VILLE DE PARIS
1920
Commission du Vieux Paris
Séance du samedi 26 juin 1820.
PROCÈS-VERBAL
SOMMAIRE
1. — Liste des membres présents.
2. — Correspondance.
3. — Demande de classement des vestiges de l'ancienne abbaye de Saint-Maur.
4. —Recherches effectuées par M. Henry Martin, en vue de l'établissement d'une liste exacte des prévôts des marchands.
5. — Rapports présentés par MM. L. Tesson et Victor Perrot, au nom de la 1re Sous-Commission, sur des publications et ouvrages adressés à la Commission.
6. — Rapport présenté par M. Henri Cordier, au nom de la 1re Sous-Commission, sur la crypte de l'ancienne chapelle des Carmélites du faubourg Saint-Jacques.
7. — Rapport présenté par M. Lucien Lambeau, au nom de la 1re Sous-Commission, sur la conservation du calvaire de la rue de l'Evangile
8. — Rapport présenté par M. G. Hartmann, au nom de la 1re Sous-Commission, sur la
maison dite de Fouquet, avenue Sainte-Marie, à Saint-Mandé.
9.— Rapport présenté par M. Lucien Lambeau, au nom de la 1re Sous-Commission, au sujet de la conservation du pont Marie, et relatant les phases principales de son bis toire.
10. — Rapport présenté par M. Grimault, inspecteur des fouilles, sur la reconstitution du tracé des anciens bâtiments de la Bastille et sur les fouilles en cours.
11. — Ajournement provisoire des encouragements à donner pour la publication d'ouvrages sur l'histoire de Paris.
12. — Examen avec projections des dossiers du casier archéologique et artistique de Paris, se rapportant aux VIIIe et IXe arrondissements.
13. — Question de la créalion d'une Commission historique de la banlieue.
14. — Extraits des débats du Conseil municipal intéressant le Vieux Paris.
N° 6
134 -
La séance est ouverte à trois heures, à l'Hôtel de Ville (salle des Commissions du Secrétariat général), sous la présidence de M. Le Corbeiller, vice-président de la Commission.
1. — Liste des membres présents.
Assistent à la séance : MM. Le Corbeiller, vice-président, Froment-Meurice, Alpy, Formigé, Levraud, G. Montorgueil, Louis Ronnier, Marcel Poêle, G. Hartmann, Hoffbauer, Lucien Lambeau, Koechlin, Gaston Schéfer, L. Périn, Henri Cordier, Henry Martin, Victor Perrot
Secrétaires : MM. Elie Debidour, L. Tesson, Grimault.
Excusé : M. Adrien Blanchet.
2. — Correspondance.
Il est donné connaissance d'une lettre par laquelle M. Peirotes, maire de Strasbourg, remercie la Commission pour l'envoi de la collection des procès-verbaux à la bibliothèque de cette ville.
3. — Demande de classement des vestiges de l'ancienne abbaye de Saint- Maur-des-Fossés.
M. Elie Debidour expose à la Commission un intéressant projet de la municipalité de Saint-Maur-des-Fossés, tendant à la conservation et à l'aménagement des vestiges de l'ancienne abbaye de Saint-Maur. Le Conseil municipal a négocié dès 1914 l'acquisition d'une tour et d'une partie des murs de l'enceinte de l'abbaye. Un square serait aménagé à l'entour, et l'on prévoit l'organisation d'un musée lapidaire.
Actuellement la commune sollicite le classement parmi les monuments historiques de ces restes, encore considérables. Il serait utile que la Commission, qui, en 1902, s'est déjà longuement occupée de l'abbaye, émît à ce sujet un avis motivé, qui serait joint au dossier de la demande de classement.
M. Lucien Lambeau s'associe à cette proposition et demande qu'une visite soit organisée d'urgence par les soins de la 1re Sous-Commission.
Il en est ainsi décidé :
4. — Recherches effectuées par M. Henry Martin en vue de l'établissement d'une liste exacte des prévôts des marchands.
M. Henry Martin donne quelques indications sur les résultats de ses premières recherches relatives aux prévôts des marchands. Il constate que sur les listes publiées jusqu'ici figurent les noms de quelques personnages qui n'ont jamais exercé les fonctions de prévôt, et qu'en revanche plusieurs prévôts des marchands, qui sont demeurés inconnus jusqu'à présent, ont droit d'être inscrits sur les tables de marbre de l'Hôtel de Ville. M. Henry Martin ajoute qu'il va continuer le travail et qu'il en fera connaître les résultats à une séance ultérieure.
M. le Président remercie M. Henry Martin de la peine qu'il veut bien prendre eu poursuivant ces recherches.
5. — Rapports présentés par MM. L. Tesson et Victor Perrot, au nom de la 1re Sous-Commission, sur des publications adressées à la Commission.
M. L. Tesson dit que les deux publications suivantes ont été adressées :■
L'une, par M. Gaston SCHÉFER, membre de la Commission, dans le journal Les Arts, sur là fontaine de Grenelle, fait connaître les conditions particulières suivant lesquelles ce monument, l'un des plus estimés de Paris, fut confié à Bouchardon.
La précision des renseignements peu connus que contient cet article le rend précieux et fait désirer de rencontrer plus souvent dans les revues spéciales des études sur les beaux monuments dé Paris dont l'histoire n'est pas toujours exactement connue.
L'autre, dans la Nouvelle Revue, par M. J. de LAUNAY, donne des indications sommaires sur des familles d'architectes, dont les noms brillent d'un vif éclat dans l'histoire des monuments parisiens de l'époque où le style ogival produisit ses. chefs-d'oeuvre les plus purs.
La personnalité la plus en vue dans cet article est Pierre de Montereau, au sujet duquel on à déjà tant discuté. Devant les
138
espérances que peut faire naître celle courte notice, on ne peut que souhaiter la présentation d'un travail plus étendu où seraient développées les trouvailles infiniment précieuses que doit comporter le déppouillement du fonds d'archives, peu explorées, que l'article de M. J. de Launay fait supposer.
M. Victor Perrot. — La communication de M. A. Blanchet sur l'Hôtel des Monnaies, faite à la séance de la Commission du Vieux Paris, du samedi 11 janvier 1919, et parue dans le Bulletin municipal officiel du 17 février 1920, a valu à la Commission le don, par M. F. Mazerolle, archiviste du Musée de la Monnaie, de son ouvrage : L'Hôtel des Monnaies, édité par H. Laurens en 1907, dans la série des Grandes Institutions de France, à la librairie Renouard.
Cet important travail, auquel M. Blanchet, au cours de sa communication s'est plu à rendre hommage par de nombreuses références — et c'est le plus bel éloge que l'on puisse en faire — comprend 4 parties :
La première partie est consacrée à l'histoire des quatre anciens établissements des Monnaies de Paris :
1° La Monnaie de Paris.
2° La Monnaie de Nesle.
3° La Monnaie des Etudes ou du Moulin.
4° Le Balancier du Louvre ou la Monnaie des Médaillés.
Là seconde partie traite de l'histoire de l'hôtel du quai Conti, avec une partie rétrospective sur les anciens hôtels construits sur son emplacement.
La troisième partie est consacrée au musée.
Nous assistons à l'histoire de sa création et à la description, tant des salles que des collections qu'il contient.
M. Mazerolle s'étend principalement sur les médailleurs français contemporains et donne la nomenclature complète de leurs oeuvres : il passe également en revue toutes les séries des médailles françaises constituant notre admirable « Histoire Métallique» des événements célèbres de la monarchie.
La quatrième partie a trait à la fabrication des monnaies jusqu'à l'époque actuelle.
107 gravures accompagnant le texte, cette monographie définitive de l'Hôtel des Monnaies est en même temps un guide parfait.
parfait. un ouvrage de vulgarisation dans le sens élevé du mot.
M. Mazerolle a, en effet, traduit, en un langage clair, le résultat de ses longues et pénibles recherches.
Il a mis ses connaissances à la portée du public parisien.
Nous ne pouvons que lui en être reconnaissants.
6. — Rapport présenté par M; Henri Cordier au nom de la première SousCommission, sur la crypte de l'ancienne chapelle des Carmélites du faubourg Saint-Jacques.
M. Henri Cordier. — A diverses reprises, la Commission du Vieux Paris s'est occupée de celle question. Dans sa séance du 25 janvier 1908, M. Charles Sellier faisait connaître qu'une délégation s'était rendue dans le couvent des Carmélites, afin d'y reconnaître la situation de la crypte qui lui a été signalée, et aussi pour y rechercher si des vestiges de l'ancien couvent y subsistent encore. Il annonce à la Commission que, en raison de documents anciens qu'il doit consulter à ce sujet, il déposera son rapport à la prochaine séance. La Commission décide que les reproductions photographiques suivantes seront faites pour les cartons du musée Carnavalet : La cour du cloître, la crypte, l'intérieur de la chapelle, le jardin situé rue du Val-de-Gràce, 8 bis. M. Charles Sellier présentait en effet son rapport dans la séance du 14 mars 1908 ; il passait en revue les ouvrages dans lesquels était décrit l'ancien couvent et racontée son histoire, et il donnait une conclusion un peu vague à son étude qui laissait ouvert le champ à toutes les suppositions : « Quant à la fameuse crypte, elle se trouve située dans le trajet dudit prolongement de la rue Nicole, et bien au-dessous de l'égout qu'on y doit construire; en conséquence, sa conservation peut être décidée sans iconvénient, s'il convient, pour donner satisfaction aux partisans de la tradition. »
Mais les travaux de mise en état de viabilité de la rue Pierre-Nicole; prolongée à travers le jardin des Carmélites, approchant de leur fin, dans la. séance du 12 décembre 1908, la 2e Sous-Commission fut chargée d'examiner la question de la conservation demandée de la crypte. « Après examen attentif des documents qui lui ont été communiqués à cet
136 -
effet, la 2e Sous-Commission a reconnu que la crypte dont il s'agit est effectivement la crypte primitive des Carmélites, rhabillée et transformée, située exactement sous l'emplacement de l'ancienne église du Carmel, dite de Notre-Dame-des-Champs, démolie à l'époque de la Révolution. En conséquence, la 2e Sous-Commission a adopté le voeu: 1° de conserver ladite crypte, dont l'existence se rattache aux traditions les plus lointaines de l'histoire parisienne; 2° de s'en remettre à l'Administration pour le soin d'étudier les voies et moyens nécessaires pour assurer la conservation de celte crypte et en faciliter l'accès, se réservant à cet effet la bande de terrain qu'il conviendra, étant bien entendu que des deux couloirs et escaliers d'accès existants actuellement, on ne couserverait que le couloir et l'escalier de moindre étendue. »
Le voeu, après des observations de MM. Mareuse, Selmersheim, celui-ci hostile à la conservation, Lucien Lambeau et Georges Villain, fut adopté avec quelques amendements, mais, dans la séance du 0 novembre 1910, à la suite de la présentation du projet de lotissement des terrains, la demande de M. Edgar Mareuse demandant que des démarches soient faites auprès de l'Administration immédiatement, afin d'obtenir, dans la mesure du possible, l'exécution du voeu adopté et la conservation de la crypte, fut repoussée. Enfin, dans la séance du 20 novembre 1915, M. L. Tesson faisait une communication fort intéressante sur la crypte; j'y reviendrai tout à l'heure, mais j'en cite immédiatement la conclusion : « On peut raisonnablement conclure que la crypte antique, si elle a existé, ne se trouvait pas à l'endroit de la chapelle souterraine actuelle, qui est de construction récente, et qui a remplacé une autre chapelle moderne démolie en 1895 et dont des relevés ont été pris à celle époque. »
Rien n'avait été fait par l'Administration pour la conservation de la crypte, qui fut comprise dans le lotissement des terrains. Il semblait que la question était réglée lorsque, par une lettre lue à la séance de la Commission du Vieux Paris du 27 mars 1920, M de Clercq, conseiller municipal, demandait notre intervention dans l'intérêt de la conservation de la crypte. Quoique il lut trop tard pour agir d'une façon efficace et pratique, puisque les nouveaux propriétaires avaient déjà pris possession de leurs terrains et y avaient commencé des travaux, notre Président me demanda, en ma qualité de vice-président de
la 2e Sous-Commission, de faire une nouvelle visite au couvent. Quelques jours auparavant, le secrétaire, M. Elie Debidour, avait constaté dans la cour du cloître l'existence d'un mur ancien, que les deux puits qui se trouvaient dans celte cour avaient été en partie comblés et qu'une pierre tombale relevée par les ouvriers avait disparu.
En conséquence, le lundi 29 mars, accompagné de M. Elie Debidour et de M. Grimault, je me suis rendu rue Denfert-Rochereau, n°25; nous avons été fraîchement accueillis par les nouveaux propriétaires occupés à décharger une voilure de planches ; néanmoins, nous avons pu pénétrer dans la place et descendre dans la crypte qui est intacte ainsi que les escaliers qui y conduisent ; elle sert de dépôt aux planches de l'acquéreur qui occupe aussi une partie du cloître qu'on repeint. Je reviendrai tout à l'heure sur la crypte. Du 25 de la rue Denfert-Rochereau, nous sommes allés me Pierre-Nicole prolongée, n° ; ici, aucune difficulté pour entrer : le propriétaire est en train de transformer en garage la partie du couvent qu'il a achetée, qui comprend la cour et une partie du cloître ; on démolit une partie du côté est du cloître pour donner accès de la rue dans la cour ; les deux puits marqués sur le plan sont comblés et la pierre tombale qui avait, paraît-il, été brisée, avait bien disparu. Rien à faire pour nous de ce côté. Tout l'intérêt se concentre donc sur la crypte.
Vous me permettrez, pour aborder ce point de notre enquète, de vous présenter, aussi sommairement que possible, l'histoire du terrain sur lequel s'élevait le couvent des Carmélites.
A droite de la grande roule romaine qui conduisait le long du mont Lucotitius (Montagne Sainte-Geneviève), de Lutèce à Genabum (Orléans), s'étendait, dans une vaste plaine nommée Campi, un cimetière dont une extrémité était appelée lès Tombes, l'autre la Tombe-Issoire, qui était du fief de Paris. L'abbé Lebeuf nous dit que " Tombisoire est un nom collectif qui signifie un assemblage de tombes (1) », ce qui est absurde ; ce nom remonte à la légende du géant Ysoré, tantôt
(1) LEBEUF, Histoire de Paris, Paris, 1883, I, p. 144.
137 —
païen, tantôt sarrazin, frère du roi Marsile qui avait combattu contre Roland à Roncevaux, soit saxon, fils du roi Bréhier, tué par Ogier, qu'il veut venger. Au cours du siège d'un mois établi devant Paris, entre Montmartre et la Seine, en 978 par l'empereur Othon II qui entra en France le 1er octobre et leva le camp devant notre capital le 30 novembre, Ysoré, champion allemand, aurait été tué en combat singulier par Guillaume au Court-Nez, chevalier de l'armée du roi de France (1). Il y avait encore au XIIIe siècle, dans ce territoire, un grand mausolée antique, long de plus de vingt pieds, considéré comme le tombeau d'Ysoré dont le souvenir est conservé dans le nom de la rue actuelle de la Tombe-Issoire. Le cimetière qui occupait particulièrement la rue Nicole et son marché, ne dépassait pas à l'est la rue Saint-Jacques ; il allait au sud jusqu'à la rue Cassini, et vers le nord jusqu'au jardin des Pères de l'Oratoire ; pendant le moyen âge « on le désignait sous les noms de Locus Cinerum,de Glus des Mureaux, de Fief des Tombes (2) ».
" Ce terrain, nous dit Leboeuf, réduit en simple gazon à la longueur du tems, fut planté de vignes, dont le Roi avait une portion, et l'Evêque l'autre. La première fut appelée durant plusieurs siècles le Clos-leRoy, et quelquefois les Mureaux (Muralia), à cause des restes des petits murs qui paraissaient avoir fait la séparation des sépultures, "
Au milieu de ces vignes apparaît l'église Notre-Dame-des-Champs, ainsi nommée pour la distinguer de la cathédrale; Bournon (3) tient pour certaine l'existence de celle église au VIIe siècle. Lebeuf pense « qu'elle avait succédé ou avait été fort voisine de l'Oratoire Saint-Michel, Oratoire ordinaire des cimetières publics, qui souvent étaient accompagnés de crypte, ou de souterrains ». Et ici nous arrivons à la légende de saint Denis dont ce territoire aurait été la première des
sept stations dont la dernière aurait été Montmartre. Mais on n'est d'accord ni sur la personne du Saint, ni sur l'époque à laquelle il vivait : on compte au moins trois saint Denis qu'on confond parfois l'un avec l'autre : saint Denis l'Aréopagite, le disciple direct de saint Paul, évêque d'Athènes ; saint Deris, missionnaire du pape saint Clément, évêque de Rome au Ier siècle; enfin saint Denis, l'un des sept évêques qui, vers 250, vinrent de Rome pour évangéliser les Gaules, et aurait été le premier évêque de Paris ; il semble bien que ce fût au bourg Saint-Marcel que le christianisme se développa tout d'abord et que fut construite la première chapelle, mais tout ce qui est relatif à Saint Denis est pure supposition, non seulement, son existence, mais aussi, à plus forte raison, le lieu de sa prédication. L'hagiographie, le folk-lore, niais non l'histoire, peuvent discuter une légende d'ailleurs fort intéressante qui a inspiré littérateurs et artistes.
Le deuxième jour de la cinquième semaine du carême de 1084 (1085 n. s.), Paganus (Adam Payen)et Gui Lombard, qui la tenaient de leurs ancêtres, firent don de l'église Notre-Dame-des-Champs , appelée aussi Nolre-Dame-des-Vignes, à l'abbaye de Marmoutiers, près Tours, par un acte que reproduit Rournon, ainsi que la charte de 1085, par laquelle l'évêque Geoffroy confirma celle donation, en même temps qu'il y ajoutait trois autres églises. Le Prieuré de NotreDame-des-Champs resta aux Bénédictins de Marmoutiers jusqu'au commencement du XVIIe siècle : les bâtiments, dans lesquels ne vivaient plus que quatre religieux, étaient dans un état lamentable de délabrement. L'abbé commendalaire, cardinal de Joyeuse, avait pensé, dès 1602, à les céder aux Capucins ; il renonça à son projet. Grâce à quelques personnes pieuses, en particulier au prêtre normand, Jean de la Quintanadoine de Brétigny, à la maréchale de Joyeuse, à une amie de celle-ci, la mystique Mme Acarie, et surtout à Catherine. d'Orléans, fille de Henri d'Orléans, duc de Longueville, Henri IV signa à Saint-Maur-des Fossés, le 18 juillet 1602, des lettres patentes autorisant l'introduction en France de religieuses carmélites de la Réforme de Sainte-Thérèse pour y établir un monastère de leur congrégation ; une bulle de Clément VIII du 13 novembre 1603 accordait son approbation. Après quelque résistance de la part du prieur et des religieux qui refusaient de quitter leur monastère, le cardinal de Joyeuse, sur l'ordre du roi du 14 février 1603, consentit à la cession des
(1) Voir F. Lot, Romania, XIX, 1890, Grisegonelle dans l'épopée, p. 377-393. — Les deux rédactions eu vers du Montage Guillaume, Chansons de geste du XIIe siècle publiées d'après tous les manuscrits connus par Wilhelm Cloetta. Paris, Firmin-Didot, 1906-1911, 2 vol. in-8.
Société des Anciens textes français.
(2) F. G. de Pachtère, Paris à l'époque galloromaine, 1912.
(3) Add. à Lebeuf, p. 101.
138 -
bâtiments du Prieuré de Notre-Dame-desChamps aux carmélites; les religieux indemnisés furent transférés au Collège de Marmoutiers, près de la Sorbonne, et, le 21 mars 1603, les ciefs furent remises à M. de Marillac, mandataire de Mme de Longueville, qui donnait 2.400 livres de rentes pour l'entretien de quinze religieuses, donl le couvent devait être exempt de la juridiction épiscopale, ainsi que de celle des carmes mitigés de France (1). Les religieuses arrivèrent d'Espagne le 17 octobre 1604. Il fut décidé que, vu leur état de ruine, tous les bâtiments du prieuré seraient démolis et reconstruits, et qu'on ne garderait, sur l'avis de l'architecte Pierre Biard, que l'église, à laquelle on adapterait un choeur pour les religieuses et qu'on élèverait un nouveau monastère suivant, le plan tracé par sainte Thérèse elle-même pour toutes les maisons de sa réforme. « Le 29 mars 1603, la duchesse de Nemours posa la première pierre des lieux claustraux, au nom de la reine Marie de Médicis, qui avait accepté le titre de première fondatrice et qui était alors à Fontainebleau. La princesse de Longueville et la princesse d'Estouville, sa soeur, posèrent la deuxième pierre, en qualité de deuxièmes fondatrices. La cérémonie se fit avec beaucoup de pompe. Peu de jours après, MM. de Bérulle et de Marillac posèrent la première pierre du choeur (2). » Les travaux furent achevés dans le courant de 1605, et les religieuses s'installèrent le 24 août, dans les nouveaux bâtiments du couvent, dit de l'Incarnation, sur l'étendue desquels nous possédons le témoignage de Claude Malingre.
Claude Malingre, historiographe du. Roi, dont l'ouvrage, Les Antiquilez de la Ville de Paris, parut trente-cinq ans (3) après l'achèvement des bâtiments conventuels, donne les renseignements suivants sur leur étendue :
" Le premier plan de la maison du fauxbourg (quant à l'estendüe de sa clôture en 1601) contenoit seulement trois arpens ou environ de terre, employez au choeur, aux cloistres, aux dortoirs, au Refectoir, au Chapitre, à l'Infirmerie, Sacristie, et autres lieux de communauté, qui y furent edifiez et
construits pour l'vsage des Religieuses, au lieu de quelques vieilles masures et autres baslimens caducs et ruinez, qui seruoient auparavant à quatre ou cinq Religieux qui les occupoient, avec le iardin ioignant, qui estoit aussi de leur portion.
« En 1630, ce premier iardin fut augmenté de quatre arpens ou environ vers le Midy, par vne closture de murs d'espoisseur et' hauteur conuenable.
" En 1639, ce lieu a esté encore acreu du costé du Septentrion d'un bastiment entier, pour seruir d'Infirmerie et de Dortoir, dans lequel sont iusques à 28 cellules, outre quelques Chapelles et autres lieux de communauté. Et outre plus d'vn iardin d'enuiron un arpent et demy. C'estoit aulresfois le partage et la demeure du Prieur.
« Le tout estant de present sous vne seule et mesme closture, au moyen d'vne galerie en forme de voulte (l'Eglise entre-deux, et le passage reserué au public, comme auparauant pour la liberté de l'entrée en ladite Eglise) contient enuiron neuf arpens, et esl du costé du Couchant le long de ladite rue d'Enfer, du costé du Leuant le long en partie d'héritages particuliers, et en partie d'héritages propres ausdites Religieuses, aboutissant du costé du Midy à la rue qui conduit aux Capucins, et aussi à quelques particuliers, et du costé du Septentrion au iardin des Pères de l'Oratoire. "
Le couvent et ses dépendances s'étendaient donc dans un vaste quadrilatère borné au nord par le couvent bénédictin de Saint Magloire qui avait succédé en 1572 à l'ancienne Commanderie des Frères Hospitaliers du Haut-Pas, venue d'Allo-Passo, près de Lucques, et fut lui-même remplacé en 1618 par les Oratoriens et, de nos jours, par l'établissement des Sourds-Muets ; au sud, par la rue de la Bourbe (boulevard de PortRoyal) ; à l'est, par le faubourg Saint-Jacques (rue Saint-Jacques actuelle) ; à l'ouest, par la rue d'Enfer (rue Denfert-Rochereau). Il y avait deux entrées, l'une rue d'Enfer; l'autre, la principale, rue Saint-Jacques, dont la porte existe encore dans la cour du n° 284 ; elle donnait accès à un passage qui longeait l'église orientée de l'est à l'ouest, par conséquent avec l'abside du côté de la rue SaintJacques et le portail vers la rue d'Enfer, et conduisait à une grande cour à gauche de laquelle s'élevaient les bâtiments du monastère entre cour et jardin, et à droite se trouvait le « Petit Logis " qui servait de maison
(1) Rousseau.
(2) Rousseau, p. 7.
(3) 1640, Paris, in-fol., voir p. 502.
139 —
priorale; on y installa les novices en 1605 ; il était limitrophe de l'hôtel qui fut occupé par Mme de Longueville après la mort de son fils, le comte de Saint-Paul, tué en 1672, au passage du Rhin; en 1751, il fut démoli, et sur son emplacement, cédé à bail emphytéotique, pour cinquante années, on construisit l'hôtel de Chaulnes, lui-même dépossédé par l'Ecole Lavoisier.
Comme on le voit; l'église des Carmélites était la même que celle du Prieuré ; elle « estoit assez belle et bien bastie, nous dit Félibien (1), et l'on n'avoit besoin que d'y joindre un cloistre et des lieux réguliers, tels que la modestie et la pauvreté religieuses l'exigent; ce qui ne pouvoit pas monter à une grosse dépense ». On dut, cependant, y dépenser une assez grosse somme pour la décoration, car Philippe de Champaigne y exécuta de grands travaux ; il fit travailler à la voûte de l'église et peignit quelques tableaux, entre autres le Crucifix, accompagné de la Vierge et de Saint Jean ; aux frais de Marie de Médicis, il exécuta en 1627 et 1628 la grande fresque de la voûte du choeur et l'on sait que, le 2 septembre 1631, il fit un traité avec la Soeur Marie du Saint-Sacrement pour des peintures à faire dans ce même choeur (2).
Nous arrivons à la fameuse crypte. Malingre nous dit (3) :
« Au-dessous de l'Eglise est aussi ceste ancienne caue, que l'on tient auoir servy de retraicte à sainct Denys lors des persécutions, où il disoit la Messe, et en laquelle il n'y a plus maintenant aucune entrée que du costé des Religieuses, qui y vont souuent faire leurs prières, mais non auec tel loisir qu'elles le désireraient, selon la saincteté du lieu, à cause de l'impossibilité d'y pouuoir subsister longuement. »
M. Tesson, dont je ne saurais blâmer le scepticisme, écrit dans sou rapport du 20 novembre 1915 :
" Or, rien n'a confirmé ce récit parmi les historiens qui se sont succédé et qui ont
écrit sur Paris, et Malingre est souvent contesté à cause des nombreuses inexactitudes rencontrées dans ses travaux. »
Il n'a pas connu un témoignage formel de l'existence de la crypte; celui de la première prieure Anne de Jésus :
« Nous nous sommes rendues à cette maison qui est de celles que notre mère [Sainte Thérèse] aurait renversées si ce n'était qu'elle a été faite par des séculiers, avec piété et ignorance; . car il est certain qu'ils y ont dépensé plus de 60 ducats et elle n'est point terminée. Si l'on achevait l'église qu'ils y ont jointe, on n'y arriverait pas pour 200 ducats. Quant à cette dernière, je puis dire qu'elle inspire une grande dévotion. Sous le maîtreautel, en effet, se trouve la grotte où a vécu Saint Denis tandis qu'il enseignait la religion chrétienne en ce royaume ; c'est là qu'il a dit sa première messe et qu'il se cachait, lui et ses compagnons. Dès lors, il dédia ce lieu à Notre-Dame et à notre glorieux père Saint Joseph, cl il y laissa leurs images en pierre; elles sont fort dévotes (1). »
C'est dans cette crypte qu'aurait prié saint Ignace avant le voeu de Montmartre et que saint François de Sales célébra la messe.
Lebeuf vient jeter le trouble en écrivant : « On assure par tradition, dans le Couvent des Carmélites qui a succédé aux Bénédictins, qu'il y a sous la crypte sur laquelle est le fond de l'église une autre cave plus basse ; ce qui marquerait encore des restes de sépulcres romains, et peut-être fût-ce dans quelques-uns de ces lieux souterrains que Saint Denis assembla d'abord quelques fidèles, "
M. Tesson reprend ici l'avantage; il n'y a jamais eu de cave sous la crypte. « Les renseignements fournis par l'Administration des Carrières et l'examen des plans du Service ont montré, dit-il, que le sous-sol en cet endroit précis n'avait pu être fouillé, ni exploité, car il est formé d'un banc de marne blanche situé précisément au-dessous du remblai moderne et est encore éloigné du banc de calcaire exploitable. Le sommet de ce banc est à 28 mètres au-dessous du sol.
(1) II, 1725, p. 1269.
(2) Voir : Devis des peintures da Philippe de Champaigne aux Carmélites de Paris, pp. 434-8 de la Revue Universelle des Arts, publiée par M. Paul Lacroix (Bibliophile Jacob). T. I. — 1855.
(3) L. c, p. 503.
(1) Mémoire sur la fondation, le gouvernement et l'observance des Carmélites déchaussées, publié par les soins des Carmélites du monastère de Paris. Reims, 1894, in-8, II, p. 21.— Citi par Rousseau, p. 98,
140
Or, la crypte étant à une profondeur de 10 mètres, il y a encore un intervalle de 18 mètres avant d'atteindre la pierre. Celle-ci aurait pu être exploitée, même à ciel ouvert comme on faisait dans les temps anciens. Mais la contexture des couches stratifiées empêche toute conjecture en cet endroit. D'ailleurs des recherches ont été faites à différentes époques, notamment par Guilhermy dont les travaux étaient si consciencieux. »
Je constate que, dans l'édition de 1855 de son Itinéraire archéologique de Paris, F. de Guilhermy, pp. 244-5, se contente d'invoquer le témoignage de l'abbé Lebeuf.
Jaillot (IV, Quartier Saint-Benoit, 1775 p. 158) remarque : « Quoique ces Religieuses aient été établies à Notre-Dame-des-Champs, on ne leur en a cependant pas donné les revenus : le titre du Prieuré a subsisté jusqu'en 1671, qu'en vertu d'un Décret du 21 mai de celte année, et du consentement des Religieux de Marmoutiers du 22 avril 1672, il a été uni, avec les biens en dépendant, au Séminaire d'Orléans, ce qui a été confirmé par Lettres Patentes du mois d'août 1671, enregistrées le 26 janvier 1674. "
Sur le plan de Jaillot nous voyons apparaître une caserne de gardes-françaises sur le terrain des Carmélites, du côté de la rue Saint-Jacques, à droite en regardant le Valde-Grâce ; le plan de Turgot nous avait montré un Oratoire, dit « Oratoire de La Vallière », qui subsiste encore rue PierreNicole, mais transformé d'une façon fâcheuse par son propriétaire actuel, un entrepreneur de menuiserie ; il a été visité par la Commission du Vieux-Paris.
Les Carmélites de la Réforme de Sainte Thérèse prirent rapidement un grand-développement en France, el eu 1668, elles élevaient leur dernière maison, celle de Trévoux qui est la soixante-troisième ; elles comptaient trois maisons à Paris : celle de la rue SaintJacques; une autre, la seizième, établie en 1617, rue Chapon; enfin, une troisième, la soixante-deuxième, établie en 1664, rue du Bouloy, transférée en 1682, rue de Grenelle au faubourg Saint-Germain (1).
Le monastère jouissait d'une grande réputation à laquelle n'avait pas peu contribué le souvenir de soeur Louise de la Miséricorde (Duchesse de la Vallière), qui s'y était retirée et y était morte. Nombre de personnages célèbres furent enterrés dans l'église ; tels Anne, princesse palatine de Bavière, le duc et la duchesse (Julie d'Angennes) de Montausier, etc. ; on pourra consulter à leur sujet le volume II, de l'Epitaphier du Vieux Paris, d'Emile Raunié, pages 157-176. La statue du cardinal de Berulle exécutée en 1659, par Jacques Sarrazin, a été transportée au Louvre.
La Révolution vint troubler la quiétude des Carmélites, dont la Prieure était en 1790, Marie-Louise de Gonzague, née Claude-Louise Valangellier ; après un arrêt du 13 août 1792, qui ne fut pas exécuté, les religieuses expulsées le 29 septembre 1792, se retirèrent dans une maison de la rue Notre-Dame-des-Champs; elles ne rentrèrent au couvent de l'Incarnation que le 18 octobre 1802 ; elles trouvèrent l'église démolie depuis 1798, et leurs jardins avaient été coupés par une voie nouvelle, la rue du Val-de-Grâce, ouverte le 8 thermidor an V (26 juillet 1797). Plus tard, le marché et la rue Nicole, qui mettait en communication le boulevard de Port-Royal (rue de la Bourbe) et la rue du Val-de-Grâce absorbèrent encore une partie des terrains des anciennes Carmélites et modifièrent l'aspect du quartier. Des religieuses de l'Abbaye aux Bois s'établirent au commencement du Consulat dans l'hôtel de Chaulnes.
Au milieu de ces vicissitudes, la crypte existait toujours et une religieuse put le certifier à M. Cocheris (1) ; nous avons pu nousmême le constater depuis. Après la Révolution, elle était restée pleine de décombres ; elle fut vidée, mais elle était dans un tel état de délabrement, qu'en 1856 elle fut reconstruite; il y eut le 1er décembre 1856, une cérémonie d'inauguration en présence de l'archevêque de Paris, au cours de laquelle le Père de Ravignan prit la parole. « La crypte reconstruite imparfaitement, en 1856, nous dit M. Rousseau, dut subir une réfection, presque totale, en 1895; ces travaux furent entrepris par un ingénieur de la Compagnie d'Orléans, qui travaillait à la ligne Médicis-Gare de Sceaux (2), et qui avait une soeur reli(1)
reli(1) : Liste des différents couvents de Carmélites au XVIIe siècle, dans l'appendice de La Jeunesse de Madame de Longueville, par M. Victor Cousin. 4e éd. Paris, Didier, 1859, in-8.
