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Titre : Mémorial de jurisprudence commerciale et maritime...

Éditeur : Chez Lavigne Jeune (Bordeaux)

Date d'édition : 1845

Contributeur : Fieux, Mathieu Maurice. Éditeur scientifique

Contributeur : Cuson, Hippolyte (1787-18..). Éditeur scientifique

Notice du catalogue : http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb32813816j

Notice du catalogue : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/cb32813816j/date

Type : texte

Type : publication en série imprimée

Langue : français

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Description : 1845

Description : 1845 (T12,PART1).

Description : Collection numérique : Fonds régional : Aquitaine

Droits : Consultable en ligne

Droits : Public domain

Identifiant : ark:/12148/bpt6k5603065q

Source : Bibliothèque nationale de France, département Droit, économie, politique, 8-F-3492

Conservation numérique : Bibliothèque nationale de France

Date de mise en ligne : 06/12/2010

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DE

JURISPRUDENCE COMMERCIALE.


TRIBUNAL DE COMMERCE

DE BORDEAUX.

SESSION DE 484-5.

Président.

M. BRUNO DEVÈS.

Juges.

MM. HENRI BASSE.

ADOLPHE CABROL JEUNE. CAMILLE LOPÈS-DUBEC. LOUIS FABRE. JULES BRUNET. HENRI PRÉCLOS. EDOUARD CASTILLON. AUGUSTE ASSIER.

Juges suppléants.

MM. P. SALVANÉ. HENRI FAURE. ALFRED LAROQUE. THÉODORE DUBREDIL. CHARLES FODSSAT. CHARLES MAUREL.


DE

ET MARITIME.

RÉDIGÉ PAR

AVOCAT A LA COUR ROYALE DE BORDEAUX.

ANNÉE 1845.

TOME XII.

DÉCISIONS DU TRIBUNAL DE COMMERCE ET DE LA COUR ROYALE DE BORDEAUX.

BORDEAUX,

LA VIGNE, IMPRIMEUR, ALLÉES DE TOURNY, 7. 1845.



DE

JURISPRUDENCE COMMERCIALE.

PREMIÈRE PARTIE.

DÉCISIONS DU TRIBUNAL DE COMMERCE ET DE LA COUR ROYALE DE BORDEAUX.

COMMISSION. — USURE. — TARIF DE RETENUE.

On ne peut considérer comme usuraire le taux des commissions constituant le prix d'un service à rendre, et notamment le tarif des retenues stipulées .à l'occasion des paiements à effectuer par la Caisse de la boucherie de Bordeaux. (1)

RULLIER — C. —BERNADET ET COMP. (CAISSE DE LA ROUCHERIE.)

Nous avons déjà eu l'occasion de nous occuper de la Caisse de la boucherie établie à Bordeaux par les sieurs Bernadet et Comp. en 1843.

On se rappelle que, d'après les statuts de la Caisse de la boucherie, les sieurs Bernadet et Comp. s'obligent:

1° A acquitter le montant des achats journaliers des bouchers adhérents aux statuts; à tenir un capital de 300,000 fr. à la disposition des crédits à ouvrir, et à l'augmenter s'il était reconnu insuffisant ;

(1) Voy. ce Recueil, 1843. 1. 241.


(6) 2° A ne faire ni achats, ni ventes de bestiaux pour leur

compte ;

3o A ne faire aucun prêt d'argent, soit sur nantissement de bestiaux invendus, soit dans la vue d'en favoriser l'achat par les marchands.

Les bouchers adhérents s'obligent, de leur côté :

10 A faire payer par la Caisse le montant de tous les achats de bétail qu'ils font pour leur commerce habituel, sous peine de 100 fr. de dommages-intérêts pour chaque infraction ;

2° A effectuer le remboursement des avances faites parla Caisse, en un seul ou plusieurs paiements, à volonté, dans le délai de quinze jours francs, ou trois jeudis consécutifs qui leur sont accordés pour se libérer ;

3° A faire agréer aux vendeurs des bestiaux qu'ils achètent le tarif de retenue stipulé en faveur de la Caisse.

La retenue est de 5 fr. par boeuf, 4 fr. par vache, 1 fr. 50 c. par veau et 50 c. par mouton.

11 est accordé aux bouchers un escompte d'un demi pour cent sur les sommés versées à compte, ou pour acquittement de la dette contractée, lorsque ces versements seront effectués dans les neuf jours de l'emprunt.

Le sieur Moreau, l'un des bouchers adhérents, avait demandé la nullité des conventions qui le liaient à la Caisse de la boucherie, comme étant entachée d'usure, et comme contenant une condition potestative de la part de la Caisse, en ce qu'elle était seule juge des crédits à ouvrir, et maîtresse souveraine de restreindre ceux déjà ouverts.

Mais le Tribunal de commerce.de Bordeaux a rejeté cette demande par jugement du 6 octobre 1843, rapporté dans ce Recueil, 1843. 1. 241.

Postérieurement à cette décision, le sieur Rullier, autre boucher adhérent, fait assigneras sieurs Bernadet et Comp. en nullité des mêmes conventions, mais il n'invoque que les moyens tirés de l'usure.

On plaide, dans son intérêt, que les paiements faits par


(7) la Caisse aux vendeurs de bestiaux constituent un simple prêt fait par les sieurs Bernadet et Comp. aux bouchers ;

Qu'en effet, ainsi que l'enseigne Pothier (1), il y a prêt, non seulement lorsque la somme a été comptée directement à celui qui en devient débiteur, mais encore lorsqu'elle l'a été à un autre par son ordre et pour son compte ;

Que, d'après l'organisation créée par les sieurs Bernadet et Comp., les bouchers prient la Caisse de payer aux marchands la sommé dont ceux-ci sont créanciers; la Caisse paye et prête par suite aux bouchers ;

Que, sans doute, la Caisse rend un service; mais qu'à moins de nier l'évidence, il faut reconnaître qu'il se borne à faire une avance de capitaux pendant quinze jours ; à payer à la décharge des bouchers'ee qu'ils doivent à leurs Vendeurs ; que ce service n'étant qu'un prêt d'argent, le prix du service ne peut être autre chose que l'intérêt de l'argent prêté ; qu'il ne peut dépendre de la volonté des parties de le fixer à un prix supérieur, parce qu'il ne leur est pas permis de franchir les limites tracées, pour l'intérêt des prêts, par la loi du 3 septembre 1807 ;

Que cette loi défend, sous peine d'usure, de stipuler à l'occasion d'un pareil service, entre négociants et marchands, un intérêt qui excède six pour cent ; que l'on ne le peut donc remplacer légalement par Une commission de banque, variable au gré du prêteur et de l'emprunteur; que s'il en était autrement, on arriverait à la destruction de la loi, en faisant indirectement ce qu'elle défend dans l'intérêt public.

On invoque un arrêt de la Cour de cassation du 27 novembre 1843(1);

Une consultation délibérée par M. Duvergier du barreau de Paris, le 31 décembre 1843, et une consultation délibérée par M. Ravez, le 3 avril 1844.

(1 ) Du Prêt, no 38. (l)Devilleneuve, 1844. 1. 87.


(8 )

On établit que le montant des retenues dépasse de beaucoup l'intérêt légal.

On répond, dans l'intérêt des sieurs Bernadet et Comp., qu'il faut distinguer le prêt pur et simple de la convention par laquelle un banquier, un commissionnaire ou un agent, s'obbige à ouvrir un crédit à des commettants, et à effectuer pour eux des paiements à bureau ouvert;

Que, dans cette convention dans laquelle rentrent les conditions de la Caisse de la boucherie, il y a deux contrats : le contrat de prêt et celui de mandat ou de louage d'industrie ;

Que de là résultent deux droits parfaitement licites : l'intérêt corrélatif au prêt, et la commission corrélative au service rendu;

On dit que ce qui reste de la retenue exercée par la Caisse de la boucherie, après en avoir déduit l'intérêt légal de l'argent avancé, est loin d'être exagéré à raison du service que la Caisse rend aux bouchers ; que, dans tous les cas, la commission librement consentie constitue un droit irrévocable.

Le 24 juin 1844, le Tribunal de commerce de Bordeaux statue dans les termes suivants :

«Attendu que l'art. 1 de la loi du 3 septembre 1807 dispose que l'intérêt conventionnel ne pourra excéder 5 p. 100 en matière civile, et 6 p. 100 en matière decommerce ;

» Attendu que cette prohibition légale serait complètement illusoire, s'il était permis de dissimuler sous les apparences d'un bénéfice licite une perception d'intérêts illégitimes ;

«Qu'il appartient par conséquent aux Tribunaux de définir les conventions qui lient les parties et de leur restituer leur véritable caractère ;

)) Attendu que la loi du 3 septembre 1807 ne s'applique qu'aux prêts conventionnels, et qu'elle ne saurait, atteindre les autres sortes de contrats dans lesquels un profit quelconque est stipulé en faveur de l'une des parties;

» Attendu que le contrat de prêt peut n'être pas complètement isolé, qu'il peut être accompagué du contrat de mandat, de commission ou de louage d'industrie, et que le service


(9) rendu par l'argent peut ainsi se mêler au service rendu par la personne elle-même ;

«Attendu dès-lors qu'il y a lieu d'examiner si, dans l'espèce, les conventions qui lient le sieur Rullier à Rernadet et Comp., gérant de la Caisse de la boucherie, renferment exclusivement une obligation de prêt, ou si ces conventions n'imposent pas aux défendeurs des services d'une nature particulière, et susceptibles d'un salaire qui a pu être librement consenti en leur faveur;

» Attendu, que, par les conventions du 13 juin 1843, la Caisse de la boucherie à pris, envers les bouchers qui y ont concouru, l'obligation d'acquitter sur leur simple déclaration, et pendant vingt années consécutives, le montant de tous les achats de bestiaux qu'ils effectueront pour les besoins journaliers de leur commerce; qu'ils s'obligent à opérer ces paiements soit divisément et par à-compte, soit en totalité, en obtenant quittance de la part des vendeurs ;

Attendu que cet engagement impose à Bernadet et Comp. le devoir d'être constamment prêts à recevoir la déclaration d'achats des bouchers signataires de l'acte, et d'effectuer régulièrement, et sans aucune interruption, les opérations de paiement auxquelles ils se sont obligés ;

» Que cette continuité de paiements soumet Bernadet et Comp., par eux-mêmes ou par l'intermédiaire de leurs employés, à un travail manuel et successif qui exige l'emploi d'une portion considérable de leur temps ;

» Qu'elle les oblige à posséder constamment à leur disposition une quantité d'espèces suffisante pour alimenter les besoins présumés du service, dussent-elles demeurer inactives entre leurs mains, ce qui constitue à la fois un risque et une perte éventuelle à la charge de Bernadet et Comp. ;

» Attendu que si l'on peut alléguer qu'une simple opération de prêt exige, de la part du prêteur, une sorte de travail qui consiste, soit à compter les sommes à l'emprunteur lui-même, soit à les acquitter en son nom entre les mains d'un tiers, il' n'en, est pas moins vrai, que la convention par laquelle une


( 10 )

des parties s'oblige à régler tous les achats d'un commerçant,, pendant un certain nombre d'années, et prend l'engagement d'être toujours présent ou représenté, de manière à satisfaire chaque jour, à chaque heure, et en toutes circonstances, aux besoins prévus ou non prévus dont la déclaration lui sera faite, ne constitue pas uniquement un prêt d'argent, et qu'elle revêt aussi les caractères d'un véritable louage d'industrie ;

«Que, dans ce cas, le même individu concentre évidemment entre ses mains la qualité de prêteur et celle de préposé du commerce d'autrui ;

« Attendu que ces principes sont incontestables en matière de commerce; qu'ils reposent sur l'équité, et qu'il serait im possible de comprendre l'existence d'une maison de banque ou d'une caisse de paiements, sans admettre , qu'outre l'intérêt, qui n'est que le loyer naturel et légitime de l'argent avancé, elle a droit, sous un autre titre, à la rémunération du service qu'elle rend par le travail qu'elle s'impose et par la responsabilité qu'elle prend à Sa charge ;

» Attendu que la jurisprudence a Sanctionné ce principe, en consacrant la légalité de la commission de banque, qui n'est autre chose que la représentation du service rendu par la personne, indépendamment du service obtenu de l'argent ;

)) Attendu que la Cour royale de Grenoble ayant jugé, le 31 août 1839, que le banquier qui ouvre un crédit à un marchand peut percevoir, outre l'intérêt légal, un droit, de commission sur les sommes dont il lui fait l'avance , la Cour de cassation a rejeté, le 14 juillet 1840, le pourvoi formé contre cet arrêt, en décidant qu'il est d'usage incontestable dans le commerce qu'une commission soit allouée au banquier qui, en ouvrant un crédit, est obligé d'avoir toujours un capital à la disposition de l'emprunteur, que celui-ci s'en serve ou non ;

)) Attendu que l'esprit de cet arrêt n'est nullement en contradiction avec celui d'un autre arrêt également rendu parla Cour de cassation, le 27 novembre 1843, puisque, dans l'espèce de ce dernier, la Cour reconnaît qu'il n'y a eu qu'un


(11)

simple prêt d'argent, spécialement destiné à fournir aux emprunteurs le moyen d'achever certaines constructions qu'ils avaient prises à leur charge ; — Qu'il n'y a point d'assimilation entre l'espèce actuelle et celle de l'arrêt précité, puisqu'on ne voit dans celte dernière qu'une Simple avance d'argent pour un besoin momentané, laquelle était d'ailleurs assortie d'une garantie hypothécaire qui spécialisait ostensiblement la nature du service rendu ;

» Attendu que, lors même que Bernadet et Comp. ne se fussent pas engagés à des crédits successifs en faveur des bouchers qui ont concouru aux conventions du 13 juin 1843, et que leur entremise se bornât exclusivement à payer les vendeurs de bestiaux avec l'argent même des acheteurs, le fait de ces paiements continus et le règlement de comptabilité qui en serait comme aujourd'hui la suite constitueraient de la part de Bernadet et Comp. une sorte de gérance qui légitimerait, en leur faveur la concession d'une juste indemnité;

» Qu'il faut par conséquent reconnaître que la Caisse de la boucherie doit être envisagée sous un double aspect, et que si, à certains égards, elle est un établissement de crédit, elle constitue, sous d'autres, une véritable agence de paiement et de comptabilité ;

)) Qu'il suit de là que la prime perçue par . Bernadet et Comp., aux termes de la convention du 13 juin 1843, doit se décomposer en deux parties, l'une afférente au loyer de l'argent prêté, l'autre représentant le salaire du service personnellement rendu par la Caisse ;

» Attendu que quelque élevée que paraisse cette dernière portion de la prime, déduction faite de l'intérêt légal à 6 p. 100 par an, et quelque disproportionnée qu'on la prétende avec l'importance du service rendu, il n'en est pas moins vrai qu'elle résulte de la libre convention des parties et qu'elle constitue entre elles une loi qu'il ne peut appartenir aux Tribunaux de restreindre, ni de modifier ;

« Attendu d'ailleurs que la convention porte expressément


( 12 ) que les primes stipulées au profit de Bernadet et Comp. seront retenues sur le prix du bétail vendu, et que les bouchers s'engagent à faire accepter cette condition parles vendeurs ;

)) Qu'il résulte des pièces produites par Bernadet et Comp., que les paiements ont lieu, en effet, déduction faite de la prime convenue;

» Que le sieur Rullier prétend, il est vrai, que, par le fait, il rembourse personnellement celte prime aux vendeurs-de bestiaux, mais qu'il ne fournit aucune preuve à l'appui de cette allégation

Que, dans tous les cas, ce prétendu remboursement serait complètement étranger à Bernadet et Comp. ;

» Que par conséquent, et sous ce rapport, Rullier serait non recevable dans son action en restitution contre Bernadet et Comp. ;

» Par ces motifs, LE TRIRUNAL déclare le sieur Rullier mal fondé dans sa demande contre Bernadet et Comp., et le condamne aux dépens. «

Appel de la part du sieur Rullier. -

On reproduit de part et d'autre les moyens présentés devant les premiers juges.

Les sieurs Bernadet et Comp. invoquent en outre une consultation délibérée dans leur intérêt, le 30 octobre 1844, par M. de Vatimesnil, du barreau de Paris.

ARRÊT.

Attendu que Bernadet et Comp. ne peuvent pas être considérés comme de simples prêteurs ; que le traité du 13 juin 1843 leur donne un mandat dont l'exécution leur impose des charges et des dépenses; que, sous ce rapport, ils ont pu valablement stipuler une commission ; que cette commission est légitime, considérée sous le rapport des frais nécessités par le mandat, et de leur indemnité pour leurs peines et soins, en matière de commerce ; qu'elle a été librement consentie et qu'elle n'est nullement exagérée ;

Attendu que ce serait méconnaître la nature du mandat


( 13 ) que d'assimiler à un simple prêt les obligations des intimés ; Adoptant, au surplus, les motifs des premiers juges, LA COUR met au néant l'appel.

Pu 16 janvier 1845. -—lreCh. —M. ROULLET, pr. Prés. —Concl, M. TROY, subst. du Pr. g en.— Plaid., MM. GERGERÈS et LEMONNIER , Avocats.

EFFET DE COMMERCE. — OPPOSITION. — ENDOSSEMENT APRÈS ÉCHÉANCE.

Les dispositions de l'art. 149 du Code de commerce, d'après lesquelles il ne peut être admis d'opposition au paiement des effets de commerce, si ce n'est en cas de perte du titre ou de faillite du porteur, ne cessent pas d'être applicables dans le cas où la transmission de l'effet a été opérée par un endossement postérieur à l'échéance. (Code de corn m., art, 149.)

DUCASTAING ET COMP. G. — LOUSTANDAUDINE, DuBROCA ET CARRÈRE. .

Le 28 février 1844 , le sieur Loustandaudine souscrit, à l'ordre du sieur Carrère, un billet de 260 fr., valeur reçue comptant, et payable le 1er octobre suivant.

Le 1er octobre suivant, le sieur Chantou fils fait opposition entre les mains du sieur Loustandaudine au préjudice du sieur Carrère.

Plus tard, et par suite postérieurement à l'échéance, le sieur Carrère endosse l'effet en faveur du sieur Dubroca, qui le passe à l'ordre des sieurs Ducastaing et Comp.

Ces derniers font assigner en paiement le souscripteur et les sieurs Carrère et Dubroca, endosseurs.

Le sieur Loustandaudine se présente seul. Il déclare être prêt à payer, à la charge par les sieurs Ducastaing et Comp. de rapporter la main-levée de la saisie-arrêt pratiquée dans ses mains ; il offre, en outre, de consigner le montant de l'effet à la caisse des dépôts et consignations.


( 14 )

Les sieurs Ducastaing et Comp., invoquant les dispositions de l'art. 149 du Code de commerce, répondent que l'opposition faite dans les mains du souscripteur ne peut être un obstacle au paiement, parce que l'on ne se trouve dans aucun des deux cas d'exception prévus par ledit article.

Le sieur Loustandaudine répond que l'art. 149 du Code de commerce ne peut être invoqué par le porteur en vertu d'un endossement après échéance, parce que ces endossements, en dehors des règles ordinaires, sont peu favorables' et ne peuvent jouir des prérogatives que la loi n'a entendu créer qu'en faveur des transmissions opérées avant l'échéance.

JUGEMENT.

Attendu que Dubroca et Carrère ne comparaissent pas :

En ce qui concerne le sieur Loustandaudine ;

Attendu qu'il n'est point admis d'opposition au paiement des lettres de change, si ce n'est en cas de perte du titre ou de faillite du porteur ;

Attendu que l'art. 187 du Code de commerce rend commun aux billets à ordre cette disposition de l'art. 149 ;

Attendu que la loi ne limite nulle part, au temps antérieur à l'échéance, l'immunité dont les articles précités ont, dans l'intérêt du crédit commercial, voulu faire jouir les engagements à ordre, ce qui est un des caractères spéciaux de ces sortes d'obligations ;

Attendu, dès-lors, que la circonstance de la transmission par endossement postérieur à l'échéance ne saurait, quoi qu'il en soit de la jurisprudence à suivre concernant ce mode de cession, rendre Loustandaudine admissible à exciper de la saisie-arrêt faite le ler octobre dernier entre ses mains, pour refuser d'acquitter son billet de 260 fr. à Ducastaing, porteur actuel.

Attendu, en effet, que cette saisie ne serait même pas opposable au bénéficiaire primitif, Carrère, au préjudice de qui Chantou l'a essayée ;


( 15 ) Par ces motifs,—LE TRIBUNAL donne défaut contre Carrère; et après avoir vérifié la demande, sans s'arrêter à l'exception.de Loustandaudine ; condamne solidairement les trois défendeurs. '

Bu20 janvier 1845.—M. BASSE, Juge-Prés.—MM. BRUAET, CABROL, PRÉCLOS et FABRE, Juges. — Plaid., MM. SCHMIT et DERRATIER , Agréés.

ARBITRAGE. — SENTENCE. — OPPOSITION' A L'ORDONNANCE D'EXEQUATUR. —EXCÈS DE POUVOIR. COMPÉTENCE.

La sentence rendue en matière d'arbitrage forcé peut, en cas d'excès de pouvoir, être attaquée en nullité par voie d'opposition à l'ordonnance d'exequatur devant le Tribunal de commerce dont le président a rendu cette ordonnnance, lorsque les parties ont renoncé à l'appel, au recours en cassation et à la requête civile (1) . (Code de proc. civ., art. 1028.,) '

VERGNIAUD — C. — BAIGNOL ET CONSORTS.

Le 17 mars 1843, les sieurs Vergniaud , Baignol, Motelay et Chappaz forment à Bordeaux une société pour l'exploitation d?un brevet d'invention pour des chaussures, obtenu par le sieur Vergniaud.

(1 ) La Cour de cassation, par arrêts des 16 juillet 1817 et 6 avril 1818, avait jugé dans ce sens, en se fondant toutefois sur le motif que l'amiable composition ou la renonciation à tout recours contre la sentence , faisait dégénérer l'arbitrage forcé en arbitrage volontaire ; mais depuis, et par arrêt du 6 mars 1839, elle a reconnu L'inexactitude de ce motif, mais n'en à pas moins persisté dans sa jurisprudence. La Cour de Lyon a jugé également dans ce sens, le 14 juillet 1828. Cette jurisprudence nous paraît fondée. Voy. cependant, en sens-contraire, un arrêt de la Cour de Paris, du 4 décembre 1838. On trouve d'autres décisions qui refusent la voie d'opposition à l'ordonnance à'exequatur en matière d'arbitrage forcé ; mais elles ont été toutes rendues dans des espèces où les parties n'avaient pas renoncé aux recours ordinaires.


( 16 )

Les parties stipulent, dans l'acte de société, que, s'il s'élevait entre elles des contestations, elles seraient jugées souverainement par des arbitres, déclarant, à cet effet, renoncer formellement à attaquer la sentence par la voie de l'appel, le recours en cassation, ou même par la requête civile.

Quelques mois après, les parties sont renvoyées devant arbitres pour faire juger des contestations qui les divisent.

Les arbitres statuent le 5 avril 1844 ; leur -sentence est déposée au greffe du Tribunal de commerce et rendue exécutoire par le président de ce Tribunal.

Le sieur Vergniaud se pourvoit devant ce Tribunal par voie d'opposition à l'ordonnance à'exequatur, en nullité de ' la sentence, pour excès de pouvoirs de la part des arbitres.

Les sieurs Baignol, Mottelay et Chappaz déclinent la compétence du Tribunal. Us plaident que les arbitres forcés étant de véritables juges, remplaçant le Tribunal de commerce dans les attributions que la loi leur confie, leurs décisions ne peuvent jamais être attaquées par voie d'opposition à l'ordonnance à'exequatur, et ne sont susceptibles que du recours dont sont passibles les jugements ordinaires.

JUGEMENT.

Attendu, sur l'exception d'incompétence proposée par Baignol, Moltelay et Chappaz, que l'opposition est le recours ordinaire contre toute décision par défaut; qu'il est de principe que les règles de la procédure civile peuvent s'appliquer aux matières commerciales, lorsqu'elles n'ont rien d'incompatible avec l'organisation des Tribunaux de commerce ; que si le titre 3, section 2 du Code de commerce est muet sur le recours par la voie de l'opposition à l'ordonnance à'exequatur, il n'interdit pas cependant ce recours;

Attendu, dans l'espèce, que bien que l'arbitrage soit forcé, il résulte de l'acte de société intervenu entre les parties, que la sentence des arbitres chargés de statuer sur les contestations sociales, devait être exécutée comme rendue en dernier ressort et souverainement, les parties ayant renoncé à tout


( 17 ) appel, pourvoi en cassation et même en requête civile; que dans ce cas, il faut à la partie condamnée un recours lorsqu'elle soutient, comme le fait Vergniaud , qu'il y a eu excès de pouvoir de la part des arbitres; que telle est, sur ce point, la jurisprudence qui s'est généralement établie ;

Par ces motifs, et vu les dispositions de l'art. 1028. du Code de procédure civile, — LE TRIBUNAL , sans s'arrêter à l'exception d'incompétence présentée par Baignol,Mottelay et Chappaz, dont ils sont déboulés, ordonne qu'il sera plaidé à huitaine, sur l'opposition formée par Vergniaud envers l'ordonnance d'exequatur du 29 juin dernier.

Du 10 décembre 1844. — M. BRUNO-DEVÈS , Prés. — MM. LOPES-DUBEC, CASTILLONet ASSIER, Juges.—Plaid., M.L. BROCUON, Avocat,pour Baignol, Mottelay et Chappaz.

AVAL. — NON COMMERÇANT. CONTRAINTE PAR CORPS. - BILLET A ORDRE.

L'aval apposé parmi non commerçant, sur un billet à ordre . souscrit par-un commerçant, n'entraîne contre lui la contrainte par corps qu'autant que sa signature a eu pour cause un acte de commerce (1). (Code de comm., art. 142 'et 187.)

(1) Voy ' dans ce sens, un arrêt de la Cour de Rouen, du 22 décembre 1840 (Journal du Palais, 1840, t. 1er, p. 86 ), et Ponsot, Du Cautionnement.

En sens contraire, Bruxelles, 17 mars- 1812 (Sirey, 14. 2. 369 ); Grenoble, 24 janvier 1829(Sirey, 29. 2. 235); Paris,31 mai, 16 juin, 8 juillet et 2 août 1843 (Sirey, 43. 2. 318; et Journal du Palais, 1843, t. 2, p. 100 et 308) ; Bordeaux, 11 janvier 1844 (ce Recueil, 1844. 1. 70) ; Tribunal de commerce de Bordeaux, 4 juin 1824 (Cuson, t. 1er p. 239).

Cette question, qui au premier abord ne nous avait pas semblé devoir . faire difficulté, nous paraît grave en présence des motifs qui ont déterminé la décision que nous recueillons.

Année 1845. — 1er part


( 18 ) MAURAS C. — PIERRE RENÉ.

Le 4 juillet 1843, les sieurs René et Campaignac, négociants à Bordeaux, souscrivent, à l'ordre du sieur Mauras, trois billets, causés valeur en marchandises, l'un de 5,593 fr. 55 c. au 30 avril 1844; l'autre de 6,000 fr., à la même échéance; elle troisième de 5,735 fr., au 31 juillet 1844.

Le sieur Pierre René, non commerçant, garantit le paiement de ces trois effets." en y apposant son aval.

Les billets n'ayant pas été payés à leurs échéances, le sieur Mauras fait assigner le sieur Pierre René pour s'entendre condamner, par suite de son aval, à en payer,le montant par les voies de droit et par corps.

Le sieur René conteste la demande en ce qui louche la condamnation par corps. Il dit que cette voie d'exécution ne peut être exercée contre lui, parce qu'il n'est pas commerçant, et parce qu'en donnant son aval sur les billets René et Campaignac, il n'a pas fait acte de commerce.

Le sieur Mauras répond que l'aval constitue une garantie d'une nature spéciale, et l'assimile en tout à l'obligation principale qu'il s'approprie ; que le donneur d'aval se confondant ainsi avec la personne cautionnée, est soumis aux mêmes obligations et par les mêmes voies ; qu'il se trouve par suite soumis à la contrainte par corps, toutes les fois que le débiteur principal y est lui-même soumis ;

Que ce principe est proclamé par l'art. 142 du Code de commerce, applicable aux billets à ordre d'après l'art. 187 du même Code ;

Que, dès-lors, pour que le donneur d'aval sur un billet à ordre soit soumis à la contrainte par corps, il suffit que la signature de celui qu'il garantit ait pour cause un acte de corn - merce; en d'autres termes, que l'obligation principale soit commerciale, à raison de la qualité de celui qui l'a souscrite ou à raison de l'opération qui lui a donné naissance.

On invoque, à l'appui de cette doctrine, la jurisprudence de la Cour royale de Paris, un jugement du Tribunal de corn-


( 19 )

merce de Bordeaux, du 4 juin 1824,et un arrêt de la Cour de la même ville, du 11 janvier 1844

Le sieur René insiste et développe les moyens reproduits dans les motifs du jugement.

JUGEMENT.

Attendu que la demande en paiement des: titres liquides et exigibles dont Mauras est porteur n'est pas contestée par Pierre René.

Sur la contrainte par corps

Attendu qu'il est reconnu au procès que Pierre René n'est point négociant ;

Qu'il est établi, d'un autre côté, que la signature apposée, par ledit Pierre René sur les billets souscrits par René et Campaignac, à l'ordre de Mauras, a eu exclusivement pour cause une garantie de paiement destinée à faciliter lai conclusion d'un traité amiable entre les débiteurs et leur créancier;

Attendu qu'il s'agit d'examiner ei, dans ces circonstances, la condamnation demandée contre Pierre René doit entraîner contre lui la voie de la contrainte par corps ;

Attendu que, si la contrainte par corps est une voie d'exécution qui s'attache sans exception aux actes souscrits par les négociants, ou aux actes qui ont pour cause des opéralions de commerce, elle n'est, dans tous les autres cas, applicable que dans les conditions et dans les limites tracées parle législateur;

Attendu., d'ailleurs, que l'art. 2063 du Code civil défend aux Tribunaux de prononcer la contrainte par corps hors des cas formellement déterminés par la loi ;

Attendu qu'il existe une différence fondamentale entre là lettre dé change et le billet à ordre;

Que la lettre de change est, par sa nature, un acte essentiellement commercial, et que tous ceux qui l'ont signé, endossé ou accepté sont indistinctement soumis à la voie de la contrainte par corps ;


( 20 )

Mais attendu que le billet à ordre n'est un acte commercial que dans certaines circonstances et à l'égard de certaines personnes ;

Que l'art. 637 du Code de commerce dispose expressément que lorsque ces sortes d'engagements portent à la fois des signatures d'individus négociants et d'individus non négociants, le Tribunal de commerce ne pourra prononcer la contrainte par corps à l'égard des individus non négociants, à moins qu'ils ne se soient engagés à l'occasion d'opérations de commerce, trafic, change, banque ou courtage ;

Attendu que les conséquences des deux principes opposés qui régissent les lettres de change et les billets à ordre ont été clairement consacrées par la loi , en ce qui concerne la signature du donneur d'aval ;

Qu'en effet, l'art. 142 du Code de commerce dispose qu'en matière de lettres de change, le donneur d'aval est tenu solidairement, et par les mêmes voies que les tireurs et endosseurs, sauf les conventions différentes des parties ;

Mais que l'art. 187 du même Code, en prescrivant l'application aux billets à ordre de toutes les dispositions relatives aux lettres de change, et en comprenant expressément au nombre de ces dispositions celles qui concernent l'aval, ajoute que c'est sans préjudice des cas prévus par les art. 636, 637 et 638 du Code de commerce ;

Que lorsqu'il s'agit d'un aval consenti sur un billet à ordre, il y a par conséquent lieu de recourir à ces articles, afin de déterminer le degré de responsabilité qui pèse sur le souscripteur de l'aval ;

Attendu que l'art. 637 dispose d'une manière explicite que les individus non négociants qui ont apposé leurs signatures sur un billet à ordre ne sont pas soumis à la voie de la contrainte par corps ; que les expressions de la loi sont d'une généralité absolue ; qu'elle n'établit aucune distinction entre la signature des souscripteurs, des endosseurs et des donneurs d'aval ; qu'il faut par conséquent en conclure que ces


( 21 ) derniers sont nécessairement compris dans la disposition de l'art. 637;

Attendu, il est vrai, que l'on soutient, en s'appuyant sur la jurisprudence de la Cour royale de Paris, que le donneur d'aval se confondant avec la personne cautionnée, est soumis aux mêmes obligations par les mêmes voies, et doit en conséquence encourir la contrainte par corps , dans tous les cas où elle est encourue par le débiteur principal ;

Mais attendu que cette assimilation ne résulte d'aucune disposition de la loi ;

Que les commentateurs attribuent unanimement à l'aval les caractères du cautionnement ordinaire, sous les modifications qui résultent des dispositions de la loi commerciale ;

Que ces modifications consistent en ce que le donneur d'aval est soumis de plein droit à une solidarité absolue, tandis que la caution ordinaire n'est obligée qu'à défaut du débiteur principal, et jouit à son égard du bénéfice de discussion ;

Attendu que, notamment en ce qui concerne la contrainte par corps, l'assimilation entre le débiteur et la caution est repoussée par le texte de la loi ;

Que l'art. 2080 du Code civil ne prononce la contrainte par corps, contre les cautions des contraignables par corps, que lorsqu'elles se sont soumises à cette contrainte ;

Que la loi du 17 avril 1832 signale les cas dans lesquels la caution est assujétie de plein droit à la contrainte par corps encourue par le débiteur principal ;

Attendu, enfin, que l'art. 3 de cette même loi du 17 avril 1832 dispose de la manière la plus positive que les signatures apposées sur un billet à ordre, par un individu non négociant, n'entraînent contre lui la contrainte par corps que tout autant que ces signatures et engagements ont pour cause une opération de commerce, banque, trafic et courtage ;

Que ces expressions, qui expliquent et complètent l'art. 637 du Code de commerce, démontrent que ce n'est pas à raison de la nature de l'engagement qu'il a cautionné, mais


( 22 ) à raison de sa qualité personnelle et de la nature de son propre engagement que le signataire d'aval, sur un billet à ordre, peut être assujéti à la voie de la contrainte par corps;

Attendu, dans l'espèce, que Pierre René n'étant pas négociant, et l'acte qu'il a souscrit n'ayant eu pour causé que des raisons de bienveillance, exclusives de toute opération commerciale, il n'y a pas lieu de le condamner par corps au paiement de son obligation ;

Par ces motifs, — LE TRIRUNAL condamne-Pierre René, par les voies de droit seulement, à payer à Mauras le montant des billets réclamés ; condamne le sieur René aux intérêts et aux dépens.

Du 10 décembre 1844. —M. BRUNO-DEVÈS, Prés. — MM.LOPÈS-DUREC, CASTILLOVet ASSIER, Juges. —Plaid., MM. VAUCHER et Louis BROCHON, Avocats.

ASSURANCE TERRESTRE. —' POUR COMPTE. — ENTREPOSITAIRE COMMETTANT. — ASSURANCE GÉNÉRALE. — ASSURANCE SPÉCIALE. — CONCOURS.

Le propriétaire de marchandises placées dans un entrepôt a le droit, en cas de perte par incendie, de se prévaloir de l'assurance souscrite par l'entrepositaire agissant tant pour son compte que pour celui de ses commettants, bien

que, par une police postérieure, il ait fait assurer sa marchandise en son propre nom, alors que la valeur des marchandises existant dans l'entrepôt au moment du sinistre ne dépasse pas le montant de l'assurance. La secondeassurance demeure sans effet, dans ce cas, faute d'aliment (1). (Code decomm., art. 359.)

(1) Il est incontestable, en présence des dispositions de l'art. 359 du Code de commerce, que lorsque plusieurs assurances successives ont été faites sur une même chose, elles ne peuvent avoir d'effet que, dans l'ordre de leur date jusqu'à épuisement de la valeur assurée ; il est incontestable aussi que dans les assurances pour compte le porteur de la police peut réclamer le montant de la perte en justifiant de"


( 23 )

COMPAGNIE ANGLAISE DU PNÉNIX — C. — BATRÉ ET LA COMPAGNIE DE L'UNION.

Le 19 février 1843, le sieur Yigouroux, entrepositaire de vins à Bordeaux, agissant tant pour son compte que pour celui de ses commettants, fait assurer contre l'incendie, pour la durée d'une année, à partir de l'assurance, .moyennant

l'aliment au risque; mais ce n'était pas, ce nous semble, dans l'appli cation de ces principes qu'était la solution de la difficulté du procès. Il s'agissait uniquement, en effet, dans la cause, selon nous, de savoir si celui qui a fait assurer sa chose peut- se prévaloir de l'assurance faite par un tiers, sans son ordre, de cette même chose.

En faisant assurer par la compagnie du Phénix, pour l'espace d'une année, les vins existant ou pouvant exister dans son entrepôt, M. Vigoureux a certainement fait assurer la chose d'autrui, en tant qu'il agissait pour le compte de ses commettants.

Ces derniers pouvaient sans doute s'approprier l'assurance, bien qu'ils n'eussent pas donné l'ordre d'assurer, mais ce ne pouvait être que par une ratification, au moins tacite, donnée valablement. Le contrat d'assurance est, en effet, soumisau droit commun en ce qui touche le concours des volontés des parties contractantes, et il est de principe constant qu'un contrat fait en notre nom, mais sans nos pouvoirs ; ne nous devient propre que par notre adhésion ou notre ratification formelle ou tacite.

L'assurance souscrite par la compagnie dû Phénix et le sieur Vigoureux-avait été faite sans ordre de M. Batré ; elle n'avait pas été faite même en vue des vins appartenant à ce dernier, puisqu'ils n'étaient pas encore dans l'entrepôt. D'un autre côté, il est certain que M. Batré ne l'avait pas ratifiée même tacitement, lorsqu'il a fait assurer lui-même ses vins par la compagnie de l'Union. Il était alors parfaitement libre de traiter avec cette compagnie, et le contrat souscrit avec elle a été légalement formé. Gr, comme aux termes de l'art. 1134 du Code civil, les conventions, légalement formées, ne peuvent être révoquées que du consentement mutuel des parties, M. Batré, lié avec la compagnie de l'Union, n'a pu détruire les effets du lien en ratifiant une assurance qui ne le liait pas. Donc, au moment du sinistre, M. Batré ne pouvait ratifier valablement, et, par suite, s'approprier l'assurance faite à M. Vigoureux par la compagnie du Phénix que pour la somme laissée à découvert par l'assurance qui lui avait été personnellement consentie par la compagnie de l'Union ,


( 24 ) une prime de 549 fr. 38 c., par la compagnie anglaise du Phénix, une somme de 128,000 fr. sur vins en barriques , existant ou pouvant exister dans le chai situé à Bordeaux , façade des Charlrons, no 88, et communiquant avec celui de la même façade n° 87.

Par un avenant du 19 septembre suivant, il est extrait de l'assurance 54,300 fr. pour être portés sur des vins entrés dans un autre chai, de sorte que le montant de l'assurance sur les vins, existant ou pouvant exister dans le chai n° 88 se trouve réduit à la somme de 73,700 fr.

Vers la fin du mois de novembre de la même année, le sieur Batré met en entrepôt chez le sieur Vigouroux, quarante barriques de vin rouge de Pontet, année 1841, lesquelles sont placées dans le chai façade des Chartrons, n° 88.

Le 16 décembre suivant, le sieur Batré fait assurer contre Fincendie, par la compagnie de L' Union, une somme de 10,000 fr. sur ces vins.

Le 29 janvier 1844, un violent incendie ayant éclaté dans une maison voisine de l'entrepôt du sieur Vigouroux, atteint le chai n° 88, et entraîne la perte totale ou l'altération des vins qui s'y trouvaient placés.

Le sieur Vigouroux remet aux sieurs Albrecht et fils et Comp., agents de la compagnie du Phénix, à Bordeaux, l'état détaillé des vins existant dans le chai n° 88 au moment du sinistre, et s'élevanl à 63,600 fr.

Les vins du sieur Batré figurent dans cet état pour 12,500 francs.

Les sieurs Albrecht et fils et Comp. refusent d'admettre les vins du sieur Batré à l'expertise qui est faite, par les motifs que ces vins ont été couverts par l'assurance souscrite au sieur Batré lui-même par la compagnie de L' Union, et

sur le montant de la valeur de la chose assurée. (Code de comm. , art. 359. )

L'opinion que nous émettons au sujet de la question qui nous occupe, est professée par M. Quesnolt, Traité des assurances terrestrcs pag. 280.


que les risques, en ont été mis à la charge de cette compagnie seule.

Le sieur Batré fait alors assigner devant le Tribunal de première instance de Bordeaux le sieur Vigouroux, pour s'entendre condamner à lui payer là somme de 12,500 fr. , valeur de ses vins, en réparation de la perte qui lui a été causée par l'incendie, et la compagnie du Phénix, en la personne des sieurs Albrecht et fils et Comp., ses représentants, pour entendre déclarer qu'il doit profiter de l'assurance faite au sieur Vigouroux, à concurrence de la susdite somme de 12.500 fr., et dont il réclame par suite le paiement contre elle.

Les sieurs Albrecht et fils et Comp., en leur qualité de représentants de la compagnie du Phénix, demandent la mise en cause de la compagnie de L' Union, laquelle est or-. donnée par le Tribunal.

La compagnie de l'Union étant dans l'instance, le sieur Batré développe ses conclusions dans lesquelles il persiste.

Le sieur Vigouroux Combat la demande en ce qui le concerne, et s'en remet à justice en ce qui concerne la compagnie du Phénix.

La compagnie de l'Union demande sa mise hors d'instance. Elle soutient, en invoquant l'art. 359 du Code de commerce, que la police souscrite par le Phénix, se trouvant couvrir la valeur entière des vins assurés existant au moment du sinistre, doit avoir seule son effet, puisque elle est la première en date; que la police souscrite postérieurement par la compagnie de L' Union doit demeurer sans effet faute d'aliment.

La compagnie du Phénix répond que l'art. 359 n'est applicable qu'au cas de plusieurs assurances souscrites sur les mêmes objets, lesquels se trouvent désignés aux contrats ; que l'assurance consentie par la compagnie du Phénix ne l'a pas été en vue des vins du sieur Batré; puisqu'il est constant en fait que ces vins n'existaient pas encore dans l'entrepôt du sieur Vigouroux ; que dès-lors il n'est pas exact de dire que cette assurance, et celle consentie plus tard sur lesdits


(26 ) vins par la compagnie de L' Union, aient été faites sur un même objel ;

Que les vins du sieur Batré n'étant pas couverts par l'assurance du Phénix, au moment où elle a été souscrite, ont pu être assurés valablement par un contrat postérieur ;

Qu'en cas de deux assurances, l'une générale et l'autre spéciale, celle-ci devait prévaloir sur l'autre, quant à son aliment particulier, quoique postérieure en date ;

Qu'enfin la police d'assurance du Phénix, ne spécifiant pas les marchandises qui en étaient l'objet, ne devait naturellement porter que sur celles qui se trouveraient être laissées à ses risques au moment du sinistre , mais que lors de l'incendie, les vins du sieur Batré n'étaient pas de ce nombre, puisqu'ils avaient été formellement mis aux risques de la compagnie de l'Union.

Le 25 avril 1844, le Tribunal statue dans les termes suivants :

« Attendu qu'il est de principe consacré par l'art. 359 du Code de commerce que, s'il existe plusieurs contrats d'assurances faites sans fraude sur le même objet, et que le premier contrat en assure L' entière valeur, il subsiste seul; les assureurs qui ont signé les contrais subséquents ne devant répondre que de l'excédant de valeur qui pourrait n'être pas couvert dans l'objet assuré par les polices antérieures en date;

» Attendu qu'à la date du 16 décembre 1843, Batré a fait assurer, parla compagnie L' Union, la quantité de quarante barriques vin, contenant chacune environ deux cent vingt-huit litres, du crû de Pontet, année 1841, par lui entreposées dans les celliers du sieur Vigouroux ;

» Mais attendu qu'antérieurement, et à la date du 19 février 1843, ledit sieur Vigouroux, entrepositaire, avait fait assurer ces mêmes vins par la compagnie du Phénix anglais, les ayant compris dans une assurance générale faite, tant pour lui que pour ses commettants, et qui, conformément à


( 27 ) un avenant du 19 septembre 1843, a été restreinte à une somme totale de 74,000 fr.

» Attendu que le fait que les vins de Batré ont été compris dans l'assurance de la compagnie du Phénix anglais, consentie à Vigouroux, est établi par toutes les circonstances de la cause, notamment par les écritures de l'entrepositaire Vigouroux, et par la déclaration expresse qu'il en a faite à Albrecht , agent de la compagnie du Phénix, immédiatement après le sinistre, avec cette circonstance, à l'appui de la sincérité dudit Vigouroux, qu'eu donnant le détail des vins assurés pour la somme sus-mentionnée dé 74,000 fr., le chiffre total des valeurs existantes lors du sinistre dans ses celliers est resté au-dessous de la somme assurée, n'étant portée qu'à 69,000 fr.

)) Attendu, au surplus, que Vigouroux ayant fait faire ladite assurance pour ses commettants, a valablement agi pour Batré, l'un d'eux, qui est parfaitement en droit de profiter de l'acte de son mandataire ou negotiorum gestor ;

» Par ces motifs, — LE TRIBUNAL dit que l'assurance qui a été faite par Vigouroux à la compagnie anglaise du Phénix, doit profiter à Batré, et lui est propre jusqu'à concurence de la somme de 12,500fr.; en conséquence, condamne ladite compagnie anglaise du Phénix à payer à Batré la somme de 12,500 fr., avec intérêts du jour de la demande ; dit n'y avoir lieu d'allouer toutes autres conclusions ; condamne ladite compagnie anglaise du Phénix aux dépens envers toutes parties. »

Appel de la part de la compagnie du Phénix.

Devant la Cour, on développe les moyens présentés devant les premiers juges.

ARRÊT.

Adoptant les motifs des premiers juges,'

LA COUR met au néant rappel. ....

Du 18 novembre 1844. — 1re Ch. —M. ROULLET, prem. Près. — Concl., M. PËYROT, subst. du Proc.-gén.—Plaid., MM:. SAINIMARC, YAUCHÉ et GOUX-DUPORTAIL, Avocats.


( 28 )

VENTE A LIVRER. — MARCHÉS SUCCESSIFS. — AVARIE. , — PRIORITÉ.

Lorsque le chargement d'un navire a été vendu partiellement à livrer par des marchés successifs, avec déclaration aux acheteurs subséquents que les ventes précédentes, qu'on leur fait connaître auront la priorité, la circonstance qu'à l'arrivée du navire une partie du chargement se trouve être avariée, n'oblige pas tous les acheteurs à subir dans leurs marchés une réduction proportionnelle au montant des avaries. Les premiers acheteurs ont le droit d'exiger que leurs marchés soient remplis dans Tordre de leur date jusqu'à épuisement de lu totalité de la marchandise saine.

TH. DUCOS ET GOUTETRON — C. — MAUREL ET COMP.

Le 24 février 1844, les sieurs Maurel et Comp. vendent aux sieurs Th. Ducos et Gouteyron, par l'intermédiaire de M. Chassaing, courtier, 75,000 kil. gomme du Sénégal, exempte d'avarie, les deux, tiers bas du fleuve et un tiers Galam, à livrer en douane à l'heureuse arrivée du navire le Girondin.

Le 28 décembre suivant, ils vendent aux sieurs Meslrezat père et fils 15,000 kil. de la même marchandise, à livrer aussi à l'heureuse arrivée du navire le Girondin.

Le même jour, ils vendent encore aux sieurs Gruet et Alary 15,000 kil- de la même marchandise, à livrer également à l'heureuse arrivée dudit navire.

Au moment de la conclusion des deux derniers marchés , les sieurs Maurel et Comp. font connaître à leurs acheteurs le marché passé avec les sieurs Th. Ducos et Gouteyron, et les préviennent que les 75,000 kil. gomme qui leur ont été vendus seront d'abord prélevés sur le chargement.

Le navire le Girondin arrive dans le port de Bordeaux avec une quantité suffisante de gomme peur faire l'aliment


( 29 ) des trois marchés ; mais, par suite de fortunes de mer éprouvées en cours de voyage, une partie du chargement se trouve atteinte d'avarié, de telle sorte qu'il n'existe pas assez de marchandise saine pour effectuer en entier les trois livraisons.

Celte circonstance donne lieu à des contestations entre les acheteurs.

Les sieurs Th. Ducos et Gouteyron veulent que leur marché soit exécuté par priorité , et que, par suite, la totalité des gommes par eux achetées leur soient livrées à concurrence de la partie saine se trouvant à bord.

Les sieurs Mestrezat père et fils, et Gruet et Alary, prétendent au contraire que chacun des trois marchés doit être réduit proportionnellement aux avaries portant sur l'ensemble du chargement.

Dans cet état de choses, les sieurs Th. Ducos et Gouteyron, Mestrezat père et fils, et Gruet et Alary, font assigner séparément les sieurs Maurel et Comp., pour s'entendre condamner à leur livrer la marchandise qui leur avait été respectivement vendue.

Les sieurs Th. Ducos et Gouteyron plaident que leur marché n'a pu être modifié par des ventes postérieures qui lui sont demeurées étrangères ; qu'au surplus, la priorité leur avait été réservée à l'égard des acheteurs subséquents.

Les sieurs Maurel et Comp. déclarent être prêts à livrer, mais ils font observer que, dans leur opinion, le fait de l'avarie doit amener une réduction proportionnelle sur chacun des trois marchés.

Les sieurs Mestrezat père et fils, et Gruet et Alary, demandent la jonction des trois instances.

Ils soutiennent que la priorité réservée au marché des sieurs Th. Ducos et Gouteyron, l'avait été uniquement pour le cas d'insuffisance dans la quantité de la marchandise chargée;

- Que le navire ayant reçu à son bord une quantité suffisante de gommes pour fournir à l'aliment des trois marchés, les con-


( 30 ) séquences du fait de l'avarie, qui constitue une force majeure, ne peuvent être mises à la charge exclusive de l'un des acheteurs ; qu'en effet, le chargement était la propriété commune et exclusive de ces derniers ; que dès-lors l'avarie en ayant affecté l'ensemble, elle doit atteindre proportionnellement tous les ayant-droits ;

Que si l'on devait avoir égard à l'ordre de date des marchés pour en effectuer l'aliment, les sieurs Ducos et Gouteyron supporteraient à eux seuls les conséquences de l'avarie, parce que, dans ce cas, les marchandises les premières chargées, c'est-à-dire celles placées au fond de la cale, devraient leur être affectées, et que ce sont précisément celleslà qui ont été avariées.

Les sieurs Th. Ducos et Gouteyron s'opposent à la jonction des instances.

JUGEMENT.

Attendu que les causes dont on demande la jonction à l'audience seulement ne sont pas entre les mêmes parties, et que Ducos et Gouteyron s'opposent à cette jonction;

Attendu que Maurel et Comp. ont, le 24 septembre 1844, vendu, exempts d'avarie, 75,000 kilog. gomme du Sénégal, à livrer à l'heureuse arrivée du navire le Girondin ;

Attendu que la cargaison du bâtiment porteur de la marchandise a éprouvé des avaries ; mais que la quantité de marchandise saine parvenue à destination paraît être plus que suffisante pour remplir le marché précité ;

Attendu, à la vérité, que postérieurement au 24 septembre, Maurel et Comp. ont passé de nouveaux marchés avec les sieurs Mestrezat père et fils, et Gruet et Alary, des avis ultérieurs de chargement étant parvenus aux défendeurs pour des quantités supérieures à celle dont ils avaient d'abord disposé ;

Attendu que ces nouveaux marchés ont été conclus avec déclaration de celui qui donne lieu au procès actuel, et stipulation qu'il serait rempli antérieurement ;


(31)

Attendu qu'il n'est pas douteux que si Maurel et Comp. n'avaient vendu de la cargaison du Girondin rien de plus que les 75,000 kilog. acquis par Ducos et Gouteyron, les défendeurs n'auraient eu aucun droit d'obliger les demandeurs à une réduction de la quantité de marchandise à eux vendue, proportionnelle aux avaries portant sur l'ensemble de la cargaison;

Attendu, au contraire, que Ducos et Gouteyron auraient évidemment été en droit de prendre en totalité la quantité par eux achetée, à concurrence de toute la partie saine de la marchandise venue à destination de Maurel et Comp. sur le Girondin; qu'au b'esoin, les défendeurs auraient pu, de leur côté, contraindre leurs acheteurs de prendre cette même livraison ;

Attendu qu'il ne peut en être autrement dans l'état actuel des choses ;

Que des marchés survenus postérieurement, et auxquels Ducoset Gouteyron sont demeurés complètement étrangers, ne sont point susceptibles de leur préjudicier et de faire manquer une affaire conclue auparavant ;

Qu'au surplus, telle était bien l'intention commune des parties, puisqu'avant toute connaissance des faits d'avarie, donnant lieu au différend sur lequel le Tribunal est appelé à statuer, Maurel et Comp. ont déclaré à leurs acheteurs subséquents le marché qui les liait déjà avec Ducos et Gouteyron, et réservé son exécution par priorité ;

Par ces motifs, — LE TRIRUNAL dit n'y avoir lieu à joindre l'instance actuelle à celles introduites par les sieurs Mestrezat père et fils et Gruet et Alary contre les défendeurs ;

Condamne Maurel et Comp. à livrer, conformément aux clauses et conditions du marché du 24 septembre 1844, à Ducos et Gouteyron, à concurrence de 75,000 kilog. gomme à l'état sain provenant de la cargaison du Girondin.

Du 21 janvier 1845. — M. BASSE, Juge-Prés. — MM. CABROL, BRUNET, PRÉCLOS et FABRE, Juges. — Plaid., MM. DERRATIER et BADIN, Agréés, et H. BROCHON, Avocat.


( 32 )

COMPÉTENCE. — SOCIÉTÉ EN PARTICIPATION.

Les dispositions du § 5 de l'art. 59 du Code de procédure civile, portant qu'en malière de société le défendeur sera être assigné devant le Tribunal du lieu où la société est établie, ne sont pas applicables aux sociétés en participation. (Code depro civ., art. 59.)

SICHER — C. — PINARD. Le sieur Sicher fait assigner le sieur Pinard, de Nantes, afin d'arriver au règlement des comptes d'une société en participation qui avait existé entre eux.

Le sieur Pinard décline la compétence du Tribunal de commerce de Bordeaux, et demande son renvoi devant les juges de son domicile.

JUGEMENT. -

Attendu que le sieur Pinar d nedemeure pas dans le ressort du Tribunal ; que tout défendeur doit être assigné devant les juges de son domicile en matière personnelle ; que la demande en règlement de comptes formée par le sieur Sicher est évidemment une action de cette nature ;

Attendu que c'est inutilement que le sieur Sicher argumente des dispositions de l'art. 59 du Code de procédure civile, § 5, pour soutenir qu'il a pu valablement traduire le sieur Pinard devant le Tribunal de Bordeaux, le compte qu'il a fait signifier à ce dernier étant relatif à des opérations en participation, et les parties s'étant, d'après le demandeur, associées à Bordeaux; qu'il n'est pas d'abord démontré que cette ville ait été le siège des opérations sociales, et que, d'ailleurs, la Cour de cassation, par deux arrêts des 14 mars 1810 et 28 février 1817, a décidé que le paragraphe cité ne s'applique pas aux sociétés en participation.

Par ces motifs, — LE TRIRUNAL se déclare incompétent...

Du 27 janvier1845. — M. BASSE, Juge—Près. — MMCABROL, BRUNET, PRÉCLOS et FABRE, Juges. — Plaid,, MM. BADIN et DERRATIER , Agrées.


( 33)

VENTE. — PREUVE TESTIMONIALE.— SUCRES ÉTRANGERS. — SUCRÉS RAFFINÉS. — RÉEXPORTATION. — PRIME. — DROITS ACQUITTÉS. — ENTREPÔT. — ESCOMPTE. — . USAGE.

En matière de ventes commerciales, la preuve testimoniale est facultative pour les juges qui peuvent l'admettre ou la.rejeter, suivant les circonstances. (Code de commerce, art. 109;.

Dans les ventes de sucres, étrangers avec faculté d'entrepôt, réel, le vendeur ne peut réclamer de l' acheteur qui a déclaré vouloir user de la faculté d'entrepôt, le montant de. la prime accordée par le trésor pour le cas de réexportation des mêmes sucres raffinés, bien que la vente ait été. faite droits acquittés, et que le vendeur se soit réservé d'acquitter les droits.

Dans les ventes faites droits acquittés avec faculté d'entre pôt, il est d'usage de prélever l'escompte convenu sur le prix de la marchandise, droits compris.

DE EZPELETA — C. — RIVIÈRE JEUNE.

Le 4- décembre 1844, le sieur X. de Ezpeleta fait vendre par lots aux enchères publiques, par le ministère de M. Doris, courtier, 589 caisses sucre terré brut moscovade , importées de la Havane par le navire français le Paquebot-Bor délais n° 2, capitaine Prudhomme.

Cette marchandise était avariée d'eau de mer et avait été admise par la douane à jouir d'une réduction de droits proportionnelle à sa dépréciation, conformément à l'art. 51 de la loi du 21 avril 1818.

Les conditions de la vente, insérées au procès-verbal dressé par le courtier et déposé à la douane, portent :

1° Que les marchandises seront vendues telles quelles, droits acquittés ; 2o Que les droits de douane seront payés par le vendeur ;


( 34 ) 3° Que la vente est faite tare et règlement d'usage ; 4o Que le prix d'adjudication sera payé comptant sous la déduction de 3 l/ 2 P- % d'escompte.

L'art. 0 est ainsi conçu : La douane conservant aux marchandises adjugées la faculté d'entrepôt réel, moyennant renonciation au bénéfice de la réduction des droits en cas de mise en consommation ultérieure, les vendeurs s'engagent, vis-à-vis des adjudicataires qui voudront jouir de celle faculté, à leur signer les déclarations et transports nécessaires, et à n'exiger d'eux le prix d'adjudication que déduction faite de la portion de ce prix afférente aux droits de douane proportionnellement réduits , mais à la charge toutefois par lesdits adjudicataires de leur bonifier l'escompte dont la douane les eût fait jouir, eux vendeurs, sur ces mêmes droits en cas d'acquittement.

Il est stipulé dans l'art. 6 que pour jouir de la faculté d'entrepôt réel la déclaration devra en être faite dans les trois jours.

Le sieur Rivière jeune se rend adjudicataire de six caisses formant le 55e lot de la vente.

Il déclare dans les trois jours vouloir user de la faculté d'entrepôt.

Postérieurement, à cette déclaration, le sieur Ezpeleta remet au sieur Rivière un compte de vente ainsi établi : Lot 55e, 6 caisses sucre moscovade brut avarié pesant :

Ort 1,352 kil.

Tare 14 p. %... 189 28\

Trait 6 202 28

Vide 7 j

Net 1,149 72 à 121 % 1,391 16

A déduire : Pour droits réduits auxquels il renonce sur ort. 1,352 kil. et net 1,189 76 à 67 fr. 33... 801 07

Décime 80 11 881 18

509 98


( 35 )

Report 509 98

Escompte 3 1/2 p. % 17 83

A ajouter : 492 15

Bonification sur droits de douane 11 74

Prime reauu- -4oervée par le vendeur'à

„2k !r .............. 287 22

Frais de vente a l p. % r...............312 97

805 12

Le sieur Rivière se refuse à payer les 287 fr. 32 c. pour la prime qui aurait été accordée par le trésor en cas de réexportation des sucres après avoir été raffinés, et il soutient que l'escompte de 3 1/2 p. % convenu aurait dû être prélevé non sur la somme de 509 fr. 98 c, prix de la marchandise, droits déduits, mais sur celle de 1,391 fr. 16 c, prix de la marchandise, droits compris.

Le sieur de Ezpeleta ne voulant pas accueillir ces prétentions , fait assigner le sieur Rivière en paiement de la somme de 805 fr. 12 c, montant du compte.

On plaide, dans son intérêt, que les sucres, objet de la vente, ne se livrent jamais à la consommation en France à cause des forts droits qui les grèvent à l'entrée; qu'ils ne sont importés que pour être réexportés après avoir été livrés à la raffinerie; que la prime, bonifiée par le trésor à la réexportation , constitue au moment de l'importation une valeur certaine et connue ; que dans l'usage, cette valeur se sépare fic-' livement de la marchandise, puisqu'elle est représentée par des effets qui ont cours sur la place ;

Qu'il est évident qu'en vendant droits acquittés, et avec la clause expresse que les droits de douane seraient acquittés parle vendeur, le sieur Ezpeleta s'était réservé le bénéfice de la prime, puisqu'elle est toujours bonifiée à celui qui a payé les droits ou à ses représentants;

Que le sieur Rivière n'avait pu lui enlever ce bénéfice par la déclaration qu'il avait faite à la douane de vouloir jouir de


( 36 ) la faculté d'entrepôt réel; qu'il serait, en effet, injuste que l'acheteur eût ainsi la faculté de modifier la situation de son vendeur au moyen d'une déclaration dont il pouvait se départir à sa volonté, et d'enlever par suite à celui-ci des droits certains pour se les transporter à lui-meme

dans tous les cas, la prime il fut formellement par le trésor pour la réexportation des sucres raffinés demeurait acquise au vendeur qui se réservait d'acquitter les droits, même dans le cas prévu par l'art. 5 des conditions de la vente, si la marchandise était mise ultérieurement en consommation. On invoque sur ce point l'autorité du courtier intermédiaire de la vente, et l'on demande subsidiairement à être admis à faire la preuve par témoins du fait articulé.

