Société d'Etudes Provençales
ANNALES DE PROVENGE
Qu'om no sap tant dous repaire Com de Rozer tro qu'a Vensa Si com clau mars c Durensa.
PEIRE VIDAL.
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D'ARCHÉOLOGIE, HISTOIRE,
LINGUISTIQUE.
DE LA RÉGION PROVENÇALE
PARAISSANT TOUS LES MOIS
DEUXIÈME SERIE.
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FRANCE 12. francs
ETRANGER ... 13 francs
DIX-SEPTIÈME ANNÉE — N° 1
Janvier-Février 1920
SOMMAIRE
Pages
P. GAFFAREL. La Bande d'Aubagne sous la Révolution 5
V. COTTE. La Provence Pléistocène 17
V. LIEUTAUD. Cent thèses médicales bas-alpines 27
Chronique 40
Bibliographie 42
SECRÉTARIAT GÉNÉRAL 36, Avenue Victor-Hugo — AIX-EN-PROVENCE.
TYPOGRAPHIE & LITHOGRAPHIE F.-N. NICOLLET
Bureau de la Société
Président: M. Michel CLERC, Doyen de la Faculté des Lettres d'Aix,. Conservateur du Musée Borély de Marseille.
Vice-Présidents: M. le Baron H. GUILLIBERT, Avocat, Secrétaire perpétuel de l'Académie d'Aix. M. Paul MASSON, Correspondant du Ministère del'Instruction publique, Professeur d'histoire et géographie économique à l'Université d'Aix-Marseille.
Secrétaire Général: M. F.-N. NICOLLET, Professeur Honoraire, au Lycée Mignet.
Secrétaire-Archiviste : M. Edouard AUDE, Conservateur de la Bibliothèque Méjanes.
Trésorier: M. Cyprien de CHÉNERILLES, Propriétaire.
Comité de Rédaction
MM.
Paul GAFFAREL, Professeur d'histoire à l'Université d'Aix-Marseille,
Président.
Raymond BONAFOUS, Professeur de Littérature de l'Europe méridionale à l'Université d'Aix-Marseille, Vice-Président.
Gaston VALRAN, Correspondant du Ministère de l'Instruction publique, Professeur d'histoire au lycée Mignet, Vice-Président.
Gustave ARNAUD, Docteur ès-lettrés, Professeur au lycée de Marseille, Secrétaire.
Marquis de CLAPIERS, Propriétaire, au château de Riforan.
Chanoine MARBOT, ancien Vicaire général.
Maurice R-.IMBAULT, Inspecteur-adjoint des archives communales et hospitalises, archiviste-adjoint des Bouches-du-Rhône.
Auguste RAMPAL, Avocat, Docteur en droit.
Marquis de RIPERT MONCLAR, Ministre plénipotentiaire.
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Qu'om no sap tant dous repaire Com de Rozer tro qu'a Vensa Si com clau mars c Durensa.
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DIX-SEPTIÈME ANNÉE 1920
SECRÉTARIAT GÉNÉRAL 36, Avenue Victor-Hugo — AIX-EN-PROVENCE
TYPOGRAPHIE & LITHOGRAPHIE F.-N. NICOLLET
La Bande d'Aubagné
sous la Révolution
L'histoire des brigandages dans les départements du Midi, à la fin du dix-huitième siècle, n'a jamais été écrite. Elle serait pourtant fort intéressante, car elle abonde en épisodes dramatiques, et divers personnages y jouèrent les principaux rôles, dont quelquesuns ne furent pas que de vulgaires brigands. A-t on cherché à faire le silence sur ces sinistres exploits? A-t-on voulu laisser dans l'ombre, des crimes qui ressemblent à des vengeances, ou encore empêcher de sanglantes répressailles ? On ne peut rien affirmer, mais il est certain que bien des documents ont été altérés ou même ont disparu ; car il y avait trop de familles intéressées à jeter un voile sur ces temps d'anarchie.
La plupart des prévenus furent des criminels de droit commun, et il serait injuste de rendre les Royalistes seuls responsables de tous les actes délictueux ou criminels commis à cette époque. Il n'en est pas moins vrai que les Royalistes, plus que tout autre parti, sont responsables de ces brigandages. Si l'opinion publique, si les traditions locales, si les souvenirs de famille se montrèrent et se montrent encore tellement implacables à l'endroit des bandes royalistes qui terrorisèrent le Midi pendant de longues années, c'est que, dans presque tous les cas, les bandits cou-
6 LA BANDE D'AUBAGNE
vrirent leurs forfaits du nom de vengeances politiques. C'est au nom du Roi que les compagnons de Jéhu et du Soleil arrêtaient les diligences, pillaient les fermes isolées, massacraient ceux qu'ils soupçonnaient de républicanisme, et poussaient l'audace jusqu'à entreprendre de véritables expéditions contre de petites villes. Pour mieux nous convaincre du bien-fondé de ces accusations, nous suivrons la fortune d'une de ces bandes, celle d'Aubagne, dont les sinistres exploits ne sont pas encore oubliés, et dont les chefs, entourés d'une sanglante auréole, vivent encore dans les imaginations populaires.
Tout près de Marseille, à Aubagne, s'était organisée une compagnie dite du Soleil ou de Jéhu, qui longtemps tint la campagne; Le chef de cette bande paraît avoir été le boulanger Antoine Michel, dit La Calade 1. Pendant plusieurs années il terrorisa la contrée, arrêtant les diligences, détruisant les récoltes; pillant les fermes isolées, massacrant les voyageurs, les prisonniers et surtout les Républicains. Lorsque enfin il tomba entre les mains de la justice, il était accusé de vingt assassinats, à peu près constatés, et tous ces crimes, commis sous couleur de vengeances politiques, étaient restés impunis.
Voici d'ailleurs l'acte d'accusation, tristement instructif, lancé le 26 vendémiaire an VIII (18 octobre 1799) par l'huissier Vernet contre « Antoine Michel, dit La Calade, natif d'Aubagne, y résidant, prévenu d'assas1
d'assas1 pièces relatives au procès de la bande La Calade ont été réunies par M. le curé Roux, qui a bien voulu nous les communiquer. On peut également consulter aux archives de la Cour d'Appel les registres du tribunal criminel; liasses 225, 226, 235, 238, 289, 290, 294, etc.
SOUS LA REVOLUTION
sinat commis, le 3 messidor an IV, près le pont de l'Etoile, chemin de Roquevaire, sur la personne du citoyen Jullien père et de ses deux enfants ; de celui commis, en messidor an III, sur le citoyen Jean-Baptiste Domergue; de celui commis le 14 messidor an III, dans la terre de la Deydière, commune d'Aubagne, sur les citoyens Poutet, Bayle, Authier, Olivier et deux autres de la commune de Castelet ; de celui commis le 9 thermidor an III sur les citoyens Etienne, Amiel, Gury et Bonnifay ; d'avoir fait partie de l'attroupement armé qui, le 12 germinal an IV, demandait les têtes des administrateurs municipaux de la commune d'Aubagne, ainsi que celle du commissaire exécutif placé, près de cette administration ; d'assassinat commis sur la route d'Aubagne à Toulon, en brumaire an V, sur le citoyen Etienne dit le Berger ; d'avoir fait partie de l'attroupement armé qui, en nivose an V, se porta à l'auberge d'Olivary, commit des attentats sur sa personne ainsi que sur les Républicains qui s'y trouvaient ; de vol et de dévastation à la bastide du citoyen Champesertier situé dans le territoire du dit Aubagne, en germinal an V ; de vol et de dévastation commis, dans le mois de floréal an V, à la maison du citoyen Pourgier de Gemenos ; de vol avec effraction extérieure à la maison de Joseph Guillon à Aubagne, le 11 fructidor an V ; d'assassinat commis à Aubagne, le 1er jour complémentaire de l'an V, sur la personne du citoyen Sicard dit Pot-de-vin; de celui commis sur le citoyen Jean-Baptiste Achard, enlevé de nuit des prisons de la commune d'Aubagne le second jour complémentaire an V ; de vol à la diligence à sa sortie d'Aubagne pour se rendre à Toulon le second jour complémentaire
8 LA BANDE D'AUBAGNE
an V et de vol et de pillage commis, le 3 vendémiaire an VI, sur les habitants de la commune de Roquefort ; d'assassinat commis à Aubagne dans le courant de l'an V sur la personne de Mathieu Dagnan ; de vol de la malle conduite par le citoyen Ponssin ; de vol de la caisse des impositions de la commune d'Aubagne ; de dévastations commises à la bastide de Gabriel Taurel, située dans le terroir d'Aubagne, quartier de Beaudinard ; d'assassinat d'un volontaire enlevé aux gendarmes sur la route d'Aubagne à Marseille, et finalement d'avoir tenu un dépôt d'armes pour la compagnie dite du Soleil ».
En même temps que ce triste émule de Gaspard de Besse, se distinguaient à ses côtés, en qualité de lieutenant Auguste Faren, ex-tailleur, et Pignol, tous deux déserteurs et qui ne devaient tomber entre les mains de la justice que fort tard et à Milan, Achard et Jeanselme d'Aubagne et environ une soixantaine de complices, qui constituaient la compagnie, presque régulière, du Soleil. Cette compagnie avait une existance en quelque sorte officielle. Elle avait son cadre d'officiers, et son règlement. Elle s'intitulait même compagnie des chasseurs et des grenadiers d'Aubagne. Un de ses membres, Auguste Monien, un tanneur, « interrogé s'il n'était pas de la Compagnie de Jésus et du Soleil, a répondu qu'il était de la compagnie de grenadiers commandée par le capitaine Achard. Celui-ci lui dit qu'il était son soldat, qu'il n'avait qu'à obéir à ses ordres, et qu'il ne sait pas s'il était inscrit» dans la compagnie de Jésus et du Soleil ; que cette compagnie
1 Interrogatoire A. Monier.
SOUS LA RÉVOLUTION 9
était nommée la Compagnie des chasseurs et des grenadiers ». Il se peut que quelques inconscients aient fait partie de la bande, et participé à ses crimes en croyant ne remplir que leur devoir, mais ce manque de clairvoyance est peu probable, et, en réalité, soldats et officiers n'ignoraient pas ce qu'ils faisaient, et en vertu de queils ordres ils agissaient.
On a conservé 1 les noms des principaux d'entre eux. Que ce soit leur punition rétrospective de figurer sur cette liste d'incendiaires, de voleurs et d'égorgeurs. Sans parler de ceux que nous avons déjà nommés, citons encore les deux frères Cayol, le faïencier Camoin, le traiteur Camoin, Labaume aîné, Marc Boutin, Jamet, les deux frères Etienne, Sicard, Jean Decroix, Donnet, les six frères Monier, Jean Jullien, Blin, Denis Sicard, Poucel dit Ferry, Rousselier, Sivan, Jeanjean, le chapelier F. Faren, la Machine, Lande, Poucel dit Barthélemy, Reverdit, les deux frères René Sicard, Arnaud, de la Place, Comte, Paul fils de l'ex-juge de paix, Donde, Lion, le trompette Gautier, Martinot, l'apothicaire Baumier, Marin, Giraud, Tancrède Girod, Etienne de Prot, les trois frères Martel, Isnard dit du Rono, Jullien dit la Deydière, Bertrand, Bistagne, Camoin fils boulanger, le menuisier Raspaud aîné, Baudin dit Sichelle. les deux frères Maurin, Dupont dit Postillon et Etienne dit Maigne.
C'étaient là les bandits à tout faire, les agents d'exécution, mais les vrais chefs étaient les bourgeois, nobles ou prêtres, qui, sous main, entretenaient le fanatisme et au besoin savaient à propos faire un sacri1
sacri1 d'Auguste Faren.
10 LA BANDE D'AUBAGNE
fice d'argent pour solder les assassinats. La compagnie ne recevait en effet aucune solde. Elle vivait du bénéfice de ses opérations, mais parfois un certain Rousselier, maître de café, dans le domicile duquel se réunissaient les compagnons, leur distribuait de petites sommes, qui lui étaient fournies par les membres secrets de la bande. Une autre, auberge, celle de Sivan, était également fréquentée par les compagnons de Jéhu. D'après la déposition de Pignol et celle de Janselme, « c'est là que l'on désignait les Républicains et qu'on offrait de l'argent pour les égorger. » On a conservé les noms de quelques-uns de ces instigateurs de crimes : Martin dit Degoin, le notaire Bérenger, Lieutaud homme de loi, l'ex-curé Martinot, le charron Paul Rey, l'ex-négociant Blancard, l'ex-lieutenant de vaisseau de Louve, l'ex-juge de paix Paul, le notaire Cartier ex-commissaire du Directoire, Delile ex-commandant d'Aubagne, et, ce qui vraiment dépasse la mesure, cinq conseillers municipaux d'Aubagne, tous en fonction, « lesquels applaudissaient tous les crimes qui se commettaient ». Certes la passion politique excuse bien des fautes, mais non les crimes de droit commun, et c'étaient de vrais criminels que ces membres actifs de la compagnie du Soleil et leurs protecteurs secrets.
Deux de ces agents, Rousselier et Delille, paraissent avoir joué un rôle prépondérant. Nous savons déjà que
1 Déposition Auguste Faren.— Cf. déposition Pignol : « Lui, n'a jamais reçu d'argent. Ceux qui en donnaient étaient Martinot ex-curé, Sivan aubergiste, Blancard négociant, Bérenger notaire, Colomb homme de loi, Paul Rey, charron, Martin Degoin, de Louve ex-lieutenant de vaisseau, tous émigrés et la femme de Donde, tanneur. Rousselier père, cafetier, recevait l'argent et en faisait la part à ceux qui étaient capales de faire un coup de main "
SOUS LA REVOLUTION 1 1
Rousselier était le distributeur ordinaire des sommes versées. Il était encore le gardien des armes. « Ledit 1 dépôt était dans le café de Rousselier, et tous les individus de la compagnie étaient armés de fusils, sabres, pistolets et stylets ; Michel, dit Calade, avait un nombre d'armes dans sa maison; les cartouches étaient à la maison commune et les officiers municipaux et Rousselier leur en fournissaient. Interrogé s'il n'avait pas connaissance de ceux qui signaient les ordres de route, quand ils allaient dehors, il a répondu « qu'ils marchaient sans ordre de route,et qu'une fois ils furent à Roquevaire, le commandant de la place, appelé Delille, était à leur tête, et firent le désarmement de cette commune, et firent porter les fusils sur une charette en cette commune d'Aubagne, dans la maison du commandant de la place ». Voici donc une commune en quelque sorte en état d'insurrection contre le gouvernement légal, et ce sont les autorités, constituées, c'est le ehef militaire de la place, qui donnent ainsi l'exemple de l'insubordination. Ils ne se contentent pas de tolérer par leur connivence des actes coupables ; ils violent eux-mêmes et ouvertement la loi.
Il est vrai que la plupart d'entre eux prétendaient avoir le droit 2 de soutenir leurs opinions par les armes, et se disaient les défenseurs du trône et de l'autel. De fait ils ne se cachaient pas pour affirmer leurs sentiments anti-républicains. Ils ne se conten1
conten1 Pignol et Jeanselme.
2 Dépositions Pignol et Faren. « Interrogé par quel ordre il se permettait d'aller dans les maisons des Républicains se saisir des femmes et hommes et les traduire devant la municipalité pour leur faire donner un fusil avec un sabre ou à défaut trente francs, a répondu que c'était par ordre de la municipalité ».
LA BANDE D'AUBAGNE
taient pas de les étaler au grand jour en insultant les Républicains, ils s'attaquaient même aux pouvoirs établis et en quelque sorte légitimés par la victoire. Le brillant 1 vainqueur de l'Italie était l'objet de leurs invectives. A Cuges, Joseph Benoît déchirait la proclamation de Bonaparte relative à la célébration du 14 juillet, et en mettait tranquillement les morceaux dans sa poche, sans être inquiété. A Aubagne, lors du carnaval de l'année 1797, un mannequin de paille figurant Bonaparte, avec L'inscription. Bon à pendre et Bonne patte, fut pendu et fusillé sur la place publique 2, en présence du commandant Delille, qui ne protesta seulement pas contre ce scandale. Dans toutes leurs exécutions même les plus odieuses, dans le moindre de leurs vols ou dans le plus prémédité de leurs assassinats, ils invoquaient toujours le nom du Roi, dont ils se disaient les mandataires. Aussi bien ils poussaient si loin la haine et l'exécration de la République que l'un d'entre eux s'emporta jusqu'à dire 3 « qu'il fallait assassiner hommes, femmes et enfants, jusques aux chiens et aux chats, et qu'il ne fallait plus de Républicains ! » Donc,, malgré toutes les excuses et toutes les dénégations, il s'agit bien de bandes Royalistes, et de crimes commis par des Royalistes.
Essaierons-nous de reconstituer la série de ces crimes ? Ce serait risquer de tomber dans une monotone énumération. Nous nous contenterons de rappeler les plus saillants ou les plus dramatiques, sans parler
1 Déposition Joseph Benoît. 2 Déposition Jeanselme. 3 Déposition Faren.
SOUS LA RÉVOLUTION 13
des simples effractions à main armée, ou des vols avec menaces de mort, mais non suivies d'exécution : telles la dévastation de la maison de campagne Joseph Paul 1 au Garlaban par Poucel Léon et Coste le 7 ventose an IV (25 février 1796); celle de la bastide Gabriel Taurel et Maurel Lacoste à Beaudinard; celle de la bastide Honoré Pichon 2 au Garlaban, en vendémiaire an V (octobre 1796), opérées sans doute par la même bande; le pillage de la maison Champourlier, dont on brutalise la fille, et contre lequel on tire un coup de fusil, germinal an V (avril 1797); de la maison Guillon à Aubagne, le 11 fructidor an V (28 août 1797) par le maçon Guilhermy, le tailleur d'habits Pallen, le fameux La Calade et la femme Autheman 3, qui servit de recéleuse ; la mise à sac de la maison de Guillaume Depoussiér à Gemenos, floréal an V (mai 1797), par Mascaron, Boubaron, Glouglou et naturellement La Calade, qui emportent chez eux meubles et objets volés ; le vol avec effraction de la maison Bernardy, dont on oblige la femme à aller chercher un serrurier pour ouvrir la cachette où elle avait enfermé son épargne ; le vol avec effraction chez Pierre Blanc, auquel on se contente de voler une partie de son vin, et de laisser écouler dans son cellier ce qui restait 5 ; la première affaire de Fonblanche, du 7 brumaire an VI (28 octobre 1797), et la seconde alors qu'une quinzaine d'hommes armés, sur les sept heures du soir, le 20 septembre 1798, envahissent la maison de Garnier Fonblan1
Fonblan1 Joseph Paul.
2 Déposition Farren et Jeanselme.
3 Interrogatoire de la femme Authentan 5 prairial an VI (24 mai 1798).
4 Déposition Farren.
5 Déposition Pignol et Farren,
14 LA BANDE D'AUBAGNE
che, exigent que le paysan Giraud et la fermière Tione leur ouvrent toutes les portes, enfoncent à coups de pieds le cabinet de « la citoyenne », et ne se retirent qu'après avoir exprimé le regret de ne pas rencontrer le propriétaire « pour lui faire son affaire ». Le même soir les bandits se faisaient donner à manger et à boire chez le fermier Brémond, et exhalaient leur dépit par de sinistres menaces.
C'était encore La Calade qui jouait le rôle principal dans l'affaire Mathieu Raynaud. Voici la déposition de ce dernier, saisissante dans sa naïveté : « Etant à fossoyer sa terre située en ce terroir, au quartier de Garlaban, Antoine Michel dit La Calade lui dit : « comment t'appelles-tu ?» Le déclarant leva la tête et le dit. Calade armé d'un fusil le coucha en joue et lui ayant demandé par trois fois son nom il lui répondit s'appeler Mathieu Raynaud. Ledit Calade, sans discontinuer d'avoir son fusil de même, se mit à siffler, et il entendit une voix qui lui dit « fais-le venir». Ledit Calade lui dit de marcher, et, après avoir pris ses souliers et son gilet, Calade cueillit des pêches et le suivit, Il s'aperçut que devant la porte de sa bastide, il y avait les nommés Joseph Guillermy, son fils et les deux frères Maurin. Etant arrivé au devant de la bastide ils lui dirent d'ouvrir, que l'on voulait faire visite tout de suite. Ils volèrent une cage avec trois grives vivantes dedans... Calade lui dit alors d'aller se mettre à genoux sous un amandier et dire son confiteor, qu'il allait être fusillé. Après s'être parlé entre eux, ils firent leur chemin. Il en fut quitte pour la peur ». (I vendémiaire an V). Au même moment était pillée après effraction une autre bastide à Garlaban, celle
SOUS LA RÉVOLUTION 15
d'Honoré Pichon. Calade était le principal organisateur de ces expéditions nocturnes.
Il avait encore la spécialité de l'arrestation des diligences sur les grandes routes, et ces coups de main étaient si fréquents que les voyageurs, avant de se mettre en route, faisaient pour ainsi dire, la part du feu, et gardaient en réserve une petite somme à remettre aux bandits. La mise en scène était réglée à l'avance 1. A un tournant de la route survenaient à l'improviste des hommes armés, en général couverts d'un masque et les mains noircies. Ils arrêtaient le conducteur, sans lui faire de mal, ordonnaient aux voyageurs de descendre, puis défaisaient les malles et brisaient les caissons et prenant tout l'argent qu'ils contenaient, enfin ils priaient poliment les voyageurs de remonter, non sans les avoir allégés de la monnaie qu'ils portaient sur eux. Si par hasard la diligence était escortée, ou bien ils laissaient filer en avant les gendarmes, ou bien n'hésitaient pas à leur livrer bataille. C'étaient presque toujours les mêmes, Mascaron, Faren, Jeanselme, Poucel et l'inévitable Calade, qui combinaient et exécutaient ces coups de main, et ils étaient fructueux. Chacun des complices gardait pour lui une dizaine de louis. Ce qui restait formait comme le fonds commun qui alimentait les partisans de la bonne cause.
1 Voir l'arrestation de la diligence près de Cuges, le 2e jour complémentaire an V (18 septembre 1797). Le chef de la bande fut alors reconnu. Il se nommait Claude Mouton: La Calade en faisait partie. Voir l'acte d'accusation. — C'est encore lui qui arrêta et pilla la diligence conduite par Poussin. — Voir curieuse lettre de Baffier, directeur du jury, aux municipaux de Marseille (19 thermidor au VII, 6 juillet 1799) à propos de l'arrestation du courrier d'Italie, entre La Valette et Toulon, par un certain Trabuc, qui paraît ou ai été comme le correrpondant attitré de la bande La Calade.
16 LA BANDE D'AUCAGNE
Les arrestations de diligence devinrent si fréquentes qu'on en arriva à soupçonner de connivence avec les brigands les fonctionnaires chargés de la surveillance. L'un d'entreux, le commissaire de police Sardou, fut même destitué à ce prépos. " Le bureau central instruit que malgré l'ordre positif donné à tous les commissaires de remettre chaque jour au bureau de la police le rapport des événements qui ont eu lieu dans leurs sections respectives, le commissaire de l'arrondissement 23 n'a donné aucun renseignement sur le vol qui a eu lieu le 23 courant, aux petites Crottes, qui a été commis sur la messagerie dite la Turgotine par une bande de brigands armés, destitue Sardou1.
(A suivre) Paul GAFFAREL.
1 Arrêté du 27 vendémiaire an VIII (6 septembre 1799), signé Gaillard, Ber nard, Ciraud.
DOCUMENTS SUR LA PRÉHISTOIRE DE PROVENCE
LA PROVENCE PLÉISTOCÈNE
(Suite et fin)
Grottes des Bausse-Rousse
La sixième caverne, dite BAUSSO DA TORRE ou CAVERNA DELLA CIAPPA DEL PONTO, est située plus près de la mer que les quatre premières et presque a la même distance que la cinquième. Elle n'est séparée des blocs de rochers, qui forment la ceinture immédiate du rivage, que par un sentier tracé sur l'ancienne Voie Aurélienne.
Cette grotte a eu sa voûte éboulée ; néanmoins le rocher surplombant en constitue encore un abri enclavé entre deux parois.
Sa largeur, qui est de 16 m à l'entrée, se réduit à 0 m 40 dans sa partie la plus reculée, sa profondeur est de 12 m et sa surface, avant les fouilles, était de 16 m au-dessus du niveau de la mer.
Les blocs détachés de la falaise ont formé à cet habitat une sorte de défense. Vers 1871, M. Rivière découvrit parmi eux des foyers antiques, qui le décidèrent à étudier cette grotte. C'est par la base du gisement que je vais énumérer les principales trouvailles de ce savant.
M. E. Rivière, qui seul a fouillé la Bausso da Torre, y a trouvé, de la base au sommet, la même Faune et la même industrie que dans les autres cavernes. Seulement comme la Faune Chaude n'a été représentée qu'à la base de quelques grottes de Menton, et que ce niveau n'a pas été fouillé par lui, il en résulte que les animaux qu'il a trouvés appartiennent uniquement, d'après l'auteur, à la Faune Froide. Quant à l'industrie, il
18 PRÉHISTOIRE DE PROVENCE
nous la donne comme moustérienne, solutréenne et magdalénienne à la fois, sur toute la hauteur du gisement. Mais il insiste sur l'exclusion du silex dans les niveaux inférieurs et sur l'exception du grès, du calcaire et du quartzite à la surface de la station 1.
L'industrie tendrait donc à faire admettre le synchronisme des couches profondes de cette grotte avec les foyers à faune chaude de la grotte du Prince.
Le sol de la caverne, constitué par un robuste banc coquillier marin, fut trouvé à 6 m 50 de profondeur. Ce banc post-pliocène avait ses éléments soudés solidement entr'eux. Des cendres et des charbons, qui s'étendaient au-dessus, témoignaient du séjour de l'homme en ce lieu, après le retrait des eaux. Des instruments en grès et en calcaire, disséminés çà et là, étaient de dimensions un peu grandes et taillés à gros éclats.
Vers 4m de profondeur, c'est-à-dire à 2 m 50 au-dessus du banc coquillier, le squelette d'un enfant d'une quinzaine d'années fut trouvé le long de la paroi de la grotte. Il était couché suivie ventre. Nulle parure, nulle arme, nul rite funéraire n'avait accompagné son ensevelissement. Nous savons, il est vrai, que le fer oligiste était, ordinairement, réservé aux adultes ; mais ici le pagne même n'avait pas été offert. A ce niveau une lame mince en grès et un petit poinçon en os furent recueillis.
A 0 m 80 au delà du premier et à quelques centimètres plus haut, un autre squelette fut exhumé. Celui-ci était coloré par le fer oligiste. Tandis que la partie supérieure du corps était intacte, les membres inférieurs avaient beaucoup souffert ; ce qu'il en restait portait des traces de morsures. Des coprolithes d'hyène furent trouvés à ce niveau.
Ce sujet, adulte, dont la taille a pu être évaluée de 1 m 95 à 2 m, appartenait à la race de Cro-Magnon. Il était dolichocéphale et à face très large. Ses orbites étaient rectangulaires et ses arcades sourcilières proéminentes sans excès. Cinq canines de
1 E : RIVIÈRE. De l'Antiquité de l'homme, p. 231 et 237,
LA PROVENCE PLÉISTOCÈNE 19
cerf et un très grand nombre de coquilles perforées avaient composé une résille au cadavre ; plusieurs étaient adhérentes au crâne ; toutes, de même que le corps lui-même et la terre sur laquelle il portait, étaient colorées au peroxyde de fer. Un collier, formé de coquillages et de deux dents semblables aux précédentes, avait orné le cou du Troglodyte.
Les coquilles, au nombre de 251, avaient appartenu à Cypraea lurida L., Cypraea pyrum Gm., Buccinum corniculum Olivi, Nassa incrassata Mül., N. neritea L., N. reticulata L., un exemplaire seulement de Cerithium vulgatum Brug., un autre de Cardinal edtile L.
Le coude droit, le coude et le poignet gauches avaient porté des bracelets formés des mêmes coquilles. Une Cypraea lurida adhérait au fémur gauche, et une autre gisait près de l'extrémité sup. du fémur droit.
Des os, des dents, des mâchoires de Pachydermes et de Rongeurs, des coquilles d'espèces comestibles, telles que Patella, Pectunculus, Mytilus, Pecten et autres étaient dans le foyer du squelette.
A 0m 15 au-dessus de ce corps et vers 3 m 75 au-dessous de la surface, M. Rivière avait découvert déjà, en 1873, un autre squelette 1, coloré par le fer oligiste. Ce cadavre avait été trouvé étendu en plein foyer cinérétique, dans le sens de la longueur de la caverne et orienté du Nord- Ouest au Sud-Est. La tête, un peu exhaussée, avait été appuyée contre le fond de la grotte. Il est resté à l'explorateur l'impression que ce corps, de même que celui de la grotte du Cavillou, avait été déposé à la surface du sol, ou laissé peut-être à l'endroit où il avait succombé. Aucun blocage ne le protégeait ; il. est possible qu'un peu de terre eût été jetée dessus jadis ; puis un nouveau foyer s'était étendu régulièrement sur le squelette et sur toute la surface de la grotte. Il semblerait donc que les vivants eussent continué à occuper la caverne pendant la décomposition du corps. De
1 E. RIVIÈRE. Découverte d'un second squelette de l'époque paléolithique dans les cavernes du Bausse-Rousse, p. 32-33, Nice, 1873.
2 0 PREHISTOIRE DE PROVENCE
nombreux exemples de ce genre permettent d'accepter le peu de répugnance des Primitifs pour les cadavres. On peut supposer néanmoins que, l'usage établi par les croyances étant de laisser parfois au mort la jouissance du foyer dont il avait été le chef, l'ornement ou la providence, les survivants quittassent l'habitat pour y revenir lorsque le temps avait accompli son oeuvre purificatrice. Et cependant un doute survient ici, une question se pose : Comment les corps, ainsi délaissés à peu près à la surface du sol, n'étaient-ils pas tous dévorés par l'hyène ?
La taille du sujet qui nous occupe avait dû dépasser deux mètres. Une lame en silex était placée en travers de l'épine scapulaire. Elle était longue de 0 m 146, large, dans sa partie moyenne, de 0m 037, intacte, arrondie à la base, effilée à la pointe, à bords très tranchants et sans retouches ; elle portait le conchoïde de percussion et avait sa face supérieure à peine retaillée vers la base. Une Cypraea pyrum Gm. et deux Cyclonassa neritea se trouvaient sous la clavicule. Trente-deux coquilles perforées, dont trente Nassa neritea L., une Cypraea coccinella et un Buccinum corniculum Olivi avaient dû composer, avec une canine de cerf, un bracelet du coude droit. Le coude gauche portait un bracelet de 4 Cypraea pyrum, 18 Nassa neritea, et deux Buccinum corniculum ; une Cypraea pyrum etis Nassa neritea perforées avaient formé un bracelet au poignet droit.
Le squelette avait été orné de jambejets. Celui de droite avait compté 22 coquilles de Cypraea pyrum, de Buccinum corniculum et de Nassa neritea. Le jambelet de gauche, à peu près semblable, n'avait pas de Cypraea pyrum,
M. Rivière a remarqué que les Cyprées ne sont jamais percées d'un trou rond, sauf l'espèce europaea ; mais qu'elles portent toujours une entaille transversale faite constamment au même point. Les Conus, les Patella ont aussi une perforation qui leur est particulière. Les trous des Nassa, des Buccinum sont tou-
LA PROVENCE PLÉISTOCÈNE 21
jours petits et ronds 1. Une Patella lusitanica Gm. a été trouvée portant deux trous de suspension.
L'industrie de la pierre fut la même à la Bausso da Torre que dans les autres cavernes de Menton. Elle s'y présenta aussi abondante et avec les mêmes caractères.
Tandis que l'outillage du niveau inférieur était exclusivement en grès et en calcaire, il ne tarda pas à s'enrichir du silex, qui amena la modification de la taille, faite depuis à plus petits éclats, et celle de la dimension, qui devint forcément réduite à cause de la petitesse des galets de la nouvelle matière première.
Une fois introduit, le silex acquit bientôt de la prépondérance, et dès 3 m 75 au-dessous de la surface, les instruments en grès et en calcaire ne reparurent plus. L'industrie de cette pierre a donné des nucléi, des éclats ; les disques, quoique assez rares ont fourni un spécimen de 0 m 092 et un autre de 0m 071 ; les grattoirs sont nombreux ; ils sont simples, doubles et même grattoirs-pointes ; l'un de ces derniers a 0m 098 et un autre 0m 097 de longueur ; ils sont bien retouchés sur leurs bords et pointus à la base. Quelques belles lames, dont une en silex rubanné a sa pointe cassée et mesure 0m208; un couteau,en même silex, est bien conservé et muni du conchoïde de percussion ; sa longueur est de 0 m 184 ; une autre lame a 0 m 125 ; une quatrième de 0 m 148 X 0 m 023, est intacte, pointue, à bords tranchants non retaillés. Deux de ces lames se superposent exactement sur le même nucléus.
Il convient de sigualer en outre un ciseau en silex jaune calcédonieux, dont le côté étroit avait été disposé pour l'emmanchement ; un broyon-percuteur sphérique en jaspe foncé et unesorte de casse-tête en grès siliceux.
En même temps que le silex s'affirmait, l'industrie de l'os commençait à se montrer. Un poinçon cylindrique brisé, mais
1 E. RIVIÈRE. De l'Antiquité de l'homme, p. 209. Découverte d'un second squelette, etc. Loc. cit., p. 57-58. (C. R. Ac. Sc. 1875, p. 1057.)
22 PRÉHISTOIRE DE PROVENCE
à pointe intacte, apparut. Vers 3 m 90 de profondeur, une pointe d'Aurignac, fendue à la base, avait été placée sur le côté gauche de la poitrine du second squelette ; elle mesurait 0m 045 X 0m 011.
Le développement et la perfection du travail sur l'os et sur la corne furent aussi, dans la 6e caverne, en rapport avec la hauteur des assises. Il faut citer une très belle pointe de flèche en os, polie et noircie par l'action du feu; des pointes de lance ou de sagaie, plus larges à la partie moyenne qu'à la base ; d'autres, cylindriques ou plates du type aurignacien ; des poignards, dont l'un a 0 m 156 et un autre, en canon de cervidé, mesure 0 m 176 de longueur : des armes en ossements d'hyène ou de cheval, en andouillers de cerf, etc. des poinçons ; deux sifflets en phalanges de cervidé.
Des cupules de 0 m 006 de diamètre et d'autant de profondeur Ont été gravées sur un os ; 4 os ont reçu des entailles; 3 en portent seulement quelques-unes. Le quatrième est un fragment de côte de boeuf, long de. 0m 115; il est plat, mince, large de 0 m 022 et a ses deux faces très bien polies, 98 entailles sont disposées d'un côté transversalement à l'os ; elles varient de 0m 002 à 0m 005 de longueur, sont espacées assez régulièrement entr'elles d'un peu moins d'un millimètre et occupent toute la longueur de l'os. Sur l'autre face la rangée; disposée dans le même sens, ne compte que 34 stries, équidistantes aussi, qui sont limitées par des ligues longitudinales légèrement ondulées. Cette rangée est donc loin d'être complète.
Y a-t-il loin de ces entailles aux marques de nos boulangers ? Je ne le crois pas. Aussi suis-je tenté de voir dans ces traits une expression primitive de numération. Telle est d'ailleurs l'opinion presque adoptée par M. Rivière1 ,et émise par M. E. Lartet 2; au sujet d'encoches gravées sur une lame en bois de renne, que ce savant recueillit dans la grotte d'Aurignac.
1 E. RIVIÈRE. De l'Antiq. etc.,loc. cit.
2 E. LARTET. Nouvel les recherches sur la coexistence de l'homme et des grands Mammifères fossiles, etc. Station et sépult. d'Aurignac.
La PROVENCE PLEISTOCENE 23
D'après l'explorateur, de la base au sommet de la station, la Faune fut identique à celle des cavernes des Bausse-Rousse 1, du moins en ce qu'il en connaissait. Ici comme ailleurs les Cervidés et les Caprins furent les plus communs ; mais plus nombreux encore furent, dans la Bausso-da-Torre, certains petits Rongeurs, lien fut de même pour les Corvus, Columba, Tetrao et Anas parmi les Oiseaux ; Bufo et Rana, parmi les Batraciens, s'y rencontrèrent aussi plus fréquemment.
CONCLUSION
Les Alpes provençales furent donc envahies par les glaces au début du Quaternaire. Des moraines se retrouvent à Manosque (B.-A.), au Nord du dép. du Var et de celui des AlpesMaritimes.
Le glacier du Ventoux est contesté. Si ce sommet est échappé aux atteintes du grand phénomène signalé, il est inutile de dire que le reste du département de Vaucluse et celui des Bouchesdu-Rhône en furent exempts.
Quelques restes d'animaux de la taille du Mastodonte ont été recueillis à la gr. Lympia ; ceux d'EL meridionalis Nesti le furent dans la gr. à ossements de Grimaldi et dans les tufs des Aygalades. Ces concrétions, celles de Meyrargues et les cavernes des Bausse-Rousse ont livré E. antiquus Falc. Dans ces habitats) ce dernier était accompagné de Rh. Merckii Kaup et d'Hippopotamus major Cuv. Ce furent les 3 derniers représentants typiques de la Faune Chaude; mais la rareté de leurs débris indique l'approche de leur extinction, provoquée par l'abaissement de la température.
Cervus tarandus L. et Rh. tichothinus Cuv. se sont montrés
1 E. RIVIÈRE. Loc. cit., p. 237. L'appréciation de M. Rivière ne peut infirmer cependant les observations des savants qui ont fouillé entièrement la grotte du Prince, ainsi que la base de quelques grottes du groupe auquel cette caverne appartient, car cet explorateur n'est descendu au niveau inf. qu'à la Bausso-daTorre.
24 PREHISTOIRE DE PROVENCE
ensuite dans les stations mentonnaises, au moins. Lors de la grande extension glaciaire, le renne, gibier rare en Provence et recherché sans aucun doute des Troglodytes, tomba sous leurs flèches dans le voisinage des Bausse-Rousse. De même que leurs prédécesseurs de la Faune Chaude, quoique pour une autre raison, les animaux de la Faune Froide ne furent pas nombreux sur le littoral. Le froid rigoureux et la neige leur manquant sur la Côte-d'Azur, ils durent habiter les parties basses des Alpes.
On sait que la température de la première moitié du Quaternaire fut régulière, humide, tempérée, sans excès de chaleur, sans froid rigoureux. Elle donna à la Provence une Flore très riche, bien diminuée aujourd'hui. Certains de ses éléments, à la recherche de l'humidité, de la fraîcheur, quand sont arrivées la sécheresse et la chaleur estivales, gravirent les sommets ; ils se cantonnèrent dans les Alpes et à la Sainte-Baume. D'autres, attirés par un climat moins extrême et. plus marin, traversèrent les mers et s'établirent aux Canaries mêmes.
Pendant que s'opéraient ces modifications, notre rivage avait changé d'aspect maintes fois et l'Homme était arrivé. Il assista ainsi aux derniers phénomènes géologiques.
La base du Ventoux a vu le Chelléen et la Côte-d'Azur, l'Acheuléen. Ces lieux exceptés, nous ne possédons pas peut-être en Provence de stations connues aussi anciennes que celles du Bausse-Rousse; car nos plus antiques sont datées par la Faune Froide seulement.
Le Primitif de la gr. Lyrnpia n'a jamais eu aucun rapport avec celui de Menton, si ce n'est celui de l'ascendance ; car dans les gr. du Bausse-Rousse, ni l'arme chelléenne, ni l'acheuléenne n'ont été taillées. Seuls y règnent l'outillage moustérien et le postérieur. De plus la pureté de l'industrie de Moustier, recueillie dans les basses assises de ces dépôts, semble indiquer que, dans leurs pérégrinations multiples, les Troglodytes de cette région ne dussent rencontrer que des hommes ayant la même industrie, des frères qui eussent perdu, comme eux; tout souvenir de la vieille hache chelléenne,
LA PROVENCE RLÉISTOCÈNE 25
Les très nombreux coups-de-poing de la vallée du Largue, de celle, du Lauzon et des environs de Draguignan ne méritent pas d'être attribués à l'époque acheuléenne. Ainsi qu'il a été dit précédemment, ils conviendraient à l'âge strépyien de M. Rutot. Mais ce serait remonter bien haut, et n'est-il pas prudent de voir simplement dans l'ind. des bords du Lauzon et de ses similaires, celle d'une population tombée dans la barbarie à la fin de l'époque magdalénienne, population dont le premier pas vers une autre civilisation, qui devait aboutir au Néolithique, aurait été une nouvelle aurore de l'industrie moustérienne? Ce problème est peut-être le plus captivant que la Préhistoire ait posé en Provence.
Notre province a reçu le Moustérien dans le département de Vaucluse. Elle n'a connu ni l'Aurignacien, ni le Solutréen, ni le Magdalénien. M. Breuil nous dit que le Magdalénien de France fut contemporain de l'Aurignacien du Bausse-Rousse ; mais qu'il ne nous visita pas.
Du milieu de ce chaos a surgi cependant la solution d'une question importante: Le docteur Verneau a déclaré que les corps exhumés des gr. du Bausse-Rousse appartiennent, sauf une double exception, à la race de Cro-magnon, et que les deux squelettes visés ici présentent, bien accentués, des caractères australoïdes 1.
Dès cette époque il y avait donc des races distinctes vivant côte à côte? D'où venaient ces négroïdes ; quel climat avait modifié leur ossature ? Avaient-ils profité, au Pléistocène moyen, du recul des eaux méditerranéennes pour venir chez nous; à pied sec, d'Afrique par la Sicile? ou bien la coquille des mers indiennes, Cassis rufa L. recueillie dans le foyer D de la gr. du Prince, avait-elle été apportée par eux du Sud de l'Asie? 2
1 M. BOULE place cette double sépulture au sommet du Pléistocène inf, ou. à la base du Pléistocène moyen.
2 Comme le mouvement négatif de 200 m., livrant un passage entre l'Italie et l'Afrique, est attribué au Pléistocène moyen, il s'ensuit une concordance qu'il est bon de remarquer.
