cependant très forte (14/16), et prouve que ces eaux conviennent dans ces circonstances. Mais, ce qui doit ajouter à la confiance que peuvent inspirer ces chiffres et leur donner une grande valeur malgré leur faible élévation, ce sont les réflexions dont les accompagne M. Kühn : " On conçoit, ditil, que des eaux laxatives, jointes à l'exercice qu'on se donne, conviennent singulièrement à l'affection hémorrhoïdale. Sous leur influence les fonctions du tube digestif reprennent plus d'activité, plus de régularité. et les stases sanguines se résolvent peu à peu... Outre la propriété qu'ont ces eaux de dissiper les congestions hémorrhoïdales, elles en possèdent une autre, qui de prime abord semblerait impliquer contradiction, mais qui n'en existe pas moins réellement, c'est celle de rappeler les hémorrhoïdes supprimées ou déplacées. » (Rapport de M. Pâtissier, 1854. ) Nous retrouvons signalés dans ce Rapportles mêmes effets sur les hémorrhoïdes, que nous avons déjà mis en évidence pour les eaux chlorhydratées sodiques de Wiesbaden et de Hombourg. Voici maintenant une citation qui prouvera que les eaux de Niederbronn, comme celles de Wieshaden et de Hombourg, peuvent dissiper les engorgements abdominaux. « Ces eaux (Niederbronn) offrent l'avantage d'entretenir vers l'intestin une dérivation lente, continue et sans secousse : elles activent les sécrétions de la muqueuse, de manière à désemplir les capillaires engorgés et a exercer sur les viscères parenchymateux une action résolutive. Les hypocondriaques se trouvent également bien de l'usage des eaux de Niederbronn.» (C. James, 1851, p. 239.)
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Bourbonne et Balaruc :
Tableaux statistiques extraits des rapports sur les eaux minérales de M. Pâtissier pour les années 1839 et 1841 :
Engorgements abdominaux
Nombre 66
Guéris 18
Améliorés 31
Insuccès 17
Extrait du rapport de M. Renard, 1856:
Affections chroniques des viscères abdominaux
Nombre . 40
Guéris 12
Améliorés 26
Insuccès 2
Additionnant les chiffres de ces deux tableaux, nous trouvons, sur un total de 106 cas :
Guéris: 30; — améliorés: 57; — insuccès : 19.
Ces chiffres sont très favorables, assurément, à l'usage des eaux de notre première classe dans les diverses affections chroniques des viscères de l'abdomen dont nous avons parlé dans ce chapitre.
Contre-indications. — Il est pourtant des circonstances dans lesquelles le médecin doit y renoncer sous peine de voir s'aggraver les accidents, " Des flux de sang chroniques et habituels chez des individus très irritables ne supportent que l'usage de nos sources les plus faibles. On évitera soigneusement les bains trop fréquents et trop chauds... Dans les maladies hémorrhoïdales, si le centre de la circulation a été atteint et qu'il se soit formé dans la poitrine des épanchements séreux, des épaississements des parois des vaisseaux, des métastases goutteuses, les sources de Wiesbaden sont le plus souvent sans effet.. Mais, si les efforts des hémorrhoïdes, pour ainsi dire, dirigés vers les parties supérieures, ne sont pas encore éteints, alors les eaux de Wiesbaden arrêtent cette tendance irrégulière en provoquant des hémorrhoïdes. L'usage des bains demande ici beaucoup de précautions. » (Peez, op. cit., pp. 369-371)
Maladies de l'appareil biliaire
(engorgements du foie, calculs biliaires).
L'étude de la pléthore abdominale va nous faire comprendre l'influence
THÉRAPEUTIQUE. 331
des eaux chlorhydratées sodiques sur le foie, à cause des relations physiologiques intimes qui existent entre cet organe et la veine-porte.
Commençons par éliminer, comme contre-indication ou inefficacité complète de ces eaux, les cas où le foie est squirrheux, cancéreux, atteint, en un mot, d'une désorganisation profonde. Ici le mal ne ferait qu'empirer par l'usage de telles eaux : il faut les rejeter. Il n'en est plus de même dans les engorgements ou ictères simples et les inflammations chroniques avec troubles de la digestion. Dans ces derniers cas, beaux chlorhydratées sodiques ont une action très favorable sur la marche de la maladie. " Les eaux de Hombourg agissent ici (hépatite chronique ) dans le même sens et mieux que les autres fondants, les extraits végétaux et les sels qu'on emploie si souvent dans ce cas.. ; la jaunisse simple se dissipe généralement très vite sous l'influence de ces eaux. » (Stoeber, Notice citée, p. 50.) — Les eaux chlorhydratées sodiques de Wiesbaden possèdent les mêmes vertus, et l'ictère simple y trouve un remède assuré. " L'eau de Wiesbaden favorise l'élimination des principes bilieux, en excitant et en élevant l'activité de toutes les fonctions secrétaires, et en premier lieu la sécrétion biliaire.» (Braünn, loc. cit., p. 68.) Et plus loin le même auteur ajoute : " L'indolence et l'atonie des fonctions entraînent généralement la diminution de la sécrétion ; par là des principes bilieux restent dans le sang, engendrent l'ictère et ont pour conséquence les troubles de la digestion et de la nutrition. L'eau thermale (de Wiesbaden) excite les fonctions et augmente les sécrétions.» (Ibid., p. 83.)
Mais les affections du foie dans lesquelles les eaux chlorhydratées sodiques fortement minéralisées paraissent être le plus efficaces sont celles qui ont été contractées dans les régions tropicales. Depuis longtemps les médecins de l'Angleterre et de la Hollande envoient à Hombourg et à Wiesbaden un grand nombre de malades arrivant des colonies et atteints d'affections du foie que n'ont modifiées ni le changement de climat, ni un régime mieux entendu : si la lésion n'a pas fait subir à l'organe hépatique des changements trop graves dans sa contexture, la guérison est alors.... une presque certitude.... " Le volume du foie diminue insensiblement, la teinte cachectique est de moins en moins prononcée, l'appétit prend plus de vigueur, et avec lui les forces se raniment. Voilà évidemment les circonstances où ces eaux (Hombourg) agissent avec le plus de difficulté. Le foie est seulement sous l'influence d'une lésion organique, incurable dès qu'elle s'est établie; la circulation veineuse, la plus importante des deux, s'y fait mal, mais son irrégularité est le fait
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primitif.., c'est elle qui a déterminé l'engorgement.. Quelle que soit l'opinion qu'on se fera de l'interprétation, les faits sont irrécusables.»(Gardey, Des eaux minérales de Hombourg, 1847, p. 70.) — " Parmi les suites de ces maladies endémiques des Indes, il faut compter des tuméfactions souvent énormes du foie, de la rate, ainsi que d'autres tumeurs de la cavité abdominale ...., des jaunisses opiniâtres, des cardialgiesavec vomissement des aliments... Les deux sources (Carlsbad et Wiesbaden) produisent dans les maladies désignées un effet vraiment surprenant, » (Peez, Traité sur les eaux minérales de Wiesbaden, p. 208.)- On s'étonnera moins de cette efficacité des eaux fortement minéralisées par le sel marin, dans les engorgements du foie contractés dans les pays chauds, si l'on fait attention que dans ces cas il existe toujours des phénomènes de pléthore abdominale plus ou moins marqués. C'est, en effet, à la suite de la dyssenterie ou de la fièvre jaune, que l'on voit les Européens rester exposés à ces engorgements hépatiques et tomber plus tard dans un état de dépérissement cachectique. Or, nous l'avons vu, les eaux salines chlorhydratées sodiques ont une puissance curative bien prononcée sur ces pléthores abdominales et sur les cachexies qui les suivent; il est donc facile de comprendre leur action curative dans les cas particuliers qui nous occupent (engorgements du foie). En effet, ce avant que l'état de l'organe (foie) se soit grandement amendé, la santé générale est devenue plus florissante. » (Gardey, op. cit., p. 71.)
C'est en bains et en boissons que les eaux chlorhydratées sodiques sont administrées dans ces maladies. Parfois l'on favorise la diminution de l'engorgement hépatique en douchant la région elle-même, " Dans les engorgements du foie comme dans tous les autres engorgements, c'est la méthode franchement résolutive qu'il convient d'employer. Pour cela il faut des bains d'une à deux heures et demie de durée, et d'une température de 30 à 35 degrés. Chez les sujets mous, phlegmatiques, peu irritables, cette température pourra être dépassée. Chez les individus nerveux, sanguins, on fera toujours mieux de rester un peu au-dessous de cette température. Quant à la boisson, ce n'est pas précisément par la purgation que l'eau minérale doit agir dans le cas présent; elle doit agir principalement comme fondante, c'est à dire pénétrer dans la composition intime de l'organisme et influencer d'une manière plus ou moins profonde l'acte de la nutrition ; l'effet laxatif n'est donc pas de rigueur,» (Kühn, Rapport de M. Pâtissier, 1854, pp. 148-149.)
Calculs biliaires. — Les eaux chlorhydratées sodiques ne paraissent pas exercer une influence bien marquée sur la guérison des calculs
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biliaires. Peut-être pourraient-elles, par les modifications qu'elles impriment à la nutrition et à la circulation abdominale, en prévenir la formation; mais, une fois qu'ils sont développés, l'action des eaux semblerait peu sensible, " La présence de calculs biliaires soupçonnée ou reconnue réclame plutôt l'usage des sources alcalines telles que celles d'Ems et de Vichy.» (Gardey, Des eaux de Hombourg, p. 68.)— M. Stoeber paraît pencher aussi vers cette opinion, ce Nous croirions, dit-il, volontiers à la propriété de l'eau de Hombourg de provoquer l'expulsion des calculs biliaires: l'irritation spéciale du duodénum propagée à la vésicule du fiel peut en rendre raison ; quant à leur diminution de consistance dans cette poche, elle est plus difficile à concevoir.» (Notice citée, 1844, p. 31. ) Suivant M. Kühn, les eaux chlorhydratées sodiques de Niederbronn « réussissent quelquefois dans le traitement des calculs biliaires qui se trahissent par des coliques hépatiques. » (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 150.) — On voit par ces citations combien l'on doit peu compter sur les eaux salines de notre première classe pour la destruction des calculs biliaires. Lorsqu'il y a des coliques hépatiques, elles soulagent, sans doute, en diminuant l'engorgement des conduits hépatiques, engorgement qui s'oppose au libre passage du calcul et dont la présence excite de si vives douleurs : nous le répétons, les eaux alcalines sodiques (Vichy, Vals, etc. ) sont bien préférables dans les cas de calculs biliaires.
Maladies de l'appareil urinaire (gravelle, catarrhe vésical ).
Gravelle. — Il est peu probable que les eaux chlorhydratées sodiques puissent dissoudre la gravelle ou les calculs vésicaux. S'il était vrai cependant, comme l'assure B. Jones (v. Physiologie), que le sel marin eût la propriété de tenir les urates en dissolution, il y aurait alors peutêtre lieu d'espérer la dissolution de cette dernière espèce de calculs. Quoi qu'il en soit, le sel marin peut s'opposer au développement de cette gravelle et paraît aussi en favoriser l'expulsion, ce Nous renonçons, dit le docteur Braiinn, pour nos thermes (Wiesbaden), à cette vertu-là (dissolution des calculs), d'autant plus que la pratique n'a pas un seul exemple à citer en sa faveur; par contre ils sont propres à combattre la formation et le développement des calculs, et, pris en bains, ils en favorisent l'excrétion. Ils sont surtout très efficaces contre la formation des
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concrétions uratées. » (Eaux de Wiesbaden, par Braünn, 2me cahier p. 85. ) Cette expulsion est probablement favorisée par l'abondance de l'urine, provoquée, comme nous l'avons dit (v. Physiologie), par les eaux chlorhydratées sodiques. '' La grande quantité d'eau ingérée et la qualité de celle-ci augmentent la diurèse et entraînent les graviers avec l'urine,» (Stoeber, Notice citée, p. 35.)
Catarrhe vésical. — Les catarrhes vésicaux peuvent être avantageusement modifiés par les eaux de cette classe, et c'est ce ce qu'elles font, en effet, dans les cas de catarrhe vésical chronique. Ceux si rebelles qu'on observe chez les vieillards, et qui sont accompagnés d'un certain degré d'incontinence d'urine, cèdent souvent à cette médication. Peu à peu le sphincter (de la vessie) reprend sa contractilité, en même temps que le mucus devient d'abord moins épais, puis disparaît.» (Stceber, Notice citée, p. 34. )
Toutefois nous devons avouer qu'à nos yeux, les eaux alcalines sodiques ou magnésiennes (Vichy, Vals, etc. ) sont bien mieux appropriées à ces diverses affections des voies urinaires.
Maladies de l'appareil sexuel (dysménorrhée, engorgement utérin, métrorrhagie).
Dysménorrhée. — L'influence physiologique si prononcée que les eaux chlorhydratées sodiques avaient sur l'utérus (v. Physiologie) fait pressentir qu'elles doivent contribuer à modifier puissamment les affections du système utérin. C'est, en effet, ce qui a lieu, mais il faut distinguer à quelle cause tiennent ces désordres : '' Les menstrues douloureuses et tardives qui s'annoncent par des coliques, par des spasmes de la vessie, des vomissements, sont guéries à Wiesbaden, si la cause de ces anomalies tient à des obstructions du bas-ventre, de la matrice, ou à des obstacles dans le système de la veine-porte, à un défaut d'énergie vitale dans le système utérin.» ( Peez, Eaux de Wiesbaden, p. 290. ) C'est à dire que les eaux de cette nature conviennent parfaitement, s'il faut résoudre des engorgements utérins ou autres (obstructions de la matrice ou du bas-ventre) qui s'opposent à l'écoulement des menstrues ; il en sera de même si la leucorrhée ou les métrorrhagies reconnaissent une cause semblable : les eaux chlorhydratées sodiques, en ramenant les tissus de l'utérus ou du vagin à leur état normal, en régulariseront les fonctions. " Les causes
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déjà mentionnées occasionnent fréquemment aussi des dérangements considérables dans la période menstruelle, aussi bien pour le temps de l'éruption que pour la qualité de l'excrétion. Rien n'est plus propre à rétablir l'équilibre dans ces fonctions, que les eaux de Wiesbaden administrées en bains, en boissons, en injections et en douches. » (Peez, op. cit., p. 298.)
Contre-indications. — Mais ces eaux chlorhydratées sodiques seront contre-indiquées si l'organe utérin est passé à l'état squirrheux, à plus forte raison, s'il est cancéreux ; si l'on ne fait que soupçonner l'état squirrheux et que la constitution soit encore bonne, ces eaux pourront, employées avec ménagement, modérer les symptômes les plus importants; mais il ne faut pas trop compter sur la guérison. ce Jamais, dit le docteur Peez, je ne vis un squirrhe de mauvaise nature bien prononcée guérir ici (Wiesbaden); mais, dans beaucoup de cas de cette espèce, j'obtins une grande diminution dans les symptômes accessoires très douloureux qui paraissent à la suite de cette maladie, et je réussis, par là, à prolonger décidément la vie. » (Op. cit., p. 284.) Et plus loin le même auteur ajoute : " Si l'état du corps est déjà si miné, qu'il approche de la lièvre hectique, ou qu'il ait déjà passé à cet état de consomption, les eaux de Wiesbaden doivent nécessairement hâter la dissolution. » (Peez, op. cit., p. 285. )
« Les fleurs blanches qui paraissent à la suite d'excès et de débauches, ou après des accouchements trop fréquents et trop rapprochés, et qui sont souvent accompagnées de la chute du vagin, ne réclament point l'usage des eaux de Wiesbaden : un pareil état doit être abandonné aux eaux ferrugineuses. Les fleurs blanches qui dépendent d'un squirrhe de l'utérus ou des ovaires sont incurables, et s'il y a fièvre hectique les eaux thermales ne peuvent qu'augmenter cet état. » (Peez, op. cit., p. 368.)
Voici quelques chiffres statistiques qui serviront de preuve et de complément aux observations qui précèdent.
Wiesbaden (Ritter, cité par Peez ) :
Nombre. Guéries. Améliorées. Insuccès.
Leucorrhées 27 16 7 4
Luxeuil (Pâtissier, 1841.):
Leucorrhées 5 4 1 "
Métrites chroniques . . 10 4 4 2
Nous ferons observer que, dans ces diverses affections, on a souvent joint à l'emploi des eaux salines les préparations ferrugineuses ; ainsi, à
336 EAUX SALINES.
Luxeuil, M. Revillout se loue beaucoup, dans ces cas, de la source ferrugineuse qui s'y trouve, et le docteur Ritter ajoute que, sur les 16 guérisons obtenues à Wiesbaden, il eut recours cinq fois à d'autres remèdes tels que le fer, l'alun, etc. (Peez, ibid.) — On ajoute à l'efficacité des eaux en les employant en même temps sous forme de douches vaginales, à divers degrés de température. (Revillout, 1836, Des Eaux de Luxeuil, p. 120. )
Maladies de l'appareil de la locomotion (goutte, rhumatisme, paralysie).
Les eaux chlorhydratées sodiques ont-elles une action curative bien prononcée sur le rhumatisme, la paralysie et la goutte? Ces questions tant controversées ne peuvent, ce nous semble, être toujours résolues par l'affirmative ou la négative. Dans tous les cas il est utile d'établir des distinctions dans l'origine même de toutes ces affections.
Rhumatisme. — Il n'est presque aucune eau minérale naturelle (alcaline, sulfureuse ou saline) qui n'ait été vantée dans le rhumatisme, Y a-t-il erreur ou exagération dans le récit des observateurs ? Nous pensons qu'ils étaient dans le vrai ; mais ils ont trop souvent fait honneur de la cure aux principes minéralisateurs eux-mêmes, tandis qu'ils n'en pouvaient revendiquer que la plus faible part. Remarquons, en effet, que toutes ces eaux naturelles (alcalines, sulfureuses, salines) qui ont guéri des rhumatismes étaient thermales ; c'est en bains chauds, en douches ou en vapeur qu'on les administre. Or, nous savons qu'à une température qui dépasse celle du sang (35° et au dessus), l'absorption cutanée est faible ou suspendue ( v. Physiologie ). Il devient donc évident que ce n'est point àl'action des éléments minéralisateurs que l'on peut, le plus généralement, attribuer les bons effets de ces eaux thermales : c'est leur température élevée qui a procuré la guérison ou les améliorations.
Voici, du reste, une opinion très explicite sur ce point, que nous trouvons dans l'excellent Rapport de M. Pâtissier pour 1854, à propos des eaux sulfureuses d'Ax (Ariége): " Le rhumatisme chronique, quelles que soient ses variétés, est modifié seulement par la chaleur et l'eau. Il est traité avec les mêmes avantages par la plupart des sources, d'où la conséquence que le principe sulfureux est indifférent dans le traitement de cette affection. » (Rapport sur les établissements thermaux, 1854, p. 29. ) Nous adoptons les mêmes conclusions pour les eaux thermales
THÉRAPEUTIQUE. 337
salines. " Presque toutes les sources thermales sont recommandées dans les cas de rhumatisme ; et il n'y a pas de doute que plusieurs de ceux qui ont retiré du soulagement des eaux de Wiesbaden n'eussent été également traités avec avantage à d'autres eaux. (Almost all thermal springs are however recommanded in cases of rheumatism, and there is no doubt thatseveral of those who have derived benefit from the Wiesbaden waters, would have also have been benefited by others. ) » (Edwin Lee, The principal baths of Germany, 1840, p. 29. )
Tableaux statistiques de rhumatismes traités à diverses eaux minérales chlorhydratées sodiques, extraits des rapports de M. Pâtissier pour les années 1839, 1841 et 1854, et de celui de M. Renard, 1850, pour les eaux de Bourbonne.
Bourbonne :
334 rhumatismes musculaires.
guéris. améliorés. insuccès.
108 178 48
365 rhumatismes articulaires.
93 211 61
Balaruc :
25 rhumatismes musculaires.
7 11 7
14 rhumatismes articulaires.
3 7 4
Luxeuil :
la rhumatismes musculaires.
4 9 »
43 rhumatismes articulaires.
8
Bains :
64 rhumatismes 7 47 10
Bourbon-l'Archambault :
1,807 rhumatismes 895 825 87
Ces chiffres élevés sont assez éloquents et n'ont pas besoin de commentaires.
Paralysies. — Beaucoup de paralysies ont été guéries ou soulagées aux eaux de notre première classe, surtout à celles qui sont thermales. Mais, ici, il faut avoir égard, pour ne pas nuire, et à l'époque à laquelle
338 EAUX SALINES.
remonte l'affection, et à sa cause. ce Il ne saurait être question, ici (à Bourbonne) pas plus qu'à aucune eau thermale, des paralysies symptomatiques d'une lésion du cerveau, de la moelle épinière ou des cordons nerveux, mais seulement de celles qui se rattachent à l'atonie et à la faiblesse : on obtient quelquefois dans ces cas des cures qui tiennent du prodige. » (C. James.)
Mais entrons dans quelques détails sur la distinction dans la nature des paralysies : ce Nous ne connaissons pas de meilleurs remèdes (que les eaux thermales de Wiesbaden) dans les paralysies rhumatismales et arthritiques, dans celles survenues à la suite de la colique saturnine, ou après des crises incomplètes dans les maladies graves, ou dans celles par métastase, comme par exemple après les maladies cutanées mal soignées, les métastases laiteuses (paralysis lactea). » (Peez, op. cit., p. 257.) Voilà, ce nous semble, des distinctions cliniques très précises, Il est très probable que c'est à l'excitation produite par la température élevée de ces eaux, que l'on doit rapporter les cures obtenues dans ces espèces de paralysies. En effet, ce toutes les sources thermales agissent dans ces cas d'une manière plus ou moins salutaire.... D'après cela, on peut espérer des effets extraordinaires de celles de Wiesbaden, qui, suivant? l'expression de Hufeland, appartiennent aux héros de l'armée médicale. » (Peez, op. cit., p. 258.) ce Depuis un temps immémorial, on a recours aux sources de Balaruc, Bourbonne, Bourbon-l'Arcnambault,
contre les différentes espèces de paralysies On ne doit les appliquer
qu'autant qu'il n'existe plus de congestion active vers le cerveau.... Ce sont les paralysies rhumatismales qui obtiennent le plus souvent une guérison radicale par l'usage des eaux salines fortes. » (Pâtissier, Rapport cité, 1841, pp. 53-54.)
Certaines paralysies paraissent reconnaître pour cause un embarras dans la circulation veineuse abdominale. Les eaux chlorhydratées sodiques activent, comme nous l'avons vu ( voy. Physiologie), cette circulation, poussent aux hémorrhoïdes, et par là peuvent dégorger les sinus cérébraux ou ceux de la moelle épinière ; d'où la guérison de ces espèces de paralysies, " Ces eaux ( Wiesbaden) possèdent encore des propriétés spécifiques dans les paralysies dont la cause réside dans le basventre. Des obstacles dans la circulation abdominale, en tant qu'ils dépendent de causes matérielles, d'empâtements dans les viscères du basventre, des vices dans le système de la veine-porte ou de la pléthore réelle, et qu'ils sont accompagnés de congestion vers la poitrine, la tête et la moelle de l'épine, déterminent souvent des accès d'apoplexie dont
THÉRAPEUTIQUE. 339
les suites sont la paralysie ou une faiblesse paralytique, une insensibilité des extrémités, une surdité, etc. » (Peez, op. cit., p. 259.) Ne seraitce point à cette espèce de paralysie qu'il faudrait rattacher celles qui, d'après les recherches de M. Dechambre, lui ont fait admettre que le sang pouvait s'arrêter passivement à l'intérieur du crâne dans les veines et les sinus ?
Dans les paralysies rhumatismales ou métastatiques, nous avons vu plus haut que les eaux thermales salines pouvaient convenir; mais, dans celles qui sont le résultat d'une ancienne congestion cérébrale, il faut débuter par les bains tempérés. Si la température était trop élevée, l'excitation produite par le calorique pourrait aggraver les symptômes et même déterminer une attaque complète d'apoplexie. Ainsi, à Niederbronn, " dans les congestions vers la tête, on n'emploie que des demibains tempérés, afin de congestionner le moins possible la tête. Chez le plus grand nombre de ces malades, le traitement a été secondé par l'emploi de ventouses scarifiées le long de l'épine du dos. Dans l'apoplexie, c'est toujours par la méthode doucement évacuante que nous
cherchons à opérer; c'est là le fond du traitement suivi à nos eaux
Les ventouses scarifiées le long du dos constituent encore un de nos moyens auxiliaires.... Les bains et les douches sont employés avec une certaine réserve, et là seulement où les forces du malade semblent le permettre. » (Kühn, Rapport de M. Pâtissier, 1854, pp. 150-151.) Et, à propos des douches, nous mentionnerons ici une remarque importante, faite par M. Rousset aux eaux de Balaruc : c'est que ce médecin aurait employé les douches froides, pour éviter probablement l'excitation trop vive du calorique. " M. le dr Rousset m'a dit souvent que, s'il a obtenu quelques succès dans les paraplégies et autres affections du rachis, de l'action des douches à Balaruc, il l'avait dû à l'emploi de l'eau minérale entièrement refroidie. » (Bains de mer à Cette, par le dr Vial, 1847, p. 84.)
