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-Tome XXI Fascicules I et II • ANNÉES. 1936-1937
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MÉMOIRES
DE LA
COMMISSION DES ANTIQUITES
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DEPARTEMENT DE LA COTE-D'OR
Le prochain, volume comprendra les proeès-verbaux des séances de la Commission de 1927 à 1932, et s'insérera dans la série des Mémoires à la place qui lui a été réservée (tome XIX).
ACADÉMIE DES SCIENCES,. ARTS ET BELLES-LETTRES DE DIJON
MÉMOIRES
DE LA
COMMISSION DES ANTIQUITÉS
DU
DEPARTEMENT DE LA COTE-D'OR
Tome XXI Fascicules l et II ANNÉES 1936-1937
Imprimerie Bernigaud et Privât Dijon
COMMISSION DES ANTIQUITES
DU
DEPARTEMENT DE LA COTE-D'OR
Bureau 1
Président : M. Eugène FYOT, 4, rue Turgot, Dijon 2. Vice-président : M. Charles OURSEL, 26, rue de Tivoli, Dijon. Secrétaire : M. Gabriel GRÉMAUD, 25, rue de la Préfecture, Dijon. Secrétaire-adjoint : M. le comte de SIMONY, 25, PL Edgar-Quinet,
Dijon. Bibliothécaire : M. Jacques LAURENT, 8, rue Babeuf, Dijon s. Conservateur du musée archéologique et des collections de la Commission :
M. Xavier AUBERT, 4, rue du Havre, Dijon.
Comité de lecture 1
Le président, Le secrétaire, Le bibliothécaire,
et MM. l'abbé Maurice CHAUME, 9, bd Voltaire (Grand Séminaire), Dijon, le lieutenant-colonel ANDRIEU, 27, bd Thiers, Dijon, le commandant Henri CHARRIER 4, 6, bd Alexandre- Ier-deYougoslavie,
Ier-deYougoslavie, Dijon. Henri DROUOT, 24, cours du Parc, Dijon.
1. Élu pour 4 ans, le 13 juin 1934.
2. Décédé le 25 décembre 1937 et remplacé par M. l'abbé Chaume, 9, boulevard Voltaire (Grand Séminaire), à Dijon (élections générales du 29 juin 1938).
3. M. Laurent a quitté Dijon en 1938. Il a été remplacé dans ses fonctions de bibliothécaire de la Commission par M. Albert Colombet, 7, rue du Temple, à Dijon (Séance du 23 novembre 1938).
4. Élu le 27 novembre 1935 en remplacement de M. Ferdinand Claudon, décédé.
Fascicule I
ANNÉE 1936
I
Procès-Verbaux des Séances
DES SÉANCES
DE L'ANNÉE 1936
Séance du 8 janvier 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Le président félicite M. Oursel, vice-président, pour le prix qui vient de lui être décerné par la Ville de Dijon pour son récent ouvrage sur l'art gothique en Bourgogne.
Puis il présente les photographies de quatre bustes de saints personnages en bois sculpté qui décorent l'église de Touches, près du Bourgneuf, en Saône-et-Loire, et qu'une ancienne monographie de l'église attribue au sculpteur dijonnais Jean Dubois. Les bustes paraissent bien être de son école, mais il est difficile de se prononcer sur une attribution plus précise d'après les seules photographies. Celles-ci ont été adressées à M. Fyot, par M. Armand-Calliat, secrétaire de la Société d'Histoire et d'Archéologie de Chalon-sur-Saône.
A propos de la photographie d'une gravure rétrospective que lui a offerte M. Neuzeret, notaire à Chalon-sur-Saône, et qui représente l'inauguration de la section de voie ferrée de Dijon à Tonnerre, le 1er juin 1851, le président décrit ensuite, d'après les documents de l'époque, la cérémonie et les fêtes de cette inauguration qui fut considérée comme une journée historique à cause du discours que prononça, au banquet, le prince-président, Louis-Napoléon Bonaparte.
Après avoir rappelé les circonstances dans lesquelles on avait péniblement obtenu le tracé du chemin de fer de Paris à Lyon par Dijon, M. Fyot expose que plus de 50.000 étrangers et Parisiens étaient venus à Dijon, le 1er juin 1851, attirés par la présence du prince-président. Il montre, d'après la gravure, l'emplacement de la gare actuelle occupé par des estrades magnifiquement décorées, où se pressent les invités officiels. Au milieu, un édicule en surélévation et tout pavoisé abrite un autel devant lequel l'évêque de Dijon, Mgr Rivet, bénira les locomotives après avoir prononcé un éloquent discours.
PROCÈS-VERBAUX
10 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Puis le cortège se met en marche derrière Louis-Napoléon à cheval. Près de la porte Guillaume, des cris divers se font entendre. Ceux de « Vive la République » paraissent couvrir ceux de « Vive Napoléon » et même de «Vive l'Empereur », poussés par les bonapartistes. C'est au banquet de la salle philharmonique qu'après une cantate exécutée par la maîtrise et une allocution du maire André, le prince-président prononça son fameux discours où il s'élevait en paroles aigres-douces contre l'Assemblée législative, composée en majeure partie de légitimistes et d'orléanistes. Il laissa même entrevoir ses projets de domination et de recours au plébiscite, ce qui provoqua une véritable stupéfaction parmi les convives.
Néanmoins la fête populaire n'en fut pas troublée : ascension d'un ballon, illuminations dans toute la ville, feu d'artifice où des locomotives ardentes s'avancèrent devant l'autel de feu symbolisant celui d'où l'évêque avait béni la voie ferrée, décorations rutilantes de l'Hôtel de ville : à tel point que M. de Montalembert, présent à cette journée mémorable, ne cessait de répéter qu'il ne connaissait pas une seule ville de province où l'on pût offrir une fête comparable à celle-là.
Louis-Napoléon rentra à Paris le 3 juin. Il put y entendre à l'Assemblée législative les controverses stériles occasionnées par son discours, dont une phrase trop acerbe fut cependant supprimée à l'Officiel. Six mois plus tard, le prince-président faisait son coup d'état du 2 décembre.
M. Oursel rappelle qu'une médaille fut frappée pour commémorer l'inauguration de la section Dijon-Tonnerre et les discours du maire et du prince-président.
MUe Rabut, associée, fait circuler une médaille grand module en bronze présentant à l'avers un buste de personnage avec la légende IN.HOC SIG-NO VINCES et au revers un écu semé de fleurs de lys. Cette monnaie est remise à M. Em. Broussolle pour identification.
M. Oursel donne lecture d'une note de M. Henri Stein, professeur à l'École des Chartes, sur un document inédit des Archives nationales relatif à un procès intenté au début du xve siècle par l'abbé de Saint-Bénigne de Dijon à des charpentiers dijonnais chargés d'effectuer des travaux de consolidation au clocher de l'abbatiale.
Après avoir de nouveau attiré l'attention de la Compagnie sur les mutilations dont continuent d'être l'objet certaines façades du vieux Dijon, notamment celles de l'ancienne rue Condé 1, M. Grémaud, secrétaire, rappelle le voeu formulé en mai dernier par le Congrès de l'Association bourguignonne des Sociétés savantes pour lasauvegarde des monuments de la ville. Il demande, en conséquence, à la Commission de bien vouloir prier la Municipalité d'entreprendre
1. Partie de la rue de la Liberté entre la place François-Rude et la place d'Armes.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 11
les démarches nécessaires pour faire inscrire les façades en question sur l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques.
Par ailleurs, M. Grémaud, puis M. Oursel prient la Compagnie de s'associer au voeu émis le 13 décembre dernier par la Commission départementale des Monuments naturels et des Sites à l'effet d'obtenir ;
1° que soient strictement respectées, à Dijon notamment, les prescriptions des arrêtés interdisant l'affichage sur les façades des immeubles classés parmi les Monuments historiques ou inscrits à leur inventaire ;
2° qu'aucune approbation ne soit donnée à des projets de construction dénaturant sensiblement le caractère d'un site dijonnais ayant une valeur d'art et d'histoire et que des règlements municipaux soient élaborés à cette fin, ainsi que cela a été fait en quelques villes, à Reims notamment.
M. Fyot fait observer enfin que la porte Guillaume, propriété inaliénable de la Ville,, n'est pas encore classée et émet le voeu qu'elle le soit au plus tôt.
Ces propositions sont adoptées à l'unanimité et il est décidé qu'une pétition sera adressée en conséquence à la Municipalité de Dijon.
La séance est levée à 18 h. 30.
*
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ANNEXES
LE CLOCHER DE SAINT-BÉNIGNE DE DIJON AU DÉBUT DU XV* SIÈCLE (par M. Henri Stein)
«Dans sa monographie de la cathédrale de Dijon, M. Vincent Flipo n'a pas manqué de signaler que, de très bonne heure, la charpente de cette église fléchit sous le poids des pierres qui assuraient la couverture et que, dès le début du xve siècle, on conçut quelques craintes sérieuses du côté des cloches. Il y avait alors peu de temps que le monument était achevé ; la consécration définitive avait eu lieu le 9 avril 1394.
» Un document nouveau permettra de préciser sur quelques points l'histoire de cette partie de l'église à peine livrée au culte.
» Entre l'abbé de Saint-Bénigne et trois charpentiers dijonnais un marché avait été conclu, par lequel ceux-ci avaient promis de faire le nécessaire pour assurer la solidité du clocher qui menaçait ruine et le sort des huit cloches qui y avaient été placées. D'un commun accord il avait été décidé de fixer au-dessous des cloches une grande pièce de bois (appelée rouhot) qui envelopperait les huit maîtresses colonnes et dépasserait même la dimension maximum en largeur du clocher, de façon à former gargouilles à l'extérieur, le tout
12 i PROCÈS-VERBAUX DES SEANCES
réuni par des pièces ferrées de consolidation ; ce rouhot devait être placé au-dessous de l'ancien « sur lequel était fondé le beffroi soutenant les cloches » ; en même temps, les ouvriers auraient à poser une semblable pièce de charpenterie sous la plate-forme du clocher, puis à installer quatre arbalétriers prenant sur le rouhot et destinés à renforcer les travaux neufs et à empêcher le retour des craintes qui s'étaient naguère manifestées. Au clocher enfin, les ouvriers s'engageaient à remplacer les arêtiers et chevrons que l'on avait trouvés pourris, et, si la nécessité en était reconnue, le remplacement des colonnes était prévu dans le contrat.
» Les travaux avaient été payés et les ouvriers avaient quitté le chantier, lorsque de nouveaux événements se produisirent. Lorsqu'on voulut sonner les cloches, deux d'entre elles, mal assujetties, se rompirent, et on n'osa pas se servir des six autres. Il fallut de nouveau procéder à un examen des conditions dans lesquelles les clauses du marché avaient été exécutées et trouver les défectuosités du travail qui avait été Confié aux charpentiers dijonnais. On n'eut aucune peine à découvrir que les engagements n'avaient pas été tenus, que rien n'avait été fait suivant les conditions ou tout au moins rien de bien. Même on constata que des pièces de bois avaient été coupées ou entaillées dans le clocher au point d'en affaiblir gravement la solidité.
» Les droits de l'abbaye étaient incontestables ; l'abbé s'empressa de les faire valoir et adressa au Parlement de Paris une requête afin d'obtenir gain de cause contre les charpentiers coupables de malfaçons, et réparation du préjudice causé, estimé à 200 livres parisis auxquelles il y avait lieu d'ajouter les frais du procès. Il demanda que les charpentiers fussent contraints à refaire ce qui avait été mal fait, à leurs dépens.
» Au jour dit, le procureur du duc de Bourgogne proposa que l'affaire fût portée devant le bailli de Dijon, mais on ne tint pas compte de son désir et on tomba d'accord pour décider une expertise : le maître charpentier juré de la ville de Paris, Jean de La Haye, se transportera à Dijon ; on lui adjoindra quatre ouvriers charpentiers dont -deux seront choisis par l'abbé de Saint-Bénigne et les deux autres par leurs collègues incriminés ; le marché passé pour la réparation' sera communiqué auxdits experts qui auront à examiner sur place les fautes commises, à rédiger un rapport et à fixer les dommages et intérêts. Il n'est pas douteux que l'abbé de SaintBénigne obtint satisfaction.
» Les faits que nous venons de relater se rapportent à l'année 1408, et l'accord en Parlement, que nous avons analysé et dont voici le texte, est du 30- avril. »
Comme monsieur l'abbé de Saint Bénigne de Dijon, par vertu de certaines lettres royaulx, eust fait convenir et approuchier par devant messieurs les gens
PR0 CES-VERBAUX DES SÉANCES 13
tenans les requestes du roy nostre sire ou palaiz à Paris, commisseres en cëste partie, Monnin de Prenoiz, Demougeot son filz et Hennequin Saverain, charpentiers demeurans à Dijon, à certain jour passé et contre eulx eust fait demande de et sur ce que ledit monsieur l'abbé disoit et proposoit contre lesdiz charpentiers qu'il estoit et est vray que lesdis charpentiers avoient marchandé aux religieux abbé et couvent dudit saint Bénigne de bien et loyalment faire et asseoir certainz ouvrages de leur mestier de charpenterie ou clocher de l'abbaye dudit saint Bénigne, telément qu'il fust à seurté et aussi huict cloches qui y estoient, moyennant certain pris, duquel les dis défendeurs avoient esté et estoient bien et loyalment paiez et contentez par lesdis religieux, et duquel ouvrage et charpenterie la déclaration s'ensuit : c'est assavoir que lesdis charpentiers dévoient fere oudit clochier dudit saint Bénigne un rouhot dessoubz les cloiches, lequel rouhot embraceroit les huict maistresses colonnes, et auroit en chascune colonne un bon lien qui se prendroit ausdites colonnes et audit rouhot, et conviendroit que ledit rouhot fust si grant qu'il y eut grosses testes qui passassent dehors en manière de gorgoules, et y auroit bonnes clefs dedens et dehors pour tenir ledit rouhot et les dites colonnes ensemble ; lequel rouhot n'y auroit onques mais esté fait ;' et seroit.mis soubz le vielz rouhot sur lequel est fondé le beO'roy qui soustient les cloiches. Item dévoient faire lesdis charpentiers le parreil rouhot dessoubz la plate forme du dit cloichier, et seroit ledit rouhot tout par la forme et manière que devoit éstre le rouhot dessusdit, lequel second rouhot aussi n'avoit onques esté fait. Item dévoient faire lesdiz charpentiers oudit cloichier quattre arbalestriers qui se prendroient sur ledit rouhot, lesquelz seroient entez en la flesche et emmoisiez de pièces de bois le mieulx qui se pourroit fere. Item dévoient fere ieeulx charpentiers oudit clochier huict heretiers tous nuefs pour ce que ceulx qui y estoient estoient porris et aussi changier les chevrons dudit clouchier là où ilz seroient porris. Item si failloit changier oudit clouchier aucunes colonnes, lesdiz charpentiers les y dévoient mettre et changier, lesquelx ouvrage et charpenterie lesdiz cliarpentiers n'a-, voient aucunement fait ne acompli, et s'aucune chose en avoient fait, si n'estoit ce ne bien ne deuement, ainsi que marchandé et promis l'avoient et que tenuz y estoient. Et aussi avoient et ont les diz charpentiers coppé, entaillié et emmortaisié plusieurs pièces de bois dudit cloichier, dont ledit cloichier estoit et est moult empirié et afïlably et en plus grant péril de cheoir qu'il n'estoit auparavant que lesdiz'charpentiers y eussent mis la main ne ovré ; et ne valoit rien tout ce qu'il y avoient fait ; et mesmement quar quant l'en a voulu sonner les cloiches dudit cloichier, il en y a eu deux qui, par concussion de l'une à l'autre, pour ce que elles estoient mal assises par lesdiz charpentiers, ont esté cassées et rompues, et par ceste doubte l'en n'ose ne ne peut l'en sonner les autres cloiches dudit cloichier, et aussi pour doubte qu'il ne chiet. Pour quoy les diz religieux auroient eu, souffers et soustenuz grans pertes, dommages et interests. Pour laquelle cause ledit monsieur l'abbé, auquel compectoit et appartenoit de poursuir les droiz de sadicte abbaye, a fait adjourner lesdiz charpentiers à certain jour passé par devant mesdiz seigneurs tenans lesdictes requestes, pour respondre à lui à tout ce qu'il leur vouldroit demander et contre eulx requerre et proposer. Auquel jour, de la partie dudit monsieur l'abbé, entre plusieurs autres choses furent dictes et proposées par devant mesdis seigneurs des requestes contre lesdis charpentiers les choses dessus dictes, en concluant contre eulx que par le jugement et sentence de mesdiz seigneurs desdites requestes ilz feussent condempnez et contrains à refaire et amender leur dit mauvaiz ouvrage et charpenterie, que a leurs propres coux et frais tant de matière comme de paine d'ouvriers ilz le feissent et moissent en tel et si bon et soufBsant estât comme ilz avoient promis et qu'ilz en avoient marchandé ausdiz religieux, et que ilz feussent et soient condempnez esdiz dommaiges et interests desdiz religieux, qu'ilz extimoient et extiment à la somme de IIe livres parisis, et aussi - es despens dudit monsieur l'abbé fais et affaire en la poursuite de ceste cause et pour occasion d'icelle. Auquel jour assigné ausdiz charpentiers par devant
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mesdiz seigneurs des requestes, à leur requeste, le procureur de monsieur le duc de Bourgogne requist ladicte cause estre renvoyée par devant le bailly pour ledit monsieur le duc, lequel renvoy mesdis seigneurs des requestes nevouldrent pas fere, maiz renvoyèrent lesdictes parties en la Court de Parlement pour déterminer se ledit renvoy seroit fait ou non. Laquelle court n'en a encores aucunement ordonné ne déterminé. Finablement les dictes parties de et sur les choses dessus dictes sont à acord, s'il plaist à la Cour, en la manière que s'ensuit : c'est assavoir que maistre Jehan de La Haye, charpentier juré du roy nostre sire en la ville de Paris, se transportera en la ville de Dijon et en ladicte abbaye, et les dictes parties appellées par devant le bailly de Dijon ou son lieutenant, commissere en ceste partie de la dicte Court de Parlement, seront prins et esleuz quattres ouvriers charpentiers du pais, c'est assavoir deux telx que lesdiz religieux vouldront nommer et deux telx que lesdiz défendeurs vouldront aussi nommer, et lesquelx en leur default seront prins et nommez par ledit bailly, lesquelx ouvriers et charpentiers jureront en la main dudit bailly de bien loyalment visiter, adviser, ordonner, tauxer, apprécier et rappourter avecques le dit maistre Jehan de La Haye sur le fait du dit ouvrage et la faulte ou mesprison d'icellui, ainsi que dit sera cy après. Et, ce fait, lesdiz religieux bailleront par escript au dit de La Haye le marchié fait entre les dictes parties de ladicte charpenterie et ouvrage, et les dis défendeurs bailleront aussi leurs deffenses et justifications au contraire, se dire ou baillier en veullent. Et après ce ledit maistre Jehan de La Haye et lesdits charpentiers avecques lui se transporteront oudit cloichier et là verront et viseteront ladite charpenterie et ouvrage fait oudit cloichier par lesdiz défendeurs, assavoir se ladicte charpenterie est bien et soufflsamment faicte selon la disposition, grandeur et largeur dudit cloichier, et selon ledit marchié fait entre lesdites parties, et aussi toute la mesprison qu'ilz pevent avoir faicte oudit cloichier de coper, entaillier ou emmortaisier indeuement les pièces de bois d'icellui cloichier, et generalment toute la mesprison ou faulte qu'ilz ont faicte oudit cloichier et ouvrage d'icellui. Et, après ce, ledit maistre Jehan de La Haye et lesdiz quattres charpentiers, de tous quattres pevent estre d'accort, et se les quattre ne puent estre d'accord, avec lui les trois ou deux d'eulx qui seront d'accord avec lui, feront mettre et rédiger en escript, et priseront, extimeront et tauxeront justement et loyalment tous les dommages, pertes, interestz et despens que les diz religieux ont et pevent avoir eu, tant pour les dictes cloiches cassées et rompues, et aussi de copper, entaillier et emmortaisier lesdictes pièces de bois dudit clochier, comme en ce que coustera à réfère et mettre en bon et souflîsant point et estât ladicte charpenterie que dévoient et deurent fere lesdiz charpentiers défendeurs oudit cloichier comme pour tous autres deffaulx et mesprison fais envers lesdiz religieux sur ce par lesdis défendeurs. Et aussi adviseront et considéreront les défenses, justifications et excusacions desdis défendeurs, s'aucunes en ont, le plus justement que faire se pourra. Et de tout ce qui fait, visité, taxé et ordonné aura esté par les dessus dis, maistre Jehan de La Haye et lesdis charpentiers, les quattre, les trois ou les deux d'iceulx, ledit maistre Jehan de La Haye fera bonne et certaine relation par escript audit bailly de Dijon ou à son lieutenant, lequel bailly ou son lieutenant, de l'auctorité de ladicte Court et comme commis d'icelle, par sa sentence condampnera et contraindra lesdictes parties à faire, tenir, paier et acomplir entièrement tout le contenu en ladicte relacion et rapport audit de La Haye, et vauldra et tendra ladicte sentence dudit bailly corne arrest de Parlement, sanz ce que lesdictes parties ne aucunes d'icelles en puissent appeller ne reclamer aucunement ; et parmi ce lesdictes parties se départiront des dictes cours des requestes et de Parlement et du dit procez sanz amende, les despens fais et à fere reservez en déffinitive.
Fait et passé en Parlement du consentement de maistre Alexandre Nacart, procureur dudit monsieur l'abbé de saint Bénigne, d'une part, et de Barthéleml Descorbes procureur dudit monseigneur le duc de Bourgogne et aussi desdits
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 15
défendeurs, par le commandement du chancelier de Bourgogne, d'autre part, le derrain jour d'avril l'an mil IIIIc et huit. Per curiam : BAYE X.
POUR LA SAUVEGARDE DU «VIEUX DIJON» (par M. G. Grémaud, secrétaire)
« Vous savez, Messieurs, que votre Compagnie a été spécialement constituée pour « se livrer aux recherches' et à la conservation des » monuments anciens qui existent dans le département », pour « réunir » tous les renseignements qu'il lui est possible de se procurer, à l'effet » d'arracher à l'oubli ou à l'obscurité notre part d'antiquités na» tionales ». Ce sont les propres termes de l'article premier de ses statuts que je cite, et un de ses premiers secrétaires, Henri Baudot; disait, dans un des premiers comptes-rendus de ses travaux, il y a exactement cent ans, qu'elle avait signalé son premier acte par la sauvegarde de la Chartreuse de Champmol.
» Bon début, comme vous voyez.
» Depuis, Messieurs, la Commission des antiquités, par ses réclamations, ses démarches, ses entreprises, ses initiatives aussi nombreuses qu'obstinées, a rempli brillamment la tâche qu'elle s'était assignée. Je ne vous rappellerai pas ses interventions ; la séance n'y suffirait pas. Si la capitale des grands ducs d'Occident est actuellement, avec Paris et Rouen, la plus riche ville de France en oeuvres d'art de toute nature, c'est à elle, en très grande partie, qu'elle le doit. Sans remonter au delà du siècle actuel, il ne s'est pas écoulé une année sans que l'un de ses membres ait élevé la voix à ce propos. Vous-mêmes vous souvenez de ses protestations contre cet affichage malencontreux qui déshonora et continue à salir les façades vénérables d'édifices, même classés parmi les monuments historiques, de notre vieille cité.
» Mais, malgré tous ses efforts, elle ne fut écoutée souvent que d'une oreille distraite. Soutenue cependant par deux organismes paramunicipaux, la Commission du «Vieux Dijon» née en 1910 et la Commission de prospérité et d'embellissement de Dijon créée en 1920, dont d'ailleurs l'existence fut éphémère, elle assista, impuissante, à la mutilation de certains hôtels délicieux, à une débauche d'enseignes de mauvais goût, à un étalage de peintures criardes, d'affiches multicolores, de panneaux-réclames ultra-modernes, de chaque côté de voies ouvertes suivant les plans d'architectes de goût
1. Archives nationales, X 1» 951), n° 225. — Baye est le nom du greffier, Nicolas de Baye, dont les notes et le Journal ont été publiés par A. Trutey pour la Société de l'histoire de France (1885-1888).
16 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
tels que de Noinville, Lenoir, Caristie, Le Jolivet, sans parler du grand Mansart.
» Et ce vandalisme continue, Messieurs. Sous prétexte d'urbanisme, de modernisme, de publicité, de réclame, on sape, on éventre, on dépèce, on salit Dijon la Ducale, Dijon la Parlementaire. Si l'on ne freine brusquement, si l'on ne fait machine arrière, on parlera bientôt de notre ville comme d'une préfecture banale qu'on traverse en courant, qu'on évite s'il est possible, qu'on délaisse tel un antique dénaturé par une restauration maladroite, tel un primitif irrémédiablement gâté par un ravalement de peintre en bâtiments.
» Veut-on cela ? Veut-on que la cité chère à Aloysius Bertrand cède le pas à des chefs-lieux de cantons plus jaloux de leurs trésors historiques ? Veut-on que le tourisme finisse par dédaigner la ville aux cent clochers pour aller chercher ailleurs des satisfactions d'ordre, intellectuel et artistique ? Veut-on donner raison à ce récent article de la Revue de VAutomobile-Club de Bourgogne 1 où il est question de la capitale de Philippe le Bon, ville morte ?
» Je ne le crois pas encore, je ne veux pas le croire. Est-il donc impossible de trouver une solution qui accorde l'intérêt général et le légitime souci des intérêts particuliers ? Non, Messieurs.
» Fin mai dernier, au Congrès de l'Association bourguignonne des Sociétés savantes, votre secrétaire présentait un rapport sur la Protection et la sauvegarde du Vieux Dijon 2. A la réunion plénière des sections, il fut décidé qu'un voeu serait adressé en conséquence à la Municipalité 3. Il y était indiqué que celle-ci possédant seule l'autorité pouvait intervenir avec efficacité, tout en faisant appel à la collaboration des Sociétés savantes locales dont celle de votre Compagnie. Ce voeu a reçu un accueil des plus favorables et je suis en mesure d'avancer qu'on n'attend que nos suggestions, nos indications, nos conseils pour mener à bien une tâche difficile, ingrate certes, mais qui a déjà réussi dans d'autres villes, à Tours par exemple, où lorsqu'il fut question de dresser le plan d'aménagement prévu par la loi d'urbanisme de 1919-1924, 247 monuments et édifices historiques ou artistiques sur 267 purent être sauvés définitivement, ou bien à Reims où depuis 1902 des arrêtés très sévères réglementent strictement l'installation des enseignes sur les façades des immeubles en bordure de la place Royale et des rues qui y aboutissent.
» Aussi bien, Messieurs, m'a-t-il paru opportun, dès aujourd'hui
1. Fasc. de novembre 1935, p. 4. L'auteur, M. Serge Grancol, s'exprime notamment ainsi : «Plus tard, quelques amateurs diront encore en.parlant des beaux musées de France : faites un détour sur votre route pour voir DijonVille-Morte et son musée, c'est l'ancienne capitale de Bourgogne ».
2. Douzième Congrès de l'Association bourguignonne des Sociétés savantes tenu à Dijon les 26, 27 et 28 mai 1935, Bernigaud et Privât, Dijon 1937, p. 170, et tirage à part, 1937.
3. Op. cit., p. 27.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 17
d'envisager la sauvegarde de la partie de la rue de la Liberté sise entre la place d'Armes et le Coin du Miroir, c'est-à-dire de l'ancienne rue Condé ouverte en 1722.
A plusieurs reprises, des membres de votre Compagnie sont intervenus — sans succès hélas ! — pour conserver à cette voie l'aspect que lui avait imposé la Chambre de ville d'après les plans de Martin de Noinville. Vous rappellerai-je la note que votre vice-président actuel, M. Oursel, fit paraître, dès 1919, dans les Mémoires de l'Académie de Dijon (5e série, tome II, fasc. 4, avril-mai, p. 221) et qu'il terminait ainsi : « Si quelque jour on était amené, par le développe» ment normal de la cité, à envisager un élargissement... de la rue » de la Liberté, il serait à souhaiter qu'une réglementation judicieuse » fît obstacle à des fantaisies individuelles, dont nous déplorons » çà et là quelques échantillons et qu'on se souciât de déterminer les » principes esthétiques que commande le renom comme l'intérêt » bien entendu de la ville ».
«Vous rappellerai-je également l'intervention de votre ancien président, M. Chabeuf, à la séance du 25 avril 1921 de la Commission de prospérité et d'embellissement de Dijon, à propos des enseignes et autres marques de commerce de la place d'Armes et de la rue de la Liberté, intervention au cours de laquelle, après avoir démontré que les façades des maisons de cette place et de cette rue « sont » grevées à perpétuité de diverses servitudes, notamment de la ser» vitude non altius tollendi », il regrettait qu'y sévissaient « de plus » en plus les enseignes à grandes lettres en relief et dorées..., les «peintures diverses appliquées aux façades, etc.»? «C'est une » débauche, s'écriait-il, de badigeons foncés ou clairs, dissonants «toujours, qui fait ressembler leur longue ordonnance à une carte » d'échantillons dressée. Et comme un magasin occupe parfois la » moitié seulement d'une arcade, et que les copartageants ne se » sont jamais mis d'accord pour adopter un ton uniforme, on devine » l'incohérence. Certaines enseignes se projettent suspendues à des » potences sur la voie publique, succédanés sans art de ces belles «ferronneries d'autrefois...; ces modernes instruments de réclame » n'ont, en vérité, pas le droit de vivre dans une rue aux lignes régu» lières et uniformes ». Et M. Chabeuf concluait à ce que les pro» priétaires fussent invités « à enlever toutes enseignes faites de lettres » isolées et tous emblèmes commerciaux appliqués aux façades ou » mi-fixés aux balcons, à faire disparaître toutes peintures masquant » la pierre de taille et toutes inscriptions peintes, à opérer enfin le «lavage des façades... »
» Hélas ! si M. Chabeuf revenait, il verrait que son rapport est toujours d'actualité.
» Il faut donc agir encore avec plus d'énergie. Un seul moyen s'impose pour aboutir : le classement ou tout au moins l'inscription sur
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l'Inventaire des Monuments historiques de ces façades. J'ajouterai même que cette inscription devra comprendre également la façade de l'hôtel Burteur atrocement mutilée au rez-de-chaussée et les deux façades de la maison dite « aux trois visages » sur lesquelles d'énormes affiches célèbrent les qualités d'une crème de fromage ! Je dirai même que cette inscription devra toucher encore la façade de l'immeuble du Comptoir d'Escompte, rue Rameau, dont les pilastres des arcades ont été dépouillés de leurs chapiteaux lors de sa restauration.
» Mais nous ne pouvons demander nous-mêmes cette mesure de sauvegarde. C'est à la Municipalité que cette tâche doit incomber. Aussi bien notre rôle devra se borner, en l'occurrence, à la prier instamment de bien vouloir entreprendre les démarches nécessaires auprès du Service des Monuments historiques. Je crois d'ailleurs savoir que celui-ci n'attend que cette sollicitation pour intervenir. Par la même occasion, nous demanderons encore à la Municipalité de bien vouloir tenir la main à la stricte application des arrêtés préfectoraux interdisant l'affichage sur les façades des monuments classés et aux alentours de ceux-ci.
» En conséquence, Messieurs, je vous serais reconnaissant de bien vouloir me faire connaître si vous êtes d'accord avec votre secrétaire pour transmettre cette pétition et pour l'appuyer de toute votre autorité ».
Séance du 22 janvier 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Comme suite à celui-ci, M. Em. Broussolle, associé, donne quelques détails sur la médaille présentée précédemment par Mlle Rabut. Il s'agit d'une pièce en bronze de 20 reis de 1820 surchargée à 40 reis, de Jean VI, roi de Portugal de 1816 à 1826.
A ce propos, M. Oursel signale que vient d'être déposé à la Bibliothèque municipale de Dijon un lot de jetons de Bourgogne provenant du Cabinet des médailles.
Le président présente le dernier fascicule des Annales de Bourgogne (tome VII, 1935, fasc. IV, décembre) et analyse l'article de M. Pocquet du Haut-Jussé sur Le connétable de Richemont, seigneur bourguignon et celui de M. A. Voisin sur La mutemaque (ou révolte) du 26 juin 1477 à Dijon. Il signale également les quelques pages où M. Henry Corot a résumé, avec précision et clarté, ses cinq campagnes de fouilles au temple des sources de la Seine. Par ailleurs, il résume la brochure
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que M. Fr. Dumont vient de faire paraître sur la Tenue des Etats de Bourgogne en 1718.
Puis, faisant allusion aux voeux émis à la dernière séance par la Commission, relativement à la conservation des souvenirs historiques de Dijon, M. Fyot signale que, malgré les travaux de terrassement nécessités à Dijon, il y a quelques années, par la construction de l'hôtel des Postes et l'aménagement de plusieurs immeubles du boulevard de Brosses, il subsiste en partie sous le garage des Établissements Renault, à l'angle de la rue du Temple et de la rue MichelServet, un ancien souterrain du château fort construit par Louis XL
Ce souterrain, qui épousait la forme du boulevard en fer à cheval situé au nord, est encore en parfait état de conservation et solidement construit de gros moellons très bien jointoyés. Il mesure environ lm30 de large et 2 mètres de hauteur sous la clef de sa voûte en berceau. De distance en distance s'ouvrent des embrasures, pourvues d'ou_ vertures circulaires pour le tir rasant des canons sur les fossés et munies de cheminées d'aération ou d'éclairage indirect.
C'est un modèle encore intact d'architecture militaire, de la fin du xve siècle, et qui fut visité avant la guerre par des spécialistes allemands dans un but de comparaison historique avec des ouvrages similaires en Allemagne.
Par ses dimensions, ce souterrain pourrait même servir d'abri en cas de bombardement aérien. Pour ces motifs archéologique et utilitaire, M. Fyot demande à la Commission d'émettre un voeu tendant à faire inscrire le souterrain du boulevard de Brosses sur l'inventaire supplémentaire des Monuments historiques afin d'assurer sa conservation.
Ce voeu, approuvé à l'unanimité, sera transmis à la Municipalité.
M. Grémaud, secrétaire, signale qu'un autre souterrain vient précisément d'être découvert sous la rue Jean-Renaud, entre la place Grangier et le boulevard de Brosses.
Cette galerie, avec le souterrain du « fer à cheval » septentrional, reste le seul vestige important de la forteresse de Louis XL Aussi bien est-il décidé que l'inscription des deux ouvrages sur l'Inventaire des Monuments historiques fera l'objet de la pétition adressée à la Municipalité.
M. l'abbé Chaume, membre résidant, donne lecture de quelques notes sur la topographie de l'ancien faubourg Saint-Nicolas, à Dijon. Après avoir rappelé l'importance de ce faubourg et les principales péripéties de son histoire, il constate que l'on est fort mal renseigné sur bon nombre de particularités intéressant cette partie de l'agglomération dijonnaise. Les plans anciens ne nous fournissent que quelques indications sommaires, applicables tout au plus à la seconde moitié du xvne siècle. Le seul travailleur qui ait poussé ses recherches sur ce domaine, feu E. Ehinger, employé aux Archives de la
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Ville, n'a pas eu le loisir d'exploiter, comme il aurait convenu, les documents conservés soit aux Archives de la Côte-d'Or, soit à la Chambre des Notaires : ses travaux, néanmoins, constituent une base que l'on ne saurait négliger.
M. Chaume, avec croquis à l'appui, dresse alors le tableau des voies qui sillonnaient le faubourg en question et termine son exposé en étudiant l'origine de la dérivation du Suzon connue sous le nom de Vieux terreaulx, en dehors et à l'est de la ville.
M. B. Talfumière, associé, .donne lecture d'une note sur des fouilles entreprises par lui et M. J.-B. Mercier au sommet du Mont Afrique en 1933-1934,
Signalant un article de M. Deshoulièrès paru dans le Bulletin monumental de 1935, M. Ch. Oursel, vice-président, se félicite de voir que l'essentiel de la doctrine enseignée à Dijon sur le rôle architectural et sur l'influence de la grande abbatiale de Cluny soit., aujourd'hui retenu par l'organe officiel de la Société française d'archéologie. Il rappelle que cette doctrine fut, à l'origine, regardée comme douteuse et proclamée « fragile » par F Institut. Malheureusement, si M. Deshoulièrès a justement fait état des travaux de M. Kenneth Conant, il paraît attribuer la paternité de ce changement de perspective à des auteurs bien étrangers à la rénovation des études clunisiennes, dont les uns sont morts depuis longtemps et les autres^ hostiles à de telles théories. Par contre, il ne souffle mot de ceux qui ont été à l'origine de ce véritable rétablissement archéologique, l'abbé Terret, Kingsley Porter et l'auteur de l'Art roman de Bourgogne. Il y a là une sorte d'omission qu'on voudrait savoir n'être pas systématique et qui, péchant contre l'équité, dénature entièrement l'histoire d'une science : à chacun son dû.
La séance est levée à 18 h. 30.
ANNEXES
DÉCOUVERTE D'UN SOUTERRAIN
DE L'ANCIEN CHATEAU DE DIJON
(par M. G. Grémaud, secrétaire)
«Un souterrain vient d'être découvert, ces jours derniers, sous la rue Jean-Renaud, entre la place Grangier et le boulevard de Brosses, au cours de travaux d'installation d'égout. De section rectangulaire, il présente des parois en blocs d'appareil imposants et soigneusement assemblés au mortier de chaux; son sol est hérissonné de pierres brutes, son plafond dallé ; sa hauteur mesure 2 mètres, sa largeur lm20.
» Cette galerie n'est autre que le souterrain inférieur de la courtine sud-ouest de l'ancien château, entre la tour Saint-Bénigne et la tour
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Guillaume. On peut le suivre pendant 66 mètres depuis l'entrée ouest de l'hôtel des Postes jusqu'au boulevard de Brosses sous lequel il débouche dans un escalier à vis attenant à la tour Guillaume.
» Les parois, épaisses de 2m50 environ, présentent, du côté des fossés, une série de dix ouvertures : cinq baies rectangulaires et avec ébrasement, pour le guet et la ventilation, alternant avec cinq embrasures à fente de visée pour le tir des coulevrines ou veuglaires. Face à chacune de ces embrasures, dans la paroi opposée, est aménagée une niche rectangulaire, haute de lm80, profonde de 0m50, surmontée d'une gaine oblique prenant jour à plus de 3 mètres dans la cour du château. Ces niches et ces gaines servaient à la manoeuvre des pièces et à l'aération du souterrain.
» La maçonnerie, en parfait état, donne une impression de solidité à toute épreuve. Elle a pu ainsi résister aux ébranlements du sol, lors de la démolition du château en 1891 — il fallut alors faire jouer la mine ! — ainsi qu'aux remaniements de terrain qui l'ont suivie.
' «Les trois autres courtines, détruites maintenant et qui fermaient le quadrilatère de l'enceinte entre les tours Guillaume, Saint-Martin, Notre-Dame et Saint-Bénigne, comprenaient également deux étages de batteries. L'étage supérieur seul fut démoli lors de l'arasement des bâtiments et du nivellement des fossés. De ce fait, le sol actuel a été surélevé de 3 à 5 mètres.
« Avec le souterrain du fer à cheval septentrional, la galerie de la rue Jean-Renaud reste donc le seul vestige important de la forteresse de Louis .XL Aux dires des hommes de l'art, celle-ci passait pour l'un des plus remarquables spécimens d'architecture militaire de la fin du xve siècle. A ce titre et sans chercher à exprimer de vains regrets à propos d'une destruction inopportune, y aurait-il intérêt à envisager la sauvegarde de cette galerie. Ce ne serait pas un des moindres attraits de notre vieille cité ».
* * *
TOPOGRAPHIE DE L'ANCIEN FAUBOURG
SAINT-NICOLAS A DIJON (par M. l'abbé M. Chaume, membre résidant)
«Pour établir la liste des rues de l'ancien faubourg Saint-Nicolas à Dijon, l'historien dispose, en premier lieu, des registres d'imposition. Ces registres, dont les plus anciens remontent au xive siècle, sont extrêmement précieux, en outre, parce qu'ils permettent de se rendre compte du mouvement dé la population depuis cette époque, et d'apprécier l'étendue des catastrophes qui frappèrent le faubourg, lors de l'expédition des Suisses (1513), puis dans la seconde moitié du xvie siècle (1557). Mais, tout de suite, on se trouve déconcerté par l'incessant changement du nom des rues ; et il faut, pour préciser
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et agencer les indications contenues dans les registres d'impositions, recourir à deux autres séries de sources, qui sont les reconnaissances de cens et les actes de vente ou d'achat conservés dans les registres des notaires.
» En combinant ces diverses séries de sources, on arrive peu à peu à se faire une idée assez complète de l'aspect que pouvait présenter le faubourg avant 1513. La rue principale était la rue au Comte qui prolongeait, dans la direction de la Maladière, l'actuelle rue JeanJacques-Rousseau et qui se retrouve en majeure partie dans l'actuelle rue Parmentier : cette rue au Comte, dite aussi rue Franche, prit plus tard le nom de Grande rue du Faubourg-Saint-Nicolas ; mais on la trouve également désignée sous le nom de rue du Mitan ou rue du Milieu, et, beaucoup plus tard, de rue Sainte-Catherine, aliâs SainteMarguerite. — La seconde rue, par ordre d'importance, prolongeait l'actuelle rue de la Préfecture et empruntait le tracé de la rue Marceau pour rejoindre, avant le pont de la Maladière, la Grande rue du faubourg Saint-Nicolas : c'était la rue es Fèvres, ou encore la rue tirant de la porte au Formerot à la Maladière, plus tard rue Sainte-Marguerite, alias Sainte-Catherine, concurremment avec la Grande rue du faubourg Saint-Nicolas. — Une troisième rue, qui s'amorçait perpendiculairement .à la précédente, sur l'emplacement actuel de la place de la République, était la rue du Four-Saint-Etienne, prolongée dans ia direction de l'est par la rue du Four de Bèze, alias rue des Coquins, et plus récemment rue de Montmuzard, aujourd'hui, en très grande partie, rue de Mulhouse. — La rue des Coquins tombait à peu près perpendiculairement sur la rue des Ormeaux, aujourd'hui rue LedruRollin. On notera que la partie de la rue des Ormeaux située au nord de la rue des Coquins reçoit ordinairement dans les textes le nom de rue de Chaussin : cette rue de Chaussin amorçait le grand chemin de Cresilles ou Chemin de Mirebeau, c'est-à-dire l'ancienne voie romaine ou préromaine qui côtoie la Boudronnée et passe au nord de Saint-Apollinaire. — Se détachant de la rue des Ormeaux en un point mal déterminé, mais aboutissant, autant qu'il semble, à l'endroit où la rue de Colmar rencontre la voie ferrée, on trouve la rue Tortillon, dont le prolongement semble s'identifier au chemin de pied allant à Saint-Apollinaire. — Plus au sud, la rue Chaude correspond partiellement à l'actuelle rue Félix-Trutat, mais il est impossible de dire où se trouvent au juste la rue des Soillots et la rue des Chaillots, voisines de la rue Chaude, et probablement perpendiculaires à la rue Tortillon ; le chemin aux bestes, voisin de la rue des Ormeaux ; enfin la charrière allant à Theuleu depuis le faubourg Saint-Nicolas. —• En remontant la rue des Coquins, on trouve, correspondant à l'actuelle rue Louis-Blanc, la ruelle aux Prêtres, alias ruelle tirant aux vignes du clos de Bèze. — Parallèle à la rue du Four Saint-Étienne, et longeant le fossé entre la Porte au Formerot et la Porte au Comte,
Plan schématique de l'ancien faubourg Saint-Nicolas à Dijon
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était la rue des Eguleliers. — La petite rue de Pouilly et sans doute aussi l'actuelle avenue Garibaldi correspondent pour partie à la rue es Cartaulx qui se prolongeait peut-être clans la direction du sud-est jusqu'au voisinage de l'église Saint-Nicolas, sinon au delà. — A signaler encore, dans le voisinage plus ou moins immédiat de la porte au Formerot, la rue es Pignex, alias es Aguillex (peut-être la même que la rue des Eguletiers), la rue des petites Maisonnottes, et, tout à fait dans la direction de l'ouest, la rue de la Charmotte.
» Pour compléter ces premières indications, signalons que, d'après les comptes de la Mairie, six chemins seulement faisaient communiquer, avant 1513, le faubourg avec la campagne extérieure. Ces chemins étaient pourvus, à la sortie du faubourg, de barrières que l'on réparait sans cesse et sur lesquelles on donne, à cette occasion, les détails les plus circonstanciés. Voici la liste de ces barrières : 1° la barrière de la Charmotte, dite aussi barrière devant l'hostel Nicolas ■ Poyen, à l'extrémité occidentale du faubourg, en venant de la porte au Fermerot ; 2° la barrière de la rue Saint-Martin des champs, à la jonction de l'avenue Garibaldi et de l'avenue du Drapeau ; 3° la barrière du Bouchot, alias du Chaffault, à l'extrémité de la rue es Fèvres et de la grande rue du Faubourg Saint-Nicolas, tout près du pont de pierre sur lequel passait le grand chemin tirant vers la Maladière ; 4° la barrière de Cresilles ou de Chaussin, par où l'on allait à Varois et à Mirebeau ; 5° la barrière devers la fontaine qui vient au Champ Damas, sans doute à l'extrémité de la rue Tortillon, dans la direction de Saint-Apollinaire ; 6° la barrière estant devers la charrière par laquelle on va à Theuley depuis le faubourg Saint-Nicolas.
» Les documents relatifs à ces diverses barrières établissent que la plupart d'entre elles étaient flanquées de « chambres » où l'on faisait le guet pendant la nuit, et qu'elles se trouvaient dans le voisinage immédiat des « vieux fossés » du faubourg. Ces «vieux fossés », dont il est fréquemment question dans les textes sous le nom de « vieux terraulx » (en latin, aggeres et veteres aggeres), ne sont pas autre chose que la dérivation du Suzon, passant sous le pont de pierre de la Maladière et s'infléchissant ensuite vers le sud-est et le sud pour encercler les faubourgs Saint-Nicolas et Saint-Michel. On peut supposer qu'à partir de la rue de Colmar, environ, cette dérivation empruntait le cours d'un très ancien ruisseau qui drainait toutes les eaux des sources sorties des collines situées à l'est de Dijon, fontaine des Grésilles et fontaine de la'Ribottée, fontaine de la Lochère, fontaine de Saulon ou de Montmuzard, fontaine de Bergis (plus tard fontaine des Suisses), fontaine de Champmaillot, fontaine du Creux d'Enfer et fontaine des Petites-Roches. Par ailleurs, il est remarquable que, dans la seconde partie de son cours, et jusqu'à la hauteur de la Belle-Croix (rue d'Auxonne actuelle), cette dérivation longe de fort près l'ancienne voie d'Agrippa ».
PL II
Février 1936
Photos G. Virely.
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PI. IV
PI. V
PI. VI
CHATEAU DE DIJON
Pholo Progrès Je la Côte-d'Or
Escalier en vis (sous le boulevard de Brosses) donnant accès aux souterrains supérieurs et inférieurs des courtines Sud-Ouest et Nord-Ouest du château ainsi qu'aux salles de la tour Guillaume.
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FOUILLES AU MONT AFRIQUE (par M. B. Talfumière, associé)
« On sait que lors de la construction de la batterie sud du Mont Afrique, située à l'intérieur du retranchement antique désigné sous le nom de Camp de César, les gardiens de batterie, Gollotte et Jourdain, recueillirent un nombre assez considérable d'objets et de monnaies des époques gauloise et romaine, preuve d'un stationnement sur ce point stratégique important. Des fouilles furent alors exécutées sur le terrain où l'on construisit les ouvrages .militaires, le voisinage restant intact.
» Après la guerre, MM. Bertrand, Bouillerot et Socley, avec le concours du Comité des travaux historiques, et scientifiques, y effectuèrent, à leur tour, des fouilles méthodiques dont ils consignèrent les résultats dans une brochure parue en 1927 x. Les années qui suivirent eurent d'autres chercheurs. Un jeune archéologue dijonnais y travailla notamment au cours de plusieurs années et y récolta, paraît-il, un certain nombre d'objets et plusieurs centaines de monnaies.
» Ayant remarqué qu'il restait quelques parcelles de terrain non remanié, je résolus d'y faire à mon tour des sondages, en compagnie de M. J.-B. Mercier. C'est de ces fouilles que je crois intéressant de vous entretenir.
» Dans la brochure citée ci-dessus, les auteurs, après avoir énuméré leurs trouvailles au cours des années 1920 et 1921, s'expriment ainsi 2 : « Il est donc aisé de déduire que l'occupation du Camp de «César n'a pas été consécutive à la conquête et n'a eu lieu qu'au » ive siècle, au moment des premières invasions barbares ». En effet, ces personnes ne recueillirent que 61 monnaies romaines, auxquelles se trouvaient mélangées quatre pièces gauloises, ce qui leur a fait dire : « Les monnaies gauloises y sont relativement rares : 3 lingones, » 1 éduenne, n'ayant sans doute plus, cours qu'accidentellement à » cette basse époque ». D'après ceci, il faudrait conclure que les monnaies gauloises ont été découvertes au même niveau que les romaines. Ceci peut être exact sur le point de ces fouilles-là, qui se trouve à l'emplacement du poste romain, bien caractérisé par une abondance de tuileaux à rebord (parmi lesquels, le jeune archéologue dont j'ai parlé-déjà, aurait trouvé une estampille de la
1. Le Mont Afrique et ses origines préhistoriques. Extrait du Bulletin archéologique, 1925.
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8e légion). Mais à peu de distance il en est autrement. Il est évident que, pour édifier leur bâtiment, les Romains ont dû niveler le sol et bouleverser les vestiges de ceux qui les avaient précédés, comme du reste ils ont dû pareillement restaurer le retranchement qui est d'origine ancienne, néolithique, suppose-t-on.
» Nos sondages ont d'abord porté sur un très petit espace, contigu aux fouilles de MM. Bertrand, Bouillerot et Socley. Nous y avons recueilli 6 monnaies gauloises en potin, du type lingon, dit aux trois défenses, reposant sur la roche, c'est-à-dire dans la partie la plus profonde, et, dans la couche supérieure, un certain nombre de romaines, allant de Tétricus fils à 'Honorius (me-ve siècles). Cette fouille terminée, nos efforts ont porté dans le voisinage et sur le côté immédiat de la casemate de la batterie. En cet endroit plus de tuiles à rebord, mais abondance de tessons de poterie, de monnaies gauloises, d'ossements, qui prouvent l'existence, en ce point, de huttes gauloises, non seulement antérieures à l'établissement romain tout proche, mais appartenant aussi aux âges du bronze et du fer. Bien plus, un foyer, caractérisé par de la poterie grossière a donné à M. Mercier une pointe de flèche en silex, la première, si je ne me trompe, qui ait été authentiquement découverte dans l'enceinte du camp, ainsi qu'un bois de cerf travaillé.
» Ces emplacements de cabanes ont fourni également quelques objets : une rouelle, des bracelets, couteaux, etc. A signaler aussi un certain nombre de ces petits anneaux en bronze, que certains considèrent comme de primitives monnaies, l'épaisseur de quelquesuns excluant leur" emploi comme agrafe. Je dois ajouter qu'en surface, uniquement en surface, nous avons récolté un tout petit nombre de monnaies romaines 1. . . ' .1
» Il résulte donc de nos observations que cette partie du Camp de César a servi, bien avant la construction du poste romain, de refuge à nos lointains ancêtres. Ils durent même y séjourner, ainsi qu'en témoigne, en un endroit, une abondance de scories de fer, preuve de la présence d'un forgeron.
» Il en fut sans doute de même sur d'autres points du camp et il est probable que des recherches y feraient découvrir d'autres gisements aussi riches et variés. J'ajouterai enfin que toute l'étendue du Mont Afrique peut réserver des surprises aux chercheurs et que les Romains notamment ont dû s'installer sur d'autres points où plusieurs de leurs monnaies y ont déjà été recueillies, particulièrement au voisinage de la batterie nord».
1. Quant aux gauloises — une centaine —■ ce sont des séquanes, des lingones, des éduennes, plus une biturige et une colonie de Nîmes.
28 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Séance du 12 février 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Comme suite à celui-ci le président fait savoir que, sur l'invitation de M. le lieut.-colonel Poirier, chef du Génie à Dijon, il a pris connaissance de plans dressés par les officiers du Génie en 1788 et donnant la configuration détaillée de l'ancien château de Dijon, tel qu'il était à cette époque. M. Fyot a reconnu sans peine que ces plans avaient servi à Charles Suisse pour l'élaboration de sa belle monographie du château, en 1876.
Le président signale, d'autre part, que, le 23 janvier dernier, une délégation de la Commission, composée de MM. Fyot, Grémaud, E. Broussolle, Denizot, Voiriot et B. Talfumière, a visité le souterrain du château récemment mis au jour sous la rue Jean-Renaud. Elle a reconnu que cette galerie présentait, quoique de moindre largeur, les mêmes caractéristiques de construction et de solidité que celle du boulevard en fer à cheval dit « de Louis XII ». Comme elle émettait le voeu de voir déblayer, pour le conserver, le souterrain de la rue Jean-Renaud et lui ménager un accès praticable, l'ingénieur de la Ville chargé des travaux de terrassement estima le travail à 6.000 fr., chiffre qui fut transmis, avec le projet, à la Municipalité qui accepta l'un et l'autre.
En outre, l'inscription sur l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques sera demandée pour ledit souterrain comme pour celui du boulevard Louis XII, après entente, pour ce dernier, avec le propriétaire.
Enfin M. G. Virely, associé, fait don à la Commission de plusieurs photographies qu'il a pu prendre de la galerie de la rue Jean-Renaud, ainsi que de plans cotés qu'il a dressés de cet ouvrage et du château reconstitué. Des remerciements lui sont adressés par la Compagnie.
Lecture est donnée d'une lettre de M. R. Jardillier, maire de Dijon, relative au voeu émis par la Commission, le 8 janvier dernier, et dans laquelle il se déclare pleinement d'accord avec la Compagnie pour sauvegarder le caractère historique et esthétique de la capitale des ducs de Bourgogne.
M. Victor Kripner, professeur au lycée de Dijon, est ensuite élu associé.
Avant de passer à l'ordre du jour, M. Oursel, vice-président, adresse de chaleureuses félicitations au président qui vient d'être promu chevalier de la Légion d'honneur. Aux applaudissements de l'assistance, il exprime à M. Fyot l'expression de la sympathie de la Com-
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 29
pagnie et lui souhaite de pouvoir continuer aussi longtemps que possible son oeuvre d'archéologue.
M. Fyot remercie, en termes émus, et assure ses confrères de tout son dévouement. Il demande que leurs applaudissements aillent aussi à M. A. Forey, architecte des Monuments historiques, et à M. P. Vigoureux, directeur de l'école des Beaux-Arts de Dijon qui, tous deux membres de la Commission, viennent d'être l'objet de la même distinction.
Pour répondre à une question posée par M. H. Corot, membre non résidant, au sujet d'un monument hypothétique signalé en 1823 par Girault comme ayant été découvert en 1763 près des sources de la. Seine, M. Fyot a fait des recherches dans un volume de La Croix du Maine, conservé à la Bibliothèque municipale de Dijon, et a pu se convaincre que l'objet qualifié «monument» n'était autre que la fameuse galère de bronze, ex-voto qui figure actuellement au musée archéologique.
Dans la description de la découverte, figure celle d'une feuille de cuivre triangulaire, au milieu de laquelle était gravé et estampé un disque rayonnant. Cette feuille, dessinée dans le tome Ier des Mémoires de l'Académie de Dijon (1772), est malheureusement perdue et les archéologues ont beaucoup discuté sur son usage. Cependant l'opinion la plus plausible y verrait une voile latine qui devait être fixée à un mât, la base du triangle rectangle en haut et la pointe en bas, attachée par une seule écoute. Mais l'assimilation qu'on a faite du disque rayonnant à une rose des vents ne paraît pas logique, en raison de sa situation sur une voile flottante. M. Fyot y verrait plus volontiers un emblème du soleil, le Belenus des Gaulois, adoré par les navigateurs.
A ce propos, M. Grémaud, secrétaire, fait observer que, comme il a eu déjà l'occasion de le signaler 1, la galère en question n'a pas été trouvée dans le vallon de la Seine, mais à Blessey même, à près de 3 kilomètres des sources du fleuve.
M. Grémaud présente ensuite de la part de M. A. Messenet, correspondant à Verrey-sous-Salmaise, un extrait du plan cadastral de Bligny-le-Sec sur lequel celui-ci a repéré, au lieudit « Au Monteau de Chamvent », non loin et au sud de la ferme de Saussigny — cote 584 de la carte d'État-major, — des vestiges de castramétation dans les parcelles 648, 649, 650. Plus au sud, au lieudit « Au-dessus des Freniers de Chamvent », parcelles 471, 483 et 484, ont été également rencontrées des substructions et des sépultures. '
Puis M. Grémaud donne lecture de deux communications de M. P. Lebel, associé, la première sur l'origine et l'étymologie du
1. V. séance du 6 mars 1035.
30 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
nom de Leuglay, l'autre sur un nouvel exemple du toponyme Equaranda 1.
Enfin M. Grémaud analyse et résume une conférence que M. Jacques Duprey, professeur au lycée français de Montevideo, fit dans cette ville en 1935 sur le sujet suivant : La Seine passe-t-elle à Paris ? Se basant sur des travaux d'auteurs anciens, modernes ou contemporains tels que l'abbé Rousseau de Sens, Onésime Reclus, MM. Beis, P. Larue, Fijalkowksi et P. Lemoine et faisant appel à des arguments d'ordres surtout géographique, géologique et économique, M. Duprey en arrive à conclure que « c'est l'Yonne qui a été, qui est et qui doit être le fleuve de la capitale de la France ! »
Pour soutenir la contre-partie dans cette vieille controverse, M. Grémaud donne lecture de notes rédigées à cet effet par MM. Henry Corot, membre résidant, Jean Lagorgette et Paul Lebel, associés.
M. Corot étudie surtout la question en archéologue. Si dès les temps les plus reculés la Seine fut divinisée comme tant d'autres cours d'eau, c'est un fait cependant qu'à l'époque gallo-romaine sa source fut l'objet d'un culte tout à fait spécial comme en témoignent non seulement les inscriptions et les ex-voto recueillis dans le vallon de Saint-Germain, mais encore les ruines d'un temple dont, en Gaule, on connaît peu d'équivalents comme proportions. Ni Icauna (l'Yonne), ni Matrona (la Marne), ni les autres affluents du fleuve n'avaient donc aux yeux de nos ancêtres l'importance du ruisseau de SaintGermain. Et les raisons pour lesquelles ils préférèrent lui conserver le nom de Sequana jusqu'à la mer valent bien les arguments tirés de sciences modernes telles que la géographie humaine ou la géologie.
Même ces arguments ne sont pas probants pour M. Lagorgette. Il les combat dans un article paru dans Le Châtillonnais et l'Auxois, le 5 septembre 1934, sous le titre : Est-ce la Seine qui passe à Châtillon ? « La qualité de fleuve ne s'est jamais mesurée à sa longueur..., » dit-il, ni au niveau le plus élevé de sa source, ni à la rectitude de » son cours ». D'autre part, si « l'Yonne a pénétré plus profondément » que la Seine dans la croûte terrestre... cela ne prouve pas sa plus » grande ancienneté, car précisément en raison de sa pente elle a » pu le faire plus rapidement... C'est donc historiquement, conclut » M. Lagorgette, que la Seine a été baptisée de sa source à la mer, » parce qu'aux temps préhistoriques elle put jouer un rôle de trait » d'union entre les populations de l'Est et le bassin parisien ».
» La toponymie va aider M. Lebel à trouver d'autres raisons de conserver le nom de Seine au fleuve qui arrose Paris. « Ce nom résume » tout un passé, dit-il. Il constitue un héritage que nous, Français » et Bourguignons, avons pieusement recueilli... Personne ne renie » son nom de famille, même s'il n'en est pas satisfait. Il serait absurde
1. V. Annexe, séance du 9 décembre 1936, p. 78.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 31
v
» de renier ces deux noms : Paris qui a fait la France et la Seine » qui a fait Paris ». D'ailleurs tout le cours de la Seine s'appelait Sequana dans l'antiquité, à en juger par les récits de César et de Ptolémée. Cette dénomination paraît remonter à une haute époque, et les linguistes s'accordent pour la considérer comme préceltique. » Aussi bien, conclut M. Lebel, respectons ce monument linguistique » de notre plus lointain passé et protégeons-le contre toute des» truction ».
A la suite de cet exposé, diverses observations sont échangées entre les membres de la Compagnie, puis la séance est levée à 18 h. 45.
/ ANNEXES
ORIGINE ET ÉTYMOLOGIE DU NOM DE LEUGLAY (par M. P. Lebel, associé)
« Les écrivains des siècles passés ont donné des étymologies fantaisistes de noms de lieu qui nous font parfois sourire \ .Aujourd'hui grâce à la phonétique, la toponymie est devenue une véritable science auxiliaire de l'histoire, car elle est basée sur des faits précis et procède d'une méthode rigoureuse. On aurait tort de croire que la tâche du toponymiste, en face d'une appellation, se borne à ouvrir un dictionnaire topographique et à jongler avec les mentions anciennes pour en dégager une ingénieuse étymologie. Certes, il y a de nombreux cas où la forme primitive ne fait l'objet d'aucune hésitation : des noms comme Asnière, Fontaine, Longvic, Longecourt se comprennent d'eux-mêmes. Mais il y en a d'autres où la signification est loin d'être aussi limpide, du fait que les citations sont insuffisantes ou trop dégénérées. Il faudra alors mettre en oeuvre toutes les ressources documentaires et mener une double enquête sur le terrain ou sur la carte et dans les archives elles-mêmes, car les dictionnaires topo graphiques ne sont pas exempts d'erreurs ni de lacunes ; ils n'indiquent pas non plus si les formes sont extraites d'actes originaux ou de copies. On s'efforcera ensuite de reconstituer à des dates précises les formes vulgaires d'un nom et leur prononciation, ce qui donnera bien souvent la clé de l'énigme. Voici un exemple qui mettra en évidence un aperçu de la méthode toponymique.
» Le nom du village de Leuglay, en Côte-d'Or, a résisté aux assauts des philologues et semble rebelle à leurs efforts. Déjà MM. Berthoud
1. En particulier, ne faire aucun cas de celle de Leuglay donnée par l'abbé Philippe Garnier, Essais d'étymologies de noms de pays dus à l'eau, Cîteaux, 1895, p. 9-10. L'auteur l'a reproduite dans ses Essais sur les étymologies des noms des villes et des villages de la Côte-d'Or, 2e édition, Dijon, s.d., p. 162.
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et Matruchot, Origine des noms de lieu... de la Côte-d'Or, II, p. 188, avaient tenté d'y parvenir à l'aide des mentions qu'en fournit le Recueil de Pérard. Malheureusement celles-ci sont fautives, par suite d'erreurs de lecture ou de coquille typographique. Il faut corriger en Leuglerium les deux premières. La date de 1024 qu'on lit en marge dans Pérard est erronée, car la formule de datation de l'acte fait ressortir l'année 1124. C'est ce que Roserot, dans son Dictionnaire topo graphique de la Côte-d'Or. a corrigé implicitement. Mais les mentions de ce dernier ouvrag(e sont incomplètes, et c'est regrettable.
» On aurait pu y ajouter les suivantes, dont la première est antérieure de 26 ans à celle qui est citée en tête : de Luugler, 1098 (Archives de la Haute-Marne, premier cartulaire d'Auberive, H 3, f° 78 v°). — de Luuglerio, 1164 (H 888). — de Luegler, 1174 (H 888, 4). — Luuglerii dominas, 1176 (H 893, 1). — Hugo de Laugler, 1163-1179 (2e cartulaire d'Auberive, H 4, f° 28 r°). — Nubes clora, 1178 (H 1175, 14). — Luegler, 1179 (H 888, 6). — Leugler, après 1180 (Archives de la Haute-Marne, G 593). — miles de Nubleris (obituaire de SaintBénigne, f» 128 v°). — de Luglerio, 1213 (H 893, 2). — apud Nuglerum, 1246 (H 893, 6). — Regnaudus de Lugleyo, 1259 (Archives de la Haute-Marne, Auberive, H 76, original parchemin), etc.
» La diversité des formes anciennes, tant celles de Roserot que celles-ci, ne manque pas de laisser perplexe. On y verra déjà plus clair dès que l'on aura démasqué les formes vulgaires sous leur travestissement latin, car le déguisement est réduit ici à sa plus simple expression. Le nom vivant a été affublé d'une désinence latine : -ium quand la consonne finale r s'articulait encore (Leuglerium, lisez *Leugler), -um quand cette dernière fut assourdie (Lugleium, lisez *Luglei et prononcez lûglé). Les notations aberrantes Nubes clara (c'est le seul cas où le travestissement est complet), Nuglerum, Nubleris répondent à une variante vulgaire *Nuglerx
1. Il ne saurait y avoir de doute sur l'identité de Nubler et de Leuglay. Simon de Bricon avait de nombreux biens à cet endroit, comme le montrent les textes suivants. Un acte de l'année 1176 relate une donation de Geoffroi de Brémur, Luuglerii dominus ; il s'agit de biens qu'il tenait en fief de Simon de Bricon. En 1178 ce même Simon donne aux templiers de Voulaines ce qu'il possédait à Nubes clara, avec le témoignage de Rainaudus de Nubeclara miles, apparemment son vassal. En 1202 Eude, duc de Bourgogne, notifie qu'Havide de Nuglëio, femme de Girard Esquipillei abandonne aux mêmes templiers ce qu'elle avait ad Nuglerum, avec le consentement de son mari et de Simon de Bricon, dont elle tenait ces biens- en chasement. Ajoutons encore une autre donation faite par Simon de Bricon de biens qu'il avait in villa que dicilur Leugler et k-Villan[é] (= Voulaines). Elle est notifiée par Hugues, duc de Bourgogne, sur un parchemin conservé aux archives de la Haute-Marne (G 593). Malheureusement celui-ci est en fort mauvais état, il s'en détache continuellement des fragments bien qu'on ait eu soin de le coller sur un papier. Sa lecture est donc assez pénible, parfois impossible, ce qui explique comment l'analyse, faite au xvinG siècle sur le^papier collé an dos, est" entachée d'inexactitudes
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dont l'emploi n'a pas duré ; l'I initial a été dissimilé comme dans l'ancien français livel (<.*libellum) devenu nivel, niveau. - ■■» L'ensemble des notations vulgaires, attestées ou ainsi extorquées, peut se schématiser dans un tableau, qui nous montre les diverses étapes phonétiques :
I. Luugler II. Luegler III. Leugler IV. Leuglé
Ibis. Laugler II bis. Lugler - TV bis. Leuglei
(où ei — e)
» Quelle fut donc la forme primitive de cette énigmatique appellation ? Aucun mot d'ancien français n'entre dans sa composition ; le terme germanique -lâri = « endroit défriché » ne semble pas y figurer, non plus, puisque M. W. Kaspers, que j'ai consulté à ce sujet, ne trouve aucun déterminant satisfaisant. Dès lors qu'un village existait déjà à Leuglay à l'époque mérovingienne — à en juger par le mobilier de sépultures découvertes dans la partie sud du cimetière actuel 1 — on est en droit de supposer que le nom primitif que nous cherchons a été adopté à cette époque, au plus tard. Est-ce à dire pourtant qu'il n'était ni gallo-romain, ni gaulois ? C'est d'autant moins assuré qu'un hameau du nom de *Equaranda devait se trouver à 500 mètres, au sud-est, à Froidvent.
» Quoi qu'il en soit, on peut rechercher par la phonétique quelle pouvait être, à l'époque mérovingienne tout au moins, la forme du nom de Leuglay. La notation la plus ancienne, Luugler, 1098, avec ses deux u en hiatus et son r encore articulé, montre que le toponyme avait primitivement quatre syllabes. Il est tentant de voir en lui le continuateur d'une expression *Locu(m) claru(m), dont les deux termes se soudèrent dès que leur valeur sémantique ne fut plus perçue. Ce toponyme a été imposé par l'autorité qui a ordonné le défrichement du finage, et non par les habitants eux-mêmes. C'est une création quasi littéraire, analogue aux Clairlieu, Vaucler, Clervaux plus tardifs et d'inspiration monastique. On a décidé d'abattre la forêt pour créer des terres arables et construire un village nouveau
que je relève. 1° La date de l'acte ne peut pas être 1170, mais au moins 1180. 2° La lecture Leugier est fautive ; il faut la corriger en Leugler. L'I intérieur est fâcheusement coupé à mi-hauteur par la détérioration du parchemin ; il a la forme d'un i surmonté d'un accent effilé vers le haut ;. mais ce n'est qu'une apparence, car aucun des autres i de cet acte n'est ponctué ni accentué ; c'est au contraire un l très allongé, comme tous ceux du copiste. 3° Les. identifications de ces lieux Leugler et Villan[ie] avec Leuchey et Villars; faites sur le papier collé au dos de l'acte, ont été suggérées par une lecture fautive et non par un souvenir historique, comme le laisserait supposer l'ancienneté de cette analyse. Après ce minutieux examen, il faut donc, sans la moindre hésitation, rayer du Dictionnaire topographique de la Haute-Marne la graphie Leugier, qui y figure p. 95, s. v. Leuchey. Ce qui prouve péremptoirement que Nugler est une variante de Leuglay, c'est le lieu-dit gué Seignorot qui était sur le territoire de Leuglay et qu'un parchemin original de l'année 1246 nous donne sous une graphie archaïque vadum Segnoroth apud Nuglerum.
