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Titre : Bulletin de la Société ariégeoise des sciences, lettres et arts

Auteur : Société ariégeoise des sciences, lettres et arts. Auteur du texte

Auteur : Société des études du Couserans. Auteur du texte

Éditeur : Société ariégeoise des sciences, lettres et arts (Foix)

Date d'édition : 1882-10-01

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb34406321v

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb34406321v/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 01 octobre 1882

Description : 1882/10/01 (N1)-1886/02/28 (N11).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Midi-Pyrénées

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5727826d

Source : Archives départementales de l'Ariège, 8-Z-10641

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 17/01/2011

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BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES ET ARTS

NUMERO 1. OCTOBRE 1888

FOIX

IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE BARTHE

1882


SOMMAIRE

Règlement de la Société 3

Composition du Bureau. 5

Noms et adresses des membres de la Société 7

Avertissement ,.... 10

Extraits des comptes-rendus des séances :

1re séance. — 11 avril 1882 11

2e séance. — 21 avril 14

3e séance. — 30 mai 16

4e séance. — 29 juillet 17

Fouilles opérées peur le compte du Musée de l'Ariège. — Grotte de Campagnolle du Cair de Lirbat, près Massat, par Jules Grégoire 20

Découverte de médailles romaines dans une grotte de

Massat, par M. F. Pasquier, archiviste de l'Ariège. 24

Requête des consuls et habitants de Varilhes, à Henri d'Albret, Comte de Foix, Roi de Navarre, pour obtenir justice d'une agression. (Texte inédit en langue Romane de 1535), par M. F. Pasquier 27

Demande eu réduction d'impôts présentée sous Louis XIV par les habitants de la baronnie de Château-Verdun 35

Bibliographie ariégeoise.. — Avis 43

COMPTES-RENDUS :

I. Une ancienne châtellenie dans le Séronais

(Ariège), par M. Rumeau 43

II. Vallées ariégeoises avant l'Invasion Romaine,

par M. Adolphe Garrigou 45

III. Sépultures antiques du Sarrat de Guilaire, aux

Bordes-sur-Lez (Ariège), par M. l'abbé Caudurban

Caudurban

Errata ; 51


BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES ET ARTS

NUMERO 1. OCTOBRE 1882

FOIX

IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE BARTHE

1882



NUMÉRO 1. OCTOBRE 1882.

BULLETIN

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES ET ARTS

Règlement de la Société

Discuté, dans la séance du il avril 1882, et définitivement adopté, dans celle du 21 du même mois, par les adhérents au projet de formation de la Société.

ARTICLE PREMIER

Une Société départementale est constituée à Foix dans le but de contribuer, par les efforts réunis de ses membres, au progrès des sciences, lettres et arts.

ARTICLE II

La Société a pour mission particulière d'enrichir les collections du Musée départemental et d'étudier toutes les questions qui se rattachent à cette oeuvre.

ARTICLE III

Le bureau comprend : Un président, Deux vice-présidents, Un secrétaire général, Deux secrétaires adjoints, Un trésorier.


— 4 —

ARTICLE IV

Le bureau est renouvelé chaque année au mois d'Avril.

Le président et les deux vice-présidents ne pourront être réélus dans les mêmes fonctions qu'après un an d'intervalle.

Pour l'élection du bureau, on peut voter par correspondance, en adressant, sous pli cacheté, le bulletin de vote au président. En cas d'un second tour de scrutin, les membres présents ont seuls le droit de suffrage.

ARTICLE V

Le président dirige les travaux de la Société ; il la représente et fait exécuter ses décisions.

Il a la police des séances.

Il fait observer le règlement et connaître l'ordre du jour des réunions.

ARTICLE VI

Le secrétaire général, assisté des secrétaires adjoints, rédige les procès-verbaux des séances, les signe avec le président, tient la correspondance et veille à la conservation des archives et de tous objets appartenant à la Société.

ARTICLE VII

Le trésorier est dépositaire des fonds appartenant à la Société. Il paye les dépenses décidées par le bureau, sur mandats que délivre le président.

ARTICLE VIII

Le nombre des membres de la Société est illimité ; ils sont admis sans distinction de nationalité, sur la présentation de deux membres, au scrutin secret, à la majorité des membres présents à la séance qui suivra la présentation.

ARTICLE IX

La cotisation annuelle est fixée à dix francs. Tout membre, qui versera une somme de 200 francs, sera définitivement libéré du payement de la cotisation annuelle.


— 5 —

ARTICLE X

La Société publie un bulletin, qui est dirigé par le bureau et envoyé gratuitement à tous les membres.

ARTICLE XI

La Société tient des séances ordinaires chaque mois aux jours indiqués par le président.

En outre, des séances publiques, des concours, des conférences, des excursions pourront être organisées par les soins de la Société.

ARTICLE XII

Toute modification aux présents statuts devra être proposée soit par le bureau, soit sur une demande signée au moins par le cinquième des membres inscrits.

Le vote ne pourra avoir lieu qu'à la première réunion ordinaire, qui suivra de dix jours au moins le dépôt du projet de modification.

Foix, le 21 avril 1882. Le Président de la Société,

CH. SANS. Pour copie conforme :

Le Secrétaire général de la Société, F. PASQUIER.

BUREAU ELU DANS LA SEANCE DU 21 AVRIL 1882

Président d'honneur : M. GARRIGOU père, à Tarascon-surAriège.

Tarascon-surAriège. : M. CH. SANS, Conseiller général de l'Ariège à

Daumazan (Ariège). Vice-Présidents ; M. ALZIEU, médecin à Axiat (Ariège) ;

M. DUCLOS, vétérinaire départemental à Foix. Secrétaire général : M. F. PASQUIER, archiviste de l'Ariège

à Foix.


Secrétaires adjoints : M. GRÉGOIRE , avocat à Foix ;

M. DRESCH, docteur-médecin à Foix. Trésorier : M. PRÉVOT, capitaine en retraite à Foix.

Foix, le 21 avril 1882.

Le Président de la Société,

CH. SANS. Pour copie conforme :

Le Secrétaire général de la Société, F. PASQUIER.

REPUBLIQUE FRANÇAISE

PRÉFECTURE DU DEPARTEMENT DE L'ARIÈGE

NOUS, Préfet de l'Ariège,

Vu la demande formée par plusieurs notables du département de l'Ariège, à l'effet d'être autorisés à fonder dans la ville de Foix une Société sous la dénomination de Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts ; Vu la liste des membres fondateurs ; Vu les Statuts de cette Société ; Vu le décret du 25 mars 1852 ; Vu les articles 291 et suivants du code pénal ;

ARRÊTONS : ART. 1er. — La création à Foix d'une Société sous la dénomination de Société Ariégeoise, des Sciences, Lettres et Arts est autorisée,

ART. 2. — M. le Secrétaire Général est chargé de l'exécution du présent arrêté. Foix, le 25 mai 1882.

Pour le Préfet de l'Ariège : Le Secrétaire Général,

Signé : CASSAIGNES. Pour ampliation :

Le Conseiller de Préfecture, GALY.


Membres de la Société. — Noms et adresses

MESSIEURS :

Alzieu, médecin à Axiat, par les Cabannes (Ariège).

Amiel, ingénieur civil à Tarascon-sur-Ariège.

Ayma, inspecteur honoraire d'Académie à Foix.

Baby, conducteur principal des Ponts et Chaussées à Foix.

Baby, Paul, commis de direction des Postes et Télégraphes à Foix.

Bardies (baron de), à Soulan, par Aleu (Ariège).

Bastian, professeur au Collège de Foix.

Bellissen (Cyprien de), conseiller général de l'Ariège à Foix.

Bellocq, pharmacien à Foix.

Boy, Philippe, docteur-médecin à Foix.

Buscail, docteur-médecin à Serres-sur-Arget (Ariège).

Cabanes, conseiller général de l'Ariège, docteur-médecin à Castillon (Ariège).

Cabibel, curé de Montardit, par Sainte-Croix (Ariège).

Campoussy (de), conseiller général de l'Ariège, docteurmédecin à Mijanès, par Quérigut (Ariège).

Caudurban, curé des Bordes-sur-Lez, par Castillon (Ariège).

Chabaud, docteur-médecin à Mirepoix.

Chausson, censeur des études au Lycée d'Alby.

Cheissel, agent-voyer en chef de l'Ariège à Foix.

Claustre, Sylvain, agent-voyer cantonal à Foix.

Commenge, docteur-médecin, avenue Victoria, 18, à Paris.

Degeilh, juge d'instruction à Gaillac (Tarn).

Delpech, censeur des études à Bastia.

Domenc, chef de Division à la Préfecture, à Foix.

Doumenjou, Paul, avoué à Foix.

Dresch, docteur-médecin à Foix.

Duclos, Henri, curé de Saint-Eugène, 52, rue du FaubourgPoissonnière, à Paris.

Duclos, Firmin, médecin-vétérinaire du département à Foix.

Duclos, L., inspecteur primaire à Cérisols, par Ste-Croix (Ariège).

Durand-Lapie, professeur au Collège de Foix.


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Escande-Voltan, maire à Rieux-Pelleport, par Varilhes

(Ariège). Esquirol, ancien professeur à Mercus, par Tarascon-surAriège

Tarascon-surAriège Fabre, docteur-médecin, directeur de l'asile départemental

de Saint-Lizier (Ariège). Fauré, Charles, docteur-médecin, inspecteur des enfants

assistés à Foix. Foch, à Lédar, par Saint-Girons (Ariège). Font-Réaulx (H. de), chef de cabinet du Préfet de l'Ariège,

à Foix. Frézoul, sénateur, conseiller général de l'Ariège, docteurmédecin à Varilhes (Ariège). Gadrat, Léon, imprimeur du Journal de l'Ariège à Foix. Galy, Albert, conseiller de Préfecture à Foix. Galy, Osmin, percepteur à Oust (Ariège). Galy-Gasparrou, conseiller général de l'Ariège et maire à

Massat (Ariège). Garrigou, Adolphe, à Tarascon-sur-Ariège. Garrigou, Félix, docteur-médecin, rue Valade, 38,

à Toulouse. Grégoire, Jules, avocat à Foix.

Grenier-Fajal (0. de), pasteur à Caussade (Tarn-et-Garonne). Guinier, inspecteur des forêts à Foix. Guy, inspecteur d'Académie à Foix. Huet, ancien professeur à Pamiers. Joffrès, Ernest, avocat à Foix. Labatut, notaire à La Bastide-de-Sérou (Ariège). Laborde, Louis, avocat, président du Conseil général de

l'Ariège, à Foix. Lacvivier (Charles de), censeur des études au Lycée de

Troyes (Aube). Ladevèze,Tibulle, ancien viguier d'Andorre et juge de paix,

au Mas-d Azil (Ariège). Lafagette, Raoul, publiciste, avenue Victoria, 14, à Paris. Lafont, Alexandre, ancien professeur à l'Herm, par Foix. Lafont de Sentenac, directeur de l'imprimerie Pomiès à

Foix. Lahondès (Jules de), â Pamiers.


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Lartet, professeur de géologie à la Faculté des Sciences, rue du Pont de Tounis, à Toulouse.

Massip, Gaston, député de l'Ariège, à Foix.

Mercadier, Albert, ingénieur à Revigny (Meuse).

Mercadier, Auguste, professeur d'harmonie, rue de Rivoli, 70, à Paris.

Mercadier, Ernest, directeur des études à l'Ecole Polytechnique, à Paris.

Mercadier, Ferdinand, bibliothécaire de la ville et conservateur du Musée, à Foix.

Méric, Jules, professeur au Collège de Foix.

Montjoie, inspecteur primaire à Gaillac.

Mot, professeur au collège de Foix.

Not, conseiller général de l'Ariège à Igaux, par Ax (Ariège).

Pages, ancien sous-préfet à Foix.

Paris, architecte d'arrondissement à Pamiers.

Pasquier, Félix, archiviste de l'Ariège à Foix.

Pescaire, publiciste, rue des Moines, 2, à Paris.

Pic, conducteur des Ponts et Chaussées â Foix.

Pognan, L., principal du Collège de Foix.

Prévot, capitaine en retraite à Foix.

Roques, pharmacien à Foix.

Rousse, Volusien, docteur-médecin à Foix.

Rousset, notaire à Capoulet-Junac, par Tarascon-surAriège (Ariège).

Rumeau, directeur de l'école publique de Grenade-surGaronne (Haute-Garonne).

Sarda, professeur à l'Ecole normale de Foix.

Sans, conseiller général de l'Ariège à Daumazan (Ariège).

Sicre, Adrien, ancien professeur, maire à Montgaillard (Ariège).

Soula, professeur d'agriculture, docteur-médecin à Foix.

Soula, pharmacien à Pamiers.

Soula, Henri, docteur-médecin à La Bastide-de-Sérou (Ariège).

Taillefer, conducteur des Ponts et Chaussées à Foix.

Teulière, docteur-médecin à Foix.

Thibaudeau, à Lavelanet (Ariège).


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Tissèdre, professeur au Collège de Foix.

Trinqué, Hippolyte, conseiller général de l'Ariège et maire à Saint-Girons.

Vayron, conseiller général de l'Ariège, à Saint-Girons.

Vigarosy, sénateur et conseiller général de l'Ariège, à Lagarde, par Mirepoix (Ariège).

Avertissement

Au mois de mars dernier, le Comité d'initiative du Musée départemental s'occupa de former une association destinée à grouper les personnes s'intéressant aux travaux littéraires et scientifiques, et en particulier, aux recherches dont notre région peut fournir le sujet.

Une circulaire fut adressée à tous ceux qui, par leurs goûts, leurs études ou leur position, étaient à même de contribuer au succès d'une oeuvre semblable. L'appel fut entendu; en moins de quinze jours, plus de soixante noms étaient inscrits sur la liste du Comité.

Le mardi, 11 avril, une trentaine d'adhérents se réunirent à Foix, en assemblée générale, afin de constituer la Société, de lui donner un nom et d'en arrêter les statuts. Le 21 avril, on tint une seconde séance dans laquelle on adopta définitivement le règlement, dont les bases avaient été précédemment discutées, et l'on procéda à la formation du bureau. C'est dans ces deux séances que la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts a été fondée; le 25 mai suivant, le règlement a reçu, conformément à la loi, l'approbation de M. le Préfet de l'Ariège.

En tête du premier numéro du Bulletin, dont la Société s'est proposé d'entreprendre la publication, il convenait de placer le règlement, suivi de l'arrêté d'autorisation, et de donner, avec la composition du bureau, la liste des membres actuels.

Quant aux procès-verbaux des quatre premières séances, (11 et 21 avril, 30 mai et 29 juillet), nous croyons inutile d'en fournir le procès-verbal in extenso ; nous reproduisons,


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conformément à une délibération prise à ce sujet, les passages des discussions susceptibles de préciser le sens d'un article des statuts ou de faire ressortir quelle a été l'intention de la Société en adoptant ou en rejetant une proposition. Nous donnons également des extraits concernant les décisions prises en vue des mesures d'ordre intérieur, ou ayant pour objet les travaux exécutés sous les auspices de la Société.

Les communications, faites dans le cours des réunions sur une question scientifique, ont également été résumées dans le compte-rendu de chaque séance.

PREMIÈRE SÉANCE. — 11 AVRIL 1882

Dénomination de la Société.

Quel sera le titre de l'association? Il est donné lecture d'une lettre d'un adhérent, qui propose de l'appeler Société, philomatiqus de l'Ariège. Cette désignation est écartée comme ne présentant pas un sens assez facilement compréhensible.

Pour bien montrer que la Société a un caractère vraiment départemental et ne se restreint pas à une localité, il est stipulé que la qualification d'Ariégeoise sera ajoutée à la dénomination.

Un membre fait observer que le Musée, du moins à l'origine, sera consacré aux collections géologiques; il serait peutêtre à propos d'indiquer, dans le titre, que les recherches de la Société, tendront particulièrement vers les sciences naturelles.

Cette proposition n'est pas acceptée, parce que la Société n'est pas exclusive et doit avoir pour mission de se livrer aux études, que comporte le pays à différents points de vue. En spécifiant que l'histoire naturelle sera l'objet spécial des travaux, ne serait-ce pas lui assigner une place au détriment des autres branches d'investigations? D'ailleurs, chaque membre sera toujours libre de se consacrer aux recherches, vers lesquelles il se sent le plus de compétence et d'attrait,


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et de faire part de ses découvertes dans les réunions.

On ne s'arrête pas au titre de Société Ariégeoise, scientifique, littéraire et artistique, que l'on remplace par celui de Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts.

Mais, dit-on, il existe, dans le département, une association qui s'intitule : Société d'Agriculture et des Arts. Pour éviter toute confusion, n'est-il pas prudent de retrancher à notre titre le mot : Arts.

On répond que l'erreur n'est pas possible, et que, de ce chef, aucune réclamation n'est à redouter. Il importe d'établir que la Société n'entend pas s'interdire les travaux artistiques et archéologiques.

On reconnaît la nécessité d'adopter un règlement clair et concis, ne contenant que le nombre d'articles indispensables à la marche de la Société.

Deux membres proposent comme modèles les statuts de la Société des Sciences Lettres et Arts de Pau, dont l'expérience a démontre le côté pratique. Il en est donné lecture à l'assemblée, qui déclare que ce règlement, en subissant quelques modifications, peut convenir à la Société Ariégeoise. Aussi décide-t- on de passer à la discussion des articles et des amendements qu'on jugera nécessaire d'y introduire.

Discussion des Articles

Art. 1er. — L'adoption est votée, mais avec l'addition du mot : départemental,.pour indiquer, dans les articles comme dans le titre, que la Société n'est pas purement locale,

Art. 3. — Cet article est relatif à la composition du bureau.

Deux membres, avant d'aborder la discussion, déclarent qu'il serait à propos de décerner à M. Garrigou père la présidence d'honneur.

Cette nomination serait un hommage rendu à un savant qui, par ses recherches et ses travaux, a contribué à attirer l'attention sur l'histoire du pays, et qui a rassem-


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blé des éléments d'études nécessaires à tous ceux ayant intérêt, pour un motif quelconque, à s'occuper des questions relatives à l'ancien Comté de Foix.

Ce serait, en outre, un acte de reconnaissance envers une famille, dont un des membres assure par sa libéralité la fondation du Musée départemental.

Cette proposition est votée à l'unanimité, et l'on décide qu'il n'y aura pas, dans le règlement, de disposition relative à la présidence d'honneur, la distinction étant accordée à M. Garrigou père, en raison de ses travaux scientifiques et de la libéralité de sa famille envers le pays.

Art. 7. — La reddition des comptes du Trésorier est fixée à l'époque du renouvellement du bureau. Cette époque est choisie de préférence, parce que les élections attirant un plus grand nombre de membres, il est possible de mieux faire connaître la situation de la Société et d'apprécier l'affectation qu'il convient de donner aux ressources disponibles.

Art. 9. — A la suite d'une discussion suscitée par la présentation de plusieurs amendements , le montant de la cotisation annuelle est fixé à dix francs, sans distinction entre les membres et sans réduction en faveur de qui que ce soit.

Art. 11. — Il ne paraît pas à propos de fixer dans le règlement le jour des séances, surtout pour une première année. C'est au président ou au vice-président, qui le remplace, de faire les convocations suivant les circonstances. Il suffit de spécifier que chaque mois aura lieu une réunion ordinaire, qui pourra être ajournée pendant les vacances.

Un membre propose d'ajouter un article supplémentaire portant que les discussions politiques et religieuses seront formellement interdites soit dans les réunions, soit dans le Bulletin.

Cette motion est rejetée comme inutile, car, ainsi que le porte l'article premier, la Société a pour but d'encourager


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les travaux scientifiques et littéraires, et de grouper tous ceux qui s'intéressent aux recherches concernant l'Ariège. Dans ce but,il convient d'écarter toutes les questions susceptibles de porter la moindre atteinte à la bonne harmonie entre les membres ; aussi va-t-il sans dire que les discussions politiques et religieuses sont interdites.

SECONDE SÉANCE. — 21 AVRIL 1882

Le secrétaire lit les statuts tels qu'ils ont été arrêtés dans la dernière séance, et dont l'article 2 a été réservé.Plusieurs rédactions sont proposées pour cet article.

Un membre lit la formule suivante :

« La Société se livrera aux études que comportent les collections publiques du département et, s'il y a lieu, s'occupera de pourvoir à leur développement.

« Le futur Musée, dit-il, devra, surtout à l'origine,attirer l'attention de la Société, qui sera chargée d'en surveiller l'organisation et de contribuer à l'accroissement des collections. Le comité d'initiative, dans les circulaires concernant la formation d'une Société savante, a déclaré qu'il convenait de ne pas être exclusif. La Société, dont le titre indique que les recherches artistiques sont comprises dans son programme, peut être invitée par l'Administration supérieure des Beaux-Arts à prendre part à l'inventaire des richesses d'art de la France, en ce qui concerne notre région. Voilà pourquoi il serait préférable d'adopter une rédaction ne visant pas un but spécial. »

Ce projet est combattu par un autre membre : « Non, dit-il, la Société ne doit pas être exclusive ; le Musée étant le principal dépôt dont il faut assurer la prospérité pour le présent et pour l'avenir, les statuts doivent porter que la Société aura pour mission d'en enrichir les collections et de s'occuper des questions qui le concernent. De cette façon, on satisfait à toutes les exigences de la situation. Les membres ne se refuseront pas de fournir les renseignements que leur demandera le Minis-


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tère soit pour le catalogue des richesses d'art de la France, soit pour toute autre cause. Mais la Société, dont la constitution est la conséquence de la création du Musée, est tenue de se rattacher à cet établissement ; les statuts doivent faire mention de cette obligation. »

« Tout en songeant aux collections du Musée, ce ne sera pas une raison pour la Société de renoncer à la possession d'objets, dont l'acquisition sera faite à un titre quelconque. Du reste, ce cas est prévu, puisque l'article 6 place parmi les attributions du secrétaire général la garde de tous les des objets appartenant à la Société. »

Le membre, qui avait pris la parole, finit en soumettant le projet suivant :

« La Société a pour mission d'enrichir les collections du Musée départemental et d'étudier toutes les questions qui se rattachent à cette oeuvre. »

Un membre demande que l'on mette « mission particulière, » ce sera la preuve que la Société, tout en se préoccupant du Musée, a aussi un autre but et d'autres attributions.

L'article,mis aux voix,est adopté avec cette modification.

Art. 9. — Un membre dépose un amendement portant que tous les associés, aussi bien les premiers adhérents que les autres, recevront un diplôme, dont la remise entraînera un versement de deux francs.

Est-ce une ressource que l'on veut créer, observe-t-on ? En ce cas, il est préférable d'élever le chiffre de la cotisation; ce serait alors remettre indirectement en discussion un point tranché par un vote. Est-ce une simple distinction honorifique qui sera décernée à chaque membre ? Beaucoup de Sociétés ont renoncé à cet usage.

L'amendemunt n'est pas adopté.

On repousse un paragraphe ayant pour but de faire décider que les sommes, provenant des libérations anticipées, seront placées pour constituer un fonds de réserver, dont on


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ne pourrait disposer que dans des circonstances exceptionnelles, et après un vote spécial.

La Société, suivant la remarque qui en est faite, doit rester maîtresse de ses ressources pour faire face aux dépenses qu'il est encore difficile de bien prévoir.

L'assemblée décide que, pour l'élection du bureau, l'on votera sur une liste comprenant toutes les fonctions et non sur chaque charge en particulier.

Le but eau est constitué immédiatement après le dépouillement du scrutin.

TROISIÈME SÉANCE. -- 30 MAI 1882

Sont admis comme membres de la Société : 1° Sur la présentation de MM. Duclos et Pasquier : MM. Delpech, censeur des études à Bastia;

Galy, Osmin, percepteur à Oust (Ariège) ;

0. de Grenier Fajal , pasteur à Caussade (Tarnet-Garonne

(Tarnet-Garonne Lahondès (J. de), propriétaire à Pamiers. 2° Sur la présetation de MM. Garrigou et Pasquier : M. le docteur Teulière à Foix.

3° Sur la présentation de MM. F. Mercadier et Pasquier : MM. Mercadier (Albert), ingénieur à Revigny (Meuse) ; Mercadier (Ernest), directeur des études à l'École Polythecnique. 4° Sur la présentation de MM. Ch. Sans et de FontRéaulx : MM. Galy (Albert), conseiller de préfecture à Foix ;

Trinqué (Hippolyte), conseiller général et maire à Saint-Girons. Après une discussion, à laquelle prennent part MM. Duclos, Dresch, Guinier et Prévot, il est décidé qu'une commission spéciale, composée du bureau de la Société et de trois membres sera chargée de concourir à l'aménagement général du Musée. A la suite d'un vote au scrutin secret,


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MM. Bastian, Guinier et F. Mercadier, sont adjoints au bureau pour former ladite commission.

Diverses propositions sont faites relativement à la tenue de séances publiques, à l'organisation de conférences et à l'ouverture prochaine d'un concours. L'assemblée, sans écarter catégoriquement les projets qui lui sont soumis, pense qu'il y a lieu de surseoir à leur prise en considération.

La commission du Musée est autorisée à faire des fouilles en tels endroits qui lui paraîtront favorables.

Au nom de M. Pasquier, M. de Font-Réaulx lit une communication sur des médailles Romaines trouvées par M. Osmin Galy dans la grotte supérieure du Cair de Lirbat, près de Massat.

L'assemblée décide, après mûre discussion, que les réunions devront avoir lieu le soir. Les motifs de cette résolution sont principalement tirés de l'impossibilité, dans laquelle se trouveraient un grand nombre de membres retenus par leurs occupations, d'assister à des séances de jour.

QUATRIÈME SÉANCE. — 29 JUILLET 1882

Est admis membre de la Société, sur la présentation de MM. Lafont de Sentenac et Pasquier, M. l'abbé Duclos, curé de Saint-Eugène à Paris.

Un membre du bureau fait connaître les motifs particuliers qui ont engagé à convoquer aujourd'hui les sociétaires, à deux heures de l'après-midi, et non le soir. Il n'y a pas eu oubli de la décision prise à la dernière séance. Il était important de statuer sur la publication du Bulletin et de prendre un parti sur les questions portées à l'ordre du jour.

Il reste entendu que les séances ordinaires auront lieu le soir, à huit heures, au jour fixé soit par l'assemblée, soit par le bureau. Mais si les circonstances exigent une réunion extraordinaire, dont la Société ne peut prévoir ni les


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causes ni l'époque, le bureau aura la faculté d'adresser aux membres une lettre d'avis, pour leur indiquer les motifs de la réunion et en fixer la date. Le cas est prévu par l'article XI du règlement, dans lequel il est question des convocations de la Société, sans qu'il soit fait mention du jour des séances.

Il est donné lecture du cahier des charges rédigé par les soins du bureau, en exécution d'une décision de la Société, qui a résolu de mettre en adjudication entre les trois imprimeurs de Foix l'impression du Bulletin périodique.

Les articles du cahier des charges sont approuvés.

M. Barthe, imprimeur à Foix, qui a fait les meilleures conditions, est déclaré adjudicataire de l'impression du Bulletin pendant un an.

M. Grégoire, qui, d'après l'autorisation de la Société, a fait, avec le concours de M. Duclos, des fouilles pour le compte du Musée à l'Herm et à Massat, donne communication du résultat de ses recherches. Il lit un mémoire où se trouve la description sommaire de la grotte de Massat et l'énumération des objets trouvés.

M. Grégoire dépose sur une table quelques spécimens des principales pièces qu'il a retirées du sol de cette grotte et les montre aux membres de l'assemblée ; un bois de renne , où l'on voit une chèvre, sculptée en relief avec une grande précision, attire particulièrement l'attention.

Le bureau avait écrit à M. Galy-Gasparrou, conseiller général et maire de Massat, membre de la Société, pour le prier de faire surveiller la grotte, qui est une propriété communale, et d'empêcher à l'avenir les dévastations dont elle a eu à souffrir. Grâce à la bienveillante intervention de notre collègue, la grotte a été protégée, et les délégués de la Société ont trouvé le concours qui leur était nécessaire pour se livrer à leurs investigations.


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L'assemblée décide que l'intéressante notice de M. Grégoire sur les fouilles de Massat sera insérée dans un numéro du Bulletin.

M. Pasquier donne connaissance d'un document en patois de 1535, qui n'appartient pas à un dépôt public. C'est une requête des habitants de Varilhes, à Henri d'Albret. comte de Foix, roi de Navarre, pour demander justice des violences commises, à l'égard des consuls, par quelques seigneurs des environs. Au bas de la pièce, on voit l'ordre signé de la main du prince, par lequel il est enjoint aux officiers du pays de faire bonne et prompte justice des coupables, pour que leur châtiment serve d'exemple à l'avenir.

L'impression de ce texte est réservé pour le Bulletin.

M. Joffrès a eu entre les mains il y a quelques années un document du XVIIe siècle,contenant une supplique des habitants des Cabannes et de la baronnie de Château-Verdun, adressée à l'Intendant de la Province pour exposer leur misère et réclamer un degrèvement d'impôts.

Il a été pris de ce curieux texte une copie, dont il est donné lecture; l'assemblée en prescrit l'insertion dans le Bulletin.

Ce document a d'abord un intérêt historique; car il inindique quelle était, dans le commencement du règne de Louis XIV, la situation d'une de nos vallées que les guerres civiles et religieuses avaient réduite à la détresse. Les auteurs du mémoire exposaient que les réquisitions pour le siège du Mas-d'Azil et pour l'entretien des armées de Catalogne avaient épuisé les ressources de la contrée. Des fléaux d'un autre ordre avaient encore accru les calamités publiques. A la suite d'une inondation, le village de Verdun avait été en partie dévasté par un torrent. A lire la description du désastre survenu au XVIIe siècle, on croirait entendre le récit des malheurs qui, en 1875, ont frappé le même village.

L'assemblée décide qu'au mois d'Août aura lieu une séance, dans laquelle on arrêtera les mesures à prendre en vue de la réception de la Société géologique de France, qui


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doit tenir une session dans l'Ariège au mois de Septembre. En attendant, il serait à propos d'engager les amateurs à prêter leurs collections, et les chercheurs et propriétaires de mines à envoyer des échantillons tirés de leurs gisements; on parviendrait ainsi à organiser, à l'occasion du congrès géologique, une exposition qui permettrait, concurremment avec le Musée, de faire connaître les richesses minérales de l'Ariège.

Fouilles opérées pour le compte Musée de l'Ariège.

Grotte de Campagnolle du Cair de Lirbat, près Massat

I

La grotte de Campagnolle est située sur la route de Massat à Saint-Girons et à deux kilomètres seulement de Massat. Elle s'ouvre à douze mètres au-dessus de la route, établie elle-même à trois mètres au-dessus de la rivière de l'Arac. Les caractères lithologiques du calcaire du Cair de Lirbat nous le feraient volontiers rapporter à l'époque dévonienne, mais il est évident que des coupes bien étudiées pourraient, seules, donner l'âge de cette montagne. Nous n'avons pu que constater l'absence absolue de fossiles.

L'abord de la grotte est facile; son entrée est à l'ouest, et la galerie, après un petit coude, s'enfonce directement vers l'est. A peine a-t-on parcouru 29 mètres sous la voûte que l'on se trouve en face d'un abîme de 15 mètres de profondeur, au fond duquel coule un petit bras de l'Arac. L'eau, qui alimente ce canal souterrain,s'engouffre sous le Cair à trois cents mètres en amont. L'abîme peut être franchi au moyen de planches posées contre la paroi sud , mais il y a quelque imprudence à courir un danger qui n'a pour compensation que la vue de couloirs assez étroits, dans lesquels les fouilles n'ont jamais amené de résultats. L'eau de l'Arac lui revient en passant sous le remblai de la route construite


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entre le Cair et cette rivière. Il suffit, en effet, pour s'en convaincre, de jeter cinq ou six pelletées de terre dans le gouffre et d'aller voir l'eau, presque immédiatement troublée, qui sort en bouillonnant juste en face de la grotte.

Nous avons relevé le plan exact de la partie de la grotte fouillée par nous. En voici les dimensions principales :

Longueur jusqu'au gouffre 29 mètres

Largeur moyenne 7 mètres

Hauteur moyenne 3 mètres

C'est dans cet espace, très restreint comme on voit, qu'ont été pratiquées toutes les fouilles qui ont précédé les nôtres. C'est encore là que nous avons dû chercher ce que nos devanciers avaient pu oublier. Les savants y sont venus tour à tour, remuer le sol et enrichir leurs collections ; aussi avons-nous été navrés, M. Duclos et moi , en entendant la longue énumération des objets intéressants que la grotte renfermait et qui sont aujourd'hui dispersés un peu partout. Peut-être arriverons-nous un jour à remettre dans les vitrines du Musée de l'Ariège des échantillons tombés dans des mains aussi généreuses qu'intelligentes; mais ce n'est là qu'un timide espoir que nous formulons en passant.

II

Le sol de la grotte de Campagnolle a une pente très prononcée,de l'ouverture jusqu'au gouffre. C'est à deux mètres de celui-ci que nous avons commencé nos travaux en repoussant les terres derrière nous. Une tranchée d'un mètre cinquante, allant jusqu'à la roche vive, a d'abord été creusée , mais la roche se relevant subitement, la quantité des terres remuées a été bien moins considérable qu'on ne la supposait devoir être dans le principe.

Les fouilles faites avec soin n'ont en somme amené que la découverte d'un seul foyer intact. Mais il convient sans doute, avant d'entrer dans le détail des objets trouvés, de donner une idée du sol qui a renfermé et conservé tant de traces de l'industrie préhistorique.

Comme toutes les grottes ayant servi d'asile à l'homme primitif, la grotte de Campagnolle contient, en immense


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quantité, des os brisés provenant de diverses races d'animaux. Rien de ce qui pouvait contenir un brin de moëlle n'échappait à l'appetit de nos aïeux. Il faudrait une autre compétence que la nôtre pour dire si, parmi tant de débris, il se trouve ou ne se trouve pas des restes du squelette humain. Ce n'est pas en tout cas, semble-t-il, être bien téméraire que de croire que l'anthropophagie a été l'une des premières institutions sociales. Nos moeurs, sous ce rapport, n'ont fait, avouons-le, qu'un progrès relatif.

Il nous serait fort difficile, à cause des fouilles antérieures, de décrire d'une façon absolument exacte ce que fut le sol de la grotte de Campagnolle. Nous avons pu, toutefois, constater que les couches comprises entre la surface et le roc vif variaient en nombre et en épaisseur, suivant que les dépôts stalagmitiques avaient été plus ou moins abondants, permanents ou interrompus. Ces dépôts de calcaire tombé des voutes sont séparés par des intervalles terreux mêlés de cendres et d'ossements. Sur le roc vif se trouvent des fragments non roulés, de même texture lithologique que lui. Aucun ciment ne les relie, et les os d'animaux s'y trouvent mêlés comme ils le seraient à des tas de cailloux sur le bord d'une grande route. Avec cette première couche d'ossements se trouvent de nombreux Hélix, représentant au au moins trois espèces.

Les étages supérieurs renfermaient seuls des foyers. C'est donc sur cette sorte d'éboulis que l'homme est venu camper pour la première fois.

Au-dessus de la couche calcaire recouvrant l'éboulis, nous avons trouvé pêle mêle, autour du même foyer, et sous deux autres couches stalagmitiques, des silex et des objets de bronze. Plus haut on trouve encore des silex. La grotte de Campagnolle représente donc une époque de transition. Mais ce mot de transition signifie-t-il lui-même quelque chose et ne peut-il pas s'appliquer à tous les âges? Si un cataclysme ensevelissait le monde actuel, on trouverait évidemment dans les mêmes couches, des voitures et des locomotives ; les savants en feraient-ils les types de deux époques distinctes?


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III

Nous n'avons, ainsi que je l'ai dit plus haut, trouvé qu'un seul foyer intact. Sa richesse nous a fait encore plus vivement regretter la perte des objets qui entouraient les six autres foyers déjà fouillés.

Voici un état sommaire de nos trouvailles au Cair de Lirbat :

1° Un fragment de bois de cerf de dix centimètres de long sur lequel se trouvent gravées deux chèvres. Le dessin en semble assez correct et d'une bonne allure. Cette pièce porte également d'autres traces de la main de l'homme,mais nous ne saurions déterminer la valeur de ces lignes.

2° Un harpon barbelé d'un seul côté ; les barbes mêmes sont brisées et l'on n'en voit que la place d'attache.

3° Un os large, travaillé en échancrure ronde aux deux extrémités et portant des dessins sur sa surface convexe. Nous ne saurions déterminer l'usage que l'homme pouvait en faire.

4° Un os de 18 centimètres, rond et poli, ayant servi à écorcher les animaux.

5° Un os ayant eu la même destination, mais portant des traces de dessin.

6° Un couteau ou polissoir.

7° Un andouiller de cerf taillé et travaillé, formant deux pointes. Cet objet a dû servir d'arme.

8° Un os de 7 centimètres taillé en forme de lance et portant une rainure de chaque côté.

9° Un os taillé en pointe et portant une spirale dessinée dans presque toute sa hauteur.

10° Une aiguille en os.

11° Un poinçon en os.

12° Plusieurs cornes de bouquetins, ouvrées et polies.

13° Quatre objets de bronze, dont une anse de vase, un anneau et un fragment de chaîne. Le quatrième objet, en forme de hameçon, nous paraît difficile à déterminer. Il semble découpé au ciseau.

14° Une quantité d'ossements de divers aninaux.

15° Je dois ajouter que M. Ferdinand Mercadier m'a


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remis un harpon admirablement conservé et provenant également du Cair de Lirbat.

IV

La grotte, que nous avons fouillée pour le compte du Musée de l'Ariège, est aujourd'hui complètement vide. Bien que les derniers arrivés, nous n'avons pas, je crois, à nous repentir des petits sacrifices faits. Que cherchions-nous, en effet? Des documents pouvant servir à l'histoire de l'homme en général et des Ariégeois en particulier. Eh bien! Nous possédons dès maintenant des ébauches grossières sorties de la main de ces ancêtres qui, luttant corps à corps avec la nature entière, trouvaient encore le temps, sous la voûte sombre des cavernes, de dessiner la silhouette de la chèvre nourricière et de tracer sur un os quelconque des courbes géométriques, dont devaient tant s'occuper plus tard les Descartes et les Newton.

Foix, le 14 juillet 1882.

JULES GRÉGOIRE.

Découverte de médailles romaines dans une grotte de Massat

La grotte de Campagnolle, où M. Grégoire a trouvé les objets décrits dans la notice précédente, n'est pas la seule qui existe dans le Cair (1) de Lirbat. Cette montagne est

(1) On écrit aussi Ker : la véritable orthographe est Cair. On trouve dans les textes du Moyen-Age se référant à la région des Pyrénées centrales Cairum pour signifier un rocher. Ce mot, plus ou moins défiguré, se rencontre encore dans la dénomination de plusieurs localités, ainsi Kerkabanac, Belcaire (Bellum cairum), Querigul (Cairum arutum), Caralp (Cairum album), etc.


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percée de plusieurs excavations, dont une, située à environ deux cents mètres au-dessus de Campagnolle, a également servi d'habitation à l'homme. Les fouilles, qu'on y a pratiquées à diverses reprises, ont fait découvrir des fossiles et des d'objets de différentes sortes. Dans le nombre, il en est quelques-uns qui, par eux-mêmes, n'ont qu'un intérêt relatif, mais dont la présence dans un milieu semblable mérite de fixer l'attention; il s'agit, en effet, de médailles romaines.

On pénètre dans la grotte, d'où ces pièces ont été extraites, par deux ouvertures orientées l'une N.-E., l'autre N.-O. Ces deux entrées aboutissent à un porche ou vestibule à vastes proportions, dans un angle duquel, un peu sur la droite, commence un couloir de deux cents mètres environ de longueur, d'un parcours aisé, se terminant par une fosse en contre-bas, ayant deux mètres de profondeur sur trois de large. A l'extrémité do cette fosse, le sol se relève brusquement pour donner naissance à un réduit de dimensions restreintes.

Le couloir, mais principalement la fosse et le réduit qui lui fait suite, contiennent une grande quantité de fossiles, enfouis dans un argile jaune sous une couche assez épaisse de stalagmites, qu'il a fallu faire sauter au pic. Les ossements les plus communs sont ceux de l'hyène, du grand ours, du renne et même du felis spelea.

Le vestibule, d'où l'on a également exhumé des fossiles, a été pour l'homme, vers une époque relativement moderne, un asile plus ou moins temporaire. Jusqu'à présent on n'en a pas retiré d'objets qu'on puisse faire remonter à la période préhistorique; mais on y a rencontré, presque à fleur de terre, de nombreux fragments de poterie rouge ou noire d'un travail généralement grossier.

C'est en remuant ces débris qu'on a mis a découvert une médaille en bronze de Dioclétien, d'un module moyen, encore bien conservée.

A l'entrée du couloir qui s'ouvre à droite, on a recueilli, dans les mêmes fouilles, une partie de la boîte osseuse d'un crâne humain, la moitié droite d'un maxillaire supérieur, et une dent incisive inférieure. Quelque temps auparavant,


un explorateur a ramassé au même endroit deux médailles d'un Gordien et un poignard en fer

Que déduire de ces découvertes ? Il serait imprudent de se livrer à des hypothèses d'après des indications aussi sommaires. Cependant il est permis d'avancer que les grottes de Massat ont été occupées par l'homme nonseulement dans les temps préhistoriques, mais encore à des époques récentes.

Il n'en faut pas conclure quelles excavations de la montagne du Cair ont, sans interruption, servi de demeure depuis les temps primitifs où l'on employait la hache de silex jusqu'au moment où l'on a fait usage de monnaies frappées à l'effigie des empereurs romains. Ces gîtes, à un moment donné, ont dû être délaissés par leurs habitants, qui sont descendus s'installer dans la vallée. A l'époque des invasions barbares, qui ont suivi d'assez près le règne de Dioclétien, les populations se sont sans doute réfugiées dans les cavernes ; c'est ce qui expliquerait la présence de médailles romaines en pareil lieu. Une fois le danger passé, chacun se serait empressé de quitter un abri suffisant pour des tribus sauvages, mais incompatible avec les besoins de la civilisation.

Mais ces suppositions sont autant de points, sur lesquels il ne serait possible d'apporter quelque lumière que si des fouilles méthodiques fournissaient le moyen de constater les traces laissées dans les grottes par les divers occupants, et si des investigations entreprises en différents endroits de la vallée permettaient, par une série d'observations et de comparaisons, d'arriver à une conclusion reposant sur des faits certains.

La solution de ces questions ne manquerait pas d'intérêt, car elle contribuerait à établir si, à l'époque romaine, les grottes des Pyrénées centrales, ou tout au moins de la vallée du Salat, étaient habitées par une population de troglodytes ou devenaient seulement un refuge en cas de calamité.Cette dernière conjecture est la plus admissible, car les traces les plus récentes du passage de l'homme dans les cavernes supérieures du Cair consistent en quelques foyers de peu d'importance. Partout ailleurs le sol, couvert de cailloux


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et d'argile rougeâtre, a conservé sa couleur primitive, preuve évidente d'un séjour accidentel et de peu de durée. (1)

F. PASQUIER. Archiviste de l'Ariège.

Requête des consuls et habitants de Varilhes

à Henri d'Albret (2), comte de Foix, roi de Navarre,

pour obtenir justice d'une agression.

Texte inédit en langue Romane de 1535

I. PRÉFACE

Vers 1535, la commune de Varilhes (3) soutenait un procès devant le Sénéchal de Pamiers contre les seigneurs de Durfort (4), de Rieux-Pelleport (5), de Marseillas (6) et

(1) La médaille de Dioclétien. a été trouvée par M. Osmin Galy. percepteur a Oust, qui la conserve dans sa collection. C'est grâce à ses indications que j'ai rédigé, cette notice, dont j'ai fait l'objet, au mois de novembre 1880, d'une communication au Comité des Travaux Historiques. Il en a été rendu compte dans le Bulletin des Sociétés savantes publié par le Ministère de l'Instruction publique. La découverte de médailles romaines dans une des grottes de Massat, où jusqu'à présent l'on n'avait fait attention qu'aux fossiles, et aux objets préhistoriques, méritait d'être signalée; d'une façon spéciale; c'est ce qui m'a engagé à donner un résumé de mon mémoire.

(2) Henri II d'Albret. roi de Navarre et Comte de Foix, régna de 1516 à 1553: il était l'époux de Marguerite de Valois, soeur de François 1er. et père de Jeanne d'Albret. ;

Ci) Varilhes, chef-lieu de canton de l'Ariège, entre Pamiers et Foix, était une châtellenie du comté de Foix; c'est une localité de 829 habitants située sur la rive droite de l'Ariège.

(1) Il n'y a dans le département qu'une localité rappelant ce nom: c'est Villeneuve-Durfort. petite commune du canton du Fossat. assez éloignée de Varilhes.

(3) Rieux-Pelleport, petite commune du canton de Varilhes..

(6) Marseillas. petit fief, dont le possesseur avait entrée aux Etats de Foix; c'est aujourd'hui un hameau dépendant de la commune de Villeneuve-du-Bosc (canton de Foix).


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contre M. de Las Rives (1), châtelain de la ville. Les habitants, alléguant la coutume et l'usage, se fondant sur les privilèges concédés par les comtes de Foix, réclamaient le droit de dépaissance et de maronnage dans le bois de Vals (2), situé aux portes de la ville ; les seigneurs, qui s'en déclaraient propriétaires exclusifs, prétendaient en interdire l'accès. Dans le but d'éviter toute cause de querelle ou de collision, le Sénéchal avait donné ordre aux parties de rester tranquilles et de ne pas s'occuper de l'affaire, tant que la sentence n'aurait pas été rendue. La paix n'était qu'apparente; la haine couvait dans les coeurs ; une rencontre, qui fut le résultat du hasard, suffit pour mettre les adversaires aux prises et entraîna les plus fâcheuses conséquences. C'est ce qui arriva le soir du mardi 18 février 1535.

A la chûte du jour, Pierre Bayord et François Claverie, l'un consul, l'autre syndic de Varilhes, Arnaud Lacaze, François Bayord et Blaise Danthoni, habitants de la ville, revenaient ensemble de tailler une vigne, appartenant à l'un d'eux. Au moment où ils longaient le chemin situé sur le bord de l'Ariège, avant de pénétrer en ville, ils rencontrèrent devant la porte du jardin du seigneur de Marseillas le fils de ce dernier, que l'on appelait dans le pays Cadet Bézian de Loubens (3); il avait à ses côtés un de ses amis connu sous le nom du Bâtard de Méserville. Tous deux étaient armés de leur épée, tandis que les autres ne portaient simplement leur serpe (pondant).

Absent déjà depuis un temps assez long, Bézian venait de rentrer au pays ; le syndic Claverie et ses compagnons l'abordèrent en lui faisant de respectueuses salutations et en lui demandant des nouvelles de sa santé.

« Je me porte bien, répondit-il (je pla me stabi), mais par la cordieu, vous autres, vous voulez m'empêcher de me

(1) La famille de Lanespla ou de La Nespla, était une des plus anciennes et des plus importantes des environs de Varilhes ; elle possédait le fief de Las Rives.

(2) Il ne reste de Vals qu'une petite chapelle, pouvant remonter à l'époque Romane, isolée au milieu de? champs et des vignes, qui depuis longtemps ont remplacé le bois, sujet de contestation en 1535.

(3) Loubens, petite commune du canton de Varilhes.


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chauffer de mon bois ; c'est ainsi que vous agissez, monsieur le syndic, mais par la cordieu, je vous en ferai repentir, et je vous traiterai comme l'homme le plus méchant de cotre famille (cous fare le plus maixant home de vostre lignage). »

« Vous ne me ferez rien, cadet, reprend humblement le syndic Claverie, nous sommes en procès. »

A ces mots, les deux seigneurs mirent l'épée à la main et en frappèrent de plusieurs coups leur interlocuteur qui, au moyen de son manteau, essayait de les parer le mieux qu'il pouvait. La résistance ne fut pas longue. Profitant d'une chute de Claverie, Méserville, l'ami de Bézian, lui fit une forte blessure au bras.

Les compagnons du malheureux syndic essayèrent bien de le protéger en se jetant à la rencontre des assaillants; la tentative fut vaine. Repoussés à grands coups d'épées, ils s'enfuirent vers la ville en étant poursuivis par Bézian qui criait : tue, tue.

Survinrent alors Johannot de Loubens, aïeul du cadet, Arnaud de Lanapla, seigneur de Las Rives, portant chacun une épée et venant, selon toute apparence, au secours de Bézian et de Méserville, avec lesquels il se retirèrent dans la maison du seigneur de Marseillas.

Pendant ce temps, les autres consuls de Varilhes, avertis par les cris du syndic et de son compagnon Lacaze, qui lui aussi avait reçu une blessure, se mirent en devoir de procéder suivant les formes de la justice et de faire des réquisitions. Ils se rendirent à la demeure de Marseillas, où ils ne purent pénétrer. Afin de ne pas laisser échapper les coupables, ils passèrent la nuit et la journée du lendemain jusqu'à midi devant la maison.

Le cadet Bézian fut le premier à capituler; quant à Méserville, on le trouva caché à l'intérieur de l'habitation. Les deux prisonniers furent menés à Foix pour être incarcérés dans le château.

La nuit suivante, le malheureux syndic succomba aux suites de sa blessure, laissant femme et enfants dans la désolation.

Ce fut alors que commença le procès et qu'un fait curieux


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se produisit. L'action fut engagée, non par les consuls ou par le procureur du Comte, mais à l'instigation des deux captifs, qui réclamaient hautement leur élargissement, et ne se gênaient pas de déclarer qu'ils tireraient vengeance des habitants de Varilhes. En outre, les parents du seigneur de Marseillas se vantaient de leur puissance, et disaient qu'un de leurs ancêtres était bien venu à bout d'un Comte de Foix dans une contestation et qu'il avait même obtenu la concession de la baillie de la Terrasse (1), restée depuis cette époque dans leur famille.

Dans cette circonstance, les consuls et habitants de Varilhes, se joignant à la veuve de la victime, adressèrent une requête à Henri d'Albret, roi de Navarre et comte de Foix, pour lui faire le récit des événements qui venaient de jeter le trouble et l'effroi dans la ville, et en même temps pour lui demander le châtiment des deux seigneurs, dont l'impunité accroîtrait encore l'audace. «L'attitude des Marseillas, était-il dit dans lasuppliqu e, porte surtout atteinte au droit du Roi (redounda plustot à injuria et blasme de Vestra Real Majestat). »

Cette manière de présenter les faits était fort habile ; ce n'était pas seulement pour la sécurité de leur ville que les consuls sollicitaient l'appui du prince, mais aussi pour le maintien des droits du souverain, que les accusés et leur famille affectaient de méconnaître. Tous, le comte autant et même mieux que les habitants de Varilhes, étaient donc intéressés à ce que l'impunité ne fut pas assurée aux coupables.

Au bas de l'acte se trouve un ordre signé de la main du Roi, prescrivant aux officiers du Comté de Foix de faire le procès à Bézian et à Mézerville, pour que leur châtiment serve d'exemple aux autres (de maneyre que aus coulpables sie pene et à totz autres exemple).

L'ordre du Roi fut-il exécuté, les criminels parvinrentils à échapper à la peine dûe à leur forfait ? L'absence de

(1) La Terrasse était un petit fief donnant entrée aux Etats de Fois pour son propriétaire noble. C'est maintenant un hameau dépendant de la commune de Varilhes.


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documents nous empêche de nous prononcer sur ce point. Cependant, à en juger par la façon nette et impérative dont l'ordre était rédigé, il y a lieu de croire que les officiers ont dû s'empresser de tenir compte de la volonté royale aussi hautement affirmée.

Ce document, dont nous avons donné connaissance à la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, nous fait assister à une scène de la fin du Moyen-Age. C'est un tableau de moeurs, dont la reproduction permet de se faire une idée de la vie municipale,dans une petite ville du Midi, au XVIe siècle. D'un côté, nous voyons la violence de petits seigneurs ; de l'autre nous assistons à la résistance de citoyens, à qui la pratique des libertés communales a donné la conscience de leurs droits et la force de les soutenir. Au dessus de ces deux autorités rivales apparaît le pouvoir central ; il se pose d'abord en médiateur, et finit, grâce aux excès qui compromettaient la paix publique, par imposer silence à tous, et absorber les franchises et les privilèges des uns et des autres.

Ces motifs nous ont engagé à reproduire intégralement cette charte, curieuse à divers titres ; elle présente un véritable intérêt pour l'histoire locale; elle offre des traits de moeurs, précieux pour ceux qui étudient la vie intime du Moyen-Age. Le patois, dont on s'est servi dans la rédaction du texte, ajoute un attrait de plus à la publication. Cette pièce offre un spécimen du langage Fuxéen à une époque, où le français ne s'était pas encore infiltré dans notre idiôme. Quant à l'ordre du Roi, qui est daté de Pau, il est facile de reconnaître que le dialecte est différent ; c'est du béarnais tel qu'il était usité dans la chancellerie de Pau.

Ce document (1) n'appartient pas à un dépôt public ; nous en devons la communication à M. l'abbé Martial Séré, de Loubières, qui l'a trouvé dans ses papiers de famille ; il a bien voulu nous autoriser à le publier, et nous lui adressons tous nos remerciements pour son obligeance.

(1) C'est un texte original, en mauvais état, d'une écriture compliquée; la charte est sur une feuille de papier plus haute que large; les lignes sont très serrées, de manière à laisser au bas de la page l'espace nécessaire au Roi pour formuler son ordre.


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II. TEXTE Au Rey, comte de Foix

De V. R. M. (Vostra Real Majestat), très-humbles subgertz, les consuls, manentz et habitantz de vostra villa de Varilhes, Francesa, relicta del amurtrit jus nominat, parentz et alliatz deudit amurtrit, conjunctament, separade et respectivament, en tant que à chacung et totz toca l'affe, tant en vostra dita villa de Varilhes, Comtat de Foix, que en autra part existentz et querentz ; disen :

Que entre autres dreytz et domayne, que V. R. M. (Vostra Real Majeslat) ha en la dita villa de Varilhes, ha et luy apartenen los forns deudit Varilhes, que checung an se renden à CLXXX (180) scutz, lesquals se an acostumat à levhar ; et aussi les ditz habitantz an talhiu et paixiu per privilege expres concedit aus ditz habitantz per vostres predecessores, Comtes de bona memaria, aus boscz, et de aquels qui son auprès deudit loc et juridiction de Varilhes, ditz comunament les boscz de Vals ; lesquals los senhors de Duffort et Rius-de Pelaport, de las Ribas, castela deudit Varilhes, et de Marcelhas, bezis et habitantz deudit Varilhes, la directitut (1) disen lor aparte.

Deuqual privilege los ditz habitantz et los predecessors an usat et gaudit pacifficament et quieta de tant de temps en sa que non hi a memoria au contrari.

Veray que es tres meses en sa ho environ los ditz senhors finaties (2) de Rius, de las Ribas et Marcelhas an bolgutz deffendre ditz boscz ; à causa de que, et sans autre exces, ne an comensat procés et pen indecis, les ditz habitantz per sindicat contre les ditz senhors, en la cort de Monsenhor lo Senechal deudit Comtat de Foix.

Et combien partides no se deguessan octradgear de parola ny de feict, ny autrement esser actentat ny innovat, so nonobstant, lo dimars XVIe deu mes de Febrier darrier passat, environ vespras, Peyre Bayord, consul, Frances Clavaria, sindic, Arnaud Lacasa, Frances Bayord et Blasi

(1) Directitul. droit de propriété, de redevance, de seigneurie.

(2) Finaties, ayant le droit d'exiger des redevances. (Voir Finis dans le glossaire de Ducange).


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Danthoni, habitants deudit Varilhes, benens en companha de una binha deudit Lacasa de poda, checung portant sa poudant à la ma, sans autre arnes, au cami public de là 1'ayga, au devant de la porta del ort deudit senhor de Marcelhas, encontran lo capdet Bezia de Lobenxs, filh deudit senhor de Marcelhas, et ung dit lo bastard de Meservila, armatz de spasa checung. Et per so que lodit Bezia avio demorat long temps absent deudit Varilhes, et avens johia los dits Bayord, Clavaria, Lacasa et Danthoni de sa bengudo, dit Bezia saludan ben humblement, se informan de son estament. Et entre autres parolas, dit Bezia furiosament responec, disen : « jo pla me stabi ; mes, per la cordiu, « vos autris me avetz gardat de caufa de mon bosc — « volen dire deudit bosc de Vals — Et vos an avetz feict, « mossen sindic, mes per la cordiu, jo vos en fare rep« penti,et vos fare lo plus maixant home de vostre linage.»

Et mon dit Clavaria, sindic, reponde totjorn humblement : « Vos no me faretz res, capdet, nos em en procès. » Dit Meservila, de feict, arrinquec son spasa et tambe lodit Bezia et roussen plusors grands picz sus lodit Clavaria, sindic, lesquals ab son manto se biravalo milho que podia, et se bolen retira à cartier (?), tombec à terra; et quant foc tombat, dit Meservila, de un grand pic, roussec sus lo bras dreyt deudit sindic et au coyde lo blessec agrament. Que bezen ditz Bayord, Lacasa et Danthoni, per garda dits Meservila ny Bezia no tuessan dit sindic, se boten vers etz; et ditz Meservila et Bezia los fen bira vers la villa à grans picz de spasa, cridan totjorn dit Bezia: « tua, tua v. Et dobtans ditz sindic et consul Bayord, Lacasa et Danthoni de esser amurtritz se boten affugi vers la ville, cridan : « à mort. »

Et aqui survenguen lo capdet Johannot de Lobenx (1),amsur deudit senhor de Marcelhas, et Arnaud de Lanapla, senhor de las Ribas, portant checung spasa, que es de pensar venian per favor et ayde deus ditz Bezia et Meservila. Mes bezens ditz sindic, consul Bayord Lacasa, et Danthoni se retiravan vers la villa, no fen autra causa, mes se retiren à

(1) amsur, et plus bas amsor, (de antecessor) aïeul.


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la mayso deudit Marcelhas, ensemble ab ditz Bezia et Meservila.

Et incontinent los autres consuls de dit Varilhas, al crit de ditz sindic [et] Lacasa, blessatz, lo dit sindic cum dessus, et Lacasa d'ung pic ha son bras sinès, lequal pic luy dec dit Bezia, et autres que dessutz, requirin justicia et forma de justicia, anen à la mayso deus dit Marcelhas; mes no hi podon intrar, et aqui demoren la noeict et jusques à lendema environ mieg jorn per constituir prisoniers los ditz Bezia et Meservila. Et lo endema, dit Bezia se rendec prisonier, et entren dins la mayso deudit Marcelhas los ditz consuls, out troben amagat lodit Meservila, que aussi constituen prisonier, et los menen au castet de Foix.

Et despuex commensat procès per requestas baylades per ditz Bezia et Meservila sus lor eslargiment, dijaus XXVe de mes de Febrier que dessus à mieja noeict, deudit cop per dit Meservila audit Clavaria sindic baylat, moric lo dit Clavaria sindic, leyxan molher, maynade, desolatz, la dita villa, manentz et habitantz aussi injuriatz et interessatz. Et aussi lodit Lacasa demora interessat cum dessus deudit pic, que dit Bezia luy a roussat.

Et son en danger los ditz habitantz de souffrir major sclandre, se los ditz Bezia et Meservila se scapan, cum se bantan aver facilment lor abolition del exces que dessus irreparable. Et es veray semblable de souffrir que dit Meservila es un mauves home inculpat de plusors autres malefficis et murtres, et que no crentz Diu ny justitia. Et los ditz de Marcelhas disen que lo senhor de Vals, lor predecessor, be ha agut procès ab ung Comte de Foix et lo a feict venir a jube (1), et aussi faran los dits habitantz, et ditz oltra que lo dit Comte composec am dit senhor de Vals et luy baylec la baylia de la Terrassa, que etz an presen tenen ; que redonda plus tost à enjuria et blasme. de V. R. M. (Vestra Real Majestat) qu'à l'amsor.

Susque playra à V. R. M. (Vestra Real Majestat) provedir

(1) venir à jube, venir se soumettre ; c'est une métaphore tirée de l'acte d'obéissance accompli par un inférieur, envers un supérieur en lui disant, jube, ordonnez, je suis prêt à recevoir vos ordres.


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et ordenar per lo degut de justicia et conservation deus subgetz et de son domayne, coma de rason; se fera bien.

Bist lo cotengut en la present supplication, lo Rey de Navarre, Comte de Foix désiran punition esser feyte deus exces et perpetradors d'equetz, mande à sons officiers deudit Comtat de Foix et checun de lor far lo proces aus dits Marcelhas et Meservila et procedir à punition de lors et autres criminos, aixi que lo cas lo requirira, de maneyre que aus coulpables sie pene et [à] totz autres exemple.

Actum à Pau, lo XIIIe de Mars , l'an MVE trente quatre (1534). (1)

Signé : HENRY.

Contresigné : DE PEYRAC

F. PASQUIER, archiviste de l'Ariège.

Demanda en réduction d'impôts présentée sous Louis XIV par les habitants de la Baronnie de Château-Verdun

I. PRÉFACE

Dans la demande en réduction d'impôts que les habitants de la baronnie de Château-Verdun adressèrent aux commissaires des États de Foix, chargés de procéder à la confection des rôles, nous trouvons un tableau de la misère qui sévissait dans les montagnes du Comté de Foix, vers le milieu du XVIIe sièle. Les documents de ce genre permettent d'établir quelle était sous Louis XIV la situation d'une province reculée, comme le pays de Foix, et montrent que le germe des désastres de la fin du règne était déjà sensible, même pendant les années de la splendeur.

(1) L'année commençant à Pâques, il est nécessaire de reculer la date et de mettre 1535 au lieu de 1531.


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La baronnie de Château-Verdun, (1) située sur les bords de l'Ariège, entre deux rangées de hautes montagnes, comprenait les dix villages énumérés dans l'acte et rattachés aujourd'hui au canton des Cabannes.

On ne parle que de soixante-dix feux pour toute l'étendue de la baronnie, dont la population était plus considérable que ne le ferait supposer ce nombre.

Par ce mot de feu il ne faut pas entendre maison ou ménage ; en Languedoc et dans les provinces voisines, la signification était différente. On désignait sous ce terme une certaine portion de territoire, capable de supporter la quantité d'impositions, qui devait être levée sur chaque ménage. Un pays, par exemple, dont le chiffre d'impositions était porté à cent mille livres, était divisé en deux cents feux, cotés chacun cinq cents livres, en sorte que chaque ville ou village était réputé contenir un certain nombre de feux, quoique souvent le nombre de ménages fut plus considérable.

Dans le cas d'événements malheureux, les habitants d'une sénéchaussée ou d'une commune représentaient leur triste situation et les pertes qu'ils avaient éprouvées. Des commissaires étaient députés sur les lieux pour prendre des informations sur les faits qui étaient allégués. Quand l'enquête était terminée, on examinait les réclama(1)

réclama(1) canton des Cabannes, qui dépend de l'arrondissement de Foix. est situé entre Ax et Tarascon, à l'extrémité du département, sur les deux rives de l'Ariège; il est adossé à la frontière d'Andorre, au pied de la grande chaîne Pyrénéenne. Les dix villages, qui composaient la baronnie de Château-Verdun, n'ont qu'une population peu considérable et ne comptent pas parmi les plus riches de la vallée. Ce sont les suivants : Albiès, 401 habitants; Aston, 461; ChâteauVerdun, 143 ; Larcat, 506 ; Pech, 126; Sinsat, 161 ; Verdun, 453 ; en tout, 2964.

Les autres communes du canton des Cabannes, avant la Révolu tion, formaient la baronnie de Lordat.

Les documents historiques, qui concernent les deux baronnies de Château-Verdun et de Lordat, sont déposés en partie aux archives de la Haute-Garonne, dans le fonds de la grande Maîtrise des Eaux et Forêts (série B). Ils furent produits, en 1669, à l'époque de la Réformation Forestière que dirigea M. de Froidour. Une copie du catalogue de ces actes est conservée aux archives de l'Ariège.


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lions ; et, si l'on devait en tenir compte, on faisait une nouvelle répartition des territoires imposables par la modification du nombre de feux.

Dans les pays d'États, comme le Comté de Foix, l'assemblée avait le droit de recevoir les requêtes en réduction d'impôts présentées par les communautés, de déléguer des commissaires pour faire une instruction, et enfin de statuer sur les demandes.

Aussi, c'est aux États de Foix que les habitants de la baronnie de Château-Verdun réduits à la misère par suite des circonstances mentionnées dans leur supplique, s'adressèrent pour obtenir, par un dégrèvement d'impositions, un soulagement à leur déplorable situation.

Les causes de la ruine publique dans la vallée étaient multiples ; guerre étrangère, guerre civile, passages de troupes, inondations, récoltes insuffisantes, mauvaise qualité du sol, épizootie, exagération des charges locales, tout contribuait à l'aggravation du mal.

Dans leur pétition aux commissaires des États, les habitants faisaient connaître que le pays, naturellement pauvre, était en proie aux calamités de toute sorte.

D'abord, ils n'avaient que des droits d'usage dans les montagnes qui les entouraient ; le seigneur de Gudanes en était seul propriétaire, ainsi que des forges et moulins. Les terres situées sur le versant des coteaux étaient de mauvaise qualité, difficiles d'accès, cultivables seulement à la bêche, exposées aux dévastations des torrents. Les bestiaux étaient en petit nombre ; encore les habitants ne les tenaient-ils qu'à titre de cheptel, et supportaient toutes les pertes, sans que les propriétaires fussent soumis à aucun risque. Ce serait donc une injustice, après avoir procédé à l'abonnement des terres en prenant comme base le revenu donné par le bétail, d'établir une imposition sur ce même bétail.

Les inondations, produites par le débordement des torrents, provoquaient dans le pays les plus grands ravages. Les meilleurs fonds de terre étaient rendus improductifs par suite du ravinement et par le dépôt de blocs qu'entraînaient le courant.


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En 1613, Verdun se trouva plus particulièrement exposé au fléau de l'inondation ; cinq maisons furent emportées; l'église manqua d'être renversée ; des morts furent déterrés; des quartiers do rochers, abandonnés par l'eau, recouvrirent plusieurs champs; un berger disparut avec le troupeau de moutons qu'il gardait. Quelques années après, la même calamité se reproduisit avec une moins grande intensité que la fois précédente ; en même temps que Verdun, elle frappa Aston, Larcat, Pech, Albiès et amena une perte de 6000 livres dans le village de Bouan.

Remarquons que l'inondation de 1875, qui emporta une partie de Verdun dans la nuit du 23 juin, présenta les mêmes caractères qu'en 1613. On serait tenté d'en conclure que le fléau se manifeste à des époques déterminées et sévit chaque fois dans des conditions analogues.

Aux malhenrs qui provenaient du fait de la nature, s'ajoutaient, pour compléter la ruine de la vallée, les désastres résultant des circonstances et particulièrement de la guerre. En 1627, il avait fallu contribuer aux dépenses occasionnées par les sièges du Mas-d'Azil et de Pamiers, que l'armée Royale avaient repris aux Protestants. De ce chef, la population de la baronnie supportait encore une charge de 20,000 livres.

En 1654, un détachement de troupes, qui allait en Catalogne, avait logé à Verdun et marqué son passage en brûlant plusieurs maisons avec le mobilier et les récoltes qu'elles renfermaient. Pour réparer le dégât, les propriétaires avaient été dans la nécessité de vendre ou d'engager le reste de leurs biens.

Enfin la baronnie devait 5500 livres au trésorier du Comté pour l'arriéré des anciennes contributions ; les frais, qui s'ajoutaient chaque année au capital, rendaient impossible le payement de la somme. Le pays était en outre tenu de faire face à toutes les dépenses locales. Ainsi les ponts restaient à la charge des habitants, notamment celui de Saint-Martin, près d'Aulos, qui servait de passage à toute la montagne. Comme les torrents débordaient souvent, les réparations étaient fréquentes à tous les ponts.

Telles étaient les raisons que les gens de la baronnie de


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Château-Verdun faisaient valoir auprès des commissaires, en vue d'obtenir un dégrèvement de moitié sur la taxe, à laquelle ils avateni été cotés précédemment. Ils ajoutaient que plusieurs habitants avaient déjà quitté le pays, parce qu'ils ne pouvaient plus payer la taille. Pour juger du revenu de la vallée, les commissaires étaient invités à prendre comme base la dîme, qui ne s'élevait qu'à 2500 livres.

Quoique la pièce ne soit pas datée, on peut inférer qu elle a été rédigée vers 1671, année pendant laquelle le Roi fit procéder à un dénombrement et à une révision du domaine de l'État dans le Comté de Foix. A la suite de cette opération, on entreprit la réfection d'un grand nombre de livres terriers, ce qui amena une modification dans la quotité et la perception de l'impôt. C'est sans doute à cette occasion que les habitants de la baronnie de Château-Verdun ont dû présenter leurs doléances aux commissaires des États de Foix.

En 1671, M. Jérôme de Salles était seigneur de ChâteauVerdun, en paréage avec le Roi, et avait établi à Gudanes le siège de la baronnie. Pour les droits de justice, le Roi en avait un tiers, et M. de Sales deux tiers. Nous ne nons étenpas plus longuement sur les institutions de la vallée; ce sujet est traité dans la déclaration qui fut faite. le 17 décembre 1671, par les consuls, aux commissaires chargés de procéder au dénombrement (1). (Archives de l'Ariège, série C, Registre du dénombrement de 1671, feuillets 128-134)

II. TEXTE

Déclaration que les habitants de la Baronnie de CastelVerdun

CastelVerdun devant vous, Nosseigneurs les commissaires

commissaires par les États généraux du Pays de Foix pour

procéder à la recherche et compoids (2) des feux dudit pays.

(1) Ce document n'est pas dans un dépôt dublic. il a été communiqué par M. Ernest Joffrès, avocat à Foix. qui le tient de M. Alzieu, médecin à Axiat, dans le canton des Cabannes.

(1) On appelait ainsi, en Languedoc et dans quelques provinces voisines, la reparution des impositions sur tous les fonds ou sur tous les contribuables d'une commune ; l'on donnait aussi le même nom au rôle qui contenait la répartition.


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Disent [les habitants] que ladite baronnie est composée de dix villages, qui sont : Castel-Verdun, les Cabannes, Albiès, Pech, Aston, Larcat, Sinsat, Bouan, Aulos et Verdun, qui appartiennent en toute justice, haute, moyenne et basse, au seigneur de Gudanes, et contribuent aux charges et impôts du pays sur le pied de septante sept feux.

Et que ses limites commencent à la croix de Bouan et finissent au-dessous du lieu d'Albiès et n'ont que troisquarts de lieue de long et, en beaucoup d'endroits, un jet de pierre de largeur, ne partant point des montagnes, quoi qu'elles soient de grande étendue, parce que la propriété en appartient audit seigneur de Gudanes, qui les possède noblement, desquels lesdits habitants n'ont que l'usage, ainsi qu'il sera dit ci-après.

Que, dans lesdits villages, il y a quatre cents maisons, ou environ, et il y a plusieurs cabannes ; même aucune desdites maisons ont été abandonnées par les propriétaires, à faute d'avoir pu payer les tailles.

Que, tout le bien fonds appartenant auxdits villages est composé de la contenance de mille huit cent cétérées de terre, tant bonne que méchante, lequel est chargé, avec les maisons et cabaux (1), de mille nonante-six livres d'allivrement, savoir : 1° les maisons, deux cent septante neuf livres; 2° les cabaux, trente-sept livres; 3° et sept cent huitante livres sur le reste du bien fonds.

Et tout celui [bien fonds], qui est en la plaine, est taxé à raison d'une livre pour deux cétérées et, le reste, [le bon] comme le mauvais, à trois cétérées, la livre, dont la plupart ne se peut travailler qu'avec la bêche, ce qui ne se fait qu'avec grand peine, beaucoup de temps et de frais.

Que les habitants de ladite baronnie ne possèdent aucune sorte d'émoluments et n'ont que simplement l'usage des montagnes et forêts pour leurs bâtiments, chauffage, et pour faire dépaitre leurs bestiaux. La propriété des dites montagnes appartient audit seigneur de Gudanes, comme dit est dessus, avec les moulins à blé et forges à fer, qui

(1) On désigne dans l'Ariège sous le nom de cabaux les bestiaux formant le cheptel d'une exploitation rurale ou pastorale.


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sont dans ladite baronnie qu'il possède noblement, à la réserve de la forge de Sirbal dans ladite baronnie, qui appartient au sieur Fabas de Siguer, sous le fief de douze livres qu'il paye audit seigneur de Gudanes ; lequel possède aussi noblement, dans la même baronnie, la quantité de cent cétérées de terre, soit en champs labourables, prés ou vignes.

Que ladite baronnie doit, depuis le siège du Mas-d'Azil et de Pamiers, (1) vingt mille livres, outre et par dessus la somme de cinq mille cinq cents livres, qu'ils doivent au Trésorier du pays, pour reste des impositions des années passées, au payement desquelles ils n'ont pu satisfaire, à cause du grand nombre de frais, dont ils sont surchargés au delà de leurs forces.

Que la plupart des fonds de ladite baronnie est sur le penchant des montagnes qui l'environnent, et il y faut plus de semences à cause des neiges et du froid ; et d'ailleurs [le dit fonds] est exposé aux torrents et ravines qui lui causent un notable préjudice, comme il sera aisé à nos dits seigneurs les commissaires de vérifier, s'ils prennent la peine de se porter sur les lieux, où ils verront que tous les villages de ladite terre y sont sujets, et particulièrement Verdun, où vingt-cinq maisons furent emportées l'an 1613 ; même l'église courut risque d'être renversée, et les morts furent désensevelis et beaucoup de pièces de terre furent entièrement ruinées, sans avoir pu être remises , comme il paraît encore par la grande quantité de rochers que le torrent y conduisit. Et cette année ledit village a failli [périr] dans la même incommodité. Albiès, Aston, Pech, Larcat en ont été aussi incommodés, et Bouan en a reçu un si grand dommage soit aux maisons, soit aux champs, vignes et prés, qu'on l'estime à plus de six mille

(1) En 1627, les Protestants du Comté de Foix comme, leurs coreligionnaires du Midi, avaient pris part à la révolte contre l'autorité Royale. Le Mas-d'Azil et Pamiers comptaient parmi les principaux centres de résistance. La première de ces deux villes se rendit au maréchal de Thémines ; la seconde au prince de Condé. Le gouverneur avait fait des réquisitions dans toute la contrée pour subvenir aux besoins de l'armée.


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livres, ayant été emporté le meilleur fonds dudit lieu, même plusieurs bêtes à laine et le pasteur qui les gardait.

Que les troupes en l'an 1654(1) ayant logé à Verdun y brulèrent plusieurs maisons, avec les meubles, grains et autres choses qui étaient dedans ; que les propriétaires n'ont pu faire rebâtir sans vendre ou engager le reste de leurs biens.

Que les habitants n'ont que très peu de bétail, que ce peu ne leur appartient pas, le tenant en gazaille (2); lequel ils sont obligés d'envoyer hiverner en la plaine où ils donnent la moitié du croît des animaux et de la laine. Et la perte du bétail, qui arrive souvent, tombe sur eux, sans que ceux qui le reçoivent, y contribuent ; cela fait que se trouvant sans cabaux, leurs terres, qui d'ailleurs sont mauvaises, ne pouvant pas être fientées, ne leur rapportent que très peu.

Qu'ils entretiennent à leurs frais et dépens neuf ponts sur les rivières de l'Ariège et d'Aston, dont la dépense est fort considérable, particulièrement de celui de Saint-Martin, où toute la voiture de la montagne passe, qui leur coûte cette année 700 livres. Ils sont presque tous les ans obligés à de pareils frais. Les autres [ponts] sont de moindre coût, mais, comme ils sont en grand nombre et que la rivière les emporte souvent, la dépense en est fort grande.

Lesdits seigneurs commissaires sont suppliés de considérer, s'il leur plait, deux choses : l'une que, dans la recherche et la commission où ils procèdent, il n'est pas juste qu'ils fassent aucune réflexion sur les cabaux, qui sont dans ladite baronnie, puisqu'ils servent à l'abonnement des terres, et que d'ailleurs icelles ou leur revenu sera considéré ; car autrement ils seront taxés deux fois pour une même chose ; l'autre, que les dîmes de

(1) Sous les règnes de Louis XIII et de Louis XIV, pendant les guerres d'Espagne, la vallée de l'Ariège servait de passage aux troupes qui allaient en Catalogne ou en revenaient. Les réquisitions, les logements à fournir aux troupes, et les ravages causés par des soldats indisciplinés, contribuaient à épuiser le pays.

(2) Terme par lequel on désigne dans la contrée une forme des contrats de cheptel.


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ladite baronnie ne montent qu'environ à deux mille cinq cents livres et qu'à raison de ce, ils peuvent facilement juger que [ladite baronnie] doit être déchargée de la moitié des frais qu'ils ont cotés.

A quoi tous les habitants les supplient très-humblement, en priant Dieu pour leur santé et prospérité.

Bibliographie Ariégeoise. — Avis

Le Bulletin, édité par les soins de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts, doit contribuer à mettre en lumière les documents et les travaux susceptibles d'intéresser le pays.Ce sera donc rester dans l'esprit de notre publication que de donner un compte-rendu des ouvrages, dont le sujet rentre dans le cadre de nos études et qui se rapportent à notre région.

Dans le présent numéro nous désirons faire connaître à nos lecteurs diverses brochures parues dans le courant de l'année et ayant trait à l'Ariège.

Une ancienne châtellenie dans le Séronais (Ariège), par M. Rumeau, instituteur.

Dans le n° 7 du Bulletin de la Société Géographipue de Toulouse, M. Rumeau, directeur de l'école publique de Grenade-sur-Garonne, a consacré un article à l'ancienne châtellenie du Séronais, située sur les confins du Couserans et du Comté de Foix.

Ce mémoire contient.des faits dignes de remarque et témoigne des recherches auxquelles s'est livré l'auteur, qui en fera connaître le résultat définitif, en publiant prochainement un ouvrage historique et descriptif sur son pays d'origine.


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D'après le titre de l'article, nous nous attendions à une notice historique concernant la châtellenie de Sérou. En fait, nous n'avons qu'une étude topographique du canton de La Bastide, ce qui du reste convient à une revue de géographie.

La vallée de Sérou, traversée par la rivière de l'Arize, qui y prend sa source, comprenait sous l'ancien régime un territoire plus vaste que celui aujourd'hui circonscrit dans les limites du canton de la Bastide. En 1456, Arnaud Squérer, un des annalistes du pays de Foix, donna l'énumération des villages relevant de la châtellenie. A la Révolution, on enleva au Séronais plusieurs localités qu'on rattacha au canton de Rimont, supprimé au commencement du siècle. Les remaniements administratifs ont amené de singuliers résultats. Ainsi, Esplas, situé près de Sentenac, dépend du canton de Saint-Girons, avec lequel il ne communique que par un col, tandis que son centre naturel est à la Bastide.

M. Rumeau entreprend ensuite, dans l'ensemble et dans les détails, la description du canton. En parlant du cours de l'Arize et des montagnes qui en délimitent le bassin dans la partie supérieure, il constate que de grands travaux de reboisement, dûs à l'initiative privée, ont abouti à un véritable succès.

L'article se termine par une nomenclature sommaire des resssources minières de la contrée qui ont tenté maintes fois, et souvent sans succès, les efforts des explorateurs. Il paraîtrait que ce sont les Romains qui ont les premiers reconnu et essayé de mettre à profit les gisements du pays. Quelques lampes de forme antique, trouvées dans des galeries qui ont été creusées au burin, seraient une preuve de leur passage.

Actuellement à l'exception de la mine plombifère de Cadarcet, les travaux de recherches et d'extraction sont en partie abandonnés. Pour voir l'activité revenir sur les chantiers et assurer le développement des ressources locales, il faut attendre la construction du chemin de fer de Foix à Saint-Girons, qui traversera le canton. C'est le voeu qu'avec M. Rumeau nous pouvons former pour la Bastide-


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de-Sérou et pour la partie supérieure de la vallée de l'Arize, si pittoresque et si peu connue.

Vallées Ariégeoises avant l'Invasion Romaine

Par M. Adolphe Garrigou, président honoraire de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts (1).

Ceux qui s'intéressent à l'histoire de la vallée de l'Ariège doivent avoir de la reconnaissance pour M. Adolphe Garrigou. Grâce aux travaux et aux investigations de ce savant, de nombreux documents ont été mis en lumière et ont contribué à faire connaître le passé de notre pays. Les études historiques, qu'il a publiées il y a quarante ans, peuvent être considérées comme un des meilleurs ouvrages, dont le Comté de Foix ait été l'objet. Les emprunts que l'on fait à ce livre, les citations auxquelles il donne lieu, sont un garant de cette assertion.

M. Garrigou ne s'est pas contenté d'entreprendre des travaux d'ensemble ayant trait à l'Ariège et d'écrire en quelque sorte les annales de notre région ; il s'est aussi appliqué à élucider certains points spéciaux, à fournir des indications pour la solution de curieux problèmes, surtout en ce qui concerne l'origine des populations primitives des Pyrénées Centrales.

Tel est le but qu'il s'est proposé dans le dernier ouvrage, dont nous sommes redevables à son affection pour son pays et à son ardeur infatigable.

L'auteur remonte à l'origine des populations qui se sont les premières fixées dans la vallée de l'Ariège et se demande en présence de quelles races se sont trouvés les Romains au moment de l'invasion.

La question est clairement posée, les arguments sont groupés avec méthode, les déductions amènent des con(1)

con(1) Pomiès, 1882.


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clusions qui sont en faveur de la thèse émise. Toutes les fois que les savants auront à rechercher l'origine dos populations Pyrénéennes et à éclaircir certaines questions de la géographie historique du sud-ouest, ils devront tenir compte du système établi par M. Garrigou et des faits recueillis par ses soins.

Sur les huit chapitres, entre lesquels est répartie la matière de l'ouvrage, les premiers sont consacrés à la migration des peuples venus successivement dans la région des Pyrénées.

Ce sont d'abord les Ibères, dont les Basques sont les derniers représentants , qui les premiers firent leur apparition. La trace de leur passage serait reconnaissable dans plusieurs noms de lieux et dans certaines expressions patoises se rapportant principalement à la vie pastorale. Comme preuves à l'appui, M. Garrigou donne un tableau comparatif où le mot patois est en regard du mot basque. Ce système est très-séduisant ; on ne peut guère contester que notre dialecte ne se ressente des langues primitives qui l'ont précédé sur notre soi. Mais n'est-on pas fondé à croire que certains termes, qui se trouvent à la fois dans le patois et dans le basque, n'ont pas été tout simplement empruntés au latin par les deux idiomes. C'est une objection que nous faisons, tout en reconnaissant combien sont sérieux les arguments invoqués par l'auteur.

Les Ibères, qui avaient pénétré dans le pays après avoir traversé l'Espagne, furent supplantés par les Celtes ou Gals venant du Nord.

Les deux races, après être restées quelques en présence, finirent par se rapprocher et à opérer entre elles une fusion plus ou moins profonde

C'est encore sur la linguistique que M. Garrigou, en l'absence de documents écrits,' s'appuie pour démontrer l'influence de l'élément celtique dans nos vallées. Les expressions, qui sont analogues en patois et en celte, seraient une preuve en faveur de cette opinion. « Tous les peuples, dit l'auteur, qui ont laissé sur le sol d'un pays le cachet de leur idiome, ont dû y séjourner longtemps et y dominer. » Il a pris soin de relever et de mettre en re-


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gard un certain nombre de termes qui sont presque semblables dans les deux langues, du moins pour le radical. Nous ferons à ce sujet les mêmes réserves que précédemment.

La période semi-historique, durant laquelle la succession des migrations ibérienne et celtique se serait opérée, compterait environ un millier d'années. Au VIe siècle avant notre ère, survint encore un mouvement de peuples, provoqué par l'invasion des Cimbres ou Kymris, qui se rattacheraient à la race celtique.

Nous ne suivrons pas M. Garrigou dans le récit qu'il donne de l'arrivée des Santons dans notre région, où leur présence amena des progrès dans la civilisation. Avant de passer à l'époque où la vallée de l'Ariège fut soumise aux Romains, l'auteur cite de nombreux faits pour établir que les Sotiates, dont il est question dans les Commentaires de César, se rattachaient à la Haute-Ariège et ne se rencontraient pas du côté de Nérac. Le siège de leur domination n'aurait été autre que Vicdessos. Ce sont des points que nous ne pouvons qu'indiquer aux lecteurs, sans entreprendre de résumer les arguments produits pour ou contre cette opinion, à laquelle nous sommes disposés à nous rallier.

Nous voulions faire connaître le livre de M. Garrigou et attirer l'attention sur les questions qu'il soulève. Ce but rempli, il nous reste à exprimer le voeu de voir la composition de semblables monographies, consacrées à notre histoire locale si peu connue et si digne d'intérêt.

Sépultures antiques

du Sarrat de Guilaire aux Bordes-sur-Lez (Ariège),

par M. l'abbé Caudurban (1).

Au mois d'avril dernier, dans la réunion des sociétés savantes tenue à la Sorbonne, un membre de l'assemblée,

(1) Toulouse. Henri Montaubin. 1882, brochure in-8°,


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M. Cipière, a donné connaissance d'une découverte de sépultures antiques faite aux Bordes-sur-Lez (Ariège), à l'extrémité de la frontière Française, par M. l'abbé Caudurban, curé de la paroisse.

Cette découverte, dont le compte rendu a appelé l'attention sur une contrée encore inconnue des chercheurs, est importante pour l'archéologie préhistorique, car elle révèle un genre de sépultures encore ignoré, du moins dans notre région.

C'est dans la vallée de Biros, sur le versant oriental d'une montagne appelée le Sarrat de Guilaire, que M. l'abbé Caudurban a fait les fouilles, dont il vient de faire connaître le résultat.

Il y a quelques années, en cet endroit, un paysan avait rencontré sous une large dalle des ossements humains accompagnés d'une petite urne. L'attention de M. l'abbé Caudurban fut mise en éveil; il entreprit des recherches qui, au mois de février dernier, ont eu un plein succès et dont la conséquence a été l'exploration de deux sépultures. La question mérite qu'on donne un résumé du mémoire où l'inventeur fait part de ses travaux.

La chambre funéraire de la première sépulture, large de trois pieds, est située sous un bloc de granit ; elle contenait les ossements mutilés de deux corps, quelques tessons de poterie noire, une pointe de flèche en silex, deux pierres à aiguiser, en grès rouge, à surface usée par le frottement.

L'autre sépulture était pratiquée sous un bloc qui domine la crête du Sarrat de Guilaire. Une ouverture étroite donnait seule accès dans cette excavation, dont toutes les autres issues étaient intentionnellement fermées par des pierres. Sous une couche de cailloux et de terre noire, apparurent des ossements humains, parmi lesquels se trouvaient quatre maxillaires en assez bon état de conservation. Mêlés aux ossements, dont quelques-uns étaient calcinés, on a recueilli un silex de deux pouces de long, un plat en argile de forme ronde qu'ornent des chevrons rayés intérieurement et s'appuyant sur des cordons circulaires, des tessons de poterie grossière, une urne à deux oreilles, renflée à la panse, de tous points semblables aux urnes des dolmens.


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A quelle race appartenait le peuple qui s'est servi, pour un usage funéraire, de ces excavations formées aux jours des bouleversements de la nature? M. l'abbé Caudurban ne s'est pas contenté de fouiller; il s'est posé le problème, et, pour arriver à une solution plausible, il s'est livré à diverses suppositions. Il constate — et c'est là un fait digne de remarque — que rien dans les Pyrénées ne peut servir de terme de comparaison à ces sépultures. Cette opinion est admise par des savants d'une haute compétence. Jusqu'à présent les investigations se sont portées sur les dolmens, sur les grottes; mais avait-on jamais songé, du moins dans notre région, à voir si les blocs de granit suspendus aux flancs des montagnes recouvraient les dépouilles des premiers habitants du pays.

Les chambres reconnues par M. Caudurban ne sont pas sans analogie avec les réduits pratiqués sous les dolmens ; le mobilier funéraire n'est guère différent; la position des corps est presque la même.

Autant que la dispersion des ossements permet de faire une hypothèse, les cadavres avaient une attitude accroupie, les crânes et les maxillaires étant affaissés sur les tibris et les fémurs.

Au Sarrat de Guilaire les corps n'ont pas tous été déposés à la même époque, ni dans les mêmes conditions. Suivant le temps, on a procédé par incinération ou par inhumation; le premier mode, ainsi que le prouvent les débris humains recueillis sur la couche la plus profonde, a été d'abord employé. Le même fait a été observé dans les dolmens ; mais ce qui accentue encore l'analogie, c'est la présence d'une urne et d'objets funéraires, semblables à ceux placés sous les monuments mégalithiques. Le plat trouvé dans la seconde sépulture présente un système d'ornementation usité dans les habitations lacustres des Alpes.

Tous ces faits, indiquent-ils l'âge de pierre ou l'âge de bronze? L'auteur inclinerait pour cette dernière époque; pourtant il n'a trouvé aucun objet en métal, dont l'absence serait expliquée par la violation des tombes dans un temps où le bronze pouvait encore tenter la cupidité. L'argument ne nous paraît pas très concluant.


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M. l'abbé Caudurban en arrive à conclure que les hommes, ensevelis sous les blocs du Sarrat, étaient les contemporains de la race qui, ailleurs, élevaient des dolmens. Nous partageons cet avis, et nous serions tenté d'induire que si, dans la région des Pyrénées Centrales, on ne rencontre presque pas de monuments mégalithiques, c'est que les populations n'avaient pas besoin de faire des tumulus artificiels, quand les grottes et les abris sous les blocs étaient naturellement préparés pour recevoir la dépouille des défunts.

L'auteur, en terminant son intéressant mémoire, invite les archéologues à examiner les réduits formés par les blocs, surtout par ceux que l'on trouve au sommet et sur les flancs des montagnes granitiques. Là, dit-il, on trouvera des éléments pour établir l'histoire des races primitives. M. Caudurban joint l'exemple au conseil ; ses efforts ont été couronnés d'un premier succès ; qu'il continue ses recherches et amasse des matériaux pour la solution des problèmes soulevés dans sa brochure. Nous nous intéresserons aux travaux d'un compatriote et d'un collègue, dont les recherches seront utiles à la science.


ERRATA

Page 24, ligne 28, au lieu de arutum, lisez : acutum.

— 29, — 22, — il, — ils.

— 32, — 4, — subjertz, — subjectz. _ 32, — 7, — chacung, — checung.

— 32, — 16, — memaria, — memoria.


FOIX, IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE BARTHE


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De l'influence de l'état boisé du sol sur les écoulements superficiels des eaux pluviales

L'opinion anciennement et vulgairement accréditée, tant chez les savants que dans le public, veut que le sol boisé reçoive plus de pluie que le sol découvert ; — que le sol boisé retienne une plus grande quantité d'eau ; — que l'eau qui s'en échappe coule plus régulièrement et plus longuement ; — enfin que l'alimentation des sources (au moins des sources dites superficielles, c'est-à-dire de celles qui ne proviennent pas d'un réservoir profond), et leur pérennité soient mieux assurées par l'état de boisement du terrain où elles prennent naissance. En résumé, l'état boisé aurait pour effet de fournir une plus grande quantité d'eau et de régulariser le régime de ces eaux. Le corollaire de ces propositions, c'est la diminution du danger d'inondation.

Dans les régions montagneuses, à versants abruptes, cette diminution du danger d'inondation est d'autant plus prononcée que la présence des bois s'oppose à l'écoulement torrentiel des eaux pluviales sur les versants et à leur irruption subite au fond des vallées, et cela non-seulement à cause de l'absorption au moins partielle de ces eaux par la couverture spongieuse du sol forestier (racines, accumulation de feuilles mortes ou détritus végétaux, mousses, etc.) mais aussi à cause des obstacles mécaniques que les tiges, les racines des arbres et la couverture elle-même du sol, apportent à cet écoulement. Aucun écoulement torrentiel n'étant possible, les parois des versants ne peuvent être corrodées, les eaux qui s'échappent du sol n'entraînent pas de boue ni de pierres comme il arrive quand les terrains sont nus, et les eaux n'acquièrent point ainsi la puissance destructive effrayante, des torrents des régions absolument dépourvues de végétation.

C'est, en effet, ainsi que nous venons de le décrire, qu'on peut à priori, et en résumé, envisager le rôle des forêts. Mais il faut bien le dire : parmi toutes ces propositions


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admises généralement, et qu'on peut regarder comme probables d'après l'action des végétaux et la constitution du sol forestier, et aussi d'après les réssultats d'une expérience superficielle, il n'y en a guère qu'une qui ait été démontrée d'une manière solide et irréfutable : c'est celle qui établit le rôle préservateur des bois contre les érosions du terrain par les eaux torrentielles, et contre tous les accidents qui en sont la conséquence.

Toutes ces propositions, sans en excepter même celle-là, ont été contestées par les auteurs qui ont entrepris l'étude de ces phénomènes à un point de vue plus ou moins théorique, et ces sujets ont même été l'occasion des controverses les plus passionnées. On pourrait s'étonner que de pareilles discassions aient pu devenir aussi ardentes, si l'on ne savait déjà que des faits mal connus, et imparfaitement observés, donnent lieu nécessairement à des théories incertaines et à des hypothèses hasardées, théories et hypothéses qui sont soutenues avec d'autant plus d'animation et d'acharnement qu'elles sont plus contestables ; quand on manque d'arguments solides à l'appui de son opinion, on est trop exposé à recourir pour la défendre au langage de la passion. D'ailleurs, à une époque encore peu éloignée, l'intérêt toujours réel et considérable qui s'attache à ces questions était devenu d'une pressante actualité. En 1865, le gouvernement avait émis un projet d'aliénation des forêts domaniales, et l'opinion publique s'était émue de ce projet en considérant les conséquences possibles de la destruction des forêts, au point de vue climatérique et hydrologique.

Ce n'est pas sans un certain étonnement que nous voyons des auteurs de cette époque prétendre sérieusement et s'efforcer de démontrer que les forêts, bien loin de s'opposer à l'afflux torrentiel des eaux dans le fond des vallées et aux érosions du sol par ces eaux, ne font qu'augmenter ce danger (1). Il est vrai que maintenant nous sommes fixés sur ce

Vallès, études sur les inondations, leurs causes et leurs effets, 1857. — De l'aliénation des forêts, 1865.


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point, comme je l'ai déjà fait remarquer, et que la preuve expérimentale est faite largement sur ce qui concerne ce mode d'action du boisement.

Mon intention n'est pas de m'arrêter sur cette utilité de la forêt pour fixer le sol et prévenir la formation des torrents, sujet un peu rebattu, mais certainement élucidé d'une façon définitive. Je veux seulement placer ici une observation. Il ne faut pas confondre avec les phénomènes d'érosion superficielle du sol, phénomènes que le boisement, quand il est complet, prévient toujours, les glissements de terrain qui se produisent quelque fois même dans les forêts les mieux plantées. Un glissement est un phénomène géologique qui a son siège et ses causes dans des couches du sol bien inférieures à celles que les racines des arbres ont atteintes et doivent protéger; ces racines restent seulement susceptibles de jouer un certain rôle utile, mais insuffisant, en modifiant les conditions de l'introduction des eaux pluviales dans l'intérieur de la terre.

La catastrophe du village de Verdun, en 1875, est dûe à un pareil effondrement survenu dans des terrains à peu près boisés. On ne peut rien en conclure, si ce n'est que l'action bienfaisante du boisement ne s'étend pas nécessairement au-dessous de la région occupée par les racines, ce qni est à prévoir.

En dehors de l'influence heureuse de l'existence des forêts sur la fixation du sol et la formation des torrents, les autres résultats de l'état de boisement sont encore bien incertains pour la plupart. J'ai dit, en commençant, comment l'opinion la plus générale envisage ces résultats, d'accord en cela avec plusieurs savants , notamment M. Becquerel qui, dans son Traité de Physique terrestre et de météorologie, cite plusieurs faits de la nature du suivant :

« Les rivières qui coulent dans la vallée d'Aragua, pro« vince du Venezuela, n'ont point d'issue dans l'Océan. En « se réunissant, elles donnent naissance au lac de Tacari« gua ou de Valenciana qui, à l'époque où le vit M. de « Humboldt, au commencement de ce siècle, éprouvait « depuis une trentaine d'années un dessèchement graduel « dont on ignorait la cause.


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« L'historien Oviedo rapporte que la ville de Nueva-Va« lencia fut fondée, en 1155, à une demi-lieue du lac de « Tacarigua. Cette ville, suivant M. de Humboldt, qui visita « cette contrée en 1800, en était éloignée de 2,700 toises, « preuve du retrait des eaux qu'attestent du reste un « grand nombre de faits. Il attribua la diminution aux « nombreux défrichements qui avaient été faits dans la « vallée. En 1822, M. Boussingault apprit des habitants « que les eaux du lac avaient éprouvé une hausse très « sensible ; des terres jadis cultivées étaient sous les eaux. « Dans l'espace de vingt-deux ans la vallée avait été le « théâtre de luttes sanglantes durant la guerre de l'Indé« pendance ; la population avait été décimée ; les terres « étaient restées incultes, et les forêts, qui croissent avec « une si prodigieuse rapidité sous les tropiques, avaient « fini par occuper une grande partie du pays. On voit, « par-là, l'influence qu'exerce le boisement sur la quantité « d'eau qui coule ou qui séjourne dans un pays. »

Mais les faits semblables, étant admis, ces faits peuvent encore être interprétés diversement. Ainsi, on a pu en conclure par le raisonnement et avec plus ou moins de logique que, l'eau fournie par le sol boisé étant en quantité plus considérable, le danger d'inondation se trouve par cela même augmenté.

Au contraire, le maréchal Vaillant, membre de l'Institut (Revue des eaux et forêts, 10 juillet 1864), prétendit que les forêts devaient être une cause de dessèchement du sol qui les porte et par conséquent du tarissement des eaux qui s'en échappent, et cela pour deux raisons : 1° A cause de l'aspiration de l'humidité du sol par les racines et de l'évaporation par les feuilles de cette même humidité transportée à travers le corps du végétal ; 2° Parce que le sol doit recevoir moins de pluie à travers la voûte formée par les cîmes des arbres que le sol supposé découvert. Il fit, à ce propos, la comparaison de la forêt avec un parapluie ; parapluie percé, il est vrai, de nombreuses ouvertures, mais capable encore de retenir une partie de l'eau reçue. La comparaison du paraplnie est restée légendaire. Je ne fais ces citations que pour faire comprendre com-


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qien était vaste le champ de ces hypothèses et de ces discussions qui, ne reposant sur aucune propriété parfaitement connue des végétaux ni même sur un ensemble de résultats suffisants, ne pouvaient avoir de fin et devaient rester stériles. Aussi, je ne mentionnerai ici que pour mémoire les études remarquables de M. Belgrand sur l'hydrologie de la Seine et de ses affluents (1), et les longues controverses qu'elles ont suscitées. On comprit bientôt qu'on ne pourrait s'entendre si l'on ne cherchait des bases sérieuses ; et, en 1868, sur l'initiative du maréchal Vaillant lui-même, fut créée la station d'expériences météorologiques de Nancy, qui eut pour mission d'établir, par des expériences directes et prolongées, l'action des massifs boisés sur la température atmosphérique, sur la quantité de pluie reçue et retenue par le sol, etc.

On possède aujourd'hui les résultats suivants établis dans cette station et simplement concordant avec les recherches du même genre poursuivies en Allemagne (2).

1° Il pleut davantage sur la forêt qu'en sol découvert ;

2° Les cîmes des arbres retiennent une portion de la pluie, qui atteint dans les bois feuillus jusqu'à dix-sept pour cent en été et descend à cinq pour cent en hiver. Mais en tenant compte du surplus de pluie qui tombe sur les forêts, le sol forestier est autant et plus abreuvé que le sol agricole;

3° L'évaporation de l'eau libre sous bois est beaucoup moins active qu'en terrain découvert ; dans les mois chauds de l'année la proportion d'eau évaporée par le sol forestier est quelquefois à celle évaporée par le sol découvert dans la proportion très faible de quinze à cent. Pour toute l'année la relation est du simple au triple à peu près.

De ces propositions on déduit encore ce résultat, déjà prévu, que l'état boisé est favorable à l'alimentation des sources et à la régularisation du cours des eaux provenant du sol forestier.

(1) Annales des Ponts et chaussées 1846, T. II ; 1852, T. I; 1854, T. I.

(2) Météorologie comparée, agricole et forestière, rapport à M. le sous-secrétaire d'Etat, par M. Ant. Mathieu, imprimerie nationale, 1878.


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Cependant cette conséquence est loin d'être absolument exacte et l'expérience fait découvrir des dérogations à cette loi, si loi il y a.

Pour circonscrire la question nous ne nous occuperons nullement de la quantité d'eau plus ou moins considérable reçue de l'atmosphère par le sol en vertu de son état de boisement, et pas davantage de la portion de cette eau retenue par les cîmes des arbres. Nous ne considérerons que l'action du boisement sur l'eau dont le sol est arrosé ou imprégné, et la façon dont ce sol favorise ou arrête l'écoulement de cette eau.

Il intervient ici un phénomène important. C'est la faculté asséchante des arbres forestiers. Cette action d'assèchement paraît avoir deux composantes principales, savoir :

1° L'hygroscopicite de la partie superficielle du sol forestier ou de la couche formée par la masse spongieuse des racines et radicelles, par le terreau,c'est-à-dire la couverture de feuilles mortes et de détritus végétaux à un état variable de décomposition, enfin quelquefois par les mousses qui peuvent former un épais tapis à la surface. En vertu de cette hygroscopicité le sol forestier absorbe des quantités très considérables d'eau, et il la retient avec énergie, comparable en cola à une éponge qui arrêterait toute l'eau, dont on l'arroserait et ne commencerait à la laisser écouler que lorsqu'elle serait saturée.

2° L'exhalation continuelle d'humidité par la surface des feuilles, exhalation présentant un double caractère physique et physiologique, et d'où il résulte un appel de masses d'eau importantes, absorbées dans la terre par les racines et traversant incessamment le corps du végétal pour se perdre dans l'atmosphère. On conçoit donc que la faculté asséchante des arbres puisse arrêter ou diminuer dans une certaine mesure les écoulements, qu'on aurait pu croire augmentés et régularisés par l'action du sol forestier.

Malheureusement les effets véritables de la faculté asséchante des arbres sont très imparfaitement connus et on en ignore surtout l'étendue.

Il y a plus : les constatations que l'on a faites à cet égard sont fréquemment en contradiction, soit avec l'observation


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de faits vulgaires, soit avec d'autres résultats établis par l'observation scientifique de la manière en apparence la plus solide.

Citons des exemples de ces contradictions.

Il est admis d'après des expériences précises que le feuillage des résineux exhale moins d'eau que celui des feuillus, et le feuillage des pins encore moins que celui des autres résineux (1). Cependant les pins paraissent jouir d'un pouvoir asséchant considérable et infiniment supérieur à celui des forêts d'autres essences, surtout d'essences feuillues (2). Ces deux faits sont en contradiction.

Si l'on admet que le feuillage des pins exhale moins, comment se fait-il qu'il y ait plus d'humidité au-dessus des massifs de pins qu'au-dessus des massifs d'arbres feuillus, et sous leur abri plus que sous l'abri des feuillus, et comme conséquence qu'il pleuve plus sur les bois de pins (3) ?

La sensation de chaleur que l'on éprouve en été sous l'ombrage des pins est attribuée à l'état hygrométrique de l'air, qui sous une futaie de cette essence serait presque saturée d'humidité; et cette sensation ne serait pas différente de celle qu'on ressent dans les climats chauds, quand l'air est saturé de vapeur d'eau (1). Et cependant pourquoi éprouve-t-on au contraire, sous l'abri des arbres feuillus, une sensation de fraîcheur, si ce n'est par la raison que les feuilles sont le siège d'une évaporation abondante, laquelle est une cause d'abaissement de la température?

Pourquoi le feuillage des pins (en lui prêtant la faculté d'exhaler beaucoup de vapeur d'eau) agirait-il en sens inverse ?

Si les pins assèchent le sol, c'est que ces arbres sont capables de pomper dans le sol des quantités d'eau considérables : alors comment comprendre que des végétaux aussi avides d'eau soient justement susceptibles de vivre dans les terrains les plus aisément arides, où la plupart

(1) M. Grandeau. Essais historiques sur la théorie de la nutrition.

(2) Revue des eaux et forêts, 1869 et 1870.

(3) M. Fautrat, Observations météorologiques faites de 1877 à 1878. imprimerie nationale.

(4) M. Fautrat, loco citato.


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des autres essences se dessèchent ou refusent de croître ?

Evidemment, toutes ces contradictions ne se produisent que par suite de notre ignorance à la fois sur les faits et sur leurs causes. L'étude de la faculté asséchante des arbres est en somme tout entière à faire; et ce qui précède montre suffisamment l'intérêt d'une pareille étude au point de vue de la météorologie et de la physique du globe.

Pour en revenir à notre sujet, il est facile de voir que la faculté asséchante des arbres doit modifier le mode et l'abondance des eaux s'écoulant du sol forestier, mais dans des proportions à nous inconnues. Dès lors il n'est pas étonnant de voir dans la nature tantôt des faits qui répondent à la prétendue loi de régularisation et d'abondante alimentation des cours d'eau par les forêts, tantôt d'autres faits qui semblent infirmer cette loi.

L'observation d'un phénomène rentrant dans la catégorie de ces derniers faits va nous occuper un instant.

La partie ancienne de la ville de Tarascon (Ariège) est bâtie sur le cône de déjection d'un petit torrent, dont le bassin de réception domine immédiatement l'agglomération des maisons. Ce bassin d'une surface de 80 hectares environ (dont 65 à peu près occupés par la forêt de Labécède, taillis complet de chêne et hêtre, et 15 à la partie inférieure par des cultures et des vignes) forme une sorte d'entonnoir à parois fort inclinées. L'arête presque demi-circulaire, qui limite l'entonnoir, est à une altitude supérieure à celle de la ville de Tarascon de 500 mètres à peu près. On conçoit que los eaux pluviales, si elles pouvaient glisser sans obstacle sur les parois de ce bassin, arriveraient rapidement au bas de la gorge et produiraient des crues subites et torrentielles du ruisseau, avec apport de matériaux arrachés aux flancs de la montagne. Tel était l'état des choses à une époque géologique ancienne ; c'est ainsi que s'est constitué le cône de déjection sur lequel est bâtie la ville de Tarascon. Peu à peu le relief du terrain a été arrêté définitivement, les parois du bassin ayant cessé de se dégrader, parce qu'elles avaient, par suite des érosions prolongées, cessé d'avoir une pente aussi abrupte, et parce que leur surface s'était boisée naturellement. Alors le torrent de Labécède s'est trouvé


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éteint, pour employer l'expression usitée, et le cône de déjection a pu se couvrir d'habitations et de cultures.

Toutefois, même dans cet état de stabilité, il s'est produit encore des inondations redoutables. — Vers 1810, à la suite d'une de ces inondations, on construisit, pour contenir et diriger les eaux du ruisseau de Labécède, une large rigole pavée ou gondole, qu'on voit encore traverser le champ de foire et qui est, à cet endroit, d'une conservation parfaite. Cette gondole, à section cintrée, a 2 métres 80 de largeur au plafond et 0 m. 40 de profondeur au milieu. La surface moyenne de la section est de 0 m. q 67.20 cq. Si l'on ajoute que la pente suivant l'axe est de 10 à 12 pour cent, on pourra se faire une idée de l'énorme débit de ce canal, quand l'eau y coulait à pleins bords.