(1) Lebeuf, II, 1865, pages 101-166.
(2) M. Mareuse dit que cet ingénieur était M. de la Brosse. Dans les notes de son dossier, M. Tesson
— 141 —
gieuse dans le couvent. On procéda à un déblai complet des terres et le tout fut mis à ciel ouvert. Quand la voûte fut achevée, on rechargea la maçonnerie par un remblai jusqu'au niveau du sol du jardin. L'axe de la crypte se trouve à environ 40 mètres de la rue du Val-de-Grâce et à 10 mètres au-dessous du sol superficiel. On accède à ce sanctuaire par deux escaliers, tous deux anciens, mais partiellement reconstruits, lors des travaux successils exécutés dans la crypte. Un premier escalier, large et de pente douce, conduit en 16 marches à un premier étage d'où l'on franchit, à nouveau, 35 marches, pour atteindre le sol de la chapelle. Un couloir voûté y accède. On remarque le long du mur quelques armoires, fermées par des portes de fer. Les espaces du mur non utilisés sont ornés d'une sorte de mosaïque, composée de morceaux de poteries, provenant du sol du jardin, dans lequel elles furent retrouvées, après la démolition du monastère, à l'époque révolutionnaire. Celle décoration, d'assez mauvais goût, fut exécutée par des religieuses, conformément à celle qui existait dans l'ancienne chapelle souterraine, d'après le témoignage de l'abbé Boucher, aumônier des Carmélites, au moment du Concordat. La crypte ne présente aucune curiosité de style (1). Celle description est encore fort exacte, ainsi que nous avons pu le constater lors de notre visite.
Les Carmélites furent de nouveau expulsées en 1907; le prolongement de la rue Nicole, à travers le couvent, acheva d'en assurer la ruine.
Dès le 4 décembre 1908, M. A. Grimault, géomètre de la 3e circonscription, dressait un plan de la chapelle souterraine que j'ai l'honneur de vous présenter. Elle se trouve sous la rue Pierre-Nicole prolongée, à une profondeur d'environ 9 m. 29; la crypte dépasse cette rue d'un peu plus de 8 mètres ; sa longueur
longueur la rue est de 14 m. 1/2; en deçà environ 9 mètres; la plus grande élévation de la chapelle est de 4 m. 40 (au delà de la rue Pierre-Nicole) ; sous celte voie, sa hauteur est de 3 m. 70. La largeur de la crypte est de 2 m. 39 et de 4 mètres dans la chapelle qui se trouve au fond avec l'autel.
A la suite de notre visite, M. Grimault a bien voulu reporter sur le plan cadastral les indications fournies par le plan de Verniquet et il en résulte clairement que l'emplacement de la crypte n'a pas changé et que cette crypte se trouvait dans l'axe même de l'ancienne église. Le mur en fondations que nous avions repéré le 25 mars 1920, devait faire partie de celui qui séparait l'ancienne grande cour d'honneur du reste du monastère. Nous devons être particulièrement reconnaissant à M. Grimault du document important qu'il a apporté à l'étude de la question.
De tout ceci, nous pouvons conclure, je crois :
1° Que si une grotte du problématique saint Denis a jamais existé, elle a été absorbée par la chapelle souterraine;
2° Que celte chapelle souterraine, la même qui se trouvait dans l'église du Prieuré devenu l'église du monastère des Carmélites, n'a jamais été changée de place;
3° Que cette chapelle complètement restaurée, n'offre aucun caractère d'antiquité et ne rappelle que le souvenir d'une légende, assurément fort respectable, mais ne présentant aucun caractère d'authenticité;
4° Que, par conséquent, il n'y avait pas lieu à intervention de la Commission du Vieux Paris, dans le cas même où le lotissement actuel des terrains l'aurait permis.
Depuis que j'ai écrit ce rapport, j'ai examiné un dossier que nous a remis M. Tesson ; il renferme, dressés par l'architecte Albert Leclerc, eu décembre 1901, une course longitudinale de la chapelle souterraine à l'échelle de 0 m. 01 et un plan des caves et chapelle souterraine à la même échelle; ce plan correspond à celui que nous a fourni M. Grimault et ne saurait modifier les conclusions de mon rapport. Je relève, dans une lettre de l'architecte, M. Leclerc, quelques détails qui confirment le peu d'ancienneté des bâtiments du monastère.
Dans une lettre écrite le 10 février 1902 par M. Albert Leclerc, architecte du propriétaire, 27, rue de Dunkerque, à propos d'une visite
2
marque que la crypte actuelle a été construite en 1895, par M. Bonté, entrepreneur, 11, rue des Plantes, sans le concours d'architecte, et qu'elle avait été édifice sur l'emplacement d'une chapelle circulaire avec dôme qui affleurait au sol et qui était éclairée par un lanterneau mis à même dans le jardin.
(1) Le premier monastère des Carmélites en France. Le Couvent de l'Incarnation, faubourg SaintJacques, par François Rousseau. (Mémoires de la Société de l'Histoire de Paris, XLIV, 1917, p. t-106; voir p. 91.)
142 —
projetée de la Commission du Vieux Paris, nous prenons les notes suivantes :
« M. le duc des Cars, propriétaire de l'immeuble, 25, rue Denfert-Rochereau, ancien couvent des Dames Carmélites, se propose de faire personnellement une étude historique de ce monastère et réunit à cet effet tous les documents qui lui sont nécessaires...
« Je dois vous faire observer, d'ailleurs, que tous les bâtiments du monastère sont modernes.
" Le couvent a été reconstruit en 1855 et 1856, par M. Saint-Père, architecte. La crypte a été entièrement refaite il y a quatre à cinq ans et la chapelle a été reconstruite entièrement il y a deux ans.
« Le bâtiment le plus ancien est celui à droite de la cour d'entrée, il est occupé par plusieurs locataires et ne renferme rien de remarquable.
« Il ne reste donc rien de l'ancien monastère qui, avant la Révolution, s'étendait jusqu'au boulevard Port-Royal et était limité par les rues Saint-Jacques et d'Enfer, "
IL C.
M. Lucien Lambeau voudrait, avant que la Commission se prononce définitivement, lui demander qu'elle veuille bien poser à l'Administration les questions contenues dans la motion suivante :
« Sans m'arrêter à la question de savoir si la chapelle souterraine dont il s'agit est complètement ancienne ou ne l'est pas, consentant même, jusqu'à preuve du contraire, à accepter pour bonne l'hypothèse qu'elle ne l'est pas, je voudrais connaître de l'Administration quels inconvénients, quels empêchements matériels seraient susceptibles de s'opposer à sa conservation : Son maintien sous le sol de la rue offrirait-il des dangers pour la circulation ? Empêcherait-il une opération de voirie projetée ? Nuirait-il à l'aliénation des terrains de l'ancien courent ? Coûterait-il un sacrifice d'argent à la Ville f
« En cas d'affirmative sur l'un ou l'autre de ces cas, je me ferais certainement scrupule d'insister; mais si toutes ces objections n'existaient pas, je ne verrais pas pourquoi la Commission du Vieux Paris refuserait de s'associer par un voeu à la conservation, demandée, de ce souvenir d'un illustre monastère, le Carmel du faubourg Saint-Jacques, établi en cet endroit depuis l'extrême commencement
commencement XVIIe siècle jusqu'à la Révolulion et réoccupé par les Carmélites de 1800 à 1904.
" Qu'on le veuille ou non, la vie religieuse occupe une très grande place dans l'histoire de Paris, et les traditions qui s'y rattachent sont aussi dignes d'être conservées que les autres manifestations de la vie de la cité. Qui osera soutenir que la crypte dont il s'agit ne relie pas les Carmélites du XVIIe siècle aux Carmélites supprimées par la loi de 1904 sur les Congrégations!
« C'est donc en insistant sur le rôle assigné à la Commission du Vieux Paris, qui est de maintenir d'une façon tangible tous les souvenirs — vieux ou jeunes — se rapportant à l'histoire de notre ville, que je prie la Commission, avant de se prononcer définitivement, de solliciter de l'Administration une réponse aux quatre questions formulées plus haut. »
M. le Président fait observer que le maintien de la crypte était demandé par M. de Clercq, au nom de son caractère historique. Or, il vient d'être établi que ce caractère n'existe pas.
M. Lucien Lambeau répond que cette crypte, restauration d'une plus ancienne, située au même endroit, utilisée au XIXe siècle, par des Carmélites ayant succédé à des religieuses du même ordre établies là aux XVIIe et XVIIIe siècles, possède bien le caractère historique qu'on lui dénie. La Commission peut donc parfaitement adopter la motion présentée plus haut.
M. Gaston Schefer propose l'apposition d'une plaque comémorative.
M. Henri Cordier estime que l'on pourrail décider l'apposition d'un plan gravé sur une plaque, comme on l'a fait pour le Temple. Quant à la crypte elle-même, il est actuellement trop tard pour rien faire : le terrain est loti : elle appartient à une société anglaise.
M. Louis Bonnier fait observer que, lors du percement de ta rue Pierre-Nicole prolongée, il y a certainement eu une convention. La Ville est-elle propriétaire du sol et du sous-sol? Si le sous-sol de la rue appartient à la Ville, la situation reste à peu près la même, car elle n'en possède pas les accès. Mais il est probable qu'il ne lui appartient pas, car la crypte est indiscutablement la propriété de la société anglaise qui l'occupe, et il n'est pas dans ■
143
les habitudes de la Ville d'accepter des servitudes souterraines de celle nature.
M. le Président constate que la Commission est d'accord sur les conclusions de M. Henri Cordier. Une décision définitive sur !e voeu sera prise après rapport de l'Administration.
7. — Rapport présenté par M. Lucien Lambeau, au nom de la 1re SousCommission, sur la conservation du calvaire de la rue de l'Evangile.
M. Lucien Lambeau. — Messieurs, il existe à l'heure actuelle, à l'angle de la rue de l'Evangile et de celle d'Aubervilliers, à Paris, un calvaire, édifié depuis environ 60 ans, appliqué au mur en pan coupé de l'usine à gaz. C'est une haute croix en fonte abritée dans un édicule en pierre à fronton triangulaire, et entourée d'une grille. On y voit l'inscription suivante : Spes unica.
Le monument est en fort pileux état, et la grille aurait besoin d'être réparée et entretenue. C'est pourquoi le conseil curial de l'église Saint-Denys-de-la-Chapelle, dans la personne de l'un de ses membres, M. Charles Bouchez, s'adressa à la Compagnie du Gaz pour obtenir d'elle la réparation dont il s'agit.
Par sa lettre du 21 mai 1920, M. Ronland, administrateur délégué de celle Compagnie, en exposant la question à M. le Préfet de la Seine, a eu l'aimable pensée, ce dont nous ne saurions trop le remercier, de demander l'avis de la Commission du Vieux Paris.
" Nous rappellerons tout d'abord — écrit M. Rouland — qu'à l'occasion d'un projet — non encore réalisé, mais qui vous a été soumis à la date du 28 novembre 1913 — de cession à la Compagnie des chemins de fer de l'Est de divers terrains dépendant de l'usine à gaz de la Villette, en vue du remaniement de ses voies entre le pont de l'Evangile et le canal de Saint-Denis, l'Administration des Beaux-Arts est intervenue, en faisant valoir que si le monument ne pouvait être classé, son intérêt était suffisant pour qu'il soit conservé.
« Il a, en conséquence, été prévu dans la convention projetée que le calvaire serait déplacé et replacé à la nouvelle limite de l'usine par les soins et aux frais de la Compagnie de l'Est.
« La réfection de la grille se trouvera donc effectuée lors du déplacement du calvaire.
« Mais comme ce travail ne sera forcément exécuté que dans un délai assez long et que la question nous a paru de nature à intéresser la Commission du Vieux Paris, nous avons cru devoir vous en saisir, dès maintenant, à toutes fins utiles, "
Il résulte donc de celle lettre que la réfection dudit calvaire aura lieu du fait de son déplacement, par les soins et aux frais de la Compagnie de l'Est, déplacement qui, il faut le désirer, éloignera le moins possible le monument de l'endroit où il se trouve.
Votre 1re Commission s'est particulièrement intéressée à la conservation de ce lointain souvenir local du village de la Chapelle-Saint-Denis, perpétué, à la vérité, par un édicule moderne, mais dont le point de départ, sans solution de continuité, c'est-àdire sans interruption, fut tout d'abord l'une de ces nombreuses croix de carrefour plantées à l'intersection des chemins, reposoirs des processions champêtres de nos communes suburbaines, pourvues de vocables dont l'origine est souvent inconnue, comme l'est encore celui de la Croix de l'Evangile, et toutes soigneusement repérées, dessinées et dénommées sur les anciens plans de la région parisienne.
La croix de l'Evangile est déjà citée comme lieudit dans une déclaration de censive datée de 1540 conservée aux Archives nationales (S. 2245 A), ce qui prouve qu'elle existait à celle époque, et que ce fut d'elle que le chemin, dit de la Croix-de-l'Evangile, prit son nom (1).
On la voit, dessinée et dénommée, dans un plan terrier de la Chapelle, de 1704-1705, au carrefour du chemin des Vertus, aujourd'hui rue d'Aubervilliers, et du chemin de la Croixde-l'Evangile, actuellement rue de l'Evangile. Elle se remarque aussi dans un autre terrier de la même époque, au même endroit, appartenant alors au canton des Rosiers (2).
Le plan de Roussel, dressé en 1731, la dénomme et la figure également, à la rencontre des deux chemins ci-dessus.
Il ne fait pas de doute qu'elle fut détruite
(1) Fernand Bournon, Additions à l'abbé Lebeuf, page 545.
(2) Archives nationales. N. III. Seine 477 et S 2713.
— 144
pendant la Révolution, en vertu des lois et décrets relatifs à la suppression des Signes de la féodalité et de la superstition, mais qu'on la replanta ensuite, puisque nous la retrouvons indiquée el dénommée dans le plan de Lefèvre, daté de 1859, au carrefour du chemin de la Croix-de-1'Evangile, du chemin d'Aubervilliers, et de la ligne du chemin de fer de Strasbourg, plan qui est le dernier dressé avant la disparition de la commune de la Chapelle-Saint-Denis, incorporée à Paris en 1860.
A ces renseignements précis, nous ajouterons la documentation ci-après, dont nous ne faisons pas état, n'ayant pu la contrôler, mais dont les indications peuvent être intéressantes à relater. C'est d'abord une lettre que veut bien nous écrire M. Charles Bouchez, dont nous parlons plus haut, et dans laquelle nous lisons ces lignes : " Ce calvaire a été édifié en 1740, par une famille du pays à la mémoire de l'un des siens. Plus tard, ce monument fut cédé à la commune de la Chapelle, à charge d'entretien. Entre les années 1863 et 1871, la Compagnie des chemins de fer de l'Est a déplacé le calvaire pour les besoins de son exploitation et l'a transporté à l'endroit où il se trouve actuellement....»
C'est ensuite un article paru dans un petit journal local, l'Echo de la Chapelle, des mois de mars et mai 1910, journal paraissant être l'organe de la paroisse Saint-Denys de la Chapelle, disant qu'en 1862 le conseil de fabrique de celte paroisse fit élever le calvaire actuel pour remplacer celui qui se trouvait en face sur la droite de la rue d'Aubervilliers, et qu'avait fait disparaître l'édification du nouveau pont du chemin de fer de l'Est. La Compagnie du Gaz avait donné le terrain, la Compagnie de l'Est contribué à la dépense pour une somme de 1.000 francs, et la fabrique avancé le surplus. Et le journal ajoute que la croix, enlevée en 1862, « comme en font foi les archives de la fabrique», remontait à l'année 1808, et avait été édifiée par le sieur Joseph Hirth, propriétaire à Paris, à la place d'une autre croix encore plus ancienne, sur le chemin de la Chapelle à la Villette. Celle croix de 1808, ayant douze pieds de haut et étant surmontée d'un christ de cinq pieds, avait été solennellement consacrée le 11 septembre, d'après l'extrait du procès-verbal donné par le rédacteur de l'article.
Sans pouvoir, faute d'éléments d'archives, examiner les indications données sur les croix de 1740 et de 1808 dont il vient d'être question, nous pensons que personne ne saurait
prétendre que le calvaire actuel, placé à l'angle des rues de l'Evangile et d'Aubervilliers, n'est pas la continuation tangible et matérielle de l'ancienne croix de l'Evangile indiquée sur les anciens plans et qui se trouvait exactement au même point. C'est à la pérennité de celte tradition que votre première Sous-Commission vous propose de vous associer par l'adoption du voeu suivant :
" La Commission du Vieux Paris,
« Prenant acte des termes de la lettre adressée par M. le Directeur de la Compagnie du Gaz à M. le Préfet de la Seine, déclarant que le calvaire de la rue de l'Evangile serait restauré lors de son déplacement,
« Emet le voeu que l'Administration de la Ville de Paris, s'inspirant du souvenir d'histoire locale évoqué par cet édicule, veuille bien, par toutes mesures qu'elle jugera utiles, s'intéresser à sa conservation. »
Je vous demande également, Messieurs, de décider qu'une reproduction en sera annexée au procès-verbal.
LUCIEN LAMBEAU.
M. Victor Perrot rappelle qu'il s'est déjà occupé de la question. Une tradition locale voulait que la croix eût été placée à l'endroit où fut tué le connétable de Montmorency, à la bataille de Saint-Denis. Sur un plan de la bataille possédé par lui figure l'indication du connétable et de huit pièces d'artillerie.;
M. Lucien Lambeau ajoute que la tradition est fausse, la croix étant déjà citée en 1540 et la bataille de Saint-Denis ayant eu lieu en 1567.
Le voeu présenté par M. Lucien Lambeau est adopté.
8. — Rapport présenté par M. G. Hartmann, au nom de la 1re Sous-Commission, sur la maison dite de Fouquet, à Saint-Mandé.
M. G. Hartmann. — Le Syndicat d'initiative de l'Est de Paris, ayant son siège à Vincennes, et dont la création est récente (mai 1919), a appelé dernièrement l'attention de la Commission du Vieux Paris sur un article paru, dans le journal la Gazette de l'Est, de M. le docteur Mousson-Lanauze, concernant une maison à Saint-Mandé, qu'on dit
— 145
être l'ancienne habitation de Fouquet, surintendant des finances sous Louis XIV.
Ce Syndicat d'initiative demande que " la Commission examine les mesures qui pourraient être prises pour sauvegarder, dans la mesure du possible, les restes de la maison de Fouquet, actuellement occupée par une pension de jeunes gens, la Maison Vie, sise à l'angle de la rue Herbillon et de la rue Jeanned'Arc ».
A l'appui de cette demande, le Syndicat d'initiative remit une note de son vice-président, M. Gaston Petit, résumant les recherches faites par lui sur Fouquet et donnant l'indication d'ouvrages à consulter à ce sujet.
L'article de M. Mousson-Lanauze débute ainsi: " Saint-Mandé ne brille pas comme
Vincennes en souvenirs historiques
« En dehors de la tourelle, malheureusement disparue, Saint-Mandé peut montrer la maison où vécut Nicolas Fouquet, surintendant des Finances, au début du règne de Louis XIV. Celle maison se trouve, 1, avenue Sainte-Marie. Au point de vue architectural, elle n'attire pas particulièrement l'attention. Construite en pierres et briques, elle tranche toutefois sur les immeubles avoisinants. »
Après avoir donné quelques notes historiques sur le séjour de Fouquet « dans sa résidence merveilleuse» à Saint-Mandé, l'auteur de l'article dit :
« Dans celle maison « fastueuse », il reste encore, à l'heure actuelle, une belle rampe d'escalier en fer forgé, une splendide armoire, dont le fronton porte le monogramme de Nicolas Fouquet. Il subsiste quelques boiseries, des portes intéressantes. Ces portes doubles sont surmontées de trumeaux où durent s'inscrire des peintures. Aujourd'hui et depuis fort longtemps un badigeon uniforme recouvre toute celle ornementation. On trouve aussi de belles cheminées ornées de glaces entourées de cadres en bois sculpté. Au-dessus des glaces existent des panneaux qui très certainement supportèrent des peintures. Les plafonds ont du style ; l'enduit dont ils sont couverts ne permet pas de savoir si, eux aussi, furent peints ".
Nous avons visité la maison en question, C'est un pavillon modeste qui a l'aspect d'une construction du XVIIe siècle, avec mélange de briques et de pierres ; maison que des restaurations à diverses époques ont quelque peu dénaturée
A l'intérieur la porte d'entrée s'ouvre sur un couloir servant de vestibule ; à gauche, une pièce de moyenne dimension sert de parloir pour le pensionnai. C'est dans cette pièce que se trouve l'armoire décrite par l'article de M. Mousson-Lanauze, meuble dont l'ornementation est très sobre, avec un médaillon au fronton, portant un chiffre quelconque ; les boiseries qui garnissent cette petite salle sont sans décoration. Au bout du couloir, à droite, nous avons gravi un petit escalier avec rampe très simple, en fer forgé il est vrai, mais comme on en voit beaucoup dans de vieilles maisons très ordinaires de Paris et de ses environs. Les cheminées et les glaces décrites sont aussi très simples.
Pas plus à l'intérieur qu'à l'extérieur, nous ne voyons, dans cette maison, une ornementation remarquable. Le souvenir de Fouquet peut-il malgré cela être une cause suffisante pour retenir plus particulièrement notre attention sur ce pavillon?
Il n'existe pas de documents iconographiques donnant le plan et l'aspect de la résidence de Fouquet à Saint-Mandé. L'on connaît cependant la description des bâtiments, puis l'énumération des objets d'art et des richesses que ce surintendant y avait amasses et dont un inventaire fut dressé, lors de son arrestation, en 1661.
Pour créer une résidence de campagne en rapport avec sa situation dans le monde et sa fortune, Fouquet lit plusieurs acquisitions de terrains et de bâtiments. Ce fut principalement, vers 1657, l'achat de deux maisons et d'un parc, aux époux de Beauvais, après avoir acquis quelques pièces de terre autour.
« Modeste d'abord, écrit M. Ulysse Robert, la résidence de Fouquet ne tarda pas à subir des transformations et à prendre des développements considérables. Mais elle fut disposée selon certains principes, dont l'idée seule dénotait de très graves préoccupations. L'entrepreneur chargé des constructions et qui faisait aussi les maçonneries du Louvre avait l'ordre de ne faire que des bâtiments bas et à un seul étage, de crainte que l'élévation en déplût au roi ; de même, la partie des bâtiments qui regardait Vincennes ne devait être et n'était couverte que de tuiles ; l'autre partie était couverte d'ardoises, « de telle sorte, dit une relation du temps, que venant dudit lieu de Vincennes, l'on ne pense voir que villa tuguria, et, venant du côté de Conflans, on croit voir une pompeuse
- 146 -
ville. » Ce mode de couverture avait paru bizarre aux contemporains de Fouquet » (1).
L'ensemble des constructions bordait six cours, et Fouquet avait projeté d'établir partout des souterrains, pour aller et venir sans être vu : l'on n'en creusa que trois, dont un tronçon existait encore dans ces derniers temps, nous dit M. Robert, et il ajoute : « La maison n° 2 de l'avenue Saint-Marie (celle sur laquelle notre attention est appelée) est, de la propriété Fouquet, un vestige bien peu luxueux, il faut en convenir. »
Dans leur ensemble, les bâtiments, les cours, le parc et les jardins occupaient le vaste espace compris, de nos jours, entre la rue de l'Epinette, le jardin d'arboriculture, l'avenue Daumesnil et lu Grande-Rue nommée rue Jeanne-d'Arc depuis quelques années.
«En 1661, au moment de l'arrestation de Fouquet, les constructions n'étaient pas terminées; on estimait alors à onze cent mille livres les sommes qui y avaient été déjà englouties » (2). Fouquet, en quatre années de séjour seulement (1657-1661), y avait rassemblé à grands frais des objets d'art et de curiosité, des peintures, des statues et une riche bibliothèque de 30.000 volumes.
On disait que Fouquet s'était retiré à SaintMandé pour travailler plus à l'aise ; mais sa résidence lui servait surtout à recevoir ses maîtresses plus secrètement qu'à Paris, puis à réunir des amis pour y jouer gros jeu. Après l'arrestation de Fouquet, ses biens furent confisqués, les objets d'art et les livres furent dispersés.
En 1705, les religieuses hospitalières de Gentilly furent autorisées à venir s'établir à Saint-Mandé et à prendre possession de la propriété de Fouquet. D'une déclaration que firent ces religieuses, pour la censive, en 1780, il résulte que la propriété de Fouquet, occupée par les hospitalières, consistait alors « en plusieurs bâtiments ayant leur entrée par une grande porte sur la Grande-Rue de Saint-Mandé ; ensuite, une cour au fond de laquelle est le principal corps de logis; à gauche, un pavillon qui a son entrée par une grande porte ; ensuite, une cour dans laquelle
il y a un puits, au bout de laquelle est un bâtiment double qui contient toute la largeur de ladite cour et autres bâtiments à droite, un grand corps de bâtiment qui donne sur une ruelle ayant son issue sur la Grande-Rue dudit Saint-Mandé et qui va au chemin conduisant à Charenton. "
Ces bâtiments et leurs dispositions en 1780 devaient être les mêmes que du temps de Fouquet. Nous voyons que le principal corps de logis, celui que Fouquet habitait certainement, était éloigné de la Grande-Rue et que ce bâtiment principal se trouvait entre deux cours.
Au commencement du XIXe siêcle, les Hospitalières quittèrent Saint-Mandé. Les bâtiments étant abandonnés, l'ancienne propriété de Fouquet fut morcelée; on y traça des voies publiques, vers 1860, telles les avenues Herbillon, Sainte-Marie, Alphand.
Le bâtiment qui subsiste sur la Grande-Rue, entre l'avenue Herbillon et l'avenue SainteMarie date-t-il du temps de Fouquet ou fut-il construit par les Hospitalières? Quoi qu'il en soit, par sa situation sur la Grande-Rue, près de l'ancienne entrée de la propriété, par l'exiguïté de ses pièces et de leurs dégagements, il ne représente pas le logis, qu'on disait si somptueux, du riche surintendant des finances. C'est donc avec beaucoup d'imagination que des auteurs placent le cabinet de Fouquet au premier étage de celte maison. Le fastueux Fouquet, Ministre d'Etat, recevant souvent des personnages, devait avoir un cabinet luxueux, éloigné du bruit de la Grande-Rue, dans le logis principal ou dans le pavillon à côté, bâtiments très vastes séparés de la rue par une grande cour.
En définitive, la maison en question, qui n'était certainement qu'un modeste bâtiment destiné à loger des serviteurs, une conciergerie de cette grande propriété, n'a d'autre mérite que son ancienneté, pour retenir quelque peu l'attention.
La Commission du Vieux Paris ne peut, dans la circonstance, qu'exprimer un voeu en faveur de la conservation par son propriétaire, de cet immeuble dans l'état où il est avec ses parties anciennes.
Si le Syndicat d'initiative de l'Est de Paris voulait pousser plus loin son action et porter à la connaissance du public ce qu'était celte habitation, il pourrait, par ses propres moyens, ou en demandant le concours de la
(1) Notes historiques sur Saint-Mandé, page 64. par Ulysse Robert publiées chez Paturot-Moser, 6, GrandeRue de la République, à Saint-Mandé (1901).
(2) Idem, page 66.
— 147
municipalité de Saint-Mandé, faire apposer une plaque avec inscription de ce genre :
Maison du temps de Louis XIV
située autrefois à l'entrée de la. vaste résidence de
Fouquet, Surintendant des Finances,
qui séjourna en ce domaine,
depuis 1657 jusqu'au jour de son arrestation en 1661.
Les Hospitalières de Gentilly occupèrent,
de 1703 à la Révolution],
cette grande propriété, qui fut morcelée
au XIX' siècle],
avec ouverture des avenues Sainte-Marie, Herbillon,
Alphand].
Fouquet n'est pas un personnage sympathique, mais son faste, ses intrigues, son arrestation, sa détention ont fait beaucoup parler de lui ; ses actes ont été souvent commentés. Quoique peu digne, il tient une certaine place dans l'histoire du règne de Louis XIV. Le fait est indéniable.
Les Mandéens peuvent éprouver quelque satisfaction à rappeler ce souvenir historique, par une indication sur cette ancienne maison, seul vestige, dit-on, qu'ils possèdent d'un passé remontant au XVIIe siècle.
9. — Rapport présenté par M. Lucien Lambeau, au nom de la 1re SousGommission, concernant la conservation du pont Marie, et relatant les phases principales de son histoire.
M. Lucien Lambeau donne lecture du rapport ci-après :
Messieurs, au cours de l'une de ses dernières séances, la Commission était saisie d'une pétition demandant des éclaircissements sur un bruit de quartier annoncant la démolition du pont Marie. Bien qu'aucun projet de cette nature ne soit venu à la connaissance de votre 1re Sous-Commission, celle-ci voulut bien me prier d'enquêter sur cette affaire auprès de toutes les personnes qualifiées pour répondre à la question posée.
Les services administratifs de l'Hôtel de Ville, consultés par moi, c'est-à-dire le secrétariat de la Direction des travaux et le service départemental de la navigation, n'ont aucune connaissance d'un projet susceptible
de modifier ou de dénaturer le pont Marie. Tout au plus, ont-ils vaguement, entendu parler d'une intention de rescindement d'une partie de la banquette, mais sans que rien soit décidé. J'ai cru comprendre, par celle formule technique, qu'il s'agissait de diminuer la largeur du quai baignant dans l'eau sous la première arche, afin de donner plus de largeur au fleuve?
D'autre part, M, Georges Lemarchand, conseiller municipal de l'île Saint-Louis, qui s'occupe, à l'Hôtel de Ville, avec foule la compétence et la ténacité que l'on sait, des questions des inondations, de la navigation, des ponts et du port de Paris, voulut bien m'affirmer de la façon la plus formelle et la plus énergique qu'aucun danger ne menaçait le pont en question, ni dans son ensemble, ni dans ses parties, ni dans son esthétique en général. Le pont Marie, a-t-il ajouté, placé sur le petit bras de la Seine, c'est-à-dire sur un bras où les bateaux passent peu, ne nuit aucunement à la grande navigation fluviale de l'autre bras; sa construction parfaite, la largeur de ses arches, la beauté de ses lignes, le long passé de son histoire lui assurent une existence que nul ne songe à abréger. Et l'honorable conseiller voulut bien me mettre sous les yeux le numéro du 15 novembre 1919 d'un journal spécial, le Port de Paris, rendant compte des séances du Conseil général de la Seine, des 2 et 9 juillet 1919, et contenant l'extrait ci-après du Bulletin municipal officiel, dans lequel il est question du pont Marie et des arbres décorant les quais :
M. GEORGES LEMARCHAND... Les riverains de la Seine et les amis des arbres et de la beauté de Paris ont eu un moment d'émotion à la suite d'un faux bruit qui a circulé, selon lequel on aurait, paraît-il, projeté d'abattre certains arbres sur les quais et notamment sur le quai d'Orléans.
« Ce sont des bruits sans fondement, car il n'est pas possible de toucher à des arbres aussi beaux que ceux qui garnissent les berges de la Seine et qui constituent une partie de la parure de Paris (Très bien! Très bien!) pas plus ceux du quai d'Orléans que les autres, de même qu'il est interdit de toucher au pont Marie. Je dis mieux, ce serait un crime. (Très bien!)
« Il n'y a pas lieu non plus de modifier le perré du quai d'Orléans, ce qui ferait perdre à l'île SaintLouis son caractère architectural. (Très bien!) »
Vous penserez, Messieurs, que ces déclarations sont de nature à rassurer l'opinion publique sur la conservation d'un pont géné-
148
ralement admiré pour la pureté de sa forme, pour le beau profil de ses arches, de ses piles et de ses niches, et aussi pour l'intérêt de son histoire, qui se confond si intimement avec celle de l'ancienne île de Notre-Dame, aujourd'hui île de Saint-Louis.
Il existe, d'ailleurs, une autre garantie de conservation, non moins précise et. non moins formelle, qui est celle du classement de l'ouvrage comme monument historique en vertu de la loi du 30 mars 1887. De ce fait, aucune équivoque n'est possible, l'engagement sacré ayant été consenti entre l'Etat et la Ville de Paris de ne plus désormais toucher à l'esthétique du monument. Et cet engagement réciproque et définitif a déjà pris une forme tangible par l'arrêté de M. le Préfet de la Seine, du 25 août 1913, interdisant l'affichage autour dudit pont, justement parce qu'il est classé, et qu'il doit être considéré, à l'avenir, comme l'un des monuments contribuant à la beauté de la Ville.
Je crois intéressant de reproduire ici le texte de cet arrêté, comme contribution à l'histoire du pont Marie et en raison de la consécration qu'il donne de son classement :
Préfecture du Département de la Seine. Direction adminisirative des Services d'Architecture et des Promenades et Plantations.
