TRAVAUX
DE
L'ACADEMIE NATIONALE DE REIMS
QUATRE-VINGT-DIXIÈME VOLUME
ANNÉE 1890-1891 —TOME II
DEUX VOLUMES SEMESTRIELS CHAQUE ANNEE
PAR ABONNEMENT : 12 FRANCS
PRIX DE CE VOLUME : 10 FRANCS
REIMS
CHEZ F. MICHAUD, LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE
19, rue du Cadran-Saint-Pierre, 19 M DCCC XCII
TRAVAUX
DE
L'ACADÉMIE NATIONALE
DE REIMS
TRAVAUX
DE
L'ACADEMIE NATIONALE DE REIMS
QUATRE-VINGT-DIXIEME VOLUME
ANNÉE 1890-1891 — TOME II
DEUX VOLUMES SEMESTRIELS CHAQUE ANNÉE
PAR ABONNEMENT : 12 FRANCS
PRIX DE CE VOLUME : 10 FRANCS
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CHEZ F. MICHAUD, LIBRAIRE DE L'ACADÉMIE
19, rue du Cadran-Saint-Pierre, 19
M DCCC XCII
NOTA
La responsabilité des opinions et assertions émises dans les Ouvrages publiés par l'Académie appartient tout entière à leurs auteurs.
LETTRES ET NEGOCIATIONS
DE M. DE MONDOUCET
RÉSIDENT POUR LE ROI CHARLES IX ÈS PAYS-BAS Par M. L. DIDIER, Membre honoraire
Ce deuxième volume complète l'édition du manuscrit de la Bibliothèque de Reims 1. Nous croyons avoir rendu un réel service en publiant une correspondance diplomatique qui ne se trouve nulle part ailleurs. Le volume 16127 du fonds français, à la Bibliothèque nationale, ne renferme qu'une faible partie des lettres retrouvées dans la copie de Reims ; nous y constatons l'absence complète de celles qui furent écrites à la fin de 1573 et au commencement de 1574; il y a, du 29 septembre 73 au 29 août 74, une lacune que le présent volume vient combler 2.
1 Travaux de l'Académie de Reims, t. LXXXVI. 2 Voici exactement le détail des lettres de Mondoucet que renferme le 16127 du f. fr. :
1571, 29 août, lettre au Roy. — 7 novembre, remontrances au duc d'Albe. — 12 novembre, lettre au Roy.
1572, 26 avril, lettre au duc d'Anjou. — 27 avril, lettre au Roy. 29 avril, lettre au Roy. — 21 mai, lettre au Roy. — 6 juillet, lettre au Roy. — 13 juillet, lettre au Roy chiffrée et en grande partie sans déchiffrement. — 16 juillet, lettre au Roy.— 17 août, lettre au Roy. — 5 septembre, lettre au Roy. — 6 septembre, lettre au Roy; c'est la première du manuscrit de Reims. On trouve
Avant de nous séparer définitivement d'une publication qui nous a pris beaucoup de temps, nous voudrions essayer de reconstituer la vie et la carrière de notre diplomate, le replacer dans son milieu de famille, et raconter rapidement les faits auxquels il fut mêlé pendant le règne de Henri III.
La famille de Mondoucet était originaire de Normandie : elle fut d'abord représentée par des seigneurs qui acquirent quelque réputation dans le métier des armes ; le plus ancien est Robert de Mondoucet, ou Montdoucet dit le Borgne, qui servait sous le gouvernement du duc de Bourgogne en 1377 ; il était écuyer auprès de la personne royale, écuyer du corps en 1386 ; Charles VI lui fit quelques gratifications en 1391, 1392 et 1395; il le nomma son premier écuyer et maître de son écurie
ensuite celles des 11, 13, 17, 18, 23 et 27 septembre. Elles ont été particulièrement utilisées pour vérifier l'exactitude de la copie de Reims. On passe au 20 novembre, lettre au Roy. — 5 décembre, lettre au Roy.
1573, 4 janvier, lettre au Roy. — 17 juillet, le grand discours adressé à l'évêque de Limoges, publié dans le tome Ier, p. 325. — 5 septembre, lettre au Roy. — 9 septembre, lettre au Roy. — 12 septembre, lettre au Roy. — 18 septembre, lettre au Roy. — 19 septembre, lettre au Roy, ou plutôt un simple billet. — 24 septembre, lettre au Roy. — 29 septembre, lettre au Roy.
La première qui suit est du 29 août 1574; puis viennent celles du 1er et du 6 septembre 1574; le recueil se termine par des lettres du 13 et du 23 septembre 1574, une du 9 octobre 1576 adressée à Morvilliers, et quelques lettres du roi adressées à Mondoucet et datées d'août et septembre 1576.
III
par lettre du 27 août 1397 ; il prêta serment le dernier jour du même mois, remplit diverses fonctions de sa charge en 1397 et 1398, et mourut le 13 septembre 1399. Il avait épousé Jeanne, dame de Villebon; de leur mariage naquit une fille, Michelle de Mondoucet, qui fut mariée à Jeannet d'Estouteville 1.
Une autre branche de la famille alla se fixer dans le pays Chartrain, sans doute pour fuir la domination anglaise (1417-1450); on ne trouve aucun Mondoucet dans la Recherche de Montfaut, qui eut lieu en 1463 pour rétablissement de la taille ; on ne rencontre aucun Mondoucet dans la liste des nobles qui furent exempts 2. Au milieu du XVe siècle un Georges de Montdoucet était seigneur de la Cheminée ; il maria sa fille, Blanche de Montdoucet, avec Pierre l'Ecuier, dont le père, Jean l'Ecuiôr, était seigneur du Mesnil-Bernard, en Normandie. Nous ne connaissons ce Georges de Montdoucet que par le contrat de mariage de sa fille ; il est du 2 août 1479 3.
Un ancêtre de notre diplomate, Jean de Montdoucet, seigneur de la Cheminée, trésorier de finances et valet de chambre du roi, se fit remarquer
P. ANSELME, VIII, 469. 470.
2 Recherche de Montfaut..., par P.-E.-M. LABBEY DE LA ROQUE, Caen, 1818.
3 Riblioth. nat., Carrés de D'HOZIER, 445, f° 225.
IV
par plusieurs faits d'armes, prit part à la bataille de Nancy, et fut tué dans un tournoi au commencement du règne de Louis XII, le 3 août 1498. Il fut inhumé près de la grande porte des Cordeliers de Blois ; Clément Marot lui composa une longue épitaphe 1. Nous avons retrouvé une quittance de Jean de Montdoucet, qualifié « varlet de chambre du roi », datée du 24 mai 1496 2. Il avait épousé Jeanne Cottereau, et laissa une nombreuse lignée qui a donné des conseillers au Parlement de Bretagne.
C'est à sa descendance qu'appartiennent les nombreux Mondoucet mentionnés dans les pièces du XVIe siècle : Jacques de Mondoucet, époux de Marie Cosne, écuyer, seigneur de Chastelux 3; Jean de Mondoucet, seigneur de Monteaux, « secrétaire de la Royne 4 » ; René de Mondoucet, qui fut commissaire des guerres et donne quittance d'une somme le 10 juillet 1572 ; il était mort commissaire dés guerres en 1581, et à cette dernière date, seigneur du Houssay, dans le Vendômois 5 ; enfin, Robert de Mondoucet, père du diplomate.
Robert de Mondoucet figure parmi les conseillers du nouveau Parlement de Rennes, nommés le 9 fé1
fé1 de Clément MAROT, III, 255.
2 Biblioth. nat., Pièces originales, 1994 : Mondoucet, n° 3.
3 Biblioth. nat., Pièces originales, 1994 : Mondoucet, n° 17.
4 Biblioth. nat., Pièces originales, 2012 : Mondoucet, n° 7. 5 Biblioth. nat., Pièces originales, 1994.
vrier 1554 1; il devint conseiller au grand Conseil en 1569, et paya sa charge 10,000 livres; le roi ordonna de lui payer ses gages à partir du 23 janvier 1569 jusqu'au 4 octobre de la même année, époque à laquelle il entra en charge 2 ; il devint ensuite président du Présidial de Blois. Robert de Mondoucet avait épousé Claude Odeau ; il en eut un fils, notre résident aux Pays-Bas, et une fille, Claude de Mondoucet, qui épousa le 29 octobre 1585 Martin de Houdan, sieur des Landes, capitaine entretenu pour le service du roi 3. Le contrat de Martin de Houdan fut passé devant Pertuis, notaire à Amboise 4.
Claude de Mondoucet fut trésorier général de la maison des ducs d'Orléans, d'Angoulême et d'Anjou 5; en 1563, le roi Charles IX sépara les maisons d'Orléans et d'Anjou qui eurent chacune leurs officiers ; Mondoucet conserva son titre de trésorier général 6. A quelle époque était-il entré au service
1 Liste générale de Nosseigneurs du Parlement de Bretagne, depuis 1554 jusqu'en 1725, Rennes, 1725.
2 Archiv. nat., Mémoriaux de la Cour des Comptes, P. 2315, fos 713-715. La lettre du roi est du 26 juillet 1570.
3 Biblioth. nat., Pièces originales, 2012.
4 Biblioth. nat., Carrés de D'HOZIER, 445, f° 226.
5 Quittances diverses données à Mondoucet de sommes payées par lui en celte qualité : du 10 janvier 1559, de 1562 : Pièces originales, 2012; du 23 mars 1560, de 1567. 1568, id, vol. 1994.
6 Archiv. nat., Mémoriaux de la Cour des Comptes, P. 2312, f° 1095.
VI
du roi ? Dans une lettre du 26 août 1574, adressée à Henri III, il rappelle au roi qu'il est entré à son service « depuis quinze ou seize ans 1 », donc vers 1558 ; dans une autre lettre, du 12 mai 1574, il avait écrit à Charles IX qu'il servait depuis plus de vingt ans, « ainsi que la Royne vostre mère le sait très bien 2 » ; il faut donc reporter la date de son entrée en fonction vers 1554, sans que nous puissions' déterminer quel fut son premier emploi ; et comme il devait avoir environ vingt ans, nous pouvons placer la date de sa naissance vers 1534; il mourut, comme nous le verrons plus loin, très âgé, vers 1614. Nous pouvons donc admettre qu'il vécut quatre-vingts ans, entre les dates vraisemblables de 1534 et 1614.
Ce fut donc vers l'âge de trente-six ou trentesept ans qu'il entra dans la diplomatie ; à la fin de 1570, il fut envoyé en mission extraordinaire aux Pays-Bas, avec le sieur de Refuge, pour régler des différends concernant la souveraineté du comté de Saint-Pol 3. Il y retourna en mars de l'année suivante comme résident officiel, en remplacement du baron de Ferrals 4 ; sa mission devait être longue,
1 Lettres et Négociations, II, 299.
2 Lettres et Négociations, II, 201.
3 Christophe de Refuge, seigneur des Menus, était gouverneur du comté de Saint-Pol; voir sa lettre au roi du 11 janvier 1571, dans GACHARD, Biblioth. nat., II, 507.
4 Dans sa dernière lettre, qui est du 18 mars 1571, François
VII
et Mondoucet montra un réel talent pour se maintenir auprès des gouverneurs espagnols, le duc d'Albe et Requesens, qui se défiaient de lui et lui reprochaient ses sympathies pour les réformés. Dans une lettre du 7 juillet 1571, adressée à Philippe II, le duc d'Albe parle en très mauvais termes d'une bravade de Mondoucet, dit qu'il a mauvaise opinion de lui en ce qui concerne la religion, et qu'il le croit disposé à faire tout ce qui sera en son pouvoir pour brouiller les deux souverains 1. En avril 1572, le duc d'Albe renouvelle ses plaintes : « Le rôle qu'il joue, dit-il, donne le droit d'exiger qu'il ne reste pas à Bruxelles 2. » La lettre suivante, de Walsingham, justifie les inquiétudes du duc d'Albe; « L'ambassadeur français a écrit au roi pour le « presser de profiter de l'occasion qui lui est offerte « de recouvrer les provinces des Pays-Bas, qui re« levaient autrefois de la couronne de France. La a plupart des villes de Flandre, d'accord avec Louis « de Nassau, se sont engagées à repousser les gar" nisons du duc d'Albe et à recevoir celles du « prince d'Orange. Le roi de France lui a promis « toute l'aide qu'il peut désirer 3. »
de Roger, baron de Ferrais, annonce que son successeur, Mondoucet, doit arriver dans deux ou trois jours : Bibl. nat., n, 510.
1 Corresp. de Philippe II, II, 181. 2 Kervyn DE LETTENHOVE, Huguenots et Gueux, II, 436.
3 Lettre du 22 avril 1572, citée par K. DE LETTENHOVE, Hugue-
VIII
Mondoucet fut constamment en lutte avec le duc d'Albe ; il protesta contre rétablissement du xe qui frappait les propriétés françaises des Pays-Bas, et contre la confiscation des biens 1. Au moment du siège de Mons, il fit passer des renseignements aux assiégés et les avertit que les Espagnols avaient envoyé des personnes dans Mons pour empoisonner le comte Louis ; fin août, il envoya aux portes de Mons les ministres français d'Amours et de la Porte, pour annoncer la Saint-Barthélemy au comte Louis de Nassau 2. Il conserva toujours les mêmes sentiments de haine pour l'Espagne et de sympathie pour la cause de Guillaume d'Orange ; ce qui ne l'empêchait pas de dissimuler habilement et d'aller féliciter le duc d'Albe de ses victoires 3. Il écrivait aussi aux chefs du parti catholique, en particulier à d'Humières, pour le tenir au courant de ce qui se passait aux Pays-Bas4. Mais ses préférois
préférois Gueux, II, 432. Quelque temps après, le roi fit passer une somme assez élevée à Mondoucet « pour emploier en certaines affaires importans grandement le service de Sa Majesté aux pais de Flandre, dont elle ne veult estre cy faict aucune mention ne déclaration... » Mondoucet en donne quittance au trésorier de l'épargne, Claude Garrault, le 10 juin 1572 : Archives de Reims, Collect. Prosper Tarbé, donnée à la ville en 1891. Communiqué par M. H. Jadart, secrétaire général de l'Académie de Reims. 1 Lettre de Morillon, Corresp. de Granvelle, IV, 181.
2 Mémoires de La Huguerye, I, 129.
3 Lettres et Négociations, I, 306, lettre du 30 juin 1573.
4 Lettre de Mondoucet à d'Humières, 10 novemb. 1575, Biblioth. nat., f. fr., 3329. Elle est en copie dans Fontanieu, 339.
IX
rences pour les réformés ne pouvaient se dissimuler ; il resta en relation avec le prince d'Orange ; et d'Humières, devenu le président de la Ligue, lui reprocha en 1577 de favoriser les sectes contraires à la religion catholique, et de travailler avec les États à les établir dans le pays. Mondoucet dut s'expliquer et s'excuser par lettre du 21 mars 1577 1. En 1576, Mondoucet devint l'agent de François d'Alençon, duc d'Anjou, et entra en correspondance plus suivie avec le prince d'Orange. Son rôle devint très important ; il fut le plus actif auxiliaire du prince français, et mit à son service la précieuse expérience du pays qu'il avait acquise depuis 1571 et ses nombreuses relations. Il reçut Alféran, envoyé par le duc pour offrir les secours que les Etats de Hollande et de Zélande lui avaient demandés. En octobre 1576, le prince d'Orange était très favorable au prince français : il consentait à reconnaître François d'Alençon comme Protecteur de tous les Pays-Bas ; mais les Etats généraux firent quelque résistance, et déclarèrent qu'ils n'avaient pas besoin de Protecteur 2. Orange l'écrivit à Mondoucet : lettres du 9 et du 12 novembre 3. Les Etats généraux tentèrent de négocier avec don Juan en
1 Lettre de Mondoucet à d'Humières, id., f. fr., 3329, f° 146; en copie dans Fontanieu, 344.
2 G. van PRINSTERER, Archives de la Maison d'Orange, v, 442. 3 G. van PRINSTERER, Archives de la Maison d'Orange, v, 503. 518.
1577, et traitèrent un accord en février; mais après une nouvelle rupture en octobre, ils s'adressèrent au duc d'Anjou par l'intermédiaire de d'Aubigny, diplomate des Etats de Brabant, chargé de négocier avec le duc depuis novembre 1576. Ils s'adressèrent aussi à la reine de Navarre; d'Aubigny répondit de la Fère qu'ils étaient tous deux dans les meilleures dispositions. Le duc d'Anjou et Marguerite, sa soeur, se trouvaient à la Fère le 23 octobre 1577 ; Mondoucet était venu les rejoindre : c'est à cette époque qu'il cessa de représenter Henri III auprès de don Juan et du gouvernement espagnol. D'Aubigny écrivit aux Etats :
" Nous avons présenté les lettres de Vos Sei« gneuries à Monsieur de Mondoucet, lequel, suy" vant ce que luy avez escript, n'a failly de faire « tous les meilleurs offices dont il s'est peu aviser " tant envers Monseigneur le ducq que la royne de « Navarre 1. »
Ce fut Mondoucet qui organisa l'important voyage de, Marguerite de Valois aux eaux de Spa 2. Elle fut très bien accueillie et gagna à la cause de son frère le comte de Lalaing 3, grand bailli de Hai1
Hai1 concernant les relations entre le duc d'Anjou et les Pays-Bas, publiés par L. MULLER et Alph. DIEGERICK, pour la Société historique d'Utrecht, 1889, I, 71.
2 Voir Introduction du tome Ier des Lettres et Négociations, page XVIII.
3 Philippe, comte de Lalaing, nommé grand bailli de Hainaut
XI
naut. Elle envoya Mondoucet, qui l'accompagnait, auprès du prince d'Orange pour lui demander un passe-port ; Mondoucet ne revint pas 1. Il fut envoyé par le Prince auprès des Etats généraux pour assister Alféran 2 et leur présenter une adresse du duc 3. Quelle mission avait-il reçue ? On a prétendu qu'il devait chercher à empêcher la nomination de l'archiduc Mathias, que les États avaient acceptée en novembre 15774. Les Etats chargèrent Mondoucet de demander au duc l'envoi aux Pays-Bas de La Noue et de quelques autres officiers.
En février 1578, après la bataille de Gembloux, le duc déploya une grande activité ; il envoya auprès des États son maître d'hôtel, La Fougère, et son secrétaire, Haranger ; Mondoucet et Alféran travaillèrent à recruter de nouveaux adhérents, et réussirent assez bien, surtout en Hainaut, où dominait l'influence de Lalaing : une grande partie des classes
en 1574. Il abandonna le prince d'Orange après les désordres de Gand, revint au parti du roi, et mourut le 24 mai 1582, à Valenciennes.
1 « J'y envoyai (auprès du Prince) Mondoucet, qui luy était confident, et se sentait un peu de cette religion. » Mémoires (Ed. soc.
H. F.), p. 118.
2 Lettre des États généraux au duc d'Anjou, du 29 novembre 1577, publiée dans Mémoires anonymes, de BLAES, II, 337, et dans GACHARD, Actes des États généraux, n° 921.
3 Documents concernant les relations entre le duc d'Anjou et les Pays-Bas, de L. MULLER, I, 104. 105 (lettre du 9 janvier 1578).
4 Id., I, 97.
XII
supérieures inclinait vers le parti du duc ; le 27 février, Mondoucet et Alféran adressèrent une remontrance aux États de Hainaut 1. Mais les Etats généraux ne se prononçaient pas ; le duc d'Anjou s'en plaignit à Mondoucet, et lui ordonna de partir dans le cas où ils ne prendraient pas une résolution 2. Mondoucet reçut cette lettre à Mons, et l'envoya le 17 mars aux États généraux 3 ; on ne sait s'il reçut une réponse. Quant aux États, ils nommèrent une Commission et cherchèrent à gagner du temps 4. Le duc d'Anjou leur annonça bientôt l'envoi de deux de ses conseillers, auxquels, conjointement avec Mondoucet, il avait donné pleins pouvoirs 5. Ces deux conseillers furent Rochepot et des Pruneaulx 6. Le duc leur donna des instructions très développées, dans lesquelles il affirmait énergiquement ses droits sur les Pays-Bas : " Nous qui sommes yssus des roys souverains dudict païs, et auquel par con1
con1 anonymes, II, 365.
2 Mémoires anonymes, II, 370. Actes des États généraux, 1045.
3 Mémoires anonymes, II, 372.
4 G. van PRINSTERER, Archives de la Maison d'Orange, VI, 364. 370. Actes, 1062.
5 Mémoires anonymes, II, 374. Actes, 1064 (lettre du 27 mars 1578).
6 Roche de Sorbiers, seigneur des Pruneaulx, gentilhomme huguenot; il était à côté de Coligny au moment de l'arquebusade du 22 août 1572 ; il fut un des principaux négociateurs employés aux Pays-Bas à partir de 1578.
XIII
séquent de droit et nature appartient (plus qu'à nul autre) la conservation dudict païs 1 ...»
Rochepot et des Pruneaulx rencontrèrent Mondoucet à Mons; Mondoucet les présenta au comte et à la comtesse de Lalaing, qui les reçurent avec beaucoup de bienveillance 2. Les conférences eurent lieu à Saint-Ghislain ; les députés des États y arrivèrent le 23 avril 1578 ; puis l'Assemblée fut transférée à Mons le 4 mai 3, et les négociations furent bientôt rompues, surtout par la faute du prince d'Orange, qui ne voulut plus reconnaître au duc le titre de Protecteur, et aussi par suite de l'intervention de l'Angleterre 4.
Les États de Hainaut se montrèrent plus favorables, grâce à Lalaing; quand Mondoucet revint d'Anvers, ils le retinrent à Mons avec les autres ambassadeurs du duc 5. Lalaing fut alors soupçonné de vouloir livrer le Hainaut aux Français, et dut protester 6; ce qui n'empêcha pas le duc d'Anjou de se décider, sur l'avis de ses ambassadeurs, à
1 Archives nat., Cart. des rois, K 100, n° 37. Cf. Biblioth. nat., f. fr., 3277, f° 7.
2 Biblioth. nat., f. fr., 3281, f° 5.
3 Le récit de ces négociations, fait probablement par des Pruneaulx, est à la Biblioth. nat., f. fr., 3281, f° 5.
4 Documents concernant les relations entre le duc d'Anjou et les Pays-Bas, de L. MULLER, I, 240.
5 Documents concernant les relations entre le duc d'Anjou et les Pays-Bas, de L. MULLER, I, 250. 253.
6 Bulletin de la Comm. royale d'histoire, 2e série, VIII, 481.
XIV
partir pour Mons 1. Lalaing annonça lui-même son entrée dans la ville aux États généraux 2. Mondoucet fut renvoyé à Anvers au commencement de juillet ; il y rédigea pour le duc d'Anjou un long mémoire qu'il lui fit parvenir par l'intermédiaire de l'agent Dammartin 3; il lui écrivit aussi une longue lettre dans laquelle il lui indiquait les mesures à prendre pour s'assurer la faveur des personnages influents ; il le pressait surtout de tenter quelque exploit pour faire disparaître la défiance 4. Vers la fin du mois, le duc d'Anjou organisa une mission qui fut chargée de traiter avec les États généraux; Mondoucet en fit partie avec Bussy, Neufville 5. Malgré l'opposition des ambassadeurs d'Élisabeth, ils purent obtenir un traité le 13 août, qui conférait au duc le titre de Défenseur des PaysBas 6. Bien que Mondoucet eût été rappelé quelques jours auparavant 7, il mit son nom, ainsi que
1 L'annonce à Rochepot, par lettre du 10 juin. 1578, voir Documents. .. de L. MULLER, I, 271.
2 Lettre de Lalaing du 12 juillet 1578, dans Mém. anony., II, 306. 3 Voir ce mémoire publié par G. van PRINSTERER, Archives de la Maison d'Orange, VI, 417.
4 Biblioth. nat., f. fr., 3277, f° 47, publié par L. MULLER, Documents, I, 343-346.
5 Documents... publiés par L. MULLER, I, 368.
6 Documents... publiés par L. MULLER, I, 408-414; il est aussi dans Du MONT, Corps dipl., v, 320; dans Renon DE FRANCE, Hist. des troubles, II, 260; enfin, il fut imprimé chez Plantin, 1578.
7 Rappel de Bussy, de Mondoucet et de toute l'ambassade, sauf Neufville : Biblioth. nat., f. fr., 3277, f° 60.
XV
Bussy, au bas de cet acte important ; puis il quitta Anvers, où la mission fut continuée par des Pruneaulx et NeufVille. Malgré tout, le duc ne put se maintenir aux Pays-Bas ; il quitta Mons fin décembre et se retira à Condé 1.
Que devint Mondoucet à partir du mois d'août 1578 ? Nous devons avouer que nos recherches n'ont produit aucun résultat sur ce point. Il continua à porter le titre de conseiller et chambellan ordinaire des affaires et conseil de Monsieur, frère du roi; mais nous n'avons pas retrouvé son nom parmi les agents qui furent employés aux Pays-Bas de 1580 à 1583, au moment où le duc d'Anjou obtint la souveraineté des Pays-Bas (traité du 19 septembre 15802). Mondoucet, qui s'est plaint si souvent dans sa correspondance des dépenses énormes qu'il faisait aux Pays-Bas, avait dû acquérir une petite fortune qu'il employa à l'achat de rentes sur l'Hôtel de Ville 3. Peut-être augmenta-t-il cette fortune par
1 Son départ fut suivi de scènes de désordre à Mons : Bullet. de la Comm. royale d'histoire, 2e série, VIII, lettres de Lalaing, 495; des échevins, 499. Le duc expliqua le motif de sa retraite dans une lettre aux États généraux, du 11 janvier 1579 : Documents historiques inédits concernant les troubles des Pays-Bas, publiés par Kervyn DE VOLEARSBEKE et DIEGERICK, Gand, 1847, I, 96-97. La réponse des États est à la suite, page 99.
2 Traité négocié par Marnix de Sainte-Aldégonde, qui vint trouver le duc d'Anjou à Plessiz-les-Tours, le 30 août 1580.
3 Quittances nombreuses : 15 juillet 1580, 18 octobre 1581 : Biblioth. nat., Pièces originales, 1994. 15 juillet 1579, 18 octobre 1580, 24 septembre 1596 : id., vol. 2012.
XVI
des opérations industrielles. En 1602, un maître de postes arrêta à Port-à-Binson, en Champagne, un nommé Lerman, domestique de Claude de Mondoucet, qui s'en allait à Liège pour conclure en son nom un marché qui avait pour objet la transformation du fer en acier 1.
Il avait épousé Hélène Gaudart, qui appartenait à une famille parisienne; son aïeul, Zacharie Gaudart, conseiller, notaire et secrétaire du roi, avait épousé Hélène de Chaponay. L'aînée des filles de Mondoucet, Claude de Mondoucet, fut accordée le 3 janvier 1605 avec Charles de Crévecoeur, seigneur de Vienne 2. Ce Charles de Crévecoeur, fils aîné de Jacques de Crévecoeur, était le chef des armes de toute la maison de Crévecoeur 3; il mourut assez jeune, peu après 1630 4; de leur mariage était né Charles-Martin de Crévecoeur, qui épousa Françoise Texier de Hautefeuille. L'autre fille de Mon1
Mon1 du Conseil de la ville de Reims, 17 juin 1602. Comme ledit Lerman n'avait pas le passeport exigé par une ordonnance du roi, on le retint prisonnier à l'hôtel de la Galère. (Renseignement fourni par M. Duchénoy.)
2 Le contrat passé dans la maison de Mondoucet est dans les Carrés de D'HOZIER, 445, f° 227.
3 Biblioth. nat., Pièces originales, 932, f° 171 v°.
4 Nous avons des reçus, quittances, signés de lui en 1627 et en 1630 : Pièces originales, 932, f°s 132 et 133. Il était mort en 1633; Jacques de Bezannes poursuivait sa veuve pour le paiement d'une somme de 3,400 livres à la date du 12 décembre 1633. [Étude du notaire Leleu, de Reims.] — (Note communiquée par M. Duchénoy.)
XVII
doucet, Louise de Mondoucet, fut mariée le 28 janvier 1612 avec Jacques le Clerc de Fleurigny, baron de la Forest le Roi 1; il mourut avant 1619, et sa veuve se remaria avant 1624 avec Robert de Bonneval ; de son premier mariage elle avait eu plusieurs enfants : l'un d'eux, Jacques de Fleurigny, fut chevalier de Malte ; il fit ses preuves au Temple le 28 janvier 1629, servit au siège de Malte en 1644, et mourut en 1645 2.
La branche des Mondoucet, dont Claude était le chef, disparut donc, puisqu'elle ne fut représentée que par ces deux filles.
Les armes de Mondoucet étaient :
D'ARGENT A 3 FACES DE GUEULES ET 14 CROISETTES POSÉES EN PAI. > ET ,> . LES CROISETTES DE GUEULES POZÉES SUR L'ARGENT, ET LES CROIZETTES D'ARGENT POZÉES SUR LES FACES DE GUEULES 3.
L. DIDIER.
1 Carrés de D'HOZIER, 445, f° 229.
2 P. ANSELME, VI, 392.
3 Carrés de D'HOZIER, 445, f° 229 v°. D'Hozier renvoie á Paliot pour la position de ces croisettes.
LETTRES ET NEGOCIATIONS
DE M. DE MOINDOUCET
RÉSIDENT POUR LE ROY CHARLES IX ÈS PAYS-BAS
Les années 1572, 73 et 74.
CXXVI. — Au Roy. — [4 octobre, 1573.]
Le Duc fait rompre son camp et placer ses troupes en garnison. — Amsterdam refuse de recevoir des. troupes espagnoles. — Opérations de Boussu dans le Zuider-Zée. — Départ de Medina-Celi pour l'Espagne. — Nouvelles de Zélande.
Sire. Depuis ma dernière deppesche du XXIXme du passé, laquelle contenoit bien particulièrement l'estat des affaires de deçà et les propoz que j'euz avec Monsr le duc d'Alve à ma dernière audiance, il y est survenu fort peu de chose. Mais affin que Vostre Maté ne demoure trop de jours sans en entendre la continuation, je vous ay voullu faire ce mot, et vous dire que ledit sr duc a tousjours différé son parlement de ceste ville [Anstredam], tant pour atendre que son camp fust du tout retiré de ce siège d'Alkemar 1 et l'artillerie mise en lieu de seureté que pour
1 Dans une lettre au roi, du 23 octobre, le duc d'Albe donne les raisons qui l'ont décidé à faire lever le siège : les dispositions des soldats étaient équivoques, et le camp était rempli d'eau, l'artillerie submergée : Corr. de Philippe II, II, 422. Noircarmes, écrivant à son frère le 27 octobre, donne les mêmes raisons. La
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faire le deppartement de ses garnisons pour tout cest hiver, non pour la rupture de son camp, car c'est chose assez aisée d'autant que la plus grand part de ses soldatz ont depuis environ ung mois commancé à se retirer d'eulx mesmes ; mais son artillerie s'est trouvée si fort engaigée dedans ces marayz qu'on ne la peult encores du tout retirer, et croy que l'on sera contraint d'y en laisser quelques pièces, lesquelles on fait estat de rompre affin que les Gueux ne s'en puissent servir.
Et pour le deppartement desdits gens de guerre il vouldroit bien, auparavant que de desloger de ceste ville, y en mectre une bonne quantité s'il pouvoit, ce qu'il trouvera mal aisé pour ce qu'elle s'est racheptée de garnison il y a desjà assez longtemps, en quoy elle s'est conservée. Et pour cest effect il a appelle en son conseil les bourgmestres et principaux ausquelz après avoir fait entendre le debvoir qu'on avoit emploie en ce siège et les grandes incommoditez que le temps y avoit apportées, qui estoient cause de le faire délaisser, qu'il luy estoit nécessaire fournir et pourvoir les places les plus avantageuses pour la conservation du pays et des bons serviteurs du Roy et plus dommaigeables à son ennemy, entre lesquelles il estimoit que ceste dite ville estoit des premières, encores que d'elle mesme et sans aucune despense elle se feust tousjours bien maintenue et
décision de lever le siège fut prise en présence de don Fadrique le 20 septembre : id., 427-428. Bernardin de Mendoça donne une autre cause : le duc avait appris par des espions que les rebelles voulaient rompre une digue dans le Vaterland ; il envoya Bernardin porter la nouvelle au camp, on prit des informations, et les officiers réunis en conseil décidèrent de se retirer; Julien Romero fut chargé d'emmener la cavalerie ; tout fut évacué pour le 10 octobre: Bern. DE MENDOÇA, édit, du Colonel Guillaume, II, 163-165.
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conservée en obéissance, dont à jamais elle seroit remarquée d'une très grande fidélité ; toutefoys qu'il leur en laisseroyt la continuation de la charge, les voullant relever de foulle, n'estoit que aiant beuacoup de forces à deppartir, ce qu'il a dedans le pais de Hollande ne pouvoit suffire pour les soustenir cest hiver; et qu'il avoit advisé pour le mieulx d'y faire entrer douze compaignies d'Espaignolz pour les assister à se deffendre et à entreprendre sur les ennemyz s'il y avoit moien, les priant de le faire trouver bon au peuple : ce que lesditz bourgmestres promeyrent, remonstrans qu'il ne tiendroit à eulx, mais qu'ilz congnoissent les habitans de telle humeur qu'ilz ne si accorderoient jamais. Et s'estant desjà ce bruyt espandu par la ville, ilz commencent à murmurer et à garder leurs portes plus estroitement que paravant. Depuis le dit sr duc ne leur en a parlé et se contentera, en mon advis, d'en avoir fait ceste première ouverture sans monstrer d'en avoir envye, sinon que pour ce que leur seureté le requiert, les laissant venir d'eulx mesmes à le demander. Mais je croy qu'il aura bel atendre et me semble que s'il veult user de force ou de quelque stratagème en ce fait (dont il se gardera bien) il sera pour faire révolter du tout ceste dite ville, qui est de plus grande importance qu'on ne sauroyt dire. Nous en atendons la résolution, laquelle se pourra faire, maintenant que le sr de Noircarmes 1 est icy.
Quant au sr de Bossu il est prest à remonster sur ses vaisseaux qui sont hors de ce port, pour, avec l'ayde Dieu et la faveur du vent et des eaux, faire voille devers ses ennemyz et les combattre, ou bien passer le destroit d'Enckuisen, pour, à ce qu'on dit, aller quérir et faire
1 Voir tome Ier, page 13, note 1.
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escorte à ung reste de la flotte d'Ostrelande qui est demourée à Endem, afin de monstrer quelque acte de ses dilligances ; mais lesditz ennemyz quy bravent plus que jamais et de tous costez pour veoyr ceste peu honnorable retraite, et qu'ilz auront relasche de six moys pour le moings, seront pour luy faire teste et s'opposer à son passage, estans plus fortz de vaisseaux que luy; il est à craindre que tous ces acrochemans d'affaires ne retardent encores le parlement dudit sr duc pour aller en Brabant, lequel on remect au commancement de ceste sepmaine prochaine. Et cependant il ne se parle icy de quelque négoce que ce soit, toutes choses estantremises en Anvers, mesmes les affaires externes s'interaiectent pour songer et donner ordre aux domestiques et privées.
L'on m'escript que le duc de Medinacely est sur son parlement pour retourner en Espaigne, voullant prendre le chemin de la poste par France avec peu de compaignie, et le reste de son trayn le suyvra à journées 1.
Aussi asseure-t-on que le Grand Commandeur est en chemyn pour venir par deçà; mais l'occasion de sa venue n'a encores esté confirmée, pour la raison que j'ay fait entendre à Vostre Maté par ma dernière 2.
Quant à la Zélande on remect en Anvers l'armée de mer en équipaige pour y retourner, mais ce ne sera du XXme de ce moys et les Gueulx n'y perdans le temps ce pendant fortiffieront toutes les advenues, de telle sorte
1 Le duc de Medina-Celi fut rappelé en même temps que le duc d'Albe ; il était malade aux eaux de Spa quand il reçut l'ordre de revenir à la cour; il partit le 6 octobre, et prit la route de mer. Avant de partir, il déclara confidentiellement qu'il reviendrait, et laissa sa maison à Bruxelles. Lettre d'Albornoz à Çayas du 23 octobre : Corresp. de Philippe II, II, 426.
2 Voir tome Ier, page 423.
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qu'elle aura plus d'affaires qu'elle n'a encores eu ; aussi qu'ilz ont laissé aller l'eau en l'isle de Walcre pour presser Midelbourg de plus près. De Anstredam, ce IIII octobre 1573.
CXXVII. — Au Roy. - [9 octobre, 1573.]
Répartition des garnisons espagnoles en Hollande. — Affaires de Zélande. — Départ prochain du Duc pour Anvers. — Nouvelles du Grand Commandeur. — Joie et préparatifs du Prince.
Sire. Vous aurez veu par ma dernière deppesche du IIIIe de ce moys comme monsr le duc d'Alve depuis quelque temps ençà ne s'employe à autre chose qu'à donner ordre au département de ses forces et les réduyre aux garnisons les plus avantaigeuses sur son ennemy pour y hiverner, le tout estant de ceste heure retiré du siège d'Alkemar et mesmes l'artillerie que l'on en a ostée avec toutes les peines du monde ; dont on ne feust sorty si aisément n'estoit quelque peu de beau temps qui est survenu. Les principalles garnisons se réduisent tant en la ville de Harlem que à AEgmont et aux villaiges les plus fortz d'assiette qui soient là autour, afin de reserrer les ennemys de plus près, les escarmoucher cest hiver sur les glaces, et leur oster le moien de s'eslargir: qui est la meilleure résolution qu'ayt seu prendre ledit sr duc, voullant par cy après faire beaucoup plus d'effort par la mer qu'il n'a fait par le passé et réduyre en partie celluy de la terre.
En fin ceste ville d'Anstredam se trouvera exempte de garnison, et s'est-on bien repanty d'en avoir entamé le propos pour le mal de mutination qui s'en est pensé
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ensuyvre, aiant l'un des bourgmestres esté si outrecuydé de voulloir atempter à la personne du sr de Bossu leur gouverneur, estans entrez en cholère sur ce fait, dont encores n'a on avisé faire aucune pugnition ne démonstration pour la crainte de pys.
Le parlement dudit sr duc de ceste ville se remect de jour à autre, et croy que, puys qu'il en est si avant, il atendra que toutes choses soient establies en ce pays avec l'ordre qu'il y veult mectre, voullant que don Fadriq son filz le suyve en Brabant; et d'autre part qu'il désireroit veoir quel succez aura ceste approche qu'a faite ledit Sr de Bossu avec ses vaisseaux de ceulx des Gueulx, lesquelz se sont si bien canonnez durant ces quatre jours passez qu'il y est demouré beaucoup d'hommes d'une part et d'autre, l'un des vaisseaux dudit sr de Bossu ayant esté prys et ung autre si endommaigé et ouvert de canonnades qu'il est demouré inutille. L'on dit bien que les ditz Gueux y ont aussi perdu deulx navires, mais nous ne les voions point ramener, comme l'on fait force mortz et blessez ; lesditz Gueux sont beaucoup plus fortz que luy, et ceulx qui congnoissent ceste mer désespèrent quasi qu'il les en puisse faire retirer ny gaigner beaucoup davantaige sur eulx s'il n'est autrement remforcé. Ilz continuent de se battre et verrons bien tost ce qui en sera ; mais s'il advient une routte ou désastre audit de Bossu, ceste ville ne se trouverra sans danger de révolte, se voyant privée de tous moiens de secours et de l'ouverture de ceste mer, l'espérance de laquelle la nourrist et entretient.
J'escripvoys à Vostre Maté par madite dernière comme tous affaires se remectoient en Anvers, et à lavérité il ne se traite icy d'aucune chose que de ces deulx pointz cy dessus, chacun aiant tous les jours le pyed à restrier
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pour en partir, et, selon l'asseurance que ledit sr duc m'a donnée de son partement pour lundy prochain, je me deslibère de l'aller atendre à Utrecht et gaigner le devant pour éviter la presse, d'autant qu'il emmeyne avec luy ung terce des douze enseignes d'Espaignolz pour le besoing qu'il en pourra avoir par delà. Cependant afin qu'il ne se passe riens auprès de luy dont Vostre Maté ne soit advertie, je y laisseroy ung de mes gens.
Quant aux préparatifz qui se font en Anvers pour retourner à Midelbourg ce ne sera chose encores si tost preste, s'estant la plus grande part des matelotz et des soldatz mesmes qui ont fait ces voiaiges préceddans enfuyz et retirez pour n'y retourner plus, dont maintenant on se trouve en peine. Toutefois il est à croyre que l'on se vouldra haster pour y employer ce moys, autrement l'hiver arresteroit le tout jusque la prime vere.
Le duc de Medine est toujours à Bruxelles parlant de son partement, le temps duquel n'est encores bien asseuré, comme est celluy de l'arrivée du Grand Commandeur pour la fin de ce moys, au devant duquel le dit sr duc d'Alve a envoyé jusques en Lorraine le comte de Meghen pour l'atendre et le conduyre en ce pays.
Au surplus, Sire, quant est du prince d'Orange il se retrouve à Dordrecq où il persévère de donner ordre à tous ses affaires, mesmes pour le recouvrement de deniers durant cest hiver, remonstrant à toutes ses villes le peu d'effect de l'armée dudit sr duc de ceste année avec le peu de réputation qu'il en remporte, se trouvant contraint d'habandonner la moyndre place de toutes, dont il est incroyable les alégresses qu'ilz ont faites ; et entendz que, tout ainsi que ledit sr duc, fait dessing de se fortiffier de bon nombre de vaisseaux et de se rendre maistre de la mer à ce renouveau, tant par l'ayde de l'Angleterre.
du Roy de Dannemarch, de Suède et autres que l'on m'a dit qu'il y veult emploier que ceulx qu'il tient en ses portz qu'il veult armer. Il ne manqua pas de faire de sa part toutes ses provisions pour y résister et dresser ses pratiques au contraire.
D'Anstredam, ce IXe jour de octobre 1573.
CXXVIII. — Au Roy. — [11 octobre, 1573.]
Annonce au roi l'arrivée d'un messager qui expliquera de bouche comment les garnisons ont été réparties.
Sire. J'ay escript à Vostre Maté du IXme de ce moys si peu qui se présentoyt pour lors ès affaires de deçà. Depuis, voyant monsr le duc d'Alve estre entré en plusieurs résolutions sur lesditz affaires mesmement pour l'ordre qu'il est nécessaire d'observer durant tout cest hiver que ses forces seront réduytes aux garnisons et autres que j'ay particullièrement desduites et déclarées à ce porteur mon homme, j'ay advisé pour le mieux de le deppescher expressément devers Vostre Maté, afin que à bouche il les vous puisse plus clairement représenter, estant instruict de tout si exactement qu'il vous en saura rendre très bon compte, qui me gardera de vous en faire la présente plus longue, me remectant sur luy de ce qu'il vous fera entendre de ma part que je supplie très-bumblement Vostre Maté voulloir croyre comme elle vouldroyt faire moy mesmes.
De Utrecht, ce XIme octobre 1573.
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CXXIX. — Au Roy. — [14 octobre, 1573.]
Défaite de Boussu dans le Zuider-Zée. — Le départ du duc d'Albe. — Les garnisons en Hollande. — Sentiments des Espagnols à l'égard de la France.
Sire. Il y a troys jours que j'ay deppesché mon homme devers Vostre Maté bien particulièrement instruict de tout ce qui se passoit ès affaires de deçà, qui me gardera d'en reprendre autre chose par la présente; et, ainsi qu'il vous aura pieu entendre, monsr le duc d'Alve se trouvoit lors en terme de partir d'Anstredam pour tirer en Brabant, n'atendant plus que le retour du camp de son filz don Fadricq près luy pour l'amener par mesme moien ; sur quoy selon que vous aura rapporté mondit homme et l'asseurance que me donna lors ledit sr duc de partir ce jourd'huy ou demain, je m'estois achemyné devant en ceste ville pour l'atendre au passaige ; mais ily est depuis intervenu autres nouvelles qui le pourront retarder plus longuement qu'il ne vouldroit, qui sont que le sr de Bossu, voullant avec ses vaisseaux continuer la poursuite commancée contre los Gueux et gaigner le passaige d'Enckuisen pour donner moyen à l'entrée des vivres et grains en ce pays qui en a bon besoing, il a esté attiré de telle sorte par lesditz Gueux que, passant avant jusquesy ung endroyt où ilz avoient quelque renfort, il s'est trouvé chargé assez furieusement, son vaisseau environné de plusieurs moiens vaisseaux pour le combattre, cependant que les autres combattoient aussi de leur part. Si bien que ceste bataille se tient pour sanglante et ledit admirai prys et emmené, et quatre autres des principaulx aussi prys ou enfoncez, n'estant retourné que le vise-
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admirai en compaignie de douze vaisseaulx de reste qui sont maintenant au port dudit Anstredam. Quant à la personne dudit sr de Bossu aucuns disent qu'il a esté mené à Enckuisen et autres qu'il auroit esté tué en combatant, par ce qu'il avoit protesté paravant son partement de voulloir plustot mourir que d'estre prisonnier, et qu'il savoyt que les forces desditz Gueulx estoient plus grandes que les siennes ; mais, puisque ledit sr duc avoit volunté d'en prendre le hazard, qu'il en feroyt son plain debvoir 1.
Vous savez, Sire, que ce n'est pas la coustume dudit sr duc d'estre si hazardeux, principallement en chose de si grande conséquance qu'estoit ceste-cy. Mais, voullant d'un costé couvrir la retraite d'Alkemar, il faisoit son compte de gaigner ce destroit devant que son successeur feust arryvé en ce pays et emporter ceste dernière main, laissant ce passaige ouvert pour le secours et provision des nécessitez de vivres d'icelluy; aussy que par après le moien serait plus aisé de se rendre maistre de la mer, qui estoit son but; mais il trouve maintenant ses dessings bien reculiez, car, outre qu'à ceste occasion il se veoyd assez mal asseuré d'Anstredam et de plusieurs autres villes, il n'est pour pouvoir plus résister à ses ennemys par la terre ne par la mer, leurs vaisseaux pouvans aller et venir librement par tout, soyt pour coupper les digues ou faire autres entreprises qu'ilz adviserons.
1 Dans le combat naval du 13 octobre, Boussu avait été fait prisonnier et emmené à Horn. Il fut plus tard échangé contre Marnix de Ste-Aldegonde. Le duc d'Albe rendit compte au roi de cette défaite dans une lettre du 22 octobre : Corresp. de Phil. II, II, 418 et seq. Gachard a ajouté en note plusieurs lettres du comte de Boussu et du duc d'Albe. Mondoucet donne des détails plus complets et plus exacts dans la lettre suivante, du 17 octobre.
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Et ce qui le point le plus est que sur ces entrefaites il se veoyd révocquéde ce gouvernement auparavant que d'estre demouré le maistre de ceste guerre comme il s'estoit toujours promis et asseuré, ou pour le moings sans y avoir estably les affaires en meilleur estat qu'elles ne sont. J'ay tousjours escript à Vostre Maté qu'il faisoit assez de démonstrations d'estre bien content d'aller en Espaigne, mais j'ay seu de quelqu'un des siens qu'il désire tirer son partement en longueur pour essaier d'y demourer, comme il a fait à la venue du duc de Médine, lequel n'a esté entretenu que d'espérances, et regaigner, s'il peult, en l'année prochaine ce qu'il a perdu de pays et de réputation en ses deulx icy. Nous verrons ce qu'il en adviendra. Mais j'ay oppinion que le commandor major estant arrivé dedans la fin de ce moys comme l'on asseure il sera contraint de songer à son partement, et, quant il y demoureroyt, il est à craindre pour beaucoup de raisons dont la nécessité d'argent et l'inymitié généralle que l'on luy porte sont les principalles, qu'il seroyt pour augmenter sa honte plustost que de la couvrir.
Du costé de la terre ses garnisons se trouvent quasy establyes par les villaiges de Hollande et le plus près que l'on a peu des villes ennemyes, se faisans des courses de deulx et troys mil hommes aussi avant que l'on peult en pays pour le brasier, piller et saccager ce pendant que le temps est beau et constant, afin de faire retirer toutes les dites garnisons des dites villes et leur faire consommer leurs vivres tant plustost; mais estant ceste routte advenue et ce dessing de la mer perdu, celluy de la terre le pourra estre en semblable, et que telz feuz et saccagemens ne feront que enflammer ce peuple davantaige contre ledit sr duc et ceulx de sa nation.
Au surplus, Sire, il court icy ung bruyt que voz rebelles
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se seroient de nouveau saisyz de la ville de Poitiers 1, dont je say que secrètement on se resjoyst par decà, ainsi que l'on fait quant il advyent quelque disgrâce en vostre royaume, disans que, outre que la guerre se continuera en France, le prince d'Orange n'en pourra estre secouru, aussi que le Roy de Pollongne sera retardé d'aller en son royaume et que le temps luy pourroit faire aussy faire naistre quelque difficulté d'y aller, qui sont les commoditez qu'ilz discourent leur en pouvoir advenir. Mais pour ce qu'il a pieu à Vostre Matè m'advertir de l'establissememt de la paix, mesmement en ces quartiers là, je tiens (que) ceste chose faulce, et congnoistrez seullement par là leurs voluntez, et qu'il ne tiendra à leurs praticques et menées que le feu ne se ralume en vostre royaume.
Je ne diray rien davantaige à Vostre Maté des affaires de Zélandene du parlement dudit duc de Médine, par ce que mondit homme se sera bien instruict de toutes choses en son passaige pour vous en rapporter la vérité.
De Utrecht, ce XIIIe octobre 1573.
CXXX. — Au Roy. — [17 oct., 1573.]
Nouveaux détails sur la défaite de Boussu ; ses conséquences pour la Hollande. — Mondoucet demande de l'argent. — Nouvelles de Zélande.
Sire. Par ma dernière deppesche du XIIIe de ce mois Vostre Maté aura veu le mauvais succez advenu à l'armée
1 Le lieutenant-général de la sénéchaussée de Poitiers, La Haie, du parti des Malcontents, proposa en effet, mais un peu plus tard, à l'assemblée de Milhaud, de faire son possible pour livrer Poitiers aux Huguenots. LA POPELINIÈRE, Hist. de France, II, 207.
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de mer de M. le duc d'Alve, dont pour estre ceste nouvelle encores si ressente qu'elle estoit je ne vous peuz si bien desseigner les particularitez que je feray maintenant : qui sont que le sr de Bossu aiant fait tout debvoyr et effort de combattre ses ennemys, et s'estant mys ung peu trop avant en la meslée, se seroit trouvé chargé si vifvement que peu de vaisseau de son armée avoient eu loysir de le secourir, sinon troys autres qui y sont demourez comme luy, son vis admirai et le reste aians plus tost advisé à leur retraite en seureté que de le voulloir suyvre et deffendre ; dont on crye à présent après ledit visadmiral l'accusant de lâcheté et poltronerie, et sera en danger d'en recepvoir quelque pugnition sur la cholère extrême où se trouve ledit sr duc de ce fait qui est de très-grande conséquance pour plusieurs raisons contenues par madite dernière. Outre que la perte est notable de quatre grandz vaisseaux, entre lesquelz celluy dudit sr de Bossu estoit chargé de trente pièces d'artillerie de bronze dont il y en avoyt douze de batterie pourveu de toutes sortes de munitions et vivres, y aiant sur lesditz vaisseaux environ III cens Espaignolz et autres II cens tant Wallons que Allemans, de tous lesquelz il n'a esté sauvé que ledit sr de Bossu avec XV ou XX de ses gentilzhommes, quelques quinze Espaignolz et environ cinquante ou soixante autres personnes de ce pays, le reste tué et noyé sur le champ, et fut le tout conduyt dès lors à Horn, selon l'advis qu'en a eu ledit sr duc, lequel vouldroit bien à la chaude pouvoir tant faire que de ravoir ledit de Bossu, afin de se relever de la peine où il se trouve pour l'establissement d'un nouveau gouverneur en ce pays qui soit entendu aux affaires, fidelle et surtout bien voullu et aymé de ce peuple. Mais l'un luy est impossible ; le prince d'Orange aiant entendu ceste routte a mandé à son
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admirai en ceste mer de les mectre tous en bonne et seure garde, atendant sa volunté et ce en qui sera ordonné que l'on juge debvoir estre de les faire bien tost transporter devers luy. Et pour le regard de l'autre, il n'y a maintenant pas ung seigneur de ce pays cappable de ceste charge vaccante ; et d'y en mectre ung de sa nation ou d'autre il n'y seroit obéy ne aymé.
Tous ces jours passez on a esté en alarme audit Anstredam sur la crainte qu'on a eue que lesditz Gueulx ne retournassent occupper les digues pour enfermer là ledit sr duc et clore la porte à toute la Hollande où sont ses forces, qui seroit, pour y mourir de fain ; mais cela n'est encores advenu, toutefoys ceste crainte n'est sans grande occasion, lesditz Gueulx s'estant ainsi renforcez de vaisseaux et d'artillerie, et ledit sr duc affoibly et sans grand moyen de les en pouvoir empescher. Néanmoings il y donne ordre le mieux qu'il peult en aiant fait renforcer la garde, mais je crains qu'il sera mal aisé de les en garder. Ce en quoy ledit sr duc se trouve le plus empesché est d'adviser à la conservation dudit Anstredam qui seroit pour faire une follye s'il en sortoit, et encores pour sa présence ne laissent-ilz de murmurer assez haultement contre luy; mais il appelle tous les jours les bourgmestres en son conseil pour les faire participper aux délibérations et les adoulcir tant qu'ilz puissent recepvoir garnisons, à quoy ilz ne veullent entendre, désirans de se conserver d'eux mesmes ainsi qu'ilz ont fait cy devant; et sera en mon advis une grande raison pour y faire séjourner ledit sr duc plus qu'il ne vouldroit, n'estans nulles nouvelles qu'il en doibve partir de plus de six sepmaines ou deux moys, outre qu'il donne ordre pour l'entretènement pour tout cest hiver de ce reste de vaisseau qu'il a, estant très néces-
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saire qu'il en demouré d'armez en ce port, autrement lesditz Gueulx y entreroient librement et à leur plaisir, toutes ces choses estans de plus d'importance que la venue du nouveau gouverneur, assemblée d'Estatz ou autres affaires. Quant à ce qui est de la terre il ne s'y fait autre chose que ce que Vostre Maté aura veu par madite dernière et sont encores la plus part des gens de guerre à AEgmont, d'ou ilz font les bruslemans que je vous ai escript. Toute l'artillerie a esté amenée en ceste ville et mise en la citadelle, ledit sr duc ne se fiant de la laisser audit Anstredam ne en autre lieu par delà.
Sire, Vostre Maté considèrera, s'il luy plaist, comme tous ces mauvais esvènemans nous retiennent à la guerre Testé et l'hiver et combien il m'est nécessaire à ceste occasion supporter de grandes despances extraordinaires et plus que n'a jamais fait nul autre de mes prédécesseurs, ainsi que j'ay fait continuellement depuis que je suis par deçà, et mesmement ceste année que nous avons esté en ce pays ruyné et où la charté est extrême, pour raison de quoy il avoit pleu à Vostre Maté m'ordonner la somme de VI mille livres il y a plus de huict moys, de laquelle je n'ay jusques à présent receu aucune chose, quelque assignation que j'en aye eu sur les parties casuelles, nymesmes de ce que j'ay desboursé pour vostre service : qui me fait vous supplier très humblement encores ce coup voulloir à tous le moings commander que soys payé de ceste somme, atendant autre moien qu'il plaira à Vostre Maté me donner pour me récompenser de tout.
Au surplus, Sire, les préparatifz pour retourner au secours des Zélandes vont très lentement, estant les forces qu'on y debvoit envoyer retenues et employées devers Gertruyembergue pour l'expugnation d'un fort que les
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Gueulx faisoient faire près de ladite ville pour en asseurer l'advenue; duquel, à ce que j'entendz, ilz se sont retirez, et cependant il est à craindre que l'hiver empeschera ce dernier voiaige, qui sera cause de la perte de Midelbourg et de tout le pays, lequel il sera impossible de pouvoir recouvrer. De Utrecht, ce XVIIe octobre 1573.
CXXXI. — Au Roy. - [23 et 24 oct., 1573.]
Situation de la Hollande; inquiétudes au sujet d'Amsterdam qui refuse toute garnison espagnole. — Zélande. — Le départ du Duc pour le Brabant. — Nouvelles du prince d'Orange. — Manque d'argent au camp du Duc : les Wallons exigent leur solde, comme les Allemands et les Espagnols. — Situation critique du duc d'Albe.
Sire. Je vous ay escript assez amplement par ma dernière du XVII de ce moys les deslibérations que faisoyt lors M. le duc d'Alve sur les affaires de sa guerre, après la routte advenue au sr de Bossu, par lesquelles il faisoit juger à ung chacun son intention estre du tout tournée à demourer encores six sepmaines ou ung moys pour le moings en la ville d'Anstredam, afin de donner ordre à toutes choses auparavant que d'en partir, principallement à l'establissement de ladite ville en bonne seureté quant il en sera esloigné, à la provision d'un nouveau gouverneur en Hollande durant la prison dudit de Bossu et à l'entretènement du reste de ses vaisseaulx armez dedans le port dudit Anstredam, qui puissent empescher les courses desditz Gueulx, aussi en atendant que ses garnisons de Hollande soient bien establies et que troys fortz que l'on fait construyre du costé d'Alkemar pour presser lesditz Gueulx en Watreland feussent en def-
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fance. Mais tout en ung coup il a changé d'oppinion et de dessing, s'estant résolu d'en partir dedans le XXVIme de ce mois, si autre chose ne survient, pour tirer en Brabant et y arriver, s'il est possible, aussi tost que le Commandeur major, ce qui luy sera impossible, estant ledit Commandeur desjà bien avant en Luxembourg. Après que quant à sesdites affaires il a premièrement esté persuadé, tant par force que de bonne volunté, de laisser ès mains des bourgmestres et habitans dudit Anstredam la garde et conservation de leur ville ainsi qu'ilz ont accoustumé, n'aiant esté possible de les induyre à recepvoir aucune garnison, et jusques à avoir refuzé l'entrée et passaige par icelle au terce de Sicille d'Espaignolz que ledit sr duc fait marcher en Brabant avecques luy.
Pour le regard d'un nouveau gouverneur par provision audit pays, ilz se trouvent si destitué d'hommes qui aient l'amitié et la créance du peuple, on pense qu'il n'y pourvoirra poinct autrement qu'il a fait, remectant en la charge de ceulx qu'il laissera pour gouverneurs tant à AEgmont, esditz fortz que à Harlem et aux bourgmestres d'Anstredam le gouvernement de ce qui leur touchera à chacun. Et pour l'entretènement de sesditz vaisseaux je veoy qu'il se résould de les laisser reposer cest hiver, affin d'espargner autant pour le printemps qu'il fait compte de mectre une grande force en mer, espérant que les gelées et les glaces empescheront bien tost ses ditz ennemyz d'exécuter leurs dessings s'ilz en ont, et se remect à entretenir seullement quelques troys ou quatre galliottes armées pour faire les courses et prendre garde à ce que les digues et passages soient toujours conservez en leur entier et en la seureté nécessaire. Car véritablement, Sire, il est grandement à craindre que
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lesditz Gueulz ne facent une belle entreprise, de laquelle pouvans venir au dessus, il est certain qu'ilz feroient mourir de fayn Anstredan, Harlem et tout ce qui est de forces audit pays, qui avec les passaiges libres auront encores beaucoup à souffrir ceste année. Plusieurs ont mauvaise oppinion dudit Anstredam après le partement dudit sr duc, parce qu'ilz congnoissent plustost perte et ruyne en sa venue que aucun gaing ou avancement en ceste guerre, qui seroit une perte irécouvrable, laquelle il fault espérer que Dieu ne permectra pas s'il luy plaist. Quant aux garnisons elles ne se peuvent grandement estandre d'un costé ne d'autre. Car du costé d'Alkemar il n'y avoit moien de les y faire demourer sans lesditz fortz d'Egmont et deulx autres petiz qui se trouvent en deffense. Et du costé de Leydem on se reduyt au Sacqs (Sassenheim) où le prince avoyt ses forces durant le siège de Harlem, et se trouve encores une bien grande difficulté à y faire demourer les soldatz pour la nécessité qu'ilz y ont, et, n'estoit qu'ilz sont là comme dedans ung sacq, mal aisément les y pourroit on retenir. Or, Sire, après que ledit Sr duc a veu tout cest ordre là ainsi estably, et que sa présence ny celle de son filz n'y estoit plus grandement requise en ce temps, mais beaucoup plus nécessaire en Anvers et autres lieux de Brabant, il s'est résolu d'y aller ainsi que vous voyez ; outre que la venue du Grand Commandeur de Castille, qui est fort prochaine, l'a en cela fait précypiter, aiant eu advis qu'il est de cest heure en Luxembourg et qu'il sera plus tost à Bruxelles que luy. Car, quelque dilligance que ledit Sr duc face, il n'y peult arriver de douze jours ; et puys il pourra séjourner en Gueldres pour y donner ordre en passant, outre que estant l'armée du Sr de Beauvais encores sur son partement d'Anvers pour aller à
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Midelbourg, il ne vouldra passer sans le veoyr ; Dieu vueille qu'elle ayt meilleur succez que celle du S' de Bossu ; mais l'oppinion comune est qu'elle fera moings d'effect ce voiaige que aux autres, tant pour estre la saison merveilleusement avancée, les Gueulx aians fortiffié tous les passaiges, que pour ce qu'ilz seront maintenant plus fort z de ce costé là, s'ilz veullent, qu'ilz n'ont esté, y pouvans faire passer les vaisseaux de Hollande qui sont merveilleusement avantageulx et armez, à ce que rapportent ceulx qui tremblent encores de la frayeur qu'ilz ont eue à la journée d'Horn. Nous verrons ce qui en adviendra et ce qu'apportera de nouveau la venue dudit Commandeur major, dont j'espère advertir Vostre Mté bien à la vérité.
Il n'est nulles nouvelles des actions du prince d'Orange, sinon qu'il employe tous ses espritz à recouvrer argent pour l'année prochaine, coinfirmant et establissant ses villes de plus en plus en son amitié. Mais, à ce que j'entendz, il y trouve peu de resource pour estre privées du trafficq et mangées de ses gens de guerre depuis deux ans. Toutefois estant plus avant que jamais en ceste querelle, il ne sera pour demourer court. Il se prépare ung vaisseau à Horn pour conduyre ledit de Bossu et autres prisonniers devers luy, de la routte duquel nous avons oy d'icy les grandes alégresses qui en ont esté faites par ses villes.
De Utrecht, ce XXIIIme octobre 1573.
Sire. Depuis ceste lettre escripte j'ay esté adverty que ceulx de ladite ville d'Anstredam aians esté encores plus pressez de recepvoir garnison s'en sont tousjours deffenduz et ne veullent oultre accepter autre gouverneur que ledit Sr duc, s'il y veult demourer, duquel encores ne se
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contentent-ilz pas pour les occasions passées. Tout cela est très bon; mais si honnestement on se pouvoit ressentir d'eux et faire entrer gens de guerre en leur ville, on auroit bien la raison de tel reffus qui approche de la rébellion; mais il fault que le temps et la nécessité face oublier et passer doulcement beaucoup de choses qui en autre temps mériteroient d'estre pugnies bien rigoreusement.
Quant au camp, l'argent y est si court que Vostre Mté peult veoir, les affaires n'y vont si promptement que l'on vouldroyt, par ce que, à ce parlement, il en fault bailler aux Espaignolz et Allemans qu'on y veult faire demourer l'hiver, autrement ilz ne s'y veullent tenir, et, qui pys est, les Wallons ymitans les Espaignolz se mutinent bien fort sur ce que l'on les veult casser sans argent et à la charge que dedans troys mois ilz se rendrons près de leurs enseignes pour continuer leurs services, aians dit tout hault qu'ilz veullent estre payez d'une partie de ce qui leur peult estre deu pour le moings, et qu'ilz sont gens pour s'aller rendre au prince d'Orange ainsi que desjà par trouppes de quarante et cinquante à la soys ilz ont commencé de faire, et sont environ vingt deulx enseignes quy sont en termes de prendre ce mesme chemin ou ung autre pire contre ledit duc, si bien tost on ne les appaise. Il est vray qu'ilz ne sont pas plus de mil hommes, mais ilz ne seront empeschez par lesditz Espaignolz et allemans en leur follie, d'autant qu'ilz sont tous en mesme cause, et desjà lesditz Allemans menacent d'en faire le semblable ; il fault espérer que ledit Sr duc y mectra promptement la paix, atendant laquelle il pour veoyt aux passaiges d'importance afin qu'ilz ne s'en saississent; mais il fault argent dont il se trouve si court qu'il est incroiable de plus, outre qu'il a tant de trous à
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boucher qu'il est impossible qu'il y puisse satisfaire. Car la mer crye d'un costé, toutes les garnisons de Gueldres se mutinent faulte de paiement, et celles des frontières de vostre royaume ausquelles il est deu plus de cinq ans n'en font pas moings, à ce que j'entendz, de sorte que ledit Sr duc se trouve en plus d'affaires que jamais, et n'y a apparences qu'elles doibvent dyminuer, chacun s'enuyant de le servir, et le des daignent plus ceulx qui en sont près et le congnoissent que ceulx qui en sont esloignez.
Il se murmure grandement par les habitans audit Anstredam qu'ilz seront forcez de s'accorder avecques le prince, et plusieurs disent desjà assez librement qu'il le fault faire, qui est tout ce qu'il y a à craindre en ce faict, car, cela advenant, il fault tenir le pays pour du tout perdu et les forces d'Espaignolz et autres qui sont en Hollande enfermez entre deulx fers. Aucuns des principaux ont bien oppinion que le duc de Medine fera bien entendre toutes ces particularisez au Roy Catholicque, et que sur cela il le pourra induyre à traiter quelque accord selon que les Estatz de ces pays se sont laissez entendre avec luy. A quoy Vostre Mté pourra faire prendre garde par delà. Car de ce costé icy, encores que les affaires soient au pyre terme qu'elles aient esté et qu'elles aillent tousjours en empirant, ne sachant ledit Sr duc par quel bout commancer pour couvrir à l'endroyt du Roy Catholicque ce fait avec la longueur et ruyne de ceste guerre, sy ne s'en parlera il aucunement, mesmes ledit Sr duc le dissuadera tousjours tant pour son respect que pour ce que s'estoit à recommancer une autre soys et qu'il vault mieulx en sortir tout d'un coup, mesmement qu'ilz congnoissent et publyent assez ouvertement que la France a assez d'affaires et en aura davantage cy après pour s'oc-
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cupper. Et quant à l'Angleterre, y aiant desjà quelque estincelle de feu entre la Royne et les ministres, cela y pourra faire naistre la guerre, de sorte qu'ilz concluent par là qu'ilz ne doibvent craindre leurs voisins, et, quelque mal qu'ilz sentent, ilz ne perdent l'espérance de donner quelque jour audit Angleterre par le moyen de telles divisions qu'ilz y sèment ; et, à ce que j'ay seu pour certain, ilz y ont des pensionnaires italiens qui n'y oublient riens 1. De Utrecht, ce XXIIIe octobre 1573.
CXXXII. — Au Roy. — [26 oct., 1573.]
Révolte des soldats Allemands qui exigent vingt-huit mois de solde. — Ce que pourra faire le Grand Commandeur. — Siège de Middelbourg et de Arnemuiden.
Sire. Vous aurez veu par mes deux dernières deppesches des XXIIIe et XXIIIIe de ce moys comme il survient journellement nouveaux empeschemens à M. le duc d'Alve, lesquelz le retiennent en Anstredam plus longuement qu'il ne désiroyt ; et lors qu'il pensoit avoir donné quelque ordre à toutes choses pour eu partir et s'en aller rencontrer en Brabant le Commandeur major, son successeur, ceste mutination de Wallons est survenue à laquelle il a promptement remédyé par le moien de quel1
quel1 une lettre de Guaros au duc d'Albe du 31 octobre on trouve à peu près les mêmes expressions : Relations polit. de l'Angleterre et des Pays-Bas, VI, 836. Le prince d'Orange écrivant à Walsingham, 12 nov. 1573, se plaint de certains Italiens qui disent voyager en Irlande pour leurs affaires particulières, et « font en certains ports d'Angleterre armer et équiper quelques bateaux pour le service du roy d'Espaigne ». Id., VI, 838-839.
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que paye qu'il leur a fait donner, ainsi qu'il est besoing de faire en tel cas, aussi qu'estans peu en nombre comme ilz sont, ilz en estoient plus aisez à contenter. Mais la conséquance de ce fait a esté suyvie d'un autre bien tost après, s'estans les Allemans pareillement mutinez lorsque don Fadricq en est voullu partir et les laisser en garnison tant dedans les fortz que l'on a fait faire que aux autres endroyz, demandans XXVIII moys de payes qui leur sont deues, aians cependant retenu ledit don Fadriq; sur quoy ledit Sr duc a sur le champ deppesché quelque somme d'argent pour, avecques les belles parolles qu'a charge de leur donner son secrétaire Albornos, essaier de les contenter pour ceste heure, atendant autre argent que l'on leur fera tenir ; et croy que c'est chose dont il pourra venir à bout, s'estans monstrez assez obéissans en ce fait à leurs collonnelz et cappitaines, lorsque la mutination des Espaignolz advynt. Toutefois, j'ay entendu qu'ilz menassent de se retirer devers le prince, s'ilz ne sont satisfaitz : qui n'est, à mon advis, que pour haster leur paiement. L'on m'a aussy adverty que plusieurs desditz Allemans et bon nombre d'Espaignolz s'estoient desbandez pour se venir rafraischir dedans Harlem, ou, soubz ceste coulleur, se saisir de la ville, ausquelz la porte a esté fermée, de sorte qu'ilz sont demourez campez là auprès et vouldroient bien pouvoir eschapper de ceste Hollande s'il estoit possible ; mais ledit Sr duc a estably si bonne garde au fort de Sparandan, qui est la seulle porte pour en sortir, que ung seul ne peult eschapper, et faudra, maugré qu'ilz en aient, qu'ilz y hivernent si les glaces ne leur peuvent aider à se desrober.
Vostre Mté jugera, s'il luy plaist, que se sont toujours nouvelles occasions données audit prince de se resjoyr
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et promouvoir ses affaires, lesquelles s'establissent chacun jour davantage par les désordres qui surviennent de deçà, ausquelz il est très mal aisé de remédier de ceste année ny de la prochaine, quoy que puisse apporter ledit Commandeur de la part du Roy Catholicque ; et doubtent plusieurs qu'estans lesditz affaires en si mauvais trayn, il ne soyt dissuadé et diverty d'en accepter la charge ainsi que feit le duc de Medine. Néanmoins aiant le commandement absolut du Roy son maistre de s'en charger, on pense qu'il n'y recullera, si par le moien des dernières deppesches faites par ledit Sr duc d'Alve en Espaigne il n'y intervient quelque nouveauté ou changement dont bien tost nous verrons l'issue que j'espère vous faire entendre. Il est vray que je ne veoy pas que ledit duc soyt pour délaisser encores ceste Hollande de plus de troys sepmaines, mesmement s'il veult faire compte de tout ce qu'il doibt du passé à tous ses gens de guerre, ainsi que j'ay esté adverty qu'il veult faire, estant en ceste ville, ce que je croyrois bien afin qu'il peust laisser ès mains dudit Commandeur l'estat de toutes choses et des grandes debtes qu'il laissera.
Cependant, Sire, il est à croyre que le Sr de Beauvais ne différera plus son partement pour aller secourir Midelbourg et Armuyden, pour ce que le temps le presse et que toutes deulx se trouvent en extrême nécessité de vivres, ainsy que l'on nous asseure, estant ledit Armuyden assiégé par les Gueulx par mer et par terre il y a plus de quinze jours, de la prise de laquelle encores fait on double pour le peu d'apparence que ceulx de dedans voioient d'estre secouruz à temps, aussi que lesditz Gueulx font si bon guet sur tous les passages qu'il est malaisé de leur faire savoir nouvelles ne d'en recepvoir d'eulx ; et ce qui fait encores plus juger qu'il y est sur-
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venu quelque chose d'importance de ce costé là est que Ton tient la ville d'Anvers en beaucoup meilleure garde que l'on n'avoit acoustumé, aians condanné deux portes du costé de la rivière et la garde de ladite rivière esté renforcée. Chacun a l'espérance fort foible que ce voiaige puisse estre plus avantageux que les préceddans, mais beaucoup moings, ainsy qu'ilz jugent, aians lesditz Gueulx fait passer bon nombre d'hommes et de vaisseaux du pays de Hollande en ces quartiers là pour résister à ceste entreprise, et sont résoluz, à ce que l'on m'a dit, de faire cest hiver une fin de ladite Zelande, de laquelle s'ilz viennent à chef avec ce qu'ilz ont en ce Costé de deçà, esbranlera bien tout le reste des autres provinces de ce pays qui n'en cherchent que l'occasion. De Utrecht, ce XXVIe octobre 1573.
CXXXIII. — Au Roy. — [30 oct., 1573.]
Arrivée du duc d'Albe à Utrecht, il repart pour Bruxelles. — Les Allemands ont été apaisés ; Chevreaux et Noircarmes commandent en Hollande ; Amsterdam cause toujours des inquiétudes aux Espagnols. — Situation de la Zélande. — L'Empereur a envoyé des poudres au duc d'Albe, mais le premier convoi a été arrêté vers Spire.
Sire. Après que M. le duc d'Alve a eu donné ordre le mieux qu'il a peu à ses affaires de Hollande qui l'ont si longuement retenu en Anstredam, ainsy que Vostre Mté en aura peu clairement congnoistre les occasions par le contenu de mes dernières deppesches, mesmes de celle du XXVIe de ce moys, il est en fin arrivé en ceste ville [Utrecht] hier au soer avec son filz don Fadricq, lequel, auparavant que d'en partir pour en eschapper, a satisfait
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les Allemans quy estoient mutinez, ainsi que vous aurez entendu, les aians adoulcyz par le moien de quelque peu d'argent qu'il leur a fait délivrer et de belles parolles et promesses de les faire bien tost accommoder du surplus de ce qui leur est d eu ou de la pluspart ; à quoy s'il n'eust pourveu promptement de ceste sorte, il eust esté plus mal aisé de le faire par après, parce que lesditz Allemans commençoient desjà à ne voulloir laisser partir ledit don Fadriq et à le retenir là quasy comme par force, et autres à se desbander pour chercher leur party ; ce qui s'est ainsy accommodé et moiennant lesdites promesses, et de leur faire soigneusement administrer vivres cest hiver. Ilz ont promis d'y tenir garnison, mais aians les ungs et les autres esté si mal contentz et reçeu si peu d'argent que ce n'est riens, outre qu'il leur fault ordinairement achepter à vivre sans pouvoir s'estandre en pays, ilz seront ung de ces jours encores aussi prestz à se mutiner qu'ilz ont esté.
Le baron de Chevreaux 1 est demouré chef et gouverneur des fortz nouvellement faitz à AEgmont et près d'Alkemar, et le Sr de Noircarmes se tiendra pour quelque temps en ceste province pour la nécessité qui y est. Ceulx de la ville d'Anstredam ont tousjours oppiniastrement résisté à ne recepvoir aucune garnison et en sont demourez exemptz, leur aiant ledit Sr duc laissé la garde et conservation de leur ville entre leurs mains et sur leur foy et soulz l'auctorité supresme dudit Sr de Noircarmes, lequel encores ne s'y veult tenir pour ceste heure, tant à l'occasion de l'ayr qui y est fort infect et
1 Henri de Vienne, baron de Chevraux, commandait les troupes qu'il avait amenées de Bourgogne : on les avait appelées les Mille Diables.
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pestiféré, que pour ce qu'il y a là dedans beaucoup de personnes suspectes, lesquelles on veult faire maintenant desloger par l'auctorité du magistrat de ladite ville et sans que ledit de Noircarmes y assiste. Je vous ai cydevant escript assez amplement de quelle conséquance estoit ladite ville et les propos que plusieurs habitans d'icelle lenoient à l'advantaige du prince, se voians privez du commerse de la mer, dont, avec ce qu'ilz sont solicitez de la part dudit prince et seront pour l'estre maintenant davantaige, il est à craindre qu'il n'advienne cy après quelque sinistre accident, qui me gardera de vous en dire autre chose par la présente. Seullement j'asseureray Voste Mté que ledit Sr duc, après ce séjour qu'il a fait en ceste Hollande durant lequel il espéroit y establir quelque bon ordre, y laisse les affaires aussi descousuz et en aussi mauvais termes qu'il est possible, dont il est certain que ledit prince ne faudra de se bien prévalloir, ainsi que ceulx du pays discourent et prévoient bien. Je laisse icy ung amy qui me promect de m'advertir du succez.
Ledit Sr duc part demain pour s'en aller droit à Bruxelles sans plus longuement séjourner icy et croy qu'il y pourra estre à ceste saint Martin, se voullant haster pour l'arrivée du Grand Commandeur, partie du trayn duquel y est desjà, à ce' que l'on m'escript, et luy ne tardera guières après. Nous verrons ce qui s'y remuera, dont je ne faudray d'advertir Vostre Mté.
Quant à la Zelande, elle est tousjours aux mesmes termes que je vous ay cy devant escript, atendant le secours du Sr de Beau vais qui tarde longuement, et la prolongation duquel, avec ce que l'on y va ainsi lentement, fait doubler de quelque chose de mauvais, s'en faisans en Anvers plusieurs nouvelles que Armuyden a esté
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prins par les Gueulx et qu'il estoit sorty environ vingt des principaux de Midelbourg pour parlementer avecques ceulx de Flessingues de leur reddition, dont aucuns marchans d'Anstredam ont aussy quelque advis ; autres que ledit Armuyden est tousjours assiégé et ledit Midelbourg en espérance de ceste armée. Nous serons en ces quartiers de delà bien tost et en aurons lors plus de vérité; mais j'ay encores esté adverty depuis ma dernière qu'il estoit dessendu en ceste isle de Walcre plus de III mil hommes de guerre pour le prince, et qu'ilz sont résoluz de faire une fin s'ilz peuvent ceste année, afin de n'avoir plus à faire teste que du costé de deçà ; lequel, à ce que je puis juger, n'atend que ceste occasion pour faire quelque follie.
L'on m'escript d'Allemaigne que l'empereur et l'archeduc Ferdinand secourent le Roy Catholicque et ledit Sr duc de environ cinquante miliers de pouldre pour ceste guerre 1, dont ung commissaire qui est par delà a envoyé quinze milliers pour ung premier voiaige, lesquelz ont esté destroussez par deçà Spire par quarante reistres qui ont mys le feu dedans et renvoyé les charettes avec leurs chevaux, et ne sayt on de quelle part.
De Utrecht, ce XXXe octobre 1573.
1 Ces poudres avaient été envoyées par l'Empereur : Imperator mittit magnam vim pulveris tormentarii, dit LANGUET, Epist. secr., I, 196. Le 12 octobre, le duc Casimir écrivit à l'Empereur qu'il les avait fait brûler à cause de la grande tyrannie que le duc d'Albe exerçait dans les Pays-Bas. Cf. METEREN, f° 95 v°. Dans une lettre du 22 octobre, les frères du prince d'Orange lui racontèrent l'événement : 15 voitures de poudre ont été brûlées non loin de Spire par les soins de Casimir : Groen Van PRINSTERER, Archives de la maison d'Orange, IV, 223.
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CXXXIV. — Au Roy. — [4 nov., 1573.]
Le duc d'Albe, arrivé à Nimègue, repart pour Bruxelles. — On annonce que le Commandeur accordera des pardons ; mais Mondoucet juge qu'ils seront inutiles, et qu'il faudra traiter avec les États de Hollande. — Mondoucet demande au Roi de le nommer maître d'hôtel de sa maison.
Sire. Depuis vous avoir escript du XXXe du passé et fait entendre la résolution qu'avoit prise M. le duc d'Alve de partir de Hollande pour s'en venir en Brabant, il s'est acheminé icy [Nymègue] avec toute la dilligence possible, voullant gaigner Bruxelles pour ceste Saint Martin devant que le Grand Commandeur y arrive, que je croy se pourra arrester à Namur ou autre ville en atendant. Je n'useray point par la présente d'autre discours à Vostre Mté des affaires que ledit Sr duc a laissées audit pays de Hollande, vous en aiant amplement et particulièrement adverty, tant par madite dernière que autres préceddentes lettres ; seullement je vous diray encores ce coup qu'elles y sont demourées toutes si descousues et avec si peu d'ordre pour y veoir de cest hiver ung meilleur chemin qu'il est grandement à craindre, ainsi que je vous disois, qu'il n'y advienne quelque chose de pys ; et ne say comme il sera possible que ledit Commandeur se veulle charger de ce gouvernement et d'un si pesant faix que cestuy cy, quant il en entendra les particularitez et ce qui y est succeddé depuis le commandement qu'il en a eu du Roy son maistre, dont les principaulx ministres font le mesme doubte. Je me remectray de cela à sa venue pour en faire entendre à Vostre Mté ce qu'elle apportera, mais j'estime que les évènemens ne
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s'en pourront véritablement juger jusques à ce qu'il soit venu nouvelle response d'Espaigne sur le tout.
L'on commence fort à publier et parler clairement des grandz pardons qui accompaignent ledit Commandeur pour le général de ce pays ; mais les meilleurs serviteurs et les plus simples et ignorans d'entre le peuple dient bien qu'ilz viendront trop tard, comme à la vérité il y en a grande apparence, estans les choses aux mauvais termes où elles sont, et me rangeray à l'oppinion à laquelle plusieurs ont répugné, et lesquelz y recommencent maintenant, qui est qu'il faudra entrer en traité ou pacification avec le prince et les Estatz de Hollande qui sont conjointz, dedans ceste année prochaine au plus tard, veu qu'il n'y a remède de regaigner ceste Hollande par terre ; et par mer leurs forces sont si foibles qu'avec toute la despense possible dont les moiens leur manquent, ilz ne sauroient atendre de toute ceste dite année prochaine à ce qui leur fait besoing. Sur cela, Sire, encores fault il atendre ce qui succeddera entre cy et là, mesmes en Zelande où ledit prince ne fault de veiller pour se nettoier cest hiver, estant arrivé depuis troys jours ung gentilhomme pour remonstrer audit Sr duc l'extrémité où se retrouve Midelbourg et la grande haste qu'ilz ont d'estre secouruz dedans ce mois au plus tard, et au contraire les forces que ledit prince y fait venir de toutes partz pour l'empescher ; mais la maladie du Sr de Beauvais et la longueur dont on use en ung affaire de telle importance n'en fait nul espérer. Toutefoys je me remectray à en faire savoir à Vostre Mté plus de certitude d'icy à six jours que nous serons audit Bruxelles. Cependant je vous diray qu'il n'y a icy autres nouvelles, sinon des gens de guerre qui y passent assez souvent d'Allemaigne et de Clèvés à la fille pour aller trou-
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ver ledit prince, et des courses qu'ilz font jusques aux portes de ceste ville sans qu'ilz en soient empeschez. A quoy et à tous autres mauvais accidens il fault espérer que Dieu remédiera.
Sire, Il y a quatre jours que j'ay reçeu la deppesche qu'il a pieu à Vostre Mté de me faire du XVIme du passé, estant très heureux de recongnoistre par icelle et par assez d'autres préceddentes le contentement que Vostre Mté a de mon service en ceste charge, lequel je mectray toute peine de non seullement continuer mais vous augmenter si je puys. Et à ce propos je vous supplieray très humblement, Sire, prendre de bonne part la requête qui vous a esté faite pour moy de me pourveoir et honnorer d'un estat de maistre d'hostel de vostre maison, laquelle je vous reytère encores présentement sur l'espérance que j'ay que Vostre Mté me vouldra signer par cest effect ledit contentement, n'aiant voullu persister en la demande des II mil livres de pension pour ne donner surcharge à voz finances : ce qui me fait plus hardiment entreprendre ceste très humble reqte et sur l'espérance que j'ay que la Royne, vostre mère, et le Roy de Pollongne s'en rendront intercesseurs; et, outre l'obligation naturelle que j'ay à vostre dit service, cela m'y lyera davantage et sera pour donner plus de poix et auctorité soit en ceste charge ou autres esquelles il vous plaira m'emploier. Estant audit Bruxelles où sont les Escossoys 1 desquelz vostre dite lettre fait mention, je ne fau1
fau1 et Jean Hamilton, deux frères de la maison du duc de Châtellerault, bannis d'Écosse pour leur attachement à la foi catholique; ils vinrent en France, et don Diego, qu'ils allèrent trouver pour s'engager au service du roi d'Espagne, se chargea de transmettre leur demande à Philippe II après avoir pris des informations auprès de l'archevêque de Glasgow : Lettre de don
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dray de continuer ce que j'ay commencé et obéyr à voz commandemens. De Nymègue en Gueldre, ce IIII° novembre 1573.
CXXXV. — Au Roy. — [11 nov., 1573.]
Le Duc est arrivé à Anvers ; il manque de crédit. — Situation de Middelbourg. — Illusions des Espagnols; incertitudes au sujet de la politique que suivra le Commandeur. — Nouvelles d'Allemagne concernant le voyage du roi de Pologne.
Sire. Par ma dernière du IIIIe de ce mois Vostre Mté aura veu l'acheminement de M. le duc d'Alve en ce pays de deçà, où avec toutes les difficultez et incommoditez du monde, tant à cause du passaige des rivières, mauvais chemins, que pour le charroy et bagaige, il n'est arrivé que d'hier, et moy ce jourd'huy pour les mesmes raisons. Sur son chemin il reçeut quelques deppesches d'Espaigne qui luy feyrent changer d'avis et venir en ceste ville [Anvers]. Et, à ce que j'ay apprys, c'est plus pour fait d'argent que pour autre chose, aiant ledit Sr duc prys certaines sommes de deniers depuis quelque temps en ça d'aucuns marchans genevoys, ausquelz il avoit baillé ses polices et rescriptions pour estre remboursez en Espaigne, où lesdites polices ont esté refuzées, et ne les a voullu faire acquiter le Roy d'Espaigne ; en quoy l'on recongnoist le crédit dudit Sr duc et la
Diego de Zuniga au roi d'Espagne, du 8 avril 1573. TEULET : Relations politiques de la France et de l'Espagne avec l'Écosse, v, 110. A la suite, pages 111 et 112, est une lettre de Jacques Hamilton écrite de Bruxelles, 29 sept. 1573 ; il a vu le duc d'Albe, Albornoz, et a décidé un gentilhomme de sa nation à tenter l'assassinat du prince d'Orange.
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réputation qu'il a acquise par delà aussi bien que en ce pays. Il accommode telz affaires en ceste ville le mieux qu'il peult, et fait compte d'en partir demain pour aller à Bruxelles recepvoir le Commandeur major qui y doibt arriver samedy ou dimenche prochain. Cependant estant en ceste ville il a visité la citadelle et tout l'ordre qui y est, afin de s'en informer mieux pour en rendre compte.
Et quant à l'armée de mer pour le secours de Midelbourg c'est chose si longue et à laquelle on procedde si lentement, y défaillant l'argent, les pillottes et mariniers et bon courage aux soldatz pour y retourner, aussi que les Gueulx y sont si fortz d'hommes et de vaisseaux, que chacun fait le jugement dudit Midelbourg, et de toute Zelande, que je faisois à Vostre Mté par ma dernière et autres préceddentes ; et ce qui me fortiffie davantaige en ceste oppinion est que lesditz Gueulx ont encores puis naguières prys une digue entre ledit Midelbourg et Armuyden où ilz se sont sortissiez si bien que l'un ne peult secourir l'autre, mesme le collonnel Mondragon les en voullant chasser a perdu plus de II cens hommes ; sur quoy aucuns Espaignolz de ceulx qui manient affaires par deçà font estat que cela soit desjà perdu, ne pouvans avec tous leurs discours trouver le chemin par lequel on pourra reconquérir telle perte, laquel avenant il est très certain sera suyvie en Hollande et ailleurs de plusieurs autres, si ce n'est que ce nouveau gouverneur y apporte quelque meilleure médecyne, de laquelle il n'apparoist encores riens.