Or, il résulte des souvenirs de plusieurs personnes très âgées, notamment de M. Garrigou père, le vénérable président honoraire de notre société, et de M. Martin Soulié, propriétaire, qui habite depuis 1815 une maison située sur le bord de la gondole, que le ruisseau débordait quelquefois, et que ces inondations étaient redoutées des habitants. M. Martin Soulié a conservé le souvenir d'une nuit passée à défendre sa maison contre l'irruption de l'eau et des pierres et matériaux qu'elle charriait à grand fracas.

Non-seulement, après les pluies fortes et prolongées, la rigole coulait à pleins bords, mais l'écoulement se prolongeait en s'affaiblissant jusqu'à quinze jours, un mois même, dit M. Martin Soulié. Les ménagères de Tarascon venaient d'ordinaire y laver leur linge. Pendant les fortes eaux, il était nécessaire de placer sur la gondole des madriers pour la traverser.

Ce régime du ruisseau correspondait à un état de déboisement à peu près complet du bassin de réception ; tous les terrains aujourd'hui boisés, étaient en nature de landes parsemées de genévriers et de quelques broussailles.

Actuellement, la gondole est presque toujours à sec ; les pluies les plus fortes et les plus durables seules donnent un écoulement, encore très faible ; l'eau ne dépasse quelques centimètres de hauteur au fond du lit ; le pavé de la gondole a pu se garnir d'une légère couche de terre avec un tapis


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de ces plantes rampantes, que l'on trouve au bord des chemins et sur les places peu fréquentées (1).

Il est clair que la gondole a été construite en vue de besoins qui n'existent plus aujourd'hui; et ce qui le prouve encore péremptoirement, c'est que le prolongement de cette gondole le long de l'avenue, qui donne accès au champ de foire, a été détruit lors de l'amélioration et de la plantation de cette avenue. Aujourd'hui, la gondole du champ de foire n'a d'autre débouché que la petite rigole qui sépare la chaussée du trottoir; point de canal d'aucune sorte menant directement les eaux à l'Ariége; pas d'aqueduc traversant la route pour les faire arriver plus tôt à cette rivière qui coule du côté opposé. Enfin une petite passerelle a été établie au champ de foire dans des conditions, qui prouvent que les fortes eaux ne sont pas à craindre. En somme, on ne paraît en aucune façon se préoccuper de l'existence du ruisseau de Labécède.

Il est rationnel d'attribuer ce changement à l'état récent de boisement du bassin de réception; il y a entre les deux phénomènes, le reboisement naturel et la suppression des crues du ruisseau, une relation évidente et qui n'a pas échappé aux habitants de Tarascon, maintenant fort jaloux de la conservation de leur petit bois communal de Labécède.

Non seulement l'intensité de l'écoulement des eaux pluviales a diminué, mais la durée de cet écoulement a encore été considérablement réduite. Il est établi que l'écoulement après les plus fortes pluies ne dure pas plus de deux jours, qu'un écoulement de deux jours est même absolument exceptionnel, et il est devenu impossible d'utiliser ce cours d'eau pour les usages domestiques.

Pour résumer cet ensemble d'observations, je dirai qu'il est certain que la ville de Tarascon a été soustraite, par le reboisement naturel du bassin de réception du ruisseau de Labécède, à tout danger d'inondation, mais, par contre, elle a été privée ou à peu près, du débit, un peu trop irrégulier à la vérité, de ce ruisseau. Le cours d'eau n'a pas été régularisé, il a, à peu près, été supprimé.

(1) Polygonum aviculare, etc.


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Les observations qui précèdent n'ont évidemment pas toute la précision désirable, puisqu'elles reposent en partie sur des souvenirs, mais leur ensemble et leur concordance leur assurent un caractère satisfaisant de certitude. Il n'en serait pas moins utile de pouvoir étudier de pareils phénomènes à l'aide de procédés rigoureux d'observations.

Deux remarques encore avant de finir cette notice, que j'aurais voulu abréger davantage :

1° Il n'existe, sur toute l'étendue du bassin de réception du ruisseau de Labécède, aucune source de celles qu'on nomme superficielles, et qui sont influencées uniquement par les écoulements des eaux pluviales à une faible profondeur. Deux sources, que l'on trouve à la partie inférieure du bassin, sont des sources profondes alimentées par des réservoirs d'eau souterraine, et dont le débit ne parait pas en relation étroite avec les phénomènes étudiés.

2° En 1875, après la période de pluies qui déterminèrent les inondations de la Garonne, la gondole coula à pleins bords, mais sans charrier beaucoup de matériaux; les parois du bassin de réception sont effet fixées par l'état de boisement On comprend du reste que, contrairement à ce que l'on observe ordinairement après les fortes pluies, il y ait eu alors une crue d'eau importante, à cause de l'abondance absolument exceptionnelle des eaux reçues par le sol forestier. C'était le cas de l'éponge, à laquelle nous avons comparé plus haut le sol forestier, qui, étant saturée, laisse échapper l'eau, dont on continue à l'abreuver.

GUINIER ,

Inspecteur des forêts.

Lettres patentes de la reine Catherine de Navarre,

comtesse de Foix,

en faveur d'Arnaud de Gasteras

I. SOMMAIRE

Par une charte datée de Lourdes, le 8 mars 1492(1), Catherine(2), reine de Navarre, voulant récompenser les services


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d'Arnaud de Casteras (3), son vassal, qui lui avait été fidèle dans la guerre comme dans la paix, et désirant l'encourager à redoubler de zèle, lui donna en jouissance viagère la seigneurie de Clermont (4), au Comté de Foix, et en propriété héréditaire cent sétérées (5) de terre à prendre sur le territoire de Clermont, dans la juridiction du Mas-d'Azil. Par le même acte, Catherine érigea ces cent sétérées en fief noble et assujetit le possesseur à en rendre hommage à chaque nouveau comte de Foix, en lui offrant en don une paire de gants blancs.

Roger de Foix-Rabat (6) promulgua les lettres patentes en qualité de sénéchal du Comté de Foix.

Ce document présente un triple intérêt aux points de vue historique, juridique et philologique.

L'acte royal est en dialecte gascon-béarnais, sans mélange de languedocien. La promulgation est rédigée en langue latine.

Nous avons pris ce texte inédit sur une copie manuscrite authentique, déposée aux archives du château de Seignan (Ariège), chez M. le marquis de Casteras-Seignan.

II TEXTE

Cathalina, per la gracia de Dieu, Regina de Navarra, Duquessa de Nemors, de Gaudie, de Monblanc et de Penefil, et, per la madissa gracia, Confessa de Foix, Seignora de Bearn, Confessa de Begorra et de Rivegorce, Viscontessa de Castelbon, de Marsan, de Gabardan, de Nebozan, et Seignora de la ciutat de Balague, à tots et sengles, qui las presens veyran, notificam et fem assabe que Nous abem esgard aux bons et agradables servicis, que nostre ben amat Arnauton de Casteras nous a feyt tam en le tens de la guerre, que autremant fé de jour en jour et esperam nous fara d'assi en avant; per aquestas causas et autres à dasso nostre couratge mouvent, au medit Arnauton abem donnat, concedit et autrejat, dam, concedim et autrejam, per tenor de las presentes, tots et singles los drets, lieux, rentes, revenuts, fruts, proffits et adventures , quinhos et quales que sion, que nous abem et nous apperten


en lo loc de Clarmont situat en nostre dit Comtat de Foix, per aquero et lo tout tenir et possedir, usufructuar, prener et recever tots et singles losdits fius, rendes, revenuts, drets, fruts, proffits et adventures durant la vita dudit Arnauton tan soulament et no remens. Abens regard aux dit servicis, et per tal que lodit Arnauton se pusqua meilhor entreteni en nostre dit servici, au medis Arnauton et sous herettes et successors, de nostre bon grat et agradable voluntat abem donnat et autrejat, donnam et concedim per tenor de las presentes, per nous et per nostres herettes et successors, cent cestarades de terre en la juridiction de nostre ville deu Mas-d'Azil et terrador de Clarmont; lasquoaux cent cestarades de terre abem anoblisit et anoblisim per tenor de las présentes; et volem que ledit Arnauton, sos herettes et successors tenguan et pusquen teny aqueras et las possedir francques et quites de tout fieux, tailhes et autres cargas, comme ainxi et par la maniere que les autres gentiushommes dudit Comtat las tenen et possedissen; et volem que en aqueras pusque pobbla et ediffica habitans, maisons, bordes, molins , vignes, camps, berges, et ne prene tots servituts et gaudences, et autrement ne fé et disposa, et singles sas proprias et agradables voluntats, cum de sa propria causa ; et volem que ledit Arnauton et sos herettes se gaudesquen de touts et singles priviletges, franquesas et libertats, que les autres gentieushommes deudit Comtat se gaudeissen et an usat et acostumat se gaudi, sens que diguna contradiction ne ly sio feyta.

Empero seran tenguts lodit Arnauton et sos hoirs et successors fé homatge et sagrament de fidelitat à nos et nostres herettes et successors comtes de Foix, et cascun seignor et comte mudat una beguda tant solament, et, lo jour que faran lodit homatge, seran tenguts bailhar ung pareilh de gouans blancs, et servici acabat et autrement, com meilhor et plus honestement poyra, en temps de necessitat, et toutes horas que per nous et nostres herettes et successors comtes de Foix lors sera mandat.

Mandam per las medeyxas presens à nostre senechal de Foix et procurador deudit Comtat que audit Arnauton


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meten en possession reau et corporau deus dits drets, rentes, revenuts, fruts et profits à nous poden appartenir et aussibé de las dites cent cestarades de terre, et aqueras le fassen perchar (7) et pagerar, en y mettan ou fassen mettre et affigi grandes fietas et soignais à eternel memori.

Mandans nou remens audit senechal, jutges, tesaurè procurayré et autres nostres officiers, justiciers et sosmets que à nos sion ou seran au temps adveni de nostre dit Comtat de Foix, lors loctenens et à cascun de los, que audit Arnauton, sos herettes et successors de notres presentes donnatios, gracia et autrey, et de toutes et singles las causas susdittas leyxen et permeten, fassen leycha et permetter, usar, valler et gaudir, sens luy far ny permettre estre feyt aulgun destors ou empachament, au couutrari; car ainxi nous plats et volem esser feyt, et, en testimoni d'asso, abem autrejat las presentes signadas de nostre saget et armes en pendent. Dat à Lourda VIIIe jour de mars mil quatre cent nouante et un.

Signé : CATALINA.

Per mandament de la Regina Comtessa et Seignora susditta.

Signé : Se de MAISONAVO.

III, — PROMULGATION

Rogerius de Fuxo, miles, dominus de Rabato, vicecomes Coseranensis, senescallus Comitatûs Fuxi, castellano et bajulo de Fuxo, ceterisque dicti Comitatûs Fuxi aut eorum loca tenentibus, justiciariis, officiariis ac subditis Comitatûs salutem. Visis lilteris illustrissimse dominae nostrae reginae Navarrse, Fuxi quoque comitissse, in pargamento scriptis et sigillo suo impendenti sigillatis, datum Lordse die octavâ mensis marcii ultimi lapsi, quibus his nostris presentibus aliquatenus vobis et cuique vestrum singulorum mandamus et precipimus quatenus honorabili viro magistro Nicolao Comis, procuratori comitali in executione de contentis in eisdem debitè pareatis, in primum quoque nobilem Arnaldum de Casteras in ipsis litteris nominatum uti et gaudere dono


— 67 —

in eisdem litteris sibi facto et concesso faciatis et permittatis, juxta patentium litterarum formam et tenorem. Da tum Appamiis die vigesimâ octavâ mensis aprilis, anno Domini millesimo quadringentisimo nonagesimo secundo. B. R.judex pro ordine.

BRETA, notaire.

IV. NOTES

(1) A l'époque où cette donation eut lieu, l'année commençait à Pâques; nous avons ramené la date au style moderne et mis 1492 au lien de 1491. En 1492 Pâques tomba le s avril; la promulgation des lettres-patentes se fit le 26 du même mois, et ne fut pas remise à l'année suivante, comme on pourrait le supposer, si l'on ne tenait pas compte du changement à faire dans la date.

(2) Catherine de Grailly-Foix, fatare grand'mère d'Henri IV, avait épousé Jean d'Albret. le 11 juin 1181, alors qu'elle était encore sous la tatelle de sa mère. Madeleine de France, princesse de viane, soeur de Louis X . A l'époque où fut promulguée cette charte, les hostilités entre les troupes de Catherine et celles de son oncle Jean de Foix, vicomte de Narbonne. qui lui disputait l'immense succession de la maison de Foix, continuaient toujours malgré l'intervention du roi de France.

(3) Arnaud de Casteras était, d'après Lainé, le sixième fils de Pons de Casteras, damoiseau, et de Bernarde de Sauton. Il est à remarquer que ces lettres ne portent point anoblissement de personne, parce qu'Arnaud de Casteras était de vieille race, mais bien anoblissement de terre, c'est-à-dire érection d'un domaine en fief.

Pierre de Casteras. seigneur de la Graule ou Grausse, à Clermont, arrière-petit-fils d'Arnaud, fut maintenu dans sa noblesse le 4 janvier 1667 par M. Pelot, intendant de Guyenne.

(1) Clermont. village voisin du Mas-d'Azil, chef-lieu de canton de l'arrondissement de Pamiers. etait, avant la Révolution, compris dans le Comté de Foix; aujourd'hui c'est une commune du canton et de l'arrondissement de Saint-Girons.

(5) La sétérée du Mas-d'Azil était de 52 ares 36 centiares.

(6) Roger de Foix, seigneur de Rabat, Fornex. Labastide-de-Sérou, Massat, sénéchal du Comté pour Catherine, appartenait à une branche issue de la première race des comtes de Foix par Loup de Foix, fils de Raymond-Roger, septième comte de Foix. Roger se qualifiait vi-


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comte de Couserans parce qu'il possédait dans ce pays la vaste seigneurie de Massat par sa mère, Eléonore de Comminges, fille de Raymond-Roger, vicomte de Couserans.

Le sénéchal du Comté de Foix pour le vicomte de Narbonne, compétiteur de Catherine, était Gaspard de Villemur, baron de SaintPaul-de-Jarrat.

(7) Perchar signifie mesurer avec une perche, pagerar, mesurer au pas.

Baron de BARDIES, Docteur en droit.

Une berceuse du pays de Sainte-Croix

Ne connaissez-vous pas, disais-je, une chanson du pays, un de ces airs qui rappellent la montagne, ses paysages ou ses moeurs ? Je voudrais un de ces refrains typiques qui, comme les rangs de la Suisse, viennent parfois vous caresser l'oreille comme une évocation de la patrie. Jules Autran disait qu'un soldat ne saurait les entendre « sans mourir de regret ou partir déserteur. »

Et mon ami se mit à fredonner divers couplets en langue d'oc ; mais il y en a tant de ces couplets qui n'ont d'autre mérite que d'être en patois ! Il faut l'avouer, en effet, on a trop souvent touché le luth provençal ou gascon à la manière des écoliers caressant la muse latine. Mettre en patois des idées françaises ne suffit pas à être original.

Mon aimable et complaisant compagnon fouillant alors ses souvenirs (heureusement pas bien vieux) retrouva quelques phrases, qu'on chantait jadis autour de son berceau au pays de Sainte-Croix.

Je trouvai que la poésie de cette berceuse allait au coeur, et je priai M. Duclos de me procurer la petite pièce complète. Elle est aujourd'hui entre mes mains et vous me permettrez de vous la lire.


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L'ENFANT ET LA CAILLE

(Berceuse)

I

Digos, m'amour la callo, ount as lou nid ?

Ount as lou nid, m'amour,

Ount as lou nid ?

II Là n'haut sus la mountagno, lé loung d'un riu. Lé loung d'un riu, m'amour, Lé loug d'un riu.

III Digos, m'amour la callo, dé qu'as bastit ? Dé qu'as bastit, m'amour, Dé qu'as bastit ?

IV Dé flous de majourano, dé roumani, Dé roumani, m'amour, Dé roumani.

V Digos, m'amour la callo, que y as dédins ? Que y as dédins, m'amour, Que y as dédins ?

VI Très iôus, comme las autros, dés pus poulids, Dés pus poulids, m'amour, Dés pus poulids.

VII Digos, m'amour la callo, s'han espeillit ? S'han espeillit, m'amour, S'han espeillit ? (1)

(1) I. Dis, mon amour la caille, où as-tu le nid? II. Là-haut sur la montagne le long d'un ruisseau.

III. Dis, mon amour la caille, de quoi as-tu bâti?

IV. De fleurs de marjolaine, de romarin.

V. Dis, mon amour la caille, qu'as-tu dedans. VI. Trois oeufs, comme les autres, des plus jolis. VII. Dis, mon amour la caille, sont-ils éclos ?

5


— 70 —

VIII Aujo démets la girbo, lés foro-nid, Lés foro-nid, m'amour, Lés foro-nid.

IX Digos, m'amour la callo, que fan amount ? Que fan amount, m'amour, Que fan amount ?

X

Entrans las turros sécos, lé poubassou, Lé poubassou, m'amour, Lé poubassou.

XI

Digos, m'amour la callo, qui té serbis ? Qui té serbis, m'amour, Qui té serbis ?

XII Trés joubénos fillettos dé mon païs, Dé moun païs, m'amour, Dé moun païs.

XIII L'uno ba quérré l'aygo, l'autro lou bi, L'autro, lou bi, m'amour, L'autro lou bi.

XIV L'autro fa lou sousté per m'endurmi , Per m'endurmi, m'amour, Per m'endurmi (1).

(I) VIII. Écoute dans les gazons les hors-nid.

IX. Dis, mon amour la caille, que font-ils là-haut ? X. Parmi les mottes sèches, leur trémoussement,

XI. Dis, mon amour la caille, qui te sert ? XII, Trois jeunes fillettes de mon pays.

XIII. L'une va chercher l'eau; l'autre le vin ;

XIV. L'autre fait l'oreiller pour m'endormir.


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Il est permis, Messieurs, de ne pas se croire trop mauvais juge en déclarant ce morceau charmant.

Nous y trouvons pour notre part des détails gracieux dans un paysage grandiose.

L'enfant, qui va s'endormir, songe aux oiseaux qui, comme sa jeune âme, vont et viennent dans l'azur ; son oeil, qui se ferme bien lentement, perçoit encore la silhouette à peine estompée des montagnes ; personne ne veut plus causer avec un marmot qui radote ; celui-ci s'adresse alors aux oiseaux, ces jolies petites bêtes, qui bavardent ou gazouillent autant qu'on veut. Voici précisément une caille, la même qui chante matin et soir dans le champ de seigle, parmi les bluets et les coquelicots. La caille, elle, est aimable et répond. Elle donne sur sa vie domestique tous les détails qu'on lui demande. Elle est venue chercher quelques grains pour ses petits, qui sont là-haut dans un nid qui flaire bon, tout fait de marjolaine et do romarin.

Les cailleteaux quittent ce nid, font la cabriole et se trémoussent, tantôt sur le gazon et tantôt dans la poussière : fan lé poubassou.

Oh ! sur ce poubassou-là, l'ange s'envole en souriant et va rejoindre les charmants cailleteaux. Mais la caille adorable, la mère qui chante, a les occupations du ménage. Elle ne se fie pas trop au sommeil du bébé et continue sa mélopée. Elle aussi divague. Les très joubénos fillétos ne sont là que pour achever son oeuvre, faire le sousté et fermer les rideaux après avoir disposé un long et doux baiser sur la joue du petit frère, qui s'endort tout à fait, croyant entendre le bruit des foro-nid.

J'ajoute que M. Duclos m'a également procuré la musique de la berceuse. Il m'a dit que cette musique était digne de la poésie. Je suis un profane et l'en crois très volontiers sur parole.

JULES GRÉGOIRE.


— 72 — EXPOSITION GÉOLOGIQUE DE FOIX

EN SEPTEMBRE 1882

I

Nomenclature des Fossiles des terrains Ariégeois

ayant figuré à l'Exposition.

Au mois de septembre 1882, la Société géologique de France,sous la direction de M. Hébert.membre de l'Institut, professeur à la Sorbonne, a tenu, dans l'Ariège, une session extraordinaire, qui a compris dos séances, des excursions et une exposition de fossiles provenant des terrains ariégeois.

La session présenta un véritable intérêt et acquit une importance exceptionnelle par la présence des délégués du Congrès international de géologie. Ces savants étaient adjoints à la Société pour débattre diverses questions et arrêter certains points de nomenclature.

Par une heureuse coïncidence, l'exposition géologique eut lieu en même temps que l'ouverture du Musée départemental, dont quelques vitrines ont été inaugurées en servant à l'installation des échantillons paléontologiques.

Les éléments de cette exposition ont été fournis en grande partie par M. Hébert. Pour compléter les séries, on avait choisi des spécimens, que des savants avaient bien voulu mettre à la disposition des organisateurs.

Le Musée a repris possession de ses vitrines ; les pièces ont été retirées par ceux qui les avaient prêtées. De cette curieuse et intéressante exhibition, il ne resterait guère plus que le souvenir, si l'on n'avait pris soin de faire un relevé méthodique de la collection Hébert.

Il ne nous appartient pas de donner aujourd'hui un compte-rendu des recherches et des excursions faites pendant la session. Un travail de ce genre doit paraître dans le Bulletin de la Société géologique ; l'itinéraire suivi a déjà fait l'objet d'une notice contenant sommairement quelques renseignements techniques sur les localités visitées.

La nomenclature de la collection Hébert est susceptible de servir de point de départ à un catalogue des fossiles de


— 73 —

l'Ariège ; elle peut aussi fournir de précieuses indications à tous ceux qui s'occupent de géologie et de paléontologie dans notre département. Ces motifs étaient suffisants pour que ce travail trouvât place dans le Bulletin de notre Société

Nous donnons, en outre, une liste faisant connaître : 1° le bureau de la session; 2° les délégués du Congrès international ; 3° les membres de la Société géologique présents à la session ; 4° les personnes étrangères à la Société ayant suivi les excursions ; 5» les personnes qui ont contribué au succès de l'exposition soit par l'exhibition isolée de leurs collections, soit par le prêt de quelques échantillons intercalés dans les séries de M. Hébert.

Il était nécessaire de rééditer cette liste, dont tous les exemplaires sont épuisés, et qui donne une idée de l'importance de la session.

SÉRIE PRIMAIRE TERRAIN SILURIEN SUPÉRIEUR

On ne possédait pas de fossiles siluriens provenant de l'Ariège ; ils ont été remplacés par des fossiles de la Haute-Garonne, afin de montrer du silurien des Pyrénées.

Nom du fossile Lieu ou il a été trouvé

Collection dont il fait partie

Graptolites priodon Mérignac Hébert. Cardiola interrupta — —

Orthoceras — —

Id. Saint-Béat —

DÉVONIEN

Spirifer Castelnau-Durban de Lacvivier. Atrypa reticularis — —

Terebratula — —

Scyphocrinites elegans Les Vales de Burat Leymerie.

Encrines Castelnau-Durban de Lacvivier. Marbre pétri d'encrines — —


— 74 -

Marbre griotte

Oust

Riverenert

Castelnau-Durban

de Laovivier.

Encrines Saint-Antoine Grégoire,

Encrines Montferrier de Lacvivier.

SÉRIE SECONDAIRE

TERRAIN JURASSIQUE LIAS MOYEN

Belemnites Baulou et Pech de Lacvivier. Ammonites Jamesoni

Sow St-Sauveur (Foix) —

Nautilus Pech (Foix) Grégoire.

Ammonites Pech — Terebratula punctata,

Sow Baulou Hébert. Id. Saint-Sauveur

Spiriferina pinguis — —

Spiriferina rostrata — —

Terebratula quadrifida — — Terebratula nu mismalis —

Terebratula punctata, Sow Pech Grégoire. Gryphrea cymbium

(var. maj.) Saint-Sauveur —

Pecten disciformis Pech —

Pecten oequivalvis — —

Mytilus — —

LIAS SUPÉRIEUR

Ammonites radians Lescure de Lacvivier.

Rhynchonella cynocephala Audinac (Montjoie) —

TERRAIN CRÉTACÉ

SECTION INFÉRIEURE

ÉTAGE NÉOCOMIEN

SOUS-ÉTAGE MOYEN

URGONIEN

Limonite ou Bauxite Pech, Saint-Sauveur

(fer oxidépisolitique) et Péreille de Lacvivier.


— 75 —

Oriopleura Lamberti,

Mun. ch. Sarda-le-Fort Ambeyrac.

Id. Pradières de Lacvivier.

Id. Vinport Hébert. Monopleura Siracensis,

Mun. ch. Saint-Cirac de Lacvivier. Toucasia Lonsdalii,

Mun. ch. Laborie de Lacvivier.

id. Le Pech Hébert.

Nerinsea Pradières — Rhynchonella conforta

d'Orb. car. A. Cadarcet —

id. var. B. Tir à la cible près Foix —

id. Gascogne (St-Paul-de- —

Jarrat).

id. lata Tir à la cible (Foix) —

id. Laborie (Foix)

id. Cadarcet —

id. Vernajoul —

Rhynchonella difformis Pech —

Terebratula praelonga Cadarcet —

id. Laborie — Zelleria Tamarindus,

Soie, var. minor Cadarcet —

id. Rocher de Foix —

id. Laborie — Terebratula Delbosii,

Hébert Laborie —

id. Cadarcet de Lacvivier.

id. Rocher de Foix —

id. Laborie —

Cyprina Pradières — Cucullsea Gabrielis,

d'Orb. Laborie —

id. Pradières —

Janira atava, d'Orb. Laborie —

id. Cadarcet —

Lima Tir à la cible près Foix —

Ostrea aquila Rimont —

Ostrea macroptera Cadarcet —


— 76 —

Ostrea macroptera Laborie de Lacvivier Lithodomus Cadarcet —

Gastrochoena Vernajoul de Lahaille.

id. Pradières de Lacvivier.

Cidaris Pyrenaïca, Cott. Pradières Bibliothèque de Foix

id. Laborie de Lacvivier.

id. Vinport Hébert,

id. Soudour (Bédeilhac) Grégoire.

Cldaris malum, cott. L'Herm de Lacvivier. Cyphosoma Cadarcet —

Toxaster oblongus Cadarcet —

Pyrina pigsea Tir à la cible près Foix —

Orbitolites conoïdea et discoïdea. .4. Gras. Vernajoul —

id. Laborie —

Id. Pradières —

Id. Rocher de Foix —

Id. Cadarcet —

Id. Saint-Sauveur —

Meandrina Pradières Ambeyrac.

Id. Vernajoul Grégoire.

Id. Preussance de Lacvivier.

GAULT

Nautilus Clementinus d'Orb. Minjon (Pradières) de Lacvivier

Id. Panofabos (Foix) Grégoire

Nautilus Montgaillard de Lacvivier.

Id. St-Genès (Montgaillard) —

Id. Labat (St-P.-de-Jarrat) —

Id. Garrodoumeng —

Id. Audinac —

Ammonites mayorianus Pradières Hébert.

Ammonites Beudapti, d'Orb. — de Lacvivier

ld. — Hébert.

Id. Audinac de Lacvivier

Ammonites mammillaris

Schl. — —

Id. Péreille —


— 77 —

Ammonites Delaruei

d'Orb. Pradières de Lacvivier. Ammonites Beaumontianus,

Beaumontianus, — —

Ammonites auritus, Sow — —

Ammonites — Grégoire

Ammonites Milletianus Audinac de Lacvivier

Id. Fougax — Id. Sourroque (St-Girons) —

Ammonites Gabachou —

Belemnitesminimus Pradières — Belemnites semi-canaliculatus

semi-canaliculatus —

Trochus Roquefixade de Lahaille Turritella Vibrayeana,

d'Orb. Pradières de Lacvivier. Straparollus Martinianus,

Martinianus, — —

Turbo Martinianus — —

Natica id. — — Terebrirostra Arduennensis

Arduennensis Grégoire. Terebrirostra Arduennensinsis,

Arduennensinsis, — de Lahaille. Scalaria Dupiniana,

d'Orb. Audinac de Lacvivier. Ringinella Albensis,

d'Orb. — —

Alaria carinella, d'Orb. — —

Cerithium ornatissimum — —

Id. Aptience — —

Rostellaria Parkinsoni — —

Nucula pectinata — —

Nucula bivirgata, Fitt. — —

Plicatula radiola, Lamk. — —

Id. Id. Pradières —

Id. Id. Cadarcet —

Monodonta Audinac —

Cardita constanti, d'Orb. — —


— 78 —

Inoceramus Salomonis — —

Id. Id. Pradières —

Salenia Prestensis, Desor — Hébert.

Hemiaster Phrynus Laborie de Lacvivier.

— — Pradières —

Discoideaconica, Desor Laborie —

Id. Pradières —

Id. Péreille —

Id. Montgaillard —

ld. Roquefixade —

Id. Cadarcet —

Echinonus mixtus Audinac

Epiaster Ricordeanus — —

Micraster Epiaster Ananchites Hemiaster

Faune

de la

perte du

Rhône

Garrodoumeng —

Orbitolites (très coniques) Laborie —

TERRAIN CRÉTACÉ

SECTION SUPÉRIEURE ÉTAGE CÉNOMANIEN

Orbitolina concava Péreille de Lacvivier. Rhynchonella contorta

d'Orb. Freychenet

Id. Sourd, Gascogne. —

Ostrea conica Péreille —

Ammonites nov. sp. Sézénac Ambeyrac.

Holaster subglobosus — Grégoire.

Id. — de Lacvivier.

Discoïdea cylindrica — Ambeyrac.

ÉTAGE TURONIEN

Plagioptychus dissimilis

Mun.-Ch. Leychert Hébert.

Id. — de Lacvivier.

Plagioptychus involutus

Mun.-Ch. — abbé Pouech.


— 79 —

Plagioptychus Lacvivieri,

Lacvivieri, Bénaix de Lacvivier.

Plagioptychus dissimilis

Mun.-Ch. — —

Bayleia, Pouechi, Mun.-Ch. Leychert Hébert.

Hippurites cornuvaccinum,

cornuvaccinum, Bastié de Lacvivier.

Hippurites Heberti Mun.-Ch. Leychert Hébert.

Hippurites organisans Montf. — —

Id. Bénaix de Lacvivier.

Id. Villeneuve-d'Olmes —

Hippurites cornuvaccinum,

cornuvaccinum, — —

Hippurites variabilis

Mun.-Ch. Bénaix —

Id. Roquefixade —

Id. Villeneuve-d'Olmes —

Sphserulites Benaicensis

Mun.-Ch. Bénaix —

Id. mammillaris

d'Orb. Leychert —

Id. Acuticostata . Bénaix —

Id. excavata

d'Orb. — —

Id. Aristides,.Vtm.-C/(. Bénaix —

Id. Desmoulinsiana, d'Orb. Leychert Hébert.

Sphserulites Toucasi

d'Orb. — —

Sphserulites Aurigerensis,

Aurigerensis, Saint-Cirac de Lacvivier.

Biradiolites canaliculatus,

canaliculatus, Bénaix de Lacvivier.

Radiolites Acuticostatus d'Orb. Leychert —

Id. cornupastoris Sézénac Grégoire.

Neretina Lacvivieri Mun.-Ch. Saint-Cirac Hébert.


— 80 —

Trochus Saint-Cirac Grégoire.

Ostrea Matheroniana — de Lacvivier.

Ostrea Santonensis

Deshayesi, Coq. Bénaix —

Ostrea Caderensis

Coq. Saint-Cirac —

Modiole — —

Spondylus hippuritarum,

hippuritarum, Bénaix —

Lithophaga nov. sp. Saint-Cirac Grégoire.

Pyrina ovulum, Ag. — de Lacvivier,

Cyclolites elleptica

Lamk. Bénaix —

Id. gigantea

d'Orb. — —

Id. polyomorpha Saint-Cirac —

Episeris macrostoma

de Fran. — —

Rhipidogyra Martiniana,

Martiniana, Leychert Hébert.

Meandrina Saint-Cirac Bastian.

Astrocaenia Konincki

M.-Edw. et J. Haine Leychert de Lacvivier,

Synastreea Corbarica

d'Orb. — —

Phyllocsenia pediculata

M.-Edw, et J. Haime — —

ÉTAGE SÉNONIEN

Inoceramus digitatus Bastié de Lacvivier.

Spondylus spinosus — Ambeyrac. Micraster Heberti, Lacv. — —

Id. — Grégoire.

Id. — de Lacvivier.

Holaster integer — Ambeyrac.

Ananchites — —

ÉTAGE DANIEN SOUS-ÉTAGE INFÉRIEUR

Ostrea Roemeri Saint-Marcel Leymerie.


— 81 —

Ostrea ungulata, Snw. Saint-Marcel Leymerie.

Ostrea Pyrenaïca Gensac (Hte-Garonne) — Hemipneustes Pyrenaïcus,

Pyrenaïcus, Montsaunès (H.-G.) Hébert. Hemipneustes Leymeriei,

Leymeriei, — —

Galerites gigas Auzas (Hte-Garonne) —

ÉTAGE DANIEN SOUS-ÉTAGE MOYEN

Nautilus Sainte-Croix de Lacvivier.

Monopleura Sanctae-Crucis

Mun.-Ch. — —

Sphoerulites Lacvivieri

Mun.-Ch. — —

Acteonella gigantea — —

Cerithium Garumnicum Auzas Hébert. Cerithium Merigonensis

Mun.-Ch. Mérigon de Lacvivier.

Acteonina Baylei Auzas Hébert.

Acteonella Baylei

Leym — Leymerie.

Natica bulbiforma

Mun.-Ch. Sainte-Croix de Lacvivier.

Melanopsis Avellana Auzas Hébert. Déjanira Matheroni

Leym — Leymerie.

Dejanira Heberti — Hébert.

Ostrea uncinella, Leym. Sainte-Croix de Lacvivier.

— Verneuilli, Leym. — —

— Pyrenaïca, Leym. — — Cyrena Pyrenaïca

Mun.-Ch. Auzas Hébert. Cyrena Heberti,

Mun.-Ch. — — Cyrena Garumnica

Leym — —

Cyrena Laletana, Vidal. Gabre et Ste-Croix de Lacvivier.


— 82 —

Cyrena Jacquoti,

Mun.-Ch. Auzas Hébert

Cyrena Auzasensis — —

Mun.-Ch. Cyrena Mérigon —

Cyclolites Reussi

Prom. — de Lacvivier.

Orbitoïdes Sainte-Croix —

ÉTAGE DANIEN

SOUS-ÉTAGE SUPÉRIEUR

ASSISE INFÉRIEURE

Nantilus Heberti Fabas de Lacvivier. Pleurotomaria danica

Leym. Tourtouse —

Natica brevispira — —

Turritella Fabas —

Voluta Pegoti, Leym. — — Ostrea Fabasensis

Mun.-Ch. — —

Cardita inflata, Leym. — —

Micraster Tercensis

Coll. Tuco Hébert.

Id. Sainte-Croix de Lacvivier.

Hemiaster nasutulus

Sor. Fabas —

Hemiaster canaliculatus

Sor. — —

Id. Montfa —

Schizaster antiquus Fabas —

Micropsis Leymerei

Cott. —

Cyphosoma pseudomagnificum,

pseudomagnificum, — —

Hipponix (phrygia)

Pyrenaïca, Leym. Tuco Hébert.

Id. la Vernière —

Operculina Heberti

Mun.-Ch. Tuco —

Id. Saint-Marcel —

Orbitoïdes socialis

Mun.-Ch. ? —


— 83 — SÉRIE TERTIAIRE

TERRAIN ÉOCÈNE

(Pas d'étage inférieur)

ÉTAGE MOYEN.

ASSISSE INFÉRIEURE. (Calcaires à milliolites)

Rostellaria Lapparenti

Leym. Baulou de Lacvivier.

Conoclypus Pyrenaïcus

Cott. Belbèze —

Id. Tourtouse —

Echinanthus Pouechi

Cott. Courets (Camarade) —

Echinanthus Baulou —

Echinanthus subrotundus,

subrotundus, — —

Oriolampas Michelini

Cott. Fabas Hébert.

Echinanthus Sabarat Ladevèze.

Oriolampas Michelini

Cott., Mun.-Ch. Mas-d'Azil —

Rabdocidaris Pouechi

Cott. Courets (Camarade) de Lacvivier.

ASSISE MOYENNE (calcaire à ostrea uncifera) Néritina (Velatès) Schimidelliana

Schimidelliana Verrière Hébert.

Trochus Raissac —

Terebratula Montoléarensis,

Montoléarensis, Camarade de Lacvivier.

Cerithium Ladevezii

Héb. (Var. A.) Raissac Hébert.

Cerithium Aurignacum

Leym. Aurignac (H.-G.) —

Cerithium (Var. H.) Montardit de Lacvivière.

Cerithium (Var. G.) — —

Cerithium A Raissac Hébert.

Cerithium B — —


— 84 —

Cerithium C — Hébert

Cerithium D — —

Cerithium Dreuilhe — Turritella Carezi

Mun.-Ch. — — Turritella Rodensis

Carez — — Turritella Larteti

Mun.-Ch. — —

Tuaritella A Raissac —

Turritella B Dreuilhe — Spondylus Caldesensis

Carez. Camarade de Lacvivier. Ostrea uncifera

Leym. Raissac Hébert.

Ostrea A Pichot de Lacvivier.

Ostrea uncifera, Var. Raissac Hébert. Lucina corbarica

Leym. — de Lacvivier. Lucina Gaudryi

Mun.-Ch. — Hébert.

Prenaster Alpinus Monze —

Amblypigus dilatatus Monze (Mont-Alric) — Echinanthus Cottaldi

Héb. Lézère Ladevèze

Aveolina melo, Leym. Aurignac, Baulou,

Camarade Hébert.

— le Sautel, etc. de Lacvivier.

ASSISE SUPÉRIEURE (Marnes à operculina granulosa)

Bulbus Touloumy Hébert.

Voluta — de Lacvivier.

Turritella Dufrenoyi

Leym. — Hébert.

Id. le Sautel —

Id. le Pilut (Mas-d'Azil) —

Turritella Rodensis


— 85 —

Carez Touloumy —

Turritella — — Turritella figolina

Carez le Peyrat Hébert.

Cerithium E le Pilut —

Cerithium St-Jean-d'Aigues-VCs de Lacvivier. Cerithium Ladevezei

Héb. le Pilut Hébert.

Id. — —

Cerithium F — —

Cerithium I — —

Vulsella Touloumy — Cyclostoma St-Jean-d'Aignes-Vives de Lacvivier.

Ostrea gigantea Villeneuve-du-Bosc Grégoire. Ostrea Aurigerensis

Héb. le Peyrat Hébert.

Crassatella plumbea Touloumy —

Id. le Peyrat — Porocidaris serrata

Desor. Limoux — Astrocsenia subreticulata

subreticulata Peyrat , — Nummulites aturica

Legm. le Sautel — Operculina granulosa

Legm. la Verrière — Serpula corbarica

Mun.-Ch. Touloumy —

EOCÈNE SUPÉRIEUR

Poudingue de Palassou. — Mornes et calcaires d'eau douce de Sabarat.

Collection de M. l'abbé Pouech.


— 86 —

II

Liste faisant connaître : 1° le bureau de la session ; 2° les membres des commissions du Congrès international ; 3° les membres de la Société présents à la session ; 4° les personnes étrangères à la Société ayant suivi les excursions ; 5° les personnes ayant prêté des objets pour l'Exposition ; 6° le Comité d'organisation.

I

Le Bureau de la session a été constitué dans la séance du 17 septembre ; Président : M. Hébert ;

Vices-Présidents : MM. de Rouville, abbé Pouech ; Secrétaires : MM. Delaire, Fallot, Fontannes, de Lacvivier.

II

MEMBRES DES COMMISSIONS DU CONGRÈS INTERNATIONAL DE GÉOLOGIE AYANT PRIS PART AUX TRAVAUX DE LA SESSION :

MM.

Beyrich, professeur de géologie à l'Université de Berlin

(Prusse). Blanford, directeur de la carte géologique des Indes, à Londres (Angleterre). Capellini, professeur de géologie à l'Université de Bologne

(Italie). Dewalque, professeur de géologie à l'Université de Liège

(Belgique). Hauchecorne, directeur de l'École des Mines et de la carte

géologique, à Berlin (Prusse). Hébert, membre de l'Institut, professeur de géologie à la

Sorbonne, à Paris. Hughes, professeur à l'Université de Cambridge (Angleterre). Giordano, inspecteur en chef des Mines, à Rome (Italie). Moeller (de), professeur de paléontologie à l'Institut des

Mines, à Saint-Pétersbourg (Russie). Rénevier, professeur de géologie à l'Académie de Lausanne (Suisse).


- 87 -

Vilanova y Pièra, professeur de paléontologie au Muséum

de Madrid (Espagne). Zittel, professeur à l'Université de Munich (Bavière).

III

MEMBRES DE LA SOCIÉTÉ PRÉSENTS A LA SESSION : MM. Alméra (abbé Jacques), professeur de géologie au séminaire

de Barcelone (Espagne). Bertrand, ingénieur des Mines, secrétaire de la Société

géologique de France, à Paris. Bioche, à Paris. Boisselier, agent administratif de la marine, à Rochefortsur-Mer.

Rochefortsur-Mer. du Martray, au château de Marry (Nièvre). Brignac (Jules de), à Montpellier. Brolemann, à Paris. Capellini, professeur de géologie à l'Université de Bologne

(Italie). Caralp, préparateur de géologie et de minéralogie de la

Faculté des sciences, à Toulouse. Carez, secrétaire de la Société géologique de France, à Paris. Chaignon (vicomte de), à Condal, par Cuiseaux (Saône-etLoire).

(Saône-etLoire). professeur-suppléant à la Faculté des sciences, à

Grenoble. Daval, greffier du tribunal de commerce, à Saint-Dizier,

(Haute-Marne). Delaire, ingénieur civil, à Paris. Dewalque, professeur de géologie à l'Université de Liège

(Belgique). Fallot, docteur en médecine, attaché au laboratoire de

géologie de la Sorbonne, à Paris. Fontannes, à Lyon. Flottes, à Paris.

Garnier, inspecteur des forêts en retraite, à Valence-surRhône (Drôme). Gillet-Paris, ingénieur civil des Mines, à Lyon. Gosselet, professeur à la Faculté des sciences, à Lille.


— 88 —

Gourdon, à Bagnères-de-Luchon (Haute-Garonne).

Grammont (Arnaud de), Paris-Pau.

Hébert, membre de l'Institut, professeur de géologie à la

Sorbonne, à Paris. Hughes,professeur à l'Université de Cambridge(Angleterre) Ivolas, professeur de physique au Collège de Milhau (Aveyron).

(Aveyron). (Ch. de), censeur des études au Lycée de Troyes. Langlassé, à Puteaux (Seine). Laumonier, à Poitiers. Léenhardt, professeur agrégé à la Faculté théologique de

Montauban. Le Mesle, à Blois.

L'Hôte, au Conservatoire des Arts et Métiers, à Paris. Lory, professeur de géologie à l'Ecole normale supérieure,

à Paris. Mayer-Eymar, professeur à l'Université de Zurich (Suisse). Moeller (de), professeur de paléontologie à l'Institut des

Mines, à Saint-Pétersbourg (Russie). Monthiers, ingénieur civil des Mines, vice-secrétaire de la

Société géologique de France, à Paris. Morel de Glasville, à Paris. Péron, intendant militaire, à Troyes Pouech (abbé), chanoine titulaire, à Pamiers. Rénevier, professeur de géologie à l'Académie de Lausanne

(Suisse). Ricard, à Amiens.

Rouville (de), doyen de la Faculté des Sciences à Montpellier. Saint-Venant (J. de), inspecteur-adjoint des forêts à Foix. Siegen, conducteur des travaux publics (Luxembonrg). Tabuteau, lieutenant-colonel au 93e Higlanders, Paris. Tardy, à Bourg-en-Bresse (Ain). Trutat, conservateur du Musée d'Histoire Naturelle à

Toulouse. Viguier, préparateur à la Faculté des Sciences à Montpellier. Vilanova y Piéra, professeur de paléontologie, au Muséum

de Madrid (Espagne). Zittel, professeur à l'Université de Munich (Bavière).


— 89 — IV.

PERSONNES ÉTRANGÈRES A LA SOCIÉTÉ AYANT SUIVI LES EXCURSIONS

MM. Alzieu, médecin à Axiat (Ariège). Ambeyrac, professeur de physique au Lycée de Nice. Bastian, professeur au collège de Foix. Blanchot, chef d'escadron d'État-Major, à Montpellier. Cousin, ingénieur des Mines à Vicdessos (Ariège). Delrieu, à Tarascon-sur-Ariège (Ariège'). Denjean (Albert), maire à Vicdessos (Ariège). Garaud, professeur au collège de Foix. Grégoire (Jules), avocat à Foix. Guinier, inspecteur des forêts à Foix. Isambert, à Toulouse. Malpel, garde général des forêts à Tarascon-sur-Ariège

(Ariège). Pasquier, archiviste à Foix.

Pégot, instituteur au Plan-Volvestre (Haute-Garonne). Raudin, adjoint à l'inspection générale de l'Agriculture, à

Paris.

V.

EXPOSITION GÉOLOGIQUE A FOIX

Ont pris part à cette exposition : MM. Alzieu, médecin à Axiat (Ariège). Ambeyrac, professeur au Lycée de Nice. Bastian, professeur au collège de Foix. Degeilh (Aubin), à Massat. Delrieu, à Tarascon-sur-Ariège. Garrigou (docteur Félix), à Toulouse. (Objets d'archéologie

préhistorique et de paléontologie, donnés pour constituer

la base du Musée de l'Ariège). Grégoire, (Jules), avocat à Foix. Lacvivier (de), censeur des études au Lycée de Troyes. Lahaille, (de) à Foix. Hébert, membre de l'Institut, professeur à la Sorbonne,

Président de la Société géologique, à Paris.


— 90 —

Piquemal, conducteur des ponts et chaussées à Foix.

Pouech (abbé), chanoine titulaire à Pamiers,

Sentein (Bernard), à Sentein (Ariège).

La Société métallurgique de l'Ariège, à Pamiers.

La Bibliothèque de la ville de Foix, que M. le Maire avait

autorisée à communiquer divers échantillons de ses

collections. La Société ariégeoise des sciences, lettres et arts, qui a

produit divers objets provenant des fouilles faites : 1° par

MM. Duclos et Grégoire, dans une des grottes de Massat; 2° par MM. Duclos, Grégoire et Pasquier, dans la grotte de l'Herm, que le propriétaire, M. de Bertrand d'Artiguières, a mise gracieusement à la disposition de la Société Ariégeoise.

VI.

En vue de procéder à l'installation du Musée départemental et de prendre les mesures nécessaires à la tenue de la session il avait été formé à Foix un comité d'organisation comprenant :

MM. DUCLOS. DE LACVIVIER.

GUINIER. F. MERCADIER.

F. PASQUIER.

Exploration d'un abri sous roche dit la Grazo dé l'Aspiouo (Vallée d'Ustou).

Oust, le 8 novembre 1882. Monsieur et cher collègue,

La Société Ariégeoise des sciences, lettres et arts m'ayant fait l'honneur de m'admettre au nombre de ses membres, j'ai pensé que la meilleure manière de reconnaître cette faveur consisterait à travailler autant que possible à l'étude de la région que j'habite et à la découverte des choses intéressantes qu'elle recèle.

Déjà l'année dernière, j'avais fait une reconnaissance dans la vallée d'Ustou, célèbre autrefois par une industrie lucrative, mais étrange, qui prospère aujourd'hui dans quelques hameaux des communes d'Ercé et d'Oust; je veux


— 91 —

parler de l'éducation et du dressage de l'ours. J'ajoute en passant que ces plantigrades si bien appris, qui jadis étaient de provenance locale, sont presque tous exportés du sud de la Russie ou expédiés en grande vitesse du jardin zoologique de Hambourg aux oussaittés (1) qui en font la demande.

Pour se rendre d'Oust au lieu dit la Grazo dé l'Aspiouo,(2) qui fait l'objet de mon récit, on passe devant Seix; et, prenant la route d'Espagne, on arrive au Pont-de-la-Taule, petit village situé au débouché de la vallée d'Ustou, au point où l'Aleth, qui arrose cette vallée, mêle ses eaux limpides à celles du Salat.

Cette partie de la route, au-delà de Seix, remarquable par les belles carrières de marbre et de pierre de taille en exploitation qu'on y rencontre à chaque pas, suit les sinuosités du défilé étroit et sauvage, au fond duquel gronde le Salat.

Sur la gauche se dressent, à d'inégales hauteurs, les ruines des châteaux de Mirabat et de La Garde; le premier, et le plus haut juché, n'était sans doute qu'un poste à signaux ; le second, mieux conservé, commandait les défilés de la frontière et dut jouer un rôle assez important pendant les grandes guerres du Moyen-Age.

C'est au Pont-de-la-Taule, en contournant la base du piton, au sommet duquel s'élèvent les murailles démantelées de La Garde que, laissant à droite la route de Couflens et de Salau, on pénètre dans la vallée d'Ustou.

Le chemin côtoie d'abord la rive de l'Aleth, qu'il traverse après trois kilomètres environ, sur un pont construit en dépit du bon sens, et, passant sur lui la rive gauche, il atteint bientôt la chapelle de Font-Sainte.

Ce lieu est illustré par la légende-Saint-Vallier, évêque du Couserans, le même qui donna son nom à l'une de nos plus belles montagnes. Chassé de son diocèse et poursuivi par les sectaires d'Arius; il se reposa en cet endroit pressé par la soif et la fatigue, il fit jaillir au pied de la montagne une source magnifique qu'on admire encore aujourd'hui. Quand la

(1) Meneure d'ours.

(2) Grotte du Roncier.


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sécheresse sévit, cette solitude se peuple de pèlerins venus des deux côtés des monts ; et les bonnes gens tiennent pour certain que ceux de Tabascan (1) ayant répandu sur le port de la frontière, l'an dernier, l'eau merveilleuse dont ils s'étaient munis, une averse bienfaisante s'en suivit aussitôt et les récoltes furent sauvées.

Les chrétiens élevèrent une chapelle près de la source. Cet édifice carré, sans style aucun, n'a rien de remarquable. Une grille en fer en ferme l'entrée ; et les passants qui veulent s'attirer la protection du saint évêque, jettent à travers les barreaux les nombreuses pièces de menue monnaie qui constellent les dalles du sanctuaire.

A quarante mètres environ au-dessus de la chapelle, s'ouvre, comme une tannière de blaireau, l'étroite entrée de l'immense grotte de Font-Sainte.

J'ai exécuté sans résultat plusieurs sondages dans celte caverne, dont les stalactites ornent aujourd'hui les grottes artificielles des buvettes d'Aulus.

Encore quelques pas, et l'on arrive au village de La Bincarède ; on passe de nouveau l'Aleth sur un pont rustique, et traversant le hameau, dont les maisons s'étagent à l'exposition du Midi sur la pente rapide de la montagne, on gagne, à travers les champs et les broussailles, le point assez élevé qu'occupe l'abri sous roche de la Grazo dé l'Aspiouo.

Prenez le n° 253 de la carte de l'état-major, suivez l'itinéraire jusqu'à l'indication Font-Sainte ; la position de la Grazo est parfaitement marquée par un petit cercle tracé près et à gauche de la boucle supérieure de l'S.

Cette excavation regarde le Midi et s'ouvre sur une pente abrupte à 200 mètres environ au-dessus de l'Aleth, dans le lias blanc marmoréen (2), dont la puissante assise couronnée de forêts sépare les vallées d'Ercé et d'Ustou.

Du seuil de cet abri, dont la forme est celle d'une demiellipse et mesure environ 18 mètres de long, 6 de profondeur et 4 de hauteur moyenne, le regard plonge sur la route d'Ustou, qui se déroule comme un ruban grisâtre, parallè(1)

parallè(1)

(2) Mussy. — Carte géologique de l'Ariège.


— 93 —

lement au cours de l'Aleth, depuis le piton de La Garde jusqu'aux villages du Trein, de Saint-Lizier et de Cérac.

Cet imposant paysage est borné au levant par une sombre sapiaière, au-dessus de laquelle s'élèvent les cîmes neigeuses des pics de Monrouch, d'Aube et de Saunou.

Mon excursion de l'année dernière m'avait laissé des doutes sur l'ancienneté de ce gîte. Rien de bien concluant ne m'était tombé sous la main, à part toutefois, un éclat de silex informe.

Le temps m'avait manqué pour explorer sérieusement le sol, et je me promettais d'y faire plus tard des fouilles complètes.

J'ai exécuté ce projet dans la journée d'hier, 7 novembre, et mes doutes n'existent plus ; c'est bien là une habitation de l'âge du renne.

Cependant, le petit nombre d'ossements trouvés dans le foyer qui n'occupe qu'un espace assez restreint dans la partie occidentale de l'abri, leur absence absolue à la surface et dans le sol environnant, dont la nuance et la composition tranchent nettement avec celles du foyer , la disposition stratiforme des couches de cendres ossiféres, me portent à croire que ce n'était là qu'une habitation temporaire, un campement provisoire, un avant-poste peutêtre des troglodytes chasseurs de la vallée de Massat, quelquefois habité, mais plus souvent désert.

J'ai retiré des cendres de cet antique foyer :

1° Une énorme molaire de Renne.

2° L'extrémité supérieure de la ramure du même animal.

3° Deux défenses et une dent de sanglier.

4° Une série de menus ossements et de débris de ruminants grands et petits, de rongeurs et de passereaux.

5° Une mâchoire de chamois, ou peut-être d'un herbivore plus petit encore.

6° Deux fragments d'un coquillage marin indiscernable, car il n'en reste plus que la nacre très brillante.

7° Deux phalanges de hyène ayant appartenu à deux individus de taille différente.

8° Une petite aiguille en os très fine et bien exécutée.


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9° Cinq couteaux en silex taillés, dont l'un est très artistement détaché.

Ce qui caractérise particulièrement ce gîte, ce sont l'absence de gros ossements et la petite quantité de ceux de toutes sortes qui s'y trouvent.

Les débris appartenant aux grands animaux ont été non seulement divisés dans leur longueur, ainsi que cela se voit dans toutes les stations similaires, mais encore rompus et brisés en morceaux d'un mince volume.

Lorsque l'habitation était vide de ses hôtes de passage, les carnassiers des environs accouraient aussitôt ronger les débris épars sur le sol.

Les quelques fragments de tibias de renne et de chamois, que j'ai recueillis, portent les traces parfaitement distinctes de la dent des fauves.

D'autre part, il n'y avait pas là comme à Massat, un atelier de fabrication d'outils et d'armes ; l'homme n'y séjournait que peu de temps et n'y portait que le strict nécessaire; aussi les objets travaillés s'y trouvent en très petit nombre.

Cependant, le but que je me proposais est atteint ; l'homme primitif, le contemporain du Mammouth a demeuré là. Les traces de son passage attachent désormais à cet abri solitaire un intérêt historique et philosophique qui le signale à l'attention des explorateurs. A vous cordialement,

OSMIN GALY.

Explorations archéologiques de M.l'abbé Cau-Durban dans le Castillonnais (Ariège).

Communication faite à la Société Ariégeoise dans la séance du 7 janvier 1883.

Le Castillonnais (1), qui peut être considéré comme une des vallées les plus pittoresques du Couserans, offre un

(1) Le Castillonnais est traversé par le Lez qui descend de la chaîne centrale des Pyrénées; cette rivière, après avoir reçu à Andressein les eaux de la Bouigane, fait à Saint-Girons sa jonction avec le Salat.


— 95 —

grand intérêt au touriste et à l'archéologue; cette région est cependant une des moins visitées et des moins connues. La grotte d'Aubert, située au-dessus du village de ce nom, dans la commune de Moulis, à quelques kilomètres de Saint-Girons, d'où l'on a extrait des échantillons de paléontologie et notamment des ossements d'ours, est un des rares endroits qui aient attiré l'attention. Aucune recherche d'ensemble n'a été entreprise jusqu'à présent dans la vallée du Lez pour reconnaître quelles ressources peut en retirer la science.

D'heureuses découvertes, faites sur divers points du Castillonnais et dues à l'initiative d'un membre de la Société Ariégeoise, M. l'abbé Cau-Durban, curé des Bordes-sur-Lez, viennent de montrer ce que l'archéologie peut gagner à l'étude de ce pays presque inconnu.

Dans le premier numéro du Bulletin de la Société Ariégeoise , nous avons rendu compte, avec le détail qu'elle méritait, de la brochure que M. Cau-Durban a consacrée au récit des fouilles exécutées par lui au Sarrat de Guilaire, sur les bords du Lez, où il a trouvé deux sépultures préhistoriques sous des roches granitiques.

Ce ne sont pas les seules investigations qui aient produit de curieux résultats. Sur le flanc d'un côteau, dominant la route de Bordes-sur-Lez à Sentein, notre collègue a exhumé plusieurs objets en bronze, tels que bracelets, torques, épingles à disque , spirales, etc. Cette précieuse trouvaille a fait l'objet d'une communication lors de la réunion des sociétés savantes à la Sorbonne, en avril 1881. Ces pièces, fort appréciées, ont été considérées comme très rares ; la description, avec une reproduction lithographique, en a été donnée dans une Revue que dirige M. Cartailhac (1).

M. Cau-Durban a l'esprit en éveil, l'oeil au guet, comme il concentre son attention sur un pays presque inexploré, il est souvent récompensé de ses peines. Dans le sentier du port d'Orle, il a trouvé une hache en pierre

(1) Matériaux pour servir à l'Histoire de l'Homme, 5e livraison, année 1882.


— 06 —

polie, d'une forme singulière. Je serais tenté de croire qu'il possède un objet unique en son genre ; du moins je n'ai pas vu semblable pièce décrite dans les ouvrages spéciaux ou exposée dans les vitrines d'un musée. C'est une hache terminée par une tête de poisson sculptée, dont se détachent nettement les dents, les yeux et les ouïes.

Dans les rochers dominant le hameau de Bacher, notre collègue a été mis en présence d'une grotte sépulcrale qui lui a livré un fragment de crâne humain, une fibule de bronze ciselée, des débris de divers animaux et des morceaux de poterie ornementée. Sur divers points du canton de Castillon, il a recueilli des médailles romaines de diverses sortes et d'époques différentes. Dans la série on peut citer des bronzes d'Auguste, de Trajan, d'Antonin, de Constantin, etc.

Parmi les objets qui forment une intéressante collection à la cure des Bordes-sur-Lez, je dois mentionner, sans en donner le détail qui m'entraînerait trop loin, des haches en pierre polie de forme élégante, des haches en bronze revêtues d'une patine admirablement conservée, d'autres instruments provenant de plusieurs points de la vallée, des épées, des lances, des fragments d'urnes antiques, et enfin le débris d'un autel votif rencontré dans les ruines d'une chapelle romane récemment restaurée. La période du Moyen-Age n'a pas été oubliée et est représentée par quelques curieux spécimens de divers arts.

La grotte d'Aubert a fourni à notre chercheur plusieurs têtes d'ursus spoeleus, dont l'une mesure 0 m. 54; c'est une des plus belles et des mieux conservées qui aient été extraites de nos grottes Pyrénéennes.

Les inscriptions romaines n'échappent pas à M. l'abbé Cau-Durban. A Saint-Lizier, il a pris l'empreinte d'une inscription encore inconnue. Et, qui l'eut cru ? A Bethmale, dans ce village perdu dans un coin de la montagne, acculé à la frontière, il en a rencontré une encastrée dans le mur d'une maison.

Ces deux textes sont funéraires, et n'ont d'intérêt que pour l'histoire locale et pour l'onomastique Pyrénéenne , c'est-à-dire que les noms des personnes indiquent une ori-


— 97 —

gine indigène et peuvent enrichir les nomenclatures que l'on dresse en ce moment. La persistance de termes, dont la désinence seule a revêtu la forme latine, serait la preuve que, sous la domination romaine, la race vaincue conservait encore une existence propre et affirmait sa personnalité, en gardant comme un souvenir et peut-être comme une espérance les noms des ancêtres.

Là ne s'est pas arrêtée lacuriosité de M. l'abbé Cau-Durban. Une pierre, ou plutôt un bloc gisant dans un champ voisin de la route menant à Sentein, attirait ses regards; la position ne lui paraissait pas être le résultat d'un caprice de la nature ; il a voulu avoir la solution de l'énigme. Quelques coups de pioche ont suffi pour mettre à découvert un dolmen contenant deux cadavres placés entre deux couches de terre; ce qui indiquerait des inhumations pratiquées à des époques différentes. Les ossements, auprès desquels étaient éparpillés quelques tessons de poterie noire, sont tombés en poussière, sauf une mâchoire humaine garnie de toutes ses dents. Cette découverte est d'autant plus digne de remarque que les dolmens sont rares dans une région, où les abris sous les roches granitiques offraient un abri funéraire tout préparé.

Je ne crois pas que M. Cau-Durban soit au bout de ses découvertes. En me montrant le dolmen, il m'a indiqué des tumuli situés dans les champs voisins et disposés méthodiquement. Il a déjà remué sans succès plusieurs de ces tertres; il doit persévérer et ne pas se laisser rebuter par cet échec. On n'est pas en présence de tas que forment les cultivateurs des environs en amoncelant les pierres retirées de leurs champs. Autre preuve que ces tumuli ont été élevés à dessein ; c'est qu'ils sont disposés près d'une enceinte elliptique d'environ 45 métres de long sur 13 de large, formée de blocs entassés, sur une épaisseur de 1 m. 50, et sur une hauteur de 2 mètres, du moins en quelques endroits. Tumuli et enceinte couvrent une sorte de plateau qu'entoure le Lez après après avoir tourné la croupe du Sarrat de Guilaire où étaient les sépultures ouvertes en 1882. Nous ne sommes pas devant un simple mur de clôture, devant un parc de berger. Un problème se pose ; espérons que nous


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aurons quelques éclaircissements à ce sujet. Nous allons peut-être rencontrer dans ce coin de la vallée de Biros, au pieds des ports conduisant en Espagne une enceinte semblable à celles disséminées sur divers points de la Gaule et qui servaient de refuge aux populations primitives (1).

Les ossements ramassés au Sarrat de Guilaire, dans quelques autres sépultures sous roche et dans le dolmen, appartiennent sans doute à la peuplade retirée dans l'enceinte dont nous cherchons à nous rendre compte.

Plusieurs des découvertes, que nous venons d'énumérer rapidement, soulèvent de problèmes archéologiques dont la solution offre un véritable intérêt. Nous avons lieu d'espérer que M. l'abbé Cau-Durban satisfera prochainement notre curiosité en publiant le récit de ses travaux et nous souhaitons que ses recherches amènent des résultats pour jeter quelque lumière sur des questions si intéressantes et encore si obscures.

F. PASQUIER.

Lettre adressée en 1629

par M. de Laforest-Toiras, commissaire royal,

aux Consuls de Foix

Communication faite à la Société Ariégeoise dans la séance du 14 octobre 1882. (2)

I. — AVANT-PROPOS Au mois de mars 1628, le prince de Condé, gouverneur pour le Roi dans les provinces de Guyenne, de Languedoc et de Foix, emporta d'assaut la ville de Pamiers, dont s'était emparé le duc de Rohan, chef des Réformés dans le Midi. A la suite de cet événement, qui amena la ruine du parti Protestant dans le Comté de Foix, Louis XIII prit des mesures pour prévenir le renouvellement des troubles et assu(1)

assu(1) a déjà reconnu quelques campements de ce genre dans la région Pyrénéenne.

(2) Cette pièce a été donnée aux Archives Départementales de l'Ariège par M. L. Fafont de Sentenac, membre de la Société Ariégeoise des Sciences, Eettres et Arts. (Série E.)


— 99 —

rer la pacification du pays. Plusieurs châteaux, entre autres ceux de Montgaillard, de Roquefixade, de Pamiers, de Tarascon, do la Bastide-de-Sérou, furent démantelés. Les villes du Mas-d'Azil, de Mazères, du Carla-le-Comte, de Saverdun, qui avaient servi de place forte et de refuge aux Religionnaires, perdirent leurs remparts. Les Catholiques, qui avaient été contraints de prendre la fuite, rentrèrent dans leurs foyers; ceux d'entr'eux qui avaient souffert dans leurs personnes ou dans leurs biens furent indemnisés de leurs pertes. On rétablit les couvents dont les religieux avaient été chassés, ainsi que les églises détruites ou profanées depuis le commencement des hostilités.

Le roi désigna des commissaires pour veiller au rétablissement de la paix dans la région. Au nombre de ces délégués extraordinaires se trouvait M. de Laforest-Toiras, frère du maréchal de Toiras qui, pendant le siège de la Rochelle, s'illustra par la défense de Saint-Martin-de-Ré, contre les Anglais.

Le 30 janvier 1629, M. de Laforest-Toiras était à Toulouse, d'où il écrivit aux consuls de Foix la lettre que nous reproduisons ci-dessous. A cette date, ce commissaire n'avait pas encore connaissance de l'amnistie que le roi, dans le courant de ce même mois de janvier , venait d'accorder aux Protestants et à tous ceux qui s'étaient compromis lors de la dernière prise d'armes. En effet, on voit par cette lettre que l'admission des Huguenots dans les villes du Comté, rencontrait de l'opposition et que des ordres étaient donnés pour rechercher activement, en vue de leur infliger un châtiment sévère, les gens qui avaient eu des intelligences avec les rebelles ou leur avaient fourni des vivres. Si le prince de Condé autorisait les Huguenots à rentrer dans Pamiers, il n'y avait qu'à s'incliner devant cette décision. Cependant il convenait d'exclure de cette faveur un orfèvre nommé Lassus « puisque, disait M. de Laforest-Toiras, il change si souvent de religion et entre si souvent en rebellion. » Il était enjoint aux consuls de prescrire aux hôteliers et aux cabaretiers de ne loger aucune personne étrangère, sans en donner immédiatement avis à l'autorité municipale. Le commissaire voulait


— 100 —

qu'à son arrivée à Foix, on fût en mesure de lui indiquer quels étaient les habitants anciens et nouveaux de la ville. Si l'amnistie avait été promulguée à Toulouse, toutes ces dispositions, qui avaient pour but de découvrir les rebelles et de surveiller leur conduite, n'auraient pas été prises et les poursuites auraient été abandonnées.

M. de Laforest-Toiras recommandait de prendre des précautions pour éviter la maladie contagieuse sévissant à Pamiers. La ville de Foix ne lui était pas inconnue, ainsi qu'il le faisait remarquer dans sa lettre ; se souvenant que la tenue des rues laissait à désirer, il insistait vivement auprès des consuls pour qu'on fit disparaître ce qu'il appelait des vilenies, et qui sans doute avaient, pendant son séjour dans la capitale du Comté, offusqué son regard et son odorat. Ce détail dénote certaines habitudes des Fuxéens au XVIIe siècle et indique l'opinion qu'elles faisaient concevoir de leur cité.

Dans le cours de sa lettre, M. de Laforest-Toiras faisait part de divers événements et annonçait que les Anglais venaient d'éprouver un échec au siège de La Rochelle. Ces passages ne nous intéressent guère et n'apportent aucune révélation, tandisque les renseignements relatifs à l'histoire locale offrent un intérêt plus direct ; ils permettent d'apprécier exactement la situation de notre pays au lendemain de la crise que venait de lui faire traverser l'insurrection dirigée par le duc de Rohan, chef du parti des Réformés.

II. — TEXTE.

Messieurs les Consuls,

J'ay reçeu vostre lettre que j'ay fait voir à Monseigneur le Prince (1) pour aprendre ses volontés, lequel veut qu'on reçoyve dans les villes de Foix les Catholiques de Pamyés et non les Huguenots.

Et je vous diray de plus que, quand Monseigneur le Prince auroit consenti que les Huguenots dudit Pamyés s'y peussent réfugier, je n'en aurois pas fait de difficulté pour eux; mais j'eusse exclus Lassus, orfèvre de ceste grâce, puisqu'il

(1) Le prince de Condé.


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change si souvent de religion et entre si volontiers dans la rébellion.

Au surplus, je vous conjure de continuer toujours la bone garde que les cabaretiers ni hosteliers ne logent persone estrangère, sans vous en advertir, afin que vous me puissez rendre conte à mon arrivée de tous les habitans anciens ou nouveaux.

Et si vous aprenés que la maladie de Pamyés soit contagieuse, prenés encore plus exactement garde à vous, et faites tenir les rues et ruelles de Foix bien nettes, et ostés toute ceste vilenie que j'y ai veu autrefois, et à cela contraignes qui il apartiendra ; et, je vous prie, n'y manquès pas.

J'espère de vous voir bien tost. Dieu aydant, mais n'attendès pas de faire ces choses jusques à mon arrivée.

M. Quiliard vous aura fait scavoir l'entreprise sur la citadelle de Montpellier ; on en a manqué une autre à Valence en Dauphiné.

Les affaires du Roy vont très bien, Dieu mercy, au siège de la Rochelle. Les Anglois, qui venoient pour ravitalier, et leurs navires ont fait naufrage. Dieu et le Roy sont pour nous ; rendons à l'un et à l'autre ce qui leur est deub, et aidons nous et contribuons tout nostre pouvoir pour l'amour de nous-mesmes.

Et je veux dire que vous vous employés diligamant à rechercher si, depuis ces présens mouvemens, quelquesuns du païs de Foix ont eu intelligence, communication ou fourni vivres aus dits Huguenots ; car ils seront punis sévèremant.

Sur ce, je demeure, Messieurs les Consuls, vostre très affectioné serviteur, LAFOREST TOIRAS. A Tholose, le 30 janvier 1629. La lettre (2), qui était scellée du cachet aux armes de France, porte la suscription suivante :

A Messieurs, Messieurs les Consuls et habitans de la ville de Foix.

à Foix. (2) Nous avons conservé exactement l'orthographe de l'original.


102 —

Mort de M. Firmin Duclos,

Président de la Société ariégeoise des sciences

lettres et arts.

Le 8 avril de cette année, notre Société élisait comme président M. Firmin Duclos. C'était un hommage rendu à l'activité et au dévouement, dont notre collègue venait de faire preuve en secondant, pour assurer la création du Musée de l'Ariége, les efforts de M. le docteur Félix Garrigou et des autres donateurs et organisateurs.

Le 5 mai dernier, nous avons eu la douleur de voir disparaître, enlevé par une courte maladie, à l'âge de 44 ans, celui auquel les suffrages de ses collègues avaient accordé cette marque de sympathique confiance.

Cette mort a causé d'unanimes regrets. Le souvenir de M. Duclos restera cher à notre Société; nous nous rappelerons la part prise par notre président à notre formation et à l'établissement du Musée Départemental.

L'année dernière, quand le comité d'initiative du Musée se constitua, on fit appel à la bonne volonté de M. Duclos; il n'hésita pas à donner tout son concours. Le comité le choisit pour vice-président, sachant quel zèle il apporterait dans les fonctions dont il acceptait la responsabilité.

C'était pour notre entreprise un gage de succès. Car M. Duclos, grâce à son affabilité, à son désir de rendre service, jouissait d'une juste popularité et avait acquis la sympathie générale. En outre, il était doué de la persévérance et de la conviction nécessaires aux hommes d'action.

M. Duclos se mit à l'oeuvre ; les difficultés, qui se présentaient, ne le décourageaient pas et excitaient plutôt son ardeur. Nous l'avons vu recueillant des souscriptions, faisant connaître et apprécier le but du Musée, pressant l'appropriation du local, procédant à l'installation des objets envoyés par les donateurs, attirant des adhésions à la Société Ariégeoise. Actuellement le Musée de l'Ariège est


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fondé; notre Société est constituée. C'était un devoir pour nous de rendre à la mémoire de notre cher et regretté président un témoignage d'estime et de reconnaissance.

F. P.

FOIX, IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE BARTHE



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Compte-rendu de la Session extraordinaire

tenue dans l'Ariège

par la Société géologique de France

en Septembre 1882.

L'intérêt avec lequel les Ariégeois ont suivi les travaux des savants, qui se sont rendus dans notre département au mois de septembre 1882, fait espérer que la géologie aura gagné quelques adhérents dans une région où elle est si attrayante. Les renseignements qui me parviennent le prouvent suffisamment; la curiosité est déjà éveillée. Un certain nombre de lecteurs du Bulletin de la Société ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts ont exprimé le désir d'être mis au courant des travaux de la Société géologique et de connaître les résultats obtenus.

J'ai suivi la Société dans la plupart des localités où elle s'est rendue et j'ai assisté à ses séances. Désireux de m'instruire, j'ai pris quelques notes ; je veux bien en faire part aux lecteurs du Bulletin, mais je leur demande d'être indulgent pour mon inexpérience et de me pardonner les expressions techniques dont je me servirai assez souvent. Je devrai éviter d'être trop savant, ce qui ne sera pas trop difficile. Je m'attacherai de mon mieux à intérssser ceux qui voudront bien me lire et à faire ressortir le côté pratique de cette petite étude géologique sur le département de l'Ariège.

Il est fort difficile de faire de la stratigraphie sans donner des coupes. Malheureusement ceci n'est pas possible dans ce numéro. J'ai pensé que, pour obvier à cet inconvénient et satifaire les plus curieux de nos lecteurs, il serait utile d'indiquer le programme des excursions préparé par M. Hébert, le savant professeur de la Sorbonne. Les personnes, qui voudront consulter ce document, le trouveront dans la bibliothèque du Musée de l'Ariège.

Une session extraordinaire de la Société géologique de France dans un département, qui est la partie centrale de la région pyrénéenne, devait offrir un grand attrait aux savants, parce que ce vaste champ d'observations est des plus intéressants et n'est pas encore bien connu. L'attraction était d'autant plus grande, queles délégués du congrès in-


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ternational devaient assister à la réunion. Aussi, dès le commencement du mois d'août, près de 80 membres s'étaient fait inscrire. Malheureusement, des causes bien diverses ont tempéré ce beau zéle. On sait que le comité d'organisation des fêtes, qui se préparaient en l'honneur de Lakanal, avait voulu faire coïncider l'inaguration de la statue avec l'ouverture du congrès. L'idée n'était pas heureuse ; le bruit des réjouissances ne pouvait que troubler les travaux des savants, et plusieurs ont trouvé là un prétexte pour rester chez eux. D'ailleurs le temps était très mauvais et a découragé complètement ceux qui étaient déjà refroidis. Malgré ces défections, la réunion fut assez nombreuse ; elle fut d'autant plus intéressante, que 13 membres étrangers, venus de tous les points de l'Europe, on pent même dire du globe, puisque le Directeur de la carte géologique de l'Inde était parmi eux, se sont trouvés au rendez-vous.

Les organisateurs du congrès avaient dû se préoccuper de loger les membres de la Société d'une manière convenable. Ils confièrant ce soin à des hommes dévoués, qui s'acquitèrent parfaitement de leur mission. En arrivant à la gare de Foix, chaque géologue recevait un billet de logement et les renseignements nécessaires. Ce service fut organisé le 16 septembre et fonctionna deux jours. Grâce au comité, une quarantaine de personnes étaient installées le 17 septembre, au moment où s'ouvrit le congrès.

Le zèle des organisateurs ne s'était pas borné là. Dans une petite ville comme Foix, où la dispositiondes édifices publics laisse beaucoup à désirer, il était difficile de trouver des salles convenables pour les séances. M. le maire avait offert à la Société géologique l'hospitalité et un concours aussi aimable que dévoué. Il lui offrait la salle des séances du conseil municipal et le petit théâtre de la mairie. Mais ce local était dans un tel état de délabrement, qu'il aurait été imprudent d'étaler tant de misère aux yeux de nos hôtes. Un membre du comité, résidant à Foix, où il jouit de l'estime de tous, et dont les membres de la Société géologique ont pu apprécier le dévouement et le zèle intelligent, fit observer que les salles du


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Palais de justice étaient assez vastes et bien disposées pour recevoir le congrès. L'idée parut bonne, d'autant plus que dans cet édifice, on avait la facilité de faire une exposition des fossiles et des roches de l'Ariège à côté du Musée, fondé grâce à la générosité d'un ariégeois et au concours du conseil général, grâce aussi au dévouement de quelques hommes intelligents, les promoteurs de cette oeuvre utile. Dans une des deux salles de l'ancien greffe, on a pu admirer la magnifique collection préhistorique offerte au département par M. le docteur Garrigou, dont l'exemple sera suivi, je l'espère, par d'autres personnes, qui ne doivent pas oublier que les collections particulières sont un peu perdues pour la science, tandis que les collections publiques servent à l'instruction du plus grand nombre.

Dans la même salle, des vitrines latérales renfermaient un nombre considérable de magnifiques ossements A'Ursus spelams, retirés de la grotte de l'Herm par MM. Duclos, Pasquier et Grégoire. Après avoir été longtemps dépouillée pour enrichir les Musées de France et d'Europe, elle fournissait à l'Ariège une première contribution.

Le comité d'organisation avait pensé qu'il pouvait être intéressant pour les membres de la Société, d'avoir sous les yeux les échantillons de nos richesses minières et de nos carrières, d'autant plus que leur exhibition pouvait être utile à l'industrie départementale. Il avait fait aux industriels et aux collectionneurs un appel qui avait été entendu. C'est ainsi que nous avons pu voir, à côté des ossements de la grotte de l'Herm, un grand nombre de beaux échantillons de minerais divers, de gypse, d'ophite et de marbre des environs de Tarascon, exposés par MM. Piquemal et Delrieu.

M. Alzieu, médecin à Axiat, avait envoyé quelques-unes de ses belles trouvailles ; ses échantillons sont de vrais bijoux. Certainement, c'est lui possède les plus belles tourmalines. Citons encore les riches minerais de M. Seintein, et ceux que la Société métallurgique de l'Ariège avait mis à la disposition du comité, et passons dans l'autre salle presque exclusivement réservée à la paléontologie.

M. l'abbé Pouech avait apporté une partie de ses riches-


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ses. Il y avait là, dans de nombreuses boîtes, des espèces que lui seul possède ; il aurait fallu plusieurs jours pour les examiner en détail.

Les collections de MM. Ambayrac, Bastian et Grégoire étaient, plus locales. Le Jurassique du Pech et de SaintSauveur, le Turonien avec ses nombreux rudistes, l'Eocène de Marsillas y étaient largement représentés. Le libre échange est chose admise en paléontologie, et je sais qu'il a été fait à ces messieurs des offres séduisantes.

Il s'agit d'encourager les débutants ; et nous accordons volontiers un accessit au jeune Delahaille et à un de ses camarades, qui avaient apporté de tout en fait de fossiles.

Nous avions espéré trouver, dans cette exposition, la petite et intéressante collection de M. l'abbé Cabibel, curé de Montardit ; nous savons qu'il a fait don de tout ce qu'il possède au Musée de l'Ariége, et bientôt, sans doute, son petit trésor figurera dans les vitrines du Palais de Justice.

Toutes ces collections, et quelques roches prises sur tous les points de la Haute-Ariège par M. de Lacvivier, s'étaient groupées autour de la salle renfermant des fossiles qui appartiennent à la Sorbonne. M. Hébert connaît l'Ariège depuis 1862. Dans ses explorations, il a recueilli de nombreux et beaux échantillons ; avec le concours d'un de ses élèves, M. de Lacvivier, il a pu doter la Faculté des sciences de Paris d'une collection des fossiles et des roches de notre département. Par les soins du savant professeur, tout a été classé et déterminé. C'est là un des nombreux services qu'i a rendus à ceux qui s'occupent de géologie dans l'Ariège.

M. Hébert a réalisé, en vue du congrès de septembre dernier, ce qui n'avait été encore fait dans aucune session. 11 est fort dificile,dans une exploration rapide de 8 à 10 jours, de voir tout ce qui se trouve dans un département, et de recueilir ce qu'il y a de plus remarquable dans la faune de la région. Il y avait donc grand intérêt à mettre sous les yeux des membres de la Société, dès le début de la session, les fossiles caractéristiques de l'Ariège. A cet effet, M. Hébert avait apporté de Paris ce qu'il avait de plus intéressant à la Sorbonne, tout cela devant servir de cadre


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et être complété par les collections particulières. C'était une bonne fortune pour les géologues du pays, qui pouvaient ainsi déterminer leurs fossiles, en les comparant à ces types choisis.

Dans la grande vitrine centrale, les différents terrains, avec leurs étages, et ceux-ci avec leurs subdivions, étaient représentés.

Le Silurien est peu fossilifère chez nous, et il avait fallu emprunter à la Haute-Garonne pour montrer ce qui le représente dans les Pyrénées.

Des fossiles provenant de Castelnau-Durban figuraient le Dévonien.

La place du Trias était indiquée par quelques roches.

Quant au Jurassique, le Pech de Foix et Saint-Sauveur avaient fourni de nombreux spécimens.

De même pour la Crétacé inférieur, qui était largement représenté. On remarquait les Ammonites et les Nautiles de grande taille de Pradières.

Nos gisements de Saint-Sirac, de Leychert, de Roqueflxade de Bénaix, etc., si riches en Hippurites et Polypiers, avaient fourni des fossiles de choix.

Las beaux oursins du Bastié et ceux de Sézenac étaient en grand nombre. Il y avait aussi de nombreux fossiles du Crétacé supérieur de Saint-Croix et de Fabas.

Dans le Tertiaire, nous avons vu figurer la région de Baulou avec ses oursins ; Saint-Jean, Marsillas, Raissac, le Sautel, le Peyrat, Camarade, Tourtouse avec de nombreux Cérithes, des Turritelles, des huîtres, etc.; ce serait trop long à énumérer (1).

Pendant une douzaine de jours, à partir du 16 septembre, de nombreux visiteurs se sont pressés dans la salle du Palais de Justice ; les membre de la Société y étaient très assidus pendant leurs rares moments de loisir, et ces premières excursions autour des vitrines ont donné lieu à des études et à discussions fort intéressantes. Tous ont applaudi

(1) On trouvera dans le numéro 2 du Bulletin de la Société Ariégeoise, la nomenclature des fossiles exposés et divers renseignements sur la session de la Société Géologique, notamment la liste des membres venus dans l'Ariège.


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à l'idée du savant organisateur de cette exposition, et on peut dire que cette partie du programme a eu un réel succès. Nous allons trouver la même méthode, le même ordre dans la direction des travaux de la session, et pour cela, nous avons qu'un pas à faire, des salles du Musée à celles de la Cour d'assises où devaient se tenir les séances.

La première eut lieu le dimanche 17 septembre, à 9 heures du matin. Les membres du congrès géologique international, au nombre de 12, délégués par le congrès de Bologne, avaient pour mission d'élaborer quelques-unes des réformes dont la nécessité est universellement reconnue. Les géologues de tous les pays ont compris qu'il est indispensable de s'entendre pour mettre de l'uniformité dans la langue géologique, en déterminant les termes de la nomenclature et en fixant les principes qui doivent servir de base à la classification. Le congrès de Bologne, présidé par M. Capellini, avait décidé d'envoyer le comité chargé de cette unification à la session de Foix, afin d'y continuer ses travaux. Dans une courte séance de deux heures, on ne pouvait arriver à une entente complète, si on considère surtout que la confusion des langues géologiques rend les travaux laborieux ; mais il y a lieu d'espérer que quelques bons résultats auront été obtenus.

A une heure de l'après-midi, la Société se réunissait pour nommer son bureau. Environ quarante membres assistaient à cette séance, à laquelle un public assez nombreux avait été admis.

M. de Rouville, doyen de la Faculté des Sciences de Montpellier, dont chacun a su apprécier le savoir et la bienveillance, fut appelé à la présidence provisoire. Après avoir prononcé l'allocution d'usage, il engagea l'assemblée à procéder à l'élection du bureau. A la presque nnanimité, M. Hébert fut nommé président. Cet honneur était dû à un homme qui connaissait bien l'Ariège, qui avait décidé la Société géologique à tenir sa session extraordinaire à Foix et qui s'occupait depuis plus de six mois de l'organisation des excursions.

Sur la proposition de M. Hébert, l'assemblée fut d'avis d'offrir la vice-présidence d'honneur à deux savants étran-


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gers, à M. Capellini, président du congrès international de Bologne, et à M. Beyrich, de Berlin, qui dirigera sans doute les travaux du congrès fntur.

Il fut ensuite procédé à l'élection de deux vice-présidents; M. de Rouville eut l'unanimité des suffrages; les géologues ariégeois furent honorés dans la personne de M. l'abbé Pouech, leur doyen, dont la grande expérience et la connaissance approndie de la géologie de notre département sont connues de tous.

Pour complèter le bureau, MM. Delaire, Fallot, Fontannes et de Lacvivier furent nommés secrétaires: Félicitonsles de l'honneur, mais plaignons-les de leur peine.

Après le vote, le Président prit la parole, définit, en quelques mots, le but de la réunion et donna un aperçu rapide sur la géologie de l'Ariège. Un grand nombre de membres de la Société retournèrent à la collection ; les plus jeunes et les plus intrépides prirent le chemin de Saint-Sauveur ; ils allèrent visiter le gisement, si riche en Térébratules, Ammonites et autres fossiles, et qui se trouve au sommet de la montagne, avant d'arriver à la première métairie. En se séparant, on s'était donné rendez-vous pour le lendemain, à la gare de Foix.

Pendant la journée du 18 septembre, la Société géologique devait faire deux excursions : après avoir remonté l'Ariège, de Varilhes à Saint-Jean, elle voulait visiter Vernajoul et la vallée de Baulou.

Aux cinquantes personnes parties de Foix par le train de 7 heures, s'adjoignirent six nouveaux venus qui les attendaient à Varilhes. Le temps était superbe et la joie générale. Pendant dix minutes, la petite gare présenta une animation et un aspect inaccoutumés. Des voyageurs aux costumes simples, mais pittoresques, se précipitaient à l'assaut des voitures ; on se cherchait, on s'appelait, et finalement chacun finissait par se caser. Nous entendons des voix féminines ; il y avait des dames dans notre société et elles n'étaient pas les moins joyeuses. C'est que la campagne s'annonçait bien et était pleine de promesses. Pour l'intelligente et intrépide géologue, il y aurait des observations intéressantes et de nombreux fossiles à recueillir ; le crayon


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de l'aimable artiste ne manquerait certainement pas de beaux sites et de riches échappées, dans nos belles montagnes, qui pouvaient aussi procurer de douces émotions aux touristes amoureux du beau et de l'idéal. La trompe se fait entendre et nous traversons Varilhes, au grand ébahissement de ses paisibles habitants.

Une pemière halte eut lieu près du pont, où M. Hébert nous a montré un poudingue miocène, qui peut être suivi dans la direction de Pamiers. Ainsi, nous commencions l'étude des formations géologiques de l'Ariège, par les plus récentes. Disons en passant que la décomposition des nombreuses roches cristallines de ce poudingue donne un sol fertile et plantureux.

En nous dirigeant vers le sud, nous trouvons une forma mation de même nature appelée Poudingue de Palassou, du nom d'un de nos illustre précurseurs dans la géologie des Pyrénées ; le terrain est essentiellement calcaire ; il y a cependant des roches cristallines et M. Grégoire y a trouvé autrefois un magnifique bloc de micaschiste, rempli de grenats qui ne sont pas sans valeur. Mais ne vous attardez pas à chercher des trésors, ni même des fossiles dans ce poudingue, messieurs les collectionneurs ; suivez-nous plutôt vers une localité où vous pourrez faire une ample moisson.

En passant, les archéologues de la compagnie admirent les beaux chapiteaux en marbre, qui se détériorent sur les murs du château de Pujet, et prétendent qu'ils seraient mieux à leur place dans les salles du musée de Foix. Renvoyons ce voeu légitime à M. de Castéras et rejoignons les éclaireurs que nous apercevons au loin, sur la route de Pailhés. (1)

Là, commence la série fossilifère. M. Ambayrac nous donne quelques explications, puis nous montons à l'assaut du mamelon de Fauré-Nègre, où il y a beaucoup à recueillir. Ici on parle peu, on ramasse ; chacun va de son côté, déplie son journal ou bien ouvre ses boîtes et fait une abou(1) Ces chapiteaux, qui sont romains, ont été trouvés, près de SaintJean-de-Verges, à la métairie de Saint-Auli, dans les ruines d'un édifice qui pourrait avoir été un temple.


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dante récolte de Cérithes, de Turritelles, d'huîtres, de Nummulites, d'Operculines, etc.

Dans une occupation aussi agréable, les heures s'écoulent vite : il faut de nombreux coups de trompe pour rappeler à la discipline les coquillards avides. La faim vient heureusement en aide aux sonneurs essoufflés, et nous arrivons bientôt à Saint-Jean, où M. Pasquier nous avait fait préparer un excellent déjeuner chez M. Vergé. Ceci n'est plus de la géologie, et nous nous remettrions en route, si nous n'avions pas à parler d'un vieux casque.

Cet antique armet provenait d'un château du voisinage; on l'avait fourbi pour la circonstance, et un de nos archéologues l'avait aperçu sur un meuble, où il était ostensiblement posé ; il fut adjugé pour le prix de cent francs au riche étranger, et je suis persuadé qu'en voyant l'empressement de l'acheteur, M. V. a dû regretter de n'avoir pas doublé le prix de cette respectable ferraille,

Le mardi 19 septembre, la Société géologique devait visiter deux localités, situées sur la rive droite de l'Ariège; elle voulait explorer le vallon de Pradières dans la matinée et consacrer l'après-midi aux environs de Montgaillard et de Saint-Antoine.

Nous partîmes avec des menaces de pluie, mais avec l'espoir que le soleil ne tarderait pas à dissiper les nuages, qui se traînaient lourdement sur les flancs nus et escarpés du Cair de Laborie. En route, nos voitures recueillirent un certain nombre de géologues qui avaient devancé l'heure du départ, afin de chercher des fossiles dans les carrières bordant la route.

Nous arrivons bientôt à Pradières, et nous descendons de voiture à l'entrée du premier hameau. Le vallon, dans lequel coule le ruisseau d'Aises, est resserré entre la crête escarpée de Querarech et le coteau de l'Herm; les calcaires urgoniens, qui constituent ces deux barres, plongent vers le bas du vallon, dont le fond est occupé par des terrains plus récents. Dans la direction de l'Est, les deux crêtes se rejoignent et n'en constituent plus qu'une se dirigeant vers la cluse de Péreille.

Nous examinons d'abord l'assise que nous avons déjà


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étudiée à Vernajoul ; le calcaire grumeleux est ici bien représenté, et on en voit un affleurement intéressant, sur la gauche, vers le bas du versant du coteau de l'Herm. Il renferme des moules assez abondants d'un rudiste, l'Oriopleura Lamberti, de nombreuses Orbitolites, des baguettes de Cidaris, des Rhynchonelles. Sur ce point, une discussion s'engage ; cette assise paraît supérieure au Gault, mais elle renferme la faune de l'Urgonien, et ceux qui sont tentés de la considérer comme cénomanienne hésitent devant cette grave objection. D'ailleurs, Il n'est pas sûr qu'elle soit supérieure au Gault; pour élucider cette question stratigraphique nous descendons vers le fond du vallon et nous gravissons l'autre versant. Mais les choses ne se voient pas nettement ; tout est bouleversé et nous ne trouvons qu'alternances de calcaire grumeleux et de Gault, dans lesquelles il est difficile de distinguer les relations des deux systèmes.

Le Gault est fossilifère ; il renferme de gros Nautiles, des Ammonites énormes, dont une seule fait la charge d'un homme. Nous en avons vu plusieurs au musée de Foix.

Au-dessus du hameau de Minjou, la Société géologique se divise en deux groupes : ceux qui aiment les pentes douces se dirigent vers Panofabos ; les plus intrépides veulent arriver au pied de la crête, afin d'étudier les rapports de l'Urgonien et du Gault. Ici, ce dernier terrain prend un grand développement ; il se compose de calcaires noduleux grisâtres, d'une couche verdâtre pétrie de fossiles, de calcaires marneux, qui se délitent à l'air et prennent des formes plus ou moins arrondies; avec cela, il y a des marnes jaunes ou bleuâtres.

Si nous avions voulu chercher dans ces nodules, nous aurions trouvé des fossiles intéressants ; mais on discute, on suit les explications de MM. Gosselet et Rénevier. Pour le savant professeur de Lille, M. Gosselet, les masses énormes de calcaires urgoniens, qui accidentent le versant Nord du Pech, proviennent de cassures survenues dans les parties supérieures du Cair, qui aurait été comme décapité. Il n'est peut-être pas nécessaire de chercher des explications aussi forcées, et de ne voir que failles et cassures dans nos pays


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montagneux; telle paraît être l'opinion du géologue suisse, M. Rénevier, qui a fait de savantes études dans une région non moins accidentée que la nôtre.

Tandis que nous nous oublions dans de graves discussions, sur ces sommets élevés, au loin se fait entendre la trompe ; c'est le signal du départ.

Nous arrivons au champ du tir à la cible où nous attendent nos confrères, qui nous criblent d'épigrammes, tandis que M. de Lacvivier, qui a entraîné le groupe des dissidents, est accablé de reproches, pour leur avoir fait manquer l'occasion de recueillir beaucoup de fossiles. En effet, vers le bas de la montagne, il y a une petite couche verdâtre qui en est remplie ; c'est la base du Gault. Vous tous qui voulez faire une ample récolte, prenez une pioche, cherchez une demi-heure et vous recueillerez des Ammonites grandes et petites: Ammonites Mayorianus, A. Beudanti, etc., avec cela, des Nautiles, des Turritelles, T. Vibrayeana ; des oursins: Hemiaster, Discoidea conica, etc. Cette couche verdâtre est appliquée sur les calcaires urgoniens, et on en voit des vestiges jusqu'à la carrière voisine.

Ici, les bancs à Cidaris Pyrenaica, dont il y a un magnifique exemplaire à la bibliothèque de Foix, sont à découvert ; ils donnent de la bonne pierre à chaux. Un peu plus loin, nous trouverions un banc plus inférieur, qui est rempli de belles Térébratules, proelonga. Plus bas encore sont des bancs remplis de rognons de silex, les mêmes que l'on voit dans la carrière de Berdoulet. Mais la Société n'a pas le temps d'examiner la coupe en détail ; il faut rentrer à Foix et les voitures nous attendent sur la route.

A une heure de l'après-midi, nous partions pour SaintAntoine et nous nous arrêtions bientôt au bas du rocher qui menace la route d'un écrasement. Dans une carrière voisine, on exploite une roche verdâtre appelée ophite; elle est utilisée pour l'empierrement des routes. Je ne dirai rien des longues discussions qui ont eu lieu au sujet de cette roche ; les minéralogistes et les géologues ne sont d'accord, ni sur sa composition, ni sur son origine. L'ophite est sédimentaire pour quelques-uns, éruptive pour beaucoup d'autres. L'Ariège et les Pyrénées en renferment de


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nombreuses variétés. Ici, elle forme une masse, en partie décomposée, qui est traversée par le tunnel. Celui-ci entame, en même temps, des calcaires marmoréens qui appartiennent au Dévonien et que nous pourrions suivre vers l'Est, jusqu'à la limite de l'Aude. Du côté de Labat et de Montferrier, ils donnent des marbres rouges, aux vives couleurs, qui manquent malheureusement de consistance. Les habitants de Gabachou et de Freychenet les emploient pour construire leurs fontaines et leurs maisons, qui n'ont rien de monumental et ne ressemblent pas à des palais.

Ce Dévonien n'est pas toujours rougeâtre ; il renferme des couches noirâtres, considérées comme charbonneuses par les personnes désireuses de trouver le précieux combustible dans notre département. J'aurai l'occasion, par la suite, de décourager ces gens bien intentionnés.

Après avoir examiné ce Dévonien, et encore l'ophite, nous revenons sur nos pas. La pluie est arrivée et l'excursion serait fort compromis, si nous ne savions braver les éléments. La Société ne veut pas rentrer à Foix sans avoir vu le pic de Montgaillard.

Ce mamelon conique est formé, en grande partie, par les calcaires noduleux du Gault, que la Société a pu voir dans une carrière aujourd'hui abandonnée. Fortement inclinés sur ce point, ils se redressent et sont presque verticaux, avec plongement au Nord-Est, vers le haut ; ils renferment de gros Nautiles, des Ammonites et quelques mauvais Oursins.

A la base du pic, on voit vers l'Est, un conglomérat puissant de roches variées ; c'est du Cénomanien qui, à Gascogne , se transforme en un beau marbre rouge, dont l'exploitation, à peine commencée, a été abandonnée, parce que la roche ne présentait pas une masse suffisante.

C'est au même étage qu'appartient une brèche, qui se dresse comme une muraille presque verticale, au nord du pic ; la même formation se présente à l'ouest, à côté du pigeonnier Sicre, et, sur les deux points, le Cénomanien supporte les grès crétacés turoniens. Quant à la brèche du Calvaire, elle renferme des Orbitolites et paraît être du mêms âge que le calcaire grumeleux de Vernajoul et de


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Pradières. Avant de quitter ce point, signalons un fait intéressant. M. Hughes, le savant professeur de Cambridge, a trouvé des Graptolites dans les schistes de la brèche cénomanienne. Je crois que c'est la première découverte certaine de fossiles siluriens dans l'Ariège. Chose bizarre, c'est dans une formation crétacée que nous les rencontrons.

Cependant la pluie redouble, le vent devient insupportable, et il faut battre en retraite. La Société rentre à Foix, mouillée, transie, mais satisfaite de n'avoir pas perdu sa journée.

Le soir, il y eut une séance au Palais de Justice, dans la salle des assises. Dès huit heures, tous les membres de la Société étaient arrivés, et M. Hébert présidait. M. le Préfet, accompagné de M. Cassaignes, secrétaire-général, assistait à cette séance. Le banc de la défense, les fauteuils du jury, les sièges des témoins étaient occupés par les membres de la Société. Derrière la barre se pressait un public nombreux, désireux de s'instruire et de se récréer l'esprit. Sur la sellette se dressaient deux tableaux noirs ; pas d'accusé pour le moment.

M. Hébert ouvre la séance et remercie M. le Préfet d'avoir bien voulu prendre part aux travaux de la Société. M. Paul dit qu'il est heureux de recevoir, au chef-lieu du département qu'il administre, une Société qui compte dans son sein tant de savants illustres ; lui-même s'intéresse aux questions scientifiques ; aussi a-t-il été heureux de pouvoir prêter son coneours aux organisateurs du Musée. Dans cette allocution courte, mais pleine de tact, M. le Préfet adresse à tous des paroles flatteuses de sympathie ; il a trouvé la note juste, aussi a-t-il eu un réel succès, comme l'ont prouvé les applaudissement de l'assemblée.

Cependant, M. Hébert invite M. de Lacvivier, qui est le guide de la Société géologique, à faire le compte-rendu des deux premières excursions. Notre compatriote s'est peu occupé du terrain Tertiaire ; il fait observer que notre président est autrement compétent que lui pour exposer ce qui a trait à un terrain, auquel il a consacré tant d'années d'études savantes et fructueuses. Malgré les fatigues de ces


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derniers jours, l'éminent professeur de la Sorbonne prend la parole, et tout en rappelant ce que la Société a vu dans le trajet de Varilhes à Saint-Jean, expose ses idées sur le groupe nummulitique du Midi de la France. Après l'excursion du 18, sa manière de voir reste à peu près la même : l'Eocène inférienr manque dans le Midi ; l'Eocène moyen y est assez bien représenté, mais le niveau des échinides doit être remonté dans la série. Le Poudingue de Palassou représente l'Eocène supérieur et doit être synchronisé avec le gypse du bassin de Paris, avec le calcaire à Palwothcrium et la mollasses des Corbières, avec les grés et marnes de Biarritz.

Après M. Hébert, MM. de Rouville et Pouech prennent successivement la parole et donnent leur avis sur cette partie supérieure de l'Eocène.

Ce sujet épuisé, M. de Lacvivier prend place au banc des accusés et complète le compte-rendu des excursions. Nous ne le suivrons pas dans la vallée de Baulou, les plus intéressantes des observations faites dans cette région ayant déjà été signalées; il convient de dire qu'il a rappelé avec à propos, que la découverte de la zone à Avicula contorta est due à M. l'abbé Pouech, le doyen des géologues ariégeois.

Passant à l'étude du vallon de Pradières, M. de Lacvivier dit qu'il avait considéré le calcaire grumeleux, qui se trouve si bien développé sur ce point, de même qu'à Vernajoul, à Montgaillard et dans d'autres localité, comme appartenant au Cénomanien. On lui fait observer que la faune de cette région est exclusivement urgonienne et que des observations stratigraphiques, douteuses, ne peuvent rien contre cette objection. L'opinion d'un grand nombre de membres de la Société, des plus autorisés, est que cette assise doit être rattachée à l'Urgonien. Aussi M. de Lacvivier est-il forcé de faire des concessions, tout en paraissant disposé à faire des réserves. Toujours est-il que les calcaires urgoniens sont recouverts par le Gault.

Chacun sait que ce dernier terrain a été signalé, pour la première fois dans l'Ariège, par M. Hébert ; il est aujourd'hui reconnu qu'il occupe une place importante dans la


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série sédimentaire de notre département. La Société l'a vu à Montgaillard ; elle l'étudiera sur d'autres points.

Après avoir dit quelques mots de ce qui existe à SaintAntoine, c'est-à-dire du Dévonien et de l'ophite,M. de Lacvivier cède la parole à M. Hébert, qui tient à parler d'une localité intéressante que la Société n'a pu voir à cause du mauvais temps. Ou rencontre à Sézenac du Cénomanien bien caractèrisé par des oursins, que M. Ambayrac a le premier signalés. On trouve ces fossiles dans des champs appartenant à M. Vidal. Sur ce point, la géologie est difficile ; il y a encore bien des études à faire et des fossiles à recueillir. (1)

A la fin de la séance, M. Gosselet a donné quelques explications sur les cassures, qu'il a cru observer dans les calcaires urgoniens de Pradières ; puis les membres de la Société se sont séparés en se donnant rendez-vous pour le lendemain.

Nous voici sur la route de l'Herm. Nous saluons en passant la fameuse grotte, cet immense ossuaire, dont les profondeurs retentirent autrefois des rugissements des lions, des hurlements des ours gigantesques et servirent d'abri à des hommes non moins sauvages que ces redoutables animaux. Nous apercevons l'ouverture, sur le flanc de la montagne ; elle a été murée par les soins des organisateurs du Musée, jaloux de conserver à l'Ariège ce qui lui appartient. Mais l'accès en sera permis aux membres de la Société qui voudront la visiter. Ce n'est donc que partie remise.

La route, que nous suivons, serpente entre deux crêtes aux flancs nus et escarpés, qui se dirigent vers le sud-est. Sur la gauche, nous avons les calcaires tertiaires à Milliolites ; sur la droite, les calcaires urgoniens. La vallée est formée par les grès et les argiles crétacées; celles-ci s'étendent en traînées rougeâtres et donnent à cette région un aspect particulier.

Les observations sont peu variées le long de cette route, dont la géologie peut être faite en voiture, parce que les

(1) M. de Lacvivier a recueilli à Sezenac l'Animonite Mantelli, fossile caractéristique du Cénomanien.


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diverses formations se distinguent de loin, si bien que l'oeil peut les suivre facilement. Cependant, nous nous arrêtons un moment près du château de M. de Bertrand, à Montlaur, afin d'examiner les grès et d'écouter quelques explications. M. Hébert rapporte ces assises au même étage que les argiles rouges, c'est-à-dire au Danien.

Il n'y a pas lieu de s'attarder sur ce point, car ce même terrain, nous allons avoir l'occasion de l'examiner au moulin d'Illat, où il prend un grand développement et traverse la route pour s'étendre daus tous les sens. Nous faisons ici une longue halte, et les chevaux peuvent souffler après cette course de seize kilomètres.

En marchant dans la direction de Larroque-d'Olmes, nous coupons les argiles rouges et les grès que la Société peut examiner à loisir. Plus loin, il a fallu pratiquer une brèche dans les calcaires d'eau douce du Danien, afin d'établir la route. Sur ce point, nous avons fait des observations et des découvertes intéressantes.

Plus loin, c'est le Tertiaire qui se développe, et il y aurait beaucoup de fossiles à recueillir, mais notre programme ne nous permet pas d'aller dans cette direction. D'ailleurs, voici l'heure de notre déjeuner et M. J. L., maître d'hôtel à Lavelanet, nous l'apporte dans une voiture pleine de promesses. Pendant qu'il cherche un abri, M. Gourdon, qui sait être un artiste tout en étant un bon géologue, dispose son appareil photographique et nous groupons sous un rocher. Plus tard, chacun de nous sera heureux de se trouver en bonne compagnie, dans une pose et un costume pittoresques ; ce sera un charmant souvenir de la session.

Nous devions manger en plein air, sur l'herbe ; mais il avait plu et il fallut s'entasser dans une mauvaise auberge. Le déjeuner n'en fut pas plus mauvais.

L'après-midi, nous devions étudier la cluse de Péreille. Il serait difficile de trouver dans l'Ariège une localité plus intéressante au point de vue géologique. Le bombement, si apparent à Saint-Sauveur et au Pech de Foix, se termine ici, et de même que sur les bords de l'Ariège, Il présente une fracture, dans laquelle coule le Douctouyre et qui donne


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deux coupes beaucoup plus complètes que celles de Foix. La partie centrale n'est pas du Trias,comme à Sainte-Hélène et à Matassou, mais bien du Lias sur lequel s'appuient, des deux côtés, tous les termes de notre série sédimentaire, jusques et y compris le Tertiaire. Celui-ci forme de belles ondulations et constitue le revêtement nord et sud du mamelon sur lequel est situé le village de Péreille de Naout.

Dans cette région, ce ne sont que cassures et dislocations. Un lambeau de Tertiaire a été brisé et s'est abattu dans un ravin contre l'Urgonien. Des failles longitudinales viennent compliquer ce que les fractures ont produit, et il faut des observations attentives pour débrouiler ce qui se passe sur ce point. Toutefois cet examen est assez facile, lorsqu'on a des notions exactes sur les différents termes de notre série sédimentaire, car ils présentent ici les mêmes caractères.

L'étude de cette cluse de Péreille offrit beaucoup d'intérêt à la Société. A peu de chose près, les données fournies par le programme étaient reconnues exactes, et plusieurs détails intéressants furent notés. C'est ainsi que quelques lits ligniteux furent observés à la base des calcaires urgoniens, fait qui rappelle ce qui se passe à ce niveau, dans d'autres régions. Enfin, nous avons vu sur ce point du Cénomanien inférieur avec l'Orbitolina concava. L'existence de ce terrain dans l'Ariège était bien démontrée.

La pluie nous mit dans la nécessité d'abréger ces observations intéressantes. Notre courage fut à la hauteur de ces nouvelles épreuves et, malgré vents et marée, le programme fut rempli jusqu'au bout. D'ailleurs, nous n'avions recueilli que peu de fossiles et nous ne pouvions pas rentrer le sac à peu près vide.

De Raissac à Lavelanet, le Tertiaire nous promettait une bonne récolte. A l'embranchement de Péreille et de Raissac, il y a des oursins, et les Cérithes y abondent. Plus loin nous recueillons des huîtres, des lucines, des gastéropodes nombreux. Enfin, à quelques pas de Lavelanet, M. Bastian, qui connaît bien cette région, nous a montré un riche gisement de Natis, de Cérithes, de Nautiles, etc. Nous étions fort occupés quand survint le propriétaire. Il voulait bien


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ne pas interrompre nos recherches, mais il fit un chaleureux appel à notre générosité. Pensez donc, nous démolissions son mur et nous piétinions sur un champ dépourvu de végétation. Quand je vous disais que le passage de la Société géologique dans l'Ariège favoriserait le développement de l'industrie ! Voici une nouvelle branche, inconnue dans notre département. Donc, il fallût acheter les pierres de ce champ, double profit pour le propriétaire ; mais tout le monde était satisfait.

A cinq heures, sous une pluie battante, nous faisons notre entrée peu triomphale dans Lavelanet, entre une double haie de curieux.

Nous étions au terme de nos épreuves, et chacun de nous put éprouver la joie du touriste, qui arrive au gîte désiré, par une soirée d'automne froide et pluvieuse, après une marche longue et pénible. On se voit avec plaisir dans une chambre d'auberge, devant un feu clair et pétillant, les pieds sur les chenets, tandis qu'une hôtesse aimable et empressée met sur la table une nappe bien blanche et une soupe fumante. Tout cela nous attendait et même mieux.