26 PRÉHISTOIRE DE PROVENCE
Une certitude existe aussi ; L'homme ensevelissait ses morts et leur donnait des soins pieux, De plus les rites funéraires pratiqués indiquent qu'il entrevoyait un au-delà. Quelle valeur aurait eue l'arme qu'il mettait dans la main, sur le front, sur la poitrine ou sur les épaules du cadavre, si elle n'eût été placée là pour sa défense, défense inutile sans la foi en une survivance ?
On peut ajouter un détail à cette remarque : L'homme, a-t-on dit, couvrait son corps d'une peau de bête. C'est probable, mais non sûr. Si une sépulture du Bausse-Rousse a livré des fragments de poils et des parcelles d'épiderme ayant appartenu à une peau d'animal qu'on supposait avoir, vêtu le corps, une grotte, à Monaco, a donné les mêmes débris et des fragments de plume sous le champ du microscope. Et alors où est la vérité?
Ainsi ma conclusion ne peut présenter la fermeté qu'on est en droit de souhaiter ; elle laisse en suspens des questions intéressantes. Nos neveux feront mieux. En attendant pratiquons des fouilles patientes et méthodiques ; ne collectionnons pas seulement ; étudions, comparons, interrogeons surtout les sépultures: La poussière de nos Pères, éloquente encore, nous livrera peu à peu l'histoire de la vie primitive.
V. COTTE.
CENT THÈSES MÉDICALES
BAS-ALPINES
(Suite)
LXIV. — JEAN-Louis PASCALIS, né à Barcelonnette, vers 1800, émigrant ?
N° 19.— Dissertation sur la fièvre jaune de Saint Domingue. Thèseprésentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Paris le 25 janvier pour obtenir le grade de Docteur en médecine par Jean-Louis Pascalis, de Barcelonnette, département des Basses-Alpes, chirurgien-major au 3me régiment d'infanterie légère, chevalier des ordres royaux de la Légion d'Honneur et de Charles III d'Espagne. — A Paris, de l'impr. de Didot le jeune, 1827, in-4°, 39 pp.
Maladie que j'ai eu de fréquentes occasions d'étudier dans les pays où elle règne presque exclusivement.
Longue et savante description de l'épidémie de 1803-1809.
LXV. — JOSEPH-ANDRÉ PAUTRIER, né à Jausiers, vers 1768, exerçait à Jausiers en 1807, mort à Jausiers, le 17 juillet 1812, à 44 ans.
N° 127. — Considérations générales sur l'usage respectif de l'opium et des astringens dans les hémorragies chroniques, présentées à l'Ecole de Médecine de Montpellier et soutenues le 24 messidor an IX, [13 juillet 1801] par Joseph-André Pautrier, du Planet de Jausiers (Basses-Alpes) — A Montpellier, de l'impr. de Coucourdan, an IXe républtctin, in-4°. 22 PP.
LXVL.- ESPRIT-ANTOINE PELLISSIER, fils d'Emmanuel, officier de santé, reçu à Montpellier, le 28 juillet 1897, émigrant, exerça à Toulon ; né à Allos, 29 mal 1867 (?)
Contribution à l'étude des pneumopathies à marche foudroyante chez
les diabétiques. Thèse présentée et publiquement soutenue à la Faculté
de Médecine de Montpellier le 28 juillet 1897 par E. Pellissier, docteur
en médecine. — Montpellier, G. Firmin et Montane, MDCCCXCVII, in-8°,
63 pp.
28 CENT THESES MEDICALES
Dédiée à son père et à son grand-père le docteur Esprit Guiraud. Doit être le neveu dé l'historien d'Allos, abbé Jean-Esprit Pellissier. L'esprit, on le voit, ne manque pas dans la famille.
LXVII. — Louis-ALEXANDRE (I) PEYRON, né à Volone le 5 nivose an V (26 décembre 1795), émigrant, décédé à Mannes (Seine-et-Oise), le 24 juillet 1871.
Un mot sur l'utilité de la Douleur par Louis-Alexandre Peyron, de Volonne (Basses-Alpes.), présentée et soutenue le 7 mars 1818.
EPIGRAPHE: Non, la douleur n'est point noire ennemi et ce fruit amer de la nature cache le germe d'un grand bienfait. PETIT : Médecine du coeur, p. 275. DÉDICACES: L'auteur, reconnaissant, voue cet essai inaugural à M. Tardieu, sousintendant militaire, à Antibes ;
A M. Ricard, colonel de l'ex 62e régiment de ligne, officier de la Légion d'honneur, chevalier de l'ordre royal et militaire de Saint-Louis; Tous deux l'honneur de leur pays, l'admiration des gens de. bien. C'étaient deux bas-alpins.
Ce docteur fut père d'un Ministre de la Marine et du Directeur de l'Assistance Publique de Paris vers 1880.
LXVIII. — ALBERT PHILIP, né à Castellane, vers 1850, émigrant, exerce à Grasse.
Contribution à l'étude des paralysies consécutives, aux entorses tibio-tarsiennes. Thèse présentée et publiquement soutenue à la Faculté de Médecine de Montpellier le 22 juillet 1882, par Albert Philip, docteur eh médecine, médecin de la marine. — Montpellier, Boehm et fils, 1882, in 4°, 38 pp.
Ce docteur est ou était frère d'autre docteur Louis Philip, médecin de marine en retraite à Cannes, et fils de Jean-Baptiste Philip, juge de paix à Castellane, originaire d'Entrevaux.
LXIX. - POILROUX.
Les Poilroux furent, dans la région Castellanaise, une dynastie encore plus nombreuse que celle des Allemand, à Riez, Bou(1)
Bou(1) de naissance porte 1 Allexandre-Louis.
BAS-ALPINES 29
teille, à Manosque, Rebory et Silve, à Digne, Civatte, à Sisteron, Savy, à Forcalquier, etc. Originaires de Thorame, ils ont secouru dans cette région les malheureux pendant plus d'un siècle.
Quoiqu'il nous ait été impossible d'avoir connaissance de leur bio-bibliographie complète, ni même de la thèse de chacun d'eux, nous croyons devoir énumérer ici tous les docteurs de médecine qui honorèrent ce nom et qui nous sont connus, espérant que cette publication pourra inciter quelque serviable lecteur à nous procurer les renseignements biographiques et bibliographiques qui nous manquent.
Nous les classons par ordre chronologique de soutenance de thèse ou de réception au doctorat.
Jean-Antoine I POILROUX, exerçant à Thorame-Basse, le 31 août 1762 (Archives des Basses-Alpes, B. 1476).
Jean-Antoine II, fils d'Alexandre et d'Elisabeth Simian, né à Castellane, vers 1738, reçu docteur à Montpellier, le 9 mars. 1761, exerça à Castellane, où il mourut le 4 juillet 1811, veuf de Catherine Deodet.
Le 7 novembre 1780, il ondoie, en péril de mort, à Allons, Marie-César d'Autane, fils de Jean-Charles-François, seigneur d'Allons, officier au régiment de Lorraine, et d'Abel MarieMadeleine, de Bardonnenche (Etat-Civil).
Jean (ou) Joseph-Antoine-Maurice-Alexandre, reçu docteur à Montpelllier, en 1789, 20 juin ou 4 juillet, exerçant à Castellane, sous le premier Empire et jusqu'en 1838.
CHARLES-FKRANÇOIS POILROUX
Voici sa thèse ; c'est la première des thèses médicales basalpines rédigées en langue française, commencement de' l'abaissement de la culture intellectuelle française :
Essai sur la Diathèse lacteuse, présenté et soutenu à l'Ecole de Médecine de Montpellier le 24 thermidor an VI, [11 août 1798], de la République Française par Charles-François Poilroux, de Castellane, département des Basses-Alpes). — A Montpellier, de l'imp. de Jean Mattel aîné, an VI de la République, in-4°, 36 pp.
30 CENT THESES MEDICALES
LXX. — JACQUES POILROUX, le représentant le plus renommé et. le plus fécond de la famille, né à Castellane le 5 juillet 1779, reçu docteur à Montpellier, le 4 thermidor an VII, (22 juillet 1779), mort à Castellane, vers 1860.
Vues générales de prophilactique appliquées aux femmes-enceintes, dissertation présentée à l'Ecole de Médecine dé Montpellier et soutenue le 4 thermidor au VII de la République Française par Jacques Poilroux, de Castellane (Basses-Alpes). — Montpellier, de l'imp. de Jean Martel aîné, an VII, de la République, in-4°, 31 PP.
J. Poilroux, a publié beaucoup d'ouvrages dont nous ne connaissons que les suivants :
1° — Nouvelles recherches sur les maladies chroniques et principalement sur les affections organiques et les maladies
héréditaires par Jacques Poilroux, docteur en médecine —
Paris, Crochard ?...lib. Poilroux neveu, 1823, in-8°, XXXII-433 pp.
On remarque dans cet ouvrage p. 43 : Epidémie de fièvre muqueuse à Castellane ; — p. 65 : Disette terrible de 1812 à 1817, et à la fin : intéressantes observations sur les maladies de famille:
2° Traité de médecine légale criminelle par Jacques Poilroux, docteur en médecine, membre dé l'Académie Royale de médecine de Paris médecin des épidémies de l'arrondissement de
Castellane (Basses-Alpes). — Paris, chez Levrault, 1834, in-8°, XXIX-464 pp. 2 ff. n. c. pour les tables.
Cet ouvrage fut l'objet d'une polémique, empreinte d'aigreur entre l'auteur et deux de ses confrères les Docteurs Yvan et J. Itard, de Digne.
Nous n'en connaissons que les deux brochures suivantes : Observations critiques sur le Traité de Médecine Légale et Criminelle, de M. Jacques Poilroux, de Castellane. — Digne, typ. de Mme V A. Guichard, mai 1854, in-8°, v-28 pp.
Signées: I [renée] Itard D.-M., Melchior Yvan, à la fin de la préface, où ils justifient leur critique, vu les graves conséquences que pourraient avoir les erreurs de Poilroux.
Ce prétexte dissimule mal une animosité toute personnelle. Ils font cette réflexion injuste, mais dont les motifs durables sont toujours trop vrais, navrants pour tout écrivain, pour les travailleurs
BAS-ALPINES 31
bas-alpins : M. J. Poilroux, dans sa petite ville, isolé de tout centre scientifique, n'ayant à sa disposition que des livres déjà vieillis, était dans l'impossibilité de faire un bon ouvrage.
Poilroux dut répondre et se défendre vivement. A cette réponse, que nous ne connaissons pas, les deux zoïles répliquèrent par le pamphlet suivant :
Friction électro-magnétique administrée à Frère Jacques par Irénée Itard et Melchior Yvan.— Digne, typ. Ve Guichard, 1834. in-8 , 59 pp.
L'Annuaire des Basses-Alpes, 1836, mentionne, comme exerçant à Castellane un docteur Jacques Poilroux, reçu à Montpellier, le 8 frimaire, an XII- Est-ce le même ou un sosie ?
Jean-Antoine-Mathieu Poilroux, né le 13 juin 1799, probablement à Castellane, reçu docteur à Paris, le 3 septembre 1825, exerça à Castellane où il est mort vers 1880.
Sa thèse m'est inconnue.
LXXI. — JOSEPH-HONORÉ POURCIN, né à Manosque, 17 octobre 1793, reçu docteur à Montpellier, 4 avril 1816, mort à Manosque, 12 janvier 1872.
Essai sur l'Hépatitis. — Tribut académique présenté et publiquement soutenu à la Faculté de Médecine de Montpellier le 20 mars 1816, par H.-Joseph Pourcin, de Manosque, département des Basses-Alpes. — Montpellier, J.-N. Martel, 1816, in-4°, 17 pp.
Dédié à son père Joseph-Michel Pourcin, aussi docteur en médecine de Montpellier, mort à Manosque le 25 avril 1838, à 69 ans.
LXXII. — ALEXANDRE-SÉRAPHIN-HENRI REBORY, né à Digne, 26 août 1858, reçu docteur à Paris, 30 décembre 1886, mort à Digne, vers 1915.
Faculté de médecine de Paris. — De l'emploi du phosphate de chaux contre les sueurs des phtisiques. Thèse pour le doctorat en médecine présentée et soutenue par Alexandre Rebory, docteur en médecine de la Faculté de Paris. — Paris, impr. A. Davy, 1886, in-8°, 59 pp.
Nous n'avons pu voir que l'exemplaire de librairie auquel manquent l'indication de la patrie, de la naissance, et la date
32 CENT THESES MEDICALES
précise de soutenance que portent seuls les exemplaires administratifs. Nous les avons empruntées à l'affiche préfectorale annuelle et aux registres de l'Etat-Civil.
LXXIII.— JEAN-BAPTISTE REYNIER, né à Sisteron, 8 mars 1851, mort à Sisteron, 22 février 1907.
Reçu docteur à Paris en 1880, il exerça d'abord à Paris, où il fut professeur libre à l'Ecole pratique de la Faculté de Médecrne, puis à Sisteron, où la piété filiale le rappela.
Comme d'Arbaud, Dauvergne, Marcellin, etc., il fut des tares docteurs qui écrivirent de médecine avant d'être diplômés.
Voici ses publications successives, presque exclusivement consacrées à l'étude de l'épine dorsale qui chez lui laissait fort à désirer.
1° 1878: Contribution au traitement des déviations de la colonne vertébrale (in: Annales de la Société de Médecine, de Liège);
2° 1879 : Nouvelle contribution au traitement de la scoliose (Ibid.)
3° 1880 : (Thèse) Contribution à l'étude de la cambrure et de la lordose et au traitement de la lordose. - Paris, 1880, in-8 .
4° : 1888 : Du hancher gauche et de la station assise droite (in-Mémoires de l'Académie de Médecine, 8 mai 1888).— Nouvelles contributions au traitement dès déviations de la colonne vertébrale (in-Bulletin et Mémoires de la Société de Médecine pratique de Paris) ;
5° 1888 : Déviations de la taille. — Nouvelle contribution au traitement de la scoliose et des déviations antéro-postérieures.— Paris, 1888, in-8°, 20 pp ;
6° 1890 : Leçons d'orthopédie. Des traitements des déviations de la taille sans corsets ni lits orthopédiques. — Paris, G. Masson, 1890, in-12, VIII-300 pp, (tiré à 1000 exemplaires).
BAS-ALPINES 33
LXXIV. — JEAN-FRANÇOIS RICHAUD, né à Seyne,
22 mars 1806, mort à Seyne? 1850?, père du,suivant.
N° 67. Considérations de physiologie-pathologique des âges, présentées et soutenues publiquement le 9 août 1830 par Jean-François Richaud, élève de l'Ecole pratique d'anatomie et d'opérations chirurgicales de la Faculté de Médecine de Montpellier, membre titulaire de la Société Chirurgicale d'émulation de la même ville, Correspondant de la Société d'émulation Médicale de Toulouse. — A Montpellier, chez M. Auguste Ricard, 1830, in-4°.
LXXV. — Louis RJCHAUD, né à Seyne, le 19 décembre 1850, exerçant d'abord à Seyne puis à Reillane.
Essai sur les fistules dentaires par Louis Richaud, docteur en médecine de la Faculté de Paris, Lauréat de l'Ecole de Médecine de Marseille. — Paris, A. Parent, imprimeur de la Faculté de Médecine, 1877, in-8°, 35 pp.
LXXVI. — AUGUSTE ROBERT, fils du pharmacien Alexandre et de Suzanne-Pie-Monique Borel, né à Sisteron, 27 juillet 1822, mort à Sisteron, 28 septembre 1874, reçu docteur le 27 octobre 1848, maire de Sisteron 23 août 1865-2 novembre 1870, conseiller général-, père de Ludovic qui suit.
De l'étiologie, de son importance au point de vue du diagnostic, du , pronostic et du traitement. Thèse présentée et publiquement soutenue à la Faculté de Médecine de Montpellier le 19 août 1848 par Auguste Robert, de Sisteron (Basses-Alpes), docteur en médecine, 1848. — Montpellier, Jean Martin aîné, imp. 3 ff., n. c, 69 pp.
Dédiée au docteur Yvan, médecin de l'ambassade de Chine.
LXXVII. — LOUIS-JOSEPH-MARIE, ROBERT, né à Sainte-Tulle, 21 avril 1771, mort à Sainte-Tulle,
23 février 1850, reçu docteur, à Paris en 1803, professeur à l'Ecole de Médecine de Marseille, membre de l'Académie de cette ville, 7 avril 1808, président 1835.
Voir : Notice bibliographique sur L. J. M. R, de Sainte-Tulle (Basses-Alpes). — Marseille, imp. Achard, s. d., in-8° et l'article immense de la Biographie des Hommes remarquables des B.-A. — Digne, Repos, 1850, pp. 284-292, le tout rédigé par lui.
34 CENT THÈSES MÉDICALES
Intarissable écrivailleur, Robert fut au nombre des rares docteurs qui firent gémir la presse bien avant d'imprimer leur thèse, comme Reynier, Marcellin, Honnorat, Dauvergne, D. Arbaud, etc. Il aimait passionnément la réclame, l'auto-panégyrie et avait la manie des titres sans fin résumant l'ouvrage.
Voici ses publications en tout genre disposées chronologiquement :
1° Essai sur la Mégalanthropogénésie ou l'art de faire des enfants d'esprit qui deviennent des grands hommes : suivi des traits physionomiques propres à les faire reconnaître, décrits par Lavater, et du meilleur mode de génération. — Dédié aux Membres de l'Institut National de France par Robert jeune, des Basses-Alpes. — A Paris, chez Debray, ...an X (1801), in-12, VI-240 pp. ;
Il en existe quelques exemplaires sur papier fort avec portrait gravé à la manière noire, buste tourné à droite dans un médaillon rond autour duquel on lit:
ROBERT, le Jeune, né à Sainte-Tulle, département des Basses-Alpes, médecin et auteur de la Mégalanthropogénésie.
Véritable charlatan, l'auteur était-il seulement marié ? Quel dommage, disaient ses contemporains, qu'il ne fut pas né avant son père ! Quant à lui, grâce à son meilleur mode de génération qu'il dut certainement employer, comment n'a-t-il pas doté Marseille et les Basses-Alpes de plusieurs génies?
2° Nouvel essai sur la mégalanthropogénésie. — 2e édition, Paris, Lenormand, 1803, in-8°, 2 vol.;
3° Existe-t-il un art physico-médical pour augmenter l'intelligence de l'homme en perfectionnant ses organes, ou la mégalanthropogénésie n'est-elle qu'une erreur? Paris, 1803, in-8°.
C'est sa thèse inaugurale.
4° Manuel de santé ou nouveaux éléments de médecine pratique, d'après la méthode analytique de Pinel et pathologique de Bichat. — Paris, 1805, in-8°, 2 vol. ;
5° De l'influence de la musique sur les moeurs, les passions et la santé. — Marseille, in-8° ;
6° Histoire médicale et chimique, des eaux de Gréoulx. — Marseille, 1807, in-12°; 2e édition, Marseille, 1810;
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7 L'art de prévenir le cancer au sein chez les femmes qui touchent à leur époque critique, ou qui peuvent craindre cette funeste maladie à la suite d'un dépôt lacteux ou d'une contusion. — Marseille, 1812, in-8° ;
8° Essai historique et médical sur les eaux thermales d'Aix, connues sous le nom d'eaux de Sextius. — Aix, 1812, in-8°;
9° Notice historique sur le tremblement de terre de Beaumont, en Provence. — Aix, 1812, in-8° ;
10° Rapports sur les travaux de la Société académique de Marseille, pendant Tannée 1S13 et 1814. — Marseille, in-8° ; id. en 1815-1816, ibid.— en 1817-1818, ibid;
11° Manuel des bains sur le littoral de Marseille. — Marseille, 1817, in-18°;
12° Rapport au Comité de vaccin du département des Bouches du-Rhône sur la variolide. — Marseille, 1818, in-8° ;
13° Précis historique de la célèbre mission de Marseille, en 1820. — Marseille, 1820, in-8°, portraits de missionnaires gravés sur cuivre ;
Cette mission, destinée à retremper la ville aux sources de la vie chrétienne et la ramener à l'observation du décalogue — dont, au sortir des abominations de la Révolution, elle avait un trop urgent besoin — suscita de nombreuses brochures pour, et quelques-unes contre, comme celle du futur historien marseillais Augustin Fabre.
14° Observations sur la fièvre jaune importée de Malaga au
Lazareth de Marseille, en 1803, 1804 et 1821. — Marseille, 1822,
in-8° ;
15° L'hermite de Saint-Jean ou tableau des fêtes marseillaises
lors de l'arrivée et durant le séjour de S. A. R. MADAME, duchesse d'Angoulême, à Marseille, par L.-J.-M. Robert, médecin du Lazaret et du Collège Royal de Marseille, professeur d'hygiène navale et des maladies de gens de mer à l'Ecole secondaire de médecine de cette ville, ancien médecin ordinaire de S. M. le roi Charles IV... seconde édition. — Marseille, imp. d'Achard, septembre 1823, in-8° : n° 1, 6 pp. ; n° 2, 6 pp. ; n° 3, 8 pp. ; n° 4, 4 pp. ; n° 5, 8 pp. ; n° 6, 8 pp. ; n° 7, 8 pp. ; n° 8, 19 pp. ; etc. Il y a eu 50 numéros. La première édition nous est inconnue,
36 CENT THÈSES MÉDICALES
16° Guide sanitaire des gouvernements européens ou nouvelles recherches sur la lièvre jaune et le choléra-morbus. — Paris, 1826, in-8°, 2 vol , 22 lithographies coloriées ;
17° Précis historique de l'épidémie de la petite vérole qui a régné à Marseille en 1828 et vues nouvelles, sur la vaccine, considérée comme une simple petite vérole locale, suivies d'expériences qui constatent que le virus varioleux, mitigé avec du lait de vache, ne donne lieu qu'à une éruption d'un bouton vaccin. — Marseille, 1828, in-8°, - 2e édition, 1829 - 3e édition, 1830.
Publication utile, courageuse, méritoire pour l'époque. Elle valut à Robert une médaille d'or, sur le rapport de l'Académie de Médècine,
18° Lettre à M. de Tourgueneff, conseiller d'Etat, président de la commission des lois et directeur des Cultes à Saint-Pétersbourg, sur le choléra-morbus de l'Inde, importé à Moscou, et sur son identité avec la peste noire du XIVe siècle. — Marseille, 1831, in-8° ;
2e édition, augmentée, imprimée en mai 1831, par ordre de l'intendance sanitaire de Marseille, avec une lithographie.
19° Conseils aux habitants de Marseille et de la Provence pour se préserver du choléra. — Marseille, 1832, in-32 ;
20° Guide des bains de mer, aux thermes maritimes de Marseille.— Marseille, 1835. in-18°;
21° Mémoire sur l'efficacité de l'onguent napolitain dans le traitement, du choléra de Marseille, de 1835 à 1836. — Paris, 1836 (Extrait de la Galette Médicale de Paris) ;
22° Histoire de Sainte-Tulle, patronne de la commune qui porte ce nom et connue d'après une légende du VIe siècle sous celui de Tullia, fille de saint Eucher, évêque de Lyon. Histoire précédée et suivie de fragments historiques sur la Provence. — Digne, Repos, 1843, in-8°, 208 pp , gravure. (Tirage à part des Annales des Basses-Alpes, t. v, p. I-III).
23° Appel aux amis de l'humanité pour l'emploi d'un nouveau remède qui doit-être considéré comme l'antidote ou contrepoison du choléra et dont l'efficacité est constatée par dix-huit guésons obtenues à Marseille et un plus grand nombre encore à Aix durant la funeste épidémie de 1835. — Digne, 1848 :
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Réimprimé dans l'Annuaire du département des BassesAlpes, de Repos, 1852, pp. 139-159.
24° Notice bibliographique sur Louis-Joseph-Marie Robert, de Sainte-Tulle (Basses-Alpes). — Marseille, imp. Achard, s. d., in-8°;
Nombreux mémoires, rapports, articles littéraires et médicaux, insérés dans les recueils de l'Académie de Marseille et dans divers journaux de cette ville, de 1807 à 1840, Annales des Busses-Alpes, III, 259-264, 1840, sur l'abbé Féraud et Riez.
Il laissa encore, en manuscrit, probablement perdus : 25° Histoire ancienne et moderne du Lazaret de Marseille... qui devait former 2 vol., in-8°, avec cartes et lithographies ;
26° Hydrographie médicale des eaux de Digne ;
27° Le Lavater des amants ou l'art de rendre heureux les mariages, antidote prématuré du divorce.
LXXVIII. — MARIE-ALEXANDRE-LUDOVIC ROBERT, député, reçu docteur le 11 octobre 1877, né à Sisteron, 27 mai 1853, mort à Paris, 11 décembre 1900, fils du docteur Auguste, qui précède, n° LXXVI.
De l'anémie essentielle grave et progressive par Ludovic Robert, docteur en médecine, ancien élève de l'école pratique d'anatomie et de chirurgie de Montpellier (Concours de 1873). — Montpellier, imp. L. Cristin et Cie, 1877, in-8°, 87 pp.
Remarquons en passant le prénom Marie donné à ce docteur à son ami Tardieu (n° 96) et à une foule d'autres Sisteronnais et Forcalquiérois C'est Mary et non Marie qu'il devrait être écrit, si les secrétaires de Mairie avaient la plus élémentaire notion de l'histoire de leur pays. C'est en effet le célèbre saint solitaire de Lure, Mary, fondateur de l'antique abbaye' de Valbodon, à Châteauneuf-Miravail, et non la Sainte Vierge Marie que les familles de la région entendent rappeler ainsi, comme les Aixois Marius, les Sisteronnais de jadis St Thyrse (Thiers), les Dignois Pomnin, les Arlésiens Truphème ou Trufème, les Avignonais Agricol, les Carpentrassiens Siffrein, etc., etc.
38 CENT THÈSES MÉDICALES
LXXIX. — RAOUL ROBERT, fils du précédent, né à Sisteron, 29 septembre 1883, reçu docteur à Montpellier, 1910, exerçant à Sisteron.
Contribution à l'étude de l'adéno-phlegmon sus-sternal par Raoul Robert, docteur en médecine. — Montpellier, imp. Gustave Firmin, Montane et Sicardin, 1910, in-8°, 51 pp.
LXXX. — ANTOINE-JEAN-BAPTISTE ROCCAS, né à Annot, le 18 mars 1820, mort à Annot ?...
Faculté de médecine, Paris. — Thèse pour le doctorat en médecine présentée et soutenue le 19 août 1830, par Antoine-Jean-Baptiste Roccas, né à Annot (Basses-Alpes), docteur ,en médecine, ancien interne des hôpitaux et hospices civils de Paris. — De la bronchopneumonie (pneumonie catharrale), forme de pneumonie plus spéciale à l'enfance et à la vieillesse. — Paris, Rignoux, 1850, in-4°, 50 PPLXXXI.
PPLXXXI. JOSEPH-PIERRE ROLLAND, né à Lambruisse, 10 juillet 1871, reçu docteur à Bordeaux, 1895, médecin de 1e classe de la marine, chevalier de la Légion d'Honneur, exerçant à Rochefort.
De la Gastrotomie selon le procédé SSalanjew-Frank-Villar, par le docteur Rolland, médecin de la marine. — Bordeaux, imp. du Midi, 1895, in-4°.
LXXXII. - Louis- MARIUS ROUIT, né à Mane le 9 février 1799, mort à Mane le 23 juin 1878, reçu à Paris le 19 août 1828.
N° 160. — Essai sur l'auscultation dans le diagnostic des maladies de poitrine : Thèse présentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Paris le 5 août 1828 pour obtenir le grade de docteur en médecine par Louis-Marius Rouit, de Mane, département des Basses-Alpes, ancien membre de l'Ecole pratique de la Faculté de Médecine de Montpellier, membre titulaire du Cercle chirurgical de la même ville, etc., etc. — A Paris, de l'imp. de Didot le Jeune, 1828, in-4°.
LXXXIII. — FRANÇOIS-CHARLES ROUMIEU, né à Digne, 4 novembre 1848, maire et conseiller général de Digne, reçu docteur à Paris, 20 juillet 1875.
Des complications de l'appareil respiratoire dans la rougeole. — Paris, imp. Balder, rue de l'Abbaye, 22, 1872, in-8°
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LXXXIV. — JEAN-BAPTISTE-JOSEPH ROUSTAN, né et mort à Digne ? où il exerçait en 1807.
Considérations sur les Eaux minérales en général, sur l'analyse et la synthèse des eaux sulfureuses et sur l'administration de celles ci dans certaines maladies chroniques, présentées à I'Fcole de Médecine de Montpellier et soutenues le 26 thermidor an VII de la République (13 août 1799), par J.-B.-J. Roustan, de Digne, élève de cette école et chef de clinique interne. — De l'imp. d'Izar et A. Ricard, an vu, in-4°.
EPIGRAPHE : Ubi calidx aquoe . existant, aut ferrum nascitur aut oes, aut argentum, aut auritm, aut sulphur, aut alumem, aut bitumen, aut nitrum (Hippoc. de aer. aq. et loc. — Parisis, 1757).
LXXXV. — JEAN-BAPTISTE-ALEXANDRE ROUX, né à Annot, le 31 août 1850, mort à Tarascon 189...
De la grossesse extra utérine. Essai de diagnostic par J.-B.-Alexandre Roux, docteur en médecine de la Faculté de Paris, ancien élève du service de santé de Strasbourg, aide-major stagiaire au Val-de-Grâce. — Paris, A. Parent, impr.., 1874, in-8°, 44 pp.
LXXXVI. - PIERRE-JOSEPH SAINT-MARTIN, né à Seyne, 26 août 1778.
Il exerçait à Castellane en 1836. Il fut le premier des docteurs reçus d'après les formes nouvelles, après la réorganisation des écoles de médecine et la fermeture des anciennes Universités d'Aix, Avignon, Orange, Valence, Toulouse, Turin, etc. Il fut reçu un an après son compatriote Charles-François Poilroux, n° LXIX.
N° 216. — De l'influence des météores sur l'économie animale , essai présenté et soutenu à l'Ecole de Médecine de Montpellier, 11 messidor an VII (29 juin 1799), par P.-Joseph Saint-Martin, élève national du ci devant district de Castellane, département des Basses-Alpes.— A Montpellier, de l'impr. de J.-G. Tournel neveu, ...an VII, in-4°, 24 PP.
LXXXVII. — CHARLES-ANDRÉ SALVAN, né à Barcelonnette, 14 novembre 1852, a exercé aux Mées et à Morris, arrondissement de Constantine (Algérie).
Alcoolisme et traumatisme. Considérations sur le traitement des plaies chez les alcooliques. Thèse pour le doctorat en médecine présentée et soutenue par Charles Salvan, docteur en médecine de la Faculté de Paris. — Paris, A Parent, 1879, in-8°, 36 pp.
(à suivre) V. LIEUTAUD.
CHRONIQUE
BIBLIOTHÈQUE DE LA SOCIÉTÉ D'ETUDES PROVENÇALES
La bibliothèque de notre Société, qui. était installée dans une des salles de la Faculté des Lettres, vient d'être réunie à la Bibliothèque Universitaire et d'être transférée dans une des salles qui sont affectées à cet important établissement, au premier étage de la Faculté de Droit. C'est assez dire que la conservation de ce fonds est mieux assuré que jamais et, dès qu'il sera complètement mis en ordre, non seulement les Membres de la Société mais tous ceux qui s'intéressent aux études sur la Provence pourront demander communication des ouvrages quis'y trouvent dans la salle de lecture de la Bibliothèque. Mr. Fleury, qui en est le dévoué conservateur, et ses aides accueilleront avec leur complaisance habituelle ceux qui voudront bien s'adresser à eux aux jours et heures réglementaires d'ouverture.
SOCIÉTÉS SAVANTES
La réapparition des Annales de Provence, après les six ans de dures, épreuves que nous venons de traverser, a été saluée « avec satisfaction », « avec un très grand plaisir », et même « avec joie » par ses anciens lecteurs. Le Secrétaire Général de la Société d'Etudes Provençales a reçu de très nombreuses lettres qui en font foi ; il adresse à tous ces bienveillants confrères ses bien sincères remerciements pour les paroles aimables qu'ils lui ont envoyées à cette occasion.
Le projet de fusion entre diverses Sociétés Savantes de la région provençalea été bien accueilli aussi. Tout le monde estime que « la dispersion des efforts et des cotisations ne peut que nuire au but poursuivi » ; quelques-uns proposent, si la fusion des diverses sociétés visées s'effectuait, de porter la cotisation annuelle à un chiffre plus élevé que le chiffre actuel, « pour donner aux Annales l'importance à laquelle elles pourraient prétendre » ; l'un des membres les plus compétents de la.
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Société d'Etudes Provençales écrit fort sagement : « Il serait fort désirable de voir s'unir les Sociétés qui sont par trop anémiées. Etant donné le prix de revient des impressions, on a tout intérêt à grouper les érudits et coordonner leurs efforts. Il faut savoir faire trêve d'individualisme organisation générale !
NÉCROLOGIE
Depuis 1914 jusqu'au 1er janvier 1920, la Société d'Etudes Provençales a perdu douze de ses membres. Ne pouvant aujourd'hui consacrer une notice à chacun d'eux, nous voulons cependant remplir le pieux devoir de rappeler leur nom dans une simple énumération. Ce sont, d'abord, notre Président Léopold Constans, professeur à la Faculté des Lettres d'Aix-Marseille, auteur de très nombreux travaux connus de tous les érudits; puis le Comte Henri de Castellane, très dévoué à notre Société et auteur de diverses études de numismatique. (Voir Annales, 1905, p. 170 et 1906, p. 165) ; Jules Charles-Roux, ancien député de Marseille, dont nos lecteurs connaissent les belles publications sur la Provence ; le docteur Alexandre Baréti, un des plus fermes soutiens de la revue Nice historique ; Fernand Cortez, dont nos lecteurs connaissent assez les études consciencieuses et désintéressées ; Eysseric-Saint-Marcel, de Sisteron, ancien magistrat, auteur de plusieurs travaux qui ne sont pas
inconnus de nos lecteurs (Voir Annales, 1904, p. 259 et suivantes);
Frédéric Fabrège, de Montpellier ; le docteur J. Foussenq, de Pertuis, mort pour la France dans l'expédition des Dardanelles, tué sur le pont d'un navire par un éclat d'obus pendant qu'il, pansait un blessé ; Mireur archiviste du département du Var, dont les travaux d'érudition sont três nombreux (Voir Annales, 1905, p. 31 ; 1907, p. 264, etc.) ; Auguste Pécoul, archiviste paléographe à Draveil, qui a légué à la bibliothèque Méjanes ses livres et une importante collection de manuscrits ; le chanoine Rolland, ancien aumônier du Lycée Mignet, dont l'activité intellectuelle est bien connue ; Charles Vincens, de Marseille, qui s'intéressait vivemeni au mouvement intellectuel de la région provençale. Enfin, nous venons d'apprendre le décès du Marquis de. Clapiers, qui fit continuer à ses frais l'impression de la Chronologie des Officiers des Cours Souveraines de Provence après la mort du Marquis de Boisgelin et qui a été emporté par une mort prématurée, conséquence des souffrances endurées dans la campagne de l'Yser, car il s'était engagé dès le début de la guerre.
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BIBLIOGRAPHIE
Comptes Rendus
Les ouvrages numérotés se trouvent à la bibliothèque de la Société
L. HONORÉ. — Bormes au XVIIIe Siècle. — Montauban, Orphelins imprimeurs, 1913, in-8°, 138 pages ; prix : 1 fr. 50.
Ce petit livire décèle une connaissance exacte des archives communales, qui ont été dépouillées avec soin et succès; mais la mise en oeuvre des documents ainsi recueillis aurait pu être plus méthodique. Quoique l'auteur appartienne à l'enseignement public, il ne se montre pas assez didactique et paraît avoir plutôt trempé sa plume dans l'encrier du journaliste. Plusieurs de ses récits, ainsi: la procession de SaintClair (p. 19), l'élection consulaire (p. 28), l'émeute des volontaires (p. 104), sont écrits d'une façon piquante, alerte, animée, et auraient plu aux lecteurs d'un de nos grands quotidiens régionaux. Mais on a pour l'historien d'autres exigences, et nous les manifestons à M. Honoré, parce que nous avons le ferme espoir qu'il poursuivra ses recherches dans les archives communales de ses successives résidences et nous apportera des monographies de composition plus serrée et aussi nourries;
L'espoir ! nous pouvons dire la certitude, car la Société d'Etudes de Draguignan vient de recevoir communication d'une intéressante notice sur l'Instruction publique à Bormes (1640-1914) qui mérite d'occuper une bonne place parmi les études du même genre.
Et ceci explique l'absence d'un paragraphe de notre monographie; le professionnel l'avait tenu en réserve pour le développer séparément Des neuf autres la moitié correspond à la période révolutionnaire; disproportion au point de vue chronologique, mais non en fait, l'effervescence de l'époque ayant fourni de nombreux incidents, même à l'histoirs, d'une commune assez paisible, et, en tous cas, de multiples dossiers aux archives. Il n'eût pas été mauvais de mieux lier ici l'histoire locale à celle de la région.
Le paragraphe relatif au culte nous met dans le cas de déplorer l'absurdité 'des programmes et de l'enseignement officiels, surtout en matière primaire, touchant la question religieuse. Pour soustraire aux influences confessionnelles, ils en arrivent à méconnaître que le christianisme est, pour les populations occidentales tout au moins, un fait
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historique de capitale importance, au même titre que le mahométisme le boudhisme pour d'autres groupes ethniques. Certaines expressions ou appréciations de M. Honoré révèlent qu'il est une victime de ce fâcheux système. Mais nous faisons assez confiance à sa probité historique pour présumer qu'un contact plus intime avec nos vieilles archives suppléera aux lacunes de sa formation en cette matière tenue pour suspecte.
Nous osons même formuler le voeu — pour autant que sa carrière n'ait pas à en souffrir — qu'il soit maintenu à Bormes assez de temps pour achever le dépouillement des collections communales et refondre alors ses diverses études sur le village en une histoire complète qui serait certainement accueillie avec faveur, car elle serait puisée aux sources et agréablement écrite.
A. R.
F. MIREUR. — Les Couvents de Draguignan. — II. Le Couvent royal des Frères Prêcheurs ; in-Bulletin de la Société d'études scientifiqnes et, archéologiques de Draguignan, t. XXIX, 1912-1913, pp. 21-223, avec trois plans ; tirage à part à 100 ex., Draguignan, Latil 1914, in-8°, 202 pages ; prix : 5 francs.
Mieux vaut tard que jamais ! avons-nous grande envie de dire à notre vénérable ami, quoique l'apostrophe soit assez triviale et dépourvue d'atticisme. Mais combien nous aimerions galvaniser l'exact et savant auteur d'une monographie composée voici dix ans au moins, ainsi que peuvent l'attester les membres de la dracénoise Société d'Etudes et les lecteurs du Var qui eurent alors la primeur des bonnes pages insérées dans les intéressantes mais hélas ! jamais achevées Rues de Draguignan et leurs maisons historiques ! Toujours soucieux d'exactitude, soucieux jusqu'au scrupule, il a remis son travail sur chantier, a compulsé, pour en extraire au plus quelques noms et dates, une série d'exteitsoires et de primum sumptum notariaux retrouves à Aix. Et le public n'a eu en vingt années que deux monographies conventuelles, alors qu'il en fut promis quatre, sinon cinq. A notre époque de fébrile activité et de travail hâtif, c'est presque tenir la gageure inverse. Ad multos annos, dirons-nous à l'auteur, quoiqu'il ne soit point pape, et surtout : Da scripta multa.
En attendant l'exaucement du voeu, voyons ce que contient la nouvelle étude. Le plan est le même que celui adopté autrefois pour les Cordeliers : annales historiques — description du local — le personnel. Une innovation heureuse : les notes, au lieu d'encombrer le bas des pages et de distraire à chaque instant le lecteur, sont renvoyées à la fin de l'ouvrage avec les pièces justificatives.
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Les Annales, — M. Mireur a eu un prédécesseur au XVIIe siècle dans le P. Gras O.P.; mais \a travail de ce dernier : Mémoire pour servir à l'histoire du couvent a été perdu avec la plus grande partie des archives conventuelles, et il n'est resté — précieux vestige — qu'un inventaire dressé par lui des documents qu'il avait compulsés. Au moyen de ce fil conducteur, notre ami a pu reconstituer, sans de trop grandes lacunes, les annales de cinq siècles et replacer, sur le socle de leur incontestable mérite des religieux tels que le dracénois Barthélemy Texier, 39e maître général de la famille dominicaine : les évêques de Roumoules (Grasse) et du Rosier (Vesegela i. p.) ; Jacques Raphaël, ami du roi René; Alexandre Piny et l'estimable Antoine Gras, historiographe de son couvent. Ajoutons que la liste des prieurs est riche de, 140 noms (le prieur étant renouvelable tous les deux ou trois ans, on peut, au moyen d'une facile multiplication, calculer les lacunes), celle des religieux de 465 avec la nomenclature des dignités dont ils furent revêtus. Amusons-nous à relever, — en justification d'une critiqué adressée ailleurs à M. Delaville Le Roux s'inscrivant en faux contre le nom de Tenque sous lequel est connu le bienheureux Gérard, fondateur au XIIe siècle des Hospitaliers de Saint-Jean cle Jérusalem, — que notre couvent dracénois a compté au XIVe siècle deux Tenque, Pierre et Rostan.
Le local. — M. Mireur détermine le domaine monastique que lei Presicadou reçurent des Frères de la Pénitence en 1305, puis décrit l'église et le couvent — les couvents, faut-il dire, — car les troubles du XVIe siècle aboutirent, pour permettre la construction de l'enceinte dont nos contemporains ont vu tomber les derniers restes, à la démolition du cloître primitif et à l'édification d'un nouveau monastère à l'intérieur de la ville. Pour comprendre ces transformations, nous avons le secours de trois planches : plan et vue cavalière de l'église et de l'ancien cloître, — coupe de l'église et extrait d'un plan de la ville en 1790, tous empruntés à la Gallia Dominicana de Rohault de Fleury (1905), mais levés, et dressés à Draguignan, ensuite des recherches et sur les indications de M. Mireur, par M. Charles Azan, agent-voyer honoraire bien digne de partager avec le distingué archiviste du Var les témoignages de gratitude et de reconnaissance que ne manqueront pas de leur adresser les érudits et les amis de l'histoire.
