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Titre : Mémoires de la Société des sciences naturelles, des lettres et des beaux-arts de Cannes et de l'arrondissement de Grasse

Auteur : Société scientifique et littéraire de Cannes et de l'arrondissement de Grasse. Auteur du texte

Éditeur : (Cannes)

Date d'édition : 1873

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb344170324

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb344170324/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

Langue : Français

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Description : 1873

Description : 1873 (T3,N1).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Provence-Alpes-Côte d'Azur

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5657040h

Source : Bibliothèque nationale de France, département Collections numérisées, 2008-267896

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 10/01/2011

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MÉMOIRES

DE LA SOCIÉTÉ

DES

SCIENCES NATURELLES ET HISTORIQUES

DES LETTRES & DES BEAUX-ARTS

DE CANNES

ET DE L'ARRONDISSEMENT DE GRASSE

5me ANNÉE

TOME 3

1873 - N°

CANNES IMPRIMERIE H. VIDAL, RUE BIVOUAC, 7

1873.



EXTRAITS

DES

PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES DE LA SOCIÉTÉ.

ANNEE 1871

Séance du 8 Mars

Étaient présents:

MM. A. Macé, président ; Méro, maire, président hononaire ; Geoffroy, trésorier ; Mouton, président de la commission du musée, remplissant les fonctions de secrétaire ; Whiteley, administrateur;

MM. Lucq, F. Jacob, Dr Battersby, Th. Sève, Marrauld, abbé Daniel, . abbé Lambert, abbé Chaix, de Pontmartin, Ginner, abbéLaty, Terrade, Houdmon, Boission, Fitz-Gerald, Westermann, de Malactic, et Opoix, membres.

Plusieurs membres de la colonie étrangère assistaient également à la séance.

Le procès-verbal de la séance du mois de février est lu et adopté.

Ont adressé à la Société :

I. POUR LA BIBLIOTHÈQUE

M. TOURNAIRE , de Marseille. — Plusieurs ouvrages notamment: les oeuvres de Capefigue en 14 volumes; De la propriété, par M. Thiers ; Delphine, par Madame de Staël ; les oeuvres de Racine ; Les nuits d'Young ; la revue de


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Marseille et de Provence de 1862 à 1869; plusieurs livraisons de la revue de Paris ; de la revue Nationale et étrangère; de la critique française, etc., etc,

IL POUR LE MUSÉE :

M. BATTERSBY, docteur en médecine à Cannes. — Un certain nombre de plantes préparées pour l'herbier.

M. NAYSSER, préparateur d'histoire naturelle à Cannes.— Plusieurs oiseaux.

Sont reçus membres titulaires permanents ;

MM. Vidal, imprimeur.

James Orr, propriétaire, villa Antoinette.

Abbé Couët, aumônier de l'asile des vieillards. Membre temporaire :

M. l'abbé Laty.

Sur la proposition du Bureau, la société décerne le titre de membre d'honneur à Mgr. Jeancard, évêque de Cérame, demeurant à Cannes.

En l'absence de M. Victor Petit, M. le Président fait part des appréciations de la commission chargée d'étudier les réparations à faire au polit dit du Riou. Cette construction qui offre des analogies remarquables avec les monuments de la période Romaine existante Préj us, bien qu'elle soit d'une exécution beaucoup moins accomplie, est incontestablement la plus ancienne bâtisse que la ville possède à ses portes. Il importe donc de pourvoir à sa conservation. La commission évalue à 300 francs environ les dépenses de consolidation ainsi que celles de déblaiment. Elle émet également le voeu que l'arche à l'ouest- qui a été murée, soit remise à jour, afin de conserver au pont son aspect primitif.

M. GEOFFROY fait connaître la situation financière de la société.


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Les recettes se sont élevées à 1,568fr. 40 Les dépenses à 1,417 30

Il reste conséquemment en caisse. 151 fr. 10

Ces comptes appuyés de pièces justificatives sont approuvés.

M. le Dr ROUSTAN, secrétaire général, étant attaché depuis plusieurs mois aux ambulances de l'armée, M. le Président rend compte à sa place des travaux de l'année.

M. MACÉ développe les raisons qui l'ont porté à demander, à la séance précédente, une modification à l'article 4 du règlement intérieur.

Après une discussion à laquelle plusieurs membres prennent part, la société décide que le § 2 de l'article 4 sera remplacé par la disposition suivante :

« Tous les membres du bureau sont indéfiniment rééli« gibles, à l'exception du Président qui ne peut être élu plus « de deux années consécutives. »

Sont élus pour l'année 1871-1872 :

Président MM. le comte des Fayères.

Vice-Président l'abbé Guigou.

Secrétaire-général A. Macé.

Secrétaire-archiviste F. Jacob.

Trésorier Geoffroy.

Administrateurs.

Victor Petit. Dr Whiteley. Lucq.

Avant de quitter le fauteuil, M. le Dr Whiteley qui préside l'assemblée depuis les opérations du scrutin, rappelle l'intérêt qu'ont offert plusieurs des séances de la société, pendant l'année 1870 ; il espère qu'il en sera encore ainsi en 1871 et


il demande que la société, aussitôt qu'elle sera en position de le faire, établisse des conférences ou lectures auxquelles seraient admis non seulement les étrangers en résidence momentanée à Cannes, mais aussi les élèves des institutions scolaires de la ville les plus avancés dans leurs études.

La société adhère en principe à cette proposition et en renvoie l'examen à la commission administrative.

Séance du il avril.

Étaient présents :

MM. le comte des Fayères, président; abbé Guigou, vice-président; F. Jacob, secrétaire archiviste ; Dr Whiteley, administrateur ;

MM. Millière, F. Mouton, Dr Gimbert, Dr Battersby, Terrade, Dr Fouques, Borniol, abbé Laty, abbé Boission, Marrauld, abbé Couët et Houdmon, membres. Plusieurs étrangers étaient également présents. M. MACÉ s'excuse par lettre de ne pouvoir assister au commencement de la séance.

M. MOUTON donne lecture du procès-verbal de la précédente séance qui est adopté.

M. le comte des FAYÈRES remercie dans des termes pleins de courtoisie, la société du témoignage de sympathie et d'estime qu'elle lui a donné, en l'élisant président en remplacement de M. Macé. Puis, il ajoute : « Je ferai tous mes efforts pour répondre à la confiance de la société, mais j'espère aussi, Messieurs, que vous vous joindrez à moi, pour remercier M. Macé, au nom de la société, du dévouement dont il a constamment fait preuve, ainsi que des nombreux services qu'il a rendus à notre oeuvre dont il a été le fondateur.


Nous ne saurions oublier, en effet, que depuis trois ans, la société lui doit sa bonne direction et sa prospérité.

Cette motion est accueillie avec empressement par l'assemblée qui décide qu'il en sera fait mention dans le procès-verbal.

Sur la proposition du bureau, M. Rivière, ex-interne des hôpitaux de Paris, résidant à Menton, est nommé membre correspondant.

M. le Dr GIMBERT présente un mollusque assez rare, péché par M. G.Mallet, aux environs des îles de Lérins : il appartient à la famille des Hétéropodes de Lamarck, au genre Firole.

L'exemplaire soumis à l'examen, est long d'environ vingt centimètres, cylindroide et absolument transparent. Au sommet de la tête existent deux yeux supportés par un tentacule très court. Ces yeux franchement noirs, sont très mobiles sur leur support et très durs. La bouche située à l'extrémité d'une courte,trompe est pourvue d'un appareil propre à la mastication.

Sous le ventre on remarque une nageoire unique, puissante relativement au volume de l'animal : elle a la forme d'un éventail et est rattachée au corps par un pédicule étranglé. Lorsque l'animal fait des mouvements rapides, il se renverse sur le dos, de façon que la nageoire devient supérieure au lieu d'être inférieure.

L'extrémité postérieure du corps se termine par une' queue triangulaire étranglée dans sa portion adhérente au corps de l'animal. Cette queue constitue avec la nageoire verticale, les moyens de locomotion volontaire du mollusque.

Enfin M. le Dr Gimbert a constaté que l'animal secrète par les téguments un liquide acre, irritant, qui, mis en contact avec la peau, la rougit et donne ensuite des démang eaisons assez vives.


Le même membre entretient l'assemblée des résultats qu'il a obtenus dans le traitement de plusieurs blessures ou plaies par l'emploi de feuilles de l'Eucalyptus globulus. Il appelle surtout son attention sur le cas suivant.

Le 23 novembre 1870, entra à l'ambulance des petites soeurs des pauvres, un jeune franc-tireur parisien, blessé à Etampes deux mois au paravant. Il avait dans la partie antérieure et mediane de la jambe droite une plaie circulaire, de huit centimètres de diamètre, produite par une balle. Les bords de la plaie étaient irréguliers, décollés et renversés en dehors dans la longueur de un à deux centimètres ; le fond en était sanieux, sanguinolent, dépourvu de bourgeons cicatriciels et sécrétait un liquide rougeâtre, fétide. La partie du périoste du tibia sousjacente à la plaie était un peu épaissie et douloureuse. Ce jeune homme avait été promené depuis l'époque de sa blessure, d'ambulance en ambulance, et on avait successivement employé, sans succès, le perchlorure de fer, le jus de citron, la teinture d'Iode, le nitrate d'argent, le pansement occlusif et compressif par les bandelettes.

Deux jours après l'entrée du blessé à la deuxième ambulance de Cannes, M. le Dr Gimbert qui était alors chargé du service, appliqua sur la plaie des feuilles d'Eucalyptus. Quarante-huit heures après, il s'était déjà opéré un changement sensible dans l'aspect de la lésion et cinq jours plus tard la cicatrisation commençait : les bords s'affaissaient, se recollaient, des bourgeons charnus se réformaient et enfin la guérison était complète après trois mois de traitement, malgré la mauvaise constitution du sujet.

M. le Dr BATTERSBY qui a suivi ces expériences, déclare les avoir répétées sur un vieillard et avoir obtenu les mêmes effets.

Le traitement est au reste fort simple : on prend les feuilles


bleues et ovalaires de l'arbre dont on enlève la nervure médiane, on les froisse légèrement dans la main, de façon à faire suinter l'essence, puis on les applique sur la plaie, en les imbriquant comme les tuiles d'un toit. On les consolide ensuite par un ou plusieurs tours de bande. Ce pansement est à la fois occlusif, compressif et spécifique.

M. MACÉ rend compte d'une excursion qu'il a récemment faite aux grottes de Menton. Ces grottes au nombre de cinq, sont situées dans les rochers du littoral nommés Baoussé rousse, ou roches rouges, à l'est de Menton et à quelques cents mètres au delà de la frontière italienne. Elles sont situées à 25 mètres environ au-dessus du niveau de la mer ; leur ouverture varie entre 8 et 10 mètres d'élévation et leur profondeur ne dépasse pas 18 à 20 mètres.

Visitées déjà plusieurs fois, elles étaient abandonnées depuis longtemps, lorsque les travaux du chemin de fer, ayant nécessité l'ouverture d'une profonde tranchée au-dessous même des grottes, mirent à découvert plusieurs gisements importants que MM. Rivière et Moggridge ont explorés pendant l'hiver.

