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cier; et le 25 août, Marie, ce charmant ouvrage d'Herold qui, n'a pas été joué depuis plus de vingt ans, bien qu'il ait été question plus d'une fois de le remettre à la scène au cours de ces dernières années.
CHAPITRE-;IX
1846-1847
DES MOUSQUETAIRES DE LA REINE A HAYDÉE.
En 1846, un ouvrage domine tous les autres et s'impose, en effet, non seulement par sa valeur très certaine, mais encore par le succès considérable qu'il obtint alors. Les Mousquetaires de la Reine firent leur entrée au théâtre le 3 février, et, dans les annales de l'Opéra-Comique, il faudrait remonter jusqu'à la Dame blanche ou descendre jusqu'à l'Étoile du Nord pour rencontrer une réussite aussi prompte et aussi complète. Dès le premier soir, le poème de de Saint-Georges et la musique d'Halévy firent sensation ; la pièce alla, comme disent les Italiens, aux étoiles. -Le sujet parut intéressant^ varié, dramatique-et gai tout à la fois; la partition spirituelle et vive, semée de mélodies charmantes qui rehaussaient encore le mérite d'une facture solide, d'une connaissance "profonde de la scène et de l'orchestre.
L'oeuvre était exécutée d'ailleurs par l'élite de la troupe ; il suffit de rappeler les noms de Roger, Mocker, HermannLéon, Mlles Lavoye et Darcier. Tout avait été réglé avec soin ; le soir de la première, le régisseur général Henri avait poussé la conscience jusqu'à se mêler aux choeurs, pour suivre de plus près la manoeuvre, soutenant, pressant, retenant son personnel avec le sang-froid d'un général qui livre bataille. Le titre de la pièce lui-même avait été l'objet de sérieux débats entre l'auteur et le directeur tout d'abord, nous a raconté M. Schoenewerck, dont les souvenirs sur cette période sont des plus précieux ; on avait choisi un nom qu'Offenbach devait reprendre plus tard pour son compte en le donnant à l'une de ses premières opérettes : une Nuit blanche. Mais déjà on pouvait lire sur l'affiche des Yariétés le 8 décembre 1845, tandis que l'oeuvre d'Halévy se trouvait en pleines répétitions une Nuit blanche ou la Petite Maison, vaudeville en deux actes de MM. de Leuven et Brunswick. C'est alors qu'on songea aux Mousquetaires, qui, séparément ou collectivement, avaient déjà paru sur la scène : on connaît en effet le Mousquetaire, de Bousquet (1844) dont nous avons déjà parlé, les Deux Mousquetaires, de Berton (1824), également à l'Opéra-Comique et non mentionnés par Clément dans son dictionnaire, enfin, les Trois Mousquetaires, d'Alexandre Dumas. Ce fut même le succès de cette dernière oeuvre, représentée quelques mois auparavant et devenue promptement populaire, qui décida les auteurs à s'inspirer d'un titre de bon augure, qu'ils créèrent, pour la circonstance, un corps de troupe que le public accepta sans vérifier comme il acceptait les inventions historiques de Dumas, et le bon Th. Gautier fut seul à lancer timidement sa petite protestation au nom de la vérité : <■. Nous avons, disait-il, beaucoup entendu parler de Mousquetaires gris, de Mousquetaires noirs et de Mousquetaires à pied; mais ya-t-il jamais eu des Mousquetaires de la Reine? Grave question, sur laquelle nous prions Alexandre Dumas de nous éclairer à la première occasion. »
Ce dernier n'exauça point cette prière ironique ; mais le public donna gain de cause aux auteurs en se pressant au théâtre pour admirer les nouveaux venus, Le roi lui-même, en dépit de son goût pour la vieille musique, suivit l'engouement général, et le 25 février fit venir aux Tuileries les Mousquetaires de la Reine. Librettiste, compositeur et directeur, chacun à cette occasion reçut de Leurs Majestés sa part de compliments, et la reine daigna dire que « malgré tout ce que lés princes, qui avaient assisté à trois représentations, lui avaient rapporté dû. mérite de la pièce, elle trouvait encore cet ouvrage supérieur aux éloges qu'on lui en avait faits. »
La presse, en effet, s'était montrée unanime dans la constatation du triomphe : « Le bureau de location ressemble à un
fort assiégé en règle », -écrivait l'un. ;<c Depuis longtemps poursuivait l'autre, on n'a vu un. succès se. dessiner aussiécla! tant que la foudre et déjà brillant comme l'Éclair ! » ■■;; Les recettes sont là pour le prouver. Les quatorze premières représentations produisirent 77,785 fr. 75 c; les quatorze suivantes 80,Î59 fr. ?5 c"; à la 'quarante-deuxième on. comptait 226,360.fr. 25 c. de recettes, c'est-à-dire que la moyenne avait toujours dépassé 5,000 francs par soirée. Le congé des artistes fit suspendre pendant deux mois-les représentations; elles reprirent, plus brillantes et plus suivies que jamais, avec Mue Lemercier succédant à Mme Darcier dans le rôle de Berthe de Simiane. En moins de sept mois on atteignait la centième et le 29 novembre, à la cent-quatrième, on faisait encore une recette de 5,331 francs; la moyenne s'était donc maintenue avec une surprenante fixité; or, il faut bien en attribuer le mérite à. l'ouvrage lui-même, et non à ceux qu'on pouvait lui donner comme compagnons sur l'affiche ; car il fut joué seul 102 fois, fait absolument exceptionnel et sans précédents i l'Opéra-Comique, où les levers de rideau n'ont perdu leur importance que depuis quelques années.
