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Titre : Congrès / Alliance d'hygiène sociale

Auteur : Alliance d'hygiène sociale (France). Auteur du texte

Éditeur : Librairie de la Mutualité (Bordeaux)

Éditeur : Alliance d'hygiène socialeAlliance d'hygiène sociale (Paris)

Date d'édition : 1923-09-23

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb42028452f

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb42028452f/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Format : Nombre total de vues : 6378

Description : 23 septembre 1923

Description : 1923/09/23-1923/09/25.

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5719109t

Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, 8-T36-141 (BIS)

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 18/01/2011

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Alliance

d'hygiène

sociale

Président: M. Léon BOURGEOIS. Vice-Présidents: MM. Georges RISLER,

Dr ROUX, Paul STRAUSS, Edouard

PUSTER. Secrétaire général: M. Eugène MONTET. Trésorier par intérim : M. Georges RISLER.

CONGRÈS DE STRASBOURG

23, 24 et 25 Septembre 1923

Le Rôle des Institutions d'Assurances

des Municipalités, des Grandes Compagnies Industrielles

en Matière d'Hygiène Sociale

Les Caisses de Compensation - Les Sociétés de Crédit Immobilier

La Crise de la Dénatalité

Rapports entre les OEuvres d'Hygiène Sociale et le Corps Médical

IMPRIMERIE STBASBOUEGEOISE 16, RUE DES JUIFS, 15 :-: 1924





ALLIANCE D'HYGIÈNE SOCIALE

5, rue Las-Cases — Paris

13e CONGRES D'HYGIENE SOCIALE

STRASBOURG

23. 24 et 25 septembre 1923



Alliance

d'hygiène

sociale

Président: M. Léon BOURGEOIS. Vice-Présidents: MM. Georges RISLER,

Dr ROUX, Paul STRAUSS, Edouard

FUSTER. Secrétaire général: M. Eugène MONTET. Trésorier par intérim : M. Georges RISLER.

CONGRÈS DE STRASBOURG

23, 24 et 25 Septembre 1923

sous la présidence, de M. GEORGES RISLER, Vice-Président

Le Rôle des Institutions d'Assurances

des Municipalités, des Grandes Compagnies Industrielles

en Matière d'Hygiène Sociale

Les Caisses de Compensation - Les Sociétés de Crédit Immobilier

La Crise de la Dénatalité

Rapports entre les OEuvres d'Hygiène Sociale et le Corps Médical

IMPRIMERIE STRASBOUBGEOISE 15, RUE DES JUIFS, 15 :-: 1924



CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'ALLIANCE D'HYGIÈNE SOCIALE

Présidents d'honneur. MM. A. MILLERAND,

EMILE LOUBET,

RAYMOND POINCARÉ.

Président

M. LÉON BOURGEOIS, sénateur, ancien Président du Sénat, ancien Président du Conseil.

Vice-Présidents

MM. GEORGES RISLER, président du Musée Social, président de l'Union des Sociétés de Crédit immobilier de France et d'Algérie ;

Dr. EMILE ROUX, directeur de l'Institut Pasteur ;

PAUL STRAUSS, sénateur, Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociales ;

EDOUARD FUSTER, professeur au Collège de France.

Secrétaire Général. M. EUGÈNE MONTET, directeur-adjoint du Musée Social.

Trésorier par intérim. M. GEORGES RISLER, vice-président.

Membres.

MM. Dr LÉON BERNARD, de l'Académie de Médecine, secrétaire général du Comité national de défense contre la tuberculose.

PAUL BERTRAND, vice-président de l'Association polytechnique.

BRIAT, membre du Conseil supérieur du travail ;

JULES BRISAC, ancien directeur de l'Hygiène, de l'Assistance

et de la Prévoyance sociales. Dr CALMETTE, sous-directeur de l'Institut Pasteur.


CONGRES DE STRASBOURG

CHARLES CAZALET, président de l'Union nationale des sociétés de gymnastique ;

HENRI CHÉRON, sénateur, ministre de l'agriculture.

PAUL COURMONT, professeur d'hygiène à la Faculté de Médecine de Lyon.

Dr FAIVRE, inspecteur général des services administratifs.

FARALICQ.

ARTHUR FONTAINE, inspecteur général des Mines.

CHARLES GIDE, professeur au Collège de France, vice-président de la Société des Cités-Jardins.

Dr GUINARD, directeur du sanatorium de Bligny.

HALINBOURG.

HÉBRARD DE VILLENEUVE, vice-président du Conseil d'État.

HERRIOT, député, ancien ministre, maire de Lyon.

ANDRÉ HONNORAT, sénateur, ancien ministre.

KELLER, président de la Fédération mutualiste de la Seine.

Dr KUSS.

Dr LACHAUD, ancien député.

Dr LETULLE, de l'Académie de Médecine.

EMILE LEVEN, vice-président de la Fédération nationale de la Mutualité.

GEORGES LEYGUES, député, ancien président du Conseil.

MAMY, directeur de l'Association des Industriels de France: contre les accidents du travail.

PAUL MAZE, directeur du Crédit municipal de Paris.

MESUREUR, ancien directeur de l'Assistance publique de la Seine.

MIRMAN, conseiller-maître à la Cour des Comptes.

Dr JULES RENAULT.

RIÉMAIN, secrétaire général de la Ligue nationale contre l'Alcoolisme.

LÉON ROBELIN, président de la Fédération nationale de la Mutualité française.

Dr ROGER, doyen de la Faculté de Médecine de Paris.

Dr PIERRE TEISSIER, secrétaire général de l'Association française contre la Tuberculose.

Dr WALTHER, de l'Académie de Médecine.


ASSOCIATION ADHÉRENTES A L'ALLIANCE D'HYGIÈNE SOCIALE

Alliance Nationale pour l'accroissement de la population. Association pour le développement de l'assistance aux malades. Association française pour la lutte contre le chômage. Association fraternelle des Employés et Ouvriers des Chemins de

fer Français. Association générale des Hygiénistes et Techniciens Municipaux. Association des Industriels de France contre les Accidents du

travail. Association Polytechnique. Comité central des Houillères de France. Comité départemental des Habitations à bon marché et de la

Prévoyance sociale du Morbihan.

Comité National de défense contre la Tuberculose.

Comité National de l'Enfance.

Comité permanent de la Natalité.

Fédération des Cantines Maternelles.

Fédération Nationale de la Mutualité Française.

Ligue Française pour l'Hygiène scolaire.

Ligue Nationale contre l'alcoolisme.

Musée social.

OEuvre Grancher.

OEuvre de la Tuberculose humaine.

Protection Mutuelle des Employés et Ouvriers des Chemins de

fer de France et des Colonies. Service de l'Assurance en faveur des Employés privés d'Alsace et

Lorraine. Société Française des Habitations à bon marché. Société de Secours Mutuels des Cuisiniers de Paris. Union des Sociétés de Crédit Immobilier de France et d'Algérie. Union des Sociétés de Gymnastique de France. Les Volontaires du Service Social.


COMITÉ D'ORGANISATION DU CONGRÈS

Président d'honneur.

M. ALAPETITE, Commissaire général de la République à Strasbourg.

Président.

M. FERNAND HERRENSCHMIDT, président de la Chambre de Commerce de Strasbourg, président du Bureau central de propagande d'hygiène sociale d'Alsace et de Lorraine

Vice-Présidents.

MM, BRAUER, président du Syndicat des Caisses-maladie d'entreprises, directeur de la Société alsacienne de constructions mécaniques, à Strasbourg-Graffenstaden.

AUGUSTE BRION, président de la Corporation des industries du bâtiment et de la Société de crédit immobilier.

D'ESTOURNELLES DE CONSTANT, directeur de l'Office général des assurances sociales.

Dr HOLTZMANN, directeur des services d'hygiène d'Alsace et Lorraine.

JOURDAIN, député, ancien ministre.

PEIROTES, maire de Strasbourg.

Roux, directeur du travail, de la législation ouvrière et des

assurances sociales. SCHEURER, sénateur. TISSOT, directeur de l'Assistance publique.

Membres.

MM. Dr ALLENBACH, chirurgien-chef de l'hospice Stéphanie.

Dr ARBINET, directeur de la Galette Médicale de Strasbourg.

Dr BATIER, secrétaire du Comité de l'Union des Femmes de France.

Dr BELIN, directeur de l'Office municipal d'hygiène.

Baronne de BERCKEIM.

Dr BORREL, directeur de l'Institut d'hygiène et de bactériologie.

Dr BOULANGIER.


CONGRÈS DE STRASBOURG 11

BOUSCATEL, inspecteur départemental de l'assistance publique. Dr BRION, médecin-chef de l'hôpital sanatorium SaintFrançois. DEBRIX, directeur de la Société générale alsacienne de Banque. DIETRICH, président de la Caisse d'assurance en faveur des

employés privés. ECCARD, sénateur. FREY, député. FRIEDEL, directeur de l'Institut commercial d'Enseignement

supérieur. GEMAHLING, professeur à la Faculté de droit. Dr GELMA, secrétaire général de la Ligue antialcoolique. Mme GARCIN, présidente de l'Union familiale alsacienne. Mlle GARCIN, directrice de l'École d'infirmières. M. HUGO HAUG, conseiller municipal, secrétaire général de la Chambre de commerce. Mme FERNAND HERRENSCHMIDT, présidente du Comité de la Société des blessés militaires. M. HÔPPFNER, secrétaire général de la Société coopérative des logements populaires. Mme HUCK, présidente de l'Union des Femmes françaises. M. KEPPI, ancien adjoint au maire de Strasbourg, secrétaire général de la ville de Haguenau. Comte DE LEUSSE, député. Mme la Marquise de LOYS CHANDIEU.

Mme NORTH-SIEGFRIED, présidente du Comité de l'Association des dames françaises.

MM. OTT, président de la Chambre syndicale des Industries du

Bas-Rhin, directeur de la manufacture d'outils au Zornhoff OUALID, directeur de l'Office régional de statistique. PFISTER, doyen de la Faculté des Lettres. Dr PFLÉGER, député. Dr PAUTRIER, secrétaire de la Ligue antivénérienne d'Alsace

et Lorraine. Prof. ROHMER, secrétaire de l'Association de puériculture HENRI SALOMON, architecte. SCHLEIFFER, président de la Chambre de Métiers d'Alsace et

de Lorraine. Dr SCHMUTZ, directeur des services d'hygiène du Bas-Rhin. Dr SCHOTT, président de la Fédération des Médecins d'Alsace. Dr SORGIUS. Dr VAUCHER, secrétaire général de l'Association d'Alsace et

Lorraine pour la lutte contre la Tuberculose.


12 CONGRÈS DE STRASBOURG

WACKENTHALER, président du Comité directeur de l'Institut d'assurance sociale.

Dr WEIL, chargé de cours à la Faculté de Médecine, président du Syndicat des Médecins de Strasbourg-Ville.

WEIL, président de l'Union des Caisses locales de maladies d'Alsace et de Lorraine.

Mmes MAURICE DE WENDEL et GUY DE WENDEL.

MM. WEYDMANN, conseiller général, chef du service municipal d'assistance.

Dr WORINGER, médecin-chef du dispensaire Vauban.

Dr ZILLHARDT, secrétaire du bureau de propagande d'hygiène.

Secrétaires.

MM. LOUIS STROH, docteur en droit, conseiller à l'Office général des assurances sociales. KLEIN, chef de l'Office municipal de renseignements.

Trésorier. M. STÉPHAN, directeur de la Banque d'Alsace et de Lorraine,


CONGRES DE STRASBOURG 13

A la date du 20 juillet 1923, le Conseil d'administration de l'Alliance d'Hygiène sociale adressait à tous ses adhérents, ainsi qu'aux, personnel et sociétés s'intéressant à la lutte contre les maux sociaux, la circulaire suivante ;

Monsieur,

La Ville de Strasbourg et le Commissaire général de l'Exposition du Centenaire de Pasteur ont bien voulu demander à l'Alliance d'Hygiène Sociale de tenir cette année-ci son Congrès à Strasbourg, et c'est avec le plus vif empressement que notre Comité central a accepté l'invitation qui lui était adressée.

La date choisie, d'un commun accord, est celle des 23, 24, 25 septembre prochain.

Nous espérons que vous voudrez bien prendre part aux réunions qui s'organisent et nous vous serions reconnaissants de bien vouloir nous adresser votre adhésion le plus tôt possible.

Nous éprouverons une grande joie à nous retrouver à Strasbourg — comme nous nous sommes retrouvés à Mulhouse en 1920 — et d'y être reçus par les représentants d'oeuvres sociales dont l'exemple, les généreux efforts et le succès méritent, à tant de titres, l'admiration et les témoignages de la reconnaissance nationale.

Nous visiterons des institutions qui sont tout à l'honneur de Strasbourg, et où nous verrons le plus haut esprit social s'allier à un sens si parfait des réalités et des nécessités pratiques.

Au cours de nos séances de travail, nous étudierons l'Armement d'hygiène sociale de l'Alsace et — ayant notamment sous les yeux l'admirable champ d'expérience des assurances sociales d'Alsace et de Lorraine — le Rôle des institutions d'assurance sociale, des municipalités et du corps médical en matière d'hygiène sociale. Nous examinerons le Problème de la natalité, si grave dans un pays comme le nôtre, et les résultats obtenus par certaines initiatives sociales qui ont obtenu un relèvement de la natalité.

Nous ferons ressortir les Résultats moraux et sociaux donnés par les Caisses de compensation, grâce auxquelles le salaire peut être proportionné au nombre d'enfants et aux charges de famille ; les Résultats sociaux et moraux des Cités-jardins, où l'habitation saine, hygiénique, s'élève dans un cadre de verdure qui en augmente l'attrait et le charme ; nous mettrons enfin en lumière les services rendus par les Sociétés de crédit immobilier, qui permettent aux


14 CONGRÈS DE STRASBOURG

personnes peu fortunées d'acquérir leurs maisons d'habitation et qui ont été créées suivant les dispositions de l'admirable loi Ribot, connue surtout sous le nom du grand Français qui en a eu l'initiative.

Nous adressons un pressant appel aux délégués de nos Comités, aux représentants des institutions publiques et privées dont les préoccupations sont les mêmes que les nôtres, aux Pouvoirs publics dont le concours est indispensable, à toutes les personnes désireuses de remplir leur devoir social, et nous souhaitons que cet appel soit largement entendu.

Pour le Conseil d'Administration :

Le Président,

Léon BOURGEOIS.


CONGRÈS DE STRASBOURG 15

L'Alliance d'Hygiène Sociale a tenu son 13e Congrès à Strasbourg dans la grande salle de la Chambre des Métiers d'Alsace et de Lorraine, que son président, M. Schleiffer, avait bien voulu mettre à notre disposition.

Nous sommes heureux, à ce propos, de renouveler ici à M. Schleiffer, l'assurance de notre très vive gratitude pour la bonne grâce qu'il a témoignée en cette circonstance à notre Association.

Les congressistes s'étaient rendus très nombreux à notre invitation ; et ceux de nos membres ou adhérents qui n'avaient pu venir à Strasbourg avaient exprimé dans les termes les plus flatteurs pour l'Alliance, le regret de se trouver éloignés de nous.

Nous ne pouvons donner la teneur des diverses dépêches qui nous ont été ainsi envoyées ; nous reproduirons seulement la lettre adressée au président du Congrès par M. le Dr. A. Calmette, sousdirecteur de l'Institut Pasteur et membre du Conseil d'Administration de l'Alliance :

« Mon cher Président et Ami,

« Il m'est absolument impossible de me rendre au Congrès de « l'Alliance d'Hygiène sociale à Strasbourg. Je suis obligé de rester « à Paris, M. le Dr Roux étant retenu auprès d'une de ses parentes « gravement malade. Je vous demande donc de vouloir bien pré« senter à nos collègues toutes mes excuses et mes plus vifs regrets « de ne pouvoir participer à leurs travaux qui ont tant d'intérêt « pour nous !

« Je leur souhaite le plus grand.succès et je les prie, en même « temps que vous, d'agréer l'expression de mon plus cordial dé« vouement. »

D'autre part, notre très honoré président, M. Léon Bourgeois, étant retenu à Genève par une réunion de la Société des Nations


16 CONGRÈS DE STRASBOURG

et n'ayant pu par suite venir assister au Congrès, M. Georges Risler, président du Congrès, lui envoya au nom de tous les congressistes le télégramme ci-après :

« Treizième Congrès Alliance Hygiène Sociale réuni à Strasbourg « regrette vivement l'absence de son grand président, mais rempli « d'admiration pour merveilleuse action humanitaire et patriotique « primordiale qu'il exerce à Genève, le prie agréer hommage res« pecteux et profondément affectueux et fidèle attachement una« nimement exprimés séance inaugurale sous présidence Ministre « Hygiène. — Georges Risler. »

Et M. Georges Risler reçut la réponse suivante :

« Regrette profondément être encore retenu à Genève où con« tinuerai à poursuivre oeuvre patriotique et humanitaire qui est « raison d'être de notre Alliance — Soyez mon interprète auprès « Ministre et Congrès tout entier et veuillez donner à tous assurance « de mon fidèle dévouement. Affectueusement à vous.

Léon BOURGEOIS.

Disons enfin que les visites organisées chaque après-midi aux diverses oeuvres d'Hygiène sociale de la région ont eu le plus vif succès. Les congressistes ont admiré l'installation modèle de ces établissements où l'accueil le plus aimable leur fut réservé. Nous reviendrons plus loin sur ces visites dont le compte-rendu sera inséré, pour chaque journée, à la suite du compte-rendu des séances du matin.


RAPPORTS ET DISCUSSIONS


CONGRÈS DE L'ALLIANCE D'HYGIÈNE SOCIALE

SEANCE DU DIMANCHE 23 SEPTEMBRE 1923

Présidence de M. PAUL STRAUSS Ministre de l'Hygiène, de l'Assurance et de la Prévoyance sociales

La séance d'ouverture du 13e Congrès de l'Alliance d'Hygiène sociale a eu lieu le dimanche 23 septembre 1923, sous la présidence de M. Paul Strauss, Ministre de l'hygiène, de l'assistance et de la prévoyance sociales.

Près de Monsieur le Ministre se trouvaient M. Georges Risler,. Président du Musée social, vice-président de l'Alliance et président du Congrès ; M. Alapetite, Commissaire général de la République; M. Borromee, préfet du Bas-Rhin ; M. Peirotes, maire de Strasbourg; M. Herrenschmidt, président de la Chambre de Commerce de Strasbourg, président du Comité d'organisation du Congrès ; M. Eugène Montet, secrétaire général de l'Alliance d'Hygiène sociale ; M. Louis Stroh, secrétaire général du Comité d'organisation du Congrès.

En outre, assistaient à la séance : M. Borrel, Commissaire général de l'Exposition Pasteur ; M. Weiss, Doyen de la Faculté de médecine de Strasbourg ; M. Vernet ; MM. Jules Scheurer, Eccard et Pfleger, Mgr. Muller Simonis, Mesdames de Loys Chandieu, Prêcheur, A. Brion et Lamey. MM. d'Estournelles de Constant, Gabriel Schlumberger, ainsi que les membres du Comité d'organisation, les Directrices de l'Ecole d'Infirmières, de l'Institut de Puériculture et de nombreuses personnalités appartenant à l'industrie, au corps médical et aux oeuvres sociales.

A neuf heures et demie, M. le Ministre Paul Strauss déclare la séance ouverte et donne immédiatement la parole à M. Georges Risler, président du Musée Social, vice-président de l'Alliance d'Hygiène Sociale et Président du Congrès.


CONGRÈS DE STRASBOURG 19

DISCOURS DE M. GEORGES RISLER

Président du Musée Social, Vice-Présideni de l'Alliance d'Hygiène sociale et Président du Congrès

Monsieur le Ministre,

L'année dernière, c'était à Rouen, qu'au nom de mes collègues du 12e Congrès de l'Alliance d'hygiène sociale, j'avais l'honneur de vous souhaiter la bienvenue.

Aujourd'hui, c'est dans notre chère Alsace, qui est votre petite patrie et la mienne, que j'ai la joie intense de vous présenter nos chaleureux remerciements pour le précieux témoignage de sympathie que vous nous apportez au nom du Gouvernement en venant présider la séance inaugurale de notre 13e Congrès.

A plusieurs reprises depuis trois mois, ne comptant pas avec vos forces et méprisant la fatigue, vous êtes venu ici apporter des encouragements et exprimer votre admiration et votre reconnaissance à nos chers compatriotes strasbourgeois. Une fois encore, vous l'avez fait pour eux et pour nous, et nous vous en exprimons notre profonde reconnaissance.

Vous vous associerez certainement aux très vifs regrets que nous éprouvons de l'absence de notre grand président de l'Alliance d'Hygiène sociale, M. Léon Bourgeois. Heureusement, sa santé est rétablie, mais il a dû choisir entre ses devons envers l'humanité toute entière et ceux qu'il aime tant à remplir envers notre Association dont il est, presque depuis l'origine, le chef aimé et respecté.

Heureux le pays qui peut avoir à la tête de son gouvernement un Poincaré au génial patriotisme et comme premier délégué à la Société des Nations un autre grand Français, Léon Bourgeois, dont l'âme admirable a donné la vie à cet organisme de droit, de justice et de paix !

Monsieur le Commissaire général de la République,

Vous nous aviez fait l'honneur d'assister, en 1920, au Congrès de l'Alliance d'Hygiène sociale de Mulhouse et je tiens à vous exprimer notre sincère gratitude pour avoir bien voulu, en venant ici, donner une nouvelle preuve du vif intérêt que vous portez à toutes les questions sociales et à notre Association.


20 CONGRÈS DE STRASBOURG

Vous ne retrouverez pas, hélas ! à côté de nous, notre regretté président et ami Jules Siegfried, ce noble Alsacien qui nous était si cher : Il s'en est allé chargé d'une riche moisson de bienfaits et de services rendus à sa grande et à sa petite patrie, la France et l'Alsace.

Vous seriez surpris de ne pas m'entendre évoquer également ici le souvenir d'un autre grand Français, M. Alexandre Ribot, que vous étiez venu saluer à Mulhouse lorsqu'il m'avait donné une preuve si précieuse de sa bienveillante affection en présidant, à la Société Industrielle, la conférence sur le Crédit immobilier qui m'avait été demandée. Des liens d'amitié déjà anciens vous attachaient à l'auteur de cette loi Ribot, dont la portée sociale n'est dépassée par aucune autre et vous nous l'aviez dit avec l'admirable et persuasive éloquence qui est l'expression naturelle de vos idées si élevées.

Le souvenir de ces deux grands citoyens, Jules Siegfried et Alexandre Ribot, restera gravé dans nos coeurs et leur esprit continuera à nous inspirer pendant les travaux de ce congrès. Il a été préparé d'une manière particulièrement remarquable par nos collègues alsaciens et par M. Eugène Montet, secrétaire général de l'Alliance, dont vous connaissez tous la haute valeur, la compétence, le désintéressement et le dévouement.

Je serai certainement votre interprète en adressant nos meilleurs remerciements à M. Herrenschmidt qui, malgré des occupations civiques déjà lourdes, a bien voulu accepter la présidence du Comité de Strasbourg, à M. Louis Stroh, son secrétaire général, et à tous les membres du Comité. Il y a parmi eux beaucoup de dames et nous en sommes particulièrement heureux.

Nos sentiments de reconnaissance vont aussi vers M. le Préfet Borromée, dont nous connaissons de longue date le dévouement passionné aux oeuvres sociales, et vers le très distingué maire de Strasbourg, M. Peirotes, ses adjoints et les conseillers municipaux qui nous ont donné les preuves les plus touchantes de l'intérêt qu'ils portent à notre oeuvre.

Nous n'avons garde d'oublier le Comité de l'Exposition et son vaillant commissaire général, M. le professeur Borrel.

Enfin, j'unis dans un témoignage commun de gratitude tous les collaborateurs de votre cité qui ont porté à un si haut degré de perfection vos services d'hygiène sociale et de simple hygiène et


CONGRÈS DE STRASBOURG 21

les bons citoyens qui travaillent pour le bien public et en particulier les membres de votre Comité strasbourgeois de l'Alliance d'Hygiène sociale.

Grâce à tous ces admirables dévouements, Strasbourg est devenu un modèle à offrir à toutes les municipalités françaises.

Profondément touchés de l'invitation pressante qui nous était adressée, nous l'avons immédiatement acceptée, et c'est grâce à la générosité du Comité de l'Exposition, de la Ville de Strasbourg, de la Chambre de Commerce et du Comité strasbourgeois de l'Alliance que ce congrès a pris une si grande importance.

Mesdames, Messieurs,

C'est en 1903 que Casimir Pêrier, s'élevant de là vie politique à l'existance sociale, fonda, avec l'ardente collaboration de Cheysson, l'Alliance d'Hygiène sociale. Ancien Président de la République il n'a nullement cru déchoir en acceptant de se mettre à la tête de la croisade contre les fléaux' sociaux. Il pensait que la Société devrait être une Association d'hommes luttant contre le mal, la misère et la mort, et non pas un champ clos où se livre sans trêve une bataille violente ou sournoise entre des intérêts contraires.

Sans doute, un certain nombre de sociétés fondées avec ce même idéal existaient déjà, mais elles ne se connaissaient pas ; aucune interpénétration ne s'était produite entre elles. N'était-il pas évident que l'Union de toutes ces bonnes volontés décuplerait leur puissance pour la lutte contre toutes les déchéances morales et matérielles?

L'action entreprise ne devait avoir et n'a jamais eu aucun caractère confessionnel ni politique.

Lorsque, dans la rue, on voit un homme tomber et se casser la jambe, on court vers lui, mais ce n'est pas pour lui demander s'il est catholique, protestant ou israélite ; et pas davantage s'il est républicain de gauche, radical ou socialiste ; on le prend dans ses bras ; on le porte dans la maison voisine et l'on s'empresse de faire chercher le chirurgien et dé lui donner immédiatement les premiers soins.

Mais l'Alliance s'est assignée un but encore supérieur ; elle n'entend pas seulement secourir lorsque le mal s'est produit ; elle veut s'efforcer de l'empêcher. C'est pourquoi elle a adopté comme devise : « Prévenir pour n'avoir pas à guérir. »


22 CONGRES DE STRASBOURG

Combien, en effet, il est presque toujours plus aisé et surtout infiniment plus efficace d'empêcher la chute que de poursuivre ensuite le relèvement !

Ne voyez-vous pas, par l'oeuvre des trois semaines, par les colonies de vacances, par les séjours au préventorium, les merveilleux effets de la prévention? Pour un malade guéri au sanatorium, vous arrachez, par centaines — grâce à toutes ces oeuvres — à l'horrible tuberculose les victimes qu'elle guettait dès l'enfance.

Vous connaissez le dicton : « qui a bu boira » ; n'est-il pas plus facile par la lutte contre l'alcoolisme d'inculquer aux jeunes gens l'horreur du cabaret — en le remplacant par des distractions intéressantes et élevées — que d'essayer de relever des ivrognes ?

C'est aussi par le développement des terrains de jeux, la mise à la portée des travailleurs, de concerts de bonne musique, de conférences, de séances de cinéma intéressantes et intelligentes, etc, etc. que vous les éloignerez, dès la sortie de l'enfance, de la débauche et des affreuses maladies qu'elle engendre.

N'est-il pas cent fois préférable d'apporter, en temps voulu, à la famille pauvre, le secours de loyer qui lui permettra de demeurer dans son logement, au lieu de la laisser vendre, pièce à pièce, son misérable mobilier et tomber finalement à l'hôtel meublé, d'où l'évasion n'est plus possible?

Mais, Mesdames et Messieurs, vous ne croyez pas, je pense, qu'Alsacien, j'ai la présomption d'apporter ici, dans cet ordre d'idées, quoique ce soit de nouveau pour vous.

L'Alsace n'a-t-elle pas été le berceau des oeuvres sociales? Et ne s'est-elle pas ingéniée à se tenir toujours à l'avant-garde de l'armée du progrès?

N'avez-vous pas créé par l'initiative privée, soixante ans avant que les Boches entreprennent de faire de vous leurs esclaves, ces sociétés mutualistes, ces caisses de maladie et de retraites, ces habitations à bon marché, dont vous avez été les initiateurs, bref toutes ces institutions de solidarité dont, à juste titre, vous étiez fiers?

L'Allemagne n'a fait que caporaliser ce que vous aviez réalisé par la liberté.


CONGRÈS DE STRASBOURG 23

Vous êtes le terrain d'élection de toute action sociale parce que nulle part on ne rencontre à un plus haut degré le sentiment du devoir social.

Toutes les pensées généreuses trouvent un écho dans le coeur alsacien, de même que toutes les idées nouvelles sont accueillies avec sympathie par l'intelligence et par l'activité alsaciennes toujours en éveil. L'Alsacien les passe au crible de son exceptionnel bon sens, rejette l'utopie, mais retient précieusement ce qui peut être pratique.

C'est sur ces admirables dons que vous avez édifié votre prospérité industrielle, sans jamais vous éloigner de cette règle morale: « La providence m'a été favorable ; je dois, à mon tour, venir en aide à mon prochain, non pas en lui abandonnant quelques miettes échappées de ma table, mais par un large partage volontairement accepté.

Une autre disposition de l'esprit alsacien consiste à n'être jamais satisfait, à toujours rechercher le mieux; vous l'avez appliquée à l'action sociale et ainsi vous y êtes devenus lès maîtres incontestés.

Je le répète, nous n'avons rien à vous apprendre et c'est pour profiter de vos enseignements que nous sommes venus vous demander d'entrer dans notre fédération.

Nous constituions une grande famille à la table de laquelle une place était restée vide : nous vous attendions.

Vous y trouverez à vos côtés :

Le Musée social ;

le Comité permanent des Congrès de la Natalité, présidé par réminent M. Auguste Isaac ;

l'Alliance nationale pour l'accroissement de la population ;

le Comité national de préservation contre la tuberculose, ayant à sa tête notre grand président, M. Léon Bourgeois ;

l'Union des Sociétés de Crédit immobilier de France et d'Algérie ;

la Fédération nationale des Offices publics d'habitations à bon marché ;

le Comité National de l'Enfance, dont la fondation a été due à l'éminent Ministre de l'hygiène, M. Paul Strauss, auquel nous exprimons encore une fois notre vive reconnaissance ;

la Ligue nationale contre l'alcoolisme :

l'Union des Sociétés de gymnastique de France;

le Comité central des houillères de France ;


24 CONGRÈS DE STRASBOURG.

la Fédération nationale de la Mutualité ;

l'Association Polytechnique ;

l'Union des Grandes Associations pour l'essor national ;

la Ligue française pour l'Hygiène scolaire ;

la Protection mutuelle des chemins de fer français ;

la Fédération des cantines maternelles ;

l'Association pour le développement de l'Assistance aux malades;

l'Association des Industriels de France contre les accidents du travail ;

l'Association française pour la lutte contre le chômage ;

l'Association fraternelle des employés et ouvriers de chemins de fer français ;

les Volontaires du Service social ;

L'oeuvre Grancher ;

le service de l'Assurance en faveur des employés privés d'Alsace et de Lorraine ;

l'Association des hygiénistes et techniciens municipaux;

L'OEuvre de la tuberculose humaine ;

le Comité départemental des habitations à bon marché du Morbihan;

la Société de secours mutuels des cuisiniers de Paris, etc. etc.

Je ne puis vous les énumérer toutes ; ce serait trop long.

L'Alsace est une terre d'élection pour les sociétés : toutes voudront adhérer à votre Comité.

Dès que l'Alliance d'Hygiène sociale a été fondée, elle a pris, en France, la tête de tous les grands mouvements sociaux : lutte contre le taudis, contre la tuberculose, contre la diminution de la natalité, contre le syphilis, en faveur de la mutualité, de la coopération, de l'hygiène scolaire, du développement des espaces libres dans les villes, de l'amélioration des conditions hygiéniques du travail, etc., etc.

Elle a apporté une très importante contribution à tous ces grands mouvements par les travaux de ses présidents, vice-présidents et membres : MM. Léon Bourgeois, Siegfried, Ribot, Cheysson, Georges Picot, Deschanel, Landouzy, Doyen, Debove, M. le ministre Strauss, l'un de ses éminents vice-présidents, Dr Emile Roux, Hébrard de Villeneuve, Mesureur, Mabilleau, Galmette, Herriot, Letulle, Cazalet, Abbé Lemire, Dr Kuss et Dr Léon Bernard, Edouard Petit, Mirman, Riémain, etc., etc.


CONGRÈS DE STRASBOURG 25

Les congrès tenus annuellement sur des points différents de la France et partout si suivis ont permis de faire pénétrer dans le pays les idées que nous défendons conjointement avec nombre de sociétés qui ne peuvent faire elles-mêmes la propagande nécessaire.

Par ces réunions, il nous est possible d'étudier ce qui se fait de mieux dans chaque région et de le porter ensuite à la connaissance de nos concitoyens d'autres parties de la France. Partout, nous nous efforçons d'intéresser l'élite de la population à cette grande cause de l'hygiène sociale, d'animer, d'encourager, de perfectionner ce qui existe.

Le programme des travaux de notre Congrès vous a d'ailleurs éclairés sur la nature de nos travaux.

Vous y avez vu que des rapports du plus haut intérêt vont nous faire connaître les magnifiques réalisations obtenues en Alsace dans la lutte contre la mortalité infantile, par M le professeur Rohmer ; dans la lutte contre la tuberculose, par M. le docteur Belin, directeur des Services d'hygiène de la ville de Strasbourg ; dans la lutte contre les maladies vénériennes, par M. le docteur Pautrier ; dans la coordination des oeuvres et de la progagande d'hygiène sociale, par M. le docteur Zillhardt ; dans la lutte contre la dénatalité, par M. le professeur Oualid ; dans le fonctionnement des institutions d'assurance sociale, par M. Brauer ; enfin, des considérations de la plus haute importance sur le rôle des municipalités en matière de logement vous seront présentées par notre cher et dévoué collègue M. Auguste Brion, et sur le rôle du corps médical, question essentielle, par M. le docteur Batier.

Vous pouvez évaluer ce que des abeilles consciencieuses vont pouvoir puiser de miel sur cette belle et substantielle floraison.

Nous nous sommes efforcés de vous apporter, nous aussi, des réalisations, car nous savons que vous comptez pour peu les paroles et pour beaucoup les faits.

M. Bauvoisin, directeur du Comité des Caisses de compensation, vous exposera les résultats moraux et sociaux déjà obtenus grâce au fonctionnement de ces précieux organismes.

Ce sont encore des résultats que vous apportera l'éminent ingénieur en chef de la Compagnie du Nord, M. Dautry, en vous rendant compte des véritables transformations qui se sont produites au point de vue moral et social parmi les heureux habitants des cités-jardins créées par la Compagnie du Nord.


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Enfin, M. Le Picard, président effectif de la Société de Crédit immobilier de Rouen, vous initiera au fonctionnement d'une société de crédit immobilier d'avant-garde et vous proposera diverses modifications aux règlements qui régissent ces importantes institutions.

J'y insiste, Messieurs, ce ne sont point des paroles vaines que nous vous apporterons, ce sont des résultats obtenus par l'action intelligente, constante, dévouée et désintéressée. Nous savons que les paroles infertiles ne sont point de votre goût.

En hébreu, un seul et même mot signifie : foi et action.

Jamais la foi qui n'agit pas n'a joui en Alsace du moindre prestige. Vous n'estimez comme vraiment sincères et sérieux que les principes qui sont vécus : c'est seulement devant ceux-là que vous vous inclinez.

Grâce au sacrifice noblement consenti par l'élite de nos héroïques enfants ;

grâce à une magnifique pléiade de généraux telle que leur chef seul aurait suffi à illustrer une nation ;

grâce à un président de la République qui ne s'est pas proclamé « Seigneur de la guerre » ni rien de semblable, mais a été tout simplement le plus grand et le plus remarquable des chefs d'État pendant cette terrible période, la France et l'Alsace se sont retrouvées dans une étreinte fraternelle.

En présence d'un si immense bonheur qu'aucun de nous, il y a dix ans, n'osait entrevoir, n'avons-nous pas le devoir de rendre à nos frères moins heureux, une large part des félicités qui nous ont été accordées, de nous consacrer avec coeur et avec joie au service de la patrie dans la lutte contre la douleur, contre la misère, contre toutes les déchéances morales et matérielles?

L'Alsace, terre d'avant-garde, n'y faillira pas. (Longs applaudissements.)

DISCOURS DE M. PEIROTES

Maire de Strasbourg

Au nom de la Municipalité Strasbourgeoise et au nom de tous mes concitoyens, je vous souhaite la plus cordiale des bienvenues.

J'adresse un salut particulier à Monsier le Ministre de l'Hygiène, qui vient nous témoigner, une fois de plus, tout l'intérêt qu'il porte aux institutions sociales des départements recouvrés.


CONGRÈS DE STRASBOURG 27

Aucun concours ne pouvait nous être plus précieux, car la haute compétence qu'il a montrée depuis de si longues années dans toutes ces questions, qui se rattachent à son ressort actuel, nous est une garantie certaine d'un travail fécond.

Mesdames et Messieurs, la ville de Strasbourg, heureuse et fière de vous offrir l'hospitalité, est une fervente admiratrice de tous ceux qui consacrent leur intelligence à cette noble tâche qui consiste à donner et à conserver à la patrie une génération saine et robuste et de lui préparer ainsi des citoyens soucieux du bien général.

C'est donc un double service que vous rendez au pays, et j'éprouve une joie toute particulière à vous en exprimer notre reconnaissance.

Notre vieille cité française, et républicaine — est-il nécessaire de l'affirmer ? - s'est empressée de prêter, à toute heure et à chaque instant, son concours actif à votre oeuvre, que nous considérons comme une école de devoir social.

Dans les courts instants que vous venez passer à Strasbourg, vous vous rendrez compte, de la sollicitude spéciale que nous apportons à tout ce qui peut toucher à notre progéniture, à la France de demain. Et vous verrez encore — d'aucuns l'ont déjà vu — en parcourant les rues et les faubourgs de notre ville, en visitant en détail nos hopitaux, notre institut de puériculture, nos bains municipaux, nos écoles et notre clinique dentaire scolaire, nos maisons ouvrières, nos cités-jardins, etc., ce qui a été accompli ici dans le domaine de l'Hygiène sociale.

Nous devons reconnaître que nous étions bien placés pour marcher avec le progrès, car, si d'aucuns d'entre nous ont eu la bonne fortune de s'asseoir au pied des chaires de nos savants universitaires français, d'autres ont pu profiter des leçons de l'Allemagne savante dont la compétence en la matière n'est pas niable.

Nous nous sommes d'ailleurs toujours inspirés, — de même que le Conseil supérieur de l'Assistance publique et le Conseil supérieur de la mutualité — de tout ce qui se faisait dans l'univers entier pour mettre chaque question au point.

A l'heure actuelle surtout, les municipalités ont le devoir sacré de contribuer dans la plus large mesure à diminuer la mortalité et à économiser ainsi pour notre pays, si cruellement éprouvé et tant dépeuplé, le plus grand nombre de vies humaines.

Mais l'initiative privée a aussi sa part importante dans l'effort entrepris pour combattre la misère, qui oppose souvent des obstacles infranchissables aux prescriptions les plus élémentaires de l'hygiène.


28 CONGRÈS DE STRASBOURG.

Il faut que nous trouvions chez ceux qui ont une haute conception de notre humanité, des personnes dévouées pour assurer par la prévoyance, par la mutualité et l'hygiène préventive, la santé et le bonheur de tous.

Je me félicite donc que Strasbourg ait été choisi comme siège de votre congrès.

Vous aurez ainsi l'occasion de puiser chez nous certains éléments de travail utile, et vous nous mettrez à même, nous Strasbourgeois, de recueillir de vos lèvres, dans vos travaux et dans vos discussions, non pas des formules théoriques pour guérir nos misères physiques ou sociales, mais surtout les observations que vous avez pu faire dans les milieux analogues, les hypothèses que vous avez pu construire, les vérités, si partielles qu'elles soient, que vous avez pu démontrer.

Je souhaite donc à votre congrès tout le succès que vous en attendez vous-mêmes. (Applaudissements).

DISCOURS DE M. HERRENSCHMIDT

Président de la Chambre de Commerce de Strasbourg

Président du Bureau Central de propagande et d'hygiène

Président du Comité d'organisation du Congrès

Monsieur le Ministre, Mesdames, Messieurs,

Au nom du comité d'organisation du Congrès de l'Alliance d'Hygiène sociale, je remercie tout d'abord Monsieur le Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociales de faire au 13e congrès de l'Alliance l'honneur de présider sa séance d'ouverture, et de donner à l'Alliance d'Hygiène sociale, dont, aux côtés du Président Casimir Périer d'abord et de Monsieur Léon Bourgeois ensuite, il a été dès l'origine, un des vice-présidents, cette nouvelle et précieuse marque d'intérêt. Le concours de Monsieur Paul Strauss est acquis à toutes les Associations et les OEuvres qui poursuivent dans un esprit de généreux désintéressement, la conquête de la santé et du mieux-être social de nos contemporains


CONGRÈS DE STRASBOURG 29

et de nos descendants ; le pays tout entier s'incline devant la compétence du Ministre et lui sait gré de la sollicitude éclairée avec laquelle il se penche vers les maladies et les misères pour les soulager.

Monsieur Léon Bourgeois, Président de l'Alliance d'Hygiène sociale, a été empêché de venir prendre sa place à ce congrès. De très hautes fonctions le retiennent à.Genève où il vient de faire acclamer dans sa personne, la personne même de la France. Je tiens à me faire votre interprète pour adresser à cet éminent français, l'hommage de notre respectueuse admiration.

Nul n'était plus désigné, par son rang dans l'Alliance et par sa personnalité, pour remplacer ici M. Léon Bourgeois, que M, Georges Risler. Une vie entièrement dévouée à la passion du bien, une activité jamais ralentie mise au service du progrès social font de M. Georges Risler, que je suis heureux de saluer à Strasbourg, un de ces hommes dont, comme le bien regretté Jules Siegfried, l'Alsace et la France ont le droit d'être fières.

Je remercie ici toutes les collectivités qui ont collaboré à l'organisation du Congrès, en particulier la ville de Strasbourg, la presse locale, dont l'appui a été des plus efficace et des plus large, l'Office général des Assurances sociales, dont les locaux ont été mis à la disposition du comité d'organisation, et les généreuses personnalités qui ont subventionné le Congrès. Je remercie le Comité d'organisation tout entier, MM. les Rapporteurs, M. Montet, secrétaire général de l'Alliance, M. Stroh, secrétaire du Comité d'organisation, du Congrès, qui s'est acquitté de sa lourde tâche avec autant de conscience que de dévouement. Enfin, Mesdames et Messieurs, je remercie tous les congressistes d'être venus si nombreux prendre part à ce Congrès, et leur souhaite à tous une très cordiale bienvenue.

La ville de Strasbourg est très honorée de voir ce Congrès après tant d'autres, se tenir dans ses murs, mais elle se sent particulièrement désignée pour vous accueillir en cette année 1923 placée sous le vocable du grand Pasteur. Vous constaterez, en parcourant l'Exposition du Centenaire, à laquelle son dévoué Commissaire général, M. le Professeur Borrel, a donné la marque de son esprit savant, combien la notion de l'Hygiène sociale régit à l'heure présente toutes les préoccupations, et qu'il n'est pas un métier, une fabrication, une industrie, un individu ou une: collectivité qui puisse ignorer son importance capitale.


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L'Alsace, vous le savez. Messieurs, a été parmi les premiers pionniers de cette notion d'hygiène sociale. Mulhouse et la vallée de la Bruche, où vécut Oberlin, furent les berceaux de quelques-unes des premières réalisations inspirées par l'esprit de progrès social, Depuis l'armistice et ce retour à la mère-patrie auquel tendaient tous nos espoirs, nos trois départements ont eu le privilège d'être administrés par des hommes qui mettent au premier rang de leurs préoccupations d'administrateur l'hygiène et la santé sociales.

M. Alexandre Millerand d'abord, M. Alapetite ensuite, Commissaire général de la République en Alsace et en Lorraine, tous deux membres de l'Alliance d'Hygiène sociale, ont apporté tous leurs soins à l'application des lois sociales locales et à l'introduction des lois françaises d'assistance. M. le Préfet du Bas-Rhin, de son côté, coordonne avec un rare bonheur les efforts de l'administration avec ceux des OEuvres privées en matière d'assistance et d'hygiène. A l'heure actuelle, nos trois départements possèdent un armement d'hygiène sociale qui, par le jeu combiné des diverses Associations et des Assurances obligatoires, constitue une précieuse sauvegarde pour le travailleur et la population en général. Vous visiterez ici,. Mesdames et Messieurs, les maisons créées par les diverses Associations : Sanatoria, préventoria, colonies de vacances, bains municipaux, clinique infantile et institut de puériculture, Foyer, dispensaire et Crèche de la Croix-Rouge, et nous serons heureux de vous en faire les honneurs. Mais nous serons heureux aussi de recevoir vos suggestions, car vous avez fait de votre côté des expériences en matière d'hygiène sociale, et vous venez nous les communiquer. Le but principal de l'Alliance d'hygiène sociale est. précisément de coordonner tous les efforts généreux des OEuvres d'Hygiène sociale, de mettre leurs administrateurs et leurs membres en contact les uns avec les autres afin de les faire profiter des expériences communes. Elle établit entre des OEuvres qui poursuivent un même but une sorte de lien moral, une féconde unité de pensée et d'action.

C'est dans les rangs de l'Alliance d'Hygiène sociale que nous retrouvons les promoteurs de la plupart des lois sociales dont les dernières années ont doté notre pays. Parmi ces lois que vous avez déjà expérimentées et dont nos départements commencent seulement à recueillir le bénéfice, je vous rappellerai :

la loi Ribot, à laquelle collabora Jules Siegfried, sur l'amélioration et l'assainissement de l'habitation et des villes ;


CONGRÈS DE STRASBOURG 31

les lois sur les jardins-ouvriers, dont l'Abbé Lemire a été l'animateur et le propagandiste ;

les lois sur les sociétés de crédit immobilier et les plans d'aménagement des villes, dont M. Georges Risler a été le promoteur ;..

les lois sur la petite propriété rurale, au bénéfice des ouvriers agricoles, particulièrement lorsqu'ils sont pensionnés militaires, et auxquelles ont collaboré MM. Méline et Chéron ;

la loi Strauss sur l'Assistance maternelle ;

la loi Léon Bourgeois-Strauss, sur les dispensaires d'hygiène sociale.

Messieurs, lorsque dans un avenir que nous souhaitons proche, cet ensemble de lois pourra être complété par les lois d'assurance sociale, dont nous avons reconnu ici les avantages et que M. Jourdain, les ayant éprouvées à l'usage, a soutenues à son passage au Ministère du travail, lorsque M. le Ministre de l'Hygiène aura apporté à la loi de 1902 sur la santé publique les améliorations qu'il prévoit, notre pays sera doté d'un réseau de lois sociales qu'aucune législation étrangère ne pourra égaler, parce qu'il sera dû non seulement aux efforts d'une administration, mais aussi à la générosité et au dévouement de l'initiative privée, à laquelle on aura laissé la liberté de donner toute sa mesure. (Applaudissements).

DISCOURS DE M. PAUL STRAUSS

Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance Sociales

Du 31 Mai à ce jour, Strasbourg a été le siège de nombreuses manifestations d'inégale importance mais, s'inspirant toutes de l'hommage à la gloire et aux travaux immortels de Pasteur.

Le 13e Congrès de l'Alliance d'hygiène sociale avait sa place de choix parmi ces hommages, et au. premier rang de ces manifestations, nuls plus que les hygiénistes sociaux ne se réclament de l'école et des travaux de Pasteur.

Nous n'aurions pas en 1902 jeté les bases d'une loi sur la protection de là santé publique, si nous n'avions été inspirés parles travaux de Pasteur, et en 1903 Casimir Périer, Président de la République, avec ceux qui l'accompagnaient, avec ses colla-


32 CONGRÈS DE STRASBOURG

borateurs de la première heure, n'auraient pas eu la conception audacieuse et bienfaisante de rassembler dans un même effort de bien public et de concorde sociale, toutes les oeuvres et toutes les institutions faites pour sauvegarder la santé publique.

L'idée fondamentale qui est au frontispice de toutes nos réformes d'ordre législatif, de toutes les initiatives d'ordre véritablement philanthropique, sanitaire et mutualiste est celle qui découle directement des travaux de Pasteur.

Cette notion a été vulgarisée par Brouardel, Grancher, Pierre Budin, par d'autres encore. Elle consiste en cette simple formule qu'il faut populariser, répandre dans les écoles, enseigner à tous les citoyens, à toutes les femmes : La plupart des maladies, pour ne pas dire toutes les maladies, sont évitables. Et si les maladies sont évitables, qu'est-ce à dire, sinon que comme l'a fait ressortir avec tant de force et de clarté M. Georges Risler, la préservation doit être à la base de toute action sociale.

M. le Maire de Strasbourg a eu raison de dire que la cité était la cellule maîtresse de toutes les mesures et de tous les moyens susceptibles de concourir soit à l'accroissement, soit au maintien •de la population de tout âge.

La commune, le district, l'arrondissement, le canton, le département, toutes ces formes administratives, si différentes puissentelles être, doivent coopérer avec la nation toute entière, avec l'Etat, pour former un faisceau compact et complet de défense contre les maladies évitables. Et ces maladies évitables ne sont pas seulement celles qui sont désignées sous le nom de maladies transmissibles, sous le nom de contagieuses ; toutes les maladies: tuberculose, peut-être cancer, maladies vénériennes, mortalité infantile, tous ces fléaux sociaux, depuis la fièvre typhoïde, jusqu'à la variole, peuvent et doivent être évités, supprimés, par une série de mesures appropriées et concordantes. (Applaudissements).

Et l'hygiène sociale ne serait qu'un vain mot, qu'un vocable de façade, s'il n'y avait pas un accord complet, continu, persévérant, entre les médecins, entre les hygiénistes, entre les savants, entre les disciples et les continuateurs de Pasteur et les administrateurs publics à tous les degrés. Mais les administrateurs publics seraient impuissants dans leur tâche, s'ils n'appelaient à leur secours, s'ils ne pouvaient compter d'une manière constante sur la collaboration cordiale intime, de toutes les initiatives, de


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tous les groupements, des associations, des oeuvres, des institutions les plus variées, et c'est ici qu'éclate là beauté de la conception à laquelle Casimir Perier, Cheysson, Jules Siegfried, Léon Bourgeois et plusieurs autres de leurs collaborateurs du début, ont eu l'idée opportune et patriotique de s'associer pour poursuivre de tels résultats.

C'est que tous ces efforts, s'ils sont divisés, s'il revêtent d'une manière en quelque sorte définitive, un caractère particulariste, risquent d'être en partie stériles.

Il est assurément nécessaire de pratiquer la division du travail. Nous ne demandons point aux oeuvres de perdre leur physionomie' propre, d'élargir plus que de raison leur champ d'action et leur rayonnement. Il est bon, il est même indispensable, que telle oeuvre se consacre plus spécialement à la puériculture, ou à la protection des mères, ou à la sauvegarde des berceaux, ou à la lutte contre la mortalité infantile.

Il n'est pas moins utile, moins nécessaire que le combat contre le taudis revête des formes particulières : sociétés coopératives, offices d'habitations à bon marché, fondation de sociétés de crédit immobilier. Il faut que chaque effort soit conduit, poursuivi avec autant de continuité que de méthode.

Mais ce qu'a voulu l'Alliance, ce qu'elle à réalisé depuis 20 ans par sa propagande, par l'exemple qu'elle a donné, par l'orientation qu'elle a pu inspirer aux esprits comme aux pouvoirs publics, c'est répandre de plus en plus cette notion qu'il ne faut pas s'ignorer dans une cité, dans un département, dans une nation.

L'hygiène sociale est à proprement parler un art de gouvernement. Il doit être placé au premier plan des préoccupations gouvernementales ; la preuve en est que partout, dans quelque champ d'investigation que se produisent ces recherches en vue de contribuer à la vitalité nationale, c'est vers ces mesures, ces moyens, ces réalisations, ces résultats d'hygiène sociale qu'on se tourne.

Et ce n'est pas seulement contre le mal physique que se dressent les efforts des hygiénistes sociaux ; ils ont une ambition plus haute et plus vaste, celle de dépister les causes sociales qui viennent soit engendrer soit aggraver les fléaux sociaux d'ordre physiologique ou pathologique. La misère, le paupérisme, l'ignorance sont trop souvent générateurs non seulement de l'alcoolisme, mais de la tuberculose.


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Aussi est-ce une tâche infiniment complexe et variée que celle d'associer dans le même effort, avec la diversité des moyens, et avec en même temps la communauté publique, toutes les oeuvres, sans distinction toutes les institutions, toutes les administrations publiques de tout ordre et de toute catégorie.

C'est depuis la naissance, je dois même dire avant la naissance, que cet effort de sauvegarde doit s'exercer.

Nous avons à veiller plus que par le passé, en face du péril de dépopulation qui sévit plus cruellement encore depuis la guerre sur les maternités populaires, pour les entourer de sollicitude et de soins attentifs. Les crimes contre l'enfance, l'odieux infanticide, et aussi la morti-natalité, les accouchements prématurés sont évitables. Ils sont la honte et le fléau d'une civilisation comme la nôtre. (Applaudissements).

Nous ne devons rien négliger pour que ces crimes contre la nature, contre la civilisation ne se reproduisent pas, et toute une série de mesures en ce sens, les unes d'ordre public, les autres à caractère privé, doit résulter du sentiment exact des réalités de l'existence.

La moralisation est au point de départ. L'éducation doit faire son oeuvre ; le sentiment familial doit être réveillé.

Nous devons, plus que jamais, faire appel à ces vertus civiques et familiales qui ont toujours fait l'honneur de la.race française et qui, plus particulièrement en Alsace, sont une force et une barrière.

Nous devons associer tous les collaborateurs, sans distinction qui travaillent sans arrière pensée à cette oeuvre d'hygiène et de salut public à laquelle le 13e Congrès de l'Alliance va prendre part.

Ce Congrès a pour but d'étudier quelques uns de ces problèmes, de faire apparaître devant nous les résultats obtenus dans notre chère Alsace à la suite des initiatives de Mulhouse et de certaines villes d'Alsace dont les noms doivent être considérés à la fois comme un exemple et comme une leçon.

Le 13e Congrès de l'Alliance ne se propose pas de découvrir la panacée universelle qui guérira tous nos maux, car elle n'existe pas. Mais il suivra patiemment, sous la direction d'un chef éminent comme Léon Bourgeois, avec des guides et collaborateurs comme MM. Georges Risler et Herrenschmidt, la voie dans laquelle nous


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devons de plus en plus nous engager. Nous n'avons pas eù en effet la prétention, par nos différentes lois sur l'assistance publique et sur la mutualité, d'avoir résolu tout le programme de la prévoyance.

Sur l'initiative de M. Jourdain, Ministre du Travail, et aujourd'hui sous l'influence de M. A. Peyronnet et de moi même, nous attendons de la Chambre et plus tard du Sénat que l'oeuvre de prévoyance sociale soit poursuivie, non pas exactement dans le cadre de la législation qui nous régit, mais en nous inspirant d'elle et en faisant une part de plus en plus grande à l'initiative individuelle ou à la mutualité qui sur notre sol a fait ses preuves, qui dans l'ancienne Alsace d'avant 70 avait été si florissante..

Nous devons aussi joindre plus exactement et plus harmonieusement l'action municipale à cette action mutualiste et de prévoyance. La Municipalité peut et doit faire beaucoup dans toutes les villes, non pas seulement pour résoudre une crise passagère du logement, mais surtout afin de revenir à la conception initiale des hygiénistes français en vue d'assainir les immeubles, et de faire disparaître les taudis.

Nous avons dans les années qui viennent de s'écouler, comme l'a indiqué M. Georges Risler, fait un effort assez remarquable pour amener la création soit des sanatoriums, soit des dispensaires privés.

Nous n'avons pas encore fait assez. Nous devons porter nos. regards sur la première et sur la seconde enfance, sur les cantines scolaires, les colonies de vacances, les écoles de plein air, sur tout ce qui est susceptible de prévenir la maladie et d'éviter la dégénérescence sous toutes ses formes. Cependant il nous faut achever et complèter notre oeuvre en ne laissant a aucun la liberté de l'imprévoyance, en faisant que tous, en se servant de la mutualité, soient rattachés à des institutions d'assurance sociale tout, à la fois faites pour préserver des atteintes de la gène et de l'invalidité par l'assurance contre la maladie et plus tard contre le chômage, et pour être des écoles de santé, des écoles de civisme et de concorde

Aussi suis-je assuré que le 13e Congrès de l'Alliance d'hygiène sociale qui se tient en ce cadre magnifique des fêtes de Pasteur, à l'heure même ou s'achève nos congrès, celui des jardins ouvriers,, celui de l'industrie laitière, tiendra la promesse de ses devanciers.


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Il ne songe pas en ce moment à vous offrir des solutions complètes et définitives, mais il vient en communauté d'idée, de souvenir, d'espérance avec les Alsaciens et les Lorrains, vous offrir un terrain d'action civique, philantropique, solidariste et prévoyant sur lequel nous pouvons et nous devons nous acheminer à coup sûr, parce que tous et toutes nous n'avons qu'un seul sentiment au coeur, une seule passion: l'amour sacré et indéfectible de la France et de la République. ( Vifs applaudissements).

M. PAUL STRAUSS, Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociales. — Nous avons à entendre tout d'abord la lecture du rapport de M. le Dr Rohmer et de M. le Dr P. Wilsdorp sur « la lutte contre la mortalité infantile en Alsace ».

La parole est à M. le Dr Rohmer :

LA LUTTE CONTRE LA MORTALITÉ INFANTILE EN ALSACE

Rapport présenté par MM. P. ROHMER, Directeur de la Clinique infantile de la Faculté de médecine de Strasbourg, et P. WILSDORF, Chef de Clinique-adjoint à la Clinique infantile.

La puériculture scientifique comprend deux parties qu'il importe de distinguer : d'une part la connaissance des maladies dont meurent les enfants en bas âge en si grand nombre, ainsi que les moyens de les prévenir ou de les guérir, et d'autre part, l'application pratique de ces moyens ; c'est donc une science à la fois médicale et sociale.

Du point de vue médical, le problème est presque complètement résolu ; en principe, il est possible de réduire la mortalité des enfants du premier âge à un minimum, qui se compose des enfants qui ne sont pas nés viables ou qui succombent à des infections qu'on ne peut pas toujours éviter. Pour ramener la mortalité à un taux minimum, il ne s'agit donc que de mettre en pratique des mesures bien connues, qui sont non seulement réalisables, mais ont déjà été réalisées à maints endroits avec succès.


CONGRÈS DE STRASBOURG 37

Avant de décrire l'effort qu'a fait l'Alsace dans cette oeuvre patriotique, permettez-moi de rappeler en quelques mots ce qu'on a fait dans le reste de la France. La puériculture moderne est une oeuvre essentiellement française. C'est en France qu'elle a pris son origine, c'est là qu'ont germé l'une après l'autre des idées nouvelles que le monde entier est venu y chercher. C'est avec une émotion grandissante et une profonde admiration que l'on parcourt la liste de cette riche éclosion d'oeuvres si variées, si ingénieuses et si généreuses !

Un tableau d'ensemble de l'oeuvre de puériculture française nous fera donc mieux von les lacunes qui existent chez nous et les voies toutes tracées que nous n'aurons qu'à suivre ; il fera peutêtre aussi ressortir la manière un peu originale de laquelle nous essayerons d'adapter des idées et des méthodes bien connues au caractère et à la situation particulière de notre peuple et de notre région !

Nous passerons rapidement sur l'oeuvre législative, si importante pourtant et que nous devons en grande partie aux efforts inlassables de l'homme que nous retrouvons partout où il s'agit de défendre l'intérêt de la mère et de l'enfant et qui nous fait l'honneur de présider notre Congrès : Monsieur le Ministre Paul Strauss. En Alsace, nous avons en plus deux lois : l'une, sur la recherche obligatoire de la paternité, qui a eu une influence très salutaire sur la mortalité des enfants illégitimes ; — l'autre, d'une portée beaucoup plus considérable, qui oblige les caisses des malades à payer aux femmes qui sont membres de la caisse, une allocation équivalente à l'indemnité de maladie — pendant 8 semaines, dont 6 après les couches, et à celles qui allaitent leur enfant une prime d'allaitement de 62 centimes pendant trois mois. Beaucoup de ces caisses sont allées plus loin. La caisse locale des malades de Strasbourg, par exemple, a étendu ses prestations aux familles de ses membres, donc, en réalité, à une grande partie de la population. Elle a élevé la prime d'allaitement à 1 fr. par jour, et, obéissant aux suggestions de l'un de nous (l), a consenti à la payer pendant six mois, si les femmes allaitent complètement ou partiellement leur enfant pendant ce temps. En outre, elle participera à l'organisation des consultations de nourrissons de la ville de Strasbourg.

(1) Rohmer.


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Parmi les caisses d'entreprises, nous ne citerons qu'à titre d'exemple celle de la Société alsacienne de Filature et de Tissage de Jute, à Bischwiller, qui, sous l'impulsion de son directeur, Monsieur Paul Winkler et en collaboration avec l'un de nous, a non seulement créé une oeuvre de puériculture complète avec une infirmière-visiteuse, consultations des nourissons et visites à domicile, mais s'est aussi décidée à payer à ses ouvrières l'indemnité de maladie pendant douze semaines au heu de huit et la prime d'allaitement pendant six mois au heu de trois (1).

En général, les Caisses locales des malades, à leur assemblée générale de 1922, se sont déclarées prêtes à collaborer aux oeuvres de puériculture ; nous verrons plus loin que leur appui financier, joint à celui des administrations départementales, formera la base solide sur laquelle nous pourrons édifier ces oeuvres.

Vous savez que le projet de loi sur les assurances sociales qui est déposé à la Chambre, prévoit des dispositions encore plus étendues en faveur des mères et des enfants, et nous ne pourrons que former des voeux pour qu'il soit adopté !

Indépendamment des mesures législatives, les administrations départementales et communales ont, surtout depuis la guerre, rivalisé d'efforts avec des entreprises industrielles et les oeuvres privées de bienfaisance (dont on a compté en 1922 plus de 9000 !) pour créer dans toute la France un vaste et magnifique mouvement de protection et d'assistance maternelle et infantile. Nous n'en citerons que les grandes lignes :

Protection de la femme enceinte :

Consultations de grossesse, qui fonctionnent particulièrement

dans les grandes villes ; Assistance de la femme qui accouche à domicile ; (trousseau

d'accouchement, femmes de ménage, distribution de linge,

de layettes, de secours en argent, d'objets de toute nature.) Protection de la fille-mère abandonnée, qui est reçue dans des

refuges, abris, asiles, etc.

(1) Certaines mesures, destinées à encourager la natalité, contribuent aussi à améliorer le sort des enfants qui sont nés. Citons, à titre d'exemple, la prime de berceau de 150 frs., payée par les industries qui sont affiliées à l'« Association familiale du Haut-Rhin » et la « Caisse de compensation du « Bas-Rhin », et qui s'ajoute au sursalaire familial. La Caisse locale des malades de Bouxwiller verse 100 frs. à la naissance de chaque enfant.