1. Voir Mémoires de la Commission des antiquités de la C.-d'Or, t. XII, p. xciv.
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au centre de terrains fraîchement livrés à la culture. L'Ource coule, en effet, au milieu d'un immense massif forestier, dans lequel la commune de Leuglay forme une enclave très nette, ainsi qu'il saute aux 3reux, quand on examine la carte d'État-Major. *Locus clarus, ou *Loguclaru dans la langue mérovingienne, résumait à lui seul un programme de l'administration, et appelait au peuplement les paysans d'alentour. Le même rôle a été joué plus tard par les Neuveville ou Villeneuve, les Autreville, les Belleville, les Francheville ou Villefranche. Toutes ces appellations ont été choisies et imposées par les seigneurs, tandis que les toponymes du type -court ou -ville, composés avec un nom de personne ou un ethnique, consacraient au contraire un état de fait déjà ancien et résultaient, dans bien des cas, de traditions populaires.
» On objectera peut-être que *Loguclaru est une formation insolite, quant à la syntaxe, et que l'on aurait plutôt dit *Clarulogu. Mais ne trouve-t-on pas également l'épithète en seconde place dans les toponymes Courgerennes <*Corte jusana, Courtisols <C*Corleaculiore Courdemanche <*Corte dominica, Villeurbanne <*Villa urbana, Montheu, cne de Dommartin-sous-Amance (M.-et-M.) <*Monte acutu, etc. ?
» Tant que toponyme *Locu(m) claru(m) (ou même *Logu claru) est resté limpide, on l'a considéré comme la succession de deux termes distincts. De par sa syntaxe, il peut remonter, théoriquement, au Bas-Empire ; seule l'archéologie peut appuyer cette hypothèse. Mais on peut concevoir aussi que, dans le latin mérovingien, on ait créé une expression savante *Logu claru. De toutes façons, cette forme *Loguclaru, soudée dès que la signification en a été oblitérée, — nous pouvons la considérer soit comme un premier aboutissement d'un *Locu(m) claru(m) gallo-romain, soit comme le départ d'une forme mérovingienne, — cette forme, dis-je, s'impose pour rendre compte du traitement phonétique qui a amené la forme actuelle Leuglay. La soudure s'est faite à une époque où e ne se palatalisait plus. Antérieurement à cette date, dans c + l, c passait à y qui mouillait l (p. ex. oculum >*oclu >oeil); mais après l'arrêt de la palatalisation, consécutif aux invasions germaniques, c + l devint gl dans les mots introduits dans la langue après cette période (p. ex. *ab oculis > aveugle ; matricularius > lat. mérov. matrigolarius > anc. franc, marreglier) \
» Le traitement phonétique de *Loguclaru conduit graduellement à' Leuglay. Dans logu, le c antérieur avait déjà passé à l'étape sonore g ;ona eu ensuite l'évolution suivante (où u représente le son actuel ou) locu(m) > *logu > *lou
1. On peut admettre que clarus a donné glarus sporadiquement. Glaudius fut une variante éduenne de Claudius et *clarea s'est changé en *glarea qui a donné glaire en français.
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avec un o ouvert en hiatus qui s'est ensuite diphtongue régulièrement
*lou > *luou (tripht.) > *lùoew (txipht.) avec ce ouvert (w représente la semi-consonne ou dans oui).
» A partir de cette étape, il y a eu deux traitements différents suivant les dialectes. En francien et en français, l'aboutissement est lieu (cf. oculos > yeux). Mais dans certaines régions on a pu employer leu pendant quelque temps : Sidolocum > Saaleu 1269, auj. Saulieu ; Biauluef en 1256, 1265 = Beaulieu (Haute-Marne) 1; Clefleu en 1244 = Clairlieu à Villers-lez-Nancy (M.-et-M.). Comparez également focu(m) > feu ; jocu(m) > jeu ; coquus changé en *cocus > queux (cas sujet).
» A *luou correspondent nos types I et I bis, à *lûoew nos types II et II bis. Dans ce dernier la diphtongue ue s'est résolue en u, alors que dans le type III elle s'est résolue en un seul son, l'oe des phonéticiens, écrit eu. Les types IV et IV bis enregistrent la chute de l'r final, par assourdissement progressif, et la transcription de é final par ei, par analogie avec les toponymes issus des formations en -iacum»
-iacum» étapes se sont faites graduellement, par modification insensible des phonèmes naissants ou disparaissants. Nous observons aujourd'hui des sons incomplets dans les patois actuels, ce qui rend très difficile, sinon impossible dans certains cas, la notation avec les lettres de l'alphabet français ordinaire. Au moyen âge, les scribes qui écoutaient les témoins se trouvaient dans le même cas, et ils éprouvaient les mêmes difficultés pour noter sur le parchemin les sons variés et d'inégale importance qu'ils entendaient. Ils s'efforçaient de les rendre de leur mieux ; leurs graphies sont donc approximatives et c'est ce qui peut expliquer les variantes précitées.
» Reste, pour en finir, à concilier la prononciation française, Leuglay (loeglê), et celle des patoisants, loedyé. Elle est tout à fait naturelle, car on a de multiples exemples de cette transformation ; il suffit d'étudier les diverses formes locales, en Côte-d'Or, du mot sanglier (sengler en ancien français). Gl devient g + l mouillé, puis gy, et enfin dy, par avancement du point d'articulation de la langue, ce qui nécessite un effort moindre au cours de la conversation.
» Telle est l'explication que je crois pouvoir donner du nom de Leuglay. Je l'ai communiquée à M. L. Berthqud, et j'ai reçu de lui l'aimable appréciation que voici :
« Je me suis reporté, m'écrit-il, à ma fiche « Leuglay », ancien » Leugler, où je discutais à des époques différentes les explications » possibles de ce toponyme énigmatique, et je trouve : Leugler serait » mieux justifiable d'un type tel que locus clarus qui donne régulièrement » Leugler. Nous sommes donc deux à avoir envisagé cette solution ; » c'est une raison pour la croire rationnelle. Je la considère donc, » après vous, comme fort admissible en l'état actuel de la docu» mentation, et comme très digne d'être publiée ».
1. Archives de la Haute-Marne, Beaulieu, 17° liasse, 10e dossier.
36 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Séance du 26 février 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Comme suite à celui-ci, M. G. Grémaud, secrétaire, rend compte des travaux de dégagement du souterrain du château de Dijon poursuivis par les services de la Ville sous la rue Jean-Renaud 1. Actuellement, la galerie est complètement débarrassée des matériaux qui l'encombraient. Tandis que l'on construit un escalier d'accès à son extrémité sud, du côté de la place Grangier, on procède, d'autre part, boulevard de Brosses, au dégagement de l'escalier en vis qui permettait d'accéder à son extrémité nord ainsi qu'aux salles de la tour Guillaume, la plus grosse de la forteresse. Cet escalier, admirablement conservé, présente une paroi circulaire en gros blocs d'appareil réguliers, soigneusement taillés. 27 marches sont visibles, les autres baignant dans une nappe d'eau malencontreuse qui obligera vraisemblablement à suspendre les travaux. A la 25e marche, c'està-dire à 5 mètres sous la chaussée du boulevard, se trouve l'entrée du souterrain dégagé que la nappe, heureusement, n'atteint pas.
Il faudra donc attendre l'été prochain pour parvenir au souterrain inférieur et à la salle basse de la tour Guillaume qui, selon toutes probabilités, doivent être intacts.
Il a été décidé de conserver également cet escalier. On va donc le recouvrir incessamment d'une dalle en ciment armé, mais un « trou d'homme » sera ménagé afin de pouvoir en assurer la visite.
Le président ayant reçu une lettre du directeur de l'Office national météorologique invitant les membres des Sociétés savantes à rechercher, pour les communiquer à l'Office, les phénomènes météorologiques régionaux qui se sont produits au cours des siècles, indique à ceux de ses confrères qui désireraient répondre à cette invitation de nombreuses références insérées au catalogue des communications de l'Académie de Dijon, tome Ier de la 5e série de ses Mémoires, p. 60. Il fait part ensuite d'une distinction dont Mlle Marie Rabut, associée, vient d'être l'objet de la part du « Puy Florimontain de Lyon », et lui adresse les félicitations de la Commission.
Il présente, d'autre part, le 4e fascicule du tome XLVII des Mémoires de la Société éduenne et y signale quelques communications intéressantes : celle notamment relative à la formation du comité du théâtre romain d'Autun, dont les fouilles et les intelligents travaux ont remis au jour les fondations de ce gigantesque édifice, ensevelies depuis de longues années ; celle également de M. Boëll relative à la
1. V. Progrès de la Côte-d'Or du 28 février 1936.
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découverte, sur la commune de Saint-Pantaléon, près d'Autun, d'un vase lacrymatoire en verre blanc dont on a rapproché la forme de celui décrit par Rossignol, au tome IV des Mémoires de la Commission des antiquités, et qui portait sur sa panse l'inscription tronquée LACRYMA... Enfin une note insérée au même fascicule tire au clair la question des origines et de l'architecte du château de Sully, près d'Épinac, grâce à un document important trouvé aux Archives de la Côte-d'Or, sous la cote E 1662. Le château serait bien, comme on l'avait insinué sans preuve, l'oeuvre du langrois Nicolas Ribonnier, architecte du château du Pailly, mais n'aurait été construit qu'après la mort de Gaspard de Saulx-Tavannes, par sa veuve, de 1573 à 1581.
M.. Fyot ayant, en outre, à propos de ce compte-rendu, évoqué le souvenir du tableau du Louvre, connu sous le nom de La Vierge du chancelier Rolin, le lieut.-colonel Andrieu, membre résidant, fait remarquer que le titre exact est La Vierge au donateur et que si la tradition officielle veut que ce donateur soit le chancelier de Philippe le Bon, tous les écrivains de l'art ne l'ont pas admis, tel Gustave Geffroy qui le considère comme un chanoine. En tout cas, le lieut.- colonel Andrieu estime qu'il s'agit là d'un personnage différent du chancelier. En appliquant la méthode d'identification judicieuse due à Bertillon audit tableau et à celui des Hospices de Beaune qui représente le portrait authentique sous la même incidence, on constate, par la comparaison des deux signalements anatomiques, que ce sont deux personnages différents. D'ailleurs le fait d'avoir déplacé l'île Barbe dans le paysage du fond en l'avançant de 4 kilomètres pour qu'elle se trouve au milieu, à l'intersection des diagonales, est une preuve que l'artiste y attribuait une importance capitale dans son oeuvre. Le donateur serait, en effet, un abbé du couvent de l'île, Edouard de Messey, ami du cardinal Rolin, fils du chancelier, ce qui explique la présence du tableau à Autun x.
Le lieut.-colonel Andrieu, d'autre part, donne lecture d'une lettre de M. H. Drouot, membre résidant, attirant l'attention de la Commission :
1° sur une statue de Vierge à l'Enfant, de l'église de Brétigny, dont a déjà parlé M. Fyot à la séance du 11 décembre 1935 et décrite par ailleurs par M. H. David dans son ouvrage De Sluter à Sambin ;
2° sur l'intérêt que présentent les travaux récents de M. Pocquet du Haut-Jussé, membre résidant, concernant plusieurs des personnages dont les images entouraient le tombeau de Louis de Mâle, que Montfaucon a représenté dans un des volumes de la Monarchie française ;
1. V. communication au Congrès de Semur de l'Association bourg, des Soc. sav., 1931 : L'anthropométrie dans l'Art.
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3° sur l'intérêt que présentent certaines études récentes de M. Domien Roggen sur Claus Sluter et le tombeau de Philippe le Hardi.
C'est une occasion pour le lieut.-colonel Andrieu d'y joindre un aperçu des études publiées sur le même sujet par d'autres savants et par M. H. Drouot lui-même.
I. — Georg Troescher, professeur à l'Université de Fribourg-enBrisgau. Celui-ci, après une correspondance très copieuse avec M. H. Drouot et le lieut.'-colonel, a publié un gros ouvrage dont le tome Ier seul a paru : Claus Sluter et la sculpture bourguignonne à la fin du xive siècle. L'auteur donne gratuitement à Sluter des origines westphaliennes que M. Domien Roggen a réfutées péremptoirement au Congrès de Dijon de l'Association bourguignonne des Sociétés savantes, en 1935. Troescher s'est cru autorisé à reproduire un dessin de Béguillet et la restitution moderne présentée par le lieut.- colonel dans les Mémoires de la Commission de 1923, en faisant suivre toutefois cette dernière des mots : « Zeichnung nach Andrieu ». Entre temps, il a échoué clans la recherche de l'un des pleurants disparus.
IL — Le Dr Domien Roggen, de l'Université de Gand, auteur de six brochures dont cinq écrites en flamand. Il fait état d'une découverte faite par un de ses élèves, M. Duverger, dans les archives de Bruxelles. Une liste de tailleurs de pierre des xive et xve siècles présente, en tête, le nom ajouté après coup d'un « Claes de Slutere va Herla » où ces auteurs voient notre grand Sluter. M. H. David ne se range pas à cette interprétation.
M. Roggen, qui est certainement l'apôtre le plus influent de la restitution des processions de pleurants, a traité sur place, avec le lieut.-colonel Andrieu, la question des tombeaux ainsi que celle du Puits de Moïse. Aussi affirme-t-il textuellement « que le doute est » dissipé et que les emplacements sont définitivement reconstitués ». Toutefois, il ajoute en note : «Peut-être reste-t-il un détail insigni» fiant. Il s'agit là de l'identification d'une des statues dont la per» spective est trompeuse » et il donne dans son dernier ouvrage les photographies individuelles de tous les pleurants du tombeau de Philippe le Hardi, y compris les « américains », d'après la collection du lieut.-colonel Andrieu. Il n'y manque que les deux petits enfants de choeur portant un cierge qui ont disparu à la Révolution. Quant au Puits de Moïse, il borne son interprétation au seul sens de « fontaine de vie ». .
III. — Mlle Aenne Liebreich a déjà publié, en collaboration avec M. H. David, deux études sur Champmol dans le Bulletin monumental de 1933 et 1935. Son oeuvre maîtresse paraît en ce moment en souscription, éditée par la maison Dietrich de Bruxelles sous le titre unique : Claus Sluter, dont le programme circule en librairie. Elle y annonce que le maître est le réalisateur de nouvelles idées theologiques. -■■
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IV. — Richard Hamann, professeur à l'Université de Marbourg, a publié une étude sur les oeuvres d'art belges, faisant suite aux Trésors d'art de la Belgique étudiés de concert avec plusieurs savants allemands pendant l'occupation. Des conclusions d'origines sont tirées de ressemblances ou d'analogies dont les fondements sont précaires.
V. — Henri Drouot. L'atelier de Dijon et l'exécution du tombeau de Philippe le Hardi.
VI. — Henri David. Claus Sluter lômbier ducal.
Ces deux derniers sont cités pour mémoire, car leurs travaux sont connus et à portée de la main, mais ils ont été nécessités par des lacunes, erreurs ou lectures insuffisantes d'archives faites par Monget, ce qui n'enlève rien au réel mérite de celui-ci, dans le formidable travail auquel il s'est livré pour retracer l'histoire de la Chartreuse.
VIL — Paul Rolland, conservateur-adjoint des Archives de l'État à Anvers, secrétaire de l'Académie royale d'archéologie de Belgique : Dijon, Bruxelles et Tournai. Le mouvement préslutérien. Cette étude est la synthèse de ses travaux antérieurs pour faire ressortir dans ces trois centres artistiques les manifestations d'une tradition commune interprétée d'une manière analogue dans tous, mais personnelle et originale dans chacune d'elles, en tenant compte de ce que l'atelier de Pampelune est issu de celui de Tournai.
M. G. Grémaud, secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. J. Lagorgette, associé, vice-président de la Société archéologique et historique du Châtillonnais, rendant compte de ses campagnes de fouilles menées en 1935 à Pothières et à Vix. ■>
A Pothières, dans le bois communal de Crézille, M. Lagorgette a exploré quatre tumulus. Le premier, d'un diamètre de 11 mètres, présentait une chape de dalles imbriquées. Au centre, gisaient deux squelettes superposés, orientés S-N et N-S et, disséminés dans la masse, 150 phalanges, 80 dents et de minuscules débris de gros ossements humains. -Comme mobilier : quelques fragments de bronze et de fer.
Le deuxième tumulus mesurait 20 mètres de diamètre sur 2m50 de hauteur, avec appareil de dalles imbriquées. Une sépulture S-N fut exhumée au centre. A proximité, mêlés à la même couche de terre, M. Lagorgette recueillit une grande quantité de minuscules vertèbres et quelques fémurs de lézards (?). Mobilier : tête de rivet et douille en bronze, perle d'ambre. Plusieurs sépultures adventices à la périphérie.
Au centre du troisième tumulus, un squelette orienté N-S était accompagné d'une épée de fer de la T,ène de 90 cm. de longueur. Une armille en potin entourait son bras gauche tandis qu'à côté furent rencontrés des anneaux en fer. Sépultures adventices à la périphérie. Diamètre : 15 mètres.
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La fouille du quatrième tumulus ne donna que trois bracelets dont un avec perle de verre bleu.
A Vix, M. Lagorgette a poursuivi ses recherches sur un front de taille de 2m20 à 3m30. Les ossements d'animaux, les tessons de poterie s'y trouvaient moins abondants qu'au cours des années précédentes, mais toujours avec les mêmes décors. M. Lagorgette a, en outre, mis au jour des objets en terre cuite dont deux nouveaux dévidoirs à six pointes, un petit buste humain, une tête de sanglier et des fusaïoles variées.
Avant de lever la séance, le président annonce que M. V. Kripner, associé, fera dans quinze jours une conférence, avec projections, sur les Monuments d'art de Tchécoslovaquie, dans la salle de l'Académie. Il invite les membres de la Compagnie à y assister aussi nombreux que possible.
La séance est levée à 18 h. 30.
Séance du 11 mars 1936
La séance est ouverte à 17 heures, dans la grande salle de l'Académie, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Elle est entièrement consacrée à l'audition d'une conférence de M. Victor Kripner, récemment élu associé, sur les Monuments d'art de Tchécoslovaquie.
Parmi l'assistance, on reconnaît presque tous les membres résidants, ainsi que de très nombreux associés et correspondants.
Après avoir fait part des excuses de plusieurs invités, notamment de celles de M. le préfet de la Côte-d'Or et de M. le député-maire de Dijon, retenus par d'autres obligations, M. Fyot présente le conférencier.
Né à Prague en 1906, M. Kripner se livre à de fortes études dans cette ville et y conquiert plusieurs diplômes, notamment celui de docteur ès-lettres. Il est bientôt appelé en France où, nommé professeur de langue tchèque au lycée de Dijon, il fonde une section tchécoslovaque, tout en faisant, par ailleurs, un cours public à la Faculté des Lettres. Poète à ses heures, il a déjà traduit en tchèque plusieurs poésies et romans français.
C'est ainsi que, déférant au désir exprimé par la Commission, il a bien voulu faire connaître à ses confrères l'histoire, les monuments, les oeuvres d'art et les beautés pittoresques de sa patrie.
Sa conférence, illustrée de nombreuses et superbes projections, tient l'assistance sous le charme pendant une heure et demie. M. Kripner s'exprime d'ailleurs dans un français très pur et l'enthousiasme qu'il apporte dans ses descriptions lui attire de fréquents et unanimes applaudissements.
PROCÈS-VEKBAyX DES SÉANCES 41
Il retrace tout d'abord brièvement les origines historiques de la Tchécoslovaquie qui, par ses contrastes de paysage, de moeurs, et de culture, ne manque pas de séduire le touriste. Ses premiers habitants connus, de race gauloise, sont les Boii (Boïens) qui donnèrent son nom au pays, la Bohême. Son histoire fut illustrée, au cours des siècles, par les noms glorieux du duc Wenceslas (xe s.) dont la statue orne la cathédrale Saint-Guy à Prague et une place de cette ville, du roi Jean l'Aveugle tombé dans les rangs français à Crécy, de l'empereur Charles IV qui fit de Prague le plus important foyer de culture philosophique, littéraire et artistique de l'Europe centrale et orientale, du président Thomas Masaryk, le c père de la patrie •>, qui rendit au pays son indépendance perdue au xvne s.
Le noble passé de la Tchécoslovaquie survit dans ses monuments dont l'intérêt artistique est souvent considérable. Et M. Kripner fait passer sur l'écran plusieurs vues infiniment attachantes de Prague : la cathédrale Saint-Guy, commencée au xive s. sur les plans de l'architecte français Mathieu d'Arras, son mausolée royal et sa chaire du xvie s. par Collins de Malines, sa chapelle SaintWenceslas, où repose le prince-martyr, décorée de fresques remarquables ; le pont Charles IV, le panorama et l'ancien château royal de Hradcany ; la ruelle de l'or (ou des alchimistes au xvie s.) ; la tour de l'hôtel de ville avec sa célèbre horloge astronomique datant de 1480 ; l'hôtel de ville et sa merveilleuse salle du xve s. ; l'église Sainte-Marie de Tyn des xive et xve s. ; le monument de Jean Huss le célèbre réformateur ; l'Université fondée en 1348 ; les églises Saint-Sauveur et Saint-Nicolas de style baroque ; plusieurs maisons et palais de la cité ; les vieux quartiers près de la Vltava, etc.
Les styles dominants sont, à Prague, le gothique, le renaissant et le baroque. Malgré la nuance péjorative qui s'attache à son nom dans la langue française, ce dernier offre, dans la capitale de la Bohême, un ensemble d'un charme incontestable. « Il est discrédité parce qu'ignoré, dit M. Kripner. Les Français ne le voient qu'à travers ses excès. Datant du xvne s., il se caractérise par le faste et la complication de l'ornementation : colonnes torses, guirlandes de feuillage déchiqueté, profusion de marbres précieux aux teintes variées, frontons, gloires et apothéoses théâtrales, etc. Il fut noble et puissant avant de tomber dans l'afféterie du style « rococo ». Le baroque de Prague ressemble au style « dix-huitième » ou « Louis XV ».
Plusieurs des villes de province possèdent, elles aussi, des titres à la curiosité du touriste : Kutna'Hora, belle cité du xive s. ; Hradec Kralové ; Brno, capitale de la Moravie ; Olomonc ; Bratislava, capitale de la Slovaquie. Parmi les châteaux : Karluv Tyn (Carlstein), Trosky, Lany, Pernstyh, Orava et les stations balnéaires : Mariarïské Lâzné (Marienbad), Karlovy Lâzné (Carlsbad), Jachymov, etc.
M. Kripner attire enfin l'attention sur la richesse du folklore
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ainsi que sur l'industrie du verre dans laquelle triomphe, depuis le moyen âge, avec les cristaux de Bohême, l'ouvrier tchèque.
Il termine alors en observant « qu'il faudrait être peintre plutôt qu'écrivain pour rendre plus exactement la magnificence des couleurs, l'enchantement des costumes et des intérieurs paysans, fixer les lignes d'un monument, d'une ruine médiévale, la vision fugitive de quelques-uns des sites merveilleux qu'on peut voir en Tchécoslovaquie ».
Ce lui est une raison de plus pour inviter ses auditeurs à visiter son pays, «jeune république fière, traditionnaliste et fidèle à la France ».
Des applaudissements nourris accueillent sa péroraison.
M. Fyot, se faisant l'interprète de l'assistance, adresse au conférencier de chaleureux remerciements. Il fait ressortir les nombreuses affinités qui existent entre le Tchécoslovaquie et la France : affinités de race, puisque ce sont également des Gaulois qui colonisèrent la Bohême, affinités d'armes si l'on en juge d'après le geste de ce roi qui vint mourir à Crécy, affinités d'art enfin lorsqu'on voit des artistes français apporter aux artisans tchèques l'appoint de leur expérience.
Aussi bien ne peut-on qu'aimer davantage encore cette noble nation, amie et alliée de la France.
La séance est levée à 18 h. 45.
Séance du 25 mars 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Les procès-verbaux des deux dernières séances sont adoptés.
Comme suite à ceux-ci, M. Grémaud, secrétaire, rend compte des visites faites aux souterrains du château de Dijon, les 27 février et 6 mars précédents, par deux délégations de la Commission.
La première, composée de MM. le lieut.-colonel Andrieu, Lenoble, Galmard, A. Bouchard, commandant Auduc, Virely et Grémaud, descendit dans la galerie de la rue Jean-Renaud par l'escalier circulaire récemment mis au jour sous le boulevard de Brosses et constata que, grâce à l'activité du service des Travaux de la ville, ces deux ouvrages venaient d'être complètement dégagés.
La deuxième, comprenant MM. Fyot, Virely et Grémaud, put parcourir, sur l'aimable invitation du directeur des Établissements Renault, le souterrain'dit du «boulevard Louis XII» qui s'étend en fer à cheval, partie sous les dépendances du garage parallèlement aux rues du Temple et Michel-Servet, partie sous la rue Jean-Renaud
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également. Elle admira la parfaite conservation de la maçonnerie et la curieuse disposition des ouvertures donnant autrefois sur les fossés. Voûtée en plein cintre, la galerie présente, en effet, de distance en distance, une série de dix niches au fond desquelles s'ouvrent, l'une au-dessus de l'autre, une embrasure de surveillance et un orifice pour bouche à feu.
De plus existent encore, à l'est, la porte de secours donnant sur la campagne, au sud, l'une des portes permettant de passer dans l'enceinte de la forteresse, ainsi que deux escaliers prenant accès sur la courtine et le terre-plein du « boulevard ». Le souterrain, très praticable, mesure- environ 115 mètres de longueur, sur 2m20 de hauteur sous clef et lm40 de largeur.
M. Grémaud fait ensuite circuler des planches dessinées et des photos de ces ouvrages faites par M. G. Virely, associé, et insiste sur leur précision et leur netteté. Ces documents permettent d'ores et déjà de rectifier certaines erreurs de plans antérieurs et de situer exactement l'emplacement du château.
Des remerciements sont adressés, en conséquence, à M. Virely.
M. Grémaud ajoute, enfin, que la municipalité a bien voulu faire repérer, par une ligne de pavés circulaire, la tourelle d'escalier du boulevard de Brosses.
M. Grémaud annonce, d'autre part, que M. Henry Corot, membre non résidant, a l'intention de commencer, fin mai prochain, sa 6e campagne de fouilles aux sources de la Seine et que, par ailleurs, ces dernières, ainsi que leurs abords, ont été inscrites sur la liste des sites et monuments naturels classés, par arrêté ministériel du 12 mars dernier.'
Le président signale que M. H. David, membre résidant, vient d'être nommé maître ès-jeux floraux par l'Académie florimontane de Chambéry et lui adresse les félicitations de la Compagnie.
Il donne ensuite lecture d'une lettre de M. le maire de Dijon en réponse à la demande qui lui avait été adressée par la Commission de faire nettoyer- les plaques limitant le périmètre du « Castrum » et de faire protéger celle de la place Rameau. M. le maire avise que la demande a été transmise aux services compétents à toutes fins utiles. A ce propos, M. Fyot ajoute que la Commission doit se féliciter que son secrétaire ait été investi d'une mission municipale tendant à la surveillance et à la sauvegarde des monuments et des curiosités artistiques de Dijon.
M. Fyot rappelle, d'autre part, qu'il a entretenu déjà la Commission des fouilles pratiquées par les archéologues de l'Académie des inscriptions et belles-lettres à Doura-Europos, cette ville d'Orient placée sur l'Euphrate, en Mésopotamie, et qui fut assiégée, vers l'an 256 de notre ère, par les Perses, dans le but d'en chasser les Romains. Il lit un compte-rendu des dernières fouilles entreprises
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qui ont découvert dix-huit corps de soldats romains et le corps d'un soldat perse revêtu de ses armes. D'autres découvertes portent sur des édifices religieux de divers cultes, et notamment sur un temple de Mithra, dieu du Soleil, qu'une image sculptée représente égorgeant le taureau. Ce culte de Mithra, venu d'Orient, se répandit dans tout l'empire romain comme une contre-partie du christianisme.
M. Grémaud fait observer, à ce propos, que les fondations d'un édifice découvert en 1935, aux sources de la Seine, pourraient être, selon M. H. Corot, les vestiges d'un « mithraeum ».
M. Grémaud donne lecture d'une note de M. H. Drouot, membre résidant, sur la date de la mort de Philippe Pot.
Après avoir rappelé que son tombeau porte l'inscription : « ...trespassez le 16e jour du mois de septembre, l'an mil CCCCXCIIII... », et que ce millésime a été indéfiniment répété dans les catalogues du musée du Louvre et dans les études consacrées au tombeau, M. Drouot entreprend de prouver que le décès du grand sénéchal eut lieu en 1493. Il voit la conséquence de cette mort dans le départ de Dijon, avant le printemps de 1494, de l'auteur du tombeau, Antoine Le Moiturier, l'imagier estimant désormais inutile sa présence dans son atelier par suite de la disparition de son protecteur.
M. Drouot signale que quelques auteurs avaient déjà rectifié cette date, notamment Claude Rossignol en 1861 et Et. Ehinger en 1915, qui tous deux s'étaient référés à un texte de la délibération de la Chambre de ville de Dijon, dû 21 septembre 1493, dans laquelle il est fait mention de la garde du mobilier de Philippe Pot, décédé l'un des jours précédents. Le décès aurait donc eu lieu le 16 septembre 1493. L'erreur de l'inscription tumulaire proviendrait de ce fait que la mise en place du monument à Cîteaux dut être longtemps retardée par suite de démêlés entre les héritiers. L'auteur probable du texte, l'abbé Jean de Cirey, aurait eu le temps ainsi d'oublier la date exacte du décès.
Revenant sur les débats précédents touchant l'ancien château de Dijon, le lieutenant-colonel Andrieu présente un historique sommaire et un exposé raisonné de l'iconographie de la forteresse.
Le lieut.-colonel Andrieu fait ensuite circuler le n° 676 du Dimanche illustré du 9 février dernier qui a publié, p. 5, sous le titre « Les romans de la vie », un épisode de la vie de Charles le Téméraire dont les deux illustrations sont fort suggestives : 1° un portrait qu'on suppose être celui du Téméraire dû au pinceau de Roger van der Weyden et exposé au musée de Bruxelles ; c'est la reproduction de celui qui a été publié dans la Revue bourguignonne de géographie et d'histoire en 1893 (t. IX, p. 339) ; 2° les « Pleureurs du tombeau de Charles le Téméraire à Bruges », mauvaise plaisanterie inconsciente ou voulue pour corser le récit, car l'image représente un fragment du tombeau de Philippe le Hardi avec cinq «pleurants » dans l'ordre
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 45de
45de c'est-à-dire montrant aux emplacements 31, 32, 33, 34, 35, les numéros 20, 29, 10, 9, 21. Le n° 29, qui fronce les sourcils en se tenant le menton est celui que M. Chabeuf a qualifié de « révolté » ; les numéros 10 et 9 sont des Chartreux authentiques pour lesquels le lieut.-colonel a présenté une proposition d'identification dans la Revue belge d'art et d'archéologie de juillet-septembre 1935. Ce sont les mêmes « pleurants » qui ont été reproduits dans la récente publication du Syndicat d'initiative de Dijon. La séance est levée à 18 h. 30.
ANNEXE
ICONOGRAPHIE RAISONNËE DU CHATEAU DE DIJON (par le lieutenant-colonel Andrieu, membre résidant)
« Comme étude rétrospective provoquée par la découverte des souterrains du château, on a procédé, en février 1936, à la mise en place de l'ouvrage sur un plan moderne au 1/2.000e appartenant au service des travaux publics de la ville. Il peut être intéressant de résoudre le problème inverse : « étant donné un plan urbain moderne, mais contenant encore le tracé du château, mettre ce plan à jour en y reportant les rues d'aujourd'hui à la même échelle ».
» Le plan parcellaire dont il s'agit est au 3.000e ; il est intitulé : Ville de Dijon, aménagement du quartier des Chartreux, et sort des presses de la lithographie Jobard. Il s'apparente à un plan analogue au 1 /5.000e portant l'indication : Projet d'aménagement du quartier nord de Dijon par Degré, 31 juillet 1851, de même origine. La mise à jour concorde parfaitement avec la réalité. On y trouve la place des escaliers en vis Saint-Gille relevée dernièrement et existant, l'un dans le garage Renault, l'autre près du trottoir à l'angle du boulevard de Brosses et de la rue Jean-Renaud pour le fer à cheval nord ainsi que la sortie du souterrain latéral ouest dans cette dernière rue devant la Poste.
Les plans anciens
» Les débats de la Commission des antiquités n'ont fait que citer pour ordre l'oeuvre de Charles Suisse, en invoquant les archives du Génie portant la date de 1788, où réminent architecte a puisé la documentation qui lui a servi à étayer son Proj.et de restauration en 1876. Ses recherches historiques se sont à peu près bornées au Registre du secret de la mairie de Dijon, alors qu'il eut été nécessaire de dépouiller, en outre, la série H de la Ville et certaines liasses de la série C de la Côte-d'Or. Il en a conclu que la construction du château
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a duré de 1478 à 1512 et que l'organisation complète comportait quatre tours cylindriques, surmontées de toits coniques dits en poivrière, telle qu'il l'a représentée dans sa planche XII, type définitif du modèle à reconstituer.
» Après une étude déjà ancienne des archives et certaines considérations militaires, j'estime que le château a subi trois phases de transformations nettement tranchées répondant à la tactique poliorcétique du moment.
» 1° Période de 1478 à 1559. La construction initiale est la transformation d'un état antérieur résultant des dispositions prises en 1371 par Philippe le Hardi (ceinture de courtines avec 18 tours et 11 portes ou poternes) où l'on trouve déjà l'emplacement où sera celui du château : deux tours carrées que l'on verra plus tard sur le plan de Bredin. Deux tours rondes seront ajoutées pour former l'ouvrage complet,, mais le projet primitif comportera des murs à embrasures dites « à la française » pour remplacer, dans le tir sous casemate, ce qu'on appelait alors « canonnières » dont le champ de tir était trop restreint. On n'en connaissait pas d'autres en Italie au dire de Machiavel avant l'arrivée de Charles VIII, 1494. C'est à cette époque que l'on s'engagea dans la pratique du tir à l'air libre sur le dessus des ouvrages, soit par des embrasures sans ciel, soit plutôt par le tir à barbe, aujourd'hui à barbette, sur platesformes suffisamment renforcées pour résister aux percussions du recul, le parapet protégeant les servants. Ce dispositif suffira à Louis XI qui n'avait demandé qu'un vaste trapèze avec tours angulaires pour se défendre contre les habitants autant que pour les protéger. Charles VIII, occupé ailleurs, n'y vit rien à changer. Louis XII eut au moins la pudeur de renforcer le front extérieur par l'ouvrage appelé « boulevard » ; c'est le fer à cheval opposé à la campagne (la fausse braie de la Porte Mazelle à Metz en 1552). Toute cette période relève de l'iconographie pédagogique militaire.
» 2° Période de 1559 à 1620. C'est la période des tours coiffées d'une toiture conique destinée à parer aux délabrements provoqués par les intempéries. Le rôle statique de la défense l'emportant sur la puissance des moyens d'attaque, on pouvait rester, au moins provisoirement, dans le statu quo, par mesure d'économie. Pendant un certain temps le trapèze de Louis XI sera un carré parfait ; l'inclinaison de l'un des côtés non parallèles ne se verra que plus tard et même changera d'orientation.
» Nous avons pour cette période quelques documents graphiques importants :
» a) 1574, le plan de Bredin qui, quoique postérieur à Louis XII, ne présente ni son boulevard ni la barbacane de la porte Guillaume qui date pourtant de 1557. Les tours Notre-Dame et Saint-Martin sont quadrangulaires. Toutes les quatre sont coiffées.
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\
» b) 1595. Prise de la ville de Dijon sur les Espagnols et les Ligueurs par le maréchal de Biron, le 28 mai 1595. Reproduction d'une gravure allemande du xvne siècle dont on ne connaît pas encore l'origine. Bonamas l'a analysée dans le tome XXV des Mémoires de la Société bourguignonne de géographie et d'histoire, p. 392. Il a constaté que l'épreuve est inversée par la -gravure. Il a vu Henri IV à la place de Biron au milieu de la rue des Singes (Chabot-Charny). Les tours Notre-Dame et Saint-Martin sont représentées, la première hexagonale et la seconde quadrangulaire ; les contregardes n'existent pas. (Pour l'historique, se reporter à l'étude de notre confrère Henri Drouot, aux Mémoires précités, tome XXVII, p. 201 : Relation inédite de la reddition de la ville et du château de Dijon à Henri IV.)
» 3° Période de 1620 à la fin du xixe siècle (disparition définitive du château). Charles Suisse signale bien que l'enlèvement des toitures date de 1620, mais un plan de Dijon, dressé par l'italien Laurus, en 1628, et inspiré de très près par celui de Bredin, donne la fortification de la porte Guillaume. Le château y est dessiné d'une manière fantaisiste, le fer à cheval du nord est tracé, trois tours ont été escamotées probablement parce que décapitées, la tour SaintBénigne seule est restée avec sa toiture conique.
» 1647. La vue de 1647, dite de Boissevin, a fait l'objet d'un article de M. Fyot, dans le Bulletin du Syndicat d'initiative de Dijon, de décembre 1930, et d'un autre de moi, dans la même publication, de mars 1931. Outre une dizaine d'erreurs que j'ai signalées, le château est dessiné d'une manière absolument semblable au dessin de Laurus, mais sous un trait différent. On peut cependant y tracer les verticales des tours décapitées pour déterminer les alignements de perspective.
» 1651. Quatre ans après, les élus envoyaient une députation au roi à l'effet d'obtenir la démolition du château. Il y fut répondu par l'ordre de boucher une brèche qui se trouvait entre cet ouvrage et la porte Guillaume. Petit à petit, il fallut restaurer toute la fortification à la suite d'un rapport de l'intendant Bouchu qui estimait que la ville ne pourrait soutenir un siège, 1670. Après la conquête de la Franche-Comté et le traité de Nimègue qui reculait la frontière jusqu'à la Suisse, Dijon devint place de seconde ligne, 1678. Quelques années plus tard, en 1692, à la suite de visites passées par les députés du roi, l'ingénieur Noinville et l'architecte Lambert, de nouveaux travaux furent entrepris. En dehors de son rôle de prison, le château reste simple bastion avec ses tours éventuellement batteries à ciel ouvert dont tous les plans successifs à travers les âges nous donneront la fidèle image mesurable sur chacun, quel que soit le système de projection : plans de Lepaûtre, Beaurain, de Fer, etc., vues et profils d'Israël Silvestre, Mansart, Lallemand, Antoine, etc., témoins du passé qui attestent le rôle initial et les possilibités d'emploi ultérieur.
» La planche XII du livre de Charles Suisse qui, sous le titre en
48 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
lettres gothiques de « Chasteau de Dijon », prétend donner l'état restauré vu du côté de la campagne n'est qu'une projection cavalière conventionnelle ne répondant à aucune réalité concrète.
» Il n'existe, en effet, aucun point de vue élevé le long du cours du Suzon : il imposerait d'ailleurs une perspective conique ou à vol d'oiseau. En outre, la représentation de la ville en arrière n'est pas au module du premier plan de front. Rien n'en fait ressortir les caractéristiques locales, clochers ou points remarquables. Ce truquage serait suffisant, à mon avis, pour éliminer cette proposition de restauration : c'est un simple projet d'architecture.
» Nous avons un autre document absolument comparable, inspiré sans conteste du précédent qui justifie cette manière de voir : c'est la vue du château, en 1512, qui figure dans le livre de M. Henri Chabeuf, Dijon à travers les âges, p. 49, et qui a été reproduite en carte postale dans la collection J. D. Sens n° 41, d'après la gravure de Chapuis. Elle est construite en une perspective pseudo-cavalière du type de la vue de. Dijon en 1647. L'orientation est légèrement différente : les tours Saint-Martin et Saint-Bénigne ayant leur plan optique médian sensiblement dans le même alignement. Le détail des draperies encadrant les armoiries royales sculptées sur la porte de secours est bien dessiné à gauche, mais en haut au lieu de l'être en bas.
» Quant à la ville qui constitue les derniers plans, elle est également disproportionnée, mais au moins elle est vraisemblable parce qu'elle montre Saint-Bénigne et Saint-Philibert dans la direction de la porte Guillaume, situation inspirée de l'estampe 51 de Lallemand dans l'ouvrage de Béguillet où là, cependant, elle est décalée de son azimut exact topographique.
» Pendant les cinq siècles d'existence du château de Dijon, les toits coniques des tours n'ont duré que soixante ans. En résumé, ce sont les tableaux de Jeanniot existant au Musée, contrôlés par l'estampe de Lallemand, qui permettraient une restitution vrai. semblable sur la base du plan de Lepaûtre. Il va de soi que les archives du génie seraient à consulter, mais là encore ce serait un vain travail théorique. Toutefois il serait plus dans la note chronologique, surtout si on arrangeait le fond d'après la vue d'Israël Silvestre, prise de Montchapet ».
Séance du 26 avril 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
M. G. Grémaud, secrétaire, annonce que faisant droit à la demande
PROCES-VERBAUX DES SEANCES v 49
récemment formulée par la Compagnie, la municipalité de Dijon a fait entreprendre le nettoyage des plaques indiquant les limites du Castrum divionense et qu'elle a l'intention de protéger celle de la place Rameau par une glace incassable de type « sécurit ».
Le président fait part du décès de M. J. Perrot, ingénieur, à Lamarche-sur-Saône, et correspondant de la Commission. Il adresse, au nom de cette dernière, des condoléances à la famille, du défunt.
Il communique une lettre d'invitation • de la Société éduenne' au XIIIe Congrès de l'Association bourguignonne des Sociétés savantes qui se tiendra à Autun, les 8, 9 et 10 juin courant, et engage les membres de la Commission à s'y rendre et à y présenter de nombreuses communications.
Il annonce que M. l'abbé Morelot, curé de Toutry, ayant entrepris des fouilles aux abords de son village, a découvert les vestiges d'une villa gallo-romaine. M. l'abbé Morelot rendra compte lui-même à la Commission, dans une séance ultérieure, du résultat de ses recherches.
M. Fyot expose, en outre, qu'il a reçu de M. E. Thellier, chargé du laboratoire de l'Institut de physique du globe de l'Université de Paris, une lettre avec pièces à l'appui relatant les études fort intéressantes entreprises par lui sur l'aimantation des briques pour la recherche de l'inclinaison du champ magnétique terrestre dans le passé. M. Thellier demande l'assistance des Sociétés savantes pour lui fournir des briques anciennes de dates certaines, destinées à ses expérimentations. Le dossier a été remis à M. J. Lebel, membre résidant, pour étude.
M. Grémaud donne lecture d'une lettre de M. R. Vernet, correspondant à Pouilly-sur-Saône, signalant la mise au jour au lieudit Biez de Glanon, par M. Gavelle, industriel, à 3 mètres de profondeur et sous une couche d'argile paraissant vierge, de fragments de tuiles et d'un silex taillé. A 1 km. de là, au pied d'un coteau, à un niveau voisin de celui de la Saône, M. Vernet a recueilli, dans les mêmes conditions, des débris semblables de terre cuite et des morceaux de charbon. Des renseignements complémentaires lui seront demandés afin de pouvoir se prononcer sur la nature de ces gisements.
M. Grémaud parle ensuite de deux blocs sculptés et d'une plaque de cheminée provenant d'une maison en démolition à Dijon, rues Musette, Odebert et Claude Ramey et qu'il a pu faire déposer au musée archéologique. Des photographies de ces objets prises par M. G. Virely, associé, circulent parmi l'assistance.
M. Grémaud attire, d'autre part, l'attention de la Compagnie sur les récents travaux de restauration de façade d'une maison de Dijon, 58, rue de la Liberté. Sur l'heureuse initiative de M. A. Drouot, architecte, associé de la Commission, et grâce à l'obligeance des propriétaire et locataire de l'immeuble, les pans de bois, montants,
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traverses et écharpes ont pu être dégagés au premier étage de façon à lui restituer son aspect d'autrefois.
Revenant sur la question des terralia, c'est-à-dire des remparts de terre qui protégeaient Dijon du côté de l'est et du nord-est, M. l'abbé ^ Chaume signale un texte du cartulaire de Saint-Étienne qui témoigne de leur existence dès la première moitié du xne siècle.
M. Fyot expose quelques considérations sur l'utilité pratique de l'archéologie. Il commence par la différencier de l'histoire proprement dite, ce que ne faisaient pas les historiens de l'antiquité, et la présente plutôt comme un complément et un contrôle de l'histoire. Celle-ci est subordonnée à des sources parfois bien incertaines. L'archéologie s'efforce de n'avancer des faits que sur des constatations et des preuves matérielles. Elle embrasse ainsi une foule de connaissances dans l'architecture, les beaux-arts, les inscriptions, la paléographie, la préhistoire, etc. Cette dernière supplée notamment à l'insuffisance de l'histoire en remontant à des époques très reculées par l'étude des vestiges de toute nature qui révèlent des demi-civilisations aux âges préhistoriques.
D'autre fois, l'archéologie rectifie l'histoire : telle la découverte par Gabriel Bulliot, de Bibracte, sur le mont Beuvray, infirmant la cro3rance antérieure que Bibracte occupait le site d'Autun. En d'autres circonstances encore, l'archéologie contrôle et complète les données reçues : c'est ainsi que les fouilles d'Alise éclairent les Commentaires de César. Quant aux recherches des chartistes et des historiens locaux, elles sont d'une utilité incontestable pour compléter les documents insuffisants de l'histoire générale.
M. Fyot cite, à ce propos, la récente découverte d'un fragment de l'évangile de saint Jean, de la première moitié du ne siècle, qui tendrait à annuler l'objection de certains critiques estimant que la longueur du temps écoulé entre les faits racontés et les écrits qui s'y rapportent peut faire douter de la véracité des textes. Le fragment d'écriture sur papyrus en question provient de la bibliothèque de John Ryland, à Manchester. Ce document avait été découvert dans la Haute Egypte, et son exactitude est garantie par l'autorité reconnue de sir Frederick Kenion, ancien conservateur du British Muséum. « Cet écrit prouve, dit sir Kenion, que l'évangile de saint Jean existait et était en circulation dans la première moitié du 11e siècle». Il date donc de la génération même pendant laquelle a été écrit le quatrième évangile. On sait, en effet, que saint Jean, le plus jeune des apôtres, l'a écrit à 90 ans, dans l'île de Pathmos.
M. Fyot termine en faisant observer que l'archéologie proprement dite, négligée dans l'antiquité, peu exploitée au moyen âge, a commencé d'être en honneur à la Renaissance, se développant peu à peu jusqu'au xixe siècle où elle a acquis les caractères d'une véritable science. Les sociétés savantes qui s'y adonnent rendent à ce titre
PROCES-VERBAUX DES SÉANCES 51
v
les plus grands services^non seulement à l'histoire locale, mais encore à l'histoire générale.
Cette communication est suivie d'observations de MM. Oursel et l'abbé Chaume.
La séance est levée à 18 h. 30.
ANNEXES
BLOCS SCULPTÉS ET PLAQUE DE CHEMINÉE
PROVENANT D'UN IMMEUBLE EN DÉMOLITION
RUES MUSETTE, ODEBERT ET CLAUDE-RAMEY
A DIJON
(par M. G. Grémaud, secrétaire)
« Les Dijonnais ont pu assister, ces dernières semaines, à la démolition d'une maison acquise par la ville, au carrefour des rues Musette, Odebert et Claude-Ramey. Au cours de ces travaux, ont été recueillis deux blocs sculptés et une plaque de cheminée qui méritent, me semble-t-il, d'être conservés.
» C'est d'abord la partie inférieure d'une statue de personnage — femme ou ange — vêtu d'une ample robe serrée à la taille. La partie supérieure comprenait tout le buste : elle ne fut malheureusement pas retrouvée. Les deux fragments étaient réunis par une légère couche de mortier dont il reste encore des traces sur celui qui put être sauvé.
Ce bloc mesure 50 cm. de hauteur et 23 de largeur. Il est en pierre blanche de la région et avait été recouvert d'une couche de peinture gris-bleu encore visible. Le drapé des plis traité avec habileté et délicatesse, l'attitude légèrement hanchée que devait présenter le corps, si l'on en juge d'après la flexion du genou gauche, quelques détails du costume, en particulier cette aumônière qui pend à la ceinture, seraient autant d'indices pour dater l'oeuvre du xve siècle. Telle elle se présente encore avec quelques mutilations superficielles.
» Ces mutilations, d'ailleurs, sont involontaires. Le bloc était encastré dans le mur donnant rue Claude-Ramey, sa face antérieure tournée en dedans, de sorte que seule sa face postérieure, plane, était visible, présentant ainsi l'aspect d'une pierre de taille ordinaire. C'est en le descellant avec leurs pics que les ouvriers s'aperçurent qu'il était sculpté, mais déjà il avait quelque peu- souffert. Aussitôt averti je le fis mettre de côté.
» Le deuxième bloc, encastré sous la corniche de la façade donnant rue Odebert et visible avant la démolition est intact. C'est la partie supérieure d'un fronton de baie — porte ou fenêtre — représentant,
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soùs un double rampant à profil du xvie siècle, une tête d'enfant chevelue émergeant des plis d'un vêtement dont les « bouillonnes »- rappellent la fraise' du costume François Ier. Des traces de peinture apparaissent sous le badigeon qui le recouvrait. Il est en pierre blanche également.
» L'ensemble mesure 55 cm. sur 40 et 25. La sculpture n'a ni la vigueur, ni la délicatesse de celle de la statue. C'est un simple motif décoratif d'architecture, intéressant cependant à cause de son origine probable.
» D'où proviennent ces blocs ? Selon toutes probabilités de l'ancienne église des Jacobins qui s'étendait partie à l'emplacement de la rue Claude-Ramey, partie à celui de l'extrémité méridionale des halles, face à la maison en question.
» On sait que cette église, transformée en « poissonnerie » au début du xixe siècle, avait subi — dès cette époque — de nombreuses transformations et mutilations avant d'être démolie en 1872, lors de la construction des halles. ILest à présumer qu'alors les habitants des immeubles voisins ne se firent pas faute d'emporter, à titre de ■souvenirs, pour les mettre à l'abri ou pour en décorer leurs façades, qui un fragment de statue, qui un débris sculpté, qui un éclat présentant un intérêt quelconque. Des têtes semblables à celle dont je. viens de parler sont encore encastrées dans un des murs qui, tout à côté, bordent la ruelle de la Criée municipale.
» Nos deux blocs auraient donc été recueillis par l'ancien propriétaire de l'immeuble de la rue Claude-Ramey, mais la statue jugée sans doute médiocre parce que sans tête dut finir par remplir l'office d'un vulgaire moellon. C'est tant mieux pour notre musée.
» Le troisième objet offre un intérêt moindre. C'est une plaque de cheminée, datée de 1752, sur laquelle on distingue un coq accosté de deux fleurs de lys, emblèmes empruntés aux armes de France, peut-être par le constructeur de la maison.
» Contrairement, en effet, à ce que l'on pourrait croire tout d'abord, cette maison est assez ancienne. Elle figure sur les plans.de de Beaurain et de Mikel au xvnie siècle, sur le plan dressé par le voyer Pasteur le'ler thermidor an VII 1 pour la désaffectation de l'église des Jacobins, sur le plan cadastral (1815-1820) n° 123, section I. La première matrice cadastrale établie en 1823 mentionne le nom du propriétaire à l'époque, un certain Claude-Gabriel Faivre et la surface de l'immeuble : 2 a 60. Le plan de 1857 le représente enfin partagé en quatre lots, probablement à la suite d'un héritage.
» Cependant il dut subir encore certaines transformations, pos1.
pos1. reproduction de ce plan a été présentée à la Commission le 12 juin 1935 et la maison en question y est désignée sous la rubrique Maison au citoyen Faivre (V. Mem. Ccir.m. Ariiig., t. XX, 1933-1935, p. 356).
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 53
térieurement à cette date, si l'on en juge d'après le plan d'expropriation dressé par les services de la ville avant sa démolition. C'est probablement à l'occasion de ces travaux que durent être scellés dans les murs les blocs en question, vestiges d'un monument dont quelques vieux Dijonnais se souviennent encore ».
LES TERRALIA A DIJON AU XIIe SIÈCLE
D'APRÈS UN TEXTE
DU CARTULAIRE DE SAINT-ÊTIENNE l
(par M- l'abbé M. Chaume, membre résidant)
« Il s'agit d'un accord conclu, probablement à une date antérieure à l'incendie de 1137, entre les chanoines de Saint-Étienne et Evrard le Maréchal, prévôt de Dijon, lequel dirigeait alors des poursuites contre les hommes de l'abbaye, coupables d'avoir détruit les «terreaux » en plusieurs endroits, Ebrardus Marescaldus, prepositus Divionensis, homines S. Stephani placitabat, propter terralia que ipsi in quibusdam locis destruxerant. Aux termes de cet accord, Evrard reçut sept sous sur les biens de l'abbaye, cessa ses poursuites, et déclara que les hommes de Saint-Étienne n'auraient plus à répondre sur ce délit, alors même que l'on formulerait de nouvelles plaintes à cet égard, tandem vero impie contra ecclesiam S. Stephani se agere recognoscens, acceptis ex bonis ecclesie VII solidos, omnino illam çalumpniam dimisit, et concessit eis ut nulli ultra ex subversione ipsorum lerraliumy si inde querimonia fleret, responderent. Le lieu des dégâts paraît devoir être situé au voisinage du cours extérieur du Suzon, entre la rue de Mulhouse actuelle et la place du 30-Octobre : terminus lerralium unde hoc placitum factum'est : terradomni Garnerii prepositi usque ad Mansum Belini, juxta viam que pergit mercatum, ubi due vie adjunguntur, una que tendit ad Sanctum Apollinarem, alia usque Quintiniacum villam. Rien, dans la topographie actuelle des rues de Dijon, ne permet d'identifier sûrement le carrefour mentionné : la via que pergit mercatum peut-être, soit la rue actuelle du Lycée, autrefois rue Roulotte, et ruelle des Nonains de Tart, soit plutôt la rue qui prolongeait dans la direction de l'est la rue d'Àssas actuelle et formait la limite entre la paroisse Saint-Nicolas et la paroisse Saint-Michel ».
1, Arçh. Gôte-d'Or, G 125, f° 42 v°.
54 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Séance du 6 mai 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
MM. A. Reinson, ingénieur, en chef, et E. Désertot, ingénieur du Service des eaux et de l'assainissement de la ville de Dijon, sont élus associés.
M. J. Lebel, membre résidant, résume la note de M. E. Thellier, relative à l'aimantation des briques dont il a été question précédemment et donne des explications sur les expériences auxquelles se livre celui-ci au laboratoire de l'Institut de physique du globe de l'Université de Paris. Il observe notamment que M. Thellier â entrepris de fournir une contribution importante à l'étude de la variation du champ magnétique terrestre en interrogeant des briques plus ou moins anciennes, pourvu que leur âge soit connu. Quand on aura réussi à déterminer la loi de cette variation on pourra fixer, au moins approximativement, la date de la confection de la brique et par suite, vraisemblablement, celle de la construction de l'édifice pour lequel elle aura été utilisée.
Les instruments de M. Thellier donnent, avec l'exactitude prati-' quement désirable, la direction du champ magnétique terrestre ayant été enregistrée dans la brique, en un lieu déterminé, à l'instant du refroidissement dans le four de cuisson situé en cet endroit, direction qui n'a plus varié dans la suite. Ainsi, avec des essais multipliés sur des briques datées et des moyennes tendant à éliminer les erreurs d'observation, on peut se proposer d'établir une courbe de variation du champ magnétique pour une région et, inversement, une fois la courbe tracée, fixer l'époque de la cuisson d'une brique non datée.
Et M. Lebel conclut en disant qu'il serait intéressant d'apporter le concours de la Compagnie à la tentative de M. Thellier en lui indiquant des gisements de briques de l'époque gallo-romaine ou du moyen âge.
MM. Fyot et Grémaud signalent, à cet effet, quelques emplacements intéressants en Côte-d'Or.
M. H. David, membre résidant, entretient la Compagnie de trois statues inédites du début du xvie siècle à Dijon.
M. G. Virely, associé, présente une série de planches et de photographies dessinées et prises par lui de la chapelle de l'ancienne Maladière de Dijon, propriété de la Ville depuis quelques mois.
Il décrit le monument et s'attache surtout à faire ressortir ce que celui-ci présente de curieux au point de vue architectural. De l'édifice ancien démoli au début du xvine siècle, il ne reste que le choeur et le transept. Eux-mêmes furent quelque peu remaniés, leurs murs peut-être surélevés et leurs voûtes probablement démolies pour
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 55
faire place au plafond « à la française » actuel. Mais on ne toucha pas à l'élégant petit clocher qui s'élève à l'angle sud-est du choeur, et la trompe conique sur lequel il s'appuie en porte-à-faux se voit encore, parfaitement conservée, entre le plafond et le toit.
MM. Virely et Grémaud observent que ce mode de support est assez rare et même osé au dire de Viollet-le-Duc. Aussi bien pensentils qu'au point de vue archéologique et architectural le monument mérite d'être conservé. Il le mérite d'autant plus qu'il rappelle de poignants souvenirs de l'histoire dijonnaise. Plusieurs pierres tombales et plaques funéraires de lépreux morts en ces lieux ont été déjà déposées au musée archéologique ; une seule se voit encore sur la paroi extérieure sud de la chapelle, celle de Jean Laverne, écuyer, mort en 1586 \
MM. Fyot et Oursel appuient ces conclusions, et il est décidé qu'une délégation de la Commission ira visiter le monument, avant que des démarches ne soient entreprises pour en assurer la sauvegarde.
M. Oursel rappelle l'intéressante communication faite par M. Perrault-Dabot, membre non résidant, au Congrès de l'Association bour-: guignonne des Sociétés savantes de 1935, à Dijon, sur une copie exécutée par le peintre montbardois André Ménassier du fameux tableau de Fra Bartolommeo, le Mariage mystique de sainte Catherine de Sienne 2.
M. A. Bouchard, associé, décrit et fait circuler une gravure du Great Eastern, paquebot construit en 1858 pour assurer le service entre l'Angleterre et les États-Unis. Il comportait deux machines, une à roues, l'autre à hélice et ses dimensions parurent gigantesques à l'époque : longueur 207 mètres, largeur 25 mètres, hauteur 18m50. Celles-ci, d'ailleurs, durent en gêner l'exploitation commerciale car le bâtiment fut surtout utilisé pour la pose du premier câble sousmarin. Par comparaison, M. Bouchard donne celles de Normandie, le dernier paquebot lancé par la France.
La séance est levée à 18 h. 15.
* * *
ANNEXE
TROIS STATUES INÉDITES
DU DÉBUT DU XVIe SIECLE
A DIJON
(par M. Henri David, membre résidant)
«La petite église de Saint-Médard de Dijon, située au nord de
1. Elle a été décrite par M. E. Fyot, à la séance du 29 juin 1932 de l'Académie de Dijon. V. Mém. de l'Acad. des Se, arts et belles-lettres de Dijon, 1932, p. xxx.
2. V. Association bourg, des Soc. sav., Douzième Congrès tenu à Dijon en 1935, Dijon, Bernigaud et Privât, 1937, p. 196.
56 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
l'antique abbaye de Saint-Étienne et à l'ouest de l'église Saint-Michel, a disparu sans presque laisser de traces. D'autant plus curieux nous paraissent les quelques souvenirs qu'on en peut signaler. De plan très simple, elle ne comportait qu'une abside hémicirculaire sous une voûte en cul-de-four prolongée par une nef unique à charpente apparente. Quelques détails complémentaires ont été réunis par M. E. Fyot, clans son récent volume 1. L'intérieur, des plus modestes, ne laissait pas de comporter un jubé 2 que passait de fort loin sans doute l'oeuvre similaire de Saint-Étienne, due aux abbés René de Bresche de la Trémoille et Claude de Longvy, futur cardinal de Givry.
» Un hasard, ou plutôt une négligence professionnelle, nous vaut de pouvoir préciser aujourd'hui la physionomie du maître-autel de cette modeste paroisse. Le 21 juin 1512, la justice échevinale était appelée à se prononcer sur le cas assez piquant que voici 3. Un bourgeois de Dijon, Jean Tricaudet, venait, semble-t-il, d'offrir à cette église trois statues pour son autel principal ; du moins, les faisait-il peindre à ses frais, ce qui paraît bien impliquer une libéralité récente dont nous ne saisissons ici que le dernier terme 4. Ces « ymages de pierre » figuraient la Vierge accompagnée des deux évêques saint Médard et saint Germain. Deux peintres verriers avaient été chargés de les revêtir de couleurs, et l'un d'eux, Perrenet Henriot, avait eu la mauvaise grâce de porter plainte contre son associé en cette tâche, son confrère dijonnais par ailleurs connu : Jean Petit. Sur quoi, deux échevins « commis sur la visitacion du mestier de paincterie » et deux « experts », les verriers Laleurre et d'Orain 5 vont examiner
1. Voir E. Fyot, Dijon, son passé évoqué par ses rues, Dijon, Damidot, 1928, p. 440-441 ; H. Chabeuf, Dijon, Monuments et souvenirs, Dijon, Damidot, 1894, p. 257-258
2. Arch dép. de la Côte-d'Or, G 3598, f° 186 2°. Parmi les objets de inétal, statuettes ~et reliquaires, on relève en outre : « deux grandz pilliers de cuyvre sur chaqun desquelz y a un ange tenant un chandelier, qui... sont posez devant le grand aultel », don du sieur de La Ferté, ancien curé de la paroisse ; ibid., G 3592, f<> 26 v°.
3. Ibid., B12, liasse 353 /l, cote 116, et, plus loin, pièce justificative. Nous en devons la communication à M. E. Nolin, chef de bureau aux Archives de la Côte-d'Or, que nous sommes heureux de remercier ici.
4. Jean Tricaudet n'est pas un inconnu pour nous. Durant une période de quarante-six ans (du 1er janvier 1487 au 31 décembre 1533) un clerc de ce nom est commis à la recette des biens de l'abbaye de Saint-Bénigne dans le bailliage du Dijonnais (Arch. Côte-d'Or, fonds Saint-Bénigne, H 5-10). Il y a tout lieu de croire que c'est là notre donateur.
5. Au cours des années suivantes, on doit encore à Petit et à d'Orain deux verrières de la Madeleine. Ce dernier fut occupé à diverses reprises à celles de Saint-Étienne, de la chapelle de Pagny, de la Chartreuse de Champmol, ainsi que, pour ce même couvent, à une levée de plans motivée par des. prétentions rivales et connue sous le nom de « Tibériade » ; Fyot, ibid., p. 225, 324-325 ; et L.-E. Marcel, Le cardinal de, Givry (La Renaissance, 1926, p. 81 et 130).
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 57
le travail. Ils constatent que les statues de la Vierge et de saint Germain « sont bien paintz, estoffez et dorez » par le dit Henriot, suivant les ordonnances du métier. Pour saint Médard, confié aux soins de Jean Petit, c'est une autre affaire : « le blanc de l'aube et » de la crosse... est fait à destrampe, ce que se doit fere à huille, et » semblablement il a mis de l'or party ou manypule, ce que se doit « fere de fin or ». Voilà notre homme pris en faute sur la dénonciation de celui qui, besognant en sa compagnie, l'avait vu de trop près à l'oeuvre. Le piquant de la chose, c'est que maître Jean Petit était précisément juré de sa corporation ! Il se voit frappé d'une amende de vingt sols tournois et condamné à «refîerre l'ouvraige.» en se conformant aux règles corporatives qu'il avait charge de faire respecter des autres et qu'il venait d'enfreindre pour lui-même.
»A la saveur de ce petit démêlé s'ajoute pour nous l'intérêt qui s'attache à la mention des trois statues. Intérêt hagiographique tout d'abord : au culte universel de la Vierge venaient s'adjoindre celui du saint patron fondé sur un antique transfert de reliques et, par raison d'analogie, celui de l'évêque d'Auxerre, assez répandu dans toute la Bourgogne. Nous atteignons même, aux défauts soulignés dans l'exécution, quelques détails du costume ecclésiastique, détails réalistes dont nous avons, à maintes reprises, fourni des exemples dans nos séries d'évêques de la fin du moyen âge 1. Pouvaiton en savoir davantage et, par exemple, suivre l'autel dans ses destinées ultérieures? Nous l'avons tenté à l'aide des registres et comptes de la fabrique dont les renseignements, assez abondants, mais de faible portée, s'étendent sans interruption de 1534 à 1789 2. Le 10 décembre 1570, la pauvre église menaçant ruine, l'assemblée générale des paroissiens approuve le transfert, dans le croisillon nord de l'abbaye de Saint-Etienne qu'on doit aménager pour eux- en chapelle, des images, autels et fondations de leur paroisse en dé.- tresse 3. A cet effet, un inventaire des objets mobiliers est dressé le 15 octobre 1571 4. Aucune trace des deux évoques ne s'y rencontre, mais nous y relevons cet article : « Item une ymage de Nostre-Dame «taillée de pierre toute peinturée qui estoit... de l'ung des coustez » du grand aultel ; de présent, est à Saint-Estienne, à l'entrée du » cloistre » 5. Cette Vierge « toute, peinturée » provenant du maîtreautel ne peut guère être que celle même de 1512, offerte par Tricaudet et mise en couleurs par Henriot. Un demi-siècle s'est à peine écoulé et la voici reléguée au cloître ; ses acolytes ont disparu. En tout état
1. H. David, De Sluter à Sambin, Paris, Leroux, 1933, t. I : La fin du moyen âge, passim, notamment p. 342-439.
2. Arch. Côte-d'Or, G 3587-3613.
3. Ibid., G 3588, liasse, et G 3592, f° 6.
4. Ibid., G 3592, f°" 26 et suiv.
5. Ibid., G 3592, f° 37 v°.
5S PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
de- cause, elle n'eût pas survécu à la réfection générale de Martin de Noinville à la fin du xvne siècle, — si tant est qu'elle parvint jusque-là. Les hospitalisés de Saint-Médard n'étaient dans l'abbaye que des parents pauvres ; on n'y faisait pas grand cas de leur « mobilier ». Les séries de vierges bourguignonnes et de saints prélats que nous avons constituées pour le début du xvie siècle en Bourgogne, nous rendent facilement compte de l'aspect que pouvait offrir cette triade. En évoquant, par exemple, au sud de Dijon, les saints évêques de Couchey \ proches par l'espace, le temps et l'esprit 2, nous aurons une approximation très suffisante de l'imagerie de Saint-Médard.
» L'histoire et la morale vont rarement de pair. Si maître Jean Petit s'était montré peintre et juré intègres, nous ignorerions sans doute à jamais la plrysionomie de ce petit sanctuaire à l'aube de la Renaissance. Félix culpa ! Heureuse faute qui nous rend une image de la Mère de Dieu escortée des vieux évêques de Noyon et d'Auxerre ».
PIECE JUSTIFICATIVE
Nous, Pierre Jaeot et Jehan Boursot, eschevins de ceste ville de Dijon, commis par messieurs les viconte mayeur et eschevins de lad. ville sur la visitacion du mestier de paincterie pour l'année présente ; Thiebault Laleurre, verrier juré dud. mestier, et Jehan Dorrain, painctre, appelle en ceste partie ou lieu de Jehan Petit, juré dud. mestier, à la requeste de Perrenet Henriot, painctre, et au plaintif d'icellui. Et aussi à la requeste de honnoré homme Jehan Tricaudet, bourgeois de Dijon, nous avons veu et visiter et faict veoir et visiter trois ymages de pierre estant sur le grant haultel de l'église Saint-Médard dud. Dijon, assavoir une Nostre-Dame, ung saint Médard et ung saint Germain, laquelle Nostre-Dame et saint Germain ont estez painctz et dorez par led. Perrenet Henriot, comm'il nous a congneu et confessé. Et le tout par nous veu et regarder, avons treuver et treuvons que lad. Nostre-Dame et saint Germain sont bien paintz, estoffez et dorez par led. Perrenet Henriot, selon les ordonnances sur ce faictes. Et quant aud. saint Médard, paint et doré par led. Jehan Petit, le blanc de l'aube et.de la crosse dud. saint Médard, est fait à destrampe, ce que se doit fere à huille ; et semblablement il a mis de l'or party ou manypule, ce que se doit fere de fin or. Et à ceste cause ledit Jehan Petit, en ensuyvant les ordonnances sur ce faicte sur led. mestier de paincterie, est amandable de la somme de vingt solz tournois, et à reffere l'ouvraige selon qu'il appartient en ensuyvant lesd. ordonnances. Lesquelles choses nous avons rapportées en la court de laMayerie dud. Dijon, lesquelles nous avons faictes le plus justement et lealment que possible nous a esté, par le serement que avons à lad. ville fait, le XXIe de juing mil Ve et douze.
