Rappel de votre demande:


Format de téléchargement: : Texte

Vues 1 à 232 sur 232

Nombre de pages: 232

Notice complète:

Titre : Nouveau langage des fleurs, avec la nomenclature des sentiments dont chaque fleur est le symbole et leur emploi pour l'expression des pensées, précédé d'une introduction par Pierre Zaccone

Auteur : Zaccone, Pierre (1818-1895). Auteur du texte

Éditeur : Hachette (Paris)

Date d'édition : 1871

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb31678820r

Type : monographie imprimée

Langue : français

Langue : Français

Format : In-16, 175 p., fig., pl. en coul., fig. au titre

Format : Nombre total de vues : 232

Description : Contient une table des matières

Description : Avec mode texte

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5686575z

Source : Bibliothèque nationale de France, département Sciences et techniques, S-35808

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 17/08/2009

Le texte affiché peut comporter un certain nombre d'erreurs. En effet, le mode texte de ce document a été généré de façon automatique par un programme de reconnaissance optique de caractères (OCR). Le taux de reconnaissance estimé pour ce document est de 97%.


•^■0-U.VEAU

LANGAGE DES FLEURS

. AVEC

LEUR VALEUR SYMBOLIQUE"

ET

L^U.R EMPLOI POUR L'EXPRESSION DES PENSÉES

PRÉCÉDÉ D'ijXE ÎNTRODICTIOX

PAR PIERRE ZACCONK

PARIS

LIER AIME HACHETTE ET G"

IvOULEVAIiD SUNT-CEHM.UN, 79



NOUVEAU

LANGAGE DES FLEURS


PARIS. — TYPOGRAPHIE LAHURE Rue de FÏeurus, 9



insy Immortelles, Jolikns Jasmin.




NOUVEAU "

LANGAGE DES FLEURS

A V E C

LEUR VALEUR SYMBOLIQUE

K T

LEUR EMPLOI POUR L'EXPRESSION DES PENSÉES

PRÉCÉDÉ D'UNE INTRODUCTION

PAR PIERRE ZACCONE . ,

PARIS

LIBRAIRIE HACHETTE ET ' C"

BOULEVARD SAINT-GF.RMAIN, 79 1871



LE

LANGAGE DES FLEURS

LE SÉLAM

r

OUT le monde aime les fleurs !...

Quand le printemps s'avance, le front couronné de lilas, que les prés ont revêtu leur manteau de verdure constellé de pâquerettes, et que les bourgeons s'entr'ouvrent sous les tièdes haleines d'avril, ne dirait-on pas que la nature s'éveille

pour la première fois à la vie, et qu'elle laisse enfin échapper de son sein, longtemps fermé, ses trésors de fécondité et d'amour?...

Tout aime alors et tout jouit !...

Le:; brises folâtres courent de buissons en buissons, les oiseaux babillent sous la verte ramée, les ruisseaux chan1

chan1


! LE LANGAGE DES FLEURS. '.

tent sur leur lit de sable fin et de cailloux blancs^ et les

*■ ■ ■' ■ Heurs, ces étoiles du jour, font comme un éblouissant diadème au front de la saison nouvelle '

Tous les poètes les ont chantées, tous les peuples les aiment et les cultivent.

Dès les temps les plus reculés, les femmes en ornent leurs cï'.uveux, la religion en pare ses autels... Velléd:i était couroiHke de verveine, et le triomphateur des jeux olympiens n'ambitionnait d'autre récompense, qu'une cou-, rounc de lauriers...

Les fleurs sont comme la poésie de la nature; nous les trouvons mêlées à tous nos-souvenirs... elles n'ont manqué' à aucune fêle du coeur... Après avoir embaumé le berceau de l'enfant, elles répandent encore leurs suaves senteurs sur la tombe du vieillard '...

Qui de nous ne s'est senti profondément attendri en revoyant certaines petites fleurs aimées de notre passé? qui n'a versé de douces larmes aux émotions que leurs parfums nous rappellent?

C'est l'histoire de tous, — point n'est besoin de la raconter.

Chaque jour, nous retrouvons un pétale fané, aux feuilles d'un livre oublié. — Ce pétale, c'est un poème.

Nous avions vingt ans alors... nous entrions à peine dans la vie... tout chantait en nous et autour de nous!... et comme nous étions jeunes ! et comme nous aimions !...

Premières joies de l'âme, chastes ivresses, douces émanations d'un coeur qui s'ouvre à l'amour, — qu'êtes-vous devenues?

Flétries comme ce pétale...

C'était le printemps, et déjà l'hiver est venu...

Si les fleurs parlent encore au souvenir quand elles sont


LE LANGAGE DES FLEURS 3

mortes, quel langage que le leur quand elles sont vivaces et parées de leurs plus riches couleurs! "• C'est en Orient surtout qu'on a commencé à les entourer d'une sorte de culte : mille allégories ingénieuses y furent devinées ou inventées : à une époque où l'art de correspondre n'avait point encore été découvert, le Sélam était déjà mis en pratique, et servait de messager discret aux amoureux.

C'était le langage des fleurs à sa naissance.

Depuis, il a subi de nombreuses modifications.

« D'abord, dit un auteur, en raison de la grande quantité de fleurs inconnues à nos pères, et ensuite, à cause de la propriété mieux appréciée de beaucoup d'entre elles. »

Toutefois il ne faut pas croire qu'il soit nécessaire d'être un savant botaniste, ou seulement un horticulteur couronné, pour traduire toutes les charmantes choses qui peuvent se dire dans cet idiome.

Défiez-vous, a dit un sage, de quiconque n'aime ni la musique ni les fleurs... Dieu s'est trompé en le créant...

'Il suffit donc, pour comprendre tout de suite leur langage, d'être amoureux, ou d'avoir l'âme tendre et délicate.

Le récit qu'on va lire démontre tout à la fois l'utilité et les dangers du Sélam, — c'est à ce double titre que nous l'avons choisi.

Ce conte a, de plus, l'avantage d'être parfaitement historique, et, malgré Musset, nous soutenons que cet avantage en vaut un. autre.

Nous aimons à croire que le lecteur sera de notre avis.


LE LANGAGE DES FLEURS.

1

IL y avait une fois dans cette belle ville d'Ispahan que tant de poètes ont chantée, un sultan qui ne ressemblait guère à ceux dont les voyageurs nous ont transmis les portraits et l'histoire.

Rokneddin Karschâh avait de singulières habitudes ; c'était un assez bon diable au fond, et même dans la forme ; c'est tout au plus s'il faisait trancher, par an, cinq ou six cents tètes; il n'avait jamais signé aucun firman attentatoire aux droits ou à la liberté de ses sujets, et nul ne pouvait dire qu'il l'eût jamais vu travailler avec ses ministres; il se couchait tôt et se levait tard. Le remords et l'injustice n'avaient jamais troublé sa conscience et il se laissait bercer par celte molle quiétude qui s'élève à tout instant d'un coeur satisfait.

Le bon sultan que cela faisait !...

Et comme tous ses sujets l'aimaient ! comme ils auraient donné de leurs jours pour ajouter aux siens!

Rokneddin était un philosophe de la bonne espèce; il jouissait de la vie avec toute la simplicité d'un bon bourgeois retiré des affaires; il aimait les arts, protégeait ceux qui les cultivaient, et recevait à sa cour, avec une attention toute particulière, les poètes, les historiens, les hommes de lettres, tous ces hommes, enfin, qu'une même aspiration attire vers l'art, cette patrie idéale des âmes élevées.

Notez que le sultan Rokneddin n'était pas vieux, et que la vigueur éclatait encore dans toute sa personne an signes on équivoques.


LE LANGAGE DES FLEURS. 5

Petit, vif, maigre, il portait une longue barbe blanche qui lui descendait jusque sur la poitrine, montait à cheval comme un centaure, et chassait le tigre avec une intrépidité vraiment héroïque.

Il y avait déjà une dizaine d'années environ que le sultan régnait sur son peuple, et ces dix années s'étaient écoulées sans qu'aucune plainte se fût jamais élevée sur son gouvernement.

A celte époque, c'est-à-dire vers l'année 18.., il arriva dans la ville d'ispahan un jeune Français du nom de Georges de Raincy. Celui-là était un artiste dans toute.l'acception du mot. Il avait, quitté la France depuis près de cinq années, poussé pa'r cet esprit aventureux qui fait les héros, les bandits ou les vagabonds ; il était parti de Paris à la recherche de l'inconnu. 11 avait visité successivement toutes les parties du monde et était venu échouer à Ispahan, tout ébloui encore des souvenirs qu'avait laissés dans son coeur jeune et enthousiaste la lecture de ce poëme merveilleux qu'on appelle les Mille et une Nuits. L'amour des voyages, l'ardent désir de l'imprévu, l'avaient conduit dans ces parages lointaine; mais Georges, malgré l'audace de ses rêves, s'était arrêté devant les enchantements que la réalité lui avait offerts sur sa route.

Georges était peintre : amant de la nature, il avait trouvé sous le beau ciel de l'Asie toutes les satisfactions que pouvaient demander son esprit et son coeur. — La résidence de Rokneddin était notamment un vrai chef-d'oeuvre de l'art.

Des jardins immenses, des parcs grands comme des forêts, des lacs, des kiosques, des jets d'eau, des fontaines, des palais de marbre et d'or, des bassins aux proportions gigantesques et comme Martinn aurait seul pu les peindre... Georges n'avait pas l'idée d'une pareille civilisation ; il se


6 LE LANGAGE DES FLEURS.

sentit troublé dans son admiration, et, comme s'il eût été touché par la baguette d'une fée invisible, une source d'enthousiasme nouveau jaillit de son coeur ému. -

Tous les jours on était certain de le rencontrer là... Il allait et venait, fumait et dessinait alternativement, et ne s'en retournait à son logis que longtemps après que le soleil avait donné le signal de la retraite. Quinze jours se passèrent de la sorte.

Notre artiste était assez familier de sa nature; il avait d'abord commencé par dessiner quelques arbres, plusieurs kiosques, certaines perspectives baignées d'ombre et de soleil; puis, comme sa présence quotidienne attirait les regards des passants et des gardes du palais, il avait fini par se prêter assez complaisamment aux demandes quilui étaient faites, et s'était amusé à reproduire les traits des personnes qui l'entouraient. Toutefois, au lieu de se borner à reproduire fidèlement la physionomie de ses. modèles, le malin artiste prenait parfois plaisir à l'exagérer, pour en faire ce qu'en terme d'atelier on appelle une charge.

Or, parmi les curieux qui stationnaient habituellement à ses côtés et suivaient ses travaux avec un vif intérêt, se trouvait une sorte de gros homme, court, trapu, replet, qui remplissait au palais du sultan les très-honorables fonctions d'eunuque. Cet homme, qui se nommait Ahmed, avait, comme les autres, demandé son portrait à Georges; mais, moins spirituel ou plus vaniteux, il entra dans une grande colère et jura de se venger quand il vit la manière perfide dont l'artiste l'avait défiguré.

Il est vrai de dire que celui-ci ne l'avait pas épargné...

Dès le lendemain donc, Ahmed exposait son affaire au sultan, et lui mettait sous les yeux les pièces du procès.

Heureusement, Rokneddin aimait à rire au moins autant


LE/LANGAGE DES FLEURS. 7

qu'il aimait à boire, et il n'eut pas plutôt jeté un regard sur la charge exécutée par l'artiste, qu'il se confondit en un immense éclat de rire, lequel dura, dit-on, trois jours, et ne s'interrompit qu'aux heures des repas.

Rokneddin alla plus loin : il voulut voir le peintre qui venait de reproduire les traits de son eunuque avec tant de malice, et, comme Georges avait beaucoup voyagé, que sa conversation ne manquait ni de charmes ni d'esprit, il plut singulièrement au sultan, qui conçut pour lui la plus vive sympathie.

Le jeune peintre fufdonc immédiatement installé dans un des kiosques du palais, et, dès ce moment, il put se considérer comme un des hôtes de cette résidence merveilleuse.

De dix heures à midi, on lui apportait, dans des bassins de métal précieux, quelques raisins secs, du laitage et des confitures; vers la fin du jour on lui servait un potage fait aux fruits et aux herbes, quelque volaille rôtie, des oeufs, des légumes et du pilau, mélange de viande cuite et de riz dont les Persans sont très-friands.

La nuit, sa table était abondamment fournie de café, de sorbets, d'eau de rose, de toutes les liqueurs qui, sous le ciel d'Orient, rendent la vie plus agréable et portent l'esprit à la rêverie.

Georges ne s'était jamais trouvé à pareille fête !

Le soir, quand les premières ombres descendaient dans ■ le parc et commençaient à ramper sous les allées, il aimait à fumer sa longue pipe, la fenêtre ouverte, nonchalamment allongé sur de soyeux tapis indigènes, et à laisser son âme s'envoler vers les mondes infinis de l'imagination.

Il y a dans les mille bruits qui s'élèvent de la terre, à


8 LE LANGAGE DES FLEURS

cette heure de paix et de recueillement, une harmonie qui berce doucement le coeur et l'endort.

Rokneddin venait souvent le visiter dans son retrait charmant, qui se voilait aux regards derrière un épais rideau de platanes, de saules, de sapins et de cornouillers.

Ds causaient de toutes choses : Georges ne cherchait pas à retenir sa pensée; il disait les pays qu'il avait visités; les peuples qu'il avait connus ; la patrie qu'il avait quittée.

Souvent même, en parlant de la France, l'émotion le gagnait; le regret amer du passé jetait un voile sur son coeur, et quelques larmes mouillaient ses yeux.

Mais ces émotions duraient peu, et Georges revenait bien vile à cette belle et spirituelle gaieté qui était le fond de son caractère.

Depuis qu'il était installé au palais du sultan, notre artiste n'était pas resté inactif.

Rokneddin avait une femme qu'il aimait, et dont il avait fait sa sultane favorite; bien que la polygamie fût autorisée par les moeurs persanes, et qu'il eût pu, comme ses prédécesseurs, donner ce dangereux exemple à son peuple, il ne s'était jamais départi de sa sage réserve, et vivait, en bon époux, dans le cercle sacré que traçaient autour de lui sa femme unique et ses enfants.

Son harem n'était donc, à ses yeux, qu'un pur objet à( luxe.

Toutefois, et peut-être même en raison de ces dispositions, Rokneddin s'était senti pris d'un singulier désir, en trouvant un beau jour, sous sa main, le peintre Georges de Raincy.

Le harem se composait des plus belles femmes de la Perse; chaque jour il en entrait de nouvelles, toutes charmantes et chastes, surprises, pour la plupart, aux baisers


LE LANGAGE DES FLEURS. 9

tremblants de leurs mères, éloignées, prr la violence, de leurs familles, et qui allaient cacher, derrière les murs de celte étrange habitation, leur jeunesse et leur beauté.

Rokneddin proposa donc au jeune peintre de reproduire sur la toile cette galerie d'un nouveau genre, qui, en même temps qu'elle montrerait la beauté de ses femmes, ferait éclater le mérite de sa continence.

Cette proposition allait permettre à Georges de pénétrer un des mystères les plus voilés de l'Orient: il n'eut garde de refuser.

Mais, attendu qu'un pareil travail ne pouvait s'effectuer en un jour, il crut devoir s'adjoindre, à titre d'aide, un jeune Persan, d'une physionomie intelligente et vive, qu'il avait trouvé un soir, rôdant autour du palais.

Ce Persan se nommait Alkendi, et il n'était à Ispahan que depuis quelques jours.

Alkendi ne savait ni peindre ni dessiner ; mais il parut, dès les premiers jours, si dévoué à Georges, si attentif à lut plaire, si désireux de s'attacher à sa personne, que le peintre en tira bientôt un excellent parti. Il l'employ~iil à broyer ses couleurs, à nettoyer ses pinceaux, à allumer sa pipe, à faire enfin toutes les commissions nécessaires.

Alkendi ne témoignait jamais le moindre mécontentement; il allait et venait sans murmurer; et acceptait avec la même soumission la bonne comme la mauvaise humeur de son maître.

Georges ne pouvait que se féliciter d'avoir mis la mai» sur un tel serviteur.

Ajoutez à cela qu'Alkendi était bien fait de sa personne; il avait vingt ans à peine ; sou oeil était vif et doux à la fois; ses cheveux, d'un noir d'ébène, faisaient ressortir la belle


10 LE LANGAGE DES FLEURS.

pâleur de ses joues; et toute sa physionomie respirait un air particulier d'élégance et de distinction.

Il y avait déjà deux semaines que Georges travaillait dans le harem; les premiers jours, Rokneddin l'avait accompagné, mais il est vraisemblable que la sultane favorite s'en montra jalouse, car, à partir de la seconde semaine, le; peintre fut laissé absolument libre, et il put y entrer et en sortir sans être soumis à aucune surveillance.

Une grande salle avait été mise à sa disposition, et chaque femme y venait poser à son tour.

Pour rester fidèle à l'histoire, nous devons dire que, dans le commencement^ Georges s'était senti un peu ému. Le spectacle de toutes ces femmes à demi vêtues l'avait bien un peu troublé; mais il réprima facilement ces premiers mouvements, et bientôt, tout entier à son art, il ne songea plus qu'à activer l'exécution du travail qui lui était commandé et à faire une oeuvre digne de son talent.

D'ordinaire, il entrait le matin dans le harem et n'en sortait que le soir, rapportant soigneusement au kiosque le travail de la journée. Il trouvait là son fidèle Alkendi, avec lequel il passait le reste de la nuit, quand le sultan ne venait pas se mettre en tiers.

Georges aimait Alkendi ; le jeune Persan n'était pas seulement pour lui un serviteur, c était presque un ami. Tons deux, assis près de la fenêtre, fumaient des heures entières, buvant du vin de Chiraz ou des sorbets glacés, et s'oubliaut dans des causeries intimes, où Alkendi n'était jamais eu reste d'esprit et de gaieté.

Un soir, Georges était revenu plus tôt que d'habitude, rapportant le portrait de Tune des femmes du harem, qu'il n'avait pas eu le temps d'achever. En jetant les yeux sur la toile, Alkendi avait paru éprouver une certaine satisfaction,


LE LANGAGE DES FLEURS. Jl

et, comme son maître lui en demandait la cause, le jeune Persan avait souri et levé ses regards vers le ciel.

« Que votre bonté me pardonne, répondit-il avec naïveté, mais cette ébauche me semble être la plus belle que vous ayez faite. »

Georges sourit à son tour.

« C'est qu'en effet, répliqua-t-il, la femme dont j'ai voulu reproduire les traits est la plus belle que j'aie encore vue...

— Vraiment !

— Elle est jeune, grande, élancée : sa taille a la flexibilité du saule ; ses grands yeux sont noirs et vifs, sa démarche nonchalante et paresseuse; ah! mon ami, que le sultan est heureux !

— Prenez garde, maître, prenez bien garde ; car s'il soupçonnait...

— Rah !... interrompit le peintre avec gaieté, Rokneddin ne se soucie guère de son sérail ; d'ailleurs, il ignore la présence de la jeune femme dans le harem ; elle y habite depuis un mois au plus ... etjenevois pas... »

Alkendi regarda son maître avec tristesse, et lui prit la main.

« Maître, dit-il d'un ton sérieux et grave, pardonnez-moi, si mes paroles vous offensent; mais il me semble que, dans ce moment, vos actions ne sont pas marquées au coin de 1 véritable sagesse.

— Explique-toi... fit Georges étonné.

— Vous dites, d'une part; que cette jeune femme es. d'une grande beauté...

— Certes...

— Et, de l'autre, que le sultan ignore sa présence.

— Sans doute...


12 LE LANGAGE DES FLEURS.

<— Et cependant, maître, poursuivit Alkendi, vous allez apprendre à Rokneddin qu'il possède un si désirable trésor... Par l'effet que la jeune femme a produit sur vous, jugez de celui qu'elle pourrait produire sur le sultan. »

Georges partit d'un éclat de rire.

« Par ma foi, tu as raison, dit-il avec gaieté.

— Vous comprenez?

— Si je comprends... rien n'est plus simple... c'est-àdire que le sultan ne verra jamais ce portrait... que ce portrait ne sera jamais achevé, qu'il n'entrera jamais dans la galerie du vieux... Alkendi, tu viens de me rendre un signalé service, et, comme cela se pratique dans les contes de fées, je te promets de t'accorder la première faveur que tu me demanderas. »

En écoutant parler ainsi son maître, Alkendi sourit doucement.

« Vous aimez donc cette jeune femme? demanda-t-il avec une certaine timidité, et en baissant les yeux.

— Je le crois, du moins... répondit Georges.

— Vous lui avez parlé ?... ^- J'ai fait mieux...

— Quoi donc?

— J'ai obtenu d Vile qu'elle me donnât un charmant bouquet qu'elle portail à la main. »

Alkendi pâlit.

« Est-ce possible !... répéta-t-il avec un battement de coeur.

— Regarde plutôt. »

Et Georges tendit à son rapin un bouquet qu'il venait de tirer de sa poitrine. Alkendi s'en empara et l'examina rapidement. Le bouquet était composé des fleurs les plus étranges, et


LE LANGAGE DES FXEURS 13

dont les couleurs ne paraissaient pas, au premier coup d'oeil, se marier très-heureusement. C'était un mélange un peu confus, fait à la hâte, d'oeillets, de lychnis des champs, de feuilles de sorbier, de verge d'or et de tamicr.

Quand Alkendi rendit le bouquet à son maître, son visage était soucieux.

« Vous êtes plus heureux que vous ne le croyez, dit-il enfin à Georges après quelques instants de silence.

— Et pourquoi cela ? demanda le peintre.

— Parce que ces fleurs ont été réunies avec une intention non équivoque.

— Quelle intention?

— Connaissez-vous le Sélam, maître?

— Pas le moins du monde.

— Vous ignorez alors ce que veulent dire ces fleurs que l'on vous a données?

— Je n'en sais pas le premier mot.

— Eh bien, désirez-vous que je vous en explique le sens caché?

— Cela me ferait plaisir.

— Ecoutez donc, et suivez avec attention. »

Alkendi reprit alors le bouquet des mains du peintre, et, désignant une à une les fleurs dont il se composait :

— Cet oeillet, dit-il en mesurant ses paroles, signifie amour pur, ce lychnis des champs veut dire penchant invincible, le sorbier, prudence, la verge d'or, protégez- ' moi, et le tamier, j'implore votre appui. En d'autres termes, le bouquet que l'on vous a remis est comme un billet sur lequel ou aurait écrit ces mots : J'éprouve pour vous un penchant invincible, mon amour est pur, soyez prudent, mais protégez-moi... J'implore votre appui. »

Dire l'éLonnement de Georges serait impossible ; il re-


14 LE LANGAGE DES FLEURS

' gardait alternativement le bouquet et Alkendi, et se deman dait s'il devait croire ou douter.

« En vérité, dit-il avec vivacité, voilà qui est merveilleux ! Ainsi, au moyen du Sélam, on peut correspondre aussi facilement qu'avec des enveloppes de la papeterie Marion?

— Vous voyez'.

—-C'est charmant, la poste est supprimée, et l'on ne craint pas au moins de compromettre sa signature... »

Georges réfléchit un moment, puis il reprit presque aussitôt, comme frappé d'une idée soudaine :

« Mais j'y pense, s'écria-t-il, ce billet, est-ce bien à moi qu'il est adressé? ..'.■■■"•

— Sans doute.

— Eu France, il est d'usage de répondre à toute lettre que l'on reçoit.

— Eu Perse également !...

— Si j'envoyais à mon tour un bouquet à ma belle amoureuse?

— Vous le devez.

— C'est qu'il y a une difficulté.

— Laquelle?

— J'ignore le langage des fleurs, moi.

— .Mais moi, je le connais, objecta Alkendi.

— Au fait, tu as raison, et je ferai mieux de m'en remettre à toi du soin d'écrire ce billet.

— Donc, c'est convenu.

— C'est convenu : demain tu m'apporteras un bouquet, par lequel tu feras savoir à Kamil que je l'aime, qu'elle a louché mon coeur, que je n'ai pas de plus chère ambition que d'en faire ma femme, et qu'elle peut compter sur mon dévouement. »


LE LANGAGE DES FLEURS. 13

Alkendi ne répondit rien ; mais le lendemain, dès l'aube, il apportait à son maître un bouquet composé de jonquilles, de roses jaunes, de véronique et d'ipoméa pourprée. Ce qui voulait dire : Je languis d'amour; je vous veux pour femme, je vous offre mon coeur; comptez sur mon dévouement.

Georges se dirigea un moment après vers le harem. Il portait sou bouquet caché sous son babil... Il avait le ciel dans le coeur.

II

A QUELQUES jours delà, le jeune peintre était dans le kiosque qu'il devait à la munificence du sultan, et, accoudé pensif à la fenêtre, il laissait son regard plonger sous les allées ombreuses du parc; il rêvait !...

Georges était ému...

L'intrigue qu'il avait nouée avec Kamil marchait rapidement; Kamil se défendait à peine; et, grâce au concours d'Alkendi, le jeune peintre composait chaque jour de non veaux bouquets par lesquels il exprimait tout l'amour dont il se sentait épris.

Il faisait une consommation considérable de fleurs.

A vrai dire cependant, Georges eût été fort embarrassé d'expliquer ce qui se passait en lui, et quel sentiment le portait à se rapprocher de Kamil.

Était-ce de l'amour? était-ce seulemeni l'intérêt bienvcL 1 lant que lui inspiraient sajeuuesàe et sa beauté?— 11 n'eût pu le dire.


J6 LE LANGAGE DES FLEURS.

Kamil avait dix-sept ans à peine ; elle était grande, élancée, et ses grands yeux noirs avaient un reflet velouté qui faisait ïêver et désirer à la "fois.

Déplus, Georges possédait au suprême degré l'art du physionomiste, et le plus simple examen lui avait suffi pour se persuader que la jeune fille conservait encore sa pureté native.

Tout se réunissait donc pour exaller son amour... Jamais il n'avait vu déjeune fille aussi belle, et tout autre à sa place eût été heureux de la conduire à l'autel et de la nommer sa femme !

Et cependant Georges ne sentait point à son approche ces tressaillements ineffables qui sont, dans tout pays, les symptômes sacrés de l'amour. Il restait presque froid au près d'elle, ou n'éprouvait que ce besoin de protéger et de défendre qui est au fond du coeur de tout homme généreux.

Mais l'amour-propre avait fait ce que l'amour vrai eût peut-être hésiié à faire; le jeune peintre s'était engagé étourdiment dans une entreprise où des dangers sérieux l'attendaient, et maintenant il se serait fait tuer plutôt que de reculer d'un pas.

Le Sélam avait suivi sa marche régulière et naturelle ; le matin même, Kamil avait fait remettre à notre artiste un bouquet dont les fleurs annonçaient une résolution décisive et courageuse, celle de fuir le harem et de se confier à son honneur et à sa loyauté.

Quand on adresse un pareil appel à un homme jeune, il n'y a pas d'hésitation possible. Georges avait donc tout disposé pour une fuite prompte et secrète, et, comme le soir était venu, il attendait avec une anxiété facile à comprendre i'iieure fixée pour le départ.


LE LANGAGE DES FLEURS. , 17

Alkendi devait l'aider dans cette entreprise, qui avait bien son danger. — Il n'était point encore de retour.

Georges rêvait donc, et son regard sondait vaguement les vertes et sombres profondeurs du parc. .

Il se sentait sourdement inquiet. .

Non qu'il eût peur! — Dans ses voyages à travers le monde connu, Georges avait affronte plus d'un péril sans trembler; bien souvent il avait considéré la mort sans pâlir.

Mais le jeune artiste pensait avec une certaine appréhension aux dangers qui menaçaient sa compagne si leur fuite venait à être découverte, et, dans ce cas, il comprenait qu'il serait impuissant à la protéger.

Des lois sévères, un châtiment redoutable. Il y allait de la mort pour tous les deux.

Mourir à dix-sept ans, quand on est jeune, belle, souriante ; mourir, quand on est sur le point de confier sa main à la main d'un époux !