En ce moment encore les parois de la tranchée offrent plusieurs dépôts de terre grisâtre ou noirâtre, au milieu desquels se trouvent des ossements, des silex taillés ou bruts, ainsi que des coquilles de mollusques. Ces gisements disposés en lignes sont séparés par des couches de terre d'une épaisseur variable.

Le sol des grottes que M. Rivière a fouillé jusqu'à la profondeur d'un mètre, contient ces mêmes objets en plus grande quantité encore. Ils s'y rencontrent fréquemment au centre de petits amas de cendre et mêlés avec des débris d'os carbonisés.

Les ossements consistent le plus souvent en dents isolées,


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en machoires plus ou moins entières, en vertèbres, en côtes, et surtout en longs fragments brisés. M. le Dr Forel, un des premiers explorateurs de ces grottes, attribue ces os principalement aux animaux suivants : le Cervus-Elaphus et le C. capreolus, le bos primigenius, l'equus caballus, le sus scrofa, et à quelques autres espèces telles que le loup, le renard, le chat, le lapin, etc. Mais il ne signale aucun grand carnassier spéleen.

Cette omission doit provenir de recherches incomplètes ou faites à une profondeur insuffisante, car M. Rivière a recueilli, et M. Macé met sous les yeux des membres présents, des dents d'hyène, d'ours, et probablement du rhinocéros Tichorhinus. Ces dernières découvertes feraient remonter l'habitation des grottes de Menton à une antiquité plus reculée que ne l'avait supposé M. le Dr Forel. Toutefois, M. Macé ne les croit pas aussi anciennes que quelques unes des cavernes de Vence et de Saint-Cézaire explorées par M. Bourguignat.

Parmi les mollusques dont les coquilles se trouvent le plus communément, M. Macé cite le pecten jacobeus, la patella tarentina, le pectunculus glycimeris, le mytilus edulis, le monodonta fragaroides et le turbo rugosus. Ces animaux vivent encore sur le littoral méditerranéen.

La contemporanéité del'homme avec les animaux dont les ossements gisent dans ces grottes et son existence dans ces mêmes lieux à la même époque, sont surabondamment prouvées par la présence des silex taillés, des poinçons ou pointes en os, des dépôts de cendre, des os carbonisés, des coquilles de mollusques édules, et des débris d'os dont les cassures sont incontestablement de la main de l'homme.

A l'appui de ses assertions, M. Macé dépose sur le bureau, pour le musée de la société, une collection nombreuse d'ossements, de silex et de coquilles trouvés par lui dans les


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grottes, ou offerts par M. Rivière.

La société remercie MM. Gimbert et Macé de leurs intéressantes communications.

Séance du 10 mai.

Etaient présents :

MM. le comte des Fayères, président; abbé Guigou, viceprésident ; Macé, secrétaire général ; Dr Whiteley, Lucq, administrateurs.

MM. Dr de Valcourt, Borniol, Marrauld, Mouton, Houdmon, abbé Couet, Langdale, abbé Chaix, Orr, abbé Laty, Dr Gimbert, membres.

M. Rivière, membre correspondant.

Plusieurs étrangers et des professeurs de l'institut Stanislas assistaient également à la séance.

La Société a reçu :

1° POUR LE MUSÉE : De

M. BOTTIN, distributeur des postes, à Saint-Vallier. — Plusieurs spécimens d'une brèche osseuse existant dans cette localité.

M. RIVIÈRE, de Menton, membre correspondant. — Des fossiles de l'étage suessonien (Eocène), provenant de SaintRomain, près Menton. Des silex, des ossements et des coquilles trouvés dans les cavernes de Menton.

M. MACÉ. — Des fossiles de l'étage suessonien, recueillis à la Mortola, à 3 kilomètres de Menton. — Des coquilles de mollusques vivant dans la Méditerranée. — Des fossiles des terrains tertiaires de Cannes et de Biot. — Des fossiles des terrains crétacés et jurassiques du nord de Farrondissement de Grasse. — Divers autres objets.


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M. NAYSSER, préparateur d'histoire naturelle. — Des Unio péchés dans le béal de la Siagne, à Cannes.

M. ROCHAT, à Cannes.—Arca diluvii, draguée à Cannes.

2° POUR, LA BIBLIOTHÈQUE : De M. le Dr WHITELEY. — Une bible de 1727 avec divers textes en regard. Un dessin représentant un effet de foudre. M. MACÉ. — L'inventaire des archives de la commune de Grasse, antérieures à 1790.

M. MILLIÈRE. — 25 livraison des Chenilles et Lépidoptères inédits, par J. Millière.

ECHANGE AVEC LES SOCIÉTÉS SAVANTES.

AMIENS. —«Société des antiquaires de Picardie; fin du tome X (1868-1870).

ALGER. — Revue africaine, novembre 1870 n° 84.

Le procès-verbal de la séance du mois d'avril est lu et adopté.

Sont reçus membres titulaires permanents :

MM. Nouveau, propriétaire, à Cannes.

Collinet, propriétaire, villa Des Anges.

Collinet, fils, propriétaire, villa Des Anges.

Mallet, propriétaire, villa Des Dunes.

Mallet, Georges, propriétaire, villa Des Dunes. Daigremont, ingénieur, villa Daigremont.

Clifford, quai Saint-Pierre.

Dr Bourcard, villa Saint-Maurice.

Comte des Cars, villa Jeannette.

M. RIVIÈRE, membre correspondant, a la parole pour une communication relative aux grottes dites de Menton et aux nombreuses découvertes d'ossements, de silex et de coquilles


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de mollusques, qu'il y a faites pendant l'hiver 1870-1871. M. le président invite l'honorable membre à rédiger par écrit, pour les bulletins de la Société, un mémoire rappelant les faits dont il a entretenu l'Assemblée.

M. le secrétaire propose, conformément à l'avis qu'il en a donné à la précédente réunion, la création d'une nouvelle catégorie de membres, sous le titre de MEMBRES ASSOCIÉS. Seraient ainsi désignées les personnes habitant ou non l'arrondissement de Grasse, qui ne pouvant ou ne voulant faire partie de la Société comme membres titulaires ou correspondants, témoigneraient cependant de l'intérêt qu'elles prendraient à son oeuvre, soit en enrichissant son musée, soit en lui adressant des travaux ou en lui faisant d'importantes communications. La présentation de ces membres aurait lieu par le bureau, à la suite d'un rapport du secrétairegénéral.

Cette proposition mise aux voix est adoptée.

Par suite, le bureau présente comme associés, et la Société admet à ce titre :

MM. Bottiu, directeur des postes à Saint-Vallier. Guériu, Aimable, maire à Saint-Auban. Euzièrens, Marcelin, pharmacien à Vence.

L'ordre du jour appelle une communication de M. le Dr DE VALCOURT sur le climat de Cannes. Les observations recueillies par M. de Valcourt remontent au mois de décembre 1865 et offrent par conséquent une série de six années ; elles donnent chaque jour, l'état barométrique et psychrométrique de l'air, la température maxima, moyenne et minima à l'ombre, ainsi que la température maxima au soleil ; l'état du ciel, la vitesse et la direction du vent.

En 1865-1866, le thermomètre n'est pas descendu une. seule fois au-dessous de zéro.


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Pendant les hivers suivants au contraire, la température est tombée à zéro et même au-dessous, savoir : en 1867-1868. — six nuits. en 1868-1869. — six nuits, en 1869-1870. — onze nuits, en 1870-1871. — seize nuits.

La nuit la plus froide a été celle du 27 décembre 1869 : température — 6°, suivie de quatre nuits aussi au-dessous de zéro. Mais il faut remarquer que chaque jour, le thermomètre remontait à 2° et même 8° au-dessus de zéro.

En 1870, le thermomètre a constaté — 3° pendant la nuit du 24 décembre et indiquait encore — 2°, le 25 au matin. C'est la seule observation, dans l'espace de six années, d'une température au-dessous de zéro, pendant le jour. Aussi la végétation a plus souffert en 1870-1871 qu'en 18691870.

Il résulte des observations de M. de Valcourt, que les orangers et les autres végétaux de la même région supportent, sans grand dommage, un abaissement de température de 5 à 6° au-dessous de zéro, pourvu que ce phénomène climatérique dure peu et ne se renouvelle pas à des intervalles trop rapprochés. Il importe également que pendant les froids l'atmosphère se maintienne calme, car autrement', l'évaporation augmentant beaucoup à la surface des plantes, l'intensité du froid et par suite le danger de la congétation augmentent dans la même proportion.

M. le Dr WHITELEY, constate les différences souvent notables qu'on rencontre dans les indications thermométriques. Ces différences qui pourraient donner lieu à de graves erreurs, proviennent de ce que les instruments qu'on emploie sont souvent mal réglés, ou de ce qu'ils sont placés dans des endroits peu convenables pour l'observation) soumis par suite


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à des influences étrangères, ou encore de ce qu'ils sont posés sur des matières susceptibles d'altérer l'action des rayons solaires. Il ajoute que 1ers de l'éclipsé du 24 décembre 1870, il a remarqué que la température avait été très sensiblement affectée par ce phénomène, non seulement au moment de son existence, mais vingt-quatre heures avant son apparition, et trois jours après. Malgré les rayons du soleil, la température pendant tout ce temps, se serait, d'après ses observations, maintenue aussi bas que pendant l'éclipsé.

Séance du 13 décembre.

Etaient présents :

MM. le comte des Fayères, président; abbé Guigou, vice-président ; Macé, secrétaire-général ; Jacob, secrétairearehiviste ; Dr Whiteley et Lucq, administrateurs ;

Et MM. Terrade, Dr Gimbert, abbé Chaix, abbé Lambert, Lalanne, abbé Daniel, Borniol, Dr Buttura, Valton, Opoix, Houdmon, Langdale, Lafond, Fittz-Gerald, de Malartic, Marrauld, de Colquhoun, LeGoff, Millière, et Aimé Roustan, membres. ' ■

Plusieurs étrangers assistaient également à la séance.

La société a recvu :

1° POUR LE MUSÉE De ,

M. MARRAULD de Cannes. — Une urne funéraire antique trouvée à Vidauban. —Un fragment de brique romaine et un fragment de mosaïque, provenant de Fréjus.

M. EUZIÈRES, de Vence. — Un crâne et des ossements humains trouvés dans un ancien tombeau découvert à Vence— Deux briques romaines appartenant à un tombeau — Divers fossiles recueillis aux environs de Vence.


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M. VALTON, de Cannes. — Plusieurs haches en silex et des fossiles de la famille des Echinodermes, provenant de plusieurs localités du département de l'Aube.

M. DELAUNE-GAYARD, de Bérules. — Polypiers fossiles de Bérules (Aube).

Madame THUILLER, de Cannes. — Un serpent noir— un cent-pieds — un scorpion gris — un poisson pilote — une araignée das forêts — une mouche noire et rouge, provenant de Cayenne.