Installer une soixantaine de personnes habituées au bienêtre, dans une ville aussi petite que Lavelanet, et leur procurer du confortable paraissait chose difficile. Grâce à l'activité du maître d'hôtel et à la complaisance des habitants, que je suis heureux de remercier de leur accueil, toutes les mesures avaient été bien prises.

Les meilleures chambres furent mises à la disposition des membres de la Société. Dans une vaste salle, nous pûmes nous asseoir à la même table et avoir une courte séance.

M. de Lacvivier fit le compte reudu de l'excursion; M. Rénevier présenta quelques observations, et une riposte humoristique de M Mayer termina agréablement cette soirée.

En somme, la journée avait été bonne, et après un repos bien mérité, nous avions la perspective d'une excursion intéressante.

Hélas! le réveil fut triste; il pleuvait à torrents. Ceci était d'autant plus regrettable que la journée du 21 septem-


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bre devait être une des plus intéressantes de la session. D'après le programme, la Société aurait visité le gisement de Bénaix, si riche en rudistes. De plus, le Crétacé inférieur et le Tertiaire promettaient des observations intéressantes. Aussi, plusieurs géologues des plus intrépides ne voulurent pas renoncer à cette course et partirent malgré un temps affreux.

Pour aller à Bénaix, on quitte la route de Lavelanet à Bélesta au-delà du pont jeté sur le Touyre, et on prend, vers la droite, un petit chemin qui conduit sur une partie élevée dominant la ville. On marche quelque temps sur une terrasse qui recouvre les dépôts tertiaires. Ceux-ci se voient distinctement dans le lit du ruisseau, plongeant vers le sud et se relevant dans la direction de Lavelanet, On ne tarde pas à les couper, car ils forment une série de coteaux, depuis Bélesta, jusqu'au delà de la métairie de La Paillasse.

Nous avons ici la partie supérieure du Tertiaire, c'est-àdire des grès, des marnes jaunes, des marnes rougeâtres et un représentant du Poudingue de Palassou. Plus loin viennent les calcaires à Milliolites, et enfin on trouve le Crétacé supérieur en arrivant dans le vallon de Bénaix.

Ce vallon est parcouru par une protubérance dirigée de l'ouest à l'est et formée par les calcaires à Hippurites. Le village est situé sur ce mamelon qui se prolonge jusqu'aux environs de Bélesta. Bénaix est riche en Hippurites, Sphérulites, Polypiers, Cyclolites, etc. Maisons, murs en pierres sèches, tout a été construit avec ces fossiles, qui atteignent quelques fois des dimensions considérables. Le collectionneur n'a que l'embarras du choix et il est toujours sûr de rentrer à Lavelanet avec une lourde charge.

Au sud du village, le terrain s'élève jusqu'au sommet de Morenci. On coupe une série de marnes, de calcaires, de grès ; la crête est formée par des calcaires à rudistes et s'étend sans interruption de Bélesta à Villeneuved'Olmes. De ce point élevé, on voit le vieux château de Montségur, qui se dresse sur son rocher urgonien. Le Crétacé inférieur règne dans cette région et offre un grand intérêt ; mais nous n'avons pas le courage de poursuivre


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nos observations, car le mauvais temps persiste, et nous rentrons à Lavelanet dans un triste état.

Les éléments étaient contre nous. Après déjeuner, nous partions pour Montferrier sous une pluie battante. A l'entrée du village, nous recommencions nos opérations, le parapluie d'une main, le marteau de l'autre, les pieds dans la boue jusqu'à la cheville.

Des moraines puissantes se développent sur les deux versants de la haute vallée du Touyre, au sud de Montferrier ; le Crétacé inférieur s'étend jusqu'à l'entrée du village. Un moment interrompue au passage de la rivière, la crête turonnienne de Morenci se redresse sur la rive gauche, dans la direction de Nalzen. Une série puissante de grès et d'argiles, dont le prolongement est au sud, s'étend de Montferrier à Villeneuve-d'Olmes. A l'est de ce village, viennent finir les calcaires à Rudistes de Bénaix qui forment un mamelon sur la rive droite du Touyre. Sur ce point, nous assistons à une discussion intéressante. M. de Lacvivier considère la série qui commence aux calcaires à Rudistes de Morenci et se termine par les assises à rudistes de Bénaix et de Villeneuve d'Olmes, comme turonnienne, et établit ainsi la succession, de bas en haut: calcaires de Morenci, grès et argiles, bancs à Rudistes. La partie moyenne de cette série représente les grès de Celles; sur ce dernier point, tout le monde est d'accord.

M. Hébert ne voit pas les choses de la même manière. Pour le savant professeur de la Sorbonne, les grès et les argiles sont supérieurs aux assises turoniennes , qu'ils recouvrent.

Tandis que M. de Lacvivier explique cette succession et l'inclinaison des assises par un renversement général, qui s'est opéré sur une vaste étendue de pays, M. Hébert invoque l'action puissante des failles et trouve un argument sérieux dans la position des Hippurites de Viîleneuve-d'Olmes.

Les savantes démonstrations du maître et sa grande autorité ont plus de crédit sur l'esprit des membres de la Société, que les explications de l'élève, dont l'opinion bien arrêtée, s'est formée à la suite de nombreuses observa-


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tions faites sur d'autres points. Alors même qu'elles n'établissent pas un accord parfait, les discussions de ce genre sont profitables à la science, parce qu'elles provoquent de nouvelles recherches. Sur cette observation judidieuse de notre président, nous quittons Villeneuve et nous rejoignons nos voitures. La pluie tombait toujours et refroidissait notre zéle. Nous serions rentrés à Foix sans nous arrêter, si M. Bastian ne nous avait promis une bonne récolte de fossiles. Près de la route, à la hauteur du village de Leychert, un champ est rempli de Rudistes. Nous cemplétons notre chargement en quelques minutes, nous jetons un coup d'oeil sur les carrières de grès de Celles, et nous rentrons à Foix, heureux et fiers des résultats obtenus, alors que nous avions pu croire tout perdu.

Le 22 septembre, la Société géologique partait pour Tarascon, afin de visiter quelques points de la Haute-Ariège. Un premier arrêt eût lieu entre Saint-Antoine et Mercus. De ce point à Tarascon, on coupe une série cristalline qui peut être étudiée sur les deux rives de l'Ariège. A l'est, elle forme le massif du Saint-Barthélemy; à l'ouest, elle envoie ses ramifications jusque dans le bassin de l'Arget et elle se dirige vers le Salat, par le Prat d'Albis, les montagnes de Ganac, de Brassac et du Bosc.

Cette série se compose de granites, granulites, pegmatites, gneiss et micaschistes.C'est comme l'ossature de cette région élevée, sur les flancs de laquelle s'étagent les terrains primaires et même quelques termes de la série secondaire. Tout cela est disloqué, bouleversé par des cassures et des failles nombreuses. Nous ne conduirons pas le lecteur sur ces sommets dont l'étude géologique lui paraîtrait trop aride, et nous le ramènerons sur la route de Mercus, où la Société examine les roches anciennes.

A Saint-Antoine, il y a du Dévonien, comme nous l'avons vu précédemment. Un peu plus loin, un examen attentif montrerait des schistes siluriens, au delà desquels on rencontre successivement les gneiss et les roches non stratifiées ; tout cela est fort régulier. Les gneiss sont traversés par des filons de pegmatite ; cette roche ne tarde pas à se présenter


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en grandes masses, et sa décomposition donne une teinte blanchâtre à une partie de cette région. C'est là que l'on peut recueillir des tourmalines énormes ; les membres de la Société en firent une ample provision.

A Mercus, nous observons un fait intéressant : les roches cristallines enclavant une masse de calcaire cristallin dans lequel on a ouvert une carrière pour l'exploitation de la pierre de construction. Nous aurons, d'ailleurs, l'occasion de revoir ce calcaire à Arignac, car il se dirige de ce côté.

Il n'y a rien de bien intéressant au-delà de Mercus ; de ce point à Tarascon, on retrouve les gneiss dont la série est plus puissante. M. Hébert fit observer que nous étions en présence de la variété dite gneiss glanduleux. En effet, il y a dans la masse des cristaux assez volumineux de feldspath, qui justifient cette dénomination.

A 11 heures, nous arrivions à Tarascon, où un bon déjeuner nous attendait chez M. Francal.

L'après-midi fut mieux remplie que la matinée, le champ d'exploration que nous avions à parcourir étant plus vaste et plus compliqué. L'étude de cette région de Tarascon est difficile; la nature minéralogique des terrains est différente de ce qu'elle est ailleurs, et les fossiles y sont plus rares. A part l'Urgonîen qui est bien caractérisé, le reste offrira encore bien des problèmes à résoudre.

La Société se rendit à Arignac pour y commencer la coupe qu'elle devait faire. Il faut avouer que les habitants de ce village sont peu favorisés ; leurs communications avec les communes voisines doivent être bien difficiles. Il y avait de quoi s'enlizer dans les boues d'un chemin défoncé et impraticable; pour ma part, je n'en avais jamais vu d'aussi mauvais. Cependant, il y a là une exploitation importante, qu'une route meilleure rendrait plus facile.

Après une marche laborieuse, nous arrivâmes au nord d'Arignac ; nous étions au milieu des roches cristallines. A la suite des gneiss d'Amplaing, il y a des miscaschites, et, dans le voisinage de ceux-ci, on trouve des calcaires cristallins, à éléments chlorités, véritables cipolins , avec quelque lits schisteux, le tout enclavé dans des roches quartzeuses, pegmatites et autres. C'est la continuation de ce qui


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existe à Mercus, mais ici l'exploitation serait plus facile.

Quel est l'âge de ces calcaires ? Evidemment nous sommes en présence des roches sédimentaires les plus anciennes. Quant à les rattacher à un des systèmes, qui marquent dans d'autres régions le commencement des temps géologiqnes, ce serait chose difficile. La Société ne s'étant pas prononcée, nous imiterons sa prudente réserve.

Les gneiss se développent vers Arignac, et on arrive ainsi au bord de la rivière de Saurat, qui coule dans un profond ravin. Celui-ci a été formé par une faille, qui peut être suivie vers Col-de-Port, Massat et même plus loin. Dans ce vallon d'Arignac, elle a mis à jour le Trias, dont l'élément principal est le gypse, car ce terrain est ici mal caractérisé. Il se compose de marnes verdâtres et de quelques bancs d'un calcaire jaunâtre, La stratigraphie ne fournit ici que des données bien vagues. Au nord, ce Trias s'appuie sur les roches cristallines du Prat-d'Albis ; au sud, Il est écrasé par la masse du Soudour. Les carrières de gypse sont établies sur les deux rives de la rivière, Depuis quelques années l'exploitation est faite d'une manière plus méthodique et plus productive ; elle donne un plâtre d'excellente qualité. Avec du gypse verdâtre, il y a des filons d'un beau blanc, véritable albâtre s'il était plus dur. Malheuresement, on trouve parfois des amas de Karsténite dans ce gypse si blanc. Les beaux cristaux de pyrite de fer n'y sont pas rares.

Le Trias se montre jusqu'au niveau de Bédeilhac, mais il existe encore plus loin, à Col-de-Port. Cinq ou six mètres au-dessous du Col, vers Massat, les marnes se rencontrent dans le fond d'un ravin avec des amas du gypse. On ne comprend pas pourquoi les habitants de Massat vont chercher le plâtre à Lacourt et à Bédeilhac, alors qu'ils l'ont presque sous la main.

Après avoir examiné le Trias d'Arignac et recueilli de beaux échantillons de gypse, la Société géologique se remit en marche. Sur la droite, elle avait la montagne de Soudour qui est fort intéressante. Les calcaires urgoniens existent au sommet sous la forme d'un chapeau; la masse centrale est jurassique et la base triasique. Sur le versant sud, MM. Delrieu et Sans ont creusé une galerie qui les a conduits


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jusqu'ou gypse. Ces messieurs nous ont offert de nous montrer leurs travaux et les résultats qu'ils ont obtenus ; mais il était tard et la Société eut le regret de ne pouvoir faire cette étude intéressante.

Avant de nous éloigner du Soudour, disons que du côté de Bédeilhac, l'Urgonien renferme des bans d'un calcaire compacte, rempli d'algues incrustantes, qui donne un beau marbre connu sous le nom impropre de petit granite.

D'après le programme, la Société devait visiter les hauteurs de Quié ; elle fut obligée d'y renoncer, car il aurait fallu denx ou trois heures pour faire cette ascension longue et pénible. Entre autres choses intéressantes, elle aurait vu du Trias bien caractérisé.

Un petit sentier qui se trouve au sud du village de Quié, déroule ses lacets à travers des calcaires schisteux noirâtres, probablement crétacés. Avant d'arriver au sommet, on voit affleurer des marnes vertes, des marnes rouges et des calcaires celluleux; c'est du Trias. On y a cherché inutilement du gypse, mais il y a de l'ophite, qui montre ses nombreux pointements lelong du chemin. A la surface, cette roche est un peu décomposée, mais elle est probablement plus dure dans les profondeurs du sol et elle pourrit être utilisée pour l'empierrement des routes.

En somme, toute cette région est fort intéressante et offre de nombreuses ressources. Déjà la Société avait pu s'en convaincre d'après la belle exposition de minerais et de roches faite par MM. Delrieu et Piquemal. Il est regrettable qu'elle n'ait pas pu y séjourner plus longtemps. Il y avait encore bien des choses à voir du côté de Saurat, sans compter la magnifique grotte de Bédeilhac, qui a tant fourni de documents aux études anthropologiques. Dernièrement encore deux jeunes gens, attachés au tracé du chemin de fer de Saurat à Tarascon, y recuillaient la plupart des pièces de deux squelettes.

Près du moulin de Sabart, on s'arrêta quelques instants. Au pied de la crête urgonienne qui se prolonge jusqu'à Quié. il y à une série de monticules formés par un calcaire schisteux noirâtre. Les fossiles n'y sont pas rares, et en peu de temps on recueillait des Nautiles , des Ammonites,


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des Bélemnites et des Térébratules ; mais ces fossiles étaient en si mauvais état, qu'il ne fût pas possible de dire à quel terrain on avait affaire. Il est probable que ces assises appartiennent au Crétacé inférieur. Quoiqu'il en soit, de nouvelles observations sont nécessaires avant de se prononcer avec certitude.

Notre excursion était terminée et nous ne tardions pas à arriver à Ussat, où le vaste hôtel Chaumond offrit aux membres de la Société tout le confortable du vivre et du couvert. Dans le magnifique salon de l'établissement nous eûmes une séance qui fut courte, car nous étions tous fatigués.

M. de Lacvivier fit le compte rendu rapide de l'excursion de Montferrier. Ce que nous en avons dit précédemment nous dispensera d'y revenir. Pour la même raison, nous n'ajouterons rien aux observations faites sur ce que nous avions vu dans la journée. Après quelques explications données par M. l'abbé Pouech, la séance fut levée.

Le lendemain, nous partions pour Vicdessos. Depuis Sabart jusqu'à Capoulet, l'étroite vallée, dans laquelle coule le Vicdessos, est resserrée entre deux crêtes élevées, formées par les calcaires jurassiques et urgoniens. Sur la gauche, il y a une épaisse terrasse sablonneuse, dont les éléments menus et régulièrement stratifiés, indiquent que ces dépôts ne sont pas dûs aux glaciers, mais bien au Vicdessos d'autrefois.

Il y aurait eu des choses intéressantes à voir dans les vallées de Miglos et de Siguer, mais la Société était forcée de se renfermer dans les limites d'un programme déjà chargé. Dons, nous laisserons de côté les mines d'Axiat, l'Urgonien, le Jurassique, le Silurien avec ses ardoisières de la vallée de Siguer, la mine de Lercoul, pour nous occuper des roches qui bordent la route, au delâ de Capoulet.

A partir de ce point, les formations secondaires passent pour ainsi dire au deuxième plan, sur les hauteurs ; le granite, les gneiss et les micaschistes occupent le premier, sur les deux rives du Vicdessos.

Le granite est gris, noirâtre , surchargé de mica avec quelques traces de talc et d'une dureté excessive. Sur la


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gauche, les énormes blocs éboulés forment des amoncellements considérables.Les gneiss et les micaschistes n'offrent rien de saillant. D'ailleurs, pour les observer . il faudrait passer la rivière et aborder des pentes abruptes. Le granite est là, sous notre main et nos lourds marteaux s'ébrèchent sur ses arêtes vives.

Un peu plus loin, une carrière voisine de la route nous offrit un fait intéressant ; le granite est en contact avec l'ophite. Cette dernière roche est mal caractérisée, mais d'une grande dureté, ressource précieuse pour une route bien éprouvée par les lourds chargements de minerai qui la sillonnent. Il est évident que cette ophite est postérieure au granite, qu'elle enclave, comme il est facile de voir au-dessus de Cabre.

Au-dessus de ce granite, contre l'ophite, on voit une bande de calcaire blanc cristallin, qui se dirige vers Vicdessos où nous allons le retrouver et l'examiner de près.

L'heure du déjeuner n'avait pas encore sonné et, sans s'arrêter, la Société géologique se rendit à l'entrée de la vallée d'Auzat, près du poste de la douane, où elle put faire des observations intéressantes.

Le granite, un véritable granite ancien, dur et grisâtre, se montre des deux côtés de la vallée. Plus loin , il oblique vers le sud-ouest et va former les crêtes de Bassiès.Les cassures et l'action des eaux ont creusé au milieu de cette vallée des gouffres profonds, dans lesquels le Vicdessos bouillonne et forme de belles chûtes. Ceux qui ont remonté cette vallée, presque entièrement formée par les roches cristallines, ont pu admirer de beaux sites d'un sauvage et d'un pittoresqne achevés. Du point où ils se trouvaient, les membres de la Société pouvaient voir le Montcalm dressant sa masse silurienne sombre et imposante, à côté de laquelle les proportions de la Pointe-d'Argent paraissent bien grêles. Mis en présence de ces grands tableaux, le géologue s'oublie un seul instant ; il n'étudie plus la nature dans ses détails , il l'observe dans son ensemble grandiose. Mais, même dans ce cas, la géologie ne perd pas complètement ses droits, car ces grands bouleversements donnent une idée des phénomênes qui les ont produits.


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Les glaciers ont laissé des traces de leur action dans cette région. Au bas du chemin qui mène au col de Saleix , les calcaires schisteux présentent une large surface rabotée, sur laquelle il y a de nombreuses stries glacières bien nettes.

L'air vif des montagnes aiguise l'appétit, et nous fîmes honneur à un déjeuner montagnard qui nous attendait chez M. Montaut.

Après une courte interruption, la Société géologique reprit ses études. Il s'agissait de voir les ophites, les Iherzolites et la mine du Rancié. Tout cela se trouvait sur les hautes régions de Sem, et cette ascension n'était permise qu'aux jeunes. Aussi la division se mit dans nos rangs : les plus intrépides s'acheminèrent vers le Rancié ; les gens pratiques acceptèrent l'offre de M. Alzieu, qui voulait leur montrer un amas de lherzolite sur un point plus abordable, au nord de Vicdessos.

Cette roche, particulière à l'Ariège , forme une longue traînée, depuis le nord de Lercoul jusqu'à l'étang de Lhers, où elle présente un grand développement. Sous l'action des agents atmosphériques, elle prend une couleur jaunâtre qui donne une physionomie particulière à ce vaste étang. C'est au contact des calcaires cristallins, probablement jurassiques, que se trouve la lherzolite ; elle n'est certainement pas postérieurs aux sédiments de cette époque.

Tandis que nous examinions cette roche, nos confrères se montraient sur les hauteurs de Sem. Quelques-uns avaient voulu voir de près l'énorme pierre, dont le profil se détache nettement sur le point culminant du mamelon élevé qui domine le village, vers le nord. Ce bloc erratique, qui mesure 7 à 8 mètres cubes, donne une idée de la puissance des anciens glaciers. C'est une variété de pegmatite, formant comme une large table, qui repose d'un côté sur une saillie du calcaire cristallin, de l'autre sur un gros fragment de roche cristalline, de même nature que le bloc, et qui semble avoir été placé dessous pour le mettre d'aplomb. Cen'est probablement pas un dolmen que ce bloc erratique, mais le hasard n'a pas pu le placer ainsi en équilibre. Etait-ce une pierre destinée aux sacrifices ou à des céré-


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monies quelconques des temps les plus reculés ? On peut le supposer.

Nos excursionnistes revinrent enchantés de leur visite à la mine de Rancié. Leurs observations nous confirmaient dans notre manière de voir relativement à l'âge des calcaires qui renferment le minerai ; ils appartiennent au Silurien supérieur. Au toit de la mine, on trouve des fossiles du Lias, et il y aurait même quelqes traces du Trias. Il est probable que des recheerches suivies donneront des résultats intéressants.

L'heure du départ avait sonné, la Société quitta Vicdessos, satisfaite de ce qu'elle y avait vu. Au delà de Niaux, elle voulut voir une forge à la catalane. Cette industrie, autrefois si florissante dans notre pays, touche à sa fin et on n'a pas tous les jours l'occasion d'en voir un spécimen. C'était le moment où la masse incandescente sortait du creuset «t les diverses opérations, auxquelles les ouvriers se livrent, intéressèrent beaucoup les membres de la Société.

A 7 heures nous rentrions à Foix après une journée bien remplie.

Le dimanche, 24 septembre, était un grand jour de fête pour les Ariégeois, et la Société géologique avait sagement agi en se condamnant au repos; peu de Fuxéens l'auraient suivie, si elle avait pu sortir de la ville. M. le Ministre de l'Instruction publique était venu à Foix assister à la cérémonie qui devait avoir lieu à l'occasion de l'inauguration de la statue Lakanal. Cependant les jeunes gens et ceux que le bruit de cette solennité importunaient, résolurent de visiter les environs de Foix. Les uns se dirigèrent vers Lizonne, les autres entreprirent l'ascension du Pech. Nous généraliserons leurs observations dans un rapide aperçu géologique sur la région.

Les deux montagnes, qui dominent la ville à l'est et à l'ouest,font partie d'un bombement, que Leymerie a reconnu et signalé dans ses mémoires; il s'étend de la limite de l'Aude au Salât. Ce relief était à peine formé, que des fractures à peu près perpendiculaires à sa masse l'interrompaient sur plusieurs points, livrant ainsi passage à l'Hers, au Touyre, au Douctouyre, à l'Ariège, au ruisseau de


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Baulou et à l'Arize. On peut dire que ces phénomènes ont été simultanés.

La cassure de Foix est une des plus intéressantes; elle nous permet d'étudier ce bombement et de voir les divers terrains qui le constituent. Le plus ancien est le Trias; on le voit nettement au-dessus de Matassou et on le soupçonne au nord de Sainte-Hélène, dans cet espace en partie caché par la végétation. Ici, le long du chemin de Vernajoul, les observations sont faciles et instructives. De chaque côté de ce Trias, on voit se dresser des calcaires lithographiques bleuâtres et une brèche qui appartiennent à l'Infralias; puis, dans une situation symétrique, deux masses de brèches bitumineuses, qui pourraient bien représenter le Lias inférieur. Nous trouvons après cela le Lias moyen ; c'est la partie la plus intéressante de la coupe et la plus connue des collectionneurs. La bande méridionale peut être suivie, des bords de l'Ariège jusqu'au sommet du chemin qui conduit à Lizonne, à travers la propriété de M. Boy et la Carane. Riche en Térébratules, Ammonites, Bélemnites, etc., elle a été exploitée par tous les géologues qui se sont occupés de l'Ariège et par tous les collectionneurs et amateurs de Foix. La bande septentrionale, moins importante, se montre au-delà du niveau qui descend du Saint-Sauveur, au tournant du chemin de Vernajoul.

Au-dessus de ce Lias fossilifère, nous avons, de chaque côté, des dolomies grises et rosées, que M. Hébert rapporte au corallien : c'est la partie supérieure de notre Jurassique.

Après le dépôt de ce corallien, des sources ferrugineuses ont formé une couche rougeàtre, remplie de pisolites. Le fer limonite ou bauxite établit une démarcation bien tranchée entre les formations jurassiques et les assises crétacées. C'est à ces dernières qu'il faut rattacher la bauxite qui est recouverte, de chaque côté, par des calcaires gris renfermant des rudistes (Requienies), des Orbitolites, des oursins, etc.; c'est l'Urgonien.

En poursuivant cette étude, nous trouverions du Gault, du Cénomanien ; etc.

Ainsi, il y a de nombreuses lacunes dans notre jurassique, de même que dans notre Crétacé inférieur.


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Tout ce système peut être suivi dans la direction dunord-ouest; de même, nous le retrouverions vers le sud-est.

Au Pech, c'est à peu près la même chose. Mais, tandis que cette série est complète dans la partie septentrionale du bombement, vers Laborie et Pradières, au sud, il y a des lacunes. A partir de Jean-Germa, les dolomies coralliennes ont glissé vers la base de la montagne, derrière les hôtels Rousse et Lacoste, ne laissant que des lambeaux isolés, au sommet et sur le flanc de la montagne, et mettant à découvert, sur une large étendue, le Lias fossilifère. C'est à tort qu'un géologue ariégeois a placé une faille sur ce point ; cet accident existe plus loin et n'a supprimé que le Crétacé. Encore trouverions-nous l'Urgonien dans les bancs qui traversent obliquement l'Ariège dans le prolongement de ceux de Saint-Sauveur et du rocher de Foix; car la masse qui supporte le château est urgonienne.

Quoiqu'il en soit, dans la direction du sud-est, le Crétacé a disparu ; est-il recouvert par la terrasse ou a-t-il été supprimé par la faille ? Je crois qu'il faut attribuer sa disparition à ces deux causes. Nous le retrouverions du côté de Montgaillard, si nous allions dans cette direction.

Ainsi, jusqu'au rocher de Foix, tout est régulier. Au delà, vers le sud, les choses se voient moins nettement, les failles ayant modifié la succession des terrains. L'un de ces accidents pourrait être suivi, depuis l'ouest de St-Girons, jusque dans le département de l'Aude, et il s'observe généralement dans le Trias. Enfin, la puissante terrasse, sur laquelle est établie la route de Montgaillard, contribue à rendre les observations difficiles. Cette formation est antérieure à la période glaciaire, puisque les blocs apportés par les glaciers recouvrent les dépôts plus fins qui la constituent, ainsi qu'il est facile de le voir en remontant l'Ariège. Cette rivière continue son travail lent, c'est-à-dire qu'après avoir creusé son lit de plus en plus profondément dans la terrasse, elle ronge les assises jurassiques et crétacées, comme il est possible de l'observer dans la traversée de Foix.

Après avoir étudié quelques-uns des faits que je viens de


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passer en revue, et recueilli beaucoup de fossiles jurassiques, nos explorateurs revinrent à Foix et se préparèrent à visiter la grotte de l'Herm.

MM. les membres de la Société Ariègeoise avaient bien voulu leur confier les clefs de la porte d'entrée, sachant que les savants géologues sauraient respecter nos richesses paléontologiques. Cette immense caverne,dont les dépouilles on enrichi les musées de France et d'Europe, est bien connue; elle a été décrite soigneusement par M. l'abbé Pouech et par d'autres savants, de sorte qne je n'aurais que peu de détails intéressants à ajouter à ceux qu'ils ont donnés. Je me bornerai à rappeler que la grotte de l'Herm est située dans les calcaires urgoniens, dont j'ai déjà eu l'occasion de parler, et je retournerai à Foix, avec les géologues enchantés de leur excursion.

Des occupations moins pénibles les y attendaient. Les fêtes ne nous avaient pas permis d'avoir une séance. Notre président avait dû prendre place sur l'estrade, et le soir, il s'assit à la table d'honneur. M.le maire de Foix nous avait conviés au banquet,et un grand nombre de membres de la Société géologique avaient accepté sa gracieuse invitation. Une musique entraînante nous excitait à prendre part aux danses publiques qui avaient lieu le soir. Certainement, les Fuxéens, aimables et ardents au plaisir, nous auraient ouvert leurs rangs. Notre gravité et la perspective du long voyage que nous devions faire le lendemain nous condamnèrent à l'immobilité.

Lundi matin, nous quittions définitivement cette ville hospitalière, emportant un excellent souvenir de l'accueil qui nous avait été fait.

Le 25 septembre, à sept heures et demie du matin, nous entreprenions une de nos plus longues courses et pas la moins instructive.

Sans quitter la route de Foix à Saint-Girons , on peut faire des observations intéressantes. Au sortir de la ville, le granite vient brutalement se mettre en contact avec le terrain crétacé, supprimant ainsi les terrains primaires et la série jurassique. On voit déjà le granit sous le pont de Planissoles et, à partir de ce point, il remonte plus ou moins


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haut vers la crête urgonienne de Saint-Sauveur. Il bute successivement contre les argiles du Gault, les calcaires à Hippurites, le Cénomanien, les calcaires à Réquienies, le Trias et même les assises à Échinides. Supérieures au Turonien caractérisé par les fossiles de Bénaix et de Leychert, ces assises sont très intéressantes au Bastié. C'est là que M. Ambeyrac découvrit, il y a quelques années des oursins en fort bon état, dont l'un d'eux, appartenant à une espèce nouvelle, a été décrit sous le nom de Micraster Heberti. Les champs, qui avoisinent un petit bois, renfermaient naguère beaucoup de ces fossiles ; ils sont devenus plus rares, mais il ne faut pas chercher longtemps dans les calcaires marneux pour en recueillir de fort beaux. On ne saurait trop recommander ce niveau aux collectionneurs.

Les membres de la Société s'arrêtèrent quelques instants au Bastié et eurent la satisfaction de trouver un certain nombre d'oursins. Au point de vue stratigraphique, l'étude de cette localite est difficile, plusieurs failles ayant modifié la succession. Je crois que de la crête du Saint-Sauveur, vers la route, la succession est la suivante : dolomies jurassiques, Gault, Cénomanien, Turonien, couches à échinides et granite. Cette dernière formation se poursuit jusqu'au Col-del-Bouich ; ici, le granite décomposé se dirige vers le sud, par Saint-Martin-de-Caralp et contourne Montcoustans ; il constitue en grande partie le bassin de l'Arget.

A partir du Col del Bouich, les choses se passent plus simplement. L'Urgonien, un moment interrompu au Bastié et au-delà du Roc-de-Caralp, se dirige vers le nordouest par Cadarcet, Allières, etc.; le Jurassique forme la crête blanchâtre qui s'étend sur la droite. Vers le sud, le massif cristallin supporte sur ses flancs du Silurien, du Dévonien, du Trias inférieur. Enfin, jusqu'à Saint-Girons, le fond de la vallée est constitué par les marnes irisées, l'Infra-lias et les ophites. ; la route est établie sur ce dernier ensemble. Il y a peu de fossiles à recuillir dans cette région, si on ne s'écarte pas du chemin, mais on trouve de fort jolis cristaux de quartz blanc ou rosé, dans les marnes du Trias.


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A onze heures, nous arrivions à la Bastide- de-Sérou ; un bon déjeuner nous attendait à l'hôtel Marfaing et nous lui fîmes honneur. L'arrêt fut court, car la journée était bien chargée; aussi, la Société eut le regret de ne pouvoir accepter la gracieuse hospitalité que Mme de B. lui offrait. En excursion, le géologue est tout à son travail et il se conforme strictement à son programme.

Au delà de la Bastide-de-Sérou, nous reprenions nos observations et une coupe faite par la route, dans l'Infra lias, nous permettait d'étudier ce terrain. M. Capellini eut la satisfaction de découvrir un végétal fossile, le bactryllium, dans les calcaires schisteux ; c'était une ressemblance de plus avec ce qu'il avait vu en Italie.

A Ségalas, ce terrain est en contact avec l'ophite décomposée ; cette roche forme une longue traînée jusqu'au delà de Lescure, et on peut même dire, jusqu'à Lacourt, en passant par Pégoumas. L'ophite englobe les fragments de calcaire ; proviennent-ils de l'Infra lias ou d'un terrain plus ancien ? Les avis sont partagés. Il y a là une étude intéressante à faire, puisqu'elle peut servir à fixer l'âge de cette roche éruptive. Si l'ophite a bouleversé l'Infra lias, c'est qu'elle est plus récente que ce terrain. Cependant, si elle est venue après le dépôt de ces premiers sédiments jurassiques, on ne peut pas admettre qu'elle soit postérieure aux autres termes de cette série. C'est dans le voisinage de l'ophite qu'il faut chercher le gypse; nous en trouverions du côté de Rimont.

Au sud de la route, il y aurait eu des observations intéressantes à faire. Ainsi, vers Larbont et Alzen, on peut voir des marbres dévoniens qui sont remarquables par leurs belles couleurs. Avec cela, il y a des filons d'azurite et de malachite (minerai de cuivre), ainsi que de la baryte, qui est assez abondante pour être exploitée. Le Trias se présente avec ses minerais de fer et son beau poudingue, d'une dureté suffisante pour pouvoir servir à faire des meules. Ces divers systèmes se poursuivent jusqu'à CastelnauDurban où la Société devait observer des faits du plus haut intérêt. On ne pourrait pas se mieux placer pour étudier le Dévo-


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nien; et on peut dire que, si on voulait faire une coupe comprenant la série des formations géologiques de l'Ariège, avec leurs caractères les plus importants, il suffirait de parcourir la région qui s'étend entre Massat et le Fossat, en passant par Castelnau-Durban.

Le long de l'Artillac, on trouve une série de schistes, de calcaires marmoréens aux vives couleurs, se terminant par une masse de calcaires noirâtres et de schistes, sur la rive gauche de la rivière, en face du village. Tout cela est Dévonien, Dans les marbres de Tourné, il y a des goniatites ; ce sont les griottes. Les assises calcaréo-schisteuses de la Cazace renferment des encrines en grand nombre, des spirifères, des térébratules et beaucoup d'autres espèces, parmi lesquelles se trouve l'atrypa reticularis qui est caractéristique du Dévonien. La découverte de ces fossiles par M. de Lacvivier a permis de fixer l'âge de ce niveau. M. Gosselet, le savant professeur de Lille, n'a pas hésité à rapporter ces assises au Dévonien inférieur ; c'est ce que M. Mussy plaçait dans le Carbonifère. Pour M. Gosselet, ce dernier terrain est représenté par les marbres griottes, qu'il considère comme supérieurs aux couches à atrypa reticularis. En effet, ils les recouvrent à la Cazace, au sud de Castelnau ; mais c'est un effet du renversement général des assises qui peut s'observer, des limites de l'Aude au Salat. Quand on a étudié le Dévonien sur tout ce parcours, notamment à Montségur, Montferrier, Freychenet. SaintPaul, Riverenert, on est convaincu que les assises fossilifères de Castelnau-Durban sont plus récentes que les griottes et, par suite, qu'il n'y a pas de Carbonifère dans l'Ariège.

L'accord ne s'est pas fait sur ce point délicat ; il est certain que la Société ne pouvait pas se faire une opinion après des observations aussi superficielles; la journée était fort avancée, et nous devions fournir une longue course, pour arriver à Saint-Girons avant la nuit.

Un nouvel arrêt eut lieu à Rimont, pour observer les ophites, l'Infra lias et l'Urgonien. Ce dernier terrain est fort intéressant au nord du bourg ; on y trouve l'ostrea aquila dans les bancs les plus inférieurs. Le fer limonite a une certaine importance; indépendamment des pisolites, on y


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trouve de gros rognons qui ressemblent à du fer météorique. Dans le Trias, on a découvert récemment du gypse de bonne qualité.

Ces observations terminèrent l'excursion ; à sept heures, nous arrivions à Saint Girons et nous n'avions pas de peine à trouver un abri dans les bons hôtels de la ville.

Après huit jours de courses, l'ardeur des membres de la Société géologique ne s'était pas refroidie ; nous étions plus de trente en arrivant à Saint Girons et quelques dissidents vinrent nous y rejoindre. C'est que l'intérêt de nos études allait croissant; les dernières journées nous promettaient de bonnes récoltes de fossiles et des observations importantes. Nous devions aborder la partie supérieure du crétacé dans les régions de Fabas et de Sainte-Croix.

Mardi 27 septembre, nous partions de Saint-Girons dans la direction de Tourtouse.

En longeant la rive droite du Salat, on coupe la série jurassique qui n'est pas très visible ; puis on trouve l'Urgonien, à la hauteur de Saint-Lizier. Au delà, viennent les assises noirâtres et schisteuses du Gault, qui se poursuivent jusqu'à Bordes-Vieilles. Ici, on quitte la route, pour prendre le chemin qui conduit à Tourtouse. On est assez longtemps sur ce dernier système et on passe insensiblement au Cénomanien, c'est à-dire à des conglomérats schisteux, avec bancs de grès et assises argileuses où on trouve des petites ammonites. La partie la plus intéressante de ce système, c'est un conglomérat puissant formant une muraille assez élevée, à gauche de la route, au-delà de Mataly. Il y a de tout dans cette formation, qui passe à un poudingue très dur. Avec les calcaires et schistes variés de tous les étages inférieurs, on y voit des roches cristallines ; les ophites y sont largement représentées avec toutes leurs variétés. Les bancs y sont fortement contournés ; il paraît y avoir une faille sur ce point.

Ce qui vient â la suite, c'est-à-dire une série de grès et de marnes, pourrait être rapporté au Sénonien.

Après cela, on trouve des argiles rutilantes et des grès; c'est le Danien ou Garomnien de Leymerie. Ce géologue avait étudié dans la Haute-Garonne un terrain, qu'il consi-


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dérait comme un type nouveau. Il l'avait décrit avec des caractères propres, se présentant seulement dans ce département et dans une petite partie de l'Ariège, vers SainteCroix. A la partie supérieure, il trouvait une faune marine constituant une véritable colonie. Les espèces qui la composaient s'étaient cantonnées dans ce petit coin et y avaient vécu tranquillement, loin du monde et des agitations de ces temps troublés, tandis que leurs congénères périssaient dans d'autres régions.

Ce Garomnien s'étendait bien à travers l'Ariège, l'Aude, jusque dans la Provence, mais avec des caractères lacustres. Cette création avait fait l'objet des préoccupations de l'éminent géologue et il y était revenu constamment dans tous ses mémoires. La mort ne l'avait pas encore enlevé à la science que son oeuvre était déjà entamée. D'abord il a été reconnu que les traînards, les prétendus colons, étaient des nouveaux venus. Puis, M. Hébert, dont les travaux remarquables ont fait le jour sur cette question intéressante, a montré que le Garomnien existait dans la partie occidentale des Pyrénées, avec les caractères qne Leymerie lui attribuait. Enfin, il est certain aujourd'hui que ce terrain se prolonge vers l'Est, dans une partie de notre département et qu'il n'y est pas moins important que dans la Haute-Garonne. On admet que ce Garomnien est un représentant du Danien, et doit prendre une place depuis longtemps marquée dans l'échelle chronologique des terrains.

C'est ce système que la Société rencontrait avant d'arriver à Tourtouse; ici, les assises qui le composent plongent légèrement, pour reparaître au-nord-est du village, et, dans l'intervalle, il y a un lambeau de Tertiaire. Ces deux terrains sont assez riches en fossiles, notamment en oursins, et la Société put en recueillir un certain nombre dans une exploration rapide. Nous n'avions, en effet, que peu de temps à passer dans les environs de Tourtouse, l'aprèsmidi devant être consacrée à l'exploration de gisements plus Intéressants. A onze heures , nous arrivions à Fabas pour y déjeuner et prendre un peu de repos.

Ce village est éloigné de tous les centres importants, de


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sorte que cette région est peu visitée par les géologues et, par suite, peu connue. On se figure qu'il est impossible d'y vivre et d'y coucher, ce qui est une erreur. Si on y va en petit comité, deux au plus, on peut y trouver un abri assez convenable, chez M. Montariol; si on y va en troupe nombreuse, comme la Société géologique, on ne risque pas d'y mourir de faim, à condition de prévenir à l'avance ce brave homme, qui est en même temps boucher, boulanger,aubergiste, limonadier et propriétaire. Ceci n'est pas une réclame payée que je lui fais ; j'ai seulement le désir d'être utile aux géologues qui voudront visiter une région intéressante. C'est d'ailleurs dans ce but humanitaire que j'ai insisté sur la partie matérielle de nos excursions, car ce petit compte rendu a la prétention modeste d'être une espèce de guide du géologue. Donc, les membres de la Société géologique déjeunèrent à Fabas et s'empressèrent de reprendre leurs travaux.

Leur attention se porta d'abord sur un lambeau de Tertiaire qui forme un petit mamelon, au sommet duquel se trouve le village; ce terrain est assez complet. M. Hébert, qui en a donné une coupe, a montré que l'on y trouve toute la série, depuis le Poudingue du Palassou, jusqu'aux calcaires à échinides. A la suite, dans la direction du nord, on rencontre un beau développement du Danien. L'assise à micraster Tercensis y est bien représentée par de nombreux fossiles. Chacun put en recueillir en quantité. Les autres niveaux signalés par Leymerie y existent et ne sont pas moins importants qu'à Ausseing. Il convient de signaler un calcaire lithographique dont certains bancs renferment des coquilles lacustres, et dans lebuel on a ouvert une carrière. Cette exploitation ne paraît pas donner de bons résultats, à cause des veines cristallines que présente le calcaire, et l'on devra se borner à extraire la pierre de taille, qui est de bonne qualité; celle de Saint-Jean, près de Foix, est du même niveau. Tout cela fait partie d'une bande qui entre dans l'Ariège vers Cérisols, et parcourt tout le département, en se dédoublant aux deux extrémités.

A la base de ce Danien, la Société put voir les calcaires à hémipneustes, qui forment la partie inférieure de l'étage


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et se dirigent vers Poudoulaye. A la suite, il y a une série composée d'argiles et de grès, qui se poursuit vers SainteCroix. Cet ensemble avait été considéré comme Sénonien jusqu'à ce jour ; M. Hébert paraît disposé à rattacher le tout au Danien.

Vers le bas de la côte, il y a plusieurs niveaux importants, entre autres des grès calcarifères à orbitolites, des argiles à grandes huîtres et un banc peu épais rempli de grosses actéonelles. Ces fossiles gigantesques sont en si grand nombre, que tous les membres de la Société purent en prendre un chargement, ce qui terminait bien cette journée intéressante. A sept heures, nous arrivions à SainteCroix.

Ce gros bourg est situé dans un bas fond traversé par le Volp. On peut dire qu'il est séparé du reste de l'Ariège. En effet, on y arrive assez difficilement du Mas-d'Azil et de Saint-Girons, par des routes accidentées et fort mauvaises. Les relations seraient plus faciles avec la Haute-Garonne, mais les chemins sont inachevés et mal entretenus; c'est ce qui se voit toujours à la limite de deux départements. Les habitants de Sainte-Croix sont donc peu favorisés. Cependant, leur pays offre des ressources et gagnerait à être connu.

On prétendait que la Société géologique ne pourrait pas s'y installer; l'expérience est faite et voilà encore un préjugé déraciné. Il y a un hôtel qui ne manque pas de confortable et sur l'enseigne duquel on lit : Au portail de fer. Grâce à l'activité de M. B... et au bon vouloir des habitants, qui offrirent leurs meilleures chambres, et que je suis heureux de remercier ici, les membres de la Société furent bien logés. On eut quelque peine, il est vrai, à trouver un lit assez long pour un noble étranger venu des bords de la Tamise, qui est aussi grand par la taille que par le savoir, mais enfin on réussit à le satisfaire. Certainement nos excursionnistes furent plus heureux qu'un géologue de mes amis, dont je vais vous raconter la triste aventure.

Il était arrivé à Sainte-Croix un dimanche soir, bien fatigué et traînant la patte. Malheureusement pour lui, on Célébrait la fête patronale et on ne put pas le recevoir à


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l'hôtel; il dut se réfugier dans une mauvaise gargote.Tandis qu'il dînait, un indiscret eut la curiosité de regarder dans son sac et y vit, parmi les fossiles qu'il avait recueillis, trois ou quatre numéros de la République française. Le cas était grave, sous l'ordre moral. Le lendemain matin, notre géologue se disposait à continuer son voyage, lorsqu'il vit arriver un gendarme. « Votre passeport, Monsieur, s'écrie le brave militaire. » Pour toute réponse, notre homme montre son marteau. « Je vous demande si vous avez des papiers. » Le géologue exhibe ses fossiles et diverses pierres, précieuses pour lui. « Ce n'est pas tout ça, continue le fonctionnaire, suivez-moi à la gendarmerie. »

Grand émoi dans Sainte-Croix, tous les habitants se montrent dans la rue pour voir passer ce misérable, tandis que tous les caniches du pays aboient après lui. On l'introduit dans une salle où il se trouve en présence du brigadier et de cinq ou six gendarmes. L'interrogatoire commence ; il fallut décliner ses nom, prénoms, profession, etc., nommer les personnes que le coupable connaissait dans le département, ce qui aurait pu être assez long, attendu qu'il était Ariégeois. Ses réponses ne satisfirent pas le brigadier et il se voyait déjà conduit de brigade en brigade jusqu'à Foix. « Monsieur, dit le chef des gendarmes, vous venez de Paris, nous le savons ; vous n'avez pas de passeport, et il en faut un, quand on voyage ; ceci n'est pas clair. » Vous avez raison, répondirent en choeur les jaunes baudriers.

Sur ces entrefaites, arrive le maire, M. R., un excellent homme; il veut faire comprendre au farouche brigadier que le coupable n'est qu'un voyageur inoffensif, qui fait des études géologiques, et en même temps il montre les fossiles du sac. « Qu'est ce que c'est que ça ! des pierres qui ne prouvent rien ! » Le maire insiste et demande la mise en liberté immédiate. Enfin, le brigadier cède, en disant à M. R. qu'il lui laisse la responsabilité de cette affaire. Le pauvre géologue put continuer sa route, après avoir perdu un temps précieux et remercié son sauveur.

Aujourd'hui, les habitants de Sainte-Croix sont débarrassés de ce brigadier étonnant et les géologues peuvent aller dans ce pays en toute sécurité.


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La journée du 27 septembre, qui était la dernière de l'excursion, s'annonçait mal, car il pleuvait. Néanmoins, on se mit en route de bonne heure pour visiter les environs de Sainte-Croix.

Le vallon, dans lequel se trouve le bourg et les collines qui le dominent de tous les côtés, appartiennent au Sénonien et au Danien. Le Volp, qui parcourt la dépression du sudest au nord-ouest, paraît établir une ligne de démarcation entre les deux systèmes, si on admet que les assises à orbitolites et le banc à actéonelles font partie du Sénonien. Pour sortir du vallon, la rivière passe dans une fracture des calcaires lithographiques. On peut faire vers Buholoup une coupe intéressante, dans laquelle le Danien et le Tertiaire inférieur figurent deux fois. Sur ce point, la Société constata la présence de l'assise à micraster Tercensis, avec les fossiles de ce niveau. Avec cela, il y a des calcaires à echinantus et des argiles bleues et jaunâtres à serpules et autres coquilles, dans lesquels on a pratiqué une grande tranchée pour l'établissement de la nouvelle route. Tout cela est fort difficile à débrouiller, et M. Hébert pense qu'il faut faire intervenir l'action des failles pour retrouver la succession.

En rentrant à Sainte-Croix, la Société a pu observer la partie inférieure du Danien avec des fossiles intéressants; il y a des niveaux à huîtres et à cyrènes qui sont fort riches.

Après déjeuner, on visita ce qui se trouve sur la rive gauche du Volp ; il y a là une véritable lumachelle à grandes huîtres (Ostrea Verneuilli) et grès calcarifères à Rudistes.

A midi, nous quittions cette région intéressante que plusieurs d'entre nous voudront revoir, sans doute, et nous prenions la direction de Mérigon.

Jusqu'à la Reille, on coupe les assises Daniennes. Sur ce point on voit, au bord de la route et dans les ravins qui sillonnent la colline, des blocs d'un poudingue violacé, qui paraissent provenir du Trias. Actuellement, ils font partie d'une formation glaciaire qui couronne les hauteurs vers le nord est; les ravinements les font descendre dans le Volp, et un habitant de Sainte-Croix en tire parti pour la fabri-


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cation de meules de moulin; il en vend des fragments plus petits qui servent à broyer les couleurs. Les assises Sénoniennes ne tardent pas à se montrer ; vers Pas-de-Gazaille, il y a un niveau inséressant à huîtres et à cyclolites.

Ce système de grès et d'argiles se poursuit jusqu'aux environs de Mérigon où il est recouvert par le Danien. A la base de ce terrain, il y a un banc fort intéressant ; c'est un grès bleu rempli de fossiles, Cyrènes, Melanopsis, etc., et de traces charbonneuses. Vers le sud-est, ce Danien avec ses argiles rutilantes est recouvert par les calcaires tertiaires du plateau de Camarade.

Au-delà de Mérigon, les assises daniennes prennent un beau développement et peuvent être facilement étudiées, grâce à la nouvelle route qui les coupe entièrement. Les calcaires lithographiques sont intéressants sur ce point. En suivant le chemin, on trouve des alternances de Tertiaire et de Danien; le fait que j'ai signalé à Buholoup paraît se reproduire ici, mais il est plus facile à expliquer. Avant d'arriver au moulin de Pascaly, on peut voir, dans les assises les plus inférieures du Tertiaire, un niveau assez intéressant et qui est d'ailleurs constant dans l'Ariège ; il s'agit d'un calcaire bleuâtre, bigarré de blanc par une algue incrustante appelée lithottialmium.

M. Hébert a fait observer que cette roche pourrai donner un beau marbre.

Nous voici à Montardit. Sur les bancs fort redressés des calcaires lithographiques, formant une crête escarpée, les habitants ont mis leurs maisons à l'abri des inondations, et M. Cabibel a fait construire un superbe clocher. Ce Danien renferme les coquilles lacustres dont j'ai déja parlé.

Le Sénonien de cette région est aussi fossilifère que celui de Sainte-Croix. Plusieurs des fossiles de la collection, dont M. le curé de Montardit a enrichi le musée de Foix, en proviennent. Les Cyclolites ont étés recueillis au nordouest de Contrazy ; les ostrea Verneuilli ont été trouvées à Bigasse, les acteoneita gigantea sont de cette même localité un peu plus au sud. Ce Sénonien peut être suivi jusqu'à Martilol ; et au-delà, on rencontre le Cénomanien, qui est si puissant vers Contrazy et Cabanères.


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Les obervations de la Société géologique se sont terminées au bas de l'interminable côte du Cassé. Vers la fin d'une journée bien remplie, le géologue déja fatigué, ne pouvait avoir qu'un souci, atteindre le plus tôt possible les hauteurs de Tucau et de Gabax. Il y a cependant des choses intéressantes le long de cette route. Après avoir coupé du Jurassique, et peut être de l'Urgonien, on rencontre une série puissante de Cénomanien et, vers le haut, les assises schisteuses du Gault. C'est ce dernier terrain qui se développe, avec des alternances de calcaire réquiénies et de dolomies coralliennes jusqu'à Audinac. Malgré l'heure avancée, la Société s'arrêta quelques instants près du village, où le Gault, bien représenté, est fossilifère. On y trouve des Ammonites, des Nucules, des Oursins et beaucoup d'autres espèces de ce niveau.

Après un arrêt de quelques minutes à l'embranchement des routes de Foix et d'Audinac, où il y a du Lias supérieur fossilifère, nous remontions en voiture et nous ne tardions pas à arriver à Saint Girons. Nous étions au terme de nos fatigues.

Le soir, après dîner, nous nous réunissions au grand café. MM. les membres du cercle avaient bien voulu nous offrir une de leurs salles ; c'est là qu'eut lieu notre séance de clôture. Elle fut ouverte par l'admission de notre compatriote, M. le docteur Soula. Malgré les fatigues de la session, pendant laquelle il ne s'était pas ménagé, M. Hébert prit la parole, et après avoir donné une coupe générale de tous les terrains qui se trouvent dans l'Ariège, fit un rapide examen de la constitution géologique de la région. Bien que les idées du savant géologue aient déjà été exposées dans ce compte rendu, je les résumerai afin de préciser les faits les plus importants et d'indiquer les lignes générales.

En descendant l'échelle chronologique des terrains, nous trouvons dans l'Ariège :

Les dépôts quaternaires ;

Le Miocène ;

L'Eocène, qui est représenté par le sous-étage supérieur et le sous-étage moyen.

Le premier de ces deux termes comprend le Poudin-


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gue de Palassou, au-dessous duquel prend place le lacustre à Paleotherium.

Le sous-étage moyen peut être divisé en trois parties : au sommet, il y a des argiles et des grès à Nummulites ; à la partie moyenne, des assises à cérithes et à alveolina melo; à la base, on trouve les couches à Milliolites dont la partie supérieure renferme des oursins et des algues marines, reposant sur des calcaires à oriolampas Michelini.

Voilà pour le Tertiaire, car nous n'avons pas d'Eocène inférieur dans le département.

Le terrain crétacé comprend :

Le Danien, qui se compose de la manière suivante : une assise à operculina Héberti, des calcaires marneux, à micraster Tercensis, des calcaires lithographiques à coquilles lacustres, les marnes à cyrènes (c'est le niveau des argiles rutilantes), les calcaires à Hemipneustes ;

Le Sénonien, dans lequel l'assise à Actéonelles et les grès de Celles prennent place;

Le Turonien, qui se compose des bancs à Hippurites et do l'assise à micraster Heberti.

Le Cénomanien, que nous avons signalé à Péreille, Morenci, Sézenac, Cabanères, etc. ;

Le Gault ;

L'Urgonien, dont la base est formée par la couche ferrugineuse ou bauxite.

Le Jurassique est représenté : par les calcaires à Nérinées et les Dolomies, c'est-à-dire le Coralien, le Lias et l'Infra lias 1 avicula conforta et bactryllium.

Au-dessous vient le Trias, dans lequel on peut distinguer deux niveaux : au sommet, les marnes irisées; à la base le poudingue (verrucano) ;

Cette série secondaire est assez complète.

Les ophites se placent entre le Trias et le Dévonien.

Celui-ci, qui est le plus récent de notre série primaire, se compose de calcaires griottes à la partie supérieure, et de calschistes à la base ;

Au-dessous vient le Silurien;

Enfin les gneiss, les micaschistes et les calcaires cipolins constituent la série cristallophyllienne; elle est traversée


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par les granites, pegmatites et autres roches éruptives.

Après cet exposé, M. Mayer, le géologue de Zurich, présenta quelques observations sur le Tertiaire.

M. Capellîni se fit l'interprète de tous les membres de la Société et adressa à M. Hébert des remercîments chaleureux.

Ses modestes collaborateurs dans l'organisation des excursions ne furent pas oubliés, et M. Vilanova y Piera, notre aimable confrère, dont la bonne humeur nous avait tant de fois égayés pendant la session, se chargea de les remercier. Faire de la géologie sous la direction des maîtres les plus éminents et les plus distingués, dont la bienveillance ne s'était pas démentie un seul instant, était pour eux une récompense suffisante et ils se trouvaient bien dédommagés de leurs peines. Il est juste de dire qu'ils avaient été bien secondés. A Foix, ils avaient trouvé des auxiliaires intelligents, dévoués, infatigables, que j'ai eu l'occasion de nommer. Il leur revient une bonne part des remercîments de M. Vilanova. Dans les localites o ù les membres de la Société avaient dû s'installer ou prendre des repas, ils avaient été bien traités; presque toujours, les conditions avaient été raisonnables. Enfin, grâce à M. D.,de Pamiers, et au concours de M. A., de Foix, le service des voitures avait parfaitement fonctionné. M. D. s'est toujours montré accommodant et plein d'obligeance ; je suis heureux de lui dire que tous les membres de la Société ont témoigné plus d'une fois leur satisfaction.

Après avoir remercié MM. les membres du cercle de leur aimable hospitalité, les excursionnistes se séparèrent. La session était terminée.

J'ai l'espoir qu'elle n'aura pas été sans profit pour l'Ariège. Notre département méritait d'être connu; ses richesses minéralogiques devaient être mises en évidence.

Le passage de la Société aura ouvert un nouveau champ des plus intéressants aux observations géologiques ; le goût des recherches se développera dans l'Ariège, et notre petite phalange de chercheurs grossira tous les jours.

Que les nouveaux venus se mettent à l'oeuvre le plus tôt possible, car si leurs devanciers ont fait beaucoup, il reste


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encore beaucoup à faire. Qu'ils suivent la voie déjà tracée par les géologues, à qui nous devons tant d'observations intéressantes, et au premier rang desquels il faut placer M. Hébert. Cet hommage que je lui rends n'est qu'un faible écho de celui que M. de Rouville, son éminent collègue, lui adressait dernièrement dans un petit compte rendu fort intéressant de la session extraordinaire. Après avoir analysé, brièvement et avec une grande compétence, les travaux de la session, le savant professeur de Montpellier donne à chacun la petite part qui lui revient, et termine ainsi : « Nos derniers mots seront une nouvelle expression de notre reconnaissance pour les précieuses leçons d'observations et de pratique géologiques que nous devons à notre président, M. Hébert. Il y a quelques années, l'Institut consacrait sa notoriété européenne ; mais les honneurs du fauteuil académique ne lui ont pas fait délaisser les bancs moins moëlleux de l'école; nous voulons dire de l'école des faits, dans laquelle chaque année, pendant plusieurs mois, avec une humilité digne d'admiration et un opiniâtre labeur, il vient épeler quelques pages du Grand Livre, et amasser les documents qui lui permettent de continuer l'oeuvre stratigraphique des Brongniart et des d'Orbigny, pour la plus grande gloire de la géologie française, dont il est tout ensemble l'éminent représentant, l'ouvrier infatigable et, sans conteste, l'interprète le plus dévoué et le plus bienveillant. »

Donation de G. Orset, de Saint-Girons, aux Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem. 1272

Texte en dialecte Gascon (1)

I. AVANT-PROPOS

Les Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem établirent,

bientôt après leur fondation, des maisons de refuge auprès

des principaux passages des Pyrénées. Ils étaient à Salau,

probablement dès la fin du Xlle siècle, car déjà en 1203,

(1) Ce document, a été copié d'après le parchemin original conservé aux Archives de la Haute-Garonne, fonds de Malte, carton de Salau.


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l'acte le plus ancien, qui nous ait été conservé, mentionne une vente consentie au commandeur d'Artigue, en faveur de l'hôpital de Sainte-Marie de Salau et de tous ses habitants. (1)

Ils acquirent de même ou reçurent des possessions à Saint-Girons; lorsque les visiteurs de l'Ordre se rendaient dans la vallée du Salat, c'est le plus souvent à SaintGirons qu'ils s'arrêtaient. La première charte qui les concerne, est un acte d'échange de quelques pièces de terre, daté du mois de mai 1268, entre le commandeur de Salau, Guillaume Raymond, et les deux frères Bernard et Raymond Garssia, habitants de Saint-Girons. (2) En 1272, Guillaume Orset dicta la donation que nous publions plus bas. Peu d'années après le vicomte de Couserans, Arnaud d'Espagne, vendit au commandeur de Salau un moulin sur le Salat, et la vente fut approuvée, le Dimanche 11 septembre 1300, par Nicolas de Luzarches, sénéchal de Toulouse.

Les Hospitaliers conservèrent leurs possessions de Saint-Girons et de Salau, qui relevaient de la commanderie de Caignac. Le 8 juin 1650, Louis de Tersac-Montberaud, commandeur de Caignac, affermait dans le château seigneurial de Palamini, à deux marchands de SaintGirons Pierre Ausies et Jean Aycard, le moulin bladier et le moulin foulon joignant, sur le Salât, au quartier appelé le Bourg, ensemble les droits d'oblies, lods et ventes et autres droits seigneuriaux que l'Ordre prélevait aux lieux d'Audinac et de Salau, au Poussetou, juridiction de SaintGirons, et à Encourtiech, juridiction de La Court, pour trois ans, au prix de 660 livres par an. (3)

Mais un siècle après, les revenus du moulin étaient absorbés, comme ceux de tant d'autres, par les réparations continuelles de la chaussée, d'autant que le droit de mouture n'était plus que du 32e, la moitié de ce qu'il était dans

(1) Archives de la Haute-Garonne : Fonds de Malte, carton de Salau. fia chapelle de Salau; Mémoires de la Société Archéologique du Midi de la France, t. XI, p. 410.)

(2) Même fonds des Archives de la Haute-Garonne, carton de SaintGirons.

(3) Moulin bladier, 430 livres; moulin foulon, 140 livres; Audinac et Salau, 45 livres; Poussetou, 27 livres ; Encourtiech; 17 livres.


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les autres moulins du pays. Le commandeur Gabriel de Thomas-Gignac, consentit, le 10 décembre 1751, un bail à fief, à titre de fief noble, du moulin farinier, du moulin foulon et de la chaussée, en faveur de Joseph Cler , marchand au Port-Garaud de Toulouse, sous l'albergue d'une croix de Malte d'or de la valeur d'au moins 200 livres, payable à chaque fête de Noël au château de Caignac, en réservant seulement la justice et l'hommage. Il abandonna même la livraison de la croix de Malte pour la premiere année , en considération des réparations à faire à la chaussée, évaluées à 7,000 livres par l'ingénieur Garipuy. Mais le fermier se trouva encore en perte; un procès s'ensuivit, et le 12 janvier 1774, un décret du Sacré conseil de l'Ordre ordonnait l'abandon du moulin de Saint-Girons pour une rente de 150 livres.

La donation de Guillaume Orset est écrite en dialecte gascon ; on remarquera comme très caractéristiques , les formes soberdit, aperag, Ihun temps, vier pour venir, les terminaisons enag (voluntag, auctontag). Cette charte offre aussi un intérêt d'un autre genre par la mention des lois romaines dont l'application se propageait à cette époque dans les transactions de la vie civile comme dans l'administration de la justice.

II. TEXTE

In nomine Domini Nostri Jesu Christi. Conoguda causa sia a totas personas presents et endevenidoras que W. Orset de Sent Girontz, jazent de malautia en l'Ospital de Sent Marti, empero ab so bo sen et ab bona memoria, no cotreit ni decebug per alqun ni per la causa mazeissa (1), mais de sa certa ciensa et agradabla voluntag, ad aisso amenag per feet per grandevocio que avia al dit Ospital, et per salvacio de la sua anima et de tôt so linhagie, dona per se et per tôt so orden, per tots temps, en durabletag, ab titol de perfect et pura donacio entre vius et no revocabla, à Dieu et à I'Ospital soberdit de sent Marti et al comanador d'aquel loc et de Salau et à tots sos successos et à tot lo covent del dit

(1) Ni par la cause elle-même, c'est à dire sans obligation.


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loc present et endevenidor, totas las teras hermas et condreitas et tots les dreits els deves, que el avia ni aver devia en denguna maniera en tot la pertiement in el loc que es aperag Sogor ; et I. quair de tera que es al terador de Shuliar; et afronta de dus estremps ab la tera lor mazeissa del dit Ospital ; de la u estremps afronta ab la tera de Fauro de Betaro et ab la tera que es entre lors estremps. Els dona encara per aquera mazeissa razo tot cant avia ni aver devia en tot aquel camp de Pomer, lequal es al terador et en la pertiement de viela.

Totas aquestas causas et bes soberdits dona le dit W. Orset al dit Ospital et al soberdit comanador et à tot lo covent d'aquel loc, a francamentz et senes degun aute retenement que aqui no fe à lu ni als sos en denguna maniera, enants ne mes ades, empresent le dit Ospital en posesio de feit et de dreit ab aquesta present carta publica per tots temps valedora, lequal comanador soberdit aqui present et recebent per nom del dit Ospital et de tot lo covent present o endevenidor tots les dits bes, enasi cum son ab los entratz e los essitz et dreits et deves et pertinensas.

Et renoncia le dit W. Orset à tota eccepcio d'engan et ad aquel dreit que dits que donacios se poguen revoquar per desagradansa et ad aquel aute dreit que dits que donacios de causa feica valent mes de D. (1) sols no valen senes insinuacio o auctoritag de jugie.

Tota la soberdita donacio so feita ab espres autreg et ab voluntag de na Guillelma, sa molher, et de R.lor filh. Laquai na Guillelma certificada renoncia à tot dreit d'ipoteca et à la lei Julia que deveda alienacio de las causas dotais. Et ensemps renonciarem espresament à tots autes dreitz et leiss et costumas escriutas et no escriutas et usagies, per quais encontra poguesan vier (2) en denguna maniera, prometens fermamentz que nos farem ni faran causa lhun temps, par quai la dita donacio se posca revocar en tot ni en partida en denguna maniera.

Testimonis : en W.Pons, notari; Faures de Betaro; P.R.;

(1) Cinq cents.

(2) Vier pour venir.


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W. de Talha et W. Marti, notari public de Sent Girontz, que aquesta carta recebet XIII° die exitûs mensis Marcii anno Domini m° cc° lxx primo, regnante Filipo Francorum rege, P. (1) episcopo Conseranense ; Arnaud de Ispania, domino.

Laquai carta trobada notada enta les memorials del dit

notari, per soberventa de la sua mort, de manament

d'auctoritag del dit senhor Arnaud de Ispanha et des

cossols de la dita viela de Sent Girons, Ar. Garsia, notari

public de la dita viela, la escrius (2)

J. DE LAHONDÈS

Nomenclature des Dolmens de l'Ariège.

Lettre à M. le Président de la Commission de Géographie historique de la France.

I. AVANT-PROPOS.

M. le Ministre de l'Instruction publique a chargé la Commission de Géographie historique (3) de la France de dresser, par département, la liste des dolmens de la Gaule. Vers la fin de février dernier, le président de la Commission, M. Henri Martin, a invité les sociétés savantes et les correspondants du Ministère à rectifier ou à compléter pour leur département le projet de nomenclature, dont un extrait était joint à la circulaire.

En insérant dans le Bulletin de la Société Ariégeoise la communication adressée à la commission, notre but est de montrer que notre pays, entre autres sujets d'études , offre aux investigations des chercheurs un certain

(1) Pierre de Saboulies, évêque de Couserans 1270-1272.

(2) Cette charte doit être datée du 13 mars 1272. Au Moyen-Age, l'année commençant à Pâques, il est nécessaire, pour établir une concordance entre notre façon de dater qui fait partir l'année du premier janvier, de mettre 1272 au lieu de 1271. qui est dans le texte.

(3) Cette commission est aujourd'hui réunie au Comité d'archéologie.


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nombre de monuments mégalithiques. En outre, cette publication est susceptible de provoquer des observations ou de faire connaître des dolmens dont l'existence n'a pas encore été constatée. Ces indications pourront être utilisées au moment où l'on procédera à la rédaction définitive de la nomenclature officielle.

II. LETTRE.

Foix, le 26 juin 1883.

Monsieur le Président,

Au commencement de cette année, vous m'avez demandé, en ma qualité de correspondant du Ministère de l'Instruction publique, de vous transmettre les renseignements que je pourrais recueillir sur les dolmens et allées couvertes de l'Ariège. Votre dépêche contenait la liste des localités du département où l'on a signalé des monuments de ce genre : vous m'avez invité à proposer les modifications que je croirais nécessaires.

Avant de vous faire parvenir ma réponse, j'ai tenu à me procurer des indications aussi précises que possible ; à cet effet, j'ai consulté les brochures où la question était traitée et je me suis adressé à plusieurs personnes compétentes.

A ma connaissance, il n'existe pas dans l'Ariège d'allées couvertes. En dehors des dolmens, on ne peut guère citer que quelques menhirs, dont les principaux se trouveraient dans le canton de Castillon (1), notamment aux Arz (commune d'Uchentein) et à Aussech (commune des Bordes-sur-Lez) ; leur hauteur ne dépasse pas deux mètres.

Dans notre contrée, ce sont les grottes où l'on rencontre surtout les traces de l'homme préhistorique, contemporain des monuments mégalithiques. A la même époque, les abris pratiqués sous l'anfractuosité d'une roche ou d'un bloc erratique ont également servi de sépulture. Les chambres funéraires de ces abris et les objets qu'ils renferment ne sont pas sans analogie avec les réduits et le

(1) Arrondissement de Saint-Girons.


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mobilier des dolmens ; la position des corps y est presque la même. Tel est le fait relevé par M. l'abbé Cau-Durban, curé des Bordes-sur-Lez, à qui ses découvertes ont permis d'établir des points de comparaison entre les divers modes de sépulture (1) usités par les populations primitives de nos vallées.

Un auteur a même émis l'opinion que si, dans la région des Pyrénées centrales, on ne compte pas un plus grand nombre de monuments mégalithiques, c'est qu'on n'avait pas besoin d'élever de tumuli artificiels, quand les grottes ou les abris sous roche étaient naturellement préparés pour recevoir la dépouille des défunts.

A Carcanières (canton de Quérigut), on a remarqué des blocs de rochers, situés sur un mamelon et disposés dans un ordre qui semble ne pas résulter d'un caprice de la nature, mais être le fait de l'homme. Des haches en pierre et d'autres instruments trouvés dans les environs font supposer qu'on est en présence de monuments mégalithiques d'un usage indéterminé.

Votre demande, Monsieur le Président, n'ayant trait qu'aux dolmens, je ne dois pas pousser plus loin cette digression, et il convient de me renfermer dans les termes mêmes de la question.

Je prends la liberté de vous faire observer qu'il est tout d'abord nécessaire de rayer de votre extrait deux localités qui appartiennent à un autre département. 1° Capelle-Balaguier, qui se trouve dans l'Aveyron (arrondissement de Villefranche) ; 2° Saleich, commune de la Haute-Garonne. Il existe bien dans l'Ariège (canton de Vicdessos) une commune nommée Saleix; mais, jusqu'à présent, on n'y a constaté la présence d'aucun dolmen.

Dans les nomenclatures précédentes, on a porté à tort deux monuments, l'un à Sem, près de la mine de Rancié (canton de Vicdessos), l'autre à Bédeilhac, sur le flanc du rocher de Soudour (canton de Tarascon-sur-Ariège).Cette opinion a longtemps prévalu; elle semble maintenant abandonnée, à en juger par votre liste, où ne figure pas le nom de ces

(1) Sépultures antiques au Sarrat de Guilaire. Toulouse, 1882.


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deux localités. Ces prétendus monuments consistent chacun en un bloc erratique retenu sur le penchant de la montagne par des pierres qui, de loin, paraissent en former le support.

Je crois qu'il y a lieu de dresser, comme il suit, la liste de l'Ariège et de mentionner neuf dolmens en bon état ou détruits, mais dont l'existence a été reconnue exactement.

Veuillez agréer, etc.

III. NOMENCLATURE DES DOLMENS.. Avant de donner ce document tel que les renseignements recueillis m'ont permis de l'établir, je reproduis, d'après la nomenclature qu'a publiée la Revue archéologique en 1878 (1), le passage concernant notre département et sur lequel la commission a réclamé des explications rectificatives et complémentaires.

ARIÈGE

Les Bordes-sur-Arize dolmens 2

Camarade « 1

Capelle-Balaguier « 2

Cérizols « 1

Gabre « 1

Le Mas-d'Azil « 2

Sabarat « 1

Saleich « 1 Liste rectifiée

CANTON DU MAS-D'AZIL

1° Commune des Bordes-sur-Arize (2) :

Balignas (3), un démoli, mais dont la table est intacte.

2° Commune de Camarade :

(1) Tome XXXV, pages 316 et suivantes.

(2) Les indications relatives aux dolmens des cantons du Mas-d'Azi et de Sainte-Croix sont tirées d'un Mémoire de M. l'abbé Pouech, chanoine de Pamiers, qui a soigneusement reconnu et exploré ces divers monuments. (Bulletin de la Société archéologique du Tarnet-Garonne. n° 7 du tome V, 1870, et n° 3 du tome II, 1872.)

(3) Les noms en italique désignent les hameaux ou lieux dits où l'on a signalé l'existence des monuments.


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Commenge, un entier. 3° Commune de Gabre : Coudère, un entier. Commune du Mas-d'Azil : Cap-del-Pouech, un entier; Scignas, un entier; Bidot, un entier. 5° Commune de Sabarat : Peyré, un entier.

CANTON DE SAINTE-CROIX

Commune de Cérizols :

Couteret, un démoli.

L'emplacement en a été reconnu par M. Pouech, qui y a recueilli des objets analogues à ceux trouvés dans les dolmens du canton du Mas-d'Azil.

CANTON DE CASTILLON

Commune des Bordes-sur-Lez :

Ayer, un entier.

Ce monument a été découvert et fouillé, en octobre 1882, par M. l'abbé Cau-Durban, curé de la paroisse, qui, à côté de deux squelettes, a ramassé des débris de poterie et quelques pointes de silex. Les deux squelettes ne reposaient pas à côté l'un de l'autre, mais étaient séparés par une épaisse couche de terre.

F. PASQUIER,

Archiviste de l'Ariège. Correspondant du Ministère de I'Instruction.publique.



ROMAINS ET SOTIATES DANS LE PAYS DE FOIX ( 1)

MESSIEURS ET CHERS COLLÈGUES,

La destinée de toute innovation ou découverte, en fait d'histoire, comme en fait de tout autre science, est de donner naissance à bien des contradictions. Les uns la combattront, parce qu'ayant écrit, imprimé des thèses contraires à ce que d'autres viennent de découvrir, y sont poussés par un sentiment d'amour-propre très peu en harmonie avec le désir de faire progresser la science. Certains, et le nombre en est grand, n'ayant que ces derniers pour guides, et se retranchant derrière des écrits, dont ils n'ont pas pris la peine d'examiner le fond, s'élèveront aussi contre la révélation nouvellement formulée. Pour peu donc, qu'abstraction faite de tout orgueil personnel, on ne veuille que faire triompher une vérité historique, et il en est de même pour toutes les connaissances humaines, on doit s'armer d'un certain courage et no pas s'offusquer même des attaques de quelques contradicteurs. Si l'idée nouvelle est bonne et juste, en dépit de toute opposition, elle est appelée à faire son chemin, comme on dit, et à être acceptée.

Pas une question historique n'a donné lieu à tant de controverses que celle de la situation géographique des SOTIATES, tribu aquitanique, qui, la première, s'opposa à l'invasion romaine dans l'Aquitaine et dans les Pyrénées.

Nous n'avons qu'un seul auteur latin, écrivant à l'époque même de ces mémorables luttes, qui puisse nous éclairer à ce sujet ; c'est à lui qu'il faut recourir, si l'on veut connaître le véritable théâtre des combats livrés par ces Aquitains contre les Romains. Cet auteur est César, qui

(1) La Société est heureuse d'insérer le présent Mémoire qui lui a été communiqué dans une de ses séances, par son honorable Président honoraire.


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dans le troisième livre de ses Commentaires, a parlé de cette guerre de l'armée romaine avec les SOTIATES Aquitains (1).

Un savant académicien, voilà environ deux cents ans,Lancelot(2),ne se pénétra que des termes employés par César, (qui lui-même avait ordonné cette guerre dont il laissa le soin à son lieutenant Crassus) ; il comprit qu'à moins de ne pas suivre la leçon de César et de ne tenir aucun compte de ce qui est écrit dans les Commentaires, la rencontre de ces Aquitains, nommés SOTIATES, avec les Romains ne pouvait avoir eu pour théâtre que le PAYS DE FOIX, aujourd'hui l'Ariège.

Cette question pour nous, Messieurs, vaut donc la peine d'être examinée et tirée au clair ; et peut-être Lancelot, tant cette situation géographique lui paraissait incontestable, eût-il le tort de ne pas entrer dans quelques détails explicatifs à cet égard, et de ne pas mettre en saillie tous les motifs qui avaient déterminé sa conviction. Il dut à cette lacune, à cette négligence, si l'on veut, de se voir attaqué de vingt côtés même avec assez d'acrimonie et de persiflage.

Les historiens de Languedoc plus réservés que le docte académicien, dont je viens de parler, ne se dissimulaient point que celui-ci pouvait avoir raison ; mais eux, si compétents sur ces matières, n'en laissent pas moins la question indécise. Ils nous disent, en effet, que s'en tenant au nom, les uns ont vu ces SOTIATES dans la contrée LIMITROPHE DU BASADAIS, les autres dans le COMTÉ DE FOIX (3).

Devant cette indécision des érudits bénédictins, on doit être peu étonné si nos autres grands historiens et géographes, occupés de questions générales, n'ont donné qu'une attention bien secondaire à un fait isolé, n'ayant, au premier aspect, d'intérêt que pour nos monographies méridionales Ils s'y sont si peu arrêtés qu'ils ne sont pas même d'accord entre eux sur la place occupée par les SOTIATES. Ainsi notre plus complet historien français, Henri Martin (4), suivant l'opinion d'Hénard, de Danvile et de Walkenaer, voit cette tribu Euske à l'extrémité orientale du BASADAIS et dos Landes, à une mutation (mutatio), d'après les itinéraires, portant le nom latin de SCITIUM, et d'après des chartes bien postérieures, celui de Sos. Amédéé Thierry (5), fort de l'opinion de

(1) Il y eut deux campagnes distinctes entre les Romains et les SOTIATES; l'une en 78 et l'autre en 58 avant J.-C.

(2) Mémoires de l'académie des inscriptions, tome V, p. 290.

(3) Histoire générale de Languedoc, t. I, p. III.

(4) H. Martin, Histoire de France, tome I.

(5) A. Thierry, Histoire des Gaulois, tome II, page 352.


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Samson, les colloque à LECTOURE. Je dois aussi, toutefois, mettre à cet égard en relief la carte géographique d'un savant hollandais (1) qui, fidèle interprète de César et de Strabon, s'étant à coup sûr aussi inspiré de ce qu'avait écrit Lancelot, a jugé convenable de désigner la place des SOTIATES dans les montagnes de l'Ariège.

A leur suite, une foule de modernes écrivains du midi de la France (2), qui auraient dû étudier la question à tous les points de vue, ont suivi le drapeau, les uns d'Henri Martin, les autres d'Amédée Thierry. Il on est même qui, ayant la prétention de donner du nouveau, assignent à nos SOTIATES, ainsi ballotés d'une localité à l'autre, ceux-là CONDOM, ceux-ci un SOST au sud de Tarbes, et un dernier, SOTIATE , hameau perdu dans les Landes du côté de l'Océan.

J'étais bien obscur, pour redonner quelque vie à la thèse trop oubliée de Lancelot. Cependant je l'ai tenté, bien convaincu que cet académicien avait seul raison contre tous. Les membres de l'Institut, en 1856, semblèrent vouloir m'encourager à poursuivre ma plaidoirie en faveur du thème que je venais de remettre sur le tapis. Ne devais-je pas m'attendre à de vives critiques venant d'ailleurs ? Ces critiques n'ont pas manqué. Mais ce qui doit, Messieurs, me les faire oublier, c'est la bonne grâce avec laquelle vous m'avez accueilli dans votre sein, en me confiant un poste honoraire, dont je suis fier. Cette délicate prévenance de votre part ne m'impose pas moins, comme devoir, do rentrer, à propos de nos SOTIATES, dans des explications propres à déterminer votre conviction, comme elles ont déterminé la mienne.

Rassurez-vous pourtant, Messieurs, sur l'étendue à donner à cette dissertation , que je crois nécessaire ; elle consistera , le texte de César à la main, à reproduire, dans un certain ordre, les motifs principaux qui doivent faire gagner à notre pays D'OUÏCH, son historique et interminable procès.

Voici d'abord la traduction littérale du texte des Commentaires que je vais invoquer.

« César donne à Grassus l'ordre de marcher contre l'Aquitaine avec « douze cohortes prises dans les légions et avec un corps imposant do « cavalerie pour empêcher les Aquitains de porter secours aux Gaulois « et empêcher tant de peuplades de se liguer ensemble...

« Presque en même temps Publius Grassus arrive dans l'Aquitaine.

(1) Cette carte existe à la Bibliothèque de Foix.

(2) J'ai donné leurs noms dans mon premier mémoire sur les Sotiates, 1856, page 18.


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« Cette partie des Gaules, par son étendue et sa population, forme, « comme nous l'avons dit, le tiers de la Gaule. Crassus, persuadé qu'il « ne pénétrerait pas dans le pays, où il allait faire la guerre, sans dif« ficulté, comprit qu'il ne pouvait s'empêcher de prendre des précau« tions et d'agir avec diligence ; car il allait attaquer ceux-là même qui, « peu auparavant (1), avaient fait mordre la poussière au lieutenant « Valerius Preconius, et mis en pleine déroute avec son armée et ses « bagages le proconsul Lollius Manilius. Aussi (2) pourvut-il ses soldats « de vivres, les disposa-t-il en bon ordre et, après avoir fait un appel " nominatif aux nombreux et vaillants guerriers de TOULOUSE, CARCAS« SONNE et NARBONNE, villes qui faisaient partie de la province romaine « et qui étaient limitrophes (finilimae) de ces contrées, il introduisit son « armée sur la terre (fines) des SOTIATES....

Un peu plus loin, César ajoute : « La lutte fut longue et opiniâtre. « Les SOTIATES fiers de leurs anciennes victoires (Sotiates superioribus « victoriis freti) voyaient dans leur résistance le salut de l'Aquitaine. »

César mentionne ici visiblement deux campagnes parfaitement distinctes contre des Aquitains qu'il nomme SOTIATES, dont le territoire touchait (finitimoe) à celui de TOULOUSE , CARCASSONNE et NARBONNE , contiguïté qu'il ne faut pas perdre de vue, pas plus que ces anciennes victoires remportées par les SOTIATES et qui les rendaient si fiers (freti).

Le but de la seconde campagne dirigée par Crassus, César nous l'a expliqué. C'était, d'une part, d'empêcher les Aquitains de porter secours aux tribus celtiques, qui, sans doute, n'étaient pas complètement soumises ; de l'autre, de commencer la guerre dans l'Aquitaine par ces mêmes SOTIATES que d'anciens succès avaient enhardis.

César nous a dépeint les grands revers de Lollius Manilius, mais nous a laissé ignorer la cause de cette première expédition contre les Aquitains. A défaut, Plutarque va indirectement nous faire connaître le motif qu'eut Lollius Manilius pour en venir aux mains avec ces derniers.

Sertorius, dit-il (3), pressait vivement Métellus, général romain, ayant alors son armée sur les bords de la SÈGRE (rivière qui prend sa source au sud des vallées ariégeoises). Ce Métellus se voyant près de

(1) 78 ans avant J.-C.

(2) 58 ans avant J.-C.

(3) Amyot, Plutarque, vie de Sertorius: tome V, p. 357.


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succomber envoya des émissaires au proconsul de la province, Lolllus Manilius, dont le siège était à Narbonne, pour obtenir de lui un prompt secours. Ainsi parle Plutarque; et la cause de la guerre entreprise alors par ce Manilius contre les Aquitains, qui n'étaient autres que les SOTIATES, s'explique naturellement. Ce proconsul romain marcha de la Province vers la SÈGRE avec son armée. Les Commentaires nous ont fixé sur les suites déplorables de cette première expédition.

Mais quelle voie avait pris Lollius Manilius pour rejoindre Métellus sur les bords de la SÈGRE ? C'est un problème qu'il faut ici résoudre.

Si César ne nous eût affirmé que ce fût des Aquitains dont il fallait traverser le territoire, nous pourrions croire que Manilius avait pris, pour aboutir à la SÈGRE, non pas sans doute la route la plus directe, celle qui passait chez les SORDES (1), mais du moins la plus ouverte, la plus facile. Les SORDES n'étaient pas Aquitains, ils faisaient partie de la Province et par conséquent ils n'étaient pas hostiles à Manilius. Or, comme celui-ci fut obligé d'en venir aux mains avec ceux qui s'opposèrent à son passage, et qui formaient une tribu Aquitanique, il n'était donc pas venu passer chez les SORDES. C'est sur une autre voie qu'il faut chercher le théâtre de cette première expédition, et cette roule devait aboutir à la SÈGRE (ne l'oublions point) en partant de TOULOUSE, CARCASSONNE ou NARBONNE, villes limitrophes du pays où les combats allaient se livrer.

Au sud de NARBONNE et au sud de CARCASSONNE, les Pyrénées ou plutôt les contreforts des Corbières forment une barrière inabordable à une armée traînant après elle d'assez lourds bagages. On ne saurait concevoir que Manilius eût cherché un passage à travers ces montagnes, pour aller en Espagne joindre le corps d'armée de Métellus.

Au sud de TOULOUSE, au contraire, après avoir traversé une plaine de facile accès, une voie s'ouvre dans l'espèce do défilé nommé de temps immémorial le PAS DE LA BARRE. En longeant et remontant le cours de l'Ariège, cette voie s'élève de vallons en vallons, qui sont d'ailleurs très abordables, quoique légèrement échelonnés, et l'on aboutit à un col (celui du Puymorens actuel), dans les ramifications duquel, sur le versant méridional, sourd la SÈGRE qui, après avoir baigné le territoire des BERGUSIENS, va s'unir à l'Èbre chez les anciens ILERGÈTES.

Si les écrivains, qui se sont occupés de la situation géographique des Sotiates, avaient pris la peine de rechercher le but que voulait atteindre Manilius dans cette campagne de 78 ans avant l'ère chrétienne, entre(1)

entre(1) Perpignan.


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prise contre des Aquitains, ils se seraient donné de garde de placer les SOTIATES, soit au SCITIUM du Basadais, qui n'a pris le nom de Sos que bien des siècles plus tard, soit à LECTOURE et autres lie IX. Pas un de ces auteurs ne paraît avoir consulté Plutarque, ni même pesé sur cette précision si claire de César qui a écrit que les territoires de TOULOUSE, CARCASSONNE et NARBONNE étaient limitrophes de la patrie des SOTIATES, alors que le SCITIUM et Lectoure étaient séparés du territoire de ces trois villes par bien des clans Aquitaniques.

Il devrait suffire, ce me semble, d'avoir prouvé que ces Aquitains n'avaient pu exister qu'entre l'une de ces trois villes et le cours de la SÈGRE. Mais ceux qui à toute force les veulent à l'ouest de la Province et non pas au sud, c'est-à-dire vers les Landes, se sont fait une arme du nom de leur Sos qui n'a figuré dans la géographie, ou plutôt dans quelques vieilles chartes, que huit ou neuf cents ans après César. Pour éloigner les Sotiates du pays de Foix, ils vont même jusqu'à dire que ce pays n'a jamais fait partie de l'Aquitaine; que la description donnée par César de la contrée où Crassus porta la guerre, ne saurait en rien convenir à la vallée de l'Ariège; et qu'enfin, les Commentaires n'ont jamais fait mention du nom de Foix.

Permettez-moi, messieurs, au risque de fatiguer votre attention, souvent par des redites devenues nécessaires, de démasquer les batteries de mes contradicteurs et de répondre à leur feu.

Premièrement, dit-on, le pays de Foix n'aurait pas appartenu à l'Aquitaine. Les Sotiates étant reconnus par tous comme Aquitains , il faut donc les chercher ailleurs que dans le pays de Foix.

César semble d'abord avoir répondu à cette question en disant que le pays où avait été vaincu Manilius, habité par des Aquitains SOTIATES, était limitrophe des villes de TOULOUSE, CARCASSONNE et NARBONNE. Si vers l'Orient il y avait des Aquitains jusques vis-à-vis NARBONNE, les vallées de l'Aude, de l'Ariège et du Salat étaient donc comprises dans l'Aquitaine, qu'on a voulu borner à l'Est dans la vallée d'Aran. Cette limitation est si incontestable que Strabon s'en tenant à la géographie du divin Jules, suivant son expression, borne l'Aquitaine vers l'Orient, à ce groupe de Pyrénées qui se redresse à angle droit vers les Cévennes ; or, les CÉVENNES n'existent qu'au nord de Carcassonne et de Narbonne. Et ces contreforts dos Pyrénées se dirigeant à angle droit vers les Cévennes sont bien à l'orient du pays de Foix : ce sont les GORBIERES, dont a voulu parler Strabon. Catel, du reste, de Marca et les historiens de Languedoc ont prouvé qu'il était inadmissible de voir l'Aquitaine de


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César bornée par la rive gauche de la Garonne, depuis sa source (1). Le pays de Foix était donc Aquitain.

Secondement, je n'ai tu d'autre motif de placer les Sotiates dans le pays de Foix que parce que là existe le bourg de Vic-de-Sos.

J'ai dans divers écrits prouvé que j'attachais bien peu d'importance à ce nom, pourtant assez caractéristique, puisque je me suis principalement appliqué à faire toujours ressortir aux yeux du lecteur des motifs bien plus déterminants. Peut-être ai-je eu tort de ne pas ajouter à mes preuves, puisées aux meilleures sources, celles que pouvait me fournir la linguistique. Permettez-moi, Messieurs, de remplir devant vous cette lacune, vous laissant juger par vous-même si l'aperçu philologique, que je vais vous soumettre, ne vient point à l'appui de la thèse que je soutiens en me retranchant d'abord et toujours derrière les écrits de César, Strabon, Plutarque et Lancelot.

Si le nom de Sos doit nous mettre sur la voie pour retrouver la patrie des SOTIATES, ce n'est pas seulement le Vicus DE SOS qui doit appeler notre attention. Au nord, et à l'extrémité de notre Ariègo, sur une ligne courant de TOULOUSE à CARCASSONNE, non loin d'un fines Romain, les itinéraires latins signalent un SOSTOMAGUS, signifiant, d'après les philologues, le Sos DE LA PLAINE. Cette place a disparu dans la contrée où on remarque aujourd'hui FINDEILLE et GARDOUCH, dont les appellations pourraient aussi donner lieu à des appréciations linguistiques.

En remontant de ce SOSTOMAGUS au sud vers la montagne et au point où le pays commence à être accidenté, se trouve le SOSERTO des vieux actes, aujourd'hui le SAUTEL. A trente kilomètres plus haut en remontant le cours de l'Ariège, cette rivière reçoit un de ses plus importants affluents nommé le Sos, même déjà à l'époque romaine, comme on va le voir tout à l'heure. Cet affluent coulant dans une vallée latérale nous conduit à un ancien bourg dont le nom paraît ibérien, Sosill; de nos jours SAUSEIL OU SOSEL. Au-dessus du vallon pittoresque où ce bourg est situé, d'un côté s'élèvent des montagnes que l'on peut franchir pour aller en Espagne par deux ports distincts, celui de RAT et celui de TABASCAN ; de l'autre, au levant est une montagne dans laquelle se trouve la plus ancienne et la plus riche carrière de minerai de fer des Pyrénées. C'est, accoudé au vieux bourg de SOSEL, que nous apparaît le bourg évidemment latin de VICUS-DE-SOS dans certains actes du Moyen-Age, et de VICUS-SOTIATIUM dans d'autres chartes. Remarquons que sur un

(1) Voir mon mémoire sur les limites de l'Aquitaine d'avant César.


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mamelon au-dessus de ces deux bourgs soudés ensemble existent les ruines d'un vieux CASTRUM Romain, qui, bâti par ceux ayant intérêt à l'exploitation de ces carrières, avait pour destination de tenir ce peuple de mineurs dans la dépendance.

Certes, les Sos nombreux du pays de Foix, si on doit attacher une certaine importance à des données philologiques, se présentent ici avec d'autres titres que ceux du SCITIUM du Basadais, métamorphosé bien tard en ce Sos que l'on nous oppose, et cela pour prouver en résultat que ces SOTIATES, qui avaient vaincu Manilius venant de TOULOUSE, CARCASSONNE et NARBONNE aux bords de la Sègre, habitaient la contrée entre EAUSE et BASAS.

A l'appui de cette opinion étrange, pour ne pas autrement la qualifier, on nous oppose l'autorité de Danville, qui a prétendu en effet que Crassus vint d'Angers, en traversant le pays des PICTONS, des PETROCORIENS et des NITIOBRIGES , aboutir au fines D'AIGUILLON pour attaquer les SOTIATES sur la rive gauche de la Garonne, entre les VOCATES et les ELEUSATES, dans un quadrilatère de 25 à 30 kilomètres au plus d'étendue (1). Où Danville a-t-il pris les détails de cette marche de Crassus ? Il ne le dit point. Mais, ce qui est hors de doute, c'est qu'il est en contradiction manifeste avec César et Plutarque ; et que les Commentaires n'ont pas dit un mot de cette marche de Crassus, qui est de l'invention de Danville. La carte géographique de l'Aquitaine , calquée par Napoléon III sur celle de Walkenaer, a été de l'invention de ce dernier grand géographe qui ne savait trop que faire de nos SOTIATES.

Une assez bizarre opposition au système de Lancelot et au mien doit encore être signalée :

Rien de ce que César nous apprend du pays où Crassus va pénétrer n'est applicable au pays de Foix et se rapporte très exactement au Sos du Basadais.

Je suis amené à dire que ceux qui veulent, à tout prix, voir les SOTIATES à ce Sos, autrefois SCITIUM, n'ont pas, d'un côté, lu ou du moins compris César ; et, de l'autre, n'ont pas visité la contrée où est situé le prétendu Sos qu'ils patronnent. Aux alentours de cette localité (que j'ai visitée), il n'y a pas de vallée ni les moindres défilés (in convalle, in insidiis) ; pas la moindre trace non plus d'un oppidum, fort de sa position naturelle et des ouvrages d'art qui le défendaient (naturd manuque munitum). César nous parle de l'habileté des gens du pays

(1) Voir les cartes de l'ancienne Aquitaine de Walkenaer et de Napoléon III.


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dans l'art du mineur, car ces Aquitains contrariaient la marche du siège, en détruisant les ouvrages des assiégeants par des mines (cujus rei sunt longe peritissimi Aquitani, propterea quod mullis locis apud eos aerariae secturae sunt); on vain on cherche vers ce Sos, Scitium, la moindre carrière minérale ; et il faudrait supposer que ces mineurs redoutés des Romains n'étaient pas indigènes.

A un autre point de vue, Walkenaer et Napoléon III ont assigné à ces SOTIATES du Basadais, par eux placés entre les VOCATES et les ELEUSATES, pour patrie un espace ayant tout au plus 30 kilomètres carrés : or il est difficile do comprendre que les combattants d'un recoin aussi rétréci eussent pu acquérir cotte grande réputation en fait de cavalerie que César donne aux Sotiates (equitatuqve quo plurimum valebant). Bien mieux, les monnaies des SOTIATES font de leur pays un royaume (Adietuanus rex), et César donne à ce chef pour compagnons d'armes six cents chefs de clans [quos illi Soldurii appellant). Il est assez difficile d'admettre qu'un quadrilatère de 30 kilomètres au plus constituât un royaume renfermant surtout six cents seigneuries; car ces SOLDURI nous apparaissent là, d'après ce qu'en dit César, jouant le rôle qu'ont joué plus tard les comtes et vicomtes dans la féodalité.

Il n'y a rien sur ce théâtre prétendu qui réponde au portrait que César nous a fait du pays vers lequel Crassus fit marcher son armée. Aussi doit-on être peu étonné de voir Amédée Thierry placer ailleurs cet oppidum (naturâ manuque munitum). S'il l'a vu à LECTOURE, c'est que la situation naturelle de celte ancienne forteresse des LECTORATES pouvait jusqu'à un certain point l'y autoriser. Toutefois le texte de César aurait dû lui faire abandonner LECTOURE, puisque d'une part ce n'était pas par cette contrée que Manilius, partant de TOULOUSE,CARCASSONNE ou NARBONNE, était passé pour aller sur les bords do la SÈGRE ; et, d'autre part, parce que le territoire do Lectoure n'était limitrophe (finitimae) d'aucune de ces trois villes.

Le théâtre où je n'ai pas hésité, Messieurs, de placer l'attaque et la marche de Crassus contre les SOTIATES est à deux pas de vous; et le César à la main, il vous sera facile de juger, si j'ai été oui ou non dans le vrai. Voici du reste mes motifs, pris do la situation des lieux, pour me confirmer dans l'assurance que m'avait donnée déjà soit l'exposé des Commentaires, soit la lecture de Plutarque, nous disant que les bords de lu Sègre, qui étaient assignés à Manilius, étaient le but du rendez-vous.

Le pays, dit César, où les Sotiates, fiers de leurs anciennes victoires,


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attendaient les Romains, présentait d'abord une plaine où les deux cavaleries en vinrent aux mains, celle de ces Sotiates jouissant au loin d'une grande renommée. A l'extrémité de cette plaine s'ouvrait une gorge propre à y dresser des embûches (in convalle, in insidiis). Jetons les yeux sur la plaine de Varilhes, terminée au sud par le pas de Saint-Jean et de Labarre, où est tracé le seul chemin qui conduise de Toulouse à la SÈGRE, nous ne pourrons qu'y reconnaître le théâtre du premier combat. Là eut lieu une assez longue lutte (pugnatum est diu atque acriter). Les SOTIATES reculent, et Crassus, du chemin même qui traverse le défilé commence le siège de L'OPPIDUM (ex itinere oppidum Sotiatum oppugnare copit). Là sur la partie plane où est la voie et sur toute la colline qui la domine au levant, on a trouvé et on trouve encore des monnaies consulaires, des armes brisées et jusqu'à des tombeaux de l'époque romaine. C'est du haut de cette colline d'où l'on voyait L'OPPIDUM DES SOTIATES attaché à son rocher (naturâ manuque munitum) que Crassus donnait ses ordres et surveillait les mouvements du siège. Une tour massive, qui existe encore sous le nom de la TOUR D'OBS, semble le prouver, elle a pu tirer son nom de L'OBSIDIONIS latin tour du siège. Auprès de L'OPPIDUM, l'armée romaine s'est, de son côté, fortifiée. Au-dessus de la place assiégée est le camp de LIVONE où on a découvert, comme à Saint-Jean, les mêmes richesses numismatiques. Quant à ces mineurs qui contrariaient si activement les Romains dans leurs travaux do siège ils étaient du pays même. Car Dictrich nous a appris qu'aux portos de Foix, à FERRIÈRES ET A SAINT-PAUL, aussi bien qu'au Rancier de la vallée do Sos, des mines étaient exploitées. Est-ce que de temps immémorial, l'entrée de cette gorge conduisant en Espagne ne devait pas être défendue par une imposante place forte ? Et n'est-il pas naturel de contredire ceux qui prétendent que le ROC DE FOUÏCH n'a été fortifié et n'a pris un nom que plusieurs siècles après César ? Quant à l'étendue de la patrie des SOTIATES, rien ne nous dit qu'elle n'avait pas pour borne orientale cette partie des CORBIÊRES s'avançant à angle droit au nord vers les CÉVENNES, comme l'a écrit Strabon, et pour limite occidentale les affluents du Salat. Dans ce grand périmètre que nos contradicteurs ont laissé sans nom dans leurs cartes, on ne sera pas étonné de voir son chef y battre monnaie, y prendre le titre de roi et avoir à sa suite six cents SOLDURES associés à sa puissance. On ne devra pas être surpris non plus si les plantureuses vallées de ces montagnes pouvaient donner quelque réputation aux chevaux qu'on y élevait et aux


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cavaliers qui les montaient, puisque de nos jours la race chevaline de l'Ariège jouit encore d'un' certain renom.

Mais, ajoutent mes contradicteurs, César n'a pas donné le nom de FOIX OU de FOUÏCH à L'OPPIDUM DES SOTIATES. On est autorise à leur demander si César a inscrit les noms de SCITIUM ou de LECTOURE dans ses Commentaires. En général, nous ne voyons guère cet historien donner aux divers OPPIDUM que le nom dos tribus auxquelles ces places fortes commandaient. En général, le nom do L'OPPIDUM était barbare, difficile à prononcer, à écrire et surtout à orthographier, témoin notre FOUÏCH OU HOUÏCH, dénomination qui paraît certes appartenir à un idiome primitif.

A propos do ce mémorable siège de L'OPPIDUM des SOTIATES, il ne faut pas oublier ce qu'a écrit Florus. Crassus, dit-il, faisant la guerre aux Aquitains, poussa la barbarie jusqu'à étouffer ces ennemis dans les grottes. Nous no connaissons que deux campagnes do Crassus contre l'Aquitaine. La première fut entreprise contre les Sotiates ; l'oppidum de cette tribu fut pris et rasé : la destruction d'une si forte place ayant épouvanté les autres Aquitains (commoti), il partit (profectus est) pour aller porter la guerre chez les VASATES et les TARUSATES. Dans la contrée de ces deux tribus on n'a jamais signalé de grottes ; le pays est composé de plaines sablonneuses et de collines peu élevées. Ce n'est donc pas dans cette seconde campagne que Crassus étouffa les Aquitains dans les grottes. Aux environs du point où je ne crains point de répéter qu'était l'oppidum des SOTIATES, c'est-à-dire à FOUÏCH, les paléontologues ont signalé plus de vingt grottes. Notons encore qu'il n'y en a pas une seule autour du Sos de mes contradicteurs.

Pour faire accepter par tout lecteur impartial la thèse, dont le mérite revient à l'académicien Lancelot, j'ai recouru au seul texte d'abord de César, et subsidiairement à l'autorité de Plutarque, Strabon et Florus.Si j'ai fait un appel à la linguistique, je ne l'ai fait qu'en me tenant dans une certaine réserve. Je dois en mettre encore une plus grande, en vous rappelant, pour on finir, une tradition locale, mais essentiellement légendaire. Lorsque dans nos vallées une famille, un homme est complètement ruiné, à bout de chemin, le dicton populaire prononce ce mystérieux arrêt : ES A FOUÏCH ; et les gascons voisins qui ont conservé l'aspiration ibérienne disent ES A HOUÏCH. J'ai eu beau fouiller dans l'histoire de notre pays, je n'y ai rien trouvé qui put expliquer cet énigme local, que cette ruine complète du HOUÏCH, oppidum des SOTIATES Ariégeois rasé de fond en comble par Crassus.

ADOLPHE GARRIGOU.


LES GROTTES DE DURBAN

A quelques kilomètres de la Bastide-de-Sérou, en allant de Foix à Saint-Girons, on rencontre l'embranchement de la route qui conduit au Mas-d'Azil, en passant par Durban. Tournez à droite et descendez le cours de l'Arize. Cette vallée est incontestablement une des plus pittoresques de l'Ariège. Là-haut, sur ce piton, ciselé par les siècles, se dressent les ruines du castel de Durban ; elles se profilent dans le ciel comme la silhouette d'un burg antique, aux bords du Rhin. Plus loin, à gauche, des croyants ont tracé un calvaire et construit des oratoires sur les flancs de la montagne dénudée. Marchez toujours et, les yeux encore éblouis par les rayons que se renvoient les murailles calcaires, vous vous enfoncez avec l'Arize sous les voûtes prodigieuses de la grotte du Mas-d'Azil. Après les aigles, les chauve-souris. Dans le lit même de l'Arize, en réparant la route, on trouva naguère une défense de mammouth. Dans les galeries supérieures,les silex taillés ont été récoltés en abondance.

Les bêtes féroces ont toujours aimé ces lieux, depuis la préhistoire jusqu'à l'époque moderne. C'est ainsi qu'après les ours et les hyènes, vinrent, à leur tour, hurler et s'entr'égorger ici, les protestants et les catholiques. Les fauves avaient trouvé des successeurs dignes d'eux.

GROTTE DE GOUARNÉ

Mais il nous faut revenir sur nos pas. Aussi bien nous avions négligé ce grand trou béant que l'on voit en face de soi, à deux kilomètres de Durban et à cinquante mètres environ au-dessus du moulin de Gouarné.

Nous avons visité, il y a quelques mois, cette caverne, en compagnie de notre regretté président Duclos, de M. Henri Paul, préfet de l'Ariège, et de M. Martin, notre collègue.


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L'accès est facile. L'ouverture n'a pas moins de dix mètres de hauteur sur une largeur presque égale. Elle regarde le sud-est. Le sol n'est d'abord que la roche même de la montagne, sans stalactites et sans éboulis. A une vingtaine de mètres de l'entrée, on trouve d'épaisses couches de terre descendue là, soit de la partie supérieure de la grotte, soit des fissures latérales. Le couloir se rétrécit et devient rapidement dangereux. On est obligé de faire une véritable ascension souterraine, par une pente fort rapide. Pour notre part, nous jugeâmes prudent de ne pas pousser au-delà d'une soixantaine de mètres ; d'autant plus que nos pas soulevaient en certains endroits une poussière noire et que nos poumons se trouvaient mal à l'aise dans cette sorte d'étuve où l'air se faisait rare.

Notre visite, en somme, eût été sans résultat, si nous n'avions pas eu l'idée de pénétrer dans une excavation peu profonde qui se trouve sur la gauche en entrant, à quelques pas seulement de l'ouverture.

Ce recoin avait malheureusement été fouillé, nous ne savons par qui ; nous avons pu cependant constater l'existence d'une brèche pétrie de silex et d'ossements divers parmi lesquels des os de renne. Les restes de cette brèche adhèrent aux parois à quinze centimètres du sol et se détachent difficilement.

Gouarné a donc servi d'asile à l'homme préhistorique. Nos investigations furent courtes, mais nous ne pensons pas que des travaux ultérieurs puissent amener d'autres résultats que cette constatation.

Signalons pourtant aux curieux, à trente mètres de l'ouverture de la grotte que nous quittons, et à la même hauteur, sur la gauche, une salle assez vaste qui a pu parfaitement servir d'abri, mais dont le sol couvert de rocs ne pourrait être fouillé qu'après un travail de plusieurs heures.

GROTTE DE MALARNAUD

Si, du moulin de Gouarné, vous prenez le chemin qui gravit la montagne vers l'ouest, arrêtez-vous aux premières maisons que vous rencontrerez au bout d'une demi-heure environ. Demandez à un pâtre ou à un laboureur de vous conduire au trou de Malamaud. Les indications verbales ne suffiraient pas, soyez-en sûr, car Malarnaud est bien le site le plus embroussaillé que l'on puisse rêver. Ayez de fortes chaussures et surtout des pieds solides. Faites à la science le sacrifice méritoire de vêtements que vous rapporterez en piteux état; souciez-vous des ronces, des houx, des épines blanches ou noires, moins qu'un Sybarite d'un pli de rose et descendez les escarpements qui dominent l'Arize, entre les


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strates perpendiculaires du Néocomien supérieur. Vous pourrez, si le coeur vous en dit, guetter de temps à autre quelques fossiles dégagés par les hivers, mais le mieux sera, croyons-nous, do calculer chaque pas.

C'est bien ; hissez-vous maintenant, unguibus, jusqu'à l'orifice que vous apercevez tout noir à travers la végétation sombre. Les blaireaux y ont bien passé; vous voyez leurs traces partout. Vous y voilà. La voûte a plus do six mètres de hauteur. La galerie est large. Nous commençons à nous consoler d'être venus dans ce repaire.

A quelques pas de l'entrée, en un point où la lumière du ciel arrive pâle d'en haut, par une fissure do la montagne, la grotte dont le sol est horizontal fait un coude à gauche puis se bifurque. La première branche à gauche est assez largo et a bien cinquante mètres au moins de longueur. Elle n'offre rien de remarquable et les fouilles y seraient très probablement inutiles. Elle se termine franchement contre le roc.

L'embranchement de droite est de beaucoup le plus considérable et le plus intéressant. On circule partout aisément jusqu'à un abîme dont la profondeur, au bruit que faisaient les rocs en y tombant, nous parût effrayante.

Au-delà de l'abîme, la galerie continue, mais nous ne saurions en parler ne l'ayant pas visitée plus loin.

Nous fîmes donner quelques coups do pioche dans cette partie de la grotte qui précède l'abîme. Ils. suffirent pour amener à la surface des ossements d'Ursus speleus. Point de stalactites : une couche de terre épaisse et peu humide dans laquelle les blaireaux creusent leurs galeries. Dans ce sol ainsi bouleversé nous trouvâmes la partie antérieure d'une mâchoire inférieure d'homme, avec les dents. Cette pièce, dans les conditions indiquées plus haut, ne saurait avoir une grande importance. Il est dans tous les cas bon de la signaler, no serait-ce que pour encourager à des fouilles plus sérieuses.

Nous n'avons fait, en somme, que reconnaître la grotte de Malarnaud. Il faudra y revenir quelque jour.

