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Titre : Sainte Marguerite, vierge et martyre, sa vie, ses miracles, son culte ; avec une notice sur le pélerinage de Combovin... / par l'abbé R. Blain,...

Auteur : Blain, R. (abbé). Auteur du texte

Éditeur : impr. de Vincent et Perroux (Grenoble)

Date d'édition : 1882

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb301095541

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : 105 p. ; in-18

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Description : Collection numérique : Fonds régional : Rhône-Alpes

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5807089v

Source : Bibliothèque nationale de France, département Philosophie, histoire, sciences de l'homme, 8-O2S-123

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 01/02/2010

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VIERGE ET MARTYRE SA VIE, SES MIRACLES, SON CULTE

AVEC

Une Notice sur le Pèlerinage- de Combovin

SUIVIE DE PRIÈRES ET LITANIES EN SON HONNEUR

PAR „

L'abbé R. BLAIN

CURÉ DE COMBOVIN

GRENOBLE

IMPRIMERIE VINCENT & PERROUX 9, rue de Strasbourg, 9.

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Wlotice sur le Pèlerinage de Combovin

SUIVIE

DE PRIÈRES ET LITANIES EN SON HONNEUR

PAR

L'abbé R. BLAIN

CURÉ DE COMBOVIN

GRENOBLE

IMPRIMERIE VINCENT & PERROUX 9, rue de Strasbourg, 9.

1882



SAINTE MARGUERITE

•VIERGE ET MARTYRE'

PROLOGUE

Le culte des saints est-il légitme?

In memoria xterna erlt juste.

La mémoire des saints est impérissable.

Celte question ne paraîtra point oiseuse à ceux de mes lecteurs qui vivent dans des contrées où s'étend le règne de l'hérésie.

Sans doute, comme on va le ' voir, mes raisons sont tout à fait locales, si je puis parler ainsi ; mais elles ont des analogies générales, je veux dire des applications de loin


ou de près, dans tous les pays ravagés par le protestantisme.

Un jour, il y a de cela huit ans, la veille de la fête de sainte Marguerite, je gravissais, en compagnie de quelques enfants, la colline qui est dominée par la chapelle de la sainte martyre. Arrivés sur le plateau, où s'élève l'édifice, nous aperçûmes de loin, écrites en gros caractères, sur la porte de la chapelle, ces paroles pleines de blasphèmes, que je demande la permission de citer : 0 sainte folle ! plus fous ceux qui t'adorent i ! Evidemment l'hérésie avait passé par là.

Avant tout, il est nécessaire d'établir l'enseignement de l'Eglise catholique sur ce grave sujet. Faute d'avoir eu des notions justes et nettes sur ce point, les théologiens hétérodoxes ont accumulé une foule de raisonnements faux, d'objections absurdes et d'accusations injustes contre la doctrine et la pratique de l'Eglise. Aussi, n'y a-t-il peutêtre aucun article du dogme catholique qu'ils n'aient mieux réussi à défigurer.

1 Le culte que nous rendons aux saints n'est point un culte d'adoration mais seulement un culte d'honneur et de vénération.


L'hérésie protestante n'admet pour seule lumière et pour unique autorité que la Bible; c'est donc dans ces saintes pages que nous irons puiser les témoignages que nous invoquerons, en faveur de la légitimité du culte des saints. Nous ne négligerons pas toutefois d'avoir recours à la Tradition, afin de satisfaire les désirs du pieux lecteur qui voudra bien parcourir ces pages.

Qu'on n'attende pas un développement complet des preuves qui établissent la légitimité du culte des saints. Nous résumerons seulement les principales. D'ailleurs, le but de cette brochure n'en demande pas davantage.

Sans parler du Culte que les saints patriarches de l'ancienne Loi ont rendu aux Anges, envoyés de Dieu, dans plusieurs circonstances l , nous trouvons dans l'Ancien et le Nouveau Testament des témoignages qui attestent quelle était la religion des Hébreux envers les saints.

Jacob, après avoir prié l'ange du Seigneur de bénir les enfants de Joseph, veut que l'on invoque sur eux et sur leur postérité, son

i Gen. XXXII. 26. — Jos. V. 13-16, etc.


— 8 —

nom et les noms d'Abraham et d'Isaac *. Et dans la suite des siècles, lorsque les prophètes et les justes dé l'ancienne Loi demandaient à Dieu ses grâces, ils lui disaient : « Souvenez-vous, Seigneur, d'Abraham, d'Isaac et de Jacob. » Nous arrivons à la même conclusion en lisant les autres témoignages que nous fournissent nos Saints-Livres.

Cependant, un fait semble nous frapper davantage : Judas Machabée vit en songe le grand-prêtre Onias, mort depuis quelque temps, qui priait pour sa nation. Le saint homme lui montrant le prophète Jérémie, lui dit ces paroles remarquables : « Yoilà celui qui aime toujours ses frères et le peuple d'Israël, et qui prie beaucoup pour eux et pour la Cité sainte 2. »

Nous trouvons une nouvelle preuve de la légitimité du Culte des Saints, dans une parabole de l'Evangile, où Notre-Seigneur JésusChrist lui-même nous représente le mauvais riche invoquant, après sa mort et sa condamnation, le secours d'Abraham 3.

i Gcn. XLVIII. 16.

2 II Mach. XVI, U.

3 Luc XVI, 24.


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La Tradition, de son côté, vient confirmer et étendre les témoignages que nous fournit l'Ecriture, sur la légitimité du culte que nous rendons aux saints.

Saint Irénée nous représente la bienheureuse Vierge Marie, comme la mère de tous les hommes et la protectrice du genre humain, à qui nous devons recourir dans tous nos besoins et toutes nos afflictions i. De même, ajoute Origène, devons-nous invoquer les Anges ; car Dieu leur a confié le soin de veiller sur nous et de nous aider dans l'oeuvre de notre salut. « Je tombe à genoux, et n'osant, en pensant à mes péchés, offrir à Dieu mes supplications et mes prières, j'appellerai tous les saints à mon secours. 0 vous, saints élus du paradis, je vous invoque abîmé dans la douleur, à travers mes larmes et mes gémissements. Prosterû-sacvous aux pieds du Dieu de miséricorde, et intercédez pour un malheureux pécheur 2. »

On pourrait citer tous les pères et les docteurs de l'Eglise; tous, en effet, nous ont

1 Hom. in Ezech., n° 7.

2 Liv. V. c. 10,

1.


—10 —

parlé de la légitimité du culte des saints et de son existence clans la primitive Eglise. Julien l'Apostat, qu'on ne soupçonnera pas de partialité dans cette question, pensait que déjà du temps de saint Jean l'Evangéliste les tombeaux de saint Pierre et saint Paul étaient honorés d'un culte religieux. Ce prince, en effet, qui déclamait contre le culte rendu aux martyrs et qui était plus que les protestants, à portée d'en connaître l'origine, disait qu'avant la mort de saint Jean, les tombeaux des apôtres Pierre et Paul étaient déjà honorés en secret, et que ce sont les apôtres qui .ont appris à veiller au tombeau des martyrs i. Et Porphyre, un des ennemis les plus ardents du Christianisme, ne pouvant nier les miracles qui s'opéraient aux tombeaux des martyrs, les attribuait au prestige du démon. C'était avouer son ignorance ou sa mauvaise foi, tout en attestant en même temps une vérité historique 2.

Les sectes dissidentes, en venant nous affirmer d'un ton hardi que le culte des

1 S. Cyr. Contra Julian, lib. X.

2 S. Jérom. Cont. Vigilant.


saints n'a commencé dans l'Eglise que sur la fin du troisième siècle ou même dans le quatrième, sont donc dans une erreur profonde. Ce culte est aussi ancien que le Christianisme. Les siècles postérieurs n'ont fait que suivre l'enseignement des apôtres.

Le culte des saints ne put donc que se développer de jour en jour. Aux martyrs on joignit bientôt les saints confesseurs, les saints pontifes, les saintes vierges, les saintes femmes auxquels on ne manqua pas non plus de rendre les honneurs d'un culte religieux ; et c'est ainsi qu'on explique facilement les différents ordres sous lequels l'église les a rangés dans ses offices.

Sans doute, clans les premiers siècles de l'Eglise, on ne vit pas toujours intervenir un décret véritable de canonisation. Comme les martyrs furent les premiers auxquels les fidèles rendirent un culte solennel, on élevait un autel sur leur tombeau, et l'on y célébrait les saints mystères : en cela consistait toute la cérémonie de la canonisation.

On en voit un exemple dans les actes du martyre de saint Ignace, évoque d'Antioche,


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et dans la lettre de l'Eglise de Smyrne, au sujet du martyre de saint Polycarpe.

Ce sont donc les peuples qui ont été les premiers auteurs du culte rendu aux saints, et l'Eglise a approuvé leur dévotion et leur confiance.


I

Naissance et premières années de sainte Marguerite.

Inventa autem una pretiosa Margarita, abiit et venilidit omnia quai habuit, et émit eam.

Ayant trouvé une perle précieuse, le marchand s'en alla, vendit tout ce qu'il avait, et l'acheta. fMATTH. XIII, 46.;

Selon toutes les.probabilités, sainte Marguerite naquit à Antioche de Pisidie, vers l'an 275 de l'ère chrétienne, sous le pontificat de saint Eutichien, aux temps de l'empe, reur Aurélien. Son père, qui était prêtre des idoles, d'une grande réputation et d'un mérite élevé, s'appelait Edésius.

On ne connaît point le nom de sa mère, qui mourut peu de temps après la naissance de Marguerite.

L'enfant, privée de sa mère, fut mise en


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nourrice à quelques lieues d'Antioche, chez une pauvre, mais vertueuse chrétienne, qui l'éleva dans les principes de la religion de Jésus-Christ. Aussi, dès que la jeune Marguerite put comprendre la différence qui existe entre le culte du vrai Dieu et celui des idoles, elle s'adonna à l'étude de la religion chrétienne. Ses progrès furent rapides ; et Dieu, qui voulait l'attirer par les éclats de sa grâce lui fit choisir Jésus-Christ pour unique époux. Marguerite fut sensible à cette faveur divine ; elle y répondit en consacrant sa virginité à Jésus-Christ.

Le père ne resta pas longtemps sans s'apercevoir que sa fille était chrétienne ; dès lors, il voulut essayer de la faire renoncer à une croyance qui était si en opposition avec la religion qu'il professait et dont il était le ministre.

Qui pourrait raconter tous les stratagèmes qu'il employa pour la détourner de ses bons sentiments et la ramener au culte des idoles !

Lui, prêtre des faux-dieux, il rougissait de voir sa fille unique, sur laquelle il concentrait toutes ses tendresses, suivre la religion d'un homme qui avait été condamné au sup-


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plice le plus ignominieux. Aussi, promesses, menaces, séductions, tout fut emploj'é pour la ramener à la religion de ses pères. Marguerite resta inébranlable ; et tous les efforts de son père furent impuissants devant sa constance.