Interdiction de l'affichage autour du pont Marie.
Le Préfet de la Seine,
Vu la loi du 30 mars 1887, relative à la conservation des monuments et objets d'art ayant un intérêt historique et artistique ;
Vu la loi du 21 avril 1906, organisant la protection des sites et monuments naturel» de caractère artistique;
Vu la loi du 20 avril 1910, aux termes de laquelle :
Article premier. — L'affichage est interdit sur les immeubles et monuments historiques classés en vertu de la loi du 30 mars 1887, ainsi que sur les monuments naturels et sites de caractère artistique classés en vertu de la loi du 21 avril 1906. Il peut être également interdit autour desdits monuments, immeubles et sites dans un périmètre qui sera, pour chaque cas particulier, déterminé p r arrêté préfectoral, sur avis de la Commission des sites et monuments naturels de caractère artistique.
Art. 2. — Toute infraction aux dispositions du précédent article sera punie d'une amende de 25 à 1.000 francs.
Considérant que le pont Marie est classé comme monument historique, en vertu de la loi du 30 mars 1887;
Vu l'arrêté préfectoral en date du 5 avril 1912, portant interdiction de l'affichage sur le pont Marie ;
Vu l'avis conforme émis par la Commission départementale des sites et monuments naturels de la Seine, dans sa séance du 17 décembre 1912 ;
Arrête :
Article premier. — L'affichage est interdit même en temps d'élection, sous la réserve indiquée à l'article suivant, autour du pont Marie, dans le périmètre délimité ci-après :
1° Quai d'Anjou, côté impair, depuis l'hôtel Lauzun jusqu'à la rue des Deux-Ponts ;
2° Quai Bourbon, côté impair, depuis la rue des Deux-Ponts jusqu'au n° 15 inclus;
3° Quai des Célestins, côté pair, entre les rues du Fauconnier et des Nonnains-d'Hyères;
4° Quai de l'Hôtel-de-Ville, côté pair, entre les rues des Nonnains-d'Hyères et du Paon-Blanc.
Art. 2. — Toutefois, en temps d'élection, l'affichage électoral peut être autorisé, à l'intérieur dudit périmètre, mais seulement sur les cadres provisoires réservés à cet usage.
Art. 3. — Conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 20 avril 1910, toute infraction aux dispositions du présent arrêté sera punie d'une amende de 25 à 1.000 francs.
Art. t. — Le Directeur administratif des Services d'Architecture et des Promenades et Plantations est chargé de l'exécution du présent arrêté, qui sera publié et affiché où besoin sera, notifié à M. le Préfet de police et inséré au Recueil des Actes administratifs de la Préfecture de la Seine.
Fait à Paris, le 25 août. 1913.
Le Préfet de la Seine, M. DELANNEY.
Tel est, Messieurs, le résultat de l'enquête à laquelle je me suis livré, concernant la conservation du pont Marie, et qui démontre, d'après les autorités qualifiées, qu'aucun danger ne le menace, ce qui a paru suffisant à votre 1re Commission, et sans qu'il y ail lieu à une autre intervention de votre part.
Vous me permettrez, cependant, pour mieux vous démontrer tout l'intérêt qui s'attache à ce monument, et pour vous faire désirer encore plus, si c'est possible, sa con-
149 —
servation, de mettre sous vos yeux les grandes lignes, de son histoire et les documents qui consacrent sa notoriété au cours des trois derniers siècles.
Jusqu'au commencement du XVIIe siècle, les deux îles Notre-Dame, formant l'île SaintLouis d'aujourd'hui, n'étaient encore couvertes que d'herbages et entourées de roseaux. Depuis des temps immémoriaux elles appartenaient au chapitre de Notre-Dame, et « ne servoient que pour faire des chantiers de bois flotté, et le chapitre n'en retiroit autre profit que des marchands desdits chantiers, " (1).
De ces deux îles, la plus petite, située à la pointe Est, était qualifiée Ile aux Vaches, du fait que le chapitre y faisait paître ses bestiaux. Elles étaient séparées par un étroit bras d'eau qu'occupe à peu près aujourd'hui le sol de la rue Poulletier et qui fut remblayé par la suite pour ne former qu'une seule île.
A la fin du règne de Henri IV, un personnage fort entreprenant, Christophe Marie, appuyé de deux associés, les sieurs Poulletier et Le Regrattier, avait conçu le projet de transformer ces deux îles inutilisées en un nouveau quartier de Paris. Il proposa au roi de les réunir en une seule par le comblement du bras d'eau les séparant, d'entourer l'île nouvelle d'une ceinture de quais protecteurs, d'y tracer des rues, et enfin d'établir un large pont faisant communiquer le quartier SaintPaul avec ladite île, et se continuant, de ladite île jusqu'au quai de la Tournelle. Cette conception de Marie, concernant un pont unique qui, en somme, en formait deux, fut réalisée par la construction du pont Marie et du pont de la Tournelle.
Nous ne nous occuperons dans cette étude que du seul pont Marie.
Dès l'an 1611, on songe à donner une suite au projet, et voici que, le 15 décembre de cette année, le bureau de la Ville ordonne aux deux maîtres des oeuvres de maçonnerie et de charpenterie de la Ville, et à Jehan Nouaille, buisonnier (garde de la navigation), de se trouver le lendemain, deux heures de relevée, sur le quai aux Ormes, aujourd'hui quais des Célestins
Célestins de l'Hôtel-de-Ville, pour, en présence du bureau, voir et visiter les lieux et endroits sur la rivière où Christophe Marie " désire faire et construire un pont », et donner avis sur la commodité ou incommodité dudit pont (1).
Il faut dire ici que Marie avait tout d'abord préconisé la construction dudit pont en bois, dont il était spécialiste.
A la suite d'autres visites et expertises faites les 19 et 20 décembre 1611, toutes les opinions furent contre la construction d'un pont en bois et pour la construction d'un pont en pierre; le 12 mars 1612, des bourgeois et des marchands, convoqués par le Bureau, « n'ont pas été d'avis qu'il fût construict un pont de bois au dict endroict ".
En présence de cette hostilité manifeste, Christophe Marie n'avait pas d'autre attitude à prendre que de se rallier à l'idée du pont en pierre: Le Bureau prenait alors la décision ci après dans sa séance du 22 juin 1612 :
« Attendu que, depuis les visites, ledit Marie a présenté au Prévost des Marchans une nouvelle requête et offre de faire les piles dudict pont en pierre, et les arches de largeur nécessaire, ordonnons, avant de donner avis, de renvoyer l'affaire devant le Roy. » (2)
Le Bureau, cependant, ne se considère pas comme suffisamment renseigné et, le 1er décembre 1612, appelle à l'Hôtel de Ville un certain nombre de bourgeois et de voituriers par eau, auxquels il demande encore leur avis sur la construction dudit pont, en présence des maîtres des oeuvres et de Christophe Marie, ce dernier devant communiquer ses plans et dessins. Les personnes consultées répondent unaniment :
« Qu'on ne sauroit faire une oeuvre plus publique et plus nécessaire pour la commodité de tout le peuple et bien de la Ville que de faire le dict pont au lieu et endroict qu'il sera jugé pour le mieux, et sont d'avis qu'il soit basty et construict, pourveu que les
(1) Les Antiquités de la Ville de Paris. Par Claude Malingre, 1640, p. 509.
(1) Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. Par Léon Le Grand, T. XV, page 122 (en préparation).
(2) Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. Par Léon Le Grand, T. XV, pages 150-154 (en préparation).
- 150 -
pilles soient de pierre et bonne estoffe. Et ont tous signé la minute » (1).
Dans son assemblée du 18 décembre 1612, le Bureau de la Ville s'occupait à nouveau du pont en question et décidait que les nouvelles offres de Christophe Marie concernant la construction en pierre seraient transmises au roi, avec l'avis des marchands, bourgeois et voituriers par eau, consultés à cet effet (2).
Il nous paraît intéressant de signaler à cette occasion, la sagesse et l'urbanité de cette méthode administrative et édilitaire qui consistait à demander, sur une opération projetée de par la Ville, l'avis de ceux que la chose intéressait directement : bourgeois, bateliers, marchands, habitants. Et n'est-il pas curieux de constater que cette manifestation de respect et de condescendance vis-àvis des citoyens de Paris, émanant justement d'une édilite qui aurait pu, a la rigueur, ne pas la faire, puisqu'elle ne relevait pas des suffrages de ceux dont elle sollicitait l'avis.
Le 7 janvier 1613, le Prévôt des Marchands et les Echevins de la Ville, résumant toute la question de construction du pont, soumirent au roi leur avis ci-après sur le projet de Christophe Marie :
« Notre avis est que, sous le bon plaisir du Roy et de nos dits seigneurs de son Conseil, que pour estre le dit pont très utile et nécessaire à la Ville pour la commodité publique, Sa dite Majesté peut permettre au dit Marie la dite construction du pont, soit à l'opposite de la rue des Nonnamdieres ou a celle de la rue Geoffroy-l'Asnier, selon que par nouvelle descente qui y sera faite en nos présences, où nous appellerons des bourgeois, marchans, voituriers et experts, selon qu'il sera trouvé plus à propos et commode; les pilles duquel pont seront de pierre et de bonne estoffe, dont les allignemens, assiette, largeur et hauteur des arches seront donnés par les maistres des oeuvres et des ponts, voituriers et experts qui seront par nous nommes et en nos présences pour la sécurité et droit chemin de la navigation » (3).
Le Bureau de là Ville, par la même délibe ration, demandait qu'il fût défendu à l'entrepreneur de construire des moulins, et d'établir des guideaux sous la maîtresse arche; et aussi qu'aucun poste de maître de pont ne fût créé, la chose étant jugée par lui inutile (1).
Nous faisons remarquer que, dans cet avis, il s'agit toujours d'un pont unique " pour passer du quartier Saint-Paul au quay de la Tournelle. "
Le 19 avril 1614, un traité était passé entre Nicolas Brûlart de Sillery, Guillaume de Laubespine, Pierre Jeannin, Gilles de Alaupeau, Isaac Arnaull et Louis Dollé, conseillers d'Etat ; et noble homme Christofle Marie, bourgeois de Paris, y demeurant " rue des Prouvelles ", paroisse Saint-Eustache. On lit dans ce document que le roi, poursuivant l'idée de Henri IV, son père, au désir d'embellir et enrichir la Ville de Paris, veut réaliser l'idée de " construire et édifier un pont au quartier de Saint-Paul, pour passer à celuy de ta Tournelle. " Il y est aussi relaté que le sieur Marie avait tout d'abord préconisé l'idée de faire le pont en bois ; mais que, après avis des Trésoriers généraux et autres personnes consultées, il avait été décidé que le dit pont serait « tout de pierre de taille, et voulte de mesme façon, structure et symmetrie que celuy de Nostre-Dame, pour la décoration de la dicte Ville. »
Ce traité ne comprenait pas que l'édification du pont, mais aussi l'aménagement complet des îles Notre-Dame : le comblement du bras d'eau les séparant, la construction de quais, de rues, de maisons, d'un jeu de paume et d'une étuve ou bain. Nous n'en retiendrons ici que les clauses concernant le pont Marie.
Ce pont, dit le traité, " sera à l'opposite de la rue des Nonnains d'Ierre, ou à celle de Geoffroy-Lasnier, selon que par nouvelle descente il sera trouvé plus à propos et commode. »
Pour couvrir ledit Marie de ses dépens, le roi lui délaisse les îles, franchement et quit(1)
quit(1) des delibérations du Bureau de la Ville de Paris, Par Léon Le Grand, T. XV, p. 203 (en préparation).
(2) Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. Par Léon Le Grand, T. XV, p. 212 (en préparation).
(3) Archives nationales. S. 232. Et Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris, par Léon Le Grand, T. XV, p. 219 (en préparation).
(1) Guideau : filet barrant la rivière.
Maître de pont: « Sur les rivières il y a des maîtres de pont et pertuis, pour faire passer les bateaux dans les passages difficiles : ils sont obligés à résidence, et à travailler en personne, et ont pour aides des chableurs. » (Dictionnaire de Trévoux. 1771. T. V, page 751.)
151 -
tement, pour en jouir lui et ses hoirs, à perpétuité, à la charge d'y construire des rues et maisons, des quais, un jeu de paume, une maison de bain, etc.
" Et à ce que le dit pont puisse estre stable et de durée, comme il est requis, et que seurement on puisse passer et repasser sur iceluy, carrosses, chevaux, charrettes et autres harnois, sera iceluy Marie, tenu faire construire et bastir comme au semblable les quais et ceintures des dites iles, selon et ainsy qu'il ensuyt. C'est à savoir que du costé du petit cours d'eau, qui est celuy de l'Arsenal de sa Majesté, contenant cinquante toises de largeur d'eau, seront basties quatre pilles, qui auront chacune deux toises d'époisseur au-dessus des retraictes et talluds, et seize toises de long, compris les pointes qui seront faictes, tant en mont qu'aval, à ce que l'eaue aye plus de vuidange, les dittes pilles assises sur pilotis fichez à coups de hye, jusques à vif fond, espassez autant plein que vuide, et de cinq à six poulces en couronne, sur lesquels seront posées les plattes formes joinctives, de chacune de quinze à dix-huit poulces de large, et de six poulces d'époisseur, et au dessus des plattes formes la maçonnerie des dites pilles, posées de trois toises d'épaisseur, qui est trois pieds d'empiettement de chascun costé au pourtour desdites pilles, revenant à douze pieds par haut, au commencement des retombées pour faire la voûte, laquelle aura cinq pieds d'époisseur. La massonnerie desquelles pilles et voûtes seront faîtes, des longueurs, époisseurs et hauteurs qu'il conviendra: et les assises de pierre de cliquart, de retraicte en retraicte, mises en bonne liaison, les unes sur les autres, portant les dites pierres chacune quatre à cinq pieds de long, sur trois à quatre pieds de lict, avec grandes boutices par voyes entre deux une, et autant de l'une que de l'autre massonnerie derrière, de bon et gros libage, cramponnez d'assises en assises, tant le parement du corps que pointes joinctives et fichées de chaux et cyment, et audessus des dites retraictes, sera continué en amont les dites assises, jusques au-dessus des dites retombées, de pareille pierre, qualité, longueur, largeur et massif que cy-dessus est dit, et auront les ouvertures des dites pilles, huict toises chacune pour la vuidange des eaux.
« Que du costé du grand cours, contenant soixante-quatre toises, seront faites les pilles nécessaires de même qualité et matière que
celle du petit cours, et icelles pilles et arches espassées proportionnement comme dessus.
« Seront aussi les cullées du dit pont fondées avec pillotis et plattes formes et, au-dessus des dites plattes formes, la massonnerie de pareille qualité de pierre, longueurs et largeurs que les pilles ci-dessus.
" Sera aussi, ledit Marie, tenu armer les pointes des dites pilles, tant d'amont que d'aval, de bons pillotis bien et deuëment amorcez et chevillez de chevilles de fer, retenus de barres de fer, pour éviter aux glaces et sappement des dites pilles. »
Marie s'engageait de faire tous les travaux à ses dépens, avec la fourniture des pierres, fer et bois, et des pavés pour paver ledit pont; de commencer les travaux dans la présente année, et de les terminer dans dix ans, y compris les travaux des Iles.
Le traité accordait à Marie le droit de faire construire et édifier sur ledit pont " des maisons toutes d'une même symétrie et élévation, selon le plan et modelle de celles du pont Notre-Dame. Desquelles maisons il jouyra luy et les siens à perpétuité en tout*» propriété, comme de celles desdites isles, et dont il pourra disposer à telles charges, rentes, cens, surcens qu'il advisera ; et sera tenu, le dit Marie, de laisser quatre toises de rue sur le dit pont pour servir au public, qu'il fera paver, à la charge de payer par chacun an à sa Majesté... douze deniers de cens... avec droit de lots et ventes...desquels droits Marie et les siens jouiront pendant soixante années. »
Le contrat interdisait à Marie de construire des moulins du côté du pont Marie ; mais il pouvait en faire établir six du côté du pont de la Tournelle. Il devait nommer telle personne capable «pour avoir, tenir et exercer la maîstrise du dit pont tant pour la seureté des marchandises, que conservation d'iceluy ).
Im pouvait aussi mettre deux guideaux sous ledit pont pour servir à la pêche, à la charge de payer au domaine du roi vingt-cinq sols par an pour chaque guideau.
Et comme Marie, pour lui et ses hoirs, s'engageait à entretenir le dit pont en bon état à perpétuité, le contrat lui permettait de prendre « tels droicts de barrages qui se payent et se prennent, sur le Pont-Neuf et Petit-Pont, s uyvant la pancarte qui en sera dressée pa
— 152 —
les trésoriers généraux de France, el ce pour toujours » (1).
Le contrat réservait le payement d'indemnités à Marie pour le cas où une autre personne offrant des conditions plus avantageuses avant le commencement des travaux, aurait été reçue à les présenter (2).
On a vu que le traité ci-dessus, contrairement à l'avis du Bureau de la Ville du 7 janvier 1613, autorisait Marie à nommer un maître du pont et à placer des guideaux pour la pêche.
Par ses lettres patentes du 6 mai 1614, dans lesquelles Louis XIII ratifie le traité passé avec Christophe Marie, on remarque que la conception dominante est l'élablisseinenld'un pont unique faisant communiquer la rive droite de la Seine avec la rive gauche, conception dont la réalisation a doté Paris du pont Marie et du pont de la Tournelle :
« Louis, par la grâce de Dieu... comme pour parvenir à la construction et perfection d'un pont au quartier Saint-Paul de notre ville de Paris, pour passer à celuy de la Tournelle... sur la proposition et ouverture qui nous en a été faite par Christofle Marie, bourgeois de Paris... ensemble l'offre du dict Marie, de faire le dit pont de pierre de taille et voulté ainsy que celui de Notre-Dame... A ces causes, après avoir fait voir en nostre dit Conseil ledit contrat (du 19 avril 1614),considéré la nécessité de la construction du dit pont, tant pour l'embellissement de notre ville, que commodité publique et décharge des autres ponts d'icelie, Nous, de l'advis de la Reyne Régente, nostre très-honorée Dame et Mère, Avons, par ces présentes, signées de notre main, agréé, ratifié, confirmé et approuvé, agréons, ratifions, confirmons et approuvons le dit contrat... car tel est notre désir, Donné à Paris, le sixiesme jour de may l'an de grâce 1614, et de nostre règne le quatriesme. Signé : Louis... » (3).
Le 14 août 1614, le Bureau de la Ville et les Président et Trésoriers de France se réunissent, sur le quai des Ormes, pour rechercher et désigner l'endroit d'où partira le pont dont il s'agit. A la suite de cette réunion, et le même jour, l'ordonnance ci-après était prise par le Bureau :
« Avons ordonné qu'iceluy pont sera basty et construict vis-à-vis de la rue des Nonnains d'Yères, pour aller du droict allignement au travers de la rivière sur le quay de la Tournelle, à l'opposite d'un orme estant devant une maison du dit quay, lequel pont, en ce faisant, aura de longueur, du costé de la Tournelle, 60 thoises et 5 pilles entre deux cullées, et, du costé de l'Arcenal, y aura 4 pilles entre deux cullées, et de longueur de 47 thoises jusqu'aux ysles ; et aura en oustre le dit pont 4 thoises de rue, pour servir de chemin, et 4 thoises, de chacun costé, pour faire des maisons; le tout en suivant le dit contrat ; et comme il n'y a point de descharge pour l'advenue du dit pont proche de la dite rue, qu'une ruelle appelée la ruelle des Ormes, laquelle pourroit servir de descharge à la rue de la Mortellerye, à la rencontre de deux harnois, pour gaigner le quay et entrée du dit pont, et du dit pont gaigner la dite rue, sommes d'avis qu'il est nécessaire, pour la commodité publique, d'élargir la dite ruelle des Ormes,ce qui seroit fort facile, n'y ayant qu'une masure jà plus de la moictié abbattue de ruines. Faict au Bureau de la Ville les dits jour, mois et an » (1).
La question, cependant, en dépit de cette décision, n'était pas considérée comme entièrement résolue concernant l'endroit où le pont devrait s'attacher au port Saint-Paul. Dans une assemblée tenue à l'Hôtel de Ville, le 23 août, il fut décidé qu'une autre visite serait faite sur les lieux le 27 août suivant, ce qui fut fait en présence de nombreux bateliers et marchands appelés en consultation. On y arrêta que l'endroit à choisir devrait être vis-à-vis la rue des Nonnainsd'Hyères et non pas, comme d'autres le proposaient, vis-à-vis d'une petite ruelle proche la dite rue et du quai des Ormes.
C'est dans cette visite que Messieurs de la
(1) Droit de barrage, établi sur les bêtes de somme et voitures pour la réfection des ponts et passages, et principalement du paye. On le nomme droit de barrage, à cause de la barre qui traverse le chemin pour empêcher le passage jusqu'à ce qu'on l'ait payé. (Dict. de Trévoux, 1771, T. I, p. 771).
(2) Bibliothèque nationale. Manuscrits. Fonds français, n° 21098, f° 77.
(3) Bibliothèque nationale. Manuscrits. Fonds français, n° 21698, f° 92.
(1) Recueil des Lettres patentes, ordonnances royales, décrets et arrêtés préfectoraux concernant les voies publiques. Publié par la Ville de Paris, 2e supplément, 1902, page 4.
153 —
Ville, assistés des Maîtres des oeuvres et de Christophe Marie, donnèrent, dans la forme suivante, l'alignement du dit pont :
« Le bureau fait mettre et planter la borne a l'endroit de la dicte rue des Nonnains d'Yerre, et continuant au travers des îles aux Vaches, et de là au travers des bras d'eaue du costé de la Tournelle, avec des cordages pour prendre de droict allignement le fil de l'eaue pour n'incommoder la dicte navigation, et traversant sur le quay de la Tournelle, vis-à-vis d'une maison blanche proche d'ung jeu de paulme appartenant au sieur de Machaull, Conseiller du Roy et maître ordinaire en sa Chambre des comptes, auquel lieu le dict pont aboutira de droicte ligne. Lequel pont en ce faisant aura de longueur, du costé de la Tournelle à 60 thoises el 5 pilles entre 2 culées; et du coslé de l'Arsenal y aura 4 pilles entre 2 culées et de longueur de 47 thoises jusques aux dictes isles, et aura, le dict pont, 4 thoises de rue pour servir de chemin, et 4 thoises de chacun costé pour y faire des maisons, suivant le contract, et les dictes maisons bâties d'une mesme cimetrye (1) ».
On peut penser, avec M. Léon Le Grand, que Marie entreprit les travaux du pont après cet alignement, puisque, le 1er septembre 1614, Pierre Le Brun, adjudicataire du pavé de Paris, signale l'enlèvement du pavé près de la rivière, à l'endroit où Marie commence à faire son pont.
D'autre part, Claude Malingre, qui écrivait en 1640, dit ceci dans son ouvrage : « La mesme année 1614 ce pont fut commencé.»
Il ajoute que, pendant cette construction, on établit trois ponts de bois pour la commodité du public, l'un faisant communiquer l'île de la Cité avec l'île Notre-Dame ; le deuxième, allant du quai de la Tournelle à ladite île; le troisième, réunissant le quartier Saint-Paul à la même île. Sur ces trois ponts le péage était d'un double par personne, de deux doubles par cheval et de six deniers par carrosse ou charrette. Selon cet auteur, le pont de bois situé entre le quartier Saint-Paul et l'île Notre-Dame fut entièrement ruiné par
les glaces à la fin du mois de décembre
1637 (1).
Quelques historiens, au contraire, semblent dire que le pont de bois emporté par les glaces en 1637 était celui allant de l'île SaintLouis au quai de la Tournelle, ce que paraît contester Jaillot (2).
Voici encore Christophe Marie à l'Hôtel de Ville, le 10 octobre 1614, à propos « du PontNeuf vers le port Saint-Paul ». Peut-être était-ce pour y parler de la pose de la première pierre, qui devait avoir lieu le lendemain? L'entrepreneur informe le bureau qu'il consent à ne pas encore pourvoir au poste de maître pour le pont « qui se commencé à faire ».
Le Procureur du Roi, dans cette même séance, requiert qu'il ne soit permis au sieur Marie d'établir ni construire aucun moulins sous les arches du dit pont, comme étant préjudiciables à la navigation, et aussi qu'il lui soit défendu de mettre des « guindeaulx et pescheries » sous les arches.
A quoi Marie répond que son contrat le lui permet (3).
La première pierre du pont fut posée, comme nous venons de le dire, le onzième jour d'octobre 1614, par le jeune roi Louis XIII et par sa mère, la reine régente Marie de Médicis. Cette première pierre, bien que placée du côté du quai des Ormes, c'est-à-dire du côté du pont Marie, s'appliquait, suivant le texte ci-après, également au pont de la Tournelle qui, cependant, ne fut commencé que plus tard. Bien que la relation de cette cérémonie ait été reproduite par Felibien, en 1725, par Sauvai, en 1750, et par Champion, en 1858, nous la croyons trop adéquate à notre étude pour ne pas l'imprimer une fois de plus.
« Du samedi onze octobre 1614. Le dit jour sur les quatre heures de relevée, le Roi Louis XIII du nom, et la Reine sa mère, ont mis et posé la première pierre au pont que l'on commence à bâtir sur la rivière, depuis la rue des Nonnains-d'Hières jusqu'à la Tournelle ; lequel pont, maître Christophe Marie a entrepris de faire taire suivant le contrat
(1) Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. Par Léon Le Grand. T. XV. page 378 (en préparation).
(1) Les Antiquités de la Ville de Paris. Par Claude Malingre. 1640, page 514.
(2) Recherches critiques sur Paris. Par Jaillot. 1775. qu. de la Cité. T. I, page 202.
(3) Archives nationales. H. 1797, f° 20 v° ; et H. 1798, f° 15 v°;
— 154 —
par lui fait avec Sa Majesté, à laquelle assiette de première pierre y a été fait la solemnité qui ensuit. Premièrement, Messieurs les Prévôt des Marchans et Echevins, furent le jour de devant au Louvre pour en supplier leurs Majestés, étant un acte fort mémorial. Le dit jour de samedi de relevée, mes dits sieurs les Prévôt des Marchans et Echevins, Procureur du Roi et Greffier de la dite Ville, furent attendre leurs dites Majestés à l'endroit du dit pont, et partirent de l'Hôtel de la Ville en l'ordre et habits qui s'ensuit : Premièrement, marchoient à pied environ soixante archers vêtus de leurs hocquetons et hallebardes; après les sergens de la dite Ville vêtus de leurs robes mi-parties, et leur navire sur l'épaule, aussi à pied ; mes dits sieurs les Prévôt des Marchans, Echevins et Greffier vêtus de leurs robes mi-parties, et le dit sieur Procureur du Roi de sa robe d'écarlatte. Et quelque tems après qu'ils furent arrivés à l'endroit du dit Pont du côté du quay des Ormes, y vinrent leurs dites Majestées, suivis de plusieurs princes, seigneurs et dames et princesses, auxquels mes dits sieurs de la Ville firent la révérence avec une petite harangue que leur fit mon dit sieur le Prévôt des Marchans sur le sujet d'une si grande entreprise ; et étant descendus de leur carrosse, furent leurs dites Majestés conduites par mes dits sieurs les Prévôt des Marchans et Echevins, Procureur du Roi et Greffier de la Ville, jusques à l'endroit où l'on devoit poser la dite première pierre; où élans, fut présenté à leurs dites Majestés par mon dit sieur le Prévôt des Marchans une truelle d'argent et du mortier dans un bassin d'argent, avec laquelle truelle leurs dites Majestés prirent du mortier et posèrent la dite première pierre, y enfermèrent cinq médailles d'or et d'argent qui leur furent baillées par le dit sieur Prévôt des Marchans, avec une inscription de marbre écrite en lettres d'or. Ce fait fut aussi présenté à leurs Majestés par mon dit sieur le Prévôt des Marchans un petit marteau d'argent, avec lequel ils frappèrent sur la dite première pierre assise, et aussi-tôt tout le peuple qui étoit en grande multitude commencèrent à crier à haute voix, vive le Roi, et continuèrent jusqu'à ce qu'il fut remonté en son carrosse; et à l'instant de l'assiette de la dite première pierre fut tirée grande quantité d'artillerie, boëtes et canons, tirés exprès de l'Arcenal du Roi. Et au retour la dite dame Reine vint voir l'Hôtel de Ville, où elle fut honorablement reçue par mes dits sieurs de la Ville, à laquelle iceux sieurs [de] la [Ville] présentèrent
la collation de toutes sortes de confitures et dragées, comme aussi aux princes, princesses, seigneurs et dames qui étoient avec sa dite Majesté, dont sa Majesté sut fort bon gré auxdits sieurs de la Ville, et les en remercia : et le Roi s'excusa de venir au dit Hôtel de Ville, parce qu'il étoit un peu tard. Etoit lors Prévôt des Marchans, Mr. Miron, Conseiller du Roi en son Conseil d'Etat, et Président des Requêtes de sa Cour de Parlement ; M. Desvieux, grennetier an grenier à sel de Paris, Mr. Clapisson, Conseiller au Châtelet, Mr. Huot, bourgeois, et Mr. Pasquier, sieur de Bucy. auditeur des Comptes, étoient Echevins; Mr. Perrot étoit Procureur du Roi et de la Ville; et Mr. Clément étoit Greffier d'icelle Ville et Concierge du dit Hôtel » (1).
Faisons remarquer que Sauval s'est trompé en datant cette pièce du onze Décembre : Félibien donne bien onze Octobre, et aussi Le Mercure françois, de l'année même 1614. Sur une curieuse gravure paraissant dater de 1620, représentant l'Ile Saint-Louis, éditée chez Messager, rue Saint-Jacques, on lit également cette mention : La première pierre a esté mise au pont par Louis XIII, Roy de France et de Navarre et par la Reyne, sa mère, le Samedy XI jour Doctobre M. D. C. XIIII (2).
Sauvai ajoute qu'après la cérémonie, le prévôt des marchands convia le roi et la reine à venir prendre la collation à l'Hôtel de Ville avec leur suite :
" Le Roi s'en excusa à cause qu'il se faisoit lard. Pour la Reine, elle v alla avec ses dames. La collation fut magnifique. On fit bonne chère au son des violons. Je ne sais s'il y eut bal : mais il n'en faut pas douter; car les dames aiment trop ce divertissement, pour leur être refusé » (3).
On comprendra facilement l'abstention du jeune roi d'assister à la fête de l'Hôtel de Ville, n'ayant alors que treize ans. Pour sa
(1) Archives nationales. H. 1797. f° 217 et H. 1798, f° 16 = Registre des Délibérations du Bureau de la Ville de Paris, par Paul Guérin. T. XVI, p. 24 (en préparation) = Fétibien. T. V., p. 525 = Sauval. T. III. Preuves des Antiquités, p. 14 = Les Inondations de la France, par Maurice Champion. 1858, T. I, pièce 52.
(2) Bibliothèque de l'Arsenal. Estampes.
(3) Histoire et antiquités de la Ville de Paris. P. Sauval. T. I, livre III, p. 238.
155
mère, Marie de Médicis, âgée seulement |d'une quarantaine d'années, veuve depuis quatre ans environ, rien ne l'empêchait, pas même le chagrin, si tant est qu'elle en eut jamais, de faire, avec les dames de la Cour, honneur au buffet municipal de l'époque.
Le cardinal de Riehelieu, dans ses Mémoires, a ainsi raconté cet événement :
" Le 13 octobre 1614, Louis XIII mit avec la Reine, sa mère, la première pierre au pont que LL. MM. pour la décoration et commodité de la Ville, trouvèrent bon de faire construire pour passer de la Tournelle à Sainct-Paul, et en donnèrent la charge à Christophe Marie, bourgeois de Paris, moyennant les deux îles de Notre-Dame que LL. MM. achetèrent et lui donnèrent en propre pour subvenir aux dépenses dudit pont (1). »
Concernant le vocable de Pont Marie, on le trouve attribué, dès le commencement de l'opération, au pont unique ou aux deux ponts devant traverser la Seine du quai SaintPaul au quai de la Tournelle. C'est ainsi que le Mercure françois, de l'année 1614, dit que les deux ponts se nommeront le Grand et le Petit Pont Marie. Sur la gravure éditée chez Jean Messager vers 1620, les ponts Marie et des Tournelles, non encore édifiés cependant, sont dénommés tous deux : Pont Marie. Le plan de Jean Boisseau, édité en 1654, leur donne également le nom unique de Pont Marie. Un ouvrage imprimé en 1664 reproduit la mention suivante :
»... Il a encore esté construit deux autres ponts de pierre qui traversent de la Tournelle proche le port Saint-Paul, en passant dans l'isle Nostre-Dame, appeliez les Ponts Marie... (2) »
Autre son de cloche : Felibien donne comme en-tête à la relation de la pose de la première pierre, du 11 octobre 1614, ces mots : Le Roy et la Roy ne mettent la première pierre au pont des Tournelles.