Georges tressaillit.

En ce moment, il vit courir quelques lumières effarées à travers les allées du parc : des gardes couraient çà et là d'un air empressé; il régnait, de toutes parts, un mouvement inusité.

Est-ce qu'en effet quelque chose d'extraordinaire se passait dans le palais du sultan? — N'était-ce pas plutôt une hallucination produite par les craintes et les appréhensions de Georges?

Ne prenait-il pas les fantômes de ses terreurs pour la réalité?

Dans le premier moment, il ne sut que penser, et chercha à se tromper lui-même, tant il avait besoin de douter de ce qu'il voyait et de ce qu'il entendait... Il se dit que les me2

me2


18. LE LANGAGE DES FLEURS.

sures avaient été bien prises, le secret bien gardé ; qu'il était impossible que le sultan eût eu connaissance de se» projets... Mais le mouvement qu'il avait remarqué prenait peu à peu de l'importance, et bientôt, il ne lui fut plus pos sible de se faire la moindre illusion.

Une sueur froide coula Ielongde ses tempes, qui battirent, et il s'assit accablé sur un sofa.

Le sultan venait de pénétrer dans le kiosque, accompagné d'une garde nombreuse.

Il avait été trahi, — cela n'était plus douteux, — mais quel avait été le traître?...

Alkendi, peut-être. — Son coeur se serra.

Il était attaché au jeune Persan ; il avait découvert mille qualités en lui... Il lui répugnait d'avoir à l'accuser de ruse et de déloyauté...

Quand Rokneddin entra dans la chambre occupée par Georges, son visage était sombre, une colère sourde grondait dans sa poitrine.

Il alla droit au peintre.

Ce dernier s'était levé et essayait de faire bonne contenance ; mais une terreur indicible s'était emparée de lui, et tout son être frémissait quand il venait à songer à l'infortunée Kamil.

« Mon ami, dit alors le sultan après quelques secondes d'un silence anxieux, je suis heureux de vous rencontrer, car il m'arrive en ce moment Une affaire de la dernière gravité.

— Qu'y a-t-il donc? » répondit Georges en feignant un étonnement profond.

Rokneddin s'assit, et Georges en fit autant.

« La vie d'un sultan est semée de ronces et d'épines, reprit le premier avec un accent pénétré, je croyais avoir


LE LANGAGE DES FLEURS. 19

donné, jusqu'ici, l'exemple de la sagesse à mon peuple, mais j'ai été cruellement trompé, et aujourd'hui même, dans mon palais...

— Que s'est-il passé?... » insista Georges, qui multipliait ses questions, pour détourner l'attention de son interlocuteur.

Mais Rokneddin ne paraissait pas prendre grand intérêtà lui.

« Ce qui s'est passé... poursuivit-il, j'ai houte de le rapporter. — Écoutez, mon ami, et jugez vous-même... — Il y avait dans mon harem une jeune fille du nom de Kamil...

— Kamil !... murmura le peintre.

— Vous la connaissez ?

— Ah ! poursuivez.

— Cette jeune fille était, dit-on, d'une grande beauté ; et, fidèle à la réserve que je me suis imposée, j'avais, jusqu'à ce jour, respecté son innocence et sa pureté... Elle est jeune, dix-sept ans à peine... Elle aurait dû, plus que toute autre peut-être, se laisser toucher par les égards qui lui étaient témoignés, et cependant...

— Cependant?

— Elle m'a trompé.

— Est-ce possible? » Rokneddin soupira.

« Il paraît, répondit-il, que, malgré son innocence, la jeune Kamil avait été élevée dans l'art de composer des bouquets.

— Des bouquets... balbutia Georges.

— Oui... mon ami... Ah! vous ignorez, vous, le parti que les jeunes filles savent tirer des fleurs dans ce pays... Vous ne connaissez pas les moeurs et les usages de


20 . LE LANGAGE DES FLEUl'.S.

l'Orient... et les connaîtriez-vous, d'ailleurs, que votre probité et votre honneur hésiteraient à employer de pareils moyens. »

Georges se mordit les lèvres et baissa les yeux.

« Sans doute... sans doute... dit-il avec embarras, mai; Kamil... cette jeune fille...

— Eh bien...

— Que lui est-il arrivé?

— Kamil avait tout préparé pour fuir Ispahan, celte nuit même.

— Seule?

— Non.

— Et son complice?

•— Vous le connaissez.

— Moi!

— Il se nomme Alkendi !

— Alkendi!... »

Georges jeta un cri de surprise et d'effroi, et fit un saut en arrière.

« Alkendi!... » répéta-t-il avec stupéfaction.

Puis, comme si une pensée nouvelle avait tout à coup traversé son cerveau :

« Ah! Monseigneur, ajouta-t-il vivement, on vous trompe, j'en suis sûr. — Je connais Alkendi, moi, il est incapable d'une pareille action, je m'en porte garant : vos soupçons se sont égarés en se portant sur lui... Nul n'est mieux convaincu que moi de son innocence... et j'engage ma foi... »

Rokneddin sourit et haussa les épaules.

il Alkendi aura la tête tranchée cette nuit, répondil-il gravement.

— Mais quel crime a-t-il donc commis?


LE LANGAGE DES FLEURS. 21

— Il vient d'être surpris à la porte du Nord, tentant de fuir avec Kamil.

' —Lui!

— Lui-même.

— Avec Kamil ?

— Vous en doutez!... »

Georges était en proie à mille agitations, et ne savait à quel parti s'arrêter. Il ne pouvait se résoudre à laisser punir un innocent à sa place, il savait bien qu'il n'y avait pas d'aulre coupable que lui-même, et vingt fois l'aveu de sa faute avait été près de lui échapper.

Enfin, il n'y tint plus, et se jeta résolument aux pieds de Rokneddin.

« Que faites-vous? s'écria ce dernier.

— J'implore voire pardon, répondit Georges.

— Que voulez-vous dire?

— Je veux di^o, ô lumière de l'Orient, qu'il n'y a, ici, qu'un seul coupable... et que ce coupable, c'est moi...

— Vous devenez fou, mon ami.

— Non, je ne veux point accepter le généreux sacrifice d'Alkendi, et je subirai moi-même le sort que j'ai mérité. »

Georges se releva sur ces mots, et raconta à Rokneddin ce qui s'était passé... et ses premières entrevues avec Kamil, et les bouquets échangés, tout, jusqu'à ce projet de lùite qu'il n'avait pu mettre à exécution.

Rokneddin écoutait avec une profonde attention; plusieurs fois le jeune peintre le vit sourire ironiquement et hausser les épaules; quand il eut achevé son récit, le sultan lui prit les mains avec bonté, et le fit asseoir à ses cotés.

« Mon fils, lui dit-il alors, cet Alkendi est le plus perfide des serviteurs : je le connais maintenant tout entier; Kamil et lui s'entendaient pour vous tromper. »


32 LE LANGAGE DES FLEURS

Georges essaya un sourire d'incrédulité : son amour-propre se révoltait à la pensée d'avoir été la dupe de sonrapin.

« Croyez-moi, poursuivit le sultan, Alkendi aimait cette jeune fille avant qu'elle eût été enlevée à ses parents, il voulait en faire sa femme... Il Ta suivie à Ispahan... Il a rôdé pendant plusieurs jours autour du sérail, et n'est entré à votre service que dans le but de l'approcher plus facilement ou de correspondre avec elle... Vous voyez s'il a réussi... C'est lui.qui composait les bouquets que vous portiez à Kamil, et l'amour que la jeune fille vous témoignait, c'est à Alkendi qu'il s'adressait... comprenez-vous?

— Parfaitement... répondit Georges, qui eût voulu tenir Alkendi entre ses mains.

•—• Vous avez été leur jouet.

— Je le crains...

— Mais, Dieu soit loué ! leur ruse est découverte, les deux coupables sont en notre pouvoir, et je puis me venger.

— Comment ?

— Oh ! d'une manière fort simple.

— Laquelle?

— En vous donnant la jeune fille qu'Alkendi voulait enlever.

— Kamil!

— Cela vous déplairait-il ?

— Nullement.

— Eli bien... des ordres vont être donnés à l'instant, et, avant quelques minutes, Kamil sera à vous, s

Rokneddin serra encore une fois les mains du peintre, et s'éloigna escorté de ses gardes, après avoir promis de nouveau à Georges de lui envoyer Kamil et Alkendi, afin qu'il prononçât lui-même sur leur sort.

Georges le vit partir avec une pénible agitation.


LE LANGAGE DES FLEURS. 23

Ce n'est pas qu'il tînt précisément à Kamil ; il ne l'aimait pas; il l'avait désirée tout au plus; mais la conduite de cette jeune fille l'avait blessé au vif, il éprouvait une humiliation profonde d'avoir été pris pour dupe; lui aussi, vou' lait se venger.

Ainsi que l'avait annoncé le sultan, un quart d'heure après son départ, Kamil était introduite dans le kiosque.

Lanuit était venue depuis longtemps; Georges était seul... la jeune fille s'avança en tremblant auprès de lui.

Quelque ignorante qu'elle fût, Kamil savait cependant qu'elle allait se trouver à la merci de celui qu'elle avait offensé... elle savait aussi combien les hommes de son pays apportent, d'ordinaire, peu de délicatesse et de discrétion dans les relations d'amour; elle connaissait, en outre, la rigueur des lois, et pouvait croire qu'Alkendi était déjà condamné ; elle s'avança donc vers Georges, émue de toutes ces pensées, pâle, tremblante, confuse, baissant le front et les yeux, sans chercher même à attendrir celui qui pouvait désormais disposer de sa vie et de son honneur, et attendant la mort, comme la seule issue par laquelle elle pouvait sortir de cette fatale impasse.

En la voyant dans cette attitude accablée et morne, Georges se troubla.—Il était disposé à être cruel, et, malgré lui, l'émotion de la jeune fille le gagnait; il lui prit les mains avec bonté, et la conduisit à un sofa, sur lequel il la fit asseoir.

— Kamil, lui dit-il alors, d'une voix qui tremblait, vous avez été bien imprudente, et peut-être bien cruelle aussi...

— Moi ! fit la jeune fille.

— Sans doute... mon enfant, poursuivit le peintre, l'amour est un sentiment sacré avec lequel il ne faut jamais jouer... ne savez-vous pas cela?... vous ne m'aimiez pas, et


2i LE LANGAGE DES FLEURS.

vos regards, votre attitude, tout, jusqu'à ces bouquets charmants que je recevais de vous, me laissait croire à votre amour... Ah! c'est mal, cela, Kamil... »

Et comme la jeune fille ne répondit pas, Georges continua :

« Et si je vous avais aimée cependant, ajouta-t-il, si cet amour que vous paraissiez éprouver, je l'avais partagé, si je m'étais abandonné, confiant, à l'espoir d'un bonheur impossible, ne serais-je pas aujourd'hui le plus malheureux des hommes?... vous auriez éveillé en moi un désir que vous ne pouviez pas satisfaire ; vous auriez jeté un regret amer dans nia vie, vous auriez changé en désespoir toutes les aspirations saintes de mon coeur... Kamil, Kamil, vous avez été bien cruelle...

Georges avait prononcé ces paroles d'un ton de doux reproche; la jeune fille sentit son âme tout entière s'ouvrir au repentir et au remords, et elle se laissa tomber à ses genoux.

« Pardonnez-moi! s'écria-t-elle, en sanglotant; pardonnez-moi... j'ai eu tort... je vous ai trompé... Alkendi seul avait mon amour... je n'ai songé qu'au bonheur de le revoir... Si vous saviez... nous nous aimions depuis longtemps... pauvre fille, il m'avait choisie pour être sa compagne... Pardonnez-moi... le ciel m'a déjà punie cruellement... carme voilà en votre pouvoir, et celui que j'aime a peut-être cessé de vivre... 0 mon Dieu... je suis bien malheureuse! »

En parlant ainsi, la pauvre enfant pressait les mains du jeune peintre dans les siennes, et ne cherchait plus à cacher ni son émotion ni ses larmes...

Georges la releva avec attendrissement.

« Relevez-vous, Kamil, lui dit-il, et ne vous abandonnez pas ainsi au désespoir... d'ailleurs, vous vous effrayez à torl, car tout peut encore être réparé.


LE LANGAGE DES FLEURS. 25

— Que dites-vous?fitKamil souriantà travers ses larmes. —- Le sultan a remis entre mes mains votre destinée et

celle d'Alkendi...

— Ciel!...

— Vous tremblez?...

Oli! ce n'est pas pour moi...

— Et vous avez raison, Kamil, Alkendi mérite une leçon.

— 11 m'aime tant ! balbutia la jeune fille.

— Est-ce une excuse ?...

— C'est pour moi qu'il a tout osé.

— Mais vous l'aimez aussi?

— Oh! plus que ma vie.

— Eli bien... dit Georges en faisant un effort pour combattre les mille sentiments contraires qui se disputaient ses résolutions, ayez confiance en moi, mon enfant; Dieu me garde de vous arracher jamais par la violence ce que j'aurais voulu devoir à l'amour... Soyez sans crainte... dans un instant je serai près de Rokneddin, et j'espère vous rapporter moi-même une heureuse décision. »

Kamil remercia le jeune peintre avec effusion, et ce dernier se hâta d'aller trouver le sultan.

Georges n'avait plus dans la pensée la moindre hésitation ; il ne songeait plus aux blessures de son amour-propre; il voulait sauver Kamil et la rendre pure à son amant. Ce rôle de générosité convenait à son caractère aventureux et chevaleresque, et ce fut avec chaleur qu'il plaida la cause des deux amoureux auprès de Rokneddin.

Ce dernier, se fit bien un peu prier : il ne comprenait pas que Georges ■ renonçât à la possession d'une femme aussi charmante que Kamil; il l'eût comparé volontiers à Scipiou l'Africain ; — le renoncement du jeune peintre éla it presque de l'héroïsme à ses yeux, surtout après la conduite d'Al-


26 LE LANGAGE DES FLEURS.

kendi; — l'oubli des injures n'est pas généralement pratiqué en Perse, et Rokneddin se sentait lui-même fort irrité contre ce dernier.

Toutefois un sultan qui se pique de sagesse ne se laisse pas facilement dépasser en générosité. Rokneddin voulut faire voir qu'il avait au moins l'âme aussi bien placée qu e son peintre ordinaire, et il pardonna aux deux coupables.

Kamil et Alkendi partirent heureux, enivrés d'amour et de reconnaissance, et Georges se remit avec une nouvelle ardeur à l'exécution de sa galerie.

Il n'y mit pas moins de quatre années !...

C'est beaucoup de temps sans doute... mais Georges ne fit-il que cela?

L'histoire ne le dit pas d'une manière précise... Seulement, Kamil n'était pas la seule femme jolie que renfermait le sérail... et, grâce à Alkendi, le jeune peintre connaissait l'art de composer des bouquets...

Nous n'en savons pas plus long, — honni soit qui en penserait davantage !

Les aventures de Georges de Raincy et celles d'Alkendi ne doivent pas cependant nous faire perdre de vue le but de cette introduction.

Quelques lignes encore, et nous finissons.

La raison de notre livre est tout entière dans les variations infinies qu'ont subies, depuis peu de temps, les nomenclatures des fleurs connues ; cette lexicographie avait besoin d'être refondue entièrement, et nous avons apporté à ce travail toute l'attention patiente qu'il exigeait.


LE LANGAGE DES FLEURS. 27

Les fleurs sont partout aujourd'hui : le goût s'en est considérablement répandu, et de la mansarde de Jenny l'ouvrière au salon de la Dame aux Camellias, elles régnent maintenant en souveraines.

Leur langage avait donc besoin d'être fixé d'une manière précise. — Nous avons tenté de le faire. — Grâce à notre livre, aucune hésitation ne sera plus possible, et les lecteurs les moins versés dans la connaissance des fleurs y trouveront tous les documents qu'ils voudront y chercher.

Nous aurons rendu ainsi un véritable service aux âmes délicates et tendres, et la lacune regrettable que nous signalions se trouvera naturellement comblée.

P. Z.



ABSINTHE. = RMERTUR1E ; TOURMENTS D'AMOUR.

PLANTE à fleurs composées, très-amère et aromatique. Elle croît dans le Midi, et exige des soins particuliers sous nos climats. Sa taille est peu élevée, elle atteint à peu près celle d'un pied. Elle est devenue le symbole des peines de coeur en raison de son amertume bien connue.

ACACIA. —AFFECTION PURE; AMOUR PLATONIQUE.

NOM de deux espèces de mimosa, qui croissent l'un en Egypte, l'autre au Sénégal, et qui fournissent la gomme arabique et la gomme du Sénégal.

On appelle encore de ce nom un arbre d'agrément, espèce de robinier à rameaux épineux et à fleurs blanches et odorantes disposées par bouquets.


50 LE LANGAGE DES FLEURS.

ACANTHE. = CULTE DES BEAUX-ARTS.

PLANTE à fleurs labiées ; l'espèce connue, vulgairement nommée Branche-ursine, est remarquable par ses belles feuilles découpées, dont l'extrémité se recourbe naturellement. — La feuille d'acanthe a servi de modèle pour l'ornement du chapiteau corinthien : par analogie, elle symbolise le culte des beaux-arts.

AMARANTE. — FIDÉLITÉ; .CONSTANCE.

FLEUR d'automne,qui est ordinairement d'un rouge velouté.—On la nomme encore Passe-velours. « Elle est le symbole de Vimmortalité. » Aux jeux floraux, une amarante d'or est adjugée, tous les ans, à l'auteur de la meilleure ode.

AMARYLLIS. =JE BRILLE.

PLANTE de la famille des narcisses qui sert à l'ornementdes jardins.— Cette plante est aussi nommée CROIX DE CALATRAVA, OU lis Saint-Jacques.

ANANAS. = PERFECTION.

PLANTE originaire des Indes qu'on élève en Europe dans des serres chaudes, et dont le fruit est très-estimé pour sa saveur.


LE LANGAGE DES FLEURS. 31

ANCOLIE. = FOLIE.

FLEUR très-belle, garnie de cinq nectaires en forme de cornets recourbés et alternant avec les pétales. — On dirait une réunion de clochettes chinoises : elle ressemble encore à une marotte, ce qui explique pourquoi elle est devenue le symbole de la folie.

ANÉMONE. = ABANDON.

PLANTE printanière dont le type est une hampe droite, garnie ordinairement de trois feuilles formant une sorte de collerette. Sa fleur, qui porte le même nom, est inodore, mais remarquable par l'éclat et la variété de ses couleurs, dans les espèces cultivées.

« Mars, jaloux d'Adonis, le fit tuer à la chasse par un sanglier; Vénus, qui l'aimait, le changea en anémone. »

Cette plante fut apportée des Indes orientales, vers le dix-septième siècle, par M. Rachelier, fleuriste de Paris. Pendant dix années, il garda soigneusement son trésor, sans communiquer à personne, ni la moindre patte d'anémone double, ni la plus petite graine d'anémone simple. On raconte qu'un conseiller au Parlement, chagrin de voir dans les mains - d'un seul homme un bien qui était de nature à être mis en commun, alla un jour rendre visite à M. Bachelier. En passant près de ses anémones, il laissa adroitement tomber sa robe sur la bourre, c'est-à-dire, sur la graine de quelques-unes. Son laquais avait le mot, il releva promptement la robe, et la graine avec elle. Puis, le conseiller salua et partit.


32 LE LANGAGE DES FLEURS.

L'année suivante, le conseiller usa largement de son larcin, et en fit part à l'Europe entière. Pourquoi cette fleur signifîe-t-elle abandon ?

ANGÉLIQUE. = MÉLANCOLIE; TRISTESSE VAGUE.

PLANTE très-belle, odoriférante, dont confit dans le sucre les tiges encore vertes, et qui fait aussi la base de plusieurs préparations liquides. Transportée dans les jardins, elle y forme d'épais massifs, qui répandent une senteur pénétrante. Son nom rappelle cet épisode charmant d'un poëme bien connu, où une belle princesse préfère l'amour d'un berger aux adorations d'une foule de Saladins.

ARGENTINE. = NAÏVETÉ.

ar\ ILLET des bois :de la famille des rosacées; ses feuilles J sont rares et petites ; sa fleur exhale une odeur douce et charmante. Le dessous des feuilles est d'un blanc luisant, et comme argenté. C'est à cette dernière particularité que l'argentine a dû son nom.

, ARISTOLOCHE. = TYRANNIE; PUISSANCE.

É 1 ENRE de plantes à fleurs monopétales et irrégulières, en VJ forme de cornet-renflé à la base. Il y a une espèce d'aristoloche dont le suc fait mourir les serpents




Au} epme Aster Belles de jour.



LE LANGAGE DES FLEURS. 33

ARRÉTE-BOEUF. = ENTRAVES.

ESPÈCE de bugrane (plante légumineuse), ainsi nommée parce que ses racines traçantes font souvent obstacle à la charrue. — Le petit rameau sur lequel se groupent les fleurs est terminé par une pointe jaunâtre, dure et fine comme une aiguille.

ASTER. «ÉLÉGANCE.

CETTE fleur n'est guère cultivée que comme plante d'agrément. — Elle comprend un grand nombre d'espèces à feuilles radiées. La plus remarquable est celle que l'on connaît sous le nom de reine-marguerite. — Elle nous vient de la Chine. C'est à la forme de leurs feuilles que ces fleurs ont dû leur nom : Aster, étoile.

AUBÉPINE.— DOUX ESPOIR.

ARBRISSEAU épineux du genre néflier, qui est propre à former des haies, des clôtures, et qui produit de petites fleurs blanches d'une odeur très-agréable, disposées par bouquets ou corymbes.

C'est au mois de mai que l'aubépine se pare de ses fleurs les plus éclatantes ; elle annonce l'été, après avoir embaumé l'haleine du printemps. C'est la fleur aimée de tous... le rossignol la connaît aussi, et c'est dans ses branches touffues et discrètes qu'il va d'ordinaire cacher le fruit de ses amours.— Les Romains accordaient à l'aubépine le pouvoir de combattre les maléfices. Au jour des hyménées, ils en formaient d'élégants faisceaux; ils en attachaient encore auprès du berceau des nouveau-nés.


BAGUENAUDIER. — PRODIGALITÉ

GENRE de plantes à fleurs papilionacées, qui sont de 'jolis arbrisseaux d'ornement ; ils ont pour fruit une espèce de gousse, appelée baguenaude, laquelle affecte la forme d'une petite vessie pleine d'air et qui éclate avec bruit lorsqu'on la presse entre ses doigts.

BALSAMINE.^ IMPATIENCE.

LES botanistes ont donné à cette jolie plante le nom d'impatiente et de Noli me tangere, ne me touchez pas. ■— Sa hauteur est à peine d'un pied; ses feuilles éclosent au long de sa tige ; elle monte comme un palmier microscopique, et se termine par un bouquet de verdure ; comme les gousses du baguenaudier, ses capsules éclatent avec force sous le doigt qui les presse. De là le noli me angere.


LE LANGAGE DES FLEURS. 35

La balsamine sauvage, ou merveille à fleurs jaunes, pousse dans les décombres, le long des ruisseaux et dans les bois : les uns disent qu'elle recèle du venin, d'autres la recommandent contre les douleurs néphrétiques ; Buchwald la regarde comme vulnéraire, et prétend qu'on peut l'appliquer avec succès sur les plaies des parties nerveuses.

La balsamine mâle ou rampante, ou pomme de merveille, possède une vertu balsamique et légèrement astringente. Les Indiens mangent avec des assaisonnements ses fruits demi-mûrs, qui,, dans leur pays, sont trois fois plus gros que les nôtres. Ils en boivent le suc. Us mettent ses feuilles au nombre des légumes : ils les broient, et les appliquent sur les parties blessées.

BARDANE. = IMPORTUNITÉ.

PLANTE qui croît le long des chemins ; son calice est formé de folioles crochues, dont les extrémités s'accrochent à la laine des moutons et aux habits des bergers.

BASILIC. = PAUVRETÉ.

LA pauvreté est souvent représentée sous la figure d'une pauvre femme ayant près d'elle un pot de basilic. Le basilic est une herbe odoriférante qu'on introduit quelquefois dans les ragoûts.

BELLE-DETOUR. = COQUETTERIE.

E ESPÈCE de liseron d'un bleu céleste qui ne s'épanouit que pendant le jour. Rien n'est gracieux'et poétique comme cette fleur. C'est l'amie de la ma-uarde, dont elle


36 LE LANGAGE DES FLEURS.

encadre et égayé la fenêtre. Elle semble dire au papillon : Je suis belle, mon calice humide et frais appelle les baisers de la brise et du soleil... Hâte-toi de m'aimer, car mon règne est de courte durée. Chaque soir, elle ferme ses feuilles fatiguées, et s'endort bercée par les rêves de la nuit, émue encore peut-être des souvenirs du jour. Les Latins l'appelaient convolvulus, de convolvere, ENTORTILLER, parce qne toutes les espèces sont grimpantes, et s'entortillent autour des treillages, appuis ou plantes qui les avoisiuent.

BELLE-DE-NUIT. —AMOUR CRAINTIF; TIMIDITÉ.

PLANTE exotique dont les fleurs, qui ressemblent à celles du liseron, ne s'épanouissent qu'après le coucher du soleil. — On la nomme autrement Jalap. Un poète a dit :

Si l'on voit quelques fleurs d'origine étrangère Eviter parmi nous l'éclat de la lumière, C'est qu'aux lieux où l'Europe a ravi leur enfance, Le jour naît quand la nuit vers nos climats s'avance ; C'est que de leur patrie elles suivent les lois, S'ouvrent à la même heure, ainsi qu'au même mois...

Cette explication est plus ingénieuse que vraie.

BÉTOINE. —ÉMOTION; SURPRISE; AGITATION.

PLANTE labiée, fort commune, et dont les feuilles sont sternutatoires. Son odeur est des plus pénétrantes : on en fait usage en médecine.


LE LANGAGE DES FLEURS. 37

BLUET. — CLARTÉ; LUMIÈRE.

Allez, allez, ô jeunes filles, Cueillir des bluets dans les blés.

VICTOR HUGO.

ESPÈCE de centaurée qui croit dans les blés, et qu'on nomme ainsi parce que la variété la plus commune a les fleurs bleues. L'eau de celte fleur possédait, dit-on, ls propriété de conserver la vue, ce qui lui avait valu le surnom de casse-lunettes. Elle n'est plus aujourd'hui que la gaieté des champs et l'ornement des jardins. Le bluet porte aussi le nom de barbeau et d'aubifoin.

BOUILLON-BLANC.— BON NATUREL.

LES fleurs du bouillon-blanc sont employées en médecine comme pectorales. Bernardin de Saint-Pierre assure qu'ils croissent dans la saison où les rhumes de chaleur les rendent plus nécessaires.

BOULE-DE-NEIGE. —REFROIDISSEMENT.

LE nom de cette fleur exprime à la fois et sa forme et le symbole qu'elle représente. Elle est d'une espèce commune, mais elle concourt à cette variété des couleurs qui font le charme des iardins.


38

LE LANGAGE DES FLEURS.

B0UTON-D'OR.= RAILLERIE.

Qui ne connaît cette petite fleur d'un jaune doré et reluisant ? Variété de la renoncule des prés, elle aime le grand air et le soleil, et tranche vivement sur le ton plus pâle des fleurs qui l'entourent. Le suc de ses racines peut devenir mortel.

BUGLOSSE. — MENSONGE.

PLANTE potagère qui a beaucoup de rapport avec la bourrache, et qui est douée des mêmes propriétés médicinales. — En Italie, on mange la buglose cuite comme les choux. — Elle promet plus qu'elle ne donne.

BUIS.— FERMETÉ; STOÏCISME.

ARBRISSEAU toujours vert, dont le bois est jaunâtre et très-dur. De là, le choix qui en a été fait pour symboliser la fermeté.




Camélias, CKèvre - feuille Diditale



CAMÉLIA.— CONSTANCE; DURÉE.

