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LE MENESTREL
— Une des plus brillantes élèves de Mme Marchesi, Mme Melba, vient de partir pour le théâtre de la Monnaie, de Bruxelles, où elle doit donner quelques représentations de Mgoletto en langue italienne. C'est le début de Mme Melba au théâtre et nous croyons qu'il fera sensation, tant sa voix est charmante et son intelligence de chanteuse développée.
— Les directeurs de l'Opéra viennent de prêter gracieusement à leurs confrères de la Monnaie, de Bruxelles, une de leurs meilleures pensionnaires du ballet, MUe Héva Sarcy, pour créer chez nos voisins la Sylvia de Léo Delibes.
— Lettre intéressante adressée au rédacteur en chef du Figaro :
Bordj, le 24 septembre 1887. Monsieur le rédacteur en chef,
Dans son article du Supplément littéraire du 17 septembre, intitulé Verdi à l'Opéra, le Figaro émet l'assertion que le livret à'A'ida est la propriété exclusive de Verdi. Le premier auteur d'Aïda, c'est-à-dire celui qui a construit la charpente de la pièce, est mon père, Mariette Pacha. Sur le catalogue de ses ouvrages qui se trouve à la suite de la notice que M. Wallon, secrétaire perpétuel de l'Académie, consacre à la vie et aux travaux de mon père, on lit la mention suivante:
« (1870). — Scénario de l'opéra d\Aï<to composé à la demande du khédive Ismaïl » pour l'inauguration de la nouvelle salle. Imprimé à 10 exemplaires parMourès, " à Alexandrie. Développé, arrangé en prose par Cam. du Locle. Traduit en vers » italiens par Ghislanzoni pour la musique de Verdi. Les vers italiens ont été » traduits de nouveau pour l'Opcra de Paris par M. Nuitter. »
Or, de ce que la propriété littéraire de Mariette-Pacha n'a jamais été revendiquée, il ne s'ensuit pas que le livret appartienne exclusivement à Verdi.
Permettez-moi donc, monsieur le Rédacteur en chef, de profiter de l'occasion qui m'en est offerte pour faire toutes mes réserves sur ce point, et veuiller agréer, etc.
ALFRED MARIETTE.
— M. Victor Silvestre, le jeune et intelligent directeur du Gymnase de Marseille, vient de s'assurer, par traité, la nouvelle opérette de MM. Raoul Pugno, Valabrègue et Kéroul : le Sosie, qui va être représentée prochainement au théâtre des Bouffes-Parisiens. Il n'a pas voulu attendre l'effet de la première soirée, de crainte des compétitions qui pouvaient se produire.
— Le ténor Van Dyck est engagé à Bayreuth pour les représentations wagnériennes de l'été prochain. M. Van Dyck a chanté avec un très grand succès devant Mme Cosima Wagner. Le rôle de Walter von Stolzing, dans les Meislersinger, lui est attribué sans partage, et il interprétera également Parsifal.
— M" 0 Nikita est de retour à Paris, venant de Londres, où elle a chanté dans trente concerts en moins de six semaines au théâtre de Her Majesty, avec le succès dont nous avons déjà fait mention,
— Notre confrère Edmond Stoulling abandonne, pour des raisons administratives, la rédaction de la Bévue d'Art dramatique qu'il dirigeait avec succès depuis deux ans.
— M. Lucien Lambert, jeune compositeur élève de M. Massenet, couronné il y a quelques années au concours Rossini, travaille en ce moment, dit-on, à un grand opéra en cinq actes, dont le livret lui a été fourni par M. André Alexandre. Le titre de cet ouvrage, qui est intitulé Brocéliande, semble indiquer que le sujet en est tiré des légendes de la cour du roi Artus et du cycle fameux des chevaliers de la Table-Ronde. Or, il se trouve que, de son côté M. Victorin Joncières s'occupe également d'un ouvrage lyrique dont Lancelot du Lac et la reine Genièvre, femme du roi Artus, sont les héros principaux. Tout un acte se passe dans la forêt de Brocéliande. Le livret de cet uuvrage est de MM. Louis Gallet et Edouard Blau.