CONGRÈS DE STRASBOURG 39

2 Mesures qui favorisent l'allaitement au sein:

Consultations de nourrissons ;

Allocations payées d'habitude pendant 1 mois avant et 1 mois après les couches, à la condition que les femmes s'abstiennent de tout travail rémunéré et qu'elles allaitent leur enfant ; Chambres d'allaitement, crèches, cantines maternelles et restaurants gratuits pour des mères qui allaitent. Distribution de bon lait ; Surveillance hygiénique à domicile ; Cours et conférences populaires.

Ces oeuvres ont été créées principalement par l'initiative privée. De plus en plus, des municipalités et surtout les entreprises industrielles s'y sont jointes. On note avec le plus vif plaisir l'extension qu'a prise dans les dernières années l'oeuvre si sympathique et si féconde des mutualités maternelles !

I

L'Organisation de la puériculture en Alsace avant l'armistice

L'énumération des oeuvres de puériculture qui existaient en Alsace avant 1918 sera vite faite ! Sauf quelques exceptions, tout était a créer depuis l'armistice ; il faudra s'en souvenir pour mesurer l'effort qui a été accompli dans ces quelques années.

Voici ce qui existait.

GUEBWILLER : L'honneur d'avoir fondé la première oeuvre de puériculture en Alsace revient à Monsieur Jacques Schlumberger, qui a créé en 1900 à Guebwiller une consultation des nourrissons et une goutte de lait organisées d'après les principes du docteur, Dufour de Fécamp. On y fait des consultations hebdomadaires, encourage l'allaitement maternel et, à son défaut, distribue du lait stérilisé ou pasteurisé au prix marchand, les personnes aisées, payant.le prix complet.,De 1900 à 1914, la consultation a été fréquentée en moyenne par 68 enfants par an.

Une oeuvre de maternité donne des secours aux femmes en couches.

Un hôpital pour enfants malades, fondé en 1908 par; un legs de Monsieur et Madame Jean Schlumberger, renferme 35 lits, dont 6 pour nourrissons.


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STRASBOURG : Il existait depuis longtemps à l'hôpital civil de Strasbourg une clinique infantile rattachée à l'Université, mais qui était logée dans les vieux bâtiments de l'hôpital et renfermait un petit service pour nourrissons qui ne répondait en aucune façon aux exigences hygiéniques modernes.

Pour remédier à cet état intolérable, il fut créé en 1901 par une société privée un petit abri pour mères et nourrissons avec une consultation des nourrissons ; la ville y joignit le service de contrôle des enfants placés en nourrice. Après des extensions successives, cette oeuvre construisit l'immeuble qui s'appelle actuellement Institut de Puériculture et qui ne fut inauguré qu'en printemps 1914. La ville y centralisa le contrôle municipal des enfants illégitimes ou de ceux qui étaient placés en garde ou en nourrice ; en 1915 elle y ajouta des consultations, avec visites à domicile, pour des enfants légitimes. On y créa en outre une goutte-de-lait et une école d'infirmières pour nourrissons. En 1919, l'Institut a été pris au compte de la ville ; il contient en ce moment-ci 90 lits pour nourrissons et 16 lits pour mères-nourrices, et constitue un établissement modèle dans son genre. En 1921, on y installa le bureau d'admissions départemental, oh tout enfant que sa mère désire abandonner peut être amené.

En 1910, fut inauguré à l'hôpital civil la nouvelle clinique infantile, vaste, spacieuse, répondant à toutes les exigences que l'hygiène moderne demande à un hôpital pour enfants malades. La clinique contient, sur un total de 340 lits, 120 lits pour nourrissons ; elle est non seulement admirablement aménagée pour recevoir des enfants malades, mais offre aussi, avec ses laboratoires et sa bibliothèque richement dotés, un outillage parfait pour les recherches scientifiques et l'enseignement de la pédiatrie. Dès le début, on y avait rattaché une école d'infirmières spécialisées pour les soins à donner aux enfants malades ; pendant la guerre une consultation pour nourrissons bien portants y fut ouverte.

Il convient aussi de noter que la caisse locale des malades de Strasbourg a fait exercer depuis 1909 le contrôle des mères et des nourrissons qui touchaient des allocations de cette caisse, par des visites à domicile faites par une contrôleuse ; celle-ci profitait de ses visites pour donner des conseils hygiéniques et faire de la propagande pour l'allaitement maternel. — Une consultation de nourrissons y fut attachée après l'armistice. La fusion de ce service avec l'organisation municipale est actuellement décidée.


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Parmi les oeuvres privées, nous en saluerons en première ligne la doyenne, la « Société de CharitéMaternelle de Strasbourg », fondée en 1807, qui assiste les femmes pauvres depuis leur troisième couche, à la condition qu'elles soient mariées, de moralité reconnue et domiciliées à Strasbourg.

Le « Monikaheim " était un refuge pour filles-mères avec leurs nourrissons, créé par l'initiative privée en 1909 et qui a été fermé, faute de ressources, en 1918.

L'asile de protection de Soeur Thérèse (23, quai des Bateliers), fondation et propriété de Mlle Pire,reçoit des orphelins et enfants assistés de tout âge, y compris les nourrissons.

Depuis 1855 existe à Strasbourg dans la Maison des diaconesses une crèche privée, subventionnée par la ville. Cette crèche, oeuvre protestante, fait partie de l'établissement des diaconesses (rue Sainte-Elisabeth). Elle prend dès enfants de 6 semaines à 4 ans ; on compte 45 à 50 nouveaux inscrits par an.

La crèche Sainte-Marie, appartenant à la Congrégation des Soeurs de Charité (Toussaint) fonctionne depuis 1867 ; fréquence : 25 à 30 enfants.

En 1906 fut créée, à la suite d'un legs, la crèche Stenger-Bachmann (2, rue de la Douane) qui est dirigée par des religieuses du couvent de St-Joseph à Saint-Marc et qui assure, comme les oeuvres précédentes, pendant la journée, la garde des nourrissons et des enfants plus âgés de parents qui travaillent. Elle contient 16 lits pour nourrissons et 24 pour enfants plus âgés ; il y a eu en 1922, 150 enfants inscrits, avec une fréquentation de 31 à 70 par jour.

La crèche de la rue Fritz, créée par le « Vaterländischer Frauenverein » a été fermée au moment de l'armistice ; elle a été reprise par l'Union des Femmes de France (v. plus loin).

MULHOUSE : Goutte-de-lait et consultation des nourrissons créées par la Société de la Goutte-de-lait en 1913. OEuvre privée, subventionnée par la ville (voir plus loin).

La crèche de la fabrique Schwarz (30 lits) prend des enfants de 6 semaines à 6 ans appartenant à des ouvriers travaillant à l'usine.

Pour hospitaliser des nourrissons malades il existe une section spéciale à l'hôpital du Hasenrain, qui dispose aussi de nourrices,

La pouponnière de l'Ermitage, pour enfants depuis la naissance jusqu'à un an, contenait autrefois 20 lits. En 1922, elle a été agrandie et peut recevoir aujourd'hui 79 nourrissons (voir plus loin).


42 CONGRES DE STRASBOURG

Signalons encore, pour terminer, la Société de Maternité (14, rue Léon-Mieg), secourant les femmes en couches qui sont indigentes.

A COLMAR : nous trouvons la Maison de Protection Maternelle (33, route de Bâle), oeuvre privée de bienfaisance qui dispose de 15 lits pour filles-mères et leurs enfants. Depuis 1922, l'hospitalisation s'y fait aux frais du département. Les nourrissons peuvent rester à l'établissement, si les mères n'ont pas trouvé à les placer ailleurs.

Refuge Sainte-Françoise (2, rue du Lycée), oeuvre privée, comme la précédente, à moyens très limités.

Crèche Sainte-Françoise, du comité des crèches (comités catholique et protestant, qui ont fusionné en 1921.) La crèche garde et nourrit gratuitement pendant la journée des enfants de 6 semaines à 2 ans de mères qui travaillent, 25 places.

A THANN fonctionnait une goutte-de-lait, fondée par Madame Scheurer, de 1905 à 1914. (voir plus loin.)

NIEDERBRONN : consultation de nourrissons et goutte-de-lait, créées en 1909 par la Maison Dietrich, continuent à fonctionner sous le patronage de Madame Mellon.

SAVERNE : Consultation des nourrissons, goutte-de-lait, visites à domicile, créées et dirigées par Madame Huber depuis 1910. Notons la remarque intéressante que le nombre des consultations est monté de 10 à 60 par mois, depuis qu'on y donne des primes d'allaitement.

SCHILTIGHEIM : La goutte-de-lait de Schiltigheim fut créée en 1912 par une société privée, subventionnée par les communes et par l'Assistance publique. Elle fut fréquentée par 147 enfants en 1913, 192 enfants en 1916 et 116 enfants en 1922. Dans cette' dernière année, on distribua 75 489 portions de lait.

La Filature de laine peignée d'ERSTEIN entretient depuis 1914 une crèche pour les enfants de 6 semaines à 2 ans de ses ouvrières. Elle est située à proximité de l'usine, contient 20 lits et est ouverte pendant les heures de travail.

BOUXWILLER : Une distribution d'un lait spécial pour nourrissons s'y faisait depuis longtemps,,sur l'initiative du docteur J.Hoeffel, qui faisait aussi faire une propagande active pour l'allaitement


CONGRÈS DE STRASBOURG 43

au sein par les sages-femmes de l'arrondissement. Au moment 4e l'armistice, ce médecin y tenait une consultation de nourrissons bi-hebdomadaire. Depuis 1920, les consultations des nourrissons s'y font avec une infirmière-visiteuse, qui fait aussi des visites à domicile, sous le patronage du Comité local de l'A. D. F. L'oeuvre a créé des consultations à Ingwiller, Pfaffenhoffen et Dossenheim. De 147 enfants, nés à Bouxwiller depuis 1920, 123 ont été visités.

Au ZORNHOFF, une consultation de nourrissons a été créée par Madame Chritsmann en 1917. On y distribue des layettes et des aliments, et organise des conférences mensuelles pour les mères. Sur 113 enfants, nés à Mons willer et Zornhoff de 1918 à 1922, 81 (72 p. c.) ont été présentés à la consultation.

Mentionnons pour terminer la Société de puériculture fondée en 1912 avec le but principal d'organiser dans les villes et villages où il n'y aurait pas encore d'institution de ce genre, des cours ambulants de puériculture.

Résumons : Jusqu'à l'armistice nous avions dans les deux départements une organisation assez complète à Strasbourg, quelques oeuvres isolées et bien insuffisantes à Mulhouse et à Colmar et des consultations et gouttes-de-lait à rayons d'action très limités, à Guebwiller, Thann, Niederbronn, Saverne, Schiltigheim, Erstein, Bouxwiller et Zornhoff.

II

Développement des institutions de puériculture depuis l'armistice

Après les hécatombes terribles de la grande guerre, on a redoublé d'ardeur dans toute la France pour combler le plus rapidement possible les lacunes effroyables. En Alsace, il s'y ajouta la joie bien compréhensible du retour à la mère-patrie et le désir de travailler et de se dévouer pour elle. Ceci explique cette riche éclosion d'oeuvres de puériculture que nous voyons de tous les côtés. Nous avons déjà signalé en partie le développement qu'ont pris depuis l'armistice certaines des oeuvres préexistantes ; nous ajouterons, dans une énumération rapide, ce qui a été créé dans ces cinq ans. Nous espérons n'avoir rien omis d'important et nous vous prions d'avance de nous excuser, si notre documentation, vu la brièveté du temps dont nous disposions pour la recueillir, devait présenter des lacunes ou des inexactitudes.


44 CONGRÈS DE STRASBOURG

A STRASBOURG, les services de protection maternelle et infantile ont été centralisés dans l'office municipal de la Jeunesse (création par décision du conseil municipal du 18 juillet 1919). L'office créa, avec la collaboration financière de la Société de puériculture du Bas-Ruin, des consultations de nourrissons à Neuhof, Koenigshoffen, Cronen bourg et là Robertsau. Dans les derniers temps, cette organisation municipale a fusionné avec celle de la Caisse des malades, et l'on vient de créer une nouvelle organisation, à laquelle collaborent l'office municipal de la Jeunesse, la Faculté de Médecine, la Caisse des malades et les oeuvres privées. La ville a été divisée en 9 secteurs, dont chacun est desservi par un médecininspecteur, une visiteuse et une consultation de nourrissons. L'ensemble des services est placé sous la direction du médecin d'arrondissement, qui est en même temps directeur de l'Office municipal d'hygiène.

La crèche de la rue Fritz a été réinstallée par l'Union des Femmes de France, et la Société de Secours aux Blessés Militaires a créé le dispensaire Vauban, pour les femmes et enfants des militaires.

Finalement il faut citer la « Maison de protection maternelle du Bas-Rhin », créée par délibération du Conseil général du 22 septembre 1921 et installée dans les locaux de l'hôpital civil. Elle reçoit gratuitement les mères indigentes, à partir du huitième mois de grossesse et les garde pendant les trois mois qui suivent l'accouchement. Du 1er avril 1921 au 1er octobre 1923, 216 mères y ont été reçues, dont 45 avant, 23 après et 148 avant et après leur accouchement.

Organisations du Bas-Rhin, en dehors de Strasbourg

Arrondissement de Sélestat :

SÉLESTAT : une crèche (A. D. F.).

La ville vient d'engager une infirmière-visiteuse et est en train de créer un centre de puériculture avec le concours financier de la caisse locale des malades.

BARR : Consultation des nourrissons (1921); oeuvre privée.

VILLE: L'entreprise « Filature et Tissage de Villé » a créé un dispensaire d'hygiène sociale qui réunit la puériculture à la lutte antituberculeuse (depuis le 1er juillet 1922).


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Arrondissement d'Erstein :

ERSTEIN : Consultation de nourrissons créée en mai 1922 par l'A. D. F. ; elle vient d'engager une infirmière-visiteuse et se transformera en centre cantonal de puériculture (réuni au dispensaire antituberculeux) ;

ILLKIRCH-GRAFFENSTADEN : Centre cantonal de puériculture (U. F. F.) (réuni au dispensaire antituberculeux).

OBERNAI : Consultation de nourrissons, créée avec l'aide de la Société de puériculture du Bas-Rhin en juillet 1923.

Arrondissement de Strasbourg-Campagne:

SCHILTIGHEIM : A côté de la consultation de nourrissons et goutte-de-lait qui continue à fonctionner sous la direction de son comité privé, les trois municipalités de Schiltigheim, Bischheim et Höhnheim ont mis dans leur budget une somme de 12 000 francs pour créer un centre de puériculture, qui va être institué incessamment

à BRUMATH : centre cantonal de puériculture (A. D. F.), depuis le 1er janvier 1923.

Arrondissement de Molsheim :

à ROSHEIM : Consultation de nourrissons (A. D. F.), depuis mai 1923;

à WASSELONNE : Consultation de nourrissons (A. D. F.), depuis mars 1923;

à MUTZIG : Nous avons déjà mentionné l'asile de protection « Soeur Thérèse » de Strasbourg (Mlle Pire) qui a créé une succursale à Mutzig, destinée spécialement à des nourrissons.

En plus, une oeuvre de puériculture est en voie d'organisation, par le Comité local de l'A. D. F.

Arrondissement de Haguenau :

à HAGUENAU : une crèche (A. D. F.) existe depuis janvier 1918 (15 lits pour nourrissons).

2) Un centre de puériculture est en voie de formation ; l'infirmière-visiteuse a commencé son activité depuis août 1922 (S. B. M.)


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à BISCHWILLER : Centre de puériculture de la Société alsacienne de Filature et de Tissage de Jute (que nous avons déjà décrit plus haut ; fonctionne depuis 1921);

à REICHSHOFFEN : Consultation de nourrissons (S. B. M.) visites à domicile par des dames bénévoles ; aura une infirmièrevisiteuse ;

à ZINSWILLER : Consultation de nourrissons (depuis 1921) (succursale de la consultation de Niederbronn) ;

à MERTZWILLER: Consultation de nourrissons depuis 1922 (succursale de la consultation de Niederbronn).

Arrondissement de Saverne :

Aux organisations déjà mentionnées (Bouxwiller, Saverne, Zornhoff), nous pouvons ajouter :

à INGWILLER : Consultation de nourrissons (A. D. F.), depuis février 1923 (avec le concours de la visiteuse de Bouxwiller) ;

à DOSSENHEIM : Consultation de nourrissons (A. D. F.), depuis 1923, (avec le concours de la visiteuse de Bouxwiller);

à PFAFFENHOFFEN : Consultation de nourrissons (A. D. F.) depuis janvier 1923;

à SARRE-UNION : Consultation de nourrissons (A. D. F.) depuis décembre 1922.

Arrondissement de Wissembourg : néant.

Organisations du Haut-Rhin

Arrondissement de Colmar :

à COLMAR : il faut ajouter aux oeuvres préexistantes une gouttede-lait et consultation de nourrissons (S. B. M.). 343 enfants ont été présentés en 1922. Assure le contrôle des primes d'allaitements La Société de S. B. M. assure également le contrôle de l'assistance aux femmes en couches et des primes d'allaitement dans les cantons d'Andolsheim et de Wintzenheim ;

à INGERSHEIM : (A. D. F.) OEuvre de layettes. Une consultation de nourrissons est en voie d'organisation ;

à TURCKHEIM : 1° Crèche Sainte Odile de Madame Schwindenhammer (25 admissions en 1922).


CONGRÈS DE STRASBOURG 47

2° Consultation de nourrissons depuis 1922 (A. D. F.).

à MUNSTER : Consultation de nourrissons (S. B. M.) : 88 enfants au-dessous d'un an présentés en 1922.

à NEUF-BRISACH : centre cantonal de puériculture. Consultations à Neuf-Brisach, Biesheim, Vogelsheim, Windensolen, Balgau et Ruenheim. Visites à domicile (A. D. F.), nov. 1919. 93 inscriptions en 1922.

Arrondissement de Ribeauvillé :

RIBBEAUVILLÉ : Goutte-de-lait et consultation de nourrissons (S. B. M.) créée en août 1920. 30 enfants inscrits en 1922 (sur 88 naissances).

SAINTE-MARIE-AUX-MINES : Consultation, affiliée à la Mutualité de Paris.

Arrondissement de Guebwiller :

Nous avons déjà mentionné les oeuvres de Guebwiller. Il faut y ajouter :

ISSENHEIM : Consultation de nourrissons et goutte-de-lait (A. D. F.) fondées en décembre 1921 (38 inscriptions en 1922).

Arrondissement de Thann:

THANN: (A. D. F.) Consultations hebdomadaires à Thann,.. bi-mensuelles à Vieux-Thann et à Bitschwiller. OEuvre de layettes. Consultation prénatale. (Les femmes sont adressées au médecin de famille par l'intermédiaire du Comité). 91 inscriptions en 1922, sur 207 naissances).

CERNAY : goutte-de-lait et consultation (S. B. M.): fonctionne depuis septembre 1920 (87 inscriptions en 1922),

Arrondissement de Mulhouse

MULHOUSE: 1° L'U. F. F. a créé lé 3 mars 1921 une consultation de nourrissons, destinée à contrôler les bénéficiaires des primes d'allaitement. 680 enfants furent présentés en 1922 tous nourris au sein.

En juin 1922, on y ajoutaune consultation prénatale, qui a été fréquentée, jusqu'en août 1923, par 249 mères.


48 CONGRÈS DE STRASBOURG

Le 2 mars 1923, on porta 1e nombre des consultations des nourrissons à deux, desservant chacune la moitié de la ville, et étendant leur action à tous les nourrissons. Elles exercent le contrôle des enfants assistés dans les communes voisines.

La division de la ville en trois secteurs avec trois " centres de puériculture» est décidée.

2° La goutte-de-lait entretient une consultation de nourrissons très fréquentée. Sur 285 enfants présentés en 1922, 15 seulement étaient nourris au sein. 1148 consultations, 800 visites à domicile, 70 000 litres de lait distribués, 32 layettes.

3° La pouponnière de la goutte-de-lait, fondée en 1920 dans le local de cette dernière, a été transférée à l'Ermitage en 1922 et agrandie ; elle héberge 80 nourrissons, presque tous abandonnés on illégitimes. Les malades sont adressés à l'hôpital civil.

LUTTERBACH : Goutte-de-lait et consultation des nourrissons (depuis 1920) (A. D. F.) 43 inscriptions en 1922.

SAINT-LOUIS : Consultation de nourrissons (A. D. F.), tenue par une sage-femme depuis quelques mois. La création d'un centre de puériculture complet est assurée.

La Société de puériculture (fondée en 1912) a décidé, le 1er octobre 1921, de se partager en deux groupes distincts, celui du Haut-Rhin et celui du Bas-Rhin, tout en conservant la même institutrice.

Le groupe du Haut-Rhin a organisé, en 1922, 16 cours, et celui du Bas-Rhin dans la même année 18 cours à 12 leçons.

III

Mesures ayant pour but la coordination des oeuvres de puériculture

Toutes ces oeuvres sont certainement de valeur inégale. Il fallait canaliser l'effort, sérier les méthodes par ordre d'importance et imprimer à l'action une unité de direction. C'est le but que s'est proposé l' « ASSOCIATION ALSACIENNE ET LORRAINE DE PUÉRICULTURE» , créée en 1920.

En voici les statuts : § I. L'Association alsacienne et lorraine de puériculture a pour but de réunir tous les efforts qui tendent à relever la natalité et à combattre la mortalité infantile.


CONGRÈS DE STRASBOURG 49

§ II. Dans ce but elle créera des groupements dans tout le pays

Elle orientera et centralisera l'action, de ces groupements locaux et les subventionneraau besoin.

Elle organisera l'enseignement de l'hygiène maternelle et infantile sous toutes les formes.

Elle étudiera les questions scientifiques de puériculture.

Elle étudiera également et proposera, au besoin, des mesures législatives.

Elle publiera un bulletin comprenant des articlesoriginaux, des extraits bibliographiques, ainsi que les rapports annuels:de l'Association et de ces groupements locaux.

§ III. L'Association comprendra des membres individuels et collectifs.

§ IV. Pourront être, membres de l'Association:

1° à titre individuel, toute personne s'intéressant aux questions de puéricultiure.

2° à titre collectif,

a) toute oeuvre ou société ayant un but analogue à celui de l'Association, telles que crèches, gouttes de lait, consultations de nourissons, refuges, dispensaires, etc.

b) les départements, les municipalités, sociétés industrielles, caisses de malades, caisses de secours, etc.

§ V. Les membres individuels et collectifs de l'Association formeront par région (arrondissement, ville, centre industriel, etc.) des groupements locaux qui adapteront leur action au caractère particulier de leur district et tâcheront d'en englober toutes les oeuvres d'assistance maternelle et infantile déjà existantes ou à créer; ils garderont une certaine individualité, éliront un président et un comité et pourront disposer de ressources propres.

Le même besoin s'est fait sentir partout. Dans un rapport qui a été présenté au Congrès international de protection maternelle et infantile (Paris, juillet 1922) sur la participation des oeuvres privées à l'assistance maternelle et infantile, l'auteur (1), après avoir fait l'éloge de ces oeuvres, en dit qu'elles risquent de voir leur action souffrir de la dispersion de leurs efforts. Il se demande si « leur autonomie maintenue jalousement par certaines d'entre elles, n'a pas élevé sur bien des points des cloisons étanches qu'il conviendrait d'abattre », et il continue : « on peut reconnaître qu'une coordination s'impose entre des éléments aussi variés, et que le jour où la Maison existera entre tous les rouages de cette vaste machine, l'État aura entre les mains un instrument qui lui offrira toute garantie et fera du bon ouvrage.» C'est cette

(1) M. Desvouges.


50 CONGRÈS DE STRASBOURG

même idée qui a amené quelque temps après M. le Ministre Paul Strauss à réunir toutes les oeuvres maternelles et infantiles de France dans le «Comité National de l'Enfance »; et l'« Association alsacienne et lorraine de Puériculture » est devenue tout naturellement « Section régionale » de ce comité pour l'Alsace et la Lorraine.

Pour réaliser son programme, elle n'a cessé depuis de servir d'intermédiare entre tous les facteurs qui s'occupent de puériculture : les sociétés de la Croix-Rouge en première ligne, certaines personnes privées, des municipalités, le corps médical, et en particulier les administrations départementales, surtout celle du Bas-Rhin, dont le Préfet, Monsieur Borromée, a été l'artisan principal et le plus zélé de la nouvelle organisation. On permît ainsi la formation des « centres cantonaux de puériculture» destinés à centraliser, dans leur district, toutes les oeuvres d'hygiène maternelle et infantile.

La base de l'organisation est l'introduction, dans nos trois départements, des lois sur l'assistance maternelle et infantile et celle sur la protection des enfants placés, contre paiement d'une pension, en garde ou en nourrice (dite loi Roussel). Il eût été facile pour les administrations départementales d'assurer l'exécution de la loi par un petit nombre de médecins-inspecteurs, assistés de quelques visiteuses. Elles ont préféré, sur le conseil, de l'un de nous (l), en charger des organisations privées, ayant chacune un rayon d'action limité qui ne pourrait dépasser, en règle générale, celui d'un canton. Il est évident que cela nécessitait un grand nombre de médecins-inspecteurs et de visiteuses, puisque chaque centre cantonal doit être pourvu de l'un ou de l'autre.

Pour les postes de médecins-inspecteurs, on a fait appel aux syndicats des médecins, partant de l'idée qu'une oeuvre sociale de cette envergure, où des questions médicales jouent un rôle prépondérant, ne pourrait être entreprise sans la collaboration du corps.médical tout entier. On l'y a associé sur une base très large, qui, tout en donnant satisfaction à ses légitimes revendications, ne lèse en rien les intérêts des autres parties contractantes. J'insiste surtout sur, l'obligation qu'assument les médecinsinspecteurs de suivre un cours de perfectionnement en puériculture l'année même de leur entrée en fonction, pour se familiariser avec les questions spéciales dont ils auront à s'occuper.

(1) Bohmer.


CONGRÈS DE STRASBOURG 51

Voici d'ailleurs le texte de la convention passée entre le préfet du Bas-Rhin et la Fédération des Syndicats Médicaux d'Alsace; celle que cette dernière a passée avec le Préfet du Haut-Rhin n'en diffère que par quelques légères modifications sans importance.

Convention

entre Monsieur le Préfet du Bas-Rhin et la Fédération des Syndicats médicaux d'Alsace

Article premier

Le service médical de toutes les organisations de puériculture chargées par le préfet du Bas-Rhin de l'application des lois, arrêtés et règlements sur la protection de l'enfance, est assuré exclusivement par des médecins proposés par le syndicat médical et agréés par le préfet.

Le préfet se réserve de refuser son agrément au candidat proposé par le syndicat médical en cas de motif grave, confidentiellement communiqué au président de la F. S. A. Dans ce cas il invite le syndicat à désigner un autre candidat.

Article 2

Dans le rayon d'action de ces organisations de puériculture, la protection légale de l'enfance leur est entièrement dévolue.

Article 3

Ces organisations ne doivent en aucun cas s'occuper de thérapeutique, ne s'immiscer en tiers entre le médecin traitant et les malades.

Article 4

Elles ne doivent jamais fonctionner sans médecin. Elles n'ont chacune qu'un médecin titulaire et éventuellement un suppléant.

Article 5

Si l'organisation de puériculture fonctionne sous la direction d'une oeuvre privée, le syndicat médical doit obtenir, pour son candidat, l'agrément de la personne (ou du comité) qui administre le dispensaire.

En cas de désaccord, les objections de cette personne (ou du comité) à la candidature proposée par le syndicat médical sont soumises par écrit au préfet. Celui-ci prend l'avis d'une commission composée de son repré - sentant, d'un représentant de la Fédération des Syndicats médicaux d'Alsace, d'un représentant des Sociétés de Croix-Rouge et du Directeur de la Clinique universitaire infantile de Strasbourg. Cette commission les discute dans, un rapport, en concluant soit à leur rejet soit à leur prise en considération. Dans ce dernier cas, le syndicat doit désigner un autre candidat.


52 CONGRÈS DE STRASBOURG

Article 6

Les honoraires du médecin chargé, du service d'une orgainsation de puériculture sont fixés par séance de consultations:

à 20 frs. pour 1 à 10 enfants examinés à 25 » » 11 à 15 » »

à 30 » » 16 à 20 » »

à 35 » » 21 à 30 » »

à 40 » ». 31 à 40 » »

L'indemnité kilométrique sera en sus allouée au médecin sur les bases prévues par l'arrêté ministériel du 25 janvier 1923, relatif à l'application de la loi des pensions et, dans l'avenir, par tout nouvel arrêté ministériel régissant la matière.

Ces honoraires sont à la charge du centre de puériculture.

Article 7

En qualité de médecin-inspecteur du service de la protection de l'enfance, le médecin du centre de puériculture visite les nourissons une' fois dans les huit jours qui suivent leur placement, une fois à l'âge de six mois une fois lorsqu'ils ont un an, une fois lorsqu'il atteignent leur deuxième année.

En dehors de ces visites périodiques, il pourra être appelé à visiter les nourissons sur la demande du maire ou de la visiteuse d'hygiène chaque fois que leur santé ou les circonstances l'exigeront.

Des visites exceptionnelles pourront être faites dans des conditions analogues aux enfants protégés ne rentrant pas dans la catégorie des nourrissons.

A la fin de chaque mois, le médecin transmet à l'inspecteur de l'assistance publique les bulletins concernant les visites qu'il a faites au cours du mois écoulé.

L'administration préfectorale paye directement les honoraires afférents à toutes les visites ci-dessous énumérées :

a) sur la base du tarif de l'assistance publique pour les visites effectuées dans la localité ou réside le médecin;

b) à raison de 15 francs par visite pour celles effectuées hors du territoire de la commune ou il réside ; exception faite des visites effectuées aux nourrissons lorsqu'ils atteignent six mois, un an et deux ans, visites qui sont rémunérées au même taux que dans la commune de résidence.

Article 8

Le médecin titulaire s'engage ipso facto, en acceptant sa nomination, à suivre un cours spécial de vingt leçons au plus, qui auront lieu le samedi à la clinique infantile de la Faculté de médecine de Strasbourg,

Il sera remboursé de ses frais de transport par voie ferrée en deuxième classe par l'association alsacienne et lorraine de puériculture.


CONGRÈS DE STRASBOURG 53

S'il n'a point satisfait à cette obligation dans le délai d'un an à dater du jour où il a reçu la convocation à cet effet, sauf raisons majeures dont le directeur de la clinique universitaire infantile de Strasbourg et le président de la F. S. A. (ou son représentant) sont solidairement juges, le préfet peut le relever de ses fonctions et en avise immédiatement le syndicat médical intéressé.

Article 9

Le médecin titulaire est nommé pour trois ans; il est indéfiniment renouvelable dans ses fonctions selon la même procédure que pour sa nomination.

Article 10

En cas de faute ou d'insuffisance technique, le médecin peut être déféré par le préfet devant une commission composée de l'inspecteur départemental d'hygiène du Bas-Rhin, du directeur de la clinique infantile de la Faculté de Strasbourg et du président de la Fédération des syndicats médicaux d'Alsace.

Cette commission ne peut valablement délibérer que si elle est complète.

Elle peut proposer au préfet que le titulaire soit relevé de ses fonctions et le préfet est seul juge de la suite à donner à cette proposition.

Article 11

En cas de condamnation judiciaire, afflictive ou infamante, en cas de condamnation pour infraction à la loi sur l'exercice de la médecine, le médecin sera immédiatement relevé de ses fonctions.

En cas de manquement à la déontologie, commis dans l'exercice de ses fonctions et dûment établi par un jugement des tribunaux syndicaux professionnels, le médecin sera relevé des dites fonctions sur simples demande du président de la F. S. A.

Article 12

Lé médecin détient toute l'autorité technique sur le personnel officiel ou bénévole d'exécution dans le rayon d'action de l'organisation dont il est le chef.

Il a vis-à-vis de ce personnel le droit de proposition pour toutes les récompenses ou sanctions prévues, qui ne peuvent être, ni les unes données ni les autres infligées sans son avis.

Article 13

Tout médecin chargé d'un service de puériculture, dont la nomination est antérieure au premier octobre 1922, devra, sans délai, soumettre cette nomination à la ratification du syndicat médical local et ses fonctions seront dans la suite renouvelables, conformément à l'article 9.


54 CONGRÈS DE STRASBOURG

Au cas où le syndicat aurait des raisons sérieuses de ne pas ratifier cette nomination, il est tenu de les fournir au préfet par écrit. Le préfet se réserve le droit de soumettre ensuite le cas à la commission prévue par l'article 5 et dont la décision sera sans appel.

Toute nomination de médecin postérieure au premier octobre 1922 sera sans délai soumise à ratification, conformément à la procédure prévue par les articles 1er et 5 de la présente convention.

Article 14.

Le présent contrat est valable pour quatre ans et renouvelable par tacite reconduction. Toute dénonciation devra être notifiée six mois à l'avance.

Pour ce qui concerne les visiteuses, leur nomination et leurs fonctions devront être l'objet de conventions spéciales entre les préfets et les oeuvres privées Ces fonctions sont définies d'une façon parfaite dans la convention qui a été passée le 28 avril 1923 entre Monsieur le Préfet du Bas-Rhin et l'Association des Dames Françaises et qui pourra servir de modèle aux autres contrats de ce genre (1).

Convention

entre le département du Bas-Rhin et l'Association des Dames Françaises en vue de déterminer les conditions dans lesquelles les visiteuses d'hygiène infantile des Comités de l'A. D. F. du Bas-Rhin pourront être chargées dans le département du contrôle des lois d'assistance maternelle et infantile et de la surveillance des enfants soumis à la législation sur la protection du premier âgé.

Article premier

Les visiteuses d'hygiène infantile des Comités de Croix-Rouge (A. D. P.) pourront être chargées d'assurer, dans le département du Bas-Rhin, le contrôle des lois sur l'assistance aux familles, nombreuses et aux femmes en couche et la surveillance des enfants soumis à la législation sur la protection du premier âge, dans les conditions suivantes:

Article. 2

Les visiteuses des Comités de Croix-Rouge (A, D. F.)seront désignées pour remplir ces fonctions administratives par le Préfet, sur la proposition des Comités dont elles dépendent après avis de la Commission prévue par l'article 7 du règlement départemental du service de la protection du premier âge du 5 octobre 1922.

(1) Cette même convention vient d'être passée entre le Préfet du BasRhin et la « Société de Secours aux Blessés Militaires ».


CONGRÈS DE STRASBOURG 55

Ces visiteuses ne pourront être agréées qu'autant qu'elles connaîtront la langue allemande et seront pourvues d'un diplôme universitaire délivré par une école d'infirmièies.

Le Préfet pourra à tout moment, après en avoir prévenu trois mois à l'avance le Comité dont elle dépend, retirer à une visiteuse les fonctions administratives qui lui ont été confiées.

Si une visiteuse s'acquitte mal de son service ou commet une faute grave dans l'exercice dé ses fonctions, le Préfet pourra immédiatement demander son renvoi au Comité et son remplacement par une autre.

Toutefois ces mesures ne pourront être prises avant que l'intéressée ait été appelée à se justifier et que le Comité et le médecin-inspecteur aient été invités à donner leur avis. De son côté le. Comité local pourra demander au Préfet de changer une visiteuse de secteur et de la remplacer par une autre désignée et agréée par le Comité.

Article 3

Les visiteuses ne sont pas des fonctionnaires. Pour tout ce qui a trait à leur engagement, à leur traitement, à leur renvoi, elles dépendent exclusivement des Comités de Croix-Rouge auxquels elles appartiennent.

Article 4

Le traitement et les frais de déplacement de la visiteuse seront payés par le Comité dont elle dépend. Le département y contribuera en principe pour moitié, ainsi qu'au paiement des primes d'assurances contre les maladies et accidents du travail de la visiteuse.

Les frais de déplacement seront décomptés conformément au tarif fixé par la Commission départementale. (1)

Article 5

Les visiteuses seront placées au point de vue technique, sous l'autorité du Directeur départemental de l'hygiène et du médecin-Inspecteur, et au point de vue administratif sous celle de l'Inspecteur départemental de l'Assistance publique.

Les attributions des visiteuses, en matière administratives, sont déterminées par les règlements départementaux sur les services d'Assistance aux femmes en couches, aux familles nombreuses et de la Protection du premier âge.

Elles devront s'y conformer ainsi qu'à toutes les instructions ou directives qui pourront leur être données par le Préfet ou les fonctionnaires BOUS l'autorité desquels elles se trouvent.

( 1 ) Ce tarif est le suivant :

1° Remboursement du billet de chemin de fer eh seconde classe. 2° Indemnité annuelle de 300 francs pour achat et entretien d'une

bicyclette. 3° Au cas où, en raison de l'éloignement du secteur visité, la visiteuse serait dans l'obligation de découcher; payement d'une indemnité de 15 francs conformément au tarif fixé par l'arrêté de M. le Commissaire général de la République en date du 16 avril 1923, classe VII


56 CONGRÈS DE STRASBOURG

Ces attributions comportent notamment la surveillance régulière des personnes suivantes:

A) — femmes admises au bénéfice de l'assistance aux femmes en

couches,

B) — enfants soumis à la loi sur la protection des enfants du premier

âge.

1) — enfants de moins de deux ans placés en nourrice.

2) — enfants assistés de moins de deux ans.

3) — enfants de moins de deux ans secourus au titre de

la loi du 27 juin 1904.

4) — enfants dont la mère bénéficie de l'assistance aux

femmes en couches.

5) — enfants de moins de deux ans des familles bénéficiaires

bénéficiaires l'assistance aux familles nombreuses.

6) — enfants fréquentant bénévolement les consultations

de nourrissons.

C) — enfants non soumis à la loi sur la protection du premier âge

1) — enfants assistés de plus de deux ans.

2) — enfants de plus de deux ans secourus au titre de la

loi du 27 juin 1904.

3) — enfants de plus de deux ans des familles bénéficiaires

de l'assistance aux familles nombreuses. Les visiteuses recevront par les soins de l'Inspecteur de l'Assistance Publique, la liste des enfants qu'elles devront visiter régulièrement et devront lui transmettre, tous les 15 jours, par l'intermédiaire du MédecinInspecteur les fiches qu'elles devront établir après chaque visite avec les constatations et propositions opportunes.

Article 6

La désignation de chaque visiteuse fera l'objet d'un arrêté pris par le Préfet.

Article 7

La présente convention est valable pour trois ans et renouvelable par tacite reconduction. Toute dénonciation devra être notifiée six moisà l'avance.

Lu et approuvé, Signé par: Le Préfet,

Darrasse, trésorier. Borromée.

Dans le Haut-Rhin, on a réparti les cantons entre les différentes sociétés de la Croix-Rouge ; on les utilise pour le contrôle des oeuvres qui existent, en les subventionnant. On semble encore hésiter quand, à l'introduction définitive du système des centres cantonaux de puériculture.


CONGRÈS DE STRASBOURG 57

Dans le rapport de l'Inspecteur départemental d'assistance publique de 1922 nous lisons à ce propos :

« Le contrôle sur place qui, selon un voeu exprimé par le «Conseil général (du Haut-Rhin), doit être confié à des in« firmières de puériculture diplômées .... ne constitue à pro« prement parler qu'un essai.

«Ce contrôle ne fonctionne que depuis peu de temps; il est « impossible de dire, à l'aide des résultats obtenus jusqu'à ce « jour, si les services qu'il rend justifient les sacrifices consentis « par le département (de 2 à 4000 frs. par canton et par an) «selon l'importance du chiffre de la population, le nombre «des communes et leur éloignement les unes des autres.» Dans le Bas-Rhin on se sert également, pour le contrôle local, des oeuvres qui existent et on a chargé provisoirement les médecins d'arrondissement des fonctions de médecins-inspecteurs. Mais on a l'intention bien arrêtée de ne reconnaître officiellement et subventionner — jusqu'à la moitié de leurs frais — que les centres de puériculture complètement organisés, avec médecin et infirmière-visiteuse diplômée, qui, au point de vue de leur fonctionnement, offrent les garanties nécessaires et sont à même de desservir effectivement tout le canton qui leur est attribué.

Cette façon de procéder nous semble devoir être préférée. Il faut arriver à couvrir le pays d'un réseau de «centres de puériculture » bien organisés et bien outillés. Grâce à eux, l'introduction de la loi Roussel aura effectivement, selon le voeu de Monsieur le Ministre, servi de support pour des oeuvres de puériculture, dépassant de beaucoup les fonctions purement administratives, donnant les coudées franches à l'initiative privée, s'adaptant aux besoins particuliers de chaque région, créant et centralisant toutes les oeuvres d'hygiène maternelle et infantile, même celles qui visent la moyenne et la grande enfance. L'« Association alsacienne et lorraine de puériculture» s'est inspirée de ces principes, en organisant les centres de puériculture qui sont affiliés à elle. Qu'il me soit permis de citer quelques points essentiels du règlement qu'elle leur a donné :

Organisation générale

1) Les centres de puériculture constituent des oeuvres autonomes, qui peuvent être créées soit par des municipalités, soit par des sociétés de la Croix-Rouge, caisses-maladies, des industries privées, etc.; ils en portent le nom, conservent leur caractère particulier et sont soumis au règlement qui leur est imposé par l'organisation qui les a créés.


58 CONGRÈS DE STRASBOURG

2) Chaque centre entre comme membre collectif dans l' « Association alsacienne et lorraine de puériculture », dont il forme un « groupement local», et dont il accepte la direction technique.

3) Il tâchera, quelle que soit son origine, de faire entrer dans son organisation les municipalités, les caisses-maladies, les oeuvres privées, etc., qui s'intéressent à la puériculture de son secteur.

4) Chaque centre de puériculture demandera son agrément au préfet; le département peut prendre à sa charge une partie des dépenses, qui toutefois n'excèdera pas la moitié du total de leurs frais.

Il est prévu que des centres de puériculture pourront être complètement à la charge d'une organisation privée; en ce cas, ils s'engageront à se soumettre au même règlement que ces centres subventionnés par le département.

5) Les centres de puériculture qui ont obtenu l'autorisation préfectorale, sont chargés du contrôle de l'application des lois sur l'assistance maternelle et infantile, sur les primes d'allaitement et sur la protection des enfants du premier âge; ils sont soumis au contrôle de l'administration départementale et acceptent d'en exécuter les prescriptions. Leur secteur ne depassera pas, en règle générale, l'étendue d'un canton, ou d'un rayon d'action d'une grandeur analogue.

6) On tâchera d'obtenir qu'ils soient en même temps chargés par les caisses-maladies locales et d'entreprises du contrôle des femmes en couches et nourrices qui bénéficient des allocations de ces caisses; en ce cas, celles-ci participeront aux frais de l'oeuvre.

7) En dehors et au dessus de ce travail de contrôle, les centres de puériculture tâcheront d'atteindre individuellement chaque mère et chaque enf ant qui auront besoin d'être conseillés et secourus, de répandre les prescriptions d'hygiène et de faire surtout une propagande efficace pour l'allaitement maternel; en même temps, elles tâcheront de procurer à leurs protégés les secours matériels indispensables. Il est bien entendu qu'ils pourront, suivant leurs ressources et les besoins particuliers de leur secteur, étendre leur action; par exemple, augmenter et prolonger le paiement des primes d'allaitement et des secours aux mères nécessiteuses, créer des gouttes-de-lait, des mutualités maternelles, des crèches, etc.; bref, toutes les oeuvres destinées à venir en aide aux mères et aux enfants nécessiteux.

8) Le travail pratique des centres de puériculture sera dirigé par un médecin, qui aura sous ses ordres une ou plusieurs infirmières-visiteuses, de la même oeuvre, autant que possible.

Surveillance hygiénique en dehors de contrôle administrattif

La surveillance hygiénique et les mesures qui en découlent varient suivant les personnes auxquelles elles s'appliquent.

Hygiène de la grossesse. Aussitôt que les femmes expectantes lui auront été signalées, elle ira les visiter, inspectera leur intérieur, les conditions dans lesquelles s'effectuera l'accouchement et l'élevage de' l'enfant, s'en-


CONGRES DE STRASBOURG 59

querra de la santé de la femme et des autres membres de la famille, de la situation de fortune, du sort des enfants précédents, discutera les projets d'avenir de la mère après l'accouchement, surtout pour ce qui concerne l'allaitement de l'enfant et l'époque où elle pense reprendre son travail. En même temps elle jugera s'il y a lieu d'apporter des objets de layette et s'il est nécessaire de lui envoyer quelqu'un pour le ménage et s'occuper des enfants pendant les couches. Dans les communes où il existe une consultation prénatale, la visiteuse y assistera.

Son contrôle s'exercera:

a) par des visites à domicile, aussi fréquentes que possible;

b) par des consultations de nourrissons qui seront dirigées par le médecin-inspecteur, mais auxquelles la visiteuse est tenue d'assister. Elle y inspecte les enfants, les pèse et les fait mettre au sein pour vérifier si l'enfant est réellement allaité. Elle avertit le médecin-inspecteur chaque fois qu'elle voit qu'un enfant ne progresse pas normalement ou présente des signes de maladies quelconques, ou bien, si la mère veut prématurément sevrer son enfant pour des raisons de santé ou parce qu'elle n'a pas assez de lait.

Si un enfant malade est dirigé sur le médecin de famille, elle fera remettre à ce dernier un billet contenant toutes les dates qui pourront lui être utiles pour le traitement de l'enfant, avec la prière d'être mise au courant du diagnostic et du traitement, afin de pouvoir surveiller utilement l'exécution des prescriptions médicales. Il sera d'ailleurs préférable qu'elle accompagne .personnellement l'enfant chez le médecin, autant que ceci lui sera possible.

c) Au cours de ses visites et de ses entretiens avec les mères, les sagesfemmes, etc., alle recueillera tous les renseignements qu'il sera utile de connaître concernant les usages antihygiéniques ou même criminels, dont elle aura eu connaissance, les croyances populaires, les raisons qui amènent les mères à supprimer l'allaitement maternel, la façon dont se fait l'alimentation artificielle et les fautes qui s'y commettent habituellement, bref tout ce qui peut nous éclairer et guider dans la lutte contre la mortalité infantile.

d) Toutes les informations seront notées sur la fiche individuelle que la visiteuse est tenue de remplir pour chaque enfant.

Elle y consignera les constatations faites par elle au point de vue des soins, de l'allaitement, etc., les mesures qu'elle a cru devoir préconiser (envoi au médecin, etc.) les mesures administratives qui devront être fixées à la suite des consultations (suppression du secours à une famille dont l'admission à l'assistance n'est pas justifiée, de la prime d'allaitement à une mère qui.a cessé d'allaiter son enfant retrait d'un enfant placé en nourrice, intervention du préfet auprès du maire pour l'attribution de secours, etc.).

Elle établira un fichier qui contiendra les fiches de tous les enfants dont la naissance lui aura été déclarée, même ceux qu'elle n'aurait pas eus sous son contrôle. Dans ce dernier cas, elle en notera les raisons, par exemple : enfant mort-né, famille aisée, refus de recevoir la visiteuse, etc.


60 CONGRÈS DE STRASBOURG

Rapports des visiteuses avec les sages-femmes

Les sages-femmes doivent être les collaboratrices de la visiteuse.

La Visiteuse avisera les sages -femmes de son passage dans leur lieu de résidence, et ira les voir; les sages-femmes lui feront connaître les femmes enceintes que la visiteuse pourra visiter utilement.

Les sages-femmes communiqueront à la visiteuse, par des cartes postales qu'on mettra à leur disposition, chaque accouchement fait par elles. Si l'accouchée allaite son enfant, la visiteuse lui fera sa première visite quand la sage-femme cessera de là voir. Par contre, la sage-femme fera appel à la visiteuse chaque fois que, pendant qu'elle surveille l'accouchée, il se présente déjà des difficultés d'allaitement.

Pour chaque cas ainsi correctement transmis à la visiteuse, la sagefemme touchera du centre de puériculture une prime de 3 francs. Les sagesfemmes locales seront invitées à assister contre rémunération aux consultations de nourrissons.

La prompte réalisation de ce programme demande la formation rapide d'un grand nombre d'infirmières-visiteuses, qui sont les chevilles-ouvrières de l'organisation. C'est pourquoi la Faculté de Médecine a décidé, sur la proposition de l'un de nous, la création d'une « Ecole de Puériculture de la Faculté de Médecine de Strasbourg, rattachée à la Clinique infantile. Elle forme une section de l'Ecole d'infirmières de notre Faculté, mais avec un programme un peu modifié qui tient plus spécialement compte des besoins de la future infirmière pour enfants ou de la future visiteuse de puériculture. (Les élèves peuvent d'ailleurs arriver au diplôme de visiteuse d'hygiène, en suivant le programme de l'une ou de l'autre des deux écoles).

Souvent, à l'exposé de ce programme, on nous demande quel y est finalement le rôle de l'initiative privée. N'est-il pas trop effacé ? Rien ne serait plus faux que de le croire. Tout d'abord, c'est à elle de créer les organisations locales et de trouver la moitié des fonds que le département ne verse pas. Elle s'adressera à cet effet aux caisses des malades qui se sont déclarées prêtes à contribuer aux frais de ces oeuvres, aux industries locales, à la bienfaisance privée. Mais il y a plus' et mieux à faire ! Il reste les secours pour les mères en couches, l'oeuvre des layettes, les mutualités maternelles, l'hospitalisation des mères et enfants malades, les cours populaires, etc. Les Observations des médecins-inspecteurs et des infirmières-visiteuses serviront d'orientation. Donc : Unité de direction, mais liberté et diversité dans l'exécution et souplesse,


CONGRÈS DE STRASBOURG 61

suffisante pour s'adapter aux conditions spéciales de chaque région (1).

Je suis arrivé à la fin de mon rapport : j'ai essayé de donner un tableau succinct du travail qui a été. fourni depuis l'armistice pour venir en aide aux mères et aux enfants. La période est trop courte pour que nous puissions déjà faire état des résultats; mais nous avons conscience que l'Alsace a fourni un effort considérable et réfléchi et qu'elle ne se lassera pas de le continuer jusqu'au succès.

V OE U P R O P O S É

Comme conclusion de notre rapport,nous proposons au Congrès d'adopter ce voeu :

« Que toutes les oeuvres de puériculture des deux départements « du Haut-Rhin et du Bas-Rhin, tout en conservant leur autonomie « et leur caractère propre, entrent dans la Section régionale du « Comité National de l'Enfance, afin d'établir une liaison entre « elles et d'obtenir une coordination de leurs efforts, qui sera la « meilleure garantie d'une action féconde. »

M. PAUL STRAUSS, Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociale. — Messieurs, habituellement, les voeux sont renvoyés à la fin de la session des congrès pour adoption, mais je préjuge de vos sentiments tout à fait favorables en proposant immédiatement à votre approbation le voeu qui termine l'exposé si encourageant, les belles paroles si réconfortantes que vous venez d'entendre. C'est la mise en action de la méthode qui a toujours inspiré les fondateurs et les adeptes de l'Alliance d'Hygiène sociale.

(1) Voici la liste des groupements locaux de l' " Association alsacienne et lorraine de Puériculture » :

Bas-Rhin : Bischwiller (Soc. als. de Fil. et Tiss. de Jute), Bouxwiller (A. D. F.), Dorlisheim (A. D. F.), Brumath (A. D. F,), Drulingen (A. D. F.), Erstein (A. D. F.), Haguenau (S. B. M.), Illkirch-Graffenstaden (U. F. F.), Ingwiller (A. D. F.), Lauterbourg (A. D. F.), Mutzig (A. D. F.), Pfaffenhoffen (A. D. F.), Rosheim (A. D. F.), Saales (A. D. F.), Sarre-Union (A. D. F.), Saverne (S. B. M.), Schiltigheim (Ville), Sélestat (Ville), Seltz (A D- F.), Villé (A. D. F.), Wasselonne (A. D. F.), Wissembourg (A. D. F.), Woerth s. S. (A. D. F.).

Haut-Rhin ; Ensisheim (A. D. F. ), Ferrette (A. D F. ), Heningue (A. D. F, ). Issenheim (A. D. F.), La Poutroye (A. D. F.), Lutterbach (A. D. F.), Masevaux (A. D. F.), Metzeral (A. D. F.), Ober-Linge (A. D. F.), Soultz (A. D. F.), Saint-Amarin (A. D. F.), Thann (A. D. F.), Türckheim (A. D. F.-).


62 CONGRÈS DE STRASBOURG

Il ne faut pas, en effet, qu'il y ait de cloisons étanches entre les diverses oeuvres d'Hygiène sociale ; il faut qu'elles s'unissent, il faut qu'elles s'associent sans, bien entendu, perdre pour cela de leur indépendance et en tenant compte de la fonction qui est dévolue à chacune.

Je félicite et remercie vivement le distingué rapporteur et je propose à l'assemblée de voter le voeu qu'il présente, c'est-à-dire l'invitation à toutes les oeuvres de ne pas s'ignorer mutuellement. (Le voeu est adopté.)

M. LE MINISTRE. — Je donne la parole à M. le Dr Belin.

LA LUTTE CONTRE LA TUBERCULOSE EN ALSACE ET EN LORRAINE

Rapport présenté par le Docteur BELIN, Directeur de l'Office d'Hygiène de Strasbourg

Il y a une quarantaine d'années la tuberculose était encore très répandue en Alsace et en Lorraine. En 1886 la mortalité par la tuberculose atteignait 35 pour 10.000 habitants, elle s'élevait dans le Haut-Rhin à 44, dans le Bas-Rhin à 32,5, dans la Moselle à 29 pour 10.000 habitants. A partir de la dite année la mortalité commença à décroître au début, assez rapidement jusqu'en 1896, ensuite plus lentement. Nous attribuons cette diminution frappante dans les années 1886 à 1896 à l'introduction en Alsace-Lorraine des lois sociales, notamment de l'assurance contre la maladie et l'invalidité qui datent des années 1884 à 1890 et à l'application du code professionnel à partir de l'année 1887. Ce dernier régla la situation des ouvriers de fabrique, notamment le travail des femmes et des enfants dans les usines. En effet, la chute de la mortalité dans le Haut-Rhin, département particulièrement industriel, de 44 à 27 pour 10.000 habitants, donc de presque 50 %, ne peut guère s'expliquer autrement.

Vers 1900, nous voyons en Alsace-Lorraine les premiers symptômes d'une lutte systématique contre la tuberculose. La mortalité par suite de cette maladie ne continuant pas à diminuer comme on l'avait espéré et étant beaucoup plus élevée qu'en Suisse, par exemple, et dans les pays du Nord, il fut décidé de suivre le mouvement qui venait de l'Allemagne et qui consistait à construire des


CONGRÈS DE STRASBOURG 63.

sanatoriums populaires en grand nombre. On espérait pouvoir, par ce moyen, mettre un frein à la marche irrésistible de la tuberculose. L'Institut d'Assurance sociale prit l'initiative, c'est à lui que nous devons la plupart de nos sanatoriums. Ces établissements nous ont rendu et nous rendent encore d'excellents services Mais nous savons aujourd'hui qu'ils ne jouent pas le rôle prédominant dans la lutte antituberculeuse auquel on s'attendait il y a une trentaine d'années. C'est principalement dans les grandes villes d'Alsace qu'on se rendit compte que la méthode dite thérapeutique seule ne pouvait donner des résultats satisfaisants et que si l'on voulait arriver à un but, il fallait adopter la méthode prophylactique que Calmette venait d'introduire à Lille par la création du dispensaire antituberculeux.

La ville de Strasbourg suivit l'exemple de Lille en 1906, la ville de Mulhouse en 1908. L'idée des dispensaires ne prenant que très lentement racine dans notre pays, il se forma à Strasbourg, peu avant la guerre, une Association antituberculeuse ayant pour but de vulgariser le système des dispensaires et de constituer des fonds pour encourager et aider leur création.

La guerre paralysa ces efforts. Ce n'est qu'après l'armistice que les anciens projets furent repris. L'ancienne association contre la tuberculose fut recréée sur de nouvelles bases. C'est cette Association qui forme actuellement le centre de la lutte antituberculeuse en Alsace et en Lorraine ; elle coordonne tous les efforts tentés par les municipalités, les assurances, les sociétés privées contre la tuberculose. Elle assure la liaison des différents groupements locaux avec les organisations centrales et administratives, et entretient des relations étroites avec le corps médical et les services sanitaires du pays.

L'Association est affiliée au Comité National de défense contre la tuberculose ; son président fait, de droit, partie du Comité de Direction de cette corporation. D'après les statuts, l' Association a entre autres pour but :

1° La création de dispensaires ;

2° La formation d'infirmières ;

3° L'entretien et le fonctionnement de sanatoriums populaires ;

4° La création d'hôpitaux spéciaux pour tuberculeux ;

5° La préservation de l'enfance ;

6° L'organisation d'écoles de plein air ;

7° La propagande antituberculeuse.


64 CONGRÈS DE STRASBOURG

C'est un vaste programme qui, en partie, est déjà réalisé, quoique quatre ans à peine se soient écoulés depuis le renouvellement de l'Association. Et si de 1918 à 1921 la mortalité par la tuberculose est tombée de 23,5 à 14,5 en moyenne dans les trois départements, le succès en est dû en grande partie à l'activité de l'association et en particulier à celle de son vaillant et infatigable secrétaire général.

A présent, étudions de près les moyens d'action que nous avons employés jusqu'ici dans la lutte contre la tuberculose. Je les citerai dans le même ordre que l'association les a inscrits à son programme et commencerai par les dispensaires.

Le dispensaire constitue le pivot de la lutte antituberculeuse. Il a un caractère particulier parce qu'il poursuit un but à la fois médical et social. Le rôle médical consiste à examiner les personnes qui se présentent à la consultation et à établir le diagnotic ; le rôle social à surveiller à domicile le malade tuberculeux, à prendre des mesures de préservation pour sa famille, en particulier pour les enfants, à assainir le logement, à procurer des secours en cas de nécessité. C'est le même programme qui a été dressé jadis par Calmette et que nous suivons dans tous ses détails pour nos dispensaires.

Il existe actuellement en Alsace et en Lorraine vingt-six dispensaires antituberculeux. Leur personnel se compose comme partout de médecins et d'infirmières. Parmi ces dernières se trouvent beaucoup de religieuses spécialement formées comme visiteuses.

La direction des dispensaires est un peu différente suivant leur mode de création. Quelques dispensaires sont municipaux comme ceux de Strasbourg, de Metz, de Thionville et de Sarreguemines; quelques-uns ont été fondés par les villes avec le concours de sociétés privées, tels ceux de Bischwiller, de Schiltigheim, de Colmar, d'autres ont été créés et sont dirigés par des comités, en particulier des Comités de Croix Rouge. Ces comités sont composés des maires des principales localités, des médecins de la région, des représentants des caisses de malades, des industriels, des membres du clergé, du corps enseignant et de la Croix Rouge. Ils sont souvent présidés par les sous-préfets. Leur nombre est de dix-neuf.

Les moyens financiers dont les dispensaires disposent, sont également différents suivant l'origine du dispensaire. Les dispensaires municipaux sont entretenus par la Caisse municipale ; les autres réunissent des cotisations et des subventions locales provenant de particuliers, de communes et d'industries. Tous les dispensaires


CONGRES DE STRASBOURG. 65

reçoivent en outre des subventions du Gouvernement d'Alsace et de Lorraine, des départements, de l'Institut d'assurance sociale et de l'Association Alsacienne et Lorraine contre la tuberculose.

Je me permettrai de donner quelques chiffres à la fin de mon rapport

Je ne veux pas entrer dans les détails du fonctionnement des dispensaires qui se ressemblent un peu partout. Je tiens cependant à relever quelques points particuliers qui caractérisent surtout les dispensaires des grandes villes et qui résultent des expériences faites depuis de longues années.

Je parlerai d'abord du dépistage des malades. Le dispensaire doit avoir à coeur de rechercher sinon tous les malades tuberculeux, au moins tous les tuberculeux contagieux de son rayon. Ce serait chose facile si les médecins traitants déclaraient tous les cas de tuberculose ouverte comme l'arrêté local l'exige. Malheureusement, ces déclarations sont faites d'une manière très insuffisante. A Strasbourg, cependant, nous remarquons un progrès à ce sujet, depuis que notre dispensaire est nouvellement installé et outillé pour toutes les recherches importantes et nécessaires au diagnostic. Le nombre de tuberculeux envoyés par leur médecin au dispensaire augmente de mois en mois, ils nous sont adressés en première ligne, il est vrai, pour que nous précisions le diagnostic, mais dans bien des cas aussi pour que nous apportions du secours au malade •et à sa famille et que nous nous occupions surtout des enfants.

Mais la majeure partie de nos malades à Strasbourg nous arrivent par une autre voie. Nous nous sommes mis en rapport avec les principales caisses, avec l'Institut d'Assurance sociale, le Bureau de Bienfaisance, les cliniques médicales et l'hôpital-sanatorium de la Robertsau en les priant de nous donner les adresses des malades qui viennent à leur connaissance. Ces communications nous parviennent tous les mois. Nous apprenons à connaître de cette manière un grand nombre de tuberculeux.

Un autre moyen de dépistage nous est donné par les bulletins de décès qui passent chaque semaine par l'Office d'hygiène. Lorsque le bulletin indique comme cause de décès la tuberculose, l'Inspecteur d'hygiène fait une visite à domicile en vue de la désinfection du logement. Il invite à cette occasion la famille du défunt à se présenter au dispensaire et fréquemment on trouve de nouveaux cas d'infection, notamment parmi les enfants.

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66 CONGRES DE STRASBOURG.

D'excellents services nous sont rendus par les médecins scolaires qui nous adressent non seulement les cas de tuberculose avérée mais aussi tous les cas douteux. Nous pouvons dire que grâce à notre inspection médicale des écoles et grâce au concours du corps enseignant les tuberculeux contagieux ne restent plus inaperçus dans nos écoles.

Beaucoup de malades sont dépistés par nos soeurs-visiteuses au cours de leurs nombreuses visites en ville. Beaucoup viennent finalement de leur propre chef. Car un dispensaire tel que celui de Strasbourg qui existe depuis dix-sept ans, ne manque pas d'être connu parmi les habitants de la ville.

Un autre point très important est la manière dont est fait l'examen médical. Un dispensaire ne peut exercer une attraction sur les malades et même sur le corps médical que si l'examen est fait selon les règles scientifiques et avec tous les moyens d'investigation connus dans la séméiologie de la tuberculose. Ainsi chaque dispensaire devrait pouvoir procéder à l'application des différentes réactions de tuberculose, à la radioscopie et radiographie, à la recherche des bacilles de Koch par la coloration simple ou après l'ho - mogénéisation des crachats. Nous sommes d'avis qu'il vaut mieux ne pas créer trop de dispensaires mais de bien les outiller et d'en faire assurer le service par des médecins spécialisés.