LE Camélia, proprement dit, est une des plus belles conquêtes de l'horticulture. Il a été importé du Japon en 1739, par le Père Camelli, jésuite, et c'est Linné, le célèbre botaniste suédois, qui le premier lui donna le nom de Camellia Japonica (Camélia rouge à fleurs simples). Cette dénominalion rappelle à la fois l'origine de la plante et le nom de son introducteur en Europe.

Le type primitif, tel qu'il fut importé, provoqua, dès son apparition, une admiration que sa beauté, l'éclat de ses couleurs, son port et,son feuillage rendaient légitime.

CAMPANULE. — FLATTERIE.

FLEURS en forme de clochettes, d'une couleur bleuâtre, et agréable à l'oeil. La campanule s'appelle encore vulgairement miroir de Vénus.


JP LE LANGAGE DES FLEURS.

CAPUCINE.— FLAMME D'AMOUR.

LA capucine est le cresson du Pérou. Le prolongement qui la termine en forme de capuchon lui a valu son nom. Cette plante a les mêmes propriétés que le cresson. On assure que, les jours brûlants de l'été, la grande capucine dégage des étincelles électriques.

CHAMPIGNON.—MÉFIANCE.

NOM générique d'une famille nombreuse de plantes sans organes sexuels apparents, d'une consistance molle, spongieuse ou coriace, dénuées de feuilles et de racines, et dont la forme et la couleur varient beaucoup. Bon nombre de champignons sont vénéneux.

CHÈVREFEUILLE. — LIENS D'AMOUR.

LE chèvrefeuille est un genre de plante dont les fleurs sont monopélales et disposées en rayons. Chaque fleur est un tuyau fermé en bas, évasé par le haut, et découpé en deux lèvres. Le calice a la forme d'une petite grenade.

CIGUË. — PERFIDIE.

PLANTE ombellifère, dont une espèce, la grande ciguë, est très-vénéneuse.

Le poison extrait de la grande ciguë servait à Athènes à donner la mort à ceux que l'Aréopage avait condamnés, Socrate et Phocion furent condamnés à boire la ciguë.


LE LANGAGE DES FLEURS. _ 41

COLCHIQUE.—MAUVAIS NATUREL.

LE colchique fleurit dans les prés humides à la fin et quelquefois au commencement de l'automne. On Ta introduit dans les jardins, en raison de la beauté de sa fleur. Sa tige est un tube blanc, un peu triangulaire, accompagné à sa base d'une légère feuille séminale, blanche aussi. Le tube, à son sommet, qui est fort peu élevé, se partage en six pétales, dont trois sont enfermés entre les trois autres. Ces pétales grandissent et s'étendent jusqu'à ce que la fleur, formant à peu près une étoile, n'ait plus qu'à se flétrir. Sa couleur, à peine rosée, devient, quand la fleur s'épanouit, d'un bleu rose et très-tendre. Le colchique est un violent poison, surtout pour les chiens.

COQUELICOT.— REPOS.

ESPÈCE de pavot. — Ses fleurs ont constamment quatre pétales rouges avec une tache noire à l'onglet. Les coquelicots doubles donnent plusieurs variétés de couleurs, tant pleines que mélangées. Les fleurs de pavot sont légèrement somnifères.

CORONILLE.—INGÉNUITÉ.

PLANTE dont les fleurs sont ordinairement disposées en couronne. Elle a un air coquet et gracieux, frêle et délicat qui attire et charme le regard.


LE LANGAGE DES FLEURS.

COURONNE IMPÉRIALE.— DIGNITÉ.

ESPÈCE de frilillaire {plante liliacée), à tige unique et droite. Les feuilles l'entourent jusqu'à la moitié de la taille; à son extrémité, un rang circulaire de belles tulipes la couronne.

CRÊTE DE COQ.— PERVERSITÉ.

PLANTE fort commune dans les prés, dont la fleur est en casque, et dont les graines sont bordées d'une large membrane. Elle brû'e, dit-on, les plantes et les arbres qui croissent à ses côtés. C'est à cette désastreuse influence qu'elle a dû de devenir le symbole de la perversité.

CYPRÈS. — DEUIL; REGRETS ÉTERNELS; TRISTESSE.

ÂRRRE toujours vert, de la famille des conifères (dont le fruit est en cône). Chez les anciens le cyprès était l'emblème du deuil. On plantait des cyprès autour d'un tombeau.


DAHLIA.—ABONDANCE STÉRILE.

LE dahlia a été apporté du Mexique, vers l'année 1789. C'est une des plus belles fleurs dont on puisse orner un jardin. Malheureusement, le dahlia n'a aucun parfum; en revanche, les variétés se sont multipliées à l'infini. Sa taille varie de un à six pieds; ses tiges naissent en touffe. « Depuis vingt ans, dit Alph. Karr, on a semé quarante lieues de graines de dahlia; sans qu'on ait pu avoir un dahlia bleu. »

DIGITALE. —TRAVAIL.

PLANTE ainsi nommée, parce que sa fleur rappelle la figure d'un dé à coudre, d'où le symbole qu'elle représente. H y a deux sortes de digitales : la digitale blanche et la digitale pourprée. Administrée à forte dose, elle devient un narcotique bienfaisant pour certaines affections.


LE LANGAGE DES FLEURS.

DIPSACUS (CHARDON). —J'AI SOIF.

LE chardon frisé s'élève fort peu et buissonne beaucoup ; il ajoute à l'aridité du sol qu'il couvre : ses maigres houppes de fleurs, purpurines, disposées au long de ses branches, sont plutôt un symbole de sécheresse que de fraîcheur. On pourrait à quelques égards trouver ce chardon assez doux : conservez néanmoins une sage méfiance; le calice de ses fleurs est armé de fortes épines : boursouflé par tant de lames qui se rangent autour de lui, il ressemble à un petit hérisson.

Le chardon-bonnetier, que Ton cultive pour l'usage qu'on en fait dans l'industrie des lainages, forme une exception dans la famille nombreuse des chardons. Sa tige droite et haute est fort branchue, et chargée sur tous ses côtés de véritables épines. Les feuilles ne se trouvent qu'à la naissance des branches. La tête du chardon a la forme d'un pompon hérissé de crochets pointus et sert à peigner les draps. Mille fleurs délicates se trouvent entre les épines imposantes, et sécrètent un suc dont les abeilles sont trèsfriandes; les feuilles bienfaisantes conservent aux oiseaux la douce rosée du matin et fournissent une eau salutaire pour les maux d'yeux.




EiolantiéT Epine vmette fruitée,

Foupère-,

o



ÉGLANTINE. — VOUS PARLEZ BIEN.

GENRE de rosacées, fondé sur un arbrisseau défendu par des épines fortes et recourbées, qui pousse dans les bois, sur le bord des chemins, dans les haies; il couronne de ses fleurs blanches ou d'un rose pâle les buissons au milieu desquels ses branches croissent éparses, et dont les tiges greffées portent les variétés infinies de roses quiégayent nos jardins. Les fruits de l'églantier sont employés en Allemagne à faire d'excellentes coi'filures.

ELLÉBORE. — BEL ESPRIT.

G ENTE de renoncules ellcborées, établi pour des plantes herbacées, dont le type est l'ellébore noir. Les anciens


4G LE LARGAGE DES FLEURS.

l'employaient comme un médicamennt perturbateur. Il possédait, disait-on, la propriété de guérir de la folie.

Souvent notre bonheur malgré nous s'évapore

Et nous aurions besoin, tous, d'un grain d'ellébore.

REGNARD.

ÉPHÉMÉRINE.—BONHEUR D'UN INSTANT.

PLANTE qui donne de jolies fleurs, dont l'éclat ne dure que quelques instants. Elle est originaire de la Virginie.

ÉPINE NOIRE.— DIFFICULTÉ.

ARBRISSEAU dont les branches sont garnies de piquants Le bouvreuil à tête noire fait son nid dans l'épine blanche (Bernardin de Saint-Pierre). Le symbole que représente ce petit arbre s'explique de lui-même. — Il y a différentes épines : épines d'été, épines noires, épines murantes, épines royales, etc., etc.

ERABLE. —RÉScRVE.

IL fleurit tard, ses fruits tombent lentement, et sa végétation se fait avec une sorte de prudence et d'économie.


FENOUIL. —MÉRITE.

PLANTE aromatique. — L'une des cinq grandesapéritives de la. famille des ombellifères et du genre anelh. — Le fenouil, dont la saveur est très-forte, n'.est du goût d'aucun des animaux domestiques. Dans les pays chauds et humides, où il se reproduit spontanément avec abondance dans les vignes et les haies, on ne le destine guère qu'à chauffer le four. Dans les provinces, ou jonche de fenouil les rues que doit parcourir le saint sacrement, dans les processions du culte catholique.

FOUGÈRE.— CONFIANCE.

GENRE de plantes monocotylédonéescryptogames, croissant spontanément dans les bois et les lieux incultes, 1/ dont on ignore encore le mode de fécondation.


48 LE LANGAGE DES FLEURS.

Vous n'avez point, humble fougère, L'éclat des fleurs qui parent le printemps ; Mais leur beauté ne dure guère, Vous êtes aimable en tout temps.

LÉONARD.

FRAISIER. — IVRESSE; DÉLICES.

GENRE de rosacées dryadées, établi pour des plantes herbacées, gazonnantes, à fleurs blanches et jaunes, en corymbe à l'extrémité des tiges. On n'en connaît qu'une seule espèce, le fraisier commun, naissant dans les bois, sur les coteaux ombragés, où il donne des fruits peu nombreux, souvent rouges, et d'un goût acidulé fort agréable, accompagné d'un parfum délicieux.

. De globules vermeils les fraisiers sont couverts.

CASTEL.

FUCHSIA.—AMABILITÉ.

GENRE de la famille des oenothéracées, type de la tribu des fuchsiées, renfermant plus de cinquante espèces connues, et dont un grand nombre sont recherchées en Europe pour l'ornement des serres.

'FUMETERRE. — FIEL.

PLAHTE commune, qui se trouve en grande quantité dans les champs. Elle est fort amère, et souvent employée en médecine comme tonique.


LE LANGAGE DES FLEURS.

49

FUSAIN OU BONNET DE PRÊTRE. — VOTRE IMAGE EST GRAVÉE DANS MON COEUR.

CET arbrisseau vient naturellement le long des haies; son bois sert à faire des fuseaux, des lardokô. Réduit en charbon, on l'emploie pour tracer des esquisses légères. C'est dans les buissons touffus de fusain que les oiseaux chaulent les premières fêtes et les premières joies du printemps.


GATTILIER.—PURETÉ; CHASTETÉ.

LES fleurs du gattilier sont bleues et blanches, disposées en grappes droites à l'extrémité des rameaux.

GÉRANIUM ÉCARLATE. — BETISE.

IL y en a de plusieurs espèces : le géranium strié d'Italie, le géranium sanguin, le géranium macrorhize, le géranium robertin. Leurs fruits affectent la forme d'un bec de grue.

GERBE D'OR.— AVARICE.

LA plupart des plantes qui composent ce joli genre de plantes sont originaires de l'Amérique septentrionale, où le nom vulgaire de gerbe d'or fait place à celui de solidago. Les espèces aujourd'hui cultivées dans nos jardins sont nombreuses. La plus remarquable est le solidago du Canada (B.R.)


LE LANGAGE DES FLEURS.* 51

GIROFLÉE, V10L1ER, RAVENELLE.— LUXE.

PLANTE de la famille des crucifères; on la trouve aussi sur les vieux murs, dans les lézardes des tours antiques, et dans les fentes des rochers à peine revêtus de mousse et de lichen. .

GLAÏEUL.— INDIFFÉRENCE.

PLANTE de la famille des iridées, dont les feuilles sont longues, étroites et pointues comme un glaive. Le glayeul commun est le seul qui croisse naturellement en France.

GROSEILLIER. —VOUS FAITES MES DÉLICES.

ARBRISSEAU communément cultivé en France. Il est originaire des Alpes.

GUI.— LIAISON DANGEREUSE.

PLANTE parasite delà famille des chèvrefeuilles, dont la semence s'attache à l'écorce de certains arbres, tels que le chêne, le pommier, l'aubépine, etc., et dont les feuilles ont une saveur amère et mucilagineuse.

Ainsi, lorsque l'hiver attriste la nature. Le gui sur un vieux chêne étale sa verdure, Et l'arbre, enorgueilli d'un éclat emprunté, Se couronne d'un fruit qu'il n'a point enfanté.

GASTEL.


52 LÉ'LANGAGE DES FLEURS. ' v

« C'était grande cérémonie chez les Gaulois, dit M. Bescherelle, quand on devait cueillir le gui de chêne qu'ils regardaient comme sacré. Leur chef montait sur le chêne, coupait le gui avec une faucille d'or, et le premier jour de l'an on le distribuait au peuple comme une chose sainte, eu criant : Au gui, l'an neuf, pour annoncer la nouvelle année. Suivant eux, l'eau du gui fécondait les animaux stériles, et offrait un préservatif contre toutes sortes de poisons » :

Sur un chêne orgueilleux, des peuples adoré. Les druides sanglants cueillaient le gui sacré ; Les autels exposaient au culte du vulgaire De la faveur des dieux co gage imaginaire.

ROSSET.

GUIMAUVE.— DOUCEUR EXOUISE.

CETTE plante est bienfaisante autant que belle. — Elle est la base des cataplasmes.




(;--!drtium , uuimauve, hotix. Héliotrope.

■ J



HÉLÉNIE. — PLEURS.

LES larmes d'Hélène se métamorphosant en fleurs, telle est l'origine de Thélénie. C'est une plante du genre corymbiières.

HÉLIOTROPE.'— AMOUR ÉTERNEL.

CHARMANT arbrisseau qui se fait moins remarquer par la beauté de ses fleurs que par son délicieux parfum : ses rameaux ronds et velus sont chargés de jolies feuilles ovales, gaufrées, velues et d'un vert foncé. La découverte de cette fleur est due, dit-on, à M. Joseph de Jullun.

« La mythologie nous apprend que Dlythie, pénétrée de douleur en voyant Apollon, qui l'aimait, lui préférer Leucorrhée, sa soeur, se laissa mourir de faim, et que le dieu la changea en héliotrope. *


54 LE LANGAGE DES FLEURS.

Une autre version, non moins mythologique, entoure la naissance de l'héliotrope d'autres circonstances :

lis admiraient, quand le pasteur d'Amphise Vient annoncer que son chef-d'oeuvre est prêt. L'héliotrope aussitôt apparaît ! Figurez-vous quelle fut la surprise De tous les dieux, alors que, se penchant Vers son auteur, cette fleur bien apprise Se retourna d'un air reconnaissant.

D. BEAUCAROK.

HIÉBLE OU SUREAU.— HUMILITÉ.

LES feuilles et la graine■ de l'hièble sont d'un vert obscur.

Et Vhtêble touffu se cache dans les plaines.

CASTEL.

HORTENSIA.—FROIDEUR.

CET arbrisseau porte des fleurs d'un rose tendre, qui naissent à l'extrémité des rameaux en boules, en corymbes touffus. On croit que son nom lui vient de la reine Ilortense, à laquelle il aurait été dédié.

HOUX.— DÉFENSE.

ARBRE toujours vert, dont les feuilles sont luisantes et armées de piquants, et dont le fruit est une baie d'un


LE LANGAGE DES FLEURS. 55

très-beau rouge. Les houx viennent dans les bois, dans les haies.

Le houx luisant armé de ses dards épineux. DEI.II.LE.


IF.— AFFLICTION.

ARBRE toujours vert, à feuilles étroites, qui porte un fruit rond et rouge. Les traditions attribuent à l'if les propriétés les plus malfaisantes ; ses feuilles tuent les chevaux qui les mangent. — Leur suc servait aux Gaulois pour empoisonner leurs flèches. — Les émanations de cet arbre sont fatales aux abeilles. — Des expériences récemment • faites ont démontré que ces traditions n'étaient pas complètement dénuées de fondement.

(BESCHERELLE.)

Nous saluons le temple, et Vif religieux Qui protège la tombe où dorment nos aïeux.

C1IENEDOLLÉ.

IMMORTELLE.— CONSTANCE.

L'IMMORTELLE est recherchée pour l'ornement des serres et des jardins, et les corymbes de certaines es-


LE LANGAGE DES FLEURS. 5!

pèces, cueillies un peu avant l'épanouissement des corolles, peuvent tenir lieu de fleurs artificielles.

L'amour est cette fleur si belle Dont Zéphire ouvre les boutons; Mais l'amitié, c'est l'immortelle Que l'on cueille en toutes saisons.

DUMAS.

IRIS.— BONNE NOUVELLE.

PLANTE qui croît au bord des ruisseaux, et dans les terrains marécageux : elle aime l'ombre et la solitude.

L'iris demande un abri solitaire; L'ombre entrelient sa fraîcheur passagère.

PARNT.

IVRAIE. — VICE.

PLANTE parasite, ressemblant au chiendent commun : elle fait la désolation des campagnes. La faux ne discute pas avec l'ivraie, a dit un publiciste de notre temps.


JACINTHE.— AMÉNITÉ.

LA jacinthe est originaire de l'Orient. Sa beauté l'a fait rechercher dans tous les pays, et sous toutes les zones, en France, en Allemagne, en Flandre, en Angleterre, et surtout en Hollande. — H y a plusieurs espèces de jacinthes :

La jacinthe des bois : elle a pour racine une bulbe ou oignon. Cet oignon se multiplie par caïeux qui se détachent. On assure qu'un très-bon microscope lait voir dans la bulbe d'une fleur la-plante entière qui doit se développer et en sortir. Sa tige est ronde et délicate ; ses feuilles vertes, lisses, allongées. Au sommet de chaque pétiole est une étoile, blanche, sans calice, formée des six divisions presque totales de la corolle, sur les extrémités desquelles s'élèvent six étamines bleues.

La jacinthe double des jardins. La jacinthe doublée a tous les caractères d'un ouvrage de l'art. Épaisse et pesante, on la dirait quelquefois sculptée en marbre. On la range en


LE LANGAGE DES FLEURS. 59

plates-bandes, en représentation avec ses compagnes, comme les dames bienparées, don t l'ensemble fait le grand mérite, et l'on dresse une tente au dessus d'elles pour les préserver du soleil. La jacinthe des champs n'a ni la fraîcheur ni la grâce de celle des jardins. Sa tige est du même genre, ronde, glabre, et tachetée de rouge. Ses longues feuilles, roulées à la base, se détachent bientôt, comme des banderolles qui se jouent autour d'un mât.

Les poètes ont consacré la jacinthe à la mémoire du jeune ami d'Apollon, que la jalousie de Zéphir fit mourir.

JASMIN.—AMABILITÉ.

PLANTE de la famille des jasminées. L'espèce la plus remarquable est le jasmin blanc, originaire de la côte de Malabar. Les fleurs du jasmin servent à la préparation des liqueurs, des essences et des huiles. Les parfumeurs en font un grand usage.

Là du jasmin doré la précoce famille Brille avec le rosier, à travers la charmille.

ROUCHER.

Le jasmin blanc qu'un fil savant dirige, De jets nombreux enrichit l'espalier.

CAMPLÎIOJJ.

JOLIBOIS. — GENTILLESSE.

LES branches du jolibois, ou Daphné bois-gentil, ressemblent à des thyrses entourés d'une guirlande montante de fleurs couleur pourpre, groupées par bouquet.


60 LE LANGAGE DES FLEURS.

JONC.— SOUMISSION; DOCILITÉ.

LE jonc croît dans les endroits marécageux. Plusieurs espèces servent à faire des nattes, des liens, des cannes. — On dit vulgairement souple comme un jonc.

Le jonc pliant, sur ces appuis nouveaux, Doit enchaîner leurs flexibles rameaux.

PARNT.

Il existe d'innombrables espèces de jonc.

JONQUILLE.— JE LANGUIS D'AMOUR.

PLANTE du genre des narcisses. Il y en a de diverses sortes qui sont originaires de Perse, de Provence, d'Espagne, de la Guadeloupe :

La jonquille à grandes fleurs ;

La jonquille à petites fleurs ; -

La jonquille à fleurs doubles.

« Les jonquilles, en général, se perpétuent de semences,' mais plus promptement par les oignons ou caïeux qu'on couvre d'une terre légère à la hauteur d'un pied; on les arrose modérément. On les lève au mois de septembre, et on en coupe les filets et le chevelu. » — Dioscoride prétend que la racine des jonquilles est vomitive. '

Et la jonquille encor Offre à mon oeil ravi, la pâleur de son or.

ROUCHER.


LE LANGAGE DES FLEURS.

61

JUJUBIER.— SOULAGEMENT.

ARBRISSEAU épineux, originaire delaSyrie,et naturalisé dans le midi de la France. Le jujubier s'élève jusqu'à cinq ou six mètres de hauteur; son bois est épineux, ses feuilles oblongues et luisantes. — On fait du sirop avec le fruit du jujubier; ce sirop est souvent employé en médecine, et est rangé parmi les pectoraux adoucissants. (Dict. des sciences méd.)


KEDSOURA.— FRUGALITE. iV. RBRISSEAD originaire de Java et du Japon.

KETMIE. — VOUS ETES JOLIE.

PLANTE de la famille des mauves, originaire de l'Italie et de l'Afrique, et remarquable par la beauté de ses fleurs.




Kerirn, Laurier, rose Liîas blanc. Lise rôTt



LAURIER. — TRIOMPHE; GLOIRE.

LE plus connu est le laurier commun, ou laurier d'Apollon, laurier des poètes.

« Aucun arbre, dit Bescherelle, n'a joui chez les anciens d'une plus grande célébrité, aucun n'a été plus souvent chanté par les poètes. Il était particulièrement consacré au dieu des vers, qui l'adopta pour son arbre favori, lorsque Daphné, fuyant ses embrassements, fut métamorphosée en laurier. On en ornait ses temples, ses autels, et le trépied de la Pythie. On prétendait, sans doute à cause de son odeur pénétrante, qu'il communiquait l'esprit de prophétie et l'enthousiasme prophétique. Virgile fait remonler jusqu'au siècle d'Énée la coutume de ceindre de laurier le front des vainqueurs. Les généraux le portaient dans les triomphes, non-seulement autour de la tête, mais encore dans les mains, et on le plantait aux portes et autour des palais des empereurs. — Dans le moyen âge, le laurier a servi, dans nos universités, à couronner les poètes, les artistes et les savants distingués par de grands succès. »


54 LE LANGAGE DES FLEURS

Ce laurier, c'est Daphné, chère au dieu qui l'adore, Sous l'écorce vivante, elle palpite encore; Ses bras tendus encore agitent ses rameaux.

PARSEVAL GRANDMAISON.

Aux plus savants auteurs, comme aux plusgrands guerriers, Apollon ne promet qu'un nom st des lauriers.

BOILEAC.

LAVANDE.—SILENCE.

CETTE plante, d'une odeur fortement aromatique, croît sur les coteaux et le long des chemins pierreux. — On assure que la lavande a la vertu de rendre la parole à ceux qui l'ont perdue.

LIERRE.—ATTACHEMENT.

LE lierre, dit Bernardin de Saint-Pierre, dont on couronnait jadis les grands poètes qui donnent l'immortalité, couvre quelquefois de son feuillage le tronc des plus grands arbres. Il est une des fortes preuves des compensations végétales de la*iature; car je ne me rappelle pas en avoir jamais vu sur les troncs des pins, sapins et des arbres dont le feuillage dure toute l'année. 11 ne revêt que ceux que l'hiver dépouille. Symbole d'une amitié généreuse, il ne s'attache qu'aux malheureux, et lorsque la mort même a frappé son protecteur, il le rend encore l'honneur des forêts où il ne vit plus; il le fait renaître, en le décorant de guirlande de fleurs et de festons d'une vertu éternelle.

Le Lierre croit trouver partout des frères.

Pronerb.


LE LANGAGE DES FLEURS. 05

LILAS. — PREMIER TROUBLE D'AMOUR.

LE lilas est originaire de Perse; c'est le messager du printemps. — Rien de plus frais que cette plante; le lilas croît en touffes : ses feuilles sont d'ordinaire réunies sur des rameaux verts comme elles : le tissu ressemble à celui d'un taffetas très-fin. « Chaque fleur de lilas contient dans sou tube un pistil vert et deux étamines, dont les filets attachés à ses parois sont presque nuls, et supportent deux petites anthères jaunes toutes en poussière. »

Le lilas donne autant de graines qu'il a de fleurs, et se multiplie comme une famille.

Je le revois, sous le dais de verdure, Que forment les lilas aux panaches fleuris.

BÉRANGER.

Que le lilas vienne en grappe, en bouquet, Y balancer sa tige parfumée.

CAMPENON.

LIS. — MAJESTÉ; PURETÉ.

LE lis est originaire du Levant : il a été longtemps le symbole de la France. Sa fige est couronnée d'un chapiteau de cinq à huit fleurs pédonculées, très-grandes, du blanc le plus pur, du parfum le plus suave, dont celles qui sont tout à fait à l'extrémité de la tige regardent fièrement le ciel, et les autres s'inclinent à demi au-dessous de leurs soeurs. Le lis est le symbole de la virginité, de la candeur, de l'innocence, de la pureté.

Le lis, plus noble et plus brillant encore, Lève sans crainte un front majestueux ;

5


CO LE LANGAGE DES FLEURS

Paisible roi de l'empire de Flore,

D'un autre empire il est l'emblème heureux.

PARNY.

Le lis que dans ces lieux un charme fît éclore, Dans sa coupe d'argent boit les pleurs de l'amour.

BA00R-L0RMIAN.

Noble fils du soleil, le lu majestueux

Vers l'astre paternel dont il brave les feux

Elève avec orgueil sa tête souveraine.

Il est le roi des fleurs, comme la rose est reine.

BOISJOLIN.

LOBÉLIE DU CARDINAL.— AMOUR DU PROCHAIN.

PLANTE campanulacée. — Les racines de la lobélie ou cardinal bleu, originaire de la Virginie, sont employées en Amérique contre certaines affections.

LUNAIRE (GRAND). — MAUVAIS DÉBITEUR.

HERBES à tiges droites, à feuilles pêtiolées, à fleurs assez grandes, disposées en grappes terminales.

LUZERNE.—ÉLOGE DE LA VERTU.

LA luzerne cultivée est originaire de Médie ; elle a êlé importée en France du temps des Romains.

LYCHNIS DES CHAMPS. — SYMPATHIE IRRÉSISTIBLE

LE s anciens connaissaient le lychnis. — Plante polypétale, dont les pétales, portés sur un onglet allongé, sont insérés sous l'ovaire au fond d'un calice tubulé et uni à sa base extérieure.

(Dictionnaire universel de Bescherelle.)




Marguerite, Mufjuet, Myosotis

o o . \i .

JL\1 arcisse.



MARGUERITE.— CANDEUR; INNOCENCE.

OH raconte que, madame Marguerite de France, fille de François I", ayant épousé Emmanuel Philibert, et allant en Savoie trouver ce prince, on lui présenta quelque part sur la route une corbeille de fleurs où il n'y avait que des marguerites avec ces vers :

Toutes les fleurs ont leur Tiérite; Mais, quand mille fleurs à la fois Se présenteraient à mon choix, Je choisirais la marguerite.

Les marguerites fleurissent au printemps et sont comcaunes dans les prairies. C'est l'oracle des jeunes filles.

Souvent la pastourelle, Loin de son jeune amant, Se dit : M'est-il fidèle ? Reviendra-t-il constant?


68 LE LANGAGE DES FLEURS.

Tremblante, elle te cueille; Sous son doigt incertain, L'oracle qui s'effeuille Révèle son destin.

MARJOLAINE VULGAIRE. — CONSOLATION.

ON faisait autrefois un grand usage de cette plante en médecine. Elle passait pour être très-efficace contre les maladies du cerveau.

MAUVE.— DOUCEUR MATERNELLE.