Il est vray qu'ilz allèguent bien les grandes puissances de sa Mté Catholicque et les moiens qu'il a de lasser le prince et le pays en ceste guerre et d'en avoir la raison et la fin avec le temps. Mais il est grandement à craindre pour son bien particulier et universel de la chres-
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tienté que ce terme fust trop long. Il ne se parle nullement de traité ou accord avec le prince, asseurans tous lesditz Espaignolz que le roy aymeroit mieux perdre les Estatz de deçà que d'y permectre jamais deux religions, ny d'en retirer les garnisons Espaignolles qui sont les deulx pointz principaux desquelz deppend cest affaire et en quoy la conséquance de ses autres pays et autres considérations que Vostre Mté peult penser le retiennent. Je mectz toute la dilligence possible de bien esclaircir ce négoce, afin d'en donner la lumyère à Vostre Mté que je say estre nécessaire pour la direction des affaires de la France, et prendray garde à toutes choses le plus près que je pourray à l'arrivée dudit. Commandeur afin de vous en donner advis, ne voullant cependant oublier de vous dire que lesditz Espaignolz font ce mesme doubte s'il recepvra cedit gouvernement ou nom estant en l'estat qu'il est.
Au surplus, Sire, je ne veux faillir d'advertir Vostre Mté qu'il m'est escript d'Allemaigne que le duc de Saxes a six mil chevaux prestz pour recepvoir le Roy de Pollongne en son passaige, le marquis de Brandebourg II mil et le marquis de Amspach XV cens, dont l'on s'esbahist grandement sur les lieux. Vostre Mté en pourra estre mieulx advertye d'ailleurs et de leur intention, qui me gardera d'en dire autre chose par la présente 1.
De Anvers, ce XIme novembre 1573.
1 Le roi de Pologne fut très bien reçu par tous les princes protestants d'Allemagne. Le duc de Saxe n'alla pas à sa rencontre, mais il envoya son gendre, Jean-Casimir de Bavière, avec une escorte de 2,000 chevaux. Le margrave de Brandebourg, vassal de la couronne de Pologne, le reçut avec toute sa maison. Tel fut le résultat des longues négociations dirigées par Frégose, puis par Schomberg et le comte de Retz pendant l'année 1573. Cf. BAGDENAULT DE PUCHESSE, Jean de Morvilliers, 308-314 ; DE THOU, édit. de 1740, v, 22, 23.
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CXXXVI. — Au Roy. — [16 nov., 1573.]
Le duc d'Albe est arrivé à Bruxelles, il est malade ; Mondoucet traite avec lui quelques difficultés de frontières. — Inquiétudes des Espagnols au sujet des dispositions de la France. — Propos malveillants sur Requesens; annonce d'un pardon général. — L'armée de mer de Beauvoir en Zélande. — Maladie de Charles IX.
Sire. Depuis l'arrivée de Monsr le duc d'Alve en ceste ville qui fut vendredy dernier, il a tousjours gardé le lict, soit qu'il eut les gouttes comme l'on dit, qu'il soit lassé de son voiaige ainsy précypité, ou bien qu'il ne se veuille monstrer au monde pour les mauvais succez qu'il a euz et se retienne là dedans pour, selon l'usance espaignolle, tenir réputation, sans aller au devant du Grand Commandeur de Castille, son successeur, qui doibt arriver demain, qui est, à mon advis, la cause principalle de son mal. Car il ne laisse de négocier ordinairement et de se deppescher d'affaires en toute dilligence, atendant la venue dudit Commandeur, afin qu'il ne puisse séjourner icy après que le moings qu'il pourra, encores que le temps et la saison pour faire ung si long voiaige en sa vieillesse soit fort rude et contraire; mais l'envie qu'il a de sortir d'icy le fera beaucoup plus avancer que toutes telles incommoditez n'auront puissance de le retarder.
Je le feuz hier veoir pour luy parler de plusieurs affaires particulières consernans vostre service, celluy du Roy de Navarre et autres vos subjetz, sur lesquelles, après m'avoir sommairement entendu, il me promeyst et asseura qu'il donneroit ordre et en seroit une fin et résolution, s'il pouvoit, auparavant que d'habandonner ce gouvernement, me priant de bailler promptement ung
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mémoire des chefz et articles de tout au sr d'Assolleville pour le luy faire veoyr, y adviser et en faire sortir l' exécution. Ce que j'ai fait dès ce matin et les feray poursuyvre si vifvement l'un et l'autre qu'il ne tiendra en moy que je n'y voie la fin, principallement à la nomination des commissaires et depputez de ceste part pour décyder des contraventions au traité de paix, usurpations qui se font d'une part et d'autre sur les frontières, mesmement au territoire de Therouenne, et du temps et heu qu'ilz si debvront trouver, dont et de ce que j'avanceray, soit en ce fait ou autre je ne faudray d'advertir incontinent Vostre Maté. Ledit sr duc me feyt une plainte de laquelle le gouverneur de St-Omer l'avoit adverty, qui est que deux compaignies de gens de pyed qui sont en garnison à Ardres courent tous les jours bien avant en ce pays, pillans et saccageans ce qu'ilz peuvent, et desrobans des boys du Roy Catholique, dont ceulx dudit St-Omer se vouldroient ressentir et par ce moien pourroit avenir quelque altération en l'amitié de Voz deulz Matez, me priant d'en advertir le gouverneur dudit Ardres afin de les faire contenir, et Vostre Maté pareillement pour le luy commander: ce que de sa part il avoyt desjà fait à celluy dudit St-Omer, luy commandant de ne passer outre ny entreprendre aucune chose sans autre charge. Sur quoy j'ay escript ung mot d'avis au gouverneur dudit Ardres.
Mais je ne me puys garder de vous dire sur cela, Sire, l'extrème peine et crainte qu'ilz ont en l'estomach que ce ne soit quelque commencement de ce qu'ils ne vouldroient veoir, et qu'il n'advienne quelque rupture en ladite amitié, maintenant que leurs affaires sont en l'estât mauvais qu'elles sont; en quoy les principaux mesmes prévoient grand progrez que Vostre Maté y seroit et l'heu-
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reux succez qui vous interviendroit, estant générallement tout ce peuple si fort anymé contre l'Espaignol qu'ilz ne le peuvent quasi plus veoyr, et seroient prestz à se jecter entre les bras de quelque autre prince que ce feust, pourveu qu'ilz le sentissent assez puissant pour les deffendre et conserver 1.
Sur ce propos je ne veux celler à Vostre Mate ce que desjà ilz ont commencé à publier par tout tant des qualitez du nouveau gouverneur que de sa vie et depportemens passez, premièrement qu'il est simple gentilhomme d'espée et cappe, et que ces pays icy ont tousjours eu et désiré d'avoir ung gouverneur du sang de leur prince; que c'est luy quy rompit la foy et parolle aux Mores en Grenade à la dernière guerre qui leur fut faite, et que au gouvernement de Millan d'où il vient il s'est si mal comporté envers tout le peuple qu'il en a esté excommunié 2;
1 Ce passage résume toute la politique de Mondoucet. On ne sera pas surpris de le trouver en 1578 occupé avec des Pruneaux, Alféran et autres, à négocier avec les États Généraux pour faire reconnaître l'autorité du duc d'Anjou en Brabant et en Flandre.
2 Dans la campagne contre les Mores, Requesens conduisit une armée de 7,000 hommes qui opéra dans la région de Cadiar en septembre 1570; il fouilla les grottes où s'étaient cachés les Mores avec Aben-Aboo qui réussit à s'échapper; on massacra tous les hommes au-dessus de vingt ans, on ne garda que les femmes et les enfants. Il présida en novembre à l'expulsion des 50,000 Morisques qui restaient encore dans le pays de Grenade, et quitta le pays peu de temps après don Juan, dont il était le lieutenant, Histoire des Mores modéjares et des Morisques, par A. DE CIRCOURT, III, 130-138.
Les difficultés à Milan portèrent d'abord sur la juridiction de l'archevêque ; dans la suite, Requesens défendit par un édit les processions de Pénitents, et toute réunion religieuse, à moins que l'Assemblée ne fût présidée par un magistrat qui devait être désigné par l'autorité laïque. Requesens voulut aussi dépouiller le prélat d'une partie de son domaine, et fit marcher des troupes contre le
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ainsi ilz le deschirent et diffament le plus qu'ilz peuvent afin de faire continuer envers luy la haine qu'ilz portent audit duc d'Alve et à sa nation, ce qui ne sera pas mal aisé en mon advis. Nous verrons bien tost ce qu'il apportera et si sa venue sera de si grand fruict que aucuns autres veullent dire, lesquelz asseurent qu'il apporte ung pardon général à tous les fugitifz de ce pays avec charge de les remectre en leurs biens, offices et possessions par l'auctorité des Estatz, et que plusieurs qui sont en Allemaigne, pays du Liége et ailleurs, ausquelz on a desjà fait parler, ont promis de retourner; lesquelz on laissera joïr paisiblement de ce qu'on leur promectra, et qu'en se faisant il est sans doubte que les autres qui sont près du prince d'Orange (à leur exemple) se retirerons et seront pour l'habandoner, et les villes pour se remectre doulcement soubz ce pardon et miséricorde : ce qui pourroit avoir quelque apparence, n'estoit que la defsiance est très grande de la part de ce peuple pour les évènemens passez, que ledit prince et les villes qu'il tient sont trop avant embarquez en ceste guerre et trop unyz et lyez ensemble ; puys après la continuation de leurs privilèges et l'exercice de la religion qu'ilz demandent seront trop mal aysez à accorder, joint que, quant on leur accorderoit, ilz ne le tiendroient point asseuré si les Espaignolz ne sortent dudit pays. Ainsi Vostre Maté peult veoir et bien juger par ce discours combien ilz sont encores loing de leur but et l'estat de leurs affaires du succez desquelles je vous advertiray continuellement, Quant à l'armée du sr de Beauvais pour le secours de
château d'Arona; enfin, il disposa plusieurs compagnies autour du palais de l'Archevêque, qui fut réellement traité comme un prisonnier. Philippe II finit par désavouer son gouverneur, qui avait été excommunié par le prélat.
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Midelbourg, Vostre Mate entendra par ce mot ce que j'en ay veu estant en Anvers, qui est qu'ilz sont environ soixante quinze vaisseaulx en tout, dont il y en a douze assez grandz à hunes, vingt cinq batteaux platz chargez de vivres et munitions seullement, et le reste autres batteaux médiocres et petitz armez de soldatz, mais assez mal de pillotes et mariniers, lesquelz commencèrent à partir hier au soer dudit Anvers, et le reste les doibt suyvre ce jourd'huy, aians délibération, à ce que j'ay peu entendre, de faire ung fort à Terneuze du costé de Flandres, à la faveur duquel ilz puissent doresnavant estre plus près de leur ville; et, s'il est possible, ilz veullent auparavant secourir ledit Midelbourg, faisant passer lesditz batteaux platz par, dessus les bancqs quand la mer est haultc et avec ung bon vent, ce pendant que lesditz vaisseaux armez combatteront et entretiendront les Gueulx en escarmouche. Dieu veulle qu'il leur succedde selon leurs discours, mais je veoy chacun en avoir très grande deffìance et mauvaise oppinion, par ce que lesditz Gueulx sont en tout plus de six vingtz vaisseaux bien armez et résoluz de combattre, estans, à ce que j'ay oy dire, très marryz et jaloux de ce que les Hollandois qu'ilz n'estimoient point tant que eulx aient eu une victoire les premiers, outre qu'ilz tiennent tous les passaiges merveilleusement bien gardez et fortifiiez ; nous verrons bien tost ce qui en adviendra, car ledit Midelbourg se trouve si pressé, ainsi que j'ay cy devant fait savoir à Vostre Maté, que, s'il n'est pas secouru dedans huict ou dix jours au plus tard, il ne peult plus supporter ceste extrémité. Ledit sr duc s'en deffie luy mesme, m'aiant dit que la Zélande ne se peult maintenir sans la Hollande, du costé de laquelle il fault faire tout l'effort pour se rendre maistre de tout.
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Au surplus, Sire, j'ay receu il y a troys jours la deppesche qu'il vous a pleu me faire du dernier du passé, à laquelle il n'eschet autre response sinon vous dire l'extrême depplaisir que j'ay receu de la maladie advenue à Vostre Maté laquelle on fait courrir bruyt icy estre de la petite vérolle 1; j'espère que n'estant qu'un rume, ainsi qu'il vous a pleu me mander, vous en serez maintenant dehors.
De Bruxelles, ce XVIe novembre 1573.
CXXXVII. — Au Roy. — [20 nov., 1573.]
Arrivée de Requesens. — Changements dans les commandements et les gouvernements de provinces. — Situation et embarras des Espagnols. — Le Prince se fortifie.— Mort de Genlis qui a été assassiné. — Visite de Mondoucet à Requesens qui envoie un gentilhomme au roi de France pour annoncer sa venue.
Sire. Vostre Maté aura entendu par ma dernière du XVIe de ce moys la maladie de monsr le duc d'Alve, laquelle n'a pas esté longue Dieu mercy après la venue du Grand Commandeur de Castille qui arriva mardy, ainsi que je vous escripvois ; par ce que le lendemain il laissa le lict sans encores passer oultre, plus, à ce que je veoy, de crainte des importunitez et demandeurs d'argent dont il est fort pressé, et pour avoir plus de loysir de se
1 La Mothe Fénelon parle aussi de cette maladie du roi dans une lettre du 18 novembre : Correspondance, V, 446. « Le roy est demouré malade à Vitry de la petite vérolle, et ay grand peur qu'il en ayt pour ses trois sepmaines », écrit le cardinal de Lorraine le 2 novembre 1573 ; lettre citée par M. le baron de Ruble dans son édition de l'Histoire universelle de d'Aubigné, IV, 187, note 2.
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desvelopper d'affaires que pour autre occasion. Ledit Commandeur est venu fort peu accompaigné de noblesse, aiant amené une compaignie de chevaux légiers et une autre de harquebuziers à cheval pour escorte, et a depuis continuellement négotié avec ledit duc, le venant trouver en sa chanbre, se résolvant, selon ce que je puis juger par ses depportements, de recepvoir et accepter ce gouvernement, encores que soit par la vérité qui luy en est déclarée par plusieurs du mauvais estat auquel il est, soyt que les haineux et mal veillans dudit duc le luy dépaignent encores beaucoup pire, il en deust estre assez diverty et dégousté.
Vostre Maté aura veu par madite dernière plusieurs particularitez des affaires de deçà qui y estoient contenues, desquelles je ne feray pour le présent autre répétition. Seullement je vous diray que les meilleurs et plus affectionnez serviteurs du Roy Catholique en ce pays n'ont pas grande espérance de recepvoir soulagement en leurs maux ne abréviation en ceste guerre par la venue dudit Commandeur, n'estant tenu pour homme de grand respect et qualité pour soustenir une telle charge, outre qu'ilz ne l'estiment personnaige expérimenté au fait des armes, mais négociateur et homme de paix 1. Il ne s'est encores rien descouvert de ses charges et pouvoirs ny du chemyn qu'il doibt prendre pour remédier à une si urgente maladie. Je voy bien que le sr Chappin Vitelly
1 Saint-Gouard, l'ambassadeur de Charles IX à Madrid, avait jugé Requesens de la même façon : « Je tiens le grand Commandeur pour homme qui ne se acomodera pas mieulx que le duc d'Alve; il est en réputation de meilleur négociateur que de grand souldad, et avecque tout cela il est plein de fumée et présomption, et pense que aultre ne le vaille. » GACHARD, La Bibliothèque nationale à Paris, II, 426.
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est encores arresté par deçà 1, luy estant, à ce que j'entendz, donné la charge de collonnel de l'infanterie espaignolle et IIII mil escuz de rente pour mercéde, lequel l'assistera au fait de la guerre s'ilz se résolvent de la continuer, comme aussi fera le comte de Mansfelt que l'on m'a dit se debvoir approcher après le partement dudit sr duc, et se parle davantaige de plusieurs autres changemens, comme des gouverneurs de Frize, Gueldres et Namur en autres mains, qui ne se peuvent faire sans engendrer beaucoup de mal contentemens et ainsy aigrir et altérer de tant plus les choses qui le sont si fort que je juge estre impossible de les remectre en bon chemin de bien longtemps ; estans générallement toutes les voluntez alliénnées de leur prince, le commerse cessant et se divertissant ailleurs, la nécessité d'argent très extrême, les debtes merveilleusement grandes et infinies, et puis despourveuz de toutes munitions de guerre, outre qu'ilz ont affaire à ung pays et peuple si fort d'assiette et si oppiniastre et à ung prince si ancré et bien voullu en icelluy, qu'il sera mal aisé d'en avoir la raison par la force.
Toutefois, Sire, j'estime qu'ilz atendront à se résoudre en ceste affaire sur le succez et évènement de l'armée de mer du sr de Beauvais naguière partie pour secourir Midelbourg; car, si elle a bon et heureux voiaige, dont, ainsi que je vous ay escript, chacun fait mauvais jugement et se deffie, ilz pensent que toutes choses suivront après à souhait et se tiendrons plus fortz; comme au contraire, s'il en advient mal, cela les poussera à prendre autre party.
1 Le duc d'Albe écrit au roi, 12 décembre, que le grand Commandeur et lui ont eu beaucoup de peine à engager Chappin, Vitelli, Julian Romero et Sancho d'Avila à rester aux Pays-Bas. Corresp. de Philippe II, II, 432.
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En somme je les veoy très empeschez de toutes partz, et mesmes en Hollande où les mutinations de soldatz se renouvellent, principallement des allemans du régiment du comte de Bossu et III cens reistres, estans venuz icy personnaiges exprès de leur part advertir les gouverneurs que si on ne pourveoyt à leur paiement, ilz s'en yront servir le prince; en quoy et plusieurs autres nécessitez qui se présentent par delà le sr de Noircarmes qui y est se trouve bien empesché.
Quant audit prince j'ay ce jourd'huy entendu qu'il coulle tous les jours par trouppes des forces d'Allemaigne qui le vont trouver; et que depuis quatre ou cinq jours il est passé à Bommel six ou sept cens hommes et quelque cavallerie qui sont encores suyviz d'autres. S'il avoit les moiens plus grandz, il seroit bien en sa main de faire de belles et grandes choses maintenant; mais, estant assez paouvre et nécessiteux comme il est, il fera beaucoup de se conserver, atendant que le temps luy présente autre occasien.
Au surplus, Sire, je feuz encores hier veoir ledit sr duc pour le soliciter et prier de donner une fin à tous les affaires que j'avois cy devant encommencez de traiter avecques luy, et desquelz j'avois baillé le mémoire au sr d'Assolleville, ce qu'il m'a encores promis faire et n'en atend que le rapport, à ce qu'il m'a dit, pour les termyner. Après cela je luy ay dit avoir entendu la mort subite de Genlys et que je jugeois bien, il y avoit longtemps, qu'il n'atendoit autre chose, laquelle il me confirma, blasmant infiniement ledit Genlys mesmes que estant prisonnier il se mesloit encores de ruiner mesnaige, et sur ce m'a déclaré que c'estoit à luy à qui la lettre dont il me parla dernièrement s'adressoit, de laquelle aussy j'advertyz lors Vostre Maté sans me voulloir dire le nom
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de celluy qui l'escripvoit. Mais je croy que c'est une couverture qu'il prend de l'advancement que chacun juge que on a fait des jours dudit Genlys 1. Après cela j'ay esté trouver ledit Commandeur major en sa chambre pour le salluer et l'asseurer du plaisir que Vostre Maté recepvra de sa venue par deçà, pour estre estimé personnaige qui saura bien maintenir et conserver la bonne et fraternelle amitié et corespondance qui est entre Voz deux Matez, et donner bonne et prompte expédition à toutes les affaires qui se présentent par deçà, tant de Vostre dite Maté que du particulier de voz subjets; ce qu'il seroit pour mieux congnoistre cy après par les lettres que Vostre Maté luy en pourroit escripre; atendant lesquelles je n'avois voullu faillir de le veoir, usant en cela de tous les complimens que j'ay jugez estreà propos. Sur quoy il m'a dit que selon la charge et commandement qu'il avoit du Roy son maistre, il mectroit toute peine et dilligence d'entretenir ceste bonne amitié, et d'user de toute la dextérité et promptitude possible pour l'expédition des affaires qui se présentent, estant bien aise d'en avoir à traiter avecques moy, et que, aiant accepté ceste charge, il ne faudroit de deppescher ung gentilhomme devers
1 Dans une lettre du 15 octobre adressée au duc d'Albe, Philippe II dit que le plus sûr relativement à Genlis et aux autres prisonniers est de les faire mettre à mort secrètement : en lo de Genlis y los otros... me paresce que es lo mejor y mas seguro despacharlos secretamente... Corresp. de Philippe II, II, 416. Le duc d'Albe raconte au roi, lettre du 17 novembre, qu'il a fait exécuter secrètement Genlis après avoir fait publier qu'il était malade. Genlis n'a pas voulu se confesser, quoique antérieurement il eût donné à entendre qu'il était catholique, et qu'il désirait que l'évêque vînt l'absoudre et l'admettre à l'obéissance de l'Église. Id., II, 431.
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Vostre Maté pour vous baiser les mains et vous advertir de sa venue 1. De Bruxelles, ce XXme jour de nobre 1573.
CXXXVIII. — Au Roy. — [24 nov., 1573.]
Embarras financiers du duc d'Albe qui prépare son départ par Gênes. — Inaction du grand Commandeur; son projet de convoquer les États pour leur demander de l'argent. — Opérations de Beauvoir en Zélande, près de Romerswael. — Préparatifs du comte Louis de Nassau en Allemagne.
Sire. Depuis avoir escript assez amplement à Vostre Maté, du XXme de ce mois, tout ce qui se présentoit ès affaires de ce pays à l'arrivée du Grand Commandeur, il n'y est pas survenu grand chose de conséquence, le tout demourant encores suspendu et au mesme estat qu'il estoit auparavant, atendant le partement et retraite de monsr le duc d'Alve, lequel continue de garder la chambre et le lict assez souvent pour son indisposition de gouttes qui le tiennent, comme je croy, plus à la teste que aux jambes et pyedz ; car toutes sortes de négoces luy surviennent maintenant en si grande abondance que sa viellesse n'y sauroit satisfaire, comme aussi ses moiens et facultez, ou si promptement que l'en vie qu'il a de partir le requiert; et craignent toutes sortes de personnes à qui il est deu argent, que se tenir ainsy reserré ne soit ung commencement pour peu à peu se deffaire d'eulx et puis se partir tout en ung coup sans dire adieu, manquant son crédit en Anvers et ailleurs, comme ilz veoient qu'il fait.
1 Requesens députa auprès de Charles IX le sénéchal de Hainaut; voir plus loin la lettre du 6 décembre.
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Ce que je ne puis croyre qu'il veulle faire et que avec la disgrâce des affaires publiques qu'il laisse en mauvais estat, il veulle ainsi engaiger son particulier. Nous en verrons bien tost la vérité, aiant desjà fait partir tous ses meubles et bagaiges sur soixante mulletz qu'il a envoiez devant à Gennes. En quelque façon qu'il parte il s'en va très mal content, disant que, après avoir tant travaillé par deçà depuis qu'il y est, il congnoist bien qu'il n'en remporte ny le contentement du roy son maistre, ny celluy du moyndre de tout ce pays, mais une haine et malveillance généralle de tous.
Cependant ledit Commandeur n'a encores accepté aucune entremise de ce gouvernement ny ne veult respondre à requête qui luy soit présentée, remectant toutes choses après le partement dudit sr duc, et ainsi le tout demoure là au grand mal contentement d'un chacun, quy perd espérance que ce changement de gouverneur leur porte allégement à leurs travaux, ainsi que j'en ay cy devant escript à Vostre Maté le discours et les raisons. L'on m'a bien asseuré qu'il veult assembler les estatz, si tost qu'il se verra seul, pour leur exposer sa charge et faire de belles remonstrances. Toutefois il n'en a fait encores aucune deppesche, et me semble à oyr parler quelques ungs de ceulx qui en sont, qu'il trouverra aussi peu de secours et ayde d'argent en eulx qu'a fait ledit sr duc, qui est néamoins ung de ses principaux fondemens, en estant venu assez mal garny pour continuer la guerre, ainsi que je suis adverty de bonne part qu'ilz veullent faire, n'y aiant lieu du monde pour parvenir à appointer ces troubles et différendz par la voye. qu'ilz désneroient, car le prince d'Orange et les pays qu'il tient se trouvent plus mal aisez à serrer qu'ilz n'ont pensé. Quant à l'armée du sr de Beauvais, il n'est aucunes
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nouvelles qu'elle eust fait nul exploit, mais que au contraire aiant entendu la vérité des grandes forces des Gueulx par la mer et les fortz qu'ilz ont faitz sur cinq passaiges où ladite armée est contrainte de passer pour parvenir à Midelbourg, elle avoit prys résolution de ne passer outre Terneuze, atendant autre commodité, ce que mesmes ledit sr duc leur avoit mandé, sinon qu'il s'est publié ce matin que ledit sr de Beauvais, voiant lesditz Gueulx en bataille et résoluz de l'atendre pour le combattre, auroit prys autre résolution et usé d'un stratagème pour exécuter son entreprise, faisant acheminer en une nuyt une partie de ses vaisseaux chargez de vivres et autres armez de la plus grande part de ses soldatz par le canal de Bergues pour surprendre Romesval, et de là gaigner Armuyde et ledit Midelbourg, ce pendant que lesditz Gueulx n'y pensoient point : ce que l'on dit luy estre ainsy réussy, ceulx dudit Romesval taillez en pièces, et où il fait faire maintenant une fortiffication pour les nécessitez advenir. Autres dient que à ce passaige inespéré on auroit perdu troys vaisseaulx ; toutefois il n'y n'y en a encores riens d'asseuré, et me remectray de la vérité sur ma première deppesche 1.
Du costé de Hollande, les affaires n'y sont point amendez depuis madite dernière, toutes choses si contenans plus par parolles que par effect et paiement, en atendant ce que fera cedit gouverneur. Au reste, Sire, l'advis que
1 Dans la lettre suivante, Mondoucet donne en effet des détails sur la défaite de Beauvoir. Il avait réellement l'intention de fortifier Romerswael : il y laissa 600 arquebusiers Wallons, sous le commandement de Mauny, qui furent abandonnés au moment de la retraite sur Berghes, et durent se rendre ; ils furent emmenés à Saint-Martins-Dycke avec armes et bagages. Corr. de Phil. II, II, 432.
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j'escripvois à Vostre Maté m'avoir esté donné des forces qui passent ordinairement par trouppes allans trouver ledit prince, est véritable et ay encores ce jourd'huy entendu par homme qui a eu lettre d'Allemaigne que le comte Ludovicq se remuoit, assemblant deux régimens d'infanterie à Raquara avec de la cavallerie, dont la masse de tout se doibt faire en autre lieu plus voisin de ce pays, afin d'y entrer et bien tost, sans avoir esgard à la saison 1. Si ainsi est Vostre Maté, qui est prochaine de ceste frontière de delà 2, en pourra estre mieux advertie, et ne faudray de vous escripre ce que j'en pourray descouvrir. De Bruxelles, ce XXIVe de nobre 1573.
CXXXIX. — Au Roy. — [27 nov., 1573.]
Maladie du duc d'Albe. — Échec de Beauvoir en Zélande.— Craintes des Espagnols du côté de la France. — Philippe II envoie de l'argent aux Pays-Bas.
Sire. Il n'y a que troys jours que j'ay assez amplement escript et sastisfait Vostre Maté des occurences de deçà,
1 Mondoucet était bien renseigné sur les préparatifs de Louis de Nassau, redevenu l'allié de la France. Les négociations avaient été conduites par Frégose, comme l'établit un mémoire de Morvilliers analysé par Baguenault de Puchesse, Jean de Morvilliers, 308-314. L'affaire fut continuée par Schomberg, et à la fin de 1573 le comte de Retz passa en Allemagne avec de grandes sommes d'argent : DE THOU, IV, 743; v, 18. Le but immédiat poursuivi par Charles IX était d'assurer le passage de son frère, le roi de Pologne, à travers les pays protestants.
4 Le roi malade ne put accompagner son frère que jusqu'à Vitry; mais Catherine de Médicis alla jusqu'à Blamont où la cour arriva le 29 novembre ; Catherine eut pendant quatre jours de longs entretiens avec Louis de Nassau : Mémoires de La Huguerye, I, 192.
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lesquelles quelques ungs jugeoient debvoir cy après prendre ung meilleur chemin qu'elles n'ont fait par la venue du Grand Commandeur; mais je les veoy au contraire aller en empirant, et ne say si après le partement de monr le duc d'Alve qui ne peult estre si soudain, elles continueront. Ledit sr duc garde le lict, ses gouttes luy estant augmentées et meslées de fiebvre, de sorte qu'il ne fait plus riens; et, bien que ledit sr Commandeur n'ait encores receu ceste charge, si ne négocie il riens, et croy, à ce qu'il m'a esté asseuré, que à ce commancement de décembre il le saisira de tout et s'en deschargera, qui sera bien à propos pour plusieurs personnes qui ont à négocier avec eulx, et qui n'atendent autre chose.
Depuis ma dernière il est venu certaines nouvelles du succez de l'année de mer du sr de Beauvais, qui n'a esté tel ne si heureux qu'on le publioit, parce que ladite armée s'estant séparée, les grandz vaisseaux prys le chemin de Terneuze du costé de Flessingues, afin que les Gueulx pensassent que tout y fust, et les autres moiens et plus légiers avec ceulx chargez de vivres et munitions tourné par le canal de Bergues et par Romesval pour gaigner Armuyde et Midelbourg, lesditz Gueulx se sont trouvez si fortz de l'un et de l'autre costé que les grandz ont esté contrains de demourer en chemyn où ilz sont encores à Schaaftingen ou près dudit Terneuze; et les autres, que ledit sr de Beauvais conduisoit en personne, esté combattuz et rencontrez, de telle sorte qu'il en a esté perdu quinze tant des chargez de vivres que armez, s'estant ledit sr de Beauvais sauvé et retiré à toutes peines avec une partie à Bergues, où lesditz Gueulx l'ont pressé et suyvy de si près que ce qu'il a amené se trouve comme assiégé dedans le port dudit Bergues. pour y manger et consommer leurs vivres sans pouvoir venir en Anvers ;
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et ceulx qui sont demourez derrière audit Romesval aussi semblablement comme perduz. Ainsi Vostre Maté peult veoir, outre la perte de ceste armée qui estoit la plus belle et grande qui fust encores sortie, de quelle importance et conséquance elle est. Car c'est à ceste soys que l'on est hors d'espérance de Midelbourg et du reste des Zélandes, ainsi qu'il ne peult faillir que bien tost on n'en entende l'évènement, qui est ung pays tel et si fort d'assiette avecques les grandes forces navalles que ont lesditz Gueulx qu'il est quasi impossible au Roy Catholicque de le reconquérir de sa vie, sans que je vous veulle plus mectre devant les yeulx ne discourir le grand dommaige dont il est à tout ce pays.
Et du costé de Hollande ilz se rendront si fortz qu'il sera mal aisé de leur résister, non pas les assaillir. Il est pareillement venu advis que audit pays de Hollande les affaires n'y vont guières mieux, si continuans les mutinations de soldatz, et que les derniers Espaignolz venuz d'Italie y sont entrez comme aussi les Wallons, dont il y en a XIIII ou XV enseignes icy près qui courent et pillent le pays.
Ainsi Vostre Maté peult veoir et juger de ceste nécessité, et combien de grandes affaires concurent de toutes partz, ausquelles non-seullement ces gouverneurs icy sont bien empeschez de remédier, mais si sa Maté Catholicque y estoit elle n'y seroit guières davantaige, et sera bien encores pys si les advis que j'ai veuz d'Allemaigne du comte Ludovicq et que j'ay naguières escriptz à Vostre Maté se trouvent véritables.
Tout cela encores, Sire, ne les travaille point si vifvement que fait le soubson qu'ilz ont de vostre costé, voyans les forces qui viennent hiverner du costé de deçà, et ne le puys si bien rabattre, quelque chose que j'en dye, que
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la peine ne leur en donne, et qu'iz n'aient crainte que le mauvais succez de leurs affaires ne vous en face venir la volunté 1; ne vous voullant ennuyer des raisons qui s'allèguent là-dessus, toutefois il ne se parle d'aucun traité d'accord ny des moiens pour composer ses troubles, estans les Espaignolz trop endurcyz en leurs oppinions, de sorte que ceste guerre est pour prendre ung très long trayt. Et, à ce que j'ay entendu d'un marchant Genevoys par lettres qu'il a d'Espaigne, le Roy Catholicque fait enfin paier les debtes constituées en ce pays icy et qu'il estoit après à faire partyr de grandes sommes de deniers tant pour paier ce qui est encores deu que pour continuer ceste dite guerre, qui est tout ce qui se présente pour ceste foys. De Bruxelles, ce XXVIIe novembre 1573.
CXL. — Au Roy. — [1er décembre, 1573.]
Requesens a pris possession du gouvernement. — Situation générale ; difficultés financières. — Capitulation de Romerswael.
Sire. Les affaires de deçà se sont cy devant conduites de la façon que Vostre Maté aura entendu par mes ordinaires et préceddentes deppesches et soulz la charge et ordonnance de monsr le duc d'Alve, du succez et esvénement desquelles vous aurez pareillement esté adverty
1 Les Espagnols prirent en effet des mesures pour contenir les Français sur les frontières de l'Artois. Fernand de Lannoy, comte de la Roche, gouverneur d'Artois, écrit d'Arras à Granvelle le 8 janvier 1574 qu'il a reçu l'ordre de Requesens de visiter les frontières : Et cant les François verront que donnons quelque ordre, il penserai deux fois de prendre, et arrat peur de nous comment pensent que avons d'eux. » Corr. de Granvelle, V, 2.
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fort fidellement maintenant ; et hier monsr le Commandor major receut et accepta des mains et par la desmission dudit sr duc ce gouvernement 1, auquel nous verrons cy après quel chemin il prendra pour le réduyre en meilleurs termes qu'il ne le reçoyt. Car le fait des armes, de la guerre et munitions, de la police, bonne volonté et obéissance des peuples et villes, et des finances se trouvent en l'estat que Vostre Maté l'aura assez souvent et particulièrement entendu de moy ; qui me gardera d'en faire autre discours ny reprise par la présente. Je vous diray seullement qu'il semble à plusieurs, pour le respect et considération qu'ilz ont à la nécessité en laquelle se trouve cedit pays, que ledit sr Commandeur ne continuera la guerre et ne suyvra la piste dudit sr duc, mais que avec la doulceur et humanité, les grâces et pardons particuliers, et avecques quelque traité ou accord avecques le prince d'Orange il pourvoirra et remédiera à tout. Ce discours, à ce que je veoy, est plus fondé sur l'envie qu'ilz en ont et sur le grand besoing qu'en a ledit pays que sur aucune apparence qui s'en puisse appercevoir ; qui me fait juger avec les advis particuliers que j'ay de la charge qu'a ledit Commandeur de ce gouverner en ce fait à l'oeil et selon les évènemens, que c'est chose qui se remectra encores; et cependant le temps, qui pourra par le succez donner advantaige à l'un ou à l'autre, le fera refroydir et retarder davantaige et y adjouster nouvelles difficultez qui interromperont le tout. Toutefois je ne me repose point tant sur cela que je ne mecte toute peine d'y pénétrer
1 Requesens prit possession du gouvernement, sur les instances du duc d'Albe, le 29 novembre ; il prêta serment devant le Conseil d'État, en présence du duc d'Arschot, de Berlaymont et de Viglius.
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pour vous en esclarcir, comme semblablement de tous autres affaires.
Ledit sr duc est toujours malade de ses gouttes, mais non si asprement qu'il a esté, de façon que se trouvant bien tost mieux il sera pour desloger de ceste ville, soit pour aller jusques en Anvers pourveoir à ses affaires particulières, ou bien gaigner chemin pour son voiaige et se reposer en quelque autre ville, atendant le beau temps ou autre commodité.
Et quant audit Commandeur il se parle qu'il yra bien tost audit Anvers pour peu de jours, afin d'y faire son entrée et par mesmes moien adviser de faire partyz de finances avecques les Genevoys, afin d'apaiser premièrement les mutinations et révoltes des soldatz qui troublent tout, en atendant que, selon l'espérance que j'ay escripte à Vostre Maté qu'il avoit, il puisse tirer quelque bonne et grande somme de deniers des estatz de ces pays icy pour paier les autres debtes plus pressées et pour continuer la guerre; mais il se trouverra bien esloigné de ceste espérance, à ce que je puis presentir, car lesditz estatz qui sont en toute la deffiance possible de leur roy mesmes, et par conséquent de ses ministres, ne sont délibérez de faire aucun secours s'ilz ne voient autre chose et si on n'entre en quelque accord, congnoissans bien, à ce qu'ilz dient, que tous ces changemens de gouverneurs ne se font que pour les décepvoir et entretenir. L'on continue en l'oppinion que je vous ay cy devant escripte que ledit Commandeur ny demourera longuement chef, et que don Jehan d'Austria y pourra venir au printemps. Nous verrons ce qui en sera, mais quy quy y vienne, il se trouverra bien empesché mesmement s'il veult reconquérir par force ce quy est ès mains dudit prince.
Par ma dernière du XXVIIe du passé Vostre Maté au-
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ra entendu ce qui estoit survenu en Zélande et à l'armée de mer du sr de Beauvais. Depuis nous avons eu nouvelles que la plus grande part des mariniers et soldatz retournez à Bergues avec ledit de Beauvais se sont fouyz et retirez où ilz peuvent, ne voullans plus retourner. Et quant à environ six ou sept cens hommes qu'il avoit laissez derrière à Romesval avec quatre de ses vaisseaux armez, se trouvans despourveuz de secours, de vivres et de pouldres, ilz se sont renduz à la miséricrode des Gueulx, lesquelz les ont tous renvoiez sans armes avec serment de ne les porter plus contre le prince, dont ilz se louent grandement pour le pouvoir qu'ilz avoient d'exercer contre, eulx la cruauté dont on a usé envers les leur; ce que l'on juge ilz ont fait à deulx fins, l'une pour tant plus tost faire venir à telle composition la ville de Midelbourg et s'en rendre maistre, l'autre affin de séparer tousjours de la suitte et party des Espaignolz ceulx de ce pays ausquelz ilz publient et dient tout hault que ce n'est pas à eulx qu'ilz en veullent. Je veoy chacun estre hors d'espérance dudit Midelbourg, ne faisans qu'atendre les nouvelles de la perte et par conséquent de tout le reste. Desjà de l'isle de Zutbevelant, qui est la plus prochaine d'icy, tous les habitans s'en fuyent, et retirent leurs meubles en Anvers et ailleurs, ou lesdites affaires succeddans de ceste sorte ainsi qu'il est à craindre cela fera adoulcir les Espaignolz en leur traité s'ilz en veullent faire. Pour ce (comme j'ay cy devant escript à Vostre Maté 1) pour la crainte qu'ilz ont que quelque prince puissant et voisin ne se jecte à la traverse pour ayder ledit prince d'Orange et ne s'en impatronisse, et pour préveoir quel esbranlement sera pour en recepvoir tout ce pays que pour autre con1
con1 plus haut, t. II, page 51.
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sidération, sur tout je ne faudray de continer à donner les advis nécessaires à Vostre Maté, y aiant soigneusement l'oeil. Au surplus, Sire, ceste mutation de gouverneur est cause que je n'ay seu encores avoir la résolution sur le fait des commissaires pour la deffinition des lymites et confins. J'espère que ce sera bien tost que je le vous envoirray. De Bruxelles, ce premier jour de décembre 1573.
CXLI. — Au Roy. — [5 déc, 1573.]
Requesens n'a pas encore accordé de pardons. — Les troupes sont sur le point de se révolter en Hollande. — Middelbourg est sur le point de capituler.
Sire. Je vous ay escript assez amplement du premier de ce mois, faisant entendre à Vostre Mté la desmission que avoit faite M. le duc d'Alve de ce gouvernement ès mains du Grand Commandeur dès le mesme jour. Depuis ledit Sr duc est tousjours demouré malade de ses gouttes qui le retiennent au lict, et ne veoy pas qu'à ceste occasion il puisse partir d'icy de tout ce mois. Cependant toutes choses se manient et gouvernent par son conseil et advis, n'aiant ledit Commandeur encores exécuté ne mys en lumière aucune chose des pardons et moien pour parvenir à quelque repos en ce pays qu'on a publié qu'il apporloit. Seullement a-t-on adverty toutes les villes et estatz de son arrivée avec commandement de luy obéyr par cy après. Il n'y a point d'apparence que avec ce chemin desditz pardons il puisse riens advancer en cest affaire, estans les haines et ceste guerre trop invétérées ; avec ce les affaires du prince vont chacun
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jour meilliorant, joint que ceste fréquente communicquation et comférance qu'il a avec ledit Sr duc luy apporte desjà (entre le peuple qui ne sait que c'est) une déréputation et mespris pour la malveillance qu'ilz portent audit duc. Chacun qui congnoist évidemment les urgentes nécessitez où est pour tomber ceste province, et bien tost à l'occasion de ceste guerre, dit tout hault et plus librement qu'ilz n'ont jamais fait, qu'il fault venir à quelque traité et accord, et que la force le fera faire si on ne s'avance. Mais comme j'ay toujours escript à Vostre Mté pour ce que je n'y veoy aucun pyed ou moien d'asseurance pour y parvenir, si ce n'est en accordant liberté de conscience et que les Espaignolz sortent du pays, ce que le Roy Catholicque ne fera jamais, je nepense point qu'ilz en viennent à chef.
Quant ausdites affaires et du costé de Hollande il y a troys jours qu'il en arriva ung cappitaine pour faire entendre aux gouverneurs le mauvais estat où elles se trouvoient, qui estoit que tous soldatz et de toutes nations estoient sur le point de se mutiner, dont il y en avoit desjà quelque commencement, et pour faire pys principallement les allemans ; et ce à faulte d'argent et de vivres si on n'y remédyoit promptement, que une infinité y meurent maintenant de faim et de froyd ; semblablement il leur remonstra de la part de tous les chefz et cappitaines et autres qu'ilz désireroient que se continuant la guerre elle se feyt tout d'une autre façon qu'elle ne s'est faite par le passé, assavoir que tous prisonniers se puissent rachepter par ransons ou autrement ainsi qu'ilz pourroient, sans qu'on continuast à les faire mourir. Sur le premier on y deppescha incontinent ung peu d'argent pour appaiser ces troubles et les tenir en espérance d'en avoir bien tost davantaige. Mais, la nécessité
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estant si extrême que je vous ay fait savoir, ce sera à recommencer d'icy à quinze jours. Pour l'autre poinct il feust résolu et accordé ainsi qu'ilz le demandoient, et mesmes lesditz gouverneurs ont promis de faire tout ce qu'ilz pourront pour bien tost retirer de prison le comte de Bossu et tous autres.
Du costé de Zélande les affaires s'y en vont comme déplorées, encores que l'on ait expressément mandé au Sr de Beauvais de faire ce qu'il pourra pour retourner, Testant mesmes allé trouver à Bergues le Castelan d'Anvers et deulx autres espaignolz du Terce de Sicille qui est là et tous ensemble se bazarder pour passer. Mais d'un costé lesditz Espaignolz qui avoient commencé à se mutiner sans quelque argent que ceulx dudit Bergues luy ont baillé, et puis la difficulté, voire impossibilité, qu'il y aura de rassembler les mariniers et autres soldatz, outre que les Gueux sont avec environ trente batteaux à la veue dudit Bergues et leurs plus grandes forces derrière, qu'il est quasi hors de leur puissance de sortir dudit port, sera cause, en mon advis, qu'ilz ne retourneront point, avec ce que l'on publie desjà soulz main qu'il est venu nouvelles que ceulx de Midelbourg parlementoient, et autres qu'il estoit rendu ; dont nous saurons la vérité dedans ung jour ou deulx, et, si ainsi est, je laisse au jugement de Vostre Mté de combien le prince d'Orange sera renforcé. Car lors il fera ordinairement et librement courrir toute la coste de Flandres, de sorte qu'il n'y pourra plus aborder aucun vaisseau, et pourra aussi faire passer la plus part de ses forces navalles en Hollande pour y faire la guerre à Anstredan à bon essient, outre que les richesses que l'on dit estre dedans ledit Midelbourg sont incroyables, lesquelles luy apporteront d'autres moiens. Je ne faudray de faire en-
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tendre à Vostre Mté le succez particulièrement de toutes choses. De Bruxelles, ce cinquiesme décembre 1573.
CXLII. — Au Roy. — [6 déc, 1573.]
La guerre doit continuer au printemps. — Requesens envoie des ambassadeurs pour en prévenir les puissances voisines. — Affaires de Zélande.
Sire. Je feyz hier une deppesche à Vostre Mté que j'envoiay sur l'heure par homme exprès à Péronne, laquelle vous aura fait entendre tout ce qui est passé ès affaires de deçà depuis que M. le Commandeur en a prys la charge et administration, en quoy on ne se peult encores appercevoir ny le peuple aucunement espérer que ce changement leur puisse apporter aucun fruict et avantaige mesmement si l'on veult continuer la guerre, comme il semble que ce soit leur intention et la volunté du Roy Catholicque. Pour le moings ces deulx gouverneurs le monstrent en apparence et le veullent ainsi faire croyre, aians sur ce advisé que si leurs rebelles ne se contentent d'accepter les pardons apportez par ledit Commandeur et prendre toute asseurance sur iceulx et sur la foy et volunté de leur roy, que sa Mté est délibérée d'user de toutes ses forces et moiens pour les débeller au plus tost que faire se pourra, et faire passer ceste année prochaine une grande et puissante armée tant par mer que par terre pour ceste occasion ; ce qu'ilz ont cependant résolu de faire entendre à tous les princes leurs voisins, tant pour les exorter à n'avoir aucune jalousie desdites forces qui tourneront en ce pays, que
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pour les prier mectre en considération que c'est une querelle qui est connue à tous princes, et. comme zélateurs du bien et repos publicq de ne voulloir favoriser, ayder ne en quelque façon que ce soit soustenir lesditz rebelles en leur mauvaise cause, et aux plus alliez et intrinsèques amyz les requérir de secours et ayde pour l'exécution de leur entreprise. Et de fait ont desjà désigné des principaulx seigneurs de ce pays pour telles légations : assavoir le comte d'Harembergue vers l'empereur, et le seneschal de Haynault, frère du prince d'Espinoy devers Vostre Mté 1, lequel par mesme vous pourra baiser les mains de la part dudit Commandeur, et conséquemment autres en Angleterre, Dannemarck, Suède et autres lieux dont je n'ay voullu faillir de vous advertir incontinent, afin que Vostre Mté ne puisse en cela estre prévenue.
Je ne vous diray riens davantaige des affaires de deçà, n'y estant riens survenu depuis, sinon que l'on continue la reddition de Midelbourg, laquelle je ne veux croyre, parce qu'il s'est fait une entreprise d'y mener cinq vaisseaux chargez de grains par quelque voie et canal in1
in1 de Ligne, comte d'Aremberg, était fils de Jean de Ligne, tué à Heyligherlee en 1568 ; il fut chargé de voir l'Empereur, l'Impératrice, leurs enfants, Ferdinand et Charles, le duc de Bavière, la duchesse douairière de Lorraine, les archevêques de Cologne, Trèves, Mayence, le duc de Wurtemberg. GACHARD, Corr. de Philippe II, II, 446. Il y a une notice sur lui dans GACHARD: Études et notices concernant l'histoire des Pays-Bas, II, 154 et seq. Le sénéchal de Hainaut est Pierre de Melun, fils de Hugues de Melun; son frère aine, Charles de Melun, portait le titre de prince d'Espinoy; il mourut célibataire à Venise en 1579, et le sénéchal de Hainaut s'empara de son titre de prince ; Cf. BLAES, Mémoires anonymes, IV, 303 ; v, 242. Jean de Vuytenhorst, seigneur van den Horst, fut envoyé vers les ducs de Clèves et de Brunswick, et l'évêque de Munster. Corr. de Phil. II, II, 446, note 2.
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congneu cependant que les Gueulx sont empeschez à deffendre le passaige à l'armée entière et en autres endroyz, dont je ne say si l'exécution réussira selon qu'il est proposé, et plusieurs en doubtent mesmement estans ces grandes gelées survenues ; estant ce moien perdu on ne fait plus estât de la Zélande. Par ma première j'espère en escripre quelque chose de plus véritable à Vostre Mté.
De Bruxelles, ce VIme décembre 1573.
CXLIII. — Au Roy. — [11 déc, 1573.]
L'accord avec le prince d'Orange. — Négociations par l'entremise de Julien Romero. — Mondoucet a une longue conversation avec le duc d'Albe, qui croit à la prochaine soumission du prince. — Middelbourg a été secourue de vivres. — Requesens reçoit les gouverneurs, qui se plaignent du mauvais entretien des places fortes. — Mondoucet demande de l'argent.
Sire. Depuis les deux dernières deppesches que j'ay faites à Vostre Mté des V et VImes de ce moys par lesquelles vous aurez entendu en quelz termes estoient les affaires de deçà, et pareillement les deppesches qui se debvoient faire de quelques seigneurs de ce pays, tant devers Vostre Mté que l'empereur et autres princes voisins, et de l'occasion d'icelles, il ne s'y est riens avancé, estans encores lesditz personnaiges atendans leur expédition. Ce pendant M. le Grand Commandeur, lequel, ainsi que le contiennent mes préceddentes deppesches, a prys l'administration de ce gouvernement, ne perd jour, heure ne temps qu'il ne vacque continuellement ausdites affaires, et avec une telle vigilance qu'il fait bien paroistre de l'affection qu'il a de les amender et re-
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mectre en meilleurs termes; mais, comme je vous ay assez de soys escript, le principal nerf luy deffault qui est l'argent, soit pour contenter toutes sortes de personnes à qui il est deu du passé, soit pour la continuation de la guerre à laquelle il semble qu'ilz se veullent résoudre, encores que l'oppinion comune et plus généralle feust de prendre l'autre party de doulceur, auquel, à ce que j'entendz, le prince d'Orange seroit pour se laisser entendre et accommoder, congnoissant très bien qu'il n'est en sa puissance de tousjours soustenir et supporter ce faix, et que enfin, s'il n'est secouru d'ailleurs que des villes et du pays qu'il tient, il ne pourra subsister, aiant le Roy Catholicque les rains trop fortz pour luy.
Estant Julian Romère demouré en Hollande après M. le duc d'Alve pour commander aux Espaignolz, il y a fait quelques factions avec lesquelles il s'est bien avancé dedans le plat pays, tellement qu'ilz tiennent quasi en subjection par le moien de leurs garnisons les villes de Leyden et Delft de laquelle le prince s'est retiré à Dordreq, qui, à ce que m'a compté mesmes ledit Julien, luy escripvit trois lettres estant par delà, lesquelles tendoient à entrer en parlement ensemble; mais cela ne se peust accorder ainsi que ledit Julien le voulloit, aussi qu'il n'en avoit point de charge de deçà 1. Enfin ledit prince luy escripvit que il entendoyt qu'il debvoit passer en Espai1
Espai1 Ledict Romero m'a es cript troys ou quatre fois des lettres plaines de courtoisies et honestes offres, auxquelles luy ay respondu en pareilz termes... » Lettre du prince d'Orange, 13 nov. 1573, dans Archives de la maison d'Orange, IV, 238. Julien Romero fut vivement blâmé de cette démarche inconsidérée ; Requesens lui fit savoir qu'il consentirait à traiter avec les villes, mais se refuserait à toute négociation où le prince interviendrait comme intermédiaire. Corr. de Phil. II, II, 451.
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gne, que, si ainsi estoit, et s'il osoit, il présentast ses très humbles recommandations au roy, et qu'il estoit le plus esbahy du monde du conseil que suivoit sa Mté, lequel ne pouvoit venir de vous ny de loiaux serviteurs et subjetz, de le faire ainsi consommer à acquérir ung pays qui est sien, estant très aisé de remectre toutes choses eu bon estat, et qu'il seroit beaucoup meilleur d'emploier toutes ses forces siennes et despenses en autre endroit pour l'augmentation de sa couronne. Somme que icelluy Jullien me dist estre asseuré que ledit prince se contenteroit d'une pension en Allemaigne de trente ou quarante mil escuz par an, moiennant que son filz qui est en Espaigne 1 feust remys en ses biens et sa succession, et ainsi des autres gentilzhommes particuliers 2. Et quant aux villes, qu'elles ne demandent que l'entretènement de leurs privilèges avec lesquelz l'empereur Charles les a prises, qu'il leur a jurez et promis comme a fait le Roy Catholicque, chose qui estoit bien raisonnable et en quoy la réputation de sa Mté Catholicque ne pouvoit estre offencée ; mais qu'en aiant icy fait le rapport audit duc, il n'en a fait compte ny n'en veult oyr parler. Et ledit Commandeur qui a prys là dessus quel1
quel1 comte de Bueren.
2 Philippe de Marnix de Ste-Aldegonde, prisonnier, avait écrit d'Utrecht une longue lettre au Prince pour lui montrer la nécessité d'entrer en négociation avec le Roi : Archives de la maison d'Orange, IV, 285-293. Le Prince répondit le 23 décembre : «... Tout mon désir n'est que de venir au plus tôt à une bonne et assurée paix, et telle qu'elle soit à l'advanchement de la gloire de Dieu, consentement de S. M., bien et reposz de ses sujets. " Il rappelle qu'il a rédigé en septembre et fait parvenir au Roi un écrit dans lequel il a
dénoncé les cruautés du duc d'Albe (on suppose que cet écrit a dû déterminer ou hâter le rappel du Duc), et proteste énergiquement de sa fidélité au Roi ; id., IV, 299.
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que fondement s'est résolu avec l'advis dudit duc d'en deppescher en Espaigne, mesmes je croy que ledit Julien sera pour y passer après dedans ce mois de Janvier s'il peult.
Je feuz hier veoir ledit Sr duc au lict pour luy continuer les instances de quelques affaires particuliers dont je luy ay desjà parlé, mais il me résolut qu'il ne se mesloit plus de riens, s'estant deschargé de tout sur son successeur, auquel je m'adresseray doresnavant, espérant le veoir dès ce jourd'huy ou demain. Et bien que icelluy duc soit ung peu malade, si fait-il compte de partir d'icy ceste sepmaine prochaine pour aller à Namur, et de là s'acheminer le plus qu'il pourra, sur quoy il me dist qu'il eust bien désiré prendre son chemin de Bourgongne par Lyon et Languedocq, mais qu'il entendoyt qu'en ces pays là il y avoit encores des garboilles ce que je luy comfirmay, et du peu de seureté qu'il y avoit pour son passaige ; ainsi il s'arresta à passer par l'Italie. Sur les affaires qui se présentent par deçà il continua à me mespriser les forces du prince, disant qu'il estoit nécessaire qu'il succombast, et qu'il s'asseuroit que son successeur auroit bien tost la fin de ceste guerre, mesmes que si le Sr de Beauvais eust secouru Midelbourg comme il en avoit eu assez de moiens, qu'il estoit très certain que dedans deux mois toutes autres villes qui sont si lassées qu'il n'est possible de plus, se feusseut rendues, mesmes que aucunes branslent. A quoy je n'adjouste nulle foy, parce que se sont ses propos ordinaires et qu'il m'a tenuz si souvent. Il me dist davantaige que Paul Viller (Pollweiler), collonnel d'Allemans, qui est à Campen en garnison, luy avoit escript avoir eu advis de Hambourg par
1 Garboilles, querelles, désordres, du mot italien garbuglio.
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lequel on luy mandoit que ledit prince faisoit son compte de se retirer en ladite ville, et que bientost on l'y atendoit, ce qui a aussy peu d'apparence. Pour conclusion il dist qu'il estoit bien besoing que son maistre et que Vostre Mté advisassent à leurs affaires et à amortir toutes ces guerres civilles qui ne sont que pour subvertir les royaumes.
Or, Sire, quant est dudit Midelbourg il a esté secouru par le costé de Tergoes d'environ quatre ou cinq cens sacqs de bled qui le pouront entretenir quinze jours ou trois sepmaines, dont les dix jours sont desjà passez 1 ; de sorte que ledit Commandeur donne tout l'ordre possible pour y renvoier ; mais les Gueulx sont si fortz de toutes partz que c'est chose très mal aisée, si ce n'est à la desrobée, ainsi que l'on a fait; à quoy si lesditz Gueulx pouvoient avoir l'oeil si ouvert et le soing pour l'empescher, bien tost ilz se rendroient maistres de ladite ville et de toute Zélande : ce que plusieurs désireroient pour l'espérance et oppinion qu'ilz ont que cela seroit pour pousser tant plus tost le roy d'Espaigne et ses ministres à entrer en quelque traité et accord.
Au surplus, Sire, la plus grande part des gouverneurs de la frontière de deçà sont venuz icy saluer ce nouveau gouverneur, les ungs mandez et autres venuz d'eux mesmes, lesquelz se plaignent de plusieurs choses, entre autres des grandz arriéraiges deubz à leurs garnisons,
1 Le prince en parle dans une lettre du 23 déc. à ses frères : « Middelbourg passé quelques jours était nostre, si par la mauvaise garde que faisaient aulcuns capitaines de Camphere (Vere), ladite ville n'eusse reçu quelques quatre ou cinq cents sacqs de bledz, qui toutefois ne pourront guère durer, si desja ne sont mangez. » Archives de la maison d'Orange, IV, 304. Cf. Corresp. de Philippe II, II, 440.
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des réparations mal entretenues et de ce que depuis ceste guerre on a du tout desgarny leurs places tant d'artillerie, pouldres, munitions que autres choses nécessaires pour la conservation d'icelles. A quoy il estoit bien besoing de pourveoir pour la crainte que l'on peult avoir de la part de vostre royaume, et estans les affaires de deçà en l'estat qu'elles sont ; ce qu'on leur a promis faire. Mais estant la nécessité telle que Vostre Mté a entendu, et y aiant tant d'autres choses pressées, cela sera mys en arrière, ou sera usé d'une très grande longueur.
Sire. Il y a deulx jours que j'ay receu la deppesche qu'il vous a pieu me faire du XXIXme du passé, à laquelle il n'eschet autre response que ce qui est contenu cy devant, estant très heureux du contentement que vous recepvez de mon travail, vous suppliant très humblement m'excuser-si je vous fayz une iteratifve plainte de ce que je ne puis estre nullement payé des assignations qui m'ont esté baillées sur le trésorier de voz parties casuelles pour argent avancé par deçà pour vostre service ; ce que je supplie encores Vostre Mté voulloir commander et outre considérer que depuis que je suis en ceste charge j'ay continuellement esté contraint supporter de grandes despenses extraordinaires à l'occasion de la guerre, plus que n'a jamais fait nul autre de mes prédécesseurs : pour raison de quoy il vous avoit pieu me faire don de six mil livres il y a ung an, dont je n'ay jamais seu avoir aucune chose, bien que, outre ceste somme, j'aye despendu plus de troyz mil escuz du myen. Et le Sr de Ferrailz 1 pour récompense de troys moys de
1 Le baron de Ferrais avait été résident de France aux PaysBas en 1570 et 1571; sa correspondance est à la Bibliothèque nationale; Gachard en a publié de nombreux extraits : La Bibliothèque nat., II, 480-510.
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la première guerre du prince eut dix mil livres de don. Je vous, supplie donc très humblement encores ce coup, Sire, me donner moien de m'entretenir à vostre service, me faisant paier de ladite somme, et que au lieu de m'y advancer je ne me ruyne et mecte tant en arrière comme j'ay fait jusques icy, en atendant qu'il plaise à Vostre Mté me faire autre bien.
De Bruxelles, ce XIme décembre 1573.
CXLIV. — Au Roy. — [16 déc, 1573.]
Entretien avec Requesens sur les différends à la frontière, sur les affaires du roi de Navarre. — Premières réformes militaires du Commandeur. — Bruit de la perte de Middelbourg. — Départ des ambassadeurs envoyés en France, en Allemagne, en Angleterre.
Sire. Vous aurez assez amplement entendu comme toutes choses se passoient ès affaires de deçà, depuis ce nouveau gouvernement, par mes dernières deppesches, singulièrement par celle de l'unziesme du présent, depuis laquelle il y est intervenu fort peu de chose, sinon que M. le duc d'Alve se prépare chacum jour pour son partement, qui pourra estre selon le bruict comun pour demain ou vendredy. Toutefois aucuns disent qu'il pourra encores retarder jusques à l'arrivée d'un courrier d'Espaigne qu'il atend d'heure à autre, dont nous verrons l'issue que je ne faudray de faire entendre à Vostre Mté.
J'ay depuis esté veoir le Grand Commandeur pour luy faire particulièrement entendre les affaires desquelz j'avois cy devant fait instance audit Sr duc, et qui demouroient irrésoluz, afin que, selon la remise qu'il m'a-
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voit faite, il y pourveust et commandast l'expédition d'iceulx ; entre autres pour la nomination des commissaires qu'il fault establir pour décyder avec les vostres des différendz qui sont sur la frontière ; et puis d'autres affaires du roy de Navarre suivant les mémoires que j'en ay par cy devant receuz, avec celles de M. le comte de Charny 1 et autres, ausquelles il m'a fort courtoisement promis de donner ordre, et que, bien que la guerre le divertisse de penser si exactement aux affaires de ce gouvernement qu'il faudroyt, que néanmoins il fera en sorte que celles qui regarderont Vostre Mté ou qui seront recommandées de vostre part, ne soient pour cela intermises. Desjà j'ay esté asseuré par le Sr d'Assonville que pour le regard desditz commissaires on peult tenir pour certain qu'ilz en nomment deulx en tout, lesquelz se trouverront à Casteau en Cambresy au XXme ou à la fin d'avril, dont j'espère avoir au premier jour ung acte d'eulx, lequel je vous envoierai ; et pour ce que je les pressois d'accorder main levée aux parties en atendant la descission, ilz ont pensé qu'estant le terme si court, qu'il seroit meilleur que toutes choses feussent wydées par mesme moien.
Ledit Sr Commandeur n'atend que le partement dudit duc pour s'en aller en Anvers où je croy il commencera à faire apparoir de ses facultez et pouvoirs, dont jusques icy il n'a fait aucune démonstration ; et lors l'on verra s'il vouldra tendre à la voye de doulceur pour accommoder ces troubles, ainsi que ça esté la première oppinion, ou s'il continuera la guerre, comme il semble que l'ap1
l'ap1 Chabot, comte de Charny, grand écuyer de France, fut lieutenant général au gouvernement de Bourgogne sous Henri III ; il mourut en 1597.
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parence en soit pour la provision qu'il veult faire de deniers, vivres et munitions, que pour ce qu'il chasse et renvoie tous soldatz Espaignolz et autres en leurs garnisons, réduisant les compaignies espaignolles d'environ soixante et six ou sept qu'il y a à trente enseignes seullement soubz deulx maistres de camp, et faisant semblablement autres réformations sur la guerre, afin d'esviter à la grande despense passée. De ce qui en adviendra, Sire, je ne faudray de vous en donner advis, et mesmes le préveoir si je puys, mais en quelque façon que ce soit, j'entendz que les villes de Hollande se sentans fort foullées de la longueur de ceste guerre seroient bien facilles à s'accommoder en leur délaissant leurs antiens privilèges, et sans qu'il feust parlé de religion.
Il est vray que si la ville de Midelbourg est réduite en la puissance du prince, ainsi que depuis deulx jours ce bruict en demoure constant et asseuré 1, les moiens de se deffendre et se conserver ce qu'il a luy seront grandement accreuz pour les raisons que je vous ay cy devant desduites. Je n'asseureray point encores à Vostre Mte la prise de ladite ville pour la grande diversité d'oppinions qui en est, et que l'on n'ose en parler sur pène de la vie. Mais j'ay esté adverty que ceulx de dedans veoians le secours de grains que l'on leur menoit qui ne pouvoit estre que pour bien peu de jours et se sentans grandement nécessitez de plusieurs autres choses se seroient renduz ausditz Gueulx. Nous ne pouvons tarder que bien tost nous n'en sachions la vérité.
Au reste, Sire, Vostre Mté aura esté advertie du voiaige que va faire le grand seneschal de Haynault devers vous, lequel partyt hier, et, à ce que j'ay seu outre
1 Midelbourg ne capitula que le 18 février 1574.
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les pointz que je vous ay escriz desquelz il vous doibt parler, porte à Vostre Mté des lettres du Roy Catholicque que luy a baillées ledit Sr Commandeur, qui (comme je croy) se rapporteront à ce mesme fait. Et ce jourd'huy part le comte d'Harembergue pour aller devers l'empereur ainsi que fait en Angleterre le baron d'Obigny (d'Aubigny) qui sera suivy de deux autres 1 pour achever de résoudre et termyner le fait du commerse d'entre les deux pays, aiant, à ce qu'on m'a dit, esté apportée par ledit Commandeur la ratification du dernier accord fait. De Bruxelles, ce XVIme de décembre 1573.
CXLV. — Au Roy. — [19 déc, 1573.]
Le duc d'Albe est parti le 18 décembre pour Namur et Gênes. — Projets de Requesens qui va à Anvers. — Négociations des Espagnols avec l'Angleterre. — Les Écossais qui négocient à Bruxelles.
Sire. Aiant assez amplement escript à Vostre Maté du XVIme de ce mois et précédemment l'estat et progrez des affaires de deçà, ceste lettre servira seullement pour
1 Le baron d'Aubigny fut bien reçu en Angleterre ; Cf. Correspondance de La Mothe Fénélon, VI, 11. Il devait négocier le rétablissement de l'entrecours et des relations commerciales. Les deux commissaires qui devaient raccompagner furent d'abord retenus à Dunkerque, puis la reine leur envoya leur passe-port. C'étaient Halevyn de Zweveghen et Jean de Boisschot, conseiller fiscal du Brabant ; voir leurs pouvoirs renouvelés et leurs instructions dans Relat. politiques des Pays-Bas et de l'Angleterre, VII, 7. 11. 13.
Morillon annonce le retour du baron dans une lettre du 15 février 1574; il rapporte, dit-il, beaucoup de belles paroles avec une chaîne de 500 écus; mais la reine lui a dit qu'elle ne peut délaisser le prince, « et qu'elle ferait tellement envers le Roy qu'elle le (le prince) ferait rentrer en ses biens ». La dernière recomman-
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vous advertir comme Monsr le duc d'Alve, après avoir différé jusques à présent d'habandonner ce pays, est en fin party hier accompaigné du Grand Commandeur et de tous les seigneurs de ceste court, s'acheminant à Namur, où il passera la feste, et de là gaignera pays à petites journées pour s'aller embarquer à Gennes. Ce partement, Sire, n'a esté nullement odieux à personne quelconque, ainsi que Vostre Maté peult croyre, pour les occasions passées qui luy ont engendré une telle haine et si extraordinaire aux coeurs de toutes personnes de ce pays, que s'ilz osoient ilz en seroient des feuz de joie ; ce qui sera, en mon advis, bien tost récompensé par pasquilz et libelles diffamatoires qui s'en sieuvront. Je l'accompagnai et ledit Sr Commandeur, lequel est bien délibéré de couvrir et remédier à toutes telles faultes par sa doulceur, aumoings selon ce que je jugeay des propos qu'il me tint, non que pour cela il veulle riens lascher de l'antienne et catholicque religion davantaige que ce qui en a tousjours esté par deçà, n'estant point l'intention du roy son maistre. En quoy, je préveoy, comme aussi plusieurs le jugent, qu'il advancera bien fort peu pour remectre ce pays en repos et entière obéissance ; car n'accordant riens de ladite religion qui y est si multipliée et faisant continuer les pugnitions contre les infracteurs, ce sera tousjours à recommancer et pys qu'auparavant. Ledit Commandeur s'en va en Anvers dedans peu de jours, où je le suivray, encores qu'il n'y doibve demourer que huict ou dix jours, à ce qu'il m'a dit, et est l'occasion de son voiaige fondée principallement sur troys
dation qu'elle fit au baron fut de dire au Commandeur d'avoir soin de mieux servir son maître que n'avait fait le duc d'Albe. Le baron dit que « les Espaignolz sont piz voulus en Angleterre que nulle aultre part ». Corr. de Granvelle, v, 35.
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pointz. Le premier pour si faire recepvoir et recongnoistre pour gouverneur y faisant publier ses pouvoirs, et, à ce que j'ay entendu, les pardons que l'on dit qu'il a apportez, pour, à son nouvel avènement et le duc d'Alve estant party, veoir quel fruict ilz pourront faire. L'autre est pour travailler au recouvrement de finance, et y négocier avecques les marchandz genevoys et autres ; et le dernier pour donner plus de chaleur et de presse à l'armement, avitaillement et équipaige d'une armée de mer qu'il veult dresser pour faire passer en Zélande à quelque prix ou hazard que ce soit. Car, suivant l'instruction qu'il a prise dudit Sr duc et de ceulx de deçà, il veult faire tout effort de ce costé là, au cas que lesditz pardons et la doulceur ne luy puissent riens amener de mieux. Je ne faudray d'avoir l'oeil à toutes choses, afin d'en donner les advis nécessaires et véritables à Vostre Maté.
Cependant je vous diray, Sire, que j'estois tousjours bien en deffiance que le bruict que l'on a fait courrir si constamment et qui dure encores quelque peu de la prise de Midelbourg estoit faux, car, si ce eust esté chose certaine, la vérité ne s'en feust peu ny ne sauroit si longuement céler, encores que les passages et advenues de là icy soient du tout cloz. Je croy bien pour certain qu'elle endure de grandes nécessitez, aiant esté si peu secourue, ausquelles, s'il n'est pourveu et remédié bien promptement, qu'elle sera pour se perdre. Je continueray d'en escripre le succez à Vostre Maté et des autres affaires.
Au surplus, Sire, il y a seullement troys jours que j'ay receu la deppesche qu'il vous a pleu me faire du IIIe de ce mois, au contenu de laquelle je mectz et mectray toute la peine de vous satisfaire, ainsi que j'ay commencé, et que Vostre Maté le peult avoir congneu par mes
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deppesches, et tiens pour asseuré que le roy d'Espaigne et ses ministres feront ce qu'ilz pourront pour divertir les secours et aides que le prince d'Orange tire de l'Angleterre, lesquelz, à la vérité, luy soustiennent le menton, n'en aiant que peu ou point d'ailleurs : soit en se remectant, s'ilz peuvent, en bonne amitié et intelligence avec ladite royne, en quoy ilz travaillent par ambassades de bienveillance et asseurans le dernier accord fait pour raison du commerse d'entre les deux pays, ainsi que je vous ay escript ; soit en troublant les affaires de ladite royne et de son royaume avecques les menées et pratiques de leurs pensionnaires, 1 lesquelz il
semble qu'ilz veullent adopérer maintenant qu'il y a quelque commancement de trouble audit pays, en estant venu icy quelques ungs des chefz depuis quatre jours, ce que je suis après à descouvrir. Mais pour en parler ; franchement, Sire, je ne saurois désirer que ledit prince perde ce support, pour la crainte qu'il fault avoir que ceulx cy ne vinssent trop tost au dessus de leurs affaires, comme ilz seroient s'il n'estoit soustenu et supporté d'ailleurs, et lors ilz excerceroient à l'endroit de Vostre Maté ce qu'ilz ont ferme oppinion que l'on fera envers eulx. Ainsi de la continuation de ce mal deppend une bonne partie du repos de vostre royaume, et mesmes quant la meilleure part des turbulans d'icelluy l'assisteroient, ce seroit autant de segnée et purgation.
Quant aux deulx frères escossois 2 ilz sont tousjours icy, aians trouvé leur party tout prest et accordé en Espaigne, car ilz sont bien traitez pour ce commencement et touchent leurs pensions par les quartiers. Je ne faulx
1 Un mot illisible.
2 Voir plus haut, tome II, page 31.
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toutefois de les entretenir des remonstrances acoustumées, ausquelles ilz presteroient l'oreille, sinon qu'elles ont bien peu de force si elles ne sont accompaignées de quelques offres. En quoy néanmoins suivant la volunté de Vostre Maté je ne me suis jamais tant avancé que de m'obliger de parolle ou promesse quelle qu'elle soit comme je ne feray sans vostre commandement. De Bruxelles, ce XIXme jour de décembre 1573.
CXLVI. — Au Roy. — [22 déc, 1573.]
Attaque préparée contre le duc d'Albe sur la frontière de Lorraine. — Projets de Requesens pour ravitailler Middelbourg. — Les troupes de Hollande exigent leur solde. — Mondoucet prévoit une violente opposition de la part des États Généraux.
Sire. Vous aurez veu par ma dernière deppesche du XIXme de ce mois le partement de ceste ville de Monsr le duc d'Alve, lequel s'est arresté à Namur selon sa deslibération pour y passer les festes ; mais ung autre point dont j'ay esté adverty l'y arrestera davantaige ou ailleurs, qui est que le comte d'Harembergue s'estant achemyné pour son voiaige d'Allemaigne auroit eu certain advis qu'il y avoit une entreprise sur ledit duc, et que cinq cens chevaux assemblez se délibéroient de l'atendre entre la Lorraine et Bourgongne pour luy donner une estrette : dont, aiant esté adverty par ledit comte, se trouve fort fasché, et qui pourra retarder son voiaige, entrant desjà une crainte à ceulx de deçà que ce ne luy soit une occasion pour y retourner 1. Je croy facillement
1 Lumbre écrit de Cologne, 12 janvier 74, que l'on a formé le projet d'attaquer le duc avec quatre cents chevaux et autant d'ar-
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ladite entreprise et que ce pourroient estre les gens de guerre que l'on disoit se lever par le comte Ludoviq. Nous verrons quel party il prendra là dessus.
Quant au Commandeur Major, après que, depuis le partement dudit duc, les estatz de Brabant le sont venuz saluer et recongnoistre pour gouverneur, ausquelz il a seullement fait quelques remonstrances en général, et qu'il a fait le semblable à ceulx des finances et du conseil privé et des troubles pour les exorter à continuer en leur debvoir pendant son absence, il part demain pour, passant à Mallines, aller à Anvers faire Noël et donner ordre à toutes les particularitez contenues par ma préceddente. De là il ira à Bergues pour faire tout ce qu'il sera possible à ce que le Sr de Beauvais qui y est avec partie de son armée, comme assiégé des Gueulx, en sorte et prengne le hazard de passer pour aller secourir Midelbourg selon les occasions et ce que ledit Commandeur en pourra veoyr à l'oeil. Ainsi son voiaige sera de plus d'un mois, voire davantaige, selon les grandz affaires qu'il trouverra sur les lieux, de sorte qu'il ne fault estre tousjours à cheval. Mais, à ce que j'ay certainement entendu par homme qui a esté sur l'année desditz Gueulx et qui en est venu depuis troys jours, c'est chose du tout impossible que de pouvoir faire ce secours, ainsi que Vostre Maté pourra mieux congnoistre par ung mémoire que je vous envoie des particularitez que j'en ay recueillies.
quebusiers ; le bruit court qu'il est retourné à Namur, après avoir eu son bagage volé : Archives de la Maison d'Orange, IV, 325. Mais Requesens nous apprend qu'il avait eu la précaution de se faire accompagner de cinq compagnies de cavalerie (deux de lanciers et trois d'arquebusiers), qui durent raccompagner jusque dans l'état de Milan : Corresp. de Phil. II, III, 4.
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Du costé de Hollande les affaires y demourent au mesme estat que Vostre Maté aura veu par mes deppesches, et est ce temps humyde fort contraire pour y exécuter riens davantaige. Les Espaignolz qui y sont ont escript une lettre audit Commandeur, le priant de les faire paier, puisque le duc s'en estoit allé et qu'il en avoit prins la charge, luy faisant beaucoup de belles remonstrances suyvies en fin d'une menace de mutination, à quoy icelluy Commandeur leur a respondu qu'il donneroit ordre promptement, estant en Anvers, pour leur bailler partie argent comptant et partye en draps, ce qu'ilz ne veullent accorder.
Je veoy bien que continuant la guerre comme toutes apparences sont jusques icy que l'on veult faire, et allant avant ceste grande despense dont il fault qu'elle soit suyvie, les affaires se rendroient encores en pires termes qu'elles n'ont point esté, ainsi que le temps le nous apprendra. Mais je préveoy outre cela, Sire, que, auparavant la mi-caresme, on verra par deçà quelque changement estrange qui pourra procedder de la licence et auctorité que s'atribueront les Estatz des pays en général estans assemblez, lesquelz s'estans maintenant despouillez et dessaisiz de l'antienne et invétérée crainte que leur a apportée la venue dudit duc et les exécutions ordinaires qu'il a fait faire, commenceront à parler plus hault et licencieusement qu'ilz n'ont fait ; joint que le peu d'estime et repputation en quoy ilz ont ce nouveau gouverneur leur en donnera plus de hardiesse et d'exécuter ce à quoy il n'a point encores esté pensé. Au surplus, Sire, je vous envoie présentement une coppie de ce que ce nouveau gouverneur et ceulx de ce conseil m'ont accordé touchant le commandement qu'il vous avoit pleu me donner de leur faire instance pour nommer commis-
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saires quy puissent termyner de leur part les différendz des lymites et enclavemens, afin que selon cela il vous plaise nommer les vostres et en faire faire une résolution. De Bruxelles, ce XXII décembre 1573.
Sire. Depuis ceste deppesche faite, j'ay entendu que ledit Sr duc d'Alve aiant eu l'advis contenu cy-dessus haste plus son voiaige qu'il n'avoit proposé, voullant, s'il est possible, arriver en Luxembourg à ce Noël pour le y passer, puis, par la dilligence qu'il espère faire, prévenir ses ennemys et leurs délibérations.
Je viens tout présentement de recepvoir la deppesche qu'il vous a pieu me faire du XVme de ce mois à laquelle il n'eschet autre responce sinon que je loue Dieu de la bonne et sainte résolutiou que Vostre Maté prend de remectre toutes choses en vostre royaume en bon estat et en son antienne splandeur, qui est le vray et seul moien pour vaincre tous voz ennemyz et leur fermer la bouche.
Dudit jour XXII décembre 1573.
CXLVII. — Au Roy. - [26 déc, 1573.]
On prépare le ravitaillement de Middelbourg qui est affamée. — Déplacements du prince d'Orange. — Négociations financières avec les banquiers génois. — Ce que feront les États des provinces.
Sire. Depuis vous avoir escript du XXIIe de ce mois, Monsr le Commandeur Major est arrivé en ceste ville (Anvers) jeudy dernier où l'aiant suivy j'ay observé qu'après y avoir fait son entrée et aiant esté recongneu des chefz et magistraz d'icelle, il ne s'est encores aucunement laissé
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entendre sur le fait du pardon que l'on disoit qu'il y debvoyt faire publier, estant résolu, selon ce qu'il se peult juger par ses actions, de continuer la guerre et ne tend à présent qu'à la conservation de la ville de Midelbourg, emploiant tout soing et dilligence possible pour la faire secourir. Mais s'approchant des lieux où elle peult estre secourue il veoyd et congnoist à l'oeil que la difficulté et résistance y est plus grande qu'il ne pensoit, de sorte qu'il a du tout délaissé l'entreprise de la force, ne la pouvant pour ceste heure faire telle ne si grande qu'elle puisse non seullement faire reculer celle des Gueulx, mais comparoistre devant eulx. Ainsi il donne ordre à faire charger de vivres en divers lieux et endroyz plusieurs petiz batteaux platz, lesquelz pourront aisément passer par dessus les bancqs et sables pour par diverses voyes les y envoier, espérant que, quelque estroite garde que facent lesditz Gueulx sur les passaiges, il sera bien mal aisé qu'ilz empeschent qu'il n'en eschappe quelques ungs. Mais, à ce que je puis entendre et que Vostre Maté aura peu juger par les dernières particularitez que je vous en ay envoiées, la nécessité y est si grande qu'il n'est possible qu'elle puisse se soustenir guères plus longuement, nous estant rapporté qu'il y a desjà beaucoup de jours qu'ilz ne vivent que de chair de cheval, chiens, chatz et ratz et jusques à y desrober quelques enffans 1. Aussi le collonnel Mondragon qui y commande a escript audit Commandeur qu'il ne luy est quasi plus possible de retenir les Wallons en obéissance et qu'ilz ne se ren1
ren1 donne des détails navrants sur la famine dont souffraient les assiégés de Middelbourg : la rasière de blé se vend, dit-il, cent écus; le quartier de chien, un écu; un rat, douze patars. Les soldats espagnols ayant mangé des enfants, pour ce fait Mondragon les a fait exécuter : Corresp. de Granvelle, V, 12.
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dent ausditz Gueulx, si bien tost il n'est assisté et secouru de vivres, ce qu'il sait bien ne se pouvoir faire par force, mais qu'à la desrobée il y en pourra passer. Nous verrons bien tost ce qui en réussira ; car c'est chose qui ne se peult différer que jusques au X ou XIIme du prochain. Le Sr de Beauvais qui estoit à Bergues arriva hier en ceste ville pour en prendre advis avec ledit commandeur et tout le conseil qui se trouve près de luy, et estime que, ces festes passées, ledit Commandeur pourra aller jusques audit Bergues pour veoir les moiens qui se présenteront.
Il y a icy asseurance que le prince d'Orange a esté ceste sepmaine passée à Flessingues, où après y avoir réduyt les affaires en meilleur ordre qu'elles n'éstoient et pourveu à tout ce qui y faisoit besoing pour y entretenir la concorde entre les ungs et les autres, il est venu trouver son armée de mer jusques à la teste dudit Bergues, ainsi que l'on a peu juger par une salve de troys ou quatre cens coups de canon qui feurent tirez hors 1. Depuis il est repassé en Hollande aiant repeu ses soldatz de paiement sur la prise de ladite ville ; cependant que l'on a regardé de pourveoir ainsi peu à peu à la nécessité d'icelle, je croy que l'on ne laissera pas d'adviser aux moiens de se fortiffier de plus grand nombre de vais-' seaux pour ce printemps, et desjà on a fait arrester tous
1 Sur le séjour du prince d'Orange en Zélande, voir les Archives de la Maison d'Orange, IV, 298. 300 et seq. Dans une lettre du 23 décembre à ses frères, il dit : « Devant hier suis esté veoir nostre flotte navalle qui tient la flotte ennemie assiégée au pont de Berghes opt Zoom, et n'ay peu assez remerchier le seigneur Dieu de la bonne délibération en laquelle j'ay veu touz nos capitaines, soldatz... etc. » Id. IV, 304. Il resta en Zélande pendant tout le mois de janvier. Cf. aussi la Corr. de Philippe II, II, 442, note 1.
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ceulx qui se trouvoient à Dunquerque 1 et autres portz de Flandres. Mais quoy qui se face je ne veoy personne qui ait espérance d'une bonne et prompte fin aux affaires de deçà, ny que par les armes on les puisse remectre en bons termes ne le pays en repos.
Quant aux finances elles sont aussi courtes que Vostre Maté aura entendu par mes préceddentes, et n'estoit que ces marchans genevoys qui sont embarquez en plusieurs partyz et de longue main avec Monsr le duc d'Alve s'efforcent de continuer et fournir ce qu'ilz peuvent pour estre asseurez de tout, elles se trouverroient encores plus mal aisément, estant ceste bourse du tout tarye pour la discontinuation du commerse qu'aporte la closture de la mer. Lesditz Genevoys fournissent maintenant une partie de III cens mil escuz (IIIe m w) tant en argent comptant que draps qui serviront pour la nécessité des soldatz de Hollande.
Au surplus, Sire, j'estime, selon ce que j'ay esté adverty, que soit icy ou à Bruxelles ledit Commandeur fera assembler les Estatz 2 pour ceste my-janvier, et verrons lors quel fruict il en tirera, qui ne sera pas grand, selon ce que je vous ay dernièrement escript, et que quelques ungs d'iceux le dient assez franchement. Sur tout je ne faudray d'avoir l'oeil pour vous en continuer les advis.
De Anvers, ce XXVIme décembre 1573.
1 Dans une lettre du 30 décembre, Requesens annonce à Philippe II qu'il a fait arrêter à Dunkerque 16 ou 17 navires bretons venant d'Espagne ; il en a donné le commandement à Juan Martinez de Recalde, avec ordre de les amener à Middelbourg ou à Anvers. Corresp. de Philippe II, II, 441.
2 La lettre par laquelle le Commandeur prie les gouverneurs de convoquer les États de leur province est du 6 janvier 1574; elle a été publiée dans la Corr. de Ph. II, III, 4, en note.
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CXLVIII. — Au Roy. — [31 déc, 1573.]
Requesens fait de grands préparatifs pour continuer la guerre (ne parle pas de pardon). — Middelbourg. — Entretien avec Requesens sur les affaires concernant la France.
Sire. Je vous ay escript du XXVIme de ce mois comme, selon les comportemens de Monsieur le Grand Commandeur, je faisois jugement qu'il estoit pour prendre les erres que luy avoit laissées Monsr le duc d'Alve de la continuation de la guerre ; en quoy je me comforte tous les jours plus fort, voyant la peine et le travail qu'il prent tant pour les expéditions qui sont nécessaires pour ce fait que pour le recouvrement de finances pour y satisfaire, ne se parlant nullement d'aucuns moiens de doulceur pour remectre ces pays en repos, dont je veoy chacun perdre couraige et ce peuple si abattu pour y préveoir une si extrême longueur que il ne s'en peult ensuivre que leur ruyne, tout leur fait consistant au commerse et trafficq, lequel cesse par ce moien. Aussi ne sont-ilz nullement délibérez, à ce que je puis entendre, d'emploier beaucoup de leurs facultez pour ce secours et ayde. Mesmes les Estatz, ainsi que je vous ay cy devant escript, sont bien délibérez de parler d'autre sorte et faire autres remonstrances qu'ilz n'ont accoustumé, comme elles se pourront entendre dedans le XV ou XVIIIe du prochain qu'ilz sont convocquez à Bruxelles, lesquelles j'espère faire lors savoir à Vostre Maté.
Estant le Sr de Beauvais venu icy, et aiant congneu ledit Sr Commandeur le peu de fruict que pouvoit apporter le voiaige qu'il voulloit faire à Bergues, il s'est résolu de n'y aller poinct, donnant toujours ordre le mieux
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qu'il peult pour faire secourir ceste pauvre ville de Midelbourg, mais il n'y a aulcun de ce conseil mesmes ledit Sr de Beauvais et autres qui ne luy aient tout platement résolu qu'il se donnoit ceste peine là en vain, estant chose du tout impossible pour la grande force qu'avoient les Gueulx et l'estroite garde qu'ilz faisoient sur tous les passaiges et mesmes en l'isle aux endroyz où ung petit batteau pouvoit débarquer, où encores depuis peu de jours ilz ont surpris quelques petiz batteaux chargez de bledz que l'on y passoit de Flandres ; de sorte que l'on commence à perdre toute espérance de ladite ville, qui est en si extrême nécessité que l'on ne fait qu'en atendre de mauvaises nouvelles.
Pour tout cela on ne laisse de pourveoir à une plus grande force de vaisseaux pour ce printemps, ainsi que le portoit madite dernière, et ay entendu que ledit Sr Commandeur est résolu d'emploier le verd et le secq pour se rendre maistre de la mer, estant le seul but pour parvenir à son desseing : ce qu'il ne peult faire sans l'ayde des princes voisins de ce pays, lesquelz j'ay esté adverty qu'il veult requérir de ce faire et pourra le seneschal de Haynault en toucher quelque mot à Vostre Maté. On a aussi envoie devers les Roys de Dannemarch et de Suède pour ceste occasion 1. Mais je préveoy en cela, Sire, une si grande longueur et despence si extrême, outre que lesditz Gueulx seront si fortz et maistres absoluz de Zélande, qu'il sera très mal aisé d'y pou1
pou1 de Westendorp, syndic de Groningue, eut mission d'aller vers le roi de Danemark, le duc de Holstein, la ville de Lubeck pour demander des vaisseaux à la solde du roi. Gérard de Oistendorp, conseiller au Conseil d'Overissel, fut envoyé vers Brême et Hambourg; ils partirent dans les derniers jours de décembre 1573. Note de GACHARD, Corresp. de Phil. II, II, 442.
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voir faire bon exploit. Joinct que les mariniers de ceste armée, recullent de servir et s'enfuyent quant on en a besoing. Je ne faudray de vous advertir continuellement de tous les succez.