Parmi nos dispensaires, sept disposent de l'outillage nécessaire pour répondre à tous les besoins. Les dispensaires de campagne, évidemment, ne peuvent être tous pourvus d'appareils radiologiques, les frais étant trop élevés. Ceux qui sont situés dans le rayon d'une ville ont ordinairement recours au dispensaire de cette ville qui met volontiers ses appareils à la disposition de leurs malades. De plus, une de nos cliniques médicales a établi des consultations radiologiques pour les malades des dispensaires de la région. L'Association antituberculeuse envisage en outre l'acquisition d'appareils portatifs qui circuleraient dans les dispensaires de campagne.

En ce qui concerne les analyses de crachats la majorité de nos dispensaires sont munis d'un microscope et chaque infirmière est suffisamment stylée pour aider le médecin dans la recherche des bacilles.

Si, d'une part, nous tenons à établir d'une manière précise le diagnostic chez nos malades, nous avons, d'autre part, grand soin d'éviter tout traitement du malade.


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Un dispensaire ne peut exister et bien remplir ses fonctions que lorsqu'il entretient de bons rapports avec les membres du corps médical. C'est un des principes fondamentaux qu'il ne faut jamais perdre de vue. Or, pour remplir ces conditions il est de toute nécessité que les médecins du dispensaire s'abstiennent de tout traitement médical. Nos institutions sociales dans les trois départements et l'organisation de l'assistance aux personnes indigentes garantissent à toutes les personnes assurées ou indigentes les soins nécessaires en cas de maladie. Les personnes indigentes comme les malades des caisses ont le choix libre parmi les praticiens de la ville et de la campagne. Chaque malade qui se présente au dispensaire a donc son médecin et il serait inadmissible que le dispensaire fît concurrence à ce médecin. L'action du médecin du dispensaire doit se borner à faire le diagnostic et à donner des conseils hygiéniques au malade et à sa famille. S'il dépasse ces hmites il compromet inévitablement la bonne marche du dispensaire et les bons rapports avec le corps médical.

Un autre point : nous ajoutons une grande importance à ce que les fiches médicales et sociales soient établies aussi soigneusement et aussi exactement que possible. Ces fiches sont des documents précieux qui, le cas échéant, peuvent rendre d'excellents services. Je ne cite qu'un exemple. Un malade atteint d'une tuberculose latente et momentanément sans signes apparents de son affection tuberculeuse est appelé à se présenter au conseil de révision. Il nous demande un certificat détaillé sur son état de santé, en particulier sur l'évolution et la durée de sa maladie. Grâce à notre bulletin médical nous sommes à même de prouver qu'à telle et telle époque, le malade a été visité au dispensaire et que le diagnostic de tuberculose ne fait aucun doute.

Une question qui n'est pas encore réglée partout à notre entière satisfaction c'est la direction du service. Le service du dispensaire, que celui-ci dépende d'une administration municipale ou d'un comité privé, doit être dirigé par une seule et même personne. Et cette personne doit être le médecin, ou s'il y en a plusieurs, le médecin-chef du dispensaire. Ce médecin ne doit pas se contenter d'assurer son service médical, il doit diriger le tout, le service médical et le service social. Les infirmières doivent être placées sous son autorité et tenues de lui rendre compte de leur travail. Aucune mesure de quelle nature qu'elle soit ne doit être prise sans que le médecin-chef en soit informé. Ici à Strasbourg nous avons l'habitude de nous réunir, médecin-chef et infirmières, au moins deux


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fois par semaine et de parcouru' ensemble les dossiers des malades examinés et visités les jours précédents. Nous arrivons de cette manière à une unité de vue et d'action qui ne peut être qu'avantageuse pour tous les intéressés.

Une condition essentielle enfin pour le bon fonctionnement d'un dispensaire est la formation sérieuse et compléte de l'infirmièrevisiteuse non seulement en matière médicale mais aussi en matière sociale. Nous demandons à ce que toutes les visiteuses de nos dispensaires, qu'elles soient infirmières laïques ou religieuses, aient fait des stages suffisamment longs dans des dispensaires de ville et de campagne existant depuis un certain temps et fonctionnant bien. Il faut qu'avant d'entrer en fonction elles soient mises au courant de toutes les questions touchant la lutte antituberculeuse, il faut qu'elles connaissent le rouage des différentes administrations, les relations entre les oeuvres privées et les administrations, il faut qu'elles connaissent à fond les lois sociales, les règles de déontologie, notamment de déontologie médicale : car si le médecin peut faire du tort au dispensaire en faisant concurrence à ses collègues, l'infirmière peut davantage encore lui porter préjudice en commettant des imprudences et des maladresses vis-à-vis du médecin traitant.

Les dispensaires de notre région recrutent leur personnel en grande partie dans notre école d'infirmières de Strasbourg. Cette école a été fondée en 1920 par l'Association Alsacienne et Lorraine contre la tuberculose avec l'appui de la Commission Rockfeller et des pouvoirs publics en collaboration avec la Faculté de Médecine et des Hospices civils de Strasbourg, la Croix-Rouge française et l'Union des Dames Infirmières.

La durée des études est de deux ans et comprend un cours de première année d'études générales, communes à toutes les élèves, et deux cours de deuxième année dont l'un est destiné aux élèves désirant se spécialiser comme garde-ma la des, l'autre aux élèves voulant devenir visiteuses d'hygiène. Les cours théoriques sont donnés par des médecins spécialistes, les stages se font dans les différents établissements de la Faculté de Médecine et des Hospices civils. A la fin des études les élèves ayant passé avec succès leur examen obtiennent le diplôme d'infirmière de la Faculté de Médecine de Strasbourg qui leur permet de se présenter comme garde-malade dans les hôpitaux et les cliniques ou comme visiteuse d'hygiène dans les dispensaires et autres oeuvres sociales du pays.


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Depuis le début de la fondation, cinquante élèves ont été admises à l'école. En automne 1922, quinze d'entre elles avaient obtenu leur diplôme. Six ont été placées comme garde-malades dans les hôpitaux, neuf comme infirmière-visiteuses.

Pour le moment le nombre d'élèves formées à l'école ne suffit de longtemps pas pour satisfaire tous les besoins des dispensaires et des autres institutions sociales qui se développent rapidement ces derniers temps. Plusieurs de ces oeuvres ont dû remettre leur ouverture à une date ultérieure, étant dans l'impossibilité de trouver les aides nécessaires.

Je passe à présent à une arme puissante et indispensable dans la lutte antituberculeuse, le sanatorium, en particulier le sanatorium populaire. Il est indispensable non seulement au point de vue médical mais aussi au point de vue moral. Autrefois la classe aisée avait seule des sanatoriums à sa disposition. Aujourd'hui le tuberculeux de la classe ouvrière a également la possibilité de recouvrer la santé dans un sanatorium. Et cette possibilité de guérison par une cure de sanatorium relève son moral, augmente son énergie vitale et contribue par là à augmenter sa chance de guérison. Le sanatorium populaire ne peut évidemment pas recevoir des malades pour une longue série de mois ou d'années. Vu le grand nombre de tuberculeux il faudrait construire des quantités de sanatoriums, ce qui, pratiquement, est irréalisable. Il est donc nécessaire de choisir parmi les tuberculeux ceux dont le degré de la maladie fait espérer une guérison ou une amélioration notable en relativement peu de temps. Nos trois départements disposent actuellement de six sanatoriums pour des malades atteints de tuberculose pulmonaire: deux appartiennent à l'Institut d'Assurance sociale, deux autres à l'assurance des employés privés, un au département de la Moselle, un à une oeuvre sociale de Mulhouse.

Les deux sanatoriums de l'Institut d'assurance sociale sont les plus anciens, ce sont celui de Saales avec 150 lits pour hommes, situé dans les Vosges à une altitude de 620 mètres, et celui d'Aubure avec 140 lits pour femmes, à 800 mètres d'altitude.

L'Assurance des Employés privés a acquis il y a quelques années deux établissements dans les Vosges, l'un à Masevaux et l'autre à Aubure. Elle a transformé le premier, situé à une altitude de 500 mètres en un sanatorium pour femmes comprenant cent lits et celui d'Aubure à 800 mètres d'altitude en un sanatorium pour hommes avec soixante-cinq lits.


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Les deux instituts ne s'en tiennent du reste pas là. Pressés par les nombreuses demandes ils continuent à aller de l'avant. L'Institut d'Assurance sociale vient d'acquérir le joli château de Charleville sur le haut plateau de la Lorraine, qui sera converti en Sanatorium avec cent lits pour hommes tuberculeux ; il fait en outre agrandir le sanatorium de femmes à Aubure, qui comprendra jusqu'à deux-cent quarante lits. L'Assurance des Employés privés de son côté fait construire sur l'emplacement de l'ancien hôtel Altenberg, près de la Schlucht, dans un site admirable, un nouveau sanatorium avec 150 lits. Ces deux Instituts d'Assurance disposeront donc à eux seuls, d'ici quelque temps, de huit cents lits pour des malades tuberculeux. Cela nous montre une fois de plus la grande valeur de nos institutions sociales. Certes, d'après les termes de la loi, les Instituts d'Assurance ne seraient pas obligés de procurer des traitements curatifs à leurs assurés. — Ce sont des prestations supplémentaires et facultatives ; mais ils ont tout intérêt à accorder ces prestations car ils évitent de cette manière dans nombre de cas une invalidité prématurée.

Du reste les Instituts d'Assurance ne se bornent pas à réserver leurs sanatoriums aux seules personnes assurées ; ils mettent volontiers les lits vacants à la disposition des oeuvres antituberculeuses, en particulier, des dispensaires pour des malades qui n'ont aucun droit à une prestation de la part des instituts. Ces malades sont admis à des prix réduits. Les instituts rendent par cette mesure un service extrêmement précieux à tout l'ensemble des organisations tuberculeuses.

Le sanatorium du département de la Moselle se trouve à proximité d'Abreschwiller, dans la haute vallée de la Sarre. Il est moins bien situé que ceux que nous venons de citer. Mais les résultats obtenus sont malgré cela très bons. L'établissement est installé pour soixante hommes.

Le sanatorium de Pfastatt, près de Mulhouse, est une fondation de la famille Lalance. Il est destiné à recevoir des enfants tuberculeux. Quoique la maison soit très bien installée, elle n'admet que des malades non-expectorants au début de la tuberculose. C'est bien regrettable, car il n'existe dans le pays aucun autre sanatorium pour enfants ; le sanatorium Lalance est le seul qui se prêterait à l'hospitalisation d'enfants tuberculeux de tous les stades de la maladie. Le nombre de lits est de soixante-quinze.

Parmi les sanatoriums il faut encore citer un petit hôpital de campagne, Neuenberg, à Ingwiller, qui a installé un pavillon spécial


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avec galerie de cure pour une trentaine de femmes tuberculeuses. Grâce à la situation tranquille et loin de toute circulation et grâce aussi à la bonne direction, les résultats de cures sont très satisfaisants

Peu avant la guerre, l'administration des Chemins de fer d'Alsace et de Lorraine a commencé à construire pour ses employés un sanatorium au Hohrodberg près de Munster. Les travaux ont été repris il y a peu de temps. Le sanatorium sera terminé en 1924. Il est situé à une altitude de sept cents mètres et offre une vue merveilleuse sur Munster et les hauteurs qui l'entourent. Le nombre des lits s'élèvera à cent.

Lorsque les constructions d'Aubure, de Masevaux, de l'Altenberg et de Hohrodberg seront terminées, c'est -à-dire au plus tard en 1925, nous disposerons dans les sanatoriums populaires de nos trois départements, de mille cinquante lits, c'est-à-dire environ un pour mille sept cents habitants. Aujourd'hui la moyenne en France est de un pour huit mille habitants.

Si intéressant que soit le tuberculeux du premier degré dont l'état justifie une cure de sanatorium, les mesures prises en sa faveur sont moins importantes pour les résultats de la lutte antituberculeuse que celles que les tuberculoses avancées nous imposent. Parmi les tuberculeux envoyés au sanatorium, le nombre de bacillifères est relativement petit. Les malades qui restent à la maison et qui ne sont plus justiciables d'une cure, sont bien plus dangereux. Il s'agit de ne pas négliger ce fait et de trouver, chaque fois que le cas se présente, les moyens propres à diminuer le danger. Le malade qui expectore des bacilles doit être isolé. Si l'isolement à la maison n'est pas possible ou s'il est insuffisant, et il sera toujours insuffisant si le malade n'a pas sa chambre à lui seul, l'hospitalisation s'impose. Autrefois il était extrêmement difficile de persuader un malade gravement atteint ou touchant à sa fin de se faire admettre à l'hôpital. Nous avons l'impression que cette résistance diminue d'année en année, notamment ici à Strasbourg. Les bonnes installations de nos cliniques et hôpitaux y ont certainement contribué. Dans nos services hospitaliers les tuberculeux sont séparés des autres malades. En général il n'existe, à ma connaissance, plus aucun hôpital en Alsace et en Lorraine ou les tuberculeux ne soient pas isolés dans les services spéciaux. Mais ce qui nous facilite surtout à Strasbourg l'hospitalisation des tuberculeux c'est la possibilité de les faire admettre à notre Hôpital-Sanatorium Saint-François. L'hôpital-sanatorium représente un type spécial


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parmi les établissements destinés à recevoir des malades tuberculeux. Au début, lorsqu'on a reconnu le grand danger des cracheurs de bacilles pour leur entourage, on a essayé de réunir dans un asile les tuberculeux invalides et sans espoir de guérison ou d'amélioration. C'est principalement dans les Pays Scandinaves que cette idée a été mise en pratique. Or, chez nous il serait impossible d'hospitaliser les malades longtemps dans une maison sur le seuil de laquelle on pourrait inscrire ces mots : « Lasciate ogni speranza ». Si l'on veut les retenir, il faut les laisser vivre sous un même toit avec des tuberculeux de toutes les catégories, notamment des tuberculeux guérissables. Ceux-ci leur rendent le courage et l'espoir de se remettre et cet espoir les soutient et les engage à prolonger leur séjour dans la maison.

C'est ce que nous avons cherché à réaliser dans notre HôpitalSanatorium Saint-François. Cet établissement est situé à proximité de la ville dans un beau parc. C'est un bâtiment qui appartenait aux soeurs franciscaines et qu'elles avaient construit peu avant la guerre en vue d'en faire un petit hôpital. A présent la maison est aménagée comme un sanatorium, offrant de la place à cent vingt malades et disposant de toutes les installations nécessaires au traitement des malades, entre autres, de grandes galeries de cure. Le traitement des malades ne diffère donc en rien de celui de tout autre sanatorium. Parmi les malades tous les degrés de la tuberculose sont représentés. Les cas légers sont admis ordinairement pour une période d'observation plus ou moins longue, les cas graves par contre pour un temps illimité. Les résultats médicaux sont, en ce qui concerne ces derniers, très encourageants. Nous connaissons un bon nombre de malades qui se sont, contre toute prévision, remis au point de pouvoir reprendre leur travail. Mais ce qui est plus important c'est que nous sommes arrivés à retirer des cracheurs de bacilles en assez grand nombre de leur intérieur, de les hospitaliser souvent pendant de longs mois sinon jusqu'à leur fin, et de diminuer considérablement de cette façon le danger de contamination de leur famille.

Il serait vivement désirable que l'exemple de la ville de Strasbourg fût suivi et que d'autres hôpitaux-sanatoriums fussent créés dans les environs des grands centres, notamment des centres industriels de notre pays. Il me semble que c'est là le but auquel il faut viser ces temps prochains, avant de construire de nouveaux sanatoriums dans la montagne.


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Il a été question jusqu'ici de l'assistance et des soins à donner au malade même. Nous avons insisté sur les avantages de l'hospitalisation, avantages dont bénéficient, comme nous venons de le dire, non seulement les malades mais aussi leurs familles dans le cas où les tuberculeux expectorent des bacilles. Ceci nous mène à la préservation des personnes qui entourent le malade, en particulier des enfants. La préservation de l'entourage du malade contre la contagion doit être une des préoccupations principales des dispensaires. En principe, dès qu'un tuberculeux est dépisté, tous les membres de sa famille devront être amenés au dispensaire. Il est très rare de ne pas trouver par un examen minutieux l'un ou l'autre d'entre eux déjà contaminés et présentant des symptômes d'une tuberculose tantôt avérée et active, tantôt latente et apparemment bénigne. Ce sont ordinairement les enfants qui frappent déjà par leur teint pâle, leur constitution chétive et leur thorax étroit, et qui portent des signes d'adénopathie cervicale et trachéobronchique plus ou moins prononcée. Mais aussi parmi les personnes adultes nous trouvons fréquemment des foyers anciens dans les poumons ou des séquelles de pleurésie, signes indubitables d'une infection tuberculeuse. Ces personnes sont particulièrement sensibles ; elles sont prédisposées aux catarrhes des voies respiratoires; une simple bronchite, une grippe ou une surinfection bacillaire réveille l'ancien foyer et change la tuberculose latente en une tuberculose active qui souvent prend une marche rapide. Il s'agit donc de sauver ce qu'il y a moyen de sauver et d'éloigner si possible pour un temps plus ou moins long les personnes les plus menacées.

En ce qui concerne les personnes adultes, il existe plusieurs établissements qui leur permettent de se fortifier et de suivre les cures de repos. Il y a avant tout le sanatorium de Schirmeck, la maison de convalescence de l'Institut d'Assurance sociale, comprenant cent-soixante dix lits pour les deux sexes qui se prête admirablement bien à ces sortes de cures ; il y a tout près de là le sanatorium des employés privés à Labroque avec soixante-dix lits également pour les deux sexes ; il est moins bien situé que le premier, mais il dispose d'un grand parc et remplit toutes les conditions pour rendre la force et la résistance aux personnes anémiques et nerveuses. Nos grandes caisses locales possèdent également des maisons de convalescence: Strasbourg, le sanatorium du Hohwald avec trente-deux lits ; Mulhouse, le sanatorium de Luppach avec quarante lits. Les deux établissements reçoivent des personnes atteintes de tuberculose latente et fermée. Il y a finalement


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encore la Station de Cure d'air de la Forêt du Neuhof, un établissement municipal situé à sept kilomètres au sud de la ville de Strasbourg. Cette maison ne dispose que de vingt lits pour des femmes et des jeunes filles ; mais elle reçoit aussi des malades pour des cures de jour seulement. Il existe un bon nombre de femmes et de jeunes filles, en particulier des mères de familles, auxquelles il est impossible de quitter leur foyer complètement et pour plusieurs semaines. La proximité de la Station de Cure d'air leur permet de venir le matin, de passer la journée dans la forêt tout en suivant la cure et de rentrer le soir à la nuit tombante. Ce système est fortement préconisé en Amérique. Les résultats de cure sont presque toujours très bons. Une installation analogue se trouve d'ailleurs aussi à Mulhouse. C'est une galerie de cure annexée à l'hôpital du Hasenrain et située en dehors de la ville dans un grand parc. Des femmes envoyées par le dispensaire peuvent y faire la cure d'air pendant les mois d'été du matin à huit heures au soir à six heures.

La durée de séjour dans les maisons de convalescence et les Stations de Cure d'air varie suivant le cas entre quatre semaines et trois à quatre mois.

Les établissements analogues pour des enfants menacés ou atteints de tuberculose latente sont connus sous le nom de préventoriums. Leur nombre est encore bien restreint dans nos trois départements. Un préventorium se trouve à Strasbourg, annexé à la Station de Cure d'air de la Forêt de Neuhof. Il comprend trente lits, qui sont tenus exclusivement à la disposition du dispensaire de Strasbourg. Un autre préventorium a été fondé il y a deux ans à Queuleu, près Metz, par un comité privé avec le concours de la Croix-Rouge, de la Chambre de Commerce et du Conseil général de la Moselle, de l'Association antituberculeuse et de l'État. Il ne comprend pour le moment que vingt lits. Mais leur nombre va être augmenté. Deux préventoriums existent à Mulhouse. L'un a été installé par la ville au Château de l'Ermitage ; il reçoit alternativement des garçons et des fillettes, chaque fois au nombre de vingt et pour une durée de six semaines. Le second est annexé au sanatorium Lalance. Il est réservé à des jeunes filles de douze à dix-sept ans et comprend quarante lits.

Dans les préventoriums les enfants sont suivis de près par le médecin de la maison ; ils sont soumis à un régime hygiénique et alimentaire comme dans les sanatoriums. Les cures de repos alternent avec des jeux, des exercices physiques et des leçons. Le séjour étant souvent de longue durée, l'instruction ne peut être


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négligée, elle est dirigée à Strasbourg par une institutrice qui habite l'établissement. Si le temps le permet l'enseignement a lieu en plein air. En général les enfants sont au grand air du matin jusqu'au soir, aussi leur teint change-t-il à vue d'oeil, l'appétit revient rapidement , tout l'organisme se fortifie en peu de temps. Étant donnés les excellents résultats que nous obtenons dans les préventoriums, il serait urgent d'augmenter leur nombre. Chaque dispensaire, en somme, devrait disposer de son préventorium. La préservation de l'enfance étant inscrite au programme de notre Association antituberculeuse, il appartiendra à cette organisation de donner une impulsion sérieuse aux comités locaux et aux municipalités afin d'activer la création de ces établissements absolument indispensables dans la lutte antituberculeuse.

Manquant de place dans nos préventoriums nous dirigeons l'excédent de nos enfants des dispensaires sur les Colonies de vacances. Les colonies de vacances sont connues dans nos provinces depuis plus de quarante ans. Nous préférons chez nous le placement collectif dans des maisons spécialement aménagées ou construites à cet effet, au placement individuel et familial, que l'on préconise ailleurs. Les principales maisons se trouvent à Neuviller, près de Saverne, à Klingenthal, à Yquell près de Rothau, à Wasserbourg, près de Colmar. En outre, un grand nombre d'enfants atteints de ganglions scrophuleux ou tuberculeux sont envoyés tous les ans aux Salines de Besançon-la-Mouillère pour des cures de six semaines. Partout où il existe des colonies de vacances, les enfants recommandés par les dispensaires ont la préférence et sont admis en première ligne. Les colonies de vacances forment donc également un anneau dans la chaîne des armes antituberculeuses

Un autre mode de préservation de l'enfant, et sans doute le plus radical, est le placement familial selon le principe de Grancher. C'est l'éloignement complet de l'enfant du foyer contaminé et le placement dans une famille à la campagne. Les résultats obtenus jusqu'ici en France sont très bons. D'après le rapport de 1921, sur deux mille trois cents pupilles issus de familles tuberculeuses sept seulement ont été atteints de tuberculose. En d'autres termes l'intervention de l'OEuvre Grancher est le moyen le plus sûr pour sauver la vie d'un enfant vivant auprès d'un parent tuberculeux. En Alsace-Lorraine le Foyer de l'oeuvre Grancher a été ouvert par l'Association antituberculeuse en août 1920. Depuis le début, trente enfants ont été placés principalement dans des communes du Bas-Rhin, douze ont de nouveau été retirés, dix-huit restent


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en place. Parmi les douze enfants un a été repris parce qu'il devait entrer en apprentissage, six parce que le parent malade était décédé, cinq parce que les parents ne pouvaient pas s'habituer à la séparation de leurs enfants. Les dix-huit restés dans leur famille adoptive jouissent tous d'une excellente santé. La surveillance médicale est exercée par le Dr Jean Hoeffel, de Bouxwiller. C'est d'ailleurs lui qui choisit les familles dans les villages pas trop éloignés et faciles à atteindre de son domicile.

Le temps est trop court pour que nous puissions nous former un jugement sur l'utilité de cette oeuvre en Alsace-Lorraine. Elle est encore trop nouvelle pour nos familles d'Alsace qui ne redoutent rien plus que de se séparer de leurs enfants. Cependant les résultats ne tarderont pas à les éclairer et à leur démontrer l'importance d'une séparation apparemment cruelle mais si nécessaire pour la santé de l'enfant.

Jusqu'ici les frais de l'OEuvre Grancher ont été presque entièrement supportés par l'Association antituberculeuse.

En parlant de tuberculose nous entendions par elle en première ligne la tuberculose pulmonaire et laryngée. C'est en effet la forme la plus redoutable, presque tout l'armement antituberculeux est dirigé contre elle. Toutefois il ne s'agirait pas de négliger les autres catégories de la tuberculose, notamment les tuberculoses ganglionnaires qui sont très fréquentes dans notre pays. La France jouit de l'immense avantage d'avoir trois côtés baignés par la mer. Le climat marin, tout comme le climat des Alpes, est particulièrement favorable au traitement de ces genres de tuberculose. Nos trois départements sont malheureusement très éloignés de la mer et les sanatoriums des Alpes n'entrent pas en ligne, de compte pour nos classes ouvrières. Nous étions donc obligés de trouver d'autres moyens susceptibles de rendre la santé aux tuberculeux ganglionnaires et osseux. Pour les tuberculoses ganglionnaires nous n'avons pas trop loin de chez nous les sources salines de Besançon, dont il a déjà été question. Ces sources sont excellentes, les cures répétées deux, trois années de suite font un effet parfois miraculeux. Mais Besançon ne se prête pas pour des cures de longue durée, parce qu'il n'y existe aucun sanatorium pour enfants, ouvert hiver comme été. Il n'y a donc pas moyen d'y traiter des tuberculoses osseuses qui demandent des soins continus et. souvent extrêmement longs. Cette lacune a été comblée par la création de l'Hospice Stéphanie, un institut orthopédique et pédagogique pour en-


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fants infirmes, en particulier pour enfants rachitiques et tuberculeux. L'hospice, est situé au Sud de la ville de Strasbourg, en pleine campagne, à lalisière de la forêt. Il poursuit le triple but :

1° De rétablir l'état des malades par un traitement chirurgical et mécanothérapique ;

2° De procurer aux enfants l'instruction nécessaire pendant leur séjour à l'établissement ;

3° D'enseigner à ceux qui ont quitté l'école un métier qui leur permette plus tard de se suffire à eux-mêmes.

L'institut est pourvu de tous les appareils nécessaires au traitement des infirmités.Comme au bord de la mer et dans la montagne, l'héliothérapie joue un grand rôle comme moyen de guérison. Dès que le temps le permet, les enfants sont au grand air. Comme à la mer, une grande partie de la vie se déroule en dehors de la maison. L'instruction également est donnée autant que possible en plein air.

En parlant de l'instruction donnée en plein air, j'arrive finalement à une arme qui devient toujours plus populaire, pour ainsi dire, dans la lutte contre la tuberculose, c'est l'école de plein air. On distingue ordinairement entre école de plein air-internat et école de plein air-externat. Nous trouvons la première dans nos préventoriums et, comme je viens de le dire, aussi dans l'Hospice Stéphanie. Et il est à supposer que l'enseignement en plein air sera introduit dans chaque nouveau préventorium qui sera installé. Les écoles de plein air-externat par contre, n'ont pas encore trouvé dans les organisations existantes l'intérêt et la sympathie qu'elles méritent, et cependant les résultats sont frappants à en croire les rapports qui ont été publiés à ce sujet. Il n'existe à ma connais-; sance qu'une seule école de ce genre, c'est celle de l'Ermitage, à Mulhouse. Elle est ouverte pendant le trimestre d'été et est fréquentée par cent enfants qui arrivent le matin et rentrent le son. Strasbourg également avait une petite école de plein air, mais elle a disparu peu après la guerre, le terrain n'ayant plus été mis à sa disposition. La création d'écoles de plein ah' est également inscrite au programme de l'association antituberculeuse. Celle-ci mène en ce moment une propagande très active dans toute l'Alsace en faveur de ces écoles. J'aime à croire que d'ici quelques années cette propagande aura porté ses fruits et que les écoles de plein air figureront alors en grand nombre dans l'armement antituberculeux de l'Alsace et de la Lorraine.


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Avant de terminer ce petit exposé il me paraît utile de vous donner quelques chiffres relatifs à l'activité qui a été déployée par les dispensaires, l'association antituberculeuse et les Instituts d'assurance sociale et des employés privés au cours de l'année 1922. dans la lutte antituberculeuse.

Parmi les vingt-six dispensaires, douze fonctonnaient dans le Bas-Rhin, dix dans le Haut-Rhin, quatre dans la Moselle. La population des 760 communes qui entrent dans le rayon d'action de ces dispensaires est de 1.087.000 habitants Le total des habitants en. Alsace Lorraine est de 1.760.000.

11.486 malades atteints de tuberculose ou suspects étaient inscrits dans les dispensaires. Les 46 visiteuses ont fait environ. 43.000 visites à domicile.

Par l'entremise des dispensaires 507 malades ont été hospitalisés et 1.420 ont fait des cures au sanatorium ou au préventorium. Les dépenses des dispensaires se sont élevées à 566.990 francs. De cette somme les communes et les départements d'Alsace et de Lorraine ont pris 241.000 francs à leur charge. L'Association antituberculeuse de son côté a dépensé pour l'installation et le fonctionnement des dispensaires la somme de 243.000 francs et contribué aux frais de cure pour une somme de 76.000 francs. L'école d'infirmière a été subventionnée par une somme de 80.000 francs. En tout,. l'Association a dépensé en 1922, pour la lutte antituberculeuse, la somme de 440.806 francs.

Les Instituts d'Assurance sociale et des employés privés ont procuré à 2.136 personnes tuberculeuses des cures de sanatorium. Ils ont dépensé pour ces cures la somme de 2.231.643 francs. L'Institut d'Assurance sociale a mis en outre à la disposition de plusieurs oeuvres et institutions antituberculeuses des sommes considérables dont le total s'est élevé à 147.950 francs.

Si nous ajoutons à ces chiffres ceux des autres oeuvres antituberculeuses nous dépassons de beaucoup les quatre millions de francs. Cela prouve qu'en Alsace et en Lorraine de réels efforts sont faits pour combattre la tuberculose. Aussi les résultats que nous avons obtenus et que j'ai signa lés au début de mon rapport. vous montrentils que ces efforts n'ont pas été vains. Ils nous encouragent à intensifier toujours davantage notre travail et à poursuivre avec persévérance la voie dans laquelle nous nous sommes engagés.


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M. PAUL STRAUSS, Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociale. — Je remercie vivement l'auteur du si substantiel rapport qui vient de vous être soumis : je tiens d'autre part à féliciter tous ceux et toutes celles qui ont si efficacement contribué au résultats, signalés dans ce rapport et qui, s'ils ne sont pas absolument définitifs, sont cependant déjà bien encourageants.

L'ordre du jour appelle maintenant trois communications très importantes : la première qui doit être faite par M. Weiss, doyen de la Faculté de médecine, au lieu de M. le professeur Pautrier, empêché ; elle a trait à la lutte antivénérienne ; la deuxième, qui se rapporte à la lutte contre le cancer, doit être présentée par M. le Dr Gunsett. Enfin, M. le Dr Zillhardt présentera un rapport sur la propagande des oeuvres sociales d'hygiène.

M. le DOYEN WEISS a la parole.

DISCOURS DE M. WEISS

Doyen de la Faculté de médecine.

M. WEISS, doyen de la Faculté de médecine. — Je suis fier d'être chargé d'excuser M. le professeur Pautrier et de pouvoir vous donner la matière de son rapport. Très fatigué par le congrès de dermatologie, il prenait quelque repos, lorsque l'Université de Montréal nous a demandé de l'envoyer au Canada pour faire une série de conférences devant les médecins et étudiants canadiens ; nous avons pensé qu'une telle demande présentait un trop grand intérêt pour qu'il n'y fût pas donné suite. M. le Dr. Pautrier ne m'a pas laissé son rapport, mais j'avais lu ce rapport qui m'a vivement intéressé, ce qui me permet de vous en donner un résumé.

Quand je suis arrivé à Strasbourg, envoyé par le Ministre, en janvier 1919, j'ai été très effrayé en voyant l'extension formidable de la syphilis dans les villages d'Alsace. Je sais que les guerres. sont toujours accompagnées d'une recrudescence des maladies vénériennes, mais il s'était passé ici quelque chose de vraiment anormal. Les jeunes gens d'Alsace étaient envoyés par les Allemands sur le front oriental, où la syphilis sévit d'une façon horrible ; d'autre part, les Allemands mettaient au repos dans notre région certaines troupes qui étaient extrêmement contaminées : la syphilis s'est implantée là et ce qu'il y avait de particulièrement grave, c'est que l'attention des médecins de nos villages n'était pas attirée sur ces cas.


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Jusqu'à la guerre, d'après les renseignements que j'ai pu obtenu, beaucoup de villages étaient à peu près indemnes. Tout à coup, voilà des accidents qui se présentent de façon imprévue. Oh, certes, je ne fais pas la critique de mes confrères alsaciens ; il est une chose bien certaine, c'est que si quelque part un cas de fièvre de Malte venait se présenter, personne, même parmi les plus malins, ne saurait le distinguer et envisager immédiatement le traitement spécial qu'il serait nécessaire d'instituer.

A cette époque, on venait justement de fonder la société de médecine de Basse-Alsace, dont je suis président ; j'ai demandé immédiatement qu'une séance entière fût consacrée à l'éducation de nos confrères ou plutôt à attirer leur attention sur le traitement de la syphilis ; il ne suffit pas de la connaître, il faut la combattre énergiquement

Au moment où nous nous préparions à organiser cette séance, mon collègue Pautrier arrivait parmi nous ; c'était l'homme qu'il nous fallait en l'occurence ; c'est lui, en effet, qui, vous le savez, avait organisé avec une grande compétence à Bourges, pendant la guerre, les services de prophylaxie contre la syphilis. Il prit immédiatement la cause en mains. Grâce aux appuis qui nous furent donnés par tous ceux que ces questions intéressent, nous avons fondé la Société de prophylaxie anti-vénérienne.

Deux objectifs se présentaient à nous : prévenir et guérir. Prévenir par les conférences à faire aux étudiants et surtout aux jeunes officiers, car il y avait à ce moment des centres d'études dans lesquels 500 jeunes gens se préparaient pour l'école militaire, pour St-Cyr. Ces conférences étaient nécessaires ; je n'ai pas oublié qu'à l'une d'elles un certain nombre de jeunes gens se trouvèrent mal dans la salle tant ils étaient inquiets à l'idée de ce qui pouvait leur arriver. Ces conférences, nous les continuons.

Pour le reste, grâce surtout à l'appui bienveillant, éclairé et énergique de M. le Préfet Borromée, nous avons pu modifier l'organisation de nos services et même ouvrir des consultations toutes spéciales. Ces consultations doivent être discrètes, avoir lieu à des heures où le personnel peut s'échapper ; il y a là une difficulté sérieuse à résoudre, mais on a pu y arriver. Il me faudrait des chiffres pour vous fixer sur les résultats obtenus, et je ne les ai pas sous les yeux, niais je puis vous dire que ces consultations fonctionnent à notre grande satisfaction.


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Je crois — c'est une opinion personnelle que j'exprime — que d'autre part il est aussi très important de s'attaquer aux vieux errements, de faire disparaître l'idée de maladie honteuse en présence des maladies vénériennes ; il ne s'agit pas de crier sur la place si l'on est atteint, mais il ne faut pas le cacher au médecin.

Quand j'étais jeune étudiant, les services de syphilitiques étaient fermés aux stagiaires de la Faculté. J'ai été un des premiers à y être inscrit et c'est d'ailleurs à peu près à ce moment que les stagiaires ont aussi pu y entrer. Cependant si cette idée qu'imposent les maladies vénériennes s'est transformée, elle n'a pas encore complètement disparu. Au cours des conférences que nous avons faites dans certains milieux nous avons été agonis de sottises ; on nous a dit que nous pervertissions la jeunesse; même à un moment donné on est venu nous dire que si nous continuions on allait nous attaquer devant les tribunaux pour excitation de la jeunesse à la débauche (Rires).

On nous a dit qu'il fallait, au lieu d'exciter les jeunes gens, leur prêcher la chasteté ; on la leur prêche depuis des siècles et je ne crois pas que le résultat soit bien encourageant (Rires). Je crois au contraire, qu'il faut leur dire : Voilà les dangers que vous courez ; si un accident vous arrive, il ne faut pas vous terrer chez vous, il faut aller le dire au médecin qui saura vous soigner et vous guérir.

Comme conclusion je crois que ce qui pourrait être très utile, c'est que le Congrès veuille bien considérer et dire qu'en faisant cette propagande antivénérienne, nous ne faisons pas une oeuvre perverse.

M. PAUL STRAUSS, Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociale. — Je remercie M. le doyen Weiss de nous avoir ainsi exposé avec autant de bon sens, d'esprit et de clarté, la substance du rapport que M. le Dr Pautrier nous aurait présenté.

Je ne veux profiter de cette intervention si autorisée de M. le Doyen que pour lui adresser une prière, d'accord en cela avec le Ministre de l'Instruction Publique. J'ai essayé et je m'efforce de fortifier l'enseignement de la vénérologie, non seulement au point de vue magistral, théorique, mais surtout au point de vue pratique.

Il est essentiel que tout en prêchant l'abstinence et la chasteté, les mariages précoces — qui sont certainement une barrière efficace contre les écarts trop fréquents des jeunes gens — nous enseignions à tous les médecins, à tous les futurs médecins et aux hygiénistes, les signes caractéristiques de la syphilis et les moyens de prévenir et de combattre une maladie qui fait trop de ravages, non pas seulement au point de vue de la race, puisqu'elle occasionne bien souvent la stérilité ou la mortinatalité.


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Il ne faut jamais se décourager, ne désespérons donc pas. Je dois dire que, grâce aux grands efforts qui ont déjà été faits, nous commençons à ressentir les heureux effets de l'organisation méthodique qui s'étend sur toute la France.

Mais il faut à cette organisation le concours des femmes, des praticiens, de tout ordre, pour aider les pouvoirs publics dans cette tâche essentiellement patriotique, puisqu'elle est le moyen le plus sûr et le plus direct d'accroître la natalité.

Je donne la parole à M. le Dr Gunsett qui veut bien nous faire une communication sur la propagande anti-cancéreuse.

LA LUTTE CONTRE LE CANCER

PAR LES CENTRES RÉGIONAUX DE LUTTE

ANTI-CANCÉREUSE

Par le Dr A. GUNSETT, Directeur du Centre Régional de lutte anti-cancéreuse de Strasbourg, chargé de cours à la Faculté de médecine.

Je vous prie de m'excuser si le petit exposé que je vais vous faire sur la lutte contre le cancer en général, et plus particulièrement à Strasbourg, est, bien malgré moi, incomplet et sommaire. Il n'y a en effet qu'une heure seulement que je fus prié de vous le faire et il m'était impossible de réunir en un temps si court tous les documents que j'aurais désiré vous soumettre.

Comme la tuberculose, comme la syphilis, comme la mortalité infantile, le cancer est devenu un fléau social. En effet, de plus en plus on entend parler de cancer. Dans bien des familles avec lesquelles nous sommes en relation, nous voyons des membres, enlevés par cette terrible maladie à un âge relativement jeune La famille du malade s'affolle parce qu'on lui a dit que le mal est héréditaire et qu'il est contagieux. Ni l'une ni l'autre de ces particularités n'est encore prouvée. Pourtant la question de la contagiosité prend de plus en plus racine.

Et surtout la maladie s'accroît dans des proportions fantastiques. Pour celui qui, comme moi, voit affluer de jour en jour un nombre plus considérable de cancéreux dans le service de l'hôpital, l'accroissement du nombre des cancéreux ne fait aucun doute.


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D'ailleurs nous n'avons qu'à consulter les statistiques. Elles viennent nous en donner la preuve. Nous verrons que la fréquence du cancer va sans cesse en augmentant et croît dans des proportions telles qu'elle est même près de devenir plus inquiétante que celle de la tuberculose qui marque, au contraire un certain recul. Ce recul de la tuberculose en défaveur du cancer a été' constaté, par exemple, par les statistiques de New-York et d'Arcachon. Il est certainement dû à la lutte qu'on a engagé contre la tuberculose et qui a porté ses fruits.

D'ailleurs l'ascension continue du cancer peut être vérifiée dans tous les pays.

En France la proportion de décès attribués au cancer, par 100 000 habitants, a été pour les années :

1887 — 1889 de 87 par an ; 1899 — 1901 de 108,6 par an ; 1911 — 1913 de 114,6 par an.

A Paris, où le recensement paraît faire l'objet des plus grands soins, nous constatons que le chiffre des décès, qui était de 3169 avant 1914, s'est élevé, en 1920, à 3700.

Aux Etats-Unis, la mortalité cancéreuse s'élevait en 1912 à 78,9 pour 100 000 habitants, ce qui donne 76 000 morts pour cette seule année.

En 1915, elle est passée à 80 000 et le nombre des morts de cette année là a dépassé de beaucoup le nombre des morts par tuberculose.

A Londres cette même mortalité s'est élevée progressivement, par 100 000 habitants, de 68 en 1890 à 94 en 1910.

D'une façon générale on estime, d'après les chiffres des statisticiens américains, que l'accroisement de la fréquence du cancer a été depuis 32 ans en Europe de 56 p. 100, en Amérique de 76 p. 100.

Devant de pareils chiffres, il n'est pas besoin de déclarer que le cancer constitue un réel danger pour la société, qu'il existe un péril cancéreux.

La société a donc par conséquent le devoir de s'en inquiéter et de lutter.

Cette lutte est venue un peu tard et elle était surtout due à l'initiative privée. Elle est surtout menée en France par l'Association française pour l'étude du cancer, fondée par le professeur Delbet, et la ligue franco-anglo-américaine contre le cancer, dont le professeur Hartmann est l'animateur.


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En outre, il faut noter l'effort du professeur Regaud, au labaratoire Curie, pour créer un centre complet de recherches scientifiques sur le radium et la radiothérapie profonde du cancer.

Depuis un certain temps la thérapeutique contre le cancer était entrée dans une nouvelle phase. Autrefois le seul remède que nous avions contre le cancer était la chirurgie, l'extirpation sanglante du mal. Malheureusement l'opération ne donne pas toujours satisfaction; la récidive vient, souvent rapidement. Or, la thérapeutique médicale qui reçut, il y a une vingtaine d'années, un apport énorme par la découverte des rayons X et des corps radioactifs, nous apprit bientôt l'efficacité de ces rayons contre le cancer.

On découvrit que les rayons X et le radium pouvait faire disparaître le cancer ou plutôt certains cancers. On le découvrit d'abord pour les cancers superficiels de la peau; plus tard également pour les cancers des organes profonds. Mais pour les cancers profonds, il a fallu des procédés tout nouveaux et des appareillages extrêment puissants et, par suite, des quantités très grandes de radium.

L'hôpital de Strasbourg a, depuis des années, fait de gros sacrifices à cet égard. Il avait acquis une quantité appréciable de radium, il avait voté les crédits pour l'achat des appareillages à radiothérapie profonde ; et grâce à cet appareillage moderne que l'hôpital de Strasbourg mit entre mes mains, je pus réussir à obtenir des succès incontestables, des disparitions complètes de cancers désespérés ; j'ai même pu exposer à l'exposition Pasteur la liste d'une trentaine de personnes atteintes de cancer qui seraient mortes certainement sans l'intervention des rayons X et du radium, et qui sont actuellement débarrassées de leur mal. Ce n'est peut-être pas énorme, car plus de 300 cas furent traités, mais dans un mal aussi terrible, il faut se réjouir même de ces résultats arrachés à la mort !

D'autre hôpitaux en France ont fait des efforts analogues : je veux parler par exemple de l'hôpital Tenon où M. Proust a réalisé également un outillage parfait.

Mais ce qui manquait jusqu'à présent dans la lutte contre le cancer, c'est une vaste organisation couvrant toute la France, et soutenue par les pouvoirs publics.

Monsieur le ministre Strauss s'est rapidement rendu compte du danger que comportait l'accroissement du cancer et de l'intérêt qu'il y avait à le combattre par les moyens modernes que les rayons X et le radium mettent à notre disposition.


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Il profita d'une initiative qu'eut le professeur Bergonié, de Bordeaux, et mit la lutte anticancéreuse sur des bases solides en créant des centres régionaux de lutte contre le cancer.

Et c'est le 12 février 1923 que fut inauguré à Bordeaux, sous la présidence de M. le ministre Strauss, le premier centre de lutte contre le cancer.

Strasbourg, M. le Doyen Weiss et M. Meyer, président de la Commission administrative en tête, n'a pas voulu rester en arrière. Je fus chargé d'organiser également pour Strasbourg un centre régional de lutte antécancéreuse, qui fut inauguré par M. le Ministre le 23 juillet de cette année.

Ce nouveau centre régional de lutte anticancéreux sera complètement installé lorsqu'il disposera, grâce à la libéralité de M. le Ministre, grâce aux instructions que nous donne le Conseil général et l'Institut d'Assurance sociale, des appareillages les plus puissants et les plus modernes et d'une quantité de radium suffisante pour être à même de faire tous les traitements que comporte cette thérapeutique nouvelle.

D'ailleurs, cette thérapeutique étant récente, est, par suite, assez changeante. Tous les ans y apportent des modifications souvent coûteuses et il faudra certainement faire appel également à l'initiative privée pour pouvoir suivre les progrès de l'appareillage moderne.

C'est pour cette raison que la fondation en Alsace d'une filiale de la ligue contre les maladies vénériennes s'impose et devra être créée sans délai.

Nous espérons ainsi engager à Strasbourg, également une lutte sérieuse contre ce terrible fléau et j'espère qu'à un Congrès ultérieur je pourrai vous rendre compte des résultats que cette lutte aura donnée.

M. PAUL STRAUSS, Ministre de l'Hygiène de l'Assistance et de la Prévoyance sociale. —C'est, je crois, pour la première fois, qu'un Congrès de l'Alliance traduit à sa barre le cancer. Il le considère comme une maladie évitable et il est de son devoir, en effet, d'aider les pouvoirs publics, les Facultés et les médecins dans un combat absolument nécessaire et d'une si grande importance.

Je remercie très vivement M. le Dr Gunsett de ses très claires explications, et je lui adresse, ainsi qu'à M. le Doyen de la Faculté et à M. Meyer, président de la Commission administrative, toutes nos félicitations d'avoir bien voulu former d'une façon si complète uncentre de lutte contre le cancer.

M. LE MINISTRE. — Il nous reste à entendre la communication de M. le Dr Zillhardt sur « La coordination des oeuvres et la propagande d'hygiène sociale.»


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LA COORDINATION DES OEUVRES ET LA PROPAGANDE D'HYGIÈNE SOCIALE

Par le Dr ZILLHARDT

Chef de clinique infantile à la Faculté de Strasbourg Secrétaire général adjoint du Comité de Propagande d'hygiène sociale

L'initiative privée a réalisé en France, plus que partout ailleurs, un contre-poids heureux à la centralisation, un peu trop marquée des pouvoirs publics et c'est surtout dans le domaine de l'hygiène sociale que l'effort privé français, conscient de son devoir,a apporté son aide sans compter. Malheureusement les résultats obtenus ne sont pas toujours en rapport avec les efforts fournis, qui sont trop souvent éparpillés et sans coordination, car la concurrence, qui est certainement une bonne chose, peut devenir nuisible à la cause, si les concurrents entravent réciproquement leurs efforts. Pour éviter une pareille concurrence, de nombreuses personnalités de notre région ont considéré qu'il était nécessaire de créer une organisation, qui, tout en centralisant les moyens, resterait cependant assez souple pour arriver à s'adapter aux besoins les plus divers. Au mois d'octobre 1921, déjà M. Guyot, le regretté directeur de l'Office Général des Assurances sociales, prit l'heureuse initiative de réunir une commission pour la coordination des services de traitements cura tifs et d'hygiène sociale des institutions d'assurance sociale d'Alsace et de Lorraine.

Cette commission avait a traiter entre autres la collaboration des caisses de malades et des institutions d'assurance-invalidité avec les oeuvres d'hygiène sociale. Étaient représentés dans cette commission :

1° les délégués des employeurs et assurés du Comité technique

de l'Office général des assurances sociales ; 2° les délégués des organes de l'assurance sociale, tels que de l'Institut d'assurance-invalidité, de la Caisse d'assurance des employés, de l'Union des Caisses locales de malades, du


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Syndicat des Caisses-maladie d'entreprises de l'association lorraine, des Caisses-maladie d'entreprises minières et industrielles, ainsi qu'un délégué de la Caisse de pension des chemins de fer d'Alsace et de Lorraine ; 3° les délégués des pouvoirs publics ;

4° les délégués des diverses grandes organisations de prévoyance telles que l'Association alsacienne et lorraine contre la tuberculose, la Ligue antivénérienne, l'Association de puériculture ;

5° les délégués de la Fédération des Syndicats médicaux d'Alsace.

La Commission plénière a créé un bureau central ayant pour but la collaboration étroite de toutes les organisations de prévoyance dans le domaine de l'hygiène sociale et de la prophylaxie, notamment pour déployer dans le pays une propagande intense et uniforme, tant en ce qui concerne la lutte contre la tuberculose et les maladies vénériennes que pour la protection des mères allaitant et les nourrissons, c'est-à-dire le développement de la puériculture.

Ce comité de propagande se compose des délégués suivants appartenant aux organisations participantes :

Président : M. HERRENSCHMIDT, vice-président du Conseil général et président de la Chambre de Commerce de Strasbourg ;

M. BERGERAT, secrétaire général de l'Association lorraine des Caisses de maladie d'entreprises minières et industrielles ;

M. BRAUER, président du Syndicat des caisses-maladie d'entreprises et de corporations du Bas-Rhin et du Haut-Rhin ;

M. Auguste BRION, président de la corporation des Industries du Bâtiment ;

M. DIETRICH, président de l'Assurance des employés privés ;

M. le docteur PAUTRIER, professeur à la Faculté de Médecine, directeur de la Clinique Dermatologique, secrétaire général de la Ligue antivénérienne d'Alsace et de Lorraine ;

M. WACKENTHALER, directeur de l'Institut des Assurances sociales ;

M. le docteur ROHMER, directeur de,la Clinique Infantile, secrétaire général de l'Association alsacienne et lorraine de puériculture ;

M. le docteur SCHMUTZ, directeur des Services d'hygiène du Bas-Rhin ;


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M. le docteur VAUCHER, chargé de cours, secrétaire général de

l'Association alsacienne et lorraine pour la lutte contre la

tuberculose ; M. WEIL, président de l'Union des caisses locales de malades

d'Alsace et de Lorraine ; M. le docteur SCHOTT, président de la Fédération des Syndicats

médicaux d'Alsace. Sont venus s'ajouter depuis : M. le docteur BLIND pour le Comité de l'A. D. F. de Strasbourg ;

Fédération des Syndicats médicaux de la Moselle. Le bureau restreint se compose de : MM. HERRENSCHMIDT, président.

BRAUER

Pierre D'ESTOURNELLES DE CONSTANT

Vice-présidents

DIETRICH

GUTIG, trésorier

Dr SCHMUTZ

Dr VAUCHER, secrétaire général

WACKENTHALER

Dr ZILLHARDT, secrétaire général adjoint

Assesseurs.

En parcourant la liste des membres de ce comité on se rendra compte, au premier coup d'oeil, qu'il englobe la presque totalité des organisations intéressées aux questions d'hygiène sociale.

Le Dr Vaucher et le Dr Schmutz, les actifs secrétaires généraux de l'Association contre la Tuberculose, ont eu le mérite de continuer l'oeuvre de M. Guyot; remercions-les de tout ce qu'ils ont pu faire pour activer le fonctionnement de notre organisme, ainsi que les membres du Comité, de l'empressement qu'ils ont apporté à nous seconder.

Nous ne sentons pas le besoin de nous étendre plus longuement sur la nécessité de cette propagande, car tout le monde reconnaît aujourd'hui que la prophylaxie est la médecine de l'a venir.

Ce n'est pas par hasard que l'Alsace fut la première région où se forma une pareille organisation ; sa situation spéciale lui en a facilité la création. Nous estimons que l'avantage le plus sérieux, et le plus important que nous ayons dans ce domaine sur d'autres régions est l'existence des institutions sociales et nous croyons superflu de nous étendre sur l'importance de ces institutions, puisque d'autres rapports en traitent assez longuement. Ce qui nous inté-


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resse ici, c'est le fait qu'elles existent et qu'elles nous garantissent un revenu régulier, qui nous assure notre existence dans des hmites modestes, il est vrai. Mais il nous reste toujours la possibilité d'étendre ces limites au fur et à mesure que d'autres collectivités ou des particuliers nous en fournissent les moyens.

Les différentes figues d'hygiène sociale nous chargeant de leur propagande nous versent une cotisation annuelle, qui n'atteint pas la somme qu'elles seraient forcées de dépenser, si elles se chargeaient elles-mêmes de cette fonction.

Une Assemblée générale annuelle entend les rapports sur les gestions du bureau, sur la situation financière et morale de l'Association.

Elle approuve les comptes de l'exercice clos, vote le budget de l'exercice suivant, délibère sur les questions mises à l'ordre du jour et pourvoit au renouvellement des membres du bureau.

L'Association est administrée par un bureau, élu pour 3 ans par l'assemblée générale et renouvelable annuellement par 1/3. Les membres sortants sont rééligibles.

Le bureau se réunira au moins quatre fois par an, et chaque fois qu'il est convoqué par son président ou sur la demande du quart de ses membres.

La présence de trois membres du bureau est nécessaire pour la validité des délibérations.

Les dépenses faites, dans les limites des crédits fixés par le bureau, sont ordonnancées par le secrétaire général adjoint chargé du travail effectif.

Le bureau organise tous les moyens d'action en personnel et en matériel. A cet effet, il peut nommer parmi les membres de l'Association sans distinction, sur la proposition de son bureau, des Commissions techniques telles que: Commission de puériculture, des maladies vénériennes, de la tuberculose, du cancer, du paludisme, de l'alcoolisme, de l'hygiène alimentaire, de l'hygiène de l'habitation, de l'hygiène du travail, de l'hygiène scolaire, de l'hygiène militaire, etc.

Le nombre de ces commissions n'est pas limité.

Les recettes de l'Association se composent:

1° des cotisations et souscriptions de ses membres ; 2° des subventions qui pourront lui être accordées ; 3° du produit des libéralités dont l'emploi immédiat a été

autorisé avec l'agrément de l'autorité compétente ; 4° du revenu des biens.


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En nous soutenant, les institutions sociales ont très bien compris leur rôle et ont imité en ceci les nombreuses sociétés privées d'assurances en Amérique, qui consacrent de grosses sommes à la prophylaxie, car elles estiment avec raison, qu'il est moins coûteux de prévenir que de guérir. Mais si, d'une part, nous apprécions à sa juste valeur cette aide financière, nous estimons d'autre part, que l'existence de notre assurance sociale nous fournit un avantage moral bien supérieur encore, car cette existence même nous permet de ne jamais nous trouver dans la fâcheuse situation de donner des conseils d'hygiène ou de préconiser à la rigueur des traitements qui, faute de moyens, ne pourraient pas être exécutés.

La loi d'assurance-maladie telle qu'elle existe dans nos trois départements soumet à l'obligation de s'assurer de nombreuses catégories d'ouvriers. Elle accorde le droit d'affiliation volontaire à un grand nombre d'autres personnes non assujetties à l'assurance obligatoire. On peut discuter le principe de cette obligation, mais nous n'avons pas à trancher ce débat. Ce qui nous intéresse ici, ce sont les avantages qui en résultent pour l'assuré et qui nous facilitent notre travail de propagande. Enumérons quelques-uns de ces avantages : perfectionnement des méthodes d'investigation (rayons X, etc.), possibilité de procurer aux malades de toute catégorie un appareillage bien outillé (ceintures, bandages, prothèses etc.), possibilité de procurer aux malades du lait, des médicaments, bains, etc., aux frais de la caisse et de leur prescrire des traitements prolongés préventifs et curatifs.

En général le fait de pouvoir entrer dans une maison de santé n'importe quand, constitue un facteur excessivement important dans la lutte contre les fléaux sociaux : la lutte contre la mortalité infantile est en outre facilitée par les consultations, par les primes d'allaitement fournies par les caisses, etc.; la lutte contre la tuberculose par la possibilité d'envoyer les malades à temps et pour une durée assez longue dans dés préventoria et sanatoria.

Ce petit aperçu pourra suffire pour démontrer que les Assurés de toutes les catégories jouissent d'avantages que beaucoup d'autres gens ne peuvent plus s'offrir aux prix actuels.

On nous objectera que partout ailleurs existent des consultations gratuites, etc., et que l'assistance publique assume dans les autres départements une grande partie des charges que les caisses supportent ici. Ce débat dépasserait le cadre de cette communication et nous nous abstenons d'entrer dans une étude critique comparative.


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Ne faisons donc ressortir qu'un point qui nous paraît essentiel. Le malade soutenu par l'assistance publique doit s'incliner devant la décision, sur laquelle il n'a aucune influence, tandis que le malade assuré a voix au chapitre et use d'un droit. Ce facteur moral nous paraît capital d'autant plus que les secours fournis par les caisses dépassent de beaucoup la mesure des aides que l'assistance publique même la plus merveilleusement outillée, ne pourrait fournir.

On conçoit facilement l'énorme avantage pour nous de pouvoir dire au public : «voici les conseils que nous vous donnons. Adressez-vous à l'infirmière-visiteuse qui vous indiquera les moyens de les exécuter».

Ainsi aurons-nous atteint notre fin véritable qui est de préparer le terrain à l'infirmière-visiteuse.

Notre milieu est certainement favorable au développement d'une organisation centrale de propagande aussi pour d'autres raisons. A côté de nombreuses oeuvres privées, Comités de Croix-Rouge, etc., nous avons les syndicats médicaux, qui englobent la près que totalité des médecins du pays et tous ces groupements, ayant un représentant dans notre comité, sont, dans chaque localité, nos précieux auxiliaires. On voit de suite les avantages que peut présenter cette liaison, car chaque délégué fait valoir les voeux et les observations du groupement qu'il représente et on peut nous renseigner dans les moindres détails sur les habitudes et la mentalité des habitants des différents centres. Ainsi le contact entre notre public et nous devient de plus en plus étroit. Ajoutons que les industries et les entreprises, qui sont intéressées à la réussite de notre oeuvre, ne nous voient pas arriver en étrangers mais se mettent à notre disposition et ne demandent qu'à nous fournir tout ce qui est en leur pouvoir.

Malgré cette centralisation, nous nous sommes toutefois bien gardés de ne réunir tous ces renseignements que pour en extraire, soit par vote de la majorité, soit par tout autre procédé, un système unique et rigide, qu'on appliquerait uniformément à tout le monde. La Commission Rockefeller, qui nous a beaucoup soutenus et qui nous a facilité l'étude de sa propre organisation était arrivée à créer des équipes chargées de la propagande par des conférences. Ces équipes étaient forcément amenées à travailler d'après un schéma, car elles n'avaient pas la possibilité d'étudier le public sur place, comme nous avons le moyen de le faire. En outre nous avons attaché de l'importance à rester en contact permanent


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avec toutes les compétences. La lutte contre la mortalité infantile, par exemple, sera dirigée d'après les instructions de l'Association de puériculture. La ligue antivénérienne nous demandera de son côté des conférences accompagnées de projection fixes et nous pourrons facilement céder à son désir. L'Association contre la tuberculose enfin nous demandera à certains moments de mettre en relief une question spéciale, par exemple celle de l'école en plein air et là encore nous pourrons faire droit à cette demande. De cette manière il nous est facile de préparer le terrain aux infirmières-visiteuses d'hygiène sociale et les questions que nous traiterons seront étudiées d'avance par des spécialistes de chaque branche. Ainsi il n'y aura jamais de contradictions ni de chevauchements. Nous avons donc réalisé «l'unité de commandement », si l'on peut s'exprimer ainsi, et nous éviterons par là que, dans un même endroit soient traités coup sur coup ou des sujets qui se ressemblent ou, ce qui serait plus grave, qu'un Conférencier donne sur une même question des conseils différents ou même opposés à ceux d'un collègue d'un autre Comité. On nous objectera que ce cas ne peut arriver si tout le monde se conforme strictement aux derniers résultats de la science. Nous nous permettrons cependant de faire remarquer que dans ces questions il n'y a rien d'absolu. Les divergences de vues dans les questions médicales sont plus grandes qu'un profane ne pourrait se l'imaginer et, si de la discussion jaillit la lumière, il n'est pas moins vrai que la lumière met quelquefois longtemps à en jaillir. Mais ce fait importe en réalité peu : car nous n'avons pas la prétention d'enseigner à notre public les dernières hypothèses de la science moderne et nous serons satisfaits, au moins en gros, si nous arrivons à lui faire comprendre l'importance de la propreté, du soleil, de la vie au grand air, d'une alimentation rationnelle, etc.. Pour atteindre ce but il faut lui donner des explications détaillées et des conseils précis, faute de quoi les gens se désintéresseraient bien vite de notre oeuvre. Et c'est précisément là que les divergences de vues pourraient prendre une grande importance. Citons un exemple pour mieux illustrer notre pensée.

Les Amérirains ont proclamé à grand fracas la nécessité pour les enfants d'ingérer beaucoup d'oeufs. Or, la clinique pédiatrique de notre Faculté, par exemple, forte d'une grande expérience et soutenue par l'avis de nombreux auteurs dans cette question, est d'un avis diamétralement opposé. On conçoit l'effet défavo-


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rable produit sur le public, si, un conférencier de l'Association de puériculture de nos trois départements venait dans cet ordre d'idées dire le contraire de ce que préconisait peut-être 8 jours avant le Conférencier du groupement américain. Nous sommes d'avis que le fait de recommander les oeufs ou de les défendre est d'une importance moindre pour le moment (sans vouloir d'ailleurs préjuger de la question), que l'impression de désordre et de manque de continuité qui pourrait être donnée au public par des incidents de ce genre ; les auditeurs en conclueraient que nous ne savons pas nous-mêmes ce que nous voulons et s'en tiendraient aux procédés empiriques fournis par leur entourage.

Notre service intérieur est organisé de façon à diminuer autant que possible les frais généraux. L'Association contre la Tuberculose nous donne l'hospitalité dans son local et notre personnel est occupé par elle pendant la période de calme. Cette combinaison nous permet d'interrompre notre travail et de choisir les moments les plus propices pour notre action, tout en économisant dans l'intervalle la plus grande partie des frais courants. Cela nous donne l'avantage de nous rendre dans les différents centres au moment où les comités locaux ou les entreprises industrielles et autres le désirent, car nous ne sommes pas tenus de suivre un itinéraire fixe. Ces Comités locaux préparent tout pour notre arrivée ; ils font paraître des articles dans leurs journaux, les membres du corps enseignant et du clergé annoncent notre arrivée et recommandent au public d'assister à nos conférences ; bref, toutes les influences locales nous soutiennent et on mesure les services que cette propagande sur place peut nous rendre. Nos conférenciers se recrutent surtout parmi les jeunes médecins et nous en choisissons un certain nombre dans chaque branche. Ils touchent un cachet par conférence et ainsi nous en avons toujours à notre disposition. On nous dira que, de cette manière, ils manqueront forcément de routine, mais nous objecterons qu'ils connaissent parfaitement leur sujet et que l'expérience a démontré qu'ils sont pleins d'ardeur et arrivent très bien à intéresser et à entraîner leur public.