M. MOUTON, de Cannes. —Un aigle.

II. POUR LA BIBLIOTHÈQUE

De

M. le Dr GOSSE, de Genève. — Notice sur le marronier d'Inde et son emploi dans la médecine, l'industrie, etc., par M. le Dr Gosse — Les symptômes de la rage chez le chien, par M. Vicat, de Genève — Rapport sur les questions Ethnologiques et médicales, relatives au Pérou, par M. le Dr Gosse —Considérations hygiéniques sur les layettes et les berceaux, par M. le Dr Gosse — Instructions Ethnologiques pour le Mexique ; rapport de M. le Dr Gosse — Les Trichines spirales, des maladies qu'elles engendrent par M. le Dr Gosse — Monographie de l'Erythroxylon Coca, par M. le Dr Gosse.

M. PALADIHLE, docteur médecin à Montpellier. — Etude monographique sur les Paludinidées françaises par M. le Dr Paladilhe.

M. LACOUR ■ Alfred, de aint-Farjeau. 'Egypte, 'Alexandrie à la seconde cataracte, par aoul acour.

ECHANGES VEC ES OCIÉTÉS AVANTES ALGER. Revue africaine, 15e année, nos 85, 87, 88 et 89.


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LE HAVRE. — Recueil des publications de la société Nationale Hâvraise, 36e année, 1869.

APT. — Annales de la société littéraire, scientifique et artistique d'Apt, 5* année, 1867-1868.

Aix. — Séances publiques de l'Académie des sciences, agriculture, arts et belles lettres d'Aix, années 1870 et 1871.

AMIENS. — Bulletin de la Société des antiquaires de Picardie, année 1870.

CHERBOURG. — Catalogue de la bibliothèque de la Société impériale des sciences naturelles de Cherbourg, 1er partie 1870.

COLMAR. — Bulletin de la Société d'histoire naturelle de Colmar, années 1863, 1864, 1865, 1866, 1867 1868.

Le procès verbal de la séance du 10 mai est lu et adop'té.

Sont reçus membres titulaires permanents : . MM. Le prince de Ruffano, villa des Fayères. Galichon Emile, château Gothique. Tardy, 9, rue d'Antibes, maison du Belvéder.

Membres temporaires :

MM. le Dr Gosse, de Genève, val Fleuri. Perrier, villa Delphine.

M. MACÉ donne lecture de l'introduction aux Ephêmérides Cannoises, ou Cannes depuis vingt ans (1850-1870). Ce travail est renvoyé à la Commission d'impression pour être publié dans le volume des mémoires de la Société en cours d'exécution.

Après une discussion, à laquelle plusieurs membres prennent part, l'Assemblée décide de rendre la bibliothèque de la Société circulante.

Un comité est par suite nommé pour rédiger le nouveau règlement de la bibliothèque. — Sont désignés pour en faire


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partie : MM. le Dr Buttura ; le comte des Fayères ; Emile Galichon ; Lafond ; marquis de Latour Maubourg ; A. Macé ; Mallet; prince de Montmorency — Luxembourg; Odier; Rigal; prince de Ruffano; Tripet—Scripitzine; duc de Vallombrosa.

Sur la proposition de son Secrétaire-général, la Société admet en principe, le projet d'une exposition de peinture et de beaux-arts en 1872. Elle renvoie la discussion du règlement à la séance du mois de janvier.

M. le Dr GOSSE donne lecture d'une note sur un lycoperdon qu'il a trouvé aux environs de Cannes, et qu'il croit nouveau ou au moins rare dans la contrée.

M. le Dr GIMBERT, présente des observations sur les produits de l'Eucalyptus. Il résulte, des nombreuses expériences auxquelles il s'est livré sur divers animaux et de l'emploi qu'il a fait de l'essence de l'Eucalyptus dans plusieurs affections, que cette essence produit des résultats spéciaux, et surtout bien différents de ceux occasionnés par l'essence de thérébentine.

L'ordre du jour étant épuisé la séance est levée.


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GLANES LERINOISES

Dédié à mon ami et collègue M. Macé.

E. TISSERAND.

CHRONOLOGIE

DES ABBÉS DE LÉRINS

CHAPITRE PREMIER.

1° But de cet ouvrage.

Nous ne composons pas une histoire de l'abbaye de Lérins. Monsieur l'abbé Alliez en a doté l'Eglise et la France (1). Ses trois volumes sont écrits avec autant de science que d'élégance. Ce que je fais, je glane après les autres, et en donnant dans ce tableau succinct, la suite chronologique des abbés de Lérins, j'y ajoute le résumé de recherches et d'observations particulières.

2° Les Iles de Lérins.

Le groupe de Lérins situé dans la mer Méditerranée entre le golfe de la Napoule et le golfe Jouan, en vue de Cannes,

(1) Histoire de» îles de Lérins — 3 vol. — Paris, Didier et chei tous les Mbrairw.


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et à 3 kilom. des côtes, est formé de deux îles principales et d'îlots.

La plus grande île qui est la plus rapprochée du littoral, se nommait autrefois Lero ou Plana et aujourd'hui elle s'appelle Sainte-Marguerite. — L'autre île s'allonge derrière Sainte-Marguerite, et en est séparée par le détroit du Frioul. — C'était Lérina ou Planasia et depuis la fondation de la célèbre abbaye, elle porte le nom de Saint-Honorat. A l'extrémité orientale de Saint-Honorat est l'îlot de Saint' Ferréol, et de même à l'extrémité orientale de Sainte-Marguerite est l'îlot de Tradeliéra.

Les Grecs Phocéens donnèrent le nom de Léro à ces îles, et fondèrent dans la. plus grande la station de Vergoan.

3«. Saint-Honorat.

Monsieur l'abbé Alliez est le guide le plus sûr au milieu des ruines qui jonchent le sol. — Il vous montre les inscriptions grecques et latines, sur les pierres qui ont servi ensuite à la construction de l'abbaye ; il vous promène dans l'ancienne abbaye, et fait revivre sous vos yeux tout ce qui est maintenant en ruine. — Suivons-le dans l'île SaintHonorat, il vous conduit à la grande Église et vous fait remarquer la colonne de marbre qui en orne la porte. — Dans le transept de l'Eglise Saint-Honorat qui avait trois nefs, était une chapelle Saint-Etienne et par l'autre bras du transept, on entrait dans l'Eglise Notre-Dame. — Une autre église s'élevait encore dans le: couvent, et servait de salle du chapitre. Elle porta d'abord le nom de Saint-Léonard, et ensuite de Saint-Benoit. On comptait en outre sept chapelles dans l'île : 1° La Sainte-Trinité, vis-à-vis de l'île Saint-Ferréol.


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2° Saint-Cyprien et Sainte-Justine, vis-à-vis du fort Saint-Martin et en vue de l'île Trans-Lero ou Tradilière. (Terra de Lhierra).

3° Saint-Michel, en face de l'allée qui conduisait à la Tour.

4° Saint-Sauveur, sur la grande allée qui conduisait à la Tour. — Elle servait de Baptistère. — Entre la chapelle Saint-Michel et celle de Saint-Sauveur, on trouvait la baume de l'abbé, où, Eleuthère se cacha eu 732.

5° Saint-Capraise, vers la pointe occidentale de l'île. .

6° Saint-Pierre, non loin du monastère central.

7° Saint-Porcaire, contiguë au monastère.

Vous visitez avec monsieur Alliez le puits miraculeux de Saint-Honorat, le palmier traditionnel, et vous allez à la Tour qui se composait de 86 chambres,et de la belle chapelle Sainte-Croix, — édifice qui date de 1073 à 1190. — Que de souvenirs se rattachent à l'île Saint-Honorat. Ses belles forêts de pins l'avaient fait surnommer par les marins Aigrette de la mer.

On vous fera lire sur un pilier de l'Église Saint-Honorat une inscription romaine. — Dans la chapelle Saint-Etienne, une autre qui rappelle le corps des utriculaires, ou compagnie des fabricants d'outrés.

A Saint-Capraise, c'est un ex-voto à Neptune; dans la cour de la Tour, vous avez une pierre votive au petit fils du divin Constantin.

4 Sainte-Marguerite.

Passons dans l'île Sainte-Marguerite. — C'est-là qu'on a trouvé une inscription Grecque ; elle a été transportée à Paris. — Au milieu de cette île, que l'on appelle le grand


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jardin, est une ancienne construction grecque ou romaine (1).

Les moines de Lérins cédèrent Sainte-Marguerite à Claude

de Lorraine en 1615. Celui-ci la donna au prince de Joinville*

qui en investit Jean de Bellon, écuyer de Brignolles. L'Etat

y bâtit un fort.

Quand les Espagnols s'en emparèrent en 1636, ils la couvrirent de travaux de défense. — On y comptait cinq forts : — le Fort-Royal, en vue de la Croisette, le Monterey, du côté de l'Est, le fort d'Aragon, à l'Ouest, le fort de la Trinité ou de l'Est, et sur la même ligne à l'Ouest, le fort du Batiguier. —A Saint-Martjja, quartier du grand jardin, était la caserne de cavalerie.— Sur le Frioul, était le port SaintHonorat ; vers le fort Royal, le port Pinet ; à l'opposé du port Pinet, le port Carbonel ; et en dessous du fort Royal, en vue de la Croisette, le port de Beassa. — La nouvelle caserne et le pavillon Saint-Césaire datent de 1695. C'est le cardinal Richelieu qui érigea Sainte-Marguerite en forteresse d'Etat.

Les deux îles ont la forme d'un ovale allongé, ou d'un poisson dont la tête regarde l'Orient. — Sainte-Marguerite à 7 kilom. de tour, et Saint-Honorat, cinq. — Sur la carte d'Antonin, elles étaient marquées à XI milles d'Antibes et à XXIV milles de Fréjus.

5° Les Calles et les Récifs. — Droits do pêche

De l'écueil de Séchan ou Sécant, comme commet du triangle qui aboutit à l'île Saint-Ferréol et au cap Barbier, les moines de Lérins, avaient le droit de pêche.

L'arrêt du 29 octobre 1775 leur enleva ce droit.— Le même

(il) N'était-ce pas le sanctuaire antique, qui plus tard fut placé sous le Tocable de Saint-Martiri!


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arrêt leur défendit aussi la pêche des anchoix, et la rissole, à la lumière, qui se faisait vers le cap Batiguier.

Sur les sept calles des îles, de la plage de Cannes et de Vallauris, les moines de Lérins prélevaient le 35* de la pêche.

Les sept calles, étaient la Canne, Pierre-Haute, la Bisicoque, le Transat, la Migranade, le Maurin, et la plage de Vallauris.

Par acte du 9 juillet 1475, les Cannois transigèrent avec les moines pour la mer.

CHAPITRE II

PREMIER ABBÉ DE LÉRINS Saint Capraise et saint Honorat

Saint Capraise, originaire de la Grèce, vint dans le pays de Toul, où il mena la vie érémilique, et s'attacha Honorat et son frère Venant pour ne plus les quitter. — Il ne voulut jamais recevoir les ordres par humilité, mais malgré cela, il fut toujours considéré comme le patriarche des moines de Lérins. Il survivra à Saint Honorat, et mourra centenaire, en 434.— On éleva une chapelle à l'endroit où Saint Michel lui apparut, et lui annonça sa fin prochaine, et une autre chapelle, où il mena la vie érémitique.