A. R.
172. Albert RITT..— Journal de deux notaires Ciotadens du XVIIe Siècle. — Marseille, librairie Ruat, 1919 ; un vol. in-8°, 208 pages.
En parcourant de vieilles archives, M. Albert. Ritt, membre de la Société d'Etudes Provençales, à trouvé une collection d'éphémérides et
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de faits divers que deux notaires de La Ciotat, François et Antoine Guys, père et fils, recueillirent, de 1606 à 1669, et relatèrent à la suite des répertoires alphabétiques de leurs minutes. Il en a extrait tout ce qui intéresse l'histoire de La Ciotat en particulier et de la Provence en général, pour le mettre à la portée de tous les érudits. En ce qui concerne les annales administratives de la ville, ou y trouve bon nombre d'informations qui permettent de rectifier certaines erreurs contenues dans les travaux historiques consacrés à La Ciotat ; le passage des personnages de marque y est relaté, sans grands détails, mais avec soin, ainsi que le mouvement des galères et les événements de mer ; les bruits venus d'Aix ou de Marseille y sont consignés et fournissent des éléments d'information qu'on ne trouve pas ailleurs.
M. Ritt a fait précéder ce journal d'une étude consciencieuse sur les notaires de La Ciotat, il l'a orné d'un grand nombre de gravures, représentant des seings, des autographes, des cachets de notaires, des armoiries des personnages qui y jouent un rôle, ou qui y sont nommés, les principaux monuments de la ville ; enfin il l'a fait suivre d'un index alphabétique des noms et des faits qui y sont mentionnés.
Comme le dit M. Paul GAFFAREL, doyen honoraire de la Faculté d'Aix-Marseille et président du Comité de publication de la Société d'Etudes Provençales, dans la lettre préface placée en tête de ce volume, M. Ritt aura «le mérite d'avoir été un des premiers ouvriers et comme un des fondateurs du régionalisme provençal. Ce ne sera pas un honneur médiocre que d'avoir ainsi apporté une pierre au majestueux édifice de notre renaissance provinciale. »
F.-N. NICOLLET.
173. Jacques VINCENT.— La grande guerre: Ses répercussions à Aubagne du 2 août 1914 à septembre 1919, — Marseille, Imprimerie du Petit Marseillais, 1920; 216 pages, petit in-8°.
M. Jacques Vincent, dont nos lecteurs connaissent l'intéressante et substantielle étude sur Les Hôpitaux d'Aubagne publiée comme supplément à nos Annules en 1905 et 1906, vient de faire paraître un livre destiné à fixer et à perpétuer le souvenir des dures épreuves que nous avons traversées de 1914 à 1919. Secrétaire en chef de la mairie d'Aubagne, il était bien placé pour voir et observer les faits dan; leurs répercussions sur la vie municipale et civile. Il a bien su recueillir et coordonner ces faits.
Après avoir décrit l'émotion causée, le 1er août 1914, par l'ordre de mobilisation et la résignation résolue avec laquelle la population d'Aubagrc accepta cette mesure, il nous fait assister au passage des
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troupes venant de Toulon et se dirigeant vers le front au milieu des souhaits et des vivats que leur adressait la foule s'empressant aux abords de la gare ; puis il fait un tableau de l'animation que la mobilisation italienne, en mai et juin 1915, souleva dans cette ville où la nation soeur a une importante colonie. Deux chapitres importants sont consacrés l'un à l'administration municipale et aux services publics pendant la guerre, l'autre à la vie économique et agricole ; on y voit quels louables efforts fit la municipalité pour assurer l'ordre et le ravitaillement, pour parer aux difficultés des transports ; quels furent les effets du manque de main d'oeuvre suies diverses productions agricoles et sur la céramique artistique qui, avant la guerre, occupait « un personnel ouvrier de 1.093 personnes dont 468 de nationalité, italienne ». Les difficultés pour la fabrication du gaz, pour l'approvisionnement en charbon et en pétrole, la vie chère et les restrictions, les efforts tentés pour y rémédier par l'assistance publique, par les allocations militaires, par la solidarité, privée, font l'objeet des chapitres suivants où l'on remarque maints détails qui font ressortir un généreux élan de patriotisme et d'humanité non seulement chez les administrateurs de la commune, mais encore chez de nombreux particuliers.
la deuxième partie de ce travail est consacrée plus particulièrement aux défenseurs de la patrie, M. Vincent y décrit successivement les hôpitaux et le ambulances ; il retrace les efforts du corps médical, des clames de la Croix-Rouge, de la Société de secours aux blessés ; il fait connaître l'organisation des cantonnements de troupes ; enfin, sous le titre Les Echos du Front, il donne la liste des Aubagnais morts pour la France ; il rappelle les citations à l'ordre du régiment, de la division, de l'armée ; il analyse quelques lettres du front et il décrit les manifestations locales en l'honneur des morts.
Les réfugiés et les efforts tentés pour leur soulagement ne sont pas oubliés ; puis, après quelque pages consacrées aux désordres inévitables dans une pareille crise et avec un manque de police presque complet. M. Vincent conclut ainsi : « Au nom de cette union sacrée si fraternellement cimentée dans les tranchées, la paix doit se faire dans les coeurs comme dans les consciences, dans les rapports de tous les citoyens entre eux », et il s'écrie : « Vive Aubagne ! Vive notre France immortelle et glorieuse ! Vive la République indestructible !»
ANNALES DE PROVENCE 47
Un Nouvel Organe du Régionalisme Provençal
Un groupe le savants et d'érudits, dont M. le docteur Philippe Sauvan est l'âme et le directeur, a eu l'idée de créer, sous le nom de Marseille Universitaire, un organe du régionalisme intellectuel et de l'enseignement supérieur. Cette idée leur a été inspirée par ce fait que « les circonstances actuelles ne peuvent plus permettre à une association ou à un groupement quelconque de faire face aux frais énormes qu'entraîne la publication d'un bulletin ou d'un organe officiel ». Marseille Universitaire veut, en conséquence, être l'organe de défense des littérateurs provençaux, son désir est de « faciliter aux jeunes intelligences les voies et moyens de faire leur chemin, et d'aider à leur réussite qui accroîtra encore la vieille réputation de notre glorieuse France, Patrie des Lettres et des Arts. Pour cela, il se propose de s'intéresser particulièrement à l'évolution de l'Enseignement Supérieur, cette pépinière d'intellectuels, de se préoccuper de l'organisation de nos Facultés et Centres d'enseignement, de leur extension, de leur coordination ; de faciliter aux maîtres leur enseignement, aux élèves leurs études, à tous leurs progrès intellectuels si utiles à la gloire; française déjà grande. Mais, pour voir la gloire de notre Provence, partie intégrante de notre belle France, s'étendre et élargir, il cherchera à répandre au dehors, à faire connaître nos auteurs, nos savants et leurs progrès, notre patrimoine littéraire, artistique, scientifique, si vaste et ses applicaions si fécondes au commerce sous toutes ses formes.
Estimant que tout programme de régionalisme, pour être efficace et produire d'heureux résultats doit avoir pour corrollaire un programme d'expansion, les promoteurs de ce mouvement entrevoient comme champ d'expansion notre vaste domaine colonial méditerranéen avec l'Algérie, la Tunisie et le Maroc, ainsi que nos Alliés, la Grèce, la Roumanie, la Serbie, etc., où la pensée française est déjà si estimée. Ils ne dissimulent point la vaste étendue de ce programme et les difficultés de son exécution, mais, très fortement encouragés par des personnalités éminentes, qui, tout en promettant un concours et un appui aussi effectifs que puissants, ils restent persuadés que c'est un devoir impérieux de patriotisme d'aider notre Patrie à profiter de sa victoire pour reprendre dass le monde une place qu'elle avait perdue; que nos glorieux morts seront reconnaissants d'accroître les résultats d'une paix qu'ils ont si généreusement
48 BIBLIOGRAPHIE
cherchée, voulue, obtenue, en faisant noblement, le sacrifice de leur vie
En résumé l'économie de ce projet s'établit ainsi:
Cohésion des divers efforts littéraires, artistiques, scientifiques, de notre Provence intellectuelle ;
Extension du champ d'action des divers groupements d'intellectuels et grande diffusion de leurs idées directrices par la création d un organe unique, puissant parce que centralisant efforts et bonnes volontés, et parce que d'un prix de revient modique. La Scciété d'Etudes Provençales, organsée il y a bientôt vingt ans dans un but analogue et dont la constante préoccupation a été de faire des Annales de Provence l'organe accueillant de tous les érudits de la région, ne peut qu'applaudir ce projet, souhaiter bonne réussite à ses généreux promoteurs et les favoriser par les moyens en son pouvoir.
L'Evêque de Glandèves
aux portes des Enfers
Poème Satirique
Glandèves, dans les Basses-Alpes, était au moyen-âge un bourg et le siège d'un évêché; il n'est plus aujourd'hui qu'un alignement de ruines sur une colline; au XIVe siècle la juridiction passa à la petite cité voisine d'Entrevaux et les évêques continuèrent à porter le titre de Glandèves. Ce diocèse composé d'une cinquantaine de paroisses de montagne très modestes dont la moitié se trouvaient en territoire sarde et classé parmi les plus pauvres de l'église Gallicane fut supprimé en 1790.
Le manuscrit du poème porte in fine la signature Trouche précédée du paraphe ordinaire des notaires du, régime sarde. On ne peut en douter, il s'agit du notaire Laurens Chrysostome Trouche, né en 1702 au Sauze, commune des Alpes Maritimes, dans la vallée du Haut Var, et mort en 1789. Ce manuscrit a été récemment trouvé dans une vieille grange de ce village avec une dizaine d'autres compositions littéraires et les minutes des notaires Trouche du XVe siècle à la Révolution. Laurens Trouche succéda au notaire Joseph Trouche, son père. L'office de tabellion d'un village de 500 habitants était une sinécure peu rémunératrice en comptant même quelques services dans les localités voisines où végétaient des confréries : une rnoyemne annuelle de 18 actes de vente, 8 testaments, 5 actes de mariage, 18 quittances, 5 actes de donation, un revenu de 85 livres 10 sols « sans
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préjudice des frais ». Laurens. Trouche donnait ses loisirs à la littérature.
On a de lui la « Chanson d'un époux mal content », des ballades et romances, des pastorales et cantiques,: la parodie d'un sermon pour le jour de Pentecoste, un manuel de politesse, des chroniques, une' traduction française de l'Enéide, un traité de médecine usuelle qui est une satire à l'adresse des médecins de l'époque. Il y a dans ces compositions; beaucoup de sel et quelque méchanceté. Après l'annexion du bourg voisin de GuilIaumes, 1760, Laurens Trouche chansonna les Guillaumois dans le dialecte du serviteur de l'évêque et avec autant de malice, Voici le couplet final :
Au premier counseou Fau qu'un nouveou peou Change l'armarie, Que per quatre gs Doune quatre bs. O que diablerie !
« L'Evesque de Glandèves aux portes des Enfers » fut composé vers 1752. Le notaire Trouche put connaître six évêques de Glandèves : César de Sabran 1702-1721, Laurent de Berton de Grillon 1721-1747, André Jean-Baptiste de Castellane 1747-1751, Jean-Baptiste de Belloy 175.1-1755, Gaspard de Tressemanes de Brunet 1755-1771, Henri Hachette des Portes de 1771a la suppression de l'évêché. André Jean-Baptiste de Castellane correspond seul à certains signalements du poème. Sous son épiscopat, au cours de la guerre de la succession d'Autriche, l'armée franco-espagnole fit campagne dans le Comté de Nice. Le maréchal de Belle Isle fit occuper la haute vallée du Var et multiplier les réquisitions par ses, lieu-
AUX PORTES DES ENFERS. 51
tenants de Santabovis (Sainte-Boeuve) 1747-1749. L'évêque André de Castellane avait chargé le curé du Sauze de le ravitailler en agneaux, en volailles et en vin. Il lui écrivait le 27 juillet 1749:
« L'agneau que vous m'avez adressé ne peut' être tué cette semaine, parce que mon maître d'hôtel s'était pourvu ailleurs. Faites en sorte que celui, que vous m'enverrez chaque semaine arrive ici le vendredi soir ou le samedi matin. Arrêtez-moi dix ou douze paires de poulets dont vous chargerez le premier porteur. Je me recommande à vos saintes prières.
-;- J.-Bapt., év. de Gland.
Si vous pouvez engager le maître des deux agneaux de lait de me les garder jusqu'au 15 ou au 20 du mois prochain, ce ne serait pas mal. »
On ne sait pas comment mourut André de Castellane. On sait par les procès-verbaux des visites canoniques régulières, par la correspondance de la curie avec les conseils communaux et le clergé, par la double édition du Rituel de Glandèves, qu'il veilla, sur son diocèse. Dans son oraison funèbre, le vicaire capitulaire le présenta comme « un prélat recommandable par les éminentes vertus qui ont édifié le diocèse et par ses exemples ». Au cours d'une visite pastorale, le curé du Sauze l'avait louange hyperboliquement. « Sans rappeler à votre souvenir la mémoire des illustres pontifes de la primitive église. Augustin, Chrysostome, on peut Vous comparer avec justice à François de Sales, car vous, parcourez avec autant de constance et de courage, les montagnes les plus inaccessibles, les vallons les plus scabreux, les chemins les plus impraticables pour raffermir la religion dans les coeurs au siècle le plus corrompu ».
52 L'ÉVÊQUE DE GLANDÈVES
Le notaire du Sauze, dans son poème burlesque, accabla le même évêque des traits les plus acérés, probablement parce que le prélat était mort et qu'il confiait son manuscrit à la discrétion de ses poudreuses minutes Cette satire est un exercice littéraire de tabellion désoeuvré, sans grande portée historique. Elle présente plus d'intérêt au point de vue linguistique.
Selon l'usage du temps, les personnages de distinction, tel un évêque, parlent la langue française qui passe encore dans la région pour la langue noble « lou parlà moussu » ; le commun des mortels, tel un serviteur, s'exprime dans le patois local. Le valet de l'évêque de Glandèves emploie un provençal sensiblement déformé et amalgamé d'éléments du vocabulaire et de la grammaire de l'idiome niçois: il cause comme un paysan haut-varois actuel avec des nuances cependant. Trouche n'avait à sa disposition ni un lexique, ni une grammaire provençale. Il appliquait l'orthographe euphonique qu'il paraît assujetir souvent aux besoins de la rime et de l'accent. Prononçait-il le c accolé aux voyelles a et o comme un k ou l'articulait-il tch comme les hauts-varois actuels? L'r qu'il ajoute souvent aux infinitifs et le t de certains participes passés sont-ils des créations de sa part ? Il faut croire que ces divergences sont dans l'orthographe simplement Dans ce cas, la langue du serviteur ne différerait pas de celle du berger présent du, Sauze, quelques expressions discrètes mises à part telles que agignard, flougnard. La versification et la rime pêchent parfois. L'étude du manuscrit, les additions marginales trahissent de la part de l'auteur le souci de la quantité de vers plutôt que de leur qualité,
PAUL CANESTRIER,
L'évêque de Glandèves aux portes des enfers
Je chante ce héros, ce prélat magnifique,
Héritier de la gloire de Glandèves antique,
Juge, évêque, seigneur, promoteur de la foy,
Abbé d'un grand moutier et conseiller du roy,
Qui vit de courtisans une famille aimable,
Chérit Montpellier 1, et la pipe et la table. Sous son vif coursier il mourut terrassé
Et des profonds enfers gagna la sombre entrée.
Au bout de longs détours mugissait l'Achéron.
Ne le pouvant franchir, il héla fort Caron.
a Qui donc, dit le nocher?... Un cavalier ! Tu rêves ?
« — Accote ta barque... L'évêque de Glandèves.
« Seigneur, abbé de Nant 2, gentilhomme de France.
« — Soyez le bienvenu. Ici on paye d'avance.
« C'est dix-mille francs pour les grands de la terre.
« — Je n'ai rien emporté.
— Je ne pardonne guère.
« Tant pis pour vous. Adieu. »
Et Caron disparut.
L'évêque courroucé de tous côtés courut.
Survint son serviteur envoyé par les dieux
Pour le réconforter, conseiller de son mieux. L'evesque. Comment feray-je donc ? Je suis mal à cheval 3. Le serviteur. Vous, puisque voulias anar prequinaval
Et que voulias passa la grand ribiero
1 André de Castellane, prévôt d'Auch avant d'être évêque de Glandèves, était originaire de la région de Montpellier.
- Abbaye bénédictine de Nantz; diocèse de Vabres (Tarn), revenu en livres 5.000. Le diocèse de Glandèves étant trop pauvre, ses évêques cumulaient des bénéfices.
3 Les évêques de Glandèves faisaient leurs tournées pastorales à cheval ; les conseils communaux devaient fournir des montures à leur suite.
54 L'EVÊQUE DE GLANDEVES
DEvias prendre d'argen ou passa un jour, de fiero 1 !
Car en aquel jour tal contrat es empre
Tout exprez ame Caron de noun vendre re.
Tous leis autres jous cal pagar lou passage. L. — Je ne le savois pas. S. — Aquo es estre mau sage,
De dire noun sabiou ; aquo es estre flougnard,
Et non vous souven ben qu'en passan agignard Oun vous an jamai fa credi d'un coù de piquo
Et que vous a calgu metre la man a la mitro ?
Perque vous cresias dounc que Caron vous passes
Sens li pagar lou drech ? Aquo es un procès. L. — Je n'aurais jamais cru qu'il eût eu l'impudence
De m'oser demander la paye par avance. S. — Vous cresias de passar tant de nuech que de jour
En disen : « Mon amy, pagaray de retour ».
Per quai vous lou prenes ? Eou es pas nouvici,
Li es despi lontems dins aquel exerxici,
Et sau ben que si' un coù sias passa dedelai Noun cal pas esperai de retournar jamai.
Lou miou paire li es ame ma pauro bello, Que despi que li soun noun aven pas nouvello.
Paga li queque voù et queque cousta,
Car eou noun troba 2 pas son conte de coustà.
lou cresi qu'ay dès sou dins lou fons de mon cofre,
Tout en liards ou en deniers ; moussu, iou vous lous offre. L. — Et que dis-tu ? Dix sous ! Il faut dix mille francs. S. — Ouai ! Paure moussu, vous en doni per cent ans. Aï ! Lou trait Caron ! Aï ! La maudite Parqua !
Vous devien laissa vioure ou noun passa la barquo.
Per trouba tan d'argen vous faudra fouort roudar ;
2 Allusion au privilège de tenir des « foires franches ", sans droits ni péages, accordé par la reine d'Anjou et divers autres souverains aux villages de la vallée du Haut-Var.
1 On dit aujourd'hui " trova »,
AUX PORTES DES ENFERS 55
Jamai vous noun passas se noun sabes nedar.
Vous sias toujour ista un homme fouart timide,
Foulie lou querelar comme faguet Ovide
Quan li ané cerquar Sevère son amic.
Vous assegurias de pagar comme un ric ! Quan vous a counseilla de prendre la barquo,
Foulie vous opiniastra et pas virar casaquo. L. — Tu en aurais autant fait. S. — O pardious noun, crese.
El aurie ben trouba aquel que li caudrie.
Si noun sias poultroun, tournarias a la cargo
Ame un bouon pistole, uno bouono spado. L. — J'aime mieux le payer : ce n'est point que j'aie peur
Mais, vois-tu, par ma foy, ce n'est pas mon honneur. S. — Dount aves tant d'argen? Vouostro tourno m'estouno,
En tout Nant, per ma fe, noun troubares persouno
Que la vouolgue presta per vouostres heritiers.
Ay pou que vous voudran bailla que calques deniers. L. — Tu railles ? Mais tu sçais que l'honneur les engage
A fournir ce qu'il faut pour faire mon voyage. S. — Aujourd'huy l'interest es plus car, que l'onour
Et me pense d'abord que vous dison que noun. L. — De qui le sçais-tu ? S. — Ren que per counjounturo,
Mai vous lou juraray sur la santa scrituro,
Après ce que n'ay vis pouodi parlar. L. — Que feray-je dans un pareil malheur ?
En cherchant tu pourras trouver quelque homme
Qui aura la bonté de prêter cette somme ;
Je m'en obligeray pour qu'il n'en perdit rien. S. — En cu s'en prendran? L. — A ceux qui auront mon biem
Ils seront condamnés pour si peu qu'on les presse
De payer tout ce qui sera dans ma promesse. S. — Cal diable ereses vous qu'ague tant pau de sens
56 L'ÉVÊQUE DE GLANDÈVES
De s'achétar un procès. Cal serie l'ignorent,
Cal creses vous dounc que sia tan fias de testo
De prestar tant d'argen sensa saupre en cu presto ? L. — Tu répondras pour moi. S. — Aï ! La terrible caution !
Ay lou brave Glandeves estacat a iou !
Tout ce qu'ay au logis et d'aigo de prunetto 1.
S'an fida de iou soun en passa de faillito.
Vous deourias regrettar de noun vioure encaro. L. — Hélas ! Je ne suis pas si saint que le Lazare.
Des miracles si grands à présent n'ont point cours. S. — Deourias prendre corps encaro qualque jours.
Car tant que vous serez coume sias invisible
Noun troubarias pas un liard ; aquo es impossible. L. — Si je n'en puis trouver qu'en faisant qu'on me voye.
Il n'en faut plus parler, prenons une autre voye.
Mais je t'en supplie, je t'en crie pardon,
Va dire aux habitants qu'ils me fassent ce don. S. — Vous, aves per caution moussu de Sentabovis ?
Si non aves d'autre graisso fares la soupe a l'oli.
Tant plat vous lei servias dins leurs besoins.
Aro eli vi servion ? L. — Ah ! ma foy, tu as bien raison.
Au lieu de les servir, quands ils couvroient la foule
De tant de régiments qui leur plumoient la poule,
Au lieu de travailler à leur délogement,
Je prenais sans pitié leurs mauvais traitements. S. — Aro au trouvares tout. L. — Que veux-tu que j'y fasse ?
C'en est à présent fait : n'en parlons plus de grâce.
Prenons un autre biais, S. — Faren ce que voudres.
Ieu executaray ce que vous voudres.
1 Eau de vie de prunes en faveur dans le pays.
AUX PORTES DES ENFERS 57
L. — Va dire à mon agent le dessein qui m'amène. Arnaud est trop bon pour me laisser en peine.
S. — Oun Paves pas trouba ? Vous a cridat après, Iou cresi, per ma fe, que parteget exprès Per vous pourtar d'argen, car aqueou fiou de puto Sans doute a soûpegut aici noustro disputo. Per lei estre pu leou aura près la dresciero E say que n'a pas segu ni camin ni carièro.
L. — Antoine, va-t-en voir s'il aura pris la bourse.
S. — Vous lei seres pu leou, ana li d'une course. Iou ai un agassin que me troùca lou pe.
L. — Tu n'en sentiras rien quand tu l'auras coupé.
S. — Outre lou mau dau pe, iou ai la courto haleno, Vous li seres pu leou ; prenes aquello peno.
L. — Tu ne feras qu'aller jusques au bord de l'eau.
S. — Noun faray, per ma fe, car on me farie pau ! Si vous me resolvias, farias mai que noun cresi. Que diable vous sérias ! Arnaud leou es aici. M'es revengu qu'a près touplen d'argen aval.
L. — Et de qui le sçais-tu ?
S. — De son amy Gimbal.
Et may sabe d'aqueou que tenie la candello Que veset qu'en partent pourtavo l'escarcelle, Mai certa noun sabi pas se a pres d'argen per vous.
L. — Oh ! Puisqu'il en a pris, il en aura donc pour tous. Il ne doit rien payer, car ce Caron n'a prise Que sur les grands seigneurs et sur les gens d'église. Me voilà satisfait et maître de mon coeur, Puisque je sçais là-bas mon prudent serviteur. Adieu, tiens-toi joyeux. Quand tu viendras à nous Tu seras le bienvenu.
S, — Tene lei vous joyoux !
Demouras lei sen iou, n'ay pas grand enveio Qu'encaro aqueou Caron de cent ans me li vego. Aprepaus, oublidavi un avis important.
58 L'EVEQUE DE GLANDÈVES
L. — Parle donc dans deux mots, ne me retiens pas tant,
Il me tarde déjà d'aller payer le lâche.
Dis-moi dans deux mots ce qu'il faut que je sache. S. — Quand vous aprochares dal sejour infernal,
Aguetas que Cerbere noun vous fasse pas mal. r Aquo es un grand chinas estacat à la pouorto
Exprez per empachar que degun noun souorto.
Vous li gitar de goulados de feou,
Quand vous approchares per intrar dins lou leou. L. — Comment feray-je donc pour en avoir l'entrée ? S. — Cal avertir Plùton comme faguetenie 1.
Aquel li douna l'ordre, aquo es lou gouvernour. L. — Il faut donc sans manquer que je lui rende honneur. S. — Si voules l'obligear a faire bouono mino
Anares visita la Reino Proserpino
Et pui anares visitar din seis appartament
Megère et mai sei surs, fares lei complimens.
Quant aures fa la cour en touto aquello raco,
Pluto vous anara mena à vouostro placo ;
Vous troubares aqui lou cartier dei prelats
Comme soun lei evesque, cardinals étalats.
Jamay noun sias intra dins uno talo fiero.
Troubares Serepices que fa roudar sa peiro,
Troubares Treion que fa roudar son tour,
Veires Prometeus bequeta d'un vautour,
Et pui veires Tantale estalat comme un lioure
Qu'a d'aigo jusqu'au couol sans n'en pousque beoure.
Troubares Demoustene, Ovide et Ciceron,
Alexandre lou grand, César et mai Scipion,
Vous troubares aqui touto la medecino
Hipocrate et Galien et lou menteur de Pline.
Si vous voules jugar ou passar vouostre tems
Ou fumar, aqui troubarez vouostrei gens.
1 Factionnaire.
AUX PORTES DES ENFERS . 59
Jamai noun sias intra dins tant bello campagno
Mai certo aquo lei es un païs de Coucagno. L.. — Bien que dans le pays on ait tout ce qu'il faut, Je vois que tout le monde appréhende le saut.
Mais dis-moi donc, valet, puisque le temps nous dure,
Les honneurs qu'on me fit dedans ma sépulture.
Sans doute, cher amy, tu assistas à tout ? S. — Iou vous ou vaou conta das pens jusques- au bout.
D'abord que fougerias mouort, degun noun gite larmo,
Noun lei aguet que iou que fouguet en alarmo. L. — Quoy ? L'on ne pleura point ? S. — De plourar eron luen.
L. — Les ingrats ! S. — Si sabias, agueron d'autres soins.
D'abord qu'aguerias fa la derniero badado,
N'en partigeron dous per cridar l'avisado.
Calcun faguet calar prestamen vouostre corps
De la même façon que n'en calon lous paures,
Pui lou faguet plegar dins uno simplo telo l. L. — L'aube que l'on me mit était-elle fort belle ? S. — Oun Vous en meteron pas ; jamai par raillerio
Oun ai vi, cresi pas, talo couquinario. L. — Quoy ! On ne m'habilla point en ecclésiastique ?
On ne s'exerça point pour chanter la musique ? S, — Vous disi en verita que noun an pas fa mai
Que aurian d'un valet ou d'un simple lacay. L. — Comment m'osa-t-on passer par Montpellier ? S. — Noun li cercaron pas tant de cérémonies,
S'en chantavon tant pau coumo d'une civiero. L. — Quels prêtres me portaient? S, — Dous mulets de la fiero.
Per exemple, n'avien per far voustres hounours 1
1 jusqu'au milieu du XIVe siècle) dans la région, on transportait les morta Sur un brancard commun, sans bière, roulés dans un linceul) le visage découvert.!
2 Les trois absoutes prescrites par le Pontificat pour lès funérailles des' évêques.
66 L'ÉVÊQUE DE GLANDÈVES
Ni aumoniers ni curas ni capelan ni crous. Ainsi calguet partir d'aquello bello sorto. Mai de vin fes ayant que d'estre a la pouorto Auderi ben de gen que criavon tout haut : « Aqui van enterar lou corps d'un ugunaud. »
L. — Et quand je fus avant comment fit le chapitre ?
S, — Vous voulien enterar, moussu, ame la mitro, La crosso dins la man, habillat en prélat ; Mai vouostres heritiers refuseron tout plat.
L. — A-t-on jamais connu semblable ingratitude ? Je ne sais qu'appeler un procédé si rude. Je te puis assurer que ces vilaines gens Ont retiré de moy plus de cent mille francs Et principalement quatre belles chapelles. Dans le pays, je crois, il n'y en a pas de telles. Et après tout cela m'enterrer en coquin !
S. — Si vous fouguessias vi, semblavias un faquin. Vous avien mallouta comme un pichot meinage, Sens vous leissar ouvert tout au mens lou visage. Enfin vous an traita comme un vray partisan, Comme un simple paillard et comme un vray paysan. Dous escus an pagat a moussu lou vicari, Un tiers de ce que cal per vouostre mortuari.
L. — Et les prêtres voisins furent-ils bien traités ? Les fit-on bien dîner, firent-ils bien des frais ?
S, — Quant agueron canta lou Requiem et lou resto, Lous doneron cin soù per ana faire festo ; Jugas se ame cin soù eleis et leurs gougas Poudien n'aver proun per remplir leur panças ! L'un calget que bailles son debi per un ferre Que son chivau perdet en dévalant lou serre ; Pui, per ma fe, poudie metre lei dens au croc, Si caucun noun l'agues convida dins lou luec. Tout lou mounde era stouna de verre lour chichesso. Oun an pas soulamen fa dire uno messo !
AUX PORTES DES ENFERS 6l
En un mot elous an tan mau fa leur devé Que mérita von pas d'aver de vouostre bè.
L. — Si j'avais deviné, j'aurais été plus sage.
J'aurais gardé mon bien pour faire mon voyage.
S. — Dévias aver douna aquelous ornaments
Ou a sant Pierre ou a sant Jacques ou en qualques couvents, Ou devrias per lou mens fonda qualque capello , Noun pas laissa mouasir l'argen dins l'escarcello.
L. — Je n'étais pas à moy, quand je fis testament. La Parque me surprit dans mon aveuglement. J'aurais donné d'argent pour marier des filles 2, Mais je n'eus pas le temps de rayer mes coquilles.
S. — Quant on vouol fa lou be, vau mai pu leou que tard Noun fau pas sperar l'ouro de son despard, Quan vesias que Pluton vous dounavo l'alarmo Per que noun soungiavias au salut de vouostro amo ? Vous, s'avias cresut lous moussus et mai iou, Quan vous avertissian, encaro serias viou. Iou vous disiou toujou : « Tout lou mounde vous crido Qu'aqueou vilain tabac vous coustarie la vido ». Iou vous disiou toujou : « Quitame Montpelier, Vous troubares millour dins la vouostro abaye ; Vous sabes qu'aquel air vous es pas favourable; Si li demourias gaire, vous rendes incurable. » Iou vous lou disiou toujou en servitour fidel. Mai vous aurias charma dins vouostro pastourel.
L. — Je t'avoue que j'ay très mal fait mes affaires De n'avoir pas suivi tes avis salutaires. Je sçais bien que tu m'as averti fort souvent,
1 Les testataires aisés et sans héritiers léguaient certaine somme pour bâtir une chapelle rurale ou ajouter un autel à l'église paroissiaie. Ainsi s'explique la profusion d'oratoires et de « luminaires» dans de modestes villages comme le Sauze.
5 L'usage exigeait des filles à marier une « carte » ou dot uniforme : 100 livres au moins, un lit complet, un trousseau et quelques meubles.
62 L'ÉVÊQUE DE GLANDÈVES.
Mais j'étais trop fâché contre certains de Nant
Que je croyais conçus dedans la perfidie.
Et mon neveu jouait dedans mon abbaye ! S. — Quan, vous disputavias, vous avias plus fa mal.
Noun avias pas sujet d'aïr lou général ;
Quan vouostre nebout ame aquello canaillo Vous avien tout pilla jusques a uno maillo.
Si oun agessias agu secours deis habitants,
Vous perdias d'un coù les renia de des ans..
Aquello obligation voulie de recompenso ;
Mai vous n'aves jamai fa de differenço
Per aquellos que vi an servi ou vi ansegu
Autan ben, per ma fe, se agessi cresù
Que ma pena séria ista tan mau pagado,
Auriou mai estima fa valer mon issado 1. L. — Quoy, ne t'ay-je pas fait un honnête légat ? S, — Que diable me serve quan oun m'an pas paga !
Aquo me rende fouort lerto la cambo drecho :
Aquello conscienco l'an pas gaire drecho ! L. — O Dieu, je suis certain que cette vilainie
Ne demeurera pas plus longtemps impunie.
Je suis au désespoir que tu sois mécontent ;
Mais je ne puis plus rien dans mon état présent,
Adieu, mon cher, adieu. Le jour s'en va paraître,
Il faut nous séparer. Souviens-toy de ton maître. S. — Iou vous counvidariou de prendre un bouan repas,
Mai, puisque vous sias mouor, say que noun mangias pas;
Iou vous fariou tastar dou bouon vin de la puado,
Car au celier n'aven uno grando boutado,
Aquestan qu'ei Robers 2 n'aven de vin madur.
Vous sias mouort paurament, lou diable lou malhur. L. - Je ne bois plus de vin. S. — Adiou sias : dounc, peccaire
Pioche à deux becs.
2 Les Roberts. vignobles en aval du Sauze, entre le Var et le vallon de Cant.
AUX PORTES DES ENFERS 63
Recomandame fouort, si vous play, a mon paire.
L. — Je ne le connais pas. Te ressemble-t-il fort?
S. — Semble tout caga ; lou troubares d'abord ; Vous lou coneisserias parmy d'uno miliado, Qu'es ista coumo iou uno grosso bestiado. Demandas a Pluton lou canton déi grouliers Et vous lou troubarez que adouba de souliers. Digali, si, vous play, que oun estaray pas gaire Per lou tenir joioux de li mandar ma maire.
EPITAPHE
Passant ne cherche pas le tombeau de ce corps, Mais cherche-le plutôt dedans son estomac. C'est Bacchus qui l'a mis au nombre des morts Parce qu'il goûtait trop du vin et du tabac.
Finis coronat opus.
TROUCHE.
DOCUMENTS SUR LA PREHISTOIRE DE PROVENCE
LA CIVILISATION NÉOLITHIQUE
Origines du Néolithique
On sait que la civilisation d'un peuple, exprimée par son industrie et par sa religion, donne la somme de ses moyens intellectuels et moraux. «
Le peu que nous connaissons de l'époque chellésnne et de l'acheuléenue nous permet de supposer que leur civilisation fut très rudimentaire. Quant à celle de l'époque moustérienne, nous en trouvons, en Provence, les traces mieux marquées et plus intéressantes.
Ainsi qu'il a été dit dans la Provence Pléistocène, une tribu du Moustier occupa les grottes des Bausse-Rousse, où elle se mua. en aurignacienne et plus tard en magdalénienne.
Souvent elle déserta ses habitats; mais ses voyages ne lui - valurent pas d'amélioration importante dans son industrie. Après ces pérégrinations, longues parfois, elle taillait la pierre comme avant son départ ; ce qui indique qu'elle n'avait pas rencontré, dans ses déplacements, de technique plus habile que la sienne ; car elle se la fut assimilée, au moins en partie. Et encore parlé-je de ces absences de façon à laisser croire que c'étaient les mêmes personnes qui revenaient occuper le gîte abandonné ; mais les longues durées qui s'écoulèrent entre deux occupations successives, marquées dans les gisements par des assises stériles parfois épaisses, nous prouvent que les troglodytes aventureux délaissant leurs habitats ne revinrent plus dans
(I) La barbarie tudesque sape cette théorie ; mais quelle loi humaine n'a ses exceptions ?
2.
66 LA CIVILISATION NÉOLITHIQUE
ces parages. Leurs successeurs furent de nouveaux nomades qui, au hasard de leurs voyages, augmentèrent les dépôts commencés. Ce fait signalé déjà, bon cependant à remettre en lumière, montre que cette stagnation presque totale dans l'industrie régnait sur une aire considérable, dont ces hommes errants n'avaient pas-franchi les limites. Si de légères modifications se produisirent dans la taille et dans le fini des instruments, ce fut le résultat d'une évolution lente, insensible, qui s'était manifestée depuis l'arrivée de l'homme en Occident ; ce fut un léger appoint renouvelé et ajouté au total de l'acquis amassé par tous les ancêtres ; ce fut le fruit de l'observation, le produit de la nécessité ; ce fut le mieux engendré naturellement par le besoin et par l'effort. Tel fut en Provence le Paléolithique.
Mésolithique. — La découverte dé la grotte du Mas-d'Azil (Ariège) et les fouilles qui y furent faites par Edouard Piette, vers 1887, ont permis à ce savant d'établir la fin de l'époque paléolithique, fin qu'il a appelée azilienne ; ainsi que la primeaube de l'époque néolithique, phase qu'il a nommée arisienne, du nom du cours d'eau Arise qui, sur 400 mètres de longueur, traverse la grotte. Sur les bords de la rive gauche et vers l'entrée de la caverne, est un dépôt quaternaire azilien ; tandis que sur la rive droite et vers le milieu de la grotte, se trouve l'assise un peu moins ancienne, dite arisienne ou mésolithique. La couche azilienne, considérée par M. Rutot comme un prolongement de la décadence magdalénienne, était intercalée entre la couche du renne, qui lui était sous-jacente, et les dépôts néolithiques qui la recouvraient. Elle contenait des silex de forme magdalénienne ; c'étaient des grattoirs arrondis jet des lamelles comparables à nos canifs.
La pierre polie et la poterie manquaient 1.
(1) E. PIETTE, (Anthropologie, 1895, p. 276. ; Anthrot., 1896, p 386; AFAS, 1892, t. II, p. 649).
Quoique je ne connaisse pas en Provence de véritable gisement tardenoisien, les outils microlithiques n'y sont pas rares. Aussi en sera-t-il parlé à la fin de l'industrie du silex.
LA CIVILISATION NEOLITHIQUE 67
L'industrie de l'os se réduisait à des poinçons, à des lissoirs et des perçoirs; celle du bois de cerf, à de nombreux harpons barbelés, percés d'un trou allongé à la base.
Flénusien. — Ce nom a été donné par M. Rutot i à une industrie très grossière, qu'on rencontre en Belgique et en France. Il semble que le Flénusien soit synchronique de l'Arisien ; il appartient donc au Mésolithique. En France les gisements de - cette phase se trouvent surtout entre la Dordogne et le Pas-deCalais. Il en existe près du Havre, dans les vallées de la Somme et de l'Oise, ainsi que dans l'Hérault. Le Flénusien de Bergerac est identique à celui de Belgique. L'Angleterre et la Bohême le connaissent ; il parait correspondre au Maglemose de Scandinavie. La Provence, si mal partagée pour l'industrie magdalénienne', possède des gisements que j'ai signalés dans la Provence Pléistocène, sous les noms de Pic d'Oriou ou d'Aulun et de Vallée du Largue. La même industrie parait avoir été rencontrée aussi à Draguignan (Var), par le Docteur Marignan. 2 Elle a été soupçonnée à Melve (B.-A.). Outre que les éléments en sont volumineux et frustes, à aspect éolithique, ils étalent des outils de type moustérien indiscutable ; tandis qu'y sont décelés de très rares spécimens de l'âge de la pierre polie, tombés accidentellement par des nomades de cette industrie.
Je ne recommencerai pas à faire la. description, même sommaire, de ces stations ; mais, par une étude plus approfondie, je suis amené à croire qu'elles sont fiénusiennes ; et je suis tenté de me dire, accédant à l'opinion de M. Rutot, que les ouvriers d'une telle oeuvre pouvaient être des néanderthaloïdes. L'outillage du Pic d'Oriou fait penser que ses propriétaires devaient être de musculature puissante et d'humeur belliqueuse. Ces sortes de haches ou de pics volumineux ; ces coups-de-poing aussi redoutables que grossiers ; ces casse-tête, espèces de pilons courts aux extrémités globuleuses, façonnés pour être saisis à
(I) RUTOT. Le Préhistorique dans l'Europe Centrale. Mise au point... Malines, 1911. (s) Voir Rliodania, n° 67.
6§ LA CIVILISATION NEOLITHIQUE
pleine main par le milieu de leur longueur ; ces poignards triangulaires et trapus à manche vaguement arrondi ; toutes ces armes paraissent convenir à une tribu assez vaillante pour défendre son sol et même assez hardie pour revendiquer celui d'autrui 1,
Division de l' époque néolithique
On peut diviser l'époque néolithique en Campignien, Mi-Néolithique, Robenhausien 2, Enéolithique, ou fin du Néolithique et aurore du Bronze,
J'avoue que la division de cette époque présentant une très grande difficulté, je ne la fais pas sans hésitation. Néanmoins je la soumets, dans son imperfection, à la bienveillance du lecteur, attendu qu'elle est nécessaire à la clarté de mon étude.
Voici les caractéristiques des diverses assises du Néolithique :
CAMPIGNIEN. — En France on a appelé campignienne, de Campigny (Seine-Inf.), l'industrie qui a succédé à la flénusienne et en a gardé les éléments qu'elle a perfectionnés. Elle marque le début du Néolithique et paraît synchronique de la formation des Kjokkenmoeddings du Danemark, ainsi que de l'apparition du polissage dans ce pays En France des traces de ce perfectionnement se rapportent à la même époque. Mais, qu'on pardonne une faiblesse, si elle existe, à mon patriotisme ; j'ai de la satisfaction à dire qu'il est de toute évidence qu'en ceci nous n'avons pas imité l'étranger. En France, l'homme néolithique n'a pas débuté, comme le Scandinave, par atténuer du pic les
1 Pour attribuer aux Flénusiens les caraclères de cette race primitive M. Rutot s'appuie sur les observations faites à la sépulture néolithique d'Hastière, où plusieurs crânes, à caractères de Néanderthal, étaient accompagnés de quelques autres de la petite race sous-brachycéphale de Furfooz.
2 C'est dans un sens restreint que, suivant l'exemple de la majorité des préhistoriens provençaux, j'emploierai le nom de Robenhausien et le distinguerai de Euélitique.
LA CIVILISATION NEOLITIQUE 69
aspérités des encoches. Saisissant un caillou d'une forme qui lui parut convenable, par le frottement il amincit un côté dont il fit un tranchant.