Contre-Indications. — On comprend que les eaux minérales chlorhydratées sodiques thermales seront contre-indiquées, lorsque la paralysie sera récente, due à un épanchement considérable. " Les eaux de Wiesbaden offrent aussi peu de ressources dans les effets consécutifs des attaques d'apoplexie, lorsqu'ils consistent dans un épanchement de lymphe dans le cerveau et la moelle de l'épine. » (Peez, op. cit., p. 373.) On peut espérer, d'après le dr Ed. Lee, des succès par les eaux de Wiesbaden ou ce d'autres eaux minérales, dans les paralysies succédant à des attaques d'apoplexie, pourvu qu'il n'y ait plus les sym-
340 EAUX SALINES.
ptômes d'une congestion cérébrale ou d'une maladie organique. Les individus pléthoriques.... réclament souvent un traitement préparatoire avant l'usage des bains, soit dans la paralysie, soit dans d'autres maladies. (Plethoric individuals.... will frequently require some preparatory treatment previous to using the baths, in paralysy, as well as in other diseases.) » (Ed. Lee, The principal baths, etc., 1840, p. 37.)
C'est en tenant compte des considérations cliniques précédentes, que les chiffres statistiques suivants pourront avoir quelque valeur pratique réelle.
Tableaux statistiques extraits des rapports de M. Pâtissier, 1839,1841 et 1854; rapport de M. Renard (Bourbonne, 1850).
Bourbonne :
guérisons. améliorations. insuccès,
281
hémiplégies, paraplégies et paralysies diverses.
19 166 96
Balaruc :
329
hémiplégies, paraplégies et paralysies diverses.
30 170 123
Niederbronn : 23 congestions cérébrales 3 16 4
21 apoplexies 1 16 4
On voit, par les chiffres de ces tableaux, que les eaux de Balaruc ne possèdent point une propriété anti-paralytique supérieure à celle des autres eaux de même nature (Niederbronn, Bourbonne), et que l'Académie de Médecine fut sage lorsque, il y a quelques années, à propos d'une communication faite par M. Chrestien, elle formula ainsi son opinion : " Les eaux de Balaruc paraissent jouir de quelque efficacité dans le traitement de certaines paralysies. » Quant à ces paralysies que les eaux de Balaruc ou d'autres eaux minérales sont appelées à soulager ou à guérir, nous pensons avoir jeté quelque lumière sur ce point, et établi quelques distinctions fondamentales utiles pour guider le médecin dans ces circonstances.
Goutte. — Les eaux chlorhydratées sodiques paraissent surtout utiles dans cette espèce de goutte qui est liée à la pléthore abdominale, ou qui a succédé à la disparition de quelque dermatose, ou bien, enfin,
THÉRAPEUTIQUE. 341
qui dépend de la suppression de la transpiration. Ce sont alors les eaux thermales qui conviennent le mieux, " Les eaux de Wiesbaden guérissent la goutte, le rhumatisme, qui sont la suite d'une transpiration fortement et continuellement troublée, et qui proviennent de l'humidité, de fatigues, de bivouacs, etc.; l'organe cutané a besoin ici d'une forte irritation excitant puissamment l'action de ses vaisseaux. Administrées en bains, elles guérissent la goutte et le rhumatisme qui se sont développés à la suite d'éruptions psoriques ou herpétiques répercutées. » (Jenner, de Tenneberg, 1806, cité par Peez, p. 221.)
Le dr Braünn rend le même témoignage sur l'efficacité des eaux de Wiesbaden dans la goutte : " Les eaux de Wiesbaden, dit-il, revendiquent le premier rang parmi les eaux minérales pour le traitement de la goutte, et doivent en partie leur réputation aux succès qu'on y a obtenus.... Elles déploient leur action salutaire contre le trouble des
facultés digestives, combattent la vénosité (pléthore abdominale)
dissolvent les dépôts d'acide urique et l'éliminent du corps. » (Braünn, op. cit., p. 67.) " Les eaux de Wiesbaden conviennent dans ces nombreuses affections chroniques qui semblent être du domaine de presque toutes les eaux minérales, pourvu que celles-ci aient une température élevée ; mais on les recommande spécialement contre la goutte et le rhumatisme. » (C. James.)
" Hombourg, je le dis hautement, ne guérit pas la goutte. » (Gardey, Eaux minérales de Hombourg, 1847, p. 73.) Mais, ce judicieux observateur pose une exception à cette sentence absolue d'exclusion : « Chez certains individus, dit-il, l'affection goutteuse alterne en quelque sorte avec le flux hémorrhoïdal : sa suspension ou l'insuffisance de l'évacuation habituelle rend les attaques plus vives, si elle ne les détermine....; lorsqu'il en est ainsi, on se rend facilement compte de l'action thérapeutique des eaux de Hombourg : leur influence déjà notée sur l'abondance des hémorrhoïdes est aussi favorable à la goutte, qu'elle l'était à l'hypocondrie. » (Gardey, ibid., p. 77.) Quant à la goutte qui ne se présente point liée soit aux affections hémorrhoïdales, soit à la pléthore abdominale, qui sévit chez des individus dont l'état général d'ailleurs est bon, chez lesquels l'extrême intensité de la douleur locale est le seul symptôme dominant, Gardey repousse l'emploi des eaux chlorhydratées sodiques : " Leur usage aggraverait les accidents....; les eaux alcalines de Vichy sont alors efficaces. » (Gardey, ibid., p. 74.)
Ainsi se trouvent, ce nous semble, bien fixées, d'après l'observation clinique, les formes de la goutte qui admettent ou rejettent l'emploi des
342 EAUX SALINES.
eaux chlorhydratées sodiques, ou qui réclament au contraire les eaux alcalines (Vichy, Vais, Châteldon, etc.); au reste, les mêmes considérations s'appliquent à toutes les eaux minérales de notre première classe : toutes sont capables de soulager ou de guérir la goutte, à des degrés divers, il est vrai, mais leur usage reste subordonné aux circonstances particulières que nous avons tâché de définir. Nous ajouterons, pour compléter ce paragraphe des indications, que ce sont surtout les eaux thermales salines qui réussissent.
Contre-indications. — L'emploi de ces eaux sera formellement
repoussé dans la goutte ce accompagnée de fièvre ; les douleurs et la
fièvre augmentent par l'usage des bains ( de Wiesbaden). » (Peez, op. cit., p. 374.)
Maladies de l'appareil respiratoire et de la peau ( bronchite chronique, phthisie pulmonaire, dermatoses).
Les observations publiées dans ces derniers temps par M. Amédée Latour sur l'emploi du sel de cuisine dans les tubercules pulmonaires, sembleraient plaider en faveur des eaux chlorhydratées sodiques naturelles dans la même maladie, et pourtant, si l'on consulte l'expérience clinique, l'on voit que ces eaux sont à peu près toujours nuisibles. « Les malades atteints de tubercules pulmonaires et que les médecins ont envoyés à Hombourg s'en sont rarement bien trouvés. » (Stoeber, Notice citée, p. 37.) — Ritter, il est vrai, a rapporté plusieurs cas de phthisies pulmonaires grandement amendées ou guéries par les eaux de Wiesbaden. (Journal de Médecine pratique, 1799.) Mais, à l'époque où écrivait Ritter, le moyen certain de diagnostiquer la maladie n'existait pas, puisqu'il lui manquait l'auscultation; on peut donc à bon droit douter s'il a réellement traité des tuberculeux. Aussi, le dr Peez témoigne-t-il peu de confiance dans ces observations : " Quel que soit le mérite de Ritter, je n'oserais jamais me permettre de conseiller l'usage de nos eaux (Wiesbaden) dans les phthisies pulmonaires confirmées. « (Peez, op. cit., p. 278.)
Nous verrons plus bas (voy. Eaux sulfatées calciques) que, suivant la période à laquelle ils sont arrivés, les tubercules pulmonaires trouvent au contraire dans l'usage des eaux sulfatées calciques un remède plus efficace. Notons, cependant, que l'on a conseillé, dans la phthisie sub-
THÉRAPEUTIQUE. 343
aiguë, les eaux de Baden-Baden ( Nassau ), qui renferment 2gr. 078 de sel marin sur 3gr. 00 de principes fixes. " De temps immémorial, écrit M, Pâtissier, ces thermes sont prescrits dans les catarrhes chroniques, les enrouements et les affections de poitrine avec éréthisme. On mélange l'eau thermale avec un quart de lait d' ânesse ou de chèvre, et un peu de sucre candi ou de gomme arabique : on en boit plusieurs fois par jour de petites doses ; on prend chaque jour un bain tiède de quinze à vingt minutes seulement, et deux ou trois fois par jour on respire la vapeur de l'eau thermale. Les médecins de la localité témoignent obtenir de ce mode de traitement des succès remarquables, surtout quand les accidents thoraciques sont dus à une métastase rhumatismale herpétique. » (De l'emploi des eaux minérales naturelles dans le traitement de la phthisie tuberculeuse, par M. Pâtissier, 1858, p. 20.)
Les eaux de Baden-Baden ont une température qui s'élève de 45° à 67° centig. En raison de ce degré de chaleur nous en comprenons l'usage et les succès dans les affections thoraciques liées à une métastase rhumatismale ou herpétique ; mais, nous l'avouons, malgré la grande autorité de M. Pâtissier, nous oserions à peine les conseiller dans la phthisie déclarée à l'état sub-aigu ; cette eau étant prise à sa température native, ou au moins encore très chaude. Nous serions d'avis de la laisser au moins refroidir jusqu'à la température tiède. M. Pâtissier, d'ailleurs, conseille lui-même les eaux de Soden (qui sont fortement chlorhydratées sodiques) dans la phthisie indolente torpide.... " C'est dans la phthisie pulmonaire indolente, dit-il, que le lait de chèvre minéralisé avec le chlorure de sodium me paraît parfaitement applicable. » (Ibid., p. 34.) C'est, en effet, dans de telles circonstances, que nous croyons utiles les eaux chlorhydratées sodiques. D'après M. Rotureau, les sources de Nauheim sont formellement contre-indiquées dans la phthisie pulmonaire même scrofuleuse, parce qu'elles hâtent la fonte des tubercules. (Des eaux de Nauheim, p. 126.)
Catarrhe pulmonaire chronique. — " Les individus pituiteux se trouvent bien d'un séjour de quelques semaines aux eaux de Hombourg, et l'on en voit qui les quittent complètement débarrassés de leur catarrhe chronique. » (Stoeber, Notice citée, p. 37.) Nous devons dire que, cependant, les auteurs insistent peu sur l'usage des eaux chlorhydratées sodiques dans le traitement des catarrhes pulmonaires chroniques : d'autres eaux sont mieux appropriées à ce genre d'affections. Nous en parlerons avec détails, en traitant des eaux sulfatées calciques comme agents thérapeutiques. (Voy. plus loin.)
344 EAUX SAUNES.
Dermatoses. — Les maladies cutanées paraissent être influencées favorablement par les eaux chlorhydratées sodiques prises en bains eten boissons. Sous le rapport thérapeutique, M. Gardey préfère la vieille distinction des dartres en dartres sèches et humides. (Op. cit., p. 85.) " Les dartres sèches sont de toutes les plus persistantes; une fois établies elles restent presque toujours stationnaires, et les moyens adoucissants n'ont sur elles aucune influence. L'indication est alors de recourir à une médication qui transforme, s'il se peut, la lésion et lui en substitue une plus facile à guérir( dartre humide). » (Gardey, op. cit., p. 86.) Cette plus grande facilité de la dartre humide à être guérie avait déjà été notée avant M. Gardey par Peez : " La maladie cutanée est le plus promptement guérie si l'éruption offre, en même temps, une surface humide, et qu'elle ne soit point accompagnée de fièvre. Après les premiers bains la sécrétion est ordinairement un peu augmentée. » ( Peez, op. cit., p. 228.)
Niederbronn. — ce L'eczéma est peut-être, de toutes les formes pathologiques, celle que les eaux de Niederbronn influencent de la manière la plus favorable. Depuis plus de vingt ans nous avons été constamment frappé des bons effets du traitement minéral dans ce genre de dermatoses. Il faut, sans doute, attribuer cet effet remarquable à ce qu'il y a presque toujours quelque prédominance lymphatique ou scrofuleuse chez les eczémateux.... Nous ordonnons les bains à la température de 28 à 35 degrés et de 45 à 120 minutes de durée. Les douches trouvent quelquefois leur application dans certaines dartres circonscrites. Quant à la boisson, elle est ordinairement prescrite à doses laxatives. » (Kühn, Rapport de M. Pâtissier, 1854, pp. 151-152. ) — Les chiffres statistiques suivants achèveront la démonstration.
Tableaux statistiques de dermatoses guéries à diverses eaux naturelles chlorhydratées sodiques. (Extraits des Rapports de M. Pâtissier, 18391841.)
Niederbronn :
nombre. guéris. améliorés. insuccès. Eczéma 15 6 9 »
Bourbon-l'Archambault :
— 210 36 174 »
Bourbonne :
— 61 14 29 18
THÉRAPEUTIQUE. 345
A l'égard de Bourbonne, nous avons à faire une remarque importante que nous empruntons à M. Pâtissier : " A Bourbonne et à Balaruc, on traite avec quelque succès les maladies chroniques de la peau; mais ce n'est pas aux principes minéraux contenus dans ces sources qu'appartiennent uniquement les guérisons obtenues, puisqu'on mêle à chaque bain d'eau thermale 60, 125 ou 250 grammes de sulfure de potassium. » (Pâtissier, 1841, p. 55. ) — Nous terminerons en disant que, s'il est vrai que les eaux chlorhydratées sodiques puissent guérir certaines dartres, pourtant dans ce genre de maladies les eaux sulfureuses et les salines sulfatées calciques ( v. plus loin ) conservent jusqu'ici une prééminence marquée.
Affections générales (cachexies, scrofules, chlorose).
Cachexies. — Nous avons eu, déjà plus d'une fois, l'occasion de traiterde cet état général cachectique qui accompagne des affections organiques diverses, en parlant de la pléthore abdominale et des maladies de l'appareil biliaire (v. plus haut). Nous avons observé que, souvent, l'état général s'amendait avant que l'état local fût notablement modifié, et nous avons distingué les cas où les eaux chlorhydratées sodiques sont indiquées ou contre-indiquées. L'histoire thérapeutique est donc faite; puisqu'il nous faudrait de nouveau répéter ce que nous avons déjà exposé, nous n'ajouterons rien à ce sujet.
Scrofules. — Hombourg. — " On a vu des engorgements ganglionnairesse dissiper très rapidement par l'usage des eaux de Hombourg.... Elles ne sont pas moins indiquées lorsque la détérioration de l'organisme
est arrivée au degré qui constitue la maladie scrofuleuse L'efficacité
bien constatée des sources de Hombourg dans toutes les variétés de l'affection scrofuleuse s'explique facilement par la composition chimique des eaux. » (Stoeber, Notice citée, pp. 54 et 46.) " Une des classes d'affections cutanées qui guérissent le plus sûrement à Hombourg c'est celles qui reconnaissent pour cause le tempérament, ou mieux encore, comme disaient les anciens, le vice scrofuleux Je ne sais pas
de moyens plus efficaces à opposer à la scrofule que les eaux salines muriatiques secondées par les eaux-mères. » (Gardey, op. cit., pp. 88-89.) Or, les eaux-mères dont parle ici le docteur Gardey sont celles de Kreuz-
346 EAUX SALINES.
nach, qui contiennent des iodures et des bromures. L'action adjuvante de ces derniers agents ajoute à celle du sel marin pour combattre plus sûrement la scrofule.
Nauheim. — Aussi les sources chlorhydratées sodiques de Nauheim qui sont naturellement iodurées et bromurées, sont-elles très efficaces dans les affections scrofuleuses. ce En tête de toutes les conditions morbides sur lesquelles les eaux de Nauheim ont le plus de prise se place assurément la scrofule. Toutes ses manifestations, qu'elles soient intérieures et puissent être perçues cependant ou échappent à nos moyens d'investigation, ou bien qu'elles soient extérieures et se présentent sous forme de tumeurs ou d'ulcères, en reçoivent des modifications profondes et avantageuses.» (Rotureau, Etudes sur les eaux de Nauheim, 1856, p. 88.)
Wiesbaden. — " Nos eaux thermales (Wiesbaden) déploient leur efficacité contre les scrofules.... Elles excitent les glandes lymphatiques, stimulent les fonctions sécrétoires, et déterminent de cette manière l'élimination du principe scrofuleux. Elles sont surtout indiquées chez des malades qui viennent d'atteindre l'âge de puberté, et dans les cas où les scrofules se compliquent de rhumatisme, d'hémorrhoïdes, de goutte, de syphilis, de désordres survenus dans la menstruation, etc. " (Braünn, op. cit., p. 72.)— Il résulte des faits et des autorités que nous venons de citer, que si les eaux chlorhydratées sodiques (Wiesbaden, Hombourg) ont une incontestable utilité dans le traitement des affections scrofuleuses employées seules, cette efficacité s'accroît si l'on y joint l'usage d'eaux chargées de quelques iodures ou bromures ; et que les sources minérales chlorhydratées sodiques qui offrent ce mélange naturellement sont aussi les plus efficaces ; telles sont les eaux de Nauheim. — C'est, sans doute, en raison de ces mixtions naturelles que les eaux de la mer (soit dit en passant) ont une puissance curative peut-être supérieure dans la scrofule.
Quelques chiffres statistiques feront voir d'ailleurs que l'affection scrofuleuse trouve un remède bien approprié dans l'emploi de diverses sources chlorhydratées sodiques. (Extraits des Rapports de M. Pâtissier pour les années 1839 et 1841. )
THÉRAPEUTIQUE. 347
Bourbonne :
Scrofules, ulcères et engorgements scrofuleux.
Nombre. Guéris. Améliorés. Insuccès 207 73 94 40
Balaruc ; — 58 2 16 40
Bourbon-l'Archambault : - 43 18 15 10
Total 308 93 125 90
Notons pourtant que, malgré l'éloquence de ces chiffres, ces eaux ne sont ni iodurées nibromurées.
Chlorose. — On trouve dans les auteurs des observations de chloroses guéries aux sources chlorhydratées sodiques de Wiesbaden, Hombourg, Luxeuil, etc. ; mais nous ferons remarquer qu'alors on a presque toujours soin d'associer des préparations d'eaux minérales ferrugineuses à l'usage de ces sources minéralisées par le sel marin. — Ainsi se passent les choses à Luxeuil où l'on boit la source ferrugineuse, à Hombourg (Gardey, Stceber) où l'on fait usage aussi de la source ferrugineuse, etc. En sorte que les sources salines chlorhydratées sont d'un emploi plutôt accessoire pour la guérison de cette maladie, dans le traitement de laquelle l'emporteront toujours les eaux minérales ferrugineuses ( Spa, Forges, Passy, Pyrmont, etc.).— Si toutefois la chlorose était compliquée de pléthore abdominale, de quelques engorgements chroniques du basventre, les eaux chlorhydratées sodiques seraient indiquées, au moins pendant une partie de la cure, soit seules, soit unies à des eaux ferrugineuses, " Chez les malades qui souffrent aussi de constipations habituelles, d'irrégularité dans les fonctions digestives, l'eau de la source ferrugineuse de Hombourg réussit très bien. Elle présente l'avantage sur les eaux ferrugineuses pures, d'être facilement digérée, de rétablir les fonctions de l'estomac et des intestins, d'entretenir la liberté du ventre. » (Stoeber, Notice citée, 1844, p. 32.) — " Le chlorure de sodium aidera utilement l'action du fer sans accroître ses inconvénients (congestion sanguine vers l'appareil pulmonaire ), qu'il tendrait plutôt à diminuer. » (Gardey, op. cit., p. 83.)
Ainsi le sel marin, s'il ne peut, employé seul, guérir avec certitude la chlorose, est cependant souvent un utile auxiliaire, une espèce de passeport des préparations ferrugineuses, chez les personnes lymphatiques ou atteintes d'irritations chroniques des intestins. Il peut même être utile
348 EAUX SALINES.
dans d'autres circonstances. C'est ainsi que M. Marc Pégot l'a uni aux boissons sulfureuses pour faire passer plus facilement celles-ci. ce Depuis trois ans j'expérimente ce médicament (chlorure de sodium ) ajouté à la boisson sulfureuse ou dissous dans le bain. J'ai obtenu généralement des résultats très remarquables chez les individus plus ou moins lymphatiques, surtout lorsqu'il y a faiblesse des organes digestifs, ou chez les malades atteints d'irritation chronique des bronches ou menacés de tuberculisation. » (Essai clinique sur les eaux de Bagnères-de-Luchon, par le docteur Marc Pégot, 1854, p. 37, note.)
DEUXIÈME GROUPE. — EAUX SALINES CHLORHYDRATÉES SODIQUESCALCIQUES.
SODIQUESCALCIQUES.
Nous avons placé dans ce groupe, comme type, les eaux de Nauheim : nous avons vu, dans les pages précédentes, que ces eaux possèdent une action thérapeutique semblable à celle des eaux chlorhydratées sodiques presque pures. Elles renferment, en effet, une proportion de sel marin bien suffisante pour expliquer cette parfaite analogie de vertus curatives; mais, en raison du chlorhydrate de chaux (chlorure de calcium) qu'elles offrent, en outre, elles seront, plus spécialement encore, récommandables dans les maladies où les médicaments altérants réussissent : telles sont, entre autres, la scrofule et ses diverses manifestations. Ces affections paraissent être réellement le triomphe des eaux de Nauheim, d'après les observations rapportées par M. Rotureau ( Notice citée), et d'après le témoignage concordant de divers praticiens de l'Allemagne qu'il a consultés. Nous n'avons donc rien, ici, de particulier à ajouter à ce que nous avons dit, dans le premier groupe, touchant les propriétés thérapeutiques des sources de Nauheim. Rappelons, seulement, qu'il est très rare que l'on n'ait pas recours, dans cette localité, contre toutes les maladies, aux eaux-mères (Mutter-laüge). Pour apprécier les résultats de cette dernière médication, nous renvoyons le lecteur a ce nous en avons dit plus haut (voy. p. 257) : on aura alors sous les yeux les conditions essentielles qui réclament l'usage des eaux chlorhydratées sodiques-calciques de Nauheim.
THÉRAPEUTIQUE. 349
DEUXIÈME ORDRE. — EAUX SALINES SULFATÉES.
L'action thérapeutique des eaux salines sulfatées est, il faut l'avouer, généralement peu connue, sinon même ignorée ; ce n'est pas seulement sous le rapport chimique qu'elles constituent un ordre à part (voy. chapitre 1er); elles se distinguent aussi, d'une manière nette et tranchée, par leurs propriétés médicales : nouvelle justification de la classification qui nous est propre.
Les considérations nouvelles que nous avons à développer sur ce sujet, les vertus particulières dont jouissent ces eaux, et les applications cliniques, aussi nombreuses qu'importantes, qui en découlent, auraient peut-être laissé le lecteur dans la surprise et l'hésitation, si nous n'avions pris soin de l'initier déjà dans le premier chapitre et surtout dans le chapitre deuxième, où nous avons étudié d'une façon spéciale l'action physiologique des sources de cet ordre. — Nous suivrons pour la clinique le même ordre que nous avons établi pour la chimie : nous examinerons d'abord les eaux sulfatées calciques ; nous passerons ensuite aux eaux sulfatées calciques-sodiques, et nous terminerons par les sources sulfatées sodiques-magnésiennes.
PREMIER GROUPE. — EAUX SALINES SULFATÉES CALCIQUES. 1° MALADIES DE L'APPAREIL DIGESTIF. A. Gastrite et entérite muqueuses chroniques.
« Les médecins de Weissembourg ont souvent observé les bons effets de l'eau minérale dans le traitement de l'irritation chronique de presque toutes les muqueuses ; l'effet peut être curatif dans ces maladies : il réussit plus sûrement lorsque la phlegmasie chronique n'est que la suite d'une phlegmasie aiguë. Quand la maladie est bornée à l'estomac, M. Müller fait couper l'eau minérale avec celle de Gurnighel ; c'est avec du lait, quand elle réside seulement dans l'intestin. » (Pointe,
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Monogr. des thermes de Weissembourg, 1853, p. 65.) ce L'effet curatif de l'eau de Weissembourg est plus marqué dans la dyssenterie chronique succédant à la période aiguë. Le ténesme, les selles sanguinolentes et renfermant des débris de muqueuse intestinale, disparaissent rapidement (dr Müller) sous l'influence de l'eau thermale prise intérieurement et extérieurement. » (Jonquières, Act. thérapeutique de Weissembourg 1849.)
M. le dr Lutz considère comme des contre-indications une complexion lâche...., la constipation ou la diarrhée (provenant de l'atonie des organes digestifs)...., le tempérament lymphatique. Cependant ces maladies et ces prédispositions constitutionnelles ne contre-indiquent pas la cure d'une manière absolue, surtout dans les affections pulmonaires, (Jonquières, ibid., p. 76.)
Ce n'est pas dans les maladies du tube digestif que les eaux de Weissembourg sont surtout recommandées ; sur 563 malades envoyés à Weissembourg de l'hôpital de l'Isle de 1825 à 1848, on en trouve 260 dont les noms sont accompagnés du résultat de la cure, et l'on n'y voit pas une seule gastro-entérite chronique. — Nous aurons les mêmes remarques à faire au sujet de la plupart des eaux minérales de cet ordre; pour Bagnères-de-Bigorre, M. Pâtissier se borne à dire : " Ces eaux peuvent être employées avec avantage dans des langueurs d'estomac avec perte d'appétit occasionnées par la présence de matières saburrales.» (Manuel, 1837.) " Prise en boisson, elle se montre efficace dans les gastralgies, les entéralgies. » ( Pâtissier, Rapport, 1854, p. 170.) Il ne mentionne pas les maladies de cet appareil dans l'article de Bath. (Ibid., p. 476.)