Quant à l'escompte convenu, on dit qu'il a dû être calculé sur le prix réellement payé, c'est-à-dire sur le prix déduction faite des droits.

Dans l'intérêt du sieur Rivière, on dénie formellement que le vendeur se fût réservé la prime, pour le cas même où les vendeurs déclareraient vouloir jouir de la faculté d'entrepôt réel.

On soutient que cette réserve, ne résulte d'aucune des conditions de la vente, qu'elle est même implicitement exclue par l'art. 5 de ces conditions, puisque pour le cas où les acheteurs useraient de la faculté d'entrepôt réel, le vendeur ne se réserve que l'escompte que la douane lui eût bonifié s'il eût payé les droits.

On fait observer, relativement à l'escompte de 3 1/2 p. °/° bonifié par le vendeur, que, d'après les.usages, cet escompte se calcule sur le prix entier, frais compris.

Le sieur Rivière offre 486 fr. 95 c,

M. Doris junior, qui avait procédé à la vente publique des sucres, objet du procès, est entendu et donne des explications au Tribunal sur ce qui s'est passé au moment de la vente.


('37 )

JUGEMENT.

Attendu que les conditions de la vente mises sous les yeux du Tribunal ne contiennent pas la mention de la réserve en faveur du vendeur de la prime qui fait l'objet de la discussion;

Qu'il est vrai qu'Ezpeleta prétend que la mention dont s'agit existait aux conditions de la vente au moment de l'ouverture des enchères et qu'elle a été lue à l'assemblée ;

Que sur la dénégation de ce dire par Rivière, Ezpeleta offre d'en faire la preuve ;

Qu'il y a heu pour le Tribunal de vérifier si les présomptions sont suffisantes pour faire admettre celte offre de preuves,

Attendu qu'il résulte des déclarations de Doris, courtier, à l'audience, que son registre, qui devrait mentionner toutes les conventions faites entre les parties, ne contient aucune trace de celle dont s'agit ;

Que l'addition de la prime au prix payé pour la marchandise ferait ressortir le prix de la marchandise, en état d'avarié, bien au-dessous de celui qu'elle aurait valu à l'état sain ;

Attendu qu'il est d'usage constant que dans les ventes de marchandises, droits acquittés avec faculté d'entrepôt, l'escompte convenu soit prélevé sur le prix entier, droits compris;

Par ces motifs, — le TRIBUNAL , sans s'arrêter à la preuve offerte, condamne Rivière, de son consentement, à payer à Ezpeleta la somme de 486 fr. 95 c. pour prix de la marchandise évaluée suivant les bases fixées au présent jugement.

Du 16 janvier 1845. — M. BRÙNO-DEVÈS, Prés.— MM. LOPES-DUBEC, CASTILLON et ASSIER, Juges.-r-Plaid., MM. FAYE et SAINT-MARC, Avocats.


( 38

VENTES. — DROITS ACQUITTÉS. — FACULTÉ D'ENTREPÔT. — DROITS. — RÉDUCTION.

Dans les ventes à livrer à l'arrivée d'un navire désigné, faites droits acquittés avec faculté d'entrepôt, la réduction dans les droits de douane survenue dans l'intervalle du marché à la livraison doit profiter à l'acheteur. En conséquence, si celui-ci déclare vouloir jouir de la faculté d'entrepôt, le vendeur doit déduire du prix le droit existant à l'époque de la vente (1).

BAOUR ET COMP. —C. —MALSANG, BONFILS, CREUZET ET COMP.

Le 15 octobre 1844, la maison Baour et Comp. vend aux sieurs Malsang, Bonfils, Creuzet et Comp., par le ministère de M. Pascal Faunade, courtier, vingt caisses lac-dye, à livrer à l'arrivée du navire le Triton, au prix de 3 fr. le demikilog., droits acquittés avec faculté d'entrepôt, payables à soixante-quinze jours de la livraison, sous la déduction de 3 p. 100 d'escompte.

A cette époque, les droits de douane sur cette marchandise étaient de 55 fr. par 100 kil.

Dans l'intervalle du marché à la livraison intervient une ordonnance royale qui réduit ces droits de moitié, lesquels ne se trouvent plus être que de 27 fr. 50 c.

A l'arrivée du navire à Bordeaux, les acheteurs déclarent vouloir user de la faculté d'entrepôt.

La maison Baour et Comp. dresse un compte de vente s'élevant à 16,107 fr. 80 c, dans lequel elle déduit les droits de douane sur le pied de 27 fr. 50 c. seulement, d'après le nouveau tarif.

Les sieurs Malsang, Bonfils, Creuzet et Comp. réclament

(1) Voyez, question analogue, ce Recueil, 1836. 1. 201.


( 39 )• • la réduction du droit de 55 fr. existant à l'époque du marché.

Les parties n'ayant pu s'accorder sur cette difficulté, conviennent de la soumettre à la décision du Tribunal. Les sieurs Malsang, Bonfils, Creuzet et Comp. payent 15,007 fr. 80 c. à valoir, et la maison Baour et Comp. les fait assigner en paiement du solde.

On dit, dans l'intérêt de cette maison, que les sieurs Baour et Comp. ayant vendu droits acquittés, toutes les chances d'augmentation de droits étaient à leur charge; que, par suite, ils devaient profiler de la diminution survenue;

Qu'ils couraient, en outre, les chances de perdre le bénéfice de l'importation sous le pavillon national, par suite de négligences qui auraient pu être commises, dans le cas où le navire le Triton étant condamné en cours de voyage, la cargaison aurait été importée en France par un navire étranger;

Que si les acheteurs avaient voulu courir les chances des variations du droit d'entrée, ils auraient dû acheter en entrepôt ; qu'ayant déterminé leur prix d'achat à l'acquitté d'une manière invariable, et n'ayant pas voulu assumer sur eux les chances défavorables, ils ne doivent pas profiter de celles qui sont avantageuses.

On ajoute que la convention claire et précise de livrer la marchandise au prix convenu, droits acquittés, librement acceptée par les parties, n'a pu être modifiée par les 3circonstances postérieures, et que les vendeurs y satisfont pleinement en déduisant le droit en vigueur à l'époque de la livraison.

Les sieurs Malsang, Bonfils, Creuzet et Comp. répondent qu'ils doivent profiter de la réduction sur les droits, parce que cette réduction influe nécessairement sur Je cours de la marchandise ; que les prétentions du sieur Baour et Comp., si elles étaient accueillies, auraient pour effet d'imposer une perle à leurs vendeurs pour s'appliquer un bénéfice sur lequel ils ne devaient pas compter.


( 40) JUGEMENT.

Attendu qu'il est reconnu au procès que, le 15 octobre dernier, Baour et Comp. ont vendu verbalement à Malsang, Bonfils, Creuzet et Comp., par le ministère du sieur Pascal Faunade, courtier, vingt caisses lac-dye, à livrer par le navire le Triton, au prix de 3 fr. le demi-kil., droits acquittés avec faculté d'entrepôt, payables à soixante-quinze jours de la livraison, sous déduction de 3 p. 100 d'escompte ;

Que les acheteurs ayant déclaré vouloir profiter de la faculté d'entrepôt, il s'agit de savoir si les vendeurs sont tenus de déduire du prix convenu le montant des droits de douane, tels qu'ils existaient au moment où le marché a été traité, ou seulement au taux réduit qu'ils ont aujourd'hui ;

Attendu que, pour l'interprétation de celte convention, il faut rechercher quelle a pu être la commune intention des parties au moment du contrat; qu'il est bien évident que, pour connaître le résultat de leur opération, les parties ont dû i éciproquement envisager la valeur de la marchandise à l'acquitté, c'est-à-dire abstraction faite des droits de douane dont elles étaient alors passibles ;

Que la diminution des droits survenus depuis était un fait dont les parties ne pouvaient alors avoir aucune connaissance; qu'elles n'ont pu, dès-lors, prendre en considération dans leurs calculs que les droits de douane en exercice; que toute autre interprétation de la situation des parties, au moment du contrat, est inadmissible ;

Attendu que, dans le système des demandeurs, le prix de la marchandise serait, en réalité, différent, de celui que les parties ont dû avoir en vue au moment du contrat ; que toute modification, dans le droit de douane, dont une marchadise est frappée, occasionnant une modification dans le cours de cette marchandise, il en résulte que l'une des parties profiterait d'un avantage au détriment de l'autre, à l'occasion cependant d'une circonstance qui, dans l'espèce, n'a pu entrer dans leurs prévisions;


( 41 ) Par ces motifs, — LE TRIBUNAL dit que le montant du droit de douane, existant sur la marchandise au moment du marché, seront déduits, par Baour et Comp., sur le prix de vente des vingt caisses lac-dye dont s'agit, et condame Malsang, Bonfils, Creuzet et Comp. à payer, suivant leur offre, la somme par eux due pour solde.

Du 13 février 1845. — M. LOPES-DUBEC, Juge-Prés.— MM. CASTILLON et ASSIER, Juges. — Plaid., MM. BADIN et GIRARD, Agréés. .

COMPTE COURANT. — EFFET DE COMMERCE. — CRÉDIT. — DÉBIT. — ACTION.

Lorsque deux commerçants sont en compte courant, leur situation respective doit être déterminée par le résultat de l'ensemble du compte. En conséquence, l'un d'eux ne peut extraire du débit de l'autre, où il l'a portée, une traite acceptée et retournée faute de paiement, pour en poursuivre séparément la condamnation contre lui (1).

MALHARD — C. —A.-L. ARNAUD.

Par suite de relations d'affaires, un compte courant s'établit entre le sieur A.-L. Arnaud, de Bordeaux, et le sieur Malhard, du Havre.

Le 12 mai 1844, le sieur Malhard tire sur le sieur Arnaud une traite de 3,000 fr., au 12 juillet suivant.

Cette traite est acceptée, mais elle revient impayée dans les mains du sieur Malhard, qui en porte le montant, ainsi que celui du compte de retour, au débit du sieur Arnaud, chez lui, à la date du 21 juillet.

Le 20 septembre suivant, il envoie à ce dernier l'extrait du compte courant, soldant en sa faveur pour 6,061 fr. 97 c.,. et l'invite à payer ce solde.

(1) Ce principe est constant, et le Tribunal a souvent jugé dans ce sens. Voy. une décision analogue, rapportée dans la Bibliothèque du commerce, t. 6, p. 45.


( 42 )

Des contestations ayant été soulevées entre les parties, au sujet du solde du compte courant, le sieur Malhard fait assigner le sieur Arnaud pour s'entendre condamner à lui payer le montant de la traite du 12 mai et du compte de retour.

Le sieur Arnaud répond que les parties étant en compte courant-, leur position respective ne saurait résulter que de l'ensemble du compte dont le solde débattu peut seul déterminer quelle est celle qui se trouve débitrice envers l'autre, et pour quelle somme ;

Que la traite dont on réclame le paiement ayant été portée dans ce compte, en constitue un élément qui ne peut en être détaché.

Le sieur Malhard réplique que la traite ayant été acceptée par le sieur Arnaud constitue contre lui un litre reconnu et liquide, au paiement duquel il ne pouvait se refuser qu'en prouvant qu'il s'était déjà libéré ;

Que la circonstance que la traite avait été portée au débit du sieur Arnaud, dans un compte courant, n'avait pu en rien changer cette position, parce que le transport au débit d'une somme consacre la dette, et n'en amène la libération qu'autant qu'il se trouve au crédit des valeurs suffisantes pour l'éteindre, ce qui, appert le compte, n'existait pas dans la cause.

JUGEMENT.

Attendu que les débats établissent que des relations de diverses natures ayant existé entre les parties ont donné heu à l'établissement d'un compte courant et d'intérêts entre elles, où les résultats de leurs opérations se trouvent confondus ;

Attendu qu'il résulte du compte courant remis par Malhard à Arnaud, le 20 septembre dernier, que, sous la date du 21 juillet précédent, Malhard a débité Arnaud du montant de la lettre de change et du compte de retour formant l'objet de la demande actuelle ; qu'il a ainsi changé volontairement sa position envers Arnaud ; qu'il est de principe qu'un compte


( 43 ) courant ne peut être scindé, et que c'est par le résultai de l'ensemble du compte que la situation des parties doit être établie ; que Malhard, de son propre consentement, n'est plus créancier que du solde de son compte courant, justifié qu'il soit ;

Par ces motifs, — LE TRIBUNAL déclare Malhard non recevable dans sa demande.

Du 28 novembre 1844. —M. BRUNO-DEVÈS, Prés. — MM. LOPES-DUBEC et CASTILLON, Juges. — Plaid., MM. BADIN et DERRATIER, Agréés.

BILLET A ORDRE. — PRESCRIPTION. — COMMERÇANT. — ACTE DE COMMERCE

La prescription de cinq ans établie par l'art. 189 du Code de commerce, ne peut être invoquée contre un billet à ordre souscrit par un commerçant, lorsqu'il est établi que ce billet a. été souscrit pour une cause non commerciale. (1) ( Code decomm. art. 189).

RENIER —C. — HÉRITIERS CAUSSEROUGE.

Le 1er novembre 1823, le sieur Causserouge cadet, marchand à Créon, souscrit à l'ordre du sieur Renier un billet de 600 fr., causé valeur eu ouvrages et en marchandises, payable dans six mois de sa date.

Le 7 juillet 1824, le sieur Renier obtient du Tribunal de commerce de Bordeaux, un jugement par défaut qui condamne le sieur Causserouge au paiement du susdit effet.

Le 27 du même mois de juillet, le sieur Causserouge fait opposition à ce jugement.

L'opposition est fondée sur ce que le billet aurait eu pour cause des travaux de bâtisse à effectuer à la maison du sieur Causserouge, lesquels ne seraient pas encore terminés, et sur

(1 ) Voy. dans ce sens l'arrêt invoqué dans les motifs de la décision que nous rapportons.


( 44 ) ce que le sieur Causserouge aurait lui-même des réclamations à adresser au sieur Renier.

Le sieur Causserouge meurt sans avoir fait vider son opposition.

En 1844 seulement, le sieur Renier fait assigner les héritiers Causserouge en reprise d'instance et pour voir rejeter comme étant mal fondée, l'opposition faite par leur auteur au jugement du 7 juillet 1824.

Les héritiers Causserouge, invoquant les dispositions de l'art. 189 du Code de commerce, opposent la prescription.

Es plaident que le billet du sieur Causserouge, ayant été souscrit par un commerçant, était par cela seul soumis à la prescription établie par le susdit article ; que dès-lors le sieur Renier ayant laissé écouler plus de cinq ans sans poursuites, avait perdu toute action relativement à ce billet.

JUGEMENT.

Attendu que l'opposition de Causserouge envers le jugement du 7 juillet 1824, n'est pas contestée dans la forme ; qu'elle est dès-lors recevable;

Attendu que Causserouge était commerçant, et que, bien que le billet dont s'agit n'ait pas une cause commerciale, il a circulé commercialement, et qu'aux termes de l'art. 637 du Code de commerce le Tribunal est compétent ; qu'au surplus les héritiers Causserouge ne déclinent pas la compétence du Tribunal ;

Attendu, sur la prescription, que si, aux termes de l'art. 189 du Code de commerce, toutes actions relatives aux lettres de change, et à ceux des billets à ordre souscrits par des négociants, marchands ou banquiers, ou pour faits de commerce, se prescrivent par cinq ans, on ne peut néanmoins appliquer cette règle aux personnes désignées qu'autant qu'elles agissent en qualité de commerçants et pour faits de commerce ; que si le législateur n'a pas mis cette restriction, c'est qu'aux termes de l'art, 638 du même Code, les billets souscrits par les commerçants sont censés faits pour leur commerce lors-


(45) qu'une autre cause n'y est point énoncée; que c'est ainsi que l'a jugé un arrêt de la Cour royale de Paris du deux mars *1836.

Attendu que le billet dont s'agit est causé valeur reçue en ouvrages et marchandises ; qu'il est reconnu par toutes parties, et qu'il résulte des termes de l'opposilion faite par Causserouge lui-même, que ce billet était le prix de réparations entreprises par Renier à la maison de Causserouge; qu'il suit de là qu'il n'a pas été souscrit pour une cause commerciale; qu'ainsi la prescription tirée de Fart. 189 du Code de commerce ne peut être opposée au demandeur;

Attendu dès-lors que l'action n'est prescriptible que par le laps de temps ordinaire ; que trente ans ne se sont pas écoulés depuis la dernière poursuite •

Par ces motifs, — LE TRIRUNAL déclare l'opposition de Causserouge envers le jugement du 7 mars 1824 recevable dans la forme; mettant les choses au même état qu'auparavant, et sans s'arrêter à l'exception de prescription proposée par les héritiers dudit Causserouge, exception dont ils sont débou-, tés, ordonne qu'il sera plaidé au fond à une prochaine audience.

Du 3O janvier 1845: — M. BRUNO DEVÉS, Prés. — MM. LOPES-DUBEC, CASTILLON et ASSIER, Juges. — Plaida, MM. DERRATIER et GIRARD, Agréés.

PILOTAGE. — SURESTARIES. — JOURS DE PLANCHE.

L'art. 112 du règlement général des pilotes du quatrième arrondissement maritime doit être interprété dans ce sens, qu'il est dû pour la montée des navires trois jours de planche de la mer à Trompeloup et trois jours de Trompeloup à Bordeaux. En conséquence, le pilote qui conduit le navire de la mer à Bordeaux n'a droit à l'indemnité pour

(2)Sirey, t. 37, 2me p., p. 16.


( 46 ) surestaries, qu'autant qu'il est resté plus de six jours a bord,

LABAT — C. — ISNARD JEUNE.

Le 5 janvier 1845, le pilote Labat, de la station de Pauillac, prend en mer le navire le Merle pour le piloter, et le conduit à Bordeaux, lieu de sa destination, où il arrive le 11 du même mois.

Le capitaine lui délivre un bon de pilotage constatant qu'il a conduitle navire de la mer à Bordeaux, en restant en tout sept jours à bord.

Muni de ce bon, le sieur Labat réclame du sieur Isnard jeune, armateur du navire le Merle, 1° 128 fr. 62 c, pour droits de trois pilotages trois quarts de la mer à Bordeaux ; 2° 24 fr., pour quatre journées passées à bord du navire, en sus des trois jours fixés par le règlement général des pilotes du quatrième arrondissement maritime.

Le sieur Isnard offre les droits de pilotage, mais refuse de payer les 24 fr. réclamés pour surestaries.

Le sieur Labat le fait alors assigner en condamnation.

Il fonde sa demande, en ce qui touche les 24 fr. pour quatre jours de surestaries, sur les termes de l'art. 112 du règlement , d'après lesquels tout pilote retenu par le temps contraire ou par toute autre cause indépendante de sa volonté, plus de trois jours à bord du navire, a droit à six francs par jour à compter du quatrième.

Le sieur Isnard répond que l'art. 112- du règlement doit être entendu dans ce sens, qu'il était dû au navire trois jours pour chaque pilotage ; que plus de trois pilotages existant de la mer à Bordeaux, il en résulte que la montée du navire peut durer neuf jours, sans qu'il soit dû de surestaries aux pilotes; qu'il n'en était évidemment pas dû dans l'espèce, puisque le trajet du navire le Merle, de la mer à Bordeaux, n'avait été que de sept jours.

Que la circonstance que le même pilote avait conduit le navire de la mer à Bordeaux ne pouvait faire à l'armement


( 47 )

une position différente de celle où il se serait trouvé si la conduite avait été faite sous la direction successive des pilotes des diverses stations.

JUGEMENT.

Attendu que dans la cause il s'agit d'un navire de montée ;

Attendu que le règlement relatif au pilotage du quartier de Bordeaux, eu donnant à tout pilote des stations de Blaye, de Pauillac, de Royan et de- Saint-Georges, le droit de prendre un navire à la mer (art. 94, 102 et 109), établit comme règle générale, sauf exception pour le cas où les pilotes de la station de Pauillac ne se présenteraient pas pour relever à Trompeloup, ou dans le trajet dudit lieu à l'IIeVerte, le pilote d'entrée, qu'il y aura changement de pilote à la station de Trompeloup (art. 94 et 103) ; d'où il suit qu'il y a régulièrement et habituellement deux pilotes pour la montée;

Attendu que si l'art. 102 dit que les pilotes de Pauillac prenant un navire à la mer pourront le conduire jusqu'en rade de Bordeaux, ce n'est, d'après les expressions employées dans cet article, ainsi que dans les articles 89 et 94 indiquant les cas où un pilote ne serait pas relevé par celui devant lui succéder, qu'une faculté réservée au pilote et non une obligation qui lui soit strictement imposée ;

Attendu, dès-lors, que le pilote qui use de cette faculté est présumé le faire parce qu'il en résulte pour lui uni avantage, et qu'il est de règle générale et constante que celui qui veut profiter d'un avantage doit accepter les charges qui y sont attachées ;

Attendu que rapproché des articles ci-dessus, l'art. 112 portant : Tout pilote qui sera retenu par le temps contraire ou par toute autre cause indépendante de sa volonté plus de trois jours à bord d'un navire, recevra six francs par jour à compter du quatrième, doit être interprêté comme obligeant chaque pilote, et par chaque station, à rester trois jours à bord sans indemnité ; soit, pour la montée, trois jours de la mer à Trompeloup, et trois jours de Trompeloup à Bordeaux;


48 )

Attendu que, dans l'espèce, le bon délivré par le capitaine au pilote quia pris le navire à la mer et l'a conduit jusqu'en rade de Bordeaux, en restant en tout sept jours à bord, n'indique pas la division de ce nombre de jours entre les deux stations ; que dès-lors on doit supposer que le premier trajet , celui de la mer à Trompeloup, n'a pas été fait en moins des trois jours de planche que doit accorder le pilote ;

Attendu que d'accord avec la répartition établie par les art. 101 et 106, l'art. 126 dit qu'en aucun cas il ne sera dû pour la montée plus de trois pilotages un quart, du 1er avril au 30 septembre, et de trois pilotages trois quarts du 1er octobre au 31 mars ;

Attendu qu'Isnard a constamment fait l'offre au pilote Labat de la somme de 128 fr. 62 c, formant le calcul de trois pilotages trois quarts, à raison de 34 fr. 30 c. par pilotage suivant le tirant d'eau de son navire le Merle ; mais en lui refusant toute augmentation pour jours de surestaries. ;

Attendu que, d'après ce qui est expliqué ci-dessus, le pilote Labat a droit au paiement d'une journée excédant les six jours de planche qu'il est reconnu devoir :

Par ces motifs , — LE TRIBUNAL condamne de son consentement Isnard à payer à Labat la somme de 128 fr. 62 c. pour le montant des trois pilotages trois quarts dûs pour la montée du navire le Merle ;

Le coudame en outre à payer à Labat la somme de six francs pour un jour de surestarie excédant le nombre de jours qu'il était tenu d'accorder ; moyennant ce, relaxe Isnard des plus amples demandes du pilote Labat ;

Condamne le pilote Labat aux deux tiers des dépens , et Isnard en l'autre tiers.

Du 27 février 1815. — M. BASSE, Juge-Prés. — MM. CASTILLON, PRÉCLOS et FABRE, Juges. — Plaid., MM. SCHMIT et DERRATIER , Agréés.


(49 )

CAPITAINE. — CHARBON ANGLAIS. — MESURE. — CHALDRON. —RESPONSABILITÉ. — FRET.—DESTINATAIRE. — ACHETEUR. — FIN DE NON-RECEVOIR.

Il résulte de l'expérience journalière du commerce qu'un chaldron de gros charbon de terre, chargé à Sunderland, doit produire au moins trente hectolitres en mesure française. En conséquence, le capitaine qui ne rend pas cette quantité au déchargement doit tenir compte de la différence au destinataire (1).

Le capitaine n'a pas d'action en paiement de son fret contre celui auquel il a délivré la marchandise, lorsque celui-ci ne l'a reçue que comme acheteur du cosignataire. (Code de comm., art. 286.)

CAPITAINE MESNAGE C- — TH. CONSEIL, ET CE DERNIER -C>— RUSSEIL JEUNE.

En janvier 1845, le capitaine Mesnage charge à Sunderland, à bord de son navire l'Edouard et Rose, quarante-huit chaldrons de charbon de terre gros, pour les transporter à Bordeaux, et dont il signe, le 21 dû même mois, un connaissement au porteur.

A l'arrivée du navire l'Edouard et Rose dans leport de Bor(1

Bor(1 Le chaldron est une mesure anglaise employée dans le commerce du charbon de terre. D'après le Dictionnaire universel du commerce de Jacques Savary, le chaldron de charbon devait peser 2,000 livres à bord des navires, et 21 chaldrons allaient pour la vingtaine. Il contenait 36 boisseaux en monceaux, suivant un étalon du. boisseau qui était déposé à la place de Guildhall à Londres. Les auteurs du Dictionnaire du commerce et des marchandises admettent, sous la foi de M. Savâry sans doute, ce rapport entre le chaldron et notre ancien boisseau. Le chaldron de Newkastle et de Sunderland étant le double de celui de Londres, serait par suite de 72 boisseaux, et équivaudrait à un peu plus de 26 hectolitres. Mais., d'après la décision que nous rapportons la pratique actuelle du commerce n'admettrait pas ce résultat.

Année 1845 1er part. 6


(50 ) deaux, le connaissement était dans les mains du sieur Russeil jeune, qui vend les charbons au sieur Théodore Conseil.

Le capitaine délivre à celui-ci 1,372 hectolitres de charbons, c'est-à-dire environ 28 hectolitres et demi par chaldron.

Des contestations s'étant élevées lors du règlement du fret, au sujet du rendement du chaldron en hectolitres, le capitaine fait assigner Je sieur Th Conseil en paiement de la somme de 2,019 fr. 70 c. pour solde de son fret,

Le sieur Conseil appelle le sieur Russeil jeune à sa garantie. Il dit que le capitaine est sans action contre lui, parce qu'il n'a pris livraison de la marchandise que comme acheteur du sieur Russeil, qui s'est trouvé être le consignataire reconnu du capitaine à l'arrivée du navire; que, dans tous, les cas, le sieur Russeil devrait le relever indemne des condamnations qui seraient prononcées contre lui.

Le sieur Russeil, reconnaissant la justesse des observations du sieur Conseil déclare prendre son fait et cause et se mettre à son lieu et place:

Il offre de payer le solde du fret réclamé, sous la déduction de la valeur de 356 hectolitres de charbon qui se trouverait manquer, d'après lui, sur le chargement.

il soutient que, d'après des expériences faites il y a quelques années, à Newkastle ou à Sunderland, au moyen d'un hectolitre envoyé de France par la douane, le chaldron doit produire.36 hectolitres ; que, dès-lors, le capitaine aurait dû livrer à Bordeaux, pour les 48 chaldrons de charbon chargés à Sunderland, 1,728 hectolitres de cette marchandise, au lieu de 1,372 hectolitres.

Le capitaine répond que le minimum du rendement du chaldon en hectolitre est d'un peu plus de 26 hectolitres ; ainsi que le reconnaissent les auteurs du nouveau dictionnaire du commerce et des marchandises; que le destinataire n'aurait aucun reproche à lui adresser, alors même que dans la livraison effectuée il n'aurait pas dépassé ce minimum •


( 51 ) qu'il est, à plus forte raison, mal fondé dans sa prétention, puisqu'il a rendu plus de 28 hectolitres et demi par chaldron.

Il soutient que la différence, dans le rendement alléguée parle destinaire, provient de ce que, autrefois, les charbons étaient chargés mesure comble, et qu'aujourd'ui on ne les livres que mesure rasante.

JUGEMENT.

Sur la demandé principale :

Attendu qu'il est reconnu par le capitaine Jacques Mesnage, du bâtiment l'Edouard et Rose, qu'il a pris à Sunderland la quantité de 48 chaldrons charbon de terre, qu'il s'es engagé à transporter à Bordeaux et à remettre au porteur du connaissement;

Attendu qu'il est prouvé par l'expérience, et non contesté, que le rendement de la mesure anglaise appelée chaldron en hectolitres français, est variable ; que, d'après les- renseignements pris par le Tribunal, ce rendement doit être de 30 hectolitres au moins pour le gros charbon, qualité de celui ayant composé le chargement dont il s'agit au procès, et que les maisons de Newkastle et de Sunderland s'engagent à garantir ce rendement; que, dès-lors, le capitaine devait livrer 1,440 hectolitres pour les 48 chaldrons par lui reçus;

Attendu que le capitaine Mesnage n'a livré que 1,372 hectolitres, ce qui constitue un déficit de 68 hectolitres dont il doit demeurer responsable ;

Sur la demande en garantie :

Attendu que Th. Conseil, à qui le capitaine Mesnage réclame son fret, par la raison que c'est à lui que la livraison a été faite, n'a pris ladite livraison qu'en qualité d'acheteur ayant traité avec Russeil jeune, destinataire primitif, à qui le connaissement avait été remis; que c'esti par conséquent, ce dernier qui est tenu au paiement du fret; ce que, du reste, il reconnaît ;

Par ces motifs, — LE TRIBUNAL condamne Russeil jeune


( 52 ) au paiement de la somme réclamée, sous déduction de celle de 204 fr. pour le montant des 68 hectolitres manquant, calculés à 3 fr. l'hectolitre, soit 3 fr. 40 c. prix de vente à bord, moins les droits et frais de placage.

Du 11 mars 1845. — M. BASSE, Juge-Prés. — MM. BRUKET, CASTILLON et ASSIER, Juges. —Plaid., MM. LÉVESQUE et GIRARD , Agréés.

COMMISSIONNAIRE. — MARCHÉ. — PRIX. — EXCÈS DE POUVOIRS. — MANDAT. — EXÉCUTION.

Le commissionnaire a le droit d'obliger son commettant à prendre livraison des marchandises achetées pour son compte, bien qu'il ait excédé la limite qui lui avait été fixée pour le prix, s'il consent à garder à sa charge la partie du prix excédant la limite. Il doit en être ainsi, alors même que le commettant aurait écrit pour annuler l'ordre avant de connaître l'existence du marché réalisé (1). ( Code de comm., art. 91, et Code civ., art. 1998. )

J. C. DAVAL ET COMP. — C. — BACHELIER.

Le 4 janvier 1845, le sieur Bachelier, négociant à Paris, donne ordre aux sieurs J. C. Daval et Comp. de Bordeaux, d'acheter, pour son compte sur cette dernière place, 67 caisses brais de Manille, importés par le navire l'Orient, au prix de l fr. 37 c. 1/2 le demi kil.

Le 16 janvier, les sieurs Daval et Comp., après avoir ong-temps débattu le marché avec la maison veuve Fabre et fils, détentrice de cette marchandise, l'achètent au prix de 1 fr. 40 c. le demi kil. à l'acquitté, avec faculté d'entrepôt, payable à 3 p. cent d'escompte à 75 jours.

(1) Le Tribunal a jugé dans ce sens le 18 juin 1838, relativement à la vente faite de bonne foi par le commissionnaire au-dessous de la limite fixée lorsqu'il olfre de tenir compte de la différence. ( Ce Recueil, 1838. 1. 174. ) Pardessus, t. 1. p. 40S.


( 53 )

Le lendemain 17, ils avisent le sieur Bachelier de l'achat.

Le 18, avant de recevoir la lettre d'avis de l'achat, le sieur Bachelier écrit aux sieurs Daval et Comp. pour annuler son ordre dans le cas où il ne serait pas encore exécuté.

Le 19, ayant reçu la lettre d'avis, il leur mande qu'il ne veut pas du. marché parce que la limite qu'il avait fixée pour le prix a été dépassée.

Le 21, les sieurs Daval et Comp. lui répondent que si l'on veut les rendre victimes du zèle qu'ils ont mis en traitant de bonne foi au mieux des intérêts de leur commettant, ils consentent à prendre à leur charge la partie du prix excédant la limite.

Cette offre n'ayant pas été acceptée, ils font assigner le sieur Bachelier pour s'entendre condamner à prendre livraison de la marchandise et à en payer le prix conformément à l'ordre d'achat.

Le sieur Bachelier insiste. Il invoque les dispositions de l'art. 1998 du Code civil, d'après lesquelles le mandant n'est tenu des engagements contractés par le mandataire qu'autant qu'ils sont conformes aux pouvoirs donnés.

Il ajoute qu'il ne peut être obligé d'accepter l'offre qui lui a été faite par les sieurs Daval et Comp., de réduire le prix à la limite fixée par l'ordre d'achat, parce que cette offre, constituant un marché nouveau, était postérieure à l'annulation de l'ordre.

JUGEMENT.

Attendu qu'il n'est pas contesté par Bachelier, et qu'il résulte d'ailleurs des faits, qu'il a donné ordre à Daval et Comp. d'acheter au prix de 1 fr. 37 c. 1/2 le demi kil., les brais de Manille qui font l'objet du procès ;

Attendu que cet ordre a été exécuté le 16 janvier dernier, et que ce n'est que le 18 du même mois que Bachelier a manifesté l'intention de le révoquer;

Attendu que s'il est vrai que dans l'achat effectué par Daval et Comp. , le prix indiqué et limité par Bachelier a été


( 54 ) dépassé, cette circonstance devient indifférente à ce dernier, puisque Daval et Comp. offrent la marchandise au prix déterminé par Bachelier, qui en réalité ne souffre aucun préjudice;

Attendu, en droit, que si le mandant n'est tenu de ce qui a été fait au-delà des pouvoirs par lui donné qu'autant qu'il l'a ratifié expressément ou tacitement, il en résulte qu'il est engagé envers son mandataire jusqu'à la limite par lui indiquée et déterminée.

Par ces motifs, —LE TRIBUNAL condamne Bachelier à prendre livraison des brais de Manille achetés par les demandeurs, par son ordre et pour son compte, et à en payer le prix à ces derniers, conformément à l'ordre qu'il leur a transmis, ensemble les commissions, frais et intérêts justes et légitimes.

DM 25 février 1845. —M. BASSE , Juge-Prés. — MM. CASTILLON et PRÉCLOS, Juges. — Plaid. , MM. BADIN et DERRATIER , Agréés.

1° TRIBUNAUX DE COMMERCE. — JUGEMENT PAR DÉFAUT.

— OPPOSITION. — EXÉCUTION. — COMPÉTENCE.

2° JUGEMENT PAR DÉFAUT.— PÉREMPTION.— OPPOSITION.

FlX DE NON-RECEVOIR.

3° EFFET DE COMMERCE.— PRESCRIPTION. —POURSUITES.

— CONDAMNATION PAR DÉFAUT.

1° Les Tribunaux de commerce, nantis de l'opposition à leurs jugements rendus par défaut, sont compétents pour statuer sur la question de savoir si ces jugements sont ou non périmés pour défaut d'exécution dans les six mois, alors surtout que l'opposition a pour objet principal de faire déclarer prescrit le titre sur lequel repose la condamnation (1). (Code de proc, art. 442 et 553. )

2» L'opposition à un jugement par défaut ne rend pas non

(1) Voyez ce Recueil, 4843. 1. 99, et 1844. 1. 138.


(55 ) recevable à en faire déclarer la péremption, alors que l'on argumente de cette péremption dans l'acte d'opposition (1). 3° Les effets de commerce se prescrivent par discontinuation de poursuites pendant cinq ans, bien qu'il y ait eu condamnation, si cette condamnation ayant été prononcée par défaut, le jugement n'a pas été exécuté dans les six mois de sa date (2). (Code de comm., art. 189. )

AUDUBERT — C. — FROIS.

Le sieur Audubert a fait appel du jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, du 27 février 1843, rapporté dans ce Recueil, année 1843. 1. 99, avec les faits de la cause et les moyens présentés devant les premiers juges.

On développe, devant la Cour, les moyens qui avaient été plaides devant le Tribunal de commerce.

On dit, en outre, dans l'intérêt du sieur Audubert, que le sieur Frois aurait dû être soumis au serment imposé par l'art. 189 du Code de commerce, ainsi que le sieur Audubert y avait formellement conclu en première instance.

ARRÊT.

Attendu que, d'après les dispositions de l'art. 189 du Code de commerce, celui qui oppose la prescription de lettres de change ou de billets à ordre souscrits par des négociants, ou pour fait de commerce, est tenu, s'il en est requis, d'affirmer sous serment qu'il n'est plus redevable;

Attendu que, par ses conclusions subsidiaires, Audubert défère le serment à Frois, sur le fait de savoir si ledit Frois n'est plus redevable envers lui.

Par ces motifs, et adoptant au surplus ceux des premiers juges, la Cour met au néant l'appel... à la charge par Frois

d'affirmer par serment devant la Cour qu'il n'est plus

redevable envers Audubert.

(1) Voyez ce Recueil, 1843. 1. 99, et 1844. 1. 138.

(2) Voyez ce Recueil, 1843. 1. 99.


( 56 ) Du 28 janvier 1845. — 1re Ch. — M. PRÉVOT-LEYGONIES, Prés. — Concl, M. TROT, subst. de M. leproc. gèn. Plaid., MM. ROUSTAING et VAUCHER, Avocats.

CAPITAINE. — OPPOSITION. — CONNAISSEMENT. — MARCHANDISE. — DÉLIVRANCE. — EXPÉDITEUR.

Le connaissement constituant un titre de propriété en faveur du porteur ou de la personne qui y est désignée, une opposition pure et simple faite par l'expéditeur entre les mains du capitaine, ne peut être un obstacle à ce que celui-ci délivre la marchandise au porteur du connaissement(1). (Code de comm., art. 281.)

LABORDE. — C, — CAPITAINE COUILLON.

Le 15 janvier 1845 , le capitaine Couillon reçoit à Rouen, sur son navire l'Éole, en destination pour Bordeaux, 70,980 kilogrammes de seigles en vrac, chargés par les sîeurs Lenormand et Baudu pour le compte du sieur Garnot, de Paris.

Les connaissements signés par le capitaine portent que cette marchandise sera délivrée au sieur Laborde, à l'adresse du sieur Bordes, à Bordeaux.

A son arrivée dans ce port, le capitaine se met en mesure de faire la délivrance au sieur Laborde, et déjà le navire était en voie de déchargement lorsque le sieur Garnot fait signifier au capitaine un acte par lequel il lui déclare s'opposer à ce qu'il effectue la délivrance de la marchandise.

11 allègue simplement dans cet acte que le sieur Laborde, auquel il a vendu les seigles, se refuse à accepter des traites ainsi que cela avait été convenu.

Le capitaine se refusant à continuer la délivrance, le sieur

(1) Voy. le recueil-1837. I. 136; 1838. 1. 121 et 1839. 1. 153 Voy aussi 1840. 1. 83 et 210; 1842.1. 138; 1843. 1. 178 et 2 57 et P31844. 1. 183.


( 57 ) Laborde le fait assigner pour s'entendre condamner à remettre la marchandise nonobstant l'opposition.

Le capitaine persiste dans son refus. 11 dit que le chargeur doit avoir le droit d'empêcher la remise de la marchandise au destinataire lorsque la délivrance devait être faite en exécution du marché dont ce dernier se refuse de tenir les conditions.

JUGEMENT.

Attendu qu'aux termes du connaissement constatant le chargement fait à Rouen par les sieurs Lenormand et Baudu pour le compte du sieur Garnot, de Paris, le capitaine Couillon a pris l'obligation de délivrer la marchandise au demandeur et au domicile du sieur Bordes, à Bordeaux ;

Attendu que, d'après les énonciations du connaissement le sieur Garnot a transmis lui-même la propriété des marchandises à Laborde ; que le capitaine, en. présence de ce titre, ne peut se refuser à exécuter l'obligation qu'il a contractée, alors que Garnot n'appuie son allégation sur aucun document quelconque de nature à modifier les droits résultant pour Laborde du connaissement;

. Attendu qu'il est de jurisprudence basée sur les besoins du commerce et attestée par plusieurs décisions souveraines que la propriété de la marchandise est transmise par le connaissement à la personne dénommée ou au porteur ; qu'une opposition pure et simple ne peut dégager le capitaine de l'obligation de remettre la marchandise, et qu'à cet égard le porteur du connaissement jouit de la faveur accordée par la loi au tiers porteur des effets de commerce ;

Par ces motifs,

Le Tribunal condamne le capitaine Couillon à remettre au demandeur les marchandises venues à leur adresse sur le navire L'Eole.

Du 11 février 1845. — M. BRUNO DEVÈS, Près. — MM. LOPES-DUBEC et ASSIER, Jug. —Plaid., MM. DERRATIER et LÉVESQUE , Agrées.


( 58 )

FEMME MARIÉE. — AUTORISATION MARITALE. — EFFETS DE COMMERCE. — GARANTIE. — NULLITÉ.

L'autorisation donnée par le mari à sa femme de se rendre débitrice de toutes les obligations qu'il contracterait envers une personne désignée, constitue une autorisation générale qui demeure sans effet quant à rengagement de la femme. En conséquence, la personne désignée ne peut se prévaloir envers celle-ci d'un tel engagement pour la contraindre au paiement des effets qui lui auraient été postérieurement souscrits ou endossés par le mari (1). (Code civil, art. 217 et 223.)

CHABBAL. — C. — ÉPOUX ISAACSON.

Le 17 octobre 1842, la dame Rachel Nones, épouse du sieur Isaacson, déclare se rendre débitrice solidaire et responsable, sans division ni discussion, avec le sieur Isaacson, son mari, envers le sieur Chabbal, de tous les engagements et obligations souscrits envers ce dernier par ledit sieur Isaacson, comme si elle avait signé lesdits engagements et obligations conjointement avec lui, s'engageant au remboursement immédiat pour les sommes en souffrance.

Le sieur Isaacson déclare, sur l'obligation elle-même, autoriser la dame Isaacson à la contracter.

Postérieurement à cette obligation, quatre effets s'élevant ensemble à 10,216 fr. 50 c, souscrits ou endossés par le sieur Isaacson en faveur du sieur Chabbal se trouvent être en souffrance.

Le sieur Chabbal obtient quatre jugements par défaut en date des 25 octobre et 5 novembre 1844, qui condamnent, solidairement les époux Isaacson au paiement desdits effets.

Ces derniers font opposition à ces jugements, mais la dame Isaacson se présente seule pour soutenir l'opposition.

(1) Voy. dans ce sens ce Recuuil, année 1841. 1. 148.


( 59 )

On dît, dans son intérêt, que l'engagement pris par elle le 17 octobre 1842 envers le sieur Chabbal est nul, parce qu'il résulte des termes et de l'esprit des articles 217 et 223 du Code civil que la femme mariée ne peut s'engager valablement qu'en vertu d'une autorisation spéciale de son mari, et que l'autorisation en vertu de laquelle elle s'est engagée est évidemment générale.

On répond, dans l'intérêt du sieur Chabbal, que l'autorisation donnée par le sieur Isaacson à son épouse le 17 octobre 1842, puisqu'elle a pour objet exclusif le cautionnement des obligations souscrites par le sieur Isaacson envers le sieur Chabbal ; que celte autorisation se trouvait ainsi limitée et restreinte, et ne pouvait par suite être assimilée à l'autorisation générale dont parle l'article 223 du Code civil.

Qu'au surplus, cet article a eu principalement pour objet d'assurer la surveillance maritale sur chacun.des engagements de la femme, et que dans la cause cette surveillance était conservée dans toute son étendue par l'autorisation, puisque tous ies engagements cautionnés par la femme devaient être souscrits par le mari lui-même.

JUGEMENT.

En ce qui touche la dame Isaacson ,

Attendu que l'opposition n'est pas contestée ;

Vu les art. 217 et 223 du Code civil ;

Attendu que quand c'est d'une autorisation générale que le consentement du mari, nécessaire à la femme pour s'obliger, résulte, il est valable uniquement en ce qui tient à l'administration des biens de celle-ci ;

Attendu qu'en consentant à ce que l'opposante se rendît débitrice de toutes les obligations qu'il contracterait au profit de Chabbal, le sieur Isaacson a donné à sa femme une autorisation non moins générale, quant au montant illimité et à la nature des obligations garanties, que l'engagement même souscrit par Rachel Nones, femme Isaacson ;

Attendu, dès-lors, que Chabbal ne peut exiger de la dé-


( 60 ) fenderesse le paiement des quatre billets revêtus de la signature du sieur Isaacson, et montant ensemble à 10,216 fr. 50 c, dont il est porteur.

En ce qui concerne Isaacson :

Attendu qu'il ne se présente pas; que son opposition envers les quatre jugements des 25 octobre et 5 novembre derniers a été faite dans le délai de la loi, mais que ces jugements ont pour cause des titres liquides et exigibles contre lesquels Isaacson ne fait valoir aucune exception,

Par ces motifs,

Le Tribunal reçoit la dame Rachel Nones, épouse de Michel Isaacson, opposante envers les quatre jugements du Tribunal des 25 octobre et 5 novembre derniers, et remettant les choses au même état qu'auparavant, déclare Chabbal non-recevable dans les demandes qu'il a formées contre ladite dame Isaacson.

Et donnant défaut contre le sieur Isaacson, le reçoit opposant pour la forme seulement.

Du 6 mars 1845. — M. BASSE, Jug.-Prés. - MM. BRUNET, CASTILLON et ASSIER , Jug. — Plaid., MM. LAGARDE et GUIMARD , Avocats.

EFFET DE COMMERCE. — PAPIER SUR UNE PLACE. — PAPIER FAIT. — VENTE. — PAIEMENT.

Lorsque dans un marché leprix est stipulé payable en papier sur une place désignée, on doit entendre par ces dernières expressions des effets de portefeuille payables dans la ville indiquée, et non point des effets directs de l'acheteur à l'ordre du vendeur. (1 )

POUJARD'HIEU ET NORMAND. — C — MAISAN , DAVID ET COMP.

Le 8 juin 1844, les sieurs Maisan, David et Comp., maîtres

(1) Le Tribunal a jugé plusieurs fois en ce sens


( 61)

de forge, vendent aux sieurs Poujard'hieu et Normand 300,000 kil. de fontes moulées à livrer dans le courant d'une année, en douze actes égaux, soit 25,000 kil. par mois, payables suivant les prix débattus, pour les divers articles, en papier sur Rordeaux, à 90 jours, 3 p. cent d'escompte.

MM. Poujard'hieu et Normand font aux sieurs Maisan, David et Comp. une avance de 10,000 fr. en leurs mandats sur MM. Lucien d'Artaud et Comp., banquiers à Bordeaux.

Plus tard, ils leur envoient en même valeurs le solde du prix des marchandises livrées jusqu'au 21 août 1844.

Le 21 novembre, les sieurs Poujard'hieu et Normand ayant fait assigner les sieurs Maisan, David et Comp., en dommages-intérêts à cause d'un retard considérable apporté dans les livraisons, ces derniers soulèvent une contestation au sujet de l'interprétation à donner aux expressions papiers sur Rordeaux, contenue dans les conventions du marché.

JUGEMENT.

Attendu que les sieurs Maisan, David et Comp. déclarent être prêts à exécuter les conventions verbales intervenues entre les parties, le 8 juin dernier, et à livrer les quantités de fontes que les sieurs Poujard'hieu et Normand sont en droit de demander aux termes de ces conventions, mais à la charge de régler, au moment de la réception,le montant des livraisons en papier fait sur Rordeaux, à 90 jours, ainsi qu'il a été stipulé ;

Attendu qu'il n'est pas contesté que les sieurs Poujard'hieu et Normand se sont engagés à payer le prix des fontes par eux achetées en papier sur Rordeaux, ce qui signifie, dans le langage commercial, des effets de portefeuille payables dans la ville indiquée, et non des billets souscrits directement par les acheteurs à l'ordre des vendeurs, ou des mandats fournis par lesdits vendeurs sur un banquier; que s'il est vrai que les sieurs Maisan, David et Comp. ont par deux fois accepté ce dernier mode de règlement, il résulte des


( 62 ) débats que c'est par suite de celte circonstance particulière qu'alors ils réclamaient des avances de la part des sieurs Poujard'hieu et Normand; que les deux règlements dont les demandeurs argumentent, faits en dehors des conventions du 8 juin dernier, ne sauraient dès-lors être pris pour base de ce qui doit être fait à l'avenir, et servir à démontrer que les parties ont dérogé à ce qu'elles avaient primitivement arrêté ;

Par ces motifs,

Le Tribunal donne acte aux sieurs Maisan, David et Comp. de ce qu'ils déclarent être prêts à reprendre l'exécution du marché du 8 juin dernier, et à livrer aux sieurs Poujard'hieu et Normand toutes les quantités de fontes que ceux-ci sont actuellement en droit de demander aux termes de ce marché, mais à la charge par eux de régler le montant des livraisons à leur réception, et en papier de portefeuille sur Bordeaux ; moyennant ce, dit n'y avoir lieu de statuer sur les fins et conclusions des demandeurs, et les condamne aux dépens.

Du 20 janvier 1845. —- M. BASSE, Jug.-prés. — MM. CABROL, BRUNET, PRÉCLOS et FABRE , Jug. — Plaid., MM. DERRATIER , Agréé et VAUCHER , Avocat.

ACTE DE COMMERCE. — PROPRIÉTAIRE. — TROUPEAUX. — REVENTE.— COMPÉTENCE.

L'achat de vaches par un propriétaire, pour les placer sur sa propriété et en vendre le lait, ne constitue pas un acte de commerce. En conséquence, il n'est pas justiciable, à raison de cet achat, de la juridiction consulaire (1). (Code de corn. art. 632).

J. RAMBAUD — C. — LAMARRE ET MORIN. Le sieur Rambaud fait assigner, devant le Tribunal de

(1) Il a été jugé dans le même sens relativement à l'achat par un propriétaire de troupeaux pour les faire engraisser dans ses pâturages et les vendre ensuite.


_ ( 63 ) commerce, les sieurs Lamarre et Morin en paiement du prix d'un troupeau de vaches qu'il leur a vendu et livré.

Les sieurs Lamarre et Morin déclinent la compétence du Tribunal, par le motif qu'ils ne sont pas commerçants, et que l'achat qui donne lieu à la demande ne constitue pas un acte de commerce.

Le sieur Rambaud répond que les sieurs Lamarre et Morin sont marchands de bestiaux ; que, dans tous les cas, l'achat par eux fait constituerait un acte de commerce qui les soumettrait à la juridiction consulaire, parce que les vaches, objet du marché, avaient été acquises pour en vendre les produits, ce qui étaient évidemment une exploitation commerciale.

JUGEMENT.

Attendu qu'il n'est nullement établi que les défendeurs soient marchands de bestiaux ;

Attendu que l'achat de vaches par un propriétaire, afin de les placer sur sa propriété et vendre leur lait, est unmode d'exploitation de la propriété, et ne rentre dans aucun des cas par lesquels la loi a caractérisé l'acte de commerce; •

Par ces motifs, — LE TRIBUNAL se déclare incompétent pour prononcer sur la demande

Du 11 février 1845. — M. BRUNO-DEVÈS,Prés.— MM. LOPES-DUBEC, CASTILLON et ASSIER, Juges.

CAPITAINE. — CONNAISSEMENT. — DÉCHARGEMENT. — CHARGEURS.

Lorsque le capitaine a signé les connaissements des marchandises chargées à son bord, le chargeur n'a pas le droit de les retirer, sous le prétexte que le destinataire serait tombé en état de faillite, s'il ne représente pas les connaisse-


(64) ments, alors surtout que ces connaissements sont à ordre (1). (Code de comm., art. 222.) PALLARD AÎNÉ. — C. — CAPITAINE REUSSMANN.

En décembre 1844, le sieur Pallard aîné, charge à Bordeaux, à bord du navire l'Anna-Augusta, capitaine Reussmann, 25 caisses et 25 demi-caisses prunes à la destination du sieur Hellmer, de Brème.

Le 7 décembre, le capitaine signe trois connaissements de cette marchandise qu'il prend l'engagement de remettre audit sieur Hellmer ou à son ordre.

Le sieur Pallard aîné ayant appris, avant le départ du navire, que le sieur Hellmer était en état de faillite, réclame du capitaine Reussmann la remise de la marchandise par lui chargée.

Le capitaine refuse, par le motif que les connaissements ne lui sont pas représentés.

Le sieur Pallard le fait alors assigner pour le faire condamner à effectuer la remise.

Il soutient que le chargeur, maître de la marchandise qu'il a chargée à bord, a le droit de la retirer en dégageant le capitaine de l'obligation qu'il avait contractée, et en lui payant ce qui lui est dû.

Que ce droit, dont l'art. 293 du Code de comm. reconnaît l'existence, ne peut être restreint par celui que l'on voudrait attribuer au destinataire, parce que celui-ci n'est pas intervenu au contrat, et ne peut en réclamer les effets.

Il conclut subsidiairement à ce que la marchandise soit déposée à Bordeaux dans un lieu que le Tribunal croirait devoir désigner jusqu'à l'arrivée du capitaine à Brème, afin que sa responsabilité se trouve ainsi à couvert.

(1) Lorsque le chargeur a expédié le connaissement au destinataire, le seul moyen qui lui reste pour rentrer dans la possession de sa marchandise, est d'exercer la revendication, s'il se trouve dans les conditions de la loi pour l'exercice de cette action. (Voy. ci-avant, 1 re partie, p. 59).


( 65 )

JUGEMENT.

Attendu qu'il est reconnu en fait que le capitaine Reussmann a fourni connaissement des marchandises chargées à bord de son navire par Pallard aîné, qu'il s'est obligé de remettre lesdites marchandises à Brêmen au sieur Hellmer ou à son ordre, et que le sieur Pallard ne représente pas les connaissements signés par le capitaine Reussmann ;

Attendu que ledit capitaine Reussmann est lié par le contrat qu'il a souscrit, non-seulement envers le sieur Hellmer, commettant de Pallard aîné, mais encore envers le por, teur du connaissement ; qu'il est de principe, en droit, que le capitaine est tenu de livrer la marchandise au porteur par endossement régulier du connaissement, nonobstant toutes oppositions ; que dans cette situation, les conclusions subsidiaires même de Pallard aîné ne peuvent être accueillies ;

Par ces motifs,

Le Tribunal déclare le sieur Pallard aîné mal fondé dans la demande qu'il a formée contre le capitaine Reussmann.

Du 16 janvier 1845. — M. BRUNO-DEVÈS , Prés. — MM. LOPES-DUBEC, CASTILLONet ASSIER, Jug.— Plaid., MM. DERRATIÉR et BADIN , Agréés.

COMPÉTENCE. — REPRÉSENTANT. — COMMISSIONNAIRE. — FAILLITE. —MARCHÉ.

La commission prise par le représentant qui n'a pas reçu le pouvoir d'engager sa maison, ne lie cette maison qu'autant quelle y donne son adhésion. Dès-lors, en cas d'acceptation, la promesse est réputée faite dans le lieu où réside la maison de commerce pour compte de laquelle l'ordre a été reçu.

Les contestations qui surviennent entre le commettant et le commissionnaire, à l'occasion d'un ordre de vente, peuAnnée 1845. — 1.re part. 7


(66) vent être portées devant le Tribunal du domicile du commissionnaire, lorsque ce domicile se trouve être le lieu où la promesse a été faite et où la marchandise a été ou aurait dû être livrée.

Les dispositions du § 7 de l'art. 59 du Code de procédure civile, portant qu'en matière de faillite, le défendeur devra être assigné devant le juge du domicile du failli, ne sont applicables qu'aux contestations nées de la faillite ellemême, et non point à celle dérivant des faits antérieurs.

(1) ( Code de proc. civ., art, 59 et 420.)

LEMONNIER FRÈRES — C. — SYNDIC , GOURD AÎNÉ ET COMP,

Le 29 août 1844, les sieurs Gourd aîné et Comp., de Lyon, donnent ordre au sieur Ladevèze, représentant dans celte ville de la maison Lemonnier frères de Bordeaux, de faire vendre pour leur compte par cette maison, sur la place de Bordeaux, 12,000 hectolitres 3/6, à 70 fr. l'hectolitre, livrables par quart dans les quatre premiers mois de 1845.

Le sieur Ladevèze transmet immédiatement cet ordre à la maison Lemonnier frères qui l'exécute en deux marchés, l'un du 7 et l'autre du 9 septembre.

Les sieurs Gourd aîné et comp. qui ratifient ces marchés, sont plus tard déclarés en faillite.

Le 14 janvier 1845, la maison Lemonnier frères fait assigner le syndic de la faillite devant le Tribunal de commerce de Bordeaux, pour avoir à déclarer s'il entendait tenir la convention qui hait les sieurs Gourd aîné et Comp., et à fournir caution pour en assurer l'exécution ; à défaut la voir autoriser à acheter sur place les trois-six nécessaires pour ef(1)Voyez

ef(1)Voyez ces diverses questions ce Recueil, 1843. 1. 28. et 175 et 2. 127, ainsi que les décisions indiquées en note. Voy aussi 1844. 181 et 224.


( 67 ) fectuer les livraisons et s'entendre condamner au paiement de dommages-intérêts.

Le syndic décline la compétence du Tribunal de commerce de Bordeaux et demande le renvoi de là cause devant le Tribunal de Lyon :

1° Parce qu'en matière de faillite , la demande doit être portée aux termes du § 7 de l'art. 59 du Code de procédure civile, devant les juges du domicile du failli;

2° Parce que la convention qui donne lieu à l'assignation aurait été conclue à Lyon d'une manière définitive entre les sieurs Gourd et Ladevèze ;

3° Parce que, dans tous les cas, les dispositions de l'art. 420 du Code de procédure civile édictées pour le contrat de vente, ne seraient pas applicables au contrat de commission, lequel ne renferme qu'un simple mandat qui ne donne lieu qu'à une action personnelle.

JUGEMENT.

Attendu qu'il est de principe reconnu par la jurisprudence du Tribunal et de la Cour royale de Bordeaux, que la disposition de l'art. 59, § 7 du Code de procédure civile, portant qu'en matière de faillite l'assignation doit être donnée devant le juge du domicile du failli, ne reçoit d'application qu'à l'égard des contestations nées de la faillite elle-même et qui n'existeraient pas sans ce fait ; mais non à l'égard de celles dérivant de faits et de conventions, antérieurs à la faillite;

Attendu qu'il est reconnu, dans l'espèce, que par suite d'un ordre verbalement donné à Lyon, le 29 août dernier, par Gourd aîné et Comp. au représentant de Lemonnier frères, ceux-ci ont vendu sur la place de Bordeaux, pour le compte desdits Gourd aîné et Comp., la quantité de 12,000 hectolitres de trois-six , livrables par quart dans les quatre premiers mois de 1845 ;

Attendu qu'aux termes d'une autre jurisprudence également constante, la convention qui lie les parties est censée


( 68 ) avoir été conclue à Bordeaux, lieu où l'ordre donné au représentant de Lemonnier frères a été ratifié et exécuté par ces derniers; que c'est également à Bordeaux que la marchandise devait être livrée ; que, dans ces circonstances et par suite des dispositions du deuxième paragraphe de l'art. 420 du Code de procédure civile , applicable au contrat de commission comme au contrat de vente, le Tribunal était compétent d'après la convention ;

Attendu que le syndic ne peut avoir d'autres droits que ceux qui étaient attribués au failli ; que la faillite, survenue postérieurement, n'a pu modifier la position des parties à cet égard.

Par ces motifs, — LE TRIBUNAL.. .. se déclare compétent pour statuer sur la demande.

Du 6 février 1845. — M. BRUNO-DEVÈS, Près.. — MM. LOPES-DUBEC, CASTiLLON et ASSIER, Juges.—Plaid., MM. DERRATIER et LEVESQUE, Agréés.

COMPÉTENCE. — FAILLITE.— PARTICIPATION.— TRIBUNAL DE COMMERCE.

La demande contre le syndic d'une faillite fondée sur une association ayant existé entre le demandeur et le failli qui en était le gérant, et ayant pour objet de faire procéder au règlement des comptes et au partage de l'actif social, est de la compétence exclusive des arbitres. (1) ( Code de comm., art. 51 et 62 )

(1) Voyez dans ce sens ce Recueil, 1842. 1. 238, et 1843. 1. 38. L'affaire présente à juger au fond une question qui intéresse vivement le commerce. C'est celle de savoir si, à l'égard des tiers, la propriété des objets mis en participation repose ou non exclusivement sur la tète du co-participant chargé de gérer l'opération. Sous nous sommes déjà expliqués au sujet de cette question, dans ce Recueil 1842.1. 240. Dans l'affaire du capitaine Grenot contre le syndic Cantegril jeune, les arbi-


( 69 ) SYNDIC FERREIRA. — C.— SYNDIC PÉDRON.

Le 31 mars 1842, le sieur Pédron vend au sieur Ferreira les 15/60 du navire la Jeune-Corine, frété pour Gorée à Saint-Louis de Sénégal.

Le prix de la vente, fixé à 8,000 fr., est réglé en billets du sieur Ferreira à diverses échéances.