L'outillage campignien était constitué surtout par le pic et par le tranchet. Le pic était une sorte de hache allongée, petit bloc à tranchant plus ou moins bien taillé, à talon tout aussi large que le tranchant. Le tranchet était bien travaillé et à tranchant assez large. Remarquons que ce dernier outil, caractéristique du Campignien en France, est aussi l'instrument à citer des Kjokkenmoeddings danois. Le racloir, assez rare, n'était souvent qu'une simple lame. Le grattoir, très abondant, était bien retouché, à tranchant courbe et à dos convexe. Le perçoir était peu commun ; le bec-de-perroquet, plus rare encore.
MI-NÉOLITHIQUE'. — L'industrie fut marquée par une amélioration. La taille du silex ne présenta rien de remarquable. De petits chefs-d'oeuvre se montrèrent, il est vrai ; mais ces exceptions, propres à toutes les époques, dues à l'adresse exceptionnelle et parfois au génie d'un seul ouvrier, ne peuvent servir à classer une industrie. Le Mi-Néolithique posséda l'outillage du Campignien ; mais la dimension en fut petite. Il nous a laissé des racloirs circulaires, des tranchets de formes très variées, Ceux-ci furent trapézoïdaux avec bords latéraux abattus et avec encoches pour l'emmaachement ; triangulaires, avec, arrondi, l'angle opposé au tranchant. Les lames furent petites et nombreuses ; les scies; bien imparfaites en général ; les pointes, très frustes On en voit cependant qui sont retouchées sur la face ventrale et portent un embryon de pédoncule parfois latéral. Le perçoir, dont on constate le travail sur les perles et sur la poterie trouée pour le raccommodage, existait. Les meules dormantes et les molettes furent employées à l'écrasement des grains et quelquefois à la trituration des colorants.
Les haches polies, en roches vertes, rares au début du Mi-Néolithique, n'étaient pas volumineuses.
1 Comme exemple de. l'industrie mi-néolithique, je prends les foyers profonds de la Tuilerie Peloux au Monestier-Allemont (B.-A.) et, de préférence, la station de la Font-des-Pigeons, à Châteauneuf-lès-Martigues (B.-du-Rh.).
70 LA CIVILASION NEOLITHIQUE
L'industrie de l'os nous est connue par des pics, surtout par des poinçons finement polis et par quelques ciseaux. Des os longs d'échassiers, polis et même usés à leurs' extrémités, semblent avoir servi au tissage.
Le goût de la parure se manifeste alors par des perles et par des anneaux de dimensions variées, en os et en pierres dures, par des bracelets de marbre. Des coquilles marines, des pendeloques en nacre, des amulettes, perforées pour la suspension viennent encore attester ce penchant pour la toilette ou prouver des sentiments religieux ; enfin des fragments de colorants, ocre, calcaire crayeux, hématite, gisent dans les dépôts mi-néolithiques. Il faut ajouter que ces divers objets, destinés à la parure, n'étaient pas abondants.
A cette époque apparut en Provence la poterie. Fut-elle inventée par les mi-néolithiques, ou ceux-ci la reçurent-ils des mains qui leur donnèrent les céréales ? Je suis porté à croire; par la présence simultanée du blé et de la céramique, que les mêmes bienfaiteurs orientaux firent à la fois ce double présent aux populations occidentales. La poterie lut rare d'abord. Le gisement de la Font-des-Pigeons la livra avec parcimonie dans sa couche profonde, et avec une abondance de plus en plus grande dans ses assises supérieures. Plus tard une engobe fut étendue parfois sur les deux faces d'un récipient; non pas autant sans doute pour le décorer que pour l'imperméabiliser. De même que l'industrie du silex et celle de l'os, la fabrication de la céramique se perfectionna lentement.
ROBENHAUSIEN. — Si nous essayons de nous former un jugement sur l'époque robenhausienne, d'après les spécimens qu'elle flous a laissés des industries du silex et de l'os, il semble qu'elle ait succédé sans secousses à l'époque mi-néolithique ; car nous y retrouvons le même outillage, quoique de plus belle facture.
Les disques, en silex, sont souvent petits, irréguliers, parfois un peu ovalaires et rarement taillés sur leur face inférieure. Le perçoir à pointes multiples apparaît. Des pointes triangulaires, rappelant les pointes à main quaternaires, sont de petite et
LA CIVILISATION NEOLITHIQUE 71
même de très petite dimension. Il existe des pointes de flèche de forme amygdaloïde ; d'autres à pédoncule latéral ; quelquesunes sont à cran. Celles qui affectent la forme de la feuille du saule, du laurier ou de l'orme, pédonculées ou non, éveillent parfois l'admiration par leur galbe impeccable et par la finesse des retouches. On rencontre des pointes allongées et triangulaires, avec pédoncule, parfaitement retouchées sur tout leur pourtour, excepté à la base, et ne mesurant que om017 à 0m018 de longueur.
Des haches polies, des erminettes et des ciseaux en roches duranciennes, à base appointée pour l'emmanchement, se montrent à cette époque.
ENÉOLITHIQUE. — On a appelé Enéolithique le terme de passage qui relie la longue époque néolithique à l'âge du Bronzé.
L'art de Solutré, enseveli sous la poussière de plusieurs industries successives, fit quelques timides efforts, au début du Néolithique, pour surgir de son sépulcre ; mais la somnolence intellectuelle des populations l'empêcha d'être remarqué. Ayant renouvelé des tentatives de plus en plus vaillantes jusqu'au Robenhausien, il put hardiment alors écarter son linceul, réapparaître et se maintenir rayonnant malgré l'arrivée du cuivre à l'époque enéolithique. L'invasion de l'alène et même celle du poignard de bronze ne lui furent pas nuisibles. Cependant lorsque le métal fournit à la fois des parures, des pointes de flèche et des haches, l'art de Solutré disparut pour toujours.
Le polissage continua à resplendir ; mais, peu à peu, éclipsée par le bronze, l'industrie de la pierre devait s'éteindre à son tour.
L'Enéolithique présente des racloirs et des grattoirs nombreux, d'un bon travail. Il en est de même des grattoirs-racloirs, grattoirs-perçoirs, grattoirs-burins. Des lames furent taillées à Une extrémité en perçoirs-latéraux. Les pointes de flèche, de javelot et de lance, présentant la forme de la feuille de saule, de laurier ou d'orme, furent presque parfaites. On voit appa-
72 LÀ CIVILISATION NEOLITHIQUE
raître alors la pointe de flèche à pédoncule et ailerons. Les poignards furent remarquables.
L'industrie de l'os se perfectionna peu. Elle conserva l'outillage du Robenhausien, en y ajoutant les lissoirs et les ciseaux pourvus à la base d'une capsule protectrice.
Le goût de la parure se développa. Les perles, les pendeloques, les amulettes devinrent plus nombreuses. Des peignes admirables et des épingles à cheveux furent ajoutés aux anciens ornements. Des billes servirent peut-être à la trituration des colorants pour la fabrication des cosmétiques. Enfin, paraissant correspondre à une sorte d'écriture, la gravure sur os réapparut.
DURÉE DU NÉOLITIQUE. — « L'époque néolithique, a dit Déchelette, a occupé une longue succession de siècles, dont il est impossible de supputer la durée, même approximative. »
Se basant sur la statigraphie des fouilles de. Suse, M. Montélius évalue l'avènement de l'époque néolithique en Orient vers 18.000 ans av. notre ère ; M. Arthur Evans, s'en rapportant aux couches Cretoises, le fixe à 12.000 ans av. J.-C dans les pays égéens ; tandis que M. Siret, par ses observations en Turdétanie, l'établit en Ibérie vers le IIIe millénaire.
Sans accepter, ni rejeter pour le Néolithique provençal, les chiffres donnés par les deux premiers auteurs, il est sûr que la date assignée à la Turdétanie, pour le début de son Néolithique, est beaucoup trop faible pour la Provence. A peiné pourrait-il convenir pour elle à la fin de cette époque ou au début de l'âge du Bronze. Et comme le Néolithique a eu en Occident une très longue durée, son début peut-être reculé de nombreux millénaires.
Si, dans notre province, nous considérons un gisement à aspect flénusien et un autre à faciès mi-néolithique, nous constatons que leurs industries sont si différentes qu'il a fallu évidemment de très longs siècles pour modifier à ce point, j'allais dire transformer, le premier mode de fabrication. On pourrait m'objecter qu'il a suffi d'une peuplade envahissante pour changer ainsi la facture et l'outillage. Les preuves me manquent, en
LA CIVILISATION NEOLITIQUE 73
effet, pour défendre quand même la transformation lente dont je suis partisan. Mais si je passe à notre Robenhausien qui garde, avec l'empreinte d'une main-d'oeuvre plus habile, les caractères du Mi-Néolithique, je constate que, dans les assises superposées, séparées entr'elles par des zones stériles, aucun perfectionnement n'est apporté dans la facture des instruments. Quant à me rendre compte du temps qu'il a fallu pour entasser ces dépôts néolithiques, en les comparant à ceux qui se. sont formés depuis et sont à peu près nuls (car sur la surface des stations en plein air gisent de nombreux outils) je me sens impuissant à résoudre ce problème. Le temps nécessaire à un tel travail a été d'une durée que je ne puis évaluer ; c'est tout ce que j'ose en dire. Cette durée est caractérisée aussi par la modification partielle de la Faune et de la Flore surprise dans certains gisements provençaux.
(à suivre) V. COTTE.
La Bande d'Aubagne
sous la Révolution
(Suite et fin)
Les compagnons d'Aubagne ne se contentaient pas de piller, de menacer ou de voler : la plupart du temps ils assassinaient, et parfois avec de singuliers raffinements de cruauté. La Calade paraît avoir été le principal instrument de ces meurtres. La première affaire dans laquelle il se signala fut celle de l'assassinat commis à Beaudinard sur la personne de Jullien et de ses deux fils. Calade avait cette fois pour complices Poncel, l'apothicaire Baunier, Motet aîné, Chrysostome Marin, Faren, Barthélémy aîné dit la Machine, François Sicard, Fraize dit Glouglou et le curé Laurent Jauffret. Ce dernier, qui sans doute, s'entendait à dépecer, or apporta 1 une oreille d'un des assassinés au café de Proupelier, la présenta à Martinet ex-curé, et ensuite la remit dans sa poche » (3 messidor, an III). L'assassinat de Domergue fut tout aussi odieux. Ce sont à peu prés les mêmes bandits qui l'exécutèrent 2: le cuisinier Jauffret, Rousselier père et fils, Glouglou, le poissonnier Gullian, Mascaron, Jeanselme, Baudin, les frères Moruci, Faren, Moussart, Camoin, le curé Martinet et Fabre. Ce dernier, armé d'un stylet, se faisait remarquer par son exaltation. Il criait à tue1
tue1 Pignol et Faren. 2 Déposition Pignol et Faren.
96 LA BANDE D'AUBAGNE
tête qu'il fallait se débarrasser de tous lés Républicains. Peut-être poursuivait-il contre Domergue une vengeance particulière. Ce dernier fut extrait de la prison de Brignolles, où il se croyait en sûreté, conduit à travers la campagne et tué à coups de fusil. Son cadavre fut enterré dans la propriété Mille (messidor an III).
En brumaire an v (novembre 1796) les frères Cayol, Mascaron, La Machine, Jeanselme, Henry Babaron, Etienne et Chrysostome Martin assaillaient à l'improviste le berger Etienne à Gemenos, le laissaient sur place après l'avoir dépouillé même de ses vêtements, et le lendemain Calade avait l'impudeur de se montrer avec les habits de sa victime 1. Au mois de nivose (janvier 1797) de la même année, c'était le tour de l'aubergiste Olivary et de sa fille frappés à coups de stylet; puis le 1e jour complémentaire de.la même année (17 septembre 1797) celui de Sicard 2 dit Pot de vin, à Gemenos, qui était l'ennemi particulier du cuisinier Jauffret. Ce dernier demandait toujours- à le sabrer. L'émigré Lieutaud, en homme de loi, le poursuivait également de sa haine. C'est lui qui excita et paya les assassins, Calade, Glouglou et Chrysostome Marin, qui allèrent en plein jour saisir l'infortuné dans la boutique du perruquier Fléchier, et le dépecèrent en effet à coups de sabre.
L'affaire Dagnan fut particulièrement odieuse. C'était un tailleur de Gemenos, dont la belle-soeur, Marguerite Peyloubier, avait juré la mort. Elle s'entendit avec un de ses amants, un des compagnons de la
dépositions Pignol; Faren et Jeanselme. 2 Id., id.
SOUS LA REVOLUTION 77
bande, le jeune René et le boucher Jean Sibon. Ce furent d'abord des insultes publiques, des chiens du boucher lancés contre la future victime, puis des attaques directes. Le 19 décembre 1797, Dagnan était assailli par deux inconnus, recevait un coup de sabre du côté de l'oreille gauche, un autre sur la tête, un troisième au bras gauche et un quatrième sur le nez. Il réussit à s'enfuir et cita devant le juge de paix d'Aubagne, Honorat, Mascaron et Jean Sibon qu'il avait crû reconnaître. De nombreux témoins attestèrent le bien fondé de la plainte, mais aucun n'osa fournir de renseignements sur les inculpés. Ils semblaient s'être donné le mot, et être sous le coup de la terreur. Jean Sibon, ainsi encouragé, lança aussitôt une plainte en calomnie contre Dagnan et réussit à faire prouver par vingt-etun témoins qu'au moment du crime il était dans un café. L'affaire n'eut donc pas de suite, mais les ennemis de Dagnan n'avaient pas renoncé à leurs sinistres desseins. Ils s'adressèrent aux assassins profess onnels, à La Calade, à Glougou, à Fàren et à René. Les quatre bandits entourèrent la maison de leur victime, non sans avoir tiré au sort celui qui porterait le premier coup. Calade fut désigné, et en effet frappa le premier l'infortuné qui dormait et ses-complices l'achevèrent 1. L'affaire Achard fut peut-être plus odieuse encore. Achard 2 et sa femme passaient pour des républicains déterminés. L'un et l'autre étaient poursuivis par la haine des royalistes. Pendant plus de six mois, ils les insultèrent et vinrent faire du bruit à leur porte. Ils en voulaient surtout à la femme « parce que c'était une
1 Dépositions Pignol et Faren.
? Plainte de la veuve Achard (Marie-David) le 9 ventose an VI, 27 févr, 1798,
78 LA BANDE D'AUBAGNE
brigande de patriote ». L'un d'eux Pierre B!in avait fait aiguiser un stylet, qu'il aimait à montrer « en disant que c'était pour en faire usage contre ladite David, en le lui plongeant dans le ventre ainsi que dans ceux des patriotes. » Ils ne s'en tinrent pas aux menaces. Le 2me jour complémentaire de l'an v, une bande d'énergumènes, toujours les mêmes, conduits par Blin et sa soeur aînée qui éclairaient la marche, envahissaient la maison Achard, criant qu'ils venaient le chercher pour en finir avec eux. Achard eut le temps de se cacher sur le toit de sa maison, mais on ne le découvrit tout d'abord pas. Sa femme le défendit avec énergie. Elle se jeta sur un des brigands, Guilhernry, et lui mordit le bras, mais elle reçut aussitôt deux coups de stylet et un coup de sabre sur la tête. Pendant ce temps Achard était trouvé dans sa cachette, aussitôt criblé de coups de sabre et de stylet, et conduit tout sanglant à l'hôtel de ville, où on l'enfermait dans la geôle municipale 1. Il s'y croyait en sûreté, sous la protection de six gardes nationaux, mais, sur les onze heures du soir une vingtaine d'individus se présentèrent, « les uns noircis au visage et les autres les cheveux au-devant, armés tous d'un sabre et menaçant de couper le col s'ils faisaient la moindre résistance. Le déclarant et les cinq autres n'étant armés que de fusils qui n'étaient ni chargés, ni avec pierre à feu, furent obligés de céder à la force et de livrer le prisonnier. » Le concierge Camoin avait essayé de résister, mais « l'un d'eux lui ayant mis le pistolet sur l'estomac en réitérant sa demande, il fut obligé, pour éviter la mort, de faire la
1 Procès verbal d'accedit fait à la maison d'arrêt par Honoré Paul, juge de paix d'Aubagne,
SOUS LA REVOLUTION 79
rémission des dites clefs. Etant descendus au dit cachot, ils ouvrirent la porte de fer et enlevèrent le dit prisonnier, sans savoir ce qu'il est devenu ; ajoutant qu'il n'a connu aucun de ces malveillants, un desquels lui enleva son sabre qu'il a emporté ». Il n'était que trop facile de deviner le sort réservé au malheureux Achard. Il fut de nouveau criblé de blessures. On eut même le triste courage de lui couper un bras, puis on le jeta, tout palpitant encore, dans le puits du ci-devant évêché.
Aussi bien les compagnons d'Aubagne étaient coutumiers de pareils enlèvements de prisonniers. Calade n'eut-il pas l'audace, de concert avec Guilhermy, Pignol, Joseph Benoît, Comte, Mascaron, les frères Monier et Glouglou, de se présenter à la prison de Nice, d'en extraire, sous prétexte de les accompagner à Marseille, François Etienne, commandant le fort de Montalban, Victor Amiel, commandant le 8me bataillon des Bouches-du-Rhône, Nicolas Gury, sous chef du bataillon des étapes à Nice, et le cordonnier Louis Bonifay, et de les assassiner en route 1. Ce fut un certain Joseph Benoît qui frappa le premier coup et avec tant de force qu'il cassa son sabre. Ce fut encore lui qui alla chercher un pic dans une bastide voisine, celle de Castalin, pour les enterrer au pont de Sicardou (9 thermidor an in, 27 juin 1795. Mis en goût par ce premier succès les mêmes bandits, plus nombreux cette fois, car Joseph Caillot, le trompette Gautier, le chapelier Faren, le cordier Légier, Sicard dit René, Sivan, Rousselier père, Angely Pascal et
1 Interrogatoire de Joseph Benoit. Dépositions de Joseph Paul, François Olivier,
80 LA BANDE D'AUBAGNE
Chrysostome Morin s'étaient joints à eux, ils firent sortir des prisons d'Aubagne Louis Pontet, Joseph Baille, officier de santé, le perruquier Authier, le potier Olivier, le charretier Deluy et deux citoyens du Castelet (4 messidor an III, 2 juillet 1795). Ils voulaient soidisant les transférer à Marseille, mais ils lés assassinaient en route, au petit chemin de la Pomme, non sans les avoir insultés en chantant pour les narguer : « tu périras pour ta patrie et avec ta patrie ». La femme, Marianne Cayolle fut le témoin involontaire de ce forfait. Voici sa déposition 1 : « Se trouvant près de la bastide dite La Ganteaume, elle entendit chanter « mourir pour la Patrie ». Du nombre des chanteurs elle distinguait la voix de Rousselier père, cafetier, Elle se mit derrière un chêne. Faisant clair de lune, elle vit passer une bande, sans savoir ce que c'était, et qu'ils disaient: « Nous pissons au cul de la patrie ». Se doutant qu'on conduisait des prisonniers à Marseille et qu'on voulait profiter de la fraîcheur. Peu après elle entendit tirer plusieurs coups de feu, après avoir entendu qu'on disait : « Mets toi à genoux ». Et elle entendit crier « Aye, aye, aye ! » Elle vit qu'on courait après un qui sans doute avait échappé. Ayant oublié dire qu'après le coup de feu elle entendit piocher. » La pauvre femme fut d'ailleurs punie de son indiscrétion involontaire, car n'ayant pu retenir un cri de détresse, elle fut découverte, battue et volée.
Les bandits royalistes poussaient même l'audace jusqu'à enlever les prisonniers, quand ils étaient escortés par la gendarmerie. La Calade, Mascaron, Fevry, Glouglou et Cristin dit Baubaron arrêtèrent un jour,
1 Déposition du 9 prairial an VI. (28 mai 1798).
SOUS LA RÉVOLUTION 8l
sur la route de Marseille, un volontaire que conduisaient deux gendarmes. Ils forcèrent les gendarmes à s'enfuir et au lieu de délivrer le prisonnier, résolurent de le tuer par partie de plaisir. Baubaron lui fit exécuter la charge en douze temps, puis le tua sans autre motif. Le commandant de la place de Marseille, averti par les gendarmes, avait envoyé en toute hâte des gendarmes pour le dégager, mais il était déjà trop tard et son cadavre gisait sur la route.
Ce ne furent bientôt plus des paysans isolés ou des prisonniers mal escortés auxquels s'attaquèrent, les compagnons de La Calade. Ils entreprirent contre des villages ou de petites villes de véritables expéditions militaires. Repoussés à Saint-Maximin, ils furent plus heureux à Aubagne. Le 12 germinal an IV (ior avril 1790), près de trois cents bandits, armés de pied en cap, entraient à Aubagne, criant à tue-tête qu'ils venaient égorger les officiers municipaux et le commissaire du pouvoir-exécutif1. Ils arrivent à la maison commune et, la trouvant fermée, somment un voisin, Chabert, de leur fournir, sous peine de fusillade immédiate, un pic pour enfoncer la porte. Ils montent au premier étage, où étaient déposées les archives en criant: «'Allons voir la correspondance de ces coquins et, si nous trouvons quelques pièces suspectes, fusillons sur le champ les coquins qui l'administrent. » Ils prennent des cartouches, quinze passeports imprimés à l'avance et brisent en plusieurs morceaux une statue de la Liberté, sans parler de la caisse du burean des impositions qu'ils jettent dans la fontaine de la
1 Déposition Cestier. Chabert, François Bouet. Françoise Duchier, Jamet, Tricon, etc.
63 LA BANDE D AUBAGNE
place après l'avoir allégée de son contenu. N'ayant pas trouvé les fonctionnaires qu'ils cherchaient pour les assassiner, ils se répandent comme des furieux dans les bastides voisines. Ils se contentent d'insulter Grégoire Tricon, fermier du citoyen Légier et de boire son vin. Ils volent effrontément tout ce qu'ils trouvent dans les maisons d'Antoine Blanc, de Joseph Jean et de Madeleine Mérier, femme Michel ; ils arrachent à Catherine Mérier un petit trésor de' 48 livres, qu'elle avait espéré dérober à leurs recherches, Ils volent Françoise Duchier, femme Bonnifay, et la battent outrageusement ainsi que sa fille. Quelques-uns d'entre eux, rencontrant par hasard une pauvre fille, la «mettent devant derrière sur une barrique et Jeanselme qui la conduisait disait à ses compatriotes: «Vous la frapperez quand je vous le dirai. » Pendant que se passaient ces scènes scandaleuses, on avait réclamé des secours à Marseille, mais, quand les soldats arrivèrent, ils ne trouvèrent plus personne: Les brigands avaient déguerpi. Quelques uns d'entr'eux, excités par leur facile succès, avaient couru jusqu'au hameau, voisin, La Bédoulle. Ils avaient occupé militairement la maison Michel, mettant des sentinelles aux portes et l'avaient dévalisée méthodiquement, forçant à les éclairer la domestique Marie Roux et menaçant les femmes le poignard sur la gorge. Argent, linges, habits tout avait été emporté. On avait brisé les lampes et les ustensiles de cuisine, et dissipé les provisions de ménage. C'était une mise à sac complète et définitive.
Le 2 vendémiaire an VI (23 septembre 1798), une attaque analogue fut dirigée contre le village de Roquefort 1.
1 Interrogatoire Faren. Procès-verbal du maire de Roquefort. Déposition Espanet, Balles, Brest, Claire, Didier, etc.
SOUS LA RÉVOLUTION 83
Une cinquantaine d'hommes, tous armés de fusils, de pistolets et de stylets, envahirent le territoire de cette petite commune, et profitèrent de l'éparpillement des maisons qui la composaient pour les entourer et les attaquer les unes après les autres. La Calade conduisait la bande et il avait avec lui ses principaux acolytes, Mascaron, Jeanselme, Faren, Martinot fils et Beaunier, ces deux derniers émigrés récemment rentrés, Baubaron, Ferry, Rousselier fils, les frères René, Moniér et Maurin, Denis Sicard, Pignol, Chrysostome Marni, les deux Camoin, le tailleur et le faïencier, Henri Etienne, Comte, Aubin, Etienne Delui et beaucoup d'autres. Arrivés 1 à la bastide Espanet, vers les dix heures du matin, « quantité de brigands se sont introduits de force dans la maison de campagne qu'il habite et possède dans le terroir dé cette commune, écumants de rage et lui faisant de terribles menaces ; ils ont monté de suite au premier étage et, l'ayant forcé d'ouvrir sa garde-robe, ils lui ont volé un manteau en drap bleu, etc. Ces brigands n'ont évacué sa maison qu'après avoir fait maintes recherches et après l'avoir accablé d'injures. » Même façon de procéder dans la maison Barles. On lui vole toutes ses armes et on l'outrage grossièrement. A Jean Brest on enlève tous ses bijoux, tous les vêtements de sa femme et jusqu'à sa jument ; à Claire Didier, femme de Lieutard, agent municipal, tous ses bijoux, entre autres dix-neuf livres d'argent monnayé ; à François Sicard, quarante-deux livres en argent ; à Victoire
* Procès-verbal du maire de Roquefort. Interrogatoire du juge de pais de La Ciotaf. commis à cet effet par Raffier, directeur du jury d'accusation de Marseille .
84 LA BANDE D'AUBAGNE
Jullien sa garde-robe et ses souliers. Tous ces vols s'accomplissent sans que personne ne bouge et, lorsque les brigands se sont retirés gorgés de butin et que la force armée arrive enfin à leur aide et commence son enquête, elle se heurte à une ignorance désespérante. Personne n'a été reconnu. On se contente de dire que les agresseurs étaient jeunes et qu'ils parlaient .provençal. Un seul témoin a eu le courage de dire que La Calade lui à semblé être au nombre des agresseurs. Encouragés par cette lâcheté, les compagnons de Jésus continuèrent leurs opérations. Dès le lendemain, dans la nuit du 3 au 4 vendémiaire au VI (24-25 septembre 1798), une quinzaine d'entre eux entraient, à Cass's, sommaient Matheron, ex-commissaire du pouvoir exécutif dans cette petite ville, de reprendre ses fonctions et de leur délivrer des billets de logement. Sur son refus, ils pénétrent de force dans les maisons de Lieutaud, du notaire Guichaid, du cordonnier Lieutaud et du menuisier Montigny, et leur ordonnent de remettre leurs armes. « En vertu de quel droit, demanda Montigny. Exhibez l'ordre ! — Il est au bout de mon fusil », repondit l'un d'eux, peut-être Moutet d'Aubagne, un boîteux, que l'on signala plus tard comme ayant été le meneur de la bande.
Il n'y avait donc plus la moindre sécurité ni sur les grandes routes ni même dans les villes. Ainsi que le constate un rapport 1 de police daté des premiers jours du Consulat: « Ce n'est plus envers quelques fonctionnaires publics seulement, quelques acquéreurs de biens nationaux et quelques patriotes isolés et confondus par eux avec les anarchistes qu'ils (les royalistes)
1 ROQUAI: Etat de ht France au XVIII brumaire. p. 574.
SOUS LA RÉVOLUTION 85
exercent impunément leurs fureurs. Des communes entières sont victimes de leurs dévastations et le théâtre de leur cruautés ». Le conseiller d'Etat Français de Nantes, envoyé en mission par Bonaparte dans les départements du Midi, constatait que, si les routes de Marseille à Aix et de Marseille à Toulon par Aubagne étaient à peu près sûres, il n'en était pas de même pour les autres routes du département. Quatre bandes de brigands royalistes dont deux à Pourrières, une à Auriol et une à Gonfaron s'étaient constituées et tenaient la campagne. Bien que «poursuivis comme des bêtes fauves », ils étaient accueillis et cachés par des amis complaisants, surtout dans les communes de Tarascon, Preynes, Peyrolles, Jouques, Saint-Paul-lezDurance, Vauvenargues, Prétoulier, Trets, Auriol, Peynier, Peypin, Allauch et Aubagne. Cuges surtout, au pied de la Sainte-Baume, « était devenu un repaire affreux où il serait difficile de trouver un honnête homme... Un citoyen de Cuges est dans ce moment-ci un personnage tout différent d'un, citoyen d'Ollioules ou du Beausset qu'on les croirait appartenir chacun à un hémisphère opposé. » Même dans les deux grandes villes du département, à Aix et à Marseille, l'anarchie régnait, à Marseille surtout, car « il est difficile d'empêcher qu'au milieu d'une population si nombreuse où la mer et les montagnes offrent des moyens d'évasion assurés, il ne se cache beaucoup) de brigands. C'est là leur quartier général. »
Voici comment, à la veille du 18 brumaire, un des hauts fonctionnaires du département, le commissaire du Directoire près de l'administration centrale des Bouches-du-Rhône, Ghalon, avouait ses inquiétudes
86 LA BANDE D'AUBAGNE
dans une lettre à son collègue Maillet, commissaire du Directoire pires la Municipalité du Midi (14 brumaire an VIII, 4 nov. 1799)1 : « J'ai comme vous, mon cher camarade. Je suis très content de l'extérieur et pas du -tout de l'intérieur... Je ne dois pas tarder de recevoir le procès-verbal des trois brigands tués, deux blessés mortellement, et de celui amené garroté. Obligezmoi cependant de me donner le nom des six. J'apprends par Grasset qu'une douzaine de brigands ont été à la campagne du citoyen Tavel, située à deux pas de la ville ; qu'après avoir lié et garroté dans la cave tous les gens de la maison, ils ont volé et pillé l'argent et tous les effets... Tenez la main aux conscrits et réquisitionnaires. Je fais aujourd'hui réquisition pour faire appliquer la loi aux plus lâches déserteurs de la plus belle des causes."
Donc tout gouvernement régulier devenait impossisible, si l'ordre matériel ne se rétablissait pas, et promptement. Anssi bien la grande masse de la population commençait à se lasser de ces déprédations quotidiennes et de ces meurtres sans motif. Elle comprenait la nécessité de se serrer autour de L'autorité et de Seconder dans, la répression de ces crimes. Les gardes nationaux directement intéressés au maintien de la sécurité se montrèrent mieux disposés à aider l'autorité militaire. Lés patrouilles convoquées répondirent aux appels. La chasse aux brigands fut organisée, et elle fut fructueuse. Nous ne pouvons entrer dans le détail de ces battues à l'homme. Qu'il nous suffise de rappeler que la bande d'Aubagne, la bande de La Calade, fut la première dispersée. Sans doute bon nom1
nom1 de Marseille, dossier police.
SOUS LA RÉVOLUTION 87
bre des brigands réussirent à s'esquiver et plusieurs d'entre eux trouvèrent un asile à peu près inexpugnable dans la région montagneuse qui sépare la France de l'Italie, mais la plupart des bandits, les uns après les autres, tombèrent entre les mains des gendarmes et des gardes nationaux qui s'acharnaient à leur poursuite et souvent même se permettaient dès arrestations arbitraires'. Voici par exemple le procès-verbal 1 parle commissaire Grandy, de l'arrestation d'un suspect royaliste (17 frimaire an vu, 7 décembre 1799) : « Etant arrivés au plan de campagne territoire de Cabriès, nous avons aperçu un individu qui à notre approche doublait le pas pour se soustraire de nous. Voyant ses démarches suspectes, on lui cria de s'arrêter. Il persista. On lui lâcha un coup de fusil qui ne l'atteignit point. De suite il s'arrêta et, l'ayant approché, nous lui demandamessonnom. Il dit s'appeler Antoine-Louis-Gille Escarnier, surnommé la Forme, ancien cordonnier, demeurant à Marseille hors la porte d'Aix, arrondissement 24. On lui demanda ses papiers et carte de sûretés Il a dit n'en avoir aucun. N'ayant aucun papier et des renseignements sur son incivisme par la mauvaise conduite qu'il a tenue, lors de la dernière réaction Royale contre les Républicains, a été cause de son arrestation et sa traduction à la maison d'arrêt du bureau central pour en disposer ainsi qu'il appartiendra. »
Si le royaliste Escarnier paraît avoir été l.a victime d'une arrestation arbitraire, lorsqu'il s'agit de scélérats avérés tels que Pignol, Faren et Jeanselme, on ne garde plus de ménagements. Pignol et Faren avaient
1 Archives de Marseille,
88 LA BANDE D'AUBAGNE
été arrêtés à Milan. Ils furent ramenés de brigade en brigade jusqu'à Marseille. Arrivés à Cuges, ils furent insultés, menacés et souffletés. Sur la route de Cuges à Aubagne ils manquèrent périr victimes de ' la fureur populaire. Un fermier, Lacoste, criait à tue-tête qu'il fallait les enterrer sur place. Un certain Saitier lâcha contre eux un coup de pistolet qui ne prit pas feu. « Traduits 1 dans les prisons d'Aubagne a grands coups de pierres et de pieds, nous aurions été assassinés sans les volontaires qui nous escortaient et, pour contenir la populace, furent contraints d'armer leurs fusils. » Conduits chez le juge de paix d'Aubagne, ils furentinsultés « par une infinité d'autres tant hommes que femmes, qui entraient et sortaient en proférant des imprécations et des menaces qui nous firent une si grande frayeur que nous 'ne pouvons nous rappeler leurs noms. » Les assistants intervenaient dans l'interrogatoire pour leur faire dire, à leur volonté, oui ou non, et encore ne leur fit-on signer cet interrogatoire que le lendemain, et sans leur en donner lecture. Il est certain que cette procédure était informe et illégale, et bien que les prévenus n'inspirassent aucune sympathie, ils avaient le droit de protester et d'affirmer que leurs aveux ne signifiaient rien, puisqu'ils avaient été extorqués, sous menace de mort immédiate : « Nous ne pouvons trouver quelque adoucissement à nos peines et à nos remords, écrivaient-ils 2 plus tard, qu'en venant avec confiance rendre, hommage à la vérité et par ce moyen tâcher de faire obtenir justice
1 Pétition Pignol et Faren adressée au Directeur du jury d'accusation de Marseille.
2. Second interrogatoire de Pignol et Faren par devant Ripert. juge de paix à Marseille (21 fructidor an vu).
SOUS LA RÉVOLUTION 89
aux victimes innocentes que la violence nous a forcés de faire en les dénonçant calomnieusement. »
La populace est souvent lâche dans ses manifestations et nous ne saurions approuver l'attitude des habitants d'Aubagne vis à vis des prisonniers, mais ces cris de vengeance et de fureur rétrospective ne démontreiit-ils pas à quel point les esprits étaient alors montés et, jusqu'à un certain point, n'excusent-il pas des représailles presque légitimes ? D'ailleurs tous les coupables n'étaient pas entre les mains de la justice. L'ordonnance de Jacquet, juge au tribunal civil des Bouches-du-Rhône, directeur du jury d'accusation de l'arrondissement de Marseille, en date du 25 vendémiaire an VIII est lancée contre cinquante-six personnes, dont onze détenus dans la maison d'arrêt de Marseille entre les mains du concierge Huc, à savoir Barthélémy Lambert, dit Machine, Marguerite Agnel, veuve Dagnan, Joseph Benoît, Marie-Anne Camoin, femme Authemar, Dupont, Decroix, Auguste Farrenc, Auguste Jean, Logier, Motet aîné et Auguste Monier. Comme divers mandats avaient déjà été lancés contre eux, « et que, à l'exception de quelques faits particuliers la procédure embrasse tout ce qui a trait aux événements dont la commune d'Aubagne et ses environs ont offert l'horrible spectacle ; qu'un grand nombre de mandats d'arrêt ont été lancés par le juge de paix d'Aubagne pour raison des assassinats, vols et dévastations commis dans le cours des années trois, quatre, cinq et six, que les poursuites et le jugement de procédures relatives à ces attentats ne sauraient être soumis à la même forme de procéder qu'autant qu'ils auraient été consommés dans le même temps, qu'il y a des
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contradictions et des vices de forme », tous les anciens mandats d'arrêt sont cassés, et on en décerne d'autres d'après les formes légales. C'est grâce à ces nouveaux mandats que nous connaissons le nom de tous les contumaces, et nous sommes obligés de constater que les plus compromis d'entre eux faisaient partie du groupe de ceux qui avaient échappé à la justice. Voici du resté celte liste qui nous donnera la composition exacte de la bande d'Aubagne : Aubin potier, Bérenger. notaire, Beaunier, pharmacien, Brontin, Blin, Barthélémy Machine, Christin dit Bambaro, Camoin dit la Guigne, Coste, Camoin tailleur, trois Cayol, Auguste Comte, Etienne Deloy, postillon, deux Etienne, Ferrand, maçon, Frèze dit Glouglou, François Farrenc, deux Guilhermy, Sauveur Gautier, trompette, Jeanjean, Jeanselme, Jauffret, cuisiniér, Jullien, poissonnier, Jourdan le Bossu, deux Léon. Lebeaume cadet, Antoine Michel dit-La Calade, deux Maurin, Mottet, Martinot ex-curé, J. Monier, Chrysostome Marius, Martinot fils, deux Morier, Pigral, Paul, Poncet dit Ferry, Angely Pascal, trois Rousselier, Rey charron, Rey dit Mascaron, Sicard dit René, Sicard cadet, Denis Sicard, Venuse. De nombreux témoins avaient en outré été cités, 3 de Marseille, 12 de Cassis, 21 de Roquefort, II de Gemenos, 2 de Cuges, I de Signes, 10 de Roquevaire et 124 d'Aubagne. Ils devaient cette fois répondre à l'appel de leur nom, car ils ne craignaient plus d'inexpiables et promptes vengeances, et le procès suivit son cours régulier.
D'après l'acte d'accusation « il résulte de tous ces détails que, dans les années trois, quatre, cinq et six^ divers assassinats, vols, pillages, dévastations, actes
sbUS LA RÉVOLUTION 91
arbitraires, attentats contre les autorités constituées ont été commis dans les communes d'Aubagne, Roquefort, Cassis, leurs territoires et environs, et ce dans l'objet d'opérer le renversement de la République en attaquant le gouvernement tant en la personne des magistrats, qu'en ravissant les fonds destinés au service public et en attentant à la vie et aux propriétés des Républicains. »
Nous ne pouvons suivre dans tous ses détails ce dramatique procès de la bande d'Aubagne : qu'il nous suffise de rappeler que, dans le cours des débats, furent signalés bien des crimes auxquels le grand chef La Calade n'aurait point pris part, Ainsi Pignol, le fils Léon, Venuse et Delphine Rey avaient assassiné Benet et Rey dit Barraque. A Gemenos Marie Boutin, Chrysostome Marni et Venuse avaient égorgé Laurier et Armouri, et André. Morier la femme Elisabeth (an v pluviose). A Gemenos encore était assassinée la fille Tempon, et les assassins s'acharnaient sur son cadavre et lui coupaient le sein. Au Lion d'Or, sur le territoire de Cuges. des inconnus avaient fait descendre dans la cave la femme de Jean Clay avec son petit enfant, et, sur son refus de leur indiquer la cachette de son argent, l'avaient tuée en même temps qu'ils criblaient l'enfant de coups de stylet. La Machine et Mascaron ont fusillé sur la route un boucher de SaintMaximin, Joseph Barthélémy et le fils aîné d'Olivier Bridier (2 fructidor an y), Au Beausset, à l'entrée du village, et presque dans les bras du sergent de la commune, tombait percé de coups un jeune homme. Qu'est-il besoin de poursuivre cette sinistre énuméra1
énuméra1 Faren.
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tion ? Non seulement elle serait fastidieuse, mais aussi forcément incomplète, car, en temps d'anarchie, bien des crimes restent impunis.
C'est devant le tribunal spécial d'Aix que furent traduits les complices de la Calade. A la page 96 et suivantes du registre des jugements de ce tribunal, existe in-extenso, à la date du 14 fructidor an IX (31 août 1801), le jugement de la bande d'Aubagne. Il comprend quarante pages d'une écriture très fine, soixante lignes à la page, et indique que le procès a duré seize séances et que sur les 60 inculpés, 48 ont été acquittés, six seulement, et c'étaient des coutumaces, condamnés à mort, un à vingt-deux ans de fers et à l'exposition publique, quatre à quatre ans, de fer et à l'exposition publique, deux à deux ans de fers et à l'exposition publique.
Nous ne savons pour quels motifs les juges se montrèrent si indulgents. Les assassins avaient eu moins de pitié pour leurs victimes ! Aussi bien cette indulgence fut bien inopportune, car les brigandages devaient continuer longtemps encore. Jusqu'à la fin de l'Empire les commissaires de police, dans leurs rapports hebdomadaires, durent consacrer un article spécial aux crimes et délits commis surtout dans les campagnes, et, lors de la Restauration, si tant de victimes des passions politiques furent encore sacrifiées, n'est-il pas probable que les compagnons du Soleil qui survivaient, n'avaient pas renoncé à leurs vieilles habitudes ?
Paul GAFFAREL,
CHRONIQUE
LA PROVENCE AU COMITÉ DES TRAVAUX HISTORIQUES ET SCIENTIFIQUES
Membres non résidants
M. Michel Clerc, correspondant de l'Institut, doyen de la Faculté des Lettres de l'Université d'Aix-Marseille, conservateur du Musée Borcly de Marseille.
Joseph Fournier, archiviste do la Chambre de Commerce de Marseille. 13, rue Barbaroux.
Léon Labande, correspondant de l'Institut, conservateur des archives et de la bibliothèque du Palais, rue du. Tribunal, 10, Monaco.
Paul Masson. correspondant de l'Institut, professeur à la Faculté des Lettres de l'Université d'Aix-Marseille, Cours Pierre-Puget, 3, Marseille.
Edmond Poupé, professeur au Collège, conservateur de la bibliothèque et des musées municipaux, boulevard de l'Esplanade, 19, à Draguignan.
Eusèbe Vassel, villa des Lilas, avenue Cernuschi, Menton (AlpesMaritimes.
Correspondants Honoraires du Ministère
Barré, biliothécaire en chef honoraire de la ville de Marseille, boulevard Merle, 18, à St-Barnabé, près Marseille,
Darboux, professeur à la Faculté des Sciences de l'Université d'Aix-Mar selle.
Deydier Marc, notaire honoraire, à Cucuron (Vaucluse). Décédé.
Duhamel Léopold, archiviste du Vaucluse, Avignon.
D'uprat Eugène, professeur-adjoint au Lycée, Marseille.
Julien, contrôleur civil suppléant, en disponibilité, aux Mées (Basses-Alpes).