Alors, ce père aveuglé conçut pour sa fille une haine furieuse, au point qu'il ne pouvait plus même supporter sa vue ; il la maltraitait sous les prétextes les plus futiles, la contraignait aux travaux les plus pénibles, les plus bas ; enfin, il la prit tellement en aver-, sion qu'il finit par l'éloigner d'auprès de lui.

Mais Dieu n'abandonna pas sa fidèle servante dans son malheur. Ne se trouve-t-il pas toujours, dit le prophète royal, auprès 'du coeur broyé par la douleur 4 ? Et lorsque tous nous abandonnent, même nos amis et nos parents, le Seigneur est là, veillant sur nous avec plus de sollicitude qu'une mère sur le fruit de ses entrailles.

Jamais peut-être oracle de l'Esprit-Saint ne s'était accompli d'une manière plus frapi

frapi est Dorhinus iis qui tribulato sunt corde. Psal. XXXIII, 19,


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pante que celui-là en faveur de sainte Marguerite. Elle avait espéré' en Dieu ; son espérance ne fut point confondue. Elle se rendit auprès de la nourrice qui l'avait recueillie dans son enfance et qui avait pris soin d'elle après le trépas de sa mère.

Cette pieuse femme, qui accomplissait fidèlement les devoirs de la religion chrétienne, ayant appris les "mauvais traitements dont' Marguerite était victime de la part de son père, et considérant les charmes célestes de la jeune fille, se prit à l'aimer comme sa propre enfant.

Les saints, sans doute, doivent réaliser en eux le type de toutes les vertus et se proposer comme modèles à leurs semblables; la sainteté c'est la justice, et la justice, a dit Origène, est la réunion de toutes les vertus. Cependant, on a remarqué, avec beaucoup de raison, que chaque saint brille par une vertu qui lui est particulière, de même que chacun de nous est tenté par une passion spéciale l. Or, la vertu de prédilection de sainte Marguerite était l'humilité.

i Jac. I. 14.


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Malgré la noblesse de son origine et les hautes fonctions de ses ancêtres, on ne la vit jamais en tirer orgueil ni s'en prévaloir. Tout en elle était simple: son maintien, ses manières, sa tenue indiquaient qu'elle voulait marcher sur les traces du Dieu de la crèche, qu'elle avait choisi pour époux.

Après avoir été chassée de la maison paternelle, ainsi que nous l'avons raconté, elle se mit sous la protection et l'assistance de sa nourrice, à qui elle obéissait comme une simple servante. On la vit même garder les troupeaux dans les champs avec les petites bergères du pays, auxquelles, dans ces circonstances, elle donnait l'exemple de l'humilité la plus profonde et d'une douceur angélique, retraçant ainsi en elle ces types antiques de Rebecca,la belle,et delà douce Rachel, crue nos Saints-Livres nous montrent occupées à la garde des troupeaux, aux jours de leur jeunesse.



— 19II

19II

Le préfet Olybrius.

Sevpens erat callidior animantium. Le serpent était le plus rusé des animaux. (GEN. III, 1.)

, Sur ces entrefaites, pendant que Marguerite paissait son petit troupeau, en compagnie d'autres jeunes filles de son âge, une circonstance funeste vint jeter le trouble et la terreur dans son âme innocente. Quoiqu'elle ne fut qu'une humble bergère, ignorée de tous, sauf de Dieu, dont la protection bienfaisante s'étend sur le petit pâtre comme sur le potentat qui gouverne les peuples, le Seigneur la jugeait mûre pour le combat. Et cette lutte allait commencer, ardente, terrible pour la jeune fille.

Un certain préfet, appelé Olybrius, homme de moeurs dissolues et imbu de préjugés


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contre les chrétiens, se rendait d'Asie à Antioche, clans le but de persécuter les sectateurs du Christ. Par un hasard difficile à comprendre, s'il n'était providentiel, le préfet aperçut sur les bords de la route la jeune bergère, à la garde de son troupeau. Sa vue le frappa d'admiration, tout en excitant dans son coeur des pensées et des désirs mauvais. Le voluptueux proconsul donna à ses serviteurs l'ordre suivant: «Voyez-vous cette jeune « fille, occupée à la garde de ses brebis? Pre« nez diligemment des informations sur elle; « Si elle est de condition libre, j'en ferai «. mon épouse; si, au contraire, elle est née « dans l'esclavage, je donnerai pour la race cheter le prix qu'on me demandera, et je ce l'attacherai à mon service. »

Les serviteurs d'Olybrius s'empressèrent d'exécuter les ordres qu'ils en avaient reçus, et ne tardèrent pas à lui amener la jeune Marguerite.

Durant le trajet, quel ne devait pas être son trouble ! Elle, timide enfant, se voir à la merci de gens impies et libertins qui pouvaient exercer sur elle toutes sortes d'outrages. Comme elle devait songer aux igno-


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minies et aux opprobres dont les Juifs abreuvèrent le divin Sauveur aux heures sanglantes de sa passion! Aussi, fut-elle saisie de crainte et d'épouvante à la pensée de sa faiblesse. Et, ce qui n'augmentait pas peu sa terreur, c'était de songer à la barbarie atroce des tourments auxquels étaient condamnés, de la part des païens; les chrétiens qui refusaient de renoncer à la religion du Christ.

Mais la jeune vierge savait que Dieu ne refuse rien à celui qui prie en reconnaissant sa faiblesse. N'est-ce pas la recommandation du divin Maître? ce Veillez et priez, s disait-' il à ses apôtres au jardin de Gethsémani « et « vous serez forts contre la tentation i. » Le grand Apôtre a dit aussi de son côté : ce Si ce Dieu est pour nous, qui sera contre nous? ce Qui pourra nous séparer de l'amour de « Jésus-Christ? La tribulation? l'angoisse? « la nudité? Sera-ce le péril ? la persécution? ce le glaive? Non, rien ne me séparera de l'ace mourdeDieu, qui est en Jésus-Christ Noirece Seigneur 2. »

i I.Matlh. XXVI. w. 41.

2 Rom. VIII. w. 31 et suivants.


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Marguerite s'adressa donc à son céleste époux, et le supplia de lui accorder le courage d'affronter et de supporter tous les supplices plutôt que de trahir la foi qu'elle luiavait jurée, ce Seigneur Jésus, lui disait-elle ce dans une ardente prière, envoyez-moi votre ce Saint-Ange ; qu'il garde, protège et défende ce mon corps et mon âme contre toute atcc taque ennemie afin que je puisse vous ce glorifier, vous louer, vous bénir pendant les « siècles des siècles. ».


III

Une vengeance d'Olybrius.

Forti anima esta, ftlia mea. Ma fille,, ayez hon courage. ( TOB. VII, 20.)

La jeune fille priait ainsi, tout en suivant les serviteurs d'Olybrius. Arrivés à une faible distance de l'endroit où s'était arrêté le préfet, ses serviteurs confièrent la jeune fille à la garde de quelques soldats, pendant qu'ils allaient se présenter à leur maître, et lui rendre compte du succès de leur mission.

En l'abordant, ils lui dirent que cette jeune fille méprisait les dieux, protecteurs de l'Empire ; préférant adorer un certain Jésus que les Juifs avaient crucifié, en Judée, sous le règne de Tibère, par ordre d'un proconsul, nommé Ponce-Pilate, et que ni leurs


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menaces, ni leurs promesses n'avaient pu l'ébranler.

Olybrius, entendant ce récit qui lui promettait une poignante déception, ordonna que Marguerite lui fut présentée sans retard. Lorsqu'elle fut en sa présence, le rusé préfet commença par la rassurer, lui promettant qu'elle n'aurait rien à craindre de lui, bien plus, qu'elle n'aurait qu'à se louer d'avoir su gagner ses bonnes grâces ; mais il ' voulait savoir quelle était son origine, si elle était libre ou bien esclave.

La jeune fille, sans s'intimider, répondit modestement mais hardiment: ce Ma famille ce est très connue en cette ville, dit-elle, et je <e ne suis pas d'une naissance si obscure que ce je doive cacher mon origine; mais, puisque ce vous parlez de liberté, sachez que je ne ce suis sous la domination de personne ; touee tefois, ajouta-t-elle, en s'animant d'une ce flamme céleste, je confesse de bouche et ce de coeur que je suis esclave d'un maître, ce et ce maître est Jésus-Christ, mon Récc dempteur. Depuis l'âge le plus tendre,j'ai ce appris à l'honorer, à le révérer, lui seul ce sera mon maître à jamais. » Comme le


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préfet lui demandait son nom, la jeune fille répondit: ce Dans le monde on me nomme ce Marguerite, mais au saint baptême, j'ai <c reçu un nom bien plus illustre et plus glo« rieux : Je suis Chrétienne. »

Ces paroles prononcées avec assurance et fermeté, remplirent de fureur le subtil préfet. Il ordonna qu'on enfermât la jeune chrétienne dans une sombre prison, qu'on la privât de tout secours, même des moyens de manger et de boire. Il espérait sans doute qu'en la privant de toute assistance humaine, il la contraindrait à consentir à ses volontés. C'était cruel, mais c'était rusé. Le préfet en fut pour sa ruse, Marguerite, pendant la nuit qu'elle passa en prison, fut consolée par les clartés d'une lumière divine, au milieu de laquelle lui apparurent des esprits célestes, qui la fortifièrent dans ses résolutions et la ranimèrent contre les fourberies du tyran. C'est pourquoi, elle sortit de son cachot plus intrépide que jamais, confessant à haute voix le nom sacré de Jésus-Christ, et méprisant les supplices qu'elle avait endurés, et ceux dont on la menaçait pour l'avenir.

Olybrius voyant que ni les promesses ni

2


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les menaces ne pouvaient ébranler la foi de Marguerite, continua sa route vers la ville d'Antioche.

A peine y était-il arrivé qu'il fit convoquer tous les citoyens recommandables par la fortune, la science et la sagesse, afin de trouver dans leurs conseils éclairés les moyens non de perdre la fille d'Edésius, mais de vaincre son opiniâtreté, par des discours artificieux ou par la terreur. L'assemblée délibéra longtemps et restait indécise sur le jugement qu'elle devait porter, car Edésius était honoré à Antioche, soit par sa position de prêtre des idoles, soit par la noblesse de sa famille. Le préfet voyant que l'affaire se prolongeait au delà de ses desseins, et craignant que sa proie ne vîn t à lui échapper, prit la résolution d'user d'un stratagème que Satan seul pouvait lui suggérer; il résolut de produire la jeune fille devant l'Assemblée du peuple et de l'interroger publiquement. Il espérait que la honte de se voir ainsi exposée aux regards de la multitude la ferait fléchir, et que ce qu'il n'avait pas pu obtenir par les mauvais traitements, il l'obtiendrait par l'intimidation.