Je feuz hier veoir ledit Sr Commandeur auquel je feyz entendre l'ordre qui avoit esté donné pour réprimer ceulx de la garnison d'Ardres et l'affection qu'avoit Vostre Maté à l'entière conservation de la paix et bonne amitié avec le Roy Catholicque ; dont, après m'avoir dit que c'estoit la mesme intention du roy son maistre, il me remercia au nom de Vostre dite Maté et me dist qu'il avoit toute asseurance de vostre part. Je luy feyz encores instance pour avoir main levée des biens du Sr de Matrignan, et luy en baillay ung mémoire bien ample duquel il me dist qu'il se seroit imformer par le conseil des troubles, n'estant chose dont il eust encores eu congnoissance, mais je veoy bien, Sire, que s'estans accordez de commissaires selon le mémoire que je vous en ay envoié, ilz remectront la descission de ce fait jusques alors. Je n'intermectray toutefois riens de ceste poursuite. Au surplus, Sire, estans les affaires de deçà en l'estat que peult considérer Vostre Maté, on ne s'amuse guières à parler ne discourir des vostres. Et quant à ce qu'en escript l'ambassadeur don Diego 1, ses dernières
1 Don Diego de Zuniga, qui fut ambassadeur d'Espagne en France de 1572 à 1577. Après un intérim de huit mois rempli par le secrétaire Aguilon, il remplaça don Francis de Alava. Aguilon resta auprès de lui pour le surveiller. La correspondance de don Diego est conservée aux Archives nationales de France, K. 1529 à 1543. GACHARD en a donné une analyse, Bulletins de la Commission royale d'histoire, 3e série, tome III ; TEULET a publié plusieurs lettres dans le tome V des Relations politiques de la France et de l'Espagne avec l'Écosse. Don Diego était le cousin du Grand Commandeur.
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sont du XXme de ce mois, par lesquelles, comme j'ay seu, il advertissoit des troubles et esmotions qui se levoient du costé de Languedocq, Guyenne et Poitou, sans qu'à ce que je puis entendre il aigrisse le fait davantage, sinon de leur donner une asseurance de vostre costé pour les empeschemenlz qu'il prévoyt vous tomber sur les bras, dont je prie Dieu vous voulloir garantir. Je ne faudray de continuer à y avoir l'oeil, ne voullant pour fin de la présente oublier d'accuser la réception de la dernière deppesche qu'il vous a pleu me faire du XXIIe du présent, et vous en envoier une autre que je viens de recepvoir du Sr de Vulcob. De Anvers, ce dernier jour de décembre 1573.
CXLIX. — Au Roy. — [4 janvier, 1574.]
On paie les soldats de Hollande. — Dispositions peu favorables des États qui doivent se réunir en janvier. — On ne peut ravitailler Middelbourg, qui est très menacée.
Sire. Vous aurez entendu par mes préceddentes deppesches, principallement par celle du dernier du passé, comme toutes les affaires de deçà consistoient maintenant en deux pointz: assavoir au recouvrement de finances et à dresser une bonne armée par mer, tant pour secourir Midelbourg que pour se rendre maistre et suppérieur des Gueulx qui occuppent tous les passaiges. Au premier point monsr le Commandeur s'efforce d'y donner ordre par tous moiens, tant du crédit du roy son maistre, du sien que autres sur lequel il a recouvert III cens mil escuz (IIIcm w) tant en argent comptant que marchandises, lesquelz (comme je vous ay cy devant escript)
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s'emploient à contenter le mieux que l'on peult les soldatz qui sont en Hollande, dont les Espaignolz qui vinrent dernièrement d'Italie estoient entrez en mutination, laquelle a duré bien peu de temps pour avoir esté incontinent repeuz de ceste sorte avec belles promesses qui en mon advis sont fondées sur l'espérance que ledit sr Commandeur a de tirer une bonne et grande somme par le secours des Estatz de ce pays; en quoy il se pourroit bien tromper; car aiant ouy parler ceulx de Brabant, Flandres et Haynault, je veoy qu'ilz sont en volunté de parler hault et user de remonstrances plus rudes qu'ilz n'ont fait par cy devant, mesmement sur la demande qu'on leur veult faire d'un autre centième denier qu'on prétend avoir esté par eulx promis, lorsqu'ilz ont paie le dernier, dedans six ans ou quant une guerre ou urgente occasion se présenteroit 1. Ce que pour raison de la présente on leur veult faire anticipper, et croy qu'ilz seront en termes de l'accorder, pourveu que leur Roy les remecte et restitue en leurs pleines libertez et anciens privilèges à eulx jurez et promis par luy et par le feu empereur Charles son père, et non autrement. Vostre Maté peult juger là-dessus que c'est de la conservation desditz privilèges, et combien de difíicultez sont cachées là-dessoubz, dont l'une, et la première, est de n'avoir point de garnisons ny d'Espaignolz, et que nulz estrangiers ne pourront avoir les charges et gouvernemens d'un pays et des villes d'icelluy. De sorte qu'il se peult préveoir qu'il y enterviendra plus de divisions et contrast que l'on ne pense, qui, à mon jugement, a esté cause que ledit Sr Commandeur s'est
1 Cf. Corresp. de Philippe II, II, 458-460. Requesens, pour obtenir l'impôt du 1/100e, était persuadé qu'il fallait absolument supprimer le 1/10° denier.
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encores retenu de les convocquer tous en ung lieu, comme il s'estoit dit, à Bruxelles, et qu'il se contentera d'avoir la responce particulière de chacun pays, afin que ceulx qui ont quelque bonne inclination n'en soient divertiz et refroydiz par ceulx qui la peuvent avoir mauvaise et pour autres raisons.
Quant à l'autre poinct, Sire, il ne s'est depuis donné aucun secours audit Midelbourg, quelque dilligence que l'on y face et que l'on ait adjousté des prix et imunitez à ceulx qui y mèneront vivres, de mode qu'elle se trouve tous les jours plus pressée, les bourgeois, femmes et habitans y mourans de fain par les rues ; et n'y a que le collonnel Mondragon qui, s'estant saisi de ce qu'il a peu de vivres pour luy et ses soldatz, qui la deffende ainsi oppiniastrement, disant qu'il fera plustost manger ses soldatz l'un à l'autre que de se rendre. Ce qui donne audit Sr Commandeur encores quelque espérance, et qui le fait haster de faire mectre son armée en équipaige à Bergues pour la faire sortir, et en quelque façon que ce soit affronter lesditz Geulx et passer, s'il y amoien, dont selon que le portoit ma préceddente, je veoy peu de personnes avoir bonne oppinion, et ay entendu que ce qui se pressoit de ladite armée estoit pour l'exécution d'une entreprise qu'on avoit sur la ville de Siericzée, saignant d'aller audit Midelbourg, qui a esté descouverte, à cause que le prince d'Orange est si soudainement retourné en Zélande, aiant passé audit Siericzée pour y asseurer toutes choses et de là à Flessingues où il est présentement; qui fait encores entrer aucuns en autre doubte que sa présence pourra hasler la reddition ou composition dudit Midelbourg, ou bien qu'aiant fait estat des grandz biens, richesses et marchandises qui sont dedans pour le paiement de ses gens de guerre et autres
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choses qu'il a besoing, il veulle estre près de là afin qu'il ne s'en perde riens. Nous pourrons veoir dedans peu de jours ce qui réussira de tout cela, estant ladite armée pour partir dans ceste sepmaine, ou bien ladite ville pour se rendre bien tost après s'il ne survient autre chose.
Au reste, Sire, j'ay depuis deulz jours reçeu la deppesche qu'il vous a pieu de me faire du XXVIIme du passé par laquelle j'ay veu la faulte advenue à ung de mes pacquetz par la négligence d'un courrier espaignol dont le maistre de la poste de Péronne m'avoit auparavant adverty, qui feut occasion que je m'en plaignyz vifvement et si bien que j'espère que telle faulte n'adviendra plus; aussi que fort peu souvent je me comfie ausditz courriers, envoyant ordinairement gens de pyed exprès audit Péronne.
Je ne répondray riens à Vostre Maté sur le bruyt qui est par delà et l'oppinion que l'on peult avoir que l'on soit pour accommoder les affaires de deçà par accord, que ce qui en est contenu par toutes mes deppesches dernières et ce que Vostre Maté s'en peult représenter par icelles, n'en estant encores icy aucunes nouvelles soubz main ne autrement. Il est vray que le comte d'Harembergue qui est allé devers l'empereur peult bien avoir eu quelque charge d'en parler, mais ses instructions ny mémoires n'en portent riens, et veoy que la guerre est pour suyvre le fyl qu'elle a prys, si ce n'est que, s'il advient de Zélande ce que chacun en juge, cela face changer d'avis et oppinion. A quoy et toutes autres choses importans vostre service je ne faudray d'avoir l'oeil comme je doibz.
De Anvers, ce IIIIe jour de janvier 1574.
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CL. — Au Roy. — [9 janvier, 1574.]
Le Commandeur a organisé deux flottes pour secourir Middelbourg. — Projets du prince d'Orange. — Nouvelles de Hollande ; révoltes de soldats en Gueldre.
Sire. Depuis vous avoir escript du IIII° de ce mois l'estat auquel se retrouvoient les affaires du pays de deçà il y est succeddé bien peu, ainsi qu'il vous plaira d'entendre, n'aiant Monsr le Commandeur pensé à autre chose qu'à l'expédition de son armée de mer, la hastant et pressant le plus qu'il peult pour aller secourir Midelbourg, duquel il luy est tousjours demouré espérance, le voiant si oppiniastrement conservé par le collonnel Mondragon. Et après avoir fait garnir les batteaux de tous les vivres et munitions nécessaires pour ce ravitaillement, on y fait maintenant embarquer les soldatz et gens de guerre, pour la conduite estant ledit Commandeur résolu d'y faire à ce coup tout l'effort possible et plus qu'il n'en a point encores esté fait, parce qu'il fait divertir les forces de ses ennemys par trois costez : l'un par la coste de Flandres où ilz pourront estre plus de vingt-cinq ou trente batteaux, l'autre qui partira de Bergues avecques soixante batteaux ou environ, et de ceste ville en partira aussi ung bon nombre faisant en tout plus de six vingtz (VIXX) batteaux tant petitz et chargez de vivres que autres grands et armez ; espérant qu'en ceste sorte lesditz Gueulx se trouverront si vifvement atachez et leurs forces séparées en tant d'endroyz qu'ilz n'auront moien d'y résister, ou pour le moings empescher qu'il ne passe et eschappe une bonne quantité de vivres qui pourront soustenir ladite place jusques à autre meilleure saison. Mais, à ce que j'en-
tendz, et qui vient confirmé par divers endroyz, lesditz Gueulx se trouvent encores plus fortz et bien résoluz de combattre tout ce qui se présentera, aiant disposé si bonne garde de batteaux pour donner signalz et les advertir du parlement pour se mectre en ordre, que l'on juge qu'ilz ne font qu'atendre autre chose, aussi que le prince d'Orange qui est sur les lieux y donne tout ordre et chaleur pour à ce coup en avoir la fin. L'on tient icy pour certain que lesditz batteaux partiront dedans le commancement de ceste sepmaine prochaine, et bien tost après nous aurons nouvelles du progrez dont je ne faudray de vous advertir.
Davantaige j'ay seu que ledit prince, se sentant foible de gens de guerre, faisoit faire quelques levées secrètes de gens de pyed, tant en Flandres que Arthois, lesquelles ont esté descouvertes et empeschées comme a semblablement esté une entreprise et intelligence qu'il avoit depuis peu de jours sur la ville et citadelle de Cambray ; chose qui fait bien ouvrir les yeux à ceulx de deçà et prendre garde de près à leurs places d'importance.
Quant au costé de Hollande la guerre se continue assez lentement, si ce n'est avecques escarmouches qui se font par unes et autres garnisons; mais la nécessité de deniers qui y est les fait porter plus mollement, et se mutinent à tout propoz l'une nation après l'autre. Mesmes en toutes les garnisons de Frise et Gueldres les soldatz se sont mutinez depuis ceste sepmaine tout en ung coup, ainsi que le Sr D'Hierges a fait entendre audit S1 Commandeur par ung gentilhomme exprès; à quoy il est après à pourveoir, mais il se présente tant d'affaires pressées chacun jour qu'il sera mal aisé qu'il y donne ordre si tost que la nécessité le requiert, encores qu'il y marche bien d'autre pyed et avec plus de dilligence que ne faisoit le duc d'Alve,
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dont on a à ce commencement quelque bonne espérance. De Anvers, ce IX Janvier 1574.
CLI. — Au Roy. — [14 janvier, 1574.]
Entrevue de Mondoucet avec le Commandeur. — Prochain départ des flottes pour la Zélande. — Requesens a reçu des lettres de change d'Espagne. — Conjuration d'Espagnols en Hollande pour livrer le fort d'Egmont. — Mort de Jean de Mendoça. — Les négociations de l'accord sur la question de religion.
Sire. J'ay reçeu il y a deux jours la deppesche qu'il vous a pleu me faire du cinquième de ce mois avec les lettres que vous m'avez envoiées pour présenter à Monsr le Commandeur, lequel j'ay cejourd'huy esté veoir pour faire cest office, le salluer de vostre part et l'asseurer de la bonne volunté et intention qu'a Vostre Maté à l'entretènement de la paix ainsi que voz actions et depportemens le tesmoigneront tousjours, le priant et exortant de faire le semblable de sa part ; et que quant aux affaires qu'il avoit trouvées par deçà à l'entrée de son gouvernement que vous lui en souhaistiez tout heureux succez. Sur cela il a très humblement remercié Vostre Maté m'asseurant qu'il ne manquera en riens de sa part que ceste bonne volunté de laquelle je lui faisois déclaration ne fust bien corespondue, estant tout ce que désire le roy son maistre. Et quant à sesdites affaires il supplie très humblement Vostre Maté de faire donner ordre à ce que aucuns de voz subjectz n'asistent ses rebelles, et en faire faire la pugnition et chastiment ; qu'en ce faisant il espère que Dieu lui en donnera bonne yssue, dont je l'ay asseuré, et que outre les deffences qui en avoient par cydevant esté faites, vous y ferez encores prendre garde de nouveau. Je veoy
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bien, Sire, que le séneschal de Haynault naguières retourné de France luy a rapporté les bruitz qui y courent des troubles et divisions, qui est cause qu'il estime que voz subjetz auront assez d'occasion d'estre empeschez en leurs maisons et pays sans se mesler d'aller allieurs, et que le prince d'Orange en aura moings de support. Je prie Dieu qu'en l'un il se voye trompé. Il ne fera faulte aussi, à ce qu'il m'a dit, de faire nommer les commissaires de ceste part pour la descizion des différentz qui sont sur les frontières pour raison des enlèvemens et autres particularitez, en luy parlant que les vostres si trouverroient.
Quant à ce qui passe en ces négoces depuis ma dernière du IXme de ce mois, peu de chose y est survenue, estant le tout remys sur le succez de ces armées de mer qui se préparent pour envoier en Zélande, lesquelles ne peuvent estre encores sitost preste que je vous escripvois pour la faulte des mariniers et canonniers qui se trouve par deçà. Toutefois, avec la diligence extrême que l'on y adjouste, l'on pense qu'elles pourront partir dedans mardy ou mercredy. Mais je véoy ung inconvénient en ceste diversité d'armées, qui est qu'elles ne peuvent faire leur effect en mesmes temps pour estre en troys divers lieux, ainsi que Vostre Maté aura entendu, d'où ung mesme vent ne les peult servir. Nous verrons comme il y sera remédié. Cependant plusieurs craignent que ceste longueur n'apporte quelque chose de mauvais à Midelbourg, dont je n'ay oppinion, veu le long temps qu'il y a que telz bruitz de sa nécessité se sont semez. Il est vray que, à ce que j'entendz, ledit prince d'Orange estant à Flessingues fait renforcer encores son armée de mer de trente batteaux, lesquelz il destine pour faire teste à ceulx qui viendront de la coste de Flandres, sans en riens
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dyminuer ce qu'il avoit du costé de deçà qui se montent en tout à plus de cent cinquante vaisseaux ; et ceulx d'ici ne sont pas davantaige que Vostre Maté aura entendu par mes préceddentes.
Ledit sr Commandeur atendra en ceste ville, comme je croy, l'issue de ce fait pour après s'en retourner à Bruxelles atendre ce que les Estatz de chasque province auront respondu sur les propositions à eulx faites pour après les assembler en général s'il le trouve à propos. Il a receu encores depuis peu de jours des lettres de change d'Espaigne, dont je ne say bonnement la somme, qui est cause qu'il ne haste si fort ladite convocation d'Estatz pour le secours qu'il en tirera. Mais les marchans se trouvent si en arrière, et le commerse a icy si peu de lieu maintenant au regard du passé pour la clotture de la mer qu'ilz se trouvent bien empeschez de recouvrer argent.
Du costé de Hollande il ne si présente autre chose que des ordinaires nécessitez, lesquelles sont cause du peu d'effect des armes et mesmes alliennent si bien les voluntez des soldatz qu'environ cent Espaignolz avoient fait une conjuration de remectre les fortz d'Aigmont et le baron de Chevreaux qui y commande entre les mains des Gueulx 1, qui a esté descouverte et plusieurs d'iceulx justiciez. Le Sr de Noircarmes qui y est demouré pour chef a esté extrêmement malade depuis quinze jours, sur quoy il a demandé son congé et s'est résolu de partir, quoy qu'il advienne, et veoy sur cela ledit Sr Commandeur bien empesché d'y en envoier ung autre qui puisse estre aymé du pays et qui soit entendu à la guerre. Il se trouve
1 Mendoça, qui donne de nombreux détails sur la campagne du baron de Chevraux, Comm., II, 193, ne parle pas de ce complot.
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aussi en mesme peine pour la charge de général de la cavallerie légière, qui a vacqué ces jours icy par la mort de don Jehan de Mandosse, qui a esté tué ung soer en une rue, en atendant que le Roy d'Espaigne y ait pourveu 1.
Sire, Quant aux advis que Vostre Maté peult avoir que l'intention du Roy Catholicque et que les actions de ses ministres tendent à accommoder les affaires de deçà par quelque accord, je vous diray que j'ay entendu de bon lieu qu'ilz sont après pour adviser s'il y aura moien de pouveoir faire condescendre les villes qui tient à recevoir le pardon de Sa Maté, sans qu'en riens il veulle entrer à délaisser aucune chose de la relligion ; mais estant l'union qu'ilz ont avec ledit prince si grande est entrez si avant à la guerre, durant laquelle ilz ont toujours exercée la relligion contraire, je ne pense pas qu'ilz se délaissent l'un l'autre ny qu'ilz passent sy doulcement le fait d'icelle relligion; en quoy le succez de ceste armée et ce qui adviendra dudit Midelbourg frappera ung grand coup.
De Anvers, ce XIIIIe janvier 1574.
1 Voir tome Ier, page 283, note 1. Requesens annonce la mort de Jean de Mendoça au roi par lettre du 18 janvier : Jean a été tué la nuit par les domestiques de Champagney ; il en a fait exécuter un et a soumis l'affaire au conseil de Brabant : Corr. de Philippe II, III, 7, et note 2. Cf. une lettre de don Diego de Çuniga adressée à Çayas le 16 janvier 1574, Archives nat., K. 1533.
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CLII. — Au Roy. — [19 janvier, 1574.]
Mondoucet annonce un envoyé extraordinaire qui doit communiquer au roi une affaire très importante.
Sire. Il est survenu si peu de chose ès affaires de deçà depuis ma dernière du XIIIe de ce mois que je ne vous fayz la présente sur ceste occasion, ny ne deppesche ce porteur mon homme exprès devers Vostre Maté sur cela, mais pour ung particulier affaire de très grande conséquence appartenant à la grandeur et avantaige de voz affaires, dont je n'ay voullu faillir de vous advertir tout incontinent 1. Et pour ce que c'est chose qui mérite estre tenue secrète et cachée, je n'en ay riens voullu déclairer
1 Mondoucet parlera encore plus loin de cette proposition mystérieuse, et la présentera comme une chose très certaine et assurée, très facile et aisée à exécuter, qui sera de grande utilité et avantage pour le royaume. On peut rapprocher une lettre de Maisonfleur, écrite de Delft le 16 novembre 1573. Maisonfleur était un huguenot échappé à la Saint-Barthélemy; il avait levé deux compagnies en Angleterre et les avait amenées en Hollande. Sa lettre est adressée à Charles IX : « J'ay pensé que ce pays était tel qu'il méritoit être possédé de V. M, et puisqu'on y désire souverain résident, j'ay pensé à vostre frère. Et ayant desjà entendu quelque vent de l'ouverture qui en avoit cy-devant été foite à V. M. par M. le prince d'Orange, affìn de me rendre encore plus compte de son intention et voulonté, j'en ay par deux ou trois fois mis S. Excellence en proupos, laquelle, il fault que je le die, que j'ay tousjours trouvée si bien disposée à y entendre et vous y servir de tout son pouvoir que de là j'ai pris l'occasion d'en écrire à V. M. » Cette lettre a été publiée pour la première fois par KERVYN DE LETTENHOVE, Huguenots et Gueux, III, 277. Cependant, Kervyn de Lettenhove ne croit pas que Mondoucet ait eu en vue à cette date l'introduction du duc d'Alençon dans les Pays-Bas; il croit que Mondoucet voulait parler d'un projet sur Anvers. Id., 379.
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davantaige par la présente, aiant si amplement et particulièrement instruict cedit porteur de tout, qu'il vous en rendra très bon compte à bouche, suppliant très humblement Vostre Maté le voulloir croyre de ce qu'il vous dira de ma part, comme vous vouldriez faire moy-mesme. Et si après cela vous avez agréable d'entendre à ce fait qui est extrêmement avantaigeux, il vous plaira choisir quelque personnaige expérimenté en telz affaires et tel que vous adviserez pour venir par deçà en veoir faire les preuves et s'esclarcir entièrement de tout, ainsy que j'ay desjà fait. Cedit porteur que j'ay aussi informé de ce qui passe en ceste guerre et de toutes autres particularitez consernans ce gouvernement depuis madite dernière vous en saura bien discourir par le menu et rapporter la vérité de ce qu'il en a veu et entendu, dont il plaira aussi à Vostre Maté de le croyre.
De Anvers, ce XIXe janvier 1574.
CLIII. — Au Roy. — [22 janvier, 1574.]
La flotte est sur le point de partir de Berg-op-Zoom. — Même affaire que dans la lettre précédente.
Sire. Vostre Maté aura bien amplement entendu par le rapport de mon homme que je deppeschay il y a quatre jours tout ce qui se présentoit ès affaires de deçà, esquelles il n'est riens survenu autre chose depuis, sinon que enfin ceste armée de mer se trouve preste pour faire voille ceste nuict ou demain, afin de s'aller joindre avec celle qui est à Bergues pour tout ensemble aller combattre les Gueux qui sont à leur veue ; tellement qu'ilz ne feront grand chemin sans trouver leur party. Je ne faudray de
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m'en aller audit Bergues incontinent après ce partement pour pouvoir juger à l'oeil de ce qui se fera et incontinent après advertir Vostre Mate de tout. Ce pendant m'estant venu trouver ce porteur pour me déclarer aucunes choses grandement importantes à vostre service, encores que l'on y doibve si soudainement adjouster foy, si est ce que estans du poix que l'on les peult juger et congnoistre, j'eusse grandement pensé faillir si je ne l'eusse à l'instant deppesché devers Vostre Maté, afin qu'il vous plaise l'entendre et escoutter par sa bouche. Il vous dira semblablement ce qu'il a veu et congneu ès lieux où il a esté jusques à présent, qui me gardera d'en mectre autre chose par escript par la présente. Au reste, Sire, j'envoie présentement au Sr Mollan, trésorier de voz parties casuelles, l'essay fait par le personnaige duquel mondit homme vous aura mys le party en avant, afin qu'il le vous présente pour le faire veoir s'il vous plaist, suppliant trèshumblement Vostre Maté croyre ledit Mollan de ce qu'il vous dira de ma part là-dessus, qui ay tousjours esté présent à le veoir faire. De Anvers, ce XXIIe janvier 1574.
CLIV. — Au Roy. — [26 janvier, 1574.]
Encore le projet mystérieux de Mondoucet. — Nouvelles des opérations en Zélande. — Ferdinand de Lannoy remplace Noircarmes en Hollande. — Le comte Louis de Nassau se prépare à intervenir dans les Pays-Bas.
Sire. Je deppeschay samedy dernier, XXIIIe de ce mois ung soldat devers Vostre Maté, lequel comme je croy n'aura failly de vous exprimer bien au long ce qu'il m'avoit déclaré par deçà, que j'ay jugé estre de telle consé-
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quence qu'il méritoit bien de l'envoier incontinent, aussi qu'il estoit question de peu de chose pour son voiaige. Il me semble qu'il ne sera hors de propos de le renvoier d'où il vient, si Vostre Maté le trouve bon, afin d'observer soigneusement les personnes dont il fait mention et pour tousjours avoir l'oeil ouvert en leurs délibérations, actions et toutes autres choses qui passeront par delà. Vostre Maté aura veu l'essay que j'ay envoié du party dont mon homme aura fait couverture, selon lequel il vous plaira faire une résolution pour tout incontinent m'en advertir, par ce que celluy à qui cecy touche n'atend autre chose pour continuer ce qu'il avoit commencé ailleurs.
Quant à ce qui passe par deçà, l'armée de mer est encores partie ceste nuict, n'aiant hier seu s'en aller avant par ce que l'admiral au deppartir alla donner droit sur ung bancq, et que plus de cinquante tant mariniers que soldatz se desrobèrent, ce que beaucoup estimoient à mauvais augure, en estant advenu tout autant au vaisseau du Sr de Bossu quant il partist d'Anstredam ; toutefois il fault espérer que Dieu favorisera ceste entreprise. Ladite armée s'en va le chemin de Flessingues, ne pouvant prendre celluy de Bergues pour le peu de fondz qu'ily a pour la grandeur de leurs vaisseaux, estant résoluz de faire un effort pour passer à Midelbourg, ou bien se joindre avec les autres vaisseaux de Flandres, et revenir plus forts que paravant combattre les Gueux ; mais estant lesditz Gueux sur les passaiges et n'atendans autre chose que leur venue pour donner dessus, on pense que cela ne se différera si longuement. De l'autre costé dudit Bergues l'armée qui y est conduite par Julien Romere part cejourd'huy ou demain pour aller aussi faire son effort contre lesditz Gueux qui sont tousjours à la teste dudit
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Bergues en atendant, et où ilz se sont bien renforcez depuis peu de jours jusques à bien quatre vingtz vaisseaux. Je partz présentement pour m'y en aller afin d'en veoir la vérité et le succez. Quoy qu'il y ait, il s'en fault beaucoup que ceulx de deçà aient les forces esgalles ausditz Geulx, aiant entendu pour certain que le prince d'Orange a fait faire monstre depuis dix jours à toutes ses voilles dont il s'en trouve de II cens à II cens L tant grandes que petites, sans les pilottes et les mariniers qu'il a bons et voluntaires, au lieu que tous ceulx de deçà y sont menez à coups de baston et par force. Si trois navires chargez de bledz et lardz parties d'Emden avecques passeport du prince pour mener farines à Flessingues feussent entrez audit Midelbourg, comme estoit leur desseing, ceste armée eust eu encores temps pour se faire plus gaillarde; mais aians passé deux gardes, la troiziesme les arresta et feurent tous les hommes jectez en mer.
J'avois cy devant escript à Vostre Maté que le sr de Noircarmes habandonnoit le pays de Hollande à cause de sa malladie, ce qu'il fait, et ay entendu de bon lieu que l'on y envoie bien tost don Fernand de Lannoy 1,
1 Noircarmes était déjà malade quand le duc d'Albe le chargea de gouverner la Hollande après la captivité du comte de Boussu : Corresp. de Philippe II, II, 429. Il ne voulut plus rester sous Requesens, qui ne fit pas de difficulté pour le remplacer; on avait intercepté des lettres du prince d'Orange adressées à Noircarmes, dans lesquelles il essayait de l'exciter contre les Espagnols, en lui annonçant qu'il serait traité comme Egmont et Hornes : Corresp. du Taciturne, III, 93-95. Il fut remplacé par don Ferdinand de Lannoy, beau-frère de Granvelle. Gachard a publié la lettre de Requesens par laquelle il lui proposait le gouvernement de Hollande; elle est du 8 janvier : Corr. de Philippe II, III, 6, note 1. Lannoy fut remplacé en Artois par Rassenghien, gouverneur de Lille; sa nomination est du 16 février 1574.
gouverneur d'Arthois, qui est icy pour chef tant du pays que de toutes les forces qui y sont et que en sa place s'en yra le Sr de Beauvais qui est encores audit Bergues, et commence à se mieux porter.
Au surplus, Sire, je ne veux faillir de vous advertir d'un advis que j'ay eu par homme venant naguières d'Allemaigne qui est que environ trois cens françois et gascons estoient passez le Rheim au commencement de ce mois pour aller trouver le comte Ludovicq, lesquelz il destinoit pour sa garde 1, que ledit comte avoit fait une bonne provision de deniers à ces foires de Francfort et ailleurs 2, de sorte qu'il tient pour certain qu'il se fera ceste année une dessente d'Allemans en ce pays, et que mesrnes aucuns princes seront pour se déclarer, voyans l'empereur n'embrasser aucunement ceste pacification comme ilz espéraient, le prince d'Orange tenu ainsi ferme, et ce nouveau gouverneur n'estant homme de guerre et sans grande autorité.
Sire, Je receuz hier la deppesche qu'il vous a pleu me faire du XVme de ce mois, suivant laquelle j'ay desjà mys gens après pour s'informer du personnaige y mentionné, espérant vous en donner quelque lumière par ma première s'il est possible.
De Anvers, ce XXVIme janvier 1574.
1 Requesens, lettre du 13 février 1574, écrit à Philippe II qu'un grand nombre de Gascons sont arrivés à Dillenbourg pour se joindre à l'armée du comte Louis de Nassau : Corresp. de Phil. II, III, 17. C'étaient les Français qui avaient servi d'escorte au roi de Pologne. Cf. Corr. de Granvelle, v, 47; Biblioth. nat., de GACHARD, n, 441; Archives de la Maison d'Orange, IV, 345.
2 Voir les Mémoires de La Huguerye. Il donne de nombreux détails sur le paiement des sommes qui avaient été promises, et qui servirent à organiser l'armée du comte Louis: «Et nous reçûmes l'argent dans les tonneaux que, soulz la faveur de ce voyage (le
- 99 — CLV. — Au Roy. — [30 janvier, 1574.]
Départ de la flotte espagnole de Bergues. — Nouvelle de la défaite.
Sire. Après avoir vu partir l'armée de mer de ceste ville pour commencer à s'acheminer au secours de Midelbourg, je m'en allay à Bergues, ainsi que je vous escripvis par ma lettre du XXVIme de ce mois, afin d'y pouvoir aussi veoir l'ordre qui estoit pour l'armée qu'on y dressoit la quantité de vaisseaux et le partement d'icelle; où je trouvay qu'il s'estoit préparé jusques à quatre vingtz (IIIIX X) vaisseaux, assavoir XXV chargez de vivres et munitions pour ledit avitaillement, et du reste il y en avoit encores vingt cinq ou trente armez et artillez tellement quellement, les autres chargez de soldatz, sur tous lesquelz vaisseaux il y peut avoir bien près de deux mil hommes de guerre tant Espaignolz que Wallons, aians bon couraige et bien délibérez de combattre, mais le principalle deffault, qui sont les mariniers et pilottes ; et tel vaisseau debvroit avoir pour le moings quinze mariniers qui n'en a que trois ou quatre et tel autre que deulx, ainsi qu'il y est bien paru à ce partement. Car de ladite quantité il en est demouré deux inutilles sur le secq dedans le canal mesmes dudit Bergues par faulte de conduite, ung autre qui s'est demy enfoncé en l'eau et ung autre des principaulx et mieux armez bruslé du tout à la teste dudit Bergues par ung accident de feu prys aux munitions, toute l'artillerie perdue, environ XXV hommes mortz et plus de quarante blessez, bruslez et estroppiez. Ledit
voyage de Pologne) nous transportâmes par le Rhin sur les terres de Nassau. » I, 196.
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partement des vivres s'acheva encores hier et ne se feust tant advancé sans la venue de Monsr le Commandeur qui y estoit jour et nuict pour le haster. Il eut nouvelles, estant là, que le vis admirai de l'armée de ceste ville s'estoit aussi brisé et perdu sur ung bancq au commencement de son voiaige, quatre canons qui estoient dessus, et bien XXV autres pièces de bronze perdues, mais que la pluspart des hommes s'estoient sauvez, et tout par manquement desditz mariniers, ce qui le travailla infiniement et fait mal espérer à ung chacun du succez. Toutefois cela est en la main de Dieu et ne peult tarder que dedans ce soer ou demain on en entende des nouvelles, aians leurs ennemys si près d'eulx qui les sont allez atendre à la faveur de leur fortz qu'ilz ont faitz sur les destroitz et passages où il fault absolument que lesdites armées passent. J'ay assez souvent escript à Vostre Maté et discouru de combien importoient cesdites armées, soit au Roy Catholicque pour avoir la fin de ceste guerre, s'il luy réusist bien, soit au prince d'Orange pour s'agrandir et augmenter s'il devenoit maistre dudit Midelbourg et supérieur desdites armées, qui me gardera d'en dire autre chose par la présente, et se pourra lors faire ung meilleur et plus asseuré jugement si ceste guerre se termynera par les armes ou par accord et appoinctement. Car jusques icy il est très certain que les Espaignolz y ont tousjours fermé les oreilles sans y voulloir entendre, à quoy néanmoins j'ay les yeux ouvertz, ainsi que je doibz.
Je receuz hier la deppesche qu'il a pleu à Vostre Maté me faire du XXme de ce mois, à laquelle je ne feray autre response, sinon que je ne faudray de faire de rechef toutes les instances possibles audit Commandeur pour obtenir la main levée des biens du Sr de Matrignan, ainsi
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qu'il vous plaist me le commander ; mais estant maintenant fort occupé à ceste guerre et n'aiant le conseil près de luy, je Je remectray à son retour à Bruxelles, qui sera bien tost, comme j'espère.
Sire, Estant sur le point d'achever la présente deppesche, il est survenu telles nouvelles de la routte de l'armée de mer de Bergues 1 que j'ay pensé estre bien raisonnable de vous envoier ce porteur mon homme exprès tant sur ceste occasion que sur une autre grandement importante, afin que plus particulièrement il puisse racompter le tout à bouche à Vostre Maté, selon l'ample instruction que je luy en ay donnée ; aussi qu'aiant ordinairement travaillé près de moy pour vostre service depuis le commencement de ceste guerre, il en est plus cappable et mieulx instruict; suppliant très-humblement Vostre Maté le voulloyr croyre de ce qu'il vous dira de ma part.
De Anvers, ce XXXe jour de janvier 1574.
1 La défaite des Espagnols devant Bgrg-op-Zoom fut un véritable désastre : Louis Boisot, vice-amiral des Gueux, un des plus habiles hommes de mer de son temps, dit Gregorio Leti, battit complètement Julien Romero, qui eut beaucoup de peine à se sauver. Le Commandeur était présent, Glymes fut tué. Les Espagnols perdirent neuf navires de guerre et plusieurs de ceux qui portaient . les vivres sans compter ceux qui coulèrent. Sancho d'Avila, parti d'Anvers le 22 janvier, devait attendre à Biselinghe celle de Berg; on espérait qu'elles seraient réunies le 30. Sancho d'Avila s'arrêta en face de Flessinghe, où il reçut du Commandeur l'ordre de revenir à Anvers. Comment. de Bern. de Mendoça, II, 183 et seq.
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CLVI. — Instruction donnée à Blatier pour le roi. — [30 janvier, 1574.]
Blatier racontera au roi la défaite subie par les Espagnols le 29 janvier. — Requesens ne réussira pas. — Lannoy a remplacé Noircarmes en Hollande. — Les Espagnols se défient de la France. — Montgommery en Angleterre ; Mondoucet dit qu'il est parti pour la Rochelle. — Politique d'Élisabeth à l'égard des Pays-Bas. — Encore l'affaire mystérieuse que Mondoucet a proposée à Charles IX.
Le Sr de Mondoucet, conseiller du Roy, résident pour ses affaires ès pays bas de Flandres, envoiant présentement devers leurs Matés Claude Blatier, son homme exprès, leur fera entendre de sa part ce qu'il s'ensuict:
PREMIÈREMENT ,
Quant aux armées de mer Sa Maté pourra estre esclarcie de l'issue par la lettre que ledit Sr de Mondoucet luy envoie. Et pour ce que depuis il est advenu quelque rencontre et desfaite du costé de Bergues, ledit Blatier la racomptera bien par le menu et tout ce qui s'en dit tant entre les Srs de ceste court que par le peuple; lesquelz tous ensemble demourent d'accord que le prince d'Orange se faisant maistre de Midelbourg (comme il est à croyre qu'il fera) il ne sera pas en la puissance du Roy Catholicque ne de toutes ses forces de reconquérir l'isle de Walcre par force de six ans pour les raisons que ledit Blatier dira.
Que depuis l'avènement de Monsr le Commandeur à ce gouvernement, ledit sr de Mondoucet a fait continuellement et curieusement observer ses actions, lesquelles ne luy peuvent faire juger autre chose avec les advis qu'il en a, sinon suivant la charge du roy son maistre de
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continuer la guerre, en quoy on le void marcher fort voluntairement et de grand zelle, tant pour le service de sa Maté Catholicque que pour l'honneur qu'il espère acquérir en son particulier après que le duc d'Alve l'a préceddé, pouvant mectre à bonne fin les affaires qu'il a trouvées en si mauvais estât, en quoy le commencement et bon progrez de ces armées de mer l'eussent à la vérité grandement avancé; mais, estant advenu le contraire de son espérance, il en sera d'autant plus recullé, mesmes plus mesprisé de ceulx du pays qu'il n'est et des siens mesmes.
Que si lesdites armées de mer eussent peu passer avec les hommes et les vivres qu'elles portoient, ledit Sr Commandeur estoit résolu de leur faire faire l'entreprise de l'isle de Zutbevelant, afin de serrer de plus près celle de Walcre, et outre leur administrer tant de moiens et de renfortz de batteaux et autres choses nécessaires qu'en peu de temps il se feust rendu suppérieur en la mer, qui est ce à quoy il tend le plus.
Que à ceste occasion la guerre se feust peu bien tost achever, estans les garnisons qui sont en Hollande si avant dans le plat pays que les villes en demourent comme assiégées, dont elles sont fort ennuyées, et qui les faisoit ung peu bransler, outre que les chefz qui y sont ne cessent de pratiquer et négocier secrètement avec aucuns bourgeois de leur party pour les faire emploier et gaigner la volunté des autres, afin qu'ilz se remectent en la main du Roy; que maintenant Sa Maté leur veult estre favorable et miséricordieux, et que mesmes il leur accordera de ne leur bailler aucune garnison, soit Espaignolz ou autres, pourveu qu'ilz deschassent celles du prince et se deppartent de son alliance. En quoy ilz disent que ceulx de la Goude se sont accordez, comme a escript le
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Sr de Noircarmes, mais cela n'est que pour les entretenir eux mesmes pendant que ledit prince fait ses affaires ailleurs, la garnison dudit prince y estant depuis retournée, et que maintenant tout sera bien reconfirmé 1.
Fera entendre le partement du comte de Lannoy pour aller en Hollande gouverneur et chef des forces au lieu du Sr de Noircarmes, lequel retourne malade.
Que ledit Sr Commandeur doibt bien tost aller à Bruxelles entendre les responces de ceulx des Estatz, laquelle ne sera si agréable qu'elle eust esté si les armées de mer eussent fait quelque bon exploit; toutefois qu'il saura à ce coup la volunté qu'ilz auront de secourir le Roy.
Que par deçà ilz ne sont jamais sans soubson du costé de France, disans que depuis peu de temps le prince d'Orange en a reçeu lettres par lesquelles on le prie de continuer la guerre et que les moiens ne luy manqueront pour le faire.
Que en ce pays ilz sont si fortz desgarnyz d'artillerie et munitions qu'ilz ne savent où en prendre, les Gueux aians prys depuis le commencement de ceste guerre plus de deux cens dix pièces d'artillerie, et quasi autant esté perdues, les places de frontières desgarnies et les citadelles.
Ledit sr de Mondoucet a esté adverty depuis naguières de lieu bien asseuré que ces jours passez
1 Gouda avait chassé sa garnison, parce que les bourgeois ne s'entendaient pas avec les Anglais qui la composaient; mais elle reçut d'autres troupes envoyées par le prince d'Orange. Lettre de Requesens, Corresp. de Phil. II, III, 19. Morillon présente les faits comme Mondoucet ; au commencement d'une lettre du 26 janvier, il écrit qu'elle a demandé à Noircarmes de la recevoir en grâce, mais dément la nouvelle à la fin de la lettre : Corresp. de Granvelle, v, 12-14.
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le comte de Mongonmery, estant en Angleterre hors la court, ne laissait toutefois de négocier avecques la Royne et autres plus particulierz de son conseil pour faire une estroite alliance entre les Angloix et les Huguenotz de France, et qu'il a promis de remectre la Rochelle entre les mains de ladite Royne, soit par asseurance pour le remboursement du secours de deniers qu'elle leur ferait en leur nécessité de guerre (ainsi qu'elle feyt du Havre), ou autrement, ce qu'elle a accepté; et pense-t-on que ce que les marchans de Londres ont donné et quicté audit Mongonmery (ce qu'il leur debvoit), qui monte à trente mil sterlins, a esté par son commandement et sur ceste espérance 1.
Que certainement ledit Mongonmery et son filz sont de présent passez en ladite ville de la Rochelle, s'estans embarquez le plus secrètement qu'ilz ont peu pour y aller. Sur lequel advis il est bien nécessaire que sa Maté face prendre garde pour y pourveoir promptement, estans mesmement les Gueux suppérieurs en ces mers de deçà qui pourroient bien causer quelque appointement et faire parler plus bas les Espaignolz.
Que ladite Royne, voullant lever et oster tout soubson au Roy d'Espaigne qu'elle aydast et favorisast le party dudit prince d'Orange, a en apparence fait révocquer les
1 D'après le P. Arcère, les amis de Montgonmeri lui auraient proposé de venir à La Rochelle. Mais le comte s'était brouillé avec La Noue l'année précédente, il fallait d'abord se réconcilier avec le chef des huguenots de l'ouest ; Montgonmeri fit des avances, mais La Noue prétendit que le comte rendrait plus de services en intervenant dans la Basse-Bretagne ; voilà pourquoi de Jersey il gagna les côtes de la Normandie. Hist. de la Rochelle, I, 546. Élisabeth protesta vivement quand l'ambassadeur français essaya de lui reprocher l'appui qu'elle avait accordé au comte : Corr. de La Mothe Pénelon, VI, 73.
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Angloix qui estoient à son service, et cependant le fait secourir par des Escossois le plus qu'elle peult, aiant puissance audit Escosse ainsi que sait Sa Maté.
Quant au personnaige mentionné par la lettre de Sa Mté du XVme de ce mois, il n'est encores arrivé par deçà, et a ledit Sr de Mondoucet fort bonne espérance de descouvrir à sa venue quelque chose de sa négociation, en quoy il n'obmectra riens.
Au reste, quant au party proposé par l'homme dudit Sr de Mondoucet dont depuis il a encores envoié l'essay, sera remonstré par ledit Blatier à Sa Maté que c'est chose très certaine et asseurée, très facille et aisée à exécuter et qui se fait en vingt-quatre heures, qui sera de grande utillité, prouffit et avantaige pour son royaume et tout son estat, et suppliera leurs Matez d'y entendre et envoier par deçà homme expérimenté et entendu qui leur en face le rapport, pour après en faire une résolution, ainsi que ledit Sr de Mondoucet a cy devant escript.
Fait en Anvers, ce XXXme jour de janvier 1574.
CLVII. — Au Roy. — [2 février, 1574.]
Résultats de l'échec subi en Zélande. — Demandes faites aux États par Requesens.
Sire. Depuis vous avoir deppesché mon homme du XXXme du passé, lequel entre autres choses vous aura bien fait entendre les deux pointz principaux de sa charge et puis toutes autres occurences de deçà, Monsr le Commandeur est retourné en ceste ville, aussi esperdu qu'il est possible de ceste routte intervenue à son armée de mer, et ne sait par quel costé il doibt commencer
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pour y remédier et secourir Midelbourg n'y en voyant aucun moien. Toutefois il demoure encores en quelque espérance sur ceste autre armée partie de ceste dite ville 1, laquelle n'aiant esté si tost advertye de la résolution qu'on avoit prise de la faire arrester, s'estoit desjà plus avancée avec la faveur du vent qui l'a servye en cela. De sorte qu'elle a marché jusques à ung certain villaige de Flandres nommé Bréchin 2, quasi devant Flessingues, où elle est comme assiégée des Gueulx qui ont (ainsi que Vostre Maté peult penser) fait tourner la plus part de leurs forces de ce costé là. L'on en atend chacun jour des nouvelles ou de la prise dudit Midelbourg qui ne peult plus longuement tenir, puisque ceste disgrâce est advenue. Je ne faudray de vous advertir incontinent de ce qui succeddera ; mais cependant je vous diray, Sire, que je veoy le prince d'Orange très bien comfirmé par ceste victoire en la possession de Hollande et Zélande qu'il tient, et sera pour doresnavant s'augmenter et accroistre davantaige après que ledit Midelbourg sera prys. Car j'entendz que quelques villes, congnoissans par ceste perte leur diminution et ruyne à l'occasion du trafficq qui cessera, ne seront exemples de rébellions et révoltes.
Ledit Sr Commandeur est en volunté de retourner bien tost à Bruxelles où les Estatz de Brabant l'atendent pour le dixiesme de ce mois, afin d'entendre leurs responces, sur la proposition et demande qui leur a esté faite, qui est de paier ung autre centiesme, d'accorder par chacun an la somme de deux millions de florins au lieu du
1 Celle de Sancho d'Avila.
2 Breskens, village près duquel est le fort moderne de Frédérik-Henri.
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dixiesme et de IIII cens mil florins par an pour l'intérest de ce que ladite somme n'a esté paiée lorsqu'elle feut offerte; sur quoy, selon l'oppinion comune, j'estime qu'ilz feront de belles remonstrances et refuz, parlans encores plus hault qu'ilz n'avoient délibéré, aians veu ceste routte et perte intervenue.
Au surplus, Sire, j'ay veu la responce qu'il vous a pleu me faire par mon homme que j'avois deppesché devers Vostre Matè pour le parti et invention qu'il vous a déclairée, suivant le contenu en laquelle j'ay incontinent donné congé au personnage.
De Anvers, ce IIe jour de febvrier 1574.
CLVIII. — Au Roy. — [7 février, 1574.]
La situation de Middelbourg est désespérée. — Entreprises des Gueux. — Les Espagnols mettent des troupes sur la frontière de France.
Sire. Vous pouvez considérer quelz sont les premiers succez et combien de désordres adviennent en ung estat après qu'il a receu une perte sy notable et tant importante d'une bataille, comme a fait cestuy-cy en la victoire obtenue par le prince d'Orange sur l'armée navalle que vous aura récytée mon homme, qui me gardera d'en entrer en plus longs discours par ceste lettre; seullement je vous diray que depuis cela je veoy toutes choses fort yrésolues ès affaires de deçà, ne sachant Monsr le Commandeur quel remède il si peult trouver, aumoings qui puisse promptement servir d'obstacle à une telle disgrâce. Car je veoyd sa réputation du tout en tout dymynuée avecques ses moiens et facultez, et celle de ses en-
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nemyz croistre et s'augmenter de telle sorte que de toutes partz on n'entend parler d'autre chose, sinon d'entreprises qu'ilz font pour faire suyvre ceste dite victoire de bons effectz, et n'y a plus aucun lieu d'espérance (aumoings selon ce que j'entendz de ceulx qui ont quelque congnoissance des affaires et du pays) que Midelbourg puisse estre aucunement secouru, estant à présent tenu de plusieurs et de la plus grande part de ceulx de ceste . ville pour perdu, et le collonnel Mondragon avec tous les Espaignolz qui y estoient pour mortz, et les Wallons réduyz au service dudit prince par leur serment ; et autres, qu'il se pourra encores soustenir quelques jours, n'estans les soldatz si pressez de vivres pour la provision qu'en avoit faite ledit Mondragon. Nous verrons bien tost ce qui en sera, et semble que veu la grande haste que l'on a donnée à toutes ces armées, que l'on peult bien juger de la nécessité qu'elle avoit, et que n'aiant esté secourue d'un ne d'autre costé elle aura peu estre contrainte de se rendre, veu aussi que l'espérance qu'on avoit sur l'armée de Chincho Davilla, partie de ceste ville, a manqué comme les autres, et que voullant s'efforcer de passer il a perdu troys de ses vaisseaux, les autres estans retournez ce soer en ceste ville, sauf dix qu'on a laissées à troys lieues d'icy pour servir à empescher les courses que pourroient facillement faire les Gueulx jusques en ceste dite ville, ainsi qu'ilz ont fait cy devant, en atendant qu'on ait fait ung fort sur ung passaige le plus estroit, où ilz veullent planter quelques pièces d'artillerie.
Depuis ladite victoire, lesditz Gueulx ont assailly ung gros bourg fortiffié entre cy et Bos-le-duc, nommé Ostervick [Oisterwiik], qu'ilz ont prys, bruslé et mys en pièces ce qui estoit dedans, et courent maintenant si avant
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en ce pays de Brabant qu'il y a peu de chemins seurs ; mais, à ce que l'on peult juger de leurs desseings, ilz tendent bien ailleurs, et semble qu'ilz menassent la Flandres pour y faire des dessentes, afin de divertir les forces qui sont en Hollande et nettoier à eulx ledit pays, en prenant par le moyen de leurs batteaux la ville d'Anstredam et l'affamer comme ilz ont fait Midelbourg, qui est cause que, à ce que j'ay peu aprendre, ce jourd'huy ledit Sr Commandeur a prys résolution de révocquer la plus grande et meilleure part des gens de guerre qui sont par delà pour les faire venir icy, y laissant néanmoings don Fernand de Lannoy avec le reste pour obvyer à ce qui se pourroit entreprendre et distribuer ceulx cy, tant audit pays de Flandres que le long de vostre frontière, où, selon les ordinaires advis que j'ay, il craint que le plus grand oraige luy doibve tomber.
Car depuis quelques jours ençà, je veoy ce soubson croistre à veue d'oeil, ces armées de mer n'estans pas plus tost retournées que l'on a deppesché six ou sept des compaignies qui estoient dessus pour tout soudain s'aller jecter dedans Mons, Maribourg, Philipeville et autres places, et tiennent pour certain que, soit du costé de Vostre Maté ou du comte Ludovicq, il y a de grandes intelligences contre ceulx de ce costé là, présuposans que ce que les armes s'eslèvent en plusieurs lieux de Vostre royaume n'est qu'une coulleur et couverture pour les prendre au despourveu. Ce que je leur say très bien rabattre selon la vérité que je congnois de vostre bonne et seincère intention qu'ilz ont trop congneue, encores que je désirasse qu'il feust ainsi pourveu que j'eusse cest heur de veoir vostre dit royaume purgé de guerres intestines, mais cela y ayde peu. Ilz sont aussi après à faire lever et souldoier par ceste ville douze compaignies de gens
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de pyed et cent cinquante chevaux pour la garde d'icelle, dont plusieurs sont mal contens, voyans le peu de fruict et soulagement que leur apporte l'argent qu'ilz ont desboursé pour la construction de la citadelle, par le moyen duquel ilz debvroient estre exemptz d'autres charges.
Il n'y a encores riens de certain du partement dudit Commandeur pour Bruxelles, et se trouve si chargé et empesché d'affaires qu'il ne sait à quoy recourir. Car comme on veoyd une personne affligée estre ordinairement non seullement habandonnée, mais encores plus assaillie, ainsi il prévoyt luy debvoir estre faite une très mauvaise response par ceulx des Estatz sur les propositions et demandes à eulx faites, ainsi que je vous ay escript, et tout à l'occasion de ceste routte et du mal qu'ilz voient en debvoir advenir. Je ne faudray de continuer à escripre à Vostre Maté ce qui se présentera en toutes choses que je pourray descouvrir. Cependant je vous diray que l'Angloix venant d'Espaigne est encores arrivé ce jourd'huy, ainsi que j'ay esté adverty. J'ay mys gens après pour pénétrer en sa négociation, s'il est possible.
De Anvers, ce VIIe febvrier 1574.
CLIX. — Au Roy. — [12 février, 1574.]
Les Allemands sous Casimir menacent la frontière de Gueldre. — Courses des Gueux en Brabant. — Le lieutenant de Mondragon a été fait prisonnier. — Grandes forces réunies à Flessingue. — Les États de Brabant accordent un subside à la condition qu'on retire tous les étrangers do la province.
Sire. Depuis avoir assez amplement escript à Vostre Maté du VIIe de ce mois, j'ay envoie par homme exprès à Péronne du IXme ensuivant ung pacquet du Sr de Vul-
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cob, lequel j'accompaignay d'un mot de lettre que j'escripvois au Sr de Villeroy sur ce qui s'estoit présenté ès affaires de deçà, dont je croy qu'il n'aura failly de vous faire part. Et pour ce que les bruilz et nouvelles des dessentes de gens de cheval et de pyed allemans desquelz madite lettre faisoit mention se sont plus eschauffées et continuent devoir estre bien prochaines, je n'ay voullu différer plus longuement à vous en advertir, aiant veu Monsr le Commandeur bien empescher sur cela à envoier plusieurs cappitaines de tous costez tant pour se mectre dedans les places de la frontière de Gueldres et autres de delà, que pour se rendre près de leurs compaignies et autres pour en faire de nouvelles; mais tout cest ordre là me semble bien petit, estant ce mal qui presse si grand, et que l'advis qu'il a eu desdites forces et qu'ilz doibvent estre VI mil chevaux et VII mil hommes de pyed, avec lesquelz sera le second filz du comte Pallatin, qui commenceront à marcher vers le X ou XIIe du prochain, aiaus quelque entreprise qui est encores incertaine et incongneue par deçà. Outre que la nécessité de deniers où il est qui le contraint faire toutes ces expéditions sans argent fait bien refroydir ung chacun, les ungs mectant en avant que leurs compaignies ne veullent marcher sans avoir quelque paiement, et que mesmes elles seront pour se mutiner, et autres qu'ilz ne se pourront faire obéyr dedans les places, avecques autres inconvéniens que ladite nécessité peult apporter, mais il n'a laissé de les faire partir promptement soubz l'espérance que bien tost il leur en envoiera.
Encores que j'aye veu lettres d'AUemaigne qui font lesdites assemblées si soudaines, si ne les puis je croyre, congnoissant par expériance ès années passées les bruitz et menaces des Allemans estre beaucoup plus grandes
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que leurs effectz. Toutefois estant le jeu si beau pour le prince d'Orange qu'il se présente maintenant, et que avecques peu de forces il pourroit faire ung grand progrez, estans mesmement les choses en l'estat qu'elles sont, je ne say si cela les hastera.
D'autre part depuis ceste routte navalle les Gueulx font des dessentes ordinaires autour de Bergues et ailleurs, infestans le pays; pour refréner lesquelles et pour obvier à ce qu'il n'en advienne surprise d'aucune ville, ledit Sr Commandeur a aussi deppesché Julien Romere avecques quelques compaignies. Mais dès ce matin il est venu nouvelles qu'ilz avoient prys près de Breda ung gros bourg fortiffié et mys en pièces une compaignie de Wallons et une autre d'Allemans qui y estoient.
Quant à Midelbourg il se maintient tousjours avecques toutes les nécessitez possibles, et avoit le collonnel Mondragon qui y commande l'autre jour mys dehors son lieutenant pour venir faire quelque remonstrance et donner advis par deçà sur ce qui estoit à faire, lequel a esté prys prisonnier par ceulx de Fiessingues, et par le moien duquel et des lettres qu'il avoit, ilz ont congneu qu'elle ne peult plus guères tenir ; chose qui néanmoins les arreste tousjours et retarde leurs entreprises.
J'ay entendu que depuis huict jours en çà il estoit arrivé audit Flessingues plusieurs soldatz estrangiers tant François que Angloix et Escossois qui y sont venuz bien à propos pour faire passer en l'isle de Zutbewelant, où il a esté advisé par deçà de dresser ung fort devant Armuyde pour servir à la conservation de ce passaige et de ladite isle, afin qu'ilz le puissent empescher, ce qui je croy leur sera aisé estans maistres de Midelbourg. J'ay pareillement seu que audit Fiessingues ilz tiennent de quarante à cinquante vaisseaux des meilleurs qu'ilz aient
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bien armez et équippez, tous prestz, pour, à ce qu'il s'en dit soubz main, faire ung voiaige en Espaigne et donner ung gast à toute la coste de Galice, Asturia et Biscaye, brisquetans les villes qu'ilz pourront.
Au surplus, Sire, survenans ainsi nouveaux affaires chacun jour audit Sr Commandeur, je le veoy retarder son retour à Bruxelles, estant ceste ville icy plus près et plus à propos pour se secourir que nulle autre, encores que le secours d'argent qu'il en pourra doresnavant tirer soit bien petit pour l'effect qu'il y a fait, afin de mectre dehors ses armées navalles qui ont fait le peu de fruict que Vostre Maté aura entendu ; et mesmes il a ces jours icy fait appeller quelques marchans pour ceste occasion, lesquelz sont demourez courtz. Et quant aux Estatz de Brabant qui l'atendoient audit Bruxelles, j'ay entendu qu'ilz ont fait et envoie leur response, qui est que pour le regard d'une lettre de crédit de IIII cens mil escuz (IIIIcm w) qui leur demandoit sur et tant moings du centiesme qu'ilz doibvent et ont promis paier dedans deulx ans, qu'ilz n'ont jamais promis ne accordé ledit centiesme, toutefois qu'ilz sont prestz de le secourir de ladite somme, pourveu qu'il plaise au Roy Catholicque les remectre et conserver en leurs privilèges antiens, et que tous estrangiers, gouverneurs, chastelains, officiers et autres soient desmis et osiez de leurs charges pour en pourveoir des naturelz subjetz des mesmes provinces. Et pour les deux millions de florins qui leur demandoit de secours extraordinaire par chacun an au lieu du dixième, que en remectant le pays au mesme estat qu'il estoit lorsqu'ilz l'offrirent et accordèrent, qu'ilz seront tous prestz d'y satisfaire et de monstrer davantaige combien ilz sont obéyssans de leur prince, de sorte que Vostre Maté peult juger que l'ayde est bien foible de ce costé
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là 1. Je ne faudray d'avoir l'oeil ouvert à tout pour vous en advertir. De Anvers, ce XIIe jour de febvrier 1574.
CLX. — Au Roy. — [17 février, 1574.]
Les États de Brabant demandent pour gouverneur un prince du sang ; leur jugement sur la guerre. — Embarras dn gouverneur qui manque d'argent, est menacé par les troupes allemandes du comte Louis, et n'est pas rassuré sur les dispositions de la France. — Révolte de mariniers à Dunkerque ; la ville ne veut pas laisser entrer les troupes du comte de Roeulx. — Ne pas espérer la mainlevée des biens de Matrignan. — Middelbourg est complètement bloquée.
Sire. Par ma deppesche du XIIme de ce mois que j'envoiay par homme exprès à Péronne, Vostre Maté aura entendu assez particulièrement l'estat des affaires de deçà, et, pour n'intermectre aucune chose de ce qui y survient à la journée que je ne le vous face savoir, je ne différeray plus longuement à vous dire que je veoy chacun jour Monsr le Commandeur bien empesché à remédier aux mauvais succez qui luy arrivent. En premier lieu Vostre Maté aura veu par madite dernière une partie de la response donnée par les estatz à la proposition et demande à eulx faite, à laquelle, ainsi que j'ay entendu pour vérité, j'adjousteray qu'ilz demandent encores estre doresnavant gouvernez par ung prince du sang au cas que le Roy Catholicque n'y veulle passer en personne, ainsi que leurs privilèges et concessions le portent ; que quant à ceste guerre, qu'ilz désirent bien scavoir si c'est
1 Cf. Corresp. de Phìl. II, III, 19. Les États voulaient un prince du sang pour les gouverner.
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par l'auctorité du roy et son commandement qu'elle se fait et si elle est raisonnable ou non; parce qu'ilz dyent que le prince d'Orange fait publier partout, et mesmes leur a fait entendre, que ce qu'il a prys les armes n'est pour autre occasion que pour la liberté du pays et conservation de leurs ditz privilèges, sans voulloir riens altérer ny innover en la relligion ; estans passez encores plus oultre jusques à dire qu'ilz veullent l'assister à raison de tous leurs facultez et moiens.
Ce sont, Sire, des propoz de la conséquence que Vostre Maté peult considérer, qui tendent à faire tomber tout le faix des faultes advenues sur le duc d'Alve en relevant la réputation de leur roy, qui font aussi bien paroistre du peu de respect qu'ilz portent audit Sr Commandeur ; sur lesquelz il a deppesché il y a deulx jours ung courrier exprès en Espaigne pour en advertir son maistre ; mais l'occasion encores plus prégnante de ladite deppesche a esté pour se faire secourir promptement d'argent, se voyant réduyt avecques les Estatz aux termes qu'il est, et d'autre part luy manquant le crédit avecques les marchans ; ensemble les advis que j'ay seu qu'il a de divers endroyz des forces qui luy doibvent tomber sur les bras, qui le font entrer plus avant chacun jour au, soubson que je vous ay cy devant escript qu'il avoit conceu de Vostre Royaume, luy aiant esté envoie icy homme exprès par le Sr Dubergy 1 pour l'advertir que au duché de Bourgoigne se levoient quinze enseignes de
1 François de Vergy, fils de Guillaume V; par lettre du 1er février 1560, Philippe II l'avait nommé lieutenant du prince d'Orange au gouvernement de la comté de Bourgogne, Vergy devint gouverneur quand le prince donna sa démission; pour récompenser sa fidélité, Philippe II érigea le fief de Champlitte en comté; François de Vergy eut la Toison d'or en 1584.
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gens de pyed pour venir par deçà soit au secours du comte Ludovicq, lequel a desjà quelques françois, à ce qu'ilz dient, ou autrement ; que en Allemaigne on sonnoit le tabourin partout et se faisoit levées de gens de cheval pour la mesme occasion. D'autre part ilz ne peuvent demourer netz de soubson des autres forces que Vostre Maté prépare tant de gens de cheval que de suisses et gens de pyed, ensemble des vaisseaux qui s'arment en divers portz de vostre coste 1, ne considérant ou ne congnoissans pas les affaires que vous en avez, qui a fait que avec ladite deppesche d'Espaigne il en a particulièrement fait sur le champ d'autres à tous les gouverneurs des villes d'importance et de frontières et aux magistratz d'icelles, afin que chacun pour son regard preigne garde à soy et demoure en la bonne volunté et obéissance de son prince. Et quant à la préparation des forces pour résister à tous sinistres accidens, il a desjà commencé d'advertir le comte de Mansfeld pour une levée de III mil reistres, et ung autre dont je ne suis certain pour deulx mil, qui sera en mon advis l'évesque de Collongne, faisant aussi lever par le Sr de Havre vingt nouvelles enseignes de Wallons 2. Outre que, à ce que j'es1
j'es1 véritable corsaire, avait réuni vingt vaisseaux à SaintValeri. On disait qu'ils étaient destinés au Pérou; mais le véritable but était d'arrêter les vaisseaux d'Espagne, sans négliger les occasions favorables pour piller les côtes de Biscaie, de Galice et des Asturies. Il y avait seize compagnies de Français dans l'évêché de Trèves, disposées pour se joindre au comte Louis de Nassau ; après la défaite de Mook, elles battirent le comte Annibal d'Altoemps près de Strasbourg, et retardèrent sa venue aux Pays-Bas : METEREN, f° 102; DE THOU, V, 141.
2 Requesens fit lever 35 compagnies de Wallons : 20 par d'Havre, 10 par Georges de Ligne, comte de Fauquemberghe, et 5 par M. de Champagney. Mondoucet le dit dans la lettre suivante.
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time, il ne faudra de faire remplir toutes les compaignies d'Allemans et autres qu'il a de nouvelles creues qu'il fera lever.
Ledit Sr Commandeur ne autres ne sont aucunement entrez en telz propos de deffiance avecques moy et ne say cecy que par advis. S'ilz en viennent là, je say combien vostre intention et bonne volunté est grande envers eulx, ainsi qu'il y a paru, que je ne manquer ay de leur continuer avec toute asseurance. Et cependant prendray soigneusement garde à tous depportemens et à tout ce qui adviendra afin de vous en donner advis.
Quant aux autres affaires de ce dit pays, je ne vous puis adviser d'aucun autre succez, sinon qu'il y a environ VIII jours que ceulx de la ville de Dunkerque, principal port de par deçà pour ceste heure, entrèrent en une sédition pour raison de quelques mariniers tant françois que autres retenuz prisonniers, lesquelz ilz deslivrèrent, brisans les prisons, et se meyrent incontinent sur leurs vaisseaux arrestez et s'en allèrent ; dont le Sr du Reulx estant adverty s'en vient jusques là avecques deux compaignies de gens de pyed, lesquelles ilz ne voullurent laisser entrer, n'eslans délibérez d'accepter garnison; bien dirent-ilz audit S 1' du Reulx que s'il y voulloit entrer avecques son train qu'il le pouvoit faire, ce qu'il feyt, ce qui a duré deulx ou troys jours et dure encores. Toutefois on espère si bien négocié cest affaire qu'ilz se accorderont sans les presser de ladite garnison, affin d'esviler à ung plus grand inconvénient que cela pourroit apporter et que l'on craint bien fort qui n'advienne à la chaulde, se rendans du party des Gueulx.
Je congnoys au surplus, Sire, qu'il ne fault riens espérer de la main levée des biens du Sr de Matrignan dont il vous a pieu m'escripre tant de soys jusques à la décis-
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sion que en pourront faire les commissaires, parce qu'il n'y a encores aucune apparence que ledit Sr Commandeur retourne si tost à Bruxelles, où il me remect à ceulx du conseil qui y sont, estant icy en la ville principalle pour donner ordre à toutes occurences.
Sire, J'oubliois de vous dire que Midelbourg se soustient tousjours avecques la grande nécessité qu'on a publiée qu'elle avoit. Toutefois tous secours luy sont fermez, le prince y aiant donné bon ordre afin que riens n'y entre ny n'en sorte. Et au surplus les bruitz des assemblées de gens de guerre d'Allemaigne se continuent et s'eschauffent pour estre plus tost prestz que je ne vous ay escript. Nous verrons ce qui en sera.
De Anvers, ce XVIIme jour de febvrier 1574.
CLXI. — Au Roy. — [21 février, 1574.]
Mondoucet communique à Requesens l'ordre donné par Charles IX de disperser les compagnies des frontières. — Requesens réclame un traître réfugié à Rocroi. — Marche des Allemands du comte Louis; entente avec les bourgeois de Nimègue; arrivée du comte sur la Meuse.
Sire. Incontinent après avoir fait partir pour Péronne ma deppesche du XVIIme de ce mois, est arrivé mon homme qu'il vous a pleu me renvoier ; selon la deppesche duquel j'ay esté veoir Monsr le Commandeur pour luy faire entendre l'ordre qui a esté donné à la séparation et retraite des soldatz desbandez des compaignies naguières licencyées lesquelz s'assembloyent en Champaigne et autour de Metz pour venir par deçà, dont le St don Diego, ambassadeur, avoit fait la remonstrance et prière à Vostre Maté; luy déclarant sur ce bien particu-
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lièrement combien vous estiez désireux d'entretenir et garder la bonne amitié et intelligence que vous avez avecques le Roy Catholicque et que vous ne vouldriez jamais souffrir mais empescher de tout vostre pouvoir que ses rebelles ne receussent aucun secours ne aide de voz subjetz. Je luy ay aussi dit comme Vostre Maté avoit escript sur le champ au gouverneur de Rocroy pour entendre de luy si celluy qu'il prétend avoir rendu le Chasteau de Ramequin 1 estoit en ladite ville et qui il estoit afin d'y pourveoir après selon la raison. Sur le premier point il m'a respondu n'avoir eu advis qu'on y eust pourveu, et qu'il savoit certainement qu'il estoit desjà passé des trouppes et à la fille des soldatz françois pour se rendre près du comte Ludovicq, et qu'il supplioit encores Vostre Maté que voz commandemens feussent exécutez ; autrement il ne savoit que penser voyant lesdites assemblées se continuer et en divers lieux comme Bourgoigne, Lorraine et Champaigne. Toutefois qu'il s'asseuroit tant de vostre bonne amitié et scincère volunté à l'entretènement de la paix, qu'il ne voulloit entrer en aucun doubte que cela se feyst par vostre connivence ; en quoy je l'ay très bien fortiffié et asseuré par les démonstrations passées. Pour le regard dudit personnaige estant à Rocroy, qu'estant le fait dont il est prévenu si extraordinaire et de trahison, il luy semble que l'on en debvoit aussi user tout autrement que ès autres cas ordinaires, se saisissant de sa personne sans l'en advertir pour après y pourveoir ainsi qu'il seroit advisé : à quoy je l'ay asseuré que l'on marchera de tel pyed que son
1 Don Diego avait rendu compte de ses négociations à la cour de France au Grand Commandeur, dans une lettre du 5 février, qui est aux Archives nat., K. 1533, f° 115. Diego appelle Fultre (?) celui qui avait livré le fort de Rammekens au prince d'Orange.
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maistre et luy auront occasion de s'en contenter pareillement ; je luy ay baillé la lettre qu'il a pleu à Vostre Maté de luy escripre en faveur des paouvres mariniers françois arrestez à Dumkerque et ailleurs avecques leurs navires et vaisseaulx, luy remonstrant bien vifvement la conséquence de ce fait, et comme c'est directement contrevenir aux traitez et à la liberté du trafficq, ainsi que ladite lettre le portoit bien expressément : à quoy il ne sait respondre autre chose sinon que la nécessité où il est pour Zélande en est cause, qu'il les retient en bien paiant et que ce n'est que pour peu de temps. Aussi que sur cela et autres choses il ne fauldroit de respondre à Vostre dite Maté, qui me gardera d'en dire riens davantage.
Quant aux propos que nous avons euz des affaires publicqs, ilz ne sont autres sinon des advis qu'il a d'Allemaigne des gens de guerre de cheval et de pyed qui se préparent tant par le comte Ludovicq que le comte Pallatin et quelques autres pour le venir visiter, lesquelz ne seront pas si fortz, à ce qu'il espère, qu'il n'ait bien moien de leur rompre la leste, et qui est occasion, à ce qu'il m'a asseuré, qu'il fait lever VII mil chevaulx reistres, trois régimens nouveaux de hautz allemans, et trente cinq compaignies nouvelles de Wallons. Aussi qu'il avoit entendu que Vostre Maté faisoit lever des suisses et reistres, s'enquérant si vous voulliez dresser une armée et pour où marcher, dont je luy ay dit ne savoir aucune chose, qu'il estoit bien vray que la France n'estoit encores du tout nette de folz et scédicieux, qui pourroit estre cause de vous faire entrer en cela. Mais selon ce que j'ay peu juger de ses façons et propos, il n'est hors de la deffiance que je vous ay dernièrement escript, et est chose ordinaire et accoustumée par deçà d'entrer
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en telz doubtes aussi tost qu'ilz voient trois hommes se remuer en France, les Espaignolz et autres ministres en parlans et discourans par crainte, leurs affaires estans aux termes qu'ilz sont : sur quoy ilz résolvent que ce seroit bien tost fait, et des autres dont Vostre Maté ne croiroit pas la quantité par la volunté et affection qu'ilz auroient de le veoir advenir, espérant que par ce moyen ilz seroient pour jamais délivrez de la subjection et servitude des Espaignolz et exempts de toutes guerres.
Quant aux affaires survenuz depuis madite dernière, j'ay entendu que ledit Sr Commandeur a receu quelques lettres de change pour trois ou quatre cens mil escuz ; toutefois il m'a dit n'avoir receu lettres du roy son maistre ny de sa court depuis le XXme décembre. Si ainsi est, cela luy viendra bien à propos pour les grandes despences où il est de toutes partz, car de ce pays il fault qu'il perde espérance d'en avoir secours pour ceste heure.
Les forces qui s'assemblent en Allemaigne pour venir icy se publient bien par deçà plus grandes que je ne vous ay escript, jusques à VII ou VIII mil chevaux et cinquante enseignes de gens de pyed, dont une partie de III mil chevaux et quatre mil hommes de pyed seront bien tost en estre pour commencer à marcher soubz le comte Ludovicq, qui fait que ledit Sr Commandeur se haste aussi de sa part. Et veoy sur cela beaucoup des principaulx marchans de ceste ville commencer à serrer bagaige soubz main pour faire une retraite, prévoians que la nécessité sera telle qu'il toucheroit à eulx de mectre la main à la bourse en ce temps et par force. J'ay aussi esté adverty que le Sr D'Hierge, gouverneur de Gueldres, avoit depuis peu de jours descouvert une intelligence que ledit comte Ludovicq avoit à Nymègue avec
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aucuns bourgeois de la ville qu'il a fait prendre prisonniers, et par le moien desquelz on espère en descouvrir d'autres. Car on a bien oppinion que ledit comte marchant avecques forces a de grandes pratiques dedans le pays et sait bien où il se doibt atacquer.
Midelbourg se maintient tousjours dont chacun demoure fort esbahy, et ne vivent maintenant ceulx de dedans que de certaines racynes qui ont goust de chastaignes, qu'ilz ont trouvées en quantité dedans la ville et autour, et ne se parle que d'une grande mortalité qui y est 1.
Sire, Tout présentement estant la présente deppesche faite, j'ay esté adverty qu'il estoit arrivé sur l'issue du disner dudit Sr Commandeur ung courrier exprès venant de Mastrick, par lequel on l'advertist que les ennemys marchent en toute dilligence et sont desjà là auprès. Je ne suis point encores adverty des particularitez, desquelles je ne faudray de vous advertir incontinent.
De Anvers, ce XXIme febvrier 1574.
CLXII. — Au Roy. — [25 février, 1574.]
Reddition de Middelbourg. — Le comte Louis de Nassau marche sur Maëstricht, suivi du comte Christophe. — La tentative de trahison sur le château d'Anvers. — Les Espagnols accusent la France de vouloir préparer la conquête des Pays-Bas.
Sire. Depuis avoir amplement escript à Vostre Maté du XXIme de ce mois, je receuz le lendemain ung pacquet
1 Middelbourg venait de capituler, le 18 février; mais les Espagnols cachaient cet échec.
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du Sr de Danzay 1 pour vous envoier, lequel j'adressay aussi tost au Sr de Villeroy par messager exprès à Péronne, luy escripvant une lettre assez particulière de ce qui nous estoit survenu par deçà, pour vous en advertir, ne voullant importuner Vostre Maté de si fréquentes lettres. Maintenant que nous avons toute certaine asseurance des choses des Zélandes, qui nous ont esté depuis longtemps incertaines et desguisées par tant de soys, je prendray ceste occasion pour vous faire ceste deppesche et vous dire comme ce Midelbourg qui a si longuement tenu beaucoup d'espritz suspenduz et les affaires de ceste guerre en une certaine balance, s'est, après tant de nécessitez souffertes, en fin rendu entre les mains du prince d'Orange vendredy dernier aux conditions que j'ay à peu près escriples audit Sr de Villeroy, horsmis que ledit prince s'est fort doulcement comporté avecques eulx, et ce tant pour s'en rendre tant plus tost maistre et que ce luy estoit une mauvaise espine au pyed pour la conservation de toutes les Zélandes, dont il est maintenant seigneur, que pour ne laisser perdre les richesses et toutes sortes de marchandises qui estoient en ladite ville en bien grande quantité, lesquelles le collonnel Mondragon avoit fait mectre ensemble en certain lieu, menassant d'y faire mectre le feu, au cas qu'on ne luy voullust faire bon party, lesquelles importoient de plus de VII ou huict cens mil escuz; de sorte qu'il a accordé aux soldatz de sortir avecques les armes, et semblablement aux bourgeoys qui ne vouldroient demourer, les aiant fait seurement passer en Flandres, horsmis envi1
envi1 était ambassadeur de France en Danemark; il se trouva par hasard en Pologne au mois de juin suivant, au moment de la fuite de Henri III, qui le chargea de présenter son message au Sénat après son départ pour Vienne.
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ron XVIII chefz qu'il a retenuz pour s'en servir à faire eschange avecques les prisonniers que l'on luy tient par deçà ; pour laquelle négociation et afin de faire entendre à Monsr le Commandeur comme le tout s'est passé, il a permis audit Mondragon de venir icy, les autres aians respondu pour luy jusques à ce qu'il retourne ou face effectuer ledit eschange 1. Ainsi, Sire, voilà ledit prince hors de cest affaire et prest à tenter nouvelles entreprises, soit du costé d'Anstredam pour nettoier la Hollande, soit sur la coste de Flandres à Dunkerque et autres portz pour fermer du tout la mer à ce pays. Nous verrons à quoy il se résoudra; mais par la prise de ladite ville il est grandement augmenté de réputation, de richesses pour continuer sa guerre bien longtemps, et de force, estant ladite isle quasi irrécouvrable au Roy Catholicque, au moings de bien longues années.
D'autre part Vostre Maté aura entendu le progrès que
1 La convention fut conclue au château de Rammekeus entre Mondragon et le prince d'Orange le 18 février; les conditions sont rapportées par Bernardin de Mendoça dans ses Commentaires, II, 187-189. Mondragon, réduit à l'extrémité, avait songé à s'embarquer pour Berg-op-Zoom après avoir détruit les marchandises en dépôt dans la ville; mais le prince d'Orange promit la vie sauve aux soldats s'ils livraient les marchandises intactes. Mondragon fut libre, mais s'engagea à faire remettre en liberté, dans les deux mois qui suivraient, Philippe Marnix de Ste Aldegonde et quatre autres prisonniers : le capitaine Jacob Simony, l'italien Citadelle, le lieutenant de Wilken Van Angren et le capitaine Petain. Requesens ne voulut pas exécuter cette condition, parce qu'il avait promis ces mêmes prisonniers en échange de Boussu. Mais Orange, de son côté, ne voulait rendre Boussu qu'en échange de son fils, le comte de Bueren, toujours prisonnier en Espagne. Mondragon voulut tenir sa promesse et se constituer prisonnier, mais Requesens le lui défendit. BLAES, Mém. anonymes, I, 151. Corresp. de Phil. II, III, 26. Correspond, du Taciturne, in, 97. 98. 99. Corresp. de Granvelle, v, 42. 60.
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faisoit le comte Ludovicq avecques ses forces si inoppinées que l'on continue estre telles que j'ay escriptes, avecques lesquelles il est à présent près de Mastrick 1, qui fait que desjà les portes de ladite ville sont fermées, et sera bien tost pour passer la Meuze ou bien pour faire congnoistre par le chemin qu'il prendra quelz dessings le conduisent.
Il est vray que si les entreprises et intelligences que l'on a naguières publiées estre descouvertes que ledit prince et luy a voient tant sur ceste ville et chasteau que celles de Gand et Vallentiennes 2, estoient véritables, on pourroit présuposer que ce qui se hastoit estoit pour les favoriser et fortiffier; mais ceulx qui voyent plus clair jugent que la publication des descouvertures des dites entreprises a esté faulcement inventée pour par ce moien
1 En s'avançant vers la Meuse, le comte Louis de Nassau essaya de surprendre Maëstricht pour donner la main aux troupes françaises réunies dans le duché de Bouillon, surtout à Sedan, où l'on avait essayé d'attirer le duc d'Alençon ; La Huguerye était venu à Paris voir le Prince sur l'ordre de Louis de Nassau ; sa mission dura de fin janvier au 24 février. Mém. de La Huguerye, I, 204-215. 225. KERVYN DE L., Hug. et Gueux, III, 292. On devait ensuite soit attaquer le Brabant où le comte serait soutenu par son frère campé à Gertruidenberg avec 6,000 hommes, soit descendre la Meuse, se joindre au Prince dans l'ile de Bommel, et reprendre les villes de Hollande occupées par les Espagnols. BERN. DE MENDOÇA, Comm., II, 191. Mém. de Bouillon, dans la coll. Michaud, XI, 15.
2 Cf. Corresp. de Granvelle, v, 45. 46. METEREN, f° 98 V. Tous ceux qui faisaient partie du complot portaient une médaille, « qui est le vrai signe de Louis de Nassau » ; ils se reconnaissaient à leurs gants dont un doigt était coupé. Pour les payer, Charles IX avait fait forger une monnaie à l'effigie du roi d'Espagne : KERVYN DE L., Huguenots et Gueux, III, 379. Requesens en fit exécuter quelques-uns, des Espagnols et des Flamands : Corr, de Phil. II, III, 24, et Gachard donne en note, id., page 29, l'ordre d'exécution daté du 2 mars.
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retenir les espritz du peuple en quelque bon debvoir, et soudain par ceste nouvelle leur faire perdre la mémoire de celle dudit Midelbourg, aussi afin de servir de couverture à leur peur et occasion pour faire prendre les armes en ceste ville aux nations estrangères ainsi qu'ilz ont fait, et qui pourra estre chose de plus de conséquence que l'on n'estime pour le mal contentement qu'en reçoyvent les bourgeois et la deffiance qu'ilz voient que l'on a à eulx. Toutefois je ne puis asseurer à Vostre Maté si c'est chose du tout faulce ou non, estant bien mal aisé de pénétrer si avant en leurs affaires. Aussi que sur cela ilz ont fait mectre troys ou quatre hommes prisonniers.
Ledit Sr Commandeur a mandé toute sa cavallerie légière et autres forces qu'il peult pour se trouver autour dudit Mastrick en toute dilligence afin de faire teste en ce qu'ilz pourront, et fait semblablement haster toutes ses nouvelles levées tant de cavallerie que de gens de pyed, estant si empesché et embrouillé de tant d'affaires si soudainement survenuz qu'il ne sait quasi à quoy se réduyre. Toutefois il ne se parle aucunement d'accord, et est l'oppinion commune que jamais il ne se fera, qu'entre autres choses les Espaignolz n'habandonnent le pays, estant ung point auquel il semble que le prince et les Estatz se comforment. Les advis qu'a aussi ledit Commandeur d'Allemaigne que les trouppes dudit comte Ludovicq doibvent estre bien tost suyvies d'autres plus grandes soubz la conduite du comte Christofle, filz du palatin, et autres, l'empeschent bien fort, estant adverty que tant d'affaires et de forces luy doibvent tomber sur les bras de ce costé là, qu'il est quasi incroyable n'en aiant point encores ledit prince esté secouru si à la descouverte qu'il est se faisant les levées en son non tout hault et sans aucun desguisement.
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Je continueray encores à Vostre Maté par la présente les soubsons que j'ay escript qu'ilz avoient de vostre part ; disans maintenant entre eulx, à ce que j'ay entendu, que l'on fait tout ce que l'on peult en France pour y pacifier les troubles et remectre les choses en tranquilité afin d'entendre à une si grande et avantageuse occasion que celle qui s'offre présentement de la conqueste de ces pays bas, mais que les moiens ne leur manquoient pas pour y nourrir la guerre non plus qu'ilz ont fait par le passé, et, qu'aians failly la première et plus belle, nous n'en sommes encores à la seconde. Je veoy ledit Sr Commandeur du tout arresté en ceste ville jusques à ce qu'il ait moien de pouvoir sortir en campaigne, aussi à la vérité ne sauroit il choisir lieu plus commode pour la direction de ses affaires ; ce qui est à craindre en cela est que son ennemy ne le vienne presser et empescher les vivres en se saisissant, s'il peult, de quelque ville icy autour, comme l'on dit qu'est son dessing.
Au surplus, Sire, je vous envoyé la response que vous fait ledit Commandeur à la lettre qu'il vous a pieu dernièrement luy escripre en faveur des mariniers arrestez avecques leurs vaisseaux à Dunkerque, ausquelz je croy qu'il donnera congé, maintenant qu'il n'en a plus que faire.
D'Anvers, ce XXVme jour de febvrier 1574.
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CLXIII. — Au Roy. — [1er mars, 1574.]
Le prince d'Orange est retourné en Hollande. — Le comte Louis de Nassau sur la Meuse ; ses préparatifs, dispositions des habitants de Liège. — Forces de Requesens : situation à Anvers.
Sire. Vous aurez bien au long entendu le succez des affaires de deçà par ma deppesche du XXVme du passé et toutes les particularisez de ce qui est advenu en Zélande et reddition de Midelbourg. De sorte que maintenant je n'en puis donner autre advis à Vostre Maté sinon que nous avons entendu le prince d'Orange se trouvant pressé en ses affaires de Hollande si en est retourné, aiant estably l'ordre requis pour ses armées de mer, pour la garde et conservation des dites Zélandes, aussi pour faire finances des marchandises retrouvées en ladite ville, afin de satisfaire aux grandes despences esquelles il va entrer ceste année. Nous avons aussi esté advertyz qu'il a fait passer avecques luy environ quarante ou cinquante voilles pour commencer à serrer de près la ville d'Anstredam, laquelle plusieurs de ce pays jugent ne vouldra atendre à se rendre si longuement qu'a fait ledit Midelbourg, pour à son exemple souffrir et endurer tant de misères et calamitez qu'elle a fait. Toutefois ce n'est pas mon oppinion, pour ce qu'elle est en terre ferme et en lieu plus aisé à secourir que n'estoit l'autre. Nous verrons ce que le temps en ameynera.
Mais l'occasion de la venue du comte Ludovicq avecques ses forces, qui fait retirer une partie des bandes espaignolles et autres qui sont audit pays, sera pour luy donner plus beau jeu d'exécuter ce qu'il y entreprendra.
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L'alarme augmente icy chacun jour de la venue et approchement dudit comte avec son armée, laquelle s'achève de dresser et assembler, près de Mastrick delà la Meuze, sans que l'on face mention qu'il y soit, mais seullement le comte Christofle, se trouvans jusques à présent en nombre de II à III mil chevaulx et de quatre à cinq mil hommes de pyed, lesquelz se remforcent et grossissent à toutes heures, tant du costé de l'Allemaigne que de Liégois, Wallons, Namurois et toutes autres nations qui le vont plus aisément trouver, estant certain que jusques aux portes de Liège on sonne le tabourin et fait on gens pour luy. Sur quoy ceulx de ladite ville qui est ung peu bigarée et en laquelle y a plusieurs habitans qui ont quelque affection au dit prince estoient entrez en discord et division, les ungs voullans donner passaige aux trouppes dudit comte dedans icelle et les autres non. Ce qui a depuis esté rompu par la remonstrance des plus saiges et advisez qui ont fait murer deulx de leurs portes avecques bonne garde 1. Bien ont-ilz permis que de leur dite ville il ait esté secouru d'un nombre de batteaux pour aider à faire ung pont et servir à son passaige, dont il est advenu que selon les nouvelles qui en vinrent hier, à ce que j'ay entendu, il en estoit desjà passé deçà une cornette de III cens chevaulx et VI cens hommes de pyed, ce qui est aisé à croyre pour le regard de l'escorte qu'il fault qu'ilz facent au passaige du reste,
1 L'évêque de Liège, Gérard de Groesbeck, se montra favorable au Commandeur, mit des gens de guerre dans ses villes ; mais ceux de ses sujets qui étaient hérétiques favorisèrent les ennemis. Requesens envoya à Liège le conseiller Foncq : Corr. de Philippe II, III, 28 et note 1. Gachard donne aussi, page 27, en note, la lettre adressée par Louis de Nassau aux bourgmestres, échevins et 32 métiers de Liège, et la réponse de ceux-ci.
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lequel s'avancera de marcher, à ce que l'on en publye, dedans peu de jours et sera après suyvy d'autres plus grandes forces que l'on dit debvoir estre conduites par le Casimir.
Sur cela Monsr le Commandeur fait toute dilligence de donner ordre aux choses nécessaires, tant à l'assemblée de ses forces en une masse et à dresser son camp en ces quartiers là vers Thilemont, que pour faire retirer tous les vivres du plat pays dedans les villes et forteresses, espérant par ce moien donner bien des affaires à vivre à son ennemy, en atendant qu'il soit assez fort pour luy faire teste et le combattre. Il fait compte d'avoir dedans le XXme ou la fin de ce mois environ deux mil chevaux légiers et de ceulx de ce pays et de sept à huict mil hommes de pyed, puis après suivront trois mil reistres dont a charge le duc Herick de Bronsvik et ceulx de l'archevesque de Collongno et comte de Mansfeld. De tous lesquelz je croy que de deulx mois il ne pourra estre secouru. Toutefois il propose de se jecter en campaigne à ces Pasques, ou plus tost s'il peult, envoiant devant Chincho Davilla et Jullien Romere, pour la préparation et assemblée de tous lesquelz Chappin Vitelly pourra suyvre puis après.