Les sieurs Pédron et Ferreira forment en même temps une société en participation pour l'armement et l'expédition de ce navire, et pour l'achat et la revente de marchandises devant composer le chargement du même navire, notamment pour deux voyages, l'un au Sénégal et l'autre à Tampico.

La vente consentie par le sieur Pédron au sieur Ferreira, n'est pas mentionnée sur l'acte de francisation , bien qu'elle ait reçu son exécution entre les parties qui se livrent aux opérations projetées.

Le 13 novembre 1843, le sieur Pédron est déclaré en état de faillite.

Le sieur Ferreira est également déclaré en état de faillite le 9 mai 1844.

Plus tard, le syndic de la faillite du sieur Ferreira fait assigner le syndic de la faillite du sieur Pédron en nomination d'arbitres, à l'effet de faire procéder au règlement des comptes de la participation existant entre les sieurs Pédron et Ferreira, et à la liquidation et au partage de l'actif social dans lequel serait compris le navire la Jeune-Corine.

Le syndic de la faillite Pédron résiste à'cette demande.

Il soutient que le sieur Pédron ayant été gérant de la participation, la propriété des choses, objets de l'association, a continué à l'égard des tiers, à résider sur sa tête, et s'est trouvée comprise de plein droit dans la masse de la faillite.

très, ont admis les droits de co-propriété du capitaine Grenot dans, les objets qui composaient l'actif social, nonobstant la faillite du sieur Cantegril jeune qui était gérant de la participation.


( 70 )

Il se fonde sur ce que l'association en participation, à la différence des sociétés ordinaires, ne formerait pas un être moral, ayant une existence propre et en dehors de celle des associés.

Il ajoute que, dans tous les cas, il ne pourrait y avoir de doute relativement au navire, objet principal de la participation, pour le motif, que la vente de la part qui en a été consentie par le sieur Pédron, au sieur Ferreira, n'aurait pas été mentionnée à l'acte de francisation, ainsi que le veulent les lois et règlements sur la matière.

Il conclut des moyens par lui présentés, que la participation étant censée ne pas exister, et ne pouvant avoir d'effet à l'égard des créanciers du sieur Pédron, il n'y a .pas lieu à renvoi devant arbitres;

Que si, par suite des conventions qui ont hé les sieurs Pédron et Ferreira, ce dernier se trouvait créancier du premier, le syndic de la faillite Ferreira pourrait faire valoir ses droits dans la faillite du sieur Pédron, à l'effet uniquement de prendre part au dividende, comme les autres créanciers.

Le syndic de la faillite Ferreira combat, au fond les moyens présentés par le syndic de la faillite Pédron, et développe pour le renvoi devant arbitres les moyens reproduits dans les motifs du jugement.

11 invoque le jugement du Tribunal et l'arrêt de la Cour de Bordeaux, rapportés dans ce Recueil, 1842. 1. 238, et 1843 1. 38.

JUGEMENT.

Attendu qu'il est reconnu que le 31 mars 1842, le sieur Pédron vendit au sieur Ferreira le quart d'un navire nommé la Jeune-Corine, et que lesdils sieurs Pédron et Ferreira formèrent en même temps une société en participation pour l'armement et l'expédition de ce navire ;

Attendu qu'il est également certain qu'il fut formé entre les mêmes parties une association en participation pour l'a-


( 71 )

chat de la revente de diverses marchandises devant composer le chargement du navire dont elles étaient co-propriétaires, notamment pour deux voyages, l'un au Sénégal et l'autre à Tampico;

Attendu que les sieurs Ferreira et Pédron sont tombés en faillite, avant d'avoir procédé au règlement et à la liquidalion des comptes résultant de la double association dont il vient d'être parlé ;

Attendu que le règlement de ces comptes constitue une contestation entre associés et pour raison de la société, laquelle doit être soumise à des arbitres, aux termes de l'art. 51 du Code de commerce, qui ne fait aucune exception en ce qui concerne l'association en participation ;

Attendu que la faillite de l'un des co-participants ou de tous les deux ne saurait être un obstacle à ce que la juridiction arbitrale soit saisie du jugement en litige, puisque les faillis sont représentés par leurs syndics, et que d'après l'art. 62 du Code précité, l'ayant-cause d'un associé est également soumis à l'arbitrage ; que la Cour royale du ressort s'est prononcée dans ce sens par deux arrêts en date des 4 juillet 1831 et 9 janvier 1843 ;

Par ces motifs, — LE TRIBUNAL renvoie la cause et les parties , sous la réserve de tous leurs droits au fonds, devant des arbitres dont elles conviendront, ou qui à défaut seront nommés d'office.

Du 3 janvier 1845. — M. CABROL, Juge-Prés. — MM. BRUNET, PRÉCLOS et FABRE, Juges. — Plaid., MM. GUILLORIT et LEMONNIER, Avocats.

AVAL. — NON-COMMERÇANT. — CONTRAINTE PAR CORPS. —- BILLET A ORDRE.

L'aval apposé par un non-commerçant, sur un billet à ordre souscrit par un commerçant, n'entraîne contre lui la con-


( 72 ) trainte par corps qu'autant que sa signature a eu pour cause un acte de commerce (1). (Code de comm., art. 142 et 187.)

MAURAS. — C — PIERRE RENÉ.

Les faits et les moyens de la cause sont rapportés ci-avant, 1er part,, p. 17, avec le jugement du Tribunal de commerce de Rordeaux du 10 décembre 1844, contre lequel le sieur Mauras s'est pourvu par la voie de l'appel.

ARRÊT.

Adoptant les motifs exprimés dans le jugement dont est appel.

Du 17 mars 1845. — lre Ch.— M. DE LALOUBTE , Cons.- Prés. — Concl. conf., M. COMPANS, Av.-gén. —Plaid., MM. VAUCHER et L. BROCHON, Avocats.

(1) Voy. ci-avant, 1re part., p. 17. On voit que la Cour revient sur la jurisprudence qu'elle avait adoptée par son arrêt du 11 janvier 1844. D'un autre côté, le Tribunal persiste dans celle qu'il a admise dans le jugement confirmé par la Cour. Il a. en effet, jugé dans le même sens, le 17 décembre 1844 et le 14 février 1845, dans une affaire Papy père contre Soube fils.

Voici les motifs de cette dernière décision :

« Attendu que le sieur Soube fils ne conteste pas la validité des engagements par lui contractés, qu'il se borne à soutenir qu'en sa qualité de donneur d'aval non-commerçant, il ne peut être assujetti à la contrainte par corps :

Attendu que le Tribunal, par trois jugements des 10 et 17 décembre dernier, a reconnu que l'individu non-commerçant qui signe pour aval des billets à ordre ne fait pas acte de commerce, et ne peut dèslors être contraignable par corps à raison de l'aval par lui donné, que le Tribunal croit devoir persister dans sa jurisprudence. »


( 73 )

COMPÉTENCE. — ARBITRAGE. —SOCIÉTÉ. —DISSOLUTION. — NULLITÉ. — GÉRANT. — COMITÉ DE SURVEILLANCE.

La demande en nullité de la dissolution d'une société et de tous les actes qui s'en sont suivis, formée contre le gérant par un associé, et fondée sur ce que la dissolution aurait été prononcée en dehors des conditions des statuts sociaux, est de la compétence des arbitres (1). Mais la même demande formée contre les membres d'un comité de surveillance , nommé dans l'acte qui prononce la dissolution doit être portée devant la juridiction ordinaire. ( Code de comm., art. 51 ). -

PAUL VIGNES ET CONSORTS — G. — D. JOHNSTON, DARRIEUX ET CONSORTS.

Le 9 mai 1842 , le sieur David Johnston forme à Bordeaux , pour l'exploitation d'une manufacture de poterie, une société en commandite par actions, sous la raison David Johnston et Comp., et dont il devait être seul le gérant.

Les statuts sociaux règlent tout ce qui est relatif aux assemblées des actionnaires et prévoient les cas de dissolution de la société , dont la liquidation doit appartenir au sieur D. Johnston.

Le 15 janvier 1844-, dans une réunion des actionnaires, le gérant ayant fait un rapport, d'après lequel l'état de la société ne serait pas prospère, les membres présents délibèrent sur les moyens à prendre pour suppléer au manque de fonds et mettent en question la dissolution de la société et sa liquidation; mais on ne prend aucune résolution définitive.

(1) Voy. ce volume, 2 p. 22. II ne faut pas, en effet, confondre les questions qui se rattachent à la dissolution avec celles qui se lient à la validité de la société. Voy. ce Recueil, 1842. 1, 71, un jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du 1er niars 1842, et les notes qui y sont jointes.


I 74 )

Le 19 du même mois, dans une nouvelle réunion des actionnaires, la dissolution de la société est prononcée, et MM. Darrieux notaire, Michaelsen et Gosse sont nommés commissaires chargés de surveiller la liquidation.

Le 14 février 1845, le sieur Paul Vignes et divers autres actionnaires de la société D. Johnston et Comp. font assigner le sieur David Johnslon elles sieurs Darrieux, Gosse et Michaelsen en nomination d'arbitres, à l'effet de faire prononcer la nullité de la dissolution et de tout ce qui s'en est suivi.

On soutient, dans l'intérêt du sieur D. Johnston, qu'il n'y a pas lieu au renvoi devant arbitres, parce que le point de savoir si la dissolution est ou non valable n'est autre chose qu'une question d'existence ou de non-existence de la société, et que les questions de cette nature sont de la compétence des Tribunaux de commerce et non point de celle des arbitres.

On invoque, à l'appui de cette doctrine, la jurisprudence qui soumet exclusivement à la juridiction arbitrale les contestations relatives à la validité des sociétés.

Dans l'intérêt des sieurs Darrieux, Gosse et Michaelsen on présente le même système de défense, et on ajoute que, quant à eux, il ne peut y avoir de difficulté, puisque, dans l'acte de dissolution qui donne lieu à la demande, ainsi que dans les actes qui s'en sont suivis, ils sont nommés, non comme associés, mais comme de simples mandataires, et que cette dernière qualité ne les soumet pas à la juridiction arbitrale.

On répond, dans l'intérêt des sieurs Paul Vignes et consorts, que la question de savoir si la. dissolution a été prononcée ou non, conformément aux statuts de la société, est évidemment une contestation entre associés et à raison de la société.

Quantaux sieurs Darrieux, Gosse et Michaelsen, on dit que c'est en leur qualité d'associés qu'ils ont été nommés pour former un conseil de surveillance, et que c'est en réalité en celte même qualité qu'ils ont été pris dans l'instance.


(75) JUGEMENT.- Quanta Johnston, en sa qualité:

Attendu que le différend existant entre lui, d'une part, Vigues et consorts, actionnaires de D. Johnston et Comp., de l'autre, se rattache à l'appréciation de la validité ou de l'invalidité de la délibération du 19 janvier 1844, prononçant la dissolution de ladite société D. Johnston et Comp. ;

Que cette contestation lient, de plus, au défaut allégué d'accomplissement par le gérant des obligations qu'il aurait contractées envers ses commanditaires dans l'acte constitutif de la société, acte dont la régularité n'est pas méconnue ; Attendu qu'un pareil litige ne repose point sur la nullité de la société, son existence de création, ou sa nature ;

Qu'il s'établit à propos d'actes et de faits émanés d'associés des demandeurs, et relatifs à la société ;

Attendu que les dispositions de l'art. 51 du Code de commerce deviennent, dès-lors, et encore bien que les différends des parties mettent en jeu une question de dissolution, indispensablement applicables, ainsi que cela résulte de la distinction légale et rationnelle sur laquelle la Cour de cassation a basé son arrêt du 6 juillet 1829.

Quant à Darrieux, Gosse et Michaelsen :

Attendu que la qualité à eux conférée par la délibération du

19 janvier 1844 précitée, et à raison de laquelle ils ont concouru aux actes signalés parles demandeurs comme leur faisant grief, est celle de commissaires chargés de surveiller la liquidation de D. Johnston et Comp. ; qu'il ressort, de là, que les réclamations formées par Vignes et consorts contre Darrieux et consorts, à raison d'un pareil mandat, ne peuvent être réputées avoir pour cause la société elle-même.

Par ces motifs ; —LE TRIBUNAL renvoie P. Vignes et consorts et D. Johnston pris en sa qualité de gérant de D. Johnston et Comp. devant arbitres, nommés par les parties, ouà défaut par le Tribunal, à l'effet d'être statué sur les différends qui ont donné lieu à l'assignation des demandeurs en date du

20 février 1845.


( 76 )

Déclare Vignes et consorts mal fondés dans leurs conclusions en renvoi de Darrieux, Gosse et Michaelsen devant arbitres ; met ces trois défendeurs hors de cause ;

Condamne D. Johnston, en sa qualité, à la moitié des dépens, Vignes et consorts à l'autre moitié.

Du 17 avril 1845. — M. BASSE , Juge-Prés. — MM. BRUNET, CASTILLON et ASSIER , Juges. —Plaid., MM. FATE, SAINTMARC et GUILLORIT , Avocats.

ABORDAGE. — AVARIE. —DIFFÉRENCE DU NEUF AU VIEUX.

En cas d'avaries causées par abordage, les juges peuvent prendre en considération la différence du neuf au vieux pour déterminer le coût des réparations auxquelles est tenu le capitaine par la faute duquel l''abordage a eu lieu (1). (Cod. decomm., art. 407.)

CAPITAINE REINÈGON. — C. — CAPITAINE STÉPHENSEN.

Le 19 janvier 1845, le navire américain l'Ohio, capitaine Reinegon, entre en Gironde pour se rendre à Bordeaux ; secondé par le flot, il monte le fleuve nonobstant des vents contraires et grand frais. Mais, à 3 heures de l'après-midi, se trouvant dans le passage de Lagrange au moment où l'eau était étale, il est forcé de mouiller pour attendre le flot suivant.

Il était en mouvement pour rectifier son mouillage, après avoir jeté son ancre et amené ses voiles, lorsque le navire norwégien l'Amèrika, capitaine Stéphensen, descendant le fleuve, vent presque arrière et toutes ses voiles dehors, arrive au haut du passage el dirige sa route pour passer du côté de terre ; mais l'espace n'étant pas assez large entre la rive et je navire l'Ohio , il aborde ce navire avec toute sa vitesse et lui fait éprouver des avaries majeures.

(1) Voy. ce Recueil, 1843. 2. 48.


( 77 )

Le capitaine Reinegon fait assigner le capitaine Stéphensen en réparation des avaries.

Le Tribunal renvoie préalablement les parties devant MM. les officiers du port, à l'effet de les concilier, ou, à défaut, de faire un rapport sur les circonstances de l'abordage.

MM. les officiers du port n'ayant pu concilier les parties, font un rapport dans lequel ils déclarent que l'abordage a eu lieu par la faute du capitaine Stéphensen.

Ils émettent l'avis que le coût des réparations des avaries ne doit être mis à la charge de ce capitaine que déduction faite du tiers pour la différence du neuf au vieux.

Cet avis est motivé sur ce que le navire l'Ohio est d'un certain âge, et qu'il eût moins souffert de l'abordage s'il eût été neuf.

JUGEMENT.

Attendu qu'il résulte de l'avis émis par les officiers du port devant lesquels les parties avaient été renvoyées sur leur demande, que c'est par la faute du capitaine Stéphensen que l'abordage qui donne lieu au procès est survenu...;

Attendu que l'art. 407 du code de commerce, n° 2, dispose que si l'abordage a été fait par la faute de l'un des capitaines, le dommage est payé par celui qui l'a causé, et que l'estimation du dommage est faite par expert;

Attendu que les officiers du port, considérant que le navire du capitaine Reinegon est déjà vieux, et que, s'il eût été neuf, il aurait moins souffert par suite de l'abordage, ont pensé qu'il y avait lieu de faire remise au défendeur du tiers du coût des réparations du navire l'Ohio, pour la différence du vieux au neuf; que cette opinion, basée sur un usage à peu près constant, a paru équitable au Tribunal qui croit devoir l'adopter ;

Par ces motifs,

Le Tribunal condamne le capitaine Stéphensen à payer au capitaine Reinegon les deux tiers du coût des réparations à faire au navire l'Ohio par suite de l'abordage dont il s'agit au procès....


( 78 ) Du 3 janvier 1845. — M. BASSE, Jug.-prés. — MM. CABROL, BRUNET, PRÉCLOS et FABRE, Jug. — Plaid., MM. DEERATIER et GIRARD, Agréés.

FAILLITE. — RAPPORT A LA MASSE. — PAIEMENT EN MARCHANDISE. — ÉCHANGE. — ESCOMPTE.

Celui qui, postérieurement à la cessation des paiements ou dans les dix jours qui l'ont précédé, a reçu des marchandises du failli en paiement de marchandises qu'il lui avait lui-même livrées, ne peut échapper à l'obligation du rapport résultant de l'art. 446 du Code de commerce, sous le prétexte qu'il serait intervenu un contrat d'échange entre lui et le failli, et cela bien que la facture remise à celuici porte que les livraisons qui lui ont été faites l'ont été en échange de marchandises, si cette facture stipule un escompte et ne détermine pas les marchandises à donner en contre échange. (Code de comm., art. 446.)

SYNDICS DALBUSSET.— C— L. PÉRETRA FRÈRES.

Le 27 juin 1844, le sieur Léon, de la maison Léon aînéet frères, de Bayonne, se trouvant à Bordeaux, y livre au sieur Dalbusset 38 sacs cacao qu'il avait à l'entrepôt de celle ville et consistant en 10 sacs Maragnon, 8 sacs Porlo-Cabello et 10 sacs Guayra,

Un prix particulier est convenu pour chaque qualité, avec escompte de 3 p. % Le prix total de la marchandise s'élève à 4,315 fr. 73 c, escompte déduit.

Le 1er juillet suivant.. le sieur Dalbusset livre aux sieurs Léon 32 balles cacao Bourbon, 16 balles girofles Bourbon et 10 sacs cacao Caraque. Le prix total de ces marchandises est fixé à 4,914 fr. 16 c, escompte déduit.

L'opération est faite sous le nom des sieurs L. Pereyra frères, commissionnaires des sieurs Léon, à Bordeaux.

Le lendemain, 2 juillet, les parties échangent les factures.


( 79 )

La facture remise par les sieurs Pereyra au sieur Dalbusset porte en tête :

(( Doit M. Dalbusset à L. Pereyra frères pour vente et li» vraison à lui faite de ce qui suit, en échange de marchandises.

Celle remise par le sieur Dalbusset aux sieurs L. Pereyra frères, porte que les marchandises livrées à ces derniers sont en échange de celles qu'ils avaient eux-mêmes livrées le 27 juin précédent.

Les sieurs L. Pereyra paient au sieur Dalbusset 598 fr. 43 c. pour différence entre les deux factures.

Le 22 juillet, le sieur Dalbusset est déclaré en état de faillite, et un jugement du 17 septembre fixe au 7 du même mois de juillet l'époque de la cessation des paiements.

Les syndics de la faillite mettant en fait que l'opération intervenue les 1er et 2 juillet entre les sieurs Léon et Dalbusset constitue un paiement en marchandise, font assigner les sieurs L. Pereyra frères, comme couvrant les sieurs Léon, en leur qualité de commissionnaires, pour s'entendre condamner à rapporter à la masse la valeur des marchandises livrées par le sieur Dalbusset le 1er juillet, sous la déduction des 598 fr. 43 c. payés à titre desoulte.

On plaide que, nonobstant renonciation d'échange qu'elle contient, la facture remise au sieur Dalbusset par les sieurs Pereyra, le 2 juillet, prouve en droit qu'au 27 juin il est intervenu entre les parties une vente faite aux usages de la place par le sieur Léon au sieur Dalbusset, et non point un contrat d'échange ; que cela résulte de ce que cette facture contient la stipulation d'un escompte de 3 p. % et ne spécifie pas les marchandises qui auraient dû être données en contre échange;

Qu'en effet, l'escompte, représentant originairement l'intérêt de l'argent, est nécessairement corelatif au prix dont il indique l'époque d'exigibilité, alors qu'il s'agit de marchandises comme dans l'espèce; qu'il est toujours l'indicateur certain d'un prix débattu ; que, dès-lors, par cela seul que le


( 80 ) 27 juin le sieur Léon a stipulé un escompte de 3 p. %, il a livré au sieur Dalbusset en vue d'un prix convenu et non point en vue de marchandises qu'il aurait dû recevoir en contre échange ;

Que, d'un autre côté, l'échange étant un contrat commutatif, ce contrat ne peut exister qu'autant que les parties sont d'accord sur les deux choses .qui doivent être mutuellement données et reçues en échange et en contre échange ; qu'elles en ont par suite déterminé la nature, l'espèce, la qualité et la quantité; que.renonciation en échange de marchandises ne satisfait à celte condition substantielle. . On invoque ensuite l'état des livres du sieur Dalbusset pour prouver qu'en fait il y avait eu vente pure et simple au 27 juin, et que ce n'était même que postérieurement au paiement en marchandises que l'on avait eu la pensée de le déguiser sous l'apparence d'un échange.

Dans l'intérêt des sieurs L. Pereyra frères, on répond que les écritures de failli ne peuvent être opposées aux sieurs Pereyra qui y ont été complètement étrangers ; que, quant à eux , leur facture, parfaitement régulière et acceptée par le sieur Dalbusset, constate l'existence, au 27 juin, du contrat d'échange intervenu entre les parties; qu'il n'était nullement nécessaire que la facture spécifiât les marchandises qui devaient être données en contre échange, parce que l'écriture n'étant pas de l'essence des marchés, il suffisait que les parties fussent d'accord sur ce point, et que l'accord résulte du fait même de l'accomplissement parfait du contrat au 1er juillet ; que si la livraison des marchandises données en contre échange n'avait pas eu lieu immédiatement, cela provenait de circonstances particulières que l'on explique.

On dit, quant à l'escompte, qu'il a été calculé pour apprécier la marchandise en vue de la soulte que l'on savait devoir être payée par les sieurs Perevra.

On plaide qu'alors même que la livraison faite par le sieur Dalbusset, le 1 er juillet, constituerait un paiement en marchandises, ce paiement devrait être maintenu, parce que s'il en


( 81 ) était autrement, la masse de la faillite s'enrichirait au détriment des sieurs Léon , la livraison faite par eux ayant également eu lieu dans les dix jours qui ont précédé la cessation des paiements ; que ce résultat serait injuste.

JUGEMENT.

Attendu que si la facture des sieurs Pereyra frères, en date du 27 juin 1844, énonce que les 28 sacs cacao qui y sont ' mentionnés étaient vendus et livrés au sieur Dalbusset en échange d'autres marchandises, il importe de remarquer que ces marchandises n'y sont nullement spécifiées, ce qui pourtant aurait dû naturellement être fait; qu'en outre, on voit par cette même facture qu'un escompte a été déduit sur la valeur des cacaos livrés au sieur Dalbusset, ce qui est l'indice d'un prix débattu et repousse l'idée d'un échange ; que de ces. circonstances, on est autorisé à conclure qu'une vente pure et simple avait été faite par les sieurs Pereyra frères au sieur Dalbusset, et que la facture dressée par celui-ci le 1er juillet dernier, portant qu'il livrait auxdits sieurs Pereyra frères des cacaos et des girofles en échange de ce qu'il avait reçu d'eux, avait pour objet de déguiser un paiement en marchandises;

Attendu que le prix des-cacaos livrés par les sieurs Pereyra frères au sieur Dalbusset, le 27 juin dernier, n'était exigible, d'après les usages de la place, que quarante jours, après, à moins de conditions contraires qui ne paraissent pas, avoir eu lieu;

Attendu que par jugement du 17 septembre 1844, le Tribunal a fixé au 7 juillet précédent la date de la cessation des paiements du sieur Dalbusset ; qu'en rapprochant cette dernière date de celle à laquelle les sieurs Pereyra frères ont reçu des cacaos et des girofles du sieur Dalbusset, on reconnaît qu'ils sont dans l'obligation' de tenir compte à la masse de la valeur des marchandises, en vertu de l'art. 446 du Code de commerce.

Par ces motifs,


( 82 )

Le Tribunal déclare que les sieurs Pereyra frères sont tenus de rapporter à la masse des créanciers du sieur Dalbusset la valeur des cacaos et des girofles que le failli leur a livré le 2 juillet dernier, et qui se trouve réduite à la somme de 4,315 fr. 73 c. par suite du paiement qu'ils ont fait en espèces de 598 fr. 43 c. En conséquence, condamne.....

Du 25 mars 1845. — M. BASSE, Jug.-prés. — MM. BRUNET, CASTILLON et ASSIER, Juges. — Plaid., MM. FIEUX et SAINTMARC, Avocats.

ENSEIGNE. — NOM PROPRE. — RAISON SOCIALE.

Le membre d'une société dissoute n'a pas le droit, sans le consentement de son ancien coassocié, de faire placer à la suite de son nom, sur l'enseigne d'une maison de commerce qu'il fonde, Vénonciation du fait qu'il était de Vancienne société, alors que renonciation comprend le nom de l'ancien associé (1).

LE RASLE. — C — L. GLADY.

Le 30 janvier 1836 , le sieur Le Rasle forme à Bordeaux, avec le sieur L. Glady, sous la raison Le Rasle et Glady, une société en nom collectif pour le commerce des soieries, et dont les magasins sont situés rue Saint-Remy.

Cette société est dissoute d'un commun accord, le 31 décembre 1844, et la liquidation en est confiée au sieur Le Rasle qui se relire des affaires.

Les marchandises restant en magasin sont, à ce qu'il paraît , attribuées ou cédées au sieur Glady, qui se propose de continuer le même genre de commerce.

(1 ) Nous ne connaissons pas d'antécédents sur cette question qui n'a qu'un rapport très-indirect avec celles jugées parles décisions que nous avons eu l'occasion de rapporter, lesquelles n'avaient trait qu'à la propriété de l'enseigne. Voy. cependant un jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux et un arrêt de la Cour, rapportés dans ce Recueil, 1841. 1. 258. —Le Tribunal nous a paru sévère dans l'appréciation du droit du sieur Glady.


( 83 )

Les sieurs Le Rasle et Glady envoient à tous ceux avec lesquels ils étaient en relation d'affaires une circulaire pour leur annoncer la dissolution, et dans laquelle il est dit que le sieur L. Glady fera connaître plus tard la détermination qu'il aura prise.

Le 15 janvier 1845, le sieur L. Glady répand dans le commerce une circulaire dans laquelle il annonce qu'il transporte la suite de ses affaires de la rue Saint-Remy à la place du Palais, n° 8, et que, pour donner plus d'extension à son commerce, il s'est adjoint son frère Eugène Glady, et a formé une nouvelle maison sous la raison sociale L- Glady et Comp.

Il établit, en effet, ses magasins de soieries place du Palais, n° 8 , et y fait placer au-dessus de l'entrée, à l'entour d'un balcon, une enseigne à trois faces ; sur chacune des deux faces latérales, il fait écrire en gros caractère L. Glady, et en petit caractère : de l'ancienne maison Le Rasle et Glady.

Quant à la face principale , elle présente à peu près cet aspect :

Ls GLADY ET COMP.

DE L'ANCIENNE MAISON

LE RASLE ET GLADY.

Le sieur Le Rasle fait alors assigner le sieur L. Glady pour s'entendre condamner à supprimer le nom de Le Rasle tant, de son enseigne, que de ses circulaires, tètes de lettre, fac-. tures ou marques de marchandises, et entendre ordonner que le jugement qui prononcera la suppression sera publié dans les journaux de Rordeaux désignés par le Tribunal pour les publications légales.

Il demande subsidiairement à prouver tant par titres que par témoins que le sieur L. Glady a renoncé d'une manière expresse et formelle à se servir et prévaloir soit directement, soit indirectement du nom du sieur Le Rasle.

On répond, pour repousser la demande, que le sieur Glady, en mettant sur son enseigne qu'il était de l'ancienne


( 84 ) maison Le Rasle et Glady, n'avait fait qu'énoncer un fait matériellement vrai ; qu'il était dans son droit de maintenir cette énonciation, parce qu'elle lui est personnelle, et parce qu'elle n'est de nature à nuire à qui que ce soit, pas plus au sieur Le Rasle qu'à tout autre ;

Que cette énonciation peut d'autant moins nuire au sieur Le Rasle, que celui-ci, après la dissolution de la société, s'est retiré des affaires ;

Que le sieur Le Rasle prétendrait vainement que son nom a été usurpé par le sieur Glady; qu'en effet, il n'y a usurpation d'un nom qu'autant qu'il est pris pour désigner une individualité autre que celle à laquelle il appartient ; mais que le nom du sieur Le Rasle ne se trouve sur l'enseigne du sieur Glady que comme élément nécessaire de renonciation d'un fait vrai et indélébile ;

Qu'au surplus, ce n'est pas le nom du sieur Le Rasle qui aurait été placé sur l'enseigne, mais bien celui de l'ancienne société qui a existé entre les parties ; que ce nom social appartient au sieur Glady aussi bien qu'au sieur Le Rasle, et peut être employé par l'un et par l'autre des deux anciens associés, non point pour perpétuer la réunion de noms qui ont été séparés par la division des intérêts, mais pour énoncer le fait, dans le passé, d'une société qui a existé; que, loin de perpétuer la réunion de son nom avec celui du sieur Le Rasle, ]e texte même de l'enseigne fait connaître au public que ces deux noms ne sont plus unis;

Qu'en un mot, le sieur Glady ayant fait partie de la maison Le Rasle et Glady, a énoncé simplement ce fait sur son enseigne, soit pour conserver la considération qui résulte pour lui du fait lui-même, soit pour se faire distinguer de tout autre commerçant portant le même nom que lui ; qu'il n'existe rien en droit, rien en équité qui puisse le contraindre à supprimer cette énonciation.

Dans l'intérêt du sieur Le Rasle, on développe les moyens indiqués dans les motifs de la décision.


( 85 ) JUGEMENT.

(( Attendu qu'il est bien vrai que le fait exprimé par Glady sur son enseigne, à savoir : qu'il faisait partie de la maison Le Rasle et Glady, est exact en ce qu'il a d'essentiel, sauf telle légère rectification qu'il appartiendrait à raison de ce que Glady seul et non L. Glady et Comp. a fait partie de la maison Le Rasle et Glady ;

» Mais attendu que, par circulaire du 31 décembre 1844, Le Rasle et Glady préviennent leurs commettants que Le Rasle se. retire entièrement des affaires et demeure seul chargé de la liquidation des intérêts de la société ;

» Attendu que le nom de Le Rasle n'étant point la propriété de L. Glady et Comp., le défendeur n'a donc pas le droit d'en faire usage dans son intérêt, nonobstant les réclamations contraires de Le,Rasle;

» Attendu, en effet, que si Le Rasle a allié son nom à celui d'un autre dans une raison commerciale pour un temps, dans des conditions prévues et par un consentement réciproque , il est nécessairement rentré après la société dissoute dans toute la plénitude et l'indépendance de son droit à la propriété exclusive de son nom ;

» Attendu que la disjonction des biens et de tous les éléments commercialement réunis pour un temps limité doit entraîner la prohibition de réunir désormais, pour en profiter individuellement, les noms sous l'influence desquels s'administraient les intérêts de la société

» Attendu que le nom est pour l'individu qui le porte d'une importance qu'on ne saurait contester ; que cette importance se manifeste dans les précautions nombreuses dont la loi entoure tout ce qui est relatif à l'état civil des individus;

Attendu qu'user du nom de quelqu'un contre son gré pour (ainsi que L. Glady l'a fait à l'égard de Le Rasle) l'immobiliser en quelque sorte sur une enseigne, sur des têtes de lettres et de factures, circulaires et marques de marchandises, l'employer ainsi à recommander et accréditer une en-


I 86 ) treprise commerciale, en s'en servant d'une manière trop apparente c'est disposer à tort de la propriété d'autrui ;

» Attendu que l'instabilité et les chances de la carrière commerciale pourraient, s'ilen était autrement, compromettre les noms les plus honorables dans des circonstances, il est vrai, complètement étrangères au procès actuel;

Que la réputation commerciale, si délicate par sa nature, doit être sauvegardée contre les conséquences possibles d'un usage abusif et susceptible d'avoir quelquefois pour résultat de fâcheuses équivoques;

» Attendu qu'en obtenant la suppression demandée, Le Rasle épuise son droit, et que les moyens par lesquels il dé sire donner de la publicité au jugement à intervenir sont en dehors des usages et des convenances commerciales ; Par ces motifs,

Le Tribunal, sans s'arrêter à l'offre de preuve faite par Le Rasle, condamne L. Glady et Cie à supprimer le nom de Le Rasle de l'enseigne placé sur la façade de leur maison, place du Palais, n° 8, faute par eux de ce faire dans les dix jours de la signification du présent jugement, autorise Le Rasle à faire procéder à cette opération aux dépens de L. Glady et Comp. par toutes les voies de droit. Condamne également L. Glady et Comp., et ce, sous peine de dommages et intérêts à mettre par état et déclaration, à opérer dans le même délai un semblable retranchement sur toutes circulaires, têtes de lettre ou de facture et marques de marchandises de la maison L. Glady et Comp.; moyennant ce ; dit n'y avoir heu de statuer sur les plus amples conclusions du sieur Le Rasle.

Du 7 avril 1845. — M. CABROL, Jug.-prês. — MM. BRUNET, PRÉCLOS et FABRE, Jug. — Plaid., MM. GUILLORIT et DESÈZE, Avocats.

ASSURANCE. —MARCHANDISE.—DESIGNATION. CHARGEUR.

Dans le cas d'une assurance faite sur marchandise avec indication du chargeur sans désignation de marques, il y


( 87 ) a lieu de décider que les objets chargés sont couvertspar la- police, bien que la personne indiquée dans celte police ne figure pas comme chargeur dans le connaissement-, s'il résulte de ce document et des circonstances que c'est pour elle que le chargement a été effectué et qu'il y a identité entre la chose chargée et celle assurée (1). (Code de comm.. art. 332.)

DEBOTAS ET COMP. — C. — LES ASSUREURS.

Le 14 septembre 1842, les sieurs Dèbotas et Comp., agissant pour compte de qui il appartiendra , font assurer par les sieurs Léonce Adam , Victor Penne et Comp., la somme de 8,000 fr. sur piastres chargées ou à charger parles sieurs Duperrieu et Capdevielle sûr le navire la Zone, pour de Tampico venir à Bordeaux, touchant à Vera-Cruz.

Le navire la Zone, parti de Tampico, le 14 août 1842, sous le commandement du capitaine Capdevielle, et ayant à son bord le sieur Duperrieu en qualité de passager, avait touché à Vera-Cruz et en était reparti le 28 du même mois.

Depuis celte dernière époque, on ne reçoit aucune nouvelle du navire.

Après l'expiration des délais prévus par l'art. 375 du Code de commerce, les sieurs Debotas et Comp. communiquent à leurs assureurs : 1° une copie certifiée d'un connaissement signé par le capitaine Capdevielle, le 13 août 1842, et déposé au vice consulat de France à Tampico , lequel constate que le sieur A. Montluc a chargé sur le navire la Zone 1,534 piastres 56 c. à la destination d'Eugène Duperrieu , à Bordeaux ; 2° la copie également certifiée du manifeste du chargement à Tampico du navire la Zone, et constatant que les 1,534 piastres 56 c. ont été chargées par A. Monlluc pour le sieur Duperrieu, et leur proposent l'abandon amiable des 1,534 piastres 56 c. dont il s'agit dans ces documents.

Les assureurs refusent de l'accepter, par le motif que les

(1)Voy. ce Recueil 1843. 1. 184.


(.88 ) pièces communiquées ne prouvent pas qu'il y ait identité entré les piastres chargées et celles qui font l'objet de l'assurance.

Le 28 février 1845, les sieurs Debotas et Comp. leur font signifier le délaissement et les font ensuite assigner en validité d'abandon et en paiement de la somme assurée.

Ils disent que le connaissement et le manifeste produits prouvent avec évidence que les pièces chargées sont bien celles qui ont fait l'objet du contrat ; que ces documents n'indiquent pas, sans doute, nommément les sieurs Capdevielle et Duperrieu comme chargeurs, mais qu'ils établissent, sans aucun doute, que ce sont bien eux qui ont chargé par l'entremise du sieur Montluc, leur cosignataire à Tampico, dont, en définitiv.e, ils n'ont fait qu'emprunter les connaissements imprimés ;

Que cela résulte de la circonstance qu'un des quatre exemplaires du connaissement a été déposé au vice-consulat de France à Tampico ; qu'en effet, on n'a vêtu les dispositions de l'art. 345 du Code de commerce, que parce que le sieur Duperrieu, auquel, du reste, les piastres devaient être remises , était tout à la fois chargeur et passager sur le navire la Zone.

Les assureurs insistent. Ils soutiennent que les piastres assurées n'ayant été désignées et spécifiées dans la police que par les noms des chargeurs, ces noms seuls peuvent établir quant à eux l'identité entre le chargé et l'objet assuré ; qu'en un mot, ils ont assuré des piastres chargées par les sieurs Capdevielle et Duperrieu, et que l'on ne peut pas au moyen de la police leur imposer les risques de piastres chargées par le sieur Montluc ; qu'il faut nécessairement que lorsque la chose assurée n'a pas été désignée par des marques, que le nom du chargeur tienne lieu de celte désignation et ait par suite le même effet; que s'il en était autrement, l'intérêt des assureurs dont il serait facile de tromper la bonne foi, pourrait être souvent sacrifié.

On invoque le jugement rendu le 15 juin 1843 , entre les


( 89 ) assureurs et de la Torre et Comp., rapporté dans ce Recueil 1843. 1. 184.

JUGEMENT.

Attendu que, par police, en date du 14 septembre 1842, Debotas et Comp., agissant pour compte de qui il appartiendra, ont fait assurer par Léonce Adam, V. Penne et Comp., la somme de 8,000 fr. sur piastres, chargées ou à charger par Duperrieu et Capdevielle sur le navire la Zone, pour de Tampico venir à Bordeaux, touchant à la VeraCrux;

Attendu que depuis le 28 août 1842, jour du départ du navire de la Vera-Cruz, on n'en a plus eu de nouvelles, et que les assurés, conformément à l'article 375 du Code de commerce, ont fait signifier l'abandon à leurs assureurs, par acte du 28 février dernier ;

Attendu que Léonce Adam, V. Penne et Comp., refusent d'accepter l'abandon, se fondant sur ce que les piastres suivant les termes de la police , devaient être chargées par Duperrieu, et que de la copie du connaissement il résulterait que celles dont Debotas et Comp. voudraient faire l'abandon auraient été chargées par le sieur Montluc;

Attendu que sien thèse générale l'identité doit exister entre la police et les connaissements, il n'est pas interdit aux juges de rechercher si la non indentité alléguée n'est pas plulôt apparente que réelle, et s'il ne ressort pas des faits de la cause que le changement matériel d'un nom n'a modifié en rien l'exécution de la convention ;

Attendu qu'il est reconnu par toutes parties que Montluc était consignataire de Duperrieu; qu'on conçoit dès-lors trèsbien que celui-ci, étranger à Tampico et ne s'y trouvant qu'accidentellement, se soit servi des connaissements imprimés pour l'usage de son consignataire ; que le dépôt fait de ce connaissement à la chancellerie du consulat de France à Tampico prouve que réellement le chargement a été effectué par Duperrieu, puisque l'article 345 du Code de commerce

Année 1845. — 1" part.


( 90 ) n'impose cette obligation qu'à un passager chargeur ou à un membre de l'équipage; qu'il n'est dénié par personne que Duperrieu ne fut passager à bord de la Zone ;

Attendu, en outre, que les piastres dont s'agit devaient être remises à Bordeaux à Duperrieu, et que le nombre stipulé au manifeste et au connaissement est en rapport suffifisant avec la somme assurée ;

Attendu que de tous ces faits il résulte pour le Tribunal la preuve que Duperrieu a été réellement le chargeur, et que les 1,534 p. 56 c. mentionnées au connaissement du 13 avril 1842, ainsi qu'au manifeste, sont bien celles dont Debotas et Comp. ont entendu faire couvrir les risques par la police du 14 septembre suivant ;

Par ces motifs,

Le Tribunal valide l'abandon; en conséquence, condamne Léonce Adam, V. Penne et Comp., à payer à Debotas et Comp. la somme de8,000 fr. par eux assurée, sous la déduction de la prime convenue.

Du 22 avril 1845; — M. BASSE, Jug.-prés. — MM. BRUNET, CASTILLON et ASSIER, Jug. — Plaid,, MM. GUILLORET et DE CHANCEL , Avocats.

COURTIERS . — ESTIMATION. — FAILLITE . — INVENTAIRE.

Pour déterminer les émoluments dus au courtier chargé de déguster et d'estimer, lors de l'inventaire, après faillite, des vins existant dans l'actif, il y a lieu de prendre en considération, non les usages en matière de courtage, mais les tarifs concernant les experts. Toutefois, dans la fixation du taux de la vacation, il faut avoir égard à la nature et à l'importance de l'opération confiée au courtier.

A. BALGUERIE. — C. — LIBÉRAL.

Après la déclaration de la faillite de la maison Balguerie


( 91 ) et Comp., alors que les syndics procédaient à l'inventaire de l'actif mobilier, le sieur Libéral, courtier de vins, est chargé de classer et d'estimer, au fur et à mesure qu'ils sont inventoriés , tous les vins qui se trouvent dans le chai de la maison Balguerie et Comp., quai de Bacalan, n° 155.

L'inventaire constate dix vacations du juge de paix pour sa présence à cette opération.

L'estimation des vins inventoriés s'élève à plus de 350 mille francs.

Aucune convention n'intervient entre les syndics et le sieur Libéral pour fixer les émoluments revenant à ce dernier.

Postérieurement au concordat de la maison Balguerie et Comp., le sieur Libéral fait assigner le sieur Adolphe Balguerie devant le Tribunal de commerce de Bordeaux en paiement de la somme de 3,514 fr. 17 c, montant des honoraires qui lui seraient dus pour la classification et l'estimation des vins dont il vient d'être parlé.

Le sieur Balguerie soutient que le sieur Libéral ne peut réclamer d'émolument, parce qu'il avait été entendu avec lui qu'il ne prêtait l'appui de son ministère aux syndics qu'à titre de pure obligeance ; que, dans tous les cas, il ne lui serait dû que le montant de la taxe fixée par la loi, pour les experts ou les commissaires-priseurs.

Le Tribunal, par jugement du 13 août 1844, reconnaît que des honoraires sont dus, et les fixe à demi pour cent de la valeur des vins dégustés, soit à 1,757 fr. 18 c.

(( Attendu qu'il résulte de documents produits que Libéral a procédé à la dégustation et à l'estimation d'une quantité considérable de vins de grand prix, de différents crus, et dont la valeur, d'après l'inventaire, est de plus de 350 mille francs ;

Que ce travail long et pénible exigeait des connaissances spéciales qu'il n'était possible de rencontrer que dans un trèspetit nombre d'officiers ministériels ;


( 92 )

Que les tarifs, existant pour les experts ordinaires et les commissaires-priseurs, ne peuvent être appliqués à la cause actuelle, et qu'il y a lieu pour l'évaluation des honoraires dus au sieur Libéral de se rapprocher des usages du commerce concernant le courtage ;

Appel de la part du sieur Balguerie. »

ARRÊT.

Attendu (La Cour reconnaît le droit du sieur Libéral

à des honoraires.)

Attendu que la Cour ne peut accepter la base d'un demi pour cent de la valeur des vins dégustés à laquelle les premiers juges ont cru devoir s'arrêter ;

Que l'opération confiée à la spécialité de Libéral ne constituait pas un acte de courtage qui consiste à s'entremettre pour faire vendre, acheter ou échanger des marchandises, mais une simple expertise ;

Que, dans la rigueur du droit, Libéral ne pourrait prétendre qu'à la rétribution accordée par le tarif aux experts, mais qu'en prenant en considération la nature et l'importance de l'opération à laquelle il s'est livré, on ne s'écartera pas de la limite d'une appréciation équitable en lui allouant 20 fr. par chaque vacation portée à l'inventaire du juge de paix ;

Attendu, quant aux dépens

La Cour, émendant, réduit à 20 fr. par chacune des dix vacations constatées à l'inventaire du juge de paix du premier arrondissement la rétribution à laquelle a droit ledit Libéral pour l'expertise dont il a été chargé.

Du 4 avril 1845. —4e Ch. — M. GERBEAU, Prés. — Concl., M. FOUREAU, Av.-gén. — Plaid., MM. GUILLORIT et DE CHANCEL . Avocats.


( 93 )

ASSURANCE CONTRE L'INCENDIE. SOCIÉTÉ EN COMMANDITE. — ERREUR. — POLICE. — AGENCE. — ÉTABLISSEMENTS DIVERS. — ACTE SOCIAL. — PUBLICITÉ. — NULLITÉ.

Lorsqu'il est énoncé dans une police d'assurance contre l'incendie, que les actes constitutif s de la société qui assure ont été communiqués à l'assuré , ce dernier est nqn-recevable à demander la nullité de l'assurance, sous le prétexte que les énonciations de la police l'auraient induit en erreur sur la nature de la société, en lui faisant croire qu'il traitait avec une société anonyme, alors qu'il se trouvait en présence d'une société en commandite.

Les agences créées dans diverses villes par une société d'assurances contre l'incendie ne sont pas des êtablissements dans le sens de l'art. 42 du Code de commerce. En conséquence, il suffit que l'extrait de l'acte social soit transcrit et affiché au Tribunal de commerce de l'arrondissement dans lequel le siège de la société est établi (1). ( Code de comm. art. 42, Code civ. art. 1109 et 1110).

BOUÉ. — G. — BÉDARRIDE ET LARGE.

Le 31 août 1835, le sieur Villette créé à Saint-Quentin pour les assurances contre l'incendie, une société en nom collectif à son égard et en commandite à l'égard des preneurs, d'actions, sous la dénomination de : Réparateur société de banque et d'assurance générale contre l'incendie de Villetteet Comp.

Le capital social est fixé à cinq millions divisé en cinq mille actions de 1,000 fr. chaque.

Le siège de la société est établi à Saint-Quentin, avec ré-, serve de le transférer à Paris.

(1) Voy en sens contraire, ce Recueil 1842. 1. 225.


( 94 )

L'acte social est publié à Saint-Quentin conformément à la loi.

Le 1er août 1837, le siège de la société est transféré à Paris.

Le 16 mars 1842, les sieurs Bédarride et Lange, agissant en qualité d'agents principaux à Bordeaux , de la compagnie le Réparateur, assurent au sieur Boue une somme de 3,000fr. sur objets mobiliers et une somme de 1,300 fr. sur un immeuble.

La police imprimée dont l'ensemble des énonciations peut convenir à une société anonyme, porte que les actes constitutifs de la société ont été communiqués à l'assuré.

Le 13 novembre 1844, le sieur Boue fait assigner les sieurs Bédarride et Lange en nullité de l'assurance.

Après un jugement du 14 janvier 1845 , repoussant un déclinatoire proposé par les sieurs Bédarride et Lange , les parties reviennent à l'audience pour plaider au fond.

Le sieur Boue fonde sa demande en nullité :

1° Sur ce que les énonciations de la police d'assurance l'ont induit en erreur sur la nature de la société ; qu'en effet la qualification de Réparateur donnée à la société, et les énonciations de la police faisaient croire à une société anonyme, alors que l'on ne traitait qu'avec une société en commandite dont les garanties ne sont pas les mêmes ; et que c'était la nature apparente et proclamée de la société qui avait déterminé l'assurance ;

2o Sur ce que les mêmes énonciations l'avaient induit en erreur sur l'importance du capital social ;

3P Sur ce que les formalités de l'art. 42 du Code de commerce n'auraient pas été accomplies à leur égard, l'acte de société n'ayant pas été publié à Bordeaux.

On dit sur ce point que l'agence principale créée à Bordeaux par le sieur Villette et Comp. constitue un établissement dans le sens du susdit article ; qu'en effet la société


(95) avait à Bordeaux une maison de commerce avec enseigne et bureau à poste fixe , et cherchant à se créer sur place une clientelle et un centre d'affaires ; que l'art. 42 du Code de commerce dispose en vue du fait même de l'existence, dans divers ressorts de maisons dépendantes d'une société, et sans faire de distinction entre ceux de ces établissements auxiliaires que les gérants administrent eux-mêmes, et ceux dont il leur convient de confier la direction à des mandataires.

4° Enfin parce que la société le Réparateur aurait été dissoute pour reparaître ensuite sous la dénomination de Réparatrice, société anonyme il est vrai et régulièrement autorisée, mais n'offrant pas le capital qu'annonçait la première ciété.

On invoque, à l'appui de la nullité résultant du défaut d'accomplissement des formalités de l'art. 42 du Code de commerce , un jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, du 9 septembre 1842, qui décide en thèse que les agences créées dans diverses villes par les sociétés d'assurances , sont des établissements dans le sens du susdit article, et que, par suite, si la société est en nom collectif ou en commandite, un extrait de l'acte social doit être transcrit et affiché aux tribunaux de commerce des arrondissements dans lesquels les agences ont été établies.

Dans l'intérêt des sieurs Bédarride et Lange, on développe les moyens résumés dans les motifs du jugement.

JUGEMENT.

Attendu que Boue n'établit point que la société en commandite Villette et Comp. ait été dissoute ;

Qu'il ne prouve pas non plus que Villette et Comp. l'aient intentionnellement induit à erreur sur la nature et l'importance de leur capital social;

Attendu que, dans la police d'assurance, à la nullité de laquelle il conclut, le demandeur a déclaré que les actescons-


(96; ululifs de la compagnie dite le Réparateur lui ont été communiqués ;

Qu'en tous cas, il dépendait de lui d'en prendre réellement la connaissance qu'il a reconnu en avoir reçue ;

Que, dès-lors , pour prétendre qu'il a , de fait, été induit à erreur en ce qui tient à la nature de la société Villette et Comp., Boue ne peut se prévaloir maintenant de ce qu'il ressort d'équivoque, à cet égard, de l'ensemble des énonciations de l'exemplaire imprimé dé ladite police demeuré au pouvoir du demandeur ;

Attendu que l'agence principale de Villette et Comp., à Bordeaux, était un établissement auxiliaire et dépendant de celui de Paris, géré par de simples mandataires ayant des pouvoirs restreints ;

Que le centre des affaires de la compagnie-assureur était à Paris, ainsi que ses polices en avertissaient suffisamment les assurés ;

Attendu que, dans ces circonstances, la publication faite au siège de la société, conformément à l'art. 42 du Code de commerce, de l'extrait de l'acte de société de Villette et Comp., vêtit convenablement les prescriptions dudit article, sans qu'il ait été nécessaire de remplir également à Bordeaux ces mêmes formalités ; Par ces motifs,

Le Tribunal dit n'y avoir lieu de prononcer la nullité de la police d'assurance contre l'incendie intervenue, le 16 mai 1842, entre Boue et Bédarride et Lange jeune, ces derniers agissant au nom de la compagnie dite le Réparateur. Condamne.

Du 11 avril 1845. — M. CABROL, Jug.-Prés. — MM. BRUNET, PRÉCLOS et FABRE, Jug. — Plaid,, MM. LEMONNIER et DE CHANCEL, Avocats.


(97)

VENTE. — LIVRAISON. ■—DÉLAI. — NAVIRE. — ARRIVÉE. — ÉPOQUE DÉSIGNÉE. — RÉSOLUTION.

Dans les ventes à livrer à l'arrivée d'un navire désigné, la simple indication de l'époque à laquelle le navire est attendu, ne peut être considérée comme contenant une fixation de délai pour la livraison. En conséquence, dans le cas de non arrivée du navire à l'époque désignée, l'acheteur ne peut demander la, résolution du marché pour défaut de livraison dans un délai convenu (1). (Code civ. art. 1610.)

POHLS ET LOMER. — C — J.-B. ARRIGUNAGA. Le 28 novembre 1844, le sieur J!-B Arrigunaga vend aux sieurs Pohls et Lomer, par l'intermédiaire de M. Levif, courtier, 50,000 kil. bois de Campêche à prendre sur 250,000 kil. environ de cette marchandise, qu'importerait le navire l' Amélie, attendu vers le mois d'avril 1845 à Bordeaux, et venant directement de la Laguna.

La marchandise devra être livrée à bord à l'arrivée du navire, au poids de douane, au prix de 23 fr. les 100 kil., droits acquittés, avec faculté d'entrepôt, payable comptant, sous la déduction de 1 1/2 p. 100 d'escompte, trait et règlement d'usage.

Le navire l' Amélie n'arrive pas à la fin du mois d'avril 1845. Le 3 mai, les sieurs Pohls et Lomer font assigner le sieur Arrigunaga en résolution du marché, faute de livraison dans le délai convenu.

Le sieur Arrigunaga répond qu'aucun délai n'a été convenu pour la livraison qui doit être faite seulement à l'arrivée du navire importeur de la marchandise vendue.

(1) L'acheteur peut, dans ce cas, se pourvoir devant le Tribunal à l'effet de faire fixer un délai dans lequel la livraison devra être effectuée. L'indication dans le bordereau de vente de l'époque à laquelle le navire est attendu, doit naturellement être prise en considération pour la fixation de ce délai. Recueil 1839. 1. 252: 1842. 1. 124, et 1844. 2. 177. Année l845. 1re part. 9


( 98 ) Les sieurs Pohls et Lomer répliquent, que l'indication de la fin d'avril, pour l'époque de l'arrivée du navire l'Amélie, était évidemment une fixation de délai pour la livraison ; que les acheteurs ayant traité dans la prévision que la livraison aurait lieu au plus tard fin avril, ne pouvaient être tenus de subir des retards qui préjudicient à leurs droits; qu'au surplus, leur position ne peut être assimilée à celle de l'acheteur, dans le cas où la vente est faite à livrer à l'heureuse arrivée d'un navire, sans désignation d'époque pour l'arrivée.

JUGEMENT.

Attendu qu'il est reconnu par les parties que le 28 novembre dernier Arrigunaga a vendu verbalement aux demandeurs la quantité de 50,000 kil. bois de Campêche, à prendre sur la cargaison du navire l' Amélie, attendu à Bordeaux vers la fin du mois d'avril suivant, qu'aucune autre convention n'a été faite sur l'époque de la livraison des marchandises vendues ;

Attendu que dans ces circonstances, renonciation du mois d'avril, comme date présumés de l'arrivée du navire, n'est qu'une simple indication; qu'aucune époque fixe n'ayant été déterminée pour la livraison des marchandises, les parties se trouvent encore dans les liens de la convention; que c'est dès-lors prématurément que Pohls et Lomer en ont demandé la résolution.

Par ces motifs, — LE TRIBUNAL déclare Pohls et Lomer non-recevables dans leur demande.

Bu 8 mai 1845. — M. BRUNO DEVÈS, Prés. —M. BRUNET et CASTILLON, Juges. — Plaid., MM. BADIN et LEVESQUE, Agréés.

NOTA. Le 22 du même mois de mai., dans une instance introduite par les sieurs Mestrezat père, fils et Comp., auxquels le sieur Arrigunaga avait vendu également et dans les mêmes circonstances, une partie du chargement du navire l'Amélie, le Tribunal, sur les plaidoiries de MM. Saintmarc et Brochon, a jugé dans le même sens relativement à la résolution : attendu que renonciation de l'époque à la-


( 99 )

quelle le navire était attendu, n'exprime pas le terme fixé de l'arrivée du navire, et conséquemment de la livraison de la marchandise; qu'elle en indique seulement l'époque présumée. »

Les sieurs Mestrezat père, fils et Comp, ayant demandé subsidiairenient fixation d'un délai pour la livraison , le Tribunal prenant en considération les circonstances particulières de la cause, a fixé au 10 juin suivant l'époque à laquelle le marché devrait être accompli.

BANQUIER. — COMMISSION. — INTÉRÊTS. — CAPITALISATION — CONVENTION. — EXÉCUTION. — FIN DE NONRECÉVOIR.

Le débiteur par compte courant chez un banquier, peut faire rejeter du compte les commissions et les capitalisations qui constituent une adjonction illégale d'intérêts, bien qu'il ait consenti à ce que le banquier en fit le prélèvement.

Les commissions perçues par un banquier, en sus de l'intérêt légal, dans un compte courant ouvert chez lui, au taux et suivant les usages du commerce, ne doivent pas être considérées comme une adjonction illégale d'intérêts; mais elles ne peuvent être calculées que sur les sommes réellement encaissées ou payées pour compte du client.

En matière de comptes courants, le banquier ne peut régler ses comptes avec capitalisation d'intérêts pour une période moindre d'une année, bien qu'il ait été convenu que la capitalisation aurait lieu tous les trois mois, alors que le compte n'existe pas entre des parties auxquelles la capitalisation trimestrielle présente des chances réciproques (1). ( Code de comm., art. 1154, et loi du 3 septembre 1807 art. 1 et 3.

R. HENRY ET COMP. — C. — CONTI FRÈRES.

Le 7 avril 1840, les sieurs Conti frères vendent, par l'in(1)

l'in(1) sur ces questions les arrêts rapportés dans ce Recueil, 1844. 2. 43 et 92 et les décisions indiquées aux notes: voy. aussi ci-avant, lapait, p. 5.


( 100 ) termédiaire de M Legendre, courtier maritime, à la maison R. Henry et Comp., pour le prix de 150,000 fr., le bateau à vapeur la Picardie, destiné à la navigation du haut de la Garonne.

Dans une correspondance, en date des 20 et 21 du même mois, la maison R. Henry et Comp. rétrocède ce même bateau aux sieurs Conti frères pour le même prix de 150,000 francs payable comptant, mais sur lequel les sieurs Conti frères payent seulement 120,000 fr.

La maison Henry ne doit régulariser la revente faite aux sieurs Conti frères que lorsque ceux-ci se seront complètement libérés envers elle.

Les parties font, en outre, les stipulations suivantes au sujet des 30,000 fr. dont les sieurs Conti demeurent débiteurs.

Les sieurs Conti doivent exploiter le bateau à vapeur la Picardie pour leur compte et à leurs périls et risques, en verser toutes les recettes chez les sieurs R. Henry et Comp., et en faire payer chez eux toutes les dépenses au moyen de comptes visés ou de mandats tirés sur leur caisse.

La maison R. Henry et Comp. doit débiter les sieurs Conti frères de la somme de 30,000 fr. due par ces derniers, et ouvrir un compte courant et d'intérêts réciproques à raison de 5 p. 100 l'an.

Il est stipulé, en faveur des banquiers, une commission de 2 p. 100 par trimestre sur le montant du débit du compte (balance du précédent compte comprise),

Et une commission de demi p. 100 sur le montant de toutes les recettes brutes que ferait le bateau.

Les sieurs R. Henry et Comp. demeurent maîtres de dépasser ou non le crédit de 30,000 fr., mais ils ne pourront exiger le remboursement du solde que trois mois après l'arrêté du compte.

Les sieurs Conti frères restent libres de vendre le bateau quand bon leur semblera en payant les sieurs Henry et Comp.

Dans ce cas, ces derniers auront droit à une commission


( 101 ) de. 3 p. 100 sur le montant brut de la vente, niais cette commission devra exclure celle de 2 p. 100 sur le montant du débit du compte courant.

Au surplus, il est arrêté que la vente du 7 avril doit conserver tous ses effets jusqu'à la parfaite libération des sieurs Conti frères, et que si, trois mois après l'arrêté de compte, ces derniers ne paient pas, les sieurs R. Henry et Comp. disposeront du bateau à vapeur la Picardie, comme de chose à eux propre, et prélèveront sur le prix le solde de leur compte.

En exécution de ces conventions, un compte courant est ouvert chez les sieurs R. Henry et Comp.

Ce compte est arrêté tous les trois mois avec capitalisation d'intérêts.

Au 31 décembre 1844, les sieurs R. Henry et Comp. se trouvent créanciers pour solde de la somme de 46,571 fr.

Les parties n'étant pas d'accord sur ce résultat, les sieurs R. Henry et Comp. font assigner les sieurs Conti frères pour s'entendre condamner à payer la susdite somme, et entendre ordonner qu'à défaut de paiement dans les trois mois, le navire la Picardie sera vendu, pour, le montant de la condamnation, être prélevé sur le produit de la vente.

Les sieurs Conti frères plaident que les sieurs R. Henry et Comp. n'ont été à leur égard que de simples prêteurs ; que les conventions intervenues avec eux les 7, 20 et 21 avril 1840 ont eu pour objet de leur donner le bateau à vapeur la Picardie en nantissement, et de leur fournir un moyen de se payer de leurs avances ; que, dès-lors, ils n'avaient pu, au moyen de commissions et de capitalisations trimestrielles, se faire allouer plus de 6 p. 100 par an sur les sommes prêtées, parce que tout ce qui avait été reçu au-delà constituait une adjonction illégale d'intérêts que la loi proscrit comme usuraire.

Ils disent que, dans tous les cas, les sieurs R. Henry et Comp. n'ont pas eu le droit de percevoir la commission de p. % sur les receltes brutes du bateau, et celle de 2 p. % sur la totalité de la dépense, parce qu'ils n'ont encaissé que


- ( 102 ) la recette nette, et que la dépense n'a pas été payée par eux, ou ne l'a été que pour une"très-faible partie; qu'en effet, eux, sieurs Conti, payaient chaque jour par eux-mêmes ou par leur comptable la dépense du bateau sur le produit des recettes, de sorte que la différence seule entre les-recettes et les dépenses était versée dans la caisse des sieurs Henri ; que ce ne serait évidemment que sur cette différence que le droit de commission pourrait être exercé.