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Ces sortes de jugements populaires n'étaient pas rares dans les pays soumis aux lois romaines. L'Evangile ne nous montre-til pas la multitude condamnant Notre-Seigneur Jésus-Christ à être crucifié, lui, le Dieu de toute sainteté, tandis qu'elle faisait grâce à Rarrabas, l'homicide* ?

Quelque chose de semblable va se passer au sujet de sainte Marguerite. D'ailleurs, le jugement qu'Olybrius désire ressemble fort à ceux qu'on obtient de nos jours par l'artifice du suffrage universel, où, à tout instant on chasse des positions les hommes de mérite, pour y faire monter les indignes.

* Matth. XXVII. w. 21.



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IV

Marguerite devant le tribunal d'Olybrius.

Uivitias xstimans improperium Christi, aspiciebat in remunerationem.

Elle jugea que l'opprobre du Christ était préférable à tous les trésors, car clic considérait la récompense.

(AD HEBR. XI, 20.)

Deux jours après son entrée dans la ville, Olybrius ordonna qu'un tribunal splendide lui fût dressé sur la place publique ; et en même temps il convoqua la population entière au spectacle qu'il voulait lui donner, dans l'interrogatoire public qu'il allait faire subir à la jeune chrétienne.

Au jour indiqué, une foule immense, curieuse d'assister à un spectacle d'un genre si nouveau, accourut de toutes parts. Le préfet, paré des insignes de sa dignité, s'assit

2.


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sur son tribunal, et donna l'ordre d'amener en présence de la multitude la jeune martyre de Jésus-Christ.

Dès que Marguerite fut devant Olybrius, celui-ci prenant un air captieux, lui adressa d'abord des paroles bienveillantes ; il l'invita à renoncer à ses prétendues erreurs, lui insinuant qu'elles pourraient bien attirer sur sa tête des châtiments sévères, des tourments et la mort même, si elle ne les abandonnait point; tandis que la clémence des lois, la protection de l'empereur et ses bonnes grâces personnelles l'attendaient, si elle revenait à de meilleurs sentiments, en abandonnant cette secte exécrée des chrétiens.

La tentation était perfide; Marguerite ne se laissa point séduire ; elle répondit au préfet avec une sagesse et une fermeté au-dessus de son âge : « La vie et la joie véritaee blés, je les ai trouvées depuis longtemps, ce et je les conserve enfermées dans la ce citadelle de mon coeur, dit-elle. Par ces ce paroles je veux vous dire que j'adore et <e glorifie mon Seigneur-Jésus-Christ; en ce lui j'ai placé ma confiance, et, jusqu'à la


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ce mort, je ne cesserai de l'honorer de toute ce mon âme. Toutefois, ne prenez pas tant ce de peine à mon sujet, cessez de vous ce fatiguer par de vaines menaces ou des ee promesses trompeuses, c'est un parti ce arrêté : les tourments les plus cruels, ce toutes les tortures que vous m'infligerez ce ne, pourront ravir de mon coeur un si précieux trésor. »

Olybrius étonné d'entendre un si noble langage chez une timide enfant, lui dit d'un ton amer: ce Tu mets dans tes réponses un orée gueil et une opiniâtreté étranges; plus je ce te témoigne de clémence et plus tu te ce montres superbe. Aussi, ne suis-je pas loin ce de croire que tu ne parles pas ainsi de toicc même, mais que toutes ces paroles t'ont ce été inspirées par un autre. Quelqu'un ce sans doute t'a séduite, en jetant dans ta ce tête ces illusions qui t'aveuglent. De là ce vient que tu t'obstines à ne pas réfléchir ce et à ne point rentrer en toi-même; c'est à ce cause de cela encore que tu nous fais des ce réponses si peu sensées. Ton âge suffirait ce à me donner raison ; ce n'est pas, en effet, ce dans un âge aussi tendre que l'on peut


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ee faire de telles réponses. Eh bien! je veux <c savoir comment s'appelle la personne qui ee t'a si bien instruite et donné de tels conee seils. »

La bienheureuse Marguerite répartit : ce Personne ne m'a trompée ni séduite, et ce ce n'est point la folie qui me porte à vous ce parler ainsi que je le fais. Si vous vouliez ce d'abord me promettre de m'écouter, puis ce de croire en Jésus-Christ, je n'aurais pas ce de peine à vous faire comprendre toutes ce choses ; mais, sans la foi au Christ il est ce impossible de pénétrer le sens de mes pacc rôles i. »

Le Préfet, poussé par la curiosité, ou plutôt par son vif désir de confondre la jeune fille, en se servant de ses propres paroles, consentit à l'entendre, afin de savoir, disait-il, ce qu'elle avait à lui raconter.

Marguerite reprit donc la parole et parla ainsi : ce Ne soyez pas surpris, ô juge, de ce ce que ma faible voix va faire entendre à vos <e oreilles ; ce ne sont point dés discours huée mains que j'ai à vous faire entendre;

i Ad. Hebr. XI, 6.


ce -écoutez, et que votre sagesse en fasse son ce profit : Celui qui sert le Seigneur Jésus ce n'a pas besoin d'un maître mortel pour ce apprendre ce qu'il doit répondre aux ce puissances du monde quand arrive l'heure ce des grandes tribulations. Lorsque vous « serez livrés aux puissances du siècle, a-tcc il dit à ses serviteurs, quand vous paraî« trez devant les rois et les maîtres de la ce terre, ne songez point à ce que vous aucc rez à dire ni de quelle manière vous dece vez répondre aux interrogations qui vous ce seront adressées, le Saint-Esprit parlera ce dignement pour vous *. Par ces paroles de ce nos Saints-Livres, vous comprenez facilece ment, seigneur, que ma science ne vient ce pas d'une source purement humaine, ee mais, qu'elle descend d'en haut, du père ce des lumières, qui est assez puissant pour ce donner la force à la faiblesse, assez savant ce pour délier la langue des enfants, assez ee généreux pour donner la persévérance à ee ,ceux de ses serviteurs qui combattent pour ce son nom. La foi, en effet, m'a fait connaître

i Matth. X. 18.


— 34

ce le Maître que je dois servir, la foi ~ me ce donnera le courage, j'en ai l'espérance, ce de triompher de tous les stratagèmes que ce vous mettez enjeu pour m'intimideret me ce faire défaillir. »


35

V

Menaces d'Olybrius.

Infirma mundi elegit Deus, confundat fortia.

Ce qui est faible selon le monde, Dieu l'a choisi pour confondre les forts.

(I COR. I, 27.)

Ainsi parla la vierge chrétienne. Le préfet irrité et déçu lui répondit avec colère : « Tous ceux qui t'écoutent espéraient ence tendre des discours sensés et des paroles « de sagesse, mais il n'en est rien; tout ce ce que tu viens de dire n'est que tromec perie et mensonge.

ee Nous savions déjà que la doctrine du ce Christ exerce sur ses adeptes une telle incc fluence qu'il estimpossible d'ébranler ceux ce qui en ont été une fois imbus. Je me récc jouis de connaître par expérience ce que ce j'avais déjà ouï dire.


— 36 —

ce Que le Christ soit ton maître, si cela te ce plaît; quant à moi, je me passerai de ses - ce leçons et des tiennes. Je répudie et rejette ce loin de moi une doctrine qui enseigne à ee ses sectateurs le mépris envers la puis-. ce sance des divins empereurs, les prive des ce jouissances les plus séduisantes de la vie, ce pour les jeter dans les tourments d'une ce tribulation perpétuelle. Tu ignores sans ce doute, jeune fille, quel est le courroux ce des empereurs contre la secte deschré- , ce tiens,' voilà pourquoi tu persistes dans tes ce erreurs, et tu prends pour juste et sairït ce ce qui n'est que supercherie et mensonge, ce Si tu voulais écouter les conseils que je te ce donne, tu comprendrais facilement quel est ce le moyen d'éviter la mort et de trouver la ce vie. Mais non, tu préfères t'obstiner dans ce ton entêtement; toutefois, ne te laisses» ce pas tromper par un vain espoir. Sache, ce au contraire, que l'empereur m'a établi . ce juge en cette cité, afin que tous les sec- ' ce tateurs du Christ, qui ne se prosterneront ce pas devant les dieux de la patrie en se ce soumettant aux édits impériaux, soient ce livrés aux derniers supplices, et enfin, à


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ce la mort la plus cruelle. Tu es encore libre, ce et mon indulgence veut bien condescendre ce à ta jeunesse, à ta faiblesse et à la noblesse ce de ton origine ; hâte-toi, bientôt il ne sera ce plus temps, ton entêtement va lasser ma ce patience ; aucun bras ne pourra te sousce traire à ma puissance et à ma résolution, ce Prépare-toi à venir au jour indiqué adorer ce la majesté des dieux immortels, sinon tu ce expireras au milieu d'indicibles tource ments. »

La bienheureuse Marguerite répondit : ce A quoi bon ces menaces, juge impie et ee cruel? Pourquoi essayer de m'effrayer par ce l'appréhension des supplices? Vous bricc serez tous vos efforts, tout en perdant ce votre temps, contre la religion du Christ, ce et vous ne réussirez jamais à arracher le ce trésor qui repose en mon coeur. Si mon ce Seigneur Jésus-Christ n'était qu'un homme ce semblable aux autres, peut-être aurais-je ce raison de craindre les effets de votre ce courroux, et devrais-je songer à me mettre ce à l'abri de vos menaces, en me prosterce nant devant vos idoles de bois ou de ee pierre; mais, le Dieu que j'adore habite

3


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ce dans les cieux, d'où il étend son regard ce sur l'orgueilleux assis sur un trône, ce comme sur l'humble bergère qui veille à ce la garde de son troupeau. Le ciel est le ce trône de sa gloire et la terre est l'escabeau ce de ses piedsi ; sa puissance est si grande ce qu'à l'instant même il pourrait coucher ce dans la poussière vous et tous ceux qui ce vous applaudissent. Ne serait-ce pas une ee lâcheté incomparable que d'abandonner ce un Seigneur si puissant pour aller courber ce la tête devant de vains simulacres et leur ce jeter un peu d'encens? Ainsi donc, ô ce juge, je ne veux vous laisser dans aucune ce incertitude à mon sujet; écoutez et reteec nez ce que je vais vous dire : Je ne puis ee obéir aux édits des empereurs, qui proscc crivent la religion du Christ ; je ne redoute ce point vos menaces ; tuez-moi, si telle est ce votre volonté, la force est à vous, décidée rez-moi avec des ongles de fer, étendezec moi vivante sur un brasier ardent, jetezee moi en pâture aux bêtes féroces, faites ce ce qu'il vous plaira, vous pourrez me mettre

1 Psaum. CX, 2.


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ce à mort, mais vous ne parviendrez pas à « me séparer de l'amour de mon Seigneur ce Jésus-Christ *. »

» Rom. VIII, 39.



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VI

Les premiers supplices.

Patior, sed non confundor. Je souffre, mais je n'ai pas peur. (II TIM. I, 65.)