Cap-Vern. — " On dit ces eaux utiles... dans les dérangements des voies digestives. » (Pâtissier, ibid., p. 485. )
" Les eaux de Louëche sont utiles.... dans plusieurs cas d'irritation chronique de l'estomac, des intestins. » (Pâtissier, ibid., p. 463.)
B. Maladies chroniques du foie et de la veine-porte. (Pléthore abdominale, hémorrhoïdes. )
Engorgements chroniques du foie. — " La cure ( Weissembourg ) est indiquée dans les cas caractérisés par des douleurs légères et un sentiment de gêne et de pesanteur dans l'hypochondre droit; par une teinte ictérique peu intense mais reparaissant fréquemment. » (Jonquières, op. cit., p. 58. ) « A la première période, la cure peut être ra-
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dicale ; plus tard il ne restera d'espérance que pour un résultat palliatif. » (Pointe, op. cit., p. 66. ) — Sur les 260 malades de l'hôpital de l'Isle traités à Weissembourg, on trouve 5 maladies chroniques du foie dont 4 ont été soulagées et 1 guérie. ( Dans ce cas, ce sont les eaux chlorhydratées sodiques qui sont de beaucoup préférables. )
Calculs biliaires. — '' L'emploi de l'eau de Weissembourg facilite l'expulsion des calculs biliaires, expulsion qui est non seulement facilitée, mais provoquée par les propriétés calmantes et résolutives de l'eau et par l'impulsion que la cure donne aux diverses sécrétions et excrétions. On sera autorisé à prescrire les bains de Weissembourg dans les cas où l'on supposera la présence de concrétions biliaires et a fortiori lorsqu'on aura la preuve de leur existence. » (Jonquières, ibid., p. 59. ) M. Pointe confirme ces faits par son propre témoignage. (Op. cit., p. 66.) — Une revue rapide de quelques sources salines sulfatées calciques va nous faire juger de l'ensemble de ces résultats : '' Les eaux d'Encausse se montrent salutaires dans la dyspepsie, les engorgements passifs du foie, etc.» (Pâtissier, Rapport, 1854. ) MM. Granville, Ed. Lee et Pâtissier s'accordent à signaler les bons effets des eaux de Bagnères-de-Bigorre dans les engorgements du foie ; il en est de même pour les eaux d'Audinac, de Cap-Vern, de St-Amand, etc. ; le tout dans une certaine mesuré.
Pléthore abdominale, hémorrhoïdes. — Nous trouvons dans la monographie du docteur Jonquières, un article fort intéressant sur ce point encore peu étudié ; il s'appuie sur les observations du docteur Lutz : « L'eau de Weissembourg est indiquée dans la pléthore abdominale, l'embarras de la circulation dans la veine-porte, les hémorrhoïdes à leur période de développement, et la prédisposition au mélaena; plusieurs autres maladies qui reconnaissent pour cause première l'oxygénation incomplète du sang, résultant de sa stagnation dans les veines abdominales, sont aussi améliorées par la cure. Dans les affections de ce genre, il est souvent difficile de savoir auquel on doit donner la préférence, de Gurnighel ou de Weissembourg ; dans ces cas douteux le médecin prendra pour base de sa détermination les indications et contre-indications ci-dessus. (Voyez Gastrite chronique. ) Car règle générale, les constitutions qui contre-indiquent l'eau de Weissembourg indiquent celle de Gurnigel, et vice versa. — L'hypochondrie avec penchant à la mélancolie rentre dans cette classe, et dans ces cas l'eau de Weissembourg rend de grands services. — Ces effets salutaires de l'eau thermale s'expliquent par les modifications qu'elle imprime à la composition du sang
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et à sa circulation, par l'absorption et l'excrétion des obstructions et par l'augmentation de la sécrétion intestinale. » (Jonquières, ibid., p. 78.) — Remarquons ici qu'on a signalé l'action avantageuse, sur les hémorrhoïdes liées à une constipation habituelle, qu'exercent les eaux de Bagnères ( Pâtissier, 1837), celles de Cap-Vern ( id., ibid. ), etc.
Cap-Vern. — Les sources de Cap-Vern ont été reconnues utiles aux hémorrhoïdes, d'après M. Tailhade, médecin inspecteur. " Quand le sang est appauvri par des pertes fréquentes et abondantes, il faut associer à l'eau minérale des préparations ferrugineuses, une alimentation substantielle et des demi-lavements d'eau minérale surtout après la défécation, Des douches ascendantes sur le périnée et la marge de l'anus favorisent singulièrement la résolution des tumeurs hémorrhoïdaires. » (Pâtissier, Rapport de 1854, p. 113.)
Loëche. — Les eaux de Loëche amènent les mêmes succès dans les mêmes circonstances. — " Les engorgements sanguins de quelques organes du bas-ventre, provenant ordinairement de pléthore abdominale ou des hémorrhoïdes, les indurations de la rate, du foie, du pancréas, etc., qui s'ensuivent, cèdent à l'emploi des sources thermales de Loëche pourvu que ces affections ne soient pas dégénérées en squirrhes, etc. » (Notice sur les eaux de Loëche, par Lorétan, 1857, p. 64.) — A Brides, d'après le témoignage du docteur Laissus, on retire de grands avantages de ces eaux '' dans les embarras hémorrhoïdaires, dans une circulation viciée de la veine-porte..., les engorgements chroniques du foie, du pancréas, de la rate, etc.» (Manuel des eaux de Brides, 1857.)
2° MALADIES DE L'APPAREIL GÉNITO-URINAIRE. A. Maladies de l'appareil urinaire.
Catarrhe vésical chronique. — " M. Millier a observé plusieurs malades atteints de catarrhe vésical chez lesquels l'emploi de l'eau de Weissembourg coupée avec du lait avait été suivi d'une amélioration plus ou moins considérable. Dans un cas de catarrhe léger survenu à la suite d'une blennorrhée urétrale ancienne, M. Jonquières a vu les deux maladies guéries par une cure de 15 jours. (Jonquières, ibid.) M. Pointe expose la même opinion. — Remarquons toutefois que, dans la statistique précitée de 260 malades, on ne rencontre pas un cas de cystite chronique.
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On a conseillé les eaux sulfatées calciques d'Encausse dans la gravelle (Pâtissier, Rapport, 1854); de Bagnères-de-Bigorre dans les maladies néphrétiques ( Granville ) et les embarras muqueux des voies urinaires (Pâtissier, 1837 ); de St-Amand dans la gravelle, les coliques néphrétiques, l'atonie de l'urètre et de la vessie ( Granville) ; d'Audinac dans le catarrhe vésical et l'hématurie passive, etc. — " Les eaux de Bagnères-de Bigorre ( source du Salut ) étant très diurétiques sont par conséquent favorables aux personnes affectées de maladies des voies urinaires. » (Pâtissier, Rapport, 1854, p. 170.) — Alibert a cité l'observation d'une hématurie datant de plusieurs années, qui avait résisté aux traitements des plus habiles médecins de Toulouse, et qui fut guérie radicalement par l'usage des eaux d'Audinac en bains et en boissons. (Précis sur les eaux minérales.)
Les détails dans lesquels nous sommes entrés au sujet de l'action physiologique des eaux sulfatées calciques ( voy. chap. II) rendent compte de leur influence thérapeutique, dans ces circonstances.
B. Maladies de l'appareil génital.
Dysménorrhée. — " La dysménorrhée, dit M. Lutz, et les irrégularités de la première menstruation chez les jeunes filles non chlorotiques rentrent dans la classe des maladies qui retirent beaucoup d'avantages de la cure de Weissembourg, surtout lorsque cette évacuationpériodique est remplacée par des saignements du nez ou de l'oppression. Plusieurs jeunes personnes atteintes fréquemment d'érysipèles de la face, érysipèles provenant de cette dysménorrhée, ont été guéries de cette affection par l'eau de Weissembourg. (Jonquières, ibid.)
Ménopause. — L'eau de Weissembourg n'agit pas moins favorablement dans nombre d'affections dont se plaignent les femmes à l'époque de la cessation des règles. (Ibid. )
la spermatorrhée qui est liée à une irritabilité morbide des organes génitaux est notablement modifiée. — Dans la statistique des 260 cas ci-dessus, on trouve:
Nombre. Guérison. Amélioration. Aménorrhée 1 1 »
Menstruation irrégulière 1 1 »
Spermatorrhée 1 » 1
Ces faits, peu nombreux, seraient sans valeur, si l'on ne voyait les
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mêmes effets produits par les sources du même ordre, à savoir, Encausse dans la leucorrhée (Pâtissier, Rapport, 1854); Bagnères-de-Bigom, dans les cas d'affaiblissement par des couches réitérées ou par desflux immodérés (Granville); Cap-Vern, pour régulariser le flux menstruel; Cambo, dans l'aménorrhée ; Louëche, dans les maladies de la première menstruation et de l'âge critique; St-Amand, dans la leucorrhée et la suppression menstruelle ; Ussat, dans les ménorrhagies qui dépendent d'un excès de sensibilité de l'utérus.
5° MALADIES DE L'APPAREIL DE LA LOCOMOTION.
A. Rhumatisme.
Les eaux salines sulfatées calciques ne jouissent pas d'une efficacité particulière contre les affections rhumatismales ; il est vrai que quelquesunes de ces sources modifient heureusement ce genre de maladies, mais ce sont surtout celles qui sont thermales ; ce résultat paraît donc provenir plus spécialement de leur température (comme nous l'avons déjà dit pour les eaux chlorhydratées sodiques), d'autant mieux qu'il n'est pas même mentionné pour la plupart de celles qui sont au-dessous de 25°.
B. Paralysie.
On peut appliquer aux paralysies les mêmes remarques qui viennent d'être formulées pour le rhumatisme, et nous renvoyons, pour la distinction des cas, à l'étude qui a été faite pour les eaux chlorhydratées sodiques.
C. Rhumatisme goutteux.
Nous n'avons rien trouvé de spécial ni de bien précis sur ce sujet; et nous devons nous en tenir ici au doute méthodique.
4° MALADIES DES APPAREILS PULMONAIRE ET CIRCULATOIRE.
A. Maladies de l'appareil pulmonaire.
Les eaux sulfatées calciques exercent une notable influence sur les
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muqueuses gastro-pulmonaires ; elle est des plus remarquables sur l'appareil respiratoire : c'est ici que se dévoile surtout leur spécialité.
Bronchite chronique (catarrhe chronique).
« Des catarrhes chroniques datant de plusieurs mois sont souvent guéris complètement par l'emploi de l'eau minérale de Weissembourg, en une, deux ou trois semaines. Dans les cas où la toux existe depuis plusieurs années, on voit survenir, pendant la durée de la cure, une amélioration considérable, et ordinairement, quelques semaines plus tard, arrive la guérison complète. Il est impossible de poser en chiffres le nombre d'années qui pourrait être considéré comme l'extrême limite, après laquelle il n'y aurait plus de soulagement à espérer : ce terme varie d'après les individus.... J'ai remarqué que les sujets réfractaires étaient en général phlegmatiques, torpides ou anémiques, et que l'affection locale était caractérisée par une expectoration muqueuse très abondante. Dans la moitié des cas à peu près.... il y a d'abord des symptômes d'exacerbation, auxquels succèdent ceux d'amélioration ordinairement à dater du moment où elle agit sur la sécrétion intestinale. Dans l'autre moitié des cas, surtout chez les personnes qui toussent depuis nombre d'années, cette exacerbation passagère manque, et l'amélioration ne se fait pas attendre... — Lorsque le catarrhe cède au traitement, l'expectoration diminue et disparaît avec tous les autres symptômes morbides. » (Jonquières, ibid., p. 18.) — « Cette maladie ( le catarrhe bronchique) est une de celles qu'on traite le plus souvent et avec le plus de succès à Weissembourg. — Sur 41 individus atteints de bronchite chronique que le collége des médecins de l'hôpital de l'Isle, à Berne, envoya à Weissembourg, de 1823 à 1848, on en trouve 7 guéris, 31 très améliorés, 2 sans effet, et 1 seul aggravé. Ces médecins furent tellement satisfaits des résultats de ce traitement, qu'en 1849 ils élevèrent de 20 à 40 le nombre de ceux auxquels ils le prescrivirent. — M. Vogt pense que le traitement de Weissembourg réussit surtout 1° chez les sujets atteints de catarrhe très ancien consécutif à une irritation (aiguë) de la muqueuse, accompagné d'une expectoration peu abondante; 2° chez les jeunes sujets à système nerveux et sanguin très morbide, et 3° chez les
individus d'un âge moyen très prédisposés à la bronchite, et qui,
une fois atteints de celte affection, ont la plus grande peine à s'en débarrasser. » (Pointe, Monographie, p. 25.) — A Louëche, d'après le docteur Lorétan, « on voit s'améliorer les catarrhes chroniques accompagnés
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d'expectoration, qui ont leur siége dans la membrane muqueuse relâchée des poumons. » (Notice citée, 1857, p. 61.)
Bronchite chronique compliquée de dilatation des bronches, d'emphysème vèsiculaire, d'asthme.
Dilatation des bronches. — « L'affection catarrhale est améliorée par la cure, sans changement appréciable des signes physiques de la dilatation bronchique. » (Jonquières, ibid., p. 21.)
Emphysème. — « Dans un cas, la bronchite chronique fut seule améliorée, mais la dilatation morbide des vésicules pulmonaires ne subit aucun changement.... Dans un autre cas, où le patient était atteint depuis cinq ans de catarrhe chronique, la cure facilita l'expectoration et
produisit une légère diminution de la dyspnée L'emphysème du
côté droit n'avait subi aucun changement; à gauche, il y avait eu, jusqu'à un certain point, retrait de l'affection morbide. » (Jonquières, ibid., p. 24.) — « Les individus affectés de l'un ou de l'autre de ces états morbides trouveront rarement une guérison radicale à Weissembourg ; mais ce traitement ne leur rendra pas moins de très grands services comme palliatif.... — Sur 7 malades de l'hôpital de l'Isle, atteints de Catarrhe compliqué d'emphysème, 5 ont été améliorés, 1 sans changement, et 1 est mort. » ( Pointe, ibid.)
Asthme. — M. Pointe termine par l'observation d'un asthme, compliquant un catarrhe, où l'on voit que le traitement de Weissembourg a amené une amélioration très naturelle. (Voy. Pointe, Monographie, p. 31.)
Laryngite chronique.
« J'ai été frappé du peu d'influence de l'eau minérale de Weissembourg sur cette affection, surtout comparativement aux résultats obtenus dans la bronchite chronique. » (Jonquières, ibid., p. 21.)
Aphonie. — « L'enrouement disparaît rarement ; cependant M. Müller dit l'avoir vu cesser plusieurs fois quelques semaines après la fin de la cure. » (Jonquières, ibid.)
Sur les malades de l'hôpital de l'Isle, on voit que 3 atteints de laryngite chronique ont tous obtenu une amélioration, mais non une guérison, et que, sur 3 autres où la laryngite tournait à la phthisie laryngeé, 2 seulement ont été améliorés et 1 a été aggravé, enfin que le seul cas d'aphonie cité n'a pas éprouvé de changement.
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Hémoptysie.
" Lorsque cet état morbide n'est pas une complication de la phthisie pulmonaire et qu'il est en quelque sorte idiopathique, il peut diminuer et même guérira Weissembourg.... La guérison se maintient ensuite d'autant plus longtemps qu'on a suivi plus exactement les conseils qu'on reçoit en quittant l'établissement. « (Pointe, ibid., p. 35.)
Pneumonie chronique.
Il ne s'agit point de la pneumonie chronique primitive, maladie excessivement rare et dont Laennec a nié l'existence.
« Pneumonie chronique, c'est à dire pneumonie qui, après avoir été franchement aiguë et inflammatoire, a passé à l'état chronique. — L'efficacité des eaux de Weissembourg dans le traitement de cette forme parait incontestable ; des cures authentiques sont attestées par MM. Müller, Vogt et Jonquières. » (Pointe, op. cit., p. 36.) « Les résidus d'exsudations fibrineuses (pneumonie chronique) qui ne marchent qu'à pas lents vers la résolution et la résorption, qui occasionnent un sentiment de malaise non seulement dans les organes thoraciques , mais dans tout l'organisme, et qui peuvent se prolonger plusieurs mois, sont guéris rapidement, écrit le prof. Vogt, par l'emploi des eaux de Weissembourg, surtout lorsqu'ils sont accompagnés d'un certain degré d'irritation du poumon. J'ai surtout été frappé des heureux résultats obtenus dans quelques cas où des exsudations fibrineuses très étendues passaient à l'état de purulence : la plus grande partie de l'un des poumons était encore engorgée ; accès de toux forts et fréquents, suivis de l'expectoration d'une quantité considérable de muco-pus ; fièvre hectique et amaigrissement, etc. L'eau de Weissembourg amena une amélioration rapide des symptômes tant généraux que locaux. Un examen attentif me donna plus tard la certitude que le poumon avait recouvré ses propriétés normales. — M. Deunlet, de Berthoud, a observé aussi, par l'usage de l'eau de Weissembourg, la résolution d'engorgements du poumon qui avaient succédé à l'inflammation de cet organe, et qui dataient de plusieurs mois. » ( Jonquières, p. 53.)
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Parmi les 260 cas exactement annotés sur les 563 malades de l'hôpital de l'Isle, on remarque :
nombre, guéris, améliorés, sans effet, empires, Malad. chron. du poumon 22 1 18 2 1
Congestions pulmonaires . 4 » 4 » "
Nous verrons plus loin ce qui regarde la pneumonie chronique dont est compliquée l'infiltration tuberculeuse. — Les autres eaux salines sulfatées calciques ont été peu étudiées sous le rapport qui nous occupe en ce moment, mais nous ne doutons pas qu'un examen plus complet n'y révèle aussi quelques-uns des résultats que nous venons de faire connaître, avec des différences toutefois relatives à leurs degrés divers de minéralisation et de température.
Phthisie tuberculeuse.
« Phthisie pulmonaire. — Nous sommes malheureusement loin de pouvoir présenter l'eau de Weissembourg comme un remède infaillible de cette cruelle maladie ; cependant il résulte des renseignements que j'ai recueillis, que plusieurs malades en ont ressenti de si bons effets, qu'ils ont quitté l'établissement remplis de l'espoir d'une guérison définitive et prochaine La possibilité de guérir cette phthisie, même
dans une période avancée, est reconnue. » (Pointe, p. 38.) — M. Jonquières commence par établir avec beaucoup de soin le diagnostic différentiel de la phthisie à ses différentes périodes ; il consacre douze pages de son intéressante brochure à l'examen critique et approfondi des signes indiqués par les meilleurs observateurs de France, d'Angleterre et d'Allemagne : il n'entre pas dans notre sujet de le suivre sur ce terrain ; mais il importait de bien préciser ce point de départ, pour faire voir quelle confiance on doit accorder à ses assertions.
Phthisie au 1er degré. — '' M. Müller assure avoir guéri des phthisies à cette époque peu avancée de la maladie. » (Pointe, ibid., p. 38.) " Les changements favorables (avec ou sans exacerbation préalable).,,. apparaissent souvent dès les premiers temps de la cure. Non seulement la toux, les douleurs, les palpitations, la gêne de la respiration dirai nuent ou disparaissent, mais on remarque aussi une grande amélioration des symptômes de la fièvre....; souvent après le premier septenaire les malades sont délivrés de ces frissons auxquels succédaient la chaleur et un sentiment de brûlure dans le creux de la main, frissons qui
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revenaient surtout après le repas ou le soir; le pouls, dont la fréquence était augmentée, revient à son type normal. Vers la fin de la cure j'ai observé plusieurs fois une augmentation de l'embonpoint portant principalement sur les parties musculaires. — Les changements successifs offerts par les matières expectorées correspondent en général aux changements que nous avons décrits à l'occasion du catarrhe chronique. Cependant j'ai remarqué que dans plusieurs cas de phthisie peu avancée, la toux et l'expectoration diminuaient ou même cessaient complètement, sans que les crachats passassent par la période de coction (sputa coda).
" Auscultation : Les bruits d'expiration prolongée et de respiration rude, après avoir diminué graduellement, ont fait place au murmure vésiculaire normal....
« Percussion: Chez deux malades offrant à la percussion une matité très prononcée dans les régions sous-claviculaires, cette matité fut, à mon grand étonnement, remplacée par une résonnance à peu près normale vers la fin de la cure. 3) (Jonquières, ibid., p. 38.)
2e degré (conglomération et infiltration tuberculeuses) : MM. Müller et Jonquières ont obtenu d'heureux résultats dans le traitement de la phthisie pulmonaire arrivée à cette période ; ils ont vu cesser la toux, l'expectoration, la dyspnée, la fièvre hectique, les sueurs nocturnes, et ils ont constaté le retour des forces et de l'embonpoint. Ces résultats se faisaient remarquer surtout quelques semaines après la cure ; malheureusement ces guérisons n'étaient pas définitives, et pour l'ordinaire la maladie reparaissait l'hiver suivant, mais avec un degré d'intensité moindre que précédemment. » (Pointe, p. 42.)
3e degré (cavernes, fonte tuberculeuse) : " Quoique, dans les cas d'ulcération avancée du poumon, l'eau de Weissembourg exerce presque toujours une influence délétère, j'ai remarqué, à mon grand étonnement, que, dans la majorité des cas, les résultats momentanés de la cure paraissent plutôt favorables que désavantageux : la toux est moins pénible, la respiration moins gênée, l'expectoration plus facile ; les douleurs dans l'intérieur de la poitrine disparaissent aussi, ou du moins diminuent sensiblement; la fièvre hectique et même les sueurs nocturnes subissent une amélioration analogue dans les 8 ou 15 premiers jours. Quelquefois les malades paraissent reprendre des forces et de l'embonpoint. » (Jonquières, p. 48.) — Mais, si l'on a l'imprudence de trop insister sur le traitement thermal, si l'on ne s'arrête pas à temps, la scène change : " II survient de la diarrhée....; l'appétit se perd....; les forces s'en vont...; l'ulcération des poumons fait des progrès rapides;
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la période de consomption marche vite, et la mort arrive à grands pas.» (Jonquières, p. 49.)
Arrêtons-nous un instant sur l'étude de ce point important. Et d'abord se peut-il que l'eau de Weissembourg soit capable de guérir la phthisie ? " Je rappellerai, dit M. Pointe, que la possibilité de guérir la phthisie même arrivée au 3e degré, est aujourd'hui un fait acquis à la science: les médecins français et étrangers le reconnaissent également, et l'anatomie pathologique vient de loin en loin nous en fournir des preuves irrécusables. » (Ibid., p. 43.) — '' On lit dans le tableau des malades envoyés de l'hôpital de l'Isle, de 1825 à 1848, que, sur 121 qui étaient atteints de phthisie tuberculeuse, il y en eut 5 de guéris, 96 dont l'état fut amélioré, 15 qui n'éprouvèrent pas de changement, 3 seulement dont la maladie empira, et 2 qui moururent. » (Pointe, ibid., p. 55.) M. Jonquières est parvenu à expliquer les causes générales d'insuccès et de succès (1), c'est à dire les contre-indications et les indications.
Contre-indications. — " Ces cas se caractérisent par la constitution lymphatique ou scrofuleuse, par l'âge avancé, par un état anémique, enfin, par un manque plus ou moins complet de symptômes de
(1) D'après un savant hydrologue, M. Pâtissier, si l'on veut apprécier convenablement l'action médicatrice des eaux minérales dans la phthisie, il faut distinguer trois éléments:
1° Le tubercule , corps étranger, inorganique, dont aucune médication ne peut, jusqu'à ce jour, opérer la résolution ;
2° Un état catarrhal de la muqueuse bronchique ;
3° Enfin, un état congestif plus ou moins aigu du tissu pulmonaire.
« Or, dit-il, le danger principal du tubercule réside dans une congestion sanguine plus ou moins vive, que leur présence et leur action mécanique déterminent dans le parenchyme pulmonaire.... C'est évidemment la réunion de ces causes aggravantes qui rend les tubercules pulmonaires beaucoup plus funestes que ceux des autres organes. A la rigueur, ce ne sont pas les tubercules qui tuent, mais bien la phlogose qu'ils provoquent dans les parties où ils résident... Prévenir ou combattre cet état phlegmasique, c'est préparer les voies de l'amélioration qu'on peut raisonnablement demander. Son degré d'intensité exerce une si grande influence sur l'opportunité de la cure hydro-minérale et sur le choix de la source, que nous avons jugé indispensable de distinguer dans la phthisie trois formes principales, à savoir: la forme aiguë, la forme sub-aiguë, et la forme chronique ou indolente. Ces distinctions sont extrêmement importantes dans la pratique. » ( De l'emploi des eaux minérales dans le traitement de la phthisie tuberculeuse, par Pâtissier, 1858, pp. 7-8.) — C'est dans la phthisic sub-aiguë ou éréthique, « caractérisée par l'excitation des systèmes vasculaire ou nerveux, que M. Pâtissier conseille les eaux minérales qu'il appelle hyposthénisantes, parmi lesquelles il place Weissembourg, Ems, et des eaux sulfureuses : la source Baudot aux eaux chaudes, St-Honoré, Pierrefonds, etc. (Ibid., p. 19.) Nous ne pouvons que souscrire a d'aussi sages préceptes.