Voici pourtant que dès l'année 1616, le 9 août, les doyen, chanoines et chapitre de
l'Église de Paris, revenant sur des requêtes de 1614 et 1615, adressent dés remontrances au Roi et à son conseil, et se déclarent opposants, à l'aide des arguments ci-après, à la construction du pont et au rehaussement des îles Notre-Dame :
» Il est donc vray de dire que pour faire et parfaire ledit pont, il convient employer quatre ou cinq cens mil escus, et que pour y fournir on ne baille que le fond et propriété desdites isles audit Marie, pour en retirer cette somme, ou ce qu'il pourra par la vente des places d'icelles, que c'est aux despens dudit chapitre en particulier, que ledit pont, qui est un oeuvre public, est construict. »
Ils ajoutaient qu'une fois le pont terminé, les bateaux amenant le bois, foin, charbon, blé et vin, ne passeraient plus au-dessous et resteraient vers les ports Saint-Paul et de l'Arsenal. Que les maisons à édifier sur l'ensemble du pont empêcheraient l'air pur venant de l'orient de la Ville de se répandre à l'occident, ce qui serait très préjudiciable aux malades de l'Hôtel-Dieu, ils prétendaient aussi que Pile Notre-Dame, entourée de quais de pierre, serait une sorte de forteresse dont pourraient s'emparer les ennemis du roi en cas de sédition, et dont le pont projeté augmenterait encore la défense. Enfin, ils arguaient que l'épaisseur et le volume des piles du pont du côté des Célestins arrêteraient le passage des eaux et pourraient, en temps de crue, amener des inondations dans celte partie de la Ville (1).
L'affaire fut portée devant le Conseil d'État du roi, qui rendit l'arrêt ci-après, le 6 octobre 1616 :
« Le Roy, en son Conseil, sans avoir égard à l'opposition, dénonciation de nouvel oeuvre et requestes du 10 juillet 1614 et 14 novembre 1615 des dits doyen, chanoines et chapitre de l'église Notre-Dame de Paris, a ordonné et ordonne qu'il sera passé outre par le dit Marie à la construction du dit pont, maisons et édifices tant sur ledit pont qu'esdites Isles, suyvant et conformément audit contract, aux clauses et conditions y apposées, et à la charge de bien et deuement faire par ledit Marie, revêtir de pierre de taille tout le circuit du lieu et endroict communément appelé le Terrain ivoire-Daine. »
(1) Collection Michaud. T. XXI, p. 73. (2) Abregez des antiquitez de la Ville de Paris, Par de Sercy, Pepingue et Guignard. 1604, p. 41.
(1) Archives nationales, S. 232.
156 —
Pour récompenser le chapitre de son droit de propriété des Iles Notre-Dame, le roi lui concédait la somme de 1.200 livres de rentes sur le domaine de Paris, et déclarait que tous les droits de censive, lots et ventes de l'Ile lui appartiendraient après les soixante années dont Marie devait en jouir aux termes de son contrat (1).
Le Chapitre ayant formé opposition à l'arrêt du 6 octobre 1616, uni nouvel arrêt intervint, le 30 août 1618, le déboutant de son opposition et ordonnant que Marie devrait continuer ses travaux sans que ledit chapitre pût l'en empêcher, et confirmant l'obligation, par l'entrepreneur, de revêtir de pierre le Terrain de la Cité, et le payement par le Domaine de de la Ville des 1.200 livres de rente susmentionnées (2).
Lés travaux commencés par Christophe Marie et ses deux associés, les sieurs François Le Regratier et Lugles Poulletier, étaient en cours d'exécution, lorsque, en 1623, ceux-ci renoncèrent à leur entreprise et cédèrent la main à Jean de la Grange, secrétaire du roi, avec lequel un nouveau traité fut passé, le 16 septembre de cette année. On retrouve dans ce document l'obligation de construire deux ponts de pierre de taille en arcades, l'un du côté de l'Arsenal, de quatre piles; et l'autre, du côté de la Tournelle, de cinq piles. Jean de la Grange, Comme Marie, devait faire bâtir des maisons sur les deux ponts, à la charge qu'elles seraient de même symétrie. Il eut aussi la faculté de mettre sur la rivière " des bateaux à laver les lessives en telle quantité qu'il seroit avisé, et en tel endroit qu'il jugerait à propos, pourveu que ce fust sans empeschement de la navigation, ni que le bruit put incommoder les habitans des maisons du cloître Notre-Dame » (3).
On lit la clause suivante dans ce traité :
«C'est à scavoir, un pont de pierre de taille en arcades, tant du costé de l'Arsenac,que du costé de la Tournelle, à scavoir, au costé de l'Arsenac, contenant cinquante thoises de largeur d'eaue, quatre pilles, et icelles continuer sur ce qui est déjà fait : et du costé de
la Tournelle, ayant soixante quatre moises de cours d'eaue, cinq pilles avec les cullées, si tant est besoing, selon la largeur du lict de la rivière de ce costé nécessaire, ayant chacune pille douze pieds d'épaisseur audessus des retraites et tallus, et seize thoises de long, compris les pointes qui seront faites, tant d'amont que d'avail, afin que l'eaue ave plus de vuidange. »
Des bossages devaient être laissés aux pointes et revêtements dudit pont : « par dehors au-dessus des pointes des pilles, pour mettre les armes du Roy, de relief, et pour faire des L couronnés, aussi de relief " (1).
Jean de la Grange, en 1623, prend ainsi la place de Christophe Marie et de ses associés pour la continuation des bâtiments de l'Ile Notre-Dame, des quais et des ponts. Bientôt des procès s'élèvent entre les anciens et les nouveaux entrepreneurs au sujet de questions d'intérêts, procès qui se terminent par un arrêt du Conseil, du 24 juillet 1627, rendant à Marie et à ses anciens associés, la continuation de l'entreprise, à la charge d'exécuter les clauses du contrat du 16 septembre 1623. Les nouveaux entrepreneurs devaient nommer un receveur, qui fut Martin Lyonne, trésorier général des Suisses, dont la mission était de toucher le montant des ventes et loyers dans l'Ile Notre-Dame, et aussi de percevoir les passages des ponts. Le même arrêt désignait les sieurs Aimeras, maître des comptes, et Delaistre, bourgeois de Paris, « pour avoir l'intendance sur les ouvrages, et tenir la main à l'exécution du traité » (2).
Voici donc Christophe Marie et ses associés reprenant les travaux du pont et de l'Ile à partir du mois de juillet 1627. Ils les continueront jusqu'en 1643, année pendant laquelle, comme on le verra plus loin, lesdits travaux sont confiés au sieur Hébert.
On peut donc penser, si l'on en croit Claude Malingre, que le pont Marie proprement dit, c'est-à-dire sans les maisons, aurait été terminé par Christophe Marie. Cet auteur, en effet, qui écrivait en 1640, et qui fut par conséquent un contemporain de l'opération, qui
(1) Bibliothèque nationale. Manuscrits. Fonds français n° 21-098, f° 92, v°.
(2) Bibliothèque nationale, Manuscrits. Fonds fran cais. n° 21-698, f° 96.
(3) Traité de la police. Par le commissaire Delamare. 1722, t. 1, page 100.
(1) Bibliothèque nationale. L. K. 7, 7504.
(2) Traité de la police. Par la commissaire Delaniare, 1722. T. L, page 100, et Bibliothèque nationale, L. K. 7, 7504.
157
en suivit sans doute toutes les phases, écrit ceci en parlant dudit pont :
« Le premier pont de pierre du quartier Sainct-Paul à I'Isle, fut parfaict dès l'an 1632, mais personne n'y passa jusques à l'an 1035, que l'on commença d'y passer, et à présent en payant à l'ordinaire. »
Ce dernier membre de phrase doit se comprendre par le payement d'un péage, qu'il indique déjà plus haut, et qui était, en 1640, de un double par personne, deux doubles par cheval, six deniers par carrosse et charrette (1).
En 1638, nous constatons une vive opposition de la Ville contre l'édification de maisons sur le pont Marie et en bordure du quai SaintPaul. Celle attitude obligea même le Conseil d'Etat à rendre un arrêt, le 22 septembre de celle année, ordonnant que, sans s'arrêter à l'opposition des prévôt des Marchands, Echevins et Procureur du Roi et de la Ville, et conformément aux contrats passés avec Marie et de la Grange, les entrepreneurs actuels feraient bâtir des maisons sur le dit pont Marie et sur les " advenues et descentes du dit pont de pierre du costé de Saint-Paul ». Défense était faite à toutes personnes de troubler les dits entrepreneurs dans leurs travaux, à peine de 3.000 livres de dommages et intérêts. Par le même arrêt, le roi autorisait la continuation du droit de péage sur le pont de bois de Saint-Landry ou pont rouge, et sur les ponts commencés en pierre ou en bois — Marie et de la Tournelle — pendant six années, à partir du 1er octobre 1638, « en faisant changer les pancartes aux portes des dits ponts », et avec autorisation d'y mettre un ou plusieurs archers, sergents ou autres personnes pour aider à recevoir les droits de péage. Etaient pourtant exempts de ce péage les habitants de l'Ile et propriétaires des places, ceux qui avaient à traiter avec les dits habitants, et les ouvriers y travaillant.
L'arrêt dont il s'agit vise particulièrement la ténacité du Bureau de la Ville à empêcher l'édification de maisons sur le pont Marie et sur le quai :
« Vu les comparutions des dits Prévost des Marchans, Echevins et Procureur du Roy au dit Hostel de Ville, qui ont persisté en leur
opposition et empeschemens de bastir des maisons sur les dits pont et quays (1). »
Il est intéressant de constater que, déjà à cette époque, le Bureau de la Ville semblait repousser la responsabilité de la terrible catastrophe qui devait se produire en 1658.
Le chapitre de Notre-Dame, cependant, n'en avait pas fini avec ses contestations et réclamations relatives à la propriété de l'île SaintLouis, contestations et réclamations qu'il n'avait jamais abandonnées depuis le commencement des travaux entrepris par Christophe Marie. Désirant arrivera une solution définitive, le roi signait un contrat, le 14 mai 1612, aux termes duquel vente lui était faite par Messieurs de l'Eglise de Paris, des deux îles Notre-Dame, avec la maison qu'ils y possédaient et la jouissance des lods et ventes pendant soixante années, après quoi, le tout devait retourner au chapitre, qui y aurait toute justice, voirie, censive, patronage de la cure et église de Saint-Louis, moyennant une somme de 50.000 livres à prélever sur les proprietaires de l'île et à verser au dit chapitre à litre d'indemnité. A la charge par les entrepreneurs du revêtement du terrain de NotreDame, et exemption, pour les sieurs du chapitre, leurs domestiques, chevaux, carrosses et chariots, des droits de péage sur les ponts communiquant aux îles (2).
Un autre arrêt du Conseil, du 19 septembre 1612, pour la réalisation du paiement des dites 50.000 livres, obligeait les propriétaires des dits terrains de l'île à payer au chapitre 3 livres par toise, produisant en superficie, non compris l'église et le marché, 19.015 toises, et en argent, 57.045 livres, laquelle somme de 7.015 livres excédant les 50.000 livres, était aussi abandonnée par le roi au chapitre pour les frais. Des pièces du dossier indiquent que le chapitre fut obligé, pour se faire payer des 3 livres par toise, de faire faire des saisies chez les proprietaires des places dans l'île Notre-Dame et sur le pont Marie (3).
Toutes ces tergiversations, tous ces arrêts dans la continuation des travaux, devaient indisposer les propriétaires de l'île, qui tournèrent leur mauvaise humeur contre Chris(1)
Chris(1) Anliquitez de la Ville de Paris. Par Claude Malingre. 1640. page 514.
(1) Archives nationales. Q 1. 1245.
(2) Archives nationales. S. 232. (3j Archives nationales. S. 232.
158 -
tophe Marie et ses associés. Ils s'assemblerent en 1643, et offrirent au roi, par une requête du 9 janvier, de subroger l'un des leurs, le sieur Hébert, à Marie et à ses associés, s'engageant « d'achever dans trois ans les ponts et les quays qui restoient à faire, et de les rendre parfaicts dans quatre ans ». Ils acceptaient également de payer les 50.000 livres au chapitre, et d'exécuter les clauses des anciens traités.
Ces offres furent acceptées malgré requête et opposition de Marie et de ses associés, et le roi transporta à ces nouveaux et derniers entrepreneurs les droits accordés aux précédents. Une clause disait qu en cas d'insuffisance de fonds pour terminer les travaux, la dépense serait prélevée sur les propriétaires de l'Ile, et qu'en cas d'excédent, ce dernier reviendrait à Marie et à ses associés.
Le Commissaire Delamare affirmé que les travaux dé l'Ile Notre-Dame furent terminés grâce a ce traité, sous la conduite d'Hébert et des habitants, et que tout était achevé en 1647. (1)
Sans vouloir contredire cette affirmation de Delamare, nous pensons qu'elle s'applique seulement à l'Ile Notre-Dame, tenant pour bonne l'indication donnée plus haut, d'après Malingre, que le pont Marie proprement dit, c'est-à-dire sans ses maisons, fut terminé de 1632 à 1635.
On va voir plus loin que la construction de ces maisons situées sur le dit pont et sur ses ailes bordant le quai Saint-Paul, fut adjugée en 1643. Mais auparavant, nous croyons devoir reproduire une pièce paraissant antérieure à l'édification de ces maisons, et visant seulement l'établissement de boutiques et de chambrelles :
« Louis, etc. A tous présens et avenir salut, nous ayans esté représenté que pour le bien et utilité publique et empescher à l'advenir les accidens qui arrivent journellement en nostre Ville de Paris au bout du pont Marie du costé du port au foing et de Saint-Paul, tant pour les vols et assassinatz qui s'y font ordinairement que pour la cheute des hommes, chevaux et charrettes pour mestre le parapet et rebord du dit pont de la hauteur requise, et ny pouvant remédier avec plus grande assurance, commodité et embellissement
embellissement lieux que pour la construction de quelques boutiques et chambretles faits endroit ligne de pareille hauteur et largeur qu'est le petit pavillon construit au milieu dudit pont servant de barrière à nos sergens, scavoir faisons que voulant aucunement récompenser nos bien amez, ete., des bons et agréables services qu'ilz nous ont rendus et que nous espérons qu'ilz nous rendront à l'advenir. Pour ces causes et autres de l'avvis de la Reyne régente etc, et de notre grâce spéciale, pleine jouissance et authorité royale; nous avons faict, faisons don par ces présentes, de toutes les places vagues qui sont depuis le bout du dit pont Marie du costé du port Saint-Paul jusques à l'autre bout du costé du port au foing pour y estre construict des petites boutiques et chambrettes à leurs frais et despens depuis le bas dudit pont du costé de la rue de la Mortellerie jusques à la hauteur et niveau du dit pavillon édifiié près la barrière des sergens et lesquelles boutiques et chambrettes feront face, sçavoir celles d'en bas du costé de la rue de la Mortellerie et celles d'en haut du costé de l'isle de Notre-Dame et au niveau du pavillon affin que les lieux en soient d'autant plus embellis et ne servant plus de retraite aux voleurs de nuit. Si ordonnons en mandement à nos amez Conseillers de notre chambre du Trésor, Prévost de Paris ou son lieutenant civil et à tous ceux qu'il appartiendra que notre présent don ils facent, souffrent et laissent jouir pleinement, paisiblement et
perpétuellement les d leurs hoirs et
ayant cause et les mettent en possession et jouissance des dites boutiques et chambrettes comme de choses à eux appartenant, faisant cesser tous troubles et empesehemens au contraire. Car tel est nostre plaisir. Donné à » (1).
Celte pièce n'est pas datée, et les noms des bénéficiaires n'y figurent pas. Nous n'avons pas trouvé si ses prescriptions furent ou non exécutées, ni si elles se confondent avec la construction dés maisons, concédée ci-après, les 3 juin et 31 octobre 1643, lesquelles maisons, à la vérité, semblent être autre Chose que des boutiques et des chambrettes?
Voici comment fut entreprise la construction des maisons du pont et celle des maisons d'ailes bordant le quai des Ormes ou Saint-Paul.
(1) Traité de la police. Par le commissaire Delamare, 1722, tome I, page 102.
(1) Archives nationales. Q1* 6 f° 278 v°
— 159 —
Un arrêt du Conseil d'Etat, du 2 mai 1643, avait chargé Denis Hébert, Guillaume le Père, Simon Huguet, Anthoine le Marier, Pierre le Mercier et Michel Guillaume, habitants l'île Notre-Dame, de la direction des ouvrages restant à faire aux ponts et quais de l'île, au lieu et place de Marie et de ses associés. Ces commissaires, députés par lé roi pour la continuation des travaux, « se faisant et portant forts pour les autres habitans et propriétaires des maisons et places construites dans ladite île », après de nombreuses enchères, et du consentement, des sieurs Marie et Poulletier, prenaient la décision suivante :
Par actes des 3 et 10 juin 1613, le sieur Claude Dublet, juré du roi ès oeuvres de charpenterie, était déclaré adjudicataire " des quarante-cinq places faisant partie de cinquante à bastir sur le pont de ladite isle du costé de Saint-Paul », pour le prix de 202.500 livres, aux conditions de jouir, par ledit Dublet, des droits de lots et ventes des dites quarante-cinq places pendant quarante années qui suivront, jusqu'au dernier jour de décembre 1683. Laquelle, somme, ledit Dublet devait payer dans huitaine à Me Anthoine le Marier, Procureur au Châtelet de Paris, nommé par les habitants de l'Ile pour faire la recette des deniers destinés au paiement des ouvrages restant à exécuter.
En même temps, les commissaires cidessus vendaient et adjugeaient audit Dublet trente-six places à bâtir sur les deux descentes " du pont de pierre de ladite isle du côté de Saint Paul », de deux toises de face et cinq de profondeur chacune, aux conditions de jouir, par l'acquéreur, des droits de lods et ventes jusqu'au dernier jour de décembre 1683, moyennant je prix de 72.000 livres, laquelle somme devait être versée dans les mêmes conditions que la précédente.
Le 31 octobre 1643, lesdits commissaires rendaient une ordonnance, sûr la requête de Claude Dublet, réglant la manière de construire lesdites maisons :
« Nous, en exécution des arrêts du Conseil, avons ordonné et ordonnons que ledit Dublet pourra bastir et construire quarante-cinq maisons sur les deux costés dudit pont, rie deux toises de face chacune sur quatre toises de profondeur, scavoir : vingt du costé d'amont l'eau dont l'alignement se prendra à 27 pieds de distance de l'encoignure de la maison appartenant à la veuve et héritiers de
deffunet Pontion, estant au bout dudit pont du costé de l'isle, se pourchassant en droite ligne sur la rue d'iceluy jusques à cinq toises près du devant du parapel dé la descente des marches du costé de Saint-Paul; et vingtcinq maisons du costé d'aval l'eau, qui seront à 21 pieds de distance de celles cy-dessus pour la largeur de la rue entre icelles, et auront la même face et profondeur, lesquelles maisons seront situées quarrément sur les dites lignes tant d'amont que d'aval l'eau jusques aux deux encoignures du dit costé de Saint-Paul qui feront angle obtus pour former un embrasement de chascun costé de l'entrée du dit pont de 38 pieds de face, au bout desquels 38 pieds se formera un second angle obtus de chascun costé de ladite entrée et sortie du dit pont du dit costé Saint-Paul, de 30 pieds de distance seulement à prendre de devant du parapel rampant des descentes des dits deux costéz.»
Les trente-six places adjugées à Dublet, sur les deux ailes du pont, à droite et à gauche, et bordant le quai, destinées à contenir des maisons : " de deux thoises de largeur chascune sur cinq de profondeur, dont trois thoises doivent advancer sur le lit de la rivière et deux thoises sur la terre ferme ».
Le tout, suivant le plan adopté et paraphé par les commissaires.
La dernière clause de cette ordonnance du 31 octobre 164.3, disait :
« Et outre, sera tenu, le dit Dublet, d'apposer contre les maisons du dit pont, au lieu qui luy sera désigné, la figure du Roy et de la Reyne régente, de marbre blanc, ainsi qu'il luy sera ordonné (1) ".
Nous n'avons jamais eu connaissance que ces figures aient été apposées.
On peut donc inférer, semble-t-il,des aptes ci-dessus, que les maisons du pont Marie et celles des deux ailes du quai Saint-Paul, ne furent édifiées qu'après 1643.
Nous ajouterons que, par un acte du 3 juin de celte année, le sieur Dublet avait déclaré que sur les quarante-cinq places à lui adjugées, il y en avait vingt-deux pour le compte de M. Jean Morlier, bourgeois de Paris. Et
(1) Archives nationales, Q1244,
160
que, par un autre acte du même jour, le sieur Morlier avait également fait connaître que sur ses vingt-deux places il y en avait dixhuit pour le compte cl profit de messire Jacques Bordier, seigneur de Rainere, conseiller du roi et secrétaire du Conseil d'EtaT (1).
Pendant la Fronde, le pont Marie était tout ballant neuf. Le vendredi 28 août 1618, des gens sans aveu y avaient établi une barricade « par laquelle ils ne laissoient passer que ceux qui leur donnoient de quoy boire, et furent si osez d'arrester la Ville (les membres du Bureau) sans voulloir lever les armes, disant qu'ils n'avoient point de capitaine et qu'ils estoient là pour desfendre leurs vies et leur pain, et qu'ils tireroient sur le premier qui avanceroit. »
Les gens de la ville auraient pu, paraît-il, les contraindre, mais ils préférèrent prendre un autre chemin. L'après-midi, à la demande de M. Champront, conseiller au Parlement, et l'un des capitaines de la Ville en l'île NotreDame, le Bureau se transporta de nouveau au pont Marie et rencontra « un homme sur le chemin qui avoit esté fort blessé par cette canaille, laquelle quitta prise et s'enfuict quand ils sceurent que MM. de la Ville venoient exprès pour se saisir de leurs personnes. »
La barricade, qui était située du côté de la Barrière des Sergents, fut alors détruite (2).
Nous placerons ici la relation d'une terrible catastrophe que subit le pont Marie en 1658, à la suite d'une crue extraordinaire de la Seine, et qui entraîna la chute de deux arches et d'une pile, du côté de l'île SaintLouis, de vingt maisons édifiées au-dessus, et la mort d'un grand nombre de personnes.
Le continuateur du Traité de la Police, de Delamare, nous en a laissé la relation suivante :
" Dans la nuit du premier mars 1658, une pile, deux arches et une partie de la troisième du pont Marie furent rompues et les maisons qui
étoient dessus renversées par les eaux : cinquante cinq personnes y perdirent la vie, et plusieurs autres tous leurs biens; une inscription posée en marbre à la hauteur de 5 pieds, dans la muraille du cloître des Célestins, conserve la mémoire de celte inondalion : la ligne diamétralle qui est sur ce marbre fait voir jusqu'où l'eau a monté, on y lit ces mots :
ANNO 1658. MENSE FEBRUARIO EXUNDANTIS SEQUANOE FLUCTUS HIC ALIQUANDIU STAGNANTES, MEDIAM HUJUS QUADRI LINEAM ATTIGERE.
« Par ce débordement, les eaux couvrirent plus de la moitié de Paris, une partie des habitans étoit obligée de secourir l'autre, et de leur fournir des vivres par bateaux ; les pauvres seraient morts de faim dans leurs maisons, sans les secours des gens de bien qui les faisoient assister. » (1).
Une plaquette curieuse, de 12 pages, imprimée en l'année même 1658, est intitulée :
La perte du Pont Marie contenant les noms et enseignes des maisons et des habitans qui se sont sauvez et qui sont peris, avec le certifficat de Messieurs les Marguilliers de saint Louis en l'Isle Nostre Dame, et anciens commissaires du Bureau des pauvres. A Paris, chez Pierre Targa, imprimeur ordinaire de l'Archevêché de Paris et libraire-juré de l'Université, rue Saint-Victor, au Soleil d'Or. MDC. LVIII. Avec permission.
On y lit que le pont Marie, au moment de la catastrophe, contenait cinquante maisons, chacune composée d'une boutique et de quatre étages au-dessus, soit vingt-cinq maisons de chaque côté.
Le vendredi 1er mars 1658, vers une heure après minuit, et par suite de l'impétuosité des eaux, les deux premières arches du côté de l'île Notre-Dame, et dix maisons de chaque côté s'abimèrent dans la rivière.
Trois autres arches et quinze maisons dessus, de chaque côté, restèrent debout mais les locataires furent obligés de fuir, essayant d'emporter leurs meubles, dont beaucoup lurent perdus « tant par la confusion, que par les vols qui ont esté faits, sous prétexte de donner assistance. »
(I) Archives nationales. Q1 1244.
(2) Les Registres de l'Hôtel de Ville pendant la Fronde. Par Leroux de Lincy et Douët d'Arcq. T. 1, p. 29-30.
(1) Traité de la Police (Continuation). 1738. T. IV, p. 297,
161
Pour empêcher le pillage des portes et fenêtres des trente maisons restantes, on fut obligé de faire un mur au bout du pont, proche la barrière des sergents, afin d'en empêcher l'entrée.
La première maison du côté du quai Bourbon (qui porte encore ce nom aujourd'hui), appartenant à M. Bordier de Raincy, était occupée par le notaire Frézon, qui périt avec un clerc et une servante. Deux autres clercs furent dangereusement blessés. Toutes les minutes de l'étude furent sauvées, mais les meubles perdus.
La deuxième maison, appartenant encore au sieur de Raincy, était occupée par le sieur Malbeste, quincaillier, à l'enseigne Le Grand Cornet. Sa fille aînée fut tuée.
La troisième maison, au même propriétaire, était occupée par Dupuy, coutelier, à l'enseigne de L'Escharpe. Mort d'un locataire et de sa femme.
La quatrième maison, au même propriétaire, occupée par la dame Le Moine, lingère, à l'enseigne La Tour d'argent. Celte dame et sa fille périrent ainsi que trois autres locataires.
La cinquième maison, au même propriétaire, à l'enseigne La Lune, sans occupant dans la boutique. Six locataires périrent.
La sixième maison, au même propriétaire, à l'enseigne Les Deux Coustelas, occupée par Guillebaut, fourbisseur. Quatre locataires périrent.
La septième maison, au même propriétaire, à l'enseigne Le Pigeon blanc, occupée par la dame Brunel qui périt avec une jeune fille et un locataire.
La huitième maison, appartenant au Président de Bretonvilliers, occupée par Guillaume Chapelier, potier d'étain, à l'enseigne Le Marteau d'or. Un locataire mort.
La neuvième maison, au même propriétaire que ci-dessus, à l'enseigne Le Peroquet, occupée par Jean-Martin Espronnier. Six locataires morts.
La dixième maison, appartenant au même que ci-dessus, à l'enseigne Le Grand Guidon Escossois, occupée par la dame Cochois, lingère. Pas de mort.
Du côté du quay Dauphin (il y a évidemment ici une erreur et c'est quai d'Alençon ou d'Anjou qu'il faut lire, aujourd'hui quai d'Anjou. Le quai Dauphin était de l'autre
côté 'de l'Ile, c'est aujourd'hui le quai de Béthune) :
La première maison, appartenant à M. de Bretonvilliers, supérieur des Séminaires de Saint-Sulpice, occupée par le sieur Féret, notaire, deux clercs et un petit garçon périrent, les minutes de l'étude conservées, mais les meubles perdus.
La deuxième maison, appartenant au même que ci-dessus, à l'enseigne Le Dauphin, occupée par Renouard, potier d'étain, qui perdit un jeune fille Une locataire également morte.
La troisième maison, appartenant au même que ci-dessus, à l'enseigne Le Pot d'Estain, occupée par Guillaume Lambert. Pas de mort.
La quatrième maison, appartenant au président de Bailleul, à l'enseigne Le Cheval Blanc, occupée par de la Rivière, fruitier. Huit locataires périrent.
La cinquième maison, appartenant à M. Le Ragois, à l'enseigne La Cloche, occupée par le s. Prestre, quincaillier, Pas de mort.
La sixième maison, appartenant au même que ci-dessus, à l'enseigne Le Croissant, occupée par Dupuy Espronnier. Deux locataires périrent.
La septième maison, appartenant à M. le président Gallard, à l'enseigne Le Chapeau Royal, occupée par Collet, chapelier, mort avec sa femme et un garçon. Quatre locataires morts.
La huitième maison, appartenant à M. le président Gallard, à l'enseigne Le Petit Mor, occupée par Legu, parfumeur. Une locataire morte.
La neuvième maison, appartenant au même que ci-dessus, à l'enseigne Le Chapeau Rouge, occupée par Chauds, cordonnier, qui périt avec sa femme et deux enfants.
La dixième maison, appartenant à M. le conseiller Bordier, occupée par Antoine Prévot, tapissier (pas d'enseigne), qui perdit un petit garçon. Un locataire mort.
Presque toutes les marchandises déposées dans les boutiques, les meubles et effets des logements furent perdus ou volés (1).
(1) Bibliothèque nationale. Manuscrit, Fonds français. N° 21.698, f° 100. (Le certificat des Marguilliers annoncé dans le titre est une autorisation d'imprimer.)
— 162
Une variante de cette pièce fut également, imprimée en 1658, intitulée : La cliente du Pont Marie en l'isle Nostre-Dame. Elle reproduit à peu près le récit précédent, avec la même incompréhension: « du costé du quay Dauphin », au lieu de quai d'Alençon ou d'Anjou ?
Celte pièce se termine par un appel à la charité des curieux, venus en grand nombre, comme on je pense, pour voir le désastre :
« Beaucoup de maris demandent leurs femmes, et dès femmes leurs maris, des pères et mères leurs enfans, et des enfans leurs pères et mères, des parens leurs parens et des amis leurs amis. Toutes ces choses ont émeu quantité de gens qui n'estoient, venus dans l'Isle que par le seul mouvement de la curiosité, ou indifféremment pour leurs affaires ou par occasion. Il n'y a personne qui ne soit attendry, mais les morts ny les vivans ne sont point soulagez par les gémissemens ny par les larmes : On a assez donné de soupirs et de pleurs, il faut donner des prières à ceux qui sont morts, et donner la charité pour ceux qui restent. »
Et la pièce ajoute que Mesdames Saintot et Sigry, qui demeurent dans l'île Notre-Dame, sur le quai d'Alençon, font des quêtes et reçoivent les aumônes à ce sujet (1).
Voici le premier écho de cette catastrophe, paru dans un journal de l'époque :
La Gazette, du 2 mars 1658, dit que les eaux ont non seulement inondé les rues de Paris, « mais renversé, la nuit du 28 février au 1er de ce mois, la plus grande partie de l'un des ponts de pierre de l'isle Notre-Dame, avec perle de plusieurs personnes, quelque ordre que nos magistrats eussent apporté pour prévenir un si. triste accident. »
L'une des mesures urgentes prises par le Bureau de la Ville fut de sauvegarder les biens et meublés qui se trouvaient dans les maisons ruinées :
« De par les prévost des marchans et eschevins de la Ville de Paris, il est ordonné à tous mariniers, pescheurs et autres personnes qui se trouveront avoir retiré de la rivière les meubles, hardes et autres choses
proceddans des maisons tombées du pont Marie, de les rendre à ceux qui viendront les recognoistre et, à cette fin, les exposer à leurs portes et bouticques, et laisser l'entrée libre de leurs maisons à ceux qui se présenteront en les payant raisonnablement de leurs salaires. Faict au Bureau de la Ville, le deuxième mars 1658 " (1).
Le 4 mars 1658, les officiers du Châtelet et le prévôt des marchands et échevins de Paris se présentent à la Cour du Parlement, au Palais, pour rendre compte des mesures prises à l'occasion du débordement de la Seine et de la catastrophe du pont Marie. Des officiers et commissaires furent tout d'abord désignés « pour empescher les vols et pilleries qui se font ordinairement en ces rencontres, et tascher de sauver ce qui se pourroit du débris, faire déloger ceux qui restoient dans les maisons de l'autre partie du pont, et donner tout le secours que l'on pourrait aux habitans d'iceluy. "
Le prévôt des marchands rappela que les personnes habitant sur le pont avaient préalablement été prévenues de déloger de leurs maisons, maisons qui, d'ailleurs, avaient été construites contre le gré de la Ville.
La Cour chargea le lieutenant civil et les officiers du Châtelel de dresser procès-verbal des minutes restées chez les deux notaires qui demeuraient sur le pont, et dont les maisons étaient tombées dans la rivière, entraînant la mort de l'un des deux, et perdant une quantité de pièces notariales. Elle chargea également le prévôt des marchands de faire visiter je reste du pont Marie pour voir s'il pouvait subsister et s'il était besoin de le démolir (2).
Celle visite fut faite je jour même, 4 mars 1658, par Michel Villedo, conseiller du roi, Sébastien Bruand, tous deux maîtres des oeuvres de maçonnerie et charpenterie, et Michel Noblet, architecte des bâtiments du roi et garde des fontaines de la Ville. Il s'agissait de visiter « ce qui reste entier de la chutte du pont Marie », et d'examiner les maisons encore debout, sur le dit pont et sur
(1) Bibliothèque nationale. L. K.. 7, 7505, pièce
(1) Archives nationales. Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris, H. 1814, f° 290,
(2) Archives nationales. Registre des délibérations du Bureau de la Ville, H. 1814, f° 291.