— Le 1er octobre a eu lieu, dans la salle du théâtre de Valenciennes, un grand concert donné au bénéfice de la famille du regretté sculpteur valenciennois Hiolle. M. Lenepveu a dirigé des fragments de ses oeuvres: Jeanne d'Arc, Armide, Velléda; M. II. Maréchal des fragments de la Taverne, du Miracle de Na'im, de la Nativité et de l'Étoile. Notons que cette représentation de l'Étoile était la cinquantième, chiffre mémorable, car les* petites scènes de ce genre y arrivent rarement. Il est vrai que celle-là est absolument charmante et mérite bien son heureuse fortune.
— Une erreur s'est glissée dans l'annonce que nous avons faite dans notre dernier numéro de la réouverture très prochaine des cours de l'Institut musical fondé et dirigé par M. et Mme Oscar Comettant. En signalant le nouveau cours que l'éminent professeur, M. Marmontel, inaugure cette année à l'Institut musical, « cours d'artistes pour six élevés seulement, deux fois par semaine, » les jours de ces cours ont été mal indiqués: ils auront lieu le lundi et le vendredi de chaque semaine, de midi à deux heures. En dehors de ce cours tout spécial et dans lequel on ne peut être admis qu'après examen, notre grand maître Marmontel, dont l'Institut musical est devenu le Conservatoire, continuera, comme les années précédentes, à faire le cours supérieur de piano pour les dames et les jeunes filles du monde. On s'inscrit à l'Institut musical, 13, FaubourgMontmartre, et au Ménestrel, 2 bis, rue Vivienne.
— M. Arthur Pougin, dit le Gaulois, vient de publier dans la revue le Livre, une très intéressante étude sur les archives et la bibliothèque musicale de l'Opéra. Les archives de l'Opéra qui, dit-il, sont encore peu connues
du public, abondent en renseignements curieux de toute nature. Par exemple, sous l'ancien régime, toutes les locations des loges étaient faites par baux passés devant notaire. On connaît donc, au moyen de cette série d'actes authentiques, qui ont été conservés, les noms et les titres de toutes les familles qui ont eu une loge à l'Opéra, de 1728 à 1789. Une des curiosités des archives, c'est la collection très complète des affiches de l'Opéra depuis 1803/ à laquelle il faut ajouter une autre collection d'un prix inestimable : celle des archives de l'ancienne Comédie-Italienne, qui - étaient entassées dans les combles de la salle Ventadour et qui a été acquise lors de la destruction de cette salle. La bibliothèque comprend plus, de dix mille volumes ou brochures, sans compter lés collections dé journaux, qui sont très considérables. De plus, elle renferme une série inestimable de soixante-dix mille estampes, parmi lesquelles une collection très curieuse d'affiches illustrées et une collection, précieuse pour l'histoire du costume, de tous les dessins originaux exécutés pour les deux cents opéras ou ballets représentés depuis 1803. D'autres séries non moins importantes, comme, par exemple, celles des maquettes de tous les décors exécutés à l'Opéra depuis 1866 et celle de cent soixante-dix-neuf partitions d'orchestre, depuis Lulli jusqu'à Gluck, font de la bibliothèque de l'Opéra un établissement sans analogue en Europe, comme richesse et comme originalité. \
\ NÉCROLOGIE
Une bien triste nouvelle nous arrive à la dernière heure. M. Brandus, le grand éditeur de musique, n'est plus. Il était attendu vendredi soir chez des amis. Comme on ne le voyait pas venir, Mme Brandus, inquiète, s'empressa de retourner chez elle. Voyant de la lumière dans la chambre de son mari, elle y pénétra et se trouva en présence du corps de M. Brandus étendu à terre sans mouvement. On fit chercher aussitôt un médecin. Tout fut inutile, M. Brandus était mort depuis plus d'une heure. C'est une perte qui sera vivement ressentie par tout le commerce de musique, dont le défunt était le président, le doyen aimé et respecté. C'est un vrai chagrin pour le Ménestrel que la mort de cet homme de bien, avec lequel nous avons toujours marché d'accord dans toutes les questions et pour qui nous avions non seulement l'estime qu'il méritait, mais une véritable affection. Nous envoyons à sa veuve et à celui qui fut son très digne associé dans ces dernières années, M. Philippe Maquet, tous nos bien tristes compliments de condoléance.