Ils ajoutent qu'aux termes de l'art. 1154 du Code civil, la capitalisation des intérêts n'avait pu être stipulée valablement pour des périodes d'une durée moindre d'une année.

Ils soutiennent qu'ils ne sont débiteurs que de 17,500 fr. et font offre de cette somme.

Les sieurs R. Henry et Comp. répondent que leur position à l'égard des sieurs Conti frères, n'est pas celle de simples prêteurs, mais bien celle de banquiers effectuant chaque jour des encaissements et des avances pour compte des commettants , ce qui nécessitait un mouvement de fonds continuel et une comptabilité suivie et compliquée; que cela résulte évidemment des faits accomplis entre les parties et non contestés ;

Qu'il est de principe et de jurisprudence constante, -qu'en matière de banque, le banquier a le droit de stipuler, en outre, de l'intérêt de l'argent, des commissions qui sont une rénumération due pour leurs peines et soins, et que le taux de ces commissions est déterminé d'une manière obligatoire par les conventions des parties;

Que celles stipulées dans la cause, ont été librement consenties par les sieurs Conti frères ;

Qu'elles ont pu et dû être prélevées sur les receltes brutes et sur la totalité de la dépense, d'abord parce qu'il a' été convenu que les sieurs Henry et Comp. encaisseraient toutes les recettes et paieraient toutes les dépenses, et ensuite parce que, bien que les sieurs Conti aient payé quelques dépenses sur les recettes, ils ont eu à vérifier toutes les dépenses et


(103) toutes les receltes dont ils ont été obligés de tenir la comptabilité;

Que les principes et les motifs invoqués pour justifier les commissions, justifient également la capitalisation trimestrielle des intérêts.

Ils font observer, qu'en outre des raisons d'équité qui ont fait admettre les commissions et là capitalisation en faveur du banquier , la circonstance que la propriété du bateau à vapeur la Picardie était sous leur nom, donnait à leur droit une force nouvelle et particulière, parce que leur qualité d'armateur de ce bateau faisait peser sur leur tête une responsabilité énorme, et dont les conséquences étaient incalculables.

Ils soutiennent que, dans tous les cas, les sieurs Conti seraient non-recevables à demander la réformation de conventions qu'ils ont librement consenties et qui ont été exécutées sans réclamation de leur part.

JUGEMENT.

Attendu que l'offre de 17,500 fr., faite à R. Henry et Comp. par Conti frères, sur la barre du Tribunal, pour solde de compte, n'a point été acceptée ;

Attendu que, faute par les parties d'être d'accord au sujet de leur compte courant, et le Tribunal ne pouvant l'apurer à l'audience, il y a lieu à renvoi devant experts ;

Attendu qu'il convient de déterminer, dès à présent, les bases d'après lesquelles les experts constitués devront procéder dans l'accomplissement de leur mission ;

Attendu que les prohibitions concernant létaux et le mode de computation des intérêts tenant à l'ordre public, Conti frères peuvent les invoquer utilement, encore bien qu'ils aient non-seulement consenti aux stipulations sur lesquelles ils veulent revenir, mais arrêté, en outre, à diverses reprises , conformément à ces mêmes stipulations, leur compte courant chez les demandeurs; Attendu que les commissions allouées à raison des opéra-


( 104 ) lions de banque et affaires commerciales sont distinctes des intérêts convenus pour avances de fonds ;

Attendu que ce sont deux sortes de prélèvements motivés sur des causes différentes , ne devant point être confondus ;

Attendu que les principes régulateurs du taux de l'intérêt n'apportent aucun empêchement à ce que les accords des commerçants emportant allocation de commissions, soient respectés et maintenus comme étant matière à convention et en l'absence de convention, chose d'usage ;

Mais attendu qu'un prélèvement quelconque ne devient point inattaquable, par cela seulement que les parties se sont avisées de lui donner les apparences extérieures d'une commission et de le qualifier de ce nom ;

Attendu que lorsque, à l'occasion d'une opération donnant lieu à des avances de fonds , des commissions pour peines, soins ou responsabilité et des intérêts ont été simultanément stipulés, il faut restituer aux conventions qui lient les parties leur véritable caractère ;

Attendu que le juge est tenu de faire, sans hésitation , usage de ce droit d'appréciation, toutes les fois, qu'examen fait, tant des circonstances qui ont amené la conclusion d'une affaire de la nature de celle donnant lieu au procès actuel, que de la position réciproque que les parties se sont faite, il tombe avec évidence sous le sens qu'une commission a été allouée à Un prêteur quelconque, dans le but de pallier un supplément extrà-légal d'intérêt ;

Attendu que, ce cas échéant, les charges et prélèvements portés en compte, doivent être nivelés de façon à rentrer dans les limites de ce qui est légalement permis en fait d'intérêt d'argent prêté ;

Attendu qu'aux termes des conventions verbalement intervenues entre les parties, les 20 et 21 avril 1840, le taux des intérêts réciproques du compte courant de Conti frères, chez R. Henry et Comp., peut et doit être fixé à 5 p. 100 par an, cette appréciation conventionnelle donnée au sujet de


(105) l'argent avancé par les demandeurs, restant en dedans des limites portées par la loi de 1807 ;

Attendu que la commission de 2 p. 100 sur le montant des sommes à porter au débit de Conti frères dans le compte courant précité, doit être maintenue, en ce qui concerne les diverses sommes que les demandeurs ont été dans le cas d'acquitter successivement pour compte des défendeurs ;

Attendu que celte commission représente , en effet, l'indemnité juste en principe et librement stipulée en fait, des bons offices de la maison de banque à laquelle Conti frères se sont adressés;

Attendu qu'il convient également de maintenir, par des motifs analogues, au débit des défendeurs, la commission de demi pour cent, sur les recettes provenant de l'exploitation du vapeur la Picardie ; mais à concurrence seulement des sommes versées chez R. Henry et Comp.;

Attendu qu'en avançant primitivement à Conti frères la somme de 30,000 fr., valeur du 9 avril 1840, R. Henry et Comp. n'ont point uniquement agi en qualité de simples prêteurs de fonds, ou quoique soit de rétrocessionnaires accordant crédit à leurs vendeurs primitifs redevenus acquéreurs;

Attendu que les défendeurs ont reconnu et conféré, en cette occurence, aux demandeurs, la position de propriétaires du vapeur la Picardie ; que cette qualité était suscepti-. ble d'occasionner à ces derniers des peines et soins, qu'elle leur imposait des obligations quelconques , qu'il n'était pas impossible que ce titre fit rejaillir sur eux une responsabilité ; que, dès-lors, prélevée une seule fois sur l'importance du crédit ci-dessus de 30,000 fr., la commission de 2 p. 100 prétendue par les demandeurs, devra être regardée comme l'équivalent du service par eux rendu , dans cette circonstance, à Conti frères ;

Attendu que des conventions ci-dessus rappelées, il résulte que l'exploitation journalière des voyages de la Picardie devait être et a été effectivement opérée par Conti frères euxmêmes, agissant pour leur propre compte, risques, périls


( 106 ) et fortune; que R. Henry et Comp. n'ont donc point, à proprement parler , effectué ni soigné les armements successifs du vapeur susdit ;

Attendu qu'il ressort des explications données à l'audience et des pièces du procès, que le montant brut des recettes recouvrées par Conti frères, durant la navigation de la Picardie, n'était pas versé intégralement aux mains de R. Henry et Comp ;

Attendu, par contre, que les dépenses courantes de l'exploitation n'ont point, en grande partie, été payées par ces banquiers, Conti frères les ayant directement acquittées avec le produit provenant de leurs recettes ;

Attendu que les demandeurs se sont complètement abstenus de toute réclamation à l'égard de cet état de choses tant qu'il a subsisté (et il a subsisté quatre ans et neuf mois, que cette circonstance dénote adhésion de leur part;

Attendu que R. Henry et Comp. auraient dû, dès-lors, se borner à faire figurer dans le compte courant de Conti frères, chez eux, l'excédant des recettes journalières du vapeur la Picardie sur ses dépenses courantes, les demandeurs s'étant contentés du maniement de cet excédant;

Attendu qu'en exigeant une commission de demi sur les recettes brutes qu'ils n'ont point réellement encaissées, pour y trouver occasion de porter 2 p. 100 sur celles des dépenses dont ils n'ont pas déboursé les fonds, R. Henry et Comp. s'attribuent un prélèvement, sans cause réelle ni plausible, et qui doit, par conséquent, être réputé accroissement d'intérêts de leurs avances ;

Attendu que le prélèvement d'une commission de 2 p. 100 en faveur des demandeurs se renouvelant itéralivement à chaque trimestre sur le débit du compte courant de Conti frères (balance du précédant compte compri se) est évidemment abusif, quant à ladite balance, ce prélèvement, ne pouvant, en ce qui la concerne, être considéré comme le prix d'aucun service rendu ;

Attendu que Henry et Comp. se sont fait allouer les 2 p.


i 107 ) 100 dont il s'agit, sans qu'aucun déplacement d'espèces ou revirement de fonds l'ait motivé, et par une combinaison se réduisant à une simple et facultative passation d'écritures ;

Attendu qu'à s'en tenir à ce qui fut dit par les parties les 20 et 21 avril 1840, il n'apparaîtrait peut-être point avec une parfaite netteté qu'il y ait eu convention primitive d'arrêté de compté, avec capitalisation trimestrielle d'intérêts ;

Mais attendu que l'approbation donnée par Conti frères à un certain nombre de comptes ainsi dressés en 1840 et 1841 dénote suffisamment que les choses avaient originairemen t été entendues de la sorte;

Attendu qu'eu égard aux conventions des parties, le compte courant existant entre elles devait avoir pour effet de constituer incessamment Conti frères débiteurs du banquier dont ils empruntaient et salariaient les services ;

Que tous les prélèvements de commissions à porter en comptes'effectuant, d'ailleurs, au profitde R. Henry et Comp. à l'exclusion de Conti frères, aucun motif raisonnable ne permet que, dans le mode d'établissement du compte courant des défendeurs chez les demandeurs, il soit dérogé à l'art. 1154 du Code civil;

Attendu, en effet, que si l'usage et plusieurs décisions judiciaires ont, entre banquiers ou autres commerçants,_ admis ou maintenu, sans les réformer, des comptes courants avec capitalisation d'intérêts pour des périodes moindres d'une année entière, c'est en considération d'une compensation possible d'avantage et lorsque ces règlements ont établi une balance égale entre les droits des parties;

Attendu, dès-Iors, que pour mettre la volonté commune de Conti frères et R. Henry et Comp., d'accord avec les principes légaux et la rapprocher de l'usage, il y a lieu de décider que le compte courant des défendeurs chez les demandeurs sera arrêté avec capitalisation d'intérêts au terme de chaque période d'une année entière;

Attendu que c'est dans l'intérêt des demandeurs eux-mêmes qu'ont été opérées les vérifications diverses et pris les soins


( 10S ) auxquels il se peut qu'ils aient concouru de loin en loin à l'occasion de la navigation du vapeur la Picardie;

Attendu que R. Henry et Comp. ayant, en vue de leur propre sécurité, eu recours au vis-à-vis de Conti frères aux précautions qu'ils ont jugé à propos, il est douteux que les risques courus à l'occasion de l'achat du vapeur la Picardie, avec promesse de le revendre, aient été aussi grands qu'on l'a avancé ;

Attendu, en tous cas , que ces risques ne sauraient, de prêteur à emprunteur, justifier les allocations exagérées dont les demandeurs avaient grevé Conti frères, ni être d'assez de considération pour l'emporter sur la rigueur tout à la fois obligatoire et salutaire des principes qui protègent la fortune des emprunteurs ;

Attendu que toute affaire commerciale a des chances qui lui sont propres; que, finalement, R. Henry et Comp. n'avaient qu'à ne point se lier avec Conti frères, supposé qu'ils ne trouvassent pas dans les avantages restreints que la loi autorisait les demandeurs à stipuler une compensation suffisante à l'aléat que l'acquisition de la Picardie et sa détention à titre de gage leur a fait, ont-ils plaidé, affronter.

Par ces motifs, — LE TRIBUNAL , sans s'arrêter , quant à présent, à l'offre faite à l'audience par Conti frères à R. Henry et Comp. d'une somme de 17,500 fr. pour solde de compte,

Renvoie R.. Henry et Comp. et Conti frères devant experts convenus, à défaut nommés d'office, à l'effet de procéder à l'établissement du compte courant qui a existé entre les parties par suite de leurs conventions des 20 et 21 avril 1840 ;

Enjoint aux experts de se conformer aux bases suivantes dans la confection du travail dont ils sont chargés ;

Intérêts réciproques au taux de 5 p. 100 par an ;

Commission de 2 p. 100 portant : 1o sur le montant de tous les paiements que R. Henry et Comp. ont réellement opérés successivement pour compte de Conti frères ; 2o sur l'avance primitive de 30,000 fr. à raison de l'achat en rc-


I 109 ) vente du vapeur la Picardie, ne portant point : 1° sur les paiements effectués directement par Conti frères, en déduction des recettes provenant de l'exploitation de ce même bateau; 2° sur le solde, lors de chaque arrêté de compte, du compte précédent ;

Commission de demi pour cent portant sur les recettes effectivement versées chez R. Henry et Comp., à-compte du produit des voyages de la Picardie, ne portant pas sur les receltes brutes effectuées à bord ;

Arrêtés de compte, avec capitalisation d'intérêts, au terme de chaque période d'une année entière ;

Pour être ultérieurement, au vu du rapport des experts, statué par le Tribunal ce qu'il appartiendra sur les plus amples conclusions des parties ;

Condamne R, Henry et Comp. à la moitié des dépens, le surplus réservé.

Bu 28 mars 1845. — M. CABROL, Juge-Prés. — MM. BRUNET, PRÉCLOS et FABRE, Juges. — Plaid., MM. FAYE et LAGARDE, Avocats.

EFFET DE COMMERCE. — PRESCRIPTION. — PROTÊT, INTERRUPTION.

La prescription de cinq ans, en matière de lettres de change et de billets à ordre, commence à courir du lendemain de l'échéance, bien qu'il n'y ait pas eu de protêt à cette époque : elle n'est pas interrompue par un protêt tardif fait avant l'expiration des cinq ans (1). (Code comm., art 189 ; et Code civ., art. 2244.

J.-B. ESTINGOY — C. — FÉNÉLON.

Le 27 septembre 1837, le sieur Fénélon souscrit à l'ordre du sieur Estingoy, un billet de 1,000 fr., payable par tout janvier 1838.

(1) Voy., dans ce sens un arrêt de la Cour de cassation, du 1er janvier 1842, rapporté dans ce Recueil, 1842. 2. 137.


( 110 )

Ce billet n'est pas payé à son échéance, mais il n'est protesté que le 30 janvier 1843.

En février 1845, le sieur Estingoy fait assigner le sieur Fénélon en paiement du montant de cet effet.

Le sieur Fénélon oppose à la demande la prescription de cinq ans établie par l'art. 189 du Code de commerce.

On répond, dans l'intérêt du sieur Estingoy, que la prescription n'est pas acquise, parce qu'interrompue par le protêt du 30 janvier 1843, elle n'a recommencé à courir que depuis cette époque.

On plaide que, sans doute, s'il n'y a eu ni protêt, ni poursuites, la prescription doit être calculée à partir du lendemain de l'échéance de l'effet : mais que si un protêt a été fait avant l'expiration des cinq ans à partir du lendemain de l'échéance, la prescription ne commence à courir que du jour de la date de cet acte ; que cela résulte des termes et de l'esprit de l'art. 189 du Code de commerce ; qu'en effet cet article porte textuellement que la prescription commence à courir du jour du protêt; que si le législateur n'avait pas voulu distinguer le jour du protêt du lendemain de-l'échéance, et. avait entendu confondre ces deux points de départ de la prescription pour n'en faire qu'un seul, il aurait dû dire que la prescription commence à courir du lendemain de l'échéance.

Pour établir qu'il ne faut pas confondre le protêt avec l'échéance , relativemement au point de départ de la prescription , on invoque les termes de l'art. 21, lit. 5 de l'ordonnance de 1673, qui faisait courir la prescription à compter du lendemain de l'échéance, ou du protêt, ou de la dernière poursuite.

On ajoute que cette doctrine est conforme à l'esprit de la loi et à l'équité , parce que le protêt est un acte qui met le débiteur suffisamment en demeure de payer, et équivaut à un commandement quant à l'interpellation.

On dit que, clans tous les cas, la dette aurait été reconnue


( 111 )

dans une lettre écrite par le sieur Fénélon au sieur Estingoy, Ie27décembre l842.

Enfin , on requiert à tout événement la prestation de serment, conformément aux prescriptions de l'art. 189 du Code de commerce.

On répond, dans l'intérêt du sieur Fénélon, que le protêt, dont parle l'art. 189, ne peut s'entendre que de celui fait dans les conditions et délais voulus par la loi ; que d'un autre côté, d'après les principes généraux du droit, la prescription commençant à courir de l'exigibilité de la dette, la prescription des effets de commerce doit commencer à courir du lendemain de l'échéance, qu'il y ait eu ou non protêt ;

Que l'art. 2244 du Code civil énumère les actes qui seuls interrompent la prescription, et que le protêt n'est pas compris dans l'énumération faite par cet article.

Quant à la reconnaissance alléguée, on dit que la lettre du 27 décembre 1842, loin de reconnaître la dette, en proclame l'extinction.

JUGEMENT.

Attendu que la prescription établie par l'art. 189 du Code de commerce est un moyen légal de constater l'extinction des obligations résultant des effets de commerce ;

Attendu que le billet qui fait l'objet de la demande, consenti par Fénélon, le 27 septembre 1837, était payable par tout janvier suivant, que l'action résultant de ce titre s'est trou vée prescrite dès le lerfévrier 1843, sauf les circonstances particulières qui ont pu interrompre ou empêcher la prescription ;

Attendu qu'aux termes de l'art. 162 du Code précité, le protêt doit être fait le lendemain du jour de l'échéance ; que l'art. 189, en parlant du protêt, entend désigner celui qui a eu lieu conformément à la loi le lendemain de l'échéance ; que le protêt présenté par Estingoy n'a été fait que le 30 janvier 1843 ; que c'est dès-lors inutilement qu'il est invoqué dans l'espèce par Estingoy ;


( 112 )

Attendu que la lettre du 27 décembre 1842, écrite par Fénélon à Estingoy, loin de reconnaître la dette résultant du billet, le dénie ;

Attendu qu'Estingoy a requis la prestation de serment auquel l'art. 189 assujettit les prétendus débiteurs ;

Par ces motifs, — LE TRIBUNAL déclare prescrite l'action résultant du billet énoncé en la demande; néanmoins, et avant de statuer sur la demande en condamnation, ordonne que Fénélon affirmera, sous la foi du serment, qu'il n'est plus redevable.

Bu 24 avril 1845. — M. BASSE, Juge-prés. — MM. BRUNET, CASTTLLON et ASSIER, Juges. — Plaid., MM. FAYE et MÉRAN, Avocats.

ASSURANCE. — CHARGEMENT. — PIÈCES JUSTIFICATIVES. — CONNAISSEMENT. — MANIFESTE. — COMPTE-COURANT.

A défaut de connaissement, l'assurépeut faire la preuve du chargement de l'objet couvert par l'assurance, au moyen de tous autres documents dont l'appréciation appartient aux juges. Cette preuve ne saurait cependant résulter suffisamment d'un simple compte-courant du chargeur avec l'assuré, ni du manifeste lui-même, lorsqu'il est constant que ce dernier document, critiqué par les assureurs, n'est pas l'expression exacte du chargement du navire. (1) (Codedecomm., art. 383).

DEBOTAS ET COMP. — C. —LES ASSUREURS.

Le 14 septembre 1842, les sieurs Debotas et Comp., agissant pour compte de qui il appartiendra, font assurer par les sieurs Ailloud et Comp. une somme de 7,000 fr. sur fret et passages faits ou à faire du navire la Zone, pour de Tampico aller à Vera-Cruz, le produit desdils frets et passages

(1) Voy. JSI. Lemonnier, Commentaire sur les principales polices t. 2, p. 234.


( 113 ) en espèces devant,continuer à être aux risques des assureurs, de Vera-Cruz à Bordeaux.

Nous avons rendu compte ci-avant, lrepart., p. 86, de la navigation du navire la Zone.

Les sieurs Débutas et Comp. font signifier aux assureurs le délaissement de 1,000 piastres et les font assigner en validité de l'abandon et en paiement de la somme de 5,000 fr. pour la valeur desdites piastres.

Ils mettent en.fait que le navire la Zone avait transporté, de Tampico à la Vera-Cruz, 100 soldats et 2 officiers, dont le passage s'était élevé à 1,240 piastres;

Que, sur cette somme, 240 piastres avaient été employées à la Vera-Cruz et 1 ,000 piastres avaient été chargées sur le navire à la destination de Bordeaux.

Ils produisent, pour justifier ce chargement,-une copie du manifeste du navire la Zone et le compte-courant du sieur Victor Perret, consignataire de ce navire à la Vera-Cruz, ces deux documents énonçant qu'il a été chargé à la VeraCruz, sur le navire la Zone, 1,000 piastres par le sieur Duperrieu. Le sieur Duperrieu était co-propriétaire du navire avec le capitaine Capdevielle qui le commandait.

Les assureurs soutiennent que la preuve du chargement ne peut être faite que par la production du connaissement ; que, dans tous les cas, les pièces produites ne sont pas suffisantes pour faire celle preuve.

JUGEMENT.

Attendu qu'il est de jurisprudence qu'en l'absence du connaissement qui est la preuve légale du chargement, cette preuve peut être faite par tous autres documents dont l'appréciation est laissée aux juges ;

Attendu que Debotas et Comp., à l'appui de leur demande, ne représentent que la copie du manifeste du navire la Zone et le compte-courant de ce navire avec la maison Perret et Comp. de la Vera-Cruz ;

Attendu que ce manifeste est critiqué par Ailloud et Comp.

Année 1845. — 1re pari. 10


(114 ) comme n'étant pas l'expression vraie de toutes les marchandises chargées sur ledit navire ; qu'ils appuient leur dire sur un connaissement de 100 piastres non mentionnées au manifeste ; que, sans suspecter la bonne foi de Perret et Comp., le Tribunal ne peut accepter comme preuve de chargement l'enonciation qui en est faite dans le compte-courant par eux remis ; qu'en effet, Perret et Comp. ont légalement intérêt à soutenir qu'ils ont chargé les 1,000 piastres qu'ils auraient reçues pour le prix du fret et du passage des passagers-de Tampico à la Vera-Cruz, du navire la Zone dont ils étaient consignataires ;

Attendu, dès-lors, que Debotas et Comp. ne donnent aucune preuve du chargement qui aurait été fait.à Tampico ;

. Par ces motifs, — LE TRIBUNAL déclare Debotas et Comp. mal fondés dans leur demande en validité d'abandon.

Bu 22avril 1845. —M. BASSE, Juge-Prés., —MM. BRUNET, CASTILLON et ASSIER Juges. —Plaid., MM. GUILLORIT et DE CHANCEL, Avocats.

BANQUE. — NANTISSEMENT. — PRIVILÈGE. ACTIONS AU PORTEUR. — TRANSFERT.

L'art. 2074 du Code civil n'est pas applicable aux banques de commerce. En conséquence, ces établissement ont un privilège sur les valeurs qui leur sont remises en nantissement pour les escomptes ou les avances qu'ils effectuent, bien qu'ils n'aient pas vêtu les dispositions du susdit article. Ils ne peuvent toutefois réclamer le privilège qu'autant qu'ils se sont conformés aux prescriptions de leurs statuts (1). (Codeciv., art. 2074).

(1) Le Tribunal de commerce avait décidé: 1° que les formalités prescrites par les art. 2074 et suivants du Code civil sont applicables en matière de commerce, alors même que le nantissement a pour objet des valeurs négociables, transmissibles par la voie de l'endossement ou du transfert ; 2o que la banque, même en se conformant à ses statuts , ne pouvait, sans l'accomplissement de ces formalités, acquérir de privilège sur les valeurs qui lui sont données en nantissement.

La première de ces questions, sur laquelle la Cour n'a pas cru de-


( 115 ) Le mot : TRANSFERT, employé dans l'art. 13 des statuts de la banque de Bordeaux, s'applique à la cession par simple tradition manuelle des actions au porteur, aussi bien qu'à la cession par transfert ordinaire, des actions nominales. '

LA BANQUE DE BORDEAUX. — C. — DARHEMPÉ.

La banque de Bordeaux a fait appel du jugement du Tribunal de commerce de la même ville, du 11 juillet-1844, rapporté dans ce Recueil, année 1844. 1. 197.

voir se prononcer d'une manière explicite, a été plusieurs fois soumise à la décision des Tribunaux, et la jurisprudence tend à se fixer à son sujet dans le sens qui a été adopté par ,1e Tribunal de commerce de Bordeaux. On trouve, en effet, dans ce sens, deux arrêts de la Cour de Paris, des 15 février et 21 juin 1842 (Journal du Palais, 1842, t. 1er, p. 428, et t. 2, p. 341. — Sirey, 1843, 2, 115); un arrêt de la Cour de Douai, du 29 mars 1843 (Sirey, 1843, 2, 341 ), et un arrêt de la Cour de Rouen, du 2 décembre 1843 (Journal du Palais, 1843, t. 2, p. 14).

On peut invoquer, en sens contraire, un arrêt de la Cour de Rouen dn 22 avril 1837 (Sirey, 1837. 2, 375); mais cette Cour est revenue sur sa jurisprudence, par son arrêt du 2 décembre 1843. On pourrait également invoquer un arrêt de la Cour de cassation du 17 mars 1829, rejetant le pourvoi formé contre un arrêt de la Cour de Montpellier du 5 février 1825; mais cet arrêt ne peut être d'aucune influence, car il rejette le pourvoi, attendu que la Cour de Montpellier s'était déterminée par une appréciation d'actes et de faits qui était dans ses attributions exclusives. D'un autre côté, la Gour de Montpellier avait décidé simplement que l'endossement régulier de traites données en garantie avait constitué une transmission conditionnelle de propriété de ces mêmes traites.

Quant à la seconde question, nous ne connaissons aucune décision qui ait eu à la résoudre, antérieurement au jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, sur l'appel duquel est intervenu l'arrêt que nous rapportons. Cette question, qui intéresse au plus haut degré le commerce, présente des difficultés sérieuses.

Les motifs sur lesquels se sont fondés les premiers juges pour refuser le privilège à la Banque, alors même qu'elle se serait conformée à ses statuts, sont d'un très-grand poids, mais le privilège de la banque ne résulte-t-il pas de la nature et de l'objet des établissements de ce genre, et n'est-il pas protégé.par l'esprit si ce n'est par les termes de la loi que l'on invoque contre elle?

Les banques ont été établies pour faciliter les opérations commer - ciales, non-seulement par le maintien de l'unité dans la valeur monétaire et par la création de nouvelles valeurs, mais encore, et surtout, par des avances effectuées au moyen des escomptes ou des prêts directs sur nantissement


( 116 ) .

On reproduit de part et d'autre les moyens présentés devant les premiers juges, et que nous avons analysés en rapportant le jugement.

Nous ne reproduirons que la partie de la discussion relative au point de savoir si la banque pouvait invoquer le privilège, alors même qu'il serait reconnu que l'art. 2074 ne lui est pas applicable.

Les art. 12, 13, 15 et 18 des statuts de la banque de Bordeaux qui ont servi de base à la discussion , sont ainsi conçus :

( Art. 12. La banque n'admettra à l'escompte que des effets de commerce garantis par la signature de trois personnes au moins notoirement solvables.

» Art. 13. La banque pourra cependant admettre à l'esDès

l'esDès origine en France, la banque a été un établissement de circulation et de comptes-courants, et aussi d'escomptes et de prêts. L'arrêt du conseil du 4 décembre 1718, qui convertit en banque royale de France la banque générale créée par Law et instituée par lettres patentes du 2 mai 1716, prend, en effet, en considération les services que celte banque avait rendus au commerce, non-seulement par les escomptes des lettres de change,, mais encore par les sommes qu'elle m'ait prêtées aux négociants et aux manufacturiers. Et les banques modernes, créées en vertu et par application de la loi du 24 germinal an XI, qui réorganise l'institution sur des bases plus solides, sont formellement autorisées à prêter sur gages dans des cas donnés.

C'est là un des grands bienfaits de l'institution, mais ce bienfait, qui consiste à maintenir le crédit, disparaîtrait si la banque était soumise aux prescriptions de l'art. 2074 du Code civil.

D'un autre côté, l'art. 2084, qui dispose que les formalités poulie nantissement ne sont applicables ni en matière de commerce, ni aux maisons de prêt sur gages autorisées, comprenait nécessairement la banque qui existait depuis 1716. et qui avait été réorganisée en avril 1803. La banque, qui pouvait, en effet, être comprise dans la seconde disposition de l'article, comme maison de prêt, l'était, sans nul doute, dans la première, comme établissement fonctionnant en matière de commerce. L'art. 95 du Code de commerce, qui ne fait que restreindre le principe posé par l'art. 2084 du Code civil, est-il de nature à priver la banque du droit qu'elle pouvait puiser dans ce dernier article?

Ces moyens que nous ne pouvons qu'indiquer dans une note, et qui réclameraient une longue dissertation pour être présentés avec force. nous paraissent de nature à justifier le privilège de la banque.

Au surplus, ce privilège ne peut être acquis, ainsi que l'ont jugé le Tribunal et ensuite la Cour, qu'autant que la banque s'est conformée à ses statuts. Plus le privilège est étroit cl eu dehors du droit commun, plus il doit être restreint dans les limites qui lui ont été assignées.


(-117 ) compte des effets garantis par la signature de deux personnes seulement, mais notoirement solvables, et en exigeant pour surcroît de garantie, outre les deux signatures, un transfert d'actions de banque, ou de tous autres effets ou actions ayant un cours régulier.

Art. 15. La banque pourra faire des avances sur les effets publics qui lui seront remis en recouvrement, lorsque leurs échéances seront déterminées.

» Art. 18. La banque pourra faire des avances sur les dépôts de lingots ou monnaies étrangères d'or ou d'argent qui lui seront faits.

Elle déterminera par ses règlements extérieurs, les avances à faire sur ces dépôts, le mode à suivre pour en fixer la valeur, la quotité de l'intérêt et le terme dans lequel ils pourront et devront être retirés. »

On dit; dans l'intérêt du sieur Darhempé, que la banque ne pourrait invoquer le privilège , alors même qu'elle ne serait pas soumise aux prescriptions de l'art. 2074 du Code civil, parce que, dans l'opération avec les sieurs Galos et Comp., elle se serait mise en dehors de ses statuts sous un triple rapport :

1° Parce que, instituée sous le titre de Banque d'escompte, l'escompte des billets et lettres de change est la première et la principale des opérations qui lui soit permise;

Que le prêt qui diffère essentiellement de l'escompte ne lui est permis que dans les cas et avec les conditions prévues par les art. 15 et 18 de ses statuts;

Que l'opération faite avec Galos et Comp., n'est pas un escompte, mais un prêt, puisque la somme a été comptée à Galos et Comp. sur un billet souscrit directement par ceux-ci à la banque;

Que ce prêt est évidemment en dehors des art. 15 et 18 des statuts ;

2° Parce que, fût-il question d'une opération d'escompte, elle aurait été faite encore en dehors des statuts; Qu'en effet, les art. 12 et 13 n'admettent à l'escompte que


( 118 ) les effets garantis par trois signatures de personnes notoirement solvables, ou par deux signatures et un transfert d'actions; et que l'effet Galos et Comp. n'était revêtu que d'une seule signature ;

3° Parce que d'après l'art. 13 de ses statuts, la banque ne peut recevoir en garantie, à la place d'une troisième signature, que des actions sujettes au transfert, et que les actions Darhempé ne sont pas soumises à cette formalité, puisqu'elles sont au porteur.

On répond, dans l'intérêt de la banque, que le mot transfert, employé par l'art. 13 de ses statuts, ne peut s'entendre que de la cession elle-même des actions, indépendamment du mode sous lequel elle s'effectue; qu'il est de toute évidence que, quant aux actions au porteur, la Cession ou le transfert s'opère valablement par la tradition manuelle;

Que la différence que l'on a voulu établir entre l'escompte et le prêt n'est pas réelle; qu'escompter, c'est prêter ; qu'au surplus la banque ne fait pas reposer seulement son droit sur les art. 12 et 13, relatifs à l'escompte, mais bien encore sur l'ensemble et l'esprit des art. 15 et 18 relatifs aux prêts sur nantissement ; que la banque a en définitive fait une avance à la maison Galos et Comp. sur un engagement de cette maison et sur le nantissement, pour surcroît de garantie,' d'actions ayant un cours régulier ;

Que ce nantissement, opéré par un mode dont le résultat légal est de transporter la propriètè du gage à la banque, se trouve être conforme aux statuts, et assure le privilège réclamé.

On ajoute que, dans tous les cas , la violation des statuts n'aurait d'autre conséquence, que d'engager la responsabilité des administrateurs.envers les sociétaires, et d'exposer la banque au retrait de son privilège ;

Qu'en outre, aux termes de l'art, 3 de l'ordonnance du 23 novembre 1818, qui institue la banque de Bordeaux, le sieur Darhempé ne pourrait se prévaloir de la violation des statuts, qu'autant qu'il justifierait que l'infraction lui a été préjudi-


( 119 y

ciable,, mais qu'il est évident que l'infraction des statuts n'a pu lui être préjudiciable, car le fait que la banque s'y serait religieusement conformée ne lui aurait donné, dans aucun cas, une position meilleure, et ne lui aurait pas fourni le moyen de ressaisir, sans le.paiement de la créance, la propriété de titres, de l'origine duquel Je.créancier gagisle.n'avait pas.eu. à s'enquérir

ARRÊTAttendu

ARRÊTAttendu l'art.. 2074 du Code civil, n'est applicable qu'aux transactions.civiles; que les formalités qu'il exige sont incompatibles avec les opérations des banques de commerce; qu'il serait impossible que ces établissements pussent fonctionner utilement et atteindre le but qui a déterminé leur création, s'ils étaient obligés de se pourvoir des déclarations solennelles et d'accomplir les. actes exigés par cet article ;

Attendu qu'invoquer ces dispositions du Code civil en matière de banque, c'est les détourner de leur véritable sens et en faire une fausse application ;

Attendu qu'il faut reconnaître que, suivant l'esprit de son institution, la banque de Bordeaux peut, dans le sens le plus étendu, escompter ou prêter , recevant pour garantie, des valeurs qui sont mises à sa disposition et qui sont spécialement affectées à sa garantie , immédiatement la remise qui lui en est faite ; que telles sont surtout les actions au porteur qui par leur nature, ont l'effet d'une cession en faveur du porteur qui en est nanti ;

Attendu que le porteur de bonne foi n'est nullement tenu de reconnaître les tiers entre les mains, desquels ces sortes de valeurs peuvent, avoir passé ; que, sous ce rapport, la banque serait fondée dans l'appel qu'elle, a interjeté

Attendu que si, sous le rapport de son institution, elle n'est pas tenue de se conformer au droit commun en matière civile, c'est un privilège qu'elle ne peut invoquer qu'autant qu'elle se conforme à ses statuts ;


( 120 )

Attendu que Darhempé n'est pas fondé à prétendre que la banque n'a pas été nantie par un transfert régulier et tel qu'il lui est prescrit par ses statuts ;

Que dans son acception générale, le transfert n'est qu'une cession et qu'il devient inutile pour les effets au porteur, puisque par leur nature et par leur forme, la remise du titre en opère le transport ;

Attendu néanmoins qu'il faut considérer sous un autre rapport, que d'après ses statuts , la banque ne peut faire des avances, ni stipuler des escomptes que sur des effets revêtus de trois signatures ou de deux signatures au moins, garanties, en outre, par des effets ayant un cours régulier ;

Attendu que, dans l'espèce actuelle, la banque a accepté un effet revêtu de la seule signature de Galos, garantie à la vérité par huit actions au porteur, qu'elle avait le droit de négocier dans le cas où le billet de Galos ne serait pas acquitté ; qu'il est certain que dans cette opération, elle est contrevenue à ses statuts; qu'elle est, dès-lors, non-recevable à en invoquer le privilège ; qu'elle à fait une opération nulle qui entraîne la nullité de la garantie qui en était l'accessoire, que par conséquent elle ne peut se refuser à remettre les huit actions dont Darhempé est reconnu propriétaire.

Sans avoir égard aux autres' motifs donnés par les premiers Juges ;

La Cour met au néant l'appel interjeté par la banque, de Bordeaux du jugement du Tribunal de commerce de celte ville, du 11 juillet 1844.

Bu 17 avril 1845. — 1re ch. — Prés., M. ROULLET, Prem. prés. — Concl., M. COMPANS Av.-gén. Plaid. MM. SAINTMARCet LACOSTE, Avocats.


( 121 )

CAUTIONNEMENT . — COMPÉTENCE . — NON-COMMERÇANT — DETTE COMMERCIALE. — TRIBUNAL DE COMMERCE.

Le non-commerçant qui a cautionné une dette commerciale, au paiement de laquelle il s'est obligé solidairement, n'est pas justiciable, à raison de ce fait, des Tribunaux de commerce, alors surtout que le cautionnement a été donné par un acte postérieur à l'engagement de l'obligé principal, et dans le but d'arrêter des poursuites dirigées contre ce dernier (1). (Code de comm., art. 631.) CRESSIN — C. — LABAN AÎNÉ. Le sieur Cressin était créancier du sieur Soubiran d'une somme de 1,173 fr. 75 c, en verlu d'un jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, du 26 juillet 1844.

Le 16 novembre 1844, en exécution de ce jugement, il fait pratiquer une saisie-exécution au préjudice du sieur Soubiran.

Le même jour, pour arrêter les poursuites, le sieur Laban aîné offre au sieur Cressin de cautionner le paiement de la créance, à concurrence de la somme de 300 fr.; à la condition que ce dernier souscrirait un atermoiement réclamé par le sieur Soubiran de ses créanciers.

Lé sieur Cressin accepte cette proposition, et le sieur Laban s'engage solidairement à lui payer, dans le courant de novembre, la somme de 300 fr. sur la créance, dans le cas où elle ne serait pas payée par le sieur Soubiran.

Le 7 décembre suivant, le sieur Cressin n'étant pas payé fait assigner le sieur Laban aîné devant le Tribunal de commerce pour s'entendre condamner, par les voies de droit et par corps, au paiement de la somme de 300 fr. par lui cautionnée. Le sieur Laban décline la compétence du Tribunal de commerce, par le motif qu'il n'est pas commerçant et qu'il

Voy ce Recueil, notamment 1840. 1. 21, et 2. 109; 1841. 1.

148;1842 1. 22 et 127; 1843. 2. 158.

Année 1845. — 1re part. 11


( 122 ) n'est pas soumis à la juridiction commerciale à raison du cautionnement qu'il a souscrit.

Le Tribunal autorise le sieur Cressin, sûr sa demande, à prouver que le sieur Laban est commerçant.

L'enquête a lieu.

Le sieur Cressin plaide que le Tribunal serait compétent, alors même que la preuve par lui offerte ne résulterait pas de l'enquête, parce que même le non-commerçant qui cautionne une dette commerciale est soumis à la juridiction consulaire pour l'exécution de son obligation ;

Qu'en effet, le cautionnement étant un accessoire de l'obligation principale, doit nécessairement en suivre le sort quant à la juridiction ;

Que la bonne administration de la justice, et l'intérêt des parties elles-mêmes, exigent qu'il en soit ainsi;

Qu'il y a d'autant plus de raison d'admettre dans la cause la juridiction du Tribunal, que le sieur Laban s'est approprié la dette elle-même du sieur Soubiran, puisqu'il s'est obligé solidairement avec ce dernier à en payer une partie.

La décision fait connaître les moyens plaides dans l'intérêt du sieur Laban.

JUGEMENT.

Attendu que Cressin n'a pas fait la preuve à laquelle il avait été admis par le Tribunal; que, dès-lors, la qualité de négociant ne peut être attribuée à Laban aîné ;

Attendu que toute juridiction d'exception doit être soigneusement maintenue dans les limites que le législateur a voulu lui assigner ;

Attendu que le cautionnement est, par sa nature, un contrat civil, qui ne devient commercial que lorsqu'il revêt certaines formes déterminées par la loi, ou que lorsqu'il intervient dans certaines circonstances particulières ;

Attendu que l'obligation imposée à la caution ne saurait être considérée uniquement comme un accessoire de l'obligation principale ; que ces deux obligations sont distinctes l'une de l'autre ; que chacune d'elles peut être soumise à des


( 123 ) conditions qui lui sont propres ; que le cautionnement peut être contracté sous dès conditions moins onéreuses que l'obligation principale; qu'on ne peut l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté (Code civil, art. 2013 et 2015) ;

Attendu que cette distinction doit subsister, alors même qu'il y a solidarité entre les débiteurs, puisqu'aux termes de l'art. 1201 du Code civil, l'obligation peut être solidaire quoique l'un des débiteurs soit obligé différemment de l'autre;

Attendu que ; si la nature de l'obligation principale et les circonstances dans lesquelles la caution est intervenue peuvent quelquefois faire considérer comme un acte de commerce le cautionnement donné par-un non-négociant à une obligation commerciale, il n'en saurait être de même dans l'espèce actuelle ; qu'en effet, Laban aîné n'a garanti une portion de la dette de Soubiranque par un acte postérieur à l'engagement du débiteur principal; qu'il paraît ne l'avoir fait que dans le but de faire cesser les poursuites qui menaçaient ce dernier, et dans l'espoir dé le soustraire à une déclaration en faillite; que toutes les circonstances de la cause se réunissent ainsi pour faire considérer l'engagement contracté par Laban aîné comme une obligation civile, et pour lui attribuer uniquement le caractère d'un contrat de bienfaisance ;

Par ces motifs, — LE TRIBUNAL se déclare incompétent pour statuer sur la demande ; renvoie, en conséquence, la cause et les parties devant qui de droit; condamne Cressin aux dépens.

Du l3 juin l845, — M. BASSE, Juge-Prés. —MM. CABROL, BRUNÈT, PRÉCLOS et FABRE, Juges. —Plaid., MM. BATTAR et GERGERÈS, Avocats.

Nota. Le 25 février 1845, dans une affaire Lahens et Comp. contre Davenne, la Cour royale de-Bordeaux, 1re chambre, sous la présidence de M. Roullet, plaidant MM. L. Brochon et Vaucher, parait avoir jugé en sens contraire. Mais, dans cette affaire, l'obligation de la.caution était commerciale ; cela résulte suffisamment des termes mêmes de l'arrêt que nous transcrivons :


( 124 ) ARRÊT.

Attendu que le cautionnement est un accessoire de l'obligation principale, et que, surtout dans l'espèce particulière du procès, il faut reconnaître que l'action, pour l'exécution de cet engagement, est un accessoire de l'engagement de Davenne fils, et qu'elle peut être portée devant le Tribunal compétent pour connaître de l'action principale ;

Attendu que Davenne père s'est constitué garant d'un crédit de 100,000 fr. accordé à son fils ; qu'il s'est obligé d'accepter des lettres de change à présentation et de les payer à l'échéance; que, par conséquent, il s'est rendu justiciable du Tribunal de commerce ;

LA COUR met au néant l'appel interjeté par Davenne père, du jugement du Tribunal de commerce de Bergerac, du 22 décembre 1844.

CHARGEMENT SUR LE PONT. — JET A LA MER. — RÈGLEMENT D'AVARIES. — CONTRIBUTION. — CAPITAINE. Le propriétaire de la marchandise chargée sur le pont, de son consentement, et qui â été jetée à la mer pour le salut commun, pendant un voyage de long-cours ou de grand cabotage, n'est pas fondé, alors même qu'il serait propriétaire de la totalité du chargement, à diriger contre le capitaine une action en avaries à l'effet de le faire contribuer à la perte pour la demie du navire et du fret (1). (Code de comm., art. 229 et 421). LERCARO — C-. — CAPITAINE POSTEL ET LES ASSUREURS. Le 30 novembre 1844, le sieur Lercaro fait assurer, sur la place de Paris, par le Cercle commercial 25,000 fr. sur bois merrain, chargés ou à charger sur le navire la Dryas, capitaine Posfel, pour de Marseille venir à Bordeaux.

La compagnie autorise l'assuré à faire placer sur le pont un cinquième environ du chargement qui formerait un capital distinct et séparé.

Le 21 décembre suivant le capitaine Postel charge à Marri)

Marri) dans ce sens ce Recueil, 1843. 1. 153.


( 125 ) seille sur le navire la Dryas, 66,076 douelles simples et 11,337 douelles doubles, ensemble 77,433 douelles, sur lesquelles le chargeur l'autorise à placer sur le pont environ 1,600 douelles doubles et 13,000 douelles simples.

Le navire part le 22 de Marseille pour Bordeaux.

Le 23, vers les quatre heures du matin, la mer étant démontée et le navire toujours sous l'eau, le capitaine et l'équipage décident d'un commun accord qu'il y a nécessité pour le salut du navire et du chargement, de jeter à la mer le merrain placé sur le pont.

Le jet a lieu.

A l'arrivée du navire à Bordeaux, le capitaine ne délivre au sieur Lercaro, porteur du connaissement, que 71,114 douelles, ce qui constituait un déficit de 6,319 douelles.

Des contestations étant soulevées au sujet de ce déficit, le capitaine Postel fait assigner le sieur Lercaro en paiement de la somme de 4,451 fr. 17 c. pour le montant de son fret.

Le sieur Lercaro. oppose en compensation à la demande, la valeur des 6,319 douelles non délivrées. Mais, le 10 mars 1845, le Tribunal le condamne à payer sauf la retenue de 1,000 fr. pour garantie du recours éventuel qu'il pourrait avoir à exercer contre le capitaine au sujet du déficit.

Après ce jugement, le sieur Lercaro fait assigner le capitaine Postel et ses assureurs en règlement d'avarie.

Le 25 mars il fait signifier des conclusions tendant : 1° à ce que le capitaine soit condamné à payer le montant intégral de la marchandise non livrée , par le motif qu'il ne serait pas établi que la perte en est due à la fortune de mer; 2° à ce que, dans tous les cas, les assureurs fussent condamnés à l'indemniser du montant de la perte qu'il se trouverait avoir à supporter.

Les assureurs soutiennent avec le sieur Lercaro que la perte doit être mise à la charge du capitaine seul'. Ils demandent, pour le cas où le Tribunal ne penserait pas ainsi, que cette perte soit réglée en avarie grosse entre eux et le capi-


■ ( 126 ) taine, et que par suite celui-ci y participe pour la demie du navire et du fret.

Le capitaine répond que le rapport de mer fait à son arrivée à Bordeaux, et affirmé par l'équipage, justifie tant du jet que des circonstances dans lesquelles il a eu lieu et par suite de la perte par fortune de mer. Il conclut reconventionnellement à ce que le sieur Lercaro soit condamné à lui payer les 1,000 fr. restant dus pour solde du fret.

Relativement à la demande des assureurs de faire régler la perte du mérrain en avarie commune , il soutient que cette demande ne peut être accueillie, parce que, d'une part, l'art. 421 du Code de commerce dispose formellement que le propriétaire des effets chargés sur le tillac, qui sont jetés à la mer, n'est pas admis à former une demande en contribution, et parce que, d'autre part, le capitaine, aux termes de l'art. 229 du même code, ne peut être passible pour une part quelconque de la perte des objets placés sur le pont qu'autant qu'il n'aurait pas été autorisé à les charger en cet endroit.

Les assureurs insistent et plaident qu'il est de jurisprudence que l'art. 421 du Code de commerce doit être combiné avec l'art. 229 du même Code ; qu'en conséquence, les objets placés sur le pont avec l'autorisation du chargeur, sont dans les mêmes conditions que ceux chargés sous le franc tillac;

Que l'autorisation de charger sur le pont, dégagé la responsabilité du capitaine, relativement à la perte provenant du mode de chargement, mais que la demande en contribution de la part du propriétaire de la marchandise jetée pour le salut commun n'attaque en rien cette responsabilité, puisqu'elle a uniquement pour objet de faire participer le navire à une perte faite dans son intérêt comme dans celui du chargement ;

Qu'il est d'autant plus juste que le capitaine contribue à la perte résultant, du jet, que le navire profitait du chargement sur le pont, puisqu'il en résultait une augmentation de fret;

Que dans la cause, la demande en contribution est favori-


I 127 ) sée par la circonstance que le propriétaire des objets chargés sur le pont se trouvait- être également propriétaire de la totalité du chargement.

JUGEMENT. Sur les conclusions de Lercaro contre Postel et sur celles de ce dernier contre le Cercle commercial :

Attendu (LeTribunal établit que le déficit de 6,319

douelles provient de fortune de mer; que par suite Lercaro est sans action contre le capitaine, et que la perte est à la charge des assureurs. )

Sur les conclusions de la Compagnie d'assurances, ayant pour objet de faire régler en avaries communes la perte des 6,319 douelles:

Attendu que l'art. 421 du Code de commerce dispose que le propriétaire des effets chargés sur le pont, qui sont jetés à la mer, n'est point admis à former une demande en contribution, qu'il ne peut exercer son recours que contre le capitaine;

Attendu que, s'il est établi par une jurisprudence, aujourd'hui constante, que les termes de cet article doivent être combinés avec ceux de l'art. 229 du même Code, il résulte, et des motifs sur lesquels cette jurisprudence s'appuie et des dispositions de l'art. 229 lui-même, que l'on ne peut admettre l'exception à la règle générale posée par l'art. 421, que lorsqu'il s'agit de la navigation au petit cabotage ;

Attendu que pour toute autre navigation , soit au grand cabotage, soit au long-cours, la loi a voulu interdire de placer sur le pont des marchandises qui, embarrassant la manoeuvre et surchargeant le navire, augmentent les dangers ordinaires de la navigation ; que le jet de ces marchandises a bien pour cause le salut commun, mais que ce jet n'est, dans le plus grand nombre de cas, nécessaire que par suite de la position exceptionnelle dans laquelle ces marchandises se trouvent placées à bord ;

Attendu qu'il faut reconnaître que, s'il existait dans le navire des marchandises appartenant à d'autres chargeurs,


( 128 ) il serait contraire à toute idée de justice de les faire contribuer à une perte qui, le plus souvent, serait le résultat, non d'une fortune de mer dont ils auraient entendu courir les risques, mais plutôt d'une violation des règles établies, à laquelle ils n'auraient nullement pris part ;

Attendu que, admettre en principe que des chargeurs étrangers ne sauraient être appelés à contribution, c'est reconnaître que le jet des marchandises sur le pont ne peut être classé parmi les avaries communes, puisque l'art. 401 dispose que les avaries communes sont supportées, non-seulement par la moitié du navire et du fret, mais encore par les marchandises composant la cargaison ;

Attendu que, vouloir dans ce cas faire contribuer le capitaine pour la moitié du navire et du fret, et dispenser les chargeurs de toute contribution, serait créer une nouvelle classe d'avaries qui seraient communes entre le capitaine et le chargeur sur le pont, et particulières à l'égard des autres chargeurs qui n'y contribueraient pas ; que rien dans la loi n'autorise une pareille division, contraire à la notion même d'avaries communes ; que le fait seul de la non-contribution du chargement enlève à ces avaries le caractère qu'on voudrait leur attribuer ;

Attendu, il est vrai, qu'on allègue que, dans l'espèce, le navire était en entier chargé pour compte de Lercaro; que la contestation ne s'agite, dès-lors, qu'entre le chargeur sur le pont et le capitaine ; que ce dernier ayant profité du chargement sur le pont, par l'augmentation de fret qui en est résultée en sa faveur, il est juste qu'il contribue à la perte que ce chargement a occasionnée ;

Mais attendu que la circonstance toute particulière de l'absence d'autres chargeurs, ne saurait faire naître, au profit du chargeur sur le pont, un droit qui, sans cette circonstance, n'existerait pas, et que la loi lui refuse en principe ;

Attendu que le chargeur sur le pont doit s'imputer de n'avoir pas, en autorisant le capitaine et en stipulant le prix du


( 129 ) fret, établi par une convention particulière, son droit de faire contribuer le capitaine dans le cas dont il s'agit au procès ;

Attendu que par les dispositions de l'ordonnance de 1815, les voyages de Marseille à Bordeaux sont classés parmi ceux du grand cabotage ;

Sur les conclusions reconventionnelles de Postel contre Lercaro:

Attendu que Postel a justifié du déficit de 6,319 douelles réclamées par Lercaro; que ce dernier a été reconnu être sans droit contre lui ; que, dès-lors, il n'y a plus lieu de maintenir, sur le montant du fret, la retenue de 1,000 fr. qui avait été ordonnée par le Tribunal pour le cas d'un recours éventuel reconnu aujourd'hui ne pouvoir être exercé ;

Par ces motifs, — LE TRIBUNAL relaxe le capitaine Postel des conclusions prises contre lui, tant par Lercaro que par la compagnie d'assurances le Cercle commercial; condamne ladite compagnie à indemniser Lercaro de la perte de 6,319 douelles jetées à la mer, laquelle perte sera réglée d'après les conventions verbales du 20 novembre 1844 ; condamne Lercaro à payer au sieur Postel le complément du fret revenant à ce capitaine, soit la somme de 1,000 fr., avec les intérêts légitimes.

Du 16 mai 1845— M. CABROL, Juge-Pr. — MM. BRUNET et FABRE, Juges. — Plaid., MM. GUILLORIT et DE CHANCEL, Avocats, et SCHMIT, Agréé.

COMPÉTENCE. — REPRÉSENTANT. — COMMISSIONNAIRE. —. FAILLITE. — MARCHÉ.

La commission prise par le représentant qui n'a pas reçu le pouvoir d'engager sa maison, ne lie cette maison qu'autant qu'elle y donne son adhésion. Dès-lors, en cas d'acceptation , la promesse est réputée faite dans le lieu où réside la maison de commerce pour compte de laquelle l'ordre a été reçu.

Les contestations qui surviennent entre le commettant et le commissionnaire, à l'occasion d'un ordre de vente, peu-


( 130 ) vent être portées devant le Tribunal du domicile du commissionnaire , lorsque ce domicile se trouve être le lieu où la promesse a été faite et où la marchandise a été ou ouvrait dû être livrée.

Les dispositions du § 7 de l'art. 59 du Code de procédure civile, portant qu'en matière de faillite le défendeur devraêtre assigné devant le juge du domicile du failli, ne sont applicables qu'aux contestations nées de la faillite elle-même, et non point à celles dérivant de faits antérieurs (1). (Code de proc. civ., art. 59 et 420.)

SYNDIC GOURD AÎNÉ ET COMP.— C. — LEMONNIER FRÈRES.

Le syndic de la faillite des sieurs Gourd aîné et Comp., a fait appel du jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, du 6 février 1845, rapporté ci-avant, lre part., p. 65.

ARRÊT.

Attendu que l'appelant fonde son exception d'incompétence sur les art. 420 et 59 du Code de procédure civile ;

Attendu qu'il est dit, dans l'art. 420, que le demandeur pourra assigner, à son choix, le défendeur devant le Tribunal dans l'arrondissement duquel la promesse a été faite et la marchandise livrée ;

Que, dans le véritable sens de cet article, le mot promesse est général, et qu'il comprend toute convention de laquelle il résulte un engagement qui oblige celui qui l'a contracté ;

Attendu que Gourd, en donnant l'ordre à Lemonnier de vendre pour son compte, à Bordeaux, 200 pipes de 3/6, s'engageait à en faire la livraison à Bordeaux ;

Attendu que Ladevèze , par la seule qualité de commisvoyageur , n'avait pas de pouvoir pour obliger Lemonnier frères ; qu'il a reçu seulement de Gourd l'ordre qu'il s'est chargé de transmettre aux sieurs Lemonnier ; que c'était par l'acceptation de ces derniers que le contrat pouvait se for(1)

for(1) ci-avant, 1re part., p. 65. La première de ces questions a été jugée dans le même sens par la Cour, le S avril dernier, dans une affaire Chautrand contre Jollivct.


( 131 ) mer; que cette acceptation ayant été donnée à Bordeaux , c'est à Bordeaux que le contrat et la promesse ont eu lieu;

Attendu qu'il est certain , d'autre part, qu'en matière de commerce, le commissionnaire chargé de vendre ou d'acheter , est considéré comme véritable vendeur ou acheteur ; que la vente opérée par Lemonnier a été faite à Bordeaux ; que la marchandise devait être livrée à Bordeaux et être censée s'y trouver; qu'il est certain, d'autre part, que les sieurs Lemonnier devaient être remboursés à Bordeaux des avances résultantes de cette opération;

Attendu que, par tous ces motifs, les sieurs Lemonnier ont été fondés à porter leur action devant le Tribunal de commerce de Bordeaux , et à se prévaloir de l'art. 420 du Code de procédure civile ;

Attendu, quant à l'exception prise de l'art. 59 du même Code, que s'il y est dit qu'en matière de faillite l'assignation sera donnée devant le juge du domicile du failli, il faut qu'il s'agisse d'une action inhérente à la faillite et qui prend sa source dans la faillite elle-même; mais que cette disposition ne peut s'appliquer à une contestation qui a pour objet des droits acquis avant la faillite et qui en sont indépendants, tels que ceux, qui donnent lieu au procès actuel :

LA COUR met au néant l'appel interjeté par Bussy , en sa qualité de syndic de la faillite des sieurs Gourd aîné et Comp., du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bor-, deaux , en date du 6 février 1845.

Du 8 mai 1845. — lre Ch. — M. ROULLET, prem. Prés. •— Plaid., MM. GUIMARD et DESÈZE, Avocats.

CLAUSE COMPROMISSOIRE. — SOCIÉTÉ. — ARBITRAGE. — NULLITÉ.

La clause d'un acte de société, portant que les contestations qui pourraient s'élever entre les associés, à raison de la société, seront soumises à des arbitres chargés de juger en dernier ressort et comme amiables compositeurs, est vala-


(132) ble et doit avoir son effet, bien quelle ne désigne ni l'objet du litige, ni le nom des arbitres. (1). GAULON FILS ET BÉGON — C. — LA COMPAGNIE D'ARCACHON.

D'ARCACHON.

Le 16 mai 1841, les sieurs .Gaulon fils et Bégon forment, avec le gérant de la Compagnie d'Arcachon, une société en commandite, sous la raison Gaulon fils, Bégon et Comp., ayant pour objet la fabrication et la vente de la fécule de pommes de terre.

Il est convenu, dans l'acte de société, que les contestations qui s'élèveraient entre les associés seraient décidées en dernier ressort, sans recours en cassation ou requête civile, par arbitres amiables compositeurs.

Des contestations qu'il est inutile de rappeler ici ayant été soulevées entre les parties, les sieurs Gaulon fils et Bégon font assigner le sieur Euryale Cazeaux, gérant de la Compagnie d'Arcachon, en nomination d'arbitres, à l'effet de les juger conformément à la clause compromissoire insérée dans le pacte social.

On répond , dans l'intérêt de la Compagnie d'Arcachon, que le clause compromissoire est nulle aux termes de l'art. 1006 du Code de procédure civile, faute de désignation de l'objet du litige et du nom des arbitres.

On plaide que la jurisprudence adoptée par les Cours, au sujet des clauses compromissoires (2), est applicable en matière d'arbitrage forcé aussi bien qu'en matière d'arbitrage volontaire , parce que les raisons de décider sont les mêmes dans l'un et l'autre cas ; qu'en effet, la stipulation , souscrite par les associés dans l'objet d'étendre la juridiction des arbitres, constitue un véritable compromis qui, pour être valable, doit revêtir les formes voulues par la loi ; que les juridictions

(1) Cette décision nous paraît conforme à l'esprit de la loi. Voy. ce Recueil, 2me part., p. -101, deux arrêts qui consacrent la jurisprudence adoptée par le Tribunal.

(2) Voy. sur cette jurisprudence ce Recueil. 1844. 2. 11 et les décisions indiquées en note.


( 133 ) étant d'ordre public, les parties ne peuvent y apporter de modification en ce qui est laissé dans le domaine des conventions particulières qu'en vue d'une contestation née et en considération de juges connus.

JUGEMENT.