(Archives de la Côte-d'Or, série B/2, liasse 353/1, cote 116).
1. Dont l'un est précisément un saint Germain, l'autre un saint Rémi ; David, ibid., t. II : La Renaissance, p. 99, fig. 39.
2. Et qui, pour ces raisons, doivent l'être aussi par la facture.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES .59
Séance du 20 mai 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Le président rend compte de la visite faite à la Maladière de Dijon, le 8 mai, par une délégation de la Commission : MM. Fyot, Oursel, Laurent, Lt-col. Andrieu, J. Lebel, G. Grémaud, E. Broussolle, E. Renard, Lapérotte, A. Bouchard, G. Virely, lesquels ont été d'avis qu'il serait opportun de conserver et de nettoyer l'ancienne chapelle des lépreux, ainsi que la résidence du « recteur ». Un voeu, approuvé par la Compagnie, sera adressé à cet effet à la municipalité, avec dessins et photographies documentaires à l'appui.
M. Fyot fait part de la récente nomination du commandant Charrier, membre résidant, au grade d'officier de la Légion d'honneur, au titre militaire. Il fait l'éloge du nouveau dignitaire et lui adresse les félicitations de la Commission.
Il donne lecture d'une lettre de M. l'abbé Morelot, associé, curé de Toutry, qui expose les résultats des fouilles entreprises par lui à Fontaine-Chéret. Après en avoir parlé au prochain Congrès des Sociétés savantes, à Autun, M. Morelot viendra faire une communication complémentaire à la Commission, qui s'intéresse vivement à ses recherches.
Le président passe ensuite en revue, en les commentant, quelques articles du dernier fascicule des Annales de Bourgogne 1, notamment la « suite » du Connétable de Richemont, par M. Pocquet du HautJussé, dont les évaluations dotales de la duchesse de Guyenne présentent un précieux intérêt documentaire.
Dans la notice de M. P. Brunet sur Daubenton, il fait ressortir les efforts couronnés de succès du savant montbardois pour augmenter la qualité des laines en France, en améliorant la race ovine et en acclimatant, dans la région de Montbard, les « mérinos » d'Espagne. Et, à ce propos, M. Fyot rappelle un trait cité dans le « Manuel de l'étranger à Dijon », par Girault. Daubenton ayant besoin, pendant la Terreur, d'un certificat de civisme, ne put l'obtenir qu'en se qualifiant de « berger occupé à multiplier et naturaliser la race des mérinos en France ».
Dans le même fascicule, l'Éducation de Marmont, par M. Félix Laurent, apporte un complément inédit aux notices déjà parues sur le duc de Raguse. La santé précaire de l'enfant y est décrite avec force détails suggestifs, de même que le programme de son éducation. Et comme on pourrait s'étonner des alarmes éprouvées par sa famille lorsqu'on lui inocule, en 1783, le virus préservatif de la variole.
1. Tome VIII, fasc. I, mars 1936.
'60 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
M. Fyot fait observer qu'il ne s'agissait pas encore du vaccin de Jenner tiré par lui du pis des vaches en 1796, mais d'un virus pris sur les bulbes mêmes des varioleux et dont on pouvait redouter les effets incertains; Il donne à cette occasion lecture d'un passage; du Coin de Bourgogne, par Vallery-Radot, où l'auteur, après avoir décrit les hésitations et les craintes causées par ce genre d'inoculation en Angleterre, au début du dix-huitième siècle, révèle que c'est le chevalier de Castellux qui, au moment où, dans notre pays, nul n'osait encore tenter cette inoculation directe, risqua le premier, avec succès d'ailleurs, l'expérience.
M. Paul Lebel, associé, rend compte d'un article sur les Ligures, paru dans Pro Alesia de 1932. Son auteur, M. Emile Vùarnet, relève, dans la Savoie et le Dauphiné, qu'il croit avoir été occupés par ce peuple pendant plus de vingt siècles, des noms géographiques qu'il leur attribue et dont il se sert en les comparant aux langues sémitiques, pour montrer que les Ligures sont d'origine asiatique.
L'argumentation de M. Vuarnet ne repose sur aucune base solide, ni historique, ni toponymique. Elle est en contradiction avec l'excellente théorie, énoncée par M. Berthelot, en 1933, établissant que les Ligures n'ont été qu'une peuplade installée sur les bords de la Méditerranée, aux alentours de Gênes. Au point de vue toponymique, les rapprochements entre les noms de lieux savoyards et certains noms de divinités asiatiques sont des plus fragiles et ne prouvent rien quant à une migration ligure d'Asie vers nos régions.
Revenant ensuite sur l'étymologie qu'il a donnée de Leuglay, M. P. Lebel fait part des observations d'un de ses correspondants, M- Seuret. D'abord, la confirmation que Leudié, forme locale du nom de Leuglay, est très naturelle, puisque dans les patois bourguignons on trouve des mots où des lettres di correspondent au .groupe consonantique français gl : dièce, diané, dioriou pour « glace, glaner, glorieux ». D'autre part, « leudié » existe comme nom commun dans le patois des. environs de Prauthoy (Haute-Marne), au sens .de «flaque d'eau dans une rue. mal nivelée». Il serait intéressant, propose M. Seuret, de rechercher l'origine de ce mot, et de voir s'il n'est.pasen rapport avec le nom du village. D'autres variantes dans les patois voisins pourraient mettre sur la voie.
Le président approuve M. P. Lebel de se montrer circonspect vis-à-vis des origines et des déplacements des Ligures, car les auteurs .anciens sont loin d'être précis sur ce chapitre. Mais si l'on s'en tient aux limites les plus généralement admises de leurs pays entre le Rhône et l'Arno, il. faut reconnaître que les Ligures furent longtemps de .terribles ennemis pour les Romains et secondèrent puissamment l'invasion d'Annibal.
Le lieut.-colonel Andrieu fait connaître que M. Gasq, conservateur du musée de Dijon, estimant que les «pleurants. » .modernes .des
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 6Ï
v
tombeaux-des'-"ducs de Bourgogne n'ont aucune valeur artistique, voudrait s'en débarrasser, car ils sont encombrants. Il lés-offre-donc au musée de la Commission pour être conservés à « titre historique ». Le lieut.-colonel Andrieu s'offre, en conséquence, avant le transfert, de les présenter à la Compagnie, au cours de la prochaine séance. La séance est levée à 18 h. 15.
Séance du 3 juin 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence dé M. Ch. Oursel, vice-président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Le président donne lecture d'une lettre de M. le maire de Dijon accueillant très favorablement la pétition qui.lui a été adressée par la Commission le 23 mai précédent pour attirer l'attention de la Municipalité sur l'intérêt que présente la sauvegarde de la chapelle de la Maladière et l'ancien logis du recteur de l'hospice des lépreux.
A ce propos, M. l'abbé Chaume rappelle l'existence d'une charte de Saint-Étienne, non datée, mais contemporaine de l'archevêque de Lyon Jean [de Bellesmes] (1182-1192) et de l'abbé de Cîteaux, Guillaume II (1184-1192), mentionnant Yecclesia leprosorum Divionensium : cette église est évidemment celle de la Maladière (Arch. Côte-d'Or, G 227). Une autre charte, appartenant également aux archives de Saint-Étienne, et cette fois datée de l'an 1183, mentionne la domus leprosorum Divionensium (Arch. Côte-d'Or, G 380) : il s'agit, dans ce dernier document, d'une donation faite par Pierre Carpin, seigneur de Pouilly-lez-Dijon.
Ces citations appuient l'hypothèse émise au cours des dernières séances que les parties essentielles de la chapelle actuelle remonteraient bien à la fin du xne siècle.
M. G. Grémaud signale qu'en séance de l'Académie, le 27 mai précédent, ont été présentés divers objets commémoratifs découverts le matin même à Dijon 1 à la base d'un des piliers de l'ancien viaduc de la Porte d'Ouche, inauguré le 17 septembre 1843 et actuellement en voie de démolition.
Il présente ces objets :
1. Un coffret en plomb mesurant 255 % de long, sur 235 % de large et 45 % de haut, sur la face interne du couvercle duquel se lit l'inscription gravée :
LEON VERREAÛX
A POSE CETTE BOITÉ
LE 18 7BRE 1843
1. V. c.-r. de cette séance dans les Mém. de l'Acad. des se, aris et belles-leilres de Dijon, 1936, p. XLI ; v. aussi Progrès de la C.-d'Or du 28 mai 1936.
62 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
2. Une plaque en bronze mesurant 24 cm. sur 22 cm., épaisse de 2 % et portant l'inscription suivante gravée :
SOUS LE RÈGNE
DE S. M. LOUIS PHILIPPE Ier
ROI DES FRANÇAIS
LE XVII SEPTEMBRE MDCCCXLIII
S. A. R. Mgr LE DUC DE NEMOURS
A POSÉ LA PREMIÈRE PIERRE
DE CE VIADUC
DU CHEMIN DE FER DE PARIS A LYON,
MR TESTE MINISTRE & M? LEGRAND SOUS SECRÉTAIRE
D'ÉTAT DES TRAVAUX PUBLICS,
Mr NAU DE CHAMPLOUis PAIR DE FRANCE
PRÉFET DE LA COTE-D'OR,
Mr VICTOR DUMAY MAIRE DE LA VILLE DE DIJON,
Mr PARANDIER INGÉNIEUR EN CHEF
CHARGÉ DE LA DIRECTION DES TRAVAUX
LOUIS BERTHAUX SCULPT.
3. Un macaron en bronze de 95 % de diamètre, épais de 7 %, portant les inscriptions suivantes gravées :
a) sur une face, en exergue :
TRAVERSÉE DE DIJON VIADUC DE LA PORTE D'OUCHE
au centre :
POSE DE LA Ier PIERRE
PAR S A R LE DUC DE NEMOURS
LE 17 7BRE 1843
LOUIS PHILIPPE Ier
ROI DES FRANÇAIS RÉGNANT.
NAU DE CHAMPLOUIS
PRÉFET DE LA COTE-D'OR.
VICTOR DUMAY MAIRE
DE LA VILLE DE DIJON.
6) sur l'autre face, en exergue :
CHEMIN DE FER DE PARIS A LYON SECTION DE DIJON A CHALONS (sic)
au centre :
M. TESTÉ MINISTRE
DES TRAVEAUX (SZC) PUBLICS
Mr LEGRAND SECRETAIRE D'ÉTAT
Mr MALLET INSPECTEUR
Mr PARANDIER INGr EN CHEF
Mr SCIAMA EL. ING.
EN MISSION AUTEURS DU PROJET
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 63
v
4. 1 pièce de 20 francs en or, 1 pièce de 5 francs en argent (écu), 1 pièce de 2 francs, 1 pièce de 1 franc, 1 pièce de 1 /2 franc, 1 pièce de 1 /4 de franc en argent également.
Toutes, frappées en 1843, portent, à l'avers, le buste de LouisPhilippe et sont en parfait état de conservation.
M. Grémaud indique que ces objets seront déposés, avec l'agrément de la Compagnie P.-L.-M. et de la Municipalité, aux Archives de la ville. Les blocs entre lesquels ils étaient insérés seront, d'autre part, déposés au musée archéologique.
M. Em. Broussolle fait don à la Commission d'un moulage en plâtre qu'il a pu prendre du macaron en question.
M. Grémaud donne ensuite lecture : 1° d'une lettre de M. Henry Corot annonçant que ses fouilles aux sources de la Seine viennent d'être reprises (6e campagne) ; 2° d'une lettre de M. F. Javelle, de Pouilly-sur-Saône, donnant des précisions sur le gisement galloromain du lieudit Biez de Glanon dont il a été question le 23 avril dernier : les objets qu'on y rencontre auraient été recouverts par des alluvions retenues par une levée à cet endroit. M. Javelle signale, en outre, l'existence, à l'emplacement de l'ancien château dit Motte Saint-Jean, rasé en 1768, d'un puits contenant des débris de l'époque romaine ainsi qu'un squelette ; ce puits, cependant, aurait été creusé antérieurement.
M. Ch. Oursel attire l'attention de la Compagnie sur l'intérêt que présenterait l'inscription sur l'Inventaire des Monuments historiques de la porte dite de l'Ancien Evêché, à Dijon, donnant accès de la rue Chabot-Charny à la cour Henri-Chabeuf. Il est décidé, à l'unanimité, qu'une requête sera adressée à cet effet au Service des Monuments historiques.
M. l'abbé Chaume présente quelques observations sur les Origines de la paroisse Saint-Nicolas de Dijon.
Le président remercie M. l'abbé Chaume, puis suspend la séance pour permettre à la Compagnie de se rendre au musée où doit avoir lieu la présentation, par le lieut.-colonel Andrieu, des «pleurants modernes » retirés en 1932 des galeries des tombeaux des ducs de Bourgogne, lors de la reconstitution des processions d'après les dessins de Gilquin (1736).
Le lieutenant-colonel Andrieu commence par rendre hommage à M. Ch. Oursel qui est le premier à avoir posé le problème sur des bases logiques grâce aux papiers de Févret de Saint-Mesmin légués à la Bibliothèque de Dijon par le baron de Juigné.
Cette étude, publiée en 1909 dans le Bulletin archéologique, et en 1910 dans les Mémoires de la Commission (t. XVI, p. LI) sous le titre Les pleurants disparus des tombeaux des ducs de Bourgogne au musée de Dijon, entraînait en même temps une glose concernant les remplaçants, c'est-à-dire les faux, présentés par le lieut.-colonel Andrieu.
64 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Celui-ci remarque tout d'abord que les renseignements de SaintMesmin sont quelquefois sujets à caution. Exemple : les « pleurants, Hocquart » qui étaient au nombre de 4 et non de 3 : ce sont les « américains »-que le propriétaire se refuse à faire surmouler.. Puis, après quelques indications concernant les disparus dont quatre ont été. remplacés par les moulages des authentiques, le conférencier présente les modernes, en particulier les portraits dé Saintpère, avec ses favoris et son bec de lièvre, tehant en mains rouleau" d'architecture, et compas, Moreau, pèr-e de Mathùrin, avec son doigt dans l'oreille, Marion de Semur muni de pattes de lapin et soutenant un dais d'architecture, une copie du n° 16 par Couchery,; enfin le portrait de Saint-Mesmin salué militairement par un des. jeunes rapins de l'époque, car on sait qu'exilé en Amérique avec le grade de lieutenant des gardes du corps, Saint-Mesmin revenu en France sous la Restauration fut nommé immédiatement lieutenant-colonel ! En résumé, dix statuettes que M. Gasq, directeur du musée de Dijon veut bien offrir à la Commission pour enrichir ses collections..
La séance est levée à 18 h. 30.
*
ANNEXE
LES ORIGINES DE LA PAROISSE SAINT-NICOLAS (par M. l'abbé M. Chaume, membre résidant)
« Mentionnée pour la première fois en 1178, lorsque l'évêque Gauthier de Langres la donne à l'abbaye de Saint-Étienne, l'église SaintNicolas semble alors toute récente : on peut même se demander si ce n'est pas à cette occasion qu'elle est érigée en siège paroissial. Par ailleurs, il est peu probable qu'elle ait existé avant l'incendie de 1137 : la liste des reliques utilisées lors des consécrations d'autels de 1141 est muette sur Saint-Nicolas, ce qui donne à penser qu'aucun souvenir de ce saint n'existait alors à Dijon ; en outre, la situation de l'édifice dans le voisinage immédiat de l'enceinte construite à partir de 1140-environ, et en dehors de cette enceinte, laisse plutôt supposer qu'elle date d'une époque postérieure et que ses origines, sont plus rapprochées de 1178 que de 1140. Mais, en élargissant le" champ des hypothèses; on peut aller plus loin encore. Deux systèmes se présentent, en effet, pour expliquer Je choix du vocable de SaintNicolas. Le premier de ces systèmes consiste à mettre ce choix en rapport avec l'activité commerciale de Dijon : Saint-Nicolas n'est pas loin du Vieux Marché de Dijon ; il se trouve également à proximité de la route de Langres, où passaient les marchands venus d'Italie et montant vers la Champagne ou la Lorraine : ces marchands ne
DÉCOUVERTE D'OBJETS COMMÉMORATIFS AU VIADUC DE LA PORTE D'OUCHE A DIJON
Phol. Progrè» de la Côlc-d'Or.
Mise au jour d'un coffret en plomb entre deux dalles de la base d'un des piliers du viaduc.
66 PROCÈS-YEBBAUX DES SÉANCES
Parlant des fondeurs bourguignons sous l'ancien régime, M. Fyot commence par établir le rôle important qu'ils jouaient sous les ducs de Bourgogne, chargés qu'ils étaient de fondre les objets d'art, les lampadaires, les ornements décoratifs comme aussi les canons sur lesquels ils devaient parfois graver des inscriptions ou des armoiries. Il cite, en premier lieu, le fondeur Joseph Colard, qualifié aussi canonnier de Mgr le duc (Philippe le Hardi) et qui, au cours des années 1387 à 1389, travaille à la fonte de divers ornements pour le grand autel de la chapelle de la. Chartreuse et du coq qui surmontait le clocher. Ses gages sont de 15 francs par mois, soit aujourd'hui 3.000 francs. En 1390, il cisèle deux anges portant la lance et la couronne d'épines toujours pour la chapelle de la Chartreuse, mais il travaille également pour le château d'Argilly et terminera certains objets d'art à Dinant où il est retourné.
A la même époque, en avril 1387, un autre fondeur du même nom, Colard-Bachart, originaire de Bouvines, fond des colonnes pour garnir le tour du grand autel de la Chartreuse.
Suit une énumération de plusieurs fondeurs de moindre importance : N. Rolin, en 1515 ; Jalet, en 1525, travaillant au grand autel de la Sainte-Chapelle de Dijon ;• Bénigne de Vaulx, en 1550, qui est en même temps orfèvre et constructeur ; Claude de la Vaivre, en 1567, occupé aussi à la Sainte-Chapelle.
M. Fyot s'arrête plus particulièrement sur la famille des Blondeau dont les membres ont fourni des fondeurs de 1575 à 1668. Parmi eux, à Dijon, Maurice Blondeau a fondu un vase de cuivre pour la fontaine de la place Saint-Michel en 1618, et la boule métallique surmontant la tour sud du portail de Saint-Michel est fournie par. Mathieu Blondeau en 1659.
Sont encore cités : Jérôme Manget, fondeur de l'artillerie du roi en 1610 ; Barthélémy Philippeau, auteur de l'Hercule de branze qui surmonta, en 1621, la fontaine de la place de la Sainte-Chapelle ; enfin les fondeurs Pierre de la Haye (1661) et Michel de la Haye (1675), dont le premier avait fabriqué des flambeaux pour la chambre du Conseil de la Chambre de ville.
M. Grémaud, secrétaire, parle des intéressantes découvertes qui viennent d'avoir lieu rue du Rabot, à Dijon, au cours d'une installation d'égoût.
Il fait circuler une coupe longitudinale de la tranchée dessinée par M. G. Virely, associé, sur laquelle celui-ci a repéré les différentes couches archéologiques jusqu'à 3m80 de profondeur, c'est-à-dire jusqu'au sol naturel.
Ce sont d'abord des remblais modernes sur 0m70 d'épaisseur, puis lm70 environ de terres bouleversées où se rencontrent de nombreux ossements humains datant de l'ancien cimetière Notre-Dame qui s'étendait au midi de l'église en bordure de la rue des Forges ;
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 67
\
enfin, à 2m 80 sous une couche stérile l'étage gallo-romain, d'une puissance d'un mètre.
C'est à ce niveau que furent recueillis différents débris que présente M. Grémaud. Les uns, morceaux de pierre sciée (dalles de revêtement), tuileaux à rebord, fragments d'imbrices, reposaient parmi des amas de cendres, sur un sol bétonné long de 7 mètres, s'étendant sur un hérisson de moellons hourdés. Les autres, tuiles, tessons de, poterie grossière, débris d'amphores, de vases usuels noircis par le feu, furent rencontrés sous ce béton, parmi les 70 derniers centimètres de la fouille.
Malgré l'absence d'objets caractéristiques permettant de dater ces deux constructions successives, M. Grémaud inclinerait cependant à croire que la première dut être incendiée avant l'érection des remparts du castrum, tandis que l'autre, au-dessus du béton, le fut après. Toujours est-il que la profondeur à laquelle ont été recueillis les objets est sensiblement la même que celle à laquelle en furent exhumés d'autres du même genre au centre de la ville. Il s'ensuit que le niveau de Divio se retrouve à peu près uniformément entre 3 et 4 mètres sous le sol actuel.
M. Grémaud donne lecture, d'autre part, d'un article de M. Raoul Puget, architecte-urbaniste, sur la conservation du « paysage original » de Riquewihr (Haut-Rhin), paru dans le numéro de mai de la revue Urbanisme.
Après avoir indiqué le « résultat stupéfiant et enchanteur » auquel est arrivée, depuis 1898, pour la sauvegarde des trésors artistiques de cette petite ville, la Société d'archéologie de Riquewihr, notamment en ce. qui concerne le nettoyage des vieilles façades et la restauration d'anciens immeubles, l'auteur signale que cette action s'est révélée féconde surtout depuis 1927, c'est-à-dire depuis que le maire eut pris un arrêté pour protéger les sites et monuments de la cité. Ce règlement, publié z;i extenso à la suite de l'article, est strictement appliqué par la Municipalité qui, par ailleurs, ne ménage ni son appui moral, ni, dans certains cas, ses subventions à la Société. Aussi bien, ajoute M. Puget, « Riquewihr est-il aujourd'hui l'un des plus beaux bijoux d'Alsace ».
M. Grémaud déclare que des renseignements précis lui permettent d'avancer que rares sont, en France, les villes où furent prises de semblables mesures, en dehors, bien entendu, des interventions du Service des monuments historiques. Il espère que Dijon, ville d'art et d'histoire par excellence, saura rattraper le temps perdu dans ce domaine et que bientôt un règlement semblable à celui de Riquewihr sera édicté.
M. Oursel, vice-président, observe, que la Commission n'a pas manqué, en son temps, de se préoccuper de la réfutation vigoureuse, et même un peu tapageuse, des théories de Viollet-le-Duc sur la construction
68 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
gothique par M. Pol Abraham. M. Abraham prétendait démontrer l'erreur des architectes et des ingénieurs qui attribuaient à la nervure d'ogive une valeur constructive et qui, de cette valeur, avaient déduit une logique architecturale conçue comme un théorème. A son tour, la thèse de M. Abraham a suscité bien des controverses. M. Marcel Aubert, dans le Bulletin monumental, M. Henri Focillon ont effectué une mise au point. De son côté, M. H. Masson, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, dans le Bulletin monumental de 1935, réfute la thèse de M. Pol Abraham, à l'aide d'arguments strictement techniques, basé sur la résistance des matériaux et sur la mécanique des voûtes.
M. Oursel attire l'attention de la compagnie sur l'étude de M. Masson, qui n'est pas, d'ailleurs, inconnu à Dijon, et il lui paraît qu'elle doit être prise en très sérieuse considération.
Avant que la séance ne soit levée, M. Fyot signale l'état de délabrement dans lequel se trouvent les sculptures qui couronnent l'attique de la grande porte de l'hôtel de ville de Dijon, au-dessus du passage de la cour de Bar, rue Rameau.
M. Oursel attire l'attention, d'autre part, sur l'état de malpropreté du fronton qui surmonte le portique du palais des États, place d'Armes, lequel est dû à la présence continuelle de pigeons à cet endroit.
Par ailleurs, plusieurs membres demandent que soit protégée des ruissellements d'eau la plaque qui doit recouvrir le piédestal de la statue de Claus Sluter, cour de Bar, et dont il a été question aux dernières séances de l'Académie.
Enfin M. de Simony émet le voeu que leur aspect primitif soit rendu aux pelouses qui longent l'Ouche à l'extrémité du Parc de Dijon, de part et d'autre de l'allée médiane. Si toutefois les motifs ornementaux d'allées, de gazons, de fleurs et de statues prévus sur les plans de Le Nôtre ne pouvaient être restitués, que du moins soient enlevés les sapins morts ou périclitants qui gâtent la perspective de la promenade.
La séance est levée à 18 h. 30.
Séance du 1er juillet 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
M. H. David, membre résidant, entretient la compagnie d'un imagier de la seconde moitié du xve siècle, Nicolas Gerhaert, de Lejrde, originaire de Hollande par conséquent, ainsi que Sluter, et qui,
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après un séjour en Alsace, achève sa carrière à Vienne (Autriche), comme imagier de l'empereur Frédéric III, le futur beau-père de Marie de Bourgogne. On voit encore aujourd'hui, sur le tombeau de ce prince, à la cathédrale Saint-Étienne de Vienne, des pleurants et de petits lecteurs, issus de la tradition burgundo-flamande.
M. Henry Corot rend compte, ensuite, de sa 6 e campagne de fouilles aux sources de la Seine, commencée le 1er juin dernier.
Ayant entrepris de déblayer la grande piscine au pied du temple, il a pu constater qu'elle avait servi de carrière aux habitants des villages voisins pour construire leurs maisons et qu'ainsi furent détruits, partiellement, les murs qui retenaient les eaux et la levée de terre qui barrait le fond du vallon d'est en ouest. De même, en recherchant des matériaux dans les bâtiments édifiés sur le versant ouest du vallon, ils ont rejeté dans le fond de la piscine ceux qu'ils ne pouvaient utiliser. M. Corot a pu ainsi recueillir divers menus objets en bronze et en fer, notamment les restes fort maltraités d'un fond de passoire en bronze.
Puis, sur les fondations marquant l'emplacement des bords de ce vaste bassin, il fit édifier des murets à sec, afin de permettre aux visiteurs de se rendre compte de ses dimensions, tout au moins en surface. La date de sa construction ne saurait, d'ailleurs, être fixée avec précision, mais le fait qu'en 1932, sous le béton de fond, lors de sondages, furent rencontrés à divers niveaux des fragments de sculpture en marbre et des débris d'inscriptions prouverait que le balneum dut être aménagé avec des matériaux provenant du temple, après une des destructions successives de cet édifice.
Les découvertes faites jusqu'à présent sont peu nombreuses et de maigre importance. Le numéraire recueilli mérite cependant d'être signalé. Par suite d'un travail naturel que M. Corot croit relever de la chimie — molécules de fer s'attachant au bronze — les débris de métal recueillis sont dans un état de décomposition tel que, mis dans de l'eau pure, ils se réduisent en quelques instants en une pâte verte d'oxyde de cuivre.
La plus ancienne monnaie paraît être une moitié d'as de la colonie de Nîmes : c'est le sixième exemplaire trouvé dans les fouilles ; puis un « moyen bronze » à l'effigie d'un des empereurs ayant émis des monnaies au revers de l'autel de Lyon ; ensuite une pièce de Septime Sévère en assez bon état et une autre d'Antonin le Pieux ; enfin plusieurs « petits bronzes » de Claude le Gothique au revers du bûcher et de l'aigle, un de Tétricus, un de Gallien et quelques-uns de l'époque constantinienne.
Les fouilles devant se poursuivre jusqu'à la fin du mois, M. Corot espère qu'elles seront plus fructueuses et plus intéressantes. Il ajoute que, le 12 juillet prochain, dans l'après-midi, après une causerie sur place, il fera procéder au dégagement de pierres laissées
70 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
en place depuis l'année dernière et qu'il soupçonne être des fragments de stèles avec personnages sculptés.
Il termine en souhaitant que des personnes généreuses lui apportent de substantiels subsides, afin de lui permettre de mener à bonne fin ces fouilles commencées il y a dix ans.
M. Corot signale, d'autre part, qu'en parcourant les anciens registres paroissiaux déposés à la mairie de Poncey-sur-1'Ignon, il a rencontré les noms de maîtres de forges et de papetiers, ou mieux de fabricants de papier, dont les usines étaient installées sur le cours de l'Ignon. Il a pu relever ainsi le nom connu d'une famille qui continue toujours la vieille tradition de ses ancêtres, les Mongoufïier. Le 28 septembre 1707, Marie Mongouffier tenait sur les fonts baptismaux une fille de Benoit Defîay,- compagnon papetier et de Jeanne Maîtrejean. Le 12 janvier 1709, cette même Marie Mongouffier, veuve de Pierre Nugues, épousait Joachim Servier, compagnon papetier.
Le président remercie M. Corot de ses intéressantes communications et émet le voeu, au nom de la compagnie, que des dons nombreux viennent l'aider à poursuivre des fouilles auxquelles la Commission attache une importance tout à fait particulière, puisque, il y a cent ans exactement, les premiers coups de pioche étaient déjà donnés en ces lieux sur son initiative.
M. Grémaud, secrétaire, annonce que la requête adressée par la Commission à la Municipalité de Dijon, en mai dernier 1, au sujet de la sauvegarde de l'ancienne chapelle de la Maladière, propriété de la Ville, avenue Aristide-Briand, a reçu un accueil très favorable. H a été chargé, par celle-ci, en conséquence, de diriger des travaux de fouilles autour du monument, de pratiquer des sondages sous le pavé de celui-ci, afin d'en reconstituer le plan primitif, d'étudier certains détails d'architecture, de préciser l'époque de construction et, par suite, de se prononcer sur l'opportunité d'une demande d'inscription sur l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Entreprises par le personnel et aux frais de la ville, les recherches débutèrent le 29 juin. Elles permettent, d'ores et déjà, de se rendre compte de la disposition des lieux et des remaniements opérés au début du xvine siècle 2. Elles doivent se poursuivre pendant plusieurs semaines, car il est nécessaire de déblayer l'emplacement de l'ancienne nef et de mettre complètement au jour les murs encore existants. Il faut nettoyer la chapelle elle-même qui, depuis longtemps et jusqu'à ces dernières années, servait de débarras et de grange au fermier qui occupait les lieux. M. Grémaud estime d'ailleurs, et dès à présent, qu'une inscription de l'édifice sur l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques s'impose, sinon un clas1.
clas1. séance du 20 mai 1936.
2. V. Mémoire ci-après.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES v 71
sèment. Au surplus, la création d'un jardin public est d'ores et déjà envisagée pour dégager le monument des constructions voisines.
Pour illustrer sa communication M. Grémaud fait circuler une série de croquis, dessins et photographies, due à l'obligeance de M. G. Virely, associé. Il est décidé que ces documents, particulièrement intéressants par leur précision et leur netteté, prendront place dans les Mémoires de la compagnie, ainsi que dans le dossier qui sera envoyé au Service des monuments historiques.
A propos de la visite que firent dernièrement au château d'Époisses les Amis des Arts, M. Fyot rappelle que ce château, d'origine très ancienne, était considéré, à la fin du vie siècle, comme maison royale où résidaient fréquemment la reine Brunehaut et son petit-fils, Thierry II. C'est là, dit Courtépée, que saint Colomban vint réprimander le roi Thierry sur sa vie dissolue et refusa de bénir ses enfants illégitimes, ce qui lui aurait valu la haine de Brunehaut et ses persécutions.
D'autre part, Henri Martin fixe l'entrevue à la villa Brocariaca> qu'il traduit « Bourcheresse », entre Autun et Chalon. Or il n'existe aucune localité de ce genre en Bourgogne. La préférence doit donc être accordée à la version de Courtépée.
A cette occasion M. Fyot indique brièvement comment saint Colomban, originaire d'Irlande, était venu évangéliser la Bourgogne et fonder le monastère de Luxeuil, comment ce monastère, pillé par les Sarrasins en 732, puis par les Normands en 888, s'était reconstitué au xne siècle, favorisé par Taffluence des étrangers qu'attirait l'efficacité des eaux thermales. Il fait circuler des cartes postales montrant la beauté de l'église du xme siècle, de son cloître, de plusieurs maisons historiques attestant la prospérité de la ville au xve et au xvie siècles, et rappelle que Luxeuil fit partie jadis de l'ancien royaume de Bourgogne.
La séance est levée à 18 h. 30.
Séance du 25 novembre 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Le président fait part du décès de trois membres non résidants, survenu au cours des vacances dernières : MM. Louis Stoufî, professeur honoraire à la Faculté des lettres de Dijon ; A. Perrault-Dabot, inspecteur général honoraire des monuments historiques ; Ernest Champeaux, professeur à la Faculté de droit de Strasbourg.
Il adresse aussi les condoléances de la Commission à M. Pierre
72 PROCÈS7VERBAUX DES SÉANCES
Huguenin, membre résidant, vice-président de l'Académie, à l'occasion de la mort de sa fille, et à M. Oursel, vice-président, qui vient de perdre un membre de sa famille.
Il rappelle les distinctions qui ont récompensé récemment le mérite de plusieurs confrères : la croix de chevalier de la Légion d'honneur décernée à M. H. Lorimy, membre non résidant, président de la Société archéologique du Châtillonnais, et à M. R. Lavoignat, associé, président de l'Amicale des Parisiens à Dijon ; la rosette d'officier de l'Instruction publique à M. Pocquet du Haut-Jussé, membre résidant, professeur à la Faculté des Lettres de Dijon ; enfin un prix Monthyon à M. Henri David, membre résidant, pour son livre sur la Grande Grèce.
M. Fyot explique ensuite comment il a pris sur lui de signer, au nom de la Commission, la formule de protestation des Sociétés savantes, relative au projet d'aliénation par l'État, à M. Rockefeller, de la chapelle de Chauvirey-le-Châtel (Haute-Saône). La Compagnie approuve et ratifie la signature de son président.
Comme suite au procès-verbal de la dernière séance, M. Fyot rappelle qu'il présida, le 12 juillet dernier, la cérémonie du centenaire des fouilles aux sources de la Seine. Cette solennité qui eut lieu sur place avait attiré une centaine de personnes. M. Fyot fit ressortir à cette occasion que l'initiative des premières fouilles, en 1836, avait été prise par la Commission des antiquités, créée depuis peu. Il fit ensuite l'éloge de M. Henry Corot, membre non résidant, qui, depuis dix ans, a repris ces fouilles avec tant de succès et eut d'ailleurs l'occasion d'exposer lui-même le résultat de ses travaux dans une conférence qu'il donna, le 14 novembre dernier à la Faculté des Lettres de Dijon.
Au nom de Mme Riette-Roland, associée, le président présente une statuette de bronze gallo-romaine, découverte dans un champ situé aux environs de Lux. Elle a toute l'apparence d'un Apollon portant 1 dans la main droite un objet indéterminé, ou bien d'un dieu lare.
Le président entretient ensuite brièvement la Compagnie de publications récemment parues : les Annales de l'Académie de Mâcon (t. XXX de la 2e série) où M. l'abbé Leroquais présente un livre d'heures manuscrit du xve siècle, avec 18 belles miniatures de style fort original ; puis les deux derniers fascicules des Annales de Bourgogne (juin et septembre 1936) contenant des articles de haut intérêt de MM. l'abbé Chaume, Pocquet du Haut-Jussé, G. Jeanton, Courtois, etc. A la fin du fascicule de septembre se trouve un exposé suggestif des diverses tendances d'accaparement du sculpteur Claus Sluter par trois ou quatre régions différentes.
Sur la proposition de M. Fyot, la Commission émet le voeu que soient classées à Dijon comme monuments historiques ou tout au
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 73
moins inscrites sur l'Inventaire supplémentaire : 1° la copie du socle du puits de Moïse figurant dans le jardin de l'Hôpital général ; 2° une grande statue de Vierge à l'Enfant en pierre (xvie s.), placée dans ce même jardin ; 3° une statue de religieux en pierre ; 4° une statue de diacre accompagné d'un enfant, aussi en pierre : ces deux ■ dernières statues de l'école de Jean Dubois (xvne s.), également dans ledit jardin ; 5° la porte Henaissance de l'ancienne église de la Madeleine, située au n° 17 de la rue Amiral-Roussin.
A propos de la copie susdite du puits de Moïse, M. Fyot fait observer qu'elle fut exécutée^ en 1508 comme monument cémétérial, sans le groupe du calvaire de la Chartreuse détruit antérieurement à la Révolution.
M. Jules Lebel, membre résidant, parle d'une autre réplique du Christ du Palais de justice de Dijon.
L'intéressante découverte par M. Fyot au musée de Bruxelles, dont il fut récemment question à l'Académie 1, avait montré que le Christ de Dijon n'était pas une oeuvre isolée, en ce sens que le type de la physionomie semblait avoir été affectionné par l'auteur qui avait dû la reproduire plusieurs fois.
M. Lebel croit qu'il est intéressant de signaler un troisième exemplaire dont la Revue belge d'archéologie et d'histoire de l'art donne une reproduction dans le fascicule d'avril-juin 1935, p. 139, sous le titre : Le saint Adolphe du musée de Berlin. Crucifixion de l'Ecole de Thierry Bouts. Le catalogue porte cette mention : Le Christ en croix entre Marie et Jean, Adolphe et Ambroise.
Le lecteur averti est frappé au premier coup d'oeil par l'analogie que présente la tête du Christ avec celle que nous connaissons, surtout quand il retrouve cette lèvre supérieure rasée qu'on n'est pas habitué à contempler dans les oeuvres similaires, et qui semble bien être caractéristique d'une école, sinon d'un artiste unique.
Commentant la remarque de M. Lebel, M. Fyot rappelle qu'il a cité lui-même Thierry Bouts comme un spécialiste dans les représentations du Christ de douleur. Évidemment ces Christ, exécutés dans la seconde moitié du xve siècle par divers artistes, ont comme un air de famille provenant soit de la copie d'un même .modèle d'atelier, soit dans l'imitation d'un type adopté.
M. J. Lebel, d'autre part, signale que, dans le numéro des Comptesrendus de l'Académie des sciences, paru le 19 octobre dernier, on trouve, à la page 743, une communication de M. Thellier dont on se rappelle la démarche faite cet été près des sociétés qui s'occupent des monuments anciens 2. En essayant d'expliquer le principe de ses recherches sur l'aimantation des briques anciennes, M. Lebel
1. Vi Mém. de l'Acad. des se., arts et belles-lettres de Dijon, séance du 29 avril 1936.
2. V. séance de la Commission du 6 mai 1936.
74 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
avait fait allusion à l'intérêt que présenterait, dans le même ordre d'idées, l'étude des roches ignées. Or cette étude vient précisément d'être organisée, grâce au procédé imaginé par M. Thellier et qui permet de transporter les fragments de roches amorphes au laboratoire sans, pour cela, perdre l'orientation qu'elles avaient dans leur gisement. La méthode consiste à détacher un fragment presque complètement, puis à l'habiller d'un bloc de plâtre avant de l'enlever définitivement. Dans ce bloc on commence par réaliser une surface plane horizontale, puis un autre plan vertical" de direction déterminée. On peut alors transporter le tout, et l'on a tous les éléments nécessaires pour les mesures projetées.
M. Em. Broussolle, associé, présente des fragments de poterie gallo-romaine mis au jour, en octobre dernier, place de la Banque, à Dijon, au cours des travaux de construction du nouvel immeuble de la Trésorerie générale. Les objets, débris d'urnes et de dolia, goulots de flacons à long col, etc., gisaient à 2m60 de profondeur, à 26 mètres du cours du Suzon.
M. Grémaud, secrétaire, rapproche cette trouvaille de celle qui fut faite en juin dernier, rue du Rabot 1, où des objets de même époque furent rencontrés à 2m80 sous la chaussée. Il s'ensuivrait que, dans cette partie de la ville, au nord du castrum, le niveau galloromain varierait peu.
•M. Broussolle présente encore un moulage de fragment de vase à décors en relief figurant- des scènes de chasse et de pêche et provenant très vraisemblablement des ateliers gallo-romains de Lezoux.
M. Grémaud signale que M. E. Cornu, architecte, a déposé au musée archéologique plusieurs blocs sculptés provenant, selon toutes probabilités, de l'ancienne église des Jacobins, à Dijon. Ces blocs furent trouvés encastrés dans les murs de la boucherie « Ave Maria », rue Odebert, en 1931, au cours de réparations de l'immeuble. Le propriétaire, M. Constantin, en fit don à M. Cornu qui a bien voulu les offrir à la Commission.
Trois de ces blocs, en pierre d'Asnières, sont polychromes. Ils présentent, avec des moulurations, des motifs de feuillage se'détachant délicatement de la masse. Ils devaient faire partie d'un encadrement de porte et peuvent être datés du xve siècle. Un deuxième bloc, en calcaire plus dur, affecte la forme d'une base de colonnette du xve siècle également. Un autre enfin, en pierre de Brochon, accuse des moulures d'une époque postérieure.
M. Cornu a bien voulu également offrir à la Commission plusieurs documents anciens. Les uns, des xvie et xvne siècles, relatent des procès-verbaux de réparations effectuées aux bâtiments de la métairie d'Arbecey sur le territoire de Saint-Apollinaire. Les autres
1. V. séance du 17 juin 1936!
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font mention d'actions d'éclat et d'états de service de deux soldats du Premier Empire, un sieur Bouvray, de Jancigny, sergent au régiment d'artillerie à pied de Valence, et un sieur Chauvelot, adjudant-major au 10e régiment d'infanterie de ligne.
M. Grémaud a vivement remercié M. Cornu au nom de la Commission.
A la requête de plusieurs membres, il est décidé que les documents en question seront déposés aux Archives départementales de la Côte-d'Or.
M. Grémaud rend compte ensuite des fouilles de l'ancienne chapelle de la Maladière à Dijon dont il avait déjà exposé les premiers résultats à la dernière séance 1.
Il fait circuler de nombreux plans, croquis et photographies des fouilles et du monument, dus à l'obligeance de M. G. Virely, associé. Il y joint des photographies prises à la fin des travaux par le journal Le Progrès de la Côte-d'Or 2 et exprime le désir que ces documents, qui complètent très heureusement son rapport, soient insérés dans les .Mémoires de la Commission.
En terminant, il formule le souhait que la Municipalité de Dijon, qui a bien voulu entreprendre ces recherches, interrompues le 14 août par suite d'épuisement des crédits, les fasse mener à bonne fin, puis demande le classement de la chapelle parmi les monuments historiques, et procède enfin à l'aménagement des lieux en jardin public.
La Compagnie se rallie à ce voeu, adresse ses vifs remerciements à la Ville et se félicite de voir ainsi sauvegardé et mis en valeur l'un des rares monuments de style roman de Dijon et l'un des plus intéressants par les souvenirs poignants qu'il rappelle.
Avant la fin de la séance, M. Oursel rend compte des travaux de restauration qui se poursuivent, à Dijon, dans la salle supérieure du musée archéologique aux « Bénédictins ». Bientôt, il l'espère, y pourront prendre place les nombreuses collections de la Commission.
La séance est levée à 18 h. 30.
Séance du 9 décembre 1936
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté. Mais la partie relative aux oeuvres d'art de l'hôpital de Dijon proposées pour le classement donne lieu à plusieurs observations auxquelles prennent
1. V. Mémoire ci-après.
2. V. Progrès de la C.-d'Or du 22 août 1936.
76 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
part, avec le président, MM. Oursel, David et Grémaud. Il en résulte que de tout temps on a accordé une grande valeur documentaire et historique à la copie du socle du puits de Moïse qui mérite assurément son inscription sur l'Inventaire des Monuments historiques. D'autre part, la discussion dérivant sur l'époque probable de la destruction du calvaire qui surmontait le socle des Prophètes à la Chartreuse de Champmol, il ressort des documents cités par MM. Oursel et David que cette destruction, vraisemblablement accidentelle et probablement antérieure à la Révolution, ne remonterait pas au delà du premier tiers du xvine siècle. En effet, M. David et MIle A.-E. Liebreich, dans leur étude sur Le Calvaire de Champmol et l'art de Sluter (Bulletin Monum.ental de 1933) ont résumé les divers textes qui peuvent nous renseigner. Il en découle, d'après un opuscule de Gilquin, Explication des dessins des tombeaux des ducs de Bourgogne, que, en 1736, le calvaire de Champmol était encore au complet.
M. Fyot fait circuler deux photographies prises par M. Denizot des deux statues de saints, provenant sans doute de l'atelier de Jean Dubois (xvne siècle), qui ornent le jardin de l'Hôpital général de Dijon : statues proposées'pour l'inscription sur l'Inventaire. L'une d'elles représente un Dominicain foulant du pied droit (malheureusement brisé) un livre d'hérésie. Ce doit être saint Dominique, autrefois, peut-être, au couvent des Jacobins. L'autre personnage, vêtu de la dalmatique des diacres et dans l'attitude de l'apologiste, est accompagné d'un enfant, sorte de génie inspirateur portant l'évangile. Le sujet pourrait ainsi représenter saint Etienne et provenir de l'ancienne église de ce nom, pour laquelle Jean Dubois a beaucoup travaillé.
Le président lit ensuite une lettre de M. Henry Corot, membre non résidant, dans laquelle celui-ci signale, dans un catalogue belge, la mention d'une monnaie mérovingienne ainsi décrite :
« Indéterminé —DNTINANTHIAR —buste à dr.—R/: + P... VNTHAND. — Victoire de face — Triens or T.B. — Trouvé aux environs de Dijon en 1927 ».
A ce propos, M. Corot émet le désir que, si la lecture de cette description permettait à quelqu'un d'indiquer le lieu où fut trouvée la pièce de monnaie en question, on veuille bien, dans un but scien-' tifique, l'en avertir à Savoisy (Côte-d'Or).
Le président présente deux plaquettes offertes à la Commission. La première par MM. J. Blondeaux et A. Vittenet, associés, est une description des églises de Bonnencontre, Broin et Charrey-surSaône : bon travail documentaire qui fait ressortir les caractères architecturaux de ces églises et la valeur archéologique de leur mobilier.
La seconde brochure est l'oeuvre du commandant H. Charrier, membre résidant, Les voix éparses, avec préface de G. Roupnel et
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de très remarquables illustrations à la plume, de Setnof. Dans sa présentation artistique de la maison Darantière, c'est une bluette charmante où les qualités émotives de l'auteur s'allient subtilement au sens critique et à la poésie.
M. Roger Poignant, compositeur musical, est élu associé.
M. A. Guillaume, membre résidant, signale qu'au mois d'avril dernier M. l'abbé Bazin, curé de Thoisy-la-Berchère, avertissait l'Association pour la conservation des édifices religieux anciens de la Côte-d'Or, qu'en faisant des réparations dans son église, il avait mis au jour, avec l'aide de M. de Chazelle, quelques peintures murales cachées sous le badigeon et lui demandait des conseils pour l'enlèvement de celui-ci.
Ces peintures sont maintenant entièrement dégagées. Elles constituent un ensemble de tableaux de lm50 environ sur chaque côté, représentant les douze apôtres. Dans chaque tableau se voient un apôtre et un prophète ; deux banderoles les entourent : dans l'une est écrit en lettres gothiques l'article du symbole attribué à l'apôtre, dans l'autre un passage approprié à l'article, tiré du livre du prophète représenté. Il y a là un rapprochement très curieux, pour chaque tableau, entre un apôtre et un prophète, dans leur attitude et les textes bibliques qui les entourent. Ces fresques semblent dater du début du xvie siècle.
De plus, un autre tableau, au fond de l'église, représente le Christ bénissant, et un autre encore, un évêque bénissant également.
M. Guillaume signale de plus une litre de X. Legouz de la Berchère, mal conservée, ainsi qu'une.peinture simulant une draperie sur le mur séparant la nef du choeur, au dessus de l'arc triomphal.
Il fait ensuite circuler des photographies des deux tableaux les plus importants sur lesquels il donne les détails suivants d'après M. l'abbé Bazin.
1° — Tableau de saint Jacques le Mineur. A droite, saint Jacques portant une massue (parce qu'il fut assommé après avoir été précipité du haut du temple) ; à gauche, le prophète Amos, une main appuyée sur la hanche, l'autre levant un doigt en l'air pour montrer le ciel. Comme textes autour de saint Jacques, en descendant : Jacques le Petit — Ascendit ad ccelos sedet ad dexteram Dei Patris Omnipotentis. Autour d'Amos, en remontant : Qui aedificant assencionem suam.
2° — Tableau de saint Philippe. A droite, saint Philippe portant de la main droite une croix et de la main gauche un livre suspendu par une courroie ; à gauche, le prophète Malachie comptant sur ses doigts.
Comme textes, autour de saint Philippe, en descendant : Phelipe — Inde venlurus judicare vivos et mortuos. Autour du prophète, en remontant : Accedam ad vos in judicio et teslis velox. Soiphonye.
M. Grémaud donne lecture d'une note de M. Paul Lebel, associé,
78 PROCÈS-VERBA UX DES SÉANCES
apportant de nouvelles précisions sur la limite protohistorique évoquée par le rivus d'Arandes — ancien « equaranda » — cité au xne siècle au territoire de Leuglay et dont M. Lebel avait déjà entretenu la Commission le 12 février dernier.
En outre, M. P. Lebel signale que, au cours d'une visite qu'il a faite récemment à Leuglay, il a remarqué une pierre remployée dans la façade de la seconde maison de la rue principale du village (à gauche avant d'arriver au pont du bief, quand on vient de la gare).
Elle porte deux arcatures aveugles géminées, chacune en forme de trilobé, entre lesquelles un médaillon circulaire concave contient, en faible relief, un agneau crucifère regardant à droite. Cette sculpture très fruste semble dater du xine siècle. Les propriétaires de la maison voient en elle un vestige de l'église primitive de Leuglay, qui aurait été autrefois, dit-on, au centre de la localité.
Le sanctuaire actuel se trouve au nord du village, sur une éminence. C'est un monument remanié à diverses époques. Le choeur, de la fin du style flamboyant, est éclairé par cinq baies en plein cintre, garnies de meneaux et dont le fenêtrage comporte des compartiments rectangulaires annonçant le style de la Renaissance. La nef, à trois travées, sans bas-côtés, est moins haute que le choeur et paraît plus ancienne. Le porche est une construction adventice récente et sans caractère. On remarque de l'autre côté du chemin qui longe l'église un mur de soutènement où l'on a encastré deux pierres mutilées portant des nervures et un fleuron. C'est un indice de remaniements à l'église. Les environs de Leuglay mériteraient un examen approfondi, tant il y a de souvenirs d'époques diverses : plusieurs tumulus à flanc de coteau dans le bois de Vaumartin ; d'autres dans la contrée boisée des Montagnottes ; traces de l'oeuvre des moines des abbayes voisines, etc. D'après M. P. Perrenet, membre résidant de la Compagnie, un vieux chemin qui reliait Voulaines à Bure par les bois de la rive gauche de l'Ource, entre la forêt de Lugny et le Chanois, marque encore la limite communale de Leuglay et d'Essarois. On l'appelle roule des creux de Champagne, voici pourquoi. D'abord il traversait l'ancienne frontière de la Bourgogne et de la Champagne. Ensuite il est parsemé d'une série de trous arrondis, sortes de cuvettes de la largeur de la chaussée, espacés l'un de l'autre par une dizaine de mètres, et sur une longueur de plusieurs kilomètres. L'origine de cette singularité remonte, dit-on, au temps de l'ancien régime. A cette époque, il y avait déjà des contrebandiers et, de crainte d'un mauvais coup de leur part, il ne fallait pas songer à faire garder la route, la nuit, par des forestiers. On s'était décidé à couper court à leurs entreprises, en rendant le chemin absolument impraticable aux attelages et aux cavaliers, et même dangereux pour les piétons. Ceux-ci, dès lors, étaient obligés d'emprunter une route latérale à l'Ource, beaucoup plus facile à surveiller.
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M. l'abbé Chaume présente la minute d'une Carte des voies anciennes de la région bourguignonne, qu'il a établie à l'occasion de ses recherches sur les voies de communication en usage à l'époque carolingienne. Les matériaux utilisés pour l'établissement de cette carte ont été empruntés pour la plupart aux mémoires particuliers que l'on trouve dispersés dans les Congrès archéologiques de France, dans les Mémoires des Sociétés savantes et dans quelques ouvrages spéciaux, dont M. A.. Grenier a dressé la liste dans son Manuel d'archéologie galloromaine ; on y a joint bon nombre d'informations provenues de travaux inédits, ou même de monographies régionales ou communales, chaque fois que ces travaux ou ces monographies ont paru de bon aloi, et qu'il a été possible de les contrôler par des constatations précises.
Après avoir rapidement commenté les. enseignements de cette carte, M. l'abbé Chaume revient une fois de plus sur l'intérêt qu'il y aurait à recueillir le plus soigneusement possible, et à vérifier les observations faites un peu partout par les habitants de nos villages. Il termine en donnant quelques indications sur les données accessoires que peuvent fournir certains témoignages historiques — telle, par exemple, la tradition relative au transfert des restes de saint Germain, de Ravenne à Auxerre, en l'an 448.
La séance est levée à 18 h. 40.
ANNEXES
A PROPOS DE LA DESTRUCTION DU CALVAIRE
DU PUITS' DE MOÏSE
(par M. Henri David, membre résidant)
« Pour ce qui est de la disparition des figures de la plate-forme du puits des Prophètes, je crois que le plus sage est de la dater simplement du dernier quart du xvme siècle, sans attribuer au marteau révolutionnaire le tout de la ruine. Les monuments de Champmol jouissaient d'un crédit suffisant pour mettre en hésitation le vandalisme. Non seulement le portail, mais les tombeaux ducaux euxmêmes qui étaient pourtant comme le sceau de l'ancien ordre féodal : les gisants seuls furent, en partie seulement, détériorés ; mais la presque totalité des pleurants fut entièrement respectée, — fait d'autant plus significatif que, dans l'opinion commune, ils passaient tous alors pour figurer des moines et qu'on les appelait « les petits Chartreux ». En présence de cette modération relative, on n'est pas en droit d'imputer aux autorités révolutionnaires la destruction de l'ensemble de l'imagerie de la plate-forme du puits. La toiture qui
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l'abritait n'existant plus alors depuis un certain nombre d'années il y a tout lieu de croire que les pluies et les gelées avaient fait leur oeuvre et que le calvaire proprement dit était déjà en partie ruineux quand la communauté fut expulsée.
» Au respect dont l'ensemble fut entouré (prophètes et «petits Chartreux ») lors de la vente comme bien national et du transport en partie, s'ajoute à mon sens un dernier argument, tout à fait topique : c'est celui que nous procurent la tête et le buste intacts du Christ de la plate-forme. Si les dépeceurs d'alors avaient été mus de fureur révolutionnaire, il est bien évident que de tous les personnages du calvaire, c'est le Crucifié qui aurait, si je puis dire, « centralisé les coups ». Sa sauvegarde nous invite expressément à croire que la disparition des autres figures n'est pas le fait du vandalisme. La vraisemblance est donc pour une ruine partielle, voire avancée, de l'étage supérieur, fruit de l'incurie des derniers Pères à l'égard de ces monuments « gothiques » qui, dans l'incrédulité grandissante du xvme siècle, n'étaient plus pour eux source de profits ».
UN NOUVEL EXEMPLE DU TOPONYME « EQUARANDA » A LEUGLAY (COTE-D'OR) (par M. Paul Lebel, associé)
«Dans une communication que j'ai faite en 1934 à la Société historique et archéologique de Langres 1, j'ai étudié en pays lingon les noms de lieu de ce type qui désignaient, comme on le sait, les endroits où une voie antique passait du territoire d'une nation gauloise dans celui d'une autre. Au cours.de l'année 1935, j'en ai découvert un nouveau, qu'avaient entrevu MM. Berthoud et l'abbé Paul Maitrier, d'après la mention rivus d'Arandes de 1279, donnée dans le Dictionnaire topographique de la Côte-d'Or, s. v. Vauvernier, (lieu-dit de Leuglay) 2.
» En compulsant les archives de l'ancienne chartreuse de Lugny, sise au finage de cette commune, j'ai rencontré les citations suivantes, toutes extraites d'originaux et dont la première, bien significative, ne laisse pas de doute sur le rattachement de cet Arandes avec un Equaranda primitif.
» — a rivo de Avherendis 1185 (H 888, original coté 7) ;'
» — in cumba rivi de Arundes 1216 (ibid., original coté 25) ;
1. Elle a paru en juillet 1936 dans le fasc. 141 du bulletin de cette Société, t. X, p. 107 et suiv.
2. Cf. mon étude d'ensemble Où en est le problème d'*Equoranda, *Equaranda 1 (Romania, XLII, p. 145-203). Le présent article y est répertorié sous le sigle B. 48 (p. 175).
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»— terminus est rivus d'Arandcs. 1236 (ibid:, original coté 34) ;
»— ad rivum de Arendes 1238 (ibid., original coté 41) ;
»— comba rivi de Arandes... a dicto rivo de Arandes qui rivus Varnier similiier nominatur superius versus Luigniacum 1279 (H 893 — et non 883, comme on l'a imprimé au Dict. top. — original coté 7).
» La forme Avherendis de 1185, la plus ancienne, reflète une prononciation spéciale; le groupe de consonnes vh reproduisait peut-être une prononciation intermédiaire entre celle de w (prononcé ou, comme dans oui) et celle de notre consonne v. La mention suivante, Arundes 1216, enregistre fidèlement la prononciation populaire Aronde pour Arande, suivant une habitude du parler bourguignon, qui ne date donc pas d'aujourd'hui.
» Reste à expliquer comment Equaranda était devenu Arande au xnie siècle. M. Berthoud a signalé, pour un autre exemple du même toponyme, Hérandes à Fouchères (Aube), une graphie dégénérée Aqueranna, suivie d'une autre, Agueranda 1, dans laquelle q s'est sonorisé en g. Cet élément guttural devait ensuite se résoudre en w, puis en v (cf. Guiardus, Wiardus, Viardus dans les originaux). L'évolution se poursuivant, le v intervocalique s'effaçait à son tour en donnant lieu à une forme transitoire Aerendes, dans laquelle l'e contrefinal devait bientôt perdre son timbre (cf. le français moderne gaiement, prononcé gaîment), d'où la forme définitive Arandes. L's final est à maintenir, car il appartient à une forme locative, le de Avherendis de 1185.
» Je dois apporter ici une rectification au sujet de YEquaranda de Leuglay 2. J'avais cru reconnaître dans le rivus d'Arandes le cours d'eau qui coule dans le vallon situé au nord-ouest de la chartreuse de Lugny, et que les religieux ont détourné pour le faire entrer dans les bâtiments de leur monastère ; on l'appelle aujourd'hui le ruisseau de la Combe 3. -Je m'étais basé sur le texte suivant : prior et fratres dicebant quod comba rivi de Arandes citra rivum et ultra et ripparia aquae Usse (l'Ource) cum nemoribus sitis in dicta aqua et in rippis sua erant, a prato de Assoiches et a dicto rivo de Arandes qui rivus Varnier similiter nominatur superius versus Luigniacum ex donatione perpétua (1279, H 893, original 7).
» J'avais de plus rattaché ce lieu d'Arandes au chemin forestier de Recey à Louesme. A la vérité, comme je m'en suis rendu compte ultérieurement, le rivus d'Arandes ne pouvait pas être à cet endroit. Un autre original de 1177 (coté 7 dans la liasse H 886) conserve le bornage des propriétés concédées par l'évêque de Langres, Gautier, aux chartreux. Du côté d'Essarois et de Rece5^, dit l'acte, les bornes marquant la limite étaient trop connues pour qu'elles fussent énu1.
énu1. philologique et historique, 1924, p. 81 et suivantes.
2. Bull, de la Soc. historique de Langres, loc. cit., p. 121.
3. Communication verbale de M. Pierre Perrenet .
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mérées de nouveau, mais il n'en était pas de même sur le reste du périmètre que Févêque Gautier tint à fixer d'une manière précise : ce périmètre partait de l'étang Augelot (a valle de fonte Hoigerot), se poursuivait par Choceal (l'étang Augelot ? cf. l'anc. fr. choisel désignant un réservoir pour l'alimentation des moulins), montem Escoth, Mombrecien, le Fays, les quolineiles (petites collines ?) de Luxeyo (Lucey) 1, et atteignait le bois de la Fourtelle de Leuglay, forestella de Leuglayo, où il était matérialisé par des bornes. De là il redescendait par la combe servant de limite aux bois des coteaux de Valverset et à ceux dits « Forêt de Lugny », puis gagnait Chapagris, Valchenniz, la Roche de Vilepot et enfin l'endroit où le rivus de Valverner confluait à l'Ource.
» L'examen du cadastre de Leuglay devait me confirmer l'exactitude de cette constatation : un champ de Vauvarnier s'allonge en bordure du petit ru, affluent gauche de l'Ource, un peu en aval du fourneau de Froidvent 2. Ce cours d'eau est des plus modestes : il mesure à peine un kilomètre de long, et son débit est minime, ce qui lui a valu, comme les ruisselets voisins de la ferme de Valverset, d'être omis sur le tirage de la carte d'État-Major de 1843, que j'avais seul utilisé dans mes premières recherches et qui m'avait amené à une conclusion erronée.
» La question se pose de savoir à quelle voie protohistorique se rattachait ce toponyme d'Arandes. Selon toute évidence, c'était à la voie latérale au cours de l'Ource, qui utilisait un gué près de Lugny : in vado Usse fluvii quod vadum Luviniaci vocatur, sicut vadit via antiqua 1164 (H 888, original coté 1) ; ultra veterem chiminum de Luigneo versus Luignei 1174 (ibid., original coté 2). Ce gué existe encore, du moins théoriquement, près du pont de la route actuelle, légèrement en aval de la Courroirie. De Lugny à Recey, la via antiqua courait sur la rive droite, tandis que, du côté de Leuglay, elle empruntait l'autre rive et traversait la Digeanne à un autre gué.
» Certaines limites citées dans l'acte de l'évêque Gautier étaient utilisées bien avant la date de 1177 : tel était ce ruisseau d'Arandes, que je suis allé reconnaître sur place et qui n'offre aucune particularité remarquable ; telles ces bornes, encore plantées en bordure de la forêt de Lugny (rive droite) et dont il est difficile de préciser l'âge. Les deux que j'ai vues sont des roches brutes, grossièrement parallélipipédiques et peut-être équarries volontairement. La plus grande mesure lm30 de haut ; sa largeur est de 0m70, son épaisseur de 22 cm. Elle est située au carrefour de l'ancien chemin de Leuglay à Faverolles, à travers la forêt, et du sentier qui, du premier virage «en épingle à cheveu» de la nouvelle route, monte vers la Grande
1. Ces lieux-dits, ne se sont pas perpétués.
2. Ce ru est marqué sur les récentes cartes d'État-major entre Vu et IV.de Fourneau.
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Fourtelle et le Marchet, et de là se prolonge en servant de limite aux communes de Leuglay et de Lucey. L'autre borne, plantée à l'entrée de ce même sentier, contre le virage, n'a qu'une hauteur de 80 cim II n'est pas déraisonnable de supposer que ces deux pierres ont été fichées là à l'époque gauloise et qu'elles ont subsisté jusqu'à nos jours. En d'autres endroits du territoire de Leuglay (en particulier à proximité de la Chapelle du Bois), il existe des bornes armoriées, qui sont donc de beaucoup plus récentes.
» La limite protohistorique évoquée par ce ruisseau d'Arandes coupait l'Ource. Elle coïncidait avec ce ruisseau 1 et avec la ligne des bornes dont il vient d'être question. Elle séparait deux pagi intérieurs à la cité des Lingons, fait très intéressant à relever et qui a son importance. E. tend à montrer qu'il y aurait eu un remaniement territorial très ancien, résultant de l'annexion par les gens de Langres d'un pagus voisin ».
LE TRANSFERT DES RESTES DE SAINT GERMAIN, . DE RAVENNE A AUXERRE (1er août - 22 septembre 448) (par M. l'abbé M. Chaume, membre résidant)
» Trois circonstances donnent un intérêt tout particulier aux traditions fournies par les hagiographes sur le transfert des restes de saint Germain, de Ravenne à Auxerre, en 448 :
1° la durée du voyage nous est connue avec précision : 53 jours (Miracula, auctore Herico, I, 3, 34 : « ex pridie kalendarum augustarum, die qua Confessor eximius sarcina levatus carnis, coelestibus est insinuatus sacrariis, tertius et quinquagesimus volvebatur dies... »), du 1er août au 22 septembre (Martyrologe d'Auxerre : «X kal. oct. In Autisiodore cfvitate Gallie, adventus et exceptio s. Germani episcopi et confessoris ab Italia ») ;
2° l'itinéraire suivi se trouve jalonné par quelques-noms de lieu : Plaisance (Vita, auctore Constantio, II, 2, 76), Verceil (Miracula, auctore Herico, I, 3, 28), le Petit-Saint-Bernard (Miracula, I, 8, 78), Vienne en Dauphiné (Adonis chronicon, ad ann. 452), Sainte-Magnance, Samte-Palla3re et Escolives, dans le département de l'Yonne (Miracula, I, 3, 33), auxquels ont été rattachés des souvenirs plus ou moins légendaires, dont nous n'entreprendrons pas de faire ici la critique ;
3° plusieurs sanctuaires dédiés au saint évêque commémoraient, le long de la route, le passage du cortège (Miracula, I, 3, 31 : « Plurima per iter totum, tum ecclesiis ejus nomine dedicatis, tum titulis sparsim affixis, beatitudinis ejus monumenta monstrantur : quo1.
quo1. qui ne démontre pas forcément que Equaranda signifiait « limite d'eau »..
84 • PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
cumque locorum aut pernoctavit, aut pausam duxit, sanctitatis ejus adhuc notabiliter florente memoria »).
» Nous voudrions examiner s'il est possible d'identifier quelquesuns de ces sanctuaires ; et, clans le cas où cette recherche serait fructueuse, déterminer quels renseignements en découlent quant à l'organisation du voyage.
a) Traversée de l'Italie
» De Ravenne au Petit-Saint-Bernard par Bologne, Parme, Plaisance, Pavie, Verceil et Aoste, on compte environ 520 kilomètres. Sur ce parcours, nous pouvons citer les stations suivantes, sans prétendre d'ailleurs qu'elles soient les seules à commémorer le souvenir de saint Germain :
1° A 14 kilomètres à l'ouest de Verceil, San Germano ;
2° Entre Ivrée et Aoste, et à 25 kilomètres environ à l'est de cette dernière ville, une église paroissiale dédiée à saint Germain d'Auxerre 1.
b) Traversée de la Gaule
» Du Petit-Saint-Bernard à Auxerre par Moûtiers, Chambéry, Vienne, Lyon et Autun, on compte environ 540 kilomètres. Pour cette seconde partie de l'itinéraire, nos découvertes sont beaucoup plus nombreuses. En voici le détail, avec quelques indications complémentaires, ' relatives, les unes, à la plus ancienne mention connue du sanctuaire repéré, les autres, à certaines particularités du parcours.
1° A 6 kilomètres à vol d'oiseau du col du Petit-Saint-Bernard, Saint-Germain, hameau de Séez (Savoie, con de Bourg-Saint-Maurice), Parochia Sixti et S. Germani en 1310.
2° A 42 kilomètres de Saint-Germain près Séez, en suivant la voie romaine par Bergintrum (Bourg-Saint-Maurice), Axima (Aime), Darantasia (Moûtiers), à la hauteur de Notre-Dame de Briançon, mais à 5 kilomètres dans la montagne, la chapelle Saint-Germain de Grand-Naves (Savoie, c°n de Moûtiers, cne de Naves-Fontaine). Il ne nous paraît nullement improbable que cette chapelle n'ait succédé à un sanctuaire plus ancien, aujourd'hui détruit, et situé beaucoup plus bas dans la vallée.
3° A 43 kilomètres de Notre-Dame de Briançon, toujours en descendant le val d'Isère, et en passant par ad Publicanos (Conflans, près Albertville), l'église Saint-Germain d'Albigny, ecclesia s. Germani cum ecclesia s. Pétri de Albiniaco, 1120 (U. Chevalier, Cart. de SaintAndré-le-Bas, n° 197, p. 143), aujourd'hui disparue, mais voisine, à n'en pas douter, de Saint-Pierre-d'Albigny (Savoie, ch.-l. de canton) avec laquelle le texte précité la met en relation.
4° A 33 kilomètres environ de Saint-Pierre-d'Albigny, au Mont1.
Mont1. communiqué par Mgr Boson. président de l'Académie Saint-Anselme, à Aoste.