Le préfet, entendant ses paroles, s'enflamma de colère ; c'est pourquoi il ordonna de dépouiller la sainte martyre, de la suspendre par les épaules, puis de la frapper de verges à coups redoublés. Les serviteurs d'Olybrius exécutèrent ses ordres cruels sur le corps de la victime d'une manière si barbare, que le sang jaillissait de toutes parts et ruisselait jusqu'à terre.

C'était le supplice de la flagellation, châtiment en usage fréquent dans les moeurs romaines.

Plusieurs personnes, témoins d'une exécution si horrible, furent saisies d'indigna-


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tion et témoignèrent hautement leurs sympathies en faveur de Marguerite, par des larmes et des gémissements. Pour consoler la jeune martyre, elles lui disaient : ee Aicc mable jeune fille, les tourments que tu ce endures et les supplices dont tu es accacc blée nous affligent profondément, et nous ce voudrions tout entreprendre pour t'en déce livrer, mais tous nos efforts seraient inuec tiles. Ecoute cependant notre conseil :

ee Ce tyran, comme tu le vois, se laisse ce emporter par son ressentiment et sa fuee reur contre toi, et son désir est de te faire ce mourir afin de se débarrasser de ta préce sence, qui accuse sa cruauté. Mais toi, ô ce jeune fille, qui parais douée de tant de ce sagesse, épargne ta vie, aie pitié de toiee même, obéis au moins en apparence aux ce ordres du juge, et, peut-être, touché de ce compassion pour ta jeunesse, il ne te ce livrera pas à la mort. »

La sainte martyre, émue de ces sympathies, répondit: ce Je vous remercie, ô hommes ce illustres, de votre charité, et vous, nobles ce femmes, qui voulez bien vous intéresser à ce mes angoisses; mais, je vous en prie,


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ce n'allez point par vos larmes affaiblir ce mon courage. L'apôtre saint Paul nous ee dit : Les entretiens mauvais corrompent ce les bonnes moeurs 1. Je vous suis reconcc naissante, toutefois, de votre compassion ce envers moi, vous agissez en cela par esprit ce d'humanité ; mais vous ne savez ce que ce vous faites ; vous marchez dans les ce ténèbres, et la lumière n'est point en vous, ce Si vous connaissiez la lumière de la vérité, ce loin de me détourner du droit sentier qui ce conduit à la vie éternelle, vous vous lice vreriez vous-mêmes aux derniers supplices ce pour le nom de Jésus-Christ. »

Le préfet voyant la jeune vierge se réjouir et s'entretenir tranquillement avec les assistants, devint plus furieux que jamais. Il ordonna de la suspendre au chevalet et de lui déchirer les flancs avec des ongles de fer.

Les bourreaux étaient prêts. Les proconsuls et les préfets romains ne marchaient jamais sans être protégés par des satellites et des licteurs.

J I Cor. XV, 33.


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Les bourreaux, sur un ordre d'Olybrius, se mettent à l'oeuvre. Ils lacèrent avec tant de rage le corps de la jeune martyre, que le sang s'échappe de toutes parts; ses chairs volent en lambeaux, tellement qu'on pourrait compter tous ses os. Les assistants ne pouvaient soutenir un spectacle si poignant; tous, jusqu'au cruel préfet, se détournaient, tant une barbarie si sauvage, leur faisait horreur.

Cependant, Marguerite semblait rire de ses tourments ; fortifiée par la grâce divine, elle ne comptait pour rien les supplices qu'elle endurait. Aussi, plusieurs des spectateurs, remplis d'admiration à la vue d'un courage si héroïque, se disaient les uns aux autres : ce Qu'elle est donc la force surhumaine qui ce soutient cette fragile et tendre enfant au ce sein de tourments qui feraient reculer les «. hommes les plus intrépides ? »

Mais les gardes d'Olybrius, loin de se laisser fléchir à la vue de ses tortures, se servirent de la constance de la jeune fille pour inventer de nouveaux supplices qui devaient aboutir à la mort.

Voyant que la vierge chrétienne se mo-


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quait des fouets de la flagellation et des ongles de fer, ses bourreaux imaginèrent un genre de tourment qui devait la contraindre à se soumettre aux ordres du préfet ou lui procurer le plus affreux des trépas. Ils résolurent de la faire monter, le jour suivant, sur un bûcher embrasé.

Cette résolution prise, et ce projet arrêté, Olybrius, honteux de sa défaite, ordonna de reconduire Marguerite dans sa sombre prison.



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VII

Dans la prison.

Super aspidem et basiliscum ambulabis, et conculcabis leonem et draconem.

Vous marcherez sur l'aspic et le basilic, vous foulerez aux pieds le lion et le dragon, (Ps. XC, 13.)

Dès que la sainte martyre eût été laissée seule dans son noir cachot, elle souleva péniblement ses bras sanglants, et, élevant ses mains et son coeur vers le Seigneur, elle le remercia de ui avoir donné la force de triompher de ses ennemis; puis elle le supplia, dans une prière fervente, de lui accorder la grâce de la persévérance dans les combats qu'elle allait encore soutenir, pour sa gloire, et contre les tentations de l'esprit de ténèbres.

Pendant qu'elle implorait ainsi le secours de Dieu, le démon, irrité de se voir vaincu


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par une enfant de quinze ans i, résolut de se venger contre elle en essayant de l'effrayer par divers prestiges fantastiques et des apparitions terrifiantes. L'esprit des ténèbres se montra à la sainte martyre sous la forme d'un dragon hideux, dont la gueule et les narines lançaient des flammes fétides. A la vue du monstre, qui semblait s'élancer sur elle pour la dévorer, Marguerite reconnut promptement l'ennemi du genre humain, et, selon sa coutume, elle eut recours aux armes de la prière. Alors, se dressant devant l'affreuse apparition, elle traça le signe de la croix contre elle, en même temps qu'elle implorait le secours d'en haut : ce Seigneur ce Jésus-Christ, dit-elle, défenseur de ceux <c qui combattent pour votre gloire, vous ce qui avez humilié, par la vertu de votre ee sainte croix, l'orgueil du démon et ence chaîné sa puissance, levez-vous, et venez ce à mon secours ; sans vous, je vais périr, ce Soutenez ma faiblesse, et dites à mon ce âme : Je suis ton secours 2. Car c'est vous

1 II est assez probable que sainte Marguerite n'avait pas plus de quinze ans lorsqu'elle souffrit le martyre.

2 Psàl. XXXIV, 3.


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ce qui avez dit par la bouche de votre proec phète : Tu marcheras sur l'aspic et le bacc silic, et tu fouleras aux pieds le lion et le ce dragon d. » Dès que Marguerite eut achevé sa prière, elle se redressa avec courage contre le monstre, et mettant son pied sur son corps tortueux, elle le foula contre terre avec des paroles de mépris. Satan vaincu se retira. Tous ses efforts s'étaient brisés devant l'humilité de la sainte martyre.

Aussi, malgré les plaies béantes qui couvraient son corps et lui causaient des souffrances indicibles, elle sentit une douce joie descendre dans son âme. Dieu est venu à son secours ; désormais, sa confiance en lui sera sans bornes, et les tourments les plus affreux ne la feront point trembler.

Cependant son épreuve n'était point finie, l'ennemi du nom chrétien essaya encore une fois d'effrayer Marguerite. En effet, Satan se montra à elle sous la forme d'un homme horrible, dans le but de l'épouvanter. La jeune vierge lui ordonna au nom de Jésus de

* Pr. xc, 13.


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Nazareth de s'éloigner; le démon s'enfuit aussitôt, en avouant sa défaite.

Dieu, cependant, sait mélanger les joies avec les larmes, les moments de tristesse avec les heures de consolation, et, s'il éprouve ses serviteurs par des tribulations et des amertumes, il sait aussi leur ménager des moments d'allégresse et des heures de contentement i. C'est ce qui arriva pour sainte Marguerite.

Aux attaques de l'esprit malin succéda une visite céleste qui combla d'une sainte joie la vierge de Jésus-Christ. Une lumière surnaturelle, plus brillante que le soleil, éclaira tout à coup sa prison. Rientôt après, dans les rayons de cette lumière, apparut la croix du salut, au sommet de laquelle vint se reposer une colombe plus blanche que la neige. Du sein de la clarté une voix se fit entendre'; elle félicitait la jeune martyre de sa constance dans les tourments, et l'exhortait à persévérer jusqu'à la fin, si elle voulait recevoir la récompense.

1 Miscens gaudla jletibus. (Hymne do la fête de saint Joseph.)


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Cette apparition céleste fortifia de plus en plus la bienheureuse Marguerite, et son âme en reçut un tel accroissement de courage et de vigueur, qu'elle se sentait prête à affronter tous les supplices, plutôt que de brûler un grain d'encens devant les autels de Satan.



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VIII

Nouveaux supplices.

Quoniam per militas tribulationes oportet nos intrare in regnum Dei.

Ce n'est qu'au prix de beaucoup de tribulations qu'on peut entrer dans le royaume de Dieu. (ACT. AP.XIV, 21.)

Le matin étant venu, Olybrius, aussi implacable contre la jeune martyre que le jour avant, ordonna de la sortir de l'infecte prison où elle était enfermée et de la faire comparaître devant son tribunal, en présence de tout le peuple assemblé.

Marguerite parut devant lui, le visage souriant, comme si elle assistait à une fête. La vision céleste avait multiplié ses forces, elle était prête à braver tous les supplices. Olybrius, au contraire, avait espéré que les tourments de la veille auraient brisé la ré-


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sistance de la martyre et vaincu son opiniâtreté ; il n'en était rien ; bien plus, Marguerite était plus intrépide que jamais. Le préfet de plus en plus humilié par cette attitude fière et décidée, renouvela son système de menaces, afin d'ébranler la constance de l'enfant. Après bien des stratagèmes, des paroles et des violences, après bien des imprécations et des blasphèmes contre le Christ et ses sectateurs, il finit par lui dire que si elle ne consentait pas à brûler de l'encens devant les dieux de l'Empire, elle subirait le supplice du feu.