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congestion active ou d'irritation inflammatoire des organes ce la respiration, etc. »
Indications.— " Il y a des cas exceptionnels où les eaux le Weissembourg font beaucoup de bien, même à une époque avance de la phthisie (excavation pulmonaire); ces exceptions concernent presque toujours des personnes qui, malgré l'état avancé de Paffection locale, conservent ( à part l'amaigrissement) l'apparence extérieur d'une assez bonne santé, et chez lesquelles les symptômes ne semblerient indiquer que la première période de la maladie, tandis que le signes plessimétriques et stéthoscopiques mettent hors de doute l'eistence des cavernes. " (Pointe, p. 48.)
On a cherché à expliquer le mode d'action des eaux de Weissmbourg dans la phthisie : " Nous avons vu, dit M. Jonquières, qu'à tutes les périodes de la phthisie tuberculeuse, les symptômes dépendantle l'irritation de la muqueuse bronchique, du tissu pulmonaire et de Iplèvre, symptômes qui accompagnent la formation et le développement des tubercules, étaient amendés ou disparaissaient sous l'influence de l'eau de Weissembourg : nous rangeons dans cette catégorie la toux et expectoration (du moins pendant les deux premières périodes), la yspnée, les douleurs dans la poitrine (symptômes locaux), et la fièvre tectique (symptômes généraux). Ces résultats, du moins palliatifs, dans la phthisie pulmonaire, doivent être attribués aux propriétés atiphlogistiques de l'eau. — Dans certains cas, nous avons aussi pu onstater que cette eau minérale active la résorption d'exsudations de naire probablement tuberculeuse, et dénote par là ses propriétés résoluties dans la première période de l'affection tuberculeuse (1). Enfin, mme à la période d'infiltration et d'ulcération du poumon, on obtient, pr l'emploi de cette eau minérale, non seulement une amélioration nomentanée, mais la marche progressive de la maladie paraît souvent ralentie. '' (Jonquières, p. 50.)
(1 ) Nous devons ici rappeler ses bons effets dans les pneumonies chronique globulaires qui entourent les tubercules. Or, « si même avec Rokitanski on nie le ramollisement du tubercule par sa macération dans le pus provenant de l'inflammation des tissus erironnants, et qu'on adopte avec lui que ce ramollissement va du centre à la périphérie, l'ea de Weissembourg, par ses propriétés antiphlogistiques, n'en reste pas moins un remis puissant et capable d'empêcher l'extension rapide de l'ulcération tuberculeuse. » (onquièrs, p. 51.)
362 EAUX SALINES.
B. Maladies de l'appareil vasculaire (affections organiques du coeur).
" Les bains de Weissembourg jouissent d'une réputation spéciale dans cetaines affections désignées sous le nom de congestions cérébrales e congestions pulmonaires. — J'ai trouvé, dans la majorité des cas ains désignés, une lésion organique du coeur comme cause principale. Jesuis arrivé au même résultat chez d'autres personnes considérées coime asthmatiques, mais n'apportant aucun diagnostic détaillé. L'hypeirophie ou la dilatation du coeur, soit simple soit combinée à des altéations organiques, jouait dans ces cas le rôle principal. — On ne peut méconnaître, dans ce genre d'affections, l'utilité de la cure comme noyen palliatif : les palpitations et la dyspnée diminuent souvent aupoint de permettre d'assez longues promenades et même une ascensio. dans les montagnes, à des personnes qui auparavant ne pouvaient astreindre à la moindre fatigue sans en être très péniblement affectée. L'hémoptysie produite par une maladie organique du coeur disparai, du moins momentanément .L'amélioration s'étend aussi aux céphalagies, vertiges, éblouissements, tintements d'oreilles, symptômes dot l'hypertrophie du ventricule gauche est si souvent accompagnée. L rougeur de la face, l'injection des yeux, la tension et la dureté du pour diminuent dans la même proportion. " ( Jonquières, p. 58.)
Coure-indications. — '' L'eau de Weissembourg paraît contreindiqué lorsque la lividité et l'anémie sont très prononcées, le pouls petit, itermittent, misérable, et lors aussi que la disposition à l'hydropisie est prononcée ; car dans ces cas son usage augmenterait la faiblesse € l'anémie. " (Id., ibid., p. 57.)
Toutfois on ne doit pas se faire illusion sur ce traitement comme curatif : « Dans aucun des cas cités, je n'ai rencontré un changement qui ait pu faire supposer une marche rétrograde des lésions organiques. » ( Jonquires, p. 57.) — Reconnaissons néanmoins que, même à titre de traitemut palliatif, les effets obtenus sont des plus satisfaisants : on pourrai même espérer davantage selon M. Pointe, en envisageant, avec lu: la question sous un autre point de vue : '' Lorsqu'une maladie du coeu est arrivée à ce degré marqué par la formation des dépôts albumieux et même fibrineux qui ont leur siége dans les valvules, cette indication peut-elle être suivie d'une guérison radicale? Il est
THÉRAPEUTIQUE. 363
permis de l'espérer : elle peut, par la résorption de ces dépôts, prévenir l'infiltration des sels calcaires qui sont la trame de ces dégénérescences organiques auxquelles les malades finissent toujours par succomber : il est donc à croire que l'on préviendrait beaucoup de maladies graves du coeur, en décidant les malades à suivre de bonne heure le traitement de Weissembourg. — Sur 32 malades atteints d'affections organiques du coeur, envoyés par les médecins de l'hôpital de l'Isle, l'état morbide de 26 s'est amélioré ; 4 n'ont éprouvé aucun changement, et 2 ont vu leur état s'aggraver. MM. Millier et Jonquières ont observé d'autres malades atteints de la même affection, qui se sont également bien trouvés de l'usage de ces eaux. " (Pointe, p. 63.)
DEUXIÈME GROUPE. - EAUX SALINES SULFATÉES CALCIQUES-SODIQUES.
1° MALADIES DE L'APPAREIL DIGESTIF. A. Gastralgies, gastrites et gastro-entérites chroniques.
« Il y a, dit M. Savoyen, quelque chose de remarquable dans l'action des eaux de Brides-la-Perrière sur les organes de l'assimilation. » (Précis médical, 1835, p. 10.) Il signale ce leur puissante efficacité dans l'asthénie idiopathique des voies digestives. '' (Ibid., p. 12. ) Et il ajoute : " Les eaux de La Perrière sont d'une utilité reconnue dans les affections chroniques des membranes muqueuses : leur action sur la membrane gastrique les rend précieuses dans le traitement.... de toutes les maladies du tube digestif passées à l'état chronique, telles que la gastrite chronique, l'entérite, etc. " (Ibid., p. 17.) Dès 1824, le docteur Socquet, dans son Essai analytique et médical, a rapporté un assez grand nombre d'observations tirées des registres du dr Hybord, inspecteur de ces eaux, relatives à des guérisons de gastralgies, de gastrites et de gastro-entérites chroniques (voy. p. 226 et suiv.). — M. Faucher, de Corvey (Compte-rendu des eaux de Brides, 1846 ), a donné la statistique des malades qu'il a vu traiter à Brides ; on trouve :
nomb. guéris. amél. sans résuit. empir.
Maux d'estomac, gastralgies, gastrites, constipation .
129 81 37 9 2
364 EAUX SALINES.
B. Maladies chroniques du foie (ictère, calculs biliaires).
" Les inflammations chroniques du foie, du pancréas, du mésentère de la rate, les tumeurs biliaires, l'ictère, cèdent très bien à l'administration des eaux de La Perrière : celles-ci ont de plus la propriété particulière de faciliter l'expulsion des calculs biliaires. " (Savoyen, ibid, p. 19.) On trouve, en effet, dans l'ouvrage cité du dr Socquet, plusieurs guérisons de maladies chroniques de l'appareil biliaire, soit simples soit compliquées de celles du système gastro-intestinal. (Ibid., p. 226 et suiv.) La statistique du docteur Faucher, de Corvey, donne les chiffres suivants :
nombre. guéris. améliorés,
Maladies du foie. . . . 12 8 4
2° MALADIES DE L'APPAREIL GÉNITO-URINAIRE.
" La membrane génito-urinaire, siége ordinaire de certaines affections si rebelles à la thérapeutique, reçoit avec beaucoup d'avantage l'influence modificatrice des eaux de La Perrière : ainsi compte-t-on plusieurs cas de guérison de métrite chronique, de leucorrhée, de cystite, de spermatorrhée, et même de certains rétrécissements de l'urètre qui, suivant la distinction si bien établie par M. Amussat, tiennent au gonflement chronique de la muqueuse. " (Savoyen, p. 17.) — Citons, sur les propriétés du sulfate double de soude et de chaux, les judicieuses réflexions du dr Socquet, qui ouvre un nouveau point de vue : " Je ne désespère pas, dit-il, que les médecins.... qui étudient avec tant de zèle l'action de tous les modificateurs de la puissance vitale ne ramènent les praticiens de bonne foi et éclairés a reconnaître que le sulfate de chaux et surtout le sulfate double de chaux et de soude est un des excitants les plus efficaces, un des modificateurs des organes urinaires les plus révulsifs et les plus prompts, dans le plus grand nombre des affections des viscères qui sont passées sous l'influence habituelle d'une phlegmasie chronique; alors.... on verra tous les analystes.... s'efforcer de trouver dans la plupart des eaux minérales cet agent précieux, et rectifier avec enthousiasme nombre d analyses
THÉRAPEUTIQUE. 365
qu'ils proclament aujourd'hui. " (Op. cit., p. 208.) On lit dans son résumé plusieurs guérisons d'affections chroniques des organes urinaires (ibid., p. 235) et génitaux ; parmi ces dernières figure surtout la métrite chronique. (Ibid., p. 246.)
Leucorrhée. — " Avant d'entreprendre le traitement de la leucorrhée par les eaux de La Perrière, il est essentiel de bien faire attention à tous les symptômes qui caractérisent sa nature : la leucorrhée que les auteurs appellent passive exige un traitement stimulant bien entendu; il n'en est pas de même de la leucorrhée active. Dans le premier cas, les eaux sont ordinairement très avantageuses ; dans le second, elles sont souvent nuisibles. "
Aménorrhée. — " La boisson modérée des eaux, et quelques douches prudemment dirigées vers l'utérus, ont produit d'heureux résultats dans les cas d'aménorrhée opiniâtre. " (Savoyen, ibid., p. 18.)
La chlorose peut être guérie par les eaux de La Perrière, qui renferment une notable quantité de fer.
Voici un extrait de la statistique du dr Faucher, de Corvey :
nombre. guéris. améliorés.
Maladies de la vessie, etc. 6 5 1
Maladies de l'utérus, chlorose, etc. 22 16 6
Nous renvoyons, pour expliquer l'ensemble de ces effets, à l'étude particulière que nous avons faite de ces eaux et de leurs principes constituants, dans le chapitre de la Physiologie. Nous nous bornerons à ajouter ici les réflexions suivantes : " L'appareil sur lequel les eaux de La Perrière ne manquent presque jamais d'agir, c'est l'appareil urinaire : ceux mêmes qui n'éprouvent aucun effet du côté des voies digestives n'échappent point à l'excitation modificatrice dont les reins deviennent le siége Cette excitation des voies urinaires, qui est un effet presque constant des eaux de La Perrière, constitue dans plusieurs maladies un moyen efficace de guérison, cet appareil sécréteur devenant alors un point de révulsion salutaire. " (Savoyen, 1835, p. 11.)
5° MALADIES DE L'APPAREIL DE LA LOCOMOTION.
Rhumatisme. — Les eaux de Brides ont une certaine efficacité dans ces cas, au point que ce on a prétendu que les eaux de La Perrière n'étaient bonnes que dans les maladies graveleuses, arthritiques, etc. "
366 EAUX SALINES.
(Savoyen, p. 21.) Le docteur Socquet a rapporté plusieurs exemples de guérisons de rhumatismes. (Op. cit., p. 249 et suiv.) On trouve les chiffres suivants dans la statistique du dr Faucher, de Corvey :
nombre, guéris, améliorés, stationnaires.
Rhumatisme, lombago, courbatures
30 23 6 1
Paralysie, indications. — '' L'usage des eaux de La Perrière
constitue une médication puissante dans les différents cas de paralysie, soit totale, soit partielle : c'est principalement dans le traitement des paralysies rhumatismales qu'elles réussissent le mieux. " (Savoyen, ibid,, p. 19.)
Névralgie. — La même remarque s'applique aux névralgies. M. Faucher, de Corvey, donne la statistique suivante :
nombre, guéris, améliorés, stationn, Paralysies, congestions. 4 1 3 »
Maladies nerveuses, névralgies, etc. 11 8 2 1
Goutte, contre-indications. — " Les eaux de La Perrière sont contre-indiquées dans la goutte. " (Savoyen, p. 21.) Il s'agit de la goutte sthénique.
4° APPAREIL CARDIAQUE ET PULMONAIRE.
Catarrhe. — " L'action des eaux de La Perrière sur la membrane gastro-pulmonaire les rend précieuses dans le traitement des catarrhes chez les individus avancés en âge. '' (Savoyen, p. 17.) — L'expectoration est assez promptement modifiée, s'il existe une affection catarrhale: l'expectoration devient alors écumeuse, blanchâtre, visqueuse ; ce qui nous porterait à croire que l'action des eaux se porte sur toute la muqueuse qui tapisse les voies aériennes, jusque même aux derniers rameaux bronchiques. " (Ibid., p. 10.)
nombre, guéris, améliorés, stationn. Bronchites, asthmes. 4 1 3 1
(Dr Faucher, de Corvey, p. 13.) — " Nous prescrivons les eaux de Brides contre l'asthme, contre les catarrhes pulmonaires; mais il faut que l'inflammation soit passée à l'état sub-aigu. " (Laissus, Manuel cité, p. 30.)
THÉRAPEUTIQUE. 367
Maladies organiques du coeur.
Contre-indications. — " L'usage de ces eaux ne convient ni dans les affections organiques du coeur ni dans celles des gros vaisseaux. " (Savoyen, p. 22.) — " Leur action est prononcé; sur la circulation du sang qu'elles rendent plus active. " (Ibid.. p. 11.)
5° MALADIES DE L'APPAREIL CUTANÉ.
Dermatoses. — " Les maladies cutanées sont en général celles qui cèdent le mieux à l'administration de ces eaux (Brides) : on dirait même que cette source minérale est un spécifique prodigieux contre ce genre d'affection. Les exanthèmes, les dartres, qui ont résisté aux ressources thérapeutiques les mieux combinées, trouvent ici une médication efficace. L'efficacité de ces eaux n'est pas moins remarquable dans les maladies internes compliquées de répercussion exanthématique ou dartreuse. " (Savoyen, p. 17.) Voici la statistique du dr Faucher, de Corvey, (1846) :
nombre, guéris, améliorés, stationn. Dartres, maladies chron. de la peau 40 24 12 4
« Ces eaux, disait, en 1824, le dr Socquet, ne sont pas moins énergiques prises en bains et en douches pour les maladies externes, telles que les affections du système dermoïde. " (Op. cit., p. 250.)
Rappelons ici, pour expliquer cette propriété thérapeutique particulière des eaux sulfatées calciques, ce que nous avons dit plus haut (voy. Physiologie) de la décomposition du sulfate de chaux et du mode de formation des eaux sulfureuses accidentelles. Or, qu'arrive-t-il quand on fait usage des eaux séléniteuses ? " Dans plusieurs circonstances, écrit M. Herpin, il y a production dans les intestins et dégagement d'hydrogène sulfuré à la suite de l'ingestion des eaux sulfatées. " (Op.cit.. p, 200.) Il en est de même lorsque ces eaux sont administrées en bains : ainsi, M. Fontan a établi " que les eaux de Louëche, que l'on a comparées et que l'on a même crues identiques aux eaux de Baréges, ne sont aucunement sulfureuses prises à leur source; mais elles le deviennent dans les piscines, ou du moins elles dégagent une certaine odeur sulfureuse due à la décomposition du sulfate de chaux contenu dans ces eaux, par les produits de la transpiration des baigneurs qui
368 EAUX SALINES.
restent 6 à 8 heures par jour dans le bain. " — Les thermes de Louëche jouissent, comme on le sait, d'une réputation ancienne contre les dermatoses : telle est du reste l'origine du Bain-des-Lépreux. ce J'ai observé que, dans toutes ces affections, qui engendrent ordinairement des dartres, on obtient à Louëche des succès signalés. " (Lorétan, Notice citée, p. 75.) C'est du reste un fait de notoriété.
Il demeure donc démontré que le sulfate de chaux peut se décomposer et se décompose souvent en effet au contact du corps humain, soit à l'extérieur (bain), soit à l'intérieur (boisson), et que, réduit à l'état de sulfure, il doit en posséder les propriétés ; et c'est précisément ce que l'on observe : " Les trois quarts des personnes qui se rendent à Louëche sont atteintes de maladies de la peau, telles que dartres, couperose, boutons, rougeur du front, de la face, ainsi que toutes affections de nature psorique. " (Pâtissier, Manuel, 1857.) — Nous venons devoir aussi que les dermatoses sont en général les maladies qui cèdent le mieux aux eaux sulfatées calciques-sodiques de La Perrière. On trouve dans l'ouvrage du dr Socquet plusieurs observations d'affections herpétiques guéries par ces eaux. — Les eaux de Bath sont également reconnues excellentes contre les maladies cutanées. (Granville.) — De la sorte on s'explique encore comment les eaux sulfatées calciques peuvent imprimer une modification assez marquée soit aux organes pulmonaires soit aux organes urinaires, en se rappelant l'action incontestable qu'exercent sur ces mêmes appareils les eaux sulfurées calciques d'Enghien, Eaux-Bonnes, de Pierrefonds (Oise), de Bilazay (Deux-Sèvres), etc.
6° MALADIES GÉNÉRALES. Fièvres intermittentes.
Les eaux salines sulfatées calciques et sulfatées calciques-sodiques jouissent de la remarquable propriété de guérir les fièvres intermittentes. — " Plusieurs observations de fièvres intermittentes opiniâtres guéries par l'usage des eaux de La Perrière déposent en faveur de cet établissement. " (Savoyen, p. 19.) Dans la seule saison de 1845, sur 5 fièvres intermittentes, 4 furent guéries et 1 améliorée. (Dr Faucher, de Corvey.) — Rappelons que " l'efficacité des eaux d'Encausse contre les fièvres intermittentes opiniâtres, signalée par MM. Doneil et Camparon est reconnue par tous les médecins des localités voisines. C'est aujour-
THÉRAPEUTIQUE. 369
d'hui un fait acquis à la science, que cette action fébrifuge des eaux d'Encausse. (Pâtissier, Rapport, 1854.) M. Pâtissier fait la même remarque pour les eaux salines de Cambo, du même ordre (ibid., 1854) ; et il a été établi également que celles d'Audinac ont une vertu particulière contre les fièvres quartes. Ajoutons que M. James insiste sur les précautions qu'il faut prendre dans l'administration des eaux de Louëche, en raison du privilége qu'elles auraient de réveiller les anciennes fièvres intermittentes. (Guide, 1851.) — Cette action fébrifuge des eaux salines sulfatées (calciques et calciques-sodiques) est en quelque sorte un fait nouveau en thérapeutique, sur lequel nous sommes heureux d'appeler l'attention des praticiens et des hydrologues,
Nous ne croyons pas devoir pousser plus avant l'étude de l'action thérapeutique des eaux sulfatées (1er et 2e groupe); nous avons exposé ce qu'elles offrent de spécial : nous n'aurions plus guère à dire que des choses communes qu'on rencontre ou qu'on peut rencontrer dans la plupart des eaux minérales. Nous préférons donner ici une formule générale.
7° CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR L'ACTION DES EAUX SULFATÉES
CALCIQUES.
En analysant les observations que nous avons présentées sur les eaux sulfatées (calciques et calciques-sodiques), nous croyons qu'on peut en formuler l'action essentielle dans les propositions suivantes :
1° Toutes les eaux de cette classe (1er et 2e groupe) ont une action marquée sur les voies urinaires : elles accroissent notablement la quantité des urines et modifient la muqueuse de la vessie en faisant disparaître les catarrhes de cet organe.
2° Plusieurs d'entre elles (Weissembourg, Brides-la-Perrière, etc. ) agissent d'une manière presque spécifique sur la muqueuse bronchique et sur le parenchyme pulmonaire lui-même. Cette action a été mise en évidence par des observateurs différents et d'un mérite incontestable, à savoir : Jonquières, Müller, Pointe, Vogt, Ruth et Benoît, pour Weissembourg; Socquet, Savoyen, Faucher, pour Brides-la-Perrière, etc. — Cette influence spéciale sur l'appareil respiratoire n'a pas été, il est vrai, énoncée avec la même précision pour les autres eaux sulfatées calciques ; cependant déjà à Bath, nous trouvons notée une augmentation de la sécrétion salivaire,et, si l'on fait attention que la même obser24
obser24
370 EAUX SALINES.
vation a été faite pour les eaux de La Perrière, nous ne serions pas très éloignés de croire, en raisonnant par voie d'analogie, que peut-être les sources de Bath ne sont pas sans quelque influence sur la muqueuse bronchique ; et, ce qui semble venir à l'appui de cette opinion, c'est que Cheyne les avait défendues dans certaines maladies de la poitrine, (Pâtissier, 1837, p. 476.) — Enfin, si l'on veut se rappeler qu'un certain nombre de nos eaux sulfatées (calciques et calciques-sodiques) ont été signalées comme modifiant avantageusement les affections catarrhales des bronches, toutes ces considérations réunies paraîtront militer fortement en faveur de l'opinion que nous avons exposée, et faire ressortir l'influence spéciale de ces eaux sur l'appareil pulmonaire. — Quoi qu'il en soit, nous serions heureux, en appelant l'attention sur un sujet aussi important, d'engager les médecins à mieux noter, à l'avenir, les phénomènes que présentera l'appareil pulmonaire pendant l'usage des eaux sulfatées calciques et calciques-sodiques.
3° La plupart de nos eaux sulfatées calciques semblent exercer une action laxative ; mais, en y regardant de plus près, on ne tarde pas à s'apercevoir que cet effet est loin d'être constant et exige des conditions particulières. — Et d'abord, remarquons que, parmi les sources séléniteuses, celles dans lesquelles la propriété laxative paraît manquer le moins souvent, sont les sulfatées calciques-sodiques ou magnésiques (Weissembourg, La Perrière, Cap-Vern, etc.), tandis que les sulfatées calciques presque pures sont incertaines et veulent être bues en assez grande quantité, ou même additionnées d'un sel purgatif. (Voyez Encausse, Bagnères-de-Bigorre.) Ainsi, ce les eaux de Bath ne purgent point, à moins qu'on n'en prenne une trop grande quantité. '' (Pâtissier, 1857.) — A Bagnères-de-Bigorre, les eaux des sources de Lasserre et de la Reine (qui sont plus chargées en sulfate de chaux) sont considérées comme légèrement purgatives ; toutefois, ce pour les rendre plus actives. on ajoute quelquefois un peu de sel neutre. " (Pâtissier, 1837, p. 429.) — '' On prend à jeun 2 à 6 verres de l'eau (de Bagnères-de-Bigorre); quelquefois ou ajoute quelques gros de sulfate de magnésie pour augmenter l'effet laxatif. " (Raige-Delorme, Dictionn. en 30 vol., t. IV.) Enfin, les eaux d'Encausse, qui sont prises à la dose de 4 à 5 verres le matin, sont loin d'activer toujours suffisamment la sécrétion intestinale; aussi ce on ajoute un peu de sulfate de soude pour favoriser leurs propriétés laxatives. '' (Pâtissier, Manuel, p. 277.) — Il y a plus : quelques eaux séléniteuses sembleraient même agir en sens contraire « Dans quelques cas, elle (eau d'Audinac) détermine la constipation et
THÉRAPEUTIQUE. 371
semble avoir un effet tonique. " ( Raige-Delorme, Dictionn. en 30 vol.,
t. IV.)
Il résulte de tous ces faits, que le sulfate de chaux n'imprime pas aux eaux qu'il minéralise une vertu laxative ni très marquée ni constante. Mais, lorsque cette action se développe après avoir bu, dans une matinée et en peu de temps, 5 ou 6 verres de ces eaux à jeun, on peut supposer que cette dose introduite dans l'estomac amène une espèce d'indigestion (pesanteurs d'estomac, nausées, abattement, faiblesse, etc.), et que l'eau, comme toute substance non digérée, provoque alors des évacuations alvines à la suite desquelles le malade ressent un grand bienêtre. D'ailleurs ces eaux ne sont pas administrées positivement dans l'intention de purger, et les médecins ont fort bien remarqué que leur action diurétique et expectorante était plus manifeste quand les intestins n'étaient pas ébranlés. " Les eaux séléniteuses, soit de source soit de rivière, dit M. Michel Lévy, ont des propriétés indigestes : Magendie dit qu'elles restent plus longtemps dans l'estomac ; parfois elles agissent comme purgatives. " (Traité d'hygiène, 1845, t. II, p. 162.) Et, d'après le savant Hallé, ce les inconvénients de ces eaux sont de rendre les digestions pénibles, surtout chez les personnes délicates et celles qui n'y sont pas habituées. " (Dictionnaire des sciences médicales, article Boisson. )
TROISIÈME GROUPE. — EAUX SALINES SULFATÉES SODIQUES-MAGNESIENNES.