Sur tout il se trouve néanmoins assez empesché, selon que je vous ay cy devant escript, se voiant mesmement si peu secouru des moiens du pays, les Estatz sy obstinez à ne riens bailler, les voluntez des subjetz si froydes et lentes à une telle nécessité. La plus grande part des villes assizes entre cy et ledit Mastrick, qui sont assez foybles, commencent toutes à trembler, et s'en retirent plusieurs habitans prévoians l'oraige avenyr. Mesmes de ceste cy plusieurs marchans retirent en Allemaigne et ailleurs ce qu'ilz ont de plus précieulx, voyans que soit
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d'un costé ou d'autre ilz ne peuvent faillir d'endurer. Et desjà depuis deulx jours y sont entrées huict compaignies d'Espaignolz, et ce jourd'huy en entrera deulx d'Allemans sans trois autres qui y estoient auparavant, qui se fait, à mon advis, tant pour les charger de despence, puisqu'ilz ne veullent autrement ayder de leurs facultez, que pour obvier à ce qu'il n'advienne quelque chose de mauvais quant on leur ostera les armes, comme j'entendz qu'on se délibère de faire ; aussi que la crainte que l'on a d'une déssente desditz ennemyz par eaue en peult estre cause, qui fait que l'on n'y veult laisser que trois portes ouvertes. C'est tout ce que je puis dire pour ceste heure à Vostre Maté, fors qu'il me semble les depportemens de ce gouvernement estre aussi peu agréables que ceulx du prédécesseur, et que la haine que l'on porte aux Espaignolz croist et augmente chacun jour.
De Anvers, ce premier jour de mars 1574.
CLXIV. — Au Roy. — [6 mars, 1574.]
Mesures prises par le Prince pour la défense de la Zélande et la conquête de la Hollande. — Embarras du Commandeur. — Forces allemandes du comte Louis. — Inquiétudes des Espagnols du côté de la France. — Règlement d'affaires de frontières.
Sire. Depuis vous avoir assez amplement escript du premier de ce moys et escript au Sr de Villeroy du IIe ce qui se présentoit par deçà, il n'y est riens survenu, sinon la continuation des mouvemens de la guerre quy estoient dès lors bien avant en termes, ainsi qu'il vous aura pieu entendre. Je vous diray doncques maintenant que le prince d'Orange, après la conqueste de Midel-
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bourg et auparavant que de partir de Zélande, a laissé ung bon ordre pour la garde et conservation dudit pays sans qu'il luy couste riens. Assavoir que ledit Midelbourg souldoyera XII navires, Fiessingues six, La Verre VI et Sirikzée huict desquelles ne feront que trascourir ces mers afin qu'il n'advienne surprise en aucun lieu. Il a fait contribuer lesdites villes pour la réparation des digues et fortiffication des lieux et dessentes les plus foybles, dont desjà ceulx dudit Midelbourg ont fourny les cent mil florins et en doibvent porter encores autant, à quoy on besongne en toute dilligence. Et quant aux biens, richesses et marchandises retenues audit Midelbourg, il y a laissé des commissaires pour en faire les compositions et partiz les plus seurs et avantageux qu'il sera possible pour son service. Cela fait, il est retourné en Hollande, ainsi que le portoit ma préceddente, aiant laissé commandement à son armée de mer de l'y suyvre si tost qu'elle se sera rafraischie, afin d'aller en la Zuitdrezée commencer à approcher Anstredam et le presser; où plusieurs jugent qu'il fera bien ses affaires avecques le temps, puisque Monsr le Commandeur est contraint en retirer deulx mil Espaignolz de ceulx qui sont audit pays pour se fortiffier de deçà. Retourné que a esté ledit prince victorieux en ladite Hollande s'est recomfirmé avecques toutes ses villes, leur donnant espérance de les faire joïr du repos qu'il leur a promis, et sur ce a fait faire des publications que tous habitans dudit pays et y aians biens, qui à l'occasion de la guerre s'en sont relirez, aient à y retourner dedans certain temps sur peine de confiscation de tous lesditz biens; qui pourra estre cause de faire changer de volunté à beaucoup, le voyant si bien ancré, et les mauvais depportements desditz Espaignolz continuer icy.
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Monsr le Commandeur travaille journellement à haster les forces qu'il atend soit de ce pays ou estrangères, afin de n'estre point surpris comme il prévoyt qu'il pourra estre, ses ennemys faisans la dilligence qu'ilz font; et est grandement à craindre qu'aiant commencé si tard pour n'avoir esté adverty d'heure, n'aiant fait provision d'argent pour cest effect dont il se trouve si court et pressé qu'il n'est possible de plus, il ne tombe en bien grand inconvénient; car, s'il n'a moien de ce jecter en campaigne, comme il ne peult de la fin du prochain, et qu'il faille qu'il atende icy sesditz ennemys où l'on dit qu'ilz veullent venir, il ne pourra donner ordre à ses affaires, si trouvant assiégé. Et d'autre part les Gueulx estans fortz comme il a certain advis qu'ilz seront, luy pouvant rompre ses forces à mesure qu'elles se voudront joindre, sans le hazard qu'il y a qu'il intervienne quelque sédition en ceste ville, lorsque lesditz Gueulx en seront près, et luy est une extrême charge et quasy insupportable qu'il est contraint de tenir jusques la moyndre de toutes ses villes garnie et pourveue d'hommes pour obvier aux rébellions, outre ce qu'il luy fault pour son camp ; et a fait encores ce jourd'huy entrer six enseignes de Wallons dedans Bruxelles, dont les habitans sont très-mal contens. Vostre Maté a entendu l'ordre qu'il a donné par le plat pays pour en faire retirer les vivres et laisser les moulins inutilles, afin d'incommoder de tant plus sesditz ennemyz; mais y aians plusieurs villes foibles, et eulx marchans fortz, cela des incommodera de peu, outre que du costé de Ste Gertimbergue, il se fait de grandes provisions de foings, pailles et avoynes avec bledz et autres vivres que l'on ameyne de Hollande pour le secours de ladite armée.
La description de leurs forces sera, à ce qu'il s'en dit
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icy, de dix ou douze mil chevaux, dont le duc Hersic Magnus 1, frère du Royde Dannemarch, en ameyne six mil, le fils du comte Pallatin, avecques une ligue de vingt ou vingt quatre comtes allemans qui marchent, en ameyne IIII mil, et le comte Ludovicq avec Mandesloo deux à trois mil et soixante dix enseignes ou plus de gens de pyed, dont on tient pour certain qu'il y en a vingt cinq de françoises. Ainsi leurs dites levées sont si grandes que mal aisément ledit Sr Commandeur pourra-t-il avoir à temps celles qu'il fait faire.
Tout cela, Sire, ne leur est point en si grande peine et crainte que le soubson qu'ilz ont de vostre royaume, ainsi que je vous ay cy devant escript; mesmement à ceste heure qu'ilz voient que Vostre Mate travaille en ce qu'elle peult pour composer et pacifier les troubles qui y sont, lesquelz ilz espéroient se debvoir rallumer davantaige avecques ceste saison. J'ay adverty ledit Sr de Villeroy des autres occasions qu'ilz prenent de soubsonner, qui me gardera de les reytérer par la présente.
Au surplus, Sire, pour respondre à vostre dernière lettre du XXIII du passé que je receuz encores hier, je ne puis donner à Vostre Maté autre esclarcissement de ceulx de vostre Royaume qui peuvent toucher pensions du Roy Calholicque que celluy que j'ay escript audit Sr de Villeroy, qui estoit par le moien des banquiers de Lyon et de la recherche secrète de leurs livres qui se peult faire soubz autre coulleur et par personnes interposées. Cependant je travailleray par deçà pour en descouvrir ce que je pourray, comme je y ay fait et en toutes
1 Magnus, fils du roi Christian III, administrateur de l'évêché de Derpt, frère du roi Frédéric II, naquit en 1540 et mourut en 1583 ; nous n'avons trouvé nulle part son nom parmi les compagnons du comte Louis.
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autres choses consernans vostre service depuis que je suis par dezà; mais c'est chose très mal aisée 1.
J'ay fait entendre audit Sr Commandeur la response qui a esté faite à Vostre Maté tant par le Sr de Thevalle 2 pour raison de la plainte que faisoit l'ambassadeur d'Espaigne des assemblées de françois qui se faisoient en ces quartiers de Metz, que par le gouverneur de Rocroy pour sa retraite qu'il prétendoit avoir esté faite en ladite place de celluy qui a rendu aux Gueulx le chasteau de Ramequyn ; lequel monstre demourer comptant de ladite responce et m'a dit estre asseuré que toutes telles choses qui se pourroient entreprendre au préjudice du service de son maistre par voz subjetz sera tousjours contre vostre volunté et sans vostre seu; toutefois qu'il avoit advis que Monsr de Bouillon faisoit quelques autres assemblées d'hommes aux quartiers de Maizières et Sedan, que l'on
1 Mondoucet ne parla pas toujours avec autant de calme des procédés qu'employait Philippe II pour conserver les partisans de sa politique en France. En 1576, il écrivit à Morvilliers : « Si je croyois ce qui se dict icy publiquement que les ducats de Castille trottent par la France pour rompre tous bons desseings, et que se sont les ordinaires moyens que l'Espaignol tient pour se garantir d'un oraige, j'en (parle d'un projet qu'il a exposé dans la première partie de sa lettre) remec troys là la faulte. Mais quoy que l'on dye, je ne puys croire qu'il y ayt de si mauvais François qui deffèrent si fort à l'étranger, ennemis de notre grandeur et repoz pour chose si vile que l'argent. Je prye bien, s'il y en a, qu'il ( le roi ) les veuille chastier comme ilz le méritent, vous ayant bien voulu donner cet avis pour y faire prendre garde. » MM. Bibl. nat., f. fr. 16127, f° 181 et 182.
2 Jean de Thevalle, seigneur d'Aviré, gouverneur de Metz, maître de camp. Le 18 avril 1574, Coconas le dénonça au roi comme complice de la conjuration des huguenots et des princes : Mémoires de l'estat de France, III, f° 152 v° et seq. D'Aubigné reproduit ces renseignements dans son Histoire univ., IV, 229. (Édit. de la Soc. de l'hist. de France). Thevalle est cité par Brantôme, v, 364.
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disoit estre aussi pour assister ledit comte Ludovicq ; qu'il vous supplioit très-humblement faire en ce fait pareille démonstration et exécution que vous avez accoustumé. Sur quoy je luy ay respondu ne savoir riens de cela, mais qu'il se pouvoit tant asseurer de vostre bonne intention que s'il en estoit quelque chose on ne faudroit d'y donner ordre bien promptement. Puis après il s'est enquis qui estoit ledit Sr de Bouillon et quelles occasions il avoit de faire telles entreprises; ce que je luy ay discouru assez avantageusement, y adjoustant prières bien chauldes de ne donner foy légièrement à telles choses. En quoy j'ay cogneu quelque deffiance de luy, comme aussy de quelques vaisseaux qu'il dit s'armer en voz portz.
Quand à ce différend qui reste à wyder du costé de Mouzon pour raison de Saulx et du boys de la Riotte, duquel je luy ay parlé et dit que cy devant j'estois demouré d'accord avec le duc d'Alve de le faire wyder par commissaires amyablement, mais que les guerres l'avoient fait interrompre ; le priant de nommer des commissaires pour cest effect, il m'a pryé l'advertir du temps que les vostres s'y trouverront et qu'il fera ce qu'il pourra à ce que les siens s'y trouvent aussi, faisans tousjours congnoistre par bons effectz combien il est amateur de la paix et qu'il désire mectre fin à toutes telles petites querelles. Je ne faudray de l'en advertir quant il plaira à Vostre Maté me le commander 1.
Il fait compte, à ce qu'il m'a discouru de ses affaires, de sortir en campaigne à ces pasques ou peu après, qui sera le temps qu'il aura d'assez bonnes forces, et ce pen1
pen1 propositions de Mondoucet n'eurent pas de résultat; le roi chargea de Lansac de terminer tous les différends de frontières, ceux de Gravelines, Beaurain, Mouzon, abbaye de Vaucelles, etc., directement avec Philippe II. Arch. nat., K. 1534.
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dant ses ennemyz qui viennent fortz comme il dit, seront bien empeschez de vivre, avecques autres particularitez qui se conforment à ce qui en est contenu cy devant, qui me gardera de vous en faire autres discours. De Anvers, ce VIme mars 1574.
CLXV. — Au Roy. — [10 mars, 1574.]
Faux bruits sur les événements de France ; on annonce la mort de Catherine de Médicis. — Crainte d'une attaque venant de France. — Mort de Noircarmes — Le comte Louis sur la Meuse; ses rapports avec l'évêque de Liège.
Sire. Le mesme jour VIme de ce mois que je vous ay bien particulièrement escript tout ce qui se passoit ès affaires de deçà, il s'esleva icy ung grand bruyt que Vostre Maté s'estoit retiré à Paris en toute dilligence pour la surprise que XV cens chevaux hugenotz voulloient faire de vostre personne à Saint Germain en Laye, que la Royne, vostre mère, estoit morte 1 ; monsr de Guyse
1 C'est l'entreprise sur Saint-Germain qui fut désignée sous le nom de complot du Mardi-Gras, 24 février. Le duc d'Alençon s'était entendu avec les huguenots par l'intermédiaire des Montmorency; on devait s'emparer de la Cour, délivrer le duc d'Alençon et le roi de Navarre. « Ils avaient deux fins principalles. Premièrement de faire sortir Monsieur hors de court. La deuxième de prendre les armes partout et en même temps, soulz l'aveu et autorité de Son Excellence contre ceux qu'ils disaient manier le roy à leur plaisir. » LA POPELINIÈRE, II, f° 209. Catherine de Médicis fit arrêter les deux princes qui furent détenus à Vincennes ; la Cour revint à Paris, et logea au faubourg Saint-Honoré; La Mole et Coconas, principaux agents du duc d'Alençon, furent exécutés le 30 avril. Cf. une lettre du roi à Du Ferrier, du 7 mars, publiée en note par Charrier : Négociations de la France dans le Levant, III, 475.
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blessé 1, et plusieurs autres; qui m'a tenu en une extrême peine tousjours depuis jusques à présent que j'ay receu une lettre du Sr de Villeroy, par laquelle il m'advertist de la vérité desditz remuemens et du succez d'iceux, que je loue Dieu estre autres qu'ilz ne se publient et encores plus que la bonté et miséricorde de Vostre Maté soit si grande qu'elle veulle plutost tendre à leur pardonner 2, en pacifiant et accommodant toutes choses, que la poursuite et continuation de la guerre qui ne peult apporter avecques soy que une ruyne, estant à la vérité le chemin que voz voisins et simulez amys souhaittent que vous teniez pour beaucoup de raisons que j'ay par cy devant et assez souvent alléguées par mes deppesches, qui me gardera de les répéter. J'ay desjà escript deulx ou troys soys à Vostre Maté combien ces gens icy estoient marteliez de soubson et deffiance de vostre royaume et comme ilz disoient que lesditz remuemens d'armes en France par lesditz Huguenotz n'estoit que une couverture et palliation des entreprises couvertes et cachées que l'on avoit par deçà, et des pratiques qu'ilz dyent que l'on a avecques le comte Ludovicq et plusieurs princes d'Allemaigne, qui, comme ilz voient, sont ce pendant secouruz et aydez par bon nombre de françois qui les vont trouver par trouppes et à la fille; et se fortiffient encores davantaige en ce doubte par les assemblées qu'ilz disent savoir bien se faire du costé de Maizières, et autres lieux de la
1 Le duc de Guise eut une querelle avec Ventabran le 16 février; Ventabran ne fut pas poursuivi. Cf. une lettre de de Taix à l'évêque de Troyes, du 25 février, Cabinet historique, I, 15.
2 Le roi, en effet, ne désirait qu'une chose : assurer le respect des derniers édits de pacification, et traiter les réformés comme ses autres sujets. Lettre du roi à La Mothe-Fénelon du 4 mars, dans les additions aux Mémoires de Castelnau. III, 393.
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frontière : que au camp du comte Ludovicq il ne se deppend ny ne court autre monnoye entre ses gens que escuz soleil et testons 1. Que le collonnel Mandesloo, qui est avecques ledit comte Ludovicq, est pensionnaire de Vostre Maté, lequel n'y seroit pas sans vostre consentement, après mesmement avoir fait au prince d'Orange ce qu'il luy feyt au dernier voiaige 2 ; et beaucoup d'autres choses qu'ilz allèguent, disans que si Vostre Maté a eu envye d'entendre à la conqueste de ce pays lors que ledit prince y vint dernièrement qu'il n'avoit aucun pays, ville ne lieu asseuré à sa dévotion ; combien maintenant vous y entendrez plus volontiers qu'il a deulx provinces franches et asseurées les meilleures et les plus belles de toutes celles de deçà, et par la maistrise desquelles tout le reste du pays est tenu en bryde et subjection. Il est certain, Sire, que tous ces discours et autres se font jusques près de Monsr le Commandeur et par les principaux ministres, ainsi qu'il m'a été rapporté, et qu'ilz dyent qu'ilz ne se soucient pas beaucoup de l'armée dudit comte Ludovicq et des allemans ny dudit prince, pourveu que Vostre Maté
1 Même après l'affaire de Saint-Germain, Catherine de Médicis est partisan de l'expédition des Pays-Bas, Charles IX annonce à de Guitry, celui qui voulait peu de jours auparavant enlever la Cour à la tête des cavaliers huguenots réunis à Mantes, qu'il le chargera de conduire les renforts destinés au prince d'Orange. KERVYN DE L., Huguenots et Gueux, III, 305.
2 Ernest Mandeslo, colonel français, fut au service du prince d'Orange en 1572 : Archives de la Maison d'Orange, III, 467. 483. 488. Plus tard, il eut une violente altercation avec Guillaume à Delft en 1573; il passa en Allemagne, et continua à servir la famille de Nassau; à la fin de 1573, il avait fait présenter des excuses à Guillaume par le comte Louis, disant qu'il en voulait surtout aux Etats de Hollande qui payaient mal ses services, id., IV, 314. Il revint au service de la France, Mémoires de la Huguerye, II, 54 ; il défendit la Ligue, id, III, 7.
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ne soit de la partie ; car, si cela est, ilz se tiennent pour perduz, et pleust à Dieu, Sire, que vostre royaume ne peult estre pacifié par autre voye et meilleur moien que cestuy là, qu'ilz puissent estre vrayz prophètes.
Quant à ce qui est de nouveau par deçà depuis ma dernière, Vostre Maté entendra, s'il luy plaist, comme Monsr le Commandeur haste tousjours le plus qu'il peult toutes ses forces. Mais, à ce que j'ay appris qu'a rapporté le comte d'Hennerstaing 1 venant d'Allemaigne, il en sera bien mal et tard secouru, n'y aiant que bien peu de soldatz qui veullent venir à son service ; pour les grandes retenues de gens de guerre qui se sont faites et aux nouvelles levées qu'il fait faire par deçà fort peu de soldatz s'y veullent ranger, pour ce qu'ilz savent bien en quelle monnoie ilz seront payez, et ayment mieux servir le party contraire pour l'espérance du pillage. De sorte que ledit sr Commandeur se trouve fort empesché avecques le peu de moiens d'argent qu'il a. J'ay entendu qu'il en atend bien tost une bonne provision d'Espaigne jusques à ung million d'escuz, qui sera bien peu de chose au respect des grandes despences qui luy fault faire tant pour la campaigne que ses garnisons qui montent à LXX mil hommes de pyed en tout. Il a icy assemblé tous ses vaisseaux tant de Bergues que autres, afin (comme je croy) de tenir ceste rivière seure et empesché que les Gueulx ne facent dessente de ce costé là au cas qu'ilz l'entreprisent lorsque leurs forces seront en campaigne, qui est leur dessing, comme aucun veullent dire et que j'ay cy-devant escript à Vostre Maté.
1 Le comte d'Eberstein, colonel d'un régiment de Hauts-Allemands; en mai, Requesens le nomma gouverneur de Harlem à la place du baron de Licques.
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Le sr duc de Noircarmes s'est enfin laissé mourir à Utrecht, aiant laissé peu de regret de luy pour avoir adhéré aux entreprises et exécutions du duc d'Alve 1. Don Fernand de Lannoy y est pour gouverneur, lequel, en mon advis, se contentera de se deffendre sans assaillir, veu que l'on en retire une partie des forces.
Quant à l'armée du comte Ludovicq elle se grossit tosjours de là la Meuze, et, pour ce qu'il s'en parle fort diversement soit des forces de cavallerie qu'il doibt avoir comme d'infanterie, j'ay encore ung homme jusques sur les lieux pour m'en esclarcir, et mesmes entendre leurs dessings s'il se peult. La levée de IIII mil chevaux et VI mil hommes de pyed du duc Christofle se continue, et dit-on que toute l'Alemaigne remue les armes. Je ne veulx oublier d'escripre à Vostre Maté que l'évêque de Liége a envoie icy coppie d'une lettre que luy a escripte ledit comte Ludovicq, par laquelle il luy mande que le cappitaine d'ung certain chasteau de son obéissance a refuzé passage à quelques trouppes qui le venoient trouver, dont il n'estoit pas content, le priant d'ordonner que si après on ne leur feyst aucun refus ou difficulté enpaiant autrement il luy donneroit occasion de se pourveoyr par autre voye, que semblablement il luy venoit par la Meuze quelques batteaux chargez de pouldres, boulletz et autres munitions, qu'il le pryoit aussi de les laisser passer seurenient, aussi de faire publier par toutes ses terres que Ton eust à faire provision de vivres pour Tassistance de son armée, afin que passant elle peust estre secourue en
1 Noircarmes mourut le 5 mars à Utrecht d'un cancer à la bouche: Corr. de Granvelle, v, 11. « Il est comme l'âme du duc d'Albe, et le seigneur de par deçà qui le possède le plus », écrivait de Ferrais à Charles IX, lettre du 2 août 1569, Biblioth. nat., II, 475.
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paiant raisonnablement, et en ce faisant ilz demoureroyent amyz et empescheroit que son pays ne receut aucun dommaige. En envoiant ladite lettre il a fait entendre audit Sr Commandeur qu'il fera ce qu'il pourra pour leur nuyre et les empescher, différant le plus qui luy sera possible, mais que en fin la force le contraindra de satisfaire au contenu de ladite lettre, laquelle, comme Vostre Maté peut considérer, ne dyminue pas leur soubson. De Anvers, ce Xme jour de mars 1574.
CLXVI. — Au Roy. — [15 mars, 1574.]
Mondoucet envoie Neveu avec une instruction qu'il développera au roi. — Le Commandeur ne peut pas lever de troupes en Allemagne ; il manque d'argent, les villes refusent toute contribution. — Le commerce reprend dans Walcheren ; le Prince va attaquer Amsterdam. — Échec de Davila près de Maastricht; le comte Louis a reçu beaucoup de soldats français.
Sire. Estans toutes choses par deçà en l'estat qu'elles sont et les voyant chacun jour aller en empirant, je me suis résolu de deppescher devers Vostre Maté ce porteur mon homme1 pour vous exprimer à bouche plus particulièrement ce qui y succède à la journée que ne sauroient contenir mes lettres et deppesches; de sorte qu'avecques ce que je l'ay bien instruict par le menu et qu'il en a veu et congneu à l'oeil, je luy ay en outre baillé une instruction bien ample de tout ce qui en est, selon laquelle je m'asseure qu'il vous rendra très bon compte de ceste charge suppliant Vostre Maté le voulloir entendre et croyre de ce qu'il vous dira de ma part.
De Anvers, ce XVme jour de mars 1574.
1 Neveu.
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Le Sr de Mondoucet, conseiller du roy, Résident pour les affaires de Sa Maté ès pays bas de Flandres, n'a voullu faillir de deppescher présentement devers leurs Matés, Neveu, son homme exprès, pour leur faire entendre de sa part ce qui se passe tant ès affaires de deçà que aussi les bruitz et nouvelles que l'on y fait courrir, afin que leurs dites Matez advisent à ce qui sera nécessaire pour leur service.
PREMIÈREMENT :
Leurs Matez entendront par luy comme monsr le Commandeur se trouve bien empesché d'assembler des forces tant de cavallerie que de gens de pyed avecques lesquelles il puisse faire teste à ses ennemys, parce qu'en ce pays les hommes d'armes, ausquelz il est deu sept ou huict années, ne veullent point marcher sans estre payez, à tout le moings d'une année pour se monter, estans tous à pyed d'infanterie. Les chefz et cappitaines ordonnez pour les nouvelles levées ne peuvent où recouvrer soldatz, et mesmes les Espaignolz estanz en Hollande n'en veullent sortir si tous ensemble ne marchent, ne se voullans séparer afin de n'estre foibles et que tous ensemble ne se puissent défendre l'un l'autre. Les vieux régimens d'Allemans se mutinent aussi de leur part, n'estans point paiez, et menassent tous les jours de se rendre du party des Gueux.
Quant aux nouvelles forces que ledit Sr Commandeur désiroit avoir d'Allemaigne, c'est chose certaine que l'archevesque de Collongne et le duc de Brunsvick se sont excusez de venir par deçà à son secours, disans qu'ilz ne peuvent recouvrer gens et promptement pour les grandes levées et retenues faites de toutes partz. Mais l'on juge que le principal fondement de leur excuse est qu'ilz
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craignent d'offencer tant de princes protestans jointz et liguez avecques le prince d'Orange en ceste guerre. Et quant aux lansquenetz nouveaux qu'il voulloit pareillement avoir, il n'y en a point qu'ilz veullent marcher, à ce que m'a rapporté le comte de Hennerstain (Eberstein).
Sur tout cela ledit Sr Commandeur ne laisse de donner ordre le mieulx qu'il peult, aiant envoié Julien Romero en Hollande avec quelque somme d'argent pour adviser d'amortir et adoulcir tant lesditz Espaignolz que Allemans dont l'on atend responce ; mais quelle qu'elle soit la force ne peult estre que bien foible et ne peult on juger à quoy se résoudra ledit Sr Commandeur si ce n'est à garder les villes, habandonnant le plat pays.
D'autre part la nécessité extrême de deniers en laquelle il se trouve luy rend encores ses affaires plus difficiles, ne sachant de qui en recouvrer maintenant; car, comme leurs Matez ont entendu, il a esté refuzé par les Estatz en général, et maintenant voullant sonder autre moien en appellant les sénatz des villes et les plus aysez d'icelles pour les persuader à le secourir, ilz ont respondu comformément à ladite responce des Estatz, à laquelle ilz se remectoient sans voulloir passer plus outre. Et quant aux marchans, voians ceste saison, ceux qui ont quelque escu ne s'en veullent dessaisir, de sorte que ledit Sr Commandeur se voyd réduict à ce qui pourra luy venir d'Espaigne.
Ledit Neveu fera entendre à leurs Matez ce qu'il voyd et congnoist des voluntez et affections des peuples et villes de ce pays pour le leur faire bien vifvement toucher.
Il fera aussy une briefve répétition de ce que j'ay cy devant escript à leurs Matez de doubles et soubsons esquelz tombent journellement tous ministres de deçà, et les Espaignolz en général, de la part de France et les occa-
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sions qu'ilz prennent de soubsonner et sur lesquelles ilz se fondent, qui ne seront à ceste cause cy autrement desduites.
Quant à ce qui regarde le fait du prince d'Orange, l'on tient icy pour asseuré que depuis la reddition de Midelbourg toutes choses fleurissent et se remectent en vigueur en l'isle de Walcre, y abordant toutes sortes de marchandises et marchans de divers endroyz pour y trafiquer. Que ledit prince, aiant laissé bonne garde esdites isles, a fait mectre en terre la pluspart des gens de guerre qui estoient sur ses vaisseaux pour en faire une masse à Ste Gertrubergue et entreprendre quelque chose de sa part de ce costé là au mesme temps que son frère entrera en pays, et que audit Gertrubergue il fait faire grandissimes provisions de toutes sortes de vivres.
Que il a envoié la plus grande part de tous sesditz vaisseaux armez des pillottes et gens de mer seullement du costé d'Enckuisen et Horn pour commencer à presser Anstredam, dont s'il pouvoit venir à bout, il fermeroit le pas à tout le reste de Hollande et aux gens de guerre qui y sont.
Quant à l'armée dudit comte Ludovicq ledit Neveu fera entendre à leurs Matez ce que en porte ung petit mémoire que je luy en ay baillé, lequel mesmes il leur monstrera, qui me gardera d'en dire autres particularisez, sinon que Chincho Davilla estant à Mastrick avecq quelque nombre d'Espaignolz et Wallons les estans voullu aller recongnoistre depuis huict jours en leurs logis qui est à la portée de canon de ladite ville où ilz tiennent ung grand pays, a esté si bien receu que troys de ses cappitaines y sont demourez et plus de III à IIII cens soldatz 1.
1 Mondoucet fait sans doute allusion au petit combat du 4 mars. Il exagère les pertes des Espagnols.
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Que outre ce qui est contenu audit mémoire l'on asseure icy qu'il est entré XXVIII ou XXX enseignes de soldatz françois et III cens chevaux en ce pays de ceulx qui estoient du costé de Maizières et Sedan, lesquelz on juge venir joindre au passaige de la Meuze les forces dudit comte Ludovicq.
Que l'on ne peult bonnement encores juger de leurs dessings et entreprises, mais que l'oppinion la plus commune est qu'ilz viendront droit en ceste ville pour l'affamer ou bien tourneront du costé de Flandres, dont le temps nous fera plus certains.
Quant aux bruitz et nouvelles de France qui se publient par deçà, ledit sr de Mondoucet n'en fera par ceste présente instruction plus particulière déclaration ny de la démonstration qu'il s'en fait, se remectant sur ce que ledit Neveu en fera entendre de sa part.
Fait en Anvers, ce XVme jour de mars 1574.
CLXVII. — Au Roy. — [18 mars, 1574.]
Affaires de France. — On a retiré quelques troupes espagnoles de la Hollande pour les envoyer sur la Meuse. — Préparatifs du prince d'Orange. — Le Commandeur s'occupe de négocier un accord.
Sire. Il n'y a que trois jours que j'ay deppesché devers Vostre Maté l'un de mes gens par le rapport duquel et l'instruction assez ample que je luy ay baillée signée de moy, vous aurez entendu comme tous affaires passent en ceste charge et gouvernement, qui me gardera de vous envoyer pour ceste heure de longue lettre. J'accuseray seullement la réception de la dernière qu'il vous a pleu me faire du VIIe du présent, par laquelle j'ay entendu la vérité des bruitz qui se sont semez icy du renou-
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vellement des troubles en vostre royaume, lesquelz mon dit homme vous aura récytez. J'estime que Dieu assistera Vostre Maté en telle querelle, ainsi qu'il a tousjours fait et vous donnera le conseil nécessaire là-dessus. A la vérité, Sire, depuis telles choses advenues, et que ceulx de deçà ont congneu pour certain ce qui en estoit, ilz sont grandement descheuz des soubsons, ainsi que je vous ay escript qu'ilz estoient, et font démonstration d'en estre bien aises pour ce que leur principalle crainte estoit fondée sur vostre part, ne faisans point de double qu'ilz ne viennent bien à bout de leurs ennemys puisque ainsi est. Toutefois je n'y veoy point autre apparence jusques à présent que celle que j'ay cy devant fait entendre à Vostre Maté et l'espérance que j'ay que leur resjoissance sera veine par le bon ordre et prompt que Vostre Maté establira en ses affaires me soustient et comforte en telz ennuyz de renouvellement de troubles qui ne font que accumuler la misère et calamité l'une sur l'autre. Estant mondit homme à cheval je receuz vostre dite deppesche à laquelle en ce qui conserne le voiaige d'un homme j'avois desjà satisfait comme il vous aura dit et que je vous avoys auparavant escript, lequel retourna hier et m'a rapporté ce qu'il plaira à Vostre Maté en veoir par le mémoire que je vous envoie.
Quant aux autres affaires elles n'amendent point autrement, sinon qu'enfin les Espaignolz se sont laissez tirer de Hollande au nombre de II mil pour venir par deçà, les autres aians esté contenuz avec peu d'argent et doulceur, et marchent du costé de Mastrick où Monsr le Commandeur prétend de faire la masse de ses forces s'il peult, ce pendant que les trouppes du comte Ludovicq se grossissent et assemblent de l'autre costé de la Meuze.
Quant au prince d'Orange l'on tient pour certain icy
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qu'il est de ceste heure à Sainte Gertrubergue, où il assemble aussi ce qu'il peult des forces qu'il avoit. tant en Hollande qu'en Zélande pour dresser là ung autre camp, y aiant desjà fait équipper ung atirail d'artillerie. J'estime avecques l'oppinion comune que ce sera pour atendre son frère et pour l'aller joindre au passaige, affín d'exécuter leurs dessings; veu aussi qu'en ladite ville de Gertrubergue le bruyt se continue de la grande provision de toutes sortes de vivres que l'on y fait.
Cependant, Sire, je ne veux faillir de vous advertir comme je feuz asseuré hier d'une assez bonne part que ledit Sr Commandeur, se trouvant aux nécessitez extrêmes qu'il est de deniers avec si peu de forces qu'il a et peu d'espérance d'en avoir d'autres d'Allemaigne, estant d'autre part fait bien certain de mauvaises voluntez que toutes les villes et le peuple portent à sa nation, preste plus voluntiers l'oreille à ceulx qui ouvrent les propos de traité et accord qu'il n'a point encores fait. Bien que par cy devant aucuns gentilzhommes de la part dudit prince prisonniers par deçà aians esté stimulez par tierces personnes d'en escripre audit prince, sur quoy on a veu ses responces assez froides et pleines de grandes demandes comme vous aurez entendu, que maintenant lesdites pratiques se renouvellent et sont en termes, y aians personnes depputez pour faire quelques voiaiges vers ledit prince pour cest effect 1, ce que je meclray toutes les
1 Sur les négociations secrètes avec le prince d'Orange pendant les années 1573 à 1575, consulter la Corresp. du Taciturne, t. III; Gachard a réuni un grand nombre de pièces et de correspondances qui occupent la lin du volume à partir de la page 367. Les négociateurs furent d'abord Noircarmes, qui s'entendit avec Marnix de Ste Aldegonde, prisonnier des Espagnols ; Champagney, qui alla en Hollande sous divers prétextes et eut pour agents le Sr de
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peines possibles de descouvrir et apprendre pour estre chose grandement importante à vostre service et à laquelle il est plus que nécessaire de pourveoir d'heure, afin que Vostre Maté ne demoure seulle embrouillée en ce labirinte de troubles et divisions, et que toutes ces forces d'Allemaigne qui sont prestes et sur pyedz ne puissent tourner du costé de vostre royaume. De Anvers, ce XVIIIe mars 1574.
CLXVIII. — Au Roy. — [23 mars, 1574.]
Les négociations pour la paix. — Entretien de Mondoucet avec Requesens, qui n'a plus les mêmes soupçons à l'égard de la France et va entrer en campagne. — Marche du comte Louis et du Prince.
Sire. Depuis la deppesche que j'ay faite à Vostre Maté du XVIIIme de ce mois accompaignée du mémoire et particularisez rapportées par mon homme du lieu où je l'avois envoie, j'ay escript ung mot de lettre au Sr de Villeroy contenant ce que j'avois peu apprendre de ce qui se négocioit par deçà pour la composition des troubles qui y sont ; ce que j'estime il n'aura failly de vous communicquer ; qui me gardera d'en dire autre chose par la présente, sinon que cela m'est comfirmé se continuer et que de la part du prince d'Orange les affaires sont tenues en plus de difficulté et esloignement qu'elles n'ont jamais esté pour les raisons que je vous ay escriptes, et tiens quasy pour asseuré que s'il en sort
la Rivière et Jean de Treslong; E. Leoninus, le professeur de Louvain, qui envoya auprès du Prince Hugo Bonte, sous prétexte de l'entretenir des intérêts de la dame de Vredenbourg.
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quelque résolution, elle ne peult estre que longue ou bien avantageuse pour luy; en quoy j'auray tousjours l'oeil pour préveoir ce qui si fera et vous en advertir.
Sire, Je receuz hier la deppesche qu'il vous a pieu me faire du XVIme de ce mois, et aiant deslibéré auparavant d'aller veoyr le mesme jour Monsr le Commandeur pour aucuns affaires concernans ceste charge, je ne faillyz avec Ceste occasion de luy parler d'envoier ses commissaires du costé de Mouzon pour avecques les vostres termyner le différend qui est entre voz subjetz pour raison de Saulx et boys de la Riotte, luy signiffiant que les vostres se trouverroient sur les lieulx au premier du prochain ; à quoy il me promeist de donner ordre et que soudain il en escripveroit au comte de Mansfeld pour y envoier quelques ungs du conseil de Luxembourg. Je ne faillyz lors qu'il commença à me mectre en propos sur les affaires qui se présentent maintenant en vostre royaume de sentir, s'il m'estoit possible, quelle oppinion il en avoit, et s'il continue aux soubsons desquelz je vous ay cy devant escript; mais je le trouvay du tout changé et veyz bien qu'il s'estoit comfirmé en la vérité de vostre bonne intention et volunté à l'entretènement de la paix, et puis asseurer Vostre Maté que je luy représentay lors bien vifvement devant les yeux toutes les occasions que vous avyez cy devant laissé passer, qui pouvoient estre plus belles et plus avantageuses que celles de présent, et combien de foys vous aviez donné de tesmoignages à tout le monde et spéciallement au Roy Catholicque et à ses ministres comme vous estiez du tout esloigné des intelligences et pratiques qu'ilz publioient que vous aviez avec ledit prince d'Orange, luy remonstrant tout ce qui appartenoit à cest affaire, mesmes qu'il n'estoit plus temps d'entrer en deffìance d'un costé ne d'autre,
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au contraire de pourveoir et remédier par une bonne corespondance au mal qui pressoit l'une et l'autre part, et que comme à la guerre passée j'avois prys asseurance de Monsr le duc d'Alve par sa parolle que au cas que ledit prince passast en vostre royaume avecques les forces qu'il avoit il le suyvroit en queue avecques les siennes pour par l'ayde et secours des vostres qu'il trouverroit en teste les rompre et deffaire ; qu'en semblable estant le comte Ludovicq pour prendre ceste mesme routte et ne faire long séjour par deçà pour aller secourir voz rebelles il en voullust faire de mesme. A tous lesquelz propos que je luy estandyz assez par le menu, il me respondit qu'il n'avoit jamais doubté de vostre bonne intention et volunté et moings en doubtoit-il à présent, estant bien marry de veoir Vostre Maté retomber en guerre et troubles, qu'il ne falloit craindre aucunement que ledit comte Ludovicq prist ce chemin là pour ce qu'il savoit bien que ce n'estoit son intention 1, et que les affaires de son frère qui sont aux termes que je puis veoir leur touchent bien de plus près que celles de France ; mais que au cas qu'il le feyst qu'il ne faudroit de le suyvre et en user tout de mesmes que le m'avoit promis ledit duc d'Alve, voullant de sa part user de toute
1 Requesens avait raison. Quand Louis de Nassau eut échoué devant Maëstricht quelques jours plus lard, le duc d'Alençon envoya auprès de lui Duplessis-Mornay, pour le décider à venir en France soutenir les huguenots; le duc quitterait la Cour aussitôt qu'il le saurait arrivé à la frontière et viendrait le rejoindre à Sedan : DE THOU, V, 139 en note. Le fait est confirmé par les Mémoires de Mme Duplessis-Mornay (édition de la Soc. de l'hist. de France), I, 77. 78, et par La Huguerye, Mémoires, I, 216-226; le duc d'Alençon avait envoyé son agent, le ministre Jacques Cappel, auprès de l'électeur palatin à Heidelberg. Casimir devait se joindre au duc d'Alençon vers Sedan.
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bonne intelligence pour ayder à mectre fin aux maux présens, ainsi qu'est la volunté du Roy son maistre, considérant bien que quant l'un succombera l'autre aura bien des affaires à se maintenir. Et sur cela je luy déclaray la délibération qu'avoit faite Vostre Maté de se préparer sur sa frontière pour en ce cas empescher ledit comte et luy faire teste, dont je le priay ne prendre aucune jalousie. Voilà, Sire, ce qui s'est passé esditz propos selon lesquelz je me comformeray doresnavant en ce qui sera de ce fait.
Quant aux affaires de deçà ledit Sr Commandeur fait monter et armer en toule dilligence la gensdarmerie de ce pays, leur aiant baillé ung quartier pour ce faire et promesse d'un autre lorsqu'ilz seront à cheval. Il atend bien tost aussi, à ce qu'il dit, des reistres et allemans, le tout afin de se jecter en compaigne à ce commencement de may et suyvre son ennemy de près, lequel, selon les advis qui en sont fraischement venuz, s'est ung peu plus esloigné de Mastrick, tirant arrière du costé d'Aix pour, selon que l'on présupose, aller joindre quelques autres forces qui luy arrivent et marcher devers Nymègue pour la surprendre et la forcer s'il peult et par ce moien serrer tous les passaiges à la Frize, Gueldres, Utrecht et Hollande : qui est ce que l'on a tousjours craint le plus, estant ladite ville de ceste importance. Nous verrons ce qui s'en fera. L'on dit aussi que ledit prince d'Orange a commencé à se jecter hors de Gertrubergue avec III à IIII mil hommes de pyed et VI à VII cens chevaulx, sans qu'on puisse savoir ce qu'il veult faire. Si ainsi est on pourra bien tost juger quelz sont ses dessings. Je croy quant à moy qu'il vouldroit bien retourner en sa maison de Breda s'il pouvoit. Je ne fau-
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dray d'advertir soigneusement Vostre Maté de tout ce qui succeddera.
De Anvers, ce XXIIIme mars 1574.
CLXIX. — Au Roy. — [27 mars, 1574.]
Bruit d'une nouvelle révolte générale en France. — Requesens est venu à Bruxelles pour demander de l'argent aux États. — Situation de la Hollande. — Le Commandeur fait venir des Suisses. — Opérations du comte Louis et du Prince.
Sire. Par ma dernière deppesche du XXIIIme de ce mois que j'ay envoiée par homme exprès à Péronne, Vostre Maté aura bien particullièrernent entendu les propoz que j'ay euz avec Monsr le Commandeur sur le contenu en la deppesche qu'il vous a pleu me faire du XVIme du présent, qui me gardera d'en reprendre riens par ceste lettre, estant bien asseuré et adverty que ledit Sr Commandeur a délaissé et mys arrière tous soubsons qu'il pouvoit avoir de vostre part, et ce selon les advis qu'il a de l'accroissement et augmentation des troubles de vostre Royaume ; aussi véritablement seroit ce sans raison qu'il y continueroit s'il est ainsi que vos ditz affaires prennent le chemin que l'on publie par deçà, qui est d'une généralle révolte par tout esmeue pour diverses causes. J'espère que Dieu vous fera la grâce de les assouppir et paciffìer par ung bon ordre, qu'il vous administrera et que ceulx qui s'en resjoissent n'en auront tant d'occasions qu'ilz se protnectent. Je continuera y avec ledit Sr Commandeur en telz propos de corespondance d'amitié que Vostre Mate le désire et que le contient ladite deppesche, níesmement lorsqu'il entrera sur telz discours.
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Il est passé fort peu de chose ès affaires de deçà depuis madite dernière, le tout estant réduyt à haster toutes les forces qu'il se peult pour en faire une masse du costé de Mastrick, où elles se vont renger les unes après les autres. Et cependant ledit Sr Commandeur s'en est venu en ceste ville [ Bruxelles 1 ] pour parler aux Estatz et entendre d'eulx plus exactement les responces qu'ilz luy ont cy-devant faites et envoiées par escript, afin que soit que sa présence les puisse exciter à faire quelque chose de meilleur, ou soit que ses remonstrances et la nécessité qui presse les y puisse amener, il en tire le secours et aide qui leur a demandé. Ce que je croy lui sera bien difficille, voyre impossible principallement aux conditions proposées et que je vous ay cy-devant escriptes dont nous verrons la fin. J'estime qu'en donnant ordre à toutes choses, il séjournera icy ces festes et jusques à ce qu'il sorte en campaigne, si autre chose ne survient. J'entendz que depuis qu'il a fait retirer de Hollande les Il mil Espaignolz qui sont venuz du costé de deçà, toutes choses se sont mal portées audit pays, tous les fortz d'Aigmont, Lahaye et autres aians esté par eulx habandonnez, de sorte qu'il n'y reste plus que la ville de Harlem, laquelle demoure comme enfermée, et mesmes Anstredam, si les Gueulx font entreprise de gaigner quelques digues esquelles consistent tous les passaiges de leurs secours ; et peuvent estre demourez audit Harlem et autres garnisons de delà trois mil cinq cens hommes ou environ, tant Espaignolz que Allemans. On a aussi renforcé les garnisons de Nymègue et Arnem pour la crainte qu'on a eue que le comte Ludovicq ne tournast de ce costé là avec son armée. Quant aux forces
1 Il y arriva le 26 mars.
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dudit Sr Commandeur, il se publie icy qu'il sera secouru de divers endroyz, outre ce que je vous en ay cy-devant escript, dont s'il en a la moitié il sera assez fort pour ses ennemyz. Car par la mer on dit qu'il atend d'Espaigne et de Portugal plus de II cens voilles qui si arment et préparent pour passer de deçà cest esté 1 et par terre que le comte de Languichelle ? luy ameyne XII mil Suysses 2 et autres grandes trouppes d'Ilalye, sans ce qui luy viendra d'Allemaigne comme il m'a dit ; mais si ses ditz ennemyz sont aussi promptz de marcher fortz comme a esté leur venue et commencement, lesdites forces ou partie d'icelles pourront venir bien tard.
Le prince d'Orange n'a fait aucun progrès comme ma1
ma1 flotte que Pedro Melendez armait à Santander ; elle ne fut prête qu'en septembre, et, par suite de maladies qui se déclarèrent parmi les équipages, elle ne put quitter l'Espagne. Cf. Corresp. de Phil. II, III, 163. Sur la composition de cette flotte, consulter une note détaillée envoyée par l'ambassadeur, de France à Madrid : Manuscrits de la Bibl. nat., fonds français, 16106, f° 58. Requesens comptait beaucoup sur l'arrivée de cette flotte pour l'aider à rétablir la domination espagnole en Zélande: il envoya cinquante pilotes en Espagne pour conduire les vaisseaux dans les ports de Flandre; mais la plupart des pilotes passèrent à l'ennemi avec l'argent du roi qu'on leur avait avancé. Renon DE FRANCE, I, 511.
2 Cette levée rencontra de grandes difficultés en Suisse ; les cantons ne voulaient pas autoriser les troupes à sortir du pays : Corresp. de Granvelle, v, 151, note 3, qui renferme une lettre de Berty à Viglius. Requesens finit par la contremander ; il l'annonce dans une lettre du 15 mai, Corr. de Phil. II, III, 87. Mais Tordre arriva trop tard; les Suisses entrèrent dans les Pays-Bas par Namur et surent envoyés en Hollande : id, III, 106. Morillon nous apprend qu'ils n'étaient que 6,000, et qu'ils commirent de grands dégâts sur leur passage et pendant leur séjour : Corr. de Granvelle. V, 135. Philippe II exprima le désir qu'ils sussent licenciés, id, v, 494. Leur colonel s'appelait Walter Rolde; Granvelle écrit Roollo, id, v, 151.
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dite dernière en faisoit quelque mention, et s'est contenté après la prise de Sennembergue de tenir là et à Gertrubergue les forces qu'il a peu assembler sans passer plus outre ne qu'on puisse bien juger quel est son dessing ; et pour le regard de son frère il s'est seullement ung peu recullé de Mastrick, en atendant les forces qui luy arrivent chacun jour, sans monstres en riens quel chemin il doibt prendre, j'en atendz bien tost ung homme et ne faudray d'envoier à Vostre Maté ce qui m'en rapportera.
De Bruxelles, ce XXVII mars 1574.
CLXX. — Au Roy. — [1er avril, 1574.]
Préparatifs militaires des Espagnols. — Situation financière. — Escarmouche sur la Meuse. — Mauvaises nouvelles de Hollande ; prospérité de la Zélande.
Sire. Depuis avoir escript à Vostre Maté du XXVIIe du passé ce qui se présentoit en ceste charge, Monsr le Commandeur estant en ceste ville a plus donné le temps aux affaires particuliers du pays et expédition d'icelles que autres affaires de la guerre, s'estant voullu donner ces deulx sepmaines jusques à Pasques pour cest effect. Il n'a laissé néanmoings en ce faisant de donner ordre à ce qui estoit nécessaire et pressé pour l'exécution de ses desseings, soit au recouvrement de deniers, assemblée et accélération de ses forces et autres qui ne se peuvent remectre : de sorte que je veoy que bientost il aura ung bon nombre de gens de pyed Wallons nouveaux en estre qu'il fait marcher devers Mastrick pour, avec les Espaignolz et Allemans qui y sont, empescher le passaige de
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la Meuze à l'armée du comte Ludovicq. Il fait aussi haster l'achemynement de la gensdarmerie de ce pays en ce quartier-là qui sera bien plus longue à y assembler tant pour la froyde volunté dont ilz y marchent que pour le peu d'argent qu'on leur baille au respect de ce qui leur est deu. Et quant à tirer secours d'argent d'icy, je ne congnois point que les Estatz s'eschauffent davantaige pour sa présence ne qu'ilz veullent entrer en autres offres de ce faire que celles qu'ilz ont cy-devant faites et que je vous ay escriptes, quelques remonstrances que l'on leur puisse faire des nécessitez qui pressent, lesquelles ilz congnoissent mieux que nulz autres. Ainsi il fault que le principal luy vienne d'Espaigne, Italie et autres facultez du roy son maistre où aussi est fondée sa meilleure atente.
Du costé dudit Mastrick 1 il est advenu il y a six jours que les Espaignolz qui y sont aians voullu visiter le camp de leurs ennemyz et y faire quelque entreprise si sont embarquez si avant que leurs ditz ennemyz en aians senti le vent les avoient laissé entrer pour leur coupper chemin par derrière, si bien que III ou IIII cens desditz Espaignolz se voians prys de tous costez se seroient enfermez dedans une esglise pour y tenir fort atendans secours et où ilz ont esté poursuyviz de si près que le feu y fut mys et quasi tous tuez. Le mesme jour, ainsi que j'ay esté certainement adverly, le duc Christofle, filz du Palatin, arriva au camp dudit comte avec II mil chevaulx pour le moins et X mil hommes de pyed, qui fait
1 Il y eut de nombreuses escarmouches en avant de Maëstricht, à partir du 1er mars ; Bernardin de Mendoça, qui était arrivé depuis le 27 février et assista à tous ces combats, les raconte avec de nombreux détails : Commentaires, édit, du col. GUILLAUME, II, 201 et seq.
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penser et croyre à plusieurs que bien tost ilz se résoudront au passaige de la rivière, et autres qu'ilz atendent d'autres forces qui y doibvent venir. Mais il est certain, Sire, que jusques icy il ne se parle en leur camp d'autres entreprises que de deçà, ne qu'ilz veullent prendre la routte de vostre Royaume. Je mectray peine d'en apprendre tousjours ce qu'il me sera possible pour vous en advertir.
Quant à la Hollande il s'en publie tous les jours de plus mauvaises nouvelles, et est à craindre que ce qui y reste ne se perde de luy mesmes, ainsi que je vous ay cy-devant escript, mesmes il s'est dit depuis deux ou trois jours en Anvers et icy que aians les fortz qu'on y tenoit esté cy-devant habandonnez, ainsi que le contenoit ma dernière, la ville de Harlem s'est trouvée en telle nécessité de vivres et si désespérée d'en estre secourue cy-après qu'elle avoit aussi esté haban donnée aux Gueulx ; et bien davantaige que ceulx d'Anstredam voians toutes portes de secours leur estre fermées, et ne voullans atendre l'extrémité, avoient envoié devers le prince d'Orange pour parlementer avecques luy ; outre que une petite ville, nommée Vianen, à une lieue d'Utrecht appartenante aux Srs de Brederode, assez importante pour estre assise sur la rivière, se seroit rendue. Je ne veulx asseurer à Vostre Maté par la présente toutes ces trois nouvelles, m'en remectant à la première deppesche que je vous feray 1. Du costé de Ste Gertrubergue il y a huict ou dix jours que le maistre de camp Julien Romere y est avecques quelques forces en atendant celles que ledit Sr Commandeur luy envoie à la file tant des Espai1
Espai1 dément ces trois nouvelles dans la lettre suivante du 6 avril.
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gnolz qui estoient en Anvers que autres compaignies nouvelles de Wallons afin de faire l'entreprise de Sennembergue 1 et la reprendre devant que les Gueulx l'aient mise en deffense; et y est aussi marché pour cest effect jusques à huict pièces d'artillerie, dont plusieurs ont assez mauvaise oppinion et craignent que ce poullier que ledit prince a desjà bien fait fortiffier n'acroche là longuement lesdites forces.
Pour le regard des Zélandes elles s'enrichissent tous les jours davantaige, aiant ledit prince fait une ville close d'Armuye et donné tous privilèges pour cest effect, dont l'affluance du peuple qui aborde en la Walcre est cause et à quoy les commandemens faitz par la royne d'Angleterre (que tous estrangiers estans en son royaume aient à s'en retirer) ayde grandement. J'entendz qu'ilz arment encores de nouveau ausdites isles plusieurs vaisseaux en guerre, et que mesmes il en est sorty depuis dix ou douze jours environ trente pour aller en cours. Si ainsi est, la grande armée que l'on dit se préparer en Espaigne pour venir par deçà les pourroit esmouvoir à ce faire.
Au surplus, Sire, le bruyt se continue que le comte de Languichelle ameynera quelques suisses, ainsi que le contenoit ma dernière, et les lymite on maintenant à quinze enseignes ; aussi que d'Allemaigne il y viendra bien tost des reistres des duc de Brunsvick et comte de Mansfeld et encores des gens de pyed dont je ne me puis bonnement esclaircir, ne voullant oublier de vous dire pour fin de la présente que le comte de Lalain a esté
1 Sevenberghe, qui possédait un bon château, avait été livrée aux ennemis ; Requesens donna l'ordre à Julian Romero de la reprendre, et annonça à Philippe II, dans une lettre du 9 avril, que les rebelles s'étaient ensuis après avoir brûlé le château ; les prisonniers furent pendus. Corr. de Philip. II, III, 48.
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deppesché du gouvernement et grand baillaige de Haynault, que tenoyt le Sr de Noircarmes, par provision seullement et atendant ce qu'il plaira au Roy Catholicque en ordonner 1. De Bruxelles, ce premier avril 1574.
CLXXI. — Au Roy. — [6 avril, 1574.]
Le Commandeur n'a rien obtenu des Etats; il demande des subsides au clergé et rassemble beaucoup de cavalerie. — Nouvelles de Hollande. — Envoi de commissaires espagnols à Mouzon et dans le Cambrésis pour régler les différends de frontière. — L'accord avec le Prince. — Préparatifs d'une rencontre sur la Meuse.
Sire. J'ay escript à Vostre Maté du premier de ce mois continuant à vous faire entendre le fil des affaires de ceste charge et ce qui se présentoit à la journée, afin que selon ce qui y succedde vous en puissiez faire meilleur jugement pour la direction et conduite des vostres. Depuis il est survenu assez peu de chose de mérite, de sorte que la présente ne sera que pour en partie accompaigner ceste deppesche que je receuz hier du Sr de Danzay 2, et vous dire que Monsr le Commandeur, continuant ses premières instances envers les estatz de ce pays pour en
1 Il y eut de nombreux prétendants au grand bailliage et à la capitainerie générale de Hainaut : le duc d'Arschot, de Berlaymont, de Lalaing, Havré, de Willerwal, M. de Vaux. Requesens annonce au roi, lettre du 24 mars, qu'il y a nommé par provivision le comte de Lalaing, et lui a confié aussi le gouvernement de la province, mais sans patente, en écrivant aux gouverneurs particuliers qu'ils lui obéissent, de sorte que le roi pourra sans inconvénient en nommer un autre. Corr. de Philip. II, III, 43. Le roi approuva par lettre du 12 mai. Id, III, 72.
2 De Danzay, ambassadeur en Danemark.
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estre aydé d'une bonne somme de deniers afin de remédier aux nécessitez urgentes, n'en a seu tirer meilleure ne plus secourable response que la première qu'ilz ont faite et baillée par escript sur laquelle ilz se sont encores remys ; ainsi luy estant failli ce moien, duquel aussi il ne faisoit grand estat comme je croy, il est après à en chercher d'autres, ayant commencé à semondre les Evesques, abbez et autres prélatz de s'évertuer à le secourir chacun en son endroit de ce qui leur sera possible ; comme il a aussi fait cy-devant les autres bien aisez des villes, dont plusieurs présuposent qu'il tirera aussi peu de fruict des ungs que des autres, toutes sortes d'estatz estans si altérez d'affection et volunté qu'il n'est possible de plus ; et si j'ose passer jusques là, ilz ayderoient plus tost le prince d'Orange, son ennerny, que luy. J'estime qu'il avoit fondé une bonne part de ce qu'il fault à la gensdarmerie pour la mectre à cheval sur lesditz secours, laquelle à ceste occasion est retardée ne recepvant riens, et croy que en fin il sera contraint de leur permectre de prendre les chevaux desditz gens d'église pour se monter, avec promesse de les paier quelque jour.
J'entendz que ledit Sr Commandeur fait son compte d'avoir de grandes forces, principallement de cavallerie, car outre ladite gensdarmerie et ses chevaulx légiers qu'il juge devoir monter à V mil chevaulx, il atend III mil chevaulx du duc Hérik de Brunsvick, II mil de Otto de Scombourg et II mil du comte de Mansfeld, sans II ou III autres cornettes particulières ; et de gens de pyed-, il n'en fait faire autres levées que celles que j'ay cy-devant escriptes à Vostre Maté, ce que nous verrons avecques le temps.
Depuis il ne s'est riens avancé de la part du comte
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Ludovicq et n'a son armée bougé du long de la Meuze où elle estoit, atendant tousjours les forces, qui luy doibvent venir. J'espère en peu de temps le retour d'ung homme que j'y ay envoié pour vous en donner plus particuliers advis.
Quant au costé de Hollande, tout ce qui s'en est cydevant publié, tant que Harlem avoit esté habandonné, comme de la prise de Vianen et parlement d'Anstredam, se sont choses tenues pour faulces et inventées. Il est bien vray que ce quartier-là se trouve fort pressé de vivres, et ledit Harlem mesmement qui sera pour se perdre de luy mesmes, ne pouvant ledit pays estre commodément secouru à cause qu'il a la mer close.
Pour le regard de Sennembergue, où Julien Romere assembloit quelques forces pour le reprendre, ainsi que je vous escripvois, il est venu nouvelles que les Gueulx l'avoient habandonné, n'aians eu assez de temps pour le fortiffier et mys le feu dedans à leur retraite. Aucuns veullent dire qu'ilz le tiennent encores et que les feuz qui se sont veuz n'ont esté que aux maisons et villaiges d'allentour pour en faire l'explanade. J'espère vous en escripre le certain par ma première, je ne diray riens davantaige à Vostre Maté de l'armée de mer qui doibt venir d'Espaigne, laquelle sera, ainsi que l'on asseure, de VI vingtz (VIXX) navires chargez de VI mil espaignolz, sinon que lesditz Gueulx se préparent d'atendre sa venue et la bien recepvoir.
Au surplus, Sire, ledit Sr Commandeur m'a bien asseuré qu'il donneroit ordre à ce que les commissaires de sa part se puissent trouver avecques les vostres du costé de Mouzon pour décyder des différendz qui sont en ce quartier là. Et fait aussi estat de faire trouver autres siens commissaires le XXme de ce moys à Chasteau en
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Cambresy pour avecques les vostres wyder ce qui est de différend pour les lymites de deçà, qui fera que les vostres se tiendront aussi pretz s'il vous plaist.
Je ne puis riens dire pour ceste heure à Vostre Maté de ce que je luy ay cy-devant escript de l'accord qui se traitoit soubz main avecques le prince d'Orange, n'en aiant entendu depuis riens de plus particulier, et ne faulx d'avoir l'oeil ouvert à tel négoce pour l'importance dont il est. Et si Vostre Maté a cela devant les yeulx, je la puis asseurer que ledit Sr Commandeur et autres ministres de deçà n'ont pas moings de crainte que vous veniez au dessus de voz affaires par une bonne et briefve paix : en quoy je désire qu'ilz soient prévenuz. Je n'ay point présenté audit Sr Commandeur la lettre que vous luy escripviez et que m'a rapportée mon homme pour renvoier au Sr de Crevecoeur les deulx gentilzhommes françois naguières arrestez prisonniers à Mons, par ce que après qu'il a esté bien esclarcy et imformé d'eulx ilz ont esté trouvez inocens et prys plus par soubson que autrement ; qui feyt que sur le champ il escripvyt que l'on les remeyt en liberté, et n'en ay depuis oy parler, sinon qu'ilz retournèrent en France.
Sire, Depuis la présente escripte j'ay entendu que ledit Sr Commandeur, sachant que l'armée du comte Ludovicq estoit ung peu espandue et logée ung peu à l'escart des ungs des autres, a commandé à Chuncho Davilla qui est à Mastrick d'aviser si, auparavant qu'ilz soient plus fortz, il leur pourroit donner une extrele, et pour ceste occasion a fait cy devant haster de marcher le plus de ses forces qu'il a peu en ce quartier là, ainsi que je vous ay escript. Sur quoy j'entendz que dedans ceste sepmaine il pourroit y avoir de la rencontre, dont je ne faudray d'advertir Vostre Maté, si ainsi advient.
De Bruxelles, ce VIme avril 1574.
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CLXXII. — Au Roy. — [10 avril, 1574.]
Combats sur la Meuse. — Force de la cavalerie des deux côtés ; faute commise par Louis de Nassau. — États de Dordrecht. — Conditions de l'accord avec le Prince.
Sire. Ma dernière deppesche estoit du VIme de ce mois que j'ay envoiée par homme exprès à Péronne avec ung pacquet du Sr de Danzay, par laquelle Vostre Maté aura entendu en quel estat estoient les affaires de deçà, qui se sont quasi maintenues depuis en ung mesme point qu'elles estoient ; mais, afin que vous n'en demouriez en suspens, je n'ay voullu faillir de vous faire ce mot de lettre et vous dire comme Monsr le Commandeur, désirant gaigner le devant à l'armée du comte Ludovicq et là faire combattre s'il peult auparavant qu'elle soit remforcée, a fait passer la Meuze à toutes les forces qu'il avoit à Mastrick et aux environs pour adviser d'y prendre leur avantaige, en quoy il s'est passé plusieurs meslées et escarmouches durant troys jours où pas ung n'a acquis avantaige sur son compaignon ; vray est qu'en fin lesditz Gueulx se sont ung peu retirez plus arrière en la ville de Walkembourg l, où ilz se sont mys et trenchez selon les nouvelles quy en sont venues aujourd'huy, atendans, à ce que l'on dit, XXV ou trente enseignes de gens de pyed rassemblées de toutes sortes de nations qui marchent soubz la conduite du comte Jehan de Nassau pour les venir trouver, et estoient desjà passez Salcebourg (?) ; car encores qu'ilz aient de IIII à V mil che1
che1 ou Walkenberg, que les Wallons appellent Fauquemont, petite ville à l'est de la Meuse.
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vaulx, qui est sans comparaison beaucoup plus que n'ont ceulx de deçà, si ce ne se veullent ilz bazarder au combat contre l'infanterie Espaignolle et leurs mousquetères, en quoy j'estime et est à croyre qu'ilz se tromperont, car ledit Sr Commandeur aura aussi bien tost bon nombre de cavallerie allemande que luy ameyne le duc Herik de Brunsvick sans trois ou quatre autres cornettes soubz 1 et une autre cornette qui sont quasi prestes : ainsi tous deulx se remforciront de telle sorte qu'il sera impossible à l'ung de pouvoir vivre en ceste saison ; et en quoy la faculté qu'a faite ledit comte Ludovicq est très aisée à remarquer, par ce que si, incontinent après qu'il feut arrivé au lieu où il a si longuement séjourné et qu'il eut des forces suffizantes pour entrer en pays, il eust passé la Meuze sans aucune contradition et bien esbranslé tout ce pays icy où il n'y avoit point de soldatz pour le deffendre ne qui eussent voullu marcher n'estans point payez, où maintenant le loisir qu'il a donné audit Sr Commandeur de se recongnoistre et renforcer fait grandement doubter qu'il puisse exécuter grand chose de ceste année, dont toutefois le temps nous rendra certains.
Après que lesditz Gueulx ont eu bruslé et habandonné Seuvembergue [Sevenberghe] et que ledit Sr Commandeur a congneu que de ce costé là ilz ne se pouvoient aucunement accroistre, y aiant bonne garnison dedans Breda et autres places de là autour, il a fait tourner bryde aux forces qui y estoient du costé dudit Mastrick, tellement que tout marche là. Je croy qu'estans si près les ungs des autres il sera mal aisé qu'ilz se séparent sans coups frapper.
1 Ici deux mots inintelligibles probablement estropiés par le copiste.
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Ce pendant le prince d'Orange a assemblé ses Estatz à Dordreq, ainsy que j'ay entendu, afin de leur représenter ce qui s'est passé jusques icy et comme il les a conservez, leur remonstrant que son frère marchoit avec une puissante armée pour exécuter autres plusieurs grandz dessings, pour laquelle entretenir il avoit besoing de leur secours et d'estre secouru de deniers. Je n'ay point entendu ce qu'ilz luy auront accordé, mais il est à croyre qu'ilz feront ce qu'ilz pourront. Il n'y a autres nouvelles de ce costé là dignes de Vostre Maté, sinon que le gouverneur de Frize Robles 1 avoit prys en mer quelque nombre de batteaux de pescheurs d'Enckuisen, qui ne sera pas grand chose.
Au surplus, Sire, je suis adverty d'Anvers que les termes d'accord dont je vous ay cy devant escript se continuent tousjours ; mesmes j'entendz qu'entre autres articles il se propose que les Espaignolz sortiront du coeur du pays pour estre mis en garnison aux frontières, citadelles et forteresses, esquelles des gentilzhommes du pays commanderont et seront chefz, que ledit prince d'Orange sera remys en tous ses biens pour en joyr hors du pays en Allemaigne où il luy sera donné seureté et respondant, dont il se contentera. Je ne puis pénétrer encores plus avant, ce que je m'efforceray de faire. Mais cependant Vostre Maté, qui voyd et juge de quelle importance cecy luy est, y peult pourveoyr et donner ordre s'il luy plaist. Je ne puis croyre qu'il réussice riens de ceste négociation, estans toutes choses mainées par le conseil d'Espaigne ; si ne fault-il néanmoings les mespriser.
De Bruxelles, ce Xe jour de avril 1574.
1 Gaspard de Robles, sieur de Billy.
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CLXXIII. — Au Roy. — [14 avril, 1574.]
Le comte Louis descend la Meuse ; les Espagnols le suivent. — L'accord négocié par Champagney. — Nouvelles de troubles en France communiquées par le Commandeur.
Sire. Depuis vous avoir escript du Xme de ce mois ce qui se passoit ès affaires de deçà, et envoie ma deppesche à Péronne pour la faire courrir, Monsr le grand Commandeur a esté certainement adverty que le comte Ludovicq s'estant ung peu retiré arrière, ainsi que le contenoit ma dite deppesche, avoit prys la routte de Gueldres avec son armée, tirant devers Ruermonde et Vendloo pour aller à Nymègue, ou bien descendre jusques à Bommel pour y passer la rivière de Meuze avec toute seureté et avantaige, où les gens dudit Sr Commandeur le suyvoient en toute dilligence, et mesmes avoient fait embarquer sur ladite rivière environ trente enseignes de gens de pyed pour leur aller coupper chemin et les atendre en quelque passaige : dont il n'est venu depuis aucun advis, et croy à mon jugement qu'il sera mal aisé de leur empescher ce chemin, duquel ilz pourront après aisément gaigner Gertrubergue où le prince d'Orange a fait faire ung très grand amas et provision de toutes sortes de vivres, principallement pour la cavallerie et de là entrer en Brabant. Mais les forces qu'aura bien tost ledit Sr Commandeur, ainsi que je vous ay escript, seront, plus que sufizantes pour, non seullement leur faire teste, mais les combattre et empescher leurs dessiugs. Ainsi Vostre Maté voyd maintenant et se peult asseurer que ledit comte Ludovicq ne tourne pas le visage devers vostre royaume et qu'il n'est point
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pour y aller au moings si tost. Je feray tousjours observer le plus soigneusement qu'il me sera possible ce qu'il fera, afin de vous en advertir et ne tiendra à envoier hommes exprès sur les lieux. Ledit Sr Commandeur avoit cy devant escript au comte de la Roche qui est en Hollande de regarder à se passer des moindres forces qu'il pourroit audit pays et de faire acheminer le surplus par deçà, craignant que les levées qu'il fait faire ne tardassent trop longuement ; sur quoy ledit Sr de la Roche auroit fait acheminer encores XIIII ou quinze enseignes de gens de pyed pour venir par deçà, leur promectant de leur bailler argent à la première ou deuxième journée ; où ne leur aiant esté tenue la promesse, ilz se seroient mutinez de telle sorte qu'ilz auroient rompues toutes leurs enseignes et renvoiez leurs cappitaines, establissans ung chef pour leur commander: dont ledit Sr Commandeur aiant esté adverty a donné ordre le meilleur et plus prompt qu'il luy a esté possible pour y envoier argent et les contenter. Ce sont évènemens quasi ordinaires et lesquelz on ne peult guières adoulcir qu'en paiant.
La négociation d'accord dont mes préceddentes faisoient mention se poursuict et continue, à ce que j'entendz; mesmes le Sr de Champaigny 1 arriva icy le jour de Pasques au matin pour en comunicquer avec ledit Sr Commandeur, et fault qu'il en ayt eu quelque responce. Je ne say ce qu'ilz auront advisé là dessus, mais s'en retournant ledit Champaigny le lendemain matin a emmené avec luy ung conseiller de deçà fort entendu en telles matières. Toutefois je ne puis croyre que ce soit chose si prompte, néanmoings Vostre Maté advisera, s'il
1 Voir plus haut, tome II, page 149.
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luy plaist, à y donner ordre de sa part en atèndant que je y puisse veoir plus clair.
Au surplus, Sire, tout présentement ledit Sr Commandeur m'a envoyé visiter, me priant luy faire savoir quelques nouvelles de France si j'en avoys entendu, pour ce que (à ce qu'il me mandoit) il en avoit eu qui luy déplaisoient : qui sont que le gouverneur de Hesdin luy avoit escript du jour de Pasques que le soer à porte fermée la vicomtesse de Gand y estoit arrivée, laquelle luy avoit dit avoir esté advertie par un gentilhomme françois de ses principaux amyz qu'elle eust à se retirer de sa maison de France, où elle estoit, en toute dilligence, pour ce qu'il n'y faisoit pas bon pour elle ; que auprès d'Amiens il y avoit des trouppes d'hommes en armes qui ne signifioient riens de bon ; que Monsr le prince de Condé estoit sorti dudit Amyens secrètement, qu'on ne savoit s'il estoit allé trouver les dites trouppes ou bien vostre court ; que Vostre Maté avoit esté extrêmement blessée et jusques à la mort, dont je suis demouré en telle peine qu'il se peult juger pour estre les affaires de ce temps en l'estat qu'elles sont 1. J'en atendray la certitude. Cependant je ne veulx faillir de vous dire que ledit Sr Commandeur m'a fait pryé de faire faire toutes offres de sa part pour vous servir et secourir de toutes les forces du Roy son maistre qu'il aura par deçà, qui seront si grandes qu'elles ne luy seront pas toutes nécessaires pour résister à ses ennemyz.
De Bruxelles, ce XIIII avril 1574.
1 Toutes ces nouvelles avaient pris naissance à la suite du complot du Jeudi-Saint, 8 avril ; le duc d'Alençon et le roi de Navarre, prisonniers à Vincennes depuis le premier complot du Mardi-Gras, voulaient redevenir libres; ils devaient attirer Catherine de Médicis dans leur appartement et l'étrangler ; ensuite, ils s'échappe-
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CLXXIV. — Au Roy. — [17 avril, 1574.
Récit de la bataille de Mook. — Disgrâce du duc d'Albe. — Convocation des États-Généraux pour le 1er mai. — L'accord avec le Prince.
Sire. Estans advenu la mutation ès affaires de deçà que Vostre Maté pourra bien particulièrement entendre par ce porteur mon homme, je me résoluz de le vous deppescher promptement avec une très ample instruction de tout, ce qui est advenu depuis mes dernières deppesches, du contenu esquelles et de toutes autres choses je m'asseure qu'il vous saura rendre bon compte à bouche, m'estant en la plus pard de ladite instruction rapporté et remys sur ce qu'il en a veu et congneu qui me gardera d'en exprimer autre chose par le menu en la présente, suppliant très-humblement Vostre Maté luy voulloir donner audience et croyre de ce qu'il vous dira de ma part là-dessus.
De Bruxelles, ce XVIIe avril 1574.
raient et gagneraient Sedan, où on avait réuni 28 à 30 enseignes avec 300 chevaux, commandés par le duc de Bouillon. Marguerite de Valois paraît avoir été complice. Catherine fut prévenue la veille, et fit encore une fois échouer les projets des Politiques. Quand il apprit tous ces événements, Condé s'enfuit d'Amiens; La Huguerye prétend que Catherine de Médicis avait ordonné à l'évêque d'Amiens, Créqui-Canaples, de faire arrêter le prince : Mémoires, I, 312. LA POPELINIÈRE, II, 239, donne de nombreux détails sur la fuite ; Condé passa par Sedan, et gagna Strasbourg où Thoré et d'autres allèrent le trouver. Condé écrivit aux Églises réformées pour leur promettre de les prendre sous sa protection. Sa lettre est du 4 mai. Il alla ensuite à Heidelberg, où il s'entendit avec les princes protestants.
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Le sr de Mondoucet en envoiant présentement devers leurs Matez Claude Blatier son homme leur fera entendre de sa part ce qu'il s'ensuict :
PREMIÈREMENT:
Aiant ledit Sr de Mondoucet fait par cy devant entendre à leurs dites Matez par ses ordinaires deppesches tout le succès des affaires des Pays-bas, tellement que par icelles ilz les peuvent veoir et juger tout ainsi que s'ilz y estoient, ne reprendra par la présente instruction riens de particulier des affaires préceddens, seullement viendra à entrer en ce qui est succeddé depuis cinq ou six jours ençà; aussi que ledit Blatier qui en a eu parfaicte congnoissance le leur pourra discourir à bouche par le menu selon que leurs dites Matez auront la volunté et occasion de l'entendre.
Leurs Mate 2 ont seu par la dernière deppesche dudit Sr de Mondoucet du XIIIe de ce mois l'acheminement de l'armée du comte Ludovicq du costé de Gueldres, et comme elle estoit suyvie par les forces de Mr le Grand Commandeur conduites par Chincho Davilla, l'armée dudit comte marchant delà la Meuze et celle dudit Davilla partie du costé de deçà et partie par batteaulx sur ladite rivière.
Ledit Blatier saura faire entendre à leurs Matez l'estat des forces de chacune d'icelles, assavoir que celles dudit Davilla estoient de douze à quinze cens chevaux, tant d'une partie de la gensdarmerie de ce pays que des chevaulx légiers et III cens reistres d'une vielle cornette entretenue, de environ cent enseignes ou plus tant Espaignolz que Wallons qui peuvent monter de VIII à IX mil chevaulx reistres pour le moings et de VI à VII mil hommes; et celle dudit comte Ludovicq de IIII mil
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hommes de pyed la pluspart allemans sauf de XV cens à II mil liégeois et autres nations ramassées. Ledit comte Ludovicq avoit marché jusques à une lieue et demie près de Nymègue en ung villaige nommé Mocq 1, d'où il faisoit compte, selon ce que l'on a peu savoir, de passer outre pour aller gaigner Bommel et là mectre en seureté ses gens de pyed et en renforcer le prince d'Orange son frère, y mectre aussi quelque partie de cavallerie pour après licencier le surplus et le renvoier, ce que toutefois n'est tenu pour bien certain; mais aiant esté suyvy, ainsi que dit est, ledit Chincho Davilla feyt mardy dernier passer la rivière à aucunes de ses trouppes avec les mesmes batteaulx qu'il avoit fait conduyre, lesquelles aiant recongneu l'armée dudit comte qui s'estoit grandement retranchée et remparée, rapportent nouvelles de ce qu'ilz en avoient veu, sur quoy feut résolu que le lendemain il les falloyt assaillir ; et de fait fut envoyée une trouppe de harquebuziers espagnolz pour ataquer l'escarmouche et les entretenir cependant que toute l'armée passeroit. Ce que voians les Gueux et estans advertiz se meyrent en bataille dressans leurs escadrons, comme aussi feyrent les trouppes de deçà qui, voians leur imfanterie ung peu esbranlée et mal couverte de la cavallerie, les chargèrent si vifvement qu'ilz les meyrent à vau de routte, dont s'ensuyvit que ladite cavallerie chargée de gens à cheval à la faveur de mousqueteres feut aussi rompue.
1 La bataille de Mook fut livrée le 14 avril; on en trouve un récit très complet dans les Mémoires de. La Huguerye, I, 230-235, et dans la Corr. de Phil. II, III, 51-53. Requesens dépêcha un envoyé spécial, Jean Osorio de Ulloa, pour annoncer sa grande victoire. On vient d'élever un monument à Heumen, près de Nimègue, à la mémoire des frères Louis et Henri de Nassau, qui succombèrent tous deux sur la lande de Mook, sans qu'on ait pu retrouver leurs cadavres.
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En ceste deffaite sont demourez sur la place de IIII à V mil hommes de pyed et XXXVII enseignes prises, le duc Christofle, filz du Palatin, mort. De la cavallerie il ne se sait encores le nombre certain de ce qui y est demouré, sinon que l'on parle de XII à XV cens chevaulx, le reste rompu et en fuille.
Il se parle que le comte Ludovicq seroit blessé et son frère le comte Henri prys ou mort 1, ce que toutefois n'est encores tenu pour véritable, mais se tient plus pour faulx que autrement.
Le prince d'Orange faisoit marcher pour leur faire espaulle environ trente cinq ou quarante enseignes de gens de pyed venans de Bommel, que l'on disoit estre du costé de Thel [Tiel] et le debvoyr assiéger, lesquelles aians entendu ceste nouvelle se sont soudainement retirées.
Ledit Blatier fera sur ce discours entendre ce que ledit sr de Mondoucet en a escript à leurs Matez, et comme il ne voyd poinct maintenant que ledit prince ne ses allyez ne adhérans puissent de ceste année faire aucun progrès par la terre, de sorte qu'il les voyd réduyz à la deffensive.
A ce propos il dira la délibération que fait ledit Sr Commandeur de poursuivre ceste victoire allant assiéger les villes qu'il trouvera le plus à propos et commodité comme ledit Bommel, Gertrubergue ou autre, espérant que
1 On ignora pendant longtemps ce qu'ils étaient devenus. Le 21 avril, le Prince leur écrit encore de Bommel pour leur demander de leurs nouvelles : Archives de la Maison d'Orange, IV, 372. On ne put rien savoir de la disparition de Louis de Nassau ; on suppose qu'au moment de la dernière charge de cavalerie il fut foulé aux pieds, blessé, puis dut s'approcher de la Meuse où il fut massacré par des paysans; son cadavre aurait disparu dans le fleuve. Il avait vingt-six ans, et son frère Henri, qui périt aussi, vingt-quatre. Renon de France prétend qu'ils furent brûlés dans une ferme, I, 504.
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ceste routte ainsi advenue inthimidera les plus oppiniastres, de telle sorte qu'ilz n'auront le coeur de tenir.
D'autre part, ledit Blatier fera sur ce entendre à leurs Matez que les nouvelles venues d'Espaigne serviront grandement à l'avancement desditz affaires pour adoulcir les mauvaises voluntez du peuple et de tout le monde, qui sont de la disgrâce et mauvais recueil qu'a receu le duc d'Alve et toute sa suite à son arrivée en la court d'Espaigne 1, ce que ledit Blatier dilatera ainsi qu'il sait et qu'il luy a esté dit.
Que ledit sr Commandeur eust à faire convocquer les Estatz généraulx des Pays-bas pour leur faire entendre la volunté et résolution de Sa Maté le roy catholicque2, ce que icelluy Sr Commandeur a desjà fait pour le premier jour de mai prochain à Bruxelles, et ne se sait quelle est la proposition qu'il fera, seullement l'on présupose qu'elle doibt estre plus doulce que n'ont esté toutes les démonstrations préceddentes.
1 Le duc arriva à Madrid le 31 mars, de nuit, et fut reçu immédiatement par le roi. Il eut encore audience le lendemain, mais elle fut courte, et en sortant le duc « ne monstroit la chère (mine) trop contente et qu'il a bien rabattu de la supperberie avecques laquelle l'on dict qu'il estoit entré en Espaigne...». Biblioth. nat., II, 455 (lettre de Saint-Gouard, du 4 avril). Il fut relégué dans sa maison, sous le prétexte que son fils n'avait pas tenu ses engagements envers dona Madalena de Guzman, dame de la reine : Doc. inéditos, VII, 364 et seq. Vargas reçut la défense d'approcher de la Cour. La disgrâce fut donc complète, et causa une grande joie aux Pays-Bas; les partisans de l'Espagne en furent plus heureux que de la victoire de Mook, dit Morillon dans une lettre du 26 avril, Corr. de Granvelle, V, 79. Le duc d'Albe ne sortit de sa retraite que pour prendre le commandement de l'armée qui fit la conquête du Portugal, en 1580.
2 Philippe II, qui s'était toujours montré hostile à la convocation des États-Généraux, l'avait autorisée par une lettre du 10 mars : Corr. de Philippe II, III, 37.
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Et ne sera sur ce point oublié par ledit Blatier de faire entendre à leurs Matez ce qui estoit en termes auparavant ceste routte et défaicte advenue de l'accord et composition qui se manyoit avec le prince d'Orange, ce qui se pourra maintenant quelque peu accrocher, tant à cause de ladite routte que pour l'espérance que ledit Sr Commandeur pourra aisément prendre de remectre lesditz affaires en bon chemin, voyre d'en tirer une bonne fin mesmes pour se conserver en ceste charge et gouvernement.
Que en cest affaire il y sera tousjours prys garde de deçà par ledit sr de Mondoucet, ainsi qu'il congnoist l'affaire le mériter, mais que le principal ordre qui est à y donner apartient à Sa Maté, et que maintenant que la guerre et le feu sont allumez en France il est nécessaire d'avoir l'oeil bien ouvert que les forces d'Allemaigne desquelles ledit prince d'Orange et ledit comte son frère debvoient estre secouruz cest année ne se divertissent, à présent qu'ilz ont perdu toute ceste espérance de deçà, pour se jecter du tout contre leursdites Matez et assister leurs rebelles. Et sur cela se souviendra ledit Blatier du discours qu'il luy a esté fait par ledit sr de Mondoucet pour le récyter à propos et à loisir à leursdites Matez.
Fera entendre ce qui s'est dit ici des armées navalles, mesmes de la deffaicte de celle qui venoyt d'Espaigne, qui n'a aucune vérisimilitude. Toutefois qu'il est bien certain qu'il est party de Flessingues et autres portz de l'obéissance dudit prince environ quarante ou cinquante vaisseaux pour l'aller atendre.
Dira semblablement ce qui s'est passé en la révolte des soldatz quy venoient de Hollande avec les désordres qu'ilz ont faitz ; à quoy ledit Sr Commandeur a promptement remédié en envoyant argent.
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Quant à ce qui s'est dit icy des nouvelles de la France ledit Blatier les pourra récyter et semblablement comme elles ont esté prises par aucuns ministres de deçà et autres qui craignoient que le prince d'Orange ne fust secouru par aucuns françois.
De Bruxelles, ce XVII avril 1574.
CLXXV. — Au Roy. — [20 avril, 1574.]
Encore la victoire de Mook; le Commandeur en a exagéré l'importance; résultats qu'il veut en obtenir.
Sire. M'aiant Monsr le Commandeur fait advertir du succez de la victoire advenue le XIIIe de ce mois contre l'armée du comte Ludovicq, et me l'aiant encores depuis comfìrmée à bouche lors que j'allay me conjouyr avecques luy de vostre part, je deppeschay exprès devers Vostre Maté mon homme le XVII dudit mois, lequel, comme j'espère, vous aura rendu très bon compte tant de cela que de toutes autres particularitez des affaires de ceste charge, et ce selon l'ample instruction que je luy en ay baillée. Il me sembla ne pouvoir moings faire que de le envoier avecques ceste occasion, voyant ledit Sr Commandeur la tenir pour toute asseurée et mesmes deppescher pour cest effect le gentilhomme exprès qui luy en apporta la nouvelle devers le Roy d'Espaigne, mais je ne congnoissois pas encores que ledit Sr Commandeur suyvist les façons de faire du duc d'Alve, quy estoit d'augmenter par tout le monde de beaucoup la repputation de ses effectz, ainsi que je me suis bien apperceu depuis. Car par lettres escriptes du camp que j'ay veues il est fait mention que ceste deffaicte n'est que de six ou sept cens
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hommes au plus et de quinze ou seize enseignes prises, qu'il n'est riens de la mort du duc Christofle, mais par une escharpe rapportée par ung soldat on tient que ce soit ung des frères du comte Ludovicq, assavoir le comte Jehan ou Henry qui ail esté tué et ne s'en fait autre certitude. Leurs reistres feyrent fort bien et ont prys et tué beaucoup de ceulx de deçà et fut la victoire grandement doubteuse sans le Sr Dhierge qui chargea fort à propos avecques quelques trouppes qu'il avoit amenées, comme aussi feyt le baron de Chevreaux, où lesditz Gueulx perdirent une cornette de cavallerie, le reste estant demouré sain et entier, somme que ilz sont encore en pyed et guières moings fortz de ce qu'ilz estoient. Aucuns veullent dire qu'ilz n'ont laissé de poursuyvre leur chemin et que à la veue de ceulx de deçà ilz ont passé la rivière et sont allez à Bommel se joindre avecques les forces du prince d'Orange 1, dont je ne puys asseurer Vostre Maté, et ay ce mesme jour envoyé ung homme exprès sur les lieux pour en savoir la vérité que je vous escripray aussi tost. Il parroist bien que ladite victoire n'est passée ainsi que l'ambassadeur d'Espaigne vous aura fait entendre de la part dudit sr Commandeur, ny comme mondit homme le vous aura racompté. Par ce (ainsi que j'ay esté adverty) ledit Sr Commandeur envoie en son camp pour y commander le sr Chappin Vitely qui partira dedans deux ou trois jours. Ce pendant il y a envoié argent le plus qu'il a peu afin d'apaiser, s'il est possible, tous ses gens de pyed tant espaignolz allemans
1 Toutes ces nouvelles sont inexactes. Mondoucet a trop laissé voir ses préférences personnelles, et n'a tenu aucun compte des renseignements espagnols. Un seul fait était encore douteux, celui de la mort des princes.
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que wallons qui se sont encore mutinez tost après ledit combat advenu, aians protesté de n'aller avant ne arrière qu'ilz ne soient paiez, remonstrans le debvoir qu'ilz ont et comme ilz meurent de faim sans riens recepvoir dont Mondragon apporta hier la nouvelle 1. J'estime, Sire, que deulx pointz ont esté cause de faire ainsi anplifier ceste routte, l'ung pour réduyre ce peuple en quelque meilleur affection qu'il n'est, et faire condescendre les Estatz qui sont convocquez ce premier de may à quelque bonne raison. Mais aians après à savoir discerner le faulx d'avecques le vray, cela les endurcira davantaige. L'autre est, que le dit sr Commandeur aiant eu assez mauvaise entrée en ce gouvernement pour la perte d'une bataille navalle et de Midelbourg, il a eu crainte qu'on ne luy envoiast bien lost ung successeur, qui maintenant pourra estre retardé par ce moien. Je ne faudray d'avoir l'oeil ouvert à tout pour en donner les advis ordinaires à Vostre Maté.