Nous espérons que cet aperçu, quoique très rapide, vous aura fait voir que la coordination des différentes oeuvres garantie par l'institution de notre comité présente de sérieux avantages. Outre les économies que nous faisons de cette manière nous sommes arrivés à réaliser l'unité de fonds et d'action. Le public se trouve en présence d'un seul et unique centre de propagande pour toute la région


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et saura rapidement où s'adresser pour avoir des renseignementsutiles. La presse nous ouvrira plus facilement ses colonnes, lorsqu'elle saura qu'il s'agit d'une organisation soutenue par tous les groupements importants du pays. Enfin, les autorités pourront nous accorder toutes facilités pour les conférences dans les écoles, etc.. car nous offrons toutes les garanties, et elles n'auront pas à, craindre que des demandes d'institutions similaires réclament d'être traitées sur le même pied, ce qui les entraînerait trop loin dans la voie des concessions.

Le Comité de propagande d'hygiène sociale de Paris, qui dispose de grands moyens, a surtout assumé la tâche de fournir à. la propagande une documentation précise et complète et nous considérons son existence comme indispensable pour préparer et étudier notre travail. Mais cette grande organisation ne peut certainement pas comme nous, faire le travail de détail et atteindre pour ainsi dire chaque particulier en tenant compte de son éducation, de son âge, de sa mentalité et de ses habitudes. Ce travail nous voudrions le voir exécuter par des comités régionaux, que nous souhaiterions très nombreux, car la collaboration en serait facilitée, vu que les organisations s'étendant sur une trop grande partie du pays perdent forcément en souplesse ce qu'elles gagnent en puissance. Elles sont forcées d'introduire un système bureaucratique, nuisible à un bon travail dans le domaine de l'hygiène sociale Les organisations comme notre comité, par contre, sont sur place et peuvent profiter de chaque occasion pour faire de la propagande Le concours des poupons que nous venons d'organiser à l'Exposition du Centenaire de Pasteur vous prouvera que nous sommes prêts à saisir toutes les occasions qui nous permettent de lutter contre les fléaux sociaux.

Pour terminer, rendons hommage au Préfet du Bas-Rhin qui, par son heureuse intervention, est arrivé à assigner à chacun des groupements, soit Croix-Rouge, soit oeuvre privée, soit syndicats médicaux, un champ d'action déterminé et fixé par contrat. C'est ainsi qu'il a pu éliminer les concurrences malsaines en laissant de grandes possibilités aux efforts individuels, tout en sauvegardant l'intérêt et le droit de contrôle de l'État. Nous savons que les deux autres départements de notre région vont bientôt suivre cet exemple et nous souhaitons vivement qu'ils fassent école dans le reste de la France pour le plus grand bien de la santé de notre peuple. ;


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M. ZILLHARDT propose finalement le voeu suivant qui est adopté à l'unanimité.

Que le Gouvernement, se rendant compte de l'importance de l'oeuvre de coordination du Comité de propagande d'Hygiène sociale d'Alsace et de Lorraine, lui permette, par des subventions régulières, d'amplifier et d'intensifier l'application du programme qu'il s'est tracé.

M. PAUL STRAUSS, Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociale. — Nous remercions M. le Dr Zillhardt de sa très intéressante et très substantielle communication.

Comme nous avons la bonne fortune d'avoir parmi nous un représentant de nos amis de Belgique, M. le Dr L. Vervaeck, délégué par le Comité National des OEuvres d'hygiène belges, je vais lui donner la parole, pour qu'il puisse d'un mot affirmer, une fois de plus, la communauté de sentiments qui n'a cessé d'unir la Belgique et notre pays, et qui trouve d'une manière plus impressionnante encore son expression et son opportunité à Strasbourg.

M. le Dr VERVAECK. — Monsieur le Ministre, je suis très touché desparoles si aimables que vous venez de m'adresser, et je saisis bien volontiers l'occasion de vous exprimer, au nom du Comité national belge des OEuvres d'Hygiène, notre admiration la plus profonde et nos félicitations les plus chaleureuses pour l'oeuvre remarquable réalisée en France.

Je m'empresse d'ajouter qu'au cours d'un récent voyage en Belgique, M. le Ministre Strauss a su, par son éloquence prenante, se concilier l'affectueuse sympathie et l'admiration de tous ses amis de Belgique. Je suis heureux et fier, aujourd'hui, de pouvoir lui exprimer publiquement les sentiments de reconnaissance de mes compatriotes. (Applaudissements.)

M. PAUL STRAUSS, Ministre de l'Hygiène, et de l'Assistance de la Prévoyance sociale. — Je suis très touché des paroles si sympathiques qui viennent d'être prononcées. Mais ce témoignage tout affectueux que M. le Dr Vervaeck apporte ici au nom de ses compatriotes et de nos amis de Belgique, s'adresse certainement par-dessus ma personne, plus particulièrement à la France et à l'Alsace. (Applaudissements prolongés).

La séance est levée à midi 15.


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Le dimanche 23 septembre, à midi, les Congressistes se réunirent en un banquet à la fin duquel des allocutions furent prononcées par M. Alapetite, Commissaire général de la République, par M. Georges Risler, Président du Congrès de l'Alliance d'Hygiène sociale, et par M. Paul Strauss, Ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociales.

Nous donnons ci-après le texte des allocutions prononcées au banquet.


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ALLOCUTIONS PRONONCÉES AU BANQET

DU 23 SEPTEMBRE

ALLOCUTION DE M. ALAPETITE

Commissaire général de la République.

Je demande pardon à Mgr Muller-Simonis d'employer une expression qui lui paraîtra peut-être ambitieuse, même dans un si grand sujet, mais je voudrais dire que depuis Pasteur l'humanité a été dotée d'un évangile complémentaire : des vérités nouvelles ont été révélées qui intéressent seulement la durée et la sécurité de notre séjour sur la terre.

Mais pour qu'une doctrine s'établisse et se répande, quand même la certitude qu'elle apporte en serait éblouissante, il faut qu'elle trouve des apôtres et des propagateurs. Or, comment dans notre France meurtrie, privée de tant de ses enfants, alors que tant d'ateliers et de laboratoires sont déserts, l'Alliance d'Hygiène sociale trouverait-elle, parmi les hommes, tous les auxiliaires dont elle a besoin?

Elle est obligée de se retourner du côté des femmes. Et combien certes la vie aussi est devenue plus difficile pour elles ! Combien les soucis de la famille et du ménage sont devenus pour elles plus pesants ! Néanmoins, leur affluence dans les trois sections de la Croix-Rouge montrent bien qu'il y a toujours, du côté des femmes, des disponibilités de dévouement et de sacrifice. (Appl.)

Hier, M. le Ministre de l'hygiène disait combien il était à souhaiter qu'on vit entrer des femmes dans l'administration des Caisses d'épargne. Il faisait, toutefois, ses réserves sur le féminisme intransigeant et je m'y associe. Mais je suis d'avis, comme lui, qu'il y a beaucoup de fonctions, notamment toutes celles qui inté7

inté7


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ressent l'assistance publique, qui étaient autrefois réservées aux hommes et qu'aujourd'hui les hommes doivent partager avec les. femmes. Je puis même dire qu'ils doivent les leur abandonner. (Appl.)

Les femmes peuvent pénétrer dans tous les foyers, et c'est surtout dans les plus humbles foyers qu'il y a une oeuvre de préservation et de salut à accomplir (Très bien !)

Les femmes, c'est la victoire de la grâce sur les ténèbres.

Ce matin, M. le docteur Belin disait avec quelque vérité, qu'elles devaient rester encadrées par les hommes et tout à fait subordonnées aux médecins, qui seuls ont toute la compétence et toute l'expérience désirables. Je, suis d'accord avec lui, mais il faut pour cela que le médecin se maintienne dans la même sphère de sérénité et d'impartialité où il est si facile aux femmes de se maintenir, tant du moins qu'elles ne seront pas mêlées à nos querelles politiques.

Au-dessus du corps médical j'aperçois cette magnifique institution de l'Alliance d'Hygiène sociale, qui a bien voulu choisir, cette année, Strasbourg pour ses assises. Eh bien, là aussi, il règne une sérénité et une impartialité qui doivent assurer le succès de l'Alliance et lui attirer les sympathies et la confiance unanime de la population de notre pays.

Je n'ai pas besoin de rappeler quels sont les hommes qui l'ont fondée et qui la dirigent.

M. Georges Risler a rendu ce matin à ses collègues de la première heure et d'aujourd'hui l'hommage qui leur était bien dû et auquel vous avez tous applaudi.

Il y a dans ce bureau de .l'Alliance d'Hygiène sociale un homme que je gênerais peut-être en lui disant qu'il est sorti des luttes de la politique : c'est M. le Ministre de l'hygiène et de l'assistance, qui est encore et qui demeurera longtemps, je l'espère, un des membres les plus éminents du parlement français comme sénateur. Il n'a pas le droit de dire que la politique lui est devenue indifférente, mais, nous savons tous qu'il a su placer son oeuvre ministérielle en dehors et au-dessus des préoccupations de la politique. (appl.) et que ni sa personne, ni sa fonction, ni la clientèle si intéressante qu'il protège ne sont aujourd'hui discutées.

A côté de lui ai-je à nommer M. Georges Risler, qui est aussi l'un des vôtres et qui a recueilli le lourd héritage des fondateurs de l'Alliance, qui n'est pas inférieur à ceux qui l'ont précédé et qui


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porte si haut et avec tant d'éclat le drapeau de l'assistance et de l'hygiène dans notre pays. (Appl.)

Et comment négligerais-je d'ajouter que parmi les fondateurs de l'Alliance d'Hygiène sociale, parmi ceux qui y sont entrés avant même de s'être retirés de la pohtique et d'en avoir éprouvé le dégoût, mais qui y sont entrés parce qu'ils voulaient réserver une part de leurs forces, de leur autorité, de leur influence à l'oeuvre bienfaisante à laquelle ils allaient se consacrer.. il y en avait un que l'Alsace connaît et à qui elle a voué une vénération particulière : le président de la République, M. Millerand.

Lui aussi répéterait, j'en suis convaincu, et toujours avec la même force, la phrase de Casimir Périer qu'a citée ce matin M. Georges Risler, cette phrase qui constitue tout le programme de l'Alliance et qui devrait réunir tous les Français qui aiment leur pays : « La Société devrait être une association d'hommes luttant contre le mal, la misère et la mort, et non pas un champ clos où se livre sans trêve une bataille sournoise entre des intérêts contraires. »

C'est cette doctrine que je vous demande d'acclamer en buvant à la fois à l'Alliance d'Hygiène sociale et à M. Alexandre Millerand. (Vifs applaudissements.)

ALLOCUTION PRONONCÉE PAR M. GEORGES RISLER

Président du Congrès.

Si je demande la parole c'est pour remercier Monsieur le Commissaire générai de la République, qui vient de parler, une fois de plus, avec cette éloquence, cette merveilleuse éloquence que nous lui connaissons et qui lui a permis de faire tant ici pour faire aimer notre pays.

Nous sommes ici en famille, nous formons cette grande famille des hommes de bonne volonté, de ceux qui apportent tout ce qu'ils ont de meilleur au service du progrès social et de l'hygiène, de tous ces adeptes de l'Alliance qui sont plus nombreux en Alsace que partout ailleurs.

Qu'il me soit donc permis de porter familièrement la santé de celui qui est leur chef naturel, de celui qui s'est imposé à tous par les précieux services rendus à toutes les causes qui touchent à l'hygiène, qui n'a jamais compté


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avec ses forces et qui, dédaignant les fatigues, va partout en bon pèlerin semant les idées, de manière à obtenir des progrès constants dans cette France où nous avons, il est vrai, encore tant à faire : c'est de M. le ministre Paul Strauss que je porte, de tout mon coeur, la santé ! (Appl.)

ALLOCUTION DE M. PAUL STRAUSS

Ministre de l'Hygiène de l'Assistance et de la Prévoyance sociale.

Je serai bref dans ma réponse, parce que j'ai eu le plaisir et l'honneur, hier soir d'abord et ce matin ensuite, d'entrer avec vous en active callaboration.

Mais je tiens à dire encore une fois ma joie, au terme peut-être des Congrès qui se sont succédés ici avec tant de succès et tant d'éclat, depuis le 2 juin où s'ouvrit le Congrès de la tuberculose, de me trouver encore aujourd'hui au milieu de vous, dans cette fière, généreuse et vaillante cité de Strasbourg à laquelle j'adresse tout d'abord, dans la personne de son maire, l'expression de mes sympathies les plus ardentes et les plus confiantes.

Je suis heureux d'avoir à mes côtés M. le Commissaire général, qu'il m'est permis de désigner comme ayant été un préfet social d'avant-guerre et qui fit tant pour justifier ce titre lorsqu'il administrait le Pas-de-Calais et le Rhône, et aussi un préfet non moins social, M. Borromée, dont nous nous rappelons la conduite si patriotique dans le Nord, au cours de la guerre, et qui a été là-bas, comme il est aujourd'hui dans le Bas-Rhin, un ardent stimulateur, un organisateur admirable de l'entente entre les administrations et les oeuvres sociales. M. Borromée est de ceux qui ont compris que l'action publique et l'initiative privée doivent coopérer, sans aucun particularisme, sans séparatisme ombrageux, sans cloisons étanches, et que les administrations les plus diverses, allant des Services de Santé militaire à l'Agriculture, en passant par l'Instruction publique et tous les autres départements ministériels, ne doivent pas s'ignorer. Elles doivent non seulement ne pas s'ignorer, mais vivre au contraire en collaboration constante et cordiale pour assurer la réussite des projets qui leur sont communs ou sont connexes à leurs services respectifs.


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Revenant à l'Alliance d'Hygiène sociale et à sa manifestation si utile aujourd'hui, laissez-moi regretter l'absence de son grand chef. Léon Bourgeois. Il a été l'incomparable précurseur, et cette fête perd aujourd'hui une partie de son charme parce que nous n'avons pas à nos côtés le grand et aimé président Léon Bourgeois, retenu à Genève par les devoirs de sa charge et plus que jamais nécessaire à cette Société des Nations qu'il anime de son souffle généreux et à laquelle il s'efforce de donner toute la vie nécessaire pour atteindre son but si noblement élevé.

Et maintenant, je bois à la grande oeuvre sociale que vous poursuivez, au président et aux membres dévoués de son comité, à tous ceux et à toutes celles qui lui apportent une collaboration sans égale !

Et pour résumer tout ce que nous avons dans le coeur, pour affirmer tous nos sentiments d'espérance en même temps que de gratitude, je vous demande de porter la santé de l'homme illustre qui, bien qu'éloigné de cette réunion, est près de nous par le coeur, par la pensée, par la communauté des vues et des sentiments : M. Léon Bourgeois, président de l'Alliance d'Hygiène sociale, apôtre et praticien de la solidarité, homme d'État dont s'enorgueillit notre pays et qui est une des forces vives de la République française.

Léon Bourgeois est avec nous dans ce XIIIe congrès ; il nous inspire par son exemple, il nous réconforte par ses encouragements, et j'ose dire qu'il n'est pas de plus grande joie pour un ministre de l'Hygiène et de la Prévoyance sociale qui a été, depuis de longues années un de ses modestes collaborateurs, de continuer la tâche qu'il a préparée comme sous-secrétaire d'État du ministre de l'Intérieur, en 1886, lorsqu'il a fondé le grand Conseil de l'Assistance publique, auquel appartient encore Mgr. Muller Simonis.

Léon Bourgeois a été le maître dont nous devons suivre les leçons et le précieux enseignement, et dont l'exemple est pour la France entière et pour la République un modèle et une parure.

(Appl.)


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VISITES DU 23 SEPTEMBRE

A 14 heures, les congressistes montèrent en auto-cars et, en dépit d'une bise glacée, allèrent visiter, dans la vallée de la Bruche, le sanatorium de Schirmeck, propriété de l'Institut d'assurance sociale de Strasbourg, adossé à une forêt de sapins à 386 mètres d'altitude au milieu d'un immense parc. Ils y furent reçus par le Dr Schmittbuhl, médecin de l'établissement, et M. Weil, membre du Comité directeur de l'Institut d'assurance sociale et président de l'Union des Caisses locales de malades. Ils s'intéressèrent en particulier à l'installation merveilleuse des services mécanothérapiques et hydrothérapiques. Ils se rendirent ensuite à la maison des colonies de vacances des Quevelles (Yquelle) dont la directrice, Madame North, leur fit les honneurs. La coquette simplicité et la méticuleuse propreté de la maison ont vivement frappé ses hotes que saluèrent au départ, la ronde des soixante petits pensionnaires dont les ébats, sous les rayons du couchant brusquement surgis des nuages, mêlait leur grâce à la majesté de la ligne des montagnes. Les docteurs Belin et H. Brion accompagnaient les congressistes que l'intérêt de ces visites avait bien dédommagé du mauvais temps qu'ils n'avaient pas craint d'affronter.

SEANCE DU LUNDI 24 SEPTEMBRE 1923

Ouverte à 9 h. 30

Présidence de M. GEORGES RISLER

Président du Musée Social, Vice-président de l'Alliance d'Hygiène Sociale, Président du Congrès.

La série des rapports intéressants, très intéressants que vous allez entendre commencera par celui de M. BRAUER, sur le rôle des institutions d'assurances sociales.

M. Brauer est le président du Syndicat des Caisses-maladie d'entreprises d'Alsace et de Lorraine. Vous savez tous quel est le rôle de ces assurances ; elles perçoivent des sommes considérables, qui créent


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un véritable budget d'Hygiène et qui donnent à toutes les oeuvres des facilités très importantes que nous serions bien heureux d'avoir partout de l'autre côté des Vosges.

C'est un véritable budget, je vous le répète, qui est prélevé sur l'Industrie et qu'elle récupère sur les consommateurs ; c'est une sorte d'impôt indirect.

Je donne la parole à M. Brauer.

LE ROLE DES INSTITUTIONS

D'ASSURANCE SOCIALE EN MATIÈRE

D'HYGIÈNE SOCIALE

Rapport présenté par M. Ed. BRAUER

Directeur de la Société alsacienne de Constructions mécaniques de Graffenstaden

Président du Syndicat des Caisses-maladie d'entreprises et de Corporations du Bas- et du Haut-Rhin et des régions limitrophes

Le titre que le Comité d'organisation du présent congrès a donné à la conférence que je vais avoir l'honneur de vous faire, est très général et dépasse de beaucoup ma compétence. En effet, nombreux sont les pays qui sont déjà régis par un régime complet d'assurances sociales et ce serait un travail qui sortirait du cadre d'une conférence que de vouloir faire une étude comparative de ces différents genres d'assurances sociales en matière d'hygiène sociale. Je ne me risquerais même pas à étudier à ce point de vue le projet de loi N° 2369, projet dit « Daniel-Vincent », qui doit doter l'ensemble de la France des bienfaits dont jouissent nos trois départements désannexés en matière d'assurance-maladie, invalidité et vieillesse. En effet, ce projet, déjà remanié une première fois, n'a encore rien de définitif et en outre devra être complété, une fois voté comme loi, par une série de règlements d'administration publique. Le nombre des articles en a bien été porté, par ce premier remaniement, de 173 au nombre respectable, pour une loi française, de 186, mais si nous le comparons aux lois locales qui nous régissent dans nos trois départements et qui, avec le Code des


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assurances sociales, la loi d'introduction et la loi sur l'assurance des employés privés, comptent au total plus de 2.300 articles, dont il y a heu, il est vrai, d'en déduire 766 pour l'assurance-accident, nous nous rendons bien compte de la nécessité de parfaire ce projet de loi par des règlements très étendus. Le projet de loi nous donne bien les principes généraux qui régiront à l'avenir les différentes assurances et l'on pourrait en escompter l'influence sur l'hygiène sociale ; mais d'après l'expérience que nous avons vécue ici depuis l'année 1883, toutes les institutions d'assurance sociale n'arrivent à faire oeuvre d'hygiène sociale proprement dite qu'au bout d'un certain temps, une fois que les prestations obligatoires ont été bien assises, que les organes d'administration ont acquis l'expérience nécessaire pour gérer économiquement les fonds et que, grâce à des réserves, l'on peut d'abord passer aux prestations facultatives individuelles et ensuite aux mesures d'intérêt général. Ma conférence se tiendra donc dans les limites des assurances sociales de nos trois départements, Bas-Rhin, Haut-Rhin et Moselle.

L'assurance obligatoire a été introduite dans nos trois départements par une première loi d'empire en 1883, instituant l'assurance des ouvriers contre la maladie, puis vinrent successivement en 1884, l'assurance contre les accidents du travail, en 1889 l'assurance contre l'invalidité. D'autres lois intermédiaires ont étendu ces trois lois principales et l'ensemble a été codifié par la loi du 19 juillet 1911, loi appelée «Code des Assurances Sociales» (C. A. S.), groupant et harmonisant en un régime d'ensemble les différentes lois précédemment en vigueur. Enfin, la loi du 20 décembre 1911 a développé le Code susdit en introduisant l'assurance des employés. Après l'armistice, l'ensemble des assurances sociales, dont bénéficiaient nos trois départements, a été maintenu par la loi du 17 octobre 1919, puis revisé, complété et adapté aux nouvelles conditions économiques par toute une série de décrets et de lois dont la plus importante est celle du 20 octobre 1920.

Dans la discussion du projet de loi Daniel-Vincent qui, dans son introduction, s'appuie sur notre législation régionale, il a souvent été objecté que toutes ces lois étaient d'origine allemande,. Cette assertion a été démentie par des voix plus autorisées que la mienne, mais je m'en voudrais de ne pas insister à nouveau sur ce point devant une assemblée réunissant tant de personnalités éminentes, s'occupant de ces questions si importantes d'assurance sociale

Les lois qui nous régissent sont bien des lois de l'empire allemand, mais l'inspiration de ces lois a été prise en Alsace et Lorraine.


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Si vous passez à l'Exposition Pasteur au groupe 37 des assurances sociales, vous trouverez exposés au stand consacré à nos assurances d'Alsace et de Lorraine, soit dans l'original, soit en photographie, une série de statuts de Caisses d'Entreprises datant du milieu du siècle dernier. Au mois d'août 1783 fut créée à Strasbourg une caisse mutuelle de secours en cas de maladie et de décès par un accord entre les maîtres-imprimeurs et leur personnel, caisse fonctionnant encore aujourd'hui comme caisse auxiliaire. La caisse de secours des Usines Gross, Roman et Cie, à Wesserling, fut, fondée en 1855, celle des Manufactures Hartmann et Fils, à Munster, en 1850, des Établissements de Dietrich et Cie, à Niederbronn, en 1856, celle de la Maison J. André et Cie, à Masevaux, en 1855, Dès 1827, les Usines de Dietrich, à Niederbronn, constituaient une caisse d'assurance contre la vieillesse. Ces caisses se transformèrent en caisses mutuelles qui fonctionnèrent jusqu'à l'introduction de la loi susdite de 1883 et ce fut en s'inspirant des dispositions des statuts de ces caisses que les députés alsaciens au « Reichstag », aidèrent à la confection de la loi d'empire de 3 883. Si donc notre loi locale est une loi allemande, elle a tout au moins, le mérite d'être d'inspiration alsacienne.

Nous allons examiner successivement les différentes assurances sociales fonctionnant dans nos trois départements ; nous n'en exposerons pas le mécanisme et le fonctionnement complet, mais insisterons surtout sur les prestations, en tant qu'elles ont une influence sur l'hygiène individuelle, facteur important de l'hygiène sociale générale, et sur l'hygiène sociale proprement dite,

A proprement parler, l'action de nos assurances sociales sur l'hygiène sociale proprement dite, si l'on entend par là que cette action doit s'étendre à l'ensemble de la population, est assez restreinte. En effet, nos assurances sont alimentées par des cotisations payées par les employeurs et les assurés et le bénéfice des institutions doit revenir en première ligne, pour ne pas dire exclusivement , aux assurés mêmes.

Les articles du C. A. Si qui permettent des dépenses pour l'hygiène sociale sont les suivants: le premier, relatif à l'assurancemaladie, est l'article 363 qui autorise à utiliser une partie des ressources des caisses « pour des mesures générales de prophylaxie ». Ces termes paraissent laisser une latitude assez grande, mais en réalité les organes de surveillance des institutions leur ont apporté des restrictions très sensibles et maintenant encore sont souvent


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un peu pointilleux pour des dépenses tout à fait justifiées. Nous aurons l'occasion de revenir sur ce point en parlant spécialement des caisses-maladie.

Eu ce qui concerne l'assurance invalidité-vieillesse, l'article 1356 permet de faire des placements « pour favoriser des entreprises qui profitent exclusivement ou principalement aux personnes assujetties à l'assurance ». Ce dernier paragraphe donne sensiblement moins de latitude que le premier et précise plus exactement les intentions du législateur. Le devoir strict des assurances sociales est de garantir d'abord les prestations obligatoires, puis viennent les prestations facultatives profitant uniquement aux assurés et ce n'est qu'ensuite qu'elles peuvent songer à s'occuper de prophylaxie générale, à la condition toutefois que les assurés en aient le profit principal.

Nos institutions d'assurances, après avoir passé souvent par des péripéties assez graves, nécessitant des relèvements de cotisations et des diminutions de prestations, sont heureusement arrivées actuellement à acquérir la stabilité nécessaire pour pouvoir, en plus des prestations individuelles, obligatoires et facultatives, consacrer une partie de leurs moyens à des mesures générales. Ce n'est évidemment actuellement qu'une partie assez faible du budget qui passe dans ces mesures générales, mais toutes les sommes consacrées à l'hygiène de l'individu, ne profitent-elles pas très largement à l'hygiène sociale et n'améliorent-elles pas très sensiblement les conditions de la santé publique?

Quelques chiffres sur le nombre des individus soumis à nos assurances sociales, me paraissent trop éloquents pour ne pas les citerLes dernières statistiques de, 1922 nous apprennent que l'assurancemaladie profite à plus de 400.000 assurés directs (sans compter la famille dont la plupart des caisses assurent le traitement médical, ce qui porte le nombre des bénéficiaires de l'assurance-maladie au delà du million). L'assurance invalidité et vieillesse touche 365.000 assurés. L'assurance des employés compte 35.000 assurés dont quelques-uns participent également à l'assurance invaliditévieillesse. Enfin, les caisses minières comptent 45.000 mineurs, payant également à l'Institut d'invalidité-vieillesse. L'assurance contre les accidents industriels présente un chiffre de 300.000 assurés et celle contre les accidents agricoles, de 675.000. Si vous rapprochez de ces chiffres celui de la population totale de nos trois départements qui est de 1.800.000 âmes environ, vous comprendrez l'influence de nos assurances sociales et le très


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grand attachement de toute notre population, tant bénéficiaires directs (assurés) que bénéficiaires indirects (employeurs), à ces institutions bienfaisantes.

Nous passons maintenant à l'examen des différentes institutions d'assurance sociale.

1° Caisses-Maladie. — Les caisses-maladie ont comme origine légale dans leur forme actuelle la loi du 15 juin 1883. Les institutions chargées de l'assurance sont :

Les caisses d'entreprises, au nombre de deux cent sept pour nos trois départements, caisses créées par les chefs d'établissements industriels pour leurs ouvriers ;

Les caisses de corporations, au nombre de dix, pour les membres des corporations.

Les caisses locales générales au nombre de vingt-sept, qui groupent toutes les autres catégories d'assurés.

Le nombre total des assurés contre la maladie est, comme nous l'avons dit plus haut, de 402.000, dont un peu plus de la moitié, soit 203.000, font partie des caisses locales et les autres, 199.000, des caisses d'entreprises et des caisses de corporations.

L'obligation de l'assurance contre la maladie s'étend, d'une façon générale, à tous les ouvriers quel que soit leur salaire, et aux employés, commis, professeurs, etc., dont le salaire est inférieur à 8.000 francs. Ce dernier groupe peut continuer à s'assurer facultativement jusqu'à un maximum de revenu de 12.000 francs.

Le prélèvement des cotisations se fait par précompte patronal, un tiers va à la charge de l'employeur, deux tiers à la charge des assurés. Les cotisations sont exprimées en un pourcentage du salaire et calculées soit sur le salaire effectif, soit sur des salaires échelonnés quand les statuts prévoient un barème de ce genre. Le salaire maximum de base est obligatoirement de 16 francs par jour, mais peut être porté facultativement par les statuts à 20 francs.

Le pourcentage total moyen pour les différentes caisses de notre région est d'environ 4 1/2 % Nos caisses-maladie, très éprouvées par la guerre, se sont refaites au point de vue financier depuis l'armistice et ont réussi à reconstituer leur fonds de réserve et à ajouter quelques prestations facultatives réduites pendant la guerre. Cependant l'année 1922 a, d'une façon générale, été défavorable, du fait d'un mauvais état de santé général, auquel sont venus s'ajouter les effets d'une certaine dépression dans l'industrie qui


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portait les assurés à avoir plus facilement recours à l'assurancemaladie qu'en cas d'occupation intense, et enfin de la majoration de 35% des honoraires médicaux entrée en vigueur depuis le 1er janvier 1922.

Les prestations obligatoires des caisses-maladie sont les suivantes :

a) les secours de maladie comprenant l'assistance médicale et les médicaments et une indemnité de maladie pour chaque jour d'incapacité de travail, représentant au moins la moitié du salaire de base, pour la durée de vingt-six semaines.

6) Les secours d'accouchement, comprenant pour les femmes en couches, assurées, une indemnité pécuniaire égale à l'indemnité de maladie pendant huit semaines, dont six au moins postérieures à l'accouchement, les soins médicaux et les médicaments pour l'accouchement, et une indemnité d'allaitétement de 0 fr. 75 par jour pendant les douze premières semaines après l'accouchement.

c) Une indemnité funéraire de vingt fois le montant du salaire de base est allouée en cas de décès d'un assuré.

Toutes ces prestations normales et obligatoires peuvent être augmentées à titre facultatif: ainsi les secours de maladie peuvent être accordés pour la durée d'un an et être portés aux trois quarts du salaire de base, les soins médicaux donnés à la famille des assurés, des secours pécuniaires de famille être attribués en cas d'hospitalisation, des moyens thérapeutiques plus conséquents fournis aux malades, les secours d'accouchement relevés également comme durée et comme importance et attribués aux femmes des assurés, non assujetties elles-mêmes à l'assurance. Toutes les caissesmaladie ont dépassé, les unes parfois très largement, les prestations obligatoires et accordent, sinon dans leur ensemble et dans leur totalité, du moins pour une importante partie, les prestations facultatives prévues par la loi.

Vous voyez, d'après ce rapide tableau, que l'assurance contre la maladie, en accordant les rentes et secours légalement prévus, met les assurés à l'abri des conséquences de la maladie, mais elle ne se borne pas à intervenir pour guérir la maladie, elle essaie de la prévoir. La gratuité des soins médicaux amène les assurés à consulter plus facilement leur médecin, même quand la maladie ne les oblige pas à interrompre leur travail. Les consultations,


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prises généralement en dehors du travail, permettent à l'assuré d'avoir recours aux conseils et à l'intervention du médecin sans qu'il lui en coûte rien.

Collaborant avec les nombreux dispensaires qui, grâce à l'activité des Sociétés de la Croix-Rouge et des Associations spéciales qui se sont formées, se développent de plus en plus dans nos trois départements, nos caisses-maladie signalent leurs malades à ces dispensaires locaux, qu'ils s'occupent de tuberculose ou de puériculture ; les infirmières-visiteuses des dispensaires aident les familles de leurs conseils et contrôlent l'application des mesures hygiéniques indispensables. C'est en vertu du § 363, cité plus haut, que les caisses-maladie peuvent contribuer par des subventions au développement de ces dispensaires. Malheureusement nous avons du constater qu'un office d'assurance a contesté la légitimité d'une subvention de ce genre sous prétexte que le fonds de réserve de la caisse n'était pas encore au complet. J'estime que c'est là une interprétation erronée et qu'en cas de contestation les offices qui auraient à juger cette affaire en appel, ne partageraient pas cette étroitesse de vue.

Il est d'usage que, quand un assuré a été atteint d'une maladie contagieuse, la caisse prenne à sa charge la désinfection du domicile, là-dessus aussi il y a eu avant-guerre des contestations qui, d'après la discussion qui, au Reichstag a précédé le vote du C. A. S., ne sont pas justifiées, car il avait été nettement dit dans cette discussion que des mesures de ce genre ne sont pas seulement dans l'intérêt général ou dans l'intérêt individuel de l'assuré et de sa famille, mais encore dans l'intérêt des finances mêmes de la caisse.

D'après le § 184 la caisse a le droit de remplacer les soins médicaux à domicile et l'indemnité journalière par l'hospitalisation. Il faut pour cela le consentement du malade, sauf cependant si la nature de la maladie exige un traitement ou des soins qui ne peuvent pas être fournis dans la famille du malade et si la maladie est contagieuse. Là aussi les caisses font donc de l'hygiène sociale proprement dite.

L'hospitalisation se fait en général, du moins dans les deux départements du Bas-Rhin et du Haut-Rhin, dans des établissements spéciaux, indépendants des caisses. Il faut cependant mentionner que la Caisse locale de Stras bourg-Ville et celle de Mulhouse-Ville possèdent en propre des maisons de convalescence. Ainsi la Caisse de Strasbourg a installé depuis l'armistice, au Hohwald, au milieu


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de belles forêts de sapins, une maison de repos, la « Pension Vieille Église», comportant trente-deux lits et destinée à accorder des cures de repos à des femmes d'assurés et à des femmes assurées n'ayant pas droit à un traitement curatif. En outre, au « Gensbourg », situé près du Nideck dans la vallée de la Hasel, elle a créé une maison de convalescence pour les enfants qui, d'avrilen octobre, s'y succèdent en six groupes de quarante enfants chaque fois,, alternativement filles et garçons. La Caisse locale de Mulhouse possède également une maison de convalescence comportant quatrevingt cinq lits à Luppach, près de Ferrette. En général, ces deux. caisses locales, particulièrement celle de Strasbourg qui compte 54.000 assurés, ont pu, grâce à leur importance, aller dans leurs prèstations très loin, et il y a heu de les en féliciter chaudement, plus, loin que les autres caisses, en particulier les caisses d'entreprises dont la plus importante ne dépasse pas 12.000 assurés. Est-ce à. dire que les assurés des caisses d'entreprises sont plus mal lotis ? Je ne le crois pas, car pour eux s'exerce l'intervention patronale. Si nous prenons en particulier les primes d'allaitement qui sont plus importantes que le minimum légal dans la Caisse locale de Strasbourg, les secours d'accouchement qu'elle accorde également aux femmes des assurés, elles-mêmes non assujetties à l'assurance, nous trouvons de l'autre côté les allocations familiales qui, avec leur prime de naissance ou de berceau et leur allocation journalière pour les enfants, interviennent d'une façon efficace. La Caisse de Compensation du Haut-Rhin a payé en 1922, sur un total d'environ 223 millions de francs de salaires, 6.725.000 francs d'allocations familiales et de primes de berceau. Par la Caisse de Compensation du Bas-Rhin, pour la même année 1922 3.700.000 francs ont été payés comme allocations familiales et primes de naissance sur un salaire total de 80 millions et demi. Cette caisse a créé à Eckartswiller, près de Saverne, l'établissement Sainte-Barbe, recevant en été des jeunes filles employées et le reste de l'année des enfants d'ouvriers, ayant besoin de, repos et d'air pur. En Moselle il n'existe pas de Caisse centrale de Compensation, mais les 13.250 ouvriers des Établissements «Les Petits-Fils de François de Wendel et Cie.» ont,en 1921,touché 6.660.000francs d'allocations familiales. Enfin, si dans le Bas-Rhin et dans le Haut-Rhin il n'existe pas d'hôpitàux ou de maisons de santé créés spécialement pour les ouvriers par les caisses d'entreprises ou les industriels du fait que les établissements existants sont suffisants, par contre, le développement industriel considérable qu'a pris la Moselle par suite de l'exploitation.


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de ses mines de fer, a amené les industriels de ce département à créer, soit individuellement, soit en commun (comme pour l'hôpital d'Algrange), douze hôpitaux, comportant un total de huit cents lits, ainsi que de nombreux dispensaires, des gouttes de lait, des colonies de vacances que nous retrouvons en Alsace et dont' d'autres rapporteurs vous ont parlé explicitement.

Toutes ces institutions bienfaisantes créées ou soutenues parles employeurs : allocations familiales, hôpitaux, etc., ne sont évidemment pas du ressort des assurances sociales, mais viennent très heureusement compléter les résultats obtenus par la collaboration entre patrons et ouvriers dans les caisses légales d'entreprises.

2° Invalidité-vieillesse. — L'assurance des invalides, des vieillards et des survivants a comme origine la loi du 22 juin 1889 au point de vue de l'invalidité générale et cette oeuvre d'assurance sociale est accomplie dans nos trois départements par l'Institut. d'Assurance sociale invahdité-vieillesse. Elle est complétée par deux institutions assurant l'invalidité professionnelle, les caisses minières et la caisse d'assurance des employés.

a) Institut d'Assurance sociale invalidité-vieillesse. L'obligation de s'assurer s'étend à tous les ouvriers, quel que soit leur salaire, et aux employés ayant une rétribution ne dépassant pas 5.400 francs. Ces derniers peuvent cependant s'assurer facultativement jusqu'à 8.000 francs. Enfin, une personne perdant la qualité d'assuré obligatoire peut continuer cette assurance pour sauvegarder ses droits. L'assurance porte, d'après les statistiques de 1922, sur 365.000 personnes, dont 100.000 femmes. Le budget de cette assurance est alimenté par des cotisations, payées moitié par le patron, moitié par l'ouvrier, et par une bonification que donne l'État aux rentes d'invalidité, de veuves et d'orphelins. Le principe, au début de l'assurance, était une répartition à peu près égale des charges entre patrons, ouvriers et État. Malheureusement, depuisl'armistice, cette égalitétripartite n'existe plus: alors que les cotisations patronales et ouvrières ont environ quadruplé, l'État en est resté au versement annuel de 62 fr. 50 pour chaque rente d'invalidité et de veuve et de 31 fr. 25 pour chaque rente d'orphelin. Malgré les démarches faites auprès des autorités compétentes pour obtenir le doublement de cette allocation, ou tout au moins le relèvement de là première à 100 fr., ce qui mettrait l'Institut d'Assurance Sociale d'Alsace et de Lorraine sur le même pied que les Retraites Ouvrières et Paysannes de l'intérieur, aucune majoration n'a pu être obtenue jusqu'ici.


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Les prestations de l'I. A. S. sont les suivantes : une rente d'invalidité est accordée à l'assuré lorsqu'il est atteint d'invalidité permanente, c'est-à-dire lorsque sa capacité de travail est réduite de deux tiers ou de plus. La rente d'invalidité se calcule d'après les cotisations payées, dont il faut qu'il possède un nombre minimum. Depuis que les cotisations ont été quadruplées, le maximum de la rente que pourra atteindre un assuré n'ayant que des cotisations nouvelles, atteindra 1.200 francs, mais actuellement les bons ouvriers, ayant cotisé régulièrement dès le début de l'assurance dans les classes les plus élevées, n'obtiennent guère qu'une rente de 700 francs. Dans les conditions de vie actuelle, cette rente a été estimée insuffisante, tant par le Comité-Directeur que par la Délégation de l'Institut. Aussi le Comité technique de l'Office général des assurances sociales d'Alsace et de Lorraine a-t-il émis un voeu pour l'attribution temporaire aux pensionnés d'une allocation annuelle supplémentaire de 180 francs. Malheureusement là aussi, malgré l'urgence qu'il y aurait à obtenir une prompte réponse, aucune décision n'a encore été prise, bien que depuis le relèvement des cotisations les recettes annuelles de l'Institut soient environ le double de ses dépenses effectives. A côté de la rente d'invalidité, l'Institut accorde une rente de vieillesse à l'âge de soixante-cinq ans, une rente à la veuve invalide d'un assuré, une rente aux orphelins et des secours pécuniaires aux veuves et aux orphelins.

La prestation la plus intéressante au point de vue de l'hygiène sociale est le traitement curatif. Ce traitement curatif ne constitue pas, d'après le § 1269, une prestation obligatoire. L'Institut d'assurance est simplement autorisé à procéder à un traitement curatif en vue de prévenir l'invalidité qui pourrait résulter de la maladie d'un assuré ou d'une veuve. Ce n'est donc pas à un point de vue philanthropique que s'est placé le législateur, il n'a considéré que le point de vue économique. Il est, dans la plupart des cas, plus économique de guérir le malade que de le laisser arriver à l'invalidité complète et d'être obligé de lui payer sa rente d'invalidité. Cette prestation facultative a été introduite par l'Institut d'assurance d'Alsace et de Lorraine dès 1888. Les sommes consacrées au traitement curatif étaient très faibles au début, elles n'ont fait que s'accroître avec le temps pour atteindre en 1922 la somme respectable de 3.476.000 francs.

Les traitements curatifs sont demandés à l'Institut, soit par le malade lui-même, soit plus généralement par l'entremise de la caisse-maladie à laquelle il appartient Par une très heureuse


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innovation, prise récemment, l'Institut autorise un certain nombre de médecins-conseils de caisses à préparer les dossiers nécessaires pour l'admission des malades dans un sanatorium, dossiers sur lequel il se réserve évidemment de se prononcer en dernier lieu, mais cette méthode a le très grand avantage de nécessiter moins de frais pour l'observation du malade et de gagner beaucoup de temps.

Les traitements curatifs entrepris par l'Institut sont de diverses natures suivant les maladies. Celle qui a le plus préoccupé l'Institut, c'est la tuberculose et deux sanatoria, dont il est propriétaire, sont spécialement affectés à ce but. Ce sont : le sanatorium de Saales dans la vallée de la Bruche, situé à 620 mètres d'altitude et qui compte cent cinquante lits, réservés aux hommes et l'établissement d'Aubure, près de Ribeauvillé, situé à 800 mètres, disposant actuellement de cent quarante lits, réservés aux femmes. Ce dernier sanatorium est en voie d'agrandissement et pourra, quand les travaux seront terminés, hospitaliser deux cents à deux cent quarante malades.

A côté de ces sanatoria l'Institut d'assurance possède à Schirmeck une maison de santé pour convalescents et prétuberculeux des deux sexes, avec cent cinquante lits; enfin, dans la Moselle, le château de Charleville, récemment acquis, est en voie d'aménagement pour donner une maison de convalescence destinée aux femmes

A côté de ces sanatoria et maisons de santé qui lui appartiennent en propre, l'Institut envoie encore de nombreux malades à d'autres établissements, comme : la Clinique des assurances sociales à Strasbourg, le sanatorium départemental d'Abreschviller, l'Hôpital Saint-François, à La Robertsau, les deux maisons de ■convalescence déjà citées de Luppach et de la « Vieille Église» au Hohwrald, le sanatorium de Labroque, les bains de Morsbronn et de Niederbronn.

En outre, dans des cas spéciaux, cet établissement fournit aux assurés des subventions importantes pour suivre des traitements dans des cures d'air ou des villes d'eau, situées en dehors de nos trois départements, comme par exemple aux bains de Besançonla-Mouillère.

En dehors de cette action directe l'Institut d'assurance sociale, en vertu du § 1274, l'autorisant « à consacrer certaines sommes pour favoriser ou faire appliquer des mesures générales en vue d'améliorer l'état sanitaire de la population assujettie à l'assu-


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rance» contribue pour des sommes importantes à toutes les oeuvres d'hygiène sociale qui s'occupent de faire une propagande d'éducation populaire et d'organiser des mesures préventives.

Le budget de 1923 prévoit une somme de près de 400.000 francs en subventions aux dispensaires antituberculeux, aux oeuvres des nourrissons et de prévoyance sociale pour enfants, aux colonies de vacances, à la lutte contre les maladies vénériennes, contre le cancer,, aux orphelinats, au Comité de propagande d'hygiène sociale, pour ne citer que les plus importants.

Enfin l'Institut aide par des prêts à intérêts réduits toutes les oeuvres s'occupant de créer pour l'ouvrier des habitations hygiéniques. Ces prêts sont consentis, soit directement à des ouvriers construisant une maison, soit à des Sociétés d'habitation à bon marché, des Sociétés de jardins ouvriers, des Sociétés installant des canalisations d'eau et des égouts, etc. Pour le présent exercice une somme d'un million et demi a été prévue pour ce genre de prêts, qualifiés de « prêts sociaux». Ajoutons encore que dans les années 1922 et 1923, l'Institut s'est intéressé pour près de 12 millions de francs, en prêts, obligations, etc., à taux normal, aux Sociétés coopératives de reconstitution du Haut-Rhin à Munster, Mulhouse, Thann, Colmar.

Les organes d'administration de l'Institut, vu l'abondance des ressources et les difficultés qu'ils rencontrent à en faire profiter leurs pensionnés, cherchent, dans les hmites qui leur sont fixées, à étendre, autant que possible, le traitement curatif, les encouragements aux Sociétés qui s'occupent d'hygiène sociale et les prêts sociaux.

b) Caisses minières

Les caisses minières, nées de la loi des mines du 16décembre 1873, complètent pour les ouvriers mineurs l'assurance invalidité générale et vieillesse de l'Institut par une assurance contre l'invalidité professionnelle. Ces caisses sont au nombre de huit, dont sept privées et une régionale. Elles comptent environ 45.000 assurés. Elles sont basées également sur l'obligation et sur le précompte patronal et accordent des rentes aux invalides et aux veuves, rentes qui s'ajoutent à celles de l'Institut d'assurance sociale. Ces caisses sont actuellement en pleine réorganisation et, comme le traitement curatif de l'Institut peut être accordé à leurs assurés, elles s'en tiennent à l'attribution des rentes.


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c) Caisse d'assurance des Employés en cas d'invalidité, de vieillesse

et de décès.

L'assurance des employés a été introduite en Alsace et en Lorraine par la loi du 20 décembre 1911 et est entrée en vigueur le 1er janvier 1913. A l'armistice, comme il n'existait pour tout l'empire allemand qu'un seul établissement pour ce genre d'assurances, il a fallu créer une caisse spéciale à Strasbourg, qui compte actuellement 35.000 assurés, dont 13.000 femmes. L'obligation d'assurance existe pour tous les employés dont la rémunération annuelle ne dépasse pas 12.000 francs. Cette assurance peut être continuée à titre facultatif quand l'obligation disparaît. Les cotisations pour les assurés obligatoires sont payées moitié par l'employeur, moitié par l'assuré. Les assurés sont répartis en neuf classes et les cotisations totales annuelles varient entre 110 et 480 francs, correspondant à 6 et 7 % des appointements. Les personnes soumises à l'assurance des employés et comprises dans les cinq premières classes, c'est-à-dire dont les appointements annuels ne dépassent pas 5.400 francs, sont également inscrites à l'Institut d'assuranceinvalidité qui touche une partie des cotisations prélevées par la caisse des employés et leur assure les mêmes prestations qu'à ses assurés directs.

Les prestations de l'assurance des employés sont : une retraite pour la vieillesse à soixante-cinq ans, une rente en cas d'incapacité de travail professionnelle de plus de 50 % et une rente aux survivants, aux veuves et aux orphelins jusqu'à la dix-huitième année. Ces rentes sont calculées proportionnellement aux cotisations mensuelles déjà payées, qui doivent être d'au moins cent vingt pour les hommes et soixante pour les femmes.

Les rentes actuellement payées par la caisse d'assurance des employés sont très faibles, car ce n'est qu'au 1er janvier de cette année que la période d'attente de cent vingt mois, soit dix ans, a été atteinte par les premiers assurés. Aussi cette institution, pour donner des avantages immédiats aux assurés, pratique-t-elle très largement le traitement curatif. La caisse possède les sanatoria suivants : Salem près d'Aubure, comptant soixante-cinq lits, réservés aux assurés du sexe masculin, atteints d'une maladie des voies respiratoires, Rubsamen à Aubure avec quarante-cinq lits pour femmes atteintes d'une affection des voies respiratoires, enfin Labroque près Schirmeck, pouvant recevoir soixante-dix malades atteints de maladies nerveuses.


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La caisse accorde également des traitements curatifs dans d'autres établissements et est en train de reconstruire ou d'aménager deux autres sanatoria, celui de Masevaux qui remplacera Rubsamen et comportera une centaine de lits et l'ancien Hôtel de l'Altenberg qui pourra recevoir cent-cinquante malades.

Les dépenses pour le traitement curatif de la caisse d'assurance des employés ont atteint en 1922 817.000 francs et l'on prévoit que pour l'année courante elles dépasseront un million de francs.

3° Pour terminer je vous parlerai encore de l'assurance contre les accidents, tant industriels qu'agricoles, assurance introduite par les lois du 4 juillet 1884 et du 6 mai 1886. Les institutions chargées de cette assurance sont des corporations formées par le groupement de l'ensemble des patrons appartenant à différentes catégories professionnelles. Les corporations sont au nombre de neuf, à savoir :

La corporation N° 1 des Mines et Usines Métallurgiques ;

La corporation N° 2 des Métaux et Transports ;

La corporation N° 3 du Textile et des Industries Chimiques :

La corporation N° 4 des Industries Alimentaires ;

La corporation N° 5 des Industries du Bâtiment ;

Les trois corporations agricoles départementales et enfin les services administratifs.

Les cinq corporations industrielles assurent environ 300.000 personnes , les trois corporations agricoles 675.000 personnes, les services administratifs comprennent environ 50.000 assurés, soit au total 1.025.000 assurés. Tous les frais sont payés par les employeurs, aucune cotisation n'est demandée aux assurés. A la différence de la loi contre les accidents en vigueur dans les autres départements, ce n'est pas le chef d'entreprise qui est individuellement responsable à l'égard des ouvriers qu'il occupe, mais bien la corporation, personne morale distincte de l'employeur et dont la responsabilité collective présente certainement de grands avantages.

Les prestations des corporations comprennent les soins médicaux et de pharmacie ainsi qu'une indemnité égale au demi-salaire de base, à partir de la quatorzième semaine. Pendant les treize premières semaines ces prestations incombent à la caisse-maladie àlaquelle appartient l'accidenté, ou si, par exception, il ne fait partie d'aucune caisse, à l'entrepreneur, ou, pour les ouvriers agricoles, à la commune. Le fait de faire donner les soins médicaux et pharmaceutiques pendant les treize premières semaines par la caisse-


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maladie, présente un très grand avantage. En effet, la caissemaladie est plus facilement accessible aux intéressés, et ceux-ci reçoivent des secours immédiats. Patrons et assurés sont unanimes sur la très grande utilité de cette collaboration entre corporation et caisse-maladie, quoiqu'elle déplace certaines dépenses à la charge de la dernière.

La corporation peut, en cas de nécessité, procéder à l'hospitalisation des accidentés, en payant alors à la famille une rente pour son entretien. Au cas où l'accident a des conséquences durables, il est payé une rente d'accident, variable suivant l'incapacité de travail. En cas d'accident mortel, la corporation paye des frais funéraires et des rentes de survivants à la veuve, aux enfants jusqu'à quinze ans et aussi aux ascendants et petits-enfants orphelins qui ont été à la charge de l'accidenté.

Les corporations d'assurance-accident n'ont pas comme rôle unique de fournir des prestations aux victimes d'accidents du travail. Elles cherchent également à prévenir ces accidents en établissant des règlements préventifs, concordant avec le Code du Travail et le complétant. Les contraventions à ce règlement sont punies d'amendes pouvant atteindre 1.250 francs. En outre, les corporations astreignent les chefs des entreprises d'une certaine importance à organiser les premiers secours, en tenant prêts constamment des médicaments et des pansements qui pourraient être nécessaires. La plupart des exploitations industrielles d'une certaine importance ont d'ailleurs des organisations complètes avec un personnel d'infirmiers pouvant donner ces secours. Enfin, plusieurs d'entre elles ont une participation assez importante à la Clinique des assurances sociales à Strasbourg qui sert d'hôpital pour certains cas.

Je vous ai tenus bien longtemps pour ne vous faire qu'un exposé succinct et assez incomplet de nos assurances sociales dans nos trois départements. Permettez-moi de recommander à ceux qui s'intéresseraient à cette question, le livre publié par les soins de l'Office général des Assurances Sociales à l'occasion de l'Exposition Pasteur, portant le titre : « Les Assurances sociales en Alsace et en Lorraine». Vous y retrouverez en plus de la plupart des renseignements et des chiffres que je viens de vous donner, des détails plus complets sur le mécanisme de nos différentes institutions.

Vous avez pu vous rendre compte que nos institutions d'assurance sociale font, dans les hmites qui leur sont tracées par notre loi locale, leur possible pour améliorer la santé publique et faire


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oeuvre utile d'hygiène sociale. Elles cherchent à appuyer, dans la mesure de leurs moyens, les magnifiques efforts qui ont été faits par l'initiative privée à qui incombe la majeure charge de l'hygiène sociale de notre pays. (Applaudissements.)

M. le PRÉSIDENT GEORGES RISLER. — Nous adressons toutes nos félicitations à M. Brauer pour son très remarquable discours.

Quelqu'un a-t-il à poser quelque question, au sujet de ce rapport ?

M. BRION. — L'Institut d'assurances sociales et en général toutes les institutions d'assurances en Alsace ont, chacun le reconnaît, fait véritablement oeuvre utile. J'aurais voulu cependant à ce propos, que M. le Rapporteur appelât plus spécialement l'attention sur un point très important. La plupart de ces institutions ont secondé différentes sociétés d'utilité publique, comme par exemple, le Crédit immobilier. Je voudrais que l'on émette ici le voeu que ces secours aux sociétés d'utilité publique soient continués. Il se dresse peut-être, il est vrai un obstacle contre cette continuation : la Société de Crédit immobilier ne peut donner que 4 % d'intérêt et l'Institut d'assurances sociales nous a déclaré qu'il ne pourrait plus dans ces conditions participer à des augmentations de capital. Il faudrait pour que les sociétés puissent être secondées, dans ce sens. que le taux de 4 % soit élevé. Le Congrès d'aujourd'hui voudra sans aucun doute, sur ce point, présenter un voeu,

M. le président GEORGES RISLER. — Je crois qu'il n'y a pas d'opposition à ce qu'une telle résolution soit votée. Je puis dire du reste qu'on a fait une première démarche pour obtenir la réforme dont il vient d'être parlé, mais il a été répondu qu'on ne pouvait d'après la juriprudence actuelle autoriser un dividende supérieur à 4 %. Cependant, aux caisses de crédit agricole et de même aux banques populaires, on permet de donner 6 % ; il n'y a aucune raison pour que les sociétés de Crédit immobilier ne jouissent pas du même bénéfice. Je le répète, à l'Union des Sociétés de Crédit immobilier, nous avons insisté pour que le taux de 6 % fut accordé ; on nous l'a promis et à plusieurs reprises. Un projet de loi a bien été déposé il y a un an : espérons que le parlement finira par faire droit à notre juste réclamation.

Aussi prions-nous M. Brion, de vouloir bien rédiger le texte du voeu qu'il présente relativement à l'élévation du taux en question, voeu qui d'ailleurs est adopté en principe par le congrès.

M. LE PICARD, n'ayant pu se rendre à la séance, il va être donné lecture de son rapport sur « Le Crédit immobilier ». — OEuvre et programme.


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LE CRÉDIT IMMOBILIER

OEUVRE ET PROGRAMME

Rapport présenté par M. LE PICARD, Vice-président de la Société de crédit immobilier de l'arrondissement de Rouen.

Me trompé-je?

N'est-ce pas une révolution sociale qui s'annonce et déjà s'accomplit?

La propriété change de mains.

Si divisée, elle se divise encore.

Les domaines se morcellent et le sol se lotit.

Le paysan acquiert la ferme, parfois le château.

L'ouvrier conquiert sa maison ou du moins un coin de terre.

A chacun son toit (son quart de toit au besoin dans les grandes cités), même au riche qui souvent ne l'avait pas...

Ainsi, la propriété individuelle grandit sur les débris de la propriété de rapport succombant aux moratoria et aux charges.

Cette mutation foncière, l'Histoire ne la rapprochera-t-elle pas de celle immense qui suivit 1789?

L'une comme l'autre n'ouvre-t-elle pas un avenir?

Qu'est-ce qu'un changement politique auprès de ces transformations sociales profondes fiées au sol même !

Après la bourgeoisie, le travailleur rural et urbain arrivant, locataire éternel, à la conquête de son foyer.

Cette conquête du foyer, c'est l'oeuvre propre du « Crédit immobilier ».

Dans ce grand mouvement il a place au premier rang.

Par lui, en 1923, un chiffre de deux cents millions de francs de petites propriétés aura été acquis au travailleur.

Et c'eût été le double, le triple ou davantage, sans l'amas de formalités qui limitent et retardent.


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La conquête du foyer !

Sociologues éminents, quel horizon ces simples mots vous découvrent !

Quelles images s'évoquent : crise du logement, crise de la natalité, crise de la main-d'oeuvre ; — plaies sociales : alcoolisme, tuberculose, immoralité, ensemble fiées au taudis !

La maison et le sol, l'habitat, c'est la question sociale en son résumé concret ; ou les diverses questions sociales en leur commun logis ; — et combien plus vraiment encore quand il s'agit, non point de locations plus ou moins passagères, mais de la famille attachée au sol, mais du foyer maintenu et prolongé malgré la mort !....

Sous le signe de ces grandes idées familières à vos esprits devait être placé ce rapport où le « Crédit immobilier» dit son oeuvre et ses voeux.

Puisse-t-il ne pas paraître aride en ses détails !

Chaque point importe au programme, telle chaque pierre à l'édifice.

Et quel édifice ! et quel programme ! Aménager une France meilleure encore, telle qu'on se plaît à la rêver en cette ville deux, fois française.

L'ORGANISATION

Que sont-elles, ces sociétés de «Crédit immobilier»?

Des caisses de prêts fonciers.

Écartons l'idée de sociétés d'habitations à bon marché.

La société de « Crédit immobilier » ne bâtit pas ; elle n'a pas une brique, elle n'a que des hypothèques.

C'est une banque foncière hypothécaire.

Banque privilégiée, pouvant prêter à demi taux du Crédit foncier mais grevée d'une lourde charge.

Agent d'exécution de la loi Ribot, elle assume le travail considérable et minutieux requis à cet effet par l'Administration.

Elle reçoit les avances de l'État à 2 %.


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Elle prête sur hypothèque cet argent : à long terme (20 à 25 ans et faible taux (2,50 à 3,50). A qui? Aux personnes peu fortunées. Pour quoi? Pour achat de maisons ou jardins, et surtout construction de maisons aux valeurs limitées (23, 25, 27, 32.000 francs, suivant localités), à occuper personnellement.

Et voici le régime étonnant de ces petites propriétés :

Elles sont exemptes d'impôts fonciers et portes-fenêtres, durant quinze ans ; — le jeu de l'assurance-vie demandée à l'emprunteur les transmet à sa famille, s'il meurt, libérées de tout paiement ; — elles échappent alors, s'il y a des mineurs, au partage forcé ; — ajoutons qu'elles s'offrent tout naturellement, libérées d'hypothèques, à être constituées en biens de famille.

Admirons-le ce régime ; admirons-le dans ses bienfaits pour l'emprunteur ouvrier ; mais admirons-le aussi en ses avantages pour le prêteur État.

Il réalise l'éternel idéal si rarement atteint : « Bonne chère avec peu d'argent ».

Voyez plutôt:

L'État avance à nos Sociétés cent millions à 2 % ; il les puise dans les fonds de la Caisse nationale des retraites qu'il indemnise au taux moyen de ses placements, 5 % peut-être.

Le remboursement ne fait pas question ; nous remboursons ponctuellement ; nos emprunts sont amortissables ; ce n'est pas chez nous que l'emprunt perpétuel — cette pure folie ! — est perpétué.

Il n'y a donc qu'une dépense de trois millions à imputer au budget... à un budget de vingt-quatre mille sept-cents millions ! Décuplez ; inscrivez trente millions.

Ce ne sera encore qu'un millième et quart dudit budget.

Grâce à quoi vous ferez surgir pour un milliard de petites propriétés.

Oh ! la solution féconde autant que simple, puissante en sa souplesse et son économie ; tranchons le mot : éminemment française !

En vérité, quels impatients, — la disant inopérante ou peu s'en faut, — peuvent préconiser l'emploi de milliards à dose massive en constructions, sans souci au surplus des crises de main-d'oeuvre et de prix ainsi déchaînées?


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Nos deux cents millions de 1923, triplant presque le chiffre de 1922 et destinés eux-mêmes à être doublés ou triplés en 1924, «ce n'est rien» dites-vous.

Mais voulez-vous voir dans quelles conditions ce rien fut obtenu, et à quelles conditions ce rien deviendrait assez vite... quelque chose?

LES DIFFICULTÉS

Ressources. — Vous, Messieurs, qui cherchez argent pour •étendre vos entreprises, lui promettez-vous 4 %... au plus, et pensez-vous en obtenir abondamment à ce taux?

Vous souriez.

Ne souriez pas ; c'est notre lot ; il nous faut trouver argent à 4% maximum, et non pas en obligations à 4% garantis, mais en actions qui, jamais dans les meilleures années, ne recevraient davantage.

L'État qui emprunte à 6% ou... un peu plus, nous dit : « Faitesle donc à 4% ».

Que ne peut-on répondre : «A vous l'honneur... et le succès».

Faut-il s'étonner si nos capitaux grandissent lentement et modestement?

L'étonnant, c'est qu'ils s'élèvent à vingt-cinq millions et ne cessent de s'accroître.

Et voilà pour les ressources ; question fondamentale, car l'ampleur de nos capitaux règle notre pouvoir d'emprunt ; si nous ne pouvons les augmenter que peu et par degrés, nous perdons à la fois du temps et de l'argent.

Exigences légales. — Mais voici bien autre chose.

S'imagine-t-on que tout travailleur laborieux et économe reçoit les bons offices du « Crédit immobilier »?

Il s'en faut.

La loi fixe aux candidats propriétaires de strictes conditions que la plupart d'entre eux ne peuvent remplir.

Rappelons les principales : pour le proposant, épargne appréciable avec peu de fortune, et bonne santé ; pour la maison, valeur modeste et salubrité.


CONGRÈS DE STRASBOURG 123

Etre « peu fortuné» d'abord; exclu qui l'est plus qu'un peu; mais, d'autre part, exclu qui n'a pas le cinquième de la valeur du bien, car nous ne pouvons prêter plus de quatre cinquièmes ; à beaucoup, familles nombreuses, jeunes ménages, anciens combattants, cette épargne sera impossible.

Etre en bonne santé pour souscrire l'assurance-décès ; exclu qui a trop pâti de la guerre, ou simplement qui rencontre exigeant médecin (24 refus sur 69 visites dans la dernière statistique rouennaise).

Une maison modeste et saine :

Les maxima de valeur des maisons sont aujourd'hui praticables mais furent longtemps prohibitifs ; ils le furent jusqu'en 1922 ; nos possibilités d'action depuis la guerre (en réalité depuis 1914) datent seulement de dix-huit mois pour les constructions ; notre essor date d'un an ; qu'on ne l'oublie pas.

Pour la salubrité, les Comités de patronage ont leur douzaine de conditions : matériaux, cube d'air, assainissement, tout est prévu.