Moris Henri, archiviste des Alpes-Maritimes, à Nice.
Privat (Le général), à Hyères (Var).
Ville d'Avray (Thiéry de), ancien conservateur du musée de Cannes, villa Marie-Antoinette, quartier St-Maxime, Nice.
Villeneuve (l'abbé Léonce de) archéologue, au Palais de Monaco.
94 ANNALES DE PROVENCE
Correspondants du Ministère Arnaud d'Agnel (l'abbé G.), aumônier du Lycée, rue Mentaux, 10, à Marseille.
Azam (Joseph), membre de la Société d'Etudes Archéologiques, Draguignan.
Bourget (Henry), prof, à la Faculté des Sciences de l'Université d'Aix-Marseille, directeur de l'Observatoire de Marseille,
Busquet (Raoul), archiviste des Bouches-du-Rhônc, 2, rue Sylvabelle, Marseille. Chaillan (l'abbé) curé de Septèmes (B.-du-Rh.) Cotte (Charles), notaire, à Pertuis (Vaucluse).
Destandau (Abel), pasteur de l'Eglise, réformée, à Mpuriès (B.- du-Rh.) Doublet (G.), professeur au Lycée, Nice,
Gérin-Ricard (Henry de), président de la Soc. de Statistique, rue Wulfran-Puget, 33, Marseille,
Girard, conservateur du Musée Calvet, Avignon.. Godin (le dr Paul), médecin-major des hôpitaux, en retraite, villa Henri-Victor, à St-Raphaël (Var).
Isnard (Zéphirm)j, archiviste Ides Basses-Alpels, à Digne. Jumelle (Henri), prof. à la Faculté des Sciences de l'Université d'Aix-Marseille.
Moulin (Paul), conservateur-adjoint des archives départementales à Marseille.
Poitevin de Maurillau (le colonel de), conservateur des musées d'Hyères (Var).
Sautel (l'abbé Joseph), membre de l'Académie de Vaucluse, Avignon.
Valran (Gaston), professeur honoraire du Lycée Mignet, traverse de la Violette, Aix.
Vayssière (Albert), eprespondant de l'Institut, prof. à la Faculté des Sciences de l'Université d'Aix-Marseille, rue, Croix-de-Régnier. 22, Marseille.
Véran (Auguste), architecte des monuments historiques, à Arles,
ACADÉMIE DE MARSEILLE ..
Programme des Concours pour L'année IÇ20. — I° Fondation du Maréchal de Villars: Le Maréchal de Villaxs, fondateur de l'Académie de Marseille en 1726, lui a légué un capital inaliénable., dont le revenu est destiné à récompenser un travail littéraire dont lé sujet est laissé à son choix. Le prix est. cette année, de 300 francs,
ANNALES DE PROVENCE 95
Lé sujet imposé est le suivant: Etude sur le littérateur Paul Arène. 2° Fondation du Duc de Villars: Le Duc de Villars a, comme son père, légué à l'Académie un capital dont le revenu est destiné à récompenser un travail scientifique relatif au Commerce, à l'Industrie ou à la Pisciculture marine. Le prix est, cette année, de 300 fr. Le sujet imposé est le suivant: Les ressources de la Provence en puissances hydrauliquès et leur utilisation actuelle ou possible.
Conditions du Concours: I° Les manuscrits devront être envoyés au Secrétariat de l'Académie, rue Adolphe-Thiers, 40, avant le 31 janvier de l'année 1921 ; 2° Ils devront être affranchis ; 3° Ils ne devront pas être signés de leurs auteurs, ni renfermer aucune indication qui puisse les faire connaître; 4° Ils porteront une épigraphe; 5° Cette épigraphe sera répétée sur un billet cacheté annexé à la pièce à laquelle elle se rapportera. Ce billet contiendra, avec une répétition de l'épigraphe, le nom et l'adresse de l'auteur; 6° Les manuscrits ne seront pas rendus.
CONGRÈS RÉGIONALISTE D'AIX
Sur l'initiative de M. Marcel Provence, président des jeunesses régionalistes, un Congrès s'est réuni à Aix les 10 et 11 avril. Il a eu un réel succès, toutes les séances ont été très animées et souvent 011 a dû se. contenter de donner des communications un résumé, Voire un sommaire, tant elles étaient nombreuses. Des délégués du Limousin, du Languedoc, du Lyonnais, du Dauphiné, de la Catalogne, de l'Ain, du Nord, bref de la plupart des régions de la France sont venus apporter le salut de leur pays à la Provence et proclamer leur foi dans le régionalisme dont ils attendent d'heureux résultats au point de vue économique, littéraire et même administratif. On a fort remarqué et. suivi avec le plus vif intérêt les détails apportés par M. Martin Mamy, directeur du Progrès du Nord, sur la grande misère des régions libérées.
Divers voeux ont été émis en faveur de l'indépendance des organismes régionaux, de l'enseignement officiel de la langue provençale et en général des langues locales ainsi que de l'histoire locale, de l'organisation régionale de l'enseignement professionnel, de la réorganisation des régions libérées avec une large autonomie économique et financière.
La Société d'Etud,es Provençales, qui est un organisme essentiellement régional et régionaliste, avec ses secrétaires-correspondants établis partout où se produit une manifestation intéressante de la vie intellectuelle clans la Provence, s'associe volontiers aux généreux fforts des jeunesses régionalistes.
96 BlBLIOGRAPHIE
BIBLIOGRAPHIE
Comptes Rendus
Les ouvrages numérotés se trouvent à la bibliothèque de la Société
Chan. Ulysse CHEVALIER: La Croisade du Dauphin Huinbert II (1345-1347), communication au cinquantenaire de la Société d'Archéo logie et de Statistique de la Drôme, m-Bull-d°-207e livr. janvieravril 1920, pp. 38-76.
Cette curieuse, savante et substantielle étude intéresse autant l'histoire locale que la générale et mérite la particulière attention des Provençaux, puisque Humbert II fut dans là circonstance le capitaine général d'un pape avignonnais Clément VI et que, à cette époque, l'histoire des provinces du sud-rhodanien est singulièrement mêlée. De plus le Dauphin s'embarqua à Marseille, après y avoir séjourné près d'un mois (du 9 août au 3 septembre 1345) pour ses derniers préparatifs. M. Chevalier ne sait dire dans quel couvent il logea (ne serait-ce pas chez les FF. Mineurs, comme à Avignon ?) mais indique le gîte de son chancelier, l'Hôtel de la Clef; sans doute les érudits locaux pourront sur ce point compléter son abondante documentation. Autre indication intéressante: en l'absence du Dauphin et par son ordre la forêt de Claix fut exploitée par deux Mar seillais, à charge par eux d'en construire des galères à mettre à la disposition de la Croisade. Amusons-nous à relever une surprenante inadvertance de l'érudit chanoine (elle pourrait bien être le fait de son compositeur) ; à leur départ d'Avignon, le 4 août 1345, les Croisés se rassemblent chez les Capucins. M. Chevalier sait mieux que ses lecteurs que cette branche de l'ordre séraphique a pris naissance au XVIe siècle, mais il s'est oublié à parler comme ses contemporains pour lesquels — en France tout au moins — tout franciscain est un capucin. A. R.
CENT THÈSES MÉDICALES
BAS-ALPINES
(Fin)
LXXXVIII. — VICTOR-ANDRÉ SARLIN, né et mort au Planet, commune de Sigoyer-Malpoil, canton de la Motte-du Caire, 29 novembre 1822, mort 13 février 1883, inhumé à Gap. Suppléant du juge de paix de Sisteron, 29 août 1863-15 mai 1879.
Thèse pour le doctorat eu médecine. Présentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Paris par Victor-André Sarlin, né à Sigoyer (Basses-Alpes), docteur en médecine. Paris, Rignoux, 1848, in-4°, 43 pp.
C'est le titre que porte la couverture bleue, dans l'intérieur, sur le titre il y a, en tête :
FACULTÉ DE MÉDECINE DE PARIS et, après Docteur en Médecine : DE LA MÉNINGITE TUBERCULEUSE.
Thèse dédiée à l'oncle Sarlin, curé, au général de division de Laidet, représentant du peuple, et à M. de Salamon, père. Reçu le 17 septembre ou le 8 août 1848.
Au bas de la première page de chaque feuille, côté gauche, la signature : 1848, SARLIN.
LXXXIX. — HYACINTHE-JULES CÉSAR SAVORNIN, né et mort à Seyne ?
N' 227. — Essai sur la colique de Plomb. Thèse Présentée et soutenue à la Faculté de médecine de Paris, le 26 août 1829, pour obtenir le grade de Docteur en médecine par Hyacinthe-Jules-César Savornin de Seyne, département des Basses-Alpes, bachelier ès-lettres et ès-sciences, membre de l'école pratique. — A Paris, de l'impr. de Didot le jeune, 1829, in-4°, 22 PPXC.
PPXC. ANTOINE-FRANÇOIS-JOSEPH SAVY, né et mort à Saint-Michel, 22 juillet 1785, mort 12 mars 1860,
98 CENT THÈSES MÉDICALES
maire, dernier médecin ayant résidé dans le pays, fils de Jean-Joseph (1759-1843), chirurgien-major et second des vaisseaux du roi, consul, et petit-fils de Pierre Joseph (1734-1819), maître en chirurgie et consul. Reçu docteur à Montpellier, 25 juillet 1807.
Essai sur la pustule maligne. Tribut académique Présenté et soutenu publiquement à l'Ecole de Médecine de Montpellier le (25) juillet 1807 par Antoriin'-François-Joseph Savy, natif de St-Michel, département des Basses-Alpes, Membre de l'Athénée Médical de Montpellier, pour obtenir le grade de Docteur en médecine.
Quae ferrum non sanat, ea ignis sanat. Hip. sect. m., aph. VI:
Montpellier, chez G. Izar, impr., plan d'Encivade s. d , in-4°, 24.pp.
Dédié à J. J. Savy, ancien chirurgien-major dans la marine,
mon père et mon meilleur ami, à Claire Laugier (de Dauphin),
la plus chérie et la plus tendre des mères, à P. J. Savy, docteur
en chirurgie, mon grand père.
O vous qui avez guidé mes premiers pas dans la carrière médicale, permettez que je vous donne aujourd'hui une faible marque de reconnaissance en vous offrant les prémices de mes travaux scholastiques.
Au British Muséum, 1180, f. 8 (5).
XCI. — JEAN-JOSEPH FRIDOLIN 5 SAVY, frère du prérédent, né à Saint-Michel, 6 mars 1795, mort à Forcalquier 11 avril 1881, chevalier' de l'ordre de St-Grégoire-le-Grand, reçu docteur à Montpellier, 16 février 1818. '
N° 12. — Essai sur la péritonite puerpérale ; présenté et publiquement soutenu à la Faculté de Médecine de Montpellier, le 16 février 1818, par Jean-Joseph Fridelin Savy, de Saint-Michel, département des BassesAlpes, Ex-chirurgien Aide-Major de l'Hospice Civil deToulon; Membre correspondant de la Société Académique de Médecine de Marseille; Membre de l'Athénée Médical de Montpellier; Membre du Cercle Chi1
Chi1 l'appelle Antoine; dans la famille on l'appelait Antonin. Même anomalie pour Augustin Marcellin n° LV.
2 L'Annuaire du département l'appelle à tort, Fidelin, et la thèse Fridelin. II s'appelait Fridolin, nom popularisé par un conte du chanoine Schmidt.
BAS-ALPINES 99
rurgical de la même ville; bachelier ès-lettres. Pour obtenir le titre de Docteur en Médecine.— A Montpellier, chez Jean Martel aîné, seul imprimeur de la Faculté de Médecine, 1818, in-4 24 PPEPIGRAPHE : Dî, talem terris avertite pestem !
Aened. Lib. III., vers 681.
Thèse dédiée à son père, à son grand-père, à sa mère, à son frère qui précède et à sa femme M. (Geneviève) Bodo (c),
XCII. — MARTIAL-ALFRED SAVV, fils du précédent, né àForcalquier, Ier juillet 1836, exerce à Valensole.
N- 24. — Des épanchements pleurétiques considérés au point de vue du diagnostic et de la thérapeutique. Thèse présentée et publiquement soutenue à la Faculté de médecine de Montpellier, le 29 juillet 1861, par Savy (Martial-Alfred), né à Forcalquier (Basses-Alpes), docteur en médecine, élève de l'Ecole pratique de chimie, de la Faculté de Montpellier, ex-médecin sous-aide des hôpitaux de l'armée d'Italie, pour obtenir le grade de docteur en médecine. Montpellier, impr. de L. Cristin et Cie, 1861, in-4 56 PP.
L'exemplaire du libraire ne porte ni le n° d'en tête ni les mots : pour obtenir le grade de docteur en médecine. C'est le doyen des docteurs bas-alpins, étant âgé de 75 ans et ayant 52 ans d'exercice.
XCIII. — FRANÇOIS-ALPHONSE SILVE, né à Seyne, 6 juillet 1804 mort à Digne 11 juillet 1883, exerçait à Digne ; reçu docteur à Paris, 12 mai 1830.
N° 92. — Quelques considérations sur la hernie inguinale et son opération. Thèse présentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Paris, le 29 avril 1830, pour obtenir le grade de Docteur en médecine, par F. Alphonse Silve, né à Seyne, département des Basses-Alpes, ex-interne des Hôpitaux et hospices civils de Paris, bachelier ès-lettres et ès-sciences, à Paris de l'impr. de Didol, le jeune, 1830, in-4- 26 PP.
L'exemplaire de librairie ne porte pas le n° d'ordre en tête, ni les mots pour obtenir le grade de Docteur en médecine, mais bien Docteur en médecine après Basses-Alpes. Il a 27 pp.
XCIV.— PAUL-JEAN-JOSEPH SILVE, fils du précédent, né à Digne 19 juin 1850, reçu docteur à Montpellier en 1878, exerçait à Digne en 1881, émigrant.
100 CENT THESES MEDICALES
Du prolapsus du corps vitré dans l'opération de la Cataracte par Paul Silve, Docteur en médecine, ancien élève des hôpitaux de Paris ; lauréat de l'Ecole de Médecine de Marseille, examens de fin d'année 2e et 3e, ex-médecin aide-major des mobilisés des Basses-Alpes.— Montpellier, impr. Centrale du Midi, 1878, in-4° 58 PP.
XCV. — MARIE-GUSTAVE-CHARLES-VALENTIN TARDIEU, né à Sisteron le 7 août 1851, pharmacien à Sisteron.
Thèse présentée pour le doctorat en pharmacie :
Etude sur les propylglycols et leurs dérivés par Gustave Tardieu, ex-interne des hôpitaux de Montpellier. — Montpellier, impr. de Firmin et Cabirou, 1875, in-4°, 43 PP.
M. Tardieu, qui est aussi licencié en droit, a publia, de plus, beaucoup d'autres mémoires et volumes intéressants, surtout sur l'histoire et la topographie locale. On aime à croire qu'il poursuivra.
Voici, par ordre chronologique, ceux que nous connaissons :
l'Exploration de la Grotte dite Trou d'Argent. Compterendu des fouilles, lu par M. Gustave Tardieu dans la séance tenue par la Société Française d'Archéologie à l'Hôtel de Ville de Sisteron le Ier juillet 1877 (Extrait du compte-rendu des congrès tenus au Mons et à Laval par la Société Française d'Archéologie en mai 1878). Tours, impr. Paul Bouserez, in-8e 19 pp.
C'est à peu près le seul mémoire sur l'archéologie préhistorique que l'on connaisse sur l'arrondissement de Sisteron.
2° Lecture sur l'archéologie préhistorique. Forcalquier, Auguste Masson, impr. de l'Athénée et du Félibrige des Alpes, 1879, In-8°, II p.
3° A travers les Alpes : Annot, les dues du Var et du Verdon. Forcalquier, A. Crest, impr. de l'A. et du F. d. A., MDCCCLXXXII, in 8°, 13 pp.
4° Une ascension sur Lure, en automne. — Forcalquier, impr. Bruneau, impr. de l'Athénée, 1887, in-8°} 18 pp.
5° A travers les Alpes : Les rochers- de Dromon (Basses-Alpes),
BAS-ALPINES 101
Sisteron impr. typographique (sic) Aug. Turin, 1888, in-8°, 14 pp. Extrait du Sisteron Journal.
6° Les horloges de la ville de Sisteron (Historique).— Sisteron, impr. Aug. Turin, s. d. (mai 1891) in-8°, 18 pp.
Extrait du Sisteron Journal, à propos de la reconstruction de la tour de l'horloge. Décembre 1891-mars 1892.
7G A travers les Alpes : de Digne au Grand Rubren. — Digne, impr. Chaspoul et Vve Barbaroux, 1894, in-8°, 30 pp.
(Extrait du Bulletin de la Société Scientifique et Littérairedes Basses-Alpes).
8° A travers les Alpes : Le vallon de l'Aiguebrun et le vieux fort de Buoux (Luberon). Forcalquier, A. Crest, 1895,in-8°, 13 pp. Extrait du Journal ds Forcalquier.
9° Note sur une collection de roches recueillies par M. G. Tardieu dans les alluvions actuelles de la Durance (à Sisteron), déterminées et étudiées par L. Duparc et W. Kilian.— Paris, 1895, in-8°, 16 pp.
(Extrait du Bulletin de la Société Géologique de France, 1895 t. XXXIII, p. 349-365).
10° Sisteron : La citadelle, l'Horloge du château, la captivité du Roi de Pologne.— Sisteron, impr. Constans,L.Saron, directeur-gérant, s. d., (9 juillet 1910), in-8°, 15 pp.
2 gravures : sur la couverture ; Sisteron en 161 5 (sic pour 1605). Dernière page de la couverture : Le rocher (remarquable) de la Baume.
11° Les Alpes de Provence. Guide du Touriste, du Naturaliste et de l'Archéologue. — 91 illustrations dans le texte et une carte en couleurs, Paris, Masson et Cie, 1912, in-16, VI-3 10 pp.
Fait partie de la collection des Guides.
XCVI.— BENOIT TIRAN, né à Barcelonette vers 1780 reçu docteur en pharmacie à Montpellier le 4 septembre 1810.
Essai sur la Soude Considérée sous le rapport de son extraction et
102 CENT THÈSES MÉDICALES
de ses combinaisons sur différents corps. Présentent soutenu à l'Ecole de Pharmacie de Montpellier le 4 septembre 1810 par Benoît Tiran de Bàrcelonette, département des Basses-Alpes, pour obtenir le' titre de pharmacien. Montpellier, de l'impr. d'Av. Ricard, place d'Encivàde, n° 209, s. d., in-4', 3° PP.
Dédié à son oncle Tiran, curé de St-Pons-lez-Barcelonette.
XCVII. — JEAN-Louis-MARTIN TRABUC, né et mort à l'Escale 15 novembre 1804, mort 21 mai 1890, exerça à Marines (Seine-et-Oise) et à l'Escale, reçu docteur à Paris, 25 janvier 1833,
Considérations sur la localisation des maladies et. sur les effets des évacuants. Thèse présentée et soutenue à la Faculté de Médecine de Paris le 5 janvier 1833 par Louis-Martin Trabuc, né à l'Escale, département des Basses-Alpes, Docteur en médecine, ancien élève des hôpitaux de Paris, bachelier ès-sciences.— Paris, de l'impr. de Didot le jeune 1833, in-4°, 19 pp.
XCVIII. — DÉSIRÉ TRON, né à Mison, 1883, reçu docteur à Montpellier 1908; exerce à Sisteron.
Localisation de la tuberculose au niveau de la mastoïde chez les nourrissons par Désiré Tron, Docteur en médecine. Montpellier, impr. G. Firmin, Montane et Sicardi, 1908, in 8, 61 pp.
XCIX. — HIPPOLYTE VILLEPRAND, né à Manosque 13 août 1896, fils du docteur Ludovic, a émigré, exerce à Passy-Paris.
De quelques complications du travail et des suites de couches par les cardiopathes par Hîppolyte Villeprand. — Paris, impr. H. Jouve, 1893, in-8-, 84 pp.
V. LIEUTAUD.
DOCUMENTS SUR LA PRÉHISTOIRE DE PROVENCE
LA CIVILISATION NÉOLITHIQUE
Habitats Néolithiques
De même que les Paléolithiques et les Mésolithiques, les Néolithiques choisirent de préférence, pour y habiter, le voisinage des cours d'eau et des sources l. Ils s'installèrent dans les abris lorsque la roche qui les forme leur présenta une cohésion assez rassurante. Les plateformes qui s'étendent parfois devant ces habitats, les pentes qui les séparent du ruisseau bu de la rivière, furent des points de prédilection lorsque la température était douce. Il est équitable de reconnaître que les difficultés ne rebutèrent pas nos Pères. Des silex taillés ont établi leur passage, sinon leur séjour, à Font-Fiholle, sur le flanc du Ventoux (ait. 1788 m.) et sur le sommet même de ce pic (alt. 1908 m.). Un grattoir de très grande dimension, taillé par l'un d'eux dans la roche composant la crête de la montage de Lure, a été trouvé sur ce faîte même.
Des cabanes furent aussi construites 2. Afin de les dissimuler autant que possible, de les rendre plus fraîches en été, moins froides en hiver, elles furent enfoncées dans le sol jusqu'à 0 m 70 environ. Leur diamètre varia de 1 m 50 à 2 m seulement. Des pieux reliés par des branchages légers et souples, noyés dans de la terre glaise et recouverts de la même matière, formèrent les
M. de MORGAN, dans ses Recherches sur les origines de l'Egypte, nous apprend que les hauteurs bordant le Nil donnent des instruments de pierre sur plus de 800 kilom. de longueur. Voir L'Age de la pierre et des métaux. Paris, 1896, pp. 67 et 68.
Campigny en possédait.
104 LA CIVILISATION NEOLITHIQUE
murs et la toiture de ces palais néolithiques, qui paraissent, vu leur exiguïté, avoir abrité leurs propriétaires seulement pendant la nuit, ainsi que les journées de pluie et de froid rigoureux. En Provence, des roseaux disposés en croisillons, furent sans doute employés à augmenter la solidité de l'édicule (').
A ce mode succéda celui de la pierre qui dut se perfectionner lentement.
Les murs des huttes, élevés seulement de 2 à 3 m au maximum, supportaient un cône ou une pyramide quadrangulaire qui égalait en hauteur le diamètre de la base. Le système ingénieux de voûte en encorbellement ne fut employé en Provence qu'à la fin du Néolithique. Il s'est continué jusqu'à nos jours. Ce sont les boris des B.-A., de Vauc et des B.-du-Rh. 2.
Quelques-uns d'entr'eux ne comptent pas même un demisiècle. Le plateau des Claparèdes, dominant l'Aiguebrun, a possédé un grand nombre de ces cabanes. Ruinées depuis longtemps, elles sont mêlées à des murgers formés par l'épierrement des champs. Elles présentent elles-mêmes l'aspect de simples tas de pierres appelés clapié, parfois clapas, en provençal ; d'où le nom donné au plateau. Le territoire de Saint-Martin-deCastillon, voisin de ce lieu ; au-delà, les environs de Forcalquier (B.-A.) ; les collines situées entre Saint-Chamas, Grans et là Crau ; les champs entre Grans et la Touloubre ; là bifurcation des routes de Salon et de Grans ; Fos, Miramas et Pélissanne, tous ces pays possèdent de nombreux boris. Quelques-uns sont
1 L'atelier du Càrdinet à Mormoiron, a donné à M. Deydier un fragment de terre cuite portant sur chacun de ses côtés des empreintes de roseaux ou de baguettes. Un fragment de clayonnage a été trouvé par M. Cotte à Saint-Juliende la Bastidonne. Ch. COTTE. Les Boris de Provence, (Annales de Provence, 1912, p. 215).
2 NICOLLET. Elymologie et origines du mot bori (Ann. Provence, 1912, p. 50) J. DUMAS. Le Mont Ventoux prèhist. (Rev. Prèhist, 1910, p. 73). A. ISSEL, Un exemple de survivance préh. (XIII° Congrès d'Anthrop. et d'Archéol. préh. Monaco, 19061 p. 250).
LHERMITE. Cabanes en pierres sèches (Acad. Vauc, 1912, n° 2, p, 71). D. MASTIN. (Annales de Provence, 1912, p. 45).
LA CIVILISATION NEOLITHIQUE 105
protégés par un mur de plus de 2 m de haut. Les huttes de la Sarrée 1, de la Tuilière et de Seyran, sont rangées par M. Chiris et par M. Guébhard à l'Enéolithique. La splendide sépulture de Canteperdrix (Gard), et celle de Fontvieille (B.-du-Rh.) établissent, dans le S.-E., ce mode de construction au moins dès l'Enéolithique.
Cependant les cabanes ne furent pas toujours construites dans les parties basses ou peu élevées. Peu à peu de très nombreux camps furent établis sur des sommets,naturellement défendus dans la plus grande partie de leurs pourtours. Par des murailles et par des fossés l'accès en fut rendu difficile sur le côté ouvert. Là furent élevées en pierres sèches les cabanes (ou boris) qui viennent d'être citées et qui rappellent la sépulture à encorbellement de l'antique Mycènes 2.
Un grand nombre de camps ont été habités du Néolithique au Moyen-Age ; aussi n'est-il pas facile souvent de fixer la date de leur fondation. Des témoignages de leur occupation première rien ne subsiste, si ce n'est quelques rares traces presque introuvables de fonds de cabanes livrant seulement des instruments en silex, des haches polies et, souvent en abondance, des tessons de poterie. Mais les pluies et les intempéries ont fait maintes fois disparaître ces fragments,si la cuisson en était mauvaise, et l'on peut craindre de les confondre avec une céramique de même texture et pourtant plus récente.
Il existe sur le plateau de Ganagobie (B.-A.) de nombreux
* MAECELLIK CHIRIS. Sur 3 huttes préh. (Ann. Soc. lit. sc. et arts, Draguignan, 1902, p. 263. Hutte de Seyran (Plateau de Seyran ou de la Chèvred'Or), 3 m haut, 2 m 50 diam. A 400 m de là; ruines de la hutte de la Tuilière ; superficie 10m x 5 m. La Sarrée, dimensions égales à celles de Seyran, Poterie sans ornements dans les '3 huttes. Anneau de bronze dans Seyran et Sarrée. Voir PAUL NICOLLE. Notes de voyage aux bords de la Méditerranée, hiver 1904, (Soc. Préh. de France, 1904, p. 174).
2 Le nom de boris est propre surtout aux abris sous rochers naturels ou artificiels ; lesquels, fermés par un mur pourvu d'une porte et parfois d'une fenêtre sont des habitations très communes aux Baumes et aux Baumeites, près d'Apt. Le hameau des Boris, situé prés de Lauris-sur-Durance; a reçu son nom d'une agglomération de cette sorte d'habitations.
106 LÀ CIviLISATION NEOLITHIQUE
restes de cabanes d'aspect néolithique. lisse cachent dans le taillis ou émergent d'un sol pierreux et improductif, comme pour attester l'antiquité de ces habitats. Ce sont des blocs juxtaposés ou liés entr'eux par des murets, des dalles enfoncées de champ dans le sol, debout comme au jour de leur érection et disposées parallèlement deux à deux, à une distance de I m à I m 50 environ. Dans les espaces qu'elles délimitent, le sol n'a pas été nivelé par le temps égalitaire. Ces dépressions nous montrent le genre de constructions cher à nos néolithiques : les huttes exiguës s'enfoncent dans le sol. Dans un angle du même plateau, on peut voir une ville bâtie en pierres sèches, ayant reçu longtemps plus fard une église et en même temps de vrais remparts de construction excellente. L'importance de ce. qui parait avoir été la bourgade néolithique, semble attestée pat celle des nombreuses constructions ; car celles-ci n'ont pas. épuisé les matériaux des anciennes.
KJOKKENMOEDDINGS. — Quoiqu'on ait attribué plusieurs de ces gisements à la Provence, je n'ose les rappeler ici, tant il est difficile d'en découvrir la trace. Cependant celui de San-Salvador, sur la Côte-d'Azur, .mérite d'être cité. Il consiste en un amas de terre mélangée à des cendres, à des charbons et contenant des silex taillés ainsi que de nombreuses coquilles. Ce banc, éloigné du rivage de 20 à 25 m à peine, à une longueur de 20 m et une épaisseur maxima'de 1 m 50. Les déchets de cuisine laissés sont loin d'être comparables à ceux de la Scandinavie ; néanmoins ils suffisent à indiquer chez quelques néolithiques des goûts identiques à ceux de leurs frères du Nord 1.
PALAFITTES.— Un mot bien court à leur sujet : De tous les gisements préhistoriques les Palafittes ont été les plus populeux ; ce. sont eux qui fournissent le plus d'éléments pour l'étude de la fin du Néolithique. Chacun sait que ces habitats furent établis sur pilotis dans de vastes pièces d'eau, vers 40 à 90 m du bord à
1 A. GORY. Note sur un amas de coquilles mêlées à des silex taillés. (Ext. de la Revue Archèol., 1864, p. 113) ; (Matériaux, 1865, p. 337).
LA CIVILISATION NEOLITHIQUE I07
l'époque néolithique, vers 300 à 400 m à l'âge du Br. Le Br. IV et l'Hallstattien furent les plus riches en palafittes. Les plus anciennes remontent au Néolithique.
La Provence ne possède aucun habitat de ce genre. Cependant des pieux trouvés au pied des Alpill.es 1, vers 6 à 7 m de profondeur, permettent de ne pas rejeter l'idée de l'édification d'une palafitte dans le voisinage des îles (collines aujourd'hui) de Montmajour, de Cordes et de Castellet. Car les eaux recouvrant cette région à l'époque néolithique, et les mamelons des environs d'Arles surgissant comme de vraies îles, rien ne permet de démentir l'assertion présentée. En ce cas ces établissements auraient été sans doute énéolithiques et auraient correspondu aux sépultures de Cordes et de Castellet. Jusqu'à présent on n'a pas trouvé de station qui puisse offrir une corrélation avec ces hypogées.
Lorsque.M. Rousset croit qu'une palafitte a existé à Oppède Vaucl.), son hypothèse n'est appuyée sur aucun fondement.
Encore plus problématique est celle qu'on a cru établir par des pieux trouvés à l'embouchure d'un fleuve, petit et bénin en temps ordinaire, mais redoutable quand surviennent les crues.:
GROTTES. — Les grottes ont comservé en général leurs foyrers intacts. Une épaisseur variable de pierres et de pierrailles, tombées du plafond, cache seulement les diverses assises archeologiques ; de sorte que, sous la main du chercheur, apparaît, dans toute sa pureté, l'expression de la civilisation antique.
Il n'en est pas ainsi quant aux dépôts extérieurs. Les foyers, les déchets de cuisine et autres ont souffert de bien des manières. Les éboulis des falaises, parfois considérables, séparent souvent les assises archéologiques, que les. eaux pluviales ont lavées et souvent même entraînées en partie. Néanmoins certaines pentes sont encore riches. Il en est d'autres où nulle trace
1 D'après M. E. BOUCHINOT cette trouvaille aurait été faite près du Mas de Cordes. Voir de cet auteur : Noie archéologique sur la gr, sép. de Coulignargués, près d'Arles et l'Allée couverte de la Source.. (Ex. bull. Soc, des Amis du vieil Arles, janvier 1904-1905, p. 65, et 1905-1906, p. 49).
108 LA CIVILISATION NEOLITHIQUE
de cendre ou de charbon, nul débris de poterie, aucun ossement, rien ne subsiste ; seuls quelques silex taillés, non entraînés encore, montrent le genre de facture des Ancêtres. La patine dont ces outils sont recouverts nous est quelquefois précieuse, en ce qu'elle nous permet d'entrevoir la longueur des temps écoulés entre les débuts de l'industrie du Quaternaire supérieur et l'époque que nous étudions. Il n'est pas rare en effet, de rencontrer cet instrument ancien retaillé, longtemps plus tard ; en ce cas les dernières encoches pratiquées sont recouvertes d'une couche de cacholong bien moins épaisse que celle du reste de la pièce. Cette différence nous rend le service de nous montrer la couleur de la pierre siliceuse , tandis que l'opacité du cacholong nous la cache sur la surface de l'outil 1.
Certains gisements livrent les éléments d'une industrie plus ancienne que la leur. Cette particularité est d'ordinaire difficile à expliquer. Le néolithique a-t-il simplement recueilli ces outils dans ses courses et les a-t-il apportés dans son habitat ? Cet habitat les lui a-t-il livrés ou le néolithique les a-t-il façonnés lui-même ? En ce dernier cas pourquoi est-il revenu à l'industrie de ses pères, alors que la sienne était plus parfaite ? Il est bien difficile de répondre à cette question, si le second stade du Néolithique est en cause. Mais s'il s'agit du premier, si les éléments abondent et diffèrent peu de l'époque dont on retrouve l'industrie, c'est le descendant qui a fabriqué l'outil des aïeux. Le même état d'âme, les mêmes besoins et les mêmes moyens ont recréé la même industrie : l'outillage flénusien en est un exemple. Si un ou deux instruments d'une industrie primitive
1 Je tiens à faire observer cependant que la formation du cacholong varie suivant le plan de clivaxe ; si bien qu'on peut parfois observer une retouche empruntée sur une ancienne et couverte d'un cacholong plus prononcé que ne le porte l'ancienne. Le voisinage plus ou moins immédiat du cortex et les zones concentriques de précipitation du silex influent aussi sur ce phénomène. On a cité même une hache polie en silex gris rosé qui, brisée, n'a pris la teinte blanche que sur les lèvres de la cassure ; les parties ayant reçu le polissage sont restées indemnes. Le polissage avait donc constitué une sorte de cortex très mince, une couche préservatrice. Voir VAUVILLÉ (Bull. Soc. Préh, Fr., 1910, p. 408).
LA CIVILISATION NEOLITHIQUE I09
sont rencontrés dans un gisement, ils ne sont, selon toute probabilité, que des objets légués par le hasard ou produits par la fantaisie. (Ici une fort belle page pourrait être écrite par un pen~ seur sur l'esprit humain, sur les ressources dont, à son insu, il dispose et qu'il tient des ancêtres).
La Pierre taillée au Néolithique
ROCHES UTILISÉES.— Les hommes du Quaternaire employèrent, sauf quelques exceptions, pour leur outillage, les roches les plus rapprochées de leurs gisements. Parmi les pierres que la nature leur offrait à la surface du sol, ils récoltèrent le silex, le calcaire et divers grès. Le silex calcédonieux, l'agate, le jaspe et le cristal de roche servirent parfois aussi à la fabrication des armes. L'obsidienne et le pechstein fournirent quelques pièces. (Vu le peu d'importance de quelques roches 1, il en sera dit un seul mot, et ce sera avant' le silex, bien fait pour se réserver l'attention).
CALCAIRE. — Celui-ci a été parfois, mais rarement, employé à l'époque néolithique. M. de Bonstetten cite de cette roche une pointe de flèche de forme feuille de saule mesurant 0 m 07 de longueur et recueillie dans la grotte du Tisserand. Elle est la plus belle trouvaille de ce genre. Deux autres pointes de flèche, une hache polie près d'Apt, une hache rappelant la casse-tête au Trou-d'Argent, une sorte de scie et un coup-de-poing à l'Adaouste, des maillets, des perles à ailettes et quelques très rares parures sont les seuls objets en calcaire que je sache avoir été trouvés en Provence. Il convient cependant de citer les meules dormantes, qu'on rencontre souvent, et les allantes, rares en calcaire et très nombreuses en roches dures.
{à suivre) V. COTTE.
1 La serpentine, la diorite et autres roches primitives ayant été utilisées parfois pour la fabrication du maillet, mais surtout pour celle de la hache, auront leurs places à l'étude de cet instrument.
CHRONIQUE
CINQUANTE-QUATRIÈME CONGRÈS DES SOCIÉTÉS SAVANTES DE PARIS ET DES DÉPARTEMENTS A PARIS
Le cinquante-quatrième Congrès des Sociétés Savantes de Paris et dés départements s'ouvrira à la Sorbonne, le mardi 29 mars 1921, à 2 heures. Les journées des mardi 29, mercredi 30, jeudi 31 et vendredi Ier avril seront consacrées aux travaux du Congrès. M. le Ministre de l'Instruction Publique et des Beaux-Arts présidera la séance générale de clôture, le samedi 2 avril, à 2 heures.
Communications faites au Congrès. — Les manuscrits, entièrement terminés, lisiblement écrits sur le recto et accompagnés des dessins, cartes, croquis, etc., nécessaires, devront être adressés, avant le 15 janvier 1921, au 3e Bureau de la Direction de l'Enseignement Supérieur. Il ne pourra être tenu compte des envois parvenus postérieurement à cette date.
Il est laissé aux congressistes toute latitude dans le choix des sujets traités, qu'ils aient ou non un lien avec le Programme officiel, dressé par le Comité des travaux historiques et scientifiques. Toutelois l'inscription à l'ordre du jour du Congrès des communications présentées sera subordonnée à l'approbation dudit Comité.
Ces prescriptions ne restreignent pas le droit, pour chaque congressiste, de demander la parole sur les questions du programme.
Conditions de participation au Congrès. — Les personnes désireuses de prendre part aux travaux du Congrès recevront, sur demande adressée, avant le 28 février, à M. le Ministre— 3e Bureau de la Direction de l'Enseignement supérieur, — une carte de congressiste donnant accès dans les salles des séances.
En ce qui concerne les réductions que les diverses Compagnies de chemins de fer consentaient autrefois, sur les tarifs normaux, aux délégués des Sociétés Savantes et qu'elles se sont vues obligées de supprimer depuis les hostilités, elles seront l'objet d'une circulaire spéciale dans le cas où il paraîtrait possible aux Compagnies de les rétablir en. vue du Congrès de Paris,
ANNALES DE PROVENCE III
ARCHÉOLOGIE
Pendant un séjour à Pourcieux, son pays de naissance, M. E. Roux, facteur suppléant au P.-L.-M. (gare d'Aubagne), ayant assisté à la découverte d'une pierre présentant un intérêt archéologique, nous a fait le récit de cette trouvaille.
La pierre a été trouvée à 0 m. 50 de profondeur sous l'ancienne tuilerie citée à la page 82, 4° alinéa, dès Antiquités de la Vallée de l'Arc par Arnaud d'Agnel et de Gérin-Ricard. Elle était entourée de restes de frise, du même calcaire, qu'on a laissés sous les décombres. M. Roux pense que ces débris proviennent d'une auge de fontaine, car des bassins existent encore non loin de là et on trouve au même endroit de vieilles canalisations en mortier et moellons anciens.
La pierre en question mesure 0 m. 30 de haut sur 0 m. 40 de large et 0 m. 50 de profondeur. A la face antérieure est une sculpture représentant une tête de boeuf; de chacune des cornes pend un ruban ; le relief de la sculpture est de 2 à 3 centimètres. Au bas de le tête est un trou ayant évidemment servi à l'écoulement de l'eau d'une fontaine, bien qu'il n'y ait pas de canon. Le dessus de la pierre est grossièrement taillé en creux. Elle est en calcaire du pays.
Je note ici, en passant, qu'une pierre présentant une grande analogie avec celle-ci et ayant manifestement servi à l'écoulement d'une fontaine a été trouvée il y a quelque trente-cinq ans dans le torrent de Baudon à Sigoyer (Hautes-Alpes), au quartier des Parots, et transportée à la fontaine qui. coule à côté de la maison Chabre, au même quartier. J'avais tout d'abord cru qu'elle provenait du château féodal de Sigoyer, bâti vers la fin du XIVe siècle, pendant la guerre de Cent Ans, et démoli vers 1799, sur la fin de la période révolutionnaire; mais il est possible qu'elle soit plus ancienne. Elle peut provenir de l'ancienne Cour ou château de Sigoyer bâti vers le VIe ou VIIe siècle, après l'établissement du Burgondes dans la région et la défaite des Romains. Ceux-ci ne conservèrent alors que le tiers du pays, la partie où fut bâtie la Villa dont j'ai retrouvé l'emplacement et qui a donné son nom au Villar; ceux-là prirent la meilleure partie du pays et y bâtirent leur Cour qui se trouvait aussi sur le parcours du torrent de Baudon et à un. point beaucoup plus rapproché des Parots que le château du XIVe siècle.
A Ponrcieux, M. Roux signale aussi la découverte, il y à environ 20 ans, en face la Bastide-Blanche, à côté d'un grand bassin, au milieu de roseaux, d'une pierre qui a été placée dans une étable de la BastideBlanche, entre Pourcieux et Pourrières. La façade, mesurant 0 m. 60 de haut sur 0 m. 40. de large, est ornée d'une sculpture représentant une
112 ANNALES DE PROVENCE
tête humaine encadrée de tresses et de bandelettes. Le derrière en estbouchardé et devait être à découvert. Elle est en pierre de Fontvieille ou de St Renny.
Devant le bassin près duquel cette pierre a été trouvée, il existe- aussi deux colonnes de la même pierre, couchées à" terre parallèlement, entre lesquelles est une rigole où l'eau coule. Leur base placée du côté du bassin est plus épaisse que le sommet qui présente un bourrelet. La pierre en question fut trouvée enfouie à deux mètres de là vers le nordj et cet endroit se trouve à 5 kilomètres environ des ruines de l'Arc de triomphe de Marius.
Voilà les renseignements que M. Roux a bien voulu nous fournir. Ils nous ont paru dignes d'intérêt et nous les soumettons volontiers aux archéologues.
Publications Provençales Récentes
Louis WOLFF : Le Parlement de Provence au XVIIIe Siècle : Organisation, Procédure. Aix-en-Provence, A. Dragon, librairie d'histoire de la Provence, 1920. Un vol. de XVI-334 p., in-8°; prix 18 fr.
Le Baron Emile PERRIER : Instructions d'un père à son fils par le duc de Fortia, Marseille, typog. et lithog. Barlatier, 1918. Broch. in-8° de 38 pages.
Ferdinand SERVIAN : Pierre Puget intime. Marseille, librairie P. Ruat, Tacussel et Lombard, suce, 1920. Elégante brochure de 94 p. in-8°.
E. DUPRAT :Joyeusetès Archéologiques : 7, Les prétendues ruines romaines du Couvent des Trinitaires à Marseille (Avec un plan d'une partie de ce couvent avant 1778). Aix-en-Provence, typographie et lithographie F.-N. Nicollet. Brochure de 48 p. in-8°; prix 3 fr. 50.