Au surplus, je veoy icy souvent ung des Escossois desquelz il vous a pleu m'escripre cy devant, que j'entretiens à l'accoustumée, et ay seu que l'aisné son frère est en France il y a quinze jours ou plus, duquel on aura nouvelles chez l'ambassadeur d'Escosse 2.
De Bruxelles, ce XXme avril 1574.
1 Cette révolte, qui eut des conséquences si graves, et dont Mondoucet donnera le récit dans les lettres suivantes, était prévue. En annonçant à Philippe II que les quatre compagnies d'Espagnols tenant garnison à Utrecht s'étaient mutinées, Requesens ajoutait que celles de Maëstricht étaient décidées à faire de même après l'expédition contre le comte Louis de Nassau. La révolte éclata sur le champ de bataille, puis les Espagnols marchèrent sur Anvers. Corr. de Phil. II, III, 49.
2 Voir plus haut, tome II, page 31.
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CLXXVI. - Au Roy. — [23 avril, 1574.]
Révolte des troupes espagnoles qui marchent sur Anvers. — Condé sur la Meuse. — Nouvelles diverses.
Sire. J'ay fait entendre à Vostre Maté par ma deppesche du XXme de ce mois ce que j'avois appris de la routte advenue à l'armée du comte Ludovicq depuis le partement de mon homme que j'avois auparavant deppesché sur ceste occasion, qui est le bruict qui en a continué depuis, encores que les Espaignolz réduisent le nombre des mortz à II mil V cens ou plus. J'en atendz dedans trois ou quatre jours mon homme que j'y ay envoie qui me rapportera la vérité tant de cela que du lieu où est de. présent ledit comte avecques ses forces, lequel, bien qu'il fust pys qu'il n'est, aura maintenant bien loisir et moien de reprendre haleine, se rafraischir et faire tout ce qu'il vouldra à cause de la mutination intervenue au camp tant entre les Espaignolz, Allemans, Wallons que la cavallerie dont madite dernière commençoit à vous donner quelque advis 1. Lesditz Espaignolz se sont tous
1 Cette terrible révolte, qui paralysa le gouvernement de Requesens après la bataille de Mook et retarda la publication du pardon général, devait se prolonger pendant tout le mois de mai. Le grand Commandeur en fut profondément mortifié; il écrivit à son frère, ambassadeur à Rome: «Je crois que, outre mes péchés qui doivent en avoir été la principale cause, Dieu l'a permis pour l'arrogance que montraient ceux de notre nation, comme s'ils étaient les seuls qui défendissent la foi catholique. » La misère des soldats espagnols, que l'on ne payait pas, durait depuis trop longtemps; Wacken avait prévu dès 1572 ce qui arriva en 1574 : Renon DE FRANCE, I, 463, nota. Morillon traduit exactement les sentiments de la population dans ses nombreuses lettres du mois de mai. Corr. de Granvelle, v, 81-89 et seq. Dans une lettre à Re-
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jointz et unyz, aians réduyz leurs cappitaines, enseignes et autres officiers en lieu à part sans leur faire mal, sinon les garder, et ont esleu ung chef d'entre eux qui leur commande, marchans droit du costé de deçà en intention de s'en venir en Anvers pour le saccager ou bien se faire paier, où l'on a fait telle diligence et recherche ces jours passez de ceulx qui y estoient que l'on les a mys dehors, pour la crainte que l'on a eue que lesdites trouppes estans près, ceulx de dedans ne saisissent d'une porte et les feissent entrer. Mais il y a bien maintenant une autre peur survenue qui est que l'on asseure qu'ilz ont intelligence avecques ceulx qui sont dedans la citadelle, à la faveur desquelz ilz peuvent avoir l'entrée franche en ladite ville; qui a fait avancer Chincho Davilla castelan de si venir mectre, et ne sait on s'il les pourra empescher. Et en ce rumeur le gouverneur de ladite ville 1 a permis au peuple de s'armer pour la deffense d'icelle. Lesditz Espaignolz sont suyviz des Wallons et Allemans, faisans mille désordres et insolences par le
quesens du 7 juin, Philippe Il avoue que la mutinerie des soldats espagnols lui donne toute la peine et le souci que l'on peut imaginer : Corr, de Phil. II, III, 92. Pour bien comprendre la manière dont elle fut exploitée par les ennemis de l'Espagne, il faut lire les violentes et haineuses déclamations du Miroir de la cruelle et horrible tyrannie des Espagnols, Amsterdam, 1620. — « Il laissa les souldarts dominer à leur appétit, sans regard en la ville d'Anvers, prenant un grand tribut de les bourgeois, chassants hors la place les souldarts du Roy, criants à haute voix de jour et nuict : dineros, dineros fuora veillacos (méchants)... Ils ne demandoient que chair boully, et pain blanc, et rien que du vin... ilz commandèrent à tretous, et il n'y avoit personne qui l'empescha, car le gouverneur permettait. » Le Miroir, f° 55, v°. Cf. Le récit de Champagney, dans les Récits d'Arétophile, publiés par Robaulx de Soumoy.
1 Champagney, frère du cardinal Granvelle.
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pays, de sorte que ce sera ung peu mal aisé à estaindre, car ilz jurent et protestent de ne s'appaiser jamais qu'ilz ne soient paiez de tout ce qui leur est deu (et qu'ilz ne veullent plus de parolles), et se sont quarante payes encores lesquelles peuvent revenir à trente rabatant les pretz qu'on leur peult avoir faitz et ce qu'ilz ont receu, et les autres en disent aultant, vray est que ladite cavallerie se contient atendant veoir quel traitement on fera ausditz Espaignolz pour les suyvre, sur quoy Monsr le Commandeur a résolu de s'en aller dès ceste nuict jusques audit Anvers afin de donner le meilleur ordre qu'il pourra en toutes choses ; aiant, à ce que j'entendz, envoie desjà audevant d'eulx pour leur faire toutes les belles remonstrances qu'il se peult et les asseurer qu'illes fera paier se réduisans et arrestans fermes en ung certain lieu qu'il leur a mandé: ce qu'ilz n'ont voullu faire, n'aians laissé de marcher. Ledit sr Commandeur a de prompt, ainsi qu'on m'a asseuré, promesse audit Anvers de marchans de III cens mil escuz (IIIe m w) qui est une bonne partie et à propos pour ce besoing. Je croy que estant là il en trouverra encores d'autres ; car les riches habitans d'icelle ayment mieux prester et le secourir de leurs facultez que d'atendre le hazard d'une force, si ce n'est qu'ilz entrent en oppinion que ce soit ung jeu fait exprès 1. On fera tout ce que l'on pourra pour éviter ladite force, estant chose de trop d'importance et conséquence. Ce que l'on craint icy est que lesdites trouppes sentant qu'il n'y a aucune garnison en ceste ville, et ledit Comman1
Comman1 l'opinion de Morillon; il affirme que le Commandeur était d'accord avec d'Avila et Mondragon, et qu'il a agi ainsi pour faire payer les soldats par les riches marchands d'Anvers, « n'estant croiable qu'ils heussent tout osé s'ils n'en feussent estes du Commandador major advoués et aultorisés », Corr. de Granvelle, v, 89.
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deur n'y estant point, ilz n'y veullent venir pour la piller, qui seroit une chose pour esmouvoir et faire souslever toutes les villes et le plat pays contre eulx, dont on est hors de danger. Somme, Sire, que toutes choses sont réduites à très mauvais termes, et est ung très grand malheur qu'il n'advient jamais quelque bonne fortune ou avantaige par deçà qu'elle ne soit incontinent suyvie d'une disgrâce et défaveur. Je ne faudray d'advertir Vostre Maté de ce qui y surviendra.
Les nouvelles sont icy toutes comunes et tenues pour certaines qu'il marche une trouppe de trois mil hommes de pyed et plus de IIII à V cens chevaux qui estoient du costé de Luxembourg et Sedam, pour s'aller joindre avecques ledit comte Ludovicq, lesquelles trouppes on tient asseuré avoir esté jointes par le prince de Condé et ay parlé à homme qui les a veues desjà passées la Meuze. Celluy que j'atendz me rapportera vérité de tout, mais si icelluy comte peult avoir ledit renfort, et le camp de deçà estant pour le présent en routte avec le pays ainsi altéré, il est indubitable qu'il exécutera ce qu'il vouldra, ce que Dieu ne permectra s'il luy plaist.
Je ne veulx oublier de dire à Vostre Maté que le prince d'Orange a fait faire aussi feuz de joye en son pays pour la victoire obtenue par son frère : ainsi tous deulx se tiennent pour victorieux. Au surplus, Sire, j'estime que ledit Commandeur ne fera long séjour audit Anvers s'il peult avoir accommodé telles esmotions. Et ainsi l'a il asseuré par ce qu'il est nécessaire qu'il se trouve en ceste ville d'icy à six jours pour le plus tard pour la convocation des Estais généraulx qui si doibvent assembler. Je fayz mon compte de le y atendre si je ne veoy qu'il tarde plus longuement.
Je n'ay receu aucune deppesche de Vostre Maté depuis
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celle du dernier du passé dont je demoure merveilleusement en peine et suspens pour les estranges et diverses nouvelles que l'on publie par deçà de la France, lesquelles y durent et demourent trop constantes, dont mon dit homme naguières expédié aura rapporté une bonne part à Vostre Maté. Et depuis on dit qu'il s'est fait une autre sédition et esmotion populaire à Paris et plusieurs exécutions se sont ensuyvies.
De Bruxelles, ce XXIII avril 1574.
CLXXVII. — Au Roy. — [27 avril, 1574.]
Les troupes espagnoles sont entrées dans Anvers; elles exigent quarante mois de solde. — Le prince d'Orange.
Sire. Depuis vous avoir escript du XXIIIe de ce mois le mauvais estat auquel se retrouvoient lors les affaires de deçà Monsr le Commandeur partit d'icy la nuyt mesmes pour s'en aller à Anvers afin de prévenir, s'il luy estoit possible, aux désordres que la mutination des Espaignolz et de tout son camp pourroit apporter et aux menaces qu'ilz faisoient d'entrer dedans ladite ville et s'en saisir pour se faire paier, autrement de la piller et saccager. A quoy sa présence a de bien peu profité ains grandement nuyt, ainsi que plusieurs jugent, par ce que l'on tient pour asseuré que s'il n'eust bougé d'icy le Sr de Champaigny, gouverneur de ladite ville, eust bien empesché le désordre qui y est advenu, faisant faire la résistance par les habitans et soldatz qui estoient dedans telle qu'il avoit délibéré, laquelle ledit Commandeur n'a voullu permectre pour crainte de pys, et ainsi hier environ les IIII heures du soer lesditz Espaignolz entrèrent en icelle ville
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par le costé de la citadelle où les fossez sont peu profondz et le terrain assez bas et aisé à monter, où les premiers et 1 eslans entrez ouvrirent une faulce porte qui
est de ce costé là par laquelle toutes les trouppes entrèrent et se meyrent en bataille en une grande place qui est devant ledit chasteau, en laquelle icelluy Sr Commandeur les fut trouver pour les arrester, leur faisant une belle remonstrance de la grandeur et conséquence de ce qu'ilz entreprenoient, le grand malcontentement que en recepvroit le roy et en fin leur promectant et asseurant qu'il les feroit incontinent paier et satisfaire, pourveu qu'ilz ne passassent outre: à quoy ilz n'eurent aucun esgard et n'en feyrent compte, entrans dedans, où ilz se saisirent de la maison de ville, de celle des Ostrelins et autres principalles de marchans par grosses trouppes pour la crainte qu'ilz avoient d'une révolte contre eulx et entre autres deux cens se meyrent dans la maison dudit de Champaigny, gouverneur, pour luy faire une bravade, qui soudain leur quicta la place; et après alloient par tout où il y avoit vivres pour s'en pourveoir, dont lesditz habitans sont réduyz en telle crainte et extrémité qu'ilz ne savent que faire, se voians sur le point d'estre pillez et saccagez, et desjà quelques ungs s'en sentent; qui a esté cause qu'ilz leur ont offert et accordé leur paiement de douze mois s'ilz voulloient sortir, et deux reailes pour homme en atendant, ce qu'ilz n'ont voullu exécuter; mais au contraire incontinent ilz protestèrent de n'en partir jamais qu'ilz ne soient paiez de quarante mois qui leur sont deubz, lesquelz selon le calcul qui en a esté fait montent à deulx millions deux cens huit mil florins, et cependant ilz vivent à discrétion.
1 Passage laissé en blanc sur le manuscrit.
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Je laisseray juger à Vostre Maté combien de mauvaise réputation et inymitié acquérera ledit Commandeur de ce pileux événement, tant à l'endroit de tout le peuple que générallement de toutes les villes de ce pays que de toutes les nations estrangières tant Allemans, Anglois, Italiens que autres qui seront intéressés en cecy, lesquelles en demourent très mal satisfaites et de tant plus irritées contre la nation Espaignolle qu'ilz n'estoient pour les intérestz qu'ilz en reçoyvent. En quoy je considère que le gouvernement du duc d'Alve n'a point esté tel ne si hay que sera cestuy-cy. Desjà ceulx des Estatz qui commençoient à s'assembler en ceste ville selon le mandement qui leur en a esté fait n'y veullent demourer et atendre, mais s'en retournent, voians advenir ung désordre général et qu'en cecy se manifeste plus une ruyne apparente de tout le pays qu'en tous les effects préceddens. Il y avoit ung pardon général que ledit Sr Commandeur voulloit faire publier icy à ce premier jour de may avecques quelques réservations, duquel on commence desjà à se mocquer, chacun estimant qu'il fera peu ou point de fruict.
Je ne veux oublier de représenter à Vostre Maté la crainte en laquelle sont toutes les autres villes, principallement ceste-cy, à l'exemple dudit Anvers, estant menacée des Wallons qui y veullent venir, qui est cause qu'ilz continuent à s'armer et ce pendant font bonne garde à ce que aucuns soldatz n'y entre. Lesditz Wallons sont encores près dudit Anvers où ilz font mille insolences, voullans avoir leur part ou asseurent de brusler tous les villaiges et belles maisons qui sont autour. Davantaige j'ay entendu que du costé de Flandres, et spéciallement en la basse, toutes les communes sont eslevées et sont bien XXX mil hommes en plusieurs trouppes,
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délibérez d'empescher la foulle et oppression des gensdarmes et soldatz. A tous ces remuemens, Sire, vous pouvez aisément veoir le piteux estat de ce pays et comme ce peuple est si désespéré maintenant qu'il se jecteroit entre les bras du Turcq s'il pouvoit.
Aussi vous jugerez s'il vous plaist le beau jeu qu'a le prince d'Orange pour faire ses affaires, lequel, ainsi qu'on asseure, a puis naguières fait faire ung port sur la Meuze en ung village nommé Litt [Lilh] près Bommel où il fait faire ung fort pour la garde d'icelluy, et dit-on qu'il l'a jà passée avec plus de quarante enseignes de gens de pyed, atendant de faire escorte aux passaiges des trouppes du comte Ludovicq, duquel ne du lieu où il est je ne puis encores dire nouvelles certaines, n'estant mon homme de retour, dont je me trouve en peine. Si tost qu'il sera venu je vous feray savoir ce qu'il m'en rapportera.
Ce pendant Vostre Maté entendra que l'on tient icy pour certain,et aucuns en ont eu lettres,que les trouppes de France, montant à III mil hommes de pyed et de VII à VIII cens chevaulx, l'ont joint, s'en estant retiré Monsr le prince de Condé qui est allé à Strasbourg. Nous verrons bien tost quel progrez ilz feront, estant bien à présupposer qu'ilz ne vouldroient perdre temps en ceste saison, ce désordre estant maintenant en terme et n'y aiant personne qui leur résiste. Je continueray d'advertir continuellement Vostre Maté de toutes occurences ne voullant oublier pour fin de la présente d'accuser la réception de la deppesche qu'il a pleu à Vostre Maté me faire du XVIIIe de cemoys par laquelle j'ay esté au vray adverty du succez des affaires naguières survenuz en vostre royaume, que je loue Dieu estre moindre qu'on ne le publyoit par deçà, encores qu'ilz soient bien mauvais,
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suppliant sa dyvine bonté les voulloir modérer et adoulcir et vous faire la grâce d'y mectre quelque jour une bonne fin.
De Bruxelles, ce XXVIIe avril 1574.
CLXXVIII. — Au Roy. — [30 avril, 1574.]
Le Commandeur a emprunté de l'argent à Anvers pour payer les soldes des Espagnols. — Dispositions des États-Généraux. — Nouvelles du comte Louis et de son armée. — Rapports de l'Espagne avec l'Anglelerre.
Sire. Ceste cy sera pour continuer à faire entendre à Vostre Maté ce qui est survenu ès affaires de deçà depuis ma dernière deppesche du XXVII de ce mois ; et ce que m'a rapporté mon homme qui retourna hier d'où je l'avois envoyé. En premier lieu je vous diray que quant à la mutination intervenue des Espaignolz et leur entrée en la ville d'Anvers l'oppinion comune et généralle est que ce ayt esté ung peu concerté à propos par Monsr le Commandeur pour les faire paier, les voians mutinez, n'ayant aucun autre moien de les satisfaire que cestuy là, et, voullant en tirer service selon le besoing, illuy eust esté mal aisé de ceste année ne les paiant point. Le succez le démonstre aucunement par ce que encores qu'ilz ayent fait des insolences en plusieurs maisons si n'ont elles néanmoins esté telles qu'ilz les eussent bien peu faire, et se sont soudainement accordez après que les marchans ont promis de fournir et prester IIII cens mil florins, le clergé cent mil et la maison de ville autre cent mil dont avec autre argent que a trouvé ledit Sr Commandeur ilz pourrons bien estre du tout contentez, rabatant ce qu'ilz ont receu, et sur quoy ilz doibvent faires monstre dedans
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deux ou trois jours pour recepvoir argent et puis sortir de là dedans pour retourner d'où ilz viennent, ainsi que je croy et qu'il semble que le besoing le requerre, leur aiant esté offert promptement XIIII payes pour desloger, dont ilz ne se sont voulluz contenter. On atend icy ledit S' Commandeur incontinent après, lequel en mon advis ne viendra qu'ilz ne soient dehors, afin qu'il n'advienne riens de pys. Ce pendant on prépare ung eschaffault en une grande place de ceste ville pour y publier le pardon, duquel madite dernière faisoit mention, et les Estatz généraux qui y sont convocquez si rassemblent peu à peu, estant bien délibérez de parler hault et faire de belles remonstrances selon le grand subjet qu'ilz en ont principallement sur ces derniers esvénemens; lesquelz à la vérité ont tellement troublé tous les espritz de ce peuple qu'il ne se peult remectre, et craignent qu'on ne leur en face aultant pour faire paier les Wallons et tous autres à qui il est deu. Nous verrons quelle en sera la fin et quelle utilité trouverra ledit Sr Commandeur tant de ceste dite assemblée que dudit pardon, qui ne sera pas grande selon le jugement de plusieurs. Toutes les autres nouvelles compaignies de Wallons marchent devers Ruermonde et Grave où toute la mace se doibt refaire.
Quant à ce qui concerne le voiaige de mondit homme il m'a rapporté que à la vérité il estoit mort à la roulte dernière de XV à XVI cens hommes, desquelzceux de deçà en avoient bien perdu quatre ou cinq cens, le comte Ludovicq le surplus, compris quelques vivandiers et autre canaille, que tous les chefz estoient encores vivans n'en aians perdu ung seul, lesquelz il avoit veu à Vezel sains et saufs, leditcomte qui portoit ung bras en escharpe; que toute leur cavallerie et gens de pyed estoient sur les terres de Juliers preste à retourner et ne faisoient qu'aten-
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dre les trouppes de françois qui les venoient trouver les eussent jointz et autres allemans qu'amenoit encores le comte Jehan de Nassau pour marcher devers le prince d'Orange, lequel avoit fait faire le pont sur la Meuze ainsi que Vostre Maté aura veu par madite dernière et fait fortiffier le villaige à la faveur duquel il l'avoit fait, où il estoit jà passé environ trente cinq ou quarante enseignes de ses gens de pyed pour atendre et faire escorte au passage de l'armée de sondit frère. Depuis nous avons eu nouvelles que ledit comte Ludovicq se retrouvoit de ceste heure quasi au mesme lieu où advynt le dernier combat et qu'il marchoit maintenant en toute asseurance pour arriver audit passage, n'y aiant personne qui luy. face teste, que pour certain lesdites trouppes françoises estoient avec luy et que aians esté advertiz de ces mutinalions et désordres il faisoit toute la dilligence possible afin de battre le fer pendant qu'il est chault; nous ne pouvons faillir de veoir bien tost quelz progrez ilz pourrons faire, et suys mesmes pour y renvoier afin de m'esclarcir tousjours de la vérité pour la faire entendre à Vostre Maté.
Sire, J'oubliois de faire entendre à Vostre Maté comme j'ay esté adverty de certain endroit que Monsr le Commandeur fait compte et estat certain que leurs affaires d'Angleterre seront bien tost du tout accommodez, estans desjà en très bons termes, pour doresnavant vivre en bonne intelligence et amytié, espérant aussi que l'armée de mer qu'il atend d'Espaigne dedans la fin de may y pourra estre favorisée à son passaige.
De Bruxelles, ce dernier avril 1574.
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CLXXIX. — Au Roy. — [3 mai, 1574.]
Accord avec les Espagnols révoltés. — Craintes inspirées par les Wallons. — Le prince d'Orange à Lith. — L'armée du comte Louis.
Sire. Je suis venu trouver Monsr le Commandeur en ceste ville [Anvers] depuis vous avoir escript du dernier du passé, voiant son retour à Bruxelles n'estre du tout si prompt que l'on estimoit. Et ce à l'occasion de ceste mutination d'Espaignolz qui encores qu'elle ait esté composée il y a trois ou quatre jours, leur aiant esté accordé les XXXVIII payes qu'ilz demandoient, n'a seu néanmoings estre encores termynée, par ce qu'ilz ont prétendu et querellé quelques pointz sans lesquelz ilz ne voulloient venir au but: assavoir que toutes les places mortes aians testé feussent paiées, les malades et absens semblablement, avec promesse que doresnavant ilz seront paiez tous les trois mois, ce que enfin ilz ont obtenu, et feyrent hier monstre où des quatre vieux terces s'en est trouvé environ III mil III cens, desquelz le paiement pourra monter près de six cens mil escuz toutes choses rabattues, dont on est après à faire les comptes, afin de les faire paier les XXXIII payes comptant et cinq en draps, qui sera chose pour durer encores quelques jours; outre qu'estans satisfailz ilz demandent huict ou dix jours pour se mectre en équipaige, tellement que je ne veoy pas qu'ilz puissent sortir plus tost que le XVe de ce mois, qui ennuye grandement en ceste ville estans encores devenuz si odieux et hayz tant pour leur orgueil et mauvaise façon de procedder que pour les tortz qu'ilz y ont fait et font, y vivans à discrétion, qu'il ne sera que de bien long
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temps on ne s'en souvienne, qui a desjà chassé beaucoup des principaux marchans et habitans et qu'il fait préparer plusieurs autres pour les suyvre, en quoy je regrette infiniment que la France ne se retrouve en telle tranquilité et repos qu'il seroit besoing pour les recepvoir et l'enrichir, car il est certain qu'ilz y choisiroient plus tost leur demeure qu'en Allemaigne, Angleterre et ailleurs où ilz la cherchent:
Il y a ung autre mauvais évènement que chacun prévoyt debvoir provenir de la saillie du gouverneur dans ceste dite ville et des Wallons qui y estoient en garnison, dont lesditz Espaignolz feurent motifs à leur arrivée, et qui est d'une division et querelle entre eux lorsqu'ilz se trouverront ensemble en campaigne ; à quoy il sera plus mal aisé de pourveoir, si ainsi advient, qu'il n'a esté d'appaiser celte mutination. Il me semble que ledit sr Commandeur se trouverra aussi empesché cy après à faire cesser les autres querelles tant du paiement desditz Wallons que de sa cavallerie légière qu'il a esté à ceste cy, estans lesditz Wallons mutinez et tenans les champs avec toutes insolences, qui sont choses grandement odieuses à tout ce peuple. Outre que, comme Vostre Maté peult très bien juger, elles sont fort avantageuses pour les affaires du prince d'Orange et pour luy rendre et à ses adhérans leurs entreprises beaucoup plus aisées et facilles qu'elles n'eussent esté, dont nous verrons le proffict qu'il tirera.
Je ne pense pas, Sire, que ledit sT Commandeur retourne à Bruxelles de ceste sepmaine et qu'il n'ayt mis une fin à tous telz affaires pressez, encores que les Estais généraux y soient assemblez en luy atendant, et que chacun ayt les oreilles ouvertes pour entendre ce qui sera de ce pardon que l'on doibt publier, lequel, selon ce que j'ay cy devant escript à Vostre Maté et que plusieurs
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jugent, ne sera pas pour faire grand fruict ; dont toutefois je croy que l'on atendra l'issue pour quelque temps afin de se résoudre selon icelle à ung traité et accord, bien que ce soit le dernier et forcé remède que les Espaignolz chercheront; à quoy j'auray tousjours l'oeil de ce costé. Mais quant ilz en viendront là, ce sera (comme Vostre Maté sait) du mouvement et conseil d'Espaigne que la résolution s'en fera.
Quant audit prince d'Orange ses gens sont tousjours à la garde et conservation du passaige qu'il a occupé sur la rivière, aiant si bien fortiffié le villaige de Lithen, ainsi que le contenoit ma dernière, que l'on craint ne leur pouvoir faire habandonner, et atendent tousjours le retour de l'armée du comte Ludovicq, laquelle s'est renforcée des françois qui luy sont venuz et d'autres allemans, et estoient il y a plus de huict jours campez à Cerpen'au deçà de Collongne, d'où, s'il a marché depuis ainsi que l'on dit, il en sera maintenant bien avancé. Toutefois il s'en publie tant de mensonges que pour estre bien esclarcy de la vérité il seroit besoing avoir gens ordinaires qui ne feissent qu'aller et venir qui seroyent de grandz frayz outre les périlz et dangers, si est-ce que je ne laisse pour cela d'y envoier quelque fois, sur ce je n'oubliray de dire à Vostre Maté que l'on a publié icy depuis naguières la mort dudit comte Ludovicq et du duc Christofle, feignans que de Collongne et autres endroyz on en a envoyé demander nouvelles, ce que autres qui les ont veu réprouvent, asseurans le contraire, et si ainsi estoit, il est à croyre que les Espaignolz en feroient bien autre démonstration qu'ilz ne font.
1 Kerpen où se retirèrent les Français après la défaite de Mook, où ils éprouvèrent des pertes insignifiantes; ils conservèrent cette forteresse au prince d'Orange : DE THOU, V, 140; METEREN, f° 102.
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Au surplus, Sire, j'ay receu la deppesche qu'il a pleu à Vostre Maté me renvoies par mon homme, à laquelle je ne puis respondre autre chose, sinon vous représenter le depplaisir que ceulx de deçà reçoyvent de veoir Vostre Maté travailler à la réunyon de ses subjetz et la paix estre en quelques bons termes en vostre royaume ainsi qu'ilz le conçoyvent et jugent, estant la chose qu'ilz craignent le plus.
De Bruxelles, ce IIIe may 1574.
CLXXX. — Au Roy. — [7 mai, 1574.]
Les Espagnols ne sont pas encore payés; les Wallons pillent la campagne. — D'autres Espagnols révoltés en Hollande ont voulu s'emparer d'Utrecht. — Inaction du Prince. — Bruits divers sur le comte Louis.
Sire. Ma dernière deppesche estoit du IIIe de ce mois par laquelle Vostre Maté aura entendu comme Monsr le Commandeur après avoir composé ceste mutination d'Espaignolz et remédié à la faillie qu'il congnoist avoir, faite de les laisser entrer en ceste ville d'Anvers, estoit pour les faire paier et satisfaire de ce qui leur est deu ; à quoy il n'a encores fait commencer, s'estans trouvé tant de difficultez et longueurs pour accorder leurs comptes, à cause du long temps qui y a esté intermis, que je ne veoy pas qu'ilz soient pour en sortir quasi de ce mois ; car d'un costé les soldatz mutinez qui se trouvent bien en ceste ville veullent estre creuz et paiez de ce qu'ilz demandent. Leurz chefz et cappitaines arrivez après l'accord prétendent d'autre part ce qu'il leur appartient de droit, et ledit sr Commandeur pourveoyt de son costé le mieulx qu'il peut à tout sans que toutefois, outre l'incom-
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modité de l'argent, il puisse empescher qu'il n'y intervienne tousjours quelque nouveauté, ainsi qu'il est advenu ce jourd'huy que lesditz soldatz ont de rechef voullu que leursditz cappitaines sortissent la ville, les cherchans et donnans alarmes par tout, qui fera, comme j'estime, toutes choses leur seront enfin accordées ainsi qu'ilz demandent. Et cependant il est incroiable combien de haine et mal coutentemens ilz accroissent dessus eulx de ce peuple qui se veoyd ainsi travaillé tant de crainte en leurs personnes que biens, n'y aiant jour qu'il ne leur couste plus de quinze mil florins, outre ce qu'il fault qu'ilz fournissent pour le principal; qui a desjà fait que plusieurs ont habandonné la ville et le pays et les autres les veullent suyvre ainsi que je vous escripvois par madite dernière, chacun se délibérans de prendre party en autre endroit. Et penserois grandement faillir de celler à Vostre Maté la volunté que aucuns desditz marchans m'ont declairée avoir de se retirer en France, s'ilz y voient ung repos asseuré et qu'ilz se penssent veoir privilégiez à Rouen ou Calais comme ilz sont à Lyon, ce que je vous laisseray à considérer.
Ledit sr Commandeur se voiant arresté icy pour ceste occasion et atendu à Bruxelles par les Estatz généraux qui y sont assemblez a envoie devers eulx le sr de Barlaymon pour les faire temporiser jusques à ce qu'il ait mis fin à ceste affaire pour aller les trouver, leur remonstrant la nécessité qu'il y a de remédier promptement à cecy. Je ne say quelle résolution ilz auront faite là-dessus, mais je suis adverty que eulx voians tous ces désordres qui adviennent par toutes nations et en tous endroyz, lesquelz ne peuvent que faire prévoir une ruyne et perle de tous les pays de deçà, ont résolu d'en faire encores une bonne et ample deppesche au Roy Catholicque pour
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luy remectre devant les yeux l'émynent péril où ilz se trouvent, et le supplier d'y donner ordre en quelque façon que ce soit: qui sera bien (si ainsi advient) pour haster la volunté que Vostre Maté a seu qu'il avoit d'entrer en accord. Toutefois j'estime auparavant que d'en venir là il vouldra veoir quel fruict apportera ce pardon que doibt faire publier ledit sr Commandeur, ainsi que l'ont contenu mes préceddentes. Si lesditz Espaignolz ont joué et jouent leur jeu en ceste dite ville, les Wallons font encores plus de mal par les champs et menacent, à ce que l'on dit, lesditz Espaignolz à leur yssue pour la bravade qu'ils leur ont faite de les en faire sortir, qui est ce que l'on doibt craindre le plus pour estre le point auquel consisteroit la totalle ruyne.
Les autres Espaignolz qui sont en Hollande se sont aussi mutinez selon les nouvelles que l'on eust hier, aians voullu entrer par force dedans la ville d'Utrecht, pour à quoy remédier don Fernand de Lannoy, qui y est gouverneur, a esté contraint de permectre aux habitans de s'armer pour leur garde; et, s'estans les autres efforcez d'y entrer, ilz en ont esté repoulsez par iceulx habitans avec perte de quarante ou cinquante, qui a esté cause que incontinent après ilz ont mys le feu aux faulx bourgs. Vostre Maté considèrera, s'il luy plaist, ce que peult apporter de mauvais toutes telles désobéissances ausquelles la présence et auctorité dudit Sr Commandeur a bien peu de pouvoir, et qui fera que doresnavant il n'y aura si petite ville qui ne refuze l'entrée aux soldatz par les exemples présens, et plustost se résoudroient de se jecter entre les bras de qui que ce soit qu'ilz estimeraient les pouvoir conserver.
Avec tous ces maux, Sire, que nous voions advenir, il y a ung bien qui les accompaigne du peu de profit et avan-
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taige que en tire présentement [le prince d'Orange] duquel on ne oyt aucunement parler, sinon de ce passaige qu'il a pris sur la rivière de Meuze qu'il fait fortiffier, d'où il s'est retiré en Zélande pour donner ordre à faire renforcer en toute dilligence son armée de mer, ainsi que j'ay entendu qu'il fait pour certain pour aller au devant de celle qui vient d'Espaigne et la combattre s'il se peult, faisant fondement d'un gaing de cause là dessus. El quant au comte Ludovicq et à ses forces, il s'en publie tant de diversitez et mensonges que je ne say ce que j'en doibz asseurer à Vostre Maté, atendant nouvelles ou le retour d'un homme que j'ay envoie; car tantost l'on dit qu'il est mort et tantost qu'il est à Carpen avec son armée qu'il rassemble, et autres qu'il est encores à Wezel; de sorte qu'on ne sait sur quoy se fonder. Mais quoy qu'il y ail, il est aisé à juger, puisqu'il pert une sy belle occasion d'avancer ses affaires, que la routte qu'il a reçeue est grande et importante, soit pour les mortz ou pour ceulx qui se sont relirez de peur.
Au surplus, Sire, J'ay reçeu ce matin la lettre qu'il vous a pieu m'escrire du XXIXe dupasse, au contenu de laquelle Vostre Ma 16 aura esté satisfaite tant par mes préceddentes que par ceste-cy, aiant très aise d'entendre la vérité de vostre disposition pour la légiereté des bruitz qui s'en saiment constamment.
De Anvers, ce VII may 1574.
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CLXXXI. — Au Roy. — [12 mai, 1574.]
Mondoucet a reçu des nouvelles de France. — Difficultés pour régler les comptes des soldats espagnols; projet de révolte des soldats de la citadelle d'Anvers. — États-Généraux ont refusé de se transporter à Lierre. — L'armée du comte Louis a repassé le Rhin. — Mondoucet demande un bénéfice ou une pension.
Sire. Après avoir escript assez amplement à Vostre Maté du VIIe de ce mois tout ce qui s'estoit présenté de nouveau ès affaires de ce gouvernement, mon homme est arrivé avec la deppesche qu'il vous a pleu me faire du IIIIe préceddent par laquelle j'ay esté adverty des mauvaises occurences de vostre royaume, desquelles je ne puis que je ne demoure très ennuyé et desplaisant., par ce que outre ce que je veoy et considère très bien qu'elles touchent et regardent de bien près la personne de Vostre Maté, son Royaume et estat pour ne sortir de guerres et affaires si tost que le besoing le vouldroit, je voy que voz voisins s'en allèguent et resjoissent pour plusieurs raisons que j'ay souvent fait entendre à Vostre Maté, et desquelles je ne m'estandray pour le présent, me contentant de vous en représenter ce que j'en veoys et congnois, priant à Dieu que en affaires de si grand poix et conséquence, il veulle donner à Vostre Maté si bon conseil et advis que bien tost elle se puisse veoir dehors de tant de troubles et malheurs. Desjà les nouvelles commençoient à s'en publier icy en continuation de ce qui s'en estoit dit cy devant, et ne savois qu'en respondre; mais maintenant je m'y conduyray selon l'esclarcissement et advis que j'en
ay.
Quant à ce qui est succédé par deçà il n'y a autre chose,
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sinon qu'il ne se peult encores si tost veoir une bonne fin en ceste mutination d'Espaignolz, estans leurs comptes si mal aisez à faire pour le long temps qu'il y a qu'on y a touché, et bien près de huict cens testamens à verifsier, que ce sera chose encores longue. Toutefois Monsr le Commandeur y fait faire toute la dilligence possible, aiant desjà commencé à leur faire délivrer quelques draps pour ce pendant sabiller, et puis il les fera paier. Mais, comme Vostre Maté aura entendu, la somme qu'il leur fault est si grande que je ne say comme il en sortira, outre qu'il y en a beaucoup d'autres à qui il est deu. Il s'est présenté depuis une autre mutination que voulloient faire les soldatz espaignolz estans dedans la citadelle de ceste ville pour mesme occasion, et avoient jà esleu entre eulx ung Electo et sergent major, voullans en mectre dehors le cappitaine et officiers, s'estans saisiz de l'artillerie et munitions y estans; sur quoy advynt que l'un des chefz voiant l'imporlance de ceste affaire pensa y remédier promptement par la mort desditz Electo et sergent-major qu'il tua sur le champ : ce qui engendra telle crainte aux autres que depuis ilz se sont adoulciz ; vray est que l'on en a fait sortir l'une des compaignies la plus mutine, laquelle prenant son chemin du costé d'Austrate 1, feut rencontrée par deux compaignies de Wallons du régiment du Sr de Champaigney, lesquelles les voulloient charger ; lesquelles l'eussent fait et exécuté sans que leur dit collonnel y arriva fort à propos, ne pouvant estre retenuz de leurs cappilaines; l'on juge bien que cela ne se fait que différer. Les depputez des Estatz sont toujours atendans à Bruxelles le retour dudit Sr Commandeur, n'aians voullu obtempérer à la prière qui leur avoit fait faire par le Sr
1 Hoogstraeten
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de Barlaymont qui estoit de venir à Lierre à deux lieues d'icy et s'approcher de luy pour les deppescher, aians en crainte qu'estans là on usast de quelque force envers eulx pour les faire venir à la raison que l'on désire.
Il n'y a autres nouvelles du costé de Gueldres ne autres endroyz, sinon de toutes mutinations et mal contentemens croiant que ceste belle saison icy se pourra quasi passer en telz mauvais effectz, estans impossible audit Sr Commandeur de recouvrer sitost l'argent nécessaire pour les appaiser. Toutefois j'ay esté adverty qu'il fait marcher les reistres du duc Herick de Brunsvick et du comte Otto de Scombourg, qui seront cinq mil, pour ceulx dudit de Brumsvick se trouver à Deventir lieu de la place de monstre au XXVe de ce mois; qui fait croyre à ung chacun que ses ennemys ne dorment pas, ainsi que j'ay entendu qu'ilz ne font. Car encores que le prince d'Orange aille et vienne par ses villes et portz de Zélande pour haster le grand appareil qu'il fait en mer afin de combattre l'armée d'Espaigne et cependant garnir lesdites villes, il ne laisse de faire marcher tout ce qu'il peult de gensde pyed devers ce passage de rivière qu'il a pris, où il a de ceste heure près de IIII mil hommes assemblez.
Et quant au comte Ludovicq Vostre Maté entendra pour ceste heure, et atendant le retour de celluy que j'y ay envoié, que j'ay apris que les trouppes qui estoient à Carpens estoient retirées plus arrière, aians repassé le Rhin, marchans vers Dellembourg, maison dudit prince, où ilz se rassembloient et se fortiffioient de plus grand nombre d'hommes; mesmes j'ay entendu d'un cappitaine allemant que bien lost ilz mectroient VII mil chevaux ensemble, lequel me dist de plus que l'on n'estoit sans soubzon qu'ilz deussent tourner du costé de la France. Ce que j'estime qu'ilz ne feront, voiant les occasions si
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belles et le jeu si beau par deçà qu'il y est; Vostre Maté en pourra estre mieux advertie d'ailleurs, et ne laisseray toutefois d'y avoir l'oeil ouvert pour vous en esclarcir de ce que je pourray ; comme semblablement s'il se traitera quelque accord auquel il faudra en fin qu'ilz viennent selon l'oppinion de ceulx que j'y ay veu les plus répugnans n'a pas longtemps; autrement ilz jugent que ces pays icy se perdront d'eulx mesmes.
Au surplus, Sire, Vostre Maté ne trouverra mauvais, s'il luy plaist, si je luy remetz devant les yeulx qu'il y a trois ans et demy ou environ que je suis par deçà, durant lequel temps la guerre et les troubles y ont tousjours continué comme ilz font encores à présent plus que jamais, vous y aiant fait tout le fidelle service que je doibz et qu'il m'a esté possible, qui a esté cause avec l'extrême charte qu'ilz y ont amenée assez congneue à ung chacun que j'y ay despendu plus de IIII à V mil escuz du myen, voullant conserver l'honneur et réputation de ceste charge et du bien que je tiens dont et de tous les services que j'ay faitz auparavant et depuis plus de vingt ans, ainsi que la Royne vostre mère le sait très bien, je suis atendant le premier bien et récompence, encores qu'assez souvent il m'en ayt esté promis mesmes fraichement de m'accorder ung bénéfice de IIII ou V mil livres par an ou une pension de pareille somme sur les bénéfices vaccans de ceste demye année; ce que je supplye très humblement Vostre Maté voulloir faire sans plus longue remise, et accroistre mes petitz rnoiens de cela pour les despendre avec ma vie à vostre service, vous priant de rechef croyre qu'encores que je sois privé de vostre présence je ne sers pas moings que ceulx qui en joissent. Autrement, Sire, je serois contraint de faire très humblement intercedder à l'endroit de Vostre Maté mon congé, afin qu'avec
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si peu qu'il me reste je m'en puisse retirer et vivre petitement en ma maison sans achever de me consommer. D'Anvers, ce XIIe may 1574.
CLXXXII. — Au Roy. — [17 mai, 1574.]
Nouvelles exigences des soldats espagnols révoltés dans Anvers. — Préparatifs du Commandeur pour combattre sur mer. — Mécontentement des États-Généraux. — Mondoucet affirme la mort des comtes Louis et Henri de Nassau et du duc Christosfl. — Bruit de la révolte de la Flandre, qui voudrait se donner un prince, pour reprendre ses relations commerciales.
Sire. Je veoy et congnois maintenant que ceste mutination d'Espaignolz n'est chose si prompte à pacifier et accorder que Monsr le Commandeur avoit pensé, que chacun le jugeoit et que ma dernière deppesche du XIIe de ce mois en faisoit mention, par ce que se trouvans en ceste bonne ville d'Anvers bien traitez et accommodez sans frayz, ilz forgent tous les jours nouvelles difficullez en leur accord ; s'estans depuis madite dernière plus faschez et mutinez qu'ilz n'estoient auparavant pour le soubson qu'ilz out eu que leur Electo s'entendyt avec ledit Sr Commandeur, qu'ilz ont desmis à ceste occasion, l'aians pensé tuer, fait chanter une messe au millieu de la place où ilz ont tous juré ung seul pour le tout de se conserver et deffendre les ungs les autres en tous lieux, de ne sortir sans estre paies et eslisans ung autre nouveau chef d'entre eulx, puis ilz se sont saisyz des portes de la ville, de sorte que ledit Sr Commandeur est soubz leur pouvoir, luy faisans endurer beaucoup d'indignitez, et sont les bourgeois et habitans en continuelle crainte d'estre saccagez, qui en fait retirer chacun jour. Toute-
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fois ledit Sr Commandeur monstre espérer d'en sortir bien tost, faisans ce qu'il peult pour faire gaigner des principaux qui en corrompent d'autres, afin que les divisant ainsi il puisse sortir d'avec eulx à meilleur compte que de toutes leurs payes qu'ilz demandent, qui est de dix ou douze mois comtans outre les cinq en draps qu'ilz ont receuz. Mais quoy qu'il face il en a encores pour plus de quinze jours à faire faire leurs comptes et paiemens quand ilz seroient d'accord, sans la difficulté qu'il a d'assembler si grande somme, estans les habitans si ennuyez de supporter ceste grande despense qu'ilz ne veullent ou n'ont moien de satisfaire au principal de ce qu'ilz ont accordé. Nous enverrons l'issue avecques le temps, laquelle je vous feray savoir.
Ce luy est ung grand plaisir, Sire, qu'en si mauvais mouvemens le prince d'Orange s'avance et remue sy peu qu'il fait, n'estant encores aucunes nouvelles que luy ne ses forces et adhérans facent aucune entreprise, dont quant à ce qui regarde ledit prince Vostre Maté verra les particularitez que j'ay recueillies d'un homme qui n'en ait que venir. Et pour le regard du comte Ludovicq et autres, atendant le retour de celluy que j'y ay envoie dont j'espère satisfaire Vostre Maté par ma première, je vous diray que l'on le tient icy mort pour certain avecques le duc Christofle et le comte Henry, ce que toutefois, parlant hier avecques ledit Sr Commandeur, il ne m'a voullu du tout asseurer, encores qu'il m'ait dit que par quelques lettres interceptés dudit prince qu'il escripvoyt à son frère le comte Jehan, il dit n'en avoir aucunes nouvelles et qu'il les tiens pour mortz l'advertissant de ce qu'il a affaire par cy après et comme il se doibt conduire. Je me comfirme davantaige en ceste oppinion de leur mort parce que depuis ceste routte ilz ne sont
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point comparuz avecques trouppes en quelque part que ce soit quoy qu'on en aye publié, ce qu'ilz eussent eu assez de moien de faire et enrallier. Et puis d'Allemaigne tant de Francfort, Spire, Collongne que ailleurs on m'escript qu'il n'y en a point de nouvelles et me prye on d'escripre ce que j'en say. Mais autres dyent qu'aians fait et exécuté ce qu'ilz voulloient, qui estoit de retirer les forces et garnisons de la Hollande qui s'en alloit perdre, et aians receu ceste disgrâce ilz se sont conteniez pour ceste fois. Mon homme m'asseurera de tout.
Estant doncques les affaires de deçà en l'eslat que peult considérer Vostre Maté, je veoy ledit Sr Commandeur quasi en délibération de ne faire sitost venir ses reistres que j'escripvois, et les contremander les retenant seullement a wartegueld pour s'en servir s'il en a besoing; afin que n'estant pressé il puisse faire ceste espargne, estant trop nécessiteux d'autres costez; et puys il va faire armer de nouveau et en toute dilligence les vaisseaux qui sont icy, à Bergues, Anstredam et autres lieux pour faire ung effort de leur part, ce pendant que l'armée d'Espaigne qui se doibt trouver en ceste mer de deçà sur la fin de ce mois, fera le sien, afin que toutes ensemble ilz puissent en mesmes temps forcer leurs ennemyz, ou comme Vostre Maté sayt, il yra encores une grande despense qui pourra estre cause de faire retarder le paiement de ses Espaignolz pour le peu de moien qu'il a de satisfaire en tant d'endroyz, mais je croy qu'il s'attacehera au plus pressé:
Au reste, Sire, les Estatz généraux sont toujours à Bruxelles, atendans le retour dudit Sr Commandeur ; lesquelz, à ce qu'on m'escript, se fachent et ennuyent assez de veoir tant de désordres et le pays plus travaillé par les amyz que ennemyz, dont ilz ne perdent rien
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qu'ilz ne mectent par mémoire pour en faire de beaux cahiers et les envoier au Roy Catholicque ; et m'escript on davantage qu'on a entendu soubz main que ceulx de Flandres s'esbranioient aucunement pour se joindre et rendre du party dudit prince avec la Zélande et Hollande, afin de pouvoir trafiquer et faire leur prouffict de la mer ainsi qu'ilz ont accoustumé, ce qu'ilz ne peuvent faire; et, s'il baste mal à ces armées de mer d'Espaigne et d'icy, ce que Dieu ne vueulle, cela les pourra plus aisément faire résouldre à tel party, ce que je croy ilz atendront. Mais ce pendant il n'y a ville qui ne face soigneuse garde afin qu'il n'y entre aucun soldat soit Espagnol ou Wallon pour ne tomber en la mesme peine que est ceste-cy. De Anvers, ce XVIIe jour de may 1574.
CLXXXIII. — Au Roy. — [21 mai, 1574.]
Les soldats révoltés à Anvers. — Le Prince en Brabant. — Nouvelles sur la disparition du comte Louis de Nassau.
Sire. On est tousjours atendant la fin et yssue de ceste mutination d'Espaignolz, ainsi que Vostre Maté aura peu entendre par ma dernière deppesche du XVII de ce mois et ne si est encores riens avancé jusques icy, estant cest affaire en mesmes termes qu'il estoit. Monsr le Commandeur pensoit en sortir à meilleur marché que de les paier entièrement par la division qu'il avoit fait semer entre les soldatz; mais s'estans trouvez assemblez pour en résoudre, les piquiers qui estoient gaignez feurent séparez par les harquebuziers et mys devant eulx afin de les faire respondre à la proposition qui leur estoit faite; et au cas qu'ilz se fussent révocquez de ce qu'ilz ont tousjours de-
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mandé, de les charger eulx mesmes et là se tuer et entrebattre, dont lesditz piquiers esmeuz continuèrent tous en leur demande d'estre tous paiez cl de tout. Ainsi ceste feste n'est pas pour encores se termyner ; mesmes ce matin ilz ont esté rassemblez pour leur proposer la nécessité qu'on avoit d'eulx à la campaigne, que leur ennemy s'avançoit en pays et se fortiffioit en quelques endroyz qui seroit de grand préjudice et désavantaige, et que à ceste occasion ledit Sr Commandeur envoyoit de ce costé là le marquis de Vitelly pour y donner ordre et rassembler les forces, leur demandant s'ilz feroient difficulté de le suyvre et luy obéir : à quoy ilz ont respondu qu'on ne doibt point doubler de leur service et fidélité, et qu'estans paiez ilz ne feront aucune difficulté de sortir, et qu'il ne falloit que de l'argent sans les faire assembler tant de fois. J'estime que l'on fera maintenant tout ce qu'il sera possible pour haster leur dit paiement, s'estans (ainsi que j'ay seu) accordez que pour le regard des testamens il en soit paie pour ceste heure vingt escuz pour chacun, le reste dedans trois mois, et eulx du tout.
Car les nouvelles sont certaines que le prince d'Orange s'avance, aiant outre le fort qu'il a fait faire à Lithen, où il a de présent bien six mil hommes assemblez, fait depuis peu de jours entreprendre ung autre fort à une petite lieue de Bréda, qui sera de grande conséquence pour tenir ce pays de delà en grande subjection et y faire la récolte, si promptement il n'y est pourveu et n'en est empesché : qui est cause qu'on envoie dedans deulx jours ledit Vitelly jusques à Bos-le-Duc, pour delà aller recongnoistre lesditz ennemyz, assembler toutes les forces, adviser de l'assiette du camp et le costé où l'on doibt premièrement marcher; mais, quelque haste que l'on donne au paiement de ces mutins, ilz ne peuvent partir
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d'icy de dix jours et moings, ledit Sr Commandeur qui n'atend autre chose pour se rendre à Bruxelles près des Estatz qui y sont demourez depuis ung mois, où nous verrons ce qu'il avancera tant avec eulx que avec le pardon qu'il y doibt faire publier; lequel eust fait beaucoup plus de fruict s'il feust venu plus tost qu'il ne fera, n'estant en prys ne estime à l'endroit de sa personne.
L'on congnoist maintenant assez clairement de combien a servy ceste levée de bouclier qu'est venu faire le comte Ludovicq avec le duc Christofle si tost et si inoppinément avec la réputation et les bruitz que l'on faisoit courrir des forces qui le debvoient suyvre, aiant le tout esté cause, ainsi que Vostre Maté a esté bien informée cy-devant, de faire retirer toutes les forces qui estoient en Hollande et d'habandonner les fortz qu'on y avoit faitz si avant en pays que plusieurs villes en estoient asubjeties, lesquelles sans ceste diversion eussent beaucoup enduré ou esté contraintes de se rendre dont l'on se repend assez. Mais le moindre mal est que leur routte et deffaite s'en est ensuyvie, n'estans aucunement comparuz comme ilz ne feront cy après selon le bruyt de leur mort continue. Celluy que j'avois envoie sur les lieux pour s'en informer dilligemment est retourné depuis madite dernière, lequel soit en la court du duc de Clèves, Wezel, chez le comte de Moers et autres lieux particuliers n'a seu en tirer plus de vérité que icy, pour ce que tous ceux là et esditz lieux on en cherche des nouvelles de tous costez, qui me fait juger et croyre qu'ilz sont perduz. Toutefois il y en a encores qui demourent oppiniastres que ledit comte est dans la maison d'un sien amy autour de Collongne, où il se fait penser de sa blessure, faisant quelques menées pour rassembler des hommes vers Carpen qui tient de leur party, en quoy il y a
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peu d'apparence, et est sans double que si le duc Christofle se retrouvoit, le comte Pallatin son père en sauroit des nouvelles et l'Allemaigne pareillement où on le recherche. Si j'en entens autre chose, je ne faudray d'en advertir Vostre Maté.
Il s'est tenu icy pour certain depuis quatre jours que quinze nouvelles enseignes d'Allemans qu'amenoit le comte Hanibal de Enns ont esté rompues et deffaites par quelques trouppes de protestans rassemblées devers Strasbourg 1, ce que Vostre Maté pourra mieux savoir d'ailleurs.
Au surplus, Sire, l'on a tenu pour véritable que l'armée de mer qui doibt venir d'Espaigne seroit bien tost par deçà, qui faisoit aussi armer ce que l'on pouvoit de vaisseaux en ces portz; mais j'ay seu que ce ne sera chose si tost preste, et qu'il y a en cela plus de réputation que d'effect, ainsi que nous en verrons le succez.
De Anvers, ce XXIme may 1574.
CLXXXIV. — Au Roy. — [26 mai, 1574.]
Le prince d'Orange et Chiappin Vitelli en Brabant. — États-Généraux. — Le duc de Brunswick est arrivé à Deventer. — Explosion à Bruxelles.
Sire. Il y a longtemps que ceste mutination d'Espaignolz lient toutes autres affaires de deçà suspendues, et Monsr le Commandeur du tout occuppé à ce négoce, ne pensant quasi à autre chose qu'à en sortir. Je croy que
1 Les trouppes allemandes amenées aux Pays-Bas par le comte Annibal d'Altoemps furent défaites par les protestants. METEREN, f° 102.
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dedans ceste sepmaine on commencera à les paier, afin qu'ilz puissent sortir hors de ceste ville sur les premiers jours du mois prochain. Car il coullera encores du temps auparavant que tous les articles qu'ilz querellent et demandent par leur capitulation soient composez et accordez, desquelz j'espère retirer coppie pour l'envoier à Vostre Maté ; laquelle verra ce pendant les remonstrances qui leur ont esté faites il y a dix ou douze jours, dont ilz n'ont tenu aucun compte ne de plusieurs autres qui leur ont esté faites depuis. Le marquis Vitelly est party il y a trois jours allant à Bos-le-duc et plus avant, pour les occasions que je vous ay dernièrement escriptes, duquel on n'a encores eu aucunes nouvelles ; et se comfirme pour vérité que le prince d'Orange s'est rendu bien fort en deux endroyz de ce quartier là afin de garder et conserver l'isle de Bommel et les passages de la rivière où il juge que l'on le doibt premièrement aller assaillir, aiant en tous les deux lieux plus de sept à huict mil hommes qui, ce pendant que lesditz Espaignolz altèrent icy pour leur paiement, font des courses et entreprises sur les Wallons qui sont de ce costé là, en aians depuis naguières doffaitz bon nombre et pris trois ou quatre enseignes. Je croy que ledit Vitelly les reserrera bien autrement, mesmes on fait toutes provisions d'artillerie et autres choses nécessaires pour y envoier, estant l'intention de ce conseil, ainsi que j'ay entendu, de donner premièrement à Gorcon, dont nous verrons ce qui adviendra cy-après.
Ledit Sr Commandeur est très ennuyé de se veoir icy arresté si longuement pour estre d'autre part pressé des affaires pour lesquelz il a fait assembler les Estatz à Bruxelles, qui luy atendent il y a tant de jours, et croy qu'il n'est pour y aller de huit ou dix, quoy qu'il propo-
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sast d'y faire la pentecoste, parce qu'il ne laissera cesté dite ville en l'estat qu'elle est ny ces soldatz dedans. Ce pendant ceulx des ditz Estatz ont beau loisir et moien de comunicquer les ungs avec les autres et de dresser amples mémoires de ce qu'ilz remonstrent et demandent, qui sont choses grandement avantageuses pour leur liberté et entretènement de leurs antiens privilèges et à l'expulsion des Espaignolz, avec menaces au cas qu'il n'y soit pourveu d'y remédier d'eulx mesmes ; dont estant audit Bruxelles j'espère estre plus particulièrement imformé et vous en advertir.
Les III mil reistres du duc Herick de Brunsvick sont arrivez à Deventer, fort bien à cheval, à ce qu'il m'est escript, et ledit duc en personne. Je ne say de quel costé ledit Sr Commandeur les vouldra emploier, parce qu'il ne se présente personne en campaigne pour ceste heure qui luy puisse faire teste.
Et se continue tousjours la mort du comte Ludovicq ; toutefois il y en a qui ne se peuvent garder de dire qu'il ressucitera, mesmes j'ay veu une lettre escripte de Collongne par ung docteur nommé Zondreman à ung autre d'icy, par laquelle il dit que ledit comte se porte bien et qu'il a beu et mangé avec luy. Si ainsi est, il pourra faire encores parler de luy ceste année ; qui est le peu qui s'est présenté depuis ma dernière du XXIme, fors que lundy dernier le feu se prit aux pouldres et munitions estans en magazin à Bruxelles, qui a ruyné ung grand pant des murailles de ladite ville et plus de deux cens cinquante ou trois cens maisons tant ruynées que bruslées, plusieurs hommes femmes et enffans mortz et blessez, ce que les plus scrupuleux interprètent à mauvais augure.
D'Anvers, ce XXVI may 1574.
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CLXXXV. — Au Roy. — [31 mai, 1574.]
Fin de la révolte des soldats à Anvers. — Les Gueux ont surpris la flotte dans la rivière d'Anvers. — Difficultés du Commandeur. — Nouvelle inexacte de succès remportés en Hollande par les Espagnols.
Sire. Après que ceste mutination d'Espaignolz a eu le long cours que Vostre Maté a entendu par toutes mes deppesches préceddentes, elle s'est en fin termynée hier, aians tous lesditz Espaignolz esté paiez durant ces trois derniers jours, et Monsr le Commandeur ouy la messe en la grand église, où il a juré et promis de leur garder et observer les cappitulalions à eux accordées, leur pardonnant ceste faulte, et n'en pouvans estre cy-après recherchez. Pour seureté de quoy y sont intervenuz le marquis Vitelly et Chincho Davilla, qui ont aussi juré: somme qu'ilz ont eu tout ce qu'ilz ont demandé et querellé. Maintenant ilz commencent à se réduyre, et se doibvent tous renger soubz leurs enseignes ou telles autres que bon leur semblera, lesquelles estans en nombre de quarante-neuf se pourront réduyre à beaucoup moings, parce que plusieurs desditz soldatz se mectent arquebuziers à cheval ou chevaulx légiers, et n'estans que III mil ou peu plus en tout, lesdites compaignies seroient trop foibles.
Le mesme jour d'hier et sur le point de ceste alégresse d'accord, il intervynt ung estrange cas et inconvénient pour commencer à les mectre en besongne, qui est que les Gueux avec environ quarante batteaux armez vynrent avec la faveur du vent et de la marée surprendre l'armée de mer de ceste ville composée de XXIIII
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grandz batteaux, qui estoit en garde à deulx lieues d'icy, les chargèrent si inoppinément que la résistance ne fust pas grande, en aians pris dix-sept des plus grandz et principaux, le reste s'estant sauvé à la fuitte, lesquelz feurent poursuyviz par lesditz Gueux jusques devant ceste ville, où on leur tira plusieurs coups de canon comme ilz feyrent de leur part. Puys après se retirèrent ung peu plus loing où l'on les alla escarmoucher s'estans mys à l'ancre, estans le soer retournez avec la marée ; mais voians qu'il n'y avoit plus riens à gaigner pour eulx, ilz s'en sont retournez ce malin aians mys le feu à trois des plus vieux desditz batteaux. Ceste perte est fort grande et notable pour ce que ceste ville demoure maintenant du tout désarmée, outre la perte des mariniers et soldatz qui estoient dessus avec bien quatrevingtz (IIIIxx) pièces de bronse ; et pourra ceste armée de mer d'Espaigne qui vient estre fort mal secondée de deçà 1. Ledit Sr Commandeur en est extrêmement ennuyé, estant ce malheur advenu en sa présence, et se trouvant si bien accompaigné qu'il estoit. Aucuns soubsonnent et principallement lesditz Espaignolz qu'il y ait eu de la traïson et intelligence. Ce cas si subit et inoppiné fait doubler si lesditz Espaignolz deslogeront de ceste ville mercredy ou jeudy, selon qu'on disoit ; pour le moings il est certain qu'il y en demourera ung terce, selon l'advis qui en avoit esté pris auparavant pour les occasions que Vostre Maté entendra cy-après.
1 Au moment de la pacification des troupes révoltées dans Anvers, on avait éloigné un peu la flotte pour empêcher une entente avec les soldats mutinés; les Gueux la surprirent le 30 mai dans la rivière d'Anvers. On soupçonna de trahison le vice-amiral Adolphe de Haemstède qui réussit à se justifier. Comm. de Mendoça, II, 237-238.
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Et quant audit Sr Commandeur, j'estime qu'il n'en bougera, sans aller à Bruxelles, y faisant venir les Estatz, qui l'ont tant atendu si ilz n'en font dificulté comme l'on a oppinion qu'ilz feront ; mesmes y pourra faire publier ce pardon qui a esté surcy jusques à présent. Mais il semble que ceste mutination icy estant appaisée il y en ait beaucoup d'autres en termes de se présenter et advenir. Car d'un costé j'entendz que les Wallons veullent estre paiez et suyvre ce chemin, au cas qu'ilz ne le soient. D'autre part estant le duc de Brunsvick arrivé en ce pays avec ses III mil chevaulx, il commence desjà à quereller quelques sommes de deniers qui luy sont deues du passé, et sur ce fait de belles menaces soit d'y faire ung ravage et gast, soit de prendre le party contraire ou autres telles choses, mauvaises. A quoy ledit Sr Commandeur est bien empesché de remédier, et encores plus à ce que lesditz Estatz le menacent que le pays n'est plus délibéré d'endurer tant de gast, insolences et mauvaises façons de procedder de ses Espaignolz ; se résolvans, au cas que le Roy d'Espaigne n'y donne bien tost l'ordre nécessaire, de se bander contre eulx pour les chasser hors du pays, rappelans tous les chefz et seigneurs d'icelluy et toutes les forces de gensdarmerie et Wallons qui sont au camp et autres endroyz pour s'en deffaire, voullans remectre toutes les provinces de deçà en leurs antiens privilèges et en la liberté en laquelle leur Roy les a prises et acceptées; auquel, comme ilz disent, ilz désirent demourer très humbles et très affectionnez subjetz, ainsi que leurs depportemens et fidélité le tesmoigneront. Je laisseray juger à Vostre Maté à quoy peuvent tendre toutes telles choses, et s'ilz ne veullent pas comme d'eulx-mesmes entreprendre de faire la paix. Nous verrons le succez de tout, duquel je ne faudray de vous advertir.
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Quant au prince d'Orange, j'entendz que du costé de Hollande il a aussi mal fait ses affaires, et que ses gens ont aussi laissé reprendre et gaigner sur eulx Lahaye et quasi tous les autres fortz qui entroient si avant dedans ledit pays qui sera cause de les tenir en bryde et subjection, et, pour les faire altérer et entrer en quelque révolte contre luy, comme desjà quelques ungs enparlent. Et quant au comte Ludovicq, l'incertitude est toujours telle que je l'ay par cy devant escripte, encores qu'il y en ait qui asseurent l'avoir veu bien disposé aux environs de Collongne, dont le temps nous esclarcira.
De Anvers, ce dernier jour de may 1574.
CLXXXVI. — A la Royne, mère du Roy, Régente. — [1er juin, 1574.]
Mondoucet a appris la mort du roi Charles IX par Requesens.
Madame. Aiant hier fait une très ample deppesche à Voz Matez sur toutes les occurences de ce gouvernement et de la guerre qui y est, je ne m'estandray à vous en discourir par ceste lettre n'y estant survenu aucune chose depuis, aussi que le présent porteur mon homme vous en saura rendre très bon et fidelle compte; lequel je n'ay voullu faillir de vous deppescher tout incontinent sur l'advis que j'ay eu de la part de Monsr le Grand Commandeur de l'extrême malheur et disgrâce advenu à la France par la mort du Roy ainsi qu'il me l'a fait veoir par lettres qui luy ont esté escriptes par l'ambassadeur d'Espaigne résident par delà, delaquelle, comme Vostre Maté peult juger et croyre, je demoure si extrêmement ennuyé et fasché et avec tant de perplexité que je ne say que faire,
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sinon supplier à Dieu de voulloir consoler Vostre Mté et luy administrer les remèdes convenables pour ung si malheureux accident principallement en ceste saison. Ledit Sr Commandeur m'a bien fort prié de faire entendre à Vostre Maté l'extrême depplaisir et regret qu'il en reçoyt, comme il sait très bien que fera le Roy Catholicque son maistre, aiant perdu ung roy qui lui estoit si bon frère et qui a fait tant de soys paroistre par diverses démonstrations de sa bonne et chrestienne volunté envers luy, que à ceste cause il ne peult moings faire que de vous offrir tout le secours et aide qui est par deçà en sa puissance, soit de ses forces ou autres choses qu'il pourra, ainsi que plus particulièrement je l'ay déclairé et exprimé à cedit porteur pour le vous dire, sur lequel je me remectray sans vous faire la présente plus longue, suppliant très-humblement Vostre Maté le voulloir croire de ce qu'il vous dira de ma part. De Anvers, ce premier jour de juing 1574.
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CLXXXVII. — Mémoire adressé à la Royne. — [3 juin, 1574.]
Bruit de révolte dans Paris où l'on a voulu tuer les prisonniers de la Bastille. — Les Espagnols révoltés sont sortis d'Anvers et vont à Bois-le-Duc. — Tentative inutile de Vitelli sur Bommel et Gorcum. — Les Gueux ont menacé Amsterdam, et font de grands préparatifs pour arrêter la flotte qui vient d'Espagne. — Les ÉtatsGénéraux n'ont pas voulu quitter Bruxelles; leur esprit d'opposition. — Les Princes d'Allemagne sont disposés à soutenir les révoltés.
Mémoyre des particularitéz survenues et succeddées ès affaires des Pays bas depuis la dernière deppesche faite par le ST de Mondoucet du XXIXme may et premier de ce mois qu'il feyt monter à cheval Blatier, l'un de ses gens, pour les faire entendre à bouche à leurs Matez.
PREMIÈREMENT, sondit homme aura déclairé les nouvelles qui couraient icy de la mort du Roy, l'extrême peine en laquelle ledit de Mondoucet se retrouvoit à ceste occasion, et aura aussi fait entendre les derniers discours qui s'en faisoient et le grand desplaisir qu'en recepvoit Monsr le Commandeur pour la crainte qu'il a de veoir à ceste cause advenir une mutation en ses affaires.
Depuis il s'est publié que les parisiens estoient entrez en une très grande altération et tumulte sur cest évènement et jusques à avoir entrepris de forcer la Bastille pour y tuer les prisonniers 1, dont et de toutes autres choses ledit
1 Étaient prisonniers à la Rastille les maréchaux de Montmorency et Cossé, arrêtés quelques semaines auparavant comme complices du duc d'Alençon; mais nous n'avons trouvé nulle part la confirmation de ce bruit d'attaque contre la Bastille.
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de Mondoucet atend nouvelles et commandement pour se conduyre cy après.
Quant ausditz affaires de deçà les Espaignolz mutinez aians esté paiez du tout, ainsi que ledit Blatier aura rapporté, sont en fin sortiz hier d'Anvers pour commencer à s'acheminer du costé de Bos-le-duc où ilz ne pourront arriver de cinq ou six jours, séjournans près de ladite ville, atendans que ceulx qui n'ont encores donné ordre à leurs affaires, et qui ne sont équippez puissent estre pretz.
Que le marquis de Vitelly estant par cydevant sorty pour l'exécution de quelque entreprise sur Bonmel ou Gorcon n'y a seu rien exécuter, tant par ce que les intelligences qu'il avoit audit Bonmel ont esté descouvertes que pour ce qu'il a senty et congneu que le prince d'Orange y estoit trop gaillard de forces et pourveu de fortiffications et choses nécessaires, qui l'a fait retirer audit Bos-le-duc en atendant que lesditz Espaignolz et autres gens de guerre l'ait joinct pour faire autre exploit 1.
Qu'il ne se trouve estre véritable ce que ledit de Mondoucet disoit par sa deppesche du dernier du passé avoir entendu que les Gueulx avoient laissé reprendre Lahaye et autres fortz d'importance habandonnez dernièrement par les Espaignolz en Hollande, mais qu'au constraire estans de conséquence pour la garde et conservation dudit pays, ilz les tiennent soigneusement.
Qu'il est venu nouvelles que le jour de pentecoste dernier lesditz Gueulx exécutèrent pareille entreprise du costé d'Anstredam qu'ilz avoient faite en ceste ville, aians assailli avec leurs forces de ce costé là les vaisseaux qui
1 « Bonmel l'amuserat quasi aultant que Montz », écrit Morillon. Corr. de Granvelle, IV, 516.
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y estoient en garde, desquelz ilz en enmenèrent cinq et bruslèrent trois. Ainsi il n'y a plus en nul part de deçà nul navyre ou autre force de mer qui les puisse tenir en cervelle.
Que, selon ce qui a esté rapporté et donné pour certain audit de Mondoucet, lesditz Gueulx préparent jusques à soixante ou plus de leurs meilleurs navyres pour s'en aller au devant de l'armée de mer que l'on dit venir d'Espaigne pour le secours de ces pays 1, afin de la rencontrer et combattre auparavant qu'elle s'approche, ou bien faire descente prompte et inoppinée en quelque port d'Espaigne qui sont la pluspart ouvertz, et y faire ung gast et ravage pour après se retirer, ou en tout évènement servir pour retarder ladite armée et la faire consommer par delà.
Que ledit Sr Grand Commandeur pensoit faire venir icy les Estatz généraulx qui sont à Bruxelles selon ce qu'il leur avoit mandé afin de résoudre ce qu'il a affaire avec eulx, dont ilz l'ont refuzé tout à plat ne se voullans partir de Bruxelles ne entrer en ville où y ait garnison, craignans d'estre forcez de leurs charges, de sorte que ledit Sr Commandeur s'en va les y trouver samedy prochain; mais il demoure encores en une dificulté pour ceste ville, le Sr de Champaigney 2 n'y voullant revenir gouverneur et ne sait qui y laisser.
1 La flotte de Pedro Melendez.
2 Le Grand Commandeur n'aimait pas Champagney; il lui reprochait de détester les Espagnols, et désirait lui faire accorder un congé pour l'éloigner des Pays-Bas : Correspondance de Philippe II, II, 411, 415. Champagney le désirait aussi, et demanda formellement son rappel dans une lettre au roi, du 20 aoùt, où il blâme énergiquement la direction donnée au gouvernement des Pays-Bas, id., 138. Champagney resta cependant à Anvers. En 1576, de Thou lui rendit visite et en obtint l'autorisation
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Que, suivant ce qui a esté dernièrement escript par ledit de Mondoucet les gens desditz Estatz sont bien délibérez de parler hault et faire toutes belles remonstrances pour leurs libertez et privilèges, mesmes qu'ilz ne veullent plus d'Espaignolz en ce pays et qu'ilz veullent avoir ung prince du sang pour leur gouverneur : ce qu'ilz ont résolu de dire audit Commandeur mesmes, en quoy l'on prévoyt debvoir bien tost avenir quelque grand remuement et changement ès affaires de cedit pays de la part desditz Estatz. Et a esté veu lettres d'aucuns principaux qui dient que l'apostume est bien meure et preste à percer. II s'en verra les évènemens desquelz icelluy de Mondoucet donnera advis.
Que ledit de Mondoucet a esté puis naguières adverty que bien tost il apparoistra quelque apperte déclaration de la plus grande part des princes d'Allemaigne contre le Roy catholicque, et ce en la faveur du prince d'Orange, et plus pour le regard de la conservation et liberté des privilèges de ce pays, ne voullans avoir telle espine au pyed que les Espaignolz pour voisins 1. Sur quoy l'on juge que Sa Maté Catholicque se hastera de prendre party avec ledit prince pour s'asseurer desdits pays, considérant l'aliénation de la volunté des peuples d'icelluy et l'estat des affaires de France.
De Anvers, ce IIIe juin 1574 ; avec lettres à Monsr de
de visiter Anvers : Mém. de J.-A. de Thou, Michaud, 1er série, tome XI, page 287.
1 En effet, les princes du cercle de Westphalie tinrent une diète au commencement du mois d'août, dans laquelle ils s'occupèrent beaucoup des affaires des Pays-Bas; tous ces princes s'entendirent pour exprimer le désir de les voir s'accommoder; l'évêque de Liège l'écrivit à Requesens, et lui demanda ce que le roi pourrait proposer aux rebelles. Corr. de Phil. II, III, 162.
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Sauve 1 secrétaire d'Estat auquel le mémoire cy dessus a esté envoie afin de le communiquer à la Royne, à laquelle il n'a esté escript pour ceste fois à cause de la mort fraischement advenue au Roy... dudit jour.
CLXXXVIII. — A la Royne régente. — [7 juin, 1574.]
La mort du roi; bonnes dispositions de Requesens. — Publication du pardon général (6 juin). — Négociations avec les États qui font remontrances et veulent députer au roi. — Bruit d'une grande victoire des Gueux. — Opérations en Brabant; révolte de régiments allemands. — Inaction du prince d'Orange.
Madame. Vous aurez entendu par mon homme que je deppeschay le premier de ce mois devers Vostre Maté l'advis que Monsr le Commandeur m'avoit donné dès le jour préceddent de la mort du feu Roy; l'ennuy et depplaisir qu'il en recepvoit et les occasions avec les offres de secours, ayde et amitié que sur ce il me présenta au nom du Roy Catholicque, qui me gardera d'enreprendre autre chose par la présente, ne l'aiant visité depuis, atendant tousjours nouvelles de Vostre Maté sur ce fait, que j'ay présentement reçeues dudit premier de ce mois, sur lesquelles, après m'estre mys comme il convient à telle perle et deuil, je ne faudray de l'aller veoir et luy faire entendre ce qu'il vous plaist m'escripre touchant le bon ordre que vous avez mis au maniement, et administration des affaires du royaume en l'absence du Roy et atendant
1 Simon de Fizes, baron de Sauve, épousa une petite-fille du baron de Semblançay, Charlotte de Beaune; elle était d'une grande beauté et fut l'objet d'une violente passion pour le duc d'Alençon et le roi de Navarre qui se disputèrent ses saveurs. Voir Mém. de Marg. de Valois, p. 41.
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sa venue, la bonne volunté que vous avez de réunyr et remectre tous les subjetz d'icelluy en bonne paix et debvoir de plaine obéissance, et le désir que vous avez de faire continuer de bien en mieux amitié et fraternelle corespondance qu'avoit le feu Roy avec Sa Maté Catholicque. Sur quoy je ne faudray de vous adviser des propos qu'il me tiendra et de ce que je congnoistray de ses voluntez et affections, lesquelles j'ay congneues et jugées jusques icy estre de pareille unyon.
Madame, depuis le partement de mondit homme je vous ay faite une autre deppesche du IIIe de ce mois, vous aiant envoie ung mémoire assez ample de ce qui estoit succeddé ès affaires de deçà et de ce que par jugement et discours d'iceux je y pouvois préveoir; ce que j'estime Vostre Maté aura bien considéré. Depuis Monsr le Grand Commandeur est venu samedy dernier en ceste ville [Bruxelles] où il a esté atendu par les Estatz généraux depuis six sepmaines ; et hier, voullant commencer à se résoudre avecques eulx, il fut oyr le service en l'église principalle, assisté desditz Estatz où il fut publié ung pardon du pape. Puis l'après dinée en la place de ceste dite ville et en la présence d'iceux Estatz et de tout le peuple le pardon de Sa Maté Catholicque fut leu et publié, duquel j'espère vous envoier ce qui en sera imprimé avec ma première1. Ce pendant je vous di1
di1 cérémonie eut lieu le 6 juin, fête de la Trinité. Il y eut d'abord un office solennel dans I'église de Sainte-Gudule, sous la présidence de l'archevêque de Cambrai, Louis de Berlaymont, légat apostolique; l'évêque d'Arras, François Richardot, fit un sermon, puis on lut le bref du pape Grégoire XIII contenant le pardon du Saint Père et pouvoir d'absoudre des cas d'hérésie en temps que les crimes et fautes regardaient le spirituel. L'aprèsdinée, le grand Commandeur fit faire la lecture du pardon général sur une place publique; l'acte était rédigé en deux langues,
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ray que, encores qu'en apparence il monstre estre assez général, néanmoins il y a beaucoup de restrictions que savent bien diserner et esplucher ceulx de ce pays. Les princes d'Orange, comte de Vemdembergue, Culembourg, Lumey et Descardes 1 en sont forcloz avec une qualité d'autres qui seront déclairez par les conseilz des provinces ; et puis il ne remect personne en ses biens, sinon ceulx qui ont continué la religion catholicque, dont ilz apporteront bonnes et suffizantes attestations. Il y a plusieurs autres pointz qui seroient trop longs à escripre et qui pourroient ennuier Vostre Maté maintenant qu'elle est occuppée de tant d'affaires, desquelz je me tairay à ceste occasion; mais je crains qu'il ne face pas grand fruict selon l'oppinion de plusieurs.
Ce matin ceulx desd itz Estatz ont estez appelez, ausquelz la proposition a esté faite de la part dudit Commandeur qui est en somme d'ayder et secourir le Roy pour la conservation de ces pays d'un autre centième, qu'il prétend avoir esté par eux cy-devant promis au cas qu'il survynt une autre guerre intestine comme est celle de présent, et outre ce de satisfaire aux deulx millions de florins par chacun an qu'ilz ont cy-devant offertz pour et au lieu du dixième et XXme qu'on voulloit lever sur eulx durant six années, et d'en paier promptement les arriéraiges pour tous. Sur quoy lesditz Estatz ont prins charge de le faire enfrançais et flamand, et daté de Madrid, 8 mars 1574. Le texte du pardon et celui de la bulle sont dans GACHARD, Corr. de Philippe II, III, 486 et 495. Cf. Renon DE FRANCE, I, 513-524.
1 Le comte de Berg, beau-frère du prince d'Orange ; cf. tome Ier, page 42. Florent de Pallant, comte de Culembourg. Eustache de Fiennes, seigneur d'Esquerdes, frère de Guillaume de Fiennes, seigneur de Lumbres ; il avait été banni en 1568 par le conseil des Troubles. La liste complète des personnages exceptés du pardon est donnée dans la Corr. de Philippe II, III, 499-505.
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tendre au général de leurs provinces, aians remercié ledit Sr Commandeur de la peine qu'il prenoyt au maniement et gouvernement, luy aiant après baillé des remonstrances par escript de ce qu'ilz ont pensé et advisé entre eulx estre nécessaire pour le soulagement de toutes les villes et subjetz, et pour les entretenir en leurs antiens privilèges et libertez, le priant outre cela d'eslire quelque personnaige de deçà bien qualifié par lequel (avec l'un des siens) il les puisse envoier à sadite Maté Catholicque.
Maintenant je croy qu'après avoir traité particulièrement avec les ungs et les autres afin de les gaigner, il leur donnera congé pour aller ad viser de leurs responces ; et luy d'autre part sera pour s'en retourner en Anvers continuer l'ordre de sesditz affaires ; lesquelz pour le regard de la mer vont tousjours empirant. Car, outre ce que vous avez entendu de ces deux désastres et inconvéniens advenuz tant en Anvers que du costé d'Anstredam, il est certain qu'aux portz de Flandres comme Lescluse, Nieuport, Dunkerque et autres, les Gueux y ont fait prinses de plusieurs petiz vaisseaux avec grand nombre de mariniers que l'on aprestoit pour avec la première commodité les envoier en Espaigne sur l'armée qui doibt venir par deçà, tellement que ce a esté ung mal qu'ilz ont fait courir en ung mesme temps; et puis l'on sème à ceste heure le bruyt que les vaisseaux que lesditz Gueux avoient aprestez pour aller rencontrer ladite armée d'Espaigne l'avoient combattu et emporté la victoire, les ungs parlans de huict vaisseaux prins et autres de bien plus grand nombre tant prins que perduz; à quoy je n'adjouste encores aucune foy pour le peu d'apparence qu'il y a d'un si prompt et heureux succez,
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n'y aiant longtemps qu'ilz sont partyz, et me remectray pour vous en asseurer 1.
Quant à la terre le marquis Vitelly est encores à Baule-duc, atendant d'estre renforcé pour après faire l'entreprise de Bonmel ou Gorcon, pour la faveur desquelles il est quelques nouvelles que ledit Sr Commandeur s'en approchera, ou bien qu'il sera pour tirer du costé de Bruges et en Flandres afin d'asseurer le pays qui s'esbranle tous les jours davantaige, dont je ne faudray de vous advertir.
J'entends que depuis que ceste mutination d'Espaignolz est cessée; celle des trois régimens d'allemans de Fronspierre, Paulvillier et comte de Henmerstain 2 a commencé, laquelle, encores qu'il leur soit deu davantaige, sera, comme j'estime, plus aisée à accorder, aussi qu'ilz ne sont tous ensemble mais séparez par les garnisons. En cela je ne veoy qui les puisse faire durer que la faulte et nécessité de deniers où se retrouve ledit Sr Commandeur.
Le prince d'Orange ne se remue point d'autre façon que ce que Vostre Maté aura entendu par mes préceddentes, se réduisant à la conservation de ses places et pays de conqueste; mais quoy qu'il face, je croy qu'estant
1 Les Espagnols avaient fait arrêter environ trente vaisseaux de Hollande sur les côtes du Portugal et de la Galice, en février 1574; cf. une lettre de Saint-Gouard au roi, du 21 février 1574, publiée par GACHARD, Biblioth. nationale, II, 441. Ils les avaient amenés à Santander et voulaient forcer les équipages à piloter la flotte de Melendez ; les matelots bootzgesellen se révoltèrent pendant que les patrons étaient retenus à Laredo ; ils emmenèrent trois commissaires espagnols qui étaient à leur bord et les jetèrent à la mer, puis ils revinrent à La Brille. Voilà le fait dont parle Mondoucet; cf. Corr. de Granvelle, v, 149. 155. 2 Le comte Otton d'Eberstein.
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trop foible pour en garder tant, il sera aisé de reprendre les fortz qu'on avoit habandonnez au plat pays de Hollande et en presser les villes; puisque d'autre costé il n'est plus de nouvelle que le comte Ludovicq se relève, ne autres forces en leur faveur, sinon que l'on m'a dit de quelque déclaration qu'aucuns princes d'Allemaigne veullent faire en leur cause, dont je vous ay naguières escript 1.
De Bruxelles, ce VII juing 1574.
CLXXXIX. — A la Royne régente. — [11 juin, 1574.]
Entrevue avec le Commandeur qui a de bonnes dispositions pour la France. — Le pardon ne produit aucun résultai, surtout auprès des particuliers. — Les remontrances des États-Généraux. — Nouvelles de Hollande, de Brabant. — Succès des Gueux. — Condé est à Heidelberg, formant une ligue contre la France.
Madame. Depuis vous avoir assez amplement escript du VIIe de ce mois toutes sortes d'occurances des affaires de deçà, j'ay esté veoir Monsr le Grand Commandeur pour luy faire entendre de la part de Vostre Maté, ce qu'il vous a pleu me commander par vostre lettre du premier de cedit mois; lequel, selon ce que j'ay peu juger par ses démonstrations, a esté très aise que les affaires de France feussent, après ung si malheureux et dommaigeable accident, réduites à si bons termes soubz la totalle puissance et commandement de Vostre Maté s'asseurant qu'elles ne peuvent qu'en ce faisant aller qu'en amendant en atendant la venue du Roy. Outre que, selon qu'il se promect et asseure très bien Vostre Maté,
1 Voir plus haut le mémoire du 3 juin 1574.
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aiant par cy-devant travaillé à conserver la paix et amitié fraternelle qui est entre ces deux courronnes, vous y continuerez cy après comme en ung point duquel le bien et repos unyversel de la chreptienté deppend. En quoy je l'ay comfirmé et asseuré de vostre part, et que comme mère comune des deux roys vous ne laisserez riens altérer au préjudice d'icelle paix dont il vous remercie très humblement, vous suppliant de croyre qu'il n'espargnera riens qui soit par deçà en sa puissance pour vous faire congnoistre combien le Roy Catholique son maistre a ceste amitié chère, ainsi qu'il espère vous faire plus particulièrement déclairer par ung gentilhomme qu'il m'a dit voulloir bien tost deppescher pour vous aller baiser les mains de sa part 1.
Quant ausditz affaires de deçà Vostre Maté aura entendu par mes préceddentes le fil d'icelles, assavoir la publication faite de ce pardon, la proposition faite aux Estatz et ce qui estoit succeddé aux affaires de la guerre. Depuis il n'est apparu aucun fruict dudit pardon, personne ne si voullant fier ny retourner soubz icelluy, y aiant des clauses qu'ilz ne peuvent expliquer, sinon pour leur surprise. J'entendz que ledit Sr Commandeur, en voiant procedder si peu d'effect, se repend de l'avoir mis en avant, aiant esté deffendu de l'imprimer et vendre 2. Toutefois j'estime qu'il a esté plus fait pour induyre
1 Requesens envoya à Catherine de Médicis Charles de Gavre, chevalier, seigneur de Frézin. Son instruction est du 12 juin : il devait présenter des condoléances au sujet de la mort de Charles IX, et offrir à Catherine un secours de 8,000 reîtres et de 14,000 piétons. Il emportait des lettres pour la Reine mère, la Reine douairière, le duc d'Alençon et le cardinal de Lorraine. Celle adressée à Catherine est citée en note par GACHARD, Corr. de Phil. II, III, 105.
2 Requesens l'avoue dans une lettre du 15 juin; il reconnaît que
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lès villes révoltées à rentrer en obéissance que pour occasion des particuliers, ce qui a jusques icy aussi peu servy à l'un qu'à l'autre ; et dit on que le prince d'Orange en a de sa part fait publier ung soubz le nom du Roy Catholique pour faire retourner tous ceulx qui se seroient retirez de leurs maisons et des pays qu'il tient.
Pour le regard des Estatz, il ne s'est encores riens conclud ne arresté avecques eulx, insistans tousjours à ce que, suivant les remonstrances qu'ilz ont données par escript, il soit mis ordre à toutes choses y contenues, qui est entre autres pointz de les remectre en leurs privilèges, mectre tous soldatz estrangiers hors du pays pour les insolences qu'ilz y font dont ilz ne sont point chastiez, et se servir des naturelz subjetz, de voulloir traiter accord avec les Estatz de Hollande et Zélande et les seigneurs qui y sont, estans ces deux provinces les mères nourices de ce pays, et leur force si grande que continuant la guerre se seroit la totalle ruyne d'icelluy ; outre qu'il plaise à Sa Maté de venir par deçà en personne, sinon d'y voulloir establir ung bon conseil des principaux desditz pays, y mectant ung gouverneur de son sang, et d'abolir et oster le conseil des troubles comme autheur de tant de maux. Je ne say ce que ledit Sr Commandeur se résoudra de faire là dessus ; mais il les traite le mieux et plus doulcement qu'il peult, leur aiant desjà déclairé l'abolition dudit conseil des troubles 1, et qu'en satisfaisant à sa demande et proposition,
personne n'est venu profiter du pardon; les villes elles-mêmes étaient inquiètes : Corresp. de Phil. II, III, 101.
1 Le conseil des Troubles fut supprimé par lettres données à Bruxelles sous le nom de Philippe II, le 2 mai 1576; des lettres patentes de même date supprimèrent le 1/10e et le 1/20e denier. GACHARD, Études et Notices historiques, I, 171.
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de laquelle je vous ay cy-devant advertie, il ne sera' jamais parlé du dixième, XXme et autres nouveaux subcides mis en avant. Voilà, Madame, ce que je vous puis dire touchant ces deux pointz.
Et. quant à celluy de la guerre, il ne si est avancé aucune chose depuis, y défaillant le principal nerf qui est l'argent. Seullement j'entendz que du costé de Hollande ceulx de deçà y voullans entreprendre la reprinse des fortz habandonnez tant en Watreland que de l'autre costé de Lahaye, en auroient esté repoulsez avecq quelque perte. Le marquis Vitely est aussi encores à Bos le duc, atendant les Espaignolz et les autres forces que l'on fait acheminer de ce costé là, du nombre desquelles sont quinze enseignes de Suisses qui estoient arrivées au pays de Luxembourg il y a deux jours, et autres quinze enseignes d'Allemans du comte Hannibal, pour le tout joint ataquer quelque place. Je ne faudray d'advertir Vostre Maté de ce qui y succeddera, mais je ne say que ledit Sr Commandeur veult faire de sept mil reistres qu'il a tout prestz et en pays, veu qu'il n'a aucun ennemy en campaigne contre lequel il ait besoing de telles forces, au moings de cavallerie, n'aiant à combattre que les forces du prince d'Orange qui gardent sa frontière et ses fortz.