163
ies deux ailes en retour. Les commissaires constatèrent :
" Que la ruiné et la cheute des dites arches, pille et maisons ne procedde que du deFfault et manque des pilotis soubs la dernière pille, lequel pilotis a esté emporté successivement d'année en année par la rapidité des eaux, quelque jour plus, quelque jour moins, en telle sorte que la violence et le courant des dites eaux a miné peu à peu, et de temps en temps, le lict de la rivière à l'endroit où est fondé la dite pille, et a desgarny et emporté le terrain des dits pilotis, lesquelz estant ainsy deschaussez et desgradez jusques ou approchant le pied de leur fiche sont restez à claire voye vuides et sans soustiens de manière que le torrent des eaux, et cette inondation dernière estant survenues, et qui nous a paru sy violente et extraordinaire, a entraîné ce qui restoit du dit pilotis, et a causé en un moment la cheute de la dite pille qui n'avoit plus sa fondation, des deux arches de part et d'autre d'icelle, et la ruine des dites vingt maisons, à quoy l'on aurait pu obvier et remédier à des accidents de sy grande conséquence, si l'on s'estoit servy des advis qui ont esté donnés d'année en année pour les visites des ponts... ».
L'enquête porta également sur les maisons du pont encore existantes, et sur celles des deux ailes bordant le quai Saint-Paul, dont il fut reconnu qu'elles étaient déjà dans un état défectueux avant la catastrophe (1).
La conséquence de cette visite fut l'ordre donné par la Ville, aux habitants des maisons des ailes du pont, d'avoir à déménager aussi rapidement que possible. Le 8 mars 1658, de par les prévôt des marchands et échevins de la Ville, " il est ordonné à tous ceux qui habitent les maisons des deux aisles du pont Marié de vuider promptement des boutiques, chambres et lieux qu'ils occupent, attendu lé péril éminent qui les menasse, suivant le rapport qui nous en à esté fait par lès maistres des OEuvres du Roi et de la Ville, ce qui leur sera signiffié, et seront tenus, les principaux locataires, d'en advertir leurs
soubz-locataires à ce qu'ils n'en ignorent. Fait au Bureau de la Ville, le 8 mars 1658.» (1)
Il s'agit ici des maisons bordant le quai Saint-Paul, à droite et à gauche du pont Marie, les maisons restées sur le pont ayant sans doute été évacuées immédiatement après la catastrophe. C'est, d'ailleurs, ce qui résulte de la visite faite au Parlement, le 19 mars suivant, dans laquelle les prévot des marchands et echevins firent part à la Cour qu'ils avaient prescrit de déménager aux habitants des maisons " du quay Saint-Paul à mont et à val l'eaue le long du pont Marie, dont les maisons estoient en péril » (2).
Mais voici le moment venu de réparer la brèche causée par l'inondation.
Le 17 mai 1658, les prévôt des marchands et échevins de la Ville représentent au Roi que le projet soumis par Alexandre Desforges, tendant à établir un pont de bateaux proche le pont Marie, serait très préjudiciable à la navigation, tandis que le projet présenté par le même, pour édifier un pont de bois à la place des deux arches manquantes, serait très utile et très désiré du public. Ce dernier projet devant comporter un péage de trois deniers par homme de pied et six deniers par homme de cheval (3).
A ce moment même, neuf propriétaires de maisons de l'île Notre-Dame, impatients de voir rétablir la communication interrompue par la chute d'une partie du pont, s'avisérent, de leur propre autorité, de conclure un traité pour la construction d'un pont provisoire en bois « qui devoit joindre ce qui restoit de solide du pont Marie».
Ce traité, daté du 1er juillet 1658, était passé entre Poncelet Clequin de la Vallée, maître charpentier; Simon Pottier, maître serrurier, tous deux bourgeois de Paris ; et les sieurs Estienne Moreau, évêque d'Arras; Benigne Le Ragois de Bretonvilliers, président de la Chambre des comptes ; Anthoine Lefebvre; Octave de Perigni; François Lefebvre; Nicolas Lambert de Thorigny; Louis Hesselin; Melchior Gillière, tous conseillers
(1) Archives nationales. Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. H. 1814, f° 294, et Bibliothèque de l'Arsenal. Manuscrit n° 3945 f° 853.
(1) Archives nationales. Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. H. 1814, f° 299.
(2) Histoire de la Ville de Paris. Par Michel Félibion, 1725. Preuves. T. V., p. 155.
(3) Archives nationales. Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. H. 1814, f° 328
161
du Roi, et François Levau, architecte des bâtiments de Mademoiselle d'Orléans.
Le dit marché était conclu moyennant le prix de 25.000 livres à prélever sur les premières sommes devant provenir du péage à établir sur ledit pont, péage que devaient obtenir du roi les habitants ci-dessus, et à affermer au plus offrant et dernier enchérisseur. Etant convenu que, tous les trois mois, l'adjudicataire du péage mettrait les sommes reçues entre les mains desdits de la Vallée et Poltier, et ce jusqu'à concurrence des 25.000 livres (1).
Ajoutons que les neuf particuliers cidessus ordonnèrent, en outre, le « frazement » des arches qui restaient de ce même pont, ce qui causa une dépense supplémentaire de 8.996 livres (2).
Déjà ces habitants avaient obtenu un arrêt du Conseil d'Etal, du 19 juin 1658, portant qu'il serait construit un pont de bois en attendant le rétablissement du pont de pierre, et que sur ce pont de bois il serait levé un péage destiné à pourvoir au rétablissement du pont détruit (3).
Le 15 juillet 1658, le Bureau de la Ville était reçu par la Cour de Parlement, au sujet de la situation du pont Marie, et faisait connaître que les propriétaires des maisons avaient entrepris de réparer la brèche et de remplacer les deux arches enlevées du côté de l'île par un pont en bois, en attendant son rétablissement en pierre. Il fut aussi entendu entre les propriétaires et la Ville, que les décombres du pont tombés dans la rivière seraient enlevés avant tous travaux. Le Prévôt rendit aussi compte de l'intention des propriétaires d'établir un péage pour le passage sur le pont de bois.
La Cour, après celle communication, fil défense de travailler à la réfection dudit pont avant que l'enlèvement des décombres en rivière n'ait été terminé. Elle réserva à une séance ultérieure l'examen de la question
d'un péage affecté à la reconstruction du pont (1).
Dans l'assemblée du Bureau, du 2 septembre 1658, le Prévôt des marchands rend compte des soins que prend la Ville pour obliger les propriétaires des maisons du pont, de faire enlever les décombres tombés en rivière, afin de faciliter la navigation et pour éviter les accidents qui pourraient survenir, par suite d'une nouvelle crue des eaux. Il ajoute qu'un arrêt du Parlement vient de décréter que la Ville sera tenue de faire ellemême cet enlèvement si les propriétaires s'y refusent (2).
Ils s'y refusèrent, en effet, et nous voyons un nouvel arrêt de la Cour, du 7 septembre 1658, les mettant en demeure d'avoir à s'exécuter, sinon et faute de se faire, chargeant le Prévôt des marchands de faire exécuter le travail d'office, aux frais et dépens des délinquants (3).
En présence de la mauvaise volonté réitérée desdits propriétaires, le Bureau de la Ville prenait l'ordonnance ci-après, le 13 septembre 1658 :
« De par les prévost des marchans et eschevins de la Ville de Paris. Il est ordonné, ouy sur ce, le procureur du Roy et de la Ville, à Michel Noblet, architecte du Roy et maître des oeuvres de ladite ville, de mettre incessamment ouvriers en nombre suffisant pour oster les décombres qui sont dans le bassin de la rivière, provenant de la cheute de partie du pont Marie, cl sera remboursé de la dépense qu'il conviendra faire pour le dit décombrement, suivant l'estat qu'il en fera chacune sepmame, sur les propriétaires des maisons du dit pont, et en cas de refus ou délayement, sur les deniers du Domaine, dons et octroys de la dite ville, par Me Nicolas Boucot, receveur d'icelle, qui en fera l'advance pour les repéter sur lesdits propriétaires, conformément à l'arrest de la Cour, du sept de ce mois ; signiffié aus dits propriétaires le neuf de ce mois, ou luy sera par
(1) Cette pièce curieuse, qui contient tous les détails techniques des travaux à exécuter, a été trouvée par M. F. Mazerolle dans un minutier parisien, et publiée dans le Bulletin de la Société de l'Histoire de Paris et de l'Ile de France. Année 1895, p. 197.
(2) Archives nationales. Q 1242.
(3) Bibliothèque nationale. Manuscrit français n° 21698, f° 106.
(1) Histoire de la Ville de Paris. Par Michel Félibien, 1725. Preuves. T. V, p. 157.
(2) Archives nationales, Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. H. 1814, f° 422.
(3) Histoire de la Ville de Paris. Par Michel Félibien, 1725. Preuves. T. V, p. 160.
165 —
nous pourveu. Fait au Bureau de la Ville, le Ville, le 13 septembre 1658 ! » (1).
Dans les lettres et remontrances de la Ville, du 14 novembre 1659, on voit que sur le péage établi le 17 mars 1659, dont il est question plus loin, la Ville devait être remboursée de la somme de 6.500 livres qu'elle avait dépensée pour l'enlèvement des pierres du débris du pont (2).
Cependant, le pont Marie est dans un si piteux état que le Bureau de la Ville, dans son assemblée du 16 septembre 1658, croit devoir signaler au Parlement combien il serait imprudent de ne pas remédier à une situation aussi dangereuse et si nuisible à la navigation :
" Ce considéré, Nosseigneurs, il vous plaise donner acte aux supplians de leurs remonstrances et sur icelles donner tel arrest qu'il vous plaira pour la seureté des particuliers et pour le bien de la navigation, et vous ferez bien " (3).
Et, le lendemain, le Bureau prescrivait une visite approfondie des parties dangereuses dudit pont :
" De par les Prevost des Marchans et Eschevins de la Ville de Paris, il est ordonné au maître des oeuvres de ladite Ville de faire visiter les pilles du. pont Marie par deux plongeurs qui rapporteront l'estat d'icelles, et aussy de considérer en quel estat sont à présent les maisons basties sur ledit pont, ensemble les ruptures qui s'y remarquent. A quoy il sera procédé par devant et en présence du Procureur du Roy et de la Ville, demain mercredy dix huictième des présens mois et an, les propriétaires appelez, et sera passé outre tant en présence qu'absence, et signiffié à ce que les propriétaires n'en ignorent. Fait ce 17 septembre 1658 " (4).
On lit, dans un arrêt du 25 septembre suivant, qu'une visite fut faite, par des plongeurs, des arches et du pont Marie, qui les trouvèrent en mauvais état; et aussi les maisons' restant sur le pont, visitées par des experts. La Cour décida que des mesures urgentes devraient être prises (1).
Voici, pourtant, que bientôt une année s'est écoulée sans que la moindre mesure de sécurité ait été prise pour la consolidation du pont. Le 31 décembre 1658, le Bureau constate que le pont Marie est demeuré dans le même état d'abandon depuis la catastrophe, sauf le pont de bois qui a été décidé à la place des arches manquantes, mais que la partie en pierre est pleine de fractures et d'ouvertures résultant des travaux défectueux auxquels il a été procédé. « Qu'étant le plus grand passage de cette ville pour les harnois et chevaux transportant les bois de chantiers s, il y a un grand péril, à dire d'experts, à y laisser le passage des piétons et des voilures. Le Bureau, en attendant que la Cour veuille bien prononcer un arrêt faisant cesser cette situation:
« Ordonne que, dans ce jour pour tout délai, les maîtres des oeuvres de maçonnerie et de charpenterie de la Ville poseront, à l'entrée dudit pont Marie, de bonnes et fortes barrières pour empêcher le passage des carrosses, charrettes et harnois sur ledit pont, et en outre que les marchans, artisans et autres qui s'y sont logez sans permission et sans ordre vuidront incessamment les lieux qu'ils occupent, et à faute de ce faire, que leurs meubles seront mis sur les carreaux, et sera la présente ordonnance affichée aux deux bouts dudit pont, à ce qu'aucun n'en ignore. Faict au Bureau de la Ville, le 31 décembre 1658» (2).
Par sa délibération du 17 mars 1659, prise à la requête d'un groupe d'habitants de l'Ile Notre-Dame, le roi ordonnait que la pile démolie et les deux arches tombées seraient rétablies " jusqu'à rez-de-chaussée » ; que visite serait faite des autres piles, et de celles du pont de la Tournelle, pour être réparées. En attendant, un pont de bois devait être construit, de même largeur que le reste dudit
(1) Archives nationales. Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. H.. 1814, f°
429 v°.
(2) Histoire de la Ville de Paris. Par Michel Félibien, 1725. Preuves, T. V, p. 167.
(3) Archives nationales. Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. H. 1814, f° 434.
(4) Archives nationales. Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. H. 1814, f° 433 v°.
(1) Histoire de la Ville de Paris. Par Michel Félibien, 1725. Preuves. T. V., page 161.
(2) Archives nationales. Registre des délibérations du Bureau de la Ville de Paris. H. 1814, f° 481.
5
166 -
pont Marie, permettant le passage des hommes, chevaux, carrosses, chariots et charrettes. Le péage, sur ce pont de bois, devant être levé pendant dix ans, était fixé à deux deniers par personne de pied ; par cheval non chargé, deux deniers ; pour chaque homme de cheval, bête chargée et chaise, six deniers ; pour chaque carrosse, chariot ou charrette, douze deniers ; pour un boeuf, deux deniers; pour un mouton ou un porc, un denier.
Et pour éviter les abus dans la perception de ce péage, le roi décidait que, parmi les exposans, huit d'entre eux, dont deux propriétaires des maisons du pont Marie, quatre propriétaires ou habitans des maisons de l'île Notre-Dame, et un de chacun des quartiers de la Tournelle et de Saint-Paul « seraient nommés pour avoir l'oeil, soin et conduite, tant sur la dite levée, qu'ouvrages qui seront faits, et que pour cet effet, ils donneront par manière de ferme annuelle au plus offrant et dernier enchérisseur, ledit péage dudit pont, après diverses publications et affiches, pour les deniers être mis ès mains de l'un desdits propriétaires ou habitans qu'ils nommeront, pour estre par luy payez aux ouvriers et entrepreneurs du rétablissement desdits ponts par l'ordre desdits huit propriétaires ou habitans qui seront nommez ausquels donnons pouvoir de ce faire (1). »
Un arrêt du Parlement, du 20 février 1060, enregistra ces lettres patentes, étant entendu que le droit de péage ne s'appliquerait pas aux bestiaux (2).
Lorsqu'il fut question d'établir le péage, il y eut de fortes oppositions et contestations de la part d'autres propriétaires et habitants de l'île Notre-Dame, auxquelles oppositions et contestations un arrêt de la Cour, du 30 juin 1661, donna raison en prescrivant, pour trancher le différend, que les propriétaires, locataires et sous-locataires dé l'île, et leurs domestiques, seraient exempts du péage.
Il arriva même, à la fin de l'année 1661, que le sieur Simon Pottier, fermier dudit péage, ayant voulu, sans tenir compte de cet arrêt, exiger le payement de tous les passants; des particuliers rompirent, de nuit, les barrières
barrières les tourniquets établis pour le péage, et les jetèrent dans la rivière. Une plainte adressée au Conseil par les ayants droit ne fut pas admise par le roi, qui imposa silence aux plaignants en raison de la grande incommodité dudit péage (1).
Ce qui n'empêcha pas, cependant, un arrêt du 16 janvier 1664, de confirmer, pour cinq années, et tant que durerait la réfection du pont, le péage accordé, le 17 mars 1659, avec celte clause : « Sans qu'aucun puisse s'exempter du payement dudit péage, sinon les religieux et gens de livrée, " Le même arrêt ordonnait la tenue d'une assemblée des propriétaires des maisons dudit pont, pour la fixation de leur contribution dans sa réfection. Il avait été pris, avec un autre, daté du 21 juin suivant, malgré l'opposition des habitants et propriétaires des Immeubles de l'île Notre-Dame (2).
Il nous faut dire ici qu'au sujet du différend survenu entre les habitants et propriétaires auquel il vient d'être fait allusion, un long procès s'engagea, qui durait encore en 1694, duquel il résulte que les neuf particuliers qui avaient passé le traité du 1er juillet 1658 furent condamnés à payer chacun leur neuvième portion des 25.000 livres indiquées audit traité. Il en résulta aussi que la communauté de l'île n'était point tenue à l'entretien des ponts la faisant communiquer avec la Ville; qu'elle devait être exemptée du péage établi sur le pont Marie, et enfin, que ledit traité de 1658, passé par les neuf particuliers, n'engageait pas cette communauté (3).
Cependant, en dépit de la défense faite aux. habitants des maisons restées sur le pont de continuer à y habiter, ceux-ci s'y sont réinstallés à nouveau. Un arrêt du Parlement, du 12 janvier 1660, réitéra celle défense, et un autre arrêt, du 17 décembre suivant, ordonne aux particuliers qui y avaient repris leurs logements " d'avoir à les vuider incessamment » (4).
Enregistrons, en passant, un arrêt du Parlement, du 16 janvier 1664, ordonnant la for(1)
for(1) nationale. Manuscrits. Fonds Français, n° 21.698, P 106.
(2) Histoire de la Ville de Paris; Par Michel Félibien. 1725. Preuves. T. V, p. 166.
(1) Archives nationales. Q1 1242.
(2) Histoire de la Ville de Paris. Par Michel Félibien. 1725. Preuves. T. V, p. 197.
(3) Archives nationales. Q1 1242.
(4) Histoire de la Ville de Paris. Par Michel Félibien. 1725. Preuves. T. V, p. 180.
— 167
mation d'une place ou terre-plein à " la descente " du pont Marie, c'est-à-dire vis-à-vis de la rue des Nonnains-d'Hyères, moyennant la somme de 17.000 livres payée à Charpentier et consorts, propriétaires de ladite place, partie par les propriétaires des maisons de ladite rue, partie par ceux des maisons de l'Ile Notre-Dame (1).
Nous voici au mois de novembre 1666, et le pont Marie est toujours dans la plus grande détresse. Cette situation est dénoncée par Colbert au Conseil d'Etat, qui prend l'arrêt ci-après :
" Sur ce qui a esté représenté au Roy estant en son conseil, que le pont de l'isle NostreDame, appellé le pont Marie, aurait été si mal construit, qu'en l'année 1659 (sic pour 1658) une partie d'iceluy aurait péri avec la perte de quantité de maisons et de familles entières; mais, quoy que le reste des pilles qui subsistent menacent ruine, et qu'elles portent presqu'à faux ; qu'aucunes des arches soient entr'ouvertes et n'ayent plus d'appuy, la culée du costé de l'isle étant ruinée ; néantmoins, les propriétaires dudit pont, qui ont négligé jusques icy d'en faire le rétablissement, ne laissans pas de louer leurs maisons, qui sont habitées par quantité de familles qui sont dans un péril évident de périr dans les ruines dont elles sont menacées; à quoy estant nécessaire de pourvoir et à la commodité du passage que l'on est obligé de défendre aux carrosses et charrois pendant les grandes eaux, et pour d'ailleurs oster la difformité que causent ces ruines, et rendre à la rivière la liberté de son cours ; ouy le rapport du sieur Colbert, Conseiller du Roy en ses conseils et en son Conseil Royal, Controlleur général des Finances de France, Le Roy en son conseil, a ordonné et ordonne que par le sieur Boucherat, que Sa Majesté a commis à cet effet, descente sera faite sur les lieux, pour, en présence dudit sieur Commissaire, et les propriétaires des places dudit pont présens, ou eux dûment appelés, estre procédé à la visite tant de ce qui a esté ruiné dudit pont Marie, que du surplus d'iceluy, par M. Vildot, maistre des oeuvres de massonnerie, et Sébastien Bruant, maistre des oeuvres
de charpenterie, pour le rapport veu et rapporté sur le procès-verbal du sieur commissaire, estre pourveu par sa Majesté sur le rétablissement dudit pont, ainsi qu'il appartiendra. Et cependant tous les locataires des maisons du dit pont seront tenus incessamment d'en déloger. Faict au Conseil d'Etat du Roy tenu à Paris le 10e jour de Novembre 1660. Signé : Bechameil » (1).
Le continuateur du traité de la police nous apprend que lors de cette visite, les experts furent loin d'être d'accord entre eux, les uns déclarant qu'il n'y avait aucun danger d'écroulement, les autres que le péril était «éminent". Le résultat fut l'ordre de déménager donné aux locataires des maisons, et l'interdiction de circuler imposée aux carrosses et voitures, sauf aux gens de pied (2).
Concernant le déménagement des locataires, un manuscrit nous donne plus de précision et rappelle qu'un arrêt du Conseil d'Etat, du 19 novembre 1666, avait décidé que les locataires des douze maisons, six de chaque côté, qui étaient les plus proches de l'arche tombée, seraient tenus d'en sortir, et que les propriétaires devraient les faire fermer et en retirer les clefs, sinon que lesdites maisons seraient murées à leurs dépens et responsabilités, " et qu'il seroit planté sur les deux avenues et au milieu dudit pont, des pieux pour en empêcher le passage aux carrosses et autres harnois jusqu'à ce qu'il eust esté pourveu au restablissement d'iceluy » (3).
On peut constater, néanmoins, que les visites officielles faites au malheureux pont en détresse ne lui sont pas épargnées. En voici encore une, décidée par arrêt du Conseil du mois de février 1667, lequel ordonne aux sieurs Boucherat, Villedo et Sébastien Bruant, déjà nommés, d'examiner une fois de plus les parties défectueuses dudit pont. Après quoi, une assemblée sera tenue, devant Boucherat, « commissaire à ce député », des principaux habitants de l'Ile et des propriétaires et locataires des maisons du pont Marie, pour se mettre d'accord sur les moyens de pourvoir à son rétablissement. Les propriétaires du péage se levant sur le pont de bois devaient
(1) Histoire de la Ville de Paris. Par Michel Félibien. 1725. Preuves. T. V., page 197,
(1) Archives nationales. Q 1 1243.
(2) Traité de la police (Continuation): 1738. T. IV. page 365.
(3) Bibliothèque nationale. Manuscrits. Fonds français, n° 21-098, f° 109.
168 —
également soumettre les titres en vertu desquels ils jouissaient dudit péage (1).
Voici enfin arrivé, semble-t-il, après neuf années d'attente, le moment de la réfection en pierre des deux arches du pont Marie. L'adjudication des travaux de maçonnerie et de charpenterie fut ordonnée en vertu d'un arrêt du Conseil d'Etat du 3 mars 1667. Elle est coordonnée dans une longue affiche sanctionnée au Conseil le 17 mars suivant, qui indique toutes les obligations imposées à l'adjudicataire, avec la description détaillée des matériaux à employer et la manière de les employer.
On y lit que, pour rembourser ledit adjudicataire de ses dépenses, le roi consent à lui laisser pendant 20 années la jouissance du péage se levant sur le pont de bois conduisant de ladite île à Notre-Dame, c'est-à-dire du pont Rouge, lequel pont, l'adjudicataire sera tenu d'entretenir et de rendre en bon état au bout des 20 années. Outre cette jouissance, ledit adjudicataire pourra se servir, comme étant sa propriété, des matériaux provenant de la chute du pont Marie, « comme aussi appartiendra audit entrepreneur, la démolition qu'il convient faire du pont de bois qui sert à présent de passage audit pont tombé "(2).
A ce moment, on n'était pas encore fixé sur la question de savoir si les maisons détruites par la catastrophe de 1658, seraient ou ne seraient pas réédifiées. Il semble même, au contraire, que le principe de la reconstruction était adopté par le Conseil d'Etat. Un arrêt, en effet, du 28 avril 1667, ordonnait aux propriétaires des maisons détruites, de déclarer, dans les trois jours, s'ils entendaient conserver leurs places sur ledit pont pour y bâtir des maisons au lieu de celles qui y étaient avant la chute, de même ordre d'architecture et symétrie que celles restées debout, ou s'ils aimaient mieux renoncer à la propriété des dites places en faveur des entrepreneurs des travaux de l'île, le roi permettant à ces derniers de vendre les dites places pour y construire des maisons au cas où les propriétaires en question n'opteraient pas pour l'une ou l'autre combinaison (3).
Par le même arrêt du Conseil, que nous venons de citer, du 28 avril 1667, ou pur un autre de la même date, le roi adjuge à Jean Pagaud et consorts, « les ouvrages à faire pour le restablissement du pont Marie, et ordonne que les entrepreneurs jouiront, pour le remboursement, pendant treize années entières et consécutives, des droicts de péage et passage qui se perçoivent sur le pont de bois qui conduit de l'isle au cloître NostreDame ". Ces entrepreneurs, groupés sous le nom de Jean Pagaud, devaient dédommager les précédents engagistes du dit péage, et devaient assurer toutes les réparations du dit pont, qui n'était autre que le pont Rouge. Au bout de deux années, l'entreprise Pagaud offrait au roi de lui rendre le péage du ditpont contre une somme destinée à satisfaire les personnes ayant avancé à la dite entreprise de l'argent pour le travail du pont Marie.
Le roi, en son Conseil d'Etat, par décision du 1er avril 1669, consentit à réunir à son) domaine le péage du pont en question, à partir du 1er avril présent mois ; et pour dédommager les dits entrepreneurs des onze années restant à courir sur treize du dit péage, leur accorda la somme de 48.000 livres, dont 36.000 comptant, et le reste à rembourser comme argent avancé pour les ouvrages du pont Marie. A la charge, par les dits entrepreneurs, de faire et parfaire dans deux ans les réparations du pont de bois à l'aide d'une somme de 14.000 livres que le roi leur accordait à cet effet (1).
On peut déduire de ce qui précède, que les; deux arches en pierre et la pile du pont Marie, détruites par la catastrophe de 11358, furent réédifiées à partir de l'année 1667. Il n'en fut pas de même des vingt maisons, dix de chaque côté, s'élevant sur ces deux arches, et tombées dans la rivière, qui ne furent jamais reconstruites, alors que les trente autres maisons, quinze de chaque côté, restaient en place. Cette situation bizarre d'un pont à moitié couvert de maisons n'était pas sans lui donner un aspect quelque peu hétéroclite, si l'on en juge par les estampes de celte époque.
Nous avons dit plus haut que les maisons situées sur le pont Marie, et celles en bordure du quai des Ormes, avaient été construites en 1643. Ces dernières étaient édifiées sur
(1) Bibliothèque nationale. Manuscrits. Fonds français, n° 21-698, f° 109.
(2) Bibliothèque nationale. Manuscrits. Fonds français, n° 21698, f° 112.
(3) Archives nationales. Q1 1245.
(1) Archives nationales, E. 418 A, f° 30.
— 169 —
des arcades que le Bureau de la Ville louait à des particuliers. Nous trouvons divers de ces baux, de 1676 à 1679, dont l'un nous donne les renseignements suivants :
« Bail pour six années consécutives des huit premières arcades estans au bas du quay de l'arche Beaufilz, au dessoubz des maisons basties sur le quay de l'aisle du pont Marie, commençant depuis la première descente dudit quay de l'arche Beaufilz tirant vers le pont Marie, pour servir à serrer des ustensiles de batteaux et autres marchandises. "
Ce bail était consenti à Louis Vaugeois, « compagnon de rivière », le 19 octobre 1676, pour six ans, à raison de 150 livres par année. Le dossier contient d'autres baux de ces arcades, qu'il nous paraît inutile de mentionner (1).
Celte arche Beaufils, dont il vient d'être question, était vraisemblablement la première arche du pont Marie du côté du quai des Ormes, et dont le sol était sur la terre ferme de la berge. Le 31 mai 1684, en effet, le bureau de la Ville, consent un bail à Jacques de Lamourette, aide-major des gardes et archers de la Ville, de la première arche du pont Marie du côté des ailes du pont, dite l'arche Beaufils, pour 30 années, moyennant 4 livres de redevance annuelle, en considéralion des services rendus par lui à la Ville, tant de jour que de nuit, en sa dite qualité d'aide-major.
Le 21 février 1713, un autre bail était passé, pour la même arche Beaufils, à Jean Gourdain, aide-major des gardes et archers de l'Hôtel de Ville, en considération des services qu'il rend au public et à la Ville, sur les ports d'icelle. Ce bail, d'une durée de 9 années; au prix de 50 livres par année, porte la mention ci-après :
" ... pour, du dessous de ladite arche, s'en servir..par ledit Gourdain, à mettre et serrer les bois qui proviendront du déchirage des batteaux et les y vendre, à la chargé de ne point incommoder la navigation ny le public ».(2). .
Signalons que sur le plan de Turgot (1739), l'emplacement situé devant le pont Marie,
entre le quai Saint-Paul et le quai des Ormes, est dénommé Place Monfils, sans doute par corruption du nom de l'arcade Beaufils.
Donnons, en passant, les détails suivants concernant les marques de censive gravées sur les maisons du pont. Dans une déclaration du 8 mai 1688, faite par Jean le Nain, conseiller du roi, et maître des requêtes, et dame Marie le Ragois, son épousé, au papier terrier du roi, de trois maisons qu'ils possédaient suivie pont Marie, on lit la clause ci-après :
«... au devant desquelles maisons ils feront graver et insculper en marbre, pierre, cuivre ou autre matière convenable, telle lettre chiffre ou enseigne qu'ils trouveront à propos pour connoistre ladite censive et satisfaire aux ordonnances du Roy et de la Chambre du Trésor... »
Dans une autre déclaration de même nature, du 10 juin 1684, de trois maisons sises sur Tune des ailes du pont, le déclarant promet de " faire sceller contre les murs desdites maisons, trois fleurs de lys en marbre, ou autre matière pour marquer ladite censive » (1).
On sait que la visite des ponts de la Ville était une des attributions les plus méticuleusement observées par l'échevinage parisien. Voici dans quel appareil officiel se faisaient ces visites obligatoires, dont la mention ci-après, du 5 septembre 1690, concerne justement le pont Marie : « Les prévot des marchans et échevins de la Ville de Paris, avec le Procureur du roi et de la Ville , le greffier de la Ville, le sieur Le Vieux, doyen des conseillers de la Ville, se sont transportés au port au au foin de la grève, assistés de Macé-Mathias Cauchy, maître des oeuvres de charpenterie de ladite Ville; de Jean-Jacques Lefebure et Marin Etienne, huissiers; du sieur Fournier, colonel des archers de la Ville ; de Jacques de Lamourette, aide-major desdits archers, et de quatre archers ayant leur casaque et hallebarde. Etant entrés dans un bateau préparé à cet effet, conduit par André Allin, officier du port au grain et au vin, et quatre compagnons de rivière; plus Philippe Petitjean, dit Bonnet, plongeur, se sont fait conduire au pont Marie pour en faire la visite avec le maître des oeuvres, en commençant
(1) Archives, nationales. Q 1. 1242. (2) Archives nationales. Q 1. 1242.
(1) Archives nationales. Q1, 1244.
170 -
par la première pille... et après les plongeons ordonnés au sieur Petitjean, ont fait les constatations pour chaque arche et pille... D'où procès-verbal dressé par les prévot des marmarchans et échevins... (1)
La délibération ci-dessous, prise par le Bureau de la Ville, le 5 mars 1700, est relative au mauvais état des parapets en bois du pont Marie, situés sur les deux arches neuves et à la place des maisons absentes. La réfection de ces parapets est bien mise à la charge des propriétaires des maisons du dit pont, mais une mention inscrite à la fin de la délibération indique que la Ville en fit les frais :
« Sur ce qui nous a esté remonstré par le Procureur du Roy et de la Ville, que dans la police par nous faite sur les ports et quais de la Ville, nous aurions reconnu que les barrières qui ont esté posées pour servir de gardefoux aux extrémités de la place vuide estant sur le pont Marie, des deux costés de la rivière, estoient en très mauvais estat, ne restant plus de celle estant du costé du port Saint-Paul que trois ou quatre morceaux de bois, et manquoit douze autres pieux à celle estant du costé du port de la Grève, et comme le pont Marie est un des plus passagers de celte ville, et qu'il est à craindre que le manque d'entretien des dites barrières ne cause quelque accident fâcheux à ceux qui passent sur le dit pont, tant de jour que de nuit, requeroit qu'il nous plust ordonner que les propriétaires du pont Marie et des maisons construites sur le dit pont soient tenus de faire incessamment rétablir les dites barrières et les mettre en bon estat pour la seureté publique, et qu'à faute de ce faire il y soit mis ouvriers aux frais et despens des dits propriétaires des maisons estans sur le dit pont, contre lesquels seroit par nous exécutoire délivré; nous, ayant égard aux dites remonstrances et conclusions du dit Procureur du Roy et de la Ville, ordonnons que les dits propriétaires du dit pont Marie et des maisons construites sur le dit pont, seront tenus de faire incessamment et dans huitaine rétablir les dites barrières estans sur la partie vuide du dit pont où est la voye publique, pour la seureté des passans et prévenir les accidens, sinon et à faute de ce faire dans le dit temps, et iceluy passé, y sera mis ouvriers par le maître des oeuvres de la Ville, aux frais et despens des dits propriétaires
propriétaires maisons du dit pont, contre lesquels sera par nous exécutoire délivré ; seront ces présentes, signifiées et exécutées nonobstant opposition ou appellation quelconque et sans préjudice d'icelles. Fait au Bureau de la Ville le cinquiesme jour de mars mil sept cens, les dites barrières ont été mises aux despens de la Ville (1). »
Ces parapets en bois durèrent encore longtemps, puisque nous lisons dans Germain Brice qu'en 1718 on a fait sur ce pont des appuis en pierre de taille pour la commodité de ceux qui sont curieux devoir ce qui se passé sur la rivière (2).