LA mauve est un.e jolie plante, dont on connaît aujourd'hui au moins cent espèces. Autrefois, elles étaient cultivées avec soin dans les jardins, et on les servait sur les tables diversement apprêtées. De nos jours encore, les Chinois mangent les feuilles de mauve, apprêtées comme chez nous la laitue et les épinards. Pythagore a dit :

Semez la mauve, mais ne la mangez pas'.

C'est-à-dire, ayez de la douceur pour les autres, et non pas pour vous.

MENTHE. —SAGESSE; VERTU.

BERNARDIN DE SAINT-PIERRE prétend que la nature place la menthe dans les endroits humides, pour en purifier les exhalaisons. 11 y a vingt espèces de menthe : la menthe rotondifoliée ;


LE LANGAGE DES FLEURS. 69

la menthe verte ; la menthe poivrée ; la menthe crépue ; la menthe cultivée; la menthe eervinée, etc., etc.

MILLE-FEUILLE. — GUÉRISON.

LA mille-feuille a, dit-on, la propriété de guérir les blessures. Cette plante est loin de mériter la réputation qu'on lui a faite.

MYOSOTIS. —NE M'OUBLIEZ PAS.

QUI ne connaît cette jolie petite fleur bleue, à étoile jaune? Rien n'est plus frais, ni plus délicat, ni plus coquet. Elle croît sur le bord de l'eau. On rapporte à son sujet, une tradition touchante, à laquelle elle devrait son nom allemand, Vergiss mein nicht.

Deux amoureux se promenaient sur les bords escarpés d'un torrent ; ils parlaient du ciel et de la terre, du présent et du passé ; ils faisaient de doux projets pour l'avenir, ils avaient la joie dans le coeur : tout à coup une fleur de myosotis leur apparaît... la pauvre fleur va être entraînée par le torrent ; la jeune fille le fait remarquer à son amant, et celui-ci, n'écoutant que son amour, se précipite aussitôt dans les flots... Mais, hélas ! le torrent devait être plus fort que lui ; c'est en vain qu'il lutte contre la force du courant, les flots écument et l'entraînent lui-même... Cependant, avant de disparaître pour jamais, ajoute la légende, il eut encore le courage de tendre à sa fiancée la fleur qu'il vient de saisir, et de prononcer ces mots, Ne m'oubliez pas!


70 LE LANGAGE DES FLEURS.

MYRTE.— AMOUR.

ARRRISSEAU dont les fleurs sont menues, et qui porte de petites fleurs blanches, d'une odeur agréable. —Chez les anciens, le myrte était consacré à Vénus. — A Athènes, les suppliants et les magistrats portaient des couronnes de myrte. — On portait également une couronne de myrte quand on récitait des vers d'Eschyle et de Simonide. — Dans les festins joyeux, une branche de cet arbre passait de main en main, avec la lyre, et c'était pour chaque convive l'invitation de chanter à son tour des vers erotiques.

Sous le simple lambris Des myrtes verts et des rosiers fleuris, Entrelacés paç la main du mystère, L'amour conduit les enfants de Cypris.

MALFILATRE.


NARCISSE. —AMOUR-PROPRE; FATUITE.

POINT n'est besoin de raconter l'histoire de Narcisse; tout le monde la connaît. La plante à laquelle sa mort aurait donné naissance aime encore à se mirer au bord des eaux ; le parfum de ses fleurs est doux et agréable.

Le narcisse, penché sur l'onde transparente, Épris d'nn fol amour, y cherche encor ses traits.

BAOUR-LORMIAX.

Ici fleurit l'infortuné narcisse,

Il a toujours conservé la pâleur

Que sur ses traits répandit la douleur.

Il aime l'ombre, à ses ennuis propice,

Mais il craint l'eau qui causa son malheur.

PARNY.


72 LE LANGAGE DES FLEURS.

NÉNUFAR. — FROIDEUR; IMPUISSANCE.

PLANTE aquatique, d'ornement pittoresque et du plus bel effet pendant la floraison. Ses fleurs s'épanouissent hors de l'eau, y rentrent pendant la nuit dans le temps delà fécondation, et n'en sortent plus qu'après qu'elle est terminée. On croyait autrefois que la racine du néuufar était' miliaphrodisiaque; mais on sait aujourd'hui que les propriétés des fleurs sont nulles, et que la racine, loin d'avoir la vertu qu'on lui supposait, produirait plutôt uu effet tout opposé.

NICOTIANE. — DIFFICULTÉ VAINCUE.

PLANTE dont on tire le tabac. Jean Nicot, ambassadeur en Portugal, l'introduisit en France vers la fin du seizième siècle.

NIGELLE (CHEVEUX DE VÉNUS). — LIENS D'AMOUR.

ON trouve quelquefois la nigelle dans les champs ; elle est délicate et pâle. Introduite dans les parterres et cultivée avec soin, elle produit un effet charmant. « Sa fleur, bleu tendre, simple ou double, est entourée d'une collerette ou de filets verts qui la dépasse de plus d'un pouce. Avant de s'épanouir, elle penche languissamment la tête : on la dirait flétrie.


OEILLET. —AMOUR VIF ET PUR.

ON attribue les premiers procédés de culture convenables à l'oeillet à René d'Anjou, ex-roi de Naples, qui vint, au commencement du seizième siècle, en Provence, se consoler, par la culture des fleurs, de la perte de son trône.

L'oeillet est une plante herbacée, à feuilles opposées, linéaires et à tiges articulées, très-souvent d'un vert glauque.

Les confiseurs en font une liqueur agréable sous le nom .de ratafia d'oeillet.

De son panache ainsi, l'oeillet s'enorgueillit

DELUXE.

La renoncule, un jour, dans un bouquet Avec Voeillet se trouva réunie, Elle eut, le lendemain, le parfum de l'oeillet. On ne peut que gagner en bonne compagnie.

BÉRAKGER.


14 LE LANGAGE DES FLEURS.

Aimable oeillet, c'est ton haleine Qui charme et. pénètre mes sens ; C'est toi qui verses dans la plaine Ces parfums doux et ravissants. Les esprits embaumés qu'exhale La rose fraîche et matinale Pour moi sont moins délicieux Et ton odeur, suave et pure, Est un encens que la nature Elève en tribut vers les cieux.

Il y a cent espèces d'oeillets : oeillet musqué, oeillet blanc, •oeillet ponceau, oeillet jaune, oeillet panaché, oeillet de poëte, oeillet d'Inde, etc., etc.

OLIVIER.— PAIX.

ARBRE à feuilles entières, toujours vertes, à fleurs petites, disposées en grappes ou en panicule auxiliaire ou terminale.

L'olivier figure dans la mythologie des anciens comme un arbre exceptionnellement vénéré. Neptune et Minerve «'étant disputé l'honneur de nommer la ville d'Athènes, nouvellement bâtie, ils convinrent que celui des deux qui lui ferait le don le plus précieux aurait la préférence. — Neptune frappa aussitôt la terre de son trident, et il en sortit un cheval, emblème de la guerre. — Minerve fit paraître l'olivier, emblème de la paix, et c'est elle qui fut choisie pour nommer la ville nouvelle.

Du vert laurier, superbe est la couronne, Moins d'apparence a le pâle olivier; Mais plus amer est le fruit du laurier, Plus doux le fruit que Volivier nous donne.

DU BELL.


LE LANGAGE DES FLEURS. 75

Lorsque chacun des dieux prit un arbre en partage, Alcide, nous dit-on, choisit le peuplier; Le lierre, pour Bacchus, déploya son feuillage, Apollon sourit au laurier.

De la céleste cour le monarque suprême Au chêne décerna l'empire dos forêts : Minerve à Volivier dit : Tu seras l'emblème De l'abondance et de la paix.

ONAGRE.— FIERTÉ SOTTE.

PLANTE originaire de l'Amérique. On la nomme vulgairement Herbe aux ânes ou Jambon de Saint-André Quelques botanistes la représentent comme étant le symbole de l'inconstance, parce que plusieurs fois elle aurait été perdue et retrouvée. C'est M. Mordant de Launay qui l'aurait rendue, en dernier lieu, aux jardins de Paris.

ORANGER.— VIRGINITÉ; GÉNÉROSITÉ.

GRAND arbrisseau importé delà Chine au commencement du quinzième siècle. Tous les poètes l'ont chanté ; c'est un des plus beaux arbres de la création. II fut célèbre dans l'antiquité. — Les fameuses pommes d'or qu'llippomène lança dans l'arène pour vaincre la belle Atalante à la course, étaient de splendides oranges dérobées au jardin des Iles» pérides.

Tel l'or pur étincelle au milieu des métaux,

Tel brille l'oranger parmi les arbrisseaux.

Seul, dans chaque saison, il offre l'assemblage

De fruits naissants et mûrs, de fleurs et de feuillage.


LE LANGAGE DES FLEURS.

Ni l'ambre que la mer épure dans ses flots, Ni le myrte qu'amour apporta de Paphos, Ni le souffle charmant de l'aube matinale, Ne sauraient approcher du parfum qu'il exhale.

CASTE L.

Oranger, dont la voûte épaisse Servit à cacher nos amours, Reçois «t conserve toujours Ces vers, enfants de ma tendresse Et dis à ceux qu'un doux loisir Amènera dans ce bocage, Que si l'on mourait de plaisir, Je serais mort sous ton ombrage.

PARNÏ.

Oranger, arbre que j'adore, Que vos parfums me semblent doux! Est-il, dans l'empire de Flore, Hien d'agréable comme vous?

LA FONTAINE.

A la fleur d'oranger appartient le doux privilège de former le bouquet des jeunes mariées.

OPHRISE-ARAIGNÉE (OPHRYS) —ADRESSE; HABILETÉ.

GENRE de plantes, deuil plusieurs espèces sont admises dans les jardins d'agrément à cause de la singularité de leurs fleurs, qui figurent, à s'y tromper, différentes sortes d'insectes. L'ophrys-araignée se trouve dans les bois.


LE LANGAGE DES FLEURS.

77

« Arachné, fille d'Idmon, de la ville de Colophon, était tellement habile dans l'art de la broderie, qu'elle osa un jour défier Minerve de la surpasser en adresse. La déesse, irritée de celte témérité, brisa ses fuseaux, son métier, et la changea en araignée, dont l'ophrys nous offre l'image; depuis ce temps elle a tissé sa toile avec autant d'adresse qu'avant sa métamorphose. »


PAVOT. —SOMMEIL.

PLANTE herbacée à ileurs terminales, penchées avant leur épanouissement. — Elle est originaire d'Orient; c'est une des plantes les plus fécondes. — On a calculé qu'une . seule peut en produire jusqu'à trente-deux mille.

Le pavot est l'un des attributs de Morphêe, dieu du sommeil.

Les pavots que Morphée épaissit sur les yeux De la volupté qui sommeille.

LEBRUN.

Ronsard en a fait l'emblème de l'oubli :

J'ay receu vos cyprez et vos orangers vers. Le cyprez est ma mort, l'oranger signifie (Ou Phoebus me déçoit) qu'après ma courte vie Une gentille odeur sortira de mes vers.




OEillet, Pensées. PervancPes, Pieds d'Alouettes.



LE LANGAGE DES FLEURS. ÏU

Recevez ces pavots que le somme a couverts D'une oubli stygienne : il est temps que j'oublie L'amour qui sans profits depuis six mois me lie, Sans aleuter ma corde, ou desclouer mes fers.

PENSÉE.—JE PENSE A VOUS; PENSEZ A MOI.

JOLIES fleurs que la couleur veloutée de leurs pétales supérieures et le jaune citron des trois autres rendent fort distinguées.

La racine de la pensée est fibreuse ; elle pousse de petites tiges longues de quatre à six pouces, diffuses, glabres, rampantes, rameuses, portant des feuilles pétiolées, les unes arrondies, les autres oblongues et dentelées autour.

PERVENCHE. —AMITIÉ INÉBRANLABLE.

CHARMANTE petite plante, portant des fleurs d'un beau bleu d'azur. — Elle était la fleur favorite de J. J. Rousseau, qui lui a consacré un souvenir. — Il se promenait un jour en compagnie de madame de Warens : celle-ci, ayant aperçu une pervenche, la lui fit remarquer.

d Je n'avais jamais vu celte fleur, dit Jean-Jacques, je ne me baissai pas pour l'examiner, je jetai un coup d'oeil en passant. Près de trente ans se sont écoulés sans que jlaie jamais revu de la pervenche. En 176^, étant à Gressièrcs avec mon ami, M. DuPeyron, nous montions une petite montagne, qu'il appelle avec raison le salon de Belle-Vue. —Je commençais alors à herboriser. En montant, et regardant parmi les buissons, je pousse un cri de joie : Oh ! voilà de la pervenche!... et c'en était en effet. »


SU LE LANGAGE. DES FLEURS.

La pervenche élait autrefois, et dans différents pays, l'emblème de la virginité.

PIED D'ALOUETTE.— LISEZ DANS MON COEUR.

PLANTE originaire de la Suisse ; ses tiges, de deux pieds de hauteur, sont garnies de feuille:; composées à découpures fines : ses fleurs forment un bel épi.

PISSENLIT —ORACLE.

L'ESPÈCE la plus commune, le pissenlit dent-de-lion, se trouve en abondance dans les prés et les lieux herbeux et incultes. Ses pousses se mangent en salade dans les premiers jours du printemps, ou cuites comme la chicorée.

Qui ne se rappelle les boules légères du pissenlit qui pousse dans les prés et que nous aimions à consulter quand nous étions enfants?... « Désire-t-on savoir si un ami absent s'occupe de nous comme nous nous occupons de lui, dit madame Delatour, on souffle sur ces aigrettes légères, et s'il en reste une seule, c'est une preuve qu'il ne nous oublie pas ; mais cetle épreuve, il faut la faire avec précaution : on doit souffler bien doucement, car, à aucun âge, pas même à l'âge brillant des amours, il ne faut souffler trop fort sur les légères illusions de la vie. »

PIVOINE.—HONTE.

PLANTE à racines tubéreuses; la pivoine, distinguée en pivoine mâle et pivoine femelle, est une plante herbacée dont on obtient par la culture plusieurs variétés à fleurs doubles, blanches, roses ou d'un rouge cramoisi.


LE LANGAGE DES FLEURS. 81

La nymphe Péone, ayant porté atteinte à la pudeur, fut changée en pivoine. Elle a conservé la couleur que la honte avait empreinte sur son front.

PRIMEVÈRE.— PREMIÈRE JEUNESSE.

CETTE plante s'épanouit dès les premiers jours du printemps. — de là son nom de primevère. u La primevère languissante, dit Shakespeare, qui ne voit jamais Phoebus dans toute sa force, pâle comme la jeune fille qui se consume dans l'attente d'un époux. »

Dans les champs ranimés, j'ai vu la primevère Ouvrir les tendres fleurs de sa touffe légère.

COMIIAIRE.

Amante des zéphirs, soudain la primevère Emaille le bord des ruisseaux.

DE BRIDEL.

Sur le gazon, la tendre primevère S'ouvre et jaunit dès le premier beau jour.

PARNY. L'odorant primevère élève sur la plaine Ses grappes d'un or pâle, et sa tige incertaine.

SAINT-LAMBERT.

Quand on entend l'hirondelle,

Avec le premier beau jour,

Du printemps qui la rappelle

Annoncer l'heureux retour;

Tu fleuris, ô primevère !

Au sein du naissant gazon,

Et tu sers de messagère

A la nouvelle saison.

6


QUINTEFEUILLE. —AMOUR MATERNEL.

PLANTE de la famille des rosacées ; elle est vivace et rampante, ses tiges sont longues de deux à trois pieds, ses fleurs paraissent en été ; elles sont jaunes, solitaires et assez grandes.

« La Qui7itefeuille, dit A. Martin, étend ses pétales d'or et en forme une petite tente pour se mettre à couvert de la pluie; mais, après l'orage, elle replie ses voiles, et regarde le ciel. »


RENONCULE.— VOUS BRILLEZ DE MILLE ATTRAITS.

PLANTE vivace, haute de huit à dix pouces, terminée par une fleur simple ou double ; beaucoup de renoncules viennent sans culture dans les prés, les bois, les marais.

C'est Louis XI qui, dit-on, apporta le premier la renoncule en France,

RËSÉDA.=.VOS QUALITES SURPASSENT VOS CHARMES; MÉRITE MODESTE.

PLANTE herbacée, d'une odeur très-agréable, qui croit à la hauteur d'environ un pied, et dont les feuilles sont alternes, les fleurs irrégulières et d'un jaune verdâtre.

Le réséda a été apporté de Barbarie, il y a environ un siècle.


84 LE LANGAGE DES FLEURS.

REVEIL-MATIN OU EUPHORBE. — AGITATION.

CETTE plante est peu variée dans les nuances de sa fleur; on prétend qu'il suffit de s'en frotter les yeux, pour éprouver des démangeaisons qui empêchent de dormir. De là serait venu son nom.

ROMARIN.—VOTRE PRÉSENCE ME RANIME.

PETIT arbrisseau aromatique, sans rameau, d'un vert pâle,aux fleurs d'un gris bleuâtre, ou d'un bleu cendré. L'Eau de la reine de Hongrie, excellente contre les maux de nerfs et les accidents spasmodiques, est composée avec le romarin,. Don Quichotte s'en servit pour le baume de fier-à-bras. Dans les départements du Rhône et de Saôneet-Loire,cette plante sert à asperger les morts, et devient l'emblème du deuil et de la tristesse..

RONCE. —INJUSTICE; L'ENVIE S'ACCROCHE A TOUT.

ARBRISSEAU, hérissé d'aiguillons très-accrochants. Ses fleurs blanches et roses émailleut agréablement les haies vives. On compte aujourd'hui cent onze variétés de ro;:ces.

La ronce, aux traits aigus, comme un garde fidèle, Dans différents quartiers se porte en sentinelle, Détourne, avec ses dards, l'approche du troupeau, Et des arbres naissants protège le berceau.

CASTEL.


LE LANGAGE DES FLEURS 85

ROSE.— BEAUTE; AMOUR.

Lorsque Vénus, sortant du sein des mers, Sourit aux dieux, charmés de sa présence, Un nouveau jour éclaira l'univers : Dans ce moment la rose prit naissance.

ON compte aujourd'hui une innombrable quantité d'espèces de roses, dont les principales sont les roses mousseuse, blanche, de Provins, capucine, musquée, du Bengale, pompon, trémière, etc.

La rose a été chaulée à toutes les époques, et dans tous les pays ; on l'a consacrée généralement à Vénus, et elle est devenue l'emblème de l'amour et de la beauté.

Mais qui peut refuser un hommage à la rose?

La rose dont Vénus compose ses bosquets,

Le printemps sa guirlande, et l'amour ses bouquets ;

Qu'Anacréon chanta; qui formait avec grâce,

Dans les jours de festins, la couronne d'Horace.

. DELILLE.

Quand l'haleine des doux zephirs, Et la verdure renaissante Annoncent la saison charmante Et de l'amour et des plaisirs, Vainement mille fleurs écloses Appellent la main des amants On ne croit revoir le printemps Qu'en voyant renaître les roses.

Parmi les filles du matin, C'est la rose qu'amour préfère :


8d LE LANGAGE DES FLEURS.

Vénus, aux fêtes de Cythère En pare sa tète et son sein. Sur sa corolle demi-close Zéphir se plaît'a voltiger : Le papillon le plus léger Se fixe en voyant une rose.

ROGER.

De Cythère elle est la fleur chérie, Et de Paphos elle orne les bosquets. Sa douce odeur aux célestes banquets Fait oublier celle de l'ambroisie : Son vermillon doit parer la beauté, C'est le seul fard que met la volupté. A cette bouche, où le sourire joue, Son coloris prêle un charme divin; Elle se mêle au lis d'un joli sein; De la pudeur elle couvre la joue Et de l'aurore elle embellit la main.

PARNV.

Les factions d'York et de Lancastre, en Angleterre, sont connues sous les noms de Rose blanche et Rose rouge.

ROSE MOUSSEUSE.—VOLUPTÉ.

TODT le monde connaît cette charmante variété que l'on cultive en Provence, depuis près d'un siècle. On en a fait le symbole de la volupté, parce qu'elle est sans épine et que ses aiguillons ne sont pas piquants. C'est madame de Genlis qui, la première, l'apporta d'Angleterre en France.




Quiritefeuille, Réséda, Rose blanche Rose rays.aime.



LE LANGAGE DES FLEURS. 87

ROSE BLANCHE. <=CAHOEUR.

ARBRISSEAU de six ou sept pieds, donnant des (leurs blanches, simples ou doubles, selon la variété.

Dans les champs où fut Sparte, entre les murs d'Athène.

Aux poétiques Lords d'Argos et de Mycène,

Une rose odorante étale sa blancheur

Et sur leurs grands débris laisse courir sa fleur.

CASTEL.

ROSE DE PROVINS.— AMOUR DE LA PATRIE.

BELLE plante d'un rouge vif, pourpré, ponceau, bordéev panachée, veloutée, etc., selon les variétés.

ROSE MUSQUEE.^AFFECTATION.

PLANTE originaire d'Orient. Sa fleur blanche répand une douce odeur de musc. C'est avec les feuilles de la rose musquée, que les Orientaux composent leur essence de rose.

ROSE P0KIP0N. = GRACE ENFANTINE.

LA rose pompon est des plus jolies espèces, mais c'est d'elle surtout que l'on peut dire avec Malherbe :

Et rose, elle a vécu ce que vivent les roses, L'espace d'un matin.


88 LE LANGAGE DES FLEURS.

ROSE TRÉMIÈRE. = FÉCONDITÉ.

PLANTE originaire de Syrie. Feuilles larges et arrondies; tiges de sept à neuf pieds ; fleurs nombreuses de juillet en septembre.

On a fait de cette fleur le symbole de la fécondité, à cause du grand nombre de fleurs blanches, roses, rouges, dont elle pare sa haute tige.

ROSEAU AQUATIQUE..=»INDISCRÉTION; MUSIQUE.

É-\ 'EST avec le roseau que le dieu Pan forma sa première \J flûte [flûte de 'Pan).

a Le satyre Marsias osa un jour défier Apollon à qui chanterait le mieux. Ils choisirent pour juge Midas, roi de Plirygie et fils de Gordius, homme de mauvais goût qui accorda le prix à Marsias. Le dieu de la poésie, outré de la stupidité de ce jugement, fit pousser à Midas dés'oreilles d'àne, que celui-ci s'efforça de cacher sous un ample bonnet. Son barbier s'en aperçut en le rasant, mais il n'osa le dire à personne dans la crainte d'un sévère châtiment. Indiscret comme un barbier, ce secret l'étouffait: pour s'en débarrasser il creusa un trou dans la terre, le lui confia, le recouvrit et s'en fut, bien sûr, croyait-il, que la terre ne commettrait point d'indiscrétion. Or il arriva qu'il crût à cette place une touffe de roseaux, et, chaque fois que le vent se jouait dans leur feuillage ils faisaient entendre ces mots : « Le roi Midas « a des oreilles d'âne. »

M"" LEJSEVEUX.


LE LANGAGE DES FLEURS.

89

RUE. = BONHEUR DES CHAMPS.

PLANTE à feuilles alternes, pctiolées, à folioles ovales et d'un vert glauque. La rue est, comme le lichen, un de ces végétaux de la fécondation desquels les mystères n'ont point encore été révélés.

On assure que l'herbe moly, donnée à Ulysse par Mercure pour le soustraire aux enchantements de Circée, n'était autre chose que la rue.


SAFRAN. — USEZ, N'ABUSEZ PAS.

PLANTE bulbeuse, qui fleurit au commencement de l'automne, et qui porte une fleur bleue mêlée de rouge et de purpurin, du milieu de laquelle sort une houppe partagée en trois filets, que l'on recueille, que l'on fait sécher, et qu'on emploie à une multitude d'usages en médecine, en teinture, et même dans la cuisine,

Prise en infusion, elle donne de la gaieté, mais elle deviendrait dangereuse à qui en abuserait.

SAINFOIN. = AGITATION; MON COEUR S'ÉMEUT EN UOUS VOYANT.

PLANTE vivace, de la famille des légumineuses, dont une espèce, nommée Esvarcette, est employée à former des prairies artificielles; elle est originaire du Bengale.


LE LANGAGE DES FLEURS. 91

Les folioles latérales du sainfoin sont toujours en mouvement, portées alternativement vers le haut et vers le bas.

SAUGE. «ESJIME.

PLANTE aromatique, dont l'odeur est agréable et pénétrante. Ses fleurs sont labiées et verlicillées, ses feuilles ridées et un peu épaisses. Les Chinois sont très-friands de cette plante.

Les anciens disaient : « 11 a tort de mourir, celui qui a de la sauge dans son jardin. »

SCAB1EU3E.— ABANDON.

LA scabieuse a été surnommée la Fleur des veuves. La fleur forme une têle ronde à l'extrémilé d'une longue tige mince; sa couleur est d'un violet très-prononcé. On la dit originaire de l'Inde.

SCEAU DE SALOMON.^ DISCRÉTION.

ESPÈCE de muguet qui croît sur les montagnes et les collines, et dont les feuilles ont quelque ressemblance avec celles du laurier. Les fleurs blanches de cette plante sont pendantes et souvent solitaires.

SENSITIVE. — PUDEUR.

PLANTE originaire de l'Amérique, ainsi nommée parce que, dès qu'on la touche, ses feuilles se replient.


92 LE LANGAGE DES FLEURS.

« Une de nos reines, raconte madame Leneveux, se promenait un jour, entourée de ses demoiselles d'honneur, dans les serres d'un jardin royal. Elle vit une sensitive, plante alors fort rare en France : « Mesdemoiselles, dit-elle, ce « petit arbuste a une singulière propriété : sa pudeur est « telle, qu'il se flétrit si une femme qui s'est familiarisée « avec un homme le touche seulement du bout du doigt. J Pour vous en donner une preuve, je vais l'approcher et le « faire faner en ma qualité de femme mariée; puis, vous « ferez l'expérience après moi. » A ces mots, les demoiselles de rire comme des folles. Mais, quand elles virent les feuilles de la plante frémir, s'agiter, se fermer et se pencher sur la tige, les ris cessèrent pour faire place à l'inquiétude ; la pâleur succéda aux roses de leurs joues, et toutes aimèrent mieux s'enfuir, au risque de déplaire à leur reine, que de tenter une aventure qui sans doute leur paraissai t périlleuse. »

Une plante, ô prodige ! à l'éclat de ses charmes Unit de la pudeur les timides alarmes ; Si d'un doigt indiscret vous osez la toucher, Tout s'agite ; la feuille est prompte à se cacher, Et la branche mobile, aux mêmes lois fidèle, S'incline vers la tige et se range auprès d'elle.

CASTEL.

SERINGA. = AMOUR FRATERNEL.

ARBRISSEAU de la famille des myrtes, qui porte, au printemps, des fleurs blanches d'une odeur douce et pénétrante.

Linuée compare à des frères les étamines réunies à leur àase.


LE LANGAGE DES FI.Lt'RS. 95

SOLEIL. «-ADORATION.

GI'.AKDE et belle plante, originaire du Pérou,et consacrée au Soleil. Avant la conquête du PITOU parles Espagnols, les vierges sacrées qui desservaient le temple de ce dieu s'ea couronnaient les jours de fête.

SOUCI. == INQUIÉTUDE.

FLEUR jaune, radiée, qui a une odeur forte, et qui vient en automne.

Veuve de son amant, quand jadis Cythérée Mêla ses pleurs au sang de son cher Adonis, Du sang naquit, dit-on, l'anémone pourprée; Des pleurs naquirent les soucis.

c. DUBOS.

Tu vois l'ami de Flore, errant dans un parterre. Toujours auprès de toi passer avec dédain, Et la beauté jamais de ta fleur solitaire N'a paré sa tête ou son sein.

Semblable au pur métal que sa couleur rappelle, Sa fleur n'a comme lui qu'un éclat imposteur, Elle infecte la main qui veut s'emparer d'elle, Ainsi que l'or corrompt le coeur.

c. DKÏOS.


TAMINIER. = J'IMPLORE VOTRE APPUI.