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Saint-Michel, au nord-est d'Aiguebelette (Savoie, c°n de Pont-deBeauvoisin), l'ancien prieuré de Saint-Germain, mentionné en 1228. — A partir de Saint-Pierre-d'Albigny, l'itinéraire d'Antonin fait passer la voie romaine par Lemincum (Lemens, hameau de Chambéry), Lavisco (les Échelles), Augustum (Aoste), Bergusium (Bourgoin), d'où elle file sur Vienne. Il n'est pas impossible qu'un compendium se soit détaché de cette route principale à Chambéry pour franchir le col d'Aiguebelette et gagner directement la vallée du Guiers.
5° A 24 kilomètres à vol d'oiseau à l'ouest du Mont-Saint-Michel, la paroisse disparue de S. Germanus de Cormorosa (xine s.), aujourd'hui Saint-Germain, Isère, c°n de Virieu, cne du Passage. Nous sommes ici à près de 5 kilomètres au sud de la voie principale, entre Aoste et Bourgoin ; mais le nom même du Passage, et quelques autres toponymes voisins (le Chemin, cn 6 de Saint-Didier-de-laTour) laissent encore supposer l'existence d'un compendium.
6° A 25 kilomètres à vol d'oiseau à l'ouest du point précédent, ecclesia S. Germani in agro Corsoriacensi (xi^-xiie siècles), aujourd'hui Saint-Germain, Isère, con de la Verpillère, cne de l'Isle d'Abeau. Nous rejoignons ici la voie principale, que nous avions abandonnée à Chambéry.
7° A 26 kilomètres de la chapelle Saint-Germain de l'Isle-d'Abeau, « en dehors de la ville de Vienne, à l'orient d'hiver 1 », recluseria s. Germant (xine s.), parrochia s.. Germani (xive s.), en qui l'abbé Lebeuf voyait, dès le xvine siècle, un souvenir du passage des restes de saint Germain.
8° A 21 kilomètres au nord de Vienne, et à 2 km. 500 à l'est de la voie romaine de Vienne à Lyon, Vénissieux (Rhône, con de Villeurbanne), dont l'église paroissiale est dédiée à saint Germain d'Auxerre. Les recherches, forcément limitées, que nous avons entreprises, ne nous ont pas fourni de mention ancienne de cette paroisse. Son église continuerait-elle un sanctuaire plus modeste, situé plus près de Lyon ? Nous laissons aux érudits lyonnais le soin de le déterminer.
9° A 27 kilomètres à vol d'oiseau au nord-ouest de Vénissieux, Saint-Germain-sur-1'Arbresle (Rhône, cn de l'Arbresle), ecclesia s. Germani, c. a. 1070 (Cart. de Savigny, n° 750). — De Vénissieux au pont du Rhône, à Lyon, on compte 9 kilomètres ; puis, en suivant la route de Lyon à Roanne par Vaise et la Tour-de-Salvagny, 19 kilomètres jusqu'à l'Arbresle ; enfin, 3 kilomètres de l'Arbresle à Saint-Germain.
10° A 15 kilomètres à vol d'oiseau au nord de Saint-Germain-surl'Arbresle, Cogny (Rhône, c°n de Villefranche), dont l'église paroissiale est dédiée à saint Germain, ecclesia de Coniaco in honore s. Germani, 1087 (Cart. de Savigny, n° 827). A considérer la carte d'état1.
d'état1. Lebeuf, Mémoires concernant l'histoire civile et ecclésiastique d'Auxerre, réédition de Challe et Quantin, I, p. 76.
86 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
"major, on peut songer à un itinéraire passant par le Breuil, Boisât Oingt, Oingt. ce qui donne à peu près 18 kilomètres jusqu'à Cogny, ; 11°' A 21 kilomètres à vol d'oiseau au nord de Cogny, Chiroubles (Rhône, cne de Beaujeu) dont l'église paroissiale est dédiée à saint Germain. Nous ne connaissons pas de mention ancienne de ce sanctuaire. — Chiroubles se trouve à 2 kilomètres au nord de la grande voie de Lyon à Autun par Lunna (Belleville). On peut songer à un itinéraire par Denicé, Saint-Julien, Saint-Étienne-des-Oullières, Saint-Lager et Morgbn, soit 19 kilomètres ; de Bas-Morgon, sur la grande voie précitée, à la hauteur de Chiroubles, on compte 5 kilomètres ; au total 24 à 25 kilomètres. A noter, à moins d'1 kilomètre au sud de Saint-Lager, le toponyme le Pavé ; puis, à mi-chemin entre Saint-Lager et Saint-Etienne-des-Oullières, et à 1 kilomètre à l'est d'Odenas, le toponyme Pierreux, qui peuvent fort bien rappeler un compendium.
12° A 15 kilomètres et demi à vol d'oiseau au nord de Chiroubles, Saint-Germain-de-Tramayes (S.-et-L., ch.-l. de canton), ecclesia
' s. Germani Tramayes, 958 (Cart. de Saint- Vincent de Mâcon, n° 413). Les cartes de la collection Roidot-Deléage, conservées aux archives de la Société éduenne, indiquent, pour le tracé de la voie de Lunna à Autun, un itinéraire Ouroux-Germolles-Brandon, qui laisse de côté Tramayes : depuis Germolles, en effet, cette voie paraît avoir suivi la vallée de la Grosne orientale par Pontcharas, la Belouze et le Fourneau 1 ; plus au nord, elle a pu utiliser le pont de Montravant, qui passe pour avoir succédé à un pont romain 2 ; finalement, on la retrouve au voisinage de Brandon 3. — Tramayes, par contre, se trouve à l'extrémité sud de la vallée de la Valouze, juste entre Germolles et Vinges (aujourd'hui les Litauds) où une bulle de 1106 mentionne une via strata. Il n'est pas impossible d'imaginer un raccourci unissant Tramayes au pont de Montravant : mais seules des investigations méthodiques pourront nous fixer sur ce point. On compterait alors, de Chiroubles à Tramayes environ 19 kilomètres et demi. 13° A 14 kilomètres au nord-ouest de Tramayes 4, Saint-Germainde-Trivy (S.-et-L., cne de Matour), ecclesia in comitatu Augustodunensi sita, in villa Tervico, sacrata in honore S. Germani confessoris, 928 (Ch. de Cluny, I, ne 274). Trivy se trouve à moins de 2 kilomètres
1. G. Jeanton, Le Maçonnais gallo-romain, II, p. 2, note et p. 62.
2. Ibid., p. 52 et 58.
3. Ibid., p. 2 et 51-52.
4. Nous avions d'abord songé, comme station possible, à Saint-Germain de Merzé (S.-et-L., c°n de Cluny), dans la vallée de la Grosne, sur la voie qui, détachée au voisinage de Brandon de la grande voie de Lunna à Autun, rejoint le gué d'Aynard par Clermain, Sainte-Cécile, Cluny et Cercy : Merzé se trouve à 19 km. de Tramayes, et à 10 km. du gué d'Aynard. C'est la charte d'Aganon, citée plus loin, qui nous a fait abandonner ce système. — Saint-Germain de Ruffey (S.-et-L., c°n et cne de Cluny), à 18 km. de Tramayes, et à 14 km. du gué d'Aynard, a été laissé de côté pour le même motif.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 87
et demi' à l'ouest du point où la chaussée de la voie de Lunna à Autun a été repérée (tout près du moulin Desbois) 1, alors qu'elle quitte le voisinage du ruisseau de Brandon, pour filer dans la direction de Suin.
» Il est à noter que la paroisse de Trivy se présente historiquement comme un démembrement de celle de Dromvent (S.-et-L., cne de Saint-Bonnet-de-Joux, cne de Verosvres), aujourd'hui disparue, dont nous savons par une charte de l'évêque Aganon qu'elle possédait l'un des trois sanctuaires privilégiés de Saint-Germain, situés au diocèse d'Autun : Statui ...ut quicumque laicorum ex quacumque parochia, Eduensis vel alterius episcopatus, ad ecclesias, vicos et cimiteria S. Germani confugium fecerint, et inibi, peracto anni spatio, stationis vel hospitii necessitate immorati fuerint, ad ecclesiam scilicet b. Johannis evangeliste que apud Barrum sita est, et ecclesiam s. Saturnini de Planesia, et ecclesiam s. Martini de Dronventico, liceat predictarum ecclesiarum clericis, quamdiu communiter et sine proprietate vixerint, illos ut proprios parochianos habere... 2
14° A 21 kilomètres à vol d'oiseau au nord-est de Trivy, SaintGermain[-de-Levry], capella in honore s. Germani dicata, 1022 (Ch. de Cluny, III, n° 2761) ; cet édifice, aujourd'hui disparu, dépendait du diocèse de Mâcon et se trouvait sur le territoire de Cortevaix (S.-et-L., c°" de Saint-Gengoux), à 1 kilomètre et demi au sud du gué d'Aynard 3, tout près de l'endroit (Serciacus ou Talaguntum) où la voie romaine de la vallée de la Grosne (par Clermain, Sainte-Cécile, Cluny et Merzé), détachée de la grande voie de Lunna à Autun 4, coupait une ancienne route provenue de Tournus par Ozenay, Martailly, la forêt de Chazelet, et se dirigeant sans doute vers la montagne de Suin B. Toutefois, nous ne croyons pas que le cortège funèbre de saint Germain ait suivi cette dernière route pour atteindre le gué d'Aynard : il a bien plutôt emprunté un compendium dont on aperçoit les traces à 1 kilomètre à l'ouest de Curtil-sous-Buffières, et qui, après être passé au Carruge (c°n de Buffières) descend la vallée de la Gande, le principal affluent de la Guye. — L'itinéraire que nous proposons fournit un total approximatif de 25 kilomètres.
15° A 43 kilomètres du gué d'Aynard, Saint-Sernin-du-Bois (S.-et-L., con du Creusot) que nous inscrivons ici en raison de l'indication fournie par la charte d'Aganon citée plus haut : mais nous devons reconnaître qu'aucune trace ne subsiste du sanctuaire de Saint-Germain ; les recherches entreprises à cet effet n'ont fourni aucun résultat, et c'est tout au plus si l'on peut signaler à 1 kilomètre
1. Ibid., p. 52 et 54.
2. A. de Charmasse, Cart. de l'église d'Autun, p. 19; Gallia chrisliana, IV, instr., n° 45, col. 82-83.
3. G. Jeanton, Pays de Mâcon et de Chalon avant l'an mille, II, p. 90-93.
4. Non loin du confluent de la Grosne avec le ruisseau de Brandon (G. Jeanton, Le Maçonnais gallo-romain, II, p. 1 et 2).
5. G. Jeanton, Pays de Mâcon et de Chalon avant l'an mille, II, p. 35-37.
88 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
au sud-ouest de Saint-Sernin le hameau du Germenet. — A SaintGengoux, la route provenue d'Ajmard retrouvait la grande voie de Mâcon à Autun ; celle-ci gagnait Saint-Sernin par Fley, Cersot, les Chazeaux (cne de Saint-Julien-sur-Dheune) et les bois de SaintFirmin.
» De Saint-Sernin-du-Bois à Autun, on compte 19 kilomètres en suivant le tracé enregistré dans les cartes de la collection RoidotDeléage. Malgré toutes nos recherches, nous n'avons trouvé à Autun même et dans ses environs immédiats aucune trace de sanctuaire, aucun lieu-dit rappelant la mémoire du saint évêque d'Auxerre.
16° A 26 kilomètres au nord d'Autun, toujours en suivant la voie d'Agrippa, Saint-Germain de Brazey-en-Morvan (Côted'Or, c°" de Liernais). La proximité de Bar-le-Régulier, situé à 4 kilomètres, donne tout d'abord à penser que l'église de Brazey n'est autre que le sanctuaire mentionné dans la charte d'Aganon : mais, à la réflexion, on s'aperçoit que l'on peut tout aussi bien songer à l'antique chapelle dédiée à saint Germain, qui s'élevait autrefois dans la forêt de Tanoise (Arch. Côte-d'Or, G 3347, année 1241), aujourd'hui forêt de Saint-Germain.
17° A 25 kilomètres au nord de Brazey, et à moins de 2 kilomètres à l'ouest de la voie d'Agrippa, Saint-Germain-de-Modéon (Côte-d'Or, con de Saulieu), très vieille paroisse, prieuré de Moutier-Saint-Jean, auquel l'évêque Etienne de Bâgé en confirma la possession en 1139 (Reomaus, p. 191). — C'est de cette église qu'il est question dans l'appendice au livre II des Miracula s. Germani, 1 et suiv. : Est quodam in loco qui dicitur Morvennus, in pago Heduae, ecclesia quaedam constructa antiquitus in honore s. Germani..., potestas s. Joannis... (AA. SS. jul. VII, p. 296).
18° A 17 kilomètres et demi au nord-ouest de Saint-Germain-deModéon, en suivant la voie romaine par Rouvray, Sainte-Magnance et Cussy-les-Forges, Magny-lez-Avallon (Yonne, con d'Avallon), dont l'église paroissiale est dédiée à saint Germain d'Auxerre.
19° A 10 kilomètres à l'ouest de Magny, mais à 2 kilomètres environ au sud de la voie romaine, le Vault-de-Lugny (Yonne, c™ d'Avallon), dont l'église paroissiale est également dédiée à saint Germain d'Auxerre. — On remarquera que le Vault-de-Lugny et Magnylez-Avallon sont l'un et l'autre d'anciennes possessions de l'abbaye Saint-Germain : ce qui peut suffire à expliquer le choix du titulaire de l'église paroissiale. Toutefois le diplôme de Charles le Chauve qui nous fait connaître ces possessions 1 a soin de mentionner que le Vault-de-Lugny fut acquis par échange ; les moines de Saint-Germain tenaient donc à le posséder : ne serait-ce pas en raison du souvenir qu'y avait laissé le passage des restes mortels de leur fondateur ?
1. Quantin, Cartulaire de V Yonne, I, n°B 45 et 46, p. 88 et 92.
PROCES-VERBAUX DES SÉANCES 89
v
» D'après un renseignement oral qu'il nous a été impossible de contrôler, un lieu-dit rappelant le souvenir de saint Germain se trouverait au voisinage de Sery (Yonne, c°» de Vermanton). Sery, dont l'église paroissiale est dédiée à saint Grat, se trouve à 22 kilomètres du Vault-de-Lugny (par Sermizelles et Saint-Moré), et à 24 kilomètres d'Auxerre (par Sainte-Pallaye, Bazarne et Vincelles).
- >> Si nous ajoutons aux 520 kilomètres de la traversée de l'Italie les 540 kilomètres de la traversée de la Gaule, nous obtenons un .total de 1.060 kilomètres pour les 53 jours du voyage, ce qui fait 20 kilomètres pour la durée moyenne de chacune des étapes — ou 21 kilomètres, si l'on retranche des 53 jours écoulés du 1er août au 22 septembre les sept dimanches qui se rencontrent au cours de cette période : car il se peut fort bien que le cortège ait interrompu son voyage ces sept jours-là, à la fois pour sanctifier le repos dominical et pour reprendre haleine.
» Il est très remarquable que presque toutes les distances séparant les uns des autres les sanctuaires énumérés dans la liste précédente, se rapprochent sensiblement de cette moyenne de 20 ou 21 kilomètres ou d'un total de 42 ou 43 kilomètres qui, de toute évidence, représente une double étape dont la station intermédiaire nous a échappé.
» Pour expliquer les distances inférieures à 18 kilomètres, nous, avions d'abord songé aux heures occupées par les offices dominicaux : les 10 kilomètres qui séparent Magny-lez-Avallon du Vault-de-Lugny, par exemple, auraient été l'étape de l'après-midi du dimanche 19 septembre, trois jours avant l'entrée des saintes reliques à Auxerre. A la réflexion, nous avons pensé que rien n'autorisait vraiment cette hypothèse, et que les étapes plus brèves devaient avoir été déterminées bien plutôt par des circonstances d'ordre physique — difficulté de la route ou mauvais temps.
» L'itinéraire que nous croyons avoir retrouvé, du moins dans sa partie gauloise, suggère d'autres observations.
» Il est incontestable, tout d'abord, que le cortège a suivi, de préférence, les très grandes voies, celles qui commandaient le système routier de l'empire, et qui, parce qu'elles étaient très fréquentées, étaient certainement mieux entretenues. — Ici et là, cependant, il nous a semblé qu'il avait utilisé des routes secondaires, des compendia : sans doute pour gagner du temps, mais peut-être aussi pour éviter un passage difficile, dû au mauvais état de la route principale, à un encombrement passager, voir même à un danger possible.
» En second lieu, les stations retrouvées se situent pour la plupart sur le parcours même des routes choisies par le cortège ; mais aucune d'entre elles, du moins le long des très grandes voies, ne coïncide
90 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
avec -les mansiones marquées dans les itinéraires officiels : d'où l'on peut conclure que les autorités qui présidaient au transfert ne se souciaient en aucune façon de passer la nuit dans ces lieux bruyants, et d'ordinaire assez mal famés.
» Enfin, le choix, à trois ou quatre reprises différentes, de stations légèrement distantes de la route, semble devoir s'expliquer par des raisons de haute convenance ou même de simple prudence. Ici, on a voulu sans doute parer aux risques d'une surprise nocturne, et l'on a choisi, pour se reposer, une villa bien située et fortement défendue ; là, peut-être on a cru bon de répondre à l'invitation d'un personnage notable, soucieux d'attirer sur sa maison les bénédictions de Dieu...
» Nous n'en dirons pas davantage, car nous craindrions de nous perdre en pleine hypothèse » 1.
Le Secrétaire, G. GRÉMAUD.
1. A ceux qui s'étonneraient de la disproportion relative des deux parties de notre liste, nous ferons remarquer tout d'abord que la recherche des documents utiles (listes des patrons et titulaires des églises, paroissiales ou autres ; listes ou mentions de sanctuaires disparus ; listes de lieux-dits), déjà malaisée en Prance, l'est bien davantage quand il s'agit d'un pays étranger. Les lettres que" nous avons écrites à ce sujet aux chancelleries des évêchés d'Italie et à diverses personnalités que nous estimions qualifiées, sont demeurées, à deux exceptions près, sans réponse. Enfin, celui de nos correspondants qui eût pu nous fournir l'appoint le plus avantageux (14 mentions, si nous avons bien compris) nous a manifesté l'intention de publier lui-même les résultats de son enquête : ceci se passait, il y a trois ans ; depuis cette date, la mort a emporté notre enquêteur et son projet. — Tout ce que nous avons tenté, au cours de ces "derniers mois (septembre-novembre 1938), pour suppléer aux lacunes de notre information, et surtout pour découvrir les 14 mentions dont il a été question ci-dessus, n'a pas abouti : les chancelleries épisçopales et les particuliers sont demeurés aussi muets, plus muets même, que la première fois.
II
Mémoire
LES FOUILLES DE L'ANCIENNE CHAPELLE DE LA MALADIÈRE
A DIJON x
par M. Gabriel GREMAUD
SECRÉTAIRE
Situé à 1 kilomètre au nord de Dijon, limité au nord-ouest par l'avenue Aristide-Briand (chemin de Rufîey — de grande communication n° 28) et au sud-est par l'avenue de Marbotte, deux voies antiques secondaires qui reliaient le castrum divionense à la grande voie d'Agrippa 2, l'enclos de la Maladière affecte la forme d'un quadrilatère mesurant en moyenne 125 mètres de longueur et 60 mètres de largeur.
Fondée avant le xne siècle, la léproserie fut, on le sait 3, transformée au xvnie en métairie, que l'Hôpital général afferma à des particuliers jusqu'à ce que la Ville en devînt propriétaire en 1935.
1..V. séances de la Commission des antiquités des 6 et 20 mai, 1er juillet et 25 novembre 1936, et celle du 8 juillet 1936 de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon. — V. aussi le Progrès de la Côte-d'Or du 22 août 1936.
2. La voie d'Agrippa, menant de Lyon à Trêves par Dijon, passait à 200 m. à l'ouest de l'avenue de Marbotte. Les voies secondaires dont il est question ici se détachaient d'elle à 600 m. au nord de la Maladière pour se diriger sur le casirum. Cf. G. FOURIER, La voie d'Agrippa et le Castrum divionense, in Bull, de l'Académie de Dijon, juillet 1922, et notre communication à la Commission des antiquités, séance du 20 mai 1931 (t. XIX des Mémoires).
3. Nous ne ferons pas, ici, l'historique de la Maladière. Joseph GARNIER lui a consacré, au milieu du siècle dernier, une étude très complète dans les Mémoires de l'Académie de Dijon (2e série, t. II, 1852-1853) et dans le Bulletin monumental publié à Caen par de Caumont vers la même époque. Un tirage à part, extrait de ce bulletin, intitulé Notice historique sur la Maladière de Dijon, a été également publié par J. Garnier (Paris, Derache ; Caen, Hardel, 1856). C'est à cette notice
94 LES FOUILLES DE L'ANCIENNE CHAPELLE
C'est dans l'angle ouest de cet enclos, presqu'en bordure- de la route de Ruffey, très probablement face à l'entrée principale 1 du lazaret que fut édifiée la chapelle (PI. I).
L'édifice était plus vaste autrefois, si l'on en croit les procèsverbaux des « visitations » que les magistrats municipaux effectuaient, chaque année, à la Maladière 2. « C'était, dit Joseph Garnier 3, une petite basilique, avec une abside carrée, orientée, soutenue-par des piliers butants et couronnée d'un clocher surmonté d'une flèche couverte en clavin, avec ses accessoires traditionnels, la croix et le poulet. Le portail, précédé d'un porche (chappot), donnait entrée dans une seule nef, éclairée au fond par les deux fenêtres de l'abside et par d'autres baies rondes ou carrées, munies de verrières et percées au milieu des travées de la nef. La voûte, en pierre, était soutenue par des nervures, à l'entrecroisement desquelles la mairie fit peindre, en 1567, les armes de la ville... »
Il ressort de ces textes que l'église, des lépreux devait être beaucoup plus vaste que le monument actuel puisqu'on parle d'une nef voûtée d'ogives. Quel était son plan primitif? De quelle époque date-t-il ? Quels sont les remaniements apportés à la construction
1. Dans sa notice sur la Maladière, op. cit., p. 33, J. Garnier dit que celle-ci « avait son entrée sur le chemin de Ruffey, vis-à-vis une croix sculptée ». Or cette croix, ou plutôt celle qui lui succéda, existe encore. Elle a été érigée à l'angle de la route et d'un ancien chemin dit « des Charbonniers » supprimé lors du lotissement du quartier. Ce devait être une de ces croix de carrefours, de « Rogations », assez nombreuses encore dans la région. Certaines d'entre elles furent édifiées à l'emplacement de bornes antiques, de milliaires, telle la » croix'Mâchefer », rue de Longvic, au bord précisément de la voie d'Agrippa. Peut-être en fut-il de même pour la croix de la Maladière. En tout cas sa présence' à l'embranchement du vieux chemin des Charbonniers et du diverticulum qui menait directement au castrum semblerait indiquer qu'une agglomération devait déjà,exister à cet endroit avant la fondation du lazaret, ce qui expliquerait celle-ci. Cetté'hypothèse sera vérifiée par les fouilles elles-mêmes comme nous le verrons ci-après.
D'autre part, fait à noter, la croix n'a pas été établie exactement face à la route et ses bras, déviés légèrement, indiquent la direction du chemin des Charbonniers. De plus son axe coïncide exactement avec celui de la chapelle (PI. I), de l'autre côté de la route. A-t-on voulu installer la croix parallèlement à la façade de la chapelle ou bien ax^r celle-ci sur un calvaire plus ancien ? Nous pencherions pour cette deuxième hypothèse, la chapelle n'étant pas orientée rigoureusement à l'est et se présentant dé guingois par rapport à.la route et aux murs de.clôture de l'enclos. Toujours est-il que c'est là, sur le chemin, au pied de la croix et face au monument, que se déroulait la cérémonie de ls.rfindue des méseaux avant leur hospitalisation, (v. J. GARNIER, op. cit., p. 16).
2, y.- notamment les « visitations » et procès-verbaux de construction et réparation de 1408,1431,1478,1503,1508,1561,1567,1577. Arch. de Dijon, El.
3 Op. cit., p.'33.
DE LA MALADIÈRE A DIJON 95
\
au cours des siècles ? Quel est son intérêt au point de vue archéologique ? Mérite-t-il d'être conservé ? C'est pour essayer de répondre à ces questions que la Ville nous chargea d'entreprendre des recherches dans la chapelle et autour, comme suite au voeu émis par la Commission des antiquités le 20 mai 1936.
C'est sous le dallage de l'abside qu'eurent lieu les premières fouilles, le 29 juin 1936. Un sondage effectué transversalement à l'axe de la chapelle mit au jour, jusqu'à 0m75 tout d'abord, une couche de remblais contenant des ossements humains provenant manifestement de sépultures extérieures. Puis apparut un hérisson grossier de pierres brutes qui devait soutenir le pavé primitif et sous celui-ci, à 0m90, une couche de terre végétale d'une puissance de 0m30 avec ossements de sépultures in situ, mais bouleversées. A lm20 fut rencontré le sol naturel, gravier et sable d'alluvion, présentant la consistance et l'aspect d'un « tuf » extrêmement résistant. Poussée jusqu'à 2 mètres, la fouille rencontra enfin plusieurs squelettes reposant dans des fosses remplies de terre meuble (PI. II, dét. A).
Poursuivant leurs recherches jusqu'au mur septentrional de l'abside à l'angle du bras nord du transept, les ouvriers dégagèrent, à 0m70 sous le pavé actuel, les bases des parois ainsi que quelques débris de l'ancien dallage et, 0m45 plus bas, les fondations reposant sur le sol vierge (PL II, dét. B).
Ces sondages intérieurs terminés, nous entreprîmes alors quelques travaux sommaires de réfection et d'aménagement du monument, tels que dégagement des fenêtres, niches, placards et piscine 1 (PI. IV, V et VI) alors murés, remplacement de tuiles brisées sur le toit, rejointoiement des tailles de la pyramide du clocher, réta- ■ bassement des glacis des baies, consolidation du seuil et de la porte elle-même, rescellement des dalles du pavement et, à l'extérieur,
1. Cette piscine se trouve dans la paroi méridionale, presque au ras du pavement actuel. Elle avait été obstruée avec les débris d'une colonnette engagée qui, avant les remaniements du xvine siècle, prenait appui, au devant d'elle, sur le pavé primitif et présentait un chapiteau évidé en forme de cuvette. Reconstitué, ce chapiteau présente des motifs de style nettement roman (P. IX).
96 LES FOUILLES DE L'ANCIENNE CHAPELLE
de la plaque funéraire de Jean Laverne (f 1586) sur la paroi sud de l'abside * (PI. II, dét. E).
Puis un nettoyage général eut lieu. Les détritus de toute sorte qui encombraient les combles furent enlevés, le plafond et les parois du rez-de-chaussée essuyés, les peintures du xvuie siècle du fond de l'abside époussetées, le pavé enfin lavé à grande eau ainsi que cette curieuse pierre tombale martelée à dessein, et déjà signalée par J. Garnier en 1852 2, dont les traces d'inscriptions et d'armoiries nous donnent à penser qu'elle devait recouvrir les corps de deux femmes inhumées en 1637 (PI. II, dét. C).
Ces travaux terminés, les fouilles proprement dites commencèrent à l'extérieur. ,
Tout d'abord une tranchée creusée parallèlement à la façade et contre celle-ci mit à nu, à lm90 au nord et à lm50 au sud de profondeur, les amorces et les racines des murs gouttereaux de l'ancienne nef, larges de 0m90, de part et d'autre des piliers soutenant l'arc doubleau séparant la nef du transept (PI. II, dét. G). Les bases de ces piliers prennent appui sur le sol naturel, à 0m70 en contre-bas du niveau actuel des terrains avoisinants. Elles présentent un socle rectangulaire supportant des blocs moulurés de style nettement roman, avec tores séparés par filets et gorges, rappelant les bases des pilastres de l'église Saint-Philibert de Dijon. Nous fîmes dégager l'une d'elles sur toute sa partie antérieure afin d'en rendre les moulures nettement visibles (PI. II, dét. F). Quant à l'ancien pavement de la nef, il dut être arraché au cours de la démolition de celle-ci, car nous ne pûmes en recueillir que quelques débris parmi les déblais.
Poursuivant la tranchée en direction nord, en dehors de l'aire du monument, les terrassiers dégagèrent en contre-bas de la nef les murs d'un petit bâtiment auquel donnait accès un escalier rudimentaire (PL II, dét. H, K). Sur trois côtés (lm40 x 3m70 x 2m), les parois présentent cet appareil de pierres plates que l'on rencontre
1; Sur cette plaque, v. communication d'E. FYOT, in Mém. de l'Académie de Dijon, 1932, p. xxx (séance du 29 juin 1932). 2. Op. cit., p. 42.
PL I
G. Vltelv dd.
CHAPELLE DE LA MALADIERE DE DIJON
PREMIÈRE CAMPAGNE DE FOUILLES 29 JUIN - 14 AOUT I936
LEGENDE
A Sondage effectué dans le sol de la chapelle (voir détail
ci-dessous donnant les résultats). B Assise de l'angle des murs de l'abside et du transept
nord mise au jour au cours du sondage A (voir détail
ci-dessous). C Pierre tombale dont les inscriptions ont été martelées. D Petite pierre tombale avec croix gravée. E Dalle funéraire de Jean Laverne, scellée dans le parement extérieur du mur sud de l'abside. F Bases romanes et départs des pilastres qui primitivement
supportaient l'arc d'oubleau du transept (voir détail
ci-contre). G Fondations et parties des murs gouttereaux de la nef. H Murs antérieurs à la construction de la chapelle (petit
appareil en pierres plates). I Murs en pierre (appareil ordinaire), probablement
postérieurs à la construction de la chapelle. J Jambage de porte en pierre de taille, avec feuillure
et trace d'un scellement de gond. K Marches d'un escalier rudimentaire en maçonnerie de
pierres hourdées. L Marches d'escalier en pierre de taille. M Tombe d'enfant en pierres sèches. N Pierre tombale moulurée, incomplète. O Pierre tombale moulurée portant l'inscription :
ANNIVERSARIUM :: P Pierres tombales sans particularités.. Q_ Mur en pierre mis à jour au cours de travaux d'installation d'une canalisation souterraine par le Service
des P. T. T.
30 octobre 1936. G.VitelyM.
PI. II
PI. III
CHAPELLE DE LA MALADIÈRE DE DIJON
Mai 1936
G. Vircly, ici.
PL IV
CHAPELLE DE LA MALADIÈRE DE DIJON
Mai 1936
G. Virely del.
PL V
Mai 1936
G. Virth del.
PL VI
Mai 1936
G. Vircty ici.
PL VII
Mai 1936
G. Vircly del.
PL VIII
Maiîi936
G, Vtrdy dcl.
PL IX
G. Vlrely dcl.
Resiitùfirjn;fd|? la piscine;
CHAPELLE DE LA MALADIERE DE DIJON
Façade Nord
Façade Ouest
Mai 1936
Photos G. Vtrclu
CHAPELLE DE LA MALADIÈRE DE DIJON
Coq du clocher
Photo Galmord
Mai 1936
Trompe conique supportant le clocher
Photo G. Vitcly
FOUILLES DE L'ANCIENNE CHAPELLE DE LA MALADIÈRE
Photo Progrès de la Côte-d'Or
Parois intérieures Nord et Est après nettoyage et dégagement des ouvertures.
FOUILLES DE L'ANCIENNE CHAPELLE DE LA MALADIERE
Photo Progrès de la Côte-d'Or
Parois intérieures Est et Sud après nettoyage et dégagement des ouvertures.
FOUILLES DE L'ANCIENNE CHAPELLE DE LA MALADIÈRE
Base du pilastre Nord soutenant
l'arc doubleau du transept avant
les remaniements du xvme. sr ,
A droite ruines du bâtiment « préroman » ; à gauche
vestiges d'une construction probablement contemporaine
de la chapelle.
Octobre 1936
Photo* G. Vtrclv.
FOUILLES DE L'ANCIENNE CHAPELLE DE LA MALADIÈRE
Photo Progrès de la Côte-d'Or,
Aire de la nef avec amorces des murs gouttereaux. A droite pierres tombales du cimetière extérieur.
DE LA MALADIÈRE A DIJON 97
fréquemment dans certaines constructions du haut moyen âge ou de basse époque gallo-romaine. La quatrième paroi n'est autre que celle du mur septentrional de la nef dont la maçonnerie accuse un tout autre aspect (PL II, dét. G). "
Il semble qu'il existait là, bien avant la chapelle, un ensemble de bâtiments dont quelques-uns durent être arasés afin de laisser place aux fondations du nouvel édifice. Peut-être même faut-il voir dans ces vestiges les ruines de la villa suburbaine Carentiacus qu'on s'accorde assez à situer dans la région et à laquelle aurait succédé l'ancienne église Sainte-Marie-de-Charencey, connue par une charte dijonnaise de 928 L Par la suite, l'aménagement d'un lazaret, à cet endroit assez éloigné de la ville pour éviter la contagion, mais en bordure de chemins entretenus, aurait été tout indiqué.
Ces premiers sondages extérieurs nous amenèrent ainsi à poursuivre le dégagement des fondations des murs gouttereaux de la nef et à rétablir les lieux à leur niveau primitif.
Tant au nord qu'au midi ces fondations reposaient solidement sur le sol naturel par de larges assises de moellons liés par du mortier. Retrouvées intactes sur une longueur de 3 à 4 mètres, elles firent place brusquement à des amas de pierrailles et de déblais. Il est à supposer qu'ayant besoin de matériaux pour reconstruire la façade au xvme siècle, les maçons prirent les meilleures pierres dans les murs en ruines et rejetèrent les autres. C'est ce qui expliquerait de tels remaniements à un niveau si bas (PL II, dét. G).
De part et d'autre de ces murs et à des niveaux différents, quelquefois les uns au-dessus des autres, gisaient des squelettes dont les ossements plus ou moins bien conservés ne présentaient aucune particularité remarquable et n'étaient accompagnés d'aucun objet. Une vingtaine de sépultures furent ainsi repérées et les ossements remis en place ou réenfouis à proximité.
Seule est à signaler une tombe d'enfant de forme ellipsoïdale
1. V. dans les Mémoires de la Commission des antiquités (t, XX, p. 366) la communication de M. l'abbé CHAUME sur Sainte-Marie-de-Charencey et les origines possibles de Notre-Dame de Dijon (séance du 11 décembre 1935).
98 ' LES FOUILLES. DE L'ANCIENNE CHAPELLE
(lm10 x 0m65) construite en pierres sèches au niveau même des fondations et extra muros, à l'angle sud-ouest de l'édifice actuel. Elle rappelle certainement un des modes d'inhumation du haut moyen âge ou même des époques antérieures et nous ne serions pas éloigné de croire qu'elle en serait contemporaine, ce qui confirmerait l'antiquité des premières constructions à cet endroit. Après y avoir déposé d'autres ossements épars, nous l'avons consolidée pour qu'elle pût servir de témoin (PL II, dét. M).
Le déblaiement de la nef et de ses abords eut lieu ensuite par. couches successives, de façon à ne laisser échapper aucun objet digne d'être conservé. Le niveau du sol fut abaissé jusqu'aux bases des piliers du transept, c'est-à-dire à 0m70 environ. Parmi les amas de moellons et de déblais provenant surtout des murs écroulés nous recueillîmes quelques débris, en pierre blanche (probablement d'Asnières), de bases de pilastres ou de corniches qui sont actuellement visibles à l'intérieur de la chapelle.
Par ailleurs, au midi, furent mis au jour l'un à côté de l'autre deux tombeaux du cimetière qui entourait le monument. Orientés est-ouest, tous deux ont été laissés en place et à leur niveau. Ils devaient être identiques. Mais un seul est complet avec ses deux éléments : table trapézoïdale monobloc, à bords chanfreinés et moulurés, longue de 2m05, large à la tête de 0m84, aux pieds de 0m58, et couvercle prismatique de dimensions moindres. Ce dernier a' quelque peu souffert et nous dûmes le consolider. Sur la face latérale sud se lit encore ANNIVERSARIVM : : en capitales romaines.
L'autre tombeau est dépourvu de couvercle. Sa table gît en contre-bas de 0m30 environ. Elle est constituée de deux blocs parfaitement conservés que nous avons fait rejointoyer.
Ces deux monuments, par leur facture et leur aspect, rappellent certaines pierres tombales de la Renaissance et nous serions assez d'avis de les dater de cette époque.
Mentionnons encore la découverte d'une troisième pierre semblable, orientée sud-nord, sans inscription, de forme trapézoïdale, reposant à fleur de sol à l'angle nord-est de l'abside.
Signalons enfin qu'au nord de l'emplacement de la nef et touchant les constructions préromanes, mais à lm40 en contre-haut, les terrassiers mirent au jour les vestiges d'un bâtiment — murs,.
DE-LA MALADIÈRE À DIJON 99
escaliers, seuil"— probablement adossé à là' chapelle, mais, semble t-il, de construction plus récente (PL II, dét. I).
'Nous fînïési d'autre part, enlever le coq du clocher. Rouillé . percé de part :en part, il n'est pas'rêparàble. En tôle étamée, il fut travaillé artistement au repoussé sur moulé en bois et mérite ainsi d'être conservé. Aussi bien! F avons-nous déposé au' musée archéologique. ...■>■
Tout l'emplacement des fouilles nivelé et sablé, un perron de trois'marchés fut construit pour accéder à l'édifice actuel et une clôture en planché installée à la limite' du chantier.
*
Commencées le 29 juin 1936., les recherches furent interrompues le 14 août suivant,, enraison de l'épuisement des crédits mis à notre disposition. Mais, elles ont été suffisamment poussées pour que d'ores et déjà les. .résultats obtenus justifient des mesures conservatoires. \\ ,;.■.-.; '■■■
D'abord preuve semble faite maintenant que le monument est bien de style roman : la corniche intérieure, les baies, les bases des pilastres de l'arc du transept l'attestent, sans compter les fragments sculptés recueillis parmi les déblais, tels ces débris de chapiteau de piscine martelés au xvme siècle. Ainsi l'église citée dans une charte des environs de 1185 1 — ecclesia leprosorum divionensium — ne serait autre que celle dont nous voyons encore le choeur et le transept. Sa construction ne remonterait d'ailleurs guère au delà de cette date.
De plus la mise au jour des racines de la nef corrobore les renseignements émanant des procès-verbaux de « visitations ». Construite sur plan de croix latine, la chapelle subit au xvme siècle plus que de simples retouches 2. La nef, en grande partie détruite, fut rasée, une nouvelle façade édifiée au droit du transept, les murs gouttereaux surélevés,.pour permettre l'installation d'un, plafond à la française, le soT 1 enfin exhaussé! ! 'i
1. Àrcit. Côte-d'Oi 1, G 227'. Cette charte 1 a été signalée par M. l'abbé Chaume à la Commission des Antiquités (séance du 3 Juin 1936).
2. Cf. J. GARNIER, op. cit., p. 42'. ■' "' '''"•' l '
100 LES FOUILLES DE LA MALADIÈRE
Cependant tel qu'il se présente encore avec ses proportions, réduites, le monument mérite d'être conservé. Il est un des rares édifices du xne siècle encore debout à Dijon : avec l'église SaintPhilibert, auquel il s'apparente étroitement, il constitue donc une richesse archéologique non négligeable x.
Il permet en outre de préciser un point d'histoire locale : édifié très probablement à l'emplacement d'une villa gallo-romaine importante et placé sous le vocable de la Vierge, il serait, croit-on 2, le « succédané de l'ancienne église Sancta Maria de Carentiaco » à laquelle sont liées les origines du faubourg et de l'église NotreDame de Dijon.
Il rappelle enfin de poignants souvenirs auxquels fut mêlée intimement la Mairie de Dijon, puisque, dès le xve siècle, celle-ci eut la haute main sur l'administration de la Maladière 3.
Aussi souhaitons-nous que la Ville, qui déjà voulut bien prendre à sa charge les frais des travaux dont nous venons de rendre compte, parachève son geste de sauvegarde par une demande de classement de la chapelle parmi les monuments historiques et par un aménagement approprié de ses abords. Les historiens, les archéologues, les touristes, tous les Dijonnais ne pourront que l'en féliciter.
1. Le clocher présente à lui seul une curiosité architecturale susceptible d'intéresser les spécialistes : élevé à l'angle sud-est de l'édifice il demeure comme suspendu par l'expédient d'une trompe conique selon le mode qui, d'après Viollet-le-Duc, fit son apparition justement au xne siècle (Dict. arch. fr. t. IX, p. 312).
2. Cf. abbé CHAUME, Sainie-Marie-de-Charencey et les origines possibles de Notre-Dame de Dijon, op. cit.
3. Cf. J. GARNIES, op. cit., p. 13 et suiv.
Fascicule II
ANNÉE 1937
Procès-Verbaux des Séances
PROCES-VERBAUX
DES SÉANCES
DE L'ANNÉE 1937
Séance du 6 janvier 1937
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Le président fait part de la mort de M. Armand Duréault, survenue le 26 décembre dernier. M. Duréault, membre non résidant de la Commission, était bien connu du monde savant en Bourgogne. Depuis 40 ans secrétaire perpétuel de l'Académie de Mâcon, dont il fut le rénovateur et l'animateur, il était officier de la Légion d'honneur et conserva jusqu'à ses derniers jours la vigueur de son intelligence. Il était né le 8 mars 1849, et s'éteignit ainsi dans sa quatre-vingts huitième année. La Commission adresse à sa famille et à l'Académie de Mâcon ses vifs sentiments de condoléance.
Le président fait ensuite circuler une photographie que lui a envoyée M. l'abbé Jamard, curé d'Arceau. Elle représente une statue de Vierge à l'Enfant, fort ancienne, qui est l'objet d'une vénération séculaire au village d'Arceau. Elle provient, croit-on, d'une chapelle voisine de l'ancien hôpital, élevé jadis dans les bois à proximité de la Tille, et qui fut détruit pendant la Révolution. Taillée dans le bois d'une manière assez fruste, cette statuette paraît appartenir au début du xine siècle, époque où fut fondée la chapelle. Elle est classée .
Le président présente encore une plaquette qu'il a reçue de M. Eugène Fourier, à Culoz, et fils de feu Guillaume Fourier, membre non résidant. Cette plaquette est le commentaire d'un document daté de 1612 et trouvé dans les papiers de Guillaume Fourier, document affirmant la qualification de Française et non de Lorraine qui doit être attribuée à Jeanne d'Arc. La question a d'ailleurs déjà fait l'objet d'une discussion à l'Académie de Dijon en 1905-1906.
M. E. Broussolle, associé, fait circuler la monnaie mérovingienne en or, dont il a été parlé à la dernière séance, et qu'il a pu avoir en communication. Cette belle pièce, dont M. Broussolle à pris ùrimou-
104 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
lage qu'il offre à la Commission, fut trouvée à Couchey (Côte-d'Or) en 1927.
Poursuivant l'énumération des richesses artistiques des hospices de Dijon qu'il avait entreprise; à la dernière séance, M.. Fyot cite, en premier lieu, la croix dite de « Christine, de Suède », donnée à l'hôpital en 1856, par M. Joly, de Dole, qui la tenait de famille. Cette croix, haute seulement dé-19 centimètres, est un merveilleux travail génois du xvue siècle. Elle se compose de croisillons en cristal de roche et d'une ornementation de filigrane d'or, semé de perles fines et de pierres précieuses. Son christ, admirablement taillé dans une noix de coco, a les pieds et les mains fixés au cristal par de petits diamants. M. Fyot, pour rechercher comment put parvenir aux Joly ce crucifix donné, dit l'acte de donation, à Christine de Suède par le Pape, suit cette dernière.dans ses pérégrinations à travers l'Europe, à Rome où elle reçut le sacrement de confirmation du pape Alexandre VII, qui lui aurait fait don de la croix en question en cette circonstance, et raconte sa réception à Dijon, le 27 août 1656, au milieu d'une pompe royale. C'est vraisemblablement à cette occasion que Christine aurait offert la même croix à un dignitaire peut-être ecclésiastique de Dijon.
M. Fyot cite en second lieu les vingt-deux miniatures du xve siècle conservées aux archives de. l'hôpital et racontant par l'image rehaussée d'un texte gothique la création de l'hôpital du Saint-Esprit de Dijon, fondé sur Te modèle du premier. Ce'spécimen de l'art bourguignon sous Philippeie Bon, publié bar G. Peignot dans le tome Ier des Mémoires de la. Commission, est extrêmement remarquable par son intérêt dramatique et la tonalité atténuée des enluminures.
Suit une énumératiôn d'objets d'art tels que le buste de Louis XIV donné par G. Tisserand, bienfaiteur de l'hôpital,, les tableaux de valeur conservés dans là salle du Conseil d'administration et les meubles précieux légués au cours des âges, à l'hôpital, par certains hospitalisés. , ' .
Suit encore une description de la chapelle Sainte-Croix-de-Jérusalem, créée en 1454 par Simon Albossèt, chapelle ornée d'une fort belle mise au tombeau en pierre polychrome du xve siècle entourée de peintures murales.du même temps et surmontée d'une Trinité polychrome, revenue à son lieu d'origine après de multiples vicissitudes. Cette chapelle, qui servit longtemps de dépôt mortuaire sera, bientôt affectée à .un ;petit musée religieux d'objets d'art, choisis' t parmi ceux de l'hôpital, général et. de l'hospice Sainte-Anne.
M. Fyot décrit alors.rapidement les oeuvres principales qui peuvent retenir l'attention à l'hospice Sainte-Anne : le grand baldaquin. : de la "Visitation, par Jean Dubois, les statues, de Bouchu et de Joly de Blaisy, les monuments à la mémoire des O.debert, par le même sculpteur. H.cite encore le grand tableau de Philippe Quantin, la..
TABLE DE « BANS DE VENDANGES », A LARREY-LEZ-DIJON
KIOSQUE-BELVEDERE DE LARREY-LEZ-DIJON
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES ^ 105
Communion de sainte Catherine de Sienne, qui avait excité, dit Courtépée, l'admiration du Poussin.
Enfin, passant rapidement sur d'autres tableaux de valeurs inégales, M. Fyot décrit plusieurs statuettes et groupes de marbre et d'albâtre qui ont été reconnus dignes du classement comme monuments historiques. Il parle des fauteuils Louis XVI, des tapisseries au petit point d'une grande finesse, de la suite de gravures de Callot qui ornent divers appartements. Il rappelle que certains pots de pharmacie de la collection conservée à l'hospice proviennent sans doute des faïenceries de Dijon et probablement de celle de Montmusard. Il termine enfin par la brève mention des portraits des fondateurs et des bienfaiteurs de l'hospice, exposés au parloir. Si ces portraits n'ont pas en eux-mêmes de grandes qualités picturales, ils n'en présentent pas moins un intérêt documentaire très appréciable.
A l'hospice Sainte-Anne aussi, l'on se propose d'organiser un musée de tous les objets d'art actuellement dispersés et qui seront ainsi mieux appréciés dans leur ensemble.
M. G. Grémaud, secrétaire, signale que la municipalité de Dijon, ayant entrepris d'aménager les abords de la fontaine de Larrey, dans la banlieue ouest de la ville, songerait à installer près de la source une vieille table de pierre sise à proximité, au milieu du chemin dit des « Champs-Perdrix » ou « sentier de la Montagne ».
Ce petit monument qu'il a été voir en compagnie de MM. Fyot et G. Virely, et dont il fait circuler des photos et des dessins pris par ceux-ci, présente, quoique partiellement brisé, assez d'intérêt pour justifier sa réparation et sa conservation.
M. Grémaud signale, d'autre part, qu'au cours de cette visite il lui fut donné, ainsi qu'à MM. Fyot et Virely, d'aller voir, non loin de la dite fontaine, au flanc de la colline — lieu-dit les « ChampsPerdrix », parcelle 178 — un curieux petit bâtiment, sorte de kiosquebelvédère, dont M. Virely a pu prendre une photographie et un plan qu'il fait circuler.
M. Oursel, vice-président, donne lecture de quelques extraits d'une circulaire du 10 décembre 1936, relative à l'application du décretloi du 30 octobre 1935 protégeant les monuments historiques et les paysages contre les abus de l'affichage. Grâce à ces nouvelles dispositions, les pouvoirs publics seront dorénavant mieux armés pour lutter contre certains empiétements regrettables de la publicité moderne.
Le commandant Charrier annonce que les 3, 4, 5 et 6 juin prochain' tiendra ses assises à Auxerre le XIVe Congrès de l'Association bourguignonne des Sociétés savantes, qui sera spécialement consacré à l'étude de la littérature et des traditions populaires en Bourgogne. Les membres de la Commission sont invités à y prendre part en aussi grand nombre que possible.
La séance est levée à 18 h. 30.
106 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
ANNEXE
TABLE DE « BANS DE VENDANGES »
ET KIOSQUE-BELVÉDÈRE
A LARREY-LEZ-DIJON
(par M. G. Grémaud, secrétaire)
« La Municipalité de Dijon ayant entrepris, il y a quelques semaines, de faire nettoyer et aménager les abords de la fontaine de Larrey, il fut question, à cette occasion, d'installer au-dessus de la source une vieille table de pierre sise à proximité, au milieu d'une petite place triangulaire que forme, en s'élargissant, un chemin de desserte, appelé chemin des « Champs-Perdrix » ou « sentier de la Montagne ».
«Brisée en trois morceaux, on avait tout d'abord envisagé de la retailler de façon à réduire sa longueur de moitié.- Mais, heureusement, ce projet fut abandonné et l'on décida de réparer cette table de façon à lui rendre son aspect primitif.
» Il nous avait été donné, en effet, à MM. Fyot, Virely et no usmême de nous rendre compte de l'intérêt que présentait ce petit monument pour l'histoire de Dijon. Très vraisemblablement ce devait être, parmi les tables du même genre installées autrefois sur les pentes de la montagne, l'une de celles qui auraient servi à la publication des « bans de vendanges ». Installée tout à côté de la source de Larrey, près du chemin que suivait nécessairement le maire et son cortège pittoresque pour se rendre à Plombières, entourée de vieux bancs de pierre qui existent encore, à l'ombre de marronniers dont les derniers ont disparu il y a peu de temps, notre table voyait chaque année, au début de l'automne, s'arrêter devant elle maïeur, échevins, officiers et héraults d'armes et ces derniers lire la déclaration solennelle aux termes de laquelle était autorisée la cueillette du raisin. Les vignerons en prenaient acte, puis offraient les dons habituels, pain, vin, sel, « frottée d'ail », etc. Et le cortège gagnait ensuite le hameau de Bussy — détruit maintenant — en suivant le chemin dit des « Bas Mardors », puis la « ruelle de Presles » au bas de la Combe « à la Serpent ». Là, on traversait l'Ouche sur le pont de la « Papeterie » et l'on se dirigeait enfin sur Plombières.
» Par ailleurs cette cérémonie était l'occasion d'une véritable fête. De nombreux Dijonnais, vignerons ou non, ne manquaient pas, ce jour-là, de se rendre sur les coteaux de Larrey et, le soir venu, de prendre part aux bals champêtres, ainsi qu'aux banquets pantagruéliques qui avaient lieu autour des vieilles tables de pierre.
» C'est dire que celle du chemin des Champs-Perdrix méritait
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 107
\
bien d'être conservée. Comme on peut s'en rendre compte d'après le dessin; de M. Fyot, elle se compose d'une dalle actuellement brisée en deux endroits mais longue primitivement de 2m15, large de lm18, épaisse de 0m14, et de deux pieds tronconiques prenant appui sur le sol par des bases carrées de 60 centimètres de côté,
» Les morceaux de la dalle seraient descendus à la fontaine, réajustés et fixés sur une semelle en ciment armé préparée à cet effet, p"uis remontés sur les pieds qui n'ont pas trop souffert. Autour prendraient place les vieux bancs de pierre. Déjà ont été plantés de jeunes tilleuls pour remplacer les marronniers d'antan.
«.Ainsi ce témoin, si «bourguignon» de par sa destination et si «-dijonnais» par les souvenirs qu'il rappelle, contribuera à rendre encore plus attrayant ce coin prédestiné de notre banlieue où M. l'abbé Chaume nous a accoutumés de voir, avec beaucoup de vraisemblance, le berceau de Divio.
«D'autre part, au cours de notre visite à cette table, on nous signala un curieux petit bâtiment en ruines sis au flanc de la montagne de Larrey, du côté de la Combe « à la Serpent », à 800 mètres environ de la fontaine dont nous venons de parler.
» Aucune mention, à notre connaissance, n'en ayant été faite jusqu'à ce jour, nous résolûmes d'aller le voir en compagnie de MM. Fyot et Virely.
» Situé à l'angle ouest d'un terrain en friches, au lieudit « les ChampsPerdrix », section X, n° 178, les ronces et les pierrailles des murées environnantes le cachent à moitié et, n'était la présence d'un peuplier à l'entrée, il serait difficile de le distinguer d'un peu loin.
» Construit sur plan carré, il mesure environ 4 mètres de côté à l'extérieur, et 2m50 de haut sous un toit en bâtière couvert en laves. Seules les deux façades regardant la montagne, au sud-ouest et au nord-ouest, sont murées sans ouverture. Au nord-est un mur bahut, haut de 0m70, construit entre deux piliers d'angle, supporte une colonnette avec chapiteau simplement épannelé, lequel soutient un des linteaux du toit. Deux vastes baies sont ainsi ménagées de part et d'autre de celle-ci. Au sud-est, côté de l'entrée, deux belles colonnes monolithes prennent appui sur le sol par des dés hauts de 45 centimètres. Elles montent à plus de 2 mètres jusqu'au pignon et sont coiffées des mêmes chapiteaux. L'ensemble est plaisant à l'oeil et évoque quelque temple néo-grec ou quelque «folie» Régence.
» Manifestement, ce kiosque-belvédère fut construit à cet endroit pour jouir de la vue superbe que l'on a sur Dijon, la vallée de l'Ouche et Talant. Il doit être l'oeuvre d'un de ces riches citadins du xvme, ou plutôt du début du xixe siècle, qui possédaient de nombreuses vignes dans la région. Il tombe malheureusement en ruines, et seuls les colonnes, les piliers, ainsi qu'un banc de pierre ont pu résister aux atteintes du temps et des hommes.
108 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
» Aussi bien le propriétaire, M. L. Maillot, de Fleurey-sur-Ouche, ne peut qu'assister impuissant à la ruine de ce bâtiment dont l'accès, de plus, est interdit aux voitures.
» Cet édicule, en effet, avait été édifié en bordure d'un chemin, actuellement disparu, qui longeait à contre-pente le plateau de Larrey. Il fut remplacé au début du xixe siècle par le chemin dit des « Marcs d'or » prenant à la Patte-d'oie, route de Corcelles et aboutissant à la Combe « à la Serpent ». Cependant le tracé de cet ancien chemin sert encore de limite de lieux-dits, entre les « Marcs d'or » et les « Champs-Perdrix » du côté de la vallée, et le « Dessus des Marcs d'or » sur le plateau. Il bornait les friches communales quL autrefois, couvraient une grande partie de ce plateau et ont été converties depuis en jardins et terrains à bâtir. C'est dire qu'il servait de limite à la culture de la vigne sur les pentes de la colline. Non loin du « Sentier de la Montagne », dont nous avons parlé plus haut et qui le reliait à la fontaine de Larrey, se voient encore quelques vestiges du mur de soutènement qui l'épaulait du côté de la vallée. Haute de 2m50 à 3 mètres, cette muraille, en belles pierres dé taille, est elle-même renforcée de distance en distance par de robustes contreforts hémicirculaires. On comprend ainsi comment on accédait à notre kiosque en suivant ces deux chemins depuis la fontaine.
» Toujours est-il que celui-ci est destiné à disparaître à bref délai. Aussi bien avons-nous pensé que le propriétaire consentirait peutêtre à se dessaisir de ces ruines à bon compte, sinon gracieusement. Si les pourparlers que nous avons entamés à cet effet au nom de la Ville aboutissaient, nous aurions bientôt, nous l'espérons, la satisfaction de voir ces intéressants vestiges servir à la construction d'un abri pour promeneurs à la fontaine de Larrey, tout à côté de la vieille table de «bans de vendanges».
Séance du 20 janvier 1937
: La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Le président lit une lettre de M. Henry Corot, membre non résidant, le remerciant de lui avoir donné des renseignements sur la monnaie mérovingienne dont il a été question aux dernières séances et souhaitant qu'on puisse préciser l'endroit de sa découverte à. Couchey.
M. Fyot offre ensuite à la Commission, de la part de MM. Bizot et de leur soeur M1Ie Bizot, une stèle romaine découverte par leur
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 109
v
aïeul à Carthage, au milieu du xixe siècle, dans la couche romaine. Sur cette stèle, haute de 0m60 environ, est sculpté en bas-relief un petit personnage vêtu de la toge et portant de la main gauche un « volumen » à demi-déployé. Au-dessus de sa tête se voit un croissant. Elle sera déposée au Musée archéologique.
La Commission adresse aux donateurs ses remerciements.
M. Fyot, d'autre part, ayant remarqué, dans la cour du n° 23 de la rue Piron, une peinture murale sur enduit, très haut placée et enassez mauvais état, en releva un croquis en couleurs qu'il fait circuler. Cette peinture représente un cartouche assez décoratif, portant un écusson « d'azur à une fasce d'or accompagnée de 3 étoiles de même cométées d'argent ». Le tout est surmonté d'une frise peinte à caissons entre consoles et montant jusqu'à la toiture. Dans la même cour et au rez-de-chaussée, un linteau de porte reproduit en pierre sculptée ce même écusson. Le propriétaire de l'immeuble, M. de Chassey, ayant été consulté, voulut bien faire quelques recherches dans ses papiers et trouva que les armoiries étaient celles de la famille Comeau de Charry, dont le dernier représentant, Hector.de' Charry, est mort vers 1925. Au surplus, les peintures et la sculpture dateraient de 1860 environ.
Un Jean-Claude Comeau était premier président du bureau des finances à Dijon en 1706, et, vers 1740, un Comeau de Charry, capitaine au régiment de la Sarre infanterie, seigneur de Brazey, la Bretonnière et autres lieux, habitait au château de Mâcon, paroisse de Saint-Martin-de-la-Mer, près de Saulieu.
M. Galmard, correspondant, fait circuler plusieurs exemplaires d'une photographie qu'il a pu prendre du coq du clocher de l'ancienne chapelle de la Maladière de. Dijon, lequel, ayant été descendu en 1936 lors des fouilles du monument, doit être, déposé au Musée archéologique 1.
M. G. Grémaud, secrétaire, signale qu'au cours d'une installation de câbles téléphoniques à Dijon, rue du Bourg, presque à l'angle de la rue Piron, a été mise au jour une cave longue de 7 mètres, large de 4, haute de 2, dont l'intrados de la voûte fut rencontré à lm30 sous la chaussée. Elle était vide et fut aussitôt comblée. Des caves semblables, dont quelques-unes avec puits, furent ainsi déjà rencontrées, notamment rue Stéphen-Liégeard en 1928. Elles auraient fait l'objet, autrefois, d'autorisations municipales.
M. R. Lavoignat, correspondant, présente trois statuettes de bouddhas trouvées, en 1933, parmi les ruines d'un temple khmer, au nord de l'Annam, à la frontière du Laos, lors d'un défrichement de forêt. Elles étaient fichées avec beaucoup d'autres sur des sortes
1. V. cette photographie dans le rapport-sur Les fouilles de l'ancienne chapelle de la Maladière par G. Grémaud, ci-dessus p. 93.
110 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
de pieux en argile cuite. Mesurant de 17 à 26 centimètres de hauteur, elles représentent le dieu accroupi sur un socle, dans sa pose rituelle, à demi-vêtu et coiffé du bonnet khmer. Coulées en un alliage de plomb ou de cuivre, elles ont été intentionnellement évidées. Leur exécution- dénote la main d'un artiste.
M. l'abbé Chaume, membre résidant, expose, les résultats auxquels l'ont conduit ses recherches sur la topographie de la région de Larrey et .de la fontaine d'Ouche dans la banlieue dijonnaise. Après avoir, indiqué les diverses sources documentaires qui l'ont aidé dans son travail (plans des domaines de Saint-Bénigne de 1772, tibériade du xvme siècle, actes notariés et terriers divers, et enfin visite des. images « d'oultre l'eau» de 1455), il s'attache de préférence à ce dernier document dont il interprète les données assez souvent fort énigmatiques.
M. l'abbé Chaume donne ensuite quelques détails, sur les «Maisons rouges » qui semblent avoir, depuis une haute antiquité, jalonné les très anciens chemins de la partie celtique de l'Empire romain, et énumère celles qu'il a retrouvées en Côte-d'Or. Il termine en analysant un vieil itinéraire du xvne siècle où se trouvent décrits les chemins de pèlerinage à Sainte-Reine d'Alise.
La séance est levée à 18 h. 40.
* * *
TOPOGRAPHIE ANCIENNE DE LARREY-LEZ-DIJON (par M. l'abbé M. Chaume, membre résidant)
« La région dont nous entreprenons la description se trouve limitée : du côté du nord et du nord-est, par le cours de l'Ouche ; du côté dé l'est, par le très vieux chemin de Pied-de-Mont descendu de Fontaine et du bas de Talant par le moulin de Chèvre-Morte, et dénommé (entre Chèvre-Morte et la Planchotte de Larrey) grand chemin des Goulgez, puis (entre la Planchotte et l'actuelle rue de Corcelles) grand, chemin de Larrey ; du côté du sud, par le chemin des grands Eschaillons qui est le chemin actuel de Dijon à Corcelles, depuis le groupe scolaire jusqu'à la Patte-d'Oie ; du côté du sud-ouest par le chemin actuel des Marcs-d-Or, de la Patte-d'Oie à la Combe à la Serpent et au hameau de Bruant ; du côté de l'ouest enfin, par le chemin qui suit le fond de la Combe à la Serpent et aboutit (au point où il rejoint le canal) à ce qu'on appelait autrefois le pertuis de Prelle.
» Dans l'intérieur de ce territoire, on reconnaît successivement : 1° la ruelle de Champchardon, aujourd'hui disparue, qui s'embranchait perpendiculairement à' la ruelle de Corcelles, sur la droite,
CROQUIS SCHÉMATIQUE DE LA KÉGION DE LARREY-LEZ-DIJON AU XVe SIÈCLE
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 111
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à peu près à mi-chemin entre la rue Marmont et le prolongement du chemin des Valendons ; 2° la ruelle anonyme (aujourd'hui prolongement du chemin des Valendons) qui unissait le grand chemin des Eschaillons (aujourd'hui rue de Corcelles) au petit chemin des Eschaillons (aujourd'hui chemin de Bel-Air) ; 3° la ruelle de Maltondu (extrémité orientale du chemin de Bel-Air, aboutissant sur la rue de Larrey entre le pont de la fontaine d'Ouche et l'ancienne église Saint-Germain) ; 4° la ruelle des Petits Eschaillons, alias petit chemin des Eschaillons, continuant la ruelle de Maltondu (seconde partie du chemin de Bel-Air) et se prolongeant par delà la Perrière (c'est-à-dire la carrière située en bas de la combe Persil, le long du chemin actuel du Fort-Yon) jusqu'au voisinage de la ferme de Giron ; 5° la ruelle de Marc d'Or, plus tard ruelle des Hauts Marcs d'Or (aujourd'hui chemin des Gremeaux), passant à la fontaine d'Ouche et aboutissant à la Combe à la Serpent ; 6° la ruelle des Bras, plus tard ruelle Ebrard, s'embranchant sur la droite de la précédente, 200 mètres après la fontaine d'Ouche, et aboutissant tout près de l'Ouche, au grand chemin des Goulgez (aujourd'hui disparu) ; 7° la ruelle de Tyrepaisseaulx, s'embranchant sur la droite de la précédente et aboutissant sur le chemin (aujourd'hui la rue) de Larrey, vraisemblablement à la Planchotte * (Pont de la fontaine d'Ouche) ; 8° une seconde ruelle de Marc d'Or, parallèle à la première, sans doute à mi-chemin de l'emplacement du canal actuel; 9° la-ruelle de Bussy (aujourd'hui début du chemin de la Combe à la Serpent) depuis le Pertuis de Prelle jusqu'au chemin de la Cras ; 10° la ruelle de Prelle, plus tard chemin des Bas Marcs d'Or (aujourd'hui supplantée par la berge sud du canal) depuis le Pertuis de Prelle jusqu'à la Planchotte ; 11° la ruelle des Goulgez s'embranchant sur la gauche de la précédente, non loin de l'écluse des Marcs d'Or, et aboutissant à Chèvre-Morte. Toute cette région a été bouleversée de fond en comble par l'établissement du canal de Bourgogne.
La Planchotte de Larrey paraît avoir été un centre important d'où plusieurs ruelles partaient dans toutes les directions. Quant à la source actuelle de la fontaine d'Ouche, elle est une création artificielle vers laquelle on a fait converger les eaux de deux sources plus élevées, l'une venant de l'ouest (combe des Marcs d'Or) et l'autre du sud-ouest (fontaine située à l'extrémité supérieure du sentier de la Montagne) ».
Séance du 3'février 1937
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
112 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Le président expose comment fut découverte à Dijon, par un ouvrier de M. Boiteux, le 22 janvier dernier, dans une sablière à proximité de l'église Saint-Paul, un squelette d'adulte de taille moyenne, inhumé à 1 m80 au-dessous du niveau du sol. Étendu légèrement de côté et les épaules tassées, ayant la tête inclinée à droite, ce squelette présentait une dentition intacte, dénotant la jeunesse. Près du crâne avait été placé un vase en terre brune et à col rabattu, comme dans les vases gallo-romains. Aucun autre objet, aucune pierre plate de protection ne furent rencontrés dans la fosse. M. le chanoine Chevalier, curé de Saint-Paul, et M. Boiteux, qui assistaient à la séance, présentèrent à la Commission les débris du vase qu'ils avaient recueillis.
M. Fyot fait circuler un dessin par lequel il a reconstitué la position du squelette avant sa désagrégation et un plan de la région où fut trouvée la sépulture. Il rappelle, à cette occasion, les nombreuses trouvailles analogues faites depuis un siècle, dans ce vaste cimetière des Poussots et des Lentillières, et attribuées, pour la plupart, à la période gallo-romaine des ine et ive siècles. Il convient cependant d'envisager la possibilité d'une époque plus lointaine, si l'on songe à la sensationnelle exhumation du soi-disant tombeau de Chyndonax, en 1598, au « climat des Poussots ». En tout cas, presque tous les squelettes découverts en cette région avaient à leur tête, ou à côté d'eux, des vases de poterie ou de verre qui accusaient, suivant de nombreux archéologues, la croyance à un besoin de nourriture poulies corps éthérés des défunts.
M. G. Grémaud, secrétaire, pencherait à croire que la tombe des Poussots dont il vient d'être question daterait bien d'une époque antérieure à l'occupation romaine. Il remarque, en effet, des analogies entre les fragments du vase exhumé et la poterie recueillie dans certaines sépultures sous tumulus de la région du mont Afrique.
Le président a reçu, d'autre part, de M. E. Garnier, instituteur retraité à Recey-sur-Ource, une intéressante indication sur deux statues en marbre de grandeur naturelle, saint Augustin et saint Hermès, sculptées par le fameux Jean Dubois et données en 1694, par le chanoine Nicaise, à certaines chapelles de Villey-sur-Tille, d'où elles ont été transportées, en 1829, dans l'église paroissiale. Le chanoine Nicaise étant bien connu comme savant et littérateur- dijonnais, M. Fyot en fit la remarque à M. Garnier qui lui envoya immédiatement une liste généalogique des Nicaise, possesseurs de père en fils d'un beau domaine à Villey.
Il était naturel qu'en raison de cette contribution gracieuse aux travaux de la Commission le président proposât la candidature de M, E. Garnier comme correspondant. Sa proposition est agréée séance tenante.
Sont également élus :
PROCÈS-VERBAUX DES' SÉANCES v 113
1° Membre non résidant : M. A. Vittenet, directeur honoraire au ministère des P.T.T., déjà associé de la Compagnie;
2° Associé : M. A. Petit, ingénieur des arts et manufactures, directeur de l'École de commerce de Dijon.
M. J. Lapérotte, correspondant, présente à la Commission un curieux diplôme daté du 15 août 1856 et constatant que l'Empereur et l'Impératrice ont été parrain et marraine de Marie-Rosalie-Eugénie Lapérotte, née le 16 mars 1856.
M. Henri David, membre résidant, entretient la compagnie d'Un village de la plaine bourguignonne : Cessgy-sur-Tille, vu d'après les modestes vestiges ou témoins de son passé.