Rien n'est plus connu que la propriété purgative du sulfate de soude et du sulfate de magnésie ; nous n'avons pas à insister ici sur cette question, mais nous nous arrêterons sur quelques particularités thérapeutiques qui les concernent.
En hydrologie médicale, il ne faudrait point considérer le sulfate de soude uniquement comme sel purgatif; nous avons démontré que ce sel, administré à dose modérée ( non purgative), exerce sur les fonctions nutritives une action analogue à celle du sel marin. (Voy. Physiologie, chapitre II. ) C'est, sans doute, grâce à cette combinaison, que l'existence du sulfate sodique, dans les eaux chlorhydratées sodiques, vient accroître l'influence qu'elles ont dans les troubles nutritifs, quand on les administre à dose altérante. Nous pouvons ici nous appuyer sur l'autorité
372 EAUX SALINES.
de Bosquillon, qui avait reconnu un grand avantage à unir, dans certains cas, le sel marin au sulfate de soude : « Le sel de dauber, dit-il, est un des sels neutres que l'on peut prescrire avec le plus d'avantage dans la
colique ; mais, comme il peut irriter l'estomac, il est bon d'y ajouter 1/4 ou 1/8 de sel marin; alors il agit mi eux, et l'estomac le supporte plus
facilement : c'est pourquoi les médecins lui préfèrent le sel d'Epsom (naturel) qui contient du sel marin. » (Cullen, Eléments de médéeine, 1875, t. II, p. 422, note de Bosquillon. )
Ce premier point établi, nous avons à rappeler que les sulfates de soude et de magnésie, pris à dose altérante soit à part soit dans les eaux minérales qui les contiennent, ne sont pas purgatifs, mais jouissent de propriétés fondantes et diurétiques : « Prises en petite quantité, les eaux minérales purgatives sont simplement excitantes et toniques : elle augmentent l'action péristaltique des intestins et favorisent surtout la sécrétion urinaire, comme beaucoup d'eaux salines.» (Gnersent,Dict. en 30 vol. ) — Continuons : « Les eaux sulfatées sadiques et magnésiqaes agissent spécialement sur les organes et les viscères abdominaux, sur les intestins. Bues à dose modérée, suffisante pour déterminer chaque fois une ou deux évacuations seulement, elles ne déterminent aucune irritation ni lésion dangereuse sur le canal intestinal. Leur emploi, continué pendant plusieurs semaines avec les précautions convenables, détermine vers ces points et par cette voie la plus naturelle d'élimination une fluxion habituelle, une dérivation des plus salutaires.
" Ainsi, les maladies du foie, de la rate, les maladies sympathiques de la tête et d'antres organes, les constitutions viciées, malsaines, exposées depuis longtemps à des influences délétères morbifiques, surtout dans les climats chauds, éprouvent de l'usage de ces eaux les effets les plus salutaires et les plus bienfaisants. » (Herpin, op. cit., p. 18.) — La pratique médicale procède comme l'hydrologie médicale : « On l'emploie beaucoup (le sulfate de soude) dans tous les cas où il est nécessaire de provoquer des évacuations alvines, sans produire d'excitation générale; surtout dans les maladies inflammatoires et dans l'ictère. " (Bonchardat, Matière médicale,, t. II, p, 76. )
En regard de ces indications, faisons connaître les contre-indications qui peuvent provenir de l'abus ou. de l'usage inopportun : « Les sels neutres, fréquemment réitérés, dit Bosquillon, paraissent affaiblir les intestins, donner lieu à l'atonie, et disposer à la flatulence. Quand ils purgent ils rendent les malades sujets à la constipation. » ( Cullen, Elémde médec., t II, p. 290.) On a tiré parti, en médecine, de cette propriété, pour combattre la diarrhée.
THÉRAPEUTIQUE. 373
Pénétrons maintenant plus avant dans les indications: nous verrons les eaux sulfatées sodiques conseillées dans ce les excitations du système vasculaire, les congestions sanguines ; le mal à la tête, à la poitrine; les battements de coeur ; le trouble dans les fonctions de l'utérus par suite de pléthore sanguine; engorgement, tuméfaction de cet organe. " (Herpin, op. cit. )
Nous verrons les eaux sulfatées magnésiennes recommandées ce dans les dérangements de la menstruation accompagnés d'une constipation habituelle et opiniâtre ; les hémorrhoïdes lorsqu'elles sont occasionnées par une congestion sanguine active ; l'état pléthorique ; les congestions actives du sang vers la tête ou la poitrine ; les douleurs de tête, les tintements d'oreilles, le vertige, l'anxiété précordiale, les battements de coeur violents, l'oppression, l'asthme, etc. " Herpin, op. cit., p. 203. )
Seidlitz. — " L'eau de Seidlitz naturelle est rafraîchissante, diurétique et apéritive. Dans les fièvres, donnée à petites doses, elle remplace avantageusement la médecine la plus purgative, surtout si le malade est déjà épuisé par des remèdes trop énergiques ou par des crises fréquentes. " (Granville, Guide aux bains d'Europe. ) — " Les eaux de Seidlitz peuvent être placées parmi les purgatifs cathartiques salins, et remplir par conséquent les mêmes indications. On les prescrit souvent dans les embarras gastro-intestinaux muqueux ou bilieux, chez les personnes habituellement constipées, les hypochondriaques,dans les engorgements viscéraux suite de fièvres intermittentes. " (Galtier, Matière médicale, t.II, p. 1216.)
Suivant MM. Mérat et Delens (Dict., 1834, t. VI, p. 281), les eaux de Seidlitz, ce par verrées seulement en qualité de laxatif ou de simple fondant, sont d'un bon usage pour les personnes lymphatiques, replètes, pituiteuses, dont le ventre est paresseux, flatulent, engorgé ; pour les hypochondriaques, pour les enfants sujets aux affections vermineuses. "
Seidschutz. — " Ces eaux ont les mêmes propriétés que les eaux de Seidlitz. " (Soubeiran, Dict. en 30 vol., t. XXVIII, p. 266.) Rappelons avec Granville que ce cette eau est un purgatif puissant qui, entre les mains d'un habile médecin, peut être avantageusement substitué aux drogues d'apothicaires dans les cas d'obstructions et de légères atteintes de maladies du foie. " (Guide, p. 135.) — " Elle est employée avec beaucoup d'avantage, dit M. Edwin Lee, dans l'état languissant de la circulation et de l'absorption intestinale, soit comme moyen révulsif, soit pour diminuer la plasticité morbide du sang. " (The baths, etc., p. 171. ) Elles agissent de la sorte comme fondant. — " On les combine avantageuse-
374 EAUX SALINES.
ment avec une cure faite aux eaux thermales pour des maladies de la peau telles que acné, éruptions herpétiques, etc., lorsque ces dermatoses se compliquent avec des désordres de la digestion, soit chez les jeunes sujets soit chez des personnes d'un âge mûr. " ( Edwin Lee, ibid. )
Contre-indications. — Il ne faut pas abuser de ces eaux : « Lorsqu'on en fait un usage excessif ou trop prolongé, il survient une débilité de l'estomac, la perte de l'appétit, de la diarrhée, et quelquefois un état inflammatoire des entrailles. '' (E. Lee, ibid.)
Pullna.— " Contenant plus de sels que les deux précédentes, elle est plus purgative : 2 à 3 verres suffisent pour obtenir cet effet. On la donne dans les mêmes cas. » (Gallier, Matière mèdic, p. 1217.) « On peut l'administrer avec succès dans quelques maladies inflammatoires et fébriles dans lesquelles les laxatifs rafraîchissants sont indiqués, et surtout dans les troubles chroniques de la digestion, compliqués d'une disposition pléthorique ou d'une tendance aux congestions locales soit sur les organes de la tête, de la poitrine ou du ventre, soit sur les vaisseaux hémorrhoïdaires, On ne l'emploie pas avec moins de succès dans la disposition à la goutte ou aux concrétions calcolenses, dans la dysménorrhée chez les femmes replètes, et qui ont besoin souvent d'une médecine apéritive, enfin chez les enfants qui ont le ventre gros et engorgé.» (Ed. Lee, p. 168.) — Nous devons ici signaler, en passant, dans quelques-uns des effets que nous venons de faire connaître, une grande analogie d'action avec les eaux chîorhydratées sodiques.
En résumé, nous dirons avec M. Herpin, que les maladies conte lesquelles on a employé avec le plus de succès les eaux sulfatées magnésiques sont :
1° Les engorgements et obstructions des viscères abdominaux, avec accumulation de bile, de mucosités, etc. ;
2° L'état pléthorique, les congestions sanguines actives vers la tête ou la poitrine, etc. :
3° La constipation habituelle ou accidentelle, paresse des intestins. Dans ces cas, ces eaux eniployées avec les précautions convenables, rappellent les évacuations, rétablissent leur cours normal et préviennent les congestions vers des organes importants. — Bues pendant 8 ou 15 jours avant l'accouchement, elles le facilitent notablement.
4° Les exanthèmes chroniques de la peau, spécialement du visagedartres, psoriasis, mentagre, etc. , surtout lorsqu'ils proviennent de congestions sanguines anormales, de suppression de la menstruation on des hémorrhoîdes. Les préparations antimoniales, employées dans ces divers cas, ajoutent beaucoup à l'action des eaux.
THÉRAPEUTIQUE. 375
5° Les affections goutteuses ou rhumatismales, compliquées d'un état pléthorique ou d'une prédisposition aux congestions actives.
6° Les engorgements, tumeurs occasionnées ou entretenues par des congestions actives, spécialementles tumeurs commençantes du sein, etc. (Op. cit., p. 204.)
TROISIEME ORDRE. — EAUX SALINES MIXTES.
Ce que nous aurons à exposer sur l'action thérapeutique des eaux minérales salines mixtes ne sera, pour ainsi dire, que le résumé de l'étude que nous avons faite séparément des eaux minérales salines des deux premiers ordres. Nous trouverons, en effet, ici réunies les propriétés curatives des eaux chlorhydratées et sulfatées, comme nous y avons déjà reconnu combinés les effets physiologiques : nous entrons donc de suite dans les détails des faits cliniques qui ressortissent aux eaux minérales de notre troisième ordre.
PREMIER GROUPE. — EAUX SALINES MIXTES SODIQUES.
MARIENBAD (BOHÈME).
Affections abdominales. — '' L'usage du Ereutzbrunnen convient très bien dans ces cas où il existe des désordres du côté de la muqueuse intestinale, avec collection de mucosités dans le canal alimentaire; dans l'obésité, les engorgements abdominaux, et les congestions des divers organes, dépendant de la plénitude des veines. (The use of Kreutzbrunnen is most applicable in those cases where there is a deranged state of the mucous membrane of the alimentary canal, with collection of mucosities, in cases obesity, abdominal engorgement, and congestion of various organs from repletion and fulness of the veins.) '' (Ed. Lee, Baths of Germany, p. 149.) — M. Ed. Lee cite aussi l'opinion de Vetter, qui est tout à fait conforme à la sienne.
376 EAUX SALINES.
BOURBOULE (PUY-DE-DÔME).
Les sources de la Bourboule fortement minéralisées ( 6 grammes de sel par litre) devraient, ce semble, par leur constitution chimique, être utiles dans la pléthore abdominale, les affections du tube digestif et la cachexie ; malheureusement, les observations sur ce point font défaut, parce que ces eaux, étant administrées surtout en bains ou en douches à leur température native (50°), n'ont été proposées, jusqu'ici, presque que dans les affections rhumatismales et cutanées. Nous avons vu (voy. Eaux chlorhydratées sodiques), en effet, que dans la guérison de ces maladies, la thermalité jouait le principal rôle, et que toutes les sources thermales pouvaient être employées avec succès. C'est donc là une lacune regrettable dans l'histoire médicale de la Bourboule : pour nous, nous pensons que ces eaux, employées à une température tiède, seraient, comme celles de Wiesbaden, de Hombourg, etc., utiles dans le traitement des engorgements viscéraux accompagnés de pléthore abdominale ou d'hémorrhoïdes. Et ce qui paraîtrait appuyer cette opinion, c'est que M. Mercier a constaté que ce la fontaine des Fièvres, qui est laxative, est fort utile dans les engorgements scrofuleux et dans ceux de l'abdomen qui surviennent à la suite des fièvres intermittentes. » (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 255.) Or, ce sont bien là les propriétés que nous avons reconnues aux eaux chlorhydratées sodiques (Wiesbaden, Hombourg. etc.), et, comme souvent ces espèces d'engorgements sont le résultat de la pléthore abdominale ou l'accompagnent, il est probable que les sources de la Bourboule seraient efficaces contre cette dernière affection : il appartient à une observation ultérieure de justifier plus amplement ces prévisions.
La distinction des effets dus à la thermalité, et dont il faut parfois tenir compte dans la cure, ressort bien évidente des observations faites aux eaux de Bains par M. Bailly. " Il est des cas de gastralgie rhumatismale, dit-il, où l'on a dû recourir à des bains chauds...; d'autres réclament les bains frais prolongés. » (Pâtissier, Rapport, 1854, p. 166.) C'est ainsi que, si l'affection gastro-intestinale revêt encore le caractère inflammatoire, ce l'on n'obtient pas en général de bons effets de ces eaux thermales. " (Id., ibid.)
En résumé, les eaux salines mixtes sodiques, si elles sont thermales, doivent être ramenées à une température tiède, dans les affections chro-
THÉRAPEUTIQUE. 377
niques du tube digestif ayant encore quelque caractère inflammatoire ; mais leur thermalité, qui était nuisible dans ce cas, devient, au contraire, une qualité précieuse lorsqu'il s'agira de traiter des affections atoniques ou rhumatismales de ces mêmes organes : dans cette distinction clinique, réside la loi des indications et contre-indications des eaux salines mixtes sodiques.
APPAREIL GÉNITO-URINAIRE. Maladies des voies urinaires (gravelle, catarrhe vésical).
Bourboule, — Nous n'avons rien trouvé sur l'emploi des eaux de la Bourboule dans les maladies des voies urinaires ; et pourtant, leur thermalité et leur constitution chimique nous semblent les indiquer comme utiles dans plusieurs de ces maladies. — Ainsi, pour l'affection graveleuse, nous présumons, en raison de la quantité de carbonate sodique qui les alcalise ( 1 gr. 35 à 1 gr. 94 par litre), qu'elles doivent la combattre avec efficacité ; en outre, la dose de sel marin qu'elles tiennent en dissolution, activant la sécrétion urinaire (v. Physiologie) et modifiant la nutrition générale, tendra à expulser les petits graviers et à faire disparaître la diathèse urique, qui souvent accompagne l'existence de la gravelle et de la goutte. — Nous en dirons autant des affections catarrhales de la muqueuse vésicale.
Bains. — Ces prévisions que nous émettons sur l'action des eaux thermales de la Bourboule sur l'appareil urinaire nous semblent justifiées par ce qui se passe aux sources thermales de Bains, " Autrefois, je ne pensais pas que nos eaux pussent avoir une action thérapeutique sur ces maladies (gravelle, cystite).... Depuis que j'emploie un traitement excitant, bains à 41 degrés, douches fortes et chaudes, étuves, j'ai été surpris de constater des effets très avantageux. " (Bailly, Rapport de M. Pâtissier, 1854, p. 168.)
Nous trouvons dans le tableau statistique de M. Bailly :
Sur 8
gravelles, cystites
guéris. améliorat. insuccès. 2 5 1
Assurément ces chiffres sont peu élevés ; mais, avec le commentaire
378 EAUX SALINES.
qu'y a joint M. Bailly et que nous avons cité, ils doivent nous inspire une certaine confiance.
Maricnbad. — Les sources de Marienbad sont un peu rendues alcalines par des carbonates de soude, de chaux et de magnésie. Elles doivent donc, aux propriétés que leur donnent le sulfate et le chlorhydrate de soude, unir celles qui sont généralement attribuées aux eaux alcalines: pour les maladies de la vessie, ces propriétés thérapeutiques réunies dans la même eau concourent à la guérison avec plus d'efficacité. Aussi ce ces eaux sont-elles très convenables pour provoquer l'expulsion de la gravelle ou des calculs de la vessie. Ici encore se retrouve la qualité diurétique qui favorise heureusement l'issue de ces concrétions lorsqu'elles sont formées. (This water is also well adapted to procure the évacuation.... of gravel or stone in the bladder.... Here also the diuretic property of the water has a beneficial effect in causing the expulsion of these concretions when formed.) " (Edwin Lee, Bath of Germany, 1854, p. 150.)
Maladies des organes génito-utérins.
Les sources salines mixtes comptent toutes des succès dans ces affections.
Bains. — Les eaux de Bains sont administrées avantageusement dans les dysménorrhées avec éréthisme, et dans certaines métrites. Voici quelques chiffres statistiques empruntés aux Rapports de M. Pâtissier, années 1839 et 1854.
nombre, guéris, améliorés, insuccès.
Dysménorrhées (par excitation utérine).
15 9 4 2
Métrites 25 2 19 4
Il est probable, bien que les Rapports de M. Pâtissier ne le disent pas, que ces eaux ont été administrées ici à une température tiède, au moins pour les 15 cas de dysménorrhée avec excitation utérine, comme nous avons vu qu'on le pratiquait à d'autres eaux thermales.
MALADIES DE L'APPAREIL DE LA LOCOMOTION.
Rhumatisme, goutte, paralysie.
Les eaux thermales salines mixtes sont toutes utiles dans les maladies
THERAPEUTIQUE. 379
rhumatismales, goutteuses ou paralytiques aux mêmes titres que les eaux thermales chlorhydrate es sodiques. Nous avons, à propos de ces dernières, assez longuement discuté les indications et les contre-indications de leur emploi dans les affections qui nous occupent, pour n'avoir rien à ajouter ici. Rappelons seulement que ce les sources dont la température est élevée ont une grande efficacité dans les paralysies qui ont pour cause une métastase rhumatismale, herpétique, qui sont la suite de maladies internes ou le produit d'émanations métalliques. '' (Pâtissier, Rapport, 1839, p. 38.) Il nous suffira de transcrire quelques chiffres statistiques sur les résultats obtenus, dans ces divers cas, aux eaux salines mixtes thermales. (Pâtissier, Rapports de 1839, 1841 et 1854.)
Bains : nombre. guéris, améliorés, insuccès.
Rhumatismes 80 10 60 10
Paraplégies 8 1 6 1
Arthrite chronique ... 18 5 11 2
Bourboule : Rhumatismes 14 10 4 ''
MALADIES GÉNÉRALES.
Scrofules, fièvres intermittentes, chlorose.
Scrofules. — Les eaux salines mixtes sodiques sont utiles dans les affections scrofuleuses et en modifient bien la diathèse, tout comme nous avons vu que le faisaient les eaux salines chlorhydratées sodiques.
Bourboule. — Ainsi, aux sources de la Bourboule, ce la scrofule, sous les formes d'ophthalmie, d'ulcères, de fistules, etc., a été singulièrement améliorée. '' (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 156.) — '' Elles conviennent surtout dans les affections scrofuleuses, et plus d'une fois les bains et les douches ont triomphé d'engorgements articulaires réputés incurables. » (C. James, Guide cité, 1851, p. 137.)
Marienbad. — '' On combine l'usage des bains et de la boisson dans un grand nombre de cas, surtout dans les affections goutteuses et scrofuleuses. '' (Ed. Lee, Baths of Germany, p. 158.) — Les autres eaux salines mixtes de notre tableau, renfermant peu de principes minéralisateurs et agissant surtout par leur thermalité, paraissent peu efficaces
380 EAUX SALINES.
dans les affections scrofuleuses, du moins elles ont été peu étudiées sous ce point de vue.
Fièvres Intermittentes. — Nous avons peu de choses à dire sur ce sujet. Les eaux salines mixtes sodiques sont à peine citées pour la cure de ces fièvres, dans lesquelles les eaux sulfatées calciques ont, au contraire, assez d'efficacité. Notons, toutefois, qu'à la Bourboule existe une source appelée source des Fièvres, laquelle est laxative, et guérit dit-on, les fièvres intermittentes : telle est l'opiniou du dr Mercier, que nous avons rapportée dans le premier chapitre (voy. analyse de la Bourboule). Ajoutons que MM. Pâtissier, dans son Rapport de 1854, et C. James, dans son Guide pratique, ont complètement passé sous silence cette action curative de la Bourboule. Ne serait-il pas probable que ces eaux auraient guéri, non pas des fièvres intermittentes simples, mais bien celles qui s'accompagnent d'engorgements abdominaux ? Ce que nous avons dit, à ce sujet, en parlant des eaux chlorhydratées sodiques, nous ferait pencher vers cette opinion, et donnerait jusqu'à un certain point la raison des succès et des insuccès de ces eaux.
Chlorose. — Quant à la chlorose, nous n'avons aucune propriété curative certaine à revendiquer pour les eaux salines mixtes sodiques; car presque toujours, lorsque nous avons trouvé citées des cures, ou bien les malades avaient fait usage en même temps d'une source ferrugineuse située au voisinage , ou bien l'eau minérale elle-même présentait une certaine quantité de fer carbonaté (Bourboule, Marienbad), ou bien, enfin, on administrait aux chlorotiques des pilules ferrugineuses (Bains). C'est donc, en réalité, au fer, qu'il faut, dans ces cas, attribuer la guérison de l'état chlorotique, plutôt qu'à la source saline elle-même.
DEUXIÈME GROUPE. - EAUX SALINES MIXTES SODIQUES-CALCIQUES.
Cette action dépend, pour plusieurs eaux de cette classe, et de leur thermalité, et de leurs principes minéralisateurs : après avoir, dans ce qui précède, exposé les indications et les contre-indications soit de la thermalité, soit du sel marin ou du sulfate de chaux, il nous suffira ici de ne faire, pour ainsi dire, qu'une énumération des affections dans lesquelles les sources salines mixtes sodiques-calciques sont recommandées.
THÉRAPEUTIQUE. 381
LAMOTTE-LES-BAINS (ISÉRE).
Rhumatisme. — Ces eaux sont surtout très utiles dans les divers rhumatismes chroniques , musculaires ou arthritiques, employées à une haute température (42° à 45° centig.), en bains ou sous forme de douches. — '' Des 190 observations individuelles relatées par M. Buissard, 88 appartiennent à des rhumatisants.. " (Pâtissier, Rapport de 1854, p. 153.) " Sur ces 88 rhumatismes, 43 ont été guéris, 35 ont été améliorés, et 10 seulement ont été réfractaires. " (Pâtissier, ibid.) — « Les névralgies sciatiques, dont l'origine est fréquemment rhumatismale, ne sont pas traitées avec moins de succès : sur 25 cas, 10 ont été guéris, 10 améliorés, et 5 seulement ont été sans résultats. Ce genre d'affections exige des douches de 47 à 50 degrés. " (Pâtissier, ibid., p. 154.)
Paralysies. — " Les eaux de Lamotte, dont la composition chimique présente quelque analogie avec celles de Bourbonne et de Balaruc, ont la réputation d'être salutaires dans les paralysies. Sur 20 de ces infirmités, 6 ont été guéries, et 14 plus ou moins améliorées. " (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 154.) M. Buissard (Clinique des eaux de Lamotte, 1854), a publié 60 observations particulières de paralysies dues soit à une affection du cerveau, soit à une myélite, soit, enfin, à une atrophie des racines antérieures des nerfs spinaux (atrophie musculaire progressive). — Il conclut ce que les eaux de Lamotte ont peu d'action sur les phénomènes de paralysie dus à l'atrophie des nerfs ou de la moelle épinière. " (Clinique des eaux de Lamotte, 1854, p. 115.) — Quant aux indications et aux contre-indications des eaux thermales de Lamotte dans les diverses paralysies, nous renvoyons encore à ce que nous avons exposé sur ce point clinique, plus haut. (Voy. Eaux chlorhydratées sodiques.)
Scrofules. — " Les nombreuses formes de la scrofule sont notablement amendées par l'emploi des eaux de Lamotte, grâce à la présence de l'iode, du brome et de l'arsenic qu'elles renferment. " ( Pâtissier, Rapport cité, 1854.)
Affections des organes utérins. — " Nos thermes (Lamotte) conviennent aux femmes atteintes de flueurs blanches, d'écoulements chroniques des organes sexuels, toutes les fois que ces accidents seront liés à un état d'atonie de ces mêmes parties, aux irrégularités de la
382 EAUX SALINES.
menstruation, ou à son défaut absolu, aux stérilités que l'on pourrait appeler chlorotiques. " ( Guide aux eaux thermales de Lamotte, parle dr Dorgeval-Dubouchet, 1849, p. 107.) — " Les inflammations chroniques de l'utérus, son développement anormal hypertrophique, les indurations, les ulcérations de son col...., trouvent à Lamotte un soulagement certain et souvent une guérison inespérée. " (Dorgeval-Dubouchet, Guide cité, p. 74.)
Appareil pulmonaire et cutané (bronchorrhée, phthisie, dermatoses).
Bronehorrhée, phthisie. — Nous avons déjà fait observer (voy. Physiologie) que les eaux de Lamotte pouvaient, ce en modifiant l'état général, agir favorablement sur le flux mucpeux des bronches, en modérer l'abondance, et souvent en tarir la source. " Nous ajouterons que, ce pour obtenir cet heureux résultat, il faut que le malade soit vierge de toute hémoptysie, et encore qu'il ne soit pas doué d'un tempérament trop irritable, autrement les eaux ne tarderaient pas à produire un effet
de surexcitation tout contraire à celui qu'on attend Cette action
trop excitante est surtout à redouter dans ces cas de déplorable consomption présentée par tant de malades que moissonne presque inexorablement la phthisie pulmonaire. " (Dorgeval-Dubouchet, Guide cité, p. 71.)