Saint Honorat et son frère aîné Venant ou Venance, originaires de Toul, étaient fils d'autre Honorat, gouverneur de Toul.

Le moine troubadour Raymond Féraud, dont M. Sardou (père), a publié la légende, donne au père de Saint Honorat


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le nom d'Andronicus, et à notre saint celui d'Andrioc. — M. Alliez fait observer que saint Honorat n'était pas du Midi, comme l'ont avancé certains biographes, puisque saint Hilaire dit que ses parents vinrent de Toul le visiter à Arles, et s'en retournèrent dans leur pays, comblés de ses bienfaits. — Saint Honorat, parlant aux Arlésiens, leur rappelle qu'il leur était tout-à-fàit inconnu, lorsqu'ils vinrent le chercher à Arles pour le faire leur évêque.

Le même Saint Hilaire nous fait observer que notre saint était âgé et accablé d'infirmités, lorsqu'il entreprit une dernière fois le voyage de Toul, pour le retirer de ses égarements, et l'amener à Lérins, vers 420.

Maintenant, en quelle année naquirent Saint Venance et Saint Honorat, quand allèrent-ils en Grèce, et revinrent-ils se fixer au Cap-Roux et enfin à Lérins. — C'est ce que nous allons essayer d'élucider.

La tradition de Lérins en 1613, comme nous l'apprend le bénédictin Vincent Barralis de Lucéram, auteur de la Chronologie de Lérins, était que Saint Honorat se retira au Cap Roux vers 375, et à Lérins en 391. — Baronius et le P. Giry adoptent cette date, et nous nous rangeons de leur avis, contre Tillemont, Mabillon, Noris, Antelmi et M. Alliez, qui établissent Saint Honorat à Lérins de 400 à 410.

Il est dit dans la vie de Saint Just, que ce saint évêque de Lyon, abandonna son siège vers 380, et qu'il vécut quelques années au Cap Roux avant d'aller finir ses jours dans la Thébaïde, en compagnie de son disciple Saint Viator.

La mort de Saint Venance est marquée au 30 mai 374. — Le P. Giry nous apprend que Saint Honorat, gouvernait l'abbaye de Lérins depuis 35 ans, quand il fut promu au siège épiscopal d'Arles, en 426. — Ce qui assignerait à la


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fondation du monastère de Lérins la date de 391. — Or rien ne s'oppose à accepter le sentiment de Vincent Barralis. — Serait-ce de ce que Saint Léonce acquiesça au désir de Saint Honorat, de se retirer à Lérins. — Mais une savante dissertation de l'abbé Disdier sur Saint Léonce nous fait connaître que ce patriarche des évêques du Midi mourût centenaire, en 456. Il pouvait être coadjuteur de l'évêque de Fréjus en 391, et dès l'année 375, étant déjà secrétaire de ce même évêque de Fréjus, il put déterminer Saint Honorat à demeurer au Cap Roux. — La plus étroite amitié avait lié Castor et Léonce à Venance et à Honorat, quand nos jeunes saints se connurent à Marseille ou à Nîmes, et l'on peut présumer que c'est à l'exemple de Venance et d'Honorat que Castor et Léonce vécurent d'abord en ermites à Nîmes .

Saint Venance et Saint Honorat seraient nés en 354 ou 355.

Ils s'embarquent à Marseille en 373.

Venance meurt à Methoue, en Grèce, 30 mai 374.

Honorat se fixe au Cap Roux en 375.

Il fonde l'abbaye de Lérins en 391.

Il est évêque d'Arles en 426.

Il meurt le 16 janvier 430 à l'âge de 76 ans.

Il avait 37 ans quand il s'installa dans les îles de Lérins.

Saint Capraise, né en 334, avait une quarantaine d'années lorsqu'il accompagna en Grèce Saint Honorat et son frère.

Quelle était la vie des moines de Saint-Honorat. — Ici nous copierons une notice du savant abbé Cortési.

« Saint Honorât, nous dit-il, de famille consulaire et premier abbé de Lérins, touché du désir de son salut, se retira dans cette île avec quelques autres de ses parents et amis, et


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y fonda cette célèbre abbaye ; mais soit qu'il eût demeuré auparavant au Cap Roux, soit que cette affreuse solitude voisine de l'île lui parût plus propice à une plus grande retraite, le serviteur de Dieu se séparait de temps en temps de ses disciples pour y vivre dans le silence avec Dieu seul.

Une grotte profonde était son lieu de prière et le creux d'un rocher son lit. L'un et l'autre se voient encore et portent les noms de Sainte-Baume ou de Saint-Trou.

Quant à Lérins, elle devint bientôt, sous ce grand maître, une école de perfection et le séminaire des évêques des Gaules. Après l'avoir conduite saintement, Saint Honorat en fut arraché pour être chargé du gouvernement de l'Eglise d'Arles. En quittant ce monastère, il y laissa de fidèles imitateurs de ses vertus, qui regardèrent toujours le Cap-Roux comme le berceau de leur congrégation.

Les religieux se divisaient en deux classes, comme ceux de l'Egypte, les uns vivaient la vie cénobitique, les autres, la vie érémitique. Ceux-ci demeuraient dans des grottes éparses soit dans les îles, soit au Cap-Roux, ou dans des cellules séparées. Mais ils n'embrassaient la vie érémi tique, qu'après avoir été éprouvés par les exercices de la vie cénobitique.

Saint Honorât mourut le 16 janvier 430. La fête de ses reliques se célèbre le 15 mai, qui est le jour de leur translation. »

Il y a des indulgences pour ceux qui visitent les sept chapelles de l'Ile, comme à Rome pour ceux qui font les sept stations dans les sept basiliques.

L'un des premiers disciples de Saint Honorat, fut Saint Maxime de Riez ; puis Saint Eucher et ses deux fils y arrivèrent; ensuite Saint Vincent de Lérins et Saint Loup, Salvien de Cologne, le Breton Fauste, Valerien, cousin de Saint Eucher, Hilaire de Toul et autre Vincent, son frère,


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Saint Jacques de Tarentaise. — Cassien passera un an à Lérins avant d'aller fonder le monastère Saint-Victor de Marseille. C'est à Saint Honorat, à Saint Eucher, à Saint Léonce et à Saint Castor qu'il dédira ses conférences spirituelles.

2° ABBÉ DE LÉRINS

Saint Maxime de Riez 426-433

Saint Maxime naquit en 388 à Corner (Château-Redon), diocèse de Riez. —Il fut élevé à Lérins, dès l'âge de 12 ans, et en 426, dit l'abbé Cortési, il reçut des mains de Saint Honoré le gouvernement de la barque de Lérins. Deux fois il se cacha pour éviter l'épiscopat. — Il se retira une première fois à Allemagne, puis au Cap-Roux. Mais il ne put résister à ses compatriotes de Riez, et il dut accepter l'évêché en 433.

On l'a surnommé le Pacifique. Il était d'une taille élevée et d'une figure pleine de majesté. « Heureuse la terre qui l'a enfanté, plus heureuse l'île qui l'a élevé ! » s'écrie Saint Fauste, son panégyriste.

Saint Maxime mourut le 27 novembre 460.

3° ABBÉ DE LÉRINS

Saint Fauste 434 — 460

Saint Fauste originaire de Bretagne, âme ardente et coeur généreux, s'était fait une grande renommée dans le barreau par son éloquence, quand il vint se placer sous la discipline de Saint Honorat.


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Il succéda à Saint Maxime dans la direction de l'abbaye de 434 à 460.

On ne parlait à cette époque que du Pélagianisme, et on accusait les moines de Lérins et de Saint-Victor d'être tombés dans une autre erreur, en essayant de combattre les Pélagiens : c'est ce qu'on appela le semi-Pélagianisme. Monsieur Alliez dans son ouvrage venge assez de cette injuste attaque les saints de Lérins, et Vincent de Lérins, et Saint Hilaire Saint Maxime, Saint Fauste, Saint Valérien de Nice et Saint Cassien.

« Ce fut, dit Monsieur Fauriel, parmi les hommes instruits à ces célèbres écoles monastiques de Lérins et de Saint-Victor que les doctrines de Saint-Augustin sur la grâce, sur la prédestination et sur la liberté morale trouvèrent leurs adversaires les plus éclairés et les plus pieux ; et à leur tête il faut mettre Fauste et Cassien, qui essayèrent de défendre le mérite de la volonté humaine, en la conciliant avec le besoin de la grâce divine. — Et monsieur Guizot : « Nous savons que dans les abbayes de Saint-Victor et de Lérins, toutes les grandes questions sur le libre arbitre, la prédestination, la grâce, le péché originel, furent le plus vivement agitées....»

Cet écrivain n'en accuse pas moins d'hérésie les saints moines de Lérins, comme s'il y avait hérésie, quand l'Eglise n'avait encore rien décidé.

M. Ampère n'épargne pas non plus les disciples de Saint Honorat.

Les conférences de Cassien, dit-on, étaient le manuel de l'enseignement monastique. Mais écoutons ce que répétait Saint Honorat à ses disciples : « Si vous n'avez rien que vous n'ayez reçu, leur disait-il avec l'apôtre, pourquoi vous glorifier, comme si vous teniez quelque chose de vous-même ?»—Et ce texte n'est-il pas la condamnation la plus absolue du semi-


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Pélagianisme, ce jansénisme du cinquième siècle?—Saint Hilaire d'Arles en mourant dit ces belles paroles : « Nous avons sur cette terre à soutenir la lutte que ne saurait éviter l'homme désireux d'arriver à la béatitude, en s'appuyant sur la grâce céleste qui le prévient e't par ses efforts qui correspondent à la grâce. »

Saint Vincent de Lérins en lançant son commonitoire déclare qu'il est disposé à corriger tout ce qu'il y aurait de défectueux dans son travail. — A chaque page Saint Valérien de Cimiez déclare que Dieu n'abandonne jamais la volonté qu'anime le zèle de la religion, et les consolations divines ne sauraient manquer là où se trouvent les actes d'une vie sainte. «Tout effort chancelle quand Dieu n'est pas imploré ; la foi est en péril si elle n'est soutenue par la grâce de Dieu. .Vouloir est en ma puissance, dit l'apôtre, mais je ne puis trouver en moi le moyen de parfaire. » Enfin Saint Fauste dans son traité sur la grâce et le libre arbitre, ne reconnaît pas, il est vrai, la nécessité d'une grâce prévenante pour le commencement de la bonne action. Mais cette erreur n'est-elle pas le fait de quelque ennemi?—Plusieurs auteurs graves l'ont dit, car dans tout le corps de l'ouvrage, Fauste unit toujours l'action de la grâce à l'action de la volonté humaine, ne laissant à celle-ci que le rôle d'un serviteur fidèle et obéissant. Répétons-le : On ne peut taxer d'hérésie Fauste ou Cassien, lorsque sur ces

questions si ardues l'église n'avait encore, de leur vivant, rien défini. L'église seule peut commander le respect et la soumission des intelligences. On n'a pas plus le droit de flétrir Saint Cassien que de condamner Saint Thomas et tous les dominicains si longtemps opposés à la croyance de l'Immaculée Conception de la Sainte Vierge; ni Saint Cyprien qui contre le pape Saint Etienne soutint la nécessité de réitérer le baptême donné par les hérétiques.