Récapitulons :

Avoir une épargne et peu de fortune, avoir 5.000 francs d'économies dans une situation modeste, et les avoir dès un âge peu avancé pour s'assurer vingt ans de remboursement ;

Bâtir une maison n'excédant pas 21.850 à 32.750 francs suivant localités, tout en présentant 45 mètres carrés de surface, quatre pièces, de solides matériaux, des murs épais, buanderie, w.-C, fosse, égoût, etc.

Ce n'est certes pas la quadrature du cercle, mais enfin le cercle où l'emprunteur se meut, s'il n'est pas carré, est étroit.

Vous pensez si ces limitations diverses affectent la quantité de nos opérations. Mais il n'y a pas que le facteur volume, il y a le facteur vitesse.

Formalités. — Vous parlez de lenteur, impatients ! A qui le dites-vous ?

Prêter, bâtir, comment donc ! Mais les papiers ?

Et le certificat administratif? Et le certificat de salubrité? Et le certificat sanitaire? Et le contrat d'assurance sur la vie? Et les actes chez le notaire?

Cela par chaque prêt ; s'il y en a cent, centuplez.


124 CONGRÈS DE STRASBOURG

Oui, que d'Administrations un seul prêt met en mouvement — et l'on sait à quel prix une administration est mise en mouvement, — contributions directes, comités de patronage, mairies, caisse des dépôts, caisse d'assurance !

Croit-on que ce soit rapide... et simple?

Que disions-nous ? Certificat administratif, certificat de salubrité au singulier ; il en faut deux de chaque espèce, le provisoire d'abord, le définitif ensuite; double démarche, double mise en mouvement de l'administration intéressée, toujours pour un seul prêt.

Voyons l'assurance-décès ; considérez son élégant processus..

Prenez votre plume ; écrivez à M. le Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations; à Paris, en vue d'être autorisé à... passer la visite.

Après huit à dix jours de réflexion, un imprimé parvient qui vous autorise à ... être visité par M. X... lui-même avisé par un. autre papier.

Vous y courez ; c'est fait.

Le rapport médical s'en va vers M. le Directeur général de la Caisse des Dépôts et Consignations, à Paris ; M. le Directeur général. a certes un gros courrier. Deux à trois semaines s'écoulent.

Un autre imprimé vous parvient ; vous êtes admis, c'est-à-dire autorisé à ... souscrire une ... proposition d'assurance que devront accompagner quelques autres pièces.

Aussitôt fait ; nouvel envoi à M. le Directeur général; nouvelle attente ... un peu plus longue ; ne faut-il pas dresser le contrat?

Après trois à cinq semaines, vous avez chance de recevoir un troisième imprimé vous invitant à passer à votre Trésorerie générale, afin de signer et payer le contrat.

Peut-être penserez-vous ingénument que vous pouviez commencer par cette fin, et, — puisque le trésorier général est l'agent de la Caisse des Dépôts, — expédier avec lui en un instant votre petite assurance.

Ah ! Monsieur, sans doute, êtes-vous quelque industriel ou commerçant ... qui a réussi.

Et après?

Rouennais, puis-je vous rappeler que notre Corneille aussi, en son genre, avait réussi assez bien. Mais c'était contre les règles ! Et comme il s'en excusait le pauvre grand homme !


CONGRÈS DE STRASBOURG 125

L'ignorez-vous? Les règles restent les règles, l'Administration demeure l'Administration ; et vous-même, avez l'esprit bien peu, comment dire, mais il n'y a qu'un terme : « administratif »...

A, raison de deux mois, deux ou trois démarches et la douzaine de correspondances de divers à divers pour une assurance sur la vie ; — à raison d'une demi-douzaine d'autres petites formalités par prêt ; — à raison d'une centaine seulement de prêts par an, ... supputez la besogne et mesurez l'allure.

Encore n'est-ce pas tout ; les prêts aux candidats propriétaires ont leur Contre-partie : les emprunts à l'État.

Les emprunts ! Pour le courant, un luxe d'états prévisionnels, d'états justificatifs, d'états de situation, de statistiques ; — pour l'extraordinaire, les dossiers d'emprunts, des monuments.

Et ici encore, quels voyages accidentés !

A côté de l'histoire d'une assurance-décès, on pourrait narrer l'histoire d'un dossier d'emprunt.

Heureux qui faisait le tour du monde en 80 jours ! Il en faut plus et parfois le double au pesant dossier d'emprunt pour faire le tour des bureaux et des commissions.

Envoyez votre dossier et partez en voyage ; faites seulement le tour du monde. Vous voici de retour ; vous voyez : rien encore ; vous pouvez voyager. Refaites seulement le tour du monde, et vous avez toutes chances d'arriver encore ... avant l'argent de votre emprunt.

«La critique est aisée et l'art est difficile».

Combien il y a de cet art difficile dans les formalités administratives, on l'a pu voir.

Ne cédons donc pas trop à la critique aisée.

Mais veuillez concéder à votre tour qu'il est assez difficile de reconstruire la France en un jour, fut-ce à coups de milliards, et qu'au travail que cela requiert — un emploi de deux cents millions par an suppose encore quelque peine.


126 CONGRÈS DE STRASBOURG

LES RÉFORMES

C'est assez dire, — et il le fallait, — dans quelles conditions vit le « Crédit immobilier ».

Il est temps d'exposer à quelles conditions son oeuvre s'étendrait.

Le régime de la petite propriété, décrit et loué au début de ce rapport, ne réclame heureusement que des retouches bien partielles des facilités d'accession aussi simples qu'efficaces.

Élargir et accélérer ; faire plus vite et plus grand ; comment ?

Il suffit de revoir les exigences légales rappelées plus haut, dont chacune appelle la retouche.

Pour que le « Crédit immobilier» prête vite, simplifier et hâter les formalités.

Pour qu'il prête davantage, augmenter ses ressources, réduire les exigences quant aux personnes et quant aux biens.

Formalités. —Simplifier les formalités ! Oh ! l'imprudente parole !

Le Ministre ne va-t-il pas nommer une commission qui nommera une sous-commission qui nommera un rapporteur qui fera diligemment son rapport et le soumettra à la sous-commission qui l'amendera puis soumettra à la commission qui l'amendera et soumettra au Ministre qui consultera ses bureaux qui amenderont puis soumettront à la commission qui renverra au rapporteur....

«Si cette histoire vous amuse...» Vous connaissez la « scie ».

Oui, nous la connaissons, et l'histoire et le dénouement aussi,, hélas !

Le dénouement : une circulaire destinée à simplifier, qui, au lieu de retrancher, y ajoute !

Par quelle fatalité, cela ? Est-ce faute de procédure ? Pour réduire les formalités, ne faut-il pas réduire les têtes?

Que notre Président ait mandat d'en discuter avec les deux chefs de bureaux qui, l'un au Ministère et l'autre à, la, Caisse des


CONGRÈS DE STRASBOURG 127

Dépôts dirigent en réalité l'affaire ; nul rapport, nulle circulaire ; il s'agit d'errements à changer ; que ce triumvirat initié propose, que le Ministre sanctionne, n'irait-on pas mieux en besogne?

Et pas de grandes réformes ; de menus progrès, mais effectués

Un simple exemple : la commission des prêts ne se réunit qu'une fois par mois et prend trois mois de vacances. Rien que cela fait attendre à l'occasion un et trois mois de plus. Toute demande d'emprunt préparée après mai sera présentée, vu les vacances en. octobre ; votre argent arrive pour l'hiver où l'on ne bâtit plus ; vacances, hiver, c'est à perpétuité, la moitié de l'année de perdue

Des réunions de quinzaine, sans vacances l'été, ou un roulement, des délégués, bref une organisation qui réponde à la tâche tant accrue, est-ce impossible? (1)

Et l'allègement des dossiers d'emprunt ? Et l'avis immédiat des acceptations? Et l'envoi du contrat d'emprunt au heu d'un texte de délibération préalable?

Pour les prêts, le mécanisme de l'assurance, les doubles certificats, etc., est-ce impossible à simplifier?

Redisons-le d'ailleurs : si rien ne peut être simplifié, si tout est intangible, que du moins on active.

De certaine Administration, nulle réponse qui parvienne avant dix ou quinze jours ; le retard est ... ponctuel et comme protocolaire ; on souhaiterait un décalage qui l'avançât comme fut avancée l'heure, — dut le bureaucrate connaître quelques temps les... méfaits de la journée de huit heures.

La vitesse des opérations retentirait à elle seule sur leur nombre ; mais il y a d'autres moyens d'augmenter notre action.

Le « Crédit immobilier » prêtera davantage s'il a des ressources moins précaires, et si les exigences légales sont assouplies.

Ressources. — 1° Limite des dividendes élevée de 4 à 6 % ; le projet de loi actuel l'accorde.

(1) On nous assure que la Commission a maintenant un délégué avec pouvoir pour consentir les prêts pendant les trois mois d'été.


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2° Faculté d''emprunt réglée sur 75 % des immeubles au heu de 70% ; ce n'est rien et c'est énorme ; à capital égal, nous emprunterions double (1).

Le projet de loi refuse cet élargissement ; pourquoi? «Nos sociétés manqueraient de réserves ».

L'objection laisse rêveur : nos fonds consignés à la Caisse des Dépôts, les trois quarts non appelés de notre capital, nos hypothèques excédant le prêt, quelles meilleures réserves?

D'ailleurs ce pouvoir d'emprunt à 75% au lieu de 70% supposerait la caution départementale portée de 10 à 15 % ; l'engagement propre de l'État reste à 60% ; que signifie alors l'objection?

Faut-il rappeler encore ceci : aux sociétés d'habitations à bon marché, l'État prête 75% des immeubles. Et à nous, il prête 70% au plus, de ces immeubles; au fait il ne prête que le montant de nos créances se réduisant bientôt à 60, à 50% de la valeur des biens.

50 à 60 % ici, 75 % là ; nous demandons à comprendre.

Un amendement au projet de loi réclamera le 75%. Espérons une explication ; espérons mieux : le succès.

( 1 ) Voici le mécanisme en effet. Aujourd'hui, sur un million de petites propriétés,

les emprunteurs apportant 20 % 200.000 fr.

L'État avance 80 % qu'il gage ainsi :

60 % sur les constructions. 600.000 »

10 % sur le capital de la Société de « Crédit immobilier» 100.000 » 10 % sur la garantie du département (supposée acquise) 100.000 »

1.000.000 fr.

Inutile de faire remarquer que le capital de la Société pris pour dixième est en partie consigné à la Caisse des Dépôts et que pour la partie non libérée, l'État ne tient compte que de la moitié ; l'État est singulièrement bien couvert.

Il ne l'est pas moins pour le dixième cautionné par le département ; il ne s'engage vraiment que pour 60 % ; et en toute rigueur, si l'on ajoute l'engagement départemental il y a engagement de 70 % des biens, à l'origine, mais se limitant bientôt aux créances réduites de jour en jour sur ces biens. .

Demain, dans notre projet, sur ce milion de biens :

Les emprunteurs apportant toujours 200.000 fr.

Le département garantirait 15% 150.000 »

L'État gagerait sur les biens 60 % 600.000 »

Et sur le capital de la Société 5 % 50.000 »

1.000,000 fr.

Ce qui montre bien qu'une Société de « Crédit immobilier » emprunterait autant avec 50.000 francs qu'avec 100.000 francs aujourd'hui, c'est-à-dire que son pouvoir d'emprunt en serait doublé.

C'est la garantie départementale qui augmente. La part propre de l'État ne change pas. Et au surplus, comme nous l'expliquons, la garantie globale reste encore singulièrement forte.


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3° Crédits augmentés : ils sont de deux cents millions, déjà presque épuisés (1); ils ne correspondraient plus au pouvoir d'emprunt élargi; depuis dix-huit mois un projet d'augmentation attend le vote ; qu'on les double, pour le peu qu'il en coûte, un millième ou dix millième du budget, vous l'avez vu.

Exigences légales. —Et maintenant, sur quels points les exigences légales se peuvent-elles tempérer?

1° ASSURANCE. — Tandis que Rouen éprouvait plus d'un tiers de refus à la visite médicale, Le Havre n'en connaissait aucun. N'est-ce pas qu'il y a des différences d'appréciation ? D'autres ■exemples le prouveraient.

Souhaitons moins de rigueur dans l'acceptation d'un risque assez faible.

Souhaitons que les anciens combattants « a mochés » pour nous soient jugés avec un diagnostic moins strictement médical.

Autre point : l'assurance d'un tiers-caution, à défaut de l'emprunteur, est admise ; mais si ce tiers offre ce service de solidarité, — dans telle Union de combattants par exemple, — pour deux ou trois camarades, refus. Un seul risque, et c'est assez. Pourquoi? Désir de limiter ses risques? Si, pourtant, une Compagnie privée souscrit un million sur une tête, la Caisse nationale redoute-t-elle la réunion sur une tête de deux ou trois vingtaines de mille francs?

2° VALEUR DE LA MAISON. —Un seul désir : relèvement des maxima en faveur des familles nombreuses ; ces maxima permettent à peine à l'heure actuelle quatre pièces exiguës, 3 m. 50 X 4 mètres environ ; c'est vraiment trop peu en surface et en nombre pour une famille nombreuse ; un relèvement automatique de valeur de 10% par chaque enfant au-dessus de quatre paraît fort désirable.

Le projet de loi actuel fournit une rare occasion de réaliser ce progrès, car il résout d'autre part la seule objection : coût accru et remboursement difficile, — en apportant les subventions de l'État, comme nous le verrons plus loin.

3° HYGIÈNE DE LA MAISON.—Un grand débat pourrait ici s'établir.

(1) Ils le sont tout à fait aujourd'hui (octobre 1923)


130 CONGRÈS DE STRASBOURG

N'entendait-on pas dans un congrès récent une voix,—et quelle voix ! — au nom du droit de tous à la propriété du foyer, contester aux pouvoirs publics le droit de priver de ce foyer la multitude en réservant les avantages de la loi Ribot à des constructions coûteuses et parfaites?

C'est le Président lui-même de la Ligue du Coin de terre et du Foyer, c'est M. le député, abbé Lemire, qui proclamait : «Toit de chaume comme toit de tuiles, et aussi bien que la maison de briques, la chaumière en argile et la cabane en planches» le droit à la propriété est égal.

Grave controverse! La société qui retire parfois le droit à la vie, ne pourrait-elle limiter le droit au foyer?

Mais s'agit-il seulement de cela?

Pour l'achat d'un coin de terre, tous sont égaux devant le « Crédit immobilier». Pour le foyer, sans doute est refusé à la cabane le prêt qui va à la maison. Cependant le droit à la cabane demeure..

Dira-t-on que l'exercice de ce droit devient chimérique et qu'une baraque de 5.000 francs forme un rêve inaccessible à beaucoup, sans le concours du « Crédit immobilier »?

Mais qu'arriverait-il si les prêts allaient, sinon au taudis du moins aux habitations peu saines?

Le criterium, s'il n'est dans le droit naturel est assurément dans l'utilité publique. La salubrité justifie sans doute à vos yeux un privilège correspondant à ses bienfaits... et à son coût.

Ce n'est pas que la critique soit sans base ni sans portée. L'hygiène n'est-elle pas trop impérative en des points où elledoute elle-même ?

Ici est interdite la fosse septique préconisée là. Là est accepté tel aggloméré refusé ici. Ici est admis le mur de 0,22 c en briques creuses mais refusé en briques pleines, après que ce fut le contraire Une considération domine ces détails : l'hygiène — personnifiée dans les comités de patronage, — ne fait-elle pas place excessive au règlement et insuffisante aux réalités ; ne tient-elle pas compte trop rigoureux de la maison même, et trop faible compte de sa situation, de l'ambiance et du genre de vie? Ceci s'applique notamment à la maison rurale. Proscrire la chaumière d'argile et chaume où vécurent sainement nos pères, et même les constructions en galandage, lattis, cailloux. et briques en 0,22c, n'est-ce pas présomption? Proscrire une


CONGRÈS DE STRASBOURG 13

maison solide en idéale situation parmi les bois et les champs, parce que ses pièces n'atteignent pas 2 m. 80 ou 2 m. 60 de hauteur, n'est-ce pas erreur ?

Chicanera-t-on sur le cube d'air de ceux qui vivent une vie de plein air ?

Dût le règlement subir des accrocs, mieux vaut qu'il pâtisse que le bon sens et que le paysan.

Quoi que vous pensiez d'ailleurs à ce sujet, convenez que les circonstances inclinent aux tolérances et que « le mieux peut être ennemi du bien» dans l'actuelle pénurie de logements.

Souplesse des règles, cas d'espèces, n'est-ce pas au surplus le rôle des Comités de patronage d'en juger. S'il suffisait de métrer,, on n'assemblerait pas ces hommes distingués, un métreur suffirait..

4° APPORT DE L'EMPRUNTEUR. — Question singulièrement plus; discutée, surtout pour les familles nombreuses : l'apport du cinquième est-il excessif, et quelque partie en doit-elle être prêtée ou donnée, et par qui et à qui?

Apporter le cinquième, 5.000 francs sur 25.000 francs, ce n'est pas rien ; pourtant ce ne devrait pas être plus qu'autrefois, avec la hausse des salaires. Au surplus, nos Sociétés ont des demandes plus qu'à suffire. Enfin, à les décupler brusquement, une crise de construction pourrait s'en suivre.

Si d'ailleurs l'emprunteur apporte moins et emprunte plus, il risque d'avoir trop à rembourser.

Comment donc votre dernier congrès vota-t-il la réduction de l'apport du cinquième, au dixième et même au quinzième ?

Le voeu n'est-il pas de ceux qu'on improvise et qui, dépassant le but, compromettent le sort des propositions plus raisonnables ?

Croyez que beaucoup parmi nous ne verraient pas sans anxiété leurs prêts portés à 90 et 93 % ; notre président M. Georges Risler ne vous disait-il pas que sa Société se gardait ordinairement d'aller à 80 % ?

Et sans doute il est désirable que la petite propriété s'ouvre aux jeunes ménages avant l'âge où le remboursement se fait trop court et trop lourd ; mais, s'ils n'ont fait preuve d'économies, qui ne voit le risque: réaliser, faute de remboursement, un gage qui ne vaudrait plus les 90 à 93% prêtés, surtout en cas de la plus légère déflation des prix !


132 CONGRÈS DE STRASBOURG

Il n'est pas moins désirable que la petite propriété s'ouvre à la famille nombreuse, mais pour elle ce n'est plus le prêt, c'est le don qui s'impose, nous l'allons voir.

Qu'une Ligue de familles nombreuses ou une Caisse auxiliaire ou un patron avancent partie du cinquième à telle famille choisie, soit. Que l'Office des mutilés avance un dixième ou un huitième aux pensionnés, surtout à 1 % seulement, soit encore.

Ces comités sont juges des cas, et en répondent.

Mais qu'on n'engage pas la responsabilité et les fonds de nos Sociétés dans ces opérations généralisées. Telle est la pensée de la grande majorité d'entre nous.

Unanime est notre sentiment sur un autre point: suppression du cinquième pour les familles nombreuses ; non pas le prêt, le don.

Combien n'avons-nous pas protesté contre cette inégalité : à la famille nombreuse locataire, subventions et rabais de loyers engageant jusqu'à 20.000 francs par maison de 25.000 francs ; à la famille nombreuse, préférant être propriétaire, pas un centime.

Le projet de loi actuel nous satisfait enfin ; pour la famille nombreuse propriétaire il ne prévoit aucune bonification annuelle, mais lui octroie la subvention initiale du tiers de la valeur de la maison.

Ceci est à voter des deux mains, et par la plus urgente procédure que le monde parlementaire ait jamais connue.

Notre impatience a son excuse. Ce projet de loi institue la subvention pour les familles nombreuses jusqu'alors à peu près exclues de la propriété ; quel immense progrès ! Puis il élève les dividendes à 6 %, taux nécessaire pour avoir argent abondant.

Qu'il soit amendé, qu'il stipule la faculté d'emprunt à 75 %, qu'il élève les maxima de valeurs pour familles nombreuses ; que le crédit de deux cents millions réservé au « Crédit immobilier » soit doublé.

Tout ceci pourrait être réalisé si vite et si aisément !

Que si nous obtenions encore, — et c'est moins aisé, — quelque souplesse et activité des diverses Administrations, nous serions comblés.

Veuillez aider nos efforts, Messieurs ; notre programme est vôtre. Ayons même action comme nous avons même Président infatigable ; le succès est à ce prix et il mérite ce concours ; peu de conquêtes seront aussi décisives que la conquête du foyer pour l'avenir de notre admirable pays ; elle couronnera tant d'autres victoires qu'on est heureux d'évoquer en cette grande cité reconquise.


CONGRÈS DE STRASBOURG 133

VOEUX

1° Que l'Union des Sociétés de " Crédit immobilier" soit admise à étudier avec l'Administration les mesures propres à simplifier et accélérer le fonctionnement des prêts à la petite propriété ;

2° Que le projet de loi déposé le 29 mars 1923 (n° 5900) soit voté de toute urgence, avec les amendements proposés par les Sociétés de crédit immobilier, notamment :

a) Faculté d'emprunt portée de 70 à 75 % des immeubles (art. 27, loi du 5 déc. 1922) ;

b) maxima de constructions élevés de 10 % par chaque enfant au-dessus de quatre dans la famille du constructeur (art. 2, même loi);

c) Crédits pour la petite propriété élevés de deux cents à quatre cents millions (art. 28, même loi).

M. le président GEORGES RISLER. — Je vais donner maintenant la parole à M. Dautry, ingénieur en chef à la Cie du Nord. M. Dautry a fait une oeuvre véritablement merveilleuse. Les cités-jardins de la Compagnie du Nord qui ont été créées par lui sont quelque chose d'absolument original, donnent des résultats admirables, et je suis persuadé que vous allez prendre le plus grand intérêt à l'exposé que va nous faire M. Dautry.

M. Dautry, vous avez la parole.

LES CITÉS-JARDINS DU CHEMIN DE FER DU NORD

Rapport présenté par M. DAUTRY, Ingénieur en chef de la Compagnie du Nord.

La Compagnie du Chemin de fer du Nord a construit en 19191920-1921 un ensemble de 32 cités-jardins qui, à l'heure actuelle, permettent de loger 31.435 personnes.

Tout ce qui aurait pu rappeler l'ancien coron a été banni. Une voirie soignée, des rues aux tracés souples et variés, des logements sans cohabitation ni communauté d'aucune sorte, tous d'au moins


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quatre pièces et aussi souvent de 5 et de 6 pièces que le nécessite le nombre des familles nombreuses, une construction aussi parfaite comme qualité qu'on a pu l'obtenir dans les régions dévastées, très diverse comme façades, silhouettes et peinture; de larges fenêtres bien orientées; des jardins de 4 à 5 ares par famille, de grands squares publics et des stades de jeux, des locaux communs nécessaires à la croissance physique et intellectuelle et à l'hygiène des habitants ; des arbres, des fleurs, l'eau à discrétion, le tout à l'égout, l'éclairage électrique et enfin un loyer modéré de 750 frs. par an en moyenne : voilà les Cités du Réseau du Nord.

Cette oeuvre est si récente qu'elle n'a pu donner déjà beaucoup de résultats; mais si faibles soient-ils, ils sont encourageants. Ils sont suivis très attentivement, et vous verrez qu'ils s'amélioreront de jour en jour. Volontairement, je vais vous les présenter, dans ce Rapport, sous la forme sèche de tableaux statistiques dont je ne vous infligerai pas la lecture. Je crois, en effet, qu'il est nécessaire de prouver par des chiffres et non avec des mots, la valeur sociale des cités-jardins et pour cela de compléter, de perfectionner et de généraliser de semblables statistiques dans toutes les grandes affaires industrielles et sociétés de crédit immobilier qui construisent et gèrent des maisons d'habitation. La cause des Cités-Jardins ne peut être soutenue avec plus d'éloquence que par des chiffres de natalité, de mortalité, et des preuves nettes des joies qu'elles procurent et de la moralité qu'elles entraînent. Il y a maintenant assez de cités-jardins en France pour qu'une enquête démographique, soigneusement faite, tant chez leurs habitants que. parmi les ouvriers et employés qui n'y sont pas logés, fasse ressortir d'une manière éclatante leurs avantages.

N. B. — Les tableaux statistiques qui expriment les résultats matériels obtenus par les cités-jardins de la Compagnie du Nord n'ont pas été insérés au présent rapport. Nous en donnons ci-après un résumé.

Résultats matériels

Le nombre des ménages logés dans les diverses cités-jardins (tableau I) qui était de 8.767 en janvier 1923, s'élevait en juin de la même année, à 9.053.

Et la population totale des cités était (tableau Ibis), en 1921, de 23.001 habitants, contre 29.232 en 1922 et de 31.435 en juillet 1923.


CONGRÈS DE STRASBOURG 135

NATALITE. — Le pourcentage de la natalité dans les cités a été de

2.89 pour l'année 1921 (tabl. 2); de 2.92 pour l'année 1922 (tabl. 2bis);

de 1,43 pour le 1er semestre de l'année 1923 (tabl. 2ter).

A la date du 1er janvier 1923, le nombre des enfants dans l'ensemble

des cités était (tabl. 2) savoir : enfants de 0 à 1 an, 944 ; de 1 à 4 ans, 3.730 ; de 4 à 7 aras, 1.288 ; de 7 à 10 aras,; 2.033 ; de 10 à 14 ans, 1.794. — soit ensemble : 9.789 enfants. Les renseignements donnés ci-dessus, d'après les tableaux 2, 2bis, 2ter et

3, montrent l'influence des cités-jardins sur la Natalité. Elle est très frappante. On doit en retenir que si 1923 marque, dans les cités-jardins —

comme dans toute la France — un recul de la natalité, du moins le bon exemple est encore courageusement donné dans nos régions dévastées du Nord, car il ressort du tableau 3 que la proportion par 100 habitants des chiffres de la natalité sont : pour la France entière 0,50 % ; dans le Nord de la France 0,76 % ; et dans les cités de la Compagnie du Nord

0,86 %.

MORTALITÉ. — En ce qui regarde la mortalité (tableaux 4, 5, 6, 7 et 8) la situation n'en est pas moins probante en faveur des cités-jardins.

Elle a été, en 1922, de 145 décès et dans le 1er semestre de 1923, de 69.

Ce qui donne comme pourcentage 0,49 en 1922 et 0,22 pour les 4 premiers mois de 1923.

Le tableau 8 mentionne que la proportion, par 100 habitants, du chiffre de la mortalité générale dans l'ensemble de la France, dans le Nord de la France et dans l'ensemble des 28 cités créées par la Compagnie sont respectivement 0,48% ; 0,43% et seulement 0,09 pour les cités.

Les tableaux relatifs à la, première enfance indiquent qu'il y a des consultations de nourrissons dans les cités de Béthune, Busigny, DunkerqueSt-Pol, Lens, Lille-Délivrance, Longueau, Boye, Saint-Quentin, Tergnier et Valenciennes ;

que, dans les cités de Béthune, Busigny, Longueau, Lille-Délivrance, St-Pol et Tergnier, durant les six premiers mois de 1922, les pesées de nourrissons ont été de 1923 ; tandis que durant les six premiers mois de 1923, dans les cités de Béthune, Busigny, Longueau, Lille-Délivrance, St-Pol-sur-Mer, Tergnier, Lens, Boye et Valenciennes, le nombre total du pesées s'est élevé à 5.308 ;

que, dans les cités de St-Pol, Longueau, Boye et Valenciennes, l'ensemble des visites à domicile par l'infirmière aux nourrissons s'est élevé, durant le 1er semestre 1923, à 1.162 ;

que, durant le 1er semestre de 1923, dans les cités de Laon, Lille-Délivrance, Longueau et Valenciennes, les soins et pansements à domicile et au dispensaire ont été de 1.054 ;


136 CONGRÈS DE STRASBOURG

enfin, que, pour les 33 cités, le pourcentage de la mortalité infantile s'élevait à 3,27 pour l'année 1922, et à 6,72 pour le 1er semestre de l'année 1923.

Dans les 7 cités où fonctionnent des dispensaires-consultations de nourrissons, les résultats acquis au point de vue de la mortalité infantile sont particulièrement édifiants. M. Dautry donne pour exemple ceux du centre d'hygiène infantile de Longueau qui a été organisé et est géré par une section de l'oeuvre bien connue de la " Pouponnière de Porchefontaine », l' OEuvre de la nouvelle Étoile des petits enfants de France.

« Cette société, dit M. Dautry, à qui la Compagnie a fait appel en « 1921, au lendemain d'une sévère épidémie, a abaissé à 1,36% la mor« talité sur les 362 enfants quelle a suivis depuis deux ans et demi. Ce « coefficient est tombé à 0,80 en 1922 pour les enfants qu'elle a suivis, " alors qu'il a atteint 18% pour ceux qui ont échappé à sa surveillance. " Et depuis le 1er janvier 1923, soit depuis 9 mois, pas un décès ne s'est « produit sur les 230 enfants que les mères lui ont apportés.

" Ce résultat étonnant a été obtenu au prix d'une organisation scien" tifique et du dévouement le plus généreux. Madame Gonse-Boas,. " avant-hier, au congrès des jardins ouvriers, a exposé en détail et d'une « manière lumineuse le fonctionnement de ce centre d'hygiène préven« tive qui est doublé, depuis quelques semaines, d'un centre d'élevage des « nourrissons de nos agents parisiens et de nourrissons de l'Assistance « publique qui en retireront les mêmes bienfaits. Cet élevage d'enfants " augmentera les ressources des femmes de nos agents qui s'y consacreront « et les retiendra au foyer, ce qui n'est pas non plus un petit avantage. »

ENSEIGNEMENT. — Presque toutes les cités possèdent, à l'heure actuelle, des écoles fleuries, largement aérées et ensoleillées que fréquentent plus de 3.000 enfants.

Des cours d'adultes et des cours manuels s'organisent ainsi que des cours ménagers qui ont pu déjà réunir au dernier semestre, 710 présences d'élèves (Tableaux 10,11,12, et 13).

Un essai d'école maternelle du type jardin d'enfants vient d'être fait à Arras et a si bien réussi qu'il sera étendu à la rentrée des classes à Béthune.

Des jardins scolaires commencent à être cultivés.

HYGIÈNE A L'ÉCOLE. — Dans certains centres, des visites médicales sont faites par un médecin ou une infirmière.

Les cités de Laon, Lens, Lille-Délivrance, Longueau, Valenciennes bénéficient de dispensaires et de visites médicales dans les écoles où 2.730 enfants ont été visités en 1923.


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Des bains-douches sont organisés dans les centres ci-après : Béthune, Busigny, Chaulnes, Laon, Lille-Délivrance, Moulin-Neuf, Boye, St-Quentin, Tergnier, et depuis 1923, Aulnoy, Le Bourget, Lens, Longueau, Valenciennes. Le nombre de ces bains-douches durant le 1er semestre de 1922, a été de 5.904 contre 19.517 pour le 1ersemestre 1923, ce qui donne comme pourcentage du nombre des bains-douches à la population de l'ensemble des cités 21,90% pour le 1er semestre de 1922 et 62,00% pour le 1er semestre de 1923. (Tableaux 16, 17 et 18).

BIBLIOTHÈQUES. — Pour l'ensemble des bibliothèques qui existent à Arras, Aulnoye, Béthune, Busigny, Creil, Laon, Lens, Moulin-Neuf, Boye, Tergnier et Valenciennes, le nombre des prêts de livres s'est élevé, de janvier à juin, à 5.282. (Tableau 19).

SOCIETES. — L'esprit d'association est très répandu et de nombreuses sociétés se sont créées : sociétés musicales, artistiques, qui utilisent les 18 salles de réunion, salles de fêtes et cinémas édifiés (Tableaux 20, 21 et 22), sociétés sportives qui disposent de 20 emplacements spécialement aménagés : (Tableaux 23, 24, 25, 26, 27 et 28). Les 13 sociétés lyriques et musicales qui ont été créées dans diverses cités, comptaient en juin 1923, 569 exécutants et 140 élèves, 63 concerts et représentations théâtrales ont été donnés.

Des sociétés de sport et d'athlétisme existent dans les cités suivantes : Arras, Aulnoye, Béthune, Le Bourget, Busigny, Cambrai, Chaulnes, Creil, Douai, Feignies, Laon, Lens, Lille-Délivrance, Longueau, Montdidier, Moulin-Neuf, Boye, Somain, Tergnier et Valenciennes.

Elles comptaient, en janvier 1.923, 1210 membres, et en juin de la même année, 1.619.

(Dix d'entre elles avaient en outre, en juin 1923, 368 pupilles).

Pour le 1er semestre de 1923, le nombre de matches de foot-ball, qui y furent disputés, a été de 330 et le nombre des séances d'entraînement et d'athlétisme s'est élevé à 573.

COOPÉRATIVES. — Quatorze sociétés coopératives de consommation sont en exercice sur le réseau. Elles ont leur siège social aux endroits ci-dessous :

Paris-Nord, Laon, Soissons Hirson, Maubeuge, Lille, Dunkerque, Béthune, Tergnier, Boye, Busigny, Gauchy, Méricourt, Aulnay.

Si l'on y ajoute les 7 succursales fonctionnant dans les gares voisines et les 11 restaurants coopératifs, cela fait au total 32 organisations coopératives de cheminots répandues sur le réseau.

Encore pourrait-on ajouter 3 autres coopératives n'étant pas exclusivement cheminotes.


138 CONGRÈS DE STRASBOURG

Le tableau suivant indique par département les localités où la Compagnie des chemins de fer du Nord a créé des cités-jardins. (l)

Aisne..

Chauny

Hirson

Laon

St- Quentin

Soissons

Tergnier

Nord.

Armentières

Aulnoy

Busigny

Cambrai

Douai

Dunkerque

Saint-Pol Capelle

Feignies

Hazebrouck

Jeumont

Lille-Délivrance

Somain

Valenciennes

Oise ...

Compiègne

Creil

Moulin-Neuf

Pas-deCalais. .

Arras Béthune Fouquereuil Lens

Seine . . : Le Bourget

Ailly s /Noye

Amiens

Chaulnes

Longueau

Montdidier

Roye

Résultats moraux

Je pourrais, pour achever ce tableau des résultats matériels, vous montrer que les fautes professionnelles, si dangereuses en matière de sécurité, ont considérablement diminué au réseau du Nord, que l'alcoolisme ne fait aucun ravage parmi notre personnel et qu'il y a dix fois moins de punitions pour ivresse qu'àvant-guerre. Mais je ne veux pas abuser de votre attention, et il me reste à établir les résultats moraux des cités-jardins de la Compagnie du Nord. Ce n'est pas par des chiffres, que je peux le faire. C'est en vous

(1) Les noms soulignés de deux traits sont les noms des régions où les cités-jardins ont tout à la fois une population supérieure à mille habitants, et une natalité annuelle égale ou supérieure à trente enfants. Deux autres noms de cités ont été soulignés d'un seul trait : Valenciennes pour sa natalité supérieure à trente enfants, et Le Bourget dont la population est supérieure à mille habitants.


CONGRÈS DE STRASBOURG 139

montrant comment sont gérées les cités, par qui ont été organisés les dispensaires, les consultations de nourrissons, les cours manuels •et post-scolaires, les sociétés de sport, de musique, les bibliothèques, les coopératives, les fêtes, qu'ils se dégageront d'eux-mêmes.

La caractéristique de l'oeuvre de la Compagnie du Nord est qu'elle vise plus encore les résultats moraux que les résultats matériels. Elle n'a pas voulu seulement abaisser le coût de la vie pour son personnel et lui assurer de son mieux, la santé; elle a voulu surtout élever son personnel moralement, l'habituer à raisonner, à vouloir, à agir, à persévérer, à améliorer. Elle n'a pas voulu créer un phalanstère, et y faire entrer de force les agents et leurs familles, mais créer des conditions favorables à l'éclosion de la vie familiale, source de richesse et d'ordre, à une vie sociale éprise d'idéal débarrassée des luttes politiques et des rivalités d'intérêt. Elle n'a pas voulu obliger les agents à pratiquer l'hygiène, les sports, comme on le fait à la caserne, mais en faire naître le désir et en favoriser l'exercice.

L'art de faire vivre les hommes ensemble vingt-quatre heures par jour est un art très difficile qui ne s'accommode bien que du régiment ou du couvent. Comment le patron pourrait-il l'exercer luimême? Même en ne se risquant qu'à préconiser des méthodes, il s'exposerait à froisser des susceptibilités. A plus forte raison, dans une grande industrie où nécessairement, il ne peut réaliser les intentions que lui dicte son coeur que par des intermédiaires, blesserait-il facilement cet esprit d'indépendance frondeuse de notre race, avec lequel il faut compter, et qui n'est pas sans beauté. Que d'organismes industriels excellents ont eu des accès de fièvre pour des fautes de contremaîtres et que de fois l'organisme social lui-même en a-t-il été ébranlé ! Un chef ne doit jamais être faible : il doit être fort et juste, mais il doit être bon, et il peut être d'autant plus « bon » qu'il est plus fort. Ceux qui sont capables à la fois de dominer leurs subordonnés et de les guider moralement, intellectuellement, techniquement, sont trop rares pour qu'on puisse songer à mettre dans leurs mains la conduite de la vie de tant de gens, aux conditions variées, aux besoins et aux désirs divers. De même, que l'étatisation est la ruine de l'industrie et du commerce parce qu'elle les fait diriger par des fonctionnaires, de même, la direction par une administration patronale de la vie privée et sociale entraîne la ruine de l'Individuet de la Famille.

Le travail et la vie privée ont donc, été rigoureusement séparés dans les cités de la Compagnie du Nord. Au travail, il y a le


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subordonné et le chef, les devoirs et le salaire; il faut qu'il y ait discipline et commandement énergique. A la maison et dans la cité, il n'y a plus que des citoyens, qui collaborent non par obligation mais par goût, des individus qui perdraient leur dignité de chefs de famille et d'hommes libres s'ils vivaient de dons, de charité, et ne payaient pas de leurs deniers leur hygiène, leurs plaisirs et ceux de leur famille.

La Compagnie s'est donc interdit de faire gérer les cités et leurs oeuvres sociales par les chefs locaux. Quelque confiance que mérite le plus grand nombre, il en est qui n'auraient pas donné tout leur coeur et eussent considéré comme une corvée ce qui doit être un apostolat. Les aptitudes et les qualités sociales ne sont pas nécessairement fonction du grade administratif. Nous nous sommes donc seulement efforcés de déposer le ferment généreux des oeuvres de mutualité, d'hygiène, de culture physique, artistique et musicale..., dans ces immenses récipients d'énergie, d'initiative, de bonne volonté, de bons sens et de dévouement que sont les cités avec leurs agents de tous grades et de toutes fonctions. Nous avons ensuite, soit par de petites subventions, soit surtout en servant de liens entre les cités et les Sociétés où les généreux dévouements individuels se donnent pour but l'hygiène de l'enfance, l'enseignement, les arts, les sports, le jardinage, l'assistance aux malades, fourni à la fermentation, la température la plus favorable. Cette méthode nouvelle, hardie, qu'on a qualifiée de « communisme » s'oppose donc complètement à la méthode des oeuvres qui, mésestimant l'individu, le dispense de l'effort, et l'habitue à la passivité.

Ainsi donc, partout dans les cités les oeuvres sociales ont été conçues, organisées et gérées uniquement par les agents ; qu'il s'agisse de la vie matérielle de l'agglomération (voirie, éclairage, égouts, plantations, tenue matérielle des écoles) ou qu'il s'agisse de la vie de ses habitants (consultations de nourrissons, surveillance de l'enfance, instruction, culture physique, enseignement ménager enseignement manuel, hygiène du corps, bibliothèques, cinémas, coopératives, etc.) Partout, la Compagnie n'est intervenue que pour donner des moyens matériels (des locaux, des terrains, des subventions ou des prêts remboursables). C'est donc toujours à titre de conseil ou d'aide, et l'orsqu'on veut bien l'appeller, qu'elle intervient, et il est de fait qu'on a confiance en elle et qu'on l'appelle toujours.


CONGRÈS DE STRASBOURG 141

Un Triumvirat central, dit Comité de gestion des cités, qui fonctionne en dehors de tout service et n'a aucun caractère administratif, inspire et stimule les initiatives locales relatives aux oeuvres d'enseignement et d'hygiène, aux fêtes, à la décoration des cités; il distribue des crédits d'édilité, les augmente ou les réduit selon que la cité est bien ou mal gérée.

En fait, il doit établir, entre le patron et les ouvriers, ces rapports de connaissance et de confiance qu'il y avait généralement autrefois dans l'atelier familial, et qui ont difficilement survécu dans la grande industrie. J'ai dit qu'il avait de très grands pouvoirs, j'aurais dû ajouter qu'il ne les exerçait jamais qu'à la manière de l'aîné de la famille, dont les frères, hommes faits et chefs de famille eux-mêmes, viennent volontiers solliciter des conseils, mais ne souffriraient pas des ordres.

D'autre part, dans chaque cité de plus de 50 logements, un conseil d'administration composé de trois fonctionnaires nommés par le Comité de gestion et d'agents élus par leurs camarades, à raison d'un membre par cinquante ménages, constitue un véritable Conseil municipal.

Ces Conseils d'administration ont effectivement dans la cité les droits et les devoirs d'un Conseil municipal et, au vrai, si les maisons sont la création de la Compagnie, la cité est l'oeuvre de ceux qui l'habitent. Une mentalité nouvelle d'initiative cordiale et de raison pratique se crée qui est en harmonie avec nos méthodes et nos moyens de travail. Des volontés s'affirment, des consciences s'épurent, et ce sont là les résultats moraux les plus grands que nous pouvions espérer. Nous avons habitué le personnel à l'exercice des responsabilités, nous n'avons pas comprimé, mais laissé s'épanouir ces désirs humains d'indépendance, de commandement et d'altruisme qui sont dans tous les coeurs et tous les esprits. Au lieu de laisser se canaliser les énergies vers la seule conquête des joies matérielles, nous avons suscité des actes désintéressés, le goût des satisfactions intellectuelles, artistiques et morales. S'il est vrai que le peuple sain aspire à savoir, à juger, à agir beaucoup plus qu'à jouir et que les exigences matérielles ne deviennent ■chez lui exclusives que par renoncement à la possibilité d'en satisfaire d'autres, notre personnel était et est resté sain. Je puis même dire qu'il est magnifiquement sain et qu'un courant d'air pur souffle des cités vers les centres de travail du réseau moins favorisés où il n'en existe pas, courant qui crée l'estime, la confiance, je puis même dire une véritable camaraderie entre agents,


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sans distinction de grades. C'est là le vrai résultat moral obtenu dans les cités, résultat qui ne- se mesure pas par des chiffres, mais qui se lit dans les yeux, qui se sent dans la main que l'on serre, qui se traduit par les confidences que l'on reçoit. Nous constatons tous les jours que les deux êtres qui constituent nos cheminots sont satisfaits: Le premier, le fournisseur de travail qui aspire au mieux-être, est plus heureux de l'ensemble des conditions de vie qu'il trouve sur le rail et dans les cités, que de celles que lui offrent d'autres industries à plus hauts salaires. 1,2 % d'agents seulement démissionnent dans les cités alors que plus de 2,5 %, démissionnent dans les autres centres. Le second, l'homme sensible, qui veut avoir une raison de vivre, une espérance, et veut s'intéresser à une oeuvre, peut le faire. Le rendement des entreprises et des Etats dépendant de la coordination de ces deux tendances de l'homme qui travaille; on peut estimer que le réseau du Nord a un beau rendement. Jamais sa vitalité n'a été plus grande parce que jamais ses éléments n'ont moins éprouvé ces malaises qui anémient les plus grands organismes et paralysent les Etats les plus riches. Et cette vitalité tient au moral des agents, car ce sont moins souvent les désirs matériels non satisfaits qui créent les malaises, mais la soif d'idéal non étanchée, les préjugés qui séparent chefs et subordonnés qui s'ignorent, l'inaction qui pèse sur l'homme en dehors de son travail.

En construisant des cités, la Compagnie du Nord a donc finalement contribué à éviter complètement chez elle les conflits entre le capital et le travail, conflits dont le pays aurait eu à souffrir. Elle se réjouit de les avoir évités non, comme on l'a fait trop souvent ailleurs, par des augmentations de salaires illusoires qui eussent diminué la force de la nation, mais en donnant aux individus et aux familles des conditions de vie qui leur ont permis de réaliser, mieux que dans n'importe quelle ville ou village, leurs rêves d'une vie matérielle agréable et d'une croissance intellectuelle et morale.

En faisant baigner ses agents dans la vie sociale la plus active, elle a travaillé, comme elle le devait, à cet édifice social de beauté, de justice et de bonheur dont rêve l'Alliance d'hygiène sociale et répondu à son appel: « Prévenir pour n'avoir pas à guérir». (Vifs applaudissements.)

M. le président GEORGES RISLER. — Mesdames, Messieurs, je voudrais être assez éloquent pour pouvoir exprimer, comme il convient; à mon ami M. Dautry, l'émotion profonde que nous avons ressentie en écoutant


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son admirable discours et en voyant les résultats obtenus par la Cie du Nord, lorsqu'elle a fait de l'hygiène sociale en agissant d'après les principes les meilleurs de la solidartié; elle a appliqué ces principes, avec la puissance d'une grande organisation.

Vous venez de constater les résultats moraux et sociaux de cette expérience. Ils confirment d'une manière complète, d'une manière absolue, les principes que nous défendons ; nous devons être reconnaissants à ceux qui ont tenté cette expérience, et parmi eux à M. Dautry, qui a été le principal exécutant ; c'est lui qui, se faisant urbaniste, a tracé les plans de ces premières cités-jardins, réalisés d'une façon merveilleuse ; c'est lui aussi qui a donné son avis sur les plans des maisons. Il a trouvé non pas seulement dans son intelligence, mais aussi dans son coeur, le moyen de réaliser ce groupe d'oeuvres sociales qui donnent à ses cités-jardins une si grande importance. Et c'est pourquoi, je lui exprime toute notre admiration et notre bien vive reconnaissance.

M. OLIVIER, président de la Protection mutuelle des employés et ouvriers des chemins de fer de France et d'Algérie, a la parole.

M. OLIVIER. — Mesdames, Messieurs. Vous venez d'entendre un grand employeur, je vous demande la permission de vous faire entendre, pendant quelques instants, très brefs, un petit employé.

Vous avez applaudi tout à l'heure à l'exposé du travail accompli par la Cie du Nord ou plutôt accompli par M. Dautry, ingénieur en chef. Vous avez applaudi à ce travail de géant, — parce que c'est un véritable travail de géant — et qui ne s'est pas réalisé, je puis vous en donner l'assurance, sans de grandes, profondes et tenaces difficultés. Vous n'ignorez pas que quand il s'agit d'innover, en France la tache est difficile. C'est encore bien plus difficile, quand il s'agit d'innover dans une grande administration comme celle des chemins de fer.

Là, on se heurte à des préjugés, à des habitudes, à une routine tenace et, il faut bien le dire, à un certain esprit de jalousie qui se fait chaque instant sentir et dont la pointe acérée mord quelquefois cruellement ceux qui veulent faire quelque chose.

M. Dautry a voulu vaincre toutes ces difficultés, avoir l'adhésion d'un conseil d'administration puissant, mais qui ne s'était pas encore rendu compte de l'opportunité, de l'intérêt général qu'il y avait à apporter le plus rapidement possible des améliorations sérieuses à l'existence du personnel.


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Et puis, il a voulu réaliser cette conception — c'était quelque chose — : vaincre ces nombreuses difficultés, cet esprit de jalousie, d'indifférence sournoise qu'on rencontrait à chaque instant. Quand cela a été fait, il fallait autre chose; il fallait faire accepter ce projet, cette réalisation, faire accepter cela par un personnel très discipliné, c'est entendu, mais excessivement jaloux de son indépendance et pour cela, il fallait du tact, beaucoup de tact ; il fallait un organisateur, il fallait non seulement le talent mais le génie de celui qui a réalisé ce travail de géant.

Ce n'est pas tout, d'ailleurs. M. Dautry vous a parlé des oeuvres sociales, mais il ne vous a pas dit tout ce qu'il avait fait au point de vue du réseau du Nord. C'était un grand amputé de la guerre, un grand mutilé, ce réseau ; il n'y avait plus rien. Le réseau du Nord, qui constitue la clé de voûte de la reprise de l'activité économique, n'existait plus. Il a été rétabli dans un laps de temps très court, comme tout le monde a pu en juger.

Il y a eu des améliorations sérieuses, des bénéfices commerciaux et industriels, qui sont dues à M. Dautry. Je vais vous citer un petit fait qui vous permettra d'en apprécier bien d'autres : Eh bien ! il a fait augmenter la largeur du terrain où se trouvent les voies de 50 centimètres. Cela ne semble rien, mais il y a là un tour de force ; il l'a fait porter 50 centimètres plus loin, ce qui a permis aux nombreux employés qui voyagent sur les voies de ne plus y rester mais de suivre ce petit sentier ainsi ajouré. Beaucoup, d'autre part, peuvent aller déjeûner et revenir à leur travail à bicyclette.

Mais l'avantage le plus précieux, qui vous touchera plus particulièrement, c'est que la mortalité parmi ce personnel, qui était, je crois, de 30 %, est aujourd'hui de 2 %. Voilà la vérité absolue.

Je ne veux pas aller plus loin; vous êtes fixés sur ce qui a été fait sur le réseau du Nord. Je tiens à apporter à M. Dautry, et à la Cie du Nord, non seulement l'approbation, mais le témoignage de profonde reconnaissance des 80.000 cheminots qui, depuis 20 ans, m'ont fait l'honneur de me maintenir à la présidence de leur société. Je suis persuadé que tout le congrès, mon excellent ami Wilmoth, qui représente la Fédération, et que les autorités présentes apporteront également leur approbation et leur adhésion à ce que j'appellerai non pas seulement une oeuvre utile, mais un véritable chef-d'oeuvre. (Appl.)

A ce moment M. Alapetite, Commissaire général de la République en Alsace-Lorraine, vient prendre place au bureau à la droite de M. Georges Risler.


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M. le Président GEORGES RISLER. — Je remercie très vivement M. le Commissaire général Alapetite, qui veut bien venir assister à cette séance et nous donne ainsi une preuve de plus de l'intérêt qu'il porte à notre oeuvre. Il avait accueilli le premier Congrès de l'Alliance avec une bonté, une amabilité qui sont restées chez nous une tradition de reconnaissance envers lui. Nous lui exprimons une fois de plus notre profonde gratitude. Je regrette qu'il n'ait pu entendre l'exposé de l'oeuvre de la Cie du Nord et de M. Dautry qui en a été l'âme. Mais voici quelques chiffres qui la résument : mortalité parmi les enfants : 0,8 au lieu de 18 % — natalité, augmentée de 50 % — tous ces résultats se sont produits dans les écoles, les administrations ; ce sont les intéressés eux-mêmes qui administrent leurs maisons et toutes les oeuvres sont entre leurs mains.

Ce sont là des résultats véritablement admirables et je suis heureux qu'ils aient été exposés à ce congrès.

M, LE COMMISSAIRE GÉNÉRAL DE LA RÉPUBLIQUE. — M. le Président, je regrette beaucoup de n'avoir pas entendu votre éminent rapporteur, mais les chiffres que vous venez de citer sont d'un tel intérêt que je sens toute l'émotion que vous avez éprouvée en entendant la communication de M. Dautry.

M. LE PRÉSIDENT. — Avant de passer au rapport suivant, je voudrais vous parler de la ville dans laquelle devra être tenu notre prochain Congrès. Nous avons eu des offres de plusieurs villes ; l'une d'entre elles nous a paru devoir retenir plus spécialement notre attention : ce serait Bordeaux.

Etes-vous d'avis que nous tenions notre prochain Congrès à Bordeaux? (Assentiment général.)

La parole est à M. le Dr Batier, pour la présentation de son rapport.

M. le Dr. BATIER. — M. le Commissaire général, Mesdames, Messieurs. Je regrette de vous sortir des chiffres et des résultats remarquables qui viennent de vous être communiqués, pour vous entraîner sur un autre terrain, qui, bien que faisant partie de l'hygiène sociale, est tout de même différent.

Je vise tout particulièrement, dans ce rapport un peu général, cette partie de l'hygiène qui a trait à la prophylaxie des maladies


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LE ROLE DU CORPS MÉDICAL EN HYGIÈNE SOCIALE

Rapport présenté par M. le Dr BATIER (de Strasbourg)

L'hygiène sociale est une tard-venue dans notre civilisation. Si l'on songe que l'hygiène individuelle, envisagée dans son acception la plus générale, remonte aux temps lointains de la préhistoire on mesure les dizaines de siècles dont eut besoin l'humanité pour faire passer la notion d'hygiène dans le concept social.

A vrai dire, dès que l'homme eût formé des collectivités plus ou moins denses, il y eut un embryon d'hygiène collective. Mais la prise en charge par la Société — ou du moins en son nom par des organismes spéciaux — des problèmes d'hygiène collective qui intéressent la Société dans son ensemble, n'a été envisagé qu'à la période contemporaine. Même à l'époque si caractéristique du moyen âge, où la vie collective atteignit dans les communes une intensité que nous ne connaissons plus, l'hygiène sociale fut pratiquement inexistante.

Il semble que pour en faire naître l'idée, l'évolution philosophique du XVIIIe siècle était nécessaire, qui introduisit la notion du contrat social, de la solidarité de tous les membres d'une même nation. Mais le même mouvement déchaîna l'émancipation de l'individu vis-à-vis des vieux liens sociaux et la Révolution se fit au nom de la liberté ; ce n'est pas à cette époque où le respect des droits individuels semblait un dogme intangible, qu'il pouvait être question d'entraves à la liberté, même au nom de l'hygiène.

Nous sommes au contraire en pleine réaction vis-à-vis de l'idéal de nos aïeux révolutionnaires, qui guillotinaient et mouraient au nom de la liberté. Ceux-là même qui se réclament le plus haut de ces glorieux ancêtres, ont pour idéal social un tel resserrement des liens collectifs qu'on n'y discerne plus la place de la liberté individuelle. Dans son ensemble, la société moderne, s'écartant peu à peu de la Révolution française, tend à la prépondérance de la collectivité sur l'individu. Les temps sont donc révolus pour


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l'hygiène sociale qui trouve un milieu psychologiquement prér paré, et le plus magnifique avenir l'attend, d'autant plus que la médecine, fondement de l'hygiène, a su conquérir, au cours du siècle dernier, un niveau scientifique et un prestige social exceptionnels .

L'hygiène sociale se peut réaliser par l'État ; elle se peut réaliser par des groupements spécialisés. Actuellement, qu'elle soit l'oeuvre de ceux-ci ou l'oeuvre de celui-là, elle est, comme toutes choses humaines, une affreuse ébauche que notre idéal répudie.

Nous sommes ici, non pour manier successivement l'encensoir mais pour perfectionner nos méthodes et améliorer nos résultats. Sachons regarder en face la vérité, même quand elle nous est désagréable. « Le pire vice de l'esprit, a dit Bossuet, est de croire que les choses sont ce que l'on voudrait qu'elles soient.»

Les oeuvres, dont l'Alliance groupe un certain nombre, ont fait un immense effort auquel il faut rendre hommage. Si l'on mesure le résultat aux moyens d'exécution, le respect s'impose. Mais si on le mesure à la tâche entreprise, un espace indéfini se révèle qui effraie.

Les oeuvres ne peuvent avoir les ressources nécessaires, tant en argent qu'en autorité, pour réaliser seules l'hygiène sociale. Leur action manque de coordination et la constitution de l'Alliance, qui a eu pour but d'y remédier, n'y pallie qu'imparfaitement. D'ailleurs le flottement n'est point seulement dans le groupement des oeuvres, mais aussi dans chacune d'elles ; ici et là des intérêts particuliers les travaillent à la manière des taupes qui minent le sol pendant le sommeil du jardinier. Pour toutes ces raisons et d'autres encore, l'effort aboutit souvent à la création de dispensaires qui, sous la dépendance de comités locaux, font de la médecine gratuite : ce n'est pas de l'hygiène sociale. Un exemple entre mille : les dispensaires antituberculeux de la LoireInférieure ont distribué 7.902 ordonnances dans la seule année 1921.

L'État, qui n'a pas toujours la bonne fortune d'être représenté par M. Strauss, et qui, même lorsqu'il a ce rare bonheur, n'échappe ni à l'erreur, ni à ses défauts constitutionnels, l'État tend à prendre en mains toute l'hygiène sociale. Cela est conforme à l'évolution de la société moderne. Cela tient aussi à ce qu'il


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croit avoir les ressources de compétence, d'argent et d'autorité suffisantes pour résoudre les problèmes en cause.

La compétence, il la doit pour toutes choses aux corps officiels. En matière d'hygiène, elle lui est fournie par l'Académie de médecine et le Conseil supérieur d'hygiène. Loin de moi la pensée de médire de si hautes assemblées ! Mais j'estime que par leur composition même, elles sont inaptes à fournir autre chose que l'état actuel de la science sur une question technique donnée et très précise. Leur demander leur avis sur telle mesure d'hygiène sociale, c'est pure folie.

Les membres de l'Académie de médecine, presque tous parisiens depuis l'adolescence, ont vécu près d'un demi-siècle d'existence fiévreuse dans un milieu artificiel ; ils ignorent tout du peuple et de ses misères ; ils n'ont ni le désir, ni le temps de le regarder vivre ; ils sont incapables d'envisager les conséquences sociales des mesures soumises à leur examen ; leur avis sont conçus in abstracto.

La composition du Conseil supérieur d'hygiène est plus complexe ; mais en fait ses avis sont rédigés par des hommes de laboratoire ou des fonctionnaires et sont passibles des mêmes critiques.

Enfin, il est exceptionnellement arrivé qu'on prenne conseil d'autres autorités que ces deux éminentes assemblées. Cela a récemment conduit à recommander impérativement, dans les dispensaires idoines, l'emploi d'une méthode intéressante sans doute, mais dont les preuves sont insuffisamment faites et dont il semble établi qu'on a fort exagéré la valeur (1).

Quand donc il s'agit de donner à la nation l'orientation hygiénique qui convient, l'État manque de compétence. J'en donnerai des exemples tout à l'heure.

Il est incontestable que l'État dispose en principe de l'argent nécessaire à tous les projets d'hygiène sociale. Ses ressources à ce point de vue ne sont hmitées que par la bonne volonté des Chambres et celles-ci sont généreuses pour cet objet. Il n'en est pas moins vrai que, du moins en ce moment, l'effort financier du pays atteint le plafond et que les divers départements ministériels se disputent âprement les moyens matériels. La conséquence est que, dans un budget de plus de vingt milliards, l'hygiène figure pour quelques millions seulement, malgré l'ampleur ambitieuse des projets ministériels.

(1) La syphilimétrie de Vernes.


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Il semble indéniable que l'État dispose de toute l'autorité nécessaire à la réalisation de l'hygiène sociale. Pourvus du prestige inhérent à la fonction de gouvernement, investis par la nation du pouvoir de faire appliquer les lois, généralement choisis par le jeu même de notre organisation démocratique parmi les plus aptes à utiliser les grands courants psychologiques, armés de toute la force publique et d'une influence de premier rang sur,la presse, ceux qui agissent au nom de l'État ont une écrasante autorité pour faire prévaloir leur volonté et exécuter leurs desseins. Mais cette autorité se brise contre les moeurs. Pour n'avoir point assez médité sur l'Esprit des lois, combien de ministres, combien de parlements l'ont éprouvé!

C'est ainsi que dans le domaine propre de l'hygiène sociale, on a vu l'échec de la déclaration des maladies contagieuses, mesure conseillée par l'Académie de médecine, ordonnée par les Chambres, vainement poursuivie par son apôtre que l'on avait à cet effet délégué au ministère de l'intérieur (1).( Elle s'est heurtée à l'âme de la famille française si jalouse de son intimité ; elle s'est heurtée à l'hostilité du corps médical, à qui l'on en a tenu rigueur.

Pourtant les raisons de cette hostilité étaient de la plus haute qualité. Comme on faisait au médecin une obligation de dénoncer les maladies contagieuses, il a jugé que les lois non écrites de la conscience sont supérieures aux lois écrites, et sa conscience lui interdisait la violation du secret professionnel. Si on l'avait consulté avant de faire la loi, il aurait dit que seul le père de famille pouvait être astreint à la déclaration ; il aurait ajouté qu'en bonne politique, il ne fallait pas obliger à une déclaration souvent désagréable et parfois dommageable, sans assurer la désinfection qui en est le corollaire logique, la seule raison d'être. Or, la désinfection n'était pas organisée ; vingt ans après, elle est encore exceptionnelle. La déclaration des maladies contagieuses est donc restée lettre morte.

Cette leçon n'a point servi. Voici que la protection des enfants du premier âge est l'objet d'un projet de loi, déjà voté par le Sénat (2) sans qu'on ait consulté le corps médical. Quand il coordonne les lois antérieures, quand il veut agir sur les personnes bénéficiaires de secours publics ou de la gratuité des soins médicaux, l'État a quelque chance de faire oeuvre efficace ; là où il donne quelque

(1) M. Mirman, député, puis directeur de l'hygiène au ministère de l'intérieur.

(2) Mais non point encore par la Chambre des députés.


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chose, il est armé pour exercer un contrôle. Mais le projet oblige les parents de tous les enfants de moins de deux ans sans exception, à tenir un carnet de croissance (« état civil, mode d'alimentation, relevé des pesées, résultat des visites périodiques effectuées par le médecin de la famille, vaccination, indications sur l'état de santé») et à déposer ce carnet à la mairie à la fin du premier mois qui suivra la naissance de l'enfant, ultérieurement tous les trois mois au cours de la première année, puis deux fois pendant la deuxième année.

Comme la déclaration des maladies contagieuses, pareille mesure restera lettre morte, sauf aux foyers où ces précautions sont déjà prises sur le conseil du médecin de famille. Là où le conseiller des jours d'angoisse et de maladie échoue, pense-t-on réussir avec les foudres de la loi?

Qu'on prenne garde qu'à manier l'autorité sans résultat, on déshabitue l'opinion de lui obéir ! Qu'on prenne garde ! Car la puissance de l'État, qui semblait la moins indéniable de ses ressources ne saurait réaliser à elle seule l'hygiène sociale. Telle une forte lame d'acier qui, engagée à faux dans la fente d'un chêne se casse, elle se brise contre une opinion publique qui ne consent pas.

Mais si les oeuvres sont manifestement insuffisantes devant l'immense effort que réclame l'hygiène sociale, si souvent elle devient vers la médecine gratuite, si d'autre part l'État est une trop lourde machine, mal conseillée, moins riche qu'on ne pourrait croire et sans autorité réelle dans ce domaine, qui donc peut réaliser l'hygiène sociale?

Posons une question préliminaire : qu'est-ce que l'hygiène?

N'en déplaise à certains pontifes, ce n'est pas une science, mais l'art d'adapter à la vie pratique les notions scientifiques, utiles à la protection de l'individu et de l'espèce. (1)

L'hygiène sociale est donc l'art d'adapter à la vie sociale ces mêmes notions. Elle absorbe d'autant plus l'hygiène individuelle que la collectivité tend davantage à absorber l'individu ; ses limites sont donc variables suivant l'intensité plus ou moins grande de la vie sociale.

(1) Cette définition est nouvelle, du moins à notre connaissance.