Attendu que le renvoi des parties devant arbitres est de droit, leur contestation étant entre associés pour raison de la société ;

Attendu que l'art. 52 du Code de commerce autorise la renonciation des associés à l'appel et au pourvoi en cassation, sans proscrire celle aux autres voies de recours ;

Attendu qu'en matière de différends entre associés à raison de leur société, les modifications conventionnelles du mode de constitution du Tribunal arbitral, et la faculté donnée aux juges le composant de prononcer sans formalités judiciaires, comme amiables compositeurs , prorogent, sans la dénaturer, la mission des arbitres qui conservent le caractère d'arbitres forcés ;

Attendu , dès-lors , que les stipulations insérées par les parties dans l'art. 27 de leur acte de société, et qui rentrent dans leurs conventions sociales, ne peuvent être réputées nulles, faute d'avoir vêtu les dispositions de l'art. 1006 du Code de procédure, lesquelles sont inapplicables en matière d'arbitrage forcé ;

Par ces motifs, — LE TRIBUNAL , sans s'arrêter aux exceptions des défendeurs, renvoie les parties devant trois arbitres amiables compositeurs, jugeant en dernier ressort, sans appel en cassation ni requête civile, dispensés du serment et de toute formalité judiciaire, qui ne pourront, dans aucun cas, changer l'essence de la société, et nommés , l'un par les demandeurs, l'autre par les défendeurs, et le troisième, en cas de dissentiment sur son choix, par M. le Président du Tribunal de commerce, à la requête de la partie la plus diligente.

Du 23 mai 1845. —M. CABROL, Juge-Prés. — MM. BRUNET, PRÉCLOS et FABRE, Juges,— Plaid., MM. WORMS et FAYE, Avocats.


( 134 )

TRANSPORT PAR EAU. —VOITURIER. VOYAGE DE CONSERVE. — MANIFESTE.— NAUFRAGE; — RESPONSABILITÉ. — FRAIS DE TRANSPORT. — SAUVETAGE. — INDEMNITÉ.

La circonstance qu'il n'a été dressé qu'un seul manifeste pour les marchandises chargées à bord de plusieurs bateaux destinés à voyager de conserve et à ne former qu'un seul convoi, ne suffit pas pour faire laisser à la charge du patron les conséquences du naufrage de l'un des bateaux occasionné par la. force majeure (1).

En cas de naufrage de leurs bateaux, les maîtres ou patrons sont tenus, sans rétribution spéciale, de donner et de faire donner par les gens de leur équipage, les soins et le temps nécessaires au sauvetage des marchandises.

En matière de navigation fluviale, il y a lieu, en l'absence de dispositions particulières, de faire, au cas de naufrage, l'application des principes du droit maritime en ce qui touche le sauvetage et les frais de transport. ( Code de comm., art. 296, 302, 303, 393 et 403).

DURBAN ET CHAUBET — C. — DUVERGIER JEUNE , BASSIÉ ET COMP.

Cinq bateaux , appartenant aux patrons Durban et Chaubet, partent de Gaillac, chargés de marchandises à la destination de Bordeaux.

Ils naviguent de conserve et ne forment qu'un seul convoi.

A cause de cette circonstance, il n'avait été dressé qu'un seul manifeste pour l'ensemble du chargement des cinq bateaux.

Il était compris dans ce chargement 221 barriques de vin chargées par le sieur Gauber. à l'adresse de la maison Duvergier jeune, Bassié et Comp., de Bordeaux.

(1)Voy. ce Recueil, 1844. 1. 188.


( 135 )

Le 19 avril 1845, le convoi étant devant Marmande, l'un des cinq bateaux, surpris sous le pont par la violence des courants, est poussé sur le pont de barrage du moulin de Bordes, contre lequel il se brise l'avant. L'équipage parvient au moyen de câbles à faire échouer devant le port de Couthures, le bateau subitement envahi par les eaux, mais les marchandises s'en vont en dérive.

Le patron Durban se rend le même jour devant M. le juge de paix de Marmande pour lui faire son rapport.

Ce magistrat se porte aussitôt sur les lieux du sinistre, y reçoit les déclarations de l'équipage et des témoins de l'événement qui confirment les dires du patron Durban.

Les gens de l'équipage et des hommes pris sur les lieux procèdent au sauvetage.

Quatre barriques de vin appartenant à la maison Duvergier jeune, Bassié et Comp., se trouvent manquer,

Le patron Durban loue des bateaux pour conduire les marchandises sauvées à Bordeaux.

Des difficultés ayant été soulevées entre les patrons et les destinataires au sujet du fret et des frais de sauvetage, les sieurs Durban et Chaubet font assigner la maison Duvergier , Bassié et Comp. en paiement de la somme de 553fr., pour prix de transport, et celle de 111 fr. 48 c. pour sa quotepart dans les frais de sauvetage, dont ils ont établi un compte.

Dans l'intérêt de la maison Duvergier jeune, Bassié et Comp. on soutient qu'alors même que le sinistre, arrivé le 19 avril, serait dû à une force majeure, les demandeurs ne pourraient s'en prévaloir par le motif que le patron du bateau naufragé n'était pas muni d'un manifeste ou lettre de voiture indiquant la nature et la quantité des marchandides chargées à son bord ; que cette circonstance doit même faire laisser à là charge des sieurs Durban et Chaubet, la perte des quatre barriques de vin non arrivées à destination , parce que rien ne justifie qu'elles aient été chargées sur le navire naufragé , et que par suite la perte en soit due au-sinistre.

Quant aux frais de sauvetage et au prix du transport, on


( 136 ) dit que les destinataires ne doivent les payer que dans les proportions déterminées par le Code maritime pour les cas analogues dans la grande navigation.

On répond, dans l'intérêt des sieurs Durban et Chaubet, que les cinq bateaux pour lesquels un seul manifeste a été dressé étant destiné à faire partie d'un même convoi, leurs chargements partiels ne devaient être considérés que comme un seul et même chargement dont la justification pouvait être faite par un même inventaire ;

Que les maîtres de bateaux , navigant dans les fleuves, étant de simples voituriers par eau, on ne peut leur appliquer des dispositions faites uniquement pour la navigation maritime; qu'il est juste, nonobstant l'événement de force majeure, qu'on leur paye le.transport convenu ; qu'ils ont droit en outre, à être indemnisés du temps qu'ils ont consacré au sauvetage, et remboursés des avances qu'ils ont faites pour sauver et conserver les marchandises.

JUGEMENT.

Attendu que, d'après le procès-verbal émané de M. le juge de paix de Marmande, à la suite d'un transport sur les lieux, il appert que la sapine, sous la conduite d'un préposé des demandeurs, a été, par la violence des eaux, submergée devant ladite ville à la date du 19 avril dernier ;

Attendu que la circonstance d'une navigation de conserve entre le bateau qui a péri et quatre autres du même convoi explique, en l'atténuant, le défaut de lettres de voiture spéciales à la sapine naufragée ;

Mais attendu qu'en leur absence, les renseignements et justifications résultant du procès-verbal précité, ainsi que des certificats produits, ne suffisent point pour mettre, dès à présent, le Tribunal en mesure de faire, à l'audience, droit aux parties;

Attendu qu'un renvoi devant experts devient donc indispensable; que, toutefois, il convient de fixer ici les bases d'après lesquelles devront procéder les experts constitués ;


( 137 )

Attendu que de plein droit, et sans rétribution spéciale, Durban et Chaubet se trouvaient, autant qu'il était en leur pouvoir, tenus de donner et de faire donner, par les gens de leur équipage, les soins et le temps nécessaires au sauvetage du chargement naufragé ;

Attendu, au surplus, qu'on ne peut encore, bien qu'il s'agisse d'apprécier les conséquences d'un accident de navigation fluviale, rendre meilleure justice aux intéressés qu'en faisant, conformément à divers précédents judiciaires, application, par analogie aux circonstances de la cause, des usages et principes généraux de raison et d'équité consacrés en matière de grande navigation ;

Par ces motifs,—LE TRIBUNAL, avant faire droit, moyens et exception des parties réservés, les renvoie-devant un ou trois experts convenus, à défaut nommés d'office, lesquels (s'ils n'en sont dispensés) prêteront, avant d'opérer, serment devant M. le président du Tribunal commis pour le recevoir ;

Donne pour mission aux experts d'examiner, à la vue de tous documents produits ou à produire, et d'arrêter le compte de transport et sauvetage de marchandises dressé par les demandeurs;

Enjoint aux experts d'adopter, dans le cours de leur travail, les bases suivantes:

1° Remboursement aux bateliers de la part proportionnelle de Duvergier jeune, Bassié et Comp., dans l'ensemble des frais de location de bateaux, gratifications de sauvetage, journées des hommes étrangers à l'équipage appelés à prendre part à celte opération, journées des hommes de l'équipage qui ont conduit à destination les bateaux loués, le tout à concurrence de ce que Durban et Chaubet ont dû réellement débourser, et eu égard à la quotité des marchandises que les défendeurs amendaient dans la totalité de celles sauvées après naufrage

2° Acquittement intégral de la Voilure convenue sur la marchandise remise sans avoir été naufragée ; acquittement

Année 1845. — 1re parl. 12


( 138 ) proportionnel au parcours jusqu'à Marmande de la voiture convenue sur la marchandise remise après avoir été comprise dans le sinistre ;

3° Non remboursement des journées des hommes de l'équipage durant le sauvetage ;

4° Non acquittement de la voiture afférente aux marchandises perdues ;

Pour, sur le rapport des experts, être ultérieurement statué , dépens réservés.

Du 19 mai 1845.—M. BRUNET, Juge-Prés.—Mil. PRÉCLOS et FABRE, Juges. — Plaid,, MM. DERRATTER et BADIN, Agréés.

SAISIE CONSERVATOIRE. — ORDONNANCE. — OPPOSITION. — COMPÉTENCE. —TRIBUNAL DE COMMERCE.

L'ordonnance qui autorise la saisie conservatoire est compêtemment rendue par le président du Tribunal de commerce dans le ressort duquel se trouve la marchandise, objet de la saisie.

Le Tribunal de commerce est compétent pour statuer sur l'op. position à l'ordonnance de son président qui autorise la saisie conservatoire, bien qu'aucune des parties ne soit domiciliée dans son ressort. Il peut même dans ce cas, sans porter atteinte aux règles de la compétence, accorder un délai à la partie saisie pour justifier de la libération. (1) (Code de proc. civ., art. 417)

GILBERT FAUCHÉ. — C. — GUILLET ET RAYNAUD.

Au commencement de janvier 1845, les sieurs Guillet et Raynaud, de Lyon, rencontrent, à Libourne, Gilbert Fauché, colporteur, de Murat, département du Cantal, qu'ils soutiennent être leur débiteur d'une somme de 1,483 fr. 30 c. pour solde de marchandises à lui livrées.

(1) Voy. ce Recueil, 1844. 1. 128.


( 139 )

Ils présentent à M. le président du Tribunal de commerce de Libourne, une requête à l'effet d'être autorisés à faire saisir conservatoirement des marchandises que le sieur Fauché se trouvait avoir dans cette ville.

En vertu d'une ordonnance conforme de ce magistrat ils font procéder, le 8 janvier, à la saisie gagerie, et, le même jour, ils font assigner le sieur Fauché devant le Tribunal de commerce de Libourne en paiement de la somme de 1,483 fr. 30 c.

Le sieur Fauché fait assigner, de son côté, les sieurs Guillet et Raynaud pour voir statuer sur l'opposition qu'il a formée à l'ordonnance autorisant la saisie conservatoire, et pour s'entendre condamner à 2,000 fr. de dommages-intérêts.

L'opposition du sieur Gilbert Fauché est fondée sur ce que M. le président du Tribunal de commerce de Libourne était incompétent pour autoriser la saisie conservatoire, par le motif qu'aucune des parties n'était justiciablede ce Tribunal, et ne se trouvait dans aucun des cas d'exception aux règles de la compétence qui sont d'ordre public.

Il décline par le même motif la compétence du Tribunal, en ce qui touche la demande en condamnation formée contre lui.

Le 11 janvier 1845, le Tribunal' se déclare compétent, maintient l'ordonnance de son président, accorde au sieur Fauché quinzaine pour rapporter la preuve de sa libération, ordonne que les sieurs Guillet et Raynaud fourniront dans le délai de huitaine, bonne et valable caution pour les frais de l'instance et pour tous les préjudices qui pourraient s'ensuivre de la saisie pour le sieur Fauché, s'il venait à être re laxé.

Le sieur Fauché fait appel de ce jugement ; il insiste sur les moyens présentés devant les premiers juges , et soutient qu'ils ont violé les règles de la compétence en lui imposant l'obligation de justifier dans quinzaine de sa libération.


( 140 ) ARRÊT.

En ce qui touche la compétence du président du Tribunal de commerce :

Attendu que précisément elle résulte de ce qu'il était celui du Tribunal dans l'arrondissement duquel se trouvaient les effets mobiliers qui ont été frappés de saisie ; que le cas requérant célérité, ce n'était que par ce président que la permission de saisir pouvait être accordée ;

En ce qui touche la compétence du Tribunal :

Attendu que, sur l'opposition à l'ordonnance, il a dû nécessairement en connaître ; qu'il était compétent par le même motif que son président ; que l'appelant n'est pas fondé à attaquer la disposition portant confirmation de ladite ordonnance ; qu'elle est intervenue dans les termes et suivant les conditions de l'art. 417 du Code de procédure civile;

Attendu qu'après avoir maintenu l'ordonnance, le Tribunal s'est borné à accorder à Gilbert Fauché quinzaine pour justifier de sa libération; que celte disposition ne saurait porter atteinte aux règles de la compétence ; qu'elle est même favorable, en ce qu'elle laisse au saisi la facilité d'abréger la durée des effets de la mesure conservatoire ;

LA COUR met au néant l'appel que Gilbert Fauché a interjeté du jugement du Tribunal de commerce de Libourne, en date du 11 janvier dernier.

Du 2 mai 1845. — 2me Ch. — Prés., M. POUMEYROL. — Concl., M. PEYROT, subst, du Proc.-gén, — Plaid., MM. PRINCETEAU et MÉRAN, Avocats.

ARMATEUR. — RESPONSABILITÉ. — ACTE DE FRANCISATION. — FOURNISSEURS.

Celui qui figure sur l'acte de francisation, comme propriétaire du navire, esf tenu au paiement des fournitures faites au capitaine pour les besoins du navire et de Vex-


( 141) pèdition, bien qu'il ne soit en réalité que simple créancier gagiste (1), mais sa responsabilité cesse à l'égard du fournisseur qui a traité directement avec le propriétaire réel du navire qu'il a connu pour tel et qu'il a accepté pour débiteur. (2) ( Code de comm., art. 216).

ALEM — C. — LACOIN ET COMP.

Dans le courant de l'année 1843 et au commencement de l'année 1844, les sieurs Lacoin et Comp. font des fournitures pour, l'équipement du'navire le Léon, capitaine Lorin, appartenant au sieur Fréchon fils, mais dont l'acte de francisa-- tion était sous le nom du sieur Alem, de Bordeaux.

Les comptes de ces fournitures visés par le capitaine s'élèvent, pour l'année 1843, à 3,067 fr. 91 c, et, pour l'année 1844, à 1,832 fr. 18 c, ensemble à 4,200 fr. 09 c.

Le 27 avril 1844, les sieurs Lacoin et Comp. font assigner le sieur Alem devant le Tribunal de commerce de Bordeaux, en paiement de cette somme, comme responsable, aux termes de l'art. 216 du Code de commerce, des faits du capitaine pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition.

Le sieur Alem résiste à la demande : il dit qu'il n'est pas propriétaire du navire le Léon ; que ce navire appartient au sieur Fréchon fils ; que si son nom a figuré sur l'acte de francisation, ce n'était qu'à titre de garantie pour des avances faites à ce dernier ; qu'il n'a ni demandé ni autorisé la livraison des fournitures dont on lui réclame le paiement ; que l'on est par suite sans action contre lui.

Il ajoute que les sieurs Lacoin et Comp. ne pourraient se prévaloir contre lui de la responsabilité légale résultant de ce que son nom a figuré sur l'acte de francisation, parce

(1) Voy. dans ce sens, ce Recueil, 1844. 1. 33 et 50 ; 1844. 1. 25.0; 1842. 1. 10, et 1841. 1. 145 et 230.

(2) Cette décision consacre l'opinion que nous avons émise dans ce Recueil, année 1843. 2. 74, en rendant compte d'une des nombreuses difficultés auxquelles a donné lieu la navigation du navire la Justine.


f 14-2 )

qu'ils ont su que le navire appartient au sieur Fréchon fils ; qu'ils ont traité avec ce dernier pour les fournitures faites, et l'ont agréé pour leur débiteur.

Le 29 avril 1844, le Tribunal condamne le sieur Alem à payer par les motifs suivants :

a Attendu que l'acte de francisation du navire le Léon constate que le sieur Alem aîné, défendeur, est propriétaire de ce bâtiment ;

» Attendu qu'aux termes de l'art. 216 du Code de commerce, tout propriétaire du navire est civilement responsable des faits du capitaine pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition ;

)) Attendu que les fournitures faites par les sieurs Lacoin et Comp. pour l'équipement du navire le Léon l'ont été avec l'assentiment du sieur Lorin, capitaine de ce navire, et que l'on n'en conteste ni la convenance, ni le prix ;

» Attendu qu'il n'est pas justifié que les sieurs Lacoin et Comp. aient accepté pour débiteur de la somme par eux réclamée, le sieur Fréchon fils auquel appartiendrait en réalité le navire le Léon, d'après ce qui a été plaidé par le sieur Alem. »

Appel de la part du sieur Alem.

Devant la Cour, il insiste sur le dernier moyen présenté devant les premiers juges, et établit les faits sur lesquels il se fonde.

ARRÊT.

Attendu que, suivant l'art. 216 du Code de commerce, tout propriétaire de navire est civilement responsable des faits du capitaine, pour ce qui est relatif au navire et à l'expédition ;

Attendu que celui-là est reconnu propriétaire du Davire qui est constitué tel par l'acte de francisation ;

Attendu que cette désignation sur l'acte de francisation peut être simulée entre le propriétaire véritable du navire et le. propriétaire apparent , lorsqu'ils sont convenus d'em-


( 143 ) ployer ce moyen pour garantir le propriétaire apparent des avances faites sur le navire à celui qui en est cependant propriétaire et qui conserve cette propriété à ses risques et périls ;

Attendu que cette convention peut avoir son exécution entre les parties qui l'ont consentie; mais qu'à l'égard des tiers qui n'y ont pas participé, le principe posé par l'art. 216 du Code de commerce doit avoir tout son effet ;

Attendu qu'en thèse générale, le propriétaire déclaré dans l'acte de francisation est présumé , à l'égard des tiers , véritable propriétaire, et tenu en cette qualité des faits du capitaine pour tout ce qui est relatif au navire et à l'expédition ;

Qu'il faut reconnaître en même temps que ce n'est là qu'une présomption fondée sur la bonne foi des tiers, et qui peut disparaître par une preuve contraire à eux légalement acquise;

Attendu que, s'il est prouvé que les tiers ont connu la simulation pratiquée entre le propriétaire apparent et le propriétaire véritable du navire ; qu'ils ont voulu, en pleine connaissance de cause , traiter, non avec le propriétaire apparent, mais personnellement avec le propriétaire réel, non désigné dans l'acte de francisation, ils ne peuvent se prévaloir d'une simulation dont ils ont connu la nature et admis les conséquences ;

Attendu que, dans l'espèce, Lacoin et Comp. n'ont point traité avec Alem, mais directement et personnellement avec Fréchon fils ; qu'ils l'ont reconnu, comme il l'était en effet, pour propriétaire du navire le Léon; que cela résulte, d'une manière formelle, de leur lettre à Fréchon fils, du 23 janvier 1843 ; qu'ils y reconnaissent que le Léon est son navire ; que c'est pour son navire que les fournitures de cordages ont été faites ; qu'ils lui ont fourni leur compte qu'il leur a remis, après l'avoir approuvé, ainsi que cela avait été convenu, et que ce compte est payable au retour du navire en France ; que Fréchon leur a fait son billet dont


( 144 ) ils ont accepté le renouvellement; qu'enfin, une fois le montant des fournitures de cordages acquitté, Fréchon ne devra plus rien ;

Attendu qu'Alem aîné n'a nullement figuré dans cette transaction ; que rien n'y indique qu'il ait voulu s'obliger, soit directement, soit indirectement, par l'intermédiaire du capitaine, envers Lacoin et Comp. ;

Attendu qu'il en est ainsi de la part de ces derniers, à l'égard d'Alem aîné ; que dès-lors aucune obligation n'a pu intervenir entre eux ;

Attendu qu'au lieu de cela , Lacoin et Comp. ont accepté Fréchon pour leur seul débiteur ; que, dès-lors, ils ne peuvent exciper d'une simulation qui leur a été inconnue, qui n'a été d'aucun effet à leur égard, et qui ne leur a porté aucun préjudice; que, dans cette situation, la présomption établie par l'art. 216 du Code de commerce, pour l'obligation résultante du fait du capitaine , ne peut avoir lieu contre le propriétaire désigné dans l'acte de francisation, parce que le propriétaire véritable a été reconnu par Lacoin et Comp., et parce que c'est avec lui seul qu'ils avaient contracté :

LA COUR, faisant droit de l'appel interjeté par Alem aîné, du jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, du 29 avril 1844, émendant, relaxe Alem aîné des demandes, fins et conclusions de Lacoin et Comp. ; condamne ces derniers, par les voies de droit et par corps , à rembourser à l'appelant la somme de 4,200 fr. 09 c. avec les intérêts à 6 p. 100 depuis le 7 juin 1844.

Du 28 avril 1845. — 1re Ch. — Prés., M. ROULLET, prem. Près. — Plaid., MM. VAUCHER et LACOSTE, Avocats.


( 145 )

ASSURANCE. — RÉTICENCE. — NULLITÉ. — PRIME. — TAUX. — COURTIER. — PREUVE. — LETTRE D'ORDRE.

Celui qui, faisant assurer un navire pour des Bermudes aller au Havre, laisse ignorer aux assureurs que le navire est parti depuis plus d'un mois et demi des Bermudes, où il s'était réfugié pour réparer des avaries, commet une réticence de nature à diminuer l'opinion du risque et à entraîner la nullité de la police.

L'augmentation dans le taux ordinaire de la prime n'est pas une présomption que l'assureur a eu l'opinion exacte du risque, lorsque cette augmentation s'explique parla côte du navire.

La déclaration du courtier d'assurance qui affirme avoir communiqué là lettre d'ordre à l'assureur, ne peut prévaloir contre la dénégation de celui-ci, alors qu'en négociant l'assurance il a agi comme mandataire de l'assuré (1). (Code de comm., art. 348).

VEUVELECAN. — C. — LES ASSUREURS.

Le 12 mai 1843, M. Millet Saint-Pierre, courtier au Havre, écrità M. Dupré, courtier d'assuranceà Bordeaux, la lettre suivante :

Veuillez faire assurer, au nom deM. Lecan, 10,000 fr. sur valeur totale agréée pour 15,000 fr., sur corps, quille, agrès, etc. de l'Amanda, capitaine Coisy, pour le voyage des Bermudes au Havre. Ce navire est de vôtre port ; le capitaine précédent se nommait Leroy, et je crois que les armateurs étaient MM. J. Maurel et Comp. En son trajet de Galveston au Havre, YAmanda toucha près des Bermudes et s'y réfugia. Il y a été réparé et se disposait à partir en mars. Vous pouvez donner jusqu'à 2 p. 100.

Voy ce volume, 2e part., p. 46, et les notes Année 1845 , î pari. 13


( 146 )

» Persuadé de la réserve que vons apporterez dans la concession du taux de la prime, et voulant éviter les retards de correspondance en cas d'obstacle, j'augmente d'un quart pour cent la latitude pour l'Amanda dont je vous parle cidessus, et vous pourrez, en cas de nécessité, aller jusqu'à 2 1/4 p. 100. »

Le 15 du même mois de mai, M. Dupré fait, en effet, assurer par la compagnie hollandaise, sous le nom de M. Lecan, 10,000 fr. sur corps, quille , agrès et apparaux du navire l'Amanda ,valeur agréée de 15,000 fr., pour des Bermudes venir au Havre.

La prime est fixée à 2 p. cent.

Le 7 mai 1845, la veuve du sieur Lecan fait signifier à la compagnie le délaissement du navire assuré pour défaut de nouvelles depuis plus de deux ans.

La compagnie refuse d'accepter le délaissement et soutient que la police est nulle pour cause dé réticence, attendu qu'on ne lui avait pas fait connaître lors de l'assurance que le navire eût relâché aux Bermudes pour s'y réparer, et qu'il en était parti depuis le mois de mars 1843.

La dame Lecan l'a fait alors assigner en validité de l'abandon et en paiement de la somme assurée.

On plaide, dans son intérêt, que le fait d'avoir laissé ignorer que le navire devait être parti depuis environ un mois et demi des Bermudes, ne constituerait pas une réticence de nature à diminuer l'opinion du risque;

Mais que ledépart du navire a été connu au moment du contrat par la compagnie, parce que la lettre d'ordre du 12 mai 1843 a été communiquée au sieur Daubinchar, son directeur, par M. Dupré, courtier maritime ;

Que cela est attesté par M. Dupré lui-même, à la parole duquel foi doit être accordée à cause du caractère dont il est revêtu ;

Que la preuve que la compagnie a eu une opinion exaete du risque, résulte encore du fait que le taux de la prime est


( 147 supérieur à celui ordinairement stipulé pour le voyage qui était assuré.

JUGEMENT.

Attendu qu'aux termes du contrat d'assurance du 15 mai 1843, le navire l'Amanda, capitaine Coisy, estimé degré à gré 15,000 fr., a été assuré sur corps et dépendances pour une somme de 10,000 fr. pour le voyage des Bermudes au Havre, sans aucune indication susceptible de modifier l'opinion d'un risque ordinaire pour le voyage indiqué ;

Qu'il est certain cependant qu'au moment où ce risque était offert, l'assuré n'ignorait pas que le navire l'Amanda ne s'était réfugié aux Bermudes qu'après un échouement ayant occasionné des avaries, et que, lors même que son départ des Bermudes, annoncé pour le mois de mars, n'aurait eu lieu que vers la fin de ce mois, l'Amanda avait déjà au 15 mai une traversée excédant la durée ordinaire du voyage des Bermudes au Havre ;

Attendu que Daubinchar, au nom qu'il agit, déclare que la notification de ces faits ne lui a jamais été faite, et qu'il les ignorait complètement au moment de la souscription du risque;

Attendu que ces faits sont graves, et de nature à changer l'opinion du risque ; que la preuve de leur dénonciation incombe à l'assuré, et qu'elle ne résulte pas suffisamment dos présomptions et documents présentés par celui-ci pour tenir lieu de preuve directe ;

Qu'en effet, le taux de la prime exigé et obtenu par Daubinchar, alors même qu'il excéderait, ainsi qu'il a été dit., de.1/2 p. cent le cours ordinaire, s'expliquerait au besoin par la vétusté relative et la cote, du navire (construction 1831, cote 3/4. 2. 1.), tandis qu'une telle augmentation pouvait être jugée insuffisante comme compensation du risque dans les circonstances indiquées; que la déclaration du sieur Dupré, bien qu'émanant d'un courtier juré d'assurances , peut être considérée comme une déclaration dans sa propre


( 148 ) cause j puisqu'aux termes de la lettre d'ordre communiquée au Tribunal, ledit sieur Dupréjeune, courtier d'assurances, était en même temps le mandataire de l'assuré ; que sa double qualité se confond dans ses actes ; que s'il y a eu erreur par défaut de notification de la part de l'assuré, cette erreur lui serait tout particulièrement impotable et que nul ne peut valablement se faire un titre à lui-même ;

Attendu que c'est à celui qui se fait assurer à présenter d'une manière claire et précise l'objet de l'assurance, et que toute erreur doit rester à sa charge (Boulay-Paty, Commentaires sur le Traité d'assurances d'Emérigon, vol. 1, p. 160);

Par ces motifs,

Le Tribunal, appliquant à la cause les dispositions de l'article 348 du Code de commerce,

Dit qu'il y a eu réticence dans les énonciations qui ont précédé le contrat d'assurance, du 15 mai 1843, relatif au navire l'Amanda; déclare nul et de nul effet ledit contrat, relaxe, en conséquence, la compagnie défenderesse des conclusions prises contre elle par la dame veuve Lecan.

Du 15 juillet 1845. — M. BRUNO DEVÈS, Prés. — MM. BRUNET et CASTLLLION, Jug. — Plaid., MM. HAGARDE et DE CHANCEL, Avocats.

BILLET A DOMICILE. — BEMISE DE PLACE EN PLACE. — VALEUR EN MARCHANDISE. CONTRAINTE PAR CORPS.

Le billet à ordre souscrit sur une place et payable dans une autre, contient une remise de place en place, et entraîne par suite la contrainte par corps, bien qu'il soit causé valeur reçue en marchandise, s'il a été fait au domicile réel du souscripteur (1). (Code de comm., art. 637.)

(1)Voy. ce Recueil, 1844. 1. 257, et les renvois. Nous avons déjà fait observer plusieurs fois que le billet à domicile n'est un acte de commerce entre toutes personnes qu'autant qu'il est l'expression d'une remise d'argent faite de place en place, parce que ce n'est qu'à cette


( 149 ) BERRY. - C. — MARTIN.

Le 5 décembre 1844, le sieur Martin souscrit à Castillon, lieu de son domicile, un billet de 1,000 fr. à l'ordre du sieur Semirat, valeur reçue en marchandise et payable au 20 mars 1845.

Ce billet porte la mention suivante écrite par le sieur Martin :

« Mon domicile, chez Nicolet, hôtel des Voyageurs, rue du Pont-de-la-Mousque, à Bordeaux. »

Le sieur Berry, porteur du billet à son échéance, le fait protester faute de paiement à ce domicile.

Le 3 avril, il obtient du Tribunal de Bordeaux un jugement par défaut qui condamne le sieur Martin au paiement par les voies de droit et par corps.

remise, considérée comme opération de change , que l'art. 632 du Code de commerce attribue le caractère commercial. Nous ne croyons pas que le billet à domicile causé valeur en marchandises exprime une remise d'argent faite de place en place. La circonstance que le billet aurait été souscrit au domicile réel du souscripteur, nous semble devoir être sans influence ; en premier lieu, parce que le billet, causé valeur en marchandises, n'est, en dehors de la forme du titre, que la reconnaissance d'une dette résultant d'un marché, et que la circonstance que le paiement doit être fait dans un lieu autre que celui où le titre est souscrit, ne peut changer la nature de l'obligation primitive ; en second lieu, parce qu'aux termes de l'art, 1 247 du Code civil, le domicile du débiteur n'est le lieu du paiement qu'autant que la convention n'en désigne pas un autre, et que le billet à domicile, causé valeur en marchandise, est présumé de droit indiquer simplement le lieu de paiement convenu au marché dont il est l'exécution ou la conséquence.

Nous devons dire cependant que, dans la cause, la contrainte par corps a été prononcée à bon droit, parce qu'il résultait de l'enquête, et de divers documents lus au Tribunal, que le sieur Martin se livrait à des actes nombreux de commerce, à l'époque où il a souscrit le billet dont on lui réclamait le paiement, et que la circonstance que ce billet était causé valeur en marchandise, prouvait qu'il se rattachait à un de ces actes.


( 150 )

Le sieur Martin fait opposition au jugement dans le chef qui prononce la contrainte par corps.

Le 27 mai, le Tribunal admet le sieur Berry à prouver tant par titres que par témoins que le sieur Martin se livre habituellement à des actes de commerce.

Après l'enquête, les parties reviennent à l'audience pour plaider au fond.

Le sieur Berry soutient qu'il résulte suffisamment de l'enquête la preuve que le sieur Martin s'est livré habituellement à des actes de commerce, mais qu'alors même que cette preuve manquerait, il serait soumis à la contrainte par corps à raison même du titre pour lequel il a été pris condamnation.

Qu'en effet, le billet sur lequel repose la demande ayant été souscrit à Castillon pour être payé à Bordeaux, contient une remise de place en place qui, aux termes de l'art. 632 du Code de commerce, constitue un acte de commerce entre tou tes personnes.

Le sieur Martin répond que l'enquête ne fait pas la preuve offerte, et que le billet par lui souscrit ne contient pas une remise d'argent faite de place en place, parce qu'il est causé valeur en marchandise.

JUGEBIENT.

Attendu que le billet qui sert de base à la demande a été souscrit par Martin, à Castillon, lieu de son domicile; que, d'après la règle ordinaire, la somme pour laquelle Martin s'est obligé aurait dû. être payée à Castillon ; que cependant il s'est engagé à la payer à Bordeaux; qu'il y a, dès-lors, aux termes de ce billet, remise d'argent de place en place dans le sens de la loi ;

Attendu que, suivant les dispositions de l'art. 632 du Code de commerce, les remises d'argent faites de place en place sont réputées actes de commerce ;

Attendu, au surplus, qu'il résulte de l'enquête, qu'à diverses époques Martin s'est livré à des opérations de commerce ;


( 151 )

Attendu que, d'après la loi du 17 août 1832, la contrainte par corps doit être prononcée contre toute personne dont l'engagement a pour cause un acte de commerce ;

Par ces motifs,

Le Tribunal, vidant l'interlocutoire porté par son jugement du 27 mai dernier, et statuant au fond sur l'opposition formée par Martin envers le jugement du 3 avril précédent, sans s'arrêter à l'exception de Martin, ordonne que ledit jugement sera exécuté selon sa forme et teneur.

Du 1er juillet 1845. —M. BRUNO DEVÈS , Prés.— MM. LOPES-DUBEC, BRUNET, CASTILLON et ASSIER, Juges, Plaid,, MM, BADIN , Agréé, et LAFFITTE , Avocat.

PILOTAGE. — CABOTAGE.— NAVIRE JAUGEANT PLUS DE 110 TONNEAUX.— DROITS.

Les dispositions du règlement des pilotes, approuvé enl844, qui soumettent à des droits fixes les navires jaugeant de 80 à 110 tonneaux et faisant liabituellement le +cabotage d'un port français à un autre port français, sont limitatives. On ne peut, par suite, en faire l'application aux navires jaugeant plus de 110 tonneaux.

GOYAU. — C. — BRIDON,

Le règlement des pilotes, approuvé le 23 novembre 1844, contient une disposition ainsi conçue :

« Les bâtiments français de 80 à 110 tonneaux, faisant habituellement le cabotage d'un port français à un autre port français, ce qui comprend la Méditerranée aussi bien que l'Océan, paieront une taxe fixe, savoir :

Pour les navires de 80 à 90 tonneaux exclusivement, 20 fr. par pilotage, quel que soit leur tirant d'eau.

» Pour ceux de 90 à 100 tonneaux , 25 fr. par pilotage, quel que soit leur tirant d'eau. »

En avril 1845, le capitaine Goyau conduit de Bordeaux


( 152 ) à La Roque le navire la Seine, capitaine Guinard, faisant habituellement le cabotage de Bordeaux au Havre.

La jauge de ce navire est de 171 tonneaux, et son tirant d'eau est de 3 mètres 8 centimètres.

Le sieur Goyau réclame du sieur Bridon, armateur du navire la Seine, 39 fr. 60 c. pour droit proportionnel de pilotage, calculé d'après la jauge et le tirant d'eau du navire.

Le sieur Bridon ne voulant lui payer que le droit fixe de 25 fr., il le fait assigner en paiement de la somme par lui réclamée.

Le sieur Bridon insiste ; il soutient que lé nouveau règlement des pilotes soumet sans restriction à un droit fixe tout navire français faisant habituellement le cabotage d'un port français à un autre port français ; que l'on ne s'est occupé du tonnage que pour déterminer les droits fixes de 20 à 25 fr.;

Que si on avait voulu soumettre au droit proportionnel les navires caboteurs jaugeant plus de 110 tonneaux, on aurait dû l'exprimer formellement ;

Qu'il a remarqué que, dans la disposition invoquée, l'expression restrictive, exclusivement, placée après ces mots : pour les navires de 80 à 90 tonneaux, n'est pas reproduite après ceux-ci : pour ceux de 90 à 110.

JUGEMENT.

Attendu que l'ancien règlement pour le pilotage n'établissait aucune distinction entre les bâtiments naviguant au long cours et les caboteurs, dans les cas où ceux-ci n'étaient pas dispensés de l'obligation de prendre un pilote; que les uns et les autres étaient assujétis au même droit calculé d'après le tirant d'eau ;

Attendu que s'il est vrai que le nouveau règlement a dérogé à l'ancien en disposant que les bâtiments français de 80 à 110 tonneaux, faisant habituellement le cabotage d'un port français à un autre port français, ne paieront qu'une taxe fixe, savoir : ceux de 80 à 90 tonneaux exclusivement, 20 fr. pour pilotage, et ceux de 90 à 110 tonneaux, 25 fr.


( 153 ) également pour pilotage, quel que soit le tirant d'eau, cette dérogation ne doit pas être étendue au-delà des limites qu'on a voulu fixer et 'qui ont été clairement précisées; qu'elle ne saurait dès-lors profiter à. un navire jaugeant, comme celui du défendeur, plus de 110 tonneaux, et qu'on reconnaît avoir le tirant d'eau indiqué par l'exploit introductif d'instance; qu'en désignant le tonnage des caboteurs qui jouissent du bénéfice de la taxe fixe, il était superflu d'ajouter dans le règlement que ceux dont la jauge dépasserait ce tonnage continueraient à payer le droit ordinaire ; que s'il peut exister le moindre doute à cet égard, il suffirait, pour le faire entièrement disparaître, de rappeler que la commission , sur la proposition de laquelle fut insérée, dans le règlement approuvé le 23 novembre 1844, la disposition invoquée par le défendeur, disait positivement dans son rapport que les caboteurs jaugeant plus de 110 tonneaux seraient compris dans la catégorie des navires au long cours;

Par ces motifs,

Le Tribunal déclare insuffisante l'offre de 25 fr. faite par le défendeur; en conséquence, le condamne à payer au pilote Goyau, pour le prix du pilotage de Bordeaux à La Roque du navire la Seine, capitaine Guinard, 39 fr. 60 ç,

Du 5 mai 1845.—M. CABROL, Juge-prés.—MM. BRUNET et FABRE , Juges. — Plaid., MM. SCHMIDT et GIRARD , Agréés.

AVAL. — NON-COMMERÇANT. — CONTRAINTE PAR CORPS. — BILLET A ORDRE.

L'aval apposé par un non commerçant, sur un billet à ordre souscrit par un commerçant, n'entraîne contre lui la contrainte par corps qu'autant que sa signature a eu pourcause un acte de commerce. (1) (Code de comm., art. 142 et 187).

Voy. ci-avant, 1re part, .pag. 17 et 71. La jurisprudence du tribunal de commerce et celle de la Cour paraissent aujourd'hui fixées dans ce sens.


( 154) CANTIER ET NAVES — C. — PIERRE RENÉ.

Nous avons déjà indiqué les circonstances dans lesquelles le sieur Pierre René a apposé son aval sur divers billets à ordre souscrits par les sieurs René et Campaignac.

Sur une demande en condamnation formée par le sieur Mauras, à l'ordre duquel avaient été souscrits plusieurs des billets avalisés par le sieur Pierre René, le Tribunal de commerce de Bordeaux, par un jugement fortement motivé en date du 10 décembre 1844, et rapporté ci-avant, Ire part., p. 17, a décidé que le sieur René n'était pas soumis à la contrainte par corps à raison de son aval. Ce jugement a été confirmé par arrêt de la Cour qui en a adopté purement et simplement les motifs.

Nanti de nouveau de la question, par suite de deux demandes formées par les sieurs Cantier et Naves , porteurs aussi de billets avalisés par le sieur Pierre René, le Tribunal de commerce de Bordeaux, par deux jugements en date du 17 décembre 1844, a persisté dans sa jurisprudence en reproduisant les motifs sur lesquels il avait appuyé la décision du 10 du même mois.

Le sieur René fait appel de ces deux jugements.

On reproduit dans son intérêt les moyens que nous avons analysés en rapportant le jugement du 10 décembre.

ARRÊT.

Attendu que la contrainte par corps est une voie d'exécution rigoureuse et exceptionnelle ; que le législateur, protecteur de la liberté des hommes, ne l'a admise que pour des cas spéciaux positivement déterminés par les lois ; qu'il n'est pas possible de l'étendre à des cas non spécifiés ; qu'il est de principe que, dans le doute, l'interprétation doit avoir lieu en faveur de la liberté ;

Attendu que la section 1 re du litre 8 du livre 1er du Code de commerce est spécialement consacrée aux lettres de change; que, suivant l'art. 141 qui fait partie de cette section, le donneur d'aval est tenu solidairement, et par les


(155) mêmes voies que les tireurs et endosseurs, c'est-à-dire par corps ;

Attendu que l'art. 187 du Code de commerce porte que « toutes les dispositions relatives aux lettres de change, et » notamment celles qui concernent l'aval, sont applicables » aux billets à ordre, mais sans préjudice, est-il dit, des » dispositions relatives au cas prévu par les art. 636 , 637 » et 638 ; » qu'il résulte de cette restriction que le législateur a voulu établir une différence essentielle, quant à la contrainte par corps, entre les lettres de change et les billets à ordre ;

Attendu que l'on voit par ces articles que le législateur s'est principalement attaché à la nature de l'opération qui sert de cause à l'engagement, soit pour donner juridiction au Tribunal de commerce, soit pour prononcer la contrainte par corps ;

Attendu que l'art. 637 a pour objet spécial de distinguer, quant à la contrainte par corps, les négociants des individus non négociants, et qu'il dispose que la contrainte par corpsne pourra être prononcée contre les individus non négociants, à moins qu'ils ne se soient engagés à l'occasion d'opérations de commerce, trafic, banque ou courtage ; que, suivantcette disposition, c'est à la nature de l'opération qu'il faut s'attacher pour décider si le non négociant est contraignable par corps ; que de même que la qualité de négociant donne lieu à la contrainte par corps contre le négociant souscripteur ou endosseur, sans que le souscripteur ou endosseur, non négociant, s'y trouve soumis , il faut décider également que si la cause de l'obligation est une opération commerciale, cette cause ne peut produire son effet qu'à l'égard de celui qui a fait acte de commerce, mais qu'elle ne peut s'étendre à l'individu non négociant ; que telle est la situation d'un donneur d'aval ou d'un endosseur non négociant, qui, par sa signature, a donné sa garantie et s'est obligé à payer, sans avoir participé, ni être intéressé à l'opération à propos de laquelle le billet a été souscrit ; que, dans la réalité, la


( 156 ) contrainte par corps ne pouvant être prononcée qu'à raison de la qualité de négociant, ou pour un fait de commerce, celui qui est non négociant, et qui n'a pas fait d'opération commerciale, ne peut être soumis à la contrainte par corps ; qu'il est évident qu'il n'est dans aucun des cas prévus par la loi.

Que ces mots : à l'occasion d'une opération de commerce, s'appliquent au cas où un individu non négociant aurait fait accidentellement une opération de commerce, à l'occasion de laquelle il aurait souscrit ou endossé un billet à ordre ; qu'il est évident qu'en cette circonstance, il serait constitué négociant, et que, pour l'exécution de son obligation, il devrait être considéré comme tel, mais qu'il en est tout autrement, lorsqu'il n'a fait aucun acte de commerce, et qu'il s'est borné, par un aval ou par un endossement, à s'obliger au paiement d'un simple billet à ordre, qui, de sanature, ne peut pas être confondu avec la lettre de change ;

LA COUR met au néant l'appel interjeté par Cantier et Naves, des deux jugements du tribunal de commerce de Bordeaux , du 17 décembre 1844, dans le chef qui a relaxé Bené de la contraire par corps ; ordonne que ces jugements seront exécutés suivant leur forme et teneur.

Du 12 juin 1845. — 1re Ch. — Prés., M. ROULLET, pr. Prés.—Concl., M. COMPANS, Av.-gén.- Plaid., MM. COQ et BROCHON-( Louis ), Avocats.

COURTIERS MARITIMES. — CHARGEMENT. — DÉLAI. — CAPITAINE. — ACTION.

Lorsqu'un capitaine a chargé purement-et simplement un. courtier maritime de lui procurer, en sa qualité de courtier , des affréteurs pour son navire, il n'a pas d'action contre lui, faute d'avoir complété le chargement dans un délai moral. Il n'a pas non plus le droit de faire fixer par le Tribunal de commerce un délai dans lequel l'entier chargement devra être effectué (1).

(1) Voy. ce Recueil, 1844.1. 230. On remarquera que dans l'espèce


( 157 ) CAPITAINE LEVEUX — C. — JUDE.

Le 12 avril 1845, le capitaine Leveux , commandant le navire la Félicité, d'Auray, alors dans le port de Bordeaux, autorise M. Jude, courtier maritime de cette ville, à mettre e ledit navire en charge pour Brème ou Hambourg.

M. Jude accepte ce mandat, et il avait arrêté fret pour plusieurs tonneaux, lorsque le 13 mai le capitaine Leveux le fait assigner pour avoir à compléter le chargement dans les vingt-quatre heures, sous peine de 50 fr. par chaque jour de retard, et subsidiairement pour voir fixer un délai dans lequel le chargement devra être effectué.

M. Jude répond qu'il n'a accepté la mise en charge du na - vire la Félicité qu'en sa qualité de courtier ; qu'il a fait tout ce qui dépendait de lui pour effectuer le chargement le plus tôt possible ;

Que n'ayant pris aucun engagement personnel, on ne peut l'obliger à compléter le chargement dans un délai déterminé.

Le capitaine Leveux répond que le courtier qui accepte le mandat salarié de procurer du fret, doit l'accomplir le plus tôt possible et dans un délai moral, sous peine d'engager sa responsabilité;

Que le délai d'un mois qui s'était écoulé depuis la mise.en charge, avait été plus que suffisant pour effectuer l'entier chargement du navire;

Que dans tous les cas le courtier ne peut jouir d'un délai illimité , et se trouver ainsi investi de la faculté de compromettre les intérêts du navire ; qu'un délai devrait donc être fixé par le Tribunal.

JUGEMENT.

Attendu que le sieur Jude n'a pas contracté personnellement l'obligation de rien charger à bord du navire la Félicité que commande le demandeur ; qu'il s'est borné à accepter, en

de la décision que nous indiquons, il s'agissait d'un courtier qui avait arrêté fret sur un navire, tandis que dans la cause actuelle le courtier était simplement chargé par le capitainedelui procurer des affréteurs-


( 158 ) sa qualité de courtier, le mandat de procurer des affréteurs ; que déjà par son entremise il a été arrêté fret sur son navire pour plusieurs tonneaux ; qu'il n'est point établi qu'il ait pris l'engagement de faire effectuer l'entier chargement dans un délai déterminé; que le sieur Leveux est donc sans action contre lui ;

Par ces motifs, le Tribunal déclare le sieur Leveux non recevable.

DU 16 mai 1845. —M. CABROL, Juge-Prés. —- MM. BRUNET, PRÉCLOS et FABRE, Juges. — Plaid., MM. GIRARD et DERRATIER, Agréés.

USAGE. — CAFÉ MOKA. — TARE. — TARIF APPROUVÉ.

Lorsque dans les transactions commerciales, les parties s'en remettent à l'usage , elles sont présumées avoir eu en vue l'usage en vigueur au moment de la, convention, et non point celui qui aurait été réglementé plusieurs années auparavant dans un tarif approuvé par la chambre de commerce.

D'après l'usage actuellement existant sur la place de Bordeaux, la tare allouée à l'acheteur sur les balles, demi-balles et ballotins de café Moka, n'est que la tare proportionnelle reconnue par la douane à l'entrée de l'entrepôt, ou bien celle proportionnelle résultant de la vidange de quelques balles, demi-balles ou ballotins.

SEIGNAN— C.— GEOFFROT.

Le 20 juin 1845, le sieur Auguste Seignan junior vend aux sieurs Geoffroy frères, par l'entremise de M. Dupeyron, courtier, vingt-une balles et neuf demi-balles café Moka tel quel, exempt d'avaries, quitte de tous droits, avec faculté d'entrepôt, au prix de 1 fr. 32 c. et ½ le demi-kil., tare d'usage, payable comptant sous trois et demi d'escompte.

A la livraison, des contestations s'élèvent entre les parties au sujet de la tare.


( 159 )

Le sieur Seignan soutient que la tare qu'il doit bonifier à l'acheteur est la tare réelle proportionnelle de douane d'usage, soit 5 kil. 95 gram. pour chaque balle , et 3 kil. 20 gram. pour chaque demi-balle.

Les sieurs Geoffroy frères soutiennent de leur côté que la tare doit être réglée conformément au tarif approuvé par la chambre de commerce de Bordeaux en avril 1820.

Les parties conviennent de soumettre cette difficulté au Tribunal, et à cet effet le sieur Seignan fait assigner les sieurs Geoffroy frères en paiement de la somme de .151 fr. 50 c. pour solde du prix.

Le sieur Seignan produit, à l'appui de sa prétention, un parère signé par plusieurs négociants et courtiers de la place.

Les sieurs Geoffroy frères persistent à invoquer le tarif de 1820.

Ils plaident que, lorsque dans les transactions commerciales les parties s'en remettent à l'usage pour l'exécution du marché, ou l'une de ses conditions accessoires, elles n'ont pu avoir en vue que l'usage formulé par un règlement, alors que, comme dans l'espèce de la cause, ce règlement existe.

Que si elles avaient voulu se soumettre à un usage autre que celui qui a été sanctionné par la chambre de commerce, elles auraient dû s'en expliquer formellement.

JUGEMENT.

Attendu qu'il est reconnu par les parties, qu'aux termes du marché verbalement conclu entre elles, le 20 juin dernier , c'est la tare d'usage qui doit être allouée à l'acheteur ;

Attendu que si les usages font loi en matière de commerce, ce sont ceux existant au moment de la transaction à laquelle on veut les appliquer; que la convention intervenue entre les parties, suppose évidemment l'usage actuel ;

Attendu qu'il est attesté au procès, par des négociants recommandables et par des courtiers, que depuis plusieurs années la tare accordée à l'acheteur sur les balles, demi-balles et ballotins de café Moka , n'est que la tare proportionnelle


( 160 )

reconnue par la douane à l'entrée de l'entrepôt, ou bien celle proportionnelle résultant de la vidange de quelques balles, demi-balles et ballotins ;

Qu'il résulte de celte attestation que l'usage constaté par le tarif invoqué par les défendeurs , approuvé il y a vingtcinq ans par la chambre de commerce, a été modifié.

Par ces motifs, le Tribunal condamne Geoffroy frères à payer à Seignan junior la somme de 151 fr. 50 c. pour solde du prix des cafés Moka, par eux achetés au demandeur.

Du 8 juillet 1845. — M. BRUNO-DEVÈS, Prés. —MM. LOPES DUBEC, BRUNETET ASSIER, Juges. — Plaid,, MM. BADIN et DERRATIER, Agréés.

ASSURANCE. — AVARIES. — CARACTÈRE. — RÈGLEMENT D'AVARIES. — CHOSE JUGÉE.

Les décisions judiciaires rendues au lieu du reste contradictoirement avec le capitaine et les destinataires des marchandises, au sujet des avaries éprouvées par le navire en cours de voyage, lient les assureurs qui doivent en subir les conséquences. Par suite , lorsque sur une demande en règlement d'avaries formée par le capitaine contre les destinataires, des avaries ont été déclarées particulières au navire,- les assureurs sur corps ne sont pas fondés à les faire déclarer communes à l'égard de l'assuré (Code de comm., art., 350 et 414).

SEIGNOURET — C. — DIVERS ASSUREURS.

Le 5 mars 1844, le sieur Seignouret fait assurer par divers, sur la place de Bordeaux, la somme de 70,000 fr. sur corps du navire l'Eulalie , capitaine Thore, pour de Bordeaux aller à Bourbon, avec faculté de faire escale à Maurice.

Le navire part le 27 du même mois de Bordeaux, avec un chargement pour Bourbon

Le 18 juin, comme il doublait le Cap de Bonne-Espérance.


( 161 ) il est assailli par une violente tempête qui lui fait éprouver de fortes avaries.

Le capitaine et l'équipage délibèrent au sujet de ces avaries et décident qu'il y a lieu de relâcher à Port-Louis, île Maurice, seul endroit où il était possible de procéder aux réparations.

La relâche s'effectue le 6 juillet.

Après avoir fait constater l'état des avaries par des experts nommés par le Consul de France, à Port-Louis, il fait procéder aux réparations indiquées par ces experts.

Pour effectuer les réparations, il fait procéder au déchargement du navire.

Le montant des réparations et des frais de relâche, de déchargement et de rechargement des marchandises, s'élève à 8,074 pias. 50, soit en francs 40,372 fr. 50 c.

Le capitaine, pour couvrir ces dépenses, fait un emprunt d'environ 8,000 pias. au taux maritime, de 14 fr. 99 p. 100 payable quinzaine après l'entrée en libre pratique à Bourbon.

Le navire part de Maurice le 7 septembre et arrive le lendemain en rade de Saint-Louis.

Le capitaine réclame des divers destinataires des marchandises , leur quote-part dans les frais de relâche ; de chargement et de rechargement des marchandises à Maurice. Sur leur refus, il les fait assigner devant le Tribunal de première instance de Saint-Denis, pour entendre déclarer que ces frais sont avaries grosses, et doivent être répartis, conformément à la loi, entre le navire et le chargement.

Le 5 novembre 1844, le Tribunal déclare les avaries particulières au corps, et relaxe les chargeurs.

Sur l'appel du capitaine, cette décision est confirmée par arrêt de la Cour royale de Bourbon, du 30 du même mois de novembre.

Le 10 mai 1845, après la rentrée du navire l'Eulalie à Bordeaux, le sieur Seignouret fait assigner ses assureurs en paiement de la totalité des dépenses faites à Maurice, comme Année 1845. — 1re part. 44


( 162 ) étant toutes particulières au corps, d'après les décisions intervenues à Bourbon entre le capitaine et les consignataires.

Les assureurs soutiennent que nonobstant,ces décisions, les frais de relâche, de chargement et de rechargement des marchandises à Maurice, sont du genre de celles qui sont qualifiées communes par la loi, et que le Tribunal doit en ordonner le règlement et la répartition par experts dans les formes ordinaires.

Ils plaident que les frais de relâche de déchargement et rechargement des marchandises à Maurice, pour réparer les avaries éprouvées par le navire, constituent des avaries grosses aux termes du § 7 de l'art. 400 du Code de commerce, parce que la relâche a été faite pour le salut commun et après délibération motivée de l'équipage.

On invoque sur ce point la jurisprudence du Tribunal et des Cours royales.

Ils disent que les décisions du Tribunal et de la Cour de Bourbon, qui ont décidé le contraire, ne peuvent leur être opposées, parce qu'ils n'y étaient pas représentés, et que par suite il n'y avait pas, quant à eux, chose jugée sur ce point. Ils ajoutent que le règlement d'avaries qui s'opère ordinairement au lieu de destination, peut, dans le cas exceptionnel de la cause, être effectué au lieu du chargement.

Le sieur Seignouret répond que le Tribunal et la Cour de Bourbon ont bien jugé en déclarant toutes les avaries particulières au corps ; mais qu'on n'a pas à se préoccuper du mérite en droit de cette décision, parce qu'elle a, en fait, à l'égard des assureurs, l'autorité de la chose jugée en dernier, ressort.

Qu'en effet il est de principe, dans le droit maritime, qu'en cours de voyage le capitaine est le représentant légal de tous les intéressés à la navigation et le mandataire des assurés.

JUGEMENT.

Attendu, aux termes des art. 414, 416 et 417 du Code de commerce, que le règlement en contribution d'avaries doit


i 163 ) être fait, à la diligence du capitaine, dans le lieu du déchargement ;

Attendu que le capitaine de l'Eulalie a appelé devant le Tribunal compétent de l'île Bourbon, lieu de son déchargement, les divers destinataires de la cargaison, pour entendre déclarer en justice que, parmi les frais de réparation, nécessités par suite de fortune de mer, certaines dépenses spéciales devaient être tenues pour avaries particulières aux marchandises, ou tout au moins pour avaries communes, et pour voir dès-lors ordonner que par experts nommés d'office il serait procédé à un règlement de contribution ;

Que, par jugement en date du 5 novembre 1844, sa demande contre les chargeurs a été repoussée, précisément par ce motif que les dépenses dont s'agissait étaient exclusivement particulières au navire ;

Que, sans s'arrêter à cette décision, le capitaine s'est immédiatement pourvu devant la Cour royale de Bourbon pour faire réformer ce jugement qui, par arrêt du 30 du même mois, a été maintenu dans toute sa forme et teneur ;

Que, dans ces circonstances, il faut reconnaître que le capitaine a, dans l'intérêt de toutes parties, complètement vêtu les dispositions des articles précités ;

Attendu qu'en l'absence forcée des assureurs, le capitaine, loin de sacrifier leurs intérêts éventuels, a fait de bonne foi et avec une scupuleuse sévérité, tout ce qu'ils eussent pu faire eux-mêmes pour arriver à une contribution d'avaries communes;

Que Si, par exception, il est vrai de dire que le règlement d'avaries peut être suivi dans le lieu du départ, ce ne saurait être que dans le cas où une cause indépendante de la volonté du capitaine aurait rendu impossible toute tentative essayée pour y procéder sur le lieu de déchargement;

Que, dans l'espèce, toutes les prescriptions de la loi, relatives au règlement d'avaries, ayant été rigoureusement suivies par le capitaine, les assureurs ne sauraient, pour procéder à nouveau, être admis à faire annuler des opérations ré-


( 164 ) gulières, faites au heu de la décharge, avec bonne foi et conformément aux règles tracées dans le Code de commerce ;

Que, dès-lors, ils ne peuvent refuser à l'assuré la réparation du dommage qu'il a souffert, sauf à eux à faire valoir, comme ils le jugeront convenable, les droits qu'ils peuvent avoir comme subrogés aux droits de l'assuré ;

Par ces motifs,

Le Tribunal déclare que le caractère des avaries éprouvées par le navire l'Eulalie, a été dans l'espèce déterminé obligatoirement pour les assureurs de ce navire, par les jugement et arrêt rendus à l'île Bourbon dans l'instance introduite par le capitance Thore contre les cosignataires de la cargaison du bâtiment par lui commandé ; et ordonne qu'à l'une des prochaines audiences du Tribunal il sera plaidé au fond sur le compte qu'a dressé desdites avaries le sieur Seignouret, en les considérant comme particulières au corps du navire, ainsi que cela résulte des jugement et arrêt précités.

Du 30 juin 1845. — M. BRUNET, Juge-Prés. — M. PRÉCLOS et FABRE, Juges. — Plaid,, MM. SAINTMARC et DE CHANCEL, Avocats.

COMMISSIONNAIRE. — DUCROIRE. — RESPONSABILITÉ. — VENTE. — PREUVE.

A défaut de stipulations expresses, le droit du commissionnaire au ducroire peut-être établi par des présomptions résultant des circonstances dans lesquelles l'ordre de vente a été commis (1).

Lorsque le bordereau de vente de marchandises importées par un navire constate que la vente a été effectuée par le consignataire du navire, le propriétaire des marchandises

- n'est pas recevable à prouver, pour échapper au paiement

(1) Voyez ce Recueil 1844. 1. 17.


-( 165 ) du ducroire, que la vente a été faite par lui et qu'il a traité directement avec l'acheteur. (Code de comm., art. 91.)

PELTIER. — C. — FAURE FRÈRES.

En novembre 1843, le capitaine Peltier, commandant le navire le Memnon, en rade de Saint-Denis, île Bourbon, s'adresse à la maison Lory-Gandolphe et Comp. , de ce port, pour se procurer des avances qui lui étaient nécessaires soit pour les besoins du navire, soit pour s'assurer du fret.

Les sieurs Lory-Gandolphe et Comp. consentent à lui faire l'avance de 100,000 fr. pour compte de la maison Faure frères , de Bordeaux, avec laquelle- ils sont en relations d'affaires.

Deux lettres échangées entre les parties le 15 dudit mois de novembre établissent les conditions de cette avance.

Il est stipulé :

Que la somme avancée sera employée en achat de sucres de bonne qualité ;

Que, pour rembourser la maison Faure frères, il lui sera consigné la quantité de 200,000 kil. sucre dont elle opérera la vente pour compte et au mieux de l'armement du navire ;

Que les connaissements de ces sucres ne stipuleraient pas de fret ;

Que la maison Faure fera remise de la demie de sa commission au capitaine Peltier.

La condition ordinaire des avances faites à Bourbon par la maison Lory-Gandolphe et Comp., pour le compte de la maison Faure frères, est une commission de 2 p. % qui se partage entre les deux maisons et un ducroire de 1 p. %.

Le 29 décembre 1843, le capitaine Peltier charge à bord de son navire, à la consignation de la maison Faure frères, 3,200 balles sucre pesant ensemble 202,502 kil.


( 166 )

A l'arrivée du navire à Bordeaux, et le 25 avril 1844, les sucres sont vendus à la maison Bertin et Comp., à 65 fr. les 50 kil., droits acquittés, payables à soixante jours de la vente.

Le 7 mai suivant, le capitaine Peltier écrit à la maison Faure frères qu'à raison de la parfaite sécurité que présente la maison Bertin et Comp., à laquelle les sucres ont été vendus , il l'informe qu'il désire épargner le ducroire en gardant à ses risques la chance du non-paiement.

La maison Faure proteste immédiatement contre cette prétention, et le 7 juin elle remet le compte de vente soldant au profit du capitaine Peltier à 50,452 fr. 45 c.

Il figure dans ce compte, au débit du capitaine Peltier, une somme de 2,440 fr. 01 c. pour ducroire à 1 p. 100.