V. COTTE : La Provence Pléistocène, premier fascicule d'une série de Documents sur la. Préhistoire de Provence. Aix-en-Provence, librairie A. Dragon. Un vol. de 156-XXIV p. avec une carte de la Provence Pléistoeène, de très nombreuses gravures dans le texte et hors texte, et un index; prix 6 fr.
(1793 à 1800 et 1914 à 1920) COMPARAISONS
" Rien n'est nouveau sous le soleil "
Dans les pages de cette petite étude, j'ai voulu signaler la comparaison et la similitude existant entre les décisions prises, à cent vingt ans' d'intervalle, à rencontre de la crise de l'alimentation.
Il est curieux de voir le rapprochement que l'on peut faire entre les textes émis à ces. deux époques, quelles analogies et quelles coïncidences se révèlent à plus d'un siècle de distance.
N'est-il pas vrai que l'Histoire a d'étranges recommencements ?
Jadis, par la tourmente révolutionnaire qui s'abattit sur le pays, puis par les guerres, inévitables conséquences de la Révolution, le R.avitaillement fut compromis. Les mesures, quelquefois de fortune, prises, par nos pères, pour parer aux menaces de la famine, réussirent à' triompher, momentanément des événements et des misères qu'ils entraînaient à leur suite.
114 RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS
Aujourd'hui, la Révolution en moins, une guerre sauvage et sans merci nous conduisit aux mêmes périls. Pour nous en préserver nos gouvernants légiférèrent ainsi que l'avaient fait nos grands ancêtres. V
L'ordre et le calme dans la Paix ramèneront, un jour,
les années prospères enfuies et, alors, ce qui fut le souci
continu ne subsistera plus pour tous que tel un mauvais
souvenir qui ira se perdre à son tour dans l'abîme sans
fond de l'oubli.
Pans 1920 E. B.
NOTE. — Dans les renvois dès bas de pages le lecteur trouvera l'indication des lois, décrets, arrêtés, circulaires, instructions et toutes autres décisions se rapportant à l'exercice du Ravitaillement pendant la période- 1914-1920 et en concordance avec les décisions prises à l'époque révolutionnaire.
Coup d'OEil Rétrospectif
En 1793, l'argent devint rare et le papier-monnaie — l'assignat — émis, alors, subit une dépréciation qui atteignit plus de 85 pour cent de sa valeur.
Plus heureux, du moins jusqu'à présent, notre papiermonnaie a conservé en fait son cours nominal, sauf à l'étranger où l'argent français perd au change. Cependant, chez nous, au point de vue commercial, si nos coupures n'ont pas changé de valeur, par opération réflexe, le coût de la vie n'a fait que monter, sur toutes les transactions. L'énorme quantité des vignettes de là Banque de France jetées dans la circulation et la très grande facilité accordée,
pRAVITAILLEMENT ET MERCANTIS 115
au Ministre des Finances, d'user de la « Planche à billets » pour aider à l'amortissement des Budgets, complexes, nés de la guerre, furent autant de causes à la crise dont nous subissons les effets désastreux.
Dès août 1914, la mobilisation générale ayant accaparé les moyens de transports au profit de l'autorité militaire, le Ravitaillement civil fut arrêté et, en peu de jours, les denrées' devinrent rares dans les villes et y atteignirent des prix anormaux.
C'est à ce moment qu'intervint, pour la première fois, la taxe, prévue par la loi militaire du 3 juillet 1877, sur les réquisitions.
Cette mesure n'était qu'un palliatif momentané, elle flattait les masses, mais un résultat, imprévu en sortit : ce fut la raréfaction des denrées alimentaires dont elle aurait dû régler et faciliter l'achat. Durant ces cinq dernières années on n'éut que trop l'occasion de s'en rendre compte.
C'est de la taxe que naquit le profiteur, louche intermédiaire ou commissionnaire sans marchandise qui gagna de l'or pendant que d'autres se ruinaient en défendant le pays. Méprisable et méprisé par tout un peuple qui devint sa victime, il acquit le vocable impérissable de mercanti, — nouvelles lettres d'une noblesse... d'argent 1.
Nous avons eu à compter, hélas ! comme sous la Révolution, avec les intempéries., qui occasionnèrent de mauvaises, années agricoles, notamment, 1915, trop pluvieux,
1 Dès 1796, on connaissait, sous le nom de « Parvenus », les nouvaux riches, profiteurs de la Révolution. Le Répertoire théâtral du moment en a gardé maint souvenir ; la fameuse « Madame Angot ou la Poissarde parvenue » dont le succès est légendaire, nous a transmis, avec « Les Valets Maîtres », « Les Modernes Enrichis », les faits et gestes ridiculisés des mercantis de cette époque.
116 RAVITAILLEMENT ET MERCANTÏS
où les récoltes furent compromises par la grande humidité du sol. Ne vit-on pas, dans le Midi, la récolte de l'ail manquée, et l'on ne peut concevoir cette partie de la France, privée de ce « précieux » condiment, où toute une cuisine pouvait être bouleversée de ce fait anodin, en apparence, mais gros de conséquences.
1917 et 1918, par contre, furent des années très sèches, ce qui nuisit aux fenaisons et provoqua la panique dans les élevages de bestiaux.
Le Gouvernement, malgré les soucis militaires de l'heure, essaya, par diverses mesures qui lui semblèrent les plus appropriées, de conjurer la crise qui pouvait résulter d'un ravitaillement compromis ou mal effectué.
On se souvenait des émeutes des 5 et 6 octobre 1789, où la populace parisienne, réclamant du pain, courut à Versailles chercher « le Boulanger, la Boulangère et le petit Mitron» qui, par leur présence dans la capitale, devaient, dans son esprit simpliste, être une garantie contre le manque de pain. Il est vrai qu'à la même époque, la princesse de Lamballe, à qui l'on parlait de cette crise, l'avait solutionnée, dans sa cervelle d'oiselle, par cette phrase lapidaire :« S'ils n'ont pas de pain, qu'ils mangent de la brioche ».
De nos jours, ne nous a-t-on pas servi une boutade analogue, attribuée à Clemenceau, alors Président du Conseil des Ministres, au sujet des optimistes déclarations d'un de ses collaborateurs, à propos du manque de charbon : « Qu'on se chauffe au bois ».
Cependant il ne faut pas oublier que si gouverner, c'est
prévoir, faire des mots n'a jamais été un moyen efficace pour
solutionner les graves questions du Ravitaillement sous
toutes ses formes ; aussi ne doit-on jamais perdre de vue le
fameux dicton, toujours vrai, « La faim fait sortir le loup du
RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS 117
bois », surtout à une époque où le bolchevisme semble être ( ?) la transformation palpable et humaine du loup des forêts qui semait la terreur parmi le vulgaire au temps du bon fabuliste.
Le Ravitaillement du Comté de Nice pendant la Révolution Française
I
La dépréciation du papier-monnaie, l'approvisionnement des armées françaises pendant la période révolutionnaire, de 1792 à 1800, l'état de guerre permanent, les troubles apportés à l'agriculture locale par les incursions des « barbets », les attaques continuelles des Sardes dans les montagnes, les hivers rigoureux, comme celui de 1799, qui détruisirent les récoltes, notamment celles des olives, créèrent des difficultés sérieuses, dans le Comté de Nice, pour le ravitaillement de la population.
Au lendemain de la prise de possession du pays, qui avait eu lieu le 29 septembre 1792, par le général d'Anselme, commandant l'armée républicaine, un tribunal et une bourse de commerce avaient été institués à Nice.
Un club républicain s'était aussitôt formé sous le titre de « Société Populaire - de Nice » et surveillait les faits et gestes de l'administration municipale.
Dès sa fondation, ce club demanda la liberté du commerce (qu'il n'obtint pas); puis, le 18 janvier 1793, invita les fonctionnaires municipaux à veiller sur le matériel combustible et la propreté des rues. Pour assurer les subsistances des habitants, Gênes interdisant l'exportation, la municipalité de Nice prit une première mesure, le 8 avril, faisant « défense d'extraire de la ville et de la campagne toutes « sortes de grains, légumes, gros millet, farine et pain,
Il8 RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS
" sous peine de confiscation », et elle chargea deux officiers municipaux de faire le recensement des ressources alimentaires 2.
Le 29 juillet, un « Comité des subsistances » fut constitué ; il était composé de dix commissaires dont deux choisie dans l'administration départementale, un dans celle du district, deux dans la municipalité et cinq parmi les négociants. Le but de ce Comité était " de tenir une correspon" dance exacte avec les places abondantes en blé et avec " le ministre pour les approvisionnements nécessaires et « pour toutes les opérations qu'un tel objet exigerait ».
La Société Populaire, le 10 septembre, « vu la cherté des vivres », proposa de taxer la viande, le pain, les vins et les comestibles à des prix modérés, les « pertes devant être " supportées par les riches pour favoriser les assignats et " faire faveur aux pauvres ».
" Elle réclama à nouveau, le 26 septembre, « les vivres " étant à un prix excessif », là fixation du prix de toutes les denrées de première nécessité. « Il faut, ajoutait-elle, « de même l'établir pour les départements voisins qui ap« provisionnent les Alpes-Maritimes; car on aboutirait, " sans cette mesure, à la famine ».
Le Décret de la Convention sur le maximum ayant paru
2 A notre époque, le Décret du 6 août 1914 créa une commission chargée de réunir les informations concernant les ressources venant de l'extérieur, destinées à l'approvisionnement et nomma les membres de cette commission, qui se composa de huit fonctionnaires choisis parmi les divers ministères intéressés.
Le décret du 8 septembre 1914 créa un service chargé de concourir au Ravitaillement; l'organisation en fut modifiée par l'arrêté du 23 octobre 1915.
Les offices départementaux furent institués par Décret du 31 juillet 1917 et supprimés par Décret du 24 octobre 1918.
Le Décre.t du 12 septembre 1917 porta nomination d'un Ministre du Ravitaillement général. Le 10 novembre 1917, un arrêté organisa l'Office Central des Vivres et, par décret du 30 novembre 1917, les Bureaux Permanents des Céréales furent créés. C'est le seul organisme départemental du Ravitaillement en céréales qui subsiste encore.
RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS 119
sur cesentrefaites, la Société Populaire, considérant qu'il ne fixait que le prix des grains, farines et foins, demanda, le 27 septembre, la taxe des comestibles et matières de première nécessité 3. Le maximum fut publié le 17 octobre, la loi contre les accapareurs le 22, en même temps que la deuxième table de maximum4.
D'après les décrets de la Convention du 11 septembre, le prix des grains étant fixé à 14 livres le quintal, port en sus; l'on établit, à Nice, le prix du pain à 5 sols la livre.
Le 26 janvier 1794, le Conseil Municipal institua une commission pour surveiller l'exécution de la loi et, le 13 avril, dix commissaires furent nommés dans ce but. L'application de la loi ne fut, semble-t-il, pas très facile, la dépréciation des assignats créant de très nombreuses difficultés.Les boutiques réclamaient « six fois » le prix réel 5, quoiqu'on eût défendu de faire une différence quelconque entre les deux monnaies.
Malgré sa surveillance, la Municipalité se plaignait, le 27 juillet, de ne pouvoir réprimer les abus. Le 13 novembre 1793, le Conseil Général du département, pour combat3
combat3 Loi du 16 octobre 1915 sur la réquisition du blé et de la farine pour l'approvisionnement de la population civile; sur la taxation des denrées et substances: loi du 20 avril 1916; décret du 30 juin 1916; lois du 29 juillet 1916; du 7 avril 1917; décret du 13 juillet 1917; circulaire du 25 août 1917 pour l'application du Décret du 13 juillet; à ces mesures relatives à la taxation, à la réquisition s'ajouta la déclaration des récoltes; Décret du 30 juin 1918 relatif à l'affichage du prix de vente des denrées de première nécessité et au contrôle de ces prix, etc., etc.
1 La Convention avait également établi le 11 septembre, le maximum pour les salaires, qui fut complété les 19 octobre, 5 novembre ta 5 décembre 1793.
La loi du 6 octobre 1919 a assuré à tous les fonctionnaires de l'Etat le relèvement de leurs salaires.
Quant aux ouvriers et employés des diverses corporations du commerce et de l'industrie, ils ont dû, à diverses reprises, recourir, au droit de grève, pour obtenir une amélioration de leurs gains.
5 La livre de beurre se vendait 100 livres en assignats. A la même époque en Normandie on échangeait 100 livres en papier pour 6 livres en numéraire.
120 RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS
tre l'accaparement, « la ville de Nice étant dépourvue des « articles de toute première nécessité et les uns et les autres " se cachant pour être vendus au-dessus du maximum, ouï, « le procureur général syndic », décida que l'on établirait en ville des magasins 6, jusqu'à concurrence de douze, pour la vente des objets de première nécessité. Des commissaires les approvisionneront en huile, vin, vinaigre, légumes, poissons salés, lard, oeufs, beurre, fromages, chandelles et autres. Chaque boutique aura un directeur ou directrice chargé de détailler à tous venants les objets. Les acheteurs ne devront pas « s'affôuler » 7 dans les magasins.
La Municipalité avait demandé aine nouvelle réglementation, Je 7 janvier 1795, lorsque, conformément à la loi des 3 et 4 nivôse de l'An III, le maximum fut supprimé 8.
En: juillet 1796, elle fait défendre aux bouchers de vendre de la viande non tuée à la boucherie et vérifiée 9.
Elle interdit aux revendeurs d'acheter poissons, fruits et jardinage après l'heure réglementaire. Malgré tout, l'agiotage persiste, bien que la Société Populaire ait protesté à
5 Par décision du Président du Conseil des Ministres, il fut ordonné en janvier 1919, l'édification à Paris d'une centaine de baraques qui furent connues depuis sous le nom du Sous-Secrétaire d'Etas au Ravitaillement: Vilgrain.
Ces baraques furent établies dans les divers quartiers de la Capitale par les soins de l'Autorité Militaire et placées sous la dépendance de l'Administration Municipale. Elles commencèrent à fonctionner le 5 mars 1919.
7 C'est-à-dire que chaque acheteur ne serait reçu qu'à son tour; ce système fut également fort à la mode ces dernières années ; on a pu très facilement, s'en rendre compte, souvent à ses dépens.
3 La Circulaire du 30 avril 1917 porta abrogation de la taxe sur les beurres, celle-ci demeurant inopérante; de même la circulaire du 14 mai 1917 abrogea la taxe des laits et fromages.
Le décret du 14 avril 1917 fut pris pour réglementer la vente, et la consommation de la viande; c'est dans le même but qu'intervint le décret du 26 avril 1918. L'arrêté du 11 mai 1918 n'autorisa la vente de la viande que pendant 4 jours par semaine à compter du 15 mai 1918.
RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS 121
diverses reprises,il n'apparaît pas qu'on ait pu l'empêcher 10.
Ainsi, le 3 décembre 1794, elle dénonce les paysans qui vendent leurs denrées en cachette aux riches, cèdent aux Génois les oeufs, les volailles, les veaux, les agneaux, l'huile nouvelle. Le marché est toujours dépourvu, mais « cette « caste qui s'enrichit prend régulièrement le pain au plus «bas prix»; aussi innombrables sont les amendes infligées aux contrevenants 11 ; les marchandises sont saisies, et, en sus des procès-verbaux, on condamne à la prison.
Le Conseil Municipal entoura de toute sa sollicitude l'agriculture, afin d'augmenter les ressources alimentaires; le 25 avril 1794, il fait vérifier si les terres et les biens nationaux sont bien ensemencés et cultivés 12.
10 De nos jours, les inspecteurs du Service de répression des fraudes et infractions, aidés de l'arsenal de nos lois et par des tribunaux cependant peu enclins à l'absolution, purent faire distribuer force prison et amendes sans parvenir à arrêter le flot irrésistible, du mercantilisme.
Cf Les instructions du Ministre de l'Intérieur aux Préfets du 8 mai 1916 concernant l'application de la loi de Répression des Spéculations illicites; la Circulaire du Ier octobre 1917 sur la procédure d'avertissement aux meuniers en cas de première infraction aux lois ec décrets sur. la farine entière; la loi du 10 février 1918 établit des sanctions aux décrets et arrêtés rendus pour le Ravitaillement national; la Circulaire du 16 avril 1918 fixe le mode d'application et la circulaire du 13 août 1918 se rapporte à la répression du délit de spéculation illicite.
11 Les journaux de Nice nous donnent journellement le bilan des séances: du Tribunal Correctionnel qui se traduit en de nombreux jours de prison et de fortes amendes; ainsi nous pouvons nous rendre compte que de nos jours les mercantis de l'alimentation n'ont rien inventé et qu'ils sont bien les dignes successeurs de ceux qui les précédèrent sous la Révolution.
Dans «Le Père Goriot», Balzac a brossé le vigoureux portrait d'un mercanti qui, de simple ouvrier vermicellier, devint un puissant fabricant de pâtes d'Italie et ramassa ne fortune énorme pour l'époque, d'un million de livres. Le citoyen Grégoire, à la séance du 14 fructidor An II de la Convention Nationale, s'exprimait ainsi : « quoique en général on doive avoir mauvaise idée de quiconque » s'est enrichi dans la Révolution, plusieurs n'ont pas eu l'adresse « de cacher des fortunes colossales élevées tout à coup ».
12 Décrets du 14 mars et 17 avril 1916, Circulaire du 18 juin 1917, loi du 4 mai, Décret du 21 mai, Arrêté du 31 décembre 1918, Décret du 6 mai 1919, sont autant de mesures pour la déclaration obligatoire des surfaces ensemencées ou faciliter les ensemencements..
122 RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS
II
Les récoltes de grains ne furent jamais suffisantes pour nourrir la population. Dès le 8 octobre 1792, sur la proposition du représentantt du Peuple Barras, l'administration départementale décidait l'achat de tous les blés chargés sur les bâtiments étrangers ancrés dans le port. Une commission de quatre membres procède au recensement des grains qui sont en ville, soit dans les magasins nationaux, soit chez les particuliers.
Au 8 janvier 1793, la ville ne possédant que 4.000 charges de blé, elle décida d'en faire acheter 1.000 à 2.000 charges à Gênes et, la caisse municipale étant à sec 13, elle fit appel à l'ensemble des habitants et des négociants niçois en les prévenant qu'ils seraient poursuivis devant les tribunaux s'ils se dérobaient à ce patriotique devoir. On n'eut pas à recourir à cette extrémité, car la souscription atteignit 2.600 charges14.
La Municipalité se réserva, si le stock n'était pas écoulé en mars, de le faire vendre et établit qu'un intérêt de I et 1/2 pour cent serait à répartir entre les souscripteurs avec en
13 La misère paraît avoir été grande à Nice, sous 1 la Révolution et les secours distribués aux indigents contribuèrent beaucoup à l'épuisement des ressources de la Commune. De mai 1794 à avril 1795 fonctionna le «Livre d'Or de la Bienfaisance Nationale» qui comprenait: I° les cultivateurs vieux et infirmes; 2° les artisans indigents vieux et infirmes, et 3° les mères et veuves ayant des fils à l'armée.
En 1914, dès le début de la Mobilisation Générale, l'Etat et les villes firent distribue des allocations au familles des mobilisés et des secours de chômage aux ouvriers sans travail du fait de la guerre.
14 La charge équivalait alors à 160 litres environ.
RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS 123
plus une commision de 2 pour cent à ceux qui pourront l'exiger 15.
Le 25 février, puis le 8 avril 1793, on rappelle la défense d'exporter de la ville et de « son terroir » les blés, farines et autres grains, les riz et vermicelles, etc.. 16.
Les représentants du peuple Ricord et Robespierre le jeune estiment, le 25 septembre, que la Régie des Vivres a seule le droit d'acheter les blés et farines venant dans le' port de Nice ce qui rendra tout accaparement impossible 17.
Le 23 décembre, Ricord fait établir l'état exactement spécifié des blés, seigles, orges, farine et paille du Département et menace des peines les plus sévères ceux qui feront de fausses déclarations 18.
35 Suivant les conditions fixées par le décret du 30 novembre 1917 et les circulaires des 28 décembre 1917, 22 juillet et Ier novembre 1918, il est accordé aux négociants en grains des commissions de 6 fr. 85 et de 1 fr. 50 par quintal de céréales achetées en culture (pour la récolte 1920-1921, régie par la loi du 9 août 1920, il n'est plus accordé qu'une commission de 1 fr. 25) ; lorsqu'il y a magasinage ou stockage d'une certaine durée une bonification supplémentaire de 0 fr. 20 par quintal et par mois vient s'ajouter à la commission de 1 fr. 50.
16 Décret du 5 août 1914 prohibe la sortie et la réexpédition du lait et du sucre; Circulaire du 18 avril 1917 interdit les sorties de céréales ou denrées alimentaires; Décret du 30 novembre 1917 et Circulaire du 22 juillet 1918 sont relatives aux mêmes interdictions, etc.
17 Le Décret du 31 juillet 1917 institua dans chaque département un office des céréales; supprimés, par Décret dû 24 octobre 1918, ces offices furent remplacés définitivement par les Bureaux permanentsdépartementaux des céréales qui avaient été installés à côté de ces offices par Décret du 30 novembre 1917. Les bureaux permanents, dès leur création, eurent pour but l'achat des céréales, et leur répartition ainsi que celle des farines.
18 Circulaire du 19 avril 1917 relative au recensement des céréales; le Décret du 13 juillet 1917 prévoit la taxation, la réquisition des céréales ainsi qu'un inventaire général des blés et farines; la Circulaire du 25 août 1917 en fixe les conditions. Par suite de l'entrée en vigueur du nouveau régime définitivement instauré par le décret du 30 novembre 1917 et par application de la circulaire du 28 décembre 1917 un nouvel inventaire est fait le 14 janvier 1918 à minuit; le Décret du 2 avril 1918 fut pris également afin d'opérer le recensement et la vérification des quantités de céréales détenues par les particuliers. La Circulaire du 27 novembre 1919 créa les Délégués aux Réquisitions qui furent chargés de découvrir les quantités de Céréales détenues clandestinement par les producteurs.
124 RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS
Deux commissaires sont nommés le 2 juillet 1794 pour constater la qualité et la quantité des denrées et marchandises existant dans les magasins et veiller au débarquement de celles qui arrivent pour le compte de la République 19.
Malgré son dévouement à la cause du Ravitaillement, la Municipalité fut cependant à maintes reprises attaquée violemment 20 (notamment par. la Société Populaire) à propos des achats de blé effectués pour l'alimentation de la ville.
Le 30 janvier 1794, Ricord ordonne de verser tous les blés aux magasins de l'armée qui délivreront désormais les grains nécessaires à la consommation du Département au prix du maximum, port en sus 21. Il charge les Comités de surveillance « de veiller à l'exécution de la loi salutaire qui ordonne une seule espèce de pain dans toute la République » 22.
De 1795 à 1799, la Municipalité recourut encore à la souscription forcée pour remplir ses magasins du blé nécessaire à l'alimentation.
19 L'arrêté ministériel du 30 janvier 1918 adjoignit aux Bureaux Permanents un Service de Contrôle des Stocks Cet organisme fut complété par les circulaires du 27 novembre 1919 et a reçu la mission de vérifier et rechercher les Stocks de Céréales, de les signaler aux Bureaux Permanents qui en prennent livraison et les dirigent là où le besoin s'en fait sentir.
20 Voir journaux, de juin et juillet 1919, au sujet des attaques à la Chambre des Députés, dirigées contre le Ministre de l'Agriculture et du Ravitaillement d'alors relativement aux scandales dits « des Vins. d'Espagne et de Portugal, des Mistelles, des Rhums, des Sucres, etc.. »
21 Circulaire du 28 mai 1917 concernant le remboursement des blés cédés par le Ministre de la Guerre au Ministère du Ravitaillement.
22 La loi du 8 avril 1917 et le décret du 30 novembre 1917 prévoient une seule farine produite par le mélange de divers succédanés au blé; la circulaire du 7 février 1918 est relative au mélange de la farine de maïs pour la panification; la circulaire du 3 avril 1918 fixe le degré d'incorporation de la farine des céréales de succédanés à la farine entière de froment; les circulaires des 6 et 10 mai 1918 donnent les instructions nécessaires à la fabrication du pain de pommes de terre.
RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS 125
Le 29 novembre 1800, le Conseil s'avisa que certains boulangers, par désir de gain, vendaient du blé aux Génois, amenant ainsi la pénurie de cette denrée. Il fit mettre l'embargo sur tous les navires, fit débarquer le blé et obligea les boulangers à le reprendre pour faire, malgré leur cupidité, du pain au prix fixé 23.
III
La Société Populaire dénonçait, le 20 octobre 1792, les abus introduits dans la fabrication du pain, et protestait, au nom de « l'humanité du pauvre et de l'orphelin », contre la fixation arbitraire du prix par les boulangers.
La Municipalité décida alors de faire fabriquer deux espèces de pain, la deuxième qualité, de prix très bas, afin d'avantager les indigents 24.
23 Circulaire du 18 avril 1917, relative aux interdictions de sortie des céréales ou des denrées alimentaires, circulaire du 30 mai 1917 décrit la procédure à suivre en matière d'infraction sur les farines. Afin de prévoir des sanctions aux infractions commises à l'encontre des décrets et arrêtés rendus pour le Ravitaillement, la loi du 10 février 1918 établit que, pendant la durée de la guerre, les décrets pourront être pris pour réglementer ou suspendre, en vue d'assurer le ravitaillement national, la production, la fabrication, la circulation, la vente, la mise en vente, la détention ou la consommation des denrées servant à l'alimentation de l'homme et des animaux; la loi du 23 octobre 1919 maintient en vigueur jusqu'au 15 août 1920 les lois relatives au Ravitaillement et par circulaire du 27 novembre 1919 le Ministre de l'Agriculture et du Ravitaillement donne ses instructions aux Préfets sur la façon d'envisager le maintien en vigueur des dites lois jusqu'au 15 août 1920. La loi du 9 août 1920, les décrets des 12 et 30 août et la circulaire du 31 ont défini le régime des céréales et farines, provenant de la récolte 1920, jusqu'au mois d'août 1921, époque où le gouvernement pense pouvoir rendre en France la liberté complète au commerce des denrées panifiables de l' alimentation humaine.
Le commerce des denrées, destinées aux animaux étant libre depuis avril 1919.
24 Le décret du 9 février 1917 fixe les conditions de la vente, la forme et le poids du pain, et, à dater du 25 février 1917, il fut interdit aux boulangeries de vendre du pain frais, seul le pain rassis doit être débité (parce que plus économique). La circulaire du 22 mai 1917 est relative à la répression des fraudes et à l'application des nouveaux textes concernant la farine et le pain ; la circulaire du 13 avril 1918 se rapporte à la consommation du pain.
120 RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS
Le 2 décembre 1793, vu la mauvaise qualité du pain, l'administration centrale accepte que l'on fasse un amalgame des blés de l'administration et de la municipalité, ce qui donnerait une bonne qualité de farine que pétriraient les boulangers 25.
Il est défendu de faire des pains au-dessus d'une livre, de vendre des fougasses, des biscuits ou des galettes 26 (5 janvier 1795).
Pour réglementer la consommation du pain qui devenait de jour en jour « exhorbitante » (sic), on décida, le 11 janvier 1794, d'obliger, ceux qui avaient des grains et des farines, à les consommer 27. Des visites domiciliaires furent faites, pour obliger les citoyens à verser dans les magasins municipaux les grains et farines excédant leur provision
25 Le décret du 30 novembre. 1917 et la circulaire du 22 juillet 1918 . prévoient l'incorporation de la farine de succédanés à la farine de froment dans la proportion de 20 pour cent au minimum. La circulaire du 19 juillet 1917 prévoit la fabrication du pain de pommes de terre et la circulaire du 7 août 1917 règle l'emploi de la pomme de terre dans la fabrication du pain.
26 L'arrêté ministériel du 20 janvier 1917 et la circulaire du 24 janvier 1917 réglementent la vente et la consommation de la pâtisserie;
l'arrêté du 25 janvier. 1917 règle la consommation des denrées alimentaires dans les établissements ouverts au public; la circulaire du 2 février 1917 prescrit la nécessité d'épargner le blé, la farine et le pain; le décret du 19 avril 1917 fixe la nouvelle réglementation
de. la fabrication et la vente de la pâtisserie et de la biscuiterie; le décret du 12 février 1918 détermine en outre le droit de consommation de certaines denrées alimentaires (par ce décret sont interdits jusqu'à nouvel ordre la pâtisserie et la confiserie, le pain non conforme au poids et à là forme réglés par les usages locaux); le décret du 2 avril 1918 compléta celui du 12 février. La circulaire du 15 avril 1918 est relative à l'application des deux précédents décrets. La circulai du 8 août 1918 autorise, suivant certaines règles particulières, la fabrication et la vente des biscuits secs et enfin le 4 mars 1919
parut le; décret rétablissant la fabrication sans restriction des gâteaux frais et des biscuits secs.
27 La circulaire du 23 mai 1917 concerne les cultivateurs qui, ayant réservé des céréales pour la consommation familiale, ne. les emploient pas à la fabrication du pain.
RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS 127
d'un mois23. On délivra aux mariniers des bons de pain d'une livre et demie et les boulangers ne purent plus donner le pain sans bons 29. En février, les fours ne suffisant plus pour fournir le pain nécessaire, les particuliers reçurent un huitième de charge (20 litres) de blé amalgamé et un quart de charge d'orge, par tête et par mois.
Le 8 février 1794, sur la demande de la Société Populaire, le Conseil ordonne que les., boulangers « de cette commune n'aient dans leurs blutoirs qu'une seule toile pour tamiser k> farine et en faire le pain de l'Egalité » 30.
Le 27 juin 1794, on décide de distribuer aux particuliers de la Commune des bons de pain à raison de 20 onces (600 grammes) par tête3l.
28 Loi du 3 août 1917 sur les réquisitions civiles; circulaire du Ier juin 1917 relative aux visites domiciliaires et aux perquisitions ; circulaire du 31 décembre 1919 sur les fonctions des délégués aux réquisitions.
26Circulaire du 29 mai 1917 relative à la surveillance du contingentement officieux chez les boulangers et à l'établissement éventuel de la carte de pain ; décret du 3 août 1917 réglementant le régime de la boulangerie et la consommation du pain; circulaire du 20 février 1918 relative à la fourniture du pain aux mariniers employés à la navigation fluviale; circulaire du 24 février 1918 relative à la carte individuelle d'alimentation ; circulaire du 8 mars 1918 relative à l'emploi de la carte d'alimentation; circulaires des 18 avril et 20 mai 1918 relatives à la carte individuelle d'alimentation et aux. tickets de consommation.
30 Circulaire du Ministre de l'Agriculture et du Ravitaillement en date du 11 juin 1917 relative à la fabrication de l'écliantillon-type de farine à 85 pour cent.
31 Le décret du 3 août 1917 porta règlement du régime de la boulangerie et de la consommation du pain ; le décret du 4 décembre 1917 fixa primitivement les rations de pain de la façon suivante: I° travailleurs de métiers de force, ouvriers agricoles et personnes disposant de ressources très modestes, hommes de plus de 16 ans. 600 grammes, femmes de plus de 16 ans, 500 gr. ; travailleurs des petits métiers et personnes disposant de ressources modestes : hommes, 400 gr., femmes, 300 gr. ; 3° consommateurs non compris dans les deux premières catégories : hommes et femmes, 200 gr
Ce fut à dater du 29 janvier 1918 que fut appliqué le rationnement du pain, chaque individu reçut 3 tickets de 100 gr. pour sa consommation journalière. Par la circulaire du 3 décembre 1918, relative au classement des consommateurs dans la catégorie T (carte individuelle d'alimentation), des suppléments de pain et de sucre furent prévus pour cette catégorie de travailleurs;
L'emploi des tickets de pain fut supprimé à compter du Ier juin 1919.
128 RAVITAILLEMENT ET MERCANTIS
En. somme, de 1793 à 1799, le Conseil Municipal établit à maintes reprises la taxation du pain en concordance avec les cours du blé à ces différentes époques 32,
CONCLUSION
En résumé les mesures prises pour assurer les approvisionnements et la lutte contre les fraudes, et les agioteurs permirent à la population niçoise d'éviter les horreurs de la famine.
Rappelons, avant de clore ces pages, que parmi les nouveaux impôts, établis par la loi du 7 Thermidor An III (25 juillet 1795), figurait là taxe somptuaire. Or, le 31 dé cembre 1917, fut promulguée la loi qui établit une taxe de 10 pour cent de leur valeur sur les objets dits de Luxe d'après une nomenclature donnée par la loi.
32 De 1914 à 1916, la taxation fut faite, dans les départements, suivant les traditions et les usages locaux, par arrêtés préfectoraux, sans cependant dépasser les prix maxima de o fr. 55 et 0 fr. 60 le kilogramme de pain, prix de vente de 1914. La loi du 16 octobre 1915 sur la réquisition du blé et de la farine pour l'approvisionnement de la population civile, donna le droit de réquisition au Préfet, dans chaque département, par application de l'article 8 de la dite loi, droit qui devait s'exercer dans les conditions fixées par la loi de 1877 sur les réquisitions militaires. Les préfets furent encore autorisés par la loi du 29 juillet 1916 à réquisitionner le blé, la farine, le son, ainsi que le seigle et l'orge ou l'avoine que la loi du 17 avril 1916 les avait autorisés à taxer. Enfin le décret du 30 novembre 1917 étendit à toute la France la réquisition, générale, pour le compte de l'Etat, de toutes les céréales susceptibles d'entrer dans la fabrication du pain.
L'Enseignement Secondaire dans la Région provençale
(ACADÉMIE D'AIX)
Sous le Consulat et l'Empire et pendant les Cent-Jours
Législation. — Administration ventrale. — Ecole Normale. — Administration locale et-académique, — Etablissements
d'enseignement (Lycées nationaux. — Ecoles secondaires communales ou collèges communaux: — Ecoles secondaires particulières ou Institutions et Pensions. — Ecoles secondaires ecclésiastiques ou Petits Séminaires) .
LÉGISLATION, — Sous l'ancien régime l'organisation de Renseignement secondaire ne fut jamais l'objet d'une législation uniforme et simultanée. Les nombreux collèges créés à des époques différentes et sous des inspirations différentes, étaient de type varié selon les besoins et les ressources des' villes qui les alimentaient et les entretenaient, selon les tendances et la conception de ceux qui les avaient organisés et de ceux qui les administraient. Bien que tous fussent dirigés par des congrégations religieuses, ils étaient néanmoins étrangers les uns aux autres,si les maîtres qui y enseignaient étaient aient d'ordre différent, et ils subissaient même, au détriment des études, le. contrecoup des rivalités de ces ordres.
La Révolution, en supprimant les anciens collèges, créa, par le décret du 7 ventose III. (25 février 1795) et la loi du 3 brumaire IV (25 octobre 1795), des Ecoles centrales qui devaient les remplacer. Ces nouveaux établissements, beaucoup moins nombreux, organisés' sur un plan uniforme,
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péchèrent cependant par une excessive diversité dans leur fonctionnement. Cette organisation ne fut, d'ailleurs, ni stable, ni de longue durée: dès le mois de brumaire an V (octobre-novembre 1796), élite fut vivement critiquée au Conseil des Cinq-Cents et une commission, nommée pour la réviser, présenta, le 27 brumaire VI (17 novembre 1797), un nouveau projet ; ce projet ayant été repoussé, son auteur ne se laissa point décourager par cet échec et, un an plus tard, I° 19 brumaire VII (9 novembre 1798), il déposait un rapport général sur l'organisation de l'instruction publique. Ce second projet eut le sort du précédent; mais les Ecoles centrales restèrent, ainsi, durant tout le Directoire (1796-1799), discutées,, incertaines de leur avenir, partant incapables d'acquérir auprès du public l'autorité nécessaire pour fructifier.
Le Consulat, dès qu'il eut établi une nouvelle organisation administrative, manifesta l'intention de. réorganiser l'enseignement. Par une circulaire du 25 ventose IX (16 mars 1801), les Conseils généraux et Conseils d'arrondissement furent invités à répondre à une série de questions sur le nombre des établissements d'instruction publique qui se trouvaient dans leurs départements ou leurs arrondissements avant la Révolution, sur le nombre des maîtres qu'il y avait dans chacun, de ces établissements et sur l'enseignement qu'on y donnait, sur les ressources et les revenus dont ils disposaient, sur- le nombre et l'état des bâtiments qui en restaient, sur les anciens maîtres qui vivaient encore, sur les avantages de ces maisons d'éducation.
Ce questionnaire semblait présager un rétablissement pur et simple des anciens collèges. Il n'en fut rien pourtant. Le projet de loi sur l'organisation de l'instruction publique présanté au corps législatif par Fourcroy, le 30 germinal X (20 avril 1802), reproduisit, par un éclectisme élégant, ce qu'il
DANS LA REGION PROVENÇALE 131
y avait de meilleur dans les Ecoles centrales et dans les anciens Collèges, en y ajoutant des innovations heureuses et fécondes, et les orateurs qui prirent part à la discussion du projet se réclamèrent, pour la plupart, non des anciens Collèges, mais des Ecoles centrales dont ils firent une critique impartiale et juste; seuls, Roederer et Carrion-Nizas firent l'éloge des établissements supprimés par la Révolution; le premier, insistant sur l'étude des langues anciennes, dit qu' " il y avait plus de sagesse à cet égard dans le système des anciens collèges » ; le second, se faisant l'apologiste de l'ancienne congrégation de l'Oratoire, exprima le regret que, pour « écarter de l'enseignement une certaine classe d'hommes », on ne voulût à la tête des lycées que des hommes mariés, à l'exclusion des célibataires.
La loi du II floréal X (Ier mai 1802), qui résulta de cette discussion, reproduit à peu près textuellement le projet tel qu'il avait été présenté par Fourcroy. Elle établit un enseignement secondaire à deux degrés, pour ainsi dire, qui devait se donner dans deux catégories d'établissements, les lycées et les Ecoles secondaires; elle règle aussi ce qui concerne les Ecoles primaires, les Ecoles spéciales et, en particulier, l'Ecole spéciale militaire.
Les détails de l'organisation créée par cette loi furent fixés, en ce qui concerne l'enseignement secondaire, par des airêtés du 4 messidor et du 29 thermidor X (23 juillet et 17 août 1802), du 24 vendémiaire, du 5 brumaire (16 et 27 octobre 1802) et du 21 prairial XI (10 juin 1803), du 19 vendémiaire et du 15 brumaire XII (12 octobre et 7 novembre 1803), ainsi que par diverses circulaires.
OEuvre du Consulat (10 novembre 1799-18 mai 1804), cette organisation de l'instruction publique ne lui survécut pas.
Investi du pouvoir absolu (18 mai 1804), Napoléon songea à doter la France d'un organisme spécial, exclusivement
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charge de renseignement national. L'idée de cette institution lui avait été suggérée, d'après E.Rendu, par l'examen des statuts de l'Université de Turin fondée en 1771 par Charles-Emmanuel III ; frappé de la stabilité de ce corps sans cesse renouvelé par un pensionnat normal qui devait transmettre d'âge en âge les saines traditions et les méthodes éprouvées, de la diginité de cet ordre de professeurs choisis parmi des agrégés nommés au concours, il élargit le cadre de l'Université de Turin et créa l'Université Impériale.
Le 6 mai 1806, Fourcroy proposa au Corps législatif le texte d'une loi créant un « corps chargé exclusivement de l'enseignement et de l'éducation publique dans tout l'Empire » et il fit l'exposé des motifs dans un rapport précis et bien documenté. Ce projet fut voté par le Corps législatif, le 30 mai, après lecture d'un rapport concluant à l'adoption; l'organisation du nouveau corps fut réglée par le décret du 17 mars 1808 qui reconnait comme établissements d'ensei-' gnement secondaire des Lycées, des. Collèges, des Institutions et des Pensions. Dans une instruction adressée, la même ennée, à Fontaines, le premier Grand-Maître de l'Université, Napoléon indiqua lui-même dans quel but il* avait créé ce corps et quel esprit devait l'animer. Il avait « organisé l'Université en un corps, parce qu'un corps ne meurt jamais et parce qu'il y à transmission d'organisation et d'esprit; des Directeurs, des Professeurs de Lycée sont des magistrats importants, ils marchent le front levé avec les parents dont ils sont les égaux; il n'ont point devant eux une contenance de salariés; ils n'assujettissent point leurs principes aux caprices et à la mode; ils ne sont point obligés à de pénibles et fâcheuses condescendances; ils peuvent faire tout le bien qu'ils sont appelés à produire ». Il voulait avoir dans l'Université «un corps dont la doctrine soit à l'abri ces petites fièvres de la mode, qui marche toujours quand le
DANS LA RÉGION PROVENCALE 133
gouvernement sommeille, dont l'administration et les statuts deviennent tellement nationaux qu'on ne puisse jamais se déterminer légèrement à y porter la main ».
La mise en marche d'un tel mécanisme n'était pas petite affaire et le décret du 17 mars 1808, malgré toute son ampleur, n'avait pu prévoir tous les détails; d'autres décrets suivirent, notamment celui du 17 septembre de la même année portant règlement pour l'Université, Celui du 18 octobre suivant concernant la division de l'Université en Académies, celui du 19 décembre suivant donnant à l'Université Les biens restés disponibles des anciens établissements d'Instruction publique, celui du 17 février 1809 concernant les droits de sceau, celui du 31 juillet suivant sur le costume des membres de l'Université, celui du 22 octobre 1810 sur l'éméritat et la pension de retraite, celui du 9 avril 1811 qui concéda aux départements et aux communes la propriété des édifices et bâtiments occupés par le service de l'Instruction publique, celui du 29 juillet suivant qui exempte provisoirement du service militaire les élèves de l'Ecole normale. En même temps, de nombreux arrêtés du Conseil de l'Uni versité, de très nombreuses circulaires du Grand-Maître tranchaient les difficultés révélées par l'expérience et réglaient les détails d'exécution des décrets.