C'était alors une chose fort nouvelle et très appréciée que de pouvoir, du haut d'un pont dégagé de maisons, admirer la perspective de la Seine à travers la Ville.
Le terrier du roi, établi en l'année 1700, montre exactement la situation des maisons construites sur le pont Marie, et de celles édifiées en bordure du quai des Ormes, des deux côtes du pont, et que l'on appelait les maisons d'aile. Le côté droit du pont en venant de la rue des Nonnains-d'Hyères comptait alors 16 maisons, et le côte gauche 17. En bordure du quai, l'aile d'aval en possédait 19 et l'aile d'amont le même nombre.
On voit, d'après ce terrier, que des personnages notoires étaient propriétaires, sinon habitants, de ces maisons, dont le document en question nous donne la nomenclature. Sur le pont proprement dit, trois maisons appartenaient à M, Marrand, premier Président au Parlement de Toulouse. Une à M. le président Feydeau et à dame Marie Fraguier, son épouse. Une à M. Le Nain-Portail. Deux à MM. Tresseau et de La Borde. Quatre à la famille de Bretonvilliers de Nointel et de Bailleul. Trois à M. Révérend. Une petite maison, qui s'appelle la barrière des sergents, est à M. de Courcy, gouverneur de Valogne, qui en possède encore deux autres. M. Fraguier y possède la maison à l'enseigne du pont Marie; M. et Mme Caillavel en détiennent quatre, dont l'une porte l'enseigne A la Coupe d'or. L'apothicaire Le Nain tient boutique à l'enseigne La Cloche. M., le Président Baniolle possède deux immeubles. La maison
(1) Archives nationales. Q1 1242.
(1) Archives nationales. Registre du Bureau de la Ville. H2 1838. f° 155 v).
(2) Description de la Ville de Paris. Par Germain Brice. 1752. T. II, page 329.
174 -
à l'enseigne Le Grand Éperon appartient à Mlle Sarrazin, qui en détient encore une autre. M. l'Archevêque de Reims y est aussi propriétaire d'un immeuble. Celui portant l'enseigne La Fleur de Lys est à M. le chevalier Scarron. Le Grand Veneur est à M. Gallois. Mlle Bailleul y possède également trois maisons (1).
Sur l'aile d'aval, M. Monceau possède deux maisons; M. de la Ravoyre, une; M. le chevalier de Mouy, trois; M. Destigny, conseiller au Grand Conseil, sept ; M. Coignard, une; M. Rivière, deux; M. Morand ou Marrand, premier président à Toulouse, deux, dont celle à l'enseigne La Ville de Tours.
Sur l'aile d'amont, deux à M. de Bailleul; deux à M. le président Boullenger; deux à M. le marquis de Valentinois ; trois à M. Naux, dont l'enseigne Le Grand Louis ; une à M. de la Ravoyre ; La Bouteille renversée, à M. Le Juge; La Bouteille, à M. Romanet; quatre à M. Coignard, et trois à M. Destigny (2).
En général, chacune de ces maisons comprenait une boutique au rez-de-chaussée, occupée par un marchand, avec quatre étages au-dessus, d'une seule chambre par étage sur le devant.
Après la reconstruction en pierre des deux arches détruites par la catastrophe de 1658, attenantes à l'île Notre-Dame, l'autorisation fut demandée au roi, à plusieurs reprises, sans résultats d'ailleurs, d'établir des échoppes sur ces deux arches, à la place des maisons disparues. Une semblable autorisation — qui n'eut pas plus de succès — était aussi sollicitée, en 1714, pour y élever deux pavillons monumentaux.
Nous en trouvons la preuve dans un recueil de pièces manuscrites relatives à la Ville de Paris, conservé à la Bibliothèque nationale. Ce document paraît être une lettre adressée au prévôt des marchands :
« 3 mars 1714. M. Bignon, prévôt des marchands. Les emplacemens du pont Marie, dont on demande au roi le don, pour y faire construire des échoppes, ont été plusieurs
fois, demandés et toujours refusés ; on a estimé que bien loin de permettre ces établissemens, il serait à souhaiter que le pont entier fût découvert comme cette partie, pour la décoration et le soulagement des arches. Mais j'aurai l'honneur de vous proposer un projet qui conviendrait peut être à ceux qui ont présenté le placet; ce serait de faire bâtir deux pavillons en face de l'aboutissant de l'arrachement des maisons du pont Marie, adossés contre les pignons de celles qui sont restées après la ruine de cette partie du pont, à condition de faire la dépense des trottoirs, des parapets et pavés des deux côtés. Ces deux pavillons pourraient revenir à 10.000 livres, les trottoirs, parapets et pavés, à 4.000 livres. Les pavillons seraient loués au moins 500 livres chacun, les places étant fort marchandes. Le plan et le profil de cet ouvrage sont ci-joints, "
Un dessin annexé à cette lettre montre les deux pavillons proposés, composés de deux hautes constructions limitées par des bossages, comportant un rez-de-chaussée avec boutiques, trois étages carrés, de trois fenêtres chacun, un étage de combles mansardé.
Ces deux pavillons auraient été adossés aux deux rangées de maisons conservées sur le pont Marie après la catastrophe de 1658, et se seraient dressés contre les deux premières de ces maisons, en venant de l'île Notre-Dame, c'est-à-dire au-dessus de la deuxième arche du pont du côté de la dite île.
Nous avons dit que les maisons conservées se trouvaient du côté de la rue des Nonnainsd'Hyères.
Sur un plan du pont, également joint à cette demande du 3 mars 1714, on voit qu'il reste quatorze de ces maisons sur le côté gauche et quinze sur le côté droit; on y voit aussi le dessin des deux pavillons projetés et l'indication que les deux arches détruites sont reconstruites en pierre.
Concernant les deux pavillons, la lettre ciaprès indique que le roi refusa d'autoriser leur édification :
« A M. le prévôt des marchans, 8 mars 1714. J'ai reçu, M., la lettre que vous m'avez fait l'amitié de m'écrire le 3 de ce mois, au sujet des emplacemens du pont Marie qu'on a demandés au roi, pour y faire construire des échopes ; quoique les bâtimens que vous proposez d'y faire faire paraissent utiles et
(1) Nous rappelons que, concernant les maisons situées sus le pont proprement dit, on trouvera plus haut les noms des 20 propriétaires des maisons détruites par la catastrophe de 1658, et qui ne figurent pas dans cette nomenclature puisque ces maisons ne furent pas reconstruites.
(2) Archives nationales. Q1. 1099.
- 172 -
convenables, le roi n'a pas jugé à propos d'y consentir, ainsi il n'y qu'a laisser ces places en l'état qu'elles sont " (1).
Le déchirage des bateaux, c'est-à-dire leur dépècement, était interdit auprès du pont : une sentence du prévot des marchands de la Ville, Michel-Etienne Turgot, du 3 mars 1736, condamne Claude Prejean, déchireur de bateaux, et Nicolas Potonnier, travaillant au dit déchirage, en cent livres d'amende pour avoir fait " déchirer en partie et presque jusques au fond une thoue proche les arcades du pont Marie ». Avec défense de récidiver sous plus grande peine (2).
Signalons encore que lors de l'hiver. 17391740, une grande quantité de glace s'était accumulée sous les arches des ponts de Paris. Une ordonnance du lieutenant général de police, du 16 janvier 1740, enjoignit à tous ceux qui occupaient des maisons sur les ponts de la Ville, d'avoir à en déloger, avec leurs meubles, au moment de la publication de ladite ordonnance, à peine de 300 livres, d'amende. De son côté, le prévôt des marchands de Paris, Michel-Etienne Turgot, prenait un arrêté, le même jour, ayant le même but.
Le pont Marie étant encore, à cette époque, couvert d'une trentaine de maisons, se trouvait compris dans ceux à évacuer.
" Quoique les ponts de la ville, disait le Prévôt de Marchands, soient dans le meilleur état où ils puissent être et qu'il y ait lieu d'espérer qu'il n'y aura aucun accident par la débâcle de la rivière, la conservation des citoyens, qui est l'objet principal de notre administration et de nos soins, doit nous engager à prévenir par les précautions usitées en pareilles circonstances, le moindre soupçon de danger auquel ceux qui habitent sur les dits ponts pourraient se trouver exposés, si contre toute attenté quelqu'un de ces ponts ne pouvoit resister à la violence et à l'impétuosité des glaces » (3).
Ce fut l'année suivante, et toujours à la
suite d'une crue importante de la Seine, que la démolitionn fut décidée des maisons de l'aile amont du pont bordant le quai des Ormes. Nous en lisons la relation dans la note manuscrite ci-après, des Archives nationales :
" L'inondation considérable survenue sur la fin de 1740, fixa l'attention du Ministre et celle des Magistrats charges de la police générale de cette Ville, surtout par rapport aux maisons| construites sur le pont Marie et sur les deux ailes de ce pont, quai des Ormes, qui pouvoient être en danger.
« En conséquence, M. Gabriel, premier architecte du Roy, conjointement avec M. Beausire, maître général des bâtimens de. la Ville fit, en vertu des ordres à luy adressés par M. Orry, Ministre d'Etat et Contrôleur général, par sa lettre du 7 janvier 1741, la visite générale de ces maisons.,
" II commença, le lendemain 8, par celles de l'aile supérieure, c'est-à-dire celles du côté d'amont, au nombre de 18, et les ayant trouvées dans un péril imminent, il fut d'avis, par un rapport qui en fut dressé le dit jour, qu'elles fussent incessamment démolies, et' qu'il ne fallait pas les reconstruire.
« Par un deuxième rapport du 14 mars 1741, contenant la visite des 18 maisons de l'aile inférieure, et celles restantes sur le pont, il a reconnu que celles de l'aile, quoique vicieuses, n'étoient point dans un péril à exiger une prompte démolition. A observé qu'il ne falloit point y souffrir faire des réparations considérables dans la vue de parvenir aussy à leur démolition par la suite.
« A reconnu aussy que celles du pont étoient en bon état, excepté la dernière du côté d'amont à son encoignure qu'il falloit avoir soin d'observer, et qu'elles pouvoient subsister jusqu'au temps qu'il conviendrait de les supprimer. »
Cette note ajoute que la Ville de Paris, par sa délibération du 23 mars 1741, décida d'acquérir les emplacements des 18 maisons de l'aile supérieure du pont Marie, sur le pied du denier 10 des loyers (1).
Concernant celte inondation de 1740-1741, le Journal dé l'Avocat Barbier dit ceci :
" La police a fait déménager il y a deux
(1) Bibliothèque nationale. Manuscrits. Fonds français, n° 11735, f° 63.
(2) Bibliothèque nationale. Manuscrits. Fonds français; n° 21698, f°113. Toue; bateau spécial en usage sur les rivières. (Dictionnaire de Trévoux.)
(3) Bibliothèque nationale.' Manuscrirs; Collection Joly de Fleury. Vol. 198, f° 128;
(1) Archives nationales. Q 1. 1243.
173
jours (décembre 1740), tous les marchands et locataires qui sont sur le pont Saint-Michel, le pont au Change, le pont Notre-Dame et le pont Marie. L'eau est si rapide et si haute qu'on craint fort qu'eile ne les jette à bas. » Les habitants de l'Ile Notee-Dame étaient enfermés, ne pouvant sortir ni par le pont Marie, ni par celui de la Tournelle, ni par le pont de bois ou pont rouge.
Pour la démolition des maisons de l'aile, dont il vient d'être question, le même auteur donne l'information suivante :
" Janvier 1741... la Ville a fait abattre un grand nombre de vieux bâtiments à la descente du pont Marie... » (1).
Nous relevons encore cette mention :
" 10 janvier 1741. M. de Marville, lieutenant général de. police, a rendu une ordonnance pour faire démolir toute l'aile du pont Marie, on a commencé hier à y mettre des ouvriers, et toutes les maisons sont en grand danger, à cause des grosses eaux débordées de la Seine " (2).
Toutes ces maisons de l'aile supérieure du pont bordant le quai des Ormes, furent vendues à la Ville de Paris par leurs propriétaires, en vertu d'actes passés au mois de juin 1742, par Marchand, le jeune, notaire à Paris (3).
En 1742, Le Rouge, en parlant du pont Marie, écrit ces mots : " II y a quantité de bateaux aux environs de ce pont; ce sont des magasins ou boutiques à poissons d'eau douce, où il est facile d'en trouver à toute heure, quand on a quelque provision considérable à faire » (4).
N'est-il pas curieux de constater qu'il y a toujours au même endroit, ou à peu près,
aux environs du pont Marie, de longs bateaux dont la cale est percée de trous pour laisser pénétrer l'eau de la rivière, et où vivent de nombreux poissons à la disposition des marchands qui viennent s'approvisionner dans ces boutiques à poissons, succédant à celles du XVIIIe siècle. Ajoutons que le petit plan annexé au tome IV de la Description de Paris, par Piganiol de la Force (1742), montre des deux côtés du pont Marie, un certain nombre de bateaux qualifiés: boutiques ou bateaux à poissons.
Sur la question de savoir à qui incombait, de la Ville de Paris ou des habitants de l'île Saint-Louis, l'entretien des quais et des ponts, un mémoire de 1754, relatif à la réparation du quai d'Alençon, aujourd'hui quai d'Anjou, fut introduit concluant à rendre la Ville responsable. On y lit la requête ci-après, visant également le pont Marie:
« En cet état, le Bureau de la Ville est très humblement supplié de vouloir bien faire pourvoir diligemment au rétablissement des dégradations du quai d'Alençon, dont la chute prochaine menace d'entraîner celle de plusieurs maisons, même du pont Marie; dont une partie qui est tombée en l'année 1658 a occasionné la perte de 22 maisons et d'un grand nombre d'habitans, et peut occasionner les plus grands désordres avec des perles considérables ; ou de permettre que Tes propriétaires des maisons qui sont les plus exposées et menacées par cet accident, se pourvoient sans délai pour faire faire ce rétablissement ainsi qu'il appartiendra. »
Dans sa consultation du 5 octobre 1751, M. Bargeton concluait ainsi :
« Mais il est inutile de s'arrêter plus longtemps, car ni ces deux iles (Notre-Dame et la Cité) ni les autres quartiers de la Ville ne forment pas des corps ni des communautés séparées: elles forment un seul et même corps et une seule et même communauté avec tous les autres quartiers de la Ville, et tous les quartiers sont tenus de contribuer à l'entretien et aux réparations de tous les ouvrages publics de la Ville, et ils y contribuent réellement en payant tous les droits qui sont perçus au profit de l'Hôtel de Ville et qui sont destinés à ces dépenses (1).
(1) Journal historique et anecdotique du règne de Louis XV, par l'avocat Rarbier. Edition Villegille. 1819. T. II, p. 279 et 285.
(2) Bibliothèque nationale. Manuscrit. Fonds français, n° 11.735, f° 67.
(3) Archives nationales. Q 1 1245.
(4) Les Curiositez de Paris. Par M. L. R. (Le Pouge). Edition de 1742, tome I, page 337.
(1) Bibliothèque nationale. Manuscrits. Collection Joly de Fleury, n° 311 f° 331.
6
— 174 -
Autre inondation nécessitant encore le déménagement des maisons construites sur le pont Marie. Le 7 février 1764, M. de Sartines, lieutenant-général de police, prend une ordonnance, nécessitée par la crue de la rivière, dans laquelle on lit ce passage :
" Que les eaux de la Seine se trouvent tellement augmentées, et les ponts dans un danger si imminent, qu'il est de l'intérêt des habitants qui occupent des maisons, tant sur le pont de Notre-Dame, le pont au change, le pont Saint-Michel, le pont Marie, que sur les quais bâtis sur pilotis, d'en déloger pour la sûreté de leurs personnes et la conservalion de leurs effets, que ce délogement lui paraît si instant qu'il est informé que la rivière pouvant encore augmenter, il y a lieu de craindre que la crue devenant plus forte, le danger n'en soit que plus pressant. »
Il ordonne, en conséquence, à tous ceux qui occupent des maisons sur les ponts et les quais d'en déloger immédiatement et d'en faire enlever leurs meubles à peine de 300 livres d'amende. Et pour faciliter le délogement, il sera indiqué des dépôts où les meubles pourront être déposés, « et même fourni des ouvriers et des voitures en cas de besoin, en les payant de gré à gré » (1).
Il nous a paru intéressant de reproduire ici le texte d'une lettre de ratification de l'une des maisons du pont Marie, montrant la nature, la composition et la valeur de ces maisons :
" Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre, à tous ceux qui ces présentes lettres verront, salut. Jacques de la Vacquerie, marchand chapelier à Paris, y demeurant, sur je pont Marie, nous a fait exposer que, par contrat passé devant Giard et son confrère, notaire au Châtelet de Paris, le 5 février 1779, duement insinué, il a acquis de Geoffroye-lsidore Hugot, ouvrier en bas au métier, ,et Marie-Jeanne Godart, sa femme, demeurant à Paris, grande rue du faubourg Saint-Martin, une maison sise à Paris, sur le pont Marie, pu pend pour enseigne Le Chapeau Rouge, et cy-devant La Gerbe, et Le Sauvage d'or, consistant en boutique, arrière boutique, entresol, frais étages et grenier au-dessus, et terrasse, ainsy qu'elle se poursuit
poursuit comporte, sans en rien réserver, tenant d'un côté au sieur de Vatronville, d'autre à demoiselle Gallois, aux charges ordinaires et accoutumées, et moyennant la somme de
6.000 livres... » (1)
Une autre lettre de ratification visant une maison acquise par Laurent Gaillard, parfumeur, le 24 juillet 1776, de noble Henry Mathieu Roussel de Chenoy, ancien receveur ès consignations du bailliage et présidial de Chaumont-en-Bassigny, au prix de 6.144 livres, porte cette mention :
« Maison sise à Paris, sur le pont Marie, ayant cy devant pour enseigne La Pie, ayant deux toises de face et quatre de profondeur, boutique, salle, entresol, trois étages d'une chambre et cabinet chacun, grenier audessus, aisances, appartenances et dépendances, tenant d'une part et des deux côtés à demoiselle Martin, par derrière à la rivière ? (2).
Voici comment, disparurent les maisons restant sur le pont Marie, et celles bordant le quai des Ormes, ou aile en aval du dit pont,
Dès l'année 1769, pour des raisons d'hygiène, de meilleure circulation, et surtout pour éviter le retour des catastrophes amenées par les inondations, il fut décidé que toutes les maisons construites sur les ponts de Paris, et en bordure immédiate des rives de la Seine, seraient démolies pour l'élargissement des dits ponts et pour l'édification de quais permettant, comme les ponts dégagés, la vue de la perspective de la Seine.
Concernant le pont Marie, des lettres patentes du 22 avril 1769 portent la mention ci-après :
« Art. 6. — Les maisons qui restent sur une partie du pont Marie et sur l'aile de ce pont, du côté de la placé aux Veaux, seront démolies et supprimées, lors desquelles démolitions et suppressions, il sera construit les parties du quay, parapets et trottoirs convenables » (3).
Un édit, de septembre 1780, ordonne la démolition des maisons construites sur les
(1) Bibliothèque nationale. Manuscrits. Collection Joly de Fleury. Volume 384, f° 395.
(1) Archives de la Seine. Lettre de ratification n° 9072A.
(2) Archives de la Seine. Lettres de ratification n° 7834.
(3) Archives nationales. Registre des délibérations de la Ville. de Paris. H. 1873.
- 175 -
ponts de la ville et sur les quais, conformément au projet arrêté en 1769, lequel projet prévoyait divers travaux ayant pour but l'embellissement de la capitale, comme la construction du pont de la Concorde et celle d'une nouvelle salle d'Opéra; et prescrivait la constitution d'un emprunt de 1.200.000 livrés de rentes perpétuelles à 4 0/0 avec tirage de primes à lots. On lit, dans cet édit de 1786, les indications suivantes concernant le pont Marie :
" Art. 1er. — Les Ouvrages dont le projet avait été arrêté dès 1769 et ceux que nous avons nous-mêmes jugés nécessaires, seront exécutés sans délai, suivant l'ordre par nous réglé, ainsi qu'il suit :
« Art. 5. — Il sera de même procédé à la démolition des maisons sur le pont Marie et les ailes qui en dépendent. »
Le même édit consacrait la résiliation des baux des dites maisons et obligeait, les propriétaires et locataires à vider les lieux aux jours fixés. Le Bureau de la Ville était également tenu de mettre en adjudication les matériaux de démolition, et de préparer les plans et devis de reconstruction ou restauration du pont et quai après la disparition des dites maisons.
L'article 9 défendait, sous quelque prétexte que ce fût, la reconstruction des maisons démolies, et l'article 10 traitait des indemnités a accorder aux expropriés (1).
On a vu plus haut que les maisons d'ailes du pont bordant le quai Saint-Paul ou des Ormes, en amont, avaient préalablement été démolies en 1741.
Notre ancien et regretté collègue Taxil, dans un important travail sur l'opération de démolition (en 1786-1788) des immeubles des ponts de Paris, a indiqué les indemnités allouées, à cette occasion, aux propriétaires et locataires des maisons du pont Marie et de celles de l'aile en aval; et y a joint deux plans du dit pont et de ses abords (2).
Nous relevons, dans ces états d'indemnités, les noms ci-après de personnages notoires propriétaires à celle époque, soit de maisons situées sur le pont, soit de maisons situées sur l'aile d'aval : M. le Président et M. le marquis Fraguier. M. Guidy, censeur royal. Mme de Colligny. Mme de Watronville. MM. les ducs de Vilquler et d'Aumont et Mme de Villeroy. MM. Dupré de Saint - Maur et de Garnier d'Ars. M. le comte de Gaucourt. M. Blondeau des Ardilliers. Mmes de Vansay et de Marcilly. Mme Boutouillé de la Villegonau. Mme la marquise de Caligny. M. de Vaussy. M. de la Villegaudin. M. le marquis de l'Épinay. Mme de Saint-Hubert. M. de Gramont. M. de Larchentel.
Concernant les locataires; toutes ces maisons étaient occupées par des boutiquiers, représentant à peu près tous les commerces parisiens, et que nous croyons inutile de plus amplement désigner.
Ajoutons qu'après l'évacuation des maisons destinées à être démolies, les matériaux à provenir de la démolition furent adjugés, le 28 octobre 1788, à Nicolas-Charles Armand, pour la somme de 40.250 livres.
La procédure pour le payement des indemnités fut très longue et ne se termina que sous la Révolution. Disons d'abord que les sieur et dame de L'Epinay de Saint-Luc; propriétaires dé trois maisons, formèrent appel le 31 janvier 1789 contre la nomination des experts désignés par l'ordonnance du Bureau de la Ville du 28 novembre 1788.
Le 17 novembre 1790, une lettre du maire de Paris transmet au Comité des Finances les réclamations de payement des propriétaires expropriés.
Un rapport au Ministre de l'Intérieur, du 18 février 1792, exposé que lesdits propriétaires attendent depuis longtemps leurs fonds, plusieurs d'entre eux se trouvant dans un extrême besoin. Le rapport préconise d'autoriser le payement provisoire des intérêts dus.
Un décret de l'Assemblée législative, du 15 septembre 1792, rendu sur le rapport de M. Debranges, décide qu'il sera fait fonds par les commissaires de la Trésorerie nationale, entre les mains de. M. Vallet de Villeneuve, trésorier général des dépenses de la Ville; des sommes nécessaires au payement provisoire des intérêts échus qui peuvent être dus
(1) Recueil des lettres patentes, ordonnances royales, décrets et arrêtés préfectoraux concernant les voies publiques, publié par la Ville de Paris, 1902 (2e supplément), p. 73, n° 162.
(21 Voir : Procès-verbal de la Commission du Vieux Paris. Annexe à la séance du 10 novembre 1909,
176 —
aux propriétaires des maisons démolies du pont Marie (1).
Voici la description de l'une de ces maisons, celle appartenant à M. Jean-Baptiste-Marie Guidi, écuyer, gentilhomme ordinaire du Roi et censeur royal : « Ladite maison consiste en un corps de logis d'une seule travée de largeur, sur la rue du Pont, dans laquelle est une seule croisée à chaque étage. Il est élevé d'un rez-de-chaussée, trois étages quarrés au-dessus, et comble lambrissé, servant de quatrième étage, ledit comble couvert en tuiles et à deux égouts. La façade sur la rue, en pierre de taille, et celle sur la rivière en pans de bois et en saillie. » Toutes les autres maisons ressemblaient à celte dernière (2).
Nous trouvons, cependant, la mention suivante, qui semble indiquer une décoration architecturale sans doute particulière aux maisons situées dans le milieu du pont : « La face de ladite maison est en pierre en sa totalité et est couronnée par une partie d'un fronton triangulaire, aussi de pierre, commun à trois maisons joignantes... " (3).
Disons que chacune de ces maisons destinées à être démolies, a son dossier complet aux Archives nationales, dans lequel on trouve les différents litres de propriété, des pièces diverses et de censive, et, pour chacune d'elles, le procès-verbal de la visite faite par les experts, en 1788, avant la démolition, et donnant la description des immeubles avec l'avis des experts sur leur valeur (4).
Il doit être permis de penser qu'après la démolition des maisons, en 1788, on apporta au pont Marie, complètement dégagé, une importante réfection de la chaussée, des parapets et des trottoirs.
Vers cette époque, de nombreux marchands venaient étaler leurs marchandises sur les trottoirs du pont, pour les vendre aux passants. Celte information résulte d'un procèsverbal dressé le mercredi 11 mai 1785, par Jacques Roger, sergent de la garde de Paris au poste de l'île Saint-Louis (5).
Un autre procès-verbal, du 4 juillet 1791, indique qu'un individu est arrêté, qui débitait journellement sur le pont Marie des viandes avariées (1).
Pour les temps modernes nous n'avons que fort peu de choses à relever concernant le pont Marie, si ce n'est une assez importante restauration accomplie au milieu du XIXe siècle.
Le Moniteur, du 27 juin 1850, en effet, annonce que, le samedi 6 juillet suivant, le Conseil de préfecture de la Seine mettra en adjudication les travaux de maçonnerie à exécuter pour la restauration du pont, s'élevant à un chiffre d'environ 90.000 francs, dépense à laquelle faisait face la Ville de Paris. Le même journal, dans son numéro du 21 octobre 1850, disait que l'on restaurait avec soin les niches des piles, et émettait l'idée d'y voir placer " les statues de quelques-uns des hommes célèbres qui n'ont pu trouver place dans la galerie des illustrations parisiennes de l'Hôtel de Ville ".
Au sujet de ces huit niches, qui décorent si heureusement les piles du pont Marie, et dont le dessin est si intéressant, nous devons dire que nous ne rencontrâmes jamais de texte avançant qu'elles devaient être garnies de figures, pas plus que nous ne vîmes d'estampes anciennes en montrant.
Concernant les travaux exécutés en 1850, auxquels nous venons de faire allusion, les frères Lazare prétendent qu'ils consistèrent dans la restauration des arches, l'établissement de trottoirs en bitume, et dans l'adoucissement des pentes, " qui ont été réduites de moitié ». Les mêmes auteurs disent aussi que la pente avait déjà été adoucie au moment de la démolition des maisons (2).
Le fait est qu'un tableau du musée Carnavalet, de Charles Mozin, daté de 1825, montre le dos d'âne du pont infiniment plus escarpé que celui d'aujourd'hui. Mais alors comment devait-il être avant 1788?
On sait que deux inscriptions sur marbre rouge, placées à chaque extrémité du pont, sont ainsi conçues :
(1) Répertoire général des sources manuscrites de l'Histoire de Paris pendant la Révolution. Par A. Tuetey. T. III, nos 1955 et 1963. T. VI, n° 2636. T. VII, n° 2069.
(2) Archives nationales. Q1 1243.
(3) Archives nationales. Q1 1244.
(4) Archives nationales. Q1 1242 à 1245.
(5) Archives nationales. Amenda de la Garde du poste de l'île Saint-Louis, de 1780 à 1790. Y. 10.940, f 40.
(1) Répertoire Général des sources manuscrites de la Révolution. Par A. Tuetey. T. Il, n° 1011.
(2) Dictionnaire des rues de Paris. Par les frères Lazare. 1855, page 515.
177 —
PONT MARIE
CONSTRUIT SOUS LE RÈGNE OR
LOUIS XIII
1614-1635.
Le Moniteur, du 14 juillet 1863, enregistre ainsi leur apposition à celte époque : " L'inscription placée sur les tables de marbre dont on vient de décorer les entrées du pont Marie rappelle à la fois le règne sous lequel il a été bâti, la date de sa fondation (1614), et celle de son achèvement (1635). » .
Disons encore qu'au mois de janvier 1867, la débâcle de l'hiver appela de nouveau l'attention sur le pont Marie, dont les piles furent vigoureusement battues par de nombreuses épaves de bateaux chavirés. Nous voyons, à ce sujet, une curieuse gravure sur bois, de Bértrand, montrant toute une flottille d'embarcations désemparées, arrêtées sous ses arches. Celte image est intitulée : Débâcle du pont Marie. Les bateaux stationnant à l'Ile Saint-Louis viennent se briser contre les piles du pont Marie.
Sous le second Empire, le pont Marie servait de décor à une curieuse manifestation de la vie parisienne d'alors. Tous les mercredis soir, durant l'été, partait de là un BateauMusique suivi d'une flottille d'embarcations illuminées, conduisant à Bercy de nombreux canotiers et canotières. Une gravure sur bois, de Miranda, datant de 1869, montre ce joyeux départ, s'effecluant sous les arches du pont, dans une perspective, à la vérité, peut-être trop agreste. Celle pièce porte la mention ciaprès : Le bateau-orchestre des canotiers de la Seine.
Un dessin de Myrbach, portant cette devise : Le départ pour Joinville, représente également le pont Marie, des arches duquel un grand nombre d'embarcations pavoisées se préparent à prendre le large.
La légère pente en dos d'âne qu'affecte encore un peu aujourd'hui le pont Marie, el qui n'est pas le moindre attrait de ce magnifique ouvrage, pente qui lui conserve l'aspect archaïque des vieux ponts, et dont la vue est d'un effet si pittoresque, faillit, il y a plusieurs années, lui jouer un mauvais tour. On s'était avisé, s'il nous en souvient, que l'adoucissement de sa déclivité serait fort utile aux chevaux et voilures obligés de la franchir
Aucune suite, heureusement, ne fut donnée à ce projet, l'Administration n'ayant sans doute jamais eu connaissance de la mort d'un seul cheval survenue à la suite de ce terrible passage.
La disparition presque totale des chevaux, qui est en train de s'accomplir, aura au moins ce résultat de rassurer, de ce fait, les amoureux du pont Marie.
On nous excusera de l'extrême longueur de ce travail consacré à la construction et à l'existence d'un seul pont de Paris. Il nous a paru qu'il était intéressant de faire connaître aussi complètement que possible les diverses phases par lesquelles passa celle belle oeuvre d'utilité publique, depuis trois cent six ans qu'elle est debout, phases que nous résumerons par les huit étapes ci-après :
Pose de la première pierre du pont Marie et commencement des travaux : 1614.
Achèvement du pont sans les maisons : 1632-1635.
Construction des maisons du pont et des ailes: 1643.
Destruction par catastrophe de deux arches du pont et de vingt maisons : 1658.
Reconstructon en pierre de ces deux arches : 1667.
Démolition des maisons de l'aile amont du pont, en bordure du quai Saint-Paul : 1741.
Démolition des maisons du pont et de l'aile aval, en bordure du même quai : 1788.
Importante restauration du pont : 1850.
Iconographie sommaire.
— Le plan de Mathieu Mérian, gravé en 1615, figure déjà la vue des deux ponts Marie et de la Tournelle, alors qu'ils n'étaient pas encore édifiés à celte époque. Mais celte figuration, il est facile de s'en rendre compte, n'est dessinée que sous la forme d'un projet.
— " Dessein pour le projet présenté au Chapitre, le 4 octobre 1617, à l'effet de bâtisse de partie de l'isle, qui aurait servi de magazin à la Ville de Paris, et pour la construction des ponts de la Tournelle et de SaintPaul, " Les deux ponts sont déjà figurés sur ce dessin, bien que n'étant pas encore construits. Des magasins sont dessinés, faisant le tour de l'Ile et bordant la rue des DeuxPonts actuelle. Aucune indication n'est don-
- 178
née sur l'initiateur de ce projet. (Archives nationales, S. 232).
— Gravure en taille douce, vers 1620 ? A Paris, chez Jan Messager, éditeur, rue SaintJacques, à l'Espérance. On y voit le projet d'aménagement de l'Ile Saint-Louis et celui du pont Marie, avec toutes ses maisons, sauf celles bordant le quai Saint-Paul. On 'y voit aussi le pont de la Tournelle, toujours eh projet; également couvert de maisons, ce qui ne fut jamais exécuté. Ces deux ponts, chose curieuse, sont dénommés « Le pont Marié. » Sont seules indiquées; sur celle intéressante planche, les maisons du pont de la Tournelle et du pont Marie, et celles de la rue qualifiée de Saint-Louys, aujourd'hui rue des DeuxPonts. (Bibliothèque de l'Arsenal. Estampes).