PLANTE originaire de Barbarie, qui croît dans les bois et dans les haies. Les Orientaux mangent ses jeunes pousses en salade. — Sa racine est purgative.

THYM.~~ ÉMOTION SPONTANÉE.

PLANTE dont l'odeur aromatique passe pour très-agréable. Elle est très-commune sur les collines exposées au soleil. Au moyen âge, les belles châtelaines brodaient sur les échar^ pes qu'elles destinaient à leurs amants, des abeilles voltigeant autour d'une branche de thym.

Et les zéphirs légers, voltigeant sur le thym, Nous rapportent, le soir, les parfums du matin.

LEMIERIIE.




Souci s, Tulipe, TuR éreu sel kvm.



LE LANGAGE DES FLEURS. 95

TRÈFLE. —INCERTITUDE.

PLANTE qui vient naturellement dans les prés, etdontles feuilles, de forme ronde, sont attachées, trois à trois, à une même queue. On en connaît cent quarante espèces.

TROÈNE. — JEUNESSE.

ARBUSTE qui ressemble au lilas, très-rameux et à fleurs blanches. On s'en sert pour former des haies odorantes.

TUBÉREUSE.^ VOLUPTÉ.

LA tubéreuse a été apportée de Perse, en 1632. — L'odeur en est très-forte et peut même causer l'asphyxie. C'est une belle plante bulbeuse, à tige de quatre à cinq pieds, à feuilles étroites, longues, canaliculées, et d'un vert gris. Les parfumeurs emploient son huile essentielle pour la pommade et les eaux de senteur.

La tubéreuse et l'anémone Entourent ses bords séduisants.

DE BERNIS.

Le même poëte dépeint ainsi l'émotion d'une jeune fille enivrée par le parfum de la tubéreuse.

Dans ses bras amoureux l'imprudente la presse, Quand, tout à coup, saisis d'une douce langueur, Ses bras sont accablés sous le poids du bonheur ; A ce trouble inconnu, la jeunesse alarmée Veut éviter les traits du dieu qui l'a charmée ; Mais, hélas ! ses combats se changent en plaisirs,


LE LANGAGE DES FLEURS

Ses craintes en espoir, ses remords en désirs! Confuse, elle retombe au milieu de ses chaînes : Un charme involontaire accompagne ses peines ; Elle voudrait haïr, elle ne peut qu'aimer : Son coeur cherche le calme et se laisse enflammer. C'est alors qu'à ses yeux ?e découvre l'abîme ; Mais un chemin de Heurs la conduit jusqu'au crime.

TULIPE. = GRANDEUR; MAGNIFICENCE.

CE fut vers le milieu du seizième siècle que Gessner la vit pour la première fois à Augsbourg, clans le jardin d'un amateur qui l'avait reçue de Constantinople, et ce n'est qu'au commencement du dix-huitième siècle qu'elle fut introduite en France. Dans le siècle dernier, l'amour des tulipes était une manie, une espèce de furie. 11 n'était pas rare de voir des familles ruinées par la passion d'un père pour cette fleur. A Lille, dit M. Bescherelle aîné, toute une brasserie, qui porte encore le nom de brasserie ' delà tulipe, fut troquée pour un de ces précieux oignons.

Madame de Genlis parle ainsi du tulipier, le plus beau de France et peut-être de l'Europe :

« Son petit jardin était fameux par un arbre superbe, inconnu alors en Asie : c'était un tulipier de soixante-dix pieds de haut, et qui, dans le temps de la floraison, se couvrait de plus de deux mille tulipes d'une beauté merveilleuse. Le propriétaire avait fait pratiquer autour de cet arbre éblouissant un escalier circulaire qui s'élevait jusqu'à la hauteur de trente pieds; là se trouvait un repos, un espèce de nid posé solidement sur deux grosses branches qui lui servaient de charpente. Ce nid était assez grand pour contenir en même temps trois ou quatre personnes;


LE LANGAGE DES FLEURS. ,97

et rien n'était plus singulier que de se voir, dans le mois de juillet, placé au milieu de cet arbre, dont chaque rameau, chaque extrémité de branche, présentaient une superbe tulipe ; on en était entouré, couronné ; on en voyait de tout côtés et sous tous les aspects. Au sein de ce réduit mystérieux, parfumé des plus douces odeurs, un poëte aurait pu se croire dans le bosquet chéri de Flore. »

« C'est parmi les Turcs, dit un autre auteur, la marque de la plus haute estime que d'envoyer une tulipe en présent. Cette fleur y partage en quelque sorte les honneurs de la divinité. C'est au mois d'avril que se célèbre la fête des tulipes. On construit dans la cour du sérail des galeries en bois, et l'on dresse des bancs sur lesquels on range en amphithéâtre une quantité prodigieuse de carafes garnies de tulipes. Ces vases sont entremêlés de flambeaux, et les bancs les plus élevés sont réservés aux serins du Grand-Seigneur, enfermés dans de magnifiques cages, et à des globes de verre remplis de liqueurs de différentes couleurs. — Au centre du sérail est le pavillon du sultan, devant lequel sont étalés les présents que les seigneurs de la cour destinent à Sa Hautesse. Les femmes du sultan se regardent parmi les fleurs, en sorte que, pendant le reste de la journée, la nature et l'art semblent se réunir pour briller aux yeux du Grand-Seigneur.—Tel est le besoin de céder aux Grâces. — Le despote lui-même, ajoute l'auteur, le despote qui traite la beauté en esclave, sent qu'il lui faut honorer une simple fleur. »

La tulipe s'élève : un port majestueux, Un éclat qui du jo^n>-rajrmlmt tous les feux, Dans les murs bj^a%ns'-rtféi^eflt qu'on l'adore, Et lui font pamOTnep^onxàîSe\incolore. 1 ç.. \ Y. A- ■ j J ROUCHER.


98 LE LANGAGE DES FLEURS.

A cette heure douteuse où l'ombre plus tardive

Fuit du jour qui s'éteint la clarté fugitive,

La nymphe loin de Flore, hélas ! loin pour jamais,

Des champs et de son coeur goûtant l'heureuse paix,

Sous l'odorant feuillage où chantait Philomèle,

Savourait du repos la douceur infidèle.

Zéphire l'aperçoit, et, d'un souffle enflammé,

Caresse des attraits dont son oeil est charmé.

La fille de Protée, à cette douce haleine,

Entr'ouvre avec lenteur sa paupière incertaine,

Et ne voit pas encore, dans son enchantement,

Que ce bruit de Zéphir est la voix d'un amant.

Mais bientôt, à l'aspect du jeune époux de Flore .

Déesse, 'a tes bienfaits si j'ai des droits encore,

Dit-ello, contre un dieu qui trompe tes amours,

<c J'implore ta vengeance, ou du moins ton secours. »

Tout à coup, à prodige ! une forme étrangère

La dérobe aux transports d'un désir adultère.

Son beau corps dont Zéphir presse en vain les appas,

En tige souple et frêle échappe de ses bras ;

Ses cheveux, qui tombaient en boucles agitées,

S'élevant sur son front en feuilles veloutées,

L'entourent d'un calice ; un doux balancement

Semble prouver encore qu'elle craint son amant.

Le dieu veut, en parfums, respirer son haleine;

Ce baume de l'amour adoucirait sa peine :

Nul parfum ne s'exhale ! et ce dernier désir

Prive la fleur d'un charme, et l'homme d'un plaisir.

Mais la nymphe, héritant du secret de son père,

De cet art protecteur se fait un art de plaire,

Et, trompant le regard par sa variété,

De changeantes couleurs enrichit sa beauté.

Tu vois errer Zéphir, mais il ne cherche qu'elle,

Et, s'il parait volage, il n'est plus infidèle.

B01SJOLIN.


URTICA-0RT1E. —CRUAUTÉ.

ON connaît la douleur que cause la piqûre de l'ortie ; on ignore généralement l'utilité de cette plante, qui croît spontanément, sous presque toutes les latitudes, le long des murs, des haies et parmi les décombres. Ses fibres offrent assez de consistance pour que, dans certains pays de l'Europe, on en fabrique des toiles, des cordages, du papier même. Elle renouvelle l'air pur; les oiseaux mangent ses graines; quand elle se fane, on la donne en pâture aux vaches; elle fournit une teinture jaune, et sous mille formes elle offre des propriétés médicinales.


VALERIANE. =— FACILITÉ.

PLANTE herbacée, croissant naturellement en France. Elle se couvre, en juin et en octobre, de fleurs nombreuses, êperonnées, en panicule, rouges, pourpres, blanches ou lilas. Sa racine a une saveur acre et un peu amère, son odeur esi nauséabonde. On en compte soixante-dix espèces.

VÉRONIQUE. — JE VOUS OFFRE MON COEUR.

JOLIE petite plante, commune dans les pâturages sablonneux. Ses feuilles sont alternes, ovales, doublement dentelées, pubescentes en dessous; ses fleurs sont bleues.

VERVEINE. «= AFFECTION PURE.

PETITE plante à fleurs bleues qui croît dans les buissons et dans les haies. Chez les Romains et les Gaulois, c'était




Valériane, Verveine, Violettes. G'rtica IHoîlie)



LE LANGAGE DES FLEURS. tfflt

une plante sacrée dans les cérémonies religieuses. « DMK quelques cantons de l'Allemagne, on couronne encore les jeunes mariées avec cette plante, sans doute en mémoire de Vénus et pour les mettre sous la protection de cette déesse.»

VIGNE. == IVRESSE.

L'ORIGINE de la culture de la vigne se perd dans la nuil des temps. Cette plante aurait été importée en Europe par les Phéniciens; toutefois, sous Nnma, à peine la cultivait-on. Domitien ordonna même que les vignes fussent détruites dans toute l'étendue de l'empire : il paraîtrait que ce singulier législateur n'était pas ami de la dive bouteUiet comme parle Rabelais.

La vigne, en revanche, a été de tout temps célébrée par les poètes.

La vigne quelquefois, honneur de vos jardins, S'y montre avec la pourpre ou l'or de ses raisins.

ROSSET.

. . . Sur le sommet des coteaux lumineux, La vigne de son pampre entrelace les noeuds.

BAOUR-LORMIAN.

VIOLETTE. = MODESTIE.

PLANTE printanière, d'une odeur agréable, d'une couleur mêlée de rouge et de bleu foncé. Tous les poëtes et les grands prosateurs ont aimé et chanté la violette.

« Je respirais le suave parfum des violettes sauvages qui.


102 LE LANGAGE DES FLEURS,

au premier jour tiède qui se présente, au premier rayon de soleil pâle qui les convie, ouvrent leurs calices d'azur sur la mousse desséchée. »

G. SAND.

L'obscure violette, amante des gazons, Aux pleurs de leur rosée entremêlant ses dons, Semble vouloir cacher sous leurs voiles propices D'un pudique parfum les discrètes délices, Pur emblème d'un coeur qui répand en secret, Sur le malheur timide un modeste bienfait. Boisions.

Vous vous cachez, timide violette,

Mais c'est en vain, le doigt sait vous trouver ;

Il vous arrache à l'obscure retraite

Qui recelait vos appas inconnus ;

Et destinée au boudoir de Cythère,

Vous renaissez sur un trône de verre,

Ou vous mourez sur le sein de Vénus.

PARNY.

Sans faste et sans admirateur Tu vis obscure, abandonnée Et l'oeil cherche encore ta fleur Quand l'odorat l'a devinée. Sous les pieds ingrats du passant Souvent tu péris sans défense ; Ainsi, sous les coups du méchant Meurt quelquefois l'humble innocence.

Viens prendre place en nos jardins, Quitte ce séjour solitaire,


LE LANGAGE DES FLEUTIS.

Je te promets, tous les matins, Une eau limpide et salutaire. Quedis-je? Non, dans ces bosquets Reste, ô violette chérie!... Heureux qui répand des bienfaits, Et, comme toi, cache sa vie!

C. DUBOS

103


XANTORRHÉE. = UTILITÉ.

PLANTE de la Nouvelle-Hollande, appartenant à la famille des aspholèdes. C'est de la xantorrhée arborescente que découle la résine avec laquelle les habitants de la NouvelleHollande fixent la pointe de leurs zagaies et les manches de leurs haches de pierre. Ils s'en servent encore, dit-on, pour calfeutrer leurs pirogues. Les épis de la xantorrhée contiennent une liqueur visqueuse que les naturels du pays trouvent très-agréable.




VoiTiLilis,Yuca, Zépkraute.



YUCA. =GRANDEUR; ÉLÉVATION.

PLANTE de la famille des liliacées, qui a l'aspect de l'aloès et qui porte une touffe de belles fleurs blanches. Au Mexique, le yuca acquiert ordinairement des proportions gigantesques


ZALIA. = ISOLEMENT.

ARBDSTE à feuilles simples et alternes, à fleurs bleues ou blanches. — Son fruit a la forme d'une baie à trois loges.

ZÉPHYRAUTE. = AMOUR DU CHANGEMENT.

PLANTE bulbeuse, originaire de la Havane. Du milieu d'une touffe de feuilles linéaires s'élève, en septembre, une hampe de six à dix pouces, terminée par une seule fleur rose, à fond verdàtre. Ce n'est qu'en 1830, dans les jardins de Neuilly, que le zéphyraute fut cultivé pour la première fois.


NOMENCLATURE DES PLEURS

AVEC LEURS SYMBOLES

A

Absinthe ou Citronnelle. . tourments d'awiour.

Acacia affection pure.

Acanthe culte des beaux-arts.

Aconit amour criminel, remords.

Adonine d'été souvenir mêlé de tendresse et de

douleur.

Adoxa musqué faiblesse.

Agave circonspection.

Aloès bec de perroquet. . . trouble, confusion.

Amaranthe fidélité, constance.

Amaryllis je brille.

Ananas. . . . perfection.

Ancolie. folie.

Anémone . amour trahi, abandon.

Angélique mélancolie, tristesse vague.

Anthémis obstacles, contre-temps.

Arrête-Boeuf ou Bugrane. . entraves.

Aristoloche tyrannie.

Argentine candeur, niïveté.


108 LE LANGAGE DES FLEURS.

Arum Gobe-Mouche. . . . prenez garde, piège.

Arum feuille en coeur. . . ardeur.

Asphodèle . amour perdu, regrets ineffaçables

Aster éloquence.

Aubépine espoir.

B

Baguenaudier prodigalité.

Balsamine ne me touchez pas, impatience.

Barbe de Jupiter force, puissance

Bardane importunité.

Basilic pauvreté.

Belle-de-jour coquetterie.

Belle-de-nuit amour craintif, timidité.

Bétoine émotion, surprise, agitation.

Blé opulence.

Blé de Turquie ou Maïs*. . abondance.

Bluet. éclat.

Bouillon blanc ou Molène. , bon caractère.

Boule de neige ou Viorne. . refroidissement.

Bourrache fermeté, énergie.

Bouton d'or moquerie.

Brise tremblante galanterie, coquetterie, frivolité.

Buglosse mensonge.

Buis stoïcisme, fermeté.

C

Cactus bizarrerie.

Camara piquant rigueurs.

Camélia constance, durée.


LE LANGAGE DES FLEU'RS.

Camomille romaine. . . . soumission, service.

Campanule flatterie.

Capucine flamme d'amour.

Centaurée musquée. . . . message d'amour.

Champignon défiance.

Chélidoine . sollicitude, attentions maternelles.

Chèvrefeuille liens d'amour.

Chiendent entêtement, persévérance.

Ciguë perfidie.

Circée. magie, sorcellerie, enchantement.

Ciste jalousie.

Clématite bleue attachement, liens.

Colchique . . mauvais naturel.

Consoude bonté, bienfaisance.

Coquelicot repos.

Coquelourde modestie.

Corbeille d'or calme du coeur, tranquillité.

Coriandre talent incompris.

Coronille pureté ingénue.

Couronne impériale. . . . dignité fière.

Crête de Coq perversité.

Cupidone source d'amour.

Cynoglosse amitié sans seconde.

Cyprès. deuil, douleur, regrets.

Cytise dissimulation.

D

Dahlia abondance stérile.

Digitale travail.

Dipsacus soif.


110 LE LANGAGE DES FLEURS.

E

Églantier vous parlez bien.

Ellébore bel esprit.

Éphémérine de Virginie . bonheur fugitif.

Épine noire obstacles, difficulté.

Épine-Vinette.. ..... aigreur.

F

Fenouil ou Ameth. .... mérite.

Fougère ... ayez confiance en moi, ou : j'ai

confiance en vous.

Foulsapate amour dédaigné.

Fraisier ivresse, délices.

Framboisier doux langage.

Fraxinelle ou Dictame. . . vous m'enflammez

Fuchsia amabilité.

Fumeterre commune. . . . fiel, envie.

Fusain votre image est gravée dans mon

coeur.

G

Gatilier ou Agnus-Càctus. . pureté, chasteté.

Genêt d'Espagne simplicité, vertus domestiques.

Genévrier consolation.

Gentiane jaune mépris, dédain.

Géranium écarlate. .... sottise, bêtise


LE LANGAGE DES FLEURS:

Géranium terne tristesse, mélancolie.

Gerbe d'or avarice.

Giroflée . . élégance, luxe.

Oirosclle agréez mes hommagej.

Glaïeul indifférence.

Gratiole ou Herbe au pauvre

homme humanité.

Grenadier union de deux coeurs, bonne intelligence.

Grenadille bleue.. . . .. . foi.

Groseillier vous êtes mon bonheur.

Gui liaison dangereuse.

Guimauve douceur.

H

Helenic larmes.

Hellébore Voyez Ellébore.

Héliotrope. ... ... amour éternel.

Ilémérocale rouge plaisir renaissant.

Hièble ou Sureau. . . . humilité.

Houblon insensibilité, apathie.

Houx défense.

Hortensia ou Rose du Japon, froideur, beauté froide.

I

If affliction.

Immortelle. ....... constance.

Ipoméa rs témoignage d'affection, caresses.

tris de Perse réjouissez-vous, bonnes nouvelia;


112 LE LANGAGE DES FLEURS.

Ivraie ou Zizanie. .... vices.

Ixia inquiétudes, tourments.

J

Jacinthe douceur mêlée de politesse et de

grâce.

Jasmin blanc. ...... amabilité.

Jasmin jonquille penchant, sympathie.

Jolibois gentillesse.

Jonc des champs soumission, docilité.

Jonquille je languis d'amour.

Joubarbe des toits, .... bienfaisance voilée, discrète.

Jujubier. . soulagement.

K

Kedsoura frugalité.

Kedmie . vous êtes jolie.

L

Lauréole ou Bois-gentil. . . feinte, dissimulation.

Laurier franc triomphe, gloire.

Laurier-rose attrait, séduction.

Lavande ou Aspic silence.

Lierre attachement, amitié éprouvée.

Lilas premier trouble d'amour.

Lilas blanc jeunesse.

Lis blanc majesté, pureté.

Lis jaune vanité, ostentation.


LE LANGAGE DES FLEURS. m

Liseron faiblesse.

Lobélie du cardinal. . . . amour du prochain. Lunaire (grand) ou Monnaie

du pape. , mauvais débiteur.

Luzerne éloge de la vertu.

Lychnise des champs. . . . sympathie irrésistible.-

M

Marguerite candeur, innocence.

Marjolaine vulgaire. . . . consolation.

Blauve tendresse maternelle.

Mélianthe charité envers un étranger, hospitalité.

Mélisse officinale soins affectueux, bons offices.

Menthe sagesse, vertu.

Millefeuille ou Achillée.. . santé, guérison.

Millepertuis oubli des tourments de la vie.

Mogori . . ornement, parure.

Momordique piquant. . . . fureur, violence, colère.

Morelle Cerisette beauté sans bonté.

Morelle douce-amure ou

Vigne vierge sincérité.

Muguet retour du bonheur.

Myosotis souvenez-vous de moi, ne m'oubliez pas.

Myrte amour.

N

Narcisse amour-propre, vanité, fatuité.

Nénufar impuissance, froideur.

Nicotiane difficulté vaincue.

8


114 LE LANGAGE DES FLEURS.

Nigelle des blés. ..... complaisance.

Nigelle ou Cheveux de Vénus, liens d'amour.

0

OEillet amour vif et pur.

OEillet blanc. ..... fidélité.

OEillet de poëte talent, supériorité.

OEillet d'Inde maturité anticipée.

OEillet jaune dédain.

OEillet musqué souvenir fugitif, qui a fui sans laisser de trace.

OEillet panaché vertu inflexible.

OEillet ponceaù frayeur, effroi.

Olivier paix.

Onagre, ou fleurs du grand fierté prodigue, ou encore : sotte

seigneur fierté.

Oranger virginité, générosité.

Oreille d'ours amour du changement.

Orobe printanier. . . . besoin d'aimer.

Ophrise araignée habileté, adresse.

Ophrise mouche. . . . erreur.

P

Palmier victoire, constance.

Pariétaire. chagrin, misanthropie.

Pavot repos, sommeil.

Pêcher bonheur d'aimer.

Pensée souvenir d'amour.

Perce-neige ou Galantine. . heureux augure.

Pervenche amitié inébranlable.


LE LANGAGE DES FLEURS. 115

Phi'jtolaca avis salutaire.

Pied-d'alouetle mon coeur vous est ouvci t, lisez

dans mon coeur.

Pissenlit légèreté, vivacité, étourderie.

Pivoine honte.

Pois de senteur délicatesse.

Primevère affection tendre et sincère.

0

Queue de cheval fécondité.

Quintefeuille. ...... amour maternel.

R

Rose '-. ... beauté.

— à cent feuilles. . . . plaisir.

— blanche innocence, candeur.

— capucine. . , ... caprice, fantaisie.

— de Provins patriotisme.

— de tous les mois.. . . éclat passager.

— du Bengale beauté étrangère.

— jaune amour conjugal.

— mousseuse extase voluptueuse.

— musquée „ . manque de naturel.

— pompon grâce naïve.

— trémièro beauté noble.

Reine des prés vous régnez sur mon coeur.

Renoncule vous brillez de mille attraits.

Réséda vos qualités égalent vos charu: s

Réveille-malin boutade, brusquerie.

Romarin. . votre présence me rend à la viu.


116 LE LANGAGE DES FLEURS

Ronce injustice, envie.

Roseau aquatique indiscrétion.

Rue bonheur domestique.

S

Safran soyez sage, réservé ; usez, n'abusez pas.

Sainfoin soyez prudent dans le choix de vos

amis.

Salicaire à épis reproche.

Saponaire vous excellez en tout.

Sauge considération, estime.

Saxifrage amitié.

Scahieuse fleur des veuves, tristesse, deuil.

Sceau de Salomon discrétion.

Sensitive pudeur.

Soleil, Hélianthe courlisanerie, flatterie.

Sorbier domestique. . . . circonspection, prudence.

Souci sourde inquiétude, jalousie.

Stramoine ou Datura. . . . dissimulation, déguisement.

Syringa amour fraternel.

T

Taminier j'implore votre appui.

Thym, Serpolet émotion spontanée.

Trèfle incertitude.

Troëne jeunesse.

Tubéreuse volupté.

Tulipe grandeur, magnificence.


LE LANGAGE DES FLEURS.

117

u

Urtica.... ...

cruauté, rigueur.

V

Valériane. facilité.

Velar hommage d'amour.

Verge d'or protégez-moi.

Véronique je vous offre mon coeur.

Verveine sentiment pur.

Vigne ivresse.

Violette. modestie.

Vipérine vos regards ont enflammé mon

coeur. Volubilis comptez sur mon dévouement.

X

Xanthorée. . . ,•,.,. utilité.

y

^uca. ...

grandeur.


H8

LE LANGAGE DES FLEURS.

z

Zaltca, i ... i ... . isolement.

Zéphiraute...... . variation, amour du changement!

inconstance.


PROPRIETES DES COULEURS

LE rouge est l'emblème de la grandeur, de l'opulence, du courage, d'une bonne santé, de la colère, de la violence.

L'orangé veut dire contentement, satisfaction, repos de l'âme, sentiment de tout ce qui est beau et grand, bon goût, dignité, respect de soi-même.

Le jaune signifie faiblesse, tranquillité, goûts modestes, vertus domestiques, mauvaise santé.

Le vert est le signe du plaisir, de l'espérance ; retour au bonheur, à la santé; changement heureux dans une position ; vieillesse exempte des infirmités ordinaires.

Le bleu caractérise un homme turbulent, vantard, léger, menteur, égoïste, disposé à tout pour s'enrichir.

Le violet est l'emblème de la candeur, de l'innocence, de la naïveté, de la modestie, de l'humilité, de la timidité, de la bonté.

Xlindigo veut dire virginité, pudeur, culte des arts, science, humanité, discrétion, charité.

Le noir, deuil, tristesse, catastrophe, malheur, mort, maladie.

Le blanc, sérénité, candeur, calme de l'âme, probité, honnêteté.


HORLOGE DE FLORE

LES anciens savaient, nous assure-t-on, marquer les heures à l'aide des fleurs.

i heure. — Un bouquet de roses épanouies.

2 heures. — Un bouquet d'héliotrope.

3 heures. — Un bouquet de roses blanches.

4 heures. — Un bouquet d'hyacinthe.

5 heures. — Une branche de citronnier.

6 heures. — Un bouquet de lotus.

7 heures. — Un bouquet de lupins.

8 heures. — Un bouquet de fleurs d'oranger.

9 heures. — Une branche d'olivier. JO heures. — Une branche de peuplier. 11 heures. — Un bouquet de souci.

42 heures. — Un bouquet de pensées.


LA CREATION DES FLEURS

Bientôt les Dieux se mettent à l'ouvrage, Et leurs moitiés partagent leurs travaux. Ils vont créer. Homme, rends-leur hommage, Sur toi leurs mains versent des dons nouveaux.

De Jupiter d'abord brille l'adresse. Fier de sa force, il dit : Que le lis naisse : Et sur-le-champ il s'élève une fleur Majestueuse, odorante, argentée. L'Olympe entier admire sa blancheur, Sa lige altière et sa magique odeur. Superbe lis, fleur à bon droit vantée, Garde longtemps ta première splendeur; La France un jour te devra le bonheur. Que l'aquilon respecte ta candeur '

Un second mot enfanta la pensée.

Les trois couleurs qui brillent en son sein,

Son air décent, et délicat et fin,

Tout plaît en elle à la cour empressée

De remarquer ces contrastes heureux,

Dignes du goût du monarque des cieux.

Que fait Junon en ce court intervalle? Dans un bocal elle mêle à dessein L'or, le carmin, et la nacre et l'opale.


122 LE LANGAGE DES FLEURS.

De ce mélange, assorti de sa main, Voilà qu'il sort une fleur panachée, Riche en couleurs, d'une odeur recherchée. C'était l'oeillet. Brillant dès son berceau, Que sera-t-il si Flore le confie A quelque main habile autant qu'amie? Les Immortels admirent de nouveau.

Us admiraient quand le pasteur d'Amphise

Vient annoncer que son chef-d'oeuvre est prêt.

L'héliotrope aussitôt apparaît.

Figurez-vous quelle fut la surprise

De tous les Dieux, alors que, se penchant

Vers son auteur, celte fleur bien apprise

Se retourna d'un air reconnaissant.

Elle a depuis gardé cette habitude :

De l'honorer elle fait son étude.

Tels on a vu, dans leur superbe cour,

Les fiers Incas, par gratitude,

Les deux genoux devant l'astre du jour,

Dont ils croyaient tirer une origine

Aux yeux du peuple et sacrée et divine.

Vulcain, exprès de Lemnos revenu,

Lève un marteau, frappe, et de son bras nu,

Parmi les fleurs lance la capucine.

Une étincelle en jaillit sur Cyprine.

Mars s'indignait, mais il fut retenu

Par un coup d'oeil de sa belle maîtresse.

C'est la valeur qui cède à la tendresse.

La jeune Hébé se signale à son tour.


LE LANGAGE DES FLEURS. *2S

Elle a créé la douce primevère,

Du vert printemps fidèle avant-courière,

Du vert printemps, saison chère à l'amour.