Et pour le regard de la mer les Gueulx y font et exécutent tout ce qu'ilz veullent en estans maistres absoluz, et sont depuis deulx jours retournez jusques près d'Anvers où ilz ont pris quatre petiz vaisseaux de ceulx qui s'estoient sauvez à la dernière exécution qu'ilz y feyrent. Davantage le bruyt continua que leurs armée qu'ilz avoient deppeschée du costé d'Espaigne y a fait quelque exploit, mesmes qu'aiant mys gens en terre ilz avoient ataché le feu et fait de grandes pilleries et ravages en
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plusieurs villaiges dont je ne puis autrement asseurer Vostre Maté 1.
Au reste, Madame, je ne veulx faillir de vous dire que j'ay veu lettres de Allemaigne par lesquelles on escript que le prince de Condé estoit à Eldeberg [Heidelberg] où se trouvoit le Cazimir, et que estans ensemble avec le comte palatin ilz auroient envoie convyer les marquis de Brandebourg et duc de Virtemberg d'entrer en ligue et association avecques eulx pour mener des forces contre la France, dont lesditz marquis et duc les avoient refuzez, s'excusans ne se voulloir mesler des affaires des princes, aians assez des leurs; néanmoins que lesditz Palatin, Cazimir et prince ne laissoient de faire levées de cinq mil reistres et d'en avoir jusques à dix mil s'ilz pouvoient, dont Vostre Maté pourra estre plus particulièrement et véritablement imformée d'ailleurs.
De Bruxelles, ce XIme jour de juing 1574.
CXC. — A la Royne régente. — [15 juin, 1574.]
Requesens envoie le sr de Frézin en France pour présenter ses condoléances. — Négociations avec les États-Généraux. — Le pardon. — L'accord avec le Prince négocié en Hollande par Champagney pour faire plaisir aux États. — Succès de Vitelli sur la Meuse. — Nouvelles militaires de Hollande.— Courses des Gueux.— Forces du Commandeur; cavalerie mutile.
Madame. Vous aurez entendu par ma dernière de l'unziesme de ce mois les propoz que j'ay euz avec Monsr le Grand Commandeur selon la deppesche qu'il vous a
1 Morillon dit également que les Gueux et les Rochelois sont venus mettre le feu à quelques vaisseaux espagnols à Laredo, Corr. de Granvelle, v, 155.
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pleu me faire du premier, et la volunté en laquelle il estoit de deppescher ung gentilhomme devers Vostre Maté pour en son nom s'aller condouloir de la mort du feu Roy et par mesme moien vous présenter et faire toutes offres d'amitié et bonne voisinance, telles que luy mesmes me les a icy faites à bouche. II a depuis hier fait partir le Sr de Fézin pour cest effect 1.
Ledit Sr Commandeur est tousjours après à négocier avec les Estatz pour en tirer le secours et ayde d'argent qu'il leur a proposé ; à quoy ceulx du clergé se laisseront plus faciliement entendre que nulz des autres, lesquelz remonstrent toutes les particularitez que je vous ay fait entendre par madite dernière, ausquelles ou à la plus grande part d'icelles ilz désireraient bien qu'il fust pourveu devant que de riens accorder. Toutefois ilz ont envoie chacun devers leurs provinces faire entendre ladite proposition et en rapporter leur volunté, que ledit Sr Commandeur atendra icy comme je croy pour après retourner en Anvers.
Il fait aussi publier par chacune des villes le pardon ainsi qu'il a esté fait en ceste cy, duquel je vous envoie coppie, et dont peu atendent aucun fruict pour les raisons que Vostre Maté y pourra veoir.
Sur cela, Madame, je ne veux faillir de vous dire qu'il y a deux jours que ledit Sr Commandeur a fait partir le Sr de Champaigney pour s'en aller en Hollande, et, selon ce que j'ay entendu, y continuer et reprendre les erres d'accord et appoinctement avec le prince d'Orange, qu'il traitoit par cy devant, ainsi que j'ay adverty Voz Matez par plusieurs de mes deppesches dès le mois de mars et apvril passez ; mesmes j'entendz qu'il avoit passeport
1 Voir plus haut, tome II, page 226.
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dudit prince, qui fait juger que ce négoce se va acheminant davantage 1 : ce qui peult plus procedder de la remonstrance et solicitation desditz Estatz qui ont encores notament cotté ce point par leurs mémoires que d'aucune autre occasion ; et puis d'autre part ilz jugent que moiennant ce pardon, qui pourra esbranler beaucoup de villes et de personnes particuliers à rentrer au debvoir d'obéissance, ledit prince sera pour plus aisément se condescendre à tout bon et honneste party. Il est bien vray que telle démonstration se pourroit faire seullement pour contenter lesditz Estatz et leur faire congnoistre que l'on se mect en tout debvoir ; mais estans ces fers au feu il y a desjà assez longtemps, il est à croyre que cela vient de plus loing. Je ne faudray d'y avoir tousjours soigneusement l'oeil pour vous advertir de ce qui y succeddera. Mais cependant, je remectray devant les yeux de Voslre Maté l'importance de cest affaire pour en juger et y pourveoir ainsi qu'elle congnoistra estre le plus expédient.
Quant au fait de la guerre nous avons nouvelles que le marquis Vitely va chacun jour reserrant ses ennemys le plus qu'il peult, aiant puis naguières prys ung gros bourg assis du costé de deçà sur la rivière de Meuze
1 Dans une lettre au roi du 12 juin, Requesens annonce qu'il négocie depuis plus de 6 mois par le moyen de Champagney et de ses amis pour la réconciliation de quelques villes de Hollande; il vient d'envoj'er Ch. à Utrecht avec la mission ostensible de garantir à toutes les villes qui se réduiraient le pardon général, et de traiter avec ceux qui sont exclus à la condition qu'ils voulussent faire au roi un service signalé. II l'a chargé de négocier aussi avec Orange, sur celte base qu'on rendrait ses biens à son fils. Une négociation semblable était déjà engagée par l'intermédiaire de E. Leoninus et de Berlaymont à Liège. Corr. de Phil. II, III, 98.
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nommé Worcon 1 qui regarde de l'autre costé la ville de Gorcon, où il a esté défait quelque nombre de Gueux qui n'ont eu loisir de se retirer assez à temps en ladite ville ; et est après à regarder les moiens de pouvoir faire bastir ung pont sur ladite rivière pour, à la faveur d'icelluy et de quelques autres forces qu'a par delà le Sr D'hierge, ataquer ledit Gorcon dont avecq ceste belle saison l'on présuppose qu'il pourra venir à bout, mesmes maintenant que ses suisses et autres gens de guerre l'auront joint. Du costé de Hollande la guerre si continue semblablement selon les moiens qui y sont, et ont les Espaignolz et autres tant fait qu'ilz y ont reprins aucuns des fortz habandonnez dernièrement, et bien III ou IIII cens Anglois en iceulx. Mais le principal, et qui pouroit le plus endommager lesditz Gueulx et presser leurs villes, reste encores à conquérir. Si l'un a l'advantaige sur la terre, l'autre l'a sur l'eau ; car il n'est autres nouvelles sinon des courses et prinses qu'y font chacun jour les ditz Gueux, estans encores venuz prendre deulx vaisseaux dimanche jusques près d'Anvers, et courent ordinairement toute ceste rivière.
Toutefois ledit Sr Commandeur ne laisse pour tout cela de faire préparer et équipper audit Anvers jusques à quinze ou seize autres navires pour reprendre la place de celles qui ont naguières esté perdues, et servir à favoriser de deçà l'armée qui doibt venir d'Espaigne. Les Reistres et gens de cheval qu'a fait lever ledit Sr Commandeur sont tousjours au mesme lieu qu'ilz estaient,
1 Sur la prise de Worcum, cf. Corr. de Phil. II, III, 106 (lettre de Requesens au roi, 15 juin 1574). Requesens donne des détails: Vitelli le canonna pendant quelques heures, tua aux ennemis 150 hommes et prit quelques drapeaux. Le fort de Worcum était dans le voisinage de Gorcum.
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atendans ce qu'il en vouldra faire, ceulx du duc de Brumsvick et luy mesme autour de Campen et Deventer, ceulx du comte de Mansfeld en Luxembourg, et autres delà la Meuze au pays de Gueldres. Et ne puis encores préveoir où il les veult emploier, n'y aiant personne qui luy face teste, et continuant la mort du comte Ludovicq comme elle fait.
De Bruxelles, ce XVme jour de juing 1574.
CXCI. — A la Royne régente. — [18 juin, 1574.]
Les États-Généraux se sont séparés pour aller consulter les villes. — Forces exagérées du Commandeur, surtout en cavalerie. — Soupçons d'intervention en France pour profiter de la vacance du trône et de la guerre civile. — Affaires militaires autour de Gorcum. — Courses des Gueux. — Le Prince a pourvu ses villes de Hollande de vivres et a payé ses gens de guerre.
Madame. L'occasion de ceste deppesche sera pour vous faire entendre ce qui succedde à la journée ès affaires de ceste charge, et comme depuis ma dernière du XVme de ce mois Monsr le Grand Commandeur n'a fait icy autre chose qu'atendre la response qui luy doibt estre faite par les Estatz sur sa proposition ; ausquelz, ainsi que je vous ay escript, il a donné congé pour l'aller faire savoir par les villes et provinces, et croy qu'ilz tarderont bien pour tout ce mois auparavant qu'il en puisse estre résolu. Néanmoins il semble que ceulx de Flandres soient à demy accordez ; car encores que depuis trois ans ilz n'aient riens paié d'extraordinaire pour l'ayde et secours de leur Roy non plus que les autres, ilz n'ont toutefois laissé de lever sur eulx ce qu'ilz jugeoient à peu près leur pouvoir apartenir pour la cotte et por-
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lion de la demande, de sorte que cela leur est demouré en fondz, et ont cest avantaige sur les autres leurs voisins. Nous verrons ce qui en réussira à la fin. Mais j'entendz que accordans et satisfaisans à ladite demande ilz font très grande instance, outre les autres que je vous ay escriptes, que la gensdarmerie et gens de pyed de cedit pays soient paiez de ce qui leur est deu et continuez à l'advenir afin que l'on s'en puisse tousjours servir au besoing et espargner aultant de la grande despense qui se fait en levées d'estrangiers tant de cheval que de pyed qu'ilz jugent inutilles; ce qui leur sera accordé, comme je croy, pour le moings que l'on paiera une année à ladite gensdarmerie et sera continué cy-après par quartier. Desjà on parle de la faire assembler et appeller, qui me fait, avec l'occasion des autres grandes forces d'estrangiers qu'a ledit Sr Commandeur toutes prestes, merveilleusement esbahir, ainsi que l'ont contenu mes préceddentes et entrer assez souvent en discours au subjet de ce qu'il en veult faire.
Car je veoy qu'il a bien VIII mil reistres, XII cens chevaux légiers et plus de II mil chevaulx qu'il aura des bandes d'ordonnances avec cinq régimens de haultz allemans, autres cinq de bas, quinze enseignes de suisses qui en font IIII mil, plus de LXX ou quatre-vingtz (IIII**) enseignes de Wallons et VI mil Espaignolz pour le moins, qui est, comme Vostre Maté peult bien considérer, une très grande et puissante armée. Et néanmoins il n'a personne en campaigne qui le vienne assaillir ne molester, ne duquel il puisse avoir jalousie ou soubson, n'aiant seullement qu'à réduyre des villes en obéissance pour lesquelles il n'a besoing de telle puissance de cavallerie et estrangiers; de sorte qu'il est nécessaire que ce soit pour emploier en l'une des trois partz que je vous
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diray ; l'une, et que je juge plustost que nulle autre, est pour estre si fort et armé en ce pays où il congnoist tant de mauvaise volunté et affection qu'il n'est possible de plus, que voullant avoir d'eulx ce qu'il désirera, ilz ne puissent le refuser mais au contraire leur mectre le mors à la bouche de si bonne façon qu'ilz ne soient pour jamais désobéyr et s'en défaire quant ilz vouldroient. Mais je considère d'autre costé que ce seroit rendre son ennemy plus fort en désespérant ainsi ung chacun, veu d'autre part que la négociation du Sr de Champaigney pour traiter d'accord avecques le prince est véritable. L'autre est contre l'Allemaigne d'où ledit prince a tiré tant de faveurs et secours, y aiant encores présentement, ainsi que j'ay esté adverty, plusieurs princes et potentatz d'icelluy qui ont depuis naguières recherché et solicité l'empereur fort instamment de voulloir adviser avecques le Roy Catholicque des moiens d'accord en ces pays bas et d'en retirer les Espaignolz qu'ilz congnoissent si superbes et ambitieux qu'ilz vouldront ung jour entreprendre quelque chose contre eulx, ne pouvans souffrir ceste espine à leur pyed, que, si il n'y pourveoyt ilz seront contrains de se déclarer non en faveur du prince d'Orange, ny des rebelles, non pour conquerre ledit pays ny pour s'agrandir aux despens de Sadite Maté à laquelle ilz veullent demourer bons voisins et amyz, mais seullement pour estre en seureté et pouvoir vivre à l'advenir en liberté en leurs maisons et pays ; mais je contreperse en cela d'autre costé que les allemans dont la plus grande force de deçà est composée ne combattront contre eulx mesmes. Le dernier est contre la France, soit qu'ilz se vueillent tenir armez pour les advis qu'ilz peuvent avoir que les Huguenotz et autres y lèvent des forces et ailleurs,, desquelles ilz puissent estre tra-
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vaillez et dont pour ceste cause ilz entrent en soubson, ne voullans estre pris à despourveu ; soit qu'ilz y voullussent entreprendre quelque chose, maintenant qu'ilz voient le royaume ainsi divisé qu'il est, privé du bien de la présence de son roy et avecques les moiens des pratiques et intelligences qu'ilz y ont dont ce traité d'accord que poursuit ledit Chmpaigney avec ce pardon général publié et les gens de guerre que don Jehan d'Austria a du costé de Millan me meuvent plus d'en parler et entrer en ceste crainte que autre chose ; aussi qu'ilz ont depuis naguières remforcé leurs garnisons de Vallentiennes et quelques autres places de frontière et doibvent, comme j'entendz, faire encores partir bientost dix enseignes du régiment du Sr d'Hierges (?) pour s'y en aller. Toutefois aians les affaires qu'ilz ont par deçà et tant d'ennemyz dedans le pays et dehors, je ne puis penser qu'ilz veullent riens entreprendre principallement contre la France qui leur a esté si bonne et fidelle amye au besoing. Mais je ne laisse, Madame, de remectre tous ces pointz devant les yeux de Vostre Maté, afin qu'elle les puisse bien considérément peiser ; car en quelque façon que ce soit je ne me puis osier de ceste oppinion qu'il n'y ait quelque chose de caché soubz ces préparatifz d'armes, les tenant pour trop advisez pour faire une si grande despeuse sans fruict. J'espère aller bien tost veoir ledit Sr Commandeur et le mectre en propos sur tout ce discours, afin de sentir ce que je pourray de son intention là dessus, dont je ne faudray de vous advertir.
J'estime qu'aiant eu la response desditz Estatz il s'en retournera en Anvers pour y séjourner, atendant que le Roy Catholicque l'ayt résolu du gouvernement de ladite ville et chasteau, par ce que ledit Champaigney n'y veult retourner sans avoir l'un et l'autre, et ceulx du pays ne se contentent d'un Espaignol.
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Le marquis Vitelly continue tousjours la guerre autour do Gorcon et Bonmel, ainsi que le contenoit madite dernière, où il n'est riens advenu depuis, sinon que les Gueulx aians habandonné ung fort là auprès y avoient fait des mynes et traynées de pouldre, dont plusieurs se sont trouvez très mal paiez à leur entrée, le feu y aiant esté mys ; d'autre part le filz de Julien Romere a esté tué sur quelque batteau passant la rivière.
Lesditz Gueulx se remforcent tousjours du costé de la mer de quelque prise qu'ilz font, aians depuis naguières pris vingt ou vingt cinq navires chargées de vivres, selz et autres marchandises venans d'Espaigne, et continue l'advis que j'ay par cy-devant donné à Vostre Maté de leur grande force partie pour aller rencontrer l'armée de mer qui doibt venir d'Espaigne pour le secours de ce pais.
Il est certain que le prince d'Orange a fait pourveoir et munir toutes ses villes de Hollande et Zélande de bledz et autres vivres pour plus de deux ans, y en aiant grande habondance ausditz pays venuz d'Ostrelande, et a aussi fait paier et satisfaire ses gens de guerre de la plus grande part de ce qui leur estait deu, de sorte qu'il n'a affaire que à se conserver.
De Bruxelles, du XVIIIme juing 1574.
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CXCII. — A la Royne régente. — [22 juin, 1574.]
Dispositions des États-Généraux. — Les troupes du Commandeur ne doivent pas agir contre la France. — L'accord négocié par Champagney. — Découragement de Vitelli qui manque d'argent et d'artillerie. — Hollande ; les Gueux ont pris seize vaisseaux espagnols chargés de vivres.
Madame. Vous aurez entendu par ma deppesche du XVIIIme de ce mois, ce qui estait auparavant survenu ès affaires de deçà, et comme Monsr le Grand Commandeur atendoit la responce des Estatz sur le secours qu'il prétend d'eulx et qu'il leur a proposé debvoir faire : ce qu'il pourra bien encores atendre jusques au dix ou douziesme du mois prochain, et croy que en fin il l'obtiendra. Ce pendant j'ay retiré coppie des remonstrances qu'ilz luy ont baillées par escript que je jugeois bien auparavant estre plus haultes et preignantes que je ne les ay trouvées. Toutefois à oyr parler aucuns de la noblesse desditz Estatz, il semble que nous serons pour veoir bien tost advenir quelque révolte et mutation plus grande de villes que celle qui est à présent mesmes. Ilz voient et jugent que tant de forces estrangières qu'a maintenant ledit Sr Commandeur en pyed sont plus assemblées pour les forcer en leurs voluntez et les faire condescendre à la raison qu'il désire, que pour autre entreprise ou occasion.
Je feuz hier veoir ledit Sr Commandeur pour quelques affaires particuliers où je ne faillyz de le mectre en propos sur le discours contenu par madite dernière. Auquel il m'a respondu qu'il ne falloit point qu'aucun de ses voisins entrast en crainte et soubson desdites forces, et moings la France qu'autre pour le service de laquelle il les em-
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plo iroit très voluntiers, ainsi qu'il vous avoit fait dire, n'estans assemblées que pour à ce coup il puisse avoir la fin et raison de ses ennemys, et pour la deffiance qu'il a qu'il ne luy retombe encores ceste année quelques trouppes de reistres et estrangières sur les bras en faveur du prince d'Orange. Ce que je croy à la vérité et qu'il n'a pour ceste heure autre dessing que de faire bien obéyr le Roy son maistre par deçà. En quoy s'il emploie la force contre ceulx qui restent de son party, j'estime qu'il sera plus pour empirer son marché que pour l'amender, dont nous verrons l'événement.
Il n'est encores venu aucunes nouvelles de la négociation de paix du Sr de Champaigney, en laquelle plusieurs ont oppinion qu'il avancera bien peu, pour ce que ledit prince, les hollandois et autres Estatz avec qui il a à traiter ont toute deffiance de son frère le Cardinal et de tout ce qui luy touche et craindraient que ce ne soit ung appast pour les tromper, croyant certainement que si se manyoit entre les Estatz des ungs et autres pays, il s'en pourrait ensuivre une paix et résolution, mais les Espaignolz qui ont. toute deffiance et mauvaise oppinion d'eulx ne prendront jamais tel pyed, encores que l'on congnoisse assez apparemment qu'ilz ont bonne volunté de parvenir à ung accord. Or estant la guerre de telle condition qu'elle lasse avec le temps les plus grandz et et puissans princes, je ne doubte point qu'estant ledit prince d'Orange si foible de moiens qu'il est et les pays qu'il tient appauvriz de ceste guerre, ilz n'entrent voluntiers en paix s'ilz y trouvent seureté pour eulx. Je congnois l'importance de cest affaire auquel j'auray soigneusement l'oeil pour vous advertir de ce qui si avancera, remectant à Vostre Maté d'y donner la provision que vous jugez estre nécessaire.
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Quant aux affaires de la guerre elles vont fort lentement, estant le Sr Vitely retourné du camp à Bosleduc après avoir prins quelque petit fort autour de Gorcon; et ainsi il va et vient, sans s'avancer davantaige à assiéger villes, encores qu'il ail une grande force de gens de pyed, mais le principal luy deffault qui est argent, artillerie et autres munitions, ainsi que j'entendz; il l'a bien escript audit Sr Commandeur et que s'il n'y pourveoyt bien promptement il est en volunté de le venir retrouver et quicter tout là. Il est certain qu'à la prise desditz fortz et autres approches et escarmouches ceulx de deçà y ont perdu bon nombre d'hommes et parle on de cinq ensegnes du régiment du Sr D'havrez.
Du costé de Hollande les affaires n'y vont aussi si bien que l'on pourroit désirer, pour ce qu'il y fault combattre, outre les ennemys, la nécessité de vivres ainsi que me l'a mesmes confessé ledit Sr Commandeur, et est en grande crainte que telles occasions ne soient pour faire perdre la ville d'Anstredam ; de laquelle on parle desjà assez mal, ce que (s'il avenoit) feroit perdre Harlem et tout le pays, et pourroit ledit prince bien faire estat d'avoir bouclé pour longtemps sans que le Roy Catholicque y peust remectre le pyed. Lesditz Gueux y ont puis naguières rompu une digue entre ledit Anstredam et Utrecht où grand nombre d'Allemans y ont esté surpris et noiez.
Quant aux navires que j'escripvois à Vostre Maté par madite dernière avoir esté prises par lesditz Gueux, j'ay seu à la vérité que ce sont seize grandes hurques de IIII cens tonneaux pièce que l'on avoit pourveues et munyes à Séville de toutes sortes de vivres et munitions pour s'en venir aux portz de Biscaie trouver l'armée qui si préparait et là cherger les gens de guerre qui y atendoient, lesquellles feurent surprinses d'un temporal si à propos
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pour leur intention que, encores qu'elles feussent gardées de quatre gallères, ne laissèrent de haulser les voilles pour s'en venir en Hollande et Zélande d'où estoient les mariniers, lesquelz allans par delà faignirent estre de Hambourg. Ainsi Vostre Maté peult veoir comme ladite armée d'Espaigne sera pour ceste cause grandement relardée. Car, outre le nouvel avitaillement qu'il luy fault, je croy qu'il sera impossible de recouvrer de longtemps les navires dont ilz ont besoing, et est ceste perte de bien grande conséquence, en aiant lesditz Gueulx faits feuz de joye.
Au reste, Madame, j'entendz qu'en Allemanie il se fait des levées de reistres jusques à huict mil par le duc Auguste de Saxe, et ne sait-on encores quelle en est l'occasion, sinon qu'aucuns veullent juger que ce soit pour la querelle et les différendz qu'il a avec le duc de Brumsvick; ce qui a assez peu d'apparence au moins de faire si grande levée. Vostre Maté en peult estre mieux advertie d'ailleurs.
De Bruxelles, ce XXIIe juing 1574.
CXCIII. — A la Royne régente. — [26 juin, 1574.]
Sentiments malveillants des Espagnols à l'égard de la France. — Le retour du roi de Pologne; Mondoucet parle d'un projet de le faire venir par le nord de l'Allemagne. — Les États n'ont pas donné leur réponse aux demandes du Commandeur. — Peu de succès des négociations de Champagney. — Succès des Gueux.
Madame. Il n'est pas survenu en ceste charge chose de grande importance depuis vous avoir escript du XXIIe de ce mois, et sera la présente deppesche plus pour accuser la réception de celle qu'il vous a pleu m'escripre du
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XIXe par mon homme que pour autre plus grand subject. Sur laquelle je n'ay à respondre à Vostre Maté autre chose sinon que j'ay tousjours très bien remarqué sur les présentations et offres de Monsr le Grand Commandeur le point où il tendoit et quelle estoit son intention, qui m'a fait marcher avec luy très réservément le remerciant seullement de sa bonne volunté, et luy remectant devant les yeulx l'espérance grande qu'il y avoit de n'en avoir aucun besoing pour estre toutes choses en la France quasi plus pacifiques que auparavant la mort du Roy; de sorte que sur cela il ne peult faire nul fondement pour s'en prévalloir. Je luy ay fait entendre l'estat desditz affaires de France et le bon chemin qu'elles prenoient soubz vostre main en atendant la venue du Roy, qui estoit extrêmement désirée et souhaitée d'un chacun, le tout ainsi qu'il est contenu par ladite lettre, dont il m'a apparemment monstre estre joieux. Toutefois je say très bien que intérieurement que luy et autres ministres de deçà ne craignent autre chose que d'y reveoyr la paix; mesmes ilz jugent que le retour de Sa Maté la pourra incontinent apporter pour beaucoup de discours qu'ilz font sur son passaige par l'Allemaigne et la résidence qu'il a faite en Pollongne y aiant congnoissance de la diversité des meurs, loix et religions qui si observent, qui leur fait quasi désirer qu'il ne bougeast de là, le congnoissant naturellement généreux et martial. Ilz ont oppinion qu'il ne se vouldra contenter de la paix en son royaume, mais par une guerre estrangière bailler ung os à ronger à sa noblesse et subjetz, et n'y a riens qui les meuve à souhaiter sa venue, sinon l'espérance qu'ilz ont de la promotion de l'un des filz de l'empereur à la couronne de Pollongne. Or, en quelque façon que ce soit, je prie à Dieu qu'il vueille bien tost ramener Sa Maté en son royaume.
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Sur ce point je vous diray, Madame, depuis peu de jours ung gentilhomme que j'ay tousjours congneu assez affectionné à la France m'est venu trouver de la part du comte de Scombourg pour m'asseurer que, s'il plaist à Vostre Maté vous servir de luy pour favoriser le retour et voiaige du Roy en toute seureté, qu'il a bien le moien de le conduyre, aiant tous ses parens, amyz et alliez en la Pommeranya et Mekelbourg, pays joignans la Pollongne, desquelz avec II, III, IIII mil reistres s'il en est besoing, il le conduira par la Vesfalia et ce pays jusques en France, et mesmes avancera du sien jusques à trente ou quarante mil escuz pour partie des frayz de ce convoy, et que si bon semble à Sa Maté estant passé les païs les plus dangereux, il pourra faire passer la glus grande partie desdites forces pour n'entrer en plus grande despense, voyre qu'il l'yra quérir assez avant dedans le païs de Pollongne, et ce moiennant qu'il vous plaise l'asseurer d'une honneste pension cy après, et que survenant autres guerres on se veueille servir de luy, sur quoy il plaira à Vostre Maté me faire response.
Monsr le Commandeur atend encores la response des Estatz sur la demande qu'il a faicte. J'estime qu'en fin il en tirera du secours avec quelques conditions que nous ne pouvons véritablement esclarcir que pour le XV ou XXme du prochain. Ce pendant la nécessité fait desbander beaucoup de ses soldatz et y a maintenant fort peu de Wallons au camp, estant le marquis Vitely de séjour à Bos le duc, atendant toutes provisions nécessaires pour la continuation de la guerre, et se font quelques petiz fortz autour de Bommel pour le presser de plus près non sans plusieurs escarmouches et saillies des villes de Bure [Buren] et Gorcon qui en sont voisines.
Le Sr de Champaigney continue sa négociation, et ar-
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riva icy il y a deulx jours ung gentilhomme de sa part, lequel ledit Sr Commandeur deppescha le lendemain, n'aiant encores seu savoir ce qu'il apporte. Toutefois j'ay depuis esté comfirmé en l'oppinion que je vous ay cy devant escripte, qui est qu'il n'y fera riens, et que si les Espaignolz en veullent veoir une bonne yssue, il faudra qu'ilz se servent des Estatz pour ce traité. Le temps nous en apprendra le succez que je vous feray entendre à toutes heures.
Quant aux navires et vaisseaux que j'ay escript à Vostre Maté s'estre venu rendre d'Espaigne en Hollande et. Zélande , encores que par ma dite dernière je ne vous aie asseuré que de seize, si est ce qu'aucuns marchans d'Anvers m'escripvent qu'il y en est passé jusques trente deux ou trente six, qui sera cause d'un grand retardement à ladite armée d'Espaigne, et n'y a aussi riens si certain que les Gueulx ont préparé la leur que l'on m'escript estre de plus de III cens navires pour s'opposer à ceste venue.
De Bruxelles, ce XXVI juing 1574.
CXCIV. — A la Royne régente. — [29 juin, 1574.]
Déplacements et licenciement de troupes. — Champagney n'a plus espoir de faire aboutir l'accord. — Politique du Prince en Hollande.— La reine d'Anglelerre a du s'unir avec le Prince et entrer dans la ligue des protestants pour agir même contre la France. — Bruits divers sur le départ du roi de Pologne.
Madame. Je vous ay escript du XXVIme de ce mois faisant response à la deppesche qu'il vous avoit pieu me faire par mon homme, et aura aussi Vostre Maté veu par madite lettre comme se retrouvoient les affaires de ces
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pays bas. Depuis j'ay receu autre deppesche qu'il vous a pieu m'envoier du XXIIIIe, sur laquelle je vous diray que vous aiant discouru par mes préceddentes les occasions qui pouvoient mouvoir Monsr le Grand Commandeur d'assembler si grandes forces tant de cheval que de pyed, je me suis tousjours plus arresté au point que je jugeois avoir le plus de fondement et apparence qui estoit pour la redduction entière de ce gouvernement en plaine obéissance, ou bien pour les charger si fort et opprimer d'une telle multitude d'hommes que se voians mangez et rongez de toutes partz ilz en devinssent plus doulx et abattuz, qui est le chemin que je veoy, ce me semble, que prent ledit Sr Commandeur, par ce qu'il fait marcher du costé de Hollande les reistres du duc de Brunsvick pour y manyer les pays et empescher que les villes ennemyes ne facent la récolte. Ceulx du comte de Mansfeld sont licenciez ou prestz à l'estre, estans les ruynes qui faisoient au pays de Luxembourg si grandes que les païsans et générallement tout le peuple estaient délibérez de leur coupper la gorge. Et quant aux chevaux légiers ne pouvans plus vivre au païs de Gueldres et autres lieux de garnison qu'ilz ont tenue toute ceste année, il en a fait venir une partie icy autour pour y pouvoir plus commodément manger. Voilà, Madame, ce que je puis juger jusques icy de la volunté qu'il a d'emploier ses dites forces. Car quant aux gens de pyed, outre ce qui est séparé par les garnisons et places, le reste se rassemble au camp autour de Bonmel où le nombre qui si trouve est si petit au respect de la quantité des enseignes qu'il n'est pas croyable, la plus grande part des Wallons et Espaignolz se desbandans, les ungs pour avoir trop d'argent et autres pour n'en avoir point. De sorte que pour ceste occasion on en pend icy par
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douzaines des ungs et des autres, et ne si exécute aucune faction de guerre, tant pour ceste raison que pour ce qu'il n'y a encores aucune artillerie ne autres munitions nécessaires.
Quant à la négociation du Sr de Champaigney, je la veoy à mon advis merveilleusement refroidir, aiant veu une lettre qu'il escript à l'un de ses amyz par laquelle il en perd espérance. Le prince ny les Estatz des pays qu'il tient ne voullans entrer en aucune cappitulation que premièrement il ne soit résolu que les Espaignolz et estrangiers sortiront du pais, ce qui ne s'accordera jamais ; et croy que maintenant il regarde plus à pratiquer quelques villes de Hollande par doulceur et amitié qu'à autre effect ; mais j'entendz par homme naguières retourné desditz pays qu'elles sont toutes si oppiniastres et résolues de se défendre qu'il n'est possible de plus. Et, ainsi que je vous ay cy-devant escript, ledit prince les a toutes si bien pourveues des vivres et munitions qu'elles n'en auront besoing de deux ans, aiant aussi fait paier tous ses gens de guerre qui vifvent et s'accommodent paisiblement avecq le peuple. Il m'a aussi rapporté que icelluy prince avoit fait une visite généralle de tous les portz et autres lieux où il pourroit y avoir commodité de descente, afin de pourveoir à ce que, au cas que la flotte d'Espaigne ne fust combattue, elle n'y peust aborder.
Au reste, Madame, encores que Vostre Maté soif très bien et particulièrement advertie de ce qui se passe en Angleterre et des délibérations de la Royne, je ne laisseray de vous dire ce qui s'en publie par deçà : qui est que ladite dame s'armant avec telle puissance et nombre de vaisseaux que vous pouvez savoir est en volunté de se déclarer et rompre avec la France, s'alliant des Estatz
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et de ceulx de la relligion, et ne sont ceulx de deçà sans crainte et soubson qu'elle ne soit pour favoriser plus appertement qu'elle n'a fait les entreprises dudit prince, mesmes pour faire le semblable contre eulx, principallement s'il succedde une routte et défaite de ceste armée d'Espaigne, ainsi que chacun le prévoyt et juge. En quoy l'arrest que ledit Sr Commandeur a fait faire de quelques vaisseaux anglois arrivez en Anvers ne nuira pas, encores que l'on le fonde sur la certitude que l'on a de l'accord qu'ilz ont fait avec ledit prince de luy donner cinq pour cent des marchandises qu'ils apportent audit Anvers et y rechargent, somme que les marchans anglois commencent secrètement à serrer bagaige. Plusieurs ont oppinion qu'il y a une ligue secrète faicte entre ladite dame, ledit prince, les protestans d'Allemaigne et ceulx de la relligion de France, offensive et deffensive pour à ce coup s'asseurer du tout des incertitudes où les guerres passées les ont mys et enveloppez, dont, si ainsi est, Vostre Maté pourra estre mieux esclarcie d'ailleurs 1.
1 Depuis qu'il s'était réfugié à Heidelberg, Condé avait tout mis en oeuvre pour former une ligue générale des protestants contre la France et contre le roi d'Espagne. Il écrivit le 1er juillet aux confédérés du Languedoc, leur demandant de l'argent pour faire une levée de reîtres en Allemagne; les églises protestantes le reconnurent pour chef; pendant que Damville armerait les Huguenots des Cévennes, Meru devait s'entendre avec le prince d'Orange et passer en Angleterre pour décider Élisabeth. On fit quelques levées en Allemagne, mais dès la fin du mois d'août, Condé était découragé; cf. sa lettre à Jean de Nassau dans les Archives de la Maison d'Orange, v, 42; Pierre l'Estoite, sept. 1574. Le prince d'Orange fut obligé de convenir lui-même des difficultés de la situation et conseilla de renoncer aux grands projets formés en juillet; Archives, v, 46. Élisabeth aurait consenti à intervenir en France en juin 1574, pour aider le duc d'Alençon à se faire nommer roi; elle redoutait l'avènement de Henri III sur lequel comptait Marie
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Quant à ce qui se dit icy du Roy et son partement de Pollongne, puisqu'il plaist à Vostre Maté me commander de le vous dire, vous entendrez qu'il s'en parle fort diversement : les ungs et la pluspart aians oppinion que ces barbares ne le laisseront partir ny eschapper pour beaucoup de discours qu'ilz en font, ou pour le moings que ce sera après avoir remys la couronne entre les mains des Estatz généraux du Royaume et l'eslection d'un autre Roy, qui seroit chose longue. Autres dient qu'il en partira quant il vouldra avec l'ayde de l'empereur, mais qu'il avoit esté malade, dont il se portait mieux Dieu mercy. Je continueray de vous escripre ce que j'en apprendray de vérité 1.
De Bruxelles, ce XXIX juing 1574.
CXCV. — A la Royne régente. — [2 juillet, 1574.] Mondoucet annonce l'arrivée du roi à Vienne.
Madame. Aiant présentement esté adverty de l'arrivée du roy de Vyenne près de l'empereur par ung courrier venu exprès à Monsr le Grand Commandeur, qui en partyt le XXVme du passé mesme jour qu'il y arriva, je n'ay voullu faillir de vous deppescher ce porteur exprès pour vous donner une si bonne et heureuze nouvelle et vous déclarer la grande et honnorable réception qui lui a esté faite par Sa Maté Cezarée, ensemble le chemin qu'il doibt
Stuart, et fit armer 27 vaisseaux à Rochester: LABANOFF, IV, 191. 192. 204. Mais elle s'apaisa et fit désarmer les vaisseaux.
1 Henri III s'était enfui de Cracovie le 18 juin; il arriva à Vienne le 25 juin, et à Venise le 18 juillet.
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tenir pour la perfection de son voiaige ; ce que je ne me fusse avancé de vous faire entendre par cedit porteur, n'estait que avec la dilligence faite par ledit courrier je m'asseure qu'il vous en donnera le premier advis, suppliant à Dieu qu'il le vueille bien tost amener avec toute prospérité et santé, ainsi que sans doubte nous pouvons juger qu'il fera, puisque le commencement en est si bon et que le XXme de ce mois ne se passera point sans que la France ait ce bien de le veoir 1.
Madame, Je ne m'amuseray point à vous discourir particulièrement de l'estat des affaires de deçà, vous aiant escript par cy-devant bien par le menu tout ce qui si passoit, mesmes par ma dernière deppesche du XXIX du passé, outre que cedit porteur qui en a toute congnoissance le vous saura mieux faire entendre et représenter de bouche, sur lequel je me remectray sans vous ennuyer de plus longue lettre, suppliant très humblement Vostre Maté le voulloir croyre de ce qu'il vous dira de ma part.
De Bruxelles, ce IIe juillet 1574.
CXCVI. — A la Royne régente. — [4 juillet, 1574.]
Mondoucet raconte longuement le départ du roi de Pologne, son arrivée à Vienne; parle d'un projet de voyage par le Tyrol, la Suisse et la Bourgogne. — Les États-Généraux. — Condé désarme en Allemagne.
Madame. Je vous ay deppesche mon homme du IIe de ce mois avec la bien heureuse nouvelle de l'acheminement du Roy et de son arrivée de Vyenne près de l'em1
l'em1 n'arriva à Lyon que le 6 sep tembre.
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pereur du jour de St Jehan 1, dont n'aiant encores lors bien entendu les particularitez, je suis marry qu'il ne les vous aura peu discourir, mais je croy que depuis Voslre Maté en aura eu autre advis. Toutefois je ne laisseroy de vous dire ce que j'en ay seu, qui est que aiant Sa Maté impérialle esté premièrement advertie par Monsr le Commandeur de la mort du feu Roy, il l'escryvit promptement à Sa Maté luy offrant par ses lettres que au cas qu'il luy pleust prendre son chemin et passage de retour par ses terres, qui estaient les plus voisines de son pays, il luy donneroit toute l'ayde, faveur et seureté qu'il sauroit désirer, qui fut aussy le premier advis qu'en eut Sadite Maté, duquel aucuns pollonnois ne se seurent appercevoir, bien que il se délibérast de donner tout l'ordre secret et possible pour son parlement. Le lendemain le courrier de Vostre Maté 2 y arriva avec pareille nouvelle, laquelle ne se seul si bien céler que lesditz pollonnois ne le descouvrissent, et sur laquelle aucuns des principaux la vinrent trouver pour savoir de luy sa volunté et intention sur tel succez. A quoy Sadite Maté ne voullust promptement respondre, leur remonstrant que c'estoit chose de si grand poix et importance qu'elle méritait bien d'assembler une diette en laquelle il estoit résolu de leur déclarer publiquement : ce qu'ilz prirent, de fort bonne part et commencèrent à l'imthimer. Ce pendant Sa Maté usant de ses façons de faire accoustumées, avecques toute la prudence et dextérité possible, se mect à soupper, puis se relira d'assez bonne heure en
1 La lettre précédente, du 2 juillet, apporta à Catherine de Médicis la première nouvelle de l'arrivée de Henri III à Vienne.
2 Le jour même de la mort de Charles IX, Catherine envoya en Pologne Méry de Barbezières, seigneur de Chemeraut, qui fit le voyage en treize jours.
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sa chambre, aiant premièrement adverty tous les françois qui l'accompaignoient de se tenir prestz et le suyvre, et sur les unze ou douze heures de nuict, sort hors de son palais (aucuns dient par une fenestre) et avec l'assistance de deulx pollonnois ses confidens monte à cheval suivy de XIIII ou XV, et picque si bien qu'il feyt seize lieues tout d'une traite et jusques à ce qu'il eust joint le pays de Selezia, patrimonial dudit Empereur ; dont lesditz pollonnois s'estans apperceuz environ les IIII heures du matin commencent à faire très grand rumeur de trompettes, tabourins et cloches publians le parlement de Sadite Maté, afin d'assembler le plus de personnes qu'ilz pourroient pour le recourir ; de sorte qu'en peu de temps ilz meyrent environ quinze cens chevaux ensemble marchans après luy en toute dilligence ; mais ilz ne le seurent ateindre, fors ung palatin de Lubelin qui picqua devant, lequel luy aiant fait toutes les remonstrances possibles pour le faire retourner n'y seul avancer autre chose sinon rebourser chemin pour en advertir ses compaignons ; et ainsi Sa Maté arrivée fort lasse il deppescha en dilligence ung gentilhomme devers l'empereur pour l'advertir de ce qui estait passé et du lieu où il estoit, aussi qu'il avoit fait ceste délibération de ne passer point par les terres de Sadite Maté ne si près du lieu de sa demeure sans avoir ce bien de le visiter et le remercier de tant de faveurs et courtoisies qu'il recepvoit de luy ; dont Sadite Maté Cezarée fut fort joieuse, envoiant plusieurs seigneurs et gentilzhommes des siens avecques coches pour le trouver, aians aussi charge de luy faire faire tout l'honneur et assistance qu'il seroit possible. De là le Roy s'achemina à trois lieues près de Vyenne la' vueille St Jehan, et le lendemain l'empereur envoia au devant de luy ses deulx enffans avec son grand maistre,
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grand Escuier et autres seigneurs le rencontrer à la moitié du chemin, et luy alla à une bonne lieue au devant, où s'estans trouvez se meyrent tous à pyed et après plusieurs salutations et embrassades remontèrent tous au coche dudit Empereur et arrivèrent audit Vienne où l'Impératrice l'atendoit à la première court du palais ; et ainsi fut mené en sa chambre avec tout le grand et affable recueil qu'il se peult ymaginer. Sadite Maté estoit premièrement résolue de n'y séjourner que deux ou trois jours, mais depuis se trouvant las, je croy qu'il les aura doublez et estoit en termes de prendre son chemin par Lintz, Salcebourg et delà par le comté de Tirol, ung coing des Suisses et descendre au comté de Bourgongne, dont Monsr le Commandeur estant adverty a desjà deppesche ung courrier devers le Sr du Vergey afin d'assembler toute la noblesse qu'il pourra et luy aller au devant, luy faisant tout le recueil et traictement qu'il pourra. Il envoie aussi Monsr le duc d'Arscot audit pais pour le y atendre, afin de luy offrir de la part de Sa Maté Catholicque et la sienne toute bonne voisinance et ce qui est de puissance et faculté en tous ces païs de deçà. Ledit duc partira lundy prochain et est en volunté à ce qu'il m'a dit de l'accompaigner jusques à Paris où je prie à Dieu qu'il le vueille bien tost amener en toute bonne santé et prospérité, ne voullant avec tout ce discours oublier de dire à Vostre Maté le grand aise et plaisir que ceste court et plusieurs de ce peuple ont receu d'une si bonne et heureuze nouvelle.
Madame, Je ne m'amuseray pour ceste heure à vous discourir longuement des affaires de deçà, par ce que mondit homme aura déclaré à Vostre Maté bien par le menu tout ce qui si passoit, aussi qu'il n'y est riens survenu depuis, sinon que l'on atend icy demain ou après
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le marquis Vitely, croiant que de tout ce mois il ne se fera aucun exploit de guerre ne entreprise sur quelque ville, pour n'y avoir encores nulz préparatifz d'artillerie, pyonniers et autres choses nécessaires pour cest effect, aussi que tous les soldatz se desbandent. D'atre part les Estatz n'ont encores fait leur responce audit Sr Commandeur, laquelle, à ce que j'ay entendu, sera d'accorder la demande qui leur a esté faite à condition de les remectre en leurs privilèges antiens : ce que ledit Sr Commandeur a cy-devant promis de faire et a déclaré en avoir charge de Sa Maté Catholicque. Mais je ne say comme cela se pourra entendre veu que par iceux privilèges il y a beaucoup de pointz qui chassent tous les estrangiers du pays et qui les exempte d'y tenir estatz et offices avec autres articles que Vostre Maté aura veuz par les dernières remonstrances que je vous ay envoiées, et m'ont dit aucuns desditz Estatz qu'il ne se fera riens autrement.
Au surplus, Madame, j'ay veu par lettres d'Allemaigne que le prince de Condé avoit licencié tous ses gens de guerre desquelz il se préparait, se voullant remectre et réduyre soulz la miséricorde et obéissance du roy : qui fait espérer que toutes choses passeront en France plus doulcement que l'on ne pouvoit juger avec la tant désirable venue de Sa Maté. Ladite lettre contenoit aussi que le pallatin avoit escript à tous les princes d'Allemaigne tant catholicques. que pratestans, leur faisant semonce de ayder et contribuer soit d'hommes ou argent pour à ce coup faire la guerre tant à la France que au Roy Catholicque, dont aucun ne s'est esmeu, ains se sont mocquez d'une si inepte demande; Vostre Maté en pourra estre mieux esclarcie d'ailleurs. Ce pendant je ne fauldray de continuer à vous advertir de ce que j'en apprendray et de toutes autres choses.
De Bruxelles, ce IIII juillet 1574.
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CXCVII. — A la Royne régente. — [9 juillet, 1574.]
Le duc d'Arschot est allé en Bourgogne pour recevoir Henri III. — Affaires militaires en Hollande, sur la Meuse, autour de Bommel. — Nouvelles des États. — L'Angleterre a désarmé une partie de ses vaisseaux; mission de Bernardin de Mendoça. — Condé recrute des troupes en Allemagne.
Madame. J'escriz ordinairement à Vostre Maté tout ce qui succedde ès affaires de deçà que je juge appartenir au service que je doibz, de sorte que tant par mon homme qui arriva par delà le III de ce mois que par autre subséquente deppesche dudit IIIe Vostre Maté aura esté bien particulièrement imformée de l'estat d'icelles jusques alors, et de l'acheminement du Roy par l'Allemaigne pour s'en venir gaigner son royaume, du voiaige duquel nous n'avons depuis entendu aucune chose. Le duc d'Archot partyt lundy dernier pour s'en aller en Bourgongne l'atendre ou le rencontrer selon ce que je vous ay escript qu'il debvoit faire, et on a oppinion qu'il n'y arrivera guerres plustost que sa Maté, si tant est qu'il ait pris ce chemin là.
Quant ausditz affaires elles se continuent tousjours aux mesmes termes qu'elles ont fait par cy-devant, ne s'estant pour le regard de la guerre exécuté autre chose depuis, sinon du costé de Hollande en Watreland où ung régiment de Wallons et quelques compaignies d'Allemans, aians gaigné ung petit fort, voullurent poursuyvre plus avant jusques à entrer dedans une petite ville qu'ilz saccagèrent ; dont les Gueux les voians empeschez au butin reprinrent courage, et les ungs leur faisant teste envoièrent ce pendant ung nombre d'autres des leur pour coupper une digue et passaige par lequel il
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estoit nécessaire qu'ilz se retirassent, ce qu'ilz exécutèrent si bien que estans après vifvement poursuyviz et se voians encloz feurent tous mys en routte, tuez et la plus part noyez y estans demourez treize enseignes avec six ou sept cens hommes qui est une perte assez d'importance pour ce costé là. De l'autre, de Bommel, les principalles forces y sont assemblées, ainsi que Vostre Maté aura cy-devant entendu, mais elles dyminuent à veue d'oeil, de sorte que maintenant il y a bien peu d'Espaignolz, et encores moings de Wallons, se desbandans et retirans tous ceulx qui peuvent 1, et ne veoy pas que l'on soit pour y faire autre entreprise de ceste année, sinon de leur empescher la récolte, estant ceste guerre pour prendre ung très long trait, tant pour la mauvaise affection des villes et du peuple que pour estre le pays occuppé de très dificille accez ; vray est que le marquis Vitely y est encores, qui dit tousjours se voulloir retirer, et ay entendu qu'il a envoie quérir à Utrecht huict ou dix canons qui y sont pour les amener au camp, y aiant pour le présent par deçà telle nécessité d'artillerie qu'il est incroiable pour les grandes pertes qui en ont esté faites en toutes ces armées de mer, qui montent à plus de VII cens pièces, comme j'ay véritablement entendu.
Monsr le Commandeur ne fait encores aucune démonstration de voulloir emploier ses reistres en autre effect que celluy que je vous ay escript, et tiens pour certain qu'il ne les gardera guières passé le mois prochain s'il ne juge en debvoir avoir autre besoing que celluy qu'il a.
1 Les Espagnols en garnison en Hollande désertaient par groupe de cinquante, sous la conduite de chefs qu'ils élisaient. Cf. lettre de Requesens du 19 août 1574, Corr. de Philippe II, III, 136-137.
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Il est icy, atendant la response des Estatz sur la demande qu'il a faite, et sont desjà arrivez ceulx de Namur et de Tournay qui ne peuvent moings faire que de l'accorder. Mais Brabant, Flandres et autres grandes provinces persistent à voulloir joyr de leurs privilèges antiens. Toutefoys je croy qu'en fin il faudra qu'ilz s'accommodent au paiement d'un autre centiesme, dont nous verrons bien tost la résolution, que je ne faudray de faire savoir à Vostre Maté ; laquelle entendra que pour ceste heure on se tient plus asseuré du costé d'Angleterre que l'on n'a fait depuis ung mois, estant nouvelles que la Royne du pays a désarmé une bonne partie de ses vaisseaux et licencié autres particuliers qu'elle retenoit, comme l'on a fait le semblable de ceulx qui estoient arrestez en Anvers avec commandement de ne paier plus aucun tribut au passage de Flessingues. Et a ledit Sr Commandeur deppesché depuis deulx jours don Bernardin de Mandosse devers ladite Royne plus pour la continuer en bonne amitié et en ceste bonne volunté qu'elle a déclaré avoir d'assister l'armée qui vient d'Espaigne de rafraischissemens et autres choses nécessaires et pour faire toutes sortes de complimens que pour autre occasion 1. Quant aux nouvelles d'Allemaigne l'on m'escript
1 La mission de Bernardin de Mendoça avait pour but de demander l'autorisation de laisser relâcher les vaisseaux de Melendez dans les ports anglais. Élisabeth depuis longtemps était très hostile à l'Espagne; mais deux faits modifièrent ses dispositions : le départ de Henri III pour la France, et la résolution de Philippe II de traiter avec la Hollande et la Zélande. Aussi, Bernardin de Mendoça, arrivé en Angleterre le 12 juillet, eut audience le 17 et fut parfaitement accueilli. Le récit de cette ambassade est dans les Commentaires, II, 244. Cf. Corr. de Granvelle, v, 239 : « Il est vray que don Bernardin de M. at esté fort encaressé de la royne d'Angleterre; elle scait pourquoy elle l'at faict. »
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d'Aquis grame qu'il estoit passé là autour depuis six jours environ III mil allemans de pyed qui s'alloient rendre en ung certain chasteau et place naguières occuppée par les Huguenotz sur les frontières de Lorraine 1., que l'on juge debvoir servir pour le passaige du prince de Condé, et que plus avant en Allemaigne il passe tous les jours gens qui vont trouver ledit prince. Je prie Dieu le voulloir divertir de telles entreprises, le mieulx conseiller et le faire réconcillier au service et obéissance de Sa Maté en son passaige.
Madame, Depuis ceste deppesche faite j'ay receu celle qu'il vous a pleu me faire du IIIe de ce mois, à laquelle je ne puis faire autre responce pour ceste heure sinon vous dire qu'aiant eu les nouvelles du Roy que je vous ay fait savoir, je n'ay failly de remercier le comte de Scombourg de la grande démonstration qu'il m'a faite de sa bonne volunté, affin de le y conserver cy-après en telz évènemens, estant au surplus très aise que Vostre Maté ayt premièrement eu une si heureuze nouvelle que de l'arrivée du Roy à Vienne par mon homme que je deppeschay, et encores plus que les affaires de France soient en si bon chemin qu'il vous plaist me mander pour bien tost se réduyre soulz l'entière obéissance de Sa Maté.
De Bruxelles, ce IXe juillet 1574.
1 Le château de la Petite-Pierre.
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CXCVIII. — A la Royne régente. — [13 juillet, 1574.]
Le roi de Pologne est parti de Vienne pour Venise; il a envoyé un gentilhomme au Palatin pour se plaindre de la protection qu'il accorde à Condé. — Affaires militaires : Gorcum, troupes licenciées. — Les États de Hollande et Zélande demandent à se réunir aux autres États pour traiter l'accord. — Mondoucet demande à la Reine de lui accorder quelque avantage.
Madame. Vous aiant escript assez amplement du IXe de ce mois l'estat auquel se retrouvoient les affaires de par deçà, et l'aiant Vostre Maté entendu auparavant bien par le menu par le rapport de mon homme et autres mes deppesches, la présente sera seulement pour vous donner advis de ce qu'il y est survenu depuis et de ce que j'ay apris des autres endroyz voisins.
En premier lieu je vous diray que nous tenons icy que le Roy estant party de Vienne le XXVIIIe du passé a prys son chemin par Venize et Italie, de sorte qu'il ne pourra estre rencontré par le duc d'Arschot, qui, comme je vous l'ay escript, l'est allé atendre en Bourgogne. Et ay esté adverty qu'il avoit deppesche dudit Vienne ung gentilhomme 1 devers le Palatin pour luy remonstrer que aiant seu que plusieurz Srs gentilzhommes et autres de ses subjetz s'estaient absentez et renduz fugitifz de son royaume pour quelques occasions, se retirans devers luy ausquelz il savoit bien qu'il prestoit toute ayde, secours et faveur pour les faire armer et leur donner moien de retourner en France pour l'exécution de leurs entre1
entre1 III envoya auprès du Palatin Villeroi; le Palatin répondit par une députation assez nombreuse qui vint rencontrer Henri III en Savoie.
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prises, qu'il ne pouvoit moings faire que de l'adviser du desplaisir qu'il en recepvoit, et combien tel secours de sa main luy estoit désagréable, le priant à ceste cause s'en depporter sans plus se mesler des affaires particuliers que les subjetz de France peuvent avoir avec leur Roy et prince souverain, en quoy il luy feroit très grand plaisir ; autrement qu'il luy donnerait toute occasion de s'en ressentir, veoyre de l'aller ung jour chercher jusques en sa maison pour en faire la vengeance, ce que ceulx de deçà trouvent merveilleusement bon et digne d'un prince magnanyme. Mais ilz n'ont pas oppinion que pour cela ledit comte pallatin s'en désiste, mesmes j'entendyz hier d'un allemant venant fraischement de delà que le Cazimir fait VI mil chevaulx pour aller au secours du prince de Condé, lequel aussi m'asseura de la mort du comte Ludovicq enterré à Mook, qui est ce que je puis dire à Vostre Maté du costé d'Allemaigne.
De celluy de deçà je y veoy aller fort froidement en besongne pour l'effect de la guerre, n'estans nouvelles que des factions que les Gueux font chacun jour tant du costé du camp que autres endroyz; car, outre la dernière dont je vous ay advertie, ilz en ont depuis fait une autre près de Gorcon où ilz ont deffaitz quelques Espaignolz et Wallons, et surpris encores ung fort que ceulx de deçà avoient fait bastir près de Gertrubergue, où ilz ont mys en pièces ce qui estoit dedans, de mode que sy on les presse et reserre d'un costé ilz s'eslargissent et estendent davantage d'un autre, et ne veoy pas, comme je vous ay escript, qu'on soit pour exécuter grand chose de ceste année, car au camp il n'y a nulz préparatifz d'artillerie ne autres choses nécessaires pour entreprendre batterie, et ne s'en fait aucune, les soldatz se desbandans et retirans chacun jour. Les IIII mil suisses qui y sont se mu-
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tinent si le bout du mois se passe sans estre paiez, et l'autre jour arrestèrent Chappin Vitelly pour ceste occasion. D'autre part on a cassé depuis six jours bien trente enseignes de Wallons, tant pour ce qu'ilz s'en alloient tous que par ce qu'on ne les pouvoit paier à faulte d'argent. Et puis ledit Sr Vitely dit se voulloir retirer, estant mandé par le duc de Florence. Il me semble à ce compte qu'ilz auraient meilleure raison de se laisser aller à quelque accord, puisque la guerre y va sy lentement.
Le Sr de Champaigney est toujours à Utrecht sans qu'il avance davantaige en sa négociation, et croy que le principal de son espérance estait de traiter quelque chose par le moien d'un gentilhomme nommé le Sr de Tholoze 1, inthime et famillier du prince d'Orange, qui y est prisonnier, ou en tout évènement esmouvoir quelque ville à se rendre par la doulceur ; mais il n'apparoist point que en l'un et en l'autre il ait encores riens failli se dit que les Estatz de Hollande et de Zélande vouldroient bien en ce cas traiter avec les Estatz des autres pays et provinces, ce qui ne se fera à mon advis, pour estre le soubson et crainte des Espaignolz trop grande qu'en trafiquant et négociant ensemble les ungs ne gaignassent les autres, ou bien qu'ilz s'accordassent à leurs despens. Lesditz Estatz de deçà ont envoie faire leurs responses à la demande à eulx cy devant faite par Monsr le Commandeur, n'y estant comparu que ceulx de l'église, afin qu'il se peust moings adresser à eulx et les taxer
1 Philippe de Marnix, seigneur de Sainte-Aldegonde. Comme Saint-Gouard (Bill, nat., II, 451), Mondoucet donne à Philippe le titre de seigneur de Toulouse, qui appartenait à son frère Jean de Marnix, dit Jean de Toulouse.
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de nouvelle opinion, qui est qu'ilz l'accordent et paieront très-voluntiers, pourveu qu'il plaise à Sa Maté Catholicque de les remectre premièrement en leurs privilèges et libértez qu'il leur a jurez et promis, ce que ledit Sr Commandeur interprète pour ung refus, et entendz qu'il a protesté contre eulx de tout le mal qui pourroit avenir en ceste guerre à faulte de ce secours dont il a adverty Sadite Maté.
Quant à l'armée de mer qu'on atend d'Espaigne nous n'en avons icy nul advertissement, sinon plusieurs bruytz faulx et divers que l'on en sème selon que la passion tire les personnes d'une part ou d'autre.
Je ne faudray d'advertir Vostre Maté de ce que j'en apprendray de vérité et de toutes autres choses qui se passeront, vous suppliant très-humblement, Madame, pour fin de la présente vous voulloir souvenir de moy pour me faire faire du bien selon qu'il vous a pleu me promectre souvent, et considérer, outre mes services qui ne m'ont jamais apporté aucun fruict, combien les deppesches et la charte de deçà sont extrêmes, n'estant possible que je y puisse vivre de l'entretènement qu'il plaist au Roy me donner, pouvant bien asseurer Vostre Maté que j'y ay despendu du myen plus de IIII mil escuz depuis que je y suys.
De Bruxelles, ce XIIIe juillet 1574.
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CXCIX. — A la Royne régente. — [17 juillet, 1574.]
Inaction des troupes espagnoles. — Changements dans les gouvernements des provinces; départ de Chiappin Vitelli. — L'accord négocié par Champagney. — On fait courir le bruit que la France a déclaré la guerre à l'Angleterre.
Madame. Toutes choses sont maintenant si taries par
deçà que je ne vous feray pour ceste heure longue lettre, n'estant riens survenu de nouveau depuis ma dernière du XIIIe de ce mois. Vostre Maté entendra seullement que les affaires de ceste guerre demourent tousjours en ung
mesme estat sans qu'on y avance aucune chose, et comme je vous ay assez souvent escript, je ne veoy pas qu'elles soient pour faire aucun autre plus grand progrez
ceste année, veu que depuis la routte et défaite du comte Ludovicq il s'est perdu le plus beau et le meilleur d'icelle,
outre que je ne veoy riens de préparé pour y faire quelque bon exploit, de sorte que le prince d'Orange s'ancre et rafermist toujours davantaige en la possession de ses conquestes; si ce n'est que ceste armée d'Espaigne que l'on atend et de laquelle deppend le bon ou mauvais succez esditz affaires l'en puisse esbranler. L'on s'esbahit infiniement de sa si longue demeure et qu'elle laisse passer tant de belle saison, mais je croy que ce bon nombre de vaisseaux qui s'en relira avec plusieurs munitions il y a environ six sepmaines en est cause.
Le camp est tousjours entre Bos le duc et Bommel qui s'est grandement dyminué d'hommes, tant pour la casserie qu'on a faite depuis naguières de trente enseignes de Wallons que pour la retraite de plusieurs autres soldatz Espaignolz, et ne si fait riens digne d'estre es-
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cript: l'on pense que bientost Chappin Vitely s'en retournera, aiant esté mandé du duc de Florence par courrier exprès pour quelques remuemens qui se font de son costé 1, et ay esté adverty que le Sr Alexandre Gonzague 2, qui est icy, luy succeddera, lequel se reppend bien fort d'y estre venu pour y trouver les affaires disposées tout autrement que ne les a fait entendre le duc d'Alve à son passaige d'Italye. Don Fernand de Lannoy, qui est aussi gouverneur en Hollande, s'en retire pour retourner en son gouvernement d'Arthois, et s'en yra le Sr de Rassynguyen y tenir ceste place, n'y estans les affaires de la guerre guères eschauffées au moins de ceste part. Quant au Sr de Champaigny il escript assez le peu d'espérance qu'il a d'avancer sa négociation, mesmes asseure que traitant avec le Sr de Tholoze, duquel ma dernière faisoit mention, il seroit plustost pour estre gaigné et converty gueux que pour le ramener et luy persuader de faire condescendre le prince d'Orange à ce qu'il prétend. Toutefoys il demoure encores là, et ay quelque oppinion que c'est atendant la responce que Monsr le Commandeur pourra avoir d'Espaigne sur ce qu'il en a escript. Les Estatz ne s'eschauffent point davantaige pour ce secours qu'on leur a demandez que ce que Vostre Maté en aura veu par mes préceddentes, dont ledit Sr Commandeur en demoure en très grande peine, estant en extrême nécessité de deniers, et aiant sur les bras tant de des1
des1 mauvaise santé de Cosme de Médicis, grand duc de Toscane, qui mourut le 21 août suivant, laissant son titre à son fils aîné François; les remuements dont parle Mondoucet venaient du parti libéral, et surtout de l'empereur qui ne voulait pas reconnaître le titre de grand-duc conféré par le Pape, en 1570.
2 Alexandre Gonzague, frère bâtard de Ferdinand de Gonzague, mort à Bruxelles en 1557. Morillon annonce l'arrivée de Gonzague par sa lettre du 20 juin 1574, Corr. de Granvelle, v, 149.
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pences à supporter, je croy qu'il faudra qu'en fin ilz viennent au point.
Au reste, Madame, on a depuis madite dernière fait courir icy ung bruit que la déclaration estoit faite en France de la guerre contre les Anglois, et y en avoit qui l'asseuroient; dont je me suis trouvé en peine, encores que je feisse bien entendre à ung chacun qu'il n'en estoit riens, ou que s'il estoit, l'Angleterre en avoit fait la première rupture, estant bien aise que ceste nouvelle se trouve faulce; mais sur cela je vous diray qu'il y en avoit qui n'en estoient trop marryz, discourans que par ce moien le prince d'Orange seroit moings fort et secouru qu'il n'a esté cy-devant par ce que ces deux royaumes seraient assez empeschez en leurs propres affaires, et que ainsi ilz en auroient plustost la raison, ainsi que ce leur seroit le chemin pour se remectre l'Angleterre en meilleure amitié et correspondance pour le besoing qu'elle pourroit avoir d'eux, ce qu'ilz s'efforcent de faire et comfirmer en toutes façons ; mesmes il fut fait quelque surprinse d'un fort en Hollande il y a plus de deux mois où il fut pris environ II cens Anglois, lesquelz ledit Sr Commandeur a depuis six jours renvoiez prisonniers à la Royne dudit pays pour la gratifier et en faire faire telle pugnition qu'elle adviseroit, qui est tout ce que je puis dire à Voslre Maté, n'estant icy nulles nouvelles du voiaige du Roy depuis son parlement de Vyenne, et ne faudray de vous escripre ordinairement tout ce que je pourray apprendre.
De Bruxelles, ce XVII juillet 1574.
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CC. — A la Royne régente. — [21 juillet, 1574]
Mauvais état des troupes du Commandeur. — Négociations de l'accord. — Armements du Prince. — Attente de la flotte d'Espagne. — Demandes des États. — Nouvelles d'Allemagne; détail des forces levées par Casimir; Condé à Heidelberg; l'Empereur veut faire cesser ces armements.
Madame. Depuis vous avoir escript du XVIIe de ce mois assez amplement ce que je jugeois le mériter en tous affaires consernans ceste charge, il ne si est présenté autre chose que ce que Vostre Maté entendra par la présente. Et vous diray en premier lieu qu'il ne s'y est donné aucun avancement pour le fait des armes, les affaires si conduisans tousjours avec la froideur et longueur accoustumée, de sorte que l'on perd maintenant toute espérance d'y veoir autre plus grand progrez de ceste année ; mesmes j'ay seu que hier arriva icy ung gentilhomme du marquis Vitelly qui asseure Monsr le Commandeur de sa part du mesme désespoir et que quant il pourroit estre secouru dedans dix jours d'artillerie, munitions et autres choses nécessaires pour l'expugnation des villes de Bommel et Gorcon, autour desquelles il a assemblé et acheminé les forces, il luy seroit impossible d'y riens exécuter auparavant qu'il ne fust prévenu des pluyes et de l'incommodité de la saison en laquelle nous allons bientost entrer, à cause de la mauvaise et marescageuse assiete du pays. Aussi qu'après la casserie faite des Wallons, toute la reste des autres nations tant Espaignolz, Allemans que Suisses se lassent et ennuyent infiniement d'y tenir la campagne inutillemont, et sans que pour quelque argent qu'ilz aient ilz y puissent avoir les vivres si à commandement qu'ilz vouldroient bien; qui fait que
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ledit Vitelly est certainement résolu de habandonner ce lieu pour se venir rendre auprès dudit Sr Commandeur, ne voullant, à ce qu'il dit, mectre au hazard de perdre à ce coup la réputation qu'il pense avoir cy devant acquise au fait de la guerre. Car, outre tout cela, il est si mal secouru de deniers qu'il n'y peult retenir les soldatz d'amitié ny de force.
Et semble que l'on soit plustost de ceste heure entré en quelque trefve et suspension d'armes que anymé à ung bon et grand exploit, encores que les grandes forces tant de cavallerie que de gens de pyed que ledit Sr Commandeur a pour le présent en ce pays le deussent bien convier de ce faire et à les emploier mieux, sur quoy je ne puis juger autre chose, sinon qu'il vueille atendre ce que fera ceste armée de mer qui vient d'Espaigne, et cependant séparer lesdites forces de cavallerie comme il fait par les pays de Flandres,Brabant et autres provinces, tant pour les maintenir et conserver en obéissance au cas qu'il y survynt quelque routte ou disgrâce, comme il est bien nouvelles que soubz main quelques ungs atendent ce succez pour s'eslever, et qui a bien esté en partie cause de la casserye desditz Wallons pour la peur qu'on a eue qu'ilz y deussent favoriser, que pour les faire condescendre à l'ayder et secourir de deniers selon la demande qu'il a cy devant faite en les faisant manger et foullant de gensdarmes, puisque amyablement ilz n'y veullent venir; ou bien qu'il face quelque grand fondement sur la négociation de paix en laquelle est emploie le Sr de Champaigney qui se poursuict et continue ung peu plus chaudement qu'elle n'a fait, s'estant depuis peu de jours ledit Sr de Champaigney avancé au pays de Hollande jusques à Lahaie avec le Sr de Tholouze prisonnier pour estre plus voisins du prince d'Orange et en
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pouvoir plus commodément et facillement traiter, par ce que ledit de Tholouze yra devers luy et retournera, comme aussi pourra faire ledit de Champaigney. Mais plusieurs ont opinion que cecy ne s'avance, sinon que pour amuser ledit prince et le faire bien espérer, atendant l'exploit de ladite armée.
A quoy, outre l'oppiniastreté en laquelle il est pour l'exercice de la religion et saillie des estrangiers de ce pays, il ne s'arreste tant qu'il ne donne de sa part bon ordre à ses affaires, faisant encores de nouveau armer à Flessingues quarante gros navires pour, avec les autres qui estaient cy-devant équippez, s'opposer au passaige de ladite armée et la combattre. Ce qu'ilz atendent avec toute dévotion, et seroient bien marriz qu'elle ne vynt, disans que au cas qu'elle fust retenue pour quelque occasion ilz la vouldroient aller chercher jusques sur les lieux pour n'emploier inutillement les despences grandes qu'ilz ont faites de s'armer. Nous n'avons icy aucunes nouvelles de son partement ny espérance qu'elle puisse faire voille jusques à ce mois prochain, et atendrons ce que le temps en pourra produire.
Ledit prince avec tout l'armement qu'il fait de ce costé là ne laisse de faire encores armer autres quarante navires qui sont depuis peu de jours venues se mectre à l'ancre au port et devant la ville d'Anstredam, où estaient celles qui combatirent le comte de Bossu ; de sorte que ladite ville se trouve merveilleusement pressée, se voiant ruyner peu à peu sans qu'elle puisse congnoistre le chemin pour en sortir de longtemps, et sont à ce que j'entendz, en termes de se réduire à quelque neutralité sans atendre une telle fin qu'a eue Midelbourg, ce qu'ilz eussent desjà fait du consentement de tout le menu peuple n'estait qu'ilz en sont divertiz cl retenuz par les officiers
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du Roy, principaux et magistratz d'icelle 1; Vostre Maté peult considérer combien de peine et travail cela emporte audit Sr Commandeur qui mect tout le soing et dilligence possible pour les conserver d'amitié, car de force ilz n'ont oncques voullu recepvoir garnison, somme que je puis asseurer Vostre Maté que de l'évènement de ladite armée d'Espaigne que l'on publie estre bien forte, tous les principaulx affaires de deçà deppendent; voyre, quasi il semble que lesditz Estatz au moins ceux de Flandres prolongent et différent de respondre à la demande qui leur a naguières esté faite de secours de deniers jusques à ce qu'ilz en aient veu le succez.
Cependant ceulx des Estatz de Brabant se sont de naguières présentez audit Sr Commandeur pour le supplier et exorter en toutes façons de donner ordre à termyner ceste guerre le plus promptement qu'il sera possible, luy remonstrant que de la continuation d'icelle la ruyne généralle du pays deppend, et que s'il luy plaisoit prendre le chemin de la doulceur et de paix, ilz le luy pourraient bien ouvrir et luy en donner les moiens ; mais, pour ce que c'est chose de telle conséquence et en laquelle ilz ne veullent estre meslez seulz, il seroit bon de faire encore appeller les Estatz généraux afin d'en conférer ensemble et luy rapporter ce qui leur en sembleroit. A quoy il a monstré prester voluntiers l'oreille sans que toutefois il si soit encores autrement avancé. Je ne faudray d'y avoir l'oeil et d'en escripre à Vostre Maté ensemble de toutes autres choses qui se présenteront et que j'en pourray apprendre.
1 Requesens avoue son inquiétude au sujet d'Amsterdam dans une lettre du 1er sept. 1574 : Corr. de Philippe II, III, 144. Morillon annonce, 17 octobre, qu'elle parlementait avec le Prince : Corr. de Granvelle, v, 257. 267.
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Au surplus, Madame, j'avois envoie il y a quelques jours ung de mes gens jusques à Collongne pour plus m'esclarcir des remuemens d'Allemaigne, d'où il m'a rapporté que plusieurs de la noblesse et autres montaient à cheval pour aller trouver le Cazimir, mesmes qu'il en a veu une trouppe de VIII vingtz (VIIIxx) chevaux, et a entendu que ledit Cazimir debvoit avoir ensemble le XXVme de ce mois II mil V cens ou III mil chevaux qui s'yroient toujours grossisant jusques à ce qu'il eust trouvé le prince de Condé ; que ledit prince estoit à Heydelberg où il continuoit ses pratiques et que soit de sa part ou du Pallatin, le comte de Hollof 1 et Henrik Vomstink (?) avoient charge de lever chacun II mil chevaux pour l'accompaigner en France. Toutefois j'ay veu une lettre de Ruimehaux (?) qui dit que ledit prince avoit licencié toute sa gensdarmerie depuis l'ambassadeur du Roy qu'a receu ledit Pallatin par le Sr de Neufvy.
L'on m'escript aussi que l'empereur trouvoit merveilleusement mauvais qu'une nation estrangière comme estoit la françoise s'entretinst sur les terres de l'empire et y feyst amas et levées de gens de guerre avec l'ayde dudit Pallatin, estant cela contre toutes les diettes dudit pays et contre la Bulle d'Or, que sur ce Sa Maté avoit commandé aux quatre Comtes d'Allemaigne de s'armer et mectre en ordre pour marcher avec leurs forces contre ledit prince de Condé et les siennes ; je ne say ce qui s'en exécutera dont le temps nous pourra faire veoyr la vérité.
De Bruxelles, ce XXI juillet 1574.
1 Hohenlohe; sans doute le comte Albert, dont parle Guillaume dans une lettre du 7 sept. adressée à son frère Jean, Archives de la maison d'Orange, v, 55.
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CCI. — A la Royne régente. — [26 juillet, 1574.]
Philippe II veut envoyer l'évêque de Cordoue avec un nouveau pardon plus étendu, et nommer Granvelle président du Conseil d'Espagne. — Nouvelles des opérations autour de Gorcum. — Les négociations de Champagney et de Leoninus. — Le Commandeur veut convoquer de nouveau les États-Généraux. — En Allemagne, Casimir et Condé lèvent des troupes.
Madame. Par ce mot de deppesche j'accuseray la reception de celle qu'il vous a pleu me faire du XXVIe de ce mois que m'a apportée le courrier qui a passé par Paris venant d'Espaigne, du voiaige duquel je vous diray que j'ay appris et veu par lettres que l'on tient par delà que le Roy Catholique doibt bien tost envoier en ce pais l'évesque de Cordoua 1 avec ung pardon de tout ample et général et plus absolut que ce dernier qui a esté publié, avec charge de résoudre et conclure ung accord en ce pays avec le prince d'Orange au cas que ledit pardon n'y serve. Que l'armée de mer qui se prépare en Espaigne debvoit estre preste à faire voilte pour le commencement de ceste lune, ce qu'elle seroit si elle estoit servye à propos de la marée et des ventz, outre que l'on y atendoit
1 L'évêque de Cordoue était Bernard de Freyneda, nommé le 24 janvier 1572; il mourut le 21 décembre 1577. Morillon en parle dans une lettre du 19 juillet 1574; il le présente comme le rival, emulo, du duc d'Albe, et dit qu'il a été mandé à la Cour et y est arrivé : Corr. de Granvelle, v, 164. Dans une lettre du 6 sept., il parle d'un projet de l'envoyer aux Pays-Bas : il avait montré autrefois de la bienveillance pour les députés des Etats qui étaient venus réclamer contre le 1/10e; il le représente comme un bon seigneur « qui a toujours desmontré affection à ce pays »; mais ajoute que les États préféreraient le duc de Medina : Corr. de Granvelle, v, 208. 253.
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argent. Il s'y parloit aussi de plusieurs changemens de gouvernement tant à Naples que en ce païs, et que le cardinal Granvelle debvoit aller président du conseil dudit Espaigne, dont Vostre Maté pourra estre mieux et plus seurement advertie par le Sr de St Gohart 1; qui me gardera de vous en dire riens davantaige sinon me remectre à continuer à Vostre Maté les advertissemens de ce qui en succeddera.
Ma dernière du XXIme de ce mois aura fort amplement discouru à Vostre Maté l'estat des affaires de ce pais, tant en ce qui concerne particulièrement le fait de la guerre, de la cavallerie, gens de pyed de toutes nations, artillerie, munitions, vivres, entreprises et exécutions d'icelles, le mauvais pyed dont on proceddoit à ceste guerre et comme toutes choses estaient réduites en espérance d'une bonne yssue et esvènement de ceste armée de mer d'Espaigne, que. aussi pour le fait de la paix et accord qui se négotie, des finances et de la nécessité d'icelles en laquelle se trouve Monsr le Grand Commandeur, de la volunté et désir que les Estatz ont de le secourir sur la demande qu'il leur a fait faire, de l'affection des villes et peuples de demourer en l'obéissance qu'ilz doibvent et générallement de tout ce qui se peult estendre sur toutes choses concernans lesdites particularitez. De manière que je n'ay maintenant à vous faire entendre que ce qui est succeddé depuis.
Quant au fait de ladite guerre, elle se continue avec la mesme froideur que jevous ay escript, tousjours ne s'y faisant aucun exploit. Bien est vray que sans y entreprendre
1 Granvelle était vice-roi de Naples, où il avait remplacé le duc d'Alcala depuis 1571 ; il devint président du conseil suprême de l'Italie en 1575, et peu après du conseil de Castille; sans avoir le titre de premier ministre, il en eut les honneurs et l'autorité.
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davantaige on s'est contenté de nettoier le pays d'autour de Bommel et Gorcon de quelques petites villes et fortz que les Gueulx y tenoient, comme Leerden 1 et autres, lesquelz y faisoient beaucoup de dommaige et s'estendoient assez avant en pais, dont par ce moien ilz sont reserrez. Les soldatz sont au camp avec nécessité de vivres et d'argent que vous aurez entendu, qui fait qu'ilz y demourent en une très mauvaise affection, aians veu outre cela advenir devant leurs yeulx la casserie de tous les Wallons sans leur faire aucun paiement, qui fait que ceulx qui peuvent s'en retirer avecques quelque seureté n'y font pas long séjour. Ledit Sr Commandeur continue encores l'entretènement de sa cavallerie estrangière, sans que personne en puisse juger autre occasion que celle que je vous ay escripte, dont il vient continuellement de grandes plaintes des maux et ruynes qu'ilz font; mais pour cela les coeurs des subjetz ne sont adoulciz pour condescendre au secours que l'on en désire d'artillerie et autres munitions nécessaires pour plus grandes entreprises. Il ne s'en fait aucune provision et doibt le Sr Chappin Vitelly retourner icy dedans peu de jours qui donne tout désespoir d'aucun autre avancement pour ceste année, estans toutes choses réduites sur le bon ou mauvais succez que pourra avoir ceste armée de mer.
Quant au fait de la paix, elle se traite tousjours par
1 Chiappin Vitelli réussit à prendre Leerdam, où il fit pendre deux pasteurs et un instituteur. Leerdam était une petite ville de peu d'importance, dont la seigneurie appartenait au comte de Buren, fils du Taciturne. Vitelli prit aussi Asperen, Henkelom; on y trouva 40 pièces d'artillerie. Requesens l'annonce au roi par lettre du 25 juillet, et Gachard a ajouté en notes les lettres qu'il écrivit à Fernand de la Roche et à l'archevêque d'Utrecht pour y rétablir l'autorité royale et le culte catholique : Corr. de Phil. II, III, 124. Commentaires de Mendoça, II, 257.
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le Sr de Champaigney, comme vous aurez veu, et plus chauldement qu'elle n'a fait, allant et venant le Sr de Tholouze devers le prince et ung docteur de Louvain nommé Leoninus 1 ; plusieurs en espèrent quelque fruict mais ledit Sr Commandeur, que j'en ay fait tomber en propos, dit qu'il n'en est riens, que ledit Sr de Champaigney est seullement par delà pour essaer de réduire quelques villes par la douceur, leur faisant entendre le dernier pardon publié et la volunté que le Roy Catholique a de les bien traiter et recepvoir amiablement, tant y a que je croy que ce qui se fait n'est que pour commencer à en bastir le chemin, sonder les voluntez des ennemyz et veoir ce qui se pourra faire, atendant le succez de ladite armée d'Espaigne.
Pour le regard des finances, ledit Sr Commandeur est désespéré de s'en veoyr si mal secouru par les Estatz, lesquelz accordent bien ce qu'on leur a demandé, pourveu que premièrement on satisface aussi à ce qu'ilz demandent et sont à qui commencera le premier, chacun tenant bon de son costé et commence ledit. Sr Commandeur à les menacer de la force , s'ilz ne veullent marcher d'autre pyed, dont ilz font peu de compte et ne s'en avance guières. Mesmes j'entendz que la pluspart de la Flandre dyminuent tous les jours d'affection et se veullent tenir fortz d'hommes d'eux mesmes pour s'en servir et se deffendre en avenant l'occasion. J'entendz que ledit Sr Commandeur est en volunté de convocquer encores ung coup lesditz Estatz généraux, tant pour
1 Elbertus Leoninus, professeur de droit à l'Université de Louvain. Il négocia d'abord secrètement avec le Prince, puis se rendit officiellement auprès de lui. Son instruction, rédigée par Requesens, est du 30 nov. 1574, et Gachard a publié ses lettres et ses rapports dans la Corr. du Taciturne, III, 403-417.
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avoir leur advis sur ladite paix que pour les induire davantage à le secourir. Je ne faudray d'escripre à Vostre Maté ce qui en adviendra 1.
Au reste, Madame, je n'ay eu depuis autres nouvelles d'Allemaigne que celles qui estoient contenues par madite dernière, et s'en escript diversement, assavoir que les levées et assemblées de forces se continuent tant par le Cazimir que prince de Condé pour aller en France, et qu'ilz debvoient avoir ensemble à la fin de ce mois environ VI ou VIII mil chevaux ; autres escripvent que ledit prince avoit licencié et donné congé à tous ses gens, et say que ledit Sr Commandeur n'en a point de plus certaines nouvelles que celles-là, lesquelles ne peuvent longuement demourer en ceste incertitude, espérant en estre bien fost esclarcy pour le vous faire savoir.
Vostre Maté entendra aussi, s'il luy plaist, que ledit Sr Commandeur et autres ministres de. deçà ont les yeux merveilleusement ouvertz sur l'entrée du Roy en son royaume et sur ce qu'elle produira, craignans qu'elle n'y remecte le repos et tranquilité, ce qui les fait haster de leur part pour le mesme effect,
De Bruxelles, ce XXVIe juillet 1574.
1 Au même moment, dans une lettre du 25 juillet, Requesens annonçait au roi qu'il avait repoussé la demande des États de Brabant de convoquer de nouveau les États-Généraux : Corr. de Philippe II, III, 120.
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CCII. — A la Royne régente. — [29 juillet, 1574.]
Ferdinand de Lannoy nommé gouverneur de Naples, Champagney, de l'Artois. — Négociations pour l'accord à Rotterdam entre le Prince et Champagney ; raisons qui doivent faciliter l'accord. — Le camp de Vitelli est supprimé. — Les Gueux ont fait une descente en Flandre et brûlé Axel. — Condé à Heidelberg.
Madame. Depuis vous avoir escript bien amplement et par le menu du XXVIme de ce mois tout ce qui se passoit ès affaires de deçà, j'ay encores esté confirmé ès advis d'Espaigne que je vous escripvois tant pour ce qui concerne la pacification des troubles de ce pays que pour le changement des gouverneurs de Naples, où s'enyra Don Fernand de Lannoy, et d'Arthois où sera pourveu le Sr de Champeigney son beau-frère. Nous en verrons l'évènement. Mais pour le regard de ladite pacification elle se poursuict tousjours plus vifvement qu'elle n'a fait et jusques à ce point que le prince d'Orange se trouve présentement à Roterdam avec ledit Sr de Champaigney, qui le y est allé trouver pour en comunicquer plus avant. Plusieurs en espèrent bonne yssue, puisque les choses s'acheminent de si bonne sorte; et autres, qui n'y peuvent veoir aucun pyed pour la seureté dudit prince si les estrangiers et espaignolz ne wydent le pays, en désespèrent; outre que la relligion nouvelle qui a depuis plus de deux ans esté seulle exercée en Hollande et Zélande, qu'ilz vouldront retenir, y servira d'un grand acrochement. J'entendz que ledit de Champaigney accompaigné du Sr de Tholouze pourra bien tost venir trouver Monsr le Commandeur pour luy rapporter ce qu'il en aura fait,; et croy que lés ungs et les autres seront meuz à l'avancer
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pour beaucoup de raisons : ceulx de deçà, pour d'un costé ne veoir moien de rentrer de bien longtemps par les armes en la possession desdites provinces, desquelles la ruyne d'Espaigne et de tous ces païs deppend, d'autre pour la crainte qu'ilz ont que ledit prince se lassant de la guerre comme il fera ne les mecte en plus fortes mains que les siennes ; et puis l'oppinion qu'ilz ont que le Roy arrivant en son royaume sera pour y mectre le repos plustost par l'amiable que par la force, qui est une autre peur qu'ilz ont tousjours eue et qui leur fait encores pour le présent resveiller toutes leurs pratiques en France afin de l'empescher, jugeans que des troubles et guerre de France une bonne et grande partie de leur tranquilité deppend. Quant audit prince il y a assez d'occasions qui le y peuvent amener, mesmement s'il y voyd honneur et seureté pour luy, dont je ne vous diray que ces deulx assavoir le peu de moiens qu'il a de pouvoir si longuement faire teste à ung Roy d'Espaigne, elle soubson continuel où il est des unes et des autres villes qu'il tient qu'elles ne se veullent substraire du dessoubz sa main, ou bien luy faire ung mauvais tour. Voilà, Madame, ce que je vous puis représenter de ceste négociation, à la résolution de laquelle il est très nécessaire de prendre garde pour le bien ou mal qui en peult avenir à la France.
La guerre va tousjours en pires termes que devant, estant le marquis Vitely arrivé icy il y a trois jours et n'aiant plus laissé aucune forme de camp, seullement il a distribué le peu de soldatz qui y restaient par les villes, fortz et garnisons d'autour de Bommel et Gorcon. El le Sr d'Hierge demoure pour y commander, n'estant aucunes nouvelles d'y faire entreprise. En Hollande on se repose sur l'esvénement de ceste paix et se sont retirez du port d'Anstredam les vaisseaux que je vous ay dernièrement
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escript y estre venuz, lesquelz n'y voulloient que reprendre une digue et la coupper afin de reserrer ladite ville de plus près, dont ilz ont esté empeschez. On a renvoie et séparé par les garnisons et villes de Flandres, Arthois et Haynault toute la cavallerie légière, et y marcheront aussi quelques compaignies de gens de pyed pour si rafraischir, et n'a ledit Sr Commandeur encores licencié ses reistres, atendant tousjours que les Estatz généraulx luy accordent ce qu'il leur a demandé, en quoy j'estime qu'ilz s'accorderont à la fin, et entretient encores plus lesditz reistres, atendant l'évènement des affaires de France à ceste nouvelle entrée du Roy, craignans que si sa Maté y apporte la paix, le prince de Condé ne leur tombast sur les bras avecques ses forces.
Au surplus, Madame, il n'y a icy nul autre advis de l'armée d'Espaigne que celluy que je vous ay escript, sinon qu'elle ne debvoit estre preste que pour la fin de ce mois, et ne puis dire ce qui en sera, plusieurs entrans maintenant en double si elle viendra ou non, dont toutefois ledit Sr Commandeur ne fait nulle difficulté. Ce pendant les Gueux de Zélande ont pris pour exercice de faire une descente en Flandres depuis quatre jours avec plus de II mil hommes, où ilz ont pris ung gros bourg fortiffié, nommé Axel 1, tué et prisonniers les principaulx de dedans, mys le feu audit bourg, et en toutes les salîmes d'autour, aians enmené plus de XVIII cens bestes à cornes, ce qui revient à ung très grand dommaige.
Quant aux nouvelles d'Allemaigne l'on m'escript d'Ausbourg du XXme de ce mois que le prince de Condé
1 Axel fut prise et brûlée le 25 juillet : Corr. de Granvelle, v, 176. Gachard a publié quatre pièces d'archives sur ce fait : Corr. de Philippe II, III, 134.