D'abord, en ce qui concerne les temps païens, les sites de Montoille et de la Fontaine-Joyaux où l'on a exhumé, depuis un siècle, divers objets paraissant être des ex-voto, ainsi que des tuiles, des fragments de mosaïques, des monnaies, quelques ornements d'architecture en terre cuite et même une statuette de Vénus en pierre blanchâtre et poreuse. Les archéologues en ont inféré l'existence d'une cella au point d'eau, objet d'un culte motivé par la vertu curative de la source et, à proximité, d'une petite villa, habitation gallo-romaine d'une certaine aisance. Par ailleurs, deux voies antiques ont laissé des traces sur le territoire, et l'une d'elles a livré en 1833 le cachet d'un oculiste romain..
Avec les temps chrétiens et la fondation du domaine des Tilles au profit des Bénédictins de Saint-Bénigne de Dijon, le sort du village naissant qui va en devenir le centre se trouve fixé dès le vie siècle et ne subira pas de modifications essentielles avant la Révolution. Le ressort paroissial s'étendant à huit communautés environnantes, on comprend l'intérêt qui s'attache à l'église du lieu comme « mère église » et foyer de la vie spirituelle de tout le domaine.
Dans l'état où elle nous est parvenue, elle se compose d'un choeur voûté en berceau, d'un avant-choeur où subsistent les amorces d'une croisée d'ogives du xme siècle et d'une nef plus récente, charpente en plein-cintre revêtue de plâtre, s'ouvrant à l'ouest par un portail, en pierre de taille moulurée, du début du xvie siècle. L'absence de saillies latérales lui confère en plan l'aspect d'un rectangle, où vient s'appuyer au nord une sacristie de même forme. Le clocher, porté par l'avant-choeur, a conservé son ancienne charpente de chêne datée de 1621, sa grosse cloche, empreinte du millésime de 1674, qui a échappé aux fontes révolutionnaires, ainsi qu'au parement extérieur un cadran solaire qui rappelle celui de la tour méridionale de Saint-Bénigne de Dijon. Des pierres tombales d'anciens desservants et des principaux « fermiers » ou marchands du lieu parsèment encore Favant-choeur et la nef.
Par son ensemble et son unité, le mobilier du xvme siècle réserve •un intérêt qui dépasse ce qu'on peut attendre d'une modeste paroisse :
114 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
autel, tabernacle, « chapelles » avec statues de bois, revêtement de boiseries dorées, avec niches et statuettes, au choeur, à l'avant-choeur et jusque dans la partie antérieure de la nef, chaire, confessionnal, fonts de baptême, témoignent encore des ressources de la fabrique et de l'activité artisanale de deux menuisiers dijonnais déjà connus : Jean Damien et François Triquet. Des balustrades de ferronnerie du maître serrurier François Denis rélèvent d'une industrie locale qui, à cette date, produisait à Dijon même les grilles des chapelles, ou des hôtels parlementaires, les rampes d'escaliers et les balcons de ces mêmes hôtels et de diverses maisons bourgeoises. Ce sont ces mêmes ferronneries qui, une vingtaine d'années plus tard, mettaient un rayon au nom d'Antoine Rude, le père du grand sculpteur.
Quittant l'église, M. David note encore dans le village une tête d'expression, voisine par l'esprit et la facture, des motifs similaires du décor de Sambin, deux croix de pierre du xvme siècle associant aux instruments de la Passion le culte eucharistique, une statuette pittoresque de saint Hubert, ainsi que l'existence de figurines tutélaires, le plus souvent la Vierge, dans le mortier des cheminées, au-dessus des toits. Il termine cet aperçu par la date du vieux pont gravée sur son parapet (26 octobre 1823).
' M. Ch. Oursel, vice-président, donne lecture, du voeu suivant concernant la sauvegarde de la place d'Armes, à Dijon :
«Depuis plusieurs années l'Académie de Dijon et la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, auxquelles se sont associés les congrès de l'Association bourguignonne des Sociétés savantes, n'ont cessé de protester contre les projets d'urbanisme qui, issus des lois des 14 mars 1919 et 19 juillet 1924, menacent, sous prétexte d'aménagements modernes, de défigurer et de dénaturer l'ensemble d'architecture urbaine créé à la fin du xvne et au commencement du xvme siècle au centre même de la ville. Les protestations ont été officiellement portées à la connaissance de l'administration municipale, et présentées par le président de la Commission des Antiquités à la réunion du 21 mai 1932 de la Commission départementale d'aménagement et d'extension des villes et villages de la Côte-d'Or.
» Aucun des motifs allégués n'a perdu de sa valeur à mesure que les années passent, et il est évident que, pour remédier à des difficultés réelles de circulation, il est d'autres remèdes que la destruction pure et simple du passé. Certains obstacles à la circulation par exemple n'ont qu'une durée éphémère : personne ne contestera que le tramway qui entrave la circulation est destiné à disparaître, parce que ce genre de véhicule est à peu près supprimé au centre de toutes les villes ; pour le maintien dix ans de plus, il est fort exagéré de ruiner la place d'Armes et l'ancienne rue Condé.
» On a vu cependant une Commission supérieure prescrire l'élargissement de la rue de la Liberté, comme s'il appartenait à un étranger
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES v 115
de supprimer et d'abolir, les traditions monumentales d'une capitale de province.
» Les adversaires de l'ancienne place Royale (place d'Armes) et de l'ancienne rue Condé (portion de la rue de la Liberté) n'ont pas désarmé. Sans doute une proposition récente de classement de l'hémicycle intégral de la place d'Armes avec ses retours, et amortissements sur les rues Rameau et de la Liberté a été récemment adressée à la Municipalité par l'administration des Beaux-Arts. Mais dans l'intervalle du consentement municipal, d'insidieuses manoeuvres se sont poursuivies. Des projets d'un nouvel aménagement architectural de la rue Condé, appuyés de dessins rendus séduisants par le talent de leurs auteurs, s'élaborent patiemment avec ténacité et continuité.
» A toutes ces tentatives la Commission des Antiquités oppose non moins obstinément son veto. Elle ne doute pas un instant que la nouvelle architecture ne soit très supérieure à l'ancienne, et que ses auteurs n'affirment leur maîtrise au regard des architectes de Louis XIV, ne renvoient aux Enfers Jules-Hardouin Mansard et ses associés ou élèves Guittard et Martin de Noinville, ne triomphent du grand roi et de ses conseils. En un mot la Commission des Antiquités est bien persuadée qu'une gloire nouvelle rejaillira sur Dijon d'admirables et contemporaines architectures.
«Mais là n'est pas la question. Il est loisible aux modernes de produire leur génie dans les quartiers neufs. Ici, il ne s'agit pas de comparer des mérites et d'instituer un concours. Il s'agit de conserver ce qui est l'histoire même de la ville.
» L'ensemble qu'on projette de détruire est la réalisation d'un dessein préparé par Colbert, approuvé par le Conseil d'État du Roi sur le rapport de Colbert, réalisé par les architectes du roi et leurs élèves. On rappellera que la place Royale, contemporaine de la place Vendôme et de la place des Victoires à Paris, procède de la même pensée, qu'elle est probablement la première en date des places royales qui ait été élaborée et édifiée en province dans les villes du royaume. A ce titre, avec son dessin d'architecture, elle appartient non seulement à l'histoire de Dijon mais à l'histoire générale de l'Art français à la fin du xvne siècle. Sa conservation intégrale importe donc, comme un témoin précieux, à la connaissance de cet art, dans ses rapports avec l'aménagement des châteaux, des villes et des parcs.
» L'opinion de M. le député-maire de Dijon, ministre des P.T.T., est parfaitement connue ; elle s'est exprimée en février 1936 dans la Revue de l'Art ; elle affirme la nécessité du maintien, et l'on peut espérer que le Conseil municipal ne sera pas d'avis autre que son maire. .
«Mais si, par impossible, la Municipalité de Dijon refusait son adhésion au classement de la place d'Armes, la Commission des
116 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Antiquités de la Côte-d'Or, qui est l'organe statutaire de l'Académie de Dijon en ces matières, consciente de servir l'intérêt permanent de la ville, demande instamment à M. le directeur général des Beaux-Arts de mettre en oeuvre tous les moyens que la loi met en son pouvoir et elle émet le voeu
» qu'il soit en pareil cas, les délais légaux expirés, pourvu au classement du cintre de la place d'Armes et de ses retours en amortissement, par décret rendu en Conseil d'État ».
Ce voeu est approuvé à l'unanimité et il est décidé qu'il sera adressé sans plus tarder à la direction générale des Beaux-Arts.
La séance est levée à 18 h. 40.
ANNEXE
DEUX STATUES DE JEAN DUBOIS
DANS L'ÉGLISE DE VILLEY-SUR-TILLE
ET
LISTE GÉNÉALOGIQUE DES NICAISE
(par M. E. Garnier, correspondant)
« Deux statues dues au ciseau de Jean Dubois existent dans l'église de Villey-sur-Tille (canton d'Is-sur-Tille), à droite et à gauche du maître-autel. Ces statues sont en marbre et de grandeur naturelle. Du côté de l'épître, c'est saint Augustin, en habits pontificaux, tenant de la main droite un coeur enflammé, tandis que la gauche soutient un livre appuyé sur le genou. Du côté de l'évangile, c'est saint Hermès, tenant de la main gauche la palme du martyre et appuj'ant sa droite sur son coeur.
» C'est sur la demande de Claude Nicaise, chanoine de la SainteChapelle de Dijon, et ami de Dubois, que ce dernier, en 1694, offrit ces deux statues pour enrichir une chapelle, qui existe encore à Villey et qui est dédiée à ces deux saints. En 1829, l'abbé J.-B. Nicolas Vincent, curé de Crécey et desservant de Villey, fit transporter les deux statues dans l'église paroissiale.
» Au xvne siècle, les Nicaise possédaient un domaine important sur Villey, Crécey et Marey. A partir de 1635, et pendant une trentaine" d'années, on voit Antoine Nicaise, conseiller du roi et procureur au Parlement de Dijon, se constituer ce domaine par des acquisitions et des échanges. Les Nicaise possédaient. en particulier à Villeysur-Tille :
» d'importants bâtiments situés à la sortie du village, direction de Marey, aujourd'hui presque complètement en ruines ;
«une maison située à l'entrée de Villey, direction d'Is-sur-Tille,
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES s 117 .
proche la chapelle. Cette maison fut la propriété du chanoine Claude Nicaise, l'un des fils d'Antoine Nicaise. Claude Nicaise y résida souvent dans ses dernières années ; d'ailleurs, il aimait Villey et s'y plaisait. C'est là qu'il mourut le 19 octobre 1701, à 78 ans environ. Il fut inhumé dans l'église de Villey ; mais sa pierre tombale n'existe plus.
» Voici son acte de sépulture, extrait des registres paroissiaux : » Le vingt octobre mil sept cent un, je soussigné prêtre desservant » la paroisse de Villey, ay inhumé dans l'église dudit lieu le corps » de messire Claude Nicaise, ancien chanoine de la Sainte-Chapelle » de Dijon, âgé d'environ soixante-'dix-huit ans, et décédé chrétien» nement, après avoir reçu les sacrements de l'Église. Au convoy » duquel ont assisté messire Bernard Bunée, curé de Crécey ; messire » François Joly, curé de Marey. Morel ».
» Voici maintenant quelques détails sur la famille Nicaise, détails provenant de documents des archives de la Côte-d'Or (E 1346 et E 1347 : acquêts d'héritages).
» Le premier qui y figure — en 1635 — est Antoine Nicaise, conseiller du Roi et procureur au Parlement de Dijon. En 1636, il acquiert la maison proche la chapelle Saint-Hermès, à Villey, maison où mourut en 1701 le chanoine Claude Nicaise. La même année, il acquit aussi des terres labourables, des vignes et plusieurs pièces de prés. Les années suivantes, et jusqu'en 1665, de nombreuses acquisitions et des échanges arrondissent son domaine. Toutes ces acquisitions sont déclarées « franches et quittes de toutes charges, servitudes et hypothèques quelconques, fors de la taille seigneuriale et du dixme à Dieu» (E 1346).
«Antoine Nicaise dut avoir deux fils :
» 1° Symon Nicaise, procureur général en la Chambre des comptes de Dijon, décédé le 14 novembre 1672, et inhumé dans l'une des chapelles de l'église de Villey. Il avait épousé Marie Rémond, qui dut mourir en 1733 ; -
» 2° Claude Nicaise, le chanoine de la Sainte-Chapelle de Dijon, qui mourut à Villey en 1701 et fut inhumé dans l'église.
» Symon semble avoir eu la plus grande partie des biens de son père. Claude Nicaise eut en particulier la maison proche la chapelle Saint-Hermès.
» Symon Nicaise et, après 1672, sa veuve, continuent d'agrandir leur domaine à Villey ; en particulier, en 1669, il acquiert 12 pièces de vignes en divers lieux-dits, au total 504 perches, soit environ 11 ouvrées. Il posséda à Villey une maison importante, ainsi décrite dans un acte de vente de 1758 : « un domaine consistant en maisons, » grange, pressoirs, caves, cuveries, cours, jardin, enclos, colombier, «écuries, aisances et dépendances; terres... etc.». Cette maison, aujourd'hui en ruines, se trouve à la sortie de Villey, direction de
118 PROCÈS-VERBAUX DES SEANCES
Marey. Il possédait également derrière cette maison un enclos appelé encore aujourd'hui « La Bergerie ». (En 1810, cet enclos fut la propriété de M. Nicolas-Alexandre de Virieu, qui y fit un essai d'élevage du mouton mérinos).
» Symon Nicaise eut :
» 1° une fille, Catherine, qui mourut en 1746 à 75 ans, et fut inhumée dans l'église de Villey ;
» 2° probablement deux fils : — Antoine-Augustin Nicaise, président aux requêtes du Palais, à Besançon, qui mourut le 9 septembre 1734, et fut inhumé dans l'église de Villey ; — Claude Nicaise, bourgeois et propriétaire, demeurant à Villey, qui décéda le 27 avril 1754, et fut également inhumé dans l'église.
» Antoine-Augustin Nicaise eut un fils, Claude-Augustin Nicaise 1, conseiller du roi, maître des Comptes de Bourgogne et de Bresse, et qui avait épousé Jeanne Cotheret. Il recueillit la succession de son père, et aussi celle de son grand-oncle Claude Nicaise ; de sorte que tout l'héritage de ses ancêtres se retrouva entre ses mains.
» Le 30 mars 1758, Claude-Augustin Nicaise vendit à Pierre Morel, écuyer, demeurant à Dijon, époux de Marie Nicaise, et pour le compte de Gaspard Lecompasseur Créqui de Montfort, marquis de Courtivron, aide-maréchal général des logis de la cavalerie des armées du roi, tout son domaine sur Villey, Marey et Crécey, pour la somme de 14.000 livres.
» Le 8 avril 1790, le fils du marquis de Courtivron, Philippe-Antoine Tannegui Lecompasseur-Créqui-Montfort, revendit ce domaine pour 21.000 livres à J.-B. Rochet, maître de forges à Voulaines.
» Lequel le revendit le 29 germinal an XIII (19 avril 1805) à LoupGustave-Alexandre de Virieu, propriétaire demeurant au château de Crécey, pour 24.690 francs.
» Loup-Gustave-Alexandre de Virieu était l'un des cinq enfants de Nicolas-Alexandre de Virieu. Ce dernier était le gendre de JeanLouis Malteste dit « le marquis de Villey », conseiller au Parlement de Bourgogne, et dernier seigneur de Villey. Jean-Louis Malteste n'émigra pas. Après sa mort, ses biens furent partagés, en 1803, entre : son fils, Jean-Joseph-Louis Malteste, et son gendre, Nicolas-Alexandre" de Virieu, qui, avant la Révolution, était gentilhomme d'honneur du comte de Provence.
» Le domaine de Villey, Crécey, Échevannes et Avelanges échut à ce dernier.
» En 1810, Nicolas-Alexandre de Virieu fit démolir une partie du château de Villey. A sa mort, en 1824, l'un de ses fils, Loup-GustaveAlexandre, comte de Virieu, colonel aide-major de la Garde royale,
1. Claude Nicaise habitait à Dijon l'hôtel portant le n° 25 de la rue .du Petit-Potet. Il y mourut, en 1788, doyen des conseillers maîtres.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES \ 119
devint propriétaire du domaine de Villey. Ce dernier possédait aussi le château de Crécey, qu'il avait acquis du comte Lejéas.
» En décembre 1827, il vendit ce qu'il possédait sur Villey et Crécey à Raoul-Victor-Loïs Leclerc de Juigné, capitaine d'état-major.
» Le château de Villey passa ensuite, en 1864, à M. Emile-Adolphe Jouanne ; puis, en 1.875, à M. Pierre-Joseph Massenot, commandant de gendarmerie en retraite ; en 1889, à son fils M. Albert Massenot. Enfin, ces dernières années, le château fut vendu à nouveau. Le dernier propriétaire le fit démolir en partie et emmena — dans le Midi paraît-il — les matériaux qui présentaient quelque intérêt historique ».
Séance du 17 février 1937
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
De la part de M. L. Denizot, associé, le président fait circuler des photographies des personnages qui frappent les heures à l'horloge de Notre-Dame de Dijon : Jacquemard et sa famille.
Il présente ensuite le fascicule IV du tome VIII (décembre 1936) des Annales de Bourgogne et analyse brièvement ses principaux articles. '.
Un second volume présenté est le tome Ier (1936) du Congrès archéologique de France, tenu à Paris en 1934. Ce volume, rédigé à l'occasion du Centenaire du service des monuments historiques, fait l'histoire de cette institution, expose tous les services qu'elle a rendus ainsi que les annexes qui s'y rattachent.
Puis M. Fyot présente un album de 56 gravures en taille-douce appartenant à M. L. Denizot qui le tient de famille.
Ces gravures, de 15 centimètres sur 10, symbolisent les invocations des Litanies de la Vierge et sont signées Klauber, cath. se. & excut. A. V. (ces dernières initiales, complétées sur d'autres gravures allemandes sous la forme Aug. Vind. signifiant Augusta Vindelicorum [Ausbourgj).
La famille des Klauber, originaire d'Augsbourg, comprend six graveurs au xvuie siècle et un peintre à Bâle en 1568. L'auteur, ou plutôt les auteurs, des gravures sur les litanies sont les frères Joseph (1710-1768) et Jean-Baptiste (1711-1774) Klauber, qui étudièrent à Prague et composèrent ensemble de nombreuses gravures sur le Nouveau et l'Ancien Testament, des portraits, un Calendrier de l'ordre de Saint-Georges de Bavière, etc. Ils étaient renommés en Allemagne et les graveurs des litanies témoignent ici de leur
120 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
habileté et de leur sens artistique. Néanmoins, leur manière, inspirée du style rocaille français, est un peu lourde et compliquée dans le symbolisme.
Tandis que circule l'album, M. Fyot donne quelques aperçus sur la technique des différents modes de gravure.
M. A. Bouchard, associé, signale que parmi les graveurs célèbres du xvme siècle on ne doit pas oublier les Gauthier d'Agoty dont le chef Jacques, collaborateur de Le Blond, est cité avec son fils Edouard comme inventeur de la gravure en couleurs. Jacques d'Agoty était membre de l'Académie de Dijon. M. Bouchard, dont ces artistes étaient les aïeux maternels, se réserve de faire à leur sujet une communication au cours d'une prochaine séance.
Enfin, M. Oursel rappelle que la bibliothèque municipale de Dijon possède un cabinet très riche d'estampes anciennes et modernes, précieuses pour l'histoire de la gravure.
La séance est levée à 18 h. 30.
Séance du 3 mars 1937
La'séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Le président présente le tome Ier du 48e volume (nouvelle série) des Mémoires de la Société Eduenne qui vient de paraître. Il est entièrement consacré au Congrès des Sociétés savantes de Bourgogne qui s'est tenu à Autun les 8, 9 et 10 juin 1936.
A cette occasion, M. Fyot rappelle comment, après avoir longtemps tenu ses séances dans une salle de l'hôtel de ville, la Société éduenne fit, le 24 janvier 1878, l'acquisition de l'ancien hôtel de Nicolas Rolin, chancelier du duc Philippe le Bon. Après deux années de travaux, l'inauguration du local restauré put se faire le 3 septembre 1880.
Six ans plus tard, Gabriel Bulliot, président de la Société, lui faisait cadeau de la vieille tour des Bancs, joignant l'hôtel Rolin, tour qu'il avait lui-même acquise en 1872, pour la sauver de la destruction.
La Société éduenne possède ainsi un bel immeuble du xve siècle, composé de 14 salles parfaitement adaptées à ses attributions et à son musée archéologique.
M. P. Lebel, associé, donne lecture de notes sur un certain nombre de toponymes : Trie, Bessey-en-Chaume, Echirey, Bassigny, Graffigny.
M. l'abbé Chaume, membre résidant, lit trois notes relatives, la première, à la grange, aujourd'hui disparue, de Pranges (commune
PROCES-VERBAUX DES SÉANCES V 121
de Prenois) ; la seconde, aux établissements barbares établis dans le voisinage de Carco (commune de Quetigny) ; et la troisième, au village mérovingien de Dompierre-lez-Dijon, qu'il localise en bas du domaine des « Argentières » (territoire de Dijon).
A ce propos, il donne lecture de deux pièces curieuses de la fin du xvme siècle, concernant le Creux d'Enfer à Dijon.
La séance est levée à 18 h. 40.
ANNEXES
NOTES TOPONYMIQUES
TRIE, BESSEY-EN-CHAUME, ÉCHIREY BASSIGNY, GRAFFIGNY (par M. Paul Lebel, associé)
« Dans une brochure publiée en 1926, A. Molin 1 relate des découvertes archéologiques faites, avant la guerre, sur le territoire de Bessey-en-Chaume, à la fontaine de Trie. Après avoir décrit soigneusement les vestiges gallo-romains mis au jour, l'auteur aborde la toponymie.
» A son avis, le nom de Trie rappelle une triade divine ; il pense même à un Hermès tricéphale qui aurait été honoré en cet endroit. Cette hypothèse n'est pas à retenir. Il ne reste aujourd'hui qu'un lavoir à la fontaine de Trie, mais autrefois il y avait une agglomération qualifiée de villa de Tries en 1305 2 ; les prés environnants s'appelaient «la prairie de Trie », in praeria de Tries, 1232 3, inpralis de Tries, 1232 4, omnibus pralis meis de Tries, 1259 5, ou finaige de Clavoillon ou lieu-dit en Trie, 1489 6. Le nom de Trie apparaît toujours sous la forme vulgaire et n'est pas latinisé. On peut se demander si Y s final est bien étymologique. Je crois pouvoir répondre par la négative, car nous avons comme réactif un toponyme qui se termine de la même façon et qui a été attaché à une ancienne localité très voisine de Trie ; il s'agit d'Oie qui a laissé son nom au cadastre, à proximité immédiate de Clavoillon, hameau de Bessey-en-Chaume. Les actes originaux de la liasse H 675 des Archives départementales
. 1. A. Molin, Bessey-en-Chaume et Echarnani à l'époque gallo-romaine. Aperçus archéologiques au sujet d'une découverte récente à la fontaine de Trie. Conclusions à en tirer, Arras, 1926, petit in-8° de 50 pages.
2. Archives de la Côte-d'Or, H 675, original.
3. Ibid., Cartul. de Cîteaux, III, H 168, f° 119 v°.
4. Ibid., f° 120 r°.
5. Ibid., H 675, original.
6. Ibid., original. . .
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de la Côte-d'Or nous donnent les mentions suivantes, au xme siècle : Oia en latin, Oue, Oyes, Oéés x en français. La graphie Oyes est de beaucoup la plus fréquente. Comme elle a été rendue par Oia en latin, il semble bien que l'on soit en droit d'admettre que Ys final d'Oyes, comme celui de Tries ne se prononçait pas à cette époque,
» Oie et Trie ont l'air d'être deux toponymes celtiques dont il existe des exemplaires ailleurs 2. Citons seulement Trie dans l'Oise, Trie dans la Marne, et le diminutif Triel, près de Pontoise. Le sens de ce vocable n'est pas encore connu. On a supposé 3 que c'était le continuateur de traiectum « passage ». C'est exact pour Trilbardou (Seine-et-Marne), apud Treieclum 1163, et pour Trith-Saint-Léger (Nord), curtem de Trit 1170, et peut-être pour Trilport (Seine-etMarne) Trilleport xvie siècle (pour Trit-le-Port ? — notez qu'on prononce aujourd'hui tripor). Ces localités se trouvaient sur des voies romaines, au passage de cours d'eau où l'on utilisait un bac. Trie (Marne) et Trie-le-Château (Oise) sont au bord de la Marne et de la Troène, Triel sur la Seine. Si leur nom est l'équivalent sémantique de traiectum, peut-être faut-il voir en elles un substantif gaulois ; c'est l'opinion de Dottin 4 qui tient compte de la graphie Trega que l'Anonyme de Ravenne donne pour Maestricht, Mosae traiectum. Quoi qu'il en soit, ce terme conjectural ne convient pas pour expliquer le toponyme Trie, à Bessey-en-Chaume. De nouvelles recherches seraient nécessaires.
» En second lieu, A. Molin étudie les noms de la Bâche et de Bessey, qu'il apparente avec trop de facilité. « Bâche venant de Baius, réduction du patronyme Bassius » est une hypothèse qui ne résiste pas aux objections d'ordre phonétique. Il paraît vain de discuter sur un nom de ce genre, qui peut donner lieu à plusieurs explications, sans que l'on puisse déterminer celle qui rend compte réellement du choix de l'appellation. On peut avancer, par exemple, que la ferme de la Bâche avait une auge — une « bâche » comme on disait — à la disposition des voyageurs qui avaient besoin de faire boire leurs chevaux. La route était longue et pénible depuis Beaune, dans cette solitude champêtre, où elle montait pendant plusieurs lieues !...
L'auteur est excusable d'avoir considéré Bessey comme le « domaine d'un certain Bassus ». Il s'est référé aux Etudes historiques et êtymolo1.
êtymolo1. est la graphie employée par le scribe. Je ne m'explique pas la raison pour laquelle ces deux e ont été accentués. Par ailleurs j'ai rencontré cette accentuation, en particulier pour le mot latin vinee (pour vinese), transcrit vinéé.
2. Oia est habituellement un hydronyme, répandu dans diverses régions. C'est sans doute l'ancien nom- du ruisseau qui descendait de Clavoillon et venait apporter son modeste tribut au Cours de Rhoin, venu de Bouilland.
3. A. de Ponton d'Amécourt, Origine du nom de Trilport, extrait du Bull, de la Soc. d'archéol. de Seine-et-Marne, 1865, p. 3. — Cf. E. Leclerc, Origine des noms de communes... de la Haute-Marne, Langres, 1908, p. 32.
4. G. Dottin, La langue gauloise, Paris, 1920, p. 66, n. 3.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 1-23
giques des noms de lieux habités de la Côte-d'Or, ouvrage de premier ordre, dont le fascicule consacré à la période gallo-romaine a vu le jour avant la publication du Dictionnaire topo graphique de la Côted'Or, fort riche en matériaux. De ce fait, de rares étymologies sont à modifier ; Bessey est l'une d'elles, et je suis sûr que M. Berthoud a rectifié, depuis, sa fiche sur Bessey. Du même coup tombe l'histoire romancée de Molin : Bassus était un centurion mis à la retraite et qui avait décidé d'écouler les jours de sa vieillesse dans le pittoresque vallon de Trie ou sur l'emplacement actuel du village de Bessey dont il aurait été le premier commandant d'armes.
» En réalité, Bessey n'est pas le domaine d'un certain Bassus 1, mais celui d'un personnage nommé Buccius 2. La forme pleine de ce nom de lieu était *Bucciacus. Les premières notations vulgaires sont Bucé 1164, Bucé en Chaume 1265. Le suffixe -acus a subi le même traitement que dans *Cussiacus, devenu Cucé en 1140, auj. Cussyla-Colonne ; vers la fin du xine siècle Bucé est devenu Buccé 1285; Baissé en 1291 (d'après la latinisation Baiseyum) et en 1313, c'est-àdire, en écriture phonétique, biïsé > boesé > bésé. La première voyelle était atone, c'est ce qui explique pourquoi elle a changé de timbre 3. La toponymie ne nous en apprend pas davantage sur ce personnage qui avait de gros intérêts à Bessey ; il ne faut pas lui demander autre chose.
» Je viens de faire allusion à l'ouvrage fondamental que MM. Berthoud et Matruchot ont écrit sur les noms de lieux habités de notre département. Je me suis permis d'y apporter une rectification de minime importance. Je vais maintenant combler une lacune, en donnant l'explication du nom du village d'Ëchirey, pour lequel les auteurs proposaient, avec réserve et faute de documents suffisants, un gentilice Iscarius que, fort loyalement, ils avouaient ne pas connaître. M. Léo Fayolle, toponymiste poitevin, a étudié un nom de lieu similaire en Dordogne, Echourgnac, latinisé Scaurniacum en 1197. Il propose, à juste titre, un anthroponyme Scaurinius formé sur le cognomen de Scaurus qui signifie littéralement « pied bot » 4. En même temps, il explique par un anthroponyme, Scaurius, l'Échirey de la banlieue dijonnaise. La forme Scoriacus de l'année 871 confirme cette explication.
A dessein, je n'ai pas dit que Scaurinius et Scaurius étaient des gentilices. On regarde communément comme tels tous les noms
1. Les auteurs des Origines de noms de lieux habités de la Côte-d'Or (II, p. 30) se sont fiés à la notation Bassicum de 993 que rapportait J. Garnier ; celle-ci concerne Bessey-la-Cour (cf. A. Roserot, Dict. topog. de la Côte-d'Or, s.v. Bessey).
2. Cf. les dérivés Buccinius (C.I.L., III, 5858), Bucconius (C.I.L., VI, 10243).
3. Cf. Recey-sur-Ource, ancien Rucé, 1201. Les patoisants disent R'cé (rsé).
4. Léo Fayolle, Notes de toponymie poitevine, 2° série, Poitiers, 1930, p. 15. Notre Echirey bourguignon a son pendant dans Échiré (Deux-Sèvres).
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d'homme ou de femme terminés en -ius ou en -ia. Il faut alors admettre que le nombre des gentes était considérable ; on en a même fabriqué pour les besoins de la cause. On est déjà revenu de ces exagérations et l'on doute de l'existence des pseudo-gentilices qui ne sont pas attestés. On fera bien de relire à ce sujet une page écrite par M. l'abbé Chaume x et la note où sont reproduites des lignes fort judicieuses de M. Ch. Marteaux. En Côte-d'Or, la plupart des noms de domaines gallo-romains sont formés sur des anthroponymes suffixes en -ius.
» La théorie des gentilices a été érigée en règle absolue par H. d'Arbois de Jubainville. A. Longnon a déjà atténué cette affirmation en faisant remarquer que, dans certains toponymes de cette espèce, le « gentilice » était remplacé par un nom de rivière. M. A. Dauzat, lui-même, est d'avis que la règle comporte un plus grand nombre d'exceptions, et reconnaît que des noms communs sont à la base d'un assez grand nombre de toponymes suffixes en -acus. M. Lagorgette, au Congrès de Chalon, en 1934, a expliqué par la géologie certains noms du Châtillonnais qui reflètent un aspect particulier du sol : Aubigny à cause de ses terres « blanches », Argilly réputé par ses très anciennes « argillières », Gurgy par sa « gorge », la plus profonde du Châtillonnais. Même écho en Belgique, où M. A. Carnoy, renchérissant sur des remarques de Grôhler, énonce cette importante conclusion 2 : « Il paraît encore plus certain que les formations » latines Montaniacum, Capanniacum, Campaniacum, Capriacum, » Castaniacum, Coloniacum, Juncariacum, Piniacum, Salciacum; Sil» viacum, Taberniacum, etc., au lieu de devoir être regardées comme » provenant de gentilices douteux ou rares, Montanius, Campanius, » Taburnius, etc., peuvent franchement être traduites par « villa de la » montagne, de la cabanne, de la campagne, des chèvres, des châ» taigniers, des colons, des joncs, des pins, des saules, de la forêt, » de la taverne », etc. ».
» Il est de fait que la plupart des Montigny sont sur des éminences. A proprement parler ce n'étaient pas, comme le traduit M. Carnoy, des « villa de la montagne », car en latin vulgaire mons, montis signifiait « colline », mais plus exactement le « domaine d'en haut », par opposition à Champigny « le domaine agreste, c'est-à-dire d'en bas ». Cette idée a été traduite, un peu plus tard, sous une forme différente dans les toponymes Suzannecourt ou Courgerennes (*Susana cortis, *Cortis susana), par opposition à Juzennecourt (*Jusana cortis).
» Dans le même ordre d'idées Autigny et Bassigny (dans le Midi.
1. Abbé M. Chaume, Les anciens domaines de la région bourguignonne, dans Mémoires de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or, t. XX, p. 218 et n. 4.
2. A. Carnoy, L'élément sentimental dans les noms de lieux gallo-romains de Belgique, Bruxelles, 1937 (extrait de Y Antiquité classique, VI, fasc. 1, p. 28) ; cf. du même, Origine des noms de lieux des environs de Bruxelles, Bruxelles, s.d., p. 30. Voyez aussi Bull, de la Soc, belforlaine d'émulation, 1924, p. 53-63.
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Autignac et Bassignac) semblent remonter à allus et bassus moyennant le suffixe double -anius x qui existe dans Montaniacum et Campaniacum. Dès lors, le pagus Bassiniacus, à cheval sur les confins de la Bourgogne et de la Lorraine, ne serait pas le pagus ou le comté d'un noble personnage nommé Basin 2, mais le « pays bas » cantonné dans la large dépression où la Meuse naissante écoule ses eaux encore chétives, entre les lignes de hauteurs qui encadrent son horizon à l'ouest comme à l'est et au milieu de laquelle se dresse la butte de Montigny-le-Roi. La théorie de H. d'Arbois de Jubainville a ruiné l'opinion des historiens locaux qui avaient écrit d'un commun accord que cette contrée était ainsi appelée à cause de sa position basse par rapport au pays de la Montagne, dont elle n'est séparée que par la ville de Langres. Je crois que l'on reviendra d'ici peu à cette ancienne explication, postulée par le bon sens et par la syntaxe historique. L'addition du suffixe -iacus à un patronyme mérovingien, en vue de créer le nom d'une contrée, est pour le moins exceptionnelle. Pourquoi ne pas admettre que le nom de Bassigny remonte à l'époque galloromaine ? Est-ce impossible, quand de si nombreux noms de provinces prennent racine dans le vocabulaire toponymique de la Gaule indépendante ? Le doyenné du Môge, en pays lingon, a été expliqué par Longnon par l'épithète *Mosicus (sous-entendez pagus), parce que cette région est arrosée par la Meuse. Or *Mosicus peut dater de la période gallo-romaine, sinon même gauloise.
» Je terminerai cet exposé en citant une étymologie très séduisante de M. l'abbé Maitrier, curé actuel de Prez-sous-Lafauche (Hte-Marne). Elle concerne le nom du village de Grafïigny, en plein Bassigny. Cette appellation est unique en France. Grafïigny se trouve sur la voie d'Agrippa, ainsi que les localités de Sommerécourt et Soulosse sur lesquelles on a jadis longuement épilogue à propos du problème de l'emplacement fort discuté de la mansio de Solimariaca. Cette question a été tranchée récemment par M. Ch. Bruneau 3. Solicia est Soulosse ; Solimariaca, sur là hauteur qui domine cette localité, a changé son nom gaulois pour celui de Saint-Elophe. Ces deux bourgades ayant été ruinées vers 360 et en 406-407, leurs malheureux habitants s'en sont allés plus au sud, en suivant la voie d'Agrippa et se fixèrent dans deux nouveaux villages Solicia cortis (Soulaucourt) et Solimariaca cortis (Sommerécourt). Solicia, ancien chef-lieu de pagus, et Graffigny ont pour commun patron saint Elophe. M. l'abbé Maitrier estime donc que le domaine du premier comte, le grafto germanique, a été précisément installé à Graffigny, c'est-à-dire à quelques
1. Le latin *altanius est postulé par l'épithète hautain, attestée dès le xne s., et le féminin *altania par ce vers
Tresqu'en la mer cunquist la tere altaigne (Roland, v. 3).
2. Dans ce cas, on aurait régulièrement Basigny, avec s sonore.
3. Ch. Bruneau, Solimariaca, Solicia dans Mélanges Antoine Thomas.
126 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
kilomètres seulement de Soulaucourt et de Sommerécourt. Il était assez courant, à l'époque mérovingienne, de créer des noms de localités — et non des noms de pagus — à l'aide d'un suffixe artificiel -iacus dont l'origine n'était plus comprise puisqu'il résultait de la juxtaposition de la finale -ius de l'anthroponyme et du suffixe gallo-romain -acus. On aura donc forgé * Grafion-iacus qui se sera syncopé en * Graflniacus, d'où le nom actuel. Les circonstances toutes spéciales dans lesquelles s'est effectué l'exode des habitants de Soulosse expliquent pourquoi ce toponyme est unique en France 1.
» On voit, par ces exemples, combien les recherches toponymiques exigent de précautions. Les règles générales les mieux assises souffrent des exceptions, parce que les traditions populaires, même en onomastique, ne sont pas codifiées et résultent, au contraire, du caprice des hommes. Les traditions et les coutumes appartiennent à un fond commun, mais elles se diversifient au gré des circonstances locales; Cette variété qui nous attire par son charme, le toponymiste ne doit pas la méconnaître sous ses divers aspects, chaque dénomination pouvant représenter un cas d'espèce ».
* * *
TOPOGRAPHIE ANCIENNE DES ENVIRONS DE DIJON
PRANGES - CARCO ET LE BOIS DU SCOT
D OMPIERRE-LEZ-DIJON
(par M. l'abbé M. Chaume, membre résidant)
« I. — A 1.800 mètres à vol d'oiseau au nord de Prenois, à 300 mètres à l'ouest du carrefour d'où l'on descend à Val-Suzon-Haut par la combe du Rabot, il existe un enclos polygonal, limité par des vieux murs et des buissons, dans lequel on trouve en grande quantité des fragments de tuiles romaines et de poteries. Cet enclos, d'après le plan cadastral de Prenois, appartient à la section B, dite des Herbues et au finage de « Creusot » ; les habitants lui donnent le nom de « Closeau » (dont « Creusot » pourrait bien être une déformation), et disent qu'il s'agit d'un ancien monastère.
» Nous croirions plutôt à une ancienne grange dépendant de SaintBénigne : une charte conservée aux archives de la Côte-d'Or (H 1 carton 77) nous apprend en effet qu'au mois de mars 1258, Denys, maire de Prenois, reçut à titre perpétuel" de l'abbé de Saint-Bénigne, pour
1. Il existe deux localités de la Côte-d'Or qui se dénomment Villa comitis c'est-à-dire « le village du comte ». Il s'agit là, sans doute, de villages carolin ■ giens, qui ont été créés sur l'initiative d'un comte. Tel serait le cas de Graffigny, dès le ve siècle, avec cette nuance que le comte (le grafio) s'est installé dans cette localité qui a dû remplacer, pour un temps, l'ancien chef-lieu ruiné de Solicia.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 127
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lui et:ses héritiers, la grange de Franges, grangiam de Pranges, cum porprisio dinno et omnibus pertinentiis dicte grangie, prout infra muros se ingerunt, et terras arabiles circumadjacentes. — Le nom de Pranges est porté encore aujourd'hui par la pièce de terre qui borne le « Closeau » à l'ouest, et par le bois qui termine le territoire de Prenois du côté du nord-ouest, entre la combe du Rabot et la combe des Oiseaux : ce bois de Pranges, qui domine la vallée du Suzon est garni, dans sa partie occidentale, de murées et de tumulus remontant à l'âge du bronze.
» Nous remarquerons encore qu'un très vieux chemin, provenu du Chêne d'Observé et dont le nom se retrouve dans le lieu-dit «combe de l'Etry, alias Lettrée», à mi-chemin entre Prenois et Darois, pourrait bien aboutir, si l'on en juge par sa direction, au voisinage de Pranges. Si cette hypothèse se vérifiait, il y aurait lieu de se demander si la grange bénédictine n'a pas succédé à un établissement plus ancien, et notamment à une station burgonde, fixée, comme beaucoup de. ses semblables, à proximité d'une voie romaine : Pranges serait alors « le domaine des fils de Pero », *Peringas.
» IL — Le nom de Carco est aujourd'hui porté par une ferme du territoire de Quetigny, située au nord-est de cette localité, à 200 mètres environ du ruisseau de Basmont et tout près d'un autre ruisseau, tributaire du même Basmont, qui recueille les eaux provenues de Saint-Apollinaire et de Sully.
» Le plus ancien texte où il soit question de Carco appartient à la Chronique de Saint-Bénigne (éd. Garnier et Bougaud, p. 167) : in Carco fuit villa que vocatur Britonia ; sunt ibi forestelle due, una vocatur Bosescoth, alia vocatur Petra. De cette brève mention nous sommes en droit de conclure, d'une part, que Carco est une fondation datant approximativement des environs de l'an mille, et d'autre part, qu'elle s'éleva sur l'emplacement, et sans doute avec les matériaux d'une villa plus ancienne appelée Britonia, «la Bretagne ». — Quant aux deux petites forêts voisines de Carco, l'une se reconnaît sans peine dans « le bois de Pierre », dont le nom est encore porté aujourd'hui par une ferme du territoire de Quetigny, située à 1 kilomètre à l'ouest de Carco ; l'autre, Bos Escoth, ne peut être exactement localisée, mais doit être identifiée au nemus Scothi qu'une donation à Saint-Etienne de Dijon cite au voisinage de la villa Carcolli (Arch. Côte-d'Or, G 125, n° 69; Pérard, p. 70).
» La proximité de ces deux vocables, Britonia, « la Bretagne », et nemus Scothi, «le bois du Scot » laisse Supposer l'établissement dans cette région de la banlieue dijonnaise, sans doute au ive siècle, de colonies barbares venues de Grande-Bretagne (Britannia) et d'Irlande (Scotia). La «fontaine du Breton», fons Britonis, dont il est question dans le Polyptyque de Saint-Ëtienne (Arch. Côte-d'Or, G 125, n° 92 ; Pérard, p. 79), et que l'on situe quelque part à l'est
128 PROCÈS-VERBAUX DES -SÉANCES
de Saint-Apollinaire, peut avoir quelque rapport avec la première de ces colonies.
» Les anciennes formes du nom de Carco (Carcollum au xie s. ; en Querco en 1273 ; en Carqueu en 1284 ; Carcol en 1312 ; en Quarcol en 1343) semblent établir une parenté entre ce nom et celui du chêne, quercus. Peut-être s'agit-il d'une « clairière de chênes », quercoialum, dont pourrait être rapprochée la « chênaie » qui se trouve à l'origine du village voisin de Chaignot, Casnedum, Casneachum. — De toute manière, on aurait là un témoignage intéressant sur l'extension ancienne de la forêt à l'est de Dijon.
» III. — L'ancien village de Dompierre ou Dampierre, Domnus Petrus, près de Dijon, est mentionné dans trois textes datés respectivement de 658, de 828 et de 881. Les deux premiers (Chronique de Bèze, éd. Garnier et Bougaud, p. 244 et 260 ; Cart. de S. Bénigne, n° 103, dans Pérard, p. 16) le citent dans une énumération de biens appartenant primitivement à l'abbaye de Bèze, puis cédés à celle de Saint-Bénigne ; le troisième (Cart. de S. Bénigne, n° 100, dans Pérard, p. 159) est une donation faite au profit de Saint-Bénigne par un grand personnage, Hugues, probablement comte de Bassigny. » A s'en tenir aux vraisemblances, Dompierre doit être cherché à proximité de Dijon et de Longvic ; la vieille église dont il porte le nom doit être l'église mère des futures paroisses de Saint-Pierre de Dijon et de Saint-Pierre de Longvic : l'énumération des villages contenue dans nos deux premiers textes n'y contredit pas, puisque Dompierre se trouve en tête de liste, avant Longvic, Chenoves, Argillères, Trémolois, Fontaines, Prouhois et Daix. Et volontiers on situerait la vieille église au voisinage de la prison départementale ., actuelle, tout près de l'important carrefour constitué autrefois par le croisement de la voie d'Agrippa avec la voie de Dijon au Jura par Saint-Jean-de-Losne.
» Or un texte nouveau, dont nous devons la connaissance à M. l'abbé Debrie, curé d'Ahuy, nous apprend qu'en 1355, un lieu-dit « en Damperre » — qui rappelle sans aucun doute le village mérovingien de Domnus Petrus — se trouvait au-dessus de l'Argillière, desuper Argilleriam (Arch. Côte-d'Or, B 11242, f° 66). Cette indication précise va nous permettre de rectifier notre précédente conjecture.
» En effet, sur la grande tibériade des archives de la ville de Dijon (K 222), qui remonte au premier tiers du xvme siècle, le nom des « Argillières » est inscrit en toutes lettres à l'est de la chapelle de Belle-Croix, dans l'angle formé, d'un côté, par le grand chemin de Dijon à Auxonne, et de l'autre, par le chemin de Mirande, ou, plus précisément, par le chemin des Petites-Roches. Mais si l'on se reporte aux désignations contenues dans les chartes anciennes, baux, ventes et autres actes que nous ont conservés les cartulaires des abbayes et les protocoles dés notaires, on constate que les « Argillières »
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 129
constituent un vaste territoire délimité en gros par la ligne de chemin de fer, à l'ouest ; par le chemin des Péjoces, au sud ; par la rue CharlesRoyer, le Creux d'Enfer et la fontaine des Suisses, à l'est ; vers le nord, elles se prolongeaient jusqu'au voisinage de la Motte de Montmuzard.
» Cette délimitation résulte des documents suivants :
» 28 octobre 1370. Vente d'une pièce de vigne sise « dessus l'Argillere, aultrement dit ou Bergis... » (Arch. Côte-d'Or, B 11277, f° 113 r°). « Bergis », alias « Borgy », « Bergy », « Bourgis », « Burguy » est l'ancien clos de Champmaillot (Arch. Côte-d'Or, G 2111 : « ou ftnaige de Dijon, ou lieu dit en Champbergy, aultrement Champ Maillot ») ; et aussi autant qu'il semble, la partie occidentale du lieu-dit (postérieur au xvine siècle) « le Moulin à Vent » ;
» 28 décembre 1370. Vente d'une vigne « en l'Argillere darrier Tulley... » (Arch. Côte-d'Or, B 11277, f° 155 v°. « Theuley » est l'ancien domaine de l'abbaye cistercienne de ce nom ; ce domaine se trouve à peu près délimité aujourd'hui par le mur nord de Champmaillot, le boulevard de la Fontaine des Suisses et le boulevard de Strasbourg ;
»6 janvier 1372. Location d'une vigne «en l'Argillere, alias en l'Argentères... » (Arch. Côte-d'Or, B 11271, f° 27 v°). Il s'agit du climat actuel des « Argentières » ;
» 26 mai 1380. Achat pour la Ville de Dijon « d'une pièce de terre argillère... assise ou finaige de Diion, ou lieu dit vers la Motte de Mont Muzart, de costé la terre Nicolas de Chevigney, d'une part, et l'Argillere commune de lad. ville, d'autre part... » (Arch. Dijon, K 119). Un peu au nord du boulevard de Strasbourg ;
» octobre 1407. Vigne sise « ou lieu dit dessoubz l'Argillere la ville, ou lieu que l'on dit en Beaul Regart, sur le doux de Tulley... » (Arch. Côte-d'Or, G 1211). « Beaul Regart » se situe au sud de l'asile des Petites Soeurs des pauvres et à l'est du boulevard de la Fontaine des Suisses ;
» 13 janvier 1423. Bail à cens d'une vigne « sitam in loco dicto es Auges des Argillières...» (Arch. Côte-d'Or, G 294). «Les Auges» correspondent au quartier limité au nord par le chemin de Mirande, à l'est par le Creux d'Enfer, au sud par les Argentières : cf. G 295, acte du 12 février 1756 ;
» 6 février 1665. Vignes « scizes es Argillières, autrement en Cariotte » (Arch. Côte-d'Or, G 3582). Le lieu-dit « en Cariotte » se situe entre le chemin dès Péjoces et le chemin des Molidors ; il est limité dans l'ancien cadastre, au nord et au nord-ouest par le « Dessus des Petites-Roches », au sud-ouest par le lieu-dit « en Trepey », à l'est par « les Longennes ».
» Parmi les lieux-dits mis en relation avec les « Argillières », il en est deux qui doivent retenir tout particulièrement notre attention : je veux parler des « Auges » et du « Creux d'Enfer ».
130 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
» Le lieu-dit « es Auges » ou « les Auges » est un lieu-dit qui se rencontre assez fréquemment ; et l'on a remarqué que, la plupart du temps, l'emplacement de ce lieu-dit coïncidait avec un cimetière du haut moyen âge. Les « auges » ne sont pas autre chose que les sarcophages de pierre en usage aux temps mérovingiens et carolingiens. — Dès lors, comment ne pas songer à toutes les découvertes faites, dans la seconde moitié du siècle dernier, à l'est du boulevard Voltaire actuel, clans ce qu'on appelait alors les sablières des allées de la Retraite ou du cours Ignace ? Comment ne pas songer, surtout, aux trouvailles opérées en bas des Petites Roches, lors des travaux entrepris pour l'établissement de la voie ferrée en 1870 ? Les comptesrendus de la Commission (Mémoires, VIII, p. XVII-XVIII) signalent l'existence en cet endroit d'un édicule orienté et de toute une série de constructions dont on voudrait posséder les plans... «Ajoutons, continue le secrétaire de la Commission (p. xix), que les agents du chemin de fer ont mis à découvert, non loin de là, mais plus au nord, un sarcophage formé d'une auge en pierre du pays, plus étroite aux pieds qu'à la tête, comme beaucoup de cercueils des ve, vie et vne siècles... » Ne serions-nous pas, ici, en présence de l'une des auges qui donnèrent son nom au climat des « Auges » ?
» Le nom du « Creux d'Enfer » n'apparaît que tardivement dans les textes. Jusqu'à présent, il est impossible de citer une référence antérieure à 1756 : on sait seulement que la source, à cette époque, était abondante, et que l'abreuvoir qu'on, y avait ménagé, était utilisé pour les usages les plus divers par les habitants du voisinage. Deux documents de 1770 et de 1785 nous fournissent à cet égard de curieux renseignements. — Toutefois, puisque le nom du Creux d'Enfer ne figure dans aucune charte vraiment ancienne, on peut se demander si la source ne portait pas un autre nom — un nom qui, déformé, aurait abouti à cette curieuse désignation : et c'est là ce qui nous conduit à imaginer que peut-être le « Creux d'Enfer » était primitivement le « Creux Damperre ».
Quoi qu'il en soit de cette hypothèse, dont nous ne contestons pas la fragilité, il nous paraît établi désormais que Dompierre-lez-Dijon se trouvait quelque part dans la région des Argentières et des PetitesRoches, sans doute au voisinage de la ligne de chemin de fer, derrière le groupe scolaire du boulevard Voltaire et la Manufacture des Tabacs.
A propos du Creux d'Enfer
16 juin 1770 Arch. mun. de Dijon, K 127
A Messieurs Messieurs les Maire et Echevins de la Ville et Commune de Dijon.
Expose très respectueusement Jean-Baptiste Viennois, professeur en grammaire de cette ville.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES \ 131
Qu'il se commet habituellement à l'endroit nommé le Creux d'Enfer une espèce de dégradation et d'abus qui ne sont point autorisés ni même apperçûs par Messieurs les Magistrats, qui prendront à cet égard, lorsqu'ils en seront informés, les mesures qu'ils jugeront être les plus convenables au bien public.
La dégradation consiste dans la destruction journelle d'une très belle platteforme qui est placée à la rive occidentale du Marais et qui sépare cette pièce d'eau des champs dépendants de la métairie de Chamaillot.
Cette platteforme, la plus agréable des promenades au. coucher du soleil, avoit, il y a très peu de tems, au moins cinquante pieds de large ; comme il se voit par les fosses nouvellement creusées, elle est à présent réduitte à moins de trente pieds et le sera bientôt à rien, si messieurs n'arrêtent l'enlèvement qui s'y fait journellement de la marne : il y a même un particulier du fauxbourg St Nicolas qui fait actuellement miner cet endroit pour tirer la glaise qui est entre deux terres ; exposant par cette manoeuvre les voitures et même les Passants au danger du renversement et de la chute.
L'abus consiste dans l'usage pernicieux que font tous les ans deux vignerons ou jardiniers du fauxbourg de l'eau de ce marais pour y rouir leur chanvre : ces deux particuliers, pour s'épargner un quard'heure au plus de chemin ; privent pendant trois mois de l'année le Public de sa promenade qui respire alors une odeur forte; les maisons voisines et les Passants de l'usage de l'eau de cette fontaine qui participe alors à cette odeur ; enfin le Bétail de son abreuvoir qui devient malsain.
A ces causes, l'exposant qui ne désire que la conservation de la beauté de cet emplacement et de la salubrité de l'eau de la fontaine et du marais nécessaire aux hommes et au bétail ; se trouvant d'ailleurs à portée de veiller à ces objets par la construction qu'il fait actuellement sur la rive méridionale du Creux d'enfer; offre-très humblement..à Messieurs les Magistrats ses petits services : demande d'être autorisé à empêclïêr. l'ultérieure dégradation et l'abus ci-dessus mentionnés et d'obtenir la permission de planter sur les rives du marais les arbres de nature à y profiter, tels que saules, peupliers ou autres de cette espèce.
J.B. Viennois.
La chambre du conseil et de police de la ville de Dijon ordonne qu'elle, se transportera sur les lieux pour a l'inspection d'iceux être pourvu ainsi qu'il appartiendra. Fait le seize juin mil sept cent soixante dix,
Par ordonnance Raviot
Naissant - ■
La Chambre s'étant transporté sur les lieux a reconnu que sur toutes les demandes du suppliant, il ne peut lui être accordé que pour un terme la jouissance des saules qu'il pourroit planter sur les bords de l'eau du Creux d'enfer. Lequel terme peut être porté à neuf années. Fait le vingt six juin mil sept cent soixante dix.
Girod Delamotte
Micault Cappus ■ Naissant
Forest
M. Viennot a dit le 15 juillet 1770 M. Régnât présent qu'il ne vouloit point amodier pour neuf ans ni planter des saules, si ce n'est pour 29 aus.
21 juin 1785 ; Arch. mun. de Dijon, J 139.
Nous Edme Thielley avocat à la Cour, échevin commissaire à ce député savoir faisons, que le vingt et un "du'présent mois de juin étant accompagné du s1 Maret voyer de la ville de Dijon, nous nous sommes transportés sur les
132 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
bords d'un Creux, nommé vulgairement Creux d'Enfer, à l'effet de reconnoître son état actuel.
Nous avons reconnu 1° que le long de ses rives du côté de l'orient, il a été fait une fouille de vingt un pieds environ de longueur sur huit de largeur et deux pieds six pouces de profondeur moyenne.
Le sr Viennois, que nous avons interrogé sur cette fouille, nous a assuré qu'elle avoit été faite par des ouvriers travaillant pour le sr Bonnet md clincailler à Dijon et par ceux du nommé Voyet jardinier demeurant fauxbourg St Pierre dudit Dijon.
2° qu'au sud dudit Creux, il a été pratiqué une rigolle dont le fond, se trouvant presqu'aussi bas que celui du Creux, donne la facilité d'en tirer la plus grande partie des eaux ; de manière que dans le moment actuel il est presqu'à sec.
Cette rigolle est pratiquée à quelques toises du mur de clôture du sr Viennois qu'elle longe ; elle est découverte sur une grande partie de sa longueur depuis son ambouchure jusqu'au devant de la porte chartière du sr Viennois, elle est ensuite recouverte d'un acqueduc jusqu'au clos des Argentières. Le sr Viennois nous a affirmé que cette rigolle était encore l'ouvrage du nommé Voyet.
Nous avons aussi examiné les sources et fontenis qui fournissent de l'eau audit Creux et nous avons reconnu que dans ce moment d'une très grande sécheresse, elles en donnoient encore ; de manière que si l'eau n'était pas tirée du Creux à mesure qu'elle y arive, le bétail pourroit s'y abreuver, ce qui dans l'état actuel des choses deviendroit difficile, parce que l'eau recouvre à peine la vase dans beaucoup d'endroits.
Il résulte de la présente visitte 1° que le Creux d'enfer destiné pour servir d'abreuvoir aux bestiaux ne peut leur être utile, dans le moment présent puisque l'eau n'y reste pas. 2° que, dans la saison des pluies, lorsque ledit Creux est rempli, les bestiaux qui iroient s'y abreuver pourroient s'y blesser, puisque la fouille faite par le sr Bonnet et le nommé Voyet sont en contrebas du fond dudit Creux.
Vu l'importance du susdit Creux pour les bestiaux des habitans du fauxbourg St Nicolas et des environs, nous estimons qu'il doit être ordonné par la Chambre 1° que la fouille fàitte par le sr Bonnet et le nommé Voyet sera par eux comblées jusqu'au niveau du fond dudit Creux environnant laditte fouille, et ce dans le. délai qu'il plaira à la Chambre de fixer.
2° qu'il doit être deffendu au nommé Voyet et à tous autres de tirer à l'avenir de l'eau dudit Creux par le moyen d'une rigolle, ni d'y faire des trous souterrains • à peine d'y être sévèrement pourvu.
3° qu'il doit être ordonné au susdit Voyet de combler entièrement sur toute sa longueur la rigolle qu'il a pratiquée et d'en régaller la superficie au niveau du terein environnant et ce dans le délai qu'il plaira à la chambre fixer. Et comme il est très important que l'eau dudit Creux ne s'en écoule pas à mesure qu'elle y arive, nous estimons qu'il doit encore être ordonné par la Chambre que la susdite rigolle sera fermée sur le champ et dans le délai de vingt quatre heures par un conroi de deux pieds d'épaisseur en terre grasse afin d'empêcher toute filtration, et pour que le nommé Voyet puisse sur le champ se conformer à la délibération de la chambre, si elle adopte notre avis, nous estimons qu'il peut être permis au nommé Voyet de tirer sur les bords du Creux la terre grasse nécessaire seulement pour faire le conroi proposé, à la charge par lui de remplir et régaler le creux dont il aura tiré la ditte terre grasse.
Clos à Dijon le vingt deux juin mil sept cent quatre vingt cinq Thielley Maret
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES * 133
Séance du 17 mars 1937
La séance est ouverte à 17 heures sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
De la part de M. E. Garnier, correspondant à Recey-sur-Ource, il est donné lecture d'une communication relative à une borne croisée située sur le territoire de Bure-les-Templiers.
M. Fyot communique ensuite un entrefilet de L'Echo de Paris du 15 mars, clans lequel, à propos du classement éventuel de l'hôtel de la Ferté-Sennecterre, à Paris, ce journal émet le voeu que la commission du Vieux Paris y fasse apposer une plaque commémorative indiquant que le poète bourguignon Bernard de La Monnoye passa vingt ans de sa vie dans cet hôtel. Si l'entrefilet insiste principlement sur ce que La Monnoye fut l'auteur de la fameuse chanson sur M. de la Palisse, les Dijonnais lui gardent un souvenir plus local en raison de ses « Noëls en patois bourguignon » qui reflétaient le langage et l'esprit populaire de leur ville. C'est pourquoi la Compagnie charge son président de faire savoir à la Commission du Vieux Paris qu'elle s'associe pleinement au voeu formulé par L'Echo de Paris.
M. Grémaud, secrétaire, présente, de la part de M. R. Vernet, de Pouilly-sur-Saône, plusieurs extraits du plan cadastral de cette localité sur lesquels le zélé correspondant de la Commission a marqué, avec les noms des lieux-dits, les endroits où M. Gavelle et lui-même' entreprirent des sondages archéologiques au cours de ces dernières années.
A ces documents sont joints :
1° quelques-uns des silex et des fragments de tuiles recueillis par M. Vernet sous des couches d'argile alluviale au lieu-dit « La Basse Varenne » et dont il fut question à la séance du 22 avril 1936 ;
2° des dessins de M. Vernet représentant deux vases mérovingiens reconstitués découverts à Jallanges ;
3° des débris de tuiles et de poterie récemment exhumés par M. Vernet lors de sondages exécutés dans un des tertres édifiés au milieu" de la plaine comprise entre Pouilly et Seurre, lieu-dit « Le Gros MoutieauV
Insistant sur l'intérêt de ces découvertes et rappelant celles qjii furent faites dans la région, tant au xvme qu'au xixe siècle, M. Grjémaud remercie M. Vernet au nom de la Compagnie et l'engage vivjement à poursuivre ses recherches. !
M. J. Lebel, membre résidant, fait une communication ayant pour but de rectifier une erreur accréditée au sujet des voûtes byzantines dont la structure est très mal connue 1.
M. A. Bouchard, associé, entretient la compagnie d'une famille d'artistes français du xviue siècle, les « Gautier d'Agoty », dont il est le descendant direct par sa mère.
1. V. Mémoires.
134
PROCES-VERBAUX DES SEANCES
Le président, commentant cette communication, apporte quelques explications complémentaires sur la technique de Jacques Gautier d'Agoty, explications résultant d'une lettre écrite par Gautier luimême à M. de Boze, de l'Académie Française. Le graveur y décrit ses trois palettes de tons variant selon la nature des tableaux qu'il devait reproduire et indique l'ordre dans lequel il employait ses planches, suivant la couleur que chacune d'elles devait imprimer. La préparation de ces planches se faisait en général à la manière noire ; quelques-unes, peut-être, utilisèrent l'aquatinte.
Enfin, présentant le dernier volume paru clés Congrès archéologiques de France tenus par la Société française d'archéologie, celui qui concerne le congrès de 1935, à Lyon et à Mâcon, M. Oursel, vice-président, fait une rapide analyse critique de certaines descriptions d'édifices de la région de Cluny et développe à ce sujet une série d'observations et de remarques.
La séance est levée à 18 h. 40.
ANNEXES
BORNE CROISEE
SUR LE TERRITOIRE DE BURE-LES-TEMPLIERS
(par M. E. Garnier, correspondant)
« Un canton de bois de la commune de Bure-les-Templiers porte le nom de « Bois de la Borne de Beneuvre ». Ce canton de bois forme la limite sud de ladite commune avec la commune de Beneuvre. D'où lui vient cette dénomination ?
» A cet endroit, dans une voie étroite qui sépare les bois des deux communes, on voit une borne portant une croix gravée dans la
pierre (dessin ci-contre). Jusqu a la suppression de l'Ordre des Templiers, le village de Bure forma une commanderie de cet Ordre, laquelle passa ensuite aux chevaliers de Saint-Jean-deJérusalem ou Hospitaliers. Les Templiers, puis les Hospitaliers relevaient du seigneur de Grancey-le-Château qui était leur suzerain. En 1296, un différend s'éleva entre Guillaume, seigneur de Grancey, et ses vassaux, les Templiers de Bure. Guillaume prétendit que la justice lui appartenait sur Bure et les villages qui dépendaient de cette commanderie : Terrefondrée, La Forêt, Châtellenot... Mais les Templiers n'étaient pas hommes à abandonner leurs prérogatives. Hugues de Parent, commandeur gé-
EDOUARD D'AGOTY (1744-I785)
Gravure en couleurs de La'sinio d'après un portrait de Heinsius.
PIERRE-EDOUARD D'AGOTY (1775-1871)
Pastel peint par lui-même à l'âge de 80 ans.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES \ 135
néral des Maisons de la Chevalerie du Temple en France, opposa un refus aux prétentions du seigneur de Grancey. On finit par s'entendre : les Templiers conservaient la justice haute, moyenne et basse ; mais l'exécution des coupables (perte de la-vie, mutilation) restait au seigneur de Grancey. Il fut décidé que lorsque les Templiers de Bure auraient condamné un coupable à perdre la vie, à être mutilé ou banni, avis en serait donné au seigneur de Grancey. Le juge des Templiers conduirait le condamné jusqu'à une borne croisée plantée entre les fmages de Bure et Beneuvre ; et c'est à cet endroit qu'il serait remis aux hommes du seigneur de Grancey. Ces conventions furent approuvées par le grand-maître Jacques de Molay.
» Telle est l'origine de cette borne qui, il est permis de le supposer, ne vit pas souvent pareille remise. Cependant, il est rapporté qu'en 1515 (les Hospitaliers avaient alors remplacé les Templiers), un certain Parisot, qui devait être de Bure, et qui avait; Commis des vols et sacrilèges dans les églises de Saint-Germain et de Minot, fut condamné par la justice de la commanderie de Bure à être pendu. C'est près de ladite borne qu'il fut livré à la justice de Grancey, le 3 février 1515. Le procès-verbal de remise du condamné fut dressé par deux notaires, l'un de Dijon, l'autre de Bure, sur ladite borne, en présence de Nicole Bégat, juge à Bure ; Thiébaut Humbert, bailli de Grancey ; Didier Graillenot, prévôt du même lieu ; et plusieurs autres officiers de la prévôté de Grancey ; de Jacques Refîay, seigneur de Beneuvre et de Courlon.
» J'ai eu l'occasion de reconnaître cette borne en septembre 1936 ; elle était alors arrachée et gisait sur le sol. Il est probable qu'elle est encore au même endroit et dans le même état ».
UNE FAMILLE D'ARTISTES FRANÇAIS
DU XVIIIe SIÈCLE
LES GAUTIER D'AGOTY
(par M. A. Bouchard, associé)
« La famille Gautier d'Agoty est une famille française qui a fourni sept artistes distingués dont six graveurs et un miniaturiste. Le chef de la famille, Jacques, avait été le collaborateur de Le Blon et partage avec lui la prétention d'avoir inventé la gravure en couleurs. Le Blon employait trois couleurs ; Jacques d'Agoty en employa quatre : le noir, le jaune, le bleu et le rouge, les quatre couleurs qu'il regardait comme primitives. D'après de Beraldi, les d'Agoty'père et fils tentèrent les premiers l'essai de la gravure en couleurs, et s'ils ne surent jamais tirer grand parti de cette invention qui devait donner de si merveilleux résultats dans les mains de Janinet et de Debucourt, on doit néanmoins leur, savoir gré d'avoir préparé la voie
136 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
en se lançant courageusement sur les traces de Le Blon. D'après Courboin 1, ils seraient tombés dans la même erreur que lui en voulant imiter la peinture à l'huile en trompe l'oeil et n'ont fait que rendre cette erreur plus évidente. Il a fallu Janinet et Debucourt pour faire revenir la gravure française de la voie fausse où elle s'était engagée. Cependant ces critiques paraissent exagérées quand on voit les prix qu'ont atteint certaines de leurs oeuvres dans diverses ventes célèbres. Voici d'ailleurs textuellement ce qu'écrit Courboin :
« Le Blon se servait de la manière noire, et à ce point de vue spécial » il n'a rien inventé ; ce qu'il a trouvé c'est l'idée de rendre toutes » les couleurs par la combinaison de trois planches de jaune, de rouge » et de bleu en se servant de cette dernière pour commencer à mo» deler. Le Blon a gravé en France les portraits de Louis XV et du » cardinal de Fleury, mais son procédé semblait coûteux, lent, et » c'est vraisemblablement pour réagir contre cette impression qu'il » annonça des tirages à quatre planches bleu, jaune, rouge et noir : » la planche de noir réduisant les autres au rôle de glacis, il en résultait «une économie de temps considérable...
» Un élève de Le Blon, Jacques Fabien d'Agoty, prétend avoir eu » le premier l'idée d'employer cette planche de noir qui joue dans » les estampes en couleur du xvme siècle un si grand rôle ».
» Une gravure de Louis XV était, d'après Fùssli, accompagnée de ce texte : «gravé en 4 planches dont la première est tamponnée » de noir, la seconde de bleue (sic), la troisième de jaune et la qua» trième de rouge. Ils n'emploient que dix minutes pour finir l'im» pression de ces quatre planches ».
» Plus loin, Courboin dit encore : « Le Blon vendait ses gravures » tendues sur châssis et vernies. Gauthier de Montdorge intitule «son livre L'Art d'imprimer les tableaux... Cochin parle d'imiter la » peinture et un autre d'Agoty, Jean-Baptiste-André, dans son » portrait de Mme du Barry cherche à fac-similer des empâtements » avec une planche de blanc en épaisseur (c'est le fameux blanc » de taille douce qu'on croit avoir déjà été trouvé dès 1466).
» Il semblerait donc que la préoccupation des premiers graveurs » en couleurs ait été de faire des trompe-l'oeil à bon marché ».