Lorsque l'hiver retiendra dans la serre

Tant d'autres fleurs qui craindront les frimas,

L'amant, cueillant cette fleur bocagère,

Ira l'offrir à sa jeune bergère,

Plein de l'espoir de trouver en ses bras

De ses efforts le désiré salaire.

L'avare Dieu, qui couve son trésor, Sans déroger à son goût ordinaire, Le lourd Plulus forma le bouton d'or. On ne peut donc celer son caractère !

Vénus travaille ; à ses côtés était

Son cher enfant qui des yeux la suivait.

Elle a créé : soudain paraît la rose,

Qui touche et plaît, même avant d'être éclose,

La belle rose à qui rien n'est égal.

Mais près du bien trop souvent est le mal;

Aussi voit-on l'épine déchirante

Naître et s'unir à sa tige croissante.

Fleur précieuse autant qu'intéressante,

Un jour viendra qu'un illustre vieillard

Te chantera sur sa lyre immortelle,

Dont par la suite héritera Bernard,

Qui le prendra pour guide et pour modèle,

Gentil Bernard qui doit, en vers charmants,

De l'art d'aimer tracer les éléments.

La fleur, sortant des mains de Cythérée,


124 LE LANGAGE DES FLEURS.

Fut d'abord blanche; ensuite Cupidon Voulant la prendre, une épine acérée Cruellement piqua son doigt mignon, Ce qui fit bruit à la cour éthérée ; Car il pleura, saignant beaucoup, dit-on. 0 mes lecteurs, ouvrez Anacréon; Vous y verrez aventure pareille Du petit Dieu blessé par une abeille. Vénus secourt son cher, son pauvre enfant, Déjà la rose est teinte de son sang. La tendre mère alors en se baissant, Par accident, sur la rose vermeille Laisse tomber son flacon de cristal Qui contenait un parfum végétal. Ainsi, la rose, à peine épanouie, Dut au hasard de joindre à l'incarnat La douce odeur des parfums d'Arabie, Et réjouit la vue et l'odorat. A ce spectacle, on s'approche, on s'écrie ; L'un veut la voir, l'autre veut la sentir; Mais Jupiter défend de la cueillir. Règne, dit-il, ô fleur digne d'envie! Règne à jamais sur le peuple des fleurs; Sois souveraine au milieu de tes soeurs.

Junon ne put, sans que la jalousie Causât en elle un secret mouvement, De Vénus voir le triomphe éclatant, Et dit tout bas : Oui, règne, fleur chérie, De mon époux puisque c'est le vouloir; Mais tu vivras du matin jusqu'au soir. La rose doit à cet arrêt sévère


LE LANGAGE DES FLEURb. 125

L'espace court de sa vie éphémère.

Cérès la blonde enfanta les bluets, Qui, retombant sur la voûte éthérée, Empruntent d'elle une teinte azurée. Elle en sema les verdoyants guérets.

Mille autres fleurs reçoivent la naissance, Le ciel devient un parterre brillant. Tels, à la voix d'un monarque puissant, Qui sur le goût fonde sa bienfaisance, De toutes parts les beaux-arts s'élançant, Vont chaque année, au centre de la France, A la patrie offrir des dons nouveaux, Et noblemement défier nos rivaux.

R. DE BEAUCABON.


LES AMOURS DES FLEURS

L'Amour d'un nouveau myrte a couronné sa tète; Du monde végétal il a fait la conquête : Otez la jalousie et les autres chagrins, On aime chez les fleurs comme chez les humains. 0 toi que l'on adore à Paphos, à Cythère, Que dis-je? tes autels couvrent toute la terre, Dieu charmant, d'un regard seconde mes efforts : je vais chanter ta gloire ; anime mes accords

Dans des tentes d'azur, de rubis et d'opale, Vénus a préparé la pompe nuptiale. Les plantes qu'agitaient seulement les zéphirs, Par d'autres mouvements témoignent leurs désirs. On les voit se pencher, s'enlr'ouvrir, se sourire,. Et confondre les feux que l'amour leur inspire. Si l'amour s'obscurcit et qu'un ciel nébuleux Leur fasse redouter quelque accident fâcheux, Le calice à l'instant, les branches, le feuillage, S'ébranlent de concert pour prévenir Forage ; Les pavillons fermés en écartent les coups, Et l'amour est remis à des moments plus doux.

Chaque espèce a ses lois : souvent la même tente Réunit côte à côte et l'amant et l'amante ;


LE LANGAGE DES FLEURS. 127

Dans des séjours divers quelquefois retirés, Loin du lit l'un de l'autre, ils vivent séparés. Telle on voit la saussaie oifrir dans les prairies Un sexe différent sur ses tiges fleuries : Lorsque vers le Bélier, le Soleil, de retour, Ramène sur son char le printemps et l'amour, Le mâle fait voler, à travers la campagne, Ses esprits créateurs sur sa verte compagne, Et quelque large étang que le sort mette entre eux, A l'aide des zéphyrs, ils s'unissent tous d'eux. Le Rhône impétueux, sous son onde écumante, Durant dix mois entiers, nous dérobe une plante «. Dont la tige s'allonge en la saison d'amour, Monte au-dessus des flots, et brille aux yeux du jour Les mâles, jusqu'alors dans le fond immobiles, De leurs liens trop courts brisent les noeuds débiles, Voguent vers leur amante, et, libres dans leurs feux, .Lui forment sur le fleuve un cortège nombreux : On dirait d'une fête où le dieu d'hyménée Promène sur les flots sa pompe fortunée. ' Mais les temps de Vénus une fois accomplis, La tige se retire en rapprochant ses plis, Et va mûrir sous l'eau sa semence féconde.

Près des pôles glacés, aux limites du monde, Où, des hivers trop prompts succédant à l'été, Le fruit ne peut atteindre à la maturité, La nature déroge à sa règle constante, Fait sortir du calice une plante vivante*,

1 La vallisneria

* Le pâturin vivipare.


128 LE LANGAGE DES FLEURS.

Qui s'attache à la terre, et, pleine de vigueur, De sa mère bientôt égale la hauteur.

De nos plus doux plaisirs confidente ordinaire, La nuit prête aux amants son ombre tutélaire ; Parmi les végétaux, le monarque du jour Est le Dieu qui préside aux mystères d'amour. Dès qu'aux portes des cieux les Heures vigilantes Ont remis au Soleil ses rênes éclatantes, Et que des premiers feux de son char échappés, Au bout de l'horizon les sommets sont frappés ; La plupart des tribus de l'empire de Flore, Dans leurs habits de fête accompagnent l'Aurore, Célèbrent leur hymen au milieu des concerts Dont les oiseaux ravis font retentir les airs. D'autres prennent le temps où la terre embrasée A du matin humide exhalé la rosée, Mais chacune le soir voile son front vermeil, Se retire à son heure et cède au doux sommeil. Si l'on voit quelques fleurs * d'origine étrangère Eviter parmi nous l'éclat de la lumière, Et, comme les beautés qui régnaient à la cour, Veiller durant la nuit, dormir pendant le jour, C'est qu'aux lieux où l'Europe a ravi leur enfance, Naît le jour quand la nuit vers nos climats s'avance; C'est que de leur patrie elles suivent les lois, S'ouvrent à la même heure ainsi qu'au même mois. Tels, non loin d'un vaisseau fracassé par l'orage, On voit des malheureux, échappés du naufrage,

1 Les belles-de-nmt.


LE LANGAGE DES FLEURS. 129

Sur une île inconnue assembler leurs débris, Transplanter avec eux les moeurs de leur pays, Et, retenant ses lois dans un autre hémisphère, Consoler leur exil et charmer leur misère.

Mais quel nouveau spectacle ! Un insecte léger Est devenu des fleurs l'habile messager. Deux époux, écartés par un destin bizarre, Ne peuvent-ils franchir le lieu qui les sépare? L'abeille, en voltigeant, leur porte tour à tour Les gages désirés d'un mutuel amour.

L'homme leur prête aussi sa féconde industrie. Dans les brûlants climats où la palme fleurie Semble, en penchant la tête, appeler son amant, Le Maure arrache un tbyrse au palmier fleurissant, Sur elle le secoue et revient en automne Cueillir les fruits nombreux que cet hymen lui donne «. CASTEL , les Plantes, chant t

AMARANTE

Je suis la fleur d'amour qu'Amarante on appelle, Et qui vient de Julie adorer les beaux yeux. Rose, retirez-vous, j'ai le nom d'immortelle ; Il n'appartient qu'à moi de couronner les dieux.

Je t'aperçois, belle et noble Amarante !

Tu viens m'offrir, pour charmer mes douleurs,

De ton velours la richesse éclatante ;

1 Les dattes. g


,50 LE LANGAGE DES FLEURS.

Ainsi la main de l'amitié constante,

Quand tout nous fuit, vient essuyer nos pleurs

Ton doux aspect de ma lyre plaintive A ranimé les accords languissants : Dernier débris de Flore fugitive, Elle nous lègue, avec la fleur tardive, Les souvenirs de ses premiers présents.

C. DUBOS.

BELLE-DE-JOUR ET BELLE-DE-NUIT

Les doux rayons de l'Aurore Ce matin guidaient mes pas. Je vois deux filles de Flore, L'une se pressant d'éclore, L'autre voilant ses appas.

Aux feux dont l'air étincelle, S'ouvre la Belle-de-jour ; Zéphir la flatte de l'aile : La friponne encore appelle Le papillon d'alentour.

Coquettes, c'est votre emblème : Le grand jour, le bruit vous plaît ; Briller est votre art suprême ; Sans éclat, le plaisir même Devient pour vous sans attrait.

L'autre fleur, non moins jolie, Qui fuit la clarté des cieux,


LE LANGAGE DES FLEURS 131

Des nuits compagne chérie, Nous montre, en cachant sa vie, Le vrai secret d'être heureux.

Ainsi l'amante timide, Qui craint les malins discours, Prend le mystère pour guide, Et, dans l'ombre, court à Gnide Jouer avec les Amours.

S'il est un sort désirable, C'est de pouvoir enflammer Nymphe tendre, douce, affable, .Qui, le jour, sache être aimable, Et qui, la nuit, sache aimer.

BELLE-DE-NUIT

Solitaire amante des nuits, Pourquoi ces timides alarmes, Quand ma muse, au jour que tu fuis, S'apprête à révéler tes charmes? Si, par pudeur, aux indiscrets Tu caches ta fleur purpurine, En nous dérobant tes altraits, Permets du moins qu'on les devine. Lorsque l'aube vient éveiller Les brillantes filles de Flore, Seule tu semblés sommeiller Et craindre l'éclat de l'Aurore.


152 LE LANGAGE DES FLEURS.

Quand l'ombre efface leurs couleurs Tu reprends alors ta parure, Et de l'absence de tes soeurs Tu viens consoler la Nature.

C. DUBOS.

CHEVREFEUILLE

Puis-je oublier l'oeillet de la vallée, Le bouton d'or, la pâle giroflée, Le chèvrefeuille à l'odeur parfumée !

BRUGNOT.

En son essor volage, Le chèvrefeuille, aidé par un lien, Monte, s'attache, et s'enlace au treillage.

CAMP.

CIGUË

La génisse, au retour de la verte saison,

Ne peut, sous la rosée et dans l'herbe menue,

Distinguer à l'odeur l'infidèle ciguë.

CASTEL

CYPRES

Cyprès, qui partagez le deuil de la nature, L'ennui jette sur vous son voile ténébreux.

P. VENANCE


LE LANGAGE DES FLEURS. 133

FOUGÈRE

Chère au fils de Sémèle, odieuse à Cérès, La fougère à son tour fleurit dans nos guérets.

CASTEL.

Vous n'avez point, humble fougère, L'éclat des fleurs qui parent le printemps ; Mais leur beauté ne dure guère, Vous êtes aimable en tout temps.

LÉONARD.

Voici le printemps qui s'avance, Le front couronné de lilas, Devant lui sourit l'espérance, Du bonheur il guide les pas.

Hier, la première hirondelle, Sous mon toit, commençant son nid, M'a dit : J'apporte sous mon aile Le bonheur trop longtemps banni. Voici le printemps, etc.

2'air plus chaud déjà se parfume, De tous côtés naissent les fleurs, Dans les cieux le soleil s'allume : Combien il va sécher de pleurs!... Voici le printemps, etc.

Les cieux ont déchiré leurs voiles. Les champs, les bois sont diaprés :


154 LE LANGAGE DES. FLEURS

Il semblerait que les étoiles Descendent le jour dans les prés... Voici le printemps, etc.

Des buissons qui bordçnt la route Sortent des chants harmonieux ; Le laboureur qui les écoute Se dit, dans un transport joyeux : Voici le printemps qui s'avance, Le front couronné de lilas, Devant lui sourit i'espérance, Du bonheur il guide les pas.

É. L'ÉPINE.

HORTENSIA

Règne aujourd'hui par tes attraits, 0 fleur qu'un goût volage encense' Jouis de tes brillants succès, Mais redoute notre inconstance. Pour fixer nos regards séduits, Tes diverses métamorphoses Tour à tour nous offrent les lis, Les violettes et les roses.

IMMORTELLE

L'automne a fui : dans nos vallées L'hiver ramène les frimas ;


LE LANGAGE DES FLEURS. 135

Déjà les Grâces désolées Ont cessé d'y porter leurs pas. En nous quittant, Flore te laisse Pour nous consoler des beaux jours. Ainsi quelquefois la vieillesse Dérobe une fleur aux amours.

C. DUBOS.

IRIS

C'est une fleur à peine éclose, Qui tient un peu du lis pour la fierté,

Pour la fraîcheur tient de la rose, Du tournesol pour la mobilité ;

Mais par malheur un peu trop vive,

Légère comme le zéphir,

Elle tient de la sensitive,

Et fuit cmand on veut la cueillir.

LAURIER

Dapliné fut sensible et belle,

Apollon sensible et beau :

Sur eux l'amour d'un coup d'aile

Fil voler une étincelle,

De son dangereux flambeau.

Daphné, d'abord interdite, Rougit voyant Apollon.


136 LE LANGAGE DES FLEURS.

Il s'approche, elle l'évite ; Mais fuyait-elle bien vite? L'amour assure que non.

Le dieu, qui vole à sa suite, De sa lenteur s'applaudit ; Elle balance, elle hésite : La pudeur hâte sa fuite, Le désir la ralentit.

Il la poursuit à la trace, Il est prêt à la saisir, Elle va demander grâce. Une nymphe est bientôt lasse Quand elle fuit le plaisir.

Elle désire, elle n'ose... Son père voit ses combats, Et par sa métamorphose A sa défaite il s'oppose : Daphné ne l'en priait pas.

C'est Apollon qu'elle implore ; Sa vue adoucit ses maux : Et vers l'amant qu'elle adore Ses bras s'étendent encore En se changeant en rameaux

MARMONTEL.

MYOSOTIS

Pour exprimer l'amour, ces fleurs semblent éclore ; Leur langage est un mot, mais il est plein d'appas ;


LE LANGAGE DES FLEURS. 137

Dans la main des amants elles disent encore Aimez-moi, ne m'oubliez pas.

NARCISSE

Du sein de l'herbe il sort avec éclat Un bouton d'or sur une longue lige. Bordé de fleurs d'un tissu délicat ; Feuille d'argent qu'un léger souffle abat, Plante agréable et de frêle existence, Enfant de Flore, à peu de jours borné, Doux, languissant, symbole infortuné De la froideur et de l'indifférence.

MALFILATRE.

OEILLET

Aimable OEillet, c'est ton haleine Qui charme et pénètre nos sens; C'est loi qui verses dans la plaine Ces parfums doux et ravissants. Les esprits embaumés qu'exhale La rose fraîche et matinale, Pour nous sont moins délicieux ; Et ton odeur suave et pure Est un encens que la nature Elève en tribut vers les cieux.

C. DUBOS


138 LE LANGAGE DES FLEURS.

ROSE

Tendre fruit des pleurs de l'Aurore, Objet des baisers du Zéphir, Reine de l'empire de Flore, Hâle-toi de f.'épanouir. Que dis-je, Aélas ! diffère encore, Diffère un instant de t'ouvrir, L'instant qui doit le faire éclore Est celui qui doit te flétrir.

GENTIL BERNARD.

Je veux, dans un repas charmant, Entourer ma coupe de roses; Vénus en fait son ornement. Au siècle des métamorphoses La déesse les vit écloses Du sang vermeil de son amant. Quand l'Amour danse avec les Grâces, La rose orne ses beaux cheveux La rose est le plaisir des Dieux ; Le Zéphir en est amoureux Et Flore en parfume ses traces. On aime à cueillir ses boutons, Malgré leur épine cruelle ; Les Muses la trouvent si belle Qu'elle est l'objet de leurs chansons.

Mais elle ira bientôt parer le noir rivage;

Oh ! mes amis ! comme elle on nous verra finir ;


LE LANGAGE DES FLEURS. 139

Eh ! que laisserons-nous après ce court voyage? Une ombre, un peu de cendre, un léger souvenir. A quoi sert d'embaumer nos dépouilles mortelles, Et sur de vains tombeaux pourquoi semer des fleurs? C'est tandis que la vie anime encor nos coeurs, Qu'il faut nous couronner de guirlandes nouvelles.

Profitons du jour serein

Que ramène la nature ;

L'impénétrable destin

A caché le lendemain

Dans la nuit la plus obscure.

Loin de nous chagrin, tourment,

Inquiétude ennemie !

La saine philosophie

Est de voyager gaiement

Sur la route de la vie :

On n'y paraît qu'un instant ;

Je le donne à la folie,

Et je m'en irai content

Dans l'abîme où tout s'oublie.

LÉONARD.

VIOLETTE

Aimable fille du printemps, Timide amante des bocages, Ton doux parfum flatte nos sens, Et tu semblés fuir nos hommages. Comme le bienfaiteur discret, Dont la main secourt l'indigence,


140 LE LANGAGE DES FLEURS.

Tu me présentes le bienfait Et tu crains la reconnaissance.

DUBOS.

Discrète, La violette Sait s'attacher A se cacher, Pour mieux se faire rechercher. Modeste et belle, Fille, comme elle, Doit à son tour Fuir sans retour Les feux du jour Et de l'amour.

DUPATÏ.


LES FLEURS

AVEZ-vous senti dans les prairies, au mois de mai, ce parfum qui communique à tous les êtres l'ivresse de la fécondité? Une petite herbe, la flouve odorante, est un des plus puissants principes de cetle harmonie voilée. Mettez sss lames luisantes et rayées comme une robe à filets blancs iA verts dans un bouquet; ses inépuisables exhalaisons remueront au fond de votre coeur les roses en bouton que la pudeur y écrase. Autour du col évasé de la porcelaine, supposez une forte marge, uniquement composée des touffes blanches particulières au sédum de la vigne ; de cette assise sortent les spirales des liserons à cloches blanches, les brindilles de la bugrane rose, mêlées de quelques fougères, de quelques jeunes pousses de chêne, aux feuilles magnifi 1uement colorées et lustrées, humble comme des saules plcti. reurs, timides et suppliantes comme des prières. Au-dessus, voyez les fibrilles déliées,, fleuries, sans cesse agi'ées de l'amouie'îe purpurine, qui verse à Qots ses anthères florescentes : les pyramides neigeuses du pàttirin des cnamps et des eaux, fa verlechevelure de bromes stériles, lespanaches effilés de ce? agrostis, nommés les épis du vent : vi lâtres espérances, dont se couronnent les premiers rêves, et qui se détachent sur le fond gris de lin, où la lumière rayonne autour de ces herbes en fleur. Plus haut, quelq es roses de


142 LE LANGAGE DES FLEURS.

Rengale clair-semées parmi les folles dentilles du danois, Jes plumes de la luiaigrette, les marabouts de la reine des ares, les ombelles du cerfeuil sauvage, les blonds cheveux ae la clématite en fruits, les mignons sautoirs de la croisette au blanc de lait, les corymbes des mille-feuilles, les liges diffuses de la fumeterre aux fleurs roses et noires, les vrilles de la vigne, les brins tortueux des chèvrefeuilles; enfin tout ce que ces naïves créatures ont de plus échevelé, île plus déchiré, des flammes et des triples dards, des fleurs lancéolées, déchiquetées, des tiges tourmentées comme les désirs entortillés au fond de l'âme. Du sein de ce prolixe torrent d'amour qui déborde s'élance un magnifique pavot rouge, accompagné de ses glands prêts à s'ouvrir, déployant les flammes de son incendie au-dessus des jasmins étoiles, et dominant la pluie incessante du pollen, beau nuage quv papillote dans l'air, en reflétant le jour dans ses mille parcelles luisantes! Quelle femme enivrée par la senteur d'aphrodite cachée dans la flouve ne comprendra ce luxe d'idées soumises, cette blanche tendresse troublée par des mouvements indomptés, et ce rouge désir de l'amour, qui demande un bonheur refusé dans les lutles cent fois recommencées de la passion contenue, infatigable, éternelle! Mettez ce discours dans la lumière d'une croisée, afin d'en montrer les frais détails, les délicates oppositions, les arabesques, afin que la souveraine y voie une fleur plus épanouie, et d'où tombe une larme ; elle sera prête à s'abandonner. — Il faudra qu'un ange la retienne.

H. DE BALZAC.

Qui pourrait ne pas aimer les fleurs quand on songe que, seules dans la nature, elles font toujours du bien et jamais


LE-LANGAGE DES FLEURS. 1Î3

du mal; que toujours fécondes en charmes et eu douceurs, elles ne nuisent jamais à rien, ni à personne.

Par une exception unique, elles n'ont pris que le beau côté des choses de ce monde et rien de la triste contrepartie qu'on trouve trop souvent dans la nature humaine.

La plupart sont admirablement belles, et aucune en retour ne se montre d'une laideur repoussante. Le plus grand nombre d'entre elles ont un délicieux parfum et bien peu de désagréables odeurs. Ensuite, par une particularité remarquable de leur essence toute bienfaisante, celles dont le calice contient un suave encens le répandent au loin, tandis que celles qui portent une acre senteur ne l'exhalent pas au dehors. En entrant dans un jardin, ou se sent enveloppé des flots de parfums de l'oranger, de l'héliotrope; le doux arôme suit tous les pas et se répand au loin. Le géranium, au contraire, garde si bien son odeur dans son sein que pas un souffle d'air ne vous l'apporte ; vous passez auprès de lui sans vous apercevoir de rien que de ses belles couleurs.

Les fleurs, si bien partagées, n'ont rien non plus des disgrâces humaines : leur enfance en feuillage et en boutons est toute charmante, et la décomposition, si repoussante chez les autres êlres, ne paraît pas en elles : leur mort est une neige abondante qui tombe sur la terre.

Aussi, dans tous les lieux, dans tous les temps, cette belle partie de la création a été l'une de nos affections lesplusvives.

Dans les hôtels à la mode, les escaliers, les salons, sont garnis de fleurs ; les jardinières mettent des rideaux de feuillages devant les fenêtres ; les cheminées se changent en parlerre; on a inventé des lustres d'été pour mettre des fleurs jusqu'au plafond. Elles forment les plus charmants décors aux lambris, elles forment la plus charmante parure dans la main des femmes.


144 LE LANGAGE DES FLEURS.

Si les riches s'entourent de fleurs, les pauvres n'en sont pas moins jaloux.

Souvent ceux qui n'ont pas de quoi acheter du pain achètent des fleurs. Dans une rue qui descend du marché, on voit passer une pauvre femme apportant un pot de pensées, précieusement serré entre ses deux mains... Elle le regarde, elle sourjt... ce sourire étranger sur ses traits maigres et flétris montre que les fleurs sont le bonheur de ceux qui n'en ont pas... Un instant après, en levant les yeux au dernier étage d'une sombre masure, on voit reparaître ,'.e pot de pensées à la fenêtre de la mansarde, dont il éclainira la tristesse.

Dans nos temps civilisés, ce goût des fleurs doit sembler naturel, mais on le trouve aussi au plus haut degré dans les siècles barbares de nos pères.

On est étonné de voir quel extrême intérêt ces hommes si rudes et si matériels attachaient à des fleurs. Le don d'un chapel de roses ou de violettes était pour eux chose de haute importance; il formait parfois toute la dot d'une mariée. On trouve beaucoup de vieilles chartes où sont gravement consignés des redevances de roses. Ainsi les ducs et pairs qui avaient leur pairie sur le ressort du parlement, devaient une fois l'an faire baillée aux roses aux vénérables magistrats de ce corps. C'était une cérémonie très-sérieuse, que présidait le roi, et pour laquelle le palais de la Cité revêtait ' sa pompe des plus grands jours.

Les fleurs avaient alors tant de prix qu'une grande partie des environs de Paris était consacrée à leur culture ; il y avait plus de terres employées à produire des fleurs que du blé ; on les regardait comme une des richesses de la France. De ces vastes champs de fleurs il s'en est conservé quelques-uns Jusqu'à nous; les terrains de Fontenay-aux-Roses, par


LE LANGAGE DES FLEURS. * ■ 145

exemple, gardent encore leur ancienne destination. En contemplant cet espace, qui depuis douze ou quinze cents ans produit des fleurs chaque été, en songeant à toutes les moissons radieuses qui se sont épanouies sur cette terre, la pensée est éblouie de tout ce qui s'amasserait là de roses si on pouvait les voir réunies... On escaladerait le ciel sur cette montagne parfumée !

De tous les objets extérieurs, ce sont les fleurs qui se lient le plus étroitement à nous, elles semblent faire partie de notre existence.

Elles interviennent dans toutes les choses de la vie publique et privée. Elles sont près de nous au baptême, au mariage, dans le champ où nous allons chercher le repos éternel. A notre fête, elles sont le symbole du bonheur qu'on nous souhaite. Elles entrent à propos de tout dans les demeures ; elles se mêlent aux plaisirs, aux choses saintes ; elles vont à la messe, elles vont au bal. Dans la vie publique, _ elles ornent les places, les monuments, elles consacrent toutes puissances; nulle souveraineté royale ou populaire n'a pu se passer d'elles.

Mais c'est surtout dans la vie journalière et privée que la présence des moindres végétaux a des charmes, parce que là on a le temps de les contempler, de les étudier, et plus on observe ces merveilleux phénomènes de la nature, plus on les admire, un bourgeon qui s'épanouit doucement, et de son tube étroit jette une large gerbe de feuilles et de fleurs, c'est un miracle qui s'opère sous vos yeux, c'est une chose charmante qui naît de rien, c'est l'air et le soleil qui, dans leur travail splendide et mystérieux, accomplissent leur oeuvre sur cette fenêtre.

CLÉMENCE ROBERT

10


LA MARGUERITE

ET

LA VERVEINE

UN marchand drapier des environs de la place SainteOpportune, M. Bénard fils et compagnie, était assis devant Simon, son jardinier. M. Bénard était bourgeois de Paris, d'une ignorance phénoménale, et lisait quotidiennement le Charivari, ce qui naturellement l'avait conduit dans les régions du scepticisme.

Cependant Simon Troëen, natif de Gand et jardinier de profession, conservait encore quelques-uns des attraits de cette belle et fraîche nature qui l'avait fait, dans son temps, le sujet de plus d'un rêve de jeune fille à marier. Au moment où il subissait le regard de M. Bénard fils et compagnie, il était planté droit devant une plate-bande du jardin de la villa que possédait le drapier, vers les latitudes de Sèvres et de Meudon, et où le sceptique marchand allait, par les beaux soirs d'été, chercher d'autres aspects et d'autres parfums que ceux offerts par la place Sainte-Opportune.

Sans s'inquiéter autrement de l'air railleur de Bénard,


LE LANGAGE DES FLEURS. 14T

Simon Troëen, le bras tendu en avant, désignait du doigt deux charmantes fleurs dont les tiges se balançaient doucement au souffle d'une tiède brise de juin. Et il disait avec feu :

— Oui, monsieur Bénard, oui, avant quinze jours, vous le verrez par vos yeux... si vous laissez cette verveine à côté de

. cette marguerite, la verveine périra : cette pauvre petite, elle périra de jalousie !...