Le capitaine Peltier fait assigner la maison Faure frères dans l'objet de faire eximer le ducroire du débit de son compte.

Il soutient, que le commissionnaire n'a droit au ducroire pour les ventes qu'il opère, qu'autant que, par une -convention expresse, il s'est rendu gérant de la solvabilité des acheteurs.

IL invoque sur ce point un jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, du 28 novembre 1843, rapporté dans ce Recueil, année 1844,1. 17.

Il dit qu'aucune convention expresse ou tacite n'est intervenue entre lui et les sieurs Lory-Gandolphe et Comp. relativement au ducroire et à la garantie des acheteurs.

La maison Faure frères répond que le ducroire est dû de droit, mais qu'elle est dans l'usage de le percevoir sur les ventes des consignations qui lui sont adressées par les sieurs Lory-Gandolphe et Comp.; qu'ils n'ont agréé l'affaire qui a donné lieu au procès, que sous les conditions ordinaires, et que ces conditions étaient connues du capitaine Peltier.

Le 8 août 1844, le Tribunal statue en ces termes :


( 167 )

(( Attendu qu'il résulte de l'examen des livres de Faure frères, que la condition ordinaire des avances faites à Bourbon par la maison Lory-Gandolphe et Comp., pour le compte de Faure frères, est une commission de 2 p. 100 qui se partage entre les deux maisons, et un ducroire de 1 p. 100 ; que l'importance de l'opération qui s'est traitée entre LoryGandolphe et Comp., agissant pour le compte de Faure frères et Je capitaine Peltier, le soin qu'il a pris de faire stipuler par Lory-Gandolphe et Comp. la remise de la demi-commission , établissent la présomption que Peltier a connu et approuvé l'usage existant entre Lory-Gandolphe et Comp. et les sieurs Faure frères, et les conditions ordinaires des avances faites pour le compte de ces derniers ;

> Attendu que cette grave présomption est confirmée par ce fait, que c'est après la vente de la marchandise et lorsqu'il a connu l'acheteur que Peltier a écrit à Faure frères, pour se dispenser de payer le ducroire, en raison, dit-il, de la parfaite solvabilité de l'acheteur ; qu'on doit induire de ce fait qu'il considérait Faure frères comme garants de la vente d'après les conventions primitives, et dès-lors autorisés à prélever le ducroire; que la déclaration, d'ailleurs tardive, de Peltier était en réalité une modification à ces conventions, laquelle ne pouvait devenir valable que par le consentement de toutes parties; que, par conséquent, le refus de Faure frères, d'accéder à cette modification, rend le capitaine Peltier non fondé dans sa demande ;

» Par ces motifs,

)) Le Tribunal relaxe Faure frères de la demande formée contre eux. ».

Appel de la part du capitaine Peltier. Devant la Cour, il demande à prouver que la vente a été faite par lui à la maison Bertin et Comp., avec laquelle il a lui-même directement

traité.

ARRÊT.

Attendu que la maison Faure frères était cosignataire des marchandises chargées sur le navire le Memnon ; Attendu qu'il résulte du bordereau produit, que les sieurs


( 168 ) Faure frères ont opéré la vente de ces marchandises, ce qui rend non-recevable la preuve offerte par le sieur Peltier ; Adoptant, au surplus, les motifs des premiers juges : La Cour, sans s'arrêter à l'offre de preuve du sieur Peltier, met au néant l'appel qu'il a interjeté du jugement rendu par le Tribunal de commerce de Bordeaux, le 8 août 1844.

Du 4 juin 1845. — 1re Ch. — Prés., M. PRÉVÔT-LEYGONIE., Prés.— PL, MM. GUIMARD et SCHRODER, Avocats.

MANDAT. — FAILLITE. RÉVOCATION.

Le mandat donné par un négociant, à l'effet de toucher une

somme qu'il a chez un tiers, est révoqué par la survenance

de sa faillite avant l'encaissement, MARIE NEVEU ET COMP. — C. — CHAUMEL ET COMP.

Le 2 septembre 1844, le sieur Auguste Dupuch donne aux sieurs Marie neveu et Comp. un mandat de 50 fr. sur les sieurs Chaumel et Comp., chez lesquels il avait déposé la susdite somme en les autorisant à la remettre à tout porteur de son ordre.

Avant l'encaissement, le sieur Dupuch est déclaré en état de faillite, et les sieurs Chaumel et Comp. se refusent, à cause de cet événement, à payer sur le mandat dont les sieurs Marie et Comp. sont porteurs.

Ces derniers les font alors assigner en condamnation. JUGEMENT.

Attendu que depuis le 2 septembre dernier, époque à laquelle le sieur Auguste Dupuch a donné mandat aux demandeurs de retirer des mains des défendeurs 50 fr. qu'il avait en dépôt chez eux, ledit sieur Dupuch a été déclaré en état de faillite; que le mandat donné aux demandeurs a pris fin par la faillite du mandant ;

Par ces motifs, le Tribunal déclare Marie neveu:et Comp. non-recevables.

Du 10 juillet 1845. — M. BRUNO DEVÈS , Prés. — MM. LOPES-DUBEC , BRUNET , CASTILLON et ASSIER , Juges. — Plaid., MM. DERRATIER et SCHMIT. Agréés.


( 169 )

ASSURANCE. — VISITE. — VICE-PROPRE.— PRÉSOMPTION.

La présomption du bon état de navigabilité du navire résultant du certificat de visite, peut être détruite par les assu-. reurs au moyende présomptions contraires, mais graves, précises et concordantes, résultant des circonstances de la navigation et des rapports d'experts produits par l'assuré (1). ( Code de comm., art. 225.)

GARNOT. — C. — LES ASSUREURS .

Le 29 juin 1844, le capitaine Garnot, agissant pour compte de qui que soit, fait assurer par divers, sur la place de Bordeaux, une somme de 50,000 fr. sur le corps du navire la Mathilde, pour, d'un ou de plusieurs ports de Bourbon , venir à Bordeaux, Nantes, le Havre ou Marseille, avec faculté de toucher à l'île Maurice, au cap de Bonne-Espérance et à Sainte-Hélène.

Il est stipulé que dans le cas où le navire ferait tout autre voyage, il serait assuré par la même police à l'année, jusqu'à son arrivée à un des quatre ports de France plus haut désignés.

Les assureurs prennent les risques du moment de la cessation de ceux couverts par une précédente police, dans laquelle le navire était estimé de gré à gré 50,000 fr., prime comprise.

L'art. 6 de la police porte : que les risques sur corps courent du moment où le navire a commencé à embarquer des marchandises, ou, à défaut, du moment où il a démarré, et cessent cinq jours après qu'il a été ancré ou amarré au heu de sa destination.

L'art. 16 dispose : qu'en cas d'assurances à prime liée ou à terme, chaque voyage est l'objet d'un règlement séparé.

(1)Voy. dans ce sens ce Recueil, 1843, 1. 89, et les renvois; Lemonnier, Commentaire sur les principales polices d'assurances, t. 1. p.

280 no 212

Année 1845. — 1re part. 15


( 170 )

Le navire la Mathilde, qui naviguait dans les mers des Indes depuis la fin de 1843, était parti de Bourbon pour Calcutta le 24 juin 1844, sous le commandement du capitaine Contard, et muni d'un certificat de visite délivré le 21 du même mois.

Il arrive le 2 août à Calcutta. Le capitaine y fait son rapport de mer le lendemain devant le consul de France, et présente à ce magistrat une requête en nomination d'experts à l'effet de faire visiter son navire.

Les experts nommés visitent le navire et ordonnent quelques réparations qui sont effectuées.

Le 19 août, après ces réparations, ils font une seconde visite et déclarent dans leur procès verbal que le navire est" en bon état de navigabilité.

Le navire repart le 1er septembre de Calcutta pour Bourbon, où il arrive le 26 octobre.

Le livre de bord énonce que le navire a beaucoup fatigué, mais il n'indique aucun événement de fortune de mer ni aucune circonstance dans la navigation de nature à avoir dû occasionner des avaries.

Aucune déclaration d'avarie n'est faite, et il est reconnu que le chargement, qui consistait en blé et autres grains, n'a pas souffert par l'eau de mer.

Le 7 novembre, le capitaine se proposant d'effectuer son retour pour France, présente une requête au juge royal de Saint-Denis, en nomination d'experts chargés de visiter le navire.

Les experts décrivent l'état du navire, indiquent diverses réparations à faire, et déclarent que le navire est hors d'état de reprendre la mer avant qu'elles ne soient effectuées.

Sur une nouvelle requête, le Tribunal de St-Denis nomme une commission chargée de se transporter à bord, afin d'évaluer les réparations et d'estimer le navire.

Cette commission dresse, le 12 novembre, uu procès-verbal dans lequel elle évalue à 61,300 fr. le montant des ré-


( 171 ) - parafions à faire, et fixe à 15,000 fr. la valeur du navire dans létat où il se trouve.

Le 15 novembre, le capitaine Garnot fait au greffe du Tribunal l'abandon du navire pour cause d'innavigabilité et en provoque la vente pour compte de qui de droit.

La vente a lieu le 17 décembre pour le prix de 4,500 fr.

Le 2 mai 1845 , le sieur Garnot fait signifier l'abandon à ses assureurs et les fait assigner en validité du délaissement et en paiement de la somme assurée. ■ -

Les assureurs résistent et plaident qu'il résulte des docu- - menls du procès, que l'innàvigabilité ne peut être attribuée à aucune fortune de mer, et a pour cause le vice-propre du navire.

Le sieur Garnot répond que le certificat de visite pris à Bourbon, le21 juin, et surtout celui délivré à Calcutta, le 19 août, prouvent d'une manière juridique et légale le bon état de navigabilité du navire, au départ soit de Bourbon, soit de Calcutta ; que cette preuve ne pourrait être combattue que par celle positive et directe de vice-propre, laquelle n'est pas faite par lés assureurs ;

Que la preuve de vice-propre ne saurait résulter des pré^ somptions alléguées par les assureurs, parce que le livre de bord et le rapport de mer fait à Bourbon, le 27 octobre, constatent que la route a été très-pénible et que le navire a souffert pendant la traversée, et qu'il n'est nullement nécessaire , pour que l'état du navire puisse être attribué aux événements de mer, que le navire ait éprouvé de violentes tempêtes en cours de voyage ;

Qu'au surplus, le navire étant assuré à l'année et se trouvant couvert d'un certificat de visite, lorsque Les risques ont commencé, il n'y a nullement heu de déterminer la nature et l'époque de l'événement qui a donné lieu à l'innàvigabilité. JUGEMENT.

L'abandon du navire la Mathilde, fait aux divers assureurs par acte à la date du 21 mai dernier, doit-il être validé ?


{ 172 ) Attendu que par police du 29 juin 1844, les défendeurs ont assuré au demandeur son navire, la Mathilde pour la somme de 50,000 fr.; que la condition prévue par ladite police d'une assurance à l'année pour le cas où le navire entreprendrait Un autre voyage que celui de Bourbon en France s'est accomplie ; que néanmoins la police porte, art. 16 et 6, que chaque voyage sera terminé cinq jours après l'arrivée et l'amarrage du navire au lieu de sa dernière destination, et formera l'objet d'un règlement séparé

Attendu que les risques souscrits ont commencé d'avoir effet, alors que le navire la Mathilde entreprenait en juin 1844, sous le commandement du capitaine Contard, un voyage de Bourbon à Calcutta ; qu'à cette époque, et le 21 juin 1844, le capitaine s'est pourvu du certificat de visite exigé par l'article 225 du Code de commerce ; qu'arrivé à Calcutta le 2 août, le capitaine y a affirmé son rapport le 3 du même mois par-devant M. le consul de France ;

Qu'avant de quitter ce port, il a présenté requête au magistrat à l'effet de faire visiter son navire ; qu'une première visite a eu lieu ; que les experts ordonnèrent certaines réparations, lesquelles ayant été faites, une seconde visite, à la date du 19 août 1844 , constata que le navire était en état de prendre charge et la mer ;

Attendu que le livre de bord du capitaine établit qu'il est parti de Calcutta pour Bourbon le 1er septembre, et qu'il est arrivé à sa destination le 26 octobre suivant ; que le récit de la traversée ne signale aucun événement de mer ayant occasionné un sinistre quelconque ; qu'il en résulterait seulement que le navire a beaucoup fatigué, et qu'il est cependant à remarquer que le capitaine, en affirmant sonrapport, n'a fait acune déclaration d'avarie, et que, d'ailleurs, il est acquis au procès que la cargaison n'a éprouvé aucun dommage;

Attendu que c'est les choses en cet état, et alors que les risques de ce dernier voyage avaient cessé, que le capitaine Contard, voulant opérer son retour en France, a, le 7


( 173 )

novembre 1844, présenté requête à l'effet de faire constater l'état de navigabilité de son navire ; que le même jour les experts ont opéré, et que dans le rapport dressé par eux on lit : « Que depuis la flottaison jusqu'aux plats-bords, les coutures sont d'une largeur extrême et incapables de supporter le calfatage ; que de l'avant à l'arrière, les prescintes et les bordés ont été trouvés mauvais, pourris ou fortement échauffés ; qu'à l'entour des têtes de cheville et des clous, le bois . est toul-à-fait pourri ; ■— que des romaillets, les uns à mibois , les autres portant sur la membrure, existent de bout en bout du navire ; — qu'une grande partie du pont est à changer, que les plats-bords sont pourris de bout à bout, ainsi que les tire-points ; — que plusieurs tenons de jambettes sont cassés ; — que tout l'avant est en si mauvais état qu'il doit être changé en grand ; — que sur la dunette, les courbes et les plats-bords sont pourris ; — que les coulures sont si larges à la voûte, que beaucoup de limandes en plomb ont été placées pour retenir les éloupes ; — que. la cale du navire est en très-mauvais état, que l'étrave est pourrie, la guirlande très-échauffée et délivrée en plusieurs endroits ;— que le clouage du vaigrage est fort mauvais, et enfin, que la membrure n'est pas bonne, que deux barreaux sont cassés et un autre pourri ; »

Attendu que les assureurs ne répondent que du dommage provenant de fortune de mer; que, dans l'espèce, ils attribuent au vice-propre, dont ils ne sont pas tenus, l'état d'innavigabilité du navire la Mathilde ; qu'au contraire Garnot soutient que, assuré à l'année et couvert par le certificat de visite, cette innavigabilité a pour cause la fortune de mer;

Attendu qu'il est de jurisprudence certaine que le certificat de visite exigé par l'art. 225 du Code de commerce, n'établit qu'une simple présomption de bon état du navire, mais n'exclut pas l'établissement de la preuve contraire incombant, en ce cas, aux assureurs ;

Attendu que, dans l'espèce, il ne résulte d'aucun document que la Mathilde ait éprouvé un sinistre; que, quels que


( 174 soient les termes du certificat de visite de Calcutta, et l'effet que Garnot lui veut attribuer, on ne peut cependant admettre que la fatigue du navire, dans son trajet de Calcutta à Bourbon, ait déterminé son état complet de dégradation, tel que l'ont décrit les experts ; que loin de là, il n'est pas une expression du rapport desdits experts qui ne démontre clairement que la Mathilde, depuis long-temps fatiguée par ses voyages successifs, toujours superficiellement réparée, et en quelque sorte hors d'état de l'être, était arrivée à l'état de vétusté et de valeur à peu près nulle, quant à la coque surtout ; que ce fait résulte plus évidemment encore du rapport des experts en date de Saint-Denis, 12 novembre 1844, lesquels ont apprécié la valeur du navire.et émis l'avis que la vente devait s'en opérer dans son ensemble, vu le peu de valeur de la coque avec doublage, prise isolément ;

Attendu que de ce qui précède, il est impossible de ne pas conclure que l'innavigabilité de la Mathilde provient du vice-propre dont ne répondent pas les assureurs.

Bu 1er août 1845. — M. BASSE, Juge-Prés. — MM. BRUSÈT et PRÉCLOS, Juges.Plaid.,MM COQ et DE CHANCEL, Avocats.

FAILLITE. — REVENDICATION.

Les marchandises entrées dans les magasins du failli auquel elles ont été vendues et expédiées, ne peuvent pas clre.revendiquées, bien qu'après la déclaration de la faillite le syndic les ait trouvées encore sous balles et sous corde, et que le failli déclare que ces marchandises, introduites malgré son refus dans ses magasins, y ont toujours ététenues à la disposition de son expéditeur. (Code de comm., art. 577. )

VAQUET AINE ET LAMY. — C. — SYNDIC MATHIAS. .Le 3 avril 1S45, les sieurs Vaquet aîné et Lamy expo-


( 175)

client de Paris, au sieur Mathias, marchand tailleur à Bordeaux, une balle draperie,du prix de 2,127 fr. 81 c, qui parvient à sa destination.

Le 27 mai, le sieur Mathias est déclaré en état de faillite.

La balle draperie; expédiée par les sieurs Vaquet et Lâmy, se trouve encore sous cordes dans les magasins du failli, et ce dernier ne la fait figurer sur son bilan que pour mémoire.

Les sieurs Vaquet et Lamy forment contre le syndic une demande en revendication, attendu que le sieur Mathias ne s'était pas mis en possession de la marchandise par eux expédiée, laquelle se trouvait encore sous balle et sous cordes.

Le sieur Mathias déclare en effet que, voyant sa faillite imminente, il n'avait pas voulu prendre livraison d'une mar-. chandise qu'il avait la conviction de ne pouvoir payer ; que, malgré son refus de la recevoir, elle avait été déposée chez lui par le voiturier; mais qu'il l'avait toujours tenue à la disposition de. ses acheteurs pour le compte desquels il l'avait gardée.

JUGEMENT.

Attendu que, quelles que puissent être les déclarations du failli, au sujet des marchandises revendiquées par les demandeurs, et qu'il avait eu l'intention de laisser pour le compte de ces derniers, un fait certain et incontestable, c'est que lesdiles marchandises, vendues et expédiées au failli, ont été trouvées dans ses magasins au moment de la faillite;

Attendu qu'aux termes de l'art. 576 du Code de commerce, les marchandises, vendues et expédiées au failli, ne peuvent être revendiquées qu'autant que la tradition n'en a pas été effectuée dans les magasins ; que l'art. 577 du même Code ne permet au vendeur de retenir les marchandises par lui vendues, que lorsqu'elles n'ont pas été délivrées au failli;


( 176 ) que, d'après ces principes, la revendication demandée par Vaquet aîné et Lamy, pour des marchandises par eux vendues, existant dans les magasins du failli, ne peut être admise :

Par ces motifs, le Tribunal déclare les demandeurs mal fondés dans l'action en revendication qu'ils ont formée par exploit du 4 juillet courant.

Du 17 juillet 1845. — M. BRUNO-DEVÈS , Prés. — MM. CASTILLON et ASSIER, Juges. — Plaid., MM. DÉRRATIER et GIRARD, Agréés.

CHARTE-PARTIE. — CONSIGNATAIRE, CAPITAINE - ARMATEUR.— ENGAGEMENT. —COMMISSION.

Les conditions de la charte-partie souscrite par le consignataire du navire au lieu du chargement, lient le capitaine et l'armateur, même en ce qui touche la désignation d'un consignataire au lieu de la décharge et la commission à percevoir par celui-ci. Il doit surtout en être ainsi lorsqu'il résulte des circonstances que le capitaine a eu connaissance de la charte-partie et des conditions qu'elle contient.

BLOY FRÈRES, -c- C. — CAPITAINE HIRIARD.

Le sieur Goyenèche, de Bayonne, avait expédié sou navire le Basque, capitaine Hiriard, pour la Nouvelle-Orléans, et l'avait consigné aux sieurs Zacharie et Comp., de ce port.

Le 27 juin 1844, les sieurs Zacharie et-Comp. , agissant en qualité de cosignataires du navire le Basque, frètent ce navire au sieur Lafon pour un chargement de bois merrain à transporter à Libourne, à l'adresse des sieurs Bloy frères.

Le sieur Lafon stipule dans la charte-partie que ces derniers auront la consignation du navire, et percevront sur le fret la commission d'usage.

Le capitaine Hiriard reçoit à son bord le chargement de merrain dont il signe le connaissement.


( 177 )

Avant l'arrivée du navire à Libourne, les sieurs Chaperon et fils en avaient été nommés cosignataires sur l'ordre du sieur Goyenèche.

Cette circonstance amène des difficultés pour le règlement du fret.

Les sieurs Bloy frères réclament l'exécution de la charte- ■ partie dont ils sont porteurs, et veulent retenir 2 p. 100 sur le montant du fret du merrain qu'ils ont reçu.

Le capitaine s'y oppose et les fait assigner devant le Tribunal de commerce de Libourne, en paiement de la totalité du fret, s'élevant ensemble à 6,515 fr. 78 c.

Les sieurs Bloy font offre de cette somme, mais sous la déduction de la commission de 2 p. 100.

Le 26 octobre 1844, le Tribunal condamne les sieurs Bloy à payer la somme sans aucune retenue.

Le sieurs Bloy font appel de cette décision.

On plaide dans leur intérêt que la charte-partie, souscrite à la Nouvelle-Orléans par les cosignataires du navre, lient le capitaine et l'armateur,

Le capitaine répond qu'il n'est lié que par les connaissements qu'il a signés, et que ces connaissements ne font aucune mention de la consignation du navire à Libourne, ni de la commission réclamée par les sieurs Bloy frères ;

Que les sieurs Zacharie, consignataires du navire à la Nouvelle-Orléans, n'étaient les représentants de l'armateur que pour l'administration du navire en ce port; qu'ils n'avaient aucune qualité pour imposer à l'armateur ou au capitaine un consignataire de leur choix dans le lieu où le navire allait se rendre.

ARRÊT.

Attendu qu'il résulte des documents du procès, que le sieur Zacharie, à la Nouvelle-Orléans, a agi comme consignataire du navire le Basque, et que c'est en cette qualité qu'il l'a frété au sieur Lafon, pour porter un chargement de bois merrain à Libourne, avec la condition que le navire serait consigné aux sieurs Bloy frères, amis du chargeur,


( 178 ) qui auraient droit à la commission de recouvrement du fret, suivant l'usage;

Attendu qu'il ne paraît pas que le capitaine Hiriard ait signé la çharte-parlie intervenue entre Zacharie et Lafon, mais que l'absence de cette signature n'empêche pas qu'il ait connu l'affrétement , et qu'il n'y ait donné sou consentement ;

Attendu; en effet, que;le fret stipulé par le connaissement, est conforme à celui qui avait été convenu dans la charte-partie, et avec la même prime de 5 p. 100 , ce qui démontre que les connaissements sont l'exécution des conventions, faitespar Zacharie, agissant Comme consignataire ;

Attendu qu'il résulte de la lettre écrite par le capitaine Hiriard, le 5 octobre 1844, au sieur Chaperon, à Libourne, et par lui produite, qu'il a été en liaison avec le sieur Zacharie, à la Nouvelle-Orléans, relativement au chargement de son navire ; qu'à la vérité, il prétend qu'il ne fut pas question dû paiement d'une commission; mais qu'il fait connaître, par cela même, qu'il avait lié de tels rapports avec le sieur Zacharie, que cette explication pouvait avoir eu lieu, -ce qui démontre qu'il agissait avec lui comme consignataire du navire ;

Attendu qu'en pareil cas, la commission est conforme aux usages du commerce, et que la consignation du navire était valablement stipulée comme une condition du chargement fait par Lafon ;

Attendu qu'Hiriard, qui s'est procuré un chargement au moyen de cette condition, n'est ni recevable, ni fondé à la méconnaître ; que dès-lors les appelants sont fondés à retenir la commission :

LA COUR,—Faisant droit de l'appel interjeté par les sieurs Bloy frères du jugement du Tribunal de commerce de Libourne , du 12 octobre 1844 ; émendant, donne acte aux sieurs Bloy frères de l'offre qu'ils font, comme ils l'ont toujours faite, de payer au sieur Hiriard le fret des bois merrain chargés à leur adresse et consignation, sur le navire le


(179 )

Basque, et sous la déduction de la commission de 2 p. 100, qui leur est due conformément à la convention faite à la Nouvelle-Orléans ; moyennant ce, les relaxe des finset conclusions contre eux prises par l'intimé.

Du 29 mai 1845. — lre Ch. —Prés., M. ROULLET,rpr. Prês.— Conck, M-.■ COMPANS, Av.-gèn. — Plaid., MM. PRINCETEAU et DE CHANCÈL, Avocats. .

FAILLITE.— REVENDICATION.—VENTE SUR FACTURE ET CONNAISSEMENT.-

La revente des marchandises encore en route n'est un' obstacle à là revendication en cas de faillite de l' acheteur, qu'autant qu'elle a eu lieu à la fois sur connaissement ou

■ lettre de voiture, et sur facture de l'expéditeur (1); (God. de com., art. 576.)

FRASER ET COMP. — C. — A. HENRY ET SYNDIC MARHEM ET COMP.

Le 10 janvier 1845, les sieurs Bretocq et Comp., agissant pour compte des sieurs;Fraser et Comp., de Lille, chargent à Dunkerque, sur le navire la Marier-Antoinette, capitaine Ménard, trois balles fil, marquées 32;, à la consignation de

F

Marhem et Comp,, de Bordeaux.

Le 16 février, les sieurs Marhem et Comp. vendent âù sieur A. Henry lesdites trois balle fils encore en voyage, pour le prix de 4,977 fr.; sous l'escompte de 2p. 100 , et passent le connaissement à leur ordre.

Avant l'arrivée de la marchandise à Bordeaux , les sieurs Fraser et Comp. transmettent à un correspondant l'ordre de les revendiquer.

A l'arrivée à Bordeaux du navire la Marie-Antoinette,

(1)Cela nous paraît incontestable. Voyez, dans ce sens, Pardessus, Cours de droit commercial no 1290; Renouait, Des faillites, t. 2, p. 356, et Bédarride, Des faillites, t. 2, p. 433.


( 180 ) - on se présente pour revendiquer les fils; mais pour éviter des frais, le sieur Henry consent à les recevoir à titre de cosignataire d'office pour compte de qui il appartiendra, sous réserve de tous droits, et il en donne une déclaration à la date du 7 mars.

Le 27 du même mois de mars, les sieurs Marhem et Comp. sont déclarés en état de faillite.

Le 5 juin, les sieurs Fraser et Comp. forment Leur action en revendication tant contre le sieur A. Henry que contre les syndics de la faillite Marhem et Comp.

Les syndics s'en remettent à la sagesse du Tribunal.

Mais le sieur Henry résiste.

Il soutient que la revendication n'est ni recevable ni fondée :

1° Parce qu'elle a été formée postérieurement à la tradition opérée au lieu de destination à l'ayant-droit du destinataire ; que la déclaration du 7 mars ne peut détruire ce fait, parce que, à l'époque où elle a été donnée, le droit à la revendication n'était pas ouvert, les sieurs Marhem et Comp. n'étant pas encore en état de faillite ;

2° Parce que l'endossement du connaissement qui était à ordre avait trasmis la propriété de la marchandise.

11 plaide qu'en voulant que, pour être un obstacle à la revendication , la vente fût faite sur facture et connaissement pu lettre de voiture, la loi a dû vouloir parler de la facture du consignataire et non de celle de l'expéditeur, et qu'il avait acheté sur connaissement et sur facture des sieurs Marhem et Comp.

JUGEMENT.

Attendu que le syndic de Marhem et Comp. s'en remet à justice ;

Attendu que, d'après la déclaration d'Henry, du 7 mars ' 1845, la remise en ses mains des trois balles fil revendiquées a eu lieu tous droits conventionnellement réservés ;

Attendu que c'est dès-lors tout comme s'il n'y avait pas eu tradition de la marchandise, soit dans les magasins du


( 181 ) failli, soit dans ceux du commissionnaire chargé de la vendre pour compte du failli ;

Attendu, il est vrai, que des débats il résulte que deux

mois et plus avant leur déclaration, ces faillis auraient passé

à Henry vente des trois balles fil dont s'agit, en lui èndos,

èndos, simultanément le connaissement qui accompagnait de

Dunkerque à Bordeaux la marchandise revendiquée ;

Mais attendu qu'aux termes de l'art. 576, § 2, du Code de commerce, la revendication des marchandises vendues avant leur arrivée ne devient non-recevable que tout autant qu'elle a été effectuée non-seulement sur connaissement,, mais de plus sur une facture qui est bien évidemment celle de l'expéditeur; que cette formalité n'a pas été remplie dans l'espèce;

Attendu que la jurisprudence s'est prononcée dans ce sens et que l'intention du législateur à cet égard résulte des discussions parlementaires auxquelles la loi des faillites de 1838 a donné lieu devant les chambres ;

Attendu que Henry s'est réservé, par sa déclaration précitée, la faculté de disposer de la marchandise, objet du procès,-à la charge d'en représenter la valeur au cas de condamnation ;

Attendu que l'admission de la revendication soumet de plein droit le revendiquant au remboursement des avances faites à raison de la consignation ;

Par ces motifs

Le Tribunal, statuant entre toutes parties, condamne A. Henry et Comp. à remettre à Fraser et Comp., dans le délai de vingt-quatre heures à partir d'aujourd'hui, les trois balles fil de lin par eux expédiées à Marhem et Comp. sur le navire,la Marie-Antoinette;

En cas de vente déjà effectuée par A. Henry, le condamne par les mêmes voies à payer à Fraser et Comp. la valeur desdites trois balles fil, avec les intérêts légitimes ;

Le tout à la charge par Fraser et Comp. de se conformer soit à l'égard de la masse de la faillite Marhem et Comp.,


(182 ) soit à l'égard de A. Henry, aux dispositions du 3e § de l'art'. 576 du Code de commerce.

Du 4juillet 1845.— M. BASSE, Jug.-Prés.— MM. BRU-. NET, PRÉCLOS et FARRE, Juges. — Plaid., MM. GUIMARD, Avocat, et DERRATIER , Agréé.-

VENTE. — RÉSOLUTION. —- DOMMAGES -INTÉRÊTS. — COMMISSIONNAIRE.— COMMISSION.

Le commissionnaire acheteur n'a pas le droit, en cas de résolution de la vente pour défaut de livraison, de comprendre dans les dommages-intérêts à mettre par état et déclaration, la perte résultant pour son commettant du défaut de livraison, lorsqu'il a traité en son nom personnel avec le vendeur auquel il a laissé ignorer sa qualité de commisionnaire.

Il n'a pas non plus le droit de comprendre dans les dommages-intérêts la commission qu'il aurait perçue, si la vente avait reçu son exécution.

Les dommages-intérêts sont réglés entre lui et le vendeur comme s'il avait acheté pour son propre compte.

Il doit en être ainsi, bien qu'à l'occasion d'une prorogation de délai pour la livraison, le vendeur ait su que l'achat était pour compte et ait connu le véritable acheteur (1).

_ (Cod. de Comm., art. 1150).

BOURGES.—C.—B. ETE. DEVÈS.

Le sieur Bourges a fait appel du jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du 1er octobre 1844, rapporté dans ce Recueil, 1844. 1. 193.

La maison B. et E. Devès a fait appel incident du chef du jugement qui comprend dans les dommages-intérêts la commission dont le sieur Bourges avait été privé par suite de la résolution du marché.

(1) Voy. ce Recueil 1844. 1. 193.


( 183) .

ARRÊT.

Attendu qu'il y a une différence essentielle entre un simple -mandataire, dont les pouvoirs et la qualité sont réglés par les principes généraux du droit civil, et le négociant commissionnaire, en matière de commerce; que, dans le mandat ordinaire, le mandataire n'est point personnellement obligé et qu'il oblige le mandant pour lequel il a stipulé ; que le négociant commissionnaire, au - contraire, qui exécute la commission qui lui à été donnée, s'oblige personnellement, de telle sorte que l'affaire qu'il traite est considérée comme sa propre affaire, à l'égard de celui avec lequel il la traitée;

Attendu que, dans l'espèce actuelle, l'achat des arachides a été fait aux sieurs Devès pour compte dé J. Bourges, payable à 30 jours, à dater de la livraison; que, suivant cette convention, les sieurs Devès, d'une part, et le sieur Bourges, de l'autre, étaient personnellement tenus de l'exécution du marché; que Bourges avait action pour demander, en son nom-, la livraison de la marchandise, de même que les sieurs Devès , pour lui en réclamer le paiement ;

Attendu qu'il est bien certain que Bourges a fait cet achat, en vertu de la commission qu'il avait reçue du sieur Dubosq, de Fécamp ; qu'il est également reconnu et justifié qu'il a donné connaissance à ses vendeurs dé l'intérêt qu'avait le sieur Dubosq dans ce marché ; mais que ces circonstances n'ont pas changé la condition des parties, ni fait novatiôn à leurs conventions ; que, d'après leur marché, les sieurs Devès sont toujours restés vendeurs, et Bourges acheteur, réciproquement tenus des obligations résultantes de leur qualité ;

Attendu que c'est en cette qualité que les parties ont procédé devant le Tribunal de commerce, et qu'a été rendu, le 3 juin 1844, un jugement qui résilie le marché, faute d'exécution de la convention de la part des sieurs Devès ; Attendu qu'il est de principe que celui qui n'exécute pas


( 184 ) ses obligations est passible de dommages-intérêts; que cela a été ainsi jugé par le Tribunal de commerce lui-même, qui, par son jugement du 3 juin précité, a condamné les sieurs Devès aux dommages-intérêts à mettre par état et déclaration;

Attendu que la Cour a été suffisamment fixée, par les débats sur la quotité des dommages-intérêts, sans recourir à une estimation d'experts ;

Attendu, quant à l'appel incident, interjeté par les sieurs Devès, que le Tribunal de commerce a commis une erreur, en prenant en considération la perte de la commission faite par Bourges, parce que celui-ci n'a pas stipulé en sa qualité de commissionnaire ; que, s'il a éprouvé une perte sous ce rapport, elle est le résultat d'une circonstance inconnue aux vendeurs, et qu'ils n'ont pu ni dû prévoir au moment du contrat; que, du moment que Bourges est réconnu comme véritable acheteur, c'est sous ce rapport seulement qu'il doit obtenir des dommages-intérêts;

LA COUR, faisant droit de l'appel principal interjeté par Bourges, du jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, du 1er octobre 1844 ; faisant également droit de l'appel incident interjeté par les sieurs Devès, du même jugement , sans avoir égard à la commission prétendue par Bourges , condamne les sieurs Devès, solidairement par les voies de droit et par corps, à payer aux sieurs Bourges la somme de 500 fr. pour les dommages-intérêts résultant de l'inexécution du marché ; condamne les sieurs Devès en tous les dépens de première instance et d'appel, pour plus amples dommages-intérêts.; fait main-levée des amendes consignées, tant à raison de l'appel principal, que de l'appel incident.

Du 16juin 1845. — 1reCh. —Prés., M. ROULLET, pr. Prés. — Concl., M. COMPANS , Av.-gén, —Plaid., MM. BRAS-LAFITTE etDESÈZE, Avocats.


( 185

ASSURANCE. —ÉCHOUEMENT AVEC BRIS. —DÉLAISSEMENT. — NAVIRE. — FACULTÉS. — SINISTRE MAJEUR.

Pour que Tèchouement avec bris puisse donner lieu au délaissement, il n'est pas nécessaire que le bris soit absolu, il suffit que l'événement dont les juges ont l'appréciation constitue un sinistre majeur (1). ( Code de comm., art. 369 et 389),

DÉRUPÉ.—C—LÉS ASSUREURS.

Le 17 mars 1845, le sieur Dérupé, agissant pour compte de qui il appartiendra, fait assurer, par la Compagnie d'assurances maritimes du Havre, 5,820 fr. sur 65 barriques vin rouge Montferran n° 1, 17 barriques vin rouge St-Loubès no 2 , et 15 barriques vin rouge Saint-Loubès nô 3, estimées , de gré à gré, à la susdite sommé , prime comprise, chargées ou à charger sur le navirele Narcisse, capitaine Le Prat, pour de Bordeaux aller à Rouen , et de là être transbordées pour Paris.

11 est stipulé dans la police d'assurance que l'assuré pourra faire l'abandon des liquides, même non avariés, dans tous les cas de naufragé, d'échouemént avec bris ou d'innavigabilité du navire.

Le navire le Narcisse part de Bordeaux le 20 mars.

Le 15 avril, il se trouvait, par un gros temps, près du banc du Ratier. Le capitaine ayant vainement fait deux b.ordées pour tâcher de doubler le banc, manoeuvrait pour virer de bord , lorsqu'il reçoit un fort grain qui lui fait manquer l'évolution. Dans la battée, le navire talonne sur le Râtier, où il demeure. Le capitaine fait aussitôt sonder la pompe.et reconnaît que le navire est crevé.

L'équipage ne jugeant pas prudent de restera bord, et

(1 ) Voy. dans ce sens ce Recueil, 1842.2.139; voy. aussi 1843. 1. 265, et 1844. 1.127.

Année 1845. — 1re part. 16


( 186 ) ayant besoin de secours étrangers pour relever le navire, s'embarque sur la chaloupe et se rend à Honneur.

Le lendemain, on trouve le navire couché ; l'équipage le relève, aidé des secours qu'il avait amenés de terre, et à la marée un bateau à vapeur le remorque dans le port d'Honneur.

Le 21 avril, le capitaine fait, devant le président du Tribunal de commerce d'Honfleur, un rapport dans lequel il relate les diverses circonstances de l'événement.

Des experts nommés à l'effet de constater l'état des avaries et d'en estimer les réparations, aisi que la valeur du navire, déposent leur rapport le 13 mai.

Ils constatent notamment qu'une partie de la fasse quille a été enlevée, que la carlingue et huit membrures ont été cassées.

Ils déclarent que le navire ne peut continuer son voyage sans les réparations qu'ils indiquentIls estiment le montant des réparations à faire à 4,970 fr. 92 c, et le navire , dans l'état où il se trouve, à 5,600 fr.

Le navire est déchargé pour être réparé.

Le sieur Dérupé, instruit de l'événement, fait abandon à la Compagnie d'assurances maritimes du Havre, et la fait ensuite assigner en validité du délaissement et en paiement de la somme assurée.

Le délaissement est fondé sur l'échouement avec bris du navire porteur des liquides assurés.

La Compagnie d'assurances maritimes du Havre soutient que, pour que l'échouement avec bris puisse donner lieu au délaissement soit du corps, soit des facultés, il faut que le bris soit absolu et puisse être assimilé au naufrage qui sup-, pose la destruction du navire ; qu'en effet, lorsque le navire, malgré l'échouement et le bris, est en état d'être réparé et de reprendre la mer, le voyage commencé peut être achevé, et le chargement conduit ainsi au lieu du reste ; que si l'échouement occasionne des perles , il y a lieu simplement à régler en avaries, à moins que les pertes ne soient de plus


( 187 ) des trois quarts de la valeur assurée, ce qui n'a pas lieu dans l'espècede la cause.

Elle plaide, en outre, qu'en fait, le navire le Narcisse a simplement talonné et non point échoué sur le banc du Ratier , et que les avaries qu'il a éprouvées ne constituent pas un sinistre majeur.

Dans l'intérêt du sieur Dérupé, on développe les moyens indiqués dans les motifs de la décision.

JUGEMENT.

Attendu qu'il est de principe que l'assureur ne contracte d'autre obligation que celle de réparer le dommage souffert par l'assuré;

Attendu que le délaissement ayant pour objet de recevoir la valeur intégrale de la chose assurée, l'abandon ne peut être validé qu'en conformité des dispositions limitatives de l'art. 369 du Code de commerce-, sauf le cas de conventions contraires ;

Attendu que la police d'assurance produite porte que l'assuré pourra faire abandon des liquides, même non ava)) ries, dans tous les cas de naufrage, d'échouement avec » bris , ou d'innavigabilité du navire » ;

Qu'il suit de là que, par dérogation aux principes susinvoqués, la Compagnie d'assurances maritimes du Havre a volontairement étendu ses obligations , en subordonnant toutefois la faculté d'abandon à la fortune de mer du navire ;

Attendu que Dérupé soutient que le navire le Narcisse s'est trouvé dans le troisième cas prévu par l'art. 369 du Code de commerce ; qu'il s'agit, dès-lors, uniquement d'apprécier si ce navire à, dans sa traversée de Bordeaux à Rouen , souffert un échouement ayant entraîné le bris , et si cet événement constitue, selon la jurisprudence, un sinistre majeur;

Attendu que si, de ces mots : échouement avec bris, ou ne doit pas nécessairement conclure que le bris le plus léger suffise pour légitimer le délaissement, on doit cependant reconnaître qu'il n'en saurait être ainsi lorsque , comme daus


( 188 ) -

l'espèce, cet accident, bien qu'il n'ait pas entraîné la sul mersion du navire, a une gravité régulièrement constatée ;

Attendu qu'il ne peut y avoir aucun doute sur l'importance du sinistre éprouvé par le Narcisse porteur des vins assurés; qu'en effet, il résulte du rapport du capitaine Le Prat, en date du 21 avril dernier, que le 15 du même mois son navire, après avoir éprouvé un gros temps, a talonné et touché sur le banc du Ratier, d'où il n'a pu le relever sans secours étranger ; qu'ayant fait sonder , il a reconnu qu'il était crevé;

Que , du rapport des experts nommés par le Tribunal de commerce de Honfleur, en date du 13 mai 1845 , à l'effet de constater les avaries souffertes par le Narcisse, d'estimer les réparations à lui faire, et de constater la valeur dudit navire, il résulte que la carlingue et huit membrures en étaient cassées, et qu'il ne pouvait continuer son voyage ;

Que le montant des réparations à faire s'élevait à 4,970 fr. 92 c., et que le navire était estimé ne valoir que 5,600 fr. ;

Que la cargaison a été mise à terre ; qu'elle a éprouvé des dommages, et que certaines pièces des liquides assurés ont particulièrement souffert ;

Attendu que, de ce qui précède, il résulte que le bris éprouvé par le Narcisse a porté sur les parties les plus essentielles de sa construction ;

Qu'il est donc évident qu'il y a , dans l'espèce, sinistre majeur, d'où suit que les conclusions du demandeur sont fondées ;:

Parles motifs,

Le Tribunal déclare bon et valable l'abandon qui a été fait par le demandeur, à la Compagnie d'assurances maritimes du Havre, le 6 juin dernier; en conséquence, condamne cette Compagnie à payer au sieur Dérupé, sous la réduction de la prime convenue , la somme de 5,820 fr. assurée.

Bu 18 juillet 1845. — M. BASSE, Juge-Prés. — MM. PRÉCLOS etFABRE , Juges. —Plaid., MM. VAUCIIER et DE CHANCEL , Avocats.


( 189)

VENTÉ, VÉRIFICATION. EXPERTISE. — MARCHANDISES, PESAGE,

L'acheteur qui a assisté en personne, ou par ses préposés, au pesage et au vidage de la marchandise en entrepôt, et qui n'a fait aucune protestation, est non-recevahle à se plaindre et à demander une expertise a raison de la qualité de la marchandise, alors surtout qu'ayant pris des échantillons, il n'a fait d'observation sur la qualité que plusieurs jours après cette opération. (Code civil, art.

1642.)

LOPES-DUBEC ET COMP. — C.—FOURCAND, LÉON ET COMP.

La.maison Lopes-Dubec et Comp. vend aux sieurs Fourcand , Léon et Comp., 25 caisses lack-dye qui étaient encore en voyage.

Cette marchandise ; qui devait, à ce-qu'il paraît, être livrée à l'arrivée du navire qui l'importait, entre cependant en entrepôt sous nom de la maison Lopes-Dubec et Comp.

Le 27 juin 1845 , il, est procédé au pesage et au vidage des 25 caisses lack-dye, en présence d'un employé des sieurs Fourcand, Léon et Comp,

Après Cette opération, ces derniers font prendre un échantillon de la marchandise.

Quelques jours après, les sieurs Fourcand, Léon et Comp. font des réclamations au sujet de la qualité de la marchant dise, dont ils disent n'avoir pas encore pris livraison.

Le5 juillet, la maison Lopes-Dubec et Comp. les fait as-, signer pour avoir à consentir.au transfert des lack-dye sur les registres de l'entrepôt. .

Les sieur Fourcand, Léon et Comp. soutiennent que.la marchandise n'est pas conforme aux conditions du marché, et que la vérification doit en être faite par experts.

La maison Lopes-Dubec répond que les acheteurs sont nonrecevables à se plaindre de la qualité des lack-dye et de réclamer une expertise , parce que , lors du pesage et du vi


( 190 ) dage des caisses dans l'entrepôt, la marchandise avait été vérifiée et agréée, et que livraison en avait été faite;

Que les sieurs Fourcand, Léon et Comp., qui ne s'étaient plaint que tardivement, n'agissent évidemment que sur les observations de commettants qui voudraient ne pas se charge]' de la marchandise.

Les sieurs Fourcand, Léon et Comp. répliquent qu'ils n'ont pas pris livraison de la marchandise, car la livraison ne s'effectue que par le transfert sur les registres de l'entrepôt ;

Qu'ils ne l'ont pas non plus ni vérifiée ni agréée, parce que le pesage et le vidage faits à l'entrepôt avaient eu uniquement pour objet de reconnaître le poids et la tare.

Le Tribunal entend les explications des employés des parties , présents au pesage et au vidage des caisses dans l'entrepôt. JUGEMENT.

Attendu qu'il résulte des débats que l'employé de Fourcand , Léon et Comp. a été présent au pesage et au vidage de la marchandise dans l'entrepôt; que cet employé représentait Fourcand, Léon et Comp., lesquels n'ont fait aucune protestation après cette opération, qui leur permettait de reconnaître la qualité de la marchandise ;

Attendu que Fourcand, Léon et Comp. ont pris un échantillon de la marchandise ; que ce n'est cependant que plusieurs jours après qu'ils ont fait des observations sur sa qualité ;

Par ces motifs , le Tribunal dit qu'il y a eu livraison des marchandises énoncées en la demande, par suite du pesage et du vidage dans l'entrepôt, en présence du préposé des défendeurs ; en conséquence , condamne ces derniers à opérer le transfert desdites marchandises sur les registres de l'entrepôt réel, sous toutes réserves de droit des demandeurs en cas de refus.

.DM. 15 juillet 1845. — M. BRUNO-DEVÈS , Prés. — MM. BRUNET, CASTILLON et ASSIER, Juges. — Plaid., MM. BADIN et DERRATIER , Agréés.


( 191 )

COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT. — ACTION. — COMPENSATION. — VOITURIER.

Le voiturier ou le commissionnaire de transport qui reçoit la marchandise à destination, a une action directe contre le destinataire pour le paiement de la voiture, alors que le voiturier ou le commissionnaire auquel la marchandise a été originairement confiée ne s'est pas obligé à la trans^ porto" lui-même à sa destination. En conséquence, il ne peut être tenu de souffrir une compensation que le destinataire aurait le droit d'opposer à ce dernier (1). ( Cod. decomm. , art. 101. )

QUEYRIAUX. — C. — LALUBIE.

Le 15 mars 1845, le sieur Javon confie, à Saint-Étienne, au sieur Javelle, commissionnaire de transport, qui s'oblige de les faire parvenir à Bordeaux , à l'adresse du sieur Lalubie , 17 colis de marchandises pesant ensemble 2,388 kilogrammes.

Le sieur Javelle transmet ces marchandises au sieur Perol, commissionnaire à Clermont-Ferrand , qui les trasmet lui-même au sieur Queyriaux, voiturier à Ussel.

Ce dernier remet les 17 colis à destination.

Le sieur Lalubie, destinataire, ayant refusé de payer le montant de la lettre de voiture, le sieur Queyriaux obtient contre lui, le 28 avril 1845 , un jugement par défaut qui le condamne au paiement de la somme de 262 fr. 68 c. pour prix du transport.

Le sieur Lalubie fait opposition à ce jugement.

Les motifs de son opposition sont tirés de ce qu'il n'existerait aucun lien de droit entre lui et le sieur Queyriaux, le sieur Javelle seul, avec lequel il avait traité, ayant une action directe contre lui;

(1) Voy.-ce Recueil, 1843. 1. 281.


( 192) Le sieur Lalubie insiste à l'audience sur les moyens présentés dans son acte d'opposition.

Il ajoute que, dans tous les cas, le sieur Queyriaux étant le mandataire et le représentant du sieur Javelle, il pouvait lui opposer en compensation: un billet de ce dernier dont il est porteur.

. JUGEMENT.

Attendu que l'opposition de Lalubie envers le jugement du 28 avril dernier n'est pas contestée dans la formé ;

Attendu qu'aux termes du contrat intervenu à SainlÉtièntie; le 15 mars dernier, entre Javon, expéditeur, et Javelle, voiturier, constaté par la lettre de voiture dudit jour, ce dernier s'est engagé non à transporter lui-même la marchandise à Bordeaux, mais seulement à la faire parvenir audit lieu, expressions qui indiquent suffisamment que, dans l'intention de l'expéditeur, Javelle était autorisé à se substituer soit Un commissionnaire, soit un autre voiturier, ainsi, au surplus, que le lui permettait l'usage et la loi;

Attendu que le prix du transport est dû à celui qui remet la marchandise, et auquel la loi accorde un privilège ; que Queyriaux a reçu du sieur Perol, commissionnaire de transport à Clermont-Ferrand, la marchandise adressée à Lalubie, et qu'il n'est nullement justifié qu'il soit le préposé de Javelle;

Que, par tous ces motifs, Queyriaux a une action directe contre Lalubie, et qu'il doit rester étranger à la compensation opposée par ce dernier ;

Par ces motifs, le Tribunal, sans s'arrêter aux exceptions de Lalubie, le reçoit opposant, pour la forme seulement.

Bu 17 juillet 1845. — M. BRUNO-DEVÈS, Présid.

MM. BRUNET et ASSIER , Juges. — Plaid., MM. GIRARD , DERRATIER et SCHMIT, Agréés.


( 193 )

DOUANE. — CAUTION. — PRIVILÈGE. — ACTION. .— INSCRIPTION HYPOTHÉCAIRE. — FRAIS. — INTÉRÊTS. — FAILLITE.

La caution du redevable de droits envers la douane est subrogée au privilége de cette administration qu'il a désintéressée , mais il n'a pas le droit de poursuivre le recouvre,-

■ ment de sa créance contre le cautionné par les voies exceptionnelles dont la douane est investie. En conséquence, en cas de faillite du cautionné, il n'a pas le droit de poursuivre lui-même la vente des marchandises ou la rentrée de ce qui est dû au failli, et les frais qu'il aurait faits dans cet objet en dehors du syndicat, doivent demeurer à sa charge.

Il ne peut non plus se faire rembourser des frais de l'inscription hypothécaire prise par lui sur les immeubles du failli, postérieurement à celle prise par le syndic dans l'intérêt de la masse.

Les sommes dues à la douane ne sont pas productives d'intérêts de plein droit. Seulement, si la dette a été l'objet d'effets négociables, les intérêts sont dus du jour du protêt. (Code civ., art. 1153).

HENRY BERTRAND. —C. — SYNDICS DALBUSSET.

En juin 1844, le.sieur Henry Bertrand cautionne à l'administration de la douane le paiement de droits de douane dus par le sieur Dalbusset, et souscrit, à cet effet, solidairement avec ce dernier, plusieurs effets à diverses échéances.

Le 21 juillet suivant, le sieur Dalbusset est déclaré en état de faillite.

Le sieur Bertrand paye à la douane les billets qu'il avait souscrits comme caution avec le sieur Dalbusset.

Des contraintes avaient été décernées par la douane sur quelques-uns de ces billets, dont quatre seulement avaient été protestés faute de paiement.

Année 1845. — 1re part. 17


( 194 ) Le 27 juillet, une inscription est prise sur les biens du failli dans l'intérêt de la masse.

Le 21 août suivant, le sieur Bertrand prend une iscription dans son intérêt personnel.

Il fait vendre également, comme subrogé aux droits de la douane et en vertu de la contrainte décernée par cette administration, quelques marchandises appartenant au sieur Dalbusset, qui se trouvaient dans l'entrepôt.

Il se présente plus tard à la faillite et demande à être admis Gomme créancier chirographaire pour la somme de 427 fr. 50 c, montant de marchandises vendues et livrées au failli, et en outre comme créancier privilégié :

1o Pour la somme de 16,528 fr. 82 c, montant des sommes payées à la douane ; 2° Pour :

146 fr. 45 c. montant de frais par lui faits postérieurerement à la faillite;

150 fr. 55 c. montant des frais de la vente faite à l'entrepôt;

4 fr. 80 c. pour frais de correspondance ; 877 fr. 92 c. pour intérêt des sommes payées à la douane.

. Les syndics cosentent à admettre le sieur Bertrand pour 427 fr. 50 c., comme créancier chirographaire et comme créancier privilégié pour la somme de 16,528 fr. 82 c, seulement, payée à la douane.

Delà, contestation dont M. le juge-commissaire renvoie le jugement à l'audience.

JUGEMENT.

Attendu qu'aux termes de l'art, 22 du litre 13 de la loi du 22 août 1791, la douane a privilège et préférence à tous créanciers, sauf certaines exceptions, sur les meubles et effets mobiliers des redevables pour les droits ;

Attendu que l'art. 2029 du Code civil subroge la caution qui a payé la dette à tous les droits qu'avait le créancier contre le débiteur;


(195.)

Mais attendu que dans un intérêt public \a loi a investi l'administration des douanes du droit d'exercer d'une nière spéciale, ses actions contré les redevables ; que ce droit est inhérent à l'administration et qu'il ne saurait être transmis à ses ayant-droits ;

Que ce serait une dérogation au droit commun dont la nécessité ne se fait pas sentir -, et dont lés inconvénients pourraient être très-graves ;

Attendu -, d'après Ces principes, que Bertrand, bien que subrogé à tous les droits de là douane, n'avait pas l'exercice dé cé droit comme la douane elle-même; qu'il s'est trouvé, après la déclaration de faillite de Dalbusset, en présence d'administrateurs nommés par la loi, pour surveiller les intérêts de tous ; que c'est donc par l'intermédiaire des syndics qu'il aurait dû faire vendre les marchandises et obtenr les rentrées des sotnmes dues; que tous les frais faits en dehors du syndicat doivent rester à sa charge.

En Ce qui concerne les frais' de l'inscription prise par le siéuf Henry Bertrand, après là faillite":

Attendu qu'immédiatement après le jugement déclaratif de la faillite du siéur Dalbusset, le sieur Merle $ alors seul syndic de cette faillite, pour se conformer aux prescriptions dé la loi, à pris, au nom de la masse, inscription sur tous les biens du failli ; que par-là, les droits de Bertrand étaient sauvegardés; qu'il n'y a rien ajouté par son inscription tardive du 21 août ; que dès-lors, les frais, dans cette circonstance, ne sauraient venir grever le passif de la faillite.

Sur les intérêts réclamés :

Attendu qu'aux termes de l'art. 1153 du Code de commerce,- les intérêts ne sont dus que du jour de la demande, excepté dans les cas où la loi les fait courir de plein droit ;

Attendu, ainsi que la Cour royale de Bordeaux l'a jugé le 4 juillet 1832, qu'il n'existe point de loi qui statue que les sommes dues à la douane sontproduclives d'intérêts; mais attendu


( 196 ) > nombre des titres dont là douane était porteur, se trouvent plsieurs billets, dont quatre ont été protestes ; qu'aux termes de l'art. 184 du Code de commerce, l'intérêt du capital d'un billet protesté court du jour du protêt ;

Par ces motifs, le Tribunal dit n'y avoir heu d'ordonner l'admission du sieur Bertrand au passif pour les trois sommes, l'une de 146 fr. 45 c, l'autre de 150 fr. 55 c, et la dernière de 4 fr. 80 c, et déclare que le sieur Bertrand n'est pas fondé à exiger que des intérêts lui soient alloués sur l'entier montant de la portion privilégiée de sa créance; qu'il ne lui en est dû que sur les sommes portées parles billets protestés et à compter seulement du jour de chaque protêt.

DM 5 septembre 1845. — M. BASSE, Juge-Prés. — MM. CABROL, PRÉCLOS, FABRE et ASSIER, Juges.

COMPTE-COURANT. — EFFET DE COMMERCE. — CRÉDIT PROVISOIRE. — INTÉRÊT. — COMMISSION.

D'après les usages constants du commerce, les crédits donnés en compte-courant pour remise d'effets, sont toujours conditionnels et subordonnés à l'encaissement. En conséquence, en cas de non paiement des effets, il y a lieu de les éliminer du compte, alors même que le crédité serait tombé en état de faillite. Il doit en être ainsi, bien que le banquier ait déduit du montant des effets la commission et l'intérêt des jours à courir pour n'en porter au compte que le produit net (1).

SYNDIC POTTY FILS. — C - F. ET F. LAFARGUE FRÈRES.

Les sieurs F. et F. Lafargue, banquiers à Bordeaux, avaient ouvert un crédit au sieur Potty fils, négociant de la même ville, et il en était résulté l'établissement d'un compte-courant et d'intérêts entre les parties.

Dans ce compte-courant, qui comprend plusieurs années, figurent de nombreses opérations de banque, consistant en

(1) Voy. ce volume, 2 part, p, 10 et 66.


( 197 ) remises réciproques, soit d'espèces, soit d'effets de commerce. .

Voici comment s'opérait la remise des effets du sieur Potty fils, et comment le montant en était porté au crédit de ce dernier :

Les banquiers déduisaient du montant des effets l'intérêt des jours à courir jusqu'aux échéances et une commission d'un quart pour cent..

Les résultais de ces opérations étaient constatés par des bordereaux qui étaient remis au sieur Potty, et les produits nets étaient portés au crédit de celui-ci, valeur du jour de la négociation. On portait à son débit le montant des sommes qui lui étaient comptées.

Il résulte de l'inspection du compte-courant, que les nets produits de ces négociations n'étaient jamais payés par appoints ; que le sieur Potty fils faisait quelquefois des versements en espèces chez les sieurs Lafargue frères; que ceuxci donnaient souvent au sieur Potty des effets sur l'extérieur.

Le 8 mars 1845, le sieur Potty fait aux sieurs Lafargue frères une dernière remise consistant en deux effets d'ensemble 5,346 fr. 15 c. dont le net produit, déduction faite des intérêts .des jours à courir et de la commission estde 5,281 fr. 25 c, et est porté à son crédit.

Le 15 du même mois il meurt et il est déclaré en état de faillite le 28. :

Sur la demande du syndic de la faillite, les sieurs Lafargue frères remettent à ce dernier leur compte-courant arrêté au 10 mars, et soldent en faveur du sieur Potty, par 2,645 fr. 57c.

- Ils le préviennent en même temps qu'ils gardent ce solde pour garantie du paiement de neuf effets à diverses échéances, dont ils donnentle détail, s'élevantensemble à 15,171 fr. : 16 c, et dont plusieurs ont déjà été protestés faute de paiement.

Le syndic prétendant que les sieurs Lafargue frères n'a .


( 198 ) vaient pas le droit de retenir le solde du compte, les fait assigner pour s'entendre condamner à lui en payer le montant.

Les sieurs Lafargue frères soutiennent que les crédits donnés au sieur Potty dans le compte-courant, pour les effets dont ils leur faisaient la remise, n'étaient que provisoires et sous la condition toujours sous-entendue que les effets seraient payés à l'échéance ; qu'à défaut de paiement aux échéances, les valeurs devaient être contre-passées et les crédits annulés ; que cela est d'usage et de principe en matière de comptecourant entre banquiers et négociants; que la faillite du crédité ne peut dénaturer une condition préexistante, et que -protègent l'équité et la nature même des relations sur lesquels les le compte repose.

Es invoquent sur ce point la jurisprudence du Tribunal et celle de diverses Cours royales.

Ils disent qu'ils sont d'autant plus fondés à garder dans leurs mains les 2,645 fr. 57 c, formant le solde de leur compte au 10 mars, que sur les 15,171 fr. 16 c. de valeurs à échoir, il y en a déjà eu pour 3,651 fr. de protestées et dont l'un des souscripteurs est lui-même en état de faillite. De telle sorte que par le contre-passement des valeurs non payées à l'échéance, ils se trouvent créanciers de la faillite du sieur Potty, au lieu d'en être débiteurs.

On répond, dans l'intérêt du syndic, queles sieurs Lafargue frères sont devenus propriétaires des traites qui leur ont été négociées par le sieur Potty, dès l'instant même de la négociation, et que le crédit qui en a été donné à ce dernier était définitif;

Qu'en effet, le compte-courant, dont la nature avait été inexactement déterminée, pouvait être défini, ainsi que l'enseignent Poitevin et Delamarre, Traita de là commission, tom. 3, n° 489 : « Un contrat par lequel l'un des contractants re» met à l'autre contractant ou reçoit de lui de l'argent ou des )) valeurs non spécialement affectées à un emploi déterminé, i) mais en toute propriété et même sans obligation d'en tenir


( 199 ) » l'équivalant à la disposition de celui qui remet, en un mot » à la seule charge par celui qui reçoit d'en créditer leremet» tant, sauf règlement par compensation à due concurrence » des remises entières sur la masse entière du crédit et du » débit; »

Que d'après celte définition, qui résume d'une manière énergique les vrais principes de la matière, le banquier devient propriétaire définitif des valeurs pour lesquelles il a donné un crédit dans le compte-courant, et cela par la puis= sance même du contrat qui le lie avec le crédité ;

Que le non paiement des effets reçus donnait lieu à une action récursoire soumise par la loi à certaines conditions de fprme et de délai, qui présupposent la transmission du titre ; . Que si les crédits pour effets remis en compte-courant n'étaient que provisoires , et si le banquier ne devenait pas propriétaire d'une manière définitive des effets, il faudrait admettre qu'en cas de faillite de celui-ci, le crédité pût faire la. revendication de ceux des mêmes effets qui se trouveraient exister encore dans le portefeuille du failli; mais que dans l'état de notre législation, un pareil droit ne saurait être admis, et que cela seul juge la question agitée au procès :

Que vainement on allègue la condition sous-entendue de sauf encaissement, parce que cette condition n'est pas de l'essence du contrat qui a lié les parties, et qu'elle ne résulte ni expressément ni tacitement des actes et des faits émanés d'elles.