Dermatoses. — " Pour le traitement d'un grand nombre d'affections dartreuses, nos thermes (Lamotte) offrent tout autant de ressources que les eaux sulfureuses les plus en vogue. " (Dorgeval-Dubouchet, Guide cité, 1849, p. 90.) — " Ces eaux ( Lamotte) sont utiles : 1° dans les maladies de la peau qui sont la conséquence d'une débilité ou dune affection lymphatique, comme dans la teigne vraie, l'éléphantiasis des Arabes; 2° dans celles qui, comme la dartre rongeante, tiennent souvent à un vice scrofuleux ; 3° dans ces affections cutanées, si variées dans leurs formes, et qu'on connaît sous le nom de syphilides ; 4° enfin, dans celles qui, alternant avec la goutte ou le rhumatisme, paraissent en être l'écho. " (Essai thérapeutique et clinique sur les eaux thermales et salines de Lamotte, par le dr Buissard, 1842, p. 24.) — Les médecins que nous venons de citer n'ont pu se rendre compte de cette efficacité bien constatée des eaux de Lamotte dans les dermatoses. Pour nous, le
THÉRAPEUTIQUE. 383
sulfate de chaux qu'elles renferment nous explique en grande partie ces propriétés; nous pensons avoir démontré comment agit dans ces cas le sulfate de chaux. (Voy. Physiologie et Thérapeutique des eaux sulfatées calciques, 2e et 3e chapitres.)
SALINS PRÈS MOUTIERS (SAVOIE).
Les eaux de Salins (Savoie) possèdent les mêmes vertus thérapeutiques que celles de Lamotte ; elles s'en rapprochent, d'ailleurs, et par leur thermalité (37° centig.) et par leur constitution chimique (sel marin, sulfate de chaux, etc., des traces de bromure et d'iodure ). — Nous avons (voy. Physiologie) déjà constaté que les propriétés physiologiques rapprochaient ces deux sources, et indiqué sommairement quelques-uns des cas dans lesquels on les a louées : il nous suffira d'ajouter ici quelques lignes à ce sujet. Voici comment M. Savoyen résume les cas dans lesquels les eaux de Salins sont utiles. (Mémoire sur les eaux minérales de Salins, par le dr Savoyen, 1840, p. 34.)
« Les diverses maladies qui peuvent être combattues avec efficacité par les eaux de Salins, sont :
1° La cachexie scrofuleuse et toutes les affections qu'elle peut compliquer ;
2° Les dartres, toutes les maladies de la peau, ainsi que les maladies internes causées et entretenues par leur répercussion ;
3° Le rachitisme , pourvu qu'il ne soit pas déjà trop invétéré;
4° Les rhumatismes articulaire et musculaire, et les névralgies rhumatismales ;
5° La leucorrhée ou pertes blanches accompagnées de faiblesse du système utérin ; l'aménorrhée, la dysménorrhée par atonie ;
6° Les engorgements lymphatiques du bas-ventre ;
7° Les ulcères atoniques, abcès, trajets fistuleux ;
8° Les tumeurs indolentes, les tumeurs blanches ;
9° L'ankylose incomplète ;
10° La débilité générale du corps, celle dont certains enfants sont affectés, qui retarde leur développement et les empêche de se tenir sur les jambes. " (Savoyen, pp. 34-35.)
Contre-Indications. — " En général, ces eaux doivent être évitées toutes les fois qu'il existe un mouvement fébrile, dans les hémorrhagies dites actives, dans toutes les surexcitations organiques, et dans
384 EAUX SALINES.
tous les cas de marasme fort avancé. " (Savoyen, Bulletin des eau minérales de Salins, 1843, p. 45.)
M. Paul Collet cite un grand nombre d'observations qui viennent confirmer de tous points les déductions de M. Savoyen que nous venons de relater. (Guide en Tarentaise, par Paul Collet, p. 61 et suiv.)
TROISIÈME GROUPE. — EAUX SALINES MIXTES SODIQUES-MAGHÉSIERNES.
Eau de mer.
L'eau de mer, comme toute autre eau minérale, peut être employée à l'intérieur ou à l'extérieur.
1° EAU DE MER A L'INTÉRIEUR (boisson).
L'eau de mer, du moins en France, est peu employée à l'intérieur comme remède adjuvant des bains, si ce n'est lorsqu'on veut purger le malade. Ainsi, MM. James, dans son Guide pratique, et Pâtissier, dans son Rapport de 1854, ne parlent que des bains de mer. Dans le Manuel de 1837, MM. Pâtissier et Boutron-Charlard disent seulement : « En boisson, elle est purgative et doit être prescrite avec beaucoup de prudence; elle ne convient qu'aux tempéraments lymphatiques, dans les affections qui tendent lentement à leur solution. " (Manuel des eaux minérales, p. 500.) — Enfin, si l'on en croit MM. Andral et Battier, l'on ne ferait pas beaucoup de cas de son emploi à l'intérieur. (Dict. de Médecine et de Chirurg. pratique, Eau de mer.) Pourtant, en Italie, en Allemagne et en Angleterre, l'on a recours très souvent à l'eau de mer en boisson. Voici les cas dans lesquels on l'a trouvée utile. Russel, auteur anglais cité par Macquart, avait mis en vogue et beaucoup vante l'eau de mer à l'intérieur pour provoquer la menstruation. Il la recommandait contre les affections scrofuleuses des glandes du mésentère « Il conseille l'usage de l'eau de mer pour faciliter l'issue des calculs et des graviers qui peuvent se rencontrer dans le conduit biliaire, dans les obstructions du foie, la jaunisse ; il y joignait alors l'usage du savon;
THÉRAPEUTIQUE. 385
enfin, quand on a de grandes fontes à opérer, il faut soutenir la liberté du ventre par une quantité d'eau de mer suffisante pour procurer deux ou trois selles tous les jours. '' (Macquart, Des Propriétés de l'eau, 1783, p. 169.) — Cette citation résume à peu près tous les cas dans lesquels on a employé et l'on emploie de nos jours l'eau de mer en boisson, " Il résulte aussi de notre propre observation, qu'il est rare qu'un engorgement veineux ou une tumeur lymphatique échappe à l'action de l'eau de mer longtemps continuée ; nous avons eu la satisfaction de voir souvent des engorgements et des duretés, qui avaient résisté aux plus puissants remèdes ordinaires, disparaître à la longue sous l'influence de l'eaumarine. " (Des eaux de mer considérées comme remède interne, par le dr Guastalla. Annales de thérapeutique, 1843, p., 238.)
« Bréra s'en loue beaucoup contre les congestions du foie, des mamelles, des glandes du cou, et il cite un très grand nombre de cas de guérison. Greenhow a constaté, comme nous, que rien ne dissipe aussi admirablement que les boissons d'eau de mer, les hépatites lentes et les obstructions chroniques du foie. Cet auteur rapporte que les ouvriers mineurs d'Alstoor-Moon se rendent en foule tous les étés à Tynmooth ; ils y restent trois à quatre semaines, boivent l'eau de mer, et, au bout de ce temps, ils sont guéris de leur ictère, qui s'accompagne d'inappétence, de constipation, de dyspnée et de douleur aux hypochondres. L'auteur s'est guéri lui-même, par le même moyen, d'une hépatite grave ; les purgatifs et les amers avaient échoué ; il buvait une pinte d'eau par jour... J'ai guéri moi-même, à l'aide de la seule boisson d'eau de mer, continuée pendant trois mois, un cas de marasme général, dépendant de l'obstruction des glandes mésaraïques chez un enfant âgé de deux ans. Il était malade depuis huit mois... Assegond rapporte que plusieurs maladies cutanées, qui s'étaient exaspérées par les bains de mer, ont guéri par la même eau prise intérieurement. '' (Guastalla, Mémoire cité, ibid., p. 239.) " En résumé, l'eau de mer pure est incontestablement un remède très énergique et parfois souverain : c'est l'eau minérale saline par excellence, la plus abondante et la plus active de toutes; il s'agit seulement de savoir s'en servir. " (Auber, Guide du baigneur à la mer, 1851, p. 166.)
Tous les faits cliniques que nous venons de relater découlent presque naturellement, comme nous l'avons déjà fait pressentir, des phénomènes physiologiques que nous avons étudiés. (V. Physiologie, art. Eau de mer.) Ajoutons que le dr Lecceur, après avoir répété les expériences de MM. Guastalla et Trais (de Trieste), conclut ce que l'eau de mer, em25
em25
386 EAUX SALINES.
ployée à l'intérieur, agit, selon les cas, comme diurétique, fondante vermifuge, purgative, excitante, et qu'elle offre, sous ce dernier rapport de précieuses ressources contre les affections paralytiques. '' (Auber Guide du baigneur, etc., p. 169.) " On connaît depuis longtemps son. efficacité dans le traitement des affections scrofuleuses. Par son secours on voit diminuer ou disparaître les ophthalmies, les taies, les fluxions avec épaississement, ulcérations des lèvres ou des ailes du nez, les engorgements glanduleux du cou (écrouelles) et du mésentère (carreau).... du foie, de la rate. " (Des bains de mer, par le dr Pouget, 1851, p. 41.)
Il est inutile que les doses de l'eau de mer à l'intérieur soient poussées jusqu'à effet purgatif, " Dans les cachexies, et en général dans les maladies accompagnées d'une grande prostration et désassimilation, il est même plus avantageux qu'elle ne détermine pas de selles, car ce n'est pas sur son action purgative que le praticien doit compter, mais bien sur son effet résolutif. " (Guastalla, Mémoire cité, ibid., p. 239.) — «La dose varie, selon l'âge et la tolérance. Chez les enfants de trois à sept ans, on débute par six à huit onces en deux fois, et l'on arrive jusqu'à une livre par jour (livre médicale d'Italie, de 360 grammes). Chez les adultes, on peut débuter par douze onces (quatre à cinq verres), et l'on arrive jusqu'à deux ou trois livres par jour (10 à 12 verres), en deux on trois intervalles. " (Guastalla, ibid.) — L'eau de mer, pour être bue, doit être puisée loin des côtes et à une certaine profondeur; elle est alors beaucoup plus pure. Il est, toutefois, malgré cette précaution, utile, d'après le conseil de MM. Guastalla et Auber , de la laisser déposer pendant une heure, de la décanter et de la filtrer avant de la boire.
On sait que, dans ces dernières années, l'on a conseillé, pour faire mieux supporter l'eau de mer, de la charger d'acide carbonique. Cette addition aurait encore l'avantage d'en ce masquer le goût désagréable » (Rayer, Rapport à l'Académie de médecine, 1843), et d'en rendre la conservation parfaite pendant plusieurs mois. Ainsi additionnée, elle est connue sous le nom d'eau de mer gazeuse.
2° EAU DE MER A L'EXTÉRIEUR. (Bains. — Cataplasmes.)
C'est sous la forme de bains que l'on fait surtout usage de l'eau de mer et qu'on en a plus spécialement étudié les vertus thérapeutiques. L'effet que l'on attend des bains de mer dépend, comme nous l'avons dit dans a Physiologie, de la réaction. Nous avons indiqué alors quels sont les signes
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d'une bonne réaction, et ce qu'il fallait faire lorsqu'elle était trop faible ou trop intense. Il résulte de ce que nous avons dit à ce sujet, que la sédation produite par la première impression de la fraîcheur de l'eau de mer devait être surveillée avec soin pour ne pas dépasser certaines limites, et qu'elle se manifestait avec plus ou moins de rapidité et d'énergie, suivant chaque malade. Il nous reste maintenant à indiquer dans quels cas les bains frais d'eau de mer peuvent être utiles.
En thèse générale, ces bains seront bien conseillés toutes les fois qu'il s'agira d'exciter les fonctions languissantes, de relever l'économie d'un état d'atonie plus ou moins marqué. " L'usage prolongé de ces bains tend à produire une pléthore générale, à faire prédominer le système artériel aux dépens des systèmes veineux et lymphatique; en un mot, à donner à la constitution un nouveau degré de force et d'énergie capable de triompher de la plupart des affections chroniques qui ont pour cause un état d'asthénie locale ou générale de ce système. Ils sont indiqués spécialement chez les sujets lymphatiques et d'une constitution molle, contre-indiquès chez ceux qui sont trop faibles pour développer une réaction suffisante, chez les hommes pléthoriques, disposés aux congestions cérébrales, aux hémorrhagies, chez les phthisiques, et de plus, dans toutes les maladies aiguës. " (Mérat et Delens, Dict. de matière médicale, tom. III, p. 20.) — De ces appréciations générales, descendons à des faits plus spéciaux.
Affections du tube digestif et névroses.
« Ce bain (de mer) réussit souvent dans les gastralgies avec constipation habituelle, dans les douleurs intestinales avec ou sans diarrhée, dans les affections hystériques, hypochondriaques, la chorée, etc. " (Pâtissier, Manuel des eaux minérales, 1837, p. 506.) — Cette simple énumération de maladies est loin, à nos yeux, de suffire pour prouver l'utilité des bains de mer, dans leur traitement; il en est, en effet, plusieurs, telles que la chorée, l'hystérie, dont la guérison, souvent obtenue par la simple immersion dans de l'eau de rivière froide, semble ne point appartenir d'une manière plus particulière à la constitution chimique de l'eau de mer, mais plutôt à sa température (1).
(1) Cette opinion est aussi celle de M. C. James : '' La plupart des névroses, dit-il, telles que la chorée, l'hystérie, certaines palpitations, sont heureusement influencées par l'emploi des bains et des affusions d'eau de mer. Ces moyens agissent surtout par leur température, le
388 EAUX SALINES.
Quant aux affections chroniques du tube digestif, d'après ce que nous avons exposé en parlant des eaux chlorhydratées sodiques (v. plus haut) l'on comprend que les eaux de mer doivent y trouver un heureux emploi, Ainsi, " d'après M. Verhaegen, le dr Janssens pourrait citer une multitude de cas de guérison, par l'usage des bains de mer, chez des individus atteints d'affections chroniques des voies digestives parvenues à un degré fort avancé. " (Dissertatio medica de balneis mariais, 1841 p. 50.) — " Les bains de mer réussissent parfaitement contre les affections nerveuses de l'estomac, des intestins et des viscères contenus dans l'abdomen ; contre toutes les vésanies du goût et les caprices de la sensibilité, tels que le défaut d'appétit et les goûts dépravés; contre les vers intestinaux et la jaunisse, quand elle ne se rattache pas aux engorgements et aux obstructions du foie. " (Auber , Guide du baigneur cité, p. 31.) Suivant le dr Montègre, cité par M. Auber , les bains de mer constitueraient le seul remède efficace contre les hémorrhoïdes douloureuses, " affection qui fait la désolation des gens de lettres et des personnes sédentaires. " (Auber , ibid.) Quelques verrées d'eau de mer nous sembleraient, dans ces dernières affections, très bien seconder l'action des bains.
Affections des voies aériennes (bronchites chroniques, dyspnée, phthisie).
Les bains de mer sont peu conseillés dans les affections des voies respiratoires; on doit, du moins, en user avec une extrême prudence, car l'on doit craindre qu'une congestion grave ne s'établisse sur des organes aussi essentiellement vasculaires que les poumons. M. Viel cite deux observations de bronchites chroniques, déjà anciennes, guéries par trente bains d'eau de mer pris à Cette. (Bains de mer à Cette, par M. Viel, 1847, p. 77.)
" Les bains de mer conviennent, selon M. Lecoeur, dans la dyspnée produite par l'atonie des muscles inspirateurs. Ils conviennent, selon Buchan, contre la disposition singulière qu'éprouvent certaines personnes pour les affections catarrhales en général, et en particulier pour une toux muqueuse et rebelle qui commence, en certaines contrées britanniques,
froid étant en pareil cas le plus puissant sédatif que l'on connaisse. » (Guide cite, 1851, p. 502.)
THÉRAPEUTIQUE, 389
à la fin de l'été, et se prolonge ainsi jusqu'au printemps. " (Auber, Guide du baigneur cité, p. 30.) — Il est préférable dans tous ces cas, suivant nous, d'avoir recours aux sources minérales sulfatées calciques (Weissembourg, Brides, etc.) ou sulfurées calciques (Bonnes).
Quant à la phthisie, bien que M. C. James dise, d'une manière générale, avoir ce vu un grand nombre de malades venir compléter, à Biarritz, la cure qu'ils ont commencée aux Eaux Bonnes, et qu'en général, ils s'en trouvent bien " (Guide cité, 1851, p. 502), nous préférons adhérer à l'opinion de M. Affre, qui pose des restrictions à l'emploi de ces bains. « Quelques médecins, dit-il, préconisent les bains de mer contre la phthisie pulmonaire à son début; mais, sans parler de la difficulté que l'on éprouve trop souvent à diagnostiquer cet état morbide, je ne puis et n'ose admettre l'usage des bains froids que chez les individus prédisposés à celte maladie par une faible constitution, un tempérament lymphatique ou scrofuleux, et chez ceux qui n'ont pas reçu en héritage les germes de cette cruelle affection. " (Rapport de M. Pâtissier, 1854, p. 134.) — Dans tous ces cas, ce le premier soin qu'il faut avoir, c'est de bien constater l'état des organes pulmonaires par l'auscultation et la percussion, pour s'assurer s'il n'y a pas de tubercules dans les poumons, pas de congestions actives, pas de phlogose. S'il n'y a que de l'atonie, du catarrhe bronchique, de l'éréthisme nerveux, on devra essayer les bains de mer. " (Pouget, loc. cit., p. 357.) Les bains de mer doivent, dans de telles circonstances, être de courte durée (de quelques minutes), du moins au début, afin de tâter, pour ainsi dire, la réaction du sujet, car il faut éviter que celle-ci ne dépasse certaines limites, ce qui pourrait être la cause de graves accidents du côté des poumons.
Affections des organes génito-urinaires.
Dans la chlorose, l'anémie, les aménorrhées et les dysménorrhées, dans certains flux leucorrhéiques, ce les bains de mer produisent un excellent effet, en réveillant les organes de l'espèce de torpeur où ils languissaient. C'est ainsi qu'ils ont, plus d'une fois, fait cesser la stérilité... L'action tonique et astringente de ces bains les rend utiles encore contre les anciennes blennorrhées, les pertes séminales involontaires, les abus de l'onanisme et l'inertie de l'appareil viril. " (C. James, Guide pratique cité, 1851, p. 502.) " Ils (bains de mer) ne sont pas moins utiles dans la chlorose, dans l'état de langueur qui succède quelquefois aux couches, dans les déplacements de l'utérus, les engorgements chroni-
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ques du col de cet organe, les flueurs blancbes, la stérilité, l'aménorrhée la dysménorrhée, la métrorrhagie, lorsque, toutefois, ces affections peuvent être attribuées à un état de faiblesse générale on locale '' (Pâtissier Manuel cité, 1837, p. 506), c'est à dire, lorsqu'il n'existe pas d'inflammation aiguë. " Les femmes épuisées par un mariage prématuré, des grossesses, des couches pénibles rapprochées, un allaitement prolongé, trouvent aussi, dans les bains de mer, une ressource précieuse. " (Pouget, loc. cit., p. 236.) Suivant le dr Pouget, il faut débuter par des bains de mer chauffés de 30° à 32° cent., c'est à dire tièdes ; puis l'on fait prendre des bains à la lame, qui sont plus stimulants, pendant une à deux minutes, quand la température extérieure sera chaude. On prolonge, peu à peu, la durée du bain, suivant l'intensité de la réaction, mais sans jamais dépasser quelques minutes, " Avec ces précautions, on voit, après quelques bains froids, l'appétit revenir, les fonctions digestives se régulariser, le visage s'animer et s'épanouir, l'embonpoint et les forces reparaître. Les nouvelles accouchées doivent attendre, avant de se baigner, qu'il se soit écoulé deux ou trois mois depuis leur délivrance, et que tout symptôme d'irritation abdominale ait disparu. " (Pouget, loc. cit., pp. 236-237.) — Les bains de mer doivent être interdits, par prudence, aux femmes enceintes. (Pâtissier, 1854.)
Affections rhumatismales
( paralysies et dermatoses ).
Nous avons vu que les rhumatismes chroniques trouvaient un remède précieux dans l'emploi des eaux salines thermales (Wiesbaden, Balaruc, Bourbonne, etc.). Il semble que les bains frais de mer ne pourraient convenir ici; pourtant il est certains rhumatismes qui sont guéris par l'usage des bains de mer. Voici les caractères que présentent ces espèces de rhumatismes d'après le docteur Von-Halem cité par M. Verhaegen: « Les bains de mer, employés avec certaines précautions dont on ne peut jamais s'écarter, sont un moyen précieux dans les affections rhumatismales et goutteuses à l'état chronique. Le rhumatisme mobile, ambulant et qui a auparavant affecté un organe essentiel à la vie, exclut l'idée des bains froids, leur usage pouvant être suivi de métastases funestes. Ces bains sont, au contraire, très utiles dans les rhumatismes depuis longtemps immobiles et qui s'accompagnent ordinairement de débilité locale. On peut aussi les employer avec succès, pendant les intervalles qui se-
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parent les attaques, dans le but de les éloigner et de les rendre moins intenses. " (Dissertatio medica de balneis marinis, auctore Verhaegen, 1841, p. 51. ) — Telles sont, en quelques lignes, les indications et les contre-indications bien précises des bains frais de mer dans le rhumatisme. Il est un phénomène sur lequel nous devons appeler l'attention du médecin, c'est que les bains de mer froids réveillent souvent les douleurs rhumatismales et névralgiques; leur action est en cela semblable à celle des eaux thermales, ce Parfois, dit M. Pâtissier, ils exaspèrent ces douleurs à un point tel, que les malades veulent renoncer à leur emploi. " (Rapport, 1854, p. 134.)
Paralysies. — Les bains de mer ont parfois réussi dans les paralysies ; mais il faut distinguer encore et la cause de la paralysie et sa date récente ou ancienne, " Des paralysies partielles, qui ne sont point liées à un état maladif des centres nerveux, ont été souvent guéries par des bains de mer,... Nous avons vu plusieurs cas de paraplégies, chez des jeunes gens épuisés par des excès vénériens, être sensiblement modifiés par l'usage répété des bains de mer. " (Verhaegen, Dissertat, citée, p. 47.) « Si les bains de mer sont avantageux dans la paraplégie, il ne nous paraissent pas également utiles dans la paralysie cérébrale, parce que le saisissement occasionné par le froid du bain peut provoquer un coup de sang. " (Pâtissier, Manuel cité, p. 507.) On voit que les bains froids demandent peut-être plus de réserve encore que les bains chauds ou les douches (v. plus haut Eaux chlorhy dratées sodiques et mixtes sodiques). Car le froid peut provoquer des épanchements sanguins 1° par le refoulement des liquides à l'intérieur, et 2° par l'énergie de la réaction, qui opère alors de la même manière qu'un bain très chaud.
Dermatoses. — Les maladies cutanées sont peu avantageusement traitées par les bains de mer. " Cette médication ne réussit dans les dermatoses, qu'autant qu'il existe peu de phlogose à la peau et que les malades sont d'un tempérament lymphatique, peu irritable. " (Pâtissier, Rapport cité, 1854, p. 134. ) — Cependant des médecins recommandables, Alibert, Batteman, William, en ont retiré de bons effets. William conseillait les bains de mer dans l'éléphantiasis des Grecs, après avoir fait tomber les incrustations squammeuses par des bains chauds. Enfin M. Gaudet, inspecteur aux eaux de Dieppe, a eu beaucoup à se louer de ces bains dans diverses affections cutanées. De ce qui précède nous pourrons conclure avec le docteur Pouget que ce l'eau de mer employée à l'intérieur et à l'extérieur, sous diverses formes..., peut rendre des services dans les maladies cutanées... L'eau de mer modifie l'état général aussi
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bien que l'état local, et c'est ce changement imprimé à l'organisme entier qui joue le plus grand rôle dans la guérison radicale des dermatoses. " (Loc. cit., p. 389.) — Ils ont été recommandés contre la sale par Russel et le docteur Jadelot. ce Lind les faisait prendre contre la gale et les ulcères rebelles des extrémités. M. Delaporte, en 1806, a traité ainsi, sur l'île de Tréberon en rade de Brest, un grand nombre de galeux. " (Mérat et Delens, Dictionn. de matière médicale, t. III, p. 2) L'eau marine nous semble, par sa composition, très propre à faire périr, en effet, l'acarus scabieux, et en joignant de vives frictions sur toutes les parties atteintes par la gale, nous pensons que cette maladie pourrait être aujourd'hui guérie très promptement. En résumé les bains de mer paraissent faiblement utiles dans les dermatoses, surtout si elles se présentent sous la forme de dartres humides (Pâtissier), et ne peuvent être employés qu'avec une extrême prudence dans les paralysies qui succèdent à des lésions des centres nerveux ; ils sont, au contraire, très favorables dans les paralysies partielles qui reconnaissent pour cause, un coup de froid, un état rhumatismal, quelques anciennes lésions traumatiques, qui ont modifié, sans la détruire, la texture d'un nerf. Ainsi, d'après M. Verhaegen, M. d'Aumérie aurait rapporté ce le cas d'un jeune homme qui, à la suite d'une fracture de l'humérus, avait conservé une paralysie du bras, et qui, après être resté trois ans dans cet état, fut parfaitement guéri par 83 bains de mer. " ( Verhaegen, Dissertat, medic. citée, 1847, p. 47.)