La sainte martyre répondit au préfet : ee Ne prenez pas tant de peine à mon sujet, ce ô juge, vous me menacez de me brûler ce vivante, mettez-vous à l'oeuvre, et faites ce vite ; je ne redoute ni vos menaces ni vos ce supplices. Il est facile à celui qui songe ce aux récompenses que Dieu accorde au ce vainqueur, de mépriser les tourments les ce plus cruels. Quelle valeur ont les soufec frances de cette vie, si je les compare aux ee récompenses que notre Dieu prépare à ee ceux de ses serviteurs qui seront fidèles ce jusqu'à la fin! C'est pourquoi ni le feu,


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ce ni le glaive, ni la peur de la mort ne ce pourront jamais.me séparer de l'amour <e de mon Seigneur Jésus-Christ. Ainsi, sa« chez-le bien : je vous méprise, vous et vos ce dieux, qui ne sont que des démons. Ilâcc tez-vous d'exercer votre fureur contre ce moi, si c'est votre bon plaisir; mais, je ce vous le repète, vous ne pourrez jamais me ce séparer de Jésus-Christ, mon Sauveur. »

La jeune vierge avait à peine achevé de parler que le préfet, plus obstiné que jamais contre elle, commanda à ses serviteurs de la dépouiller de ses principaux vêtements, de la suspendre par des chaînes à une sorte de potence, puis de lui brûler les membres les uns après les autres au moyen de torches ardentes. Or, pendant ce supplice atroce, le préfet, par un raffinement de cruauté inouïe, lui adressait des paroles pleines d'une dérision amère : ce Réjouis-toi, ce Marguerite, lui disait-il, tressaille d'alléce gresse en ton Christ. Tu ne veux le renier ce en aucune manière, dis-tu, eh bien ! sois ce heureuse! c'est à cause de lui que tu ce goûtes des délices que lu ne connaissais ce pas encore. Qu'il vienne donc en ce mo-


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ce ment, ce maître tant aimé, qu'il vienne te ce délivrer, s'il le peut, et arracher tes ce membres à demi consumés aux flammes ce qui les dévorent.

ee Si tu veux te soumettre aux édits des ce invincibles empereurs et prendre pitié de ce ta jeunesse, il en est temps encore, on rie ce négligera rien pour te guérir de tes blesec sures, et les délices dont tu jouiras dans ce la suite te feront promptement oublier ce toutes les souffrances que tu as endu« rées. »

La vierge martyre lui répondit : « Vous ce voulez vous amuser d'un tourment pasce sager et vous ne songez pas à ce feu ce inextinguible qui torturera éternellement ce les damnés dans l'Enfer. Je ne crains pas ee ces douleurs fugitives, puisqu'elles vont ee me procurer une gloire sans fin et des ce jouissances éternelles. Je ne redoute en ee rien les nouvelles souffrances auxquelles ce vous me condamnez, je les désirais depuis ce longtemps. Le feu que vous me préparez ce agira sur mes membres d'une manière ee passagère; niais vous, ô proconsul, qui ce vous obstinez dans l'idolâtrie, vous subi-


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« rez les tourments d'un feu qui ne s'éteincedra jamais. Le Dieu que j'adore délivra <e. autrefois trois enfants d'une fournaise arec dente et changea les flammes qui devaient ce les consumer en une rosée rafraîchissante, ce II m'accorde en ce moment, à moi, pauvre ce pécheresse, des douceurs indicibles, au ce sein de ces flammes qui m'enveloppent, ce Le Tout-Puissant me tient dans sa main, ce et avec sa grâce, bientôt, comme les trois ce jeunes .Hébreux dans la fournaise, je chance terai le cantique de la délivrance. »

Après avoir parlé ainsi, Marguerite éleva les yeux au ciel, et fit à Dieu cette prière : ce Seigneur, créateur de l'univers, vous à ce' qui tous les éléments sont soumis et obéisec sent, entendez mes cris, exaucez mes sup« plic'ations; que par votre secours toutce puissant, je triomphe de ces flammes déce vorantes. »

0. prodige de la puissance du Dieu des chrétiens! Les torches enflammées qui devaient la consumer se changèrent en une douce rosée et ne laissèrent aucune trace de brûlure sur ses membres déjà si endoloris. Aussi, disait-elle au préfet, avec autant


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d'ironie que de courage : ce Eh bien ! mainec tenant, comprenez-vous enfin la puissance ce du Dieu que je sers? Il commande au ee ciel et à la terre, et les éléments lui obéisec sent. Il a parlé et ce feu a oublié sa vioce lence : mes membres n'ont point été ce brûlés. »

Les bourreaux, fatigués de leur horrible travail et honteux de se voir vaincus par une frêle jeune fille, la laissèrent suspendue afin d'achever les atrocités du supplice.

Cependant, la victime n'était point vaincue, aussi les bourreaux, désespérant de dompter cette ennemie des dieux et des édits impériaux, se hâtèrent-ils de demander que le préfet ordonnât de nouveaux supplices pour châtier la sectaire du Christ. Tous leurs efforts ne pouvaient triompher de son intrépidité.


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IX

Encore des épreuves.

I)um me menais aquis, Prisses, mea votasecundas ; Martyrii extinguet, qnâ. premor, undasitim?

En mo plongeant dans l'eau bouillante, ô préfet cruel,â vous comblez mes voeux ; mais cette eau n'éteindra pas la soif du martyre qui me dévore.

, Olybrius essaya peut-être d'attribuer à la magie les prodiges que la vierge martyre opérait sous ses yeux. Toutefois, quoique honteux de sa défaite, il ne se teint pas pour battu, et voulut, afin de contenter ses appétits cruels et pour satisfaire aux exigences de la populace, imaginer un autre genre de supplice. Il ordonna donc de préparer une chaudière d'eau bouillante et d'y plonger la jeune martyre, pieds et mains liés. Dès que Marguerite eut été précipitée dans la chau-


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dière ardente, selon sa coutume, elle eut recours à la prière :

ce Brisez ces liens, Seigneur, et je vous ce offrirai un sacrifice de louanges, disaitee elle, et ceux qui en seront témoins croice ront que vous êtes le seul vrai Dieu, le ce Dieu de gloire et d'amour, que le monde « ne connaît pas i. »

A peine avait-elle achevé sa prière que ses liens se rompirent d'eux-mêmes, et la sainte sortit de la chaudière sans porter sur ses membres aucune trace de brûlure. De même que par sa foi et la grâce du Seigneur elle avait triomphé des ardeurs du brasier dévorant, ainsi elle surmontait les atteintes de • l'eau bouillante.

Les spectateurs, à la vue de tant de merveilles opérées par une jeune enfant, se sentent touchés d'attendrissement, d'admiration et de respect et s'écrient tous ensemble :

« Oui, il est vraiment grand, il est seul « véritable le Dieu de Marguerite. Lui « seul, à la prière de sa servante, a pu faire

i S. Joan. I, 26.


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« éclater des prodiges aussi remarquaee bles. »

La sainte martyre, entendant ces cris d'enthousiasme, en profita pour parler aux assistants du vrai Dieu, des mystères de notre sainte religion, des lois sacrées qui en règlent la morale, ainsi que des châtiments réservés aux prévaricateurs qui se laissent emporter au souffle orageux de leurs passions.

ce Songez, ô hommes sensés, ici présents, ce dit-elle, songez à votre destinée ; apprenez « aujourd'hui que le Seigneur Jésus-Christ, #ce qui a vécu dans la pratique de toutes les ce vertus, pendant trente-trois ans, qui a ce souffert sous le proconsulat de Poncece Pilate, en Judée, qui est' mort sur une ce croix pour racheter les péchés du monde, ce et est ressuscité trois jours après son tréce pas, apprenez, dis-je, que ce même Jésus' ce Christ est le Créateur de tout ce qui existe, ce A lui toutes les créatures obéissent, cornée me vous avez pu le considérer par les ce prodiges qu'il a opérés en ma faveur, ce malgré ma misère et mon indignité. Abancc donnez donc le culte de ces vaines idoles,

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ce qui ne peuvent rien pour votre bouée heur, et convertissez-vous à votre Créace teur. Celui-là seul est le Sauveur véritaec ble, qui vous a appelés de l'abîme des ce ténèbres du néant aux clartés de la ee lumière de la vie. Si vous vous convertisee sez à lui de tout votre coeur, après avoir ce été régénérés dans l'eau sainte du bapcc tême et avoir professé en esprit et en ce vérité la sainte loi de l'Evangile, à la fin ce de votre vie vous recevrez une récomec pense immortelle. »

Ces paroles de sainte Marguerite ne restèrent pas sans effet. Une grande foule de personnes qui avaient été témoins des nombreux prodiges de la jeune martyre, des supplices barbares qu'elle avait supportés avec autant de courage que de constance, entendant ces exhortations, abandonnèrent le culte des idoles et se convertirent à la foi chrétienne.

Le préfet, à cette nouvelle, commença à trembler pour sa position. Craignant que le peuple ne se soulevât contre lui et ne lui enlevât, avec la vie, ses honneurs et ses dignités, il ordonna de mettre à mort sur-le-


champ tous ceux qui avait suivi le conseil de la bienheureuse Marguerite.

C'est ainsi qu'un grand nombre de païens reçurent le baptême du sang et, par ce moyen, méritèrent d'entrer dans la vie éternelle.



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X

Dernier supplice.

Gemmiferam defert divina columba coronam Atque tuas velat, casta puella comas.

Une colombe céleste porte une couronne de perles précieuses qu'elle va déposer sur ton front, ô chaste jeune fille.

Après l'exécution des intrépides confesseurs de Jésus-Christ que la prédication de sainte Marguerite avait convertis à la foi chrétienne, Olybrius, voyant l'invincible constance de la jeune vierge et désespérant de pouvoir en triompher, la condamna à la peine capitale.

A l'instant, les appariteurs se saisissent de Marguerite, la conduisent dans un endroit isolé destiné au supplice des condamnés et la livrent aux mains d'un bourreau appelé Malchus.


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La martyre demanda quelques instants pour prier, ce Seigneur Jésus, » dit-elle dans cette prière suprême, ce je vous glorifie, je ce vénère et bénis votre saint nom ; la vertu ce de votre divine puissance a fortifié ma ce faiblesse et m'a fait triompher dans les ce combats qui m'ont été livrés,. Il me reste ce encore à vous supplier, ô mon Dieu, d'encc voyer vos anges au-devant de moi pour ce qu'ils reçoivent mon âme au sortir de ce cette vie et l'introduisent dans les taber« naclês éternels, où elle jouira de votre « divine présence pendant toute l'éternité. « Amen. »

Quand la vierge chrétienne eut achevé sa prière, elle dit au bourreau : « Vous pouvez « frapper. » Le bourreau aussitôt saisit son glaive et d'un coup trancha la tête de la jeune martyre.

C'est par ce dernier supplice que Marguerite termina son épreuve. Sa bienheureuse mort arriva le 16 des calendes d'août, c'està-dire le 20 juillet de l'an 275, selon les Bollandistes.

Les fidèles d'Antioche et des contrées voisines, ayant appris son martyre, vinrent


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enlever son corps afin de l'ensevelir avec les honneurs dus à son rang et les cérémonies en usage chez les chrétiens. Plus tard, lorsque la paix fut rendue à l'Eglise, les fidèles d'Antioche élevèrent une basilique à sainte Marguerite, au lieu même où elle avait subi le martyre.



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XI

Reliques et Images.

Sanctorum meritis inclyta gaudia.

Pangamits, socii, gcstaque fortia.

Frères, célébrons les incomparables délices que les saints ont méritées par leurs glorieux combats.

(BnÉV.ROH., OFFICE DU COM.DESlUARTYRS.)