Cependant l'établissement de l'Université éprouyait des difficultés qui mécontentaient Napoléon ; pour les vaincre, il voulut fortifier son oeuvre, en resserrant les mailles de sa trame, par le décret du 15 novembre 1811 qui subordonne aux lycées et aux collèges tous les autres établissements d'enseignement secondaire et spécialement les petits séminaires. Des arrêtés et des circulaires continuèrent à préciser les questions de détail laissées en suspens par les décrets ; un arrêté du 31 mars 1812 fixa la discipline des établissements de l'Université; celui du 26 mai suivant contient,un
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règlement pour les Conseils académiques; celui du 4 août de la même année indique la marche à suivre pour l'aliénation des biens appartenant à l'Université; celui du 23 avril
1813 est relatif aux pensions à accorder aux membres des anciennes corporations enseignantes; la circulaire du 13 novembre suivant impose l'obligation de passer par l'Ecole normale pour entrer dans renseignement.
Après que Napoléon eut succombé sous les efforts de l'Europe coalisée contre lui, la Restauration n'osa pas détruire immédiatement son oeuvre, malgré la demande, que des partisans trop enthousiastes et irréfléchis lui en faisaient ; une ordonnance du 22 juin 1814 maintint provisoirement les règlements de l'Université. Mais une nouvelle cidonnance du 5 octobre suivant démolit en partie l'oeuvre du décret du 15 novembre 1811 et rendit les petits séminaires indépendants des lycées et collèges ; puis une troisième ordonnance du 17 février 1815 établit une nouvelle organisation de l'Instruction publique ; les Académies étaient remplacées par des Universités, au nombre de dix-sept seulement, les Lycées par des Collèges royaux. En somme, la Restauration n'avait rien trouvé de mieux, comme organisation générale, que l'Université impériale; elle changeait l'enseigne, mais l'ensemble de l'édifice restait ; elle y introduira seulement un esprit différent.
L'ordonnance du 17 février était à peine publiée et n'était pas encore connue dans la région provençale que Napoléon l'entrait en France et, par un décret du 30 mars 1815, rétablissait l'Université impériale « telle qu'elle avait été organisée par [le] décret du 17 mars 1808» ; l'administration en devait avoir lieu, suivant Une circulaire du Ministre de l'Intérieur, d'après les décrets des 18 mars et 17 novembre 1808 et du 15 novembre 1811, c'est-à-dire telle qu'elle était en mars 1814. Mais, trois mois après, Napoléon ayant dû quitter le
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pouvoir, une ordonnance du 15 août maintint l'organisation établie par celle du 17 février précédent.
En résumé, dans cette période d'une vingtaine, d'années de 1795 à 1815, nous assistons à l'éclosion, sous la Révolution, d'un enseignement secondaire national d'abord incomplet et confus, à son élargissement et à sa mise en ordre sous le Consulat, à son organisation sous l'Empire.
ADMINISTRATION CENTRALE. — La loi du 10 vendémiaire IV (2 octobre 1795) avait placé l'Instruction publique dans les attributions du Ministre de l'Intérieur. Il en fut de même sous le Consulat, mais un arrêté des" Consuls du 17 ventose X (8 mars 1802) attacha au Ministère de l'Intérieur deux Conseillers d'Etat dont l'un avait « sous sa direction tout ce qui concerne l'Instruction publique» et dont les bureaux devaient être organisés de manière qu'il n'y eût, dans « dans le département de l'Intérieur, ni addition d'employés ni augmentation de dépenses ».
Ce fut le célèbre chimiste Fourcroy, Conseiller d'Etat dépuis le 4 nivôse VIII (25 décembre 1799) qui fut chargé de cette direction et qui, à ce titre et comme orateur du gouvernement, fit voter, par le Corps législatif les lois du II floréal X et du 10 mai 1806; c'est à lui que la France est redevable de tout ce qui fut fait de 1802 à 1808 pour l'organisation de l'Instruction publique. Il vint dans la région provençale en prairial XIII (juin 1805), accompagné de l'Inspecteur général Lefèvre-Gineau, pour se rendre compte personnellement de tout ce qui avait été fait pour organiser l'enseignement et de Ce qui restait à faire. Le Bureau d'Ad-, ministration du,Lycée de Marseille envoya Ferogio, procureur gérant, et Vasse, professeur de mathématiques, à leur rencontre à Aix pour les « inviter d'accepter un logement au lycée ». Il visita minutieusement cet établissement, indiquant avec soin les améliorations désirables.
136 L'ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
Après la création de l'Université, Fourcroy conserva, tout d' abord, la direction de l'enseignement; mais, en 1809, Fontanes, mécontent de la situation qui lui était faite, écrivit a l'Empereur: « D'un côté, je vois un Ministre qui surveille l'Instruction publique, de l'autre, un Conseiller d'Etat qui la dirige; je cherche la place du Grand-Maître et je ne la trouve pas ». Fourcroy fut sacrifié ; profondément attristé, il mourut d'une attaque d'apoplexie le 16 décembre de la même année.
C'est que le décret du 17 mars 1808 avait créé, pour l'Instruction publique, une nouvelle organisation; elle était toujours placée théoriquement sous la Surveillance du Ministre de l'Intérieur, mais celui-ci ne. s'en occupait que pour servir parfois d'intermédiaire entre l'Empereur et son Université, qui, en réalité, avait son administration spéciale et devait être dirigée par un Grand-Maître,' un Chancelier, un Trésorier et un Conseil.
Le Grand-Maître était nommé par le Chef de l'Etat, pour régir et gouverner l'Université, et il prêtait serment entre ses mains. Il nommait les Doyens et les Professeurs des Facultés, les Conseillers ordinaires et les Inspecteurs de l'Université, le Directeur et l'Aumônier de 'Ecole normale, les Recteurs et les Inspecteurs des Académies, les Administrateurs et les Professeurs des Lycées et des Collèges ; il faisait les promotions dans le Corps enseignant, accordait les autorisations d'absence, fixait le nombre des élèves à recevoir à l'Ecole normale et les nommait, nommait aussi et plaçait les boursiers des Lycées, accordait là permission d'enseiner, infligeait les peines encourues par les membres de l'Université, présentait chaque année au Chef de l'Etat, par 'e Ministre de l'Intérieur, un état détaillé de l'Université; il ratifiait les réceptions aux examens, conférait les grades et titres, donnait aux écoles les règlements de discipline dis-
DANS LA RÉGION PROVENÇALE 137
cutés par le Conseil de l'Université; il convoquait et présidait ce Conseil dont il nommait les Membres ainsi que. ceux des Conseils académiques ; il se faisait rendre compte de la situation financière des établissements d'instruction; il avait le droit de faire afficher et publier les actes de son autorité et ceux du Conseil de l'Université; bref, il gouvernait l'Université d'après les lois, décrets, statuts et règlements rendus dans les formes prescrites.D'après le décret du 31 juillet 1809, son costume, dans l'exercice de ses fonctions et dans les cérémonies publiques, comprenait une simarre de soie violette, ceinture pareille à glands d'or, robe pareille brodée d'hermine, épitoge d'hermine,cravate de dentelle, toque violette brodée d'or à deux rangs ; il portait, comme décoration, sur a poitrine deux palmes brodées en or; un arrêté du Conseil de l'Université du 25 novembre de la même année décida que, dans les circonstances où il ne serait pas tenu de prendre le grand costume, il porterait l'habit français violet en soie avec broderie en métal, manteau, veste, culotte et bas de soie de même couleur, cravate de dentelle, Chapeau français avec ganse en or, boucles d'or.
Le premier Grand-Maître de l'Université fut le littérateur Fontanes qui, ayant signé la déchéance de Napoléon, conserva ses fonctions sous la première Restauration ; mais, pendant les Cent Jours, le Ministre de l'Intérieur, par arrêté du 24 mars 1815, chargea provisoirement de l'administration et de la direction de l'Université, en attendant la désignation d'un Grand-Maître, Arnault, qui avait été secrétaire général de l'Université Sous l'Empire. Cette administration devait avoir lieu d'après les principes des décrets du 17 mars et du 17 novembre 1808, et du 15 novembre 1811, c'est-à-dire comme en mars 1814.
Le Chancelier et le Trésorier de l'Université étaient aussi nommés par le Chef de l'Etat; en l'absence du Grand-Maî-
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tre, ils présidaient le Conseil de l'Université suivant l'ordre de leur rang. Le premier, était spécialement chargé de la garde des archives et du sceau de l'Université ; il signait les actes émanés du Grand-Maître et du Conseil ainsi que les diplômes ; il présentait au Grand-Maître les Officiers des Académies et de l'Université ainsi que les fonctionnaires qui devaient, prêter serment ; il surveillait la rédaction du registre annuel de tous les Membres de l'Université. Le second veillait a ce que les droits perçus au profit de l'Université fussent versés dans son trésor ; il ordonnançait les traitements et pensions de tous les. fonctionnaires de l'Université, surveillait la comptabilité de tous les établissements et en faisait rapport au Grand-Maître et au Conseil. Jusqu'à la Restauration, le Chancelier fut Villaret et le Trésorier, Arnault qui fut nommé Grand-Maître pendant les Cent-Jours.
Le décret du 31 juillet 1809 leur assigna, dans l'exercice, de leurs fonctions et dans les cérémonies publiques, le même costume qu'au Grand-Maître, sans épitoge, avec chausse violette herminée de seize centimètres, toque galonnée d'or à deux rangs, et palme en or; dans les cas où ils n'étaient pas tenus au grand costume, l'arrêté du 25 novembre suivant leur assigna le même costume qu'au Grand-Maître.
Le Conseil de l'Université se composait de trente membres, dont dix à vie ou titulaires et vingt annuels ou ordinaires. Ceux-là devaient être brevetés par le Chef de l'Etat et choisis six parmi les Inspecteurs de l'Université, quatre parmi les Recteurs, ayant cinq ans d'exercice dans leur fonction et dix ans d'ancienneté dans l'Université; le décret du 31 juillet 1809 assigna aux Conseillers à vie et au Secrétaire Général le même costume qu'au Chancelier et au Trésorier, avec robe noire, et mêmes palmes; l'arrêté du 25 novembre suivant, leur assigna, où ils n'étaient pas ténus d'avoir le grand costume, l'habit français noir, brodé de
DANS LA RÉGION PROVENÇALE 139
même couleur avec manteau, veste, culotte et bas en soie de même couleur, cravate de dentelle, chapeau et palmes comme le Grand-Maître. Les Conseillers ordinaires avaient le même costume que les Inspecteurs.
Pour la première formation du Conseil, les choix ne purent, forcément, être faits d'après les prescriptions indiquées; Fontanes y fit entrer le plus qu'il put d'hommes honorables et instruits, ecclésiastiques ou laïques,qui avaient plus ou moins souffert de la Révoluttlon, tels que de Bonald, l'abbé Emery de Saint-Sulpice, son ancien professeur l'oratorien Ballan, l'abbé Roman qui avait été le premier proviseur du Lycée de Marseille; ce dernier et Joubert vînrent plusieurs fois dans l'Académie d'Aix et prirent une grande part à tout ce qui s'y fit. Chacun de ces premiers membres fut autorisé à prendre le diplôme de docteur dans une Faculté quelconque, à seule condition de payer le droit exigé pour ce diplôme. Quant aux Conseillers ordinaires, Napoléon, qui craignait que le choix en fût fait « comme on prend des numéros à la loterie » et qu'il n'y eût dans le Conseil « que désordre et qu'anarchie » ,aurait voulu qu'on n'en désignât d'abord qu'un petit nombre et qu'on fît auparavant courir les inspecteurs « à franc étrier par toute la France ». Fontanes ne suivit pas toujours ces sages conseils.
Le Conseil devait s'assembler au moins deux fois par semaine et plus souvent, si le Grand-Maître le jugeait utile ; il désignait parmi les Conseillers ordinaires, un Secrétaire qui rédigeait les procès-verbaux des séances ; il se partageait pour le travail en cinq sections, dont chacune s'occupait spécialement de l'état et du perfectionnement des études,de l'administration et de la police des écoles, de leur comptabilité, du contentieux, des affaires du sceau ; le président de chaque section était désigné par le Grand-Maître; les membres des sections s'assemblaient aussi souvent que les 'affaires l'exigeaient.
140 L' ENSEIGNEMENT SECONDAIRE
Les décisions du Conseil furent d'abord appelées indifféremment arrêtés, statuts, règlements ; mais le 28 novembre 1809, il décida que dorénavant toutes les dispositions émanées de lui seraient intitulées statuts et que le titré de régiement serait réservé pour les dispositions explicatives ou interprétatives que les chefs d'établissement prendraient en conformité de ces mêmes statuts ; le nom d'arrêté fut dès lors plus spécialement réservé aux décisions du Grand-Maître ; mais cette distinction ne fut pas longtemps observée ; en 1812 et. 1813, beaucoup de décisions du Conseil furent intitulées arrêté.
L'ordonnance du 17 février 1815 remplaça le GrandMaître, le Chancelier, le Trésorier et le Conseil de l'Université par un Conseil royal de l'Instruction publique composé d'un Président et de onze Conseillers, dont deux choisis dans le clergé, deux dans le Conseil d'Etat et les sept autres parmi les personnes les plus recommandables par leurs, talents et leurs services dans l'Instruction publique. Le décret du 30 mars 1815, qui rétablissait l'Université impériale, impliquait le rétablissement de ses anciens fonctionnaires ; mais l'ordonnance du 15 août suivant, décida que les pouvoirs qui leur étaient attribués seraient exercés, soiis l'autorité du,Ministre Secrétaire d'Etat au département de l'intérieur, par une Commission de cinq membres dite Commission de l' Instniction Publique.
Inspecteurs généraux ou Inspecteurs de l'Université. — Pour assurer et. hâter l'exécution des lois sur l'Instruction publique, la Convention envoya dans les départements, sur la présentation du Comité d'Instruction publique, cinq représentants du peuple investis des pouvoirs des représentants en mission. C'est en cette qualité que Barailon (JeanFrançois), médecin, député de, là Creuse à la Convention, fut envoyé dans le midi de là France, en floréal III (mai
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1795), pour organiser l'enseignement dans dix-sept départements comprenant la région provençale; dans une lettre adressée de Paris au Directoire du département des Bouchesdu-Rhône, le 2 floréal (21 avril), ce représentant demanda qu'il lui fût rendu compte, à son arrivée à Aix, non seulement de ce qui avait été fait pour l'Ecole Centrale, mais aussi « des bibliothèques et dépôts de livres, des cabinets de physique et d'histoire naturelle, des collections de machines et des modèles pour arts et. métiers, des fantômes et instruments de chirurgie, des laboratoires de chimie ».
Mais la mission de ces représentants ne fut que de courte durée; ils furent rappelés dès le 2 messidor III (29 juin 1795) ; ils ne pouvaient d'ailleurs s'occuper que de la partie matérielle de l'organisation de l'enseignement; ils n'avaient aucune compétence pour juger les méthodes des maîtres et la valeur des études. Il manquait dans cette primitive organisation, une inspection qui pût surveiller de façon continue les établissements d'enseignement, comparer les méthodes qui y étaient suivies pour les coordonner et y mettre de l'unité. Le Consulat remplit cette lacune.
La loi du II floréal décida que trois Inspecteurs généraux des études seraient nommés par le premier Consul, pour visiter une fois au moins l'année les Lycées, en arrêter définitivement la comptabilité, examiner toutes les parties de l'enseignement et de l'administration et en rendre compte -au Gouvernement dont. ils étaient, « en quelque sorte, selon l'expression . de Fourcroy, l'oeil toujours ouvert dans les Ecoles, sur leur état,-leurs succès ou leurs défauts ».Ces trois Inspecteurs joints à trois membres de l'Institut désignés par le premier Consul, devaient parcourir les départements et y examiner les citoyens qui se présenteraient pour occuper les places de professeurs dans les lycées; ils devaient ensuite indiquer au Gouvernement pour chaque place deux sujets
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dont l'un serait nommé par le premier Consul. Dans la suite, ils devaient, pour chaque vacance, présenter un candidat en même temps que le Conseil d'Administration et les Professeurs du lycée où se produisait la vacance en présentait aussi un; le premier Consul choisissait un de ces deux, candidats. Ils examinaient aussi les élèves des Ecoles secondaires qui concouraient pour les bourses nationales des lycées.
Les Inspecteurs généraux furent nommés par un arrêté du 22 prairial X (II juin 1802); ils composaient trois commissions entre lesquelles les lycées furent répartis par un second arrêté du 24 vendémiaire XI (16 octobre 1802). Le lycée de Marseille fut dans la circonscription dévolue à Despeaux qui fut accompagné dans sa tournée d'organisation par Cuvier, membre de l'Institut. Ils se mirent aussitôt en . campagne; le 24 brumaire X (15 novembre 1802), le préfet ces Bouches-du-Rhône informa les professeurs de l'Ecole Centrale et les élèves de cet établissement qu'ils étaient arrivés dans le déparement et qu'ils procéderaient incessamment à l'examen préliminaire à la nomination des Professeurs et à l'admission des élèves au lycée. Le 18 ventôse XI (7 mars 1803) ,ils assistèrent à la séance d'installation du Bureau d'Administration de cet établissement. Nous n'avons pas trouvé trace de passage d'Inspecteur général dans la région provençale en l'an XII (1803-1804) ; mais, au mois de messidor XIII (juin-juillet 1804), Lefèvre-Gineau y vint accompagner Fourcroy et prescrivit certaines modifications dans la comptabilité du lycée. Dans la suite, on ne trouve plus trace de passage d'Inspecteurs généraux, jusqu'à l'établissement de l'Université.
Le décret du 17 mars 1808 portant organisation de l'Université conserva les Inspecteurs généraux et en fixa le nombre à vingt au minimum et trente au maximum; ils y sont
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généralement désignés sous le nom d'Inspecteurs de l'Université pour les distinguer, des Inspecteurs des Académies. Ils devaient être nommés par le Grand-Maître et pris, à partir du Ier janvier 1811, parmi les officiers de l'Université. Ils étaient partagés en cinq ordres comme les Facultés. Ils devaient visiter toutes les Académies alternativement sur l'ordre et d'après les instructions du Grand-Maître pour reconnaître l'état des études et de la discipline dans les Facultés, les Lycées et les Collèges, et même les établissements inférieurs, pour s'assurer de l'exactitude et des talents des professeurs, régents et maîtres d'études, pour examiner les élèves, enfin pour surveiller l'administration et la comptabilité. Au retour de leur mission, ils en faisaient rapport au Conseil de l'Université. Des inspections extraordinaires pouvaient être faites, sur l'ordre du Grand-Maître, par des membres de ce Conseil* autres que les Inspecteurs, lorsqu'il y avait lieu d'examiner et d'instruire quelque affaire importante.
Treize inspecteurs généraux furent nommés le 23 septembre 1808 et, par arrêté du 7 novembre suivant, le Grand-Maître décida que le diplôme de docteur en la Faculté des Lettres . leur serait incessamment délivré, moyennant un droit de deux cent-quarante francs, y compris les droits de sceau, Vs avaient, comme les Recteurs, un traitement annuel de 6.000 francs; un arrêté du Conseil du 7 février 1809 leur alloua comme frais de tournée, une somme de dix francs par poste ot un autre arrêté du 24 avril 1810 leur accorda, en outre, pendant leur tournée, douze francs par journée de séjour.
Le décret du 31 juillet 1809 leur assigna pour costume, dans l'exercice de leurs fonctions et dans les cérémonies publiques, simarre et robe noires sans hermine, ceinture violette, glands d'argent, chausse violette herminée de douze centimètres, toque noire avec deux galons d'argent, palmes
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en argent. Dans les circonstances où ils n'étaient pas obligés de prendre le grand costume, ils devaient, d'après l'arrêté du 25 novembre 1809, porter l'habit noir brodé de même couleur, manteau de soie noire, chapeau français, cravate et palmes en argent.
Avant leur départ pour aller en tournée, le Grand-Maître leur donnait chaque année ses instructions et leur indiquait les points sur lesquels ils devaient porter plus particulièrement leur attention. Les premières années, il leur recommanda de prendre pour base « l'état et le perfectionnement des études, l'administration et la police des Ecoles, la comptabilité, le contentieux, les personnes » ; ils devaient prendre connaissance de l'administration du Recteur, des Inspecteurs des Académies, des Secrétaires ; visiter tous les Collèges; se rendre dans toutes les villes: où il, y avait des can- . didats aux bourses à examiner.
En 1813, leur travail fut moins étendu ; ils purent s'en rapporter, pour les Collèges ,aux renseignements que leur fournirent les Recteurs et les Inspecteurs des Académies ; ils ne firent des examens pour les bourses que dans les villes où il y avait un lycée, les Recteurs et les Inspecteurs étant autorisés à les faire dans les autres villes. Ils eurent à vérifier l'application des règlements et circulaires en général, et en particulier de plusieurs décisions récentes spécifiées dans l' instruction.
En 1809, ce fut Budan et Petitot qui inspectèrent la région provençale ; ils séjournèrent quelques jours à Aix et le Recteur ne les quitta pas pendant ce court séjour; le 24 mai, il écrivait au Grand-Maître qu'ils, s'étaient concilié l'estime générale dans ces contrées ; que, par leur conduite et la pureté de leurs principes, ils avaient fait de nouveaux partisans à l'Université. Le Grand-Maître, satisfait de l'accueil qu'ils avaient reçu et du bon effet qu'avaient produit leurs mérites
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personnels et leur mission, déclara qu'il adopterait avec empressement les mesures qu'ils proposeraient de concert avec le Recteur pour, réformes et améliorations. De son côté, Petitot retenu en congé à Dijon par un rhumatisme très douloureux, tandis que Budan venait d'achever une seconde tournée, écrivait au Recteur le 13 septembre qu'ils ne perdraient pas le souvenir des bontés qu'il avait eues pour eux et qu'il se trouverait très heureux d'être renvoyé dans son Académie.
En 1810, l'Académie d'Aix fut inspectée par Roman et Ampère. En informant le Recteur de leur prochain départ, le 22 mars, le Grand-Maître annonçait qu'ils ouvriraient des concours dans toutes les villes et qu'ainsi Arles ne tarderait pas à recueillir le fruit de ses sacrifices. Ils arrivèrent à Aix le 22 juin et, le 4 juillet ils partirent pour Marseille où le Recteur resta huit jours avec eux.
Ampère revint encore en 1811 avec.Guéneau de. Mussy et Issarn. Le Ier avril, le Grand-Maître informa le Recteur de leur prochain départ et le chargea de prévenir les villes qui avaient des bourses vacantes dans les lycées de préparer les listes des candidats. Jaubert qui avait passé l'hiver à Nice leur avait donné rendez-vous à Aix pour le 19 mai, il n'arriva que le 22. Ils en partirent lé 24 pour se rendre à Marseille puis à Toulon.
Ce fut encore Ampère et Guéneau de Mussy qui vinrent en 1812. Ils se rendirent tout d'abord à Aix, comme de coutume; puis de là ils se rendirent à Nice par Draguignan ; arrivés à Nice le samedi 30 mai, ils en repartirent le mardi. 2 juin et revinrent par Toulon et Marseille.
En 1813, ce fut Roman qui visita la région.
La Restauration conserva les Inspecteurs généraux, mais l'ordonnance du 15 février 1815 ramena leur nombre à douze, dont deux pour lés Facultés de Droit ,deux pour celles de
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médecine, les huit autres pour les Facultés de Lettres et de. Sciences et pour les Collèges royaux et communaux, Il n'y eut pas d'inspection ni en 1814 et en1815, pendant les CentJours.
Ecole Normale. — Sous l'ancien régime, le choix des professeurs était fait par les Chefs des Ordres religieux qui avaient la direction des Collèges; tout naturellement le. recrutement en était fait parmi les membres de ces ordres religieux.
En 1762, après l'expulsion des Jésuites, les Parlements songèrent à assurer l'éducation nationale en dehors des corporations religieuses ; le plan d'éducation arrêté par le Parlement de Paris, le 3 septembre 1762, comprenait l'établissement « d'une maison d'institution pour les maîtres ». C'était la création, en principe, de l'Ecole normale; mais le passage de la théorie à la pratique ne se fit pas, malgré la ténacité du président Rolland d'Erceville, qui était l'auteur du projet, qui y revint dans plusieurs mémoires " t notamment dans un Plan d'éducation publié en 1783 ; toutefois ses efforts ne furent pas perdus, la Convention reprit le projet et lui donna un commencement d'exécution.
Le 9 brumaire III (30 octobre 1794), elle décréta qu'il serait établi à Paris une Ecole normale où seraient appelés, de toutes les parties de la République, des citoyens déjà instruits dans les sciences utiles, pour apprendre, sous ! s professeurs les plus habiles dans tous les genres, l'art d'enseigner. Les élèves devaient être choisis par les Administrations de district sur la base de un par vingt-mille habitants ; ils ne devaient pas avoir moins de vingt-un ans et unir à des lumières un patriotisme éprouvé et des moeurs irréprochables». Mais cette institution n'avait pas un caractère durable, elle était temporaire"; les élèves devaient se rendre à l'Ecole avant la fin frimaire (novembre-décembre) et la
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durée des cours devait être d'au moins quatre mois. Les frais de voyage étaient remboursés aux élèves à raison de cinq livres par poste pour l'aller et le retour, et ils recevaient pendant leur, séjour le même traitement que les élèves de l'Ecole centrale.
Le cours s'ouvrit, le 30 nivôse III (19 janvier 1795), à Paris, dans l'amphithéâtre du Muséum d'histoire naturelle sous la surveillance de deux délégués de la Convention. Parmi les professeurs, il y avait, pour les lettres, Bernardin de Saint-Pierre, Volney, Laharpe, Garat ; pour les sciences, Lagrange, Laplace, Hauy, Monge, Daubenton, Berthdllet. Faute de programme, l'enseignement manqua de cohésion et d'unité ; au lieu d'initier leurs élèves, selon l'intention de la Convention, à «l'art d'enseigner», plusieurs de ces maîtres professèrent simplement leur science; leur auditoire devint de moins en moins assidu. Reconnaissant le peu de fruit, pour ne pas dire la stérilité, de son essai, la Convention, après avoir entenduun rapport de Daunou, prononça la clôture du cours ; élèves et maîtres se séparèrent le 29 prairial III (18 mai 1795).
Rentrés dans leurs districts respectifs, les auditeurs de ce cours n'ouvrirent pas, comme l'avait prévu le décret du 9 brumaire,dans des chefs-lieux de canton des Ecoles normales' pour transmettre aux citoyens et aux citoyennes la méthode d'enseignement qu'ils avaient acquise; ils furent employés somme professeurs dans les Ecoles centrales; Mevolhon, lut professeur à l'Ecole Centrale des Bouches-du-Rhône,puis au lycée de Marseille; François Hermelin ouvrti à Draguignan une Ecole centrale supplémentaire qui devint ensuite - Ecole secondaire, puis Collège.
L'essai de la Convention ne fut pas renouvelé, ni par le Directoire, ni par le Consulat. La loi du II floréal X ne prévoit aucun établissement spécial pour la formation des
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maîtres et semble compter, pour cela, sur les Ecoles spéciales. L'idée d'une Ecole normale fut reprise avec l'organisation de l'Université. Le décret du 17 mars 1808 annonça rétablissement à Paris d'un pensionnat normal destiné à recevoir jusqu'à trois cents jeunes gens qui y seront formés à l'art d'enseigner les lettres et les sciences. Ces jeunes gens devaient être choisis, par le Grand-Maître, après examen par les Inspecteurs généraux, parmi les élèves des lycées âgés de dix-sept ans au moins; ils restaient à l'Ecole deux ans, aux frais de l'Université et devaient contracter l'engagement de rester dix ans au moins dans le corps enseignant ; ils suivaient les cours du Collège de France, de l'Ecole polytechnique ou du Muséum d'histoire naturelle,suivant qu'ils se destinaient à enseigner les lettres ou les divers genres de sciences, et ils avaient à l'Ecole des répétiteurs choisis parmi les plus anciens et les plus habiles d'entre eux; ils devaient, au cours de leurs études ou à leur terme, prendre leurs grades à Paris, dans la Faculté des lettres ou dans celle des sciences et ils étaient ensuite envoyés par le Grand Maître dans les établissements des diverses Académies selon les besoins du service.
Le décret du 17 septembre 1808 annonça que le Pensionnat normal serait mis en activité dans le cours de l'année 1809 et que le nombre des.élèves pourrait n'être que de cent 1a première année, de deux cents la deuxième et ne serait complété que la troisième. Le chef de l'école, au lieu d'être choisi par le Grand-Maître parmi les quatre Recteurs conseillers à vie, comme le voulait le décret du 17 mars, pouvait l'être indistinctement parmi les conseillers à vie tant qu'il n'y aurait pas quatre Recteurs parmi eux. Mais l'année 1809 s'écoula sans que cette organisation eut lieu.
Le Recteur de l'Académie d'Aix, le 20 février 1810, se plaignait au Grand-Maître de ce que cette organisation
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traînait en longueur; pourtant les bons professeurs devenaient rares ; il n'avait pu en trouver aucun pour une chaire de mathématiques au Collège d'Antibes; il proposait d'y envoyer un des élèves qui demandaient à être admis à normale; au lycée de Marseille,un ancien élève (Bon) enseignait avec succès les éléments des mathématiques et on préférait même sa méthode à celle des professeurs en exercice; le Recteur partageait même, de façon générale, cette préférence, car il trouvait que la plupart des maîtres en exercice étaient nuls, ils voulaient enseigner le latin sans savoir le français; aussi suggéra-t-il l'idée d'organiser une petite école normale dans les lycées de première classe et proposait-il de faire enseigner les candidats à l'Ecole normale, ce qui serait un moyen de juger de leur aptitude. Trois élèves du lycée de Marseille avaient déjà posé leur candidature à l'Ecole normale: Corneille ne manquant pas de talent, surtout attaché à l'étude des mathématiques; Richard et Honorât sur lesquels le Proviseur, le Censeur et les Professeurs donnaient des attestations et rapports favorables.
Les détails d'organisation de l'Ecole normale furent fixés par les arrêtés du 30 mars et du 29 mai 1810 ; le premier sur l'administration, la police et l'enseignement, le second sur l'administration économique. Par une disposition spéciale, suggérée au Conseil de l'Université par l'abbé Emery, les élèves de l'Ecole, après avoir terminé leurs études, pouvaient entrer dans les séminaires pour y passer trois ans sans cesser de faire partie de l'Université.
Le décret du 29 juillet 1811 accorda aux élevés de l'Ecole l' exemption provisoire du service militaire; l'exemption devenait définitive, après qu'ils avaient exercé dix ans les fonctions d'enseignement dans l'Université.
Une circulaire du 25 octobre 1812, citée dans les instructions adressées aux Inspecteurs généraux au mois d'avril
150 L'ENSEGNEMENT SECONDAIRE
1813, leur rappela que seuls les élèves des lycées plus distingués et les plus reconimandàbles par leur conduite, ayant fait toutes leurs études pour le latin et pour les mathématiques, pouvaient être admis aux examens et concours pour entrer à l'Ecole normale ; une autre circulaire du 13 novembre 1813, déclara que, désormais, l'Ecole normale pouvait «suffire à tous les besoins du service» et qu'elle était «la seule route pour arriver à la Carrière de l'Instruction publique.»
Par circulaire du16 juin 1810, le Recteur fit connaître aux chefs d'établissements classiques de l'Académie deux nouveaux statuts arrêtés en Conseil de l'Université, l'un sur l'administration l'enseignement de l'Ecole normale, l'autre sur l'émèritat et les pensions de retraite. et leur montra les avantages de l'une et de l'autre.
En janvier 1811, Joubert qui se rendait à Nice pour y passer l'hiver et surveiller les derniers détails d'organisation du lycée, examina, à son passage à Marseille, les élèves du lycée qui se destinaient à l'Ecole normale. Il oublia Martin (Jean-François), de Sisteron, qui s'était distingué au lycée par son application et avait du goût pour l'enseignement et de l'amour pour le travail, auquel Roman s'intéressait, qui avait besoin d'être nommé pour échapper à la conscription, dont les parents n'étaient pas riches et qui avait été placé comme maître d'étude au Collège de Forcalquier. En le signalant au Grand-Maître, le Recteur atttira son attention aussi, sur Corneille qui avait été nommé professeur de mathématiques au Collège de Lorgues et dont Villeneuve, curé, et Lyons, principal, faisaient l'éloge. A la rentrée de 1811, le 23 novembre, le Recteur signala au Grand-Maître, dans son : Académie, trois candidats à l'Ecole normale: Topin (Marius), Gabriel (Nicolas) et Bosq (Louis-Philippe-Ferdinand). Le premier, avait étté nommé
DANS LA RÉGION PROVENÇALE
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en 1810 régent de 4e au Collège d'Aix où il professait alors la 3°, il avait alors vingt-six ans et le Recteur estimait inutile de l'envoyer à l'Ecole Normale, car il était assez bien formé. Le deuxième avait été reçu à l'Ecole normale et venait d'y entrer. Le troisième était chargé d'une classe de mathématiques élémentaires de douze élèves des plus jeunes au lycée de Marseille, il désirait aller à l'Ecole normale où il trouverait des moyens d'étudier qu'il n'avait pas à Marseille, mais sa famille, pas aisée, ne pouvait fournir aux frais de voyage et de pension.
L'Ecole normale fut conservée par l'ordonnance du 17 février 1815; chaque Université (Académie) y envoyait, tous les ans, un nombre d'élèves proportionné aux besoins de l'enseignement et fixé par le Conseil royal de l'Instruction publique ; la durée des études y fut dès lors de trois années après lesquelles un brevet d'agrégé était délivré à ceux qui avaient satisfait à un examen; les agrégés pouvaient être employés dans n'importe quelle Université, les autres retournaient dans leur Université d'origine pour y être placés par les Recteurs.
F.-N. NICOLLET.
(à suivre)
L'ECOLE DE GIOTTO A AVIGNON
AU XIVE SIÈCLE
Les pages qui suivent ont déjà fait l'objet d'une communication à l'Académie de Vaucluse, il y a deux ans. Après un récent" voyage à Florence et un nouvel examen approfondi de la fresque de la chapelle des Espagnols, de Simone Martini, l'Eglise militante et triomphante qui tient une place si considérable dans l'histoire de l'art, je me suis, une fois de plus, rendu compte de son analogie étroite avec les décorations de la salle dite du Cerf, dont les fresques ont été mises à jour, il y a quelques années, et qui constituent une des plus grandes curiosités du Palais des Papes.
Sur le conseil de quelques amis de l'art, je les livre à l'impression, avec l'espoir qu'elles contribueront, peut-être, à éclairer une question qui intéresse à un haut degré l'art du XIVe siècle, à Avignon, et ses rapports avec l'école siennoise et celle de Giotto.
Avignon est, par excellence, une cité chargée d'Histoire, de Lettres et d'Art, un domaine inépuisable pour les fervents du passé et de la beauté.
Il n'en est aucune autre, si ce n'est Rome, la ville des promesses éternelles, qui ait été, à la fois, une capitale de la vie spirituelle et le centre politique le plus important de toute Une époque. C'est une cité reine.
Elle fut non seulement un ardent foyer artistique en même temps que Florence et Sienne, mais encore le berceau de l'humanisme littéraire bien avant la Renaissance, proprement dite. Elle aussi a eu son Dante avec Pétrarque et sa Béatrix avec Lattre, laurier; vivant comme Daphné.
154 L'ÉCOLE DE GIOTTO A AVIGNON
Par l'enchantement de ses sites, le Cômtat évoque l'antique Hellénie avec le Ventoux qui est, à la fois, un Parnasse cher aux Muses et le père des sources comme l'Ida.
Ce sont encore les mêmes paysages, les mêmes bois parcourus par le chantre de Lattre, di pensier in pensier, di monte in monte!
Et Vauelusé! la fontaine sacrée comparable à la source de Castalie inspiratrice des poètes qui s'y désaltéraient! Comme elle a conservé sa vertu mystérieuse, son genius loci! Ils y ont bu à longs traits les fils d'Avignon : Roumanille, Aubanel, le grand Maillannais Mistral, père de Mireille et frère de Virgile,...et combien d'autres encore que je m'excuse de ne pas nommer parce qu'ils, sont trop !
Pour tant de titres impérissables, je la salue avec admiration la noble ville qui porte dans ses armes les trois clefs d'or du paradis et contient encadré dans ses magnifiques" remparts le majestueux palais six fois séculaire. Il est tout à la fois, le reliquaire du passé, le coeur de la Cité, un poème de pierre où le ciel et la terre se donnent la main, comme dans la Divine Comédie:
... Poemo sacro,
Al quale ha posto mano e cielo e terrai
En venant parler de l'Ecole de Giotto à Avignon, je n'ignore pas combien le sujet est délicat et plein de risques. Je me suis demandé même si, après, les savantes études déjà publiées par des historiens et des critiques d'art justement qualifiés, je n'aurais, pas mieux fait de m'abstenir. Aussi bien, et je le déclare dès le début, n'ai-je pas la prétention de contredire les opinions déjà émisés ; je me bornerai seulement à des remarques comparatives, à des rapprochements d'écoles, à des impressions raisonnées et re-
AU XIV SIECLE 155
cueillies au cours de différents voyages. J'essayerai d'apporter ma modeste contribution à cette question d'un si haut intérêt dans l'histoire de l'art du XIVe siècle, la période de ces Primitifs qui sont, qu'on ne l'oublie pas, les véritables créateurs de l'art, les initiateurs de cette magnifique floraison de la Renaissance du Quinquecento et dont Avignon a vu, disons-le bien haut, les premières manifestations, dès le temps de Giotto. Je m'attacherai surtout à la Chapelle St-Jean et à la Salle du Cerf dont les fresques m'ont paru les plus caractéristiques de l'influence et de la manière du maître florentin.
Plusieurs documents attestent la venue du disciple de Cimabue à Avignon, dès les premières années de l'établissement du Saint-Siège, et qu'il y exécuta de nombreux travaux dans la période qui va de 1306 à 1316, sous les pontificats de Clément V et de Jean XXII. Il en est fait mention dans un ancien commentateur de Dante dont le nom m'échappe, mais qu'il serait aisé de préciser.
Dans ses Mémoires, Benvenuto Cellini dit que «Dante résida en France avec le peintre Giotto « et cela est d'autant plus admissible que l'époque qui suivit l'exil de Dante et ses pérégrinations à travers l'Italie et la France correspond avec celle du séjour de Giotto sur les bords du Rhône.
Vasari indique que « Clément V ayant été élu pape à Pérouse, après la mort de Benoît XI, transporta le Saint-Siège à Avignon et que Giotto. fut forcé d'y aller pour faire quelques travaux ; il y exécuta donc, ainsi que dans plusieurs autres villes de France, une foule de tableaux et de peintures à fresque, oeuvres merveilleuses qui plurent extrêmement au Saint-Père et à tout son entourage.» Ce passage « plusieurs autres villes de France» est une allusion très claire aux déplacements nombreux de Clément V qui séjourna peu de temps à Avignon.
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D'après le même auteur, Giotto y serait également venu dans les dernières années de sa vie, vers 1334, sous le règne de Benoît XII et ce qui le prouverait c'est une lettre où Pétrarque dit avoir connu Giotto et Simone, Martini. Or, Pétrarque, n'a pu connaître Giotto qu'à Avignon où il fut amené tout enfant par son père exilé d'Italie et cette rencontre n'a pu avoir lieu que pendant le dernier séjour qu'y aurait fait Giotto.
Il était donc naturel que Giotto, qui avait déjà travaillé à Rome à l'époque du jubilé de 1300, sous le règne de Boniface VIII dont il peignit le portrait encore visible sur un pilier de St-Jean de Latran, non seulement devait se sentir attiré en Avignon, mais qu'il y fut appelé par les papes considérés alors comme les meilleurs protecteurs et les Mécène des grands maîtres de leur temps.
Il importe donc de remarquer qu'il a été question de Giotto à Avignon, dès les premiers temps de la translation du Saint-Siège et que sa présence y est bien établie, à l'époque où les papes décidés, par les circonstances, à résider en France, avaient commencé les constructions du palais.
Le séjour et les travaux de Giotto à Avignon ont été contestés sous prétexte que les livres de compte n'en font pas mention.
Mais cela ne me paraît pas constituer une raison suffisamment probante. En effet, les registres qui ont survécu remontent fort loin et ce qu'il en reste est plus ou moins clair. Aussi bien, ce n'est pas d'après leur témoignage,ou plutôt sur leur absence de témoignage que je m'appuierai pour attribuer à Giotto l'influence dominante sur le mouvement artistique du XIVe siècle à Avignon.
A défaut de documents écrits et de signature, il est toujours possible de définir une école de peinture en la rattachant au maître qui y a le plus excellé et dont elle porte la
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marque. C'est ainsi qu'on a pu classer l'école de Cimabue qui représente la transformation entre la manière anguleuse' et sèche des byzantins et. l'art italien proprement dit, puis celle de Giotto qui modifie totalement et accentue cette trans-' formation laquelle dominera pendant, tout le siècle. Vient ensuite Masaccio qui, à sont tour, crée un genre nouveau, le réalisme, une manière dont s'inspireront les meilleurs peintres du Quattrocento, les Filippo Lippi, les Fra Angelico, les Benozzo Gozzoli, les Ghirlandaio, etc., jusqu'aux grands maîtres de l'apogée.
Admettre le principe de cette évolution, c'est donner raison à ceux qui soutiennent le point de vue de l'influence
Giottesque à Avignon, malgré l'empreinte manifeste de l'école de Sienne et de son chef Simone Martini. Cela n'empêche pas de reconnaître la grande importance de l'école de Sienne qui, avec Duccio di Buonisegna, était déjà Célèbre
avant celle de Florence. Mais les Siennois évolueront, comme on le verra plus loin, en la personne de Simone, leur plus grand maître, vers la manière, de Giotto en qui se fusionneront le genre et le procédé de toute cette période. Cette évolution est déjà manifeste dans la chapelle SaintJean du palais d'Avignon.
Ici, il ne peut être question des travaux presonnels de Giotto qui mourut en 1337 alors que la chapelle et les fresques sont du règne de Clément VI dont les armes figurent à la clé de voûte. Mais si ce n'est son pinceau, c'est sa manière qui y apparaît clairement.
Il me paraît même très admissible que ce fut Simone qui en entreprit la décoration dès lès premiers temps du pontificat de Clément VI et qu'il dût y travailler jusqu'en 1344, année de sa mort.
Il est à présumer que, après sa mort, ses ouvrages inachevés furent continués d'après les dessins tracés en rouge.