Affections générales (scrofules, fièvres intermittentes).
Scrofules. — C'est principalement dans les affections qui reconnaissent pour cause le vice scrofuleux, que les bains de mer déploient toute leurs vertus. Sous ce rapport le témoignage des observateurs est unanime, a Les bains de mer ont une action souveraine et vraiment spécifique contre le vice scrofuleux... Ils réussissent alors que les toniques, les amers, le ferrugineux, les préparations d'iode, les huiles de foie de raie, de morue, ont complètement échoué.... Mais ce ne sont pas seulement les bains de mer qu'on emploie.... On a recours aussi à l'eau de mer prise intérieurement. " (Auber, Guide du baigneur cité, pp. 33-34.) — « Parmi les maladies dans le traitement desquelles les bains de mer sont évidemment avantageux, les scrofules tiennent le premier rang. " (Verhaegen, Dissertat, medic. citée, p. 39.) — " Il résulte des observations consignées
THÉRAPEUTIQUE. 393
dans les rapports de MM. Robert, Rouxel, Boulanger, Hameau, que la thérapeutique ne présente aucun remède dont l'efficacité puisse rivaliser avec celle des bains de mer et de l'eau marine prise en boisson, pour le traitement et la guérison des maladies strumeuses, surtout chez les enfants. " (Pâtissier, Rapport de 1841, p. 58.) Le docteur Pouget (dans son Traité des bains de mer) affirme aussi que les scrofules sont combattues avec le plus grand succès par l'eau de mer en boisson et en bain ; et d'après le docteur Monnoyer, les scrofuleux sont très rares à St-Tropez, ce qu'il attribue à l'habitude que les habitants ont de se baigner à la mer dés leur enfance.
Nous ne pousserons pas plus loin les citations: celles-ci suffisent à prouver, sans conteste, toute la puissance thérapeutique de l'eau de mer en boisson et en bains contre les manifestations diverses de la scrofule.
ce C'est surtout, dit M. Verhaegen, dans les engorgements glandulaires et les ulcères cutanés, que ces bains exercent une action qu'on pourrait qualifier de spécifique. " (Dissert. med. citée, p. 39. )
Dans certains engorgements scrofuleux atoniques, on a quelquefois recours à l'eau de mer sous forme de douches, à divers degrés de température et de force. C'est un excitant local utile encore dans les ce douleurs arthritiques, les rhumatismes invétérés et les tumeurs blanches. " (Auber , Guide du baigneur cité, p. 182. ) — Mais ici, les résultats obtenus sont dus plutôt au choc et à la température, qu'à la qualité de l'eau. Il n'en est plus de même lorsqu'on emploie l'eau de mer ou les algues marines sous forme de cataplasme : dans ce cas il se fait toujours une absorption plus ou moins considérable des principes minéralisateurs de l'eau de mer, et la constitution chimique de celle-ci n'est pas alors sans influence. Cette manière d'utiliser les vertus thérapeutiques des eaux de mer, usitée, si l'on en croit le docteur Mugna, depuis longtemps en Italie, était peu mise en pratique en France ; nous empruntons à l'excellente monographie de M. Auber l'énoncé des résultats obtenus par cette médication dans nos établissements maritimes, " De toutes les manières d'employer l'eau de mer froide à l'extérieur, aucune ne produit un effet plus avantageux que celle qui consiste à l'appliquer en topique.... On couvre les parties malades de linges ou de compresses imbibés d'eau de mer froide ou dégourdie au soleil ou au feu, et l'on renouvelle l'eau à mesure qu'elle s' évapore... L'application prudente et raisonnée de l'eau de mer en topique a parfaitement réussi dans quelques affections passives des organes de la génération; et les irrigations utérines ont produit des effets merveilleux dans des cas opiniâtres de stérilité chez les femmes... On em-
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ploie en cataplasme différentes plantes marines, telles que les fucus les varechs et les algues, et l'on en retire de bons effets thérapeutiques, dans divers cas d'engorgements articulaires, dans les affections scrofuleuses dans les douleurs rhumatismales ou goutteuses. Toutefois ce sont des expériences à continuer, et elles devront particulièrement fixer l'attention des médecins qui se livrent à la clinique des eaux. " ( Auber Guide du baigneur à la mer, 1851, pp. 182-183. )
Nous devons ajouter, cependant, que dès 1847, le docteur Viel ( de Cette ) pansait les ulcères scrofuleux avec l'eau de mer, et s'en félicitait, " Nous faisons plus, nous maintenons continuellement la même eau appliquée sur les tumeurs et les engorgements de même nature ; la résolution en est plus prompte. " (Bains de mer à Cette, 1847, p. 93.)— Ces observations corroborent puissamment l'opinion de M. Auber.
Fièvres Intermittentes. — Enfin on a cité des cas de fièvres intermittentes rebelles qui ont cédé à l'usage des bains de mer. (Buchan.) Le docteur Rouxel dit avoir vu fréquemment " des personnes venant du Bengale affectées, depuis plusieurs années, de fièvres intermittentes rebelles, guérir en peu de temps par l'usage des bains de mer. " (Observations pratiques sur les bains de mer, par Buchan, traduites de l'anglais par Rouxel, 1835, p. 43.) — Nous devons avouer, cependant, qu'en général les bains de mer n'ont pas une grande renommée pour la guérison de ces fièvres.
FRIEDRICHSHALL ( Duché de SAXE-MEININGEN).
La constitution chimique des eaux de Friedrichshall les rapproche de celles de la mer. Leurs effets physiologiques (en boisson) sont les mêmes (v. Physiologie). Leurs vertus thérapeutiques tendent encore à les confondre. Ce n'est qu'en boisson qu'on fait usage de ces eaux; aussi n'aurons-nous pas à les comparer avec l'eau de mer en bains. Prises a l'intérieur elles ont été reconnues efficaces dans les maladies où l'eau de mer ( en boisson) est elle-même recommandée, ainsi que les eaux chlorhydratées sodiques simples ou mixtes.
" En général, elle convient à des personnes d'un tempérament lymphatique ou scrofuleux et à des constitutions bilieuses, produit d'une pléthore abdominale. " (De l'eau de Friedrichshall, par le docteur Shoenfeld, 1851, p. 6.)
Très utile dans le traitement des engorgements chroniques du foie.
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les affections hémorrhoïdale et goutteuse (Shoenfeld), " l'eau de Friedrichshall offre des avantages semblables dans le traitement des scrofules. " ( Shoenfeld, Notice citée, p. 8; )
« A petite dose et longtemps continuée, l'eau amère de Friedrichshall est fort salutaire aux individus scrofuleux. On l'a vue amener la résolution d'engorgements qui avaient résisté à l'emploi de l'iode. " (Les eaux amères de Friedrichshall, par le docteur Bartenstein. )
On voit, en résumé, que l'eau de Friedrichshall combat les mêmes affections que les eaux chlorhydratées sodiques (Wiesbaden, Hombourg ) ou sodiques mixtes magnésiennes (eau de mer), ce que faisait prévoir la constitution chimique de cette eau minérale.
SUPPLEMENT. EAUX MINÉRALES SALINES DE L'ALGÉRIE.
HAMMAN-MÉLOUANE (ALGÉRIE).
Au pied de l'Atlas, près du village de Rovigo, à 42 kilom. d'Alger, Température 39 à 40°.
Analyse par M. de Marigny, 1854. (Payn, Sources chaudes salées d'HammanMèlouane, 1856.)
Chlorure de sodium 26 50
— magnésium .... 0 52 Sulfate de chaux 2 82
— magnésie 0 18
Oxyde de fer 0 02
Carbonate de chaux 0 10
— magnésie 0 07
Silice 0 01
Iode (Marcigny)
Arsenic (Tripier).
traces 50 05
La haute température de ces sources salines (chlorhydratees-sodiques), fortement minéralisées, leur assure une grande activité thérapeutique. — Les Arabes en font usage depuis longtemps.
HAMMAN-MESCOUTIN (CONSTANTINE).
Bains-Maudits, analyse par M. Tripier. (Annal, de Chimie, 3e série, t. I.)
Acide carbonique 97 p.
— hydro-sulfurique .... 1 Azote 2
gr. Sulfate anhydre de chaux . . 0 38086
— soude 0 17653
— magnésie 0 00763
Chlorure de calcium 0 4.1560
— magnésium .... 0 07864
— sodium et potassium 0 02918
Carbonate de chaux 0 25722
— magnésie... 0 01235
— strontiane. . . 0 00150
Silice 0 00700
Arsenic dosé à l'état métalliq. 0 00050
Matière organique 0 06000
Fluorure
Oxyde, de fer
traces 1 15681
Ces eaux salines mixtes sont gazeuses, légèrement hydro-sulfurées et notablement arsenicales ; ce qui leur a valu probablement le nom de Bains-Maudits. Ce sont les premières sources où la présence de l' arsenic ait été décelée. (Tripier.) — Les Arabes en font usage depuis longtemps.
LIVRE TROISIEME.
DES EAUX MINÉRALES SULFUREUSES.
CHAPITRE PREMIER.
Détermination et classification des sources minérales
sulfureuses.
Nous appelons eaux minérales sulfureuses les sources qui doivent leurs propriétés médicales, en totalité ou en grande partie, à la présence soit d'un sulfure soluble, soit de l'hydrogène sulfuré, soit d'un hyposulfite terreux. De là, nous en ferons trois ordres.
1° Les sulfures qu'on y trouve en dissolution sont principalement celui de sodium et celui de calcium; on y rencontre aussi, rarement, il est vrai, du sulfure de magnésium (Gournigel, Echaillon, Enghien, Auzon, etc.), mais c'est toujours exceptionnellement et en proportion minime ; et les sulfures sodiques (Baréges, Bagnères, Cauterets) et calciques (Enghien, Eaux-Bonnes, Cauvalat, etc.) sont réellement les principaux éléments minéralisateurs de cet ordre. Ils jouissent tous deux d'une réaction alcaline (plus prononcée pour celui de sodium) : les eaux qu'ils minéralisent auront aussi une réaction et des effets médicaux propres à chacun des alcalis combinés au soufre. Nous adopterons, pour ces sources, le nom d'eaux sulfurées. — 2° Quant à celles qui doivent leurs propriétés sulfureuses à la présence de l'hydrogène sulfuré (acide sulfhydrique), soit dissous, soit en partie libre (Weilbach, Allevard, St-Honoré, etc.), et qu'elles laissent ensuite, au contact de l'air, dégager avec plus ou moins de facilité, nous proposons de les nommer eaux hydro-sulfurées. (M. Anglada, et, à son exemple, plusieurs hydrologues, les ont appelées eaux silfhydriquées, et nous aurions adopté
398 EAUX SULFURÉES.
cette appellation, si elle n'avait quelque chose de malsonnant. 3° Enfin, nous désignerons sous le nom d'eaux hyposulfitées, celles qui sont principalement minéralisées par la présence d'un hyposulfite terreux ou alcalin (Gournigel, source du Stock).
Ces trois subdivisions embrassent l'ensemble des eaux sulfureuses, et les dénominations que nous avons choisies ont l'avantage de présenter aussitôt à l'esprit le mode de sulfuration de ces trois ordres. Au reste il faut savoir que ces trois agents de minéralisation s'y trouvent en faible proportion, et que ces sources sont caractérisées par l'existence plutôt que par la prédominance d'un principe sulfureux, à l'exclusion toutefois d'une autre substance en quantité assez considérable pour les déclasser: aussi, nos deux derniers ordres sont généralement omis par les auteurs, et même, pour le premier, il y a, dans les écrits les plus modernes, une grande confusion. Ainsi, M. Durand-Fardel et les auteurs de l'Annuaire confondent plus d'une fois les sources sulfurées avec les sources salines sulfatées, et vice versa.
Indépendamment des principes sulfureux qui les caractérisent, les eaux sulfureuses renferment aussi différents sels, tels que des sulfates, des chlorhydrates, des carbonates, et de l'acide carbonique : le praticien doit en tenir grand compte lorsque les proportions en sont assez notables ; il est aisé de comprendre combien ces distinctions sont importantes pour l'emploi méthodique et raisonné des eaux minérales, puisque la nature des sels qui y coexistent avec l'élément sulfureux ajoute notablement à leurs propriétés médicamenteuses. Ainsi, parmi les eaux sulfurées calciques, les sources de Bilazay et de Pierrefonds sont alcalines, et celles de Salies, de Cauvalat, de St-Gervais et de Montmirail sont salines ; parmi les eaux hydro-sulfurées, les sources de Schinznach, Euzet et surtout Uriage, Castellamare, Harrowgatt, etc., sont notablement salines.
Les eaux sulfureuses ont une saveur et une odeur hépatiques qu'elles perdent par le contact de l'air et par l'effet de la chaleur; exposées a l'air, elles ne tardent pas à se troubler et à loucher, phénomène qu' on a nommé blanchiment ou bleuissement. On y voit nager une poussière blanchâtre, qui n'est autre chose que des molécules de soufre hydrate. Leur surface se recouvre parfois d'une pellicule d'un blanc grisâtre, et il s'y dépose, au bout de quelque temps, des particules de semblable apparence, toutes également de nature sulfureuse. Cette facilité de décomposition, plus ou moins prononcée, suivant les sources, et généralement plus grande dans les eaux thermales, rend très difficiles la con-
EAUX SULFURÉES. 399
servation et le transport des eaux sulfureuses, qui, bues loin de la source, ont, pour la plupart, perdu une partie de leurs propriétés (1).
Les sources sulfureuses renferment une matière organique végéto-animale azotée, qui est onctueuse, grasse au toucher et comme gélatineuse, et qu'on nomme barégine, glairine, zoogène. Elle existe en grande quantité dans certaines eaux : on a remarqué que celles d'Amélie-lesBains en fournissaient 755 kilogr. par jour, celles d'Escaldas 812, et celles de Thuès 2,800. Cette matière présente, au microscope, une multitude d'animalcules infusoires (rotifères, monades, etc.). Les sources sulfureuses contiennent, en outre, une substance organisée, que M. Fontan a reconnu être une conferve et qu'il a appelée sulfuraire; elle n'existe dans ces eaux qu'au dessous de -j- 45° et au contact de l'air. M. Filhol a trouvé de l'iode dans la sulfuraire et la barégine.
Les eaux sulfureuses agissent d'une manière particulière sur la peau ; en thérapeutique, elles ont une spécialité d'action dans les affections cutanées chroniques. Cette action s'exerce aussi sur le système muqueux, et notamment sur la muqueuse broncho-pulmonaire. On connaît leur efficacité dans les maladies chroniques des bronches et du poumon ; cette efficacité se montre surtout quand il y a eu répercussion de fluxions cutanées. Leur utilité n'est pas moins grande dans les blessures par armes de guerre, les plaies et ulcères, les rétractions musculaires et les pseudo-ankyloses, la carie, etc. Nous devons signaler aussi leur bienfaisante influence dans les cachexies, le rachitisme, les différentes complications de la scrofule, les accidents mercuriels, la syphilis invétérée et dégénérée. Enfin, les sources thermales sont puissamment avantageuses dans le rhumatisme chronique, la sciatique et les névralgies, la paralysie saturnine.
(1) La décomposition des eaux sulfureuses s'opère à la fois par le fait de la glairine, de la silice ou de l'acide carbonique qu'elles renferment, et par le contact de l'air ; cette altération peut se produire de plusieurs manières : tantôt la silice ou l'acide carbonique de l'eau s'empare d'une partie de la base du sulfure, et il en résulte un polysulfure qui ne tarde pas à dégager son excès de soufre à l'état d'hydrogène sulfuré; tantôt l'oxygène de l'air convertit le sulfure en hyposulfite, et l'élément sulfureux semble disparaître masqué qu'il est dans ses nouvelles combinaisons. Ajoutons que l'altération de la matière organique contribue elle-même à la décomposition des eaux sulfureuses.
la sulfhydrométrie est l'art d'apprécier leur richesse en soufre ; on évalue celle-ci à l'aide d'un instrument inventé par Dupasquier, de Lyon, qui l'a nommé sulfhydromètre. Le praticien, pour estimer les propriétés thérapeutiques des sources, devra considérer non seulement leur degré de sulfuration, mais encore les modes de combinaison du soufre, leur plus ou moins de stabilité, et l'ensemble des autres éléments minéralisateurs.
400 EAUX SULFURÉES
PREMIER ORDRE. — EAUX SULFURÉES.
Les eaux minérales sulfurées sont, nous l'avons dit, caractérisées par la présence d'un sulfure terreux (sodique ou calcique) ; de là une subdivision naturelle en 1° sulfurées sodiques, et 2° sulfurées calciques, M. Fontan veut qu'on nomme les premières eaux sulfureuses naturelles, supposant que le principe sulfureux s'y forme par la réunion de ses éléments dans la roche primitive où il n'existe pas de matières organiques; et il appelle les secondes eaux sulfureuses accidentelles, présumant que ce sont des sources d'origine saline ( eaux salines sulfatées calciques), qui deviennent sulfureuses par la décomposition du sulfate de chaux ensuite de la réaction des substances organiques qu'elles traversent dans leur cours ou entraînent avec elles.
Si ces caractères distinctifs sont utiles, bien que contestables sur. certains points, pour grouper l'ensemble des sources, il nous semble vrai de dire que, sous le rapport pratique, on tirera plus d'avantages de la division en eaux sulfurées 1° calciques, 2° sodiques.
PREMIER GROUPE. — EAUX SULFURÉES CALCIQUES.
Ce groupe forme une transition naturelle des eaux salines aux sulfureuses, en rapprochant les eaux sulfatées calciques des eaux sulfurées calciques, qui offrent plus d'un point de ressemblance. Selon l'Annuaire et plusieurs hydrologues, les sources sulfureuses froides, dont le principe sulfuré consiste en sulfure de calcium, en opposition avec les sources thermales, minéralisées par le sulfure de sodium, sont évidemment en rapport avec les dépôts de gypse qui accompagnent ordinairement le sel gemme dans une foule de points, notamment au pied de la chaîne des Pyrénées ; le sulfure de calcium ne serait alors que le résultat d'une altération du sulfate de chaux.
Les eaux sulfurées calciques ont des caractères généraux tranches: non seulement elles sont caractérisées par un sulfure calcique, mais elles renferment du sulfate de chaux et laissent toutes dégager un peu d'hydrogène sulfuré, ce qui n'a pas lieu aussi généralement pour les sulfurées
EAUX SULFURÉES. 401
sodiques. Elles sont, pour la plupart, d'une température froide, ou du moins peu élevée. Elles sont faiblement minéralisées et présentent des carbonates alcalins calciques, tandis que les sulfurées sodiques ont surtout des silicates ; elles sont moins nombreuses que ces dernières, généralement un peu plus minéralisées, et elles offrent une plus faible réaction alcaline. Ajoutons qu'elles sont, toutes choses égales d'ailleurs, moins excitantes.
EAUX-BONNES (BASSES-PYRÉNÉES).
Altitude 780 m. — Température 32° c.
Les EAUX-BONNES (ou Aigues-Bonnes) sont situées dans la vallée d'Ossau, à 4 kil. de Laruns, 42 de Pau. « Cette station thermale est enfermée dans une gorge dominée de toutes parts et resserrée étroitement par des montagnes élevées, sur lesquelles, cependant, la végétation est encore puissante et active. Cette gorge n'est ouverte qu'à l'ouest où, après 3 kil. de parcours en pente rapide, elle va se perdre à angle droit dans la vallée d'Ossau. Il résulte de ces circonstances topographiques, que, aux Eaux-Bonnes, l'atmosphère est généralement très calme et que les vents s'y font peu sentir, parce qu'ils se brisent à angle droit sur les montagnes à l'entrée de la gorge, et que, d'ailleurs, toute issue leur est fermée du côté de la source ; que l'air y est pur et entretenu dans un état convenable d'hygrométrie par l'activité de la végétation; enfin, qu'il n'y existe aucune cause infectieuse ou miasmatique, parce que les pentes rapides du sol obligent les eaux pluviales ou autres à disparaître immédiatement dans les torrents. La tranquillité de l'atmosphère, l'absence de vents, la pureté de l'air et un état hygrométrique convenable, tels sont les avantages climatériques particuliers au village de Bonnes, et qui le distinguent parmi beaucoup d'autres stations thermales ; et ce sont là des circonstances de majeure importance pour les malades atteints des diverses affections des voies respiratoires. » (Note communiquée par M. René Briau.)
L'établissement actuel renferme trois sources minérales : 1° la source Vieille, 32° 50; c'est elle qui alimente la buvette et les bains, et c'est à elle que les Eaux-Bonnes doivent leur réputation ; 2° la source Neuve, 30°, et 3° la source d'Ortech, froide. On prend surtout les Eaux-Bonnes en boisson ; on les emploie moins en demi-bains et en bains, sans doute
26
402 EAUX SULFUREES.
parce que, peu abondantes, elles ne pourraient alimenter un grand nombre de baignoires. « C'est peut-être à tort..., dit M. Durand-Fardel, qu'elles sont rangées dans les eaux sulfurées sodiques, et plus en considéra' tion du voisinage géographique qu'en raison de l'analyse chimique, » M. C. James, il est vrai, indique 0 gr. 0214 de sulfure de sodium ; mais ce sel, que M. Longchamp y avait signalé, n'est plus dosé dans une analyse plus récente; M. Filhol y soupçonne avec raison du sulfure de calcium provenant de la décomposition du sulfate de chaux, ce que semble indiquer, d'ailleurs, le dégagement d'hydrogène sulfuré.
Analyse par M. O. Henry. (Annuaire des eaux.) — Température 52°.
lit.
Acide sulfhydrique 0 0055
Acide carbonique 0 0061
Sulfure terreux (1)
Sulfate de chaux 0 11 80
— magnésie 0 0125
Matière organique sulfurée . . 0 1065
Chlorure de sodium 0 5125
— potassium.... traces
— magnésium ... 0 0044 Acide silicique et oxyde de fer 0 0160
0 6015
(1) « Serait-ce le sulfure de calcium qui minéralise cette eau ? » (Annuaire, p. 521,) La note suivante de M. O. Henry (oct. 1857), que nous devons à l'obligeance de M. René Briau, nous permettra de répondre à celte question jusqu'ici non résolue, en suppléant à l'insuffisance de l'ancienne analyse qui date de 21 ans. « L'eau, expédiée fort limpide et paraissant très intacte, marqua au sulfhydromètre 8° 5 à 9° ; elle accusa par les réactifs la présence de sulfures, de sulfates et de carbonates, de beaucoup de chlorures, de la chaux, des traces de magnésie, d'iodure, de silicate, etc. Evaporée avec soin, elle a laissé, à côté de sels à base de soude, du sulfate de chaux très manifeste. Une certaine quantité d'eau intacte, agitée dans un vase très plein et sans air avec 0 gr. 50 de magnésie calcinée, a fourni un dépôt où l'on reconnaît, à côté de l'excès de magnésie et de son carbonate, du carbonate de chaux très distinct. Le liquide clair, additionné de phosphate d'argent en bouillie peu épaisse et récemment préparé, m'a produit du sulfure noir d'argent mêlé à l'excès du phosphate argentique et à du phosphate de chaux des plus sensibles. Enfin, la liqueur filtrée, évaporée, a fourni, après des traitements alcooliques, du phosphate de soude en proportion également très évidente, et il ne pouvait y avoir aucun doute sur la nature de ces deux phosphates produits, que j'ai examinés : ils proviennent évidemment de la transformation des sulfures calcique et sodique primitifs.— Ainsi l'Eau-Bonne donnerait, entre autres éléments, la présence de sulfures de calcium et de sodium, de sulfates de chaux et de soude, de carbonate de chaux, à côté de chlorure de sodium, de silicate et d'iodure, etc. » (O. Henry.)
M. Ed. Cazenave écrit : « Bien que l'analyse (ancienne) de M. O. Henry ne mentionne pas la présence d'un sulfure, le sulfhydromètre de Dupasquier m'a donné les résultats suivants : source Vieille, 0,219 par litre ; source d'Ortech, 0,207 ; source Froide, 0,192. — D'après M. Chatin, 1 litre d'eau minérale de Bonnes, prise au dépôt à Paris, a fourni 0,01 de milligramme d'iode ; il présume qu'elle en contient une plus forte quantité, prise à la source même. Elle renferme aussi du brome. » ( Recherch, cliniq. sur les eaux de Bonnes, par Ed. Carenave, 1854.)
EAUX SULFURÉES. 403
A la sortie des sources, l'eau est limpide, légèrement gazeuse, onctueuse au toucher; elle exhale une odeur d'oeufe couvis ; sa saveur est douceâtre, un peu amère; les malades la boivent sans répugnance. La dose est d'un demi-verre à deux ou trois verres par jour. La saison des eaux dure du 1er juin au 15 septembre. — Ces eaux se décomposent par la chaleur et le contact de l'air ; elles perdent une partie de leurs vertus par le transport : néanmoins on les administre encore avec avantage dans ces cas.
Les Eaux-Bonnes jouissent, depuis Bordeu, d'une réputation qui n'a fait que s'accroître, pour le traitement des maladies chroniques des voies respiratoires, telles que la pharyngite chronique, soit simple, soit granuleuse, la laryngite chronique et l'aphonie, le catarrhe pulmonaire chronique, l'asthme humide atonique, l'engorgement pulmonaire, certaines pleurésies anciennes, la phthisie à forme lente, du 1er et du 2e degré. — On a vanté encore ces eaux pour les personnes chlorotiques, les scrofules, les maladies cutanées, les ulcères anciens ; mais il est d'autres sources bien préférables dans ces cas. — Chacun, jusqu'ici, s'est posé, sans en trouver la réponse, cette question que formule M. C. James :
« Comment expliquer cette spécificité d'action des Eaux-Bonnes?