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SEMAINE THEATRALE
« Bien que la direction de l'Opéra continue à être dans des rapporte assez tendus avec la plupart des journaux, surtout M. Gailhard, que l'on aime décidément bien peu, ce n'est pas une raison pour ne pas donner quelques petites nouvelles de notre Académie nationale de musique» Qui parle ainsi? Ce n'est pas le Ménestrel, qu'on suspecterait peut-être, en l'accusant de 1 mauvais vouloir et de sévérité. C'est un de nos grands confrères, le Paris, connu pour sa courtoisie et sa modération. Sa réflexion n'en a que plus de poids, et indique nettement l'état des relations qui se sont établies entre la direction de notre 'grande scène lyrique et la presse parisienne. Quoi qu'il en soit, résumons à notre tour les quelques nouvelles que nous avons à donner en ce qui concerne l'Opéra.
Lundi dernier, en même temps que M. Ballard, appelé à remplacer prochainement dans son emploi M. Bataille, qui va prendre sa retraite, se montrait pour la première fois dans le rôle de Gessler de Guillaume Tell, M. Bello faisait son premier début dans celui de Melchtal, et mercredi Mme Lureau-Escalaïs faisait sa rentrée dans Rigoletto. Mme Escalaïs doit prendre bientôt possession du rôle de Juliette, qu'elle a chanté une fois au pied levé, peu de temps avant son départ. M. Bello, dont nous venons de signaler le début, est un élève de M. Barbot, qui est sorti l'an dernier du Conservatoire avec un premier accessit de chant. 11 a été bien accueilli.
M. Escalaïs va reprendre son poste cette semaine. Puis nous verrons Mme Adiny dans Patrie, où elle prend la succession de Mlle Dufrane, et ensuite MUe Litvine dans Aida. On prépare aussi les débuts des deux artistes engagées pour remplacer MUe Richard, dont l'engagement, considéré comme trop onéreux et non renouvelé, par conséquent, expire, comme on sait, le 1S septembre. De ces deux artistes, qui étudient en ce moment tous les rôles de leur répertoire, M 110 Mounier paraîtra la première devant le public ; Mlle Vidal viendra ensuite. Quant à M. Affre, le vainqueur des concours de cette année, son début n'aura guère lieu qu'aux premiers jours d'octobre, dans la Favorite. C'est vers la même époque qu'on compte reprendre le Sigurd de M. Reyer, en attendant la première représentation de-Salammbô... a Bruxelles.
On voit qu'on travaille ferme à l'Opéra, et que l'administration actuelle de ce théâtre, à force de se donner de la peine, obtient des résultats vraiment surprenants. Voici déjà qu'elle a réussi à se séparer de MUe Richard et de MUe Dufrane, ce qui est assurément une habile opération ; elle nous rend Guillaume Tell et Rigoletto, que le public commençait à oublier; il est probable qu'elle va, de même, afficher un de ces jours la Juive ou Roméo et Juliette, et il n'y aurait rien d'étonnant à ce qu'elle nous fit entendre prochainement ks Huguenots ou l'Africaine. Avec elle on peut s'attendre à toutes sortes de surprises, et pour ma part je suis préparé à tout.
Aussi ai-je peur de rencontrer des incrédules en affirmant que l'activité fébrile et vraiment prodigieuse dont l'Opéra nous donne aujourd'hui tant de preuves fut en un temps dépassée,; et 1uoa