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estoit à Heydelberg continuant la levée de ses reistres, et qu'il avoit donné ordre pour en avoir VI mil, aussi que les jours préceddens estaient arrivez audit Heydelberg quatre collonnelz demandans au comte Palatin qui leur paieroit leurs gens, ausquelz il respondit que ce seroit ledit prince de Condé; sur quoy ilz ne se voulurent asseurer et marcher comme ilz feroient si ledit Palatin leur en voulloit respondre pour trois mois. Et a oppinion celluy qui m'escript qu'une partie de ladite levée s'en iroit en fumée.
De Bruxelles, ce XXIXme jour de juillet 1574.
CCIII. — A la Royne régente. — [2 août, 1574.]
Retour de Champagney qui n'a pas réussi dans sa mission auprès du prince d'Orange. — Sentiments sur la nécessité de la paix. — On attend la flotte d'Espagne. — Nouvelles d'Allemagne ; les armements des Huguenots pour la France se ralentissent.
Madame. Outre mes deppesches des XVII et XXImes du passé accusées par la lettre qu'il vous a pleu m'escripre du XXVme dudit mois que je receuz hier, Vostre Maté en aura encores receu deux autres depuis des XXVI et XXIXmes par lesquelles elle aura bien clairement veu et à la vérité en quelz termes se retrouvoient toutes sortes d'affaires de ces païs bas, principallement pour le fait de la négociation de paix que traitoit et poursuivoit le Sr de Champaigney, en laquelle lorsque l'on pensoit approcher plus près d'une bonne fin et résolution et que la plus part de ce peuple se resjoissoit en ceste espérance, l'on y a veu une rupture, n'aiant le voiaige dudit Champaigney vers le prince d'Orange dont ma dernière faisoit mention seu apporter aucun fruict, estant luy de retour
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icy sans riens faire. Et à ce que j'entendz, il n'a tenu audit prince pour n'estre les conditions qu'il proposoit dures ne trop avantageuses pour luy, ne cherchant et requérant Sa Maté Catholicque que de le remectre en son honneur et biens en luy rendant son filz; mais les Estatz des pais le sont venuz supplier fort vifvement de ne traiter ne parler d'aucun accord que premièrement tous estrangiers tant Espaignolz que autres ne sortent hors de tous les Estatz de deçà, qu'ilz ne soient remys et réintégrez en leurs antiens privilèges ; que luy ne demoure gouverneur de Hollande et Zélande ainsi, qu'il estoit par cy-devant, y en mectant ung autre par deçà tel que bon semblera à Sa Maté Catholicque ; et en ruynant et razant toutes les citadelles et forteresses qui ont esté nouvellement faites et depuis ces troubles, luy offrant tous leurs biens, facultez et puissance pour la continuation de la guerre au cas que ces pointz ne leur soient accordez : sur quoy il leur feyt quelques remonstrances ausquelles ilz n'ont voullu obtempérer et qui fait sembler ung jeu à la main. Somme que s'il ne présente autres moiens et entremecteurs en ceste paix pour y parvenir, je veoy que la guerre est pour durer longuement se conduisant mesmement ainsi qu'elle fait. Toutefois il me semble à oyr parler ceulx que j'ay congneu autrefois répugner le plus oppiniastrement à ladite paix qu'ilz commencent à se modérer, voyans l'apparente ruyne qui procedde de ces troubles, et se laissent aller jusques là qu'il seroit bon de mectre en garnison par les frontières de cedit pais les estrangiers Espaignolz que l'on vouldra retenir, afin que le coeur du pais n'en soit foullé et que les affaires se puissent mieux composer ; mais je tiens pour certain que le coeur ny les frontières n'en veullent poinct, et que tant qu'il en demourera ung par deçà l'on n'y verra autre changement.
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Les demandes desditz Estatz de Hollande se comforment en partie avecques celles de ceulx de deçà, ce qui mect Mr le Commandeur en une très grande peine, craignant que là dessoulz il n'y ail quelque chose de caché entre eulx, mesmes que ceulx cy n'ont encores voullu condescendre à faire aucun secours de deniers sur la proposition qui leur a esté faicte et qu'ilz tiennent tousjours bon, ne sachant icelluy Sr Commandeur comment s'i conduire, voyant leur oppiniastreté.
Il a (ainsi que j'ay fait savoir à Vostre Maté) séparé et distribué par les villes de Flandres, Arthois, Haynault et autres sa cavallerie légière et quelque nombre de compaignies de gens de pyed tant pour se rafraischir que pour par ce moien parvenir à ses dessings, qui sont de tirer secours desditz pais en quelque façon que ce soyt et ce pendant les tenir en bryde, et voians que d'eulx mesmes ilz ne voulloient venir à la raison. Il a ces jours passez fait faire une cottization de certaine somme sur chacune ville et villaige de Brabant, deppesche commissions et commissaires pour les lever, dont ceulx desditz Estatz estans advertiz se sont venuz présenter à luy pour luy remonstrer la conséquence de ce fait et combien il pouvoit apporter d'altération au pais et peuple, lequel estoit desjà assez opprimé, protestans contre luy de tout le mal et inconvénient qui en pourroit advenir au cas qu'il voullust suyvre ceste voie : ce qui a encores retardé l'exécution de cest affaire, et ne say si elle yra avant, mais si ainsi est nous sommes pour y veoir de plus grandz et pires remuemens que ceulx qui y ont esté cy devant. Je ne faudray d'en advertir Vostre Maté à la journée.
Quant à la guerre elle est réduitte aux termes que l'ont contenu mes préceddentes, ne si estant riens avancé ny
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inové depuis. L'on est tousjours atendant cest armée de mer d'Espaigne dont nous n'avons autres nouvelles que celles que Vostre Maté aura dernièrement entendu.
Ledit Sr Commandeur part demain d'icy pour s'en aller en Anvers où je croy qu'il résidera quelque temps tant pour y faire fondz et provision de deniers pour satisfaire à ses despences que aussi pour remédier aux insolences et meurtres qui y arrivent chacun jour entre les bourgeois et soldatz, n'aiant point de gouverneur. Vray est qu'il pourra bien donner jusques à Bruges et s'approcher en Flandres à l'arrivée de ladite armée d'Espaigne afin de la favoriser. Autres dient qu'il sera pour tourner à Bos le duc pour se rendre plus près de la guerre. De là je continueray d'escripre à Vostre Maté toutes occurences.
Au surplus, Madame, je vous diray quant aux nouvelles d'Allemaigne que j'ay veu par lettres escriptes à Spire du XXIIe du passé, que les remuemens et levées de gens de guerre qui se faisoient par delà pour les huguenotz de France et dont il estoit tant de bruict s'amortissoient peu à peu, de sorte que maintenant il ne s'en parloit quasi plus. J'espère qu'ilz seront si bien conseillez qu'ilz se rendront aux pyedz du Roy pour obéir à ses commandemens. Nous avons ici advis que Sa Maté doibt estre de ceste heure bien près de l' entrée de son royaume, où je prie Dieu le voulloir amener en toute prospérité et santé.
De Bruxelles, ce IIe aoust 1574.
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CCIV. — A la Royne régente. — [7 août, 1574.]
Rupture des négociations avec le Prince. — Rapports du Commandeur avec les villes pour la levée d'impôts. — Pillages des Gueux, leurs tentatives sur les côtes de Flandre. — Retour d'Angleterre de Bernardin de Mendoça. — Condé manque d'argent en Allemagne et ne peut pas lever de troupes.
Madame. Vous aurez entendu par ma dernière deppesche du IIe de ce mois quelle lin et succez auroit eue la négociation de paix que traitait le Sr de Champaigney avec le prince d'Orange, dont il ne s'est aucunement parlé depuis, estans toutes choses interrompues, hors d'espérance pour ceste fois, et chacun retourne en tel estai qu'il estoit auparavant ; mesmes ledit de Champaigney a repris la charge et gouvernement de ceste ville [Anvers] à l'arrivée de Monsr le Commandeur en icelle, et bien que l'on voie pour ceste heure tous moiens de ladite paix cesser, si ne prent on point les armes à la main de meilleure sorte que ce que Vostre Maté aura peu veoir par mes préceddentes, de mode que maintenant tout se taist, et n'ay de présent autre subjet d'escripre, sinon de la peine en laquelle se trouve Mr le Commandeur pour se faire secourir d'argent par les Estatz généraulx selon la demande qui leur a cy-devant faite, estant le refus que tous en font en général sinon avecques les conditions qu'ilz demandent de l'entretènement de leurs privilèges et libertez antiennes, si grand qu'il, ne sait comme s'y régler; sur quoy je vous diray que, ainsi que le contenoit madite dernière, ledit Sr Commandeur les voiant oppiniastres et persister en leur refus auroit voulu prendre ung autre chemin pour parvenir à ses dessings, qui estoit de cottizer et tailler chacune
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ville et bourg de certaine somme pour avec la doulceur ou force la tirer de leurs mains. Ce que jusques icy il n'a fait mectre à exécution, considérant les protestations qui luy ont esté sur ce faites par lesditz Estatz et les grandz maux qui en peuvent advenir, voyre d'une révolte généralle des villes et de tout le peuple, si bien qu'il ne fait encores que sonder le gué, se publiant partout la cottization de chacune ville, afin d'entendre ce qui s'en dira, pour selon cela si conduire, en quoy chacun prévoyt qu'il avancera bien peu, n'y aiant personne que vueille contrevenir à la résolution desditz Estatz, mais plus tost se laisser forcer de toutes façons que de bailler riens de ceste sorte.
C'est toute la cause que on peult juger du retardement et peu d'exploit qui se trouve en ceste guerre. Car y défaillant ce principal nerf il est impossible d'y riens exécuter davantaige. Ce pendant, comme Voslre Maté congnoist assez clairement, les grandes forces qu'a ledit Sr Commandeur de cavallerie estrangière et de gens de pyed le rongent inutillement et si avant que je ne veoy pas qu'il en puisse aisément sortir quant bien les Estatz satisferaient à sa demande, veu la grande ruyne qu'ilz font sur le pauvre peuple. Je croy qu'il cassera ses reistres pour la fin de ce mois, principallement ceulx du duc de Brumsvick, lesquelz sont entretenuz du crédit dudit duc et qui le fait tous les jours crier à l'argent dont on le remect. Les Gueulx de leur part, ne perdent le temps à faire descentes en la coste de Flandres où ilz bruslent, ruynent et gastent tout ; mesmes j'ay entendu que depuis trois jours ilz ont mis en terre quelques pièces d'artillerie pour battre l'Escluze près de Bruges et essaier de la forcer afin d'exécuter quelque chose en atendant la venue de ceste armée de mer, d'Espaigne de laquelle on parle
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tant. Je croy qu'ilz n'y feront riens, mais pour le regard de ladite armée on en parle fort diversement depuis quelques jours. Les ungs dient qu'elle est partie il y a bien quinze jours aiant esté si fort agitée de ventz et de la tourmente qu'elle a esté séparée en mer, tellement qu'il s'en trouve en certaines isles du costé de l'Hirlande environ quatre vingtz (IIIIXX) ou cent vaisseaux et le reste ailleurs 1. Autres asseurent qu'elle ne viendra pas de ceste année, estant le Roy Catholicque trop empesché contre le Turcq. Si ainsi est, l'on donnera bon loisir audit prince d'Orange d'establir ses affaires en Hollande et Zélande de telle façon qu'il sera mal aisé d'en avoir la fin de bien longtemps, puisque toutes choses estaient remises sur ladite armée.
DonBernardin de Mandosse 3, que j'ay cy-devant escript à Vostre Maté avoir esté envoie en Angleterre, en est retourné il y a quatre jours avec toute satisfaction et asseurance de la Royne de bonne amitié et corespondance avec ce païs, mesmes de faire donner toutes sortes de rafraischissemens dont ladite armée pourra avoir besoing ; mais, quoy qui se passe entre eulx, ceulx-cy ne se peuvent bien asseurer de sa part, veu que ledit prince en lire tousjours ay de et secours.
Quant aux affaires d'Allemaigne, je vous diray, Madame, que j'ay nouvelles que les levées du prince de Condé et du Cazimir mesmes alloient assez lentement, et ce par faulte d'argent ou de respondant, qui asseure les collonnelz de leur paiement. En quoy le duc de Saxe ny le palatin ne sont voulluz entrer, de façons que ne
1 Nouvelle inexacte; la flotte de Melendez ne sortit pas du port de Santander.
2 Voir plus haut, tome II, page 256.
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trouvans point d'autres moiens, comme j'espère qu'ilz ne feront, tout cela s'en yra en fumée. S'il plaist à Vostre Maté que je profonde davantage telz affaires, j'en ay bien le moien par ung certain francois qui se lient près de Collongne qui en a toute congnoissance, et envoiant lequel sur les lieux et parmy leurs trouppes, on pourra descouvrir le nombre d'hommes qu'ilz feront et quelz dessings et entreprises ilz vouldront exécuter, aussi le chemin qu'ilz tiendront, sur quoy il plaira à Vostre Maté m'escripre sa volunté et si j'envoieray ledit homme devers elle à son retour. De Anvers, ce VII aoust 1574.
CCV. — A la Royne régente. — [12 août, 1574.]
Requesens a licencié une partie de ses forces; les reîtres de Brunswick, les Suisses, etc. — Opposition des États pour la levée de l'impôt. — Les villes de Flandre refusent les garnisons. — Nouvelles militaires : les Gueux dans Sud-Beveland, Leyde, Amsterdam. — Mondoucet demande une récompense pour ses services.
Madame. Depuis vous avoir fait entendre par mes deulx dernières deppesches des II et VIImes de ce mois l'estat général des affaires de ceste charge et tout ce que je jugeois apartenir au service du Roy, je ne veoy point qu'il si trouve aucun amendement, et bien que, ainsi que vous aurez entendu, toute espérance de paix soit maintenant perdue et interrompue, la guerre se conduict néanmoins avec la froideur accoustumée, ne se mectant aucune entreprise en avant ; mais au contraire Monsr le Commandeur congnoissant la saison se passer en laquelle il puisse avoir besoing de tant de forces de cheval et de pyed qu'il a entretenues toute ceste année pour
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n'avoir aucun advis qu'il luy en puisse tomber d'autres sur les bras, il se réduict à les licencier, donnant congé aux IIII mil Suisses qu'il avoit dernièrement fait venir, lesquelz luy ont servy d'une despense inutille. Et pour le regard de ses reistres il a pareillement cassé ceulx du duc de Brunsvick, leur baillant comptant ung mois de ce qui leur est deu et du surplus a baillé caution et respondant de deulx villes audit duc qui par ce moien les a contentez. Je croy qu'il en fera autant de ceulx du comte de Mansfeld et autres s'il peult avoir tant de moiens de deniers pour les satisfaire, comme j'estime que semblablement il seroit des régimens de gens de pyed allemans des comte de Hennerstaing, Paulvillier, Fronsberg et Foucre [Fugger], s'il pouvoit les faire paier ou asseurer de tant de deniers qui leur sont deubz, n'y aiant pas ung des trois premiers auquel il ne soit deu plus d'un million de florins. Ses Espaignolz aians dernièrement esté paiez s'estaient escartez deçà et delà par les villes pour se rafraischir et plusieurs se sont retirez hors du pais ; maintenant il fait faire toute dilligence pour les rassembler et remectre en ung dedans les fortz naguières faitz autour de Bommel et Gorcon, estimant sa principalle force consister en eulx, et que par leur moien lesdites villes se trouverront si fort pressées avec le temps qu'il luy sera plus aisé d'en avoir meilleure raison.
En faisant toute ceste redduction il continue à avancer le plus qu'il peult l'effect du secours de deniers qu'il prétend recepvoir de ce pais, en quoy il ne sait quel chemin tenir pour le meilleur et plus prompt, voiant les Estatz résister si oppiniastrement à cette demande sinon aux conditions que je vous ay escriptes. Et maintenant il fait venir devers luy ceulx que l'on juge les plus riches et aisez de ceste ville pour, avec la persuasion d'aucuns
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magistras, les induire à prester, pensant par ceste voie y amener tout le reste du corps d'icelle et par là en tirer une bonne et grande somme; mais pas ung n'y veult entendre, se resouvenant de ce que encores fraischement ilz ont payé ausditz Espaignolz, de sorte qu'il est contraint d'user en cela de menaces, qui jusques icy profitent bien peu, chacun se réduisant à ce que lesditz Eslatz accorderont, qui le voians prendre ceste voie si sont opposez, remonslrans que ce n'est l'antienne forme qui a tousjours esté tenue par deçà quant l'empereur et autres princes en ont voullu tirer ayde, laquelle il estoit besoing de continuer et conserver. Sur cela lesditz Estatz sont pour venir icy le trouver et en résoudre, mais au cas qu'il voullust exécuter ses menaces contre les refuzans et que lesditz Estatz persistacent à ne l'endurer le faisant entendre chacun en leurs villes et provinces, il seroit pour avoir beaucoup d'affaires et pouroit ceste façon engendrer une révolte généralle. Se sont de grandes prolongations de secours qui le font consommer devant qu'il soit levé, outre la peyne et le travail qu'il y a de l'avoir.
Vostre Maté aura entendu comme ledit Sr Commandeur avoit envoie sa cavallerie légière du costé de Flandres y tenir garnison, mais ceulx de Bruges et quelques autres à leur exemple ne les ont voullu recepvoir, de sorte que les villaiges en supportent la foulle et la haine en croist davantaige. Quant à l'armée d'Espaigne son arrivée se refroidist estrangement, et (comme j'escripvois dernièrement à Vostre Maté) plusieurs ont oppinion qu'elle ne viendra point pour les raisons y alléguées; toutefois les Espaignolz disent que si. Nous verrons ce qui en sera, dont je ne faudray de vous adver tir et de toutes autres choses.
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Ce pendant que ledit Sr Commandeur est ainsi agité de divers négoces, le prince d'Orange ne perd temps non seullement pour s'establir et comfirmer davantaige en ce qu'il tient, mais pour acquérir s'il se peult, aiant de nouveau fait descendre en l'isle de Zulbevelant autour de la Goux environ III mil hommes de pyed pour, avec l'occasion d'une certaine mutation intervenue entre les Espaignolz et Wallons estans en ladite ville, sonder s'ilz s'en pourraient faire maistres ou pour le moings y faire la récolte estant la plus fertille de toutes les Zélandes, ce qu'ilz font et continuent journellement d'en faire charger des vivres sur grand nombre de vaisseaux qu'ilz ont amenez autour d'icelle tant pour cest effect que pour recharger leurs gens s'ilz en estaient chassez. Ledit Sr Commandeur avoit fait partir deulx cent espaignolz pour le secours de ladite ville, lesquelz n'y ont seu passer. Nous verrons sy outre ladite récolte que lesditz Gueulx y font ilz pourront avoir ladite ville : ce que je ne croy. Du costé de Hollande la guerre si conduit par le moien des forlz que l'on y a fait faire de longtemps, lesquelz pressans la ville de Leydem, et les Espaignolz y voullans encores faire plus de progrès, ceulx des villes de Rotterdam et Delft leur en ont voullu coupper le passaige par l'ouverture qu'ilz ont faite des escluzes qui ont inondé toute la campaigne et partie desditz fortz, de sorte que lesditz Espaignolz ont été contrains se retirer arrière. Anstredam est tousjours pressée desditz Gueulx plus du costé de la mer que d'autre endroyt ; mais s'il n'y est autrement remédié, il est à craindre grandement que la longueur du temps ne les ennuyé et ne les face changer de volunté pour se réduire soubz la protection dudit prince, qui seroit le plus grand mal qui sauroit avenir.
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Quant aux nouvelles d'Allemaigne je n'en ay point d'autres que la continuation de celles que j'ay dernièrement escriptes à Voslre Maté du peu de moiens de deniers et de respondant qu'avoit le prince de Condé pour faire aller ses levées en avant 1 ; si bien que l'on tient qu'avec les remonstrances qui luy seront faites et le chemin que l'on tiendra pour le retirer de là tout se passera plus doulcement que l'on ne pense. Si j'en entendz quelque autre particularité je ne faudray de la vous faire savoir.
Au surplus, Madame, je veoy, grâces à Dieu, approcher le temps de l'heureuze arrivée du Roy en son Royaume, où j'espère que Vostre Maté se souviendra des promesses qu'elle m'a si souvent faites de me faire récompenser de mes services et grandes despences que j'ay faites par deçà, considérant le peu de moiens que j'ay. Ce que je vous ay encores bien voullu ramente voir par ceste lettre, et vous supplier très humblement que Fimportunitó de ceulx qui seront présens et d'autres qui pourront alléguer le voiaige qu'ilz ont fait avec Sa Maté ne soit cause de me faire oublier et priver du fruict que j'en atendz par vostre main, dont mon homme qui est par delà vous rafraischira la mémoire avec l'occasion.
D'Anvers, ce XII aoust 1574.
1 Comme récrivait Alamanni au grand duc de Florence : Ne loro manca altro che danari : Neg. dipl. de la France avec la Toscane, I V, II.
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CCVI. — A la Royne régente. — [18 août, 1574.]
Nécessité de la paix. — La guerre n'a rien produit pendant l'année 74, depuis la bataille de Mook. — Le pays est ruiné par les troupes. Les États de Brabant. — Courses des Gueux dans la rivière d'Anvers.
Madame. La présente servira plus pour accuser la réception de celle qu'il vous a pleu me faire du cinqiesme du présent que pour vous exprimer autre particulière occasion que j'aie de vous escripre présentement des occurances de deçà, estans toutes choses réduites à telz termes que depuis quinze jours ou trois sepmaines en çà il n'y est succeddé riens de nouveau ne aucun changement au moings en amendant. Vostre Maté aura veu par ma dernière du XIIe et par la préceddente comme les négotiations de paix qui s'estaient mises en avant par ceulx de deçà et qu'ilz monstroient rechercher avec bonne volunté se sont du tout interrompues, dont les causes et occasions vous auront aussi esté desduites par mesdites lettres : qui me gardera de vous en dire autre chose, sinon que bien qu'ilz s'en voient du tout dehors pour ceste fois et qu'ilz congnoissent les Estatz de Hollande et Zélande et le prince d'Orange oppiniastre en ce qu'ilz demandent, si ne tiendra il à eulx qu'ilz n'en remectent les fers au feu par quelques moiens, et que en cela ilz n'emploient l'empereur, la royne d'Angleterre et autres princes leurs voisins et estrangiers qu'ilz congnoissent y pouvoir servir et leur ayder à conserver l'honneur et réputation d'Espaigne, sans laquelle je tiens pour certain qu'il y a desjà quelque temps qu'ilz se fussent laissez aller à des conditions et partyz plus doulx et facilles
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que celles qu'ilz en pourront avoir. J'ay esté adverty que telles choses se recherchent encores soubz main et fort secrètement, mesmes que don Bernardin de Mandosse a eu charge de sentir ce qu'il pourroit de la volunté de la royne sur ce fait, et. est l'oppinion comune qu'il faudra que en fin ilz en viennent là ; car il ne fault plus qu'ilz espèrent en tirer riens par les armes au moins estant menées et conduites ainsi qu'elles ont esté ceste année, ne s'i estant riens exécuté depuis la routte du comte Ludovicq, sinon à la ruyne et consommation de tout le pais et du roy d'Espaigne, mesmes pour les grandes et extresmes despences qui ont esté faites, lesquelles sont demourées inutilles et sans aucun fruict comme elles sont encores pour le jourd'huy. Vray est que, ainsi que Vostre Maté aura entendu , elles sont dyminuées au moien des casseries qui ont esté faites de bien soixante enseignes de Wallons, de IIII mil suisses qu'on renvoie et des reistres 1; mais au lieu desditz suisses il est arrivé depuis deux jours ung régiment de dix enseignes de Lansquenetz soubz le comte Hannibal d'Altoemps, de sorte que encores maintenant il y a plus de deux cens cinquante enseignes de gens de pyed entretenues, tant Espaignolz, haulz et bas Allemans que de Wallons, toutes lesquelles sont si mal paiées que l'un n'atend point l'autre pour crier à l'argent et se plaindre, et croy que si une nation se pouvoit joindre ensemble qu'elle suivrait le chemin de mutination qui luy a esté faite deux fois par les Espaignolz. Lesdites forces sont séparées par la Hollande dedans les fortz qu'on a faitz autour de
1 Requesens annonce à Philippe II, lettre du 6 sept. 74, qu'il a licencié tous les Suisse sen leur payant ce qui leur était dû; il put aussi se décharger de douze cornettes des comtes de Mansfeld et de Schaawembourg : Corr. de Philippe II, III, 145.
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Bommel et Gorcon, et dedans quelques villes et païs de Gueldres, Brabant et Flandres dont chacun est si las et recreu que ce n'est qu'une plainte généralle par tout. Somme, Madame, que le mal contentement est beaucoup plus grand qu'il n'a esté du temps du duc d'Alve, le pays estant si foullé et opprimé des amys et ennemyz qu'il ne sait à qui recourir.
Quant au secours d'argent que Monsr le Commandeur a cy devant demandé aux Estatz, quelque moien et chemin qu'il ait seu tenir pour le tirer, il n'y est encores parvenu. Tous particuliers se voullans plustost laisser forcer que de riens accorder libérallement, et sont les gens desditz Estatz venuz en ceste ville le trouver sur telles occasions, demourans oppiniastres de n'accorder aucune chose sinon aux conditions qu'ilz ont cy-devant demandées de leurs privilèges, qui consistent principallement à oster Chincho Davilla du chasteau de ceste ville 1 et le mectre en main d'un naturel du pays, afin d'obvier à ce que une autre fois il n'advienne ung tel inconvénient que celluy qu'il advynt dernièrement des Espaignolz par le moien et consentement dudit chasteau. Ils s'assemblent et négocient tous les jours pour en adviser et résoudre, dont je ne faudray de vous escripre le succez.
Au reste, Madame, ceste ville et rivière sont si fort désarmées de vaisseaulx pour les pertes qu'ilz ont faites que les Gueulx la courent ordinairement sans eu estre empeschez, et sont encores venuz depuis deulx jours jusques à Lillo où ilz ont mis pied à terre, pillé et sac1
sac1 États de Brabant demandaient avec instance que tous leurs officiers et châtelains sussent brabançons, afin d'obtenir la destitution de Sancho Davila, châtelain d'Anvers : Renon DE FRANCE, I, 525.
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cagé tous les villaiges et emmené le bestial du plat pays ; si bien que, encores que graces à Dieu ceste année soit si bonne et habondante qu'elle est, toutes sortes de vivres ne laissent d'y enchérir grandement. J'entendz qu'aians fait ce qu'ilz ont peu de récolte en l'isle de Zutbevelant, où ilz estoient descenduz, ilz se sont relirez, habandonnans la ville de Lagoux [Goes]. Pour le regard de l'armée de mer d'Espaigne qui estoit le seul fondement de l'espérance qu'on avoit de faire quelque chose de bon sur ceste arrière saison, sa venue est tellement refroydye que la pluspart jugent et tiennent pour véritable qu'elle ne viendra point de ceste année, n'estant aucune nouvelle de son parlement. Et si ce mois se passe sans en avoir, nous en serons tout asseurez. D'Anvers, ce XVIIIe aoust 1574.
CCVII. — A la Royne régente. — [22 août, 1574.]
Requesens cherche à faire négocier la paix par l'intermédiaire de l'Angleterre; médiation de l'Empereur. — Opposition des États de Brabant. — Les Gueux inondent une partie de la Hollande. — La flotte de Melendez ne viendra pas. — En Allemagne, Condé n'a pu faire de levées faute d'argent. — On en fait en Westphalie, mais Mondoucet ne sait pas pour qui.
Madame. Je désirerais à toutes heures représenter devant les yeux de Vostre Maté bien particulièrement toutes choses concernans les affaires de ce gouvernement, et me suis efforcé de ce faire aultant qu'il m'a esté possible depuis trays ans et demy et plus que j'ay cest honneur d'y résider, dont le plus grand contentement d'esprit que je puisse avoir est la satisfaction que voz lettres me tesmoignent que Vostre Maté en a receu et
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recoyt ; et j'espère qu'elle s'en souviendra à l'arrivée du Roy et qu'elle tiendra la bonne main pour m'en faire recueillir le fruict qu'elle m'a tant de fois promis.
Il n'est pas survenu grand changement au fil des affaires de ceste dite charge depuis ma dernière du XVIII de ce mois, de sorte que si je voullois reprendre par le menu tous les pointz contenuz en mes préceddentes, ce ne seroit que vous ennuier de redites. Je reviendray seullement à ce qui regarde le fait de la paix que Monsr le Commandeur avoit commencé de proposer et mectre en avant, pour vous dire que depuis vous avoir escript j'ay eu certain advis que ledit Sr Commandeur est après à la promouvoir et avancer le plus qu'il peult, tant par le costé de l'Angleterre, ainsi que Vostre Maté aura seu que par les moiens de l'empereur, qui, à ce que j'entendz, doibt deppescher ung personnaige notable et de qualité devers le Roy Catholicque pour l'induire à voulloir en fin pacifier les troubles de ce pays, luy remonstrant que à son advis c'est chose de trop grande conséquence et préjudice pour la maison d'Austriche de les laisser persévérer de la sorte qu'ilz ont fait, outre la mauvaise satisfaction qu'en recoyvent quasi tous les potentaz et villes franches d'Allemaigne, dont lesditz pays bas deppendent en partie ou sont en protection 1.
Et puis sur l'assemblée des Estatz faite en ceste ville pour l'accord du secours qu'il leur a demandé, il leur a mys en avant et les a priez entre autres choses de regarder entre eulx quelles plus doulces voies ilz pourraient
1 L'Empereur envoya Rumpff en Espagne et le comte de Schwarzbourg au prince d'Orange : Corr. de Philippe II, III, 126. 128. Cf. les nombreuses lettres de St Gouard, qui annonce l'arrivée de Wolfgang Rumpff à Madrid dans celle du 29 nov. 74; Rumpff avait eu sa première audience le 23 novembre. Bibl. nat., II, 447, 451-456.
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trouver pour cest effect et les mectre par escript, afin que Sa Maté Catholicque les peust entendre et y pourveoir là dessus ; ce que lesditz Estatz sont après de faire, et croy que le principal point de cest accord consistera en la sortie des estrangiers de cedit pais ; mais je ne pense pas que ce soit chose aisée à deffinir pour y avoir en cela trop de réputation pour les Espaignolz. Aussi je croy que ce que ledit Sr Commandeur se remect en eulx de cest affaire n'est que pour les adoulcir et faire plus courtoisement joindre au point de deniers qu'il désire. Ilz ne laissent pour cela de tenir bon en leurs premières délibérations, et luy ont fort vifvement remonstré que s'il voulloit prendre le chemin des cottizations des villes et particuliers qu'il desseignoit, il seroit naistre plus de révoltes et mauvais esvènemens que n'a fait le dixiesme denier du duc d'Alve, et que sur cela ilz désirent entendre la volunté de Sa Maté Catholicque auparavant qu'il passast outre; autrement qu'on luy pourroit justement imputer le mal qui en adviendrait. Ainsi je le veoy plus à recommencer qu'il n'a esté.
Pour le regard de la guerre il n'y est intervenu de ceste part aucune autre entreprise ne point plus d'exécutions que ce que Vostre Maté en aura veu, estans toutes choses contenues au mesme estat que vous l'aurez veu. Mais le prince d'Orange ne laisse (selon ses forces et moiens) de faire de sa part ce qu'il peult. Car du costé de Hollande se voiant pressé par les fortz qui y ont esté bastiz, et après que ceulx du pais y ont fait ce qu'ilz ont peu de récolte et retiré le bestial dans les villes et lieux de seureté, il a fait ouvrir quelques escluzes par lesquelles ledit pais est inondé en la plus grande part, qui contraindra les garnisons de s'en retirer et habandonner lesditz fortz, n'estant plus possible qu'ilz puissent estre
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secouruz de vivres à propos et selon la nécessité qu'ilz en ont ; ce qui faschera encores davantaige la ville d'Anstredam et sera impossible qu'elle puisse subsister si la guerre dure de ceste sorte. Du costé de Flandres, quelques forces que y ait distribuées ledit Sr Commandeur, les Gueulx, après avoir fait demourer depuis quelques jours bon nombre de vaisseaux le long de la coste, y font faire des descentes en terre, courent et gastent tout le pais, et ont fait adver tir tous les bourgs et villaiges de la part dudit prince et par billetins de le secourir de deniers pour la solde et entretènement de ses gens de guerre et ce pendant de leur aider de vivres et munitions, les menaçant de feu et sang où ilz en feront refuz, dont il vient chacun jour plaintes et doléances audit Sr Commandeur, ausquelles il est bien marry qu'il ne peult remédier, congnoissant assez l'oppression qu'ilz recoyvent des ungs et des autres.
Quant à l'armée de mer d'Espaigne, l'espérance est du tout perdue maintenant qu'elle vienne de ceste année, mesmes après avoir entendu les affaires qu'a le Roy Catholicque du costé de Barbarie ; de sorte que s'il fault croire à ce qui nous est rapporta du costé desditz Gueux les ungs et les autres en sont fort marryz, ceulx de deçà pour se veoir frustré du bien qu'ilz en atendent et que par ce secours ledit prince pourroit estre grandement affoibly et abattu ; et lesditz Gueulx pour estre hors d'espoir du gaing et profict qu'ilz en atendoient en la rompant et défaisant, dont ilz faisoient estat très asseuré ; mesmes j'enlendz qu'ilz menacent de l'aller trouver jusques sur les lieux, voyre de se jecter sur une flotte des Indes, se voullans faire croire d'estre pour le jourd'huy maistres de la mer. Je me remectray à ce qui en succeddera, dont je ne faudray de vous advertir.
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Quant à l'Allemaigne Vostre Maté aura entendu les advis que je luy en ay donnez par mes préceddentes deppesches, les quelz me sont comfirmez ; et m'est escript d'Ausbourg et des quartiers de delà que les levées que voulloit faire le prince de Condé sont allées à néant par faulte d'argent. Toutefois en ces quartiers de Collongne, de la Vesfalia et autres de deçà, l'on m'escript qu'il y passe tous les jours gens de guerre en trouppes qui se vont assembler les ungs pour le service du Roy et de la France, et autres que l'on ne sait descouvrir à quelle intention si ce n'est pour le parti contraire. J'atendz le commandement de Vostre Maté pour me servir en cela du personnaige dont je luy ay dernièrement escript, qui à mon jugement y fera bon et fidelle service.
D'Anvers, ce XXII aoust 1574.
CCVIII. — Au Roy. — [26 août, 1574.]
Mondoucet adresse un courrier à Henri III; il sollicite un bénéfice.
Sire. Aiant esté adverty de l'heureuse arrivée de Vostre Maté en son Royaume 1 et sachant très bien que selon sa bonne et louable preudhence peu après icelle elle désirera d'entendre particulièrement l'estat des affaires d'icelluy tant du dedans que de dehors et ce qui concerne les charges estrangières, je n'ay voullu faillir de vous deppescher incontinent ce présent porteur mon homme, afin qu'il vous puisse mieux rendre compte à bouche et de vifve voix en quelz termes se trouvent les
4 Le roi ne fit son entrée en France que le 5 septembre, par la frontière de Savoie.
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négoces de ceste guerre et autres qui appartiennent au gouvernement de ce pais, sur lequel, à mon jugement, on doibt avoir les yeux plus ouvert*z que sur autres voisins, pour estre celluy duquel la France s'est trouvée de tout temps affligée et pressée ; car, bien que par toutes mes préceddentes deppesches que j'ai faites à la Royne vostre mère, mesmes les dernières des XVIII et XXIPes de ce mois ce qui s'i est cy devant passé y soit assez vifvement représenté, si ne peuvent elles donner à Vostre Maté autant de certaine lumière du tout comme je le désirerais, et que fera le rapport de cedit porteur, qui me garde d'estendre ceste lettre plus au long à vous discourir par le menu desditz affaires pour ne vous ennuier ; vous suppliant très-humblement le voulloir croyre de ce qu'il vous en dira de ma part selon le mémoire que je luy en ay baillé et ce qu'il en a veu, aussi recepvoir toute la très humble obéissance qu'il vous présentera de ma part.
Il me reste seullement à remonstrer à Vostre Maté qu'il y a trois ans et demy et plus que je suis résident en ceste charge avec autant de grandes peines, despences et longs voiaiges qui s'i soient faitz de tout le temps de mes prédécesseurs, qui m'a assez souvent causé d'en escripre quelque chose au feu Roy vostre frère et à la Royne, lesquelz en ceste considération et congnoissans combien ma demande estoit justement fondée, m'aians mesmes à vostre instance et auparavant vostre partement promis de me faire du bien et me donner moien de continuer mes despences honnorablement à leur service, ce qui s'est différé à l'occasion de la mort inoppinée de Sa Maté, et à quoy la Royne n'a voullu aussi aucunement toucher depuis remectant le tout à voslre venue. Et pour ce que je m'asseure que Vostre Maté aura bonne mémoire des
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services que je luy ay faitz, tant près de sa personne depuis quinze ou seize ans 1 que ailleurs et par deçà, sans avoir jamais eu aucun bienfait ne récompence, y aiant continuellement despendu si peu que j'ay eu du myen, tant que j'en suis pour plus de IIII mil escuz (IIIImw) en ceste charge. Je ne les vous remectray point devant les yeux, mais je vous supplie très humblement, Sire, qu'il vous plaise continuer envers moy la bonne volunté qu'il vous a tousjours pieu me porter, et avec icelle assembler celle du feu Roy et de la Royne, afin que à ce deppartement que Vostre Maté fera de tant de bénéfices et autres bienfaitz qui ont esté réservez depuis ung an pour vostre venue, je me puisse ressentir du fruict de tant de promesses qui m'ont esté faictes principallement par la Royne depuis la mort de Sa Maté, ce que je seray très heureux de despendre à jamais pour vostre très humble service et la vie propre en tous les lieux où je seray honnoré de voz commandemens. De Anvers, ce XXVI aoust 1574. 2
1 En 1561, Mondoucet était trésorier général du duc d'Anjou, Archives nat., Mémoriaux de la Cour des Comptes, P. 2312, f° 1095.
2 A la suite de cette lettre, il y a une page laissée en blanc dans le manuscrit.
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CCIX. — Au Roy. — [1er septembre, 1574.]
Affaires militaires : les Gueux ont inondé le pays de Leyde et introduit des vivres dans la place; on ne fait rien à Gorcum ni à Bommel. — Les États-Généraux; les négociations pour les contributions, pour l'accord. — Les Espagnols se réjouissent des troubles de France. — Condé a rassemblé dix mille hommes en Allemagne, vers Cologne.
Sire. II y a cinq jours que j'ay fait partir mon homme pour aller expressément trouver Vostre Maté luy rendre particulièrement compte de tout ce qui se passe ès affaires de ceste charge; à quoy j'estime qu'il n'aura failly et de vous informer de point en point de toutes choses, si bien qu'elles vous seront aussi vifvement représentées que si Vostre Maté les pouvoit veoyr de ses yeux.
Depuis son parlement il n'y est survenu riens de mérite. Toutefois, afin que le temps ne vous puisse apporter aucun soubson en icelles, je vous diray que l'estat de ceste guerre est aux mesmes termes qu'il estoit et se
1 Cette lettre est une des plus éloquentes et des mieux réussies de la Correspondance. Mondoucet a disposé les, faits avec beaucoup d'art pour faire impression sur l'esprit du nouveau roi, et l'amener à reprendre les anciens projets de Charles IX contre les Pays-Bas. Après avoir présenté un tableau peu flatteur de la situation militaire et financière, il glisse adroitement cette phrase : «... plusieurs de la noblesse et principaux bourgeois désirans ou que quelque prince voisin se saisisse de ce pays avecques les belles occasions qui s'en présentent... », puis il appuie fortement sur les sentiments d'hostilité que les Espagnols expriment hautement contre la France, leur joie des troubles nouveaux, et enfin il termine en exagérant l'importance des armements de Condé, et en laissant comprendre qu'il serait facile de les employer pour combattre les Espagnols en faisant alliance avec le prince d'Orange.
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continue de la mesme façon pour n'y exploiter riens davantaige de ceste année, estant tenu maintenant pour certain que ceste grande armée de mer d'Espaigne, de laquelle on a tant parlé, ne viendra plus. D'autre part que toutes les autres forces entretenues par deçà par Monsr le Commandeur sont réduites par les fortz et garnisons, et puis aians les reistres et suisses esté cassez, ainsi que vous aurez entendu, de sorte que je veoy le prince d'Orange et les pais qu'il tient en repos pour cest hiver.
Du costé de Hollande, Vostre Maté aura seu comme la ville de Leydem et autres villes du party dudit prince estoient pressées par le moien des fortz qu'on y avoit faitz, qui auroit esté cause que ceulx dudit pais avoient ouvert quelques escluses et rompu les digues en aucun endroit pour inonder la campaigne, dont lesdites villes se sont trouvées tellement allégées que Leydem, qui auparavant estoit sur le point de se perdre et rendre faulte de vivres, en a eu ung bon secours avec nombre de vaisseaux platz chargez qui, à la faveur desdites eaux et du vent, y sont entrez, et lesditz fortz si bien incommodez que, n'y pouvans aborder vivres si abondamment que auparavant, plusieurs des soldatz espaignolz les habandonnent. Il est vray que telle inondation sera cyaprès aussi dommaigeable pour lesditz Gueulx que pour les autres, n'aians nulle commodité de faire nouritures sur quoy ilz sont principallement fondez.
Il s'exécute aussi peu de chose deçà vers Bommel et Gorcon, mesmes l'un des fortz fait près dudit Bommel s'est depuis peu de jours ruyné et desmoly par ung accident de feu pris aux munitions, tellement que les plus poignans négoces qu'ait de ceste heure ledit Sr Commandeur consistent principallement à ce que les
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Estatz généraux, ausquelz il a demandé ung bon secours de deniers il y a jà longtemps, s'accordent de le fournir et bailler ;en quoy ilz se sont conduiz et comportez jusques icy de la mesme sorte que l'ont contenu mes préceddentes deppesches, qui estoit de paier, pourveu qu'ilz feussent remys et entretenuz en leur antiens privilèges, et en sont encores logez là. Néanmoins ilz s'assemblent tous les jours avecques personnes de la part dudit Sr Commandeur et croy que cest affaire se débattra tant qu'en fin il s'accommodera, chacun remectant quelque chose de sa part. Mais lesditz Estatz demourans oppiniastres comme j'entendz qu'ilz font, je ne say à quoy pourra recourir ledit Sr Commandeur sinon en escripre en Espaigne comme j'ay seu qu'il fait présentement pour ceste occasion et atendre sur ce la volunté du Roy Catholicque, entretenant cependant le tout le mieux qu'il luy sera possible. Je continueray d'escripre à Vostre Maté ce qui y surviendra. Mais toutes ces longueurs d'accorder leurs ditz privilèges, la demande de ceste grande somme de deniers, la continuation de la guerre et la grande mengerie et foulle qu'endure ce pais ont tant engendré de cryeries, plaintes et nouvaux mal contentemens qu'il est incroiable : ce qui court assez communément par la bouche non seullement du peuple mais de plusieurs de la noblesse et principaux bourgeois désirans ou que quelque prince voisin se saisisse de ce pays avecques les belles occasions qui s'en présentent mectant hors d'icelluy et chassant les Espaignolz et autres estrangiers ; ou que le prince d'Orange en demoure vainqueur avecques une bonne paix qui les mecte dehors. A quoy les principaux du conseil de deçà disent tout hault qu'il est très nécessaire de parvenir; autrement ce pais s'en va perdu. Aussi à la vérité, Sire, je croy, prenant ceste guerre le long
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trait qu'elle fait, toutes choses yront en empirant, et que le point principal où l'on tendra doresnavant le plus, sera de trouver les plus honnestes moiens qu'on pourra pour pacifier et accommoder ces troubles, ainsi que vous aura plus particulièrement déclaré mondit homme.
Je ne saurois au reste assez vifvement exprimer à Vostre Maté l'aise et le contentement que ledit Sr Commandeur et autres ministres de deçà reçoyvent des advis continuelz qu'ilz ont que les armes se remuent davantaige en France à l'arrivée de Vostre Maté qu'elles n'ont encores fait, espérans d'un costé que ledit prince et autres leurs ennemys en seront moings secouruz et assez affoiblyz, voyre que faisans la paix toute l'oraige y tombera et demourent asseurez ; et d'autre qu'il ne se peult faire que la France ne s'afoiblisse en ce faisant, de telle sorte que après cela elle sera si desnuée d'hommes, d'argent et autres forces que non seullement elle se debvra garder de faire aucune entreprise sur ses voisins, mais elle sera assez empeschée de se conserver. A quoy je m'asseure que Vostre Maté saura très prudemment remédier, et qu'ilz n'auront tant de lieu de s'esjoyr des maux et ruynes de ceulx qui leur ont esté trop amyz.
Quant aux nouvelles d'Allemaigne je viens d'estre adverty que depuis six jours il est arrivé à Aix deux charges d'argent conduites par quelques françois, qui incontinent après sont montez à cheval pour en aller advertir leurs chefz, entre lesquelz j'entendz qu'est ung nommé le Sr du Lumyères [ou Lunyères? La Huguerye?] ; que le Cazimir, Mandesloo, le prince de Condé et autres françois, le comte de la Marche nommé Lumey sont jointz et unyz ensemble pour faire une grande trouppes de reistres jusques à neuf ou dix mil, pour le paiement desquelz les villes respondoient, et qu'il y a plus de deux cens fran-
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çois tant à Collongne que Frankfort ; que l'on ne savoit encores leur délibération, si estans prest ilz entreront en ce pais pour tenter comme il se comportera maintenant qu'il est ainsi garbouillé et sans argent, pour après passer en France, ou bien s'ils y marcheront tout droit; ce que le personnaige dont j'ay escript à la Royne pourra descouvrir. On m'escript aussi qu'il s'y est semé ung bruit que les Pollonnois voulloient soldoier pour VI mois deux mil chevaux pour leur secours, ce que je ne croy. D'Anvers, ce premier septembre 1574.
CCX. — Au Roy. — [6 sept., 1574.]
Quelques escarmouches. — Les Espagnols désertent en grand nombre; Guise en a recueilli 600. — Requesens est tombé d'accord avec les États-Généraux pour la question d'argent. — État des négociations pour la fin des troubles et la paix avec le Prince; considérations à ce sujet. — Allemagne : départ pour la France d'un espion allemand.
Sire. Aiant amplement adverty Vostre Maté de toutes particularisez des affaires de ces pays bas et de l'estat auquelilz se trouvent présentement, tant par mon homme que je deppeschay le XXVIme du passé que depuis par ma deppesche du premier duprésent, j'ay maintenant à vous donner advis de ce qui y est succeddé depuis chacun jour.
En premier lieu le fait de la guerre y est tel que Vostre Maté aura entendu, ne s'i exécutant aucune chose, et y a moings d'apparence que jamais qu'il s'i puisse faire riens davantaige de ceste année; de sorte que je m'en tairay pour ceste fois, me remectant à ce qui en adviendra. Vray est qu'il se fait tousjours quelque légière escarmouche d'une part et d'autre où chacun à son tour recoyt
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quelque avantaige, ainsi qu'il en est advenu naguières près Gertrubergue, où il est demouré tant mortz que prisonniers vingt cinq ou trente Espaignolz.
C'est chose certaine que, soit pour raison du peu qu'il s'i entreprend ou pour autre occasion, la plus grande part desditz Espaignolz se retirent les ungs en Italie et Espaigne et autres en France où ilz sentent la guerre, s'en allans par trouppes de cinquante, soixante et plus de cent, estant Monsr le Commandeur contraint d'envoier de sa cavallerie après et de mander aux garnisons des frontières d'y faire garde pour les rompre et défaire, ainsi qu'il est advenu depuis peu de jours que s'en allant une trouppe de II cens ou plus, ceulx des garnisons de Philibeville, Mariembourg et autres sortirent après, leur faisant premièrement remonstrer doulcement qu'ilz eussent à retourner par deçà continuer leur service et qu'il leur seroit pardonné; ou bien qu'ilz avoient charge expresse de leur courre sus ; mais eulx se seutans assez fortz pour résister à entreprise qu'on pourroit faire contre eulx n'y voullurent entendre, si bien que estans chargez ilz se meyrent en deffense, et après qu'il en fut demouré de mortz sur la place plus de trente ou quarante et XII ou XV de prisonniers (qui ont esté amenez à Bruxelles), le reste se sauva à val de routte, non sans qu'il en demourast aussi une bonne part, de mort des Wallons desdites garnisons qui estaient bien aises que telle occasion se présentast à eulx pour le respect du butin qu'ilz en espéraient; somme que depuis six sepmaines les trouppes desditz Espaignolz sont dyminuées de plus de XII cens, et tiennent par deçà que Monsr de Guyse en a retiré près de luy cinq à six cens ou environ'. Autres seigneurs, cap1
cap1 faits de désertion sont rapportés dans une lettre de Re-
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pitaines et gentilzhommes se retirent aussi en Espaigne, me venans prier chacun jour de leur donner des passepoitz pour la seureté de leur passaige par la France, ce que je leur accorde en les congnoissant pour leur servir de ce qu'ilz pourront.
J'escripvois à Vostre Maté que le principal affaire que traitoit ledit Sr Commandeur estoit de faire accorder les Estatz généraux à la demande qu'il leur avoit dernièrement faite, ce qui s'est en fin accommodé, s'estant icelluy Sr Commandeur laissé aller à tout ce que lesditz Estatz requéraient pour leurs privilèges et libertez antiennes, fors que tous gouverneurs de places et chasteaulx qui doibvent estre naturelz du pays demoureront en leurs charges et gouvernemens, et pour lequel point ilz s'adresseront au Roy Catholicque si bon leur semble, dont lesditz Estatz se sont contentez, accordans de paier trois millions de florins, rabastans les pretz qu'ilz ont. cydevant faitz comme fut celluy de ceste ville lors de la mutination des Espaignolz ; et outre plus qu'il sera levé encores ung autre centième sur eulx qui peult revenir à cinq ou six millions; aians pour le regard desditz gouverneurs deppesche homme exprès en Espaigne. Et se sont sur cest accord retiré chacun en sa province pour le faire particulièrement entendre aux villes et les faire condescendre à l' exécution dudit accord, dont, ilz doibvent venir rendre responce dedans le XXme du présent. Ce
quesens au roi du 24, septembre ; le grand Commandeur donne les détails du combat de Marienhourg; on fit un certain nombre de prisonniers, dont quelques-uns eurent la tète tranchée. Guise les accueillait et leur donnait une forte paie. Requesens prétend qu'il y avait à Noyon deux ou trois Espagnols chargés de diriger et de secourir les déserteurs. La cause principale était la cherté des vivres aux Pays-Bas. Corr. de Phil. II, III, 136. 166; Corr. de Granvelle, v, 203.
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pendant ledit Sr Commandeur tenant cela quasi comme, asseuré, commence maintenant à faire négotier avecques des marchans pour faire partyz d'argent là-dessus, afin de gaigner le temps et que iceulx marchans se puissent pourveoir. Mais le principal point que je trouve en cela à l'advanlaige desditz Estatz est qu'ilz doibvent faire manier lesdites sommes par leurs gens et recepveurs, et que la gensdarmerye, garnisons et autres debtes de ce pais, en doibvent estre premièrement acquitées que emploiées ailleurs. De sorte que je ne pense pas que aucun marchant vueille entrer en party ne advance sans avoir la parolle et obligation d'iceulx Estatz; nous en verrons le succez dont Vostre Maté sera advertie.
Davantaige, Sire, j'entendz que le fait de la paix et accord pour le regard des troubles de deçà s'est remys et remect en avant avecques plus de chaleur qu'il n'a esté par cydevant, y aiant personnes qui vont et viennent de part et d'autre pour telle négociation, et se fait plusieurs gaijures, sur ceste bourse, que le tout sera résolu et conclud dedans la fin du mois prochain. En quoy je vous diray le fondement que je trouve. En premier lieu, aiant depuis quelques jours le prince d'Orange esté fort malade jusques à avoir esté saigné par trois fois 1, il advynt audit Sr Commandeur de dire qu'il seroit marry qu'il mourust, pour la crainte qu'il auroit de ne termyner si bien et avantageusement ses affaires avecques autres
1 Le Prince, en effet, souffrit pendant plusieurs semaines d'une fièvre qui mit sérieusement sa vie en danger. Voir les lettres écrites a Jean de Nassau par son maître d'hôtel et son secrétaire. Bramynck : Archives de la Maison d'Orange, v, 40. 43. 51. Comme on le verra plus loin, le bruit de sa mort fut répandu dans tous les Pays-Bas. Cf. Corresp. de Phil. II, III, 145. 169; Corr. de Granvelle, v, 229.
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comme il seroit avecques luy : voulant dire que, estant les pays qu'il tient invétérez en leur rébellion, se pourraient (cela advenu) jecter entre les bras de la France ou Angleterre, desquelz ilz seraient non seullement très dificilles à retirer mais en hazard de perdre davantaige et faire plus grand progrès pour en avoir plus de moiens et le chemin si bien ouvert ; secondement il semble qu'il y a une grande correspondance entre les Estatz généraulx et ceulx du pays dudit prince, demandans les ungs et les autres la sortie des Espaignolz et autres gens de guerre estrangiers hors du pays, qui fait craindre qu'ilz ne viennent plus avant en intelligence pour d'eulx mesmes donner la loy; tiercement que lesditz pays estans ainsi occuppez et tenans la porte et entrée fermée, à toutes marchandises et sortes de vivres, le reste de tout le pays en est grandement appauvry. Il seroit à craindre qu'en fin la guerre et la nécessité n'y feyst naistre quelque rébellion plus importante, et qui est le point qui fait le plus dire à des principaux qu'il est nécessaire de venir à cest accord. Et puis on voyd quasi maintenant que lesditz Espaignolz se veullent accorder en cela. Car si ceulx du pays ne les ayment guières, ilz sont encores plus contens d'en sortir n'y aiant plus à gaigner que des coups, ainsi que Vostre Maté a cydevant entendu; joint que les grandz affaires qu'a do ceste heure le Roy d'Espaigne en Barbarie fait assez publier par deçà qu'il est nécessaire qu'il relire une partie des gens de guerre, au moings des chefz qu'il a icy, pour aller à ce secours qui pourra servir de couverture et coulleur audit accord s'il se fait. J'ay bien voullu remectre devant les yeulx de Vostre Maté toutes ces considérations, afin que sur icelles elle en puisse mieulx et plus sainement juger.
Au surplus, Sire, je n'ay riens de nouveau à vous dire
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d'Allemaigne, sinon que l'on m'escript d'Aix qu'un gentilhomme nommé Wercke Van Molle, alternant hault rousseau, portant chausses rouges passementées d'argent, habillé à la françoise, estoit party il y a environ quinze jours pour s'en aller en France descouvrir ce qui s'i faisoit; à quoy on pourra prendre garde. J'ay aussi fait tenir argent à celluy duquel j'ay cy-devant escript à la Royne, afin qu'il face son voiaige et m'advertisse de ce qu'il y apprendra, ou bien luy mesmes vous puisse aller trouver s'il se présente occasion de mérite. D'Anvers, ce VIe septembre 1574.
CCXI. — Au Roy. — [13 sept., 1574.]
Leyde, pressée par les Espagnols, est sur le point de se rendre. — Maladie du prince d'Orange; Mondoucet croit à un empoisonnement. — Négociations pour la paix; réflexions personnelles de Mondoucet. — Nouvelles de Francfort; dispositions de l'archevêque de Cologne.
Sire. Vous aurez peu assez clairement veoir par ma dernière deppesche du VIe de ce mois, que j'envoyay par homme exprès à Péronne, en quelz termes se retrouvoient les affaires de ceste charge, tant de la guerre et de la paix, et le jugement que j'en faisois ; esquelles il n'est depuis succeddé autre chose que le peu qu'il vous plaira entendre par la présente.
Quant au fait de la guerre elle se continue avecques la mesme froydeur et longueur que l'ont contenu mes préceddentes, fors que du costé de Hollande, où l'on tient la ville de Leydem fort pressée de vivres par le moien de quelques bloccuz qu'on a faitz autour, ceulx des villes voisines ayans inondé tout le pays, ainsi que Vostre Maté
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aura seu, l'avoient par ce moien ung peu secourue; mais depuis naguières pensans en avoir plus de commodité, y ont voullu donner encores ung autre secours, ce qu'ilz n'ont seu exécuter, de sorte que ladite ville se trouve bien fort engaigée en danger de se perdre, et est ladite inondation plus dommaigeable pour les Gueulx qui l'ont faicte que pour ceulx de deçà; or, estant ladite ville d'assez grande conséquence au prince d'Orange pour la conservation du plat pays de Hollande, j'entendz qu'il a fait passer en ce quartier là quelque nombre de petiz vaisseaux, pour doresnavant tenir le passaige de son secours plus libre qu'il n'a esté, ce qui pourra peu servir, tellement que si l'hiver qui approche ne la conserve et ne luy donne plus de moiens de se maintenir, les Espaignolz sont pour s'en rendre maistres; et desjà, à ce que l'on m'a dit, ilz ont envoie devers le Sr de la Roche, gouverneur de Hollande, pour cappituler avecques luy sans se voulloir mectre à la mercy desditz Espaignolz.
J'ay esté adverty et est icy assez commun que ledit prince a esté fort malade et s'en sent encores non sans grande oppinion et apparence qu'il ait esté empoisonné pour s'estre trouvé emflé en toutes partz de son corps, et se dit que aucuns des Estatz dudit pays fugitifz de deçà auroient brassé ceste entreprise. Je ne say ce qui en réussira en fin, mais ilz se pourraient trouver trompez de penser que, luy mort, leurs troubles seraient aussi amortyz, estans ces Hollandois et ceulx des Zélandes si oppiniastres en leur rébellion que mal aisément les pourraient on débeller, mesmement s'ilz appelloient quelque prince voisin à leur secours, avec ce que lesditz pays sont de très dificille et mal aisé accez. Du costé de deçà vers Bommel et Gorcon il ne s'i fait riens, sinon qu'on les combat par fortz et bloccuz dont on les a approchées
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le plus près qu'on a peu; mais estant l'hiver voisin on tient que cela les incommodera de bien peu.
Monsr le Commandeur est toujours en ceste ville y négotiant pour fait d'argent, en atendant que les Estatz retournent luy faire entendre la volunté des villes où ilz sont allez leur déclarer ce qu'ilz ont accordé, qui se pourra différer jusques au XX ou XXVme de ce mois pour après proccedder à l'exécution dudit accord.
Quant au fait de la paix, Vostre Maté aura entendu le discours que je luy en faisois par madite derniére. Depuis m'estant efforcé d'y pénétrer le plus avant que j'ay peu, il me semble que encores que de ceste part on entre en ce négoce et qu'ilz facent toute démonstration d'avoir quelque volunté d'y entendre, si est ce que je juge que ce n'est que pour en partie contenir l'Allemaigne et les peuples de deçà en bonne affection, leur faisant veoir qu'ilz se veullent mectre à quelque raison; et sur quoy j'ay appris que bien tost le Sr de Champaigney y fera ung autre voiaige; aussi pour, en trainant cest affaire et le dislaiant, atendre quel succez pourront avoir les affaires de Barbarie; car s'il en advient mal, ce que Dieu ne veuille, plusieurs discourent que le Roy Catholicque sera beaucoup plus pressé de pacifier ce pays qu'il n'est, et lors il sera plus facille d'en termyner que s'il n'en avoit point encores esté parlé et que le chemin n'en fust ouvert. Il y a quatre jours qu'estant allé veoyr ledit Sr Commandeur pour aucuns affaires particuliers, je voulluz sentir de luy ce qui en estoit ; mais il me dit que le bruyt qu'on en faisoit courrir estoit faulx, n'y aiant point pensé. Bien estait vray qu'il avoit assez déclaré à ceulx qui luy en avoient parlé que si on luy proposoit des moiens bons et propres pour cest effect par lesquelz la religion fust conservée en son entier et la repputation du Roy son maistre,
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très voluntiers il les vouldroit promouvoir et avancer et non autrement. Je ne faudray de continuer à y prendre garde et à toutes autres choses consernans vostre service pour vous en donner les advis nécessaires.
Au reste, Sire, quant aux nouvelles d'Allemaigne l'on m'escript de Frankfort qu'il y passe ordinairement des gens de guerre levez pour vostre service, et que quant aux autres ennemys on ne peut encores bonnement descouvrir leurs dessings ny m'en esclarcir, mais qu'après les paiemens de ceste foyre qui s'achèveront ceste sepmaine on m'en pourra mieux escripre la vérité. Bien estoit vray que les princes d'Allemaigne se liguoient à ceste heure plus estroitement qu'ilz n'avoient jamais fait, mais que l'on estime que ce n'est que pour leur conservation, estans si intéressez en argent qu'ilz ne sortiront jamais hors de leurs maisons à leurs despens. Monsr le Commandeur avoit ces jours passez envoie devers l'archevesque de Collongne 1 pour faire complimens et le tenir en amitié, le priant n'adhérer aux persuations d'autres princes leurs malveillans, aussi pour luy donner quelque espérance d'un repos en ce pays. En quoy fa ce que j'entendz) il s'est monstre assez froyd et qu'il désirait que ces troubles icy s'accommodacent, n'estant trop content du voisinaige des Espaignolz. Il semble que ledit Sr Commandeur ait soubson et crainte que s'il sort encores quelque remuement d'Allemaigne ceste année, il ne soit pour en avoir sa part. Comme aussi par ce que l'on m'en escript je juge qu'il en est autant menacé que peut estre vostre royaume. J'espère que le personnaige que j'y ay deppesche m'en
1 Requesens députa auprès de l'archevêque de Cologne le conseiller Foncq, prévôt d'une des églises de Cologne; il devait traiter de l'accord sous prétexte d'aller visiter son église. La relation de ses conférences est dans la Corr. de Philippe II, III, 140-142.
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donnera des advis bien certains, que je ne faudray de vous faire entendre tout incontinent. D'Anvers, ce XIII septembre 1574.
CCXII. — Au Roy. — [20 sept., 1574.]
Situation de Leyde, ruines causées par les inondations. — Le prince d'Orange; sa guérison, sa conduite à l'égard des Espagnols qui quittent les Pays-Bas. — Nouvelles d'Espagne. — État des négociations pour la paix; préoccupations que causent aux Espagnols les affaires de France et la conduite du nouveau roi.
Sire. Depuis vous avoir fait entendre par ma deppesche du XIII de ce mois le peu qui passoit ès affaires de deçà, et que Vostre Maté en aura esté bien particulièrement imformée par toutes mes autres deppesches préceddentes, il y est succeddé si peu de subjet que je ne me suis point mys en autre debvoir de vous escripre, ne vous pouvant pour ceste heure mieulx imformer desditz affaires que ce que l'ont porté mesdites deppesches. Car pour le regard de la guerre, il ne si exécute riens du tout, estant Monsr le Commandeur réduyt à attendre le succez de la ville de Leydem, laquelle s'estoit trouvée en l'extrémité de vivres que Vostre Maté aura entendu, avoit desjà commencé à voulloir parlementer et envoyé devers don Fernand de Lannoy pour cest effect. Mais le collonnel Valdays [Valdez] et les Espaignolz qui l'ont tousjours tenue serrée de près ne voullans permectre que tel marché se feyt sans eux, pour l'espérance qu'ilz ont eue de la piller et s'en enrichir, avoient empesché et interrompu ce parlement, si bien que cela estoit demoure là ; dont aiant esté adverty ledit Sr Commandeur s'en seroit grandement courroucé et deppesche devers ledit
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de Lannoy pour le presser de renouer ledit parlement et promectre à ceulx de ladite ville tout pardon, doulceur et amitié en se rendans voluntairement et paians pour le service de leur Roy et pour se rachepter du pillaige C mil florins, qui est ung moien qu'il a pensé luy pouvoir grandement servir pour par ceste exemple amener quelques autres villes de celles que tient le prince d'Orange à se rendre à pareil party. Nous atendons à ce qui en réussira. Mais plusieurs sèment et asseurent bien fort qu'en ces entrefaites ladite ville auroit esté secourue par le moien de quelques vaisseaux platz dont ilz auraient armé bon nombre afin de les faire passer avecques la commodité de ceste creue de septembre qui est la plus grande de l'année et l'inondation qu'ilz ont faite sur le plat pays. Je ne faudray de faire tout incontinent entendre à Vostre Maté ce qui en sera. Ce pendant il est incroiable le dommaige qu'aporte ladite inondation audit pays, n'estant pas moings estimé qu'à quatre cens mil florins par an et en danger, si ceste guerreva encores à la longue, de faire submerger du tout ledit pays sans espérance d'en pouvoir plus oster l'eau. Car aians lesditz Gueulx rompu les digues en douze endroyz, il continue d'y en entrer une bien grande quantité à toutes les marées.
L'on a esté icy en doubte de la santé dudit prince durant quelques jours ; mais il est venu certaines nouvelles depuis cinq jours qu'il se portait bien selon l' extrême maladie qu'il avoit eue, et qu'il avoit fait publier par tout le pais qu'il tient, que s'il y avoit aucuns Espaignolz quy se voullussent retirer en Espaigne pour aller au secours de la Golette 1 maintenant que le Roy Catho4
Catho4 Turcs avaient pris le fort de la Goulette, bâti par
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lique en a besoing, il leur donneroit tout le sauf conduict et la commodité qu'ilz pourraient désirer pour leur passaige. Aiant prys son fondement de ladite publication sur l'advis qu'il a que lesditz Espaignolz se retirent chacun jour et ne cherchent que la porte pour s'en retourner.
Ledit Sr Commandeur atend encores le retour des Estatz pour avoir une résolution de ce qu'ilz ont accordé, et desjà en arrive quelques ungs avecques toute asseurance, de sorte qu'il peult quasi faire estat dudit accord aux conditions que je vous ay cy-devant escriptes, et cela fait, j'estime qu'il retournera à Bruxelles, estant ceste ville assez imfectée de mauvais aer.
Il est arrivé icy ung courrier d'Espaigne il y a trois jours, qui publie avoir esté destroussé par delà Poitiers, luy aiant esté osté le pacquet du Roy Catholique et toutes autres lettres parliculières ouvertes 1, dont ledit Sr Commandeur ne m'a point fait plainte. S'il m'en parle je l'asseureray que l'on y donnera tout l'ordre possible, estant la guerre et les troubles causes de telz accidens. Je ne faudray aussi de le certifier de la bonne volunté que Vostre Maté a de vivre en paix et amitié avecques Sadile Maté Catholique. Par ledit courier nous sommes advertyz que les affaires d'Espaigne ne vont pas trop bien et que l'on est en crainte d'y veoir advenir une révolta de peuple au moien des taxces et impostz ; aussi, qu'y cessant le trasicq de deçà, beaucoup de personnes
Charles V, le 24 août ; il avait été mal défendu par don Pèdre Porto-Carrero. La nouvelle n'en fut connue à Anvers que le 19 oct. suivant : Corr. de Phil. II, III, 192; DE THOU, V, 73 et seq.
1 Le courrier fut dévalisé le 30 août à une demi-lieue de Poitiers. Requesens supposa que le fait avait eu lieu par l'ordre de la Reine mère. Le courrier portait une lettre de Philippe II à Élisabeth : Corr. de Philippe II, III, 133, note 2, 168.
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demourent oisifz et en nécessité, et que le commerse des Indes est aussi quasi internais à ceste occasion, dont vous pouvez estre mieux adverty par le Sr de St Gohart.
Au surplus, Sire, l'on continue tousjours par deçà en la mesme oppinion que je vous ay escript qu'on estoit que bien tost la paix seroit faite. Néanmoins je ne veoy pour ceste heure aucun personnaige qui se mesle de la traiter et négotier, et fault, si ainsi advient, qu'elle soit maniée par quelque main estrangère. Vostre Maté aura veu par mes préceddentes le jugement que j'en faisois, auquel j'adjousteray encores que ce qu'elle se prolonge et diffère n'est que en atendant quel chemin prendront les affaires de vostre royaume. Car ilz sont par deçà en très grande expectation pour savoir si Vostre Maté se résoudra à la paix ou à la guerre, mesmes ont une extrême crainte que le tout si pacifie pour les raisons et considérations que je vous ay assez souvent alléguées et que vous pouvez bien juger, outre toutes lesquelles ilz adjoustent qu'ilz ne savent point encores quelle est vostre intention et que estant Vostre Maté nourrie aux armes de tout temps, il est à craindre que, aiant pacifié ses subjetz, elle ne vueille les faire tourner ailleurs et les occupper selon que porte l' antienne coustume et le naturel des François, dont j'asseure bien du contraire ceulx qui entrent en telz discours.
Quant aux affaires d'Allemaigne j'en atendz chacun jour des nouvelles, n'en aiant receu aucune particularité depuis ce que Vostre Maté aura entendu par madite dernière, qui me gardera de faire la présente plus longue.
De Anvers, ce XX septembre 1574.
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CCXIII. — Au Roy. — [26 sept., 1574.]
Siège de Leyde ; les Espagnols enveloppés par les eaux sont en danger; la ville est sauvée. — D'Hierge remplace Lannoy qui va à Naples. — L'accord avec les États-Généraux. — La paix avec le Prince. — En Allemagne, Condé a retenu 8,000 hommes par l'intermédiaire de Casimir; Meru a passé en Hollande et gagné l'Angleterre.
Sire. Je vous ay escript du XXme de ce mois assez par le menu toutes sorles d'occurences de ceste charge, si bien que Vostre Maté en peult estre véritablement imformée tant par ladite deppesche que autres préceddentes ; il me reste seullement à vous faire entendre ce qui y est succeddé depuis, principallement en la guerre de Hollande, où, comme vous aurez peu veoyr, on tenoit la ville de Leydem si fort pressée que l'on n'atendoit que l'heure qu'elle se deust rendre, ainsi qu'elle en avoit desjà fait démonstration, recherchant don Fernand de Lannoy de parlement et composition, qui fut interrompu par les Espaignolz ; dont Monsr le Commandeur a esté très enuyé pour ce qu'il congnoist maintenant par expériance combien l'occasion est chauve et qu'elle se doibt prendre quant elle se présente, car depuis cela le prince d'Orange a fait tout ce qu'il a peu d'effort pour le faire secourir, y emploiant ce qu'il peult avoir de gens de guerre et tous les paisans et habitans du plat pays ; si bien que ceulx de ladite ville, voians à l'oeil le debvoir que l'on faisoit pour leur aider et qu'en ces entrefaites on les avoit approchez de près et prys deulx fortz et bloccuz que tenoient lesditz Espaignolz, se sont désistez dudit parlement, et y a bien davantaige que lesditz paisans congnoissans l'assiette d'un village fortiffié où
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tous lesditz Espaignolz et gens de guerre s'estoient retirez pour garder le principal passaige et advenue en ladite ville, ont par l'ouverture de quelques digues remfermé ledit villaige d'eau, de telle sorte que lesditz Espaignolz se tiennent eulx mesmes maintenant assiégez et en aussi grande nécessité ou plus que estoit ladite ville, qui à ce compte pourra estre secourue. Ledit Sr Commandeur est à ceste heure assez empesché à envoier gens de ce costé là pour le secours desditz assiégez, qui sont en nombre de plus de III mil V cens, et en grand danger de se perdre s'il n'y est usé de dilligence, estans les chevaux qui y sont en l'eau jusques au ventre. Nous verrons bien tost ce qui en sera.
Ledit don Fernand de Lannoy sort du gouvernement de Hollande pour, à ce que j'ay entendu, s'en aller à Naples succedder au cardinal Granvelle, son beau-frère, et entre en sa place le Sr D'Hierge en atendant la liberté du Sr de Bossu.
Ledit Sr Commandeur est tousjours icy atendant le retour des Estatz pour avoir asseurance de ce qu'ilz ont accordé, mais il semble qu'ilz ne veullent que prolonger leur venue, atendant la responce que rapportera le courrier qui a esté deppesche en Espaigne là dessus. Il fait ce pendant faire monstre à ses chevaulx légiers à la fin de ce mois, et leur fera paier la moictié ou le tiers de ce qui leur est deu, pour, à ce qu'on dit, en renvoier la plus grande part en Italie pour le besoing qu'on en pourra avoir, se voullant doresnavant servir de la gensdarmerye de ce pays selon la réquisition desditz Estatz ; et de fait il est commandé ausditz gensdarmes de se monter et tenir prestz pour faire monstre, et qu'on leur fera paier demye année des deniers que doibvent paier lesditz Estatz, estant l'intention dudit Sr Commandeur
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de faire doresnavant tenir garnison ausditz gensdarmes du costé de la frontière.
Quant au fait de la paix dont l'on a tant parlé et que l'on jugeoit se debvoir bien tost faire, elle demoure maintenant soubz silence, en atendant l'évènement de ce que j'ay desduit et discouru à Vostre Maté par mes deux préceddentes, ainsi que j'ay esté bien certainement asseuré. Vray est que ce pendant il s'en négotye tousjours quelque chose en Espaigne, qui à l'adventure se pourra résoudre selon les occasions qui se présenteront. Je ne faudray d'y avoir l'oeil ouvert pour vous advertir ordinairement de ce qui s'i fera.
Au reste, Sire, j'ay receu lettres de celluy que j'ay dernièrement envoie en Allemaigne, par lesquelles il me mande que, encores que le bruit commun soit que le prince de Condé et autres fugitifz de France ne facent aucun remuement et n'aiant une seulle levée d'hommes, si est ce qu'il a entendu de bon lieu que pour certain ilz ont une retenue de sept à huict mil chevaux faite par l'ayde du Cazimir, collonnel Mandesloo et autres, et que plusieurs villes les secourent particulièrement tant de deniers que de responces aux reistres maistres pour leur paiement ; mais qu'ilz ne doibvent point encores s'assembler ne commancer à marcher qu'ilz ne voient quel pyed prendra Vostre Maté en ses affaires, à son arrivée et entrée en son royaume. A quoy il me promect de prendre bien garde de près pour m'en advertir, mesmes qu'il s'est fait retenir pour se mectre en leurs trouppes et à leur service, afin d'avoir plus de moien d'intrincequesse 1 et ne laisser perdre l'occasion pour vous faire ung bon service ; ne voullant au surplus faillir de vous dire
1 De l'italien intrinsichezza, intimité.
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que j'ay appris pour vérité que le Sr de Meru estoit passé par la Hollande et Zélande où il avoit séjourné assez peu, s'en estant allé de là en Angleterre 1. Sur ce n'aiant autre chose à faire entendre à Vostre Maté, je vous envoieray ung pacquet que je receuz hier au soer du Sr de Danzay, qu'il me recommande bien fort. D'Anvers, ce XXVIme septembre 1574.
CCXIV. — Au Roy. — [30 sept., 1574.]
Siège de Leyde; la ville est sur le point d'être secourue. — La reine d'Espagne favorable à la paix. — Les États-Généraux n'ont pas encore fait connaître les réponses des villes. — Rien de particulier en Allemagne.
Sire. Depuis vous avoir escript du XXVIme de ce mois ce qui se présentait en ceste charge, il y est survenu fort peu de chose, mais affin que Vostre Maté soit ordinairement et à la journée advertie du succez desditz affaires, je ne veulx intermectre plus de temps pour ce faire, et vous diray que, selon ce qu'il vous aura pleu veoir par madite dernière, se continuant la guerre de Hollande pour la prise de la ville de Leydem, j'ay seu par ung cappitaine espaignol naguières retourné malade de là, que tout ce que je vous en ay cy devant escript estoit véritable, fortz que les Espaignolz qui y sont n'estoient si estroitement enfermez et assiégez que l'on le publioit par deçà. Bien estoit vray que ilz ne pourraient quasi
1 Charles de Montmorency-Meru était l'ambassadeur de Condé; en août, il était allé auprès de l'électeur de Saxe : Archives de la maison d'Orange, v, 49 ; il alla ensuite en Hollande, puis en Angleterre. Cf. LA POPELINIÈRE, II, 239.
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pas bien juger lesquelz sont les assiégez d'eulx ou de ladite ville, par ce qu'ilz sont en l'eau jusques aux genoux avec la pluye continuelle, y mourans de fain et sans pouvoir estre secouruz qu'à grande disiculté à cause de l'inondation faite dedans le pays, laquelle les empesche aussi de s'estendre comme ilz vouldroient. El ladite ville est réduite à telle extrémité qu'elle n'a plus aucuns grains, vivans de quelque chair qui luy reste, et si oppiniastres qu'ilz disent que auparavant que de se rendre ilz ont encores leurs enffans pour vivre 1. Les vaisseaux du prince d'Orange chargez de leur advitaillement qu'ilz voient s'approcher d'eulx avec le croissant de l'eau qui augmente chacun jour les maintient ainsi oppiniastres et en espérance. Aussi on ne fait aucun double que ledit secours n'y entre bien tost, ce qu'estant advenu voilà la guerre finie pour jusques au printemps, qui est cause que, à ce que j'entendz pour certain, Monsr le Commandeur est en volunté, cela fait, de révocquer de là tous lesditz Espaignolz pour les réduire en garnison par les chasteaux et citadelles des villes de deçà, afin que le peuple n'en soit point chargé et qu'il n'ait davantaige d'occasions de mal contentement.
Il a fait faire une redducfion desditz Espaignolz telle que quarante enseignes ont esté cassées qui estaient fort petites et manques pour remplir les autres au nombre de II cens pour chacune, et fait monstre sa cavallerie légière, ainsi que je vous ay escript. Nous verrons si, cela fait, il adviendra quelque chose de ce qui se pu1
pu1 s'exprime de même : « ... aiant dits ceulx de Leiden que plus tost mangeront-ils leurs enfants, ou se brusleront en leurs maisons que de se rende aux Espaignols. » Lettre du 5 sept. 74. Corr. de Granvelle, v, 204.
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blie, qui est que telz effectz donnent grande oppinion d'une paix et en ont apparence, par ce que, repassant la pluspart de ladite cavallerie en Italie et estans lesditz Espaignolz reserrez dedans les forteresses, c'est quasi ung commencement pour les mectre dehors du tout, qui est le point principal auquel consiste ladite paix, laquelle, à ce que j'ay aussi peu apprendre d'un gentilhomme Espaignol, se négotie et traita en Espaigne assez chaudement, et ce par l'intercession de la Royne qui est menée et poulsée à cela, tant par l'advis et conseil de l'empereur son père comme par la supplication et prière des Estatz généraux de cedit pays, dont Vostre Maté peult estre mieux advertye. Mais, quoy qu'il en soit, l'oppinion comune et généralle est que quoy qu'ilz tardent il en faudra en fin venir là, ainsi que je vous ay assez souvent adverty, et me semble que plus elle sera différée, plus il y naistra de difficultez de ruynes et appauvrissemens et pis ce sera. Car chacun congnoist assez combien ledit prince d'Orange est ferme et bien estably en ce qu'il tient, aiant l'amitité et affection des peuples tant à son commandement qu'ilz ne désirent autre maistre ne seigneur et qu'il n'est pas en la puissance du Roy Catholicque de le reconquérir de dix ans, outre les accidens qui y peuvent intervenir durant ce temps là.
Quant à ce que les Estatz généraux avoient accordé audit Sr Commandeur à ceste dernière assemblée dont ilz debvoient advertir les villes pour après venir faire responce de leur dévotion et bonne volunté, il semble qu'ilz diffèrent tousjours ladite responce en atendant nouvelles d'Espaigne, ainsi que le contenoit madite dernière, et est à craindre que selon la démonstration et façon de procedder dont usent ceulx de Flandres il n'en lire pas
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en fin ce qu'il espère. Car je suis adverty qu'ilz ne font aucun compte des Ediz et placartz qui leur sont envoiez de sa part, ne voullans obéyr à ce qui leur est deffendu de ne trafiquer en quelque façon que ce soit avecques ceulx de Zélande ; ains y vont et viennent faisans semblant de voulloir vivre en amitié, voisinage et corespondance avecques eulx, qui y pourroit amener avecques le temps une plus grande altération.
Du costé d'Allemaigne je n'en ay point eu autres nouvelles depuis celles que j'ay fait entendre à Vostre Maté par madite dernière, qui me gardera de vous en dire autre chose en atendant ce qui en pourra venir. Mais je veoy desjà la saison s'avancer si fort que je croy qu'il ne s'i fera grand remuement de ceste année.
De Anvers, ce dernier jour de septembre 1574.
CCXV. — Au Roy. — [5 octobre, 1574.]
Siège de Leyde. — Bruit de mort du prince d'Orange. — Congé donné aux troupes allemandes, mais on manque d'argent pour les. payer. — La paix négociée en Espagne; projets prêtés à Philippe II concernant la famille d'Orange. — Condé n'a pas de troupes en Allemagne; le vidame de Chartres a passé par la Zélande.
Sire. Je continueray par la présente à vous donner advis de toutes les occurances de ceste charge survenues depuis la préceddenle que j'ay faite à Vostre Maté du dernier du passé, encores qu'elles ne soient pas grandes et que ce qui y est succédé ne soit de trop de mérite.
En premier lieu quant à la guerre de Hollande elle se continue à l'accoustumée, estant la ville de Leydem et les Espaignolz qui la tiennent pressée et assiégée quasi
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en ung mesme degré de nécessité, l'une pour ne pouvoir estre secourue de vivres nécessaires à cause d'un seul fort qui reste encores ausditz Espaignolz sur le passaige, et pour ce que l'eau n'est si fort creue que l'on pensoit pour avec la commodité d'icelle y conduire les batteaux de l'avitaillement, qui sont tous prestz à leur veue ; et les autres pour estre si fort environnez et circuyz d'eau au lieu où ilz sont que avec la grande dificulté des chemins et passaiges, ilz ne peuvent avoir des vivres si à propos qu'ilz en auroient besoing : qui fait juger à plusieurs qu'en fin lesditz Espaignolz auront mauvaise yssue de ladite ville, et que quelques empeschemens qu'ilz donnent à son secours, qu'ilz ne pourront garder qu'elle ne le reçoyve principallement si la gelée survient bien tost qui en facilitera l'accez, aussi que le prince d'Orange fait de sa part tous effortz possible pour la maintenir. Nous verrons bien tost ce qui en adviendra, mais elle est cause jusques icy d'une grande ruyne et perte en tout le pays pour l'inondalion advenue à cause de la rupture des digues qui en a noyé plus de six lieues dont les villes d'Anstredam et Utrecht se sentent bien fort, estans plus reserrées et privées de l'estendue qu'elles avoient, qui les avoient meues il y a quelques jours de deppescher devers ledit prince pour le prier d'avoir pitié de tout ledit pays et ne permect re que pour une ville seulle ledit pays demourast perdu et submergé, dont il n'a tenu aucun compte. Il vient souvent nouvelles de sa mort, et encores ce jourd'huy est venu ung soldat qui affirme que l'on tient par delà qu'il le soit ; mais il y a si peu de fondement en son asseurance, aussi que d'ailleurs on n'en a aucune confirmation que ceste cy pourra estre aussi faulce que les autres préceddentes. Je ne faudray d'advertir Vostre Maté par ma première de ce qui en sera.
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Monsr le Commandeur est tousjours en ceste ville, atendant la response que debvoient rapporter les Estatz, mais ilz ne viennent point encores, et croy qu'ilz atendront qu'il soit à Bruxelles où il s'en va dedans huict ou dix jours. Ce pendant, Sire, soit qu'il ait considéré la grande despense que ceste guerre a par cy devant apportée sur les bras du Roy son maistre en l'entretènement de tant de gens de pyed allemans, laquelle continue sans grande occasion soit pour autre occasion qui m'est occulte, il a fait ces jours passez ce qu'il a peu pour casser et licencier les trois régimens d'Allomans des comte de Overstain, Paulviller et Fronspere, faisant négocier avecques eulx afin qu'ilz se contentassent de quelque peu d'argent comptant et le reste pour leur estre paié à termes et par respondans ; ce qui ne s'est seu accorder, estans les sommes qui leur sont deues si grandes de plus de III millions de florins, et eulx en voullans recepvoir la plus grande part, que je ne say comme il en pourra sortir. En quoy j'estime qu'il fera tout effort pour se soulager d'autant.
Par madite dernière je faisois entendre à Vostre Maté ce qui se passoit pour le fait de ceste paix dont on a tant parlé et ce que j'en pouvois avoir appris, qui me gardera d'en reprendre riens par la présente ; seullement je vous diray que j'ay depuis esté adverty qu'elle continue de se négocier en Espaigne, mesmes que l'on parloit que le Roy catholique debvoit renvoier par deçà le filz du prince d'Orange, le remectant en la possession et joïssance de tous les biens de son père, auquel il en seroit telle part qu'il vouldroit, et que en ce faisant ledit prince remectroit les pays qu'il lient en ses mains et se désisterait de ceste dite guerre 1. En quoy il pourroit avoir
1 C'étaient les propositions de l'Empereur; cf. une lettre de Saint-Couard du 15 oct. 1574, Biblioth. nationale, II, 453-454.
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quelque apparance, mais plusieurs doubtent si ledit prince vouldroit dessendre à cela, et, quant bien il raccorderait, si lesditz pays le vouldroient. Car outre plusieurs pointz particuliers il y a celluy de la relligion qui à mon jugement y tient ung grand lieu, n'en aiant point esté exercée depuis deux ans par tous lesditz pays d'autre que la contraire ; Vostre Maté pourra estre adyertie d'Espaigne de ce qui s'en passera.
Du costé d'Allemaigne je veoy tous les advis se comformer qu'il n'y a aucune levée ne remuement pour ceste année de la part du prince de Condé ne des siens, quoy qu'il s'en publie tousjours quelque chose de contraire soubz main, dont la nécessité d'argent est cause. Ne voullant sur cela oublier de vous dire que j'ay esté adverty que le Vidame de Chartres 1 estoit arrivé ceste sepmaine dernière en Zélande, tenant la routte et le chemin qu'avoit fait le Sr de Méru, sans qu'on me déclare autre particulière occasion de son voiaige.
De Anvers, ce cinqme octobre 1574.
1 Le vidame de Chartres était Jean de Ferrières, seigneur de Maligni, poète et capitaine calviniste. En 1574 il était réfugié en Angleterre, où il devint le représentant officiel du prince de Condé; M. de Bastad, dans son livre Jean de Ferrières, vidame de Chartres, 1858, a publié une lettre de Condé à Burleigh, écrite de Strasbourg et datée du 3 juin, par laquelle il accrédite le vidame auprès du grand trésorier d'Angleterre. L'ambassadeur, La Mothe-Fenélon, essaya vainement de le décider à venir en France faire sa soumission au nouveau roi Henri III : Correspondance de La Mothe-Fénelon, VI, 168. 210. 249. Il s'embarqua pour Flessingue et séjourna assez longtemps auprès du prince d'Orange, comme l'indique une lettre de Morillon du 21 décembre, Corr, de Granvelle, v, 289. Il avait promis à Fénelon de ne pas agir contre la France, mais il se rendit à Emden, Mém. de La Huguerye, I, 273, et se fixa auprès du comte Palatin; il devint un des agents les plus actifs de Condé.
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CCXVI. — Au Roy. — [9 octobre, 1574.]
Siège de Leyde. — Situation d'Amsterdam; dispositions de ses habitants. — Bommel et Gorcum; on a retiré les troupes espagnoles pour les disperser dans les campagnes. — La paix, négociée en Espagne, a pour résultat de rapprocher Philippe II et Élisabeth.