11 existe en Europe diverses reliques de sainte Marguerite, notamment en Belgique. Dans la collégiale d'Andrelec, faubourg de Bruxelles, on voit quelques parties de la tête. En Allemagne, elle est honorée d'une manière particulière. On dit même que dans une ville de cet empire, on voit le bras droit de la sainte, revêtu de la peau, avec les nerfs, les muscles, les doigts et les ongles, dans un état de conservation parfaite.

En France, plusieurs églises possèdent


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des reliques de cette bienheureuse vierge ; elles y furent apportées sans doute d'Orient, au temps des Croisades, comme cela s'est vu pour plusieurs autres saints martyrs. ;

On trouve dans l'ancienne abbaye de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, un os du menton enchâssé au pied d'une riche statue d'argent représentant sainte Marguerite, présent de Marie de Médicis, femme d'Henri IV ; et, de plus, une ceinture de la sainte. On voit aussi des reliques de sainte Marguerite dans le couvent des Religieuses de Y Ave Maria, à Paris, à l'abbaye de Fraymont-enReauvoisis, dans celle de Saint-Rieux, à Senlis, à Abbeville, à Gisor, et dans l'église de Combovin, petite paroisse du diocèse de Valence, en Dauphiné J.

La cathédrale de Troyes, en Champagne, possède encore, dans un reliquaire de bois doré, le pied bien conservé, avec les os, les nerfs et même la chair de sainte Marguerite,

1 Les lettres testimoniales qui constatent l'authenticité des reliques de sainte Marguerite furent délivrées à cette paroisse par Mar Gaston de Pins, archevêque d'Amasie, administrateur apostolique du diocèse de Lyon et Vienne, en 1837, le 15 février.


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vierge et martyre ; cette insigne relique existe depuis des siècles dans le trésor de cette cathédrale. Elle a été sauvée pendant la Révolution de 1793 par les soins d'un chanoine qui la rendit à ladite cathédrale à l'époque du rétablissement du culte catholique *.

La plus grande partie des reliques de la sainte se trouve, dit-on, à Monte-Falcono, dans le Frioul.

Les images, les statues et les chapelles sans nombre viennent s'ajouter afin de propager le culte en l'honneur de sainte Marguerite et nous démontrer la confiance qu'ont les fidèles en son intercession. On a varié, selon les pays, la façon de la représenter, soit en statue, soit en peinture.

En Belgique, elle est peinte revêtue d'un habit royal, avec un dragon à ses côtés. En France, elle se trouve représentée de deux manières : quelquefois on la voit habillée en bergère, les cheveux épars, une houlette à la main et environnée d'un troupeau de brebis. Le plus souvent nous la voyons revê1

revê1 Coeur.


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tue d'un habit modeste et virginal ; sous ses pieds est un dragon terrassé, dans sa main gauche une croix, sa main droite est vide, ou bien elle porte la palme du martyre, ses yeux sont élevés vers le ciel, dans l'attitude de la prière. Ainsi la représente la statue d'argent de l'abbaye de Saint-Germain-des-Prés, dont nous avons parlé plus haut.


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XII

Mémoire et Miracles de sainte Marguerite

Carpora Sanctorum in pace sepulta sunt, et vivent nomina eorum in sternum.

Les corps des saints reposent en paix, et leur nom vivra éternellement,

(DRÉV. ROM. OFFICE DES MARTYRS.)

Jérôme Vida, évêque d'Albe, a composé deux hymnes en l'honneur de sainte Marguerite. La sainte martyre était et est encore la patrone de Crémone, où Vida était né.

Dans la première de ces hymnes, le poète conjure la sainte d'intercéder auprès de Dieu en faveur de l'Italie, de Crémone en particulier, qui, à cette époque, était exposée aux ravages de la guerre.

Dans cette hymne, Vida parle de la dévotion que les femmes enceintes avaient pour sainte Marguerite. Cette dévotion est encore


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répandue clans les contrées méridionales de la France.

Voici un extrait de ce chant :

» Les mères qui arrivent au terme de leur grossesse vous implorent, » ô Marguerite, « et aussi celles qui redoutent des couches périlleuses, et toujours vous venez à leur secours; leur prompte délivrance et leur profonde gratitude attestent votre puissante intercession. Aussi, toutes semblent s'unir pour vous élever quelque nouveau sanctuaire où chaque année elles viennent vous apporter les dons de leur reconnaissance.

» Elles vous amènent les enfants qui ont vu le jour grâce à vos faveurs, et, lorsqu'ils sont parvenus à un âge plus avancé, elles leur apprennent qu'avant de s'engager dans les liens sacrés du mariage, ils doivent venir visiter vos sanctuaires, ainsi que dès les premières années de leur hymen ; y répandre des prières et y chanter vos louanges.

Dans la seconde de ces hymmes, le poète demande à Dieu, par l'intercession de la bienheureuse Marguerite, non une longue vie, ni des richesses ou des honneurs, mais


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la grâce de vivre et de mourir saintement, et, par ce moyen, d'obtenir le bonheur de louer le Seigneur, en compagnie de tous les élus, pendant les siècles des siècles.

C'est bien! pourra-t-on nous dire; mais une sainte d'un si grand mérite, et qui est honorée par les Églises d'Orient et d'Occident, doit sans doute avoir été illustre par des miracles éclatants. Certainement, les chrétiens ont adressé de nombreuses supplications à sainte Marguerite, et la sainte martyre les a exaucés bien souvent.

Car les témoignages de gratitude envers elle augmentent tellement chaque jour, qu'ils seraient bien de nature à charmer l'imagination du pieux évêque d'Albe, tout en excitant en lui un redoublement d'admiration et de dévotion à l'égard de la jeune sainte. Cependant, outre ces nombreux et fréquents miracles secrets que Dieu seul connaît, les Bollandistes en citent deux autres plus éclatants, qui eurent un grand retentissement en France; nous allons les rapporter ici, d'après leur autorité.

Marie-Thérèse d'Autriche, Infante d'Espagne, épouse de Louis XIV, avait une grande


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dévotion à sainte Marguerite. Comme elle était sur le point de donner le jour à son premier enfant, elle conçut de sérieuses appréhensions sur le résultat. Dans ces conjonctures, la. pieuse reine eut recours à sainte Marguerite. Sa confiance ne fut point trompée. Le 20 juillet 1661, Marie-Thérèse fit distribuer, en l'honneur de la sainte martyre, un pain bénit aux pauvres de Paris.

Retenue par son état alarmant, elle ne put s'acquitter elle-même de cet acte de piété, comme elle en avait l'habitude. Elle en chargea trois de ses aumôniers, qui firent la distribution au milieu d'un grand éclat d'instruments de musique et de cris de reconnaissance. La Cour résidant alors au Palais de Fontainebleau, la reine ne pouvait, selon sa dévotion, aller vénérer les reliques de sainte Marguerite en l'abbaye de Sainte Germain-des-Près. Louis XIV avait fait supplier le père Prieur de les apporter lui-même à la résidence royale.

A peine Marie-Thérèse eut-elle vénéré les reliques de la sainte et prié devant sa châsse, qu'elle fut heureusement délivrée et mit au monde son premier fils, Louis, grand


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Dauphin de France. La pieuse reine ne laissa pas d'attribuer sa délivrance à l'intercession de sainte Marguerite, et toute sa vie elle lui en garda une profonde reconnaissance.

Les historiens racontent que le même prodige s'opéra en faveur de Marie-Christine de Bavière, épouse du grand Dauphin, à la naissance du duc de Bourgogne. Sans aucun doute, la pieuse princesse avait appris de sa vertueuse belle-mère quel crédit on pouvait ajouter à l'intercession de sainte Marguerite dans ces graves circonstances.

Nous ne parlerons pas nous-mêmes de ces multitudes de guérisons qui s'opèrent d'une manière extraordinaire après un pèlerinage à la chapelle de sainte Marguerite et la vénération de ses reliques. Nous laissons nos appréciations à la sagesse de notre sainte mère l'Eglise, qui seule est juge dans ces faits au-dessus de toutes les observations scientifiques.

Sainte Marguerite, en outre, est souvent invoquée pour la délivrance des âmes du purgatoire, ainsi que nous le voyons dans une homélie attribuée à un chartreux, nom-


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mé Dom Demp, qui se termine ainsi : La bienheureuse Marguerite ce a délivré un grand nombre d'âmes des peines du purgatoire *. »

1 Quod multas animas de purgatorii liberavit pmnis. (Demp. HomiV. in Beat. Margar.)


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XIII

Sainte Marguerite à Combovin.

Mirabilis in altis Dominus. Le Seigneur est admirable sur les hauteurs, (TSAL. XCII, i.)

Au sommet d'un coteau aussi gracieux que pittoresque, situé sur les limites des deux paroisses de Combovin et de Barcelonne, s'élève une modeste chapelle. Le paysan la connaît comme le riche opulent, l'ouvrier comme le touriste; la mère de famille surtout et ses enfants aiment à y venir prier. De tous les horizons de la plaine on peut l'apercevoir, et, du haut des rochers de nos montagnes, on est heureux de saluer la petite chapelle de sainte Marguerite.

C'est là, en effet, que les fidèles des paroisses voisines, chaque année, se donnent


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rendez-vous pour le 20 juillet et le dimanche suivant.

Sur la colline, appelée autrefois coteau de Saint-Georges, s'élevait une église dédiée à sainte Marguerite. Son enceinte était relativement spacieuse, si on en juge par les ruines que l'on aperçoit encore à la surface du sol. A une époque fort reculée, au même endroit, une chapelle avait été élevée à saint Georges, patron des guerriers, probablement par les seigneurs de Barcelonne à leur retour des croisades, d'où ils revinrent sains et saufs. Plus tard, cette chapelle qui était dépendante des religieux Antonins du monastère de Combovin, et était sous leur direction fut brûlée pendant les guerres de Religion par les protestants de Combovin et de Chateau-Double i.

Après l'édit de Nantes, en 1598, où Henri IV jeta les bases de ce qu'on a appelé plus tard, avec plus ou moins de perfidie, la liberté de conscience, les catholiques de Combovin eurent à coeur de rétablir leur

1 L'ordre des Antonins avait disparu depuis longtemps de Combovin.


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chapelle incendiée par les Huguenots. Divers prodiges vrais ou faux, que nous indiquons sous toutes réserves, qui, cependant, se sont maintenus invinciblement dans le souvenir de nos populations, ne contribuèrent pas peu à exciter les habitants de cette localité à l'entreprise de leur oeuvre.

Toutefois, ils ne dédièrent pas leur chapelle à saint Georges, comme l'avait été la première, elle fut rétablie sous le vocable de sainte Marguerite.

Pourquoi ce changement? Nous n'avons trouvé aucun document touchant cette transformation. La légende populaire seule vient à notre secours.