» Le premier d'Agoty connu est Jacques (dit le Père). Né à Marseille en 1710, il est mort à Paris en 1785. Il vint à Paris en 1737 et fut l'aide de J.-C. Le Blon qui passe pour l'inventeur de la gravure en couleurs, et après la mort de celui-ci il lui succéda dans l'exploitation de son privilège. Il fut aidé dans ses travaux par ses cinq fils, mais plus spécialement par Edouard. Doué d'une grande activité d'esprit et d'une grande intelligence naturelle, il fut en même temps que graveur, peintre, botaniste, anatomiste, physicien. C'est pro1.
pro1. française au xvtne siècle.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES v 137
bablement l'universalité de sa science qui l'avait fait entrer comme associé en 1750 à l'Académie de Dijon. La séance du 9 août 1765 de cette Académie fut presque entièrement consacrée à examiner une lettre de Gautier d'Agoty présentée par le secrétaire Maret, à la suite de laquelle fut accordé le certificat ci-après ;
» M. Gautier d'Agoty, associé de l'Académie, ayant demandé que » l'Académie voulut bien s'expliquer sur les mérites des tableaux » anatomiques peints d'après nature qu'il a déposés dans le cabinet » d'Histoire naturelle dont il a emporté les doubles à Paris et d'après » lesquels il se propose de faire une deuxième édition de son anatomie » colorée,
» L'Académie qui les avait déjà examinés avec attention n'y a » aperçu que de légers défauts dont l'auteur a reconnu la nécessité » et qu'il se proposait de faire cet hiver sur le cadavre sous les yeux » de la compagnie et elle pense que l'édition projetée par l'auteur » sera d'autant plus utile qu'au mérite de l'exécution en couleurs, » elle joindra celui de l'exactitude. Les originaux de celle-ci étant » beaucoup plus corrects que ne l'étaient ceux sur lesquels la première » édition a été faite ».
» Le procès-verbal de la séance où a été délivré ce certificat est signé : Marc, év. de Troie 1.
» Je cite quelques-uns des ouvrages de J. d'Agoty père : — Myologie de la tête (8 planches) ; — Myologie du pharynx, du tronc et des extrémités (12 pi.) ; — Anatomie de la tête et de toutes les parties du cerveau (8 pi.) ; récompensé par le roi d'une subvention de 600 francs ;
— Anatomie générale des viscères, angiologie et neurologie avec la figure d'un hermaphrodite décrit par Mestrud (18 pi.) [1752] ; — Exposition anatomique de la structure du corps humain contenant la splanchnologie et la neurologie (20 pi.) ; — Exposition anatomique des organes des sens joints à la nécrologie entière du corps humain (7 pi.) ;
— Lettre concernant le nouvel art d'imprimer les tableaux, avec quatre couleurs ; — Nouveaux système de V Univers (où il combat la doctrine de l'attraction universelle) ; — Chromogénésie au génération des couleurs (contre le système de Newton) ; — Réfutation de la défense des Newtoniens ; — Zoogénie ou génération des animaux : — Observations sur la physique, l'histoire naturelle et la peinture (origine du Journal de Physique) ; — Observation sur la peinture et sur les tableaux anciens et modernes ; — Collection de plantes usuelles gravées en couleur, etc.
» La plupart de ces ouvrages sont illustrés par la gravure en couleurs. En dehors de ces ouvrages, on cite de lui de nombreuses estampes en noir ou en couleurs :
1. Le signataire, Marc, év. de Troie, était l'abbé Poncet de la Rivière, ancien évêque de Troyes, abbé commandataire de l'abbaye de Saint-Bénigne, et chancelier de l'Académie.
138 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
» Louis XV présentant au Dauphin le portrait de Marie-Antoinette (Musée de Berlin), Leda (Véronèse), Cupidon (Corrège), Vénus à la Coquille, L'Amour et Psyché (Le Guide). Baigneuse (de Lemayen), Joseph et Putiphar (Véronèse), Saint François (van Dyck), Madeleine (Le Brun), Betshabée (Bonnieu), portraits de Marie-Antoinette, de Ch.-Emmanuel de Savoie.
» Le Dessinateur, Y Ouvrier en tapisserie, deux belles épreuves d'après Chardin, ont été vendues 18.100 francs le 10 mai 1927 à la vente de M. José de la Pena y Pérès de Guzman el Bueno.
» Gautier père, plus digne d'être cité par l'extrême variété et la grande quantité de ses productions que par la justesse de son esprit, la profondeur de ses vues ou l'utilité de ses ouvrages, eut à soutenir une foule de discussions polémiques et des tracasseries sans nombre pendant sa laborieuse carrière. Il mourut à Paris en 1785, à 75 ans, par suite d'un événement que F. de Bachaumont raconte de la façon suivante :
« Gautier avait été rayé de la liste des membres de l'Académie » de Dijon par les intrigues de Maret, secrétaire de cette société, » avec lequel il avait eu une querelle. Ce dernier ayant eu la méchan» ceté de faire insérer cette nouvelle dans les journaux, Gautier » en la lisant dans une feuille publique en fut si péniblement affecté » qu'il tomba à l'instant dans un accablement profond qui le con» duisit rapidement au tombeau ».
«La bibliothèque municipale de Dijon possède un certain nombre de gravures en couleurs de d'Agoty, toutes signées d'Agoty père et fils, représentant un intérieur, une tête d'homme, des corbeilles de fleurs et de fruits. Ces gravures sont reliées dans un gros volume contenant des gravures également en couleurs de Janinet, Debucourt, Robin, etc.
«Jacques Dagoty avait cinq fils, tous graveurs comme lui, et qui tous ont été ses collaborateurs : — Jean-Baptiste-André, 1740-1786 ; —' Arnaud-Éloi, 1741-1780 ; — Edouard, 1744-1783 à Florence, où est né son fils Pierre-Edouard ; — Louis 1746-178..., encore vivant en 1787 ; — Fabien, 1747-178..., encore vivant en 1781.
» Jean-Baptiste-André. — C'est le plus célèbre des fils de Jacques. Ce n'est pas lui qui a laissé le plus d'oeuvres, mais c'est lui qui a été le plus prisé dans les ventes célèbres et dont les oeuvres ont été le plus recherchées. On lui doit :
» Galerie française des hommes et femmes célèbres qui ont paru en France ; — Monarchie française ou résumé chronologique des portraits en pied de tous les rois et des chefs des principales familles (1770) (s'arrête à Chilpéric) ; — Exemple d'humanité de Madame la Dauphine (Marie-Antoinette secourant un malheureux blessé au cours d'Une chasse au cerf). Un exemplaire en noir de cette gravure très rare a été offert à la Bibliothèque nationale par le baron Karl de Venck.
» La gravure Dites donc s'il vous plait, d'après Fragonard a été
PROCES-VERBAUX DES SÉANCES v 139
vendue 2.100 francs à la vente Bouland (31 mars 1925) et une autre 12.250 francs à une vente anonyme, les 15-16 juin 1927 (Deltheil).
» Enfin nous arrivons à la fameuse Mme du Barry recevant une tasse de café de son nègre Zamore, d'après Droudis. Cette gravure dont divers exemplaires avaient été vendus de 2.000 à 5.000 francs auparavant, a atteint 20.000 francs à la vente Bouland pour atteindre 70.000 francs à la vente de M. de la Pena, déjà cité. Ce dernier exemplaire portait sur un cuivre rapporté la légende suivante : « En écrivant ici portrait de la plus belle » Je vois que l'amour a souri. » Mais ce mot qui jadis fit naître une querelle » En va causer une nouvelle, » L'un dira c'est « Vénus », l'autre la « du Barry ».
» Arnaud-Eloi. — Le deuxième fils de Jacques, Arnaud-Éloi, graveur comme ses frères, est l'auteur de divers ouvrages scieiitifiques illustrés par la gravure en couleurs. On cite de lui : — Observations périodiques sur l'Histoire naturelle, les Sciences et les Arts x, avec des planches en couleurs naturelles (1771), continué après sa mort par l'abbé Rozier, mais avec des planches noires ; — Cours complet d'anatomie, expliqué par Jodelot (1773) ; — Un portrait de Ch. Emmanuel de Sardaigne.
» J'ai chez moi une gravure noire portant les mentions suivantes : Vue perspective de l'aggrandissement à la partie méridionale de la Ville de Lyon, B. Lallemand pinxit, A.-E. Dagoty sculpsit, 1776, par son très humble et très obéis' serviteur Perrache. Dédié à Monsieur Frère du Roy.
» Edouard. — Ayant eu certains déboires à Paris, où il avait été le collaborateur de son père, il se retira à Florence où il eût pour élève Lasinio qui exécuta de lui un portrait en couleurs d'après Heinsius. Ce portrait qui a été attribué on ne sait pourquoi à Louis d'Agoty, puisqu'il est indiqué sur la gravure même, comme de Lasinio, a été vendu 4.200 francs à la vente Thiebold en 1910, 9.000 francs à la vente Halle et 33.100 francs à la vente de Mme Balthy en 1917.
» On connaît d'Edouard d'Agoty : Madonna délia sediola ; — La femme de Putiphar ; — La Mort de saint François ; — Vénus nue sur un lit de repos ; — Vénus vue de dos ; — Alexandre et son médecin ; — Baigneuses ; — Portraits de Louis XV, Maupeau, Marie-Thérèse d'Autriche, Choiseul. Le prix de ces gravures dans diverses ventes a varié de 4 à 500 francs chacune.
» Edouard d'Agoty a laissé un fils dont il sera parlé tout à l'heure.
» Louis. — On ne connaît guère de lui qu'un portrait de Maupeau, signé Louis d'Agoty et Les Travaux de Minerve, signé «L.-Ch. Dagoty,
1. Cet ouvrage,' qui a donné naissance au Journal de Physique, eut comme collaborateur de 1773 à 1787 le célèbre Guyton de Morveau.
140 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
peintre de Madame et de la Reine ». Le Manuel d'estampes de Deltheil reproduit une de ses gravures, Marie-Antoinette en costume de cour. Nous avons, dans ma famille, Le retour de l'enfant prodigue d'après Le Guerche.
» On ne sait pourquoi le Dr Mireur, dans son Dictionnaire des ventes, lui attribua le Trait de bienfaisance de la Dauphine qui semble plutôt être de Jean-Baptiste-André.
» Fabien. — Le cinquième fils de Jacques, Fabien, a produit aussi des planches d'anatomie et d'histoire naturelle, des portraits de Louis XV et du cardinal Fleury, enfin des planches de minéraux.
» On lui attribue un portrait de la reine (en buste) qui a figuré à l'exposition d'oeuvres d'art du xvme siècle organisée par la Bibliothèque nationale en 1906.
» Pierre-Edouard. — Je donne ici la traduction de la notice donnée par l'Allemand Thiene dans son Kùnstler Lexikon :
« Gautier d'Agoty Pierre-Edouard, peintre miniaturiste français, «fils de Edouard d'Agoty et petit-fils de Jacques G. d'Agoty, né » à Florence le 12 septembre 1775, mort à Bordeaux le 29 janvier » 1871, a travaillé surtout à Bordeaux où il avait acquis une répu» tation considérable et était regardé comme «l'Isabey bordelais ».
o> Dans la collection parisienne de Me Arman de Caillavet, on » trouve de lui un remarquable portrait de femme signé Dagoty. On » a vu, sous la même signature, des oeuvres à l'exposition des Mi» niatures de Vienne (1905), de Troppau (1908) et à l'exposition de » Miniatures de Friedmann et Weber, à Berlin (1906).
» Pareillement sa fille était la miniaturiste Julia d'Agoty, dont » une oeuvre a été exposée au Salon des Miniatures de Vienne (1905) » et qui portait la signature Julia Dagoty en 1832 ».
» A cette notice, j'ajouterai que mon arrière grand-père d'Agoty était aussi peintre à l'huile et pastelliste. Je possède une miniature de lui qui le représente, en 1805, ainsi qu'un pastel fait par lui à l'âge de 80 ans, en 1855. J'ai aussi chez moi deux peintures à l'huile, de genre, datées de 1844. Enfin je connais de lui une copie du tableau de Heinsius, à l'huile, et un pastel, portrait de sa mère. Il y avait également chez mes p.arents une réplique du pastel que je viens d'indiquer, mais qui ne valait pas l'original et qui était signé Julia Dagoty x ».
Séance du 14 avril 1937
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
1. Ouvrages consultés : Benezet, Dictionnaire critique et documentaire ; — Lucien Monod, Le prix des estampes anciennes et modernes (t. II) ; — Courboin,
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 141
\
Comme suite à celui-ci, le président donne lecture de la lettre qu'il adressa à YEcho de Paris, pour prier ce journal de bien vouloir associer la Commission au voeu demandant l'apposition d'une plaque commémorative, au n° 24 de la rue de l'Université, à Paris, où séjourna longtemps Lamonnoye.
Il lit également une lettre de M. H. Corot, membre non résidant, signalant la découverte récente, par M. H. Egeley, à Fontaine-lesSèches, d'environ 140 monnaies romaines dont il fit déjà part à la presse locale et dont une relation plus complète, avec nomenclature exacte des pièces, sera adressée ultérieurement à la Commission.
Le président annonce d'autre part le décès de M. René Cagnat, secrétaire perpétuel de l'Académie des Inscriptions et Belles-Lettres et professeur d'épigraphie et d'antiquités grecques au Collège de France. M. Cagnat fut d'un grand secours aux membres de la Commission lorsque, en 1888, il les aida à mettre au point les inscriptions interprétées au catalogue du Musée archéologique. Pour ce motif, il fit longtemps partie de la Compagnie comme membre d'honneur ; plus récemment, il s'intéressa aux fouilles des sources de la Seine, et travailla à leur obtenir des subventions officielles.
M. Fyot, enfin, donne lecture d'une invitation du président de la Société des sciences historiques et naturelles de l'Yonne à prendre part au XIVe Congrès de l'Association bourguignonne des sociétés savantes, qui se tiendra à Auxerre, les 3, 4, 5 et 6 juin prochain et engage vivement les membres de la Commission à y prendre part.
Informé par M. A. Péchinot, correspondant, qu'en creusant une tranchée route de Rufïey, au nord de Dijon, lieudit « Les Petites Houettes », face à l'immeuble portant le n° 18, des terrassiers venaient de mettre à jour une statue antique, M. Grémaud, secrétaire, se rendit sur place et constata que celle-ci avait été malencontreusement brisée à coups de pic sans qu'aucune mesure ait été prise pour la sauvegarder. Il en recueillit néanmoins les débris et les fit transporter dans la salle de la Commission où il tenta un essai de restitution partielle de l'ensemble. Il s'agit d'un génie ailé, debout, nu, semblant prendre son essor. Traitée en ronde bosse dans cette pierre d'Asnières qui a fourni dans la région tant de sculptures de l'époque romaine, l'oeuvre, par son exécution, dénote la main d'un artiste de la bonne époque, du IIe siècle probablement. Socle compris, elle devait mesurer 85 centimètres environ de hauteur et le personnage seul, un adolescent, 0m75. La tête manque, mais elle dut être brisée autrefois. Il a été impossible, d'ailleurs, de retrouver tous les éclats.
Après avoir regretté vivement que cette statue n'ait pu être recueillie intacte, M. Grémaud fait observer qu'elle fut rencontrée
L'estampe française au xvni 0 siècle; — Michaud,, Biographie générale; — Thiene-Backer, Kùnsller Lexikon ; ■— Deltheil, Annuaire des ventes d'estampes ; — Portalis et Béraldi, Les graveurs du xvmc s. ; — Nouveau Larousse illustré.
142 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
à lm20 de profondeur, sous la chaussée de la route de Rufîey, laquelle emprunte précisément le tracé de l'ancienne voie d'Agrippa, depuis le passage à niveau du tramway départemental de Val-Suzon. Elle doit provenir d'un édifice gallo-romain tout proche, temple, tombeau, construction suburbaine. Au reste, des vestiges de l'époque ont déjà été exhumés à plusieurs reprises à proximité, notamment rue Marivaux, en 1931 \
En terminant, M. Grémaud remercie vivement M. Péchïnot d'avoir contribué à enrichir le musée archéologique d'une oeuvre qui, malgré ses mutilations, doit y trouver place.
En présence du danger que ferait courir à l'hôtel Frantin, à Dijon, un projet d'alignement visant à une rectification intensive de la rue Chabot-Charny, le président donne lecture d'un rapport de M. A. Bourée, membre résidant, qui, après avoir fait un court historique des transmissions de l'immeuble à travers les âges, en décrit les caractères artistiques, tant sur la façade qu'à l'intérieur où se voit notamment, dans le grand salon du premier étage, un beau plafond décoré de peintures du xvne siècle représentant, croit-on, le triomphe d'Aphrodite. La Commission décide, en conséquence, qu'une demande d'inscription, sur l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques, de cet hôtel de type parlementaire (n° 62 de la rue Chabot-Chamy) sera adressée sans retard à l'administration des Beaux-Arts.
M. Fyot rend compte ensuite d'une brochure consacrée par le docteur Tricot-Royer (d'Anvers), maître de conférences à l'Université de Louvain, aux inhumations des ducs de Bourgogne à Dijon. Après avoir étudié leurs tombeaux et les circonstances de leur mort, l'auteur rappelle, d'après des documents empruntés aux Mémoires de la Commission, la disposition des cercueils dans les trois caveaux de la Chartreuse de Champmol ; puis il fait l'historique des pillages et des profanations dont furent l'objet, pendant la Révolution, les sépultures ducales. Il décrit les circonstances du transfert des dépouilles des ducs et des membres de leur famille, de la Chartreuse à Saint-Bénigne, puis celles de leurs exhumations, cinquante ans plus tard, en présence des membres de la Commission. Celles-ci furent l'occasion, par la suite, de vives polémiques et jetèrent le doute sur l'authenticité des restes de Jean sans Peur. Il fut constaté, en effet, que le squelette extrait de la tour nord de Saint-Bénigne et reconstitué, en 1841, comme étant celui de Jean sans Peur, avait bien un crâne fendu apparemment d'un coup de hache, comme le fut celui de Jean sans Peur, mais que le corps qui lui avait été ajusté était celui d'un homme de grande taille, comme Philippe le Hardi alors que Jean sans Peur était notoirement petit. D'où l'incertitude qui donna lieu aux controverses de 1903.
Aujourd'hui, le docteur Tricot-Royer, reprenant l'examen des
1. V. séances de la Commission des 25 mars et 22 avril 1931.
Phol. G. Vitilu. STATUE TROUVÉE A DIJON, ROUTE DE RUFFEY
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 143
faits et des profanations de 1791-1792, ainsi que les constatations faites alors par des témoins oculaires, en vient à affirmer que la tête de Philippe le Hardi, ayant été brisée ou enlevée pendant le pillage, le crâne trouvé près de son squelette présumé, dans la tour nord de Saint-Bénigne, n'est pas le sien, mais celui de Jean sans Peur, dont il porte les marques caractéristiques ; ce crâne aurait été déplacé lors des bouleversements, des profanations ou du transport.
Cette conclusion, fort plausible, concilie les anomalies apparentes des deux exhumations de 1841 et de 1903 et permet de considérer, aujourd'hui, comme très vraisemblable l'authenticité du crâne attribué à Jean sans Peur, celui-là même dont on prit comme tel plusieurs moulages en 1841.
Quelques membres échangent des observations à la suite de cette communication ; puis la séance est levée à 18 h. 40.
Séance du 28 avril 1937
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Le président fait part du décès de Mlle Jeanne Magnin, membre non résidant de l'Académie, dont les oeuvres et la compétence comme critique d'art étaient connues de tous. La Commission adresse à M. Magnin, frère de la défunte, ses vives condoléances.
Puis M. Fyot attire l'attention sur l'hôtel particulier situé au n° 3 de la rue Vauban, à Dijon, dont la façade Renaissance, avec tourelle polygonale engagée, rappelle le style François Ier. Cet hôtel avait été morcelé et fort détérioré au cours des siècles, mais a recouvré à peu près son ancien aspect, grâce à MM. Jean et Paul Patriarche qui en firent l'acquisition en 1929. A présent, on y trouve une grande et belle salle voûtée d'ogives à quatre travées rayonnant autour d'un pilier central octogone, tandis que dans la cour intérieure un charmant édicule, aux larges fenêtres cintrées et encadrées de pilastres composites soutenant un palier ouvert entouré de balustres, est couvert d'une toiture en doucine renversée et reposant sur deux colonnes galbées. L'hôtel fut construit vers 1540 probablement par Jean des Barres, auteur de la branche des seigneurs de Cussigny. L'immeuble, loué dans la suite à divers locataires par le Chapitre de la Sainte-Chapelle qui en était devenu possesseur, abritait, en 1782, François Carnot, avocat, frère du célèbre Lazare, le futur « organisateur de la victoire ». ■ ■ La Commission décide de demander à l'administration des BeauxArts l'inscription de cet hôtel sur l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques.
Le président donne ensuite lecture d'une lettre de M. Ém. Thevenot,
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144 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
professeur.au lycée Pasteur, à Paris, et auteur d'une remarquable étude sur la colonne de Cussy, parue dans les Annales de Bourgogne, en 1934. M. Thevenot, s'àppuyant sur la pleine approbation de M. A. Grenier, successeur de C. Jullian au Collège de France, demande à la Commission d'intervenir pour faire rétablir en son état normal la colonne mal restaurée à l'époque romantique. La Commission se déclare prête à tenter une démarche auprès du Conseil général, lorsque l'architecte des Monuments historiques aura jugé par luimême si la restauration est opportune et possible.
M. Fyot présente encore deux médailles faisant partie de la collection de M. Em. Broussolle. La première, grand bronze de 130 millimètres de diamètre et 10 millimètres d'épaisseur, est commémorative de la loi sur le régime des chemins de fer votée le 13 mai 1842. OEuvre du fameux graveur Antoine Bovy, elle est d'une exécution et d'une frappe très remarquables, surtout à l'avers qui montre en haut-relief le profil de Louis-Philippe. La seconde, également en bronze, et gravée par Augustin Caqué, mesure 60 millimètres de diamètre et 7 millimètres d'épaisseur." Elle rappelle l'inauguration du chemin de fer de Paris à Dijon par Louis-Napoléon Bonaparte, le 1er juin 1851.
La Commission prend connaissance d'une lettre par laquelle M. Paul Muillard, architecte honoraire à Paris, demande à la section régionale de la Bourgogne à l'Exposition de 1937 une place pour exposer quelques spécimens intéressants du musée régional de Villiers-Saint-Benoît (Yonne), fondé par M. G. Moreau, son beau-père, dans le but de développer le goût des arts parmi ses concitoyens. A cette lettre sont jointes plusieurs photographies documentaires, parmi lesquelles celle d'une fort belle statue de Vierge dite de « Grancey-le-Château », oeuvre du xive siècle.
Cette tentative de décentralisation artistique au petit pied ne peut être que louée et encouragée.
MM. Fyot et Grémaud rendent compte de la séance d'une commission extra-municipale 1, réunie le 26 avril à la mairie de Dijon, pour discuter certains projets de percement de rues dans le centre de la ville et donner son avis sur l'opportunité du classement parmi les monuments historiques des façades de la place d'Armes, ce qui implique le maintien intégral du plan d'ensemble établi par Mansàrt en 1681. Le résultat des échanges de vues donna pleine adhésion aux idées constamment préconisées par la Commission des Antiquités, qui se plaît à rendre hommage, en la circonstance, au bon esprit manifesté par certains commerçants de l'ancienne rue Condé, amis du Vieux Dijon, notamment par M. Vernay-Logerot, que la Compagnie est heureuse d'admettre parmi ses membres, en qualité d'associé.
M. Oursel insiste, en outre, sur le rôle de premier plan joué en
1. V. p. 156 le procès-verbal de cette séance.
PROCÈS-VERBAUX DES^SÉANCES 145
France par les sociétés savantes pour la sauvegarde des monuments du passé. En ce qui concerne Dijon, il rappelle que depuis de nombreuses années l'Association bourguignonne des Sociétés savantes, de même que l'Académie, n'ont pas manqué d'appuyer les voeux de la Commission des Antiquités et de s'associer aux démarches de celle-ci, chaque fois que l'occasion s'en présentait. Aussi bien la décision prise par la municipalité de reconstituer la -commission paramunicipale du Vieux Dijon avec des membres de ces sociétés ne peut être accueillie qu'avec la plus grande satisfaction.
Continuant ses recherches sur la topographie ancienne des environs de Dijon, M. l'abbé Chaume, membre résidant, donne lecture à la Compagnie de quatre notes relatives à l'Orme de Couchey, au bois d'Arceau (anciennement bois d'Oisseau), à Montmuzard et au MoulinBernard.
Enfin Mme de Balathier-Lantage présente un titre de pension sur parchemin conservé dans sa famille et datant de 1673.
La séance est levée à 18 h. 45.
ANNEXE
TOPOGRAPHIE ANCIENNE DES ENVIRONS DE DIJON
L'ORME DE COUCHEY — LE BOIS' D'OISSEAU
MONTMUZARD — LE MOULIN-BERNARD
(par M. l'abbé M. Chaume, membre résidant)
« I. — Deux textes des premières années du xne siècle parlent du lieu-dit « l'Orme de Couchey » comme d'un lieu parfaitement connu, rendez-vous traditionnel où se tenaient d'importantes cours de justice. L'un de ces textes, daté de 1101, est un arrangement entre le duc Eudes Ier et l'abbaye de Cluny (Chartes de Cluny, V, n° 3809 ; Petit, Ducs capétiens, I, n° 108) : Quamdiu... monachus (il s'agit de l'Obédiencier de Gevrey) fuerit paratus facere justiciam in domo sua, non faciet ipse prepositus neque infuriatus proclamationem apud ducem neque apud prepositum Divionis. Et si fecerit proclamationem, in juste faciet/Quod si per hanc injustam proclamationem allocutus fuerit prepositus Divionis monachum Gibriaçi de se superius tractata, et si idem monachus monstraverit recta ratione se fuisse paratum exequi memoratam justiciam, non volet adhuc exire de domo sua. Si autem non potuerit monstrare, obviabunt sibi monachus ac Divionis prepositus ad Ulmum de Cochiaco et ibi faciet monachus de hominibus S. Pétri pertinentibus ad locum Gibriaçi... Et plus loin : SÏ monachus paratus fuerit ad Ulmum justiciam facere, non ibit de ipsa re ad Divionem placitare, nec prepositus débet inde querimoniam facere apud ducem... Le second texte, plus récent de quelques années, relate un jugement
146 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
de Foulques II de Mailly, en vertu duquel un certain André se trouve débouté des prétentions qu'il élevait sur un domaine situé à Domois, et qu'un clerc du nom de Josselin avait donné à Saint-Étienne de Dijon (Pérard, Recueil, p. 81 ; Bièvre Poulalier, Chartes de S. Etienne, II, n° 11) : Judicatum namque est apud Ulmum de Cochiaco, domno Fulcone de Malliaco juste judicante...
» L'Orme de Couchey s'élevait entre le village de Couchey et celui de Marsannay : on ignore l'époque de sa disparition. Mais, nous dit un habitant de Couchey particulièrement informé du passé de son village, « le chemin de l'Orme » existe toujours : il prend sur le chemin de la Côte, un peu plus loin que le cimetière de Couchey et rejoint le « chemin de la Maladière », où passe aujourd'hui la voie du tramway, juste à l'endroit où ce chemin se trouve coupé par la limite commune des territoires de Marsannay et de Couchey : c'est là, sans doute, que s'élevait l'Orme de Couchey.
» Au point de vue proprement topographique, il est remarquable que le village actuel de Couchey se trouve situé à l'intersection du chemin de Pied-de-Mont (la voie préhistorique de Langres à Chalonsur-Saône) et de l'une des deux chaussées descendant du Mont-Afrique vers la plaine dijonnaise (l'autre étant celle qui passe à 800 mètres au nord de Marsannay). Cette chaussée, dite « chemin levé » dans les anciens terriers, et même dans les plans du xvine siècle (Arch. Côte-d'Or, E 789 et 791), semble avoir servi de démarcation, dans la partie orientale de son parcours, entre le territoire de Couchey et celui de Sampagny, villa aujourd'hui disparue, dont les textes signalent l'existence entre Marsannay-la-Côte et Gevrey (Sampaniacus, quod est inter Marcennacum et Givreium, xne s., Vita Garnerii prepositi, dans Pérard, p. 129) et même, un peu plus tard, alors sans doute qu'elle était déjà détruite, sur le territoire de Couchey (in territorio de Coiché quod dicitur Sampigneium, 1244, Cart. de S. Denis de Vergy, f° 21 ; in territorio de Coycheio, ubi dicitur en Sampigné 1, 1264, Arch. Côte-d'Or, Bèze H 153). — Par ailleurs, l'église de Couchey, dédiée à Saint-Germain, était F église-mère de cette portion de l'évêché de Langres : aux environs de l'an mille, et jusqu'au xne siècle, Notre-Dame de Marsannay et Saint-André de Perrigny n'étaient que ses annexes ; ce ne fut qu'entre 1158 et 1172, lorsque fut établi le prieuré-cure de Marsannay, que Couchey cessa d'avoir la prééminence religieuse sur ce petit canton. — Enfin, il convient de signaler, à 450 mètres au N.-N.-O. de l'église de Couchey, et contigu à l'agglomération actuelle, un ancien lieu-dit « Marmagne » 2 : on
1. Ce lieu-dit « en Sampigné », aujourd'hui « es Sampagny » se trouve de chaque côté (Sampagny du dessus et Sampagny du dessous) du chemin de la Côte, entre Fixin et Couchey, et à plus de 500 m. au sud de ce dernier village.
2. « En Marmaigne ou Belungé », 1712 (E 784) ; « En la Marmagne », vers 1780 (E 789).
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES v 147
sait qu'un tel vocable dénonce habituellement une station militaire du ive siècle, constituée en majeure partie à l'aide d'auxiliaires Marcomans. Symétrique de « Marmagne », à 300 mètres au S.-S.-E. de la même église, un lieu-dit « Bretonnière » ou « la Bretenière » 1, intermédiaire entre Couchey et le territoire de « Sampagny », rappelle peut-être une station de Bretons.
» Au point de vue féodal, le château de Couchey a succédé à une maison forte qui paraît avoir eu une certaine importance aux xne et xme siècles. Aymon le Roux, Aymo Rufus, Aymo Rufus de Divione, seigneur de Couchey au milieu du xne siècle (av. 1145-1171...) est un personnage considérable qui paraît fréquemment, par lui-même ou par son prévôt, dans les chartes de cette époque ; on lui connaît deux frères, Jobert et Guiard, qui figurent à plusieurs reprises à ses côtés ; son père, Guerri de Dijon, Widricus Divionensis (1102-1123) est l'un des chevaliers influents de l'entourage de duc Hugues II ; ses oncles, l'abbé Galon de Saint-Étienne (1116-1119), Hugues Chaplard (1102-1145) et Aymon de Marigny-sur-Ouche (1102-1123.) 2, sont également des personnages fort importants. Nous connaissons deux fils d'Aymon le Roux : le chevalier Eudes et Humbert, chanoine de Langres, mentionnés dans une charte de 1170 environ (Arch. Côte-d'Or, G 125, f° 70), où leur père, inftrmitate laborans, fait don à l'abbé de Saint-Étienne de tous ses droits sur les dîmes d'Ahuy 3. A la génération suivante nous plaçons, non sans hésitation, un second Eudes, Humbert et Gertrude, dame de Layer, tous trois nommés dans une charte de Cîteaux (Arch. Côte-d'Or, H 11 carton 489), où l'on voit que Gertrude et ses frères revendiquaient comme leur un moulin sis à Saulon et précédemment donné à Cîteaux 4 par Eudes II de Grancey, Jacques d'Estrabonne, son frère, et leur cousin Eudes de Marigny-sur-Ouche. Humbert le Pitois, seigneur de Monthelon (près Autun) et de Couchey, apparaît ensuite, avant 1139, où sa femme Aalis de Minot est déjà remariée à Simon II, vicomte de Latrecey (Arch. Côte-d'Or, H 11 cartul. 168, f° 64 v°, n° 10). Hugues le Pitois, Jacquette de Couchey et Jeanne, mariée à Humbert de Curley, enfants d'Humbert et d'Aalis, ne sont autres que les « damoiseaux de Couchey » dont il est question dans l'acte de vente de la « Maison au Singe », passé par leurs demi-frères, Jean, Renaud et Simon de Latrecey, au profit de l'abbaye de Fontenay, en 1265 (Arch. Côte-d'Or H 13 carton 572) : d'après le même acte, une maison
1. « En la Bretonnière » 1551 (E 768) ; « La Bretenière » vers 1780 (E 789).
2. Sur les Marigny-sur-Ouche, cf. les Mémoires de la Commission, XX, 1934, p. 155-162.
3. C'est à Daix, tout .près d'Ahuy, qu'apparaît, vers 1100, la dame Annilina, mère de Guerri, de Galon, d'Hugues et d'Aymon, aïeule d'Aymon le Roux.
4. La donation primitive, faite en 1210, est l'oeuvre de Damerons, dame d'Estrabonne, veuve de Renaud III de Grancey (H 11 carton 489).
148 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
contiguë à la « Maison au Singe » appartenait à Aimon III de Marigny-sur-Ouche, ce qui donne à penser que l'établissement dijonnais des diverses branches de cette famille chevaleresque se trouvait entre le palais ducal (aujourd'hui le palais de justice) et le mur sud du Castrum, tout près de la porte Vacange. — Durant toute cette période, les Saulon, les Chanlard et les Marigny-sur-Ouche n'ont jamais cessé d'avoir des intérêts à Couchey, et même, semble-t-il, d'y posséder des fiefs.
» II. — Trois chartes d'Auberive datées respectivement de 1202, 1223 et "1225 (Arch. Haute-Marne, H3 cartulaire d'Auberive non coté, chapitre VII, n°s 128, 129, 130 et 133, f°s 182-183) mentionnent dans le voisinage de Mirande un lieu-dit «le bois d'Oisseau », Foresta de Osseaus, Nemus de Oisseaus jquod est sub Mirandes. Ce lieu-dit se retrouve encore dans le terrier de Mirande de 1440 (Arch. Côted'Or, B 1022), « ou lieu-dit soubz le bois d'Oisseaulx », et dans la liste, dressée en 1525, des bornes de la banlieue de Dijon (Arch. Dijon, K 3), « une bosne au lieu que l'on dit ou Paquerot emprès le boys d'Ousseaul et entre Quetignerot, laquelle bosne est armoyée des armes de lad. ville, et près d'une autre bosne en laquelle sont les armes de Mons. de Roulan, sr de Chevigney-Saint-Saulveur ».
» Le rapprochement de ces divers textes nous conduit à situer ce « bois d'Oisseau » à l'E.-S.-E. de Mirande, non loin de l'extrémité orientale du image actuel de Dijon, tout près de l'endroit où se rencontrent les territoires de Quetigny et de Chevigny. Le nom même du « bois d'Oisseau » paraît être conservé dans celui du « Pâquier d'Arceau » (cadastre de Dijon, section N), et les deux bornes dont •il est question dans la liste de 1525 semblent bien être celles dont le « Pré des Bornes » (cadastre de Chevigny, section A) nous garde le souvenir.
» On peut se demander si ce nom d'« Oisseau », voisin de celui de « Mirande », ne décèle pas, comme lui, une ancienne limite — la limite est du pagus gaulois où se trouvait compris le territoire actuel de Dijon : «ocelum, nous dit C. Jullian, est un nom de lieu fréquent dans l'Occident celto-ligure, et placé d'ordinaire à des passages d'une cité à une autre ».
» Malheureusement, ocelum, alias uxellos, s'applique toujours à un lieu élevé, ce qui n'est pas le cas pour notre lieu-dit ; mais il se trouve que M. F. Lot a signalé (Recherches de toponomastique, dans les Mélanges H. d'Arbois de Jubainville, p. 169-185) un toponyme de forme très semblable oscellus, qui paraît se rattacher à la même racine que l'irlandais uisce, « eau », que le gaulois osca, d'où oscara (nom de notre rivière d'Ouche, Osche et Oische aux xiue et xive siècles). Dans ces conditions, « Oisseau » ferait allusion à la nature humide de la région, ce qui est précisément le cas, deux sources encadrant aujourd'hui encore le « bois d'Arceau ».
PROCES-VERBAUX DES SÉANCES x 149
» III. — Le nom, jusqu'à présent énigmatique de « Montmuzard » ne serait-il pas un nom importé au cours du xme siècle et ne représenterait-il pas un souvenir des croisades ?
» En fait, il existait au nord de Saint-Jean d'Acre un faubourg de ce nom, dont il est question dès 1190-1192 (Ambroise, Estoire de la guerre saincte, vers 2903), en 1225 (J. Delaville Le Roulx, Cartulaire général des Hospitaliers de Saint-Jean de Jérusalem, II, n° 1828 : « in suburbio civitatis Acconensis, in loco qui vulgariter dicitur Mons Musardus »), en 1260 et en 1266 (même cartulaire, II, n° 2949, et III, n° 3202). Saint Louis l'entoura d'un rempart en 1250, en raison de son importance croissante : il comptait, en effet, à cette date, une demi-douzaine d'églises et de monastères, entre autres celles et ceux des Frères Mineurs, des Trinitaires, des Carmes et des Frères de Saint-Thomas de Cantorbéry. Si l'on veut se faire une idée plus complète du Montmuzard d'Acre à la veille de la prise et de la destruction de la ville, en 1291, on pourra recourir au guide rédigé vers 1280 et intitulé Pelrinages et Pardouns de Acre (dans les Rinéraires à Jérusalem et descriptions de la Terre Sainte, publiés par H. Michelaut et G. Raynaud dans la Société de l'Orient latin, 1882, p. 235).
» Si l'on regarde un plan de la ville d'Acre, tel qu'elle existait vers cette date, on constate que le Montmuzard était contigu au rempart nord, à l'intérieur duquel se rencontraient successivement l'église Saint-Michel (dans le presbytère de laquelle Joinville fut hébergé), les bâtiments de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, enfin le Chastel (où séjourna saint Louis).
» N'est-il pas fort remarquable que le Montmuzard dijonnais, dont la plus ancienne mention est de 1297 (Arch. Côte-d'Or, G 173) soit alors signalé comme voisin d'une vigne appartenant à l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem : in loco qui dicitur Montmusart juxta vineam Hospitalis Ierosolimitani ? Fait non moins impressionnant, on constate que l'Hôpital possédait d'importantes propriétés sur le pourtour de la butte, en VArgillière (1241, H 112 carton 1201), c'est-à-dire au voisinage de la Fontaine des Suisses, en Bligny (1284, G 380), c'est-à-dire le long du chemin actuel de Dijon à Quetigny ; en Malboichat (1282, G 380), c'est-à-dire à l'extrémité occidentale du territoire de Quetigny ; enfin et surtout à Cromois (1191, H 112 carton 1205) aux confins des territoires de Saint-Apollinaire, de Quetigny et de Dijon. Bien plus, à cette date de 1191, Cromois était déjà une « maison » de l'Hôpital régulièrement constituée.
» A titre de confirmation de notre hypothèse, nous croyons devoir signaler que le seul Montmuzard connu en France, en dehors du Montmuzard de Dijon, se trouve lui aussi en relations avec des terres . de l'Hôpital de Saint-Jean de Jérusalem. Il s'agit de Montmezat, autrefois Montmusart (Chartes du Forez, V, p. 655-656, note analysant un terrier de 1337), Loire, canton de Feurs, commune de Saint-Martin
150 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
l'Estra, à 1 kilomètre N.-N.-O. de cette dernière localité, tout près de la route de Lyon.
» IV. — La plus ancienne mention du Moulin-Bernard se rencontre dans l'acte de fondation de la Chapelle-aux-Riches en 1189 : Dominique II le Riche, du consentement de son frère Evrard, fait don au nouvel hôpital de quatorze arpents de vigne situés près dudit moulin, XIIII jugera vinearum juxta molendinum Bernardi (Dom Plancher, Hist. de Bourgogne, I, pr., p. 63, n° 116).
Pour trouver des renseignements plus précis, il faut franchir une quarantaine d'années et examiner les chartes relatant l'acquisition du moulin par l'abbaye de Saint-Étienne : en 1236, celle qui enregistre la vente de la quatrième partie de ce moulin par Jean de Thenissey et Gertrude sa femme (Arch. Côte-d'Or, G 289) ; en 1238, celle qui enregistre la vente de la moitié du même moulin par Girard le Rosset, du consentement de ses fils, Pierre, Garnier et Gui (Arch. Côte-d'Or, ibid.). Ces deux personnages, Girard le Rosset et Jean de Thenissey, étaient frères (charte de 1233, Arch. Côte-d'Or, G 343) et fils de Jean le Roux, Johannes Rufus, alias Rossetus (1233 : G 343 ; 1235 : H 11 cartul. 168, f° 168 v°, n° 19), prévôt de Dijon en 1190 et jusque après 1197 (Dom Plancher, I, pr. CLXVIII) ; à son tour, Jean le Roux était le fils d'Evrard, prévôt de Dijon de 1182 à 1190, et mort après 1191 à la troisième croisade, où il avait accompagné le duc Hugues III.
» Nous ignorons si le prévôt Jean le Roux ou le Rousset s'identifie au Johannes Russet qui, en 1196, sert de témoin, avec Bonami le Riche, à une charte concernant Fontaines-lez-Dijon (Arch. Côte-d'Or, H 10 carton 394) ; et de même, nous ne savons pas quel lien pouvait l'unir à son homonyme Jean le Rosset, Johannes Rosset burgensis Divionensis, mari de Maria cognomenlo Ponchyete, et père de Dominique et de Raoul surnommé Boin, que nous voyons donner à Cîteaux, en 1198 et en 1205, une vigne sise au Pâquier, près de la corvée des moniales de Larrey (Arch. Côte-d'Or, H 11 cartul. 168, f° 168 v°, n° 16 ; f° 182, r°, n° 17). Mais nous ne .pouvons nous empêcher de remarquer qu'il existe vers le même temps un Dominique III le Riche (1189 : Arch. Côte-d'Or, G 132, f° 21), mort chanoine de la Sainte-Chapelle après 1244 (H 11 cartul. 168, f° 173 v°, n° 62 x) et fils de Bernard le Riche (G 132, f° 21 ; Obituaire de la Sainte-Chapelle, ms. 628 de la bibl. de Dijon, à la date du 18 janvier), oncle ou cousin des fondateurs de la Chapelle-aux-Riches, Dominique II et Evrard le Riche. — Cette communauté de noms familiaux, Dominique, Evrard, jointe à la proximité des possessions patrimoniales, ne décélerait-elle pas, pour tous ces personnages, une proche parenté, sinon une origine commune ?
■1. Donation à Cîteaux-d'une vigne sise anle Layreium... a parle ville Divionis.
PROCES-VERBAUX DES SÉANCES * 151
» Si notre hypothèse est exacte, on pourrait se demander si Bernard le Riche, qui vivait dans la seconde moitié du xne siècle, n'a pas quelque rapport avec le Moulin-Bernard, s'il n'est pas son constructeur ou son restaurateur, et si ce moulin n'est pas advenu à Girard le Rosset et à Jean de Thenissey par héritage, Jean le Rosset se trouvant, par exemple, le petit-fils de Bernard le Riche — ou son neveu.
» L'intérêt de cette conjecture serait de nous fournir une date approximative pour la construction ou la restauration du MoulinBernard ; mais, en même temps, elle nous fournirait un argument nouveau pour le rattachement des le Riche à la famille seigneuriale de Fontaine-lez-Dijon, illustrée, comme on sait, par saint Bernard. En effet, Dominique Ier le Riche, qui vivait de 1113 à 1150 environ, est le gendre d'Evrard le Maréchal, de la famille des « Maréchaux » qui apparaissent dans l'entourage des ducs pendant la première moitié du xne siècle, et dont l'une des principales possessions était Pouillylez-Dijon : à Pouilly, nous sommes à moins de 3 kilomètres du château de Fontaines — à moins de 2 kilomètres aussi de l'église paroissiale de Saint-Martin-des-Champs, dont Jean de Thenissey possédait les dîmes en 1244 (Arch. Côte-d'Or, G 332 ; cf. G 289) ».
Séance du 12 mai 1937
La séance est ouverte à 17 heures sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le président donne lecture d'une lettre de la direction générale des Beaux-Arts l'avisant que, par arrêté du 5 mai, l'hôtel Frantin, 62, rue Chabot-Charny, à Dijon, vient d'être inscrit sur l'Inventaire supplémentaire des Monuments historiques, comme suite au voeu émis par la Commission en séance du 14 avril dernier.
Ayant entendu parler, d'autre part, de l'existence des restes d'une ville gallo-romaine dans la forêt de Compierre, près de Clamecy, M. Fyot a demandé des précisions à M. Milande, président de la Société scientifique et artistique de Clamecy. Celui-ci a répondu que la découverte des vestiges en question remontait au début du xixe siècle et qu'il s'efforcerait de recueillir de nouveaux détails, afin de les communiquer à la Commission.
A propos de la composition décorative de l'abside de l'église de la Madeleine, à Paris, composition représentant «le Christianisme à travers les siècles » et qui vient d'être mise en valeur par un éclairage indirect, M. Fyot fait observer que son auteur, Charles Ziégler, élève d'Ingres, fut, de 1851 à 1855, directeur de l'École des Beaux-Arts de Dijon et conservateur de son musée. Il y a laissé deux tableaux
152 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
dont le plus remarquable, « les Pasteurs de la Bible », d'une composition harmonieuse et puissante, dans le style classique, n'est malheureusement plus dans la note de notre temps. Ziégler eut le tort de faire vendre un assez grand nombre de maquettes en terre cuite provenant du sculpteur Jean Dubois et que possédait le musée.
M. Grémaud, secrétaire, signale qu'au cours d'une récente installation d'égout rue du Vieux-Collège, à Dijon, on a mis au jour, face au n° 11, sous le trottoir et une partie de la chaussée, une cave de 3 mètres de largeur sur 2 mètres de hauteur environ.
Rue Vannerie, d'autre part, entre la rue Jeannin et la place Edgar - Quinet, face au n° 86, un puits circulaire fut rencontré dans les mêmes conditions quelques jours plus tard. Il était protégé par une voûte établie à 1 mètre sous la chaussée, tandis que Ja nappe d'eau s'étendait à 4m50 plus bas. Un souterrain voûté lui donnait accès de la cave de l'immeuble.
Ces deux ouvrages furent aussitôt comblés et M. Grémaud pense que leur construction jésuite 1 d'anciennes autorisations de voirie.
Après avoir cité quelques objets de la collection de M. Gustave Bouveret, de Dijon, dont une Vierge à l'Enfant et un saint Augustin en bois, M. Fyot attire l'attention sur un beau coq de bronze ciselé que M. Bouveret a bien voulu apporter à la Commission et qui paraît présenter un intérêt historique. Suivant une tradition de famille, en effet, il aurait fait partie de la décoration du trône de Louis-Philippe et aurait été ramassé lors d'un incendie provoqué par une des émeutes de juillet 1848 et du saccage du mobilier royal. M. Fyot croit pouvoir rapprocher cette tradition de l'incendie du poste du Château-d'eau, alimenté, le 24 juillet 1848, à l'aide de meubles jetés par les fenêtres du Palais-Royal, incendie allumé pour déloger la troupe qui tirait sur les insurgés. En tout cas, le coq de bronze massif a la même forme que ceux qui surmontaient la hampe des drapeaux, de 1830 à 1848, mais ces derniers étaient en cuivre repoussé.
Le président signale encore certaines découvertes de peintures murales dans plusieurs églises de la Côte-d'Or par M. Henri de Chazelle, notamment dans l'oratoire de son château de Romprey, dans les églises de Nan-sous-Thil et de Thoisy-la-Berchère. M. de Chazelle restaure les peintures qu'il découvre.
A ce propos, M. Oursel, vice-président, fait observer que ces « inventions » ne sont pas spéciales à la Côte-d'Or. Les églises de Vaultde-Lugny (Yonne), de Paray-le-Monial, par exemple, ont révélé des ensembles décoratifs tout à fait importants. On speut constater que beaucoup de ces peintures appartiennent au xve ou au xvie siècle. Il y aurait donc une étude à faire de l'activité artistique des peintres de cette époque dans notre province, et le premier élément de cette étude est d'établir et de tenir à jour la statistique des peintures murales des églises bourguignonnes.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES * 153
M. Oursel communique, d'autre part, un album de dessins et d'aquarelles de Gauthier-Stirum reproduisant essentiellement les objets antiques découverts à Broin-lez-Seurre, et dont la Commission des Antiquités a eu connaissance dans les premières années de son existence. Les planches sont datées de 1838 à 1848 et sont de haute qualité. L'album vient d'être acquis de la librairie Privât, à Paris, par la Bibliothèque municipale de Dijon.
La dite bibliothèque a également fait l'acquisition d'un document très curieux. C'est un rouleau de parchemin de 7m60 de long sur 0m41 de large, bordé d'une guirlande de feuillages et orné de vignettes à la gouache, blasons de France et de Navarre, image de saint Sébastien, etc. Sur deux colonnes sont disposées d'abord les ordonnances du Jeu de l'Arc à Dijon, puis la liste des chevaliers du noble jeu. Commencé en 1628, le rouleau se continue par additions successives jusqu'à 1788. C'est une pièce du plus haut intérêt, dont on trouverait peu d'analogues. Elle était, en 1902, chez le libraire-antiquaire Claudin, le fameux spécialiste des incunables, qui la vendit à M. Henri Gallice d'Épernay. Il a été vendu à la Bibliothèque de Dijon par M. j. Thiébaud, successeur du libraire E. Nourry, de Paris.
Enfin M. Fyot étant allé visiter l'église de Fauverney, a constaté l'aspect satisfaisant que lui ont donné les dernières réparations effectuées ; néanmoins, il a remarqué que l'absidiole du bas-côté septentrional était de nouveau envahie par l'humidité, ce qui implique probablement la nécessité d'un drainage supplémentaire.
La séance est levée à 18 h. 30.
Séance du 26 mai 1937
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
M. Gustave Bouveret, de Dijon, est élu associé.
M. Em. Broussolle, associé, attire l'attention de la Commission sur la réparation qui s'effectue présentement à la devanture de la maison des Cariatides, rue Chaudronnerie, à Dijon, maison classée parmi les monuments historiques. Sur ses conseils, on a dégagé quelque peu les têtes sculptées qui forment la clef des arcades cachées par la boiserie. L'aspect en est conforme à celui des têtes des cariatides de la façade, ce qui fait regretter que le 'dégagement complet des arcades ne soit pas opéré par l'enlèvement complet de la devanture, enlèvement auquel ne s'opposerait pas le locataire. Comme l'immeuble est propriété de la Ville, la Commission décide de demander à la municipalité de bien vouloir avoir l'obligeance de s'entendre avec
154 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
le Service des monuments historiques, afin que soit réalisée cette opération déjà réclamée l'année dernière par le Syndicat d'initiative de Dijon, dans l'intérêt de l'embellissement de la ville et de celui du tourisme.
Le président, citant le vote unanime par lequel le Conseil municipal de Dijon vient de reconnaître l'opportunité du classement intégral de la place d'Armes comme monument historique et de divers projets d'urbanisme qui sont connexes à ce classement, fait observer que ce beau résultat est dû, en partie, à l'intervention très active de la Commission des Antiquités 1. Il est convenu qu'une lettre sera envoyée à M. le Maire pour le remercier d'avoir, par sa propre influence, soutenu très efficacement le voeu et les démarches de la Commission.
M. Fyot rend compte de l'examen qu'il a fait de plaques de cheminée ou contrecoeur, qu'on lui a signalées au n° 35 de la rue des Godrans à Dijon. Il a pu identifier l'une d'elles portant un blason « écartelé au 1 et 4 de gueules à la croix endenchée d'or, cantonnée de quatre fers de lance d'argent ; au 2 et 3 d'argent aux trois pommes de pin de pourpre ». En timbre une couronne de comte, le tout entouré d'une ornementation de rinceaux Louis XIV. Ces armes sont celles des Le Gouz-Morin, dont un membre construisit, en 1707, le « Castel » qui, après de nombreuses vicissitudes, subsiste encore dans la rue Charles-Dumont. Peut-être la plaque en provient-elle.
Le président propose de demander l'inscription sur l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques d'une grande porte ouvragée située au n° 29 de la rue Crébillon, à Dijon. Cette porte, de style Louis XIV, appartenait, jadis, à l'hôtel de la famille Guillaume de Pressigny et un monogramme entrelacé, finement sculpté sur chacun des vantaux, présente deux G affrontés, un P et un B, qui paraissent représenter les initiales de Gabriel Guillaume (marié à Denise le Belin, seigneur de Pressigny). Il vivait en 1669 et avait pour père Barthélémy Guillaume de Pressigny auquel on avait jusqu'à présent attribué le monogramme.
M. G. Virely fait circuler un dessin de cette porte, qu'il a exécuté il y a quelques années, et la demande d'inscription est approuvée par la Compagnie.
Rappelant la récente présentation par M. Em. Broussolle de deux belles médailles relatives à l'origine des chemins de fer en France, M. Fyot donne quelques détails sur leur gravure : 1° Antoine Bovy
1. A titre documentaire, voir à la fin du présent compte-rendu, les textes in extenso du procès-verbal de la séance de la Commission extra-municipale réunie à l'Hôtel de ville pour discuter de l'opportunité de la sauvegarde de la place d'Armes et de l'ancienne rue Condé (partie de la rue de la Liberté) et de la délibération du Conseil municipal qui approuva leur classement parmi les monuments historiques. .
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES % 155
(1805-1867), élève de Pradier, et Genevois naturalisé français, dont les oeuvres considérables peuvent être comparées à celles des Dupré et des Varin ; 2° Armand Caqué (1793-1880), auteur de la fameuse série des rois de France, et qui avait acquis une extrême habileté de métier.
M. Oursel, vice-président, annonce que l'Académie de Dijon, malgré la modicité de ses ressources, n'a pas hésité, cette année encore, à allouer une certaine somme à M. Henry Corot,-membre non résidant, pour permettre à celui-ci de continuer les fouilles de la Commission aux sources de la Seine. Cette somme, d'ailleurs, s'ajoute à celle que la Société des fouilles archéologiques vient de voter dans le même but. La campagne commencera le 1er juillet prochain.
M. Fyot résume un mémoire sur le « Rabot de Jean sans Peur » qu'il présentera, prochainement, à Auxerre, au Congrès de l'Association bourguignonne des Sociétés savantes.
La minorité du roi Charles VI, indéfiniment prolongée par sa folie, avait suscité la rivalité de son frère Louis d'Orléans et de son oncle, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, qui se disputaient la tutelle du roi et le gouvernement du royaume.
Le duc Philippe, qui l'emportait sur Louis d'Orléans par la sagesse et l'expérience, étant mort en 1404, son fils Jean sans Peur hérita de ses ambitions et de son antipathie pour le frère du roi, soutenu par la reine Isabeau de Bavière. Des alternatives de haine, de menaces et de courtes réconciliations aboutirent à pousser à bout les deux cousins, à tel point que Louis d'Orléans, par malice orgueilleuse, fit broder sur ses étendards un bâton noueux, symbole de la correction qu'il prétendait infliger à Jean sans Peur.
Celui-ci, tout aussitôt, fit peindre sur ses fanions un rabot destiné, disait-il, à raser les noeuds du fameux bâton. Les deux emblèmes se trouvèrent, pour la première fois, en présence entre Argenteuil et Monfaucon où les deux ennemis faillirent se livrer bataille. Cependant, une feinte réconciliation évita la catastrophe, sans atténuer pour autant l'aversion qu'ils avaient l'un pour l'autre. Aussi, Jean sans Peur, avec une obstination rageuse, multiplia-t-il les rabots sur les armes, les pennons, les vêtements de ses gens, les bijoux. Il en fit de somptueux cadeaux, particulièrement en montures sur colliers d'or, semés de perles, de rubis et de diamants dont plusieurs descriptions sont données. Tout son entourage épousait ainsi sa querelle, et le duc Jean, grisé par l'influence qu'il avait obtenue à la cour du roi de France, voulut en finir une bonne fois avec les intrigues de Louis d'Orléans, et le fit assassiner le 23 novembre 1407. Meurtre abominable que le duc de Bourgogne essaya de faire justifier par le cordeliér Jean Petit, mais qui aboutit à la sanglante rivalité des Armagnacs et des Bourguignons.
Jean sans Peur devait, à son tour, payer sa dette en tombant,
156 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
le 10 septembre 1419, sous la hache de Tanneguy-Duchâtel, et fournir ainsi l'occasion de funeste vengeance qui allait jeter son fils dans l'alliance anglaise. C'est ainsi que bâton noueux et rabot, emblèmes de rivalités personnelles, devaient entraîner la France à deux doigts de sa perte.
La séance est levée à 18 h. 30.
VILLE DE DIJON CLASSEMENT PARMI LES MONUMENTS HISTORIQUES
DES FAÇADES EN HÉMICYCLE DE LA PLACE D'ARMES
ET DE CELLES DES PAVILLONS D'ANGLE
RUES DE LA LIBERTÉ ET RAMEAU
Commission extra-municipale (décision de la Commission des travaux des 16 mars et 8 avril 1937)
PROCÈS-VERBAL de la séance du 26 avril 1937
La séance est ouverte à 15 heures, sous la présidence de M. Lucien THOMAS, premier adjoint, qui excuse M. le Député-Maire JARDILLIER, ministre des P.T.T., retenu inopinément à Paris par un conseil de cabinet.
Sont présents MM. : CLERC, COQUILLAT, GUERRIN, Pierre THOMAS, conseillers municipaux, membres
de la Commission des travaux ; REINSON, ingénieur en chef de la Ville ; PARISOT, architecte municipal ; OURSEL, président de l'Académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon,
vice-président de la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or ; FYOT, président ; GRÉMAUD, secrétaire ; CHARRIER, H. DROUOT, FOREY, VIGOUREUX, membres de ladite Commission des Antiquités ; MONTMEY, président, et MERCIER, secrétaire du Syndicat d'initiative de Dijon ; VERNAY-LOGEROT, BREUIL, CHARLES, DURIEZ, commerçants de la rue de la Liberté.
Se sont excusés MM. :
Edouard ESTAUNIÉ, de l'Académie française, président de l'Association bourguignonne des Sociétés savantes ; GASQ, membre de l'Institut, conservateur du Musée de Dijon ; ROUPNEL, professeur d'histoire de Bourgogne à la Faculté des Lettres de Dijon; DELESSARD, archiviste départemental, — dont les lettres ou copies de ces lettres sont jointes au présent procès-verbal.
M. Grémaud est prié de remplir les fonctions de secrétaire de séance.
Après avoir rappelé la décision de la Commission des travaux du 16 mars dernier, M. le Président expose l'état de la question et exprime le désir de la Municipalité d'avoir l'avis en la matière et des historiens et érudits, amis du Vieux Dijon, et des commerçants dont les intérêts peuvent être engagés par les solutions qui seraient adoptées.
M. Parisot résume les motifs qui peuvent s'opposer au, classement actuel de la place d'Armes tel qu'il est proposé, parce que cette mesure entraîne ipso
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 157
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facto le maintien de la rue de la Liberté (ancienne rue Condé) et de la rue Rameau à leur largeur actuelle.
Or ce maintien est rendu difficile par la nécessité de satisfaire à une circulation de plus en plus intense.
D'autre part M. Parisot se demande s'il sera possible, après avoir empêché cet élargissement, de conserver cependant le caractère architectural de tous les immeubles si un accident fortuit venait à endommager gravement l'un d'eux. Dans cette hypothèse, on se trouverait avoir engagé l'avenir pour conserver un état de choses dont on serait incapable de garantir la pérennité.
M. Grémaud fait remarquer que le classement de la place d'Armes pourvoit en ce qui concerne cette place au risque de modification. D'autre part, en ce qui concerne la rue de la Liberté, un arrêté d'inscription sur l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques, pris à la diligence de l'administration municipale, est à la signature de M. le Ministre de l'Éducation nationale et doit obvier au risque éventuel de transformation ou d'altération des façades et des toitures de cette rue. .
Avant de formuler son propre avis, M. Oursel donne lecture des lettres d'excuses de MM. Estaunié et Roupnel. L'un et l'autre insistent sur la nécessité de garder à la ville un caractère historique et architectural qui est son essence même, qui la met au premier rang des villes d'art françaises et qui, à ce titre, attire et retient tous les étrangers qui passent à Dijon ou qui s'arrêtent en notre ville précisément en raison de son aspect.
A ces motifs M. Oursel ajoute des données historiques qui font de l'ensemble urbain dont il est question un legs précieux de l'art du grand siècle réalisé à Dijon par la volonté de Louis XIV, de son ministre et surintendant des bâtiments Colbert et de l'architecte royal Mansart. Ce simple rappel de faits historiques indique suffisamment les titres de cet ensemble à être conservé et l'attrait qu'il exerce sur l'étranger. Et il ne lui paraît pas démontré que les difficultés de la circulation en exigent le sacrifice.
M. Fyot fait observer que le premier projet de percement d'une artère partant de la rue Bossuet pour joindre la rue Vauban en traversant les rues du Bourg et Jules Mercier remonte à plus d'un siècle. On en avait reconnu la grande utilité en 1834 et ce projet, voté deux fois par le Conseil municipal, y compris son mode d'exécution par une société « en participation d'actions », ne fut abandonné qu'en raison de sa coïncidence avec la création du quartier Saint-Bernard.
L'harmonie évidente et voulue de l'ancienne rue Condé avec la place d'Armes, composant de la sorte un type remarquable d'architecture urbaine au temps de Louis XIV, suggère, d'autre part, à M. Fyot que dans la série ininterrompue des styles du xie siècle à nos jours, offerte par Dijon aux touristes, aux érudits et aux artistes, une atteinte quelconque à l'intégralité de la place et de la rue en question occasionnerait une énorme lacune en cette admirable suite de monuments rappelant toutes les périodes de l'hisfoire dijonnaise..
Au surplus, ajoute-t-il, c'est particulièrement cet ensemble varié, avec ses perspectives imprévues et ses dispositions pittoresques qui ravit les visiteurs à Dijon. Aussi M. Fyot est-il heureux de transmettre à la Commission extramunicipale l'impression qu'il a pu recueillir dernièrement à la séance du Conseil d'administration des Amis des Arts qui, instruit de certains projets d'urbanisme concernant notre ville, s'est prononcé unanimement pour que les Dijonnais respectent avec une véritable piété filiale les monuments et la configuration essentielle du Vieux Dijon, caractère intégrant de la capitale de la Bourgogne.
M. Montmey, au nom du Syndicat d'initiative de Dijon, demande le maintien de la rue de la Liberté à sa largeur et avec son aspect actuels et réclame la suppression du tramway électrique ainsi que la création d'une rue et d'un parc à voitures dans le quartier de la rue Dauphine, avec voies d'accès depuis les rues Bossuet (extrémité sud), Piron, du Bourg et de la Liberté (tracé de la rue Dauphine), tel que le projet en a été prévu par le Service du Plan de la ville, le 13 mars dernier.
158 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
M. le commandant Charrier, au nom du Comité de propagande Pour la Bourgogne, émanation de la Chambre de Commerce, apporte une adhésion pleine et entière à l'avis du Syndicat d'initiative.
M. Vernay-Logerot manifeste l'attachement le plus vif à la conservation de la me de la Liberté chère à tous les Dijonnais, malgré les quelques servitudes qui en résultent pour le commerce des riverains.
Il estime, après avoir soigneusement revu sur place la topographie des lieu x, que le décongestionnement de la rue de la Liberté sera pleinement réalisé : 1° par la suppression du tramway ; .
2° par la création d'un parc à voitures avec voies d'accès place Bossuet, rue de la Liberté, rue Piron et rue du Bourg, à la place des immeubles insalubres de la rue Dauphine. Sur la rue de la Liberté la voie serait aménagée en passage couvert à travers les arcades ouvertes au rez-de-chaussée, l'étage demeurant construit, tel que le projet en a été établi par le Service du Plan, le 13 mars dernier.
Il pense en outre que le caractère architectural ancien pourra être progressivement rétabli par la libre adhésion des riverains.
MM. Breuil, Charles et Duriez abondent dans ce sens en insistant sur les inconvénients du tramway.
M. Parisot demande par quel moyen sera imposée aux propriétaires la conservation des immeubles dans leur élévation actuelle et comment seront évitées clans le voisinage des constructions disgracieuses dont l'échantillon est déjà donné dans l'ancienne rue Guillaume (portion architecturale de la rue de la Liberté).
M. Forey remarque que cette défense peut être automatiquement assurée par la législation des monuments historiques quand les immeubles deviennent protégés par le classement ou par l'inscription à l'inventaire.
M. Grémaud ajoute que, du point de vue local, des servitudes strictes peuvent être imposées par un nouveau règlement de voirie à annexer au plan d'embellissement de la ville qui sera prochainement soumis à l'approbation de l'administration supérieure.
Des observations de détail sont en outre présentées par MM. H. Drouot, J. Mercier et Coquillat.
M. le Président ayant demandé si quelque membre avait d'autres observations à formuler, M. Grémaud attire l'attention de la Commission sur un projet d'alignement du plan d'aménagement de la ville qui aurait pour effet de sacrifier une partie de l'ancien hôtel Frantin, 62, rue Chabot-Charny. Or cet hôtel, de pur style parlementaire, est en instance d'inscription sur l'Inventaire des monuments historiques en raison du caractère architectural de sa façade et de la richesse artistique d'un salon au premier étage. M. Grémaud demande la sauvegarde de cet immeuble.
M. Parisot répond que le projet d'alignement en question pourra être modifié en conséquence.
M. le Président remercie les membres présents de l'avis qu'ils ont exprimé et de la collaboration qu'ils apportent ainsi à l'administration municipale. Il voit dans, cette discussion la preuve de l'utilité'd'une Commission du Vieux Dijon qui, un instant créée, est tombée en désuétude. Il importe de la faire revivre et il espère que les membres présents de la Commission extra-municipale voudront bien en faire partie. Il déclare enfin que M. le député-maire Jardillier, qui regrette de ne pouvoir présider la séance, est, pour sa part, complètement partisan de la conservation intégrale des façades de la place d'Armes et de la rue de la Liberté et du maintien de leur largeur actuelle.
Pour conclure, la Commission est d'avis : '
1 ° que le classement de la place d'Armes s'impose ;
2° que le maintien de l'architecture de la rue de la Liberté à sa largeur actuelle ne doit pas faire discussion ; 3° qu'accessoirement le problème de la circulation dans cette rue peut être
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résolu d'une part par la suppression du tramway, d'autre part par la création a) d'une voie parallèle aux rues de la Liberté et Rameau, prenant rue de la Liberté à l'angle de la rue du Chapeau-Rouge et se raccordant, sur une place à établir dans le quartier insalubre de la rue Dauphine et à utiliser comme garage à voitures, à une autre rue venant de la place Bossuet, pour aboutir finalement place du Théâtre ; b) de voies d'accès à ladite place prenant rue Piron et rue de la Liberté à l'emplacement de la rue Dauphine, cette dernière voie étant aménagée en passage couvert à travers les arcades ouvertes au rez-de-chaussée, l'étage demeurant construit, percées telles que les projets en ont été soumis par le Service du Plan à la Commission des travaux le 15 mars dernier ;
4° qu'il y a lieu pour conserver l'aspect général du Vieux Dijon d'établir un règlement spécial des constructions.
Elle se félicite enfin de voir rétablir la Commission du Vieux Dijon pour l'étude des questions concernant l'ancienne ville.
Fait à Dijon, le 28 avril 1937. Le président, Le secrétaire,
L. THOMAS. G. GRÉMAUD.
EXTRAIT
DU
REGISTRE DES DÉLIBÉRATIONS
du Conseil municipal de la Ville de Dijon
Séance du 22 mai 1937
Président : M. JARDILLIER Robert, maire.
Secrétaire : M. BERTHIER.
Membres présents : MM. THOMAS Lucien, LHUILLIER, VÈQUE, BOUSSARD, CARTAUX, MALDANT, CONNES, GUERRIN, DOREY, RUPIN, JÉZÉQUEL, VUILLAUME, BRIFFAUT, GLEIZE, CHAPUIS, DUPUIS, FRACHOT, VIEILLARD-BARON, DARDELIN, BAZEROLLE, BOURILLOT, COGNET, CLERG, MAUCHAUSSÉE, TAINTURIER, THOMAS Pierre, COQUILLAT, DESSIRIER, POTET, CHANTRIAUX, MAÎTRE.
Membres excusés : MM. AGRON, TILLIER.
M. le Maire expose : MESSIEURS,
Le 6 janvier dernier, M. le Préfet de la Côte-d'Or faisait connaître à l'administration municipale que la Commission des monuments historiques venait d'attirer l'attention de M. le Ministre de l'Éducation nationale sur l'intérêt que présentait la place d'Armes et qu'elle avait proposé le classement des façades de l'hémicycle et de celles des pavillons d'angle rues de la Liberté et Rameau.
M. le Préfet ajoutait que M. le Ministre sollicitait en conséquence l'avis de votre Conseil sur cette proposition, la Ville étant propriétaire de ces façades.