CONGRÈS DE STRASBOURG 151

Comme elle est un art et un art d'adaptation à la vie pratique, on conçoit la malhabileté de l' État en cette matière. A notre avis l'État, qui fait et applique les lois, doit tracer le cadre légal de l'organisation générale ; mais il faut qu'il y apporte une très grande prudence, qu'il lui laisse une grande souplesse pour permettre des orientations variées, que sous prétexte de donner le cadre, il se garde de fournir la couleur et surtout de faire le tableau.

Il reste dans son rôle en subventionnant aussi largement qu'il le peut les oeuvres utiles, évitant de prendre le programme pour la réalité, se gardant surtout de tout esprit de chapelle, politique ou autre. Enfin, il est toujours dans son rôle lorsqu'il contrôle.

L'organisation matérielle est l'affaire des oeuvres. Là où elles sont insuffisantes, que les pouvoirs publics les soutiennent ! Là où elles n'existent pas, qu'ils les suscitent ! C'est facile ; j'en pourrais citer des exemples pris en Alsace et ailleurs. Mais qu'ils se gardent de se substituer à elles ! Embarrassés par leur caractère officiel, la réglementation administrative et la fonctionnarisation des esprits, ils n'auront jamais l'indépendance, ni la souplesse, ni l'esprit pratique, ni surtout la vie ardente, la vie apostolique qui caractérisent la plupart des oeuvres.

Toutefois les moyens matériels, l'esprit d'organisation et la foi ne sauraient tenir heu de compétence. J'ai dit combien l'État est mal conseillé par des corps savants, trop savants peut-être en leur domaine, en tous cas profondément ignorants en matière sociale. Les oeuvres sont-elles logées à meilleure enseigne?

En fait elles ont tendance à se croire suffisamment informées pour le but qu'elles poursuivent. Elles ne doutent de rien; elles ne doutent surtout pas des notions scientifiques qui sont à la base de leur action et qu'elles ont puisées dans les manuels de vulgarisation ou auprès de leurs médecins. Ceux-ci, le moins nombreux possible, souvent réduits à l'unité, choisis pour le zèle qu'ils apportent à l'oeuvre — soit qu'ils en aient l'esprit, soit qu'ils aient intérêt à le paraître — ceux-ci sont préoccupés de plane et donnent volontiers les conseils qu'ils sentent que l'on souhaite ; ils n'entrent point dans les subtilités de doctrine qui demeureraient incomprises et risqueraient de jeter inutilement le trouble dans les coeurs. (1)

(1) Exceptionnellement, l'oeuvre est entre les mains d'un médecin qui en est le dictateur. On voit le danger ; tout dépend alors de ce que vaut le médecin, de son esprit pratique, de son sens social, de son désintéressement.


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Or, l'hygiène est pleine de subtilités. Elle est fondée sur la médecine, branche de la biologie, et si la biologie est de toutes les sciences celle où l'homme enserre la vérité avec le moins de rigueur, la médecine est de toute la biologie l'ordre de connaissances où l'observation. est la plus difficile, l'interprétation la plus délicate. Elle est donc particulièrement sujette à l'erreur, et les théories qui coordonnent les faits observés et qui dans toute science ne sont que provisoirement tenues pour vraies, sont en médecine plus fragiles qu'ailleurs. Ce sont pourtant les théories que le public connaît le mieux parce qu'elles lui sont plus accessibles et qu'elles séduisent l'esprit ; de là vient que voyant s'écrouler les théories d'hier et prévoyant la chute de celles d'aujourd'hui, le public, qui ne saurait connaître la masse croissante des données solidement acquises, doute parfois de toute la médecine.

L'hygiène participe de cette instabilité. Ses données ont une valeur relative, variable pour chacune d'elles. Il est des questions de premier plan où les avis divergent sans qu'il soit prudent de s'ériger en juge. Par exemple, toute la lutte antituberculeuse se partage entre deux tendances dont l'une donne la prééminence au bacille de Koch et l'autre aux causes favorisantes ; l'une fait de la tuberculose une maladie essentiellement endémique, l'autre une maladie essentiellement sociale.

«A quelques années de distance le cuivre a été un métal très toxique, puis une substance à peu près anodine ; l'alcool a été tour à tour un poison puis un aliment et de nouveau poison ; les aliments en général, et en particulier le lait destiné aux jeunes enfants, ont dû être stérilisés ; puis on a soutenu que les microbes étaient des agents favorisants de la digestion et lui étaient peut-être indispensables»; récemment, les vitamines, dont on prouvera peut-être un jour la non-existence, sont venues compliquer encore la question ; « la prophylaxie de l'appendicite a été successivement dirigée contre les poils de brosses à dents, les casseroles émaillées les pépins de fruits, les vers intestinaux, etc... . » Longtemps la pelade fut tenue pour contagieuse et on en a décrit de nombreuses épidémies; on n'en signale plus, depuis que cette affection est reconnue non parasitaire (1).

Ces exemples ne sont point là pour faire douter de l'hygiène. De ce qu'une science trébuche dans la pénombre sur un terrain

(1) Paul Chavigny : Psychologie de l'hygiène. Un vol. de la bibliothèque de philosophie scientifique.


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difficile, il est absurde de conclure qu'elle n'existe pas. Mais il serait dangereux de faire de l'hygiène sociale, sans constamment remettre enquestion devant l'esprit critique les données scientifiques dont elle procède.

Or, seul le médecin peut apprécier la valeur sans cesse variable de ces données, parce qu'il possède le bagage scientifique nécessaire et aussi parce que ses études et sa pratique lui ont inculqué le sens de leur relativité. Cela ne veut point dire que tout médecin en est capable, mais que le corps médical dans son ensemble est le seul groupement social doté de cette compétence. C'est seulement aussi dans son ensemble qu'il a l'indépendance nécessaire à l'expression de ce qu'il croit juste et vrai.

Les difficultés de l'hygiène sociale ne résident point uniquement dans la relativité des notions scientifiques qui en sont le fondement. Elles ne sont pas moindres dans l'adaptation de ces notions à la vie pratique.

Il ne faut pas se dissimuler qu'il n'y a pas d'hygiène sociale là où l'hygiène individuelle n'existe pas. A quoi sert de visiter la tête des écoliers, à quoi sert même d'en enlever les poux à l'école, si les poux pullulent au logis maternel? A quoi sert le dispensaire antituberculeux au point de vue de l'hygiène sociale, si de nombreux malades ont peur, en le fréquentant, de divulguer le secret de leur mal, si les autres l'utilisent comme une clinique gratuite?

Cela est si vrai, que l'on a compris généralement la nécessité d'agir au foyer domestique, en y prolongeant l'oeuvre faite à l'école par l'inspection médicale, au dispensaire par les oeuvres antituberculeuses, pour nous borner à ces deux exemples. On a vu surgir les infirmières visiteuses ; on les voit maintenant pulluler.

Ne trouvez-vous pas stupéfiant que pour organiser l'hygiène sociale, pour en constituer le personnel d'exécution, on fasse appel à tout le monde sauf au corps médical?

Les praticiens ont fait de très longues et pénibles études ; ils se sont préparés à la médecine par une solide culture générale que seule une élite reçoit ; sous la direction des meilleurs médecins de leur temps, ils ont patiemment étudié le corps humain, passé des heures sur le microscope et sur les traités les plus variés, examiné et soigné des milliers de malades ; livrés à eux-mêmes, ils ont augmenté leur expérience par le libre exercice de leur profession ; ils ont conquis


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une forte autorité sociale dans leur rayon d'action ; ils ont accès dans tous les foyers ; on leur confie les secrets les plus cachés ; on écoute leurs conseils ; mieux même, on les sollicite !

Ils sont ainsi vingt-cinq mille qui couvrent le territoire d'un réseau serré d'influence incontestée et formidable. Ils ont en la matière la plus haute compétence qui soit, par leur science et par leur expérience quotidienne de la vie sociale. Va-t-on faire appel à leur concours?

Non, Messieurs, on ne les appelle pas.

On recrute à la hâte des jeunes filles, des veuves, des femmes, pour qui la vie sans travail est difficile ; beaucoup ont à peine leur certificat d'études ; d'autres ne l'ont point ; on les instruit rapidement dans des écoles largement ouvertes où le diplôme de sortie n'est souvent qu'une formalité (on l'a avoué au Congrès de la tuberculose, cette année même).

Le plus extraordinaire, c'est qu'avec un pareil recrutement et une préparation de cet ordre, il y ait, parmi ces infirmières, une importante proportion qui rend des services appréciables ; tant il est vrai qu'on ne fait jamais vainement appel aux femmes pour les missions de charité ! Tout de même le coeur ne saurait tenir lieu de tout. Si on les sélectionne mieux à l'avenir et si on les instruit plus sérieusement, les infirmières visiteuses seront d'utiles auxiliaires ; elles n'auront jamais la compétence ni l'influence sociale des praticiens, dont pourtant on ne veut pas.

On prône l'infirmière visiteuse, parce qu'elle est par définition subordonnée et manque d'indépendance ; le besoin la rend docile, car elle ne saurait faire autre chose. On prône aussi le jeune étudiant de bonne volonté dont on se flatte de faire un phtisiologue en quelques semaines parce que lui aussi, trop spécialisé — quoique de niveau très supérieur à l'infirmière — hésitera à quitter le dispensaire et se gardera de toute critique dangereuse.

On ne veut pas du médecin praticien. Serait-ce parce qu'il est trop libre, que son esprit critique dévoilerait le bluff éventuel, qu'il s'opposerait aux mesures mal conçues ou inopérantes, qu'il empêcherait le dispensaire de tourner à la clinique gratuite sans profit pour l'hygiène publique? Serait-ce parce que son indépendance ne saurait se taire devant certaines organisations lamentables comme celle de Kerpape ?

On ne veut pas du médecin praticien. Ce qui se construit en hygiène sociale est conçu sans lui, c'est-à-dire sur le sable.


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Vous pouvez faire circuler dans les artères le sang le plus généreux ; qu'importe à l'organisme, si les éléments qu'il charrie ne pénètrent pas dans l'intimité des tissus? Il meurt de faim. Vous pouvez construire l'armature sociale d'hygiène la plus remarquable; vous n'avez rien fait, tant que votre influence n'a point pénétré au foyer domestique.

Se flatte-t-on d'y parvenir sans ceux-là qui ont sur les familles l'influence la plus grande à ce point de vue, qui peuvent dire le possible et l'impossible suivant les milieux, ce qui est urgent et ce qu'il est bon d'ajourner, qui sauront rendre possible demain l'impossible d'aujourd'hui?

La pratique de l'hygiène est pure affaire de psychologie. Cela demeurera l'un des principaux mérites de mon maître Chavigny d'avoir montré, en des pages où la profondeur le dispute à la plus fine ironie (1), que l'hygiène sera psychologique ou ne sera pas.

Or plus sûrement encore que certain grand peuple, les carrefours des routes maritimes, le praticien tient dans la société moderne tous les carrefours psychologiques en matière d'hygiène. Les plus perfides attaques ne l'en délogeront point. Vainement certain représentant parisien de l'enseignement médical peut essayer de le ravaler au-dessous de la visiteuse, oublieux du discrédit qu'il jette ainsi sur son propre enseignement ; il ne provoque que le sourire.

Leur double compétence scientifique et sociale — il me semble avoir assez montré que l'une ne peut rien sans l'autre — toute leur influence au sein des familles, les praticiens les tiennent à la disposition de tous ceux qui veulent faire acte d'hygiène sociale, qui en ont les moyens matériels et acceptent leurs conseils. Leur concours est acquis, du moment qu'on ne veut en faire les domestiques de personne — au sens latin du mot — ni ceux de l'État, ni ceux d'une oeuvre, ni ceux d'une idée, généreuse peut-être, mais qu'ils estiment fausse ou impraticable. Les assises qu'ils tiendront cette année le montreront aux incrédules.

Il est impossible de passer entièrement sous silence, dans ce rapport, le rôle des assurances sociales. Ceux qui en connaissent l'histoire et l'étudient en économistes, ceux-là savent que dans l'assurance-maladie, les Caisses tendent à payer le médecin le moins possible et à réduire son indépendance. Si elles y réussissent

(1) Loco citato.


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parfois assez mal, cela tient à des raisons indépendantes de leur volonté. Toutes les fois qu'elles en ont eu les moyens, cette tendance s'est découverte avec la fatalité d'une loi scientifique.

Or, dans une société capitaliste comme la nôtre, mieux une profession fait vivre ceux qui l'exercent, plus son niveau monte ; le niveau baisse, au contraire, quand diminuent les moyens matériels qu'on en peut attendre ; car le recrutement devient moins facile et s'adresse à des individualités de plus en plus médiocres qui, faute de concurrence scolaire, arrivent avec moins de travail.

L'assurance-maladie obligatoire tend donc à faire baisser le niveau intellectuel de la profession médicale. C'est un véritable danger pour l'hygiène sociale, étant donné le rôle du médecin dans la société.

A Dieu ne plaise qu'on me considère comme un adversaire des assurances sociales! Devant ceux qui en ont fait une idole et crient au sacrilège dès qu'on veut chasser la poussière ou surtout les marchands du temple, je suis prêt à faire solennellement acte de foi. Mais je revendique le droit de signaler les conséquences fâcheuses des assurances sociales pour qu'on y pallie par les contrepoids nécessaires. Quand il s'agit de conserver à la profession médicale la situation matérielle indispensable au maintien et même au progrès de son niveau intellectuel, il n'y a pas d'autre contrepoids aux caisses d'assurances que l'organisation professionnelle. Dans le projet de loi sur les assurances sociales, il ne semble pas qu'on s'en soit suffisamment rendu compte. Il est encore temps d'y songer pour la sauvegarde de la santé publique.

L'assurance-maladie obligatoire donne aux petites gens les soins gratuits. Par conséquent là où elle existe, les oeuvres qui agissent au nom de l'hygiène sociale n'ont aucune excuse à faire de la médecine gratuite. On peut même soutenir que si elles tombent dans cette erreur, elles mentent à leur programme et font tort à l'hygiène, car frappées toutes peu ou prou d'impécuniosité, elles font perdre à l'hygiène sociale l'argent dépensé pour d'autres fins. Cette médecine gratuite, que les dispensaires pratiquent largement, n'est qu'un trompe-l'oeil pour masquer l'inactivité réelle au point de vue de l'hygiène proprement dite, quand elle n'a pas pour fin. secrète de faire piédestal à certaines personnalités


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Puisque nous sommes en Alsace et que les assurances sociales y font partie de la législation, puisqu'elles s'étendront demain à la France entière, on nous permettra d'envisager dans leur cadre la collaboration de l'État, des oeuvres et du corps médical pour la meilleure réalisation de l'hygiène sociale.

Ramassant nos vues pour préciser cette conclusion, nous voyons les pouvoirs publics s'abstenir d'action directe, tracer à grands traits le cadre légal de l'organisation générale, subventionner et contrôler. Dans les limites étendues de lois très souples qui leur laissent l'aisance des mouvements, mais leur donnent la sécurité et l'appui nécessaires, les oeuvres auraient à réaliser l'organisation matérielle avec un large esprit de décentralisation et selon les conseils du corps médical de la région.

Le corps médical, solidement organisé, investi déjà, en tant que corporation organisée, du service technique des assurances sociales, serait le merveilleux agent d'exécution des oeuvres d'hygiène, grâce à sa compétence et à son influence sociale. Il serait le tuteur naturel des infirmières visiteuses.

Ah ! je sais que certains s'effraient de cette collaboration avec l'ensemble du corps médical. Je sais les calomnies que répandent certains intéressés, qui personnellement ont en effet tout à craindre de cette collaboration, si l'hygiène sociale a tout à y gagner. Je sais, qu'impressionnés par certaines campagnes, beaucoup de gens d'oeuvres hésitent à suivre cette voie.

Qu'ils n'hésitent plus désormais! Car c'est la voie sacrée sur laquelle brille l'étoile de leur idéal, sûr témoignage du bon chemin. Qu'ils n'hésitent plus, car déjà quelqu'un s'est engagé sur la route et demain l'oeuvre sera féconde. Le préfet du Bas-Rhin a réalisé la protection de l'enfance par l'action des oeuvres de bonne volonté, avec la collaboration de la fédération des syndicats médicaux d'Alsace ; son collègue du Haut-Rhin l'a aussitôt imité. Il dépend des autres oeuvres d'Alsace de suivre ce haut exemple ; le corps médical n'a jamais marchandé son concours.

Nous souhaitons pour notre France aimée dont tant de plaies saignent encore, qu'il soit retenu par le ministre de l'hygiène, compris par toutes les oeuvres et généralisé à la nation entière.


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VOEU PROPOSE

De même qu'on ne saurait envisager la réalisation des assurancessociales sans la collaboration de l'ensemble du corps médical, de même le Congrès estime que l'hygiène sociale ne peut atteindre son. but sans le concours du corps médical tout entier.

M. le Président GEORGES RISLER. — Nous remercions très vivement M. le Dr Batier pour le rapport qu'il vient de développer devant nous.

Ce rapport appelant, je crois, la controverse, je donnerai la parole à ceux des congressistes qui désireraient prendre part au débat.

M. DAUTRY. —J'applaudis, moi aussi, le rapport de M. le Dr Batier.. M. le rapporteur, il est vrai, n'a guère épargné toute une partie du corps médical, non plus l'organisation actuelle des cours d'infirmières visiteuses ; mais il ne m'appartient pas de lui répondre à cet sujet.

Je voudrais seulement lui demander dans quelles conditions peut se produire l'intervention du médecin dans la tâche entreprise par telle ou telle oeuvre s'occûpant d'hygiène sociale.

Au fond, la Société se compose d'administrés et d'administrateurs.

Eh bien! comment un patron, qui a organisé une de ces oeuvres peut-il faire appel à la Fédération des médecins? Doit-il, par exemple,. s'adresser au département et lui dire « Voilà 3.000 enfants auxquels je m'intéresse: Voulez-vous les faire examiner au point de vue médical? »

Mais alors se pose la question du paiement des frais de la consultation. Sont-ce les parents qui prendront ces frais à leur charge? Les parents n'y consentiront certainement pas, les communes non plus. Comment le patron s'entendra-t-il avec la Fédération ?

M. le Dr BATIER. — M, Dautry semble s'intéresser surtout aux oeuvres de puériculture. Je vais lui dire, en réponse à ses questions, ce qui a été fait dans le Bas-Rhin dans cet ordre d'idées.

On ne saurait concevoir que, pour une même consultation de nourrissons, tous les médecins en soient chargés collectivement. Et si l'on ne confie qu'à un seul médecin cette consultation, il faut que celle-ci ne comprenne qu'un nombre assez limité d'enfants. En matière de consultation, en effet, il est inadmissible que l'on impose au médecin qui en est chargé une trop lourde besogne : car alors la médecine deviendrait industrielle, et une telle médecine est la plus mauvaise que je connaisse.

Multipliez vos consultations ; ayez un médecin pour chacune d'elles ; et vous pouvez en assurer le fonctionnement sur des bases analogues à celles dont je vous ai parlé.


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Dans le Bas-Rhin, les consultations étaient organisées par la CroixRouge et toutes autres oeuvres. La Préfecture subventionnait les efforts des oeuvres. La Fédération des Syndicats médicaux — qui comprend 98 % des médecins d'Alsace et Lorraine — a passé une convention avec la Préfecture pour l'organisation technique — car, bien entendu, si l'organisation matérielle appartient à l'oeuvre, si les pouvoirs publics ont à prendre les initiatives légales, à créer et éventuellement à subventionner, les médecins sont les agents techniques.

M. le Président GEORGES RISLER. — Qui a désigné les médecins?

M. le Dr BATIER. — Le Syndicat fait la proposition à l'oeuvre et se met d'accord avec elle sur le choix des médecins.

Une déléguée. — C'est le Syndicat qui fait la proposition à l'oeuvre, mais on peut changer de médecin et en choisir un autre...

M. le Président GEORGES RISLER. — Vous pouvez choisir parmi les médecins du syndicat? Il y a des syndicats médicaux qui prétendent faire eux-mêmes la désignation : Et c'est une convention de ce genre qui a été proposée au Comité central de la lutte contre la tuberculose.

M. le Dr. BATIER. — Je connais les termes de la convention. La convention dit : Le syndicat fait la proposition ; l'oeuvre l'accepte ou non. Dans la pratique on s'arrange, et puisque Madame croit que c'est l'oeuvre qui désigne le médecin, c'est la meilleure preuve que le syndicat a été assez sage pour lui permettre de le penser. Mais le texte signé dit que le Syndicat désigne en premier lieu ; s'il n'y a pas accord, une commission instituée à la Préfecture juge les objections de l'oeuvre à la candidature du Syndicat.

M. le Président GEORGES RISLER. — Une oeuvre peut-elle prendre un médecin non.syndiqué?

La même déléguée. — Tous le sont.. .

Une autre déléguée. —Un médecin qui n'aurait pas l'agrément du Syndicat rencontrerait bien des difficultés. Et, à Mulhouse, on change le médecin tous les trois mois ... on veut qu'il en soit ainsi.

M. le Dr BATIER. — Personnellement, au sein de la Fédération, j'ai lutté contre ce qui vous a été proposé et on a décidé que, sauf erreur grave, le médecin doit faire son service, durant trois ans au moins.

A Mulhouse, il n'en est rien, dites-vous ; mais les médecins ne peuvent pas vous imposer leur roulement ! c'est interdit ! Je vous enverrai le texte de la communication qui lie tous les syndicats adhérents et par conséquent, celui de Mulhouse comme les autres.

M. Rohmer a imposé aux médecins à qui il manque les données les plus récentes en matière de médecine infantile, de suivre des cours. Ces cours sont peu nombreux, ils auront lieu le samedi, et les médecins ont accepté d'enthousiasme : ils savent ce qui leur manque.

M. le Président GEORGES RISLER. — La question qui est en jeu a une importance extrême pour les oeuvres ; toutes les oeuvres ont des difficultés sous ce rapport; il est donc bien utile d'élucider cette question.


160 CONGRES DE STRASBOURG

M. le Dr BATIER. — Je n'ai pas le droit de parler au nom du corps médical de la France entière, mais la place que je tiens dans les syndicats d'Alsace me permet de dire : le but d'idéal d'hygiène sociale est pour nous aa-dessus de tout, mais les agents d'exécution doivent être aussi répandus que possible. Nous envisageons que tous les médecins doivent collaborer avec ceux qui ont les responsabilités des services d'hygiène sociale. Cette collaboration ne peut avoir heu que s'il n'y a pas désaccord.

Il y a en Alsace an homme qui s'occupe d'une grande oeuvre et qui m'a dit : « Je n'arriverai à rien tant que je n'aurai pas pu choisir des gens qui ont l'agrément du corps médical.»

A présent les médecins sont choisis en accord complet avec les oeuvres. Il y a accord général. L'exemple mérite d'être retenu... (bruit). Les oeuvres ne doivent pas résister, il me semble. J'ai accepté ce rapport justement parce qu'il est d'extrême importance. Il y a dans le corps médical de très nombreux médecins, l'immense majorité, qui sont prêts à envisager que l'hygiène est une maîtresse dont ils sont les humbles serviteurs ; mais ils ne sont pas les serviteurs des oeuvres ; ils sont les serviteurs de l'idéal.

Madame HERRENSCHMIDT, présidente du Comité local de la Société de secours aux blessés militaires. — Je me permets d'intervenir, le rapporteur ne pouvant, en sa qualité de médecin, parler de la question qui domine les rapports des oeuvres et des médecins : c'est la question du concours bénévole. Or, nous comprenons très bien que, étant donné les circonstances, le concours bénévole des médecins et des infirmières se fasse plus rare. Pour les oeuvres, la question financière est très importante. Cependant, si d'une part la Préfecture, par suite de ses rapports avec les syndicats médicaux, nous oblige à verser des honoraires à nos médecins, d'autre part elle donne une subvention ; le badget des oeuvres n'est pas déséquilibré.

M. le Président GEORGES RISLER. — Etes-vous satisfaite, Madame, du système adopté et des rapports entre les syndicats des médecins et les oeuvres?

Madame HERRENSCHMIDT. — Pour le dispensaire Vauban et sa consultation de nourrissons, l'accord a été fait à la Préfecture. Le médecin qui donnait son concours bénévole depuis deux ans, est entré dans le Syndicat pour que l'oeuvre pût être reconnue et chargée de la protection de l'enfance. L'accord est facile avec la Préfecture du Bas-Rhin.

M. le Président GEORGES RISLER. — Il se dégage de ceci que l'esprit social est tellement développé en Alsace que vous n'avez pas de conflit ; mais toute la France n'est pas dans la même situation, malheureusement.

M. le Dr BATIER. — Madame Herrenschmidt a parlé d'honoraires. Ceux-ci ont été fixés par la Préfecture ; eu égard à la question en cause, la Fédération a accepté les honoraires fixés, les yeux fermés, sans les discuter.


CONGRÈS DE STRASBOURG 161

Mme GONSE-BOAS. — Il est très dommage d'exiger que les docteurs soient rétribués, car on se prive par là des coucours bénévoles et de ceux des spécialistes. Ces concours sont cependant infiniment précieux ; nous en avons fait l'expérience à Saint-Quentin où tout le service médical est bénévolement assuré par des spécialistes. Il est très mauvais de renouveler ce personel médical tous les 3 ans, cela empêche les docteurs de s'intéresser à l'oevre. A Longueau, le service médical est assuré par un médecin qui s'occupe bénévolement du dispensaire et s'est donné tout entier à sa tâche. La mortalité s'est abaissée, dans cette cité à 8 pour 1000.

M. HOFSTETTER. — Les différents représentants des Assurances sociales avaient l'intention de présenter un rapport écrit ; mais le temps ayant manqué pour mettre ce rapport au point, ils ont bien voulu me charger de dire en leur nom quelques mots sur la question actuellement en discussion.

Le Dr Batier prétend que l'institution de l'assurance-maladie a contribué à réduire l'indépendance du corps médical. Nous avons ■cette assurance depuis 25 ans, et je crois pouvoir affirmer cependant que l'indépendance du corps médical est aussi grande ici que n'importe où en France.

D'autre part, le Dr Batier a dit que l'institution des assurances sociales tend à faire baisser le niveau intellectuel de la profession médicale. S'il en était ainsi, le niveau aurait en Alsace sensiblement baissé pendant 25 ans ! (Applaudissements.)

Nous devons dire que le niveau intellectuel chez nous vaut ■certainement celui de n'importe quelle autre ville de France et de l'étranger. (Bruit.)

Heureusement que dans son rapport, le Dr Batier n'a pas dit qu'il parlait au nom de la Fédération ; ce n'est qu'après, lorsque le rapport a été terminé, qu'il a déclaré qu'il croyait bien pouvoir parler au nom de 99 % des médecins de la Fédération. Sur, peutêtre, le point spécial dont il s'agit, il ne parlait pas pour 99%, mais pas même pour 1 % du corps médical.

Les assurances sociales fonctionnent depuis 25 ans et d'un commun accord avec le corps médical des trois départements d'Alsace et de Lorraine ; nous avons fait, pour l'assurance-maladie, un contrat général pour les trois départements avec les différents syndicats ; dans chaque ville, il y a un contrat spécial, et on peut prouver de cette façon qu'il y a des coordonnées dans les travaux, et certainement les rapports qui existent contribuent au développement de l'hygiène sociale. Les statistiques le prouvent d'une manière éclatante : pour, la mortalité, pour les naissances, on

11


162 CONGRÈS DE STRASBOURG

peut dire que certainement nous marchons parmi les premiers départements de France. Nous sommes fiers de ce résultat, et lorsque, il y a trois ans, on nous a demandé : qu'a fait l'Allemagne pour éviter la mortalité et pour augmenter le nombre des naissances, j'ai répondu : Elle a fait les assurances sociales. Et quand ces assurances seront introduites dans le reste de la France, toutes les grandes questions qu'elles comportent seront en partie — pas complètement — résolues, avec les améliorations que prévoit le nouveau projet.

M. le Dr BATIER. — Je voudrais répondre à l'éloquente protestation que vous venez d'entendre.

Je crois avoir démontré que j'étais acquis aux assurances sociales. J'avais dit, dans la fin de mon rapport : « A Dieu ne plaise qu'on me considère comme un adversaire des assurances sociales ! Mais je revendique le droit de signaler les conséquences fâcheuses des assurances sociales pour qu'on y pallie par les contrepoids nécessaires... Par conséquent, je considère tellement que les assurances sociales sont une armature de premier ordre pour l'hygiène sociale, que je n'envisage pas autrement que dans ce cadre l'organisation de l'hygiène.

Tout à l'heure, j'étais embarrassé, quand, M. Georges Risler me posant des questions, il songeait à un endroit de la France où les assurances n'existent pas : je cherchais à lui répondre en tirant mes arguments de l'expérience alsacienne. La difficulté où nous étions pour nous entendre venait de ce qu'il envisageait la question pour la France entière, et moi, simplement dans le cadre alsacien.

Permettez-moi d'être un Alsacien de fraîche date. Je suis venu me fixer à Strasbourg parce que, né à Belfort, j'avais depuis mon enfance beaucoup entendu parler de l'Alsace et que je l'aimais à force de la connaître. Quoique ayant été choqué au début par cette diminution de la liberté individuelle, je me suis rendu compte que les avantages que les individus y trouvaient valaient la peine de perdre quelques centièmes de sa liberté. Et voilà pourquoi je suis content de voir en Alsace les assurances sociales que je voudrais étendues à la France toute entière.

Il faut bien dire que les assurances sociales ne sont pas sans défauts. Mais elles sont susceptibles de perfectionnements.

Je suis, plus que vous ne croyez, le représentant des médecins d'Alsace ; s'ils sont fortement attachés aux assurances sociales, ils ne trouvent pas que tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes... et ils estiment qu'il y a encore quelques réformes à effectuer. Aucune oeuvre humaine n'est encore au bout de son effort.

M. Hofstetter m'a reproché d'avoir dit que les Caisses sociales avaient tendance à faire baisser le niveau intellectuel des médecins. Mais j'ai ajouté qu'elles y réussissaient assez mal parce qu'elles se heurtent aux syndicats médicaux. Quant à prétendre que je considère


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mes confrères comme inférieurs, cela est loin de ma pensée. J'ai simplement assuré que le seul contrepoids possible, en matière d'assurances sociales pour empêcher ce fâcheux effet, était l'organisation professionnelle. J'ai voulu dire, en somme, qu'il fallait une forte organisation professionnelle : elle existe en Alsace et voilà pourquoi le niveau de la profession n'a pas baissé; s'il n'y avait pas eu, en Alsace, cette forte organisation professionnelle du corps médical, le niveau intellectuel, et même moral, aurait certainement baissé.

M. le président GEORGES RISLER. — Vous avez parlé des infirmières visiteuses dans des termes que je ne puis laisser passer. (Applaudissements.)

Nous possédons une école à Paris, qui est le contraire de ce que vous avez dit : 132 élèves infirmières y reçoivent les leçons des premiers maîtres, des princes de la science. Ce sont des élèves qui suivent assidûment les cours, qui font deux années d'études et qui ne reçoivent leurs diplômes, après des examens des plus sérieux, que si elles les ont mérités.

Je connais une autre école à Bordeaux ; il y a celle de Lyon, puis aussi celle de Strasbourg.

Les infirmières visiteuses sont les chevilles-ouvrières de toute l'hygiène sociale ; nous n'avons rien sans elles. Il serait fâcheux de laisser penser qu'elles ne sont pas qualifiées pour tenir leur emploi. Les infirmières visiteuses remplissent un apostolat qui est absolument admirable, et il nous faut croire que vos expressions ont dépassé votre pensée et que vous ne connaissez pas bien les organismes dont il s'agit. (Applaudissements).

Les infirmières visiteuses sont souvent demandées par bien des oeuvres à la fois : leur nombre est insuffisant, aussi au Comité national contre la tuberculose n'avons nous pu ouvrir divers dispensaires, parce que nous manquions de visiteuses.

Et il y a un nombre incalculable de femmes qui se vouent au service du prochain d'une manière vraiment admirable. Quant à améliorer la valeur professionnelle de certaines, je veux bien l'admettre ; mais l'effort de l'ensemble est déjà très beau et merite d'être encouragé. (Bravo !)

M. le Commissaire général ALAPETITE. — Je voudrais ajouter un mot à ce que vient de dire M. Georges Risler.

Personne n'est plus convaincu que moi de l'obligation pour les oeuvres d'hygiène sociale d'utiliser, dans toute la mesure du possible, le dévouement et la compétence des médecins. Mais je ne peux pas laisser dire que rien ne doit être introduit dans le domaine de l'hygiène sociale sauf par l'autorité infaillible d'un comité qui serait constitué par la majorité des médecins pratiquants de Paris et de la province.

Cela m'oblige à rappeler que j'ai le malheur d'être assez âgé pour avoir connu le temps où des docteurs voulaient confiner Pasteur dans l'étude des maladies des animaux parce qu'il n'était pas qualifié pour soigner ses semblables. (Applaudissements.)


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M. le Dr BATIER. — M. le Président voudra bien me permettre de dire à M. le Commissaire général que je suis ancien médecin militaire ; au moment où Pasteur était honni par la Faculté et l'Académie, conseils ordinaires du Gouvernement, qui l'ont boudé pendant 25 ou 30 ans, les praticiens ne lui ont fait aucune opposition, et c'est parmi les médecins militaires que, mis à part quelques normaliens et quelques vétérinaires, le grand savant trouva ses premiers collaborateurs.

Quant à la question des infirmières visiteuses, je suis loin de vouloir nier qu'il n'y en ait de très bonnes ; j'en ai parlé du reste incidemment. J'ai voulu souligner qu'à mon avis, l'infirmière n'avait pas la même compétence que le médecin.

Nous sommes donc d'accord.

Si j'ai fait une allusion à l'instruction hâtive que certaines d'entre elles avaient pu recevoir, c'est que j'avais encore dans la mémoire le souvenir de ce qui avait été déclaré au Congrès de la Tuberculose cette année même. Deux dames qui tenaient de près à ces écoles ont protesté contre de trop nombreuses écoles qui en un an, pas même en deux, donnaient un enseignement hâtif, peu sérieux et délivraient des diplômes aveuglément et sans contrôle...

M. le Président GEORGES RISLER. — Elles n'ont pas le droit de donner des diplômes...

M. le Dr Batier. — Il y a les infirmières dont le diplôme est sérieux, et d'autres dont le diplôme ne l'est pas ; le public devrait être renseigné.

M. OLIVIER. — Je ne suivrai pas M. le Dr Batier dans toute l'étendue de son rapport, il devrait être examiné point par point. Mais je veux m'arrêter sur la question de l'indépendance des oeuvres.

M. le Dr Batier paraît croire que les oeuvres ne doivent pas être libres. Il me semble qu'il est resté sous l'influence d'une législation qui ne ressemble pas à notre vieille législation française. L'État n'a jamais essayé de porter atteinte à nos organisations. Nous lui avons justifié des subventions qu'il nous donnait et nous fonctionnons parfaitement comme cela — et cela date de 10 ans.

Nous choisissons nos, médecins nous-mêmes. Vous voulez nous les imposer, mais nous ne le voulons pas.

Vous ne voulez pas la dictature de l'Etat ; mais nous ne voulons pas non plus celle d'une grande société de médecins. Les médecins rendent, c'est certain, de très grands services ; mais il ne faut pas aller trop loin. Vous prétendez que les serviteurs des oeuvres sont les serviteurs des médecins ? Il n'y a pas de serviteur, mais des collaborateurs ; nous ne voulons pas de servitude.

Quant aux femmes, aux infirmières, c'est leur rendre un légitime hommage que de leur dire qu'au cours de la guerre, elles ont rempli un grand devoir tout de dévouement et d'abnégation.

Et au Comité supérieur de l'Assistance publique, nous avons examiné très sérieusement la situation des infirmières. Aujourd'hui on les oblige


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à avoir un diplôme d'État. Ce diplôme est délivré à la suite d'un examen passé devant un jury de compétences qui ne voit pas seulement la profession au point de vue intellectuel, mais qui la voit aussi au point de vue tout à fait pratique, e'est-à-dire en vue du complet intérêt des malades.

Mademoiselle GARCIN. — Il y a actuellement 7 écoles spéciales...

M. le président, GEORGES RISLER. — Il y en a 8.

Mademoiselle GARCIN. — .... dans lesquelles les infirmières vont faire leurs études. Comme on vient de le dire, ces études devront durer deux ans au moins, et seront, le cas échéant, sanctionnées par un diplôme d'État. On aura donc désormais une garantie complète de la bonne instruction technique de nos infirmières.

M. le Dr BATIER. — Alors les critiques tomberont complètement. Les observations que j'avais présentées dans mon rapport, avaient pour base les indications des deux directrices dont j'ai parlé, et qui, bien qualifiées, se plaignaient que, à côté d'elles, elles voyaient des écoles qui reçoivent des jeunes filles ne pouvant arriver à une préparation sérieuse et à qui a été donné cependant un diplôme, diplôme qui forcément est sans valeur.

M. le président GEORGES RISLER. — Il ne peut exister qu'un seul diplôme : celui qui signifie quelque chose ; l'autre n'existe pas...

Messieurs, l'heure avance. Je dois vous proposer de mettre les conclusions du rapport aux voix, avec toutes les réserves possibles...

M. le Dr BATIER (intervenant). — Je n'ai pas l'intention de faire mettre aux voix mes conclusions, elles sont un peu trop particulières. Ce que je voulais soumettre au Congrès, c'est seulement le voeu qui termine mon rapport, le voici :

" De même qu'on ne saurait envisager la réalisation des assurances sociales « sans la collaboration de l'ensemble du corps médical, de même le Congrès « estime que l'hygiène sociale ne peut atteindre son but sans le concours « du corps mêdicil tout entier. »

M. le président GEORGES RISLER. — De ce voeu, tout ce qui aurait pu froisser est éliminé.

Je ne mets donc pas aux voix les conclusions du rapport de M. le Dr Batier, mais seulement le principe général contenu dans le voeu qu'il vient de nous lire ...

Le principe du voeu est adopté à l'unanimité.

M. le président GEORGES RISLER. — Je tiens à adresser encore nos vifs remerciements à M. le Commissaire général qui a tenu à assister à cette séance et à y prendre la parole.


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Cela nous a été d'autant plus précieux que Madame Alapetite a bien voulu l'y accompagner et nous faire jouir de tout ce charme qu'elle apporte dans sa constante action dans les oeuvres de bonté et de solidarité.

La séance est levée à midi 25.

VISITES DU 24 SEPTEMBRE

Dans l'après-midi les congressistes sont allés visiter en auto-cars la cité-jardin de Stockfeld, l'hospice Stéphanie et le sanatorium de Neuhof.

Ils s'arrêtèrent d'abord à la cité-jardin, propriété de la Société coopérative des logements populaires, qui s'étend dans la banlieue de la Ville, à la lisière de la forêt de Stockfeld. Us traversèrent, à pied, ses larges avenues, bordées de 216 maisons entourées d'arbres et de carrés de légumes, pénétrèrent dans quelques ultérieurs d'ouvriers, très simples sans doute, mais tous propres et clairs. Un choeur de plusieurs centaines d'enfants respirant pour la plupart, la joie et la santé, les attendait, rangé près de l'école et leur fit fête avec ses chants et ses vivats. M. J. Hoepffner, le secrétaire général de la Société coopérative, ne pouvait certes, mieux que par une si touchante réception, fane saisir la haute portée sociale de cette petite cité qui abrite actuellement plus de 2.300 personnes.

L'hospice Stéphanie est un vaste édifice situé non loin de la citéjardin et destiné au traitement chirurgical et mécano-orthopédique des enfants infirmes. Les congressistes, conduits par M. Ottmann, parcoururent longuement ses locaux clairs et spacieux : dortoirs, salles à manger, salle d'opérations, salle pour l'application des appareils plâtrés, pour les exercices de gymnastique, la mécanothérapie, la radiologie, le soleil artificiel, galeries pour la cure de soleil, salles de cours, (l'enseignement ne peut être négligé étant donné la longueur du séjour), ateliers pour travaux manuels, etc.

Ils terminèrent leur tournée par la visite du préventorium du Neuhof, long et coquet bâtiment à un seul étage construit dans une clairière de la forêt de la Ganzau. Ils eurent ainsi le privilège de pouvoir vérifier sur place l'efficacité de ce service de préservation antituberculeuse dont M. le docteur Belin, son directeur, venait de leur parler la veille en son rapport à la séance d'ouverture. Une petite représentation fut organisée en leur honneur par lès enfants dans le préau couvert qui avoisine l'établissement.


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SEANCE DU MARDI 25 SEPTEMBRE

Présidence de M. GEORGES RISLER

Président du Congrès

La séance est ouverte à 9 heures et demie.

M. le président GEORGES RISLER. — Mesdames, Messieurs. Je voudrais revenir tout de suite sur la séance d'hier, car il y a eu méprise sur ce qui s'est passé. Plusieurs personnes ont cru que les conclusions du rapport •de M. le docteur Batier avaient été adoptés ; ce n'est pas exact.

M. le docteur Batier a retiré purement et simplement ses conclusions ; rien n'en a été adopté.

Il reste tout simplement le principe, que tous nous avons approuvé, de la collaboration des oeuvres d'hygiène avec le corps médical. C'est ce qui s'est fait, se fera et continuera pour le plus grand bien de tous, pour les malades, pour les malheureux auxquels nous devons penser...

Je tenais à fixer ce point, afin qu'il n'y ait pas de malentendu. Je vous demande de rectifier le compte-rendu de la presse. Je le répète, j'ai proposé d'adopter ce principe et rien d'autre.

M. le président GEORGES RISLER. — Nous allons avoir le plaisir d'entendre M. Bonvoisin, le directeur du Comité des Allocations familiales, qui va nous parler des résultats moraux et sociaux des Caisses de compensation. Ce sont des Associations d'industriels qui ont décidé de donner une allocation spéciale en plus des salaires, aux familles de leurs ouvriers qui ont des enfants. Ces allocations sont calculées en raison des ■charges de famille.

L'institution des allocations f amiliales et des Caisses de compensation fut tout d'abord appliquée dans la région de Grenoble. Peu après, elle fut adoptée, bien entendu, dans notre généreuse Alsace. Elle gagna le Nord, la Seine-Inférieure, le Sud-Est ; et maintenant elle se répand partout.

Elle est d'une importance énorme. Pour la mesurer, rien que dans le département de la Seine, permettez-moi de vous indiquer ce qui a été réalisé par l'industrie métallurgique : la Caisse fondée par cette industrie fait profiter de ses bienfaits 200.000 ouvriers qui touchent annuellement 1200 millions de salaires, sur lesquels les patrons s'imposent une contribution s'élevant à 2% et 23/4 %, afin d'offrir à la mère, dès le premier enfant, une contribution de 60 francs par mois, qui est plus élevée pour le second enfant, plus encore pour le 3e, puis pour le 4e et toujours en croissant. Les patrons n'ont point admis qu'un enfant de plus comptant


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moins à mesure qu'il y en a davantage, il y avait heu de donner moins. Ils ont estimé, au contraire, que les vaillantes familles qui dépassent le nombre de 3 enfants — nombre indispensable à la vie de la Patrie — méritent des preuves de sympathie particulièrement importantes, même matériellement.

A Roubaix, à Tourcoing, les ouvriers reçoivent 3 francs par jour et par enfant : cela représente une dépense de 60 millions pour l'industrie textile du Nord.

Nous avons voulu vous apporter ici des réalisations, des résultats. Ce matin, nous avons la bonne fortune que M. Bonvoisin, qui suit avec tant de compétence cette question si importante des allocations familiales, va nous montrer, je le répète, les résultats moraux et sociaux produits par l'organisation des Caisses de compensation.

La parole est à M. Bonvoisin, directeur du Comité des Allocations familiales.

LES RÉSULTATS MORAUX ET SOCIAUX DES CAISSES DE COMPENSATION

Rapport présenté par M. BONVOISIN, Directeur du Comité des Allocations Familiales

Mes premiers mots seront pour vous remercier, M. le Président, des paroles trop élogieuses, mais si cordiales, par lesquelles vous avez bien voulu me présenter aux Membres de ce Congrès.

Permettez-moi également de m'excuser, dès l'abord, du caractère improvisé de mon intervention. Les nécessités de la propagande ne m'ont pas laissé le loisir d'apporter à la préparation de mon rapport tout le soin qu'exigerait la qualité de cet auditoire. Du moins suis-je assuré que toute son indulgence est acquise aux modestes artisans de l'oeuvre dont vous venez de tracer un saisissant raccourci.

MESSIEURS,

Il y a deux ans, l'occasion m'a été donnée d'exposer devant le Congrès d'hygiène sociale réuni à Clermont-Ferrand, la genèse et le principe de cette institution qui venait de naître ; aussi m'attacherais-je plus particulièrement aujourd'hui à ce que l'on peut considérer comme les résultats moraux et sociaux de notre oeuvre.


CONGRÈS DE STRASBOURG 169

Quelques chiffres permettront de fixer tout d'abord l'importance qu'elle revêt aujourd'hui.

Le nombre des Caisses de compensation qui était de 6 au début de 1921, dépasse maintenant 125, sans parler d'une vingtaine en formation ; ainsi se trouvent annuellement réparties des sommes qui s'élèvent à plus de 92 millions de francs, et si l'on veut bien se souvenir qu'à côté de ces organismes collectifs, des établissements appartenant à différentes branches de l'activité économique, comme la Métallurgie, le. Textile, les Produits Chimiques, ont déjà organisé des services analogues, c'est un chiffre total de plus de trois, cent millions de francs qui ont été dépensés en 1922, au seul profit de la famille ouvrière, sans aucune contrepartie de la part des ouvriers attributaires.

Ainsi que vous le savez en effet, l'allocation familiale est située sur un plan nettement distinct de celui du salaire : c'est une prestation bénévole dont la création a été inspirée au patronat français, non seulement par le désir de répondre à des besoins nouveaux, mais surtout de faire cesser le déséquilibre, créé par la grande tourmente, qui favorisait d'une manière choquante le célibataire au préjudice du chargé de famille. Il y avait là un fossé qu'il fallait combler : c'est au moyen de l'allocation familiale que l'on s'est proposé de le faire, en se plaçant pour cela non pas sur le terrain de l'assistance, mais sur celui d'un principe particulièrement en honneur à l'Alliance d'hygiène sociale : la solidarité. Il s'agit, en effet, d'une oeuvre de collaboration de classes qui a été comprise non seulement par ceux à qui nous nous adressons pour faire vivre l'institution, mais aussi par les bénéficiaires qui n'ont pas tardé à se réconcilier avec une formule contre laquelle certains porte-paroles insuffisamment désintéressés avaient un moment tenté de dresser les travailleurs.

Cette oeuvre, nous en examinerons, si vous le voulez bien, les résultats déjà acquis ; nous noterons au passage quelques-uns des faits les plus saillants qui ont marqué l'étape parcourue en trois années et qui viennent d'être mis en lumière lors de notre dernier Congrès national.

Tout en s'efforçant en effet, de rallier chaque jour de nouveaux adhérents à notre, cause, les promoteurs de l'institution n'ont cessé de poursuivre son perfectionnement. Car il s'agit bien d'une oeuvre de vie, toujours en voie d'évolution et de progrès, d'une oeuvre dont nous observons le remarquable développement sans qu'il nous soit possible d'en mesurer le devenir.


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Une des premières préoccupations des fondateurs des Caisses a été de rechercher la meilleure utilisation des sommes mises à la disposition des familles ouvrières. Dès lors il fallait tout d'abord éviter les abus par un contrôle approprié, s'assurer de la matérialité des charges et de l'emploi fait des sommes distribuées.

Le point le plus difficile était d'assurer ce contrôle sans froisser les sentiments des intéressés.

On a eu l'heureuse pensée de confier cette délicate mission à des femmes d'élite, recrutées pour la plupart parmi ces infirmières qui, ayant fait, si je puis dire, leurs premières armes au chevet des blessés pendant la guerre, y avaient contracté le goût d'un apostolat qu'elles ont voulu poursuivre dans les foyers rendus aux travaux de la paix.

Habituées à se pencher sur toutes sortes de souffrances, elles ont aisément trouvé le chemin des coeurs.

Ces auxiliaires de nos Caisses, comme elles s'intitulent modestement, ont mis tout leur tact à franchir, une première fois, le seuil de ces maisons ouvrières où les attendaient souvent bien des préventions ; la porte aujourd'hui est grande ouverte sur leur passage, on les accueille, on les appelle et on les retient.

Agissant en femmes et en Françaises, elles ne pouvaient manquer de réussir et les résultats qu'elles ont obtenus ont dépassé leurs espérances. Les comptes rendus de nos rapporteurs fourmillent d'anecdotes à ce sujet et je me souviens d'un fait significatif parmi tant d'autres ; c'est une petite scène qui se passe dans la banlieue parisienne au moment où la rue est brusquement envahie par la foule qui sort des usines.

Un autobus complet est prêt à partir ; une femme en costume d'infirmière se voit refuser par le contrôleur l'entrée du véhicule ; mais un ouvrier l'a reconnue et il s'interpose : « Montez, Madame, pour vous il y aura toujours de la place parmi nous, je descendrais plutôt moi-même.» — La visiteuse ne connaît pas cet homme, mais lui n'ignore pas «la dame qui vient visiter les petits».

Investies d'une mission de contrôle qui risquait de nuire à l'harmonie de leurs rapports avec les milieux intéressés, ces visiteuses se sont rapidement rendu compte que leur rôle un peu administratif pouvait se doubler d'une action combien plus efficace et plus profonde.

En voyant le désordre matériel et moral qui règne trop souvent encore dans ces familles laborieuses, en constatant l'ignorance


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surprenante qui subsiste à l'égard des règles les plus élémentaires de l'hygiène, elles ont compris le bien immense qu'elles pouvaient faire par leurs conseils et leur exemple.

Possédant la formation technique nécessaire et cette force de rayonnement que développe l'amour du prochain, elles sont devenues les amies, j'allais dire les fées bienfaisantes des foyers où les appelle la surveillance des tout petits.

Sachant prendre lorsqu'il le faut la place de la mère défaillante, elles ont assaini le logis, fait régner l'ordre et la propreté, aidé, consolé, fortifié, contribué puissamment, partout où elles ont passé, à l'équilibre physique et moral de la famille.

Développant davantage encore leur action, elles ont su provoquer en temps utile les interventions médicales ou chirurgicales nécessitées par la santé des enfants, assurer la Maison entre les familles ouvrières et les oeuvres préexistantes, parfois si nombreuses et si bien outillées, comme c'est le cas à Strasbourg même, mais, parfois aussi, mal connues et insuffisamment fréquentées.

Parallèlement, nos Caisses ont poursuivi la tâche d'assurer une meilleure adaptation des sommes versées aux besoins qui se manifestent et c'est une série de perfectionnements dans la répartition des prestations comme dans leurs modalités de versement.

C'est ainsi qu'au lieu d'effectuer les versements entre les mains des ouvriers le jour de la paye, on a de plus en plus adopté le paiement direct à la mère de famille par voie de mandat-carte à domicile. N'est-ce pas la mère, en effet, qui, appelée à effectuer journellement les dépenses nécessaires à l'entretien de la famille, assurera le meilleur emploi aux sommes distribuées?

Il est apparu aussi que des allocations d'un taux uniforme, quel que soit le nombre des enfants à charge, risquaient de ne pas répondre pleinement au but que l'on se propose en ne tenant pas compte de l'augmentation progressive des charges résultant de la venue successive des enfants ; de là à chercher une concentration de ces allocations, il n'y avait qu'un pas ; celui-ci a été d'autant plus aisément franchi que des enquêtes sont venues confirmer, sur ce point, les premières constatations faites : on s'est rendu compte que, trop souvent, les premières naissances sont retardées par l'inquiétude que cause, au ménage ouvrier, l'importance des sommes qui viendront brusquement grever leur modeste budget.

Sans doute nous n'avons pas l'illusion que des primes en argent, quelle qu'en soit la valeur, puissent constituer un attrait suffisant pour décider les parents à s'assurer une postérité. Mais, nous pen-


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sons qu'une certaine appréhension pécuniaire peut être un élément déterminant dans cette restriction volontaire des naissances dont l'abus précipiterait le Pays à la ruine et à la mort. Et si nous pouvons être sur ce point aussi affirmatifs, c'est que les confidences recueillies à ce sujet par nos visiteuses nous permettent de connaître avec certitude ce qui se passe dans l'esprit et dans le coeur des ménages ouvriers.

Il y aurait une curieuse analyse à faire de cette évolution des consciences qui eussent condamné jadis certaines pratiques et qui y ont, aujourd hui, recours par scrupule de créer de la misère.

A tous ceux et à toutes celles qui, Dieu merci, sont encore de bonne volonté et ne reculent pas devant le plus doux des devoirs, il semble bien qu'une aide appropriée puisse lever l'objection née de ces préoccupations financières, et, telle est la véritable signification de ces primes de naissance que nos Caisses multiplient pour faire face à ce que l'on pourrait appeler les frais de première mise : accouchement, berceau, layette, etc.

Mais la naissance accomplie, l'expérience montre que si l'enfant reste, comme trop souvent encore, unique, son entretien s'absorbe d'autant plus aisément dans les frais généraux du ménage que la mère peut, au bout d'un certain temps, reprendre une occupa tion rémunératrice.

Toute autre est la situation si la première naissance est suivie à intervalle rapproché d'une seconde et surtout d'une troisième. Alors, la mère ne peut, sans danger, quitter même temporairement le foyer. C'est le logement devenu trop petit et l'allocation mensuelle, servie par tête d'enfant jusqu'à ce que chacun soit en âge de travailler, devient un appoint réellement efficace.

C'est en s'appuyant sur cette théorie qu'un certain nombre de Caisses en sont venues à aménager les allocations suivant un barème des taux rapidement progressif. Certaines ont été jusqu'à supprimer les allocations à l'enfant unique pour les remplacer par une forte prime de naissance et ont reporté leur principal effort sur les familles d'au moins deux enfants.

Dès lors, au lieu de répartir uniformément par tête des sommes oscillant autour de 20 francs par mois, elles ont pû consentir, sans excéder les limites de leurs disponibilités, à allouer aux familles nombreuses des mensualités qui, pour cinq enfants, dépassent parfois 300 francs.


CONGRÈS DE STRASBOURG 173

Ayant ainsi favorisé les naissances,, aidé à l'entretien des enfants tant qu'ils sont à la charge des parents, nos Caisses ont cherché à faire davantage encore.

Renseignées par les visiteuses sur les causes réelles des maux qui ravagent l'enfance ouvrière, et qui font, comme vous le savez, à notre pays une situation peu enviable au regard des nations étrangères, nos Caisses se sont résolument attaquées au problème de la mortalité infantile.

Sachant pour quelle part cette mortalité douloureuse est dûe aux méfaits de l'allaitement artificiel, elles ont cherché et réussi à développer, dans les milieux visités, l'allaitement par la mère.

Quelques chiffres suffiront à marquer les résultats obtenus dans cet ordre d'idées.

Une de nos Caisses dressait dernièrement la statistique suivante.

Ayant mis en application un système de primes d'allaitement avec contrôle médical, elle a vu en moins de deux ans le nombre des ouvrières allaitant leurs nouveaux-nés, passer de 10 à 84 %, tandis que parallèlement la mortalité des nourrissons tombait dans la proportion de 5 à 1.

A ceux qui nous reprocheraient de ne pas réussir par nos méthodes à faire naître un seul enfant de plus, n'est-il pas consolant de pouvoir répondre que, du moins, déjà nous en empêchons beaucoup de mourir.

De tels résultats ne pouvaient que soutenir l'émulation la plus féconde.

Une fois franchi ce cap de la première année qui, pour tant d'enfances débiles est, comme on sait, décisif, que de menaces encore viennent entourer la croissance de l'enfant dans ces citées surpeuplées, exposées aux épidémies et aux contagions de toutes sortes.

Les statistiques ne nous montrent-elles pas que sur trois enfants d'ouvriers, un meurt au cours du premier âge, le second ne survit qu'avec des tares plus ou moins prononcées, le troisième seul arrive à l'âge d'homme en pleine vigueur.

Là encore les auxiliaires ont montré ce qu'on pouvait attendre de leur intervention réfléchie et persévérante. Auxiliaires bénévoles et discrètes des médecins, elles ont sû interpréter les formules trop savantes, les approprier aux circonstances, en assurer l'intelligente et patiente application.


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Nos Caisses tendent de plus en plus à jouer ici leur rôle, d'une manière sans doute encore insuffisante, mais chaque jour mieux adaptée, dans cette grande lutte que tous ici vous avez à coeur de poursuivre pour sauver l'avenir de la race.

Laissant à d'autres, et notamment à l'État, dont il semble bien que ce soit la tâche propre, le soin de venir en aide à ceux que la vie a meurtris, aux incurables, aux vieillards, les patrons ont porté leurs efforts vers ces sources mêmes de la vie qui semblent menacées de tarir.

Ce résultat, ils s'efforcent de l'obtenir sans grever à l'excès leurs frais généraux, sans compromettre par la surcharge excessive de leurs prix de revient le renouveau économique du pays.

Aussi, est-ce principalement au moyen d'ententes conclues avec les oeuvres préexistantes que l'on s'est ingénié à conjurer le mal.

Je voudrais avoir le temps de vous lire, à ce sujet, bien des monographies, de vous dire de façon détaillée comment les services sociaux des Caisses s'organisent à Lyon, Paris, Lille, StDizier, Nantes, Troyes et dans la ville même où se tient ce Congrès.

Ce sont des consultations médicales périodiques auxquelles assistent les visiteuses, ce sont les soins dentaires, dont l'insuffisance est souvent la source de désordres profonds, ce sont les interventions chirurgicales : opérations légères de la gorge et du nez. qui influent si profondément sur le développement thoracique et la santé générale des enfants.

Parfois, lorsqu'on l'a pu, on a fait mieux encore : lorsque les interventions momentanées n'eussent apporté qu'un soulagement illusoire, dans tous les cas notamment où le milieu même est le principal obstacle à un bon état général, on a osé entreprendre de véritables cures. Vous connaissez tous la situation tragique de ces enfants qui, normalement constitués, sont, du fait de leur entourage, des proies désignées à la tuberculose, au rachitisme et du dépérissement.

Un seul remède alors, mais radical : soustraire l'enfant à son milieu, le rendre à la nature, à la vie au grand air où son organisme puisera les éléments nécessaires à la restauration de son équilibre.

Cela, quelques-unes de nos Caisses l'ont déjà réalisé sur une vaste échelle. Je n'en veux pour exemple que les trois établissements de cure d'air que le Comité commun des Caisses de Lyon entretient dans le Rhône, l'Ain et le Var.


CONGRÈS DE STRASBOURG 175

J'ai eu la bonne fortune de visiter un de ces préventoria, celui de Sylvabelle, qui se dresse, au bord de la Méditerranée, dans ce paradis de France qui semble avoir concentré en lui tous les dons, toutes les grâces et aussi toutes les forces de la nature.

J'y ai vu une centaine d'enfants, sélectionnés parmi les plus malingres, ceux auxquels la misère physiologique ne laissait que peu de chances de survivre, soumis à un régime hélio -marin dans un cadre baigné de lumière et de gaîté.

Après quelques mois d'une vie harmonieusement réglée où un enseignement gradué alterne avec les exercices physiques, le bain, les jeux sur le sable, les travaux ménagers, on assiste à une transformation complète dont j'aurais voulu qu'un film me permît de témoigner devant vous ; j'aurais voulu vous montrer ces petits moribonds devenus de véritables petits athlètes.

Messieurs, je ne voudrais pas abuser de votre bienveillante attention. Les indications qui précèdent vous permettront peutêtre de vous faire une idée de l'oeuvre que nous poursuivons dans l'ordre de l'hygiène infantile et de la reconstitution du foyer.

Il y aurait bien d'autres remarques à faire sur le rôle que jouent les allocations familiales au regard des différentes questions qui intéressent la famille.

Je pourrais vous montrer comment elles tendent à résoudre le problème de l'unité familiale en retenant la mère au foyer.

Déjà, dans certains centres, le taux des allocations est tel que, compte tenu des économies réalisées sur les frais de garde et d'entretien, la mère est moins sollicitée de chercher un salaire à l'usine Quelle perspective ne s'ouvrirait pas le jour où les ouvrières se demanderont si elles n'auraient pas plus d'avantages à peupler la maison qu'à travailler au dehors.

Nous entrevoyons là, au point de vue social, des conséquences sur l'importance desquelles il est superflu d'insister.

A un autre point de vue encore, l'influence des allocations s'avère non négligeable : il s'agit de l'orientation professionnelle des enfants Vous savez combien l'industrie souffre de la crise d'apprentissage qui ne lui permet plus de trouver, en nombre suffisant, les spécialistes indispensables au rendement de plus en plus perfectionné de son outillage. En présence de cet état de choses, nos Caisses ont voulu favoriser l'éducation professionnelle des jeunes gens ; elles ont continué le service de leurs prestations aux enfants qui dépassent l'âge limite lorsqu'ils justifient de leur entrée en apprentissage.


176 CONGRÈS DE STRASBOURG

D'autres problèmes encore sollicitent notre attention. Il en est un, particulièrement cher au Président de ce Congrès, dont nous ne pouvons détourner les yeux, c'est celui du logement.

Ce problème est hélas, vous le savez, commandé par des éléments financiers qui ne nous permettent pas encore de l'aborder utilement. Mais un jour viendra, nous l'espérons, où nous pourrons, à notre, tour, contribuer à mettre un toit sur tous les foyers restaurés.

Messieurs, j'en ai dit assez pour vous montrer quelle place nos organismes d'allocations familiales tendent à prendre dans l'organisation sociale du pays. De simples bureaux de péréquation ou, pour employer le terme qui a fait fortune, Caisses de compensation, ces associations patronales ont la noble ambition de devenir suivant l'heureuse expression de notre président, M. Mathon, la « maison sociale » qui rétablira le contact entre patrons et ouvriers.

A l'époque où, de toutes parts, nous voyons la famille réclamer ses droits, les patrons français auront été les premiers à reconnaître qu'un sort meilleur devait être fait au travailleur qui accepte la charge, aujourd'hui si lourde, de fonder un foyer.

Cette étape de l'évolution sociale a paru si frappante à certains que nous avons vu dernièrement un économiste distingué parler, à ce propos, de «révolution pacifique». Nous serons plus modestes. Aussi bien le propre des révolutions n'est-il pas d'être suivi de réactions de sens contraire, alors que nous avons espoir de voir se dérouler ici une progression continue?

Marquons, en passant, avec une légitime fierté, que c'est une fois de plus en France qu'est née et s'est développée avec une rapidité qui fait l'étonnement du monde, cette pensée d'entr'aide fraternelle et de collaboration qui unit, sur le terrain de la famille, le chef d'entreprise et ses collaborateurs manuels.

Le Play disait : « Les classes supérieures sont celles qui doivent leur dévouement aux classes inférieures».

Cette division même du pays en classes ne nous semble pas tout à fait correspondre à la réalité, à une époque où, chez nous du moins, l'accession aux rangs plus élevés est devenue une manifestation courante et comme la formule générale de notre activité nationale.