Quoi qu'il arrive, les grottes de Durban méritent d'être classées parmi les grottes intéressantes de l'Ariège. Gouarné fut un abri de l'homme et Malarnaud fut hospitalier à l'ours des cavernes. La Société ariègeoise voudra sans doute savoir si Malarnaud a tout dit à ses premiers visiteurs.

JULES GRÉGOIRE.


MÉMOIRE

Sur un fragment de machoire d'un grand Saurien fossile de la famille des ICHTHYOSAURES, trouvé à Bédeille, canton de Sainte-Croix (Ariège), par M. l'abbé Pouech, chanoine de Pamiers (1).

Tel est le titre d'un nouveau travail scientifique que l'éminent géologue de Pamiers vient de livrer à la publicité. OEuvre longtemps réfléchie, sérieusement élaborée et vraiment digne du savant que naguère les suffrages unanimes de ses collègues de la Société géologique de France honoraient du fauteuil de la vice-présidence, durant leur session extraordinaire de 1882, dans l'Ariège.

Le docte chanoine nous révèle, dans son MÉMOIRE, la découverte faite par lui d'un fragment de rostre fossile ayant appartenu à l'un de ces énormes Sauriens, qui ont vécu dans les périodes géologiques du monde antédiluvien.

Jusqu'ici les auteurs classiques regardaient ce genre de fossile comme appartenant exclusivement aux terrains jurassiques et à ceux qui leur sont immédiatement inférieurs. La découverte de M. l'abbé Pouech introduit, désormais, une modification dans cet enseignement, qui devra reconnaître que, dans les Pyrénées du moins, on le rencontre aussi dans les terrains crétacés supérieurs. Peut-être encore , devra-t-on étendre les types de la classe des Ichthyosaures (2) ; car le sujet étudié par M. l'abbé Pouech ne semble pouvoir être assimilé à aucun

(1) Brochure in-8°, Privat, Toulouse, 1883. (Prix : 2 fr).

(2) « Cette famille singulière des Ichthyosaures semble faire le passage des reptiles aux

cétacés Ces animaux ont le museau et l'aspect d'un marsouin, la tête d'un lézard, les

dents d'un crocodile, les vertèbres d'un poisson, le sternum d'un omithoryuque et les nageoires d'une baleine." (Alcide d'Orbigny, cours élémentaire de paléontologie et de géologie stratigraphiques ; t. 1, p. 209, § 272).


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des types connus (1). Ce sont là les deux caractères originaux et vraiment remarquables de sa nouvelle découverte.

Le Mémoire est divisé par chapitres où sont successivement étudiés la forme générale du rostre ou museau, ses diverses parties, corps osseux, dents inférieures et supérieures, structure des gouttières dentaires, mode et progrès de la dentition du reptile, et le niveau géologique du lieu d'extraction du fossile.

Grâce à cette division méthodique, le lecteur même qui n'a pas de profondes connaissances spéciales peut suivre l'examen de l'objet, que l'auteur a eu l'heureuse pensée de placer sous ses yeux, dans quatre planches gravées avec cette fidélité de détails et cette sûreté de traits qui distingue l'habile crayon de M. Baylac.

Le style précis, simple et clair des grandes traditions classiques, enlève à une étude technique ce qu'elle pourrait avoir d'aride pour les esprits peu familiarisés avec l'histoire naturelle. Mais l'expérimenté professeur, qui a si longtemps occupé diverses chaires dans le séminaire diocésain, connaît à un rare degré le secret de communiquer ce qu'il sait.

Aussi ceux qui n'ont plus le bonheur d'entendre sa parole voudrontils se dédommager en lisant ce qu'il écrit si bien et trouveront, comme nous, leur ancien maître, dans ses livres, comme dans sa chaire, toujours digne de leur sympathique admiration et de leur respect.

L'ABBÉ D. CAU-DURBAN.

(1) En attribuant au sujet qui fait l'objet de cette étude trente-six dents à chaque mâchoire, comme à l'Ichthyosaurus communis, et prenant 0m12 pour quatre dents, ce qui est le cas de notre fossile, on trouve 1m08 pour la longueur totale de la partie armée de ces mâchoires; et, comme d'après les proportions du squelette de ce même Ichthyosaurus communis, représenté dans l'Atlas de Cuvier, pl. CCLX, fig. G, cette même longueur entre cinq fois dans la longueur du squelette entier, en le rapprochant de ce type, on trouve que notre Ichthyosaure aurait cinq fois 1m08 ou 5m40 de long. (Mémoire par l'abbé Pouech, p. 19. Note.)


UN JOYAU DES COMTES DE FOIX AU XVe SIÈCLE

I

AVANT-PROPOS

Au XV siècle les princes de la Maison de Foix, en dignes successeurs de Gaston-Phoebus, tenaient à se distinguer par leur faste et à réunir dans leur trésor les objets les plus rares et les plus précieux. Au nombre des pièces contribuant à l'ornement de leur riche collection figurait une croix garnie de nombreuses pierreries ; la célébrité devait en être grande puisque, en la mentionnant dans un acte public, les notaires l'appelaient « la croix dite des comtes de Foix. »

En 1456, le comte Gaston IV fut obligé de mettre ce joyau en vente. Au moment de l'aliénation, on en dressa un état descriptif permettant d'en faire apprécier la nature et la valeur.

Il est intéressant, pour l'histoire de l'art au moyen âge, de recueillir des indications précises sur la forme et la matière d'une importante pièce de joaillerie.

Dans les circonstances qui accompagnèrent la vente, on peut relever certaines particularités dignes de remarque, notamment les événements à la suite desquels ce bijou, objet d'ardentes convoitises, passa dans le trésor des rois d'Aragon.


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Notre but est de mettre en lumière tous les détails se référant à cette croix, et d'exposer sommairement les motifs qui ont amené lo comte de Foix à s'en défaire (1).

Comme pièces justificatives, nous publions l'acte contenant la description du bijou ; nous donnons en outre quelques documents relatifs à l'histoire de Barcelone et aux institutions de cette ville pendant la seconde moitié du XVe siècle.

II

VENTE DE LA CROIX

Gaston IV (2), comte de Foix, avait épousé Léonor, fille de Jean (3), frère du roi d'Aragon qui, du chef de Blanche sa femme, était devenu roi de Navarre. Quelques années après la mort de cette princesse (4), dont il avait ou deux autres enfants, Charles, prince de Viane, et Blanche , mariée à Henri, roi de Castille, des dissensions éclatèrent dans la famille royale.

Charles réclama le royaume do Navarre comme faisant partie de l'héritage de sa mère. Jean ne se montra pas disposé à se dessaisir de la couronne. Le prince de Viane, aidé de sa soeur, la reine de Castille, parvint cependant à faire reconnaître ses droits dans une partie du pays, où il essaya do se maintenir par la force des armes.

Irrité de la conduite de ses deux enfants, Jean n'hésita pas à les déshériter pour cause d'ingratitude et, par un acte passé à Barcelone le 5 décembre (5) 1455, il appela à la succession de Navarre, Léonor, son autre fille et son mari le comte Gaston de Foix.

Pour recueillir cet héritage, qui avait pour conséquence d'apporter une couronne dans sa Maison, le comte dut recourir aux chances de la guerre. Unissant ses troupes à celles de son beau-père, il commença les

(1) C'est à Urgel, siège d'un diocèse dans lequel la Maison de Foix possédait divers fiefs, notamment le vicomté de Castelbon, que j'ai trouvé les titres concernant cette affaire; ils sont transcrits dans un cahier appartenant à M. Tarragona, avocat à Urgel, à qui j'adresse mes remerciements pour l'obligeance qu'il a mise à me laisser consulter et copier ces textes. L'expédition, authentique et certifiée conforme, est contemporaine de l'original.

(2) Gaston IV, fils du comte Jean 1er, régna de 1436 à 1473.

(3) Ce prince, fils de Ferdinand, roi d'Aragon, monta sur le trône de Navarre en 1425, et sur celui d'Aragon en 1458, à la suite de la mort de son frère Alphonse. L'an 1447, il épousa en secondes noces Jeanne Henriquez, qui fut mère de Ferdinand le Catholique. Jean II mourut en 1479.

(4) Elle mourut en 1441.

(5) Castillon d'Aspet, Histoire du Comté de Foix, t. 11, p. 145.


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hostilités. En 1456, le prince Charles, battu à Estella (1), fût contraint de prendre la fuite et de chercher un refuge auprès de son oncle, Alphonse, roi de Naples.

Les vainqueurs se dirigèrent sur Barcelone où ils furent accueillis avec les honneurs qu'on avait coutume de rendre aux souverains. Gaston déploya dans les tournois la plus brillante valeur et eut soin de faire parade de sa générosité en toute occasion , tenant table ouverte et prodiguant les cadeaux (2). C'était un moyen de gagner des partisans et de soutenir le prestige indispensable àun des plus puissants feudataires de la Catalogne, à un grand seigneur Français et à l'héritier du trône de Navarre.

Cependant, par suite des expéditions militaires et des fêtes, le trésor s'épuisait peu à peu. Au mois de juillet 1456, le comte cherchait à réunir une somme de 30,000 florins d'or. La dépense était urgente, et la recette se faisait attendre. Pour se procurer les ressources nécessaires il ne craignit pas d'avoir recours à des moyens qu'on peut considérer comme de véritables expédients. En effet, contraint de faire face à une situation embarrassée, il n'hésita pas à tarir pour plusieurs années une importante source de revenus et à sacrifier le présent à l'avenir. A l'exemple d'un débiteur besogneux, il mit en gage quelques-uns de ses domaines et vendit des objets de valeur.

Pour servir de garantie aux prêteurs, il choisit en Catalogne le vivicomté de Castelbon (3) et plusieurs autres terres.

Les actes d'engagement, rédigés conformément aux coutumes de Catalogne, renfermaient des clauses analogues à celles usitées en pareil cas. Le prêteur devait , pendant vingt-neuf ans , percevoir les revenus des biens engagés, afin de s'assurer d'une façon régulière le paiement de la somme avancée ; il touchait ainsi, chaque année, avec les intérêts, une partie du capital. Au bout de la vingt-neuvième année il était tenu de rendre les terres à l'emprunteur, qui avait toujours la faculté d'effectuer le remboursement par anticipation.

(1) Ville d'Aragon.

(2) Voir Castillon d'Aspet, Histoire du Comté de Foix, t. 11, p. 153; et CénacMoncaut, Histoire des peuples et Etats pyrénéens, t. 111, p. 377 et suivantes.

(3) Ce domaine était entré dans la Maison de Foix au commencement du XIIIe siècle, à la suite du mariage de Raymond-Roger, comte de Foix, avec Ermessinde, héritière d'Arnaud, vicomte de Castelbon.

Castelbon, dont relevaient les vallées d'Orgama, de Sellent, de Cabo et de Nargo, est situé près d'Urgel.


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Les domaines du comte de Foix étaient des fiefs qui comprenaient des villages jouissant de franchises municipales ; les redevances, que les habitants étaient obligés de payer, n'étaient pas soumises à l'arbitraire du seigneur, mais réglées d'après la coutume et suivant des conditions déterminées. Il était donc nécessaire que les vassaux fussent appelés à intervenir dans les actes pour avoir connaissance des conventions auxquelles ils ne pouvaient rester indifférents. Car elles avaient pour conséquence de los astreindre à porter, pendant un certain temps, à un autre qu'au seigneur le montant du cens annuel.

Les Conseils des villages du vicomté de Castelbon, sur l'invitation qui leur en fut adressée, envoyèrent chacun, un syndic à Barcelone pour prendre part, avec le procureur du comte , à l'engagement du domaine seigneurial. Les syndics stipulèrent au nom de leurs commettants et promirent que ceux-ci accepteraient une substitution temporaire de créancier.

Sur le vicomté de Castelbon, un gentilhomme nommé Louis de Castellet consentit à avancer 16,000 livres. D'autres terres furent également mises on gage ; mais on n'arrivait pas encore à former la somme dont il importait d'avoir la prompte et libre disposition.Le comte ne désirait pas abandonner outre les mains des prêteurs les revenus de tous ses fiefs de Catalogne , dont il aurait fini par n'être plus que le seigneur nominal. Après les immeubles, on recourut à l'aliénation des objets précieux.

Dans une telle occurence, Gaston IV prit le parti de se défaire de la croix conservée dans son trésor; il la confia à son procureur, Arnaud de la Badie, archidiacre de Montesquieu, qui l'apporta à Barcelone, ville riche, où il avait plus de chance d'en tirer bon prix.

Le joyau fut mis en vente; aucun acheteur ne se présenta pour acquérir un objet d'une aussi haute valeur. Il fallait pourtant se procurer de l'argent (1) pour le règlement d'affaires intéressant le bien de l'État. Ayant ordre de ne pas attendre une occasion plus favorable, Arnaud se décida à faire procéder aux enchères. L'opération eut lieu le 30 juin 1456; la croix fut adjugée dix mille livres à quinze personnes associées pour supporter les frais d'un semblable achat.

Le montant du prix ne fut pas versé immédiatement ; une difficulté surgit à propos de l'emploi qu'on ferait d'un bijou devenu la propriété indivise de quinze personnes, au nombre desquelles figurait la femme de Galcéran de Réquescens, gouverneur général de Catalogne. Les

(1) Magnifieus dominus Gasto, cornes Fuxi et Bigorre, habens pro suis negociis suum tranquillum statum maxime concernentibus necessariam pecunie quantitatem...


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acquéreurs n'étaient pas d'accord entre eux et ne semblaient pas disposés à procéder à un partage, pour que chacun put recevoir un lot de pierreries proportionnel à sa mise do fonds. Aucun n'était assez riche pour rembourser ses compagnons et demeurer seul maître de l'objet. Nul ne voulait prendre la responsabilité d'eu rester détenteur jusqu'au moment où l'on se serait arrêté à une résolution définitive. Dans ces conditions, il était même question de faire considérer la vente comme non avenue. Telle n'était pas l'intention du procureur du comte; aussi proposa-t-il un arrangement susceptible, eu contentant tout le monde, de laisser à son maître la possession de l'argent, cui est pretium dicti jocalis maxime necessarium, ainsi que le porte franchement le texte d'un contrat passé entre les parties.

Aux ternies do cet acte, le bijou devait être remis au bureau de change ou de dépôt (1) existant à Barcelone. Arnaud de la Badie, avec le concours des syndics du vicomté de Castelbon, encore retenus pour le règlement des affaires de la seigneurie, déclara aux acheteurs que le comte de Foix supporterait tous les risques et dommages. Peu importait la cause de la perte ou do la détérioration, qu'elle provint du feu, de l'eau, d'un pillage ou d'une sédition ; il suffisait que le fait fût constaté, pour que le comte fût obligé de restituer les dix mille livres. Les syndics se portaient garants de l'exécution de cette clause. Si le remboursement avait lieu par suite d'une circonstance quelconque, le comte et ses cautions étaient subrogés à tous les droits des acquéreurs. Dès le moment où ceux-ci retireraient la croix, ils on devenaient uniquement responsables.

Cette convention mit fin à toutes les discussions ; les acquéreurs versèrent la somme au procureur du comte , qui leur en donna quittance le 5 juillet 1456. Le même jour, ils déterminèrent les conditions relatives au placement et au retrait du joyau. On décida, qu'on devrait le reprendre à la réquisition d'un seul des co-acheteurs , lors même que la majorité serait opposée à cette mesure. Quant à l'omp'oi à en faire, l'on stipula que ce serait l'affaire d'un arrangement ultérieur.

Dix ans après, la situation était encore la même ; les déposants ne semblaient pas encore disposés à prendre un parti, lorsqu'ils furent tirés d'embarras en voyant passer dans le trésor public l'objet en litige.

Ce fut le résultat d'événements amenés par un retour de fortune favorable aux ennemis du comte de Foix. En 1457, Gaston avait quitté Barcelone et s'était rendu à la Cour de France, en vue de solliciter

(1) Tabula cambiorum vel depositorum.


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l'appui du roi Charles VII et d'obtenir la main de Madeleine, fille de ce prince, pour son fils aîné.

Pendant ce temps, son compétiteur à l'héritage de Navarre, Charles, prince de Viane, soutenu par le roi de Naples, rentra en grâce avec son père Jean II d'Aragon. Il revint en Catalogne où il fut accueilli avec des démonstrations d'enthousiasme. La tranquillité no fut pas de longue durée. Le prince de Viane était en butte à la haine de sa marâtre la reine Jeanne Henriquez, qui excitait son père contre lui. Fils d'un premier lit, la couronne d'Aragon lui revenait de droit ; lui mort ou deshérité, elle passait à Ferdinand, fils de Jeanne.

Le roi, cédant aux sollicitations de sa femme, ne tarda pas à se brouiller avec son fils ; il l'accusa d'avoir voulu le trahir en s'alliant avec la Castille et en fomentant des troubles en Navarre.

A la fin de 1459, au moment où les Cortès d'Aragon, réunies à Fraga, venaient d'être dissoutes comme suspectes de sympathies envers le jeune prince, celui-ci fut arrêté et retenu captif par ordre de son père.

A cette nouvelle, Aragonais et Catalans se réunirent pour réclamer la délivrance de Charles, que la Catalogne révoltée proclama comte de Barcelone. Le gouverneur royal Galcéran de Réquescens fut mis en prison , et poursuivi comme coupable d'avoir soutenu les prétentions de Jean II.

En 1461 le prince Charles, relaché par son père, put faire une entrée solennelle à Barcelone, où ses partisans étaient maîtres de la situation. Il ne jouit pas longtemps de son triomphe ; quelques mois après cette réception, il mourut subitement. Sa marâtre, qui ne s'était réconciliée avec lui que pour mieux en venir à ses fins, fut accusée, non sans vraisemblance, de lui avoir fait administrer du poison.

Charles, par testament, laissa tous ses droits à sa soeur Blanche, reine de Castille. Cette princesse ne put recueillir aucun fruit de cette succession ; devenue la prisonnière de sa famille, elle fut livrée à son beau-frère le comte de Foix, qui la retint captive en Béarn. Elle y mourut, en 1462, dans des circonstances qui donnèrent lieu à des suppositions d'empoisonnement.

La reine Jeanne , désireuse d'assurer la couronne d'Aragon à son fils Ferdinand, se rapprocha du comte de Foix, et obtint de son mari que le trône de Navarre, conformément aux conventions antérieures, reviendrait à la comtesse Léonor. Les Catalans ne voulurent pas accepter ces arrangements de famille, et profitèrent de l'occasion pour mettre à leur tête un prince d'une maison étrangère , afin d'affirmer leur indépendance. Soutenus par les Castil-


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lans, qui ne tardèrent pas à les abandonner, ils continuèrent à repousser la domination de Jean II. Ils se livrèrent successivement à un Infant de Portugal, au roi René, comte de Provence; ce ne fut qu'en décembre 1470, qu'épuisés et vaincus, ils se soumirent au roi d'Aragon, (1)

En 1466, Barcelone était encore au pouvoir des rebelles. Il n'est pas étonnant que l'on ait considéré comme confisquée au profit du trésor public la croix vendue par le comte de Foix, adversaire des Catalans, et dont Galcéran de Réquescens, le gouverneur de Catalogne, fidèle à la fortune de ce prince et de son beau-père, était devenu un des principaux acquéreurs.

Le 27 mai de cette même année, un huissier de l'audience royale se présenta devant les administrateurs du bureau des dépôts et leur prescrivit do lui remettre la croix d'or, dita vulgarment del comte de Foix.

Aux termes de cet ordre, le roi devait prendre livraison de ce bijou, parce qu'il était substitué à tous les droits de Galcéran de Réquescens et de plusieurs autres acquéreurs, déclarés ennemis notoires dudit seigneur-roi.

Tous les acquéreurs n'avaient pas pris fait et cause dans la lutte qui avait eu pour conséquence de soumettre Barcelone à la faction opposée au comte de Foix. En frappant de confiscation les biens des partisans de ce prince, on avait eu soin de réserver les droits que des-tiers auraient pu faire valoir. Aussi fut-il bien reconnu dans l'ordre royal que la restitution devait être faite aux acquéreurs non suspects.

Le lendemain de la mise en demeure , les administrateurs, sans faire la moindre objection, délivrèrent au trésorier du roi le bijou que depuis dix ans ils conservaient en dépôt.

Quant aux autres intéressés, on peut supposer qu'ils ne manquèrent pas de réclamer la part revenant à chacun d'eux , soit en nature, soit en argent.

Que devint la croix, quand elle fut sortie du dépôt? Afin d'en rester unique possesseur, le gouvernement royal indemnisa-t-il les personnes avec lesquelles il s'en trouvait propriétaire indivis? Ce sont autant de questions que l'absence de documents nous empêche de résoudre. Dans un temps de troubles semblable à celui que traversait Barcelone en 1466, il est probable et même certain qu'en retirant un objet d'un si haut prix, on ne cherchait pas à en orner les collections

(1) Cénac-Moncaut, Histoire des peuples et états Pyrénéens, t. III, ch. V et VI.


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royales. L'argent faisait défaut; par la vente des pierreries garnissant la croix, on devait avoir en vue de réunir rapidement les ressources destinées à faire face aux éventualités du moment.

Si l'origine de cette croix, qui constituait un bijou do famille dans la Maison de Foix, demeure inconnue, si l'on n'en fixe pas la date de fabrication, on peut conjecturer que l'année 1466 vit la destruction d'une pièce d'orfèvrerie, dont la description d'un commissaire priseur a seule transmis le souvenir.

III

DESCRIPTION DE LA CROIX

Avant de reproduire l'état dressé au moment où le joyau fut confié au bureau des dépôts, il convient de résumer et de grouper les principaux passages de ce document.

On ne donne ni les dimensions ni le poids du bijou ; on se contente de dire qu'il est en or et fait en forme de croix de sainte Anne , in signum crucis dicte de sanctâ Anna. D'après le texte, ce serait simplement une croix, dont une des branches serait plus grande que l'autre ; je n'ai pas trouvé d'autre explication pour en déterminer les caractères distinctifs.

Ce n'était pas dans le but de faire ressortir les mérites artistiques de la pièce que l'acte avait été rédigé ; on s'était préoccupé de donner une énumération susceptible de faire connaître le nombre exact de pierreries dont on prenait charge (1).

Le bijou était renfermé dans un écrin de cuir noir que garnissaient quatre petits cadenas.

D'une base octogonale, formant le pied de la croix, dont chaque pan était un bandeau, s'élevait, à en juger par les termes mêmes de l'acte, un renflement appelé le pommeau, lo pom, et divisé en huit sections. Chaque section devait ressembler à l'ornement connu sous le nom de godron, c'est-à-dire représenter un oeuf allongé.

Au pied, sur les arêtes des angles, étaient fixées quatre-vingt-deux perles ordinaires; sur sept bandeaux s'épanouissait une fleurette d'or que rehaussait l'éclat d'une grosse perle. Le huitième bandeau contenait une fleur en émail de diverses couleurs, au milieu de laquelle brillait une grosse perle en forme de coeur. Une émeraude reluisait sur cette perle que flanquaient quatre saphirs accompagnés chacun d'un rubis.

(1) Il y a lieu de supposer que la croix devait être suffisamment grande pour recevoir les 764 pierreries, qui étaient réparties sur toutes les surfaces du pied et des branches.


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Sur le pied étaient encore apposées huit feuilles d'or ; sept étaient couvertes de sept perles, la huitième n'en comptait que six; en tout, cinquante-sept perles pour l'ornement de ces feuilles. Enfin, onze fleurettes d'or garnies de trois perles , deux grosses fleurs , avec six demi-perles chacune , et cinq rubis balais, enchassés chacun sur une fleur, complétaient la décoration, sans qu'on ait indiqué la place que ces pierreries occupaient sur le pied.

L'ornementation du pommeau n'était pas moins remarquable. Sur chacun des huit angles formés par la rencontre d'un godron avec un bandeau de la base, brillaient sept rubis et une émeraude.

Les armes du comte, reproduites sur chacune des sections, avaient un encadrement de trente-deux perles. La réunion des huit compartiments formait une roue que décoraient dix-sept petites perles , disposées audessus des écussons. Au sommet du pommeau , on avait groupé vingttrois autres perles qui , d'après le texte, resplendissaient au pied de dragons (al peu de alguns dragons). Il est probable qu'au moins deux de ces animaux fantastiques reposaient à la base de la branche de la croix. Non loin était fixée une plaque de rubis balais, dont l'éclat contrastait avec celui de six perles et de deux saphirs, placés à l'entour. Au milieu de toutes ces richesses scintillait, piquée entre deux perles, une fleur de diamants et do rubis. Une émeraude, un saphir, quatre rubis de diverses dimensions et une grosse perle achevaient d'orner le pommeau, dont le métal devait disparaître sous les pierreries.

La croix no le cédait en rien à toutes les splendeurs de la base. La bordure de la face, où s'appliquait le Christ, était constellée de cent deux petites perles. On no donnait aucune description du corps; on spécifiait seulement que la plaie du flanc était représentée par un rubis. Trois diamants taillés en pointe, plantés, un aux pieds et un dans chaque main, figuraient les clous Le Christ était environné par vingt-huit rubis balais qui en formaient l'encadrement. Sur les côtés, on voyait mêlés aux rubis deux émeraudes, deux saphirs, et quarante-six perles plus ou moins grosses. Un gros rubis balais était placé au sommet d'un pommeau terminant la face antérieure de la croix.

Sur la face postérieure, dont quarante-huit perles constituaient la bordure, s'étageaient quinze fleurs; quatorze renfermaient six perles , et la quinzième, cinq seulement. Entre ces fleurs, on avait encore trouvé la place pour semer dix-huit bouquets (floquets), composés chacun do sept petites perles.

Il est ensuite fait mention d'un triangle formé par la réunion de trois perles ; il devait sans doute se trouver au point de jonction des deux


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branches, dont un gros rubis balais ornait chacune des extrémités. Pour bien se rendre compte de la haute valeur du joyau, il convient do mettre en relief le nombre total de chaque espèce do pierreries et d'en fixer la répartition.

Pied. Pommeau. Branches de la Croix Total,

et Christ.

Perles grosses 8 5 » 13

Perles petites 88 49 105 242

Perles moyennes... 94 27 309 430

Rubis.... 4 10 1 15

Rubis balais 5 1 32 38

Saphirs 4 3 10 7

Emeraudes 1 2 2 5

Diamants » 1 3 4

En résumé, 764 pierres précieuses (dont 685 perles), faisaient l'ornement de cette croix, dont le mérite artistique ne devait le céder en rien à la richesse de la matière. Le rédacteur de l'état descriptif, tout en ayant soin de dresser l'inventaire de la joaillerie, a mentionné divers motifs de décoration, notamment des fleurs et des bouquets.

Il est vraisemblable d'admettre qu'un souverain, assez riche pour posséder un bijou d'une aussi haute valeur, devait avoir une collection, dont cotte croix était la pièce la plus rare et la plus précieuse. C'était la mode, parmi les grands seigneurs de l'époque, de rassembler une grande quantité de pierreries et de faire parade des objets d'orfèvrerie conservés dans leurs trésors. Le comte de Foix pouvait rivaliser avec ses rivaux et méritait d'être cité au nombre des princes célèbres par leur munificence. Une telle renommée ne suffisait pas à Gaston ; il voulait acquérir la réputation do puissance que confèrent l'éclat du trône et la possession de vastes domaines. Il fut heureux de tirer parti des richesses que ses aïeux avaient su lui ménager ; les ornements de son trésor, comme nous l'avons vu, servirent à lui procurer les ressources, dont il avait besoin pour soutenir les guerres destinées à fixer la couronne de Navarre dans sa Maison (1).

(1) Gaston IV mourut en 1473. Son fils aîné Gaston, qui avait épousé Madeleine de France, soeur de Louis XI, fut tué en 1170 dans un tournoi; tout l'héritage passa au fils de ceux-ci, François-Phoebus qui, en 1481, à la mort de sa grand'mère Léonor, devint roi de Navarre. Le rêve de Gaston IV était accompli : la couronne de Navarre était assurée à la Maison de Foix.


185

IV.

PIECES JUSTIFICATIVES.

I. ACTE D'ADJUDICATION ET ÉTAT DESCRIPTIF DE LA CROIX D'OR ENRICHIE DE PIERRERIES (1).

Venditio per procuratorem illustris Domini Comitis Fuxi, facta quindecim personis infrascriptis de jocali subdesignato, pretio decem mille librarum Barchinonensium.

In Dei nomine noverint univorsi quod Nos, Arnaldus de la Badiâ , archidiaconus de Montesquivo, procurator ad infrascripta, cum mandato speciali , legitime constitutus ab illustri et magnifico viro domino Gastone, Dei gratiâ, Comite Fuxi et Bigorre, vendimus et ex causâ venditionis concedinius vobis ;

Honorande domine Ysabelli, uxori honorandi Galceràndi de Requescens, militis, gubernatoris Cathalonie generalis ;

Domine Joanne, uxori venerandi Antonii Amat, quando (2) legum

doctoris ;

Gabrieli Angles, mercatori ;

Honorando Petro de Montmany, legum doctori ;

Domine Angeline , uxori honorandi Thome de Rosadello, quando tenenti et possidenti pro dote et sponsalitiis suis hereditatem ac bona dicti quando viri sui, ac Gaspari de Rosadello et Petro de Rosadello et Petro de Rosadello, dictorum conjugum filiis ;

Filippo Foix, aliàs de Farrerâ ;

Domine Joanne, uxori honorandi Leonardi de Vallesichà, quando, militis

Honorando Ludovico de Castro Veteri, legum doctori ;

Francisco Armenter de Sancto Minato, domicello ;

Nobili Ludovico de Castellet ;

Michaeli de Vilagogayâ ;

(1) L'état descriptif de la croix est en Catalan ; la partie contenant les formules de vente est en latin.

(2) C'est-à-dire, quando vivebat.


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Anticho Ferrarii, militi ;

Petro Ferrer, ejus filio ;

Domine Brigide, uxori honorandi Bernardi Raymundi Rosseta, quando militis, ut usufructuarie, et domine Ysabelli, ejus filie, uxori honorandi Petri de Callar, domicelli, ut propretarie ;

Domine Angeline, uxori honorandi.... Daguilar, quando mercatoris, et Joanni Daguilar, mercatori, civi dicte civitatis, tutoribus testamentariis Hugueti Geraldi, dictorum coujugum filii, et ipsi etiam Hugueto Geraldi Daguilar ;

Et vestris ac quibus volueritis perpétuô, ementibus et plus dantibus :

Quoddam jocale auri, factum in signum crucis dicte de Sanctâ Annâ, hoc est, auri cum duabus travesses (1), unâ major, alterâ [minor] ;

In quo jocali aureo affixa sunt hec que sequuntur (2) :

Primo esta clos lodit yoyell dins un storp (3) de cuyro negre empremptat (4), loqual se tancha (5) ab quatre cadenas petits, delsquals la un es de una part ubert.

1° Peu de la Creu.

E eu lo peu del dit yoyel, loqual peu es de huyt cayres (6), ha en Jos dits cayres huytanta dues perles (7).

Item, en los plans (8) del dit peu ha set perles grosses, cascuna per si (9) posada sobre una floreta d'or.

Item, onze florotes, en cascuna de lesquals ha tres perles menudes, que son trou ta tres perles.

Item, dues altres maiors flors, en cascuna de lesquals ha sis perles migenteros (10), qui son dotze perles.

(1) Travesses, mot catalan, traverses, branches.

(2) Dans la reproduction, l'orthographe du texte a été conservée.

(3) Storp, écrin,ce mot ne se trouve pas dans les dictionnaires.

(4) Empremptat, estampé.

(5) Se tancha, se ferme.

(6) Cayre, côté ; ici ce mot semblerait indiquer l'angle formé par la rencontre de deux côtés

(7) 82.

N. B. — Quand la dimension n'est pas indiquée, nous considérons les perles comme étant de moyenne grandeur.

(8) Plan, surface des bandeaux.

(9) Cascuna per si, chacune séparement.

(10) Perles migenteres, mi-entières, demi-perles.


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Item, una flor gran esmeltada (1) de vert (2), en laquai ha una perla grossa à forma de cor feta.

lirai, dos robins (3) al peu e al cap de la dita perla.

Item, cinch balaixs (4), cascu d'ells sobre una flor.

Item, una esmaragde (5) sobre la dita perla, que es à forma do cor.

Item, quatre safirs à prop la dita perla grossa.

Item, huyt fulles (6) en torn del dit peu, on set de lesquals, so es en cascuna, ha set perles petites, e en la huytena ne ha sis, per que son per tot cinquanta cinch perles.

2° Lo que es en lo pom (7) de la dita creu.

Primo, en huyt cayres, que ha en lo peu del dit pom, ha set robins e una maragde (8).

Item, una flor de dyamant e un robi.

Item, dos robins grossos.

Item, entre los dits dos robins una perla grossa.

Item, dijus (9) lots dits dos robins ha un safir et una maragde.

Item, dues grosses perles, qui estan deça e della la dita flor de dyamant e robi.

Item, ha en huyt cayres del dit pom, en torn de les armes del senyor Comte, trenta dues perles petites.

Item, ha en la roda (10) del dit pom tant dessus les dites armes quant al peu de alguns dragons, qui aqui son, deesset (11) perles petites.

Item, ha en lo dit pom, on lo cap, dessus, vint e tres perles.

(1) Esmeltada, émaillée.

(2) De vert, en latin, de vario, vieux français de vair, c'est-à-dire de diverses couleurs. Le mot vair est un terme conservé en blason pour indiquer de petites pièces d'azur et d'argent, égales et rangées alternativement, de telle sorte que la pointe des pièces d'azur est opposée à la pointe des pièces d'argent. Le mot peut venir aussi de viridi, c'est-à-dire en vert.

(3) Robins, rubis.

(4) Balaixs, rubis balais. (5) Esmeragde, émeraude. (6) fulles feuilles.

(7) Pom, pommeau, voir le sens dans l'explication donnée ci-dessus page 183.

(8) Maragde, comme Esmaragde, émeraude.

(9) Dijus, dessous.

(10) Roda, roue, cercle.

(11) Deesset, 17.


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Item, ha en lo pus alt del dit pom una taula (1) de balaix.

Item, dos safirs.

Item, dues grosses perles deça a della de la taula del dit balaix.

Item, ha el torn del dit pomell, darrere los safirs, quatre perles.

3° Lo que es en la brodadura (2) de la dita creu.

Primo, en la brodadura de la cara (3) de la dita creu cent e dues perles menudes.

Item, en la plaga (4) del crucifixi (5) de la dita creu, ha un robi.

Item, ha en lo dit crucifixi tres dyamants [en] puncta (6), dos en les mans, e un en los peus.

Item, al entorn del dit crucifixi ha vint e huyt balaixs.

Item, ha en lo costat, al entorn, deu safirs mesclats (7) entre los dits balaixs.

Item, hi ha deu (8) maragdes.

Item, en lodit costat al entorn, en la part dedins de la dita creu, quaranta sis perles entre poges et majoretes (9).

Item, en la part darrera, al entorn de la dita creu, quaranta huyt perles.

Item, en la cara darrera ha quinze flors ; en quatorze de lesquals, so es en cascuna, ha sis perles, e en la quinzena ha cinch perles ; per que son per tot huyanta nau (10) perles.

Item, en la dita part darrera ha dehuyt (11) Hoquets (12) de perles, en cascun de lesquals ha set perles petites; lesquals son per tot cent e vint e sis perles (13).

(1) Taula, plaque. La pierre devait être fixée sur une plaque d'or.

(2) Brodadura. rebord, bordure.

(3) Cara, face ; ici il s'agit de la face antérieure.

(4) Plaga, plaie du flanc.

(5) Crucifixi, corps du Christ.

(6) Diamants taillés en pointe.

(7) Mesclats, Entremêlés.

(8) Deu, dix.

(9) Poges e majoretes, plus ou moins grosses, ordinaires, moyennes.

(10) 89.

(11) 18.

(12) Floquets, bouquets.

(13) 126.


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Item, en la part darrera, un triangle de perles petites, qui son tres perles.

Item, en la cara de la dita creu, depart davant, à la sumitat (1) del pus alt pom, un gros balaix.

Item, à la part dreta del bras dessus, un altre gros balaix.

Item, à la part esquerra de la dita brancha, un gros balaix (2).

Item, en la grossa brancha de ladita creu, à la part dreta, un altre gros balaix.

Item, à la dita brancha, à la part esquerra, un altre gros balaix.

Quod quidem jocale nos dicti venditores vobis dictis omptoribus, per curritorem (3) infrascriptum, tamquam plus dantibus et offerentibus in oncantu publico, tradidimus realiter et de facto.

(Formules ordinaires de droit sur les cessions, actions en justice, etc.) Pretium vero predictorum que, dictis nominibus, vobis vondimus, est docem mille libre Barchinonenses.

(Formules ordinaires relatives au paiement, à l'obligation de biens, aux clauses de validation, etc.)

Et ego, Petrus Basset, curritor publicus et juratus dicte civitatis Barchinone, confiteor et recognosco vobis dictis honorandis omptoribus quod predictum jocale, per vos emptum, fuit per me expositum venale et subhastatum (4) palam et publicè per loca publica dicte civitatis. Et cum multi accessissent ad ipsum jocale emendum, non venit ad me aliquis alius emptor, qui tantum pretium darct seu offerret, quod vos dicti emptores obtulistis ; ideirco fuit per me vobis traditum [jocale] tamquam plus dantibus et offerentibus.

Actum est hoc Barchinonie tricesimâ mensis junii anno à Nativitate Domini millesimo quadragentisinio quinquagesimo sexto (5).

Signum Arnaldi de la Badiâ, procuratoris; signuin Guillermi Raymundi de Brull et Raymundi Mora; signa Guillermi Carreu, Antonii Laguna et Jacobi Catala, syndicorum (6) ; qui hec laudamus, firmamus

(1) L'extrémité de la branche verticale devait se terminer par un pommeau.

(2) Cet article et le précédent concernent la branche de la croix où s'appliquent les bras du Christ ; les deux articles suivants se réfèrent à la branche verticale.

(3) curritor, crieur public et vendeur juré dans les ventes aux enchères.

(4) Subhastatum, mis à l'encan, aux enchères.

(5) 30 juin 1456.

(6) Ces syndics sont ceux des communes du vicomté de Castelbon, qui délégués pour prendre part à la mise en gage des revenus du domaine (voir plus haut page 119), assistèrent dans la vente du joyau le procureur du comte.


— 190 —

et juramus. Signum Petri Basseti, curritoris predicti, qui hec laudo et firmo.

Testes hujus rei sunt, scilicet : quoad firmas (1) dictorum Arnaldi de la Badiâ, Guillermi Raymundi de Brull, Raymundi Mora, Guillermi Carreu, Antonii Laguna et Jacobi Catala, discreti Joannes Meso, notarius et scriptor domini regis, et Joannes Luca, notarius ac Franciscus Pujol et Vincentius Soler, curritores ; et quoad firmas dicti curritoris, Petri Basseti, discretus Bartolomeus del Bosch, notarius,civis, et Petrus Michael Carbonell, scriptor Barchinonie.

Ce fut le notaire Raphael de Riudor (2), notaire de Barcelone, qui le 6 mai 1456, avait rédigé la procuration, en vertu de laquelle Arnaud de la Badie fut autorisé par Gaston IV à vendre la croix d'or.

Le 5 juillet de cette même année, à Barcelone, le procureur du comte et les autres personnes, qui avaient pris part aux opérations de la vente, donnèrent quittance et décharge de la somme de dix mille livres aux acquéreurs de la croix.

Cet acte de libération fut reçu par Jean Bruyo, notaire à Barcelone.

Nous croyons devoir aussi publier le texte de quelques autres pièces qui font connaître les motifs de la remise du bijou au bureau des dépôts de Barcelone et du retrait effectué en vertu d'un ordre royal. Ces documents donnent, en outre, quelques notions sur le fonctionnement du bureau des dépôts de Barcelone.

II. PACTA CONVENTA INTER PREDICTOS VENDITORES ET COEMPTORES SUPER DEPOSITO ET PERICULO DICTI JOCALIS

Nos dictus Arnaldus de Abbadiâ, Guillermus Raymundus de Brull, Guillermus Raymundus de Peramolâ, Raymundus Mora, Guillermus Carreu, Antonius Laguna et Jacobus Catala, nominibus quibus supra, quia prefatus illustris et magnifiais dominus Gasto, comes Fuxi et Bigorre, habens pro suis negociis suum tranquillum statum maxime concernentibus necessariam pecunie quantitatem ; ob quod, ut illam faciliùs pro venditione dicti jocalis habere posset, nos prefatum Guillermum Raymundum de Brull, Guillermum Raymundum de Peramolâ ac Raymundum Mora, necnon et prefatas universitates,

(1) Firma, signature, marque de ratification, d'approbation apposée sur un acte. Dans ce sens, ce mot ne se trouve pas dans le glossaire de Durange.

(2) La citation du nom du notaire est d'autant plus importante qu'en Espagne les minutes notariales sont conservées dans les dépôts de chaque chef-lieu judiciaire et qu'il suffit, pour retrouver un acte, de donner le nom du notaire qui l'a rédigé, la date et le lieu de réception.


- 191 -

quarum nos dicti syndici vices gerimus, ac singulares earumdem multifariè rogavit ut secum seu procuratore suo predicto ipsius jocalis venditores essemus, nosque et bona nostra pro illius evictione obligaremus; quia etiam ipse illustris et magnificus cornes aut dictus ejus procurator, seu nos, qui de dicto jocali nos venditores constituentes supra his eidem domino comiti morem gerere cupimus, attento maximo valore et pretio ipsius jocalis, unicam personam, que sola illud emere vellet, non invenit neque invenimus ; ob quod oportuit ipsum procuratorem dicti comitis et nos, prefatis nominibus, ipsum jocale in encantu publico vendere pluribus emptoribus, scilicet

vobis (1), pro pretio decem mille librarum, proùt de ipsâ

venditione constat instrumento publico per notarium subscriptum die presenti testificato ; quia etiam vos emptores , qui propter difficultatem custodie dicti tanti jocalis , quam nemo vestrùm pro omnibus in se suscipere volebat , renueretis dictam emptionem facere ; ob quod , nos cupientes viam et formam dare expeditioni negotiorum dicti domini comitis, cui est pretium dicti jocalis maxime necessarium, vobiscum contractavimus ut dictum jocale per vos communiter et pro indiviso emeretur, et pro sedandis discordiis, que super custodiâ illius in ter vos oriebantur, ut prefertur, deponeretur vestro nomine et custodiretur, quamdiu vobis placuerit, in tabula civitatis Barchinone, et quod dictus cornes, seu ego ejus procurator, ac nos alii superiùs nominati prefatis nominibus, pro expediendis dictis negotiis prefati domini comitis, que ex causa predictorum grandem dilationem et maxime nocuam [patirentur], risicum (2), periculum et fortunam ipsius jocalis, quamdiu in dicta tabula esset, in se susciperet modo subscripto, et nos prefatis nominibus susciperemus.

Idcircô, gratis juxta predicta convenimus dictis nominibus et bonâ fide promittimus vobis dictis emptoribus, nominibus quibus supra, quod si dictum jocale, quamdiu in dicta tabutâ fuerit, per ignem , aquam, latrocinium, tumultum seu insultum gentium, aut per quemvis alium casum fortuitum vel non fortuitum, divino vel humano judicio provenientem, quos omnes proinde habere volumus ac si hic nominatim singuli ritèque et distinctè expressati essent, aut per quemvis dolum, latam culpam, levem seu levissimam, aut aliam negligentiam, seu actum cogitatum vel non cogitatum

(1) Noms des quinze acheteurs cités plus haut, page 185.

(2) Risque.


— 192 —

prefate civitatis Barchinone vel ejus singularium (1) aut administratorum et rectorum dicte tabule, seu ministrorum ejusdem aut aliarum quarumcunque personarum , in totum vel in partem periret, perderetur, seu quasimodo minueretur, vel aliquam lesionem deteriorationem vel damnum acciperet quovis modo , ipse illustris et magnificus cornes et nos prefati Guillermus Raymundus de Brull, Guillermus Raymundus de Peramolâ, Raymundus Mora nominibus propriis, et dicte universitates et unaquaque earum, et nos dicti syndici tanquam earum singulares necnon et alii presentes, absentes et futuri illarum singulares restituet, restituemus et restituent vobis dictis emptoribus dictas decem mille libras, que fuerunt pretium dicti jocalis ; vobis, tamen eo casu , dicto comiti et nobis prefatis nominibus et dictis universitatibus et ejus singularibus cedentibus et transportantibus legitimo titulo dictum jocale, tale quale et ubicumque esset, ad risicum tamen et fortunam dicti comitis et nostrî ac dictarum universitatum, et omne jus ac omnem actionem, quod et que in illo et contra quascunque personas vobis pertineret, [et] dictus . dominus cornes ac nos exigere posset et possemus.

Ubi verô vos dictum jocale seu aliquam ejus partem a dictâ tabula, quâvis causâ, levaretis et ampararetis, eo casu ipsum jocale seu id quidquid et quantum ab ipsâ tabulâ levatum esset, stet et sit, ubicunque fuerit, ad risicum , periculum et fortunam vestrî dictorum emptorum, et non dicti comitis neque nostrî in aliquo (2).

III. PACTIONES HABITE INTER COEMPTORES DICTORUM CENSUALIUM ET JOCALIS SUPER SOLUTIONE PENSIONUM ET SUPER DICTO JOCALI LEVANDO.

Analyse. Les acquéreurs de la croix d'or, dont la plupart avaient pris en gage les revenus du vicomté de Castelbon et de divers autres fiefs du comte de Foix, conclurent entre eux une convention qui avait un double but.

1° Pour le paiement des revenus, dont le montant devait leur être apporté à Barcelone, ils promirent solidairement de n'accepter que de l'argent provenant des terres engagées. En outre, aucun d'eux ne devait recevoir le moindre acompte, tant que les autres n'auraient pas touché leur quote-part. Dans le cas où il n'y aurait pas la somme suffisante

(1) Singulares, habitants, citoyens, particuliers,

(2) Formules ordinaires de validation. L'acte est du commencement de juillet 1456.


— 193 —

pour remettre à chacun ce qui lui revenait, on décida qu'il y aurait une répartition proportionnelle pro solido et librâ, suivant ce qui était dû à chaque créancier.

2° En ce qui concernait le joyau, il devait suffire qu'un seul des acquéreurs en demandât le retrait pour qu'on se conformât à cette réclamation, quand même la majorité des intéressés n'aurait pas partagé cet avis.

On laissait à des arrangements ultérieurs le soin de régler ce qu'on ferait du joyau lorsqu'on l'aurait retiré du dépôt.

Cet acte est du commencement de juillet 1456.

IV. DEPOSITUM DE DICTO JOCALI SEU CRUCIS PER PREFATOS CEMPTORES FACTUM APUD TABULAM CAMBII SIVE DEPOSITORUM CIVITATIS BARCHINONE.

Une fois ces dispositions prises, les acheteurs firent au bureau des dépôts de Barcelone la remise de la croix d'or et obtinrent un certificat constatant cette opération.

Los savieses (1) de vos altres molt honorats, tots e singles officiais e altres persones qualsevol (2) jurisdiccio exercents e lur loctenents e altres, alsquals les presents pervendrian, pertanyeran o pertanyer seran vistes, nos altres Falco, mercader, e Raphael de Riudor, notari, ciutedans de Barchinonia, havents de les coses d'aval scrites carret (3) del conseil de cent jurats de la dita ciutat (4), [certificam] que, segons (5)apar per lo libre appelat de reconeximents e de yoyes dels honorats mossen Joan Benet de Migevila, ciuteda et Joan de Torralba, mercader, ciutedans de la dita ciutat, olim regidors e administradors de la taula del cambi assegurada per la dita ciutat, quasi en la ultimitat del dit libre, en loqual son continuades (6) les monedes, argent, yoyes et altres coses qui entren os (7) deposen en nom de yoyes, es continuat so quis segueix :

(1) Los savieses de vos altres, molt honorais.... Vous autres prudents, très honorés....

(2) Qualsevol jurisdiccio, quelque juridiction que ce soit.

(3) Carret, mot certainement mal transcrit par le scribe et qui ne se trouve dans aucun glossaire. Dans ce passage, Il signifierait : faculté, permission. " Nous autres ayant, au sujet de choses ci-dessous indiquées, obtenu la permission...

(4) Il doit y avoir ici un mot omis par le scribe tel que certificam, certifions.

(5) Segons apar, suivant qu'il apparaît.

(6) Continuades, inscrites, mises à la suite.

(7) Os, ou se.


- 194 -

Dilluns (1) à cinch de juliol any mil quatre cents cinquanta sis, lo

noble en Luys de Castellet, cavalier

(2) livraren als honorats en Joan Benet de Migevila et Joan de Torralba, mercader, administradors de la present taula dels deposits de la ciutat de Barchinonia, una gran creu

(Suit une description semblable à celle faite au moment de la mise en vente et reproduite plus haut.)

Laquai creu, en la forma e manera dessus designada , es conservada dins un gran stoix (3) de cuyro, loqual es stat ligat ab fil d'empalomor (4) e sagellat ab tres sagells, so es, la hu del noble en Luys de Castellet ; l'altre del dit Felip de Farrere, altre d'en Francs Armenter. E loqual stoich es tan chat ab quatre cadenas de ferro ; la hu es ubert de una part; e son quatre claus diverses; la una te la dita honoranda madona Ysabel, muller del dit mossen Galceran de Requescens ; l'altre, Pere de Montmany; l'altre, lo dit Felip de Farrere ; l'altre Luys de Castelvi (5).

V. JUSSUS (6) TYRANNI DE RESTITUENDA CRUCE DEPOSITA APUD TABULAM DEPOSITORUM BARCHINONIE.

Die Veneris tertiâ Augusti anno a Nativitale millesimo quadragentesinao

quadragentesinao sexto (7). Petrus Ynanies, virgarius Audiencie domini Regis dixit : De part del illustrissim senyor, lo senyor Rey, e par provisio feta par

son vice-canceller, mitter (8) Gaspar Vilaria, ab precedent e madura

(1) Dilluns... Lundi 5 juillet 1456.

(2) Suivent les noms des acquéreurs cités plus haut, page 185.

(3) Stoix ou stoich. Ce mot ne se rencontre pas dans un dictionnaire Catalan ; il provient sans doute du mot de basse latinité stocum, signifiant : coffret, écrin.

(4) Fil d'empalomar, fil d'assemblage; ce devait être un fil tressé, en forme de lacet. On ne trouve dans les glossaires catalans que le mot empalmar, qui signifie : réunir, assembler,.

(5) Il résulte de ce document que le bureau des dépôts était placé sous le contrôle de l'autorité municipale, qui se portait garante des opérations effectuées.

(6) Tyranni. Au premier abord, cette dénomination parait singulière dans la transcription authentique d'un acte public. Le scribe, qui a fait l'expédition, était dévoué au comte de Foix; et, en appliquant cette épithète de Tyrannus au chef du gouvernement, qui était en 1466 maître de Barcelone, il veut indiquer que c'était un usurpateur, un ennemi du comte. Ce personnage était le duc de Lorraine, fils du roi René, que les Catalans révoltés contre la domination de Jean II, beau-père du comte de Foix, avait appelé au trône,

(7) Vendredi 8 août 1466.

(8) Mitter, maître.


— 195 —

deliberacio feta en lo conseil del dit senyor, fets manament als administradors de la taula dels deposits de la ciutat de Barcenona que aquella creu d'or garnida de diverses baleixs e altres pedres fines de diverses sorts, dita vulgarment del comte de Foix, deposada, o per via de deposit mesa en poder del administrador o ells precessors à VI dies de juliol del any 1456, per los creedors del dit comte, donen e livren :

1° Al dit senyor Rey. o per sa senyora, an Guilhem Setanti havent del dit senyor manament special ab letra sua patent de la sua ma signada et ab son sagel segellada, dada en Barcenona à XXVIII dies del mes de may prop passat (1) ; e aco facen los dits administradors de la dita taula, ates (2) que lo dit senyor rey succex en aquestes coses à la noble na Ysabel, muller de mossen Galceran de Requescens, Luis e Gispert de Castellet, germans, fills del noble mossen Blasco de Castellet, e mitter Pere de Montmany, en nom son propi, e com à succehint à la dona na Joana, muller de mossen Leonart de Vallsecha quondam (3).

Losquals son estats publicats per acuydats (4) e enemichs notoris del dit senyor, e los bens desquais, ab deliberacio de son sacrat conseil, son estats adjudicats als cofreus (5) del dit senyor, segons consta per una certificacio del dit senyor de sa propria ma signada e ab son sagell al peu sagellada, dada en Barcenona à XX de abril del any present (6).

2° E à la dona Angelina, moller d'en Thomas de Rosadell quondam, en nom seu propri e com à succedant ab intestato an Gaspard de Rosadell, fill seu quondam, e encara com à donataria d'en Pere de Rosadell, segons consta de la dita donacio ab carta recebuda per en Joan Franch, quondam notari, à XXVIII de Agort, del any (7).

3° E à Franc Bernat de Planella, donzel, pare et legitim administrador de sos fills, hereus ab intestato de la dona na Joanna, muller del dit Franc Bernat, e germana e hereua ab intestato ab los dessus dits del dit Gaspar de Rosadell, germa seu, intestat defunct.

Plau (8) la dita creu al dit senyor ou à son thesorer sia livrada.

(1) 28 mai 1466.

(2) Attendu que.

(3) Quondam, Défunt, (4) Acuydats, déclarés.

(5) Cofreus, fisc, trésor.

(6) 20 avril 1466.

(7) 28 août, année non déterminée. (8) Plau, plaise.


— 196 —

Loqual manament se fa à instancia del procurador del dit senyor e de la dite dona Angelina e altres dessus dits (3).

Vidit Vilani ; vidit Guillelmus Setanti, thesaurarius ; vidit Joannes Ros, advocatus.

F. PASQUIER, Archiviste de l'Ariège.

(3) La croix fut livrée, en vertu de cette injonction, au trésorier royal et aux héritiers des acheteurs décédés depuis la mise en dépôt. Pour prouver leurs droits, les héritiers de ceux-ci recoururent à l'intermédiaire du procureur du roi. Quant aux acquéreurs survivants, ils furent admis à participer à la restitution.

Les documents nous manquent pour savoir quel usage on fit de la croix, dès qu'elle fut retirée du dépôt. Les pierreries furent-elles partagées proportionnellement entre le trésor royal et les autres intéressés ? Le roi les indemnisa-t-il en argent pour garder le joyau dans son intégrité ? ou prit-il un parti différent ? Ce sont autant de questions que nous ne pouvons résoudre. Mais, ainsi que nous l'avons fait remarquer plus haut, la pénurie des ressources ne permettait guère au gouvernement de Barcelone de garder dans ses coffres, à titre de curiosité, un objet d'une aussi haute valeur. Les pierreries furent sans doute enlevées, afin d'être plus facilement vendues ; la partie métallique fut convertie en monnaie. Telle fut la cause probable de la destruction d'un bijou, qui, par la richesse de la matière et par le mérite du travail, devait être cité parmi les objets d'art les plus curieux de l'époque.


CONGRES ARCHEOLOGIQUE DE FRANCE

51e SESSION. — MAI 1884 PAMIERS, FOIX, SAINT-GIRONS.

Placée au centre de la chaîne Pyrénéenne, l'Ariège offre aux explorateurs des sujets variés d'investigation. Les curiosités naturelles ou archéologiques, que renferme notre département, ne sont pas suffisamment appréciées.

Depuis quelques années cependant l'attention se porte sur notre pays, et de louables efforts sont tentés pour le faire connaître, comme il le mérite.

En septembre 1882, la Société géologique de France a tenu dans l'Ariège une session extraordinaire qui a permis à un grand nombre de personnes d'étudier, sous la direction de notabilités scientifiques, la constitution de notre sol et nos richesses paléontologiques.

Le Congrès, que tiendra dans l'Ariège la Société française d'archéologie au mois de mai prochain, ne sera pas moins intéressant et n'aura pas des résultats moins fructueux. Nos principaux monuments, nos antiquités seront l'objet d'un examen attentif.

L'archéologie préhistorique, qui constitue un des attraits scientifiques du département, occupe une large place dans le programme. Les questions relatives aux autres branches de l'archéologie ou à la philologie peuvent donner lieu à des études d'ensemble ou à des monographies locales.


— 198 -

En contribuant au succès d'un Congrès, qui a pour but de développer les études historiques et archéologiques dans notre région, la Société Ariégeoise des sciences, lettres et arts donnera la preuve des services qu'elle est appelée à rendre.

Voici l'ordre des séances et excursions que nous faisons suivre du programme du Congrès.

ORDRE DES SÉANCES ET EXCURSIONS :

VENDREDI 23 mai. — 3 heures, séance d'ouverture à Pamiers. 5 heures, visite de la cathédrale et des autres monuments de la ville.

SAMEDI 24 mai. — Excursion à Mirepoix et aux ruines du château de Lagarde.

DIMANCHE 25 mai. — Midi, départ pour Foix. Arrêt à Saint-Jean-deVerges. 8 heures, séance à Foix.

LUNDI 26 mai. — Excursion dans la haute vallée de l'Ariège (église de Sabart, grotte de Lombrives église d'Unac).

MARDI 27 mai. — 9 heures, visite de l'église Saint-Volusien et de la bibliothèque municipale.

2 heures, visite du château de Foix et du musée départemental.

8 heures, séance.

MERCREDI 28 mai. — De Foix à Saint-Girons. Excursion au château de Durban (ruines).

JEUDI 29 mai. — Excursion dans la vallée du Lez (pile romaine de Luzenac-sur-Lez, église d'Audressein, Castillon, Bordes, Sentein).

VENDREDI 30 mai. — 8 heures, visite de l'église Saint-Vallier, à Saint-Girons.

Midi, excursion à Saint-Lizier (pont, enceinte romaine, ancienne cathédrale, cloître, ancien évêché, etc.).

8 heures, séance de clôture à Saint-Girons.

PROGRAMME

I

1. — Du mouvement des études archéologiques dans la région centrale des Pyrénées, et particulièrement dans l'Ariège. — Donner une vue d'ensemble des principaux travaux accomplis soit par les Sociétés, soit par les particuliers —Découvertes les plus récentes.


— 199 -

II

2. — ARCHÉOLOGIE DITE PRÉHISTORIQUE. — De l'importance des études

préhistoriques dans le département de l'Ariège. — Quelles sont les grottes fouillées avec le plus de succès ? — Faire connaître les découvertes qui y ont été faites en indiquant : 1° la nature des terrains fouillés ; 2° les conditions dans lesquelles se trouvaient les gisements.

3. — Monuments mégalithiques (dolmens, cromlechs, etc.) —Donner

la nomenclature de ces monuments, et décrire la nature des objets que les fouilles ont fait découvrir.

4. Abris sous roche, sépultures et autres traces de l'époque préhistorique

préhistorique en dehors des grottes et des monuments mégalithiques.

5. — Quelle est celle des époques de la période préhistorique qui

semble dominer dans l'Ariège ? Toutes les époques y sont-elles également représentées ?

6. — Existe-t-il dans l'Ariège une lacune dans l'habitat des cavernes

entre l'âge du renne et celui de la pierre polie.

7. — Y a-t-il ressemblance ou dissemblance entre les objets trouvés

dans les grottes et ceux recueillis dans les monuments mégalithiques et autres monuments ?

8. — Déterminer si les objets de la période préhistorique, trouvés

dans les grottes ou ailleurs, se réfèrent à un genre déjà connu ou constituent une nouvelle catégorie pouvant donner naissance à des groupes et sous-groupes distincts ?

9. — Au moyen des données précédentes, dresser la carte préhistorique

de l'Ariège ou d'une vallée du département.

III

10. — PÉRIODE GALLO-ROMAINE. — Quels peuples, avant l'invasion romaine,

romaine, le territoire compris dans les limites de l'Ariège ?

11. — Faire connaître les points où l'on peut constater des traces de

l'occupation romaine. (Inscriptions, ruines, substructions, sépultures, endroits où ont eu lieu des découvertes de monnaies ou objets divers.) — Topographie du pays à l'époque gallo-romaine.

12. — Dresser un plan de Saint-Lizier à l'époque gallo-romaine.

13. — Découvertes faites à Saint-Jean-de-Verges.

14. — Y a-t-il des traces de voies romaines dans l'Ariège, et peut-on

indiquer leur direction ?


— 200 —

15. — Les Romains ont-ils connu et exploité les eaux minérales, les

mines et carrières du pays ?

16. — Quelle était la destination des monuments appelés PILES, telles

que celle de Luzenac-sur-Lez, près Moulis, sur la route de Castillon à Saint-Girons ? — Destination de ces monuments, leur distribution géographique.

17. — A-t-on trouvé dans le département de l'Ariège des monuments

de l'antiquité chrétienne ?

IV

18. — MOYEN AGE ET RENAISSANCE. ARCHITECTURE RELIGIEUSE. — Quels

sont les caractères généraux et particuliers des édifices religieux dans l'Ariège aux époque Romane, Gothique et Renaissance ?

19. — Les édifices, qui se trouvent dans les trois vallées du département

(Ariège, Hers et Salat), constituent-ils une école spéciale ou se rattachent-ils aux écoles voisines et forment-ils une section d'une de ces écoles ?

20. — Donner la nomenclature des monuments de chaque époque et

décrire ceux qui peuvent servir de type.

21. — Que peut-il y avoir de vrai dans la tradition attribuant à Charlemagne,

Charlemagne, Louis le Débonnaire, ou du moins faisant remonter à leur époque la construction de plusieurs monuments du pays ?

22. — Le Roman a-t-il été employé postérieurement au XIIe siècle? —

Le Gothique n'a-t-il pas persisté jusqu'au XVIIe siècle ?

23. — Églises à une nef. — Églises fortifiées.

24. — Signaler et décrire les cuves baptismales en plomb qui existent

dans le Toulousain et les pays environnants. — Déterminer autant que possible le lieu et l'époque de leur fabrication.

V

25. — ARCHITECTURE CIVILE. — Les localités ayant joui des franchises

municipales sont-elles distribuées et bâties d'après un plan spécial ? — Topographie et plan des anciennes villes. — Maisons curieuses, (Reproduction et description.)

VI

26. — ARCHITECTURE MILITAIRE. — Dresser par époque la liste des

principaux monuments militaires de l'Ariège. — Ressemblentils à ceux des contrées voisines ou en diffèrent-ils ?


— 201 —

27. — Quelles ont été, dans les monuments de l'Ariège, les modifications

modifications du XIe au XVIe siècle dans les moyens de défense, notamment dans le plan des édifices, l'emploi des appareils et le crénelage ?

28. — La tour ronde du château de Foix a-t-elle été construite, comme

le prétend la tradition, au XIVe siècle, sous le règne de Gaston Phoebus ?

29. — Quelle était, dans la région Pyrénéenne, la destination des tours

isolées? A quelle époque ont-elles été construites?

30. — Au commencement du XIIIe siècle, l'établissement des Croisés

dans le Midi, après la défaite des Albigeois, n'amena-t-il pas quelques modifications dans la construction de diverses forteresses ?

VII

31. — GÉNÉRALITÉS S'APPLIQUANT A TOUTE LA PÉRIODE DU MOYEN AGE

ET DE LA RENAIS8ANCE. — Faire connaître les artistes qui, dans le pays, ont laissé trace de leurs oeuvres et les personnes qui ont contribué au développement des arts.

32. — Arts se rattachant à l'architecture (sépultures, oeuvres de sculpture,

sculpture, serrurerie, meubles, peintures murales, tableaux, cloches, ornements et livres d'église, inscriptions, manuscrits enluminés, vitraux, émaux, sceaux, médailles, poids, armes, etc.)

33. — Des restaurations dans les édifices et des observations auxquelles

elles peuvent donner lieu.

VIII

34. — PHILOLOGIE. — Étymologie des noms de lieux.

35. — Particularités qu'offrent certains noms de villages, notamment

dans le Castillonnais.

36. — Études sur les patois usités dans les différentes vallées du département.

département. Ressemblances et différences.

37. — Documents en patois .- chartes, contes, proverbes, légendes,

chants, noels.

IX

38. — VARIÉTÉS. — Usages locaux, traditions, moeurs.

39. — Costumes.

40 — Pèlerinages anciens. Pratiques religieuses particulières à une contrée déterminée du pays.


= 205 —

41. — Géographie politique, féodale, ecclésiastique, administrative,

judiciaire des pays formant le département de l'Ariège. — Travail d'ensemble ou études restreintes à une époque ou à une partie spéciale.

X

42. — CARTES ARCHÉOLOGIQUES. — Faire connaître les cartes archéologiques,

archéologiques, partielles, soit générales qui peuvent exister en France et dans les autres pays. — Les comparer entre elles au point de vue des signes employés. — Présenter un projet de signes conventionnels pouvant s'adapter dans tous les pays à la représentation des monuments du même genre et des mêmes périodes, de manière à donner, pour les époques historiques, des cartes internationales, de môme qu'il en existe déjà pour les époques dites préhistoriques.

22e REUNION DES SOCIETES SAVANTES A LA SORBONNE

AVRIL 1884

La 22e réunion des Sociétés savantes aura lieu à la Sorbonne au mois d'Avril prochain.

Les journées des mardi 15, mercredi 16 et jeudi 17 avril seront consacrées aux travaux du Congrès; le samedi suivant 19, M. le Ministre de l'Instruction publique présidera la séance générale de clôture.

Les membres des Sociétés savantes, qui désireraient prendre part au Congrès, doivent se faire inscrire, soit en faisant parvenir à l'avance leur adhésion au Ministère par l'intermédiaire de leur Société, soit, pendant les réunions du Congrès, en s'adressant au président de chaque bureau.


— 203 —

Les Compagnies de chemins de fer accordent une réduction de 50 °/o sur le prix des places en faveur des adhérents qui voudront assister aux réunions de la Sorbonne. Les bulletins de circulation, dont la demande doit être faite à l'avance, sont valables du 7 au 24 avril inclusivement.

Le Congrès comprend cinq sections :

I. — Histoire et Philologie.

II. — Archéologie.

III. — Sciences économiques et sociales.

TV. — Sciences mathématiques, physiques, chimiques et météorologiques

V. — Sciences naturelles et géographiques.

Un programme détaillé correspond à chacune de ces sections et donne le détail des questions qui seront discutées ; nous en adresserons un exemplaire à ceux de nos collègues qui nous en exprimeront le désir.

Les communications étrangères aux questions proposées peuvent également être accueillies par le Congrès , pourvu qu'au préalable on en ait obtenu l'autorisation.

Conte Patois.

Ma maire me bol pos douna (1) pa, que nou li ajo dounat leit.

De quino leit?

Leit de la baco. M'en bau trouba la baco se me bol douna leit. La baco me bol pos douna leit, que nou li ajo dounat herbo.

De quino herbo ?

Del prat grand. M'en bau trouba le prat grand se me bol douna herbo. Le prat grand me bol pos douna herbo, que nou li ajo dounat dail.

De quin dail ?

Del faure grand.

(1) Nous écrivons douna et non donna, pos et non pas, afin de bien figurer par l'orthographe la prononciation locale.


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M'en bau trouba le faure grand se me bol douna dail.

Le faure grand me bol pos douna dail, que nou li ajo dounat sagui.

De quin sagui ?

Del porc segui. M'en bau trouba le porc segui se me bol douna sagui. Le porc segui me bol pos douna sagui, que nou li ajo dounat aglan.

De quin aglan ?

Del casse grand. M'en bau trouba le casse grand se me bol douna aglan. Le casse grand me bol pos douna aglan, que nou li ajo dounat bent.

De quin bent ?

Bent de la mar. M'en bau trouba la mar se me bol douna bent.

La mar m'abento (1) ;

Abenti le casse ;

Le casse m'aglano

Aglani le porc ;

Le porc m'assaguino

Assaguini le faure ;

Le faure m'adailho

Adailhi le prat ;

Le prat m'azerbo

Azerbi la baco ;

La baco m'aleito

Aleiti ma maire,

Et ma maire me douno pa. TRADUCTION. Ma mère ne veut pas me donner du pain, que je ne lui ai donné du

lait.

De quel lait? Du lait de la vache. Je m'en vais trouver la vache pour lui demander si elle veut me donner du lait.

La vache ne veut pas me donner du lait, que je ne lui ai donné de l'herbe.

De quelle herbe ? Du grand pré.

(1) A propos de ces mots abento, aglano, assaguino. adailho, azerbo, aleito, remarquons la richesse d'expressions de notre patois et la facilité qu'il offre pour la formation des mots, tandis qu'en français, pour exprimer la même idée, on est obligé de recourir à une circonlocution.


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Je m'en vais trouver le grand pré pour lui demander s'il veut me donner de l'herbe.

Le grand pré ne veut pas me donner de l'herbe, que je ne lui ai donné un coup de faux.

De quelle faux ? De la faux du grand forgeron. Je m'en vais trouver le grand forgeron pour lui demander s'il veut me donner une faux.

Le grand forgeron ne veut pas me donner une faux, que je ne lui ai donné du saindoux.

De quel saindoux ? Du porc gras. Je m'en vais trouver le porc gras pour lui demander s'il veut me donner du saindoux.

Le porc gras ne veut pas me donner du saindoux, que je ne lui ai donné du gland.

De quel gland ? Du gland du grand chêne. Je m'en vais trouver le grand chêne pour lui demander s'il veut me donner du gland.

Le grand chêne ne veut pas me donner du gland, que je ne lui ai donné du vent.

De quel vent ? Du vent de la mer. Je m'en vais trouver la mer pour lui demander si elle veut me donner du vent.

La mer me donne du vent; je donne du vent au grand chêne; le grand chêne me donne du gland; je donne du gland au porc; le porc me donne du saindoux ; je donne du saindoux au grand forgeron ; le grand forgeron me donne une faux ; je donne un coup de faux au pré; le pré me donne de l'herbe ; je donne de l'herbe à la vache ; la vache me donne du lait ; je donne du lait à ma mère, et ma mère me donne du pain.

Louis LAFONT DE SENTENAG.


206 -

CONTES ET PROVERBES PATOIS DE L'ARIEGE

PROJET DE PUBLICATION

Un de nos collègues de la Société ariégeoise a recueilli sur divers points du département un certain nombre de contes et de proverbes patois. Avant d'en entreprendre la publication, il désirerait compléter son intéressante collection.

Dans ce but, il nous prie de faire un appel à toutes les personnes qui auraient connaissance de productions de ce genre. Il leur serait reconnaissant de vouloir bien lui faire connaître les recueils ou pièces isolées qu'elles auraient en leur possession soit manuscrits soit imprimés.

Quant aux contes et proverbes conservés par tradition orale, il suffit de les écrire en indiquant, autant que possible, le pays d'où ils sont originaires et en figurant la prononciation par l'orthographe.

Une publication de contes et de proverbes patois de l'Ariège ne peut que présenter de l'intérêt ; elle est destinée à transmettre le souvenir de vieilles traditions et à donner des spécimens de nos patois locaux.

Nous prions nos lecteurs de vouloir bien contribuer au succès de cette oeuvre, en nous faisant parvenir les documents qu'ils pourront recueilir et que nous nous empresserons de transmettre à notre collègue.

Nous espérons que notre appel sera entendu, comme il le fut en 1882, époque à laquelle nous avons fait une abondante récolte de noëls et cantiques patois, que nous publierons prochainement.

Louis LAFONT DE SENTENAC.


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NOUVELLES FOUILLES A LA GROTTE D'ENLÈNE

MONTESQUIEU-AVANTÉS (ARIÈGE)

A 1,500 mètres environ du village de Montesquieu-Avantès, sur le versant septentrional de la colline d'Enlène, s'ouvre, en plein cintre irrégulier , une grotte déjà maintes fois visitée par les archéologues de notre région (1). Parmi ceux qui l'ont déjà fouillée avec succès, nous devons mentionner M. l'abbé Pouech et le regretté M. Filhol. Nous ne connaissons pas le résultat de leurs récoltes paleoethnologiques qui a du être, sans doute, abondant, puisqu'ils avaient la bonne fortune de mettre la main sur des gisements inexplorés.

Après eux, j'ai voulu voir s'il n'y avait point quelques bribes à glaner, et, j'ai constaté, avec une satisfaction quelque peu égoïste, qu'il peut échapper parfois de beaux échantillons à l'oeil exercé des maîtres les plus habiles.

Je vais donc rapidement décrire mes modestes trouvailles, en indiquant exactement le lieu et le niveau des gisements qui me les ont fournis.

La grotte se développe en immense boyau sous sa voûte rocheuse de calcaire, dans la direction du N.-O. au S.-E. Précédée, à l'entrée, d'un vestibule spacieux mais peu élevé, elle fuit en couloir étroit, qui mesure 150 mètres do long sur une moyenne de 3 mètres do largeur. Un seul renflement se produit sur le milieu du parcours, et alors, s'ouvre une belle salle dans d'harmonieuses proportions d'élévation et d'é(1)

d'é(1) est sise sur une des propriétés de M. Moulis de Méritens qui, dans l'intérêt de la science, en autorise volontiers les fouilles avec une exquise bienveillance.


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tendue. Mais l'archéologue n'a que faire dans ce magnifique parallélogramme, dont le sol est infructueux pour les collections et dont les coins sont vides ; il continue à se glisser le long des parois du couloir, qui bientôt s'épanouit en nombreuses et vastes galeries terminant en fer-à-cheval cette demeure souterraine.

Tel est l'aspect général do la grotte d'Enlène , si je néglige deux ou trois cavités qui sollicitent et méritent l'attention du visiteur, à droite et à gauche, à quelqnes pas de l'entrée.

Ma première visite à cet ancien asile humain ne date que du 6 février 1884. Elle me rappelle un trop agréable souvenir personnel pour que je ne le consigne, dès le début de ce petit mémoire. J'avais pour guide et pour compagnon d'excursion un homme d'esprit et de coeur, Monsieur Baron, de Montjoie, qui me pardonnera assurément cette sympathique indiscrétion, à titre de témoignage do ma vive et affectueuse reconnaissance.

Procédant par ordre chronologique dans l'énumération de mes trouvailles, je dois d'abord signaler un foyer de l'âge du renne, dans le cul-de-four qui s'arrondit à droite de la première colonne stalagmitique, la plus voisine de l'entrée. Là, sur une étendue d'un mètre carré et de 30 centimètres de profondeur, nous avons recueilli quelques silex gris et rose, taillés en pointe de flèche et en racloir, un petit poinçon en os et une aiguille en ivoire avec chas d'un poli brillant et d'une finesse d'exécution admirable. Son trou, tout petit, ne pouvait être destiné qu'à recevoir des fibres de tendons de renne qui, en s'effilant d'une manière fort tenue, demeuraient cependant très résistants. Au milieu des cendres et des débris d'ossements calcinés, gisaient des dents de renne, de cheval et deux canines d'ours, ursus speloeus, appartenant à des sujets d'âge différent. C'était là assurément l'un des foyers primitifs do la grotte, qui n'avaient passubi de remaniement; une légère couche ds stalagmite, intacte, le recouvrait et me permettait de croire que j'étais le premier à le fouiller.

A quelques pas on arrière, se dissimule sur la paroi do gauche, une excavation affectant la forme d'un entonnoir renversé. A son extrémité, un amas confus d'ossements brisés, rejets de cuisine sans doute, nous a fourni un beau perçoir en cubitus de chèvre, une esquille de fémur de cerf taillé on polissoir et quelques éclats de silex sans valeur.

Mais, la grosse récolte devait se faire près du talus qui conduit de l'issue du grand couloir aux galeries supérieures. Là, nous nous sommes trouvés en présence d'un foyer mesurant 1 mètre 10 centimètres d'épaisseur. Il avait déjà été précédemment entamé par d'autres naturalistes.


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Continuant les fouilles interrompues, nos pioches ont amené successivement, avec des ossements de boeuf et de grand cerf, des cornes de bouquetin, de renne et quantité de cendres et d'os brisés portant la trace visible de l'action du feu.

Parmi les silex, j'ai retenu pour mes collections :

1° Un grattoir à cran latéral, taillé d'un seul côté ; la face inférieure est sans retouche.

2° Un grattoir de plus forte dimension que le précédent, mesurant 7 centimètres de long ; son extrémité est taillée avec soin et ses côtés légèrement retouchés.

3° Deux petits burins.

4° Une lame de couteau.

5° Quatre pointes de javelot fort solides.

6° Deux débris de cailloux de rivière ébréchés, ayant servi en guise de hache. Cet instrument d'une ébauche primitive, je viens encore de le retrouver, il y a quelques jours à peine, et en nombre considérable , dans la grotte de Marsoulas (Haute-Garonne). Il me semble caractéristique des stations de l'âge du renne où l'esprit de l'homme s'appliquait surtout au perfectionnement des outils et des armes en os, en silex et on corne.

Le même gisement nous a fourni :

1° Une clavicule de chèvre aiguisée en perçoir.

2° Un bout de sagaie long de 13 centimètres, à base taillée en biseau pour pénétrer dans un manche fendu verticalement.

3° Une forte aiguille à cran, en bois de renne, ne mesurant pas moins de 5 centimètres de circonférence. Ce genre d'aiguille est, croyons-nous, assez rare. Le Musée National de Saint-Germain-en-Laye en possède un bel exemplaire à double cran, provenant des récoltes de MM. Lartet et Christy. M. de Mortillet pense que le fil « se fixait au cran et que l'aiguille était poussée avec ledit fil à travers la peau » qui devait servir de vêtement.

4° Un gros poinçon eu corne de cervidé, entouré vers la base d'une ligne circulaire gravée eu creux.

5° Une coquille du genre pecten, percée d'un trou de suspension.

6° Enfin un disque en os percé au centre d'un trou fort petit. Il est absolument du même module que celui qui est reproduit dans le Musée préhistorique (PI. XXIII. Fig. 158) et que M. Hardy a découvert à Laugerie-Basse (Dordogne). Il mesure 3 centimètres de diamètre; sur les deux faces, on distingue de légères rainures produites par la taille du silex et sur le pourtour est visible encore l'empreinte du couteau


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qui a détaché, par trépanation, cette rondelle de quelque crâne humain. Quelle était la destination de ce disque? Est-ce une amulette, un simple bouton? Je décline toute compétence pour imposer à priori une solution. Pourquoi cependant l'opinion de M. Piette, qui y voit un symbole religieux rappelant le culte du soleil, ne serait-elle pas admissible? Celui que je possède, je puis l'affirmer, est trop fragile pour être utilisé comme bouton; il faut lui chercher un emploi moins pénible et moins vulgaire. M. Joly n'hésite pas à déclarer, avec une loyauté qui l'honore, « que l'usage de ces rondelles fournit la preuve la plus ancienne de la croyance à la vie future (1) ». Cette conclusion du savant anthropologiste me paraît la plus vraisemblable. Nous trouvons, à pleines mains, les outils et les armes que les nécessités de la vie physique imposaient à l'homme de ces temps reculés, et le sentiment le plus impérieux auquel nul peuple n'a pu encore se soustraire ne lui aurait pas inspiré l'idée d'un insigne visible de ses croyances, et nous, jouant du malheur avec ce mystérieux et introuvable objet, nous ne le découvririons jamais ? Si, dans ces délicates questions , nous apportions l'impartialité scientifique et le calme d'esprit nécessaires à la vision de la vérité, nous n'aurions pas le regret de voir tant de savants adeptes de l'Ecole sceptique refusant, de parti pris, de constater en ce*siècles éloignés, l'existence « d'un des caractères fondamentaux de l'espèce humaine. » (2)

Ici se clot l'inventaire des objets dits préhistoriques que nos premières fouilles ont mis à jour.

Je demeure toutefois persuadé que de sérieuses et patientes explorations entreprises dans le second recoin qui s'ouvre sur la paroi gauche de l'artère principale, à 25 mètres environ de l'entrée, réservera d'agréables surprises aux investigateurs de l'avenir. Nous avons trouvé là d'énormes amas d'ossements remués par des animaux fouisseurs, qui les ont amenés à la surface du sol en creusant leurs tanières. Pressé par le temps, nous n'avons pu entreprendre, selon nos désirs, un travail qui, assurément, ne serait pas demeuré infructueux.

L'habitant primitif de la grotte, le contemporain d'une faune émigrée ou éteinte, disparut pendant un laps de temps qu'il nous est impossible de déterminer. A notre avis, la grotte de Montesquieu est demeurée solitaire durant de longs jours et n'a vu ses foyers se rallumer qu'à l'époque du bronze. Un hiatus,, l'âge de la pierre polio, existe dans

(1) L'Homme avant les métaux. IV. p. 81.

(2) De Quatrefages. De l'espèce humaine. Liv. X, ch. XXXV, p. 336.


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cet habitat humain. Aucun indice de hache, de poterie néolithique ne m'a permis d'établir la présence do l'homme en ces lieux, durant cette phase de la période préhistorique. Par contre, l'âge de bronze a laissé des vestiges. Un de nos collègues à la Société Ariégeoise des sciences , lettres et arts (1) a fait don au Musée départemental de quelques petits fragments de bronze indéterminés et d'une partie do bandeau de même métal repoussé provenant, sans doute, des sépultures de la grotte. Car, après avoir franchi le talus voisin du dernier foyer que je viens de décrire, on pénètre sur la droite, dans une galerie supérieure revenant parallèlement sur le couloir principal. C'est ici la vraie galerie des tombeaux. On y ensevelissait les morts dans d'excellentes conditions do salubrité. Le sol, formé de la roche calcaire, est couvert d'une couche épaisse de terreau sec, pulvérulent, encaissant de nombreux squelettes. Nous en avons exhumé deux, qui paraissaient avoir été étendus horizontalement, les bras allongés le long des fémurs. Plusieurs autres avaient été précédemment exhumés; leurs ossements étaient répandus ça et là, sous les pieds des visiteurs.

C'est dans cette galerie que ces vestiges de bronze auront été trouvés; nous y avons nous-même recueilli dos débris do poterie assez fine, remontant à cette période archéologique. Nous avons encore rencontré le même genre de tesson en pâte rouge micacée, à petits grains de quartz, dans la salle centrale et dans la cavité basse et humide qui s'étend à droite de rentrée. Je dois ajouter que les débris de squelettes et surtout l'état des dents, dont la couronne était peu usée, accusaient des sujets jeunes ou adultes.

La grotte d'Enlène, ainsi qu'il appert dans ces quelques découvertes que je viens d'énumérer, a servi d'asile à nos ancêtres, à deux époques distinctes, et bien éloignées l'une de l'autre : à l'époque paléolithique et à l'âge du bronze. L'absence de toute oeuvre caractéristique de la période néolithique nous autorise à conclure, qu'à cet âge de transition de la pierre taillée aux métaux , nos troglodytes avaient cherché ailleurs un abri.

Il ne nous a pas déplu, sur les conseils d'un ami, de faire connaître le résultat de ces fouilles, quelque modeste qu'il soit, dans l'espoir que le zèle scientifique de nos compatriotes, mis en éveil de ce côté, ira demander à la grotte de Montesquieu-Avantès de nouveaux documents pour l'histoire des premiers habitants de nos régions.

D. CAU-DURBAN.

(1) M. l'abbé Cabibel, qui aussi a fait des fouilles à Montesquieu, a été assez heureux pour recueillir, outre, des silex taillés, quelques échantillons de bronze.


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NOTE SUR UNE HACHE EN BRONZE

La vallée du Larboust (1) a plusieurs fois déjà fourni d'intéressants restes des premiers âges de l'humanité. Je n'ai point l'intention de rappeler ici les fouilles déjà faites, mais seulement d'attirer un instant l'attention des archéologues sur une trouvaille que j'ai faite dans cette vallée.

Le 20 octobre 1882, revenant d'une excursion dans les montagnes de la Pez et de Louron, je rentrais en Haute-Garonne par le port de Peyresourde. Toute cette région est formée de schiste ardoisier et de schiste siliceux avec calschiste sub-amygdalin coupés de filons de quartz. Dans ces roches,près et au nord du port,existe sur le territoire du village de Portet un filon de manganèse.

De la route, qui du col descend dans la vallée du Larboust, se détache au détour du premier lacet un chemin muletier desservant cette mine actuellement inexploitée. Tout en cherchant dans les schistes des fossiles aussi rares qu'en mauvais état, j'ai eu la bonne fortune de découvrir dans une fissure de la roche une petite hache de bronze.

D'une belle patine et légèrement oxydée sur deux de ses faces, elle est très bien conservée, et le tranchant est encore fort acéré. C'est une hache plate, longue de 0,094 millimètres, d'une largeur moyenne de 0,033 millimètres et épaisse de 0,010 millimètres. Son poids n'excède pas 200 grammes.

Comment cette hache se trouve-t-elle dans cette région ? En existet-il d'autres ? Autant de questions auxquelles je ne saurais répondre faute de documents pouvant servir à les élucider. Tout ce que l'on peut dire c'est que, dans les sépultures de la montagne d'Espiaup à l'extrémité opposée de la vallée du Larboust, mon ami M. J. Sacaze , de Saint-Gaudens, a trouvé les fragments d'un bracelet en bronze.

Je me contente, pour le moment, de faire connaître ma découverte aux archéologues et de les laisser discuter avec leur autorité de savants sur cette hache en bronze, l'une des premières, la première sans doute, trouvée dans la haute région pyrénéenne de la Haute-Garonne.

MAURICE GOURDON.

(1) Cette vallée, ainsi que le col de Peyresourde, se trouvent situés entre Bagnères-deLuchon et Bagnères-de-Bigorre.


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JEAN 1ER

COMTE DE FOIX, VICOMTE SOUVERAIN DU BEARN, LIEUTENANT DU ROI EN LANGUEDOC ;

Étude Historique sur le Sud-Ouest de la France pendant le premier tiers du XVe siècle,

Par LÉON FLOURAC,

ARCHIVISTE DES BASSES-PYRÉNÉES (1)

L'étude, dont nous sommes redevables à M. Flourac, n'est pas une simple monographie, curieuse seulement par les détails relatifs au personnage et n'offrant d'intérêt qu'au point de vue local. Tel n'a pas été le but de l'auteur ; il s'est proposé do faire sortir de l'ombre, où le retenait plongé l'indifférence des historiens, Jean 1er, comte de Foix. (2)

M. Flourac a cherché et a réussi à reconstituer pièce par pièce cette figure historique. C'est on fouillant les archives, pour demander aux textes inexplorés les renseignements susceptibles de mettre son héros en lumière, qu'il est arrivé à ce résultat. Les recherches ont été si fructueuses que, preuves en main, on peut suivre le personnage dans los principales phases de sa vie accidentée.

Jean Ier s'est montré digne de succéder à Gaston Phoebus; comme son illustre prédécesseur, il aimait les batailles et se plaisait au bruit des armes. S'il désirait, comme les princes de son temps, passer pour un vaillant capitaine, il ne tenait pas seulement à conquérir une glorieuse, mais vaine renommée ; il savait aussi profiter des occasions que lui donnaient ses victoires ou que lui ménageait sa politique habile. Aux qualités de l'homme de guerre, ce prince joignait le talent d'un habile

(1) Paris, Picard, 1881, un volume in-8° de 315 pages. En vente à Foix à la librairie Gadrat aîné.

(1) Jean 1er, comte de Foix, troisième successeur de Gaston Phoebus, régna de 1412 à 1136; il appartenait à la maison de Grailly qui, en 1398, remplaça la branche directe à la mort du comte Mathieu.


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administrateur. Dans les situations diverses où les circonstances le placèrent, il fit preuve d'une rare prudence et se tira toujours d'affaires avec succès.

Pour apprécier l'intérêt de l'oeuvre dont nous rendons compte, il suffit de se représenter sommairement l'époque où vécut Jean 1er, et du rôle qu'il fut appelé à jouer par sa position de grand feudataire et de gouverneur de Languedoc. Il ne s'est guère passé d'événements importants, pendant le premier tiers du XVe siècle dans le Sud-Ouest de la France, auxquels notre comte ne se trouva plus ou moins mêlé.

C'était l'époque où la folie de Charles VI laissait la France exposée à tous les désastres. Les factions rivales des Armagnacs et des Bourguignons se disputaient le pouvoir. Vainqueurs à Azincourt, les Anglais envahissaient la plus grande partie du territoire; par Bordeaux, dont ils avaient fait la capitale de leurs provinces du Midi, ils pénétraient dans le bassin de la Garonne et menaçaient des pays qui n'avaient pas encore reconnu leur domination. On eut à constater plus d'une défaillance ; à mesure que la fortune favorisait les entreprises des étrangers, la cause française perdait peu à peu ses adhérents.

A la mort de Charles VI, les convictions se raffermirent; la perspective d'un nouveau règne fit renaître l'espérance dans les coeurs.

Les partis comprirent de quelle importance serait l'intervention d'un aussi puissant seigneur que le comte de Foix. Anglais et Français cherchèrent à l'attirer de leur côté et lui firent les plus brillantes avances pour le décider à se prononcer en leur faveur. Jean eut un moment de tergiversation et sépara un instant ses intérêts de ceux de la patrie. Charles VII lui ayant confié le gouvernement de Languedoc, il sut par sa conduite réparer ses premiers torts. Soit par la force des armes, soit par l'habileté des négociations, il protégea les provinces dont il avait la garde. Les Anglais se virent contraints d'arrêter leurs déprédations en Languedoc et de se replier sur la Guyenne, en laissant le lieutenant du roi de France réparer les maux occasionnés par la guerre.

Les efforts tentés par le comte de Foix pour écarter la domination étrangère d'une terre française forment des épisodes curieux et peu connus de la guerre de Cent ans. La lutte engagée dans le Midi est une preuve que l'esprit patriotique ne se manifestait pas uniquement autour de la Capitale et dans les pays d'Outre-Loire ; un même souffle animait aussi les populations des provinces les plus reculées. Le sang versé sur tous les points du territoire a cimenté l'unité nationale, qui est sortie plus forte de cette crise ; les contrées du Nord ou du Midi ont été amenées à se considérer comme appartenant à un même corps.


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Nous devons savoir gré aux savants tels que M. Flourac, qui entreprennent le récit d'événements d'où se dégage une pensée consolante; ces auteurs nous apprennent que si notre pays est frappé par de grands revers, il trouve eu lui-même assez de confiance et d'énergie pour prendre une éclatante revanche au moment où la situation paraît le plus compromise.

Jean Ier, comte de Foix, avait droit do figurer dans la galerie des hommes célèbres qui, au XVe siècle, ne désespérèrent pas de la France et aidèrent à son relèvement.

L'influence qu'il exerça, il la devait certainement à son mérite personnel et à la charge dont la confiance royale l'avait investi, mais il on était également redevable à la puissance que lui donnait la possession de vastes domaines situés en France et en Espagne.

Jean Ier étendait son autorité sur le Comté de Foix, le Marsan, le Gavardan, le Nébouzan, le Béarn et sur quelques autres terres du Toulousain, de l'Agenais et de l'Albigeois. En Catalogne, il ne se contenta pas d'affermir son pouvoir sur le vicomté de Castelbon, entré dans la maison de Foix au commencement du XIIIe siècle; il trouva le moyen d'acquérir plusieurs fiefs qui le faisaient considérer comme un des plus redoutables vassaux des rois d'Aragon.

Fidèle à la politique de ses prédécesseurs, il s'appliqua encore à agrandir le patrimoine dont il était héritier et à lui donner une cohésion plus grande. Au Béarn il réunit le Bigorre ; cette annexion lui permit d'avoir une plus forte position au milieu de la chaîne Pyrénéenne et do se rapprocher de ses domaines situés dans le bassin de la Garonne.

Allié ou parent de toutes les familles royales des pays voisins, Jean était considéré comme un véritable souverain.

En résumé, le livre de M. Flourac est un ouvrage intéressant pour l'histoire générale comme pour l'histoire des pays qui formaient les Etats du comte Jean 1er. Ce n'est pas un simple récit d'événements; c'est aussi l'exposé du système qu'employa ce grand feudataire pour régir ses propres domaines et administrer la province du Languedoc. Cette étude initie à l'organisation de la vie féodale dans une région et permet d'en suivre le fonctionnement régulier pendant une période déterminée.

Plusieurs chapitres concernent les négociations que le comte entretint soit avec les rois de France, d'Angleterre, de Navarre, de Castille, d'Aragon, soit avec de grands feudataires. Les lecteurs connaîtront le caractère de notre prince, et, en voyant sa manière d'agir, ils apprécieront l'esprit qui régnait à cette époque dans les relations diplomatiques.

M. Flourac a fait oeuvre sérieuse ; il ne porte pas un jugement, il


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n'avance pas un fait, qu'une note, placée au bas de la page, ne renvoie au texte dont le renseignement est tiré. Presque la moitié du volume est remplie par 42 pièces justificatives et inédites, dont les originaux, sont conservés aux archives de Pau ou dans d'autres grandes collections nationales. Les documents rédigés en latin, en français et en roman ont été choisis avec discernement. Outre le cachet de vérité qu'ils impri-. ment à l'ouvrage, ils peuvent fournir de précieuses indications pour l'histoire, la philologie, le droit et l'étude des moeurs et des coutumes. Souhaitons à M. Flourac que le succès réponde à ses espérances et le dédommage des peines qu'il a prises pour nous faire connaître le comte Jean 1er et les événements si variés auxquels il a pris part.

F. P.

ÉPIGRAPHIE DE LA CIVITAS CONSERANORUM

par M. JULIEN SACAZE.

Paris, Joseph Bauer 1883. 31 pages.

Les inscriptions précisent la situation des vallées pyrénéennes pendant l'occupation romaine. La vallée de l'Ariège n'en offre pas malheureusement une seule à notre curiosité avide ; mais le pays de Couserans, plus fréquenté par les conquérants qui venaient y chercher les beaux marbres, peut-être simplement mieux fourni de pierres de bonne qualité ayant résisté au temps, a conservé plusieurs inscriptions. Elles n'avaient jamais été publiées dans leur ensemble. M. Julien Sacaze vient d'en donner le tableau. Il les décrit et les commente avec la sagacité et la justesse qui le classent depuis déjà quelques années parmi nos plus sûrs épigraphistes; il indique leur provenance certaine, la place où on les voit aujourd'hui et les présente même en fac-similé, luxe auquel les publications les plus célèbres ne nous ont pas habitués et qui est cependant fort souhaitable. Il est en effet bien différent de voir une inscription reproduite en simples majuscules banales, ou bien avec la forme même des lettres que le lapicide a tracées, et l'ornementation qui les accompagne. C'est un travail définitif et complet, à moins que de nouvelles découvertes obligent à l'étendre. Mais il était temps


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de l'écrire, car cinq inscriptions relevées par M. Barry ont déjà disparu.

Huit inscriptions proviennent de Saint-Lizier; dix autres de Bethmale, Bordes-sur-Lez, Caumont, Gajan, Lacave, Lescure et Prat.

Elles sont votives ou funéraires.

Les inscriptions votives sont dédiées : à Minerve Belisama, que M. Sacaze rapproche de la déesse gauloise Belesami du musée d'Avignon, assimilée par les Romains à Minerve (Saint-Lizier) ; à Jupiter, auteur des saisons propices, invoqué comme un Dieu protecteur, sans doute pour qu'il préservât la contrée des grêles qui la frappaient autrefois comme de nos jours (Lescure, aujourd'hui à la bibliothèque do Foix (1), caractères magnifiques) ; à la déesse Aude (Caumont) ; à la Fortune Auguste (Saint-Lizier).

Les inscriptions votives sont précieuses surtout par les indications qu'elles donnent sur la fusion entre les indigènes et les conquérants. Ainsi voyons-nous dans une inscription venue do Saint-Lizier au musée de Toulouse l'Aquitain Hanar, fils de Dumnorix , époux d'Aldène, fille do Donn , prendre les fonctions toutes romaines de magister et de questeur ; dans l'inscription de Bethmale, retrouvée récemment par M. l'abbé Cau-Durban, les enfants de Fuscus qui avait déjà quitté, pour prendre un nom romain, celui de son père Totton, et de Neuresenne, fille de Send, adopter les noms latins de Lucilius et Lucilia ; de même dans l'inscription incomplète de Gajan, Pomptinus à côté d'Haloïs ; enfin, dans une inscription, chrétienne peut-être, venue aussi de SaintLizier à Toulouse, Primulus, fils de Sorane.

Deux inscriptions militaires, l'une à Saint-Lizier, l'autre à Prat dédiée à un centurion de la 4e cohorte aquitauiqne, doivent être signalées, parce qu'elles sont rares dans les Pyrénées. Les noms romains et indigènes s'y unissent aussi.

Il importe enfin de remarquer un groupe d'inscriptions concernant une même famille, celle de Sergius Paulus. L'une trouvée à Caumont où, servant de seuil à une maison, elle s'efface tous les jours, est dédiée par Sergius Paulus à son épouse très chère; une autre, à Prat, aux dieux manes de Julia Paulina, fille de Sergius, par son mari Mareus Valérius Justus ; une troisième que M. de Basville vit à Bethmale, mais qui a disparu depuis, dédiée à la même Julia Paulina, par son fils Marcus Sergius Paulus ; la dernière enfin, déjà citée à Saint-Lizier, dédiée à la Fortune Auguste , par Marcus Valérius Justus. M. Julien Sacaze observe d'abord que la fille de Sergius devrait porterie gontilice de son père et s'appeler Sergia Paulina, qu'ensuite son fils aurait du

(1) Cette inscription, avec plusieurs autres, sera bientôt transportée au musée de l'Ariège.


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de même prendre les noms de son père selon les règles de la famille romaine et non ceux de son grand-père paternel.

Une conformité fortuite de nom avait entraîné quelques-uns de ceux qui étudient les origines chrétiennes de nos provinces avec plus de zèle que d'esprit critique, à reconnaître dans Sergius Paulus, saint Paul Serge, disciple de saint Paul et apôtre de Narbonne. Non seulement aucun indice ne rattache ces inscriptions au christianisme, mais une inscription de Melles, près de Saint-Béat, montre encore Julia Paulina, fille de Sergius, dédiant un autel au dieu topique Avéran, dont le nom s'est conservé avec la transformation de la phonétique gasconne, qui repousse absolument le v, dans celui de la montagne voisine d'Aoueran, entre Fos et Sentein.

M. Julien Sacaze a ouvert sa notice par une page substantielle sur les origines du Couserans. Il établit très justement que la ligne de hauteurs, s'élevant entre la vallée de l'Ariège et celle du Salat, séparait l'Aquitaine de la Province. C'était à ces montagnes que s'arrêtait l'Aquitaine ethnographique, c'est à elles que s'arrête encore la langue gasconne si caractéristique, dernier reste d'une nationalité qui fut si tenace. Les Romains s'étaient toutefois introduits dans la vallée du Salat et dans la haute vallée de la Garonne avant la conquête de l'Aquitaine par Crassus.

Le judicieux auteur donne une explication très plausible du nom d'Austria attribué jadis à la ville actuelle de Saint-Lizier. Elle ne le tiendrait pas de l'Auster qui ne souffle guère à Saint-Lizier, ainsi que l'ont imaginé quelques étymologistes probablement toulousains, mais de ce qu'elle fut cédée avec tout le pays de Couserans à Sigebert, roi d'Austrasie, dans le partage do 571 entre les fils de Clotaire, pour former ainsi pendant quelques années une enclave Austrasienne. Le nom d'Austria n'apparaît d'ailleurs qu'à une basse époque, et les évoques s'intitulèrent toujours episcopus Conseranensis.

L'étymologie de Montjoie ne doit pas être demandée à un temple de Jupiter. Mons jovis aurait donné Montjau, comme l'indiquent Fanjeaux, le col do Jau. Il est généralement reconnu aujourd'hui que le nom de Montjoie, porté en France par plusieurs localités, vient de ces monticules de pierre appelés Mons gaudii et Montjoie, que l'on élevait dans les chemins difficiles pour guider les voyageurs, que l'on dresse encore sous le même nom dans quelques contrées désertes, dans les montagnes de la Lozère par exemple, et qui, par une transformation bien naturelle, sont devenus parfois des oratoires, autour desquels des,, habitations se sont groupées.

J. DE L.


STATUTS D'UNE ANCIENNE CONFRERIE RURALE DANS LE COUSERANS

( Publication, d'un texte inédit en langue Romane. )

AVANT-PROPOS.

Le 8septembre 1315, on institua à Audressein (1), petit village, situé près de Castillon, au confluent de la Bouigane et du Lez, à l'entrée de la Bellongue (2), une confrérie destinée à établir entre les adhérents des rapports de confraternité religieuse et d'assistance mutuelle.

Le but principal que se proposaient les fondateurs était de développer des sentiments de piété parmi les membres de l'association, qu'on plaça sous le patronage de Notre-Dame. Aux termes de l'article 32 des statuts, l'observation de certaines pratiques religieuses constituait même « lou principal fondament d'aquesta confrayria. » Afin de s'assurer si les prescriptions du règlement étaient suivies sur ce point, il était recommandé aux prieurs de s'enquérir, avec discrétion, auprès des curés et vicaires des différentes paroisses si tous les confrères avaient fait leurs pâques et communié aux quatre grandes fêtes de la sainte Vierge. Ceux qui s'étaient soustraits à l'accomplissement de ce devoir recevaient un avertissement, et s'ils n'en tenaient pas compte ils étaient considérés comme exclus.

Pour resserrer les liens entre les sociétaires, on eut soin de prescrire des réunions à des époques déterminées de l'année. Les confrères étaient convoqués pour assister à des processions, à des messes, à des services funèbres, ou pour tenir des assemblées où se discutaient les intérêts de l'oeuvre. Une fois par an, le dimanche de septembre après la Nativité de Notre-Dame, tous étaient conviés à un dîner pour célébrer la fête patronale.

(1) Ce village porte deux noms dans le pays : Audressein et Tramesaygues. Le premier, d'après M. Luchaire : (Idiomes Pyrénéens, p. 27-28), serait d'origine euskarienne ; le second a une étymologie franchement latine : Inter ambas aquas, en vieux patois, entram-dos-ayguos. Il parait que cette dénomination était populairement reconnue au XVIe siècle ; car, nous avons retrouvé, dans un vieux document que le regretté abbé Berdal, curé d'Audressein, voulut bien nous communiquer ce texte qui Justine notre assertion : « Rolle des confraires et confrairesses de la confrairie de Notre-Dame d'Entre-Deux-Eaux. » Audressein est dans le canton de Castillon, à 12 kilomètres de Saint-Girons, chef-lieu de l'arrondissement (Ariège).

(2) Bellongue, en ancien français, Ballongue, du latin : Vallis longa. Cette vallée aboutissant prés de Castillon est arrosée par la Bouigane.

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En dehors des pratiques religieuses, les confrères étaient tenus les uns envers les autres à des devoirs d'assistance. Quand un membre tombait malade et qu'il était dénué de toute ressource, le curé de sa paroisse devait en donner avis au prône ; les prieurs et les conseillers recevaient mission d'organiser une quête pour venir en aide à l'indigent.

Si des contestations surgissaient entre deux associés, l'objet du litige était porté devant les prieurs et conseillers, à qui incombait le soin d'arranger l'affaire par voie de conciliation. Dans le cas où leurs efforts restaient impuissants, l'exclusion de la confrérie était prononcée contre ceux qui avaient méconnu leur autorité.

Plusieurs articles réglaient le cérémonial à observer dans les funérailles des membres décédés, et déterminaient les prières à réciter pour le repos de leurs âmes. Ces privilèges n'étaient pas uniquement réservés à la confrérie.

Toute personne pouvait réclamer les honneurs funèbres, tels que les rendait la confrérie, et demander une participation aux prières qu'elle faisait réciter à l'intention de ses membres décédés. S'il était donné suite à cette requête, une indemnité de vingt sous était exigée des héritiers du défunt.

Pour être reçu dans l'association, les formalités à remplir étaient simples. L'accès en était ouvert à tous ceux qui avaient dépassé l'âge de quatorze ans ; il suffisait, quand on était admis, d'acquitter un droit d'entrée de dix sous dont les femmes pauvres étaient seules exemptes, et de promettre par serment la fidèle observation des statuts. Chaque membre versait annuellement, à titre de cotisation, une mesure de blé, dont la farine devait être employée à la fabrication du pain servi dans le dîner de la fête patronale. Les femmes étaient, en outre, astreintes à payer trois sous pour l'entretien du luminaire.

Ces redevances, jointes aux amendes infligées en punition des infractions au règlement, constituaient les principales ressources de la confrérie. Dans le cas où quelqu'un ne voulait pas acquitter les droits prescrits par les statuts, il recevait un avertissement de l'official de Couserans ; et si, après les remontrances que ses collègues lui adressaient , il persistait dans son refus, l'expulsion était prononcée contre lui.

L'association se régissait elle-même ; à sa tête étaient trois prêtres qui, sous le titre de prieurs, remplissaient les fonctions de chapelains, et trois conseillers laïques ; tous, chaque année, le jour de la fête patronale, étaient élus en assemblée générale. Les dignitaires n'étaient rééligibles que cinq ans après leur sortie de charge, et devaient être


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choisis de manière à ce que chaque village de la contrée fût alternativement représenté dans l'Administration.

Lorsque ces prescriptions étaient méconnues , la nomination était annulée en assemblée générale et l'on procédait, suivant les formes ordinaires, à une nouvelle élection.

C'était aux prieurs et aux conseillers que revenait le soin de gérer les affaires de la compagnie et de veiller à la défense de ses intérêts; ils avaient, en outre, un droit de surveillance sur les confrères, allant même jusqu'à la faculté de prononcer l'exclusion suivant l'exigence des cas. A l'expiration de leur mandat, ils rendaient compte de leur gestion et remettaient le pouvoir aux nouveaux élus, qui prêtaient serment d'administrer avec exactitude et fidélité.

Nous ne nous étendrons pas davantage sur le but et l'esprit de la confrérie. Pour en connaître dans les moindres détails l'organisation et le cérémonial, il suffira d'en lire les statuts, dont nous avons essayé de résumer les principales dispositions.

Cette confrérie, dont il ne reste aujourd'hui qu'un vague et pieux souvenir dans les traditions paroissiales d'Audressein, a eu ses jours de prospérité (1).

Par bulle, en date du 9 juillet 1613, le pape Paul V reconnut solennellement l'association et l'enrichit de nombreuses indulgences et faveurs spirituelles à cause de sa notoriété dans le diocèse de Couserans et de l'antiquité de son institution.

Le rôle des membres a été régulièrement tenu à jour depuis le commencement du XVIIe siècle jusqu'à la première moitié de ce siècle ; nous n'avons remarqué de lacune que pour les années si troublées par la persécution religieuse de la Révolution. Durant cette période. les temples furent fermés dans les paroisses rurales de nos montagnes, et les cérémonies du culte furent suspendues dans le vieux sanctuaire d'Entre-deux-Eaux (2).

Parmi les confrères et confrèresses de la pieuse et charitable association, nous voyons figurer, à côté des noms les plus humbles de nos villages, les familles seigneuriales du pays : les Narbonne, vicomtes de Saint-Girons ; les Dupac, seigneurs de Marbé ; les Méritens, seigneurs

(1) La fête de la Nativité de la sainte Vierge se célèbre encore solennellement chaque année à Audressein.

La paroisse d'Arrout, ancienne annexe d'Audressein, s'y rend processionnellement aux offices du soir, qui sont suivis de réjouissances profanes. Mais te pèlerinage a perdu beaucoup de cet éclat religieux qu'ont dû lui connaître aux siècles passés les habitants des vallées Castillonnaises.

(2) Inter duas Aquas, comme l'appelle la bulle de Paul V.


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de Villeneuve ; les seigneurs de Balaguères ; les Solan ; les Lingua les Legardeur ; les Pentacorde, etc. Des paroisses les plus éloignées du diocèse, on tenait à honneur de s'enrôler dans la sainte milice qui, en 1680, ne comptait pas moins de six cents membres.

L'histoire de la confrérie semble se résumer dans celle de l'église paroissiale, qui jadis était sa propriété (1).

La nef, terminée par une abside pentagonale, et à laquelle donne accès une porte gothique encadrée d'élégantes moulures, remonte au commencement du XIVe siècle, époque de la fondation de la confrérie. Deux bas cotés sans absidioles furent ajoutés au XVe siècle ; on dut sans doute agrandir l'édifice, devenu trop petit pour recevoir les fidèles accourant en foule à ce sanctuaire vénéré.