Vers l'époque que nous avons indiquée plus haut, un jeune homme de haute lignée se livrait à l'exercice de la chasse dans les bois du coteau de Saint-Georges i. Au moment où le soleil parvient au zénith, la

1 A cette époque, le château ne Barcclonnc n'existait plus. Scion les probabilités que nous avons de la tradition populaire, il avait été détruit aux temps des guerres entre les châtelains de Crussol et les évèques de Valence, d'un côté ; et les seigneurs de Barcelonne alliés à ceux de Çrest, de l'autre.-

5.


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meute du chasseur fit lever une colombe blanche, qui, volant d'un esser rapide au-dessus du jeune gentilhomme, plana quelques instants à une faible élévation. Le. jeune homme irrité de cette obstination, lui décoche un coup d'arquebuse. L'oiseau futil blessé ? il ne put le constater; car au moment même la colombe fendit l'air et vint se reposer sur un pan de mur, dernier débri de la vieille chapelle de saint Georges. Le jeune homme approche, et quelle ne fut pas sa surprise en apercevant, au dessus de la colombe, une croix transparente où on lisait le nom de Marguerite, de là la croyance, au sein de nos populations, que sainte Marguerite, honorée à Combovin, était une bergère de nos montagnes et que son corps avait été enseveli dans les alentours de la chapelle dédiée à saint Georges. Il n'y a aucune probabilité en faveur de cette opinion, si ce n'est l'existence d'une sorte detumulus auquelles habitants de la localité font peu d'attention et n'accordent aucun culte.

Il est certain que des seigneurs deRarcelonne assistèrent au moins, selon toutes les probabilités, à la quatrième et à la sixième croisade.


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Ne purent-ils pas apporter, à leur retour, des reliques de sainte Marguerite et les déposer dans le monastère des Antonins? Ce que l'histoire raconte pour une foule de faits de ce genre, on peut sans présomption le supposer en faveur de notre sainte Marguerite.

Quoiqu'il en soit, l'édifice s'éleva. La chapelle fut dédiée à sainte Marguerite, ainsi que nous l'avons dit. Cette chapelle subsista pendant un temps assez long, puis, faute d'entretien, et la Révolution aidant, elle finit par tomber pierre à pierre.

En 1836, des personnes pieuses de la paroisse conçurent la pensée de faire construire ce une petite chapelle à l'endroit même où se trouvent encore les ruines de l'ancienne église qui porte le nom de sainte Marguerite » 4.

L'entreprise de la construction fut confiée à un honnête et loyal protestant, M. Peyrache (Jean-Pierre), dont la robuste vieillesse semble défier tous les caprices de la mort. Il partagea, dans la suite, son travail avec M.

1 Archives de la'fabrique paroissiale de Combovin.


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Guérimand (Jean-Claude), un des hommes les plus sensés et les plus religieux de la paroisse. L'emplacement fut fourni par M. Lambert de Combovin, homme recommandable à tous égards et d'une urbanité légendaire.

Cependant, les dons qu'ils avaient recueillis furent bien loin de suffire à ce travail; leur générosité vint au secours de leur détresse. Ils prirent sur leurs fonds particuliers ce qui manquait pour l'achèvement de l'édifice, et, c'est grâce à leur dévouement, que l'on peut voir aujourd'hui, sur le sommet de la petite montagne, la modeste chapelle de sainte Marguerite, vrai paratonnerre pour les habitants de Combovin.


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Pèlerinage de sainte Marguerite à Combovin, 20 juillet.

Peregrini et hospites saper terram. Nous sommes des étrangers et des pèlerins sur la terre. (AD. HEBR.-EOS, XI, 13).

Un homme d'une certaine célébrité déclarait, il y a quelques années, que les pèlerinages n'étaient plus de. nos moeurs ; pour les expliquer, il fallait reculer, par la pensée, jusqu'au moyen-âge. L'univers catholique et la France, en particulier, lui donnent chaque jour un démenti solennel.

Les pèlerinages sont une démonstration : dès lors, c'est un devoir imposé à la nation comme nation, à la famille comme famille, et à chaque individu, en tant que portion intégrante de la grande famille chrétienne.


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On institue des trains de plaisir pour promener et distraire une société qui tombe en décadence; on essaie de tromper, par quelques fêtes nouvelles, le dégoût qui s'attache à des plaisirs frivoles ; on voit des foules' curieuses accourir, au premier signe donné, pour assister à des courses de chevaux, à des concours d'orphéons ou de fanfares; des expositions universelles attireront, de toutes - les contrées de l'Europe, des multitudes avides de contempler les merveilles de l'art et les produits de la science ; et on trouverait étrange qu'un peuple catholique eût ses fêtes, ses manifestations, ses démonstrations religieuses ! ! !

Les pèlerinages ont des résultats heureux sous tous les points de vue, et le mal qui peut s'en déduire n'est qu'une faible exception que l'on peut le plus souvent attribuer à d'autres causes. L'esprit religieux s'y fortifie, le coeur s'y dilate, les sentiments de générosité s'y manifestent et mettent en contact des foules de personnes qui jusquelà ne se fussent jamais vues.

Et qui dira que l'intérêt matériel n'y ait point une large part. Ce qui n'est pas une


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mince considération dans un siècle de matérialisme? D'ailleurs, pour tout dire, en un mot: c'est la lutte du bien contre le mal, la réaction de l'élément catholique contre l'infernale action qui tend à opprimer l'Eglise, croisade pacifique qui a pour arme la prière, où elle puise sa force et dans laquelle on ne cesse pas d'aimer ceux que l'on combat.

Pie IX, de sainte mémoire, disait un jour à une assemblée de pèlerins : « Il ne faut pas seulement continuer, il faut redoubler la grande oeuvre catholique des pèlerinages. »

Les nombreux pèlerins de sainte Marguerite ont montré par leur zèle toujours croissant qu'ils se riaient des plaisanteries et des hypocrites sourires des libres-penseurs, préférant réaliser dans sa profonde raison la pensée du saint pape Pie IX, que nous venons de rappeler.

Chaque année, en effet, au jour de la fête de la bienheureuse Marguerite, les pèlerins se multiplient autour du modeste sanctuaire. De tous les points des vallées, de la plaine et des sommets des montagnes, on peut voir de longues files d'hommes, de femmes et d'enfants gravir les sentiers tortueux qui


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aboutissent à la chapelle. Les uns viennent de loin et sont harassés, d'autres, plus privilégiés, n'ont qu'à gravir les pentes du coteau; tous sont dirigés par les clartés de la foi vers cet endroit solitaire, afin d'y être témoins des merveilles du Très Haut dans les oeuvres d'une jeune enfant martyre.

L'aspect de ce sommet à peu près dénudé, recouvert ce jour-là d'une forêt humaine qui va et vient, s'agite comme le tremblement des arbres, ne manque pas de grandiose et de sympathique attrait. La peinture y pourrait trouver de magnifiques coups de crayon et la photographie des reproductions éclatantes. Et, si la foi ne devait point y avoir la part la plus large et la plus légitime, nous dirions volontiers que, pour un amateur, c'est un coup d'oeil admirable. Vous avez devant vous, du nord au sud, ces fertiles plaines qui s'étendent depuis Saint-Marcellin jusqu'à Etoile et Livron; plus loin, les montagnes de l'Ardèche et de la Loire, avec leurs sommets stériles ; entre les deux, Valence, la ville dauphinoise par excellence, où l'on trouve des souvenirs précieux et pour l'histoire, et pour la religion, et pour l'indus-


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trie : baignée par son fleuve, parfois étourdi, mais toujours aimable, même en ses fureurs. A l'orient, vous voyez la naissance d'une ramification de montagnes qui servent de base à la chaîne des Alpes dauphinoises, et dont l'aspect a des charmes et de la grandeur. Avant tout cela, tout-à-fait à vos pieds, vous apercevez l'antique petit village de Combovin, entouré d'un berceau de verdure arrosé par ses trois ruisseaux, qui ressemblent à trois artères dans un corps humain, et où la végétation est aussi luxuriante que les habitants y sont affables et polis.

En ce jour de pèlerinage, vous les verrez en fête, vous les entendrez parler ; mais, c'est en l'honneur de sainte Marguerite, leur puissante protectrice, qu'ils se parent, qu'ils font entendre des chants de victoire.

Les protestants eux-mêmes semblent émus lorsqu'ils parlent de sainte Marguerite. Nous en avons entendu nous dire dans des moments de grêle ou de tempête : « Nous n'avons rien à craindre, sainte Marguerite nous protège i. »

1 Nous voulons parler des protestants orthodoxes.


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La confiance que les habitants de Combovin et des environs ont en sainte Marguerite est sans limite. C'est là une preuve éclatante de l'efficacité de son intercession en laveur de ceux qui l'invoquent et de son crédit auprès de Dieu.


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XV

Devoirs du pèlerin à sainte Marguerite.

Preparate corda vestra Domino. Préparez vos coeurs pour le Seigneur.

Les pèlerinages ne sont pas des voyages de divertissement, ni des fêtes mondaines où l'on ne doit chercher qu'une vaine pompe, la distraction et le spectacle de la foule. Ce sont des actes religieux, ainsi que nous l'avons déjà démontré. Il convient de s'y préparer par des prières, par des mortifications, par des aumônes et toute sorte de bonnes oeuvres. Il convient de n'y porter que de saintes pensées, et notre conduite, après que nous l'avons accompli, doit s'en souvenir longtemps.


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Enfin, tu as franchi la distance ; tu touches au seuil de la chapelle. Avant dé le passer, arrête-toi, pieux, pèlerin. Replie tes yeux sur ta conscience-; penche-toi survies abîmes de ton coeur et regarde si le fond en est pur..

Le péché mortel élèverait entre Dieu et toi une muraille d'airain que ni tes cris, ni tes gémissements ne pourraient percer. Corn-' ment oserais-tu prier la sainte martyre d'obtenir pour toi les faveurs du Ciel, si tu n'étais pour le Ciel qu'un objet de haine et de malédiction?

La principale, la seule grâce que tu puisses implorer dans cet état, c'est que sainte Marguerite te tende la main pour t'aider à sortir du gouffre de la damnation, quelle obtienne de Dieu la force de retourner à lui et qu'elle t'en rende le chemin plus court et plus facile.

Si ton coeur est pur et si la sainte peut tenir ses chastes regards abaissés sur toi,' entre avec confiance et vénère avec dévotion ses précieuses reliques. Expose-lui tes voeux, elle les exaucera. Peut-être est-il plus utile à ton salut qu'elle en diffère ou en refuse


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l'accomplissement, alors, ils s'amasseront aux pieds du Seigneur et formeront un trésor que tu retrouveras un jour. , Tu ne dois point t'approcher de la sainte martyre avec une défiance qui serait une injure ou dans le dessein de tenter sa puissance. Car l'Evangile t'apprend que JésusChrist, prodigue de miracles en faveur des pauvres qui croyaient en lui, n'en voulut point opérer devant les esprits superbes qui en sollicitaient par malice et vanité.