Les forces laborieuses du pays nous apparaissent de plus en plus comme groupées en un faisceau que cimente le même sentiment de collaboration ; et par le jeu de cette grande loi d'équilibre qui régit le monde, la guerre elle-même, destructrice par excellence


CONGRÈS DE STRASBOURG 177

des énergies comme des richesses, n'a pas été étrangère à ce rapprochement qui, dédaigneux des vaines rhétoriques, a rendu leur empire aux vertus de bon sens, de travail et d'équilibre qui caractérisent le travailleur français.

Puisque je viens de faire allusion à la guerre, je rappellerai en terminant, un mot par lequel, tout le long de la grande tourmente, on s'est proposé de soutenir le moral de la nation : le boche paiera. Aujourd'hui que tout le monde en vient à penser que peut-être le boche ne paiera pas, constatons avec confiance que, sur le terrain économique comme sur les champs de bataille, nous sommes en mesure de nous sauver nous-mêmes. A cette restauration économique, il faudra le concours de toutes les énergies morales, intellectuelles, manuelles.

Dans cette tâche immense, mais qui ne lassera pas notre persévérante ténacité, l'allocation familiale tient sa place modeste ■encore, mais chaque jour moins petite ; elle est un élément de concorde, elle tend à la restauration du foyer, à rétablir plus d'harmonie dans les rapports sociaux et, par conséquent, à accroître le rendement de tous dans un cadre assaini de paix et de bonheur.

M. le président GEORGES RISLER. — Dans le développement si éloquent de la communication de M. Bonvoisin, il n'y a qu'une chose qu'il ne vous a pas dite : c'est la part si active qu'il a prise lui-même à la grande organisation qu'il vient de vous dépeindre.

C'est tout à fait une bonne fortune que les volontés généreuses comme la sienne trouvent à mettre en oeuvre leurs précieuses ressources ; il a compris toute la valeur de cette institution et il sait lui donner toute son intelligence, toute son activité et tout son coeur. Je suis heureux de l'en remercier et de lui dire que son oeuvre a pris une place des plus belles parmi les autres oeuvres d'intérêt social et que c'est à lui qu'en grande partie est dû ce résultat.

A ce moment, M. l'abbé Lemire, président de " La Ligue Française du Coin de Terre et du Foyer» qui vient d'entrer dans la salle, demande à dire quelque mots.

M. l'Abbé LEMIRE. — Je ne puis rester que quelques minutes parmi vous, mais j'ai tenu à apporter mes remerciements à M. Georges Risler, votre éminent président, pour la grande sympathie qu'il a témoigné à l'oeuvre des Jardins ouvriers, en voulant bien nous donner la faveur de sa présence à notre récent Congrès et de ses encouragements à nous tous.

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178 CONGRÈS DE STRASBOURG

N'y a-t-il pas, d'ailleurs, un étroit rapport entre l'oeuvre que vous avez créée et la nôtre, entre-l'hygiène et le jardin.

Encore une fois tous mes remerciements, et, bien que je ne fasse qu'une courte apparition au Congrès de l'Alliance d'hygiène sociale, soyez bien assurés que c'est de tout coeur que je suis venu parmi vous.

M. le président Georges Risler, après avoir exprimé à M. l'abbé Lemire toute sa gratitude pour son amiable intervention, donne la parole à M. William Oualid.

LA CRISE DE LA DENATALITE EN FRANCE

LA SITUATION EN ALSACE ET EN LORRAINE LE MAL ET SES REMÈDES

Rapport présenté par M. WILLIAM OUALID

Professeur à la Faculté de Droit et des Sciences politiques de l'Université de Strasbourg

Lorsque l'on déplore la crise de la natalité en France, le plus grave danger menaçant notre existence nationale et qui, si elle se poursuit, risque de faire de notre pays une simple expression géographique, une France sans Français, on a coutume de laisser en dehors de la critique l'Alsace et la Lorraine. Les provinces recouvrées apparaissent comme une sorte de modèle à citer en exemple aux autres départements et nous-mêmes terminons chaque année notre revue du mouvement de la population par une constatation de ce genre. Il serait toutefois erroné d'en tirer trop volontiers argument. A Dieu ne plaise que nous niions l'heureux effet du retour des trois départements désannexés sur la vitalité de la France, ni que nous contestions la compensation démographique qu'il apporte à notre pays, décimé par la guerre et appauvri par la dénatalité. Mais cette satisfaction doit être ramenée à ses justes limites. Si l'Alsace et la Lorraine font encore bonne contenance dans l'ensemble du mouvement de la population française, c'est-


CONGRÈS DE STRASBOURG 179

beaucoup plus en raison de la faiblesse de la progression générale que de l'importance de leur propre développement. Mieux encore L'Alsace et la Lorraine, pour avoir été atteintes plus récemment de la maladie de la paucinatalité, voient le mal y faire d'immenses et rapides progrès et si les trois départements recouvrés conservent encore une avance sur la plupart des autres départements français, ils le doivent beaucoup plus à leur ancien écart qu'à leur situation présente. S'ils se maintiennent en tête des départements français, la raison en est aussi beaucoup plus à la faiblesse de leur mortalité qu'à l'abondance de leur natalité.

Ce n'est évidemment pas devant un Congrès d'hygiène sociale qu'il y a heu de nier les heureux effets de la lutte contre la mort Mais il nous sera cependant permis de faire observer qu'empêcher de mourir n'est pas tout à fait la même chose que permettre de naître. Peut-être même pourrait-on, sans paradoxe, établir qu'à chaque diminution dans le taux de la mortalité correspond une diminution exactement concordante dans le taux de la natalité, comme par une sorte de loi de constance de l'évolution démographique. A ce titre seul, le progrès de la natalité s'imposerait. Aussi apparaît-il nécessaire au seuil de ce rapport, de rétablir les faits et la vérité et de mettre en lumière la situation comparative exacte de l'Alsace et de la Lorraine vis-à-vis de l'ensemble de la France et de chacun des autres départements du territoire..

I. — La natalité en Alsace et en Lorraine

Une première observation s'impose quand on rapproche deux entités géographiques aussi différentes par leur dimension et leur constitution que l'Alsace et la Lorraine : c'est la nécessité d'avoir présentes à l'esprit leurs caractéristiques générales. Faute d'une semblable précaution, toute comparaison risque d'être faussée. En voici un exemple : le dernier recensement complet de la population date du 6 mars 1921. Il a révélé la présence, en Alsace et en Lorraine, d'une population de 1.709.749 habitants répartis sur une superficie totale de 14.522 kilomètres carrés, soit une proportion de 118 habitants par kilomètre carré, cependant que la population des autres départements français était de 37.692.999 habitants pour une superficie totale de 536.464 kilomètres carrés, ce qui donnait une densité moyenne de 70 habitants par, kilomètre carré. La superficie de l'Alsace et de la Lorraine constitue donc 27°/0o de la surface des quatre-vingt sept autres départements français, sa population 45 °/00 du nombre des habitants de ces mêmes dépar-


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CONGRES DE STRASBOURG

tements ; sa densité kilométrique est à peu près le double de celle de l'ensemble du territoire français.

D'autre part la comparaison démographique peut fane état de deux éléments : 1° les résultats numériques des recensements successifs qui bloquent en un total unique toutes les causes intrinsèques ou extrinsèques du développement de la population : mouvement naturel interne et effets des migrations : 2° le mouvement naturel de la population envisagé dans ses indices démographiques élémentaires : natalité et mortalité. Ces deux éléments sont d'ailleurs intimement liés et se complètent l'un l'autre.

Du premier point de vue, l'Alsace et la Lorraine, comparées à la France accusent les indices suivants :

Nombre total Accroissement annuel moyen Accroissement

Année des habitants recensés pour 10.000 habitants de la

(en milliers) entre les recensements population

recense- en Alsace

ment Alsace Reste Alsace Reste et Lorraine

de la France (milliers

et Lorraine 87 et Lorraine de la France

87 départ d habitants)

1806 1200 27.000 — — —

1821 1291 29.871 +16+53 + 31

1841 1508 33.401 +84 +63 + 207

1851 1571 34.902 +42 +45 +63

1861 1565 35.835 +4 +27 +5

1871 1550 36.103 +10 +7 +15

1880 1567 37.672 +11 +51 +17

1890 1604 38.043 + 24 + 17 + 37

1900 1719 38.962 +71 +16 + 115

1910 1874 39.602 +90 +16 + 155

Au cours du XIXe siècle la population de l'Alsace et de la Lorraine a donc reculé à diverses reprises : une première fois dans la période 1851-1861, par suite de la mortalité excessive des années 1854 et 1855 (288 décès pour 10.000 habitants en moyenne au heu de 236 pour 10.000 dans les dix années précédentes) due à l'épidémie du choléra, à la guerre et au renchérissement général de la vie et, par la suite, en raison de l'excédent de l'émigration. Si l'on prend pour base de calcul l'année 1900 = 100, on constate que la population de l'Alsace et de la Lorraine était de 75 en 1821 et 109 en


CONGRES DE STRASBOURG

181

1910, tandis que pour les quatre-vingt sept autres départements les chiffres correspondants étaient de 75 et 102. En somme, jusqu'à 1900, l'accroissement comparé de l'Alsace et de la Lorraine et de la France est le même ; par contre depuis 1900 l'accroissement de la première est beaucoup plus rapide et pour la décade 1900-1910 il est proportionnellement plus de cinq fois plus fort.

La caractéristique de la population alsacienne et lorraine est donc une augmentation considérable, surtout depuis le Traité de Francfort, malgré une très forte émigration dépassant l'immigration de 308.000 personnes. C'est que, dans l'ensemble, par suite d'un taux de natalité élevé et d'un niveau de mortalité modéré, l'excédent annuel moyen des naissances sur les décès a toujours été compris entre 50 et 100 pour 10.000 habitants durant les soixante-dix années de la période 1841-1910 comme le montrent les proportions du tableau ci-dessous :

Proportion pour 10.000 habitants

des nouveaux des enfants des excédents

des décès des nés vivants mariés nés vivants

sur les décès

1841-1850 142 318 240 78

1851-1860 140 294 241 53

1861-1870 148 319 253 66

1871-1880 148 339 266 73

1881-1890 132 307 240 67

1891-1900 144 301 215 87

1901-1910 146 285 187 98

Depuis 1861, on le voit, l'excédent annuel des naissances sur les décès est toujours supérieur à 10.000. Il dépasse 14.200 pour la période de 1891-1900 et 17.750 pour la période 1901-1910. De ce point de vue la situation est donc des plus satisfaisantes. Mais le phénomène demande à être analysé plus en détail, d'une part, en recherchant quelle est la cause de cet excédent, d'autre part en déterminant comment se comportent au regard du coefficient de natalité les diverses régions constitutives de l'Alsace et de la Lorraine.

La première constatation qui se dégage de l'examen des chiffres est que l'excédent grandissant des naissances sur les décès n'est pas dû à une augmentation proportionnelle du nombre des nais-


182 CONGRÈS DE STRASBOURG

sances, mais à une diminution plus grande du nombre des décès. En effet, tandis que le coefficient de natalité était de 339 pour 10.000 pour la période 1871-1880 il n'est plus que de 285 pour 10.000 pendant la période 1901-1910, en baisse de 54 pour 10.000, cependant que le coefficient de mortalité passe, dans le même temps, de 266 à 187 pour 10.000 en baisse de 79 pour 10.000. L'Alsace et la Lorraine payent donc leur tribut à la dénatalité comme tous les pays du monde, mais chez elles le phénomène demeure encore un phénomène de ralentissement de la natalité et non pas comme en France, en certaines années, une dépopulation véritable par excès de mortalité.

Tous les arrondissements d'ailleurs ne sont pas aussi prolifiques. L'arrondissement dans un petit pays comme l'Alsace ou la Lorraine est la circonscription à laquelle on doit s'arrêter pour faire des observations intéressantes. Or, en considérant le nombre annuel moyen des nés-vivants par rapport à la population recensée de 1901 à 1910, on peut établir entre les différents arrondissements le classement suivant :

La moyenne de 285 pour 10.000 est dépassée ou atteinte dans l'arrondissement de Thionville-Ouest avec 411 nés-vivants ; dans Forbach, 326 ; dans Sarreguemines, 312 ; dans Strasbourg-Campagne, 307 ; dans Haguenau, 298; dans Thionville-Est, 285. Le coefficient de natalité est inférieur à cette moyenne notamment dans Altkirch, 284 ; Saverne, 277 ; Thann, 275 ; Sélestat, 261 ; Metz-Ville, 258 ; Guebwiller, 260 ; Bibeauvillé, 243 ; ChâteauSalins, 224. Les autres circonscriptions se groupent autour de la médiane. Ce sont donc les arrondissements industriels de la Lorraine et les arrondissements du Bas-Rhin les plus proches de la frontière allemande actuelle qui donnent les coefficients de natalité les plus élevés (on pourrait faire la même observation touchant les excédents des naissances sur les décès). En revanche les taux les plus bas de natalité se rencontrent dans les arrondissements agricoles et viticoles de Lorrame et d'Alsace et dans les arrondissements du Haut-Rhin (1).

(1) Le cartogramme ci-joint, relatif à l'année 1921, confirme cette observation. Voici l'ordre de classement des arrondissements alsaciens et lorrains, quant au coefficient de natalité pour 10.000 habitants, la moyenne étant 242.

Thionville-ouest : 319; — Thionville-est : 243; — Metz-ville: 310; — Forbach : 291 ; — Sarreguemines : 259 ; — Strasbourg-ville : 258 ; — Wissembourg : 253 ; — Haguenau : 251 ; — Colmar : 244 ; — Molsheim : 242 ; — Boulay : 237 ; — Saverne : 234 ; — Metz-campagne : 233 ; — Altkirch : 231 ; — Thann: 228; — Sarrebourg : 226; — Guebwiller : 225 ; — Sélestat : 218; — Strasbourg-campagne : 217 ; — Erstein : 214 ; — Château-Salins : 41 ; — Mulhouse : 204 ; — Ribeauvillé : 196.


CONGRES DE STRASBOURG

183

Comment le phénomène a-t-il évolué depuis 1910 et quelles ont été sur la démographie alsacienne les conséquences de la guerre? En voici les principaux indices proportionnels :

Proportion pour 10.000, par rapport au nombre des habitants

Années de l'excédent

des nouveaux des enfants des naissances

mariés nés vivants des decès sur ces décès

(ou inversement)

1913 141 237 156 + 81

1914 107 229 161 + 68

1915 47 159 147 + 12

1916 51 119 138 — 19

1917 58 105 153 — 48

1918 69 106 188 — 82

1919 256 150 142 +8

1920 310 239 143 + 81

1921 247 242 143 + 99

1922 192 221 142 + 79

En laissant de côté les années de guerre et les années immédiatement subséquentes, marquées par une recrudescence naturelle de mariages, dépassant en 1920 le double de ceux de 1913 et la forte natalité qui en est la conséquence et en ramène le taux aux environs de celui de 1913, on peut prendre l'année 1921 comme assez représentative de la démographie moyenne d'Alsace et de Lorraine, étant donné la composition nouvelle de sa population après le départ de certains éléments allemands et leur remplacement par des éléments venus du reste de la France. C'est elle qui nous inspirera les rapprochements nécessaires avec la France, tant pour ces chiffres mêmes de l'année considérée que pour la période qui y aboutit.

Le tableau ci-après indique le nombre des mariages célébrés, des naissances d'enfants vivants déclarées et des décès enregistrés en 1921 pour l'Alsace et en Lorraine, pour les quatre-vingt-sept


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CONGRES DE STRASBOURG

autres départements français et pour l'ensemble du nouveau territoire français.

Proportion

pour 10.000 habitants

Mariages Naissances Décès Excédent

Nais. Décès Excecd. maries

Alsace et Lor. 21.089 41.347 24471 16.876 247 242 143 99 87 aut. départ. 435.132 772.049 671.902 100.147 232 205 179 26

Total.... 456.221 813.396 696.373 117.023 233 207 177 30

Dès l'abord se manifestent les différences entre les deux parties de la population française, et la supériorité de l'Alsace et de la Lorraine. La nuptialité n'y est pas très dissemblable : 232 nouveaux mariés pour 10.000 habitants dans les quatre-vingtsept départements ; 247 en Alsace-Lorraine, soit un excédent de 15 pour 10.000 au profit de la dernière. Pour la natalité, différence plus considérable : 205 pour 10.000 au heu de 242 pour 10.000, soit une supériorité de 37 pour 10.000 ; pour les décès : 175 pour 10.000 dans les quatre-vingt-sept départements de la France d'après 1870, et 143 pour 10.000 en Alsace et Lorraine, ce qui confère à cette dernière une supériorité de 32 pour 10.000. Si bien que l'excédent des naissances sur les décès qui n'est que de 30 pour 10.000 en France est de 99 pour 10.000 en Alsace et Lorraine, c'est-à-dire supérieur de plus du triple à celui de la France. Les indices démographiques de l'Alsace et Lorraine sont beaucoup plus favorables que ceux de la France, encore que ceux-ci, pour l'année 1921, soient supérieurs à la moyenne de 1913.

Si donc l'ensemble de la France avait un taux de natalité et de mortalité égal à celui de l'Alsace et de la Lorraine, notre augmentation de population serait annuellement d'environ 400.000 habitants, pour la période actuelle et avec une population de base de 40 millions d'habitants. A ce titre, l'Alsace et la Lorraine méritent amplement d'être citées en exemple au reste de la France, puisque leur coefficient d'excédent : 99 pour 10.000 dépasse celui de l'Allemagne en 1922 : 512.672, soit 85 pour 10.000.

Mais par rapport à l'Allemagne d'avant-guerre, dont ces départements ont fait partie pendant un demi-siècle et qui avait un taux d'excédent de 140 pour 10.000 et par rapport à elle-même consi-


CONGRÈS DE STRASBOURG 185

dérée il y a quelques décades, la natalité accuse en Alsace et en Lorraine une chute progressive et de plus en plus rapide, surtout dans les départements alsaciens, la Lorraine manifestant une certaine résistance.

Voici, en effet, comment se présente, de 1870 à 1922, la courbe respective de la natalité et de la mortalité en Alsace et en Lorraine et en France.

La natalité alsacienne et lorraine part de 350 pour 10.000 environ en 1872, tombe à 320 en 1880, à 310 en 1885 et se maintient aux environs de 300 pour 10.000 qui paraît être sa ligne d'équilibre de 1887 à 1905, soit pendant une vingtaine d'années. A ce moment commence une chute que la guerre accentue et transforme en fossé profond, mais que l'après-guerre ramène d'abord à son niveau de 1913 puis au-dessous, montrant donc ainsi le caractère fatal de cette diminution. Partie en effet de 290 en 1905, la courbe est à 257 en 1910, 234 en 1913, 114 en 1917, pour regagner 237 en 1920 et retomber à 220 en 1922. Si l'on prend ce dernier chiffre comme normale actuelle, on constate que de 1902 à 1922, en vingt ans, lecoefficient moyen de natalité s'est abaissé de 300 pour 10.000 à 220 pour 10.000, perdant 80 pour 10.000, soit en baisse de 27 %. Dans le même temps la natalité française dessinait la courbe suivante : 1872, 267 pour 10.000 ; — 1880, 246 ; — 1885, 243 ; — 1890, 218-220, chiffre auquel elle se maintient jusqu'en 1900, pour tomber aux environs de 200 pour 10.000 en 1910, à 190 pour 10.000 à la veille de la guerre et regagner momentanément 200 après-guerre.

Quant à la mortalité alsacienne et lorraine, elle se maintient, avec quelques oscillations, autour de 250 pour 10.000, de 1872 à 1885, aux environs de 225 jusqu'en 1895, de 200 jusqu'en 1905, de 160 jusqu'en 1913, se relève brusquement à 210 pour 10.000 en 1917 et retombe à 142 pour 10.000 en 1922. En France, la mortalité, d!abord inférieure à celle de l'Alsace et de la Lorraine, avec 220 en 1872, se maintient à ce taux jusqu'en 1895, fléchit jusqu'à 180 en 1910, remonte à 240 en 1917 et redescend à 177 en 1922, taux normal en quelque sorte. Cette double discordance de la natalité et de la mortalité explique : 1° pourquoi tandis que l'écart représentant le gain de population demeure considérable en Alsace et en Lorraine et ne fait place à un chevauchement des courbes que pendant la guerre, au contraire, en France, l'écart est très faible, souvent les deux courbes coïncidant et quelquefois s'enche-


186 CONGRÈS DE STRASBOURG

vêtrant ; 2° pourquoi, malgré une natalité en baisse, l'excédent de population demeure appréciable en Alsace et Lorraine.

Si maintenant, de cette vue d'ensemble, nous passons à l'examen ■détaillé des départements, nous pouvons faire les constatations suivantes. Tandis que jusqu'aux environs de 1900 le taux de natalité demeure sensiblement le même dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, puisque parti de 369, 371 et 302 en 1872 il se retrouve à 301, 329 et 288 en 1900, par contre depuis 1900 la Moselle conserve un taux important qu'elle regagne aussitôt la guerre finie, tandis que le Bas-Rhin et le Haut-Rhin accusent une baisse aussi continue que rapide. La Moselle remonte à 300 pour 10.000 en 1901, s'y maintient jusqu'en 1908, se fixe à 270 à la veille de la guerre et à 250 pour 10.000 aujourd'hui. Le Bas-Rhin, parti de 308 en 1901, est déjà à 253 en 1910, 225 en 1913, et choit à 215 en 1922, soit 35 pour 10.000 de moins qu'en Moselle. Le Haut-Rhin est en déficit plus grand encore : 314 pour 10.000 en 1900 ; 280 en 1905 ; 235 en 1910, 203 en 1913 ; 201 en 1922, à 50 pour 10.000 au-dessous de la Moselle. Ces deux départements sont donc à peine au niveau de la moyenne de la France et, à part la Moselle qui, d'ailleurs, ne se classe pas au tout premier rang, mais au quatrième des départements français, l'Alsace et la Lorraine semblent avoir trouvé, dans leur retour à la mère patrie, l'occasion de se mettre à l'unisson du reste du pays.

Étant donné la rapidité du phénomène, l'Alsace et la Lorraine constituent un champ d'observation intéressant pour sa constatation et l'analyse de ses causes. Le fait frappant est le développement de la natalité en Moselle depuis 1900 et sa baisse en Alsace. La première peut être attribuée à deux causes principales : 1° l'industrialisation de la Lorraine qui s'accentue en 1900, où la production de fonte passe en deux ans de un million à 1.500.000 tonnes; 2° l'afflux d'éléments étrangers : allemands, italiens et polonais particulièrement prolifiques. Cette dernière observation est la plus importante. Aujourd'hui même, si la Moselle tient la tête de la natalité française, c'est en raison de sa forte proportion d'étrangers : 15 % de la population totale ; ce que confirme encore la comparaison entre arrondissements. Leur taux de natalité est d'autant plus élevé que la population étrangère, c'est-à-dire, principalement allemande, y est plus forte. Voici, en effet, comment


CONGRES DE STRASBOURG 187

ils se répartissent au double point de vue du taux de la natalité et de la proportion d'étrangers :

Proportion Ensemble Proportion

Arrondissement pour de Différence d'étrangers pour

10.000 habitants la France 10. 000 habitants

Château -Salins 211 188 + 23 330

Sarrebourg 226 — + 38 200

Metz-Campagne... 233 — +45 1.400

Boulay 237 — +49 440

Thionville-Est 243 — +55 1.100

Sarreguemines .... 259 — +71 420

Forbach 291 — + 103 2.100

Metz-Ville 310 — +122 1.800

Thionville-Ouest . . 319 — + 131 3.700

A part l'arrondissement de Metz-Campagne où la population rurale étrangère est surtout composée d'éléments fraîchement immigrés sans famille, le taux de natalité est en raison directe du nombre d'étrangers, ce qui est la vérification à l'intérieur même du pays, de cette loi de la dépopulation spécifiquement française.

Pour se poser, dans nos provinces recouvrées, sous un jour moins angoissant qu'en France, le problème de la dénatalité n'en est donc pas moins d'un intérêt vital, surtout en Alsace, et ainsi s'explique que nous en recherchions les causes et les remèdes lesquels leur sont d'ailleurs communs avec le reste du pays.

II. — La dénatalité ; ses causes ; ses remèdes

L'importance d'une population sinon surabondante, du moins suffisante, n'est plus à démontrer. Sans tomber dans les travers des « populationnistes » d'autrefois qui identifiaient le nombre des habitants et la richesse d'un État, sans redouter avec les économistes pessimistes du début du XIXe siècle la pléthore d'une population affamée, il n'est pas douteux que le facteur humain domine, par son nombre et sa qualité, la vie économique, politique et sociale interne et internationale. La production en dépend, car, si réduite et réductible que soit la main-d'oeuvre, elle n'est pas compressible à l'infini et l'appel que notre pays doit faire aux


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CONGRES DE STRASBOURG

ALSACE ET LORRAINE

ANNEE 1921 NATALITÉ PAR ARRONDISSEMENT


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ouvriers étrangers démontre que nous avons largement dépassé la limite minima, tout comme le démontre l'abandon, faute d'hommes, de la culture de plusieurs de nos riches régions agricoles. De plus, que sert de produire si les consommateurs ne croissent pas en nombre? Le raffinement et la multiplication des besoins ne suppléent point la raréfaction des hommes, car certains besoins sont inextensibles. Devant la fermeture des marchés étrangers, la réduction de la population masculine française ne fait-elle pas lourdement sentir ses effets sur la consommation du vin national? Enfin, comment assurer aux finances publiques les ressources grandissantes dont elles ont besoin sans une population nombreuse et à laquelle le prélèvement fiscal sera moins sensible qu'à une population clairsemée? Politiquement, la population n'est-elle pas à la fois l'élément de force militaire de défense, d'expansion internationale et de colonisation en même temps que la légitimation d'une politique de large rayonnement au dehors, qui, sans cela, risque d'être taxée d'impérialisme anachronique pour ne pas dire mégalomane? N'est-elle pas la condition d'une sélection des élites? Socialement enfin, une population déficitaire ne risque-t-elle pas d'aboutir à une immigration indispensable, attirée par un véritable besoin d'équilibre démographique international, cause de vastes mouvements migratoires d'un pays vers un autre et dont la France actuelle offre un remarquable exemple? Loin de nous la pensée de nier l'heureux effet de cette immigration seul véritable remède immédiat de notre dépopulation qu'il faut diriger et sélectionner beaucoup plus qu'entraver. Le problème vaudrait à lui seul une longue étude. Mais il serait puéril de nier qu'au delà d'une certaine proportion les allogènes risquent de modifier le caractère de la nation, de la dénationaliser, sans parler des inconvénients politiques de tout ordre qu'ils peuvent provoquer.

1° Ses causes. — Il est à peine besoin chez nous d'évoquer ces maux de la dénatalité, tout comme il paraît superflu d'en rappeler les causes qui se ramènent toutes à la volonté de ne pas avoir d'enfants ou d'en limiter strictement; le nombre. Néanmoins, cette volonté elle-même n'est pas dictée par un modèle unique et la connaissance de ses divers facteurs est utile pour la recherche des remèdes.

A notre avis, deux catégories de causes doivent être distinguées : les unes temporaires et partant susceptibles, moyennant des remèdes immédiats, d'être écartées ; les autres profondes, participant d'une sorte de fatalité sociologique à laquelle paraissent condamnées


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toutes les civilisations parvenues à un certain stade de leur évolution. Notre pays a eu la mauvaise fortune d'y sacrifier le premier et le plus complètement, ce qui lui donne une redoutable avance dans cette course vers le triomphe de la mort sur la vie et lui. commande en même temps une vigoureuse et prompte réaction sous peine de consommer sa propre disparition.

A vrai dire, les causes temporaires sont plutôt l'exagération, l'accentuation et l'accélération des causes normales de dépopulation. La guerre et les pertes de vies humaines, le sacrifice de générations d'hommes jeunes, sains et vigoureux, déjà mariés ou sur le point de l'être, l'excédent de la population féminine condamnée au célibat ; — le souvenir encore présent à tous les esprits des hécatombes sanglantes qui ont tué ou mutilé vingt millions d'Européens et font reculer les femmes devant une oeuvre de procréation destinée à fournir aux champs de bataille des fils à immoler, même à une cause glorieuse ; — les difficultés d'une existence partagée entre les soucis de la vie chère, du logement introuvable, des domestiques exigeants ; — l'incertitude d'une situation politique grosse de menaces et les alternatives d'essor et de dépression, d'activité et de chômage économiques font plus qu'expliquer la diminution des naissances après le feu de paille de l'immédiate après-guerre.

N'est-ce pas là, en somme, la simple amplification descauses de dépopulation d'avant-guerre, de la volonté systématique de ne point procréer, motivée par des raisons les unes altruistes, les autres purement égoïstes. Et l'altruisme lui-même n'est-il pas plutôt un égoïsme paternel ou familial qu'un altruisme véritable. N'est-ce pas le désir d'ascension dans l'échelle sociale, le phénomène de « capillarité » dont parle Arsène Dumont et qui, du haut en bas, entraîne les individus dans un perpétuel mouvement de montée et de descente. Réduire le nombre des enfants pour assurer à chacun d'eux une éducation, une instruction meilleures, des moyens matériels et pécuniaires plus larges, un domaine moins subdivisé, une fortune plus concentrée, telle est en France la ligne de conduite de la majorité des couples mariés aussi nombreux qu'ailleurs. Et qu'on ne croie pas que la modification de la loi successorale, la suppression du partage égal ou de la liberté testamentaire y remédieraient. Outre la puissance de la coutume qui, ne l'oublions pas, a précédé et motivé la législation révolutionnaire et napoléonienne qui l'a consacrée et qui répugnerait à faire un «aîné» parmi plusieurs enfants, le père de famille ne jouit-il pas déjà du droit d'avantager au moins partiellement un de ses enfants-


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et en use-t-il? Au surplus, la dépopulation n'atteint-elle pas, contrairement aux légendes et aux opinions surannées, en pays anglo-saxon les aristocraties foncières où seule règne la règle de la dévolution primogénitale? Ce n'est pas selon nous en ce sens quer dans notre démocratie moderne, doit être cherchée la solution d'un problème qui, par sa généralisation et son extension à des classes de plus en plus nombreuses de la population, démontreque le partage successoral égal y devient de plus en plus étranger. La cause profonde applicable à tous est l'amour et le désir du bien-être, facteur et signe de progrès économique, mais gros de dangers sociaux. Amour du bien-être, caractérisé chez la femme par le désir d'éviter la douleur de l'enfantement, la servitude de l'allaitement et surtout la surveillance et les frais de l'éducation des enfants. Amour du bien-être marqué par le désir d'un logement plus vaste et moins encombré, de loisirs plus fréquents, de déplacements plus nombreux, de toilettes plus luxueuses, de jouissances de tout ordre. Il ne suffit pas, d'ailleurs, d'incriminer l'individu seul. La société et les conditions sociales ont leur large part de responsabilité dans la dénatalité. Comment négliger, par exemple, le service militaire qui retarde les mariages et dépeuple les campagnes? Comment ne pas tenir compte de l'industrialisation grandissante et de l'emploi de la femme hors du foyer? Songe-t-on à ce que représente, pour une femme employée, l'obligation ou de mener de front l'allaitement de l'enfant, les soins du ménage et l'activité professionnelle dans la trépidation de la vie urbaine actuelle ou de confier son enfant à une nourrice mercenaire à la campagne, se privant de la joie de la première enfance, risquant des soins défectueux et s'imposant une lourde change pécuniaire? Comment oublier le coût élevé de la vie et des loyers, comment ne pas tenir compte, pour la bourgeoisie moyenne, de l'exiguité des appartements et de la crise de la domesticité? Comment négliger les impôts de consommation qui alimentent le budget au détriment de l'alimentation familiale et frappent le contribuable en raison directe de ses charges de famille à peine redressées par l'exonération d'une partie de l'impôt sur le revenu (en quoi d'ailleurs la collectivité ne fait que rémunérer l'individu du profit social qu'elle tire de la multiplication des hommes).

2° Ses remèdes. — Dès lors, multiples sont les voies dans lesquelles on cherche remède à la dépopulation. Aussi diverses que les causes, elles peuvent se ramener à une seule : faire que la venue au monde et l'éducation d'un enfant compensée en partie par la


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joie paternelle et la satisfaction de l'accomplissement d'un devoir, ne dégénère pas en charge intolérable et se transforme en un acte au moins indifférent sinon profitable au point de vue économique. C'est de cette idée que s'inspirent les mesures déjà prises en faveur des familles nombreuses existantes et des familles nombreuses à venir, plus intéressantes encore. Mais toutes sont marquées par une insuffisance de moyens ou de diffusion qui ne les rendent aptes à agir que sur une faible partie de la population. Passons-les rapidement en revue. La meilleure méthode à suivre pour les exposer est d'adopter l'ordre chronologique et de considérer les rapports des parents et des enfants avant et après la naissance.

Pour la femme ouvrière, la grossesse est une cause de diminution de la capacité de travail, comme l'accouchement en entraîne l'interruption et occasionne des frais devant lesquels recule le ménage. D'où la nécessité : 1° d'adapter les tâches à la capacité réduite de l'ouvrière sans en réduire le gain, soit en lui maintenant son salaire, soit en le complétant par une allocation de grossesse ; 2° d'assurer un repos d'accouchement ; 3° d'accorder une indemnité d'accouchement.

Le premier point dépend de la bienveillance patronale et des possibilités d'emploi. Des instructions adéquates, l'utilisation de surintendantes d'usine auxquelles les ouvrières adressent plus volontiers les confidences de leur sexe qu'à un contremaître ; un service médical approprié permettant de suivre et de conseiller les futures mères et de leur accorder les ménagements nécessaires y pourvoiront. Sur ce point, nombreuses sont les expériences réalisées notamment depuis la guerre. L'institution des surintendantes d'usine, malheureusement limitée, par la force des choses, aux vastes entreprises, nous paraît à cet égard des plus favorables, tout comme les caisses de compensation, dont nous parlerons plus loin, permettent d'accorder à l'ouvrière un complément à son salaire réduit.

C'est à la loi qu'il appartient de fixer le congé d'accouchement en prescrivant, d'une part, l'obligation de l'accorder, d'autre part, l'obligation de reprendre l'ouvrière et l'employée à son issue.

Quant à l'indemnité d'accouchement, elle doit être fixée à un niveau qui ne soit pas dérisoirement bas et n'impose pas à la famille ouvrière une charge trop lourde. L'assimilation à une maladie ou à un accident du travail ouvrant droit aux soins médicaux


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et pharmaceutiques paraît, à cet égard, la meilleure solution. C'est celle qu'ont adoptée toutes les législations dotées d'une assurance sociale obligatoire, c'est celle qui fonctionne en Alsace et ■en Lorraine et explique en partie la natalité particulièrement élevée dans les milieux ouvriers industriels plus complètement assujettis à l'assurance obligatoire que les autres. C'est elle enfin qui figure dans le projet de loi français sur les assurances sociales dont le vote doit être réalisé au plus tôt. Son principal mérite est d'assimiler la femme de l'assuré à ce dernier, même lorsqu'elle n'est pas elle-même assujettie à l'assurance et de lui ouvrir droit aux soins médicaux les plus élevés en cas d'accouchement.

Il ne suffit pas de compenser les dépenses que la naissance d'un enfant occasionne à la famille. Il faut la récompenser du service social qu'elle remplit, lui faire désirer la venue au monde comme une source de profit. A cet effet les primes de natalité récemment instituées dans un grand nombre de départements, fixées généralement à 300 francs et progressives, accordées à partir du troisième enfant, apparaissent comme un excellent stimulant susceptible d'agir sur une classe importante de la population. Graduées pour proportionner la récompense à l'effort, d'autant plus fortes que le rang de l'enfant dans la famille serait plus élevé, elles constituent le premier effort véritable en vue de favoriser les naissances. Il est encore trop tôt pour en mesurer les résultats. D'autant plus qu'en matière sociologique les données mêmes de la statistique sont d'un emploi délicat. Mais il n'est pas douteux que si la dénatalité s'arrête dans un département où sont instituées des primes pour faire place à la stagnation et au progrès, si le taux de la natalité se maintient à un niveau supérieur à celui des départements voisins, la raison pourra en être — sans grands risques d'erreur — attribuée aux primes. Il vaudra la peine d'en suivre avec soin l'extension et les effets.

De la même idée procèdent tous les encouragements pécuniaires aux familles nombreuses émanant, soit des pouvoirs publics, soit de l'initiative privée et conçus sous forme positive — c'est-à-dire d'attribution de prime, récompense ou indemnité — ou négative, c'est-à-dire d'exonérations fiscales, elles-mêmes compensées par des majorations d'impôts exigées des célibataires ou mariés sans enfants. L'énumération en est déjà longue. Allocations aux familles nombreuses nécessiteuses ; prime nouvellement créée — de 90 francs par enfant à partir du quatrième âgé de moins de quatorze ans ou de seize ans pour ceux en apprentissage — aux familles non

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assujetties à l'impôt général sur le revenu ; allocations pour charges de familles ou sursalaire familial attribués par les patrons et employeurs groupés en caisses de compensation destinées à «impersonnaliser » l'allocation, à ne pas surcharger les patrons généreux et à donner à l'allocataire l'impression de l'exercice d'un droit et non de l'attribution d'un secours ; majoration de traitement aux fonctionnaires et agents des administrations publiques et desconcessionnaires de l'État, — majorations fixées soit à une somme forfaitaire indépendante du montant du traitement, ce qui est le cas pour les fonctionnaires (prime de 330 francs pour chacun des deux premiers enfants et 480 francs pour les suivants) ou mieux à un taux proportionnel au salaire (majoration spéciale de 2 % du traitement par enfant au-dessus du troisième aux fonctionnaires d'Alsace et de Lorraine) ; augmentation de 10 %, de la retraite par enfant au-dessus du troisième (Loi Lugol votée par la Chambre et actuellement en instance devant le Sénat).

Les familles nombreuses souffrent particulièrement des impôts indirects, lesquels, par nécessité fiscale, frappent les articles de grosse consommation. Aussi l'exonération totale ou partielle des impôts personnels en constitue la légitime compensation. L'impôt cédulaire sur les revenus professionnels, l'impôt global sur les revenus dégrèvent ainsi de 9.000 francs les contribuables mariés, à quoi s'ajoute une exonération de 2.000 francs par enfant mineur. En outre les impôts d'État perçus par voie de rôle donnent heu à un dégrèvement de 7,50 % pour un enfant et de 15 % pour deux enfants et plus. Les impôts locaux en Alsace et en Lorraine viennent, sur simples instructions administratives, de bénéficier d'un régime analogue.

Dans le même ordre d'idées, on peut signaler la réduction sur les billets de chemin de fer au profit des familles ayant au moins trois enfants : 30 % avec réduction supplémentaire de 10 % pour chaque enfant, au-dessus du troisième jusqu'à 70 %.

En revanche, les célibataires au-dessus de 30 ans, subissent une majoration de 25 % de leurs impôts personnels, de même que les successions provenant d'une personne laissant moins de quatre enfants subissent, avant tout partage, le prélèvement d'une taxe successorale progressive en fonction du degré de parenté du successible, du montant de la fortune et dégressive d'après le nombre des enfants du défunt.

Après l'impôt d'argent, l'impôt du sang, le plus lourd pour les familles nombreuses auxquelles le service militaire pouvait enle-


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ver simultanément trois de leurs enfants et auxquelles il peut aujourd'hui encore en enlever deux. Il est juste de leur tenir compte de leur contribution à la défense nationale. La loi du recrutement y pourvoit. Elle réduit à un an le service pour l'aîné de cinq enfants, vieillit de deux classes par enfant le réserviste père de famille, fait passer de droit dans l'armée territoriale le père de quatre enfants, et dans la dernière classe mobilisable le père de six enfants, affecte à une garnison proche de leur domicile les jeunes appelés pères de famille ou appartenant à une famille nombreuse.

Une des plus grosses difficultés auxquelles se heurte aujourd'hui la famille nombreuse, est celle du logement. N'est-ce pas à Strasbourg qu'il y a trois ans où se pouvait lire l'écriteau d'un bel appartement de cinq pièces « à louer à des locataires sans enfants » et les candidats locataires eux-mêmes ne prennent-ils pas la précaution de signaler l'absence d'enfants comme une sorte de voeu propitiatoire au propriétaire? Heureusement la législation sur les loyers et sur les habitations à bon marché a donné aux pouvoirs publics un droit d'intervention par voie de sanction ou d'encouragement en la matière : la première en atténuant pour les familles nombreuses les rigueurs des congédiements ; la seconde, en primant celles-ci dans l'obtention des locaux à construire ou en autorisant les communes elles-mêmes à construire à leur intention des immeubles en régie directe, sans parler des initiatives remarquables, des fondations philanthropiques comme la fondation Rothschild à Paris, ou des procédés modernes de construction propre à pallier la crise de la domesticité et, partant, à favoriser les familles nombreuses .

Dans ces divers domaines, l'oeuvre déjà accomplie est vaste. Sans doute a -t -elle enrayé la dépopulation ou l'a-t-elle empêchée de dégénérer en désastre. Mais jusqu'à présent à peine parvient-on à conserver un pénible équilibre entre la vie qui vient et celle qui s'en va. Le premier trimestre 1923, trimestre d'hiver pourtant, n'accuse que 6.000 naissances de plus que de décès, soit pour l'année entière 24.000, si le mouvement se poursuit (1). Et le nombre des départements déficitaires va s'accentuant, cependant qu'outre-Rhin, malgré une crise économique intense, 510.000 Al(1)

Al(1) Alsace et Lorraine le premier semestre 1923 accuse un excédent de 4234 naissances, soit en six mois plus que toute la France en trois !


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lemands viennent en 1922 d'augmenter le nombre de leurs compatriotes. A ce taux, dans vingt-cinq ans, les Allemands seront près de quatre-vingts millions et nous à peine quarante millions.

Que faire devant ce péril ? A quelles mesures recourir ? Attendre le salut d'une panacée unique, infaillible et chimérique, ou se contenter d'observer et d'appliquer modestement le programme déjà complet, rationnel et cohérent des remèdes propres à agir sur la multiplicité diverse des causes de dénatalité ? C'est à cette solution que vont nos préférences. N'imaginons pas que d'un coup de baguette nous réformerons la mentalité plus que séculaire dont la dénatalité présente est le résultat, mais attachons-nous à l'oeuvre moins brillante d'une activité et d'une étude lente, tenace, patiente et persévérante. A cet effet appliquer rigoureusement, vulgariser, étendre, coordonner et généraliser les procédés déjà connus, les dispositions prises et les mesures adoptées, en suivre soigneusement, méthodiquement, monographiquement, par département, arrondissement, canton et commune, les résultats. C'est le seul moyen d'en déterminer l'efficacité respective pour porter son effort sur les moyens les plus actifs, variables d'ailleurs selon les régions et les classes sociales que l'on se propose d'atteindre. Les considérations morales sont de poids. Ne nous illusionnons pas outre mesure sur leur vertu. Elles sont le complément du bien-être matériel et en impliquent un minimum. Une fois ce minimum atteint, il est possible de faire appel au sentiment du devoir social à remplir, aux sentiments religieux demeurés vivaces dans nombre d'esprits et surtout d'évoquer l'intérêt national bien compris, inséparable de l'intérêt individuel qui en est fonction.

Il ne suffit pas, au surplus, de secourir les familles nombreuses. Cette forme d'intervention en prouvant que la famille nombreuse est à elle seule incapable de se suffire, est plutôt de nature à détourner de suivre son exemple qu'à le faire imiter. Il faut surtout rendre le célibat et la stérilité plus onéreux que le mariage et la fécondité. Non par esprit de répression, mais simplement par idée de justice et d'égalité de sacrifice. Il faut aussi songer non pas seulement aux familles nombreuses existantes, mais à celles à venir, aux jeunes ménages qui reculent devant le logement introuvable, l'hôtel meublé, le propriétaire intraitable. Ne pourrait-on, par exemple, attribuer un certain nombre de logements à bon marché à de nouveaux mariés, sauf si, dans les cinq ans, ils n'ont pas


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au moins deux enfants, à les remplacer par d'autres? Sur ce point des oeuvres privées, comme celle de l'Abbé Viollet, donne un exemple digne d'être imité. Et nombreuses doivent être les combinaisons analogues à l'examen desquelles nous ne saurions nous arrêter.

En résumé, il est incontestable que la France a déjà beaucoup fait en doctrine et en législation pour lutter contre ce que le Président Roosevelt appelait, en termes énergiques, le «suicide de la race». Ce ne sont ni les textes ni les projets qui lui manquent. Peut-être suffit-il, pour le moment, d'en attendre les résultats. L'observation en matière sociale est lente! Des années s'écouleront encore avant qu'il soit permis de se prononcer. Encore sera-t-il impossible de discerner faute d'une contre-épreuve impraticable, l'effet exact des mesures appliquées. Mais il reste à faire un effort puissant et continu de mise en pratique et de vulgarisation dans le double but : 1° d'exiger la stricte application et l'extension des mesures déjà prises ou à l'étude, comme les assurances sociales ou les retraites de fonctionnaires; 2° d'activer la propagande propre à faire sentir à tous les Français la nécessité impérieuse d'une repopulation sans laquelle le pays perdra peu à peu, sinon son existence, tout au moins ce qui, à travers l'histoire, a fait son caractère et sa grandeur. C'est cette conclusion d'attente, modeste sans doute, mais dictée par l'esprit scientifique et réalisateur, que nous proposons à votre approbation sous la forme du voeu suivant :

Le Congrès d'Hygiène sociale:

Considérant que le problème de la dénatalité est le problème vital de la France contemporaine, qu'il domine tous les autres et qu'on le retrouve au fond des questions qui lui paraissent le plus étrangères;

Considérant que la complexité des mobiles qui provoquent la dépopulation exige le recours à une multiplicité de remèdes susceptibles de répondre à chacun d'eux;

Considérant que les mesures déjà prises en ce sens sont nombreuses et variées, qu'elles s'efforcent d'agir à la fois sur la considération dont doivent être entourées les familles nombreuses et l'allègement des charges qui les grèvent;

Considérant que ces mesures ne pourront produire leur plein effet qu'à la longue et à condition que la publicité nécessaire leur soit donnée pour les faire connaître à la nation;


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Que c'est à cette condition que pourront en être mesurés les résultats, lesquels doivent être suivis avec patience, attention et méthode ;

Émet le voeu :

1° Que soient strictement appliquées et éventuellement étendues aux départements qui n'en bénéficient point, toutes les dispositions propres à favoriser la natalité et les familles nombreuses ;

2° Que les résultats statistiques en soient relevés et publiés d'une façon méthodique;

3° Qu'une propagande adéquate fasse connaître aux intéressés les droits que leur confère le service qu'ils rendent au pays en le dotant d'enfants, en même temps qu'elle agira sur l'ensemble de la nation pour lui montrer les répercussions individuelles du péril dont la menace la dénatalité.

M. le Président GEORGES RISLER. — L'éminent rapporteur qui vient de vous tenir sous le charme de sa parole a traité la question la plus essentielle, la plus grave, qui se pose actuellement pour notre patrie ; il l'a traitée dans les conditions les plus justes, les plus exactes, les meilleures possible.

Il vous a indiqué que, jusqu'à ces derniers temps, avoir des enfants constituait dans les milieux pauvres une tare, dans les milieux riches, un ridicule. Il faut, il est indispensable que cette situation se modifie, que la famille nombreuse soit honorée, respectée, estimée, mise enfin au premier plan et aux premières places ! (Appl.). Et cela ne suffira pas. M. Oualid a eu parfaitement raison de dire que du côté matériel, il y a quelque chose, il y a une base à adopter ; c'est ce que je préconisais dans un travail que je publiais, il y a S ans et qui se résume ainsi : Tout Français doit à sa patrie trois enfants au minimum ; s'il ne les lui donne pas, il paiera ; s'il lui donne plus, il recevra.

Certes, comme on vous l'a si bien dit tout à l'heure, il y a ceux qui ne peuvent pas avoir d'enfants, et qui en souffrent et qui souvent même viennent en aide, généreusement, aux familles nombeuses. Nous les plaignons, nous regrettons avec eux qu'ils n'aient pas d'enfants, mais nous leur disons : « Vous n'avez tout de même pas eu à dépenser pour élever une famille, par conséquent, vous paierez.» Et à qui donnera-t-on ces sommes qui seront fournies par ceux qui n'auront que 2 enfants, ou seulement un seul, ou qui seront restés célibataires ? Ces sommes, qui devront


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être multipliées, bien entendu, par le coefficient de l'impôt sur le revenu, on les donnera à toutes les familles qui ont 4, 5, 6, 7, 8 enfants et davantage. Mais, comme l'a également bien fait ressortir le rapporteur, on donnera à tous, aux riches comme aux pauvres ; parce que ce sera là un témoignage d'estime et de reconnaissance que la nation apportera aux bons citoyens qui auront rempli leur devoir (Applaudissements).

Voilà une base sérieuse pour lutter contre la diminution de la natalité. Si M. Oualid vous a montré des choses désolantes, désespérantes, pourrait-on même dire, en même temps il nous a inspiré un sentiment de réconfort profond ; quand je vois des hommes de sa valeur entreprendre la croisade qu'il mène contre la dénatalité, je me dis qu'un pays peut encore pleinement espérer.

Ce qu'il faut, c'est l'action. Les Français sont intelligents, et ils savent se mettre au service d'une bonne cause ; pensaientils à la guerre ? Ils l'ont faite cependant mieux que tous les autres peuples et ils ont remporté la plus splendide, la plus magnifique victoire qu'on pouvait désirer. Ils feront de même dans la lutte contre la dénatalité, dont il vient de vous être parlé ce matin, d'une façon si éloquente.

Nous connaissons bien le péril, montrons-le à la nation et elle réagira. La situation n'est peut-être, du reste, pas si mauvaise. On nous a fait ressortir la diminution de la natalité en France, mais on vous a montré qu'en Allemagne aussi, elle commence à se faire sentir. Etablissons à ce sujet, un parallèle, de 1789 à 1870, c'est-à-dire, pendant une période de 80 ans :

En 1789, la France avait 26 millions d'habitants,

l'Allemagne 28 millions d'habitants.

En 1870, au bout d'une période de 80 ans, la population était de en France 38 millions,

en Allemagne 37 millions.

Dans cette période, il y avait donc eu 25 % de natalité de plus en France qu'en Allemagne. La différence s'est produite à partir de 1880 à 1910. Prospérant, voulant devenir un peuple énorme, l'Allemagne prit toutes les mesures utiles en vue d'augmenter sa natalité. Depuis cette époque, elle l'a augmentée en effet ; mais pendant ce temps, la natalité diminuait chez nous.

Les Français comprendront, voudront réagir à leur tour et gagner cette victoire comme ils ont gagné l'autre ! (Applaudissements).


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C'est justement cette question de la natalité qui va m'obliger à vous quitter dans quelques instants. Je dois me rendre à Marseille, pour y présider 2 sections du Congrès qui va s'y tenir, et comme je ne voudrais pas vous quitter au milieu de la très intéressante communication que M. Brion doit vous faire tout à l'heure, je tiens, avant de partir, à vous remercier profondément de l'accueil que vous nous avez fait, et des joies que vous nous avez données. J'avais dit que nous aurions des leçons à prendre auprès de vous ; en natalité, vous nous donnez l'exemple, dans la lutte contre le taudis, vous nous donnez l'exemple ; dans celle contre la tuberculose, vous nous donnez toujours l'exemple ; car sur ce point la proportion des décès est descendue à 1,45 %, c'est la plus faible que je connaisse ; même celle de l'Angleterre est plus élevée.

L'alcoolisme est en pleine régression dans votre pays. Je sais — et je peux bien vous le dire sans offense — que l'un des côtés de votre caractère, c'est d'être toujours mécontent, de n'être jamais satisfait. Vous ne m'en voudrez pas de ma franchise ; au contraire, cela ne fera que vous stimuler ; et vous resterez toujourset toujours à la tête du mouvement en faveur de l'Hygiène sociale, j'en suis convaincu.

Je vous remercie encore une fois de votre accueil et suis persuadé que de ces échanges de vues, de cette collaboration cordiale pendant quelques jours, résultera pour vous une satisfaction réelle et provoquera chez vous une marche encore plus accentuée vers le progrès et vers toujours plus de moralité, plus de bonheur dans ce monde pour les non-privilégiés et plus de joie dans le coeur de ceux qui auront aidé à diminuer les douleurs de leur prochain. (Applaudissements).

M. le président GEORGES RISLER. — Avant de vous quitter, je vous demande la permission de mettre aux voix le voeu suivant, voté en 1893 par le Conseil supérieur d'hygène publique de France, repris l'annéedernière par l'Alliance d'Hygiène sociale lors de son Congrès de Rouen, et que mon cher ami M. Charles Cazalet, président de l'Union des Sociétés de gymnastique de France, vous prie de vouloir bien renouveler :. « Dans toutes les Ecoles, Lycées, Collèges, Gymnases publics à construire,. « on devra installer un service de bains-douches permettant le lavage heb« domadaire de tous les enfants.

« Au fur et à mesure que les ressources budgétaires le permettront, tous les « établissements existants en seront pourvus. ».


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Et qu'il vous prie, en outre, de compléter en y ajoutant cette phrase : « Le Congrès émet, en outre le voeu, que le bain-douche soit obligatoire « dans les écoles. » Le voeu est adopté à l'unanimité.

M. AUGUSTE BRION donne alors lecture de son rapport sur le rôle des Municipalités Alsaciennes en matière d'hygiène publique.

LE ROLE DES MUNICIPALITÉS

ALSACIENNES

EN MATIÈRE D'HYGIÈNE PUBLIQUE

Solutions données à ce problème par la Ville de Strasbourg

Rapport présenté par M. Auguste BRION, Président de la Corporation des Industries du Bâtiment d'Alsace et de Lorraine, Président de la Société de Crédit immobillier du Bas-Rhin.

Les municipalités ont encore aujourd'hui, en Alsace et en Lorraine, un rôle plus étendu qu'elle ne l'ont dans l'intérieur de la France ; c'est pourquoi elles ont pu aborder l'étude de différents problèmes, entre autre celle de l'hygiène sociale, et elles ont pu de la sorte imprimer à leur ville un caractère plus personnel. Il en est résulté aussi qu'il s'est créé entre les villes de notre région une certaine émulation.

Il est toutefois naturel que pour une seule et même région, le caractère des mesures entreprises reste sensiblement le même. Strasbourg, grâce à sa situation géographique et à la centralisation d'un certain nombre de ses services, grâce peut-être aussi à l'esprit large et entreprenant de sa municipalité, a, en effet, marché de l'avant et a servi souvent de modèle aux autres villes de nos trois départements recouvrés. Je me contenterai donc dans la plupart des cas, de parler des mesures prises au point de vue de l'hygiène sociale par la municipalité de Strasbourg.

Les mesures d'hygiène urbaine prises dans les cinquante dernières années par la ville de Strasbourg, sont des plus impor-


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tantes et ont à certains moments, chargé très sérieusement son budget, ce qui a eu comme résultat qu'au début de chacune de ces entreprises elle a connu les périodes de critiques amères. Mais on peut dire que ces mesures ont en général été reconnues comme justes une fois qu'elles étaient achevées ; la meilleure preuve en est, que la ville de Strasbourg a toujours joui d'un grand crédit, et que ses emprunts ont toujours été mieux cotés avant la guerre que ceux de la plupart des autres villes d'Allemagne.

La physionomie générale de Strasbourg se présente généralement à l'étranger ainsi : autour d'un noyau central, limité par une enceinte de remparts, viennent se grouper cinq faubourgs et le port.

Le noyau central se compose de la vieille ville proprement dite, avec la couleur pittoresque de ses vieux quartiers, mais aussi avec des conditions d'hygiène et de circulation souvent fort défectueuses ; et d'autre part, de la ville moderne, érigée d'après les principes de l'hygiène et de la salubrité publique. Comme toutes les forteresses, Strasbourg était très surpeuplé, malgré les divers agrandissements :

La ville romaine avait une superficie de 19 ha.

L'extension du VIIIe siècle mesurait 35 —

— du XIIe siècle — 17 —

— de 1240 — 28 —

— de 1390 — 76 —

— de 1440 — 27 —

Total 202 ha.

- Nous retrouvons cette même surface en 1875.

Nos ancêtres ne se préservaient du surpeuplement que par des prescriptions spéciales qui étaient principalement édictées pour empêcher que les caisses de l'assistance publique ne soient vidées. Les immigrants ne trouvant plus aucune place à l'intérieur de la ville, s'établirent autour de l'enceinte fortifiée, et constituèrent ainsi des faubourgs de plus en plus importants.

Strasbourg présentait donc en 1875 le caractère très marqué du surpeuplement, et c'est à ce moment que les nombreux canaux et fossés furent, soit comblés,soit endigués entre des murs, de sorte que l'on obtint des largeurs de rues plus considérables.

La plupart des places de notre ville proviennent d'anciens marchés ou cimetières, du comblement des cours d'eau, et de la destruction par le feu ou de la démolition de groupes de maisons


CONGRÈS DE STRASBOURG 203

C'est à l'architecte Blondel, de Paris, (1705-1774) que sont dûs les premiers essais de soumettre le développement et l'évolution de là ville à une volonté préméditée. Le plan d'alignement actuellement en vigueur date de cette époque.

Cependant l'accroissement constant de la population amenait peu à peu un état sanitaire des plus défectueux. Les constructions nouvelles étant édifiées sur les jardins et les cours, diminuaient le peu de surfaces libres existant à l'intérieur de la ville. Aujourd.'hui encore, après divers travaux d'amélioration, et abstraction faite des espaces occupés par l'III et ses bras, la superficie des rues et places n'entre que pour 25% environ dans la superficie totale de la vieille ville.

A' la suite d'une convention passée le 2 décembre 1875 avec l'Empire allemand, l'enceinte de Vauban fut démolie sur les fronts nord-est, nord, nord-ouest, et la ville augmentée de 420 hectares. Les frais de transformation des ouvrages militaires, se montant à dix-sept millions de marks furent à la charge de la ville, qui entra en possession d'environ cent soixante-dix-sept hectares, représentant la plus grande partie du terrain militaire. Par cet agrandissement, les deux promenades favorites des, Strasbourgeois, le Contades et l'Orangerie, se trouvèrent englobées dans les murs de la ville. De plus, la ville fut dotée de seize nouvelles places et d'artères beaucoup plus larges, en partie bordées d'arbres, ce qui augmenta très sensiblement l'accès de l'air et de la lumière dans les maisons. Les anciens lits de cours d'eau (les bras de l'Ill ou du Rhin) furent comblés.

L'ensemble de la superficie des places et rues ainsi créées représente 40% de la surface totale de la nouvelle ville.

La ville devint ainsi, sans le vouloir, le plus grand propriétaire de terrains de Strasbourg ; elle put, comme telle, régulariser les prix et empêcher des hausses trop considérables. Elle put aussi, grâce à la défense de construire sur des terrains ne donnant pas directement sur des rues terminées, diriger l'agrandissement vers les régions les plus propices. Elle avait dépensé en 1905, pour l'aménagement des égouts, la construction des rues, et l'achat et l'aplanissement des terrains, sept millions de marks, et immobilisé environ sept millions et demi en édifices publics.

Dans le bilan de 1905, on trouve en regard d'un passif de 31,4 millions de marks, un avoir d'environ vingt-sept millions, représentant les prix des terrains vendus ou à vendre, les redevances de


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voirie, fermages, etc. La ville a supporté sans trop de mécompte, au demeurant, les aléas de son entreprise.

L'exode d'un grand nombre d'habitants vers les nouveaux quartiers créés a décongestionné et, partant, assaini la vieille ville. Strasbourg s'est enrichie peu à peu de constructions modernes, à loyers plus élevés. Mais elle ne tarda pas à favoriser aussi dans les nouveaux quartiers la construction d'habitations à bon marché, soit en concédant des surfaces à construire, soit en construisant elle-même.

La loi de 1879 a empêché le prix des immeubles de monter trop rapidement par suite de l'aménagement de terrains de construction, de préparation de rues et chemins, et par suite du dégrèvement des servitudes militaires. Cette loi refuse toute indemnité d'expropriation pour la démolition d'immeubles qui auraient été construits sur le tracé des rues ou places prévues par le plan d'alignement. Elle stipule, de plus, que les dépenses de construction et d'aménagement des rues et d'achat de terrain seront à supporter par les riverains, après achèvement de leur immeuble, jusqu'àconcurrence de vingt mètres de largeur de rue.

La construction de la nouvelle ligne Strasbourg-Kehl a marqué une nouvelle étape dans le développement de Strasbourg. Cette ligne, établie sur un remblai de sept à huit mètres de hauteur, remplace les remparts qui purent être démolis. C'est ainsi que la banlieue de Neudorf, aux allures de village, devint en moins de vingt années, une agglomération de trente mille habitants.

La démolition des fortifications eut aussi comme corollaire celle du quartier d'Austerlitz devenu très insalubre. Elle a permis de réaliser entre autres l'extension des hospices civils devenue nécessaire.

Pour continuer son oeuvre d'assainissement, la ville a acheté chaque année un certain nombre d'immeubles particulièrement insalubres. Mais elle s'est bientôt persuadée que pour exercer une action vraiment efficace, il fallait oser davantage. C'est ainsi que fut entreprise la percée de la rue du 22-Novembre qui avait pour but de supprimer un grand nombre d'habitations misérables, dont le service des logements de notre municipalité a conservé des photographies très impressionnantes. La première partie a été faite avant 1914 ; la seconde et la troisième partie attendent encore des jours plus favorables à une entreprise de ce genre.

Les acquisitions nécessitées par cette percée ne se bornèrent pas à l'emplacement exigé par la nouvelle artère. Elles s'étendirent


CONGRÈS DE STRASBOURG 205

aussi à l'achat des bandes de terrain latérales. La ville recherchait par là un double avantage, hygiénique et économique : assainissement plus radical, et compensation aux énormes dépenses de construction. Elle put ainsi imposer dans les contrats de vente ses propres vues quant aux formes architecturales à observer. L'achat des ' terrains sur tout le parcours projeté était terminé en 1912 et s'est monté à la somme de 10,5 millions de marks.

Les acheteurs demandèrent que la ville s'engageât à ce que toutes les maisons en bordure de la nouvelle artère soient construites avant l'expiration d'un certain délai. C'est pourquoi Strasbourg traita avec une banque privée, qui se chargea d'effectuer la vente des parcelles et de les faire surbâtir dans un délai expirant le 1er octobre 1914. Pour la revente des terrains, la société garantissait un minimum de 531 marks par mètre carré à la ville, qui se réservait un certain droit de participation en cas de majoration des prix.