A la même époque on construisit devant la porte centrale un porche couvert d'une voûte d'arêtes, dont la clef porte l'agneau pascal. On peut attribuer à la même période le campanile à deux rangs d'arcades géminées, que surmonte un pinacle en forme de créneau, à l'imitation un peu lourde de celui de Castillon.

Bientôt après, le porche central fut flanqué de deux porches en charpente, abritant les portes des nefs latérales. La porte de droite, que surmonte un écusson, est encadrée dans une arcade cintrée, qui se développe entre deux colonnes ioniques dans le style de la Renaissance. L'écusson porte une inscription sur laquelle ont lit : JESUS, MARIA; ARD DE PEIRON, 1564 (2).

Sous le porche central, on remarque des fresques (3) assez habilement exécutées, retouchées en plusieurs endroits à une époque assez moderne, et qui même ont été recouvertes en partie par un badigeon à la chaux. A en juger par le costume des personnages et par quelques détails d'architecture, elles dateraient de la fin du XVe ou du commencement du XVIe siècle. Il serait désirable qu'on procédât à une reproduction et à une restauration de ces peintures, appartenant à un genre, dont on trouve si peu de spécimens dans notre pays. Au mérite, que leur donne leur caractère archaïque, elles joignent l'avantage de rappeler le souvenir un peu confus de légendes locales, dont elles retracent les principaux épisodes.

(1) Tous les détails archéologiques sont empruntés à la notice que M. de Lahondès a consacrée à l'église d'Audressein dans la Semaine Catholique de Pamiers, 1883, n° 6.

(2) Ard de Peiron, ARNALDUS DE PEIRON ; c'est sans doute le nom de l'architecte ou celui du bienfaiteur qui a fait reconstruire cette partie de l'édifice en 1564,

(3) Ces peintures ont été décrites, dans l'inventaire des richesses d'art de France. Nomenclature de l'Ariège, par Pasquier, Foix, 1883, p. 17.


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Sous les voussures des arcades et sous la voûte centrale, on voit : 1° quatre anges, dont un, vêtu d'une dalmatique, pince de la guitare ; les autres jouent de la flûte, du violon et de la harpe ; 2° divers personnages parmi lesquels on distingue saint Jean-Baptiste et un apôtre, que son bâton et sa coiffure désigneraient comme saint Jacques.

Quatre panneaux mesurant, avec la bordure d'encadrement, 1 m. 25 de haut sur 1 m. de large, ont été tracés savoir : un de chaque côté de la porte de l'église et deux autres, en regard des premiers sur les parois intérieures des piliers.

1° (Panneau à gauche de la porte). A travers une fenêtre grillée, on aperçoit un homme assis dans une prison, les mains jointes, les pieds attachés ensemble par une chaîne de fer ; à côté, sur un autre plan, cet homme sort d'une tour tenant ses fers dans ses mains. Dans le compartiment d'en bas il se trouve, dans l'attitude de la prière, devant un autel surmonté d'arcatures, au milieu desquelles se détache une statue de Notre-Dame-de-Pitié.

2° (Panneau à droite de la porte). Un homme, armé d'un poignard, fait le guet à la porte d'un château-fort dont la porte, munie de la herse, est défendue par deux tourelles rondes ; plus loin, un autre homme est frappé à l'épaule d'un autre coup de poignard; sur le premier plan, un chevalier, à genoux devant une église, un cierge à la main, paraît témoigner sa reconnaissance d'avoir échappé à un grand danger.

Une légende locale, que n'explique pas la peinture, prétend qu'il s'agirait d'un voleur arrêté au moment où il allait pénétrer dans l'église.

3° (Panneau sur le pilier de droite). Doux hommes se battent en duel ; l'épée de l'un des combattants se retourne contre lui-même comme par un effet miraculeux ; l'autre tombe à genoux devant un autel.

4° (Panneau sur te pilier de gauche). Une femme tombe d'un arbre, la tête la première, les vêtements en désordre; en bas du panneau, elle est agenouillée, un cierge à la main, devant Notre-Dame-de-Pitié.

Ces quatre personnages, dans l'attitude de la prière, semblent indiquer que les peintures sont des ex-voto exprimant la reconnaissance pour des bienfaits obtenus en des moments critiques.

Dans la sacristie, on conserve une statue en bois peint de Notre-Damede-Pitié datant de la même époque que les fresques; c'est sans doute celle qui était exposée à la vénération des fidèles.

On peut encore citer comme dignes d'attention : 1° deux cloches, l'une de 1558, l'autre de 1755, qui avait pour parrain M. Antoine de Solan de


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Saboulies et pour marraine Mlle Marie de Solan de Saboulies, sa soeur ; 2° une croix du XVe siècle, en marbre blanc à gros grains, aujourd'hui placée dans le jardin du presbytère et qui s'élevait jadis sur la place du village ; le fût a été brisé; des lobes, cantonnant l'intersection des deux bras, forment un encadrement qui contient d'un côté le Christ, de l'autre, la Vierge debout, une couronne en tête, portant l'enfant Jésus.

La connexion intime, qui existait entre la confrérie de Notre-Damede-Tramesaigues et sa chapelle, aujourd'hui église paroissiale (1), nous ont amené à jeter un rapide coup d'oeil sur cet intéressant monument. Mais il convient de ne pas oublier le but principal que nous nous proposons d'atteindre, c'est-à-dire de publier un texte curieux à divers titres. Il permet d'abord de voir ce qu'était une association du moyen âge qui, sur plus d'un point, tient à la fois de la société de secours mutuels et de la confrérie religieuse. En outre, ce document mérite d'être mis eu lumière,car il est rédigé dans le dialecte gascon du Couserans, dont on ne connaît que de rares spécimens.

Le règlement de la confrérie et la bulle du pape Paul V ont été transcrits en 1623 sur un registre destiné à recevoir les noms des adhérents et conservé dans les archives de la Fabrique d'Audressein. Nous donnons les statuts d'après cotte copie. La plume du scribe a dû modifier certaines formes sous lesquelles on sent la trace du français. Si nous ne sommes pas en présence d'un texte où se reproduit un écho de la langue parlée en 1315 dans la vallée du Lez, nous pouvons constater ce qu'était ce patois au commencement du XVIIe siècle.

TEXTE. (2)

L'an mil très cens quinze et le houetie jour deu mes de septembre , en la gleysa de Nostra-Dama d'Entramasaygues, es estada instituida et fondada una fraternitat et confrayria à la honor de Dieu et sur l'invocation de la gloriosa Vierges Maria per les messieurs de caperas et clercs ; de laquala s'en enseguissen las statuts.

I. Premierement de la volentat de touts les confrais es estat statuit et ordonat que, chascun an, sian elegits très prions caperas et tres conseilles laiez, lousquals procuraran so que sera besoung

(1) Avant la Révolution, le siège de la paroisse était situé dans un édifice, placé sous le vocable de Saint-Martin et aujourd'hui démoli.

(2) Le texte est reproduit d'après la transcription de 1623.

Nous nous sommes contenté de mettre des signes de ponctuation, afin de rendre le sens plus clair ; mais nous avons respecté l'orthographe du scribe, laissant les incorrections que l'on rencontre dans plusieurs passages et ne cherchant pas à faire disparaître les variantes qui se présentent dans la manière d'écrire un même mot.


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estre faict en esta confrayria. L'electiou desquais tant prions que conseilhes sera feta sens aucuna fabour.

II. Item es estat statuit que, lou dimenge apres la Nativitat de la Vierges Maria, les confrays tant caperas que laicz se troubaran en la sancta gleysa de Entramasaygues là où un des prious disera la messa ; apres laquala faran processiou touts ensemble jusques au sementery de Monsieur Sanct Marty. là oun arribats faran un libera me per les confrays defuncts et generaloment (1) per touts les fidels trespassats.

III. Item es ordonat que Monsenhor le Rectour d'Audresseing disera una messa hauta de Nostra Domina le dissapte, de quinse en quinse jours ; et de sa pena ly seran cotizats deux escuts petits ; la dicta messa sera tengut dise en la dicta capora.

IV. Item es ordonat que les prious aussi diseran una messa hauta de Nostra Domina de quinse en quinse jours en la capera de Nostra Domina dab un libera me à la fi de la messa ; et lour sera donat per la dicta messa houet escuts petits ; et seran tenguts les dicts prious, moyennant la dicta somma de houet escuts, dire duas messas bassas, chascuna sepmana de morts, le dimars et dijaus.

V. Item es ordonat que, per tenir la lampasia alumada et autras causas necessarias à las dictas messas, sera donat à la gleysa chascun an deux escuts petits per les dicts confrays.

VI. Item qui voulera entra en la dicta confrayria jurara de guarda et observa las statuts de la dicta confrayria; et, de intrada, pagara la taula et le candelou (2), come les autres et, le premie an, sera exempt deu blat (3). Et las femnas pagaran aussi la intrada dex sols tolzas, et chascun an, per lou candelou (4), tres sols tolzas ; et seran tengudas se trouba le dict jour à la dicta messa et processiou et, sy quoualcuna era tant prauba que nou pougues pagar les dictz dex sols, les prious la pouiran recebe per la somma que sera abisada per els et les conseilhes.

VII. Item nou sera recebut à la dicta confrayria que nou aje quatorze ans, afin que plus ayzadoment se pousqua deschargea de so que es contengut en las presentas statuts.

(1) Quelquefois la voyelle brève a est substituée par la voyelle brève o, qui figure mieux la prononciation locale. Ainsi, generaloment pour generalament. L'e bref remplace l'o ou l'a.

(2) Taula et Candelou, pour l'autel et le luminaire.

(3) Il faut rapprocher cet article du XXIXe qui prescrit le versement annuel de la mesure de blé.

(4) Ici, candelou. tout en signifiant comme plus haut luminaire, semblerait indiquer que le paiement devait avoir lieu le jour de la Chandeleur ; autrement, on ne pourrait expliquer la phrase suivante où il est question d'une messe et d'une procession.


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VIII. Es statuit que, le dimenge devant Sancta Catherina chascun an, touts les confrays se troubaran en la dicta gleysa, là oùn des priours dizera una messa hauta de Nostra Dama ; laquala finida, faran processiou jusques au cementery de Mon Senhor Saint-Marty là oùn faran un libera me per l'estat des fidels desfuncts, et puis apres s'assemblaran en la maysou de la confrayria peradvisa so que sera expedient et necessary.

IX. Item sy aucun confray es mort loiug de païs, que les priours seran tenguts de persuada à sus parens de ly fe las honnours funebres et, sy nou an moyen, lesdicts priours seran tenguts fe l'officy en la gleysa d'oùn et era habitant.

X. Advenent la mort de qualque confray ou confrayressa, les caperas seran tenguts per son estament dize una messa de mortuis; chascun les que saberan legi (1), una begada l'officy des morts; et les autres et las femnas, chascun cinquanto cops le Pater noster et Ave Maria.

XI. Item sy qualque confray era ta praube que en sa malattia nou agues moyen de viue, lou rictour ou vicary deu loc le recommandara au prosne do la gleysa, et les priours ou conselhes faran la quista, pour las almoynas, qu'ets auran cueilhidas, estre delivradas au dict confray malaut; et que le dict confray ou sous heretes nou aurion moyen ly fè las honnours funebres, les priours seran tengutz forni so que per els sera aduisat, et lours conseilhes et apres les sera cottizat sortent de charge (2).

XII. Item quand qualque confray ou confrayressa sera mort, les priours ou conseilhers seran tenguts de nuncia la mort aux plus prochains confrays, affin que se troben à sa sepultura; et se presentant deuant la maysou deu dict confray deffunct, les caperas dizeran l'officy des morts à voutz mediocre et apres commensaran le psaume Ad le levavi animan ou In exitu à haute voutz jusques à la gleyza en laquala lou mort aura elegida sa sepultura ; et fet l'officy, pendent las obsequias, les dicts priours departiran sies ardits (3) de pa als praubes que s'y troubaran à la dicta sepultura, louqual lour sera cottizat à lour redditiou de condes.

XIII. Item les dits priours seran tenguts de fe porta les draps des morts de la dicta confrayria là oùn le confray sera mort, et per la pena d'aquet que les portara, les heretes deu mort pagaran sies ardits.

(1) Sous-entendu : seran tenguts.

(2) Les mots de la dernière partie de la phrase ont dû être intervertis par le scribe de 1623; il faudrait sans doute : et apres, lour sera cottizat per les conseilhes sortent de charge.

(3) Ardits : liards.


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XIV. Item es ordonnat de volentat de touts les confraysque, le jour de la confrayria, les caperas confrays se troubaran bestits de lours raubos et suberpelices, et nommadament les rictours et vicaris; et les contrevenents pagaran dex sous tolzas, que seran applicatz à la reparatou de la dicta confrayria.

XV. Item si aucun en l'article do la mort non estant confray aguessa affectiou de jouy des priuilecges (1) de ladicta confrayria tant des draps, messes et autros oratious, que les priours et conseilhes le pouyran recebe à la charge que les heretes seran tenguts de paga vingt sous tolzas ; ainsi et sera nombrat au reng des autres confrays.

XVI. Item es ordonnat que la electiou de priours et conseilhes, que annualoment sera feta le jour de la dicta confrayria, sefara sens fabour ny affectiou aucuna et sans aucun degre de parentelle, et aucun nou sera recebut à este priour ou conseilhe sin es estat autre begada que nou aye passat cinq ans.

XVII. Es estat statuit que un priour et conseilhe seran chascun an mes en charge de la ville de Castilhon.

XVIII. Autre priour sera elegit deu Consulat de Castilhon, Batmale et Alas, et consecutivement nou pouira este en un des dicts locs deux ans per reng, ains courrera de un loc en autre, affin que un chascun confray pousco jouy de las honnours de la dicta confrayria.

XIX. Et per le conseilhe qu'es instituit ausdicts locs, es estat arrestat que sera mes en charge come es estat dict deu priour et que deux ans nou pouyra demora en madech loc.

XX. Item es estatuit que, lorsque le priour de Vallongue sera en Vallongue dejous, l'an apres sera creat en Vallongue dessus ; so que sera faict et observat pour le conseilhe que es dicts locs es mes en charge; et le tout se fara, affin que un chascun pousco jouy de las honnours dela dicta confrayria. Et fasen la electiou autrement que en la forma susdicta, que elle sera nulle et, per deliberatiou de conselh d'aquets que acquiesseran à ce dessus, et (2) sera fet un autre sans apera le contravenent ou per le conselh et sera pres un en la forma susdicta.

XXI. Item es arrestat que, le dimenge aprèe la festa de la Nativitat de la Vergis Maria, touts les confrays se troubaran en la dicta gleysa d'Entramasaygues per auzi l'officy et accompli le contengut en las presentas statuts, et puis apres s'en iran digna à la maison de la confray -

(1) Dans ce mot et dans un certain nombre d'autres, l'u remplace le v, lettre qui est peu employée en gascon, et qui n'est souvent introduite dans les textes que par la négligence des scribes.

(2) Et. Ce pronom est mis ici et dans plusieurs autres passages pour el, conformément aux règles de la phonétique gasconne, qui, à la fin des mots, change l en t.


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ria, louqual sera aprestat per les priours et conseilles, le tout en la forma accoustumada.

XXII. Item es ordonat que les priours elegiran un des confrays ou autre à lour volentat suffizent et capable, louqual à la gleysa prechera; et apres que les confrays auran pres lour refectiou, fara qualque exhortatiou, lisant à la fin las presentas statuts, affin que aucun desdicts confrays nou pretenda cause d'ignorance.

XXIII. Et pendent las dictas exhortatious nou sera point permis de parla, affin de nou empecha la paraulo de Diu, sinon que en cas de necessitat parlant avec son plus prochain compagnon ; et ores y auria aucun rebelle, sera condamnat per les priours ou conseilles.

XXIV. Finida l'exhortatiou, lou que a fet l'officy dizera gracios, et apres sorten de la dicta confrayria de deux en deux en bon ordre s'en iran dret à la gleysa en disen le psaume : Miserere meî, Deus ; et deuant le grand auta diseran le : Salve Regina, à l'honnour de la Verges Maria , et à la fin un libera me per les confrays deffuncts. Et le tout acabat, un chascun se retirara à sa maison.

XXV. Item es ordonat que si deux confrays auian querella ny disseutiou ensemble, que les priours et conseilles s'enquerescon de tout ; et ores se trobaria aucun contrcvenent à so que ly sera commandat per lesdicts priours et conseilhes, sera tirat de la dita contraria.

XXVI. Item es estatuit que touts les confrays se troubaran le dict jour de dimenche tant à l'officy que au disna (1), sinou que aguessa legitime excuse ou que malautia l'empeches de y apporta so ques de son deuoir; et y contrevenent sera tengut de paga la somma que sera estada cottisada sur chascun confray. Mais sy auio aucun confray malaut que nou pouguessa se trouba audict disna, ly sera baillat miech pa, un quart de vin et companatge, à la discretiou de les priours, et que pague coumo sy era present.

XXVII. Plus es estatuit que aucun nou entrara en la dicta confrayria per mingea ny per beue, sinou que sia confray, comme de mesmes per aucun nou fara servicy en la dicta confrayria, sinou que sio confray; et ores s'en y troubara aucun, sera tirât dehore ou pagara la cotisatiou imposada sur chascun confray.

XXVIII. Item es estatuit que si qualque confray reffuza de paga les drets de la dicta confrayria dedens un an, sia admonestat en vertut de lettres do Monsieur l'official de Coserans, et per nou este excomingat,

(1) Cet article fait logiquement suite au XXIVe et a trait aux obligations imposées aux membres de la confrérie le jour de la fête patronale.


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sera exhortat per les dicts priours, et fazen appare au proces de sa responce , sy demoure obstinat, sera tirat de la dicta fraternitat.

XXIX. Item es estatuit que les confrays lays pagaran chascun an una coussera de blat pur et net, per deudict blat este faict le pa deudit disna ; de laqualle charge les caperas seran exempts.

XXX. Lendema de la dicta confrayria un des priours dizera una messa de requiem hauta à la gleysa de Monsieur Saint Marty,[ab] diacre, susdiacre; apres laqualla les caperas que s'y troubaran, priours et conseilhes vieils et nouveaux et les consouls et qualques uns deu conseilh s'en iran disna en la maysou de la dicta confrayria; et apres le disna , les dicts priours et conseilhes departiran las charitats aux praubes que se troubaran au dict loc, leur donnant un petit pa à chascun.

XXXI. Item es estatuit et ordonnat que touts les confrays et confrayressas se confessaran et faran lours pasques le jour de l'Annoticiatiou , Conceptiou, Assumptiou et Nativitat de Nostra-Dama en quina part que sion, et lou jour de la Nativitat qu'es la principale festa de aquesta confrayria. Lous confrays de Castilhon seran tenguts et obligats de vengue le jour de Pasques à la capera touts en corps.

XXXII. Item seran tenguts et obligats lous priours de observa l'article precedent comme estant lou principal fondament d'aquesta confrayria, d'admonesta et adverti tousrictours et vicaris oùnt y a confrays d'aquesta confrayria, quinze ou houeyt jours deuant la dictas quatre festos principalos de Nostra-Dama en l'article precedent mentionnades, affin que advertiscon les confrays et confrayressos de l'obligatiou, que an de se confessa et he lours Pasques en aqueras festas, et exhortant les à se prepara dignament per receve le sanct Sacrament.

XXXIII. Plus per sabe sy las estatuts se observon, les priours seran tenguts de s'informa d'am lous rictours ou vicaris que nou auran heta lour coufessiou et coummuniou en les dicts jours ordonnats, affin que tout se hassa (1) dab granda discretiou.

XXXIV. Item es estatuit et ordonnat que lous priours de la dicta confrayria auran lou cor (2) et s'aduisaran d'aquets confrays et confrayressas que nou confessaran et faran lours pasques en lous jours ordonnais et nou observaran lous autres estatuts importants de la dicta confrayria, affin de y remedia et remonstra ausdicts confrays la grande offensa et fauta que hen en nou observa las estatuts. Que sy per ventura

(1) Dans cet article, le scribe a conservé à heta (faite) et à hassa (fasse) la forme gasconne en remplaçant l'f par l'h. Dans les autres articles, on s'est fréquemment écarté de cette règle.

(2) Auran lou cor, auront à coeur.


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apres suffisentas demonstratious nou volen observa so dessus dict , sera permes aux priours, d'am laduis et prudence de lours conseilhers et autres personnes apparentos de la dicta confrayria, les tira et cassa de la confrayria.

XXXV. Le tout acabat et departida la charitat, so que sera arrestat en la dicta confrayria sera vendut à l'inquant, affin que l'argent en provenent sio precomptat de so que sera fornit per les dicts priours.

XXXVI. Les priours vieils assistats de lours conseilhes renderan conde de so que auran administrat en la dicta confrayria tant de prinses que de fornitures aux priours et conseilhers nouveaux, assistan messieurs de consuls et autres confrays vieux tant caperas que lays.

XXXVII. Item lous priours elegits de nouveau son tenguts et obligats de fe serment le jour de l'assemblade apres disna le salut dict, d'observa las estatuts couchats cy dessus que concernon lour charge, et de gouverna tous les affes de la confrayria en bous maynatges et pays de famille, et de nou esgara re au projudici de la dicta confrayria, et de fe presta le mateich serment en aquets que seran elegits per priours en la mateche forme et en le mateich jour et fe entre las mas des priours que sortiran de charge.

Signés : Couserans, Montagut, Roquemaurel, Commes, Jacques Soubie, recteur de Castilhon, Bugat, prestre, Segalas, prêtre, Ambaig, recteur de Galay, Raufast, prestre, Caubère, recteur d'Alas, Jacques Lapeyre, prestre, Jean Fitte, prestre, Jean Laffont, prestre, Baron, consul, Vinals, consul, André Lafont, notaire d'Argein, Pey Pont.

Copié lé 23e juin 1623 par Maistre Pierre Lafont, prestre et confraire de la dicte confrayrie. Estant prieurs Maistres Jean Fitte, Bertrand Dupla d'Ourjout, Gailhard Bondety, recteur d'Orgibet. Conseilhers, Noble Charles Dupac, sieur de Marbé, sire Pierre Blanc, dict Mendaigne, Peyroton Bartran d'Audresseing, Bertrand Durrieu d'Ilharteing.


LE POETE JASMIN DANS L'ARIEGE

JANVIER 1854

Dans le voyage que Jasmin entreprit en 1854, il s'arrêta dans les principales villes du département de l'Ariège. Partout il fut reçu avec enthousiasme; à Pamiers, à Foix, à Saint-Girons, son passage fut l'occasion d'une fête littéraire. La muse patoise de nos montagnes se donna l'essor pour célébrer l'arrivée du poète qui réhabilitait la vieille langue du Midi, dont il faisait apprécier la richesse et l'harmonie.

A Foix, la réunion eut un attrait tout particulier; on aurait pu croire que la vieille capitale du Comté essayait de faire revivre les traditions de l'époque où les compagnons du Gai Savoir venaient, à l'invitation de Gaston-Phoebus, tenir leurs assises dans notre château.

Dans les séances que Jasmin donna dans notre pays, il récita les pièces les plus remarquables de son répertoire ou se livra à l'improvisation, révélant à ses auditeurs les ressources de son talent varié.

Les éditeurs des oeuvres complètes de Jasmin n'ont pas reproduit les strophes qu'il adressa en plusieurs circonstances à nos compatriotes pour les remercier de leur sympathique réception. Ces morceaux auraient cependant mérité do prendre place dans le recueil. Ce sont autant de fleurs qui doivent être jointes à la couronne que des mains amies ont tressée à la mémoire du poète. Ces fleurs ont d'autant plus d'attrait pour nous que chacune a conservé l'empreinte du milieu où elle a pris naissance.

Dans notre Bulletin, qui a pour but de rechercher et de mettre en lumière les faits de notre histoire locale et do favoriser le développement des études littéraires, no convient-il pas de publier ces poésies écloses sur notre sol? Ce travail a en outre l'avantage de fournir des documents aux auteurs qui s'occupent de l'oeuvre et de la biographie de l'illustre Agenais. (1)

En face de Jasmin, nous montrons un de nos compatriotes lui souhai(1)

souhai(1) dans le numéro de l'Ariégeois en date du 28 janvier 1854, où elles gisaient oubliées, que nous avons recueilli ces diverses poésies de Jasmin. On ne cita que quelques strophes du poême du vieux paysan. Afin de rendre à la fête littéraire, qui eut lieu à Foix le 22 janvier dans le théâtre de la Mairie, sa véritable physionomie, nous reproduisons tout ce poême, après l'avoir transcrit d'après le manuscrit de l'auteur. Nous tenons en outre à le mettre sous les yeux de nos lecteurs, afin de donner un spécimen de la poésie patoise à notre époque dans l'Ariège. En dehors du mérite intrinsèque du morceau, il est curieux de juger l'oeuvre qui, devant une assemblée choisie, souleva, il y a trente ans, les applaudissements unanimes.


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tant, en vers patois, la bienvenue dans la ville de Gaston-Phoebus et le remerciant de sa générosité envers nos pauvres.

Le petit poème, que nous publions, est une preuve du talent si souple de l'auteur qui sait, quand les circonstances le réclament,

Passer du grave au doux, du plaisant au sévère.

Il a désiré garder l'incognito, ne voulant pas que l'on connût quel était le vieux, paysan qui n'a pas hésité à se mesurer avec une des célébrités littéraires du Midi et à opposer le dialecte un peu rude de nos montagnes à l'idiome coloré des rives de la Garonne.

PRISCUS.

I. Vers improvisés à Foix dans la salle du théâtre, le 22 janvier 1854, pour remercier de leur accueil les habitants de cette ville et célébrer le château de Gaston-Phoebus :

LOU BRES DE GASTOU-FEBUS

Quan dins soun biel palay d'Ortes

Gastou-Febus cansounejabo, May que toutos, sa muzo al sourel s'alucabo ; Et pertout, sous refrins an estat lous pu bes, Mais nou m'estouni plus aro de sous laoures ; Dins aqueste païs oun sa may l'alengabo, Sul la tuco d'un roc, abion pinquat soun bres : Sa muzo s'y fasquet et may tendro et may fiero,

Car, coumo l'aiglo dins soun niou, May bezino del ciel, recebio la prumero, La calou del sourel et lou cot d'el de Diou !

.17. Dans la séance du même jour, le vieux paysan, après avoir donné lecture de la pièce dont nous reproduisons plus bas les strophes patoises, offrit un bouquet au poète et recueillit, au profit des pauvres,une somme de cinquante francs. Jasmin, en présence de cette manifestation, improvisa les vers suivants :

De poulits bers per jou, cinq pistolos pel paoure. Oh ! coumo aquel payzan a soun co pla setut, Coumo sat emplouya las brencos de soun aoure ; As cantayres las flous! as que plouroun, lou frut !


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111. Poème du vieux paysan de l'Ariège, lu dans la séance du 22 janvier 1854, pour souhaiter la bienvenue à Jasmin :

Jasmy à Fouïch.

22 janvier 1854.

Al moument que le pa cado joun encaris,

Oun pribat de trabail l'home de las mountagnos

S'arruco jous la neou qu'assiedjo le païs,

Al moument oun dins las campagnos, Toutis counjuran Diou d'abança l'estibat,

Car le granet es rare sul' marquat ; Per qu'en bilo cadun, des pes jusqu'à la testo,

S'es fait proupret, luzent, endimenchat

Coumo sero uno grando festo ?

Per que las guirlandos de bouïch Et las flous del printens jous la glaço cullidos,

Flouretos à maitat transidos Sus las parets, sus mounuments de Fouïch,

En courounos berdejon :

Et per qu'enfins, à l'oustal coumunal, Quan le pople palis, les riches qu'y mestrejon Soun prestis à dansa dins la salo de bal ?

N'es arribat calque moussu de marco ? Calque Rotschild, al pouchet couzut d'or, Qu'entre las paouros gens ben parti soun tresor ? Que nous toumbo del cel un paternel mounarco

Jalous d'abe soun pople gras

Que seguit, de pres, d'uno barco

Cargado dins le Païs-Bas

Nous porto blad per fè millas ?

Nani ! mes un efant d'aquelis que grandissen

Noun pas dins les palaichs, où re nou lour manquec,

Mes pla d'aquelis que patissen, Qu'a trabailla des dits le hazard coundannec, Un simple oubriè, Jasmy, que n'a res que sa lyro, La que trouquec un joun countro sous dous rasous, Riche del foc sacrat doun soun boun cor s'inspiro Es bengut jusqu'à Fouïch per canta sas cansous.


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Troubayres del biel temps, del temps de Margarido, . Ou del temps de Phoebus le coq d'aquet païs, Ajats, dins l'aoutre mound, un moumen d'allegrido, L'haounou del gai-sabe reneieh et reflouris ! De Jasmy la cansou plouro tant pietadouzo Que dirion les bersets del celeste councert, Qu'a fait déja toumba la manno del desert

Sus les paourots d'Agen et de Toulouso. Le noubel Goudouli al feble tend la ma,

La caritat santo l'animo Et quan del foc d'amour el se sent abranda,

Dins sous berses, à cado rimo Dits al riche : « abetz d'argent, boun cal douna : « Es bous aous que debetz abey paga la dimo « En aquets que bezets sanglaçadis pel fret,

« Sence trabail, sence panet « Nou sapian couci fe per nouyri lour famillo !

Escouten sas leçous... Ainsi bous, juno fillo,

Doun le frount liffre et pur n'a pas besouign d'atours

Renounçatz as ribans, per la sazou noubelo

Et de l'or counsacrat à calque bagatelo »

N'ouirirets quatre oustalz al mens pendent dex jouns.

Dametos al boun cor que ta gentict soupiro,

Dins un elan de caritat Reprimalz per oungan le banitous esclat De fe sus bostre cos reluze un cachemiro ; Et d'aquel abrigal boutatz le pretz en blad.

Al bostre tour, les mestres del moument

Qu'etz sietadis al prumié reng

Del banquet tant doux de la bido . Escoutatz de la fam la boutz reicho que crido : Durbetz calque chantiè, fazetz gagna d'argent ; L'oubrie, qu'aïmo trabail, nou pren qu'ambe bergougno Ço que nou gagno pas, al pretz de sas suzous. L'aymoyno as estroupiatz, as bieils, as maynatchous !

A l'home que pot, la bezougno !

Durbetz-y les camis de fer : Tarnatz de roucatets las massos graniticos ;

Et la bapou embe soun bruch d'infer

Pourtan plaleign l'aciè de las fabricos, Las laousos de Siguer, de Miglos les sapis, Le piastre de Trascou, le legum des jardis, Les froumatches d'Aouzat et l'herbo de las prados ; Al retour fournira nostros paouros coutrados D'oli, de cok, de blad, de binet et de sal,

En un mot de tout ço que cal

Per fe d'aquet traouc de mountagno, Abans que sion pus bieils, un païs de coucagno !


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Riches, en agissan atal

Adouciretz may d'uno peno. Las paouros gens nouyrits per bostre estreno, En bous deouren la fi de lours doulous, Bous aïmaran et pregaran per bous.

Moun Diou ! que serio bel de beyre la feblesso, Dins le rude balat, oun nous trouban sarrau

So repaouza sur la riehesso !

Et toulos dos s'en nnan bras à bras, Coumo dous fiançats, moudelo de tendrosso,

Que pel mounde se campejan, Tantot sus rocs, tantôt sus la girbo flourido

Se renden pu douçu la bido,

En se poutounejau !

Es un robe qu'ai fayt !... moun esprit se rebeillo. Que m'en dit ? que Jasmy tout frese bon de Paris ; Que toutis an troubat sa musico pareille A la pu douço mel qu'eychalibo la beillo, " Al murmure del rec que sut gazoun brounzis ; Et que de grands lettrats, unitz dins uno festo

Al chantre de Castelaille

An uffert un ta bol laourie, Que la bilo d'Agen, m'en dit, ne perd la testo.

Apretz que tals sabens en prouclaman toun noum, Et l'escriban, Jasmy, sus lours bieillos taouletos , Et que le president se tregan las lunettos, T'abio fayt las haounous de l'immourtal saloun,

Qu'aci pouden fè, per te playre ?

Te courounaren en plen ayre ? Nostre laourie serio pla palle et mouich. Dins nostro paouretat, tout ce que pouden fayre Es de graba toun noum, Jasmy, sul roc de Fouïch ! LE PAYSAN DE L'ARIÈJO.

IV. Le 24 janvier 1854, dans une soirée donnée en son honneur par M. de Groussou, juge au tribunal de Foix, son compatriote, Jasmin lut l'allégorie suivante :

LA QUISTO.

Allégorie à Madame Laurence de Groussou, d'Agen.

Uno Tourtero fort aymado, Qu'es aoutan bouno que beziado, A quitat nostre bos tant claoufit de ramels Et dins aqueste s'es mudado Dambe soun niou de Tourterels.


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— Un Cardi, pitchou brezillayre.

Mais balen coumo tous cardis,

Li'a pourtat, sigu do li playre,

Douços noubelos del païs.

Et la Tourterello amistouzo Toutjour bouno, toutjour graciouso, L'a tan, tan festejal dins lous bos mountagnols, Que lou Cardi brezillo, et que sas brezillados, An apelat pret d'el dus ou tres poulits bols

De tourterelos alindados

Et de troupels de roussignols ;

Et touts li rizon, lou festejon,

El touts por el roussignoulejon ;

Et lou Cardi n'es pas aouriou.

Mais anoy que s'es fey quistayre,

A la glorio nou ponso gayre ; Helas ! ponsi puleou, qu'en benen à praciou, A bis milo aouzelous aganits dins lou niou.

Tabe n'escoutan que la peno,

Aro que bey d'aouzels burous,

Lous may hurous de la gareno,

Et qu'an l'ayre tant pietadous, Fay sa quisto... et coumo qui gragno, Demando pel l'aouzel, qu'es entecat et nul,

Pitchouuo grano de mountagno,

El de la piano quaouque frut,

De grus de blat ou de groussagno ,

Et de cabels de mil menut.

Et se nostro jouyno tourtero,

Que nous boudro jayna digun, Lou trobo trop gaouzat, chez elo, aquesto sero,

Bountat fay graço à l'impourtun. Et damb'el, pel sigu, nou brizara pas maillos,

Se penso dins soun co doulen,

Que pes illots, pel las muraillos,

D'aouzels sans feillos, sans micaillos,

Pioulon de fret et de talen !

V. Réponse faite à M. le docteur Ourgaud, qui avait adressé au poète une pièce de vers pour célébrer son arrivée à Pamiers le 25 janvier 1854 :

AL MEDECI-POETO

Dizon que poezio amatigo las penos; Pel mounde alors, amit, s'es un double trezor : Poeto et Medeci! doundes las dios mourenos ;

Garisses l'amo amay lou corp. Chel riche endoulourit, dambe tous bers que daoures,

Fas tourna la joyo pret d'el. Mais quan, de rescondous, s'es medeci des paoures,

Nat poemo nou bal aquel.


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VI. Réponse faite dans la même séance à une pièce de vers intitulée : A Jasmin, Patriarche de la Charité :

M'enbitats à la festo, y bendrey, lou proumeti, Proche de soun faoutul garda-me pitchou sieti.

Ma s n'y farey gayre de brut ;

Car dezunpey que souy bengut,

Ma muzo sajo m'agarrejo,

Et me dit, tout bas, à-tingut, « Tan que lou roussignol dins Pamier cansounejo

« Que lou pinson y reste mut! »

VII. Réponse adressée à une demoiselle de Saint-Girons qui, dans cette ville, lors du passage du poète, lui offrit une couronne :

Doumayzeleto,

Tan poulideto, Bostre bouquet me play. Qu'es bel ! Fatigui moun el per lou beyre. Dous bouquet! d'oun me ben, de la Terro ou del Cel? Oh! bon del Cel, dobi lou creyre : Abcs trop l'ayre d'un Angel ! (1).

(1) Le récit de la séance de Saint-Girons se trouve dans le numéro de l'Ariègeois en date du 1 lévrier li1851.


ACQUISITIONS DU MUSEE DE L'ARIEGE.

1882-1883.

COLLECTION CABIBEL. — DONS DE MM. HUET , BARRIÈRE ET LARROQUE.

C'est au mois de septembre 1882 qu'on a commencé à disposer dans les salles du Musée les pièces de la collection Garrigou. L'exemple donné par notre compatriote a été suivi ; peu à peu nos vitrines se sont garnies et l'espace commence à devenir restreint. Pour classer convenablement la section archéologique et les médailles, une troisième salle vient d'être appropriée, grâce à une subvention du Conseil général.

Il convient d'adresser nos remerciements aux généreux bienfaiteurs qui, par la cession d'intéressantes collections, ont contribué d'assurer à notre Musée une place distinguée parmi les établissements du même genre.

D'autres objets nous sont promis; conformément au règlement du Musée nous continuerons à faire connaître les noms des donateurs et d'indiquer sommairement la nature des pièces cédées.

I. La collection botanique a été organisée d'un seul coup. M. Huet, ancien professeur, nous a ouvert généreusement ses cartons et a réuni près d'un millier de plantes pour en constituer les éléments d'un herbier ariégeois. Lui-même a recueilli toutes ces plantes et les a classées en ordre méthodique ; il a eu l'obligeance de les étiqueter à notre intention et d'en dresser un inventaire, qui peut servir de point de départ à la rédaction du catalogue de la flore ariégeoiso.

Un jour venant, notre désir serait de publier dans ce Bulletin l'inventaire dressé par M. Huet.

II. Nous avons déjà eu occasion, en rendant compte de l'exposition organisée en 1882, à l'occasion du Congrès de géologie, de faire connaître les noms de ceux qui ont bien voulu donner de curieux échantillons de géologie et de minéralogie. Ce sont : MM. Grégoire, de Lacvivier, Bastian, Faure, Delrieu, Piquemal, Caralp, etc.

La Société métallurgique de l'Ariège nous a envoyé une collection des minerais qu'elle emploie dans ses hauts fourneaux ; en outre, elle nous a permis de choisir des spécimens des aciers qui servent à la fabrication de ses produits.

III. L'année dernière, à l'époque du concours industriel, nous n'avons pas manqué de profiter de la circonstance pour accroître nos collections.


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Nous avons obtenu de l'administration forestière une mosaïque composée de casiers , dont chacun représente un type de nos essences indigènes. De plus, des morceaux do bois coupés, en forme de volume, dans les troncs d'arbres suivant le sens vertical et dont l'écorce a été conservée, constituent une bibliothèque forestière de l'Ariège.

Nous avons complété la série de nos minéraux, en choisissant des échantillons parmi ceux qui figuraient au concours.

IV. En 1883, M. Barrière, instituteur à Tourtrol, a remis une vingtaine de haches en pierre qu'il avait recueillies dans la vallée de l'Hers; on les a placées sur des cartons au milieu de la collection préhistorique où elles attirent l'attention des visiteurs.

V. Pour indiquer l'importance du don fait au Musée par M. l'abbé Cabibel, curé de Montardit, nous publions un extrait du procès-verbal d'une séance de la Société Ariégeoise où un membre a donné une description sommaire des objets cédés.

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE DES SCIENCES, LETTRES ET ARTS.

Extrait du procès-verbal de la séance du dimanche 7 janvier 1883.

La collection de M. le curé de Montardit, qui comprend de nombreuses pièces, se rattache à l'histoire naturelle et à l'archéologie préhistorique. Dans la première catégorie, la paléontologie est surtout représentée ; on voit des nérites, des griffées et diverses variétés do l'ostrea se rencontrant aux environs de Sainte-Croix, et dont quelques types, devenus classiques, ont accru le nombre des espèces connues. Grâce à la libéralité de M. Cabibel, nous pouvons rétablir, en partie du moins, la série méthodique des fossiles du bassin du Volp, telle qu'elle s'offrait dans nos vitrines au moment de l'exposition du Congrès géologique.

Signalons aussi des échantillons de fer oligiste affectant des formes bizarres ; un morceau de tronc d'arbre pétrifié mesurant 0m50 de longueur sur 0m20 de diamètre. Ce spécimen de la flore fossile, dont nous ferons polir une des surfaces horizontales, a été retiré d'une couche d'argile du terrain tertiaire, qui se voit à mi-côte du coteau où se dresse le village de Montardit.

Les objets d'archéologie préhistorique proviennent de fouilles faites par M. Cabibel dans la grotte d'Enlène, près Montesquieu-Avantés, sur les bords du Volp. Cette caverne est précédée d'un vestibule d'où prennent naissance plusieurs galeries se ramifiant sous la montagne.

La couche stalagmitique n'existe pour ainsi dire pas à Enlène, et, en fouillant, l'on rencontre directement le sol primitif où les objets sont


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renfermés dans une gangue durcie. Si cotte absence d'un enduit calcaire rend les recherches plus faciles, il faut reconnaître que la stalagmite est un préservatif mettant les objets enfouis à l'abri des bouleversements occasionnés par diverses causes. Le sol de la grotte a été remué par des renards ou d'autres carnassiers, qui ont trouvé dans les galeries un repaire assuré où ils ont laissé des traces non équivoques do leur passage.

Ce n'était pas dans le vestibule que l'homme avait établi de préférence sa demeure, mais presque au point de départ des galeries.

Après l'ursus spelaeus , dont de nombreux ossements ont encore augmenté les spécimens do cette race déjà si bien représentée dans nos vitrines, les animaux les plus communs à Enlène appartenaient à plusieurs espèces de la race bovine; il y avait aussi les cervidés, tels que le renne, le cervus elaphus.

Sur quelques ramures de bois de cerf ou de renne, on voit des entailles longitudinales indiquant qu'on a eu l'intention d'enlever des éclats d'une forme déterminée.

Des ossements, fendus pour en extraire la moelle, offrent des sections caractéristiques, pratiquées au moyen d'instruments tranchants.

A côté do ces débris, on a ramassé des éclats de silex, des cailloux employés comme marteaux, des poinçons en corne, des racloirs en os. Ce n'est pas seulement par des foyers, des instruments, des débris de cuisine, que l'homme révèle sa présence, mais aussi par ses propres ossements. On a pu recueillir des morceaux de mâchoires, un cubitus, des fragments crâniens, un grand nombre de dents.

Après avoir servi d'habitation, la grotte est devenue un asile funéraire. Dans un des coins les plus reculés d'une galerie, M. Cabibel a mis à découvert des ossements humains, auprès desquels étaient un bracelet ou un diadème en bronze et un collier formé de dents d'un carnassier, qui étaient forées à une extrémité de manière à être enfilées les unes à la suite des autres. Dans la collection Garrigou, nous avons déja un collier du même genre ; néanmoins, une semblable trouvaille mérite toujours d'être signalée.

L'ornementation du bijou de bronze affecte certaines particularités qu'il est bon do noter ; la décoration consiste en ligues formées de points en relief qu'on obtient au moyen d'un procédé de repoussage.

A quel moment sont venus les habitants qui ont occupé la grotte d'Enlène, soit pour y chercher un abri temporaire, soit pour y installer une demeure permanente, soit pour y chercher un funèbre repos, auquel la curiosité scientifique est venu mettre un ternie ?


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La sépulture que nous venons de décrire appartient à l'âge de bronze et indique que la civilisation commençait à faire sentir son influence.

Quant aux objets ramassés près des foyers et aux instruments on corne et en os, ils affectent une forme dénotant l'époque de la pierre polie; il ne paraît guère supposable que, si on trouve des traces de l'âge du renne, on puisse remonter jusqu'à l'âge de l'ours, malgré la présence d'ossements de cet animal.

Tel est le résumé de la communication relative au don de M. l'abbé Cabibel. En outre, M. le curé do Montardit a cédé plusieurs monnaies, dont plusieurs ont une valeur au point de vue archéologique et de l'histoire locale. Il y a notamment plusieurs pièces de l'époque GalloRomaine, provenant de la contrée.

VI. Les accroissements du Musée ne se sont pas arrêtés là. En effet, l'administration municipale de Foix a permis de prendre toutes les collections déposées à la Bibliothèque do la ville pour commencer la section archéologique et compléter les séries géologiques. La famille Larroque a remis une collection comprenant de nombreux échantillons de minéralogie recueillis au Japon et au Chili. Nous nous proposons de revenir sur la collection Larroque et sur les objets remis par la ville et d'en donner une description sommaire.


Découverte d'un souterrain de refuge à Gaillac-Toulza (Haute-Garonne).

A l'issue du Congrès archéologique de l'Ariège. M. l'abbé Joffres, curé de Canté, nous informa qu'un laboureur des environs de sa paroisse venait de découvrir, en défrichant son champ, des galeries et des chambres souterraines; il nous engagea d'aller constater le fait et d'entreprendre les fouilles que nous jugerions utiles dans l'intérêt de l'archéologie.

Nous répondons, sans hésitation, à la bienveillante invitation de notre ami et, le 3 juin, nous arrivons à Canté, où nous attendait la plus gracieuse hospitalité. Le lendemain, nous nous dirigeons vers le lieu de la découverte, situé sur la paroisse de Gaillac-Toulza, dans une des propriétés do M. Eugène de Serres, nommée la métairie de Nautou. (1)

Sur la pente d'un champ qui, à cause de sa forme conique, en soc de charrue, porte le nom de Punlo de Reillo, s'ouvre, dans la direction du N. O., l'entrée d'un escalier qui conduit rapidement à une galerie souterraine. Cet escalier est taillé dans le tuf ; les marches mesurent 0,18 de haut sur 0,19 de large. Nous en avons descendu 18; mais l'eau qui remplit la galerie ne nous a pas permis d'aller plus bas. Un sondage, fait de ce point, nous a révélé que nous avions devant nous une masse d'eau, qui ne mesure pas moins de 3 m. 50. Nous pouvons donc estimer le nombre des marches encore immergées à 16 ou 17.

Le couloir, qui s'ouvre devant nous, n'a pas moins de 7 mètres de longueur sur 0,65 de largeur ; il pénètre dans l'intérieur de la terre parallèlement au plan de l'escalier.

M. Troy, fermier du champ et auteur de la découverte, nous a montré sur la paroi droite une porte cintrée qui donne accès dans une chambre. Quelques jours avant notre visite, le niveau des eaux ayant baissé, cette ouverture était parfaitement visible.

Nous sommes évidemment ici en présence d'un de ces souterrains de refuge semblable à ceux que l'on a découverts dans le Lot et le Tarnet-Garonne. Mais, pour l'explorer, il nous faut attendre que la saison des pluies soit terminée, et qu'avec le secours d'une machine hydraulique nous puissions mettre à sec ces sombres galeries qui, aujourd'hui, ne pourraient être visitées sans un réel danger.

(1) Autrefois, ce champ a dû faire partie des bois qui sont dans les environs; à l'une des extrémités, non loin du souterrain, coule un petit ruisseau.


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Au dire do M. Troy, l'ouverture de l'escalier était dissimulée par une épaisse couche de terre, supportée par des madriers qui, sous l'action dissolvante de l'humidité , s'étaient pourris ; leur affaissement a mis à découvert cette retraite profonde et ignorée jusqu'à ce

jour.

Sur les premières marches de l'escalier étaient entassés des fragments

de charbon, des tessons de poterie, des cendres, une énorme quantité

de (1) coquilles d'escargots que les pelles des fouilleurs ont rejetées à

l'extérieur.

Nous avons recueilli quelques tessons de poterie noire ayant appartenu à divers vases d'assez grande dimension faits au tour ; ils portent des dessins ondulés tracés au burin et des cordons en saillie entrecoupés d'empreintes de doigts. Un couvercle à bouton a été trouvé et emporté par l'un des nombreux visiteurs qui nous avaient précédés. (2)

Nous ne pouvons encore rien déterminer sur la destination ou l'âge de ce souterrain troglodytique. Peut-être des fouilles ultérieures nous donneront-elles les éléments caractéristiques d'une époque et nous serviront-elles de base positive à do légitimes conclusions. Nous gardons cet espoir.

(1) Hélix nemoralis.

(2) Au musée de l'Ariège, il existe un fragment de vase, provenant de la grotte de Niaux , et qui n'est pas sans analogie avec les débris ramassés dans le souterrain de Gaillac-Toulza. L'ornementation, la couleur, la pâte sont presque semblables. Nous signalons le fait ; mais nous ne prétendons pas en conclure que ce souterrain, comme la grotte de Niaux, ait été habité à l'âge de la pierre polie. Quelques tessons d'une poterie ne suffisent pas pour émettre une telle hypothèse.


ANNALES DE PAMIERS ( 1)

PAR J. DE LAHONDÈS.

Sous ce titre modeste, M. de Lahondès vient de publier une véritable histoire de la ville de Pamiers depuis les temps les plus reculés jusqu'à la Révolution. Ce n'est pas une énumération aride des faits d'après l'ordre chronologique , mais un récit fort animé où le lecteur trouve un tableau exact des événements dont Pamiers a été le théâtre.

Il est pou de villes dans la région du Midi, même d'une importance plus grande, dont l'histoire soit plus accidentée, plus curieuse que celle de Pamiers. Là, comme ailleurs, on rencontre la rivalité entre le pouvoir municipal et le seigneur féodal ou ecclésiastique. Dans cette ville, la lutte prit un caractère d'ardeur et de ténacité qu'elle n'avait pas dans les cités voisines. L'ouvrage de M. de Lahondès permet d'étudier la naissance, le développement et la disparition do cet antagonisme si fécond en péripéties de toutes sortes.

A l'origine, la querelle était circonscrite entre la population qui s'était peu à peu groupée autour do l'abbaye de Saint-Antonin et le chef de ce monastère, devenu, à la fin du XIIIe siècle, évêque de Pamiers. Plus tard, intervinrent les Comtes de Foix, jaloux de voir une cité grandir et prospérer en dehors de leur influence. Les rapports, qui s'établirent entre le seigneur féodal et le seigneur ecclésiastique, amenèrent des dissensions, dont les habitants ressentirent les effets ; ils eurent l'habileté de profiter de cette situation pour donner une garantie plus grande à leurs libertés, en s'appuyant tantôt sur un parti, tantôt sur l'autre. Finalement, l'évêque et le comte, désireux de régler toutes les questions relatives au partage de la souveraineté, conclurent un traité connu sous le nom de paréage ; les conséquences de cet accord se sont fait sentir jusqu'à la réunion du pays de Foix à la Couronne.

Ces contrats de paréage, assez fréquents dans le Midi, avaient pour but d'assurer l'exercice mutuel de leurs droits à deux ou plusieurs seigneurs, laïques ou ecclésiastiques, dans un fief ou dans une ville où ils possédaient par indivis la souveraineté, résultant soit de la donation faite par un des contractants, soit de tout autre cause.

A côté des événements, dont il a donné le récit, M. de Lahondès s'est proposé de faire connaître les institutions de la cité et d'en suivre les

(1) Deux volumes in-8°, l'un de 524 pages, l'autre de 508 : Toulouse, — PRIVAT, et Pamiers, GALY, 1883-1884.


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transformations à travers le cours des siècles. L'ouvrage fournit au lecteur les éléments d'appréciation nécessaires pour se rendre compte du milieu où s'agitaient les personnages mis en scène, et pour juger le caractère, les habitudes et les moeurs des anciens habitants de Pamiers. Impositions, police, hygiène, approvisionnements, assistance, en un mot, rien de tout ce qui rentre dans les attributions de l'administration municipale, n'a échappé aux investigations de l'auteur.

Depuis quelque temps, les questions relatives à l'enseignement public ont provoqué de nombreuses recherches dans le but de constater quel était aux diverses époques de l'ancien Régime le degré d'instruction, surtout parmi les classes populaires. Les chercheurs trouveront ample satisfaction en plusieurs endroits des Annales et verront quels ont été depuis la fin du XIIIe siècle les efforts tentés à Pamiers pour combattre l'ignorance.

Le commerce et l'industrie, qui ont contribué au développement de la ville et l'ont aidée à se relever après les désastres dont elle fut la victime en diverses circonstances, ont fourni la matière de plus d'une page intéressante.

Les détails sont nombreux sur les épidémies, les inondations et les autres calamités, qui ont porté la désolation dans le pays. En opposition à ces récits, on lit la description des fêtes publiques ou des cérémonies préparées pour célébrer un événement heureux et l'entrée d'un personnage illustre.

Afin d'attirer et de soutenir l'attention , l'auteur s'est appliqué à mettre de la variété dans sa narration, soit en racontant des faits anecdotiques choisis avec discernement, soit on citant des traits de moeurs, propres à caractériser les tendances ou les sentiments d'une époque.

Ainsi en 1446,la ville se passionna à propos d'une question de liberté individuelle. Un esclave Maure , venu à Pamiers pour jouir du privilège selon lequel tout habitant était considéré comme libre , avait été enfermé au château par le prévôt du Comte, à la requête de son ancien propriétaire, Jean Ferrer, marchand de Barcelone. L'évêque prit fait et cause contre les officiers du comte et soutint les revendications des consuls, à qui incombait le soin de se constituer les protecteurs des franchises menacées. On s'agita, on plaida devant plusieurs juridictions et l'esclave émancipé finit par obtenir pleine et entière justice.

La ville ne donnait pas toujours le spectacle d'une population se vouant à la défense d'une cause juste et recourant à des moyens pacifiques. Si la pratique des libertés municipales donnait aux citoyens


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la conscience de leurs droits et la force de les soutenir, elle entraînait aussi de graves abus. Souvent les factions, qui briguaient le pouvoir, jetaient le désordre dans la cité et se livraient aux plus répréhensibles excès.

L'intérêt qu'offrent les Annales de Pamiers ne repose pas seulement dans le récit de faits locaux et dans l'étude de l'organisation municipale d'une ville.

Il ne s'agit pas seulement de Pamiers, mais d'événements se reliant d'une façon intime à l'histoire générale. Citons quelques noms et rappelons certains faits.

Au XIIIe siècle, pendant la guerre des Albigeois, Pamiers, grâce à sa position au milieu des pays occupés tour à tour par les Hérétiques et les Croisés, devint le siège d'assemblées où l'on prépara la solution des difficultés pendantes.

Au commencement du XIVe siècle éclata entre Philippe-le-Bel et le pape Boniface VIII le différend, qui n'est qu'une des phases de la lutte engagée, au Moyen Age, entre le pouvoir temporel et le pouvoir spirituel. L'évêque de Pamiers était alors Bernard Saisset, qui s'attira la colère royale pour s'être déclaré le champion le plus ardent du SaintSiège.

La guerre de Cent Ans, les ravages des grandes Compagnies, la guerre de la succession de Navarre éprouvèrent la malheureuse cité ; mais, en ces circonstances, elle partagea le sort des autres localités de la région, sans avoir, comme au temps de Bernard Saisset, le triste privilège d'être seule en cause. Grâce à l'activité de ses habitants, elle réussit à faire disparaître les traces d'une longue suite de désastres.

Au XVIe siècle, quand vint l'époque des troubles religieux, Pamiers s'étant rallié rapidement au parti de la Réforme, devint le refuge et, la place forte des Huguenots. Ce fut seulement en 1628 que les Catholiques purent recouvrer, après un siège mémorable, leur influence dans la cité rebelle. L'histoire du Protestantisme dans le Midi ne peut être abordée sans qu'une place importante ne soit réservée à Pamiers qui, après Montauban et Nîmes, fut une des villes où les événements se soient produits avec le plus d'éclat.

Dans la première partie du règne de Louis XIV, M. de Caulet, évoque de Pamiers, attira l'attention par la manifestation de ses opinions Jansénistes et l'ardeur qu'il mit à les défendre. A la mort de ce prélat, le choix d'un titulaire amena entre Rome et la France des difficultés qui forment un des épisodes les plus marquants de la résistance opposée par Louis XIV aux revendications du Saint-Siège. Le roi


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voulut exercer le droit de Régale, c'est-à-dire percevoir pendant la vacance de l'évêché les revenus du temporel. Le pape ayant refusé de reconnaître cette prétention, il s'en suivit un conflit qui eut pour conséquence de jeter le trouble dans le diocèse et faillit amener une rupture entre les deux cours.

Après treize années do lutte, on se fit des concessions réciproques et les deux gouvernements tombèrent d'accord pour nommer un titulaire et mettre fin à cette lutte, dont toutes les phases sont loin d'être élucidées.

M. de Lahondès, en se tenant dans le cadre que comportait son livre, a su donner un développement suffisant au récit de ces. divers événements et montrer par quels liens ils se rattachent à l'histoire générale.

Après avoir fait ressortir le but et l'importance de l'ouvrage, il nous reste à dire quelques mots sur le plan et à formuler quelques critiques à ce sujet.

Le système adopté dans une partie du premier volume a l'avantage d'être logique, puisqu'il oblige le lecteur à suivre l'ordre chronologique des événements. Mais il a l'inconvénient de produire la monotonie, d'amener des répétitions et de fractionner ce qu'il conviendrait de grouper. L'auteur a saisi le défaut de cette méthode qu'il n'a conservée que de 1400 jusqu'à 1550. S'il a commencé en 1400, c'est qu'il a pris pour guides les registres du Conseil de ville, dont il a résumé les délibérations les plus notables, et qu'il a complétées en recourant aux relations des chroniqueurs et aux autres sources d'informations. Arrivé à 1550, il a renoncé d'écrire l'histoire année par année, et a distribué son récit par chapitres, dont chacun est relatif à une époque déterminée ou s'applique à des faits do même nature.

A l'intérêt du fond se joint l'attrait de la forme ; le style est clair, facile, élégant. Le livre ne s'adresse pas seulement aux érudits, mais aux hommes qui ne sont pas indifférents à l'histoire de leur pays, et à tous ceux qui veulent se rendre compte do ce qu'était une ville de province sous l'ancien Régime. Comme l'a dit avec raison un critique d'une revue de Paris, l'ouvrage de M. de Lahondès est une des meilleures monographies d'histoire provinciale qui ait paru depuis longtemps. Aux érudits, nous recommandons les textes inédits, tirés des archives de Pamiers et qui servent de pièces justificatives ; aux amateurs de nôtre vieille langue romane, nous signalons les pièces en dialecte du Comté de Foix, dont il a été fait un choix fort judicieux.


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Les listes des consuls de Pamiers peuvent être d'un grand secours pour la généalogie des familles du pays et pour la chronologie locale. Enfin de bonnes tables facilitent les recherches dans les volumes et les rendent d'un usage pratique, mérite qu'on ne trouve pas toujours dans les ouvrages historiques.

Sorti des presses de M. Privât, le livre est digne de la Maison qui a entrepris la réédition de l'histoire du Languedoc.

En résumé, M. de Lahondès a fait oeuvre utile; il a montré le parti qu'on peut tirer de riches, archives d'une mairie, quand on est animé de l'amour de son pays et guidé par l'esprit critique ; il a attiré l'attention sur une contrée, dont l'histoire si peu connue offre cependant un si grand intérêt. C'est à bon droit que les Annales de Pamiers ont été comptées parmi les titres, qui ont valu à l'auteur une médaille de vermeil que lui a décernée le Congrès archéologique dans la séance du 30 mai 1884. F. P.


LES GRES DE CELLES ET LES GRES DE LABARRE

NOTICE GÉOLOGIQUE PAR JULES GRÉGOIRE (1)

Les deux formations crétacées que l'on observe, l'une au Nord de Foix sur la route de Lavelanet, dans la commune de Celles, l'autre au Sud sur la route de Pamiers, au village de Labarre, et connues sous le nom de grès de Celles et de grès de Labarre, ont donné lieu à diverses études. Les géologues ne sont pas d'accord sur le problème soulevé au sujet de ces formations. La question mérite de fixer l'attention de tous ceux qui s'occupent de la composition des terrains de la vallée de l'Ariège. La curiosité de M. Jules Grégoire a été mise en éveil ; il s'est proposé d'arriver à la solution. Il a recueilli de nombreuses observations, exploré les lieux, établi des comparaisons entre les divers éléments qui constituent ces terrains, et ses investigations l'ont amené à formuler cette conclusion : c'est que grès de Celles et grès de Labarre sont des dépôts contemporains et identiques.

Dans une notice de seize pages, M. Grégoire a consigné les motifs qui l'ont guidé dans ses travaux. La discussion est présentée d'une façon logique et résumée avec clarté. Au moyen de trois planches insérées dans la brochure, le lecteur peut suivre et contrôler la démonstration de l'auteur.

M. Grégoire a fait oeuvre utile en faisant part du résultat de recherches qui contribuent à éclairer une question intéressante pour la géologie de l'Ariège.

(1) Foix, Gadrat, 1883 ; brochure in-8°.


LE BERCEAU DE NOS ANCÊTRES

par M. l'abbé CABIBEL, curé de Montardit (Ariège). Seconde édition. — Paris. Auguste Ghio. — 1883.

Où était le pays des Sotiates ? La solution de ce problème historique a soulevé do nombreuses controverses. Plusieurs régions du bassin de la Garonne tiennent à honneur d'avoir été le berceau de ce vaillant peuple, dont les Romains eurent tant de peine à briser la résistance.

Dans un ouvrage intitulé : Vallées Ariégoises, M. Adolphe Garrigou établit que notre département a le droit de se considérer comme le pays des Sotiates. M. l'abbé Cabibel, curé de Montardit, partage la même opinion dans la brochure qu'il a publiée l'année dernière, mais il se sépare de M. Garrigou quand il s'agit de déterminer la localité qui devait être l'oppidum des Sotiates. Pour le premier, c'est Foix ; pour le second, c'est Saint-Lizier, l'ancienne Austria. La principale argumentation de M. Cabibel consiste à exposer les motifs qui le portent à voir dans Austria un oppidum de cette tribu.

On reconnaît que les Sotiates étaient Aquitains; or, prétend M. Cabibel, la vallée de l'Ariège se rattachait à la Province romaine ; seule, la vallée du Salat, qui est devenue le Couserans, appartenait à l'Aquitaine ; c'est donc dans le Couserans qu'il faut chercher la place de l'oppidum en question. Un endroit répond à peu près à la description de la ville qu'assiégèrent les Romains; c'est Austria, aujourd'hui SaintLizier, et il conclut en faveur de cette localité.

Pour montrer que le Couserans se rattache à la Gascogne et est compris dans l'ancienne Aquitaine, M. Cabibel a recours à la philologie ; dans un tableau comparatif, il fait ressortir les différences dialectales qui existent entre le patois du Comté de Foix et celui de la vallée du Salat. Nous recommandons ce chapitre à l'attention de ceux qui s'occupent de la linguistique locale.

Nous avons tenu à faire connaître les recherches de M. l'abbé Cabibel ; mais, nous ne voulons pas examiner les arguments invoqués par l'auteur à l'appui de sa thèse ; ce serait entrer dans une discussion qui ne peut prendre place dans cet article ; nous laissons au lecteur le soin de recourir aux ouvrages de M. l'abbé Cabibel et de M. Garrigou. En notre qualité d'ariégeois, nous sommes heureux de constater, que les deux écrivains, séparés sur un point, sont d'accord pour placer dans l'Ariège le pays des Sotiates.


IMPRESSIONS DE VOYAGE DE LOUIS DE FROIDOUR DANS LE COUSERANS EN 1661

PRÉFACE.

Les forêts du Royaume étaient livrées à l'avidité imprévoyante des possesseurs, aux usurpations des communes usagères et à l'abandon qu'entraînait la confusion des droits féodaux, au moment où la puissance maritime de l'Angleterre et de la Hollande nécessitait le développement des forces navales de la France. Colbert les sauva d'une destruction imminente, en réorganisant le service forestier. MM. de Bezons et de Tuboeuf, intendants du Languedoc, furent chargés, en 1066 , d'en préparer la réforme dans la province. L'intendant de Guyenne Pellot, qui le premier fit sentir la force du pouvoir central dans les vallées du Couserans et du Comminges, encore en proie aux moeurs indisciplinées et brutales qu'avaient ramenées les guerres de Religion, remplit les mêmes fonctions dans les territoires, qui dépendaient des Généralités de Bordeaux et de Montauban. (1)

Le 3 mars 1665, Louis de Froidour, écuyer, seigneur de Sérisy, lieutenant civil et criminel au baillage de Marie et de la Fère, reçut les lettres de commission qui le désignèrent pour procéder, avec les intendants, à la réformation des forêts de la grande maîtrise de Toulouse. C'était un protégé do la famille de Choiseul, dont l'intelligence attentive et pénétrante et l'habileté administrative avaient été signalées à Colbert. Il se rendit compte sur les lieux mêmes de l'état des forêts, examina les droits divers des communes, des seigneurs et du Roi, qu'il eut l'adresse et l'énergie de fixer et de répartir pour arrêter les abus, et parvint particulièrement à dompter les résistances qui s'opposèrent à l'érection de la nouvelle maîtrise de Pamiers. (2)

L'esprit observateur et sagace de Louis de Froidour (3) fut excité par

(1) Histoire de Languedoc, Edition Privat, volume XIII, pages 407 et suivantes.

(2) Annales de Pamiers, tome II, page 197.

(3) Louis de Froidour était Picard.


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le spectacle, nouveau pour lui, que lui offrirent les contrées pyrénéennes et les moeurs de leurs habitants. Il voulut en présenter le tableau à son ami et compatriote, M. de Héricourt, conseiller au présidial de Soissons, procureur pour le Roi en la réformation des forêts du département de Toulouse. Les quatre lettres à M. de Héricourt, précédées d'une lettre à M. de Médon, sont conservées à la bibliothèque de Toulouse, dans un manuscrit copié sous les yeux do l'auteur et avec des corrections de sa main. (1) M. Roschach en a publié, dans le journal l' Aigle, en juin, juillet et août 1866, de nombreux fragments, unis par une trame d'explications, do remarques et de commentaires, enlevée do ce style élégant, aisé, qui rend aimable et comme familière son érudition si étendue. Nous avons pensé que les lecteurs du Bulletin de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts suivraient avec intérêt le récit entier du voyage dans les vallées du Couserans.

Froidour visita d'abord, dans le mois d'août 1667, les forêts de SaintElix, de Sainte-Croix et de Montbrun ; le 26, il franchit les coteaux qui séparent Montbrun do Saint-Girons, parcourut rapidement la forêt de Bignorèdes, ravagée par le bétail de Montjoie et arriva le soir à SaintLizier. Nous donnons ici la suite de la lettre, adressée le 1er septembre de Castillon à M. de Héricourt, qui contient le récit de son excursion dans la vallée du Salat, puis les premières pages d'une seconde lettre écrite à Bagnères-de-Bigorre, qui décrivent la vallée de Castillon. (2)

J. DE L.

TEXTE

Castillon 1 septembre 1661.

Je (3) poursuivis mon chemin par des routes d'autant plus fâcheuses que je m'approchais davantage du Couserans et j'arrivai bien mouillé à Saint-Lizier. Cette ville est bâtie sur un coteau de montagne exposé à

(1) Manuscrit 643 de la bibliothèque de Toulouse, relié en veau, mentionné par le père Lelong (N° 12,352), passé en 1720 de la bibliothèque de l'intendant Foucault dans celle de l'abbé d' Héliot, qui fut donnée en 1772 au clergé du diocèse de Toulouse et fondue dans celle de la ville en 1865.

La bibliothèque de Toulouse possède encore quarante-quatre manuscrits de Froidour, dont on peut voir le détail dans le catalogue des manuscrits dressé par M. Molinier. Les archives du Parlement de Toulouse conservent aussi, dans la salle des maîtrises, plusieurs mémoires fort curieux de cet administrateur actif et habile, qui fut un des agents les plus utiles de Colbert.

(2) Pour l'impression des lettres de Louis de Froidour, nous avons adopté l'ortographe moderne, comme cela se pratique généralement quand il s'agit des textes postérieurs à la seconde partie du XVIIe siècle. Tel est le système suivi par le Ministère des Affaires étrangères dans la publication de documents remontant à la même époque. Les noms de lieux sont écrits suivant leur forme actuelle.

(Note du secrétaire de la Société Ariégeoise.)

(3) La première partie de cette lettre ne concerne pas le Couserans.


peu près au midi et qui règne le long de la rivière du Salat. Elle est pleine de rochers ; quoiqu'elle soit petite, il y a néanmoins cité, ville et faubourg, c'est le lieu où est le siège épiscopal de Couserans, quoiqu'elle ne soit pas clans le pays que l'on appelle le Couserans, mais seulement sur les confins. La cité est au lieu le plus éminent qui est de fort petite étendue ; le logis de l'évêque, quoique assez étroit, en occupe la plus grande partie. On descend ensuite dans la ville, et de descente en descente, jusqu'au faubourg, à l'extrémité duquel il y a un pout de pierre fort étroit, par lequel on passe du côté du Castillonnais et de la Baronnic d'Aspet. La rivière, qui passe dessous, étant resserrée par une infinité de rochers y fait avec mille cascades un si grand bruit qu'on ne s'y entend point parler. Il y a doux églises fort anciennes : l'une dédiée à Notre-Dame, qui est colle de la cité et qui n'est qu'un misérable trou ; l'autre, celle de la ville, est assez bien bâtie , mais fort obscure. Elle est dédiée à saint Lizier, l'un des anciens évoques, dont le corps y est tout entier, et l'on prétend qu'il fait quantité de miracles. Je ne doute pas et ne veux pas douter qu'il n'en puisse faire, mais m'étant informé de ceux qu'on prétendait y avoir été faits, il me souvient que l'on ne m'en pût dire aucun. Il y a, joignant cette église, un petit cloître, au milieu duquel est une ancienne chapelle, qui demeure à présent inutile. On me mena voir à côté de ce cloître une chapelle que l'on me dit être une merveille, et cependant je n'y vis qu'une représentation fort mal faite de Notre-Dame-de-Pitié.

Ci-devant, le chapitre était partagé ; il y avait on chacune des deux églises six chanoines et douze prébendiers; mais l'évêque d'à présent (1) qui est frère du président Marmiesse de Toulouse, voyant qu'en l'une et l'autre de ces églises le service se faisait fort mal, a réuni tout le corps du chapitre pour faire les services en l'église de Notre-Dame; et il y a seulement en l'église de la ville aussi bien qu'en celle de la cité un vicaire perpétuel pour l'administration des sacrements, le chapitre ayant les cures.

Le jour que j'arrivai (2) était la veille de Saint-Lizier, fête du lieu , à laquelle l'évêque se préparait pour prêcher et pour recevoir grande compagnie par surcroît de celle qu'il avait déjà. Je descendis chez lui où il me reçut le plus honnêtement du monde. Il fit tout ce qu'il put pour m'y arrêter, mais je m'en excusai. Il m'invita aussi à dîner pour la fête

(1) Bernard de Marmiesse, évêque de Saint-Lizier, du 28 mai 1653 au 12 janvier 1680. (2) 25 août 1667.


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du lendemain et je m'en dispensai, lui disant que ce jour-là il serait à tout le monde et que je voulais le voir un jour qu'il serait à lui.

Je remontai incontinent à cheval et je descendis à Saint-Girons, qui n'est qu'à un bon quart de lieue en remontant la rivière du Salat.

Il me semble, mon cher compère, que je ne satisferais pas pleinement votre curiosité, si je ne vous disais quelque chose de plus particulier de ces contrées que j'ai vues. Depuis qu'une fois nous avons passé la rivière de Garonne et monté la montagne qui lui sert de bord et dérive, nous avons, pendant deux lieues ou environ, traversé un pays fort ingrat, sans vins, sans fruits et sans blés, jusqu'à Sainte-Croix où commencent les montagnes, après quoi, jusqu'à Saint-Girons où nous avons trouvé le pays tellement bossu que l'on ne fait autre chose que monter et descendre ; là les bonnes terres commencent à finir. Le pays est fort couvert et abonde en bois de particuliers et en pâturages. Les habitants se ménagent, par tous les endroits qu'ils peuvent, des prairies pour la nourriture de leurs bestiaux, en quoi consiste leur principale richesse. On ne voit plus de vignes à l'ordinaire, mais beaucoup de vignes en hautains. Je ne sais pas si vous connaissez cette sorte de vignes ; mais, pour vous la dépeindre, il faut que je vous dise que, dans toutes ces contrées où le pays est froid à cause de la proximité des hautes montagnes et que les neiges y demeurent fort longtemps sans se fondre, le raisin des vignes ordinaires qui sont basses ne peuvant pas y venir en maturité, on plante des sauvageons d'épine blanche, d'érable et autres telles espèces de bois, aux pieds desquels on met un cep de vigne, lequel s'élevant embrasse l'arbre et répand ses rameaux sur les branches. Ces sortes de vignes sont très tardives et rendent du vin en abondance, mais fort vert, parce que le froid revient dans ces contrées aussi tôt qu'il y est demeuré tard. Au reste, il y a des villages où ces sortes de vignes font le plus agréable pays du monde, les arbres y étant plantés en allées, et la plus grande partie des chemins qui sont entre deux haies étant de cette sorte. C'est l'unique beauté et l'unique agrément de ces contrées.

Pour revenir à Saint-Girons, c'est une petite ville qui passe pourtant pour grande en ce pays, assise dans une petite plaine fort agréable au pied des hautes montagnes du Couserans et du Castillonnais, sur la rivière du Salat qui passe au milieu; il y a communication d'une partie de la ville à l'autre, par un pont de pierre. Dans la partie de la ville qui est en deça de la rivière et qui est beaucoup plus considérable que l'autre, sont les deux paroisses de Saint-Girons et de Saint-Vallier, un couvent de Dominicains et un de Capucins; tous ces


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lieux, aussi bien que les deux halles et les autres bâtiments de la ville sont fort chétifs. Comme les pierres y sont à bon marché, l'on cesse d'y voir des torchis, de même qu'à Saint-Lizier, les bâtiments étant de pierre, du moins les deux pignons et les murs jusques au premier étage, et ce qui est au dessus est de bois. Dans l'autre partie de la ville, qui est la moindre, est le château du seigneur de Saint-Girons. C'est un seul corps de logis, assez large, avec quatre pavillons carrés bâtis de pierre du pays sans aucun ornement. Il est couvert de tuiles comme les autres bâtiments du pays et fort mal en ordre, même sans vitres, ce qui m'a paru fort étrange, vu que la dame du lieu fait fort la grande dame et se fait porter la queue jusque dans la maison.

Il y a proche la ville de beaux moulins et notamment un à papier. Je ne sais pas si vous savez comment se fait le papier ; pour moi qui n'en avais jamais vu faire et qui n'en savais pas la façon, j'ai eu grand plaisir à voir la manière dont il se fait ; c'est un secret qui m'a paru admirable, duquel néanmoins je ne vous dirai rien ici, parce qu'il est trop vulgaire. Il y avait auprès de cette partie de la ville une maison de religieux de l'ordre de Saint-Antoine, mais leur revenu étant trop faible, ils ont abandonné le lieu.

Le XXVIIe du mois, je passai la journée en cette ville pour y dresser les procès-verbaux des visitations que j'avais faites des forêts, dont je vous ai parlé ci-dessus; mais comme cela n'était pas suffisant pour m'occuper toute la journée, je profitai de l'occasion d'une visite que me rendit un nommé Lafaye, procureur du Roi au Comté de Comminges, qui faisait sa résidence ordinaire en cette ville, pour m'instruire de tout ce qui était du pays du Couserans. El j'appris que c'est un petit pays qui porte le titre de vicomte, situé à l'extrémité du Royaume, limitrophe d'Espagne du côté de la Catalogne, de laquelle il est séparé par les monts Pyrénées, ayant d'un côté le pays de Foix, de l'autre le Castillonnais, et, au bout du côté de la France, la chatellenie de Salies, l'une des dépendances du comté de Comminges. Ce pays est fort étroit et de très difficile traverse à cause des hautes montagnes, dont il est plein et environné de toutes parts, de sorte qu'au moment où on y est entré on monte incessamment de montagnes en montagnes, comme de degrés en degrés, pour aller à l'extrémité des monts Pyrénées. Il était autrefois possédé par un seul seigneur qui prétendait faire le souverain, et qui dans tous les actes et contrats qu'il faisait, prenait la qualité de vicomte de Couserans par la grâce de Dieu, ainsi que faisaient les comtes de Comminges et d'Armagnac, comme je vous ai remarqué ci-dessus; mais à présent cette contrée est partagée entre divers particuliers. Ils


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prennent tous, m'a-t-on dit, la qualité de vicomte de Couserans; mais celui que vous connaissez les ayant mis en procès au Parlement de Toulouse pour raison de cette qualité, il a été dit que chacun des seigneurs particuliers qui ont des seigneuries dans l'étendue de ce pays, prendraient la qualité de vicomte des lieux qui lui appartiendraient, et que celui que vous connaissez prendrait seul la qualité de vicomte de Couserans (1), comme étant seigneur du lieu de La Cour, ainsi appelé parce que les anciens vicomtes avaient coutume d'y tenir leur cour.

J'appris de plus que ce vicomte consistait en une ville et on dix-neuf tant villages que hameaux, et que la seule ville est celle de Saint-Girons qui appartient au vicomte de Saint-Girons. Il y a deux villages considérables, dont l'un est Massat qui appartient au marquis de Rabat, l'autre Oust qui appartient au vicomte de Couserans qui y passède aussi (2) les lieux d'Encourtiech, Eycheil, La Cour, Vie, Rogale, Sentenac, Soueich et Saint-Serniu, qui sont de petits hameaux ou villages. Le sieur de Clermont d'Ornille y on possède quatre petits, Erp, Aleu, Régule et Soulan ; le vicomte d'Ercé, deux, Aulus et Ercé; le vicomte de Bruniquel, deux, Riverenert et Boussenac ; le sieur de Pointis, un appelé Ustou, et le sieur d'Alos un autre, qui est Alos. Mais j'ai su depuis que, par l'arrêt en question, non seulement il était défendu à tous ces seigneurs particuliers de prendre la qualité de vicomte de Couserans, mais même celle de vicomte des lieux qu'ils possèdent, sous peine de dix mille livres d'amende, et que cette qualité est attribuée au seul vicomte de Couserans pour deux raisons : la première, parce que lui seul y possède autant de terres que tous les autres ensemble, et la seconde, parce qu'il a justifié qu'il avait succédé à l'héritière de Couserans, et que les autres ne possédaient leurs terres qu'à cause des démembrements qui ont clé faits du vicomte par succession de temps

J'appris enfin qu'il y avait quantité de forêts dans le Couserans, mais qu'elles appartenaient toutes aux seigneurs de chacun lieu, lesquels

(1) Jean Roger de Foix-Rabat, fils de Roger de Foix, vicomte de Rabat, baron de la Gardiolle, Seigneur de Canté, et de Thérèse de Bertrand. Il fut capitaine des Cent Suisses du duc d'Orléans, et gouverneur du pays de Foix ; il prit le titre de marquis de Rabat. Son caractère violent et ses prétentions envahissantes lui attirèrent plusieurs difficultés avec ses voisins, particulièrement avec l'évêque de ramiers et avec Froidour lui-même.

Voir Besoigne, p. 176; Archives du Parlement de Toulouse, Maîtrises de Pamiers G. 2. Annales de Pamiers; t. II, pages 212 à 228.

(2) Les communes d'Alos, Encourtiech, Erp, Eycheil, Lacour et Riverenert dépendent du canton de Saint-Girons ; les communes dé Sentenac, Soueix, Ustou et Vie appartiennent à celui d'Oust; les communes d'Aleu, de Boussenac et de Soulan à celui de Massat.

Saint-Sernin et Régule sont deux hameaux situés, l'un dans la commune de Soueix, l'autre dans celle d'Erp.


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dans l'étendue de leurs seigneuries ont toutes justices haute, moyenne et basse, sans que le Roi y ait d'autres droits que celui de la souveraineté, et que les habitants de chacun lieu y ont droit d'usage, y ayant été maintenus par arrêt du Parlement de Toulouse contradictoirement rendu le 9 février 1621. Ainsi tout ce que j'avais à y faire était de visiter les bois des lieux de Seix qui est un village considérable du gouvernement de Languedoc et de la judicature de Rieux, assis à l'extrémité du Couserans, dont le Roi était seigneur conjointement avec le vicomte de Couserans (1).

Après que je me fus instruit de toutes ces choses, je fus bien aise de savoir aussi quelque chose des moeurs des gens de ce pays; tout ce que je vis de monde me dit unanimement que jusqu'à présent les gentilshommes et le peuple, non seulement de cette contrée, mais aussi de toutes les montagnes, sont fort difficiles à gouverner, qu'ils n'avaient reconnu ni l'autorité de la justice et du Parlement, ni celle des intendants ni des gouverneurs de la province, et que celle du Roi y avait été la plus méprisée, que les tailles ne s'y payaient point, ni toutes sortes de deniers que le Roi a accoutumé d'imposer dans toutes les autres contrées de la province, et que, si quelqu'un était assez hardi pour entreprendre d'en faire la remontrance, l'on n'avait fait aucune difficulté de l'assassiner; qu'il n'y avait rien de plus commun que le meurtre ; que les gentilshommes particulièrement, qui par leurs assemblées journalières s'étaient mis en crédit, exerçaient toutes sortes de cruautés et de tyrannies, de manière que les personnes des prêtres et des évoques même n'y étaient point en assurance. J'ai su de la bouche de M. l'évêque de Couserans qu'ayant à différentes fois reçu chez lui quelques personnes de la part du Roi ou quelques commissaires députés du Parlement qui venaient pour informer de quelques assassinats , des gentilshommes du pays ont eu l'insolence d'aller jusques dans sa maison épiscopale lui dire qu'il les obligeât à se retirer ou qu'on leur ferait insulte chez lui-même.

J'ai su d'ailleurs deux ou trois particularités qu'il est bon que je vous dise pour la rareté du fait. La première est que les habitants du lieu de Massat, qui est un village très considérable, ayant reçu quelques mécontentements du fou vicomte de Rabat, leur seigneur (2), qui

(1) Par suite de divers démembrements féodaux, le Languedoc et le diocèse administratif de Rieux avaient conservé trois enclaves dans le diocèse de Couserans; celle des trois paroisses de Larbont, Nescus et Alzen ; celle de Montjoie et de Lara aux portes même de Saint-Lizier, et celle de Seix sur la frontière.

(2) Roger de Foix , vicomte de Rabat, baron de la Gardiolle, fils de Georges de Foix, baron de Rabat et de Jeanne de Durfort-Duras.


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passait pour des plus marquants et des plus autorisés du pays, rasèrent sa maison seigneuriale de fond en comble, et pendant dix ans jouirent de tout son bien, sans que jamais personne de sa part ait paru pour en faire quelque recette, qu'il n'ait été assassiné ou contraint à fuir après avoir été bien battu. Ce différend ne s'est terminé qu'après la mort de ce vicomte à l'instante prière du marquis son fils, dont je vous ai tant parlé, qui a porté les choses à un accomodement, auquel il a été obligé de se soumettre pour rentrer en jouissance de son bien.

Une autre est que le Roi ayant disposé d'une chanoinie de SaintLizier en faveur d'un neveu de feu M. de Marca (1), un des gentilshommes du pays y prétendit quelques droits ; sur les différends qu'il y eut entre les deux parties, l'affaire fut portée au Parlement de Toulouse et au Conseil d'Etat, et jugée en faveur de celui qui avait la nomination du Roi ; mais il lui a été absolument impossible de pouvoir se mettre en possession de son bénéfice. Le Parlement ayant à deux différentes fois député des commissaires de la Cour pour se transporter sur les lieux à cet effet, un frère de celui qui avait été débouté eut l'insolence à chaque fois d'aller arracher des mains du commissaire la commission qu'il avait, et crut lui faire grande grâce de ne le point assassiner ; par ce moyen il a maintenu son frère dans le bénéfice, le véritable titulaire ayant, après la mort de son oncle , abandonné la poursuite de cette affaire.

Mais en voici une troisième qui n'est pas moins gaillarde. Un gentilhomme du Castillonnais ayant frappé le juge de Castillon dans un différend qu'il eut avec lui au sujet de quelque députation, et le juge ayant obtenu quelque condamnation contre lui par contumace, la Cour députa le sieur Junius, que vous connaissez, pour aller remettre ce juge en possession de son office, que ce gentilhomme l'avait obligé d'abandonner. Ce gentilhomme en ayant eu avis fit une assemblée de vingt-huit autres gentilshommes et de leurs valets en nombre de cinquante-quatre ou cinquante-cinq personnes; ils attendirent Junius et sa troupe au passage, en sa présence massacrèrent le juge de cent coups de pistolet et d'épée et renvoyèrent ensuite Junius, lui disant que ce n'était point à lui qu'on en voulait.

Voilà, mon cher compère, comment on se gouvernait en ce pays ; mais M. Pellot, depuis trois ou quatre ans, a mis les choses sur un autre pied ; tout est dans l'ordre et tout le monde est aussi souple que

(1) Pierre de Marca, évêque de Saint-Lizier de 1643 à 1652, puis archevêque de Toulouse et de Paris, il mourut en 1662.


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dans les pays les mieux policés de la plaine. Ce qui a donné lieu à cela est que les gens ne pouvant s'accoutumer à payer leurs tailles, M. Pellot fut obligé d'y envoyer les porteurs de contraintes qu'ils assassinèrent au Pas de Rispes Hautes ; c'est le passage du Couserans duquel je vous parlerai dans la suite. Le ministre fit venir M. Pellot à SaintGirons avec une troupe de gens d'armes assez forts pour pouvoir en tirer raison, et il n'y fût pas plutôt arrivé qu'il y manda les consuls des lieux, dont les habitants étaient soupçonnés d'avoir fait le crime; mais pas un n'ayant osé y venir, il leur fit courir sus, fit prendre sept à huit paysans qu'il envoya aux galères, fit raser les maisons des consuls, arrêta prisonniers trois ou quatre gentilshommes, et établit une garnison au château de La Cour. Depuis ce temps-là tout y est calme; tout ce peuple, et la noblesse particulièrement, qui était la plus indocile, la plus turbulente et la plus audacieuse du Royaume est dans une soumission à laquelle il n'y a rien à désirer. Je puis vous en dire des nouvelles, ayant vu à ma suite quelques-uns de ces gentilshommes, qui sont présentement doux comme des agneaux.

Ce jour même, un nommé Pira, qui commande la garnison de La Cour , me rendit visite, et m'ayant fait un grand détail de toutes les choses que je viens de vous remarquer, il me dit que dans le Couserans je n'avais que le bois de Seix à visiter et qu'il voulait m'y accompagner, si bien, que le XXVIIIe (1) jour, je partis de Saint-Girons avec lui et ma compagnie ordinaire, et fus à Seix ; mais il faut que je vous raconte ce que je vis en chemin.

La première chose qui s'offrit à notre vue fut une petite chapelle à deux cents pas de la ville, auprès de laquelle il y a un grand trou pratiqué naturellement dans le roc ; l'ouverture en est fort grande, telle qu'un homme à cheval peut y entrer, mais elle se rétrécit petit à petit jusqu'à la grandeur de la forme d'un chapeau, et il en sort une fort belle source, dont l'eau tombe dans la rivière du Salat à dix pas de la grande ouverture.

Environ cinq cents pas plus haut, remontant le Salat, nous trouvâmes au travers des roches sur lesquelles nous marchions, un petit filet d'eau qu'on nous fit remarquer, nous disant que cela s'appelait la fontaine de Saint-Jean qui était miraculeuse; qu'ordinairement elle n'était pas plus grande ni plus abondante que nous le voyons ; mais que deux fois l'an, aux veilles des fêtes de Saint-Jean, elle croissait considérablement jusqu'à onze heures ou midi et revenait insensiblement à son pre(1)

pre(1) août 1667.


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mier état avant la fin du jour ; que, dans le temps qu'elle était abondante, les personnes affligées de maux corporels y allaient se baigner et que, par l'intercession de ce grand saint, qui est le patron de la paroisse d'Eycheil où les malades allaient faire leurs dévotions, ils obtenaient guérison de leurs maux. Gela est vulgaire et cru comme un article de foi dans le pays, et personne néanmoins n'a pu me dire l'avoir vu ; je vous dirai de plus qu'on m'avait assuré que le lendemain, qui était la veille d'une fête de Saint-Jean (1) qu'on célébrait en cette paroisse, j'en ferais l'épreuve moi-même; mais en vérité, je n'en ai rien vu, ni personne de ma compagnie, et nous n'en avons aussi rien voulu croire.

A un demi-quart de lieue au-dessus, à main droite du Salât, est le village d'Eycheil ; c'est en cet endroit où la plaine se retrécit si fort que, remontant cette rivière jusqu'à sa source, à peine y a-t-il place pour faire un chemin pour le passage d'un homme à cheval. Dans les lieux où il y a quelque petit élargissement de quelque vallon, c'est en cet endroit où les villages, qui composent le vicomte, sont assis.

Suivant donc le chemin de Saint-Girons, laissant la rivière du Salat à main droite, on trouve celle de Nert qui descend d'une vallée fort serrée. Sur le coteau de la montagne est assis le village de Riverenert, d'où ce ruisseau prend son nom (2). Rapprochant du Salat l'on voit sur une éminence un reste de château appelé la tour de Marmande, et audessus est le village de La Cour divisé en deux parties par la rivière, sur laquelle il y a un pont de bois servant de communication,la paroisse, et presque tout le village, étant d'un côté, et le château avec quelques chaumières, de l'autre. Le château est un méchant corps de logis (3) fort mal pris, mal bâti et en mauvais ordre, assis sur un tertre assez élevé, où à présent pour la réduction du pays on a installé la garnison, dont je vous ai parlé. Au-dessus du village, il y a une petite vallée où descend un petit ruisseau qui fait tourner quelques moulins.

De ce lieu il y a deux chemins, dont l'un est sur la gauche le long de la rivière, lequel conduit à Soulan et à Massat ; ce n'est qu'un petit sentier qui monte fort haut sur le côté de la montagne où à peine il y a de quoi passer un homme à pied; quoi qu'il soit difficile et très périlleux, c'est néanmoins l'unique chemin par lequel on entre dans la vallée de Massat et par lequel se distribuent toutes les denrées qu'on y porte et le fer qui s'y vend. L'autre chemin est à droite et conduit dans

(1) 29 août, jour de la décollation de saint Jean-Baptiste.

(2) C'est au contraire le village qui a pris son nom du vieux nom indigène de la rivière.

(3) Actuellement il ne reste plus du château de Lacourt que des ruines sans caractère.


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la vallée d'Oust et de Seix et ensuite aux ports d'Espagne. Ce chemin n'est pas à beaucoup près si difficile ni si périlleux que celui de Massat; il y a néanmoins quelques mauvais endroits, notamment celui appelé des Rispes Hautes dont je vous parlerai ci-après.

Nous avons pris ce chemin comme celui qui nous conduirait à Seix où nous avions projeté d'aller ; à quatre ou cinq cents pas au-dessus de La Cour, nous avons trouvé un petit ruisseau descendant d'une vallée fort étroite, en laquelle est assis le village d'Alos, qui ne se voit point, parce qu'il est enfoncé dans la montagne.

A pareille distance, au dessus nous avons trouvé ce pas des Rispes Hautes, qui est un petit sentier fort raide, taillé dans le roc, où l'on a peine à monter et à descendre, et où il y a quelque danger de passer à cause d'un précipice fort haut et plein de roches, au fond duquel est la rivière ; de plus il est dangereux, parce que, comme ce passage est unique et fort mauvais, lorsqu'il y a quelque méchant coup à faire dans le pays, on choisit ordinairement cet endroit, d'autant plutôt que ceux qu'on vient y attaquer sont éloignés de tout secours et qu'on peut se cacher sous un grand rocher, qui est à deux ou trois cents pas audessus, appelé Quercabanac (1).

Au reste, je puis vous dire que bien nous a pris que le bruit du passage de ma calèche (2) ait été répandu jusques dans ce pays; on y avait partout rétabli les chemins, et ce malheureux passage même avait été accommodé de manière que nous le passâmes facilement.

C'est à l'endroit de ce rocher de Quercabanac que la rivière de Massat se jette dans le Salat ; elle vient d'une vallée fort étroite, qui s'ouvre seulement à l'endroit où est assis le village de Soulan, et plus haut où est celui de Massat, qui est un lieu considérable, où il y a cinq ou six mille communiants ; entre cette vallée et celle de Rivière sont assis trois hameaux appelés Erp, Aleu et Régule.

Poursuivant le chemin, environ deux à trois cents pas, toujours sur la droite du Salat, la vallée commence à s'élargir ; d'abord on trouve le village de Soueix, où il y a un pont sur la rivière, et joignant lequel village est le château de Saint-Sernin.

A la portée de mousquet au-dessus de Saint-Sernin, il y a dans une

(1) Le pas de Rispes Hautes, dont il est ici question, n'est autre que le défilé de Kercabanac, au confluent de l'Arac qui vient de Massat et du Salat. Aujourd'hui on écrit Kercabanac et non Quercabanac qui devrait être la véritable ortographe.

(2) Il ne faut pas entendre le mot calèche dans le sens qu'il a de nos jours ; il signifie ici équipage, suite ; en effet, un peu plus haut, en parlant de l'état des chemins, M. de Froidour déclare qu'il y a parfois à peine place pour un homme à cheval ; il ne peut donc être question de voiture.


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île, qui s'est formée au milieu du Salat, un petit château appelé Roquemaurel, bâti à la manière ordinaire des châteaux de ce pays-ci. A la portée du pistolet au-dessus est assis le petit village de Vie ; et plus haut, la vallée s'élargissant davantage, est assis le village d'Oust, le plus considérable du vicomte après celui de Massat. Il y a un château,qui est un corps de logis à quatre tours attachées aux quatre coins, le tout assis sur la droite du Salat à cinquante ou soixante pas au-dessus de la rivière d'Ercé, qui sort d'une vallée en laquelle sont situés les villages d'Ercé et d'Aulus.

Etant sur ce chemin, à l'endroit du lieu de Vie, nous avons découvert à droite et à gauche des montagnes extraordinairement hautes que nous n'avions pas découvertes jusqu'alors, parce que la vallée trop serrée, dans laquelle nous avions monté, nous en avait empêché. Nous vîmes aussi une montagne au-dessus d'Oust appelée le pic de Sans, et, au-dessus de Seix, un reste de tour et quelques ruines d'un château appelé Mirabat.

Passant plus devant et côtoyant toujours la rivière du Salat, nous arrivâmes à Seix, qui est un assez bon village dépendant du Languedoc et de la judicature de Rieux, tout à fait enclavé dans le Couserans, à l'extrémité du Royaume. Il est assis à la jonction du ruisseau de la vallée de Sentenac au Salat; il y a deux ponts de pierre, l'un sur ce ruisseau pour communiquer d'une partie de ce village à l'autre, et l'autre sur le Salat qui donne communication du côté d'Oust et conduit au chemin, par lequel on gagne le port de Salau. La seigneurie de ce lieu appartient moitié au Roi et moitié au vicomte du Couserans, entre lesquels elle est en paréage. Il y a une tour carrée sans autre bâtiment, que l'on appelle le château du Roi ; il y a aussi un méchant bâtiment appelé le château du vicomte. C'est l'unique lieu du Couserans, où le Roi ait des forêts dans lesquelles les habitants du lieu ont droit d'usage. Comme, pour les visiter, je fus obligé de passer plus avant, parce que ces forêts et les vacants et pâturages qui en dépendent s'étendent jusqu'au port d'Espagne, je remontai le Salat jusqu'à l'endroit où il commence à prendre le nom de Salat, qui est à un grand quart de lieue au-dessus de Seix, où se joignent trois ruisseaux, dont l'un est appelé la rivière d'Ustou, parce qu'elle descend de la vallée où le lieu d'Ustou est assis ; le second, qui est au milieu, est la rivière du Salat ainsi appelée, parce qu'elle coule dans la vallée où Salau est assis, et ce lieu est un hameau dépendant d'Ustou ; le troisième est la rivière de Betmajou, qui descend des Pyrénées entre deux grandes montagnes, sur lesquelles sont les bois du Roi. Laissant les deux premiers ruisseaux à main gauche et le châ-


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teau de Lagarde, qui est sur une pointe de montagne à la portée de canon de celui do Mirabat, j'ai suivi ce grand vallon jusqu'à deux métairies appelées Lastours, qui sont les dernières maisons de cette contrée, sur la frontière de Catalogne.

A propos de ce château de Lagarde et de celui de Mirabat, vous seriez étonné de voir les hauteurs sur lesquelles ils étaient bâtis, je vous dis ils étaient, parce qu'à présent il n'y a plus que quelques restes de murs où à peine il y a de quoi nicher les hiboux, mais ils étaient autrefois de grande considération. Comme il y en a plusieurs autres dans ce pays et dans toutes les autres frontières d'Espagne, qui étaient bâtis aux lieux les plus éminents, on m'a dit que, par tradition, l'on savait que, quand il arrivait q elque chose d'extraordinaire dans la contrée, ou si les ennemis y paraissaient, tout le pays en était averti au moyen de feux qu'on allumait dans ces châteaux pendant la nuit et do la fumée qu'on y faisait pendant le jour, qui était le signal de ce qui se passait, afin que chacun eût à se tenir sur ses gardes ; c'est ce que vous aurez vu admirablement bien décrit dans l'Argeni de Barclay (1).

Mais, pour continuer mon discours, je vous dirai que le chemin qu'il y a pour monter ces montagnes étant très difficile pour les gens qui n'ont accoutumé que de marcher dans les plaines, je laissai une partie de mes gens à la jonction de ces trois ruisseaux et passai outre jusqu'à un petit pont au delà duquel les chevaux ne pouvaient aller qu'avec difficulté et qu'avec péril. Je mis pied à terre et marchai à pied toujours, montant accompagné seulement d'Ayède, de Morvan (2) et d'un nommé Rieux, que nous avions pris à Montbrun pour nous guider. Le pauvre Ayède s'étant lassé, j'avançai avec les deux autres; mais, comme à cause de l'extrême chaud qu'il faisait, j'avais quitté le justaucorps elles chausses pour marcher avec plus de facilité, n'ayant retenu qu'un petit pourpoint de toile et une marinière fort légère, je me trouvai dans un pays si froid, que, pour ne point tomber dans quelque pleurésie, je fus obligé de redescendre au plus vite pour regagner le vallon.

Dans ce temps même, je vis descendre de la montagne quantité de bestiaux de toutes sortes, et j'appris des paysans et des pasteurs et bergers qui les conduisaient, que toute cette quantité de bestiaux appartenait, partie aux habitants de Seix et partie aux habitants de plusieurs

(1) Roman, écrit en latin et dont la scène se passe en Sicile, publié en 1621, à Paris, chez Buon, par Barclay. Le passage cité dit que le Roi transmettait ses ordres par des feux placés sur des corbeilles de fer élevées au sommet de mâts plantés en terre. (Note de M. G. Roschach.)

(2) Gardes des forêts qui accompagnaient M. de Froidour.


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autres lieux du Couserans, lesquels ils avaient coutume, huit jours avant la Saint-Jean-Baptiste, d'envoyer pâturer sur les montagnes les plus hautes, que ceux du lieu de Seix qui avaient des montagnes très considérables et de grande étendue y retenaient leurs bestiaux, mais que les habitants des autres lieux faisaient passer les leurs jusqu'en Espagne, où ils prenaient des montagnes à ferme et les y retenaient ordinairement jusqu'au quinzième septembre, que dans ces montagnes les pasteurs et bergers y demeuraient pendant cet espace de temps sans retourner, qu'ils avaient des petites cabanes dans lesquelles ils se retiraient pendant la nuit et durant le mauvais temps et où ils faisaient leurs fromages, et que ceux à qui les bestiaux appartenaient avaient soin de leur envoyer tous les huit jours quelque peu de pain fait de blé, de seigle, de millet, de sarrasin et même d'avoine. Je m'informai s'ils ne faisaient point de beurre, et ils me répondirent que non, mais qu'ils avaient coutume de confondre et mêler ensemble tout le lait de leurs bestiaux, tant vaches que chèvres et brebis, et en faisaient seulement des fromages, qu'ils partageaient ensuite entr'eux, à proportion du nombre des bestiaux qu'ils avaient (1). Je leur demandai pour quel sujet ils retournaient si tôt, ils me dirent que c'était la publication de la guerre que les Espagnols avaient déclarée aux Français (2), qui en était cause, et que les frontaliers (3) d'Espagne les avaient avertis de se retirer de crainte qu'on ne leur courût sus. J'appris même qu'à vingt pas de l'endroit où quelques-uns de ces bergers m'avaient rencontré, ils avaient trouvé un miquelel; c'est ainsi qu'ils appellent les montagnards espagnols, qui sont ordinairement des coquins et des voleurs, armés d'épées et de dagues, de mousquetons et de trois ou quatre pistolets. Je ne fus pas malheureux de ne point tomber entre les mains de ces sortes de gens.

Je m'enquis d'où venait cette bonne foi des Espagnols de les avoir ainsi avertis de se retirer. Ils me répondirent que, telle guerre qu'il y ait eu entre la France et l'Espagne, comme les deux frontières sont en des pays fort ingrats, qui ne peuvent pas fournir aux habitants les choses nécessaires à la vie, de sorte qu'il leur serait impossible d'y subsister sans le commerce, il y a eu de tout temps des traités appelés des permis fort étroitement gardés et observés, au moyen desquels les Français ont la liberté d'aller franchement et librement commercer de

(1) Les bergers de ces montagnes conservent encore absolument les mêmes usages.

(2) Cette guerre éclata, à la mort du roi Philippe IV d'Espagne, dura jusqu'en 1668 et se termina par le traité d'Aix-la-Chapelle.

(3) Habitants des frontières. Cette neutralité de la frontière n'existait pas seulement pour le Couserans; nous la retrouvons aussi pour le Donezan, aujourd'hui canton de Quérigut, sur les confins du Comté de Foix et du Roussillon.


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toutes sortes de marchandises, excepté seulement de celles de contrebande, sur la frontière d'Espagne, jusqu'à certains lieux désignés par les traités et accords faits entre les deux nations. Les Espagnols sont responsables par communauté de tous les dommages que les marchands français pourraient recevoir en leurs personnes, bestiaux et autres biens et marchandises, et réciproquement les Espagnols ont la même liberté aux frontières de France jusqu'en certains endroits; c'est par ce commerce qu'une infinité de peuple, dans ces pays les plus mauvais du monde qui soient habités, trouve moyen de subsister.

Ils me dirent aussi que pour la communication du Couserans avec l'Espagne il y avait trois ports, celui d'Aula qui est au-dessus du lieu jusques auquel j'avais été, un autre qui est celui de Salau qui est le plus considérable, et le troisième celui de Martellat au-dessus d'Ustou ; et que le lieu de Saint-Girons est le grand marché du pays où se fait tout le commerce et la communication. Je m'informai encore de quelles sortes de marchandises on -avait coutume de commercer. Ils me répondirent qu'on vendait aux Espagnols toutes sortes de grains, du vin. des mules, des bestiaux, des draps, des rubans et toute sorte do quincaillerie, et que les Espagnols débitaient quantité de laine et de sel, peu de safran et d'huile, dont le transport ne se fait qu'à charge de chevaux ou de mulets, mais avec beaucoup de difficultés, les ports étant pendant neuf mois de l'année couverts de neige, comme ils étaient déjà pour lors. Et de fait, ou me fit voir le port de Salau qui était déjà tout blanchi. Je ne laissai pas de voir un homme du pays, qui dans un panier, qu'il avait sur son dos, portait des prunes qu'il allait vendre en Espagne.

Je m'enquis enfin s'il n'y avait pas beaucoup de bêtes farouches dans ces montagnes, comment ils faisaient pour préserver leurs bestiaux et comment ils les nourrissaient lorsqu'ils les avaient tirés de la montagne ; ils me dirent qu'il y avait quantité do loups, de sangliers et d'ours, et même ils me firent voir quantité de millets et de blés tsarrasins crûs sur les terres défrichées de ces montagnes qui étaient entièrement mangés et gâtés. Ils me dirent que cela avait été fait par les ours, et que ces trois sortes de bêles faisaient ordinairement la guerre à leurs biens et à leurs bestiaux, contre lesquelles ils su défendaient avec des chiens beaucoup plus grands et plus forts que ceux que vous avez pu voir jusques ici ; et afin que ces chiens puissent avec plus de sûreté attaquer ou se défendre de ces bêtes, ils leur mettent au col un collier garni de grands clous.

L'un de ces paysans à qui je parlais avait, trois jours auparavant,


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fait une action fort hardie contre un ours ; l'ayant trouvé par hasard qui mangeait son millet, il prit le bâton dont il se sert pour la conduite de ses boeufs, et il fut droit à l'ours, faisant grand bruit. Cet ours effrayé du bruit fut à l'arbre le plus prochain et monta dessus ; le paysan le poursuivit appelant ses voisins au secours; l'ours voulant descendre, le paysan le piqua de la pointe de fer que vous savez qui est au bout de ces sortes de bâtons, et par ce moyen l'obligea à remonter au bout de l'arbre et l'empêcha de descendre jusqu'à ce que ses voisins armés de fusils vinrent à son secours et tuèrent l'ours sur l'arbre.

Ces paysans me dirent encore, qu'outre ces sortes d'animaux, il y avait des chevreuils et des isards. Je ne vous dis rien des chevreuils, parce que vous savez ce que c'est. Mais il faut que je vous dise que les isards sont ce que nous appelons en France chamois ; ce sont des animaux qui tiennent de la biche, de la chèvre et du chevreuil. Ils ont le poil de la biche, la grandeur des plus grands chevreuils et la forme à peu près de la chèvre. Je vous en rapporterai une corne, que j'ai arrachée moi-même à la tête d'un de ces animaux qu'un paysan de Seix avait tué. Au reste, c'est le plus vite et le plus dispos de tous les animaux. Il n'est rien de si rare que d'en avoir de vifs, parce qu'ils sont ordinairement dans les lieux les plus âpres, et qu'il n'y a point de chasseurs ni de chiens qui puissent les suivre ni les atteindre. L'on m'a fait voir une fenêtre, en laquelle un petit isard qui n'avait point encore la corne avait sauté. C'était un petit animal qui avait été pris à la tannière sans la mère, lequel j'ai vu moi-même; et en vérité la fenêtre était à quinze ou seize pieds de hauteur du rez-de-chaussée. Lorsqu'on en attrape, il faut les surprendre et les tuer à coups de fusil; et quelquefois ils se tuent aussi eux-mêmes en deux manières, savoir : lorsqu'ils ont mal pris leurs mesures pour sauter, étant un peu rigoureusement poursuivis, et lorsqu'ils se veulent gratter avec le pied de derrière, lequel, en ce faisant, ils engagent assez souvent dans leurs cornes et se laissent ainsi tomber. Comme les lieux où ils se trouvent sont pleins de précipices, on en trouve quelquefois qui se tuent de cette manière. Ils me dirent encore qu'on voyait dans ces montagnes, mais fort rarement, des perdrix blanches, des merles blancs et des corneilles à bec et à pieds rouges.

Pour ce qui est de leurs bestiaux , je vous ai dit la manière dont ils les tiennent dans leurs montagnes pendant l'été ; et ils me dirent que, pendant l'hiver, lorsque toute la terre était couverte de neige, ils les tenaient dans les granges et leur faisaient manger l'herbe qu'ils avaient recueillie pendant l'été dans les forêts et dans leurs prés. Pour ce qui


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est du printemps et de l'automne, aussitôt que la neige commençait un peu à fondre, ou jusqu'à ce qu'elle eût tout à fait couvert la terre, ils les mettaient en pâture dans les bois et dans les prairies, dont ils leur font manger les feuilles et l'herbe. Comme la plupart du temps, ces bestiaux avalaient autant de terre et de neige que d'herbe, ils les réchauffaient et les purgeaient en leur donnant du sel à manger. A raison de cela, le sel est la marchandise dont les Espagnols font le plus grand débit chez eux; le bon marché auquel on le leur vend , l'extrême nécessité qu'ils en ont, et la franchise et la liberté qu'ils ont eues de tout temps de commercer de ce sel, font que dans ce pays et généralement par toutes les montagnes, il n'y a rien de plus odieux que le nom de gabelle. Et si souples et si soumis que les peuples de ces contrées puissent être, depuis que M. Pellot les a réduits, je n'estime pas que jamais on puisse l'y établir, qu'il n'y ait une rébellion générale de tous les habitants.