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sur les' murs, comme on les voit encore en plusieurs endroits, - et parachevés d'après les cartons que composaient les vieux maîtres pour travailler à fresque plus facilement.
Je crois devoir également faire remarquer, au sujet de appelation souvent usitée de Simone Martini ou Memmi, que cette dernière s'applique plutôt à son frère cadet qui signait Lippus Memmi. Les travaux sont ensuite continués par des peintres au sujet desquels les registres de comptes ne sauraient nous rensigner, vu qu'il n'en a pas été trouvé, que je sache, se rapportant à Cette chapelle. On est donc forcé,jusqu'à plus ample informé, de se borner à des conjectures, je dirai mieux à des probabilités appuyées suides comparaisons et des rapprochements.
Or, parmi les meilleurs élèves de Giotto, il en est un pour qui il avait une prédilection particulière, c'est Tommaso di Stefano, dit Giottino. Il fut ainsi appelé, non seulement . parce qu'il était le filleul de Giotto, mais parce qu'il était parvenu à posséder sa manière à un degré tel qu'il en retira ce surnom qu'il ne perdit jamais, au dire de ses contemporains et d'après ce passage de Vasari : « Engagé tout jeune avec Giotto il s'appliquait à l'imiter avec persévérance. Comme lui, il excellait dans, le fini de ses compositions et jusqu'aux moindres détails. Les costumes, les cheveux, les barbes se distinguent par un soin, une morbidesse, une harmoitié qu'on ne rencontre pas chez Giotto lui-même. On disait même que l'esprit de Giotto avait pasé en lui par la vivacité des couleurs et l'habileté du dessin ».
Comme Simone Martini, oit rencontre Giottino partout où
Giotto a travaillé, à Assise où un couronnement de la Vierge
lui est attribué, mais surtout à Florence, à l'église Santa
Croce où se trouvent les plus importants travaux de Giotto
et les mieux conservés grâce aux habiles restaurations faites'
AU XIVe SIÈCLE 159
à différentes époques. Dans la chapelle Bardi, Giotto a représenté les scènes de la vie de Saint François et, dans la chapelle des Peruzzi, celles de la vie de Saint Jean-Baptiste et de Saint-Jean l'Evangéliste.
Plusieurs décorations pourraient encore être citées qui démontrent la collaboration de Giottino aux travaux de Giotto en Italie.
Mais j'insiste sur le fait que, Giottino ayant travaillé en Italie avec son maître aux fresques de la vie des deux saints Jean, il y a là une forte probabilité pour lui attribuer une part dans les peintures désignées sous le même vocable au palais d'Avignon.
Avant de pénétrer dans la chapelle de Clément VI, j'aitenu, par les considérations qui précèdent, à établir les rapprochements, la parenté artistique qui existe entre le maître et les élèves et expliquer, par là, qu'il puisse être question de l'Ecole de Giotto à Avignon, à propos des fresques qui nous occupent, quoiquelles aient été peintes après la mort ou maître florentin.
Nous voici donc dans la chapelle St-Jean d'Avignon. La scène du Christ en croix m'a le plus frappé. C'est la partie la mieux conservée et qui permet de bien se rendre compte des progrès accomplis dans cette période pour le rendu des personnages, complets, principalement celle de Saint Jean et du groupe qui se trouve, à sa gauche. L'apôtre est debout à.côté de la croix et attentif à recueillir les dernières paroles du Christ mourant. Rien de plus naturellement expressif que son attitude et l'aisance de son geste à la fois douloureux et résigné. Il en est de même pour le groupe des princes des prêtres et des pharisiens dont chaque figure, chaque geste révèle un impression différente et bien vivante. On les voit converser et traduire leurs pensées par le- seul jeu des' physionomies et le mouvement si expressif des
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mains. On y reconnaît la manière de Giottino définie plus haut d'après Vasari.
Non moins belle est la scène de la résurrection dé Drusiana par saint Jean et l'art avec lequel tout le groupe est composé là beauté des figures, l'expression naturelle et pathétique des gestes. Quel dommage qu'il manque deux têtes au centre de la composition et comme il importerait, à mon sens, qu'une restauration habile les y remplaçât. La chose est d'ailleurs très faisable et je fais le voeu,' avec bien des amis du palais, qu'elle se réalise, malgré l'opinion très respectable d'ailleurs de ceux qui s'opposent à la retouche.
A remarquer également la vision de St-Jean à Pathmos et sa conformité frappante avec le texte même de l'Apocalypse dont elle est l'illustration fidèle: « Au milieu des chan« deliers d'or, je vis quelqu'un qui ressemblait au Fils de » l'homme, vêtu d'une longue" robe et ceint, au-dessus des « mammelles d'une ceinture d'or. Sa tête et ses cheveux " étaient blancs comme de la laine blanche et .comme de la « neige et ses yeux paraissaient comme une flamme de feu... " Il avait en sa main sept étoiles et, de sa bouche, sortait «une épée à deux tranchants et son visage était aussi bril« lant que le soleil dans sa force. Au moment où je l'aper« çus, je tombai comme mort à ses pieds, mais il mit sur « moi sa main droite et me dit: ne craignez point, je suis " le premier et le dernier et celui qui vis.....
« Voici le mystère des sept étoiles que vous avez vues
" dans ma main droite et des sept chandeliers d'or. Les
« sept étoiles sont les sept anges de ces sept églises, et les
« sept chandeliers sont les sept églises ».
Que l'on examine attentivement cette si curieuse partie de la chapelle Saint-Jean. C'est la reproduction, à la lettre, de: la vision apocalyptique qui se trouve être non plus obscure mais d'une clarté lumineuse et d'une interprétation abso-
AU XIVe SIÈCLE 161
lument exacte. L'épée à double tranchant symbolise les luttes ardentes que les apôtres auront à soutenir pour la vérité aux traits pénétrants contre l'erreur, selon la parole du Maître: « J'apporte un glaive dans le monde". Les sept chandeliers signifient les sept églises qui deviendront les 7 basiliques romaines.
Ce symbolisme et cette mysticité, on les rencontre à chaque pas dans les compositions de l'école de Giotto et nous nous trouvons ici, en présence d'une des plus caractéristiques et des mieux conservées.
Le groupe des apôtres rappelle singulièrement, par sa disposition, celui qui se trouve dans le Jugement dernier d'Orcagna, à S. Maria Novella.
Ici encore, nous sommes bien dans l'école giottesque avec le manière d'Orcagna, son plus grand disciple, qui continuera à peindre longtemps encore après la mort de son maître et qui a pu, lui aussi, contribuer à la décoration de la chapelle Saint-Jean d'Avignon dont il s'agit ici. Vasari le cite, en effet, comme ayant travaillé pour le pape d'Avignon.
En somme, en examinant attentivement ces compositions, six fois séculaires, l'on est frappé par la forte expression qui s'en dégage et par leur fini en les comparant aux autres peintures de cette époque où le personnage en .pied est géréralement défectueux dans son ensemble, surtout dans la partie inférieure.
C'est que les primitifs du XIVe siècle ne connaissaient pas encore l'anatomie ni l'art du mouvement. Ils ignoraient les lois de la, perspective aérienne qui ne commencèrent à être appliquées en Italie, que cent cinquante ans plus fard avec Pintorrichio, Piero della Francesca, Raphaël et Vinci qui l'apprirent eux-mêmes des maîtres flamands.
162 L'ÉCOLE DE GIOTTO A AVIGNON
Elle est, en effet, surprenante la longue période de tâtonnements et de vains essais qui a précédé l'application d'un progrès aussi capital dans l'art, même chez des maîtres tels que Fra Angelico, Botticeili, Carpaccio, Benozzo Gozzoli, Luca Signorelli dont les personnages sont généra: lement placés sur le même plan, au milieu de places et de paysages qui manquent d'air et où les profondeurs sont obtenues par des procédés artificiels, des trucs : arbres taillés en plumeaux, grands oiseaux traversant l'espace, chemins en lacets et rochers en escaliers aux angles en biseau.
Par contre, ils excellaient supérieurement dans les peintures de demi-corps et dans l'expression des figures,"l'éclat du regard, dans lequel se reflétait l'âme tout entière. On s'en rend bien compte dans la quantité de figures représentées en alignement sur les. murailles et aux embrasures" des fenêtres de la chapelle Saint-Jean. Il en est qui sont d'une beauté radieuse et peuvent rivaliser avec celles du Paradis d'Orcagna déjà cité.
Ne sortons pas de ce sanctuaire de l'art, où l'on distingue à la fois la caractéristique de l'école siennoise, pour la composition et le mouvement, et l'influence giottesque, dans l'idéalisme des physionomies, sans dire un mot du groupe dit de Laure qui se trouve dans une embrasure de fenêtre. L'inspiratrice de Péfirarque y figurerait à gauche en' compagnie de deux autres femmes et sa présence s'expliquerait
s'expliquerait mieux que la renommée de Laure s'était
encore, accrue par un merveilleux portrait d'elle que Simone Martini avait peint, lorsqu'il vint à Avignon et dont voici l' histoire.
Pétrarque commanda au peintre le portrait de sa dame, mais sous la condition expresse qu'il le ferait à l'insu de l'objet de sa flamme. Tâché ingrate s'il en fût et combien ■délicate pour aborder et regarder bien en face une telle
beauté d'accès aussi peu facile et si bien gardée,
AU XIV° SIÈCLE 163
On se figure aisément à quelles ruses savantes dut recourir le peintre pour saisir, à la dérobée, les traits d'un tel modèle. Mais, malgré tant d'obstacles accumulés, Simone put remplir sa périlleuse mission et présenta à Pétrarque un portrait d'une ressemblance si frappante que le poète en fut ravi d'une admiration à laquelle il donne libre cours dans le sonnet 57 du Canzonière où il compare. Martini à Polyclète, le statuaire de Sicyone qui sculpta une Junon dont la tête,.la poitrine, les bras et les pieds étaient en ivoire et les vêtements en or.
« Per mirar Policleto a prova fiso " Con gli altri ch'ebber fama di quell'arte, « Mill' anni' non vedrian la minor parte « Della beltà che m'ave il cor conquiso « Ma certo il mio Simon fu in Paradiso
« Onde questa gentil donna si parte ; " Ivi la vide, e la ritrasse in, carte « Per far fede quaggiù del suo bel viso. « L'opra fa ben di quelle che nel cielo " Si ponno immaginar, non qui fra noi, " Ove le membra fanno all alma vélo, « Cortesia fé, ne la potea far poi « Che fu disceso a provar caldo e gielo " E del mortal sentiron gli occhi suoi. " Mille ans d'étude n'auraient pas suffi à Polyclète et aux " émules de son art, pour trouver sur la terre une seule per" fection de la beauté qui a triomphé de mon coeur.
"Certainement, mon cher Simon visita le Paradis d'où "cette femme sublime est descendue; c'est là qu'il l'aper" çut, qu'il copia ses traits, afin de témoigner, ici-bas, de " l'existence de cette tête charmante.
« L'oeuvre de Simone ne peut être créée que-dans les cieux et non dans ce bas monde où l'épaisse matière éclipse « les beautés de l'âme.
164 L'ÉCOLE DE GIOTTO À AVIGNON
" Il me destina cette faveur. Redescendu sur la terre, il " n'était plus temps ; ses sens trompés par les impressions "mortelles n'auraient jamais exécuté l'oeuvre céleste1».
Il existe encore, dans le canzonnière, deux autres sonnets où la louange de Laure et de Simone se trouve confondue. 'histoire ajoute que le peintre ainsi glorifié s'estima largement payé et ne voulut accepter aucune autre rétribution. D'ailleurs, Simone qui excellait dans tous les genres de peinture était regardé comme le meilleur portraitiste de l'époque. C'est en cette dernière qualité que le seigneur Pandolfo Malatesta l'avait envoyé à Avignon, tout exprès, pour peindre Pétrarque à la demande de qui il fit d'abord le portrait de Laure.
Ce portrait dû au pinceau d'un maître aussi renommé et célébré par le plus grand poète du temps n'avait pu, dès lors, qu'acquérir une notoriété considérable, telle que devait avoir plus tard celui de la Joconde ou de Bianca Capello ou d'un Balthazar Castiglione. II paraît donc très admissible que son auteur ayant à décorer une des salles du palais pontifical ait reproduit les traits de sort illustre modèle en aussi bonne place, au milieu de deux autres figures de femmes qui sont, à n'en pas douter, des personnes du temps dont il serait fort intéressant de connaître les noms. L'une d'elles pourrait bien être Cécile de Comminges, alors très en faveur à la Cour d'Avignon.
Il doit en être de.même parmi les nombreuses figures peintes dans les divers groupes de la chapelle. En effet, les maîtres s'appliquaient à reproduire les traits de leurs amis et protecteurs parmi les grands personnages de l'époque.
Et c'est grâce à cette heureuse particularité que nous pouvons encore voir dans les immortelles compositions des chambres de Raphaël et du Jugement dernier de Michel1
Michel1 d'Achille du Laurens : Essai sur la vie de Pètrarque.
AU XIVe SIÈCLE 165
Ange une quantité de figures qui sont des portraits de contemporains. Non moins instructives sont, à cet égard, les décorations' du Campo-Santo de Pise, celles du Triomphe de la mort par Lorenzetti et celles de Benozzo Gozzoli où l'on a la vision exacte du XVe siècle florentin personnifié par Cosme, Laurent et Julien de Médecis, Politien, Ficin, Pic de la Mirandole, les grands humanistes, que l'on voit se mouvoir, devant soi, habillés à la mode du temps, dans leur ambiance même.
C'est ainsi que l'art contribue, lui aussi, à perpétuer l'homme et à fixer le temps grâce à ces fresques si vivantes qui sont un démenti aux accents découragés du poète.
L'homme, fantôme errant, passe sans laisser même
Une ombre sur le mur
Je ferai remarquer, en passant, puisque nous sommes à Pise, que Giotto et Martini y travaillèrent également et combien les deux maîtres furent inséparables dans leur curriculum artistique.
Le portrait de Laure, authentique ou non, de la chapelle St-Jean d'Avignon nous conduit maintenant à Florence; à la suite de Simone.
Il y a, dans la célèbre église de Santa Maria Novella que Michel-Ange appelait sa fiancée et qui fut décorée par Cimabue, Giotto, Orcagna, Ghirlandajo, une chapelle dite des Espagnols où se trouvent des fresques très curieuses et fort instructives dans l'histoire de l'art, non seulement à cause du vaste sujet qui y est représenté, mais par' le nom des maîtres qui y travaillèrent. Nous y retrouvons l'école de Giotto et ses élèves inséparables, au premier rang desquels notre Martini, il mio Simone, (comme dit Pétrarque), en compagnie de ses disciples. Notons, une fois de plus, l'attraction réciproque des Siennois et des Florentins, dans l'art de ce temps.
1 V. Hugo,
166 L'ÉCOLE DE GIOTTO A AVIGNÔN
Ces peintures représentent, sur l'un des murs, l'église militante et l'église triomphante d'après lé commentaire du Cantique des Cantiques, par St Thomas d'Aquin. Il y a, dans la partie inférieure, une foule de personnages au milieu desquels se trouvent le pape d'Avignon Benoît XII et l'empereur Louis V, entourés des autorités ecclésiastiques et laïques.
Aux pieds du pape sont les brebis du troupeau de l'Eglise et autour d'elles les chiens vigilants qui montent la gardé contre les loups de l'hérésie. Ces chiens sont tachetés de blanc et de noir, la couleur du vêtement des dominicains (Domini Canes, les chiens du seigneur). Ils sont tels que les vit, dans un songe cité par Dante, au chant XII du Paradis, la mère de saint Dominique, peu de temps avant de lui donner le jour.
A côté sont peints Cimabue, Giotto et l'élégant Taddeo Gaddi en petit manteau à capuchon, culottes courtes et chaussé à la pouiaine, le dernier cri de la mode d'alors. Simone y reproduisit également son propre portrait qui doit être celui tourné, de face à la gauche de Pétrarque et à la suite du groupe des peintres cités.
Puis d'autres personnages admirablement rendus et parmi lesquels nous n'aurons d'yeux que pour les deux qui nous intéressent le plus en ce moment. Madonna Laura l'Avignonaise y est agenouillée au milieu d'un groupe charmant de quatre femmes dont une religieuse. Elle regarde en face, dans une attitude gracieuse et réservée,la main droite un peu levée. La tête entourée d'une coiffe, elle est vêtue d'un riche corsage vert d'où s'échappe une flamme entre la poitrine et la gorge. Au-dessus d'elle se trouve un grand, et beau seigneur luxueusement costumé qui ne peut être que Pétrarque. Il y a, en effet, en faveur de cette opinion qu'il s'agit bien ici de Laure. et de son illustre amant, les témoignages les plus probants.
Au XIVe SIÈCLE 167
I° Le nom du peintre, Simone Martini, dont Pétrarque avait consacré la gloire et qu'il avait rendu célèbre dans ses sonnets; 2° la renommée de Pétrarque, le plus grand poète vivant de l'époque et qu'un maître de l'art ne pouvait -omettre de représenter dans une peinture aussi vaste où figurent les célébrités du temps ; 3° l'indication très précise de Vàsari qui, ici, ne paraît pas devoir être mise en doute ; 4° enfin, la voix de la tradition avec laquelle il faut toujours compter alors surtout qu'elle se perpétue, au milieu d'un tel foyer d'art, dans des peintures aussi parfaitement entretenues depuis près de six siècles.
Et enfin, comme dernier argument, quel meilleur moyen, pour un peintre justement soucieux de sa renommée, que d'attacher son nom à une telle gloire!
D'aucuns ont prétendu voir, à côté de Laure, Boccace au lieu de Pétrarque. Mais cette opinion ne saurait tenir debout et pour plusieurs raisons. D'abord, parce que le personnage ressemble bien à Pétrarque tel que l'ont reproduit et décrit les peintures, lès bustes ainsi que ses nombreux biographes. Mais surtout, on ne voit pas pourquoi le licencieux auteur du Décaméron aurait figuré dans une aussi grave assemblée, présidée par le pape, à côté de femmes qui ne sauraient être confondues avec les trop joyeuses commères Pampinée, Fiametta, Philomène. Emilie, Neïphile, Elisa et Laurette!
Et maintenant, pour en revenir à nos fresques d'Avignon,
il me semble bien, après cette incursion dans la ville des Médicis,
Médicis, l'on puisse établir une corrélation étroite entre
les oeuvres qui nous occupent et qui furent excutées à peu
près vers la même époque, mais plus tard, sinon par les
mêmes peintres, mais, très vraiemblablement, par leurs
élèves. En effet) les fresques de Florence étant du règne de
Benoît XII, leur réputation a valu à son auteur principal
168 L'ÉCOLE DE GIOTTO À AVIGNON
d'être appelé à Avignon par Clément VI. La ressemblance des costumes, selon la mode du temps, en constitue aussi une preuve de plus.
Or, c'est justement là le trait d'union qui m'amène aux fresques de la Salle du Cerf, la plus curieuse découverte de ces dernières années et qui sont une révélation, une contribution nouvelle pour cette période de l'histoire de l'art.
En effet, elles sont non seulement la plus grande composition du palais, mais telles qu'on en voit très peu de semblables, même en Italie. Ces fresques marquent un progrès considérable dans l'évolution de l'art des Primitifs, à tel point que, si ce n'était la période certaine où elles ont été faites, le milieu du XIV siècle, on les classerait dans une époque plus moderne.
Mais je les considère comme contemporaines du règne de Clément VI, 1342-1352, et étant l'oeuvre des peintres de la Chapelle des Espagnols de Florence, à cause des points de rapprochement qui sont frappants.
J'y vois, en effet, une étroite parenté d'école dans la composition, l'agencement, l'ensemble, l'attitude, la disposition des personnages, leurs costumes selon la mode du temps, notamment les capuchons coiffant serrés et terminés par un long pendentif.
Mais il y a mieux encor e si l'on compare les paysages de: la Salle du Cerf avec ceux des peintures aériennes de Florence. Pour ces dernières, j'insiste particulièrement sur les scènes délicieuses du bosquet situé à la porte du paradis où se pressent les élus. Elles sont comme une vision du prin- ■ temps éternel. On les dirait inspirées par le Cantique au soleil des Fioretii,
Quatre personnages sont placidement assis, deux femmes dont l'une joue du violon, l'autre caresse un petit chien ; un homme tient un faucon sur le poing, un autre est absorbé
AU XIVe SIECLE 169
dans sa méditation. En dessous, des jeunes filles couronnées de roses font le rondeau accompagnées par la femme au violon. Ce sont là les derniers échos des voluptés passagères de la Terre qui vont être transformées en joies éternelles. Dans les frondaisons des arbres, sont de charmants petits personnage cueillant des fruits et des fleurs.
La forme de ces arbres et leur feuillage sont exactement semblables à ceux de la Salle, du Cerf ainsi que les divers personnages de la cueillette des fruits, de la chasse au faucon, de la pêche à l'épervier et du groupe exquis des baigneuses. J'ajouterai ce détail important que, selon le procédé des peintres italiens, le haut de la composition est à la détrempe et le bas à fresque.
Il me paraît donc manifeste que la décoration de cette salle, ait été non seulement conçue mais exécutée d'après celle de Florence sinon par les mêmes peintres mais du moins par des élèves très habiles, possédant parfaitement la manière du maître, et qu'il y ait lieu d'y établir un rapport étroit avec l'Ecole de Giotto qui sert de titre à cette étude.
Or, étant données les dates approximatives, il n'est peutêtre pas risqué de mettre en avant le nom de Giottino que l'on rencontre partout comme l'inséparable de Giotto et de Simone Martini.
Pour conclure, d'après cet exposé basé sur des probabilités, je me bornerai simplement à exprimer mon humble avis quitte à le modifier si la question se précise mieux dans la suite.
Autant que j'ai pu voir, rapprocher et comparer, je crois que c'est l'Ecole de Giotto qui domine manifestement dans les fresques de la chapelle Saint-Jean et de la salle du Cerf. Je ne parlerai pas dé Celles de la Grande Audience et de la chapelle Saint-Martial, d'un genre tout différent et qui d' ailleurs ont été parfaitement authentiquées, d'après des.
170 L'ECOLE DE GIOTTO A AVIGNON
documents écrits. Il est prouvé par les récents travaux de critiques autorisés que les Siennois se sont montrés les premiers à Avignon et y ont laissé une empreinte visible;.mais les Florentins y sont également venus dans la première moitié du XIV° siècle et y ont fait école dans la personne de Giotto, le maître déjà considéré comme l'un des plus grands et dont la manière était universellement imitée. Si l'on n'a pu authentiquer aucune des peintures de ce maître, cela tient à la bonne raison qu'il mourut en 1337, avant l'époque où commencèrent les grandes constructions et les décorations du Palais, vers la fin de Benoît XII, puis, principalement, sous Clément VI et Innocent VI. Mais il a travaillé à Avignon, cela paraît certain, et y a exercé une grande influence, sa vie durant et après, par les oeuvres de ses nombreux élèves dont on trouve les noms accolés au sien, dans les chantiers d'art les plus fameux de l'Italie.
Aux Siennois appartiennent sans conteste, l'idée créatrice, la richesse d'imagination, le mouvement, l'intensité de vie, la passion qui manquaient à l'école de Cimabué influencée par la sécheresse et la monotonie de la manière byzantine.
C'est à eux que revient la création de la peinture historique et allégorique, avec Ambrogio et Pietro Lorenzetti qui peignirent les admirables fresques du palais de la seigneurie de Sienne et celles, encore bien conservées, du Campo Santo de Pise, ce Triomphe de la mort, déjà cité, qui révèle la création d'un art nouveau extraordinairement vivant près de cent ans avant Masaccio le florentin. Mais le fini, l'harmonie; la grâce, sont l'apanage des florentins.
Aussi était-il naturel que l'école de Sienne évoluât vers la forme supérieure de Florence et arrivât à se fusionner avec elle, tout en lui constituant un apport essentiel. Dans la suite, aux XV° et XVlVe siècles, elle lui cédera la couronne de
AU XIVe SIECLE 171
la souveraineté artistique. C'est d'ailleurs une loi, dans l'art comme dans la pensée, qu'à toutes les époques, un esprit général circule du bout d'un pays à l'autre et s'étende même au-delà des frontières. Dans chaque ville, des pléiades de peintres se sont réunis autour de quelque maître fameux et ont formé des familles artistiques ayant leur individualité . et leurs traditions. Ce sont là les écoles.
C'est donc en vertu de cette considération que je suis amené à attribuer à Giotto la plus grande part d'influence dans les travaux de peinture à la Cour des papes d'Avignon.
Le Palais des Papes n'est pas seulement un monument glorieux pour la Cité qui le possède, il est le patrimoine de tout un peuple.
Il incombe donc à une administration justement soucieuse de sauvegarder nos richesses nationales, de ne rien négliger en vue du parachèvement de l'édifice qui a vu passer tant de générations, mais principalement d'entreprendre la restauration de ces fresques vénérables, l'oeuvre des plus célèbres maîtres du XIV) siècle.
On peut très bien, ce me semble, réaliser ici ce qui a été fait à Florence, à Assise, à Padoue et, de nos jours encore, à Rome, pour les merveilleuses peintures de Pintorrichio, dans les appartements Borgia recouverts de badigeons, eux aussi, pendant près de 500 ans. Les fresques d'Avignon restaurées dans leur beauté primitive combleraient une grande lacune dans l'histoire de l'art et attireraient vers elles une foule d'admirateurs.
Qu'il me soit permis de souhaiter que le palais restauré ne soit plus seulement le domaine des ombres mais devienne Je centre de la vie intellectuelle d'Avignon, un buisson ardent de l'art et de la pensée où devraient se trouver réunies
172 L'ÉCOLE DE GIOTTO À AVIGNON
les particularités qui caractérisent toute une époque et cons-. tituent la personnalité d'une illustre Cité dont l'histoire est incomparable. Sans cela, le glorieux édifice ne sera jamais qu'un corps sans âme.
La musique y aurait également Sa place, comme ses soeurs, la peinture, la sculpture et l'architecture. On s'imagine l'effet magnifique que produiraient des solennités musicales sous les voûtes gothiques de la grande chapelle, l'interprétation des maîtres anciens, les Palestrina, les Lassus, les, Carissimi, les Lulli, les Pergolèse; les airs des troubadours et de la Fête-Dieu, les Noëls de Saboly et de Peyrol; les oratorios de Haendel et de Mendelssohn, les symphonies de Berlioz, de Félicien David, le vauclusien, de Campra, l'aixois; les oeuvres d'un César Franck,d'un SaintSaëns, combien d'autres encore! Et quel public de choix pour y affluer, de la France et de l'Etranger!
Ne serait-ce pas là la meilleure façon de pratiquer le Régionalisme, de nous affranchir de la funeste emprise de Faris qui opprime la Province, en toutes choses, et la stérilise?
Pourquoi conserver, restaurer nos antiques monuments ? C'est un de nos plus grands poètes qui répond:
Pourquoi? pour consoler les sépulcres dormants Pourquoi? parce qu'il faut faire aux écroulements
Succèder les apothéoses! Aux voix qui disent non les voix qui disent oui, Aux disparitions de l'homme évanoui,
Le chant mystérieux des choses ! 1
Mais nous le devons aussi comme une compensation aux ruines accumulées sur le sol sacré de France par la horde féroce des destructeurs de cathédrales et des incendiaires
1 Victor Hugo,
AU XIVe SIÈCLE 173
de bibliothèques, par les représentants des monstrueuses doctrines qui bouleversent le monde depuis quatre siècles, par les continuateurs de la barbarie luthérienne dont le palais ces Papes et les églises d'Avignon portent les traces, eux aussi; par les descendants de ces réîtres grossiers et cruels qui, sous prétexte d'idolâtrie, saccagèrent la Rome de Raphaël et de Michel-Ange !
Plus que jamais, tenons-le haut et fermele flambeau latin comparable à celui de la course antique ; opposons-le à la torche incendiaire allumée aux laboratoires asphyxiants de Wittenberg, de Koenigsberg, d'Essen, Tubingen et autres lieux aux noms significatifs.
Le latin c'est ce qui réunit, l'allemand c'est ce qui sépare !
Pour tout ce qu'il représente de grandeurs, conservons-le avec fierté et amour ce splendide héritage ancestral, en vertu du vieil adage français noblesse oblige. A cette, heure c'est, plus que. jamais, un impérieux devoir patriotique.
A. DRAGON.
CHRONIQUE
OUVRAGES EN SOUSCRIPTION
Dans la séance du 14 mars 1919, la Société d'Etudes de Braguignan a délibéré de publier une édition illustrée des Rues de Draguignan et leurs maisons historiques, par M. F. Mireur, son regretté président honoraire, et d'ouvrir, dans ce but, une souscription parmi ses membres et les érudits qui s'intéressent à l'histoire de la Provence. Les circonstances n'ont pas. permis alors de donner suite à ce projet. Il est possible, aujourd'hui d'en poursuivre la réalisation.
Les Rues de Draguignan et leurs maisons historiques formeront 4 volumes in-8°, illustrés de gravures hors-texte, de 350 pages environ chacun. Le prix des 4 volumes est fixé à 40 francs pour les membies de cette Société, à 50 francs pour les autres, souscripteurs, 10 fr. à la réception du premier et du deuxième volume; 10 fr. ou 22 fr., suivant le cas, à la réception, du troisième.
Le premier volume paraîtra en juin 1921. Les autres suivront rapidement.
Conformément au voeu exprimé par M. Mireur, là. surveillance de le publication a été confiée à M. E. Poupé, membre non résidant du Comité des Travaux historiques, son collaborateur' pendant de nombreuses années.
Nous, avons le ferme, espoir que les Membres de la Société à Etudes Provençales voudront bien contribuer au succès de cette entreprise en souscrivant à une oeuvré lentement élaborée au cours de 60 années de minutieuses et patientes recherches.
Les noms des souscripteurs seront publiés à la fin du 4e volume.
En souscription aussi : Nice fendant la Grande Guerre, années 1914-1915, souvenirs et visions patriotiques, par M. Edouard Arène. Un vol, in-8° de 100 à 120 pages sur papier Bouffant, avec couverture'de luxe, trois hors texte sur papier couché. Prix de l'exemplaire à la souscription 6 fr. Adresser les demandes a 1' «Imprimerie», 9, rue Biscarra, Nice,
BIBLIOGRAPHIE
Comptes Rendus
ALBERT RITT. — Le Bourg et le territoire de la Ciotat au XV° siècle. In-8°, 60 pp. Marseille, Ruat, 1920.
M. Ritt, qui publia récemment l'intéressant Journal de deux notaires Ciotadens, vient de consacrer à sa ville natale un nouveau volume dont le sous-titre: Données topographiques et statistiques tirées du fremier cadastre du lieu, est trop modeste ; car, à la lecture, on se rend vite compte que l'auteur a compulsé et comparé tous les vieux cadastres conservés aux archives communales.
De ce travail, M. Ritt a tiré non seulement les données topographiques et statistiques qu'il annonce, mais aussi des renseignements sur l'histoire et l'administration de La Ciotat aux temps anciens. C'est ainsi qu'on y trouve la constitution de la communauté faite en 1429 par l'abbé de St-Victor, Guillaume Dulac ; l'indication de 1579 comme date d'une des premières assemblées, tenue par les habitants du bourg relevant alors de Ceyresté; l'existence d'une confrérie du st-Esprit qui, là comme ailleurs, fut la mère de la Commune; des renseignements sur le régime syndical et consulaire, enfin cette mention amusante que les sentences du seigneur-abbé étaient traditionnellement prononcées du haut d'un fan de mur sis au quarfief
quarfief aujourd'hui de Sainte-Marguerite,près du lieu dit la Salle. Or, quand on rapproche ce dernier mot dont la signification au Moyen-Age est celle de « château, palais, maison forte» et même d' " assemblée publique », de cette cérémonie bizarre à première vue, on est amené à croire que ce. pan de mur était le dernier vestige du primitif château seigneurial, alors détruit, mais auquel survivait une des coutumes qui s'y étaient déroulées au cours des siècles antérieurs? Une des particularités du système de défense de la petite cité est que les tours des remparts appartenant, comme en beaucoup d'endroits, à des particuliers, étaient en cas de danger garnies d'escouades dont le capitaine était d'office le propriétaire, tandis que des
■ capitaines probablement élus prenaient la direction des tours appartenant au domaine' communal: torres del Pos, del Portai d'Amont,
de l'Es-peron. Et cela paraît bizarre, car si on peut admettre qu'un propriétaire fera tout son possible pour défendre son immeuble, d'autre part il semble que le fait d'avoir pignon sur rue ne puisse être une assurance de capacités militaires, Mais il faut songer qu'à cette
I76 BIBLIOGRAPHIE
époque de troubles continuels, tous les hommes étaient formés au service de la milice et qu'en leur qualité de marins, les Ciotadens avaient pris dans leurs expéditions le sang-froid, l'initiative, la rapidité de conception et d'exécution nécessaires en pareille circonstance. Quoi qu'il en soit, ce fait des capitaines-propriétaires ne m'est ccnnu que pour La Ciota, car ailleurs les tours, louées ou données à bail emphytéotique pendant la paix, étaient évacuées par leurs habitants en temps de guerre et passaient sous le commandement du capitaine de ville ou des capitaines de quartiers.
Outre l'imposition sur les bateaux et engins de pêche, bien naturelle en une communauté comme La Ciotat, le cadastre révèle l'inscription, à côté des immeubles, des seules bêtes de somme: boeufs, mules et mulets, ânes et ânesses, et M. Ritt se demande pourquoi on n'a pas fait également le recensement des animaux de boucherie. II ne semble pas douteux que les animaux de bât ont dû leur enregistrement au terrier au fait qu'ils étaient considérés comme servant à l'exploitation des propriétés rurales, comme immeubles par destination.
M. Ritt a naturellement recherché l'étymologie des noms de lieu et il est regrettable qu'il n'ait pas donné en appendice les diverses formes employées pour chacun d'eux dans tous les cadastres, arrivés jusqu'à nous. J'ai pu procéder ainsi dans mon Inventaire sommaire des Archives Communales de Cassis 1 et cela permet, en suivant les déformations survenues au cours des siècles, de retrouver souvent la forme primitive; mais non moins souvent il faut renoncer à en connaître la signification. Dans la grande majorité des cas celle-ci est le nom d'un propriétaire, nom tombé" dans l'oubli et modifié par le peuple qui lui imposé une signification toute différente, car pour " étrange que cela puisse paraître, le peuple tient à comprendre.' Partant de ce principe, j'avais admis que cet énigmatique quartier de la Tasse avait pu tirer son nom d'une famille Itasse, habitant Cuges et Auibagne, mais M. Ritt n'ayant pas trouvé trace de celle-ci à La Ciotat, il y a à présumer qu'il faut chercher ailleurs. Or il existe dans la basse latinité des mots tassagium, tassare, qui se rapportent à l'opération de mettre en méule, mettre en tas, et d'où ce dernier mot découle évidemment. La Tasse ne serait-elle donc pas l'équivalent du Plan dei Cuco, l'endroit où, après la moisson, les propriétaires groupaient leurs meules en attendant la foulaison?
Une analogie de même nature nous permet de comprendre que, comme l'aire du Chapitre était à Aix (et vraisemblablement ailleurs) destinée aux blés provenant de la dîme de ce corps, l'Iera de Nostra Dona recevait à La Ciotat ceux produits par la redevance due au' prieur de la paroisse dont l'église primitive était dédiée à la Vierge c1 après un acte du 20 septembre 1470.
1 Art. CC. 1 à 18,
BIBLIOGRAPHIE 177
On voit combien le petit volume de M. Ritt éclaircit de points et soulève de problèmes. C'est dire l'intérêt qu'il présente pour tous ceux qui s'intéressent à l'histoire, à l'archéologie, à la géographie, à la langue, non seulement de La Ciotat, mais encore de la Provence. J'ajouterai que cet intérêt est encore augmenté par les plans, croquis et fac-similé qui complètent et éclairent, le texte.
Maurice RAIMBAULT.
Instructions d'un pire à son fils, far le duc de Fortia, publiées pour la première fois avec une introduction et des notes par le baron Emile PERRIER, ancien directeur de l'Académie de Marseille, membre de l'Académie des Arcades de Rome, Marseille, Barlatier, 1918, in 8°, 37 pages.
M. le baron Perrier a eu la bonne fortune de retrouver dans les archives de la famille Rolland de Malijay et dans un élégant petit manuscrit du XVIII° siècle ce curieux document propre à nous renseigner sur la moralité moyenne des classes élevées de notre Provence sous l'ancien régime mieux que les procès scandaleux de l'époque. Mais n'est-il pas de pratique malheureusement courante de porter plus d'attention aux fanfarons de vice qu'aux tenants de la vertu ? Du grand siècle tout le monde connaît Lauzun; combien peu citeraient Ventadour. Le règlement de vie dont s'agit a naguère été communiqué à l'Académie de Marseille; mais les publications de cette vénérable compagnie sont suspendues depuis la guerre, par suite de circonstances trop faciles à deviner pour qu'il y ait lieu de les énumérer. A leur défaut, M. Perrier offre, à ses propres frais, au lecteur bénévole,dans une élégante plaquette luxueusement et soigneusement imprimée, comme tout ce qu'il édite: les Instructions du duc de Fortia. à son fils et les a fait précéder d'une précise introduction biobibliographique.
Divers lecteurs ont chicané à propos du titre de Duc de Fortia; à leur dire,il n'y a eu, en Venaissin ni en Proyence,de duché de Fortia, mais une baronnie de Baumes (de Venise) possédée par les Fortia, marquis de Pilles, et érigée en duché par le Pape Pie VI ,en 1775, en faveur précisément du destinataire du manuscrit. Pour faire taire ses contradicteurs, l'éditeur aurait pu donner en note le texte des bulles pontificales. Mais ceux-ci auraient quand, même pu raisonnablement soutenir que, les Instructions datant de 1725, leur titre exact ne peut-être que : Instructions d'un père à son fils par M. le marquis
178 BIBLIOGRAPHIE
de Pilles, gouverneur viguier héréditaire de Marseille, à son fils, futur premier duc de Fortia. Au reste cette petite querelle héraldique est secondaire en l'occurrence, car ce qui intéresse principalement le public est le dispositif de ces instructions qui constituent un règlement de vie d'homme du monde bon à lire et à méditer à toute époque.
A. R
FERDINAND SERVLAN. —Pierre Puget intime. Marseille, Ruat, 1920 in-8° carré, 108 pages.
Le distingué critique d'art du Sémaphore ne pouvait laisser passer la date du tricentenaire de la naissance de Puget sans apporter son hommage au grand artiste; et, dès les premiers mois de 1920, il publiait, non une nouvelle biographie du sculpteur marseillais, mais une série d'esquisses. Il le suit d'abord dans son intimité et de là le titre de sa plaquette: de la maison natale de la rue du PetitPuits au caibanon de l'Estaque, puis chez les patrons successifs, Roman..., Pietro di Cortone; en Italie, à Toulon, à la ville et hors les murs, c'est-à-dire à Ollioules,. à Marseille, à la maison de la rue de Rome et à la bastide de Fongaté. II nous présente ses deux épousés, son fils François, ses élèves et, plus spécialement, celui qui devint son neveu par alliance,. Christophe Veyrier. Tous ces détails rapprochent de nous notre illustre compatriote et donnent l'impression d'une existence fort analogue à celles que nous cotoyons chaque jour:edes prolétaires parvenant avec honneur et travail à une respectable aisance.
Plus adéquat a l'artiste est le chapitré sur l'enfant dans l'oeuvre de. Puget étudié par lui avec une évidente prédilection. Dans celui sur Puget et Louis XIV, M. Servian énumère avec grand soin et é'udition les portraits que l'artiste a laissés d'un souverain qu'il eût vivement désiré approcher davantage.
L'avant-dernier chapitre, sur les portraits de Puget, qui aurait pu servir de conclusion, donne la nomenclature des artistes qui, à la suite du héros lui-même, se sont essayés à reproduire les traits denotre génial compatriote.
A. R.
TABLE DES MATIÈRES
DU TOME XII
des Annales de Provence
(Année 1920)
Les chiffres renvoient aux pages
Mémoires
E. BOUVE. Ravitaillement et Mercantis (1793 à 1800 et 1914 à 1920), comparaisons (Le ravitaillement du Comté de Nice, pendant la Révolution)., 113.
P. CAKESTRIER. L'évêque de Glandèves aux portes des enfers, 49.
V. COTTE. La Provence Pléistocène (fin) 17. — La Civilisation Néolithique, 65, 103.
A. DRAGON. L'Ecolede Giotto à Avignon au XIVe siècle, 151.
P. GAFFAREL. La bande d'Aubagne sous la Révolution, 5, 75.
V. LIEUTAUD. Cent thèses médicales bas-alpines, (suite et fin) 27, 97.
F.-N. NlCOLLET. L'enseignement secondaire dans la région provençale (Académie d'Aix) sous le Consulat et l'Empire et pendant les Cent jours, 129.
Chronique
Académie de Marseille (concours pour 1920), 94.
Archéologie III.
Bibliothèque de la Société d'Etudes Provençales, 40.
Cinquante-quatrième congrès des Sociétés Savantes de Paris et des
départements à Paris, 110. Congrès régionaliste d'Aix, 95. Nécrologie, 41.
Ouvrages en souscription, 174.
La Provence au Comité des travaux historiques et scientifiques, 93. Sociétés Savantes, 40.
Bibliographie
Chan. Ulysse CHEVALLIER. La croisade du Dauphin Humbert II (13451347),
(13451347), R., 96.
L. HONORÉ. Bonnes au XVIIIe siècle, A. R., 42. F. MIREUR. Les couvents de Draguignan. — Le couvent royal des
Frères Prêcheurs, A. R., 43.
180 TABLE DES MATIÈRES
Un nouvel organe du régionalisme provençal, 47. Publications provençales récentes, 112.
E. PERRIER. Instructions d'un père à son fils par le duc de Fortia,
A. R., 177.
Albert RITT. Journal de deux notaires Cïotadens du XVIIe siècle, F.-N. Nicollet 44.— Le bourg et le territoire de La Ciotat au
XVe Siècle, M. Raimbault, 175.
F. SERVIAN. Pierre Pugetintime, A. R., 178.
J. VINCENT. La grande guerre : Ses répercussions à Aubagne du 2 août 1914 à septembre 1919, F.-N. Nicollet, 45.