Toutes ces opérations n'étaient du reste que la première partie d'un vaste plan de transformation de la ville. Si, depuis la guerre, les projets ont dû momentanément être abandonnés, la loi du 21 juillet 1922 a fait un pas de plus dans le domaine de l'hygiène urbaine en prononçant le déclassement de l'enceinte fortifiée avec la démolition des remparts qui s'en suivra. Cette loi rendra possible l'assainissement des anciens quartiers de la ville. L'utilisation du terrain provenant des remparts rasés, ainsi que du terrain de la première zone des servitudes militaires, permettra de faire, comme

à Paris et à Lille, une ceinture d'espaces libres et de verdure. La ville est tenue d'acquérir, dans un délai de vingt-cinq ans, tous les

terrains de cette zone et d'y maintenir la servitude de «non sedificandi»

sedificandi» un but d'hygiène et de salubrité publique.

L'utilisation du terrain est prévue ainsi :

Terrain d'industrie (près la gare centrale) .. 42 ha.

Habitations à bon marché 37 —

Terrains à bâtir . 18 —

Jardins 97 —

Squares, promenades, places de jeu et de sport 174 —

368 ha.

Les mesures prises par notre ville ait point de vue de l'hygiène sociale l'ont été principalement par les services de l'Office d'hygiène, de l'édilité, des eaux, des égouts, de l'arrosage et du nettoyage


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des voies publiques, des bains municipaux, de la surveillance des logements et de l'encouragement à la construction; de la surveillance de l'alimentation et la répression des fraudes; des cimetières.

Des services aussi complets ne peuvent pas être étudiés dans le cadre, naturellement restreint, d'un rapport de congrès. Nous nous bornerons donc à les passer rapidement en revue, en nous arrêtant un peu plus longuement sur quelques-uns.

OFFICE D'HYGIÈNE

La ville de Strasbourg a réuni, dans son Office d'hygiène, dirigé par un médecin, les services poursuivant un but d'hygiène publique. Je citerai : l'hygiène scolaire avec ses différentes divisions, la clinique dentaire, l'institut de puériculture et le préventorium, l'établissement de désinfection, le contrôle du lait et la répression des fraudes, le laboratoire municipal et la lutte contre les moustiques.

Le médecin-chef de cet Office fait annuellement un rapport,, dans lequel figure la nomenclature des médecins avec leurs spécialités, des dentistes, pharmaciens, droguistes et sage-femmes ; un rapport sur le fonctionnement des hôpitaux, hospices, maisons de santé, orphelinats, maison d'éducation; un rapport sur les maladies, les causes de décès et la statistique démographique ; sur le service de désinfection et la vaccination, la lutte antivénérienne et le contrôle de la prostitution, le fonctionnement de dispensaires antituberculeux, la station de cure d'air, l'institut de puériculture ; sur l'inspection médicale des écoles, les colonies de vacances, les cours orthopédiques, d'orthophonie et les écoles auxiliaires (d'arriérés) ainsi que les écoles de perfectionnement postscolaires, l'examen oculistique des élèves, les écoles d'amblyopes, les écoles d'enfants à l'ouïe dure et la clinique dentaire scolaire.

L'inspection des bâtiments et du mobilier scolaire et l'orientation professionnelle des écoliers entrent également dans les attributions de ce service.

Viennent enfin le contrôle et la vente du lait, la répression des fraudes, le laboratoire de chimie et la lutte contre les moustiques, le rapport sur les eaux de la ville de Strasbourg et des puits privés..

Le chef de l'Office d'hygiène contrôle l'exercice de la médecine,. les soins dentaires, les sage-femmes et la vente des produits phar-


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maceutiques et des poisons : il contrôle les hôpitaux, les orphelinats et les établissements d'éducation, la vaccination ainsi que le mouvement de la population. Ce service a contribué certainement à améliorer les conditions d'hygiène de la ville. Nous voyons d'après le rapport de 1922 que nous avons eu à Strasbourg 3.899 naissances et 2.596 décès. L'excédent des naissances sur les décès a passé de 1.546 en 1921 à 1.303 en 1922. La natalité varie à Strasbourg de 27,2 pour mille (en 1908) à 23,4 pour mille en 1922 ; la mortalité de 18,1 pour mille en 1908 a 15,6 pour nulle en 1922. Les cas de fièvre typhoïde ont passé de 139 et 140 en 1920 et 1921 à 115 en 1922 ; la scarlatine de 223 en 1920 à 173 en 1922. La fièvre typhoïde diminue d'année en année ; on a constaté vingt-six cas à l'Office en 1922, dont treize de l'arrondissement de Strasbourg, Les cas de grippe suivis de mort ont été en :

1918 595

1919 141

1920 6

1921 54

1922 80

La tuberculose pulmonaire a fait, en 1922, 258 victimes contre 289 en 1921, c'est-à-dire 9,9 % au heu de 10,4 % des décès en général, ou 15,4 sur 10,000 habitants ; la tuberculose des autres organes a causé la mort en soixante-six cas.

Le service de désinfection a procédé à 1.325 désinfections, dans 74 cas de diphtérie, 132 cas de scarlatine, 33 cas de méningite cérébrospinale, 509 cas de tuberculose. Le dispensaire antituberculeux a demandé la désinfection dans 247 cas de tuberculose; 2.285 désinfections ont eu heu dans les différents services de l'hôpital civil. Les appareils du service, soit une étuve à vapeur, 2 étuves à vapeur et à formol, 3 appareils à desinfection du linge, ont fonctionné normalement.

94 médecins, tous membres du Syndicat de Strasbourg, se sont tenus à la disposition de l'Assistance médicale gratuite. Les personnes assistées ont le libre choix entre ces médecins. Toutefois, le changement du médecin avant la fin du trimestre n'est pas autorisé.

833 malades ont été traités, le nombre de journées de traitement a été de 26.696. Les médecins ont fait 2.148 visites et ont donné 2.511 consultations. Ils ont touché 21.423 francs d'honoraires, soit 29 fr. 50 par cas (en 1921, 31 francs). Il a été dépensé pour médicaments, 19.726 francs soit 27 fr. 40 par maladie.


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Dans soixante-dix cas le bureau d'assistance s'est chargé des frais d'accouchement se montant à 2.335 francs.

Le dispensaire antituberculeux de la ville est un modèle du genre. Nous ne nous étendrons pas sur ce sujet-ci, qui a déjà été traité avant-hier devant vous par M. le Dr Belin.

Le préventorium pour enfants est situé en pleine forêt du Neuhof, dans les environs de Strasbourg. En hiver il ne reçoit que des enfants ; mais en été il sert aussi de station de cure d'air pour femmes et jeunes filles. Les deux services sont complètement sépares. Parmi les adultes, beaucoup ne suivent que des cures de jour : elles arrivent le matin au sanatorium, y passent la journée et rentrent de nouveau le soir. En 1922, la saison pour les adultes a commencé le 20 avril. Cent vingt-quatre femmes et jeunes filles ont suivi des cures de jour, quarante-trois des cures de jour et de nuit. La majorité des malades étaient atteintes d'anémie, de nervosité, de faiblesse générale.

L'institut de puériculture a reçu, en 1922, 326 enfants de 0 à deux ans, principalement des enfants assistés ; la durée du séjour est en moyenne de cent jours. Un bureau d'admission pour enfants abandonnés y a été annexé.

L'institut offre aussi, après leurs couches, un abri aux jeunes mères ne sachant où se loger.

Pendant leur séjour à l'institut (174 jours en moyenne) elles s'occupent des soins du ménage et de la buanderie, et elles sont tenues de nourrir leur enfant au sein. La goutte de lait a fourni du lait non seulement à l'établissement même, mais encore à des particuliers.

L'inspection médicale des écoles forme une partie très importante du service d'hygiène. 19.573 écoliers fréquentent les écoles maternelles, primaires, primaires supérieures et les écoles de perfectionnement postscolaire. Le service médical est assuré par huit médecins, un oculiste et un orthopédiste. Les inspections collectives ont heu, comme toujours, au début de la première et de la deuxième année, au milieu de la scolarité.

Les enfants maladifs ou souffrants sont suivis pendant toute l'année et présentés aux médecins lors de leurs visites périodiques.

Les infirmières scolaires font la liaison entre le médecin et la famille. Maints cas de tuberculose ont été dépistés par elles. On attache une importance toute spéciale aux maladies transmissibles ; en cas de découverte d'un foyer d'une de ces maladies, toutes les mesures sont prises pour combattre le mal.


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Les médecins scolaires ont aussi la charge de désigner les élèves qui pourraient avoir besoin d'une cure d'air. En 1922, 2.500 élèves •ont été choisis par les médecins scolaires pour un séjour dans la montagne ou pour une cure solaire. Ces élèves sont désignés aux colonies de vacances ou aux caisses de maladie.

Le contrôle du lait est fait par trois agents. Ceux-ci ont fait 2.331 tournées dans le courant de 1922 et ont examiné à l'aéromètre 21.060 échantillons de lait.

Les moustiques étant souvent les véhicules de certaines maladies, il entre dans le domaine de l'hygiène de les combattre. La municipalité donne à ce sujet des conseils aux habitants, à l'aide d'imprimés et d'affiches, et exige que chaque habitant prenne lui-même toutes les mesures nécessaires pour combattre ces insectes trop connus dans notre plaine d'Alsace. La ville se charge, contre des taxes très modestes, à l'aide de deux équipes de quatre hommes, de faire le travail nécessaire à l'intérieur et autour des maisons particulières.

L'examen bactériologique de l'eau de la distribution de Strasbourg se fait deux fois par semaine ; celle des puits, des réservoirs et du château d'eau, une fois par mois.

Les puits, dans les propriétés privées sont contrôlés sur demande. Si l'eau n'est pas trouvée salubre, le puits est fermé, et l'installation de la distribution d'eau est exigée.

SERVICE DE L'ÉDILITÉ

Le service de l'édilité comprend : la construction et l' entretien des rues et routes, des édifices publics; de la police du bâtiment et de l'urbanisme.

Les bonnes rues et routes, à surface plane et aussi imperméable que possible, sont aussi une des exigences d'une bonne hygiène.

Actuellement Strasbourg compte (non compté les routes nationales qui relèvent du service des ponts et chaussées) cent soixante kilomètres de voie publique pour le réseau extérieur, occupant une surface de 1.800.000 mètres carrés dont 140.000 revêtus d'un pavage et 10.000 de macadam. En raison de la circulation croissante des autos et auto-camions, on prévoit une extension du pavage. La surface des trottoirs se compose soit de carreaux en ciment (50.000 mètres), soit de pavage (12.000 mètres), soit de macadam (1.300 mètres).

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Le réseau interne présente de très grandes variétés suivant les besoins de la circulation, soit une surface totale de 993.000 mètres de route. Du réseau interne ont été couverts :

En macadam 268.295 mètres.

En cailloux du Rhin 214.977 —

Goudronnage superficiel 116.933 —

Asphalte comprimé 108.759 —

Pavés en grès 94.110 —

— granit 48.452 —

Le reste est muni de pavés de bois, tarmac, asphalte macadam, asphalte coulé dur, etc.

Dans toutes les rues non encore bordées de constructions pouvant être considérées comme terminées, les chaussées n'ont pas encore reçu leur revêtement définitif.

Nous avons vu que l'hygiène nous pousse à construire des maisons toujours plus éloignées du centre des villes. Mais cet éloignement exige aussi des moyens de communication de plus en plus perfectionnés. A côté du chemin de fer, des autobus, des bicyclettes, il faut à une ville un service de tramways très étendu. Pour avoir une influence dans l'exploitation de ces lignes et dans le développement du trafic, la ville s'est rendue propriétaire de la moitié plus une, des actions de cette société, comme elle l'avait déjà fait pour la société d'électricité et pour celle du gaz. Elle put ainsi favoriser les agglomérations ouvrières par des tarifs réduits, des blocs de billets ouvriers utilisables pour une seule et mêmeligne deux ou quatre fois par jour.

Le devoir des villes est d'empêcher les agglomérations trop denses d'habitations ; car nous savons que le surpeuplement est un des grands propagateurs de la tuberculose. Aussi, le décret du 23 novembre 1910 a-t-il divisé la ville en deux secteurs, comprenant, l'un la région où la construction de maisons côte à côte est autorisée, l'autre celui où il n'est permis que de construire des maisons séparées par des jardins. Ce règlement fixa aussi les régions où seuls des établissements industriels bruyants ou dégageant des odeurs incommodantes pour le public peuvent être établis ; ces régions furent fixées sur un plan type. Sans entrer dans les détails de ce règlement très complet, qu'il me soit permis d'indiquer les règles générales qui ont guidé les législateurs.

La hauteur des maisons doit être en rapport avec la largeur des rues, de telle sorte qu'il soit possible que la ligne à quarante-


CONGRÈS DE STRASBOURG 211

cinq degrés partant du pied d'un mur de façade, dépasse encore la maison située en face de la rue.

Quant à la surface de terrain qu'il est permis de surbâtir, elle est de 50 à 75% environ dans la première catégorie et elle descend à 10% dans la catégorie des maisons rurales, suivant la classe dans laquelle la maison à édifier se trouve, et suivant la situation du terrain.

Ce règlement a été appliqué, avec quelques variantes, par les autres villes d'Alsace et de Lorraine.

Ce règlement prévoit du reste aussi, que quand les propriétaires d'un bloc de maisons en font la demande, les dispositions peuvent être changées par arrêté du maire. Il va de soi que ces demandes ne sont admises que si elles favorisent l'hygiène générale. Ainsi il est arrivé qu'un groupe de propriétaires se soient mis d'accord pour ne construire sur une certaine parcelle que des villas avec jardinet et avec hauteur restreinte, ou bien qu'ils se soient astreints volontairement à né construire que des villas habitables par une ou deux familles.

On put éviter de la sorte, par exemple, qu'une jolie villa, construite dans un quartier neuf, ne puisse être encadrée par des maisons à cinq ou six étages entourant la villa de leurs hautes murailles.

Le règlement prévoit en outre la distance minima qui peut exister entre la fenêtre d'une pièce habitable et un mur voisin. Cette mesure a été prise pour que les pièces servant à l'habitation soient toujours, dans une certaine mesure, accessibles à l'air et à la lumière.

La ville est allée plus loin ; elle a proposé au gouvernement la loi du 21 novembre 1910, dite pour la protection des sites, qui a été adoptée par tout le pays d'Alsace et de Lorraine. Elle ne nous occupera pas ici, car elle n'est pas en rapport direct avec l'hygiène.

On s'est du reste inspiré ici de la législation française (16 août 1790 art. 3 et 4, et 19 juillet 1891, titre 1, art. 46), relative aux droits et pouvoirs du maire. Si les lois allemandes de 1879 et 1892 ne font, en définitive, que sanctionner le principe français, ainsi que cela a été fait du reste, lors de l'application à Strasbourg du décret du 6 mars 1852 relatif aux rues de Paris, la loi du 21 novembre 1910 et le décret du 23 novembre 1910 par contre, constituent une innovation. On pourrait également en trouver un premier fondement dans le décret de 1892, qui contient certaines prescriptions relatives à l'entretien et au renouvellement des façades, de même


212 CONGRÈS DE STRASBOURG

que dans les dispositions relatives à la protection des monuments historiques. Toujours est-il qu'il n'existait, jusqu'à cette date, aucun moyen d'empêcher l'altération de l'aspect d'une ville par les constructions nouvelles.

Le règlement relatif à la protection des sites soumet aussi à la demande d'autorisation l'apposition d'affiches et d'autres moyens de réclame. Cette disposition, qui était d'une grande efficacité contre la défiguration et l'enlaidissement de la ville a été malheureusement supprimée du fait de l'introduction en Alsace et en Lorraine de la loi sur la presse.

SERVICE DES EAUX

Le problème de la distribution d'une eau potable pour la population de la ville de Strasbourg a, déjà longtemps avant la guerre de 1870. préoccupé nos édiles ; les études concernant les nappes d'eau souterraines en font foi. Des douze projets qui existaient, celui du chef de bataillon du Génie en retraite, M. Lormier, était surtout remarquable, car il a proposé de creuser des galeries filtrantes à proximité du petit Rhin et de construire un réservoir à la citadelle.

Suivant le projet mis finalement à exécution, l'usine élévatoire fut construite en 1878 dans la forêt du Rhin, à une distance d'environ un kilomètre du fleuve, sur un terrain vierge, loin de toute habitation. Elle possède depuis 1921 une seconde usine à Schiltigheim.

L'eau est puisée dans la nappe souterraine de la vallée du Rhin et ne subit aucun filtrage, car son degré de pureté ne laisse rien à désirer. Elle ne contient, à part quelques traces de chlore, aucune substance corrosive. La bonne qualité de l'eau puisée est contrôlée d'une façon permanente par l'Institut d'hygiène et de bactériologie, qui surveille le périmètre de protection des puits, effectue les prélèvements d'échantillons et fait les analyses bactériologiques. Les analyses chimiques sont faites par le laboratoire municipal.

L'eau est refoulée à une hauteur d'à peu près quarante mètres, et cette pression paraît suffisante pour l'extinction des incendies. Deux châteaux d'eau et un réservoir souterrain à Oberhaus bergen servent à équilibrer les variations de la consommation journalière. Ce dernier est divisé en deux parties, et mesure 16.662 mètres cubes ; une série de cloisons à l'intérieur de chacun des deux comparti-


CONGRÈS DE STRASBOURG 213

ments forme des la byrintes pour éviter la stagnation de l'eau dans les coins morts. Les conduites d'eau sont en fonte goudronnée ; trois conduites maîtresses de six cents, quatre cents et cinq cents millimètres de diamètre intérieur relient l'usine aux centres d'habitation. Un certain nombre de communes a voisinant Strasbourg ont été reliées au réseau.

La longueur totale des canalisations est d'environ trois cent cinquante kilomètres, le nombre des bouches d'arrosage et d'incendie, situées sur la voie publique, dépasse cinq mille.

Les branchements particuliers alimentant les immeubles se montent à douze nulle cinq cents ; le prix de l'eau est actuellement de 0 fr. 30 par mètre cube ; des rabais sont accordés aux grands consommateurs.

Une redevance annuelle s'élevant à 0,50 % de la valeur locative des immeubles est prélevée pour l'entretien des branchements et compteurs.

La quantité d'eau élevée était en 1922 de 10.144.116 mètres cubes et la consommation de 7.885.526 mètres cubes, ce qui correspond pour une population de 203.180 habitants, dont 166.767 habitants de Strasbourg et 36.413 habitants des autres communes, à 106,3 litres par jour et par tête d'habitant.

La consommation moyenne journalière par tête d'habitant, pour la ville même et ses faubourgs s'élève à 119,5 litres. Le chiffre serait certainement plus important si les établissements industriels n'avaient pas toutes les facilités à se procurer eux-mêmes l'eau nécessaire à leurs besoins, la nappe souterraine se rencontrant partout à une profondeur relativement faible et donnant de l'eau en abondance.

Le montant des dépenses de premier établissement de l'établissement peut être évalué approximativement à 10.250.000 francs.

Les recettes annuelles s'élèvent à 2.204.912 francs et le bénéfice net est de 616.783 francs. Ce résultat est d'autant plus appréciable, que la ville de Strasbourg se range parmi les villes françaises dont le tarif est le plus bas.

SERVICE DES ÉGOUTS

Strasbourg a, comme beaucoup de villes de cette importance, un système d'égouts moderne. Le mérite de notre ville — si nous pouvons parler d'un mérite — c'est qu'elle a su rompre en temps voulu avec un système suranné. Elle a démoli ou supprimé divers tronçons d'égout qui n'étaient pas étanches ou qui ne pouvaient


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cadrer avec le système du tout à l'égout qui avait été choisi. Elle eut le courage d'étendre de suite le réseau sur tous les terrains préparés pour la construction. Strasbourg a de la sorte, un grand nombre de routes finies où il est devenu possible de construire des habitations salubres.

La municipalité a adopté pour Strasbourg le système unitaire, c'est-à-dire qu'un seul et unique réseau reçoit toutes les eaux résiduaires, eaux de pluie, eaux domestiques et eaux industrielles. Pour pouvoir desservir avec nos égouts les buanderies qui très souvent sont établies au sous-sol, il a fallu fréquemment plonger avec nos égouts dans la nappe d'eau souterraine. Il a donc fallu, pour écarter tout risque de pollution de cette nappe d'eau, rendre nos égouts absolument imperméables.

L'eau de rinçage est prélevée en partie sur les cours d'eau, et en partie sur la nappe d'eau souterraine ; elle est élevée mécaniquement et déversée dans les égouts à raison de soixante litres à la seconde. On emploie près d'un million de mètres cubes d'eau de rinçage par an.

Les collecteurs accusent une pente minima de 1 sur 3.000, tandis que les égouts tubulaires, dans lesquels un homme ne peut pénétrer, ont une pente minima de 1 sur 600, de manière à éviter toute formation de dépôts. Ils se sont montrés suffisamment puissants en toutes circonstances, par les orages les plus violents. Toutefois, les faubourgs qui peuvent en généra], d'une façon discontinue déverser leurs eaux dans le réseau central, sont obligés en cas de violents orages, de déverser leur trop plein dans les cours d'eau parcourant leur territoire. Dans les parties de l'extrême sud cela n'a pas été possible ; on a donc dû y installer des bassins de retenue, dans lesquels on emmagasine passagèrement les eaux. Il y a quatre bassins semblables, et trente orifices de décharge de secours avec sortie sur les cours d'eau. La longueur totale de notre réseau est d'environ 180 kilomètres, dont 65 kilomètres sont accessibles aux égoutiers. Trois mille regards et cinq mille bouches d'égout, munies d'un bac à sable et d'un siphon hydraulique pour empêcher les fuites de gaz délétère, sont adaptés à ce système.

L'évacuation de ces eaux se fait de la manière suivante : un grand collecteur menait à l'origine (en 1896) quelques mètres avant le débouché dans l'Ill, les eaux dans un bassin avec plancher en contrebas et à parois verticales, muni et barré dans toute sa largeur par une grille fixe devant retenir les matières solides. Le net-


CONGRÈS DE STRASBOURG 215

toyage se faisait à main. Plus tard on employa à cet effet un tamis tournant, qui repêche plus de vingt mètres cubes de matières solides par jour.

Quelle a été l'influence de l'introduction de ces eaux usées sur l'Ill?

L'Ill se jette dans le Rhin à dix-huit kilomètres en aval du débouché de l'égout collectif. Sur le parcours en question n'est situé qu'une agglomération de peu d'importance, le village de la Wanzenau, à huit kilomètres en aval du débouché du collecteur ; sur le fleuve il ne se pratique point de navigation proprement dite. Toutefois, si les eaux de l'Ill étaient sensiblement polluées, il aurait fallu songer à un rejet direct dans le Rhin.

Mais les eaux de l'Ill ont une puissante faculté d'épuration

biologique grâce à la profusion en animaux et plantes aquatiques.

Cette force d'épuration est telle qu'elle est à même de paralyser

et de détruire toute influence nocive des eaux d'égout encore

avant que l'Ill n'ait atteint le Rhin.

Mais nous n'avons aucune garantie que l'Ill ne perde peu à peu par saturation, ou par suite de l'empoisonnement continu, ses qualités épuratrices. La municipalité a donc préparé tout un nouveau plan d'épuration qui est en partie déjà appliqué.

Ainsi on a ménagé, après le tamis tournant, certains bassins de décaulation où les eaux, en perdant leur vitesse, commencent à déposer aussi les matières fines en suspension dans l'eau.

Il se dépose ainsi des boues, soit 0,75 m3 par 1.000 mètres cubes d'eau dégoût qui représentent pour Strasbourg 10.000 mètres cubes de boues fraîches par an. Ces boues sont ensuite introduites dans des chambres de fermentation ; le volume de boues se transforme, par suite de décomposition microbienne, en une masse inodore, imputrescible et très facile à dessécher, ce qui facilite beaucoup le transport.

Ces procédés d'épuration ne suffisent pas pour éliminer toutes les matières organiques en suspension. Pour y arriver il faut avoir recours à l'utilisation agricole, ou au travail biologique aquatique.

Nous avons observé que l'épuration dans l'Ill se faisait le mieux •dans les parties de faible courant où l'on rencontre le plus de végétaux et animaux aquatiques. Après différentes expériences on est arrivé à constater que la puissance d'épuration est la plus grande et atteint son maximum dans les eaux presque stagnantes, dans des étangs à carpes peu profonds, de température relativement élevée. Les carpes notamment exigent la présence de corps orga-


216 CONGRÈS DE STRASBOURG

niques pour prospérer. Malgré réchauffement de l'eau jusqu'à trente degrés centigrades, des carpes de deux ans introduites avec un poids de 320 grammes ont été repêchées quelques mois après, avec un poids de 1 k. 500 ; elles avaient donc augmenté de 1 k. 200. Le rendement moyen fut de sept cents kilos par hectare-étang, ce chiffre s'est augmenté jusqu'à mille deux cents kilos. L'examen de ces eaux démontre la présence de quantités normales d'oxygène.

Je passe sur les considérations très intéressantes relatées dans le rapport que M. Hugel, ingénieur, fit au Congrès de l'urbanismeLe fait est que l'hygiène des villes exige une installation parfaite d'évacuation des eaux usées, et que celle adoptée pour Strasbourg rend de grands services et répond aux exigences modernes.

Il faudra un hectare environ pour trois mille personnes soit pour Strasbourg, aujourd'hui, environ quatre-vingts hectares.

En combinant une telle installation avec un système d'irrigation, permettant également l'utilisation des eaux usées pendant les périodes de mise à sec des étangs en automne et en hiver, on arrivera à peu près à couvrir les frais d'aménagement et d'exploitation avec le revenu de la vente des poissons.

Nous voyons donc que l'installation du tout à l'égout peut, sinon être profitable pour la ville au point de vue financier, du moins arriver à couvrir les frais qu'elle nécessite ; et comme au point de vue hygiénique on n'a pas encore trouvé mieux, l'adoption de ce système par les municipalités des villes un peu importantes serait à désirer. Les statistiques nous montrent que le total des embranchements à la fin de l'année 1921 était de 9.762, la consommation d'eau de huit millions de mètres cubes, soit par habitant environ cinquante mètres cubes par an et la consommation d'eau pour les besoins du service deux millions.

SERVICE DE NETTOIEMENT DES VOIES PUBLIQUES

Nos compatriotes venant de l'intérieur de la France, admirent en général la propreté de nos rues. Les services municipaux de salubrité publique s'occupent de cette question et comprennent :

a) Le nettoiement et l'arrosage de la voie publique ;

b) L'enlèvement des ordures ménagères ;

c) La vidange des fosses d'aisance.;

d) La surveillance de l'entretien des w.-c. publics ;

e) Les ateliers d'entretien et de réparation du matériel.


CONGRÈS DE STRASBOURG 217

a) Le nettoiement se fait par les laveuses-balayeuses automobiles et par des balayeuses à traction hippomobile. Le service de la ville est divisé à cet effet en cinq sections, dont chacune se compose d'un surveillant et d'environ quarante ouvriers et du matériel nécessaire ; le service se fait exclusivement dans la journée ; les agents de ce service sont aussi chargés de la surveillance des appareils de sauvetage installés le long des cours d'eau, en ville ; ils font dans des intervalles de temps réguliers, des rapports sur l'état de ces installations.

Les taxes de nettoiement sont les suivantes :

a) Intra muros : 0 fr. 80 par an et par mètre carré, pour les terrains bâtis ou non bâtis et pour un balayage journalier ;

b) Extra muros: 0 fr. 50 par an et mètre carré pour balayage de rue, deux fois par semaine et en cas de besoin, arrosage deux fois par jour.O fr. 25 pour les rues qui ne sont balayées qu'une fois par semaine et arrosées qu'une fois par jour.

La superficie totale du territoire à nettoyer pour les ouvriers municipaux s'élève à environ 1.800.000 mètres carrés, dont environ 700.000 mètres carrés de trottoirs.

En cas de chute de neige ou de verglas tout le personnel actif du service de nettoiement de la voie publique, quelles que soient ses attributions en temps ordinaire, doit coopérer au travail. En outre, la ville a recours aux chômeurs.

L'enlèvement des ordures ménagères est fait par un personnel composé de deux surveillants, quarante-cinq voituriers et cinquante chargeurs.

L'enlèvement se fait trois fois par semaine, à partir de sept heures du matin. Avant la guerre, les ordures ménagères étaient enlevées de nuit ; mais c'était dans Strasbourg, sur les trottoirs des rues et boulevards, une exposition permanente de seaux à ordures et de tous les détritus de la cité. Après bien des essais, la municipalité s'est décidée à faire la collecte de jour. Ainsi on ne trouve plus de chiffonniers que sur les lieux de décharge.

Les ordures ménagères sont recueillies par chaque ménage dans un seau réglementaire d'une contenance de vingt-cinq à quarante litres, en tôle galvanisée hermétique et recouvert d'un couvercle indétachable. Les seaux sont déposés aux jours indiqués à l'intérieur de l'immeuble.

Chaque voiture est desservie par deux hommes, un voiturier et un chargeur. Le premier aide également à vider les poubelles.


218 CONGRES DE STRASBOURG

Extra muros, dans les rues qui ne sont pas desservies par le service, les habitants sont obligés de déverser ces déchets dans une fosse imperméable et couverte, construite ad hoc, et qui doit être vidée à intervalles réguliers.

Les ordures ménagères atteignent un volume de cinquante à soixante mille mètres cubes par an. La plus grande partie est employée comme remblai. Le dixième, environ, six mille mètres cubes, est trié et vendu aux cultivateurs comme engrais.

La redevance pour l'enlèvement de ces ordures a été fixée à 1 % de la valeur locative, telle qu'elle est fixée par les contributions.

Par suite du tout à l'égout, assez généralement installé à Strasbourg, le service de vidange n'a plus qu'une importance très secondaire intra muros.

En 1919 on a vidé 1.562 fosses contenant 10.131 m. cubes. — 1920 — 1.050 — — 7.373 —

— 1921 — 883 — — 6.800 —

Une très grande partie du contenu des fosses est sans valeur pour l'agriculture, car il renferme trop d'eau.

Il en a été vendu en 1919 4.887 mètres cubes.

1920 3.365 —

1921 2.679 —

Les redevances pour la vidange sont : sept francs par mètre cube dans les rues où il existe la canalisation ; dans les autres, 3 fr. 50. On engage de la sorte les propriétaires récalcitrants à se raccorder au «tout à l'égout ».

Les chalets de nécessité et les vespasiennes sont surveillés par des gardiens ou gardiennes spéciales ou par les ouvriers municipaux. Un certain nombre de w.-c. est à fermeture automatique : leur ouverture n'est possible que par l'introduction d'une pièce de 0 fr. 10.

Pour l'entretien et la réparation de tout l'outillage nécessaire aux travaux de ce service de salubrité, la ville a établi dans la banlieue à Koenigshoffen, près Strasbourg, des ateliers municipaux de forgerons, de serruriers, de charrons et de peinture.


CONGRÈS DE STRASBOURG 219

Le service de salubrité émarge au budget :

a) Pour le nettoiement et l'arrosage de la voie publique

publique une somme de fr. 1.630.000

b) Pour l'enlèvement des ordures ménagères ... 1.140.000

c) Pour la vidange 128.000

Les dépenses de ce service paraissent exagérées. Mais aussi notre ville peut se vanter d'être une ville propre, et a déjà été prise en exemple par beaucoup de municipalités. Toutes les nouvelles conquêtes de la technique et de la science sont aussitôt mises à l'essai et appliquées, s'il y a heu, dans les différents services. Il en résulte certainement quelquefois, des dépenses inutiles. Mais c'est aussi grâce à ce service que la mortalité a baissé sensiblement dans notre ville.

BAINS MUNICIPAUX

Les municipalités d'Alsace et de Lorraine ont toutes été de l'avis, que pour stimuler l'hygiène publique, il fallait qu'elles offrissent à leurs habitants la possibilité de prendre, sans trop de frais, des bains et des douches.

Aussi trouvons-nous dans la plupart de nos grandes villes des établissements de bains généralement fort bien installés.

La ville de Strasbourg a commencé par établir des établissements de douches dans différents quartiers. Pour une somme modique, le baigneur y reçoit un morceau de savon, une serviette et une douche tempérée à volonté.

Au 31 décembre 1921, Strasbourg comptait quatre bains-douches dont deux dans la banlieue (Cronenbourg et Neuhof). Il y a été donné en 1922, 36.940 douches dont 645 dans la section pour femmes et 56.084 bains en baignoire, dont 33.251 pour femmes. Le nombre des bains va en augmentant, quoiqu'il n'atteigne pas les nombres correspondants de 1916 par exemple (84.602 douches).

Mais Strasbourg a encore construit peu d'années avant la grande guerre, un établissement de bains complet, se composant du bain thermal, construit en 1904-1907, et du bain médicinal, érigé en 1908-1911. Cet établissement représente aujourd'hui avec le terrain une valeur d'environ trois millions et demi. Ses dispositions ingénieuses et sa propreté ont été fort remarquées et bien souvent visitées depuis le retour à la mère-patrie.


220 CONGRES DE STRASBOURG

L'établissement thermal se compose de deux piscines avec leurs douches et vestiaires, de bains en baignoires, de bains turcs, du solarium. Il y a été adjoint un bassin pour chiens, qui a son entrée séparée.

L'établissement médicinal comprend l'hydrothérapie, l'électrothérapie, les bains de lumière et de vapeur, la salle de massage, les bains médicamenteux; carbo-gazeux, oxygéneux, de soufre, de sel, de boue, etc., les vestiaires avec lits de repos, la salle d'attente, la mécanothérapie, les salles d'inhalation, de soleil artificiel, les cabines avec appareil Bergonié, etc.

Etablissement thermal. — La piscine pour hommes contient 520 mètres cubes d'eau venant directement de la conduite municipale. On sait que cette eau est renommée par sa pureté au point de vue bactériologique. Cette piscine est complètement vidée deux fois par semaine, et entre temps, l'eau se renouvelle continuellement par l'adjonction d'un sixième d'eau fraîche par jour.

La piscine du bain des dames est un peu plus petite, mais pour le reste semblable à la première. La température de l'eau de ces piscines est portée à 23° en hiver et à 22° en été. Des maîtresbaigneurs expérimentés y donnent des leçons de natation. Aussi ne trouvons-nous actuellement parmi la jeunesse strasbourgeoise que peu d'enfants qui ne sachent pas nager.

La vidange des piscines se fait deux fois par semaine et occasionne une dépense de 620 fr. X 2, soit 1.240 francs. Une économie sur ce chapitre serait souhaitable. La municipalité a mis à l'étude un projet de filtration et de stérilisation de l'eau des piscines.

Les bains de baignoire sont divisés en trois classes ; toute la différence entre ces classes consiste en ce que ceux de première et de deuxième classe ont une installation de douches et l'eau chaude à discrétion.

Les bains turcs ou romains se composent d'une étuve à an chaud, la salle de massage, l'étuve à vapeur, le Wildbad, le bain froid et les douches. Au-dessus du bain romain se trouve le solarium avec installations de douches.

Les bains médicinaux sont reliés aux bains thermaux de manière à ce que les baigneurs et le personnel nombreux puissent passer d'un bain dans l'autre, ce qui facilite aussi le service.

La chaufferie répond complètement aux exigences modernes, elle se compose de trois chaudières à foyer intérieur de 90 mètres carrés de surface de chauffe avec une pression de six atmosphères.


CONGRÈS DE STRASBOURG 221

Afin de garantir un rendement aussi élevé que possible, l'installation a été pourvue de tous les appareils et instruments de contrôle nécessaires, comme bascule pour le charbon, compteur d'eau, réchauffeur, de séchoirs, de ventilateurs, etc.

Deux boilers servant à préparer l'eau chaude pour les bains sont placés en dessous de la piscine pour hommes et sont alimentés par deux réservoirs à eau froide en béton armé situés au-dessus des piscines.

L'eau de Strasbourg est malheureusement très calcaire, de sorte que tant chaudières que tuyaux sont assez rapidement hors de service. Aussi, le chef machiniste de l'établissement, M. Walter, a-t-il imaginé de mélanger de la vapeur d'eau avec de l'eau injectée par une tuyère spéciale, pour précipiter le calcaire contenu dans l'eau avant son introduction dans les chaudières. Ce système, qui a déjà été expérimenté en petit, va être appliqué prochainement et promet de rendre de grands services.

La fréquence des bains simples n'a pas encore atteint les chiffres des années précédentes ; en 1916, par exemple, on a enregistré 328.000 baigneurs, tandis qu'en 1922 il n'y en a eu que 256.000. Malgré cela, les recettes ont passé de 154.000 marks à 382.000 francs.

Par contre, le nombre des bains médicinaux a passé de 24.824 avec une recette de 26.590 marks à 50.210 avec une recette d'environ 100.000 francs.

La diminution du nombre des bains provient très probablement de ce que Strasbourg, vu sa situation géographique, n'a plus de hinterland par suite de la fermeture de la frontière est. Il ne fait pas de doute en effet, que les clients de cet établissement se recrutent jusqu'à une grande distance de Strasbourg.

Les bains coûtent, il est vrai, à la ville, donc aux contribuables, de fortes dépenses, qui se traduisent par un certain nombre de centimes additionnels. Car l'établissement, pour être accessible à toutes les bourses, ne fait pas complètement ses frais.

La somme à couvrir, la différence entre les recettes et les dépenses prévues, se monte pour 1922, pour le bain thermal, à environ 440.000 francs, pour les bains populaires à environ 80.000 francs et pour les bains de rivière à près de 30.000 francs (il n'est prélevé aucun droit pour les bains de rivière qui sont complètement gratuits). Mais on peut dire que cette somme se traduit en bien-être pour la population, et qu'il ne serait pas judicieux de regretter cette dépense.


222 CONGRÈS DE STRASBOURG

OFFICE DE LOGEMENT ET ENCOURAGEMENT A LA CONSTRUCTION

Toute ville cherche à s'agrandir en surface, pour peu qu'elle cherche à répondre aux exigences de la salubrité et de l'hygiène, ou qu'elle veuille donner à ses administrés le plus de bien-être possible.,

Quoiqu'aucune loi n'oblige les municipalités à fournir des logements à ceux qui en cherchent, les villes importantes. s'occupent toutes de ce problème.

Dans cet ordre d'idées, Strasbourg a contribué largement au développement de la société de logements populaires, et les cassent nombreux où, pour créer de bons logements pour les ménages peu fortunés elle a donné gratuitement, ou en-dessous du taux habituel, des terrains de construction, et renoncé partiellement ou en totalité, aux droits de voirie en faveur des sociétés d'habitations à bon marché. Pendant la guerre elle a pris à sa charge une portion du loyer des familles de militaires habitant, Strasbourg et dont les soutiens étaient mobilisés. Elle ne l'a fait du reste que dans les cas où le propriétaire renonçait à 25% de son loyer.

Mais déjà avant la guerre la ville de Strasbourg a reconnu l'importance de la construction de nouvelles habitations pour l'assainissement des divers quartiers de la ville. Ainsi elle constituaun fond à cet usage, et elle fit disparaître 35 vieilles maisons avec 203 appartements et logis insalubres. Sur les emplacements de ces maisons, on édifia des constructions modernes, on élargit des rues trop étroites et on aménagea deux petites places.

C'est au début de ce siècle, que la municipalité a projeté la grande percée dont nous avons parlé plus haut, pour remédier à l'insalubrité des anciens quartiers et créer une nouvelle artère commerciale conduisant directement de la gare centrale à la banlieue la plus grande de Strasbourg, au Neudorf.

On eut soin que dans cette percée les pâtés de maisons les plus insalubres fussent touchés.

Les immeubles dont on avait besoin pour exécuter ce projet furent acquis en 1907. A cet effet, pour éviter une hausse excessive du prix de ces maisons, la ville constitua une société d'acquisition.

Les maisons du premier secteur (église Saint-Pierre-le-Vieux, place Kléber), furent démolies entre le 1er octobre et le 31 décembre 1911...

Sur les 170 maisons avec 1.190 vieux logements qui ont ainsi disparus, 400 au moins de ces logements étaient insalubres.


CONGRÈS DE STRASBOURG 223

Les capitaux engagés jusqu'à ce jour se montent à trente-sept millions.

Pour éviter que le prix très élevé des terrains ne soit un empêchement à leur mise en valeur rapide, on a utilisé le droit de superficie (Erbbaurecht) prévu au Code civil allemand.

Ce droit fut consenti en général pour une durée de soixantecinq ans et pendant les contrats, les bénéficiaires servent à la ville une redevance progressive. A l'expiration des droits, les bâtiments, construits deviendront de plein droit et sans aucune indemnité, propriété de la ville, de sorte que la ville, qui n'aura touché pendant soixante-cinq ans que les intérêts du terrain (à taux progressif), touchera à, partir de l'expiration de ce délai, aussi les loyers de constructions.

Pour faciliter ces constructions, la ville a accordé à la partie prenante des prêts de construction allant jusqu'à 75% du prix de revient, avec l'unique garantie de l'hypothèque sur le droit de superficie. Les prêts sont naturellement amortissables en cinquante années.

Ainsi la ville a favorisé la construction d'un grand magasin, d'un cinéma, d'un hôtel, d'un restaurant, d'un bâtiment, de bureaux, d'un édifice pour l'administration de la Société de l'«Electric de Strasbourg» ainsi que de quatorze maisons de commerce et d'habitation.

Pour remplacer les habitations démolies par l'exécution partielle de ce plan et les autres démolitions de maisons insalubres exécutées quelques années précédemment, la ville a engagé la société coopérative de logements populaires à construire, avec son concours, la cité-jardin du Stockfeld que vous êtes allé voir hier. Cette citécomprend des maisons individuelles et des maisons d'habitations. collectives, soit 457 logements de deux, trois ou quatre pièces, avec jardins et bains.

Sur les quatre cents appartements de trois pièces qu'elle contient environ, deux tiers sont groupés par quatre ou six dans un même bâtiment, le troisième tiers se compose d'habitations pour une famille, soit isolées, soit contiguës. La citée est pourvue en outre d'une douzaine de boutiques et d'un bâtiment d'administration.

La proportion des surfaces construites est au Stockfeld de 13% ; celle des rues et places de 13,7 % et celle des jardins de 70,3 %

La Société des Logements populaires a également construit le « Foyer du Célibataire », édifice qui renferme actuellement 414 chambres meublées. La ville lui a prêté son concours en lui accor-


224 CONGRÈS DE STRASBOURG

dant des crédits, en lui cédant des terrains à bon compte et en lui garantissant ses emprunts. La ville lui a aussi fourni des subventions pour lui permettre de balancer son budget après la guerre.

Une autre cité-jardin, celle de la Meinau est en voie de réalisation, sous l'impulsion principale d'un groupement de fonctionnaires, qui s'est proposé de doter les classes moyennes d'avantages analogues à ceux offerts par le Stockfeld aux ouvriers. La construction des rues et places est exécutée par les soins de la ville qui, propriétaire de la plupart des terrains des alentours, les cède à des prix avantageux, soit au groupement en question, soit à des tiers.

La Meinau étant moins éloignée du centre que le Stockfeld, et sa situation générale plus favorable, la construction y est soumise à des règles plus sévères quant à l'observation de la loi de 1910, relative à la protection des sites.

L'aménagement prévoit, une seule voie principale d'accès vers la ville, toutes les autres rues n'ayant qu'une largeur de sept à huit mètres. Des jardinets s'interposent entre la rue et la façade des maisons.

Une troisième cité-jardin, aménagée par la ville, est au lieu dit «Quartier des Quinze» d'environ vingt-quatre hectares composés de quatre cents lots. Comme l'obtention de prêts sur ces sortes de maisons était difficile, la ville a fourni pour ces maisons des prêts à longs termes variant de 40 à 75 %. La seule condition posée était que la construction soit élevée dans un certain délai.

Le prix normal du terrain était avant la guerre d'environ vingtcinq à trente francs. La ville le cède aujourd'hui à dix francs pour les premiers deux cents mètres et à quinze francs au delà de cette limite. en y mettant la seule condition que la maison soit terminée avant le 31 décembre 1923.

Depuis la guerre, la ville a encore pris les mesures suivantes pour combattre la crise des logements. Elle a acheté différents immeubles inachevés dont la construction était restée en souffrance et les a terminés ; elle a créé des logements dans des bâtiments municipaux et elle a aménagé des logements dans des casernes et locaux semblables. Elle a créé ainsi deux cents logements définitifs qui ont coûté deux millions de francs.

Puis elle a également installé des logements provisoires dans des locaux scolaires, dans d'anciennes poudrières, dans une maison privée, dans une cartoucherie militaire et dans des casernes. Ces habitations (235) sont destinées à disparaître dès que la situation générale se sera améliorée. Elles ont coûté 340.000 francs.


CONGRÈS DE STRASBOURG 225.

La ville a finalement créé un groupe d'habitations dans l'avenue de la Forêt-Noire, soit deux cent trente-six logements, qui; ont coûté sept millions de francs.

Elle a aussi encouragé et subventionné des particuliers : 1° Pour l'achèvement d'une maison en panne,

ce qui a procuré 6 logements

2° Pour l'aménagement des logements dans des locaux inhabités (greniers, magasins, etc.),

de maisons inexistantes 189 —

3° Pour la remise en état de plusieurs maisons

particulières 8 —

Soit au total .......... . 203 logements

Les subventions accordées, et qui se montent à deux millions sont amortissables moyennant vingt annuités et exemptes d'intérêts.

Des prêts sont aussi accordés à des particuliers désireux de construire des maisons individuelles et des petites maisons à deux et trois logements. Ils sont sans intérêts et amortissables en vingt annuités. Ils ne peuvent dépasser 60 % du prix de revient et ne sont donnés qu'à concurrence de 3.000 francs par pièce habitable et cuisine ; 1.000 francs par w.-c. et bain; 2.000 francs par buanderie. La ville a voté à cet effet un crédit de trois millions correspondant à deux cents logements.

Rappelons enfin la subvention de 200.000 francs dont elle a fait bénéficier l'Office public d'habitations à bon marché récemment créé, ainsi qu'une subvention de 50.000 francs à la société de Crédit immobilier.

L'inspection des logements se rattache également au service de l'édilité.

Le contrôle des habitations au point de vue de la salubrité est exercé par une commission des logements insalubres, créé en vertu de la loi française du 13 avril 1850, et par des inspecteurs de carrière. L'inspection est faite régulièrement et systématiquement dans les divers quartiers de la ville.

OFFICE DES JARDINS OUVRIERS ET DES PLACES DE JEUX

La ville de Strasbourg a reconnu déjà avant la guerre, combien; il était nécessaire, que l'ouvrier puisse, après son travail, cultiver; un champ, se délasser et produire une partie de ses besoins en légumes.

15


226 CONGRÈS DE STRASBOURG

Le Congrès des jardins ouvriers venant de se réunir à Strasbourg, je n'aborderai pas ce sujet.

Quant aux places de jeux, la municipalité a aussi fait quelques sacrifices pour que la jeunesse puisse prendre ses ébats. De plus, elle met les salles de gymnastique, qui se trouvent dans presque toutes les écoles populaires, à la disposition des sociétés de sport. Les frais occasionnés par les organisations spéciales en faveur de la culture physique se montent à plus de cent mille francs, non comprises lès dépenses du chauffage et de l'éclairage.

SERVICE DE L'ALIMENTATION ET DES FRAUDES

Le devoir des municipalités quant à l'hygiène sociale s'étend aussi à la surveillance des aliments offerts à la population, et à la répression des fraudes. Nous en avons déjà parlé succintement dans les chapitres de l'Office d'hygiène. Nous avons dit que l'eau potable est régulièrement, contrôlée et analysée à Strasbourg par des personnes compétentes'. Le lait et la viande, aliments essentiellement périssables, ont été l'objet d'études très approfondies par la municipalité. Cette dernière contrôle, avec l'appui de la direction de la police, les arrivages du lait et prend des sanctions sévères en cas de contraventions. Le lait des vaches d'Alsace est riche en beurre. La moyenne dépasse de beaucoup les 3,2 % de matières grasses qui sont demandés. Or, beaucoup de producteurs en ont profité pour enlever au lait son excédent en produits gras. Les mouillages de lait de 40 et 50 % n'étaient pas rares. Les laits de certaines provenances contenaient de plus beaucoup d'impuretés, provenant des personnes qui font la traite, du pis de la vache, de la poussière en suspension dans l'étable. Il a fallu prendre des sanctions sévères, et la direction de la police a bien secondé la municipalité dans cette lutte pour l'hygiène.

Pour pouvoir donner à la population un lait exemplaire, la ville s'est intéressée dans une proportion de 85 % à la création d'une laiterie centrale, centralisant les commerces du lait, et le pasteurisant.

Cela n'a pas été sans difficultés, car la laiterie centrale a été favorisée par un décret du 10 février 1922 qui stipule que le lait fourni dans l'agglomération de la ville de Strasbourg devra être pasteurisé ; des dispenses ne pourront être accordées qu'aux producteurs dont l'étable fournit au moins cent litres par jour, et qui vendent


CONGRÈS DE STRASBOURG 227

directement aux consommateurs, et à ceux de Strasbourg, Bischheim et Schiltigheim produisant moins de cent litres par jour. La laiterie centrale s'était organisée avant le décret et pouvait, de la sorte, aisément combattre la concurrence sur ce terrain.

Quoiqu'il en soit, la qualité du lait fourni est sensiblement stable ; on lui reproche un certain goût provenant de la pasteurisation. L'idéal serait naturellement de faire parvenir sans intermédiaire le lait, du pis de la vache dans des vases clos. Ce procédé, qui est en application pour du lait de nourrisson, est trop cher encore pour la consommation courante.

L'arrêté du préfet du Bas-Rhin, duquel il a été question, prescrit les méthodes de récolte, de transport et de vente du lait.

Strasbourg possède un abattoir municipal. Les bêtes sont contrôlées au point de vue sanitaire à l'arrivage, et après l'abattage.

Des cours de vérificateurs des viandes ont heu aux abattoirs de Metz et Strasbourg.

Les marchés où les paysans des environs de Strasbourg viennent deux fois par semaine offrir leurs produits, sont soumis à une surveillance très active.

Des règlements très sévères empêchent la vente des produits falsifiés ou détériorés.

Le laboratoire municipal est chargé des analyses nécessaires.

SERVICE DES POMPES FUNÈBRES ET DES CIMETIÈRES

Le Service des pompes funèbres et des cimetières se règle d'après les lois françaises de 1804, 1806 et 1811 et les lois locales et les ordonnances de 1878, 1889 et 1906.

Au point de vue de l'hygiène, les points intéressants sont les suivants :

L'officier de l'état civil doit délivrer le permis d'inhumation ; en cas de transport du corps, l'autorisation doit être demandée à la. Direction de police pour les transports en Alsace et en Lorraine, et à la préfecture pour les transports à l'intérieur de la France. La surveillance et l'administration de tout le reste du service des pompes funèbres sont conférées au maire qui a établi un règlement d'après lequel, au point de vue de l'hygiène,

1° l'inhumation ne peut se faire avant l'expiration de vingtquatre heures, mais doit être effectuée au plus tard le troisième jour;


228 CONGRÈS DE STRASBOURG

2° en cas de maladie contagieuse du défunt, le transport du corps dans un dépositoire est de rigueur ;

3° les exhumations ne peuvent se faire avant un délai de cinq ans après l'inhumation ; de même pour les reprises.

La ville de Strasbourg, qui a pris toute l'entreprise des pompes funèbres en régie municipale, à l'exception de certaines fournitures, comme, par exemple, celle du corbillard, s'est aussi occupée de l'incinération.

Elle a fait établir au cimetière du Nord un four crématoire moderne ; cette installation a été terminée en 1920 et compte comme une installation moderne.

Nous n'avons pas voulu présenter ici les mesures employées à Strasbourg, comme étant toutes des institutions modèles. Mais nous estimons qu'une étude comparée des institutions des différentes villes pourrait servir à unifier les méthodes, et à employer celles qui paraissent répondre le plus aux besoins des villes et de leurs habitants.

Avant de terminer ce trop long rapport je tiens à remercier M. Peirotes, inaire de la ville de Strasbourg; M. Appril, directeur des travaux municipaux; M. le Dr Belin, chef de l'Office d'hygiène, d'avoir bien voulu me documenter et autoriser les chefs de service, MM. Hugel, Jaenger, Bott, Braesch, Lindauer, à me communiquer leurs intéressants travaux, et M. le Directeur de la Police de m'a voir donné les textes de toutes les ordonnances, arrêtés et lois qui ont rapport à cette question.

M. EUGÈNE MONTET, secrétaire général de l'Alliance d'Hygiène sociale, remercie très vivement M. Auguste Brion du rapport si complet, si documenté, qu'il a bien voulu présenter et dont le Congrès est heureux de prendre acte en adressant à son auteur un témoignage tout particulier de reconnaissance.

M. Montet excuse M. le président Georges Risler qui est obligé de quitter Strasbourg dans quelques instants, et qui n'a pas pu, à cause de l'heure du train, entendre les derniers passages du rapport de M. Brion et lui adresser lui-même ses vives et cordiales félicitations. M. Risler est appelé à se rendre au Congrès national de la Natalité qui va s'ouvrir à Marseille et où il va représenter non seulement l'Alliance d'Hygiène sociale et le Musée social, mais encore plusieurs de nos grands groupements nationaux qui lui ont demandé de vouloir bien être leur délégué officiel.


CONGRÈS DE STRASBOURG 229

M. Montet adresse les vifs remerciements de l'Alliance à toutes les personnes qui ont bien voulu participer au Congrès, aux rapporteurs notamment qui, par la valeur et l'éclat de leurs communications et de leurs discours, ont fait que le Congrès de Strasbourg, qui va se clôturer, a été un des Congrès de l'Alliance des plus intéressants et des plus utiles.

Il exprime le souhait que les relations qui se sont créées entre les sociétés d'Alsace et de Lorraine et l'Alliance se développent de plus en plus, en vue de donner une solution définitive aux diverses questions qui ont fait l'objet du Congrès.

Il rappelle enfin quel vif intérêt ont présenté les visites faites par les congressites aux principales oeuvres de Strasbourg, quelles leçons de choses inoubliables elles ont été pour eux. Il rappelle que des visites •doivent encore avoir heu dans l'après-midi, et il espère que les congressistes les suivront encore en grand nombre.

M. Montet déclare ensuite clos le 13e Congrès de l'Alliance et donne rendez-vous aux membres de l'Alliance l'an prochain à Bordeaux où sur l'invitation du Comité girondin, se tiendra le 14e Congrès de l'Alliance d'Hygiène sociale.



CONGRÈS DE STRASBOURG 231

VISITES DU 25 SEPTEMBRE

Les congressistes, divisés en trois groupes, ont, dans l'après-midi du 25 septembre, visité les établissements ci-après, savoir :

Le groupe A, l'Institut de puériculture (33, rue de l'Hôpital), la Clinique infantile, le Musée Pasteur, l'Ecole de l'Ill, l'Exposition Pasteur (cette dernière avec le groupe B).

Le groupe B, l'Hôpital sanatorium Saint-François, le Foyer des Infirmiers de l'A. D. F. (rue Goethe), l'Exposition Pasteur (avec le groupe A).

Le groupe C, les bains et la crèche de l'A. F. F. (rue Fritz), le dispensaire Vauban, la Caisse des malades, l'Institut de puériculture et le dispensaire anti-tuberculeux de la Ville de Strasbourg.

Le groupe A a particulièrement admiré la vaste et très complète installation de la Clinique infantile, rattachée à l'Hôpital civil de Strasbourg et dirigée par M. le professeur Rohmer.

Le docteur Albert Brion a conduit le groupe B à travers l'HôpitalSanatorium St-François qui est situé dans un grand parc à l'extérieur de Strasbourg et aménagé depuis 1920 pour recevoir des tuberculeux, notamment dans des cas déjà avancés. Madame la Marquise de Loys Chandieu, présidente d'honneur du Comité local de l'A. D. F., avait tenu à faire elle-même à ce groupe les honneurs du Foyer des Infirmières de la rue Goethe, dont le docteur Blind, directeur de l'enseignement de l'A. D. F. a expliqué fort clairement le fonctionnement aux congressistes.

Les visites du groupe C, auquel avait bien voulu se joindre Mme Herrenschmidt, ont présenté le plus vif intérêt, en particulier celles de la crèche de l'Union des femmes de France, rue Fritz, du dispensaire Vauban, propriété de la Société de secours aux blessés militaires et du dispensaire antituberculeux de la Ville que dirige. M. le docteur Belin.

Enfin les congressistes, notamment ceux venus de l'extérieur, avaient tous tenus à visiter l'Exposition Pasteur dont il n'est pas nécessaire de faire ici l'éloge et dont l'éclat a contribué, dans une large mesure, au succès de la belle manifestation organisée par l'Alliance.


TABLE DES MATIERES

SÉANCE D'OUVERTURE DU CONGRES

Dimanche 23 septembre 1923 (matin)

Présidence de M. PAUL STRAUSS Ministre de l'Hygiène de l'Assistance et de la Prévoyance Sociales

Discours de M. GEORGES RISLER, vice-président de l'Alliance d'Hygiène sociale, président du Congrès, et président du Musée social 19

Discours de M. PEIROTES, maire de Strasbourg 26

Discours de M. HERRENSCHMIDT, président de la Chambre de Commerce de Strasbourg, président du Bureau Central de propagande et d'Hygiène, président du Comité d'organisation du Congrès 28

Discours de M. PAUL STRAUSS, ministre de l'Hygiène, de

l'Assistance et de la Prévoyance sociales 31

La lutte contre la mortalité infantile en Alsace.

Rapport présenté par MM. P. ROHMER, directeur de la clinique infantile à la Faculté de médecine de Strasbourg, et P. VILSDORE, chef de clinique, adjoint à la clinique infantile 36

La lutte contre la tuberculose en Alsace et en Lorraine.

Rapport présenté par M. le Dr BELIN, directeur de l'Office d'Hygiène de Strasbourg 62


CONGRÈS DE STRASBOURG 233

Organisation de la lutte contre la syphilis.

Communication de M. WEISS, doyen de la Faculté de médecine de Strasbourg 79

Intervention de M. PAUL STRAUSS, ministre de l'Hygiène 81

La lutte contre le cancer par les centres régionaux de lutte anticancéreuse.

Rapport de M. le Dr A. GUNSETT, directeur du centre de lutte anticancéreuse de Strasbourg 82

La coordination des oeuvres et la propagande d'Hygiène sociale.

Rapport de M. le Dr ZILLHARDT, chef de clinique infantile à la Faculté de Strasbourg, secrétaire-adjoint du Comité de propagande d'Hygiène sociale 86

M. PAUL STRAUSS, adresse ses remerciements à M. le Dr VERVAECK, délégué par le Comité National des OEuvres d'hygiène belges 95

Réponse de M. le Dr VERVAECK 9.5

Banquet du 23 septembre 1923

Allocutions prononcées à la fin de ce banquet.

Allocution de M. ALAPETITE, commissaire général de la République 97

Allocution de M. GEORGES RISLER, président du Congrès 99

Allocution de M. PAUL STRAUSS, ministre de l'Hygiène, de l'Assistance et de la Prévoyance sociales 100

Visites faites par les Congressistes pendant l'après-midi du dimanche 23 septembre à diverses oeuvres d'hygiène sociale 102


234 CONGRÈS DE STRASBOURG

Séance du Lundi 24 septembre 1923

(matin)

Présidence de M. GEORGES RISLER

Le Rôle des Institutions d'Assurance sociale en matière d'Hygiène sociale. Rapport de M. ED. BRAUER, président du Syndicat des Caisses-maladies d'entreprises du Bas- et du Haut-Rhin 103

Intervention de M. BRION 118

Intervention de M. le Président GEORGES RISLER 118

Le Crédit immobilier. — OEuvre et programme.

Rapport présenté par M. Le PICARD, vice-président de la Société de Crédit immobilier de l'arrondissement de Rouen 119

Les Cités-jardins du chemin de fer du Nord.

Rapport de M. DAUTRY, ingénieur en chef de la Compagnie du Nord 133

Intervention de M. le Président GEORGES RISLER 142

Intervention de M. OLIVIER, président de la « Protection Mutuelle des Employés et Ouvriers des chemins de fer de France et d'Algérie » 143

M. le Président GEORGES RISLER remercie M. ALAPETITE, Commissaire général de la République à Strasbourg, d'avoir bien voulu venir assister aux séances du Congrès 145

Réponse de M. ALAPETITE 145

Proposition présentée par M. le Président GEORGES RISLER pour que le prochain Congrès de l'Alliance d'Hygiène sociale ait lieu à Bordeaux 145

Du Rôle du Corps médical en Hygiène sociale.

Rapport de M. le Dr BATIER (de Strasbourg) 146

Intervention de M. DAUTRY 158

Réponse de M. le Dr BATIER 158

Intervention de M. le Président GEORGES RISLER 159


CONGRÈS DE STRASBOURG 235

Réponse de M. le Dr BATIER — ........ 159

Intervention de deux déléguées 159

Eéponse de M. le Dr BATIER ,... 159

Intervention de Madame HERRENSCHMIDT 160

Intervention de M. le Président GEORGES RISLER 160

Réponse de M. le Dr BATIER 160

Intervention de Madame GONSE-BOAS 161

Intervention de M. HOESTETTER 161

Réponse de M. le Dr BATIER 162

Intervention de M. le Président GEORGES RISLER à propos

des Infirmières-Visiteuses 163

Intervention de M. le Commissaire général ALAPETITE

sur le même sujet 163

Réponse de M. le Dr Batier 164

Intervention de M. OLIVIER . 164

Intervention de Mademoiselle GARCIN 165

Intervention de M. le Président GEORGES RISLER et de

M. le Dr BATIER, à propos d'un voeu présenté par

M. le Dr BATIER. ... 165

Visites faites par les Congressistes pendant l'après-midi du lundi 24 septembre à diverses oeuvres d'Hygiène sociale 166

Séance, du Mardi 25 septembre 1923 (matin)

Présidence de M. GEORGES RISLER

Déclaration faite par M. le Président GEORGES RISLER au sujet du vote émis à la fin de la séance du lundi 24 septembre relativement à un voeu présenté par M. le Dr BATIER 167

•Communication de M. le Président GEORGES RISLER à propos des Caisses de compensation 167


236 CONGRÈS DE STRASBOURG

Les résultats moraux et sociaux des Caisses de compensation.

Rapport de M. BONVOISIN, directeur du Comité des allocations familiales ...... ......... .. 168

Intervention de M. l'Abbé LEMIRE, président de La ligue du Coin de terre et du foyer . . ............. ... 177

Réponse de M. le Président GEORGES RISLER . ....... . .178

La Crise de la Dénatalité en France.

Rapport de M. WILLIAM OUALID, professeur à la Faculté de droit de Strasbourg ...,.................. 178

Intervention de M. le Président GEORGES RISLER. ........ 198

Allocution de M. le Président GEORGES RISLER ....... 198

Le Rôle des Municipalités alsaciennes en matière d'Hygiène Sociale.

Rapport de M. AUGUSTE BRION, président de la Corporation des Industries du Bâtiment d'Alsace et de Lorraine, président de la Société du Crédit immobilier du BasRhin ......... 201

Allocution de M. EUGÈNE MONTET, secrétaire général de l'Alliance d'Hygiène sociale ....................... 228

Clôture du Congrès ..... ... ......... 229

Visites faites par les Congressistes pendant l'après-midi du mardi 25 septembre à diverses oeuvres d'Hygiène sociale et à l'Exposition Pasteur.. 231