— De jalousie!... dit le marchand avec un sourire charivaresque.

— De jalousie, Jésus, mon Dieu ! Quand je vous répète que c'est un fait, un vrai fait... Enfin, Paris a des savants, et...

,— Je ne crois pas aux savants, fit Bénard. •

— Mais, reine du ciel! reprend Simon, j'ai vu, vu... moi-même avec ces fleurs que voilà... Qu'avez-vous à répondre, monsieur Bénard?...

■ '■-r- Que tu as vu de travers...

— Oh!... oh!... oh! s'écria Simon ne pouvant s'empêcher de frapper du pied d'impatience, malgré son respect pour son patron... Oh!... si je vous contais...

•—■ Conte, dit le marchand, s'asseyant sur un meuble rustique de la façon de Simon; conte, mais je te préviens que, nous autres Parisiens, nous sommes devenus bien incrédules, nous ne croyons plus guère qu'aux révolutions !

Simon, autorisé, prit une attitude oratoire et commença ainsi :

— Voyez, monsieur Bénard, j'avais comme aux environs vingt ans. Depuis une couple d'années, on commençait à parler de moi à Orcbies où je suis né : c'est que, sans chercher à me vanter, on a rarement vu un garçon s'acharner


lïb LE LANGAGE DES FLEURS.

aux fleurs comme je faisais. Ce n'était pas pour gagner mes quarante sous par jour que, dès trois heures du matin, enété, je me mettais à gratter, à sarcler, à feuiller, arroser les plates-bandes de notre jardin ! Mais c'est que je n'étais heureux qu'avec mes fleurs. Et en effet, monsieur Bénard, je vous le demande, y a-t-il au monde rien de plus charmant que ces petits joujoux du bon Dieu, qu'il semble avoir inventés pour réjouir les yeux et le coeur des âmes bonnes et honnêtes?

Or, voilà qu'un jour que j'étais en extase devant une marguerite et une verveine, précisément les soeurs de cellesci, monsieur Bénard, mon père arrive et me dit : « Simon, tu as vingt ans, je veux te marier, mon garçon. — Fort bien, mon père, que je réponds eu mettant un tuleur à la marguerite ; car elle promettait une telle abondance de fleurs, que je voyais bien qu'elle ne serait jamais en état de les porter. — Ecoute, reprit mon père, il y a en face de notre maison deux jolies filles, l'honnêteté et la sagesse mêmes; l'une, c'est Louise, l'autre, c'est Annette : laquelle préférerais-tu, mon enfant?—Celle que vous préférerez vousmême, répondis-je en faisant un geste d'impatience : car en enfonçant le tuteur de ma marguerite je venais de le casser.

— Mais, reprend mon père, c'est à toi seul de faire ton choix. Demain dimanche, nous irons à la feuillée, tu fera.; danser ces bonnes filles, et ensuilc tu me diras ton goût. — C'est convenu, fis-je en jetant quelques goutles d'eau à ma verveine, vu que le ciel était enflammé ce jour-là, qu'elle aurait eu beau lui demander le lendemain matin quelques gouttes de rosée, elle n'aurait pas eu seulement une larme, la pauvre petite !

Le lendemain dimanche, eh revenant le soir de la danse,


LE LANGAGE DES FLEURS. 149

mon père but une canette de bière et me dit : Eh bon?... '—!- Dame!... mon père... moi, je ne sais pas trop... Annette et Louise me paraissent également deux bien braves filles.

— Diable ! fit le vieux Troëen, tu ne peux cependant pas les épouser toutes les deux ; il faut faire un choix.

. —Ah ! père, répondis-je, s'il s'agissait de décider entre une rose et un dahlia, je me tirerais bien d'affaire ; mais entre deux femmes, quelle différence peut-il y avoir? Je vous répète que je désire que vous choisissiez.

— Non, reprit mon père, ça doit venir de toi, et avec le temps ça viendra. En attendant, et puisque lu ne sais pas encore laquelle tu préfères, il faut les bien disposer toutes des deux.

Et, sans attendre ma réponse, voilà mon vieux bonhomme qui prend sa bêche, fait quatre entailles à la terre, approche un joli pot en faïence bleue, et y dépose ma marguerite chérie, puis, cela fait, recommence l'opération pour la verveine, et, me regardant en souriant me dit :

— Porte-leur ça : la marguerite à Louise, la verveine à Annette.

— Oh ! fis-je le coeur serré, donner ma marguerite et ma verveine!... » C'est que, savez-vous, monsieur Bénard, qu'il n'y avait rien de pareil dans la contrée, depuis Orchies jusqu'à Lille et Douai ! J'avais peut-être semé dix livres de graines, avant d'obtenir ces deux trésors-là ! Voilà comme elle est, la nature, elle vous regarde peiner, souffrir pendant des années pour vous donner du fretin, et puis un beau jour elle se met à dire : Faut pourtant le récompenser ce brave homme ! Alors elle nous envoie une de ces fleurs à couleurs splendides, rares, fines, délicates, à liges fournies, abondantes, sveltes, distinguées comme des marquises ; d'autres


150 LE LANGAGE DES FLEURS.

fois, enfin, de ces plantes que, quand on s'arrête devant, ce n'est qu'un cri de joie et d'admiration.

Et mon père voulait me séparer de ma marguerite et de ma verveine !..

Mais c'était un vieux malin, et, malgré les deux grosses ' larmes qu'il voyait rouler dans mes yeux, il s'y prit si bien, que, deux heures après, l'une était sur la fenêtre de Louise, l'autre sur celle d'Annette, à deux pieds de distance. Elles pouvaient encore se voir et causer ensemble, ces deux amours ! * t

Je dis ça, parce que je ne savais pas qu'elles allaient devenir jalouses l'une de l'autre, ces pauvres petites !

Le dimanche suivant, mon père vida de nouveau sa canette et me dit comme le dimanche d'avant : « Eh ben?...

— Eh ben, mon père, c'est toujours de même. Louise et Annette sont deux braves filles, aimables, fraîches comme des pâquerettes d'avril, et du diable si j'oserai dire que celle-ci me va mieux que celle là. Encore un coup, pourquoi ne pas m'aider à me déterminer?

— Parce que je ne veux pas avoir la responsabilité de ton bonheur futur. »

Mais c'était un vieux malin, comme je vous ai dit. Tout en ayant l'air de ne pas m'influeucer, il manoeuvrait en dessous pour que je me décidasse en faveur de Louise. Il/, l'avait prise à part, il avait été plusieurs fois chez elle en" cachette; il avait si bien jacassé enfin, que la pauvre fille s'imaginait que je la préférais à Annette et de beaucoup. Le fait est que je ne pensais qu'à ma marguerite et à ma verveine.

Car il ne faut pas croire que je les avais oubliées, allez, monsieur Bénard !... Non !. ;. non !... Chaque jour, en allant au jardin, je me rangeais devant notre porte, et pendant dix


LE LANGAGE DJ1S FLEURS. 151

bonnes minutes je les couvais du regard sur la fenêtre où elles étaient perchées : on m'aurait dit alors que la maison brûlait, que je n'aurais pas détourné lés yeux, bien sûr ! -rPendant trois semaines, je fus enchanté; mes fleurs se portaient comme des charmes, les feuilles se terminaient divinement, les boutons s'épanouissaient que c'était une bénédiction; on voyait bien qu'il y avait là dedans de la santé, delà vie pour l'éternité!... Toutàcoup... c'étaitun lundi... je ne l'oublierai jamais... même que la veille j'avais fait danser Louise deux fois plus qu'Annette : c'est que mon père, qui poursuivait toujours en dessous son idée, m'avait dit qu'Annette était retenue, bien que ce ne fût pas... Donc, ce lundi, je regarde comme à l'ordinaire, d'abord la marguerite : elle rayonnait de santé; mais laverveine d'Annette... Oh ! Dieu, monsieur Bénard, il n'y avait pas à s'y tromper... Elle couvait une maladie. Déjà plusieurs feuilles se penchaient le long de la tige en se tordant, et quelques fleurs se courbaient et pâlissaient, au lieu d'éclater au soleil levant, droites et feuillantes comme jadis!

Je vous demande si je fus saisi!... Mais que faire? il était trois heures du matin. Je ne pouvais pas réveiller Annette. D'un autre côté, attendre était impossible; j'avais inligé des camellias chez un amateur du voisinage, et j'aurais mieux aimé mourir que de les négliger. — Après un quart d'heure d'irrésolution et d'angoisses, il fallut bien partir, et, pour me consoler, je me disais en marchant: Ça ne peut pas être grave, ça ne peut demander qu'une goutte d'eau ' et une pincée de terreau; or, Annette, elle, la plus attentive et la plus soigneuse des filles, elle apercevra le mal, et saura le guérir.

Ah! comme on se fait illusion ! Le lendemain, c'était pis,


152 LE LANGAGE DES FLEURS.

il étail évident que le mal gagnait ; le surlendemain nouvelles feuilles et nouvelles fleurs malades, enfin jusqu'au dimanche des progrès effrayants! Quoique sûr des soins d'Annelte, j'aurais voulu lui parler ; mais il fallait partir à trois heures du matin et ne rentrer qu'à la nuit, quand tout le monde était couché.

Enfin le dimanche arriva ! — Et si, à cause des offices auxquels elle était assidue, comme une honnête fille doit l'être, je ne pus l'entretenir, le soir je devais la voir à la danse. En effet, à peine arrivé sous la feuillée, je cherchai Annette des yeux, et je l'aperçus à l'extrémité de la salle ; j'allais y courir, quand mon père mit ma main dans celle de Louise, et nous poussa au milieu d'un quadrille. Quitter Louise alors eût été lui faire un affront ; il fallut danser. — Bon! me dis-je, mais après la figure je courrai à Annette, et je saurai ce qu'a ma verveine, je le saurai.

Ah! monsieur Bénard, quel guignon!... Pendant que je dansais, il paraît qu'Annette se sentit indisposée. Sa mère dut la ramener aussitôt, si bien que je ne pus lui dire un mot..

C'était pourtant bien pressant : car à la pointe du jour, dès qu'il fui possible de distinguer les objets, et jetant avec anxiété un coup d'oeil sur mon amour de fleur, je ne pus retenir un cri douloureux. Toutes les feuilles se penchaient vers la terre, comme celles d'un saule pleureur ;. on sentait que la sève ne circulait plus, on devinait que la pauvre plante allait se flétrir et mourir!...

Je rappelai mon sang-froid pour tâcher de découvrir un remède, et je ne découvris rien. Si elle était dans les mains d'une autre, me disais-je, je penserais qu'elle manque d'eau, mais Annette est incapable de négliger une amie. Alors qu'est-ce qu'elle a? qu'est-ce qu'elle a? ajoulais-je avec désespoir.


LE LANGAGE DES FLEURS. 155

C'est que je l'aimais d'autant plus ma verveine, que je voyais sa soeur, la marguerite, resplendir de santé sur la fenêtre de l'escalier. Et vous savez, monsieur Bénard, celui de ses enfants qu'on aime le plus est celui qui va mourir.

Tout à coup je fus frappé d'une idée et je m'écriai : Ce n'est pas la terre, ce n'est pas l'eau, ce ne sont pas les soins qui lui manquent, par conséquent; si elle est malade, c'est de jalousie. Elle est jalouse de la marguerite, elle est jalouse de la marguerite ! Elle l'est i j'en mettrais ma main au feu !

A ce moment Annette ouvrit la fenêtre ; elle était pâle, on voyait qu'elle souffrait encore, mais moins que ma verveine. « Mon Dieu! Annetle, que je lui dis en la lui montrant, ne voyez-vous pas que cette pauvre petite se meurt ! » Elle me fit un signe de tête affirmatif, et d'un air bien triste : « Eh bien ! repris-je, ce n'est pas de votre faute, j'en suis sûr, et d'ailleurs je sais ce qu'elle a, elle est jalouse de sa voisine la marguerite. » Annette ne me répondit pas, mais elle se remit à pleurer. « Oh! ne vous fâchez pas, ajoutai-je aussitôt, je sais bien qu'il n'y a pas de votre faute; mais si on ne la retire pas de là, elle périra. Confiez-la-moi pour quelques jours, et que Dieu me damne à toute éternité si je ne lui rends la vie... »

Elle se pencha en avant et me tendit le pot de fleurs ; je le saisis en me levant sur la pointe des pieds, je l'emportai dans notre cour, et je le confiai à mon père; car mes camellias ne me permettaient pas de rester.

Au bout de trois jours que la verveine n'était plus près de la marguerite, elle était redevenue plus brillante que jamais ; aussi mon père, à qui je n'avais pas communiqué mes soupçons sur la cause de sa maladie, la rendit à Annette sans me consulter, et pendant quej'étais absent de la maison.


154 LE LANGAGE DES FLEURS.

Et puis, quand je rentrai le soir, il me dit malicieusement : « Simon, je vois ton affaire à c't'heure... C'est décidément Louise que tu préfères : tu n'as fait danser qu'elle dimanche dernier. — Mais, père, Annette ayant quitté le bal, je ne pouvais pas... — Ta,ta, ta, reprit le vieux Troëen, ce n'est pas une raison. Tu n'as fais danser que Louise, je te dis... donc tu la préfères, entends-tu ! Aussi je l'ai demandée aujourd'hui, et tu l'épouseras dans huit jours. —Avec plaisir, répondis-je, car Louise est une bonne fille, et je suis sûr qu'elle me rendra heureux. »

Et alors il m'apprit ce qu'il avait fait de la verveine.

Ça me donna un coup. Cependant je ne lui confiai pas ma pensée sur la cause du mal, car c'était un vieux malin, comme vous savez, et je craignais ses moqueries ; mais, dès le surlendemain, l'évidence était complète ; déjà la verveine pâlissait, et à la fin de la semaine, le jour de mon mariage en lui donnant un dernier coup d'oeil, je vis qu'elle n'en avait pas pour deux heures à vivre.

Tandis que sa soeur, la marguerite, déployait à côté ses superbes et orgueilleux panaches.

Le soir de ce beau jour, on avait transporté celle-ci sur la table du festin, elle trônait au milieu. Louise, placée à ma droite, me la montrait en souriant; quoique je fusse heureux d'épouser une si bonne créature, je me sentais le coeur gros, en songeant que ma verveine était peut-être : morte à l'heure qu'il était! A ce moment-là on me remit un billet d'Annette; voici à peu près ce qu'il disait :

« C'est fini, monsieur Simon... comme vous reveniez tantôt delà messe, j'ai regardé ma verveine, j'ailâté ses tiges, ses feuilles, ses fleurs... Tout était sec et mort! On dira peut-être que, depuis huit jours que je ne me porte pas bien, je l'ai négligée!... Non, ce n'est pas cela... Cette


./,.' LE LANGAGE DES FLEURS. 155

marguerite à côté, si belle, si triomphante, et qu'on lui préférait... Enfin, vous avez deviné, elle est morte de jalousie...

« Soyez heureux, monsieur Simon, — moi, je pars, je quitte la chambre, le quartier... En reslant ici, je songerais toujours à ma pauvre verveine, et cela me ferait trop de mal... Adieu...

« ANKEITE. »

Eh bien? monsieur Bénard, me soutiendrez-vous encore qu'une fleur ne meurt pas de jalousie?

PlIILirPF, DE MARVILLE.


LA TULIPE DU SAVETIER

ON voyait, il y a une trentaine d'années, au coin de la rue de Leyde, une misérable échoppe de savetier ; c'était l'unique patrimoine de Graaf, qui l'habitait avec sa femme Jeanne. Ce pauvre couple, jeune encore, était entré dans la vie par un de ses sentiers les moins fleuris; Jeanne n'avait jamais connu d'autre jouissance que celle d'admirer, non sans envie, sur les autres femmes, les belles toilettes qu'elle ne pouvait porter elle-même; quant à Graaf, tous ses plaisirs se résumaient dans la culture d'un oignon de tulipe, présent du hasard qui le lui avait fait découvrir parmi quelques débris de plantes jetés au pied du mur contre lequel s'appuyait son échoppe. Graaf était, il faut bien le dire, infiniment mieux partagé que sa femme; tandis que celle-ci ne récoltait que de vains désirs et d'amers regrets, il avait, lui, chaque année, la satisfaction de voir sa tulipe acquérir, grâce aux soins vraiment paternels qu'il lui prodiguait, un beau développement et d'admirables proportions.

Au moment où se passait le fait que nous allons raconter, l'élève de Graaf avait atteint l'apogée de son éclat ; les pas^ sants se groupaient devant l'échoppe, pour admirer, les


LE LANGAGE DES FLEURS. 157

uns, la délicatesse, les autres, l'heureuse combinaison des nuances; ceux-ci, la coupe élégante des pétales; ceux-là, le port gracieux de la hampe ; tout cet ensemble harmonieux qui est le véritable cachet de la perfection. Jamais, disaiton d'un accord unanime, on n'avait vu plante réunir tant de qualités précieuses, ni à un si haut degré ; et chacun ajoutait : « Il n'y a pas au monde une tulipe capable de disputer, cette année, à la tulipe de Graaf, le grand prix de dix mille rixdales. » Dieu sait quelle joie portaient dans l'âme de Graaf des propos si flatteurs pour son amour-propre ! Une autre oreille, celle de Jeanne, ne s'ouvrait pas moins avidement aux éloges de la foule; ce n'était pas une petite séduction pour elle que ce pronostic d'un prix de dix mille rixdales : que de voeux longtemps stériles allaient être enfin satisfaits ! — Car Graaf avait une tendresse réelle pour sa femme, et ce n'était certes pas son coeur qu'il fallait accuser de la mise plus que modeste de Jeanne. — Quelles belles toilettes elle se promettait d'étaler, à son tour, aux regards des femmes qu'elle avait tant enviées !

Satisfaction d'amour-propre pour le présent, contentement de vanité pour l'avenir. Graaf et sa femme pensaient avoir tout ce qui constitue le bonheur; et depuis la construction de leur petite échoppe, nul ne se souvenait d'avoir vu s'y épanouir deux figures plus réjouies.

Mais il y avait, dans le voisinage de Graaf, un riche banquier dont le visage s'allongeait et s'assombrissait d'une façon non moins remarquable; ce visage était celui de M. Burmann, l'amateur de tulipes le plus renommé des Pays-Bas. Depuis plusieurs années, M. Burmann avait si constamment triomphé de toutes les concurrences, que le .prix de dix milles rixdales semblait être devenu définitivement sa propriété; et, cette fois, il allait se voir détrôner


158 LE LANGAGE DES FLEURS.

par un simple savetier! Les tulipes de son splehdide parterre allaient courber la tête devant une tulipe d'échoppe ! Quel rude soufflet sur la joue du banquier que cette victoire du prolétariat sur la finance !

Tout à coup, un matin, à la suite d'une nuit sans sommeil, un éclair de joie brille dans les yeux de M. Burmann :

— C'est le ciel qui m'envoie cette idée, s'écrie-t-il ; je ne subirai point l'humiliation d'une si honteuse défaite.

Il y a toujours ressources et espoir pour l'homme qui possède de l'argent.

M. Burmann se rend aussitôt à l'échoppe de Graaf :

« Bonjour, maître Graaf; vous avez là une belle tulipe.

— Assez belle, répond Graaf en donnant à sa voix, pour cette réponse modeste, son inflexion la plus orgueilleuse.

— Oui, ma foi, reprend Burmann après quelques instants d'un minutieux examen ; elle pourrait figurer honorablement dans une collection d'amateur.

— Vous n'êtes pas le seul de cet avis, monsieur Burmann.

— Je ne serais vraiment pas éloigné de l'admettre à figurer dans la mienne, qui est, vous le savez, la plus riche et la plus complète du royaume.

— Je sens tout le prix d'un pareil éloge.

— Tenez, maître Graaf, j'ai pour habitude d'être rond en affaires, voulez-vous me vendre votre tulipe? je vous en offre mille rixdales. »

Burmann, convaincu qu'un tel chiffre doit avoir ébloui le savetier, avance déjà la main vers la tulipe ; Graaf saisit le vase où est la plante et le rentre vivement dans son échoppe, avec un mouvement superbe d'indignation.

« Je suis étonné, Graaf, de vous voir accueillir de la sorte une proposition que vous devriez considérer comme une bonne fortune.


LE LANGAGE DES FLEURS. 159

— Je vis petitement de mon travail, j'en conviens; mais je ne demande rien à personne.

-—Allons, j'ai trop laissé voir mon désir ; c'est une faute, et vous en profitez ; qu'à cela ne tienne, je suis homme à m'exécuter : voulez-vous cinq mille rixdales ?

— Pas davantage, monsieur Burmann. »

Et le ton de Graaf est si résolu que le banquier en demeure tout interdit.

« Écoutez, maître Graaf, dit-il après quelques minutes de réflexion, je vois qu'il serait inutile de jouer au fin avec vous; je vais donc m'expliquer sans détour : votre tulipe est irréprochable, elle peut se présenter avec avantage au concours et disputer le prix, même aux plus belles de ma collection ; et si je suis venu vous faire des offres...

■— C'est afin de vous épargner une défaite?

— Précisément. Or, il résulte nécessairement de nos deux positions que je tiens moins à la valeur du prix qu'à l'honneur de le remporter, tandis que, de votre côté, c'est l'inverse qui a lieu. Rien de plus facile à concilier : je vous payerai votre tulipe dix mille rixdales ; à vous l'argent, à moi l'honneur.

— Il me faut l'honneur et l'argent, répliqua le savetier avec la plus grande tranquillité. »

Mais Burmann, devant cette obstination, a retrouvé tout son sang-froid d'homme d'affaires.

« Vous réfléchirez, maître Graaf; seulement je vous pré. viens que je retire mes offres si dans deux heures la tulipe n'est pas dans mon hôtel. »

Et il s'éloigna sans même détourner une seule fois la tête.

Deux yeux le suivirent avec inquiétude dans cette brusque retraite, non pas les yeux de Graaf, resté impassible sur son


ICO " LE LANGAGE DES FLEURS.

escabeau, mais ceux de Jeanne dont la tête, penchée à la fenêtre de l'échoppe, s'inclinait tristement à chaque pas que faisait le banquier pour se rapprocher dé son hôtel. S'armant enfin de courage, elle se retourne vers son mari et lui dit :

« Quelle sottise d'avoir rejeté la proposition de ce généreux M. Burmann ! »

C'était la première fois, depuis dix ans de ménage, que Jeanne se permettait un blâme, et ce ne fut pas sans une légère émotion que le savetier répondit :

« Qu'en savez-vous, Jeanne?

— Je sais qu'avec dix mille rixdales tu pourrais vennre cette laide et vieille échoppe et former un bel établissement dans un des plus riches quartiers de la ville.

— C'est bien mon projet, et je compte l'exécuter avant peu.

— Avec quels fonds, s'il vous plaît?

— Avec les fonds du grand prix ; qui valent, je crois, : ceux de M. Burmann.

— Et si ce n'est pas toi qui l'obtiens, ce grand prix?

— Femme, notre voisin n'est pas homme à jeter ses rixdales par la fenêtre ; s'il n'était pas convaincu de !a supériorité de mon élève, il ne serait point venu de lui-même m'offrir juste la valeur du grand prix.

— Et moi, je dis que, s'il n'y avait pas de doute dans son esprit, il n'eût pas hésité à t'en proposer le double... Un nomme qui a des millions et qui met la gloire au-dessus de l'argent!

— C'est que, vois-tu, Jeanne, ma» aussi j'ai soif de gloire.

— Mon Dieu, Graaf, prends un peu la peine de raisonner, je V6ux hien que le prix soit accordé à ta tulipe, lors*


LE LANGAGE DES FLEURS. 101

que tu l'auras vendue à M. Burmann, est-ce que chacun ne sait pas que, cette tulipe, c'est toi qui l'as élevée? La gloire de notre voisin ne sera jamais qu'une fausse gloire, et toi, dans tous les cas, tu auras palpé des écus qui n'auront rien de chimérique. »

II est à croire que ce raisonnement parut à Graaf ne pas manquer de solidité ; une heure ne s'élait pas écoulée qu'il entrait dans le cabinet deM. Burmann, tenantsous son bras le vase où était la tulipe, et donnant l'autre à la prudente Jeanne qui, dans la crainte que son mari ne cédât à quelque mouvement d'hésitation, avait voulu voir jusqu'au bout le sacrifice s'accomplir.

« Je vous attendais, dit M. Burmann, voici vos dix mille rixdales en bons billets de banque.

Graaf avança la main pour recevoir les billets, et posa le vase sur le bureau du banquier. Celui-ci, dont les yeux rayonnaient de joie, arracha la plante, la jeta à terre et se .mit à la fouler aux pieds.

— Juste ciel ! que faites-vous? s'écria Graaf.

— Je m'assure tout l'honneur du prix, répondit M. Burmann; le beau mérite pour moi d'être vainqueur avec la tulipe de maître Graaf ! Burmann ne doit triompher qu'avec un élève de Burmann. i>

Graaf rentra chez lui la mort dans le coeur.

« Bah! fit Jeanne, il nous reste de quoi nous consoler.

— Jamais! »

Jeanne se prit à rire et ouvrit, sous les yeux de son mari, sa main qu'elle avait tenue jusque-là soigneusement fermée.

Graaf laissa échapper un cri de surprise et se mit à rire

encore plus fort que Jeanne.

« Allons, dit-il, partie remise à trois ans. »

11


162 LE LANGAGE DES FLEURS.

En effet, trois ans plus tard, maître Graaf, devenu le bottier en vogue de la ville de Leyde, remportait le prix annuel de dix mille rixdales décerné à la plus belle tulipe par la Société d'horticulture.

Voici le mot de l'énigme : pendant qae Burmann foulait aux pieds la tulipe du savetier, un caïeu s'était détaché de l'oignon, et Jeanne s'en était subtilement emparée.

Moi.Éfii.


DE L'AME

ET DU SENTIMENT DES FLEURS

LES philosophes du vieux monde, et principalement Platon, Aristoteetles autres académiciens, admettaient une première matière agente se mouvant d'elle-même, ayant la sensation de ses mouvements, et pouvant, par conséquent, en apprécier la portée.

Ces philosophes prétendaient que cette matière, faisant mouvoir et agir tout ce qui se meut et agit, était nonseulement un agent, mais encore une espèce d'âme universelle du monde.

Les animaux agissant en vertu de cette espèce d'âme mobile qui était en eux, mus par une portion plus ou moins* grande de cette matière sensible, devenaient sensibles euxmêmes pour régler leurs actions.

Les plantes, mues : elles-mêmes par une portion moins grande de cette matière sensible, agissaient suivant leur composition, se nourrissaient, croissaient comme les animaux, parla nourriture, choisissaient même leurs aliments, les digéraient, les transmuaient en leur propre essence tout comme les animaux et les hommes. Bien plus, elles respi raient, elles transpiraient comme eux, ce qui était apparen


104 LE LANGAGE DES FLEURS.

non-seuhment par l'odeur de leurs fleurs, mais encore par . les émanations de leurs feuilles nouvelles, comme on peut s'en convaincre dans les bois au commencement du printemps. Cette odeur, ces émanations provenaient d'une élaboration de substance comme chez les animaux, ce qui dénotait une vertu expulsive et d'autres propriétés qui sont toutes celles de l'âme.

Tout cela avait persuadé aux anciens qu'il existait dans la nature une sorte d'âme universelle différant de l'âme de l'homme en ce que ses facultés étaient limitées 5 des opéra-^ tions purement matérielles.

Ces points posés et les plantes ayant aussi quelque portion de cette âme qui se meut, qui sent et connaît qu'elle meut, ce ne sera pas un raisonnement illogique de leur donner quelque connaissance de leur état.