Il y a certainement là quelque agent qui nous échappe. Sans cela, comment comprendre que certaines sources des Pyrénées, quoique Beaucoup plus sulfureuses, produisent cependant des effets bien moindres sur l'appareil pulmonaire? etc. » (4e édit., p. 62.) Nous croyons avoir résolu cet important problème de thérapeutique, (Voy. Physiologie 1° des eaux sulfatées calciques, 2° de l'hydrogène sulfuré et des sulfures.)
ENGHIEM (SEINE-ET-OISE).
ENGHIEN est situé dans la belle vallée de Montmorency, à quelques kilomètres de St-Denis, et à 12 kilomètres de Paris ( chemin de fer du
Nord) Les sources d'Enghien sont au nombre de 5 : les sources Cotte
(du nom du Père Cotte, curé de Montmorency, qui en fit la découverte en 1766), Deyeux, Péligot, Bouland et la Pêcherie.
404 EAUX SULFURÉES.
Analyse par M. O. Henry. (Annuaire des eaux de France.) —Température 10 a 14°
Sources : Cotte. De la Pêcherie.
gr. gr.
Acide sulfhydrique. . . 0 018 0 016
— carbonique ... 0 248 0 254.
Sulfure de calcium ... 0016 — magnésium . 0 101
0 119
Sulfate de chaux. ... 0 450 0 060
— magnésie . . 0 105 0 075
Sources: Cotte. De la Pêcherie.
gr. gr.
Bicarbonate de chaux- 0 530 0 400
— magnésie 0 038 0 030 Chlorure de sodium. . . 0 050 0 020
— magnésium. 0 010 »
Acide silicique 0 040 0 051
Matière organique . . . indét. 0 025
1 110 0 779
En 1853, MM. Puysaye et Lecomte ont contesté l'existence du sulfure et soutenu que le soufre tout entier était à l'état d'hydrogène sulfuré libre. M. O. Henry a persisté, déduisant de ses expériences " qu'il y a un rapport et un lien réel entre les sulfates et les sulfures ou le principe sulfureux, que celui-ci soit engagé en tout ou en partie en combinaison;». il établit que le soufre s'y trouve 1° à l'état d'hydrogène sulfuré libre pour 1/3 environ, et 2°, pour le reste, à l'état de sulfhydrate (sulfure) de chaux. ( J. de pharmacie, 1854, t. XXIV, p. 172.)— Les eaux d'Enghien sont limpides à leur émergence et exhalent une forte odeur d'hydrogène sulfuré. Elles ont une saveur douceâtre mais amère, une température de 11 à 12°, une densité de 1,0006. Elles perdent leur odeur à l'air, et se troublent. — On les emploie en bains, en douches, en étuves, et en boisson à la dose de 2 à 3 verres.
On les recommande dans le traitement des affections chroniques de la peau, et notamment dans l'eczéma, l'impétigo, l'acné, le pityriasis et le lichen; elles conviennent surtout dans les cas où il faut relever le ton des organes affaiblis, comme pour les tempéraments lymphatiques ou scrofuleux, chez les sujets débilités dont les fonctions sont languissantes et le sang appauvri. On les emploie avec avantage dans les engorgements glanduleux, les tumeurs blanches, la leucorrhée, certaines métrites chroniques, la suppression des règles, les rhumatismes anciens, etc. On peut d'après leur composition prévoir qu'elles ont une action heureuse dans les maladies chroniques de la respiration, les affections catarrhales anciennes de larynx et des bronches, certains emphysèmes, etc. Leur réputation en ce genre ne fera que s'accroître.
EAUX SULFURÉES. 405
SALIES (HAUTE-GARONNE).
« Cette eau, très riche en sulfure provenant sans doute de la désoxydation des sulfates, n'est pas encore employée ; elle mérite une attention réelle si la sulfuration y persiste, " (Annuaire. )
Analyse par M. Filhol. (Annuaire des eaux de la France )
Sulfure de calcium 0 1155
— magnésium .... traces Sulfate de chaux 1 2142
— magnésie ..... 0 2750 Carbonate de chaux 0 1405
— magnésie. ... 0 0220
Sulfate de soude traces
Chlorure de sodium traces
Acide silicique 0 0150
Alumine traces
Matière organique indéterm.
1 7802
Ne se dégage-t-il point d'hydrogène sulfuré ? On est autorisé à le supposer.
PUZZICHELLO (CORSE).
PUZZICHELLO est situé sur la côte orientale de la Corse, à 9 lieues environ de Cervione, 20 d'Ajaccio, autant de Bastia, et à une petite distance d'Aléria, antique cité fondée par Sylla. La saison des eaux, à cause de la malaria, se borne aux mois de mai, d'octobre et de novembre.— Il y a deux sources minérales, l'une limpide, l'autre trouble (source Grise), toutes deux froides (15 à 17°), d'une saveur styptique et nauséeuse. On les emploie en bain, piscine, douches et boisson.
Analyse par M. O. Henry. (Annuaire des eaux.) — Température 15 à 17°.
Acide sulfhydrique et carboniq. indéterm.
gr. Sulfure de calcium 0 040
Sulfate de chaux et magnésie. . 0 220
Bicarbonate de chaux et magnés. 0 441
Chlorure de sodium et magnés. 0 218
Acide silicique et alumine . . . Matière organique
sensible
0 919
(M. Loetsher a dosé, à la source, l'acide sulfhydrique : 0 gr. 047. )
Ces eaux sont actives et un peu excitantes : les bains portent à la peau. Ils réussissent dans les maladies cutanées ; on signale leur efficacité dans les cas où il y a complication d'ulcérations atoniques et serpigineuses. (Les paysans des environs les emploient pour déterger les ulcères de leurs
406 EAUX SULFURÉES.
bestiaux.) A la dose de plusieurs verres, ces eaux purgent légèrement, elles finissent par congestionner le plexus hémorrhoïdal. Ou en vante l'emploi dans les anciens flux supprimés, surtout celui des hémorrhoïdes, Elles réussissent dans les engorgements des viscères abdominaux, dans la goutte atonique ; elles favorisent la disparition des tophus. Nous pensons qu'on pourrait les administrer avec avantage dans les maladies chroniques des voies respiratoires.
CAUVALAT-LES-VIGAN (GARD).
La source sulfureuse de CAUVALAT est située dans une vallée pittoresque du Gard, à 1 kilomètre du Vigan, sur la route d'Aix à Montauban, à proximité d'Alais et de Nîmes. Ces eaux minérales, découvertes vers 1840 par le dr Verdier, sont froides (15° c), limpides, d'une odeur et d'une saveur franchement sulfureuses, laissant, quand on les boit, un arrière-goût d'amertume ; elles marquent, par litre, en moyenne 0 gr. 0243, au sulfhydromètre de Dupasquier.
Analyse par M. O. Henry. (Annuaire des Eaux de la France.)
gr. Acide sulfhydrique libre .... 0 014
— carbonique 1/6 vol.
gr sulfure de calcium 0 019
Sulfate de chaux 0 700
— soude et magnésie . . 0 120
Chlorure de sodium 0 060
gr. Bicarbonate de soude 0 080
— chaux et magnésie. 0 100
Silicate alcalin 0 200
Matière organique brune ... 0 100
1 799
D'après les comptes-rendus du médecin-inspecteur, M. Verdier, pour 1843, 1844 et 1845, on voit que ces eaux ont été employées avec avantage dans le catarrhe pulmonaire chronique, les dermatoses invétérées, (dartres furfuracées, herpétiques, squammeuses), le lupus, la teigne, les engorgements abdominaux, la sub-inflammation chronique, soit du vagin et de l'utérus, soit, chez l'homme, des voies génito-urinaires, enfin dans le rhumatisme ancien, etc.
PIERREFONDS (SEINE-ET-OISE). PIERREFONDS (Seine-et-Oise ) est situé sur la lisière sud de la forêt de
EAUX SULFURÉES. 407
Compiègne, à 18 kilomètres de Compiègne ( chemin de fer du Nord) et à 118 kilom. de Paris. L'établissement thermal est de date récente; la découverte des sources est due à M. Deflubé, et leur réputation médicale à M. Sales-Girons. L'eau de Pierrefonds s'emploie en boisson, en bains et en douches; elle est froide (12°), claire et limpide et d'une saveur franchement hépatique. On recommande ces eaux dans les maladies de la peau, les engorgements abdominaux, les maladies des muqueuses, les rhumatismes. M. Sales-Girons a publié plusieurs observations qui prouvent qu'elles jouissent d'une efficacité réelle dans le traitement des maladies de l'appareil respiratoire et en particulier du catarrhe chronique du larynx et des bronches, " Je puis, à cet égard, dit M. C. James, joindre mon témoignage au sien, car je les ai vus réussir dans les cas les plus graves. » Cela n'étonnera pas, si l'on étudie son analyse chimique avec les vues et les documents que nous faisons les premiers connaître.
Analyse par M. O. Henry, 1845. (Annuaire des eaux de la France.)
Acide sulfhydrique libre ... 0 0022
— carbonique libre. ... indéterm. Sulfure de calcium 0 0156
Sulfate de chaux
— soude
0 0200
Bicarbonate de chaux .... — magnésie. . . .
0 2400
Chlorure de sodium
— magnésium....
0 0220
Sel de potasse
Acide silicique, alumine . . . Fer, matière organique. . . .
0 0500
0 3276
On voit que Pierrefonds, sauf sa température (12°), a beaucoup d'analogie avec les Eaux-Bonnes ; elle renferme de même du sulfure calcique, de l'hydrogène sulfuré, du sulfate de chaux, avec une petite proportion de salins, alcalins et silicates. Nous croyons que M. Sales-Girons est dans le vrai au sujet de leur utilité dans les maladies de poitrine. Il a de plus installé une salle d'inhalation non plus de simples vapeurs aqueuses qui généralement n'entraînent avec elles que fort peu des éléments minéralisateurs de la source, mais de l'eau minérale elle-même, répandue dans l'atmosphère sous forme de poussière à l'aide d'un appareil qui la pulvérise. Les malades aspirent ainsi en ouvrant la bouche une poussière très fine et très divisée d'eau minérale ; ce mode d'inhalation conviendra surtout dans les cas où une irritabilité morbide des organes exige une basse température.
408
EAUX SULFUR ES.
ACQUI (PIÉMONT).
La ville d'ACQUI, située dans un pays de montagnes, à 5 lieues d'Alexandrie et 10 de Gênes, possède plusieurs sources sulfureuses, froides et thermales. La plus chaude, la Bollente, marque 70° et débite 6 millions de litres par jour. Nous n'en avons pas d'analyse récente : celle que M. Granetti (Terme d'Acqui, 1853) et après lui M. Durand-Fardel (Traité thér. des eaux min., 1857) produisent sous le nom de Cantù, est du P. Ottavio Ferraris et se trouve déjà dans l'Idrologia minerale de Bertini (2e éd. 1843). Sur 10,000 grains, source la Bollente :
Acide sulfhydrique. . . 00 0002 44
Sulfure de calcium. . . 00 0012 48
Sulfate de chaux. ... 00 0008 00
— soude ... 00 0053 75
— magnésie 00 0008 00 Iode traces
Chlorure de calcium . . 00 0024 01
— sodium . . 00 0155 00
— magnésium. 00 0020 21
Acide silicique 00 0004 50
Fer comb. à mat. organ. 00 0004 55
Matière organique ... 00 0007 00
Eau 09 9691 47
10 0000 00
Mojon, d'après M. Herpin, donne 0,3029 pour l'hydrogène sulfuré et le sulfure calcique sur un total de 2,0370. Les eaux sulfureuses d'Acqui sont moins célèbres que les boues minérales , qu'on emploie à 2 kilomètres de là, dans un autre établissement sur les rives de la Bormida. Celles-ci paraissent être sulfureuses, iodurées et salines ; elles se composent d'une sorte d'humus où l'on trouve de la soude, de la chaux, de la potasse et de la magnésie à l'état de chlorure ou de sulfate, de la silice, de l'alumine et du fer, enfin du soufre, une matière bitumineuse, de l'iode et des traces de brome. Elles sont réputées efficaces contre les affections scrofuleuses, les maladies de la peau, les accidents mercuriels, les névralgies, les paralysies, le rhumatisme et la goutte chronique. On prend des bains de fange, accompagnés de massage, et suivis d'un bain d'eau minérale sulfureuse. La saison dure 3 semaines, à raison de 2 opérations par jour.
ST-GERVAIS (SAVOIE).
ST-GERVAIS est situé en Savoie, à 2 lieues de Sallanches, 11 de Genève, à l'entrée de la célèbre vallée de Chamouny, à 856 mètres (2,568 pieds
EAUX SULFURÉES. 409
d'après Raymond, ou seulement 1,830 selon Chaix) au-dessus du niveau de la mer. Les sources ont été découvertes vers 1806, par M. Gouthard, notaire à St-Gervais ; elles sont au nombre de 4, dont 3 sulfureuses salines, et 1 ferrugineuse saline non thermale.
Analyse par M. Grange, 1850. (Payen, Eaux de St-Gervais, 1854.)
Sources pour Source Source
LA BOISSON. DU MlLIEU. DU TORRENT.
59°. 42°. 39°.
Hydrogène sulfuré libre 0 00081 0 00159 0 00316
Acide carbonique libre indéterm. indéterm. indéterm.
Sulfure de chaux 0 00420 0 00801 0 02385
Sulfate de chaux 0 84208 0 86000 0 85600
— soude 2 03492 2 00094 2 02162
— potasse 0 06591 0 06218 »
Carbonate de chaux 0 40466 0 23000 0 21130
— soude » » 0 08568
Chlorure de sodium 1 60337 1 66274 1 79456
— magnésium 0 11625 0 12267 0 12490
Silice 0 04250 0 04600 0 03700
Alumine 0 00400 0 00400 0 00700
5 14488 4 99153 5 04627
Les sources de St-Gervais, dit M. Durand Fardel, « fournissent un exemple de plus de la difficulté de classer les eaux où plusieurs principes, viennent simultanément à dominer; » et il les range parmi les sulfatées sodiques, non sans avouer que la présence du chlorure de sodium, en quantité égale, vient quelque peu infirmer cette décision. Pour nous, tout en reconnaissant la valeur des éléments salins qui s'y trouvent, nous dirons, d'une part, que la proportion notable de sulfure de calcium et d'hydrogène sulfuré qu'elle contiennent et la propriété qu'elles ont de déposer beaucoup de soufre et de glairine, nous paraissent leur imprimer une caractéristique particulière ; et, d'autre part, que la clinique leur assigne des vertus qui les rattachent aux eaux sulfureuses.
Ces eaux s'administrent en bains, douches, boisson et vapeur. On les recommande dans les maladies cutanées, surtout dartreuses, les dartres squammeuses, la couperose et l'acné, les rhumatalgies viscérales, les engorgements abdominaux, les névroses de l'appareil digestif, les vers intestinaux, et les affections catarrhales des voies respiratoires ; et sans l'humidité dont les malades ont souvent à souffrir à St-Gervais, nous croyons que leur réputation en ce genre serait plus considérable.
410 EAUX SULFURÉES.
AUZON (GARD).
AUZON se trouve près du chemin de fer d'Alais à Bességes, à peu de distance de Cauvalat ; ses sources minérales sont oubliées par la plupart des hydrologues (Alibert, Pâtissier, Granville, C. James); on en distingue deux.
Analyse par O. Henry. (Annuaire des Eaux.)
Source Delbos : supér, infér.
gr. gr.
Hydrogène sulfuré.... 0023 0020
Azote, acide carbonique. . indét. indét.
Sulfure de calcium . ... 0 139 0 110
— sodium et magnés, peu, non évalués Sulfate de chaux 1 585 0 800
— soude et magnésie. 0 530 0 440
Source Delbos : supér, infér.
gr. gr.
Bicarbon. de chaux et mag. 0 550 0 525
Chlorure alcalin 0 040 0 050
Hyposulfite, silice, alumine
Fer, phosphate 0 054 0 050
Matière organique, perte .
2 701 1 995
On recommande ces eaux dans le catarrhe pulmonaire chronique, certaines phthisies du 1er et 2e degré, les maladies de la peau, la cachexie syphilitique, la carie, les scrofules, le rhumatisme chronique, les entorses, etc.
MONTMIRAIL (VAUCLUSE).
MONTMIRAIL est situé à une lieue de Vacqueiras et non loin de Carpentras, à 14 kilomètres du chemin de fer de Lyon à Marseille. La source (Gigondas) est froide (16°), limpide, d'une odeur d'oeufs couvis, d'une saveur nauséabonde et salée. Après plusieurs mois, elle a présenté au sulfhydromètre 17° 4.
Analyse par O. Henry. (Bulletin de l'Académie de Médecine, 1856.)
gr.
Acide sulfhydrique libre ... 0 0067
Sulfure de calcium 0 040
— sodium et magnésium. 0 007
Sulfate de chaux 1 670
— soude et magnésie. 0 523 Chlorure de magnésium ... 0 304
— sodium et calcium. 0 096
gr. Bicarbonate de chaux et magn. 0 440
Iodure indic. lég.
Matière organique de l'humus. très notab
Phosphate, silice, alumine. . .
Fer, sulfuré sans doute . . . 150
Principe arsenical
Sel de potasse et ammoniaque
5 250
EAUX SULFURÉES. 411
La saison dure du 1er juin au 15 septembre. — Les eaux s'emploient en boisson, bains, douches, étuves, lotions et injections. On les conseille dans les affections psoriques et dartreuses, les ulcères atoniques, les fièvres intermittentes avec engorgements abdominaux, le catarrhe pulmonaire chronique, l'asthme pituiteux, le rhumatisme chronique, la leucorrhée, les dérangements de la menstruation.
Il y a une deuxième source, nommée source Verte, qui a beaucoup d'analogie avec l'eau de Seidlitz, de Pullna et de Seidehütz.
LA CAILLE (SAVOIE).
L'établissement de LA CAILLE est situé en Savoie, dans la vallée des Usses, à égale distance de Genève et d'Annecy, dans une contrée pittoresque. Il est alimenté par deux sources d'une température de 30°, fournissant par minute plus de 100 litres d'eau.
Analyse par Pyrame Morin, 1841. (Journal de Pharmacie, 1853, t. XXIII.)
gr. Hydrogène sulfuré 0 007
Acide carbonique 0 016
Azote 0 032
gr. Sulfure de calcium 0 005
Sulfate de chaux 0 012
— magnésie 0 051
— alumine 0 004
Chlorure de sodium 0 005
gr. Bicarbonate de chaux 0 104
— potasse 0 005
— soude 0 063
— magnésie. ... 0 015 Silicate d'alumine 0 005
— magnésie . 0 021
Glairine abondante, au point que les malades peuvent en pêcher dans leur bain non dosée
0 295
BILAZAY (DEUX-SÈVRES).
Bourg à 12 kilomètres de Thouars, 40 de Bressuire, 60 de Poitiers. L'eau minérale, température 18°, s'écoule dans trois bassins superposés, où elle se décompose (comme à Louëche, Brides), de façon que, dans l'inférieur, elle présente des sulfures alcalins qui n'existent pas d'abord. Elle nous a paru former une transition de l'ordre des sulfurées calciques à celui des sodiques.
412 EAUX SULFURÉES.
Eau du troisième bassin. — Analyse par M. O. Henry. (Annuaire.)
Acide sulfhydrique sensible
— carbonique indéter.
grSulfure
grSulfure calcium 0 039
— sodium 0 065
— fer indéter.
Sulfate de chaux 0 050
— et phosphate sodique. traces.
Bicarbonate de chaux 0 430
— soude 0 207
— magnésie. ... 0 024
Silice et alumine 0 120
Chlorure de sodium 0 174
— magnésium. . . . traces Matière organique 0 200
1 500
Il n'y a pas d'établissement ; l'eau est transportée à l'hospice d'Oyron, distant de 3 kil., où elle s'administre en bains et en douches.
DEUXIÈME GROUPE. EAUX SULFURÉES SODIQUES.
Les eaux sulfurées sodiques sont caractérisées par la présence du sulfure de sodium; en général, elles ne laissent pas dégager d'hydrogène sulfuré ou du moins toujours en moindre proportion que les sources sulfurées calciques ? Elles sont pour la plupart d'une température élevée, toujours plus haute que celles du premier groupe (sulfurées calciques); elles contiennent presque toutes des silicates alcalins, et sont pauvres en sels solubles de chaux et de magnésie ; au reste, elles sont toutes faiblement minéralisées : aucune ne va à plus de 1 gramme de principes fixes par litre. Elles tiennent généralement en dissolution des proportions notables d'une substance gélatineuse et azotée qu'on nomme glairine, barégine.
BARÉGES (HAUTES-PYRÉNÉES).
BARÉGES ( en celtique, lieu caché ) est situé dans une gorge sauvage des Pyrénées (altitude 1,270 m.), sur la rive gauche d'un torrent (le Bastan ), à 7 kilomètres de Luz, 24 de Bagnères-de-Bigorre, 40 de Tarbes (à peu de distance de Capvern, de Cauterets et de St-Sauveur), et à environ 900 kilomètres de Paris. M. Gasc a dit que Baréges était la Sibérie de la France ; la saison des eaux est moins longue qu'aux autres stations
EAUX SULFURÉES. 413
thermales, à cause des rigueurs du climat. La réputation de Baréges date du voyage qu'y fit madame de Maintenon avec le duc du Maine, en 1675. — L'établissement laisse beaucoup à désirer, il n'est pas en rapport avec la réputation de Baréges. C'est dans ces eaux que Longchamp a pour la première fois signalé la substance azotée qu'il nomma pour cette raison barègine. Les eaux de Baréges sont un type des eaux sulfurées sodiques : elles sont limpides ; leur saveur franchement hépatique laisse un arrière-goût fade et nauséabond. Elles sont plus fixes ou moins altérables que les autres eaux sulfureuses des Pyrénées : l'hydrogène sulfuré ne s'en dégage que lentement; elles ne déposent pas cette couche de lait de soufre qui produit le phénomène du blanchîment. Il ne s'y trouve pas autant de principes sulfureux à absorber par la respiration, et les bains sont ainsi plus constants dans leur durée ; de là l'efficacité des piscines: M. Filhol l'attribue au peu de silicate qu'elle renferme.
L'eau minérale s'emploie en boisson, lotions, injections, bains et douches. Nous avons dit que l'établissement laisse beaucoup à désirer : on n'y compte que 16 cabinets de bains; il n'y a que 2 douches; il existe trois piscines, la piscine militaire, la piscine civile et la piscine des pauvres ; les deux premières sont alimentées surtout par l'eau qui vient de servir aux bains de baignoires (la piscine militaire reçoit de plus l'eau de la grosse douche ) ; la dernière sert de déversoir aux deux autres, de façon que l'eau en est à sa troisième édition. (C. James.) Chaque piscine peut contenir tout au plus 12 à 15 personnes.
Voici un tableau qui présente la température des 8 sources, leur richesse en sulfure sodique, et la quantité de ce sel que contient un bain de 300 litres.
Températ. Sulfure de sodium Sulfure de sodium
pour 1 litre. dans un bain de 500 litres.
Le Tambour 45° c. 0 040 9 012
L'Entrée 41 0 037 8 592
Polard 58 0 023 7 140
Bain-Neuf 57 0 034 7 230
Le Fond 36 0 024 7 440
Dassier 35 0 023 7 020
Genecy 52 0 022
La Chapelle 31 0 020 6 090
Barzun 51 0 032
« On ne saurait admettre aujourd'hui la soude, la potasse, la chaux et la magnésie à l'état caustique comme l'a supposé M. Longchamp ; ces analyses auraient donc besoin d'être reprises. » (Annuaire des eaux.)
414 EAUX SULFURÉES.
Nous donnerons l'analyse de la source de Barzun faite en partie sur les lieux par MM. Boullay et O. Henry.
gr. Sulfure de sodium 0 0550
Sulfate de soude et de chaux. 0 0640
Chlorure de sodium 0 1170
— potassium et magnés. traces
Carbonate de soude sensible
Silicate de soude et de chaux . 0 1060
Oxyde de fer, iodure alcalin. . 0 0300
Glairine indéter.
0 3500
Les eaux de Baréges sont excitantes et toniques ; elles conviennent surtout aux tempéraments lymphatiques et scrofuleux ; il faut s'en abstenir dans les cas de pléthore ou de congestion. Elles déterminent facilement la fièvre thermale, administrées à une haute température.— Elles ont une spécialité d'action dans les vieilles blessures, les ulcères, les plaies d'armes à feu, les suppurations entretenues par des corps étrangers, la carie ou l'exfoliation des os, les entorses anciennes, les raideurs articulaires, les engorgements consécutifs aux fractures et aux laxations, les paraplégies essentielles, les rhumatismes chroniques et les dermatoses.- La durée moyenne d'une cure est de 5 à 6 semaines. — Nous devons mettre en relief la remarque suivante : « Mais les affections pulmonaires catarrhales ou tuberculeuses, l'asthme... et la nombreuse classe des névroses ne s'amendent point ou plutôt elles s'aggravent par l'usage de ces eaux. » (C. Jame