De Londres on annonce la mort d'un compositeur italien, LuigiMaria Caracciolo, qui avait su se, faire en Angleterre une situation importante. Cet artiste distingué, né à Andria le 10 août 1847, avait fait ses études au Conservatoire de Naples, d'où il était sorti en 1869 en faisant exécuter, pour son diplôme de sortie, une cantate intitulée Goffredo. En 1874, il donnait au théâtre Piccinni, de Bari, un opéra dont le sort fut peu heureux, Maso il Montanaro. Caracciolo se livra alors à l'enseignementdu chant, fut appelé en 1876 à Dublin pour diriger la classe vocale de l'Académie royale irlandaise de musique, peu d'années après venait s'établir à Londres, et, il y a deux ans, retournait à Dublin pour revenir mourir à Londres le 22 juillet dernier. On doit à cet artiste un grand nombre de mélodies vocales, à une ou deux voix, sur paroles italiennes et anglaises, dont on vante beaucoup le charme pénétrant.
— On annonce la mort des artistes suivants : à FlDrence, le 31 août, à l'âge de quatre-vingts ans, l'ex-ténor Settimio Malvezzi, qui, au dire des journaux italiens, fut célèbre en son temps; — A Sesto, à l'âge de quarante-cinq ans, Mme Adelina Peri-Gomes, pianiste fort distinguée, ancienne élève du Conservatoire de Milan; née à Bologne, elle avait épousé le compositeur Carlos Gomes, l'auteur de Guarany, dont elle était depuis longtemps séparée; — A Para (Brésil), Carlo-Felice Zopegni, « exbasso-comico, qui fut journaliste théâtral, poète et auteur de librelti », dit le Trovatore; — A Milan, âgé de soixante-dix-neuf ans, Raffaele Turbini, ancien danseur et chorégraphe renommé; — A Stockholm, Mme Iledwige Willman, qui fut pendant de longues années une des étoiles de l'Opéra de cette ville; épouse de M. A. Willman, qui, après avoir été lui-même un artiste de grand mérite, est aujourd'hui directeur des théâtres royaux de Suède, elle avait, en ces dernières années, abandonné la carrière du chant pour se vouer à la scène dramatique; — A Strasbourg, de Louis Edel, fondeur de cloches en cette ville, chef d'une maison fort connue dont l'origine remonte à plusieurs siècles; Edel, qui avait 77 ans, était le septième descendant de Melchior Edel, qui en 1617 avait épousé la fille du sieur Jean Speck, alors propriétaire d'une fonderie dont l'établissement actuel occupe encore l'emplacement; le défunt avait pris la succession de son père en 1846; son nom figure sur près de 1,800 cloches d'église; — Enfin, à Paris, Henri Beaucé, violoniste et chanteur de talent, frère de Mme Delphine Ugalde, aujourd'hui directrice des Bouffes-Parisiens.
HENRI HEÏÏGEL, directeur-gérant.
En vente chez Deventer, 85, passage Choiseul : Pot-de-fleurs, marche facile et charmante.
lMl'HIJlKhlli CliVIRALK DES CHUJIIVS DE t'KR. — IHPIUMEHIE COAIÏ. — ROE BERGÈRE S0, PARIS.