Nous ne ferons pas ici l'historique de l'aménagement de cette place au sujet de laquelle ont été publiés plusieurs études et mémoires avertis où les nombreux documents que possèdent sur cette entreprise de voirie nos archives municipales et départementales ont été mis fréquemment et judicieusement à contribution.
Qu'il nous suffise de rappeler que l'idée générale qui présida à l'élaboration et à la réalisation dé cet ensemble d'architecture remonte à Louis XIV lui-même et à son ministre et surintendant des bâtiments Colbert, lequel, par arrêt rendu
160 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
en Conseil du Roi le 1er juin 1680, décidait que «pour augmenter l'embellissement de la Ville et la décoration du logis de sa majesté... il seroit nécessaire de faire une place devant ledit logis, pour en rendre l'entrée plus facile et plus belle... »; que, d'autre part, l'architecte royal Mansart en traça les plans en 1681 et qu'il délégua l'un de ses élèves, Martin de Noinville, pour les mettre en oeuvre ; qu'enfin, la Ville ayant trouvé les ressources nécessaires pour entreprendre les travaux, ceux-ci furent confiés en 1686 au Dijonnais Pierre Lambert, lequel s'attacha à exécuter scrupuleusement les prescriptions d'un cahier des charges qui avait tout prévu pour assurer l'exécution intégrale et la conservation de ces plans.
Aussi bien, dès la fin du xvne siècle, comme en peut s'en rendre compte d'après un dessin cavalier de Mansart, conservé à la Bibliothèque de l'Université à Paris, la place présente-t-elle, avec ses retours amorcés sur les futures rues Condé et de la Sainte-Chapelle, cette harmonie et cette justesse de proportions qui en font encore son charme malgré les malencontreuses surélévations tolérées au siècle dernier.
Ce simple rappel de faits historiques indique donc suffisamment les titres de cet ensemble à être conservé.
Appelée à examiner la proposition de classement formulée par la Commission des Monuments historiques, votre Commission des travaux, Messieurs, en a reconnu le bien-fondé. Ayant constaté, cependant, que le maintien intégral de la place interdisait l'élargissement des rues de la Liberté et Rameau, elle a estimé souhaitable, pour décongestionner ces rues, le percement d'une voie parallèle à travers le quartier insalubre de la rue Dauphine, telle que le tracé venait d'en être étudié par nos services du Plan et du Vieux Dijon.
Mais, par ailleurs, elle s'est demandée si la création de cette nouvelle voie ne serait pas sans apporter quelque préjudice au commerce du centre de la ville. Aussi bien, estima-t-elle nécessaire d'avoir l'avis en la matière et des historiens et érudits, amis du Vieux Dijon, et des commerçants dont les intérêts pouvaient être engagés. Elle décida donc d'entendre, à cet effet, une commission extramunicipale composée de membres de la Commission des Antiquités de la Côted'Or, du Syndicat d'initiative de Dijon, de commerçants de la rue de la Liberté et de représentants de l'administration municipale.
Réunie le 26 avril dernier à l'Hôtel de Ville, cette Commission, après avoir étudié la question minutieusement, prit les conclusions suivantes : 1° le classement intégral de la place d'Armes s'impose ; 2° le maintien à sa largeur actuelle de l'architecture de la rue de la Liberté, entre le Coin du Miroir et la place d'Armes, ne doit pas faire discussion ;
3° le problème de la circulation dans cette rue peut être résolu, d'une part, par la suppression du tramway, d'autre part, par la création, dans le quartier de la rue Dauphine, d'une voie parallèle prenant rue du Chapeau-Rouge et aboutissant place du Théâtre, ainsi que d'un parc à autos et de voies d'accès secondaires, tels que le projet en a été dressé par le Service du Plan.
En conséquence, Messieurs, pour conserver à Dijon ce type remarquable d'architecture urbaine que constitue la place d'Armes avec ses amorces rues de la Liberté et Rameau, pour empêcher qu'une atteinte quelconque à l'intégralité de cette place et de l'ancienne rue Condé n'occasionne une énorme lacune dans la série ininterrompue des styles que notre ville peut offrir à ses habitants, comme à ses visiteurs, du xic siècle à nos jours, je vous demande de bien vouloir donner un avis favorable à la proposition de classement des façades de cette place parmi les monuments historiques. Adopté.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 161
Séance du 9 juin 1937
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
M. Grémaud, secrétaire, signale que, le matin même, au cours d'une installation d'égout, a été mis au jour, place Edgar-Quinet, sous le trottoir face au n° 13, un puits circulaire recouvert par une dalle énorme et dont le niveau d'eau s'étend entre 5 et 6 mètres en contre-bas. Ce puits ne communiquait pas avec la cave de l'immeuble comme celui dont il a été question à la dernière séance. Il dut être bouché quand la place fut aménagée dans son état actuel au cours du xixe siècle.
Le président félicite M. Paul Lebel, associé, qui vient de recevoir les palmes académiques.
M. Pierre Beck, nouvel architecte des monuments historiques de la Côte-d'Or, est élu associé.
A propos d'une récente excursion du Syndicat d'initiative de Dijon à laquelle il prit part, M. Fyot parle des restes de l'ancienne abbaye de Bèze que les touristes visitèrent sous la direction de son propriétaire, M. Breuil. M. Fyot fait circuler un croquis à la plume, exécuté de mémoire, représentant le haut d'un pilastre cannelé, avec chapiteau trapézoïdal à personnages très effacés, de style roman. Cette partie de pilastre sort de terre sur une hauteur deOm80 environ. L'autre partie doit se prolonger dans le sol à une profondeur sans doute considérable. Peut-être appartenait-il à cette église monacale, aujourd'hui disparue, que les religieux appelaient, dit-on, « la cathédrale ». M. Breuil se propose, sur la demande qui lui en fut faite, de déchausser ce pilastre aussi profondément que possible.
M. Fyot signale, en outre, que, sur la place de Bèze, la Compagnie des autobus a placé un écriteau très voyant sur un tympan d'arcade de la maison du xme siècle classée comme monument historique, ce qui est illégal. Il suffira, sans doute, de signaler le fait pour qu'on y remédie, sans autre avertissement.
Le président fait part de la pleine réussite du dernier Congrès de l'Association bourguignonne des Sociétés savantes, tenu à Auxerre. Nombre de personnalités de Paris et de la Bourgogne rehaussèrent ces travaux de leur présence ; mais on eut à regretter l'absence forcée du président de l'Association, M. Edouard Estaunié, retenu au loin par son état de santé.
M. l'abbé Chaume, membre résidant, signale la publication toute récente de l'important mémoire de M. Paul Lebel, associé, Où en est le problème d'Equoranda, Equaranda? Paru en avril dernier dans la Romania, ce beau mémoire, de l'aveu des spécialistes, constitue une mise au. point de tout premier ordre, puisque, les éléments qu'il
162 PROCÈS-VERBAUX BES SÉANCES
fournit permettent de distinguer désormais, avec une quasi certitude, les vrais et les faux Equoranda. Ce toponyme, comme on sait, jalonne les frontières des cités et des pays de l'ancienne Gaule et l'on peut espérer, lorsqu'on aura dressé la liste complète des noms de lieux et de lieux-dits qui nous l'ont conservé, pouvoir retracer la plus ancienne carte géographique de notre pays.
A ce propos, M. l'abbé Chaume rappelle que, parallèlement à la recherche méthodique des Equoranda, il y a lieu d'en entreprendre une autre sur les « bornes frontières », dites généralement Pierres Fittes. Ses investigations lui ont permis d'en déterminer, dans notre département, un certain nombre, dont voici le relevé sommaire : Pierrefitte, Monthélie, sect. A ; Pierre friche, Saint-Martin-du-Mont, sect. F ; Pierrefrite, Gevrolles, sect. A, Genay, sect. E, Villeberny, sect. A ; Pierrefîche, Quemigny-sur-Seine, sect. C, Duesme, sect. C, Aignay-le-Duc, sect. F, Coulmier-le-Sec, sect. B-C, Panges, sect. D, Saint-Anthost, sect. A. Peut-être faut-il y joindre Pierrefolle, Thoisy-la-Berchère, sect. B et Brazey-en-Morvan, sect. C ; Pierrepointe, le menhir bien connu de Sussey ; Pierrelevée, Diancey, sect. B, Liernais, sect. B et E et Montliot. Il serait du plus haut intérêt de pouvoir compléter et préciser cette liste, et l'on peut exprimer le voeu que les associés et les correspondants de la Commission veuillent bien y aider.
M. l'abbé Chaume donne ensuite quelques indications sur un certain nombre de localités aujourd'hui complètement disparues qui se trouvaient entre la Côte et la vallée de l'Ouche, dans le voisinage plus ou moins immédiat de Dijon.
Comme suite à cette communication, M. Grémaud signale l'état d'abandon et de délabrement dans lequel se trouvent les bâtiments de la ferme de Leuzeu. Il rappelle que des planchers à la française, curieusement peints aux armes d'Anselme de Gatebois, s'y voient encore, mais risquent de disparaître si des mesures ne sont pas prises pour en assurer la sauvegarde. Comme ces plafonds sont inscrits sur l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques il est décidé que le service desdits monuments sera informé à toutes fins utiles.
La séance est levée à 18 h. 45.
ANNEXE
TOPOGRAPHIE ANCIENNE DES ENVIRONS DE DIJON
LES VILLAGES DISPARUS
DE LA RÉGION OUEST ET SUD-OUEST
ENTRE LA COTE ET LA VALLÉE DE L'OUCHE
(par M. l'abbé Chaume, membre résidant)
« Les chartes de l'époque mérovingienne et carolingienne signalent
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 163
Giron, Gironus, qu'il faut chercher non loin de la ferme de ce nom, sans doute près du puits si curieux qui se trouve sur le versant sud de la Motte ; Argillières, Arzillerim, qui pourrait être localisé entre la Bergerie et la rente du Pré, aujourd'hui Gouville, sinon avec Gouville lui-même ; Bussy-Haut, Bicisus, au-dessus du versant du nordouest de la combe à la Serpent ; Saligny-Haut, Siliniacus, sur le plateau, à 1.500 mètres au sud de la ferme de la Cras ; enfin Combeuf, Comboiuin, dont un lieu-dit situé à 500 mètres de l'église de Corcelles, au croisement des chemins de Plombières et de Velars, nous révèle l'emplacement.
» Les mêmes chartes nous font connaître Congé, Scontium, clans un repli du vallon qui sépare le Mont-Afrique de la montagne d'Étang, et sur les pentes de celle-ci ; et peut-être un Domois, Dusmensis villa, que l'on est tenté de placer en face de Congé, entre Corcelles et Velars. Étang, Stannum, qui donne son nom à la montagne de Velars, n'est connu que par les textes du xme et du xive siècle.
» Au delà de Flavignerot, et tout à l'extrémité du territoire de Fixin, Chamerey, aujourd'hui simple ferme, apparaît dans une charte de Saint-Étienne de 1245 : il s'agit, semble-t-il, d'une villa Camariacus, dont l'origine pourrait être gallo-romaine. Au delà de Çlémencey, nous trouvons un Bruant, distinct à la fois du hameau de Bruant, qui dominait l'Ouche, tout près du débouché de la combe à la Serpent, et du Bruant qui existe encore aujourd'hui sur le territoire de Détain : ce Bruant, voisin de Çlémencey, était déjà détruit au xve siècle, de même que Mailly, dont d'anciens lieux-dits nous font connaître la situation, et peut-être la distinction en deux agglomérations (le grand et le petit Mailly), au nord-ouest de Çlémencey, dans la direction de Charmois.
» La grange de Charmois, dont il ne subsiste que des ruines, était fort prospère au xme siècle, de même que la grange des Ecotois, dont les habitants étaient assez riches, en 1301, pour acheter les bois de leur voisinage.
» Enfin Leuzeu, aujourd'hui abandonné, paraît avoir joui, bien avant l'époque où on le fortifia (xvie siècle), d'une sorte de prééminence dont on pourrait énumérer de multiples indices : ses troupeaux, par exemple, allaient pâturer par delà Flavignerot jusqu'au voisinage de Corcelles.
» La graphie récente de Leuzeu, Lezeuil, qui évoque l'idée d'une formation antique en oialos, « la clairière » en gaulois, ne doit pas faire illusion. Les graphies anciennes ne présentent rien qui favorise cette étymologie : en 1724, on trouve Leuseu, qui ressemble fort au vieux nom de Luxeuil, Lusseu (et alors serions-nous en présence d'une source sacrée placée sous la protection du dieu gaulois Lussovios ?) ; en 1299, Lehusuy, qui rappelle le nom de Leuze, aujourd'hui Saint-Emiland (Lahusia en 1268 : et alors aurions-nous une allusion
164 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
aux pierres plates, lausae, si fréquentes dans la région ?) ; en 1391, Leuxet, dont la forme demeure énigmatique ».
Séance du 23 juin 1937
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
Le président donne lecture :
1° d'une lettre de MUe Vitet, de Genève, qui accepte le projet d'inscription sur l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques de la porte sculptée faisant partie de l'immeuble qu'elle possède à Dijon, 27, rue Crébillon (ancien hôtel de Pressigny) ;
2° d'une lettre de M. Emile Thevenot qui remercie la Commission d'avoir envisagé favorablement le principe de son projet de remaniement de la colonne de Cussy et qui propose de faire sur place une démonstration du bien-fondé de sa théorie entre le 15 août et le 30 septembre prochains.
Le président communique, d'autre part, une circulaire de la « Sauvegarde de l'Art français » qui demande l'appui moral de la Commission pour protester contre un projet d'autostrade ,sur les côtes de Bretagne, projet susceptible de nuire grandement au caractère éminemment touristique de cette région. A l'unanimité la Compagnie donne son adhésion à cette protestation.
La même adhésion est donnée à la « Société pour l'esthétique générale de la France » qui sollicite un appui du même genre et des renseignements éventuels pour préserver la beauté des paysages français contre les entreprises de nature à la détruire ou à l'altérer.
Le président fait part ensuite du décès de M. Ernest Bertrand, correspondant du ministère de l'Éducation nationale, survenu le 14 juin dernier, et retrace à grands traits son activité dans le domaine de l'archéologie. Né à Veuxhaulles (Côte-d'Or), en 1869, élu associé de la Commission le 2 février 1922, M. Bertrand s'était adonné particulièrement à l'archéologie préhistorique et gallo-romaine, ainsi qu'à la numismatique de ces deux périodes. M. Fyot énumère à cet effet ses communications tant à la Commission des Antiquités qu'aux autres sociétés, et rappelle les principaux résultats de ses fouilles, particulièrement de celles du Mont-Afrique, près Dijon.
Comme suite à cet éloge nécrologique, M. Grémaud, secrétaire, signale et résume une communication de M. Bertrand publiée avec la collaboration de M. E. Guyot, associé, dans le dernier Bulletin archéologique du comité des travaux historiques (années 1932-1933) sur les découvertes de la bourgade gallo-romaine du Bolar, à NuitsSaint-Georges.
PROCES-VERBAUX DES SÉANCES 165
Il signale également, dans le même Bulletin, une autre communication de M. Guyot sur les fouilles d'un cimetière gallo-romain à Corcelles-les-Monts, un mémoire de M. J. Lagorgette, associé, sur ses fouilles de la station hallstattienne de Vix, près Châtillon-surSeine, une note enfin de M. H. Corot, membre non résidant, sur quelques objets de parure et d'ornement, permettant de jalonner le cheminement de certaines tribus des peuples migrateurs à travers la France, vers la fin de l'époque hallstattienne.
M. Fyot donne encore lecture d'une note de M. Garnier, correspondant à Recey-sur-Ource, sur les bornes armoriées de la forêt des Pierges, commune de Recey.
M. Grémaud lit une note de M. H. Drouot, membre résidant, signalant la publication,. dans le fascicule de mai dernier d'JEsculape, d'un article de M. Marcel Durand, ancien interne des hôpitaux de Paris, sur Les pleurants du tombeau de Philippe le Hardi.
Comme suite à cette communication, M. Fyot lit une lettre de M. Marion, associé, qui présente quelques remarques sur certains pleurants, dont les avant-bras seraient trop courts sous les draperies qui les dissimulent. ,
Appelé à donner son avis, le lieutenant-colonel Andrieu signale que l'article de M. Durand est accompagné d'une copieuse et belle illustration, puisée dans le livre de M. Roggen, et de reproductions des moulages publiés par le Musée de sculpture comparée ; il y a, en outre, un fragment de gravure de Dom Plancher. Les observations de M. Drouot sont à retenir. L'apport personnel de M. Durand se borne, dans l'ensemble, à quelques signalements anatomiques, en particulier pour le pleurant 40, dont Dijon n'a qu'un moulage, alors que l'original est au musée de Cluny. Quant à ses interprétations, elles sont quelque peu fantaisistes, notamment celle qui consiste à considérer comme des « farfadets » les petits personnages, dont l'ordre répond à un rite religieux.
Le lieutenant-colonel Andrieu invoque ensuite ses propres travaux sur ce sujet, et parmi eux, ses essais d'identification présentés au congrès de Dijon, en 1935, et publiés dans la Revue belge d'archéologie et d'histoire de l'Art (t. V, 1935).
On fait ensuite circuler une pièce de laiton que M. Paul Lebel, associé, a extraite de sa collection. Elle est au nom de Marie de Bourgogne, la fille du Téméraire.
M. Grémaud lit encore une communication de M. P. Lebel sur les noms de moulin du type Roche dans le glossaire toponymique français. En voici l'analyse.
Il est troublant de constater que de multiples écarts au bord des ruisseaux (ce sont le plus souvent des moulins), portent le nom de Roche ou Roque ou d'autres appellations diminutives de l'un de ces deux noms. Comme dans la plupart des cas l'explication de
166 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
ces termes par la présence d'un rocher dans leur voisinage immédiat ne saurait être retenue, force est donc de chercher une autre signification. Les composés tels que Rocheneuve, Rochevieille, Roquetannière montrent que roche désignait une construction. Ensuite le fait qu'il existe dans le langage industriel des termes rochet, roquelle, moulinet, pour désigner une roue dentée ou une sorte de bobine à fil, conduit M. Lebel "à émettre l'hypothèse suivante : le terme rocca, connu dès le premier siècle, n'avait-il pas désigné primitivement le mécanisme rotatif des premiers moulins à eau ?
M. Fyot entretient la Commission de Dine Raponde ou Respondi, ce financier italien qui joua un rôle considérable à la cour de Philippe le Hardi et à celle de Jean sans Peur. Originaire de Lucques, il s'était établi à Paris, où il vendait des livres rares, des objets précieux, en même temps qu'il faisait la banque. C'est à lui qu'on eut recours en désespoir de cause pour parfaire le montant de la rançon exigée par le sultan Bajazet pour rendre la liberté au comte de Nevers (futur Jean sans Peur) et à 24 chevaliers bourguignons faits prisonniers à la bataille de Nicopolis, en 1396.
Dine Raponde, par ses vastes relations, sut mener à bien cette tâche difficile, et s'attira la reconnaissance des ducs Philippe et Jean. Ce dernier lui fit élever, contre un pilier de la Sainte-Chapelle de Dijon, une statue dont M. Fyot fait circuler un croquis à la plume, fac-similé de celui qu'avait dessiné Baudot avant la destruction de la Sainte-Chapelle et qui se trouve conservé à la bibliothèque municipale de Dijon.
La séance est levée à 18 h. 30.
ANNEXES
LES «PLEURANTS» DU MUSÉE DE DIJON
VUS PAR UN MÉDECIN
(par M. H. Drouot, membre résidant)
« Parmi les publications récentes concernant les oeuvres de Sluter et de son atelier, nous croyons utile de signaler à la Commission celle qu'a publiée JEsculape (revue mensuelle illustrée des lettres et des arts dans leurs rapports avec les sciences et la médecine, organe officiel de la Société internationale d'histoire de la médecine) dans son fascicule de mai 1937. C'est un article de M. Marcel Durand, ancien externe des hôpitaux de Paris, intitulé Les pleurants du tombeau de Philippe le Hardi. L'objet de M. Durand est de présenter, avec l'appui d'une assez copieuse illustration, le cortège des figurines dans l'ordre reconstitué par M. le colonel Andrieu, mais en s'inspirant
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 167
de la revue que M. Domien Roggen en passait lui-même récemment dans une étude qui a été signalée l'an dernier à la Commission. Nous ne proposerons pas l'étude de. M. Durand comme un modèle, et d'abord parce qu'elle est encadrée dans des aperçus sur l'histoire des pleurants dont le moins que l'on puisse dire est qu'elle exigerait une sérieuse révision : l'auteur parle trop aisément du « flamand Sluter », de l'abbaye de Champmol, de «Vabbé espagnol De la Huerta », de l'enterrement de Philippe le Hardi en 1504, de la «nouvelle classification donnée par M. D. Roggen » et qui n'est autre que celle d'E. Andrieu ; etc. : nous en passons... De plus l'analyse psychologique du cortège est trop évidemment subjective. Ces «farfadets», comme il dit, ont amusé notre critique d'art ; mais son commentaire des mimiques nous paraît donner assez bien l'idée des divers périls auxquels on s'expose lorsqu'on aborde ce genre d'exercice. Ce qui nous a paru plus intéressant et plus neuf, c'est l'application à ce commentaire d'un certain nombre de termes physiologiques ou médicaux, et c'est aussi une série de remarques sur la représentation, le rendu, par le ciseau de l'imagier, de certains stigmates pathologiques. Nous ne pouvons ici que renvoyer à l'article. Cependant un exemple mérite d'être cité. Il s'agit de l'admirable n° 40, de ce vieillard qui clôt la procession et qui pourrait fort bien représenter ou Sluter lui-même ou l'un de ces officiers ducaux dont M. l'abbé Debrie va nous restituer quelques-uns par les textes. Voici : « faciès large, à grands «méplats, front immense, arcades sourcillières prononcées, ...narines » inégales, cloison déviée... Le visage têtu, aux maxillaires con» tractés, est dominé par l'expression des yeux. Ils vivent, ces yeux, » petits, à paupières inférieures lourdes de fatigue, à pattes d'oie, » à commissures tirées ; leurs caroncules sont bien indiquées ; les J> saillies cornéennes déforment la paupière inférieure et contribuent » ainsi à une expression de vie intense que n'a pas toujours donné » le « procédé de la pupille ». C'est un athéromateux maigre, et peut» être un hypertendu : Sluter a dessiné sur sa tempe, comme l'eût «fait plus tard un Farabeuf, une artère flexueuse et saillante... ». Il nous a semblé que cette analyse contenait quelques traits intéressants ».
BORNES ARMORIÉES DANS LA FORÊT DES PIERGES
(RECEY-SUR-OURCE)
(par M. E. Garnier, correspondant)
« La forêt communale des Pierges (commune de Recey) est séparée des bois d'Essarois par une ligne forestière, que certains appellent « ancien chemin de Dijon », et qui s'étend sur une longueur d'environ
168 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
3 kilomètres depuis le chemin de Recey à Essarois à la route nationale de Recey à Montmoyen. Le long de cette ligne forestière, on trouve trois anciennes bornes qui portent sur l'une de leurs faces les armoiries plus ou moins effacées des Chartreux de Lugny : « D'azur » à une croix d'or cantonnée au un et quatre » d'une étoile ; au deux et trois, d'une fleur » de lys ». La première de ces bornes est arrachée et gît sur le sol ; sa longueur totale est de lm05 et sa largeur 32 centimètres. Les deux autres sont debout ; leur hauteur au-dessus du sol est d'environ 45 centimètres et leur largeur 32 centimètres.
» Quelle est l'origine de ces bornes ? En 1587, les habitants de Recey firent clore leur bourg de murailles et de tours ; pour payer cette dépense, ils furent contraints d'emprunter. D'autres circonstances malheureuses les obligèrent à de nouveaux emprunts. Ne pouvant payer les intérêts, ceux-ci arrivèrent à dépasser le principal ; et, en 1616, la dette de la communauté de Recey s'élevait à environ 20.000 livres. Comme les créanciers devenaient pressants, les habitants n'eurent d'autre ressource que de vendre une partie de leurs communaux. Ils obtinrent de leurs seigneursx l'autorisation d'aliéner certains droits de pâturage et de pêche, quelques contrées de terres vagues, et surtout le canton de bois des Pierges, soit au total 700 arpents de bois et 174 arpents de terres vagues. Les Chartreux de Lugny profitèrent de la malheureuse situation des habitants de Recey pour faire cette acquisition, on peut dire à vil prix, 12.000 livres (à peine 17 livres l'arpent). C'est pour délimiter le canton dé bois qu'ils venaient d'acquérir que les Chartreux firent planter les bornes dont il vient d'être parlé.
» Pendant la période révolutionnaire, et grâce à l'activité de Georges Mongin (né à Recey), ancien curé de Bellenot-sur-Seine qui entra ensuite dans l'administration des Eaux et Forêts, la commune de Recey put reprendre possession de la forêt des Pierges et des terres vagues qu'elle avait aliénées en 1616 (jugement du Tri1.
Tri1. cette époque, Recey se partageait entre quatre seigneuries :
a) Les . chartreux de Lugny ;
b) La seigneurie de Vaivre, avec Jean de Vaivre, qui était également seigneur de Menesbles, époux de Françoise de Martigny ;
c) La seigneurie de Jours ou de Beaufremont, appartenant à Péronne d'Anglure, veuve de François de Lettes, seigneur et baron d'Aubonne ;
d) La petite seigneurie que le grand prieur de Champagne (ordre des Hospitaliers ou Chevaliers de Malte) possédait dans la rue du Vau.
PROCES-VERBAUX DES SÉANCES 169
bunal civil de la Côte-d'Or du 18 floréal an VII, confirmé par arrêt de la Cour de cassation du 8 brumaire an VIII) 1.
(D'après les documents des Archives municipales de Recey.) »
NOTE SUR UNE PIÈCE
COULÉE AU NOM DE MARIE DE BOURGOGNE
(par M. P. Lebel, associé)
« J'ai dans ma collection une pièce de laiton, du poids de 51 grammes et d'un module de 46 millimètres, au nom de Marie de Bourgogne, qui épousa Maximilien d'Autriche en août 1477. En voici la description.
» Les légendes, entre deux grènetis, sont en belles capitales gothiques ; les mots sont séparés par un point surmonté d'une petite croisette. On lit :
» (fleur de lis) MARIA : BG : (fleur de lis) COMIT : FLA. Dans le champ une croix légèrement pattée, à quatre branches égales.
» Au revers : SALVV : FAC : PPLVM : TVVM : DNE. Le champ est occupé par un grand M gothique, sous lequel se lit la date d'émission 1478.
1. Sur la même ligne que les trois bornes précédentes, à environ 400 m. de la dernière, au croisement de l'ancien chemin de Recey à Montmoyen, on trouve une grande borne carrée, sans inscription, d'environ 80 cm. de haut au-dessus du sol et 30 cm. de côté ; on l'appelle «la borne des trois seigneurs ». Elle marquait certainement la limite entre les bois des Chartreux, ceux du seigneur d'Essarois et ceux du seigneur de Montmoyen.
170
PROCES-VERBAUX DES SEANCES
» La pièce paraît coulée, car l'accentuation du relief et la pureté des contours de la croix et de FM majuscule excluent la possibilité d'une frappe opérée à plusieurs reprises.
» M. A. Blanchet, à qui j'avais envoyé la description de cette pièce, sous forme de frottis, a eu l'obligeance de me signaler qu'un exemplaire en avait déjà été commenté par L. Deschamps de Pas dans une Note sur un type inconnu des monnaies de Marie de Bourgogne, comtesse de Flandre 1. Cet exemplaire faisait alors partie de la collection van Peteghem. La description concorde en tous points : croix légèrement pattée : M oncial majuscule ; les mots sont séparés par un point surmonté d'un petit sautoir ; mêmes légendes et date ; cuivre jaune. Deschamps de Pas en donne la reproduction et ajoute :
« Les lettres et la croix ont un relief assez fort, environ un demi» millimètre. Un examen attentif porte à penser que la pièce a été » coulée et non frappée. Quelques portions de déliés des lettres ne
MÉDAILLE DE MARIE DE BOURGOGNE P- Lebel Jel»
Jel» pas venues, comme si le métal n'avait pu remplir d'une manière «satisfaisante le creux des moules en ces points.., Il nous reste à » rechercher ce que peut être cette pièce, qui certainement n'est pas » une monnaie de Marie de Bourgogne dont les types nous sont tous » connus. Pour la même raison ce n'est pas un piéfort. La seule mon» naie de ce règne, à laquelle elle ressemble, est la double mite ou » courte, et encore les légendes sont tout à fait différentes. Auss j » croyons-nous que nous nous trouvons ici en présence d'un projet » dont cette pièce serait pour ainsi dire la maquette, et auquel il n'a pas été donné suite... »
» Cet exemplaire est passé ensuite dans la collection de Jonghe et se trouve maintenant au Cabinet des médailles de Bruxelles. M. V. Tourneur, conservateur en chef de la Bibliothèque royale et
1. Revue Numismatique, 1884, p. 440-445.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 171
président de la Société royale belge de numismatique a bien voulu donner son avis autorisé sur cette pièce curieuse, qui est identique à la mienne. Voici ses propres termes :
«Bien coulée dans le laiton qui était utilisé pour les médailles à » la fin du xvie et au début du xvne siècle, elle n'est pas, malgré » son apparence, contemporaine de Marie de Bourgogne.
» Les lettres ne sont pas des caractères onciaux, mais des imitations » d'onciales. La critique en est facile à faire. A l'époque de Marie de «Bourgogne, les caractères ne sont pas ciselés avec l'insistance que » l'on voit sur la pièce. Jamais Marie de Bourgogne n'est appelée » Maria Burgundiae, mais- toujours Maria ducissa Burgundie.
» On ne trouve pas non plus de séparation formée d'une croisette » et d'un point ; on trouve ou deux croisettes ou deux points. La » fleur de lis, qui coupe en deux la légende, n'est pas une fleur de lis » du xve siècle : à cette époque la fleur de lis est beaucoup plus élancée ; » c'est une mauvaise copie. Enfin il y a des lettres, comme par exemple » l's de SALVV FAC..., qui sont nettement des imitations. Le grand M, » avec sa bizarre barre centrale, n'apparaît jamais sur les monnaies » de Marie de Bourgogne. La légende SALVV FAC... est, comme le » dit Deschamps de Pas, copiée du double briquet. La date 1478 » renferme un 7 qui n'est pas très « catholique » pour le xve siècle.
» Bref, il n'y a pas de doute que nous ne nous trouvions en pré» sence d'une pièce coulée à la fin du xvie ou au début du xvne siècle. » Cette pièce ne peut être qu'un méreau. A quoi a-t-il pu servir ? » Je n'en sais rien. Il faudrait faire à cet effet des recherches à Bruges. » Peut-être y avait-il des services anniversaires pour lesquels il » aurait pu être emplojfé. Mais ce qui est étonnant, c'est que la pièce » porte la date de 1478. C'est celle de l'inauguration de Marie de «Bourgogne comme souveraine de nos principautés.
» Cette pièce est intéressante ».
» M. Tourneur signalait enfin qu'elle avait encore fait l'objet, dans la Revue belge de Numismatique de 1885, d'un article, où Rouyer émet l'opinion que la pièce a servi de modèle, non point pour le double briquet, mais bien pour la double mite.
» Ainsi, grâce aux indications de MM. A. Blanchet et V. Tourneur, que je remercie tout particulièrement, la lumière se fait sur cette curiosité numismatique dont les exemplaires sont rares. Le mien est en tous points identique à celui de Bruxelles, mais je n'en connais pas la provenance ».
Séance du 24 novembre 1937
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
172 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
M. Fyot fait une courte analyse des deux derniers fascicules des Annales de Bourgogne.
Il présente ensuite une brochure de M.. Henri David, Philippe le Hardi, duc de Bourgogne, prolecteur des Arts, comprenant les deux conférences qu'il a données à Dijon, il y a quelques mois, à l'amphithéâtre de la Faculté. C'est une étude très poussée sur les manifestations de l'art ornemental et sculptural sous le premier duc Valois, étude qui constitua, sur ce sujet, un véritable répertoire raisonné.
M. Fyot, en déposant sur le bureau le dernier fascicule paru (année 1935) des Mémoires de la Commission, constate avec plaisir la variété des diverses communications insérées aux procès-verbaux des séances. Il fait ressortir l'intérêt archéologique de l'article de MM. Desaymard et Mitton sur La rencontre de la Bourgogne et de l'Auvergne dans l'art roman du Bourbonnais auquel ledit fascicule a donné l'hospitalité. Il signale également La Maison et le Coin du Miroir, à Dijon, par M. Collot et l'Esquisse généalogique sur' les Mailly-Fauverney, par M. l'abbé Chaume. Enfin le président, au nom de la Compagnie, remercie le secrétaire d'avoir présidé à la publication des trois fascicules formant le tome XX desdits Mémoires (1933-1935) et d'avoir élaboré pour ce volume ainsi que pour le tome XVIII (1922-1926) des tables analytiques scrupuleusement composées sur le modèle éprouvé des tables antérieures, demeurées en lacune depuis la fin de la guerre.
MM. Emile Rondinet, abbé J. Durafort, Emile Thevenot, Léon François et Lucien Perriaux sont ensuite élus associés.
Le président annonce :
1° le classement à Dijon parmi les monuments historiques, à la date du 6 juillet dernier, des façades des immeubles entourant la place d'Armes y compris celles des pavillons d'angle, rues de la Liberté et Rameau ;
2° l'inscription sur l'Inventaire supplémentaire des monuments historiques, à Dijon, à la date du 10 septembre dernier, de l'hôtel des Barres, 3, rue Vauban ; de la porte de l'ancienne abbaye SaintÉtienne, 29, rue Chabot-Charny ; d'une Vierge à l'Enfant, de statues de religieux et de diacre ainsi que de la copie du puits de Moïse dans le jardin de l'Hôpital général; enfin des façades et des toitures des immeubles de l'ancienne rue Condé, 70 à 87 bis, rue de la Liberté, ainsi que celles de l'hôtel'Burteur, 68, même rue.
Le président est heureux de constater que ces mesures de sauvegarde nécessaires ont été prises, pour une bonne part, à la suite des nombreuses initiatives de la Commission et des démarches entreprises par celle-ci au cours de ces dernières années, et particulièrement depuis quelques mois. Il se félicite de voir la Compagnie continuer à remplir ainsi une des tâches principales qui lui ont été confiées dès sa fondation.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 173
M. G. Grémaud, secrétaire, signale :
1° que le 31 juillet dernier, une délégation de' la Commission, composée de MM. P. Lebel, abbé Chaume, abbé Drioux et du secrétaire, s'est rendue aux sources de la Seine pour visiter les fouilles entreprises cette année par M. Henry Corot au cours d'une septième campagne de recherches, et qu'elle a été vivement intéressée par les résultats obtenus ;
2° que le 8 juillet fut mis à jour à Dijon, au cours d'une installation d'eau dans la rue du Stade, nouvellement ouverte à Montmuzard, à 45 mètres environ du chemin de Crômois, un puits maçonné, mesurant 50 centimètres de diamètre, partiellement comblé et recouvert par une dalle à 1 mètre au-dessus du sol.
M. Grémaud donne lecture, d'autre part :
a) d'une lettre de M. E. Humbertjean, de Dijon, signalant la découverte faite le 1er juillet dernier, à la suite d'une ouverture de tranchée, à l'angle des rues Félix-Trutat et Davoust, et à lm50 de profondeur, de traces de pavage et de blocs taillés : il s'agit sans doute d'un chemin et d'un bâtiment anciens, construits probablement en bordure de la dérivation du Suzon dite des « Vieux Terreaux » ;
b) d'une série d'informations d'ordre toponymique, mises au point par M. P. Lebel, associé, telles que l'annonce d'un Congrès international en 1938 à Paris, la présentation de publications nouvelles, la constitution d'une bibliothèque, des communications d'adresses, etc., renseignements qui intéressent particulièrement tous les spécialistes en ces matières.
MM. Grémaud et Em. Broussolle présentent ensuite une médaille en bronze récemment trouvée à Dijon, avenue Maréchal-Foch, lors des travaux d'aménagement de la chaussée. C'est une de ces monnaies de 5 sols, dites « de confiance », frappées par les frères Monneron, négociants à Paris, en 1792, et remboursables en assignats de 50 livres et au-dessus. Ces médailles, comme d'autres du même genre, n'eurent d'ailleurs qu'un cours facultatif et éphémère.
M. Grémaud rend compte enfin de l'excursion organisée par la Commission, le 18 septembre dernier, à Cussy-la-Colonne et à Montceau-et-Écharnant. A la délégation de la compagnie, composée de MM. H. Drouot, abbé Chaume, P. Beck, P. Lebel, A. Bouchard, Blondeaux, G. Virely et du secrétaire, s'étaient joints MM. les professeurs E. Thevenot et L. Perriaux, le commandant Gaultier, maire de Montceau, M. Godillot, maire de Cussy, ainsi que de nombreux touristes et habitants des alentours.
L'opportunité d'un nouvel aménagement de la colonne fut exposée par M. Thevenot, qui mit en avant les arguments déjà présentés à la Commission le 28 avril dernier. Il rappela notamment qu'en 1825, malgré les protestations de plusieurs archéologues bourguignons, le monument fut surélevé outre mesure et coiffé d'un pseudo-chapiteau,
174 PROCÈS-VERBAUX, DES SÉANCES
fabriqué de toute pièce. Pour rendre à la colonne son aspect primitif, il serait nécessaire d'abattre toute la partie restituée, soit presq'un tiers du fût, et de remettre en place- le fragment du chapiteau qui gît encore au pied, C'est d'ailleurs sur ce Chapiteau que. devait reposer cette divinité topique de l'est delà Gaule, ce curieux « cavalier à l'anguipède », chargé, suivant les croyances de cette époque, de dispenser richesses et prospérité aux habitants de la villa voisine : cette villa était fort importante, à en juger par les nombreux vestiges, presque à fleur de terre, qui n'attendent que des fouilles légères pour se révéler.
Cette intéressante causerie se termina par une rapide visite des terrains environnants, et l'on décida que M. Thevenot saisirait prochainement la Commission d'un rapport détaillé, accompagné de croquis explicatifs.
L'excursion se poursuivit ensuite par la visite d'un cimetière barbare dans les bois du « Defîend » où M. Thevenot se propose d'entreprendre quelques sondages.
Enfin, à Montceau, le moulin à vent retint particulièrement l'attention de la délégation. La tour présente son rez-de-chaussée et ses deux étages en assez bon état de conservation. Les ailes, le gouvernail de direction et les bornes d'arrêt sont encore en place. A l'intérieur, si le mobilier, les meules, le mécanisme avec ses roues dentées et ses poulies en bois ont quelque peu souffert de l'état d'abandon dans lequel se trouve l'édifice depuis plusieurs années, il n'en reste pas moins que presque toutes les pièces restent utilisables. Aussi bien les membres de la Commission furent-ils d'avis de voir cet ensemble très curieux conservé par un classement, et le commandant Gaultier, en qualité de maire du pays, s'offrit aussitôt .à entreprendre à cet effet les démarches nécessaires tant auprès de la propriétaire que du Conseil municipal.
A la suite de ce compte-rendu, M. Grémaud présente une photographie due à M. Virely et reproduisant une médaille commémoràtive de la restauration de la colonne de Gussy eh 1825. Cette médaille que lui a fait voir le commandant Gaultier appartient à un habitant de Montceau qui la recueillit au pied du monument. Elle mesure 50 millimètres de diamètre et 3 millimètres d'épaisseur et présente à l'avers la tête de Charles X à gauche, avec l'inscription en relief CAROLVS. x. REX. CHRISTIANISSIMVS. Gayrard f. ; au revers, une couronne de-feuilles de chêne à l'intérieur delaquelle se lit, gravé auJourin pour la circonstance : ANNO INUNCTIONIS RÉGIME RESTIT.UTUM MDCCCXXV, et, sur la tranche, gravé au burin également : SAINTPÈRE DIVIONEN'SIS DIREXIT,
Des photographies du moulin â vent de Montceau prises par MM. Virely etBeck circulent, tandis que M. Fyot donne lecture d'une lettre récente du commandant Gaultier lui-annonçant que la-municipalité
FOUILLES DES SOURCES DÉ LA SEINE (1937). PhoL H' Co">L
Vue d'ensemble des fouilles prise du S.-E. au dessus et en arrière du monument ellipsoïdal.
Au premier plan, en bas : l'ancien abreuvoir grillagé, les deux marches d'un escalier monumental découvert en 1836-42 et le seuil d'entrée de la construction ellipsoïdale.
M : mur et limite orientale de la piscine ; la lacune au N.-E. est indiquée par — — — — —
M' : mur occidental de la piscine avec son retour d'équerre au nord. .
C : construction à explorer sur le versant occidental du vallon. — On voit à gauche les blocs remployés qui bordent cette partie de la piscine et servaient de seuil à la construction.
FOUILLES DES SOURCES DE LA SEINE EX-VOTO EN ÉTRIER
Phot. H. Corot.
Deux mains tenant un fruit sphérique (fouilles 1937)
fhot h CorotDébris
CorotDébris vus de face
Fhol. h' f-oiol'
Les mêmes débris vus du revers
Au musée archéologique de Dijon (fouilles 1836-42)
Phot. H. Corot.
LES EX-VOTO DES SOURCES DE LA SEINE
restaurés au musée de Saint-Germain-en-Laye
Phot. G. Vtrclv. MOULIN' A VENT DE MONTCEAU
Phot. G. Vtrclv.
MÉDAILLE COMMÉMORATIVE DE LA RESTAURATION DE LA COLONNE DE CUSSY
(en 1825)
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 175
serait disposée à accorder les crédits nécessaires à l'entretien du moulin, mais que la propriétaire s'oppose à son classement. Néanmoins il importe de ne pas abandonner cette affaire.
M. Forey demande à la Commission de bien vouloir émettre un voeu pour appuyer une proposition de classement d'un autre moulin à vent, celui de Châtellenot, pour lequel le consentement du propriétaire paraît être assuré.
Ce voeu est adopté à l'unanimité.
M. Henry Corot, membre non résidant, rend compte ensuite de sa 7e campagne de fouilles aux sources de la Seine, en juillet-août dernier.
M. Corot présente, d'autre part, la photographie d'une taque de foyer qu'il fit enlever cette année d'une maison de Lavilleneuve-lesConvers et qui présente les armes de la famille Languet : « de gueules au triangle évidé d'or, chargé sur ses pointes de trois molettes de sable », avec la date, 1739. Il rapproche ces armoiries de celles qui figurent sur des bornes plantées au voisinage de la forêt du GrandJailly, ainsi que de celles d'une autre plaque visible dans une maison d'Asnières-en-Montagne, appartenant à la famille de feu le Dr Epery, membre de la Compagnie.
Des recherches faites dans l'Armoriai de Bourgogne édité par Bouchot lui ont permis d'attribuer ces armoiries aux Languet-Robelin de Rochefort, dont le dernier représentant, Vincent-Louis Languet de Rochefort, mourut à Dijon en 1769.
M. Corot ajoute qu'en fouillant les anciens registres des actes religieux de la paroisse de Verdonnay, il eut la bonne fortune d'y lire, qu'à la date du 30 septembre 1742, un enfant de ce village y fut tenu sur les fonts baptismaux par «honorable homme Jacques Languet, haut et puissant seigneur, comte de Rochefort, baron de Larrey, président à mortier au Parlement de Dijon, et par dame Anne-Jeanne Demigieu, abbesse de l'abbaye du Puits d'Orbe ». L'acte est signé : « A.-J. Demigieu de Sainte-Geneviève, abbesse de Notre-Dame du Puits d'Orbe, Languet de Rochefort, et Hugo, curé ».
Enfin, M. Corot présente et fait don à la Commission de six belles photographies d'objets recueillis, vers 1890, dans le lac de Bienne, près de Cerlier (Erlach), par M. Fritz Zbinden, et appartenant aux époques néolithique, du bronze, du fer, gallo-romaine et barbare.
Comme suite à cette communication, M. Forey observe que, seule, une partie du site des sources de la Seine est classée actuellement, et qu'il serait peut-être opportun de faire classer également les vestiges et les ruines mis au jour par les fouilles de M. Corot, afin d'en assurer l'entretien et la conservation. Cette question est prise en considération, et il est décidé qu'elle sera étudiée à toutes fins utiles.
M. Oursel croit devoir faire remarquer que le bronze de la Dea Sequana, exhumé aux sources de la Seine par M. H. Corot, en 1933,
12
176 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
et prêté par la Commission à l'Exposition de l'Art français tenue à Paris cette année, figure au catalogue officiel sous le nom d'Abondance. II observe qu'il n'appartient pas aux organisateurs d'une Exposition de modifier l'appellation traditionnelle d'un objet, et que, s'il est licite d'avancer des critiques à propos de cette appellation, celles-ci doivent être faites en note.
La Commission approuve pleinement cette observation.
La séance est levée à 18 h. 45.
ANNEXE
LES FOUILLES DES SOURCES DE LA SEINE *
(7e CAMPAGNE)
(par M. Henry Corot, membre non résidant)
« La 7e campagne de fouilles à la Seine, du 7 juillet au 16 août 1937, fut entièrement consacrée au déblaiement de la partie occidentale de la grande piscine, où, comme on s'y attendait, les découvertes d'objets furent des plus minimes.
«Les premiers jours furent employés à l'installation des rails, et surtout à la toilette des monuments précédemment découverts dans le fond oriental du vallon, ainsi qu'aux limites septentrionale et occidentale de la piscine où la végétation herbacée avait pris de telles proportions qu'on devinait, plutôt qu'on ne voyait, le mur à sec, élevé provisoirement sur les assises restées en place du mur construit par les Gallo-Romains.
» Bien que les eaux du fleuve venant de la grotte artificielle édifiée en 1865 aient été fort basses, on n'a pu, comme on l'avait espéré à la fin de la campagne de 1936, entreprendre l'exploration de la construction profondément assise sur la partie orientale du fond du vallon, l'eau sourdant du sous-sol et peut-être aussi de la source abondante rencontrée au nord du Temple durant les fouilles de 1836-1842.
Toutefois, on se rendit compte que cette construction d'une certaine importance présentait sur sa face occidentale un seuil d'entrée qui, à force de patience, fut en partie mis à nu. Parmi les déblais, nous recueillîmes plusieurs objets dont une grande quantité de ferrailles en mauvais état, de nombreux débris de poterie vulgaire et un vase, à large ouverture et à panse d'un grand diamètre, brisé en mille morceaux par le poids d'une épaisse pierre de sciage qui en obturait l'orifice. A l'intérieur de son fond très étroit, on trouva un dépôt de pâte colorante où le jaune et le rouge se voyaient encore séparés.
1. V. le plan publié dans les Annales de Bourgogne, 1938, fasc- III, p. 189.
PROCES-VERBAUX DES SÉANCES 177
» D'autre part, on mit complètement à découvert la série de gros blocs de pierres grossièrement taillées qui avaient été rencontrés en 1936, et qui nous intriguaient à juste titre. Ils gisent en ligne droite, sur une longueur de 15 mètres et on constata qu'ils se trouvaient en prolongement d'un afîouillement qui rejoint le lit actuel du fleuve vers un endroit qui fut autrefois aménagé pour servir de lavoir où, il y a une vingtaine d'années, les bûcherons qui travaillaient dans les bois voisins lavaient leur linge. Nous avions cru, en 1936, quand nous découvrîmes ce travail d'afîouillement, à l'existence du lit du fleuve creusé dans le béton de la piscine par les moines de l'abbaye de Flavigny qui possédaient de date immémoriale les prés du fond du vallon. Nous avions pensé que le remplissage en avait été fait, lors de la prise de possession du terrain par la Ville de Paris en 1865, avec des matériaux provenant des ruines du temple.
» Aujourd'hui, il nous paraît plus vraisemblable que ces blocs taillés sont de même nature que ceux qui ont servi à la construction de la digue de l'étang que M. Jacotot, ancien maire de Saint-Germain, fit creuser en amont de l'étang de Grillande, à un kilomètre environ des sources du fleuve. La digue en question est constituée en effet par de gros blocs, à taille romaine, provenant du temple sans aucun doute.
» Dans la partie mise à nu en cette campagne de 1937, on a trouvé, à une très courte distance du caniveau, passant sous les deux marches d'escalier mis au jour l'année précédente, un orifice taillé dans le gros bloc qui suit ce caniveau au midi, et par lequel pénétrait dans la piscine l'eau amenée par une canalisation faite de moellons colmatés avec de l'argile et recouverte de laves, ou pierres plates du calcaire feuilleté. Sur cette canalisation reposait un bétonnage plus ou moins damé en surélévation du niveau du fond primitif, en béton, de la grande piscine. La canalisation, d'autre part, passe sous le fleuve actuel, et nous l'avons suivie jusqu'aux abords de l'hémicycle eh blocs bruts. Elle doit se continuer sous l'épaisse couche de terre et de pierrailles rejetées du temple, au-dessus de laquelle existe encore l'ancien chemin, aujourd'hui déclassé, des Vergerots à Saint-GermainSource-Seine.
» Cette partie du terrain à fouiller ne pourra être explorée qu'une fois effectuée la vidange des matériaux accumulés sur les ruines du temple, car on aura besoin de ce passage pour les emmener dans le fond méridional du vallon, derrière la grotte de la Ville de Paris, près de la route neuve.
» La recherche de cette canalisation sur la droite du fleuve, nous a fait découvrir l'angle du mur de la piscine dont nous avions repéré la majeure partie en 1934, et nous engagea à reprendre la fouille que nous avions été obligé d'abandonner en 1935, au bas de la « source sacrée », où nous avions fait la découverte d'une série de fibules et de divers objets de toute sorte, gisant sur un espace de 16 mètres carrés.
178 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Ce faisant, on a recueilli au milieu d'une couche de pierrailles mélangées de cendres et de charbons, provenant du déblaiement du temple après un incendie, divers objets en pierre plus ou moins mutilés (têtes et bustes de malades, fragments de membres humains, en ronde bosse), des clous de toutes tailles, à l'exception de monnaies et d'objets en bronze.
» Parmi les ex-voto en pierre trouvés en cet endroit, nous devons signaler tout particulièrement un fragment analogue à ceux qui furent découverts dans le temple en 1926 et en 193S. Il représente une main gauche et l'extrémité d'une main droite (les doigts seuls s'y peuvent voir) tenant un fruit sphérique avec point central bien marqué. Il était en trois morceaux se raccordant parfaitement. Comme on peut le voir sur la figure 2, c'est un avant-bras sortant d'une base d'assise, le tout taillé dans le même bloc. Cette découverte fut pour nous une révélation, car elle donnait une idée précise de ce que devaient être ces espèces d'ex-voto où nous avions d'abord cru voir des cols et des têtes d'oiseaux aquatiques.
» Aussi, le soir même de cette découverte, nous nous hâtâmes d'aller au musée « Baudot », dès notre arrivée à Poncey, pour y rechercher tous les objets de ce type dispersés sur plusieurs rayonnages, et nous fûmes assez heureux de retrouver dans ces fragments un morceau se raccordant avec un soi-disant col d'oiseau et lui servant d'assise (fig. 4), et deux autres débris (fig. 5) ; ensuite un fragment de base se raccordait avec trois autres qui, rapprochés d'un autre en deux morceaux formait un ensemble presque parfait, bien que les mains ne s'y trouvent pas indiquées (fig. 1). Dans la partie droite, deux fragments proviennent des trouvailles faites en 1926 par mon ami Louis Grémaud, de Lamargelle, qui a bien voulu me les donner en 1933 ; je les avais aussitôt réunis à un autre débris récolté également dans nos fouilles de 1926.
» On sait que lors des fouilles de 1836-1842, une sculpture identique r avait été trouvée. Elle fut dessinée par Henri Baudot dans les Mémoires de la Commisions des Antiquités 1 et portée au Catalogue du Musée sous le n° 860 : « deux mains tenant un fruit ».
» Nous avons recueilli, depuis 1926, 15 fragments provenant de cinq exemplaires différents, ce qui porte, avec celui des fouilles anciennes, à six le nombre des ex-voto de ce'type, découverts jusqu'à ce jour.
» Dans ces mêmes parages, gisait, au milieu de toutes sortes de clous en fer, poteries vulgaires et vestiges de la faune de l'époque où le sanglier est très largement représenté, un fragment de fond de vase en poterie vernissée rouge, portant les restes importants de la marque du potier qui l'avait fabriquée. Autour d'une rosace à six
1. Tome II, 1842-1846. Rapport sur les découvertes aux sources de la Seine, pi. IX, n° 10.
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 179
pétales, on lit : «LA...MAN» qui pourrait être l'estampille LALI.MAN. connue à Alise et rapportée dans Hubert : La poterie parlante.
» En recherchant la base d'assise des gros blocs taillés grossièrement et limitant la piscine du côté oriental, nous avons pu constater que le fond de la piscine primitive avait été exhaussé, à une époque qu'on pourra peut-être préciser dans la suite des fouilles, de 15 à 20 centimètres, avec des matériaux provenant du temple après une destruction de cet édifice. On y a trouvé un grand nombre de débris de toute taille et de diverses épaisseurs, d'un marbre noir bleuté, veiné de blanc plus ou moins nuancé, un buste votif de femme, dont la face, détachée par un coup violent, a été recueillie à un mètre environ. Non loin de ces curieux débris, dans la partie supérieure de ce béton postérieur, s'est rencontré, au milieu de cendres et de pierrailles, un style à écrire en fer, dans un parfait état de conservation. Seule, une partie de la pointe a été brisée par le coup de pioche qui l'avait mis au jour, mais on l'a retrouvée quelques instants après. Cet intéressant objet, de forme fuselée, mesure 138 millimètres de long. La spatule, de 12 millimètres de longueur, comporte une largeur de 8 millimètres. Dans cette couche, on recueillit un grand nombre de clous et trois crochets-pitons à pointe acérée, analogues aux crochets dont on se sert encore dans les boucheries pour suspendre les quartiers de viande, et dont la présence dans un temple n'est pas sans provoquer quelque étonnement ; quelques charnières de meubles ou de coffres et une crapaudine en fer, avec cavité centrale circulaire qui maintenait solidement la base pivotante d'une espèce de portillon, gisaient épars dans cette couche supérieure.
» Comme on peut en juger, les résultats de la campagne de 1937 ne manquent pas d'intérêt. Si les trouvailles d'objets n'ont pas été aussi nombreuses qu'on l'aurait pu souhaiter, nos fouilles nous ont toutefois apporté de précieuses données sur un type peu connu d'exvoto en forme d'étrier. Surtout elles nous ont montré la science et le génie des architectes qui se sont succédés durant deux ou trois siècles dans l'aménagement du temple et de ses accessoires et particulièrement dans les travaux de captation et d'adduction d'eau des sources pour alimenter la grande piscine qui est, je crois, quant à présent, unique en Gaule, bien que nous ayons, cette année, considérablement restreint l'étendue qu'on était en droit de lui supposer lors de sa découverte en 1932 ».
Séance du 8 décembre 1937
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. E. Fyot, président.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
180 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
Comme suiteà celui-ci, M. Grémaud rend compte d'une visite que MM. Chaume, P. Lebel et lui-même rendirent à M. H. Corot, à Savoisy, le 5 décembre précédent. Leur aimable confrère, après leur avoir fait les honneurs de sa propriété, l'ancienne demeure du chancelier Rolin, les emmena visiter de curieuses excavations appelées « Souilles de Fossés Rondes », creusées en forêt du Grand Jailly, à 1 kilomètre ' au sud de la ferme de Calais. Ces cuvettes, dans lesquelles M. Corot verrait assez bien d'antiques « mardelles », furent exploitées par Buffon comme gisements d'argile. M. Corot signala, d'autre part, dans la région, les emplacements de deux villas gallo-romaines ainsi que des traces d'anciennes voies.
En terminant, M. Grémaud fait circuler un portrait très réussi de leur hôte, crayonné par M. Lebel au cours de cette excursion.
M. Grémaud communique, d'autre part, quelques réflexions de M. P. Lebel relatives aux ex-voto en forme d'étrier trouvés aux sources de la Seine et présentés par M. Corot à la séance précédente.
M. Fyot analyse le 3e fascicule de l'année 1937 des Annales de Bourgogne. Il relève aux « Notes de lectures » la mention, faite par M. H. Drouot, du mémoire où M. Jacques Chailley décrit un clavier d'orgue de la fin du xie siècle : l'image de ce clavier nous est donnée par une des miniatures de la bible de saint Etienne Harding, l'un des joyaux de la bibliothèque de Dijon. M. Fyot rappelle à ce sujet qu'il s'est occupé lui-même autrefois de cet orgue et fait circuler la reproduction qu'il en a dessinée. On y voit l'organiste assis devant les tuyaux verticaux qu'il actionne en tirant à pleines mains, du haut en bas, des chevilles obturant l'orifice inférieur de ces tuyaux.
M. Grémaud donne ensuite lecture d'une lettre de Mlle Bartet, correspondante à Longeault, faisant part d'une découverte effectuée par M. Paul Têtard, à Soirans, au lieudit « Derrière le Meix de la Cure », alors qu'il aménageait une source sise dans l'une de ses propriétés. Il s'agit d'une stèle ancienne sur laquelle est figuré un personnage haut de 0m30, tenant un objet indéterminé dans chaque main.
Enfin M. Grémaud présente un brancard de confrérie d'ébénistes que, sur ses conseils, vient de donner au musée de la Commission son dernier détenteur, M. Ch. Guenon, ancien menuisier dijonnais. II se félicite de voir cette pièce de choix prendre place dans une des collections publiques de la ville. En conséquence et au nom de la Compagnie, il remercie chaleureusement M. Guenon, présent à la séance, d'avoir consenti à s'en dessaisir gracieusement au profit du musée de la Commission.
Le président donne ensuite quelques détails "sûr- le culte de sainte Anne parmi les corporations dijonnaises, ébénistes, menuisiers, tourneurs, etc. D'après le P. Cahier, les menuisiers, qui faisaient souvent exécuter des tabernacles comme chefs-d'oeuvre aux aspirants de la maîtrise, estimaient que sainte Anne, mère de la Vierge, avait produit
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES ■ 181
en elle le premier tabernacle, tabernacle vivant de Jésus. Voilà pourquoi ils auraient pris sainte Anne pour patronne. De plus, ils nommaient, pour ce motif, « cervelle de sainte Anne », le mélange de sciure de bois et de colle forte dont ils se servaient pour boucher les cavités défectueuses de leurs ouvrages. M. Fyot rappelle ensuite le cérémonial des fêtes et des cortèges organisés lors des changements de bâtonniers de confréries, cortèges où figuraient les bâtons de corporations et les châsses portatives.
Le président entretient enfin la Commission de l'ouvrage publié en 1936, par M. André Parot sur Mari, ville perdue mais retrouvée par l'archéologie française.
La séance est levée à 18 h. 30.
RÉFLEXIONS SUR LES EX-VOTO EN FORME D'ÉTRIER
DES SOURCES DE LA SEINE
(par M. P. Lebel, associé)
« Ces ex-voto, de fabrication semblable, appartiennent à un type unique et nettement stylisé. Ils ont été obtenus par un simple découpage dans un bloc de pierre tendre sciée ; peut-être ces pierres étaientelles des rebuts, des chutes de plaques plus importantes, ce qui réduisait d'autant le prix de revient des objets ouvrés. Le procédé était donc peu coûteux et explique pourquoi l'on trouve un dessin schématique et non réaliste, je dirais presque barbare.
» Remarquons d'abord que, dans tous les exemplaires, l'évidement est trop large pour avoir servi au port de l'objet, très léger par luimême. Un évidement de telles dimensions répond au contraire à une nécessité, à une obligation de rendre le dessin plus compréhensible et plus près de la réalité. Nous sommes donc en présence de figurations en ronde-bosse. Il semble certain que le sculpteur a voulu représenter, dans la partie arrondie, deux mains joinlives : les dix doigts sont en contact bout à bout, les pouces sont écartés des autres doigts pour mieux tenir un fruit arrondi, sans doute une pomme. C'est ce qu'avait supposé Henri Baudot dans sa description d'un ex-voto incomplet 1, et ce que semblent confirmer des stèles des sources de la Seine représentant un personnage offrant d'une main une pomme. Sur une autre le dédicant apporte des raisins 2. Ce geste a été plusieurs fois reproduit ailleurs. Mais il est curieux que les deux mains du dévot soient réunies dans nos ex-voto dont nous avons actuellement sept exemplaires 3,
1. Mémoires de la Comm. des Ant. de la Côte-d'Or, t. II, p. 116 et pi. IX, n° 10 ; il est répertorié actuellement sous le numéro 860 dans le catalogue du musée de la Commission.
2. Ibid., pi. IV, n°<> 7 et 8 ; pi. XVI, n° 9.
3. V. ci-dessus p. 178 et gravures hors-texte.- ^
182 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
tous fragmentaires. Trois portent les dix doigts nettement indiqués. Dans un autre, les deux auriculaires sont écartés des autres doigts, comme le sont les pouces. Enfin dans l'ex-voto de plus grandes dimensions, les doigts sont grossièrement indiqués par cinq cordons allant d'une main à l'autre, sans qu'il y ait séparation entre les ongles. Sur chaque exemplaire, le fruit apparaît avec netteté, mais sa grosseur est variable ; l'artisan a plusieurs fois indiqué la cavité résultant de la disparition du stigmate.
» Étudions la partie anguleuse des ex-voto. Les mains se prolongent par des avant-bras, dont le modelage n'accuse aucun galbe mais atteste d'une manière assez réaliste le geste des deux bras allongés devant la poitrine du dédicant. L'imagier sans talent n'a eu qu'à dessiner ses propres avant-bras, tels qu'il les voyait devant lui, quand lui-même exécutait le geste. Mais pour surmonter une difficulté matérielle, il n'a pu couper les bras à leur naissance et réaliser un ex-voto en forme de fer à cheval. Si cette forme paraissait simple dans le principe, elle s'avérait incompatible avec une réalisation même très minutieuse, car la pierre friable risquait d'être cassée soit pendant le travail, soit aussitôt après. Il était donc absolument nécessaire de fermer les bras sur eux-mêmes. C'est précisément là que surgissait la difficulté. L'artisan allait-il représenter les épaules, la tête ou la poitrine ? Le débit de la pierre sciée en plaques d'assez mince épaisseur empêchait de figurer la tête qui n'était pas dans le plan des bras. Force était donc de s'en tenir uniquement aux bras et de réunir les deux extrémités du « fer à cheval » par une traverse de consolidation que le sculpteur a agrémentée d'une rainure, peut-être parce qu'il assimilait aux coudes les deux angles droits de l'ex-voto:
» Cette gaucherie du dessin s'explique de la part d'un humble imagier, peu expert en art plastique et qui, ne pouvant prétendre satisfaire une clientèle riche, devait se contenter d'attirer à lui les bourses les plus modestes.
» L'offrande d'une pomme ou d'un fruit semblable devait, malgré son peu de valeur, être très agréable à la déesse, et revêtait certainement un caractère symbolique. Sequana nous apparaît comme une déesse de la fécondité et de la vie, favorisant les guérisons et les naissances humaines, l'abondance des récoltes et l'élevage des animaux utiles à l'homme. Peut-être les dévots qui lui apportaient des pommes étaient-ils des agriculteurs ou des maraîchers.
» Pour terminer, je mentionne une remarque faite par M. Corot. Dans sa Description du duché de Bourgogne 1, Courtépée signale une curieuse coutume qui s'était perpétuée à Saint-Seine. Les jeunes gens qui s'y mariaient « étoient obligés, le jour de leurs noces, d'apporter » devant l'image de N.D. derrière le grand autel une chandelle de cire
1. 2e édition, t. IV, p. 228,
Phot. Progrès de la Côle-d'Or.
BRANCARD DE CONFRÉRIE D'ÉBÉNISTES DIJONNAIS
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 183
» du poids d'un demi-quarteron et en forme d'étrier »x. Dès 1497, à la demande des habitants de Saint-Seine qui trouvaient cet usage indécent, un arrêt fut rendu qui ordonnait que la chandelle pût être remplacée par l'offrande d'un demi-quarteron de cire neuve. M. Corot se demande si cet usage, et surtout la forme singulière de ce cierge, certainement d'origine très ancienne, ne seraient pas des survivances des offrandes païennes à la Seine d'ex-voto en forme d'étrier. Le fait méritait d'être signalé, quoique le rédacteur des notes envoyées à Courtépée s'efforce d'établir que la « chandelle des épousées » était ainsi faite, parce qu'il n'y avait que deux candélabres triangulaires à l'église abbatiale, lesquels n'étaient pas de nature à être mis derrière l'autel ».
UN BRANCARD DE CONFRÉRIE D'ÉBÉNISTES DIJONNAIS (par M. G. Grémaud, secrétaire)
« Au mois d'août dernier, j'apprenais que dans l'atelier de M. Guénon, entrepreneur de menuiserie, .10, rue Colson, à Dijon, se trouvait un ancien brancard de confrérie d'ébénistes dijonnais. Je l'allai voir sans tarder et je pus me rendre compte que ce curieux petit monument, appelé à disparaître par suite de la fermeture prochaine de l'atelier, pourrait faire figure très honorable dans notre musée archéologique. Après quelques pourparlers, M. Guenon consentit très obligeamment à en faire don à notre Compagnie.
«Quand M. Guenon s'installa.rue Colson, en 1922, le brancard y était déjà. Aux dires de M. Vïzier, prédécesseur, de M. Guenon, il y aurait été déposé depuis de nombreuses années, probablement à la suite de la dissolution de l'ancienne confrérie, à la fin du siècle dernier. C'est à cette époque, en effet, que les « confrères », chez qui il fut conservé successivement au cours du xixe siècle, cessèrent d'inscrire leurs noms sous la tablette de base.
» Il doit vraisemblablement dater du xvme siècle, sauf le plateau de base qui dut être refait en 1824, comme en témoignerait la date inscrite sur un des bords. Il est donc à présumer que la corporation, dissoute à la Révolution, a dû se reconstituer sous la Restauration et qu'à cette époque on ait jugé bon de restaurer partiellement la base du brancard.
«Sous ce plateau, les menuisiers et ébénistes chez qui.il fut con1.
con1. notes, où Courtépée a puisé ces renseignements et les suivants, sont conservées à la Bibliothèque municipale de Dijon (Fonds Baudot, ms. m.f. n° 1005, fo* 213 v° et 214 r°).
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PROCES-VERBAUX DES SEANCES
serve successivement au cours du xixe siècle ont inscrit leurs noms à l'encre. En voici la liste que nous avons déchiffrée M. G. Virely et moi-même :
Delevaux frères Prudent Garnier Foucault
ébénistes à Dijon 1831 1837 1838 le 23 juillet 1824
Coquet J. Lignier Garraud Serbouse aîné
1843 1847 1847 à 1851 de 51 à 54
Chrétien Ferriez Martenot Serbouse aîné Ferriez
1856 1858 1861 1862
Ch. Cotetiout ? Mairet-Marcioux Serbouse jeune
1864 186... à 1865 1866
César Corniche Serbouse aîné
1867 1868-69 1870 à 1873
Jobin-Millochau . Chrétien Ferriez Bollet et Bernard
1873 à 1874 1875-1876 1876 à 1877
Jobin-Millochau César
1877 à 1878 1879"
» En outre, trois noms sans date :
Billet fils Delavaux René M. Liquelo (?)
étiouxfecit fecit étioux étioux fecit
» Ce plateau de base mesure 59 centimètres de long, 52 centimètres de large et 9 centimètres de haut ; il est en loupe d'orme plaquée sur noyer ; des mancherons sont fixés aux quatre coins ; il supporte trois étages de motifs sculptés :
» a) On remarque tout d'abord une ' tablette elliptique dont le grand axe mesure 42 centimètres et le petit 34 centimètres, et qui présente à son centre une étoile à nombreux rais incrustés. Sur cette tablette prennent appui huit colonnettes de style dorique, hautes de 16 centimètres, soutenant une galerie elliptique à pilastres de mêmes dimensions que la tablette de base. Cette galerie entoure un deuxième plateau elliptique (33 X 25 cm.) lequel est soutenu par un pied indépendant des colonnettes.
» La hauteur de ce premier ensemble mesure 28 centimètres.
» b) Le deuxième étage comporte un dais elliptique de mêmes dimensions que les tablettes inférieures et soutenu par quatre colonnes corinthiennes prenant appui elles-mêmes sur le plateau indépendant du premier étage. A ces colonnes sont fixées deux consoles ajourées sur lesquelles sont assis des anges en bois doré portant des chandeliers en cuivre. Entre ces colonnes, fixées au plateau de base, sainte Anne montre à lire à la Vierge. Ces statuettes sont également en bois doré. Au-dessus d'elles, sur le bandeau du dais, en avant et en arrière, se lit l'inscription : « Saincte Anne nous savons que vous pries pour tous mais nommément pour ceux qui ont recours a vous ». Sur ces
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bandeaux également sont représentés en relief les outils du menui- . sier : le valet d'établi, le vilbrequin, l'équerre, le compas, la règle.