On invoque un arrêt de la Cour de cassation du 15 janvier 1838.

On ajoute qu'alors même qu'il serait admis qu'en principe les crédits donnés pour la remise d'effets en compte-courant ne sont que provisoires, les crédits donnés par les sieurs Lafargue frères au sieur Potty n'en seraient pas moins définitifs ; que cela résultait du genre d'opérations qui avaient été suivies et de la manière dont elles avaient été accomplies ;

Qu'en effet, le sieur Polly fils s'adressait aux sieurs La-


. ( 200 ) fargue frères pour se procurer des fonds au fur et à mesure des besoins actuels de son commerce ; que c'était dans cet objet qu'il leur remettait des valeurs;

Que les sieurs Lafargue frères, qui n'acceptaient que celles de ces valeurs qui leur convenaient, en déduisaient l'intérêt des jours à courir jusqu'aux échéances et une commission d'un quart pour cent, et en calculaient ainsi le net produit ;

Que cette opération, qui était toujours établie sur un bordereau remis au sieur Potty, n'indiquait pas une simple remise en compte-courant, mais constituait une négociation d'effets dont les sieurs Lafargue devenaient à l'instant même propriétaires], et dont ils devaient par contre, au même instant , la contre-valeur en argent, puisque c'était la valeur des effets, à cet instant. qui avait été portée sur les bordereaux;

Qu'en réalité, en portant au crédit du compte le net produit du bordereau de négociation , les sieurs Lafargue donnaient la centre-valeur en argent, car la somme portée au crédit était prise comme argent reçu par eux ; ils la portaient valeur comptant, et lui faisaient produire des intérêts en faveur du sieur Potty du jour même du crédit;

Qu'ainsi tous les articles du crédit du sieur Potty formaient pour les sieurs Lafargue frères des dettes liquides et exigibles, comme les articles de son débit formaient en leur faveur des créances également liquides et exigibles.

On ajoute que d'après les principes et les faits exposés, la position des parties résultant du compte-courant a été fixée d'une manière irrévocable et définitive par la survenance de la faillite du sieur Potty;

Qu'à cette époque les sieurs Lafargue étaient débiteurs, de leur propre aveu, de la somme de 2,645 fr. 57 c.; qu'ils doivent la payer à la masse ;

Que s'ils sont devenus depuis créanciers, par suite de non paiements d'effets endossés par le sieur Potty, ils auron


( 201 ) à demander leur admission au passif, mais qu'ils ne peuvent invoquer une compensation que l'état de faillite interdit.

JUGEMENT. Attendu qu'il résulte évidemment des explications des parties, ainsi que des documents produits au procès que, par suite d'un crédit ouvert à Potty par F. et F. Lafargue, il a existé entre eux un compte courant et d'intérêts pour de nombreuses opérations de banque, consistant en remises réciproques soit d'espèces, soit d'effets de commerce ;

Attendu qu'il est de doctrine et de jurisprudence que les crédits en compte courant, pour remises à terme, ne sont donnés, entre banquiers et négociants, que provisoirement et sous la condition .exprimée ou sous-entendue que ces valeurs seront payées à l'échéance ;

Attendu, dans l'espèce, que les sieurs F. et F. Lafargue et Potty ne paraissent pas avoir renoncé à la condition précitée; qu'on ne saurait notamment faire résulter cette renonciation des bordereaux qui figurent au procès ; qu'en effet, ils ne sont que la constatation et la preuve de l'existence dans les mains de F. et F. Lafargue des valeurs remises par Potty ; que, loin" de les prendre isolément et comme indépendant les uns des autres, on doit les considérer au contraire comme des éléments variés et divers dont l'ensemble seul constitue le compte courant qui a existé entre les défendeurs et feu Potty, mais seulement en ce qui touche le crédit de Potty; que, relativement à son débit, il n'apparaît sur les bordereaux aucune indication des sommés fournies ou à fournir pour la contre-valeur qui aurait dû être tenue à sa disposition, si chacun des bordereaux constatait réellement une négociation distincte, particulière, et d'un résultat immédiatement exigible ; que, de l'examen du compte-courant, il résulte que la valeur des effets transmis par Potty ne lui a jamais été remboursée par appoint et pour solde des bordereaux ; que, dans ces circonstances, il y a


( 202 ) lieu de penser que la déduction qui s'y trouve opérée, soit pour les intérêts, soit pour la commissien, n'est que le résultat d'un mode particulier de comptabilité, destiné à simplifier la tenue du compte-courant, en n'y faisant figurer que le net produit des remises, acceptées pu fournies par les parties, dans les conditions et d'après les usages ordinaires;

Attendu que F, et F. Lafargue n'ont rien remis à Potty en échange de l'excédant des valeurs par lui fournies ; qu'ils . n'ont pas dès-lors complètement suivi sa foi;

Attendu que Potty a été déclaré en faillite le 28 mars dernier, sans que le compte-courant, qui paraît balancer en sa faveur par 2,645 fr. 57 c, ait été arrêté et soldé entre les parties d'une manière définitive; que, parmi les effets remis par Potty et figurant à son crédit pour une valeur positive en apparence, il en existe plusieurs, s'élevant à la somme de 3,651 fr., qui ont été protestés à l'échéance, et dont l'un des souscripteurs a lui-même cessé ses paiements j

Attendu que la faillite de Potty a désormais rendu impossible l'accomplissement de la condition sous laquelle ces valeurs ont été primitivement acceptées ; qu'il y a lieu dèslors de les contre-passer au compte - courant, et d'annuler ainsi, d'une manière absolue, un crédit provisoire, qui ne doit plus être considéré que comme n'ayant, jamais existé ;

Attendu qu'il ne s'agit pas dans l'espèced'opérer une co+mpensation contraire aux règles du droit, en matière de faillite, mais seulement, d'éliminer d'un compte courant, des articles qui n'y ont été portés que sous une condition qui n'a pas été accomplie ;

Par ces motifs, le Tribunal déclare le syndic'de la faillilte Potty mal fondé dans sa demande.

Du 25juillet 1845 — M. BASSE, Juge-Prés. — MM. BRUNET, PRÉCLOS et FABRE, juges.— Plaid. MM. SCHJIIT, Agréé, et BRUN , Avocat.


( 203 )

FAILLITE.— PRIVILÈGE. — SAISIE. —FRAIS. ■—EFFETS MOBILIERS.

Les frais d'une saisie qui s'est trouvée exister sur les effets mobiliers du failli au moment où lu faillite a été déclarée, ne sont pas privilégiés, alors surtout qu'il n'est pas établi que les objets saisis n'ont été conservés à la masse que parla saisie. (1). (Code civil, art, 2101; Code de procédure civile, art. 662. )

ALBERT. C. SYNPIG TRARIEC,

Le 26 septembre 1844, le sieur Albert, porteur d'un effet de 500 fr. souscrit par le sieur Trarieu, et non payé à échéance, fait pratiquer contre ce dernier une saisie conservatoire.

Le 1er octobre il obtient contre lui, du Tribunal de commerce de Bordeaux, un jugement qui le condamne au paiement de l'effet.

Le 12 du même mois, en vertu de ce jugement, il conver;- fit la saisie conservatoire en saisie exécution.

Mais pendant qu'il poursuit la vente des effets saisis, le sieur Trarieu est déclaré en état de faillite, et cet événement arrête les poursuites.

Le sieur Albert demande à être admis au passif de la faillite comme créancier chirographàire pour le capital dp la créance, et au rang des créanciers privilégiés pour le montant des frais avancés pour la saisie.

Le syndic consent à l'admission de la créance en capital et accessoires, mais seulement comme chirographàire pour letout.

La contestation ayant été portée à l'audience, le sie ur Albert appuie sa prétention au privilège sur les dispositions de l'art. 662 du Code de procédure, ainsi conçu : « Les frais de

(1). Voy, dans ce sens ce Recueil, 1838, 1. 40 et 1640, 1. 26.


( 204 ) poursuite seront prélevés, par privilège, avant toute créance autre que celle pour loyers dus au propriétaire », et sur celles de l'art, 2101 du Code civil, qui classent les frais de justice au rang des créances privilégiées, sur la généralité des meubles.

IL invoque, en outre, un arrêt de la Cour de Bordeaux du 28 novembre 1840, rapporté dans, le Recueil des arrêts de celte Cour, année 1840, p. 566.

Il plaide en fait, que la saisie par lui pratiquée a eu pour effet de conserver à la masse de la faillite les marchandises qui se sont trouvées exister dans les magasins du failli.

Il demande à être admis à prouver qu'à l'époque où il a fait pratiquer la saisie conservatoire, le sieur Trarieu vendait sa marchandise à tout prix pour la soustraire à ses créanciers.

JUGEMENT.

Albert est-il créancier privilégié, à concurrence du coût de sa saisie conservatoire 1

Attendu que Biarnès. syndic Trarieu, consent à l'admission au passif de la créance d'Albert en capital et accessoires, mais seulement comme chirographàire ;

Attendu que le procès-verbal même de l'huissier Milon constate que les marchandises saisies conservatoirement à la requête d'Albert, ont été trouvées chez Trarieu ; que, par conséquent, elles n'avaient pas été détournées ;

Attendu que la déclaration de faillite de Trarieu a empêché la vente des marchandises précitées ; que les frais exposés à l'occasion de la saisie ne peuvent, par conséquent, en premier lieu , être, conformément à l'art, 662 du Code de -procédure, prélevés par privilège sur le prix d'une vente non effectuée ;

Attendu, comme l'établit M. Troplong , que les frais de justice mentionnés dans l'art, 2101 du Code civil, comprennent exclusivement ceux déboursés pour la cause commune


( 205 ) des créanciers et en vue de la conservation et liquidation à leur profit de leur gage ;

Que la lui ayant, au cas de survenance de faillite, pourvu par des voies spéciales et dans l'intérêt général à la conservation des biens du failli et à celle des droits de tous, les frais antérieurement exposés par un créancier, dans son intérêt personnel, et pour le recouvrement d'une simple créance chirographaire, ne doivent point, dès-lors, être censés avoir profité à la masse ;

Attendu que les frais de la saisie d'Albert ne sont donc plus, en second heu, privilégiés aux termes du susdit art. 2101; que la créance d'Albert est par conséquent, capital et accessoires, passible du sort commun ;

Par ces motifs, — le Tribunal, sans s'arrêter à l'offre de preuve d'Albert, le déclare mal fondé dans sa demande en admission comme créancier privilégié, à concurrence de 82 fr. 45 c. coût.de la saisie pratiquée à sa requête, au préjudice de Trarieu ; ordonne que la créance dudit Albert ne -sera admise en capital et accessoires que comme créance chirographàire.

Du 19 août 1845. — M. BRUNO-DEVÈS, Presid. — MM. BRUNET, CASTILLON et ASSIER, Juges — Plaid., M. DERRATIER, agréé, pour le syndic Trarieu.

ARMATEUR. — RESPONSABILITÉ. — SOCIÉTÉ EN PARTICIPATION. — CAPITAINE. — ENGAGEMENT, — LETTRE DE CHANGE. — SOLIDARITÉ.

L'armateur co-propriétaire du navire, objet d'une participation, est tenu solidairement avec le capitaine, son coassocié et son co-gêrant, des engagements contractés par celui-ci, en cours de voyage, envers des tiers de bonne foi, pour les besoins du navire et des opérations en marchandises, objet également d'une participation entr'eux, bien qu'il puisse résulter des comptes à régler entre lui et le capitaine, que


( 206 )

les sommes empruntées ont été employées dans l'intérêt personnel'de ce dernier(1).

Les formalités tracées par l'art, 234 du Code de commerce, en cas d'emprunt en cours de voyage pour les besoins du navire, ils sont exigées que du capitaine à l'armateur (2). En conséquence, le capitaine engage valablement l'armateur à l'égard des tiers, au moyen de simples traites tirées sur lui (3). (Code de comm., art 216 et 234).

LAMAUD, CORTÈS ET COMP.— C. — ROUSSEAU ET MOREAU

JEUNE.

Lé 24 octobre 1842, lé sieur Moreau jeune cède au capitaine Rousseau une demie du navire la Paix, et forme avec lui une société de compte à demi, tant pour l'armement et l'expédition du navire que pour diverses opérations sur marchandises à faire à bord.

Le capitaine Rousseau devait Commander le navire et gérer lés opérations à faire sur marchandises.

Divers voyages sont effectués.

Le 23 août 1844, le capitaine Rousseau étant à la Pointe-àPitre, y souscrite l'ordre des sieurs Calen et Sallaberry une traite de 4,219 fr. tirée sur le sieur Moreau jeune.

Il leur remet en mémo temps une déclaration par laquelle il s'engage personnellement et solidairement, avec le sieur Moreau, armateur du navire la Paix, à rembourser aux sieurs Lamaud, Cortès et Comp., la somme de 4,219 fr. que les sieurs Calen et Sallaberry lui avaient avancée pour les besoins du navire.

Dans le voyage de retour en France , le navire là Paix éprouve des avaries qui le forcent de relâcher à l'île Terceire où il est déclaré innavigable et Vendu.

Les sieurs Lamaud;, Cortès et Comp., auxquels les sieurs

(1) Voy. ce Recueil 1842. 1. 129, et 1843. 1. 294.

(2) Voy. idem 1841. 2. 33 un arrêt de la Cour de cassation et les notes.

(3) Voy. idem 1844.- 1. 155 et 1841. 1,180,


( 207 ) Calen et Sallaberry avaient fait parvenir la reconnaissance du capitaine Rousseau et la traite sur le sieur Moreau jeune de 4,219 fr. ayant vainement réclamé de ce dernier le paiement de la traite, la font prolester , et font assigner tant le sieur Moreau jeune que le capitaine Rousseau, pour s'entendre condamner solidairement à en payer le montant.

Le capitaine Rousseau reconnaît la dette et ne s'oppose pas à la condamnation réclamée.

Le sieur Moreau jeune la conteste au contraire avec force en ce qui le concerne.

Il plaide que les sieurs Lamaud, Cortès et Comp. sont sans action contre lui, soit que, en signant la traite, le sieur Rousseau ait agi comme coassocié participant dans le navire la Paix et dans les opérations faites sur marchandises, soit qu'il ait agi comme capitaine du; navire;

Qu'en effet, dans le premier cas, la société en participation ne constituant pas un être moral, les tiers n'ont d'action que contre celui des associés avec lequel ils ont traité et dont ils ont suivi la foi ; qu'ils ne pourraient avoir d'action contre les coassociés de celui avec lequel ils ont traité, qu'en prouvant que la participation a profité de l'engagement souscrit par ce dernier; mais que les sommes payées à laPointe-à-Pitre par les sieurs Calen et Sallaberry ont été employées aux besoins personnels du sieur Rousseau;

Que dans le second cas, le sieur Rousseau n'avait pu l'engager , parce qu'il ne s'est pas conformé aux prescriptions de l'art, 234 du Code de commerce, et parce que les sommes empruntées n'ont pas été employées aux besoins du navire ou de l'expédition.

Il dit que ce dernier fait résulte de la circonstance que le capitaine Rousseau s'est engagé personnellement au paiement de la somme empruntée et des comptes qui lui ont été remis par le même à son retour en France,


( 208 ) JUGEMENT.

Attendu que Rousseau jeune, capitaine du navire la Paix, en est en même temps co-propriétaire pour une demie avec Moreau jeune; qu'en outre, il est.co-participautavec le même, dans une même proportion, pour les diverses opérations de marchandises faites à bord dudit navire, sous sa gérence, pour compte de l'armement ;

Que Calen et Sallaberry, aux droits desquels Lamaud et Cortès sont subrogés, ont eu connaissance, en traitant avec Rousseau, de la double qualité en laquelle ils pouvaient agir; que leur correspondance avec Moreau jeune, et notamment leurs lettres des 26 août et 3 septembre 1843, à ce dernier, constateraient suffisamment ce fait qui, du reste, n'a pas été dénié;

Attendu qu'alors même que de la liquidation définitive des comptes que les deux associés auront à se rendre, il résulterait qu'une partie des sommes formant le solde du compte de Calen et Sallaberry, solde réglé en la traite dont le paiement • fait l'objet du procès actuel, n'a pas été employée pour le navire ou son expédition ; les demandeurs, dont la bonne foi n'a point été contestée, seraient encore fondés, dans les circonstances de la cause, à exercer leurs droits solidairement contre chacun des associés gérants, d'une participation qu'ils ont connue, et qui, aux termes des conventions verbales reconnues entre les parties, s'étendent à toutes les opérations de fret ou de marchandises faites à bord du navire la Paix ;

Attendu que l'art. 234 n'interdit point le mode d'emprunt adopté par le capitaine Rousseau comme moins onéreux à l'armement ; que l'objet du contrat à la grosse est surtout de faciliter l'emprunt en procurant au prêteur un privilège sur le navire; que par conséquent, sauf les réserves et les garan~ lies déterminées par l'art. 236, Rousseau a pu fournir et Calen et Sallaberry accepter la traite dont s'agit, sur l'armateur de la Paix, son coassocié ;


( 209 )

, Attendu qu'il n'appartient pas au Tribunal de se prononcer

sur les comptes fournis par Rousseau jeune à son coassocié ;

Par ces motifs, — le Tribunal condamne Rousseau aîné et Moreau jeune, solidairement, à payer aux sieurs Lamaud, Cortès et.Comp., la somme de 4,219 fr., montant de là traite dont ils sont porteurs.

Du 17 juillet 1845— M. BRUNO-DEVÈS , Prés. — MM. BRUNET et CASTILLON , Juges. — Plaid., MM. LAGARDE, BROCHON et FAYE, Avocats.

LETTRE DE CHANGE. — PROVISION. — TIRÉ. — PORTEUR. —: ACTION.

Le porteur d'une lettre de change tirée par le vendeur sur son acheteur, en paiement d'une facture, et protestée faute d'acceptation, ne peut actionner le tiré avant l'échéance de la traite qui concourt avec celle de l'exigibilité de la facture, sous le prétexte qu'il est propriétaire de la provision (1). ( Code de comm., art. 116 ).

SOUCHET. — C. — BAURIE FILS. En mai et juin 1845, le sieur Autreux, d'Angoulême, expédie au sieur Baurie fils, de Bordeaux, pour 996 fr. 20 c. de papier.

Le 30 avril précédent, il avait tiré sur le même sieur Baurie, une traité à son ordre de 921 fr. 50 c., causée valeur en sa facture, suivant son avis, et payable le 15 août 1845. Cette traite ayant été négociée passe par plusieurs mains et est protestée faute d'acceptation le 4 juillet, à la requête des sieurs Bechet et Dethomas.

Le sieur Souchet, l'un des endosseurs, entre les mains duquel la lettre de change est retournée, fait signifier au sieur Baurie fils, copie de la traite, du-compte de retour et de la facture des marchandises livrées par le sieur Autreux, et le fait assigner en condamnation.

(4) Voy. seconde part., p. 169.

Annêe 1845. — 1re part 18


( 210 ) Il fonde sa demande sur ce que, en fait, le sieur Baurie fils serait débiteur du sieur Autreux, appert la facture signifiée, d'une somme au moins égale au montant de la traile ; Et sur ce que, en droit, la somme due par le sieur Baurie au sieur Autreux, formerait la provision de la lettre de change dont il est porteur, sur laquelle provision il aurait un droit de propriété.

JUGEMENT.

Attendu que Baurie a refusé d'accepter la lettre de change énoncée en la demande, sur lui tirée par -Henri Autrcux, à l'échéance du 18 août prochain ; qu'en droit, le poileur n'a - d'action que contre le tireur et les endosseurs pour les contraindre au paiement;

Allendu que d'après la facture signifiée, émanant d'Autreux, tireur de la traite, je pris des marchandises qu'il a expédiées à Baurie ne sera exigible .que le 15 août prochain, échéance donnée à la traite; qu'aux termes de l'art. . 116 du Code de commerce, il n'y pas actuellement provision dans les mains de Baurie fils, que le demandeur ne peut dès-lors se prévaloir des droits accordés au porteur de la lettré de change sur la provision ;

Pour ces motifs, le Tribunal.déclare le sieur Souchet non recevable dans sa demande.

Du 24 juillet 1845. —M. BRUNO-DEVÈS, Prés. — MM. LORËS-D.UBEÇ , CASTILLON et ASSIER , Juges. — Plaid., MM. GIRARD et DEHRATIER, Agréés.

FAILLITE. —COMPROMIS. —. CESSATION DE PAIEMENTS. —

NULLITÉ. Le Compromis portant renonciation à l'appel et au pourroi en cassation, passé entre deux associés dont l'un est déclaré plus tard en étal de faillite, ne peut être compris parmi les actes dont l'art. 447 du Code de commerce permet de prononcer la nu illité, lorsqu'ils on t été faits par le failli après


(211) la cessation de ses paiements et avant le jugement déclaratif de la faillite. Lés syndics ne pourraient, dans tous : les cas, faire prononcer la nullité du compromis fait dans cette période, qu'autant qu'ils justifieraient qu'il a été fait en fraude des droits des créanciers. (Code de comm,, art. 52 et 447).

SYNDICS. FAGET. — C.PEYCHAUD,

Le 17 novembre 1841, les sieurs Peychaud et Marcelin Faget s'associent, sous la raison Marcelin Faget et Comp., pour l'exploitation -d'une boulangerie pendant une durée illimitée.

Le 18 janvier 1843, ils arrêtent d'un commun accord la dissolution de cette société et en confient la liquidation ausieur faget.

Des difficultés ayant été soulevées relativement à la société , à la liquidation et- au règlement des comptes, les parties signent, lé 29 avril 1843, un compromis dans lequel ils nomment des arbitres pour les juger. Ils leur donnent le pouvoir de juger comme amiables compositeurs et en dernier ressort.

Le 24 juillet 1843, les arbitres rendent une sentence par, laquelle ils déclarent la société dissoute en fait et en droit à partir du 18 janvier précédent ; déchargent le sieur Peychaud des dettes contractées postérieurement à .cette époque par. le sieur Faget, et condamnent ce dernier à lui payer 6,675 fr. 47 c.

Le sieur Faget est déclaré en état de faillite, et la cessation de paiements est fixée à une époque antérieure au 29 avril, date du compromis intervenu entre le sieur Faget et le sieur Peychaud.

Les syndics de la faillite, se fondant sur les dispositions de l'art. 447 du Code de commerce, font assigner le sieur Peychaud en nullité du compromis et de tout ce qui s'en est suivi.

Ils plaident que la nullité doit être prononcée, parce que


( 212 )

lorsque le compromis a été souscrit, le sieur Peychaud avait

connaissance de la cessation des paiements du sieur Faget.

JUGEMENT.

Attendu que l'art. 447 du Code de commerce dispose, il est vrai, que les actes à titre onéreux passés par le failli après la cessation de ses paiements, et avant le jugement déclaratif de la faillite, peuvent être annulés, s'ils ont eu lieu avec la connaissance de la cessation de paiements du failli;

Mais attendu que l'acte à titre onéreux est celui par lequel une partie aliène une portion de sa propriété ou de ses droits; que le compromis ne saurait avoir ce caractère, puisqu'au moment où il est consenti, la propriété ou les droits des partics sont en litige et qu'il s'agit seulement de les faire régler;

Attendu que, dans l'espèce , les parties étant associées et l'arbitrage forcé, Marcelin Faget était tenu de nommer des arbitres; qu'aux termes de l'art, 52 du Code de commerce, il a pu renoncer à l'appel du jugement à intervenir, ainsi qu'au pourvoi en cassation ;

Attendu d'ailleurs que d'après l'art. 447 précité, les juges ont la faculté de maintenir l'acte attaqué, s'il n'a pas été fait en fraude des créanciers , et que les demandeurs n'allèguent même pas que le compromis dont ils demandent la nullité ail été consenti en fraude de ceux qu'ils représentent;

Par ces motifs, le Tribunal déclare les syndics Faget mal fondés dans leur demande.

Du 19 août 1845.— M. LOPÈS-DUBEC, Juge-Prés.— MM. BRUNET et CASTILLON, Juges. — Plaid., MM. LEMONNIER et LAFONT, Avocats.

CAPITAINE. — PROTESTATION. — ERREUR. — RESPONSABILITÉ. — FIN DE NON-RECEVOIR. Les dispositions des art. 435 et 436 du Code de commerce, qui déclarent non recevables toutes actions contre le capitaine


■ ( 213 )

pour dommage arrivé à la marchandise, s'il n'a été protesté dans les vingt-quatre heures de la réception, ne sont pas applicables au cas où, par suite d'une erreur, il a été remis une marchandise différente de celle portée au connaissement; mais le destinataire doit, sous peine d'être , même dans ce cas, non-recevable, protester assez tôt et de manière à ce que le capitaine puisse reconnaître l'erreur (Code de comm., art. 435 et 436).

CAPITAINE BRANDT — C. — J. BOURGES.

En août 1845, le capitaine Brandt, commandant le navire le Davenport, prend à Riga, pour la destination de Bordeaux, unchargement de bois divers, dans lesquels sont compris 1,800 pipailles chargées parles sieurs Rapp frères, à l'adresse du sieur Bourges, et 1,200 pipailles chargées par les mêmes à l'adresse des sieurs Gibert et Dalléas.

Le navire le Davenport arrive à Bordeaux le 4 octobre et se met le jour même en déchargement. Le capitaine commence le même jour à livrer des pipailles au sieur Bourges, et lui remet le complément de la quantité de cette marchandise venue à son adresse le 18 du même mois.

Le sieur Bourges s'étant aperçu qu'une grande partie des pipailles qui lui avaient été livrées étaient d'une épaisseur moins forte que celles désignées à son connaissement, fait signifier le 22 octobre une protestation au capitaine, à raison d'un changement qui aurait été fait par erreur, sans doute, dans les marchandises chargées à son bord.

Le capitaine fait assigner, de son côté, le sieur Bourges en paiement du fret.

Le sieur Bourges soutient que le capitaine est non-recevable dans sa demande, faute d'avoir accompli son ' engagement, et conclut reconventionnellemenl à ce qu'il soit condamné à jui livrer la totalité des bois qu'il a reçus pour son compte.

Le capitaine répond que si l'erreur alléguée par le sieur Bourges existe , cela provient de ce qu'à la livraison ce


( 214 ) dernier aurait pris.une partie des bois destinés aux sieurs Gibertel Dalléas; quele capitaine n'était pas responsable de cette erreur ; qu'il lui était d'ailleurs impossible de la réparer, parce que son navire était complètement déchargé depuis plusieurs jours.

Il dit que, dans tous les cas, le sieur Bourges est nôn-recevable aux termes de l'art. 435 du Code dé commercé, faute d'avoir protesté dans les vingt-quatre heures de là réception de la marchandise.

Le sieur Bourges réplique que l'art, 435 invoqué par le capitaine n'est applicable qu'au cas où il s'agit de l'avarie ou du dommage souffert par la marchandise ; mais qu'il ne pouvait y avoir de délai fatal pour la réclamation , alors que le destinataire n'avait pas reçu la marchandise qui lui était adres sée d'après le connaissement.

JUGEMENT.

Attendu que la somme réclamée par le. capitaine Brandt, comme formant le montant du fret des 1,800 pipailles dont il s'agit au procès, n'est pas contestée par Bourges;

Attendu, sur la demande reconventionnelle de ce dernier, que s'il est vrai en droit, que le .capitaine de navire est responsable des marchandises dont il se charge, cette responsabilité né saurait être illimitée; qu'il est constant, en fait, que la livraison des pipailles chargées à bord du navire le Davenport, a commencé le 4 octobre courant et s'est continuée jusqu'au 18, jour où elle a été terminée ; que la protestation de Bourgès relative à l'erreur qu'il prétend avoir été commise par le capitaine, n'est que du 22 du même mois;

Attendu que dans cette situation de choses, Bourges doit être déclaré non-recevable, sinon aux termes de l'art, 435 du Code de commerce qui n'est pas applicable à la cause, du moins pour n'avoir pas été protesté assez tôt et de manière à permettre au capitaine de reconnaître l'erreur ;

Par ces motifs le Tribunal, sans s'arrêter à la demande


(215) reconventionnelle de Bourges, le condamné a payer au capitaine Brandt la somme de 1,215 fr. 95 c, pour le montant du fret de Riga à Bordeaux des 1,800 pièces de merrains venues à son adresse par le 'navire le Davenport.

Du 28 octobre 1845. —M. LOPÈS-DUBEC, Juge-Prés. MM. BRUNET CASTILLON, Juges. — Plaid., M. DERRATIEU, Agréé, pour le capitaine Brandt.

COMMISSIONNAIRE. RESPONSABILITÉ, — ORDRE. . FAUTE .

La lettre par laquelle un négociant donne commission de vendre des trois-six à un prix fixé, sauf mieux ne contient pas un ordre formel de vendre le jour même de la réception de la lettre, par cela seul qu'il déclare attendre la réponse à son ordre par le retour du courrier. En con séquence, si le commissionnaire croyant agir au mieux des intérêts de son commettant à cause des circonstances i ne vend pas ce même jour, bien qu'il puisse atteindre- la limite fixée, Une commet pas une faute qui le rende res-. ponsable des conséquences de la baisse survenue depuis. Il

. doit surtout en être ainsi, lorsqu'en émettant dans la let tre d'ordre l'opinion que la hausse de la marchandise devait faire des progrès, le commettant recommande au commissionnaire d'atteindre le plus- haut prix possible, (Codé civil, art, 1992.)

PUECH. — C. DUCAU ET LURGUIE.

Le 9 juin 1844, lé sieur Puech écrit de Paris aux sieurs Ducau et Lurguie, de vendre pour son compte à 110 fr l'hectolitre, sauf mieux, vingt-cinq pipes trois-six qui faisaient route dé Narbonne à leur adressé.

Il leur recommande d'obtenir la quinlescenee du prix , afin de bonifier quelques ventes précédentes . et leur ex prime l'opinion que les cours des trois-six qui étaient à la - hausse dévoient monter plus haut.

Il leur dit qu'il attend leur réponse pour le 13.


(216)

Cette lettre arrive à Bordeaux le 11.

Ce jour là il règne sur la place une grande fluctuation dans le cours des trois-six. Les prix qui la veille et dans la matinée même du 11 étaient au-dessus de 110 fr., avaient fléchi tout à coup, et se trouvaient à 110 fr. à l'arrivée du courrier de Paris.

Il paraît que la plupart des courtiers et des négociants qui opèrent sur les spiritueux, pensaient que la baisse n'était qu'accidentelle, et que le lendemain les cours reprendraient la situation qu'ils avaient la veille.

Dans ces circonstances, les sieurs Ducau et Lurguie ne croyent pas devoir réaliser la vente dont l'ordre leur est commis par le sieur Puech, bien qu'ils puissent atteindre les limites qui leur sont assignées, espérant pouvoir faire mieux le lendemain.

Mais le 12, la baisse se maintient et le cours descend audessous de 110 fr. ; de telle sorte que les sieurs Ducau et Lurguie ne peuvent plus effectuer la vente, la limite du commettant ne pouvant pas être atteinte.

Le mauvais résultat que l'affaire présente par suite de cet état de choses, donne Heu à des contestations entre les parties.

Le sieur Puech fait assigner les sieurs Ducau et Lurguie pour s'entendre condamner à garder les trois-six pour leur compte, et à en ayer le prix à raison de 110 fr. l'hectolitre.

Il soutient que sa lettre contenait l'ordre formel de vendre à la bourse du jour où elle a été reçue, c'est-à-dire à la bourse du 11 juin, si ce jour-là on pouvait atteindre la limite de 110 fr., puisque cette lettre avait été écrite le 9, et qu'il y disait à ses commissionnaires qu'il attendait leur réponse à son ordre pour le 13.

Que les sieurs Ducau et Lurguie ayant pu vendre le jour de la réception de l'ordre au prix qui leur avait été fixé, et ne l'ayant pas fait, avaient commis une faute qui les ren-


(217)

dait responsables de la perte résultant de la baisse survenue depuis.

. Les sieurs Ducau et Lurguie répondent que la lettre du sieur Puech, ne contenait pas un ordre formel de vendre le jour même de sa réception. Que le contexte même de cette lettre leur faisait un devoir, dans les circonstances où elle a été reçue, de ne pas offrir de suite la marchandise; et qu'ils ont cru dans la résolution qu'ils ont prise, agir au mieux des intérêts de leur commettant.

JUGEMENT.

Vu la lettre écrite par Puech à Ducau et Lurguie, contenant l'ordre donné à ces derniers de vendre pour le compte de Puech la quantité de vingt-cinq pipes esprits trois-six.

Attendu que d'après les termes de cette lettre le mandat donné par Puech à Ducau et Lurguie a quelque chose de facultatif; qu'il leur recommande notamment dans les- expressions,de la lettre de tâcher d'obtenir la quintescence des prix ; qu'il résulte des renseignements fournis au Tribunal que dans la journée du 11 juin, le prix des trois-six subit une telle fluctuation, qu'en présence de l'ordre de Puech, Ducau et Lurguie ont pu renvoyer au lendemain son exécution ; qu'ils l'ont pu d'autant plus, que d'après l'opinion exprimée par Puech dans sa lettre d'ordre, la hausse sur cette marchandise devait encore faire des progrès ;

Qu'à la vérité, on trouve dans la lettre précitée, que Puech attendait la réponse à son ordre pour le 13 juin; mais que ces termes sont trop vagues pour qu'on puisse y voir l'ordre formel de vendre à la bourse du 11 du même mois; qu'il est d'usage dans ce cas, de s'expliquer de manière à ne laisser aucun doute au commissionnaire ;

Attendu que dans ces circonstances, Ducau et Lurguie en ne vendant pas le 11 juin ont cru agir dans les intérêts de leur mandant; que Je mauvais résultat de l'affaire ne peut dèslors leur être imputé


Par ces motifs, — le Tribunal déclare Puech mal fondé dans" sa demande.

Du 22 juillet 1845. — M. BRUNO-DEVÈS , Présid. — MM. LOPÈS-DUBÉC, BRUNET et ASSIER, Juges- —Plaid. , MM. GUILLOR et H. BROCHON, Avocats.

FAILLITE. CONCORDAT. — DÉLIBÉRATION — RÉUNION NOUVELLE. DÉLAL —NULLITÉ, CONCORDAT NOUVEAU. —UNION.

Le délai de huitaine, auquel doit être remise la délibération sur le concordat, dans le cas où à une première réunion le failli n'aurait réuni que l'une des deux majorités, est fatal et prescrit à peine de nullité. En conséquence, si le concordat dont la délibération a été remise, intervient . dans une réunion formée après le délai de huitaine, le Tribunal de commerce doit en refuser l'homologation.

Le failli se trouve dans ce cas de plein droit dans les liens de l'union, et il n'y a pas lieu de convoquer les créanciers pour délibérer de nouveau sur le concordat (1). (Code- de. comm.; art, 509, 515, 524 et 529. )

DEL-PÉRUGIA ANGE— C. — LE SYNDIC DE SA FAILLITE.

Le 19 septembre 1844, le sieur Del-Pérugia Ange est déclaré en état de faillite.

(1) Ces deux questions sont fort graves.

Sous l'ancienne loi des faillites, on admettait que le délai de huitaine, pour la rcmise.de la délibération du concordat n'était pas fatal, ou plutôt on décidait que les Tribunaux ne pouvaient refuser l'homologation du concordat, par le seul motif qu'il était intervenu hors du délai légal. Les Cours royales de Paris et deCacn l'ont juge notamment, la première, par arrêt du 15 novembre 1836, et la seconde par arrêt du 2 avril 1838.

La raison principale de décider, était puisée dans-ce qu'aux termes de l'art. 526 de l'ancienne loi des faillites, les Tribunaux de commerce ne pouvaient refuser l'homologation du concordat que pour cause d'inconduite ou de fraude.


( 219 ) Sur là convocation pour la vérification et l'affirmation des créances, deux créanciers seulement se présentent, savoir : les sièùrs Pàolo et G. Paoli, de Florence, pour 14,333 fr., et une maison de la même ville, représentée par Ja maison Lôpes-Dubec et Comp., pour 2,173 fr.

Ces deux créances sont vérifiées,, admises et affirmées. L'assemblée pour la délibération du concordat a lieu le 30 janvier 1845; Le failli y fait des propositions que les sieurs Paolo et G. Paoli accueillent. Mais la maison Lopès-Dubecet Comp. déclare ne pouvoir les accepter sans avoir consulté les créanciers qu'elle représente.

Cette raison est sans force aujourd'hui, que l'art. 515 de la nouvelle loi des faillites donne formellement aux Tribunaux de commerce un droit que l'ancienne loi semblait leur refuser.

M. Bédarride, Traité des faillites, t. 2, p. 21, pense cjue, d'après la discussion à laquelle a donné lieu dans les Chambres l'art. 509 de la nouvelle loi des faillites, le délai de huitaine fixé par cet article pour la remise du concordat, est fatal et entraîne une déchéance absolue. M. Rehouardj Des faillites, t 2, p. 33, trouve cette solution fort rigoureuse pour le cas où une force majeure empêcherait la réunion d'avoir lieu à huitaine. Il enseigne que si des cas de nécessité absolue exigeaient une remise, on pourrait s'adresser au Tribunal pour faire fixer un autre jour, et que cette fixation né serait pas susceptible de critique. Il pense d'ailleurs que si l'assemblée n'a pas été tenue au jour indiqué par la loi, les Tribunaux peuvent, suivant les circonstances, annuler ou valider la délibération.

Quant à la question de savoir si, dans le ras où un Tribunal refuse d'homologuer le concordat, par le motif qu'il a eu lieu en dehors du délai légal, le failli peut essayer d'un nouveau concordat, nous ne connaissons aucune disposition de la loi qui là tranche nettement pour l'affirmative. L'art. 524 dit, il est vrai : S'il n'intervient pas » de nouveau concordat les créanciers seront convoqués, etc. Mais l'art. 524 se trouve dans le paragraphe qui s'occupe de l' annulation de la résolution du concordat, et les expressions : s'il n'intervient.pas de concordai, y ont été introduites par la commission de la Chambre des Députés, et avec des motifs qui semblent en restreindre l'application an cas de résolution du concordat pour-défaut d'exécution.


( 220 )

Le failli réunissant la majorité en somme, il y avait lieu de remettre la délibération.

La maison Lopes-Dubec et Comp. fait observer que le délai de huitaine est insuffisant pour avoir l'avis, de son mandant qui habile Florence ; et, s'appuyant sur diverses décisions et l'opinion de quelques auteurs, elle demande que la délibération soit renvoyée à un mois.

Les sieurs Paolo et G. Paoli se joignent à cette demande, et M. le Juge-commissaire, vu la position particulière de la faillite, renvoie la délibération au 4 mars suivant,

Le 4 mars, le concordat a lieu.

Le 17 du même mois, le sieur Del-Pérugia Ange présente au Tribunal une requête tendant à l'homologation du concordat, et dans laquelle il conclut subsidiairement pour le cas où elle serait refusée, à raison d'une irrégularité dans la procédure, à ce qu'il plût ail Tribunal ordonner que les créanciers seraient convoqués de nouveau pour délibérer sur la formation d'un nouveau concordat.

Le syndic, apposlillant la requête, déclare consentir à l'homologation, et prie le Tribunal de l'accorder dans l'intérêt de la masse.

Le lendemain, 18 mars, le Tribunal rend, en la chambre du conseil, un jugement qui refuse l'homologation, et qui, rejetant les conclusions subsidiaires, ordonne que par les soins-de M. le Juge-commissaire, les créanciers seront convoqués pour délibérer sur les points indiqués par les art. 529 et 530 du Code de commerce.

Les motifs de celle décision sont ainsi conçus :

« Vu les dispositions des art, 507, 509, 513, 514; 515 et 516 du Code de commerce ;

» Attendu qu'aux termes de l'art, 509 précité, si le concordat est consenti seulement par la majorité en nombre ou par la majorité des trois quarts en somme, la délibération doit être remise à huitaine pour tout délais; '

» Attendu que l'art. 515 du Code de commerce dispose,


( 221 )

qu'en cas d'inobservation des règles prescrites en matière de faillite, le Tribunal refusera l'homologation du concordat; que cette disposition est formelle; que la loi ne distingue pas entre les diverses irrégularités de la procédure; que celle commise dans la faillite du sieur Del-Pérugia Ange fils doit par conséquent empêcher l'homologation du concordat qu'il a obtenu de ses créanciers, bien que ce concordat,réunisse toutes les autres conditions exigées par la loi pour la validité.

» Sur les conclusions subsidiaires de l'exposant :

» Attendu qu'aux termes de l'art. 529 du Code de commerce, s'il n'intervient pas de concordat, les créanciers sont de plein droit en état d'union ; que, par suite de cette disposition,, et d'après le refus d'homologation du concordat, il ne reste plus qu'à vêtir les autres dispositions de cet article 529 , ainsi que celles de l'art. 530. »

Appel de la part du sieur Del-Pérugia Ange.

On soutient, dans son intérêt, devant la Cour,' que le délai de huitaine fixé par l'art. 509 du Code de commerce, pour délibérer de nouveau sur le concordat dans le cas où dans une première réunion le failli n'aurait réuni que l'une des majorités, n'était pas fatal; que la doctrine et la jurisprudence le décidaient sous l'empire de l'art. 522 de l'ancienne loi des faillites.

On invoque sur ce point un arrêt de la Cour de Paris, du 15 novembre 1836, et un arrêt de la Cour de Caen, du 2 avril 1338.

On plaide que cette jurisprudence n'est pas plus repoussée par l'art. 509 de la nouvelle loi des faillites, qu'elle ne l'était par ceux de l'art. 522 de l'ancienne loi, puisque ces deux articles s'expriment dans des termes parfaitement identiques au sujet du délai ; qu'il serait injuste de priver le failli malheureux de la possibilité de concorder avec ses créanciers, parce qu'une force majeure, ou des circonstances graves et indépendantes de la volonté de tous, n'ont


( 222 ) pas permis de signer le concordai dans la huitaine, après la première assemblée qui avait été fixée pour cet objet ;

Que, dans la cause, il y avait eu force majeure qui s'opposait à ce que la seconde assemblée pour le concordat pût avoir lieu à huitaine.

On ajoute que, dans tous les cas, le Tribunal aurait dû accueillir les conclusions subsidiaires du failli, et ordonner que les créanciers seraient convoqués de nouveau pour délibérer sur le concordat ;

Qu'en effet la nullité du concordat pour toute autre cause que pour banqueroute frauduleuse ou pour dol ou fraude, ne met pas le failli en élat d'union, mais le soumet à l'essai d'un nouveau concordat;

Que cela résulte formellement des termes de l'art. 524 du Code de commerce.

M. l'avocat général conclut pour l'homologalion du concordat.

ARRÊT.

Attendu que, suivant fart, 509 du Code de commerce, la délibération au cas qui y est exprimé, doit être remise à huitaine, pour tout délai ; que ces deux derniers termes sont exclusifs d'un délai plus étendu ; que par celte nouvelle disposition, ajoutée à l'ancien article correspondant, le législateur ayant voulu annoncer, d'une manière plus explicite, que le concordat devrait être consenti librement, spontanément, a déclaré sans effet les résolutions prises et les adhésions données lors de la première assemblée; qu'il ne lui a pas suffi d'avoir dégagé d'un premier acquiescement les créanciers , et de leur avoir ainsi rendu toute leur indépendance; qu'il avait-voulu s'assurer , d'abord, que le traité serait accepté sans observation , sans intrigue , et avec une liberté pleine et .entière ; qu'en cas de violation de la règle du délai, le concordat est légalement présumé manquer des conditions essentielles-à sa sincérité, à sa validité ; qu'alors doit s'appliquer textuellement l'ordre intimé par l'art. 515


( 223). d'en refuser l'homologation ; que vainement on se prévaut de ce que, dans l'espèce, la faillite n'a.que deux créanciers, ;et que l'extrême éloignement du second, qui est un étranger italien, a motivé la remise de la délibération au 4 mars, ce qui forme,un délai de trente-quatre jours ; que cette dernière circonstance était connue ; qu'il était facile d'y pourvoir d'avance; qu'alors qu'il n'est surgi aucun événement imprévu et de force majeure, il ne peut être permis de s'écarter arbitrairement des prescriptions que renferment les susdits articles cités ;

Sur les conclusions subsidiaires : attendu qu'elles étaient inadmissibles, aux termes de l'art. 529 dû Code de com merce, qui porte que s'il n'intervient pas de concordat, les créanciers sont de plein droit en état d'union ; qu'en le dé clarant, le Tribunal n'a fait qu'obéir à ce dernier article; LA COUR, — Met au néant l'appel que Del-Pérugia Ange fils a interjeté du jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, en date du 18 mars dernier.

Du 1O mai 1845. — 2me.Ch.M. POUMEYROL, Prés.y —Concl., M. PERROT, subst. du proc-gén. — Plaid., M. FAYE, Avocat.

VENTÉ. MAKQUES. — ÉCHANTILLON NULLITE.

Lorsqu'un marché est intervenu sur connaissement indi quant les marques ou estampes imprimées sur la marchandise, ,le vendeur ne peut forcer l'acheteur à accepter la marchandise offerte qu'autant qu'il y a identité dans, les marques. Il ne peut même se prévaloir de la circons. tance que la marchandise offerte serait conforme en qualité à des échantillons envoyés à l'acheteur, alors qu'il n'a été question des échantillons que d'une manière indirecte, et postérieurement à la conclusion définitive du marché.


( 224 ) MESTREZAT PÈRE, FILS ET COMP. — C. — JAMET ET COMP.

Le 6 juillet 1844, les sieurs Cucurny oncle et Comp., de Marseille, écrivent à la maison Mestrezat père et fils et Comp. pour lui annoncer l'intention où ils sont de lui consigner un chargement de plomb, et l'expédition d'un saumon de toutes les parties qu'ils vendent ordinairement, pour échantillon.

Ils expédient en effet de Marseille le navire la Manche, capitaine Denis, pour aller prendre à Cartagène un chargement de plomb, à l'adresse de la maison Mestrezat père, fils et Comp.

Le 23 septembre, ils transmettent à cette maison le connaissement de la marchandise indiquant les marques et les quantités suivantes :

1,730 saumons Carmen, 758 idem Atalaya, 315 idem Riscales, 681 idem Cartagenera, 19 idem Real,

3,513 saumons.

Par l'intermédiaire du sieur Râteau, son représentant, et par correspondance, en date des 7, 8,13 et 14 octobre 1844, la maison Mestrezat père, fils et Comp., vend aux sieurs Jamet et Comp., de Nantes, les plombs qui lui sont consignés par les sieurs Cucurny oncle et Comp., sur le connaissement et sur les marques ou estampes qui y sont exprimées.

Elle leur expédie les échantillons qu'elle avait reçus des sieurs Cucurny oncle et Comp.

A l'arrivée de la marchandise à Nantes, les sieurs Jamet et Comp. font constater régulièrement que le chargement du navire se compose de :


( 225 ) 1,942 saumons N. de Monserrat, .

38 idem , Saint-George Association, 676 idem Fondation de Cartagenera, 572 idem Fondation de

12 idem J. T. Gorman et Comp., 264 idem Union de Real,

4 idem sans marque. ■'

3,517 saumons.

Les sieurs Jamet et Comp. refusent de prendre livraison pour défaut de conformité des marques imprimées sur la marchandise, avec celles indiquées au connaissement, et laissent les plombs pour compte. ■

Après une procédure devant le Tribunal de commerce de Nantes, dont il est inutile de parler ici, la maison Mestrezat père, fils et Comp., fait assigner les sieurs Jamet et Comp. devant le Tribunal de commerce de Bordeaux, pour entendre dire que les plombs sont à leur charge depuis le déchargement du navire, et s'entendre condamner à en payer le prix.

Elle soutient que bien que la vente ait été conclue sur le connaissement, l'identité des marques n'avait pas été une . condition du marché; qu'elle avait eu l'intention de livrer et les sieurs Jamet et Comp. de recevoirdes plombs provenant des mines et fonderies de Cartagène, et identiques en qualités aux échantillons qui leur ont été adressés; que ce sont ces échantillons et non point les marques qui doivent servir de terme de comparaison entre la marchandise livrée et celle vendue. E

Elle produit divers documents pour établir que les plombs livrés ont la même origine que ceux dont les estampes sont indiquées au connaissement, et que les fonderies, dont les marchandises proviennent, se servent indifféremment de ces estampes ou de celles qui se trouvent exister sur les saumons chargés sur le navire la Manche.

Elle demande une expertise à l'effet d'établir que les Année 1845. -~ 1er part, 19


( 226 )

plombs, objet du litige, sont identiques en qualité avec les saumons envoyés pour échantillons aux sieurs Jamet et Ce.

Les sieurs Jamet et Comp. répondent : qu'en fait la marchandise que l'on voudrait leur faire accepter n'est pas conforme à celie qui a été achetée;

Qu'en droit, le marché ayant été conclu, non sur échantillons, mais sur connaissements, spécialisant la marchandise par des marques, l'identité de ces marques est une condition substantielle de la convention.

JUGEMENT.

Attendu que la convention qui fait la loi des parties, est spécialement attestée par les lettres de Jamet et Comp., de Mestrezat père, fils et Comp., et de Râteau, mandataire de ces derniers, sous les dates des 7, 8, 13 et 14 octobre 1844;

Attendu qu'il résulte de leur énonciation que la vente dont il s'agit au procès, a été opérée sur connaissement, pour 3,513 saumons de plomb portant les marques ou élampes qui y sont exprimées ;

Attendu que la remise d'un échantillon, faite à Jamet et Comp., n'a été qu'un accessoire complètement secondaire dans la transaction; qu'en effet, il n'en a été parlé, entre les parties, que d'une manière indirecte, et postérieurement à la conclusion définitive du marché; que par suite, il faut reconnaître que l'identité des marques sur la marchandise, était l'une des conditions essentielles de la convention ;

Attendu qu'il a été légalement constaté que les marques ou élampes n'étaient conformes ni à celles portées au connaisse ment, ni aux indications consignées dans les lettres précitéesAttendu

précitéesAttendu les documents informes. relatifs à l'origine des marchandises vendues, ne s'accorderaient même pas, dans leurs allégations, avec les constatations recueillies au débarquement; que dès-lors, il n'y a pas lieu de s'y arrêter:

Par ces motifs, — le Tribunal déclare les sieurs Mestrezat père et fils mal fondés dans leur demande.


( 227 ) Du9septembre 1845. — M. BASSE, Juge-Prés. — MM. CABROE, PRÉCLOS ET FABRE, Jugés: — Plaid., MM. L. BROCHON et LAGARDE, Avocats.

COMMISSIONNAIRE DE TRANSPORT. — VOITURIER — RETARD. ■— DOMMAGES-INTÉRÊTS. — COMMISSIONNAIRE INTERMÉDIAIRE.

La stipulation de la retenue dit tiers de la voiture, pour le cas de retard dans le transport, ne s'applique qu'au cas d'un retard ordinaire.

Le commissionnaire de transport intermédiaire est tenu de garantir le premier commissionnaire des condamnations en dommages-intérêts prononcées contre lui pour retard dans l'arrivée de la marchandise â destination, alors que le retard provient de son fait, en substituant la voie d'èau â la voie de terre qui aurait permis l'arrivée dans le délai. Sa garantie ne peut être réduite â la perte du tiers de la voiture par le motif que le premier commissionnaire qui avait reçu un prix de transport par accéléré, né lui aurait laissé sur ce prix qu'une part en rapport avec la voie plus économique qu'il a fait suivre à la marchandise, et ne lui aurait pas fait connaître l'intérêt qu'avait l'expéditeur â l'arrivée au jour fixé (1). (Code de comm., art. 97 ; Code civ., art. 1152).

CHAUMONT PÈRE ET FILS -— C. -— DOY ET DUPRÉ ET COMPi

Les sieurs Chaumont père et fils ont fait appel tant contre le sieur Doy que contre les sieurs Dupré et Comp., du jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux du 11 juin 1844, rapporté dans ce Recueil, 1844. 1. 157, avec les faits de la cause et les moyens présentés devant les premiers juges.

Les mêmes moyens sont reproduits devant la Cour. ARRÊT.

En ce qui touche l'appel de Chaumont père et fils contre Doy:

(I) Voy. ce Recueil 1844. 1. 157,


( 228 )

Attendu qu'il est constant, en fait, que, le 21 septembre 1843, les appelants, commissionnaires de roulage à Châlonssur-Saône, contractèrent, envers Doy, l'engagement de faire arrivera Bordeaux , à l'époque fixée du 9 octobre suivant, huit malles contenant les effets de ce dernier et de sa famille ; que le plus haut prix de voiture par l'accéléré fut par eux stipulé pour ce transport, ce qui ne permet pas de douter qu'ils n'eussent connaissance de l'urgence et de l'intérêt majeur de Doy à l'exacte et littérale exécution de la convention;

Attendu que les malles dont il s'agit n'arrivèrent au lieu de destination que vingt jours après celui déterminé par la lettre de voiture ;

Attendu qu'il importerait peu, quant à la responsabilité de Chaumont père et fils envers Doy, que ce retard dût être attribué à leur négligence, à leur fait personnel, ou à celui du commissionnaire intermédiaire auquel ils transmirent la marchandise ; que dans l'un et l'autre cas, cette responsabilité se trouvait engagée, aux termes des art. 97 et 99 du Code de commerce ;

. Attendu que la clause ordinaire de réfaction du tiers du prix stipulé par la lettre de voiture, ne saurait être prise pour base de l'évaluation des dommages-intérêts dans l'espèce, où le bénéfice de la commission s'est élevé, à cause de l'urgence , à un taux très-supérieur à celui habituellement perçu; ...

Attendu qu'il n'est pas contesté que Doy avait à Bordeaux retenu son passage pour la Vera-Cruz, sur le navire l'Irma, qui mit en mer le 16 octobre ;

Qu'il paya à l'armateur la moitié du prix de ce passage, et fut dans la nécessité d'attendre une nouvelle occasion de départ ;

Que ce retard forcé, les dépenses de toute nature, qu'il a occasionnées, exigeaient qu'on s'écartât de l'usage invoqué et des termes restrictifs de l'art. 102 du Code de commerce ;


( 229 )

Que la somme de 1,500 allouée par les premiers juges n'excède pas la mesure du préjudice éprouvé et dont la réparalion était incontestablement due;

Attendu que l'appel de Chaumont père et fils, à l'encontre de Doy, a suspendu l'exécution du jugement et privé l'intimé de recevoir la somme au paiement de laquelle ils ont été condamnés;

Que Doy est dès-lors fondé à se prévaloir de la disposition finale de l'art. 464 du Code de procédure civile , pour réclamer les intérêts de celte somme depuis la condamnation dont ils sont l'accessoire, jusqu'au paiement effectif;

En ce qui touche l'appel de Chaumont père et fils contre Dupré et Comp. :

Attendu que Chaumont père et fils adressèrent, le 21 septembre, à Dupré et Comp., avec les colis, la lettre de voiture indiquant qu'ils devaient être livrés à Bordeaux, le 9 octobre; que dès le lendemain , 22 septembre, ils les avisèrent de cet envoi par la lettre contenant leur bordereau ; que les conditions du transport des huit malles de Lyon à Bordeaux, par fourgons accélérés, au prix convenu de 17 fr. les 100 kil., dans le délai de quatorze jours, furent acceptés par Dupré et Comp., mais qu'au lieu de charger ces malles, à leur arrivée à Lyon, sur fourgons, ils substituèrent, comme moins coûteuse, la voie par eau à celle directe de terre ; que c'est à ce changement dans le mode de transport qu'il faut attribuer le retard qui a déterminé la condamnation prononcée contre Chaumont père et fils ; qu'ils doivent en être relevés entièrement indemnes, et que, sur ce chef, leur appel est fondé en droit comme en équité:

LA COUR, — démet Chaumont père et fils de l'appel qu'ils ont interjeté contre Doy ; les condamne à payer à Doy l'intérêt de la somme de 1,500 fr., à partir de la date du jugement jusqu'au paiement effectif, pour le préjudice résultant dudit appel ; faisant droit de l'appel que Chaumont père et fils ont interjeté du même jugement, contre Dupré et Comp., dans


( 230 ) le chef qui n'a qu'incomplètement accueilli leur demande en garantie, émendant quant à ce, condamne lesdits Dupré et Comp. à les garantir et les relever indemnes de toutes lès condamnations prononcées contr'eux en principal et accessoires.

Du 18 juillet 1845. ^ 4me Ch. — Près., M. GÈRBEAUD. ■— Plaid., MM. FAYE, GUIMARD et DE LASSIME, Avocats.

LETTRE DE CHANGE. — DOMMAGES-INTÉRÊTS. — FONDS A

L'ÉCHÉANCE. —PROTÊT. Celui qui s'est obligé à faire lés fonds à des traites et qui n'a pas accompli son engagement, est tenu envers le tireur de réparer le dommage résultant du protêt faute de paiement. Il ne peut échapper aux dommages-intérêts, sous le prétexte qu'il avait des motifs pour discontinuer un crédit qu'il avait ouvert au tireur. (Code civil, art. 1142 et 1382). GOYRAULT — C.— ANGLADE ET COMP., ET CELUI-CI — C.

—■ FORTANÉ FILS ET DAMADE. Le 2 août 1845, les sieurs Anglade et Comp. écrivent aux sieurs Fortané fils et Damade, avec lesquels ils sont en relations d'affaires, une lettre dans laquelle ils leur disent qu'ils ont besoin d'une somme de 15,000 fr. pour le courant d'août, et leur demandent l'ouverture d'un crédit pour cet objet.

Le 6 du même mois, les sieurs Fortané fils et Damade leur répondent qu'ils consentent à leur ouvrir un crédit à concurrence de 12,000 fr. seulement, et reconnaissent avoir reçu d'eux, pour faire face à ce crédit, en billets ou en traites : 3,000 fr. au 25 septembre 1845. 3,000 » au 5 octobre. 3,000 » au 15 » 8,000 » au 25 »

ensemble 12,000 fr. dont ils s'engagent à faire les fonds aux échéances.

L'effet de 3,000 fr. au 25 septembre était une traite tirée


( 231 ) . deToulouse, le 30 juillet, par les sieurs Anglade et Comp., à ordre des sieurs Fortané fils et Damade, sur le sieur Dumas, à Bordeaux.

Cette traite, passée par les sieurs Fortané fils et Damade, à l'ordre du sieur Chaumont, est protestée, faute de paiement, à. la requête du sieur Coyrault, les fonds n'en ayant pas été faits à l'échéance.

Le 27 septembre, le sieur Coyrault fait pratiquer une sai sie-arrêt au préjudice des sieurs Anglade et Comp., tant dans les mains des sieurs Blanchy frères et Comp. que dans celles des sieurs Duclos frères, et le fait ensuite assigner pour s'en? tendre condamner au paienient de la traite.

Les sieurs Anglade et Comp. appellent les sieurs Fortané fils et Damade à leur garantie et pour s'entendre condamner à leur payer 15,000 fr. à litre de dommages-intérêts,

A l'audience, le sieur Coyrault déclare qu'il a été remboursé par les sieurs Fortané fils et Damade.

11 ne reste plus à débattre que la demande en dommagesintérêts, dans laquelle les sieurs Anglade et Comp. insistent,

Ils soutiennent que le protêt, faute de paiement, et les saj_ sies faites à leur préjudice par le sieur Coyrault, avaient causé un grave préjudice à leur crédit.

Les sieurs Fortané fils et Damade répondent qu'ils n'ont, causé aucun dommage aux sieurs

Ils présentent des motifs qui leur avaient donné le droit, d'après eux j de retirer le crédit qu'ils leur avaient ouvert, et soutiennent qu'une fois le crédit retiré, ils étaient complètement dégagés de faire les fonds aux traites, puisque cet en gagement n'était qu'une conséquence de l'ouverture du crédit. JUGEMENT,

Sur les conclusions en dommages-intérêts:

Attendu que par leur lettre du 6 août 1845, à Anglade et Comp.. Fortané fils et Damade se sont obligés à faire, lors de leurs échéances, les fonds de diverses traites des demandeurs, entr'autres de celle de 3,000 fr. au 25 septembre, sur le sieur Dumas


( 232 ) . .