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Saint Fauste ferma les yeux à l'illustre patriarche Saint Capraiseen 433. Saint Maxime, SaintHilaire et Saint Théodore de Fréjus assistèrent à ses derniers moments.

L'année suivante Saint Vincent de Lérins fit paraître son célèbre commonitoire qu'il avait composé dans sa solitude de l'île de Léro(Sainte-Marguerite),où habitait aussi Saint Eucher. — Salvien, aux chrétiens qui murmuraient contre la Providence, répondait en même temps par son livre du gouvernement de Dieu, et il le dédiait à ses disciples Salonius et Véran.

En 461 Saint Théodore évêque de Fréjus et Saint Fauste eurent un différend au sujet de la juridiction. Les choses en vinrent au point que l'évêque de Fréjus retira son amitié à Saint . Faust et priva les religieux des aumônes que leur adressait l'église de Fréjus : cette mesure ne fit qu'augmenter l'irritation des esprits. Saint Maxime de Riez et Saint Valérien de Cimiez épousèrent la cause de leurs anciens frères. Ravennius évêque d'Arles convoqua dans sa cité plusieurs autres évêques. — La réconciliation fut complète. Pouvait-il en être autrement entre deux saints ? — Il fut convenu que l'évêque devait faire les ordinations des clercs et des prêtres, fournir le saint-chrême, confirmer les néophytes ; nul clerc étranger ne pouvait sans son ordre être admis à la communion ni aux fonctions du saint ministère. '— De son côté, l'abbé qui était élu par les religieux avait toute autorité sur les laïques du monastère dont aucun ne pouvait être ordonné que sur sa demande.

Parmi les religieux célèbres qui entrèrent à Lérins sous Saint Fauste nous nommerons Saint Àppollinaire neveu de SidoineAppollinaire, et Saint Antiole de Fréjus.

Saint Fauste succéda à Saint Maxime évêque de Riez en 460. — Il mourut âgé de plus de cent ans, en 493.


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4° ABBÉ DE LÉRINS,

Le Bienheureux Anselme 460. — 476

Le bienheureux Anselme dirigea l'abbaye de 460 à 476. Sous son administration vécut à Lérins Saint-Antoine-Cyrus né à Valeria, sur les bords du Danube, et neveu de Constance, évêque de Lork en Norique.

5° ABBÉ DE LÉRINS

Léonce

476 — 489

Léonce, nous est désigné comme abbé de Lérins, puisque c'est à lui que Saint Ennodius de Pavie dédia la vie de Saint Antoine Cyrus, en 474.

6° ABBÉ DE LÉRINS

Saint Porcaire I

489 — 507

Saint Porcaire 1, nous est connu par un livre qu'il avait composé pour ses religieux. Il portait le titre de Monita. L'auteur de la vie de Saint Césaire parle de lui avec les plus grands éloges.

C'est précisément durant l'année de sa promotion qu'arriva à Lérins le jeune Saint Césaire de Châlons-sur-Saône.

Saint Siffred, quittant la vie militaire l'y suivit do près, avec son jeune fils, du même nom que lui.


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7° ABBÉ DE LÉRINS

Honorat II

507 — 530

Sous l'abbé Honorat II, Lérins reçut Saint-Jean-Réomans de Langres.

8° ABBÉ DE LÉRINS

Abbou 530—550

Rien de particulier sous l'Abbé Abbou qui siégea de 530 à 550.

9° ABBÉ DE LÉRINS

Florian ou Florentius

550

M. Alliez pense que Florian est le même personnage dont parle Saint Ennodius de Pavie. Il naquit à Milan et fut baptisé par Saint Ennodius. Après avoir étudié à Arles sous Saint Césaire, il se rendit à Romans-Moutiers, et reçut des leçons d'Ecriture sainte de l'abbé Théodat, et vint à Lérins. — Il était très versé dans l'antiquité. Il a laissé deux lettres, à Saint Nicet, évêque de Trèves. — Il fut abbé de Lérins en 550.

Parmi ses disciples grandissait Saint Virgile d'Aquitanne, l'une des gloires de Lérins.


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10° ABBÉ DE LÉRINS

Saint Virgile

C'est sous l'illustre Saint Virgile que Saint Hospice fonda dans la presqu'île qui porte son nom, un monastère sous la règle de Saint-Honorat, et qu'il édifia le diocèse de Nice autant par ses vertus que par ses miracles.

Saint Maur, allant dans les Gaules, d'après les ordres de l'illustre Saint Benoit de Mont-Cassin, s'arrêta quelque temps à Lérins, où, Saint Virgile fut l'un de ceux qui recueillirent de cette influence les fruits les plus abondants de sainteté. — Le jeune homme que Saint Maur guérit dans les Alpes-Maritimes, vint se sanctifier à Lérins. — Il se nommait Saint Eloi.

Saint Virgile fut appelé au siége d'Arles en 589 et mourut en 610.

11° ABBÉ DE LERINS

Marin 589 — 593

Lorsque Saint Virgile fut élevé au siége d'Arles, on choisit Marin pour abbé de Lérins.

C'est lui qui rédigea les règles pour le monastère d'Agaude, et qui donna des notes pour la vie de Saint Eugende. L'auteur de cette vie dirigeait un monastère des environs de Lyon.

Il fallait que la discipline de Saint Honorat eût un peu fléchi à cette époque, pour que Saint Attale venu de Bourgogne à l'île de Lérins, songeât à quitter cette abbaye et allât se mettre sous la conduite de Saint Colomban à Luxeuil.


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12° ABBÉ DE LÉRINS

Etienne 593—611

Saint Grégoire, donna des éloges à Etienne pour sa charité envers les pauvres d'Italie ; il le félicita en même temps sur sa vigilance et sur l'ordre qu'il faisait régner au sein de sa communauté. On voit par la lettre de Saint Grégoire que l'abbé Etienne lui avait envoyé des ouvrages en buis travaillés dans le monastêre, tels que : assiettes, cuillères, etc. C'est Saint Augustin, l'apôtre de l'Angleterre qui ayant visité Lérins en allant à Rome, en avait rendu au Pape un bon témoignage, et rapporta cette lettre à l'abbé Etienne. — « Nous vous félicitons, dit-il, de l'union et de la paix, qui régnent parmi vos prêtres, vos diacres et la congrégation entière. »,

Il parait que cette bonne direction ne se soutint pas jusqu'à la fin, comme nous l'apprend ce qui va suivre.

13° ABBÉ DE LÉRINS

Saint Chonon-Bonfort 593 — 611

Saint Grégoire-le-Grand écrit aussi à Saint Chonon, abbé de Lérins. « Nous avons appris par Memnas, notre frère dans l'épiscopat, combien vous êtes sage dans la direction de vos frères, combien vous les entourez d'une sollicitude pleine de zèle. — Autant la faiblesse imprudente de votre prédécesseur nous a souvent affligé, autant la sagesse de votre administration nous comble de joie.


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Il est évident que l'abbé Etienne avait laissé tomber le nerf de la discipline.

Le Souverain-Pontife recommande au saint abbé de redoubler de vigilance contre les artifices du tentateur qui rôde autour de la bergerie. — «: Préservez ceux qui vous sont confiés de la gourmandise, de l' orgueil, de l' avarice, de la médisance et des murmures, et de tout ce qui est opposé à la pureté Soyez doux pour les bons, sévère pour les méchants. Dans votre sévérité, n'oubliez pas qu'en attaquant le péché, il faut aimer le pécheur, de peur que, si vous négligiez cette règle, la correction ne dégénerât en cruauté et que vous perdissiez ceux que vous voulez corriger. Pour guérir une plaie, il faut se garder d'attaquer la partie saine »

Monsieur Alliez nous donne connaissance presque en entier de cette admirable lettre. (I vol. page 334).

A la fin, Saint Grégoire-le-Grand lui recommande le prêtre Colomb. « Son mérite, dit-il, vous l'a déjà fait trouver digne de votre amitié. »

Saint Chonon, obéissant au souverain-pontife, ne négligea rien pour relever la discipline. Il se rendit à Luxeuil auprès de Saint Eustache, afin de s'inspirer des règles et de l'esprit de Saint Colomban. — Une prose très ancienne du monastère lui donne l'épithéte de rigide, rigidum Chonona.

On donne aussi à Saint Chonon les noms de Bonfort et de Bonon (Bononus).

14° ABBÉ DE LÉRINS

Saint Nazaire

Saint Nazaire était digne par son zèle et son activité de succéder à Saint Chonon. C'est lui qui fonda, sur la rive gauche de la Siagne, non loin de son embouchure, le monastère


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d'Arluc, sur les ruines de l'ancien temple de Vénus (Ara luci — autel du Bois Sacré). Sans doute, il s'inspira des règles du couvent de Saint Césaire à Arles, que Sainte Radegonde avait honoré dernièrement de sa visite. Une pieuse dame de Riez, nommée Hélène, en fut, dit-on, la première abbesse.

— D'autres pensent que la première abbesse se nommait Oratorie, et qu'elle reçut deux lettres de Sainte Césarie, la jeune abbesse d'Arles.

Lérins fournissait toujours des Saints aux évêchés de la Gaule. Trois disciples de Lérins se succédèrent sur le siége d'Avignon : Saint Maxime, Saint Magnus et son fils Saint Agricole. Saint Agricole, devenu évêque d'Avignon en 630, y appela des moines de Lérins pour y desservir sa cathédrale. — Quatre d'entre eux, Pons, Arnaud, Odilon et Durand y devinrent l'origine des chanoines de Saint Ruf, dont les descendants adoptèrent la règle des frères-ermites de Saint Augustin.

La célèbre abbaye doit être considérée comme le berceau des chanoines réguliers, soit à Arles, soit à Avignon. — Plus tard, presque tous les chapitres de cathédrale se firent Augusthis.

Saint Nazaire mourut vers 641

15° ABBÉ DE LERINS

Saint Maxime II

Saint Maxime II gouvernait l'abbaye, lorsqu'un seigneur de Clermont-Ferraud vint lui demander des religieux pour le monastère qu'il avait résolu de fonder dans ses possessions.

— Il lui donna Saint Eudes. — Ce seigneur se nommait Calmès ou Calméliac.


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Le monastère, nommé d'abord Calméry ou Carmery, fut gouverné successivement par Saint Eudes, et par son frère Saint Théofred, Thiéfroy ou Chaffre, dont il prit le nom. Une ville s'éleva bientôt autour de la célèbre abbaye, et elle subsiste encore aujourd'hui.

Lérins chantait :

Eudo plus, vir beatus Est a Christo sublimatus Ad céleste gaudium.

Saint Chaffre contribua à la conversion de Saint Ménelé qui fonda le couvent de Ménat en Auvergne.

16° ABBÉ DE LÉRINS

Le B. Eucher

Nous n'avons rien sur son administration.