Mais que penseriez-vous, mon cher compère, que soient les belles prairies et les granges de ce pays-là. Je vous ai dit quelle sorte de pays était le Couserans, et, que tant que nous y avions marché, nous ne pouvions rien voir à droite ni à gauche que des montagnes si serrées, que le long des rivières à peine il y avait un sentier pour le passage d'un homme ou d'un cheval, et qu'aux endroits où les vallons s'élargissaient un peu, c'était là où les villages étaient situés, mais si pressés que tout le terrain était occupé par les maisons. Cela est très vrai, et c'est une espèce de merveille de voir une quantité si considérable de monde en un si petit pays, où on ne fait aucune dépouille de vin et où on ne recueille pas la douze ou quinzième partie du blé qu'il faut pour la nourriture des habitants, et que cependant on y vit ainsi que dans les meilleures contrées. Le peu de terres qui sont en labour sont sur des montagnes, que les habitants ne peuvent point humecter avec les ruisseaux ou les eaux des fontaines ; et je no pourrais jamais croire, si je ne l'avais vu, qu'il fût possible à des hommes de grimper en des lieux ou sur des rochers, où il y a quelque peu de terre que j'ai vue bien labourée, et croître les plus beaux millets et les plus beaux blés sarrasins que l'on puisse y voir. Les prairies sont de même sur des penchants de montagnes et sur des précipices, où vous ne pourriez jamais vous imaginer que des hommes pussent aller ; et pour cela, ils font les ménagements admirables de toutes les eaux, qui sont sur les montagnes les plus hautes et qu'ils conduisent tout le long de ces précipices, les tournant et les détournant ainsi que bon leur semble, par des petits canaux qu'ils font, au moyen desquels arrosant incessamment ces lieux,


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qui naturellement seraient secs et arides, ils font de très agréables prairies. Comme les bois, dont toutes ces montagnes étaient ci-devant couvertes, sont de peu de valeur ou de peu de considération, lorsqu'un paysan a découvert quelque endroit dans lequel il peut commodément faire aller de l'eau, il ne se donne pas la peine de couper, mais d'abord il met le feu et brûle tout le bois du lieu dont il veut se servir, laboure ensuite cette terre échauffée et y fait deux ou trois dépouilles de grains, après quoi il on fait des prés en la manière que je viens de vous dire, parce que, la richesse de ce pays consistant en bestiaux, il n'y a rien qui soit plus précieux et plus recherché que les prairies ; et je vous laisse à juger sur cela du bel état auquel j'ai trouvé les forêts de ce pays.

Pour ce qui est des granges, ce sont de misérables chaumières, bâties à demi-côte ou sur la hauteur des montagnes qui ne sont point les plus hautes ; car rarement on tient les bestiaux on bas, pour la raison qu'il ne faudrait faire autre chose que de les faire monter et descendre, de plus parce qu'il faudrait y voiturer les foins, ce qui ne se pourrait sans frais et sans pertes ; pour cela, on les tient dans ces chaumières , qui sont divisées en deux espaces, dont l'une est la bergerie, mais fort étroite, et l'autre est la demeure des paysans qui, la plupart du temps , sont pêle-mêle avec les bestiaux. Le grenier sert à resserrer les foins ; la paille est fort rare, et, pour peu qu'il y en ait, elle sert de lit aux habitants. Les animaux n'ont d'autre litière que la fougère sèche qu'on leur donne aussi à manger dans les nécessités. Il n'y a dans ces maisons, et même dans la plus grande partie de celles qui sont dans la vallée, ni cheminées ni fenêtres, et, à la plus grande part, il y a double porte, et cela pour se défendre des neiges qui les accableraient, s'ils leur donnaient la moindre ouverture. Ces paysans sont quelquefois deux et trois mois sans sortir, demeurant enfermés dans ces tannières comme des renards ; et vous serez bien étonné quand je vous dirai qu'ils sont quelquefois quatre ou cinq mois sans manger du pain, ne vivant que de lait qu'ils font bouillir avec un peu de farine de millet et de blé sarrasin, sans même en ôter le son, et quelquefois avec des fèves. J'ai eu la curiosité de voir quelques-unes de ces granges et j'ai admiré comme ces pauvres gens y pouvaient subsister. On y sent la fumée d'une manière surprenante, et la fumée aussi y fait un tel effet que les murs et les planchers sont noirs et luisants beaucoup plus que l'ébène. Il n'y a point de vernis fait à plaisir qui puisse égaler celui-là, et pour vous le bien figurer, il faut que vous imaginiez du bois ou des pierres sur lesquelles on aurait pris plaisir à couler de la poix fondue.

Enfin, mon cher compère, après le bel entretien de ces paysans et


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après avoir vu leurs palais enchantés, je repris le chemin de Seix et repassai à un petit hameau que j'avais déjà vu, et je m'y arrêtai pour voir un moulin à scie. C'est le premier que j'avais vu jusqu'alors et l'invention en est très belle, mais comme cela est commun, la chose ne mérite pas que je vous en fasse aucune description. Passant plus outre, j'aperçus de loin plusieurs de ces paysans, avec lesquels je m'étais entretenu, qui n'ayant que de gros sabots semblables à ceux que vous avez vus aux paysans de ces provinces, couraient sur ces montagnes avec la même facilité que nous faisons dans la plaine ; et comme je témoignais quelque étonnement pour cela, on me dit bien plus que l'on allait à la chasse sur ces montagnes, et que les chasseurs y allaient souvent à cheval. Mais c'est l'habitude qui rend tout facile, et depuis que j'ai vu que les chevaux pâturaient dans tous ces lieux et qu'ils allaient partout où les chèvres peuvent aller, je ne suis plus émerveillé que les hommes les montassent et s'en servissent pour aller partout.

Lorsque je fus retourné à Seix, ce fut la peine de trouver un hôte et à souper. Les consuls vinrent me trouver avec leurs livrées consulaires, et le curé du lieu à leur tête qui me porta la parole pour eux. Comme le cabaret où nous étions descendus était fort mauvais, et qu'il n'y avait qu'une seule chambre qui servait aussi de cuisine, je leur dis de faire de sorte que je trouvasse un lit pour moi et un autre pour Paneboeuf (1) et Ayède. C'est une chose plaisante et bien remarquable que je me sois fait chercher un lit ; mais mon cher ami, je ne puis vous taire la mauvaise aventure qui m'arriva et à toute ma troupe. Je pris une chambre que m'offrit un gentilhomme du diocèse de Rieux, qui a une espèce de château dans ce malheureux lieu, dans lequel il y avait deux lits. J'en pris un et l'autre fut pour Marrau et Bertrand, que je suis obligé d'avoir auprès de moi, pour me secourir pendant la nuit. Comme j'étais fort fatigué, je n'eus pas plus tôt la tête sur le chevet que je m'endormis et fis un somme de trois quarts d'heure ou environ, après lequel m'étant éveillé un peu en chaleur, je sentis que de tous côtés quelque chose me piquait, si bien que je croyais que m'étant extraordinairement échauffé le sang ; la chair me démangeait, et je fus en telle inquiétude de me gratter tantôt d'un côté, tantôt d'un autre, que je ne dormis pas un moment de tout le reste do la nuit, et comptais toutes les heures, si bien que le lendemain matin voyant mes gens qui se levaient, je leur dis de ne point faire de bruit, parce que je voulais voir si le matin, je pourrais reposer. Mes gens qui avaient souffert la même incommodité

(1) Capitaine qui accompagnait M. de Froidour.


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que moi, me dirent que je me portais mieux que je ne croyais, que tout le mal que j'avais souffert était des morsures de puces, et que pour eux ils n'avaient dormi non plus que moi et qu'ils avaient été mangés toute la nuit. Je me fis on même temps donner de la chandelle, et regardant mon pauvre corps, je le trouvai réduit en l'état de ceux qui ont eu la petite vérole, n'y ayant place sur moi qui ne fut marquée de la morsure de cette vermine dont je vis le lit tout plein. J'en sortis au plus vite et àpeiue étais-je habillé que je vis entrer Paneboeuf et Aygède, qui, en pestant contre le maudit lieu de Seix et contre les poux, puces et punaises, me dirent qu'ils en avaient été maltraités encore beaucoup plus que nous ; leurs visages en étaient tous marqués, et ils en avaient leurs têtes et leurs habits bien garnis. Nous fîmes résolution de partir en diligence et nous nous mîmes en de voir de cela ; mais Pira, lieutenant de la garnison de La Cour qui m'avait accompagné, comme je vous ai dit ci-dessus, reçut un billet d'un gentilhomme nommé de la Facio qui lui mandait, qu'il le priait de l'attendre à Seix pour affaire importante dont il avait à lui parler. Cela nous arrêta quelque temps pendant lequel je fis apprêter un fort mauvais déjeuner; et ce gentilhomme arriva, qui mangea avec nous. J'eus bientôt reconnu que c'était un envoyé du marquis de Rabat, qui n'ayant pas voulu me parler d'abord ni me dire qu'il me fut envoyé exprès, s'adressa à Pira et lui dit de me mettre sans faire semblant de rien sur le chapitre des bois de Mauvezin, pour m'obliger à me découvrir, mais j'eus bonne bouche ; obligeant enfin ce gentilhomme à parler français, il me dit avec naïveté le sujet de sa venue et que j'obligerais le marquis de Rabat si je pouvais faire en sorte qu'il pût vendre ses bois au Roi. Je lui dis que je n'avais nulle charge ni pouvais en faire l'achat ; de plus, et comme M. de Rabat m'avait fait connaître, lorsque nous nous étions vus à Montbrun, qu'il n'avait pas grande envie d'avoir affaire au Roi, je n'avais plus pensé à cela, mais que comme M. Colbert m'avait envoyé le procès-verbal du sieur de Seuil (1), pour repasser dessus ainsi que je l'avais fait voir à M. de Rabat, puisque tout de bon il me faisait connaître qu'il avait dessein de vendre, je m'employerais de bon coeur pour son service, que j'étais homme qui me conduisais avec beaucoup de franchise et de sincérité, qu'il pouvait me dire de bonne foi ce qu'il avait essayé d'avoir de ses bois, que je les ferais visiter ou les visiterais moi-même, et qu'ensuite j'en écrirais de si bonne encre que, pour peu qu'on eût besoin de

(1) Neveu de Colbert, envoyé avant M. de Froidour, négociateur de vingt ans, mal habile et présomptueux, qui avait eu dés difficultés avec M. de Rabat.


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bois pour la construction des vaisseaux, je l'assurai que, préférablement à tous autres, ses bois seraient achetés. Il me fit réponse que le marquis m'était fort obligé et qu'au plus tôt j'aurais do ses nouvelles. Nous montâmes à cheval incontinent après et prîmes le chemin de Saint-Girons, où quatre ou cinq gentilshommes du pays vinrent me

reconduire.

(A suivre.)

LAS NEITS DE TOULOUSO

CONTE PATOIS.

On peut ranger ce conte dans la catégorie des récits facétieux dont un paysan est le héros, ou plutôt la victime. Le thème n'est pas très neuf. Un pauvre montagnard, n'ayant jamais quitté son hameau, arrive inopinément dans une grande ville : tout est nouveau pour lui ; il se croit dans un autre monde, il perd la notion des choses et du temps ; de là des méprises et des aventures plaisantes. Il tombe chez des parents qui le trouvent grossier, compromettant ; toutefois ils n'osent le mettre brutalement à la porte , aussi ont-ils recours à des supercheries pour dégoûter l'intrus de la grande ville et lui inspirer spontanément le désir de regagner au plus vite son village. Le campagnard, peu expérimenté, simple d'esprit, ne supposant pas qu'il est à charge aux siens, tombe dans le piège tendu à sa naïveté. Il ne raisonne pas, il a confiance et accepte bon jeu bon argent tout ce qu'on veut lui faire accroire; il a hâte de retourner chez lui, jurant, mais un peu tard, qu'on ne l'y reprendrait plus.

Tel est à peu près le sujet de notre conte ; le fonds en est rajeuni par le charme de la forme et par le piquant des détails. Le style est facile, pittoresque ; un dialogue vif empêche l'action de languir ; mille petits faits de la vie rurale se révèlent dans le cours du récit ; les réflexions, que suggère à notre héros la vue de choses nouvelles pour lui, sont bien celles qui viennent à l'esprit d'un homme confiné dans un hameau de la montagne. En lisant la description de son rustique costume, ne croirait-on pas voir passer un de ces vieux paysans qui, de temps en temps, s'aventurent, non sans quelque appréhension, dans les rues de nos villes ou, par la naïveté de leurs questions, ils étonnent leurs interlocuteurs. Notre personnage appartient à un de ces hameaux de la HauteAriège où la difficulté d'accès a retardé la marche de la civilisation ;


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il est donc vraisemblable de retrouver dans ce pays reculé les coutumes, les traditions, les préjugés, le langage du vieux temps. Ce conte est un petit tableau de moeurs que rehausse l'éclat de la couleur locale. Quant au dialecte employé, c'est bien celui que devait parler le bonhomme. Notre correspondant, que sa modestie empêche de se faire connaître, est un fidèle interprète de ce qu'il voit et de ce qu'il entend; il a noté ce récit qui a dû faire le charme des veillées, et a bien voulu nous le communiquer. Nous adressons nos remerciements à l'aimable conteur en souhaitant que son exemple trouve des imitateurs ; peu à peu nous arriverons à faire une ample moisson et à préparer un recueil précieux pour tous ceux qui s'intéressent au patois et aux traditions de notre pays (1). PRISCUS.

TEXTE

Laurens e Guillaumet eron dous fraires des Bazerques d'Ax (2) Laurens l'ainat ero d'uno naturo paisiblo, tranquillo, bouno pastasso, sense ruso ni finesso, simplot, boun éfantot ; y anabo en tout e per tout le mes bounoment del moun, e coumo disen, tout d'un tros. Guillaumet, le cadet, al countrari, ero un particuliè alerto, dégourdit, pendart, fi e rusât coumo uno mandro. A peinos atjat de quinze ans quitec le pays, s'en anec cerca fourtuno ; arribec pauc à pauc jusquos à Toulouso. Aqui, aprex abé ensatjat forso mestiès, abé patit mes d'un cop e s'estre passat de forso dinnas e de forso soupas, toumbec dins un café al Capitolo, oun débenguec garsou. Intelligent, propre, lusent, pla penchénat, agradec à la fillo unico del mestre del café e se maridec amb'ello ; e pauc de tems aprex, soun bel paire mouric e el débenguec à soun tour patrou e fec fourtuno.

De tems en tems escribio al pays, e embouiabo à sou fraire calcaresot, un soubéni, quand n'abio l'oucasiou. Laurens, à soun tour, y

(1) Pour l'orthographe, nous avons suivi le système adopté actuellement par la plupart des auteurs qui publient des textes patois, notamment par certains félibres et par la Revue des langues romanes.Tout en reconnaissant qu'il n'existe pas pour l'orthographe de chacun de nos principaux patois des règles aussi inflexibles que pour le français, nous sommes d'avis que tout ne doit pas être livré au hasard et qu'il y a une méthode dont les anciens éditeurs avaient la tradition et la pratique. Si chaque auteur voulait figurer la prononciation à sa façon, ce serait l'anarchie ; et les mots, suivant qu'ils seraient écrits par les uns ou par les autres, ne seraient plus reconnaissables. On essaie d'éviter cet inconvénient, en reprenant les vieilles traditions auxquelles se rallient la plupart des éditeurs du Midi. Notre correspondant nous ayant laissé toute latitude, nous nous sommes conformé à l'usage général pour la publication de ce conte. Dans le cas où une personne, qui nous transmettrait des documents aurait un système qu'elle désirerait voir observer fidèlement, il va sans dire que nous nous empresserions de tenir compte de ce désir fort légitime.

(Note du Secrétaire de la Société Ariégeoise.)

(2) Les Bazerques sont un petit hameau dépendant de la commune d'Ax, situé dans un replis de la haute montagne.


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respoundio ey fasio passa, quand poudio tabes, gentillos de Prades. (1) Eron dounc en courrespoundenso.

Le paure Laurens perdec, tout al cop, de la picoto, dous mainatjes qu'abio, e la fenno, e se troubec tout soul.

Alabets ajec regret d'ana boire soun fraire, que l'y engatjabo, e de s'en ana biure amb'el à Toulouse Se fa le paquet, le se penjo al cap del bastou e partie. Abio, ba sense dire, feit toiletto e ero endimenjat; abio un pantaloun de drap d'oustal, fort, pelut, espes, coulou delabestio, à grand pourtanel, bel e lusent, boutou de brago al miei ; la bestodel memo drap, courto, al cap de l'esquino, le coulet de la besto tabe court, dreit, rette coumo uno barro de fer, les guetous, las sabatos e la bouneto eron tout, de cap à pes, flamment nou.

Ensi acoutrat nostre Laurens part countent e joyous, à pe, ben entendut, car d'aquel tems nou y abio ni camis de fer ni boituros, à prou peno qualque groussiero o pesento carreto qu'anabo à pas de galino. Un bouiatje, dins aquel tems, ero un afe d'estat.

Quand le paure Laurens, que n'ero pas james anat pu leingn que la bilo d'Ax, arribec su'l tard en face de Fouich e que bejec aquello bélo bilo se pensec qu'ero Toulouso.

— Enseigname, diguec el, à la prumiero persouno que rencountrec, enseigname, si bous plai, oun demoro le miu fraire ?

— E qui ets bous ?

— Soun Laurens prépei des Bazerques, à bous fe plase.

— E le bostre fraire qui es ? ount es ?

— Le miu fraire es Guillaumet ; es assi, al Capitolo, que demoro, que fa café, s'el counéguets ?

— Mais, paure home, assi n'aben pos cap de Capitolo ; à Toulouso, oui, ja gna un Capitolo.

— Eh mais ! asso n'es pos Toulouso !

— Nani, paure home, nani, asso es Fouich.

— Eh moun Diu ! e ount es alabets Toulouso ! s'es leingn ?

— Oh oui, brabe home, Toulouso es leingn, pla leingn.

— E se gna tant de tems coumo des Bazerques assi ?

— Oh oui, gna pla mes de tems, paurot, e boulets estre pla fatigat, abans d'y arriba.

— E per oun cal passa, si bous plai ?

— Bous cal toutjoun siegue le grand cami tout dreit.

— Merci, moussu ?

E Laurens tourno parti.

(1) Prades, petite commune du canton d'Ax qui produit des lentilles renommées.


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Arribat à Pamios, el demando s'es Toulouso ; nani, e li disen « pu leingn, pus abal ». Moun Diu, que le moun es grand, disio el.

E se rebiran de tems en tems, gaitabo las mountagnose disio :

« E ount es la bilo d'Ax ! E oun soun les Bazerques ? E oun sira Toulouso! Paure Guillaumet! Oun te n'es anat tu! Toulouso sira à la fi del moun ! se y arribarai james ! se me morirai abans de y arriba ! Paures Bazerques ! se bous tournarai james pus beire ! »

E le pauret marchabo toutjoun e à cado bilo, à Sabardu, à Cintogabello, à Hautoribo, pertout, demandabo s'ero Toulouso ; e toutjoun recebio la memo respounso : « nani, es pu leingn, pus abal. »

Enfins à forço de tems e de marcho, arribec à Toulouso. Quin plase le paure home ressen quand y digueguen : « Oui, asso es Toulouso. » Alabets l'estoumacot s'y recounfourtec.

— Enseigname, si bous plai, la maisou del miu fraire Guillaumet.

— E oun demoro ?

— A Toulouso !

— Mes oun à Toulouso ?

— Y es à Toulouso, al Capitolo.

— Ah ! al Capitolo ; e be ! prenets aquelo carriero, seguisets tout dreit ; arribarets à uno grando plaço qu'es le Capitol, e aqui le demandarets.

Arribat al Capitolo, nostre home es tout estounat, tout abazourdit, e demoro tout gorjo badat debant aquelos grandos maisous , aquelis superbis magasins, aquelis bélis cafés. Per bounhur se trobo tout just debant le cafè de soun fraire Guillaumet qu'ero sus la porto ; bets un home habillat coumo les del siu pays, le se gaito, l'examino : « E diron qu'es Laurent ? »

— Qui cercats, li dits, eh brabe home ?

— Moussu, beni beire moun fraire Guillaumet, s'el counéguets, se me boulets enseigna s'oun demoro !

— Bénets, dintrats assi.

E le fa dintra e aqui y sauto al col, l'embrasso e li dits :

— Paure Laurens ! soun ieu, Guillaumet, me recounegues pos dounc ; gaitome, soun toun fraire ! Paurot, debes estre pla fatigat !

— Oh, moun Diu ! Guillaumet, moun fraire ! Josus ! qu'es grand ! que t'es feit bel, gros ! qu'es poulit ! es un moussu e un bel moussu ! gna pos cap à la bilo d'Ax coumo tu. Mais garo ! es bengut pla leingn, paurot, nou es à la fi del moun ? aprex Toulouso nou gna pos d'autris payses, besse? Assi se deu acaba le moun, bertat ! Paure Guillaumet, dichote me gaita ! Oh que soun countent de te beire ! E le tenio al col e le se manjabo de poutous.


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En aquel moument arribo madamo Guillaumet, fenno bélo, poulido, ourguillouso, grando damo ; es touto estounado de boire soun home ambe un paysan. Guillaumet dits à Laurens : es la mi 1 fenno ; e à ello dits : aquel es moun fraire.

Madamo se gaito Laurens del cap as pes, per dijous, d'un aire mespresent, le saludo fredonnent, li demando coussin ba, del cap des pots, coumo fan las damos de las grandos bilos. Laurens tout intimidat, tout craintous gauso à peno respoundre.

L'ouro del soupa arribec ; se bouteguen à taulo ; bous dichi débina sequin le paure Laurens s'y tonguec, e y ero tout embarrassat. Cependant se tourneguen à parla des Bazerques, de Janou, de Ramounet, de Bernado, de la Cadetto, de Margarido, de Manjogenibre, de Pintobinagre, de tout e de toutis. A la fi pourtant, Laurens, pla fatigat, s'endourmio. « Te cal ana al leit, li dits Guillaumet, as besoun de te repausa. » Oh ! as razou, mes al debant me caldra sorti, ai besougn. » « Ah oui! te, bone; t'a bau enseigna », e le menec al numero.

Pendent qu'ero aqui, madamo Guillaumet ne profito per dire al siu home :

Moun Diu, que tou fraire es groussiè, bestio, paysan ; be coumprenes que nou'l poudem pos garda. Dits-y que s'en tourno le pulou possible ! ieu le pourio pos supourta. E aprex , ben tant de mounde coumo cal assi que sa presenso pourtario prejudici à n'ostre coumerce ; fai dounc toun possible per le fe parti al pulcu.

Guillaumet que craingn las rebifados de sa fenno et sustout sa maichancetat, cercabo un moyen per que Laurens el memo demando de s'en tourna. Le counduisis naut al segoun al foun d'un colidor ; aqui le fa dintra dins uno petito cramboto escuro ount y abio un petit leit.

Anen, beten dourrni, li diguec el, e t'abertissi qu'assi, à Toulouso, n'es pos coumo as Bazerques, on nou se lebo pos maiti ; on dorm la maitinado. Dounc gaito de pla dourmi e nou te botjes pos jusquos que bejos le souleil dins la crambo ; fasos pos tapatjo, parce que dérengaros les que soun à las autros crambos. S'as qualque besoungn, aqui as dins aquelo petito taulo tout so que te cal ; e nou te lebes pos jusquos que te bengue aberti. Boun soir, bouno neit e dourmis pla.

Boun soir, tu tabes, Guillaumet, e boun soumeil.

Laurens fec un bricot de prégario courto et bouno ; fatigat qu'ero, se met al leit. Fec leuendourmit, dourmic ferme coumo un home fatigat e pla repeichut. Quand abec prou dourmit, se despertec, durbic les els e nou bejec res; se birec de coustat e tournec dourmi. Aprex abé encaro


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pla dourmit, se tournec desperta, tournec durbi les els, gaitec de tout coustat, e pertout ero escur.

Aco pla, se diguec el, me semblo pourtant que y a pla loungtems que dourmi ; be deuro estre joun.

S'assietto su'l leit, gaito, se freto les els, nou bets res, escouto de toutos las aureillos, nou entend res.

Aco pla, deu pos estre joun encaro, se dits el V

E pourtant, enfin, cal gaita de se tourna endourmi, e s'endorm un troisieme cop. E un troisiemo cop tabe se desperto, e toutjoun la neit e toutjoun l'escur e toutjoun le silenso. Un quatriemo cop encaro ensatjo de dourmi, mais nou po pos pus; les els s'y bolen pos mes tampa, demoron duberts, se biron do tout coustat, e cerquon le joun.

Belmal le paure home abio dourmit touto uno neit, tout un joun e encaro touto uno sogoundo neit , so que fasio trento-sieis ouros. Alabets y be pe'l esprit un floc d'ideos, penso, reponso millo cots, à bel fe, se po pos cassa las ideos de l'esprit; le bentre y rounco, y semblo qu'a uno talent d'infer, uno set do diable, a le cap en foc, la cerbelo al rebets; d'un pauc mes siro fol. Nou po pos mes demoura al leit, s'y brulo coumo sus carbous ; alabets se lebo à palpos, cerco ambe las mas portos ou finestros, tout siau, sense fe brut pour noun pas dérenga digus ; e en loc nou trobo ni finestros, ni portos, ni traus, ni fentos, pertout las parets. S'en tourno al leit, bol encaro ensaja de dourmi. Impossible ! n'a pos mes son. El so biro, se rebiro, s'assieto, se coulco, coumenso, ou puleu continuo de se pla anuja.

« Yetase ! qu'es loungo aquesto neit ! E quand dounc sira joun ! O moun Diu ! Josus ! que las nuits soun loungos à Toulouso ! y a de que mouri ! Oh se pot estre joun, te proumeti que bau foutre le camp ! »

Apei so boutec à préga Diu, on attendent que le joun benguesso, fec toutos las prégarios que sabio, récitec toutis les actes del moun, diguec chapelet sus chapelet, litanios sus litanios, les sept sans de la pénitenso qu'abio appresis de sa maire, que le pauret estroupiabo. Toutjoun gaitabo de tout coustat, toutjoun durbio les els toutis grandis, les se frétabo, nou besio jamais cap de joun.

« Aro dounc que débendras, se disio el, n'es pos possible que la neit sio ta loungo, jamais pus de la bido uno neit pareillo ! Cependant que faras ? te cal acaba de prendre patienso ! te cal demoura ; tou fraire ba sap qu'es assi, nou t'aura pos debrenbat, bosse, be bendra! Mes praco se pot estre joun et que Diu me fasso la gracio de boire le souleil, te proumeti que Toulouso m'aura prou bist ; m'en boli tourna pu bite encaro que nou soun bengut. Assi, se y tourni passa uno autro neit, yetase pel la neit, m'y mouriro.


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Pendant que le paure Laurens se fasio aquel rasounoment e un floc d'autris, uno porto crido o se derb ; sou fraire dintro e y dits :

— Eh be, fraire, te cal loba, as pla dourmit.

— Oh de tout ne feit, ai dourmit et bollat tabe.

— Anen dounc, lebo te, almens que nou ajos encaro son e que belgos dourmi ?

— Son, nou ne pos mes, t'agasséguri ! o quino ouro es, Guillaumet !

— S'en ban nau ouros à pu pres.

— Oh moun Diu ! res que nau ouros ! n'ero pos trop leu que benguesos ! Josus ! que la neit es estado loungo.

— Alabets n'as pos dourmit ?

— Oh sifet, ai dourmit e bellat, e tournat dourmi e tournat bella, n'a sabi pos so que feit ; de tout que feit.

— Anen dounc! couito te ; que déjunaren. Apei nous passejaren e te farai beire Toulouso.

— Oh ! aco nou, mou cher, nou ! m'en boli tourna bei.

— Ye se badinos !

— Oh nou ! me parles pos de passa uno autro neit assi. Diu m'en préserbe, y mouriro al soulide ; bau dejuna e parti. Aro que t'ai bist, soun countent.

— Aja ! mais, Laurens, non me faras pos aquelo, besso ! be te cal passa qualques jouns assi ; n'as pos encaro bits res.

— Aco nou fa pos res ; m'en boli ana ; n'ero pos bengut sou que per te beire à tu, t'ai bist, aro m'en boli tourna. Se démourabo, beses-te-tu, bendro malaut e me mouriro ; donne, moun cher, m'en parles pos mes. Bau déjuna tout d'un cop e parti, boli pos que la neit m'attrapo à Toulouso.

— Alabets, moun amic, pus que nou bos pos demoura, te boli pos countraria, fe coumo belgos.

Aqui dessus Laurens déjuno e part al galop pu pressat encaro que nou ero bengut.

Arribat à Hauto-Ribo, se trobo fatigat ; deja so fasio tart e le souleil s'amagabo. Laurens dintro dins uno auberjo e demando s'el poden loutja pol la neit. Oui, respoundoc le mestre.

— E disemme, si bous plai, las neits assi se soun ta loungos qu'à Toulouso ?

— Mes oui, paure home, la memo causo.

— Oh! alabets, m'y demori pos, anats, merci, non bous dérenguets pos ; m'en bau adisiats ! E part.


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A Cintogabello, el demando encaro à uno auberjo se las neits soun autant loungos qu'à Toulouso.

— Mes oui ! la memo causo ; e so bouton à rire, e nostre home de se bouta las camos su'l col e de fuge, malgré que fes deja neit negro.

Débes dos ouros del maiti, arribec à Sabardu fatigat, roussat, roumput, se poudio pos mes teni. Aqui encaro à uno auberjo demando s'el bolen loutja, so la neit sira lou passado, se fara leu joun. Y respounden que sirajoun dins dos ou très ouros.

Pusqu'es atal les y dits el, dounats me un leit, e douma maiti, quand fara joun. bénets me desperta, se nou me lébabo pos.

Nostre brabe Laurens s'endourmisquec tout d'un cop e pla nou se rébeillec le maiti. A hueit ouros, l'aubergisto l'anec desperta.

— Deja us joun ! dits Laurens, se badinats ?

— Oh ! nani, paure home, soun hueit ouros.

Josus ! Josus moun Diu ! Quinis payses qu'es aco ! A Toulouso las neits nou finissen pos jamais. Assi n'en pos encaro coumensat que soun passados. Ah ! dichame le miu pays, les Bazerques ! Aqui, almens, y fa tant de neit coumo de joun, e tant de joun coumo de neit, Ah ! moun pays, moun pays, baies mais que toutis les autris payses del moun.

E arribat à soun oustal, Laurens diguec : Ah ! que les biels abion rasou de dire :

Petit miu que tant baies Baies mes que nou pares !

CONTES ET PROVERBES PATOIS DE L'ARIEGE

PROJET DE PUBLICATION

Dans le numéro du mois de mars nous avons annoncé qu'un de nos collègues de la Société Ariégeoise commençait à recueillir, sur divers points du département, les contes et les proverbes patois. Nous avons invité les personnes, qui s'intéressent à l'étude do nos dialectes locaux et à la recherche des vieilles traditions de notre pays, de vouloir bien contribuer au succès de l'oeuvre en communiquant les productions de ce genre dont elles auraient connaissance.

Notre appel a été entendu; nous avons déjà reçu un certain nombre de contes, dont nous nous proposons de donner des spécimens dans le Bulletin ; nous engageons nos lecteurs à unir leurs efforts aux nôtres , pour que notre collègue puisse rassembler les éléments d'une publication intéressante. L. LAFONT DE SENTENAC.


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Congrès géologique de 1882, réunion extraordinaire à Foix.

Compte rendu extrait du Bulletin de la Société géologique do France Un volume in-8° avec des plans, des coupes et une carte.

Nos lecteurs n'ont pas perdu le souvenir du Congrès géologique de France, qui se tint dans l'Ariège au mois de septembre 1882, et de l'exposition de fossiles, ouverte à Foix à la même époque, et qui servit à inaugurer les salles du Musée départemental. Notre Bulletin a donné la nomenclature des fossiles exposés et le résumé des travaux du Congrès.

Le compte rendu général de la session vient d'être publié par les soins de la Société géologique de France; on y trouve les procès-verbaux des séances , l'abrégé des discussions et le récit des tournées; c'est un cours de géologie appliquée à l'Ariège.

Les questions ont été prises dans leur ensemble et traitées à un point de vue général ; le Congrès ne s'est pas attaché à une région déterminée du département et n'a pas restreint ses recherches à telle ou telle branche de la science. Foix, Varilhes, l'Herm, Lavelanet, Tarascon, Ussat, Bédeillac, Vicdessos, la Bastide-de-Sérou, Saint-Girons, SainteCroix, ont été des points d'arrêts où les savants ont pu reconnaître la nature complexe des terrains qui constituent le sol de notre pays. Pendant les séances, les opinions les plus diverses se sont fait jour, des discussions se sont engagées, des solutions ont été admises, des points obscurs ont été éclaircis. Si des résultats ont été obtenus, les explorateurs doivent s'attendre encore à de belles et nombreuses découvertes, tant nos terrains offrent de variété. Les chercheurs ne sont plus exposés à s'engager dans l'inconnu ; le volume du Congrès est un guide qui ajoute des indications précises aux travaux antérieurs.

Les procès-verbaux sont l'oeuvre de M. Hébert, membre de l'Institut, professeur à la Sorbonne et président du Congrès, qui les a rédigés à l'aide des notes prises par les secrétaires. Pour présenter au monde savant nos richesses géologiques, nous ne pouvions désirer un homme plus compétent et connaissant mieux notre pays.

A côté des procès-verbaux se trouvent plusieurs mémoires relatifs à des questions spéciales, mais ayant toujours rapport à l'Ariège. Parmi les noms des auteurs, nous sommes heureux de relever ceux de deux de nos compatriotes, M. l'abbé Pouech et M. Charles de Lacvivier.

Le volume se termine par un résumé des travaux de la session ; M. Hébert, en passant en revue les localités qui avaient servi d'étapes


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au Congrès, a profité do l'occasion pour exposer à grands traits quelle était la constitution géologique de l'Ariège, dont il donne en quelque sorte la synthèse.

Des plans et des coupes, insérés dans le texte, permettent au lecteur de suivre les démonstrations; une carte coloriée, dressée par M. de Lacvivier, indique l'itinéraire du Congrès; les teintes figuratives do chaque terrain sont autant do constatations des conclusions admises par les savants investigateurs.

Signalons encore la bibliographie par ordre chronologique des principales publications relatives à la géologie des Pyrénées et en particulier à celle de l'Ariège. C'est une nomenclature destinée à rendre de véritables services aux chercheurs, dont elle facilite la tâche en leur indiquant toutes les sources de renseignements.

L'ouvrage méritait à tous égards d'être signalé à l'attention spéciale de nos lecteurs et des membres de notre Société. Outre la valeur scientifique qui le caractérise, il a un attrait particulier pour les Ariégeois, puisqu'il contribuera à faire connaître le pays aux étrangers et aussi aux indigènes ; ce ne sera pas un des résultats les moins heureux du Congrès de septembre 1882.

Études géologiques sur le département de l'Ariège et en particulier sur le terrain crétacé, par M. Groisiers de Lacvivier.

Un volume in 8°, Paris, Masson, 1884.

La constitution géologique du sol ariégeois ne donne pas lieu seulement à des travaux d'ensemble, dans le genre du compte rendu du Congrès de 1882 : à la synthèse succède l'analyse. Des monographies, du plus haut intérêt, sont réservées à des régions déterminées du département et contiennent la description détaillée d'un de nos terrains.

Parmi ces publications, nous tenons à signaler l'ouvrage que notre compatriote, M. C. de Lacvivier, vient de consacrer à l'étude du terrain crétacé de l'Ariège. C'est le sujet d'une thèse présentée à la Sorbonne, au mois de juillet dernier, pour obtenir le grade de docteur ès sciences naturelles.

Tout d'abord, nous voulons, au nom de la Société Ariégeoise, qui a l'honneur de le compter parmi ses membres, adresser à l'auteur nos félicitations sur le succès qu'il vient de remporter. Le titre de docteur est la récompense des travaux persévérants de notre collègue.


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Cette thèse est le résultat de longues investigations à travers les montagnes de notre pays. M. de Lacvivier a suivi et reconnu le terrain crétacé sur les nombreux points où sa présence se révèle dans le département; de toutes les observations qu'il a recueillies il a fait une étude approfondie , dont nous devons nous borner à donner le plan.

L'ouvrage débute par l'indication des travaux antérieurs se rattachant à la question et par l'orographie sommaire de la région. Vient ensuite la partie stratigraphique où l'auteur s'est appliqué à établir l'allure et la succession des couches géologiques. Il n'a pas fait abstraction du milieu où se trouve l'objet de ses études ; il a eu soin de montrer les relations du crétacé avec les terrains plus anciens et avec les assises tertiaires qui le surmontent.

Dans la description des étages, l'ordre chronologique a été suivi. Quelques considérations, tirées de l'examen des fossiles, ont servi à compléter ce que la stratigraphie avait révélé.

L'auteur a élargi le cadre qu'il s'était primitivement proposé et a fait précéder les recherches sur le crétacé d'un aperçu rapide sur les terrains plus anciens. « Les fouilles, dit M. de Lacvivier, qui ont disloqué la région, ont établi dos rapports si intimes entre les terrains d'âges si différents qu'il est difficile de décrire les uns sans parler des autres. »

Une carte coloriée et 82 planches, dont quelques-unes hors texte, complètent et expliquent les démonstrations.

Des ouvrages, comme celui de M. de Lacvivier, font honneur à leur auteur et sont destinés à rendre des services aux pays qui ont été l'objet d'études aussi sérieuses.

Terminons en souhaitant que l'exemple de notre collègue soit suivi ; les découvertes ne manqueront pas de récompenser les efforts des chercheurs et de les dédommager de leurs peines. En effet, ainsi que le remarque justement M. de Lacvivier, fort do son expérience, « dans une région aussi accidentée que l'Ariège, on ne saurait trop multiplier les observations, car elles donnent toujours de bons résultats. »

F. P.

Ariège. — Monographies communales. — Canton de Foix, par Paul Baby.

Avec cartes spéciales au cinquante millième, dressées d'après la carte d'état-major et dessinées par Rouy. Foix, Gadrat aîné, éditeur, 1884.

Dans l'enseignement de la géographie on s'applique le plus souvent à ne donner que des notions générales et on néglige de faire connaître à


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l'élève le pays où il se trouve ; on lui parle de la France . de l'Europe, du monde entier et on lui laisse ignorer ce que sont sa commune, son canton et son département. Il y a là une lacune. MM Paul Baby et Gadrat aîné viennent de recourir, pour le département de l'Ariège, à une méthode ingénieuse et susceptible d'atténuer les effets de l'inconvénient signalé.

Une monographie, comprenant une notice et une carte dressée au cinquante millième, d'après celle de l'état-inajor, doit être consacrée à chaque commune du département. Ces monographies peuvent être groupées de façon à former un atlas par canton.

En outre, les monographies peuvent servir de couverture aux cahiers destinés aux devoirs journaliers des élèves. C'est un moyen pratique de répandre parmi les écoliers les connaissances se rapportant à la géographie locale et de les initier insensiblement à la lecture d'une carte. En quelque temps, un enfant, par suite des besoins de l'enseignement, aura examiné toutes les monographies de la région.

Le texte contient des notions succinctes sur la situation et les limites de la commune, sur les reliefs du sol, les cours d'eau, le climat, les maladies, le commerce, l'industrie et l'administration. Les paragraphes relatifs à l'agriculture et à la géologie sont traités avec un soin particulier et renferment des indications intéressantes. Les origines de la localité et les événements, dont elle a été le théâtre, sont exposés clairement. Remarquons que les étymologies sont quelquefois hasardées et que certaines traditions ont été acceptées sans contrôle. Les sources principales, d'où l'on a tiré les renseignements, auraient dû être signalées.

Actuellement, l'atlas du canton de Foix est seul terminé ; les monographies des autres communes paraîtront successivement.

L'oeuvre entreprise par MM. Baby et Gadrat mérite les encouragements dont elle est l'objet. M. le Préfet et le Conseil général de l'Ariège ont recommandé l'adoption de l'atlas dans les écoles ; le Congrès archéologique de France, dans une séance tenue à Foix au mois de mai dernier, a adressé des félicitations à l'auteur et à l'éditeur qui, enfin, lors de l'exposition internationale de géographie à Toulouse, au mois d'août 1884, ont obtenu une médaille de bronze de première classe.


IMPRESSIONS DE VOYAGE DE LOUIS DE FROIDOUR DANS LE COUSERANS EN 1661

Ire LETTRE (1) (Suite)

J'appris à mon arrivée que l'évêque de Couserans était venu pour me rendre visite ; le lendemain matin, qui était le trentième du mois(2), il y retourna avec grande compagnie de prêtres, avec le sieur de Comère son neveu, fils d'une sienne soeur et m'obligea d'aller dîner chez lui. Ce prélat est un très honnête homme, doux, affable, et civil en dernier point. Il est bien avec son chapitre et l'a réduit à tel point qu'il a voulu, par la voie de la douceur et par le bon exemple, car sa probité n'est pas la moindre de ses bonnes parties. Il s'est mis au-dessus de la noblesse, et la tient en bride aussi bien que le peuple, que je vous ai dépeint fort fâcheux à gouverner, par les étroites liaisons qu'il a avec M. Pellot et avec la garnison qui est à Lacourt. Il est en paix avec ses diocésains et notamment avec les habitants de la ville épiscopale, desquels il a obtenu des choses que nul autre avant lui n'avait pu obtenir. En un mot, je fus satisfait de lui au delà de ce que je puis vous exprimer. Il me régala parfaitement bien et en très bonne et très belle compagnie; il me donna tous les honneurs de la table et me plaça entre deux de ses nièces, jeunes, et sans contredit, des plus jolies femmes de Toulouse. L'une est Madame de Comère, qui a épousé son neveu ; c'est une grande et grosse dondon (3), blanche comme de la neige et de la meilleure humeur du monde. L'autre est Madame de Saint-Laurens, qui est fille de sa soeur ; c'est une brune qui est d'une taille médiocre, mais bien prise, et qui est très jolie de visage, de corps et d'esprit. J'ai mandé à ma femme, qui a été visitée d'elles, de leur rendre visite, de faire et

(1) Voir le commencement dans le numéro 7 du Bulletin, page 251.

(2) 30 août 1667.

(3) Le terme de grosse dondon, bien que familier, n'avait point l'acception ridicule qu'on lui donne aujourd'hui. A cette époque de sens droit et de juste mesure, on ne séparait pas la beauté de la santé, et on n'avait pas encore imaginé que la beauté put résider dans l'absence d'éclat et de vie.


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entretenir connaissance et amitié particulière avec elles. Leurs maris sont de fort honnêtes gens, et nous ferions un bon coup de partie si nous pouvions établir société avec eux.

En vérité,mon cher ami, j'eus bien de la peine à me résoudre à quitter une compagnie si charmante, mais elle me fut enlevée par une demoiselle campagnarde de qualité. C'était Mademoiselle de Saint-Girons, une vieille fille, sèche et maigre, qui a une bouche large d'un pied et un nez aquilin aussi long ; elle s'était fait un visage de crête de coq avec du rouge d'Espagne, et s'était enfariné la tête avec un peu d'amidon et orné le front d'une paresseuse de douze cheveux roussis et moisis. Elle était accompagnée de deux douzaines de jeunes filles du lieu fort laides, taciturnes et mal propres, et avec cette suite et en cet équipage, vint rendre visite à ces dames, lesquelles, étant obligées d'aller audevant d'elle et de l'entretenir, m'abandonnèrent malheureusement. Je m'approchai bien d'elles, et leur dis en passant quelques mots de raillerie sur nos aventures; mais enfin l'évêque s'aperçut que je faisais un méchant personnage et m'appela, me disant que, puisque j'étais venu chez lui, il voulait m'entretenir et jouir de moi. J'entrai dans sa chambre qui est propre, sans luxe ni somptuosité. Je demeurai une bonne heure dans un fort doux et fort agréable entretien, après lequel il me fit voir un jardin qu'il avait fait depuis quelques années joignant sa maison, les habitants de Saint-Lizier ayant souffert qu'il fit une ouverture aux murs de la ville. Il me conduisit ensuite à une petite sallette champêtre qu'il à fait bâtir sur l'entrée de son jardin, qui est en très belle vue; il y a, joignant de ce lieu, un petit cabinet où il se retire quelquefois. L'heure de mon retour me pressant , après mille protestations d'amitié et embrassements réciproques, je pris congé de lui et pris le chemin de Saint-Girons où l'on me dit que les dames étaient. Je les y retrouvai encore et les reconduisis jusques hors la porte où je les saluai et leur dis adieu. Elles montèrent fort adroitement de fort beaux chevaux qui les attendaient, firent la caracole et une petite course pour me faire voir qu'elles étaient bonnes cavalières. A ne vous en point mentir, je crois que je leur aurais aussi volontiers fait voir que je n'étais pas mauvais cavalier.

Le dernier du mois (1), comme je me disposais de matin pour partir, Pira vint me faire voir une lettre de M. de Rabat, qui lui mandait qu'il se rendait sans faute au gîte à Saint-Girons pour me voir. Cela me déconcerta un peu, mais comme j'avais des bois à visiter dans le voisi(1)

voisi(1) août 1667,


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nage, je descendis le long du Salat sous les murs de Saint-Lizier, et passant à main droite au-dessus de Taurignan (1), je fus visiter les forêts de la Boucharde et de Betchat (2), la première prétondue par le sieur de Taurignan, et l'autre par trois ou quatre communautés. Etant descendu à Bonepos, qui appartient au baron de Montesquieu, j'y passai le Salat et fus pour lui rendre visite à sa maison de Prat.

Je vous ai, en cent endroits, parlé de la rivière du Salat et ne vous l'ai pas dépeinte. Je vous ai dit seulement qu'elle se formait par trois ruisseaux qui viennent des Pyrénées, l'un appelé d'Ustou, l'autre de Salau, et le troisième de Betmajou, qui se joignent au-dessus de Seix, où elle se fortifie de plusieurs petites fontaines, mais particulièrement de la rivière de Sentenac, autrement appelée Riufroid, à Seix, où j'ai omis de vous dire qu'il y avait deux ponts de pierre, l'un sur le Salat pour passer au port de Salau, et l'autre sur le Riufroid pour aller au port d'Aulos ; plus bas par la rivière d'Ercé au-dessus d'Oust, plus bas par celle de Massat à Kercabanac (3) plus bas encore par le ruisseau d'Alos, ensuite par le Nert, par le Lez, à côté de Saint-Girons, par le Baup, entre Saint-Girons et Saint-Lizier, par un autre ruisseau au-dessus de Taurignan, et par ceux de Surège, Corbin, Aubix et Talaban, qui de suite on suite y descendent entre Prat et Salies. Enfin le Salat se jette dans la Garonne, deux lieues au-dessus de Cazères, entre le Fouro et Roquefort. Son lit est fort serré et fort plat jusqu'à Seix, mais il est si rapide que la rapidité du Rhône n'est rien en comparaison ; il s'élargit et se resserre quelquefois ensuite, mais conserve partout beaucoup de rapidité ; comme il est plein de rochers et fait un si grand bruit, que pour s'entendre parler, lorsqu'on est en compagnie sur ses bords, il faut crier de toute sa force. Au-dessous de Lacourt, il s'élargit davantage, mais il est fort plat, et de distance en distance, se restreint parmi les rochers depuis Saint-Girons jusqu'à son embouchure. Il est d'une aussi belle largeur que la rivière d'Oise et d'Aisne que vous connaissez ; mais il est toujours fort plat et fort rapide et ne commence à porter des radeaux qu'à un certain lieu qu'on appelle Roquelaure, une petite lieue plus bas que Saint-Lizier. Cette rivière abonde en truites, et il y a un peu d'anguilles, nul autre poisson. Mais au reste, quoique je vous ai dit de la rapidité de cette rivière, il faut que vous vous imaginiez que plusieurs fois elle s'est vue toute gelée, de façon qu'on la passait avec des charrettes. Je ne trouve pas

(t) Il y a deux communes de ce nom dans le canton de Saint-Lizier, l'une TauriguanVieux, dont il s'agit sans doute, l'autre Taurignan-Castet, qui est plus en aval.

(2) Commune du canton de Saint-Lizier sur la rive droite du Salat.

(3) Le ruisseau d'Ercé ou d'Aulus est l'Arac, celui de Massat est le Garbet,


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étrange que cela soit arrivé en dessous de Saint-Girons, mais que cela soit arrivé à Seix et que la rivière de Sentenac, qui n'est qu'un torrent coulant sur des rochers ait été prise, c'est un prodige ; cependant tous les habitants du pays me l'ont assuré, et de là vous pouvez juger combien est grand le froid des montagnes.

Après cette digression, vous voulez bien que je retourne à Prat. C'est un très beau et très grand village, situé à la portée d'un bon mousquet de la rivière, au-dessous de la montagne d'Estélas. Le baron y a un château bâti sur un rocher au-dessous et séparé de cette montagne et qui règne sur la plaine. Il est bon pour le coup de main, et il y a de quoi s'y défendre, n'ayant qu'une seule avenue de très difficile accès. Il y a une très petite basse-cour, dans laquelle on ne retire que les chevaux de monture ; il y a un jardin assez joli pour le lieu et plusieurs allées d'ormes fort agréables. La maison est fort serrée, mal bâtie, mal en ordre et mal prise ; mais le baron l'accomode par des ajustements qu'il y fait. Il y a ménagé des alcôves et mis des tableaux ; après qu'il y aura fait ce que nous avons trouvé qu'il y avait dessein d'y faire, la maison sera logeable et commode. Il y a une chose qui manque à presque tous les châteaux qui sont bâtis sur les hauteurs, c'est un fort bon puits. J'y fis à deux heures après midi un repas de fromage et d'oeufs frais, de très grand appétit, parce que je n'avais mangé de toute la journée, et je pris ensuite le chemin de Saint-Girons du côté de la rivière, où je n'avais pas encore été ; au moyen de quoi je vis tout de suite les deux rives bordées de quantité de bons villages, dont les maisons sont bâties de pierre et couvertes de tuiles ou de grosses ardoises, de vignes hautes en quantité, et de blés et millets dans la plaine.

A. mon arrivée à Saint-Girons, j'y trouvai le baron (1) qui m'y attendait; il fut au désespoir de ne s'être point trouvé chez lui pour m'y recevoir, étant venu exprès pour m'offrir sa maison et pour m'y tenir compagnie en tous mes voyages. Il ne savait comment me parler du déplaisir qu'il avait de la maigre chère que j'y avais faite, et il me pria instamment d'y retourner passer quelques jours pour m'y reposer. Il m'assurait qu'il m'y ferait manger de bonnes truites de la rivière qui passe en son village, et je le lui ai promis. Comme je m'entretenais avec lui, le marquis (2) arriva avec un grand train et une grande escorte de noblesse. Il descendit à l'hôtellerie où j'étais ; nous fûmes l'un au-devant de l'autre ; il me fit mille caresses et me parla ensuite à quartier de l'affaire de ses bois. Je lui dis la même chose que j'avais dite à La Pacio, que je

(1) Le baron de Montesquieu, seigneur de Prat.

(2) Le marquis de Rabat.


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n'avais nulle charge ni permis d'entrer en traité avec lui, mais qu'il savait ce que je lui avais dit des ordres que M. Colbert m'avait donnés, et que, s'il me voulait dire un mot, j'examinerais l'affaire, je visiterais ses bois et en écrirais d'une façon qui porterait coup, pour qu'on fût toujours dans le dessein d'équipper des flottes. Il me dit qu'il avait un mémoire du prix que valaient les bois rendus sur les ports, que sur cela, lorsque j'aurais reconnu les bois et vu quelle quantité de marchandises on en pourrait tirer, je jugerais moi-même de leur valeur. Nous soupâmes ensemble l'un auprès de l'autre et bûmes à nos santés. L'après-souper, nous eûmes un quart d'heure d'entretien que je finis, feignant d'être pressé de ma goutte et me retirai; après quoi il se remit à boire et à fumer du tabac. Le lendemain, nous nous rejoignîmes, reparlâmes d'affaires et demeurâmes aux mêmes termes qu'auparavant, sortant les meilleurs amis du monde.

Voilà, mon cher ami, le détail fort exact de tout ce que j'ai vu et de tout ce que j'ai fait depuis notre séparation jusqu'à présent. Je souhaite avec passion que vous y trouviez de quoi vous divertir quelques moments. J'ai en cela pleinement satisfait à la complaisance et à l'obéissance que je vous dois, et je vous prie aussi d'excuser les défauts que vous y trouverez. Je ne vous le donne pas pour une pièce beaucoup étudiée et qui m'ait donné beaucoup de peine à la faire. Je l'ai faite en me promenant dans ma chambre et dictant à mon secrétaire qui écrivait sous moi, et je n'ai pas même repassé dessus. En un mot, j'ai écrit avec la naïveté même que je vous parlerais, si je vous racontais les choses, et peut-être vous en dirai-je mieux quand j'aurai l'honneur de vous voir. Cependant, croyez que je passe mal mon temps sans vous, et que notre séparation ne me peut être que très dure à supporter, étant aussi tendrement que je suis, mon cher compère, votre très humble et

très affectionné serviteur.

DE FROIDOUR.

IIe LETTRE

A Bagnères-de-Bigorre, ce (1) jour du mois do septembre 1667.

Mon cher Compère, Puisque vous témoignez être content du récit que je vous ai fait de ce que j'ai vu et do ce qui m'est arrivé en mon voyage pondant le mois précédent, je veux bien vous satisfaire encore et vous rendre compte de

(1) La date exacte n'est pas indiquée dans le manuscrit.


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ce que j'ai vu pendant celui-ci, et je m'assure que vous verrez beaucoup de choses que vous jugerez dignes d'être remarquées. Je vous dirai aussi mes aventures, et vous y trouverez des endroits qui pourront vous donner du divertissement.

J'ai fini ma précédente lettre par le séjour quej'ai fait à Saint-Girons; j'en partis le premier de ce mois pour passer dans le Castillonnais d'où je vous écris.

Ce pays est une des huit châtellenies dont le comté de Comminges est composé ; c'est un petit pays environné et plein de montagnes fort hautes et presque inaccessibles, compris entre le Couserans qui le confronte du côté d'Orient, la baronnie d'Aspet du côté d'Occident, les monts Pyrénées et l'Espagne au Midi, et la même baronnie d'Aspet au Septentrion.

Le chef-lieu est une petite bourgade appelée Castillon, assise sur la rivière du Lez, qui descend des monts Pyrénées et vient se jeter dans le Salat immédiatement au-dessous de Saint-Girons. Ce petit pays contient quatre vallées appelées vallée de Moulis, vallée de Bethmale, vallée de Biros et vallée de Bellelongue, toutes lesquelles viennent aboutir au lieu de Castillon.

La première, qui est celle de Moulis, est la porte qui donne entrée à ce pays, où l'on marche en remontant tout le long de la rivière du Lez jusques à Castillon; le premier lieu qu'on trouve est un petit hameau appelé Aubert, assis sur la rivière, à main droite. On trouve ensuite un village considérable appelé Moulis(1), qui donne le nom à la vallée; à deux cents pas plus haut et du même côté, le hameau de Luzenac, qui est aussi une paroisse avec le hameau de Berjout, qui est de l'autre côté de la rivière et auquel il y a communication par un pont de pierre à trois arches. Au-dessus de Luzenac, montant, non par le long de la rivière, mais à main droite sur la montagne, sont les hameaux de Pouech, Lique et Bonan (?), qui font une paroisse ; au-dessus de Luzenac est Arguilla, un autre hameau. Tous ces lieux composent le consulat de Moulis, où il y a trois consuls qui se prennent indifféremment de tous ces lieux. Il reste à Moulis sur la côte, en un lieu assez élevé, quelques ruines de vieux châteaux. (2)

Continuant à marcher le long de cette même vallée, remontant la rivière, l'on trouve à gauche le château d'Engomer. Plus fort sur la

(1) Moulis est une commune du canton de Saint-Girons, qui renferme Aubert, Luzenac, Berjout, Lique, Bonan, Pouech.

Aubert, Moulis et Luzenac ont chacun une paroisse.

(2) Ce sont, sans doute, les ruines du château appelé Las Tronques.


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gauche, du côté de la montagne, en un petit vallon arrosé d'un peti ruisseau qui descend de la montagne, sont deux autres hameaux appelés Astien et l'autre Loutien , l'un vis-à-vis de l'autre. Au-dessus d'Engomer, à main droite, dans un petit vallon arrosé d'un ruisseau qui y descend et se jette comme le précédent dans la rivière du Lez, l'on découvre le lieu d'Alas, plus haut celui d'Agert, et au dessus, celui do Balaguères, qui sont de la baronnie d'Aspet. Avançant le long de la rivière, l'on trouve, à droite, sur la côte de la montagne, le hameau d'Arrout, plus haut à la pointe que forme la rivière du Lez avec celle d'Aubiganne (1) qui descend de la vallée de Bellelongue, le hameau d'Audressein, do l'autre côté de la rivière, dans un petit vallon celui de Cescau, ensuite le lieu de Castillon à la croupe de la montagne, plus haut le lieu de Salsein, à la droite et au-dessus, ceux d'Ourjout (2) et de Bordes, tous lesquels, à l'exception des trois lieux dépendant de la baronnie d'Aspet, sont du consulat de Castillon, où il y a quatre consuls, qui se prennent aussi indifféremment de tous ces lieux, savoir : deux de la ville, et les deux autres des villages dépendant du consulat, alternativement.

A ce lieu de Bordes viennent tomber et aboutir deux autres vallées, Bethmale et Biros; celle do Bethmale vient du côté du Couserans et commence en un lieu appelé la Core, qui est un passage par lequelce pays communique avec le Couserans du côté de Seix. Immédiatement au-dessus de la Core, il y a un étang que l'on appelle lac dans le pays, d'où sort le ruisseau de Balamech, qui arrose toute cette vallée ot se jette dans le Lez au hameau do Bordes, où elle finit. Les villages de cette vallée sont au nombre de six, tous situés du côté de France et en montant à main gauche, savoir: Arrien, Villargein, Ayet, Tornac, Samortens et Agogels (?) qui est sous la Core ; tous lesquels lieux forment le même consulat, composé de trois consuls, dont le premier prête serment au Roi, qui dans toute la châtellenie a haute justice, moyenne et basse, exercée par ses officiers. Les doux autres consuls ont accoutumé de prêter le serment au sieur de Villeneuve, qui assure avoir dans ce lieu quoique seigneurie, laquelle lui est à présent contestée par les habitants de cette vallée, qui prétendent ne relever que du Roi.

La vallée de Biros commence avec la rivière du Lez au-dessous des Pyrénées, aux montagnes appelées Extrémaille et l'Isard. Il y a plusieur

(1) Aujourd'hui ce ruisseau s'appelle la Bouigane.

(2) Ourjout est une paroisse dépendant de la commune des Bordes-sur-Lez.

(3) Lotien, Astien, Alas, Agert, appartiennent à la commune d'Engomer. Tous les villages de la vallée de Bethmale ne forment qu'une commune.


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villages, dont le premier du côté des montagnes est celui d'Antras qui est en-dessus de la rivière, où il y a un consul. (1)

En descendant, Sentein, aussi sur la rivière qui passe au milieu, où il y a un consul.

Plus bas, Bonac, assis sur la rivière, à main droite, où il y a un consul.

Irazein, sur le coteau à gauche, consulat.

Sémiac et Balacet, aussi sur le coteau à gauche, qui font un consulat.

Et Uchentein, aussi sur le côteau à gauche, un consulat.

La quatrième est la vallée de Bellelongue (2), qui commence sous les Pyrénées , à la montagne de Saint-Lary , village du côté de Saint-Béat. Au-dessus de ce lieu est la naissance de la rivière d'Aubigane, qui arrose toute la vallée ; descendant sur laquelle est le hameau d'Augirein, qui, avec Saint-Lary, fait un même consulat. Plus bas sont Galey assissur la rivière, en descendant à gauche, qui est un consulat; ensuite Saint-Jean, qui est sur une même assiette, consulat, plus bas Orgibet et Augistrou , assis sur la rivière du même côté , qui composent un consulat, et de suite en suite, Illartein, Buzan, Aucasein, Villeneuve et Argein, tous assis du côté gauche en descendant, la vallée prenant la fin au hameau d'Audressein ; chacun de ces lieux a un consul (3).

Quoique, à ce nombre de villages, l'on pût présumer que le pays est fort grand, il est néanmoins d'une petite étendue, compris dans une figure à peu près ovale, ayant trois lieues ou environ de longueur sur environ deux de largeur. Ce pays est beaucoup plus agréable que celui du Couserans (4), et quoique les montagnes en soient plus hautes, parce qu'elles ne sont pas si fort en précipices, elles ne bornent point la vue et ne sont pas si serrées que celles du Couserans. Les villages ou les hameaux y sont à cent ou deux cents pas les uns sur les autres, toutes les maisons sont bâties de pierre et couvertes de grosses ardoises ; la vallée

(1) M. de Froidour indique la situation de divers villages, non pas tels qu'ils sont places suivant le cours de l'eau, mais tels qu'ils se présentent au voyageur remontant de Saint-Girons à Castillon.

Pour Bonac, Irazein, Balacet et Sémiac, la position est marquée suivant le cours de l'eau. Antras, Sentein, Bonac, Irazein, Balacet sont des communes du canton de Castillon. Samiac est un hameau de la commune de Balacet.

(2) Bellelongue, Vallis longa,, et dans les anciens textes, Ballelongue.

(3) Tous les villages formant chacun une commune distincte, à l'exception d'Augistrou, qui relève d'Orgibet.

(4) M: de Froidour considère le Castillonnais comme faisant partie du comté de Comminges, dont il relevait féodalement et sous divers autres rapports ; mais la vallée du Lez doit être regardée comme comprise dans le Couserans.


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est pleine d'arbres, de vignes en hautains, de petites prairies et de quelques terres labourables. Les collines et coteaux sont en pâturages et prairies, et le tout tellement arrosé qu'il n'y a presque point d'endroit où naturellement ou bien par artifice l'on ne fasse couler l'eau pour humecter la terre et y faire naître dos herbages plus abondants. L'eau y est si commune que même sur les plaines dos montagnes, du moins en quelques-unes, on l'y fait couler tout comme on veut.

Les hauteurs des montagnes sont occupées par les bois qui appartiennent au Roi, dont les communautés jouissent sous prétexte d'usage, et en ont abusé et abusent avec tel excès qu'il n'y a plus que de la broussaille, tant en ce qui est en l'extrémité du bois qui est dans le consulat de Moulis, où il reste quelque chose d'assez belle futaie de hêtres, ne se trouvant en toutes ces montagnes aucune autre nature de bois. Tout le reste est en broussailles, abroutis (1) et pâturages, sans espérance qu'on puisse les rétablir, le tout étant dans une toile ruine, qu'encore que ce pays soit fort abondant en bois, il est tout évident que la disette y sera dans quelques années, si les mômes désordres continuent; et les habitants demeurent d'accord qu'il commence d'y être assez cher. La manière , dont les habitants de ce pays jouissent de ces bois et montagnes, est que chaque vallée jouit de tout ce qui la regarde à droite et à gauche, le sommet des montagnes faisant la division de leur possession et jouissance, de sorte néanmoins que, pour ne point tomber dans les inconvénients de la porte de leurs bestiaux de part et d'autre pour for-pâturage (2), il y a un consentement général que les bestiaux des voisins puissent impunément aller sur les montagnes les uns des autres, ce qui ne se fait néanmoins ordinairement que par échappée.

Toute la richesse de ce pays consiste en bestiaux que les habitants font pâturer dans leurs montagnes, aussitôt qu'elles sont découvertes de neiges, jusques environ quinze jours avant la Saint-Jean-Baptiste; auquel temps, lorsqu'on est en paix avec l'Espagne, ils prennent des montagnes à louage moyennant cent cinquante ou deux cents livres, outre la dîme des fromages qu'ils payent au curé du lieu. Ayant tenu les bestiaux dans ces montagnes jusqu'à la mi-septembre, ils les font retourner dans les leurs et les y font pâturer jusqu'à ce qu'elles soient couvertes de neiges ; pendant tout l'hiver ils les tiennent resserrés dans des granges, qui sont de méchantes chaumières bâties sur les côteaux où les uns

(1) Lieu réservé pour les dépaissances et, par extension, endroit ruiné par le bétail qu'on y envoie paître.

(2) Le for-pâturage s'exerce quand des bestiaux vont paître sur des terrains où leurs propriétaires n'ont pas le droit de les y envoyer.


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et les autres ont de plus grandes prairies, le bas servant de logement aux animaux et le haut à serrer le foin et autres fourrages nécessaires à leur nourriture. En un mot on y vit et on s'y gouverne comme dans le Couserans.

Ce qui entretient le pays, d'ailleurs, est le commerce avec les Espagnols qui viennent, aux quatre foires et aux marchés qui se tiennent tous les mardis de la semaine à Castillon, vendre des laines d'Espagne et du sel. dont l'usage est tout à fait nécessaire au pays, parce que sans cela leurs bestiaux, auxquels ils en font manger, ne pourraient pas subsister ; en échange ils débitent aux Espagnols des mulets , des chevaux, des grains, des rubans et toutes autres choses de mercerie.

La vallée la plus agréable est celle de Moulis, en laquelle il y a plus de commodités, parce qu'elle fournit des grains, des vins et des fruits, et que, d'ailleurs, c'est la porte par laquelle toutes les commodités entrent dans le pays. Celle de Bellelongue est la plus large, la plus grande et la plus abondante en grains ; celles de Biros et Bethmale en cabaux (1), chevaux et mulets, à cause des grands pâturages qu'il y a du côté des Pyrénées. Il y a toujours eu des haras dans ces deux vallées, et même les chevaux y sont très bons.

Il y a trois passages pour communiquer avec le Couserans. Le premier par la vallée de Moulis qui conduit à Saint-Girons ; le second par le Pourtanet du Sour qui conduit à Alos (2); et le troisième par le port de la Core qui conduit à Seix. Pour communiquer avec l'Espagne, il y a deux ports : l'un du côté de Biros, appelé Port de Rouge qui conduit en Aran ; l'autre est le port d'Orle qui conduit à Salardu, en Aran. Pour aller à Aspet, il y a les ports de la Cabanasse et de Rieusec.

Les montagnes, qui sont au-dessus de Moulis, sont Hourmatruge et Sarrot, du côté du Couserans ; et du côté d'Aspet, la montagne d'Autran et Puleig.

Au-dessus de Castillon, se trouve la montagne des Cours, confrontant avec le Couserans, et au-dessus, approchant de Castillon, Couppy.

Les montagnes de la vallée do Bethmale sont, du côté de Castillon, le Reich et de l'autre Bulan et les Pyrénées.

Les montagnes de Biros, du côté des Pyrénées, sont le Reich, Buliart, Pontiers et l'Isard, et du côté de France, La Roque et l'Extrémaille.

Les montagnes de Bellelongne, du côté d'Espagne, sont Basset, Che(1)

Che(1) désigne sous le nom de cabaux des bestiaux mis en cheptel.

(2) Alos, commune du canton de Saint-Girons; Seix, commune du canton d'Oust.


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vaillier et Mousant ; du côté de France, Cornadère et la Cabanasse.

Passant dans la vallée de Moulis, on me fit voir l'endroit où le juge de Comminges fut assassiné. J'avais avec moi, son frère, qui lui a succédé, deux gentilshommes du pays, l'un nommé de Taurignan et l'autre Saboulies, qui fait commerce do chevaux d'Espagne. J'avais aussi un nommé Boisgion (1), commis à la recette du bureau des tailles, établi à Saint-Girons, qui a entrepris de fournir des mâts pour la flotte du Roi et de rendre la rivière du Gers (2) flottable et navigable. Je montai la plus haute montagne de la vallée, conduit par le gentilhomme nommé Saboulies qui, étant un maître chasseur et qui connaît tous les coins et recoins de ces montagnes et vallées, nous mena dans un lieu d'où nous découvrîmes généralement toutes les quatre vallées. Nous fûmes trois grandes heures et demie à monter ; comme nous mourions de faim, nous trouvâmes heureusement un pauvre paysan, dont la métairie n'était pas fort éloignée, qui nous y apporta du pain, du fromage et du lait dans les plus plaisants vaisseaux du monde ; si j'avais été plus longtemps en ce pays, j'aurai pris plaisir à en faire faire de petits pour vous les faire voir. Au reste, je vous assure que, quand on est sur ces hauteurs, il faut bien se garnir contre le froid, car il y est très rude et pénétrant ; et nous courûmes tous aux manteaux. Nous découvrîmes le Mont-Valier, que j'estime la plus haute des montagnes, et les autres montagnes, qui servent de séparation aux doux Royaumes, comme si nous les touchions du doigt ; mais en la plupart il y a des précipices dont la seule vue fait frémir. Après avoir bien considéré toutes choses, nous descendîmes la montagne et fumes au gîte à Castillon où le juge nous conduisit et nous donna un lit chez lui. J'y fus visité de son lieutenant et des consuls à l'ordinaire. Il ne faut pas que j'omette à vous dire que la tradition de ce pays, aussi bien que colle du Couserans, veut que les châteaux, dont il y a quelques restes, étaient autrefois établis pour la garde du pays, et qu'on avait coutume de les placer aux lieux les plus éminents pour pouvoir avertir et être averti plus facilement des choses, qui se passaient, au moyen des feux, comme je vous ai dit dans ma précédente lettre.

Le deuxième du mois, je partis avec la même compagnie et montai tout le long de la vallée de la Bellelongue pour aller en certain lieu

(1) Montalbanais, ancien intendant de Souville, qui avait quitté Paris après la disgrâce de Fouquet et transportait son esprit d'entreprise dans les solitudes des montagnes.

(2) Il s'agit ici d'une petite rivière qui passe dans le canton d'Aspet et non de celle qui traverse Auch et donne son nom à un département.


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appelé Coulladoux (1), qui est un espèce de hameau dépendant de Portet, où Boisgion a établi les travaux pour rendre la rivière de Gers flottable. Portet est un village dépendant de la baronnie d'Aspet, assis à la tête de la vallée de Bellelongue, à la coupe de la montagne de Basset. Nous fîmes deux grandes lieues de pays à toujours monter eu fort bon chemin, qui avait été depuis peu accommodé sur le bruit du passage de ma calèche (2), dont bien nous prit, car autrement nous n'aurions pas eu toutes nos aises. Et enfin nous passâmes le portillon et descendîmes à Coulladoux (3)

DIU HE PLA SO QUE HÉ

CONTE PATOIS DU CASTILLONNAIS (ARIÈGE).

Le développement du proverbe servant de titre à ce récit appartient à la catégorie de ces relations populaires qui, sous la forme piquante du conte, ont pour but de corriger les travers de l'humanité et de donner des conseils inspirés par la sagesse.

Comme le célèbre Garo dépeint par Lafontaine, le héros de ce conte est un paysan raisonneur, bel esprit, beau parleur, toujours prêt à la critique, trouvant par exemple que le chaud et le froid arrivent à contre-temps, déclarant que tout n'en aurait pas été plus mal si celui que prêche son curé l'avait appelé dans ses conseils. Par suite des circonstances , il fut amené à faire l'application de ses théories et à montrer que son système était meilleur que celui dont il faisait ressortir les défauts. Mais il apprit bientôt à ses dépens que, si la critique est aisée, l'art est difficile.

Un beau jour, notre paysan faisait ses doléances à un mendiant qu'il avait rencontré en allant au moulin. La cause de tout le mal, prétendaitil, est au bon Dieu, qui fait pleuvoir à tort et à travers. Le mendiant, qui n'était autre que Notre-Seigneur, se fit reconnaître et lui dit :

« Je vous donne le pouvoir de produire le froid , le chaud à votre volonté; je vous laisse maître. »

Notre bonhomme, qui était très vantard, ne tarda pas à faire parade de sa puissance devant les habitants du village ; il avait bon coeur ; et comme on vivait dans un temps où l'on ne songeait pas à capter la

(1) Coulladoux, commune du canton d'Aspet, sur le Gers.

(2) Ce mot signifie équipage, suite, et non pas voiture, ainsi que nous l'avons fait observer précédemment. (Voir ci-dessus note 2, page 261.

(3) Les autres lettres de M. de Froidour ne concernent plus le Couserans et ont trait à d'autres vallées,


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confiance des gens pour solliciter leurs votes, pourquoi n'admettrait-on pas qu'il agissait par pur désintéressement, heureux do rendre, autant qu'il dépendait de lui, service à tout venant ?

Le nouveau régulateur des saisons ne fut pas longtemps à s'apercevoir des inconvénients de sa nouvelle grandeur ; en voulant donner satisfaction aux désirs de chacun, il arriva à mécontenter tout le monde. Ce qui portait bénéfice à l'un causait préjudice à l'autre ; aussi était-il en butte aux reproches de ceux dont il avait voulu faire le bonheur.

Un jour, le pauvre diable, après un an passé dam forso trincocap, se dirigeait tristement vers le moulin sur le chemin duquel il avait cru trouver la fortune. Comme précédemment, il fut abordé par un mendiant dont il s'empressa de faire son confident. Quelle différence dans son langage ! Ce ne sont plus des critiques contre la Providence ; il proteste, mais un peu tard, qu'on ne le reprendra plus à se mêler de ce qui ne le regarde pas, et exprime le désir de revenir gros Jean comme devant. Le pauvre encore une fois se fit reconnaître; c'était Notre-Seigneur. Touché de compassion, il reprit les pouvoirs qu'il avait concédés au trop présomptueux campagnard ; et oncques depuis il ne les a confiés à personne. Dieu fait bien ce qu'il fait; toile fut l'exclamation de Garo en recevant sur le nez le gland tombant du chêne où il aurait voulu voir pendre une citrouille. Diu hé pla so que hé, dut s'écrier notre paysan en son patois gascon, lorsqu'il se sentit déchargé du fardeau qu'il avait assumé avec tant d'outrecuidance.

On le voit, le sujet du conte n'est pas nouveau ; il a déjà tenté plus d'un auteur dans l'antiquité et dans les temps modernes; on le retrouve plus ou moins modifié dans les traditions du Nord et du Midi. Si au fond, le sujet reste le même, la forme varie suivant les milieux où il vient à se produire, et la couleur locale communique à l'oeuvre un caractère d'originalité.

Le conte est en dialecte du Castillonnais, qui, comme ceux du Couserans se rattachent au Gascon. Nous n'avons pas besoin d'insister sur la différence existant entre l'idiome languedocien parlé dans les arrondissements de Pamiers et de Foix et celui usité dans le Saint-Gironnais.

Sauver de l'oubli et reproduire, telles qu'elles ont été recueillies, les traditions populaires, dont l'écho affaibli est parvenu jusqu'à nous, c'est rendre service à ceux qui étudient nos dialectes pyrénéens et être agréable à ceux qui ne sont pas indifférents au passé de notre pays.

En terminant, nous adressons nos remercîments à M. l'abbé CauDurban, curé des Bordes-sur-Lez, près Castillon, qui s'est fait raconter par les paysans de sa paroisse, et a voulu bien nous communiquer une


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série de contes, dont nous donnons aujourd'hui un spécimen. Nous souhaitons qu'il trouve des imitateurs, pour que l'on puisse faire dans l'Ariège une édition de contes patois semblable aux publications parues dans plusieurs départements du Midi. M. Lafont de Sentenac nous promet pour l'année prochaine un recueil de Noëls ariégeois. Si nos lecteurs veulent bien nous prêter leur concours et nous faire part des contes dont ils ont connaissance, nous nous proposons de leur en offrir un volume.

F. PASQUIER.

TEXTE

Diu hé pla so que hé.

Un dio u home s'en anauo at mouli e que y ménauo un carriot cargach de sacs de blach. Troubec pech cami un praube dam sas biassos e soun bastou.

— Oun bats, couma co, brabe home?

— M'en bau pr'aquestis bilatges démanda un poc de pa et quasquos truhos.

— E bous, semblatz boun ana at mouli ; auetz pla cargach ?

— Pas oairé. Eras annados soun machantos despuch quauque tens. N'auen pas éra mentach de so que cueilhom d'aute tens.

— Ah ! etz de plagne alabets ! E de que dépen aco ?

Eh ! dépen det tens, des astres, det boun Diu que nou hé pas arriba éras sasous coumo las calèrio ; hé plaue, hé soulei à tort e à trauez ; gélo, grésilho, tempcstéjo de touto maniéro. Say pas se quin ba; mes enfin en malhurousis.

TRADUCTION

Dieu fait bien ce qu'il fait. Un jour un homme s'en allait au moulin et y menait un charriot chargé de sacs de blé. Il trouva par le chemin un pauvre portant besace et bâton.

— Où allez-vous, comme ça, brave homme ?

— Je m'en vais par ces villages demander un peu de pain et quelques pommes de terre.

— Et vous, vous semblez vous en aller au moulin ; avez-vous bien chargé ?

— Pas guères. Les années sont mauvaises depuis quelque temps. Nous n'avons pas la moitié de ce que nous récoltions à une autre époque.

— Ah ! vous êtes à plaindre maintenant ! Et de quoi cela dépend-il ?

— Eh ! ça dépend du temps, des astres, du bon Dieu qui ne fait pas arriver les saisons, comme il les faudrait ; il fait pleuvoir ou faire soleil à tort et à travers ; il gèle, il grésille, il tempête de toute manière. Je ne sais pas comment ça va ; mais enfin nous sommes malheureux.


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— Bèdi ! anem ; que Et de Naut que... ?

— Say pas; mes enfin ba pas pla tout aco.

— E se bous èrotz mestre, bous cargariolz de ac hé ana bécop mes pla?

— Sério pas pla difficile, s'en semblo !

— E bel bous bailli et poudé de produise et hérech, èra calou à bostro boulentach ; bous déchi mestre.

— E qui etz bous ?

— Me récounéguets pas ? Que soun Nouste Seigne !

Qu'ero lountens a d'aco, at tens oun Nouste Seigne bouyatjauo sus èra terro dam sent Pierres.

Countent d'éra rencountro qu'auio aüch, moun honte rentrach dins sa maisou se banto de soun poudé. Ech poudio, se disio, hé plauê, gnéua, soulei , hérech e caut, quan boulesso.

Ez bésis léu ac sabéren e ez parens tabé. Cado dio huren ara porto per bengué démanda, ez aùs un poc de ploujo dousso,etz aules que boulion bouyatja , un tens hércsquet ; io henno boulio hé séca soun linge e auio bésougn d'un bech soulei; aquech réclamauo èra gnéu per engrécha ez pratz ; aquech cridauo que n'auio pas pasturo e que calio béro primauèro per hé sourti et bestia.

— Je comprends, allons ! c'est celui d'en haut qui...?

— Je ne sais pas ; mais enfin, tout ça ne va pas.

— Et si vous étiez maître, vous vous chargeriez de le faire marcher beaucoup mieux ?

—Ce ne serait pas bien difficile, ce me semble !

— Eh bien ! je vous donne le pouvoir de produire le froid, le chaud à votre volonté ; je vous laisse maître.

— Et qui êtes-vous ?

— Vous ne me reconnaissez pas ? Je suis Notre-Seigneur.

Il y a longtemps de cela, c'était au temps où Notre - Seigneur voyageait sur la terre avec SaintPierre.

Content de la rencontre qu'il avait eue, mon homme rentré dans sa maison se vante de son pouvoir ; il pouvait, disait-il, faire pleuvoir, neiger, faire soleil, froid ou chaud, quand il voudrait.

Les voisins le surent bientôt et les parents aussi. Chaque jour, ils furent à sa porto pour venir demander : les uns, un peu de pluie douce ; les autres, qui voulaient voyager, un temps frais ; une femme voulait faire sécher son linge et avait besoin d'un beau soleil ; celui-ci réclamait la neige pour engraisser les prés ; celui-là criait qu'il n'avait pas de fourrage et qu'il fallait une belle température pour faire sortir le bétail.


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Ouéro que nouste home éroahastiach de tout coustach qu'en perdio èra testo : rèprochis d'assi, réprochis d'alà. Jouan ero countent; Paul se fachauo; Françoun rénégauo. Enfin, ez dios, éras sémanos et ez méses se passéren dam forso trincocap pech praube home.

At cap d'u agn , couma s'en anauo ara moulo, troubec u home dam io grano e béro barbo, u bastou e ios biassos.

— Adisiatz, brabe home, batz hé bostre tournado pr'aquestis oustaus ?

— Oui ; e bous batz at mouli ! pourtatz ayqui un gros sac de blach ?

— Un gros sac, oui ! e tout moun blach es ayqui. Eras autros derréros annados que benguio dam io carreto ; aué, ja bésetz qu'ac porti tout dam un saumet.

— E quin ba aco ?

— Ah ! ah ! quin ba ? Era annado passado, sus aquech madech cami, troubé un praube couma bous que s'en anauo quista; qu'éro Nouste Seigne. En parlan se hec counégue e me dec ez sieuis poudes per hé réussi éras récoltos mes pla qu'avant.

Jou countent e fier ! Mes ouératz qu'ech ail bou ploujo, qu'ech aute bou soulei. Boli hé plasé à tout et mounde, é les fachi toutis. Tout ba ara remberso.Et li n'a pas pouduch flouri ; éras hauos se soun sécados ;

Bref, notre homme était harcelé de tout côté, au point d'en perdre la tête ; reproches de ci, reproches de là. Jean était content ; Paul se fâchait, Françoise jurait. Enfin, les jours , les semaines et les mois se passèrent avec force casse-tête pour le pauvre homme.

Au bout d'un an, comme il s'en allait au moulin, il trouva un homme avec une grande et belle barbe portant bâton et besace.

— Bonjour , brave homme , vous allez faire votre tournée par ces maisons.

— Oui, et vous allez au moulin y porter un gros sac de blé ?

— Un gros sac, oui ! et tout mon blé est là. Les autres années passées je venais avec une charrette ; aujourd'hui, vous le voyez, je porte tout avec un bourriquet.

— Et comment cela se fait-il ?

— Ah ! ah ! comment cela se fait-il ? L'année passée, sur ce même chemin, je trouvai un pauvre comme vous, qui s'en allait quêter ; c'était Notre-Seigneur. En parlant il se fit connaître et me donna ses pouvoirs pour faire réussir les récoltes mieux qu'auparavant.

Me voilà content et fier ! Mais figurez-vous que l'un veut pluie, que l'autre veut soleil. Je veux faire plaisir à tout le monde, je les fâche tous ; tout va à la renverse. Le lin n'a pu fleurir, les


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et blach s'es acoucach; èra malandro adèvourach éras truhos. Toutis em a mesgrano miser o;quin malhur per jou d'aué bouluch gouberna so que nou m'arrègardo cap ! Soun aro pla auansach.

— Aquech poudé qu'auetz, boulets le guarda encaro quauque tens ?

— Ha nanni! se poudio tourna bèse Nouste Seigne, qu'eu prégario d'eu réprengue e de m'en descarga. Moun Diu, quin malhur !

Alabets et praube se hec counégue e réprenguee sous poudés ; e despuch les a loustem counservatz.

E Diu hé pla so que hé.

E per un prach auach,

Moun counte es acabach.

fèves se sont desséchées ; le blé s'est pourri ; la maladie a dévoré les pommes de terre. Tous nous sommes dans la plus grande misère. Quel malheur pour moi d'avoir voulu gouverner ce qui ne me regarde pas ! A cette heure je suis bien avancé.

— Ce pouvoir que vous avez, voulez-vous le garder encore quelque temps ?

— Non ! si je pouvais revoir Notre-Seigneur, je le prierais le reprendre et de m'en décharger. Mon Dieu, quel malheur !

Alors le pauvre se fit connaître et reprit ses pouvoirs ; et depuis il les a toujours conservés.

Et Dieu fait bien ce qu'il fait.

Et par un pré passé,

Mon conte est achevé.

Construction d'un rétable dans l'église de Vic-de-Sérou en 1680

PRÉFACE

Au mois de mai 1680, un menuisier de Saint-Lizier, nommé Jean Rougt (1), habile dans les travaux de sculpture et d'ornementation, était employé par les Pères Cordeliers de la Bastide-de-Sérou à travailler dans la chapelle de leur couvent. Le curé et les marguilliers de Vic (2), paroisse rurale, située aux environs de la Bastide, eurent occasion de voir l'oeuvre de Jean Rougt ; ils admirèrent son habileté et conçurent le projet de lui commander un rétable en bois sculpté, qu'ils voulaient placer dans leur église, derrière le grand autel, afin de masquer la nudité de la muraille.

(1) Dans le contrat et dans la quittance, on écrit Rougt; dans le mémoire, on trouve Rouch ; nous avons préféré nous conformer à l'orthographe acceptée par le notaire.

(2) Vie est une section de la commune de la Bastide-de-Sérou, formant une paroisse rurale de 300 habitants; l'église, jointe au presbytère et isolée au milieu du cimetière, se trouve près de la route de Saint-Girons, à 4 kilomètres de la Bastide; elle est dédiée a la sainte Vierge; la fête patronale est fixée au 15 août.


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Après s'être entendu sur les conditions du travail avec l'ouvrier, qui demandait 250 livres pour son salaire et le prix des fournitures, on se mit en mesure de réunir les ressources nécessaires. Le curé et les marguilliers n'avaient à leur disposition que 148 livres. Dom Pol Paris, prieur de Vie, qui relevait do l'abbaye du Mas-d'Azil, voulut, comme supérieur et aussi comme bienfaiteur, contribuer à la dépense, en assignant 47 livres, à prendre sur les revenus do son moulin de Vie. Enfin, un riche paroissien, Dupuy, seigneur de Bugnas, offrit de compléter la somme.

Le dimanche 5 mai 1680, devant la porte do l'église Notre-Dame de Vie, étaient présents Jean Rougt, le curé et les marguilliers de la paroisse, le seigneur de Bugnas et Dom Pol Paris, le prieur; là, devant un notaire et plusieurs témoins, on rédigea un acte solennel contenant, minutieusement énumérées, les conditions auxquelles chaque partie s'obligeait pour assurer la construction du rétable.

On peut grouper de la façon suivante les principales dispositions du contrat.

Placé immédiatement derrière le maître-autel, le retable garnira le fond du sanctuaire d'une muraille à l'autre et contiendra un tabernacle servant au repos du Saint-Sacrement et sur lequel s'élèvera, sous une niche, une statue de la sainte Vierge, accompagnée de deux anges soutenant une couronne au-dessus de sa tête. La niche sera supportée par deux colonnes torses ; viendront ensuite deux autres niches placées l'une à côté de l'Evangile pour saint Pierre, l'autre à côté de l'Epitre pour saint Paul. A chaque extrémité sera dressée une autre colonne torse, à la suite de laquelle seront disposés des ornements pour cacher la nudité des murailles.

La hauteur des personnages, à l'exception des anges qui auront des proportions plus restreintes, atteindra six pans (1).

Le rétable se terminera par une corniche, au milieu de laquelle on établira un cadre bien façonné, ornementé et susceptible de recevoir un tableau.

Colonnes, niches, piédestaux recevront également une décoration convenable. Il est bien recommandé à l'artiste d'adopter des motifs concordant avec les sujets et de ne pas s'écarter des règles de l'architecture.

(1) Six pans représentent environ 1 m. 30 d'après la table de conversion des anciennes mesures de longueur usitées dans chaque canton de l'Ariège. (Voir Souquet, Métrologie du département de l'Ariège, page 21).

Dans l'expédition du contrat une déchirure du papier empêche de voir quel était le nombre de pans assigné à chaque ange.


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« Lesdites figures, ajoute-t-on, seront artistement travaillées et au naturel. »

Le bois à employer sera le noyer, à l'exception de l'intérieur des niches où l'on permet l'introduction du sapin.

Le prix de l'ouvrage fut fixé à 250 livres ; les paiements devaient s'échelonner en diverses échéances, dont la dernière tombait le jour de l'Assomption 1682. Pour l'Assomption de l'année courante, l'ouvrier était tenu do mettre on place au moins la Vierge et les deux anges.

Quand le marché fut conclu, on ajouta à l'acte une clause portant que le retable serait continué jusqu'au sol et qu'une porte serait pratiquée de chaque côté. Rougt se contenta de trois livres comme prix de ce travail supplémentaire.

Qu'adviut-il de ce contrat ? Comment Rougt procéda-t-il à la confection dont il s'était chargé ? Quel fut le sort du retable ? Des recherches faites à Vie et divers documents nous permettent de répondre à ces questions.

Le 30 mai 1081, c'est-à-dire un an après la signature du marché, Rougt, ainsi qu'il résulte d'une quittance délivrée à un marguillier de Vie, avait reçu un acompte de 47 livres. Si, à cette date, il avait commencé le travail, il né so pressa pas d'en poursuivre l'achèvement. Au bout d'un certain temps, le mécontentement fut grand chez les marguilliers qui, perdant patience, résolurent de le faire assigner, afin de le contraindre à tenir ses promesses. On rédigea un mémoire où l'on exposa que, depuis deux années, il n'avait pas daigné faire visite à l'église et se mettre à l'oeuvre. Aussi, faisait remarquer, non sans regret, l'auteur du mémoire, ceux qui ont coutume de faire du bien à l'église diminuent leur charité, en voyant la muraille restée nue, malgré les sommes données pour la couvrir d'un rétable.

La menace du procès eut-elle une suite ou Rougt s'exécuta-t-il de bonne grâce ? Les documents font défaut pour éclaircir cette question. Toujours est-il que le retable fut terminé et occupa dans le sanctuaire la place qui lui était réservée.

L'édifice servant actuellement de paroisse à Vie est une construction moderne, sans caractère, qui a remplacé l'église dévastée pendant la Révolution, et sur le sol de laquelle on avait semé des pommes de terre. Avant cette époque, l'église de Vie était un but de pélerinage où l'on venait de fort loin, même d'Espagne, à l'occasion de la fête de l'Assomption. Le lendemain, une grande foire, dite de Saint-Roch,se tenait à la Bastide-de-Sérou. Il est à remarquer que Vie n'était pas le seul sanctuaire du pays donnant lieu à un pèlerinage très fréquenté, suivi


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d'une foire. A Larbont (1), s'élevait une chapelle de Saint-Vincent qui, le jour de la fête patronale, le 22 janvier, attirait uno grande foule do pèlerins ; le lendemain il y avait foire à la Bastide.

En faisant des fouilles dans le cimetière contigu à l'église, on a mis à découvert plusieurs sarcophages en pierre. Leur forme est colle d'une auge rectangulaire, taillée dans un seul bloc, que recouvre un couvercle à deux ou à quatre pans ; aucune inscription, aucune sculpture, aucun objet ne permet de préciser l'époque exacte où remontent ces sépultures, vraisemblablement antérieures au XIIIe siècle.

Une prétendue relique du lait de la sainte Vierge constituait le principal attrait de la dévotion de Notre-Dame de Vic. Comme l'objet manquait d'authenticité, l'évêque du Couserans, dans la juridiction duquel était la contrée de la Bastide-de-Sérou, défendit de l'exposer à la vénération des fidèles ; depuis cette prohibition, dont la date nous est inconnue, il a disparu. Quelle était l'origine de la légende formée autour de cette prétendue relique? On peut supposer qu'à Vic , comme dans plusieurs sanctuaires, on vénérait primitivement un objet rapporté de Palestine et donné par un pèlerin ou par un seigneur. C'était probablement une parcelle do terre recueillie dans une des grottes do Bethléem où, d'après la tradition, la sainte Famille se serait cachée quelque temps après la Nativité du Sauveur. Les parois de cette grotte sécrètent une matière blanchâtre à laquelle, en Orient, on attribue quelque vertu. Les femmes musulmanes, elles-mêmes, s'en servent pour obtenir la guérison de plusieurs maladies.

Même après la disparition de la relique, les fidèles no cessèrent pas d'affluer à Vic ; quelques vestiges dos anciennes coutumes ont presque persisté jusqu'à notre époque, comme un vague souvenir du pèlerinage. Tous les ans, le jour de l'Assomption, les enfants de la Bastide avaient l'habitude de venir à Vic en partie de plaisir ; ils portaient au bout d'un bâton un petit pain fait exprès pour la circonstance et qu'on mangeait sur l'herbe.

Pendant la Révolution, le rétable, quoique délabré, avait échappé à la destruction. Lors du rétablissement du Culte, comme on le trouvait sans doute trop somptueux pour Vic, on le donna à la paroisse de Durban qui l'a gardé jusqu'à la reconstruction de son église, faite il y a une trentaine d'années. A cotte occasion, le rétable, dont la menuiserie était vermoulue, fut démembré; on a perdu la trace de la statue de la Vierge qui est, sans doute, tombée on poussière ; celles des doux apô(1)

apô(1) commune située sur la hauteur, entre Vic et la Bastide-de-Sérou.


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très, faisant un pendant symétrique à celle de la Vierge, furent acquises par M. le curé de la Bastide qui, après les avoir fait dorer, les mit dans son église. Il les a gracieusement rendues à Vic où elles occupent, à titre de souvenir, une place à l'entrée du sanctuaire.

Les deux statues ont environ 1 m 30 do hauteur, non compris une base mesurant environ 0m, 06. Les personnages sont représentés debout ; leur costume, très exactement conforme à la tradition, consiste en une toge et en un manteau romains qui les drapent sans acune recherche, mais non sans un certain art. Suivant l'usage, la barbe de saint Pierre est courte; celle de saint Paul est plus longue et légèrement ondoyante. Cet apôtre tient appliqué sur sa poitrine le livre de ses épîtres. Quant aux accessoires, c'est-à-dire les clefs pour saint Pierre et l'épée pour saint Paul, ils ont disparu; mais la pose de chacune des deux statues indique clairement que ces insignes caractéristiques ont existé. Avant la restauration dont elles ont été l'objet, elles ne devaient être ni peintes, ni dorées ; en effet, le sculpteur, aux tonnes du contrat, s'était engagé seulement à représenter les personnages au naturel.

Notre intention n'est pas de faire passer ces statues comme des chefsd'oeuvre inconnus. Le bois, quoique attaque par le ciseau d'un artiste ou plutôt d'un ouvrier de campagne, offre une oeuvre qui n'est ni banale, ni grossière; les formes en sont, un peu lourdes, mais la facture en est naïve ; les figures ne manquent pas d'expression. Il y a dans ces physionomies quelque chose de tranché, de saillant, qui contraste avec la vulgarité des terres cuites modernes. Est-ce l'effet du prestige qui s'attache aux objets anciens surtout quand, pendant près de doux siècles, ils ont été, par les ancêtres, entourés de vénération? Les types semblables à ceux de Vic attirent l'âme vers un certain idéal.

Pour quel motif avait-on choisi, de préférence à d'autres saints, les apôtres Pierre et Paul pour orner le rétable et accompagner la statue de la sainte Vierge ? Les documents sont muets sur ce point. Comme Vic se trouve à la limite du pays resté fidèle à la foi catholique, non loin du Mas-d'Azil, qui était le centredu protestantisme dans la région, les niarguilliers, en déterminant les sujets des statues, voulaient peut-être faire une démonstration pour affirmer leur attachement au siège de Rome.

Les statues de Viec constituent un spécimen de l'art religieux, tel qu'il était compris et exprimé dans les paroisses rurales de notre région, à la fin du XVIIe siècle. A celle époque, quelques centres n'avaient pas, comme de nos jours, le monopole de fournir les statues, les autels, aux églises de campagne'. Aussi, les objets décoratifs, qui ont échappé


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à tant do causes de destruction , offrent-ils un caractère d'originalité et un certain sentiment d'art.

De notre temps, les défauts sont moins choquants ; les artistes possèdent plus d'expérience et d'habileté ; aucune des ressources du métier ne leur est inconnue. Dans la représentation des personnages , par exemple, les proportions anatomiques sont mieux observées; on parvient à éviter les anachronismes dans le costume et dans les accessoires. Mais on reconnaît que le sentiment chrétien ne guide plus la main qui tient le ciseau. Dos procédés plus ou moins ingénieux sont impuissants à remplacer l'inspiration qui, trop souvent, fait défaut.

Dans nos églises de petites villes et même de villages, on retrouve encore, ou plutôt on retrouvait, il n'y a pas encore longtemps , placés au fond du sanctuaire, des rétables datant des XVIP et XVIIIe siècles. Au lieu de les conserver avec le respect qu'on doit apporter à tout ce qui vient des ancêtres et do les regarder comme des objets consacrés par le temps et par l'art, on n'hésite pas à commettre de véritables vandalismes en les faisant disparaître et en les remplaçant par une ornementation prétentieuse.

Nous avons été témoins d'un fait, qui montre à quel mépris du passé et à quel oubli des traditions peut conduire l'engouement pour les statues polychromes en terre cuite et pour les objets décoratifs du même genre. Dans une commune rurale de l'Ariège, dont nous tairons le nom, le curé, pris d'une belle admiration pour les autels pseudo-gothiques qu'une modo intéressée cherche actuellement à introduire dans les églises, quelle qu'on soit le stylo, résolut de doter sa paroisse d'un de ces monuments. L'ancien autel, recouvert d'un baldaquin en bois sculpté et placé devant un retable peint ot doré, fut démoli pour faire place au nouveau. L'ouvrier , venu procéder à l'installation, reçut en payement les débris du rétable et du baldaquin, que l'on considérait comme des vieilleries sans intérêt. Aujourd'hui on peut voir sous une grange d'un village voisin, exposé aux injures du temps et des hommes, un panneau représentant l'Annonciation. L'Ange et la Vierge, figurés à moitié de la grandeur naturelle se détachent en relief d'un cadre doré. L'oeuvre, qui n'est pas dénuée de mérite, porte le cachet de son époque et révèle bien la fin du règne de Louis XV. Sans vouloir employer des termes qui dépasseraient notre pensée, nous ne pouvons nous empêcher de dire qu'un pareil abandon ressemble à une profanation, contre laquelle il convient de protester au nom de l'art et au nom des traditions. N'est-ce pas aussi un manque de respect à la mémoire de ceux qui ont légué à la paroisse un monument de leur piété, devant lequel plusieurs générations de fidèles se sont agenouillés! (1)

(1) Il est bon d'ajouter que c'est en violation des lois canoniques et civiles que de pareils vandalismes se commettent.


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A notre époque, nous assistons à un mouvement de renaissance qui nous porto, en ce qui concerne l'art religieux, à revenir aux modèles et aux traditions du Moyen Age. Le gothique reprend faveur. Sous Louis XIV , pour indiquer un style barbare , on traitait de gothique tout ce qui sentait le Moyen Age. Aujourd'hui, par un singulier retour des choses d'ici-bas, les motifs de décoration, chers aux artistes des deux derniers siècles, commencent à être victimes d'une sorte de proscription. Il est nécessaire do réagir contre cette tendance et de no pas tomber dans les excès reprochés à nos devanciers. Le XVIIe et le XVIIIe siècles ont laissé dans nos églises la trace de leurs goûts et de leurs aspirations. Il importe de conserver avec soin ces souvenirs des générations précédentes et d'appeler l'attention sur des oeuvres, que l'ignorance fait regarder d'un nul indifférent.

C'est un des motifs qui nous ont engagé à publier les textes (1) relatifs à la construction du retable de Vic et à les faire précéder de quelques éclaircissements. Nous avons aussi tenu à mettre en lumière le nom do l'ouvrier à qui l'on confia l'exécution du travail ; c'est une preuve que les oeuvres d'art, qui ornaient les églises rurales, étaient dues souvent au ciseau d'un modeste artisan do village qui , à la pratique do son métier, joignait des connaissances artistiques. (2)

TEXTES INEDITS (3)

1° Contrat relatif à la construction d'un rétable à Vie.

L'an mil six cent quatre-vingt et le cinquième jour du mois do mai, après midi, au-devant la porte de l'église paroissiale Notre-Dame do Vic, en la juridiction de la Bastide-de-Sérou, pays de Foix. par-devant moi, notaire royal, et témoins bas nommés, entre Jean Courneilh, vieux,

(1) Ces documents comprennent : 1° une expédition authentique, sur papier timbré, signée par le notaire qui a retenu l'acte, du contrat intervenu entre les parties; 2° une quittance de Rougt pour un acompte de 47 livres, 11 sous, G deniers; : 3° un mémoire non signé, rédigé sur papier libre, pour faire assigner Rougt, qui différait de tenir ses engagements.

(2) M. Runieau, directeur d'une école publique à Toulouse, originaire de la Bastide-deSérou, qui, pendant les vacances s'occupe de faire des recherches aux archives de cette commune et d'en dresser le catalogue, nous a signalé l'existence de ces documents : nous lui adressons nos remerciements ainsi qu'aux autres personnes qui ont eu l'obligeance de nous donner des renseignements pour la rédaction de notre notice.

(3) Pour ces textes, nous avons agi comme pour les lettres de M. de Froidour, publiées dans le Bulletin de la Société Ariégeoise, c'est-à-dire, nous avons employé l'orthographe moderne. Tel est le système généralement adopté pour la publication de documents postérieurs à la seconde partie du XVII° siècle.


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marguillier de ladite église, faisant tant pour lui que pour Jean de Pauly, et Michel Toulza, ses collègues, marguilliers d'icelle, par lesquels promet faire agréer et ratifier le présent acte, icelui assisté de dom Paul Paris, religieux, sacristain de l'abbaye du Mas-d'Azil, et prieur dudit Vie, et de maître Jean Bertrand, prêtre, et curé dudit Vic d'une part, et Jean Rougt, maître menuisier do la ville de Saint-Lizier d'autre, ont été faites les conventions qui s'ensuivent, savoir :

Ledit Rougi construira un rétable avec toute l'architecture et l'ordre de l'art, remplissant tout le devant do ladite église, où est le maître autel, do la muraille qui regarde le Midi à celle qui regarde le Septentrion en sorte que, au milieu et sur l'autel, on commencera immédiatement le rétable.

Il fera le corps d'un tabernacle servant au repos du très saint Sacrement de l'autel, sur lequel tabernacle il placera une figure de la sainte Vierge dans une niche. Et à chaque côté de la même figure sera un ange, les deux tenant une couronne sur la même figure de la sainte Vierge, le tout avec les ornements nécessaires et convenables aux sujets. Laquelle susdite niche sera entre deux colonnes entortes ; (1) ; après lesquelles colonnes sera de chaque côté autre (2) ange. Et dans (3) chaque niche (4) sera placée une figure représentant, savoir : celle du côté de l'Evangile, l'apôtre saint Pierre , et celle du côté de l'Epître, l'apôtre saint Paul, chaque desdites trois figures do la hauteur de six pans, et les deux

anges de... (5) pans ; le siège étant convenable pour la représentation

du couronnement de la sainte Vierge.

Après la niche, de chaque côté desdites figures, sera autre colonne entorte ; et, après' ladite colonne seront les ornements nécessaires pour remplir le vide jusqu'à la muraille de chaque côté.

Et au-dessus du tout, sur la grande corniche, sur le milieu sera fait un cadre bien façonné, pour y être placé un tableau d'une grandeur convenable, gardé tout l'ordre de l'architecture. Aux côtés du cadre, et pour garnir ce qui se trouvera vide sur les corniches, ledit Rougt fera les ornements sortables au tout.

(1) Colonne entorte, par ce mot, on veut sans doute indiquer une colonne torse.

(2) Cette dernière partie de la phrase pourrait faire supposer qu'outre les anges placés auprès de la Vierge il y en avait un après ces colonnes ; il n'en était rien. L'ensemble du texte prouve qu'il n'y avait que deux anges, dont la place est indiquée dans le précédent paragraphe.

(3) Déchirure dans le papier.

(4) Le rédacteur a omis de parler de ces niches dans le paragraphe précédent.

(5) Par suite d'une déchirure du papier, il n'est pas possible de voir qu'elle est la hauteur des anges.


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A l'entour desquelles colonnes et niches, sur la tête de chaque figure et piédestal (1) d'icelles, fera ledit Rougt les ornements nécessaires.

Et lesdites figures seront artistement travaillées et au naturel.

Lequel travail ledit Rougt sera tenu faire dans ladite ville do la Bastide-de-Sérou, sans discontinuation, en sorte que ledit Rougt ne pourra le quitter pour autre travail que celui qu'il s'est obligé faire aux RR. PP. Cordeliers de la présente paroisse.

Et ce qui se trouvera parfait le jour de la prochaine fête de l'Assomption Notre-Dame sera placé et, par exprès, expressément la figure do la sainte Vierge et celles des Anges , que ledit Rougt a promis et promet avoir alors parfaites.

Et sera tenu ledit Rougt faire le travail dudit rétable en bois do noyer, suffisamment sec, sauf le dedans des niches, qui sera en bois de sapin.

Et ce, moyennant la somme de deux cent cinquante livres, en déduction et sur (2) de laquelle ledit Rougt a reçu :

1° Dudit Courneilh la somme de quarante-sept livres quinze sous, trente deniers, que ledit sieur prieur indique ledit Rougt à prendre sur Jean Dejean, son meunier dudit Vic les jour et fêtes de Pâques prochaines ; auquel dit Dejean le sieur prieur promet tenir en compte ladite somme, en rapportant quittance dudit Rougt, et auquel Rougt donne pouvoir de se faire payer audit temps ladite somme audit Dejean, avec promesse de la lui faire valoir, sans préjudice audit sieur prieur des autres pacs (3) échus ou à échoir et autres affaires qu'il a avec ledit Dejean.

2° Vingt et quatre livres que noble Paul Dupuy , seigneur de Bugnas, illec présent, a promis payer audit Rougt le jour et fête de Saint-Martin, foire de ladite Bastide, à peine de tous dépens.

Et le restant, qui est cent quarante-huit livres cinq sous,lesdits sieur curé et marguilliers seront tonus les payer audit Rougt, savoir quarante-huit livres cinq sous le jour et fête de l'Assomption Notre-Dame prochain venant, et cent autres dans un an prochain, à compter de ce jourd'hui, à peine de tous dépens.

Et pour ainsi ce-dessus observer, toutes parties respectivement ont obligé tous et chacun leurs liens et iceux soumis aux rigueurs de justice de France, avec les renonciations et [désis] tements requis.

Présents maître Bernard Darnaud, docteur en médecine de la faculté

(1) Dans le texte, le scribe a mis pied d'estaral. (2) Mot incompréhensible, coupé dans le texte par une déchirure du papier ; les premières lettres encore lisibles sont : estamoy. (3) Pac, pour paiement.


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do Montpellier, et Pierre Rumeau, maître banneur (1) de ladite Bastide sous [signés avec] avec lesdits sieurs prieur, curé et Bugnas et autres lesdits Courneilh et le susdit Jean de Pauly,marguillier,qui illec présent,

a consenti et [accepté] tout le contenu ci-dessus. On dit ne savoir

(2) moy.

Depuis le récit du présent a été convenu qu'en cas lesdits sieurs curé et marguilliers voudront que ledit Rougt remplisse le vide du bas du rétable jusqu'à terre et y fasse une porte de chaque côté, ledit Rougt sera tenu faire le tout en menuiserie et architecture, à la charge par lesdits sieurs curé et marguilliers de lui fournir le bois de sapin nécessaire et de lui donner la somme de trois livres, au delà et au-dessus desdites doux cent cinquante livres.

S'y seront tonus lesdits sieurs curé et marguilliers fournir les chevilles nécessaires pour l'arrêt dudit rétable, quand il sera placé.

Moi, notaire qui, requis, l'ai retenu et expédié, en foi de quoi, me suis

soussigné

Signé : BERTRAND, notaire.

2° Quittance de Rougt pour un acompte.

J'ai reçu de Jean Courneilh, marguillier de l'église de Notre-Dame de Vic la somme do quarante-sept livres onze sols, six deniers, suivant le compte que nous avons fait aujourd'hui de tout ce que j'ai reçu. Laquelle somme je promets allouer et tenir en compte, avec celle que j'ai reçue lors de notre contrat, sur celle qui m'est due pour le travail que je fais pour ladite église. En foi de quoi le présent acte écrit par moi François Laforgue, prêtre et par moi signé le trente mai 1681.

ROUGT.

Pour quarante-sept livres onze sous six deniers, tant du blé et argent, sans préjudice du contenu au contrat.