Sire. Vous aurez assez particulièrement entendu par mes deulx dernières deppesches des XXVIme du passé et cinqme du présent, que j'ay envoiées par homme exprès à Péronne, l'estat des affaires de ce gouvernement et ce qui y estoit ordinairement survenu, qui me gardera d'en reprendre riens par la présente, par laquelle Vostre Maté entendra seullement que pour le regard de la guerre j'y veoy les choses grandement empirées depuis de tous costez. Car pour le fait de Hollande et de la ville de Leydem, qui estoit réduite aux termes que vous aurez entendu, ceulx du party du prince d'Orange, voians ladite ville ainsi pressée et aians tous leurs préparatifs en ordre pour la secourir, n'ont plus voullu différer l'occasion de le faire, sy bien qu'aians esté advertyz il y a huict jours qu'il estoit party d'Anstredam le mesme jour environ trente batteaux et deux galères pour leur aller empescher leurs dessings, seroient venuz au devant d'eux pour les combattre, ce qu'ilz auroient fait, pris XXVI desditz batteaux et lesdites gallères et mys à fondz tout ce qui estoit dessus. De là, voullans continuer leur victoire, seroient allez ataquer ung bloccuz où estaient quelques Allemans à la garde, qu'ilz meyrent quasi en pouldre à coups de canon et fut ainsi pris : ce que voians les Espaignolz qui estoient d'autre costé et que c'estoit à eulx à soustenir cest effort perdirent le coeur et commencèrent
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à se retirer, où ilz feurent si bien poursuiviz par lesditz Gueulx que plusieurs y ont esté tuez et pris, ainsi ladite ville fut secourue après à leur aise et comme ilz désiraient 1. En quoy je veoy la guerre suppercedder de ce costé pour longtemps. A ce que l'on m'escript, lesditz Gueulx ne sont pour l'intermectre cest hiver et ne veullent perdre temps pour presser et fascher de tous costez la ville d'Anstredam, comme le chef de tout ledit pays qui leur fait le plus de teste, estans délibérez d'ouvrir une digue principalle appellée Housboch 2, si tost que celle qu'ilz font faire en dilligence pour séparer ledit pays qu'ilz tiennent d'avecques l'autre sera achevée ; et par ce moien inonder et perdre tout ledit pays ; voyre l'on tient que ledit Anstredam sera en danger d'estre submergé. D'autre part aians congneu que aucuns habitans de ladite ville d'Anstredam s'estaient retirez durant ceste guerre à Emdem en Frize orientalle, où ilz exerçoient le trafficq d'Ostrelande, et par leur moien ladite ville et le pays estoit secouru de grains qui les a si bien maintenuz, ont avecques le comte dudit lieu tant fait qu'ilz ont esté chassez et leur a on fait habandonner ladite ville ; aians ordinairement au port dudit Emdem douze ou quatorze navires pour empescher ledit commerce, si bien que par cy après la nécessité sera beaucoup plus grande qu'elle n'a esté s'il ne s'y trouve autre remède. Voilà, Sire, ce qui se passe en ces quartiers là, où l'on ne parle plus de la mort dudit prince, ne icy, et croy que ceste nouvelle ne s'estoit semée que pour couvrir ceste autre mauvaise.
1 La ville de Leyde était assiégée depuis le 27 mai; elle fut délivrée le 3 octobre; cf. le beau récit de DE THOU, V, 146 et seq.
3 Hout-Bosch ou Hont-Bosch. Morillon l'appelle « ung des mi-_ racles de ces Pays-Bas...» Corr. de Granvelle, v, 252.
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Ce qui reste desditz Espaignolz par delà s'en retire pour distribuer par les garnisons, laissans Harlem et Sparandan garnyz ; et dit-on de plus que lesditz Gueux sont venuz assiéger ledit Sparandan, ce que je ne croy. Par ma première Vostre Maté sera esclarcie de la vérité. Du costé de Bonmel et Gorcon l'on a semblablement retiré les Espaignolz et autres garnisons qui estoient dedans, les fortz d'autour aians esté habandonnez, tant par ce que à l'occasion des eaux ilz incommodoient plus lesdites villes que aussi par ce que les soldatz y mourans de faim, personne n'y portans vivres, s'en retiraient tous les jours. Or estans lesdites compaignies ainsi sorties de là elles sont maintenant contraintes de tenir la campaigne et de manger les villaiges, n'y aiant pas une ville qui leur vueille ouvrir les portes pour la mémoire de ce qu'ilz ont dernièrement fait en ceste cy ; chose qui irrite du tout le peuple et luy apporte ung tel mal contentement qu'il y a danger qu'il n'en advienne quelque inconvénient ; à quoy Monsr le Commandeur saura bien et promptement pourveoir.
Il doibt partir de ceste ville mardy ou mercredy prochain pour s'en aller à Bruxelles, où j'estime que les Estatz le viendront trouver pour faire leurs responces, n'estans venuz icy ; mais, à ce que j'ay certainement apris, tant en ceste dite ville que audit Bruxelles ; telz affaires n'yproceddent pas selon son désir ; car aiant le peuple d'icelles esté appelle pour entendre sa volunté sur ce que lesditz Estatz avoient accordé, ilz ont dit tous et tout hault qu'ilz ne voulloient riens bailler ny faire aucun ayde et secours pour l'entretènement de ceste guerre que si on voulloit pacifier le pays, le remectre en toutes libertez et privilèges et en faire sortir les estrangiers ; lors ilz aideront leur roy de tout leur pou-
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voir. Ainsi Vostre Maté peult juger combien ledit Sr Commandeur est encores reculé de ce secours, puisque le Brabant qui est la principalle province est en ces termes là comme aussi est la Flandres, à ce qu'on m'a dit. Somme qu'allant les affaires ainsi empirant qu'elles font, je ne me puis garder de juger qu'il est nécessaire qu'il advienne ceste année prochaine une grande mutation par deçà, soit par l'establissement d'une paix assez désavantageuse pour Sa Maté Catholicque, ou bien par une révolte généralle qui sera beaucoup pire. Quant à ladite paix il ne si fait riens par deçà et s'il en réussist quelque chose, il proceddera d'Espaigne, ainsi que je vous ay escript. Toutefois je ne faudray d'y avoir tousjours l'oeil, ne voullant oublier de vous dire sur cela que depuis qu'on a publié qu'on y voulloit entrer, j'ay entendu que l'Angleterre a plus estroitement recherché l'amitié de Sadite Maté Catholique et de cedit pays qu'elle n'avoit fait auparavant, ce qui est très bien receu de ceulx-cy, et croy que la principalle occasion soit la crainte que ledit Angleterre a de Vostre Maté, et que estant venue au dessus de ses rebelles elle ne se vueille ressentir des faveurs et secours qu'ilz leur font ordinairement. D'Anvers, ce IXme octobre 1574.
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CCXVII. —Au Roy. —[14 octobre, 1574.]
Leyde a été ravitaillée par le prince d'Orange; Amsterdam est menacée. — Révoltes des Allemands, des Wallons et de la cavalerie légère. — Joie que causent ces échecs aux habitants des Pays-Bas. — Succès des Gueux de mer sur les côtes de Flandre. — Condé et les princes protestants doivent se réunir à Siegen.
Sire. Depuis vous avoir assez amplement escript du XIe de ce mois de ce qui estoit malheureusement succeddé en la guerre de deçà au pays de Hollande, les particularisez de cest accident nous ont esté plus véritablement déclarées, lesquelles il vous plaira entendre avecques autres advis qui seront contenuz par la présente.
En premier lieu ce secours et advilaillement fait par le prince d'Orange à la ville de Leydem se trouve de très-grande conséquence, par ce que cela fait il semble au jugement de plusieurs qu'il luy rende la joissance de toute ladite Hollande entière et libre poursuivant mesmement sa victoire, ainsy que nous entendons qu'il faict; car après avoir pris tous les fortz qui estoient autour de ladite ville avec environ dix ou douze pièces d'artillerie et toutes les pouldres et munitions qui estoient réduites en ung magazin, mys en routte tous les gens de guerre qui lesgardoient, dont il est demoure tant mortz que prisonniers environ III cens hommes, il a soudain fait passer son armée et ses vaisseaux plus avant, afin de fermer le passage à tout le reste desditz gens de guerre et par conséquent à tout le reste dudit pays de Hollande, excepté Anstredam, estans venuz assiéger ung chasteau nommé Hart qui est entre ledit Anstredam et Harlem, seul lieu par lequel il est nécessaire que se face
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la retraite, duquel on craint grandement la perte. Et aucuns sèment le bruict qu'elle est advenue. Toutefois Monsr le Commandeur a fait toute dilligence pour y envoier du secours et pourveoir à cest inconvénient, qui ameyne après luy ce plus grand.
Les Wallons et Allemans qui sont audit pays se sont mutinez après cest effect, et a esté adverty Monsr le Commandeur que s'il ne pourvcoyt bien tost à leur paiement pour les appaiser, ilz sont délibérez de se rendre du party dudit prince, veoians aussi le péril où ilz sont, dont il est à croyre qu'ilz seront retenuz par leurs chefz et leur honneur : somme que ces deux pointz apportent tant d'affaires après eulx qu'ilz sont cause de faire retarder ledit Sr Commandeur en ceste ville, n'estant encores son parlement pour Bruxelles bien asseuré. Il a aussi eu advis que toute sa cavallerie légière à laquelle il a fait faire monstre sèche au commencement de ce mois, ainsi que j'ay escript à Vostre Maté, s'estait mutinée voiant que l'argent ne suivoit point ladite monstre, et qu'ilz font mille pilleries et insolences, atendans leur paiement auquel il n'avoit pas délibéré de donner ordre si tost, que ladite mulination le contraindra, et par ainsi sera desnué d'autant d'argent qu'il destinoit à autres parties plus pressées.
Tous ces malheurs icy qui debvroient poulcer et anymer ce peuple à le secourir pour le bien et avancement des affaires de leur roy les en divertissent et font reculler. Car d'un costé il n'est possible d'exprimer le plaisir et aise qu'ilz reçoyvent de veoir lesditz affaires en si mauvais termes, espérans que par là Sa Maté Catholique sera en fin contrainte de se résoudre à une paix, par l'évènement de laquelle ilz joyront de toutes libériez, et d'autre part affin d'ayder à cela ilz sont du tout refroydiz de secours d'argent en quelque façon que ce soit, ledit Sr
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Commandeur sur la requête qu'il a faite aux Estatz, disans tous que plustost ilz se laisseront mourir que de bailler ung liart pour la continuation de ceste guerre et la ruyne et malheurs de leur patrye, crians tout hault que les estrangiers sortent et qu'ilz soient remis en leurs antiens privilèges. En quoy il sera aisé à Vostre Maté de considérer les empeschemens qu'il peult avoir en toutes sortes, luy qui n'est pas en si grand pris et réputation à l'endroit des ungs et des autres que la pesanteur de ceste charge le demanderait.
Je ne veulx oublier de vous dire que les Gueulx ont encores pris depuis quatre jours le navire nommé le Chien de Dunkerke, chargé de plusieurs pièces d'artillerie qui estoit pour la garde dudit port, avecques quelques autres petitz batteaulx, de sorte que comme le contenoit maditce dernière, estant en cores ceste cotte de Flandres desgarnie de vaisseaulx et forces sufìzantes, ilz le courront et pilleront doresnavant assez librement, en danger qu'ilz ne facent entreprise pour y prendre quelque pyed. Voilà, Sire,ce que je vous puis représenter pour ceste heure de ceste charge et de l'estat d'icelles.
Et quant au costé d'Allemaigne je vous diray que l'on m'escript de Frankfort que le cappitaine qui estoit près du prince d'Orange y estoit arrivé pour s'en aller trouver le prince de Condé à Basle ou Strasbourg. De Collongne on me mande que le quinziesme de ce mois ledit prince de Condé, Cazimir, le comte Jehan de Nassau, Mandesloo et autres françois se doibvent trouver et assembler à Siguen [Siegen], ville appartenante audit prince d'Orange ou ses frères, pour prendre là une résolution sur leur intention. J'ay envoie argent à ung personnaige pour s'i transporter afin de descouvrir, s'il est possible, ce qu'ilz concluront et le faire entendre à Vostre Maté. Aussi l'on
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me mande que c'est chose seure que les reistres retenuz cy-devant par les dessusditz ont receu argent de retenue pour se tenir prestz quant ilz en auront besoing, mais que la nécessité de deniers les fait encores suppercedder, qui pourroit bien estre l'occasion de leur assemblée. De Anvers, ce XIIIIe octobre 1574.
CCXVIII. — Au Roy. — [19 octobre, 1574.]
Mondoucet a été confirmé dans sa charge par Henri III ; il se plaint de n'avoir reçu aucune faveur, aucun bénéfice. — Sentiments de Requesens á l'égard de la France. — Les Gueux en Hollande. — La révolte des troupes a été apaisée par le Commandeur. — Ce dernier est revenu à Bruxelles pour recevoir les réponses des États. — Alliance de Condé avec les Huguenots de France. — L'Angleterre les soutient.
Sire. J'ay en fin receu la première deppesche qu'il vous a pleu me faire du IIIIe de ce mois, il y a trois jours, par laquelle l'arrivée de Vostre Maté en son royaume avec toute bonne santé, m'a esté confirmée, dont je loue Dieu de très bon coeur, et ce pour la diversité des bruitz qui s'en semoient par deçà selon les passions estranges qui sont aujourd'huy par le monde, qui voulloient révocquer en double vostre bonne disposition. J'ay congneu par ladite deppesche que la volunté de Vostre Maté est que je continue encores vostre service par deçà, bien que j'approche la fin du quatriesme an que j'y réside, ce que je reçois à honneur et faveur; car je me tiendray toute ma vye bien heureux de vous obéir en quelque charge qu'il vous plaise me commectre pour grande ou petite qu'elle soit, dont je me mectray peine de sortir avec honneur. Mais je veux supplier très humblement Vostre Maté se
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représenter devant les yeulx les services que je luy ay de long temps faitz domestiquement et autrement, desquelz je n'ay jamais eu aucun bien fait ne récompense, et les joindre avec ceulx que j'ay faitz en ceste dite charge, dont plusieurs préceddentes deppesches tant du feu Roy, de la Royne vostre mère et la Vostre me donnent assez de tesmoignage du contentement et satisfaction qu'ils ont eu de mon service, qui ont amené avec soy plusieurs grandes promesses de m'en faire recuillir le fruict de quelque bonne récompense quant la distribution se seroit des biens faitz qui estoient en réserve et à départir lors de vostre heureux retour qui me causoit plus d'allégresse et asseurance pour la congnoissance que Vostre Maté avoit conceue de moy de longue main. Mais jusques icy je n'en veoy sortir aucun effect, et la supplie très humblement me pardonner si je luy faitz entendre l'extrême regret que j'ay de veoir qu'après avoir bien et fidellement servy par longues années le plus grand monarque de la terre, il faille que je demoure paouvre, aiant despendu la plus grande part que je pouvois avoir et au mespris de ceulx qui sont riches et avancez, lesquelz ja'y préceddez de longtemps en vostre service, ce qu'il plaira à Vostre Maté considérer pour faire sortir effect ausdites promesses à quelque bonne occasion. Par ladite deppesche j'ay esté bien adverty de l'estat de voz affaires et de vostre intention, dont je me sauray bien prévalloir pour en rendre la raison qu'il conviendra, tant en particulier qu'en publicq, et ne faudray d'y obéyr, espérant qu'avec la grâce de Dieu (la protection et la grandeur et honneur duquel Vostre Maté maintient) elle en sortira avec tout heur et félicité, et qu'elle remectra son royaume en toute son antienne splandeur. J'ay présenté à Monsr le Commandeur la lettre qu'il
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vous a pleu luy escrire et fait en son endroit tous les complimens qu'on pourroit désirer tant pour le regard du traitement, accueil que Vostre Mat a receu passant sur les terres de l'obéissance du Roy catholique que pour ce qu'il avoit deppesche le duc d'Arscot vous offrir le passaige par le comté de Bourgongne, déclarant avec cela bien par le menu le fondz de vostre volunté est de vivre par cy-après en toute bonne amitié et correspondance avec sadite Maté Catholique ainsi qu'a fait le feu Roy vostre frère ; le priant voulloir tenir la main de sa part (comme l'un des principaux en ceste affaire) ad ce qu'elle soif ainsi maintenue, dont il m'a monstre avecques plusieurs parolles avoir toute asseurance; et que, comme la volunté de sadite Maté est du tout résolue à la conservation de ladite bonne amitié mesmes avec Vostre Maté à laquelle il a tousjours porté une plus estroitte, particulière et intrinsèque affection, ainsi celle de ses ministres et spéciallement la sienne s'i comformeront tousjours comme le pourra mieux contenir la responce qu'il m'a dit voulloir faire à ladite lettre et qu'il m'a promis de m'envoier.
Quant aux affaires et occurances de deçà, Vostre Maté les aura bien entendues par mes préceddentes deppesches des IX et XIIIIes de ce mois, principallement ce qui estoit succeddé au fait de la guerre, en laquelle il ne s'est présenta aucune nouvelle depuis, sinon que les Gueux se sont encores renforcez par eau au pays de Hollande, aians fait entrer dedans la mer de Harlem; tost après l'avitaillement qu'ilz ont fait à la ville de Leydem, jusques à environ deux cens vaisseaux et vingt-cinq ou trente gallères que galiottes, afin de venir prendre le passaige d'entre Anstredam et Sparandam, dont madite dernière faisoit mention, et par ce moien fermer la porte à tout le
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reste dudit pays et aux forces qui y sont en garnison ; et au cas qu'ilz ne puissent estre maistres dudit passaige, j'entendz qu'ilz ont délibérez de bastre ung fort en autre endroit dudit passaige qui sera de la mesme conséquence que l'autre; en quoy j'estime qu'ilz seront bien empeschez tant par lesdites forces que par ceulx de la ville d'Anstredam, bien qu'ilz soient extrêmement fortz par eau et que par la comfession mesme de ceulx de deçà, le prince. d'Orange ait aujourd'huy plus de mil navires en sa puissance avec artillerie et mariniers pour les armer.
La mutination advenue entre les soldatz s'est incontinent appaisée en leur baillant quelque argent, comme a fait celle des chevaux légiers qu'on a descouvert se voulloient saisir de la ville d'Audenarde en Flandres pour leur paiement, mais ladite ville ne autres ne leur ont voullu ouvrir leurs portes de sorte qu'ilz ont parlé plus bas qu'ilz n'eussent fait 1.
Ledit Sr Commandeur s'est en fin résolu de partir demain pour aller à Bruxelles où les depputez des Estatz de toutes les provinces le doibvent venir retrouver, et y en a desjà beaucoup, pour luy faire la responce des villes sur ce qu'ilz avoient dernièrement accordé; mais, à ce que j' ay peu apprendre, ce ne sera riens davantaige que ce qui estoit contenu par madite dernière et semble qu'ilz soient si bien unyz les ungs avec les autres que l'un ne vueille passer plus avant que l'autre en cest accord. Je ne faudray de faire entendre à Vostre Maté ce qui en sortira.
1 Morillon écrit le 17 octobre qu'il y eut une grande altération à Oudenarde; les bourgeois ont refusé de recevoir des chevauxlégers révoltés et leur ont fermé leurs portes, mais n'ont pas fait violence à leur garnison (composée aussi de chevaux-légers) qu'ils auraient pu jeter dehors : Corr. de Granvelle, v, 259.
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Au surplus, Sire, je ne veulx faillir de vous donner cest advis qu'il m'a esté rapporté, qui est que les rebelles de vostre royaume mesmes ceulx de la Rochelle avoient de nouveau contracté quelque alliance avecques ledit prince1, lequel en ce faisant avoit promis de les secourir de navires et vaisseaulx quant l'occasion s'en présenterait. Et se dit davantaige soubz main par deçà que l'Angleterre se veult joindre et se déclarer en leur faveur, maintenant qu'elle s'est réconcilliée avec le Roy catholique, dont le Sr de la Mothe qui est sur les lieulx vous pourra mieulx esclarcir. D'Allemaigne je n'en ay eu autres nouvelles depuis les dernières que je vous ay escriptes, et ne faudray de vous advertir incontinent de ce que j'en apprendray.
De Bruxelles, ce XIXe octobre 1574.
CCXIX. — Au Roy. — [23 octobre, 1574.]
Conditions de la paix négociée avec le prince d'Orange. — Succès des Gueux; ils veulent menacer Amsterdam.
Sire. Je vous ay respondu assez amplement du XIXe de ce mois à la deppesche que Vostre Maté m'avoit faite du IIIIe du préceddent, et aurez veu par icelle ce qui estoit succeddé ès affaires de deçà. Outre le contenu en mes préceddentes depuis j'ay receu ung mot de lettre qu'il vous a pleu m'escrire du XXe et entendu par icelluy
1 La Rochelle devait fournir du vin et du sel, dont les protestants assureraient la vente à Emden et en Hollande; La Huguerye alla de Bâle à Emden pour surveiller l'opération, Mémoires, I, 267. 273 ; et un agent de la maison de Chatillon, le secrétaire Abraham, se rendit à La Rochelle, id., 291.
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que je ne suis hors de propos en ce que j'ay cy-devant assez souvent escript du traité de paix qui estait pour se négocier avecques le prince d'Orange, que je veoy estre plus en termes que jamais de s'avancer, tant pour ce qu'il est quasi impossible au Roy Catholique de reconquérir par force de longues années ces deux provinces de Hollande et Zélande qu'il tient, estant mesmement si mal succeddé aux Espaignolz naguières en ceste guerre de Hollande, qui causera ung très grand progrès aux Gueux s'il n'y est remédié à bon essient, que aussi pour estre advenu ce désastre de la prise de la Golette qui le pourra esmouvoir davantaige à le rechercher, afin de faire tourner toutes ses forces et moiens contre le Turcq pour plus gaillardement luy résister, luy estant ceste guerre là de plus d'importance. Et pour faire entendre à Vostre Maté à quoy ilz sont de ladite paix, j'ay seu que les pointz principaux sont l'exercice de la relligion, la sortie des gens de guerre estrangiers hors du pays, la remise entière de tous priviléges et libériez antiens, et d'avoir ung gouverneur par deçà qui soit du sang de sadite Maté; que le premier poinct de la relligion est celluy sur lequel ledit prince et les Estatz des pays qu'il tient se veullent le plus fonder et arrester, afin que estans trouvez fort oppiniastres sur icelluy, les gens desditz Estatz de par deçà puissent en cela intervenir et stimuler les Espaignolz d'accorder les autres pointz pour faire quicter cestuy-là, moiennant qu'il sera permis à ceulx qui vouldront faire profession de ladite relligion de vendre leurs biens et se retirer ailleurs ; à tous lesquelz pointz c'est chose certaine et asseurée que générallement tant les Estatz de deçà que du costé dudit prince conviennent, qui pourra faire plus avancer la résolution de ce négoce; et fault à mon jugement tenir pour maxime très asseurée
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que ledit prince aura la paix quand il vouldra condescendre à des conditions modérées, en quoy ilz pourront estre persuadé tant par la Royne d'Angleterre, que j'entendz icy soubz main se remuer fort vifvement et faire levées de reistres en Allemaigne et de gens de pyed en son pays pour assaillir la France, maintenant qu'elle se tient toute asseurée de l'Espaignol, que par les fugitifz et rebelles de vostre royaume avec lesquelz, ainsi que madite dernière le contenoit, j'ay seu qu'il a naguières contracté nouvelle alliance, leur promectant de les secourir et ayder de ses moiens. Vostre Maté peult mieux considérer que tous telz affaires se dressent pour vous en donner davantaige que vous n'avez, et pour faire tomber tout l'oraige de vostre costé. A quoy il est bien nécessaire que vostre prudence et bon conseil donne remède d'heure en estant adverty, comme je suis certain qu'elle fera.
Je n'ay failly incontinent ladite lettre receue de faire une recharge à celluy que j'ay en Allemaigne, le priant de continuer avec plus de dilligence qu'il n'a fait, de m'advertir de ce qu'il apprendra d'importance, et y pénétrer le plus avant qu'il poura, luy en promectant bonne récompense. J'espère en avoir bien tost des nouvelles que je seray aussi tost savoir à Vostre Maté.
Monsr le Commandeur ne m'a encores envoie la responce qu'il m'a promis faire aux lettres que je luy ay présentées de vostre part; j'espère que ce sera au premier jour, n' aiant que deux jours qu'il est de retour en ceste ville, où aussi nous entendrons bien tost la résolution que luy feront les Estatz de toutes les provinces sur le secours de deniers qu'il leur a cy-devant demandé, lesquelz s'i doibvent tous trouver; et, à ce que j'en puis apprendre, il y profictera bien peu estant ceux de Bra-
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bant, spéciallement ceulx de ceste ville, forts oppiniastres de ne riens bailler si les articles qu'ilz demandent ne leur sont accordez : qui est l'observation du serment que leur a fait le Roy, qui s'appelle La joieuse entrée 1.
Quant au fait de la guerre il n'y est riens survenu de nouveau; seullement les Gueux font, à ce que j'entendz, tous leurs effortz pour prendre les passaiges que je vous ay escriptz, afin de reserrer cest hiver le plus qu'ilz pourront la ville d'Anstredam et la faire entrer en nécessité de vivres pour en fin s'en rendre maistres. Il est ici quelques nouvelles que desjà il y a quelque division en ladite ville entre le magistrat et les riches qui voulloient y introduire des gens de guerre pour garnison et le menu peuple qui n'en veult point du tout. Il est grandement à craindre qu'il n'en advienne inconvénient pour ce que ce seroit une perte irrécouvrable par laquelle tout le reste du pays de delà seroit bien esbranslé.
J'oubliois de dire à Vostre Maté que aucuns sèment desjà secrètement par deçà que la Royne Elisabeth 2, vostre seur, seroit pour revenir gouverner comme ont fait d'autres dames par cy-devant.
De Bruxelles, ce XXIIIe octobre 1574.
1 Charte contenant les principaux privilèges généraux du Brabant; chaque duc devait en jurer le maintien à son avènement: Edmond POULLET, Histoire de la Joyeuse-Entrée de Brabant et de ses origines, 1863.
2 L'infante Isabelle, alors âgée de huit ans. Saint-Gouard donnait le même renseignement dans une lettre écrite de Madrid, le 29 novembre 1574 : « Il (Philippe II) s'est proposé d'y envoier Madame l'infante Ysabel pour gouverner, assistée du plus honorable conseil que l'on pourroit choisir des Païs-Bas... » Bibl. nat., II, 455. Requesens avait conseillé cette nomination à Philippe II dans une lettre du 7 nov. 74, en ajoutant qu'on pourrait marier la fille du roi, désignée pour aller aux Pays-Bas, avec un fils de l'empereur : Corr. de Philippe II, III, 195.
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CCXX. — Au Roy. — [27 octobre, 1574.]
La paix avance. — Rapports du Commandeur avec les États; ceux de Hainaut ont accordé un subside, mais se réservent d'employer l'argent. — Opérations des Gueux en Hollande. — Mondoucet n'a pas de nouvelles de son représentant en Allemagne.
Sire. Depuis avoir escript à Vostre Maté du XXIIIe de ce mois tout ce que j'avois peu apprendre de plus d'intrinsesque et particulier des affaires de deçà, et principallement de ce qui se traitait et négocioit du fait de la paix, je n'en ay seu riens entendre davantaige, sinon que tant icy que au pays de Hollande près du prince d'Orange et en Espagne selon les lettres et advis qui en viennent, ladite paix est, en très bons termes, et croy à mon jugement par les considérations et raisons que je vous ay assez souvent alléguées, encores contenues par ma dite dernière, et autres que Vostre Maté peult mieux discourir, que elle se pourra résoudre et sera Sa Maté Catholique se trouvant pressée d'ailleurs pour en faire une fin, ainsi que les advertissemens vous en peuvent venir d'autres divers endroyz. Ce qui me maintient le plus en ceste oppinion, bien que je ne voie par deçà aucun médiateur d'icelle, mais que ce soit d'Espaigne d'où elle proviendra, est que je ne puis comprendre que par les armes et la force il soit possible de reconquérir de longtemps les provinces que ledit prince occuppe 1; aussi
4 Philippe II ne se rendit pas à toutes les raisons que lui donnaient l'empereur et son entourage; il écrivit le 22 octobre à Requesens: «Comme rien n'a réussi, et que telle semble être la volonté de Dieu, il a paru convenable d'en venir à l'application du dernier et rigoureux châtiment qu'on pourrait leur infliger d'une
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que Monsr le Commandeur a l'esprit plus tendu maintenant à dyminuer les despences de la guerre et à réduire le tout qu'à les augmenter, encores qu'il ait autant besoing d'hommes qu'il en a par cy devant eu pour la garde et conservation de toutes ses villes et du pays qui est plus anymé qu'il ne fut jamais, luy diminuant tous les joursla naturelle affection qu'ilz portoient antiennement à leurs princes et seigneurs : ce qui se congnoist assez appertement en ce secours que ledit Sr Commandeur a demandé d'eulx il y a desjà quelques mois, n'estans possible, quelques remonstrances dont on puisse user en leur endroit, de les faire joindre au point; mais au contraire se résolvent tant plus en leur oppiniastreté de ne bailler riens sinon avec les conditions que Vostre Maté a plusieurs fois entendues, lesquelles, quant on veut examiner de près, on trouve que ce sont des articles de paix et qui se comforment en partie à ce que demandent les estatz du pays dudit prince. Vray est qu'aucuns se sont desjà accommodez, comme ceulx de Haynault, aiant ledit Sr Commandeur accepté II cens mil florins qu'ilz luy avoient cy devant offertz et qu'il avoit refuzez avec telles conditions qu'ilz ont demandé, et ne luy sera ceste somme d'aucun ayde, d'autant qu'elle sera maniée par les Estatz dudit pays et emploiée tant au paiement des garnisons de la frontière que à une partie de ce qui est de la gensdarmerie. Mais les principaux, qui est Brabant et Flandres, sont les plus malaisez à ferrer, et est on tousjours après pour les vaincre s'il est possible.
de ces deux façons : ou en submergeant tous leurs villages et le plat pays, ou en y mettant le feu. » Philippe II discute ensuite froidement le moyen d'appliquer ce terrible programme. Telle fut sa réponse aux propositions d'arrangement. Corr. de Philippe II, III, 175.
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Quant au fait de la guerre il ne s'y est riens exécuté depuis, estans les Gueux tousjours avecques leurs vaisseaux en ceste mer de Harlem et autres rivières et marais de là autour pour incommoder en ce qu'ilz pourront la ville d'Anstredam et essaier de se saisir de quelque passaige; à quoy il est à croire qu'ilz ne pourront parvenir puisque ilz ont tant différé après l'avitaillement de Leydem et qu'ilz en ont fait retirer les Espaignolz et autres forces qui y estoient, lesquelles se seront depuis recongneues et y auront pourveu.
Au reste, Sire, je vous envoie la lettre que ledit Sr Commandeur vous escript, faisant responce à celle que je luy ay présentée dernièrement de vostre part.
Et quant aux affaires d'Allemaigne je ne vous en puis donner pour ceste heure nul esclarcissement, n'aiant eu nouvelles du personnaige que j'y entretiens depuis celles que je vous en ay escriptes, quelques lettres que je luy aye fait tenir, qui me fait croire qu'il est passé plus avant et s'est transporté en quelque endroit pour en apprendre de certaines et véritables.
De Bruxelles, le XXVIIe jour de octobre 1574.
FIN DU DEUXIEME & DERNIER VOLUME
TABLE
DES NOMS DE PERSONNES ET DE LIEUX
A
Aben-Aboo, chef musulman, II, 37.
Abraham, secrétaire de Chatillon, II, 538.
Aguilon, II, 82.
Aix-la-Chapelle, II, 303.
Alain, agent de Louis de Nassau, I, 164.
Alava (Dom Francis de), II, 82.
Albe (Duc d'), assiège Mons, I, 1. 6.15. 26 ; prend la ville, 34-36. 38. 39. 42; 16. 17. 19. 22; sa conduite à l'égard des prisonniers français, 22. 25. 27. 28. 35. 40; traite avec les Français de Mons, 29. 30. 31. 35. 40; son retour de Mons, 44. 45. 48. 49. 51 ; 33. 36 ; partisan de l'alliance anglaise, 51; laisse piller Malines, 55 ; mécontent du pillage de Termonde, 59 ; 60 ; marche vers la Meuse, 62. 64. 65; négocie avec l'Angleterre,
67; va sur Maëstricht, 68. 71. 72 ; vers Nimègue, 74. 77. 81 ; ses projets, 82; assiège Zutphen, 85. 91. 95 ; à Nimègue, 87-89 ; lève des troupes, 90 ; doit aller à Utrecht, 100. 103 ; a des difficultés avecles chefs allemands, 104; soumet Gueldre et OverYssel, 110; marche sur la Hollande, 113. 116; décide d'assiéger Harlem, 123 ; est malade à Nimègue, 124. 130. 134. 137; veut aller à Harlem, 135; fait des levées en Frise, 140 ; rassemble des troupes contre Harlem, 142; 144. 146; entrevue avec Mondoucet, 149.153 ; préparatifs sur mer, 168 ; nouvelle entrevue avec Mondoucet, 173 ; 177. 180. 184. 187; siège de Harlem, 190 ; préparatifs contre Louis de Nassau, 197. 200. 202 ; mauvais état de ses affaires, 202 ; siège de Harlem, 207; 208 ; traite affaires particulières avec Mondoucet, 209-211 ; Har-
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lem, 211 et seq. ; s'occupe de Middelbourg, 213 ; remporte une victoire à la digue de Diemer, 215 ; songe à un pardon général, 218; 220; bons rapports avec l'Angleterre, 221 ; l'accord avec le Prince, 223 ; lève des troupes, 224; ses sentiments sur les affaires de France, 227 ; manque d'argent, 228. 232 ; désire rester aux PaysBas, 230. 232 ; opposé à un accord, veut la guerre, 236. 238. 242. 245. 251 ; succès dans Walcheren, 246 ; bons rapports avec la France, 256; ses forces, 259. 263. 265; l'accord négocié par l'intermédiaire de l'empereur est rompu, 271 ; ses forces devant Harlem, 271 ; plan de campagne en Hollande, 272; ses forces maritimes, 273; 276; rapports avec l'Angleterre, 280 ; félicite Charles IX à propos de l'élection de Pologne, 287 ; fait venir de nouvelles troupes, 293 ; bons sentiments pour la France, 301; ses forces, 302; comment, il juge les évènements de France, 308-311; ses projets, 317; prend Harlem, 322 ; défiance à l'égard de la France, 323. 329; ses espérances après la prise de Harlem, 331; ne veut pas d'accord avec le Prince, 331 ; va en Hollande, 332 ; échec devant Alkmar, 336; ses projets et prépaparatifs, 339; veut gagner Liège,
Liège, sa lenteur, 342; doit organiser deux armées, 343; manque d'argent, 346. 349; promet de soutenir Charles IX contre les huguenots, 351; 353; défend faiblement la Meuse, 356 ; ne paraît plus si hostile à l'accord, 358; va à Amsterdam, 359; y fait préparatifs, 360; conclut accord avec les soldats espagnols révoltés, 363. 366. 369 ; marche sur Leyde, 370 ; nouvelle de son rappel en Espagne, 372; au lieu d'assiéger Leyde marche sur Alkmar, 374 ; reste dans son camp par ordre du roi, 380; est désespéré, 384; rassemble argent pour payer ses dettes, 387; entretien avec Mondoucet, 387-88; demande à' passer par la France pour retourner en Espagne, 396; avoue qu'il est rappelé, 403. 408; malade, 420 ; envoie à la rencontre de Requesens, n, 7; dispose, les garnisons dans les villes, 8; subit une défaite dans le Zuider-Zée, 10. 13; est très ennuyé de son rappel, 11; prend des mesures pour défendre Amsterdam, 14; part pour le Brabant, 16. 17. 22; arrive à Utrecht, 25; 28. 29. 31; arrive à Anvers, 32; y est malade, 35 ; traite affaires avec Mondoucet, 36; reçoit Requesens, 40; fait mourir Genlis, 43; malade au moment de son départ, 45. 46. 49. 53, 55. 63;
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son départ, 66. 70; s'arrête à
Namur, bruit d'un complot, 73 ;
parti pour le Luxembourg, 76;
103. 116. 142. 152; est reçu par
Philippe II, 175; 177. 186. 263.
270. 292. 295. Albert, capitaine du duc de Nevers, I, 137. 148. 151. Albornoz, secrétaire du duc d'Albe, I, 383. II, 23. 32. Albret (Jeanne d'), I, 115. Alcala (Duc d'), II, 271. Aldégonde (Philippe de Sainte-),
voir Noircarmes. Aldégonde (Philippe de Marnix
de Sainte-), II, 10. 62.125. 149.
260. 263. 266. 267. 273. 275. Alençon (François, duc d'), I, 356.
II, 93. 126. 138. 152. 170. 216.
220. 226. 247. Alkmar, I, 41. 332. 335. 364. 371.
374. 381. 385. 389. 394. 401.
407. 409. 411. 419. 420. II, 1.5.
10. 18. Allemagne, I, 41. 77. 83. 98. 101.
103. 119. 128. 141. 148. 152.
155. 163. 168. 175. 178. 182.
185. 188. 195. 197. 209. 214.
218. 220. 225. 231. 234. 241.
243. 251. 266. 274. 276. 279.
283. 286. 294. 300. 307. 321.
326. 334. 341. II, 28. 34. 98.
117. 121. 122. 229. 235. 241.
247. 257. 269. 284. 289. 294.
297. 303. 309. 312. 316. 323.
326. 333. 338. 340. 344. Allemands (Soldats), I, 2. 5. 48.
184. 212. 222. 346. 349. 357.
364. 366. 370. II, 20. 23. 26. 43.
118. 157. 180. 181. 265. 332. Altoemps (Comte Annibal d'), II,
117. 208. 228. 291. Amersfort, I, 97. Amsterdam, I, 34. 79. 86. 89. 92.
97. 106. 109. 117. 120. 122. 290.
293. 296. 307. 339. 345. 349.
359. 360. 364. 371. 374. 380.
422. II. 5. 10. 14. 16-19. 21. 26.
57. 110. 125. 129. 133. 146.
155. 159. 163. 170. 204. 217.
223. 240. 267. 268. 276. 288. 296. 324. 327. 328. 331. 337.
341. 344. Anglais, soutiennent le Prince,
I, 24. 61. 76. 237. 239. 257. 334. Angleterre, I, 24. 50; négocie
avec les Espagnols, 58. 60-61.
67. 70. 73. 93. 128. 221. 224.
236. 240. 254. 274. 276. 280.
284. 286. 324. 383; rapports
avec le Prince, 214. 355. 362;
II, 22. 57. 69. 72. 190. 246. 256.
264. 284. 294. 308. 320. 330.
338. Angleterre (Reine d'), voir Élisabeth. Angren (Wilken von), II, 125. Anjou (Duc d'), I, 287; II, 299. Anspach (Marquis d'), II, 34. Anvers, I, 5. 22. 48. 49. 65. 75.
82. 133. 157. 350.387.392.397.
II, 32. 53. 74. 76. 93. 179. 181184.
181184. 188. 191. 194. 202.
212. 217. 223. 228. 232. 236.
247. 256. 281. 282. 292. Anvers (le castelan d'), II, 57. Aquisgrane — Aix-la-Chapelle,
II, 82.
— 348 —
Ardre, II, 36. 82.
Aremberg ( Charles de Ligne,
comte d'), II, 59. 69. 73. 86. Armuyden, II, 24. 27. 33. 47. 49.
113. 160. Arnheim, I, 82. II, 155. Arona, II, 37. Arras, I, 33. Arschott (Philippe de Croy, duc
d'), I, 158. 229. 382. II, 52, 161.
252. 254. 258. 336. Artois, II, 51. 97. 263. 275. 280. Asperen, II, 272. Assonleville (Christophe d'), I, 150.
155. II, 36. 43. 67. Attigny, I, 50.
Aubespine (Sébastien de l'), I, 325. Aubigny (Baron d'), II, 69. Augsbourg, II, 297. Autriche (Catherine d'), I, 328. Autriche (Élisabeth d'), I, 328. Autriche (Marie d'), I, 115. Avesnes, I, 50. Avila (Sancho ou Chincho d'), I,
191. 246. 232. II, 42. 101. 107.
109. 131. 146. 164. 172. 173.
181. 182. 211. 292. Axel, II, 277.
B
Bacharach, I, 241. II, 48.
Bains, voir Binche.
Bâle, II, 333. 338.
Bastille, n, 216.
Battenbourg (Guillaume de), I,
70.II, 113. Bavière (Duc de), I, 155; II, 59.
Beaune (Charlotte de), II, 220. Beaurain, II, 137. Beauvais, voir Beauvoir. Beauvoir (Philippe de Lannoy,
seigneur de), I, 158. 184. 217.
279. 284. 293. 294. 297. 299.
304. 307. 312. 341. 362. 367.
371. 375. 376. 379. 386. 392.
402. 408. 412. 422. II, 18. 24.
27. 30. 38. 42. 46. 49. 54. 57.
63. 74. 78. 80. 98. Belle-Ile, I, 273. Bentheim (Comte de), I, 361. Berg (Guillaume, comte Van den),
I, 42. 54. 68. 108. 274. II, 222. Bergues (op-Zoom), I, 217. 259.
375. II, 49. 54. 74. 78. 80. 85.
87. 94. 96. 99. 101. 102. 113.
125. 204. Berlaymont (Famille de), I, 148.
165. II, 52. 161. 195. 200. 221
231. Beveland (Sud), I, 204. 286. II, 54.
103. 288. 293. Biervliet (Ile), I, 237. Bieselinghe, II, 101. Billy (Gaspard de Robles, sieur
de), I, 103. 122. 151. 207. 211.
II, 167. Binche, I, 15. 17. 42. Biron, I, 316. Biscaie, II, 240. Bitche (Comté de), I, 209. 220.
277. 304. Blatier, messager de Mondoucet,
II, 102. 172. 216. Blamont, II, 48. Blanquenbergue, I, 61. Blois (Jeanne de), I, 158.
— 349 —
Blommaert (Jacques), I, 13. Boischott (Jean de), II, 69. B.ois-le-Duc, I, 49. 83. 291. 361.
II, 206. 209. 217. 224. 262. 281. Boisot (Louis), II, 101. Bommel, I, 47. 72. 78. 82. 100.
111. 113. 117. 120. 127. 234.
343. 361. 371. 382. II, 43. 126.
168. 173. 174. 178. 187. 209.
217. 224. 237. 243. 233. 262.
265. 272. 276. 286. 292. 301.
310. 329. Bonte (Hugo), II, 150. Bordes (Sieur des), I, 30. Bouillon (Duc de), II, 126. 136.
137. 171. Bourgogne, II, 63. 77. 116. 120.
232. 254. 258. 336. Bourguignons (Soldats), I, 213.
228. Boussu (comte de), I, 14. 34. 83.
88. 92. 97. 100. 109. 111. 216.
219. 228. 231. 233. 236. 239.
230. 253. 258. 263. 268. 276.
279. 285. 290. 296. 360. 406.
409. 410. 411. 422. II, 3. 6. 9.
10. 13. 16. 19. 43. 57. 96. 125.
243. 267. 318. Boxtel, I, 70. Brabant, I, 32. 345. 393. II, 110.
126. 168. 266. 292. 330. Bracamonte (Gonzalo de), I, 125. Bramynck, II, 307. Brandebourg (Électeur de), I, 269.
II, 34. 229. Breda, I, 49. II, 113. 153. 159. 166.
206. Brême, u, 81. Brempt, I, 7.
Breskens, II, 107.
Brille (la), I, 258. 273. 344. n,
224. Brouage, I, 11.
Bruges, I, 33. tr, 224. 281. 287. Brunswick (Erik de), I, 83. 104.
117. 118. 121. 124. 130. 141.
220. 224. 251. 234. 263. 303.
307. II, 59. 131. 144. 160. 162.
166. 200. 210. 213. 233. 241.
245. 283. 286. Brunswick (Jules de), I, 147. Bruxelles, I, 4. 6. 19. 20. 26. 32.
37. 42. 51. II, 91. 104. 111. 134.
153. 175. 191. 192. 195. 199.
204. 207. 209. 213. 218. 221.
315. 323. 329. 337. Buffières, voir Génissac. Buren (Comte de), I, 97. 117. II,
62. 123. 243. 272. Buren (Ville), I, 187. 234. 393. Burleigh, I, 236. II, 326.
C
Cabanne, capitaine, I, 26. 37. 39.
40. 41. 43. 44. Cadiar, II, 37. Caillau, messager, I, 281. Cambrai, I, 44. n, 88. Cambrai (Archevêque de), I, 148.
164. 388. 405. Camille, capitaine, I, 138. Campen, I, 69. 75. 83. 86. 100.
II, 233. Campi (Bartholomeo), r, 62. 135.
151. 162. Capelle (la), I, 39. Cappel (Jacques), II, 152.
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Capre (Oudart de Bournonville),
I, 117. Carpen, voir Kerpen. Casimir (Jean, duc de Bavière),
I, 46. 133. 155. 163. 173. 182.
231. 238. 240. II, 28. 34. 112.
131. 152. 229. 259. 269. 274.
284. 303. 319. 333. Cassel (Landgrave de), I, 147. Castelnau, ambassadeur, I, 2. Castille (Conseil de), n, 271. Cateau-Cambrésis, II, 67. 163. Cerda (Jean de la), voir MedinaCeli.
MedinaCeli. voir Seton. Champagne, II, 119. 120. Champagney (Comte de), II, 92,
117. 149. 169. 181. 184. 185.
199. 218. 230-31. 235. 236. 239.
243. 246. 260. 263. 266. 267.
273. 275. 278. 282. 311. Champlitte, n, 116. Chapeavile, chanoine, I, 341. Charles (Archiduc), II, 59. Charles IX, I, 10. 104. 105. 205.
II, 140. 214. 226. Charles III, duc de Lorraine, I,
209. 220. 277. Charles-Quint, II, 62. 84. Charny (Léonor-Chabot, comte
de), II, 67. Chartres (Jean de Ferrières, vidame de), I, 61. II, 326. Châtelleraut (Duc de), II, 31. Chemeraut (Méry de Barbezière),
II, 250. Chevraulx (Baron de), u, 26. 91.
178. Christophe (Comte), fils du Palatin,
Palatin, 46. 63. II, 127. 130. 142.
158. 174. 178. 193. 203. 207.
208. Citadelle, II, 123. Clermont (Comté de), I, 105.118. Cléves (Duc de), I, 115. 200. 251.
n, 59. 207. Clèves (Henriette de), I, 28. Clèves (Marie-Éléonore de), I, 143. Cliffe (?), I, 305. Cobourg, I, 168. Coconas, II, 136, 138. Coligny, I, 50. Cologne, II, 193. 204. 214. 269.
285. 297. 304. 333. Cologne (Archevêque de), I, 7. 33.
71. 83. 220. 224. 263. 298. 303.
II, 59. 117. 131. 144. 312. Condé (Prince de), I, 22. 398. II,
170. 171. 183. 187. 229. 247.
233. 237. 259. 269. 274. 277.
278. 284. 289. 297. 303. 319.
320. 326. 333. Cordoue (Évêque de), II, 270. Cormont (Antoine), I, 30. Cornelius-Jansénius, évêque de
Gand, I, 59. Cossé, maréchal, II, 216. Cracovie, II, 248. Créqui-Canaples, évêque d'Amiens, II, 171. Cressonnière (Jacques de la), I,
145. Crèvecoeur (de), n, 164. Croy (Jean de), voir de Roeulx. Culembourg (Comte de), n, 222. Cuijk, I, 71.
— 351 —
D
Damville, maréchal, voir Montmorency.
Danemark (Roi de), I, 225. 252. 414. II, 59. 81. 124. 135.
Danzay (de), ambassadeur de France en Danemark, I, 204. 399. II, 124. 161. 165. 320.
Delft, I, 41. 63. 132. 177. 239. II, 61. 93. 288.
Dermonde, voir Termonde.
Derpt, II, 135.
Desgarden, I, 68.
Deux-Ponts (Jacques des), I, 209.
Deventer, I, 68. 303. II, 200. 210. 233.
Dieghen, I, 51. 54.
Diego (Dom — de Zuniga), ambassadeur d'Espagne en France, II, 31. 82. 119.
Diemer (Digue de), I, 215. 289.
Diest, I, 32. 56.
Dilestin, I, 99.
Dillenbourg, I, 189. II, 98. 200.
Domfront, I, 8.
Dordrecht, I, 63. 78. 83. 113. 114. 116. 273. 344. 358. 368. II, 7. 61. 167.
Dorrigendam, I, 250.
Douai, I, 33.
Dunkerque, II, 69. 79. 118. 121. 125. 128. 223.
Duplessis-Mornay, II, 152.
Durenel, capitaine, I, 3.
E
Eberstein (Comte Otto d'), II, 141.
145. 224. 286. 325.
Ecluse (l'), I, 368. o, 223. 283. Écossais (Agents), I, 372. 377.
383. 387. 392. 399. 400. 404.
409. II, 31. 72. 179. Écosse, I, 11. 106. 400. Écosse (Prince d'), I, 400. Écosse (Reine d'), I, 383. Egmont (Comte d'), I, 191. II, 97. Egmont, ville de Hollande, I, 193.
II, 5. 13. 18. 91. 155. Élisabeth, reine d'Angleterre, I,
9. 10. 24. 41. 50. 51. 61. 76.
79.142. 163.221. 246.280. 383.
408. II, 103. 160. 246. 247. 256.
315. 340. Élisabeth (Marie — de France),
fille de Charles IX, I, 101. Emden, I, 238. 344. 361. II, 4.
326. 328. 338, Empereur, voir Maximilien. Enckuisen, I, 73. 79. 83. 116. 273.
297. 339. 343. 406. 409. II, 3.
146. 167.
Ernest (Archiduc), I, 326. 358. Espagne, I, 354. II, 315. Espagne (Côtes d'), II, 114. 117. Espagnols, I, 4. 135. 163. 186.
190. 271. II, 132. Espagnols (Soldats), I, 48. 65. 66;
se révoltent, 346. 348. 353. 357.
360. 363. 366. 369. 381; II, 20.
57. 157. 158. 159; se révoltent
et s'emparent d'Anvers, 179.
181. 182. 184. 183. 188. 191
— 452 —
194. 196. 199. 202. 204. 205.
206. 208. 211. 217. 224; 245.
253. 262. 265. 305. 321. Esquerdes (Eustache de Fienne,
seigneur d'), II, 222. Espinoy (Prince d'), II, 59. Espinoza, cardinal, I, 52. États de Brabant, I, 229. II, 74.
84. 107. 114. 256. 268. 274.
292. 340. 343. États de Flandre, II, 84. 233. 256.
268. 273. 343. États de Hainaut, II, 84. 343. États de Hollande, I, 155. II, 30.
227. 260. 280. 290. États de Zélande, II, 227. 260. 290. États généraux, II, 175. 183. 186.
189. 195. 204. 207. 210. 213.
218. 219. 221. 222. 226. 227.
230. 231. 233. 236. 238. 243.
253. 233. 268. 271. 273. 274.
277. 282. 294-93. 302. 306. 307.
308. 311. 315. 318. 322. 325.
333. 341.
F
Fadrique (don) de Tolède, fils du duc d'Albe, I, 19. 64. 71. 92. 95. 99. 102. 108. 116. 119. 122. 123. 128. 132. 133. 136. 137. 139. 159. 169. 174. 186. 190. 212. 215. 233. 249. 267. 288. 311. 313. 332. 333. 335. 337. 338. 345. 349. 354. 364. 366. 367. 381. 385. 401. 422. II, 1. 6. 8. 23. 23.
Falkenbourg, II, 165.
Fauquembergue,voir Ligne (Georges de).
Fauquemont, voir Falkenbourg.
Ferdinand (Archiduc), II, 28. 59.
Feria (Duchesse de), I, 400.
Ferrais (de), ambassadeur français, I, 75. II, 65.
Ferrières (Jean de), voir Chartres (vidame de).
Fiesque (Jean), I, 75.
Fiesco (Thomas), consul génois, I, 89.
Flandre, I, 63. II, 87. 110. 125. 147. 186. .203. 223. 224. 266. 277. 280. 281. 283. 287. 292. 296. 330. 333.
Flessingue, I, 62. 97. 273. 297. 300. 334. 368. 371. II, 28. 78. 85. 90. 96. 101. 113. 133. 176. 256. 267. 326.
Florence (Duc de), II, 260. 263.
Foncq, II, 130. 312.
Fontpertuys (de), I, 17. 20.
Forquevaulx, ambassadeur français, I, 256.
Foucre, voir Fugger.
Français (Soldats), dans les PaysBas, I, 50. n, 117.
France, I, 23. 43-46. 105. 218. 245.
246. 308. 321. 324. 325. 326. 328. 329. 340. 397. 398. 400. II, 128. 192. 195. 200. 235. 242.
247. 253. 264. 276. 303. 304. 303. 308.
Francfort, II, 98. 204. 304. 312.
333. Francfort (Diète de), I, 80. 399.
414.
— 353 —
Frédéric, de Tolède, voir Fadrique (don).
Frégose, II, 34. 48.
Frézin (Charles de Gavre, seigneur de), II, 226. 230.
Frezneda (Bernard de), évêque de Cordoue, II, 270.
Frise, I, 34. II, 88. 153. 167.
Frondsberg(George), colonel allemand, I, 92. II, 224. 286. 325.
Fugger (Carlos), colonel allemand, l, 290. 302. 311. 316. 339. 343. 395. II, 286.
Fultre, II, 120.
G
Galice, II, 224.
Gand, II, 126.
Gand (Vicomtesse de), II, 170.
Garde (Baron de la), I, 11.
Gascons (Soldats), II, 98.
Gasztolld, I, 328.
Gênes, II, 46. 70.
Génissac (Bufflères, seigneur de),
I, 22. Genlis (Jean de Hangest, sr de),
I, 22. 30. 33. 35. 50. 133. 165.
225. 309. II, 43-44. Gertrugdenberg, I, 390-391. n, 15.
42. 126.134. 146.149. 133.157.
159. 168. 174. 259. 305. Glasgow (Archevêque de), II, 31. Glymes, II, 101. Goess, I, 5. 33. 34. 43. 54. 61. 63.
65. 66. 69. 70. 73. 75. 76. 79.
86. 286. 290. 412. 423. II, 64.
288. 293.
Gonzague, voir Nevers.
Gonzague (Alexandre de), II, 263.
Gonzague (Ferdinand de), II, 263.
Gorcum, I, 97. 339. II, 209. 217. 224. 232. 237. 240. 243. 259. 265. 272. 276. 286. 292. 301. 310. 329.
Gouda, II, 103. 104.
Goulette (la), II, 314. 339.
Granvelle, cardinal, II, 97. 239. 271. 318.
Grave, I, 5. 361. II, 189.
Gravelines, II, 137.
Grégoire XIII, II, 221.
Grenade, II, 37.
Groesbeck (Gérard de), évêque de Liège, I, 341. II, 130.
Guaras, ambassadeur espagnol, r, 11,51.
Gueldre, I, 34. 65. 110. 382. 385. 390. 395. II, 88. 112. 122. 153. 168. 172. 200. 233. 245. 292.
Gueux, leurs opérations en Zélande, I, 5. 33. 43. 47. 76 ; devant Bommel, 82 ; menacent Amsterdam, 92; Utrecht, 97; devant Flessingue, 97; 122.126. 157. 163. 175. 184; assiègent Middelbourg, 194. 198. 205. 253 ; 291 ; en Gueldre, 390. 402; sont battus près d'Amsterdam, 405. 406. 409. 410; 412. II, 4; sont vainqueurs dans le ZuiderZée, 6. 9. 13; 16. 18; en Zélande, 19. 24. 33. 39. 47. 49. 54. 57; 60. 64. 74. 77. 81. 83. 85. 87. 88. 91. 94. 96. 104.103. 107. 109. 113. 134. 155. 163. 165. 166. 173; surprennent la
— 354 —
flotte d'Anvers, 211. 212; menacent Amsterdam, 217. 288; organisent une flotte pour aller rencontrer Melendez, 218; 223. 228.229 ; perdent Worcum, 232 ; en Hollande, 237. 240.244. 234. 259; en Zélande, 277. 292; en Flandre, 283. 296 ; en Zélande, 288; 296. 310. 314. 328. 333. 336. 339. 341. 344.
Guise (Duc de), I, 16. II, 138-139. 305. 306.
Guitry (dej, II, 140.
Guyenne, I, 387. II, 83.
Guzman (Dona Madalena de), II, 175.
H
Haemstède (Adolphe de), II, 212. Hainaut, II, 280. Hainaut (Bailliage de), II, 161. Hainaut (Sénéchal de), II, 45. 59.
68. 81. 90. Hambourg, II, 63. 81. 241. Hamilton (Jean et Jacques), I,
373. II, 31. Hanau (Philippe de), I, 209. 210.
220. Hanau (Rheinhard de), I, 209. Hangest, voir Genlis. Haranger, I, 271. Harlem, I, 78; le siège de 15721573,
15721573, 125. 128. 129. 123.
133. 136. 137. 138. 139. 140.
143. 144. 145. 151. 153. 136.
157. 159. 162. 166. 169. 171.
172. 174. 177. 179. 183. 185.
186. 190. 192. 196. 199. 202.
207. 211. 213. 216. 219. 222.
227. 228. 231. 233. 236. 239.
243. 247. 249. 250. 253. 257.
261. 265. 267. 272. 276. 278.
280. 282. 285. 288. 292. 295.
299. 303. 306. 311. 313. 315;
capitulation, 322. 331. 332.
333. 335. 337. 342; est envahie
par les Espagnols révoltés, 346.
348. 363. 369; II, 5. 18. 141.
155. 159. 163. 240. 329. 331.
336. 344. Hart, château de Hollande, II, 331. Havre (le), I, 254. II, 105. Havre (Marquis d'), I, 272. n,
117. 161. 240. Heidelberg, II, 171. 229. 247. 269.
278. Hénin-Liétard, voir Boussu. Henkelom, II, 272. Henri II, I, 8.
Henri III, II, 247. 248 ; son départ de Pologne, 250-51. 252. 254. 236; revient par Venise
et Italie, 258. 264. 297; 326. Herenthals, I, 49. Heumen, II, 173. Heusden, I, 47. Heyligherlée, II, 59. Hierges (Gilles de Berlaymont,
baron d'), I, 87. 99. 108. 187.
251. 274. 294. 343. 361. 382.
385. 390. II, 88. 122. 178. 232.
236. 276. 318. Hohenlohe (Albert?), II, 269. Hollande, I, 21. 24. 26. 34. 37. 42.
60. 63. 65. 66. 69. 70. 72. 77.
78. 86. 90. 109. 111. 113. 115.
— 355 —
121. 122. 128. 154. 160. 178.
212. 215. 218. 221. 226. 239.
268. 273. 288. 322. 330. 332.
335. 396. II, 11,25. 27. 29. 33.
37. 43. 47. 50. 56. 57. 68. 75.
78. 84. 88. 91. 103. 104. 110.
125. 129. 133. 144. 148. 149.
153. 155. 156. 159. 163. 176.
196. 204. 205. 207. 214. 217.
224. 228. 230. 232. 237. 240.
241. 244. 245. 246. 254. 256.
263. 264. 275. 276. 279. 284.
288. 291. 295. 301. 309. 317.
318. 320. 323. 327. 331. 336.
339. 342. Holstein (Adolphe, duc de H.
Gottorp), I, 5. 6. 15. 19. 20. 33.
42. 47. 49. 56. 57. 82. 83. 89.
92. 96. 101. 103. 109. 127. 130.
147. 251. II, 81. Honde, I, 368. Hont-Bosch, II, 328. Hoogstraten, I, 291. II, 199. Horn, I, 409. II, 13. 19. 146. Hornes (Comte de), II, 97. Host, I, 67. Huguerye (la), II, 126. 338.
I
Irlande, I, 11. 142. II, 22. 284. Isabelle (Infante), II, 341. Isselstein (Christophe d'), I, 99. Italie, I, 263. II, 258. 305. Italie (Conseil suprême d'), u,
271. Italiens (Agents), II, 22. Ivoy (Seigneur d'), I, 22.
J
Jamin, capitaine français., I, 180. Jersey, I, 8.
Jeudi-Saint (Complot du), n, 170. Joyeuse Entrée (de Brabant) II,
341. Juan (Don) d'Autriche, I, 403.408.
4t8. n, 37. 53. 236. Juliers, II, 189. Jumelles, I, 22. 248.
K
Kerpen, II, 193. 197. 200. 207. Kriski (Stanislas), I, 287.
L
La Haie, lieutenant-général de
Poitiers, II, 12. La Haye, II, 155. 214. 217. 266. Lalaing (Comte de), II, 160, 161. Languedoc, I, 331. 387. II, 63. 83.
247. Lannoy (Fernand de), II, 51. 97.
104. 110. 142. 196. 263. 275.
313. 314. 317.318. Lansac (de), I, 288. II, 137. Laredo, II, 224. 229. Leerdam, I, 365. II, 272. Leoninus (Elbertus), II, 150. 231.
273. Leyde, I, 309. 332. 334. 343. 370.
374. 381. II, 61. 288. 301. 309.
313. 317. 320-321. 323-324. 327.
328. 331. 336. 344. Licques (Philippe de Ricourt,
— 356 —
baron de), I, 29. 48. 216. II,
141. Liège, I, 297. 341. 377. II, 130.
142.219.231. Lierre, I, 16. 20. 42. II, 200. Ligne (Georges de), II, 117. Ligne (Jean de), II, 59. Ligne, voir d'Arenberg. Lille, I, 33.
Lillo, I, 48. 201. II, 292. Linange (Philippe de), I, 209. Lintz, II, 252. Lith, II, 187. 193. 206. Londres, I, 355. Longueteste, fort, I, 334. Longueville (Duc de), I, 18. 44.
80. 398. Longuichelle (?), II, 156. 160. Lorge (de), I, 309. 343. Lorraine, II, 73. 120. 257. Lorraine (Cardinal de), I. 378. n,
226. Lorraine (Duc de), voir Charles III. Lorraine (Duchesse douairière
de), II, 59. Louvain, I, 4. 10. 20. 32. 37. Louwestein (Albert, comte de),
I, 53. 65. 83. 92. Lubeck, II, 81. Lublin (Palatin de), II, 251. Lumbres (Guillaume de), II, 222. Lumey (Guillaume de la Marck),
I, 70. 129. 131. 137. 139. 140.
146. 147. 153. 154. 156. 159.
178. 181. II, 303. Lumyères (?), II, 303. Luxembourg, n, 18. 76. 183. 228.
233. 245. Lyon, II, 63.
M
Maestricht, I, 19. 68. 71. 303. II,
123. 126. 127. 130. 146. 148.
132. 155. 157. 158. 164. 163.
166. 179. Magnus, fils de Christian III, II,
135. Maligni, voir Chartres (Vidame
de) Malines, I, 20. 32. 37. 42. 49. 82.
34. 55. 56. 74. 93. Mandesloo, colonel, I, 140. 223.
260. 277. II, 133. 140. 303. 318.
333. Mansfeld (Comte de), I, 53. 69.
104. 269. II, 42. 117. 131. 131.
160. 162. 233. 245. 286. 291. Mardi-Gras (Complot du), II, 138.
170. Marienbourg, II, 110. 305. 306. Marimont, I, 39. Mark (la), voir Lumey. Matrignon, I, 210. 233. 248. 256.
II, 82. 100. 118. Maubeuge, I, 15. Mauny, II, 47. Maximilien II, empereur, I, 57.
60. 223. 269. 297. 326. 369.
372. II, 28. 59. Mayence (Archevêque-électeur
de), I, 403. II, 59. Médicis (Catherine de), II, 48.
138. 140. 170. 226. 250. Médicis (Cosme de), II, 263. Medina-Celi, I, 36. 60. 71. 96.
109. 111. 114. 118. 124. 130.
134. 146. 170. 203. 235. 242.
— 357 —
234. 263. 298. 317. 341. 372.
397. 403. II, 4.7. 11.12. 21. 270. Meghem (Ladislas Berlaymont,
comte de), I, 108, 251. II, 7.
243. Melendez (Pedro), II, 156. 218.
224. 256. 284. Melun (Charles de), II, 59. Melun (Hugues de), II, 59. Melun (Pierre de), II, 59. Mendoça (Bernardin de), I, 244.
283. 397. II, 1. 58.92.256.284.
291. Mérode (Bernard de), I, 66. Metz, II, 136. Méziéres, II, 136. 139. Middelbourg, I, 10. 37. 54. 97.
133. 158. 181. 188. 194. 208.
213. 217. 221. 228. 234. 237.
240. 243. 246. 248. 252. 255.
258. 264. 266. 273. 275. 279.
283. 285. 290. 297. 300. 304.
307. 312. 314. 317. 334. 356.
358. 362. 365. 367. 368. 371.
375. 376. 382. 386. 392. 395.
402. 408. 423. II, 5. 7. 16. 24.
28. 30. 33. 39. 42. 47. 49. 50.
54. 57. 59. 63. 64. 68. 71. 74.
77. 81. 83. 85. 87. 90. 92. 96.
97. 99. 102. 107. 109. 110. 113.
119. 123 ; la ville est prise par
le prince d'Orange le 18 février
1574, 124. 127. 129. 132. 133;
146. 179. 267. Milan, I, 408. II, 37. 236. Miraumont, I, 43. Moeurs (Comte de), I, 73. 83. n,
207. Mole (la), II, 138.
Mollan, II, 95.
Molle (Wercke von), II, 309.
Moncontour, I, 9.
Mondragon, colonel, I, 59. 73.
86. 239. 264. 266. 368. 382. 392.
II, 33. 77. 85. 87.109.113.124.
123. 179. 182. Mongonméry, I, 8. 61. 188. 194.
198. 224. 240. 254. 257. 273.
286. 300. 304. 307. 309. 310.
316. 324. 343. 345. 362. 365. II,
105. Monluc (évêque de Valence), I, 77. Mons ( Siège de) en 1572, I, 2. 4. 6.
10. 11. 19. 21. 29. 32. 33. 34.
35. 38. 39. 40. 48. 50; II, 110.
164. Montmorency, maréchal, II, 138.
216. Montmorency-Damville, I, 351.
II, 247. Montmorency-Méru, II, 247. 320.
326. Montmorency-Thoré, II, 171. Mook (Bataille de), II, 117. 173.
180. 259. Mores, II, 37. Morvilliers, II, 136. Moscovite (le), I, 260. 327. Mothe-Fénelon (la), ambassadeur
en Angleterre, I, 163. 188. 404.
II, 326. 338. Motte (Valentin de Pardieu, sieur
de la), I, 81. Mouchy, I, 30. Mouzon, II, 137. 151. 163. Munster (Évêque de), I, 104. 220.
234. II, 59. Murray, I, 373.
— 358 —
N
Naelles (de), I, 343.
Naine (de Deventer), I, 176. 186. 206.
Namur, I, 25. II, 29. 63. 70. 73. 256.
Naples, I, 123. 403. II, 271. 275. 318.
Nassau (Guillaume le Vieil, duc de), I, 210.
Nassau (Guillaume de, prince d'Orange), voir Orange.
Nassau (Henri de), n, 173. 174. 178. 203.
Nassau (Jean de), I, 361. u, 165. 190. 203. 247. 307. 333.
Nassau (Louis de), occupe et défend Mons en 1572, I, 7. 26. 30. 35. 38. 39. 41. 44; 45. 50. 52; opère sa retraite sur la Meuse, 57. 60. 62. 67. 68. 73. 73. 83; 85. 86; son séjour en Allemagne, 102. 121. 133. 141. 147; doit venir au secours de son frère, 160. 163. 175. 178. 182. 189. 1.93. 197. 200; 209; songe à venir en France, 218. 225; 231. 238. 243. 251. 239. 262; ses préparatifs et ses projets, 266. 277. 280. 286. 300. 303. 307; 312; est en retard, 315. 334. 341. 356. 362; on annonce son départ pour les PaysBas, 395. 402; entrevue de Blamont avec Catherine de Médicis, II, 48; 50. 74; préparatifs sérieux, 98. 110. 117. 120. 121.
122; 123; marche sur Maestricht,
Maestricht, 127. 129. 130. 135.
137. 139. 140. 142. 146. 147.
148. 155; projet de passer en
France, 152; 158; son armée
arrive à la Meuse, 163. 164.
165. 166. 168. 172; il est battu
à Mook, 173.174.177.180. 183 ;
sa disparition, 187. 189. 190.
193. 197. 200. 203. 207. 210.
214; 225. 233. 259. 262. 291. Nassau (Madeleine de), I, 73. Nassau (Maurice de), I, 42. Navarre (Roi de), I, 422. II, 33.
07. 138. 170.220. Neuvy (Sieur de), II, 269. Nevers (Louis de Gonzague, duc
de), I, 28. 38. Neveu, II, 143. Nieuport, II, 223. Nimégue, I, 74. 77. 81. 83. 84.
236. 385. II, 122. 153. 153. 168. Nivelles, I, 21. Noircarmes (Philippe de SainteAldégonde,
SainteAldégonde, de), I, 13.
14. 19. 29. 30. 58. 71. 107. 139.
290. 335. 349. 422. II, 1. 3. 26.
43. 91. 97. 104. 142. 149. 161. Noue (François de La), I, 30. 35.
40. 44. 38. 227. II, 103. Noyon, II, 306.
O
Oistendorp (Gérard), II, 81. Oisterwiik, II, 109. Olivier (Antoine), I, 81. Orange (Prince d'), vient sou-
— 359 —
tenir son frère devant Mons, I, 1-6; sa retraite, 17. 18. 19. 21. 23. 26. 32. 37. 42. 47. 49. 52. 53. 60. 62; abandonne Ruermonde, 65; 67. 69. 72; va en Hollande, 75. 78. 83. 90. 93. 101. 106. 109. 112. 116. 120. 131. 132. 137. 140. 147; se brouille avec Lumey, 154; est à Delft, 160; 163. 177. 181. 189; ses forces à Harlem, 193; l'accord avec l'Espagne, 209. 223. 226; 214. 236. 237. 239. 263. 268; ses forces, 273; son séjour en Hollande, 274. 289. 298. 304; 310. 312. 319-321. 332. 333. 334. 336. 344. 355. 358; est à Dordrecht, 368 ; reçoit des renforts d'Allemagne, 381 ; va à Gertruydenberg, 402; ses ressources, 418; réorganise ses forces, II, 7. 19.23. 30; 32. 43; a une excellente situation maritime, 57; conditions d'un accord, 61-62; 63. 72; séjourne en Zélande, 78. 85. 88. 90; 93. 97. 104. 107. 108. 113. 116; prend Middelbourg, 124-125; va en Hollande, 129. 132. 133; 133. 140. 145. 146. 148; négociation d'un accord, 149. 130; rapports avec la France, 151 ; 153. 156. 162; l'accord, 164. 167; 168. 174; l'accord, 169. 176; 183. 187. 193; est en Zélande, 197-200. 203.209; subit des échecs en Hollande, 214; fortifie Bommel, 217; 219; est exclu du pardon, 222 ; se tient
sur la défensive, 224. 225. 227. 237; l'accord avec l'Espagne, 230. 246. 270. 273. 275. 278. 282; 247. 260. 263; sa situation devient meilleure, 262; menace Amsterdam, 267. 284; se fortifie, 288; 290. 294. 295. 301. 302; est sérieusement malade, 307. 310. 314. 324; secourt Leyde, 310. 317. 321. 324. 327. 331; 314. 322. 326. 333; a une grande puissance maritime, 337; promet de soutenir la Rochelle, 338; 342.
Ostrelande, I, 128. 411. II, 237. 328.
Ostrelins (Maison des), II, 185.
Oudenarde, I, 13. 56. II, 337.
Over-Yssel, I, 34. 110.
P
Palatin (Électeur), Frédéric III, I,
46. 77. 85. 175. 203. 225. 231.
241. 277. II, 121. 208. 229. 258.
269. 278. 284. 326. Pardieu, voir Motte (la). Péronne, II, 86. Pérou, II, 117. Petain, capitaine, II, 125. Petite-Pierre (Château de), II,
237. Philippe II, I, 9. 27. 29. 31. 32.
53. 118. 130. 134.205.229.230.
245. 280. 330. 331. 354. 397.
400. II, 32. 34. 51. 59. 72. 84.
92. 115. 116. 136. 180-181.256.
315. 341. 342.
— 60 —
Philippeville, II, 110. 305. Pierre II Verrier, abbé de Vaucelles,
Vaucelles, 148. Poitiers, courrier détroussé à
Poitiers, II, 12. 315. Poitou, II, 83. Polder, I, 375. 382. Pollweiler, colonel allemand, II,
63. 224. 286. 325. Pologne, I, 16. 269. II, 124. 242.
243. 248. Pologne (Élection de), I, 287. 294.
306. 324. 325. 326. 328. Pologne (Roi de), I, 301. 308. 327.
330. 333. 352. 377. 388. 391.
397. 399. 403. 413. 416. 421.
II, 12. 31. 34. 48. 98. Poméranie, II, 243. Porto-Carrero, II, 315. Portugal, II, 156. 175. 224. Poyet, I, 81. Provence, I, 387. Prusse (Albert-Frédéric de), I,
143. Pyot, capitaine, I, 81.
R
Radziwill (Barbe), I, 328. Rammekens (Fort de), I, 175. 275.
279. 304. 365. 367. II, 120. 125.
136. Rassenghien, II, 97. 263. Recalde (Juan Martinez de), II,
79. Requesens (Don Luis de — y Zuniga),
Zuniga), Commandeur de
Castille, I, 358. 368. 372; Mondoucet
Mondoucet sa nomination, 383. 403; quitte Milan, 408. 423; annonce de son arrivée, II, 4. 7. 11. 17. 18. 22. 24. 29. 33. 35; arrive avec un pardon général, 30. 38; 37. 38; son arrivée, 40-41 ; donne audience à Mondoucet, 44; ne fait rien avant le départ du duc d'Albe, 46. 49 ; prend possession du gouvernement le 29 novembre, 52; 53. 55; sa politique, 58-59. 60. 61; 67. 70. 71. 74. 75; s'occupe de défendre Middelbourg, 77. 78 ; 79 ; fait des préparatifs, 80. 81. 83. 84; opérations en Zélande, 87. 88; entretien avec Mondoucet, 89; 91 ; surveille le départ de la flotte de Bergues, 100; défaite, 101; veut continuer la guerre, 102. 103; 104. 107. 108. 110. 111. 114. 115. 116. 119; ses inquiétudes à cause de la France, 119. 122; 125; envoie des troupes sur la Meuse, 131. 134; 141. 144. 145. 148. 149. 151. 153. 154. 155. 156; s'occupe d'administration, 157. 161; ses forces, 162; 163; lutte avec Louis de Nassau, 165. 168. 172; l'accord, 169; demande nouvelles de France, 170; victoire de Mook, 173. 174. 177; révolte des soldats espagnols, 180. 182. 183. 184. 185. 186. 188. 191. 192. 194. 199. 202. 203. 205. 208. 211; annonce le pardon général, 186. 189. 196; négocie avec les
— 361 —
États généraux, 199. 209. 213. 218. 222. 227. 230. 233. 238. 243. 253. 277. 302. 306. 311. 315; ses préparatifs, 205. 210; laisse prendre la flotte d'Anvers, 212 ; s'occupe de la France à propos de la mort de Charles IX, 214. 216. 220; 219; accorde le pardon, 221-222. 226; 224. 225. 229; négocie l'accord, 230-231. 244; fait des préparatifs à Anvers, 232; ses forces, ses projets, 234-236. 242. 245. 255; 238. 247. 252; envoie Bernardin de Mendoça en Angleterre, 256 ; négocie avec les États de provinces, 260. 261. 263. 268. 271. 273. 286; renvoie des prisonniers anglais, 264; mauvais état de ses troupes, 265. 266; 273. 280. 281. 282. 283; licencie des troupes, 285286; 288. 292. 294. 295. 296. 301. 305. 307. 311. 312; siège de Leyde, 313. 314. 317. 318. 321; attend les réponses des États, 318. 322. 325. 329. 337; défend la Hollande, 332; Mondoucet lui présente une lettre de Henri III, 335 ; 337. 340. 341. 343. 344.
Retz (Comte de), II, 34. 48.
Rhingraff (Baron de), I, 84.
Richardot (Françs), évêque d'Arras, II, 221.
Ricourt, voir Licques.
Riga, I, 399.
Riotte (Bois de la), II, 151.
Rivière (la), II, 160.
Robles, voir Billy.
Roche (Fernand de la), II, 169.
272. 310. Rochelle (la), I, 11. 24. 148. 209.
227. 245. 257. 267. 273. 301.
316. II, 105. 338. Rochester, II, 248. Rocroy, II, 120. 136. Roeulx (Comte de), I, 63. 210. 368.
381. II, 118. 156. Romero (Julian), I, 125. 135. 139.
338. 346. 348. II, 1. 42. 61. 96.
101. 113. 131. 145. 159. 160.
163. 237. Romerswaal, II, 47. 49. 54. Roollo, II, 156. Rotterdam, n, 273. 288. Ruimehaux (?), II, 269. Rumppf (Wollfgang), II, 29,4. Ruremonde, I, 39. 44. 49. 52. 65.
II, 168. 189.
S
Saeftinghen, I, 395. Saint-Barthélemy, I, 1. 6. 8. 10.
18. 28. 30. 309. 404. Saint-Germain-en-Laye, II, 138. Saint-Ghislain, I, 22. Saint-Gouard, ambassadeur, I,
1. 256. 358. II, 41. 271. 316. Saint-Martins-Dycke, II, 47. Saint-Omer, II, 36. Saint-Trond, I, 64. Saint-Valéri, II, 117. Salcebourg (?), II, 163. Salentin, archevêque de Cologne,
I, 7.
— 362 —
Salzbourg, II, 252. Sambroy, voir Zambrano. Sancy (Harlay de), I, 84. Santander, II, 156. 224. 284.
Sassen, I, 193. 381. II, 18. Saucourt, voir Soyecourt. Saulx, II, 151.
Sauve (Simon de Fizes, baron de),
II, 220. Savoie, II, 258. Saxe, I, 403.
Saxe (Auguste, électeur-duc de),
I, 101. 105. 269. 404. II, 34.
241. 284. 320. Saxe-Cobourg (Jean-Guillaume,
duc de), I, 168. Saxe-Lauenbourg (François, duc
de), I; 83. 96. 104. 103. 141. Schauvenbourg (Comte de), I, 15.
33. 96. 104.220. 224. 225. 361. II, 162. 200. 243. 257. 291. Schomberg, I, 85. II, 34. 48. Schonhoven, I, 78. 82. 97. Schwartzbourg (Comte de), II, 294. Sedan, II, 126. 136. 152. 171. 183. Semblançay, II, 220. Senarpont, I, 30. Sennenbergue, voir Sevenbergue. Seton, I, 378. Sevenbergue, II, 157. 160. 163.
166. Séville, II, 240. Sézanne, I, 30. Siegen, II, 333. Sigismond II Auguste, roi de
Pologne, I, 287. 328. Silésie, II, 251.
Simiane (Jean-Antoine de), I, 26. Simony (Jacob), capitaine, II, 125.
Soigny, I, 139. Soinage (Lucas), I, 139. Soonwald, I, 241. Soyecourt, I, 30. Spa, II, 4.
Sparendam, I, 347. II, 329. Spersat, I, 80.
Spinosa, voir Espinosa. Spire, II, 28. 204. 281. Steinfurt (Comté de), I, 361. Stolberg (Julienne de), I, 210. Strasbourg, I, 84. II, 171. 187.
208. 333. Strozzi, I, 11. 24. II, 117. Stuart (Marie), II, 247. Suéde, I, 327. II, 59.81. Suisses (Soldats), II, 156. 160
228. 259. 265. 286. 291.
T
Teklenbourg, I, 361. Ter Goess, voir Goess. Termonde, I, 10. 20. 56. 59. Terneuse, I, 201. 290. II, 39. 49. Texel, I, 411. Thavannes, I, 94. 164. Thérouanne, I, 107. 421. II, 36. Thévalle (Jean de), II, 136. Thielemont, voir Tirlemont. Thou (de), II, 218. Tiel, I, 100. II, 174. Tirlemont, I, 32. II, 131. Tolède (Antonio de), I, 101. 163. Tolède (Marcos de), I, 313. Tolède (Don Rodrigue de), I, 172. Tongre, I, 56.
Toulouse (Jean de), voir Aldégonde (Marnix).
— 363 —
Tournai, n, 256.
Treslong (Jean de), I, 158. n, 150.
Trêves (Archevêque de), I, 16.
74. 224. 298. II, 59. 117. Troubles (Conseil des), II, 227. Tryvières, I, 48. Tseraerts (Jérôme), I, 34. Tupigny, I, 30. Turcs, I, 208. 244. 326. Tyrol, II, 252.
U
Ulloa (Jean Osorio de), II, 173. Utrecht, I, 82. 97. 100. II, 142.
153. 179. 196. 231. 255. 260.
324. Utrecht (Archevêché d'), II, 272.
V
Valdez, II, 313.
Valence (Évêque de), I, 77.
Valenciennes, I, 13. 48. II, 126.
236. Valois (Marguerite de), II, 171. Van den Berg, voir Berg (cte de). Vargas, I, 400. II, 175. Vaucelles, abbaye, I, 148. 164.
388. 405. II, 137. Vauvillars (Dame de), I, 256. 257. Vaux (de), ministre protestant, I,
121. II, 161. Vehemi, capitaine, I, 161. Venise, II, 248. 258. Vénitiens, I, 244. 260. 326. Venloo, I, 59. 63. 243. II, 168.
Ventabran, II, 139. Vergy (François de), II, 116. 252. Vere. (La), I, 20I, 368. II, 64. 133. Vianen, I, 78. 82. n, 159. 163. Vienne, II, 248. 249. 250. 252.
237. 238. Viglius, n, 52. Villandry, I, 107. Villeroi (de), I, 61. II, 112, 124.
132. 135. 139. 150. 258. Vincennes, II, 138. 170. Vitelli (Chiappin), I, 59.198. 227.
353. 357. II, 41. 131. 178. 206.
209. 211. 217. 224. 228. 231.
232. 237. 240. 243. 253. 255.
260. 263. 265. 266. 272. 276. Vitry, II, 40. 48. Vliet (Le), I, 406. Vomstinck (Henrik), II, 269. Vredenbourg (Dame de), II, 150. Vulcob, ambassadeur français à
Vienne, I, 41. 67. 95. 170. 179.
305. II, 83. 111. Vuytenhorst (Jean de), II, 59.
W
Wacken (Antoine de Bourgogne), I, 304. II, 180.
Walcheren, II, 102. 103. 146. 160. Wallons (Soldats), I, 2. 48. 59.
96. 213. 273. 346. 349. 357.
360. 364. .366. 370. 381. II, 20.
22. 109. 117. 157.160.180. 181.
186. 189. 192. 196. 199. 209.
213. 243. 245. 260. 262. 265.
272. 291. 332.
— 364 —
Watreland, I, 339. 402. II, 228.
254. Wavre, I, 4. 49. Wesel, I, 390. II, 189. 197. 207. Westendorp (Georges de), II, 81. Wesphalie, II, 219. 243. 297. Wietland, I, 411. Willerval (de), II, 161. Worcum, II, 232. Worden, I, 339. 343. Wurtemberg (Duc de), II, 54. 229.
Z
Zambrano, I, 212. Zélande, I, 4. 5. 10. 21. 24. 26. 33. 42. 43. 47. 51. 54. 60. 61. 63. 66.73.79.86.90.97.111. 115.
122. 128. 188. 21.3. 226. 237.
263. 266. 273. 276. 285. 290.
293. 294. 297. 299. 304. 312.
314. 317. 321. 324. 330. 334.
341. 362. 365. 386. 391. 412. u,
4. 12. 15. 27. 30. 33. 39. 50.
54. 37. 60. 64. 71. 78. 81. 85.
86. 90. 121. 124. 129. 133. 149.
156. 160. 197. 200. 205. 237.
241. 244. 256. 275. 277. 279.
284. 320. 323. 326. 339. Zieriksée, II, 85. 133. Zimbron, voir Zambrano. Zondreman (?), II, 210. Zuniga, voir Diego. Zutphen, I, 68. 69. 72. 78. 81. 85.
86. 87. 88.91, 95. 98. 100. 107. Zweveghen (Halevyn de), II, 69. Zwolle, I, 100.
TABLE DES AUTEURS
Pour les Volumes LXXXIX et XC Années 1890-1891
CH. CERF. La Rose nord de la Cathédrale de Reims, t. LXXXIX, p. 273.
Dr DECÈS.
Discours d'ouverture, t. LXXXIX, p. 1.
Toast prononcé au banquet du 50e anniversaire de la fondation de l'Académie, t. LXXXIX, p. 261.
L. DIDIER.
Le général A. Colbert, t. LXXXIX, p. 39.
Lettres et Négociations de Claude de Mondoucet, t. XC, I à XVII, p, 1 à 364.
L. DOUCE.
Lecture, à la Séance publique de 489 1, des Poésies de M. Richardot,
t. LXXXIX, p. 74.
ALPH. GOSSET. Notice sur Alphonse Perin, peintre d'histoire, t. LXXXIX, p. 283.
P. HENRIOT. Rapport sur le Concours d'Histoire, t. LXXXIX, p. 59.
— 366 —
H. JADART.
Compte rendu des Travaux de l'année 1890-9 1, t. LXXXIX, p. 12. Revue de Cinquante ans (1844-1894), t. LXXXIX, p. 101. Fête du Cinquantenaire, t. LXXXIX, p. 235. Sceaux, Emblèmes et Devises des Sociétés savantes de France en
relations avec l'Académie de Reims, t. LXXXIX, p. 329. Un précurseur de la Croix-Rouge à Reims, t. LXXXIX, p. 367.
Cte DE MARSY.
Les origines tournaisiennes des Tapisseries de Reims, t. LXXXIX, p. 357.
Mgr PÉCHENARD.
Discours prononcé à l'inauguration du monument de Dom Marlot dans l'église de Saint-Remi, t. LXXXIX, p. 240.
PIÉTON.
Toast prononcé au banquet du 50e anniversaire de la fondation de l'Académie, t. LXXXIX, p. 264.
PLANÇON.
Toast prononcé au banquet du 50e anniversaire de la fondation de l'Académie, t. LXXXIX, p. 267.
H. RlCHARDOT.
Pièces de poésie adressées à l'Académie, t. LXXXIX, p. 75.
P. SOULLIÉ. Rapport sur le Concours de Poésie, t. LXXXIX, p. 67.
TABLE DES MATIERES
CONTENUES DANS CE VOLUME
HISTOIRE
Lettres et Négociations de Claude de Mondoucet, par M. L. DIDIER, I à XVII, 1 à 364.
28187 — Imprimerie de l'Académie (H. MONGE, dir.), rue Pluche, 24.
PUBLICATIONS
DE L ACADEMIE NATIONALE DE REIMS
Travaux de l'Académie, formant chaque année 2 volumes semestriels in-8°, avec figures. Prix de l'Abonnement, 12 fr.
Table générale des Travaux : de l'Académie, répertoire alphabétique et analytique des 74 volumes publiés de 1841 à 1,882, par H. JADART, secrétaire archiviste. In-8°, 5 fr.
Inventaire des Archives de l'Académie, table des documents manuscrits (1841-1886), par H. JADART. In-8°, 2 fr.
Histoire de la Ville, Cité et Université de Reims, par Dom Guil. MARLOT. Quatre forts vol. in-4°, avec planches, 35 fr.
Histoire de l'Eglise de Reims, par FLODOARD, avec traduction par M. LEJEUNE, professeur au Lycée de Reims. Deux vol. in-8°, 9 fr.
Chronique de Flodoard, avec une traduction nouvelle et des notes, par feu M. BANDEVILLE, chanoine de Reims,— suivie d'un Index pour l'Histoire de Reims et la Chronique. Un vol. in-8°, 4 fr.
Histoire de la Gaule au Xe siècle, par RICHER, avec traduction, notes, cartes géographiques et fac-similé, parM. A.- M. POINSIGNON, inspecteur de l'Université. Un vol. in-8°, 6 fr.
DOCUMENTS INÉDITS :
I. Journalier ou Mémoires de Jehan Pussot. maître charpentier à Reims (1568-1626). Un vol. in-8°. (Epuisé.)
II. Correspondance de Ph. Babou de la Rourdaisière, ambassadeur de France à Rome (1560-1564). Un vol. in-8°. (Epuisé.)
III. Correspondance du duc de Mayenne (1590-1591). Deux vol. in-8°, papier vergé, 16 fr.
IV. Mémoires de Oudart Coquault, bourgeois de Reims (16491668), avec introduction, notes et appendice. Deux vol. in-8°, papier vergé, 16 fr. (I à IV, par M. Ch. LORIQUET.)
V. Mémoire des choses plus notables advenues en la province de Champagne (1585-1598), publié par M. G. HÉRELLE, sur le Manuscrit de la Bibliothèque nationale. Un vol. in-8°, papier vergé, 5 fr.
VI. Mémoires de Jean Maillefer, marchand bourgeois de Reims (1611-1684), publiés par M. H. JADART, Un vol. in-8°, 6 fr.
VII. Lettres et Négociations de Claude de Mondoucet, publiées par M. DIDIER. Deux vol. in-8°, 12 fr.
Dépôt chez F. MIGHAUD, Libraire de l'Académie,
rue du Cadran-Saint-Pìerre, 23.
28188 IMP. COOP. DE REIMS