17° ABBÉ DE LÉRINS

Le B. Vincent

Quoique des saints ne manquassent' pas à la direction de Lérins, la ferveur décroissait de plus en plus. — Il fallut y introduire la réforme. « Des discussions violentes, dit M. Alliez, un malaise général régnaient dans la Société ; des luttes acharnées existaient entre l'Austrasie et la Neastrie : souvent les monastères étaient des prisons, aux yeux du vainqueur, qui y renfermait ses adversaires ; des asiles pour les vaincus, qui venaient y chercher la sécurité. »

L'élément germanique cherchait à s'introduire partout et Lérins était sans doute divisé en deux parties, lorsque


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mourut Saint Vincent, soit qu'il sagit de l'élection de l'abbé, ou de l'introduction de la Réforme de Saint Vincent (660). Les noms de Colomb et d'Arcade, comme le remarque M. Alliez sont évidemment latins ; ceux d'Ayoul ou Aygulphe et Rigonier sont Austrasiens.

Ce sera un grand malheur pour Lérins lorsqu'on voudra mêler encore plus tard les deux éléments Cassinistes et Clunistes.

E. TISSERAND. (à continuer).


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NOTICE SUR M. VICTOR PETIT

PAR M. A. MACÉ

MESSIEURS ,

Je lisais, il y a peu de jours, les lignes suivantes, dans une étude biographique écrite par un de mes compatriotes , dont je m'honore d'être en même temps l'ami (1).

« Je sais ce que peut inspirer de généreuse émulation le « récit de la vie des hommes illustres à qui l'éminence de « leurs vertus et de leurs talents a mérité une éclatante et « durable renommée. Mais les grands hommes sont placés « à une hauteur où un petit nombre d'élus peut seul espérer « d'atteindre : ce sont des modèles dont la gloire écrase par « fois plus qu'elle n'encourage. Ne peut-on présenter plus « efficacement à l'imitation du commun des hommes des « talents et des vertus d'un éclat plus tempéré? Ces guides, « d'une allure plus modeste et plus facile à suivre, ne vous « conduisent pas moins sûrement dans cette route de l'hon« neur et du devoir, où l'estime publique et les distinctions « sociales ne font pas défaut à la louable ambition des gens « de bien et des bons citoyens. »

C'est cette pensée qui m'a porté à recueillir/ quelques notes concernant M. Victor Petit. En vous les présentant aujour- .

(1) M. Boulatignier, ancien conseiller d'Etat; étude biographique sur E. Marguerie.


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d'hui, je crois offrir à la jeunesse un utile exemple, en même temps que c'est pour moi une occasion d'honorer d'un juste témoignage d'estime et d'affection la mémoire d'un membre de notre compagnie.

M. Victor Petit naquit à Troyes le 17 août 1817. Il appartenait à une famille d'un rang modeste, jouissant de l'estime publique. Son père professeur de dessin au collège de Sens, lorsqu'il atteignit l'âge de commencer ses études, lui donna les premières notions de l'art, qui devait être l'objet des occupations de sa vie entière. Le dessin archéologique ne comptait pas alors de nombreux adeptes et Victor Petit fut, dès le début de sa carrière, un de ceux qui prirent le plus de part à cette rénovation des oeuvres d'un autre âge. Il commença par reproduire les monuments qui étaient sous ses yeux, et ses premiers essais furent des dessins des murailles et des portes de Sens. Ces travaux où, déjà l'artiste se faisait deviner, publiés dans l'Annuaire de l'Yonne, mirent en relief ses talents. Le marquis de Fleurigny, chez lequel il fut présenté, reconnaissant en lui,non-seulement les mérites du dessinateur, mais aussi les qualités de l'homme privé, se fit son Mécène et le produisit dans le monde artistique et savant. Sa simplicité et la franchise de son caractère, autant que ses talents, lui attirèrent bientôt l'affection et l'attachement de tous ceux chez lesquels il fut reçu. Aussi, à partir de ce moment, encouragé par ses premiers succès, se consacra-t-il entièrement aux beaux-arts et surtout à la restauration de l'art national. C'est ainsi que nous pouvons le suivre, pendant plus de vingt ans, parcourant, le crayon à la main, nos principales provinces, et rapportant de toutes ces excursions d'innombrables dessins que les éditeurs ne tardèrent pas à se disputer. Un peu comme les trouvères du moyen-âge, il voyageait presque constamment à pied, frappant volontiers à


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la porte des maisons seigneuriales, où, il était assuré de rencontrer toujours une hospitalité généreuse, qu'il payait, en retour, parla reproduction du manoir, où, il avait été accueilli. Combien d'habitations privées n'a-t-il pas ainsi reproduites ? Je citerai seulement le château de Montdragon, le château de la Ferté Fresnel, le château de Bourbon de Linières, le château de Franqueville et celui de la comtesse de Montant. Et comme travaux d'ensemble, qui de vous, Messieurs, ne connaît pas les demeures seigneuriales du département de Lyonne qu'illustrent d'une façon si remarquable le livre de M. Chaillou des Barres, où, les belles planches de l'ouvrage de M. le comte de Vismes, et surtout cette magnifique collection des châteaux de la Loire, véritable monument élevé à l'art national ?

Mais M. Victor Petit n'était pas seulement un habile dessinateur, c'était aussi un érudit qui voulait connaître l'histoire des monuments que son crayon reproduisait. Pendant près d'une année, on l'a vu à la bibliothèque de la rue Richelieu, étudier les textes originaux qui devaient lui servir pour «es châteaux de la Loire. Ses goûts le portaient de préférence vers les études archéologiques. Il fut, pendant plusieurs années le collaborateur de M. Dusommerard, fondateur du musée de Cluny, dans son beau recueil des Arts au moyen-âge. Il a également écrit dans un grand nombre de publications d'archéologie ou d'architecture, et notamment dans le Bulletin Monumental, dirigé par M. de Caumont. Il est, comme vous le savez, l'auteur du livre sur Fréjus, Forum Julii.

Tous ces travaux ne suffisaient pas encore à son immense activité. Toutes les années, depuis environ quinze ans, il passait à Paris, plusieurs mois, dans un atelier que lui avait disposé M. Monrocq, lithographe, rue Suger. Là, il s'occupait, ordinairement pour le compte de cette maison, d'oeuvres


— 42 — qui se rapportent plus particulièrement à l'enseignement et au côté pratique de l'architecture. Cette partie des productions de M. Victor Petit, est loin d'être sans intérêt. Elle consiste en de nombreuses collections de dessins, de constructions communales, de maisons de campagne, de parcs et jardins ; en études et modèles d'architecture ; en exercices de dessin linéaire ; dans le genre classique, en douze cahiers, Ecolier Parisien, qui ont été vendus à plus de 300,000 exemplaires chacun. Enfin, un des principaux éditeurs de notre regretté collègue, estime à plus de 2,000 le nombre des planches lithographiées par lui, et au moins à 10,000 celui de ses croquis. Il pense encore qu'un exemplaire complet de ses oeuvres reproduites par la gravure, la lithographie ou la chromo, vaudrait de 2,000 à 2,500 francs.

Comme vous le voyez, Messieurs, M. Victor Petit a été, dans son genre, un artiste des plus féconds, avec un talent original, varié et profond. Malheureusement la mort qui l'a frappé, jeune encore, ne lui a pas permis de terminer L'ouvrage sans contredit le plus important, auquel il travaillait avec passion depuis plusieurs années : l'histoire, les arts, l'archéologie et les moeurs du département de l'Yonne.

Il ne m'appartient pas d'apprécier la nature du talent de M. Petit. On a pu lui reprocher, quelquefois avec raison, de manquer de vie et de chaleur dans plusieurs de ses conceptions. D'un caractère froid, et d'une vie austère, ses oeuvres ont dû nécessairement se ressentir de ces dispositions naturelles; mais on ne peut méconnaître qu'il ait puissamment contribué à répandre dans les masses le goût du dessin, et qu'il ait été le promoteur d'un mouvement artistique que d'autres ont plus tard suivi.

Que vous dirai-je maintenant de l'homme privé que vous ne sachiez déjà? Permettez-moi seulement de VOUS citer ces


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quelques paroles que je trouve dans une lettre qui m'a été dernièrement adressée : « J'ai été pendant près de trente ans, « l'ami intime de M. Victor Petit, et je puis dire que j'ai « toujours rencontré en lui un homme riche en sentiments « nobles ; pour moi, c'est le type de l'homme loyal, juste, « ami du progrès, du bien et du beau, et par dessus tout plein « d'attachement pour sa famille.

Et en effet, sous sa rigidité puritaine, M. Victor Petit avait un coeur excessivement aimant. Il avait perdu son père depuis plusieurs années, mais il avait conservé sa mère, aujourd'hui âgée de plus de 90 ans et jamais il n'en parlait sans émotion et sans attendrissement. Il possédait aussi un frère, conducteur des ponts-et-chaussées, auquel il était très attaché.

L'opposition de leurs talents était, peut être, une des causes de la vive affection qu'ils avaient l'un pour l'autre. M. Victor Petit était artiste; ennemi des formules mathématiques ; M. Stanilas au contraire, ne connaissait que l'algèbre : l'un était l'art, l'autre la science. La mort de ce frère, avait profondément affecté M. Victor Petit.

Depuis plusieurs années, il passait une grande partie de l'hiver, à Cannes, où, il s'était créé d'honorables relations, et où il avait surtout rencontré dans la famille de M. le duc de Vallombrosa, de douces et flatteuses sympathies. Il aimait d'ailleurs le ciel du Midi, et éprouvait un charme profond à parcourir, puis à décrire ou à reproduire par le pinceau, les environs de notre ville. Nous lui devons un recueil de promenades qui a certainement contribué à accroître la réputation de notre charmante station, en même temps que ses aquarelles, très recherchées des étrangers, faisaient apprécier au loin la beauté et la variété de ses sites.

Il prenait une part active à tout ce qui pouvait intéresser l'avenir de Cannes. Il fut un des fondateurs de notre Société


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et un de ses membres les plus zélés et les plus compétents. Il n'est aucun de nous qui ne se rappelle ses savants entretiens sur les monuments de la contrée. Confident de ses pensées, il m'avait plusieurs fois entretenu de ses projets concernant notre association, et de son intention de collaborer, à l'avenir, d'une manière encore plus suivie et plus utile, à nos travaux. Mais, il n'en devait pas être ainsi : depuis longtemps, M. Victor Petit était atteint d'un mal qui ne laissait guère d'espoir à son médecin et ami, M. le Dr Buttura. Lorsqu'il quitta Cannes, au printemps de 1871, nous avions déjà le triste pressentiment, en lui pressant la main, que c'était pour la dernière fois. Lui, au contraire, croyait encore revenir, et peu. de jours avant sa mort, ilécrivait'à un de nos confrères, pour lequel il avait beaucoup d'estime, pour lui demander de venir au devant de lui. Mais ce désir n'a pu être accompli, et la mort est venue le surprendre le 8 octobre 1871, à Aix-lesBains, où, il avait cru pouvoir trouver un soulagement à ses souffrances.