— Le plan de Melchior Tavernier (1630) montre le pont Marie, en pierre, mais non couvert de maisons. Ou y constate celte erreur de dessin qu'il n'a que trois piles et quatre arches, au lieu de quatre et cinq.
— Gravure d'Israël Silvestre, datée de 1658 : Veue de la maison de M. de Bretonvilliers et de l'isle Nostre-Dame. Le pont Marie s'aperçoit dans une perspective lointaine, avec toutes ses maisons et celles des ailes du quai Saint-Paul. Il est curieux de consister que celle gravure porte justement la date de l'année où le pont fut en partie détruit par une terrible catastrophe.
— Gravure d'Aveline, XVIIe siècle : Veuë et perspective de l'isle, Nostre-Dame, montrant le pont Marie avec ses maisons et les quais environnants.
— Gravure à l'eau-forte par Adam Pérelle, XVIIe siècle : Le pont Marie. Chez N. Langlois, éditeur. (Excudit).
— Gravure non signée, XVIIe siècle : « Le pont Marie. L'an 1613, un nommé Christophe Marie entreprit.... A Paris, chez Mariette, rué Saint-Jacques, à la Victoire. » On y voit le pont Marie avec ses maisons et toute une flottille de bateaux. Au bas, un long texte servant d'historique.
— Plan du pont Marie, 1714, montrant les maisons; et projet de construction de deux pavillons au milieu dudit pont. (Bibliothèque nationale, Ms F. F., N° 11.735, fol. 63).
— Le plan de Turgot (1739) donne du pont Marie unr véritable estampe, très claire et très détaillée, montrant les maisons encore existantes sur les trois arches du côté du quai Saint-Paul, et les maisons bordant ce quai.
— Une peinture à l'huile, non signée, représentant l'Hôtel de Ville et la place de Grève, vers 1750; montre le pont Marie en perspective. (Musée Carnavalet).
— Tableau à l'huile de François Raguenet : Vue du pont Marie et de l'Ile Saint-Louis en 1757. Toile paraissant d'une grande exactitude documentaire. (Musée Carnavalet).
— Gravure de Rigaud, XVIIIe siècle : Vue de l'Hôtel de Ville de Paris, où l'on voit dans l'eloignement le pont Marie et le pont de bois, dit le pont Rouge.
— Vue d'optique, gravure invrsée, XVIIIe siècle : Vue d'optique représentant le pont Marie et le pont Rouge, a Paris. N° 66. Prospectus Pontis vulgo dicti Marie et Pontis lignei vulgo dicti le Pont Rouçe Parisus.
— Petite gravure de Martinet, 1779 : Vue du pont Marie prise de la pointe du quay Pelletier. Appartient à l'ouvrage de Beguillet " Histoire de Paris, 1779, t. I., planche 17, page 117. »
— Deux plans du pont Marie sont annexés au travail de M. Taxil, relatif à la demolition des maisons des ponts de Paris en 1788. (P.V. Vieux Paris, 10 novembre 1909, annexe.)
— Gravure en couleur, par J. C. Nattes, vers 1804. Cette pièce représente le, pont Marie s'appuyant sur des quais dont la fantaisie paraît plutôt exagérée.
— Tableau à l'huile par Charles Mozin, daté de 1825, représentant le pont Marie et le quai Saint-Paul avec un pittoresque, infiniment curieux. Le dos d'âne du pont paraît cependant quelque peu exagéré. (Musée Carnavalet.)
— Lithographie dessinée par Mozin, gravure de Frey : Le pont Marie. Cette pièce est sans doute contemporaine du tableau de Charles Mozin ci-dessus (1825), dont elle paraît être une interpretation;
— Aquarelle d'Himely, vers 1825, montrant le pont Marie dans une note line et délicate. (Musée Carnavalet.)
— Lithographie de Fourquemin-Nousveaux, d'après Pernot. Paraissant dater de 1830 à 1840. Interprétation fantaisiste du pont Marie, le montrant avec quelques maisons conservées.
— Petite gravure sur bois, de Sauvestre, 1860.
— Petite lithographie : Le pont Marie, chez Mme Ve Turgis, rue Saint Jacques, 1810-1850.
— Dessin original à la. mine de plomb, par
- 179 -
Albert Maignan, 1867, vue charmante du pont Marie et du mouvement sur la rivière, (Musée Carnavalet. Réserve.)
— Gravure sur bois, de Bértrand, 1867 : Débâcle du pont Marie. Les bateaux stationnant à l'Ile Saint-Louis viennent se buter contre les piles du pont Marie.
— Gravure sur bois, de Blanchard, 1867 : Accident du pont Marie à la suite de la crue des eaux, d'après une, photographie de M. Denisse.
— Gravure sur bois, de Miranda, 1869 : Le bateau-orchestrç des canotiers de la Seine. Vue du pont Marie avec le départ des canotiers et des musiciens.
— Dessin de Myrbach, XIXe siècle : Le départ pour Joinville. Vue du pont Marie et d'une flottille de canots se préparant à partir.
— Croquis du pont Marie, par G. Perrichon, 1887, gravé sur bois.
— Dessin de Daubigny, gravé sur bois par Boetzel, XlXe siècle.
— Dessin de Lansyer, gravé sur bois, XIXe siècle.
— Eau-forte, très fine, montrant le pont Marie dans tous ses détails, signée ; Léon Toupet, XIXe siècle.
— Suite de curieuses eaux-fortes, par Eug. Béjot, représentant le pont Marie et ses environs (1890-1892).
— Petite eau-forte carte de visite, signée : H. Paillard, portant celle mention : Paul Blondel, 30, rue Fontaine.
LUCIEN LAMBEAU.
M. Formigé fait observer que, puisqu'on élargit la rue, il se produira un étranglement à l'entrée du pont.
M. Lucien Lambeau répond que le pont est plus large que la rue et que cp danger n'est pas à craindre.
10, — Rapport présenté par M. Grimault, inspecteur des fouilles, sur la reconstitution du trace de l'emplacement de la Bastille et sur les fouilles en cours.
M. Grimault. — Messieurs, au nom de la 2e sous-Commission, j'ai l'honneur de vous communiquer la lettre suivante qui m'a été adressée par M. Metz, sous-ingénieur principal,
principal, de la 3e circonscription de la voie publique.
Paris, le 19 juin 1920,
Notre service fait exécuter, en ce moment, la remise en état du trottoir place de la Bastille, entre les rues Saint-Antoine et de la Bastille.
Nous profitons de l'exécution de ces travaux pour rétablir au n° 5 le tracé de l'ancienne forteresse, conformément ad plan dressé par M. Ch. Sellier, en date du 20 décembre 1901.
Je vous informe que je me tiens à votre disposition pour vérifier le tracé rectifié que nous établissons.
Je vous prie d'agréer, etc..
Dès la réception de cette lettre, je me suis mis en relations avec M. Metz et, le 22 juin dernier, en me servant comme base du plan dressé par M. Ch. Sellier, dont copie est dans les archives de la Commission, ainsi que des documents si précis de M. Hoffbauer, qui je confirment, j'ai vérifié et reconnu exact le tracé sur place fait par M. Metz, au droit du n° 5, place fie la Bastille.
Si l'attention de certains membres de la Commission a été attirée par les travaux en cours d'exécution, ils ont dû constater une différence assez sensible entre le tracé qui vient d'être fait et celui fait précédemment, dont certains vestiges étaient encore visibles.
Voici l'explication que je crois pouvoir en donner.
Pendant la période de guerre, on a procédé à l'élargissement des trottoirs place de la Bastille, dans la partie comprise entre la pue de la Bastille et le boulevard Henri-IV, et au déplacement des arbres qui ont été éloignés des façades. La réfection des trottoirs était temporaire et le tracé sur le sol a dû être refait par à peu près.
Au sujet du tracé sur le sol de la voie publique, du périmètre de l'ancienne forteresse, permettez-moi de rappeler en deux mots quelles furent ses origines.
A la séance de la Commission du Vieux Paris, du 13 avril 1899, M. Mareuse disait, à la fin d'un rapport très documenté sur la Bastille :
« Il me reste encore à dire quelques mots du tracé sur le soi, dont le Comité des Inscritions parisiennes avait pris l'initiative en 1880 ; notre regretté collègue, M. Cousin.
— 180 —
l'avait proposé le 24 mars ; M. Hérold, alors Préfet de la Seine, s'était vivement intéressé au projet, désirant qu'il fût réalisé le 14 juillet, d'autant plus qu'on voulait donner celte année-là un grand éclat à la consécration de la prise de la Bastille, cette fête n'étant célébrée de nouveau que depuis Tannée précédente.
« Le 9 juin, M. Vacquer traçait, d'après le plan de Verniquet, un plan provisoire qu'il a rectifié depuis pour l'exécution el le tracé était terminé à la date convenue. »
A la séance du 10 avril 1902, M. le Préfet de la Seine, président de la Commission, communiquait une lettre de M. de Pontich, directeur administrateur des travaux de Paris, de laquelle j'extrais ces quelques lignes :
« Le soussigné a l'honneur d'informer M. le Préfet que le tracé de l'ancienne Bastille a été rectifié sur place (boulevard Henri-IV, pavage en bois), conformément aux indications données par M. Ch. Sellier, inspecteur des fouilles archéologiques, secrétaire de la Commission du Vieux Paris et que ces rectifications continueront ultérieurement lorsque des réfections de revêtement seront nécessaires, "
C'est le plan auquel il vient d'être fait allusion qui a servi pour exécuter le tracé fait ces jours derniers.
Le tracé primitif de Vacquer, légèrement modifié par M. Sellier, ne devait avoir qu'une durée éphémère : en effet, à la séance de la Commission du 27 février 1909, M. Mareuse signalait déjà que le profil de la Tour de la Comté, qui était située du côté regardant le faubourg, au coin sud-est, avait disparu par suite de travaux, et il faisait adopter un voeu demandant que le rétablissement de ce profil fût exécuté. »
Plus tard, dans un rapport du 14juin 1913, M. Ch. Magne, inspecteur des fouilles, disait :
« Les travaux exécutés en avril et mai 1913, pour l'équipement électrique des lignes de tramways de la compagnie générale des omnibus, ont nécessité le remaniement du pavage de la place de la Bastille et des rues avoisinantes.
« Nous avons constaté qu'en maints endroits le tracé indiquant l'emplacement de la Bastille à disparu.»
Enfin, au nom de la 1re Sous-Commission, M. Tesson dit à la séance du 9 mars 1918 :
« Diverses personnes ont déjà signalé les lacunes existant dans le pavage de la place de la Bastille, spécialement aménagé pour rappeler par un tracé l'emplacement de l'ancienne prison.
" C'est avec une exactitude absolue que ce tracé avait, à l'origine, été établi; une vérification avait pu en être faite lors de la découverte de la partie inférieure de la tour dite de la Liberté, dont les morceaux ont été remontés quai des Célestins. "
M. Deslandres a estimé qu'on ne pouvait guère, en ce moment, faire exécuter les travaux de réfection du tracé, et la Commission, sur sa proposition, a adopté un voeu tendant à demander à l'Administration de s'en occuper dès que cela lui sera possible.
Actuellement, ce tracé a presque complètement disparu ; si on le retrouve en partie sur les trottoirs de la rue Saint-Antoine et du boulevard Henri IV, il n'en subsiste plus que des traces à peine visibles, çà et là, sur la place de la Bastille, et il est presque impossible de reconstituer sur place, à l'aide de ces éléments, l'emplacement occupé par l'ancienne forteresse.
Des travaux assez importants vont être entrepris prochainement, place de la Bastille, pour l'établissement de conduites de gaz : ces travaux vont retarder la remise en étal de la viabilité, il est à désirer qu'ils soient conduits le plus rapidement possible, pour que, dans un avenir prochain, le tracé du périmètre de l'ancienne Bastille puisse être refait sur le sol d'une manière exacte.
Pendant le dernier trimestre un certain nombre de fouilles ont été suivies attentivement :
Rue de Lyon, 55. Boulevard Richard-Lenoir, 53. Rues d'Ulm et Gay-Lussac, établissement d'une conduite de gaz, Rue Linné.
Place de la Bastille, au droit du n° 5. Mais aucune n'a donné de résultat intéressant.
Les fouilles sur l'emplacement du couvent des Minimes n'ont pas tenu ce qu'elles promettaient, du moins jusqu'à ce jour.
M. le colonel Plique, commandant la gen-
— 181 —
darmerie, m'a remis la plaque de cercueil de Messire Leclerc de Courcelles, dont M. le docteur Capitan vous a entretenu à la dernière séance ; cette plaque est actuellement à Carnavalet.
A ce sujet, M. le colonel Plique a témoigné le désir que celte plaque lui fût restituée, quand les travaux de la nouvelle caserne de gendarmerie seront achevés, ayant, dit-il, l'intention de la replacer à l'endroit même où elle fut découverte, emplacement qui sera alors occupé par la salle d'honneur du régiment.
11. — Ajournement provisoire des encouragements à donner pour la publication d'ouvrages sur l'histoire de Paris.
M. L. Tesson, au nom de la 1re SousCommission, dit que la proposition déposée par M. Debidour, dont le texte a été reproduit dans l'un de nos derniers procès-verbaux, et qui est relative à un projet d'encouragements à donner pour la publication d'ouvrages se rapportant à l'histoire de Paris, a été retenue et considérée comme très intéressante, au moment où des difficultés matérielles de toute sorte font obstacle à la mise au jour de travaux importants, qu'il y aurait grand avantage à faire connaître.
Pour donner à cette proposition toute l'ampleur qu'elle mérite, il a semblé à la 1re SousCommission que les conditions actuelles de l'industrie parisienne ne se prêteraient pas à une réalisation fructueuse. Par ces considérations, il vous est proposé d'ajourner provisoirement l'étude du projet et de décider que sa mise à l'ordre du jour sera effectuée dès que les circonstances le permettront.
Adopté.
12 — Examen, avec projections, des dossiers du casier archéologique et artistique se rapportant aux VIIIe et IXe arrondissements.
M. Louis Bonnier, inspecteur général des services techniques d'architecture et d'esthétique. — Des artistes dramatiques célèbres habitèrent les maisons de la rue de la Tour-des-Dames, dont nous vous présentons
les vues. Sur la limite de l'ancien domaine abbatial des religieuses de Montmartre, cette rue faisait partie du quartier baptisé la Nouvelle-Athènes, où, jusqu'en 1870, attirés par la quiétude et le charme des grands jardins qui y étaient encore, tant d'intellectuels venaient chercher un lieu d'asile.
Au n° 1, la petite façade à l'italienne serait celle d'un pavillon occupé, dit-on, par Mademoiselle Mars. L'immeuble contigu, au n° 3, présente un casin de même famille et, côté rue, une cour demi-circulaire rompant heureusement la monotonie de l'alignement. On y garde le souvenir de Mademoiselle Duchesnois. Le propriétaire, le docteur Berlioz, a tenu à conserver la chambre de l'actrice, avec le décor très typique du temps, que nous retrouvons, moins complet mais aussi caractérisé, dans une des pièces de l'hôtel voisin, au n° 9. C'est là que, en 1821, à l'apogée de sa carrière, vint habiter Talma. Il y mourut en 1826. On voit encore, dans la pièce en question, les glaces multiples où il étudiait ses altitudes, et, dans la frise, décelant les goûts littéraires de l'époque, les médaillons de Corneille et de Racine au même plan que ceux de Népomucène Lemercier et de Luce de Lancival.
Très « Vieux Paris » est l'aspect des constructions, aux nos 14, 16, 18, de l'autre côté de la rue. Elles abritaient autrefois la Poste aux chevaux.
Le bel hôtel de la lin du XVIIIe siècle, dont la façade de grande allure s'ouvre au n° 10 de la rue de la Grange-Batelière, laisse encore deviner dans ses cours, malgré les adjonctions d'annexes et de surélévations, un parti architectural en parfaite harmonie avec celui de la façade sur rue. Le passage de portecochère, l'escalier et le vestibule sont demeurés presque intacts, ainsi qu'un salon d'un appartement au deuxième étage, avec ses boiseries sculptées. M. de Nolivos, capitaine aux gardes françaises, fut le premier possesseur de cette demeure, qui eut sa célébrité sous le romantisme, par le cénacle qui s'y réunissait dans l'appartement d'Alfred Tattet.
A la façade de l'ancien cabaret du ChatNoir, 12, rue Victor-Massé, nous signalons les deux lanternes en fer forgé, que composa Grasset, puis, rue Taitbout, n° 80, le square d'Orléans, autrefois cité des Trois-Frères. Une lettre de George Sand évoque le petit phalanstère qu'elle avait édifié à cet endroit, avec la comtesseMarliani et quelques intimes, dont Chopin, alors que " l'on courait le soir
- 182 —
les uns chez les autres, comme de bons voisins de province ».
Quittant pour un instant le IXe arrondissement, nous présentons, au n° 28 du boulevard Ma esherbes, l'hôtel que l'architecte Paul Sédille édifia pour lui et les siens. Nous n'avions pas encore pu vous présenter de vues intérieures de cette belle oeuvre, si personnelle.
L'historien Mignet mourut dans l'immeuble des nos 12 et 14 de la rue d'Aumale, dont la cour est assez curieuse. Avec son couronnement en forme de petit temple, voici une maison au n° 30 de la rue Saint-Lazare. Nous y avons vu un salon de style Empire. Puis, voici, 51, rue Saint-Georges, l'hôtel du financier Millaud, fondateur du Petit Journal. Sa façade sur jardin, malheureusement obstruée dans sa partie inférieure par une véranda, avec son allure de petit palais italien, atteste bien la mode de l'époque. Aujourd'hui occupé par l'Université des Annales, il n'a gardé, de son décor intérieur, qu'un escalier et un atrium qui sont de style pompéien du milieu du XIXe siècle.
Nous nous retrouvons encore dans le VIIIe arrondissement, avec l'hôtel au . n° 18 du Cours Albert-Ier, construit pour Charles Ferry par l'architecte Mewes. Nous avons attendu pour vous le présenter quelques vues de détail qui viennent de nous être communiquées par le fils de l'artiste.
Le n° 44 de la rue de Clichy nous fournit, d'une maison de style Empire, deux photographies, dont celle sur jardin, avec la terrasse, les arbres et les bancs, semble bien annoncer la classique pension de famille qui l'occupe en ce moment. Nous n'accompagnerons d'aucun commentaire les vues extérieures et intérieures de l'immeuble du n° 9 de la rue Cadet. Le legs Duthuit en a rendu la Ville propriétaire et, à son sujet, vous vous rappelez le travail très documenté, publié par notre Bulletin, qu'y consacra notre collègue M. Lucien Lambeau;
Le consulat du Grand-Duché de Luxembourg fut installé un moment dans l'immeuble du n° 50 de la rue Saint-Lazare, dont la façade tient son principal caractère de l'ordonnance du 1er étage, avec ses arcades à tympans décorés. A cette délicate architecture s'oppose de façon assez brutale celle des lucarnes, d'aspect rustique.
En dehors des beaux jardins de ses' hôtels aristocratiques, il existe encore plus qu'on ne le croit, dans certains de nos arrondissements,
arrondissements, le IXe, de vastes espaces planté», autour desquels se distribuent des habitations, tel celui du n° 5 de la rue Victor-Massé qui causa à la Commission, lors de sa visite, une agréable surprise.
Notons, dans cet ordre d'idées, vivifié par l'air et la verdure, le passage, au n° 56 de la rue Saint-Lazare. La maison qu'on y voit à gauche au premier plan a son entrée au 58 de la même rue. Nous y avons remarqué, dans un décor Empire bien conservé, un salon, une chambre à pans coupés, avec son ordonnance de fines colonnettes et son alcôve.
De même famille que le square d'Orléans, est, avec sa façade à prétention classique, précédée d'une vaste pelouse, l'immeuble du
n° 20 de la rue de Navarin.
Dans l'accompagnement des arbres, séduisante par sa sinuosité, où s'étagent des pavillons, l'avenue Frochot réunit la rue VictorMasse à la place Pigalle. Victor Massé, Dumas père, en furent les hôtes notoires. Une autre célébrité, celle de Géricault, s'attache au n° 23 de la rue des Martyrs; on y voit encore son atelier.
Au n° 20 de la rue Bergère, l'imprimerie Chaix, dont la façade, de construction récente, est de l'architecte Friesé, conserve quelques vestiges de l'hôtel somptueux de Lenormand de Mézières, qui acquit le terrain en 1758. Des ordonnances de façades, bien défigurées, y apparaissent encore. On y a heureusement sauvé un fort beau salon.
Installé en 1893 au n° 121 de la rue du Faubourg-Poissonnière, le lycée Lamartine occupe en partie ce qui reste d'un ancien hôtel bâti à la fin du XVIIe siècle par Pierre Bonchamps, compositeur de la Chambre du roi, et que, en 1734, Phélippeaux, duc de la Vrillière, fit aménager et décorer. La jolie pièce, aux arabesques peintes, qui sert de cabinet à la directrice, daterait de ce temps. Citons encore, dans la liste des propriétaires, la marquise d'Urfé, belle-fille de Mme du Châtelet, et Duclos-Dufresnoy, qui, à la veille de la Révolution, en ordonna les jardins dont quelques traces subsistent encore du côté de l'administration.
L'immeuble du n° 4 de la rue Saint-Georges nous montre, dans le style Directoire, un petit hôtel dont une des façades sur cour, composée d'alvéoles raccordées entre elles, produit, tant a l'intérieur qu'à l'extérieur, un dispositif assez imprévu. La décoration à fines colonnes de l'une des pièces, quelques
- 183 —
cheminées et particulièrement la frise à l'antique de la salle de bains, le petit vestibule à pans coupés, éclairé en coupole, composent les éléments d'un ensemble intéressant.
Vous vous rappelez que, ayant eu connaissance du projet de transformation de certaines parties du quartier de Passy, situé entre la Seine et les rues Berton et Raynouard, vous avez tenu, interrompant le cours normal de vos visites, à revoir encore, avant qu'il ne soit passé à l'état de souvenir, ce Coin si curieux. Grâce à l'obligeance de M.Leroy, nous avons pu parcourir l'ancien établissement des eaux et photographier quelques documents, dont un plan de 1790 et des aquarelles qui montrent la propriété au moment où les Delessert y étaient établis. En outre, voici l'escalier du parc flanqué des ifs colossaux, qui sont déjà figurés sur le vieux plan ; voici l'orangerie et la terrasse qui la surmonte: voici l'ancienne maison de Delessert et le chalet rapporté de Suisse en 1825.
A côté, nous montrons ce qui reste de la propriété de Marie de Durfort, veuve de Lauzun. Elle appartint en 1783 à la princesse de Lamballe. En 1846, le docteur Blanche y installa sa maison de santé.
Pour terminer, nous montrons quelques aspects de la rue Berlon, qui longe la propriété sur deux côtés. Ils sont composés à souhait pour les amateurs de pittoresque, ces coins classiques du Paris d'hier où le passé semble survivre.
13. — Question de la création d'une Commission historique de la banlieue.
M. Elie Debidour rappelle les différents aspects de la question, soulevée par M.Gustave Doussain, conseiller général, relativement à la création d'une Commission historique de la banlieue, et fait l'historique de cette affaire qui a reçu récemment sa solution au Conseil général, à la suite d'un accdrd unanime. La reproduction des débats auxquels elle a donné lieu permettra, au demeurant, dé la suivre dans les détails.
M. le Président se félicite que l'intérêt porté par la Commission du Vieux Paris à la banlieue parisienne ait pu être reconnu de si heureuse façon.
L'incident est clos.
Extrait du Bulletin municipal officiel du jeudi 26 février 1920.
RENVOI AU BUREAU ET A L'ADMINISTRATION D'UNE PROPOSITION DE M. GUSTAVE DOUSSAIN RELATIVE A LA
CONSTITUTION D'UNE COMMISSION HISTORIQUE DES COMMUNES SUBURBAINES.
M. GUSTAVE DOUSSAIN. — Messieurs, vous avez tous entre les mains le texte de la proposition que j'ai eu l'honneur de déposer, d'accord avec un grand nombre de mes collègues, en vue d'obtenir la création d'une Commission historique des communes suburbaines. Je ne crois donc pas nécessaire de développer à nouveau longuement les motifs de mon intervention.
A la réunion du 31 décembre dernier, notre collègue M. Henri Sellier appelait déjà votre attention sur là nécessité qui s'impose de sauvegarder les rares échantillons qui subsistent encore du passé historique de nos communes.
C'est pour concrétiser la suggestion de M. Henri Sellier, suggestion d'autant plus légitime, d'autant plus impérieuse que les vestiges du passé, dans notre banlieue, sont beaucoup plus nombreux qu'on ne le croit communément, qu'ils sont peu connus et que par conséquent, ils ne sont pas estimés à leur juste valeur, que nous considérons comme nécessaire de prendre toutes les mesures urgentes pour tes préserver de la ruine, de la destruction et de la cupidité des brocanteurs.
Il s'agit d'aménager, autour de toute cette beauté qui meurt, une protection qui sera confiée à un organisme fonctionnant exactement sur les mêmes bases et d'après les mêmes principes que la Commission du Vieux Paris.
M. DEVILLE. — C'est extrêmement intéressant.
M. GUSTAVE DOUSSAIN. — Mais il n'est nullement question de doubler la Commission du Vieux Paris ou de lui faire une concurrence.
M. DEVILLE.— Il faut que ce soit un organe absolument autonome.
M. GUSTAVE DOUSSAIN. — Nul plus que nous ne rend hommage à l'oeuvre de la Commission du Vieux Paris; nul plus que nous n'éprouve une profonde admiration pour la générosité de son action et les éminents services qu'elle rend tous les jours. Mais elle a sa tâche propre; la Commission que nous vous demandons do constituer aura la sienne. Toutes deux agiront en parfait accord et se prêteront un cordial et mutuel appui. Elles poursuivront un but identique, mais chacune dans un rayon d'action déterminé.
Il n'est pas douteux que la Commission historique des communes suburbames ne se tourne fréquemment — et elle ne saurait faire mieux — vers la Commission du Vieux Paris, pour s'inspirer non seulement de son exemple, mais aussi de ses conseils et de ses avis. C'est le plus bel hommage que
- 184 —
la soeur cadette, que vous allez tout à l'heure créer, puisse rendre à cette soeur aînée.
Dans cet esprit, nous vous demandons de bien vouloir adopter le projet de délibération suivant :
« Le Conseil général,
« Considérant que chaque jour on voit disparaître des vestiges de l'histoire de la banlieue parisienne, sans que personne, au nom du Département, ait mission de s'en occuper d'une façon officielle;
« Qu'il y a lieu de combler cette lacune,
« Délibère :
« 1° L'Administration est invitée à créer une Commission qui prendra le nom de « Commission historique des communes suburbaines », composée do conseillers généraux élus par le Conseil, de chefs de service et de techniciens, d'érudits et d'artistes qui se seront signalés par leurs études sur l'histoire de la banlieue.
« Elle sera chargée de rechercher les vestiges de l'ancienne banlieue parisienne, de constater leur état actuel, de veiller dans la mesure du possible à leur conservation, de suivre au jour le jour les fouilles qui pourraient être entreprises et les transformations jugées indispensables, et d'en conserver des preuves authentiques.
«Elle sera chargée également de grouper et classer tous les documents qui se rapportent à l'histoire des communes, aux personnages célèbres qui y sont nés ou qui y ont vécu, aux faits mémorables dont elles ont été le théâtre;
« 2° Un rapport des travaux de la Commission sera soumis périodiquement au Conseil général et publié. »
M. DEVILLE. — Il faudrait demander le renvoi à une Commission.
M. GUSTAVE DOUSSAIN. — Je demande le renvoi à l'Administration, parce que c'est elle, je crois, qui peut créer cette Commission.
M. DBVILLE. — Ce sera une Commission intéressante, mais à la condition qu'elle soit indépendante de la Commission du Vieux Paris.
M. GUSTAVE DOUSSAIN. — Evidemment, elle ne peut avoir avec elle que des rapports affectueux.
M. AMBROISE RENDU. — Je tiens à vous signaler les monographies qui existent déjà.
M. GUSTAVE DOUSSAIN. — Notre collègue M. Ambroise Rendu fait allusion aux intéressantes monographies de M. Ferdinand Bournon. Des travaux de ce genre doivent être retenus et étudiés par un organisme spécialement compétent. Voilà pourquoi je demande le renvoi de ma proposition au Bureau et à l'Administration.
M. BONAL. — Je demanderai même à la Commission
Commission Vieux Paris de communiquera ta Commission, qui va être instituée en banlieue, tous les documents qu'elle possède concernant les monuments historiques de la banlieue.
M. LE CORBEILLER. — En ma qualité de vice-président de la Commission du Vieux Paris, vous me permettrez de faire quelques observations au sujet de la proposition que vient de faire notre collègue. J'ajoute que la façon dont M. Deville a appuyé cette proposition me force à intervenir.
M. DEVILLE. — J'entends que ces Commissions soient indépendantes l'une de l'autre.
M. LE CORBEILER. —- Messieurs, bien que l'arrêté constitutif de la Commission du Vieux Paris ne fasse pas mention du Département de la Seine, la Commission a toujours confondu celui-ci avec la Ville de Paris elle-même dans l'objet de ses études. Aucun doute, aucune hésitation, aucune divergence de vues ne s'est jamais produite à cet égard, et la Commission corroborant la conception, tacitement admise, de son rôle, s'est de plus à plusieurs reprises expressément prononcée sur ce point.
Le 11 juin 1899, M. Le Roux, alors Directeur des Affaires départementales, exposait de façon très nette l'opinion que la banlieue devait tenir une place importante dans les travaux de la Commission, et il lui était répondu, le 6 juillet de la même année, que son projet, chaudement appuyé par le docteur Capitan et par M. Gosselin-Lenôtre, était déjà entré dans la réalité, la Commission ayant, quelques mois après sa création, spontanément étudié (notamment à Arcueil, Alfortville et au Pré-Saint-Gervais) une série de vestiges anciens dans la banlieue.
Bien mieux, dès cette époque, un plan méthodique d'investigations et de travaux en banlieue était mis sur pied. Le 13 mars 1900, le Préfet de la Seine, suivant les suggestions de la Commission, adressait à tous les maires du département un questionnaire détaillé, les invitant à faire connaître tous les vestiges historiques et archéologiques se trouvant dans leur commune et à signaler tout ce qui leur paraîtrait mériter étude, sauvegarde, restauration. Ils étaient priés de s'entourer pour dresser cet état de toutes tes compétences locales.
Ces témoignages attestent suffisamment que la Commission du Vieux Paris a toujours considéré la banlieue comme son domaine. Le Conseil général est représenté dans son sein. Nombre de ses membres partagent également leur curiosité et. leur activité entre la Ville de Paris et les communes suburbaines, et il est constant qu'elle a indistinctement et avec autant de fruit, étudié l'une et les autres. Quarantesept communes ont été visitées par elle et n'ont pas donné lieu à moins de vingt-six rapports, dont onze peuvent être considérés comme très importants. En ce qui concerne l'archéologie proprement dite, et la préhistoire, elle étudie : à Alfortville, un pseudomégalithe; à Pierrelaye, un cimetière gaulois; un trésor numismatique découvert à Nanterre.
En rapports suivis avec un archéologue local, M. Mentionne, elle s'occupe à maintes reprises des
— 188 —
fouilles de Bry-sur-Marne, qui révèlent notamment un cimetière gallo-romain et mérovingien. Certaines questions font de sa part l'objet de travaux suivis; elle étudie plusieurs années de suite au sud de Paris le régime des eaux romaines, met à jour à I'Hay des portions importantes de l'aqueduc romain, retrouve à Wissous, près Rungis, l'important bassin de rassemblement des eaux destinées à Lutèce.
En ce qui concerne les périodes plus rapprochées, elle manifeste une activité plus grande encore. Elle s'attache au régime des anciennes adductions d'eau du nord de Paris, propose le classement de la fontaine du Pré-Saint-Gervais et de cinq regards. Dès 1900, elle préconise, d'accord avec la municipalité de Vincennes et la société des amis de cette ville, la désaffectation du château et son utilisation comme musée. Le 12 juillet 1919 elle s'est de nouveau transportée sur place et a de nouveau émis un voeu en ce sens.
Sur un signalement, elle procède à la visite de l'église de Champigny, dont certaines réparations menacent le caractère, en fait relever photographiquement divers aspects, demande à l'Administration d'exercer un contrôle attentif sur les travaux. Elle établit toute une série de rapports en vue du classement de diverses églises (Pantin, Montreuil, Vincennes, Vitry, Nogent, Noisy-le-Sec, etc.).
Enfin la Commission se transporte fréquemment en banlieue pour constater l'état des monuments menacés. Elle a visité les châteaux d'Issy, de Choisy, de Neuilly, de Vitry, l'abbaye de Saint-Maur; à Bagnolet, où elle s'est rendue à plusieurs reprises, elle émet un voeu tendant à la restauration de l'Ermitage du Château; elle demande l'affectation du château d'Asnières en vue de sa conservation. Elle retrouve récemment encore, à Fontenay-sous-Bois, des restes de pierres tombales du cimetière des Innocents, dont elle fait une restitution.