Ne forme point dans ton coeur des voeux contre ton frère. Il est comme toi enfant du même père, et peut-être il est devant Dieu plus juste que toi. Ne le maudis pas, de peur que le mal que tu appellerais sur sa tête ne retombe sur la tienne.

Si le souvenir de ton ennemi revient à ta mémoire, pendant ton oraison, prie pour lui. Peut-être gagné par la secrète vertu de la prière, il se réconciliera avec toi et deviendra ton ami ; sinon, tes prières monteront jusqu'à Dieu et redescendront sur toi en bénédictions.

Ne demande ni les biens, ni les honneurs de la terre, car lu ne sais point s'il te serait


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utile de les obtenir et s'ils seraient pour toi des présents d'amour ou de colère. Implore la grâce de Dieu et la docilité à ses commandements. Dieu connaît tes besoins, il y pourvoira.


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XVI

Prières en l'honneur de sainte

Marguerite et pour implorer son

intercession.

Hic est qui multum orat pra populo. Voilà Celui qui prie sans cesse pour lo peuple. (II MACII, XV, 4.)

§1 LITANIES DE SAINTE MARGUERITE

Seigneur, ayez pitié de nous.

Jésus-Christ, ayez pitié de nous.

Seigneur, ayez pitié de nous.

Jésus-Christ, écoutez-nous.

Jésus-Christ, èxaucez-nous.

Père céleste, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.

Fils Rédempteur du monde, qui êtes Dieu, ayez pitié de nous.


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Esprit-Saint,'qui êtes Dieu, ayez pitié de nous. Sainte-Trinité, qui êtes un seul Dieu, ayez pitié de nous.

Sainte Marie, Reine des Vierges,

Sainte Marguerite, qui dès l'âge le plus tendre avez été agréable à Dieu,

Sainte Marguerite, qui jeune encore avez voué votre virginité à Jésus-Christ,

Sainte Marguerite, qui avez brillé sur la terre par la sainte vertu d'humilité,

Sainte Marguerite, qui avez préféré votre époux céleste à tous les trésors de ce monde, ■

Sainte Marguerite, qui avez été visitée par f les anges dans votre prison,

Sainte Marguerite, qui avez triomphé du dragon infernal,

Sainte Marguerite, qui fûtes flagellée comme votre divin Maître.

Sainte Marguerite, qui fîtes à Jésus-Christ le sacrifice de vos affections paternelles,

Sainte. Marguerite, inébranlable à la vue des supplices, '

Sainte Marguerite, pleine de confiance en la grâce de Dieu,

Sainte Marguerite, apôtre de la parole de i Dieu au milieu de l'eau bouillante,

Sainte Marguerite, qui avez converti à lav foi de Jésus-Christ un grand nombre de païens,

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Sainte Marguerite, qui livrâtes généreusement votre tête au fer des bourreaux,

Sainte Marguerite, puissante dans le ciel,

Sainte Marguerite, protectrice des mères en péril,

Sainte Marguerite, ange tutélaire des petits enfants,

Sainte Marguerite, avocate des âmes du Purgatoire,

Du malheur de perdre la foi,

De la mort éternelle,

De la tiédeur dans la vertu,

De l'amour du monde et de la vanité,

Des pièges du dragon infernal,

Du démon de l'orgueil,

Du démon de l'avarice,

Du démon de l'impureté,

Du démon de la jalousie,

De l'amour désordonné de nous-mêmes,

Du danger des mauvais exemples,

Du respect humain,

Des fautes légères,

Des neines du Purgatoire.

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Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-nous, Seigneur.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, exaucez-nous, Seigneur.

Agneau de Dieu, qu^effaifëz les péchés du monde, ayez pitié de^Ôous, Seigneur.

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y Priez pour nous, bienheureuse Marguerite. ït) Afin qne nous devenions dignes des promesses de Noire-Seigneur Jésus-Christ.

ORAISON.

Seigneur, qui parmi tous les prodiges de votre puissance, avez donné le courage à un sexe faible de remporter la victoire du martyre, jetez sur nous des regards miséricordieux, afin que nous, qui célébrons la mémoire de la bienheureuse. Marguerite, vierge et martyre, par son intercession et l'exemple de ses vertus, nous arrivions à vous posséder dans le ciel. Par JésusChrist notre Seigneur. Ainsi soit-il.

AUTRE.

Seigneur, Dieu tout puissant, appui et soutien de la virginité chrétienne, faites, nous vous en supplions, qu'en vénérant pieusement la mémoire de la bienheureuse Marguerite, vierge et martyre, nous soyons secourus par sa puissante intercession. Par Jésus-Christ Noire-Seigneur. Ainsi soit-il i.

1 Cette oraison est extraite d'un missel de'l'Eglise de •Milan, du seizième siècle.


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AUTRE ORAISON SPECIALE POUR LE JOUR DE LA FÊTE DE SAINTE MARGUERITE.

0 Dieu tout-puissant, par qui une foi viclotorieuse, une espérance ferme et un amour constant ont obtenu à la bienheureuse Marguerite, vierge et martyre, le triomphe sur les faux attraits de la chair, le mépris des honneurs et des richesses du inonde, oblenez-nous qu'en célébrant dignement sa fête, nous imitions les vertus qu'elle a pratiquées, pendant sa vie. Par Jésus-Christ Notre-Seigneur. Ainsi soit-ill.

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LITANIES DES FIDÈLES TRÉPASSÉS

Seigneur, ayez pitié de nous. Jésus-Christ, ayez pitié de nous. Seigneur, ayez pilié de nous. Jésus-Chrisl, écoutez-nous. Jésus-Christ, exaucez-nous. Dieu le Père, du haut des cieux, ayez pitié des fidèles trépassés.

1 liollandistes, 20 juillet.


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Dieu le Fils, Rédempteur du monde, ayez pitié des fidèles trépassés.

Esprit-Saint, qui êtes Dieu, ayez pitié des fidèles trépassés.

Trinité Sainte, qui êtes un seul Dieu, ayez pitié des fidèles trépassés.

Sainte Marie, mère de Dieu, priez pour les fidèles trépassés.

Saint Michel, archange, Saints Anges gardiens, Tous les neuf choeurs des Anges, Saint Joseph, „-;

Saint Jean-Baptiste, "gj

Tous les patriarches et prophètes, cL

Saint Pierre et saint Paul, * £2

Tous les saints Apôtres et Evangélistes, J2 Saint Elienne et saint Laurent, -2

Tous les saints martyrs, ^

Saint Grégoire et saint Augustin, ~

Tous les saints Docteurs, Papes et Confes- g

seurs, ^

Sainte Maiie-Magdeleine, •§

Sainte Marguerite, ^

Sainte Catherine, sainte Ursule et les onze

mille vierges, Sainte Anne et toutes les veuves, Toutes les saintes, intercédez pour les fidèles

trépassés.

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—104 —

Soyez-leur propice, pardonnez-leur, Seigneur. ' De tout mal, délivrez-les, Seigneur. De votre courroux, délivrez-les, Seigneur.

De la flamme du feu,

De la région des ténèbres,

Par votre conception et votre naissance,

Par votre très doux nom de Jésus,

Par votre très grande miséricorde,

Par votre très amère passion,

Par vos saintes plaies,

Par votre précieux sang,

Par votre glorieuse mort,

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Pauvres pécheurs que nous sommes, nous vous en prions, Seigneur, exaucez-nous.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, pardonnez-leur, ô bon Jésus.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, délivrez-les, Seigneur.

Agneau de Dieu, qui effacez les péchés du monde, donnez aux pauvres défunts le repos éternel.

y Seigneur, exaucez ma prière. R) Et que mes cris s'élèvent jusqu'à vous. y Sainte Marguerite, avocate des âmes du Purgatoire.

R) Intercédez pour les pauvres trépassés.


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ORAISON.

Mon Seigneur et mon Dieu, dont le plus grand plaisir est de faire miséricorde, regardez d'un oeil de compassion ces pauvres âmes qui souffrent en Purgatoire, et, par l'effet de votre - clémence'infinie, faites-les parvenir au souverain bonheur. Par le précieux sang de votre Fils, par l'intercession de la glorieuse Vierge Marie, par les mérites de tous les saints, délivrez ces âmes de la prison qui les renferme et du feu qui les brûle, afin qu'admises devant votre sainte face, elles vous voient, vous louent et vous aiment éternellement. Ainsi soit-il.


—103 —

IV Invocation au Saint Coeur de Marie. Doux Coeur de Marie, soyez mon salut.

(Indulgence de 300 jours chaque fois et une.

plénière une fois le mois, pour quiconque

l'aura récitée chaque jour, aux conditions

ordinaires.—[Pie IX, 30 septembre 1852.)

V Invocation à Jésus, Marie, Joseph.

Jésus, Marie, Joseph, je vous donne mon coeur, mon esprit et ma vie. . Jésus, Marie, Joseph, assistez-moi dans ma dernière agonie.

Jésus, Marie, Joseph, que je meure paisiblement en votre sainte compagnie.

(Indulgence de 300 jours. —Pie VII, 28 avril 1807.)


— 104 — §m

PRIÈRES DIVERSES I

Offrande du précieux sang de Nolrc-Scinncur Jésus-Christ.

Père éternel, je vous offre le sang très précieux de Jésus-Christ, en expiation de mes péchés, et pour les besoins de lu sainte Eglise.

(Indulgence de 100 jours chaque fois qu'on fera cette prière. — Pie VII, rescrit du 28 mars 1817.)

II Oraison jaculatoire du Bienheureux Léonard de Port-Maurice. Mon Jésus, miséricorde !, ■

(Indulgence de 100 jours. — Pie IX, 23 septembre 1856.)

III Oraison jaculatoire de saint Jérôme Einilien.

O très doux Jésus, ne soyez pas mon juge, mais mon Sauveur.

(Indulgence de 50 jours, chaque fois. — Pie IX, 11 août 1851 et 20 novembre 1853.)


105 —

TABLE DES MATIERES

PROLOGUE.

Le culte des saints est-il légitime?.... 5 I. — Naissance et premières années de

sainte Marguerite 13

II. — Le préfet Olybrius 19

III. — Une vengeance d'Olybrius 23

IV.— Marguerite devant le tribunal d'Olybrius 29

V. — Menaces d'Olybrius 35

VI. — Les premiers supplices 41

VIL — Dans la prison 47

VIII. — Nouveaux supplices 53

IX. — Encore des épreuves 59

X. — Dernier supplice 65

XL — Reliques et images 69

XII. — Mémoire et miracles de sainte Marguerite

Marguerite 73

XIII, — Sainte Marguerite à Combovin 79

XIV.— Pèlerinage de sainte Marguerite à

Combovin 85

XV. — Devoirs du pèlerin à sainte Marguerite 91 XVI. — Prières en l'honneur de sainte Marguerite et pour iMlM^PSOD intercession ,/>yi'..... ''ï\ • • • • 95