Quand je dis que la mort est venu le surprendre, je me trompe ; M. Victor Petit a parfaitement su que son heure dernière était arrivée, et il a accepté en chrétien le sacrifice de la vie. Mais il a voulu, à ce moment encore, laisser un souvenir aux personnes qui lui étaient le plus chères, et il ne nous a pas oubliés, Messieurs. En même temps qu'il léguait aux Petites-Soeurs-des-Pauvres, son mobilier, il donnait à notre Compagnie les livres, les gravures et les dessins qui étaient à son domicile.

C'est donc encore un devoir de reconnaissance que j'ai accompli, en vous entretenant pendant quelques instants de cet homme de bien, dont la place est certainement marquée au premier rang, parmi ceux qui ont le plus travaillé, dans ces dernières années, à la prospérité de Cannes.


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LE COUSIN

Parmi les nombreux insectes, qui peuplent les airs, il en est un des plus importuns, dont l'histoire, peu connue, peut pourtant intéresser et le naturaliste et l'homme du monde. C'est le Cousin. Qui ne connaît ce fléau de la campagne et de la ville? Qui n'a pas senti les atteintes de son perfide aiguillon ? Qui ne l'a nourri plus d'une fois de son sang ?

Digne à ce seul titre du nom que nos pères lui ont donné il s'en prévaut avec une familiarité et un sans-gêne qui n'a point son pareil. — Si les portes lui sont fermées, il entre par la fenêtre ; il va et vient, du dehors au dedans, par toute la maison. Il s'insinue indiscrètement dans les boudoirs les plus secrets. Evidemment quand il est chez nous, il se croit chez lui; il use et abuse de la consanguinité, et quoiqu'il ne soit jamais le bien venu, il est sûr de trouver toujours chez son hôte, et sans frais, un déjeûner et un dîner à son goût.

Destiné à vivre de sang, ce petit animal a tous les caractères et tous les airs d'un guerrier — un panache à trois plumes orne sa tête — la femelle en est dépourvue. Le sexe sans doute, dans le genre Cousin, a, par exception, des goûts fort simples pour la parure, mais il n'est pas inférieur en malice. — Chez la femelle comme chez le mâle, la bouche est


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armée d'un dard aigu et le fond du caractère est une humeur sanguinaire et belliqueuse.

Voyez-les, quand un accès de cette soif du sang les saisit. Ils commmencent par se dresser et se balancer vivement sur leurs pattes effilées — c'est une ardeur guerrière, qui attend avec impatience l'heure du combat. A défaut de clairon, un bourdonnement d'aile donne le signal — on frémit — les plus braves prennent l'alarme — on écoute — d'un oeil inquiet on cherche l'invisible agresseur — d'une main enfièvrée on bat les airs, à tout hasard, pour l'écarter. Peine inutile! on s'aperçoit bientôt que le nom de l'ennemi est légion. Ils se sont rassemblés en troupe — tantôt ils vous assaillent tous à la fois, et vous échapperiez plus facilement aux loups affamés qui

poursuivent les traîneaux dans les steppes de la Sibérie

Tantôt, s'il est seul, l'intrépide ennemi saura joindre la ruse à l'audace — un instant repoussé, il s'éloigne, mais c'est pour revenir à la charge, avec plus d'adresse et d'acharnement ; trois ou quatre fois il tourne en grondant autour de la proie qu'il menace—puis tout à coup... on ne l'entend plus. Il s'est insinué par quelque imperceptible défaut de la palissade et au moment où vous croyez pouvoir enfin sommeiller tranquille, la vive douleur d'une piqûre vous avertit que l'ennemi a trompé votre vigilance : et il s'enfuit, ou plutôt, il vous laisse sur le champ de bataille, insultant à votre dépit et chantant sa victoire.

Mais soyons généreux et rendons hommage à la merveilleuse armure, dont notre vainqueur est pourvu et favorisé. Quelle est admirable, dans sa structure, cette arme si détestable dans ses coups. Nous l'avons dit : c'est de la bouche qu'elle sort, et non pas, comme chez l'abeille, de l'extrémité du corps. Vous pouvez vous figurer un poignard, dans sa gaîne : car


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l'aiguillon de nos chers Cousins se compose de deux parties. La gaîne, qui est rétractile, c'est-à-dire, qui s'allonge ou se raccourcit à la volonté de l'animal ; puis ce qu'on appellerait une lame n'est qu'un suçoir formé de plusieurs soies déliées et acuminées. La gaîne est percée à l'extrémité, pour laisser sortir ledard, et voici comment se fait cette opération, qui n'est pas toujours très amusante pour le patient.

Quand l'insecte a pris position, qu'il est bien appuyé sur ses six pattes largement écartées, il fait un petit mouvement de bascule, qui rapproche sa tête du point convoité. La gaîne s'allonge, et à peine son extrémité touche-t-elle à la surface de la peau moite et palpitante, que les dards du suçoir, aussi prompts que subtils, et mus sans doute par l'appétit de l'animal avec toute la force dont il est capable, s'insinuent par un pore de l'épiderme, pénètrent dans le tissu dermoïde, rencontrent inévitablement un de ces vaisseaux sanguins capillaires, dont cette partie de la peau n'est qu'un réseau des plus serrés, et alors les petites soies, participant au frémissement de plaisir qu'éprouve l'animal, vibrent entr'elles d'une certaine manière, qui fait monter jusqu'à la bouche une première goutelette du sang dont elles sont imbibées : une seconde suit la première, par le même procédé ; puis une troisième, et il n'y a plus d'autre raison, pour que ce manège de succion s'arrête, que le satiété de l'atroce buveur de sang ou la juste impatience de sa victime.

Parfois néanmoins cette piqûre si redoutée du Cousin ne se fait pas sentir, dans le moment même, et, n'était de ses suites, elle passerait inaperçue.

Ce n'est pas que pour nous rassurer, et pour nous instruire nous manquions de savantes explications sur la raison d'être de ces petites élevures si cuisantes, qui succèdent le plus souvent à la plaie et constituent en grande partie le grief, sujet de nos plaintes.


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Les uns en effet disent que le malfaisant insecte, non content de pomper notre sang, dépose dans notre chair une certaine liqueur acre et vénéneuse, qui occasionne à l'instant une inflammation; mais cette opinion est peu fondée. Personne n'a jamais vu cette liqueur, et il n'y a point d'ailleurs d'analogie, entre le suçoir du Cousin qui sert à sa nourriture, et les aiguillons, qui ont été donnés à certains insectes, pour leur

défense.

Rejetons donc une imputation de noire ingratitude, qui ne tendrait qu'à incriminer une réputation déjà trop compromise:

D'autres attribuent la cuisson qui suit la piqûre du Cousin à une cause toute physique. Ils prétendent que la petit animal, effrayé de quelque brusque mouvement de sa proie, s'enfuit si précipitamment qu'il laisse son arme dans la plaie — le corps étranger qu'il est impossible d'extraire, occasionnerait, comme ferait tout autre, une inflammation et une tumeur. D'après ce système tous les vifs baisers de nos chers parents ailés n'auraient pas les mêmes conséquences; et pour éviter qu'ils laissent des traces et de fâcheux souvenirs, il n'y aurait rien de mieux que de se prêter en bon Cousin, à des témoignages de tendresse, qui ne seraient malencontreux, qu'autant qu'on aurait la mauvaise grâce de les repousser. Rien de plus juste. Malheureusement, l'observation et l'expérience que chacun peut faire à loisir et à ses dépends, ne confirment pas cette théorie, combattue d'ailleurs par une multitude d'autres raisons; et ces messieurs, qu'ils soient pressés ou qu'ils prennent leurs aises, ne sont jamais assez aimables, pour ne nous laisser aucun souvenir de leurs indiscrètes visites.

On dit cependant (est-ce bien sérieusement, est-ce par plaisanterie?) on dit, et c'est, je crois le grave Réaumur qui


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a fait cette observation à Paris, que notre guerrier aux ailes légères, aussi galant que vaillant, épargne le sexe le plus faible, et que de préférence il s'attaque aux hommes, comme s'il savait qu'il y a plus de gloire à les braver et moins de cruauté à les blesser. Je ne garantis pas le fait : mais si l'on avait à y opposer quelque part des faits contraires, il ne faudrait pas accuser notre naturaliste d'avoir voulu rire, en une matière si sérieuse ; on devrait croire plutôt que le perfectionnement des êtres étant progressif, le genre Cousin n'est pas partout également avancé, et que ceux du littoral de la Méditerranée, par exemple, ne sont pas encore aussi bien appris que ceux des bords de la Seine.

Soit, me dira-t-on ; mais malgré tout cela, vous nous laissez avec nos piqûres, sans nous expliquer pourquoi elles nous cuisent — ce serait pourtant une si douce consolation !

Et même un remède; car ou est sur la voie de la guérison d'un mal dès qu'on en connaît bien la cause-. Malheureusement, aux conjectures des savants, je n'ai à opposer que la mienne. — Permettez-moi pourtant de m'y hasarder.

J'imagine donc que la soustraction d'une seule goutelette de sang, opérée par le suçoir du Cousin, interrompt et (rouble sur un point la circulation capillaire; c'en est assez pour que sur ce point le sang afflue et s'accumule. — Car, selon la doctrine d'Hippocrate — (qu'on s'attendit ou non, à voir Hippocrate en cette affaire ne me refusez pas le plaisir de vous le citer :) — ubi stimulus ibi humorum affluxus. — De là, rougeur, tumeur, inflammation, cuisson, et de là aussi le meilleur remède, et la finale conclusion de cette dissertation trop longue: — une légère friction avec le doigt imbibé de salive ou d'eau fraîche, qui rétablisse la circulation des fluides, tempère la chaleur et calme la douleur. Autant en indiquent à chacun


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du reste, les instincts de la nature, cette bonne mère et habile conservatrice des oeuvres de son créateur.

Complétons maintenant l'histoire de notre insecte ; ce qui nous reste à dire n'est peut-être pas aussi connu.

Cet habitant si léger des airs a passé sa jeunesse dans un tout autre milieu. Il était poisson ; habitant, je veux dire, de l'élément liquide.

Oui le Cousin a passé les premiers jours, et la plus grande partie, hélas! de sa frêle existence, dans un étang, dans un fossé aux eaux croupissantes, dans un cloaque trop voisin de nos habitations. C'est là, c'est dans ces demeures infectes, que, vivant en vrai pirate, il prélude aux exploits malveillants, qui nous le signaleront bientôt.

Et sa forme, dans ce. premier état, est bien autre que celle qu'il se prépare à revêtir; cet habit de fête dans lequel il viendra nous faire ses visites. Son corps, formé de plusieurs anneaux, comme celui d'un ver, est dépourvu de pieds, mais il est muni de nageoires. On en distingue quatre disposées en éventail, à l'extrémité du corps, qui se termine, par une ouverture évasée, béante, comme un entonnoir. C'est par là que l'animal respire, car il n'est qu'amphibie, et il lui faut nécessairement de l'air pour vivre. Aussi cette extrémité du corps, est-elle habituellement à la surface de l'eau. Qu'on ne croie pas pour cela que cet entonnoir soit la bouche de l'animal ; non, par un jeu bizarre de la nature, le Cousin en cet état, respire par sa queue. — La bouche est à l'extrémité opposée, avec la tête, elle est accompagnée de deux crochets dont la larve est armée pour saisir et retenir sa proie. La tête en bas, le petit pirate guette tout ce qui passe, et le moindre atôme, qui s'offre à sa convenance (car un atôme lui suffit) il s'élance, le happe et retourne à son poste, la queue en l'air, pour reprendre haleine.