Au premier aspect il semble cependant que les diverses sensations devoir, d'entendre, etc., dépendant des organes de l'animal qui peut être sans voir et sans entendre, si l'organe des yeux ou des oreilles vient à lui manquer : il semble, disons-nous, que les plantes, n'ayant aucun de ces organes extérieurs, ne peuvent ni voir, ni entendre, ni parler, ni articuler aucun son. Il y a du vrai là dedans. Le sentiment des plantes se réduit à des sensations internes semblables à celles des animaux. Si elles sentent le besoin de nourriture, elles éprouvent une certaine peine si la nourriture leur manque ; elles languissent comme l'animal. Si l'on arrache certains endroits de leurs branchés, elles sentent quelque peine ou douleur. Manquant de l'organe du son, elles ne peuvent pas se plaindre comme les animaux contre la hache qui les déchire ou les abat; mais l'huître ne crie pas quand des dents avides la mâchent. Les poissons eux-mêmes, tirés hors de l'eau et coupés par morceaux en-


LE LANGAGE DES FLEURS. - 165

core vivants, ne marquent la douleur qu'ils éprouvent que par leurs mouvements et leurs convulsions. Les plantes, qui n'ont pas de mouvement propre, n'ont pas même, il est vrai, ces convulsions, comme marque de leurs sensations. À en juger par la seule vue des sens, on serait tenté, comme Descartes, de leur nier tout sentiment. Mais cependant si, quand la plante manque de nourriture, elle se fane et languit comme tout animal qui souffre quelque mal ; si, quand un lieu ne lui convient pas, elle le fait connaître par sa langueur ; si, quand on la déchire, au lieu du sang que répand l'animal, elle répand le peu de liqueur qu'elle a dans les veines ; si quelques-unes, comme la vigne et le frêne, continuent longtemps à distiller la sève par leurs blessures, on est forcé d'avouer que ce sont là des sensations internes qui constituent le vrai sentiment.

On objectera peut-être qu'à ce compte l'émondage des plantes serait inutile et même nuisible. Mais il peut en être des plantes comme du corps humain dont certaines parties sont privées de sensibilité, telles que les ongles, les cheveux que l'on coupe sans douleur, quoique le sentiment soit trèsvif dans l'endroit où l'ongle et le cheveu tiennent à la chair. Aussi, pour donner à ce raisonnement l'autorité de l'exemple, citerons-nous quelques faits qui auront le double mérite d'exciter la curiosité et de prouver l'existence du sentiment dans les plantes.

Tout le monde connaît la sensitive qui, lorsqu'on la louche, resserre ses feuilles et ramasse ses petites branches en un tas, essayant, autant qu'il lui est possible, d'échapper à l'attouchement douloureux qu'elle semble redouter. Et Yhêliotrope qui se tourne toujours du côté du soleil! et l'arbre triste qui a fait courir tout Paris en 1734, le jour fermant ses fleurs et ses feuilles, ne répandant aucune


105 LE LANGAGE DES FLEURS,

odeur, et la nuit ouvrant les unes et les autres en exhalant une odeur suave ! et le tnasor d'Abyssinie dont parle le P. Kircher 1, qui, contrairement à l'arbre triste, se lève avec le soleil, croit radieux jusqu'à midi, décroît depuis midi jusqu'au coucher du soleil, et rentre dans la terre pour reparaître le lendemain! Et tant d'autres plantes douées d'aussi curieuses particularités ! N'est-ce pas là de la sensibilité avec tous ses caractères?

Ces plantes ne sont pas les seules où se dénote le sentiment : le savant Ray dit à ce sujet 2 :

« Dans certaines contrées du continent africain on trouve en quantité de ces plantes que les anciens ont appelées eschinomènes, que les modernes nomment toujours vivantes et glutineuses, et qui donnent des marques évidentes de sentiment. Si on touche leurs feuilles avec la main ou seulement avec un bâton, même en plein midi, aussitôt elles se retirent et compriment leurs feuilles. Il y a même certaines espèces douées d'un sentiment plus vif et qui, au simple contact, laissent tomber leurs feuilles ou bien se fanent comme si elles avaient été gelées par l'air froid, etc. >>

Le Journal des Savants de Londres corrobore ce fait, en citant, dans l'isthme de Darien, la découverte d'un bois dont les arbres sont tous sensitifs. Thomas Ab Horto 5 cite plusieurs plantes, l'une qui se fane et se sèche immédiatement au contact ; une autre que le vent seul fait resserrer pour s'abriter de lui le plus qu'elle peut; et une troisième qui, au simple attouchement, se ramasse de telle sorte contre terre dans le sable, qu'elle y disparaît et qu'on ne peut la retrouver que difficilement.

1 Magnetic. natur. regnum, p. 31. * Flore africaine, liv. III. 3 Relation du Pérou, c. xv.


■■'\-' LE LANGAGE DES FLEURS. 107

Le savant Rhedi 1, qui forme autorité en matière d'expériences, raconte qu'allant à Livourne, il avait trouvé Sur un arbre une pomme sauvage de la grosseur d'une orange et de la couleur du champignon qu'on appelle champignon marin.

<r Voulant voir sa figure, dit-il, à peine j'approchais le couteau pour la fendre et l'ouvrir, que cette pomme, à chaque piqûre et section que je lui faisais, ridait sa peau, se retirait en elle-même et me donnait des marques évidentes de sentiment et de mouvement. Son intérieur cependant ne contenait qu'une liqueur salée et limpide et des filets en grand nombre, s'étendant de côté et d'autre sans aucun ordre. »

Le gentilhomme Colonne 2, savant naturaliste, rapporte :

« J'ai observé plusieurs végétaux ouvrant leurs fleurs et répandant leur poil quand le soleil paraît et que le temps est beau et serein. Lorsqu'il doit pleuvoir, le tout se referme, et cette indication est plus sûre que celle de mon baromètre. »

Et ailleurs :

« Sur une de mes fenêtres, exposée au midi, j'avais planté quelques jonquilles dans deux pots de faïence. Jusqu'au 15 janvier 1725, l'air ayant été assez doux, leurs pignons avaient poussé des feuilles à l'ordinaire. Ce jour-là, le temps étant subitement passé au froid, feuilles et pignons disparurent presque subitement, comme si cette plante se fût enfermée ou couverte de la terre pour se garantir du froid. Je renouvelai, les années suivantes, plusieurs fois cette expérience, en ayant soin de laisser le pignon de mes jonquilles à peu près enterré aux trois quarts, et chaque

1 Rhedi expérimenta, lib. II, 258.

- Histoire naturelle de l'univers, liv. III, p. 219.


108 LE LANGAGE DES FLEURS

fois, dans des circonstances identiques, le même fait eut lieu. J'attribuai cette sensibilité à la matière subtile de Descartes, et je pensai que cette même matière pouvait aussi produire le même effet sur les Sibériens et les Lapons, vivant sur terre quand il fait chaud et s'enterrant quand l'air est froid : ce qui, à mon avis, abrégerait beaucoup la distance que, dans notre orgueil, nous mettons entre la plante et l'homme. »

Pierre Marlyr * dit que dans les terres des Cariens, il y a des arbres qui, à l'équinoxe du printemps, penchant d'euxmêmes leurs pointes dans la mer, les retirent et les laissent tomber en terre, pour y produire et former de nouvelles racines, afin de conserver l'éternelle propagation de l'espèce.

Le savant Gassendi a porté aussi son témoignage en faveur de cette opinion du sentiment des plantes et de la con- ' naissance de leur état. Mathiole, le célèbre botaniste du dix-septième siècle, avait dit 2 :

« Les plantes ont une âme, ce qu'on aperçoit par plusieurs mouvements semblables à ceux des animaux. Comme, par exemple, de voir par les racines qui leur servent de bouche, de tirer la nourriture de la terre, de la digérer en peu de temps, de la distribuer aussi promptement' aux branches, tiges, fleurs, fruits, etc. »

Commentant ce passage, Gassendi avait fait observer que les plantes étendent leurs racines vers l'endroit où elles peuvent trouver une nourriture convenable à leur nature ; qu'elles se détournent des lieux qui leur sont contraires, passant même à travers des trous et des pierres pour atteindre les endroits où elles peuvent trouver un aliment de leur goût ; qu'elles s'éloignent des lieux qui leur déplaisent,

1 Dêcad. 3, liv. IV.

* Mathiole. Déd. à la grande-duchesse de Florence, 1650, liv. IV.


LE LANGAGE DES FLEURS. 169

comme, par exemple, les choux, la citrouille et d'autres plantes auprès desquelles on met de l'huile et qui vont ger? mer plus loin, d'un autre côté, cette liqueur leur étant désagréable et nuisible. Comme aussi la vigne, qui, plantée près d'un chou, étend ses branches du côté opposé, comme si cette odeur lui déplaisait; et le savant philosophe concluait de là que les plantes ont un sentiment interne qui leur donne une connaissance relative de leur état *.

Et M. de Buffon après Gassendi :

« Si l'on fait attention à l'organisation et à l'action des ■racines et des feuilles, on reconnaîtra bientôt que ce sont là les organes extérieurs dont les végétaux se servent pour pomper leur nourriture ; on verra que les racines se détournent d'un obstacle ou d'une veine de mauvais terrain pour aller chercher la bonne terre; que même les racines se divisent, se multiplient et vont jusqu'à changer déforme pour procurer de la nourriture à la plante. Bien plus, les végétaux ont la même faculté de se reproduire que les animaux, et, ce qu'il y a de singulier, c'est qu'il y a des brutes qui se reproduisent comme les plantes et par le même moyen. La multiplication des pucerons est absolument semblable à celle des plantes par les graines : celle des polypes, qui se fait en les coupant, ressemble à la multiplication dés arbres par boutures. En résumé les plantes se nourrissent, se multiplient, sont sujettes aux maladies, à la mort : donc elles vivent. Elles s'approchent de ce qui leur est profitable, elles s'éloignent de ce qui leur est nuisible; elles affectent certain terrain, certain aspect; elles choisissent leur nourriture, la digèrent, ont l'attention de faire circuler la sève surtout du côté des parties malades ou altérées pour les ré1

ré1 Épit. et Traités. Lyon, 1658, ép. xxxi.


170 LE LANGAGE DES FLEURS;

parer : donc elles sentent. Tout cela donne fort à penser, et l'âme universelle, dont les anciens avaient doté le monde, pourrait bien ne pas être une chimèrei. »

Ce dernier fait acquerra un grand degré de probabilité si l'on met en regard les particularités curieuses de quelques plantes dont l'organisation semble être une transition entre le règne végétal et le règne animal.

Citons d'abord le Boromet ou Plante-Agneau dont parle le P. Nuremberg 2.

« Cette plante, dit-il, fort rare, croit vers Astracan, entre la Moscovie et la Tartarie. Cette plante a la figure précise d'un petit agneau posé sur une tige se joignant au nombril de l'animal, et d'où il prend sa nourriture. Cette tige s'élève de terre environ deux pieds. On dit que le petit agneau se repaît de l'herbe qui vient aux environs. Si l'herbe vient"à manquer, la plante sèche et meurt faute de nourriture,' quoique la tige sur laquelle il pose semble devoir lui en fournir. On assure que cette plante animale a une chair du goût de l'écrevisse, et que si on la blesse avec un couteau il en sort du sang. On dit encore que les loups sont fort friands de cet agneau. »

L'érudit Scaliger, qui ne croit pas à cette plante, ajoute en rapportant le fait : Si cette herbe est celle qu'on dit et qu'elle ait la chair et le goût d'écrevisse, je ne trouve pas merveilleux que le loup la préfère à toute autre herbez. » Quoi qu'il en soit et malgré l'autorité du savant critique, le chevalier Colonne dit avoir possédé dans son cabinet un des plus riches du temps en curiosités naturelles, une tige desséchée de cette plante qui, dit-il, était

1 Histoire naturelle, liv. II.

* Histoire naturelle, liv. XV.

s De emendatiànetemporum, liv. LC.


LE LANGAGE DES FLEURS. 171

précisément comme la peau d'un petit agneau qui vient de naître, avec un vrai poil mêlé de blanc et de gris et fort bouclé 1.

Le fait suivant paraît plus avéré. Voici comment le rapporte Wheler 2 :

« Dans la plupart des îles de l'Archipel, dit-il, on cultive une sorte de figuier sauvage qu'on appelle Ornos, et en latin Caprifkus. Les figues, qu'on-appelleForrate, mûrissent les unes au mois d'août, les autres en novembre. Pendant les mois d'octobre et de novembre, il s'engendre dans ces dernières certains petits vers d'où sortent ensuite des petits moucherons qui ne voltigent qu'autour de ces arbres. Ces insectes piquent d'eux-mêmes le second fruit du même pied des figuiers et le mûrissent. Ce second fruit s'appelle Gratitires, et les premières figues, les Fornites, tombent peu après la sortie de leurs moucherons. Les Gratitires restent sur l'arbre jusqu'au mois de mars et conservent les oeufs que les moucherons y ont déposés en le piquant. Dans le mois de mai une troisième espèce de figues nommée Orni commence à pousser sur le même pied des figuiers sauvages, et quand elle grossit elle est piquée à son tour par les moucherons des Gratitires, qui la font fermenter et mûrir. »

Un fait plus convaincant pour la nature animale des plantes, c'est celui consigné dans un récent recueil scientifique et que voiciz :

« Il y a à Lernate, dans les Moluques, une espèce d'arbre appelé Catope, dont les feuilles en tombant se changent en papillons. Ces feuilles ont deux points noirs comme les yeux d'un papillon. Considérés au microscope, ces points appa?

appa? naturelle de l'univers, t. I, p. 231. s Wheler etKirle, Magnelic. nalur. regnum. : 5 Journal des Savants de Londres, Suppl. sept. 1835.


172 LE LANGAGE DES FLEURS.

raissent comme deux véritables yeux. Les feuilles ont quatre points comme les jambes d'une araignée. Lorsqu'elles tombent de l'arbre, elles marchent pour se rejoindre et se rejoignent en effet à l'arbre d'où elles proviennent. En déchirant ces feuilles animées, les sections présentent des fila-' ments glutineux en quantité prodigieuse, mais si fins, si déliés, qu'on a de la peine à les distinguer à l'oeil nu. »

Un fait de même nature, plus extraordinaire encore, est celui que mentionne un autre récent recueil scientifique 1:

« Les habitants de Sainte-Lucie, y lit-on, ont fait dernièrement la découverte d'une plante très-singulière. H y a dans une caverne de cette île, près de la mer, un large bassin de douze à quinze pieds de profondeur dont l'eau est très-saumâtre. Le fond est formé par des rocs sur lesquels dans tous les temps croissent de certaines substances qui, à la première vue, présentent l'aspect de belles fleurs d'une couleur trèséclatante et ressemblent beaucoup à nos soucis, sauf la teinte qui en est plus vive. A l'approche de la main ou d'un instrument, ces fleurs apparentes se dérobent à la vue et rentrent en elles-mêmes, comme un limaçon qui se retire dans sa coquille. En les examinant au microscope, on voit au milieu de leur disque quatre filaments de couleur brune, semblables à des pattes d'araignée et agissant autour d'une espèce de pétale par un mouvement brusque et simultané. Ces pattes sont munies de pinces pour saisir leur proie, et dès qu'elles l'ont saisie, les pétales se referment de manière à ne pas la laisser échapper. Cette fleur apparente a une tige brune de la grosseur d'une plume de corbeau et qui paraît être le corps de quelque étrange créature, tenant à la fois du règne végétal, du règne animal, vivant par les racines d'une substance sablonneuse ou granitique, et par

* Journal d'horticulture d'Amsterdam Janvier 1810.


LE LANGAGE DES FLEURS. «3

sa tige des insectes que la mer rejette dans le bassin. » Tous ces faits semblent prouver qu'il y a dans les plantes un indice de sentiment, de connaissance de leur état, et par suite une parcelle de cette âme universelle du monde des anciens philosophes. Ceux qui ne croient qu'aux sens ne verront là que des mouvements d'automates, des mouvements semblables à ceux d'une montre qui se meut et montre les heures sans sentir et sans connaître ce qu'elle -fait. Ils attribueront ces mouvements combinés des plantes vaux vapeurs de certains corps, convenant à certains autres, et les excitant à faire tel ou tel acte ; mais l'homme n'agit guère différemment, et cette même vapeur de certains corps lui inspire bien des actions vaines et folles. Il paraît, il est vrai, savoir ce qu'il fait, tandis que les plantes paraissent l'ignorer; mais là précisément le jugement des sens est en défaut. En effet, lorsqu'un Tartare ou un Chinois parle à qui ne l'entend pas, il n'y aurait qu'à dire que ce ne sont que des mouvements et des sons produits par le mouvement de l'air.

Mieux vaut croire à l'immensité de la Providence, qui, en animant tout ce qui a vie sur terre, depuis la plante jusqu'à l'homme, a donné à tout un sentiment relatif, une âme relative. Aux nécessités du brin d'herbe qui meurt inaperçu sous les pieds, répondent le sol, le climat, la saison, la terre, les corps célestes ; et parce que nous ne pouvons saisir ni l'ensemble, ni les détails de cette mystérieuse harmonie, devons-nous déshériter de sentiment et d'âme tout le règne végétal, et surtout, comme le dit si spirituellement madame Clémence Robert, les fleurs qui, par une exception unique, n'ont pris que le beau côté des choses de ce monde et rien de la triste contre-partie qu'on trouve trop souvent dans la nature humaine?...


174 LE LANGAGE DES FLEURS.

Quel nouvel attrait pour l'homme si ces êtres ainsi privilégiés étaient plus que matière? Ces belles fleurs que nous admirons seraient alors des êtres animés comme nous. Ce serait tout un monde ressuscité et vivant côte à côte avec nous. Quand elles charmeraient notre vue par l'éclat de leurs couleurs, quand elles embaumeraient notre odorat par l'arôme de leurs parfums, ce ne seraient pas, il est vrai, des phrases personnifiées et combinées à notre manière qu'elles prononceraient, mais elles se feraient entendre également, et cela suffirait. Une belle rose, une belle tulipe ne vous diraient pas : Mon parfum vous plaît-il ? ma vue vous charme-t-elle? Mais ce qu'elles nous diraient signifierait la même chose et nous l'entendrions fort bien. Cela reviendrait au même, et une simple fleur suffirait pour rompre toute solitude, on pourrait converser avec elle.

Et puis, avec une imagination tant soit peu romanesque et un peu de foi dans le système de la métempsycose, quel champ vaste à des sensations nouvelles seraient les fleurs si, douées de sentiment et d'âme, les plantes étaient un des degrés de transition entre la matière pure et l'homme immortel! Quel doux sujet de rêverie pour la jeune fille qui, cueillant une rose, pourrait se dire : « Cette rose a peut-être été une jeune fille comme moi : à un autre temps elle eût pu être ma compagne! Qui peut dire le drame que cachent ses feuilles? Sous une autre forme, vivante, elle a été rose du monde : morte, elle est rose des champs; toujours belle, toujours admirée : c'est l'immortalité de la beauté!... » Dans tous les cas-ce^serait une distraction puissanle aux préoccupatio^^Mri^|îs<es du jour.

/&• . v V ^\ C. LEYNADIER


TABLE DES MATIÈRES

Le Sélam ,.. 1

Nomenclaturi! des fleurs avec leurs symboles 107

Propriétés des couleurs 119

Horloge de Flore 120

Poésies 121

Les fleurs. 141

La marguerite et la verveine. . . . y<\y •~?>< • • • ^'l®

La tulipe du savetier /.\J , T^; vî'A • . 156

Del'âmeet du sentiment des fleurs [S. O 10-!•£?! ■ ■ • ^

TVi DE LA TAILE.

Paris. — Typographie Lahure, rue de Fleuras, 9.




LIBRAIRIE, HACHETTE et'O. boulevard Sairt-G°rmâW'7P, A Paris./

BIBLIOTHÈQUE VARIÉE, FORMAT 1-18 JÉSUS „;;

& 3 fr. 50 c. le Volume

Abont (Edm.%GauBericE, 2 vol.— La Grèce contemporaine. 1 vol.'— LeJ'rogrès. i vol.— Le Turco, 1 Toi.— Madelon. 1 vol. — Théâtre impossible. 1 vol. —■ A B G du travailleur. 1 vol. — Los Ma. riages do province. 1 vol. — Le Fellah, i vol.

Achard (Amédée). Album de voyagea. S,vol.

Acbermana. Contes et poésies. 1 vol. -

Arnould (Edm.J. Sonnets et poèmes. 1 vol.

Dnrran. Histoire de la Révolution .française.-1 vol.

Bauârillart. Economie politique populaire, 1 vol.

Bautaiu ( l'abbé j. La belle saiBoii à la campagne. 1 v.

— La chrétienne de nos jours. S vol. — Le chrétien de nos jours. 8 vol.— La religion et la liberté.-l v.

— Manuel de philosophie morale. 1 vol. —^Méditations sur les épitres et les évangiles. 2 vol. — Idées et plans pour la méditation et la prédication 1 vol. — Les choses do l'autre mondo.> 1 vol. — Etudes sur l'art de parler en publia. 1 vol. ~s

Bnyarrf (J.F.)- Théâtre. 12 vol.

Uellemare (A.). Abd-el-Kader.l vol. „,

Belbt (Ad.). L'Habitude elle Souvenir. 1 vol.

lEeraot. Mesmer ou le magnétisme animal ; les tables tournantes et les esprits. 1 vol. .

Bolssicr. Gicéron et tes amis. 1 vol.

Busquct (A.). Le poème des heures. 1 vol.

Car©. Etudes morales. 1 vol. — Nouvelle! études morales. 1 vol. — L'idée de Dieu. 1 vol. — Le matérialisme et la science. 1 vol.

Carraud (M"1"). Le Livre des jeanes filles, i vol.

CaNtellane (de). Souvenirs de lavie militaire. 1 vol

Charpentier. Ecrivains latins de l'ompîre. 1 vol.

Chenu (Le Dr J.C.). Do la mortalité dans l'armée. 1 volume.

Cherbullez (Victor). Comte Koslîa. 1 vnl, — Paul'- Méré. 1 vol.— Roman d'une ho i.ne te femme, i vol.

— Le Grand-OEuvre. 1 vol. — Prospcr Randoce. 1 vol- — L'aventure de Ladislas Bolski. 1 vol.

Chevalier (M. J. Le Mexique ancien et moderne. 1 v. Crépet (E.). Le trésor épistolalre de la France. 2 v. Damnas ( E.). Moeurs et coutumes de l'Algérie. 1 v. Deschaner(Em.). Physiologie des écrivains., 1 vol.

— Etudes sur Aristophane, i vol. — A bâtons rompus. 1 vol. ,.;.

Durnv (V.). De Paris à.Vienne. 1 vol. — Introduction à l'histoire-de France. 1 vol.

Ferry (Gabriel). Le coureur des bois. S vol. — Coatal l'Indien. 1 vol. -. —-v

Figuier ( Louis).. Histoire du merveilleux- 4 vol.

— -L'alchimie et lesalchimistes. 1 vol. — L'année leientiûqne, 14 année» (18fi6-1869).:14 vol. .. ,

Flammarion (Camille). Contemplations scientifiques. 1 vol. ^.,

Fromentin (Eng:). Dominique. 1 vol.

Fustel de Coulangeft.tLn Citft anttquo. 1 vol,

Garnier (Ad.). Traité, des facultés-de l'âme. 3 vol.

Garnier (Charles). À travers los^Arts- i vol.

Gonzalès (Em.). Voyages en .pantbufleB. 1 vol.

CJui*ot(F:); Un projet do mariage royal. J vol.

Houssnye (A.). Le 41e fauteuil. 1 vol.--—/Violon de Franjolé. 1 vol. — Voyages humoristique»; 1 vol.

Hugo (Victor). OEuvres. 80 vol.

douffroy. Cours de droit naturel S vol. — Couru d'esthétique. 1 vol. — Mélanges philosophiques. 1 v.

— Nouveaux mélanges philoBojihiques.l vol. . Jurien delà Gravlère (l'amiral). Souvenirs d'un

amiral. S vol. — La marine d'autrefois, i vol.

La Landclln (G.'de). Le tableau de la mer. 4 ▼. Lamarre (CL). De la Milice romaine',1!,vol.,? l-atnnrtiue (A. de). Chefs-d'oeuvre. 8 vol. —• Les

Girondins. 6 vol. — Lectures pour tous. 1 vol. . l.anoy« (F. de). L'Inde. 1 vol. — Le Niger. 1 vol. Eliauerel. Études scientifiques. 1 vol. IVa-vallêe. Zurga le chasseur, 1 vol. Lavi-leye . I Emile de). Etudes et essais, i vol. Marinier (Xavier). Rr.rnans et.Voyaijcs 13 vol. RSartha. Les moralistes sous l'Empire romain. 1 v. .tlêzicre* (L.) Charades et homonymes. 1 vol. •■ Tliclielc-t. La femme. 1 vol. — La mer. 1 vol. —

L'amour 1 v. — L'insecte. 1 v. — l.'oiaeau. 1 v. niicrîelet (Mme J.}, Mémoires d'une enfant.,i vol.: Itlannlpr. Loi nïeux de Figaro. 1 vol. norlemnrt (baron dej. La vie élégante. 1 vol. Nisard (Désiré).Éludes de moeurs et de -critique sur -,.los.pnëtcs latins de ia décadence. 2 vol. Nourrisson (J.-F.), Les Père." de l'oglise latine, «leur vie, leurs* écrits, leur temps. 2 vol. Patin. Etudes sur les tragiques grecs. 4 vol. —

Elûtes sur la poésie latine. 2 vol. Perrcns (F. T.). Jérôme Savonarole. i vol. PMffer (Mme Ida). Voyage d'une femme autour

du monde. 1 vol. — Mon second voyage autour du

monde. 1 vol. — Voyage à Madagascar. 1 vol. Ponson du Xerraiï. Les conles du drapeau.

2 volumes. Prevost-Parodol, Études sur les .moralistes

français, i vol. — Histoire universelle. 2 vol.'-.. Qiiatrefages (de). Unité de l'espèce humaine. 1 v. Itoland (Mme), Mémoires. 2 vol. Itoassln (A.). Une campagne au Japon. 1 vol. Sainte-Beuve. Port-Royal. 7 vol. Salntlne (X. B.). Le chemin des écoliers. 1 vol. —

Pîcoiola. i vol. —Seuil 1 vol. — La mythologie

du Rhin. 1 vol. ••

Snnd (George). Jean de la Roche. 1 vol. - Simon (Jules). La liberté politique. 1 vol. —' La liberté civile. 1 vol.— La liberté de conscience.lv.

— La religion naturelle. 1 vol. — Le devoir. 1 vol,

— L'ouvrière. 1 vol. . _ ,-;.- Talne(H.). Essai Bur Tite-Lfve. 1 vol. — Essais do

critique et d'histoire. 1 vol. — Nouveaux Essais de critique et d'histoire. 1 vol. — Histoire de la littérature anglaise. 5 vol. — La Fontaine et ses fables! 1 vol. — Les philosophes classiques du XIX* tiéole en France.'l vol. — Voyage aux Pyrénées. 1 vol.— Notes sur Paris parFréderic-Thomas Gràindorge. 1 v.

Théry. Conseils aux mères sur les moyens de diriger fet d'instruire leurs filles. 2 vol.

Tôpffer (Rod.). Nouvelles genevoises, i vol. —

- Ros» et Gertruâe. i vol. -7- Le presbytère.'1 vol. —Réflexions et menus propos d'un!,peintre. 1 vol.

TroploDg, De l'influence du christianisme sut le ■i droit civil des Romains, l.vol. ' ^ . -,

Vaperean ( Gust.). L'année littéraire, 12 années. Vicnnet. Fables complètes. 1 vol. Vivien 4e St-Martin. L'année géographique. •8 années (1862-18691. 8 vol. Wallon. Vie de N.-S. Jésus-Christ, 1 volume.

— La sainte Bible, 2 vol.

IVey (Prancis). Dick Moon. 1 vol.. — La haute Sa-

Sa- 1 vol. ■ .-:. AVurtz (Ai.). Histoire des doctrines chimiques, depuis Lavoi-ier jusqu'à nos jours; 1 vol.

Imprimerie générale de Ch, Lalmro, rue de Fleurus, 9, à Parti.