Signé : LAFORGUE.

3° Mémoire pour faire assigner Rougt.

Par acte du 5 mai 1680, retenu par maître Bertrand, notaire royal de la Bastide-de-Sérou, Jean Rougt, menuisier de Saint-Lizier, s'obligea de faire et parfaire un rétable au maître autel do l'église paroissiale

(1) Banneur, fabricant de bannes, c'est-à-dire de paniers. Glossaire de Ducange, au VIIe volume (partie française). Banneur est peut-être pour vaneur, ouvrier chargé de nettoyer le grain.

(2) Déchirure dans le texte.


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Notre-Dame de Vic, qu'il devait commencer et continuer sans intermission, dès avoir achevé le travail qu'il avait alors commencé pour les Pères Cordeliers de ladite Bastide. Et son obligation fut si étroite qu'il s'obligea de dresser ce qu'il se trouverait avoir fait le jour et fête de l'Assomption alors prochaine et, par exprès, expressément la figure de la sainte Vierge et des Anges ; et ce, moyennant la somme de deux cent cinquante livres. Et, en déduction de laquelle, ledit Rougt reçut le jour dudit acte 47 livres 15 sous, le restant payable : 1° 30 livres, qui lui auraient été indiquées par M. le prieur de Vic, sur Jean Dejean, son meunier, dont ledit Rougt se serait contenté ; 2° 24 livres, que le seigneur de Bugnas se serait obligé lui payer, et il s'en serait contenté, le tout suivant ledit contrat ; 3° 43 livres, 10 sous, que le sieur recteur et marguilliers se seraient obligés lui payer ledit jour et fêle de l'Assomption Notre-Dame, et cent livres dans un an alors prochain.

Si bien que. par ledit acte, il se trouve payé do 101 livres, 15 sous, et pour les 148 livres 5 sous restants, ledit Rougt n'en aurait pas seulement reçu les 48 livres, 10 sous du premier pac, mais encore au delà, car, suivant son compte fait avec Jean Courneilh, alors marguillier et obligé, il a reçu 47 livres 11 sous. 6 deniers ; et depuis il a reçu de M. Bertrand, bourgeois de la Bastide, la somme de 30 livres. Montant les deux derniers payements 77 livres, 11 sous, 6 deniers, desquels distraits de 148 livres, 10 sous, que le recteur et marguilliers étaient obligés lui payer, il se trouve payé de 250 livres, sauf la somme de 70 livres, 18 sous, 6 deniers, sans que ledit Rougt ait, depuis que deux ans et plus sont passés, daigné faire visite à ladite église, qu'il ait rien fait dudit travail. A raison de quoi, ceux qui ont accoutumé faire du bien à ladite église, diminuent leur charité, et la muraille, sur laquelle s'appuie le maître autel, demeure nue. C'est dont se plaignent les marguilliers de Vie.

(Aucune signature au bas de ce mémoire.) F. PASQUIER.

I. — Le Synode de Réalmont en 1606.

D'après le registre original, par O. de Grenier-Fajal, pasteur à Caussade ; Montauban, Granié, 1883.

II. — La correspondance des deux frères Laborde, forçats du Mas-d'Azil, pour la foi au bagne de Toulon.

D'après des documents inédits, par le même; Montauban, Forestier, 1883.

M. O. de Grenier-Fajal, originaire d'une ancienne famille de l'Ariège, pasteur à Caussade, près de Montauban, s'occupe de rechercher et de


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mettre en lumière les documents relatifs à l'histoire du Protestantismedans nos contrées. Parmi les correspondances et les autres documents qu'il a eu la bonne fortune de rencontrer dans ses laborieuses investigations, il a pu rassembler les éléments nécessaires à la publication des deux ouvrages, dont nous venons d'énumérer le titre.

I. — En 1606, les délégués des églises protestantes du Haut-Languedoc, do la Guyenne et du Comté de Foix se réunirent en synode à Réalmont, petite ville située près d'Albi. Ce sont les actes de cette assemblée, communiqués par M. l'Archiviste départemental du Tarn-etGaronne, dont M. O. de Grenier-Fajal a publié le texte.

Dans sa préface, il fait observer avec raison que l'histoire du Protestantisme dans la région du Sud-Ouest est peu connue et peu étudiée. C'est donc rendre service aux chercheurs que de fournir des éléments de travail et d'appeler l'attention sur des questions intéressantes.

Dans ce volume, on trouve, outre la liste des pasteurs et des anciens qui prirent part au synode, des renseignements sur l'organisation des églises et leur vie intime.

II. — La correspondance des frères Laborde nous transporte dans un autre ordre de faits ; nous no sommes plus à l'époque où les Protestants, en possession des franchises accordées par l'Edit de Nantes, pouvaient se réunir et se livrer sans danger à l'exercice de leur religion.

Les frères Laborde, habitants du Mas-d'Azil, petite ville du Comté de Foix, vivaient sous le règne de Louis XV ; le culte réformé était proscrit ; toute infraction aux édits était sévèrement réprimée. Ces deux frères étaient réputés comme des hérétiques fervents ; en 1748, ils assistèrent, avec un certain nombre de leurs coréligionaires, à une assemblée convoquée par un pasteur. Mis en état d'arrestation, ils furent conduits, par ordre de l'Intendant de la province, au bagne de Toulon, où ils passèrent plusieurs années. C'est des galères qu'ils firent parvenir à plusieurs membres de leur famille les lettres éditées par M. O. de Grenier-Fajal. A cette correspondance, il a joint le texte d'un colloque protestant du Comté do Foix tenu en 1745, et le jugement de l'Intendant condamnant au bagne les deux frères et plusieurs autres personnes. Parmi les pièces justificatives se trouvent des extraits de l'état civil relatifs à plusieurs condamnés et à divers membres de leurs familles. Signalons encore la complainte en vers patois que Pierre Fargues composa pour perpétuer dans les campagnes le souvenir de son frère François, détenu au bagne en même temps et pour la même cause que les Laborde.


SOUTERRAIN DE GAILLAC-TOU LZA

(Haute-Garonne). (FOUILLES DE JUIN ET SEPTEMBRE 1884)

PAR MM. L'ABBÉ CAU-DURBAN ET PASQUIER.

Parmi les difficiles problèmes de l'archéologie primitive, il n'en est pas qui aient exercé la sagacité des explorateurs et des érudits, il n'en est pas non plus qui aient reçu des solutions plus diverses que celui des grottes artificielles, découvertes dans nos départements méridionaux.

L'identité de plan les ferait attribuer au môme temps et au génie du même peuple; mais la diversité des objets qu'elles ont fournis déconcerte les présomptions des explorateurs et leur permet de les attribuer aux périodes de la civilisation les plus extrêmes. Nous n'espérons pas trancher le débat; nous fournirons peut-être quelques arguments de plus en faveur de l'une des hypothèses émises.

Comme nous l'avons déjà dit (1), le souterrain que nous allons étudier se trouve sur la commune de Gaillac-Toulza (2).dans une propriété de M. Eugène de Serres, nommée la métairie de Nautou, qui est située au milieu des bois, non loin d'un petit ruisseau.

Sur la pente d'un vaste champ qui, à cause de sa forme topographique, a reçu le nom de Punto de reillo(3). M.Troy, fermier,vit,un jour, sous les pas de ses boeufs le terrain s'effondrer et un large trou se former immédiatement. Surpris de la présence de cette excavation, en un lieu où il ne l'eût jamais soupçonnée, il déblaya les environs de l'orifice et aperçut les marches d'un escalier dissimulé sous de gros madriers recouverts de terre végétale. Les madriers sous l'action dissolvante de l'humidité s'étaient pourris et affaissés ; par leur chûte, ils avaient mis à jour cette retraite ignorée.

Appelés immédiatement par un obligeant ami à aller contrôler et étudier cette singulière découverte, nous nous rendîmes sur les lieux au mois de juin 1884.

La grande quantité d'eau qui envahissait les couloirs ne nous ayant permis de pénétrer que vers le milieu de l'escalier, nous dûmes attendre que la saison des pluies fût passée pour faire une seconde tentative d'exploration.

Nous revînmes sur les lieux au mois de septembre suivant, et gràce au débit puissant d'une pompe hydraulique, nous réussimes en quelques heures à dégager

(1) Bulletin de la Société Ariégeoise. N° 6. Juin 1884, p. 242.

(2) Gaillac-Toulza, petite commune du canton de Cintegabelle (Haute-Garonne), située près de Saverdun (Ariège), sur les confins des deux départements.

(3) Pointe de charrue.


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l'escalier et le palier qui le termine ; mais le niveau du sol étant plus bas dans les autres parties du souterrain, il ne fut pas possible de le mettre complètement à sec; nous pûmes cependant le visiter à notre aise et nous rendre compte de ses dispositions intérieures.

Le plan du souterrain que nous avons relevé (Fig. 10) permettra au lecteur d'en suivre la description.

Un escalier B. D. s'ouvrant après un petit palier A, dans la direction du nord-ouest , conduit par une pente rapide de vingt-six marches à un second palier intérieur. Cet escalier ne mesure pas moins de 7 m. 90 cent, de longueur sur 0 m.75 cent, de largeur ; la voûte a 1 m. 75 de hauteur.

Du palier, on pénètre, à droite, dans la galerie E qui se prolonge en F et en G sur un plan brisé à angle droit, et finalement on entre dans la chambre H. Cette chambre voûtée, comme les couloirs, en arc surbaissé, mesure 2 m. 08 cent., sur 1 mètre 58 cent.; elle affecte la forme d'un parallélogramme irrégulier.

Les parois des galeries et des chambres ont été creusées dans la marne, à l'aide du ciseau et du pic, dont on distingue fort bien l'empreinte profonde,aiguë.

Les souterrains découverts jusqu'ici dans la Vendée, le Tarn, le Gers, le Tarn-et-Garonne offrent en général un plan plus compliqué et une ordonnance plus enchevêtrée, tout en se conformant à une donnée générale et primitive qui a présidé à leur exécution. Habituellement, ces souterrains comptent plusieurs issues et de nombreuses chambres reliées par des couloirs en zigzag. Ici nous n'avons qu'un corridor d'entrée aboutissant par une suite de petites galeries en retour d'équerre, à une seule chambre, sans soupirail, pour recevoir de l'extérieur l'air et la lumière. Nous remarquons aussi l'absence de toute niche destinée à recevoir, d'après M. Devais, des lampes ou des statues de divinités. A l'entrée du souterrain, nous n'avons observé non plus ni feuillures, ni rainures, ni trous quadrilatères destinés à recevoir les portes et les barres de sûreté.

Nous devons toutefois signaler, à l'origine du couloir qui mène à l'extérieur, un étranglement sensible (Fig. 10. C). C'est là peut-être que se plaçait la barrière qui fermait l'entrée du souterrain.

Lors de notre visite, en juin, nous avons recueilli, sur les premières marches de l'escalier et dans les terres rejetées autour de l'orifice, des fragments de charbon, des cendres, des coquilles de limaçons, des tessons de poteries noires et grises ayant appartenu à des vases de grande dimension. Ils portaient des dessins ondulés, tracés au burin, et des cordons en saillie entrecoupés d'empreintes de doigts. Un couvercle à bouton (Fig. 1) qui avait été emporté par le propriétaire a été, depuis cette époque, offert au Musée de l'Ariège.

Dans notre dernière excursion, nous avons fait une moisson plus ample d'objets destinés aux usages de la vie domestique.

D'abord, nous avons retiré du palier du fond de l'escalier de nombreux


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débris de poteries analogues aux précédents (Fig. 1-7), des échantillons de fer, des clous travaillés au marteau, un plat en bois de sapin (Fig. 8) et un baquet en bois de chêne (Fig. 9).

La nappe d'eau bourbeuse couvrant le sol de la chambre et des galeries voisiner nous a peut-sire dérobé encore quelque intéressante trouvaille qui a pu échapper à nos sondages.

Maintenant se posent diverses questions inévitables que le lecteur se fait, sans doute, dès les premières lignes de ce modeste travail.

Quelle était la destination de ce souterrain? Etait-ce une habitation humaine ou un grenier d'approvisionnements ? A quelle époque et à quel peuple doit-on l'attribuer ?

Depuis le jour où l'on a commencé à fouiller ces grottes artificielles, la curiosité impatiente de l'archéologue s'est adressé ces mômes questions. Il y a vingt ans que l'on explore ces sortes de souterrains, qu'à leur occasion on interroge les historiens de l'antiquité et les traditions locales, sans être encore parvenu à une réponse péremptoire, hors de conteste.

Pour les uns, nous sommes en présence de cryptes d'approvisionnements. Pour d'autres, ce n'est que d'anciennes habitations. Et tous, avec une bonne foi et un désintéressement parfait, défendent leur opinion.

Une savante polémique s'engagea, il y aura tantôt quinze ans, entre M. Devais, conservateur du Musée de Montauban et le Dr Noulet, de Toulouse. De part et d'autre, les hypothèses furent appuyées sur de solides arguments, et sur denombreux témoignages historiques, sans que la vérité se dégageât victorieuse, irréfutable de ces brillants tournois.

M. Noulet, toutefois, n'en maintînt pas moins sa manière de voir, dans une lettre du 1er octobre 1869 à M. Auguste Capgrand. (1)

« Je ne sais voir dans ces excavations méthodiquement construites, écrit le savant Docteur, que des endroits propres à la conservation des récoltes alimentaires. A mon avis, nous devons y voir des greniers souterrains remontant à une grande ancienneté, alors que les approvisionnements ne devaient pas être considérables, comme il conviendrait de les attribuer à des familles ne cultivant guère les grains que pour leurs besoins et ne faisant provision de glands et de faînes que pour la nourriture de quelques animaux. L'usage de ces greniers, que l'on a déjà retrouvés sur une aire fort étendue, dût se continuer fort longtemps avec les silos proprement dits, dont certains se trouvent déjà munis. Après que les greniers souterrains eurent été abandonnés, les silos se maintinrent et ont duré jusqu'à notre temps. Généralement employés dans le sud-ouest, au XVIP et au XVIIIe siècles, ils ne sont pas encore tombés en désuétude. »

Mais, M. Devais, fort de l'opinion de plusieurs anciens auteurs et des observations faites par lui-même sur un grand nombre de souterrains, répliqua, quelques jours après, à son compétent contradicteur :

(4) Revue Archéologique du Midi de la France, t. 11. p. 124.


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« Rien ne s'oppose à ce que quelques-uns des souterrains, impropres pour plusieurs motifs à servir d'habitation, aient pu servir de greniers... Si de nos jours encore certaines peuplades de sauvages de l'Orient et de l'Amérique septentrionale se creusent, au dire des missionnaires chrétiens, des grottes profondes pour leur servir d'habitation ou de refuge, pourquoi cet usage si naturel n'aurait-il pas existé dans les temps primitifs, sur les divers points de l'Asie et de l'Europe, qui se trouvaient en dehors du courant civilisateur ? Eh bien, ici, comme ailleurs, l'humanité a débuté par la vie des cavernes ; et, de même que nos missionnaires l'attestent aujourd'hui pour quelques tribus de l'Océanie et de l'Amérique, de même, les auteurs grecs et romains le constatent pour les tribus sauvages qui habitaient, de leur temps, le continent asiatique et européen. Comment pourrait-on conserver encore quelque doute sur la destination réelle des souterrains artificiels, en présence des textes si clairs et si précis d'Eschyle, de Xénophon, de Strabon, de Virgile, de Pline l'Ancien, de Pomponius-Méla, de Quinte-Qurce et de Tacite, qui tous établissent d'une manière péremptoire que, dans diverses régions, l'homme se creusait des cavernes : ici, pour en faire son habitation permanente, là, pour se ménager un refuge assuré contre les rigueurs de la température et les atteintes de l'ennemi. »

En 1865, la question avait déjà été agitée au Congrès archéologique de Montauban. (1) Comme dans tous les débats scientifiques, les opinions furent divisées, et nous n'avons point fait, depuis lors, que nous sachions, un pas de plus vers la certitude.

« Adhuc sub judice lis est. »

Il ne nous appartient pas de clore le débat par des conclusions absolues et définitives. Ce n'est pas non plus le lieu de reproduire les travaux, qui ont été faits sur la matière dans des ouvrages spéciaux; mais, éclairés par l'étude et l'expérience de nos devanciers, nous pouvons, à l'endroit du souterrain que nous avons exploré, émettre une opinion parfaitement dégagée de toute préoccupation personnelle. Nous ne croyons pas que, dans la pensée de ceux qui l'ont creusé, le souterrain de Gaillac-Toulza fût destiné à servir d'habitation permanente.

D'abord, la chambre n'est pas développée dans des proportions assez vastes pour loger les membres d'une tribu ou d'une famille. Dans un si petit espace — moins de quatre mètres carrés — on eût été fort à l'étroit; et si la pièce n'avait été pratiquée que pour un ou deux individus, on ne conçoit pas que l'on se fût donné la peine de creuser de longs corridors dans un milieu aussi compact, aussi dur à percer. De plus, ici, pas de soupirail communiquant avec l'extérieur, pour introduire dans ce sombre et étroit réduit un peu d'air et de lumière ou pour amener, au dehors, la fumée du foyer; pas de niche, ni placard, ni tablette, comme on l'a observé dans d'autres grottes artificielles; pas de cendres, de

(1) Congrès Archéologique de France, t. XXIX. p. 225-309.


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charbon, d'os calcinés, de rejets de cuisine; pas un de ces vestiges qui attestent, dans toutes les stations, le séjour prolongé de l'homme.

Ce n'est qu'au pied de l'escalier que nous avons trouvé quelques cendres et de petits charbons. Les parois et la voûte de cette partie de la crypte semblent enduits d'une couleur noirâtre, qui est le produit de la fumée ou d'une décomposition chimique du sol. Là aussi, nous avons ramassé des fragments de poteries. Mais, l'examen attentif de ces tessons nous permet d'affirmer qu'ils n'ont subi pas altération ou modification quelconque, depuis leur cuisson primitive. Si ces vases eussent servi aux usages habituels de la cuisine, ils eussent été exposés au feu pour la préparation des aliments et leur partie extérieure serait plus noire que la partie intérieure.

Ces vases, qui étaient d'assez grande capacité, à en juger d'après les débris recueillis, étaient sans doute destinés à renfermer les denrées alimentaires les plus précieuses, les plus fragiles.

Accidentellement, on a pu allumer du feu à l'entrée du couloir, pour purifier l'atmosphère intérieure, mais non pour y fixer un foyer permanent de famille. A la rigueur, il ne nous répugnerait pas d'admettre que transitoirement, ce foyer ait vu autour de lui quelques malheureux fugitifs, qui se seraient estimés heureux de rencontrer sous leurs pas un opportun refuge pour échapper aux poursuites de l'ennemi. La nécessité change souvent la destination primitive des oeuvres de l'homme. Mais ce qui nous paraît difficile d'accepter, après un long el mûr examen de l'état des lieux, c'est que l'artisan, qui a conçu et exécuté pour lui ou pour d'autres le plan de cet édifice souterrain, ait voulu établir au champ de Punto de reillo une vraie habitation. Aucune des conditions élémentaires de salubrité, d'aération, d'ampleur, que l'on retrouve, non seulement dans les huttes de sauvages mais dans les grottes naturelles de nos Pyrénées, ne sont observées.

Nous serions donc, ici, en présence d'un souterrain destiné à la conservation d'approvisionnements. L'homme de cette époque savait-aussi bien que les agriculteurs de nos jours qu'il est des denrées qui, pour être préservées de la décomposition, doivent être privées du contact de l'air et des variations fréquentes de l'atmosphère ambiante. C'est là qu'est toute l'explication de la profondeur de ces chambres souterraines et des couloirs étroits, à lignes brisées qui y aboutissent. Du môme coup, ils mettaient ces provisions, qui constituaient peut-être les seules ressources d'une famille ou d'une tribu, à l'abri de la rapacité des maraudeurs, des pillards, des troupes ennemies qui, à tout instant, attirées par l'appât du butin, pouvaient faire irruption dans un pays renommé par sa fertilité.

Il n'entre nullement dans notre pensée de contester que, parmi les souterrains découverts dans le Gers, le Tarn ou autres départements, il n'en soit qui possèdent toutes les conditions d'habitabilité, et ne réunissent toutes les précautions nécessaires aux commodités de la vie.

Nous savons qu'au témoignage de Florus, (1 ) c'était dans ces sortes de refuge

(1) Florus, liv. III., ch. XI.


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que se cachaient les clans gaulois fuyant devant les armées romaines. De nos jours encore, l'île de Pâques, en Océanie, est percée de grottes dans lesquelles la population indigène se plaît à habiter.

Nous n'embrassons pas la thèse générale, nous le répétons, mais, nous renfermant dans l'examen du souterrain de Gaillac-Toulza, nous hésitons à croire que nous sommes en présence d'une demeure humaine.

Mais, dira-t-on, la grotte détrempée par les infiltrations, ainsi que vous l'avez constaté, aurait constitué un mauvais dépôt pour les approvisionnements qui auraient été rapidement détérioriés par l'humidité.

A cette objection on peut répondre que l'inconvénient aurait été le même dans le cas où le souterrain aurait servi d'habitation. Personne ne désire faire un séjour prolongé dans un endroit où l'on voit suinter l'eau sur toutes les parois. Il semble qu'on ne doit pas chercher dans la nature du sol des arguments contre telle ou telle hypothèse.

A quelle époque a dû être utilisé le souterrain ?

Ici, le champ des suppositions pourrait être vaste ; il faut le circonscrire aux limites imposées par l'étude du souterrain lui-même et des objets qu'il a fournis.

Les traces de l'instrument employé par l'ouvrier sont marquées sur les parois latérales et sur la surface des voûtes ; elles sont courtes, nettes, profondes, telles que les donnent le pic à pointe quadrangulaire ou le ciseau. Si on eut employé la hache de pierre, nous aurions des coups plus étroits, alongés et moins incisés. La marne est ici dense, liée et affecte la dureté du roc. Un outil de fer ou de bronze pouvait seul, avec quelque facilité, venir à bout de la compacité résistante du sol. A la rigueur, un instrument de pierre eut bien suffi; mais, quelle somme de temps, de patience et de fatigue représenterait la perforation de la galerie où un seul ouvrier pouvait travailler. Ne doit-on pas supposer qu'avec des outils aussi imparfaits que pouvait les donner la pierre la plus dure, l'artisan n'eut renoncé à donner à ces couloirs une longueur aussi étendue ?

D'ailleurs, l'examen des poteries, du plat de bois, du baquet lui-même accusent un état de civilisation avancée. Les poteries n'ont plus cette pâte grossière, quartzeuse, cette forme lourde, cette épaisseur de matière, ces dessins archaïques que nous retrouvons dans les stations néolithiques. L'art du potier est en progrès sur l'âge des dolmens et des grottes de la pierre polie ; l'action du tour y est visible, les décors sont mieux tracés, plus variés, plus lestement enlevés (pie dans la période antérieure ; la matière même est mieux triée, le grain est plus fin,plus dense, sans rien perdre de sa solidité. Quelques fragments d'une teinte gris-cendrée ont la couleur naturelle de leur pâle; d'autres sont d'un beau noir d'ébène. Mais la couleur n'est pas superficielle : la pâte a été pétrie dans le bain préalablement coloré. Les anses sont élégamment décorées, les bords finement repliés, les panses ornées de motifs divers.

La planche ci-jointe reproduit le dessin de quelques échantillons les plus caractéristiques des objets retirés du souterrain et qui sont exposés au Musée de Foix.


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La fig. 1 et 1 bis représentent les faces supérieure et inférieure d'un couvercle trouvé au fond de l'escalier. Il a été façonné à la main, rapidement évidé à l'intérieur, et muni d'un bouton rudimentaire à la surface extérieure.

Fig. 2. Fragment de grande cruche, gris-clair, micacé, comprenant un goulot coupé obliquement et un tiers d'anse.

Une autre anse large, relevée sur les bords (fig. 3) avec la paroi adhérente d'un vase de grande capacité.

La fig. 4 commence la série des poteries à dessins. C'est la surface supérieure d'une grande urne, à pâte noire ; un rebord largement replié à l'extérieur annonce une grande ouverture ; une ligne ondulée, tracée en creux, accompagne l'orifice.

La fig. 5 retrace un fragment de panse, à pâte noire micacée, ornée de filets en creux et tracés irrégulièrement.

La fig 6 esquisse une origine d'oreille ornée de festons en relief, d'un effet très gracieux.

La fig. 7 réunit les deux motifs d'ornementation déjà décrits, les festons et les lignes ondulées, parallèles, séparées par une ligne médiane.

Le plat de forme ronde (fig. 8) est fait au tour. Les bavures de la gouge dessinent sur le fond une infinité de lignes concentriques, qui rompent agréablement les rayons ligneux du sapin.

Le baquet (fig. 9) est taillé au ciseau dans un tronc do chêne. Il mesure 0m,55 de longueur, 0m,15 de largeur et 0m,23 de profondeur. Il est percé de deux trous aux extrémités opposées.

L'étude de ces divers objets ne nous permet pas de déterminer une date précise. Elle exclut bien toutes les périodes dites préhistoriques et par conséquent restreint considérablement le domaine des hypothèses. Mais, dans la vaste étendue des siècles ci vilisées, où devons-nous nous arrêter : au moyen-âge ? à la période Gallo-romaine? C'est à cette dernière époque que, pour notre part, nous rapporterions ces débris antiques. Si nous nous tenions en deça, il serait étonnant que nous ne trouvassions pas dans nos vieux chroniqueurs quelques mentions de ces ouvrages souterrains. Leur silence sur des travaux, dont la tradition de nos pays n'a pas gardé le souvenir, accuse une antiquité d'origine qu'eux-mêmes n'ont probablement pas connue.

« Nous ne connaissons au juste, écrit le judicieux M. Noulet, ni l'époque à laquelle on commença à inaugurer les cryptes d'approvisionnement ni celle où l'on cessa de les employer à ce titre. Sachons atteidre du temps qu'ils nous fournisse des documents plus complets. Peut-être qu'en étudiant avec une très grande attention les moeurs, les usages de nos ancêtres les Gaulois, on pourra parvenir à comprendre qu'autour des bourgades et des maisons, disséminées dans les bois, ayant quelques champs cultivés aux environs de ces maisons, que les historiens nous représentent construites avec des poteaux et des claies doat les intervalleses étaient remplies de glaise battue, le faîte recouvert


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de chaume, ils avaient leurs souterrains destinés à recevoir les grains et les fruits qu'ils récoltaient (1). »

Nous ne pouvions mieux terminer cette courte étude que par cette sage conclusion, qui nous met en garde contre « le facile et attrayant plaisir des suppositions » et nous obliga à demeurer dans l'expectative tout en continuant nos recherches et nos observations. L'avenir a des secrets qu'il ne livrera qu'aux plus studieux et aux plus désintéressés.

ITINÉRAIRE DE PREMIERS A PARIS EN 1532

(TEXTE ROMAN)

La rivalité séculaire de Foix et de Pamiers n'éclata jamais avec plus de violence que dans les premières années du seizième siècle, au sujet de la possession des cours de justice.

L'évêque Bernard Saisset et le comte Roger-Bernard III avaient établi simplement à Pamiers un juge ordinaire et un viguier commun, par l'acccrd qu'ils conclurent le 7 novembre 1297. (2) Mais l'évêque réconcilié avec le roi, conclut à Poitiers, le 29 juin 1309, un nouvel accord avec Guillaume de Nogaret, et un juge d'appeaux fut institué à Pamiers (3) comme lieutenant du sénéchal de Foix.

Lorsque Philippe de Valois rendit au comte Gaston II en 1335 le paréage que Bernard Saisset avait cédé vers la fin de sa vie au roi de France, le juge d'appeaux continua de siéger à Pamiers. Il recevait les appels des jugements du juge ordinaire des cosseigneurs ainsi que les appels des jugements des consuls ou de ceux du prévôt, lorsque le privilège de la justice, si cher aux communautés du moyen âge, fut enlevé avec leur nom même aux consuls de Pamiers transformés en syndics. Il recevait de même les appels des jugements des juges ordinaires du Comté.

En 1410, le sénéchal de Foix, appuyé par les consuls de la ville, émit la prétention de faire porter devant lui les appels des cours du Comté, mais les syndics obtinrent du Parlement de Toulouse que ces appels continueraient d'être plaidés devant le juge de Pamiers. (4)

Malgré les réclamations nouvelles de la capitale du Comté, Gaston IV maintint, par son ordonnance du 16 novembre 1467, les syndics et les habitants de Pamiers dans la possession des offices de juge mage et de juge d'appeaux, car, disait l'ordonnance, les cours de justice s'étaient tenues à Pamiers depuis un

(1) Revue archéologique. T. II., p. 130.

(2) Gallia. Chap. XIII. Instrumenta, col. 101.

(3) Hist. du Languedoc, liv. XXIX, chap XXII.

(4) Registre des Délibérations du Conseil de ville de Pamiers, années 1410, 1417.


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temps immémorial, la ville étant considérable et pourvue de gens experts en lois. Le comte laissa à la ville de Foix un lieutenant de juge mage pour juger les causes de petite importance, dont l'appel devait être porté devant le juge de Pamiers. (1)

Catherine, reine de Navarre et comtesse de Foix, désireuse de s'attacher la fidélité d'une des villes les plus importantes de ses domainos, au milieu des dangers que suscitait autour d'elle sa guerre avec le vicomte de Narbonne, rendit le consulat, c'est-à-dire le privilège de la justice municipale, à la ville de Pamiers, en 1494. Peu d'années après, afin d'établir l'équilibre, et pour s'attirer de même les bonnes volontés des habitants de Foix, craignant peut-être aussi que Pamiers ne fut tenté de ressaisir l'indépendance que lui montrait sans cesse le mirage d'un lointain passé, elle retira le juge mage et le juge d'appeaux de Pamiers, pour les transporter à Foix. (2)

Ce fut l'origine d'ardents débats. Pendant trente années, les deux villes luttèrent par toutes les ressources de la procédure, par les dons offerts à la reine, puis à son successeur Henri d'Albret, par les pièces rares, biches et chevreuils, isards et truites envoyés aux conseillers du Parlement de Toulouse. En 1529, Pamiers fut sur le point de tout perdre. Un arrêt du Parlement autorisa la concession des cours de justice à la ville de Foix. Mais la communauté de Pamiers offrit aussitôt 2000 livres au roi de Navarre qui promit de lui rendre les cours. Les gens de Foix ne se tinrent pas pour battus. Ils circonvinrent le roi de Navarre, obtinrent des informations nouvelles qui prolongèrent la lutte en entretenant leurs espérances. Ce fut pour aplanir ces obstacles que le procureur comtal Gaillard de Lafontine et Bayle, consul de Pamiers, partirent pour Paris en novembre 1532. Henri d'Albret ne quittait guère la cour depuis son mariage avec Margu rite de Valois.

Le roi et la reine du Navarre visitèrent leur pays de Foix eu 1535. Ils entrèrent à Pamiers le 27 avril Deux mois après, le 27 juin, le roi, par un édit daté de Bordeaux, restituait enfin définitivement es cours du juge mage et du juge d'appeaux à la ville de Pamiers. Elles y demeurèrent jusqu'à l'établissement du présidial un 1666.

L'itinéraire de Pamiers à Paris est écrit dans le vieux langage languedocien, qui était sur le point de disparaître des registres des délibérations municipales. Mais ses formes délicates s'étaient émoussées depuis longtemps déjà et il n'était plus qu'un patois, expressif encore, mais vulgaire. L'absence de littérature l'avait livré sans défense aux altérations continues de la grossièreté populaire et aussi à l'invasion des formes françaises. Ainsi on ne disait plus cossol mais consol, la première personne du pluriel avait perdu l'm caractéristique, etc.

J. DE LAHONDÈS.

(1) Archives de Pamiers. Justice n° 4.

(2) — — n°5.


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TEXTE

Refferitio feyta per mossor lo consol Bayle et mossor lo procurayre comtal de l'anada à Paris al grand Conselh sus lo différent de las Ci'fts, lo XXV de Jenier Ve XXXIl.

Et primo partiren al mandament de mossors de consols et am lor conselh de Pamyas per fer lo biage susdit al grant Conselh, de Pamyas,so es lo deiz et nau de novembre de l'an Ve XXXII. (1)

Item prengueren de l'argent de la bila la soma de dos cens trenta huras tornezas per far lo dit biage.

Item lo dit jorn, totz dos à chibal am Ramon filh del procurayre sus dit que monstret lo camy, partiren de Pamyas et aneren dinar à Hautariba (2) despenderen V sols.

Plus aneren sopar à Loysar (3) despenderen à la sopada.... XVI s.

Al port de la Croiz (4) 1 liura.

Item à Tolosa, à causa que demoreren ung jorn et mieg per prendre auqunas memorias, que despenderen XXIX s.

Item partiren lo dijaus après disnarde Tolosa, aneren dormir à Fronton despenderen à la sopada XV s.

Item à la dinada à Montalba (5) X s.

Item à la sopada à Molheras (6) XIII s.

Item à la dinada à Lospitalet (7) X s.

Item à la sopada à Pelacolh (8) XIII s.

Item à la dinada à Payrac (9) XII s.

Item al dit loc ferreguen lo chibal del dit moss. Io procurayre, costet XVI d.

Item à la sopada à Solhac despenderen XIII s.

Item à la dinada à Noalhas (10) X s.

Item à la sopada à Donzenac XVI s.

Item à la dinada à Uzersa X s.

Item à la sopada à Massera (11) XIII s.

(1) A cette époque, l'année commençait encore à Pâques. Le voyage eut lieu en Novembre 1532 ; la reddition de comptes se fit au mois de janvier suivant qui, d'après le style usité, appartenait encore à 1532, cette année ne devant finir qu'à Pâques.

(2) Auterive.

(3) Localité disparue, peut-être une simple hôtellerie entre Auterive et Toulouse ; on trouve, sur ce point, Boussac.

(4) Les voyageurs, qui se rendaient de la vallée de l'Ariège à Toulouse, ne traversaient pas la Garonne à Pinsaguel, comme aujourd'hui, mais bien l'Ariège à La Croix Falgarde, et suivaient l'étroit chemin entre le coteau de Pech David et la rive droite de la Garonne.

(5) Montauban.

(6) Molières.

(7) Lot.

(8) Id. Aujourd'hui Pélacoy.

(9) Lot.

(10) Corrèze.

(11) Id Aujourd'hui Masseret.


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Item à la dinada à Peyra Buffeyra X s.

Item à la sopada à Lymoges XVIII s.

Item à la dinada à Razas (1) IX s.

Item à la sopada à Arnac (2) XV s.

Item à la dinada à Moet (3) X s.

Item al dit loc fegui ferrar mon chibal. costet V d.

Item à la sopada à Argenton XVI s.

Item à la dinada à Bordin X s.

Item à la sopada al Batand (4) XV s.

Item à la dinada à Romorantin X s.

Item à la sopada à Castel bielh (5) XVI s.

Item à la dinada à la Ferté (6) XII s.

Item à la sopada à Orléans XIX s.

Item al dit Orléans fa loc fer desferrar lo rossi del procurayre, que era enclavât II s.

Item à la dinada à Arlana (7) X s.

Item à la sopada à Angerbila (8) XVIII s.

Item al dit loc fegui ferrar mon rossi, costet I s.

Item per crompa de ungs sabatos que compreren al dit Rainon à Lymoges VII s.

Item à la dinada à Estampas XI s.

Item à la sopada à Montlhery XVI s.

La despensa feyta dedins Paris, laquala despensa monta : trenta syeis jorns; per cascun jorn aben despendut XXVII s. que monta à quaranta oeyt liuras tornezas XII s.; per ly far ferrar los chibals de tolz los très que costet X s., monta lo dit biage jusquas assi, LXX 1., III s., V d.

La despensa feyta dedins Paris tochant la porsuyta del procès; (requêtes, mémoires, commissions, etc, dont le registre donne le détail) ; monta lo lot LXXIXL, XVII s., V d.

La despensa feyta al retorn de Paris :, ...

Les voyageurs payèrent de même au retour leur dîner de onze à douze sous, leur souper et leur coucher de seize à dix-huit (9). Ils suivirent la même route, en traversant cependant quelquefois des villes différentes, et arrivèrent

(1) Haute-Vienne. Aujourd'hui Razés.

(2) Id. Aujourd'hui Ârnac-Ia-Poste.

(3) Indre, aujourd'hui Mouhet.

(4) Id. aujourd'hui Vatan.

(5) Loir-et-Cher, aujourd'hui La Ferté-Beauliarnais.

(6) Loiret, auiourd'hui La Ferté-Senneterre.

(7) Loiret, Artenay.

(8) Seine-et-Oise, Angerville.

(9) Les prix des denrées augmentèrent vers la fin du siècle, après les guerres, dans d'énormes proportions. Mémoire sur l'extrême cherté qui est en France, 1574, réimprimé par Cimber et Danjou dans te, archives curieuses de l'Histoire de France, t. VI, p 425.


- 322à

322à le soir du seizième jour. Ils s'étaient arrêtés à Charenton, Etampes, Thoury, Orléans, Forbes, La Ferté, Villefranche où ils passèrent le Cher, Vatan, Bordin, Argenton, Mouhet, Arnac, Razès, Limoges, Pierre-Buffière, Masseret, Barrabet, Brives, Vatand, Souillac, Payrac, PelaGoy, Cahors, Molières, Montauban, Bouloc, Toulouse, Loysar, Saverdun et Pamiers. (1)

C'était la voie que les diligences et les chaises de poste suivaient encore, il y a une trentaine d'années, avant l'établissement des chemins de fer.

CONTE PATOIS

Lo Fauré e le Ritou

AVANT-PROPOS

Le conte n'est souvent qu'une anecdote à l'allure humouristique, se terminant par un trait piquant. La verve populaire se donne libre cours dans ces petites compositions où elle trouve l'occasion de s'égayer aux dépens d'autrui.

L'éloquence de certains curés de campagne a fourni maintes fois à de malins plaisants la matière de récits facétieux.

Le conte que nous publions met en scène un curé et un forgeron de village, qui ayant fait son tour de France, est considéré par ses compatriotes comme un homme de savoir et d'expérience.

Un dimanche , le curé monta en chaire, et essaya d'établir par des exemples quelle était la puissance de Dieu. Entre autres preuves, il cita le miracle de la multiplication des pains et des poissons. La langue lui tourna dans la bouche en faisant son énumération. L'occasion était belle pour un raisonneur comme le forgeron ; il se hâta d'en profiter et de faire des plaisanteries au détriment du pauvre curé. Celui-ci ne voulut pas se tenir pour battu et tenta de prendre sa revanche devant les fidèles assemblés ; mais il avait à faire à forte partie. Son adversaire, prompt à la riposte sut, encore une fois, mettre les rieurs de son côté.

Le conte est amusant; et, le patois, quoique se ressentant de l'influence du français, a conservé bon nombre d'expressions' pittoresques, qui donnent au récit une saveur particulière.

(1) Archives de Pamiers. Registres des Délibérations du Conseil de ville. Année 1532. séance du 25 janvier (nouveau style 1533).


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TEXTE

Un dimenge de Caresmé, un ritou préchec à sious paroissiens : Mous calis fraires,

L'Ebangéli de bey probo le poudé de Diu. Quand le siu .filh benguec sus la terro per croumpa nostris pécats, arribec qu'un joun, que s'en anabo sus uno mountagno ambé les sius apostouls, fasquec en cami forço miracles en garin les malaus, e que per mou (1) d'aco. un floc de gens le sigudégen. Arribat al cap de la mountagno s'assiétec sus l'herbo, e, en se biran, fous quec estounat de beire que tant de mounde le sigudabo.

« Et aro ça diguec à l'apostoul Philippo , chin (2) anan fé per douna à manja an aquellos gens ?

« N'at (3) sabis ges, Seignou, ça y respoundec Philippo.

« Cependant se boutée à cerca tout ço que se poudio manja e troubec cinq millo pas e cinq millo arènes que suffisquèguen e a! dela per nouri cinq persounos. »

« Biétaze ! ça diguec le fauré del bilatje, un home qu'abio feyt soun tour de Franco, e que sens essé un mayehant crestia, risio qualqué cop des ritous e se déinourabo pracocosto l'ayguoségnal, (4) biétaze, ça diguec, nou segamo(5) ges Nostre Seigne de nouri cinq persounos ambé cinq millo pas e cinq millo arènes: y en débec demoura per tant de fam que toutis agesson. »

Aquo fasquec rire les bézis del fauré que se couitèguen, en sourtin de la messo, d'à racounta al ritou.

« La lenguo se m'es birado,ça diguec le brabe home. Le fauré,qu'es toutjount le mesmo, s'en es serbit per fe l'esprit fort. Mes dimenge y clabeillarè les pots e beiren que rira le darè. »

So que fousquec dit fousquec feyt. Le dimenche d'aprex, le ritou tourno mounta en cadiero, e en gaitan del coustat del ayguoségnal ount éro le fauré :

« Mous calis fraires, ça diguec, dimenge daré, la lenguo se me trabec, quand bous apprenguengui qu'ambé cinq millo pas e cinq millo arènes, JésusChrist nourisquec cinq persounos. Es le countrari qu'es la bertat ; et aco es ambé cinq pas e cinq arènes que cinq mille gens dèjunéguen e fousquèguen rassatiats à un tal punt que se pousquéguen pos acaba toutis les taillous e qu'en démourec un floc de descados. " (6)

« Eh bè, fauré, tu que fas le sapient, auros pouscut ne fè autant ! »

Nou pas de bey, moussu le ritou, ça respoundec le fauré. mes dimenge daré ja m'en siro pla cargat.

(1) Per mou d'aco, à cause de cela.

(2) Chin anan, contraction, pour coussi n'anan.

(3) At est un pronom qui signifie, le, cela.

(4) Ayguoségnal, bénitier.

(5) Gamo, se gêne.

(6) Descado, le contenu d'une corbeille.


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IBÈRES, IBÉRIE,

ÉTUDE

Sur l'origine et les migrations de ces Ibères,

premiers habitants connus de l'Occident de l'Europe,

Par M. Adolphe GARRIGOU (1)

Président honoraire de la Société Ariégeoise, des Sciences, Lettres et Arts.

Tous ceux qui s'intéressent au passé de nos vallées Ariégeoises connaissent les ouvrages historiques de M. Adolphe Garrigou. Inspiré par l'amour de son pays natal, il s'est proposé de faire revivre le souvenir des aïeux et de nous initier à l'existence des générations disparues. On lui est redevable de plusieurs monographies où il a appliqué les méthodes les plus sûres de l'érudition.

Actuellement ce qui attire la curiosité de M. Garrigou, ce n'est plus le moyenâge. Là où le portent ses goûts et son esprit investigateur, c'est vers l'origine de nos populations. A quelle race appartenaient les habitants primitifs de la vallée de l'Ariège ? Tel est le problème qu'il s'est posé et pour la solution duquel il a réuni de nombreux renseignements. Historiens Grecs et Latins, auteurs modernes, linguistique, numismatique, archéologie, topographie, M. Garrigou n'a rien laissé échapper de ce qui pouvait fournir un argument à sa cause. Toutes les hypothèses ont été examinées ; après avoir montré les côtés faibles de la démonstration de ses adversaires, il en est arrivé, en s'appuyant sur l'autorité de César, à établir que les Sotiates sont bien nos ancêtres et que leur pays était bien dans la partie du Comté de Foix nommée Sabartès. (2)

Cette revendication n'a pas été du goût des écrivains réclamant pour leur région l'honneur d'avoir été le berceau de ce vaillant peuple, qui opposa une si énergique résistance aux Romains. A chaque attaque portée contre ses conclusions, notre compatriote a toujours répondu par un nouveau mémoire où il résumait ses travaux précédents et fortifiait par de nouvelles preuves ce qu'il considérait comme la partie vulnérable de son oeuvre.

En cherchant à déterminer quel était leur pays, M. Garrigou s'est demandé ce qu'étaient ces Sotiates et quelle était leur origine. De recherche en recherche, il en est venu à s'occuper des peuples primitifs des Pyrénées. Mais, en traitant un point d'histoire locale, il a pris soin de ne pas s'écarter des questions générales qui s'y rapportent et de ne pas détacher les événements du milieu où ils se sont produits. L'effet ne reste pas séparé de la cause.

M. Garrigou était donc bien préparé pour aborder un sujet plus vaste, tout en prenant comme point do départ les études qu'il avait entreprises à propos de l'histoire primitive de nos Vallées Ariégeoises.

(1) Foix, typographie Pomiès, 1884, un vol. in-8°. En vente à la librairie Gadrat aine, à Foix.

(2) On désignait sous ce nom la partie haute de l'ancien Comté de Foix, qui s'étendait depuis le Pas de la Barre, près Foix, jusqu'à la frontière d'Espagne, en suivant la vallée de l'Ariège.


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Les Sotiates appartenaient à la grande famille Euskarienne, qui, elle-même, était Ibérienne. Dès les premières époques de l'histoire Méridionale, on trouve les Ibères répandus sur les deux versants de la chaîne Pyrénéenne.

D'où venaient ces Ibères ? Comment expliquer leur présence dans nos contrées ? Le problème était d'autant plus intéressant à étudier que sa solution pouvait mettre en lumière certains points encore obscurs de l'histoire des Sotiates.

Comme le déclare franchement M. Garrigou, une lacune existait dans ses précédentes publications. « Les Euskes de nos Pyrénées, dit-il, étant jusqu'ici regardés comme faisait partie de la famille Ibérienne, j'aurais dû entrer, au sujet des Ibères, dans des détails et des explorations devenues nécessaires. » (1)

C'est pour combler cette lacune que M. Garrigou a composé l'ouvrage sur lequel nous appelons l'attention de nos lecteurs. Il a voulu rechercher « ce qu'étaient ces Ibères dont les Euskes et les Sotiates avaient, d'après César et Strabon, la même constitution physique, les mêmes moeurs et le même idiome. » (2)

M. Garrigou s'est tout d'abord trouvé en présence d'un historien, M.Graslin

(3) qui, se mettant en contradiction avec les auteurs les plus autorisés, ne voit dans les Ibères que des Celles. Après avoir exposé et discuté le système de M. Graslin, M. Garrigou établit ce qu'étaient les Ibères et renverse les théories de son adversaire en montrant que les Celtes constituaient une race différente.

Ibères et Celtes sont deux peuples, qui dans les temps primitifs habitaient l'Asie sur les versants du Caucase, les uns au Sud, les autres au Nord. Environ vingt siècles avant Jésus-Christ, les Ibères, au moment des grandes migrations ethniques, s'expatrièrent pour aller chercher un pays plus favorable à leur développement. Les Ibères traversèrent l'Asie Mineure, longèrent les côtes septentrionales de l'Afrique, déjà occupées par les Gétules, et pénétrèrent en Espagne

(4) jusqu'aux Pyrénées, qui ne furent pas un obstacle à leur extension. Cette chaîne franchie, ils se répandirent dans le midi de la Gaule et ne s'arrêtèrent qu'aux bords de la Loire.

Les Celtes ne quittèrent les bords de la mer Noire que quatre ou cinq siècles après les Ibères; c'est vers le Nord qu'ils dirigèrent leur course, traversant les régions qui sont maintenant la Russie et l'Allemagne. Parvenus en Gaule, ils ne suspendirent leur marche en avant qu'à l'époque où ils finirent par rencontrer entre Loire et Garonne leurs anciens voisins d'Asie, les Ibères. Ils les refoulèrent sur les Pyrénées et pénétrèrent en Espagne, où se mêlant aux vaincus, ils devinrent la souche des Celtibériens, qui étendirent leur domination sur plusieurs points de la péninsule.

M. Graslin n'a pas tenu compte de ces faits. Cependant les habitants primitifs de l'Espagne ont constitué une race bien distincte,présentant des ressemblances

(1) Avant-propos de l'ouvrage, p. V.

(2) Ibidem, p. VI.

(3) GRASLIN, l'Ibérie, Paris, Leleux, 1838.

(4) L'Ibérie primitive était située près du Caucase ; l'Espagne a originairement porté ce même nom après qu'elle eut été envahie par les Ibères.


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frappantes avec les peuplades du Nord de l'Afrique et de la chaîne Pyrénéenne. Dans leur marche vers l'Ouest de l'Europe, les Ibères avaient laissé en Afrique des traînards qui, en s'unissant aux Gétules, sont devenus les ancêtres de nos Kabiles.

Chez les habitants des vallées Pyrénéennes, et notamment dans la HauteAriège, le type physique, les racines d'un grand nombre de termes patois, certaines traditions, et d'autres preuves indiquent que l'origine Ibérique fait encore sentir son influence. Ainsi donc, quoique séparés par les montagnes, les mers et par le pays qui porte le nom caractéristique de Péninsule Ibérique, Kabyles, Basques et autres montagnards Pyrénéens peuvent, malgré bien des mélanges, être considérés comme ayant une origine commune. A l'appui de cette thèse,M. Garrigou a mis en lumière et comparé certains faits observés en Algérie et dans les Pyrénées.

Notre auteur a pris dans les dialectes de nos montagnes un certain nombre de radicaux, les a dépouillés de l'empreinte latine; et en les rapprochant des termes basques, qui ont le même sens, il a établi que nos patois ont conservé quelques traces de l'ancienne langue Euskarienne.

L'anthropologie a été aussi d'un puissant secours dans la détermination de ces diverses races ; mais l'examen des crânes doit être fait avec la plus grande prudence. Sous ce rapport, nous ne partageons pas l'opinion émise par M. Garrigou à la suite d'une découverte, qui a eu lieu à Tarascon au commencement de 1884. On a trouvé sous l'ancien rempart, non loin du clocher d'une église aujourd'hui démolie, des tombeaux formés par des dalles schisteuses entourant de toutes parts le cadavre. Aucun objet caractéristique n'a pu aider à préciser à quelle époque il convenait d'attribuer ces sépultures. M. Garrigou, d'après la description d'un mode d'inhumation presque semblable encore usité en Kabylie, suppose que les tombes de Tarascon ont une origine Ibérienne. Telle n'est pas notre manière de voir ; nous inclinons, avec d'autres archéologues, à penser que ces monuments sont moins anciens et remontent peut-être au Moyen-Age. Ce n'est pas le moment de rouvrir la discussion qui s'est engagée sur ce point, sans qu'une solution ait pu encore être émise.

A la fin du volume, M. Garrigou résume en quelques pages les arguments qu'il a jadis fait valoir pour assurer à notre Ariège l'honneur d'avoir été le berceau des Sotiates. C'est un point qui nous paraît acquis ; et dans un ouvrage consacré aux Ibères, cette démonstration avait sa place toute marquée.

Nous avons indiqué les grandes lignes adoptées par l'auteur, soit dans son plan, soit dans le développement de son récit. Nous devons ajouter que le style clair et facile fait d'une oeuvre d'érudition un livre de vulgarisation.Ce n'est pas là un des moindres mérites de M. Garrigou de rendre accessibles et attrayantes les questions qui semblent ardues et réservées aux seuls savants.

F. P.


FRAGMENTS D'OBJETS RECUEILLIS DANS LE SOUTERRAIN DE GAILLAC-TOULZA-(HTE GARONNE) (FOUILLES DE JUIN ET SEPTEMBRE 1884 PAR M.M.PASQUIER ET L'ABBÉ CAU-DURBAN I



NOTE

SUR LE CRÉTACÉ SUPÉRIEUR & LE TERTIAIRE

DES DÉPARTEMENTS DE L'ARIÈGE ET DE L'AUDE

Par J. ROUSSEL

Vers la fin du mois d'avril, j'ai aperçu près de Lescale (Aude), à une altitude de 800 mètres, des marnes d'eau douce avec clausilies et bulimes, et un poudingue ayant le même aspect que celui de Palassou.

Du point élevé où je me trouvais, je pouvais embrasser d'un seul coup d'oeil tout le tertiaire de l'Aude qui s'étend au nord jusqu'à la Montagne-noire. Au premier plan, j'ai vu une large zone, de laquelle font partie les marnes à clausilies, formée d'argiles rouges et entrecoupée de crêtes calcaires. Suivant les indications de d'Archiac (1) ces terres rouges et ces calcaires devaient être rapportés au groupe d'Alet, c'est-à-dire au sénonien et au danien. Mais je n'ai pas tardé à reconnaître que la plus grande partie de cette importante formation est tertiaire, et j'ai résolu d'en faire une étude approfondie.

J'ai commencé mes travaux un peu plus à l'ouest, sur la rive droite de l'Ariège, et je les ai poursuivis jusqu'au massif de transition de Montoumet (Aude). J'ai fait un certain nombre de remarques qui m'ont paru intéressantes, et j'ai dressé la carte géologique des pays explorés. Je vais donner un aperçu de mes principales observations.

Les terrains de la région que j'ai parcourue sont, le sénonien, le danien et l'éocène ou nummulitique. Le gisement de Lescale est peut-être pliocène.

Depuis l'Ariège jusqu'à Bienac, le sénonien est formé par des grès. Sur la rive gauche de l'Aude et à l'est de ce fleuve, il s'ajoute des poudingues, des mames rouges et des calcaires.

A la base du danien, on trouve partout des marnes et des argiles rutilantes avec calcaires, marnes, grès et poudingues en sous-ordre. Au-dessus vient un banc de calcaire compacte, lithographique, crayeux à l'air, d'origine lacustre. A la partie supérieure reparaissent les argiles et les marnes rouges avec calcaires et grès.

La composition de l'éocène est beaucoup plus complexe. Il est formé de

(1) Mém. Soc. géo. 2e série, tome VI, page 327.


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nombreux étages, subdivisés chacun en plusieurs assises qui se transforment diversement de l'ouest à l'est.

En commençant par la partie inférieure, on trouve sucessivement :

A. Calcaires à miliolites. — c) Calcaire très souvent marneux et marnes fossilifères

fossilifères cérites, natices, lucines, polypiers, etc.

— b) Calcaire rarement marneux; point de marnes ;

peu de fossiles déterminables. Presque partout, quelques bancs de calcaire compacte, probablement d'origne lacustre, comme à Illat.

B. Calcaires et marnes — a) Calcaire très souvent argileux, mamelonné sur à miliolites et à Os- les surfaces de stratification et surtout à l'air. trea uncifera. Marnes en sous-ordre. Ostrea uncifera, petites

bivalves, beaucoup de miliolites.

— b) Marnes et calcaires à l'ouest; marnes, le plus

souvent rouges, et poudingues à l'est et au sud : Ostrea uncifera, Natica brevispira échinides , crabes, cérites, turritelles, très nombreux polypiers, etc.

— e) Marnes jaunâtres et grès à l'ouest. Marnes

rouges et poudingues à l'est et au sud. Pas de fossiles.

C. Couches à alvéolines. — a) Cacaires et marnes à alvéolines; petits oursins.

— b) Calcaire gréseux ou grès avec marnes en sousordre;

sousordre; à l'est : empreintes diverses, bryozoaires, miliolites.

D. Marnes à turritelles. — Marnes, et calcaires en sous-ordre, avec Turritella

Turritella Carez; Operculina granulosa ; Trochocyathus; Spondylus caldesensis, Carez; Ostrea stricticostata, et serpules, nummulites, etc. C'est le niveau le plus constant et le plus fossilifère.

E. Calcaires à nummulites.—a) Calcaire à nummulites,et marnes en sous-ordre;

à la base existent souvent des grès micacés : Nummulites, polypiers, échinides, etc.

— b) Marnes, calcaires marneux et poudingues pétris

pétris fossiles : Turritella figolina, Carez; Ostrea stricticostata; Natica brevispira, et crassatelles, lucines, panopées,nummulites,etc.

F. Poudingue de Palassou. — Lits de poudingues ou de grès alternant avec

autant de couches argileuses. Les conglomé-


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rats les plus grossiers sont à la partie supérieure. Calcaires argileux intercalés , aussi bien dansl'Aude que dans l'Ariège.

Ces diverses formations affectent une disposition partout reconnaissable à première vue.

Le calcaire à miliolites constitue la crête rectiligne, ruiniforme, de montagnes peu élevées, escarpées d'un côté et à pente douce de l'autre. Sur le flanc escarpé, le calcaire lithographique forme une barre placée entre deux bandes de marne rouge.

Depuis la rive droite de l'Ariège jusqu'à Illat, on ne voit ainsi charpentée qu'une seule montagne dont la direction, à peu près rectiligne, est nord-ouest, sud-est. A partir d'Illat, cette crête contourne le Pech de Foix, auquel elle s'adosse à Péreille, où elle prend une direction opposée à la première et s'avance vers l'ouest, jusqu'à 500 mètres de Roquefixade.Là,la crête se replie de nouveau vers l'est et forme d'abord une masse puissante qui ne tarde pas, cependant, à être recouverte, en stratification transgressive, par les marnes rouges et les poudingues à Ostrea uncifera. Elle reparaît un peu plus loin, à Villeneuved'Olmes, sur les deux rives du Touyre, et se termine à Bélesta. Partout, ses flancs escarpés sont orientés vers les terrains plus anciens et ses couches plongent tantôt au nord, tantôt à l'est, tantôt au sud, suivant la position de cette chaîne sinueuse, au nord, à l'est, ou au sud des bombements qu'elle contourne. Entre le Sautel et Raissac, au cap de la Mounjo, de cette crête s'en détachent deux autres ayant même constitution géologique et même direction générale, est-ouest, que la première.

Ces deux montagnes se prolongent parallèlement jusqu'au delà de Rennes. Leurs assises plongeant en sens inverse, il semble qu'elles ne devaient former primitivement qu'un seul bombement. Quoi qu'il en soit, le raccordement des couches des deux crêtes existe encore au col de Babourade, au col des Tougnets, à Fourne-Haule et à Rennes; mais il n'est complet qu'au col de Babourade. Sur les autres points, le calcaire lithographique se raccorde seul, formant une sorte de détroit entre les deux barres de calcaire à miliolites.

De cette disposition, il résulte que les deux crêtes constituent une vraie chaîne, ayant quatre anneaux, en forme de boutonnière, qui enserrent autant de bandes isolées de sénonien.

Les assises à miliolites de la crête méridionale deviennent horizontales à Nébias. Au nord de ce village, elles s'étendent en un large plateau entamé par des golfes; mais à partir de Brenac, elles ont été enlevées presque partout, en même temps que les argiles daniennes sous-jacentes, et l'on n'en voit que quelques restes sur les buttes de Saint-Fériol, de Soubirous et de Rennes. Ailleurs, la surface du sol est constituée par le calcaire lithographique qui, vers FourneHaute et Rennes, forme de vastes nappes crayeuses.


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A Rennes, la crête septentrionale, après sa jonction avec la chaîne méridionale qui se termine en ce point, se prolonge vers l'est jusqu'à Serres. De là, elle se recourbe vers l'ouest jusqu'à Alet, contourne le massif de transition, auquel elle s'adosse en se repliant de nouveau pour se prolonger au loin vers l'est.

Les étages nummulitiques supérieurs se sont déposés partout, au sud comme au nord, au-dessus du calcaire à miliolites.

Au midi, ils remplissent en partie le golfe de Lavelanet, dont les baies de Roquefixade et de Raissac sont des prolongements. Ce bassin est formé par les couches synclinales de la chaîne principale et de la crête méridionale qui s'en détache.

Au delà de Bélesta, les dépôts butent, au sud, contre le calcaire à réquiénies.

Au nord de la chaîne principale et de la crête septentrionale qui s'en détache au cap de la Mounjo, ils constituent une série de barres rectilignes on courbes, parallèles entre elles et séparées par des vallons plus ou moins profonds.

A Couiza, ils sont déposés dans un golfe produit par les couches synclinales de la crête septentrionale qui se replie sur elle-même, ainsi que je l'ai dit. Là, chaque étage forme une seule ou plusieurs crêtes secondaires, qui se réfléchissent comme la chaîne principale, décrivant de vastes courbes, pour contourner le massif de transition et se prolonger vers l'est.

Il résulte de cette disposition que, de la rive droite de l'Ariège au cap de la Mounjo, il n'existe qu'une seule zone de nummulitique et de danien, et qu'à partir de ce point, on en voit deux dont les couches inférieures se raccordent en quelques endroits.

Maintenant que l'allure des couches nous est connue, étudions-en les transformations.

Un fait frappe tout d'abord l'observateur lorsqu'il va de l'ouest à l'est, ou qu'il passe du nord au sud de la formation : c'est le changement de couleur, de puissance et de composition qui survient dans certaines couches. Examinons comment se diversifie chaque étage.

Le sénonien, depuis la rive droite de l'Ariège jusqu'à Fourne-Haute et Brenac, est constitué par des grès et quelques lits marneux de couleur foncée. Au delà, s'ajoutent des bancs puissants de marnes rouges, de poudingues et de calcaires.

A l'ouest, les marnes daniennes supérieures ne forment qu'une étroite bande rouge, à peine visible,. A l'est, elles ont cinquante mètres de puissance, et elles se chargent de calcaires. Le calcaire lithographique et les marnes rouges inférieures ne se modifient guère.

Les couches à miliolites et à Ostrea uncifera sont celles qui se transforment de la manière la plus inattendue.

A Illat, les calcaires à miliolites proprement dits ont 250 mètres de puissance et un banc de calcaire lacustre s'interpose entre les dépôts marins. Les couches


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à Ostrea uncifera sont formées de calcaires, de marnes noirâtres, d'argiles jaunes, le tout ayant une puissance d'environ 150 m.; et il en est ainsi jusqu'à SainteColombe-sur-l'Hers. Mais à partir de ce point, le facies et la composition des assises 6 et c changent brusquement : les argiles et les marnes de ces assises deviennent rouges ; au lieu de calcaire, on trouve des poudingues et des grès, et la puissance des couches augmente sensiblement. Voilà donc un sous-étage tout à fait semblable au groupe d'Alet ou au poudingue de Palassou ; aussi les géologues qui s'en sont occupés l'ont-ils souvent rapporté à l'une ou à l'autre de ces deux formations. Mais, presque partout, j'y ai trouvé, et souvent en abondance,Ostrea uncifera, Natica brevispira, Cerithium, etc. De plus, au-dessous, on trouvé partout le calcaire à miliolites et le vrai danien, et au-dessus, le calcaire à alvéolines, les marnes à turritelles, le calcaire à nummulites et le vrai poudingue de Palassou.

Dans la baude nummulitique méridionale, c'est presque toujours le second faciès que présentent les assises 6 et c.

A Lavelanet, on trouve de nombreux poudingues, avec marnes rouges, qu'on a quelquefois rapportés au poudingue de Palassou. Là, le plus souvent, les couches nummulitiques supérieures ont été remaniées et même emportées par les deux importants cours d'eau qui arrosent la vallée. Elles existent cependant, et en place, à la station de Monsec, point remarquable, situé au milieu du bassin. De la crête à miliolites de fiénaïx, à Monsec, on observe la série suivante :

A. — Calcaire à miliolites et bancs marneux avec Natica, Cerithium, polypiers,

polypiers, diverses, et quelques échinides.

— Calcaire à miliolites peu fossilifère.

B. — Calcaires, marnes et poudingues à Ostrta uncifera, Cerithium,

Natica brevispira, etc.

— Poudingues et argiles rouges.

Les assises de l'étage B sont dans une combe ; à la montée de Monsec, on trouve :

C. — Grès, marnes et calcaires à alvéolines.

D. — Marnes et calcaires avec Trochocyathus, Natica, Turritella, Alveolina,

Alveolina,

E. — Calcaires alternant avec marnes et poudingues : Ostrea gigantea,

Nummulites, Cerithium, etc.

— Marnes, calcaires et poudingues très riches en fossiles : Natica,

Cerithium, Akeolina, bivalves diverses.

Toutes ces couches plongent au nord.

En redescendant par le versant septentrional et en gravissant la crête à miliolites opposée, on retrouve, dans un ordre inverse, les mêmes couches, plus développées et plus fossilifères encore, plongeant au sud.

On voit que la place des poudingues et des marnes rouges est ici parfaitement déterminée. Elle l'est encore mieux à Rivel, à Puivert, à Nébias, à Fa, à


Couiza, etc. Cette assise est toujours à la partie supérieure de l'étage B, et elle supporte les calcaires à alvéolines.

Quant à l'assise inférieure de l'étage à Ostrea uncifera, elle existe partout formée par des calcaires finement grenus, rarement sublithographiques, se divisant en couches de deux ou trois décimètres de puissance. A la partie supérieure, les strates deviennent fortement argileuses et peuvent servir à la fabrication de la chaux hydraulique, comme à Puivert, par exemple. A la partie inférieure, on trouve, à Brenac et à Nébias, des poudingues à fragments quartzeux, ayant les mêmes fossiles que le calcaire lui-même.

Les calcaires de cette assise sont toujours reconnaissables aux caractères suivants qui leur sont propres : ils sont mamelonnés à l'air, de couleur gris-cendré, ou bleuâtre, souvent terreux; ils présentent constamment, mais par endroits seulement,Ostrea uncifera et Cerithium; enfin, chose surprenante, ils sont plus riches en miliolites que le calcaire à miliolites proprement dit, et ces fossiles sont parfois assez gros pour qu'on soit tenté de les prendre,à première vue, pour de petites alvéolines.

L'étage A, si développé à Illat, à Lavelanet, à La Bastide-sur-l'Hers, à Rivel et au nord de Puivert, disparaît complètement au-delà de ce dernier village. L'assise à miliolites qu'on trouve plus à l'est appartient à l'étage supérieur ; car, à Nébias, à Alet, à Brenac surtout, j'ai trouvé de nombreuses Ostrea uncifera dans les couches les plus inférieures du calcaire à miliolites, et même dans le proudingue sous-jacent. Cette assise n'a d'ailleurs qu'une puissance d'environ dix mètres.

L'étage C existe partout. Il est facilement reconnaissable, non par ses fossiles qu'il ne présente que rarement, mais par son calcaire et ses grès en dalles de couleur jaunâtre, et la place que ces roches occupent entre deux puissantes assises marneuses.

Les étages C, D, E, de la zone nummulitique septentrionale ont pour caractères ceux que j'ai attribués à chacune de ces trois subdivisions dans le tableau des assises de l'éocène. On peut suivre les couches de chaque étage en passant par Villeneuve-du-Bosc, le Caria, le Sautel,Laroque,le Peyrat, Sainte-Colombe etRouvenac, jusqu'à Fa, Espéraza, Couiza, Coustaussa, Antugnac et Laserpent, où elles s'étagent dans un vaste golfe et se recourbent pour se relier à Festes, Bouriège et Roquetaillade, avec le nummulitique qui, par Vendemiès et Caunette, se prolonge jusquà Lagrasse. Les assises de cette zone présentent presque par - tout la même composition. Mais tout autres sont celles de la bande nummulitique méridionale.

Depuis quelque temps, j'avais étudié, au sud de Bélesta, des calcaires à miliolites, dont les couches horizontales reposent sur des argiles rouges et sont surmontées de marnes à turritelles et de poudingues, le tout butant contre la crête urgonienne qui commence sur la rive droite du l'Hers et se prolonge à travers tout le département de l'Aude.


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Je ne m'expliquais pas la nature de cette formation, lorsque, par des observations récentes, j'ai pu reconnaître qu'elle représente les étages B, C, D, E, F. J'ai pu la suivre à l'est jusqu'aux environs de Brenac.

Voici la coupe que j'ai relevée au col de Babourade.

Sénonien — Grès et marnes.

Danien. — Marnes rouges et poudingues inférieurs.

— Calcaire lithographique.

— Marnes rouges supérieures. Nummulitique. B — Calcaire criblé de miliolites ; quelques mètres.

— Marnes rouges et poudingues.

Toutes ces couches sont au nord-ouest du col de Babourade; au sud-est, il vient : C. — Grès poudingues et marnes noires avec fossiles ; quelques mètres.

— Banc de calcaire gréseux jaunâtre.

D. — Marnes blanc-bleuâtre, panachées de rouge; 3 mètres.

— Marnes de couleur chocolat, pétries de petites huîtres et de turritelles ; quelques décimètres.

E. — Calcaire marneux, poudingue et marne.

— Grès et marnes fossilifères. F et systèmes

tertiaires supérieurs, — Marnes blanc-bleuâtre fortement argileuses, panachées de rouge et de jaune, avec amas lenticulaires de poudingue; 200 mètres.

— Calcaire urgonien.

Les couches des étages C, D, E, représentent la barre à miliolites située au midi de Béfesta ; elles ont une puissance d'environ 20 mètres et une inclinaison au sud de 4 à 5 degrés.

Au delà du col de Babourade, elles deviennent tout à fait gréseuses.

On peut les suivre à travers les ravins dont le flanc de la montagne est sillonné. On les voit s'abaisser peu à peu au niveau de la vallée de Puivert, et se relever de nouveau, au delà de la rivière du Blau.

Elles reposent toujours sur les calcaires, les poudingues, et les marnes rouges de l'étage B qui a 150 mètres de puissance, et elles sont surmontées par les couches de l'étage F, où le poudingue est dominant et forme, près du ruisseau de la Graisière, un mamelon de 900 mètres d'altitude couvert de sapins. Au ruisseau de la Mouillères, elles butent presque contre la crête urgonienne et atteignent une altitude de 800 mètres. Plus loin, vers Lafage, elles sont constituées ainsi qu'il suit :

C. — Marnes versicolores et poudingues.

D. — Marnes verdâtres.


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— Calcaire avec miliolites, trochocyathus ?, polypiers.

— Marnes fossilifères. E. — Calcaire noduleux.

— Calcaire compacte, à miliolites, turritelles, natices, etc.

Plus loin encore, ces strates redeviennent gréseuses ; mais restent toujours fossilifères.

Voilà donc des couches qui, sur certains peints, sont pétries de miliolites comme les calcaires à Ostrea uncifera sous-jacents, et qui, pourtant, représentent certainement les étages C, D, E. Ce qui le prouve, c'est que dans la zone nummulitique septentrionale, à Fa, par exemple, on observe absolument la même succession de couches, pour l'éocène, qu'au col de Babourade et à Lafage. Du reste, au Caria et au Sautel, j'ai aussi trouvé des miliotites dans le calcaire à nummulites.

C'est dans les marnes supérieures à ces étages, que j'ai découvert, près de Lescale, deux ou trois espèces de Bulimes et de Clausilies. Si je ne me trompe, l'espèce la plus commune dans ces marnes est la Clausilia terveri, Michaud.J'ai pula comparer à sept ou huit exemplaires venant des marnes d'Hauterive (Drôme), où elle a été trouvée pour la première fois. M. Benoît l'a observée aussi dans les calcaires d'eau douce de Meximieux et de Montluel(1 ). Or,les marnes d'Hauterive et les calcaires de Meximieux font partie du terrain pliocène. S'il est prouvé que la Clausilia terveri soit caractéristique pour ce terrain, il existe à Lescale, à une altitude considérable, butée par le calcaire à réquiénies, une formation pliocène importante.

Le nummulitique supérieur méridional que je viens de décrire finit près de Brenac, au point de bifurcation des deux routes de Bélesta et du pays de Sault à Quillan.

A l'est de Brenac, non seulement les couches supérieures de l'éocène ne se montrent point,mais encore le calcaire à Ostrea uncifera et les marnes daniennes sous-jacentes, qui devaient primitivement former un plateau s'étendant jusqu'à Rennes, n'existent plus que sur trois points.

L'examen attentif des lieux m'a donné la conviction que ces couches ont été emportées par l'action destructrice de la mer qui baignait, au sud comme au nord, le flanc des bombements et des plateaux tertiaires émergés.

Partout où les roches, fortement redressées, présentaient la tête des couches à l'agent destructeur, elles ont pu résister ; mais toutes les fois qu'elles étaient repliées en voûte ou qu'elles formaient des bancs horizontaux, les flots ont pu fouiller les marnes daniennes ; et les blocs de calcaire à miliolites, manquant d'appui, ont été détachés par leur poids ou par les vagues, et ils ont servi à former le poudingue de Palassou, après avoir été fragmentés et roulés. Ce poudingue, en effet, depuis Bouriège jusqu'au col de Festes, est constitué en grande partie par de gros fragments de calcaire à miliolites et de marne.

(1) Bull. soc. géol. 2e série, tome 15, page 323.


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L'état primitif est encore visible au col de Babourade, à Nébias et sur les buttes de St-Fériol, de Soubirous et de Rennes.

Au col de Babourade, la voûte de calcaire à miliolites existe encore entre la formation nummulitique septentrionale et la méridionale, mais excessivement réduite par places.

Au nord de Nébias, les couches à Ostrea uncifera inclinées faiblement au sud d'un côté, et au nord de l'autre, forment un pli anticlinal, à peine sensible, dont les ailes se développent en un plateau de quatre kilomètres de large. L'aile nord a été détruite en partie et ne se raccorde point avec le calcaire de la zone tertiaire septentrionale.

La surface du plateau est fortement creusée par endroits; ses bords sont taillés à pic et entamés de tous côtés par des golfes, dont le plus remarquable est celui qui s'avance jusqu'au moulin à vent de Nébias ; partout, les eaux ont laissé des vestiges de leur action destructrice.

Les buttes de Rennes,de Soubirous et de Saint-Fériol sont trois îlots de calcaire à miliolites et de marnes rouges, au milieu du calcaire lithographique.

L'altitude moyenne de ces buttes est égale à celle du plateau de Nébias; la plus élevée d'entre elles est au sud, et la moins élevée, au nord. De plus, les couches, à Saint-Feriol, s'appuient contre le crétacé inférieur,comme à Nébias, et les assises calcaires et marneuses ont à peu près partout la même puissance. Ces faits ne prouvent-ils pas que ces trois îlots faisaient partie d'un même plateau tertiaire, incliné vers le nord, se raccordant avec le plateau de Nébias et la formation nummulitique septentrionale ?

Les terrains crétacés et tertiaires, dont nous venons d'esquisser l'allure et les transformations, n'offrent, à ma connaissance du moins, qu'un tout petit nombre d'accidents géologiques.

L'un des plus importants est le renversement qui existe à Coulzonne, près de Roque fixa de.

Lorsqu'on suit la crête à miliolites passant par Nègre et s'élèvant vers le hameau de Coulzonne. on voit les strates, qui plongent d'abord au sud, se redresser peu à peu, devenir perpendiculaires au pas de Coulzonne, et se renverser à partir du point où les couches sont coupées par la nouvelle route conduisant de ce hameau au chemin de Roquefixade. Ce renversement,qui affecte aussi le crétacé sous-jacent,rend isoclinal le pli existant en ce point ; car l'aile nord repose en stratification concordante sur l'aile sud.

Un autre renversement s'est produit à Bélesta. Les couches de la crête à miliolites, qui inclinent de 45° au nord vers Bénaïx etRousséou, se redressent peu à peu, deviennent verticales à Terris et plongent, à Bélesta, de 70° au sud. Ce renversement local n'a rien de commun avec le renversement général qui, suivant certains géologues, s'étendrait à toutes les formations sises, au nord du


-336massif

-336massif la montagne de Tabes, mais qui, pour le tertiaire du moins, n'existe point.

L'accident le plus remarquable est celui de Couiza. Toutes les couches formant l'aile sud du golfe ont été dérangées de leur position primitive. Celles des étages B, C, D, très redressées à Fa, deviennent verticales à l'ouest d'Espéraza,et,au sud de Couiza, sont renversées; celles du sénonien et du danien ne sont que fortement redressées.

Deux résultats importants ont été produits par ce bouleversement : le premier est que, contrairement à ce que j'ai supposé jusqu'ici, le raccordement de toutes ces couches, qui devrait avoir lieu à Rennes avec les strates horizontales de la formation crétacée et tertiaire méridionale, ne se produit point; le deuxième, que le calcaire à échinides, pétri de Micraster Matheroni,de Janira quadricostata etc, mis à nu par le glissement et le déplacement des couches, affleure à Rennes sous le sénonien, et semble se raccorder avec le danien de la formation méridionale.

Il est surprenant que d'Archiac, qui a donné une coupe de la montée de Couiza à Rennes (1), n'ait pas signalé ces faits.

Quant à l'aile nord du golfe de Couiza, elle n'a pas été aussi fortement bouleversée. Par endroits seulement, les couches sont redressées ou brisées, ainsi qu'on peut le voir, sur la rive gauche de l'Aude, à Couiza même, et près de la métairie de la Pansane, entre Alet et Couiza.

Il me reste à signaler un fait important.

Toutes les divisions et subvivisions que j'ai établies plus haut, pour le nummulitique de l'Ariège et de l'Aude sont partout faciles à reconnaître. Elles correspondent d'ailleurs presque toutes à celles qu'à créées Leymerie pour l'éocène de la Haute-Garonne et M. Hébert pour celui de tout le midi de la France. Mais une différence est à noter.

La place de la couche à échinides paraît appartenir, pour la région étudiée, non pas à l'étage A, mais à l'étage à Ostrea uncifera.

A Illat, où l'on trouve dans les champs beaucoup d'Échinanthus subrotandus, j'ai pu découvrir le calcaire et les marnes qui les contiennent en masse et j'en ai déterminé la position; ces couches sont entre deux strates à Ostrea uncifera

A Raissac, j'ai trouvé aussi beaucoup de débris d'échinides dans l'étage B. Au Mas-d'Azil, j'en ai aperçu encore dans l'étage supérieur au calcaire à miliolites. Enfin, me trouvant récemment à Baulou, où il en existe beaucoup, comme on sait, j'ai rémarqué qu'ils sont partout accompagnés d'Ostrea uncifera, de polypiers, de cérites, comme à Illat et à Raissac.

Le nummulitique de Baulou est déposé dans une dépression des terrains

(1) Mém. Soc. géolog. 2e série, tome VI, page 321.


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crétacés et jurassiques. Il est situé au midi des grès sénoniens, et il pourrait être rattaché à la bande mummulitique méridionale de l'Aude et de l'Ariège. Il doit reposer sur le danien, car on observe partout des traces de marnes bariolées, et, à la Tuilerie du Sarda, la route de Vernajoul à Baulou coupe un lambeau de calcaire lithographique placé entre deux assises de marnes rouges. Mais ce calcaire parait avoir été emporté partout ailleurs en même temps qu'une partie considérable du nummulitique lui-même. Ce dernier forme une sorte de pli anticlinal, visible à Serny, mais peu reconnaissable ailleurs, les eaux ayant emporté, ainsi que je viens de le dire, une partie du nummulitique et du danien, produisant une sorte de sillon qui s'étend depuis Baulou jusqu'à la Tuilerie du Sarda. Cependant, lorsqu'on suit la route qui serpente au fond de la vallée, on voit les couches incliner tantôt au nord, tantôt au sud, suivant que le sentier coupe l'aile nord ou l'aile sud de la formation. Je ne pense pas qu'il existe là autant de failles qu'on en a supposé.

Quoi qu'il en soit, me trouvant à Serny, au point de bifurcation du nouveau chemin de Baulou à Pey-Thomas, et de celui qui conduit à la route de Foix à St-Girons, j'ai découvert dans des marnes versicolores, formant une voûte et alternant avec des calcaires dont quelques-uns sont compactes, sublithographiques comme la pierre de Nébias, j'ai découvert, dis-je, dans les marnes et aussi dans les calcaires, de nombreuses Ostrea uncifera,bien caractérisées, et j'en conserve plusieurs exemplaires.

Au-dessus des manies, dans l'aile nord comme dans l'aile sud du bombement, viennent des calcaires à échinides, avec polypiers, Ostrea uncifera, Cerithium, etc.

Continuant mes recherches, j'ai reconnu qu'il en est de même sur tous les points du nummulitique de Baulou. Ainsi, dans un champ, près de la Tuilerie de Pichot, j'ai trouvé des oursins et des Ostrea uncifera. Et entre cette tuilerie et le Sarda, j'ai vu les échinides avec les mêmes polypiers qu'à Raissac, avec les mêmes cérites et les mêmes bivalves qu'à Illat.

Donc, l'étage à échinides, le seul qui semble représenté à Baulou, n'est autre que l'étage à Ostrea uncifera.

On comprend l'importance de cette découverte, si elle est confirmée.

Les couches à échinides, très riches en miliolites, paraissent tenir lieu, dans les Pyrénées, de l'éocène moyen.

Or, à Illat et ailleurs , au-dessous de celte assise, existent 250 mètres de calcaires, moins riches qu'elle en miliolites, mais très fossilifères pourtant, surtout à la partie inférieure.

Ne représentent-ils pas l'éocène inférieur ?

Foix, le 10 juillet 1885.


ACTES DU XIIIe SIECLE EN FAVEUR DE SALAU (Ariège).

TEXTES ROMANS ET LATINS

Les hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem élevèrent des maisons de refuge sur les principaux passages des Pyrénées. Ils vinrent à Salau vers la fin du douzième siècle. Les actes les plus anciens, qui datent des premières années du siècle suivantes trouvent établis. Les donations, les achats de terrain se succédèrent rapidement ; les parchemins qui les mentionnent témoignent de la vie intense qui se déploya dans cette gorge sauvage, dont les rochers arides virent aussi se manifester le généreux élan de fondations pieuses et de créations utiles, gloire immortelle de cette féconde époque.

Le procès verbal de visite qui clôt, à peu près le siècle, indique l'importance qu'avait prise la maison de Salau, et le travail qui transformait l'àpre vallée. Sept à huit religieux étaient consacrés au service de l'hospice et à celui de l'église, qui n'a plus même aujourd'hui de curé; une vingtaine de travailleurs, qui s'étaient donnés à la maison comme l'indiquait leur nom de donats, s'employaient pour les voyageurs et les pélerins, gardaient les troupeaux, et fertilisaient ce sol ingrat, presque abandonné de nos jours par les habitants.

L'histoire de l'hôpital de Salau et la description de son église ont été publiées dans un autre recueil (1). Nous donnons ici quelques pièces du treizième siècle, choisies parmi les trente environ que contient le carton de Salau aux archives de l'Ordre de Malte (2), en latin ou en roman. Les formules juridiques employées dans les actes indiquent l'adoption du droit romain,et les derniers présentent un intérêt linguistique. Ils sont écrits en dialecte gascon, entremêlé de formes catalanes, qu'on ne doit pas être surpris de rencontrer chez les montagnards de la frontière, d'autant qu'à cette époque, beaucoup plus qu'aujourd'hui,les deux versants partageaient une vie commune, et que l'hospice de Salau était plus fréquenté encore par les habitants de la vallée espagnole que par ceux de la vallée du Salât.

Les caractères principaux du gascon se résument dans l'absence du v, la répugnance pour f et pour r initial, la suppression de n entre deux voyelles, la mutation de l en r et de / final en t.

Ces actes contiennent aussi des indications précieuses sur la valeur de l'argent à cette époque, ainsi que sur la manière d'évaluer les dates, qui seront précisées dans les notes. J. DE LAHONDÉS.

(1) Mémoires de la Société archéologique du midi de la France. XI, 410.

(2) Archives de la Haute-Garonne, Fonds de Malte, carton de Salau.


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L 1203. ENGAGEMENT DE TERRES ET DE DIMES

POUR UN PRÊT DE TRENTE SOLS MORLAS.

In nomine Domini. Sabedora causa es que, io P. d'Ost, le fil d'en Arnald de Palars, mesi penz (1) la quarta part del me dreit de Saused, et la quarta part del camp de la Artiga d'Angols, el me dreit del camp de Peyrafita, el me dreit de las delmas, per mi et per tot mo orden, et que ac deg fer bo de totz omes (2) à Dieu et à l'espital de Sancta-Maria de Salau et al comanador Domenge de la Artiga et als abitadors de l'espital que sobre escriut son, et so per XXX sels de bos morlas que mi presteren. Vezens et auzens (3) Pons de Puiol; en Cortes; en W. Joannes ; en Bertran d'Ost ; en Rogier deus Gratzens et Pons Dalmas. Istam cartam Willelmus medicus scripsit per manament d'aquest que sobre escriut son, anno dominice incarnationis m° cc° III 0, rege Filippo in Franciâ, Raimundo Convenarum comité, Navarre electo (4).

II. 1220.— VENTE D'UNE ÎLE POUR UN BOEUF (5).

In nomine Domini nostri Jesu Christi. Sabedora causa es que Amiel Galin et P. Galin an venuda la ila de Crabilgas (6) erma et cundreta embes le bazercal, à Dieu et à Sancta Maria et à l'espital de Salau per lur (7) et per tut lur orden, per un boeu de XV sols, Dometz (8) de Lartiga comanadur. Vezens et auzens Calabas; et P. Cabut; et Ramon Boier; et Donetz Cabut; et Gilem de Vie; Ramon de Saurina et muls. Et aco so feit davan la porta de la cleisa (9), mense septembris, anno ab incarnatione Domini m° cc° XX 0, estans reg Filip Francia; Navarre avesce de Coserans; Roger senor, fil de na Laia. Dometz lo neps del comanadur scripsit istam cartam de manament de très que son sober escriuts.

III. 1221. — DON D'UNE PIÈCE DE TERRE.

Notum sit omnibus hominibus hoc audientibus quod nos fratres, frater Arnaldus monachus, et Poncius atque Bertrandus, qui fuimus filii Arnaldi d'Ost,

(1) Mitto pignus, je donne en gage.

(2) Et que je le garantis contre tous hommes.

(3) Voyant et entendant.

(4) Navarre, évêque de Couserans de 1200 à 1220. Fragments de formules latines habituelles, mêlées aux membres de phrases en dialecte ; manament, forme gasconne de mandament ; de même à l'acte suivant, venuda pour venduda.

(5) Rapprocher cet acte des actes suivants de mars 1221 et de 1226, consentis par les mêmes personnages.

(6) Cette Ile, dans le Salât, porte encore le nom d'Ile de Malte. Erma et cundreta, les parties incultes et cultivées.

(7) Lur, tut, comanadur, formes catalanes.

(8) Dominique, le même commandeur de l'acte précédent.

(9) La porte de l'église était précédés, suivant un usage fréquent, par un porche-abri, lieu de réunion,, quelquefois même comme dans ce cas, de transactions et de marché. Il a été détruit au siècle darnier, et il n'en reste que quelques colonettes dressées auprès de l'église.


damus et concedimus Deo et béate Marie genitrici, eidem domui de Salau et omnibus fratribus ibidem Deo servientibus,unam terram quam habemus et habere debemus in villa d'Ost (1), inloco qui dicitur à Pratz, pro anima patris nostri et fratris nostri et pro anima matris nostre et pro animabus omnium(2) avunctorum nostrorum atque omnium defunctorum, ut fratres predicti hanc dictam terram habeant et teneant ad omnem suam voluntatem. Actum est hoc anno gracie m0 cc° XXI 0, feriâ IIa, nonas aprilis. (3)

IV. 1221.— CONFIRMATION DE LA VENTE DE L'ÎLE DE CRABILGAS.

PAR GALINIER.

Notum sit omnibus hominibus tam presentibus quam futuris quod, ego Petrus Galinerius, et Ramundus filius meus, assensu et voluntate filii mei Amelii et filiarum mearum, vendimus et venditione concedimus in alodium sine omni retentione, atque excusatione remotâ, per nos et per omnes pertinentes nostros, (4) nostram insulam quam habemus vel aliquo jure habere debemus, cultam vel incultam, cum ingressibus et egressibus, ad Crabilgas sub Costoaga, a fluvio usque ad viam, domino preceptori hospitalis de Salau, omnibus ejusdem domûs fratribus tam presentibus quam futuris, ad omnem illorum voluntatem complendam, per XII solidos morlanos monete. (5) Si quis ad hanc venditionem voluerit supradicte domui contradicere, in puteum Abyssi semper cum Datan et Abiron possit permanere. Nos verô de omni qualicumque forisfactore predicte domui debemus legalem guarentiam facere. Hujus rei sunt testes : Isarnus d'Amolis ; Dominicus, scolaris (6) de Salau; Rogerius de la Abadiâ; Dominicus Nager. Factam cartam Rogerius scripsit mense marcii, sabbato, lunâ XXVIIIIa, (7) anno ab incarnationé Domini m° cc° XXI 0. Philippo rege Francorum, Rogerio Convenarum, comité Palars (8) et vicecomite Coseranensi, C.(9) episcopo Coseranensi.

(1) Oust, chef-lieu de canton.

(2) Avuncti, aieux.

(3) Lundi 5 avril 1221. Pâques arriva en 1221, le dimanche suivant 11 avril. Il n'y a donc pas lieu de rectifier cette date, et l'année avait commencé le 25 mars, fête de l'Annonciation, suivant l'usage de la province durant le moyen âge, tandis que, dans plusieurs autres, elle commençait à Pâques.

(4) Traduction latine de la formule romane, per mi et per tôt mo orden.

(5) Le prix de la vente définitive et solennelle est indiqué en argent, soit que le boeuf mentionné dans les actes de 1220 et de 1226 n'ait pas été livré, soit qu'on ait préféré mentionner seulement sa valeur équivalente. Le sol, au XIIIe siècle, était une monnaie d'argent égale à peu près au franc actuel. Mais l'argent avait une valeur quatre à cinq fois plus considérable qu'aujourd'hui et un pouvoir beaucoup plus élevé encore. Ainsi, par exemple, les 15 sols, prix du boeuf mentionné dans l'acte de 1220, représentaient 15 francs de notre monnaie, valaient de 60 à 80 francs, au prix de l'argent de nos jours, mais donnaient le pouvoir d'acquérir un animal qui vaut maintenant sept à huit fois davantage.

(6) Scolaris, novice.

(7) Samedi de la quatrième semaine de carême 1221. L'année avait commencé deux jours auparavant.

(8) Palars, ville de Catalogne, qui a été le chef-lieu d'un comté.

(9) Cet évêque n'est indiqué dans le Gallia et dans tous les recueils que par l'initiale de son nom. Il avait succédé directement à Navarre, malgré les suppositions de quelques auteurs qui placent l'évêque Sanche entre les deux, puisqu'un des actes précédents daté de 1220, mentionne encore l'évêque Navarre.


— 341 — V. 1226. — ENGAGEMENT D'UN CHAMP. (1)

In nomine Domini nostri Jésus Christi. Notum sit omnibus hominibus tam presentibus quam futuris quod, ego Ramundus Galinerius et Amelius de Acaxero, accomodavimus ospitali béate Marie de Salau medietatem cujusdam agri, quod dicitur Combalonga, ut predicta domus et ejus domini nobis prestent XV solidos monete morlanorum vel talem bovem unde habere valeant istum nummum, et nos derelinquimus illis pro nobis et pro nostris predictum arvum, donec XXti anni sint elapsi ab initio hujus facti, nullo nostri generis futurorum nec presentium prohibente, nec deinceps rogatu alterius debuerimus ipsum abstrahere pro nobis solummodo vel precio vel amore. Et, si forte aliquando patiemur egritudine vel erumnâ, debent nos libenter in ospitali accipere, in nobis necessaria erogare; et, si mors nobis evenerit, tanquam fratrem, nullâ culpâ propriâ interpositâ, sepelire. (2) Hujus rei sunt testes Amelius Rubejus, scolaris; W. de Quairaco; P. de Forcadas; et R. de Sérac. Factum est istud octavo Kalendas septembris, in die nativitatis béate Marie (3), anno ab incarnatione Domini m0 cc° XXVI°.

VI. 1233. — ENGAGEMENT D'UNE TERRE PAR LE COMTE

DE COMMINGES.

Sabedora causa es que, io Rogier de Comenge, coms de Palars, luri et etnpeni (4) la tera Daqual,que en R. de Bunians ténia ni li sui, (5) à tu G. Cabalp et à R. to frayr et als vostres. per XX sols de bos diniers morlas, delsquals io son be pagat à ma voluntad, ab atal convenz (6) que, quan le fil d'en R. de Bunians tornaran al casai, que combren la tera ab los XX sols que vos redan de Martror en Martror, esplestas foras et io avant ditz coms que ne son leials guarent el meis (7) à tu G. Cabalp et à to frayr, et als vostres. Testes sunt : G. de Gel; G. Tolosan; et Bofil. C. (8) episcopo Coseranensi. Hoc fuit factum XVI Kalendas Decembris, feriâ VIa, epactâ VIIIa, anno ab incarnatione Domini, m0 CC° XXXIII°. B. de Sentenaco (9) me scripsit.

(1) Les Galinier empruntent encore une somme de quinze sols morlas ou sa valeur représentée par un boeuf comme dans l'acte de 1220. Bientôt d'autres vendront un champ pour trois chèvres. Ces échanges sont un indice de la rareté de l'argent monnayé dans ces rudes et pauvres vallées.

(2) La valeur du champ dépassait sans doute les 15 sols morlas, puisque les vendeurs se réservent le droit d'être soignés à l'hôpital s'ils deviennent malades, et d'y être enterrés.

(3) Suivant le mode romain de compter le temps, le 8 des calendes de septembre serait le 24 août ; mais c'est bien du 8 septembre qu'il s'agit ici, puisque la fête de la Nativité de la Vierge est mentionnée. On continuait à employer sans raison les noms usités de nones et de calendes, en adoptant le mode de compter par les quantièmes du mois, qui les rendaient inutiles.

(4) Trado et mitto pignus , je livre et je mets en gage.

(5) Et tui, et les siens.

(6) Cum talibus conventionnibus.

(7) Excepté toutefois que moi, comte susdit, j'en suis loyal garant avec les miens.

(8) Cérebrun, évêque de Couserans, 1229-1240.

(9) Le nom de Sentenac est répandu encore dans la vallée de Seix et de Salau.


VII. 1233. — VENTE D'UN CHAMP POUR CINQ SOUS MORLAS.

Sabedora causa es que, io Sancius de Viela, fil de Marsa, bacaler, vem la tera de Causlag franca et quitia, per mi et per tôt mo orden, à la maso de Salau et à los abitadors que i son ni i siran, per V sols morlas, delsquals io son be pagat à ma voluntag. (1) Vezens et auzens R. Garim ; P. del Gua ; U. Mir. Aquesta carta fo feyta el mes de Feurer Io segon dia al esig, (2) la luna XXV, epacta XIX 0, an de la incarnacio de noste Senor m° CC° XXXIII°. R. Conte de Palars, princeps en Coseran, C. abesque. B. de Sentenac me escriuc. (3)

VIII. 1235. — DONATION DE DIMES.

Sabedora causa sia à totz ornes als présents e als endevenidors que, io Pons de Puiol, per mi et per tôt mo orden,ab autreg et voluntag dena Gualart, derem tota la nostra part de las deumas d'Aseics (4) et la nostra part dels carez, tôt aiso derem à Deu et à l'espital de Salau,ab nostra filia na Blanca Flor,(5) et als abitadors de la mazo,als que i son ne ja i siran per totz los temps del segle.Et, si nuls om ni nula femna, les i contradisia re al sobredit do al espital de Salau ne als abitadors de la mazo, io Pons de Puiol et na Gualart, ma moler, et l'orden de nos les ne devem ester leials guarens. Aso feit ab totz bos convens aisi, cum mils pod ester dit ni entendug, à profeit de la mazo de Salau et dels abitadors de la mazo.Testimonis: W. Faurina, capera d'Aseics; en P, del Casteg; en At. del Casteg. Aquesta carta fo autrejada el mes d'aost, feria VIa, luna Ia, anno ab incarnatione Domini m° CC° XXX et V; Lodoic reg de Fransa; C. abesque de Coserans; Roger de Comenge, coms de Palars. Aquesta carta Gros la escriuc.

IX. 1242. — VENTE D'UN JOURNAL DE TERRE POUR TROIS CHÈVRES.

Sabedora causa sia à totz ornes als présents et als avenidors que, io Galbet de Corts, et io Maria moler de Calbet, et io Florensa fila de 1er, venem à Deu et à Sancta Maria de Salau, et à tu B. de Durban, comanador de Salau, et à totz los senors de la mayso et als abitadors, qui i son ni ja i siran, lo camp de Comalonga,

(1) Vohmtag, vem pour venem, formes caractéristiques du dialecte gascon.

(2) In exitu ; le second jour avant la fin du mois, c'est-à-dire le 27 février, façon de compter employée quelquefois à cette époque. L'année ne commençant que le 25 mars, cet acte doit être daté du 27 février 1202.

(3) La troisième personne du singulier, au parfait terminé par un c est caractéristique du catalan; mais cette forme est passée de ce côté des Pyrénées, et s'est maintenue même dans le patois de la vallée de l'Ariège.

(4) Notre part des dîmes de Seix et des droits qui nous y sont dus. Seix est une commune du canton d'Oust.

(5) Blanche Fleur, nom donné fréquemment au moyen âge ; na, particule honorifique

pour les femmes, comme en pour les hommes. La vente se faisait avec le consentement de a fille; ce n'est pas elle qui était donnée.


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so es asaber I jornal,loqual nos avem per esposalizi, (1) per très crabas que nos n'avem agudas. Et,si nuls om ni nula femna re contrastavaen la avant dita venda, nos et tôt nostre orden ne (2) devein estar leials guarentz per totz temps. Testes sunt : R. de Cortz; B. Faurina. Actum fuit hoc XVI Kalendas aprilis, fcrià IIIa, (3) lunâ XXIIIa ; sede vacante; Rogerius. Convenarumcornes. Pallearum princeps; anno Domini m° CC° XLIIa. B. de Sentenaco scripsit hanc cartam jussu utriusque partis supradictarum.

X. 1265. — DONATION.

Notum sit cunctis quod Centullus Despello,filius quondam domine Brune de Sueys (4), dédit libère et sine aliquâ retentione quam inde non fecit, pro se et omni suo ordinio, bono sensu et memorià, nutu ac voluntate suorum fratrum, scilicet Odonis et P. Surdi et Raymundi, Deo et béate Marie et domui de Salau ejusque habitatoribus presentibus et futuris pro suo ordinio orto vel orituro, pro redemptione suorum peccaminum et parentum suorum, totum censum de Bazer de Ainol,totum illudquod predictus Centullus nec domina Bruna de Sueys vel fraires sui habent et habere debent in predictocensu, tali modo quod predicta domus Sancte Marie de Salau ejusque habitatores teneant et possideant predictum censum de Bazer in perpetuum habiturum. El predictus Centullus et fratres sui pro se et omni eorum ordinio debent predicto domui de Salau et ejus habitatoribus bonam et firmam guarenciain de omnibus amparatoribus exhibendam. Actum est hoc anno Domini m° ce0LX°quinto; dieexitûsmensisMarcii; Lodovico, regeFrancie; R. comité Convenarum ; N. (o) episcopo Coseranense. Testes hujus rei sunt: P. de Sancto Licerio, miles; Fortanerius ejusque filius; Arnaldus deBidaros;Guillelmusde Castens.publicus notarius de Taurignano (6),qui hanc cartam scripsit.

XI. 1266. — VENTE D'UN CHAMP AU COMMANDEUR DE SALAU, ET DONATION DU COMMANDEUR A L'HOPITAL.

Conoguda causa sia que W. Lsarn d'Aseics (7), per se et per tôt so ordenh,ab aulred et voluntad de so filh Isarn que asi ero presens, venec et soubec (8) à frayr R. de Coriz et à tôt so ordenh per tots temps en durabletad tota la sua terra del Colhed Sauraga, ab so intrad et ab so eishid et ab totz sos apertenimens, de

(1) Par mariage, en dot.

(2) Ne, signifie en, ce n'est pas une négation.

(3) Il s'agit ici aussi du 16 avril, et non du 16 mars, seizième jour des calendes d'avril. En effet l'acte fut passé un mercredi, et le 16 avril 1242 était le mercredi de la semaine sainte, puisque Pâques arriva cette année le 20 avril.

(4) De Seix.

(5) Nicolas, évéque de Couserans 1246-1270.

(6) Taurignano, Taurignan, deux communes portent ce nom dans le canton de St-Lizier.

(7) De Seix.

(8) Vendidit et submisit.


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cei tro abis, (1) per fer totas sas volunlatz en durabletad senes nulh reteniment, que aqui no fe à li ni als sos; enanz s'en despulha del tôt, envestic en mes et corporal po-sessio, (2) ab aquesta présenta carta en durabletad valedora, lo dit frayr R. de Cortz el (3) orden de la eremiera à totz dreitz canonics et civiis, generals et especials, divinals et humanals, que à lu ni als sos pogues san valer ni ajudar en aquesta causa en denguna maneira, per XX sols de bos merc que lo dit frayr R. l'en dec, (4) en be se ten de lu et dels sos be pagad, (5) per que l'en manda bona et ferma garentia de totas personas, totz temps.

Dere caps, (6) lo dit frayr R. de Cortz, per se et per tôt so ordenh aqui présent, dona et autreja la sobdita terra del Colhed (7) Sauraga à Dieu et à la mazo de Beata Maria de Salau et als habitadors del dit loc, per fer totas sas voluntatz en durabletad senes nulh reteniment.

Aquesta carta fo autrejada VIII Kalendas octobris anno Domini m° CC° LXVI°. Lezoic, rei de Fransa ; N. abesque de Coserans ; A. d'Espanha, senhor. De la dita venda son testimonis T. en B. de Comenge W. d'Encortied; (8) A. B. d'Ost. De la dita donatio son testimonis : Vidal Dax ; Amielh de la Coma ; de Saint-Girons ; et B. de la Cort (9), de tôt, public notari de la terra dei soberdit senhor, que aquesta carta escriuc.

XII. 1267. — DONATION DE SIX SOLS MORLAS PAR LA VEUVE

DU COMTE DE COMMINGES.

Noverint universi quod nos, domina Grisa de Quer, non decepta nec fraude seu dolo, aut simulatione aliquà circumventa, sed spontaneo motuet voluntate gratuitâ recognoscimus et fatemur quod olim, cum accessimus apud Salau, post paucos dies post mortem nobilis viri domini Rogcrii Convenarum, conjugis nostri quondam, contulimus in perpetuum purâ et irrevocabili donatione inter vivos, in redemptione peccatorum predicti domini Rogerii et nostrorum, Deo et beate Mario de Salau et fratri Guillelmo de Lurbat, preceptori hujus hospilalis de Salau et conventui ejusdem hospitaiis presenti pariter et futuro, illos VI solidos morlas quos hommes d'Olus, (10) nobis, per ampararium, (11) in festo Johannis Baptiste

(1) De cela usque ad abyssum, le dessus et le dessous. VI final se résout souvent en u dans le dialecte gascon, et la syllabe se diphtongue ; ceu, pau, casau ; ici la forme cet est languedocienne. On voit aussi dans cet acte voluntad, autred, au lieu d'autreg et voluntag de l'acte de 1233. Ainsi cet acte renferme quelques formes languedociennes, qui s'expliquent par le voisinage de Toulouse et par la présence probable à Salau de religieux qui en arrivaient.

(2) Investit in merd et corporali possessione.

(3) El pour et V, comme plus bas als et dels pour à els, de els.

(4) Lui en donna.

(5) De quoi il se tient bien payé par lui et par les siens.

(6) De re accapitâ, de la chose acquise.

(7) Colhed, petit col, despulha, nulh rappelant le nullus latin, caractéristiques du gascon qui ne redouble jamais le l' et remplace Il par lh.

(8) D'Encourtiech, commune du canton de Saint-Girons.

(9) De Lacourt, commune du même canton, sur le Salat.

(10) D'Aulus, aujourd'hui ville thermale, canton d'Oust.

(11) Per ampararium, en reconnaissance de notre protection. Le mot n'est pas dans Ducange sous cette forme ; on trouve amparamentum.


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annuatim facere seu solvere tenebantur, et Petrum Pioc, hominem nostrum, et quiodquid juris habebam in dicto homme et omnibus bonis suis tempore donationis predicte. Quam donationem dictis predictis per nos factam, nos domina Grisa predicta, ratam et gratam habemus, et eam, tanquam possumus, confirmamus vobis fratri Guillelmo Arnahlo preceptori predicti hospitalis de Salau, nomine hospitalis predicti. Et predicta, ut ex nunc, Deo et béate Marie de Salau et vobis, nomine hospitalis predicti, purâ et irrevocabili donatione inter vivos, in redemptione peccatorum predicti domini Rogerii et nostrorum, confirmamus et donamus.

Item, nos frater Guillelmus Arnaldus, preceptor hospitalis predicti, nomine dicti hospitalis, predictam ratificationem, confirmationem et donationem a domina Grisa Deo et béate Marie de Salau et nobis nomine predicti hospitalis factam, accepimus et acceptamus.

Item, nos domina Grisa predicta, per nos et per omnes successores nostros, promittimus vobis predicto preceptori, nomine predicti hospitalis, quod de predictis omnibus illam guirenciam, quam pot rimus et debebimus, faciemus vobis et vestris successoribus universis. Testes hujus rei sunt : Bernardus de Embnno; et R.de Villa d'Ustol, (1) canonicus ecclesie sedis Coseranensis; Bernardus Macer de Rivis(2); et Petrus d'Alos, (3) et Petrus de Cerâ, clerici; et Guillelmus Martini, publicus notarius ville Sancti Giruncii et alie terre domini Arnaldi d'Ispanià, qui hanc cartam scripsit. Actum fuit hoc primo die mensis septembris, feriâ V°, anno Domini m° cc° LX septimo,régnante Ludovico, Francorum rege.

XIII. 1292. — VISITE DE L'HOPITAL DE SALAU PAR LE PRIEUR

DE SAINT-GILLES.

Novurint universi presentem litteram prospecturi quod, nos frater G. do Vilareto, prior sancti Egidii hospitalis sancti Johannis Jérusalem, cum venissemus in Coseranensem diocesim, causa visitandi domos et bajulias nostri Ordinis, et fratrem Petrum Saquier preceptorem de Salano venire fecissemus ad nos cum meliori parte fratruni et donatorum dicte bajulie, ad inquirendum super statum bajulie de Salano, invenimus, licet alias intelleximus, quod diversimode vivebant fratres et donati ipsius bajulie secundum consuetudinem domorum aliarum sancti Egidii prioratjs ; quod conversatio corum et dispositio Orduii nostro minime congruebat. Nam illi, qai apud Sanctum Martinum (4) morabantur, et alii de domibus infenoribus ad doinum de Salano et ilh de Salano ad domos inferiores motu proprio veniebant, quum eis videbatur, ad terras hùc et illùc discurrebant, preceptons sui licencia non petitâ.

Considérantes igitur, quum Dominus iu loco de Salano ad laudem sui nominis

(1) D'Ustou, commune du canton d'Oust.

(i) De Rieux, clief-lieu de canton de la Haute-Garonne.

(3) Alos, commune du canton de Saint-Gir ns.

(4) Sans doute un centre d'exploitation pastorale ou agricole appartenant à l'hôpital, auprès duquel, une chapelle était érigée selon l'usage. De même plus bas Pierrefitte et St-Jean.


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et beate Marie Virginis matris ejus miracula operatur, quod indecens videretur si, ubi Dominus virtutes facit, obmittereinus errores corrigere negligenter, ideôque de consilio et assensu fratris Bernardi de Miromonto, fratris P. de Cornello, fratris Hugoms Dalit, fratris P. Saquier, fratris Bertrandi Ranoardi, fratris N. de Lapradà et aliorum fratrum ibi assistentium, ordinationes in domo et bajulià de Salano diximus statuendas, fratribus, sororibus, ac donatis presentibus el futuris perpétué observandas.

In primis itaque ordinamus quod très fratres et très clerici donati aut secularcs semper in ecclesiâ de Salano sint ad servicium ecclesie deputati.

Item, unus frater qui claves domûs teneat, et unusdonatus qui molendinum teneat atque furnum.

Item,unus frater vel donatusad hostalariam qui venientes recipiet et hospites hospitet.

Item, sint in domo predicta, due ancille quemadmodum veterane ad servicium dicte domûs.

Item, duo donati vel duo alii scculares ad capras custodiendas. Item,unus donatus vel secularis ad porcos custodiendos. Item, duo donati vel duo alii scculares ad oves custodiendas. Item, sint apud Petrafitam unus frater et VIII homines ad faciendam lauranciam sive lahorcm (1) et commodumet negotia domûs cum unà ancillà antiquà, data vel etiam seculari, qui sint sub obedienciâ perceptoris de Salano.

Item, sit apud Sanctum Johannem unus frater vel donatus qui domum gubernet et regat, qui sit sub preceptoris obedienciâ de Salano.