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Ce genre de vie, qui peut bien avoir ses charmes, dure quinze jours environ, après lesquels l'insecte subit une première métamorphose, et il apparaît à l'oeil, de l'observateur émerveillé sous une figure extrêmement pittoresque. — Les organes de la respiration ont changé de forme et de place. On les voit s'élever de chaque côté de la tête, comme deux cornets, qu'un naturaliste compare, non pour la grandeur, certes, mais pour la forme, à deux oreilles d'âne. Grotesque ressemblance, si l'on veut, mais qui n'a pas empêché qu'on donnât au Cousin, en cet état, le nom gracieux de nymphe. Inoffensif dès lors, à la vérité, il ne fait plus la chasse. Il se tient pacifiquement roulé sur lui-même à la surface de l'eau et immobile; mais si l'on touche l'eau, il se déroule aussitôt, s'agite avec une vivacité singulière, gagne rapidement le fond et disparait.

L'état de nymphe ne se prolonge pas au-delà de huit à dix jours, et l'insecte subit alors sa dernière métamorphose. Alors le moment est venu, attendu sans doute avec une impatience mêlée d'inquiétude et peut-être d'incrédulité, où notre Cousin sortant des eaux, va s'élancer dans les airs et jouir d'une nouvelle et brillante existence.

En un beau jour d'été, quand le soleil darde sur la terre ses rayons vivifiants, l'humble nymphe du Cousin n'est pas exceptée de ses bienfaits. Un rayon de lumière lui donne le signal, elle se développe, elle s'étend à la surface de l'Océan où elle flotte. Sa tête se gonfle et se relève : entre les deux cornets dont nous avons fait mention, la peau se fend, et l'on voit aussitôt poindre la petite tête de l'insecte, maintenant ailé, fier de ses panaches et heureux de ses yeux brillants. — Peu après les deux premières pattes se dégagent, et, prenant un point d'appui sur le bord antérieur de l'enveloppe, qui ne sera bientôt plus qu'une dépouille, elles tirent l'animal en avant; les autres paites, le corps, les ailes, qui le recouvrent, sortent


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successivement de leur étui, et cet étui, cette peau de la nymphe qui n'a point changé de forme, rend pour un instant un autre service. Soit que, surpris, charmé de ce monde nouveau, qui se révèle tout-à-coup à ses sens, le nouvel habitant des airs se donne le temps de reconnaître son séjour ; soit plutôt que ses ailes encore tendres et humides ne lui permettent pas de prendre encore son essor, il demeure accroupi sur sa dépouille flottante. Dans cette nacelle improvisée il va, il vogue tranquillement ; il est lui-même la voile et le mât du navire. — On dirait quelqu'un qui se promène sur le lac pour son plaisir. Mais aussi, lorsque d'aventure, comme dit le poète, un souffle plus fort que de coutume, vient rider la face de l'eau, malheur à la barque et à celui qui la monte. Facilement elle est renversée et le volatile dont les ailes ne sont pas encore sèches, fait un triste naufrage.—Aussi bien ne voyons-nous pas sur les vastes mers de grandes nefs, qui ont lutté en vain contre les vents furieux et les vagues amoncelées, sombrer enfin et s'engloutir dans l'abîme, la carène avec ses agrêts, et l'équipage et le pilote!

Hors ce cas de mauvaise chance, en un quart d'heure les ailes du cousin se sont raffermies ; elles peuvent le soutenir dans les airs, et le voilà qui s'envole joyeux.

Le même jour, le même lieu en voit naître un nombreux essaim. Vers le soir, ils se rassemblent en troupe sur le bord des eaux, et là, avant de se séparer, pour venir nous faire leurs politesses, ils se mettent à jouer entr'eux et à folâtrer sans fin, se mêlant et se croisant par des évolutions indescriptibles, tournant en tous sens, nuages vivants qu'on voit s'élever, s'abaisser ; tantôt suspendus au-dessus du miroir des eaux, tantôt courant brusquement d'un bord à l'autre ; c'est au milieu de ces jeux et de ces mouvements que l'oeil ne peut suivre qu'ils pourvoient, dit-on, à la propagation exorbitante


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de leur espèce. — A cet effet, en temps opportun, la femelle s'en va silencieusement se poser sur un brin d'herbe, au bord de cette eau, le plus souvent, où elle est née elle-même. A mesure que les oeufs sortent de son corps, elle, avec ses pattes de derrière, les retient, les groupe et les arrange, en donnant à l'ensemble la forme d'un petit batelet ; puis enfin les abandonne ainsi au caprice des vents et à tous les hazards, non sans regret peut-être, puisque elle est mère ; mais du moins, si mal leur arrive, elle ne sera pas témoin de leur infortune, puisqu'elle meurt, presque aussitôt après la ponte. En un mois au plus, elle a fourni sa carrière ; elle laisse au monde deux cents oeufs, espoir d'une interminable postérité. Heureusement pour nous, qu'il en périt un grand nombre, quoique il en reste toujours trop.

l'AbbéLALANNE.


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RAPPORT

SUR L'EXPOSITION DE PEINTURE ET DE BEAUX-ARTS

D E 1 872.

MESSIEURS ,

L'exposition de peinture et de beaux-arts dont vous avez décidé l'organisation à votre séance du 10 janvier 1872, s'est ouverte le 24 février et a été close le 15 mars. Mon but n'est pas d'apprécier, dans ce rapport, le mérite des diverses oeuvres qui y ont figuré, mais uniquement de constater les résultats en quelque sorte matériels, obtenus par les soins de votre commission, afin qu'il en soit conservé souvenir dans les annales de la Société.

Trente artistes vivants, nés ou résidant dans les départements du Var et des Alpes-Maritimes, ont envoyé à l'exposition 94 toiles. Plusieurs de ces artistes ont été admis antérieurement aux expositions de Paris et y ont obtenu des récompenses. Je nommerai notamment MM. de Curzon, Courdouan, Papeleu, Lansyer, Buttura, Contini, Bonnefoy, Ginoux, Malard, Flacheron, Cassinelli, Yourassoff; et parmi les aquarellistes: MM. Chagot et Cauvin, dont les oeuvres ont été plus particulièrement remarqués. Quatre artistes étrangers à la circonscription, dont deux de Paris MM. Chavet et Renié, ont aussi pris part à l'exposition, et les amateurs, propriétaires de tableaux, qui ont bien voulu y concourir également, ont été au nombre de dix-sept. Parmi les oeuvres modernes ou anciennes de ces derniers, je crois devoir citer des toiles d'Emile Claude, D'Appian, de Roeder, et de Jeanle-Ducq, appartenant à M. Rousset; des oeuvres signées D'Y von, de Gudin Herminie, de Coignard, de Rousseau, de Daubigny, d'Eugène Delacroix exposées par M. Mercey; et enfin des tableaux de Terburg, de Parmesan, de D. Teniers, de Carrache, de Panini, de Bassan, de Van Dick, un portrait de femme de l'école française du XVIIe siècle, une Diane et une autre toile de l'école Lombarde, appartenant à M. Mailand.

Cette énumération très incomplète, prouve toutefois que l'exposition, à part même l'intérêt que présentaient les oeuvres des


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peintres de la Provence, offrait encore aux amateurs des toiles d'un mérite réel et dignes d'attirer leur attention.

La sculpture par contre n'y était représentée que par quelques bustes et médaillons.

Quant aux objets d'art, ils s'y trouvaient aussi en petit nombre, maison pouvait néanmoins y remarquer de beaux et rares bijoux du XVIe siècle appartenant à M. E. Galichon, et divers objets curieux provenant du Japon, ainsi que des porcelaines de Chine et des Indes, avec une collection de jouets hollandais des XVIIe et XVIIIe siècle, gracieusement offerts par Mr et Mlle de Colquhoun.

La section d'archéologie comprenait des fac-similé d'inscriptions que nous avions recueillies, et des médailles et monaies antiques, extraites du casier de M. Durieu.

M. E. Rivière avait aussi exposé plusieurs cartons d'instruments en silex et en os, fabriqués par l'homme préhistorique et trouvés par lui dans les cavernes de Menton pendant sa mission scientifique.

Enfin, l'industrie des travaux en mosaïque de bois, qui a fait dans le pays des progrès considérables depuis quelques années, y comptait un assez grand nombre d'objets fort remarquables par leur goût et leur exécution.

Cependant, malgré l'attrait que cette exposition présentait à plusieurs titres, nous devons avouer qu'elle n'a pas rencontré, dans le pays, l'accueil que la Société espérait. Elle n'a guère, en effet, été visitée que par les étrangers, et ce qui le prouve, c'est que les entrées, les dimanches, n'ont pas été sensiblement plus nombreuses que pendant la semaine, malgré la réduction de prix. Le total des visiteurs, pendant toute la durée de l'exposition, ne s'est pas élevé au-dessus de 622.

Le jour de la clôture a eu lieu un concert pour lequel les artistes avaient offert, avec empressement, leur concours gratuit, et pendant lequel s'est fait le tirage de la loterie composée des tableaux et objets d'arts achetés aux exposants. Le montant de ces acquisitions a été de 1750 francs mais les billets placés ont atteint le même chiffre.

Voici maintenant la situation financière résultant des opérations de la Commission.

RECETTES.

Produit des entrées 548 »

Vente des catalogues. 23 25

Produit de la loterie 1,750 »

Subvention de la commune 200 »

Don de M. Duboys d'Angers, pour achat d'un tableau 200 »

TOTAL 2,721 25


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DÉPENSES

Achats d'objets divers pour appropriation du local 160 35

Journées d'ouvriers pour la disposition des salles, l'installation et le réemballage des objets exposés, ainsi que pour la garde du local, le jour et la nuit,

du 16 février au 16 mars 354 50

Frais d'impression 172 »

Affranchissements de lettres et de circulaires, frais

d'affichage et autres dépenses de bureau. 40 85

Façon d'une table-vitrine double 28 »

Frais du concert 145 »

Sept photographies pour la série des billets de la

loterie à 10 francs 17 50

Tableaux et objets d'arts achetés aux exposants 1,750 »

TOTAL 2,668 20

RÉCAPITULATION.

Recettes 2,721 25

Dépenses 2,668 20

BONI 53 65

à verser dans la caisse de la Société.

Nous ne savons, Messieurs, si ce premier essai pourra être renouvelé, car il présente dans son exécution d'assez grandes difficultés, mais ce que nous sommes heureux de pouvoir vous dire, c'est que les artistes ont tous été reconnaissants à la Société de son initiative, et que le public éclairé et intelligent qui a visité l'Exposition a été surpris du succès obtenu. Vous ne pouvez donc Messieurs, que vous féliciter, à votre tour, d'être entrés dans cette voie et d'avoir par ce moyen, prouvé ostensiblement votre sympathie pour les arts, qui sont d'ailleurs une des branches de vos études.

A. MACÉ.