En un mot, pénétrée des rapports qui à tant de points de vue unissent l'agglomération parisienne et la banlieue, la Commission du Vieux Paris s'est toujours considérée comme investie d'une mission générale s'appliquant à la région parisienne tout entière et a orienté ses études en ce sens.
Le Conseil général l'a toujours compris ainsi puisqu'il a accordé, dès le début, à la Commission du Vieux Paris, une subvention de 5.000 francs et que, au mois de décembre dernier, il a porté cette subvention à 10.000 francs
Je ne trouverais que des avantages à voir augmenter à ta Commission le nombre des membres du Conseil général représentants la banlieue. Les membres nommés par le Conseil général ont peut-être été jusqu'ici trop souvent pris parmi les conseillers municipaux de Paris. Cependant, lorsque, au mois de décembre dernier, M. de Castellane a été nommé par le Conseil général, il avait sollicité cette nomination comme président des Amis de Vincennes.
Le bureau du Conseil général, si vous lui renvoyez la proposition de notre collègue, proposera ce qu'il jugera convenable et M. le Préfet prendra le parti qui lui semblera le meilleur. Je tenais, seulement,
seulement, apporter ici les preuves de la sollicitude que la Commission du Vieux Paris a toujours manifestée à l'investigation et à la conservation des monuments anciens et des vestiges du passé dont le département de la Seine est si riche encore..
M. GUSTAVE DOUSSAIN. — Messieurs, la façon dont j'ai présenté ma proposition, et les commentaires que j'y ai ajoutés, ne doivent laisser dans votre esprit aucun doute sur notre pensée. J'ai eu soin de préciser que nous n'avions jamais songé à instituer en face de la Commission du Vieux Paris une Commission rivale; mais nous croyons que, quels que soient la bonne volonté et le dévouement des membres de la première, elle ne peut songer à embrasser le Département tout entier.
M. Le Corbeiller nous a cité un certain nombre de travaux extrêmement intéressants entrepris par la Commission du Vieux Paris. Je pourrais en signaler beaucoup d'autres auxquels la Commission n'a pu songer parce qu'ils dépassent la limite de son action.
Nous vous demandons donc de vouloir bien adopter notre voeu, la Commission que nous voulons constituer n'étant ni une doublure de la Commission du Vieux Paris, ni un organe concurrent. Cette nouvelle Commission, au contraire, répondrait à de réels besoins et constituerait un organisme que nous considérons comme indispensable.
M. GEORGES LEMARCHAND. — Très bien !
M. PHILIPPE. — Je m'associe entièrement a la proposition qui vient d'être déposée par notre collègue. J'estime qu'elle est d'une inspiration heureuse. J'espère qu'à l'aide de cette Commission nous pourrons obtenir la restitution d'un certain nombre d'objets curieux intéressant l'histoire de la ville de SaintDenis et de très rares incunables et manuscrits dont la basilique de Saint-Denis a été dépouillée au profit des musées et des bibliothèques de l'Etat.
Si, à l'aide de cette Commission, nous pouvons obtenir la restitution de ces objets qui intéressent d'une façon directe l'histoire de Saint-Denis, vous aurez obtenu un excellent résultat.
M. LE PRÉSIDENT. — Il n'y a pas d'opposition. Renvoyé au Bureau et à l'Administration.
Extrait du Bulletin municipal officiel du jeudi 17 juin 1920.
33. — RENVOI A L'ADMINISTRATION D'UNE RÉSOLUTION RELATIVE A LA TRANSFORMATION DE LA COMMISSIQN DU VIEUX PARIS.
M. LOUIS RENAULT, au nom du Bureau. — Messieurs, au cours de la séance du Conseil général du 25 février 1920, M. Doussain déposait en son nom et au nom de plusieurs de ses collègues la proposition suivante qui fut renvoyée au Bureau du Conseil et à l'Administration, avec avis favorable :
- 186 -
« Le Conseil général,
" Considérant que chaque jour on voit disparaître des vestiges de l'histoire de la banlieue parisienne, sans que personne, au nom du Département, ait mission de s'en occuper d'une façon officielle ;
« Qu'il y a lieu de combler cette lacune,
« Délibère :
« L'Administration est invitée à créer une Commission historique des communes suburbaines, composée de conseillers généraux élus par le Conseil, do chefs de service et de techniciens, d'érudits et d'artistes qui se seront signalés par leurs études sur l'histoire de la banlieue.
« Elle sera chargée de rechercher les vestiges de l'ancienne banlieue parisienne, de constater leur état actuel, de veiller dans la mesure du possible à leur conservation, de suivre au jour le jour les fouilles qui pourraient être entreprises et les transformations jugées indispensables, et d'en conserver des preuves authentiques.
« Elle sera chargée également de grouper et classer tous les documents qui se rapportent à l'histoire des communes, aux personnages célèbres qui y sont nés ou qui y ont vécu, aux faits mémorables dont elles ont été le théâtre ;
« Un rapport des travaux de la Commission sera soumis périodiquement au Conseil général et publié.»
Prévoyant l'émotion bien naturelle que sa proposition devait soulever parmi les membres de la Commission du Vieux Paris, M. Doussain, avait fait précéder le dépôt de sa proposition de cette déclaration :
« Nul plus que nous ne rend hommage à l'oeuvre de la Commission du Vieux Paris ; nul plus que nous n'éprouve une profonde admiration pour la générosité de son action et les éminents services qu'elle rend tous les jours. Mais elle a sa tâche propre. La Commission que nous vous demandons de nommer aura la sienne. Toutes deux agiront en parfait accord et se prêteront un cordial et mutuel appui. Elles poursuivront un but identique, mais chacune dans un rayon d'action déterminé.
« Il n'est pas douteux que la Commission historique des communes suburbaines ne se tourne fréquemment — et elle ne saurait faire mieux — vers la Commission du Vieux Paris, pour s'inspirer non seulement de son exemple, mais aussi de ses conseils et de ses avis. C'est le plus bel hommage que la soeur cadette, que vous allez tout à l'heure créer, puisse rendre à cette soeur aînée, n
Cet hommage rendu à la Commission du Vieux Paris n'empêcha pas notre honorable collègue M. Le Corbeiller, son président, d'intervenir à la tribune.
« Messieurs, nous dit-il, bien que l'arrêté constitutif de la Commission du Vieux Paris ne fasse pas mention du département de la Seine, la Commission
Commission toujours confondu celui-ci avec la Ville de Paris elle-même dans l'objet de ses études. Aucun doute, aucune hésitation, aucune divergence de vues ne s'est jamais produite à cet égard, et la Commission corroborant la conception, tacitement admise, de son rôle, s'est de plus, à plusieurs reprises, expressément prononcée sur ce point.
« Le 11 juin 1899, M. Le Roux, alors directeur des affaires départementales, exposait de façon très nette l'opinion que la banlieue devait tenir une place importante dans les travaux de la Commission, et il lui était répondu, le 6 juillet de la même année, que son projet, chaudement appuyé par le docteur Capitan et par M. Gosselin-Lenôtre, était déjà entré dans la réalité, la Commission ayant, quelques mois après sa création, spontanément étudié (notamment à Arcueil, Alfortville et au PréSaint-Gervais) une série de vestiges anciens dans la banlieue.
« Bien mieux, dès cette époque, un plan méthodique d'investigations et de travaux en banlieue était mis sur pied. Le 13 mars 1900, M. le Préfet de la Seine, suivant les suggestions de la Commission, adressait à tous les maires du département un questionnaire détaillé, les invitant à faire connaître tous les vestiges historiques et archéologiques se trouvant dans leurs communes et à signaler tout ce qui leur paraîtrait mériter étude, sauvegarde, restauration. Ils étaient priés de s'entourer, pour dresser cet état, de toutes les compétences locales. »
M. Le Corbeiller rappelait que le Conseil général est représenté au sein de la Commission du Vieux Paris, qui a toujours considéré la banlieue comme son domaine; que quarante-sept communes ont été visitées par cette Commission, qui étudie, à Alfortville, un pseudomégalithe; à Pierrelaye, un cimetière gaulois; à Nanterre, un trésor numismatique découvert dans cette ville.
Notre honorable collègue ajoutait que le Conseil général lui-même a toujours considéré la Commission du Vieux Paris comme investie d'une mission s'appliquant à la région parisienne tout entière puisqu'il a, dès le début, accordé à cette Commission une subvention de 5.000 francs, qui a été portée à 10.000 francs au mois de décembre.
Ainsi, dès la première heure, la Commission du Vieux Paris considérait la Commission, dont la création était réclamée par M. Doussain, comme une rivale arrivant sans titres avec l'intention de la sur planter dans l'exploitation d'une partie de son domaine et apparaissait la perspective d'un fâcheux conflit.
Bien que votre Bureau fût convaincu, Messieurs, de la nécessité qui s'imposait de démontrer aux populations suburbaines que la conservation des richesses historiques et archéologiques existant dans leurs communes est l'objet de la sollicitude du Conseil général et fût décidé, dans ce but, à donner largement satisfaction à M. Doussain et à ses collègues, il ne pouvait oublier le dévouement, l'activité, la compétence indiscutable mis au service de la banlieue par la Commission du Vieux Paris. Il n
— 187 —
pouvait se dissimuler que retirer à la Commission du Vieux Paris l'étude de tous les vestiges historiques des communes de banlieue semblerait un désaveu d'une action portant féconde, et froisserait profondément les savants et les artistes éminents qui composent cette Commission.
Aussi ne vit-il la solution de la question posée que dans la recherche d'un accord qui, tout à la fois, répondrait aux légitimes préoccupations do M. Doussain et ne porterait aucune atteinte aux prérogatives de la Commission du Vieux Paris.
Dans la recherche de ce terrain d'entente, notre Bureau fut puissamment aidé par les intéressés.
Sur la proposition de M. Doussain, une réunion, à laquelle assista M. Le Corbeiller, eut lieu dans le cabinet du Président du Conseil général. Puis M. Doussain fut invité à développer sa façon de voir devant les membres de la Commission du Vieux Paris.
De ces réunions, de ces conversations, sortit le projet d'accord suivant :
1° La Commission du Vieux Paris prendra désormais le nom de Commission municipale et départementale du Vieux Paris ;
2° Elle comprendra six conseillers généraux suburbains au lieu de quatre;
3° Seront appelés à en faire partie un certain nombre de savants de la banlieue, dont le chiffre sera fixé après avis de l'Administration et en raison du nombre des candidatures.
Cette transaction ne répond peut-être pas entièrement à ce que souhaitaient les représentants de la banlieue, mais elle met fin à un malentendu regrettable et nous épargne de pénibles froissements.
Il appartiendra aux maires des communes d'en combler les lacunes en constituant des Commissions municipales qui se tiendront en rapport avec la Commission municipale et départementale du Vieux Paris. Ces Commissions ne seraient que le groupement officiel des compétences dont, le 13 mars 1900, le Préfet de la Seine priait les maires de s'entourer pour répondre au questionnaire qu'il leur adressait afin de connaître les vestiges historiques et archéologiques existant dans leurs communes.
Au nom du Bureau du Conseil général, j'ai donc l'honneur de vous prier de renvoyer, avec avis favorable, à l'Administration, le projet de délibération ci-après :
« Le Conseil général,
" Vu la proposition déposée le 25 février 1920 par M. Doussain ;
« Vu les explications apportées à la tribune du Conseil par M. Le Corbeiller, vice-président de la Commission du Vieux Paris ;
« Vu le rapport de M. Louis Renault, au nom du Bureau,
« Délibère :
« 1° La Commission du Vieux Paris prendra désormais le nom de Commission municipale et départementale du Vieux Paris ;
« 2° Elle comprendra six conseillers généraux suburbains au lieu de quatre ;
« 3° Seront appelés à en faire partie un certain nombre de savants do la banlieue, dont le chiffre sera fixé après avis de l'Administration et en raison du nombre des candidatures. »
M. PHILIPPE. — Pourquoi, mon cher collègue, ne modifiez-vous pas le titre de la Commission que vous nous proposez d'instituer. Vous l'appelez Commission du Vieux Paris, alors que vous étendez compétence à toute la banlieue.
Le titre n'est donc plus exact.
M. LE CORBEILLER. — Elle s'est toujours occupée de la banlieue.
M. PHILIPPE. — Alors, qu'y a-t-il de changé ?
M. LE CORBEILLER. — Absolument rien.
M. PHILIPPE. — J'avoue ne pas comprendre.
M. LE CORBEILLER.— Cette question a été discutée pendant trois mois entre les membres du Conseil général qui l'avaient posée et les membres de la Commission du Vieux Paris. Vous avez peut-être lu le rapport que j'ai eu l'honneur d'envoyer à nos collègues. Dans ce rapport, j'ai établi que la Commission du Vieux Paris, dotée d'une subvention du Conseil municipal et d'une subvention du Conseil général, s'était toujours occupée des affaires de la banlieue et que par suite, en fait, il n'y avait rien à changer. Cependant, comme sur la proposition de M. Doussain, il semblait utile de changer quelque chose, comme M. Doussain désirait que cette Commission fût plus connue des maires des communes de banlieue dont elle semblait un peu éloignée et dont il voulait la rapprocher, on décida d'encourager la collaboration de ces maires aux travaux de la Commission du Vieux Paris.
Le moyen de réaliser ces vues consiste à augmenter le nombre des conseillers généraux faisant partie de la Commission et à nommer un certain nombre de personnes distinguées habitant la banlieue et qui, par conséquent, s'intéressent particulièrement aux antiquités de la banlieue sur lesquelles elles peuvent donner des indications plus spéciales et plus précises.
Dans la nouvelle délibération nous sommes donc d'accord pour demander à M. le Préfet d'augmenter le nombre des conseillers généraux faisant partie de la Commission et de désigner lui-même un certain nombre de personnes distinguées de la banlieue, s'intéressant aux questions artistiques ou possédant des connaissances en archéologie, en administration.
Il y a donc quelque chose de changé.
- 188 -
Maintenant, vous venez dire : « Mais qu'a-t-on changé au titre? » Il est évident que nous avons cherché à modifier le titre ou du moins à le compléter, à lui donner l'ampleur que vous désirez, Messieurs.
M. PHILIPPE. — C'était logique.
M. LE CORBEILLER. — Je vous assuré que les choses ont été faites sérieusement et que enlever à la Commission du Vieux Paris ce titre de « Vieux Paris », c'était lui enlever une de ces caractéristiques les plus intéressantes. Je répète qu'elle s'est toujours occupée de la banlieue. Si nous avions pu l'appeler : « Commission du Vieux Paris et du Parisis », c'eût été parfait, mais le Parisis n'a pas les mêmes limites que le département de la Seine. 11 restait à dire : « Commission du Vieux Paris et de la Vieille banlieue ». Mais cela n'a paru ni euphonique, ni intéressant.
M. PHILIPPE. — C'était la seule raison?
M. LE CORBEILLER. — C'en est une. Je n'en vois pas d'autres. Pourquoi changer un titre connu? Simplement pour le plaisir de changer?
Enfin, M. Doussain a fait remarquer que le titre était :" Commission municipale du Vieux Paris ». Immédiatement ou a lui a donné raison en le modifiant comme suit : " Commission municipale et départementale du Vieux Paris » et on a donné satisfaction au Département. Cependant, si vous avez un titre à proposer, un titre qui remplace avantageusement l'ancien et qui ne diminue pas l'importance de la Commission du Vieux Paris, proposez-le. Seulement, je vous assure que, jusqu'à présent, MM. Doussain, Renault, le Bureau du Conseil général et la Commission du Vieux Paris n'ont rien trouvé de mieux que ce que nous vous proposons.
Personne ne cherche à tirer la couverture à soi : nous avons fait à la Commission du Vieux Paris tout ce qui semblait désirable, mais, je le répète, si vous avez quelque chose à proposer, faites-le.
M. HENRI SELLIER. — Lors de la dernière session budgétaire, j'ai demandé au Conseil général et j'ai obtenu de cette Assemblée l'augmentation de la subvention qu'elle accordait à la Commission du Vieux Paris. A ce moment, j'ai fait observer que si, théoriquement, dans ses attributions, cette Commission avait la sauvegarde des vestiges d'art qui existent en banlieue, les moyens d'action dont elle disposait au point de vue financier lui interdisaient pratiquement toute intervention généralisée dans nos communes; d'accord avec M. Le Corbeiller, j'ai demandé que le Département augmentât sa subvention pour donner satisfaction à cette préoccupation.
Là-dessus s'est greffée la proposition de M. Doussain. Notre collègue a estimé à juste titre que le champ d'action, pratiquement plus étendu de la Commission du Vieux Paris, qui résultait de cette nouvelle disposition, devait avoir pour conséquence une extension de son organisation et la participation
participation ses travaux, soit comme em r participants, soit comme membres correspondants, de toutes les personnalités, nombreuses en banlieue, qui se préoccupent d'histoire locale et qui ont déjà sur différents points du département, réuni des documents extrêmement intéressants.
De ces deux propositions est résultée la formule qui vous est soumise aujourd'hui et qui consiste, d'une part, à adjoindre à l'ancienne Commission du Vieux Paris un plus grand nombre de conseillers généraux ; d'autre part, à faire appel à la collaboration des personnalités locales les plus qualifiées: enfin, en troisième lieu, à substituer à l'ancien titre de Commission municipale du Vieux Paris, le titre de Commission municipale et départementale du Vieux Paris.
A cet égard, je dirai que j'ai une opinion, quant à la forme, diamétralement opposée à celle de mon collègue et ami M. Philippe. Je dirai même que l'adjonction faite au titre de la Commission me parait fâcheuse et que le titre de la Commission n'eût pas dû être étendu, mais au contraire amputé: la Commission aurait dû s'appeler, purement et simplement, Commission du Vieux Paris.
VOIX DIVERSES. — Très bien! Il est encore temps !
M. HENRI SELLIER. — Quand on parle du Vieux Paris, il est entendu que si, du point de vue administratif, quelques divergences de vues peuvent surgir, en ce qui concerne l'action et l'intervention réciproques des différentes parties de l'aggloméralion, le Vieux Paris, au point de vue archéologique et historique, ce n'est pas seulement la partie de l'agglomération comprise dans l'enceinte des fortifications, c'est toute la région qui relève du patrimoine historique de Paris, de sa vie publique : Suresnes, avec les séjours de Henri IV..., le château de Vincennes..., la basilique de Saint-Denis..., ce sont toutes ces agglomérations rurales qui, au cours des âges, se sont à peu près urbanisées et qui représentent les éléments constitutifs de ce qu'on a appelé la vie de Paris.
Voilà la raison pour laquelle nous avons insisté sur ce fait qu'il ne suffisait pas à la Commission du Vieux Paris d'aller rechercher dans le centre de la Capitale les quelques vestiges archéologiques qu'on peut y sauvegarder, mais qu'il est grand temps d'aller de l'autre côté des fortifications trouver, dans les centres auxquels j'ai fait allusion, les restes historiques qui participent de la vie de Paris.
Quand je dis de Paris, je n'entends pas, je le répète, et nous n'entendons pas donner à cette formule: « Commission du Vieux Paris », une valeur administrative, mais bien une valeur historique et archéologique.
A partir du moment où nous avons eu une Commission du Vieux Paris, son nom seul suffit à indiquer quel fut sou champ d'action et si, à son ancienne composition, on ajoute des éléments qui soulignent encore plus que ce n'est pas une Commission exclusivement municipale parisienne, mais un organisme qui étend son champ d'activité sur tout ce qui embrasse la vie de Paris, j'ai entière
- 189 -
satisfaction. Je ne comprends pas quel intérêt il peut y avoir à allonger son titre de formules qui ne peuvent que le surcharger, alors que tous les travaux remarquables de celte Commission, qui, dans l'avenir, constitueront des éléments essentiels de la vie historique parisienne, sont considérés dans le monde entier, par tous les archéologues et les historiens, comme des monuments d'un haut intérêt pour la vie de Paris.
C'est la raison pour laquelle, je crois, il serait préférable de maintenir, purement et simplement, le titre de: « Commission du Vieux Paris », sans aucune espèce d'adjonction. (Très bien ! très bien !)
M. GUSTAVE DOUSSAIN. — Messieurs, j'exprime tout d'abord le regret que la discussion sur la proposition que j'avais déposée ait été soulevée en mon absence. J'étais en Commission et je m'en excuse. Je voudrais simplement dire mon mot sur la question.
Les conclusions du rapport de mon collègue M. Louis Renault donnent entière satisfaction aux auteurs de la proposition, proposition, qui avait été renvoyée simultanément à l'examen de votre Bureau, à l'examen de l'Administration, et, enfin même, à l'examen de la Commission du Vieux Paris.
Sans doute, Messieurs, au cours de ces différentes pérégrinations, la proposition a subi quelques modifications ? La forme sous laquelle elle se présente aujourd'hui devant vous est un peu différente de celle sous laquelle vous l'aviez tout d'abord entrevue.
En ce qui me concerne, je reconnais toujours mon enfant: on ne me l'a point changé en nourrice, et si quelques-uns de ses traits ont été modifiés, j'estime que sa physionomie générale est restée la même, que ses dispositions morales, et j'oserais presque dire ses vertus naissantes, sont demeurées intactes.
Aussi, c'est toujours avec la même sollicitude, la même tendresse, et j'oserai dire avec le même espoir que je me penche sur son berceau. (Très bien ! très bien !)
Messieurs, ces conclusions de mon collègue M. Renault ont été établies en parfait accord avec la Commission du Vieux Paris. Je veux profiter de l'occasion qui m'est offerte pour rendre de nouveau hommage à cette Commission dont je ne saurais oublier l'accueil. Il m'a suffi, en effet, de me rendre devant elle, à l'une de ses réunions où elle m'avait convoqué, pour exposer le fond de ma pensée et, pour donner à tous ses membres la certitude que mes intentions à son égard étaient absolument pures. Je suis certain qu'aujourd'hui les membres du la Commission du Vieux Paris savent qu'ils ont en moi, non pas un détracteur, non pas un jaloux, ainsi que cela a été insinué dans l'écho d'un journal, dont l'auteur a certainement péché plutôt par ignorance que par malveillance, mais au contraire un ami respectueux, un admi qui admire son oeuvre, qui souhaite de l'étendre davantage, qui souhaite surtout qu'elle soit mieux connue pour être
mieux appréciée pour ses mérites et les résultats qu'elle obtient.
Si l'on nous disait qu'il manque encore l'avis de l'Administration, je répondrais qu'à l'heure actuelle, il n'est plus besoin, pour connaître cet avis, d'un mémoire préfectoral, car cet avis a été proclamé publiquement et dans des circonstances solennelles par la plus haute autorité qualifiée pour l'exprimer, par M. le Préfet de la Seine lui-même, tout récemment ; alors que le Département recevait à l'Hôtel de Ville les municipalités suburbaines, M. le Préfet de la Seine, en des paroles éloquentes qui ont réjoui le coeur de tous les banlieusards, a célébré la beauté de notre banlieue.
Il a loué la délicatesse de nos sites et de nos paysages, la grâce coquette de nos vallées et la majesté riante de nos coteaux. Il a dit aussi combien il était désirable que tous ces trésors créés par la nature fussent mieux connus et rendus plus accessibles, afin d'être mieux aimés. Sans doute, on pourrait dire que M. le Préfet de la Seine a traité un seul côté de la question, mais le coin de sa pensée, qu'il nous a découvert si volontiers et avec tant d'amabilité, suffit pour la révéler tout entière. Nous savons que M. le Préfet de la Seine est un amoureux trop fervent de l'art et de la beauté pour ne pas entourer du même amour non seulement la nature éternelle, mais aussi toute la magnificence, toute la noblesse et tous les trésors que le génie de l'homme au cours des siècles n'a pas cessé d'ajouter à sa gloire. (Très bien! très bien !)
Dans ces conditions, il ne peut plus y avoir de désaccord. Un seul point cependant vient d'être soulevé par M. Henri Sellier, la Commission devait s'appeler « Commission municipale et départementale du Vieux Paris ». C'est sur ma demande que cette adjonction avait été faite au titre de la Commission.
Je tiens à montrer ici l'esprit de conciliation qui m'anime et j'accepte très volontiers, selon la proposition de M. Sellier, que la Commission du Vieux Paris s'appelle simplement « Commission du Vieux Paris ». J'aurai satisfaction si le mot municipal est enlevé. (Très bien! très bien!)
M. LE CORBBILLER. — Nous sommes tous d'accord.
M. GUSTAVE DOUSSAIN.— Dans ces conditions, je crois que nous sommes en parfait accord et que la proposition présentée au Conseil général sera ratifiée à l'unanimité.
M. LOUIS RENAULT, rapporteur. — Le nouveau titre qui vous avait été soumis n'était qu'un des termes d'une transaction intervenue entre M. Doussain, auteur de la proposition, et la Commission du Vieux Paris. Etant donné qu'aujourd'hui M. Doussain accepte, selon la proposition de M. Henri Sellier, d'appeler cette Commission « Commission du Vieux Paris », le bureau n'a pas de raison de se montrer plus royaliste que le roi et il se rallie également à la proposition de M. Henri Sellier.
M. PHILIPPE. — J'avais simplement posé une ques8
ques8
- 190 —
tion à M. Renault, en vue d'avoir une explication sur le titre, étant donné que cette Commission était nouvellement créée. On avait apporté, parait-il, un changement qui s'était traduit par une modification du titre. Le Bureau nous apportait cette délibération.
Je demandais à l'auteur de la proposition de nous éclairer sur un point qui me paraît un peu obscur. Vous nous apportez une modification et vous nous dites qu'il n'y en a pas. Vous changez le titre. Or, je demandais qu'il fût complété.
Il n'aurait pas été impossible de trouver rapidement la solution, d'adopter par exemple le titre suivant : Commission du Vieux Paris et de la banlieue. (Exclamations.)
M. GEORGES LEMARCHAND. — Saint Denis et Sceaux (Rires).
M. GISTAVE DOUSSUN — Le mot de banlieue a toujours un sens péjoratif.
M. PHILIPPE. — Ou bien Commission do l'histoire de Paris et de sa banlieue.
Je n'y tiens pas d'ailleurs. Je veux simplement faire remarquer à nouveau à mes collègues qu'il me paraît y avoir un peu de confusion dans le titre nouveau d'autant plus que la composition de la Commission qu'on disait inchangée, devait comporter quelques membres nouveaux de la banlieue.
Malgré la suppression que vous apportez dans votre titre, et sur laquelle tout le monde parait d'accord, je suis sûr qu'à l'expérience vous reconnaîtrez que ce titre devra être changé.
M. GUSTAVE DOUSSAIN. — Mes collègues et moi avons satisfaction. Nous ne demandons pas davantage; la Commission est une commission départementale.
M. FIANCETTE. — Le titre ne fait rien à la Commission : ce sont les membres qui la composent qui importent.
Le renvoi à l'Administration est prononcé (1920, C. 7).
14. — Extraits des débats du Conseil municipal intéressant le Vieux Paris.
Le marché Sainte-Catherine.
(Bulletin municipal officiel, du 21 mars 1921).
RENVOI A LA 3e COMMISSION D'UNE PROPOSITION DE M. LÉON RIOTOR RELATIVE A LA DÉMOLITION DU MARCHÉ SAINTE-CATHERINE.
M. LÉON RIOTOR.— Messieurs, nous sommes tous très désireux de décongestionner les quartiers malsains
malsains surpeuplés, d'y créer des espaces libres chaque fois que les habitants n'auront qu'à s'en louer et que notre budget n'aura pas à on souffrir.
L'occasion se présente ; vous pouvez, pour peu de chose, à deux pas de l'Hôtel de Ville, en pleine agglomération et sans détruire aucun logement, créer une nouvelle place publique, laquelle sera, en outre, datée par avance et sans qu'il vous en coûte rien, d'une spacieuse chambre souterraine dont vos services du nettoiement, ont tant besoin.
Il s'agit de remplacement contigu à la rue SaintAntoine (IVe arrondissement), occupé par les masures délabrées, grouillantes colonies d'énormes rats, qui constituent le marché Sainte-Catherine.
Dans ma proposition imprimée du 31 décembre 1919, je vous disais : « C'est un assemblage vétuste et malpropre qu'il importe de faire disparaître au plus tôt, tellement inutile que personne ne songera à le défendre. Toutefois, les solides raves voûtées de sa substructure pourront être conservées pour magasins ou ateliers municipaux, puisqu'on en cherche.
« Ce marché est devenu propriété privée, par suite d'héritage. Ceci ne doit pas nous arrêter. Vous n'attendrez pas, je pense, que le propriétaire actuel y ait fait édifier des immeubles à six étages ? Ce serait tracer do nouvelles rues contre lesquelles la conscience publique proteste d'avance... »
J'ajouterai que le terrain à acquérir est de 317 m. 92 ; le marché est loué jusqu'au 1er janvier 1930, à raison de 4.000 francs par an. Le propriétaire, M. P..., à Crépy-en-Valois, et son notaire, M. G. P..., à Senlis, seraient disposés à traiter à l'amiable.
Comment fut créée cette propriété insolite sur le sol de notre Ville? Ce point d'histoire n'est pas indifférent. Voici les « Lettres patentes » du roi Louis XVI qui autorisent un nouveau plan du marché à établir sur le terrain de la Couture Sainte-Catherine, données à Versailles le 6 janvier 1781, enregistrées on Parlement le 13 mars audit an :
« Louis, par la grâce de Dieu, roi de France et de Navarre : A nos aimés et féaux conseillers les gens tenant notre Cour de Parlement à Paris, salut. Par nos Lettres patentes du 18 octobre 1777, dûment enregistrées, portant établissement d'un marché sur le terrain de la Couture Sainte-Catherine, Nous avons, entre autres choses, approuvé le plan dudit marché, fait par le sieur Soufflot, tant pour les alignements et ouvertures que pour l'emplacement des étaux à boucheries, dos boulangers, de la poissonnerie et de différentes échoppes, en réservant des places vagues pour l'exposition des denrées que les gens de la campagne y apporteraient. Ces dispositions remplissaient alors l'objet que nous nous étions proposé ; mais le sieur abbé de Jarente, prieur cummendataire de la Couture Sainte-Catherine, ayant depuis proposé la percée d'une rue de communication de la rue de la Couture à celle de l'Egout, il on résultera nécessairement de nouveaux moyens de donner audit marché
— 191
plus de régularité et beaucoup plus de dégagements pour la circulation des habitants du quartier, l'arrivée ot l'exposition des denrées qui y seront journellement versées.
" Il nous aurait en même temps été remis un nouveau plan du local dressé par le sieur Brebion, architecte et contrôleur de nos bâtiments, lequel plan contient les changements dont il s'agit, d'après l'examen que nous en avons fait faire en notre Conseil, nous sommes décidés d'autant plus volontiers à en ordonner l'exécution, qu'en effet les distributions présentent plus d'emplacement à la voie publique, plus de facilité dans les communications entr'elles, et qu'en substituant ce plan au premier, il doit en résulter des avantages certains. A ces causes et autres à ce nous mouvant, de l'avis de notre Conseil et de notre certaine science, pleine puissance et autorité royale, Nous avons, par ces présentes, signées de notre main, approuvé et signé le. nouveau plan de distribution du marché de la Couture Sainte-Catherine, dressé par ledit sieur Brebion, lequel plan sera et demeurera annexé à nos présentes lettres et exécuté conformément aux distributions y énoncées, à condition que l'élévation à donner aux deux corps d'échoppes, exprimés dans la place principale du marché, n'excédera pas onze pieds sous l'égout de la couverture d'ardoises ; dérogeant en tant que de besoin à nos lettres patentes du 18 octobre 1777, lesquelles seront au surplus exécutées. Si vous
mandons que ces présentes vous ayez à faire lire, publier et registrer, et le contenu en icelles garder, observer et exécuter selon leur forme et teneur, cessant et faisant cesser tous troubles et empêchements à ce contraires : car tel est notre plaisir; en témoin de quoi nous avons fait mettre notre scel à cesdites présentes. Donné à Versailles, le sixième jour de janvier, l'an de grâce mil sept cent quatre vingt-un, et de notre règne le septième, Signé LOUIS. Et plus bas, par le Roi, Signé Ame lot. Et scellées du grand sceau de cire jaune. »
Pour conclure, j'ai l'honneur de vous demander le renvoi à la 3e Commission, pour examen d'urgence, et de vous proposer le projet de délibération suivant :
« Le Conseil
« Délibère :
« L'Administration est invitée à faire toutes diligences pour traiter à l'amiable de l'achat et, de la démolition du marché Sainte-Catherine et son remplacement par un square ou une place publique. »
Renvoyé à la 3e Commission.
La séance est levée à 5 heures 35 minutes.
11319-12. — Imprimerie Municipale, Hôtel de Ville. — 1921.
Plan de la Chapelle souterraine située en partie sous la rue Pierre Nicole
Plan des bâtiments de l'église de l'ancien Couvent des Carmélites, de la rue Saint Jacques
LES EAUX DE PASSY L'escalier avec les grands ifs
PASSY La Rue Berton
RUE BERTON, N° 17 Ancien Hôtel de Lamballe (Maison de Santé du Docteur MEURIOT)