Item, habeat secum il los in cortinà suà (2) quos preccptor de Salano cognoscere possit suflicienter.

Ordinando igitur prohibemus districtène in locis predictis major sit quantitas fratrum, sororum et donatorum, nec recipiatur quod superiùs est expressum, sine prioris Sancti Egidii licencia et consensu. Ordinamus prcterea quod residuum fratrum, sororum et donatorum, qui sunt apud Salanum, veniant apud Sanctum Martinum ad monitionem et preceptum preceptoris de Salano, et preceptor de Salano provideat eis tam superioribus quam inferioribus secundum posse et facilitates bajulie supradicte.

Item voluinus quod helecmosina consueta fiat semper apud Salanum secundum posse domûs, prohibentes ne preceptor, qui est aut qui erit pro tempore, possit nec deheat facere fratrem, sororem, nec donatum nec datam,corporaliter in totà ipsà bajulià de Salano. Et, si cum licencia prioris aliquem vel aliquam reciperet, caveat sibi quod non sint conjugio alligati. In spiritualibus verô possit recipere illas vel illos sine prioris licencia, secundum quod sibi videbitur faciendum (3).

(1) Laurancia sive labor, labourage. Laurancia ne se trouve pas dans le glossaire de Ducanne.

(2) Cortinu, intérieur de la maison.

(3) Le précepteur de Salau ne pouvait recevoir un frère, une soeur, un donat ou une donnée qu'avec la permission du prieur, mais il pouvait admettre des associés sans cette permission; in spiritualibus, terme opposé à corporaliter, c'est-à-dire dans la participation aux grâces spirituelles, dans le tiers ordre.


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Volumus etiam quod preceptor, qui erit pro tempore, mutuum faciat nec possit facere ad quantilatem sibi concessam usque ad C solidos, nisi faceret de licencia prioris sancti Egidii Et. si ultra C solidos muluum faceret, sit in justicià statuti niagisln Garnerii.

Ordinamus etiam quod fratrcs de Salano et de domibus superioribus non descendant ad Sancium Martinum neque ad Sanctum Giruncium, nec moeontur; nec illi de Sancto Martino et de domibus inferioribus ascendant apud Salanum nec vadant per terras discurreudo, absque prioris Sancti Egidii licencia vol sui etiam perceptoris.

Prohibemus etiam quod nec frater, nec soror, aut donatus aut data exire présumât a bajulià de Salano absque licencia preceptoris; et, si tantum fecorit, per domûs justiciam perducantur.

Volentes et ordinantes quod fraires et donati de Salano utantur servicio et officio quod utobaniur in seculo, secundum regulam hospitalis; et de hoc preceptor, si renuereut, compellere eos possit.

Predictas ordinationes fecimus de predictorum fratrum consilio, propter necessitatem bajulie et ad ipsius commodum et honorem, mandantes et precipientes districtè preceptori, fratribus, sororibus et donatis presentibus et futuris quod predictas ordinationes teneant inviolabditer perpetuô et observent. Et, si preceptor eas non faceret observare, volumus quod per domûs justiciam deducatur; in quà, si rebellis extiterit aut remissus , dicti preceptoris conscienciam honeramus.

Datum apud Sanctum Giruncium in diocesi Conseranensi, die martis ante festum omnium Sanctorum, anno Domini m° CC° nonagentesimo secundo (1).

SÉPULTURES GALLO-ROMAINES

DANS LA GROTTE SUPÉRIEURE DE MASSAT

FOUILLES D'OCTOBRE 1884

Au mois d'octobre 1884, me trouvant à Massat, j'ai voulu m'assurer si la grotte inférieure de Campagnolle, située à deux kilomètres du chef-lieu de la commune sur la route de Saint-Girons, si souvent remuée par des chercheurs renfermait encore quelques pièces dignes de figurer dans le Musée de Foix à côté de celles recueillies dans les fouilles dirigées, en 1882, par MM. Duclos et Grégoire (2).

(1) 28 octobre 1292

(2) Voir dans le Bulletin n° 1 de la Société Ariégeoise, en 1882, un article de M. Grégoire intitulé : Fouilles opérées pour le compte du Musée de l'Ariège.


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En outre, je tenais à explorer la caverne supérieure où on avait découvert, à plusieurs reprises, (1) des médailles et des poteries remontant à l'époque Gallo-Romaine. Ces trouvailles semblaient indiquer qu'aux premiers siècles de notre ère les habitants de la vallée avaient fait usage de cette grotte. Mais dans quel but ? Servait-elle de demeure permanente ou de campement provisoire? Y cherchait-on simplement un refuge en cas de danger ? N'était-ce pas plutôt un lien de sépultures? Le problème était posé ; pour arriver à une solution, il importait de réunir de nouveaux éléments d'appréciation.

I. — GROTTE INFÉRIEURE

Des tranchées dirigées en zig-zag ont permis de constater que le sol, bouleversé dans les moindres recoins, ne recouvrait plus de foyer intact. Des fragments d'os brisés, débris de la cuisine préhistorique, étaient mêlés à la terre, à la cendre et aux cailloux. Je n'ai pu recueillir que quelques objets d'importance secondaire, et probablement dédaignés par mes prédécesseurs : ce sont des silex, des morceaux de corne ou d'os grossièrement façonnés en forme de poinçon ou de polissoir.

L'expérience que je viens de tenter est, je crois, la preuve qu'à l'avenir les explorations s'étendant à l'intérieur de la caverne ne donneraient pas de résultats en rapport avec la peine qu'on aurait prise.

II. — GROTTE SUPÉRIEURE

De ce côté, j'ai été dédommagé de l'insuccès éprouvé à l'étage inférieur. J'ai déjà eu occasion de parler de cette grotte, lorsque, dans le premier numéro de ce Bulletin, j'ai annoncé les découvertes, dont on est redevable à M. Osmibn Galy, percepteur à Oust et à quelques autres chercheurs.

On pénètre par deux ouvertures orientées, l'une N. E., l'autre N. O., dans un porche ou vestibule à vastes proportions. A droite du vestibule, commence un couloir de deux cents mètres environ de longueur, d'un parcours aisé, qui se termine par une fosse en contre-bas ayant deux mètres de profondeur sur trois de large. A l'extrémité de cette fosse, le sol se relève brusquement pour donner naissance à un réduit de dimensions restreintes.

Parmi les débris de poterie rouge ou grise trouvés presque à fleur de terre dans le vestibule, quelques-uns sont d'une pâte assez fine; on remarque même une ornementation consistant surtout en raies, parallèles, nettement tracées sur le renflement des vases, dont quelques-uns se terminaient par un pied formé de simples moulures. Néanmoins la plus grande partie de la poterie dénote une fabrication grossière. C'est presque à la même place que M. Galy a ramassé une médaille en bronze de Dioclétien, d un module moyen, encore bien conservée.

(1) Voir dans le même numéro un autre article intitulé : Découverte de Médailles Romaines dans une grotte de Massat.


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En sondant le couloir, à quelques pas de l'endroit où il se détache du vestibule, on a rencontré une excavation naturelle s'enfonçant dans le calcaire, mesurant environ deux mètres d'ouverture sur un de profondeur. Elle contenait des ossements humains recouverts d'une couche de terre et de cailloux, où étaient engagés des fragments de plusieurs vases et notamment ceux d'une petite urne, le tout d'une forme élégante et d'une fabrication soignée. J'ai eu la chance de retirer un sou en bronze, de moyen module, à l'effigie de Germanicus, dont le nom apparaît lisiblement sur l'exergue. Du squelette, je n'ai pu conserver qu'une partie du crâne , et un tibia; le reste est tombé en' poussière. Actuellement les visiteurs du Musée de Foix peuvent voir, dans une vitrine de la série préhistorique, exposés sur des cartons ces débris humains, et, comme pièces justificatives , le sou de Germanicus, et les tessons de poterie. Les éléments du problème sont sous les yeux du public, qui connaît maintenant, en lisant ces lignes, dans quelles circonstances il s'est posé.

Pas plus que mes prédécesseurs, je n'ai remarqué la moindre trace d'habitation préhistorique; cependant, comme eux, j'ai constaté, sous la couche calcaire du couloir et de la fosse, l'existence d'ossements fossiles, dont plusieurs échantillons, déposés au Musée de Foix, appartiennent à Vursus speloeus et à d'autres espèces.

Pourquoi l'homme primitif préférait-il établir sa demeure dans la grotte inférieure, qui est basse, humide, sombre, tandis qu'à l'étage supérieur s'offrait un logement sain, vaste, aéré? Etait-ce la difficulté de se procurer de l'eau qui le portait à quitter les sommets pour se rapprocher du fond de la vallée? Ce sont autant de questions, dont la discussion ne doit pas trouver place ici.

Mais que conclure de ces différentes découvertes faites successivement dans la grotte supérieure ?

En effet, la sépulture que je viens dedécrire ne devait pas être seule. A l'entrée du couloir on avait déjà trouvé un fragment de crâne humain,la moitié d'un maxillaire supérieur de droite et une dent incisive inférieure. Dans une autre circonstance, un explorateur avait ramassé, presque au même endroit, deux médailles d'un Gordien et un poignard en fer. Ces pièces de monnaie, comme les fragments de poterie qui jonchaient le sol permettent d'induire que la grotte a servi de sépulture pendant la durée de l'Empire Romain. A une époque inconnue, sans doute dans le but d'enlever les objets précieux qu'on supposait placés auprès des cadavres, on a violé la plupart des tombes, brisé les vases funéraires, dont les débris auraient été dispersés avec les ossements humains. A en juger par la date des monnaies, les inhumations auraient commencé au premier siècle de notre ère, époque de Germanicus, pour ne prendre fin qu'après le règne de Dioclétien.

La crémation n'était pas pratiquée; on se contentait, après avoir déposé directement le cadavre sur le sol, de le recouvrir d'une légère couche de terre, qu'on protégeait par un amoncellement de cailloux. Les anfractuosités, que présentaient les parois du couloir, offraient des chambres funéraires toute prêtes, dont


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on n'avait garde de ne pas tirer parti. A côté du corps, on plaçait des vases, et, suivant l'usage païen, on ajoutait une pièce de monnaie pour permettre au défunt de payer le passage de l'Achéron.

L'homme préhistorique n'a jamais résidé dans cette partie supérieure de la montagne; le fait semble acquis. Mais, en d'autres moments, n'a-t-elle jamais servi d'habitation ? Je n'hésite pas à me rallier à l'opinion de M. Galyjavec lui, j'admets qu'en cet endroit il n'y a jamais eu de demeure permanente. Si, en cas de calamité publique dans la vallée, on y a cherché un refuge, ce n'a été que provisoirement. En effet, on ne remarque que quelques foyers de peu d'importance; partout ailleurs, le sol couvert de cailloux et d'argile rougeâtre a conservé sa couleur primitive, preuve évidente d'un séjour accidentel et de peu de durée. A mon avis, c'était un lieu de sépultures, adopté non pas à la suite de circonstances imprévues, mais choisi en connaissance de cause et ayant été affecté au même usage pendant un intervalle de temps plus ou moins long.

Dans le département de l'Ariège, et dans la région des Pyrénées centrales, les grottes funéraires , remontant aux Gallo-Romains , sont-elles spéciales à la vallée de Massat? Les habitants de cette contrée auraient-ils seuls conservé l'usage d'ensevelir les morts dans les cavernes, comme le faisaient leurs ancêtres aux époques préhistoriques ? En ce qui concerne l'Ariège, je ne connais que la grotte de Massat dont les sépultures puissent être attribuées à la période GalloRomaine; à Lombrives, à Bédeilhac. (1) il faut leur assigner une date plus ancienne. Il est nécessaire que de nouvelles découvertes viennent jeter quelque lumière sur ces points de notre histoire locale. Pour le moment, je dois me contenter de corroborer les observations de mes devanciers et faire connaître le résultat de mes fouilles. F. PASQUIER.

RENSEIGNEMENTS HISTORIQUES

Tirés des anciens registres de l'état-civil de l'Ariège,

On sait qu'avant la Révolution les registres de l'état-civil étaient tenus par 1 ) clergé paroissial. C'est en vertu de la loi du 20 septembre 1792 que ces documents ont été déposés dans les mairies et que la rédaction des actes a été confiée aux officiers municipaux.

Les prêtres ne se contentaient pas toujours de constater les baptêmes, décès et mariages des habitants de la paroisse ; ils mentionnaient souvent les faits locaux dont ils étaient les témoins; à la suite d'un acte mortuaire, par exemple, ils faisaient connaître la cause du décès, indiquaient le lieu de la sépulture et consacraient quelques lignes à la biographie et à l'éloge du défunt. Entre deux actes, on lit parfois le récit d'une catastrophe, qui brusquement est venue

(1) Cette grotte, se trouve sur le territoire de la commune d'Ussat appartenant au canton de Tarascon ainsi que Bédeilhac.


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causer la ruine dans une contrée; là, c'est un incendie; ici, c'est une trombe de grêle ou un orage; dans un autre endroit, un ruisseau grossi par les pluies est sorti de son lit et a occasionné dos désastres sur tout son parcours. Aux époques troublées, comme était le milieu du règne de Louis XIII. on constate les pillages et les massacres auxquels étaient exposés les malheureux villages. On peut également suivre la trace des épidémies là où elles s'étaient abattues et rencontrer parfois des observations précises sur le cours des saisons.

Après la révocation de l'Edit de Nantes, les registres des localités, où vivaient des Protestants, contiennent la mention des conversions. Le dépouillement de ces registres peut aider à faire connaître quelles ont été dans notre région les conséquences des mesures prescrites par Louis XIV contre les Religionnaires.

Les registres de l'état-civil sont, aussi une précieuse mine de renseignements pour la généalogie des familles et servent encore à établir des liens de parenté pour le règlement des successions. Les statisticiens et les économistes peuvent y faire des relevés concernant les mouvements de la population et y puiser des indications pour leurs travaux. Ce n'est pas à ces points de vue que nous abordons aujourd'hui la question ; nous ne considérons ces registres que comme de petites chroniques locales, de petits journaux où sont relatés une foule de faits et traits de moeurs qui, malgré leur importance, ont échappé aux chercheurs. Il importe de signaler les notes et les mentions ajoutées à la suite des actes, et, en les groupant, d'en faire profiter l'histoire, non seulement de la localité, mais encore de la province.

A tous ceux qui s'occupent de notre passé et qui s'intéressent à leur pays, nous recommandons de veiller sur les registres de l'état-civil antérieurs à la Révolution ; trop souvent, ils sont dédaignés et rejetés dans un coin, où ils sont exposés à l'humidité, à la poussière et à la dent des rongeurs, quand ils ne sont pas jetés au feu ou vendus comme inutiles. Ce n'est pas assez d'en assurer la conservation en les faisant relier et en leur donnant aux archives de la mairie une place convenable. Il convient, de plus, d'en faire un dépouillement méthodique et de signaler tout ce qu'ils contiennent de curieux pour l'histoire locale, et pour l'étude des anciennes moeurs. Ce serait pour le Bulletin de la Société Ariégeoise une bonne fortune de publier les notes les plus importantes qu'on pourrait découvrir dans les registres de l'état-civil, antérieurs à 1792.

Comme preuve de l'intérêt que présentent ces montions, nous prenons la liberté d'offrir à nos lecteurs des spécimens, que nous avons recueillis sur divers points de l'Ariège.

En général, nos plus anciens registres ne remontent pas au-delà des premières années du XVIIe siècle ; on pourrait citer les communes qui. comme Saverdun, possèdent des recueils datant du règne d'Henri III. Après 1736, les notes deviennent plus rares, et la rédaction des actes gagnent en précision ; les curés ne cherchent plus, comme certains de leurs prédécesseurs, à se faire,


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pour la postérité, les chroniqueurs des événements de leur temps. Un édit du roi Louis XV, en date du 9 avril 1736, était venu poser des règles fixes pour déterminer la forme des actes et le mode de conservation des registres et mettre fin aux digressions des rédacteurs.

I. — EXTRAIT DU REGISTRE DE L'ÉTAT-CIVIL

DE LA COMMUNE DE GAUDIÈS, 1628 (1).

Incursion à Gaudiès faite par les Protestants de la garnison de Mazères.

En 1626 (2) le duc de Rohan, à la tête des Protestants du Languedoc, se révolta contre l'autorité royale. A la fin de l'année suivante, poursuivi par les ducs de Montmorency et de Ventadour, il parvint, à la suite de plusieurs escarmouches, à gagner le Comté de Foix. Il pénétra dans Mazères où il établit garnison ; de là il se rendit au Mas-d'Azil pour soulever les Réligionnaires de la contrée.

La garnison de Mazères était pour le pays une cause de désolation et de ruine. Ce qui se passa dans la nuit du 4 janvier 1628, à Gaudiès, village situé sur l'Hers, non loin de Mazères, est un fait, qui donne la mesure des ravages, dont avaient à souffrir les gens de la campagne et des alarmes perpétuelles au milieu desquelles les événements les obligeaient de vivre.

De leur côté, les troupes royales, placées sous les ordres du prince de Condé, se montraient indisciplinées ; mais l'impunité n'était pas toujours assurée aux coupables, qui payaient de leur vie leurs déprédations.

Le curé de Gaudiès, en consignant dans les registres de l'état-civil les événements dont il fut le témoin, nous a conservé le souvenir de faits locaux, qui servent à faire connaître la situation du pays à cette triste époque.

TEXTE

4628, 4 janvier. — Incursion faite à Gaudiès par les rebelles

venus de Mazères.

Le quatrième jour du dit mois de janvier, environ les neuf heures du soir, vindront les rebelles de Mazères forcer la maison de Guilhem Gasquet. dans laquelle ils brûlèrent Germaine de Gasquet, (laquelle fut tuée d'un coup de mosquet) ; et autre Marguerite de Gasquet, et Jean leur frère. Comme aussi furent brûlés quatre enfants de Jean Gornac, savoir : André, Pierre et autre Pierre, Elisabeth; Jeanne de Crosilhac; Jeannette de Lagieil; plus encore Anne d'Amiel. Pour Pierre Raymond Amiel, son père, qui sauta de la maison, il fut

(1) Gaudiès, commune du canton de Saverdun.

(2) Voir le récit de ces événements dans l'histoire de Languedoc, par Dom Vaisète, tome V, pages 559,500 (ancienne édition), et dans l'histoire du Comté de Foix, par Castillon d'Aspet, tome II.


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grandement meurtri et mourut dans la rivière où l'on le jeta ; lequel avait soixante-quatre livres à la bourse.

Le dit Gasquet, sa femme, Jacques Arnaud, et Pierre sautèrent par la fenêtre.

Jean et Bernard Crosilhac, père et fils, Guillaume et Jean Villeroux, Bernard de Bras et la femme du dit Gornac, tous du dit lieu, aussi, sautèrent par la fenêtre.

Il y avait un nommé Barberousse, lequel fut fort blessé, se rompit la cuisse en sautant, et mourut deux jours après à Belpech.

1628, Mars. — Le quatrième jour du dit mois, dans le régiment de M. le Prince de Falebourg (1), fut passé par les armes un soldat, François de Troys, qui s'était écarté du régiment pour s'en aller. Lequel fut inhumé au cimetière du dit lieu ; présents Louis Falcon et Raymond Germa (2).

II. EXTRAIT DES REGISTRES DE LA COMMUNE

DE LARROQUE-D'OLMES (3) 1772.

Il ne s'agit plus de faits de guerre : les fléaux signalés sont causés par des inondations amenant la destruction d'usines et, comme conséquence, le chômage des ouvriers. En rédigeant cette note, le curé profite de l'occasion pour donner sommairement quelques détails sur l'industrie locale, qui est en souffrance. Le travail du jayet, qui jadis occupait plusieurs usines, périclite de plus en plus, parce que la mode en a passé.De même, pour la fabrication dos peignes en buis, qui constituait la principale industrie de la paroisse, il y a un ralentissement ; les ouvriers peuvent à peine gagner de quoi vivre et quelques-uns même ont émigré en Espagne.

Cette simple note, dans sa concision, fournit des renseignements intéressants sur deux industries qui, si elles ont disparu de Larroque-d'Olmes, se sont établis dans les localités voisines, à Léran, au Peyrat, à la Bastide-sur-l'IIers. Autrefois, comme de nos jours, les industries traversaient dos crises dont, à force de patience et de travail, on parvenait souvent à triompher.

TEXTE

Sera pour mémoire que le 5 septembre de la présente année, (1772) la rivière a si fort débordé qu'elle a entraîné aux Auraguels (4) un moulinet à jayet de

(1) Dans l'armée royale, dont le prince de Condé était le général, se trouvait un régiment ayant pour colonel M de Phalsbourg. En 1628, ce régiment assista à la reprise de Pamiers dont te duc de Bolian avait fait une de ses places fortes dans le Comté de Foix.

(2) En citant les textes, nous avons employé l'orthographe moderne, c'est un usage, qui tend à s'introduire dans la reproduction des documents postérieurs au règne d'Henri IV.

(3) Larroque d'Olmes, commune du canton de Mirepoix, arrosée par la rivière du Touyre, affluent de l'Hers: elle a dans son voisinage, Léran, le Peyrat, la Bastide-sur-l'Hers, situées dans le même canton, où se trouvent des manufactures de peignes et où le jayet est encore travaillé.

(4) Les Auraguels et les Curbeliers sont des quartiers du bourg de Larroque-d'Olmes.


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six meules, que j'avais fait construire pour le compte de M. Acher, de SainteColomb e (1)en 1754; en sorte qu'il ne reste plus que celui qui fut construit par M. Acher, un an auparavant, sous la moulinette au-dessus du pont des Curbeliers. Lesquels moulinets, pendant plusieurs années, occupaient quarantehuit enfants, qui pouvaient aisément gagner de quinze à vingt sous par jour. Heureusement pour leur salut et pour l'édification de la paroisse, cela ne dura pas longtemps, la modo du jayet ayant passé pour la troisième fois, de mémoire d'homme; en sorte qu'il ne reste plus que celui qui est sous la moulinette, encore y travaille-t-on si peu qu'il est fermé la moitié du temps. Le principal ouvrage qu'on y a fait de mon temps ont été des boutons de toute grosseur, et des plates (sic) (2) pour des colliers, quelque peu d'olivettes pour chapelets.

Il reste encore quelques peigneurs à buis, qui faisaient autrefois le principal des artisans de cette paroisse ; mais ils gagnent si peu qu'ils ont toute la peine à vivre. Quelques-uns sont passés en Espagne; quelques autres ont quitté le métier, et le reste tend à sa fin.

III. — EXTRAIT DES REGISTRES DE LA VILLE D'AX DE 1621 A 1654.

Los registres de cette commune s'étendant de 1621 à 1654 réunissent les divers genres d'intérêt que nous signalions au début de cet article. Deux prêtres, MM. Perpère et Dufils, qui se sont succédé comme vicaires, ont tenu à mentionner les faits dignes de remarque pour en transmettre le souvenir à la postérité. Cette période a été féconde en événements malheureux; et, grâce aux notes insérées à travers les actes de l'état-civil, nous pouvons nous faire une idée de ce qu'était la ville d'Ax sous le règne de Louis XIII. Epidémie, famine, misère causée par les impôts excessifs, pillages et troubles occasionnés par les soldats chargés de veiller à la défense de la frontière, rion ne manqua pour ruiner la pauvre cité. Le récit de la peste est navrant; le fléau fil, dans l'espace de sept mois, 625 victimes, au milieu d'une population qui ne devait être guère plus considérable que colle de nos jours. (3)

A notre époque, si les épidémies viennent causer des ravages, on peut constater qu'elles ont un caractère presque anodin en comparaison de celles dont nos aïeux ont eu à souffrir.

1° Pleurésies à Ax, 1621-4622.

L'an 1621, depuis le mois de novembre jusqu'à la fin de mars de l'an 1622, il mourut nonante-huit personnes grandes, qui me donnèrent une belle peine.

(1) Sainte-CoIombe-sur-l'Hers, commune du canton de Chalabre (Aude.)

(2) C'étaient sans doute des rondelles qui, attachées les unes aux autres, servaient à former les colliers.

(3) D'après le recensement de 1881, la population agglomérée d'Ax est de 1269 habitants.


— 355 —

Une pleurésie les prenait, et en moins de sept jours ils étaient morts. Le jour de Noël, j'ai dit la messe à deux corps présents.

PERPÈRE.

2° Observations sur les saisons, 1623. Le 7 mars 1623, a été enseveli maître Arnaud Castelnau, marchand de la présente ville et pareur de draps, après avoir dévotement reçu les sacrements de notre sainte mère église. Son corps, repose en paix au sépulcre de ses ancêtres, près du clocher de la grande église. Il est mort l'an de la neige ; cette année, a commencé à neiger à la Toussaint et a duré toujours sur la terre jusqu'à la fin du Carême, qui était le 15 avril an que dessus. (1)

PERPÈRE, vicaire.

3° Mortalité des petits enfants par la petite vérole, 1624-1625. Sommaire des petits enfants qui sont morts en la présente ville d'Ax de la petite vérole en l'année 1624 et 1625, prenant depuis la Toussaint de l'année 1624 jusqu'au huitième de mars de l'an 1625.

Suivent les noms de quarante-trois petits enfants. La mortalité de ces petits enfants a été si grande que le nombre est arrivé jusqu'à nouante ou environ, et je n'ai achevé de les écrire pour ne savoir leurs noms.

PERPÈRE.

4° Arrivée de la peste, 1630.

Le sixième jour du mois d'avril 1630, a été enseveli maître Bertrand du Teinturier, de la présente ville, après avoir dévotement reçu les sacrements de notre mère sainte église. Son corps est enseveli à l'entrée du cimetière, à main droite, contre la paroi du chemin. Il a été regretté de plusieurs, parce qu'il était fort homme de bien.

En ce même temps, la peste et autres maladies contagieuses sont et ont été si grandes, dans ce pauvre royaume de France, que la plus grande partie des villages ont été comme déserts et inhabités. A Toulouse, dans deux ans, sont mortes 60.000 personnes, (2) chose que nous savons être véritable, parce que le père Natal, capucin, qui a prêché à Ax la présente année, nous l'a ainsi assuré pour avoir été lui-même témoin oculaire du tout, comme exposé et confesseur des pestilérés. Et parce qu'il est ainsi, me suis signé, audit Ax, les an et jour susdits, en foi de ce dessus.

PERPÈRE, vicaire.

(1) En 1623, Pâques tomba le 16 avril.

(2) L'exagération n'est pas aussi forte qu'on pourrait le supposer à première vue. Ce chiffre ne diffère que de dix mille avec celui donné par Dom Vaissète (Histoire de Languedoc, tome V, page 577, ancienne édition). D'après ce savant bénédictin, la peste fit à Toulouse, pendant les années 1630-1631, cinquante mille victimes.

L'épidémie fit également des ravages dans plusieurs localités du comté de Foix de 1629 à 1631. A Tarascon, il y eut 225 décès. (Voir l'Histoire du Comté de Foix, par Castillon d'Aspet, pages 374 à 375).


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5° Misère causée par suite des impôts excessifs, 1630.

Le 17e jour du mois d'avril 1630. a été enseveli Gaujoube Darnaud, après avoir dévotement reçu les sacrements de notre mère sainle église. Cette année-ci, outre et par dessus les maladies contagieuses ci-dessus décrites, le royaume a été affligé de guerres; lesquelles nous causent des tailles excessives et insupportables, de telle façon que celui qui a un setier (1) de blé de rente, l'a besoin pour payer la taille du fond. Et encore ce qui a été le pis, c'est que depuis Pâques, le blé a été si cher qu'il a coûté dix-huit livres le setier et davantage, et la famine a été si grande et géuérale que le pauvre peuple mourait de faim; et parce que c'est vrai je me suis signé.

PERPÈRE, vicaire.

6° Empoisonnement d'une femme, 1629.

Le 14° jour de novembre 1629, Françoise Gaspe a été ensevelie, après avoir reçu les sacrements de pénitence. Elle est morte de disgrâce, car son mari, du lieu de Pradcs, martinaire, (2) lui a fait un potage avec de l'arsenic, chose qui a donné de rétounement à tout le public, chose que nous avons vue de nos yeux el entendue de la propre bouche de la dite défunte. En foi de quoi.

PERPÈRE, vicaire.

7° Notice sur la mort d'un habitant, 1630.

Lo 26° du mois de juillet 1630, la nouvelle est venue que Roger Aymeric était mort à un petit village près de Limoux, appelé Cépie. Et, parce qu'il mourut que personne ne le connaissait, son frère et autres y allèrent pour vérifier s'il était le môme, le firent désonsevetir et l'on connut que c'était lui-même. Au rapport dudit son frère et d'autres, il s'en alla de sa maison, sans rien dire à personne, laissant ses enfants et sa maison pour aller en pélerinage. Et déjà s'étaient passés neuf mois que personne n'en savait nouvelles. Et, parce que est vrai, me

suis signé.

PERPÈRE, vicaire.

8° La peste à Ax depuis la veille de Saint-Jean-Baptiste (3) de l'an 1631 jusqu'environ la fête Saint-Vincent 1632. (4)

L'an 1631, et la veille do Saint-Jean-Baptiste, la peste fut découverte dans la présente ville d'Ax, étant Messire Arna.id Bonne), archiprêtre; messire Jean Tardieu, notaire; Jean Petit Sarda, Arnaud Cassé et Guillaume Castelnau, consuls.

(1) Le setier d'Ax correspondait environ à l'hectolitre.(Voir la métrologie de Souquet.)

(2) Martinaire, aujourd'hui, dans la région on dit Martinetteur, c'est l'ouvrier qui, dans les forges à la Calalane, dirige le marteau destiné à battre le fer. Prades est une commune du canton d'Ax.

(3) 23 juin.

(4) 22 janvier.


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La peste fut découverte de la façon c'est qu'un marchand capier (1) (sic), de Toulouse, vint se loger chez Bernard Fournier, dit Pailhézi; lequel était blessé de la dite peste, et venant à chercher des racines des lis pour lui en appliquer, il fut découvert; et lesdits consuls y furent le visiter avec maître Daniel de Bordenave, médecin; et suivant sa relation, il fut trouvé pestiféré; pourquoi ils le tirèrent de la ville, de nuit avec quatre flambeaux, et le logèrent dessous le château de Mau, (2) en vue de la ville, et près la métairie de Tardieu, où il mourut le lendemain, sur le midi; et est enseveli au même lieu. De la print une telle terreur aux habitants qu'ils ne savaient que faire. Enfin ils résolurent de chasser dessous la ville toute cette famille où il s'était logé.

Et, en moins de six semaines après, ou le mois d'août, la peste fut tellement échauffée dans la ville et aux villages du consulat qu'ils moururent ou grands ou petits, savoir, dans la ville 625 ou environ; à Sorgeat (3), 260 ou environ; à Ascou, 180. A Vaychis, Ignaux, Savignacet autres villages du consulat, la peste n'y toucha pas tant, mais il y en mourut plusieurs qu'on n'en sait pas le nombre.

Nos magistrats s'étonnèrent si fort, voyant un tel ravage que les trois y laissèrent la vie, en voulant y donner quelque ordre. Et Tardieu, consul premier, fut blessé, mais il en guérit.

Quelques-uns furent d'avis d'y mettre un capitaine, lequel chassa tout le restant du peuple, et sain et malade, de ladite ville.

Et ce fut environ la fête de la Toussaint que le mal commença à cesser. Les désinfecteurs, que la ville avait envoyé chercher à Pamiers, travaillèrent si bien qu'environ la mi-octobre elle fut entièrement désinfectée; et les habitants, sains ou qui avaient fait leur quarantaine, commencèrent de s'y remettre, étant au préalable visités par le sieur Caffetelly, chirurgien de Pamiers, que la dite ville avait gagé à cet effet, et eux et leurs habits et autres bardes désinfectés sur le pont du Cousillou (4).

Environ la fête de Saint-Vincent de l'année 1632, tous les habitants furent réunis dedans la ville, étant par la grâce de Dieu guéris; alors unanimementdonnèrent des louanges à ce grand Dieu et lui offrirent sacrifices publics en actions de grâces avec precessions solennelles et autres oraisons qu'ils instituèrent. Et depuis, les litanies de Notre-Dame se chantent tous les samedis apiès compiles devant son autel et image. Par les suffrages de la mère de Dieu, depuis cette prière, nous avons été grandement soulagés; plaise à la divine bonté de nous pardonner nos péchés et nous conserver en sa grâce!

Je n'ose ici découvrir les misères, cruautés et calamités que souffrirent tous

(1) Capier, ce mot signifie sans doute un chapelier ou plutôt un marchand de capes ou manteaux

(2) C'était un lieu fortifié au dessus d'Ax, datant du Moyen-Age et dont il ne reste que des ruines.

(3) Sorgeat, Ascou, Ignaux, Savignac, Vaychis, situés dans les environs d'Ax, faisaient partie du consulat de cette ville.

(4) Ce pont est situé sur la rivière de la Lauze, à l'entrée du faubourg du même nom, sur la route de Foix.


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les habitants de cette pauvre ville; et certes je pense qu'elles sont si grandes que, si je voulais les raconter toutes, ce livre serait trop petit pour les contenir, et ceux qui les liraient ne pourraient croire tout ce que la vérité même m'en pourrait suggérer. Je me contenterai de dire que jamais pareille misère ni infortune n'était arrivée en cette pauvre ville depuis qu'elle est bâtie. Il est vrai qu'elle a été deux fois brûlée, mais tout cela n'est rien au prix de cette poste. Le service divin fut discontinué, et les prêtres disaient Ja sainte messe à la Condamine (1) et aux champs.

Cependant, dans la ville, il n'y eut que pillerie et désordre, et qui de ça qui de là, le peuple mourait de faim, sans être aidé de personne. Le père abandonnait son fils, le mari, sa femme,et sauvait qui pouvait.Les paysans les chassaient comme l'on chasse les ours et les loups et ne leur voulaient bailler du pain pour de l'argent. Enfin tout était tellement en désordre que les larmes m'en viennent aux yeux, seulement quand j'y pense.

Il y mourut force gens de bien. M'a mère Cécile de Munyer, issue de noble race y mourut aussi, le second d'août 1631, et plusieurs autres de mes parents.

Je prie ceux qui liront ceci, et tous ceux qui viendront après nous, de servir ce grand Dieu avec plus de respect et de crainte que nous ni nos devanciers n'avons fait, pourquoi avons été si vigoureusement punis et châtiés par un juste vengeur, et de garder ses saints commandements avec toute dévotion; conservant surtout le culte qu'ils lui doivent, il les conservera et ne les châtiera comme à nous; et c'est la prière que lui en faisons très humblement (2).

Et, pour tout ce que nous venons de décrire est véritable, nous sommes signé.

A Ax, le 24° juin 1633.

PERPÈRE, d'Orgeix, prêtre.

(1) Territoire situé entre la route de Foix et celle de Prades, à l'entrée de la ville. A proximité d'un grand nombre de localités du Midi, se trouvait un territoire, qui portait ce nom. On appelait généralement condamine un terrain situé prés d'une ville, livré à diverses cultures, et dont les propriétaires étaient dispensés d'acquitter certaines redevances.

(2) Dans une brochure intitulée : (a ville d'Ax, sou consulat et sa chatellenie Foix 1868). MM. Benjamin Hivière et Fonds-Lamothe ont donné un résumé de cette note [pages 22-24.) Après la poste, un procès dont le dossier est aux archives de la ville, s'engagea entre les consuls et un pharmacien, qui avait vendu des remèdes.

(La suite au prochain numéro.)


RENSEIGNEMENTS HISTORIQUES

Tirés des anciens registres de l'état-civil de l'Ariège.

(1) 9° Récit de la mort de deux habitants d'Ax, tués au siège de Corbie

en Picardie, 1636.

Le 20e Mars 1637, M. le chevalier de Bonrepaux, sieur de Mane (2), nous a écrit la mort de Jean Bastian, mon cousin. Il était à la guerre au service du Roi avec son frère Arnaud Bastian, à la compagnie de M. de Biron; Jean était gendarme et lieutenant du sieur de Bonrepaux, à ce que lui-même nous a écrit et se vérifie par les rôles de la dépense et distribution des paiements qu'il a dressés de sa main, devant que mourir, pour toute la cornette de cavalerie. Il est mort dedans Corbie en Picardie, en soutenant à la brèche l'assaut, que les Espagnols leur donnaient, avec plusieurs gentilshommes et autres bous soldats, et ont conservé la place à sa Majesté. (3)

Arnaud mourut en septembre dernier, aussi devant la dite ville de Corbie, ayant la pique en mains, étant à la compagnie des gens de pied du dit sieur de Biron ; de la sorte c'est que le gouverneur, qui était dedans pour la ville, trahit la garnison et prit de l'argent des Espagnols ; et ayant fait composition qu'il devait sortir avec sa garnison la mèche allumée, il rendit la ville ; étant donc sortis, les Espagnols ne tinrent parole, mais se ruèrent sur l'infanterie et les taillèrent en pièces, entre lesquels mourut le dit Arnaud Bastian. mon cousin, d'un coup de pique. Comme du tout est vérifié des lettres que Jean, son frère, a écrites ; lesquelles sont entre les mains de ma cousine, leur mère (4). En foi de quoi me suis signé. A AX, ce 24e Avril 1637.

PERPÈRE, d'Orgeix.

10° Observations sur les saisons, 1637. Cette année 1637, il a fait un des beaux carêmes qu'il ait fait, je pense, dé(1) Voir le numéro 10 du présent Bulletin.

(2) Bonrepaux et Mane sont deux villages, situés non loin l'un de l'autre, sur les bords du Salat, le premier, dans le canton de Saint-Lizier (Ariège), le second dans le canton de Salies (Haute-Garonne.)

(3) Après cet assaut, la ville, ainsi que le constatent les paragraphes suivants, ne resta pas longtemps en possession des Français, qui durent capituler.

(4) Au commencement d'Août 1630, les Espagnols, commandés par le prince Thomas dé Savoie, s'avancèrent dans la Picardie, franchirent la Somme et s'emparèrent de plusieurs places fortes. Le marquis de Belleforièrères de Soyecourt, gouverneur de Corbie,essaya d'opposer quelque résistance; mais, après huit jours de siège, il signa la capitulation. On accusa de trahison le marquis de Soyecourt, qui se réfugia à l'étranger pour se soustraire à la sentence prononcée contre lui. Un conseil de guerre l'avait condamné à être tiré à quatre chevaux et à avoir ses biens confisqués. (Voir Daniel, Histoire de France, Tome XIV, pages 743, 751, 768, 780 )

Sur quelques points, le récit de la prise de Corbie, tel que le donne le curé d'Ax d'après des documents contemporains, ne concorde pas toujours avec celui du Père Daniel. Cet auteur assure qu'il n'y eût ni brèche ni assaut et ne parle pas de la violation de la capitulation ; tout en reconnaissant la trahison du gouverneur, il ne va pas jusqu'à prétendre qu'il ait reçu de l'ennemi une somme d'argent.


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puis la création du monde. Le beau temps a commencé le premier jour de carême et a duré tout le mois de mars, sans pleuvoir, que le jour de Notre-Dame (1) une petite rosée douce comme en été, et après a continué jusques à Pâques (2) et encore jusqu'au 24e avril, vendredi après Quasimodo.

PERPÈRE.

11° Meurtres et pillages occasionnés par les soldats en garnison à Ax ou dans les environs pendant la guerre entre l'Espagne, 1654. Mardi 3e jour de Mars 1654, avons enseveli le corps de feu Arnaud Cicard, fils de François, d'Ascou, qu'un gendarme de la compagnie durégiment de Biron tua dimanche dernier; étant entrés à la force au dit Ascou pour lui avoir le cheval, ils tuèrent aussi un fils de Louis Naudou, charpentier, blessèrent à mort Doumenge Maleville, et maltraitèrent plusieurs autres du dit Ascou, le dit dimanche, sur la nuit. Et le lundi second du dit mois, do matin, par crainte d'être chargés, s'en allèrent emmenant vingt-quatre bêtes ou mulets ou chevaux, avec tout le pillage qu'ils purent emporter.

Moi qui l'atteste, DUFILS, prêtre.

Mardi 10 Mars 1654, avons enseveli le corps de feu Domeuge Maleville, d'Ascou, dernier mentionné, blessé de seize coups de tranchant d'épée en la tête, visage, bras ou mains, et neuf particulièrement à la tête que le cerveau se voyait (3). Etant moi vicaire,

DUFILS, prêtre.

Vendredi 27 Mars 1654, avons enseveli le corps de feu Antoine Rougé, de Sorgeat, décédé en cette ville, ayant été blessé au dit Sorgeat par un des gendarmes durégiment de la Fore, logés à Prades et venus de nuit au dit lieu de Sorgeat pour piller ; lequel lui rompit la jambe d'un coup de fusil. Etant moi, vicaire,

DUFILS, prêtre et organiste.

IV. — EXTRAIT DES REGISTRES DE L'ÉTAT-CIVIL DE LA COMMUNE DU PEYRAT, 1642 ET 1660 (4).

1° Prise, pillage et incendie du Peyrat par les troupes du comte de Carmaing, août 1622. — Massacre des Catholiques par les Protestants, 29 septembre 1622. — Peste au Peyrat, juillet 1632.

2° Baptême d'une cloche au Peyrat, 9 juin 1642.

En 1622, au commencement de l'été, les Protestants du Languedoc, sous

la conduite du duc de Rouan, étaient en pleine insurrection. A ce moment

Louis XIII, à la tête de ses troupes, s'acheminait vers Montpellier, dont il

comptait entreprendre le siège.

(1) 25 Mars, jour de l'Incarnation de Notre-Dame.

(2) En 1637, Pâques était le 12 avril.

(3) MM Benjamin Rivière et Fonds-Lamothe ont noté ces faits dans leur brochure sur Ax, page 23.

(4) Le Peyrat est une petite commune du canton de Mirepoix, située sur les bords de l'Hers, non loin de La Bastide-sur-l'Hen.


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Les Religionnaires du Comté de Foix ne tardèrent pas à prendre part à la lutte ; guidés par Gabriel de Lévis, baron de Léran, ils essayèrent de s'opposer à la marche du comte de Carmaing, (1) gouverneur du pays de Foix. Après les avoir contraints de se réfugier dans Mazères, il remonta la vallée de l'Hers où les rebelles s'étaient fortifiés d'une façon particulière. Pendant deux mois, une lutte acharnée fut circonscrite dans cette région, limitrophe du Bas-Languedoc et du Comté de Foix.

Le 5 juin 1622, le comte de Carmaing rejoignit à Larroque-d'Olmes un corps d'armée royale ; le 6, il attaqua et prit le château de Mireval, (2) dont les défenseurs furent massacrés ; le 7, il se présenta devant le Peyrat, dont faute d'artillerie, il ne put s'emparer.

A la fin d'août, il vint de nouveau attaquer le Peyrat ; cette petite place soutint un siège, pendant lequel périrent MM. de Marquein et de la Brosse, et ne succomba qu'à la suite d'un assaut livré le 26 de ce même mois. Le bourg fut pillé et livré aux flammes ; on ne fit aucun quartier aux soldats et aux habitants qui ne purent s'échapper. Le comte de Carmaing poursuivit le cours de ses succès ; le 28 août, La Bastide-sur-l'Hers (3) fut ravagée par l'incendie; le 4 septembre, Limbrassac (4) fut emporté d'assaut. Quelques jours après, le château de Léran se rendit à composition. Toutes les places qui appartenaient au baron de Léran ou s'étaient déclarées en sa faveur ayant fait leur soumission, le comte de Carmaing congédia une partie de ses troupes et rentra dans son gouvernement.

Toutes ces opérations militaires sont racontées avec précision dans l'histoire du Languedoc ; (5) mais on n'y trouve aucun détail caractéristique susceptible de faire connaître les conséquences de la guerre et la haine dont étaient animés les uns envers les autres les Protestants et les Catholiques de cette même région.

Après la prise de leur village, les gens du Peyrat avaient été obligés d'aller chercher un refuge dans les localité voisines. Les Catholiques s'étaient retirés à Sainte-Colombe-sur-l'Hers, (6) et les Protestants à Léran. Le 29 septembre, jour de la Saint-Michel, les Catholiques, croyant que toute cause de danger avait disparu, se rendirent au Peyrat pour retirer des ruines de leurs habitations tout ce qui aurait pu échapper au pillage et à l'incendie. A cette nouvelle, les Huguenots s'empressèrent d'accourir, et, tombant à l'improviste sur leurs malheureux concitoyens, ils en tuèrent dix-sept. A l'exception de quatre ou cinq, les victimes furent enterrées sans cérémonie religieuse là où elles avaient été frappées.

(1) Louis de Montluc, comte de Carmaing, était gouverneur du Comté de Foix ; il conserva ses fonctions jusqu'à sa mort survenue en 1646.

(2) Mireval ou Miravail. petit hameau de la commune du Peyrat.

(3) La Bastide-sur-l'Hers, qui s'appelait autrefois La Bastide-de-Congoust, est une commune du canton de Mirepoix, non loin de Larroque-d'Olmes.

(4) Limbrassac, petite commune du canton de Mirepoix, située dans l'intérieur des terres, non loin de Mirepoix.

(5) Histoire du Languedoc, ancienne édition, tome V, pages 534-635.

(6) Petite commune du canton de Chalabre (Aude), non loin de la Bastide-sur-l'Hefsi '


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Le pauvre village n'était pas encore au bout de ses épreuves. En 1632, l'année pendant laquelle la peste fil tant de ravages à Toulouse et dans le Comté de Foix, ainsi que nous l'avons constaté plus haut (1), la contagion fut introduite au Peyrat par un huguenot ouvrier en peigne, qui arrivait de Carcassonne où le fléau sévissait avec vigueur. Le curé, en signalant les ravages causés par l'épidémie, rapporte qu'il mourut une douzaine de Catholiques; pour les Protestants, il se contente de dire qu'il en succombât un plus grand nombre.

Dans les notes du curé se rencontrent deux particularités qui méritent de ne pas passer inaperçues.

Le huguenot, qui apporta la peste, était ouvrier en peigne. N'est-ce pas là une preuve que, déjà sous Louis XIII, la fabrication des peignes,qui est aujourd'hui une des industries les plus florissantes de la région, existait dans la vallée de l'Hers.

Parmi les victimes du fléau dont on cite les noms, se trouve un certain Philippe Lionnois, régent. Si nous relevons ce nom, c'est pour montrer qu'à cette époque et dans un pays aussi reculé l'instruction primaire n'était pas négligée, puisque le village possédait un régent.

Malgré la guerre civile, malgré la peste, le Peyrat, dès 1642, était parvenu à sortir de ses ruines; même la prospérité y était assez grande pour que l'on pût songer au plaisir. Le 9 juin de cette année-là, c'était fête au village; on baptisait solennellement une cloche pesant 155 livres, dont la dame de Léran était la marraine. Après la cérémonie, à laquelle assista nombreuse compagnie, il y eut souper chez le bailli.

Le récit du curé se termine par une description de la cloche et par le détail de ce qu'en avait coûté la fabrication.

TEXTE

Sera mémoire comme le vingt-neuvième d'août 1622 le Peyrat, la Bastide et Avelanet (2) furent brûlés par l'armée conduite par M. le comte de Carmaing, qui tuèrent tout autant des habitants qu'ils purent attraper. Et furent pendus ou passés par les armes six Catholitiques ou Huguenots à cause de leur rébellion.

Le sixième juin de la même année 1622. Miravail fut brûlé et saccagé par la même armée, où furent tués trente-six Catholiques et un seul Huguenot.

S'étant réfugiés les Catholiques à Sainte-Colombe, et les Huguenots du Peyrat et de la Bastide à Léran, il arriva que le vingt-neuvième septembre, jour de Saint-Michel, les Huguenots étant avertis que les Catholiques fouillaient dans les

(1) Voir page 355 du précédent n° du Bulletin.

(2) Dans les registres de l'état-civil, la notice que nous publions se trouve reproduite deux fois. Une des versions ne fait pas mention de la prise A' Avelanet, qui n'est autre que la ville de Lavelanet, chef-lieu de canton de l'Ariège, ancienne dépendance de la seigneurie de Mirepoix. L'autre texte, au lieu d'Avelanet, porte Aiguillanes qui est une section de la commune de Villeneuve-Aiguillanes, dans le canton de Lavelanet, non loin du Peyrat. Dans l'énumération donnée par Don Vaissète, Lavelanet et Aiguillanes ne sont pas citées.


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ruines du Peyrat, les Huguenots vindrent et tuèrent dix-sept de teurs concitoyens sur la place. Et furent ensevelis chacun à l'endroit où il fut trouvé, hormis quatre ou cinq, qui furent ensevelis au cimetière du dit Peyrat sans nulle cérémonie ecclésiastique.

Depuis ce temps-là en mourut fort peu jusqu'à l'année 1632, au mois de juillet que la maladie contagieuse fut découverte au Peyrat, y étant portée de Cascassonne par un huguenot peigneur, qui y travaillait. En moururent au dit Peyrat douze Catholiques ou environ, sans compter un plus grand nombre de Huguenots, entre lesquels Catholiques furent Guyonet Coste, Barthélémy Autier, Marguerite Baillard, François Cars, jeune garçon, Bernard Anglade et deux de ses enfants et trois enfants du dit Autier;un régent nommé Philippe Lionois, et un nommé Burrabil. Pour tout le reste des morts, il ne s'est pas tenu registre jusqu'à l'année 1638.

Je, Jean Brustier, docteur en sainte théologie, ayant trouvé dans un trèsmauvais état les registres des baptisés, morts et mariés, et quasi tout inachevés, ai taché de les tirer et de les mettre très-exactement, autant qu'il a été en mon possible, dans le présent registre. Fait au Peyrat, le 20 Août 1660.

Sur quoi me suis soussigné. BRUSTIER.

Il sera mémoire que le neuvième de juin de l'année 1642, qui était le lendemain de Pentecôte, la cloche du Peyrat fut bénie par M.Jean Dutilh, pour lors recteur du Peyrat ; M. de Sannac jeune, avec Madame la vicomtesse de Léran, en furent parrain et marraine. Le dit sieur y donna cinq livres seize sous, et la dite dame y donna deux cannes de toile. Il y avait grande compagnie, et après vêpres soupèrent tous chez M. Antoine Coste, pour lors bailli du dit lieu.

La dite cloche pèse 155 livres toute nue. Elle fut faite aux dépens du dit Dutilh, qui y fournit pour 50 livres en tout ; le chapitre de Mirepoix y fournit 20 livres ; et la communauté fournit le reste jusqu'à 120 livres, que la dite cloche coûte en tout.

Elle fut faite par François Girard, maître fondeur de Villasavary,(1) auquel fut donné 24 livres pour la façon, et fut faite à Chalabre où la dite communauté fit apporter la matière de quoi elle fut faite, qui coûtait 9 sous la livre.

Prions tous à Dieu qu'il lui plaise agréer le tout pour l'amour duquel le tout a été fait.

Pour le second de juillet, elle fut montée au clocher où elle puisse être en bénédiction en longues années.

(1) Petite commune du canton de Chalabre (Aude).


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V. — EXTRAIT DES REGISTRES DE LA COMMUNE DE SAINT-JEAN-DE-VERGES (1) 1659.

Subvention des Etats de Foix pour réparer l'Eglise

dévastée par les gens de guerre.

En 1659, les troupes tenant garnison dans les environs de Foix étaient un fléau pour les habitants. Les Etats de Foix furent obligés de voter une subvention en faveur du village de Saint-Jean-de-Verges, qui avait eu particulièrement à souffrir des ravages d'une soldatesque assez indisciplinée pour piller même les églises. Le curé profita de l'occasion pour faire dans son église toutes les réparations, dont il a donné le détail dans un registre de l'état-civil, où l'on trouve, en outre, l'énumération des ornements sacerdotaux possédés par la fabrique.

TEXTE

L'an mil six cent cinquante et neuf, les Etats du pays de Foix ayant égard aux désordres que les gens de guerre avaient causés pendant le grand quartier d'hiver, donnèrent au village de Saint-Jean la somme de trois cents livres et à l'église du dit lieu pillée par les gens de guerre la somme de cent livres. L'année suivante un paroissien de la même paroisse donna de surplus à la dite église la somme de vingt et huit livres. Lequel argent, moi étant recteur et Barthélémy Carme et Jean Petit Fauré, tous deux marguillers du village de Saint-Jean, avons employé, avec le consentement des paroissiens, à faire ce qui s'en suit.

Avons fait blanchir toute l'église du dit lieu, allonger le rétable, changer le maître-autel, paver la choeur de pierres de taille, fait faire un marche-pied en menuiserie, des gradins (lesquels avons fait peindre), et un devant d'autel avec les crédences, fait vitrer l'église.

Lesquelles réparations montent, selon qu'on peut voir par mon compte cicouché, 285 livres ; je n'ai reçu de l'église que 139 livres, et l'église me doit 46 livres. En foi de quoi ai dressé le présent mémoire.

MÉMOIRE DES ORNEMENTS.

1. Quatre chasubles : une noire, une rouge, une blanche et une de diverses

couleurs ;

2. Deux pluviaux : un noir et un rouge ;

3. Un calice ; 4. Un surplis ;

5. Six nappes d'autel ;

(1) Saint-Jean-de-Verges est une commune du canton de Foix, à sept kilomètres de cette ville, sur la route de Pamiers.


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6. Huit serviettes ;

7. Trois corporaux ;

8. Six purificatoires.

Le 8 décembre, Jean Maury sortant de charge a rendu compte devant moi et Barthélémy Carme, marguiller, et n'a resté rien et s'est obligé à nous décharger de tout ce que nous pouvons devoir à M. Curé, marchand de Foix jusqu'au 24 août 1668.

Signé : MOLINIER.

DÉCOUVERTE ARCHÉOLOGIQUE A MONTARDIT

SEPTEMBRE 1885.

Dans le courant du mois de septembre dernier, en défonçant un champ, à l'endroit appelé Seillou, au Nord-Est et à environ 100 mètres du village de Montardit, au bord de l'ancienne route du Mas-d'Azil à Saint-Lizier, le nommé Caujolle Augustin, dit Feuillerat, a découvert, à un mètre de profondeur, une petite pièce de monnaie rongée par le temps.

Cette petite pièce m'ayant été présentée, je l'ai examinée et j'ai reconnu aussitôt une monnaie romaine; la monnaie représente l'empereur Gratien vengé par Théodose de son meurtrier Maxime. D'un côté se voit l'effigie de Gratien, avec cet exergue : Gratianus Augustus ; de l'autre côté est figuré Théodose tenant Maxime par les cheveux, avec cet autre exergue : Gloria Romanorum. A l'oeil nu les inscriptions sont à peine visibles, et il faut la loupe pour déchiffrer ce qui en reste.

Maxime, général romain dans la Gaule, se fit proclamer empereur par les légions qu'il commandait. Gratien marcha aussitôt contre lui. Mais, abandonné par ses troupes, Gratien chercha à regagner l'Italie. Atteint à Lyon, il fut pris et massacré par ordre de Maxime en 383. Théodose, déjà associé à l'empire, lui succéda et c'est lui qui fit frapper la monnaie, qui vient d'être découverte à Montardit.

La présence de cette pièce de monnaie dans un champ attenant à l'ancienne route, et à proximité du village de Montardit, prouve que les légions romaines ont séjourné dans nos contrées. Cette assertion se trouve corroborée par l'existance d'un mur Gallo-romain, qui fait partie d'une maison du village de Montardit.

La petite pièce, dont il s'agit, est entre mes mains, et je la destine au Musée de l'Ariège, ainsi qu'une autre petite pièce en argent très ancienne et d'un caractère particulier, qui exercera très certainement la sagacité des numismates. Sur


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cette pièce, qui n'est pas ronde, mais à pans coupés, sont dessinés, d'un côté un étendard, et de l'autre côté, une croix aux quatre bras à peu près égaux, avec une tour et deux léopards dans les angles formés par les bras de la croix.

Montardit, le 24 Octobre 1885. J. CABIBEL,

Curé de Montardit.

PRONE PATOIS DU XVIe SIECLE

I. — AVANT-PROPOS.

En 1538. un éditeur de Lyon, Denis de Harsy publia un rituel du diocèse de Toulouse. Il peut sembler singulier qu'on ait fait imprimer dans une ville éloignée un ouvrage d'un intérêt aussi local et d'un usage aussi constant. Dans son étude sur l'établissement de l'Imprimerie, en Languedoc, (1) M. le docteur Desbarreaux-Bernard a donné l'explication de ce fait. A l'époque de la Renaissance, les rapports commerciaux entre Toulouse et Lyon s'étaient considérablement accrus, surtout au point de vue de la vente des livres. A la fin du XVe siècle et au commencement du XVIe, Lyon imprimait souvent pour Toulouse et Toulouse, plus rarement à la vérité, pour Lyon.

Ce rituel, devenu fort rare, a été l'objet de deux notices bibliographiques : l'une est l'oeuvre de M. le docteur Noulet, (2) qui en a donné lecture dans la séance du 5 Mai 1874 à la Société Archéologique du Midi de la France ; l'autre est due à M. le docteur Desbarreaux-Bernard. Dans un tirage à part de son étude sur l'établissement de l'imprimerie en Languedoc, il a fait une description de l'ouvrage en question et a même reproduit le prône patois. Celte publication comprenait à peine une centaine d'exemplaires, qui n'ont pas été mis dans le commerce ; aussi le document peut être considéré comme presque inconnu. (3)

Au point de vue liturgique, ce volume, comparé à un rituel de notre époque, provoquerait de curieuses observations. On découvrirait la trace de coutumes dont la tradition s'est peu à peu effacée ; on y rencontrerait des oraisons qui rappellent de vieux usages locaux. Un semblable travail révélerait des particularités, dont les archéologues et les historiens pourraient tirer parti.

(1) Histoire du Languedoc, nouvelle édition, tome VII, p. 626-627. (2) Bulletin de la Société Archéologique du Midi de la France, 1874. (3) Le prône est au feuillet LXXXVII du volume et remplit huit pages. Comme le reste de l'ouvrage, il est imprimé en caractères gothiques.


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Tel n'est pas notre but : nous tenons seulement à faire connaître un texte montrant ce qu'était au XVIe siècle le patois officiel de notre région. Nous nous servons à dessein du mot officiel; car, banni des chancelleries, des délibérations municipales, des minutes notariales, le patois s'était réfugié dans les églises. Les prêtres, pour se faire comprendre des fidèles, avaient recours au dialecte populaire. A notre époque, du reste, dans la plupart de nos campagnes méridionales, les curés ne s'expriment pas autrement, en prêchant à leurs paroissiens. II n'est donc pas étonnant do trouver dans un rituel du XVIe siècle, destiné au diocèse de Toulouse, un modèle de prône rédigé dans un idiome familier à tous, et, pour beaucoup, resté seul compréhensible.

Notre exemplaire (1) a appartenu à un prêtre du diocèse de Pamiers, ainsi que le prouve une note manuscrite, qui se trouve insérée en marge du paragraphe contenant les prières pour le Roi Très Chrétien. Pour bien spécifier, après le mot Rey, le prêtre a ajouté de Fransa ; vient ensuite le passage indiquant que des prières doivent également être faites pour le roi de Navarre, comte de Foix. Au XVIe siècle, le patois de Foix présentait donc une assez grande ressemblance avec celui de Toulouse, pour que le même texte put être lu couramment devant les gens des deux pays.

Nous avons noté toutes les particularités qui, à un titre quelconque, nous ont semblé dignes de remarque. Au point de vue de l'ensemble, contentons-nous d'observer que, sauf un ou deux passages, le texte est correct, facile à comprendre. L'orthographe est celle qui convient à notre idiome et qu'un grand nombre de personnes, Versées dans l'étude des dialectes méridionaux, s'efforcent de faire prévaloir en écrivant et en faisant imprimer du patois. Pendant un certain temps, on a essayé dans l'orthographe de figurer la prononciation; comme chacun prétendait représenter les mots avec les lettres qui semblaient le mieux aptes à rendre le son exprimé, il en résultait une véritable anarchie, et le même terme, suivant qu'il était écrit par divers auteurs, n'était plus reconnaissable. On réagit actuellement contre ce système et ou revient à la méthode qu'employaient les seribes du Moyen-Age et les éditeurs de la Renaissance, méthode rationnelle et plus conforme au génie du patois. Un des principaux motifs qui nous ont engagé à rééditer le prône d'après le texte primitif, c'est d'offrir un spécimen capable de servir de modèle à ceux qui s'intéressent aux publications patoises.

En certains passages on reconnaît les habitudes des écrivains de la Renaissance qui s'ingéniaient à compliquer l'orthographe , en ajoutant des lettres inutiles. Ainsi un se termine toujours par g (img.). L'y est employé de préférence à l'i. Nous avons noté que l'éditeur a mis pesquam constamment, au lieu de posquam (puissions), velgua au lieu de volgua (veuille). Posquam et volgua sont des formes plus régulières, et qui, en tous cas, sont usitées de nos jours.

(1) Volume, petit in-8° de 150 feuillets. Trouvé dans une maison appartenant à une des plus anciennes familles de la ville d'Ax, il a été donné aux archives départementales de l'Ariège.


— 368 — TEXTE DU PRONE

MODUS CONCIONANDI AD POPULUM

Ensiec se la forma et maniera de dire les mandamens et préguarias en lengage vulgar de Tholosa , laquala les rectors et vicaris de la dita dieucésa ténen ordiniaraiment en las perroquias et gleysas de la dicta dieucésa de Tholosa.

Honorables senhors et donas, en aquesla sepmana y a festas, lasqualas Sancta Mayre Gleysa vos manda et fa à saber :

Prémièrament, doma, que sera dylus, per bon cap de sepmana, Sancta Mayre Gleya solempnisara la festa d'ung apostol, grand amie de Nostre Senhor, so es, Mon Senhor Saint Peire, laqualla vos mandi colle (1) et solempnisar, comma le journ de houey, que es le sanct dimenge.

Et quant la dicta festa d'apostol, ho autra que aia vigilia, se esquay al dit journ de dylus, la vigilia de talla festa se deu mandar de junar le dissabte d'avant. Et quant ve la festa en autre journ, le déjuni (2) se deu mandar le journ davant; et aytal hom deu dire dels autres journs, sian apostols, martyrs, eonfessors ho verges; et las festas déclaradas hom deu dire.

En aquesta sepmana no y plus festa que à my sian à comandar ny à vos autres colle ; las que y son Sancta Mayre Gleysa solempnisa tant per ella que per vos autres. Toutz les journs son festas et dimenges an aquels que son en estât de gratia ; plasia à Nostre Senhor Dieu Jésu-Christ que toutz el toutaz y siam, et al présent sy nous éram privatz de la gratia, per sa sancta miséricordia nous y velgua tournar et métre.

Toutz et toutas (3) qu'etz assemblatz en aquest sanct loc, que est dict la gleysa militanta, dévotament, cornes de bona costuma , faretz las préguarias, afin que Nostre Senhor Dieu las velgua exausir en la gleysa triomphanta.

Prémièrament farem préguaria per la patz, per laquala Nostre Senhor es voulgut descendre del cel en terra. Pax (4) spiritualla velgua (5) donnar à las armas (6), et tambe pax corporalla (7) als corpsses, per que la effusieu que hom vel toutz les journs sus la terra, que Costa tant de ré(1)

ré(1) de colere, célébrer. Ce mot n'est plus guère usité.

(2) Déjuni, il y a certainement une faute d'impression; et il faut : jéjuni.

(3) Dans d'autres passages au lieu de toutas il y à toutes.

(4) Pax. Au commencement du paragraphe, on a écrit : patz.

(5) Velgua A la même ligne le participe de ce verbe est voulgut.

On trouve dans le milieu de ce même paragraphe vel et non vol. Il convient de remarquer qu'en patois on dit actuellement volgua et vol, formes qui semblent plus régalières que velgua et vel.

(6) Armas. Ames. En vieux français on disait également armes pour âmes.

(7) Pour former le féminin des adjectifs de ce genre, on redouble l devant l'a. : il n'y a d'exception que pour laquala qui dans tout le prône, ne s'écrit qn'avec une seule l.


— 369 —

démis, prengua (1 ) fy. Et toutz poscam vieure dignament en aquest monde et conquestar le réaime de Paradis.

En après farem préguaria per Testament de Nostra Sancta Mayre Gleysa, com es per Nostre Sanct Payre le papa , loqual es cap do la Sancta Chrestiantat , vicari et loctenent de Dieu en terra; que Dieu ly donne (2) longa vida , per que el pesqua (3) gouvernar la Sancta Chrestiantat en bona et perfieyta unieu et gardar que la sancta fécatholiqua no sia opprimida de sos énémicz.

En après y ajusterem cardinals, patriarchas, archévesques, avesques, abbatz, priurs, rectours et autres aben cura d'armas, que Dieu lor donne la gratia de ben et dignament las goubernar (4), perque, al jorn (5) del final jugament, bon compte ne pesquam rendre davant Dieu.

Tout ansi que nous avem faita préguaria per Testament spiritual, préguarem per le temporal; et prémièrament per nostre senhor le Rey, loqual es ung bras de Sancta Mayre Gleysa et à bon dreyt dict tresque (sic) chrestia; que Dieu ly donne longuament (6) prospérar en aquest monde forsa et poissansa et Victoria contra sos énémicz, perque sos subjectz pesquan vieure en patz et tranquillitat (7).

Pareilhament prégarem per les que son del sang réal, com es Mosenhor le Dalphi, Mosenhor d'Orlenx (8) et autres ducz, contes, barons, et autres que son del conseil del Rey. Que Dieu les tengua en salut, perque els pesquan servir le dict senhor et ly donnar bon conseil et bon vouler de le tenir et croire.

(1) Cette phrase n'est pas très intelligible. Si on la traduisait littéralement, on semblerait souhaiter que le développement de la paix prenne fin Le sens doit plutôt être le suivant: Prions... pour que le développement de la paix, qu'on veut tous les jours sur la terre, qui coute tant a obtenir, soit acquis.

Nous traduisons : effusieu par développement, et nous pensons que prengua fy veut dire : devienne définitif, arrivi à une fin, soit acquis

(2) Donne. Pour ce verbe, qui est à la troisième personne du présent du subjonctif, on termine par un c. Dans les autres verbes employés au même temps et à la même personne, la terminaison est en a.

(3) Pesqua. Dans le paragraphe précédent, on trouve posquam. Comme on dit encore actuellement pos et non pes, il semble que posqua serait plus régulier que pesqua. Ailleurs on trouve pesquam.

(4) Goubernar; dans le paragraphe précédent, il y a gouvernar. La b et le v sont substitués l'un à l'autre.

(5) Dans d'autres endroits, on trouve journ au lieu de jorn.

(6) Pour rendre le sens plus clair, il semhle qu'il faudrait per prospérar.

(7) Une preuve que l'exemplaire de ce rituel a servi à un prêtre du Comté de Foix, c'est qu'après le mot Rey, on trouve écrit à la main de Fransa. En outre, après Chrestia un signe renvoie à une note manuscrite insérée en marge de la page et qui contient les mots suivants :

Et per le noble Rey de Navarre, conte de Foix et per toutz les de la familia réala. De plus, au lieu de ly on a écrit à l'encre dans l'interligne, lor. . que Dieu lor donne... et au lieu de sos, on a mis lors : lors énémicz... lors subjectz L'écriture des notes est du XVI° siècle; le roi de Navarre, dont il est ici question, doit être Henri d'Albret, époux de Marguerite de Valois, soeur de François I. Henri d'Albret mourut en 4 555; et sa fille Jeanne d'Albret mariée à Antoine de Bourbon, lui succéda.

(8) Le Dauphin, dont il était question, n'est pas le prince qui devint Henri II Ce Dauphin, ainsi que le duc d'Orléans son frère, moururent du vivant de leur père, François I.


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Semblablement fa rem préguaria per la terra que es delà la mar; en laquala Nostre Senhor Dieu Jésu-Christ es volgut naisse et morir; laquala es dicta Sancta à causa dels sanctz mistéris que y son estatz accomplitz de nostra rédemptieu; laquala de présent es entre las mas dels infidels; que ly plasia, el que a cor dels princes en sa ma, que, d'un g voler unanyme, se pesquan assemblar per conquestar et rétournar la dicta terra entre las mas dels Crestias, per que le sieu sanct nom y sia plus exaltat et le sanct sacrament de l'autar et autres sian ministratz de part de là comma son de part de çà.

En après en vénéran las sanctas réliquias que son en aquest sanct temple, comma son de Sanct... ho... Sancta, préguaren à Dieu (1) que lor velgua tenir et augmentar la vertut et perrogativa, per tal que aquels que dévotament en lor nécessitât les voldran réclamar, bon rémédi y pesquan trobar.

Conséquemment prégarem per totz les malautz et malautas d'aquestas parro quias ny (2) d'autra part. Que les que son malautz de malautia spiritualla, com es de peccat mortal ho d'excumenge (3), que Dieu, per sa sancta gratia, lor velgua donnar la médécina spiritualla que lor y es nécessaria. Et als que son véxatz d'enfermetat corporalla, com es de fèbres, mal caut, (4) ho autre mal contagios, que Dieu, per sa sancta gratia, lor traméta la sanétat que lor es nécessaria.

Pareillement farem prégueria per toutz les péléris que son anatz visitar les sanctz locz delliérusalem, de Roma, Saint-Jacme ho (5) en autres locz. per accomplir las obras de miséneordia; que Dieu lor donne gratia de sanctament accomplir lor viage; et d'am gauh (6) et salut pesquan rétournar à lor maiso et nos fassa participais dels bes que els faran de part de là; et à els (7) d'aquels que nos farem de part de sa.

Après nous farem préguaria per aquels ho aquellas que an ajudat et ajudan toutz les jours à hédificar aquesta gleysa et la ornan de vestimens, (8) calicis, libres, albas. (9) corporals, et autres ornamens appartenens al servici de Dieu.

Que les tres passatz sian récébutz per sa sancta gratia al loc de répaus, et les que son vieus les tengua en prépaus de continuar.

Semblablement préguarem per les frutz de la terra, comma son Llatz, vis et autres frutages; que Dieu per sa sancta gratia, les que sonrécullitz, velgua gar(1)

gar(1) à Dieu; le régime indirect après un verbe actif, quand il s'agit d'une personne, est une tournure espagnole, qui a été usitée et quon retrouve encore dans nos dialectes méridionaux.

(2) Ny est ni employé dans le sens de et

(3) Excommunié.

(4) Mal caut. Ce mot indiquo sans donte un refroidissement, une fluxion de poitrine.

(5) Saint-Jacques de Compostelle.

(6) Gauh, joie, de gaudium.

(7) Tournure ellyptique, c'est-à-dire, que Dieu les rende participant des biens que nous amasserons par de ça.

(8) Vestimens. ornamens. Par le premier ternie, il faut sans doute entendre les tentures qui servaient à décorer l'église : par le second, on doit comprendre les ornements proprement dits.

(9) Alba, Aube.


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dar de foc et de malas mas, et les que son à recullir, garde de gélada, lempesta, neula (1) et de tout autre inconvénient, per tal que les que an présa la péna de les gardar et cultivar s'en pesquan entretenir et ne far almoynas plasentas à Dieu.

Après préguarem per aquels que an portat le pa per senhos (2), dont es dict pa de chariat ; que longuamment pesquau continuar en augmentatieu de bes temporals et diminuatieu de vicis.Toutz los (3) que prénetz d'aquest pa, per Testament d'aquels que l'an donat, etz tengutz de dire ung Pater et una Ave Maria, et gasanharetz (4) XL jours de perdo.

Nous toutz que em (5) assemblatz en aquest sanct loc, farem préguaria à Dieu que, quin comensament (6) ho moyan que nous ajam agut, qu'el nous donne tant bona fi que nous pesquam anar à sa gloria de Paradis.

Tout ansi que nous avem prégat per les vieus, es causa convenable, justa et sancta causa préguar per las armas dels trespassatz, comma son de nostras payres, mayros, frayres, sors, auiols, auiolos, et autres amiez et parens et benfactors ; que si lors armas éron détengudas en las pénas de Purgatori per peccalz oblidatz, pénitentias non coiuplidas ho autres défaillimens contra el comméses, que ly plasia, per sa sancta piétat et miséricordia, las traire d'aquélas pénas terriblas et las colloquar à la gloria éternala de Paradis.

Et per tal que Nostre Senhor Dieu Jésus-Christ, tant per les vieus que per les mors, velgua acceptar aquestas prégarias, entre vos autres que etz del monde, mentre que l'office diviual se célébrara, diretz per cinq véguadas lo Pater Noster et sept véguadas Ave Maria. Et nos del estat ecclésiastic direm le psaulme, que es coustumat de dire : Laudale Dominum, omnes gentes, laudate eum, omnes populi, etc.

D. (7) Ostende nobis, Domine, misericordiam tuam.

R. Domine, exaudi, orationem meam ; et clamor meus ad te veniat.

D. Dominus xobiscum.

R. Et cum spiritu tuo.

OREMUS

Prétende, Domine, misericordid tuâ famuliset famulabris tuis dexteram celestis auxilii, ut te loto corde perquirant et, que digne postulunt, assequantur.

(1) Neula de Nebula, brouillard, intempérie.

(2) Présentation du pain béni au nom des seigneurs.

(3) Los ne se trouve que deux ou trois fois, tandis que partout ailleurs on emploie les.

(4) Gasanha, gagner, ce mot n'est plus guère usité.

(5) Em, sommes.

(6) Commencement ou milieu de la vie.

(7) Toutes les prières précédées d'un D qui, dans le texte ancien, étaient imprimées sous forme de rubrique, indiquent qu'elles étaient prononcées par le prêtre, à qui répondait l'assistance par les versets marqués d'un R. Les autres prières étaient dites par le prêtre seul.


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PRO DEFUNCTIS

D. A portâ Inferi.

R. Erue, Domine; et, Domine, exaudi orationem meam; et clamor meus ad te veniat.

D. Dominus vobiscum. R. Et cum spiritu tuo.

OREMUS

Absolve, Domine, quesumus, animas omnium fidelium defunctorum ab omni vinculo delictorum, etc., per Christum Dominum Nostrum. Amen.

Toutz et toutes dévotament farem la confessieu générala, per que Dieu la vos prengua per espèciala, en fasen le senhal de la crotz, en disan : In nomine Patris et Filii et Spiritus Sancti.

(1) Totum ad longum : Pater Noster. Ave Maria. Credo in Deum.

Et in posterum dicat coni'essionem generalem cum absolutione.

Misereatur vestrî, omnipotens Deus, etc.

Del mandamen de mossenhor l'official de Tholosa, vos dénuncian (2) per excumengiatz ;

Fachieliers, (3) fachieliéras, divins, divinas ;

Rénouiers, rénouiéras (4) ;

Tot home que meta la ma sobre capéla, ho clerc, so que sia son corps deffenden ;

Tot home ho tota femna que desturba le divinal offici;

Tot home et toto femna que tengua carta ny bilheta per se fe paga le deute autra véguada ;

Tot home et tota femna que bota son petit enfant jage (5) al lîeyt entro que aja ung an et ung jorn, et aysso, per les escandals que s'en poden enséguir.

Item vos dénuncian per excumengiatz los que son en nostre registre: et primo aytal N. et aytal N , toutz les excumengiatz per excumengiatz (6) , toutz les interditz per interditz; toutz los départem dels bens de Sancta Mayre Gleysa, entro que sian vengutz à bénéficis de absolution (7).

Las causas, que son dignas de récomandation, vos récomandi prémièrament la honor de Dieu et de la Verges Maria et de toutz los Santz et

(1) Ce sont des indications pour le prêtre qui lisait le prône.

(2) Régulièrement il faudrait dénuciem.

(3) Sorciers et sorcières, jeteurs de sorts.Ce mot vient du bas latin : fachinerius .(Voit le glossaire de Dueange).

(4) Renégats, du bas latin, Renegarius.

(5) Jage, reposer: de jacere. Le prêtre, qui se servait du rituel, a écrit à la place de ce mot: dormir la neyt.

(6) Cela veut dire que on doit considérer comme bel et bien excommuniés et interdits ceux contre lesquels la sentence est prononcée.

(7) Partout ailleurs les mots dérivés de mots latins an io se terminaieut eu ieu. Ici, et pour récomandation, on a mis la forme française.


— 373 —

Sanctas de Paradis, vostras paubras consiensas, las luminarias de aquesta gleysa, los paubres ladres, los paubres femnas beusas, los paubres enfans orphelins, los paubres de Dieu, et toutas autras causas dignas de récomandation.

Dieu sia an vos autres.

EXHORTATION POUR LE MARIAGE

AVANT-PROPOS

Dans certains rituels, on trouve un modèle de l'exhortation que le prêtre devait prononcer avant de donner la bénédiction nuptiale aux époux, pour leur apprendre quels étaient leurs devoirs et leur montrer ce que l'Eglise entendait par le mariage chrétien.

Le texte patois, que nous publions, était à l'état de manuscrit, intercalé dans un rituel du diocèse d'Alet. (1) Cet ouvrage a été édité à Paris, en 1667, par Charles Savreux, libraire à l'enseigne des Trois Vertus, au bas de la tour Notre-Dame, du côté de l'Archevêché. L'exemplaire, qui nous a été communiqué (2), est d'autaut plus curieux qu'il porte les armes de Nicolas Pavillon, évêque d'Alet sous Louis XIV, connu par ses opinions jansénistes, et a dû sans doute servir à ce prélat. L'écriture du manuscrit est de la fin du XVIIe siècle ou du commencement du XXIIIe.

Nous reproduisons le texte en nous conformant à l'orthographe de l'original, qui offre certaines particularités. On voit, par exemple, que l'auteur, pour figurer le son ou, s'est simplement servi de l'u, comme dans vus pour vous, tut pour tout.

Le document, intéressant au point de vue philologique, donne quelques détails sur certaines pratiques de mortification qu'à cette époque on n'hésitait pas à recommander publiquement aux époux.

EXORTATION AL MARIDATGE

TEXTE.

Mos caris fayres, cumo vostre maridatge réprésento l'unio de Jésus-Christ ambé sa Gleiso, cal que, vus autris, viscats ambé uno grando dévotio e uno grando santétat dins aquest estât.

(1) Alet, petite ville de l'Aude, était le chef-lieu d'un diocèse suffragant de Narbonne et supprimé par la Révolution. L'ancien Donnezan, formant le canton de Quérigut dans l'Ariège, relevait du diocèse d'Alet.

(2) Je dois la communication de ce document à M. l'abbé M. de Séré, curé de Loubières, près Foix, à qui j'adresse tous mes remerciements pour son obligeance.


— 374 —

Le marit deu aima sa fenno, et la fenno deu aima son marit de un amo samblable an aquel dunt Nostre Ségne Jésus-Christ aimo sa Gleiso, et dunt la Gleiso aimo Nostre Ségne Jésus-Christ., c'es à dire, que le marit deu. sur tutos causos, aima et procura le salut de sa fenno, et la fenno aquel de son marit.

Vusautris, dévets préga mutuel ment per le salut l'un de l'autre, y contribua de tôt vostre poder, en vus excitant continueiment al servici de Diu per les bonis exemples et per les bonis avises que, vus autris, donarets.

La fenno deu respecta dins son marit la persono de Nostre Ségne JésusChrist que ell réprésento, et le marit deu aima sa fenno de un amor chaste ta! que es aquel dunt Jésus-Christ aimo sa Gleiso, que la fenno réprésento.

Et se plats à Diu de bénési vostre maridatge en vus donant des maitnatges, vostre prime suen deu estre de les éleva dins sa crento et son amor, et do régla talement vostro familho que l'ou y visco christianament, que la prégario s'y fasco à génusis la neit et le maiti, que l'on y supporto les défauts les uns des autris et que tute sorte de escandalo ne sio élugnado.

Mes surtut prénets gardo de usa santament de maridatge, de n'y récérca pas les plasés de vostres sens, mes la santo productio dels mainatges, que plaira à Diu de vus doua ; que es à propos que, vus autris, vus astingats en certénis tenses per vacar piu librement à la prégario et al suen de vostre salut. Mes préaiment ju vus exorti de vun asténi les juns de pénitenso, cumo pendent le caresme, les juns de juné, à las grandos solamnitats, à juns que. vus autris, récébérats la santo communio.

Se, vus autris, n'usats atal et que Diu sio aimat et servit dins vostro familho, ju espéri que ell comblara vostre maridatge de sas plus santos bénédictios, cumo ju l'en prégui de tut mon cor, pes méritis de Nostre Ségne Jésus-Christ, per las intercessios de la bienuruso Verge, sa mayre et de Sant Josep son espux.

Vus N... vulets-vus préne et prénets-vus N... asi présento per vostro légitimo espuso en la formo que la santo Gleiso a pratico ?

Vus, N... vulets-vus préne et prenets-vus N... asi présent per vostre légitime marit et espux en la formo que la santo Gleiso, nostro mayre, a pratico ?


— 3T8 —

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE DES SCIENCES, LETTRES & ARTS

Séance du 6 décembre 1885.

EXTRAIT DU PROCÈS-VERBAL

L'assemblée prononce l'admission de plusieurs nouveaux membres.

I

PROJET D'UN CONCOURS DE PHILOLOGIE ET DE LITTÉRATURE ROMANES

M. Pasquier rappelle qu'à l'époque du Congrès d'Archéologie tenu en mai 4884 dans l'Ariège, il fut question d'un concours de philologie et de littérature romanes, à l'organisation duquel la Société Ariégeoise fut invitée à prendre part. Ce concours devait coïncider avec la séance du Félibrige d'Aquitaine, qui avait résolu de venir à Foix dans le courant de 1885. Par suite de diverses circonstances, le Félibrige n'eut pas de réunion solennelle en 1885. Les Félibres viennent de faire connaître qu'ils se rendront à Foix au printemps de 1886, et ils demandent à la Société Ariégeoise si elle a toujours l'intention de s'occuper du concours de philologie et de littérature romanes, dont le projet semblait abandonné.

Il est ensuite donné lecture d'un programme préparé en vue de ce concours et rédigé d'après les usages admis en des circonstances semblables.

Le programme est discuté et adopté par l'assemblée, qui décide que la Société Ariégeoise, sous les auspices du Félibrige d'Aquitaine, organisera le concours en question.

Au sujet des récompenses, un membre déclare qu'un donateur a déjà offert une somme pour parer à une partie des dépenses.

II

COMMUNICATIONS DIVERSES

M. Pasquier annonce que M. Hébert, membre de l'Institut, professeur à la

Sorbonne, en souvenir du Congrès géologique tenu dans l'Ariège en 1882 et

dont il était président, a envoyé à notre Musée un certain nombre de fossiles.

M. Huet, de Pamiers, prépare pour l'herbier, qu'il a donné précédemment au

Musée, un envoi de plantes originaires de l'Ariège.


— 376 —

L'administration des Beaux-Arts a envoyé au Musée un moulage d'un sarcophage chrétien du VIe siècle, provenant des environs de Pamiers, et conservé dans une salle du Louvre.

Quelques médailles ont été offertes pour la collection numismatique.

M. le docteur Noulet a cédé au Musée des spécimens de cailloux éclatés, venant de la station préhistorique du Vénerque, située sur les bords de l'Ariège.

L'assemblée vote des remerciements aux donateurs, qui ont ainsi contribué à enrichir les collections du Musée départemental.

CONCOURS

DE PHILOLOGIE ET DE LITTÉRATURES ROMANES FOIX, MAI 1886.

A l'occasion de la réunion du Félibrige d'Aquitaine, qui doit avoir lieu à Foix au printemps de 1886, la Société Ariégeoise des sciences, lettres et arts, sous les auspices des Félibres, ouvre un concours de philologie et de littératures romanes.

Les dialectes parlés dans l'Ariège se rattachent au Languedocien et au Gascon. La Société Ariégeoise, sans toutefois en faire une condition expresse, invite les concurrents à prendre de préférence des sujets se rapportant à l'un de ces idiomes; elle recommande également le choix de travaux relatifs à la philologie et à la littérature patoises de l'Ariège.

PROGRAMME DU CONCOURS

PREMIÈRE PARTIE. — PHILOLOGIE.

I. — Etude d'un dialecte ou d'un sous-dialecte d'une région ou d'une localité.

Cette étude peut comprendre un travail d'ensemble ou un travail restreint soit à des observations grammaticales ou phonétiques, soit à la composition d'un vocabulaire. Le dialecte peut aussi être considéré sous le rapport historique ou au point de vue de la situation actuelle.

En cas d'une étude grammaticale, on recommande :

1° De conjuguer un verbe patois appartenant à chacune de conjugaisons régulières.

2° De conjuguer quelques verbes irréguliers.

II. — Recueil de chartes ou d'autres documents anciens. Indication des sources pour l'étude d'un dialecte ou d'un sous-dialecte.


— 377 —

III. — Détermination des limites d'un ou de plusieurs dialectes ou sousdialectes.

En ce cas, il conviendrait de joindre une carte au mémoire.

IV. — Quelle méthode convient-il d'adopter pour fixer l'orthographe dans les dialectes méridionaux ?

SECONDE PARTIE. — LITTÉRATURE.

I. - Compositions poétiques.

II. — Compositions en prose.

Les oeuvres en tangue française ne seront pas admises à concourir. (1)

III. Étude sur la vie et l'oeuvre d'un auteur ayant écrit dans un dialecte méridional.

IV. — Étude sur les productions en dialecte dans une région déterminée.

V. — Recueil de contes, légendes, traditions, proverbes, chansons, cantiques, noëls et d'autre oeuvres, religieuses ou profanes, ayant une origine populaire et écrits surtout en dialecte Languedocien ou Gascon.

Des récompenses spéciales seront réservées aux auteurs qui accompagneront un des recueils ci-dessus mentionnés d'une élude ou d'un vocabulaire appartenant au dialecte employé.

CONDITIONS DU CONCOURS

Des récompenses consistant en médailles, en fleurs de vermeil ou d'argent et en mentions, seront réparties entre chaque section, proportionnellement au nombre des concurrents.

Les auteurs peuvent concourir en même temps pou les deux parties du programme.

Les oeuvres imprimées ou manuscrites seront admises à la condition de n'avoir concouru nulle part. Pour les oeuvres imprimées, on ne recevra que celles éditées depuis le 1rr janvier 1885 ou et cours de publication à cette époque.

Le genre et le choix des sujets sont libres, à l'exception, toutefois, des sujets politiques qui sont exclus. Les auteurs conserveront la libre disposition de leurs oeuvres.

Les envois devront être faits axnt le 10 avril 1886 terme de rigueur, et adressés franco à Foix, à M. Président de la Société Ariégeoise des sciences, lettres et arts.

(1) Cette exclusion s'applique autres documents anciens, conte cette seconde partie ; il en est de même pour les chartes


— 378—

Un avit ultérieur fera connaître le jour de la distribution des récompenses.

Pour tous les renseignements, s'adresser à Foix, à M. Pasquier, secrétaire général de la Société Ariégeoise, ou à M. Lafont de Sentenac, trésorier de la même société.

RÉUNION DES SOCIÉTÉS SAVANTES A LA SORRONNE

En. 1886.

Cette année, au printemps, comme précédemment, aura lieu à la Sorbonne la réunion des Sociétés savantes sous les auspices de M. le Ministre de l'Instruction publique et des Beaux-Arts. Le programme du Congrès comprend cinq parties distinctes, afférentes aux cinq sections du Comité des travaux historiques et scientifiques.

I. — Histoire et Philologie.

II. — Archéologie.

III. — Sciences économiques et sociales.

IV. — Sciences mathématiques, physiques,chimiques et météorologiques.

V. — Sciences naturelles et géographiques.

Un programme détaillé correspond à chacune de ces sections et donne l'énumération des questions à traiter ; nous en adresserons un exemplaire et nous fournirons des renseignements à ceux de nos collègues qui nous en exprimeront le désir.

Nous rappelons que les Compagnies de chemins de fer ont l'habitude d'accorder une réduction de 50 o/o sur le prix des places en faveur des adhérents qui voudront assister aux réunions de la Sorbonne. Les bulleiins de circulation sont valables pendant quinze jours et doivent être demandés à l'avance.

Sujet d'études proposé par M. le Ministre de l'Instruction publique.

A la demande de la section des sciences économiques et sociales, M. le Ministre vient d'adresser aux membres des sociétés savantes et à tous les érudits un sujet d'études, dont le programme vient d'être distribué. Voici le sujet proposé :

Des assemblées générales de communautés d'habitants en France sous l'ancien régime :

Etudier dans une région déterminée l'institution des assemblées générales

des communautés d'habitants, en recherchant les dates les plus anciennes et les

plus récentes ; — la périodicité, la composition des assemblées ;.— le mode et

'objet de leurs délibérations; — la manière dont ces délibérations ont été recueilconservées.

recueilconservées.

ettons ce programme à la disposition des personnes qui voudraient en sance.


379

Table des matières contenues dans les onze premiers numéros du Bulletin de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts. (1882-1885.)

Le Bulletin de notre Société comprend onze numéros qui renferment près de quatre cents pages. Avant d'entreprendre un nouveau volume, qui commencera cette année, nous croyons utile de publier la table des matières contenues dans les précédentes livraisons.

1882. (1)

N° 1.

Règlement de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts... 3

Composition du bureau de la Société 5

Noms et adresses des membres de la Société. .. 7

Avertisssment (fondation de la Société) 10

Procès-verbaux :

Première séance (Discussion du règlement) 11

Seconde séance (Adoption du règlement et dispositions relatives à l'organisation du Musée) 14

Troisième séance (Communications diverses, vote de fonds pour les fouilles dans la grotte de Massâa) 16

Quatrième séance (Résultat des fouilles dans la grotte de Massat ; communications diverses pour le Bulletin ; décision relative au Congrès de géologie) 16

Fouilles opérées pour le Musée de l'Ariège : Grotte de Campagnolle du Cair de Lirbat, près Massat; compte-rendu par M. Jules Grégoire.. 20

Découverte de médailles romaines dans une grotte de Massat; compterendu par M. F. Pasquier 24

Requête des consuls et habitants de Varilhes, à Henri d'Albret, roi de Navarre, pour obtenir justice d'une agression; texte inédit de 1535, en langue romane, publié avec des notes et une préface par M. F.Pasquier. 27

Demande en réduction d'impôts présentée par les habitants de la baronnie de Château-Verdun sous Louis XIV; texte avec une préface... 35

Bibliographie Ariégeoise (projet de comptes-rendus) 43

Comptes-rendus bibliographiques.

I Une ancienne chatellenie dans le Séronais par M. Rumeau 43

II Vallées Ariégeoises avant l'Invasion Romaine par M. Adolphe Garrigou 45

III Sépultures antiques du Sarrat de Guilaire aux Bordcs-sur-Lez (Ariège) par M. l'abbé Cau-Durban 47

(1) Les fascicules se suivent dans l'ordre numérique, sans tenir compte des années.


— 380 —

1883.

No 2.

De l'influence de l'état boisé du sol sur les écoulements superficiels des eaux pluviales, par M. Guinier, inspecteur des Forêts 53

(Le reboisement de la montagne situé au-dessus de Tarascon est étudié comme exemple.)

Lettres patentes de la reine Catherine de Navarre, comtesse de Foix, en 1491, pour Arnaud de Castéras; texte roman publié avec des notes et une introduction par M. le baron de Bardies 63

Une berceuse du pays de Sainte-Croix, paroles et musique recueillies par M. Duclos et publiées par M. Jules Grégoire 68

(Planche gravée portant notation de la musique.)

Exposition géologique de Foix en septembre 1882.

I. — Nomenclature des fossiles exposés, indiquant le nom du fossile, le lieu ou il a été trouvé et la collection dont il fait partie. (Toutes les pièces appartenant à la région Ariégeoise , cette nomenclature contient les premiers éléments nécessaires à la rédaction d'un catalogue des fossiles de notre département 72

II. — Renseignements divers ; membres adhérents du Congrès.... 86 Exploration d'un abri sous roche dit la Grazo de l'Aspiou (vallée

d'Ustou, Ariège) par M. Osmin Galy 90

Explorations archéologiques de M. l'abbé Cau-Durban dans le Castillonnais;

Castillonnais; rendu par M. F. Pasquier 94

Lettre adressée en 1629 par M.de Laforest-Toiras,commissaire royal,

aux consuls de Foix, communication de M. Lafont de Sentenac 98

Mort de M. Firmin Duclos. président de la Société Ariégeoise. Notice. 102

N° 3.

Compte-rendu de la session extraordinaire tenue dans l'Ariège par la Société Géologique de France en septembre 1882 105

Donation de G. Orset, de Saint-Girons, aux Hospitaliers de SaintJean de Jérusalem, en 1272; texte inédit en dialecte gascon, publié avec préface et notes par M. J. Lahondès 149

Nomenclature des Dolmens de l'Ariège; lettre à M. le président de la commission de Géographie Historique par M. F. Pasquier 153

1884.

No 4.

Romains et Sotiates dans le pays de Foix par M. Adolphe Garrigou. 159 Les Grottes de Durban.(Ariège);compterendu de fouilles par M.Jules Grégoire 170


— M -

Compte-rendu par M. l'abbé Cau-Durban d'un mémoire de M. l'abbé Pouech, chanoine de Pamiers, sur un fragment de la mâchoire d'un grand saurien trouvé à Bedeille (canton de Sainte-Croix, Ariège.) 173

N° 5.

Un joyau des comtes de Foix au XVe siècle; notice avec des pièces justificatives, par M. F. Pasquier 175

51e Session du Congrès archéologique de France dans l'Ariège ; Programme 197

22e Réunion des Sociétés savantes à la Sorbonne en 1884 202

Conte Patois publié avec traduction par M. Lafont de Sentenac 203

Contes et Proverbes patois de l'Ariège. (Projet de publication.) . 206

Nouvelles fouilles à la grotte d'Eulène près Montesquieu-Avantès. (Ariège) par M. l'abbé Cau-Durban 207

Note sur une hache en bronze par M. Maurice Gourdon 212

Bibliographie.

I. Jean Ier, comte de Foix, vicomte souverain de Béarn, lieutenant du Roi en Languedoc,par M. Flourac, archiviste des Basses-Pyrénées.... 213

IL Épigraphie de la Cicitas Conseranorum par M. Julien Sacaze; compte-rendu par M. J. de Lahondès 216

N° 6.

Statuts d'une ancienne confrérie rurale dans le Couserans (1315.); publication d'un texte inédit en langue Romane, avec préface et notes, par M. l'abbé Cau-Durban et M. F. Pasquier 219

Le poète Jasmin dans l'Ariège en janvier 1854 ; compte-rendu de son excursion dans le département; vers inédits du poète ; ode patoise en son honneur 231

Acquisitions du Musée de l'Ariège (1882-1883) : collection LarroCabibel ; dons de MM. Huet et Barrière; acquisition de la collection que ■ 238

Extrait du procès-verbal de la séance de la Société Ariégeoise du 7 janvier 1883, où l'on relate les fouilles faites par M. l'abbé Cabibel dans la grotte d'Eulène et où l'on donne la description sommaire des objets par lui cédés au Musée 239

Bibliographie.

1. Annales de Pamiers par M. de Lahondès ; compte-rendu par M. F. Pasquier 244

II. Les Grès de Celles et les Grès de Labarre par M. Jules Grégoire 249

III. Le Berceau de nos ancêtres par M. l'abbé Cabibel 250


— 382 — N° 7.

Impressions de voyage de Louis de Froidour dans le Couserans en 1667. — Première lettre (1re partie) publiée, avec préface et notes, par M. J. de Lahondès 251

Las Neits de Toulouso. — Conte patois avec préface et notes 271

Contes et Proverbes patois de l'Ariège (projet de publication, appel pour la formation de la collection) 278

Bibliographie.

I. Congrès géologique de 1882, réunion extraordinaire à Foix, compIerendu

compIerendu du Bulletin de la Société Géologique de France 279

II. Etudes Géologiques sur le département de l'Ariège et en particulier

sur le terrain crétacé par M. Croisiers de Lacvivier.... 280

III. Ariège, monographies communales, texte et atlas, par M. Paul Baby. chez M. Gadrat aîné 281

No 8.

Impressions de voyage de Louis de Froidour dans le Couserans en 1667. (Première lettre (fin) et seconde lettre publiées, avec préface et notes, par M. J. de Lahondès 287

Diu hé pla so que hé. — Conte patois du Castillonnais (Ariège) publié, avec une préface et une traduction, par M. l'abbé Cau-Durban et M. F. Pasquier 294

Construction d'un rétable dans l'église de Vic-de Sérou en 1680; notice, avec pièces justificatives, par M. F. Pasquier 299

Bibliographie.

1° Le Synode de Real mont en 1606 ;

2° La Correspondance des deux frères Laborde, forçais du Masd'Azd, pour la foi, au bagne de Toulon; ouvrages composés, d'après des documents inédits, par M. 0. de Grenier-Fajal, pasteur à Caussade... 309

1885.

N° 9.

Souterrain de Gaillac-Toulza. fouilles par MM. l'abbé Cau-Durban et F. Pasquier.Compte-rendu avec une planche(dessin de M.Mercadier) représentant le plan du souterrain et des objets qu'on y a trouvés 311

Itinéraire de Pamiers à Paris en 15)2. texte roman publié,avec préface et notes, par M. J. de Lahondès 318

Le Fauré e le Ritou, conte patois de la vallée de l'Ariège avec préface. 322

Bibliographie.

Ibères, Ibérie, par M. A. Garrigou; compte-rendu par M. F. Pasquier.


— 383 —

N° 10.

Note sur le crétacé supérieur et le tertiaire des départements de l'Ariège et de l'Aude par M. Roussel, professeur au Collège de Foix... 327

Actes du XIIIe siècle en faveur du prieuré de Salau (Ariège); textes en dialecte gascou publiés, avec préface et notes,par M. J. de Lahondès. 338

Sépultures Gallo-Bomaines dans la grotte supérieure de Massat, fouilles d'octobre 1884, par M. F. Pasquier 347

Renseignements historiques tirés des anciens registres de l'état-civil de l'Ariège (première partie) 350

N° 11.

Renseignements historiques tirés des auciens registres de l'état-civil

de l'Ariège. (2e partie.) 359

Découverte archéoloique à Mon.ardit, septembre 1885, par M. J.

Cabibel, curé de Montardit 365

Prône parois au XVIe siècle, publié avec préface et notes 366

Exhortation en patois pour le mariage publiée avec un avant-propos 373 Extrait du proces-verbal de la séance de la société Ariégeoise en date du 6 Décembre 1885 :

1° Projet d un concours de philologie et de littérature romanes.... 375 2° Communications diverses, relatives à des dons faits au Musée de

l'Ariège 375

Concours de philologie et de littérature romanes organisé par la Société Ariégeoise, sous les auspices des Felibres d'Aquitaine; programme

détaillé 376

Réunion des Sociétés savantes à la Sorbonne en 1886. Avis 378

Sujet d'études proposé par M. le Ministre de l'Instruction Publique.

(Institution des assemblées générales d'habitants.) Avis 378

Table des matières contenues dans les onze premiers numéros du Bulletin de la Société Ariégeoise des Sciences, lettres et Arts, (18821885.) 379




Foix, typographie GADRAT Aîné.


BULLETIN PÉRIODIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES ET ARTS

NUMERO 2 - JUIN 1883

FOIX

IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE BARTHE

1883


SOMMAIRE

De l'influence de l'état boisé du sol sur les écoulements superficiels des eaux pluviales, par M. Guinier, inspecteur des forêts 53

Lettres patentes de la Reine Catherine de Navarre, Comtesse de Foix, en faveur d'Arnaud de Casteras, par M. le baron de Bardies 63

Une berceuse du pays de Sainte-Croix, paroles et musique recueillies par M. Duclos, publiées par M. Jules Grégoire 68

Exposition géologique de Foix en septembre 1882. — I. Nomenclature des fossiles exposés. — II. Renseignements divers sur la session de la Société géologique dans l'Ariège 72

Exploration d'un abri sous roche dit la Grazo de l'Aspiou (Vallée d'Ustou), par M. Osmin Galy 90

Explorations archéologiques de M. l'abbé Cau-Durban dans le Castillonnais (Ariège), par M. F. Pasquier 94

Lettre adressée en 1629, par M. de Laforest-Toiras, commissaire royal, aux consuls de Foix 98

Mort de M. Firmin Duclos, président de la Société Ariégeoise des Sciences, Lettres et Arts .. 102



FOIX, IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE BARTHE


BULLETIN PÉRIODIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

SCIENCES, LETTRES ET ARTS

NUMERO 3 — OCTOBRE 1883

FOIX

IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE BARTHE

1883


SOMMAIRE

Compte rendu de la ssssion extraordinaire tenue dans l'Ariège par la Société géologiqne de France en septembre 1882 105

Donation de G. Orset, de Saint-Girons, aux Hospitaliers de Saint-Jean-de-Jérusalem, 1272. (Texte inédit en dialecte Gascon) 149

Nomenclature des Dolmens de l'Ariège. (Lettre à M. le président de la commission de géographie historique de la France), par M. F. Pasquier 153



FOIX, IMPRIMERIE TYPOGRAPHIQUE BARTHE


BULLETIN PERIODIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES & ARTS

NUMÉRO 4. — JANVIER 1884.

FOIX

TYPOGRAPHIE VEUVE POMIÈS

1884


SOMMAIRE

PAGES

Romains et Sotiates dans le pays de Foix, par M. Adolphe Garrigou . . 159

Les Grottes de Durban , par M. Jules Grégoire 170

Compte rendu d'un Mémoire de M. Pabhé Pouech, chanoine de Pamiers,

par M. l'abbé Cau-Durban 173


ERRATA DU NUMÉRO PRÉCÉDENT

Ligne 23 page 105 au lieu de intêrssser lisez intéresser

— 6 — 106 — inaguration — inauguration

— 20 — 106 — confieront — confièrent

— 34 — 107 — lui possède — luiquipossède

— 28 — 108 — qu'i — qu'il _ 22 — 109 — las — les

'— 8 — 111 — approndie — approfondie

— 28 — 117 — concours — concours

— 31 — 122 — compte-reudu — compte rendu

— 5 — 125 — judidieuse — judicieuse

— 11 — 125 — cemplétons — complétons

— 11 — 128 — denx — deux

— 30 — 129 — dons — donc

— 9 — 132 — recheerches — recherches

— 10 — 134 — flanc — flanc

— 32 — 135 — pas — non

— 36 — 136 — recuillir — recueillir

— 30 — 141 — lebuel — lequel

— 4 — 145 — inséressant — intéressant

— 34 — 145 — êtes — été

— 1 — 146 — obervations — observations


FOIX, TYPOGRAPHIE Ve POMIÈS


BULLETIN PÉRIODIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES & ARTS

NUMÉRO 5. MARS 1884.

FOIX

TYPOGRAPHIE VEUVE POMIÈS

1884


SOMMAIRE

PAGES.

Un joyau des comtes de Foix nu XVe siècle 175

51e session du Congrès archéologique de France dans l'Ariège 197

22e réunion des Sociétés savantes à la Sorbonne 202

Conte patois 203

Contes et proverbes patois île l'Ariège. (Projet de publication: 2(10

Nouvelles fouilles à la grotte d'Enlène 207

Note sur une hache de bronze 212

Jean Ier, comte de Foix, vicomte souverain du Béarn, lieutenant, du roi

en Languedoc 213

Epigraphie de la civitas Conseranorum 210


BULLETIN PÉRIODIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES & ARTS

NUMÉRO 6. — JUIN 1881.

FOIX

TYPOGRAPHIE VEUVE POMIÈS

1884


SOMMAIRE

PAGES.

Statuts d'une ancienne confrérie rurale dans le Couserans 219

Le poète Jasmin dans l'Ariège. 231

Acquisitions du Musée de l'Ariège (1882-1883) 238

Découverte d'un souterrain de refuge à Gaillac-Toulza (Haute-Garonne ) 242

Bibliographie. — Annales de Pamiers, par J. de Lahondès 244

— Les grès de Celles et les grès de Labarre, notice géologique,

géologique, Jules Grégoire 249

— Le berceau de nos ancêtres, par J. Cabibel 250


BULLETIN PÉRIODIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES & ARTS

NUMÉRO 7. — SEPTEMBRE 1884.

FOIX

TYPOGRAPHIE VEUVE POMIÈS

1884


SOMMAIRE

PAGES.

Impressions de voyage de Louis de Froidour dans le Couserans en 1667. 251

Las nelts de Toulouso. (Conte patois.) 271

Contes et proverbes patois de l'Ariège. (Projet de publication.) 278

Congrès géologique de 1882 , réunion extraordinaire à Foix 279

Études géologiques sur le département de l'Ariège et en particulier sur

le terrain crétacé, par M. Croisiers' de Lacvivier 280

Ariège. — Monographies communales. — Canton de Foix, par Paul

Baby 281


BULLETIN PERIODIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES & ARTS

NUMÉRO 8. — DÉCEMBRE 1884.

FOIX

TYPOGRAPHIE VEUVE POMIÈS

1884


SOMMAIRE

PAGES.

Impressions de voyage de Louis de, Froidour dans le Couserans en 1667 283

Diu hé pla so que hè, conte patois du Castillonnais (Ariège) 294

Construction d'un rétable dans l'église de Vic-de-Sérou en 1680 299

I. — Le Synodejdo Réalmont en 1606 309

II. — La correspondance des deux frères Laborde, forçats du Masd'Azil,

Masd'Azil, la foi au bagne de Toulon 309


BULLETIN PÉRIODIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES ET ARTS

NUMÉRO 9. — MAI 1885.

FOIX

TYPOGRAPHIE GADRAT AÎNÉ, RUE DE LA BISTOUR

1885


SOMMAIRE

PAGES.

I. Souterrain de Gaillac-Toulza, fouilles par MM. l'abbé Cau-Durban

et Pasquier 311

II. Itinéraire de Pamiers à Paris en 1532 (texte roman), par M. J.

de Lahondès 318

III. Le Fauré e le Ritou, cente patois 322

IV. Ibères, Iberie, ouvrage de M. Adolphe Garrigou 324


BULLETIN PÉRIODIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ ARIEGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES ET ARTS

NUMÉRO 10. — SEPTEMBRE 1885.

FOIX

TYPOGRAPHIE GADRAT AÎNÉ, RUE DE LA BISTOUR

1885


SOMMAIRE

PAGES.

I. Note sur le crétacé supérieur et le tertiaire des départements' de

l'Ariège et de l'Aude, par M. Roussel 327

II. Actes du XIII° siècle en faveur de Salau. par M. J. de Lahondès. 338

III. Sépultures Gallo-Romaines dans la grotte supérieure de Massat,

par M. F. Pasquier 347

IV. Renseignements historiques tirés des anciens registres de l'état—

civil de l'Ariège 350


BULLETIN PÉRIODIQUE

DE LA

SOCIÉTÉ ARIÉGEOISE

DES

SCIENCES, LETTRES ET ARTS

NUMÉRO 11. — FÉVRIER 1886.

FOIX

TYPOGRAPHIE GADRAT AINÉ, RUE DE LA BISTOUR

1886


SOMMAIRE

PAGES.

Renseignements historiques tirés des anciens registres de l'état-civil

de l'Ariège (2e partie.) 359

Découverte archéologique à Montardit, septembre 1885, par M. J.

Cabibel, curé de Montardit 365

Prône patois au XVIe siècle, publié avec préface et notes 366

Exhortation en patois pour le mariage publiée avec un avant-propos 373 Extrait du procès-verbal de la séance de la société Ariégeoise en date du 6 Décembre 1885 :

1° Projet d'un concours de philologie et de littérature romanes. 375 2° Communications diverses, relatives à des dons faits au Musée de

l'Ariège 375

Concours de philologie et de littérature romanes organisé par la Société Ariégeoise, sous les auspices des Félibres d'Aquitaine; programme

détaillé ." 376

Réunion des Sociétés savantes à la Sorbonne en 1886. Avis 378

Sujet d'études proposé par M. le Ministre de l'Instruction Publique.

(Institution des assemblées générales d'habitants.) Avis 378

Table des matières contenues dans les onze premiers numéros du Bulletin de la Société Ariégeoise des Sciences, lettres et Arts, (18821885.) 379