» L'étage mesure- en tout 39 centimètres.
» e) Le troisième étage, en forme de dôme, prend appui sur le sommet du dais. Ce dôme mesure 14 centimètres de diamètre. Il est ajouré et creusé dans un seul bloc de bois. Quatre cariatides sont appliquées sur les quatre pilastres qui soutiennent la calotte. Celle-ci est couronnée et sommée de fleurons délicatement sculptés.
» Au centre du dôme se tient saint Jean-Baptiste, en bois sculpté et doré. De chaque côté et en dehors, deux personnages, en bois doré également, peuvent bien représenter saint Pierre et saint Paul. Devant et derrière, reposant sur les frontons du dais, des angelots en bois doré soutiennent des couronnes deux à deux.
» Ce troisième ensemble mesure en hauteur 47 centimètres ; l'objet en entier : lm23 de hauteur; en largeur, sans les brancards : 0m52 ; avec les brancards ; lm52.
» C'est une très belle pièce dont on peut apprécier la finesse d'exécution. Par les souvenirs qu'elle rappelle, par son caractère artistique, elle enrichira le musée de notre Compagnie qui ne possède pas, à ma connaissance, de petits monuments semblables ».
Séance du 22 décembre 1937
La séance est ouverte à 17 heures, sous la présidence de M. Aug, Collot, trésorier, qui présente les excuses de M. Eugène Fyot, président de la Commission, gravement malade et, se faisant l'interprète de la Compagnie, lui adresse ses voeux de prompte guérison.
Le procès-verbal de la dernière séance est adopté.
M. Grémaud, secrétaire, annonce que, du 25 au 29 juillet 1938, se tiendront à Paris les assises d'un Congrès international de toponymie dont l'organisation vient d'être confiée à plusieurs personnalités parisiennes ainsi qu'à M. P. Lebel, associé de la Compagnie.
Il donne lecture ensuite d'une lettre de M. F. Mancel, signalant la mise au jour, à Dijon, près du pont des Chartreux, d'un puits en partie comblé à la suite des travaux de terrassement entrepris en cet endroit par la Compagnie P.-L.-M. Ce puits, destiné à disparaître, aurait servi à l'aération d'un souterrain partant de la Chartreuse et se dirigeant vers le nord, souterrain sur l'existence duquel on ne possède aucune indication précise.
Pour répondre au désir exprimé par la Commission, le 24 novembre dernier, M. Henry Corot a rédigé un rapport concluant à l'opportunité du classement des vestiges et des ruines exhumés par ses soins aux sources de la Seine depuis 1926. Il est décidé'que ce rapport
186 PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES
sera transmis à M. l'architecte des Monuments historiques avec avis très favorable.
Passant à l'ordre du jour, M. Grémaud donne lecture d'un intéressant rapport de M. E. Thevenot, associé, dans lequel celui-ci s'efforce de déterminer, d'après les données fournies par l'archéologie comparée, quel pouvait être l'état original de la colonne antique de Cussy 1.
Le président attire l'attention de la Compagnie sur les conclusions de ce rapport, conclusions déjà esquissées d'ailleurs dans le fascicule IV de 1934 des Annales de Bourgogne par M. Thevenot. Grâce à ce remarquable travail, la destination du monument semble moins mystérieuse et il est permis de penser que des fouilles bien conduites au pied du monument pourraient amener la découverte de fragments assez caractéristiques pour sanctionner d'une manière absolue cette thèse nouvelle.
Tel est l'avis également de MM. A. Forey et P. Beck, architectes des Monuments historiques, qui, avant d'envisager une nouvelle restauration, voudraient attendre les résultats de ces recherches.
A l'unanimité, la Compagnie se rallie à cette opinion.
M. Collot remercie tout particulièrement M. G. Virely, associé, d'avoir bien voulu dessiner pour la circonstance la colonne dans son état actuel et le monument tel qu'il se présenterait une fois restitué d'après les données de M. Thevenot.
Comme suite à cette communication, M. Grémaud lit une lettre récente de M. Edm. Moingeon, architecte-ingénieur à Paris, qui signale avoir étudié de son côté le problème de la colonne de Cussy et aurait d'autres vues sur la destination du monument. La Compagnie exprime, en conséquence, le désir de connaître son avis sur la question.
M. A. Collot parle ensuite des inscriptions en langues étrangères de Saint-Romain.
La séance est levée à 18 h. 40.
ANNEXE
LES INSCRIPTIONS EN LANGUES ÉTRANGÈRES
DE SAINT-ROMAIN
(par M. A. Collot, trésorier)
«Dans le mur d'une maison de Saint-Romain-le-Haut sont enchâssées deux pierres portant des inscriptions d'aspect bizarre ; deux autres inscriptions sont gravées sur le linteau d'une porte ; enfin
1. V. Mémoires.'
PROCÈS-VERBAUX DES SÉANCES 187
une cinquième, également sur un linteau, se trouve à quelques kilomètres de là, à Grandmont, commune de Montceau-Écharnant.
» Presque toutes ces inscriptions sont en langue anglaise ou allemande et contiennent des préceptes de morale et des versets de la bible, d'une traduction relativement aisée malgré leurs abréviations et leur tournure elliptique. Mais l'une d'elles — celle qui appartient à la pierre enchâssée dans le mur de Saint-Romain-le-Haut — est écrite dans une langue réputée inconnue et elle a de tout temps piqué la curiosité des archéologues et des promeneurs. Une tradition solidement établie dans le pays veut qu'il s'agisse d'une inscription en langue arabe. Tirant argument de ce que les habitants de SaintRomain portent le sobriquet d'arabes, selon une vieille et malicieuse coutume en usage dans les villages bourguignons, on est allé jusqu'à prétendre que cette inscription indéchiffrable, dite arabe, était une preuve évidente que, lors des invasions sarrazines du vme siècle, une colonie d'envahisseurs se serait fixée à Saint-Romain et y aurait fait souche.
» Les arabes de Saint-Romain, pas plus que la pierre gravée ellemême n'ont cependant rien à voir avec les Sarrazins ni avec la langue arabe. Cette conception romantique est très différente de la réalité. Il s'agit, en effet, de l'inscription en langue hébraïque du verset 10, chapitre 49 de la Genèse. Si elle est restée indéchiffrée jusqu'à ces dernières années, cela tient à ce que l'hébreu employé n'est pas celui de l'âge d'or biblique : c'est un hébreu post-biblique fortement contaminé par l'apport de beaucoup de mots étrangers. D'autre part les caractères utilisés ne sont pas des caractères hébraïques, mais des lettres majuscules romaines. L'artisan de village, sans doute un sculpteur de tombes, à qui le verset sacré a été dicté, a été obligé de reproduire en prononciation figurée les sons tels qu'il les entendait. Toutes ces circonstances ont contribué à jeter sur cette inscription, d'ailleurs rare et d'une curiosité exceptionnelle en épigraphie hébraïque, un voile resté longtemps impénétrable.
» A la fin du xvme siècle, les maisons aux inscriptions, tant celle de Saint-Romain que celle de Grandmont, appartenaient à une famille Drouhin. L'un des enfants entra dans les ordres à titre patrimonial, c'est-à-dire sans exercer jamais la prêtrise. Quelques vieillards existant encore se souviennent fort bien de l'abbé Drouhin qu'ils ont connu dans leur enfance. C'est cet abbé qui, vers 1820, se plut à orner de sentences et de versets bibliques le seuil de la maison paternelle ».
Le Secrétaire, G. GRÉMAUD.
II
Mémoires
VOUTES D'ARETES ET VOUTES BYZANTINES
par M. Jules LEBEL
MEMBBE RÉSIDANT
La question principale que je me propose de traiter ici est assez mal connue, parce qu'elle a plusieurs faces, et qu'ainsi elle exige la collaboration de spécialistes distincts, ce qui n'est déjà pas chose facile. D'autre part, les lecteurs qui veulent se documenter dans les ouvrages autorisés qu'on trouve dans les bibliothèques ont des tendances à préférer ' uniquement ceux qui leur offrent une plus grande simplicité d'exposition, renonçant à ceux qui les obligeraient à un effort dépassant le domaine de leurs investigations. De cette option résultent fatalement des lacunes et des erreurs qui ont peu de chances de donner lieu, dans la suite, à des rectifications.
J'ai pensé que l'examen de certains faits quelque peu paradoxaux ne serait pas complètement dépourvu d'intérêt. D'ailleurs je ne prétends nullement m'attribuer le mérite d'une mise au point qui était déjà faite. On trouve, en effet, dans un autre auteur que je citerai plus loin, tous les éléments de la question exposés avec toute l'exactitude désirable. Peut-être pourrait-on regretter seulement une condensation un peu excessive, d'où résulte une ceitaine diff;culte à s'assimiler toute la matière à une première lecture, surtout quand l'esprit a été influencé à l'avance par une première initiation sujette à caution.
Je vais donc exposer ici comment mon attention fut attirée sur un chapitre traitant d'un système particulier de voûtes d'arêtes, avec illustrations correspondantes, et expliquer la petite enquête que j'ai été amené à faire à ce sujet. Mais, pour la clarté des faits, je crois devoir reprendre à l'origine la question des voûtes
192
VOUTES D ARETES ET VOUTES BYZANTINES
d'arêtes ordinaires. Je m'excuse d'avoir à rappeler des choses bien connues ; mais cela me facilitera les rapprochements que j'ai en vue.
Voûtes d'arêtes ordinaires. ■— On sait que la voûte d'arêtes ordidinaire résulte de la pénétration de deux voûtes en berceau de même diamètre, placées à la même hauteur et se traversant à angle droit. On se fait une idée très nette de la figure en examinant une croix formée de deux cylindres de même calibre. Leurs surfaces
se croisent suivant deux ellipses qui séparent les croisillons. Le plan des deux axes décompose le solide en deux portions symétriques dont une seule nous suffira. Sur la portion convexe nous pourrons mouler, par exemple en plâtre, notre voûte d'arêtes où apparaîtront les deux berceaux dans les quatre bras de la croix. Plus simplement encore, si la croix primitive, au lieu d'être solide, était creuse et construite en tôle, il nous suffirait de regarder à l'intérieur pour apercevoir directement notre voûte telle qu'elle se manifeste dans l'édifice auquel elle appartient. En sciant les bras de la croix, nous conservons la partie centrale essentielle, terminée par quatre demi-cercles qui sont les lunettes de la voûte.
Les portions de surfaces conservées sont engendrées par les parties des génératrices de chacun des cylindres qui sont extérieures à l'autre. Les portions intérieures engendrent d'autre part une voûte d'une autre nature appelée arc de cloître, susceptible d'être élevée sur quatre murs pleins formant un compartiment carré. Au siècle dernier, certains architectes employaient aussi cette dénomination pour désigner la voûte d'arêtes.
Difficultés de réalisation. — Dans les édifices les plus anciens, pour construire la voûte d'arêtes, on s'occupait uniquement de la réalisation des surfaces cylindriques, considérées comme surfaces réglées, et les arêtes apparaissaient comme un sous-produit obtenu indirectement. On laissait un excédent de matière dans le voisinage, et on l'abattait finalement en soignant deux surfaces à la fois. On régularisait à la truelle s'il y avait lieu. Dans la suite, quand on voulut chercher une perfection plus grande, et qu'il fallut con-
VOUTES D'ARETES ET VOUTES BYZANTINES 193
sidérer les courbes en elles-mêmes, on eut à regretter leur nature elliptique, qui ne s'accordait pas avec les procédés en usage.
Si, au point de vue esthétique, l'architecture est susceptible de se prêter théoriquement à une foule d'agencements géométriques d'une merveilleuse séduction, pratiquement on est obligé de se limiter à un répertoire d'éléments extrêmement réduit. Dans l'antiquité surtout on s'est adressé aux dérivés des deux lignes les plus faciles à obtenir avec une perfection suffisante : la ligne droite et le cercle. On traçait les lignes droites principalement avec la règle et le fil tendu, les cercles avec le compas et les simbleaux, autres fils tendus mais mobiles, dont une extrémité était fixée au centre du cercle, l'autre étant destinée à parcourir la courbe. Pour l'ellipse, on aurait pu utiliser les foyers et la corde du jardinier ; mais, même avec ce moyen, si toutefois on le supposait connu, l'exécution pratique n'aurait pas eu une précision assurée. C'est pourquoi on décida de modifier la nature de la voûte d'arêtes en substituant aux ellipses des arêtes circulaires ; nous voici arrivés au problème principal que nous avons en vue dans cette petite causerie.
Il ne faut plus parler désormais de berceaux en forme de demicylindres de révolution. D'autre part, les berceaux elliptiques, seuls susceptibles de contenir les arcs diagonaux circulaires, par suite de la surélévation de ceux-ci, n'auraient fait que déplacer la difficulté sans la résoudre, puisqu'en revanche on substituait des bases elliptiques aux bases circulaires constituées par les lunettes. L'art gothique devait introduire à une autre époque des surfaces se rapprochant plus ou moins des berceaux brisés en remplaçant les lunettes circulaires par des arcs anguleux. Mais avant d'en venir là, on imagina une solution destinée à mettre d'accord les . arcs diagonaux circulaires et les lunettes également circulaires. Mais vous allez reconnaître avec moi qu'on est en général très mal documenté sur la question.
Voûtes byzantines. — Dans le carré à meubler, nous venons de renoncer aux berceaux. De plus, nous pourrons avoir deux rayons différents pour les lunettes prises deux à deux, car nous avons à couvrir un espace déterminé aussi bien en plan barlong qu'en plan carré. En restant dans le domaine de la droite et du cercle, quelles sont les surfaces qu'il convient d'adopter pour remplacer les cylindres ?
Nous allons d'abord demander une réponse à Camille Enlart,
194 VOUTES D'ARETES ET VOUTES BYZANTINES
puisque je vous ai invités à suivre la voie où je m'étais engagé moi-même. Dans son Manuel d'Archéologie française, après avoir fait ressortir, comme nous l'avons fait précédemment, l'inconvénient des arêtes elliptiques de la voûte primitive, il continue ainsi : « On les simplifia généralement en les traçant en plein cintre ; on eut dès lors une clef centrale beaucoup plus élevée que le sommet des lunettes ». Et plus loin : « On eut ainsi la voûte bombée, formée de la pénétration, non plus de deux cylindres, mais de deux fuseaux». Ce texte est illustré d'une gravure représentant une coupe de la voûte de l'église de Pontaubert (Yonne), où ce dispositif a été adopté. On constate, en effet, que la ligne de faîte médiane, joignant la clef de voûte aux sommets de deux lunettes opposées, n'est plus une ligne droite, comme dans le cas des berceaux cylindriques, mais un arc de cercle bien régulier.
La curiosité du lecteur, après l'examen de cette pièce, extraite des Annales archéologiques, doit être généralement satisfaite ; car, si des protestations s'étaient élevées, le fait serait assez connu ■aujourd'hui pour qu'on s'en fût ému. Moi-même, sans songer plus loin tout d'abord, j'ai catalogué, le fait, nouveau pour moi, regrettant seulement la distance qui me séparait de Pontaubert, où j'aurais pu aller examiner sur place ce spécimen d'un motif que je n'avais jamais eu l'occasion de rencontrer.
Hélas ! on ne gonfle pas une voûte comme on soufflerait dans un sac de baudruche. Je ne devais pas tarder à reconnaître, par un examen plus attentif de la question, que j'avais fait preuve d'une confiance un peu trop naïve.
Subtile équivoque. — Ce qui me sauva, c'est que je n'avais accepté l'expression « fuseau » que sous bénéfice d'inventaire, sachant que la plume qui l'avait écrite était celle d'un historien plutôt que d'un géomètre. Cependant j'avoue que je ne me suis d'abord préoccupé que de la confirmation du fait d'une manière précise, car ma conviction était déjà établie. Voici comment je fus amené à la modifier.
Toujours guidé par la recherche de la simplicité dans les moyens d'exécution, je n'ai jamais douté qu'une voûte arrondie, de forme régulière, pût être engendrée autrement que par la rotation d'une ligne génératrice autour d'un axe fixe. Je ne pouvais donc m'adresser, dans mes investigations, qu'aux surfaces géométriques dites « de révolution », en utilisant les résultats bien connus de ceux qui ont simplement effleuré la question.
Une pareille surface peut être considérée comme constituée par l'ensemble des cercles décrits par les différents points de la gêné-
VOUTES D'ARETES ET VOUTES BYZANTINES 195
ratrice, ces cercles étant distribués comme les spires d'un panier à salade. Enfin, la génératrice adoptée peut être remplacée par toute autre ligne tracée à priori sur la surface, car les cercles engendrés sont toujours les mêmes, et le panier n'est pas modifié. Cette dernière remarque sera fondamentale pour nous.
Revenons au mot « fuseau », et passons en revue les divers sens qu'on peut lui attribuer ici. J'écarte évidemment, comme ne pouvant avoir aucun rapport avec la question, le fuseau sphérique, représenté grossièrement par l'écorce d'une côte de melon, et que les géomètres définissent comme une portion de la surface d'une sphère limitée par deux demi-grands cercles qui se rejoignent à leurs deux extrémités.
Il y a une définition du fuseau qui n'est pas très compromettante, et qui pourrait convenir ici comme dans bien d'autres cas. Les architectes nomment ainsi, d'une manière générale, avec les synonymes : canton, panneau, etc., les divers compartiments en lesquels une voûte composée se trouve divisée par des arêtes saillantes ou rentrantes, ou par des nervures. Cette appellation ne préjuge rien quant à la nature des surfaces en jeu, et nous ne pouvons rien lui demander.
Une. dernière acception fixera notre attention ; nous voulons parler du fuseau des pieuses. La forme de l'objet évoqué nous conduit naturellement à la définition géométrique correspondante, quoiqu'elle ne soit pas précisément courante dans le langage géométrique. La surface dont il s'agit, mieux nommée « tore », est engendrée par un arc de cercle tournant autour de sa corde. Si cet arc est inférieur à une demi-circonférence, le. solide compris à l'intérieur a deux pointes de forme conique. Deux traits de scie pour les faire disparaître, et ce solide prend la forme d'un tonneau, convenant assez bien pour nous représenter la voûte bombée que Camille Enlart situe à Pontaubert. Par l'imagination, nous le fendrons suivant l'axe, et nous n'en garderons que la moitié. Les deux demi-cercles provenant des troncatures figureront deux lunettes opposées. Quant à la surface courbe, nous n'avons qu'à en conserver deux cantons angulaires dont les pointes se réuniront à la clef de voûte, et la répétition d'un autre motif analogue permettra de compléter l'ensemble par une disposition transversale.
Il nous sera utile de remarquer que, si l'arc générateur du fuseau atteignait une demi-circonférence, la surface obtenue dégénérerait en une véritable sphère. Enfin, si on dépassait la demi-circonférence génératrice, la surface obtenue serait encore plus développée qu'une
196 VOUTES D'ARETES ET VOUTES BYZANTINES
sphère. Les deux points coniques du cas initial seraient remplacés par deux dépressions, comme on en voit à la surface d'une pomme, au noeud et au point d'attache.
Agencement provisoire de deux fuseaux toriques égaux. — Au premier abord, cette combinaison qui était, sans aucun doute possible, la conception d'Enlart, a l'air de se présenter d'une façon si naturelle qu'on l'accepte avec la plus grande facilité. Non seulement il est juste qu'on soit prédisposé en faveur d'un maître autorisé, mais les premiers résultats du calcul et de la réflexion semblent être de véritables confirmations.
Evitons de prononcer le mot « calcul » qui sème trop souvent la terreur, et notons simplement quelques résultats essentiels en constatant l'existence évidente de quatre plans de symétrie qui sont : 1° les plans verticaux contenant les axes, 2° leurs plans bissecteurs, que nous appellerons les plans diagonaux. Chacun de ces deux derniers coupe les deux fuseaux suivant deux courbes qui coïncident, sans quoi elles ne seraient pas symétriques. Ainsi nous aurons comme arêtes de la voûte deux arcs diagonaux, qui sont des courbes planes se coupant à angle droit à la clef ; et les méridiennes des voûtes sont des cercles parfaits.
Tout cela est fort beau. Il n'y a qu'un « mais » à enregistrer ; cependant il est sérieux. C'est que les arcs diagonaux ne sont pas des cercles ! Ce sont des sections planes, mais pratiquées dans des surfaces d'un degré trop élevé. En tentant une révolution pour supprimer des ellipses, nous leur avons substitué des courbes encore plus compliquées. Voilà ce que n'avait certes pas prévu Camille Enlart...
Mais puisque sa théorie^se dérobe, et que nous-savons cependant qu'il existe une voûte bombée à Pontaubert, il faut bien se livrer à d'autres investigations pour lui constituer un état-civil.
Autre essai de surfaces de révolution. — Il ne peut exister qu'une seule surface de révolution d'axe donné contenant une ligne donnée ; et nous avons fait remarquer que cette ligne, considérée comme génératrice, peut être choisie arbitrairement sur la surface supposée bien définie. Proposons-nous donc de déterminer les deux surfaces de révolution croisées qui, avec les données provisoires de Camille Enlart, arcs diagonaux et lunettes en plein cintre, contiendraient respectivement tous ces demi-cercles.
Nous pouvons déjà un peu généraliser, car la conclusion est la
VOUTES D ARETES ET VOUTES BYZANTINES
197
même, que le plan à couvrir soit carré ou barlong, que les lunettes soient toutes égales ou non. Le point de rencontre des diagonales du carré ou du rectangle est le centre commun des deux arcs diagonaux ; il est donc à égale distance de tous les points de ces deux demi-cercles, et ainsi il existe déjà une sphère ayant pour centre ce point, et contenant les deux arcs. Nous allons constater de plus qu'elle contient les quatre lunettes. Il suffit de remarquer qu'elle contient, pour chacune d'elles, les extrémités du diamètre horizontal, son centre étant équidistant de tous les autres points. La distance invariable est, en effet, l'apothème du cône dont le sommet est le centre de la sphère, et dont la lunette est la base.
Conclusion : la sphère en question est la seule surface qui puisse
jouer le rôle de fuseau, à la fois dans les deux rotations supposées. Nous réalisons ainsi tout simplement la sphère en pendentifs, qu'on trouve en particulier au tombeau de GallaPlacidia àRavenne (Lasteyrie) (fig. ci-contre). Nos prétendus fuseaux sont venus se confondre avec une sphère unique qui ne peut pas se recouper elle-même. Nous sommes en présence d'une voûte d'arêtes qui n'aurait pas d'arêtes du tout.
De toute la théorie d'Enlart il ne reste donc absolument rien. Nous allons mettre en évidence l'erreur qu'il a commise dès le début.
Théorie de Choisy. — La page 10 du tome II de l'Histoire de l'Architecture d'Auguste Choisy est extrêmement riche en documents relatifs à notre sujet, à l'inverse de l'exposé rudimentaire d'Enlart. Les faits sont même tellement condensés qu'on ne les saisit pas très bien à une lecture trop rapide, surtout si on a déjà des idées faussées par une autre documentation. Il convient de revenir à la charge, en reprenant les choses au commencement au lieu de se laisser distraire par les figures.
Choisy échappe dès le début aux critiques que nous avons formulées. Il était trop géomètre pour n'avoir pas vu que la sphère à pendentifs est la seule solution possible lorsque les arcs diagonaux sont de véritables demi-cercles. Mais, à mon avis, il aurait dû insister davantage, au lieu de glisser, sur la nécessité de trouver un moyen terme, en diminuant le bombement, de là voûte par l'abaissement des centres des arcs diagonaux au-dessous du plan
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VOUTES D'ARETES ET VOUTES BYZANTINES
de naissance de la voûte. Ces arcs diagonaux sont ainsi surbaissés, et c'est le fait capital qui a échappé à Enlart. S'il a consulté son confrère, l'a-t-il lu trop vite comme moi ? ' Choisy nous apprend que toutes les voûtes de Sainte-Sophie de Constantinople sont surhaussées, c'est-à-dire bombées, avec des arcs surbaissés. Il ajoute qu'elles présentent toutes la même particularité : c'est que toutes les méridiennes ont des points d'inflexion, ou sont sinueuses (forme étrange a priori, dit-il, sans insister).
En regardant d'un peu plus près, on voit que ce fait n'est pas dû à une fantaisie des anciens constructeurs. Ils ne sont pas partis d'une méridienne de forme arbitraire, mais ils ont dû forcément prendre comme génératrice un arc diagonal, sachant que cette
ligne devait appartenir à la surface. Son plan ne contenait pas l'axe, mais ceci n'avait aucune importance si l'on faisait usage des simbleaux, qui permettaient de transporter toutes les distances obliques dans le plan vertical de l'axe, et suivant les verticales de ce plan. On pouvait ensuite tracer un profil de la surface réalisée, en joignant par un trait continu les divers points marqués. Les points d'inflexion apparaissaient alors naturellement (fig. ci-dessus). Notre surface de voûte peut être considérée comme un fuseau généralisé, dont l'arc générateur a été transporté dans un plan oblique à l'axe. Voici un moyen de se rendre compte de la présence dès points d'inflexion de la méridienne. L'arc surbaissé qu'on fait tourner appartient à une circonférence qu'on peut compléter par un arc plus grand. Dans la rotation, ils engendrent deux nappes distinctes d'une même surface de révolution, et à chacune d'elles
VOUTES D'ARETES ET VOUTES BYZANTINES 199
correspond une portion de la méridienne entière. L'une est située entre les plans des deux lunettes, l'autre les dépasse à ses deux extrémités, et la plus grande enveloppe la plus petite. L'ensemble a la forme d'un haricot, et la plus petite branche est forcément sinueuse.
Si l'on suppose que les arcs surbaissés varient en se rapprochant du plein cintre, le haricot s'incurve en se rétrécissant, et tend à se confondre avec un double demi-cercle. C'est ainsi que la sphère à pendentifs se présente comme surface limite, et c'est la solution inéluctable à laquelle Camille Enlart devait se heurter dans le silence de son cabinet, privé de toute réalisation concrète susceptible de guider son imagination.
LA COLONNE ANTIQUE DE CUSSY PROJET DE RESTITUTION
par M. Emile THEVENOT
ASSOCIÉ
/ Pas n'est besoin de rappeler l'intérêt qui s'attache à la colonne de Cussy. Depuis sa constitution, la Commission des Antiquités de la Côte-d'Or n'a cessé d'avoir, pour ainsi dire, les yeux fixés, sur ce précieux vestige des temps gallo-romains. Qu'il se soit agi de scruter le sens de l'énigmatique monument ou plus simplement de veiller à sa conservation, sa vigilance a toujours été en éveil : la simple lecture des Tables de ses Mémoires serait édifiante à ce sujet. Aussi bien cette tradition jamais relâchée de sa part se trouvait être un acte de fidélité à l'initiative d'un illustre Côted'Orien : c'est l'érudit Saumaise qui, le premier, signala, vers le milieu du xvne siècle, la colonne de Cussy à l'attention des savants. Érigé en pleine campagne, au milieu des prairies, dans un canton resté à l'écart des grandes voies de communication, le monument devait sans doute à son isolement d'avoir conservé en grande partie son aspect originel. Il se présentait sous forme d'une colonne mutilée offrant de bas en haut les éléments suivants : une base, un piédestal octogone nu, une corniche, un deuxième piédestal octogone historié de huit bas-reliefs, une deuxième corniche, enfin la base et le fût de la colonne proprement dite, composé de quatre tambours. Les parties supérieures de la colonne, c'est-à-dire le reste du fût, le chapiteau et la statue qui avait pu surmonter l'ensemble s'étaient écroulés ou avaient été jetés bas. Toutes ces pierres n'avaient point cependant disparu, si l'on en croyait une ancienne tradition : à la ferme d'Auvenay, sise à quelque trois kilomètres, on pouvait contempler, disait-on, un chapiteau surnommé par
PROJET DE RESTITUTION 201
le vulgaire « la lampe » ; des vieillards, vivant à la fin du xvne siècle, affirmèrent au Père Lempereur x avoir vu ce chapiteau au sommet de la colonne. Dans le cimetière de leur village, ils lui montrèrent une autre pierre, dite « Pierre cornue » qui, selon eux, avait servi de couronnement à la colonne : cette pierre, en forme de parasol octogone et taillée d'un seul bloc, présentait le diamètre énorme de 2^27.
Le Père Lempereur s'était borné à reproduire les déclarations des habitants de Cussy sans prendre parti. Le Beaunois Pasumot étudia la question avec un esprit vraiment critique 2. Après avoir examiné le fragment déposé à la métairie d'Auvenay, Pasumot concluait que ce fragment avait certainement appartenu à la colonne : la pierre était la même, disait-il ; le style des sculptures était conforme à celui des figures du piédestal ; les dimensions concordaient. Pasumot faisait remarquer que la « Pierre d'Auvenay » constituait seulement la partie supérieure du chapiteau primitif ; l'assise inférieure était perdue. En ce qui concerne la « Pierre cornue », Pasumot était plus réservé : il la considérait seulement comme le couronnement possible de la colonne.
Ces conclusions furent adoptées sensiblement par les archéologues du xvme siècle, par Millin en particulier 3. Au commencement du xixe, on songea à rapprocher de la colonne les fragments dispersés au cours des âges ; dès 1821, on installa le chapiteau d'Auvenay et la Pierre cornue au pied du monument et bientôt un mur d'enceinte engloba l'ensemble des débris. Cependant les partisans de la restauration s'employaient activement : leur désir était de voir rétablir dans sa hauteur primitive le fût de la colonne, replacer le chapiteau et la Pierre cornue au sommet du monument. L'architecte Saint-Père, de Dijon fut commis à la direction des travaux ; mais, à la surprise quasi générale, ce technicien refusa de considérer le chapiteau d'Auvenay comme le chapiteau primitif de la colonne. Nous aurons à examiner le détail de ses objections ; disons seulement pour l'instant que les dimensions de la Pierre d'Auvenay lui parurent trop grandes. Cette conclusion apportait un gros désappointement : le projet de restauration ne tenait plus. '
1. P. LEMPEREUR, Recueil de disserl. hisl. sur plusieurs sujets d'antiquité, Paris, 1706, in-12, p. 27 et s.
2. Les conclusions de Pasumot sont connues par la publication de GRIVAUD DE LA VINCELLE, Dissertations et mémoires, Paris, 1810-1813, in-8° ; et mieux encore par le manuscrit de Pasumot conservé à la bibliothèque municipale de Beaune. "
3. MILLIN, Voyage dans les départ, du midi delà France, 1807, t. I, p. 287-300.
202 LA COLONNE ANTIQUE DE CUSSY
Il eût été logique, dans ces conditions, de laisser la colonne en l'état, mais l'enthousiasme avait été trop grand pour que l'on se résignât à cette attitude négative. On décida, malgré tout, de prolonger le fût et, par une incroyable audace, de sculpter et d'installer un chapiteau purement imaginaire. Le monument, qui portait 8m25, se trouva exhaussé de 3m35 et présenta dès lors (1825) l'aspect sous lequel nous le connaissons.
Le chapiteau d'Auvenay et la Pierre cornue restèrent en place dans l'enceinte du monument, où ils se trouvent encore. Toutefois le dernier mot n'était pas dit et ni le rapport Saint-Père, ni la restauration de 1825 n'avaient résolu le problème de l'origine de ces pierres. Dès le milieu du xixe siècle, les archéologues, frappés à- nouveau de l'identité de style entre le chapiteau et les sculptures du piédestal, rapprochaient instinctivement les deux monuments, ("étaient Devoucoux en 1848 \ Guillemot en 18522, Bulliot en 1867 3, d'autres encore. Vers le dernier quart du siècle, de nouveaux indices étaient fournis par la découverte d'une série de monuments offrant d'évidentes analogies avec la colonne de Cussy. Ces analogies retinrent d'abord l'attention des inventeurs. Prost, qui décrivit le monument de Merten dans la Revue archéologique de 1879 4, souligna la ressemblance, entre les deux colonnes d'une part, entre le chapiteau d'Auvenay et celui de Merten d'autre part et de conclure : « ce qui reste du chapiteau d'Auvenay pourrait n'avoir été que l'étage supérieur du chapiteau lui-même » ; c'était exactement l'opinion de Pasumot. Voulot, auteur de la reconstitution du monument de Portieux 5, ne craignit pas de critiquer vivement la restauration de 1825 : pour rétablir la colonne de Cussy dans son état primitif, il faudrait jeter à bas toute la partie dont elle a été surhaussée en 1825, disait-il ; il estimait d'autre part que des deux pierres placées au pied de la colonne, l'une, la Pierre cornue, constituait le tailloir, l'autre, la Pierre d'Auvenay, « une partie du corps de l'ancien chapiteau ; il n'y aurait plus, pour le recompléter, qu'à ajouter dans le bas une partie servant à continuer les rinceaux et à le relier à la colonne cylindrique qu'il devait couronner ».
Depuis 1880, les trouvailles se sont multipliées ; des colonnes
1. Aubin archéologique, Autun, 1848, p. 241-248.
2. GUILLEMOT, La colonne de Cussy, Lyon, 1852, 39 p.
3. BULLIOT, Le culte des eaux sur les plateaux éduens, dans Mémoires lus à la Sorbonne en 1867.
4. Revue archéologique, 1879, t. I, p. 1-20, 65-83.
5. Rev. arch., 1880, II, p. 291-298.
PROJET DE RESTITUTION 203
complètes ont été mises à jour 1. On s'est aperçu que ces monuments, d'un type tout à fait particulier, étaient inspirés par des croyances religieuses : en effet, l'ensemble formé par les piédestaux, le fût et le chapiteau, était surmonté d'un groupe étrange : une divinité équestre portée par un génie anguipède. Ce dieu-cavalier lui-même est apparu peu à peu comme une divinité, d'origine indigène sans doute, assimilée, aux temps gallo-romains, avec le Jupiter latin 2.
En présence de ces faits, l'explication historique, proposée avec tant de ténacité pour la colonne de Cussy, a dû être abandonnée. On a été conduit à interpréter la colonne comme l'un des plus beaux et des mieux conservés des monuments consacrés au cavalier et à l'anguipède 3. Cette identification, aujourd'hui bien admise, apporte de tels éclaircissements au problème de l'origine du chapiteau d'Auvenay qu'il paraît possible de réviser le rapport SaintPère en toute connaissance de cause. Tout récemment, M. A. Grenier, rendant compte, dans la Revue des Etudes anciennes i, de la dernière étude consacrée à notre colonne, écrit ces phrases : « [la colonne de Cussy] est nettement une colonne à Jupiter ; une tête diadémée, trouvée en 1825, et disparue depuis, devait être celle du dieu; ...des fouilles pourraient peut-être faire retrouver d'autres débris du groupe de Jupiter cavalier et de Vanguipède^.. ; il y aurait lieu de rectiper la restauration malheureuse d'autrefois et de fouiller les points indiqués. On obtiendrait ainsi un ensemble qui ne se retrouve nulle part ailleurs... ». Tel est le double programme que nous soumettons à l'appréciation de la Commission des Antiquités.
RESTITUTION DE LA COLONNE
Cette restitution comporte deux tâches essentielles : rendre au fût sa hauteur primitive, replacer le chapiteau d'Auvenay au sommet du monument.
1. En particulier la colonne d'Heddernheim, trouvée en 1884.
2. Cette assimilation est certaine et résulte : a) de la présence d'une dédicace à Jupiter et à Junon sur quelques colonnes (C.I.L., XIII, 7352 et 7609) ; b) de la trouvaille d'un dieu-cavalier portant un foudre, attribut de Jupiter (ESPÉRANDIEU, Recueil, n° 5690) ; e) de la trouvaille de plusieurs dieux-cavaliers portant la roue, autre attribut de Jupiter (cavalier de Meaux : ESPÉRANDIEU, n° 3207 ; de Luxeuil : ibid., 5357 ; de. Bar-le-Duc : ibid., 4666-4670 ; de Quemigny-sur-Seine : ibid., 7098 ; de Hanau-Windecken : ibid., Germanie, n° 76).
3. L'explication historique était combattue depuis MONTFAUCON, Antiquité expliquée, 1724, supplément au t. II, p. 224. L'abbé MORILLOT avait soupçonné après PROST et VOULÛT la destination de la colonne (Comm. Ant. C.-d'Or, XIII, 1895-1900, p. XLV). JULLIAN a précisé davantage (Iiist. Gaule, t. VI, p. 424, n. 4).
4. Rev. él. anc, t. XXXVIII, 1936, p. 342-343, compte-rendu de « La colonne antique de Cussy », dans Annales de Bourgogne, 1934, p. 305 et s.
204 LA COLONNE ANTIQUE DE CUSSY
Hauteur à donner au fût. — Les parties antiques du fût consistent, on se le rappelle, en quatre tambours offrant une hauteur totale de 3m84 ; des crampons de fer extérieurs reliaient les tambours deux à deux et assuraient la stabilité du monument. Le tambour inférieur relativement court est décoré de losanges fleuronnés ; cette décoration continue sur le bas du deuxième tambour, lequel est notablement plus haut que le précédent ; les losanges fleuronnés occupent en tout une hauteur de lm029. Le reste du deuxième tambour, les troisième et quatrième tambour sont décorés de 17 rangs de feuilles imbriquées, dont les pointes sont tournées vers le bas ; six rangs occupent la partie supérieure du deuxième tambour, six rangs le troisième tambour entier, cinq rangs le quatrième tambour ; la hauteur totale décorée de feuilles imbriquées est de 3mS44 — 1,029, soit 2^815 \ Disons enfin que le fût est fortement galbé ; le diamètre à la base est de 0m744 ; au sommet du quatrième tambour, il est, d'après le rapport Saint-Père de 0m69 ; le renflement très prononcé atteint son maximum au sommet du deuxième tambour.
En 1825, on jugea le fût très incomplet ; les colonnes élevées suivant les proportions des ordres classiques sont, de fait, plus élancées ; la colonne dorique offre en hauteur sept fois le diamètre pris à la base, la colonne corinthienne huit fois le même diamètre. Ces indications conduisaient à prolonger le fût de lm34 dans le premier cas, de 2m08 dans le deuxième. Le dernier parti semble avoir été adopté puisqu'on exhaussa la colonne de deux tambours et d'un chapiteau formant une hauteur totale de 3m35. Il est possible d'affirmer aujourd'hui que cette prolongation du fût a été très exagérée.
Une observation attentive du monument dans son état actuel le laisse supposer. Les deux tambours ajoutés en 1825 ne continuent pas le galbe des quatre tambours antiques ; leur- diamètre décroît moins que celui du quatrième tambour ! il en résulte une rupture dans la ligne générale de la colonne. Le fût ancien est tellement renflé qu'en le prolongeant de 2 mètres, l'architecte de 1825 aurait été obligé de donner au sixième tambour un diamètre
1. Toutes ces mesures d'après Pasumot. On peut déduire de ces chiffres :
a) la hauteur d'un rang de feuilles 2m815 : 17 = 0m165, et par conséquent
b) la hauteur exacte du 4e tambour : 0m165 x 5 = 0m825 ; c) la hauteur exacte du 3e tambour : 0m165 x 6 = 0m99 ; d) la hauteur approximative du 2e tambour : 0m99 (correspondant aux 6 rangs de feuilles) + hauteur du décor de losanges, environ 0 m33 (hauteur de 2 rangs de feuilles) soit au total 1 m32 ; e) la hauteur approximative du 1er tambour : 3m844 — (0m825 + 0m99 + 1""32) = 0m709.
PROJET DE RESTITUTION 205
infime, moins de 0m50. Comme il n'a pu s'y résoudre, il a placé, au-dessus du fût antique, deux tambours qui ne font pas corps avec lui et paraissent appartenir à une colonne étrangère. Cette impression fâcheuse est partagée par tous les visiteurs et plusieurs membres de la Commission l'ont éprouvée le 18 septembre dernier.
Il y a plus. Dès 1880, alors qu'un petit nombre de colonnes étaient connues, Voulot remarquait, en étudiant le monument de Portieux 1, une sorte d'équation entre le pilier et la colonne, entre le dé du premier et le fût de la seconde. La hauteur du pilier de Portieux, lm68, égale, en effet, sensiblement la hauteur du fût, lm62. Voulot retrouvait cette équation dans la colonne de Merten et dans la colonne de Cussy, où « la hauteur des deux piédestaux superposés égale celle de la partie ancienne du fût ». Les quatre tambours du fût de Cussy nous restitueraient la totalité de la colonne. On ne peut se défendre d'être frappé de la force de ce raisonnement, si l'on songe que l'ensemble des piédestaux et corniches de Cussy atteignent 4m032, tandis que le fût et sa base sont hauts de 4m169. Cette équation, du reste, se vérifie sensiblement dans les autres colonnes complètes qui nous sont parvenues depuis 1880 et dont Voulot n'avait pu tenir compte dans son argumentation 2. Toutefois il ne s'agit pas d'une équation rigoureuse, mais approximative ; elle résulte moins, à notre sens, d'une intention symbolique, comme le pensait Voulot, qu'elle n'est la conséquence logique de l'architecture spéciale de ces monuments. Le fût était destiné à supporter un chapiteau et enfin un groupe volumineux et lourd : le dieu cavalier porté par l'anguipède. Placer ce groupe au sommet "d'une colonne trop élancée aurait pu entraîner l'écroulement de la colonne. Pour éviter ce risque, les constructeurs donnèrent au fût une forme trapue et des proportions inférieures à celles des colonnes ordinaires 3.
Si l'on relève les dimensions des fûts qui nous sont parvenus intégralement, on est étonné de la faiblesse du chiffre exprimant le rapport de la hauteur au diamètre. Ces colonnes sont peu nombreuses et on en trouvera ci-dessous la statistique : aucune ne présente une hauteur supérieure à 6 diamètres et la moyenne est de 5 diamètres. Nous distinguerons deux catégories :
1. Rev. arch., 1880, I, p. 388-389.
2. Colonnes de Ehrang (ESPÉRANDIEU, 5233) ; de Schierstein (ESPÉRANDIEU, Germanie, 31) ; de Heddernheim (ESPÉRANDIEU, Germanie, 101).
3. ESPÉRANDIEU dit plusieurs fois « fût en forme de balustre » à propos de nos colonnes.
206 LA COLONNE ANTIQUE DE CUSSY
1° colonnettes de dimensions très inférieures à celles de la colonne de Cussy :
colonnette de Metz, (Esp. 4402) rapport 5,6
id. Neuweiler (Esp. 5700) id. 3,27
id.' Rheinzabern (Esp. 5898) id. 4,8
2° colonnes de proportions comparables à celles de la colonne de Cussy :
colonne de Merten (Esp. 4425) rapport 5 environ
id, Portieux (Esp. 4768) rap. certain 3,5
id. Ehrang (Esp. 5233) id. 4,6
id. Schierstein (Esp. Germanie, 31) id. 5
id. Heddernheim ( id. id. 101) id. 4,2
Devant cet ensemble de faits concordants, quelle hauteur supposera-t-on à la colonne de Cussy ? Si l'on admettait avec Voulot que le fût. est entièrement conservé, lé rapport de la hauteur au diamètre aurait été de 3m84 : 0,74, soit 5,2, chiffre conforme et même déjà supérieur à la moyenne qui ressort de notre statistique. Cependant nous observerons que le quatrième tambour porte la trace d'un crampon ; ce crampon ne pouvait se lier avec l'astragale ni avec le chapiteau. Nous admettrons donc L'existence d'un cinquième tambour relativement court, lequel supportait les éléments supérieurs de la colonne. Pour déterminer sa hauteur, nous tiendrons compte du fait que, dans les colonnes de Schierstein et d'Heddernheim, le renflement occupe le .milieu du fût. Dans la colonne de Cussy, le plus grand diamètre se situe au sommet du deuxième tambour, à une hauteur de 2 mètres ; nous conclurons que la colonne complète mesurait environ le double, ce qui donne, pour le cinquième tambour 0m20. Fixons, si l'on veut, sa hauteur à 0m30 et le diamètre au sommet à 0m65. Ces chiffres bien entendu sont susceptibles de légères modifications, sans que l'on s'éloigne de notre raisonnement 1.
Remise en place du chapiteau. — Le chapiteau d'Auvenay provient-il ou non de la colonne de Cussy et dans quelle mesure le rapport SainL-Père, qui avait conclu par la négative, peut-il être révisé ? Trois raisons principales y convient, semble-t-il ; le témoignage de la tradition, le style du chapiteau, les dimensions enfin en harmonie avec celles de la colonne.
1. Dans la colonne de Portieux le 5e tambour est très court et très conique.
Cliché des Annales de Bourgogne.
En haut, au milieu : vue d'ensemble de la colonne de Cussy ; au pied de la colonne et dans l'enceinte même du monument, remarquer, à gauche et en arrière, le chapiteau dit « d'Auvenet », à droite et en avant la « Pierre cornue ». — En haut, à gauche : Premier bas-relief du piédestal octogone représentant Minerve. — En haut, à droite : Deuxième bas-relief : Junon.
Au milieu, sous la ûue d'ensemble : le chapiteau dit « d'Auvenet » : face représentant le soleil ; en dessous : autre face du même chapiteau : divinité indéterminée.
PROJET DE RESTITUTION 207
Le témoignage de la tradition, sans constituer un argument décisif, n'est pas pour autant négligeable. Des vieillards de Cussy ont rapporté, à la fin du xvne siècle, avoir vu, dans leur jeunesse; la Pierre d'Auvenay au sommet de la colonne. Ils ont pu s'abuser en partie : nous entendons que, dans le recul des années, leurs souvenirs ont pu s'estomper ; avaient-ils vu de leurs propres yeux ce qu'ils rapportaient où répétaient-ils un récit transmis par leurs ancêtres ? Nous pencherions plutôt en faveur de la deuxième hypothèse, car la démolition de la colonne nous paraît remonter plus haut que le début du xviïe siècle. Il reste que ce récit offre un caractère certain d'authenticité ; la ferme d'Auvenay est édifiée à trois kilomètres de la colonne, au milieu du plateau stérile des Chaumes d'Auvenay ; c'est un site bien distinct des vallons verdoyants de Cussy. Si la Pierre d'Auvenay ne provenait pas de Cussy, comment les paysans de ce village auraient-ils conçu et affirmé le rapport entre leur colonne et un fragment sculpté perdu dans une ferme éloignée ? D'autre part on devrait trouver près d'Auvenay d'autres vestiges gallo-romains ; ces vestiges n'ont pas encore été signalés. Que l'on admette au contraire la dislocation naturelle ou provoquée de la colonne, la dispersion des débris et le transport du chapiteau à Auvenay, et l'on s'explique à merveille' que le fait ait laissé un souvenir à Cussy même i.
"L'identité de. style du chapiteau d'Auvenay et de la colonne fut remarquée déjà par Pasumot ; cet archéologue allait plus' loin : il soutenait que la pierre était la même. Laissons de côté le deuxièmeargument, car deux monuments différents peuvent fort bien, dans un rayon limité, provenir de la même carrière et, d'autre part, certaines colonnes au cavalier et à l'ahguipède n'offrent pas tous leurs éléments taillés dans la même pierre 2. Il n'y a donc pas dé conclusion certaine à tirer de la comparaison des pierres : encore cet examen ne pourrait-il être utilement pratiqué que par un géologue. Il est plus à notre portée de dire si le chapiteau d'Auvenay, par son décor et son iconographie, convient à une colonne comme celle de Cussy. A la question ainsi posée la réponse est nettement affirmative.
1. Suivant l'abbé BREDEAULT (Supplément à l'histoire de Beaunede Gandelot, dans Mémoires Soc. arch. Beaune, 1888, p. 66-72), le transfert a pu être l'oeuvre de Guillaume de Villiers, écuyer, seigneur d'Auvenay, qui fit au xve siècle des échanges avec Marguerite Mahdelot du Blé, dame de Cussy.
2. Exemple : colonne de Ehrang, Espérandieu, 5233 ; le fût et le chapiteau sont de grès blanc, les piédestaux et le groupe de grès rouge.
208 LA COLONNE ANTIQUE DE CUSSY
Les chapiteaux de nos colonnes, des plus ornées du moins, sont d'un style défini. Ils s'apparentent au corinthien, présentent en particulier plusieurs rangées de feuilles d'acanthe superposées et de grandes volutes aux angles ; les roses qui devraient décorer les quatre faces supérieures de la corbeille sont remplacées par des têtes masculines ou féminines 1. Ces têtes, dont la signification est malaisée à déterminer, paraissent représenter ou bien les saisons, ou bien les heures du jour, ou bien les âges de la vie. Il s'agit, en tout cas, d'allégories évoquant l'idée d'un cycle, à l'accomplissement duquel présidait le Jupiter céleste -représenté au sommet du monument. Or le chapiteau d'Auvenay présente les grandes acanthes recourbées en volutes aux "angles et les quatre têtes, dont deux au moins sont parfaitement identifiables : l'une, très bien conservée, représente le soleil, l'autre, très mutilée, figurait la lune, car une corne du croissant est intacte ; une troisième est une tête de vieillard barbu assez énigmatique, peut-être pourvue de cornes : la quatrième tête est entièrement mutilée : Millin, Grivaud de la Vincelle ont cru reconnaître « un jeune faune aux longues oreilles ». N'ont-ils pas trop regardé avec les yeux de l'imagination ? Nous le craignons : Pasumot, qui a vu le chapiteau avant eux, affirme n'avoir rien pu distinguer à l'emplacement de la face, mais « on voit à merveille, dit-il, à droite et à gauche, une corne de boeuf située horizontalement, longue d'environ 6 pouces et qui prend naissance dans la partie latérale de la tête au-dessus des oreilles » 2. Le même détail est encore visible, mais le motif horizontal est-il bien une corne de boeuf ? nous n'oserions l'affirmer. Il est assez délicat d'expliquer toutes les sculptures du chapiteau d'Auvenay. Prost et Voulot 3, en les comparant à celles du chapiteau de Merten, ont pensé que le soleil symbolisait le printemps et la tête de vieillard l'hiver ; le faune cornu exprimerait la force du soleil au solstice d'été ; ces archéologues ont laissé entendre par là que la quatrième face correspondait à l'automne, mais ils ignoraient la figuration de la lune. Nous préférons, quant à nous, laisser au soleil et à la lune leur valeur propre et voir dans ces sculptures des figurations astrales : cette considération et le rapprochement d'un texte de l'orateur Eumène nous ont amené à conjecturer que les deux autres faces pouvaient représenter Vesper et Lucifer, c'est-à-dire l'étoile
1. Voir en particulier les chapiteaux de Merten et de Heddernheim.
2. PASUMOT, manuscrit de Beaune, f° 8 y°.
3. Loc. cil.
PROJET DE RESTITUTION 209
du matin et l'étoile du soir 1. Quoi que l'on pense de cette dernière conjecture, que les sculptures du chapiteau d'Auvenay représentent des saisons ou des astres, il n'en reste pas moins qu'elles sont en harmonie, par leur signification, avec la notion d'un dieu maître du ciel, auquel le monument était dédié. Par le style et l'iconographie, le chapiteau d'Auvenay correspond parfaitement aux autres chapiteaux connus de colonnes à Jupiter.
Ainsi s'explique une légende qui avait cours dans la région de Cussy et que les vieillards racontent encore à l'heure actuelle. La colonne aurait, dit-on, servi de phare et la Pierre d'Auvenay était connue au xviue siècle sous l'appellation de « la lampe ». Ce récit, qui paraissait purement fantaisiste, ne prend-il pas un sens nouveau, aujourd'hui où l'archéologie a établi que le monument était élevé en l'honneur du dieu de la lumière ? Et cette dénomination de «lampe» n'établit-elle point de manière sensible et pittoresque le rapport entre deux éléments d'un même monument, séparés par des mains sacrilèges ?
Pour achever la démonstration, il nous reste à prouver que les dimensions du chapiteau d'Auvenay concordent avec celles du fût de la colonne de Cussy. Cette condition est primordiale ; aussi la question demande-t-elle à être traitée avec précision. Relisons d'abord le rapport de l'architecte Saint-Père, puisque ce sont les dimensions qui ont fait conclure Saint-Père par la négative : « le chapiteau est. carré par le haut, comme d'usage ; mais il l'est également par le bas ; cette raison suffirait pour le rejeter comme n'appartenant pas à une colonne; ...la colonne, telle qu'elle est [c'est-à-dire au sommet du quatrième tambour] a 0m69 de diamètre et, par sa diminution, la partie supérieure du fût n'aurait plus que 0m58 ; le prétendu chapiteau a 0m82 de diamètre à sa base et le trou dont il est percé comme margelle de puits a un diamètre de 0m66 ; de sorte que, sans l'astragale, le fût entrerait dans ce chapiteau comme dans un manchon et nulle corniche, nulle moulure ne pourrait regagner cette différence, sans être une faute grave ».
La conclusion est irréprochable, mais les prémisses sont entièrement fausses. Personne n'a jamais prétendu, sauf Saint-Père, que la Pierre d'Auvenay constituait le chapiteau entier. Pasumot
1. EUMÈNE, Panégyrique de Constance, ch. IV. Le panégyriste, voulant plaire aux maîtres de l'heure, représente la tétrarchie comme une loi de la nature ; il fait ressortir l'importance du nombre 4 en citant les quatre éléments, les quatre saisons et le groupe astral constitué par le Soleil, la Lune, Vesper et Lucifer : «... et duobus coeli luminibus adjuncti Vesper et Lucifer ».
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et d'autres avaient pourtant bien dit et répété que, seule, l'assise supérieure du chapiteau était conservée. Ce que Saint-Père appelle le bas du chapiteau n'est que le bas de l'assise supérieure, c'està-dire sensiblement le milieu du chapiteau constitué, • à l'origine, de plusieurs pierres superposées. Gomment un architecte a-t-41 pu se méprendre à ce point ?" Voilà qui est déconcertant, car le seul examen de la Pierre d'Auvenay et, à plus forte raison, les mesures révèlent que le chapiteau est incomplet : la Pierre d'Auvenay mesure très exactement ;■
largeur, au sommet sur toutes faces d'angle à angle lm20 largeur à la base — — — 0m82
hauteur 0m57 V
La disporportion entre la largeur et la hauteur •■ est évidente. Mais la disparition de l'assise inférieure résulte encore d'autres considérations.
La hauteur des têtes, qui est de 0m30, occuperait plus de la moitié de la corbeille, si l'on considère le chapiteau comme complet. De plus le chapiteau corinthien présente normalement trois rangs de feuilles d'acanthe superposés : deux rangs inférieurs formés de feuilles sensiblement égales, tandis que le rang supérieur offre de grandes volutes recourbées aux angles pour soutenir le tailloir 2. Or le fragment d'Auvenay, il est facile de s'en convaincre, ne nous laisse voir que la rangée supérieure. Il faut donc admettre au moins un rang d'acanthes décorant l'assise inférieure perdue, à laquelle on peut assigner une hauteur presque égale à celle de l'assise supérieure.
N'est-on point encore convaincu ? Que l'on relise la description de la Pierre d'Auvenay par le Père Lempereur : «.. .il y avait une pierre de trois pieds de haut et d'un pied et demi de large qu'on voit encore à Auvenay ; cette pierre est creuse et peut tenir trois seaux et du bas de cette pierre, il sort quatre canaux qui se terminent en tasse». Cette phrase, dont l'importance paraît avoir échappé jusqu'ici, appelle plusieurs conclusions :
1° à la fin du xvne siècle, la Pierre d'Auvenay était à la fois plus haute et moins large par le bas qu'elle ne l'est aujourd'hui. Elle avait trois pieds de haut, soit 1 mètre contre 0m57 aujourd'hui ; et d'autre part un pied et demi de large, soit 0m50 contre 0m82. Nous entendons bien que les chiffres du Père Lempereur, exprimés
1. GBIVAUD indique par erreur 0m731 de haut; le manuscrit de PASUMOT mentionne 21 pouces qui correspondent à nos propres mesures.
2. Cf. CAGNAT et GHAPOT, Manuel d'archéologie-romaine, t. I, p. 36.
PROJET DE RESTITUTION 211
en pieds et demi-pieds, sont approximatifs ; cependant la précision avec laquelle il a donné toutes les dimensions de la colonne 1 nous garantit celles de la Pierre d'Auvenay. L'écart des dimensions ,ne peut s'expliquer que par la disparition d'une assise inférieure du chapiteau ; d'ailleurs le décor indiqué au bas de la Pierre d'Auvenay ne correspond plus à ce que nous voyons de nos jours.
2° la Pierre d'Auvenay n"était pas encore utilisée comme margelle de puits au temps du Père Lempereur. Le fait de pouvoir contenir trois seaux ne peut se comprendre que d'une pierre évidée, mais non percée de part en part. Cet évidement à la partie supérieure était d'origine antique : c'était le trou de scellement ou mortaise, servant à fixer le groupe supérieur de la colonne. A une date postérieure au passage du Père Lempereur, l'assise supérieure a été transformée en margelle de puits ; il a suffi pour cela d'agrandir le plus possible le trou de scellement, jusqu'à permettre le passage commode d'un seau ; le diamètre du trou a été ainsi porté à la dimension actuelle de 0m68 ; la capacité de la cavité, qui était primitivement de trois seaux, s'est trouvée portée à la capacité actuelle de 206 litres, bien supérieure. Quant à l'assise inférieure du chapiteau, qui devait être pleine, elle a dû être jetée au rebut, remployée ou brisée.
Le raccordement du chapiteau d'Auvenay, tel qu'il existe actuellement, avec la colonne devient aisé en intercalant une assise inférieure et les deux objections de Saint-Père sont réfutées, croyonsnous : l'assise inférieure perdue assure d'une part le passage du plan carré au plan circulaire et d'autre part son diamètre décroissant devient à'la fin concordant avec celui du sommet de la colonne. Le Père Lempereur, en lui assignant la largeur de 0m50 va bien au delà de ce que nous pouvons souhaiter et son chiffre est certainement inférieur à la réalité. En supposant au sommet de la colonne et par conséquent au bas du chapiteau un diamètre de O-^i&j' on-conviendra que nous'sommes restés dans les limites .de la vraisemblance. Nous estimons qu'il faudrait donner à l'assise inférieure une hauteur de 0m50 au plus, cette hauteur étant suffisante pour assurer le raccordement. Cette hauteur correspond à celle d'un rang de grandes feuilles d'acanthe, comme en offrent les
1. Comparaison des dimensions données par le Père Lempereur avec les dimensions réelles : piédestal, 8 pieds = 2m66, hauteur réelle, 2m31 ; — corniche, 2 pieds = 0m 66, haut, réelle, 0m52 ; — 2e piédestal, 4 pieds = lm 33, haut, réelle, 1 m21 ; — hauteur 4es losanges, 3 pieds = 1m, haut, réelle, 1 m02 ; — 'haut. 'des-feUilles,'"?'pïeds' = 2"'33, haut, 'réelle, ;2m81 :-• -'
212 LA COLONNE ANTIQUE DE CUSSY
chapiteaux de Merten et de Heddernheim. Le chapiteau de Heddernheim surtout pourrait servir de modèle pour la restitution sommaire de cette assise inférieure.
Il y aurait donc lieu, si l'on voulait rétablir la colonne dans son primitif aspect :
1° de retrancher les deux tambours supérieurs et le chapiteau sculptés en 1825 ;
2° d'ajouter un tronçon de fût de 0m30 de hauteur environ et 0m65 de diamètre au sommet, pour se conformer aux proportions moyennes de nos colonnes ;
3° de rétablir l'astragale et l'assise inférieure du chapiteau ;
4° de replacer la partie supérieure du chapiteau conservée et connue sous le nom de Pierre d'Auvenay 1.
PROGRAMME DE FOUILLES
Nous ne proposons pas, bien entendu, d'imaginer, même d'après l'un des nombreux exemplaires connus, un groupe du cavalier à l'anguipède pour en couronner la colonne. Ce serait retomber dans l'erreur de nos devanciers. Il est beaucoup plus indiqué de rechercher ce groupe là où il doit se trouver encore, dans le sol, aux abords de la colonne.
Guillemot et Baudot rapportent la trouvaille en 1823, lors de la construction du mur d'enceinte, d'une tête de grandeur naturelle, ceinte d'un diadème et fort mutilée. Le diadème a fait croire à une Junon, mais si nous observons que le dieu-cavalier de Grand a la tête laurée, nous serons portés à croire que la tête du dieu de. Cussy a déjà été exhumée. Les ouvriers, dans l'espoir de trouver le reste de la statue, voulaient pousser les fouilles hors du terrain
i. La « Pierre cornue » paraît étrangère à la colonne pour les raisons suivantes : 1° la tradition relative à ce fragment est suspecte : la Pierre cornue était abandonnée dans le cimetière de Cussy ; elle était trop près de la colonne pour que le vulgaire n'établisse point un rapport entre les deux monuments. — 2° Aucune des colonnes actuellement connue n'est couronnée d'un pareil ornement. — 3° La présence de ce couronnement au sommet de la colonne exclurait la possibilité d'y placer le groupe habituel du cavalier à l'anguipède. — 4° La Pierre cornue s'apparente à une série de couronnements en forme de parasol octogone ou hexagone retrouvés à Autun (v. BULLIOT-THIOLLIER, Mission de saint Martin). Nous pensons, en conséquence, que la Pierre cornue a servi de couronnement à un édicule voisin de la colonne, abritant une source peut-être, comme le monument de Beuray-Beaugay (cf. sur la Pierre cornue, l'hypothèse produite par M. Moingeon (procès-verbal de la séance de la Commission du 9 février 1938) et l'exposé complet de notre point de vue (procès-verbal de la séance du 29 juin 1938).
PROJET DE RESTITUTION 213
cédé par les propriétaires, mais ces derniers s'opposèrent à de plus amples recherches. Ne pourrait-on aujourd'hui reprendre cette investigation ? En 1823 le terrain cédé était délimité par le mur d'enceinte ; c'est en 1839, lors de l'ouverture du chemin d'accès à la colonne, qu'un espace beaucoup plus étendu a été Circonscrit et communalisé tout autour du monument. Quelques tranchées pratiquées dans cet espace pourraient faire retrouver des parties du groupe qui a dû être brisé sur place : il serait bien surprenant que la tête seule, si facile à emporter, eût été laissée sur les lieux. Toutes les fouilles pratiquées au xvme siècle l'ont été au pied même de la colonne ; il y aurait lieu d'étendre le champ. des recherches dans un rayon de 10 à 15 mètres 1.
Il y aurait lieu en outre, si les circonstances le permettaient, d'explorer les ruines considérables dont les prés et les champs voisins de la colonne sont parsemés. Ces ruines, signalées par Pasumot, Baudot et d'autres archéologues, n'ont jamais été fouillées ; elles forment trois groupes : au sud de la colonne, à proximité de la fontaine dite du Baptillot (Son A-VI n° 62, lieudit « le Pré de la Colonne ») ; à l'est (Son A-V, n° 17-24, lieudit « en Fleuret ») où se rencontrent des débris de tuyaux d'hypocauste ; au nord (Son A-VI n0B 26, 27, 28, lieudit « le Pré Cherenne »). L'appellation « en Fleuret » fait songer aux toponymes constitués d'un gentilice et du suffixe -acum, lesquels 1 s'appliquaient aux centres de domaines gallo-romains à l'époque du Haut-Empire. Le « chemin de Fleuret », qui traverse les ruines en décrivant successivement deux angles droits, est un tronçon de voie romaine qui va rejoindre à 700 mètres au nord la grande voie d'Autun à Tavaux et Besançon. Des sondages effectués dans ce champ de ruines permettraient peut-être de préciser la nature des constructions qui s'élevèrent en ces lieux et de déterminer s'il s'agit, comme tout paraît l'indiquer, d'une villa de maître et de ses dépendances. L'importance de la colonne est de nature à exciter au plus haut point notre curiosité et il est à souhaiter qu'un pareil ensemble, demeuré intact, puisse être un jour exploré de façon méthodique, sous les auspices^de la Commission des Antiquités.
1. Fouilles entreprises : 1° en 1700, au pied du monument et au midi ; résultat : ossements, médailles, 5 ou 6 statues de 9 à 10 pouces au col desquelles était pendu le phallus ; — 2° en 1703, au pied du monument ; résultat : trouvaille de trois tombeaux de pierre contenant ossements, armes diverses ; — 3° en 1716, au levant : trouvaille de trois corps la tête contre la colonne, 6 médailles d'Antonin ; au. couchant, quelques ossements ; exploration poursuivie sous ta dolonne elle-même.
TABLE DES MATIÈRES
Bureau et comité de lecture 5
FASCICULE I 1936
Procès-verbaux des séances, par M. G. GRÉMAUD 9
Annexes aux procès-verbaux :
Le clocher de Saint-Bénigne de Dijon au début du xve siècle,
communication de M. H. STEIN 11
Pour la sauvegarde du « Vieux Dijon », communication de
M. G. GRÉMAUD 15
Découverte d'un souterrain de l'ancien château de Dijon,
communication de M. G. GRÉMAUD 20
Topographie de l'ancien faubourg Saint-Nicolas à Dijon,
communication de M. l'abbé M. CHAUME 21
Fouilles au Mont Afrique, communication de M. B. TALFUMIÈRE
TALFUMIÈRE
Origine et étymologie du nom de Leuglay, communication
de M. P. LEBEL 31
Iconographie raisonnée du château de Dijon, communication
de M. le lieutenant-colonel ANDRIEU 45
Blocs sculptés et plaque de cheminée provenant d'un immeuble
en démolition rues Musette, Odebert et Claude-Ramey à
Dijon, communication de M. G. GRÉMAUD 51
Les terralia à Dijon au xne siècle d'après un texte du cartulaire
cartulaire Saint-Ëtienne, communication de M. l'abbé
M. CHAUME 53
216 TABLE DES MATIÈRES
Trois statues inédites du début du xvie siècle à Dijon, communication de M. H. DAVID 55
Les origines de la paroisse Saint-Nicolas à Dijon, communication de M. l'abbé M. CHAUME 64
A propos de la destruction du calvaire du puits de Moïse, communication de M. H. DAVID 79
Un nouvel exemple du toponyme Equaranda à Leuglay (Côte-d'Or), communication de M. P. LEBEL 80
Le transfert des restes de saint Germain de Ravenne à Auxerre (1er août-22 septembre 448), communication de M. l'abbé M. CHAUME 83
Mémoire :
Les fouilles de l'ancienne chapelle de la Maladière à Dijon,
par M. Gabriel GRÉMAUD 93
FASCICULE II 1937
Procès-verbaux des séances, par M. G. GRÉMAUD 103
Annexes aux procès-verbaux :
Table de bans de vendanges et kiosque-belvédère à Larreylez-Dijon, communication de M. G. GRÉMAUD 106
Topographie ancienne de Larrey-lez-Dijon, communication de M. l'abbé M. CHAUME 110
Deux statues de Jean Dubois dans l'église de Villey-sur-Tille et liste généalogique des Nicaise, communication de M. E. GARNIER 116
Notes toponymiques : Trie, Bessey-en-Chaume, Échirey, Bassigny, Graffigny, communication de M. P. LEBEL .... 121
Topographie ancienne des environs de Dijon : Pranges, Carco et le bois du Scot, Dompierre-lez-Dijon, communication de M. l'abbé M. CHAUME 126
Borne croisée sur le territoire de Bure-les-Templiers, communication de M. E. GARNIER 134
Une famille d'artistes français du xvme siècle : les Gautier d'Agoty, communication de M. A. BOUCHARD 135
TABLE DES MATIÈRES 217
Topographie ancienne des environs de Dijon : L'orme de Couchey, le bois d'Oisseau, Montmuzard, le Moulin-Bernard, communication de M. l'abbé M. CHAUME 145
Classement parmi les Monuments historiques des façades de la place d'Armes à Dijon 156
Topographie ancienne des environs de Dijon : les villages disparus de la région ouest et sud-ouest, entre la côte et la vallée de l'Ouche, communication de M. l'abbé M. CHAUME 162
Les pleurants du musée de Dijon vus par un médecin, communication de M. H. DROUOT 166
Bornes armoriées dans la forêt des Pierges (Recey-sur-Ource), communication de M. E. GARNIER 167
Sur une pièce coulée au nom de Marie de Bourgogne, communication de M. P LEBEL 169
Les fouilles des sources de la Seine (7e campagne), communication de M. H. COROT 176
Réflexions sur les ex-voto en forme d'étrier des sources de la Seine, communication de M. P. LEBEL 181
Un brancard de confrérie d'ébénistes dijonnais, communication de M. G. GRÉMAUD 183
Les inscriptions en langues étrangères de Saint-Romain, communication de M. A. COLLOT 186
Mémoires :
Voûtes d'arêtes et voûtes byzantines, par M. Jules LEBEL. . 191 La colonne antique de Cussy : projet de restitution, par M. Emile THEVENOT 200
IMPRIMERIE BERNIGAUD ET PRIVAT — 15, RUE BOSSUET