Attendu que cette promesse spéciale sous le bénéfice de laquelle la traite précitée a été émise, a eu pour effet.de décharger Anglade et Comp. du soin d'y faire provision ;

Attendu que l'engagement de Fortané fils et Damade n'était que la conséquence de la combinaison particulière et rentrant dans leurs convenances personnelles-, d'après laquelle devait être réalisé originairement, au profit d'Anglade et Comp., le contrat de crédit intervenu entre les parties;

Attendu que Fortané fils et Damade étaient, dès-lors, tenus de commencer par exécuter leur promesse concernant la traite sur le sieur Dumas; sauf après, à se faire rembourser de cette avance, supposé qu'ils fussent en droit dé discontinuer le crédit par eux ouvert à Anglade et Comp. ;

Attendu que le protêt dressé et la double saisie-arrêt jetée au préjudice d'Anglade et Comp., les 26 et 27 septembre derniers, sont la conséquence du refus de Fortanéfils et Damade de pourvoir à l'acquittement de la traite dont s'agit ; ■ Attendu que les actes de l'espèce de ceux qui viennent d'être spécifiés sont, essentiellement de nature à porter par euxmêmes un tort réel au négociant qui les subit ;

Attendu, toutefois, que ce qui résulte, quant à la position antérieure d'Anglade et Comp., des renseignements consignés dans la lettre écrite le 2 août 1845 au sieur Fortané par le sieur Anglade, doit, ainsi que le protêt déjà signifié à Anglade et Comp. le 1er septembre, entrer en ligne de compte dans l'appréciation du dommage par eux souffert, qu'il appartient au Tribunal de fixer avec une équitable modération ;

Par ces motifs,— le Tribunal.....

Condamne Fortané fils et Damade à payer à Anglade et Comp. la somme de 300 fr. pour réparation du lort occasionné à ces derniers.

Du 28 octobre 1S45. — LOPÈS-DUBEC , Juge-Prés. — MM. BRUNETef CASTILLON Juges. —Plaid., M. LEVESQUE, SCHEMIT et DERRATIER, Agréés. '


( 233 )

1o CAPITAINB. — RESPONSABILITÉ.— PILOTAGE. — RADES ou PORT. — RADE DU VERDON. T— EFFETS A L'USAGE DES PASSAGERS .

2° PASSAGERS. — FRET. — NAUFRAÇE. VOYAGE AVANCÉ. FRET PROPORTIONNEL .

19 Le capitaine qui refuse de recevoir un pilote dans un lieu où les règlements l'obligent à en avoir un à son bord,

commet une faute qui le rend responsable des événements qui surviennent à son navire en l'absence du pilote.

Les rades ou ports dans lesquels, aux termes de l'art. 35 du

. décret de 1806, les pilotes peuvent laisser les navires après les avoir ancrés ou amarrés, ne s'entendent pas des lieux uniquement de station qui se trouvent dans la descente d'une rivière.

Le Verdon,.au bas de la Gironde, n'offre pas une sûreté suffisante pour que les navires puissent y rester au mouillage sans avoir unpilote abord

Les malles laissées à bord à la disposition des passagers ne doivent être censées contenir que .les effets à l'usage de ces derniers, et le capitaine ne peut être responsable que de la valeur présumable de ces effets. (l)(Code de comrn., art. 221 ).

2° Les dispositions du Code de commerce relatives au fret des marchandises, .sont applicables au transport despas sagers (2).

En cas de naufrage du navire en cours de voyage, le prix du passage n'est dû qu'en raison du voyagé avancé, sans qu'il y ait lieu de retenir sur la somme payée les frais que le capitaine a pu faire pour recevoir les passagers et payer leur nourriture à bord. ( Code comm., art. 296. )

(1) C'est dans ce sens qu'a été.restreinte la responsabilité des maîtres d'hôtel et des entrepreueurs.de voitures publiques. (2)Voy. ce Recueil, 1837. 1. 46; 1840. 1. 115 et 1843. 1.21. 1845. — 1re part. 20


( 234 ) -

VEUVE CHIMÈNES ET H. CHLMÈNES FILS. — C. — CAPITAINE CHILD.

La dâmê Chimènes et le siêur H. Chimènes, son fils, prennent passage à Bordeaux pour la Nouvelle-Orléans, à bord du navire américain le Tamenend, capitaine Child.

Ils payent 400 fr. d'avances pour la demie de leur voyage. .

Le 2 octobre 1845, le navire quitte Bordeaux sous la direction d'un pilote de la station de ce port qui le conduit jusqu'à Blaye. Un pilote de cette dernière station le conduit le même jour à Pauillac.

Le capitaine fait en ce lieu quelques dispositions et en repart le samedi 4, sous la conduite d'un nouveau pilote qui descend le navire jusqu'au Verdon, où il l'ancre pour attendre la visite de la douane et le pilote qui devait le mettre à la mer,

Les employés de la douane ne viennent pas à bord à cause du mauvais temps.

Le capitaine ne pouvant pas mettre en mer immédiatement, refuse de recevoir le pilote pour n'avoir pas à lui payer les 6 fr. par jour de surestaries alloués par le tarif.

Le mauvais temps continue pendant toute la semaine.

Dans la matinée du samedi 11 octobre, le navire, fatigué par la lame et la violence des vents, est poussé à la côte et jeté sur le plantin de Saint-George où il demeure échoué.

Les passagers et l'équipage se sauvent à bord des canots. Plusieurs effets sont aussi sauvés du naufrage, mais la dame et le sieur Chimènes perdent en outre des pacotilles qu'ils avaient chargées et qu'ils avaient fait assurer, les malles qu'ils avaient embarquées avec eux.

Ces derniers mettant en fait que le sinistre provenait de la faute du capitaine Child, le font assigner pour s'entendre condamner à leur payer la somme de 4,000 fr. pour la valeur de divers objets renfermés dans leurs malles et dont ils donnent une note détaillée, et celle-de 3,000 fr. à titre de dom-


(235) mages-intérêts, et en outre pour avoir à leur rembourser la somme de 400 fr. payée pour la demie de leur passage.

Ils disent que le capitaine était en faute :

1o Parce qu'il était descendu de Pauillac au Verdon malgré les représentations de diverses personnes expérimentées, et celles du pilote qui lui représentait le danger de mettre en mer ou de rester en rade du Verdon par le temps qui régnait alors ;

2° Parce qu'il s'était obstiné à rester sur la rade du Verdon, bien que tous les navires qui y étaient prêts à prendre la mer eussent remonté la rivière, ne se trouvant pas en sûreté sur cette rade;-

3° Parce que dans la nuit du sinistre, il avait négligé de faire mouiller la seconde ancre, le navire ayant déradé parce que la seule ancre sur laquelle il était mouillé avait cassé ;

4° Enfin, parce qu'il avait refusé de garder un pilote à son bord.

Le capitaine Child soutient qu'au moment du sinistre son navire était"mouillé sur deux ancres, et qu'il [n'y a pas eu imprudence de sa part, d'être descendu à la rade du Verdon afin d'y attendre le temps favorable pour prendre la mer.

Il plaide qu'il n'y avait pas obligation pour lui de garder un pilote à son bord pendant qu'il était ancré sur la rade du Verdon ; qu'en effet l'art. 35 du décret du 12 décembre 1806, ne défendant aux pilotes de quitter les navires qu'ils conduisent qu'avant qu'ils soient ancrés dans les rades ou amarrés dans les ports, il en résulte qu'ils peuvent lés quitter après l'ancrage ou l'amarrage, et que par suite le capitaine peut, sans contrevenir au décret et aux règlements sur le pilotage, demeurer sans pilote à son bord dès qu'il est mouillé dans une rade ; que le Ver-; don a toujours été considéré comme une rade.

Relativement au remboursement de la somme de 400 fr. payée pour la demie du passage, il dit que l'art. 296 du Code de commerce n'est pas applicable au transport des passagers, parce que le naufrage qui empêche le navire de


continuer le voyage fait perdre à l'armement les vivres et autres dépenses parliculièires nécessitées par la présence des passagers à bord.

JUGEMENT.

Attendu que la dame veuve Chimènes et le sieur Hector Chimènes son fils, ont payé au capitaine Child du navire américain Tamenend, une somme de 400 pour la demie du passage convenu sur ledit navire, de Bordeaux à la Nouvelle-Orléans ;

Attendu qu'à défaut de dispositions spéciales, les dispositions du Code de commerce relatives au fret des marchandises sont, par une assimilation naturelle et d'après la jurisprudence des Tribunaux de commerce, applicables au transport des passagers; que dès-lors ledit navire Tamenend ayant fait naufrage en cours de voyage, le prix du passage n'est dû qu'en raison du voyage avancé, sans qu'il y ait Heu à retenir sur la somme payée les frais que le capitaine a pu faire pour recevoir les passagers et payer leur nourriture, ces frais étant de la nature de ceux nécessités par l'armement et la réception des marchandises à bord qui ne donnent lieu à aucun recours ' contre les affréteurs ou chargeurs, en cas de perte du bâtiment ;

Attendu, dans le cas actuel, que le bâtiment s'est perdu avant d'être sorti de la rivière, et que, par conséquent, le trajet parcouru en raison de la longueur du voyage, peut être considéré comme inappréciable.

En ce qui touche la responsabilité du capitaine:

Attendu qu'il a été avancé et non dénié que le capitaine Child a refusé de recevoir le pilote de Saint-Georges qui s'est présenté à son bord au moment où son navire venait d'être mouillé sur la rade du Verdon, par le pilote de Blaye qui l'a-vaît conduit jusque là et qui quittait le navire;

Attendu que le décret du 12 décembre 1806 ,' relatif au règlement des pilotes, dispose, art. 34 :« Que tout bâtiment entrant ou sortant d'un port doit avoir un pilote; que si le


( 237 ) capitaine refusait d'en prendre un, il demeurerait responsa-- ble de tous les événements que le capitaine Child voudrait à tort se prévaloir des dispositions de l'article suivant du même décret, qui ajoute « qu'il est défendu aux pilotes de quitter les navires qu'ils conduisent avant qu'ils soient ancrés dans les rades ou amarrés dans les ports,» par la raison que celle expression rade ou port ne peut avoir été entendue des lieux uniquement de station qui se trouvent dans la descente d'une rivière; que de plus, il est constant que le mouillage du Verdon n'est pas un lieu où les navires soient .en sûreté suffisante; qu'au contraire les bâtiments qui y attendent un temps favorable pour la sortie sont souvent obligés de l'a bandonner pour remonter la rivière ; que le pilote par la connaissance et la pratique des lieux est mieux à même que Je capitaine d'apprécier les circonstances qui doivent prescrire une telle mesure de prudence, et que dans ce cas sa présence à bord est indispensable pour la direction du bâtiment ; que de plus l'usage peut servir de règle dans l'appréciation de l'obligation dont il s'agit ;

Attendu, dès-lors, que l'on ne peut s'empêcher de reconnaître que le capitaine Child ait commis une faute en refusant de garder un pilote à bord, et que, par-là, il a assumé sur lui la responsabilité des événements qui pourraient survenir à son navire;

Attendu, en outre, que l'art. 221 du Code decommerce dispose que tout capitaine , maître ou patron chargé de la conduite d'un navire est garant de ses fautes, même légères dans l'exercice de ses fonctions; que le principe général écrit dans les articles 1382 et 1383 du Code civil oblige toute personne qui occasionne un dommage, soit par son fait propre, soit par sa négligence ou son imprudence à le réparer; d'où il résulte que le capitaine Child doit être astreint à réparer le dommage qui a pu survenir aux demandeurs par la perte de son bâtiment;

Mais attendu que dans-leur réclamation, les demandeurs comprennent une somme argent et divers objets de valeur,


( 238 ) . bijoux, etc., destinés sans nul doute à la vente, et qui étaient contenus dans leurs malles; que le capitaine ne saurait, être responsable des objets de cette nature qui ne lui auraient pas été déclarés à l'embarquement et dont il n'aurait pas fourni un connaissement ou une reconnaissance; que les effets à Usage des passagers sont seuls censés contenus dans les colis laissés à leur disposition pendant la traversée; que dèslors la condamnation à porter contre le capitaine doit être réduite à la valeur admissible et probable desdits effets;

Attendu, quant aux dommages et intérêts réclamés,'qu'ils ne sont pas justifiés ; qu'il ne peut en être accordé par le Tribunal sur des éventualités de bénéfice qui ne se seraient peutêtre pas réalisés;

Par ces motifs, le Tribunal, sans s'arrêter aux autres faits reprochés au capitaine, condamne le capitaine Child à rembourser aux demandeurs, 1° la somme de 400 fr. qui lui a été comptée par eux pour la demie de leur voyage, à bord du navire le Tamenend; 2° celle de 1,600 fr., à laquelle demeure évaluée et fixée la valeur des objets à usage appartenant aux demandeurs, perdue dans le naufrage dudit navire; relaxe le capitaine Child de plus amples fins et conclusions dés demandeurs.

Du 13 novembre 1845. — M. BRUNET, Juge-Prés. — MM. CASTILLON, LOPES-DUBEC et FAURE, Juges. —Plaid., MM. LEVESQUE et GIRARD, Agréés.

VIN DE MÉDOC — BOUTEILLES. —- CONTENANCE. —USAGE.

D'après les usages de la place de Bordeaux dans les ventes des vins de Mi-doc en bouteilles, la bouteille doit être de la contenante d'environ 82 centilitres.

MOYRAND ET COMP. —C. — HAYEMANN ET HERWIG.

Le 31 juillet 1845, les sieurs Moyrand et- Comp. vendent aux sieurs Havemann et Hervrig, par l'entremise de M. Labory, courtier, 900 bouteilles vin Médoc Côs-Labory, de la


( 239 ) récolte de 1840, au prix de 1 fr. 50 c. la bouteille, à 3 p. 100 d'escompte.

Les bouteilles offertes à la livraison par les sieurs Moyrand et Comp., sont de la contenance de 76 centilitres, soit 300 bouteilles environ par barrique.

Les acheteurs refusent de les accepter comme étant d'une trop petite contenance.

Ils soutiennent que les bouteilles vin Médoc doivent être de 82 centilitres environ, soit de 270 à 280 bouteilles par barrique.

Les sieurs Moyrand et Comp. les font alors assigner en prise de livraison et en paiement du prix.

Ils disent que les bouteilles de vin de Bordeaux ont toujours été admises à la contenance de 300 bouteilles environ à la barrique.

JUGEMENT.

Attendu qu'il résulte des débals que, lors de la vente verbalement faite par Moyrand et Comp., à Havemann et Herwig, de la quantité de 900 bouteilles de vin \ il n'a rien été dit de la contenance des bouteilles ;

Attendu que les demandeurs déclarent que les bouteilles dont ils offrent la livraison sont de là contenance de 76 centilitres chaque, soit 300 bouteilles pour une barrique ;

Attendu que, dans-l'usage constant du commerce , la bouteille de vin du Médoc doit contenir 82 centilitres environ, soit 270 à 280 bouteilles par barrique ;

Par ces motifs , le Tribunal condamne Havemann et Herwig, de leur consentement, à prendre livraison des 900 bouteilles de vin Côs-Labory, qu'ils ont achetées aux demandeurs, et à leur en payer le prix à raison de 1 fr. 50 c. la bouteille; mais à la charge par les demandeurs de tenir compte aux acheteurs de la différence qui existe entre la contenance des bouteilles offertes, 76 centilitres chaque, et celle qu'elles devraient avoir, soit 82 centilitres.

Du 28 août 1845. — M. BRUNO-DEVÈS , Près. — MM, LOPES-DUBEC et BRUNET, Juges. — Plaid., MM. DERRATIER et LEVESQUE, Agréés.


■ ( 240 )

CAUTION — SOMMATION AU GREFFE. — CONTESTATION.— FIN DÉ NON RECEVOIR.

L'appelant d'un jugement du Tribunal de commerce qui n'obtempère pas â la sommation qui lui est faite d'être présent au greffe, afin d'y admettre ou contester la caution offerte pour l'exécution du jugement, nonobstant l'appel, est non-recevable à contester plus tard cette caution qui a fait sa soumission (1). (Code deprocédure civile, art, 440 et 441. )

LAUGA. — C. — NOUEAU.

Le 11 mars 1845, le sieur Noueau obtient du Tribunal de commerce de Bordeaux, un jugement qui condamne les sieurs Lauga et Suérès à lui payer certaines sommes.

Les sieurs Lauga et Suérès font appel de ce jugement. ;

Le sieur Noueau voulant exécuter ce même jugement, nonobstant l'appel, fait signifier le 10 septembre 1845, aux sieurs Lauga et Suérès, un exploit dans lesquels il leur fait connaître la caution qu'il entend présenter et leur fait sommation d'avoir à se trouver le 12 du même mois, à midi, au greffe du Tribunal de commerce, pour l'admetlre ou la contester. En cas de contestation," il leur fait donner assignation pour l'audience du même jour, afin d'en faire prononcer l'admission.

- Le 12 septembre , le sieur- Lauga ni le sieur Suérès ne s'étanl présentés au greffe, la caution offerte fait sa soumission.

Le lendemain 13 , le sieur Lauga fait assigner le sieur Noueau pour voir déclarer que la caution esl insuffisante. Le sieur Noueau soutient que le sieur Lauga est non-recevable faute de s'être présenté au greffe pour contester.

(1 ) Voy. sur la réception de la caution, ce Recueil, 1842. 1. 254 et 1843. 1. 103.


( 241 ) . Le sieur Lâûga répond que les fins de non recevoir sont de droit étroit, et qu'aucune disposition de loi ne rend l'appelant non recevable à contester la caution, faute par lui d'avoir obtempéré à la sommation qui a pu lui être adressée conformément à l'article 440 du Code de procédure: civile,

JUGEMENT.

- Attendu que Noueau a vêtu les dispositions de l'art. 440 du Code de procédure civile ; que suivant acte de Merlet, huissier, du 10 septembre courant, il a présenté sa caution, et a fait sommation à Lauga d'avoir à se présenter au greffe le 12 du même mois, à l'heure fixée, pour admettre ou contester la caution;

Attendu que Lauga [n'ayant pas comparu au greffe, la caution à fait sa soumission conformément aux dispositiorisde l'art. 4-41 du Code précité ; qu'en ne contestant pas la caution en temps utile, c'est-à-dire au jour fixé pour la comparution nau greffe, bien qu'il' lui ait été accordé un délai suffi sant pour comparaître, Lauga s'est rendu non recevable dans la demande qu'il forme aujourd'hui;

Par ces motifs, le Tribunal déclare Lauga non recevable. Du 16septembre 1845. —-M. BASSE, Juge-Prés.—MM. CABROL, PRÉCLOS et FABRE , Juges.

FAILLITE. — SAISIE-ARRÊT. — NULLITÉ. — ACCUSATION

DE BANQUEROUTE SURSIS.

La saisie-arrêt, pratiquée au préjudice du failli avant la

- déclaration de la faillite, mais non encore validée, doit être annulée. Il ne peut être sursis au jugement sur le mérite de la saisie jusqu'à ce qu'il ait été statué sur une

poursuite en banqueroute dirigée contre le failli, (Code de comm., art. 443 et 601 ).

EMMANUEL. — G, — SYNDIC L,..., Le 14 février 1845,.le sieur Emmanuel fait pratiquer une .saisie-arrêt au préjudice du sieur L


( 242 )

Le 20 du même mois, le sieur L.... est déclaré en état de faillite..

Le 7 mai suivant, le Tribunal civil de Bordeaux, statuant sur une demande en validité, formée par le sieur Emmanuel, déclare la saisie nulle.

Le sieur Emmanuel fait appel de cette décision, mais le_ sieur L.... étant en prévention de banqueroute frauduleuse, il conclut devant la Cour à ce qu'il soit sursis sur son appel et sur la validité de la saisie, jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'action publique.

ARRÊT.

Attendu que l'appelant se borne à demander qu'il soit sursis sur son appel et sur la Validité de la saisie-arrêt jusqu'à ce qu'il ait été statué définitivement sur une action criminelle en banqueroute frauduleuse contre L..... ;

Attendu que, suivant l'art. 601 du Code de commerce, dans le cas de poursuites pour.banqueroute, les actions civiles autres que celles dont il est parlé dans l'art. 595, resteront séparées et toutes les dispositions relatives aux biens prescrites pour la faillite, seront exécutées sans qu'elles puissent être attribuées ni évoquées aux Tribunaux de police correctionnelle ni aux Cours d'assises

Attendu qu'à partir du jugement du 20 février dernier, déclaratif de la. faillite de L ., il a été dessaisi de l'administration de ses biens ; que cette disposition a dû, d'après le voeu de l'article précité, être immédiatement exécutée et appliquée par les Tribunaux; que l'exercice de l'action civile à ce relative ne doit donc pas être suspendu jusqu'à ce qu'il ait été prononcé définitivement sur l'action publique :

LA COUR , — Sans s'arrêter à la demande en sursis, et adoptant les motifs des premiers juges, met l'appel au néant.

Du 8 août 1845. — 2me Ch. — M. POUMEYROL, Près. — Concl., M. DÉGRANGES-TOUZIN, prem. Av.-gén. —Plaid., MM. LAFONT et GUILLORIT, Avocats.


( 243 )

VENTE. — LAISSÉ POUR COMPTE. — MARCHANDISE.— VÉRIFICATION.

Le fait seul de la réception de la marchandise ne rend pas l'acheteur non-recevable à la laisser pour compte pour défaut de qualité, lorsque celui-ci a avisé sans retard son vendeur de la défectuosité prétendue et de son refus d'accepter la marchandise. Il doit surtout en être ainsi, lorsque la marchandise est d'une nature telle qu'elle n'a pu s'altérer ni se modifier dans les mains du réceptionnaire. .

ROUSSAC. — C. — CHAMBARIÈRE ET BAUDIN.

Le sieur Roussac, fabricant de draps à Camarés, vend aux sieurs Chambarière et Bardin, 150 pièces de mazamet, à livrer par parties et à diverses époques.

En juillet 1845, il expédie 27 pièces qui sont reçues et agréées par les acheteurs.

En août, il en expédie 25 autres, parmi lesquelles il s'en trouve 11 teintes en vert, que les sieurs Chambarière et Bardin ne trouvent pas à leur convenance.

Ces derniers donnent avis de celte circonstance à leur vendeur, en leur annonçant qu'ils laissent lesdites 11 pièces pour compte a cause de leur défectuosité.

(1) Il est de jurisprudence que les dispositions de l'art. 106 du Code de. commerce et celles des art. 435 et 436 du même Code, ne sont applicables, les premières qu'aux, voituriers, et les secondes qu'aux capitaines et aux assureurs, et qu'on ne peut en conséquence opposer le défaut d'accomplis sèment des formalités qu'elles prescrivent au destinataire de la marchandise qui se plaint qu'elle n'est pas conforme aux conditions du marché. Aucune formalité rigoureuse n'est prescrite dans ce cas par la loi. C'est aux juges à décider d'après les circonstances , si le fait de la réception de la marchandise en entraîne l'acceptation.


( 244 ) Le sieur Roussac reconnaît plus tard , dans une lettre du 28 septembre, que l'avis lui a été donné en temps utile. 71 nouvelles pièces sont expédiées les 6 et 7 septembre. Le 23 du même mois, les sieurs Chambarière et Bardin, écrivent au sieur Roussac qu'à raison de la mauvaise qualité de cet envoi, ils ne peuvent le recevoir pour leur compte, mais qu'ils en opéreront la vente, si faire se peut, au mieux de ses intérêts.

Les 27 pièces formant le solde du marché, sont expédiées en octobre.

Des contestations s'élevant alors entre les parties, le sieur Roussac. fait assigner les sieurs Chambarière et Bardin, en paiement du montant de la facture s'élevant à 10,970 fr. 77 c. Les sieurs Chambarière et Bardin offrent le prix du premier envoi et la remise du surplus de la marchandise.

Ils concluent subsidiairement à la nomination d'experts à , fet de constater l'état de la marchandise et de rechercher si elle est conforme aux conditions du marché.

Le sieur Roussac soutient que les sieurs Chambarière et Bardin sont non recevables dans leur prétention de laisser la marchandise pour compte, parce que les draps , objet du litige, ont été reçus par eux, sans l'accomplissement d'au cune des formalités légales protectrices des intérêts des expéditeurs dans le cas où la marchandise n'est pas acceptée. Il ajoute que dans tous les cas, le second envoi ne pourrait être l'objet du laisser pour compte et être soumis à l'examen des experts, par le motif que les sieurs Chambarière et Bardin ont disposé d'une partie des pièces qui le composaient. JUGEMENT. Attendu, s'il est vrai, que lorsqu'il s'élève des doutes sur la qualité de la marchandise vendue, c'est au moment de la réception et suivant les formes légales que l'on doit exprimer son refus et les motifs sur lesquels on le fonde, il faut cependant reconnaître que le fait de la réception ne saurait être par lui-même, dans certaines circonstances, une fin de non-recevoir en faveur du vendeur, alors surtout que la


( 245 ) marchandise est d'une nature telle qu'elle n'a pu s'altérer, ni Se modifier dans les mains du réceptionnaire, et lorsque la comparaison en est encore possible ;

Attendu que, dans l'espèce, le demandeur ne justifie pas, contrairement aux allégations de Chambarière et Bardin, que la réclamation qu'ils lui ont adressée par leur lettre du 23 septembre dernier ait été tellement postérieure à la réception des balles expédiées les 5 et 7 septembre, qu'elle doive être considérée comme tardive Attendu, quant aux 11 pièces mazamet vert provenant de l'envoi du mois d'août 1845, que Roussac a reconnu lui-même dans sa lettre du 28 septembre à Chambarière et Bardin, ' qu'il avait eu, en temps utile, connaissance des défectuosités que présentaient ces pièces;

Attendu que la livraison des 150 pièces s'est effectuée à des époques différentes et successives, et que par conséquent les défendeurs n'ont pu protester, en même temps, pour l'imtégralité de la commande ;

Attendu qu'à la réception des 52 pièces du mois d'août, Chambarière et Bardin ayant manifesté l'intention de n'en garder que 41, c'est-à-dire partie seulement de l'envoi, Roussac ne leur a pas contesté ce droit ; qu'il résulte des faits qu'il en était souvent ainsi entre Roussac et le prédécesseur de Chambarière et Bardin; que dans ces circonstances Roussac est mal fondé à se prévaloir de ce que Chambarière et Bardin ont disposé d'une partie du second envoi;

Attendu que les parties ne sont pas d'accord sur la qualité et la fabrication de la marchandise faisant l'objet de leur marché, et que, dès-lors, il y a lieu de lés renvoyer devant experts ;

Par ces motifs, le Tribunal, sans s'arrêter aux fins de nonrécevoir proposées par Roussac, et avant de faire droit au fond, les droits, moyens et exceptions des parties demeurant réservés, ordonne que par un ou trois experts, dont les partics conviendront à une prochaine audience, ou qui, à défaut,


(246 ) seront nommés d'office, il sera procédé, dans le plus bref délai à l'examen et à la vérification des pièces de mazamet expédiées par le demandeur à Chambarière, Bardin et Comp., à l'effet de constater la qualité de cette marchandise, et déterminer si elle remplit les conditions du marché intervenu entr'eux.

Du 4 novembre 1845. —M. LOPES-DUBEC, Juge-Prés. — MM. Baunet et CASTILLON, Juges. —Plaid., MM. SCHMIT et GIRARD, Agréés.

EQUIPAGE.—CUISINIERDE BORD.—LOYERS. —NAUFRAGE. FRET. — PRIVILÈGE.

Le cuisinier de bord inscrit au rôle d'équipage, est assimilé au matelot en ce qui touche le paiement de ses loyers(1).

Le privilège que l'art. 259 du Code de commerce accorde subsidiairement à l'équipage sur le fret, en cas de naufrage du navire, doit s'entendre seulement du fret des marchandises sauvées et non point de celui encaissé antérieurement à la perte du navire sur des marchandises n'existant plus à bord au moment du sinistre (2). (Code de comm., art, 258 et 259 ).

SAINT-GERMAIN —- C. — AUGUSTE DAVID ET CAPITAINE GIGNOUX.

Le sieur Saint-Germain s'engage en qualité de cuisinier sur le navire la Gabrielle, du port de Bordeaux, armé par le sieur Auguste David et commandé par le capitaine Gignoux, pour de ce port aller à Gorée ,\ suivre le navire dans les diverses escales qu'il pourrait faire depuis son départ jusqu'au port de désarmement.

(1) Voy. dans ce sens ce Recueil, 1842. 1. 282 et 1844. 1. 186.

(2) Voy. dans ce sens ce Recueil, 1834. 1. 207 et 1842. 1. 270.


( 247 )

Le navire part de Bordeaux le 28 mai 1844, avec un chargement à la destination de Gôrée pour compte du gouvernement

Après avoir déposé le chargement au lieu de destination où il encaisse le fret, il en repart avec quelques provisions qu'il laisse à Sainte-Hélène et se rend à Montevideo. De là, il va à Castillps , dans la Plata , prendre un chargement de moutons qu'il transporte à Montevideo. Il revient de nouveau à Castillos pour prendre un chargement de boeufs ; mais le 20 mars 1845, étant en cours de chargement dans la rade de ce lieu, il périt corps et biens: L'équipage seul est sauvé.

Le sieur Saint-Germain, revenu à Bordeaux, fait assigner le sieur Auguste David et le capitaine Gignoux en paiement de ses loyers fixés à 80 fr. par mois.

Le sieur Auguste David et le capitaine Gignoux répondent que le sieur Saint-Germain est mal fondé dans sa demande, aux termes de l'art. 258 du Code de commerce, d'après le-» quel les matelots ne peuvent prétendre aucun loyer en cas de naufrage avec perte entière du navire et des marchandises.

Le sieur Saint-Germain répond que l'art. 258 du Code de commerce ne peut lui être opposé , parce qu'il n'est applicable qu'à l'équipage dont il ne fait pas partie, le cuisinier.de bord devant être classé parmi les gens de service et non point parmi les matelots.

Qu'au surplus, l'art 258 invoqué, doit être interprété par l'art 259 qui le suit, et d'après lequel les matelots engagés au voyage et au mois, sont payés de leurs loyers échus sur les débris du navire qu'ils ont sauvés et subsidiairement sur le fret; que cet article ne posant aucune restriction, et l'art. 271 disposant en termes formels que le navire et le fret sont spé. cialement affectés aux loyers des matelots, il s'ensuit que le fret subsidiairement affecté aux loyers doit s'entendre de celui encaissé pendant le voyage pour lequel l'engagement a été pris;

Que, dans tous les cas, il ne saurait y avoir de difficultés


(248),

sérieuses , lorsque , comme dans l'espèce, le navire a péri après le voyage d'aller et des voyages de cabotage dans les mers du port de destination heureusement accomplis ; que les frets encaissés pour ces voyages sont affectés d'une manière définitive aux loyers courus pendant le temps que ces mêmes voyages ont duré; qu'en effet, pour stimuler le zèle des marins à la conservation du navire , la loi n'a pu raisonnablement vouloir soumettre aux chances de la navigation que les loyers du voyage pendant lequel le navire est en risque.

On invoque à l'appui de ce système un jugement du Tribu, bunal de commerce de Bordeaux, du 27 juin 1831, rapporté dans la Bibliothèque du commerce, t. 8, p. 242, et un arrêt de la Cour de Rouen du 29 décembre 1831.

Les sieurs Auguste David et le capitaine Gignoux dévelop. peut, en répliquant, les moyens résumés dans les motifs de la décision.

JUGEMENT.

Attendu que le cuisinier employé à bord d'un navire doit, en ce qui concerne ses gages, être assimilé aux gens de l'équipage; que le sieur Saint-Germain le reconnaît implicitement en demandant son paiement sur le fret ;

Attendu que les articles 258 et 259 du Code de commerce ne sont point introductifs d'un droit nouveau ; qu'ils ont reproduit les dispositions de l'ordonnance de 1681 qui dans un but de sécurité pour la navigation, avait voulu subordonner le paiement des loyers dus à l'équipage à la conservation du navire ou de la cargaison ; que l'intention du législateur résulte clairement de l'art. 258, portant qu'en cas de prise , de bris et naufrage avec perte entière du navire et des marchandises, les matelots ne pourront prétendre à aucun loyer ; qu'il est bien vrai que l'art. 259 ajoute que si quelque partie du navire est sauvée, les matelots seront payés de leurs loyers échus sur les débris du navire par eux sauvés, ou qu'en cas d'insuffisance de ces débris, ou s'il n'y a que des marchandises sauvées, ils seront payés subsidiairement sur le fret ; mais


( 249 ) que ce fret ne peut être que celui des marchandises sauvées, ainsi que l'a déjà décidé le Tribunal, de même que la Cour du ressort; que si le paiement des loyers de l'équipage pouvait être exigé sur un fret encaissé antérieurement à la perte du navire, il s'ensuivrait qu'il y aurait une contradiction formelle entre les art. 258 et 259 ; qu'on ne concevrait pas, en effet, pourquoi on refuserait positivement, par le premier de ces articles, ce qui serait accordé par le second , alors que l'in-r tention qui a présidé à la rédaction des deux dispositions a été bien évidemment la même;

Attendu que la réclamation du sieur Saint-Germain est d'autant moins fondée dans l'espèce , qu'il n'était pas seulement engagé pour le voyage d'aller du navire la Gabrielle; qu'y faire droit, lorsque ce navire et la cargaison sont entièrement perdus, ce serait substituer à l'action réelle, créée par l'art. 259 du Code de commerce , laquelle ne peut s'exercer dans la cause, une action personnelle que le législateur n'a pas entendu autoriser.

Par ces motifs, le Tribunal déclare le sieur Saint-Germain mal fondé dans sa demande.

Du 24 octobre 1845. — M. LOPES-DUBEC, Juge-Prés. MM. CASTILLON et ASSIER, Juges. — Plaid., MM. FAYE et GERGERÈS, Avocats.

ASSURANCE. — BLOCUS. — RISQUE DE GUERRE. — VOYAGE D'ALLER. —VOYAGE DE RETOUR. — RISQUES.

Les dispositions de l'art. 279, d'après lequel, en cas de blocus du port de destination, le capitaine est tenu de se rendre dans un des ports voisins de la même puissance où i lui est permis d'aborder, n'ont en vue que les marchandises composant le chargement et ne peuvent par suite être invoquées par les assureurs sur corps.

Le blocus ne constitue pas un risque de guerre. mais une

Année 1845. — 1re part. 21


( 250 )

simple interdiction de commerce qui n'altère en rien le contrat d'assurance, lorsqu'elle intervient, le risque étant commencé (1).

Dans le cas d'assuranêe sur corps pour un voyage d'aller, avec faculté défaire diverses escales, de raccourcir ou d'allonger lés risques dans des limites prévues, et alors que le capitaine renonce à atteindre la destination la plus éloignée, le voyage d'aller cesse là où des actes et des faits positifs démontrent que le capitaine a eu la volonté for melle de commencer son voyage de retour(2). (Code de comm., art, 279, 328 et 350).

FAUCHÉ FRÈRES — C. — LES ASSUREURS.

Le 24 juin 1843, les sieurs Fauché frères font assurer par divers, sur la place de Bordeaux, une somme de 69,000 fr' sur le navire le Majestueux , capitaine Poupon, estimé de gré à gré 130,000 fr., pour de Bordeaux aller aux divers ports des Mers du Sud, jusques et y compris Lima, avec faculté de faire , sans dépasser ce port:, toutes escales nécessaires, soit en montant, descendant ou rétrogradant, et avec faculté en outre de relever de la côte pour les îles Marquises ou Taïti.

Le navire part de Bordeaux le 19 octobre 1843 et arrivé à Valparaiso le 15 janvier 1844.

Le 28 du même mois, après avoir déposé dans ce port la presque totalité de son chargement, le capitaine y frète son navire pour aller prendre à Iquique un chargement de salpêtre en destination de Bordeaux, après avoir débarqué ce qui restait du chargement d'aller aux ports intermédiaires et à Lima.

(1) Voy. dans ce sens, ce Recueil, 1840. 1. 8.

(1) Voy. décision analogue, ce Recueil, 184). 1. 201


( 251 ) D'après là charte-partie, il devait mettre dans ce port le navire à la disposition de ses affréteurs, avec lesquels de dernières dispositions devaient y être prises. -

11 achète et charge à son bord 200 quintaux de bois de Nicaragua, pour servir de fardage au chargement de salpêtre.;

Le 2 mars, il écrit à ses armateurs pour leur donner avis de l'affrètement et de l'achat du bois pour le fardage,:

Il s'exprime en ces termes Je parts demain pour Lima » et vais me mettre à la disposition de mes affréteurs sui»

sui» chartie-partie que vous trouverez ci-jointe . Nous

» avons acheté et embarqué 200 quintaux de bois de Nicaragua pour faire notre fardage, »

Le 5 mars, il part pour Lima où il arrive le 18 du même mois.

11 y décharge une partie seulement des marchandises qui étaient restées à bord.

Le 16 avril, d'accord avec les affréteurs, le capitaine part de Lima pour aller à Iquique prendre son chargement de retour.

Le 16 mai, le navire arrive en vue d'ïquique, mais l'état de blocus dans lequel se trouvait alors ce port s'oppose à son entrée.

Le capitaine, auquel on fait espérer la levée prochaine du blocus, mouille pour l'attendre, au milieu d'un grand nombre de bâtiments de diverses nations, non loin de la rade proprement dite, par 20 brasses d'eau.

Le lendemain, il fait procéder à la visite de son navire.

Le 27 mai, la mer étant grosse, une voie d'eau se déclare au navire le Majestueux.

Le capitaine, après en avoir délibéré avce son équipage ,


(252 ) s'adresse au commandant du blocus pour obtenir une nomination d'experts à l'effet de rechercher la cause de la voie d'eau et de prescrire les moyens de la réparer.

Les experts ordonnent que le navire soit conduit au Callao de Lima pour y être réparé.

Le 14 juin, le capitaine écrit à ses armateurs pour les aviser de ce qui s'était passé depuis le mouillage à Iquique.

Les réparations effectuées', le capitaine Poupon fait, pour en payer le montant, un emprunt à la grosse de 9,797 piastres, à la prime de 30 p. 100, pour du port de Callao venir à Bordeaux, en touchant dans divers ports-du Pérou et du Chili.

Pendant que les réparations s'effectuaient, et le 25 juillet 1844, les sieurs Fauché frères font souscrire les assurances de retour du navire le Majestueux , pour des Mers du Sud, pas plus nord que Lima ou des îles Marquises ou TaïliTaiti venir dans un des ports de France, les risques à prendre du port et du moment où ceux des assureurs du voyage d'aller avaient ou auraient pris fin.

Le navire,- après avoir été réparé et visité de nouveau à Callao, se rend directement à Iquique pour y prendre son chargement de salpêtre, et part pour Bordeaux, où il arrive heureusement dans le premier mois de 1845.

Les sieurs Fauché frères produisent aux assureurs de retour les pièces et le compte d'avarie s'élevant à 49,998 fr.

Les assureurs refusent de payer, en se fondant notamment sur ce que les avaries souffertes à Iquique étaient à la charge des assureurs d'aller.

Les assurés font alors assigner tant les assureurs d'aller que ceux de retour, en paiement de la susdite somme de 49,998 fr.

Les assureurs d'aller et de retour, qui figuraient presque tous aux deux polices, plaident par un même organe.


( 253 ) Ils soutiennent que les avaries éprouvées par le navire le Majestueux, devant Iquique, ne sont à la charge ni des assureurs d'aller ni de ceux de retour :

1° Parce qu'aux termes de l'art. 279 du Code de commerce, le capitaine trouvant le port d'Iquique bloqué, aurait dû se rendre dans le port le plus voisin, où il lui aurait été permis d'aborder ;

2° Parce que le blocus est un risque de guerre qui n'a pas été couvert par les polices.

Ils disent, sur le premier point, que l'art. 279 du Code de commerce s'applique au navire aussi bien qu'aux marchandises, d'abord , parce que cet article ne fait aucune distinction entre le chargement et le navire, et ensuite parce que le concours du navire est indispensable pour l'exécution de l'article, en ce qui touche les marchandises ; qu'au surplus, les raisons de décider sont les mêmes à l'égard du navire qu'à l'égard des marchandises, puisque le mouillage hors du port en attendant la levée du blocus, avait pour effet de prolonger la durée des risques pour le tout.

Ils invoquent par analogie un jugement du Tribunal de commerce de Bordeaux, du 21 mars 1844, rendu dans une affaire entre les sieurs Léon aîné et frères, de Bayonne, et les assureurs, et rapporté dans ce Recueil, 1844. 1. 64.

Ils disent, sur le second point, que le blocus est de sa nature un risque de guerre, puisque ce n'est autre chose qu'une hostilité, et que ce risque a été formellement exclus par la police.

Ils ajoutent que s'il était décidé que les avaries éprouvées par le Majestueux sont la conséquence d'une fortune de mer, elles devraient être mises à la charge des assureurs d'aller, parce que le voyage d'aller n'aurait pas encore pris fin lors de la survenance des avaries ;

Qu'en effet, aux termes de l'art, 6 de la police, les risques


( 254 )

du voyage d'aller devaient cesser cinq jours après que le navire aurait été amarré ou ancre au lieu de sa destination ;

Que le lieu de la destination , d'après le voyagé assuré, était le port le plus nord des îles Marquises ; que, sans doute, le capitaine pouvait raccourcir son voyage; mais qu'il n'avait pas encore usé de cette faculté à Lima, puisqu'il n'y avait pas opéré le déchargement complet du navire, et qu'il n'y avait pas pris de marchandises en retour'; Enfin, ils plaident que les documents produits par les assurés ne prouvent pas que le capitaine ait eu et exécuté l'intention de terminer à Lima le voyage d'aller.

Ils font à tout événement leurs réserves au sujet du compte d'avaries présenté par les assurés.

Les motifs du jugement font connaître les moyens présentés dans l'intérêt des sieurs Fauché frères.

JUGEMENT.

Attendu que les termes de l'art. 279 du Code de commerce, aussi bien que- la place que cet article occupe dans le titre sixième des charte partïe, affrètements ou nantissements, établissent suffisamment qu'il a uniquement pour objet de déterminer les obligations du capitaine, relativement à la marchandise composant le Chargement du navire ; que l'on comprendrait difficilement dans quel but et dans quelles limites de telles obligations auraient-pu^ètre imposées au capitaine, relativement au navire dépourvu de chargement ;

Attendu que les chargeurs à bord du navire le Majestueux ou les assureurs, pour compte de ceux-ci ', n'élèvent aucune réclamation motivée sur l'inexécution, quant à eux, de l'art".

279 ;

Attendu que l'état de blocus ne constitue pas un risque de guerre, mais une simple interdiction de commerce ; que (( l'interdiction de commerce n'altère en rien le contrat d'as_ » surance, qui doit, dans tous les cas , avoir son exécution,


: ( 255 ) » si le risque était commencé. » ( Boulay-Patly, sur le Traité des assurances, chap. 12, sect. 82 ) ; que celte application des principes est conforme à la jurisprudence du Tribunal ;

Attendu, d'ailleurs, qu'alorsjnême qu'il y aurait eu faute delà part du capitaine du Majestueux, d'attendre au mouillage la levée du blocus du port d'Iquiqu'e, faute que, dans les circonstances dû procès, le Tribunal ne reconnaît point, cette fauté constituerait tout au plus une baraterie du patron, desrconséquençes de laquelle les assureurs demeureraient chargés ;

Attendu que les contrats d'assurance tant d'aller que de retour ont laissé la faculté au capitaine de faire échelle suivant les convenances de son opération, soit en ligne du voyage, soit en rétrogradant; que par conséquent, alors qu'ilavaitle droit de raccourcir à son gré, dans les limites prévues aux contrats ou d'allonger les risques, il importe avant tout, pour déterminer d'une maniera certaine le moment où les risques d'aller finissant, ceux de retour ont dû commencer, de, rechercher quelle a été sa volonté formelle , et quels actes extérieurs ont établi et constaté cette volonté;

. .Attendu qu'à son arrivée à .Valparaiso, et après avoir mis à terre une partie considérable de son chargement , le capitaine Poupon a consenti, sous des conditions qui ne devaient recevoir qu'à Lima leur dernière sanction, une chartepartie pour un chargement de retour à prendre à Iquique ; qu'il a à ee moment acheté et mis à bord 200 quintaux de bois de Nicaragua destiné à former un fardage audit chargement qui consistait en salpêtre; que venu à Lima , et d'accord avec les affréteurs sur la charte-partie signée à Valparaiso par les correspondants de ceux-ci, il s'est rendu à Iquique pour son exécution; que sa volonté de mettre_fin à Lima au voyage d'aller, manifestée dès Valparaiso par des actes dont la signification est déterminée par le contrat, a donc été constatée a Lima par l'exécution même de la charte-


( 256 >-

partie; que la visite du navire en raded'Iquique,. avant les avaries qui font l'occasion de la discussion, ne peut laisser aucun doute sur l'intention du capitaine et l'objet de son voyage;

Que la correspondance du capitaine avec les armateurs, et notamment les lettres du 2 mars et 14 juin 1844, la dernière timbrée de la poste, confirme et complète au besoin la preuve de cette volonté et de son exécution";

Attendu que la discussion entre les parties n'a pas porté sur les chiffres même du compte d'avaries présenté par Fauché frères; que ceux-ci n'ont pas combattu les réserves faites par les assureurs relativement à l'établissement de ce compte i qu'il y a lieu dès-lors de surseoir à statuer sur la demande en condamnation jusqu'à plus ample informé sur ce point ;

Par ces motifs , le Tribunal dit que l'avarie éprouvée par le navire le Majestueux, est une fortune de mer prévue et garantie par les contrats d'assurance des 24 juin 1843 et 25 juillet 1844 ; que les risques du voyage d'aller ayant pris fin à Lima, c'est pendant le voyage de retour qu'est survenue l'avarie qui donne lieu au procès; met hors d'instance les assureurs du voyage d'aller ; surseoit à prononcer sur la demande en condamnation formée par Fauché frères contre les assureurs de la police de retour jusqu'à plus ample informé sur le compte d'avaries présenté.

Bu 24 juillet 1845. — M. BRUNO-DEVÈS, Présid. — MM. LOPÈS-DUBEC, BRUNET et CASTILLON, Juges.—Plaid., MM. GuiLLORiTef DE CHANCEL, Avocats.


( 257 )

ASSURANCE. — FRAIS DE PONTON.— RÉDUCTION DU TIERS. —DIFFÉRENCE DU NEUF AU VIEUX.— COMMISSION. — NOURRITURE ET GAGES DE L'ÉQUIPAGE.— EMPRUNT A LA GROSSE. — PRIME.— FORMALITÉS. — INTÉRÊTS.— FRANCHISE.

Les frais de pontonnage sont compris dans les remplacements, fournitures et mains-d'oeuvres qui, aux termes de l'art. 18 de la police d'assurance de Bordeaux, supportent une réduction d'un tiers pour compenser la différence

. du neuf au vieux.

Est à la charge des assureurs le coût du lest acheté en remplacement de celui qui était à bord et qui a été jeté à la mer par ordre des experts pour qu'il pût être procédé aux réparations des avaries du navire.

Est également à la charge des assureurs ta commission payée au lieu des réparations au cosignataire du navire, sur le montant des dépenses faites pour réparer les avaries.

La nourriture et les gages de l'équipage pendant la durée de la réparation des avaries, sont à la charge des assureurs, bien qu'il résultât des circonstances que l'armateur n'aurait pu pendant ce temps utiliser le navire.

Les assureurs ne peuvent faire éliminer des comptes des avaries, la prime d'un emprunt à la grosse fait pour en payer le montant, sous le prétexte que l'emprunt aurait été fait au consignataire sans les formalités voulues par la

. loi. (1)

Les assureurs ne doivent les intérêts du capital du compte d'avaries que déduction faite de la franchise stipulée par lapolice. ( Code de comm., art. 234 et 350. )

FAUCHÉ FRÈRES. — C. — LES ASSUREURS

En exécution du jugement qui précède, les parties revien

urne, 2me partie, p. 147. S5. — 1re part.


' ( 258 ) nent à l'audience pour plaider sur le compte d'avaries présenté par les sieurs Fauché frères.

Les assureurs critiquent huit articles de ce compte.

Ils demandent : " 1° Qu'en exécution de l'art. 18 de la police d'assurance, on fasse la réduction du tiers] sur une somme de 1,000 piastres pour frais de pontonnage ;

2° Que l'on élimine du compte 250 piastres pour achat de lest au Callao après les réparations, par le motif que les assureurs pourraient être tout au plus tenus des frais de déchargement et de rechargement du lest, dans le cas où le déchargement aurait été jugé nécessaire ;

3° Que l'on en élimine aussi 103 piastres pour achat de cordages, attendu qu'aucune perte de cordage n'avait été le résultat de l'avarie;

4° Que l'on en élimine encore une commission de 5 p. 100 qui aurait été payée à un consignataire au Callao de Lima, parce que la commission ne saurait faire partie des avaries, et que rien ne justifie qu'il y ait eu un consignataire ;

5° et 6° Que l'on en élimine en outre la nourriture et les gages de l'équipage pendant la réparation, parce que, par suite du blocus d'Iquique et des circonstances, les armateurs n'auraient pu utiliser le navire à l'époque à laquelle les réparations ont été faites;

7° Que l'on en rejette la prime du contrat à la grosse, parce que l'emprunt fait au prétendu consignataire du navire l'avait été sans les formalités voulues par la loi;

8° Que les intérêts mis à leur charge ne soient pas calculés sur le capital intégral du compte d'avaries, ainsi que l'ont fait les sieurs Fauché frères, mais sur ce capital, déduction faite de la franchise stipulée par l'art. 15 de la police.

JUGEMENT.-

Attendu que les assureurs sur corps du navire le Majestueux, contestent huit des articles du compte d'avaries pré-


( 259 ) ' sente par Fauché frères; qu'il y a lieu dès-lors d'examiner successivement les moyens de justification à l'aide desquels ces derniers établissent leur demande ; Sur le premier article . - Attendu que l'art. 18 des conditions générales de la po-, lice intervenue entre les parties, dispose que tous les remplacements, fournitures et mains-d'oeuvres ( à l'exception dès ancres et des chaînes), supportent une réduction d'un tiers sur leur coût justifié, au lieu des réparations pour compenser la différence du neuf au. vieux ;

Attendu que les loyers des pontons, d'instruments et d'apparaux quelconques doivent sous ce rapport être assimilés . à la main-d'oeuvre ; que ce sont des éléments de même nature qui concourent de la même manière à former la valeur totale des objets mis à bord, en remplacement de ceux perdus par fortune de mer; qu'il résulte de l'art. 18, que les parties ont entendu que ce fût cette valeur totale qui supportât la réduction du tiers ; que dès-lors il y a lieu de l'appliquer à chacun des éléments qui la composent ; Sur le deuxième article :

Attendu que le navire a été délesté par ordre des experts, agissant en vertu.de pouvoirs réguliers; que les frais de remplacement du lest étaient dès-lors à la charge des assureurs ;

Attendu qu'il est constant qu'une somme de 250 piastres a été payée pour ledit remplacement ; que rien n'établit d'ailleurs que cette dépense est exagérée ; Sur le troisième article : -.

( Sans intérêt. — Le Tribunal, décide que la. dépense est justifiée);

Sur le quatrième article :

Attendu qu'à la requêté du capitaine Poupon, le consul français à Lima lui a donné acte, sous la date du 14 août 1844, de la remise d'un compte signé par les sieurs Puymerol, Montané et Comp., portant une commission de 5 p. 100 sur le montant des dépenses faites pour les réparations du


( 260 ) Majestueux ; que le prélèvement de cette commission, conforme d'ailleurs aux usages, est ainsi suffisamment justifié . pour le Tribunal;

Sur les cinquième et sixième articles :

Attendu qu'il est établi en fait., que c'est le 28 mai 1844 qu'une voie d'eau s'est déclarée à bord au Majestueux, alors mouillé en grande rade d'Iquique ; que des experts régulièrement nommés à cet effet ont ordonné au capitaine Poupon de se rendre au Callao pour y procéder à une visite détaillée et y faire toutes les réparations qui seraient jugées nécessaires ; qu'immédiatement après avoir effectué ces - réparations, le navire a fait voile du Callao pour serendre à Iquique, où il est arrivé le 11 septembre; qu'ainsi cent six jours se sont écoulés depuis le départ d'Iquique, jusqu'au retour-au même port ; que le voyage au Callao, le séjour dans ce port et le retour à Iquique , ont eu pour unique cause l'avarie éprouvée par le Majestueux; que, dès-lors, la nourriture et les gages de l'équipage doivent être à la charge des - assureurs pendant les cent six jours employés aux réparations ou aux traversées qu'elles ont occasionnées; que l'obli- galion imposée à cet égard aux assureurs, est formelle, précise, et que, pour s'y soustraire, ils ne sauraient être fondés à alléguer que, pendant la durée des réparations , le navire n'aurait pu être employé par les armateurs d'une manière • . utile ; que c'est là une circonstance à laquelle ils" étaient demeurés complètement étrangers, et qui ne peut avoir pour effet de diminuer l'étendue de leurs obligations ;

Sur le septième article :

Attendu que le procès-verbal dressé par le consul de France à Lima, constate que l'emprunt à la grosse dont s'agit a été adjugé aux sieurs Puymerol, Montané etComp.; que rien n'établit que ceux-ci n'aient pas été prêteurs de bonne foi; que leur qualité de cosignataires du navire le Majestueux ne leur interdisait nullement, de concourir pour leur propre compte à l'acte d'emprunt dont ils ont été déclarés adjudicataires ; qu'ils ont Iransmis ledit acte à Fauché frères , par-la


( 261 ) . ~

voie d'un endossement régulier causé valeur en compte ; que, dès-lors, Fauché frères doivent être considérés comme des liers^porteurs de bonne foi;

Attendu que, par son arrêt du 5 janvier 1841, la Cour de cassation a jugé que l'omission des formalités tracées par le Code de commerce pour l'emprunt à la grosse, ne peut être opposée au tiers-porteur de bonne foi agissant en vertu d'un endossement régulier; que cette jurisprudence a été consacrée de nouveau par un arrêt de la même Cour, en date du 9 juillet 1845; que, dès-lors, les prétendues omissions reprochées au capitaine ne sauraient être opposées à Fauché frères;

Attendu, au surplus, que le capitaine a été autorisé par le consul à contracter l'emprunt dont s'agit ;

Sur le huitième article :

Attendu que l'art, 15 de la police porte que les avaries particulières sur corps se remboursent sous la déduction de 3 p. 100 ;

Attendu que celte franchise constitue en faveur des assureurs un droit qui existe par le fait seul de l'avarie et dont la valeur est nécessairement liquide et exigible en même temps que celle du compte d'avaries lui-même ; que, dès-lors , ce n'est qu'après avoir déduit le montant de la franchise du capital au compte d'avaries, que les intérêts en faveur des assurés doivent être calculés ;

Par ces motifs, le Tribunal déclare :

Que les frais de loyer de ponton ne doivent être à la charge des assureurs que sous la déduction d'un tiers;

Que la franchise de 3 p. 100 sur corps, s'élevant à 3,900 fr. ? doit être déduite du capital du compte d'avaries , et que ce n'est que sur le solde que les intérêts doivent être calculés ;

Que les six autres articles , contestés par les.assureurs , doivent être maintenus tels qu'il sont établis dans le compte signifié par les demandeurs ;

En conséquence, condamne

Bu 8 décembre 1845. — M. BRUNO-DEVÈS, Prés, T- MM. PRÉCLOS, FABRE, ASSIER et LARROQUE, Juges. — Plaid.} MM. GUILLORIT et DE CHANCEL, Avocats.


( 2C2 )

JUGEMENT PAR DÉFAUT.—-PROCÈS-VERBAL DE CARENCE. — OPPOSITION. — FIN DE NON RECEVOIR .

Un procès-verbal de carence dressé au domicile de la partie condamnée et en son absence, n-e peut être considéré comme une exécution du jugement dans le sens de l'art. 159 du Code de procédure civile. Il ne peut en conséquence être opposé comme fin de non recevoir à l'opposition à un.jugement par défaut, faute de comparaître. (1) (Code deproe. civ., art. 159. )

P. MESLIER. — C. — DUMILATRE.

Le 7 juillet 1845, le sieur Meslier obtient du Tribunal de commerce de Bordeaux, contre le sieur Dumilatre, un jugement par défaut faute de comparaître.

Il fait signifier ce jugement à la partie condamnée et fait dresser à son domicile, mais en son absence, un procès-verbal de carence, n'y trouvant pas d'effets suffisants pour pratiquer une saisie-exécution.

Postérieurement à cet acte, le sieur Dumilatre fait opposition au jugement.

Le sieur Meslier soutient que l'opposition est non recevable, parce que l'acte de carence fait au domicile du sieur Dumilatre est une exécution du jugement.

JUGEMENT.

Attendu qu'aux termes de l'art, 158 du Code de procédure civile, l'opposition aux jugements par défaut, faute de comparaître, est recevable jusqu'à l'exécution du jugement; que d'après l'art. 159, le jugement est notamment réputé exé(4;

exé(4; dans ce sens ce Recueil, 1S35. 1. 125. voy. aussi 1S37, 1. 113. et 4841, 1. 177, et 2. 143- 11 est de jurisprudence que le procèsverbal de carence qui ne vaut pas comme exécution du jugement, a pour effet d'en empêcher la péremption pour défaut d'exécution dans les six mois.


( 263 ) culé, lorsqu'il existe quelqu'acte duquel il résulte nécessairement que l'exécution a été connue de la partie défaillante ;

Attendu, dans l'espèce, que Dumilatre n'était pas présent à son domicile lorsqu'à été dressé le procès-verbal de carence constatant, d'après le demandeur, l'exécution du jugement attaqué ; qu'il ne saurait dès-lors résulter nécessairement de cet acte, que Dumilatre a connu l'exécution dudit jugement 5 ■■■'•■- .

Par ces motifs, le Tribunal reçoit le sieur Dumilatre opposant envers le jugement du 7 juillet dernier

Bu 13-novembre 18k6. — M. BRUNET , Juge-Prés. — MM. LOPÉS-DUBEC et FAURE, Juges.

BILLET A ORDRE. —, DOMICILE. — ASSIGNATION.

L'indication dans un billet à ordre, parle souscripteur, d'un domicile, pour le paiement, autre que son domicile réel, a l'effet d'une élection de domicile, dans le sens de l'art. 111 du Code civil. En conséquence, le souscripteur est valablement assigné en paiement de l'effet au domicile indiqué(l).

indiqué(l). civil, art. 111, et Codedeproc. civ., art. 68).

MARCHET ET SES FILS. -— C. — DOUSSIN FILS.

Le 16 juillet 1845 , le sieur Doussin fils, de Listrac, souscrit, à l'ordre du sieur Duc, un billetde 1,200 f., au 1er octobre suivant.

Il indique , au bas de l'effet, le lieu du paiement à Bordeaux : chez M. Carie, aubergiste, rue Pont-Long, n° 26.

Ce billet n'est pas payé à son échance.

Les sieurs Marchet et ses fils qui en étaient alors porteurs,

- (1) Voy. dans ce sens,ce Recueil, 1834.1. 222. Le Tribunal a décidé, le 18 septembre 1840 (ce Reeueil1S40. 1. 217), que le jugement de condamnation ne pouvait être signifié au domicile indiqué au bas de l'effet, mais qu'il devait l'être au domicile réel. Voy. aussi Sirey, t. 10. 1. 378


( 261) font assigner en paiement le sieur Doussin fils, au domicile indiqué dans l'effet, et obtiennent contre lui, le 10 octobre 1845, un jugement par défaut, qui le condamne à payer. Le sieur Doussin fait opposition à ce jugement, Il plaide que l'assignation est nulle pour n'avoir pas été donnée à son domicile réel. Il soutient que l'indication d'un domicile au bas du billet, a uniquement pour effet d'attribuer juridiction au juge du lieu où le paiement devait être fait.

JUGEMENT.

Attendu que l'art, 111 du Code civil dispose : « Lorsqu'un » acte contiendra, de la part des parties ou de l'une d'elles, » pour l'exécution de ce même acte , dans un lieu autre que » le domicile réel, les significations , demandes et poursuites » relatives à cet acte, peuvent être faites au domicile convenu » et devant le juge de ce domicile »;

Attendu qu'en matière d'effet de commerce, l'élection de domicile pour l'exécution de l'obligation, résulte évidemment de la simple indication de domicile inscrite sur l'effet; que dans l'espèce, les mots: chez M. Carie, aubergiste, rue PontLong, n.° 26, à Bordeaux, expriment de la part du souscripteur de l'effet, une. véritable élection de domicile , puisque c'est laque le paiement du billet, soit l'exécution de l'acte, devait avoir lieu ; que , dès-lors, la demande en paiement a été valablement faite au domicile indiqué par le billet de Doussin, aux termes de l'art. 68 du Code de procédure civile ;

Par ces motifs, le Tribunal, sans avoir égard à la nullité de l'exploit proposé, reçoit Doussin fils opposant pour la forme seulement,...

Buk novembre 1845. — M. CAMILLE LOPÈS-DUBEC, JU. ge-Prés. — MM. BRUXET, CASTILLON et ASSIER , Juges. — PMd., MM. DERRATOER et BADIN, Agréés.

FIN DE LA PREMIÈRE PARTIE.